De l'écriture à l'oralité, Lectures des Lois de Platon 9791035102203, 9782859443726

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De l'écriture à l'oralité, Lectures des Lois de Platon
 9791035102203, 9782859443726

Table of contents :
Informations bibliographiques
Pages introductives
Notes
Sommaire
Introduction
L’écriture du législateur
Les ambiguïtés de la publication
Stabilités et permanences
Les jeux du dialogue politique
Les manipulations de la parole dans la cité magnète
Conclusion
Annexes
I-Bibliographie
I-Bibliographie
II-Index des passages de Platon commentés ou cités
III-Index thématique

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De l'écriture à l'oralité Lectures des Lois de Platon Jean-Marie Bertrand

DOI : 10.4000/books.psorbonne.22727 Éditeur : Éditions de la Sorbonne Année d'édition : 1999 Date de mise en ligne : 25 juin 2019 Collection : Histoire ancienne et médiévale ISBN électronique : 9791035102203

http://books.openedition.org Édition imprimée ISBN : 9782859443726 Nombre de pages : 470   Référence électronique BERTRAND, Jean-Marie. De l'écriture à l'oralité : Lectures des Lois de Platon. Nouvelle édition [en ligne]. Paris : Éditions de la Sorbonne, 1999 (généré le 01 juillet 2019). Disponible sur Internet : . ISBN : 9791035102203. DOI : 10.4000/books.psorbonne.22727.

Ce document a été généré automatiquement le 1 juillet 2019. Il est issu d'une numérisation par reconnaissance optique de caractères. © Éditions de la Sorbonne, 1999 Conditions d’utilisation : http://www.openedition.org/6540

Ce livre est bâti autour du dialogue des Lois de Platon, mais c'est aussi une synthèse sur la législation des cités grecques. À propos de la cité des Magnètes, on suit pas à pas ce qu'est la confection, la révision, la proclamation des lois, le travail du législateur qui vit dans un monde où l'oral et l'écrit ne suivent peut-être pas un développement aussi linéaire qu'on a bien voulu le dire. Chaque étape de cette recherche, construite de façon progressive, permet de constituer un dossier, non seulement de l'essentiel des documents épigraphiques et littéraires, mais aussi des débats les plus récents sur ces questions cruciales pour la compréhension du fonctionnement des systèmes politiques dans la Grèce antique. La constitution platonicienne est scrutée dans le détail, pas un des procédés de l'exercice du pouvoir, aussi retors soit-il, comme en témoigne l'usage de la rumeur, n'est laissé dans l'ombre. La théorie, disséquée, expliquée, éclairée est, sans cesse, mise en rapport avec les pratiques réelles des cités. Ce va-et-vient permet une ouverture sur l'ensemble du phénomène législatif dans le monde grec et l'élaboration de la pensée qui en accompagne les évolutions. Au carrefour des analyses des philosophes, des sémioticiens, des juristes et des historiens, ce livre propose une analyse nouvelle des modes de représentation des systèmes politiques grecs.

JEAN-MARIE BERTRAND Maître de Conférences à l'Université Paris I, Panthéon-Sorbonne, spécialiste du droit public de l'Antiquité, s'intéresse surtout aux modes de constitution du langage politique en Grèce et dans le monde romain d'expression grecque. Outre divers articles érudits, il a publié un recueil de traductions d'Inscriptions historiques grecques et un essai, Cités et royaumes du monde grec, espace et politique.

NOTE DE L’ÉDITEUR Ouvrage publié avec le concours du Conseil scientifique de l'Université de Paris I

SOMMAIRE Introduction L’écriture du législateur L'émergence du politique dans le regard de l'autre La naissance de la loi Le travail du législateur Le législateur et la souveraineté Paroles du groupe Fonction de l'écriture L'interdit prétendu de l'écriture Platon et la construction d'un lectorat

Les ambiguïtés de la publication Diffusions orales et jeux d'écriture Les modes de la publication des textes officiels Republier et effacer La condamnation platonicienne de la publication des livres L'écriture publiée dans la cité des Magnètes La mort dans l'écriture

Stabilités et permanences Ecriture, imitation et action politique Archives dans la cité Lecture des mémoriaux La lettre et l'esprit La capacité d'appréciation des juges Comment effacer et pourquoi réécrire La stabilité des lois dans la cité des Magnètes Modélisation et pratique législative

Les jeux du dialogue politique

Loi et répression Puissance de la loi Loi et ordonnance Prologues Corpus législatif et réalité sociale Loi et lien social Loi et dialogue, la codétermination

Les manipulations de la parole dans la cité magnète Rumeur et parole politique Paroles d’esclave Le contrôle direct sur les discours publiés dans la cité Les leçons du silence Le mensonge et la loi La magie du discours collectif

Conclusion

Annexes

I-Bibliographie I-Bibliographie II-Index des passages de Platon commentés ou cités III-Index thématique

Introduction 1

Les Lois, dont l’étude constitue le noyau de ce livre, sont le dernier ouvrage auquel se soit consacré Platon 1 . Il était inachevé à sa mort en 347. Selon la tradition, Philippe d'Oponte en assura la transcription et, sans doute, la publication, mettant des notes manuscrites en état d'être publiées 2 . L'ouvrage fut toujours considéré comme de médiocre facture et ce n'est que tout récemment que l'on s'est avisé de lui trouver des qualités littéraires particulières 3 .

2

Platon prétend rapporter le dialogue de trois vieillards cheminant de Cnossos à la grotte de Zeus, sur le mont Ida. discutant des moyens de fonder une colonie dans l'île et d'en faire vivre les citoyens de façon vertueuse. Un Athénien, dont il paraît évident qu'il exprime, le plus souvent, les idées que le philosophe considérait comme les siennes, indique quels principes devrait suivre la commission des législateurs qui serait chargée d’installer la cité nouvelle. Après un long prélude, programmatique pour l’essentiel, il propose, en une sorte de code, le modèle des lois qu’il leur faudrait reprendre 4 .

3

Comme il l’expliquait lui-même, dans sa Lettre VII, le philosophe avait perdu toute illusion sur sa capacité à exercer une activité politique effective durant la révolution oligarchique, puis au moment du procès et de la mort de Socrate et, enfin, durant ses aventures siciliennes. Sans doute, ne se résignait-il pas à vivre dans un monde "gouverné par plus méchant que lui" 5 . Mais seul lui

restait ouvert le registre de l’écriture utopique pour qu’il pût espérer jouer un rôle dans la construction du discours politique et idéologique de son temps. Il sut nourrir le propos de son dernier dialogue, le seul où n’apparaît pas Socrate, d’une culture historique et juridique si riche qu’elle rend vraisemblable l’anecdote qui en fait l’armature. Fiction narrative 6 , l'œuvre est, ainsi, sans aucun doute, de tous les textes anciens, celui qui construit "l'une des images philosophiques les plus cohérentes que l'on puisse se faire de la cité grecque" 7 . 4

Il faut admettre, comme nous y invite A. Laks, que les Lois ne proposent pas le paradigme d'une cité parfaite, mais sont une "utopie législative" 8 . Elles montrent par quels moyens l'on peut gouverner des hommes ordinaires, quand on sait leur fournir les meilleures conditions matérielles ainsi que la meilleure éducation possible. Elles traitent de la dynamique des systèmes politiques. Il faut, par conséquent, éviter de vouloir chercher pour quelles raisons improbables il pourrait exister, dans le corpus platonicien, deux modèles politiques, l'un prétendu parfait, dans La République, l'autre qui le serait moins 9 . Il semble que, désormais, devrait être reçue l'idée que la cité des Magnètes n'est pas un succédané moins parfait de la Callipolis, proposé pour la seule raison qu'il aurait été plus facilement réalisable. Il faut, donc, replacer le dialogue dans le courant de la pensée philosophique et ne pas le disqualifier sous prétexte qu'il serait le produit mal ficelé du travail d'un vieillard désabusé 10 .

5

Jusqu'à une époque récente, l'ouvrage semblait n'avoir guère passionné les philosophes. Ce n'est plus, heureusement, le cas aujourd'hui. Se multiplient, dans le monde savant, colloques et publications originales. K. Popper avait réduit la pensée politique platonicienne à l'expression d'un totalitarisme emblématique. Il lui

reprochait d'avoir servi de caution idéologique à tous les systèmes criminels qui fleurissaient à l'époque où il écrivait La société ouverte et ses ennemis, L'ascendant de Platon 11 . La mise en cause de cet antiplatonisme primaire a permis de renouveler la problématique. Elle a rendu de l'intérêt aux discussions sur la signification de l'œuvre et il semble qu'elle doive, désormais, être un passage obligé de la recherche, que cela soit explicité ou non. Quand elle se contente d'être réactive elle aboutit, parfois, pourtant, à des formules lapidaires mais imprudentes 12 . 6

L'idée selon laquelle le projet politique de Platon, serait, pour des raisons de fond, sinon libéral, du moins ouvert, trouve, sans doute, son origine dans les travaux de L. Strauss. Définissant ce que pouvait être le mode de réalisation du droit naturel classique, dont la forme platonicienne serait une cité où les sages gouverneraient la foule des insensés, il avait souligné que Platon n'avait pas pu vouloir mettre en cause la nécessité du libre exercice de leur consentement par tous ceux qui participaient au système proposé. Dès lors qu'il était question de les faire vivre selon les règles de la justice, leur liberté devait être respectée 13 . Néanmoins, certains des arguments utilisés, par la suite, pour exonérer Platon de toute tentation totalitaire, ou l'excuser d'avoir voulu instaurer, dans la cité des Magnètes des formes très contraignantes d'exercice du pouvoir n'emportent pas toujours, loin s’en faut, la conviction.

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Pour l'essentiel, les tenants de l'opinion, selon laquelle Platon voulait construire un système politique garantissant la liberté des individus, se fondent sur l'idée qu'il signifie, de façon expresse, que le législateur véritable ne doit pas se contenter d'émettre des ordres ou des défenses 14 . Il lui est enjoint d'associer, aux interdictions que formuleraient des lois, un discours persuasif qui préluderait à chaque texte répressif ou incitatif 15 . Si les citoyens, destinataires

de ces prologues, pouvaient être convaincus de la pertinence des instructions législatives, ils obéiraient volontiers et les effets de contrainte inhérents à l'exercice du pouvoir politique et judiciaire seraient réduits au minimum 16 . La liberté naîtrait de l'adhésion volontaire de chacun aux arguments développés par cette rhétorique propédeutique 17 . 8

Il faut accueillir avec prudence ce type de conclusions, les préambules, prétendument argumentatifs des lois proposées comme modèles, paraissent, le plus souvent, prendre une forme purement assertorique 18 . Par ailleurs, le législateur se voit accorder des libertés considérables dans le maniement de la technique rhétorique. Il lui est, ainsi, conseillé de mentir, s'il se montre incapable de démontrer que les choses sont bien telles qu'il le prétend, l'usage du mensonge étant justifié de ce qu'il est un moyen particulièrement utile pour conduire les justiciables à faire volontairement ce qui leur est imposé, sans qu'il soit besoin d'user de la force pour les y contraindre 19 . De ce fait, nul analyste ne devrait se croire tenu de considérer que le législateur est sincère quand il prétend devoir convaincre les citoyens de la pertinence d'arguments qui les feraient obéir librement aux ordres.

9

L'interprétation libérale de la doctrine des Lois fait, aussi, cas de ce que le droit pénal platonicien se propose de soigner au mieux les citoyens pour les guérir des infirmités de leur âme quand ils se conduisent mal 20 . Il est, ainsi, prévu que le tribunal doive s'interroger sur les conditions subjectives de la culpabilité du justiciable et chercher à savoir si la folie, la vieillesse, l'enfance, la maladie n'ont pas altéré le jugement du fautif au point de rendre son crime excusable. Il lui faut alors découvrir quels sont les remèdes adaptés au cas de chacun 21 . Les lois les plus belles sont dites avoir pour fonction de guérir les coupables de leur injustice 22 et

n'ordonnent l'élimination de certains d'entre eux que parce que la mort apparaît comme le moindre des maux que leur mauvaise nature leur inflige 23 . 10

L'analyse des missions imparties aux tribunaux doit inciter, néanmoins, à considérer ce programme avec une certaine circonspection. Pour les procès publics, il semble qu’il puisse être rempli, même si l'absence d'un ministère public semble imposer l'intervention d’un dénonciateur et maintient tout procès dans le cadre agônal. Pour les affaires privées, le propos est plus confus. Les juges sont chargés d'établir quelle peine doit être infligée aux coupables et quel doit être le montant des compensations attribués aux défendeurs 24 . On peut considérer que le fait de faire subir une punition possède une valeur curative ou du moins dissuasive. Il apparaît clairement, en revanche, que l'action judiciaire en matière privée n'est jamais, en effet, que "l'instrument d'une police bien ordonnée" 25 . Les juges ont pour fonction de régir et de contrôler, au jour le jour, la vie collective par la gestion des rapports interpersonnels. Ce qu'il importe à Platon de soigner n'est pas l'individu mais le groupe dans son ensemble, quand tel de ses membres se révèle contrevenir aux règles de la cohabitation 26 . Le législateur façonne chaque partie du système en fonction du tout et non pas le tout en fonction des parties. La justice rendue à chacun paraît subordonnée à l'intérêt de l'ensemble 27 . Le droit semble parfois s'effacer devant une gestion politique de la justice, ce qui permet toutes les dérives.

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Nous essaierons de ne pas situer notre réflexion sur des plans dont les fondements paraissent souvent confus et parfois passionnels 28 . On peut le faire en essayant d'expliquer quels principes structurent l'œuvre et en se contentant de décrire l'objet construit par le philosophe. L’historien doit s'installer ailleurs. Même si Platon n’est

pas acteur du politique, sa pensée n'est pas étrangère à son temps et se nourrit, par osmose et par culture acquise, d'un contexte qu'elle enrichit en retour. N. Loraux a raison de dire comment, "s'agissant de la nature du politique, la Grèce classique est platonicienne" 29 . Il est possible de tenter d'analyser, ainsi, quelles pratiques sont induites par les choix proposés au législateur de l'utopie, et non point seulement les propos qui en justifient la nécessité ou la signification. 12

Il semble qu'il soit inutile de vouloir reprendre, à neuf et pour autre chose que de rares discussions de détail, les travaux essentiels de G. R. Morrow, Plato's cretan city. A historical interprétation of the Laws 30 ou de M. Piérart, Platon et la cité grecque. Théorie et réalité dans la constitution des Lois 31 pour ne rien dire de celles de S. Dusanic 32 . Chacun d'eux a montré, de façon suffisamment précise et exhaustive, de quelle façon il fallait mettre en rapport les propositions de Platon avec ce que l'on connaît des institutions des cités grecques historiques 33 . Le premier faisait assez confiance à l'anecdote développée dans le dialogue pour avoir essayé de trouver, en Crète, un site capable d'avoir accueilli la cité magnète. Il considérait que ses institutions devait beaucoup à ce que Platon connaissait des réalités crétoises ou doriennes, dans leur ensemble, néanmoins il savait exprimer de façon très ferme que "there is so much of Athenian tradition embodied in Plato's construction and there are so many obvious reference to the problems of his native city, that we can only conclude that it is Athens which is the object of his chief concern” 34 . Le second signifiait fermement que l'essentiel de la législation, dont Platon disait vouloir qu'elle fût adoptée, était nourri de sa connaissance raisonnée des institutions et du droit athéniens. L. Gernet avait préparé cette conclusion, dans "Les Lois et le droit positif ", un des éléments de l'introduction à l'édition des Lois procurée par A. Diès et É. des

Places, Paris, 1951 35 . Il faut, donc, éclairer, selon de nouveaux points de vue, ce que sont les rapports de l'œuvre à son contexte. Riche de perspectives est celui qui se situe à la conjonction des études menées sur l'usage de l'écriture dans les cités historiques, dont on sait qu'elles se sont multipliées dans les années récentes 36 et de celles qui animent la réflexion sur la nature et la fonction du travail de Platon, écrivain, philosophe et théoricien politique 37 . 13

Dans les Lois, l'Athénien n'aborde pas le problème de la nécessité d'écrire la loi de façon théorique, comme l'étranger l'avait fait dans le Politique 38 . Sachant comment les modalités du déploiement du discours dans l'espace public conditionnent le fonctionnement des institutions 39 . Il semble vouloir signifier qu'il est possible de trouver dans une théorie de la communication des éléments permettant de construire une réflexion sur le pouvoir 40 . Il sait, ainsi, faire comprendre, de façon très concrète, comment donner, en multipliant les stèles et les panneaux d'affichage, une place importante à l'écriture publique, ou privilégier, à l'inverse, les rapports d'oralité en développant les proclamations et les manifestations collectives, produit des systèmes bien différents. Il est, en celà, sans doute, l'auteur qui a le mieux compris ce qu'étaient, à son époque, les formes et les fonctions du discours politique.

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Il a voulu, donc, indiquer ce qu’il fallait qu'il fût, pour faire vivre la cité, dont il pensait devoir décrire, en récits d'utopie, la perfection possible. Il considérait que l'on ne pouvait compter sur l'écriture pour assurer la stabilité des constitutions en la forme qu'il souhaitait leur donner 41 . Il savait que la loi ne pouvait pas ne pas être écrite, mais que les justiciables devenait de cette nécessité les seuls maîtres du sens des textes constitutionnels. Le philosophe ne pouvait pas l'accepter. Conscient, ainsi, de l'impossibilité de faire du droit écrit

l'armature d'une cité dont il souhaitait qu'elle restât toujours semblable à la forme parfaite qu'il lui proposait, il trouva le moyen de la faire vivre et durer par un mode spécifique de gestion d'une expression collective réduite à l'oralité. 15

Ce livre n'aurait jamais été publié sans les encouragements de ceux qui m'ont convaincu de la nécessité où j’étais de l'écrire. J. Mélèze, Cl. Nicolet, avec J.-L. Ferrary, F. Ruzé et M. Trédé ont bien voulu accepter d'en lire, en 1997, une première version, P. Achard, dont la disparition est une très douloureuse perte pour ses amis, ses élèves et ses collègues, étant mort trop tôt et de façon trop soudaine, pour avoir pu le faire. Je les remercie tous de leur bienveillance, particulièrement F. Ruzé qui m'a fait tenir plusieurs pages très denses de remarques et de propositions dont j'ai essayé de tirer le meilleur parti. Ils ont accepté d'en discuter les propositions au cours d'une cérémonie universitaire qu'ils ont bien voulu rendre agréable. Merci à D. Nony qui a accepté la tâche bien ingrate de corriger un jeu d'épreuves, toute faute restant de mon fait. Je suis très reconnaissant à l'Université Paris 1, Panthéon-Sorbonne, d'avoir bien voulu accepter que cela se fasse aux Publications de la Sorbonne.

NOTES 1. Il serait difficile et, surtout parfaitement inutile, de vouloir donner ici une bibliographie raisonnée de l'œuvre qui puisse être spécifique. L. Brisson. ayant succédé dans cette tâche à H. Cherniss, a proposé (avec la collaboration de H. Ioannidi), dans la revue Lustrum, des Bulletins de bibliographie platonicienne dont la valeur est inestimable pour leur exhaustivité et leur intelligence (t. 25, 1983, t. 30, 1988, t. 34, 1992), puis (avec l'assistance de F. Plin) une "Plato’s bibliography 1992-1994" dans Symposium platonicum, Cambridge companion to Plato, Grenade, 1995. Un site internet présente les éléments préparatoires aux livraisons à venir. Le

texte de référence est celui qu'a procuré, avec une traduction française, A. Diès (en collaboration avec E. des Places pour les livres I à VI), dans la Collection des Universités de France (Les Belles Lettres), en 1951 et 1956. Cette édition sert de base à toutes les traductions récentes. En anglais, notamment, ont été publiées celles de T. J. Saunders, Penguin Books, 1970 qui a fait suivre sa parution d'une sorte de billet d'humeur, "The penguinisation of Plato", Greece and Rome, 22, 1975, p.  19-28, de T. Pangle, The Laws of Plato, Londres, 1980, précédée d'un important essai interprétatif avec index des noms et des notions. A. CastelBouchouchi a procuré un recueil d’extraits traduits, donnant un résumé analytique de l’œuvre, diverses annexes et notes, ainsi qu'une bibliographie critique parfaitement à jour à la date de parution, Paris, 1997. K. Schöpsdau a publié le premier tome d'un riche commentaire, Platon Nomoi (Gesetze). Buch LIII, Göttingen, 1994, qui doit remplacer le travail beaucoup plus succinct, mais toujours utile de E. B. England, The Laws of Plato, Manchester, 1921. A. Laks a proposé dans sa thèse, encore inédite, Loi et persuasion. Recherche sur la structure de la pensée platonicienne, Paris, 1988, des corrections et des interprétations nouvelles de divers passages difficiles. 2. Diogène Laerce, Vie des philosophes, III, 37. Pour le Pseudo-Olympiodore, Prolégomènes à la philosophie de Platon, 24, Philippe d'Oponte serait un éditeur véritable. Sur les présupposés de Diogène et la façon dont il a construit le personnage qu'il décrit sous le nom de Platon, J. Follon, "Le Platon de Diogène Laërce", dans Images de Platon et lectures de ses œuvres, les interprétations de Platon à travers les siècles, éd. A. Neschke-Hentschke, Louvain, 1997, p. 3-33. 3. Ch. Bobonich, "Reading the Laws", Form and argument in late Plato, éd. Ch. Gill et M. M. McCabe, Oxford, 1996, p. 249-282, qui prétend curieusement que Diogène Laerce suggests but does not State that it was unfinished at Plato's death, manifeste une opinion tout à fait contraire à la façon commune de voir les choses, the Laws shows a high degree of literary sophistication and this lies precisely in its concern with the relation between the form of a text or discourse and its contents and aim. Sur la relation subtile existant entre le bonheur platonicien d’écrire et la précision de l’expression de sa doctrine philosophique, voir Ph. Hoffmann, "Écriture littéraire et écriture philosophique", Topoi, 4/2, 1994, p. 637-642. 4. Le plan de l’ouvrage n’est pas tout à fait aussi clair que le prétend A. Diès dans l’introduction à son édition. Pour lui, "en gros", les livres I à III sont une introduction générale, les livres IV à VIII procurent une description d’ensemble de la cité que les personnages mis en scène se proposent de bâtir et de la définissent les principes politiques et juridiques qui doivent l’animer, les livres IX à XII proposent les modèles d’un grand nombre de textes de lois qui constituent une sorte de code. L. Gernet dans la partie qui lui est réservée de cette même introduction, indique que le prélude général se prolonge jusqu’à la première partie du livre V. On ne passe au discours législatif, constitutionnel d’abord, puis de droit civil ou criminel que plus tard encore. A. Castel-Bouchouchi, propose, dans son anthologie (op cit. note 1), outre un plan analytique qui est de son cru, la présentation qu’avait faite R. Schaerer (Revue Philosophique 143, 1953) de "l’itinéraire dialectique des Lois", bien que, fondé sur des

présupposés contestables, ce texte doive être lu avec précaution. On sait que l’ouvrage se termine par un long et double développement, semblant non préparé, qui propose la mise en place, dans la cité, d’un conseil nocturne. 5. République 347c, τῆς ζηµίας µεγίστη τò ὑπò πoνηρoτέρou ἄρχεσθαι. 6. Sur cette notion, voir U. Eco, Six promenades dans les bois du roman et d'ailleurs, Paris, 1996, chapitre 6. 7. A. Laks, "Prodige et médiation, esquisse d'une lecture des Lois", dans D'une cité possible. Sur les Lois de Platon sous la direction de J. F. Balaudé, Nanterre, 1995, p. 11-28 (p. 17). 8. A. Laks, "L'utopie législative de Platon", Revue philosophique, 4, 1991, p. 417-428. Voir, du même auteur, "Législation and demiurgy", Classical Antiquity, 9, 1990, p. 209-229 ; "Raison et plaisir, pour une caractérisation des Lois de Platon", La naissance de la raison en Grèce, éd. J.-F. Mattéi, Paris, 1990, p. 291-303 ; "Prodige et médiation : esquisse d'une lecture des Lois”, p. 1128, dans D'une cité possible. Sur les Lois de Platon, éd. J.-F. Balaudé, Paris, 1995, (une présentation très claire des enjeux de la problématique). 9. Comme l'envisage D. Dawson, Cities of the gods. Communist utopias in greek thought, Londres, 1992, pour qui il existe une utopie-haute distincte d'une utopie-basse. 10. Sur ce thème, voir J.-F. Balaudé, "Le triptyque. République. Politique. Lois" dans D'une cité possible. Sur les Lois de Platon, éd. J.-F. Balaudé, Paris, 1995, p. 29-56, ainsi que J.-F. Pradeau, Platon et la cité, Paris, 1997, qui montre bien en quoi "l'ensemble de l'œuvre de Platon montre une cohérence thématique soutenue" (p. 10). 11. K. Popper, La société ouverte et ses ennemis, t. I, L'ascendant de Platon, traduction française, Paris, 1979 (l'édition originale anglaise est de 1945). É. Will, dans son Choix d'écrits, Historica grœco-hellenistica, Paris, 1998, constate combien l'idée que se faisait H. Arendt du faible de Platon pour une tyrannie prétendue raisonnable lui permit, dans sa correspondance, de justifier ses retrouvailles avec Heidegger, en 1949. 12. La défense de Platon avait été prise par R. B. Levinson, In defense of Plato, Cambridge (Massachussets), 1953, par R. F. Stalley, An introduction to Plato's Laws, Oxford, 1983 ou G. Klosko, The development of Plato's political theory, New-York, 1986. Il faut connaître Contre Platon II, le Platonisme renversé, textes réunis par M. Dixsaut, Paris, 1995, en particulier la deuxième partie du recueil, "Procès politiques" réunissant trois contributions, R. Maurer, "De l'antiplatonisme politico-philosophique moderne", p.  129-154, Ch. L. Griswold Jr., "Le libéralisme platonicien  : de la perfection individuelle comme fondement d’une théorie politique", p. 155-195, J. D'Hondt, "Le destin de l'antiplatonisme", p. 197-211. Beaucoup des analyses proprement philosophiques ne sont pas très au fait des réalités proprement historiques. Ainsi, Platon serait, si l'on en croyait R. Maurer, pour ne citer qu'un exemple (p. 131), un homme "qui tenta vainement, au début de la crise qui devait mettre fin à la cité grecque antique, de la fonder métaphysiquement dans l'éternellement existant", il semble évident que les démonstrations devenues classiques sur la capacité de la cité grecque à avoir perpétué son être tout au long de l'antiquité et sur l'inanité du concept de crise du

IVème siècle, ne soient pas encore connues. Nous devons essayer de rester fidèle aux leçons de P. Vidal-Naquet, "Platon, l’histoire et les historiens", La démocratie grecque vue d'ailleurs, Paris, 1990, p. 121-137 (repris de Quaderni di Storia, 1983 et de Histoire et structure, à la mémoire de V. Goldschmidt, 1985) qui prêche la prudence et la modestie en reconnaissant que "la pauvreté de ce qu'écrivent les historiens sur la philosophie n'a d'égale que l’insignifiance de ce qu'écrivent les philosophes sur le milieu qui est celui des œuvres qu'ils étudient" (p. 135). 13. L. Strauss, Droit naturel et histoire, trad. française, Paris, 1954, p. 86 (l'original est paru à Chicago en  1953), la pensée politique platonicienne serait à l'origine de toutes les théories fondées sur le droit naturel. Voir, par ailleurs, Qu'est-ce que la philosophie politique, Chicago, 1959, traduction française, 1992, et Études de philosophie politique platonicienne, Chicago, 1983, traduction française, 1992 (recueil particulièrement utile parce qu'il est précédé d'une introduction de T. Pangle, un éminent disciple de l'école straussienne). A. NeschkeHentschke, Platonisme politique et théorie du droit naturel. Contributions à une archéologie de la culture politique européenne, Bruxelles, 1995, montre de façon très explicite comment il est clair pour Platon que les lois positives doivent s'aligner sur le juste naturel, une loi positive qui ne serait pas conforme à cette orientation ne seraient pas une loi au sens propre du terme, par conséquent nul ne devrait lui obéir. Sur ce genre de problématique, voir désormais, aussi, Images de Platon et lectures de ses œuvres, les interprétations de Platon à travers les siècles, éd. A. Neschke-Hentschke, Louvain, 1997, p. 3-33. 14. Lois 823c. 15. Platon prétend tenir à persuader plus qu'à contraindre les justiciables de la nécessité d’obéir. Ch. Bobonich, "Persuasion, compulsion and freedom in Plato’s Laws", Classical Quarterly, 41, 1991, p. 363-388, accepte la sincérité de cette pétition de principe. L'essentiel de la façon dont le législateur doit exprimer sa volonté est exposée dans Lois 722c-723d. L'Athénien, dans l’énumération qu'il fait des droits à commander, souligne que la nature veut que le pouvoir de la loi s'exerce sur des gens consentants sans faire usage de violence (Lois 690c), les dirigeants gouvernent par la force dans les seules constitutions imparfaites (Lois 832c). 16. C'est une des idées développées dans le livre de R. Muller, La doctrine platonicienne de la liberté, Paris, 1997. Il souligne que "l’obéissance est un substitut honorable de la liberté" (p. 98). Néanmoins, il constate que "la soumission volontaire est moins coûteuse à long terme et plus durable que la contrainte". On doit se demander ce que peut signifier, dans cette façon de présenter les faits, la notion même de contrainte. La distinction établie entre le libre et le volontaire paraît, en l'occurrence, quelque peu sophistique. 17. H. Yunis, Taming the democracy, Ithaque/Londres, 1996, traite de la rhétorique des prologues platoniciens dans son rapport aux méthodes que pratiquaient les orateurs dans la démocratie athénienne. C'est un moyen de relativiser la valeur des jugements portés sur l'originalité et la valeur fonctionnelle de la pratique platonicienne.

18. S. Gastaldi, "Legge e retorica. I proemi delle Leggi di Platone", Quaderni di Storia, 20, 1984, p.  69-109. Pour H. Yunis (op. cit. note 17), le législateur s'exprime comme un professeur (p. 226), prêche plutôt qu’il ne tente de convaincre (p. 229), d'ailleurs il est bien clair que s'il échoue à persuader, the threat of penaltycornes into force for the law must be obeyed anyway (p. 217). Une partie de l'article de Ch. Bobonich, "Reading the Laws", Form and argument in late Plato. éd. Ch. Gill et M. M. McCabe, Oxford, 1996, p.  249-282 est consacré à démontrer que Platon est, non seulement sincère, mais habile dans le maniement des arguments. 19. Lois 663d-e. Le caractère pragmatique des Lois se manifeste de ce que dans la République il est question non pas d'un "mensonge utile" mais d'un "noble mensonge", République 414b-c, dont les modalités, le principe et les conséquences morales ou politiques ont été beaucoup étudiées. Bien évidemment K. Popper. La société ouverte et ses ennemis, p. 111-112 et 159-164 a condamné avec une grande vigueur cette pratique du mensonge. On est surpris que Ch. Bobonich puisse écrire que the sort of persuasion that Plato requires the laws to use do not involve the use of lies, (op. cit., p. 368, voir aussi, p. 373, et p. 377), il analyse le texte 663d-664a p. 382. S'il admet qu'il peut être difficile de concilier l’emploi du mensonge avec l’éthique platonicienne, the important point is that Plato denies that he is practising such deception in the preludes or the rest of the Laws, cela laisse rêveur. 20. T. J. Saunders, Plato's penal code, tradition, controversy and reforme in Greek penology, Oxford, 1991. Il ne faut pas, au nom de l'idée selon laquelle le médecin s'occupe du bien-être de son patient, négliger le fait que l'exercice de la médecine est inséparable de la répression. Le médecin doit, en effet, commencer par empêcher son malade de faire ce dont il a envie et qu'il a toujours fait, Gorgias 505a, voir M. Narcy dans l’Introduction qu'il a donnée à sa traduction du Théétète, Paris, 1994, p. 112. 21. Lois 864d. Le long développement sur la façon dont il faut distinguer deux types de conduite coléreuse ayant conduit au meurtre témoigne, même, d'un souci du détail qui rend le système de l'individualisation des peines extrêmement complexe, Lois 866e-868a. 22. Lois 862c. 23. Lois 854e. 24. Lois 877b, l'enquête sur ce point est parfois difficile, Lois 875e. 25. Sur ce point voir L. Gernet, "Sur la notion de jugement en droit grec", Droit et société en Grèce ancienne, Paris, 1964, p. 61-81 (p. 75). 26. De façon quelque peu contradictoire avec ses propres prémisses. T. J. Saunders, Plato's penal code, Oxford, 1991, est ainsi amené à admettre que Magnesian penology is State directed, p. 180. 27. Lois 903b-d. 28. L. Gernet, dans son Introduction à l'édition canonique des Lois, constate que. sur la rigueur du droit platonicien, les modernes sont parfois d’avis opposé. Il considère que cela n'a aucune importance, "c'est une question de goût personnel". La formule pourrait servir de

commentaire à bon nombre de réflexions sur le degré de liberté accordé aux Magnètes (p. CXCII). 29. N. Loraux, La cité divisée, Paris, 1997, p. 91 (le texte repris dans ce recueil est de 1987), elle constate par ailleurs que "la pensée platonicienne est le plus fiable des révélateurs pour mettre au jour l'économie des solutions imaginaires de la cité" (p. 81). 30. G. R. Morrow, Plato's cretan city, A historical interprétation of the Laws, 1960, réédité avec une introduction de Ch. H. Kahn, Princeton, 1993. 31. M. Piérart, Platon et la cité grecque. Théorie et réalité dans la constitution des Lois, Bruxelles, 1974. Dans un article récent, "Du règne des philosophes à la souveraineté des lois", dans Die athenische Demokratie im 4. Jahrhundert v. Chr. éd. W. Eder, Stuttgart, 1995, p.  249-268, il montre comment Platon, dans les Lois, s'est efforcé de mettre au point "un régime proche de celui qu'on attribuait à Solon à son époque". 32. S. Dusanic, History and politics in Plato's Laws, Belgrade, 1990 (en serbe avec un résumé en anglais), imagine que Platon aurait rêvé d'installer un tyran pour réformer Athènes. Les Lois seraient le programme proposé à Léosthénès de Képhalè, dit le Jeune (cette théorie est reprise dans Reading the Statesman. Proceedings of the III symposium platonicum, Sankt Augustin, 1995, éd. Ch. Rowe, "The true statesman of the Statesman and the young tyrant of the Laws"  : an historical comparison, p. 337-346). 33. Je n’évoque pas ici non plus ce que fut l'activité des élèves de l'Académie devenus dirigeants dans leurs cités respectives, qu'ils y fussent ou non devenus des tyrans. Voir K. Trampedach, Platon, die Akademie und die zeitgenossische Politik, Hermes, Einz. 66, 1994. 34. G. R. Morrow, Plato's cretan city, A historical interprétation of the Laws, 1960, Princeton, réédité en  1993, p.  592 (c'est H. Kahn, qui dans l'introduction à la réédition de l'ouvrage, explique, p.  XVII, que "the Laws does not describe a utopia but a cretan city with a definite location in time ans space"), évoque la région du centre méridional de l'île où Platon aurait pu situer la colonie, p. 30-31. 35. L. Gemet, "Les Lois et le droit positif", introduction à l'édition des Lois par A. Diès et É. des Places, Paris, 1951 (p. XCIV-CCVI). 36. Les Savoirs de l'écriture en Grèce ancienne, éd. M. Detienne, Lille, 1988, ouvrage pionnier, très ouvert dans ses approches. Phoinikeia grammata. Lire et écrire en Méditerranée, Namur, 1991 édité par Cl. Baurain, C. Bonnet, V. Krings. Les études de J. Svenbro, dans Phrasikleia. Anthropologie de la lecture en Grèce antique, Paris, 1988 et dans Histoire de la lecture dans le monde occidental, éd. G. Cavallo et R. Chartier, Paris, 1997 sont tout à fait essentielles même si l'on ne peut admettre la valeur du concept qu'il avait défini comme étant "le paradigme pédérastique de l'écriture". Sur le problème général de l'oralité dans la société grecque, voir R. Thomas, Oral tradition and written record in classical Athens, Cambridge, 1989, ainsi que la mise au point parue sous le titre, Literacy and orality in Ancient Greece, Cambridge, 1992, et une note plus récente, moins bien venue, "Literacy and the city State in archaïc and classical

Greece", Literacy and power in the ancient world, éd. K. Bowman et O. Wolf, Cambridge, 1994, p. 33-50. 37. Il n'est pas, évidemment, question, ici, de vouloir aborder le problème de l'interprétation ésotériste de Platon. M.-D. Richard, a publié une synthèse concernant les doctrines non écrites, L'enseignement oral de Platon. Une nouvelle interprétation du platonisme, Paris, 1986. L. Brisson réunit et présente avec beaucoup de prudence, diverses analyses et mises au point des principaux représentants de ce courant d'interprétation dans Les Études Philosophiques, 1998, 1, (notamment H. Krämer qui reprend une contribution antérieure et donne. p.  54-56, une bibliographie de cette nouvelle tradition interprétative ainsi qu'un programme "postromantique de la recherche", voir aussi, notamment, G. Reale, "Le «  Phèdre  »  : manifeste programmatique de Platon, «  écrivain  » et «  philosophe  »", p.  131-148, qui annonce la publication d'un commentaire du Phèdre). 38. Voir Politique 295e, à lire en parallèle avec 295a et à 298e. 39. A. Laks, "L'utopie législative de Platon", Revue philosophique, 4, 1991, p. 417-428, a montré toute l'importance qu'il attache à la réflexion de Platon sur la façon d'administrer la parole dans Magnésie en définissant le projet comme une "utopie communicationnelle". 40. P. Livet, "Les lieux du pouvoir", Raisons pratiques, 3, 1992 (Pouvoir et légitimité, Figures de l'espace public), p.  46-68, s'est posé la question de savoir si "l'on peut penser le pouvoir en partant d'une théorie de la communication", dans une atmosphère nourrie de la pensée de J. Habermas. 41. Lois 798a-b, le bonheur pour le politique consiste en ce que par une chance divine, les lois restent semblables pendant des espaces de temps si longs que nul ne puisse se rappeler ou n'entende jamais mentionner le souvenir d'une époque où elles auraient été différentes, ὡς µηδένα ἔχειν µνείαν µηδέ ἀϰoὴν τoũ πoτε ἄλλως αὐτὰ σχεῑν ἤ ϰαθάπερ νũν ἔχει, le législateur doit trouver à tout prix le moyen de parvenir à ce résultat, µηχανὴν δὴ δεῑ τòν νoµoθέτην ἐννoεῑν ἁµóθεν γέ πoθεν ὃντινα τρóπoν ταũτ’ἔσται τῇ πóλει.

L’écriture du législateur 1

Platon, reprenant le mythe développé dans le Politique rappelle, dans les Lois, comment les hommes de l'âge de Cronos avaient eu la chance de vivre, d'abord, sous l'autorité de démons que les dieux, dans leur grand amour pour eux, avaient préposés à leur bonheur 1 . En ces temps originels, il n'y aurait pas eu de cités, ni même de familles constituées. Aucun homme, en effet, n'avait en sa possession femmes ou enfants, πoλιτείαι oὐϰ ἤσαν oὐδὲ ϰτήσεις γuναιϰῶν ϰαὶ παίδων 2 . La génération ne se faisait pas d'une façon qui pût lier les êtres les uns aux autre. La terre fournissait d'elle même, αὐτoµάτη, tout ce qui était nécessaire à la vie de chacun et tous naissaient directement des profondeurs du sol, ἐϰ γῆς ἀνεϐιώσαντo πάντες 3 . Il était, ainsi, inimaginable que naquît, dans ces conditions, quelque forme de pouvoir humain que ce fût.

2

Plus tard, l'humanité serait devenue responsable d'elle-même. Naquirent, alors, des cités et les hommes en étaient les citoyens, πóλεις ϰαὶ ἄνθρωπoι πoλιτεúoµενoι 4 . Elles avaient perduré malgré les catastrophes, les déluges, les pestes et fléaux divers. Évaluer combien de temps s'était écoulé depuis cet avènement du politique, ϰατανoῆσαι χρóνou πλῆθoς ὅσoν γέγoνεν, était impossible, la durée en était infinie et incommensurable, ἄτλητoν ϰαὶ ἀµήχανoν. Les hommes, dès que les dieux les avaient laissés à eux-mêmes, avaient nécessairement, en effet, dû établir des lois et vivre en les respectant, sinon ils seraient devenus tout à fait semblables aux plus

féroces des bêtes sauvages, νóµouς ἀνθρώπoις ἀναγϰαῑoν τίθεσθαι ϰαὶ ζῆν ϰατᾶ νóµouς ἢ µηδὲν διαφέρειν τῶν πάντῃ ἀγριωτατῶν θηρίων 5 . Durant la période qui avait fait suite au dernier des déluges, le seul dont les Grecs avaient conservé la mémoire, n'avait, pourtant, subsisté aucun souvenir de ce qu'avait été cette situation primitive. Toute trace de ce qu'avaient été les cités primordiales, le politique, la capacité législative, µνήµη πóλεως ϰαὶ πoλιτείας ϰαὶ νoµoθεσίας, avait, ainsi, quitté la mémoire des hommes 6 . 3

La raison de cette amnésie tenait à ce que l'écriture avait, alors, fait défaut aux hommes ainsi que tout ce dont les cités ont besoin pour exister, γράµµασι ϰαὶ ἅπασιν ὁπóσων πóλεις δέoνται. D'entre les humains, seuls les bergers des montagnes avaient, en effet, échappé à la montée des eaux et survécu à la catastrophe. Or ils étaient illettrés et incultes, ἀγράµµατoι, ἀµoũσoι 7 . Comme la capacité à écrire n’existait plus aux débuts de ce nouveau cycle de l'histoire humaine, oὐδὲ γὰρ γράµµατα ἔστι πω τoῖς ἐν τoúτῳ τῷ µέρει τῆς περιóδou, les hommes durent vivre durant un certain temps en fondant leurs relations sur des coutumes et ce qui fut appelé, plus tard, les lois ancestrales, ἔθεσι ϰαὶ τoῖς λεγoµένoις πατρίoις νóµoις ἑπóµενoι ζῶσιν 8 . La civilisation politique, néanmoins, ne put renaître que lorsque l'écrit réapparut.

4

Le projet des Lois assume parfaitement les leçons de cette mythologie et doit être compris dans le cadre qu’elle définit. Les trois vieillards, voyageant de Cnossos à la grotte du Mont Ida, cherchent à faire comprendre sous quelle forme doit naître la loi et de quelle façon elle doit être reçue. L’idée qu'il ne peut exister de législation sans écriture est à l'horizon de tous leurs propos. L'utopie se fonde sur cette évidence et l'on doit l'analyser dans le contexte plus large de divers récits traitant des origines de la société.

L'émergence du politique dans le regard de l'autre Les récits antiques d'archéologie 5

Les récits anciens sur les origines de l'hellénisme peuvent être répartis en deux classes. Les uns prétendaient qu'un ou deux peuples primitifs, installés dans le monde égéen, avaient fini par se dissocier et constituer par division interne des groupes plus réduits devenus progressivement des cités. Celles-ci auraient fini par se considérer comme étrangères les unes aux autres. Cette schématique intégrait, sans aucune difficulté, le sentiment répandu selon lequel il avait pu exister à haute-époque deux grands ensembles ethniques, Ioniens et Doriens, qui se seraient partagé, sans avoir été véritablement étrangers les uns aux autres, le monde hellénique 9 . De même elle correspondait, peut-être, à la conception que l'on pouvait se faire de ce qu'avait été l'histoire des amphictionies primitives 10 . Il aurait, ainsi, existé aux temps les plus anciens, une communauté associant ceux qui, le temps passant, se désigneraient comme Grecs. Cela, sans doute, explique qu'ait pu se construire et se maintenir, dans l'imaginaire politique, le prétendu souvenir d'une antique législation hellénique, ὁ παλαιòς ϰαὶ ἑλληνιϰòς νóµoς 11 . Les cités seraient nées, dans le cadre réduit de leur territoire, en se dotant d'institutions propres pour se singulariser au sein de ces grands systèmes et défendre leurs intérêts spécifiques. On connaît, dans les Lois, un récit construit sur ce mode. Il raconte ce qu'aurait été la séparation des trois cités doriennes. Sparte, Argos, Messène. Elles seraient nées de la partition d'un empire régi par les Héraclides, bien qu'une alliance eût garanti que deux d'entre les alliés avaient le droit de contraindre, par la force, le troisième à continuer de vivre

en union avec eux 12 . Les Ioniens se voulaient eux aussi parents les uns des autres et ils cherchèrent, parfois, à reconstruire, du moins partiellement, leur unité prétendument originelle 13 . 6

L'idée inverse selon laquelle les hommes avaient longtemps vécu en petits groupes isolés restait, en fait, la plus répandue chez ceux qui prétendaient traiter de la période primitive. On pensait, le plus communément, que les difficultés naturelles n'avaient cessé de disperser les humains, chaque fois qu'ils avaient eu la chance de trouver à se rassembler. Diodore décrivit les hommes primitifs comme des êtres totalement isolés les uns par rapport aux autres, vivant dans un monde que la sauvagerie des animaux contre lesquels ils avaient bien du mal à se défendre rendait terrifiant 14 . La société originelle se serait, ainsi, constituée progressivement par agrégation de groupes primitifs installés dans un même compartiment de terrain, géographiquement cohérent. Ce type de récit fonctionnait selon la logique des récits de synœcismes 15 . Il alimenta, parfois, à l'époque classique et durant la seconde sophistique, dans telle ou telle cité, les discours des partisans, actifs ou rêveurs, d'un isolationnisme radical, ceux, notamment, de certains idéologues athéniens qui voulaient stigmatiser le cosmopolitisme de la cité impériale en exaltant le prétendu conservatisme des petites cités péloponnésiennes fières de particularismes qu'ils prétendaient avoir été maintenus depuis les temps les plus reculés 16 . Thucydide sut, sans tomber dans ce travers, expliquer, ainsi, comment les Hellènes s'étaient reconnus comme les membres d'un même peuple au fur et à mesure que leurs cités qui avaient vécu sans contact les unes avec les autres dans un état complet d'ἀµειξία avaient commencé à se parler l'une à l'autre et à agir en commun, ἁθρóoι 17 .

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Que l'on s'en tînt à l'une ou l’autre des théories de l'archéologie humaine, restait à expliquer quels avaient été les moments de la

naissance et les étapes du développement des cités, comment elles avaient découvert les règles nécessaires à leur fonctionnement. Platon montra, dans le début des Lois, comment, aux temps premiers, chaque ménage habitait isolé en sa propre demeure, ϰατὰ µίαν oἴϰησιν 18 . Le père de famille y jouissait d'une autorité de fait, δuναστεία 19 , qui pouvait être considérée comme s'exerçant dans le cadre d'une sorte de système politique, πoλιτεία. Elle pouvait, en effet, être assimilée à une sorte de royauté patriarcale, βασιλεία 20 , dont le modèle se perpétuait dans certaines régions de la Grèce historique, ainsi que dans les pays barbares sous la forme d'une royauté absolue, παµϐασιλεία dont Aristote ferait la théorie 21 . Comme, néanmoins, ce pouvoir ne s'exerçait que sur une femme et des enfants dans le cadre qui était naturellement le sien, celui du foyer, ϰατὰ τὴν oἰϰoνoµίϰην 22 , il restait une réalité de l'ordre biologique. Lors de chaque renouvellement de génération, les familles, γένη, restaient groupées sous l'autorité de l'aîné des enfants du couple fondateur sans qu'il fût possible de contester son droit à l'héritage, τó πρεσϐúτατoν ἄρχει διὰ τò τὴν ἀρχὴν αὐτoῑς ἐϰ πατρòς ϰαὶ µητρòς γεγoνέναι 23 . La nature suffisait à fonder le droit du père et de la mère à commander puis celui de l'ainé à être obéi des plus jeunes 24 . Chacun de ceux qui successivement exerçait ce pouvoir modelait ses enfants de la façon qui convenait à son caractère et établissait ses propres règles de vie, ἰδίouς νóµouς 25 . Il n'existait pas, en effet, d'instance externe à chacune des maisons qui pût être considérée comme énonciatrice de norme ou bien de loi.

Premiers regroupements 8

Les hommes possédaient en commun le sens du religieux et du rituel 26 . Ils l'avaient reçu de Prométhée avec les éléments d'un langage. Ils disposaient de la voix, φωνή 27 et de la capacité à utiliser les

mots, ὀνóµατα. Cela avait permis que l'ensemble des groupes humains primitifs finît par être doté d'un langage commun, le mot primitif pouvant être considéré comme une imitation phonique, µίµηµα φωνῆ 28 . Progressivement naquit, ainsi, le λóγoς 29 . 9

Les hommes éparpillés choisirent, alors, d’aller à la rencontre les uns des autres. Ils sont censés s'être d'abord regardés avec bienveillance et amour à cause de l’isolement dont ils étaient heureux de pouvoir sortir, ἡγάπων ϰαὶ ἐφιλoφρoνoũντo ἀλλήλouς δι’ἐρηµίαν 30 . Ils vécurent, alors, en une communauté de fait, association de familles habitant ensemble à qui Platon pense devoir donner le nom de cité, ταúτῃ τῇ ξuνoιϰίᾳ ἐθέµεθα πóλιν ὄνoµα. Les membres d’un tel groupe purent se prêter assistance mutuelle, βoηθεία 31 . Une grande maison commune, µία oἰϰία ϰoινὴ ϰαὶ µεγάλη, fut construite pour rendre plus facile l’exploitation du terroir commun. Pour permettre de se défendre contre les bêtes sauvages, on bâtit une muraille protectrice, τειχῶν ἐρúµατα τῶν θηρίων ἕνεϰα πoιoũνται 32 . Les échanges réciproques assuraient un parfait bien-être matériel 33 . Tous pouvaient vivre, ainsi, dans le bonheur des pourceaux tranquilles 34 . Chacun des hommes, de même que le groupe dans son ensemble, se trouvait en effet à même de jouir, en pleine santé, ὑγιὴς, d'une évidente prospérité, τρuφή, sans avoir jamais, pourtant, connu ce qu'était la vertu.

10

Il paraissait évident que les hommes avaient compris très tôt quel besoin ils avaient de s'associer 35 , il leur manquait pourtant, à ce stade, les liens nécessaires à la pérennisation de l'amitié, δεµoὶ φιλίας, à savoir le sens de l'honneur et de la justice, αἰδῶς τε ϰαὶ διϰή 36 . C'est pourquoi le processus avortait sans cesse. Il fallut qu'intervînt un événement spécifique pour imposer à l'homme de passer de la vie familiale, même élargie de cette façon, à l'existence politique. Les hommes ne sont pas, en effet, des abeilles et il ne peut

apparaître de chefs dans la cité comme il naît par nature des reines dans les ruches 37 . Décrire le processus de l'accession au politique imposait, donc, d'envisager qu'il ait pu se produire des innovations spécifiques de l'humanité l’ayant fait échapper aux rythmes propres de la vie de nature.

Guerre et naissance du politique 11

Les groupes humains ne purent établir en droit leurs rapports internes et se fonder en un système politique, que lorsque leurs membres surent abandonner l'état de torpeur conviviale et irénique où ils se complaisaient. Il leur fallut d'abord comprendre qu'ils avaient des voisins, que ceux-ci étaient des semblables, mais qu'ils devaient être considérés comme des étrangers. L'inversion du mouvement par lequel s'étaient constituées les premières sociétés procurait l'écart après avoir fait naître la nécessité du regroupement 38 .

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Cela n’a rien qui doive étonner. On admet ordinairement que, pour devenir une personne, chaque homme doit prendre conscience de la présence de l'autre, partenaire dialogique, et, dans le même mouvement, de l'existence nécessaire du tiers présent ou absent. Le choix qu'il fait d'associer autrui à sa propre vie ou bien de l'en exclure, quelles qu'en soient les modalités et quel qu'il soit, doit être considérée comme une affirmation du soi 39 . Le je ne peut se constituer dans la solitude. L'être humain n'existe que dans une situation interlocutive imposant la présence des autres 40 . J.-P. Vernant a montré que, pour l'homme grec, sans doute le "cogito ergo sum n'avait aucun sens" et que l'individu savait devoir se chercher et se trouver dans le regard d’autrui 41 . On peut, ainsi, en rester à ce que Durkheim présentait comme une évidence, "la vie collective

n'est pas née de la vie individuelle, mais c'est au contraire de la seconde qu'est née la première" 42 . 13

Ce principe d’explication semble pouvoir éclairer, par analogie, la façon dont les historiens ou les théoriciens anciens ont présenté la situation des cités primitives. C'est la capacité des groupes originels à s'être reconnus différents les uns des autres, à s'être faits, d'une certaine façon, comme l’écrit Antiphon 43 , barbares les uns par rapport aux autres qui permit l'existence particularisée des divers ensembles politiques 44 . Cette conception de l'archéologie était, en effet, conforme à l'idée que l'on pouvait, pour des raisons idéologiques ou philosophiques, vouloir se faire des origines de la société humaine. Sa pertinence historique apparaît quand l'analyse des textes législatifs les plus archaïques permet de constater que la notion de citoyenneté ne se constituait jamais que par référence à la nature de l'autre, qu'il fût étranger ou dépendant. H. Van Effenterre et F. Ruzé l'ont montré de façon très subtile 45 .

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Quand l'idée que l'on vivait dans une communauté spécifique était admise, tout étranger apparaissant dans le champ de la conscience pouvait être considéré comme un ennemi potentiel. On s'en rend compte, par exemple, à lire ce que Pausanias écrit de la médiocre, mais emblématique, cité de Panopée. Ses habitants n’avaient pas de bâtiments publics, leurs maisons n'étaient guère que des huttes et ils vivaient dans des conditions de misère extrême. Elle était bien, pourtant, un système politique parce que les limites de son territoire étaient marquées par des bornes dressées contre ses voisins, ὅρoι τῆς χώρας εἰσίν αὐτoῑς εἰς τoùς ὁµóρouς 46 . Les Hellènes avaient compris que, par un passage inévitable à la limite, la pratique guerrière avait dû se révéler indispensable très tôt. Héraclite l'avait exprimé en une image forte, démontrant que toutes choses naissent dans un jeu de forces qui peut être comparé au choc de deux

phalanges courant l'une vers l'autre, διὰ τῆς ἐναντιoδρoµίας 47 . Dans le monde grec archaïque, la guerre ritualisée, passait pour la forme la plus ordinaire des rapports de voisinage. Le combat était le mode le plus naturel pour tout État de se poser en instance de dialogue et de se manifester en tant que sujet de discours 48 . La guerre fut, donc, considérée comme l’horizon nécessaire à l'existence de toute institution politique 49 . C’est pour cela que l'humanité produisit par le conflit les premiers éléments du droit 50 . Si l'exercice de la guerre était, ainsi, considéré comme la pratique identitaire par excellence, il paraissait tout à fait naturel que des conflits aient opposé en permanence les cités grecques entre elles, de telle sorte que chacune ne cessait jamais d'être engagée dans une guerre sans déclaration avec toutes les autres, πάσαις πρòς πάσας τάς πóλεις ἀεὶ πóλεµoν ἀϰήρuϰτoν ϰατά ϕúσιν εἴναι 51 , toutes les cités ayant durant toute leur existence à soutenir des guerres contre toutes les autres, πóλεµoς ἀεὶ πᾶσιν διὰ βίou σuνεχής ἐστι πρòς ἁπάσας τὰς πóλεις Il est, de même, tout à fait normal que Platon ait fait une telle place à l'éducation du soldat dans la cité des Magnètes, alors qu'il veille à l’installer si loin de toute autre implantation humaine que tout conflit de voisinage soit impossible. Par une sorte de raisonnement métaphorique régressif, alors qu'il prétend construire un monde parfaitement homogène, il présente l'affrontement comme nécessaire à la perfection de toute vie collective et individuelle. Ce qui est vrai des cités les unes par rapport aux autres, le serait de chaque village et de chaque maison. Chacun devrait, pour accéder à la vertu, se considérer soi-même comme son propre adversaire, tous étant publiquement ennemis de tous et chacun l'étant en privé de soi-même, τò πoλεµίouς εἶναι πάντας πᾶσιν δηµoσίᾳ τε ϰαί ἰδίᾳ ἑϰάστouς αuτoùς σφίσιν αὐτoῑς 52 . La menace toujours présente de la guerre extérieure permettrait de

dépasser ce type d'oppositions de telle sorte qu'elles ne nuisent pas à la cohésion du système politique. Chacun, devant être attentif aux risques de voir apparaître l'ennemi extérieur, cherche et finit par trouver les moyens de résoudre les conflits intérieurs, pour éviter de devoir gaspiller ses forces dans la guerre civile, la στάσις 53 . 15

Pour pouvoir être garant de l'existence de soi, l'autre doit nécessairement être considéré comme un semblable. Pour accéder à la conscience collective, le groupe doit se battre contre ses voisins sans perdre le sentiment que ceux-ci participent d'une nature commune à la sienne. Si le Pseudo-Protagoras fait commencer la pratique guerrière aux moments mêmes où le groupe originel avait appris à se défendre contre les bêtes sauvages 54 , cette façon de déqualifier la guerre en la confondant avec la lutte pour la survie et de faire entrer cette sorte de chasse défensive dans l'ordre du politique ne peut passer pour pertinente 55 . Pour être utile à l'affirmation du groupe, la guerre ne pouvait pas être, non plus, une pure activité d'acquisition. Glaucon, avec Socrate savaient que son origine fut prédatrice. Les cités premières se seraient rendu compte qu'elles ne pouvaient satisfaire leurs besoins par l’exploitation de leur seul domaine propre et que l'altérité des voisins empêchait qu'ils pussent être associés à la création de richesses nouvelle dans le cadre d’une collaboration égalitaire 56 . L'installation en territoire barbare, lors de la période d'expansion coloniale, prolongea cette pratique. Elle conduisait au refus de reconnaître le caractère humain de ceux dont on occupait les terres, mais cette façon de les considérer comme des esclaves par nature finit par poser, évidemment, des problèmes éthiques difficiles à résoudre 57 .

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La pratique de la guerre permettait, d'autre part, au groupe constitué de développer ses vertus propres. Les progrès en ce domaine sont ainsi liés à l'amélioration des institutions en chaque

cité 58 . L'obligation de résultat inhérente à l'activité combattante, impose une certain perfectionnisme. Quand les adversaires potentiels ou habituels ont atteint au plus haut degré possible de sophistication dans le cadre offert par tel ou tel système d’armes ou de tactique, la victoire devient impossible ou terriblement destructrice pour les belligérants 59 . Des innovations fondamentales doivent, alors, intervenir. Les réformes dans l'emploi des personnels et les pratiques sociales interagissent nécessairement pour permettre de trouver une meilleure efficacité dans les affrontements. La valeur militaire peut, ainsi, servir de pierre de touche à qui veut apprécier la capacité d'adaptabilité d'un système politique aux nécessités de l'existence. Socrate aimait, donc, en fantassin exemplaire 60 qu'il était, entendre raconter quelles luttes savait soutenir la cité, ἄθλouς oὓ πóλις ἄθλει, pour pouvoir connaître par l'épreuve de la guerre ce qu'y valaient l'éducation et les mœurs, ἐν τῷ πoλεµεῑν τὰ πρoσήϰoντα ἀπoδιδoũσα τῇ παιδείᾳ ϰαὶ τρoφῇ 61 . 17

Les exercices de combat rendent, par ailleurs, plus harmonieuse la pratique de la vie collective. Platon sait que chacun peut apprendre, en s’y livrant, comment il faut commander et obéir, ἄρχειν τε ἄλλων ἄρχεσθαί θ’ ὑφ’ ἑτέρων. Ayant une conception holistique du politique, il apprécie que l'activité militaire à laquelle doivent être astreints tous les citoyens permette que les ferments d’anarchie soient, de cette façon, entièrement extirpés de leur existence, τὴν δ’ ἀναρχίαν ἐξαιρετέoν ἐϰ παντòς τoῦ βίou ἁπάντων τῶν ἀνθρώπων, tout moment de relâche devant être refusé aux humains et à tout animal qui dépend de son monde, τὰ ὑπ’ ἀνθώπouς θηρία 62 .

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Le récit de la fondation future de la cité des Magnètes peut passer pour analogique de la façon dont on décrivait quelles furent les origines de la société politique, la guerre y est, donc, omniprésente.

Les nécessités de sa pratique conditionnent, malgré certaines précautions rhétoriques, tout le travail de mise en place de la législation 63 . Il est souligné que l'on ne peut devenir un politique convenable, πoλιτιϰòς γένoιτo ὀρθῶς, si l'on envisage exclusivement ou prioritairement, πρῶτoν, la guerre étrangère. Un législateur scrupuleux, dont il est bien entendu qu'il doit conduire les citoyens à la vertu totale, πρòς πᾶσαν ἀρέτην 64 , est censé devoir envisager dans leur rapport à la paix les lois qui concernent la guerre et non pas, en fonction des activités guerrières, celles de la paix, χάριν εἰρήνης τὰ πoλέµou νoµoθετεῖν µᾶλλoν ἢ τῶν πoλεµιϰῶν ἕνεϰα τὰ τῆς εῖρήνης 65 . Pourtant, il est clair que, lorsque l'on parle de paix, le plus souvent ce ne soit qu’un mot, εἰρήνη τoῦτ’ εἶναι µóνoν ὄνoµα 66 et que l'État se construit dans un contexte militaire.

La naissance de la loi 19

Les groupes humains, s'étant reconnus pour tels dans le cadre de ce type d'oppositions fondatrices, durent, néanmoins, se donner formellement des lois et se doter explicitement d'une constitution, πoλιτεία 67 , pour atteindre à l'âge du politique véritable.

Le processus naturel 20

Un sophiste connu sous le nom d'Anonyme de Jamblique 68 , évoque la naissance des législations d'une façon qui intègre, de façon particulièrement heureuse et simple, le processus de la naissance du droit au développement naturel d'un système censé s'être constitué par agrégation. Pour lui, dès qu'il fut compris par les hommes primitifs que la vie en société était à la fois nécessaire et inévitable, vivre sans lois n'était plus possible. Le dommage résultant de leur rassemblement déréglé aurait été pire encore que l’isolement dans

lequel ils avaient vécu. Telle aurait été l'impérieuse nécessité, ἀνάγϰη, qui fit régner sur les hommes la loi et la justice, principes imprescriptibles dont la force est enracinée, pour cette raison, dans la nature, ϕύσει ϰαὶ ἰσχuρα ἐνδέδεσθαι. ταῦτα 69 . En conséquence, si l'on avait accepté de faire confiance à un chef, il fallait qu’il établît des règles de gouvernement acceptables par ses mandants, quelque puissant qu'il fût. Même un homme adamantin devenu tyran ne peut, en effet, garder le pouvoir s’il ne règne pas en respectant des principes de droit. S’il ne le fait pas, il est inévitable que ses sujets s'associent pour l'abattre. Ce faisant, ceux-ci découvrent dans leur révolte même et sans qu'il soit besoin de médiation, les règles de la vie sociale et politique 70 . La pratique du despote tout comme la révolte qu'elle peut susciter peuvent, l'une tout autant que l'autre, créer légitimement du droit, que ce soit parce que le tyran joue le rôle que l'on attend de lui et se révèle législateur convenable 71 , soit parce que ses caprices font naître, dans le groupe de ceux qu'il régit et qui se découvrent partenaires pour l'abattre, une connaissance du politique véritable. Quel que soit, ainsi, le souverain qui prétendrait vouloir négliger cette évidence, la justice advient nécessairement au monde. Le droit naît dans la forme sociétale originelle soit qu'elle respecte le juste soit qu'elle le récuse. Sa nature étant d'advenir au sein des sociétés des hommes, les péripéties de son émergence ne peuvent, donc, pas être considérées comme des ruptures du processus naturel au sens propre du terme. À cette évidence, s'opposaient deux types de réponses fallacieuses. 21

Interlocuteurs de Socrate, Calliclès ou Thrasymaque auraient, pour leur part, prétendu que le juridique ne pouvait naître que de la mise en cause de l'ordre naturel réduit à l'exercice de ce qu'ils croient être la force. Les règles du droit auraient été instituées par les faibles à seule fin d'opprimer les forts 72 . L'un comme l'autre prétendent

appeler de leurs vœux le moment d'assouvir leur volonté de puissance selon les règles brutales de ce qu’ils considèrent comme étant le droit de nature, τò τῆς ϕúσεως δίϰαιoν. L'homme lion, dont ils se sentent les semblables, devrait pouvoir fouler aux pieds tous les écrits, toutes les momeries, toutes les lois contraires à la nature, τὰ γράµµατα ϰαὶ µαγγανεúµατα ϰαὶ ἐπῳδὰς ϰαὶ νóµoυς τoὺς παρὰ ϕúσιν ἅπαντας Il doit échapper à l’esclavage dans lequel les règles de la justice institutionnelle sont censés le faire vivre, bien qu’il faille admettre qu'elles sont assez puissantes pour perpétuer l'autorité des lois établies pour le seul bénéfice de leur pouvoir, τò σuµφέρoν ἑαuτῷ τῆς ἀρχῆς τoũ µένειν 73 et que nul n’est jamais assez fort pour contrevenir à leur vouloir. Avoir, ainsi, fait prendre conscience de l'inanité de la revendication callicléenne, au nom même des principes qu'elle invoque, est une des réussites les plus évidentes de la dialectique socratique. 22

Antiphon semble se fonder sur des principes du même ordre, en affirmant de façon quelque peu abrupte que la plupart des choses justes selon la loi sont en position de guerre contre la nature, τὰ πoλλὰ τῶν ϰατὰ νóµoν διϰαίων πoλεµίως τῇ ϕúσει ϰείται. Cette proposition le conduit à prôner une sorte de relativisme existentiel sans grandeur. Elle a, néanmoins, le mérite de déplacer les points d'articulation de la problématique. Pour lui, rien de ce vers quoi les lois conduisent les hommes n'est moins désirable ou moins proche de la nature que ce dont elles les détournent. Chacun devrait pouvoir, donc, faire ce que bon lui semble mais il ne faut pas qu’il soit surpris dans l’accomplissement d’une activité illégale, car les lois positives ne manquent pas de punir ceux qui ne se conforment pas à leurs instructions 74 . Chacun se voit offrir, lors de sa naissance, le rôle du citoyen respectueux du droit et peut accepter d'agir en tant que tel. Tout homme peut, néanmoins, préférer

échapper à l'effet de cette prédétermination sociale et faire, privément, ce que bon lui semble. Il peut penser que cela serait agir en accord avec sa nature, nous reviendrons sur ce point. En toute logique, on doit pourtant considérer que ce que le sophiste prétend être le retour à la vie de nature n'est rien d'autre que le refus des lois de la cité. Celles-ci ont précédé, nécessairement, dans l'ordre des réalités et des concepts, la loi prétendue naturelle puisque l'obéissance à cette dernière n'est possible que pour qui choisit de leur échapper et réussit à ne pas réveiller leurs capacités répressives. 23

On peut, donc, admettre, d’abord, que la forme sociale possède une puissance qui n'est pas commensurable à celle de tel ou tel de ses membres, mais se fonde sur des principes tout à fait spécifiques. Le concept de nature ne peut se réduire au principe du prétendu droit du plus fort qui, dans le cadre social, n'a ni pertinence ni efficace. D'autre part, la société réglée est la seule instance d'où l'on puisse le considérer. Aussi, la nature n'est-elle, jamais, le lieu d’où l'on se situe mais celui que l'on peut éventuellement construire, si l'on peut en définir les limites comme objet d'une quête personnelle. Nul ne peut, néanmoins, réussir à refuser l'instance originelle de son discours propre 75 . C'est, ainsi, le droit positif qui seul peut définir ce qui doit être ou non considéré comme naturel et il le fait en fonction de nécessités proprement sociétales 76 . Quelle que soit, en effet, sa puissance supposée la nature n'est jamais que ce que l'on construit pour des raisons de logique juridique ou parce que l'on souhaite éventuellement s'y réfugier, quand on imagine pouvoir échapper au politique.

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Pour que le projet de fondation de Magnésie pût passer pour crédible, il fallait montrer ce qui fondait l'économie du système proposé. Socrate avait signifié que l'on ne devait pas admettre l'idée, reprise par Glaucon, que la justice naissait dans l’homme par l'effet

de son incapacité à pratiquer l’injustice, ἀδuναµία τoῦ ἀδιϰεῑν 77 et que nul ne pût être juste par choix, oὐδεὶς ἑϰῶν δίϰαιoς 78 . Pour se placer sur un autre plan que ses adversaires mais ne pas quitter, pourtant, le terrain qu'ils avaient balisé, car il était incontournable, Platon posa comme principe que l'âme était la réalité naturellement première 79 . Il pensait, ainsi, pouvoir défendre la loi et l'art politique en général, νóµῳ αὐτῷ βoηθῆσαι ϰαὶ τέχνῃ 80 en faisant comprendre que l'un et l'autre existaient bien par nature ou par une cause non moins forte que la nature, ἐστòν ϕύσει ἢ φúσεως oὐχ ἥττoνι 81 . L'Athénien, en un grand développement ironique, se refusait, donc, à admettre qu'une faible part, seulement, du politique fût de nature et que légiférer fût ainsi plus affaire d'art que de soumission aux évidences naturelles, τῆς πoλιτιϰῆς σµιϰρóν τι µέρoς εἶναί ϕασιν ϰoινωνoῦν ϕύσει, τέχνη δὲ τó πoλύ, oὕτω δὲ ϰαὶ τὴν νoµoθεσίαν πᾶσαν oὐ ϕύσει, τέχνῃ 82 . 25

Il fonda sur ce postulat l'ensemble du système juridique devant servir d'armature à la société qu'il souhaitait construire. Par sa capacité à avoir, ainsi, déplacé les perspectives, il peut passer pour le fondateur de la théorie classique du droit naturel 83 . Il voulait faire admettre que la cité devait, avant tout, être organisée pour satisfaire les besoins spirituels de l'homme, qu'il fût envisagé dans sa personne propre ou dans son rapport aux autres. Il pensait devoir fonder, pour ce faire, la législation et, plus généralement, le politique sur un postulat métaphysique. Le discours théologique, proclamant et démontrant l'évidence de l'existence des dieux, devait être considéré comme la justification et la source de tout le système juridique 84 . Cela ne suffit pas à faire comprendre, néanmoins, par quel processus le droit advient au monde et comment l'on peut penser que cet avènement soit l'aboutissement des projets que la nature avait nourris pour l'homme.

La loi comme rupture 26

Pour que les groupes humains originels pussent accéder au véritable politique, il leur fallut passer du stade où s'exerçait le type de pouvoir que Platon appellait δuναστεία 85 à un système où cette puissance était mise, en fonction de règles spécifiques, au service de la communauté 86 . En effet, celui qui se soumet dans son gouvernement à des règles, ϰατὰ νóµouς ἄρχῃ, mérite que nous lui donnions le nom de roi, βασιλέα ϰαλoῦµεν, même s'il exerce un pouvoir absolu. L'émergence d’un personnage de ce type permet que naisse le modèle du chef compétent dont le bon politique est censé devoir imiter la science, µιµoύµενoς τòv ἐπιστήµoνα 87 .

27

Platon est très sensible au fait que la cité réglée ne peut naître dans le prolongement de la famille mononucléaire ou élargie, qui, en une évolution continue, avait constitué le groupe social primitif. L'évidence de cette solution de continuité dans le cours du processus conduisant de la vie du groupe humain primitif au politique est soulignée, déjà, dans le Ménéxène. Les Athéniens autochtones y indiquaient qu'ils seraient nécessairement restés les esclaves, ou les maîtres, les uns des autres s'ils avaient voulu prolonger leur vie de frères de sang. Ils ne l'avaient pas souhaité, µιᾶς µητρòς πάντες ἀδελϕoὶ ϕύντες oὐϰ ἀξιoῦµεν δoῦλoι oὐδὲ δεσπóται ἀλλήλων εἶναί 88 . Leur fraternité, sans pareille au monde, leur avait imposé l’obligation toute particulière de mettre en œuvre des moyens efficaces pour construire une législation garantissant qu'il leur fût permis de continuer à vivre ensemble sur un mode égalitaire, ἡ ἰσoγoνία ἡµᾶς ἡ ϰατὰ ϕύσιν ἰσoνoµίαν ἀναγάζει ζητεῑν ϰατὰ νóµoς Il leur fallut transformer l'égalité de leur naissance, ἰσoγoνία, en une égalité fondée sur la loi, ἰσoνoµία, pour que la hiérarchie fondée sur les rapports inégaux d'aînés à cadets n’empêchât pas la cité de naître

et de durer 89 . Chez les abeilles les reines le sont par nature et leur destin possible se limite à l'exercice de cette fonction 90 . Dans un groupe de structure familiale, les relations ne sont jamais, non plus, réversibles, car le père reste le père et le fils lui obéit. L’isonomie paraît, en revanche, nécessaire au politique. 28

Chacun des membres du groupe politique doit se sentir investi de la capacité à se substituer à chacun de ses partenaires dans l'accomplissement des tâches d'intérêt collectif. Ainsi, Platon, dans la République, montre que la cité se constitue par l'addition de compétences exclusives, chacun des membres de la cité parfaite se trouvant être différent de l'autre par nature, διαϕέρων τὴν ϕúσιν, et chacun ne doit jamais faire qu'une chose, en fonction de sa nature et en tenant compte des nécessités du moment, εἶς ἓν ϰατὰ ϕúσιν ϰαὶ ἐν ϰαὶρῷ πράττει 91 . Néanmoins, il ne manque pas de signifier qu'il faut que le produit de chaque génération soit examiné de façon objective pour que chaque enfant trouve la place qui peut lui revenir dans la cité. Cela doit permettre de rompre avec les logiques de l'héritage et de procéder aux renouvellements nécessaires. L'homme d’or peut donner naissance à un fils moins bien doté que lui qui, ne participant pas de la même nature, ne lui succédera pas en sa fonction, alors que les enfants de pères moins bien lotis pourront être promus 92 . La logique isonomique fonctionnait, sinon dans la synchronie, du moins dans la succession des temps politiques. Il n'est pas étonnant, donc, que les gardiens du conseil nocturne de Magnésie, qui veillent sur la cité et délibèrent sur ce qui peut lui convenir 93 , puissent être n'importe quel citoyen. On a pu, même, écrire à leur sujet que cela se faisait dans l'esprit de la Déclaration des droits de l’homme selon laquelle tous sont éligibles à tout emploi même le plus éminent "sans autre distinction que leurs vertus et leurs talents" 94 . Le dialogue préparatoire à la

présentation des lois de Magnésie souligne de façon très claire que le juste politique, τò δίϰαιoν, est fait pour procurer naturellement l’égalité à des gens inégaux, τò ϰατὰ ϕúσιν ἴσoν ἀνίσoις 95 . L'utilisation du tirage au sort, de façon modérée et prudente 96 , pour distribuer charges et honneurs, concourt à l'obtention de ce résultat, cela permet à chacun de commander à son tour et d'être commandé. Le jeu de cette alternance est présenté comme l'expression la plus achevée de la justice, λαχóντα µὲν ἄρχειν, δuσϰληρoũντα δὲ ἀπιóντα ἄρχεσθαι τò διϰαιóτατoν εἶναί ϕαµεν 97 . 29

Quelle que fût, ainsi, la façon dont on voulut décrire le passage de la famille élargie à la cité, il doit être considéré comme s'étant effectué par une modification ontologique des rapports humains primitifs. Il n'avait, en effet, pu se réaliser que par la mise en œuvre de principes qui firent de la vie humaine politisée une sorte d'artefact 98 . On fit hommage de la mise en place du système nouveau à des législateurs qui furent présentés comme des personnages extraordinaires, dignes de toute la reconnaissance de l'humanité, parce qu'elle leur aurait dû la mise en place des institutions nécessaires à la réalisation de ce pour quoi les hommes accomplis étaient faits par nature, à savoir le bien-vivre politique 99 . Platon fait apparaître, pour exercer ce rôle, un nomothète en lui donnant le statut, modeste en apparence, de démiurge, δηµιouργóς 100 , celui d'un artisan possédant une technique spécifique et devenu, pour cela même, indispensable 101 . Même, en effet, si quelque dieu avait voulu gouverner les affaires humaine conjointement au hasard ou à l'occasion, θεòς µὲν πάντα ϰαὶ µετὰ θεoῦ τúχη ϰαὶ ϰαὶρóς τἀνθρώπινα διαϰυβερνῶσι σúµπαντα, l'usage de l'art était indispensable à l'institution du système politique, δειν ἕπεσθαι τέχνην 102 .

Le travail du législateur

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Platon décrit les artisans législateurs comme des hommes qui travaillent plus ou moins bien 103 . Comme n'importe quel ouvrier, ὥσπερ ἐv ταῑς ἄλλαις τέχναις, ils peuvent être, en effet, bons ou mauvais 104 , l'un ou l'autre peut être véritablement savant, ἐπιστήµων 105 . Néanmoins son art ne peut être que second par rapport à une science vraie, le rapport de la nomothétique à la justice est du même ordre que celui que la gymnastique entretient avec la médecine 106 . Dans les temps anciens, certains étaient enfants de dieux et avaient légiféré pour les héros 107 . Durant la période historique, il s'en était manifesté qui n'avaient été que des médiocres 108 , certains ont pu se tromper 109 . Ils peuvent se révéler, dans leurs rapports aux hommes, trop durs et même sauvages 110 . Dans certaines situations, un législateur sans génie peut suffire. Ailleurs, il faut susciter l'intervention d'un ordonnateur de meilleure tenue, µείζων ϰoσµητὴς 111 . Le nomothète se trouve, en effet, confronté à une réalité matérielle à laquelle il doit se colleter, il se trouve souvent devant la nécessité de faire des choix difficiles 112 . Il lui faut savoir faire face aux circonstances 113 et saisir l'occasion pour agir de façon pertinente 114 de même qu'un pilote de navire 115 . La nécessité où il se trouve de se soumettre à la nature des choses, des hommes et des lieux 116 peut faire qu'il doive préférer se récuser quand il pense que son intervention ne produirait rien de bon 117 . Il peut se trouver, en effet, comme l'avait été Solon, jeté au milieu d'une meute de loups et, s'il ne peut l'emporter sur les bêtes sauvages qui l'entourent, il est légitime qu'il s’en aille 118 . De même que le médecin ne doit pas soigner celui qui n'écoute pas ses conseils, de même le nomothète de bon sens ne doit pas se charger de n'importe quelle mission 119 . La difficulté de sa tâche tient à ce qu'il semble devoir toujours s'opposer aux désirs du plus grand nombre. Le regard que Platon porte sur la nature

humaine est rien moins qu'amène, aussi est-il enjoint au législateur d'aller à contre-courant des revendications de la masse du peuple et de ne jamais promulguer des lois auxquelles la foule obéirait volontiers, oἱ πoλλoὶ πρoστάττouσιν τoῑς νoµoθέταις ὅπως τoιoύτouς θήσouσιν τoὺς νóµoνς oὕς ἑϰóντες oἱ δῆµoι ϰαὶ τὰ πλήθη δέξoνται 120 . Il est de son devoir de s'opposer aux désirs supposés du plus grand nombre, τὰ ἡµῑν εἰρηµένα περὶ νóµων τoῑς πoλλoῑς ὑπεναντία 121 . Pour se faire obéir, il doit, en tout cas, savoir user d'un langage quelque peu contourné, παρωνuµίoισι πρoσχρὴσασθαι, comme si le moteur propre de la cité était la mauvaise volonté de la plupart de ses membres, δuσϰoλία τῶν πoλλῶν 122 . 31

Préalablement à toute mise au travail, le bon nomothète doit prier la divinité d'être assez compatissante et bienveillante pour participer à son travail, συνδιαϰoσµήσων ἴλεως ϰαὶ εὐµενής 123 . Il semble qu'un dieu doive susciter le législateur originel, son inspiration l'éclairer 124 . Zaleucos aurait reçu les leçons d'Athéna 125 , Minos, ὁ Διòς νoµoθέτης, celles de Zeus, Lycurgue, ὁ πuθιϰòς νoµoθέτης, aurait été instruit par l'Apollon de Delphes 126 . Chaque fois, ainsi, pour chaque cité, le législateur peut sembler être tombé du ciel, παραπίπτειν 127 . Les instructions du bon nomothète doivent, ainsi, être considérées comme divines 128 et l'on peut se demander si ce ne sont pas les dieux, eux-mêmes, qui doivent être considérés comme les seuls législateurs véritables 129 . Il faut savoir, en effet, ériger en loi le discours reçu de quelqu'un des dieux, ἢ παρὰ θεῶν τινoς, même s'il apparaît clairement que la science du législateur peut naître d'un apprentissage proprement civil 130 . Le recours au divin aide à convaincre de ce que chacun doit se faire l'esclave des lois, δouλεũσαι τoῑς νóµoις puisque leurs injonctions se fondent en religion, servir les lois étant servir les dieux, ὡς ταύτην τoῑς θεoῑς oὖσαν δouλείαν 131 .

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Le recours à la divinité peut faire penser que les lois poliades doivent provenir de l'extérieur et qu'elles naissent d’un discours universel fondé sur les instructions divines déchiffrées, en chaque cité, par des spécialistes. À Magnésie, les cultes sont organisés en fonction d'instructions promulguées par le dieu de Delphes. Il doit être institué, pour en comprendre le sens et les faire respecter, un corps spécifique d'exégètes, ἐϰ Δελϕῶν δὲ χρὴ νóµoυς περὶ τὰ θεῑα πάντα ϰομισαμένους ϰαὶ ϰαταστησαντας ἐπ’ αὐτοῑς ἐξηγητάς 132 L'exemple emblématique de Sparte permet à Platon d'intégrer cette théorisation dans un récit d'apparence historique en décrivant la suite des événements qui, mêlant le divin à l'humain, auraient conduit de l'âge des rois anciens à la celui de la cité classique 133 . Un dieu, θεός τις, aurait implanté, ϕυτεύσας, la monarchie duale pour instituer dans la famille même du souverain les éléments d'un pouvoir équilibré. Nature humaine mêlée de divin, ϕύσις τις ἀνθρωπίνη μεμειγμένη θείᾳ, Lycurgue aurait créé, par la suite, l'assemblée des anciens. Un troisième sauveur, le premier qui fût proprement humain et dont on peut raisonnablement penser qu'il s'agit de Théopompe aurait, ensuite, établi le pouvoir des éphores, τήν τῶν ἐϕóρων δύναμιν 134 .

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Que la loi naisse dans la cité par l'effet d'un événement spécifique, l'avènement du nomothète, constitutif de nouveauté, est présenté, ainsi, comme évident. On peut se demander, d'autre part, si, fondée sur l'idée que le discours divin est à l'origine de tout discours législatif légitime, l'interrogation sur le caractère naturel ou non du politique conserve le moindre sens. Si l'intervention du nomothète est voulue par les dieux, elle est, nécessairement, aux yeux de Platon, conforme aux éventuels desseins de la nature. S'il est bien vrai en effet que le législateur est suscité par leur volonté, il advient naturellement, γένηται ϕύσει 135 et l'art qu'il met en œuvre ne peut

procurer de rupture dans le processus évolutif. Celui-ci est, tout simplement, un instrument de l'évolution. Si, d'autre part, la pratique du nomothète doit être fondée en raison, ϰατά λόγον ὀρθóν, elle est, de même, soumises aux règles que la nature propose. Les sophistes ont, donc, tort, aux yeux de Platon, de dénoncer comme artificiel le droit positif, de prétendre que, pour cette raison, leurs injonctions n'auraient pas de vérité, οὐϰ ἀληθεῑς εἶναι τὰς θέσεις 136 . À l'inverse de ce qu'ils présupposent, le fait d'insister sur le caractère divin du droit conduit le philosophe à décrire, par une sorte de raisonnement régressif, les hommes primitifs comme des êtres soumis à des règles de vie naturellement morales que le discours juridique n'aurait, ainsi, qu'à retrouver 137 . 34

Le législateur semble devoir travailler, ainsi, dans le prolongement de ce que les hommes auraient su découvrir sans lui, comme si l’institution n'était, jamais que retour vers les en-deçà des déluges. Il faut, par des analyses conduites sur les marges intérieures de l'œuvre platonicienne, essayer d'échapper à ces apories en passant par une réflexion sur le mode de relation établie entre le nomothète et la cité et surtout par l'analyse des instruments dont il doit se servir pour remplir sa mission.

Le législateur et la souveraineté Priorité de la cité sur le législateur 35

Aristote prétendit croire, dans son Archéologie, qu'il avait existé un être qui pût être considéré comme le responsable de la naissance de la cité. Celle-ci aurait, ainsi, été instituée par un acte spécifique de fondation, l'initiateur en serait identifiable et il pourrait être considéré comme la cause de grands bienfaits pour l'humanité, ὁ δὲ πρῶτος συστήσας μεγίστων ἀγαθῶν αἴτιος 138 . Le philosophe savait

pourtant que la cité est une réalité préexistant à toute définition de son être même 139 . Elle est première par nature ainsi que l'appétit de l'homme pour la vie communautaire, ἡ πόλις ϰαὶ ϕύσει ϰαὶ πρότερον ἢ ἕϰαστος... ϕύσει ἡ ὁρμὴ ἐν πᾶσιν ἐπὶ τὴν τοιαύτην ϰοινωνίαν 140 . Ainsi faut-il admettre que le législateur, quel que soit le biais par lequel on considère sa personne et la fonction qu'il exerce, ne peut advenir que dans le cadre d'une réalité qui existe avant même qu'il ne soit suscité. Il n'est pas à l'origine du politique qui existe hors de lui, il en procède mais ne l'initie point. Le législateur n'advient que parce que le système collectif existe, de même le citoyen naît dans une cité dont il n’est jamais besoin de justifier l'évidence 141 . D'une façon qui pourrait paraître paradoxale, même la cité virtuelle des Magnètes se révèle, pour pouvoir être décrite, devoir préexister à ceux mêmes qui sont habilités à la fonder et à définir les conditions de son existence. 36

On s'en rend compte en analysant, de façon précise, l'emploi du temps des verbes qui évoquent les circonstances éventuelles de sa naissance. On sait comment les Crétois, désireux de fonder une colonie, ἀποιϰίαν ποιήσασθαι, ont confié à une commission de dix membres, dont Clinias, l'un des interlocuteurs du dialogue, fait partie, le soin de proposer pour elle les éléments d'une législation dont ils possèdent en tête une esquisse, σχῆμα, ὑπογραϕή 142 . Les deux voyageurs étrangers doivent l'aider dans cette tâche et instituer la cité en discours, τῷ λόγῳ συστῆσαι πόλιν oἶoν ἐξ ἀρχῆς ϰατοιϰίζοντες 143 . Que ni l’une ou l’autre des instances ainsi définies ne puissent pourtant se prétendre, à proprement parler, les créateurs de la cité apparaît clairement de ce qu'il est bien signifié que Magnésie doit exister avant même qu'ils aient décidé de définir ce que pourraient être ses lois 144 . Cela n'est paradoxal qu'en apparence. Les Lois commencent, en effet, par une sorte

d'introduction qui associe rappels historiques et considérations générales sur ce que doit être la société. L'idée que l'on travaille pour une cité nouvelle que l'on installerait n'apparaît qu'à la fin du livre III 145 . Au début du livre IV, la cité est encore simple virtualité et l'on se pose la question de savoir ce qu’elle pourrait être, τίνα δεῖ διανοηθῆναι ποτε τὴν πόλιν ἔσεσθαι, en signifiant bien par l'emploi de l'infinitif futur qu'elle n’existe pas encore. D'ailleurs, elle n'a pas de nom, puisqu'il est bien précisé que celui qui pourrait être choisi devrait rendre compte éventuellement de circonstances liées à sa fondation 146 . Il suffit, néanmoins, que l'on ait affirmé le principe de son existence et que l'on se soit posé la question tout à fait contingente de savoir si elle doit être, ou non, installée près de la mer, que l'on ait répondu qu'elle devait se trouver distante de quatre-vingt stades du rivage, ἀπέχει θαλάττης ἡ πόλις εἴς τινας ὀγδοήϰοντα σταδίους, pour qu'elle ait acquis une réalité d'évidence dont témoigne désormais l'emploi du présent de l'indicatif du verbe qui l'installe en un lieu, quelque virtuel que soit celui-ci. Elle est, de ce fait, née sans aucune médiation ni construction juridique d'aucune sorte de ce qui vient d’être dit à son sujet, ἧς πέρι τὰ νυνδὴ λεχθέντα ἡμῖν 147 . L’ambition était de la fonder en discours, τῷ λόγῳ, il semble que, désormais, cela ait été fait 148 . Elle trouve sur le champ sa forme et il devient immédiatement possible d'expliquer ce qu’est son territoire et quels produits l'on peut y cultiver. L'avènement d'une réalité institutionnelle, πολιτεία, est spontanément réalisé dans une parole qui se trouve avoir créé ce dont elle semble constater l'existence en un jeu performatif tout à fait spécifique du langage politique grec. L’évidence de son existence permet, alors, que s'accomplisse le travail du législateur. Cela veut dire qu'il écrit des lois pour une réalité politique qui n'existe en tant que déterminant que parce que c'est en son sein qu'il travaille et

pour elle, νόμους πολιτείας ὑπογράϕειν 149 . Il ne peut naître de législateur qu’au sein d'une cité constituée en un lieu donné 150 . L'utopie même ne peut faire l’économie de cette nécessité 151 , car si, lorsque nous croyons parler, ce n'est pas tant que que l'on parle à travers nous qui importe, que le fait que nous prenions la suite d'un discours déjà là, nous engage dans un acte constructif 152 . 37

La première manifestation de la capacité de la cité à avoir existé en tant que telle est la façon dont elle a pris possession du sol et partagé le terroir entre ses membres. Le rapport au sol du groupe des citoyens étant essentiel, le répartir est bien évidemment la première chose à faire dans toute fondation 153 . Il paraît évident que cet acte constitutif originel fonde toute la législation concernant l'organisation sociale 154 . Ce n'est pas une commission d'arpenteurs qui est chargée d'effectuer ce partage en distribuant les domaines aux ayant-droit, ce n'est pas non plus le législateur qui doit le faire, c’est l'ensemble des Magnètes qui procèdent d'eux-mêmes à cette opération. Ils sont, en effet, les destinataires de l'ordre qui est donné de répartir de façon égalitaire les terres et des maisons, νειμάσθων μὲν δὴ πρῶτον γῆν ϰαὶ οἰϰίας 155 . L'existence politique du groupe et sa légitimité à agir est bien évidemment présupposée par le fait que l'on s'adresse à lui en tant qu'actant collectif. Quelque impératives que soient les injonctions du législateur 156 , elles ne peuvent être prononcées que parce que l'existence de la communauté est reconnue comme évidente. Le groupe des citoyens n'a pas à être décrit ni préalablement défini 157 . Il est né dans l'émergence de la cité en un territoire. Celle-ci, comme ses membres, précède dans l'ordre des êtres tout nomothète possible 158 .

Législateur et ministre

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La conséquence de cette priorité de l'institution par rapport à la venue de qui doit l'organiser est que le législateur se trouve être serviteur et non point maître. Quand il est véritable et survient naturellement, άληθὴς φύσει, il s'avère qu'il ne peut faire correctement son travail que lorsqu'il sait s'appuyer sur ceux qui exercent le pouvoir dans le système auquel il doit consacrer son activité, πρòç τoὺς ἐv τῇ πόλει μέγιστον δυναμένους 159 . Il serait à l'aise là où régnerait un tyran raisonnable, ϰοσμίος 160 car une tyrannie éclairée est à même de construire le meilleur des états, ἄριστη πόλις 161 . Une cité ne change de lois que sous l'impulsion de ses dirigeants, τῇ τῶν δυναστευóντων ἡγεμονία, qui tracent par leur activité quotidienne l'esquisse de ce que doit être l’action du nomothète, ὑπογράϕων τῷ πράττειν 162 . Aux âges classiques, si l'on veut bien en croire Platon, il existait, ainsi, autant d'espèces de lois que de systèmes politiques, νόμων εἴδη εἶναι ὅσαπερ πολιτειῶν. La plupart des constitutions ne tenaient compte, ni des nécessités de la guerre ni de celles de la justice, οὔτε γὰρ πρός τòν πόλεμον οὔτε πρòς ἀρετήν ὅλην βλέπειν δεῑν ϕασι τοὺς νόμους, mais étaient faites pour maintenir au pouvoir la faction qui avait pu s’emparer des affaires 163 .

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Le statut du nomothète ordinaire est de dépendance à l'égard du pouvoir et même si la science qu'il pratique est de celles que l’on peut dire royales, τρόπον μέντοι τινὰ ὅτι τῆς βασιλιϰῆς ἐστιv ἡ νομοθετιϰή 164 , son activité est nécessairement subordonnée au politique "selon une hiérarchie qui ne se laisse ni inverser ni masquer" 165 . Le véritable politique, dont la science royale n’a pas à participer à l'ordre du faire mais à donner les ordres nécessaires à ceux qui doivent agir, βασιλιϰὴν οὐϰ αὐτὴν δεῑ πράττειν ἀλλ’ ἄρχειν τῶν δυναμένων πράττειν, en fonction d'une connaissance de l'opportun et de l'inopportun, ἐγϰαιρία τε ϰαὶ ἀϰαιρία 166 laisse, de

même, aux acteurs immédiatement impliqués dans la vie collective le soin de réaliser ce qui paraît nécessaire à la vie de la cité 167 . Il est, évidemment, possible au législateur qui ne veut pas se contenter d'un rôle de subalterne chargé de rendre la cité raisonnable, ἔμϕρων, et fraternelle, ἑαυτῇ ϕίλη 168 de chercher à accéder personnellement au pouvoir. S'il se refuse à légiférer pour servir une oligarchie, un tyran ou la démocratie, πρòς ὀλίγους τυράννους ἢ πρòς ἕνα ἤ ϰαὶ ϰράτος δήμου, parce que le but qu'il s'est donné est d’instituer la justice, τό δίκαιον, il s’aperçoit vite que, partout où il arrive pour travailler, ses mandants ne le suivent pas volontiers, et que pour atteindre son but, il lui faut devenir le maître 169 . Cela seul peut garantir que son action soit efficace et les résultats conformes à ses attentes 170 . Le souvenir que l'opinion garde des législateurs qui ont réussi est en général, d'ailleurs, celui d'un tyran. On est surpris qu'il n'en soit pas de même partout, τò μὴ σúνηθες νομοθέτῃ μὴ τυραννοῦντι 171 . 40

Dans les Lois, l'Athénien se propose de donner des instructions à celui qui viendrait légiférer pour la cité magnète une fois qu’elle aurait été installée. Il lui indique selon quelle thématique et de quelle façon il doit présenter ses textes législatifs, comme si le groupe des piétons voyageurs constituait une instance politique originelle dont il procéderait 172 . Cela veut bien dire que, si l’on présente comme nécessaire l'intervention du nomothète pour que s'établisse la cité, on ne résout pas le problème de ses origines. Le jeu de régression pour découvrir ce que sont les fondements du droit peut être infini.

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C'est l'ensemble politique qui, parce qu'il sait devoir se servir des lois est à même de savoir ce qu'il faut qu'elles soient, quelle que soit la façon dont il s'exprime. Il fait pression sur le nomothète pour qu'il travaille comme il lui convient. Le groupe se trouve spontanément

dans la situation du dialecticien du Cratyle qui sait, par la connaissance qu'il a des réalités de l'usage, comment contrôler le législateur du langage 173 . Platon sait montrer, en décrivant quelles furent les origines de la législation, ἀρχή νομοθεσίας 174 , comment le législateur procède nécesssairement de lui. Il montre comment les hommes nouvellement rassemblés ont choisi des délégués, αἱρείσθαι τοὺς συνελθόντας τούτους ϰοινούς τινας ἑαυτῶν. Ceux-ci ont examiné quels étaient les usages de l’ensemble des familles ainsi associées, τὰ πάντων νόμιμα, pour en faire des lois recevables par l'ensemble de la communauté constituée, συνοιϰία. Le récit montre comment cette nouvelle instance a dû examiner ce que chacune des familles considérait comme des lois particulières, ἰδιους νóµouç 175 , parce qu'elles lui convenaient, τούς γε αὑτῶν νόμους ἀρέσκειν ἑκάστοις, et qu'elle les a ravalées au statut de coutumes, simples règles de vie, νόμιμα. L'intervention du groupe aurait permis que se constituât un nouveau concept. La loi particulière ne pouvant plus se prévaloir du même statut que la loi générale, le mot de νόμος, jusqu'alors ouvert, se referme sur une signification nouvelle et spécifique 176 . Ces délégués sont considérés comme de véritables nomothètes et doivent être désignés de ce nom, αὐτοὶ νομοθέται ϰληθήσονται. Les usages qu'ils avaient choisi de retenir, durent, néanmoins, être proposés à l'aval de l'ensemble des chefs des groupes réunis, τά σϕισιν ἀρέσκοντα αὐτων μάλιστα εἰς τò ϰοινòν τοίς ἡγεμόσι ϰαὶ ἀγαγοῦσι τοὺς δήμους. C'était, en effet, leur rassemblement qui détenait la légitimité originelle justifiant l'existence même de l’instance légiférante. 42

Les nomothètes installèrent, alors, des magistrats, τοὺς ἄρχοντας ϰαταστήσαντες 177 , qui prirent la place des dynastes familiaux. Que ceux-ci aient été les anciens chefs maintenus en place ou des personnels nouveaux, la modification du statut des dirigeants était

nécessaire 178 . Il fut admis qu’ils devaient se faire les esclaves des lois nouvellement proclamées, δοῦλοι τοῦ νόμου 179 . Les textes promulgués devenaient si pleinement souverains, l'ensemble des citoyens si bien soumis, que leurs auteurs pouvait croire à leur autorité et revendiquer le prestige qui devait s'y attacher. C'était, sans aucun doute, à tort. Leur intervention n'avait été que l'un des moments de l'évolution vers le politique, ils n'en étaient pas les initiateurs ni les responsables.

Paroles du groupe 43

Souligner que, même dans le discours de l’utopie, l'existence du groupe doit préexister à la mise en place des institutions proposées, que le rédacteur de ses lois est second par rapport à elle, peut permettre de comprendre certaines des particularités des textes publiés dans les cités historiques. On peut, en effet, à les lire, se rendre compte de ce qu'elles naissent de leur capacité à découvrir et à publier un discours qui leur soit propre 180 .

Prise de conscience de l'existence du politique Dans les mots précis des législations les plus archaïques, il n'était pas besoin que la cité se définît. Son existence s'imposait comme une évidence. Il n'était pas, en effet, de textes officiels qui ne fussent une reconnaissance expresse de ce qu'elle était une réalité antérieure à la décision même qu'ils énonçaient. Les décisions officielles qu'elle avait choisi de promulguer étaient en général introduits par la formule, il a plu à la cité, ἔ αδε πόλι, aux Lyttiens, ἔ αδε Λυϰτίοισι, il a plu au peuple des Athéniens. On n'attachera pas d'importance au fait que l'on peut voir alterner dans les textes de même époque, de même atmosphère ou de la même origine, ἔ αδε πόλι, et, par

exemple, ἔ αδε Λυϰτίοισι. Dans la première formule, les citoyens semblent ne pas concevoir qu'il puisse exister autre cité que celle dans laquelle ils vivent, la πόλις, dont il est question est évidemment la leur. Elle était le référent unique de tout discours législatif et son langage était le seul qui fût reçu dans la zone de diffusion de ses décisions. En se désignant par l'ethnique de ses membres, la cité se donnait un nom qui témoignait de ce que les citoyens ne pensaient pas être les seuls à détenir la capacité politique. Il leur paraissait utile de s'identifier en tant que source du droit qu'ils voulaient mettre en œuvre parce qu'ils avaient compris que l'étranger n'étaient pas différent d'eux sinon par l'éponymie 181 et qu’il fallait donc pour avoir conscience d'exister pleinement se dénommer. 44

L'essentiel est de constater que toutes les décisions politiques se trouvaient toujours présentées sous la forme d'un discours rapporté et renvoyé dans le passé, la fonction première de ce style étant de signifier que la cité préexistait par nature à toute décision prise, à chacune des manifestations de sa capacité à parler 182 . L'assemblée qui avait, de fait, pris une décision au moment d'un vote était censée n'avoir eu d'autre fonction que de découvrir et de mettre au jour une décision de la cité qui aurait été antérieure à tout discours public possible. Elle prétendait, ainsi, n'être qu'instance de reprise et non d'initiative. La cité des hommes assemblés et présents en un jour donné était, de cette façon, toujours renvoyée à sa propre antériorité, à une histoire qui devait toujours être présentée comme préalable à chacune des manifestations de sa propre vie et la justifier 183 . Le souverain naît dans la découverte de l'existence de la loi et, constater son avènement suffit à fonder le caractère juridique du texte que l’on diffuse, fût-il consacré à une affaire tout à fait triviale.

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Originellement, la révélation de ce que la cité possédait une parole, et donc une volonté, était la découverte de l'existence inespérée d'un

consensus dans le groupe, à propos d'une question épineuse. Un citoyen trouvait une solution qui faisait, à la surprise générale sans doute, l'unanimité des citoyens réunis. Ainsi, s'exprimait la cité par la voix d'un énonciateur bien inspiré. On peut penser que l'assemblée des juges représentée sur le bouclier d'Achille fonctionne d’une façon comparable, le savant juge, ἴστωρ, découvrant le moyen miraculeux de réconcilier des familles séparées par un cadavre 184 . On passa, par la suite, à des formes d'expression qui imposèrent la règle de majorité, mode complexe de résolution des conflits internes à la communauté, né tout naturellement de la découverte qu'il était possible de conserver, sans que cela dût détruire le groupe, certaines divergences d'opinion entre ses membres 185 . Néanmoins, la recherche compulsive de l'harmonie dans le cadre de l'idéologie politique fit qu’au sein du peuple, réuni sur l'agora, et constatant que se réalise l'unité des citoyens, il devait être plus important d’en apprécier l'évidence, "plutôt que d’ergoter et de s'entêter dans son opinion" 186 . Éprouver ce genre de sentiment était, en fait, avoir vu s'exprimer la cité. Si la volonté de manifester la pérennité du groupe et surtout sa priorité existentielle par rapport à toute manifestation de sa capacité décisionnelle imposait que l'on inscrivît dans un passé irréversible chacun des actes politiques, si pour acquérir capacité juridique, la parole publique ne pouvait rester dans le présent spontané et fugace du groupe citoyen toujours mobile, le formulaire n'était pas toujours assez rigoureux pour qu'il n'apparût pas, parfois, certaines difficultés d'interprétation. On cherchait parfois à donner une voix particulière et un visage à telle ou telle assemblée qui avait exercé son pouvoir de décision. On pouvait en venir, ainsi, dans des cas d'autant plus intéressants qu’ils sont fort rares, à l'emploi de formules où les citoyens s'exprimaient à la première personne du

pluriel. Or, le nous, vivant en son temps propre, ne peut exprimer qu'un présent relatif incompatible avec la nécessité d'être, non point les acteurs, mais les découvreurs d'une décision antérieure du politique. On ne peut négliger, étant donné l'état du dossier, le problème posé par une inscription fameuse d'Arcadès où le groupe politique sembla s'être présenté de cette façon remarquable. "Il a plu aux Dataleis, nous, la cité, avons promis à Spensithios, à raison de cinq par tribu... ” 187 . H. Van Effenterre expliquait naguère, "c'est l'État qui s'exprime à la première personne du pluriel, si la lecture du texte est bonne. L'État c'est nous, ce n'est pas eux, beau sujet de réflexion sur la conscience civique des anciens Cretois" 188 . On peut se demander, donc, si la cité, dont on ne sait pas quels étaient les rapports avec les Dataleis, qu'ils fussent instance englobante ou, à l'inverse, englobée par eux, avait eu à légitimer ou à se contenter d'appliquer une de leurs décisions 189 . Selon toute vraisemblance, l'opposition entre le pronom et le nom propre implique qu'ils désignent des réalités différentes. Quoi qu'il en fût, on peut penser que les membres de ce qui se désigne comme la cité, avaient eu à négocier avec un prestataire de service étranger, le scribe Spensithios. L'emploi de la première personne du verbe témoigne, sans doute, de ce que ses représentants avaient dû s'engager personnellement au nom de l'ensemble à fournir au technicien travail et salaire. Sans doute, la présence physique des représentants du groupe contractant devait-elle être constatée pour que l'engagement fût valide. Cette obligation s’exprima, lors de la rédaction officielle du contrat, par la mise en évidence de la participation effective de membres de chacune des cinq tribus politiques. L'utilisation d'une tournure verbale personnelle, pour permettre que fût conclu un contrat avec une personne extérieure à la petite communauté crétoise tenait à ce que tout dialogue d'un

groupe clos comme l'était une cité avec le monde extérieur était difficile. Toutes, à quelque époque de l'hellénisme que ce fût, avaient beaucoup de mal à s'exprimer en tant que collectivités et à se reconnaître mutuellement la capacité à entrer en rapports contractuels l'une avec l'autre 190 . Quand il était question, dans la Grèce classique, de sanctionner un accord international, chaque citoyen devait accepter de se dépouiller de sa personnalité politique et de s'engager personnellement dans le processus du discours interpoliade. Il lui fallait redevenir individu pour prononcer de sa propre bouche le texte d'un serment devant des étrangers qui allait devenir des alliés ou avec qui l’on allait conclure la paix. Il lui fallait s’exprimer à la première personne et cela signifiait qu'il prenait le risque d'être soumis avec sa famille aux malédictions promises au parjure. Cela était en fait le prolongement de la gestuelle de champ de bataille où chacun devait risquer sa vie aux côtés de ses camarades 191 . Les membres de la petite communauté crétoise doivent s'être trouvés, d'une certaine façon, dans une situation semblable. Ce fut pour des raisons différentes, en revanche, sans doute, que des juges durent s’engager personnellement dans le prononcé d'une sentence en une période troublée de l'histoire de Mantinée. Il leur fallut revenir sur la première appréciation qu'ils avaient donné de faits criminels en les considérant comme des sacrilèges. Ils acceptèrent la responsabilité du prononcé d'un premier jugement sur lequel, pour des raisons religieuses, on ne pouvait revenir, "si nous avons bien prononcé tels mots à l'égard des coupables", εἰ τοίς õϕλέϰοσι έπι τοῑδ’ ἐδικασαμεν 192 . Assumant, ainsi, la responsabilité de la condamnation maintenue en sa forme, ils dégagèrent, néanmoins, les condamnés de toute peine effective. Peut-être faut-il penser que si, à Sparte, les rois et les gérantes avaient le droit de se considérer comme quittes de ce que pouvait

décider l'assemblée quand les votes ne se faisaient pas dans le sens qu'ils souhaitaient, c'est qu'il leur était possible de conserver dans l'ensemble collectif le droit à la parole personnelle et la possibilité de ne pas cautionner telle ou telle décision du peuple 193 . De façon inverse le dispositif des textes officiels diffusés en pays démocratiques indiquait l'identité de tous ceux qui avaient contribué à leur élaboration et à leur mise aux voix parce que la cité souhaitait pouvoir éventuellement se dissocier de ses membres en les renvoyant à leur responsabilité propre au cours de la prise de décision, quand elle souhaitait se récuser en rejetant sur eux la culpabilité d'un vote inopportun.

Nécessité de l'écriture Le jeu de renvoi dans le passé, par le formulaire, témoigne de ce que l'activité législatrice fut, pour le groupe politique, une prise de conscience de ce que la cité avait su choisir, décider et savait comment l'exprimer. Si toute décision politique était, ainsi, nécessairement figée par une projection dans le passé, tout texte législatif devait être une sorte de récit historique. Il fallait, pour que cela fut possible, utiliser une technique qui fût irréprochable. C'est pour cette raison que l'écriture devint consubstantielle du politique. En effet, son usage permettait seul que le passé pût trouver, par la gravure notamment, la forme objective d'une présence matérielle. En témoignent les formules du type, "voici qui a plu aux Gortyniens", τάδε ἔ αδε τοίς Γορτυνίοις 194 , "ainsi en a décidé la ville", ἆδ’ ἔ αδε πόλι 195 . L'antériorité de la décision ainsi que le présent du texte visible à l'endroit de sa lecture et désigné par l'adverbe démonstratif, τάδε sont intégrés, en effet, en un même monument, celui-ci attestant de la pérennité de la décision prise et sans cesse redite par la pierre elle-même 196 .

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Comme tout le monde en avait parfaitement conscience et comme certains théoriciens savaient l'exprimer, il ne pouvait y avoir de loi qui pût, ainsi, se passer de l'écriture 197 . Celle-ci participait si bien du processus législatif, d'ailleurs, qu'une loi ou un décret n'avait pas été parole avant sa publication. Le ὀ δείνα εἶπε du formulaire des décrets classiques que l'on traduit "un tel a fait la proposition" n'induit pas qu'une parole fût première dans le processus de mise en forme d’un texte. Dans un passage bien connu du Phèdre 198 , Socrate montre comment toute proposition législative a pris nécessairement, dès l'origine, forme écrite. Son promoteur doit, d'abord, la rédiger puis venir la lire devant une assemblée. Il est significatif qu'il doive, alors, réciter le formulaire tel qu’il doit être gravé sur la pierre, en particulier les mots, ὀ δείνα εἶπε. Le texte doit tenir la scène, de vote en vote, tout au long du circuit procédural pour devenir un décret, qui est inscrit dans les archives et éventuellement gravé pour diffusion solennelle, sans jamais avoir, ainsi, été autre chose qu'écriture 199 . Il est publié dans sa forme originelle. Son promoteur peut être, ainsi, comparé à un auteur de théâtre dont la pièce aurait eu du succès.

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Témoigne, déjà, de la priorité nécessaire du geste d'écriture l'exemple significatif de Solon, qui ne reprit les textes de ses lois pour en faire les chants de ses poésies qu'après les avoir écrits dans le cadre du politique 200 . Il voulait, sans doute, leur permettre de revivre en un mode d'expression plus archaïque et se constituer, ainsi, lui-même en auteur jouissant du statut de maître de vérité 201 plus gratifiant que ne pouvait l’être celui de magistrat. Il pouvait, par ce moyen, quitter le rôle de simple serviteur du système politique soumis aux caprices de ses concitoyens ingrats et surtout à l'effet de leurs erreurs irrémédiables. La leçon qu'il donnait fut comprise, notamment par Critias, qui voulut faire un poème du

décret qu'il avait fait voter et y apposer ainsi le sceau de sa langue, σϕραγὶς δ’ἡμετέρης γλώσσης έπι τοῑσδεσσι ϰεῑται 202 . Solon doit être considéré comme un virtuose dans le maniement de l'écrit et de l'oral. Il sut, au moins un temps, assurer par l'emploi précis de l'un ou l'autre registre, le succès de ses interventions dans le champ du politique. Le moment le plus significatif de sa carrière se situe à l'époque où il voulait que fût reposée la question de la guerre pour S al amine 203 , au moment où les Athéniens, fatigués du long conflit opposant la cité à Mégare pour la possession de l'île, avaient promulgué une loi, νόμον ἔθεντο, interdisant d’écrire une proposition de décret la concernant, μήτε γράψαι μητ’ εἰττεῑν 204 Plutarque raconte comment Solon s'était alors enfermé dans sa maison, se faisant passer pour fou 205 , il en serait subrepticement sorti pour s'installer sur la pierre du héraut, lieu symbolique d'une transgression dont il revendiquait le caractère sacrilège. Il récita une élégie de cent vers qu'il venait de composer, annonçant qu'il venait, en héraut, de l'aimable Salamine, ayant composé un chant tenant lieu de harangue, αὐτός ϰῆρυξ ἦλθον ἀϕ’ ίμερτῆς Σαλαμῑνος, ϰόσμον ἐττέων ὠιδήν άντ’ ἀγορῆς θέμενος 206 . Chanter ainsi ne contrevenait pas à la loi, car la poésie n'appartient pas à la sphère du politique qui ne connaît que deux modes d'expression, le discours à l'assemblée et l'écrit du décret, rien ne pouvant y être exprimé selon un autre mode. Il réussit, néanmoins, de cette façon, à faire comprendre à ses concitoyens qu'il leur fallait intégrer à la trame de la vie de la cité le moment de cette récitation et le considérer comme un événement significatif permettant que l'on pût envisager de revenir sur les prises de positions antérieures. Le geste de prise de parole, en tant que tel, pouvait être pris en compte par le politique mais s'interroger sur la signification du chant lui-même restait interdit. Le poème était une forme qui ne pouvait être reçue, le sujet

qu'il avait traité restait, ainsi, tabou dans le cadre de l'assemblée. L'acte pouvait, néanmoins, être considéré comme un événement parfaitement autonomisable par rapport à son contenu, son accomplissement modifiait la situation dans la ville et devait susciter une réaction appropriée. Comme les Athéniens étaient liés par la nécessité de ne rien faire qui fût contraire aux lois qu'ils avaient votées, ils durent mettre en œuvre des procédures obliques pour que le signal qui les avait fait changer d'avis pût être transcrit selon les règles normales et acquérir quelque efficacité. Le thème de la récitation resta réputé non exprimé mais on décida de s'en remettre à Solon qui, prenant la parole, en avait été l'acteur, τῷ λέγοντι, pour faire que la loi interdisant de reposer la question de l'île put être reconsidérée. De fou qu'il s'était fait, Solon retrouva sa place dans le concert politique, il reprit sous une forme acceptable ce qu'il avait énoncé et fut désigné par un décret rédigé selon les codes ordinaires comme le chef de l’expédition de conquête. Le discours de l'élégie diffusé en un mode appartenant à l'ordre du prépolitique put être retranscrit dans une forme qui permettait qu'il pût devenir discours de la cité. Celle-ci, mettant en œuvre la procédure adéquate, manifestait qu'elle était capable de tenir compte des conséquences des événements advenant en son sein et de les prendre en compte. Par un mouvement parallèle à celui qui produit l'indépendance sémantique du texte par rapport au locuteur, l'acte prenait sens pour avoir été reconnu comme irréversible par le groupe politique. De la même façon, c'est après qu'il eût exprimé sa douleur devant le développement des guerres civiles en une élégie, et qu'il l'eût fait partager, qu'on lui confia la charge de l'État, τὴν πολιτείαν ἐπέτρεψαν αὐτῷ ποιήσαντι τὴν ἐλεγείαν 207 . Une parole, qui, par sa forme, aurait dû rester dans l'ordre de l'individuel, se trouvait ainsi arrachée au néant d'un

présent inefficace et pouvait s'enraciner dans l'histoire politique, parce qu’elle était reprise selon des modalités spécifiques dont l'écriture était à la fois le témoin et le garant. Par l'effet de cette prise en compte, les paroles posées en actes par Solon, et l'écrit de ses lois qui en était le prolongement, se révélaient être de même nature et de même effet 208 . 48

Il fallait encore, pour que cela fût profitable à l’Etat, que les citoyens eussent été capables de juger de sa signification et de le qualifier pour qu'il prît sens. Les Athéniens furent moins habiles à gérer leur rapport à Pisistrate. Solon savait avoir servi la cité par les mots qu'il avait prononcés dans les instances destinées à les recevoir et par les actes qu'il avait accomplis, spontanément ou sur ordre, βεϐοηθηϰέναι τῇ πατρίδι λόγῳ ϰαὶ ἔργῳ 209 . Il pouvait, ainsi, juger de la qualité de qui souhaitait devenir protagoniste sur le théâtre politique. Il fit, donc, reproche aux Athéniens de se laisser tromper par le jeu de celui qui aspirait à devenir leur tyran. De son point de vue, les citoyens se contentaient d'apprécier ses jeux de langue mais ils ne se préoccupaient pas de comprendre ce que ses paroles signifiaient et surtout ce qu'impliquait le fait de les considérer, vous êtes tout yeux pour la langue et les mots d'un homme fourbe et pour l’acte qu'il prépare, vous n'avez aucun regard" ἐς γὰρ γλῶσσαν ὁρᾶτε ϰαὶ εἰς ἔπη αἱμύλου ἀνδρός, εἰς ἔργον δ’ οὐδέν γιγνόμενον βλέπετε 210 . Ils recevaient ses discours et leur donnaient un sens en les objectivant en images séduisantes. Puis ils en pérennisaient, par le jeu de l'écriture législative, les effets.

49

Tout geste public pouvait, pour peu qu'il fut admis, modifier les conditions mêmes de la vie publique et faire ouvrir les registres de l’écrit. Celui-ci était à même de le fixer par l'écriture, de l'inscrire dans le tissu historique pour qu'il y laisse sa trace, l'archivage, l'enregistrement était comme l'écriture de l’action dans l'histoire du

monde et permettait son accession au juridique 211 . La découverte miraculeuse de la capacité du groupe social à avoir une opinion parce qu'il avait fait entendre une parole, la reconnaissance de cet événement et sa relation en un texte écrit constituait l'expression naïve du droit. Quand la procédure se fût perfectionnée, l'écriture d'une proposition, la nécessité d'un vote positif pour qu'elle fût reçue n'empêchait pas que la loi parût, en une sorte d'épiphanie, comme l'expression d'une pensée collective déjà formée quand il se trouvait quelqu'un pour en faire connaître la forme écrite par la lecture qu'il en faisait.

Fonction de l'écriture 50

Insister sur la nécessité de l'écriture pour que naisse la loi n'a rien qui doive surprendre. Le droit n'a jamais nulle part existé que sous forme écrite 212 . Il n’est pas, en tout cas, en Grèce d’idée plus ordinaire et l'un des textes publiés à Gortyne sous une forme qui fit qu'on l'a souvent considéré comme un code, comporte vingt-quatre rappels de la nécessité d'avoir consigné par écrit telle ou telle clause ou décision pour qu'elle fût valide 213 . C’est aussi l'écrit qui a valeur de référence unique quand il est invoqué dans tel traité international, τὰ ἐγραμμένα ἄλλα δὲ μή 214 .

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Platon récusait pour sa part de façon tout à fait explicite la possibilité qu'il existât une loi non-écrite, ἄγραϕος νόμος. Il savait signifier que les textes d'apparence normatifs et qui étaient réputés ne pas avoir été transcrits étaient dits lois par bon nombre de gens qui les appelaient lois ancestrales, τά ϰαλούμενα ὑπο τῶν πολλῶν ἄγραϕα νόμιμα, οὔς πατρίους νόμους ἐπονομάζουσιν mais il précisait très clairement qu'il ne fallait pas le faire, οὔτε νόμους δεί προσαγορεũειν 215 , les lois non-écrites ne sont pas des lois. Il sait

que l'on peut envisager de gouverner les cités de deux façons, en respectant les écritures ou bien en refusant de s'en tenir à des lois, soit μετὰ γραμματῶν soit ἄνευ νόμων 216 . Dans la mesure où cette alternative décrit la totalité du réel politique possible, on peut être sûr que, pour Platon, l'écriture est tout à fait nécessaire à la loi et qu'il ne peut exister à l'inverse de loi sans écriture. Si l'on peut parler de loi non écrite, c'est que l'on considère comme productrice de droit la coutume, ἔθος 217 . Les lois non-écrites devraient être considérés comme une sorte de tissu conjonctif donnant son homogénéité à l'ensemble du système législatif, le droit positif ne serait ainsi, qu'une partie de la législation poliade, elles seraient comme le matériau dont se ferait la loi à venir, ce qui justifierait la métaphore des étais et de la charpente, ou celle des matériaux déposés sur un chantier pour une construction 218 . On peut légiférer en partant de l'existant ou du prétendu tel, c’est à dire des lois ancestrales, πατρίοις δέ ἔθεσι νομοθετῶν 219 , et mettre au rang de loi ce qui n'est pas écrit, ἄγραϕα νομοθετήσαντι, γράψαντας ἐν ϰύρϐεσί τισι ϰαὶ στὴλαις, ϰὰ δὲ ϰαὶ ἄγραϕα πάτρια θεμένους ἔθη 220 . Les πάτρια ne sont pas des lois à proprement parler, pas plus que les ἄγραϕα, mais elles font partie des instruments dont peut se servir le politique qui se tient, ainsi, à la frontière de l'oral et de l’écrit pour faire son travail 221 . Quoi qu'il arrive, c'est au législateur de constituer en coutume ce qui n'a aucune valeur normative avant qu’il ne l'ait établi en tant que règle, les formules platoniciennes ne sont pas en contradiction avec l'idée selon laquelle la coutume est seconde par rapport à la loi, "malgré sa prétendue antériorité sur la loi", ce n'est qu'en fonction de celle-ci que la coutume est figurée comme source formelle de droit, quel que puisse être par ailleurs le rôle effectif des règles coutumières dans les sociétés primitives 222 .

Les textes juridiques de l'époque archaïque ne contredisent pas d'ailleurs ce type d’analyse 223 . 52

Platon savait, évidemment, que dans les cités classiques, il existait des spécialistes qui savaient interpréter le formulaire de certains rituels qui ne ressortissaient pas nécessairement des lois écrites car il fallait, en matière de sacrilège notamment, tenir compte de tout système référentiel, περί τῶν ἀσεϐούντων μή μόνον χρῆσθαι τοίς γεγραμμένοις νόμοις ἀλλα ϰαί τοίς ἀγράϕοις 224 . Il laissait, dans la cité des Magnètes, une place à de semblables exégètes 225 . À Athènes, leur intervention dans les affaires de purifications, notamment quand il était question de meurtre, avait fait d'eux des sortes de juristes ou, du moins, de protojuristes 226 capables de conseiller les justiciables. Néanmoins leur intervention ne pouvait jamais contredire la lettre de la loi telle qu'elle avait été écrite. Quand il y avait conflit entre la règle qu’ils énonçaient en la prétendant traditionnelle, νόμον πάτριον 227 , et la loi écrite, celleci prévalait. Démosthèrie les consulta et ils lui expliquèrent ce que devait être le rituel de dénonciation du crime, τά νόμιμα, avant de lui dire ce qu'il était opportun de faire. Mais il ne s'en reporta pas moins au texte même de la loi de Dracon tel qu'il se lisait sur la stèle, ἐϰ τῆς στήλης 228 . C'est, en effet, dans l'écrit publié que l'on devait chercher les réponses aux questions que l'on se pouvait se poser sur le droit.

Loi et oralité On a pu défendre l'idée selon laquelle le νόμος pourrait avoir été parole en Grèce archaïque en évoquant une analogie possible avec la pratique romaine, et en pensant pouvoir exciper d'une préhistoire du terme qui l'aurait associé au mot νέμειν employé dans le sens de "distribuer la parole" 229 . Cela fait bon marché, notamment, d'un

aspect essentiel de ce que sont les récits anciens concernant la constitution de Lycurgue. Celui-ci est censé avoir voulu fonder toute la législation de Sparte sur la seule parole et souhaité, donc, interdire tout usage de l'écriture dans le cadre politique. Par conséquent, on préférait utiliser pour désigner la loi fondamentale de la cité lacédémonienne le mot ῥήτρα dont nul n'a jamais chercher à récuser le rapport à la parole, au dit qu'il fût loi ou traité. On devait refuser, pour ce faire, l'emploi du terme νόμος, car il était assez clair à tous les Grecs que celui-ci était tellement lié à l'usage de l'écrit qu'il ne pouvait pas conserver le moindre rapport avec le monde de la parole, si tant est qu'il en ait historiquement et institutionnellement jamais eu. A l'inverse, le mot ῥήτρα, dans la mesure, où il avait pu désigner ce qui partout ailleurs était désigné, pour sa fonction, comme une loi, νόμος, put servir, par analogie, à désigner un texte écrit. Ainsi, par exemple, l'accord entre les Éléens et les Euaéens 230 est introduit, comme c'est souvent le cas, par la formule épidictique, voici le dit qui lie les Éléens aux Euaéens, ἀ ράτρα τοίς αλείοις ϰαὶ τοῑς ’Eμ αείoις. Ce qui a été présenté, de cette façon, comme parole est repris, ensuite, par un même système d'articles à sens démonstratif qui en fait une écriture, τά γράϕεα et celle-ci n'est rien d'autre que le support gravé que l'on a sous les yeux, ἐνταῦτα ἐγραμένοι. Il est, d’ailleurs, précisé que détruire la tablette de bronze serait bien effacer ce qui ne peut plus être considéré comme une parole. Tout mot prononcé dans la cité devait, ainsi, partout se résoudre en écriture.

Artificialité de l'écriture 53

Nous devons ici retrouver, par un nouveau biais, la problématique d'une rupture dans le déroulement du processus permettant de passer d'un prétendu état de nature à la cité. Si le promoteur d'un

texte législatif se trouvait toujours précédé dans l'ordre temporel par la cité et savait le faire comprendre dans le formulaire, l'écriture n’est pas considérée non plus comme un artifice brisant le fil de l'histoire. 54

Platon, en proposant le mythe de Theuth 231 , présente l'invention de l'écrit comme un bouleversement irréversible des modes de communication entre les hommes et de transmission des savoirs 232 . Il sait que le langage parlé est un donné immédiat dont même les hommes les plus primitifs sont dotés. Ils en usent dans un rapport immédiat à la morale et à la vérité. Il est un mode universel de communication, symbole de l'unité du monde naturel. Il est parlé par les oracles, Dodone et Delphes, et peut emprunter le truchement du chêne et du rocher sans qu'il faille imaginer que l'homme qui comprend ce qui lui est dit perde de son humanité 233 . Son rapport aux êtres et aux choses paraît immédiat. On l'utilise en tant qu'individu, on l'acquiert dans la famille comme un élément de soi sans avoir besoin de l’apprendre, de telle sorte qu'il n'existe pas de professeur qui puisse être chargé de donner des leçons de langue maternelle 234 . Il est possible de discuter, comme le font Cratyle et Hermogène, de la façon dont ont été constitués les rapports des mots aux choses, hésiter entre la thèse conventionnaliste et la thèse naturaliste, discuter de leur capacité dont une sorte de divin onomaturge pourrait être le garant 235 à exprimer une vérité 236 . Mais il semble que, pour Socrate, ils soient tout simplement signification avant d'être image ou paradigme 237 . Ils sont d'usage avant toute chose, la pertinence de leur emploi se démontrant par l'efficacité des échanges dans l'immédiat de l'énonciation, parler est user du discours, τό εἴρειν λόγου χρεία ἐστί 238 . Cela débouche, dans les Lois, sur l'idée que la parole même n'a pas à être abondante et se révèle presque inutile dans des rapports des hommes primitifs à

leurs semblables. L'état proche de ἀγάπη dans lequel ils vivent les uns par rapport aux autres rend toute expression de leur part totalement transparente, l'éventuelle parole n'est que de l'expression de leur désir d'amour 239 . Chacun des humains est assuré de la validité de ce qui est dit concernant le vrai et le juste. Il n'existe pas, ainsi, dans ce monde de langage trompeur ni d'écoute soupçonneuse, chacun adhère parfaitement à ce qu'il dit comme à ce qu'il entend 240 . 55

Toute autre paraît l’écriture, qu'elle passe pour une invention divine ou pour une création des hommes. Quand elle est conçue comme proprement d'origine humaine, elle semble naître dans le rapport à la guerre et, nécessairement ainsi, au politique. Si l'on en croit Diodore, l'écrit serait né lorsque les hordes primitives surent se différencier en s'opposant les uns aux autres 241 . Les hommes auraient arboré des enseignes à forme animale pour qu'elles servent de signe de ralliement à leurs armées. Chacune de ces représentations était un signe graphique, un σημεῑον, du genre de ceux que les Grecs désignaient du nom de hiéroglyphes et dont seuls les Egyptiens avaient conservé l’usage 242 . Le processus de mise en place de la cité par le développement des techniques de la guerre et l'apparition de l'écriture aurait été donc concomitantes. Quelque brefs qu’ils fussent, l'usage de ces textes, permettait aux hommes acceptant de se grouper sous l'enseigne qui les publiait, de se désigner, de s'identifier et de se reconnaître les uns les autres. L'efficacité militaire de ce procédé, la sécurité, qui en découla pour ceux qui savaient en faire usage, permit l'amélioration des pratiques collectives et favorisa nécessairement l'avènement du politique. Plutarque reprit l'histoire à sa façon et fit de cette invention l’origine du culte des animaux mais il sut néanmoins, parce que la structure du mythe l'imposait, lui conserver très explicitement la

signification politique, πολιτιϰή, qu’elle ne pouvait pas ne pas avoir 243 . 56

Le fait que l'origine de l'écriture pût avoir été considérée comme liée à la guerre, seul discours connu de la cité pour s'adresser à ses semblables, témoigne de ce que l'écrit passe pour une modalité proprement politique du langage. Le rapport au militaire peut être prolongé de ce que, savoir lire et écrire possède, plus encore que pratiquer l'art de la guerre, une indéniable capacité de socialisation. Les idées de Platon témoignent, sur ce plan, d'une continuité remarquable dans la présentation de cette évidence. Ainsi, les indications présentées par le Pseudo-Protagoras correspondent parfaitement aux principes mis en œuvre dans la cité magnète 244 . L'école à Magnésie doit enseigner les lettres trois ans avant que soit proposés des cours de lyre, l’apprentissage de la lecture et de l'écriture procédant du contact avec un texte écrit puis retranscrit pour être expliqué. Nul n'a le droit de rester à l'écart de l'école. L'enseignement des lettres est obligatoire car c'est le moyen de faire que les enfants cessent d'apparaître comme la propriété de leurs parents mais deviennent véritablement celle de la cité, ὡς τῆς πόλεως μᾶλλον ἤ τῶν γεννητόρων ὄντες 245 . Dès, en effet, qu'un enfant entreprend cet apprentissage, il lui devient impossible de continuer de vivre dans l'isolement de son particulier. Quand, en effet, on a intégré l'écriture à son langage personnel et que toute parole peut être détour dans l'écrit, on ne peut plus jamais vivre en des rapports purement privés, ἰδιωτεύειν 246 . L'élève apprend à écrire dans les lignes que le maître a tracées préalablement et le respect du modèle construit un monde qui ne peut plus être celui du langage spontané 247 . Tracer la ligne n'est pas le tout du travail du maître d'apprentissage, il faut aussi présenter le modèle qui ne guide pas la main puisque ce ne sont pas sur les traits ainsi tracés que l'on

écrit car il faut écrire à sa ressemblance, τὰ ὅμοια γράμματα γράϕειν 248 . Par ailleurs, les enfants sont contraints d'inscrire toute leur activité intellectuelle dans le cadre de paroles qui ne sont jamais les leurs mais qu'ils doivent lire, apprendre par cœur et répéter. L'école est faite pour reproduire tout ce qui est discours normatif, le travail du maître étant d'expliquer, après les avoir repris, les propos tenus par les trois interlocuteurs du dialogue ou d’autres de même sens 249 , de les connaître et d'en faire l’éloge, μανθάνειν ϰαὶ ἐπαινεῑν, puis de procéder à leur analyse. 57

L'apprentissage du langage écrit prépare, de cette façon, l'insertion du futur citoyen dans les institutions de la cité. Quiconque écrit construit son langage en des formes qui lui sont enseignées par une école devenue institution. L'écriture apparaît être, pour cette raison, comme une métaphore de la vie du politique. Les lois peuvent être considérées, en effet, comme les guides qui, semblables au trait au long duquel les enfants tirent leur main, doivent conduire les actes de chacun dans la cité. La cité inscrit sur les tableaux officiels les règles proposées par les bons législateurs des temps anciens et punit celui qui s'écarte de la ligne, ἡ πόλις νόμους ὑπογράψασα ἀγαθῶν ϰαὶ παλαιῶν νομοθετῶν εὐρήματα... ὃς δ’ ἂν ἐϰτός βαίνῃ τούτων. Toute action, publique mais aussi privée dans le système politique platonicien, devient, ainsi, par la nécessaire conséquence du jeu métaphorique, comme une écriture 250 .

Étrangeté de l'écriture 58

Si l'invention de l'écriture modifie profondément la situation de l'homme ou de l’enfant qui la découvre, son usage peut sembler devoir procurer, aussi, un bouleversement de l'ordre social originel. On peut imaginer, ainsi, que son émergence, puis sa diffusion en Grèce, procura les moyens nécessaires à la transformation des

sociétés primitives et à la naissance des lois, constitutives des premières cités. 59

Une vulgate historienne, se fondant, notamment, sur le fait reconnu que les lettres grecques avaient été empruntées aux Phéniciens 251 , semble s'être crue tenue de découvrir un élément de discontinuité secondaire dans le courant de l'évolution vers le politique en prétendant que la nécessité d'écrire et de publier des lois serait apparue dans le monde des cités coloniales. Les colonies auraient utilisé l’écriture pour lier leurs membres les uns aux autres, puisque les populations hétérogènes qui s'y installaient ne possédaient pas de traditions orales communes 252 . L'idée que la législation serait née dans de telles conditions semble se fonder, ainsi, de façon plus ou moins implicite, sur une théorie du contrat social 253 . Il aurait été nécessaire d’objectiver, de façon formelle, les modalités de l’association pour permettre à des gens d'origines différentes de connaître les règles de leur cohabitation.

60

L’idée que les lois écrites seraient nées dans des cités nouvelles, hors de la Grèce égéenne, n'est pas sans fondement. Elle est, essentiellement, justifiée, sans doute, par un texte d’Éphore signalant que les citoyens de Locres Épizéphyrienne auraient été les premiers à user de lois écrites, Zaleucos les ayant rédigées, τούτους δὲ πρώτους ϕασι γρήσασθαι νόμοις γραπτοῑσιν οὓς Ζάλευϰος ὑποθέσθαι δοϰεῑ 254 . Il ne faut négliger, pourtant, le fait qu'Aristote avait déjà témoigné du désordre régnant dans les idées de ceux qui traitaient des antiques constitutions et souligné qu'ils n'avaient pas, en général, assez fait cas de la chronologie 255 . Strabon avait bien compris, lui-aussi, que le problème ne se posait pas en termes aussi simplistes. Zaleukos aurait trouvé l'essentiel des thèmes de sa législation dans ce qu'il avait appris en Crète, à Sparte ou Athènes, la seule innovation véritable qu'aurait comporté son œuvre aurait été

la rédaction, à l'attention des juges, d'un tarif des peines pour chacune des fautes, ϰαινίσαι τοῦτο τòν Ζάλευϰον ὅτι τῶν πρότερον τάς ζημίας τοῑς διϰασταῑς ἐπιτρεψάντων ὁρίζειν ἐϕ’ ἐκάστοις τοῑς ἀδιϰήμασιν 256 . Prétendre que les anciens croyaient unanimement à une origine coloniale de la législation écrite serait, donc, une opinion mal fondée 257 . C'est, en général, en effet, la Crète qui passe pour avoir inspiré les grands législateurs. Sans doute, est-ce parce qu'elle se révéla durant l'époque classique comme le conservatoire des valeurs de l'antique Grèce et de ses façons de faire qu'il lui fut fait l'hommage d'avoir été leur initiatrice. Néanmoins, au vu de la très importante masse des textes législatifs publiés à haute-époque dans l'île, H. Van Effenterre a sans doute raison d'avoir écrit "Crete definitely appears not only as an archaic center of written laws, but as the «  lieu par excellence  » in archaic Greece for the writing of laws... It looks as if the ancient Greeks were not so wrong when they remembered King Minos and his laws" 258 . La loi fut, d'abord, écrite en des lieux qui étaient de longue date préparés à ce qu’elle dût avoir cette forme pour devenir le fondement du droit. L'antiquité de cette pratique explique comment elle put servir à prolonger des formes institutionnelles d'apparence très archaïques. 61

Paraît récurrente, de même, l'idée, implicitement ou non, liée à la théorie de l'origine coloniale de la loi écrite, selon laquelle les cités de Grèce propre auraient été amenée à faire usage de l'écriture pour résoudre des crises sociales qui auraient pu les détruire. Elle n'est pas mieux établie. La lecture du manuel canonique de G. Glotz 259 aurait dû faire, depuis longtemps, prendre conscience que l'écriture n'avait pas servi à mettre un terme à des conflits sociaux, qu'elle ne servait pas à "offrir un refuge aux faibles contre les forts", qu'elle n'avait pas eu pour fonction de rédiger un contrat liant le roi à ses sujets, ou des citoyens désireux de s'associer. Elle était, en elle-

même, un "instrument d'émancipation politique" 260 . C. G. Thomas 261 a su, depuis, expliquer avec subtilité comment la pratique de l'écriture pour publier des lois n'étaient pas née de la volonté de mettre un terme à telle ou telle manifestation d’injustice et à faire cesser des pratiques inégalitaires, à mettre un terme à d'éventuels conflits civils. Un tyran pouvait suffire pour cela. C’était, en fait, l'usage de l'écriture qui avait rendu perceptible au groupe politique l'existence même d'inégalités qui devinrent insupportables. Ce n'est pas la constitution du politique ou le changement institutionnel qui rendait nécessaire l'usage de l'écriture. C'était l'écriture qui rendait inévitable l'évolution par l’effet du rapport nouveau que l'on pouvait avoir avec les textes législatifs par l'effet de la lecture 262 . 62

Il semble bien donc que l'écriture ait été une institution ambigüe. Elle est faite pour la société réglée et peut servir à la construire par l'apprentissage auquel chacun doit se soumettre pour en maîtriser la pratique. Néanmoins, une fois offerte la possibilité de lire, l'écriture peut devenir un instrument essentiel de transformation sociétale. Platon avait immédiatement compris qu'il en était ainsi. C'est là, sans doute, que réside l'aporie essentielle des Lois. Le philosophe sait que l’écriture est une institution potentiellement progressiste, alors qu'il cherche à construire un monde figé dans une perfection qu'il prétend avoir atteint au moment de la mise en place de sa constitution. Il lui faut, donc, découvrir des moyens de gestion des hommes qui leur permettent de conserver les données de l'écriture originelle, sans qu’elle puisse ouvrir de voies à la liberté d'interprétation productrices de bouleversements politiques.

L'interdit prétendu de l'écriture

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Certaines cités historiques n'auraient jamais recouru à la mise sous forme écrite de leurs règles de fonctionnement. Avoir revendiqué cette particularité dans les récits de leur histoire mythifiée n'était, pour elles, malgré tout que la manifestation de leur désir de se distinguer des autres 263 . Échapper à l'écriture n’avait, pourtant, été possible pour aucune. Le discours d'interdiction qu’on leur prête n'avait pas d'autre justification qu'idéologique. Vouloir donner sens à cette prétendue spécificité leur imposait de mettre en œuvre des techniques de camouflage qui furent très dommageables à leurs capacités à vivre et agir de façon convenable et efficace.

Sparte et l'écriture 64

Lycurgue fut le plus célèbre des représentants de ceux qui auraient refusé l'écriture politique. Sparte n'avait pas de constitution écrite et Aristote déplore qu'il n'y ait pas eu de textes, γράμματα, pour, par exemple, limiter le pouvoir des éphores 264 . Les lois auraient été de simples dits que les citoyens étaient censés garder en mémoire 265 . La justification de ce fait aurait été que leurs leçons pouvaient, ainsi, être parfaitement intériorisées 266 . Ce que l'écriture n’aurait pas rendu possible. Les Spartiates même n'auraient pas appris à lire à leurs enfants et auraient répondu à qui les interrogeait sur les particularités de leur législation et notamment sur le fait qu'il était inutile de faire lire aux jeunes les textes fondamentaux ordonnant que fût pratiquée la vertu guerrière qu'il vaut toujours mieux se fier à son courage qu'à des écritures, πυνθανομένου τίνòς διὰ τί τοὺς περί τῆς ἀνδρείας νόμους ἀγράϕους τηροῦσι ϰαὶ τοῑς νέοις ἀπογραψάμενοι οὐ διδόασιν ἀναγινώσϰειν,... συνεθίζεται τοῑς ἀνδραγαθίαις ϰρεῑττον ἤ ταῑς γραϕαῑς προσέχειν 267 . Au contraire pourtant de ce qu'une partie de la tradition antique peut laisser croire et l'érudition avoir cautionné, il faut récuser l'idée que les Spartiates ne savaient pas lire

et relativiser, ainsi, le problème posé par l'oralité prétendue du discours public dans leur cité 268 . 65

Les sources indiquent que les éléments de la législation de Lacédémone, en particulier la grande ῥήτρα n'avaient pas été produits dans la cité elle-même mais étaient paroles divines transmises par voie oraculaire, τοῦ θεοῦ νομιζόμενα ϰαὶ χρησμοὺς ὄντα 269 . Minos, roi de Crète, allait périodiquement rencontrer son père Zeus et établissait alors les lois en fonction de ce qui lui était dit, ϰατὰ τὰς παρ’ ἐϰείνου ϕήμας 270 . La législation de Sparte serait née de façon similaire des instructions d'Apollon. Les Spartiates ou, du moins, les récits qui prétendaient décrire leur cité jouaient de l’idée selon laquelle Lycurgue, niant avoir exercé la moindre activité nomothétique propre, aurait prétendu se contenter du rôle de découvreur d'une constitution préexistante qu'il aurait portée dans la lumière, πολιτείαν εἰς ϕῶς προένεγϰα 271 . Si la loi fondamentale régissant les procédures d'assemblée, et dont on a pu de façon curieuse dire qu'elle était un traité oral 272 , était désignée du nom de ῥήτρα, cela ne peut témoigner, en l'absence d’autres éléments d'appréciation, de ce l'on pensait nécessairement qu'une parole divine aurait fondé la législation. N’importe quel texte législatif issu d'une assemblée pouvait, en effet, porter ce nom 273 . Il était notamment employé à Sparte comme en témoigne Tyrtée pour désigner les décisions prises par le peuple lorsqu'il s'opposait aux rois et aux anciens 274 . Le mot avait, d’ailleurs fini par prendre un sens tout à fait banal, désignant le loi que l'on publiait sur une stèle ou une plaque de bronze 275 . Insister sur le fait que la loi naissait dans la transcendance empêchait, néanmoins, que l’on reconnût la parole collective pour signifier la présence immanente de la cité et en valider juridiquement l'expression. Le système constitutionnel de Sparte semblait ne pas accepter l'idée qu'il pût exister une

institution autonome disposant d’une parole ou une collectivité politique véritablement responsable de ses actes 276 . L'essentiel est sans doute affaire de pragmatique, en donnant l'impression qu’il se cachait derrière un dieu et que le droit naissait dans la sphère du seul sacré, Lycurgue, imité par ses successeurs, faisait de toute désobéissance aux lois nées à Delphes un sacrilège, où μόνον ἄνομον ἀλλα ϰαὶ ἀνόσιον θείς τò πυθοχρήσθοις νόμοις μὴ πείθεσθαι 277 . Platon, sous les traits de l'Athénien du dialogue, montre bien comment le caractère présumé saint des lois procurées par les dieux interdisait toute discussion sur leur pertinence et leur valeur puisque tout est parfait quand les dieux en sont les auteurs, πάντα ϰαλῶς ϰεῑται θέντων θεῶν 278 . Cela n'avait d'autre résultat que d’instaurer le silence dans une ville où seuls les vieillards avaient droit à la parole, encore ne pouvaient-ils user de cette liberté qu'avec discrétion. Prétendre au caractère divin des lois de Lacédémone renvoyait aux origines mythique de la cité, mais la tradition voulut, encore, que les rois Théopompe et Polydore cherchassent à faire croire qu'un dieu leur imposait la réforme essentielle des institutions à laquelle ils attachèrent leur nom, ἔπεισαν δέ ϰαὶ αὐτοί τὴν πόλιν ὡς τοῦ θεοῦ ταῦτα προστάσσοντος 279 . 66

L'écriture politique n'était, bien évidemment, pas inconnue à Sparte. S'il est dit que Lycurgue avait établi par son activité une constitution inimitable sans avoir laissé derrière lui aucun discours qui fût écrit, ὁ δέ oὐ γράμματα ϰαὶ λόγους άλλ’ ἔργῳ πολιτείαν ἀμίμητον 280 , il n’y a aucune raison de ne pas tenir compte de la remarque de Platon lui-même qui assimile Lycurgue aux autres nomothètes et considère qu'il fut, comme les autres, un producteur de textes écrits, Λυκούργος ϰαὶ Σόλων ϰαὶ ὅσοι δὴ νομοθέται γενόμενοι γράμματα ἔγραψαν 281 . Pausanias qualifie, lui-aussi,

Lycurgue de scripteur, Λυκοῦργον τòν γράψαντα Λακεδαιμονίοις τοὺς νόμους 282 . Il est clair, en tout cas, que l'interdit supposé de l'écriture nomographique n'était plus en vigueur quand les rois Polydore et Théopompe 283 proposèrent de nouvelles règles de fonctionnement des assemblées en un texte que l'on connaît sous le nom d'amendement ou de clause additionnelle à la ῥήτρα 284 . Ce qu'ils firent accepter alors fut inscrit dans la marge du document originel, τῇ ῥήτρᾳ παρενέγράψαν qui ne pouvait être, alors, déjà, autre chose qu'un écrit 285 . Il faut en effet donner au verbe παρενέγράψαν sa pleine signification 286 car il est parfaitement concret et veut très clairement signifier qu'il y eut alors deux textes différents conjoints. La ῥήτρα, elle-même, était ainsi connue sous forme écrite ou, du moins, fut alors transcrite 287 . On sait, d'autre part, qu'il existait dans la cité lacédémonienne, des archives dont l'importance symbolique était essentielle 288 . Ce qui restait secret, en effet, et ne devait pas être publié n'était pas nécessairement nonécrit. Si, notamment, les rois successifs refusaient de diffuser les oracles qu'ils recevaient de Delphes 289 , si leurs commensaux, les Pythiens, partageaient seuls avec eux la connaissance qu'ils en avaient 290 , le texte n'en était pas moins conservé. Le roi Pausanias, lorsqu'il envisagea d’écrire un pamphlet sur les lois de Lycurgue, pouvait envisager de le diffuser 291 . Ce qui semble avoir, ainsi, caractérisé la cité de Sparte, c'est non l'incapacité à écrire mais son désir de cacher ce qui passait pour dangereux, notamment le texte des règles qui la faisaient fonctionner 292 . Ce culte du secret développé bien au-delà de ses origines fragilisait l'ordre politique lui-même, il finit par ce faire que rien ne fut plus clair, εὐσύνoπτoς, dans la cité et proliférèrent, alors, les maux que ses dirigeants refusaient d'envisager et, à plus forte raison, de désigner 293 .

La mort de Lycurgue

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Ce n'est pas l'analyse de l'usage de l’écriture dans la cité Spartiate qui est nécessaire à notre propos, il fut sans doute comparable à ce qui se passait dans les autres cités grecques, hors la publicité qui rend peu saisissable quel en fut l'usage. Il vaut mieux se contenter d'essayer de comprendre le sens des récits qui voulurent en justifier l’inutilité ou même la nocivité. Par l’effet de la dénonciation de l'écriture et le recours systématique à des récits fallacieux sur ses origines, la cité Spartiate ne sut pas, en effet, tirer profit d'une législation qui peut passer pour avoir été réellement progressiste.

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Si l'on en reste à la thématique principale du récit de Plutarque, on apprend que Lycurgue se serait imposé dans une période où les lois n'existaient pas et où régnait le désordre, ἀνομία ϰαὶ ἀταξία 294 . Il fit, d'abord, venir de Crète, Thalètas, qui faisait profession de poète lyrique, mais usait de son art pour accomplir ce que savent faire les meilleurs des nomothètes, ἔργῳ δὲ διαττραττόμενον ἅπερ oἱ ϰράτιστοι τῶν νομοθετῶν. Ses odes étaient une propédeutique à l’obéissance, un discours exhortant à la docilité et à la concorde, sur des airs et des rythmes propres à inspirer l'amour de la règle et de l'ordre. A l'insu même des auditeurs, elles adoucissaient les mœurs et habituaient les citoyens à s'apprécier les uns les autres. C’est ainsi que, lui frayant la voie, il permit à Lycurgue de mener à bien sa tâche d'éducateur des Spartiates, προοδοττοιεῑν τὴν παίδευσιν. Cette formule est censée vouloir dire que la cité Spartiate n'aurait pas eu de lois à proprement parler tant qu'il fut là pour la régir. Il se serait, en effet, contenté de mettre en place les éléments d'un système éducatif. Il faut reconnaître, dans ce récit du cheminement vers l'ordre institutionnel dans la cité de Sparte, un mouvement comparable à celui que Platon veut mettre en œuvre quand il s'impose de faire précéder chacune de ses lois d’un prologue qui doit conduire leurs destinataires à obéir, sans vouloir résister, aux ordres

qui ne leur sont données qu'après qu’ils eussent été convaincus de devoir s'y soumettre 295 . Les trois personnages qui se proposent de publier les lois des Magnètes ont conscience de ce que leur travail aboutit à éduquer les citoyens et non point, à proprement parler, à légiférer, παιδεύειν τοὺς πολίτας άλλ’ οὐ νομοθετεῑν 296 . 69

Lycurgue quitta la ville quand il sut ne plus pouvoir y dire ou faire quoi que ce fût d'utile. Il demanda que l'on respectât, jusqu'à son retour, les règles de vie qu'il avait établies, signifiant qu'elles étaient désormais une constitution, πολιτεία. De Delphes, où il se rendit, il fit écrire et transmettre le texte d'un oracle par lequel le dieu assurait aux Spartiates que la cité resterait prospère tant qu'elle observerait les lois qu'il avait établies, νόμοι et, pour qu'ils restassent liés par le serment qu'ils avaient prêté lors de son départ, il se laissa mourir sur place après avoir interdit que son corps, même, fût rapatrié 297 .

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Accessoirement, l'anecdote témoigne de ce qu'il ne répugnait pas à l'écriture et que ses concitoyens étaient censés savoir lire. Ce récit laisse penser, en tout cas, que ce qu'il y avait de divin dans les lois de Sparte n’était pas nécessairement leur contenu, mais que c'était, plutôt, la procédure de leur validation. L'oracle prétendu fondateur des institutions Spartiates pourrait bien n'avoir été que la sanction accordée à un corpus législatif établi préalablement à son intervention. Delphes demandait que l'on respectât des lois sans qu'il fût besoin d'expliciter quelles elles étaient. L'oracle se contentait d'indiquer comment l'intérêt de tous était de s'en remettre aux instructions du législateur qui n'étaient désormais accessibles que dans le souvenir de ses pratiques et de ses paroles 298 . L'unique écriture politique Spartiate, dont cette légende de fondation de la cité reconnaissait l'existence, n'avait, ainsi, pas de contenu propre et semblait cacher en son sein un discours dont elle

voulait qu'il ne pût être connaissable que par la mémoire que l'on en gardait. Elle instituait en une sorte de secret le texte des lois comme si le droit ne pouvait jamais s'être fondé que dans le mystère. L'oracle récusait, d'autre part, implicitement mais de façon significative, l'idée même qu'il pouvait exister dans la cité d'autres textes juridiques que lui-même. Par l'effet de ce jeu de caches originel, le recours à l'écriture resta toujours phantasmatique dans la cité 299 . L'épisode le plus significatif étant sans doute la façon dont on refusa à Lysandre le droit à en faire un usage plus banal. On prétendit qu'il voulait publier le texte d'oracles conservés dans les archives secrètes, ἐν γράµµασιν ἀττορρήτοις, pour favoriser de prétendus projets révolutionnaires 300 . Il aurait appris par cœur un discours écrit par Cléon d'Halicarnasse mais il mourut sans avoir été à même de le prononcer. Agésilas souhaita que l'on en diffusât, alors, le texte pour que l'on connût de quel attentat il se serait rendu coupable. Il parut, pourtant, raisonnable d'enterrer ce document avec le cadavre 301 . Il fallait, sans doute, laisser au contact de son auteur une trace matérielle du crime pour qu'il ne pût cesser d'en être dit coupable. Là encore, pourtant, on ne voulait pas que l'écriture fût accessible. Le contenu devait en rester mystérieux pour mieux, sans doute, en dénoncer le scripteur. 71

La mort de Lycurgue imposait aux Spartiates, liés par les exigences d'un serment trompeur, une obéissance pérenne aux lois qu’il leur avait données. Par sa disparition, il souhaitait avoir figé tout discours politique, en imposant l'absolu respect d'un passé devenu irréversible. Son départ et sa mort n'avaient pas du tout le même sens que celui ou celle d'autres législateurs. Solon avait quitté Athènes en demandant à ses concitoyens de rester fidèles aux lois qu'il avait promulguées mais sachant parfaitement qu'il avait volontairement écrit des textes obscurs suscitant la discussion par

l'effet de leurs ambiguïtés même. Il avait, ainsi, voulu que, de leur exégèse et de leur application raisonnée dans le cadre du tribunal populaire, pût naître la démocratie 302 . Il refusait d'être partie prenante dans ces débats, pour ne pas risquer d'apparaître comme le premier d'entre le citoyens 303 , mais, surtout, pour laisser vivre hors de lui les textes qu'il avait proposés. Sans doute, par ailleurs, ne souhaitait-il pas, dans une situation dont il sentait parfaitement qu'elle pourrait devenir difficile, devoir les interpréter et sentir que, ce faisant, il se déjugeait. Un sage qui pense avoir dit une fois ce qu'est la vérité doit refuser de prononcer un autre discours sur le même thème en des moments successifs de sa vie puisque l'un des deux au moins ne peut être véridique. Charondas, pour sa part, se poignarda dans l'assemblée parce qu'il avait négligé de déposer son arme avant d'entrer en séance 304 . Ce geste était la réponse qu'il donnait à l'inquiétude de ses concitoyens s'interrogeant sur le fait de savoir s'il n'était pas ainsi en train de détruire une loi qu'il avait luimême promulguée. Se punissant, il souhaitait la valider, νόμον ϰύριον ποιήσω 305 . Zaleucos aurait fait de même 306 . Solon et les législateurs d'Occident montraient, chacun à leur façon, qu'ils comprenaient bien que la loi devait pouvoir vivre en dehors d'euxmêmes. Elle s'imposait à eux comme aux autres parce qu'ils l'avaient écrite et qu'ils l'avaient ainsi installée dans un réel étranger à leur propre parole. Leur séjour, leur départ ou leur mort laissait son application à la vigilance de ceux pour qui elle avait été promulguée. Il semble que l'effacement volontaire de Solon était purement tactique et pédagogique. La mort de Charondas, refusant de se voir accorder un privilège que ses concitoyens auraient pu être tentés de lui concéder, malgré leur inquiétude à accepter qu'il pût se conduire de façon particulière, était paradigmatique et fournissait un précédent jurisprudentiel clair.

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Lycurgue au contraire devait effectivement mourir pour ancrer ce qu'il appelait sa constitution dans la cité Spartiate 307 . Sa mort volontaire, non prévue sans doute par ceux qui lui avaient prêté serment, était le seul instrument de validation dont il disposât, puisqu'il prétendait n'avoir pas écrit. L’avoir fait aurait permis à sa disparition de rester purement symbolique car l'écriture procure la survie du texte tout en assurant la mort de son auteur dès le moment même de la publication 308 . Écrire donnait aux législateurs le moyen paradoxal d'être à la fois présents et absents aux cités qu'ils régissaient 309 . Celui qui a laissé un livre peut s’absenter sans disparaître, Socrate et Phèdre savaient bien que Lysias est présent quand son discours se trouve disponible, enclos en un volume, chacun de ceux qui le lit redonne souffle à ses paroles 310 . C’était, pour les nomothètes, le moyen d'accéder au statut qu'on leur reconnaît, car tout auteur se trouve institué par le texte dans lequel il advient 311 . De même qu'il n'existe pas de loi ou de décret qui ne manifeste l'évidence d'une cité, de même il n'est pas de législateurs sans l'évidence des textes des lois dont on leur impute la rédaction. L'objectivation de leur discours rendait, d'ailleurs, inutile qu'ils aient eu d'autre réalité historique que le seul souvenir que l'on avait d'eux. Ils n'avaient pas, en tout cas, besoin de rester dans la ville et ils pouvaient s'effacer pour laisser se développer la discussion politique quotidienne. C'était aux lecteurs, en effet, de construire leur image au fur et à mesure de la découverte qu'ils faisaient des textes 312 .

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Lycurgue se trouvait, étant donnée sa pratique, devoir assurer de façon plus complexe, après sa mort effective, sa survie et celle de son œuvre. Le système d'éducation, qu'il avait mis en place et qui parut s'être maintenu intact par sa rigidité perfectionniste, façonnait selon les principes qu'il avait définis chacun des Spartiates. Le législateur

avait ainsi laissé dans la cité des produits de lui qui pouvaient être les représentations de son projet, les images de sa gloire et le souvenir de ce qu'il avait accompli. Les poètes laissent, en leur œuvre, un enfant qui leur est une immortelle gloire en faisant d'eux mémoire, ἔϰγονα ἑαυτῶν ϰαταλείπουσιν, ἄ ἐϰείνοις ἀθάνατον ϰλέος ϰαί μνήμην παρέχεται αὐτα τοιαũτα ὄντα, celui-ci est semblable à ceux que Lycurgue laissait à Lacédémone, οἵους Λυκοũργος παῑδας ϰατελίπετο ἐν Αακεδαίμονι 313 . Il semble que les citoyens-soldats dont il avait réglé la vie constituaient l'ensemble des signes par lesquels il avait inscrit son action dans la durée. Ils étaient à proprement parler son écriture. Néanmoins, pas plus que les lettres ne sont capables de dire seules ce qu'elles ont à dire, pas plus les Spartiates ne pouvaient exister par eux-mêmes. Ils étaient, en un jeu qui leur échappait, les matériaux qu'utilisait Lycurgue pour faire comprendre ce qu'était son projet de perfection institutionnelle. Bien loin ainsi de pouvoir s'installer dans un rôle d'acteur du jeu législatif, ils n’étaient que des mémoriaux, objets parlants et non pas auteurs potentiels. Cela était d'autant plus évident, d'ailleurs, que ce n'était pas chaque individu dans sa spécificité qui pouvait être considéré comme l'enfant né dans le discours de Lycurgue. Chacun n'existait que pour l'ensemble et disparaissait en lui. C'est, ainsi, la cité toute entière qui semblait devenir individu pour être à même de prolonger en tant que corps collectif le souvenir du législateur. Tant que les lois de Lycurgue furent en vigueur, Sparte semblait, en effet, vivre la vie d'un homme exercé à pratiquer la sagesse, ἀνδρός ἀσκητοῦ ϰαὶ σοϕοῦ βίον, cela empêchait qu'elle fût une cité accédant au politique οὐ πόλεως ἡ Σπάρτη πολιτείαν ἔχουσα 314 . Plutarque, aboutissant à cette conclusion, jouait de l'une des apories platoniciennes dénoncées par Aristote 315 . On sait que la réforme voulue plus tard par l'amendement à la ῥήτρα semble avoir eu pour

but de rendre possible un véritable dialogue politique en dissociant les divers éléments de la population. Il semble qu’elle ait manqué son but puisque les descriptions de la vie Spartiate qui lui sont évidemment postérieures ne semblent pas en avoir tenu compte. 74

On en restera, provisoirement, à l’idée que l'écriture diffusée peut être un moyen fiable d'objectiver les décisions politiques, sans qu’il soit besoin de les sanctionner par la mort de l'émetteur d'une parole fondatrice ou de la renvoyer à Dieu. Elle était un instrument permettant de faire coïncider le passé inaccessible de la décision qu'il avait fallu mettre au jour, le présent éternisé par la publication et le futur de l'obéissance nécessaire. Par elle, la cité accédait à la permanence nécessaire car elle ne pouvait être un espace où aurait régné le spontanéisme interlocutif, quelque perfectionné dans la mise en œuvre de ses procédures qu'il pût être 316  ! Le problème de la pertinence de son usage et de son efficacité se pose, néanmoins, de façon tout à fait cruciale à qui prétend envisager la création d'une cité idéale.

Platon et la construction d'un lectorat 75

Il semble que l'une des raisons qui aurait interdit l'usage de l'écriture à Sparte était le caractère sacré des textes fondateurs. Pourtant, l'intervention d'un dieu dans le processus politique n'imposait pas que l’on récusât l'écriture, ni que l'on renonçât à l'exercice de la parole publique. L'idée même que la parole initiatrice du fait politique était divine n'avait, en effet, rien d'extraordinaire et n'impliquait pas que l'on voulût ne pas écrire. Ainsi, Zaleucos avait écouté les instructions d'Athèna 317 avant de se mettre à la rédaction de ses lois. Quant à l'Athénien des Lois, il demande, au moment où il se prépare à mettre en œuvre son projet,

qu’un dieu vienne disposer de façon convenable les lois et la cité, συνδιαϰοσμήσων τήν τε πόλιν ϰαὶ τούς νόμους 318 . Laisser entendre que l'on devait rester dans l'oralité pour rendre compte du caractère sacré des textes constitutionnels était ainsi fallacieux et n'avait pas d'autre fonction que de justifier l'oppression qui découlait du mensonge fondateur du système lacédémonien. Même pour signifier le caractère sacré de la législation, on aurait ainsi pu faire l’économie d'une interdiction de l'écriture. Quant à ce qu'il en est de la pratique des sanctuaires oraculaires, on ne doit pas oublier que les dieux en effet savaient eux-mêmes écrire.

L'écriture des dieux 76

Dans la cité platonicienne de l'Atlantide, tout était écriture. Les rapports des rois les uns avec les autres, comme ceux de l'ensemble de la communauté, étaient régis par des lettres ἐπιστολάς de Poséidon que la loi νόμος leur avait transmises, ainsi, que par la référence à une stèle d'orichalque qui avait été érigée dans le centre de l'île pour publier les textes rédigés par les anciens rois, γράμματα ὑπò τῶν πρώτων βασιλέων 319 ἐν στήλῃ γεγραμμένα ὀρειχαλϰίνῃ. On pouvait y lire, en particulier, le grand serment des malédictions frappant ceux qui auraient transgressé les lois, πρòς τοῑς νόμοις, ὅρϰος ἦν μεγάλας ἀρὰς ἐπευχόμενος τοῑς ἀπειθοũσιν 320 . Les rois juraient de ne pas contrevenir volontairement aux écritures et de ne commander, ni d'être commandés, que par les lois que leur père avait ordonnées.

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Le statut de chacun des actants du politique était très clair. Au dieu était revenue la constitution du groupe qui pourrait entrer dans un processus historique auquel lui-même ne participerait pas. L'exposition de la lettre fondatrice servait à mettre en évidence son absence. Elle était l'objectivation de la loi qu'il avait instituée. Aux

rois, qui régissaient des sujets, mais qui semblent avoir été seuls concernés par les stipulations de la stèle, car ils étaient d'une certaine façon la cité à eux tout seuls, revenait la perpétuation du royaume qu'ils assuraient par l'exercice de leurs responsabilités. Ils pouvaient promulguer de nouvelles lois, et condamner à mort si nécessaire un de leurs enfants 321 . Leurs diverses attributions étaient régies par de nombreux textes législatifs spécifiques, νόμοι δὲ πολλοὶ μὲν ἄλλοι περὶ τά γέρα τῶν βασιλέων ἐϰάστων ἦσαν ἴδιοι. Ils devaient rendre la justice en s'inspirant du texte publié, διϰάζειν ϰατά ἐν τῇ στήλῃ νόμοις. Ils jugeaient et étaient susceptibles d'être jugés les uns par les autres. Chacune des sentences rendues devait être inscrite sur des tablettes d'or qu'ils consacraient comme μνημεία, ainsi chaque jugement pouvait ainsi devenir un moment de l'histoire institutionnelle de la cité, la jurisprudence objectivée s'intégrant par l'écriture au corpus des textes législatifs. Ils consacraient en même temps que le texte leur vêtement pour signifier que leur responsabilité personnelle était mise en cause par la décision prise, l'engagement symbolique de leur vie était, ainsi, la garantie de la parole inscrite 322 . 78

Les trois voyageurs dialoguant sur les chemins de Crète savaient, pour leur part, que la cité qu'ils allaient fonder devrait ériger en loi, νόμον θείναι, et préserver durant l’éternité de son existence les mots que lui auraient fait entendre les dieux, λόγον, par l'intermédiaire du législateur qui leur serait donné 323 . Le projet n'avait rien d'extraordinaire puisque, par exemple, les Égyptiens avaient su conserver, depuis la plus haute antiquité, les modes de représentation des figures en sculpture ou en peinture aussi bien que les mélodies composées par Isis, μέλη τῆς ’Ίσιδος 324 . Il était possible, en effet, de préserver la pratique d'un art de telle sorte qu'il fût toujours semblable à lui-même, τήν αὐτήν τέχνην, et parût

n'avoir pas changé durant des millénaires. Cette constatation est parfaitement politique, νομοθετιϰòν ϰαὶ πολιτιϰòν ὑπερϐαλλόντως Le nomothète a, notamment, pour fonction d'ériger en loi ces airs dont la rigoureuse perfection tenait à son origine divine et, par conséquent, à sa conformité aux vérités de nature, νομοθετεῑσθαι βεϐαίως μέλη τὰ τὴν ορθότητα ϕύσει παρεχόμενα 325 . Il fallait faire en sorte que la cité fût, ainsi, directement en rapport avec le discours que les dieux tenaient aux hommes depuis les origines du monde. 79

Il s’avère que l'écriture était une technique qui permettait de mettre en relation deux ordres de réalité différents 326 , celui de la sacralité fondatrice et celui de l'histoire profane qui devait s'inscrire dans son prolongement 327 . L'écriture permettait de construire l'image, µίμημα 328 , de ce qu'avait pu être le bonheur de l'époque de Cronos et de perpétuer le souvenir des législations instituées par les démons qui dirigeaient le monde en promulguant les premières lois dans leur perfection, εὐνομία 329 . En effet, lorsque les hommes avaient cherché à donner une forme institutionnelle à leurs rassemblements originels, qu'agissant ensemble et, donc, parvenus au statut potentiel de citoyens, ils avaient commencé d'écrire les lois, συνελθóντας συγγράματα γράϕειν, c'est en considérant les traces de la plus véritable des constitutions qu'ils le firent, μεταθέοντας τὰ τῆς ἀληθέστάτης πολιτείας ἴχνη 330 . L’emploi que Platon fait, dans de passage du Politique, de la métaphore de la trace témoigne de ce qu'il souhaitait faire naître l’idée qu’il aurait existé une sorte d’écriture constitutionnelle primordiale dont il aurait suffi de reprendre les leçons. Si tel était bien le cas, tout texte juridique aurait été la copie de graphes antérieurs. Socrate avait été fondé à affirmer qu’il n'y avait jamais eu chez les hommes qu’une seule bonne constitution, ὀρθῆς ἡμῑν μόνης οὔσης ταύτης τῆς πολιτείας ἣν εἰρήκαμεν, et que

toutes les autres, qui avaient été ensuite promulguées, n'avaient jamais pu se maintenir que parce qu’elles avaient su en reprendre le texte rédigé, τοῑς ταύτης συγγράμμασι χρωμέναι οὕτω σῴζεσθαι 331 . Bien loin, ainsi, d'être un moyen imparfait de reproduction d'un modèle idéal dont elle aurait offusqué la perfection, l'écriture, ordonnée en une véritable composition, συγγράμματα, était ainsi présenté comme l'outil qui avait permis de construire l'original même du modèle constitutionnel 332 . Il ne peut être imaginé, ainsi, qu’il y ait eu des différences essentielles entre la meilleure des constitutions qui aurait été non écrite et les autres qui n'en auraient été que des reproductions insuffisantes. Il semble, en effet, que le politique souhaite renvoyer en un passé toujours plus lointain les origines de ses pratiques 333 . L'écriture du moment devait faire référence à un précédent qui pouvait passer pour une sorte de protoécriture. Une constitution devait se fonder sur les leçons d'un texte caché, que ce fût dans le ciel des paradigmes, au plus profond d'un temple ou d'une tombe. 80

Il ne restait, nulle part, de place pour l'existence d'une éventuelle constitution orale. Prétendre devoir refuser d'employer en politique l'écriture sous quelque prétexte que ce fût n'était pas, aux yeux de Platon, envisageable. Nul ne doit, donc, imaginer en essayant de comprendre de quelle façon il présentait le processus de constitution de l'état de droit que l'invention de l'écriture ait pu lui apparaître comme un moment de rupture des savoirs et des pratiques du groupe devenant cité. Le bon législateur devait savoir qu'il lui fallait réussir à imposer aux hommes qu'ils ne fissent jamais rien qui allât contre la lettre des lois qu'il aurait établies en les écrivant, παρὰ τὰ γεγραμμένα Il pouvait se justifier de ce positivisme, qui risquait de conduire à un relativisme cynique, en démontrant qu'il avait travaillé à imiter au mieux, εἰς δύναμιν, dans

la forme et dans le fond, en écrivant ses lois, la seule constitution digne de ce nom 334 . Elle était celle qu'aurait établie l'unique souverain qui eût, aux origines du monde, disposé véritablement des capacités nécessaires à l'instauration des systèmes politiques. 81

Il est, donc, inutile de prétendre que l'écrit occuperait un espace où ne se tiendraient jamais ni le tyran ni le roi philosophe, qui pourraient l'un comme l'autre choisir de se passer d'écrire 335 . Dans le Politique, Platon considère, en effet, que le véritable politique est légitimement à même de diriger la cité comme il l'entend, et pour ce faire d'utiliser ou non des lois écrites, agissant ἢ ϰατὰ γράμματα ἢ παρὰ γράμματα 336 . Il possède la science du gouvernement des hommes sans qu'aucune des modalités d'expression de sa volonté soit exclue, l'opportunité seule imposant l'une ou l'autre. L'efficacité idéale serait atteinte s'il pouvait venir s'asseoir au côté de chacun des citoyens pour lui prescrire avec toutes les précisions nécessaires ce qu'il conviendrait qu'il fasse, διά βιοῦ ἀεὶ παραϰαθήμενος ἑϰάστω δι’ ἀϰριϐείας προστάττειν τό προσῆκον 337 . Il n’utiliserait l'écriture que lorsqu'il serait amené à s'absenter, rédigeant des aides-mémoire, ὑπομνήματα 338 , destinés à rappeler, comme le fait un médecin qui quitte le chevet d'un patient, quelles sont ses ordonnances. Sa capacité à édicter oralement ses ordres et à modifier, si besoin était, ses instructions se manifesterait dès son retour sans qu'il dût être lié par ce qu'il aurait écrit avant son départ. L'écriture serait, ainsi, le signe de l’absence du souverain et de son impossibilité temporaire à parler ou à écouter. C'est, sans doute, pour cela sans doute que le tyran peut apparaître comme le paradigme de la loi écrite impitoyable une fois qu'elle aurait été promulguée, celui-ci ordonne et menace puis se met à l'écart, protégé du groupe de ses sujets et inaccessible à tout dialogue 339 . Ainsi l'emblématique Deiokès d'Hérodote régnait,

retiré en l’enceinte de son château, sur un groupe de sujets muets et dispersés 340 , ne traitant leurs procès que par des lettres qui n'étaient jamais que particulières et n'étaient plus un moyen de communication mais bien plutôt un moyen d'établir la distance nécessaire entre le maître qu'il était et des dépendants. Ceux-ci, par ailleurs, parce qu'ils n’écrivaient qu'à lui, τὰς δίϰας γράϕοντες ἔσω παρ’ ἐκεῑνον ἐσπέμπεσϰον 341 , et chacun pour son compte, ne pouvaient trouver en cette forme d'expression un moyen de dialoguer les uns avec les autres. 82

Le fait de rester proche de ses administrés peut passer, quand c’est le fait du véritable politique, pour le moyen de mettre en œuvre la seule véritable constitution, ὀρθὴν διαϕερόντως εἶναι ϰαὶ μόνην πολιτείαν 342 . Néanmoins, il est évident que, lorsqu'il choisit d'en présenter l'image, Platon insiste trop sur la nécessité où il se trouve de passer par l'écrit quand il s'absente, ainsi que sur le caractère productif de la lecture du modèle dont il doit s'inspirer, pour que l'on doive penser que le Politique est un dialogue dont la doctrine serait profondément différente de celle qui est développée dans les Lois 343 .

Trouver des lecteurs convenables 83

Le principal problème qui se pose au philosophe politique développant l'utopie est que l'écrit du législateur, comme celui de tout autre qui voudrait perpétuer sa parole, qu'il soit absent ou présent, peut ainsi se révéler inefficient. Dans un passage bien connu et très souvent analysé du Phèdre, Socrate met en garde celui qui se figurerait que, dans les caractères d’écriture, il peut laisser après lui, par écrit, une connaissance technique, τέχνην ἐν γράμμασι. Il ne faut pas non plus que celui qui le lirait puisse penser que des caractères d'écriture peuvent produire du sûr et du solide, ὤς τι σαϕές ϰαὶ

βέϐαιον ἐϰ γραμμάτων ἐσόμενον Ce serait pure naïveté que de croire qu’un traité écrit peut être plus qu'un moyen, utilisable seulement par celui qui sait déjà, de se remémorer ce sur quoi porte le texte qu'il lit 344 . Les produits de l'écriture n'ont que l'apparence de la vie, τὰ τῆς γραϕῆς ἕϰγονα ἕστηϰε μέν ὡς ζῶντα 345 . Ce sont des simulacres 346 qui ne peuvent accéder à l'existence. L'écrit du nomothète peut, ainsi, se révéler parfaitement inefficace à créer quoi que ce soit de durable car il serait, comme toute production de ce type, incapable de survivre à son auteur en gardant sa signification première, un texte ayant toujours besoin de l'assistance de son père car, de lui-même, il n'est capable ni de se défendre, ni de se porter assistance 347 . 84

Ce discours orphelin aurait néanmoins un frère qui pourrait être considéré comme légitime, γνήσιος, et dont l'efficacité serait réelle. C'est celui qui, au lieu de rouler de droite et de gauche, indifféremment auprès de ceux qui s'y connaissent et pareillement auprès de ceux dont ce n'est point l'affaire, parce qu'il ne sait pas quels sont ceux à qui justement il doit ou non s’adresser, sait trouver un lectorat capable de le faire vivre. Des graphes semés dans un terrain approprié se font jardins de caractères, ἐν γράμμασι ϰῆποι 348 , quand ils sont inscrits dans l'âme d'hommes capables d'apprendre et d'en faire fructifier les leçons 349 . Il naît, ainsi, des discours, produits vivants et capables de se défendre par eux-mêmes. Ils sont capables d’assurer pour l'éternité, ἀεί ἀθάνατον παρέχειν ἰϰανοί, la défense de celui qui les a plantés, de prolonger ses leçons et produire à leur tour des fruits qui feront chez d'autres pousser d'autres discours, ϕυτέυῃ ϰαὶ σπείρῃ μετ’ ἐπιστήμης λόγους οἳ ἐαυτοῑς τῷ τε ϕυτεύσαντι βοηθεῑν ἱϰανοὶ ϰαὶ οὐχι ἄκαρποι, ἀλλὰ ἔχοντες σπέρμα ὅθεν ἄλλοι, ἐν ἄλλοις ἤθεσι ϕυόμενοι 350 . C'est ainsi l'âme des lecteurs qui devient le lieu même où le nomothète

doit écrire. Le thème de l'écriture revivifiée par son lecteur et n'existant que par sa capacité de lecture impose une pratique politique spécifique au philosophe législateur. Chacun des lecteurs des lois proposées à Magnésie doit devenir une instance de reprise, prolongeant son discours.

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Pour que son travail de rédaction ne soit pas stérile le premier devoir du nomothète doit être de sélectionner le groupe de ceux qui vont recevoir ses lois. Il ne peut exister véritablement de constitution, ὄντως 351 , que si le législateur ne s'adresse qu'à des âmes convenables, son travail est sans valeur ni efficace s'il touche des destinataires inaptes à le faire fructifier 352 . Écrire une constitution impose d'abord, donc, que l'on choisisse ses lecteurs. Cela donne au législateur le devoir primordial de recruter avec soin les membres du groupe politique. Cette purification originelle, ϰαθάρσις, présentée comme conforme aux façons dont procèdent les éleveurs d'animaux domestiques 353 , n'est pas seulement une technique fondée sur une sorte d'eugénisme naïf. Elle apparaît, à proprement parler, comme une nécessité linguistique. En effet, le discours d'un législateur qui ne serait pas repris par les justiciables serait nécessairement nul et sans vertu dès que son auteur ne serait plus là pour le défendre. Ceux des personnes indignes, qui auraient échappé aux rigueurs de la sélection initiale, devraient être mis à l’écart en cas de crimes avérés par des condamnations à la mort ou à l’exil, par l'envoi à l’étranger sous prétexte de colonisation. Étant inaptes à se soumettre aux règles de constitutions légitimes, γνησιας, à valider, donc, par leur obéissance les textes promulgués par le législateur, il faudrait les éliminer.

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Platon est conscient qu’il ne peut espérer dessiner quelque jour sur une toile reçue vierge ou rendue telle, μηδέ γράϕειν νόμους πρὶν ἤ παραλαβείν ϰαθαράν ἢ αὐτοὶ ποιῆσαι 354 et ne travailler qu'avec des enfants préalablement déculturés par l'envoi aux champs de leurs parents et de leurs frères plus âgés pour les préserver des habitudes

que ceux-ci auraient antérieurement acquises, ἐϰτòς τῶν νũν ἠθῶν 355 . Seule une telle éducation aurait permis qu'ils pussent se laisser conduire par les leçons des lois dont ils auraient, par leur respect, pu assurer le maintien. L'aporie platonicienne dans les Lois tient à ce qu'il fallait, malgré la médiocrité inévitable des hommes que l'on imaginait pouvoir réunir, faire fonctionner la cité de telle sorte que l'ouverture interprétative procurée par l'écriture ne fût pas source de distorsions et de variété. Dans la mesure où son usage était indispensable à la construction de l'image du modèle idéal, il fallait trouver des modes d'expression collective et individuelle tels que la capacité du discours écrit à devenir indépendant de son auteur n'empêchât pas les citoyens de rester fidèle à l'esprit des institutions originelles.

NOTES 1.Lois 713 d-e. Les dieux agissent comme le font les hommes à époque historique en exerçant leur autorité sur les troupeaux de bêtes domestiques, Platon se félicite de ce que l'on ne donne pas des bœufs comme magistrats, ἄρχoντας, à des bœufs, ou des chèvres à des chèvres. Ils exercent le pouvoir d'un maître incontesté. δεσπóζειν. étant d'une race supérieure, ἄµεινoν ἐϰείνων γένoς. Dans le Politique 295e il est question des troupeaux des hommes qui sont mis aux champs par le législateur. ἀγέλαι ὁπóσαι ϰατὰ πóλιν εν ἑϰάσταις νoµεúoνται. 2.Politique 272a. 3.Politique 272a. Ce texte a été analysé par P. Vidal-Naquet, "Plato's myth of the statesman", Journal of Hellenic Studies. 98, 1978, p.  132-141, repris dans Le chasseur noir, Paris, 1981, "Le mythe platonicien du Politique, les ambiguités de l'âge d'or et de l'histoire". 4.Lois 676b. 5.Lois 874e-875a (voir 766a). Le Pseudo-Protagoras —cette désignation tient à ce que le personnage dénommé Protagoras par Platon est une figure emblématique, construite dans un but de démonstration philosophique, pour ne pas dire littéraire ou pédagogique, voir sur ce point D. Babut, "Platon et Protagoras : l'« Apologie » du sophiste dans le Théétète et son rôle dans le dialogue", Revue des Études Grecques, 84, 1982, p. 50-86 — pense que le plus injuste des hommes vivant dans une cité soumise à des lois est nécessairement plus juste que le sauvage, Protagoras 327d. Il se trouve dans ce dernier passage une classification des moyens servant à conduire les hommes à la vertu, παιδεία, διϰαστήρια, νóµoι, ἀνάγϰη, quelle que soit l'idée que l'on se fait du libéralisme supposé de la pensée platonicienne, on doit constater que la contrainte, servant à boucler l'énumération, en devient comme le résumé. 6.Lois 678a. 7.Timée 23a. 8.Lois 680e. 9. On admet aujourd'hui que l’idée même de cette division, prétendument ancienne, était, sans doute, d'origine secondaire et se fondait sur des présupposés idéologiques marginaux. On doit, donc, postuler que le monde grec primitif était relativement homogène. Il ne faut pas oublier quelle fut l'importance du livre de E. Will, Doriens et Ioniens, Strasbourg, 1966 montrant que Fustel de Coulanges savait déjà qu'il n'y avait pas de différence de nature entre les peuples grecs. Voir, pour connaître ce qui fut un débat important, Le origini dei Greci. Dori e mondo egeo, a cura di D. Musti, Bari, 1986. 10. Sur le caractère d'abord local de ce type d'association, G. Roux, L'Amphictionie, Delphes et le temple d'Apollon au IVe siècle, Paris-Lyon, 1979 et désormais F. Lefèvre, L'amphictonie pyléodelphique : histoire et institutions, Athènes. 1998.

11.Lois 659b. Ce texte a été très commenté. England, repris par Des Places, pensait qu'il s'agissait d'une glose, ce qui n'est sans doute pas le cas comme l'indique K. Schöpsdau, Platon, Nomoi (Gesetze) Buch I-III, Göttingen, 1994. J. de Romilly, La loi dans la pensée grecque, des origines à Aristote. Paris, 1971. p. 40 et suivantes a compris que les anciennes loi grecques "font appel à des principes très généraux relevant de l'ordre moral", les invoquer n'était pas néanmoins dénué d'implications idéologiques et politiques. Le texte le plus topique, développant le thème, appartient au domaine de la rhétorique. Aristote a montré comment il faut jouer du concept de droit naturel quand le droit positif peut paraître interdire la position que l'on veut défendre devant un tribunal. Il existerait des lois écrites spécifiques en fonction desquelles on vit en citoyen et des lois communes, non écrites, dont tout le monde serait d'accord pour penser qu’elles définissent un bien et un juste naturel, Rhétorique 1368b5, νóµoς δ’ ἐστίν ὁ µὲν ἴδιoς ὁ δὲ ϰoινóς λέγω δὲ ἴδιoν µὲν ϰαθ’ ὅν γεγραµµένoν πoλιτεúoνται, ϰoινòς δέ ὅσα ἄγραφα παρὰ πᾶσιν ὁµoλoγεῑσθαι δoϰεί, la loi commune étant fondée en nature et distinguant le juste naturel de l'injuste, Rhétorique 1273b4, λέγω δὲ νóµoν τòν µὲν ἴδιoν, τòν δὲ ϰoινòν... ϰoινòν δὲ τòν ϰατὰ φύσιν... φúσει ϰoινòν δίϰαιoν ϰαὶ ἄδιϰoν. 12.Lois 683d-684e. La présentation qui est faite de l'histoire des trois cités primitives du Péloponnèse (voir K. K. Schöpsdau, Platon, Nomoi (Gesetze) Buch I-III, Göttingen, 1994, p. 383419) est très compliquée. Les rapports entre les trois rois et leurs trois peuples auraient été contractualisés. Les droits et devoirs réciproques des gouvernants et des sujets dans chaque ville auraient été garantis par une sorte d'alliance multipolaire conclue entre les six parties prenantes. En cas de conflit interne à l'une ou l’autre des cités, les deux autres étaient censées devoir intervenir pour rétablir l'ordre et défendre celle des parties en conflit qui avait été lésée par l'action de l'une ou l'autre. Le recours à une sorte d'expression majoritaire à l’échelle du peuple, cinq suffrages de rois et peuple associés pour mettre à la raison l'un des peuples ou l’un des rois, devait régler tout problème. Cette association ne put empêcher la décadence d'Argos et de Messène qui laissèrent Sparte solitaire dans sa perfection. 13. Les cités ioniennes se présentaient elles-aussi comme parentes les unes des autres, elles avaient pourtant construit leurs systèmes politiques de façon parfaitement autonome. S'il avait éventuellement, en effet, existé un modèle unique pour leurs institutions, chacune d'entre elles l'avait très largement et très tôt réinterprété. Voir, M. Piérart, "Modèles de répartition des citoyens dans les cités ioniennes", Revue des Études Anciennes, 87, 1985, p. 169188 (P. Lévêque. p. 188-190, donne à cet article, se fondant sur une étude étymologique de J.-L. Perpillou, un prolongement intéressant en traitant de la notion de fraternité politique). 14. Diodore, Bibliothèque, I, 7-8. Dans le Ménéxène 237d-238a, les Athéniens autochtones sont loués pour être nés dans un pays exempts de bêtes sauvages, la terre les aurait fait naître et se serait occupée de les nourrir en leur fournissant dès l'origine la meilleure des nourritures et la plus civilisée, le blé. La terre serait la mère que les femmes humaines se seraient contentées de l'imiter dans sa capacité à produire des enfants, où γὰρ γῆ γυναῑϰα µεµίµηται ϰυήσει γεννήσει,

ἀλλ’ γuνὴ γῆν, 238a, voir N. Loraux, L'invention d'Athènes, Paris, Paris, 2ème éd. 1993, p. 172 et suivantes, puis, Né de la terre, Paris, 1996, p. 128-155. 15. J.-M. Bertrand, Cités et royaumes du monde grec : espace et politique, Paris, 1992, p. 22. Au lieu de penser, par exemple, que la cité athénienne était née d'un rassemblement de villages dispersés, on peut penser que l'Attique fut "recolonisé" (la formule est empruntée à D. Whitehead, The demes of Attica, Princeton, 1986, p. 8 et 9) durant les âges obscurs à partir de la ville et que les enracinements cultuels autour des capitales de dèmes furent pour ces occasions expliqués et justifiés par des reconstructions mythographiques secondaires. 16. J.-M. Bertrand, "Langage et politique : réflexions sur le traité pseudo-xénophontique De la République des Athéniens", Langage et société, 49, 1989, p. 25-41 (notamment p. 27). 17. Thucidyde, Guerre du Péloponnèse, I, 2-3. 18.Lois 680e. 19.Lois 680b, δoϰoῦoι πάντες τὴν ἑν τoύτῳ τῷ χρóνῳ πoλιτείαν δuναστείαν ϰαλεῑν. Pour Platon, Politique 259a-b, il n'y à pas de différence de nature entre le pouvoir du maître de maison et celui qui s'exerce dans la cité, Aristote fait la distinction entre les deux. 20.Lois 680e. Aristote souligne que le pouvoir du maître de maison est à la fois despotique, politique et royal, Politique 1259a35 et 1259b. Il n’a jamais prétendu que l'humanité est passée du stade de la famille à celui du village puis du village à la cité  : ce que l'on appelle l'Archéologie et qui sert d'introduction à la Politique ne prétend pas être une histoire de l'évolution du genre humain. Ce passage est tout entier une construction téléologique qui fait du récit historique une sorte de métaphore de l’appétence manifesté par la nature humaine pour la constitution du politique. L'homme ne peut être envisagé dans sa permanence, ni dans son développement, si l'on ne fournit pas de son histoire ce type de représentation décalée, voir J.-M. Bertrand, "Sur l'archéologie de la cité (Aristote, Pol, 1252a-1253), Histoire et Linguistique, Actes de la Table Ronde organisée par Langage et Sociétté, éd. P. Achard, M. P. Gruénais, D. Jaulin, Paris, 1984, p. 271-278. Dans Studies in the ancient greek Polis, éd. M. H. Hansen et K. Raaflaub, Historia, Einz. 95, 1995, "Kome. A study in how the Greeks designated and classified settlements which were not Poleis", p. 45-81, M. H. Hansen semble s’étonner de ce que le terme de village soit rare dans les sources les plus anciennes alors que selon ce qu'il admet comme devant être "l'orthodoxie", komai must have outnumbered poleis many times. L'évidence aurait dû faire admettre que les villages sont une réalité secondaire. Il n'accèdent à l'existence que lorsque l'on s'aperçoit que la cité n'est pas la seule réalité politique possible, voir Ed. Lévy, "Apparition en Grèce de l'idée de village", Ktèma 11, 1986, p. 117-128. M. Narcy, "Le contrat social : d'un mythe moderne à l’ancienne sophistique", Philosophie, 28, 1990. p. 3256, montre que Platon et Aristote donnent des origines de la société un unique récit, le récit téléologique. 21. Pour Aristote, Politique, III, 1287a, la royauté de la cité originelle ne peut pas être considérée comme naturelle, ϰατὰ φúσιν. Dans une cité, tous les membres sont égaux en droit et semblables, il n'est pas naturel que tel soit le seul à pouvoir agir à son gré, ϰατὰ τὴν ἑαuτoῦ

βoύλησιν, voir P. Carlier, "La notion de pambasileia dans la pensée politique d'Aristote", Aristote et Athènes, éd. M. Piérart, Paris, 1993, p. 103-118. 22. Aristote, Politique 1285b30. 23.Lois 680e. Le principe d'aînesse régit les rapports humains, Lois 681a, ὁ πρεσϐύτατoς ἄρχων τῆς oἰϰήσεως Dans son commentaire, K. K. Schöpsdau, Platon, Nomoi (Gesetze) Buch I-III, Göttingen, 1994, cite Aristote. Éthique à Nicomaque 1180a28, pour qui le maître de maison est nécessairement désigné en fonction du principe d'ancienneté, πᾶσα oἰϰία βασιλεύεται ὑπò τoῦ πρεσϐuτάτou. Platon sait que c'est par l’application de ce principe que les rois atlantes ont maintenu la puissance de leur royaume durant plusieurs générations, Critias 114d, βασιλεùς ὁ πρεσϐύτατoς ἀεὶ τῷ πρεσϐuτάτῳ τῶν ἐϰγóνων παραδιδoὺς ἐπὶ γενεάς πoλλὰς τὴν βασιλείαν διέσῳζoν Quand il présente de façon systématique, Lois 689e-690c et 714d-715a, les sept titres à exercer légitimement l'autorité, τὰ ἀξιώµατα τoῦ τε ἄρχειν ϰαὶ ἄρχεσθαι et définit qui doit commander et à qui τίνας τίνων ἄρχειν δεῑ, il indique que le plus naturel des gouvernements est celui où les sages commandent à des ignorants acceptant d’obéir sans qu'il soit besoin de les contraindre par la violence, ϰατὰ ϕύσιν δὲ τὴν τoῦ νóµoυ ἑϰóντων ἀρχὴν ἀλλ’ oὐ βίαιoν πεφuϰuίαν Lois 690c. 24.Lois 689e-691b. 25.Lois 681b, il ne faut pas les confondre avec les véritables lois communes au groupe politique, ϰoινoὶ νóµoι. 26. Pour apprécier l'importance des rituels dans la façon dont se met en place le politique à l'époque archaïque, voir F. de Polignac, "Repenser la «  cité  », rituels et société en Grèce archaïque", dans Studies in the ancient greek Polis, Historia Einz. 95, 1995, p.  7-19, éd. M. H. Hansen et K. Raaflaub. Il montre bien que s'il est difficile de découvrir des chaines causales dans le processus de constitution des cités, il est clair que certains rites, notamment funéraires, "manifestaient tout à la fois la nature et l’étendue des pratiques communes et le type de pouvoir qui y existait". 27.Protagoras 322a. Ce texte peut surprendre, car il semble vouloir signifier que la mise en œuvre du langage est affaire de technè. Celle-ci ne serait en rien différente de celle qui est utilisée dans l'agriculture ou l'artisanat, comme si le langage pouvait être considéré comme technique d'usage purement individuel. Pour Diodore (lire A. Burton, Diodorus, Book I, a commentary, Leyde, 1972, p. 49 et suivantes ainsi que P. Bertrac, dans l'introduction de son l'édition du Livre I de Diodore, p.  7, 1993, l’un et l'autre acceptant les conclusions de W. Spoerri, Spaäthellenistische Berichte über Welt, Kultur und Götter, Bâle, 1959), le langage naît du regroupement même des hommes qui apprennent à articuler des mots auxquels ils donnent des significations particulières pour se comprendre dans chacunes des sociétés se formant pour lutter contre les bêtes sauvages. Les cellules originelles étant nombreuses et dispersées, les hommes ont construit des langues différentes, la capacité à user du langage n'existant que dans ses manifestations, Bibliothèque, I, 8, 3-4 τoιoύτων δέ σuστηµάτων γινoµένων ϰαθ’ ἅπασαν τὴν oἰϰouµένην, oὐϰ ὁµóφωνoν πάντας ἔχειν τὴν διάλεϰτoν ἑϰάστων ὡς ἔτuχε

σuνταξάντων τὰς λέξεις. Le langage est considéré comme préexistant au politique puisque ce sont de ces groupes de vie, initiaux que seraient nés les peuples, τὰ πρῶτα γενóµενα συστήµατῶν ἀπάντων ἐθνῶν ἀρχέγoνα γενέσθαι. Pour Diodore ce n'est qu'après avoir construit sa langue que l’homme aurait découvert les techniques les plus élémentaires. L’homme que Platon définit, en revanche, comme primitif avait perdu par rapport aux humains des générations antérieures au déluge la capacité de fabriquer des objets métalliques. Ceux-ci connaissaient, bien avant la réalisation des sociétés protopolitiques, le feu et tout ce qui avait trait aux arts du tissage et de la plastique, ils avaient à leur disposition divers ustensiles qui leur facilitaient la vie, Lois 678c et 679a. 28. Socrate admet comme point de départ de la discussion sur la valeur signifiante des sons (Cratyle 426c-427d) que le mot primitif est imitation phonique, µίµηµα φωνῇ, Cratyle 423c, cela pose notamment le problème du tiers validant la pertinence de l'imitation. M. Detienne, "La double écriture de la mythologie", Métamorphoses du mythe en Grèce antique, éd. C. Calame, 1988, p. 17-33, qui, à propos de Critias 109e-110a semble penser qu'il peut exister une "oralité au degré zéro" quand les hommes "dépourvus des choses nécessaires à la vie. l'esprit uniquement tendu vers la satisfaction de leurs besoins, y consacrent tous leurs discours". 29. Aristote, Politique 1253a7 et suivantes, montre si φωνή reste au niveau du biologique pouvant être simple cri, le λóγoς construit la communauté, ϰoινωνία, voir Du genre des Animaux 786b 21, De l'âme 420b 5, 421a. Même si les mots ne sont pas chose naturelle et s’ils appartiennent au domaine de la technique, le logos fait le lien entre les divers ordres du monde. L'homme parle et raisonne en fonction de sa nature propre qui est celle d’un animal foncièrement politique. Lire R. Brague, Aristote et la question du monde, Paris, 1988 p. 261 et suivantes, B. Cassin, "Logos et politique. Politique, rhétorique et sophistique chez Aristote", Aristote politique, Etudes sur la Politique d'Aristote, sous la direction de P. Aubenque, publiées par A. Tordesillas, Paris, 1993, p. 367-398. A. Arendt, La condition de l'homme moderne, Paris, 1983, p. 10, montre que "dès que le rôle du langage est en jeu, le problème devient politique par définition, c'est le langage qui fait de l'homme un animal politique". 30.Lois 678e. 31.République 369c. 32.Lois 681a. Le Pseudo-Protagoras, Protagoras 322b, pensait que l'entrée dans le politique aurait pu se faire au moment où il fallut que les hommes apprennent à se défendre contre les animaux et qu'ils le firent d'abord ainsi par la construction de murailles derrière lesquelles ils purent se réfugier. La chasse doit, selon lui, être considérée comme une activité relevant de la τέχνη πoλιτιϰή. Platon ne méconnaît pas la valeur socialisante du regroupement en une maison commune des hommes désireux de se défendre contre les bêtes sauvages, Lois 681a. Il voit néanmoins dans la chasse socialisée d'époque classique une technique pédagogique qui ne doit pas se laisser pervertir par les capacités acquisitoires, Lois 822d-824a, qui étaient l'essentiel de son utilité à l'époque primitive, Lois 679a. Nous n'évoquons pas ce qu’est la ville primitive en tant que réalité matérielle, voir, M. G. Hansen et T. Fischer-Hansen, "Monumental

political architecture in archaïc and classical greek poleis", From political architecture to Stephanus Byzantius, Source for the ancient greek Polis, Historia Einz. 87, 1994, p.  23-90, S. G. Miller, "Architecture as evidence fot the identity of the early Polis", Sources for the ancient greek city State, éd. M. H. Hansen, Copenhague, 1995, p. 201-244. 33.République 372c-d. 34.République 372a et suivants. Voir Lois 807a, les hommes ne doivent pas vivre "à la mode du bétail", car l'animal "engraissé dans la paresse et l'indolence aura pour sort d'être mis en pièce par un de ceux que le courage et le travail, πóπoι, auront brûlé". Ainsi, apparaît en filigrane le thème de la guerre nécessaire à la cité et celui du plaisir improductif. Voir les analyses théoriques de F. de Polignac, "Repenser la cité, rituels et société en Grèce ancienne", dans M. H. Hansen, Studies in the ancient greek polis, Historia, Einz. 95, 1995, p.  7-19 (notamment p. 15). 35.Protagoras 327d. Pour le sophiste celui qui enseigne à parler enseigne la vertu, car, dès que l'enfant comprend le langage, tous ceux qui s’occupent de lui définissent ce qui est juste ou non, ces définitions ne sont pas essentiellement qualifiantes mais elles sont essentiellement pragmatiques. C'est, en effet, à l’occasion d'ordres donnés, "fait ceci, ne fais pas cela", que sont désigné comme de telle ou telle qualité ce qui correspond à des actes interdits ou imposés, justes ou injustes, beaux ou laids, honteux ou non, pies ou impies, λóγoν διδάσϰoντες ϰαὶ ἐνδειϰνúµενoι ὅτι τò µὲν δίϰαιoν, τò δὲ ἄδιoν, ϰαὶ τóδε µὲν ϰαλóν, ϰτλ.... ϰαὶ τὰ µὲν πoίει, τὰ δέ µὴ πoίει, 325c. La construction de ce discours protagoréen semble très linéaire et semble mal se prêter à une interprétation systématique du type de celle qu'a proposée par L. Brisson, "Le mythe de Protagoras, essai d'analyse structurale", Quaderni Ubinati di cultura classica, 20, 1975, p. 7-37. 36.Protagoras 322c. 37.Politique 301e, la comparaison de la société humaine avec celle des abeilles est reprise par Aristote, Politique 1253a3, qui explique que l'homme est un animal plus politique que l'abeille et que tous les animaux grégaires parce que, par le λóγoς, il connaît le juste et l'injuste et qu'il partage ce sens des valeurs avec les autres hommes. Cela lui permet de vivre en familles et en cités, ἤ δὲ τoúτων ϰoινωνία πoιεῑ oἰϰίαν ϰαὶ πóλιν. L'homme est, en effet, un animal vivant en maison autant qu’en politique, Éhique à Eudème, 1242a23, oὐ µóνoν πoλιτιϰòν ἀλλὰ ϰαὶ oἰϰoνoµιϰòν ζῷoν, il est un animal de couple plus que de cité, τῇ φúσει συνδυαστιϰòν µᾶλλoν ἢ πoλιτιϰóν, Éhique à Nicomaque, 1162a18. 38. Il n’est pas possible d'évoquer les récits écrits par les Grecs de leurs commencements sans tenir compte de ce que la raison grecque étant fille de la cité le discours sur les origines ne peut faire abstraction de l’existence et de l'évidence de celle-ci pour penser "l'être-aumonde", comme l'écrit R. Brague, "Le récit du commencement. Une aporie de la raison grecque", La naissance de la raison en Grèce ancienne, Actes du Congrès de Nice, mai 1987, p. 22-31. 39. F. Jacques, Différence et subjectivité, Paris, 1982. P. Ricœur, Soi-même comme un autre, Paris, 1990.

40. R. Brague, Aristote et la question du monde, Paris, 1988, p. 261 et suivantes, paraphrasant Aristote, rappelle que l'homme est le seul des animaux qui soit doté d'un logos qui "est émis à partir d'un visage et s'adresse à un visage" (p. 268), il n'est pas d'homme sans vis à vis. 41. J.-P. Vernant, L'individu, la mort, l'amour, soi-même et l'autre en Grèce ancienne, Paris, 1989, p. 224-225. Note 14, il est question d’un "cogito paradoxal" qui permet à l'homme grec de se voir vivre dans les projections qu'il a réalisé de lui même. 42. E. Durkheim, De la division du travail social, Paris, 7ème édition, 1960, p. 264 (la première édition de cet ouvrage date de 1893). 43. Le texte d'Antiphon en a été établi par F. Decleva-Caizzi, Corpus des Papyrus philosophiques (CPF), I, 1, Florence, 1989. 44. B. Cassin, "Antiphon, sur la Vérité" suivi de "Citoyenniser, barbariser. on n’échappe pas à Antiphon", Rue Descartes, 3, 1992, p. 11-34, a donné une interprétation intéressante de ce texte et un bon commentaire, repris dans L'effet sophistique, Paris, 1995, p.  150 et suivantes. Le second et le troisième emploi du concept de barbare dans le texte (A, 1.13 et 24) fait bien référence au partage du monde considéré comme établi entre les Grecs et les Barbares. Il n'est pas exclu, néanmoins, qu'il faille l’interpréter de façon métaphorique, en jouant des concepts de nature et de loi. Le verbe βεϐαρϐαρώµεθα (1. 9), ainsi que la relation de réciprocité qu'induit le πρòς ἀλλήλouς fait comprendre que le barbare est un semblable mais que, pour accéder soi-même au rang de citoyen, il faut le mettre à distance. Au plan linguistique, la dispersion est, de la même façon, productrice d'identité, comme le montre Cl. Hagège, "Babel : du temps mythique au temps du langage", Revue philosophique, 4, 1978, p. 465479, "l'unicité des langues, loin d'être une bénédiction dont les hommes sont soudain privés, est le handicap majeur à leur vocation [politique], l'obstacle à l'accomplissement de leur destin [en tant que peuple]", "cette langue unique, dont les hommes veulent sceller la rassurante permanence entre les murailles de Babel, tel est bien l'obstacle à leur propre vocation ; c'est pourquoi doit survenir la dispersion sociale, inséparable ici de la dispersion linguistique". 45. H. Van Effenterre et F. Ruzé, Nomima. Recueil d'inscriptions politiques et juridiques de l'archaïsme grec, Paris, 1994. Les auteurs voulant définir le "pré-politique" indiquent avant toute chose (p.  27) que l'étranger est un être à la fois "défini et multiforme". Il faut, néanmoins, se demander s'il "existait depuis toujours", puisqu'il faut bien que la découverte de l'autre soit un moment. 46.Pausanias, Périégèse, 10, 4, 1-2. Ce texte a été analysé par S. E. Alcock, "Pausanias and the Polis : use and abuse", Sources for the ancient greek city State, éd. M. H. Hansen, Copenhague, 1995, p. 326-344, qui procure la bibliographie nécessaire. La définition de la borne dans les Lois 843a est tout à fait éclairante, elle ne sépare pas les voisins les uns des autres mais, petite marque de pierre, elle est la frontière entre l'amitié et l'inimitié, σµιϰρòν λίθoν ὁρίζoντα φιλίαν ϰαὶ ἔχθραν.

47. Ce texte a été établi par Diels. Voir le Fragment 80 d'Héraclite, la guerre est universelle, le désordre est le droit, toutes choses naissent et meurent selon discorde et nécessité, εἰδέναι χρὴ τòν πóλεµoν ἔoντα ξuνóν, δίϰην ἔριν ϰαί γινóµενα πάντα ϰατ’ἔριν ϰαὶ χρεών. 48. Le début des Lois 625c-630e est une réflexion sur la finalité des institutions politiques dans leur rapport à la guerre, les lois sont censées conduire à la vertu totale et non pas à la seule vertu militaire, le passage le plus original et idéologiquement productif de cette réflexion concerne la guerre civile. K. Schöpsdau, Platon, Nomoi (Gesetze) Buch I-1II, Göttingen, 1994 n'analyse le passage que par des références internes à l'œuvre de Platon alors qu'il faudrait évoquer la réflexion historique récente sur la στάσις et notamment à l'œuvre de N. Loraux, par exemple, "Oikeios polemos  : la guerra negla familia". Studi storici, I, 1987, p.  5-35, "Reflexions of the greek city on unity and division", City States in Classical antiquity and medieval Italy, édité par A. Molho. K. Raaflaub. J. Emlen, Stuttgart, 1991, p. 33-51. 49. Pour une appréciation lucide, nuancée et toujours actuelle de ce que fut réellement l’influence des institutions militaires dans les cités grecques, des réformes qui eurent lieu à l'époque archaïque et de la façon dont elles purent contribuer à l'évolution du politique, voir la note de R. Lonis, "Bulletin de Bibliographie critique, la Guerre en Grèce, Quinze années de recherche : 1968-1983", Revue des Études Grecques, 98, 1985, p. 321-379, notamment p. 328-333 et 358-361. Le conflit hoplitique permet de construire le territoire politique, voir l'ouvrage de F. de Polignac, La naissance de la cité grecque, Paris, 2ème édition, 1995, p.  64-78. et I. M. Morris, Burial and ancient society, The rise of the greek city-state, Cambridge, 1987. 50. L'idée a été exprimée notamment par Y. Thomas, "Imago naturae. Note sur l'institutionnalité de la nature à Rome", Théologie et droit dans la science politique de l'Etat moderne, Rome-Paris, 1991, p. 201-227. 51.Lois 626a, il s'agit, peut-être, des seules cités crétoises puisque le Crétois Clinias peut, sans doute, évoquer son expérience propre, H. Van Effenterre. La Crète et le monde grec de Platon à Polybe, Paris, 1948, p.  74, indique que Platon ne donne pas l’impression, pourtant, d’avoir connaissance, ni de guerres civiles, ni de discordes politiques graves dans l'île. Il est possible qu'il ait le sentiment qu'existe nécessairement dans les cités une masse populaire inapte à comprendre quelle serait la finalité des institutions établies par le législateur, Lois 625e. 52.Lois 626d. L'article de P. Osmo, "Avoir la paix avec la paix, une lecture des Lois de Platon", D'une cité possible. Sur les Lois de Platon", sous la direction de J.-F. Balaudé, Paris, 1995, p. 79-94, est très rhétorique, sa conclusion sur la nécessité de se soumettre aux ordres d'un chef, fût-il l'esprit même, n'a rien qui soit rassurant. L'idée selon laquelle il faut avoir même ami et ennemi que la cité, Lois 955b, est une référence à des réalités tout à fait ordinaires du politique qui doit s’assurer que tout le monde tient individuellement le même discours que chacun de ses concitoyens et l'ensemble du groupe vis à vis de l'extérieur. N'importe qui peut avoir, en effet, l'idée de signer un traité de paix privée, chez Aristophane, c'est un thème burlesque, le héros faisant même graver dans la cour de sa demeure le traité conclu, Acharniens, 719.

53.Lois 628b, montre que lorsque la paix civile se rétablit, la cité peut s’occuper de ses ennemis extérieurs, oὕτω τoῑς ἔξωθεν πoλεµίoις πρoσέχειν ἀνάγϰην εἶναι τòν νoῦν. L'existence dans le texte de ἀνάγϰην εἶναι a été suspectée à tort, sans doute, du point de vue de la critique formelle. Pour que la logique du raisonnement apparaisse, il faut comprendre que le fait de devoir s’occuper des ennemis du dehors n’est pas la conséquence mécanique de l'avènement de la paix civile qui imposerait que l’on doive occuper des soldats laissés oisifs par le règlement d'un conflit intérieur. E. Des Places semble comprendre ainsi le texte, quand il traduit, "que la mort des uns ou la victoire des autres fasse succéder la paix à la guerre civile, ou que grâce à des réconciliations... la cité se voit contrainte de porter son attention sur les ennemis du dehors". Cette façon de présenter les choses laisserait entendre que les participants à la guerre intestine peuvent avoir été des mercenaires, ce qui paraît contraire à l'idée, Lois 630b, selon laquelle le mercenaire n'est capable de se faire tuer que dans les combats du type de ceux qu'avait décrit Tyrtée. En revanche, cela peut correspondre à la réalité du IVème siècle grec (voir les travaux du Congrès Le Quatrième siècle av. J-C. Approches historiographiques, Nancy, 1996, éd. P. Carlier). E.B. England glose le texte en considérant que "the question résolves itself into under which of the two circonstances would you prefer to be forced to turn your attention to a foreign foe, ἀνάγϰην εἶναι is therefore the équivalent of "when so compelled". L'idéologie qui sous-tend le texte III de Nakone, H. et M. Van Effenterre, "L'acte de fraternisation de Nakone", Mélanges de l'Ecole Française de Rome, Antiquité, 100, 1988, p. 687-700, est un parallèle inversé du genre de propos que l’on fait tenir à Platon. La réconciliation des habitants invités à fraterniser se justifie par le fait que les affaires internes et externes communes aux Nakoniens "s'étant redressées”, il sera "avantageux qu'à l'avenir également leur cité vive dans la concorde". L’harmonie politique est ainsi considérée comme une réalité seconde dans le monde, comme s’il était compris que la guerre extérieure interfère toujours sur les conflits civils qu’elle attise quand elle ne les crée pas. 54. Hésiode, Travaux 276-279, sait que les animaux se dévorent entre eux parce qu'ils ne possèdent pas la vertu de justice, διϰή. À l’inverse quand les hommes luttent les uns contre les autres c'est dans le cadre d'une loi qui appartient à la seule humanité, M. Nill, Morality and self interest, in Protagoras, Antiphon and Democritus, Philosophia Antiqua, XLIII, Leyde, 1985, p. 7, rapproche ce passage de l'Hécube d'Euripide, 799 et de Pindare Fg 215. 55.Protagoras 322b. A. Schnapp, Le chasseur et la cité, chasse et érotique en Grèce ancienne, Paris, 1997, p. 18, voit les choses dans le sens de sa propre problématique et signifie que la chasse n'est pas traitée par le mythe de Protagoras. 56. Quand l'homme primitif quitte la logique de la survie et qu'il se soucie du confort, puis de luxe, la guerre devient nécessaire pour s'emparer de ce que possède le voisin, comme le signifie Glaucon, République 372d-373e. 57. Aristote, Politique 1255b 40, 1256b 23, définit la chasse et la guerre elle-même comme des techniques d'acquisition. Aristote, Politique 1256b23, pense que, pour que la guerre soit un mode d'enrichissement pleinement légitime, elle doit se faire contre les barbares disqualifiés

en tant qu'hommes et définis comme esclaves par nature mais se refusant à accepter leur condition, ἡ πoλεµιϰὴ φúσει ϰτητιϰή πως ἔσται, ἡ γἀρ θερεuτιϰὴ µέρoς αὐτῆς, ᾗ δεῑ χρῆσθαι πρóς τε τὰ θηρία ϰαὶ τῶν ἀνθρώπων ὅσoι πεφυϰoτες ἄρχεσθαι µὴ θέλoυσιν ὡς φύσει δίϰαιoν τoῦτoν ὄvτα τòν πóλεµoν Le préambule de la loi sur la chasse distingue plusieurs formes de pratique, Lois 823c, il considère comme activité de chasse la quête d’un individu par souci d'amitié, ἡ ϰατὰ φιλίαν θηρεύouσα, et ce qu'il appelle la guerre mais n'est rien que la piraterie, λῃστεία, qui rend ceux qui la pratiquent cruels et sans loi, Lois 823e. La chasse à courre est la seule qui ait une vertu éducative et que les gens convenables puissent pratiquer, A. Schnapp. Le chasseur et la cité, chasse et érotique en Grèce ancienne, Paris, 1997, p. 141-144. 58. Platon en était venu, République 469b-471c, à définir la guerre entre Grecs comme une guerre civile. Il décrit sa pratique comme le développement d’une technique persuasive, il s'agit de conduire son adversaire à la sagesse, en se conduisant comme un σωφρoνιστής Il se contente de proposer des règles pour en limiter les effets négatifs. Les moindres procès relèvent de la στάσις dans la mesure où ils sont fait pour nuire et faire du tort à autrui, Lois 679d, δίϰαι ϰαὶ στάσεις λεγóµενoι εἰς τò ϰαϰouρείν ἀλλήλouς ϰαὶ ἀδιϰεῑν, la guerre est. ainsi, un mode d'affrontement comme un autre. 59. L’exemple le meilleur du caractère meurtrier des guerres dites agônales est celui de l'un des combats qui opposèrent Argos à Sparte pour la possession de la Thyréatide, Hérodote, Histoires, I, 82. 60. L'essentiel de ce que l'on sait de la valeur militaire de Socrate est procuré par l’éloge que prononce Alcibiade dans le Banquet 220a-b, 220d-221b. Au combat, c'était un gaillard auquel il était imprudent de se frotter, même dans les moments où l'armée se repliait en désordre. En campagne il était capable de supporter, sans en être affecté, les pires conditions de vie. 61.Timée 19b-c. Ce texte a été analysé par J. Derrida, Khôra, Paris. 1993, p.  77 et suivantes. Celui-ci souligne, p. 103, comment cette façon de considérer la guerre peut poser un problème à qui pense que le droit civil ne peut naître que dans la paix. 62.Lois 942 c-d, il faut que l'homme apprenne à ne jamais agir seul mais toujours en corps de telle sorte que la vie soit le plus communautaire possible, ἑνί τε λòγῳ τò χωρίς τι τῶν ἄλλων πράττειν διδάξαι τὴν φuχὴν ἔθεσι µὴτε γιγνώσϰειν µήτ’ ἐπίστασθαι τò παράπαν, ἀλλ’ ἁθρóoν ἀεὶ ϰαί ἅµα ϰαί ϰoινóν τòν βίoν ὅτι µάλιστα πᾶσι πάντων γίγνεσθαι. On pourrait se demander ce que signifie l’ἀρχή pour Platon quand il considère que les animaux doivent y être soumis. Les animaux de service appartenant au monde des humains en reçoivent quelques habitudes de même que les esclaves. Ce qui caractérise les cités perverties par la démocratie radicale c’est que celle-ci libère les femmes, les animaux mâles ou femelles ainsi que les esclaves de toute autorité. Ils font ce que bon leur semble et ne respectent pas les citoyens, n’hésitant pas à prendre le pas sur eux quand ils vont librement par les rues. Les chiennes ressemblent à leurs maîtresses, les chevaux et les ânes accoutumés à la liberté bousculent les passants qui ne leur cèdent point le pas, tout est rempli de liberté, τἆλλα πάντα oὔτω µεστὰ ἐλεuθερίας γίγνεται, République 563c.

63. Dans la République 372c-374d, c'est en fonction des nécessités du métier de gardien, chien philosophique, 375e-376b, que l'on construit la cité. 64.Lois 630e. Les hommes de guerre, dont Platon dit qu'ils sont des δηµιouργoί de type particulier, 921d-922a, doivent être honorés au second rang derrière les civils qui se seront fait remarquer par leur obéissance aux lois, 922a. Dans la mesure où tout citoyen est soldat dans la cité magnète on ne sait pas où Platon situe la différence entre tel secteur d’activité et tel autre, à moins qu'il ne trouve là un moyen de réintroduire dans la cité certaines des distinctions entre les fonctions que l'on connaît dans la cité de la République. Il n'est pas impossible que ce puisse être le cas si l'on en juge par la façon dont doivent être éduqués les jeunes surveillants qui du haut de leur acropole doivent surveiller leurs concitoyens et participer au conseil, Lois 964e, cela ne leur laisse guère de loisir pour vivre en soldats et d'ailleurs on leur demande, surtout, de manifester des capacités intellectuelles, 969b. 65.Lois 628d. 66.Lois 626a, formule employée par le Crétois du dialogue. 67. L'ensemble des constitutions possibles est présenté dans Lois 712c-714b. Sur le mot et sa signification, voir J. Bordes, La notion de politeia dans la pensée grecque avant Aristote, Paris, 1982 ainsi que Ed. Lévy, "Politeia et politeuma chez Aristote", Aristote et Athènes, Fribourg, éd.par M. Piérart, Paris 1993. p. 65-90. 68. Voir pour une analyse subtile et une bibliographie, L. Bertelli. "Modelli costituzionali e analisi politica prima di Platone", dans Filosofia. politica, retorica, éd. L. Bertelli et P. Donini, Milan, 1994. p. 27-84. 69. Jamblique, Protreptique, I, 100-104. Je rejoins ici, les positions soutenues par A. NeschkeHenschke. Platonisme politique et théorie du droit naturel, Louvain, 1995, p.  59-65, sans être toujours convaincu par sa conclusion d'ensemble sur le caractère nécessairement écrit de la législation envisagée par l'Anonyme : le texte reste dans le domaine théorique et la loi est en l'occurrence un concept abstrait dont les modalités d'expression ne sont pas prises en compte. 70. J.-P. Dumont, "Jamblique lecteur des sophistes", Colloque de Royaumont de  1969, Le Néoplatonisme, Paris, 1971, p.  201-214, s'est intéressé au seul fait que le "droit est l'expression sublimée de la force collective". Cela n'est pas suffisant, car l'essentiel n'est pas de retrouver la thématique du Gorgias. Dans sa traduction des Présocratiques pour la Pléiade, p. 1568, il met ce texte en rapport avec le mythe de Protagoras mais néglige le fait que, pour celui-ci, le passage au politique se fait par une rupture dans le déroulement du processus naturel, le dieu procurant par l'intermédiaire d'Hermès respect et justice, Protagoras 322c. Il a raison, en revanche, d’insister sur l'idée de progrès, l'homme adamantin vit seul et dans une perfection immuable, les autres peuvent accéder à une puissance qui est supérieure à la sienne et ainsi progresser. Néanmoins, si l’homme de diamant régit le monde de façon juste il devient partie prenante du progrès puisqu'il construit le droit. Sans que soit privilégié tel ou tel mode, telle ou telle cause de son émergence, il apparaît à l'intérieur de l'espace public.

C'est par un raisonnement fondé sur les mêmes principes qu'Isocrate attendait de l'intervention de Philippe de Macédoine en Grèce, soit qu'il mît en place lui-même un ordre international juste dont il serait devenu le garant, soit, s'il agissait en oppresseur, que se créât dans la communauté des cités grecques un droit international devenu nécessaire pour qu’elles puissent s’unir pour l'abattre, J.-M. Bertrand, Cités et royaumes du monde grec  : Espace et politique, Paris, 1992, p. 106 et suivantes.. 71. Aristote, Politique 1285 sqq. 72.Gorgias 484a-b, auquel fait écho, pour en récuser les conséquences, Lois 690b et 890a, qui montre le caractère impie de ce projet. 73.Lois 714d se prolonge par un discours sur la relativité du droit au regard du projet politique, République 338e, τίθεται δέ γε τoὺς νóµouς ἑϰάστη ἡ ἀρχὴ πρòς τò αὐτῇ σuµφέρoν. 74. F. Decleva-Caizzi a republié ce texte enrichi de fragments nouveaux. Corpus dei Papiri Filosofici, I, 1, Florence, 1989. Dans ses commentaires, elle insiste sur le fait que Platon connaissait bien Antiphon et son influence dans l’histoire des idées. C'est pourquoi il en a combattu avec beaucoup d'obstination les théories, "« Hysteron proteron » : la nature et la loi selon Antiphon et Platon", Revue de Métaphysique et de Morale, 91, 1986, p. 291-310. 75. B. Cassin, "Antiphon, sur la Vérité" suivi de "Citoyenniser, barbariser. on n'échappe pas à Antiphon", Rue Descartes, 3, 1992, p. 11-34 (repris dans L'effet sophistique, Paris, 1995, p. 150 et suivantes). 76. L’idée que l’homme est un être social par nature est connue pour être celle d'Aristote, elle est développée par L. Strauss, Droit naturel et histoire. Chicago, 1953, traduction française, 1954, p. 122 et suivantes. Pour une démonstration de ce que l'homme crée la nature auquelle il se réfère sans pourtant comprendre qu'elle est un artefact, voir, essentiellement, Y. Thomas, "Imago naturae. Note sur l'institutionnalité de la nature à Rome", Théologie et droit dans la science politique de l'État moderne, Rome, 1991, p. 201-227. 77. République 359b. 78. République 360c. 79.M. Ostwald a bien souligné comment, chez Platon, si "the name ϕúσις properly belongs to whatever is primary", "it belongs to soul and not, as the natural philosophers want, to the elements and their qualities", "Plato on law and nature" in Interpretations of Plato, édité par H.F. North, Mnemosyne Suppl. 50, Louvain, 1977, p. 41-63, notamment p. 50. 80. Le second terme, ϰαί τέχνῃ, est celui qu'emploient les philosophes de la primauté de la loi prétendue naturelle pour désigner le droit positif et le dénoncer comme artificiel, voir Lois 889e-890a. La formule employée par Platon est une façon de se placer dans leur contexte et leur système référentiel pour mieux pouvoir les ramener à la raison. On peut se demander néanmoins s'il s'agit d'un simple jeu rhétorique, P. Vidal-Naquet a bien compris, "Plato's myth of the stateman. The ambiguity of the golden age and of history", Journal of Hellenic Studies, 98, 1978, p. 132-149, que "Plato did not easily rid himself of Protagoras", p. 139, repris dans Le chasseur noir, Paris, 1981, sous le titre "Le mythe platonicien du Politique, les

ambiguités de l'âge d’or et de l'histoire". M. Dixsaut, "Une politique vraiment conforme à la nature", Reading the Statesman, Proceedings of the III symposium platonicum, éd. Ch. Rowe, Sankt Augustin, 1995, p. 253-273, souligne que l'opposition art/nature ne doit pas être méconnue ni travestie, néanmoins, "en se conformant à la nature propre à tout art, la politique témoigne qu’elle possède l'inteligence de la véritable nature de la Nature", p. 272. 81.Lois 890d. L'emploi du duel, ὡς ἐστóν, est tout à fait significatif de ce que Platon accepte de placer en conjonction la loi et l'art. 82.Lois 889e. 83. A. Neschke-Henschke, Platonisme politique et théorie du droit naturel, Louvain, 1995, p. 91 et suivantes. 84. Les sophistes essayant parfois de renvoyer le débat sur les marges. Platon peut prétendre parfois ne pas vouloir leur en tenir rigueur en leur accordant qu'ils ne s'en prennent pas aux dieux à proprement parler mais à ceux seulement que définit la loi, ὡς oὐϰ ὄντων θεῶν oἵouς ὁ νóµoς πρoστάττει διανoεῑσθαι δεῑν, Lois 888e-890b. 85.Lois 680b. R. Weil, L'Archéologie de Platon, Paris, 1959, pense que le terme de δυναστεία est imprécis puisqu'il désigne une sorte de royauté patriarcale présentée comme la plus juste de toutes πατρoνoµoύµενoι ϰαὶ βασιλείαν πασῶν διϰαιoτάτην βασιλεuóµενoι 680e. Platon sait que la royauté absolue est difficile à accepter, car l'homme qui en est doté a tendance à se laisser aller à la démesure injuste, 713c. Aristote souligne que le patriarche primitif ne manque pas de se conduire rapidement comme la pire des bêtes fauves, Politique 1287a28-33. Voir R. Brague, Aristote et la question du monde, Paris, 1988, p. 254, et P. Carlier, "La notion de pambasileia dans la pensée politique d'Aristote", Aristote et Athènes, éd. M. Piérart, Paris, 1993, p. 103-118. Le passage de la δuναστεία à la βασιλεία témoigne de ce que le pouvoir de fait se fonde en droit, ce saut ontologique paraît nécessaire et se retrouve sous une forme ou une autre dans nombre d’archéologies, voir les analyses de Th. Cole, Democritus and the source of greek anthropology, Ann Harbor, 1967, notamment p. 97 et suivantes. 86.Lois 681c-d. La communauté nouvelle doit choisir certains de ses membres pour qu'ils siègent en commun, examinent les coutumes de tous les participants au rassemblement, fassent un rapport sur ce qu'elles sont à l'ensemble des chefs et des recteurs de peuples pour qu'ils adoptent celles qui conviennent. Ces élus sont considérés comme des législateurs, quant aux chefs et recteurs ils doivent être institués comme magistrats, ainsi les anciens pouvoirs se constituent-ils en aristocratie ou en royauté, ἐϰ τῶν δυναστειῶν. 87.Politique 301b-c, celui qui se laisse entraîner par la passion et agit en fonction de ses seuls caprices mérite le nom de tyran, même s'il est bien entendu qu'il peut exister autant d’espèces de lois que de régimes, νóµων εἴδη τινές ϕασιν τoσαῦτα ὅσαπερ πoλιτείων, Lois 714b. 88.Ménexène 239a. 89. Il y a moins d'ironie dans cette remarque que ne le pense F. Decleva-Caizzi, "«  Hysteron proteron » : la nature et la loi selon Antiphon et Platon”. Revue de Métaphysique et de Morale, 91, 1986, p. 291-310.

90. R. Brague, Aristote et la question du monde, Paris, 1988, p. 261 et suivantes. 91.République 370b, pour que la cité soit ce qu'elle doit être le laboureur doit être laboureur, le potier potier et chacun doit rester à sa place, 421a, 434a-b. Le citoyen n'existe que par sa capacité fonctionnelle exclusive, voir J. -L. Pradeau, Platon et la cité, Paris, 1997, p.  30 et suivantes. Il faut être impitoyable avec les classes supérieures qui ne rempliraient pas les devoirs qui leur sont impartis, mais on peut laisser les laboureurs vivre comme bon leur semble, car leurs façons de faire ne portent pas à conséquence. 92.République 415a-c. 93.Lois 964d-e, 969b-c. 94. Article VI, cité par M. Piérart, Platon et la cité grecque. Théorie et réalité dans la Constitution des « Lois », Bruxelles, 1974, p. 233. 95.Lois 757d-e. 96. Voir les restrictions de Lois 757e. 97.Lois 690c. L’anarchie est l'incapacité à commander ou à être commandé. 98. Les Grecs auraient été les premiers des hommes à concevoir qu'ils pouvaient décider euxmêmes "dans quel type d'ordre ils voulaient vivre", Ch. Meier, Introduction à l'anthropologie politique de l'antiquité classique, Essais et Conférences du Collège de France, Paris, 1984, p. 30. Cela ne s'est pas fait par le contrôle effectif de la façon dont évoluait leur société au cours du processus historique, mais par la capacité à en conceptualiser a posteriori les étapes et à les décrire sur un autre mode que celui d’écrits mythico-religieux. Sur la façon dont Platon use de la locution ἐν τῆ ϕύσει, voir P. Hadot, "Sur la notion de «  physis  » et de nature" dans Herméneutique et ontologie, Hommage à P. Aubenque, Paris, 1990, p.  1-16. Et pour une étude générale de la problématique, A. Neschke-Henschke, Platonisme politique et théorie du droit naturel, Louvain, 1995. 99. Aristote, Politique 1235a25. 100.Lois 838d, voir Cratyle 388e-389a, ὁ τὴν τέχνην ἔχων, ainsi que Politique 295e. 101. Pour élargir le champ problématique, G. Morrow, "The démiurge in Politics the Timœeus and the Laws ", Proceedings of the ancient philological association, 27, 1954, p.  5-23 et A. Laks, "Législation and demiurgy, the relationship between Republic and Laws ", Classical Antiquity, 9, 1990, p. 209-229. 102.Lois 709b. 103.Lois 667a. 104.Cratyle 431e. 105.Lois 723b. 106.Gorgias 464c, quant à l'art de la parure, il est à la gymnastique ce que la sophistique est à la nomothétique, Gorgias 520b présente de façon ironique cette vérité d'évidence. 107.Lois 853c. 108.Lois 922e, ils avaient une trop mauvaise idée de l'humanité quand ils ont réfléchi à leur travail, ἐπὶ σµιρòν τῶν ἀνθρωπίνων πραγµάτων βλέπoντές τε διανooµενoι.

109.Lois 805b. 110.Lois 885e. 111.Lois 843e. 112.Lois 648a, 649a, 719b. 113.Lois 708e-709c. Ce texte montre quelle est le caractère relatif des réalités politiques. L'Athénien se réjouit de pouvoir démystifier l'idée de la toute puissance du législateur car il pense qu'il ne fait jamais de loi, ni lui ni personne, oὐδείς πoτε ἀνθρώπων oὐδὲν νoµoθετεῑ, seuls les évènements qui frappent les sociétés construisent des législations, τύχαι δὲ ϰαὶ συµϕoραὶ παντoίαι πίπτoυσαι παντoίως νoµoθετoũσι τὰ πἀντα ἡµῑν, ….., τò θνητòν µὲν µηδὲνα νoµoθετεῑν µηδὲν. 114. Il faut que par temps d'orage "l'art du pilote coopère avec l'occasion" ϰαιρῷ χειµῶνoς συλλαβέσθαι ϰυβερνητιϰὴν [τέχνην]. England semble plus soucieux que des Places de comprendre un texte difficile : bien évidemment, on peut comprendre "in a storm", mais la façon dont la phrase est agencée fait que "we could get out without χειµῶνoς", ce qui est vrai, d'autant que l'on peut se demander si χειµῶν a le sens de tempête quand il est ainsi employé au génitif formulaire. 115. On se reportera à ce qu'a écrit M. Trédé, Kairos, L'à-propos et l'occasion, Paris, 1992 pour comprendre (notamment p.  297-299) comment les arts sont le domaine du kairos. Cela n'empêche pas que la vertu puisse y trouver sa place. 116.Lois 747e. 117.Lois 876b-c. 118.République 496d. 119.Lettre VII 330e-331a. 120.Lois 684c. 121. Voir, sur ce point, A. Laks, "Raison et plaisir, pour une caractérisation des Lois de Platon", La naissance de la raison en Grèce, Actes du Congrès de Nice. Mai 1987, Paris, 1990, p. 291-305. Lois 810d, République 496d, sur la règle de majorité chez Platon. Seuls les gens qui ont l'opinion juste ont, en fait, le droit de parler, Lois 835c, Gorgias 473a-b. 122. Lois 151 à. 123.Lois 712b. Les adjectifs sont déjà hellénistiques et sont utilisés, par exemple, dans l'hymne pour Démétrios Poliorcète, Athénée, Deipnosophistes. 253. Leur emploi préfigure, sans doute, quels seront les fondements de l'idéologie royale. 124. Par exemple, Lois 624a, 630b, 657a, 660a, 68ld, 704d, 709c. 125. Plutarque, De laude sua, 543a, Clément d'Alexandrie, Stromates. I, 26, 152. 126.Lois 632d, voir 634a. 127.Lois 709c. 128.Minos 318c, cf. Lois 657a. 129.Lois 662e

130.Lois 645b. Il faut verser au dossier de l'ouverture d'esprit de Platon l'idée que le législateur savant aura acquis ses connaissances dans les cités étrangères, ἐν ταῑς ἄλλαις πόλεσιν. 131.Lois 762e. 132.Lois 759c. 133.Lois 691d. 134.Lois 692c. L'intervention divine a construit par étapes un système politique dont l'équilibre ne fait pas oublier qu'il aurait mieux valu un bon roi plutôt que trois pouvoirs, μίαν [ἀρχὴν] έχ τριῶν ποιῆσαι. Cela peut apparaître comme une appréciation défavorable de la cité dans son ensemble sinon du dieu qui a veillé sur elle et lui a procuré ses divers sauveurs. Il faut par ailleurs constater que la valeur de la constitution est jugé sur sa capacité à assurer la défense de la Grèce toute entière. Il est, ainsi, fait allusion aux Guerres médiques, dont on se demande bien de quelle façon elles peuvent intervenir, sinon de façon polémique, à ce moment de la discussion. 135. Lois 710e. 136.Lois 889e. 137.Lois 679 c. Ce qu'ils entendaient désigner comme bon ou mauvais concernant les dieux ou les hommes, dans leur simplicité, ils considéraient que c'était vrai et ils obéissaient, ἃ γὰρ ἤϰουον ϰαλὰ ϰαὶ αἰσχρά ; εὐήθεις ὄντες ἡγοῦντο ἀλεθέστατα λέγεσθαι ϰαὶ έπείθοντο...... περὶ θεῶν τε ϰαὶ ἀνθρώπων τὰ λεγόμενα ἀληθῆ νομίζοντες. 138. Aristote, Politique 1253a25-30. 139. J.-M. Bertrand, "Sur l’archéologie de la cité (Aristote, Pol, 1252a-1253)", Histoire et Linguistique, Actes de la Table Ronde organisée par Langage et Société, éd. P. Achard, M. P. Gruénais, D. Jaulin, Paris, 1983, p. 271-278. 140. Aristote, Politique, 1253a30. 141. Le modèle grec du politique est en cela différent du modèle latin car c’est le civis qui fonde la civitas, alors que de façon très évidente le πολίτης est issu de la πόλις comme l'a établi E. Benveniste, "Deux modèles linguistiques de la cité" dans les Mélanges Lévi-Strauss, Paris, 1972. 142.Lois 737e. 143. Pour bien comprendre la différence de signification du nom ἀποιϰία et du verbe ϰατοιϰίζειν, voir M. Casevitz, Le vocabulaire de la colonisation en Grec ancien. Paris, 1985 (notamment p. 125 et 173), "le verbe désigne seulement l'installation d'habitants, de colons, qui aboutit à une cité qu'elle soit ou non une colonie". 144.Lois 859b. La cité primitive naît quand les magistrats apparaissent. Lois 681a-c. 145.Lois 702d. 146. À la toute fin du dialogue, encore, le nom n'apparaît pas avoir été définitivement fixé. Lois 969a, précise bien que la colonie peut être appelée cité des Magnètes ou porter tout autre nom que lui donnerait un dieu, ἡ Μαγνήτων πόλις ἤ ᾦ ἄν θεός ἐπώνυμον αὐτήν ποιήση. En

860e, il est question de la cité des Magnètes sans que l’on puisse analyser les raisons de cette éponymie. En 848d, la cité est décrite comme s'installant dans un terroir autrefois peuplé par des hommes qui y auraient laissé le souvenir de leurs cultes. Peuvent, donc, coexister, dans la cité, les dieux spécifiques aux nouveaux colons et les divinités d'antique mémoire (sur ce point, voir I. Malkin, Religion and colonization in ancient Greece. Leyde, 1986, p. 144 et suivantes, 157 note 99). En 919d, il est question de dieu qui. par l’installation des nouveaux colons, relève et rétablit une cité, πάλιν ϰατοιχίζει. Diès traduit par "restaure" (M. Casevitz, Le vocabulaire de la colonisation en Grec ancien, Paris, 1985, p. 168, reprend et justifie cette façon de comprendre le texte), πάλιν est repris, en 946b, pour bien signifier qu'à chaque scrutin où doit intervenir un tirage au sort le dieu assure le salut de la cité, comme il l’a fait au moment de sa refondation. Il existerait des liens de parenté entre Magnésie du Méandre et la Crète, G. R. Morrow, Plato's cretan city, Princeton, 1960, p. 30-31, pense que Platon aurait pu vouloir situer sa colonie dans le région centro-méridionale de la Crète, mais il reconnaît qu'il n’y a pas de restes archéologiques pour croire à l'existence d'une ville plus ancienne qu’il aurait pu songer à refonder. H. van Effenterre. La Crète de Platon à Polybe, Paris, 1948, p. 51, avait constaté le flou intentionnel de la description du territoire des Magnètes platoniciens. D. Clay, "Plato's Magnesia". Nomodeiktes, Greek studies in honor of M. Ostwald, éd. A. Rosen et J. Farrell. Ann Harbor, 1996, p. 435-445 cherche à démontrer que la cité carienne avait prétendu à son origine crétoise, notamment dans l’inscription, Inschriften von Magnesia 67, parce que l'histoire de ses origines avait été écrite par un disciple de l'Académie. 147.Lois 704a. 148. Les discours tenus peuvent être considérés comme des œuvres, des réalisations, au sens propre du terme, τοὺς λόγους οὓς έξ ἕω µέχρι δεῦρο δὴ διεληλύθαμεν ἡμεῑς ἔδοξαν δ’ οὖν μοι παντάπασι ποιήσει τινί προσομοίως είρῆσθαι, Lois 811c. Dans République 472e, le discours ne fournit qu'un paradigme. 149.Lois 734e veut jouer sur les domaines différents du législateur démiurge et de la cité. 150. Pour C. Schmitt, le droit est communauté d'ordre, Ordnung et de localisation. Droits, 11, 1990, p. 77-84, "le fondement originel du droit est lié au sol où tout droit plonge ses racines et où se rencontrent espace et droit, ordre et localisation" (p. 82). 151. Pour E. Durkheim, "c’est dans les entrailles de la société que le droit s'élabore, le législateur ne fait que consacrer un travail qui s'est fait sans lui", La science sociale et l'action, Paris, 1970, p. 108. 152. P. Achard, "L'engagement de l'analyste à l'épreuve d'un événement", Langage et Société, 79, 1997, p. 5-38 (p. 36). 153. Sur les règles de dévolution des terres dans les fondations coloniales. D. Asheri Distribusioni di terre nell'anticha Grecia, Turin, 1966, ainsi que I. Malkin, Religion and colonization in Ancient Greece, Leyde, 1987. Pour Platon, le partage n'est possible qu'aux origines de la cité puisqu'il ne faut plus, ensuite, mouvoir l'immobile, ϰινεῑν τὰ ἀκίνητα. Lois 684d, ce n'est pas le cas partout, voir notamment la loi de Locride connue par le Bronze Pappadakis, Nomima I, 44.

154.Lois 739e. Le verbe νεμεῑν qui désigne cette action de partage est un mot dont la racine a servi à constituer le nom même de la loi, νόμος. 155. Le législateur se voit invité à faire en sorte que le chiffre des familles reste constant, 739e, Lois 740b, et qu'il ne circule jamais dans la cité ni or ni argent, Lois 742a. 156. La nécessité de ce partage est présenté comme une interdiction de la pratique communautaire dont il est prétendu que l’idée pourrait en être venue à l'esprit des colons, ϰαὶ μὴ ϰοινῇ γεωργούντων. Cette idée n'est pas fondée sur la pratique de la colonisation grecque. Ce ne peut être que le rappel discret de ce que Socrate avait proposé dans la République. L'œuvre est nécessairement à l'horizon des Lois, même si le projet en est différent car l'Académie continue à se définir par rapport à elle. 157. R. Coulon, "Indicatif présent et socio-sémiotique du discours constitutionnel", Archives de Philosophie du Droit, t.  33, 1988, p.  347-370, montre de quelle façon, en France, dans le discours constitutionnel, en raison de l'existence de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen auquel le préambule et le texte même de la Constitution de 1958 font explicitement référence, la Nation, faisant siennes les propositions du gouvernement, peut seule conférer à celui-ci la légitimité. De même, le nomothète ne peut apparaître que comme un fondé de pouvoir n'agissant pas pour son compte mais pour faire respecter les règles régissant la vie publique. La proclamation de la constitution est un acte de langage performateur, le Peuple français, les Citoyens se "constituent en actants juridiques, tout à la fois sujets et objets de leur propre discours et, ce faisant, assurent leur emprise sur les autres acteurs sociaux en leur assignant le rôle de simples actants objets de discours. 158. II est prétendu dans les Lois que le législateur effectif des Magnètes doit être une instance distincte du groupe des participants au dialogue. Ceux-ci montrant ce qu’il y a de plus beau et de plus vrai, le nomothète devrait se contenter de réaliser le possible, Lois 745e-746d. Ce possible est présenté comme correspondant au paradigme même. Il lui faut donc faire coincider, pour témoigner de ses compétences, ce que, par lui-même, il peut faire et le projet, τò ὁμολογούμενον αὑτo αὑτῷ. 159.Lois 710e. 160. Voir aussi Lettre VII 322b. 161.Lois 710d. Un tyran de ce type est rare, mais il doit éviter de se faire craindre, car il n'est pas de crainte qui ne soit réciproque, les sujet a peur du tyran qui se défie de ceux qu’il opprime et il ne souhaite pas qu'ils deviennent des soldats, c’est à dire des gens riches, forts et courageux, ϕοβούμενος ἄρχων ἀρχόμενον οὔτε ϰαλόν οὔτε πλούσιον οὔτε ἰσχυρòν οὔτ’ ἀνδρείον οὔτε τò παράπαν πολεμιϰόν Lois 832c. 162.Lois 711b-c. 163.Lois 714b-c. 164.Politique 294a, cf. 309d. 165. P. Aubenque, "La loi chez Aristote", Archives de Philosophie du droit. 25, 1980, p. 147-157, citant Éthique à Eudème 1216b17-19.

166.Politique 305c. P. Aubenque a raison de reprocher à Platon son approche technocratique des choses, dans Aristote politique, Études sur la Politique d'Aristote, sous la direction de P. Aubenque, publiées par A. Tordesillas, Paris, 1993, p. 262. Le paradigme du médecin essaie de faire croire que seuls les techniciens savent ce qu'il faut faire, l'usager étant incapable de juger de son propre intérêt, Gorgias 521c-522b, Politique 296b. Dans les Lois 720d, Platon se contente d'indiquer que le médecin doit convaincre et ne pas imposer ses prescriptions, quelque fondées qu'elles soient. Aristote sait, au contraire, que c'est à l'usager de juger de la valeur des moyens mis en œuvre par tel ou tel technicien, Politique 1282al9 et suivants. 167. Il est surprenant que le roi passe pour le maître du ϰαιρός alors que, alors que cette capacité appartient à l’art du pilote, modèle du législateur, et de tous ceux qui vivent dans le monde du faire, les magistrats, notamment, τὰς δ’ ἄλλας, sans doute faut-il comprendre ici τὰς δ’ ἄλλας [ἀρχάς], τά προσταχθέντα δρᾶν. M. Trédé, Kairos, L'à-propos et l'occasion, Paris, 1992, montre que "kairos préside à la navigation comme à la cuisine" (p. 114). 168.Lois 693b, voir 701d. 169.Lois 757d. 170.Lois 735b. 171.Lois 739a. 172.Lois 718b-c : ἃ δέ χρὴ μὲν αὖ ϰαὶ ἀναγκαῑον εἰπείν νομοθέτην ἄπερ ἐγὼ διανοείται. 173. A. Soulez, "Le moment thétique de l'activité dialectique", Revue de philosophie ancienne, 2, 1987, p. 167-185 explique, p. 172, que c'est "la science de l'usage qui explique l'hégémonie du dialecticien sur le nomothète", [le Cratyle] implique que le même dialecticien ait l'œil sur le nomothète et en même temps sur les usagers des noms, "sur le nomothète parce qu'il est un instrument de pure vision sans paroles, sur les usagers qui ont besoin de sa compétence en raison de leur « médiocrité » (390d)". Quand au problème de la naturalité du droit dans son rapport à celle du langage, A. Dufour, Droits de l'homme, droit naturel et histoire, Paris, 1992, p.  201, écrit à propos de Savigny, fondateur de l'école de droit historique, que "le droit, comme la langue vit dans la conscience populaire, les rapports organiques du Droit avec l'essence et le caractère du peuple se vérifient au cours de la marche du temps et là encore, c'est à la langue qu'il faut le comparer. Comme elle, le Droit ne connait pas de halte, il est soumis comme tout autre manifestation de l'âme populaire, au même mouvement et à la même évolution et cette évolution est régie par la même nécessité interne. Le Droit grandit ainsi avec le peuple, il se développe avec celui-ci et finit par disparaître lorsque le peuple vient à perdre ses particularités profondes" (citations extraites de Vom Beruf unserer Zeit für Gesetzgebung und Rechwissenschaft). 174.Lois 681c-d. 175.Lois 681b. 176. L'opposition νόμιμα de νόμος n'a pas valeur universelle  : elle n'est pertinente que lorsque les deux termes sont conjugués, quand ils ne sont pas mis en contact, la signification de chacun d'eux peut rester plus large. Ce jeu paraît, ainsi, particulièrement significatif quand

il est question des coutumes non écrites que la plupart des gens appellent des lois ancestrales, τὰ ϰαλούμενα ὑπò τῶν πολλῶν ἄγραϕα νόμιμα, oὓς πατρίους νόμους ἐπονομάζουσιν. Platon tient, alors, à signifier que c'était bien à tort que les νόμιμα pourraient être désignées comme des lois, οὔτε νόμους δεὶ προσαγορεũειν, Lais 793b. 177. La tradition donne deux versions de ce texte, il est bien évident que l'idée de England selon laquelle ce seraient les nomothètes qui gouverneraient durant le passage d'un système de gouvernement à l'autre n'a pas de justification. K. Schöpsdau, Platon, Nomoi (Gesetze) Buch I-III, Göttingen, 1994, le constate. 178.Lois 68 ld. 179.Lois 715c, Platon se défend d'avoir construit une alliance de mots nouvelle et paradoxale, ϰαινοτομία. Pour de pareilles formules, voir Lois 715d, où il est question de la loi maîtresse des magistrats, δεσπότης τῶν ἀρχόντων, car ils sont ses esclaves, δοũλοι τοũ νόμου. L'Athénien fait curieusement référence à un discours qu'il aurait antérieurement prononcé, et où il aurait considéré les magistrats comme des serviteurs, alors que l'on n'en trouve pas trace dans le dialogue lui-même, τούς δ’ ἄρχοντας λεγομένους νῦν ὑπηρέτας τοίς νόμοις ἐϰάλεοα. 180.J. Ober, "The Polis as a society, Aristotle, John Rawls and the Athenian social contract", dans The ancient greek city State, éd. M. H. Hansen, Copenhague, 1993, p. 129-160 insiste sur le rôle moteur de dirigeants émergeants et montre que la cité est une "communauté d'interprétation”, [it] "will perform (in terminology of J. L. Austin), through felicitous speech acts, social realities within the world". La cité grecque dans ses divers moments existe en tant qu'espace public dont des procédures relativement contraignantes permettent qu'elle se construise en système durable, voir J. Habermas, Droit et démocratie, traduction française. Paris, 1997, Chapitre VII et VIII, ainsi que son article, "Un concept normatif d'espace public. La souveraineté populaire comme procédure", Lignes, 7, 1989, p. 29-58. 181. Voir H. et M. Van Effenterre, "Nouvelles lois archaïques de Lyttos", Bulletin de Correspondance Hellénique, 109, 1985, p.  161-188, repris dans Symposium 1985 pour certains aspects du texte après discussion par Chadwick, puis M. Bile, Bulletin Epigraphique 1988, 879, ἔ αδε Λυϰτίοισι, "sans article, comme on trouverait ailleurs ἔ αδε πόλι". Ce serait "peut-être la première fois que l’on rencontre ainsi l’expression d’une décision officielle attribuée non à la communauté, déjà plus ou moins abstraite, polis, mais nominativement, chez eux. «  aux Lyttiens  », aux citoyens qui constituaient la dite communauté. Comme nos textes sont sûrement plus récents que ceux de Dréros qui attestaient l'existence d’une notion de polis dans une cité un peu perdue et apparemment moins importante que Lyttos, cela fait douter de l'évolution soit-disant normale du concret vers l'abstrait, les andres devenant la polis pour évoquer le célèbre mot de Thucydide. Ici. c'est la polis qui est désignée du nom des citoyens et cela peut avoir une signification" (p. 177). On doit rester sceptique devant cette conception trop linéaire du fait historique et du langage juridique qui viserait à établir des chronologies relatives signifiantes alors même que les documents sont si peu nombreux. Il ne faut pas manquer en tout cas de comprendre que, aussi bien à Dréros qu'à Lyttos, la constatation qu’il

existe un groupe de gens assurés de leur identité, "la cité", les "Lyttiens permet la prise de décision et signifie que le groupe existant est bien une réalité institutionnellement constituée. D. Viviers, "La cité de Dattalla et l'expansion territoriale de Lyttos en Crète centrale", Bulletin de Correspondance Hellénique, 118, 1994, p. 229-259, n'est pas assez clair sur ce point particulier du problème. 182. J. Labarbe, "Survie de l'oralité dans la Grèce archaïque", Phoinikeia grammata. Lire et écrire en Méditerranée, Namur, 1991, p.  499-531, p.  516, a remarqué que si le langage des inscriptions dédicatoires utilise l'aoriste, un tel a consacré, c’est par un souci de se mettre dans le temps relatif du futur lecteur. Dans le cas des inscriptions politiques, la situation est différente puisque ce sont les mêmes qui disent, écrivent et lisent un texte au passé dans leur temps propre. 183. Les cités peuvent admettre de n'être que l'instantané de leurs hommes quand cela convient au discours idéologique qui prétend récuser la nécessité de la forme matérielle d'une ville et d'un territoire, ἄνδρες γὰρ ἡ πόλις, Thucydide, Guerre du Péloponnèse, VII, 77, 7, J.-M. Bertrand, "Formes du discours politique  : decrets des cités et correspondance des rois hellénistiques", Cahiers du centre Glotz, I (Du pouvoir dans l'antiquité, éd. Cl. Nicolet), Paris, 1990, p. 101-116. 184.Iliade, XVIII, 497-508, ce texte a été très souvent commenté en des sens divers, H. et M. Van Effenterre, "Arbitrages homériques", Symposion 1993, p. 3-15’considèrent que l'ἴστωρ est un témoin et non pas le juge. 185. Voir P. Carlier, "La procédure de décision politique, du monde mycénien à l'époque archaïque", La transizione dal Miceneo all'Alto Arcaismo. Dal palazzo alla città, Rome, 1991, p. 8595. D'une bibliographie qui n'est pas très abondante, on retiendra J. AO. Larsen, "Origins of the counting of votes", Classical Philology, 44, 1949, p. 164-181, F. Ruzé, "Plèthos, aux origines de la majorité politique", Aux origines de l'hellénisme, Hommages à H. Van Effenterre, Paris, 1984, p.  247-263, qui a montré ce qu'était la recherche obsessionnelle de l’unanimité dans les assemblées homériques (p. 248-249) et qu'un vote unanime pouvait être exigé pour la prise de certaines décisions, Ph. Gauthier, "Quorum et participation civique dans les démocraties grecques", Cahiers du Centre Glotz, I, p. 73-99, rappelle que le traité entre Praisos et Hiérapytna imposait qu'il y eût moins de trois suffrages négatifs lors du vote de ratification. N. Loraux, a fait comprendre que le moment du scrutin est nécessairement celui de séparation de la cité qui se constitue en deux camps opposés mais qu’il la fonde, "Le lien de la division", Le cahier du Collège international de Philosophie, 4, 1987, p. 101-124 (p. 106), l'issue du vote est la victoire d'un parti, épisode final d’une sorte de conflit civil ritualisé dans le cours de la procédure. Voir, désormais, F. Ruzé, Délibération et pouvoir dans la cité grecque de Nestor à Socrate, Paris, 1997. 186. Ch. Meier, Introduction à l’anthropologie politique de l'Antiquité classique. Essais et Conférences du Collège de France, Paris, 1984, p. 54, exprime de façon tout à fait convaincante

comment les règles de l'expression par le vote pouvaient, ainsi, se trouver réduites à peu de chose. 187.Nomima I 22. Il n'est plus possible d'éluder l'évidence de la première personne du pluriel. 188. H. Van Effenterre a écrit de quelle importance pouvait être la chose dans le Bulletin de Correspondance Hellénique, 97, 1973, p. 31-46. F. Ruzé, Les tribus et la décision politque dans les cités grecques archaïques et classiques", Ktèma 8, 1983, p. 299-306, semblait admettre pour sa part que l’on trouve là une préfiguration de la formule très fréquente en Crète, " il a plu aux cosmes et à la cité", repris dans Délibération et pouvoir dans la cité grecque de Nestor à Socrate. Paris. 1997. Cette façon d'engager la responsabilité personnelle de ceux qui exécutent des décisions publiques à l'époque classique appartient à la morale aristocratique comme en témoigne le pamphlet écrit par le Vieil-Oligarque, J. M. Bertrand, Lartgage et politique  : réflexions sur le traité pseudo-xénophontique De la République des Athéniens ", Langage et Société, 49, 1989, p.  25-41, elle témoigne de ce qu'ont pu se maintenir dans les cités oligarchiques certains éléments de la pensée prépolitique. Le groupe, ne réussissant pas à se penser comme personnalité juridique à part entière, avait besoin de représentants qualifiés par leur qualités personnelles pour acquérir capacité à contracter. 189. D. Viviers, "La cité de Datalla et l'expansion territoriale de Lyttos en Crète centrale", Bulletin de Correspondance Hellénique, 118, 1994, p. 229-259. pense que la πόλις et les Dataleis ne font qu’un. 190. Y. Thomas, "L'institution civile de la cité", Le Débat, 74, 1993, p. 23-44, montre comment il est très difficile pour une cité d'accéder dans le droit romain à une personnalité juridique 191. Il est bien évident que parfois, notamment dans le cadre de traités inégaux, les serments peuvent être prêtés par des corps restreints de citoyens représentant leurs compatriotes. Voir R. Lonis, "La valeur du serment dans les accords internationaux en grèce classique", Dialogues d'Histoire Ancienne, V, 1980. p. 267-286, J.-M. Bertrand, "Langage et politique : réflexions sur le traité pseudo-xénophontique De la République des Athéniens ", Langage et Société, 49, 1989, p. 25-41. On peut se demander si la volonté de voir se perpétuer cette prise de responsabilité personnelle dans les rapports transfrontaliers n'est pas devenu une des caractéristique de l'idéologie des cités aristocratiques où les intérêts de classe prétendaient qu'auraient dû être conservés les liens d'une hospitalité cosmopolite. 192. L. Dubois, Recherches sur le dialecte arcadien, Louvain, 1988. II, p.  95, l'inscription a beaucoup été reprise et analysées en ces dernières années, voir Nomima II, 2. 193. Si l’on en croit F. Ruzé, "Le conseil et l’assemblée dans la grande Rhètra de Sparte", Revue des Études Grecques, 104, 1991, p. 15-30 (résumé dans Délibération et pouvoir dans la cité grecque de Nestor à Socrate, Paris. 1997, p. 159 et suivantes). 194.Nomima I, 16 (voir ibid 19). 195.Nomima I, 81, inscription de Dréros, le ἇδε est un adverbe démonstratif. 196. Ce rappel du passé n'est pas explicite dans le Bronze Pappadakis, τεθμòς ὅδε περὶ τᾶς γᾶς βέϐαιος ἔoτo, Nomima I, 44, mais on peut penser que l'intitulé complet n'a pas été repris, la

matérialité du support étant privilégiée par le discours. Ce qui n'est sans doute pas le cas dans le pacte Gortyne-Rhitten. Nomima I, 23, où le passé devient référence exclusive dans la formule, τὰ ἐγραμμένα, ἄλλα δέ μή. 197.Voir M. Ostwald, "Was there a concept ἄγραϕος νóμoς in classical Greece ?", Studies in Greek Philosophy presented to G. Vlastos. Phronesis, Supp., I, 1973, p.  70-104. Les études sur l'écriture en Grèce ancienne se sont multipliées ces dernières années. On lira Les Savoirs de l'écriture, éd. M. Detienne. Lille, 1988, très ouvert dans ses approches. Trop systématique est déjà sans doute le livre de R. Thomas, Literacy and orality in ancient Greece, Cambridge, 1992, pour ne rien dire des travaux ultérieurs de ce savant qui rigidifient sa pensée originelle. Le livre de K. Robb, Literacy and paideia in ancient Greece, Oxford, 1994, est très nuancé et couvre bien l'ensemble de la problématique, notamment dans sa deuxième partie. "The alliance between literacy and the law". On ne doit pas faire confiance à la thèse de D. T. Steiner, The tyrant's writ. Myths and images of writing in ancient Greece, Princeton, 1994, qui ne voit qu'une des faces du problème de l'usage de l’écrit, ne distingue pas entre les divers supports et ne présente, de façon biaisée, qu'un aspect des réalités. Sa recherche du paradoxe est néanmoins quelquefois stimulante. 198.Phèdre 258a-c. Voir J.-M. Bertrand, "Formes du discours politique : décrets des cités et correspondance des rois hellénistiques", Cahiers du centre Glotzl, Du pouvoir dans l'antiquité, éd. Cl. Nicolet, Paris, 1990, p. 101-116 (p. 104-105). Périclès écrivait ses décrets, Plutarque, Vie de Périclès, 8, 7, indique qu'il n'avait rien laissé à la postérité "en dehors de ses décrets", les paroles mêmes qu'il avait pris tant de soin à formuler dans ses discours préparés pourtant par écrit (Souda, 1180 : πρῶτος γρατττòν λόγον εἰς δικαστήριον εἶπε) sont presque toutes oubliées. άπομνημονεύεται όλίγα". N. Loraux, "Solon et la voix de l'écrit", Les Savoirs de l'Ecriture en Grèce ancienne, Les Savoirs de l’Écriture en Grèce ancienne. p. 95-129, a repris le problème ainsi posé du rapport du dire et du faire. Démosthène ne cessait de polir les textes de ses discours, ce qu'on lui reprochait, mais en même temps on pouvait lui faire honneur de sa capacité à l'improvisation, preuve du statut ambigu de l'oralité dans le jeu politique, [Plutarque], Vie des dix orateurs, 848c. Pour comprendre de quelle façon tout à fait particulière ce type de texte devait être rédigé à Athènes, lire l'anecdote concernant Lycurgue qui faisait rédiger les siens par le spécialiste Eukleidès, [Plutarque], Vie des dix orateurs, 842c. 199. Sur le rapport qui est établi dans les textes des orateurs entre ὁ λέγων et ὁ γράϕων, voir M. H. Hansen, The Athenian assembly, Oxford. 1987, p.  56. qui cite le texte le plus topique, Démosthène, Sur la couronne, 179. Sur le rapport rhétor/idiotès, voir J. Ober, Mass and elite in démocratie Athen. Princeton 1989 p. 112. 200. Plutarque, Vie de Solon, 3, 5, τούς νόμους ἐπεχείρησεν ἐντείνας εἰς ἔπος ἐζενεγϰείν. 201. Sur ce concept, M. Detienne, Les Maîtres de vérité dans la Grèce archaïque, Paris, 1967. 202. Plutarque, Alcibiade, 33, 1 (Fragment 5, Untersteiner). 203. Plutarque, Vie de Solon, 8, 1-3. Sur cet épisode, voir, essentiellement, N. Loraux, "Solon et la voix de l’écrit", Les Savoirs de l'écriture, éd. M. Detienne, Lille, 1988, p. 95-129.

204. Les deux verbes par hendiadyn se conjuguent en une expression formulaire. 205. Ce furent des récits qu'il fit courir de sa maison à la ville, λόγος εἰς τὴν πόλιν έϰ τῆς οἰκίας. 206. N. Loraux, "Solon et la voix de l’écrit", Les Savoirs de l'écriture, éd. M. Detienne, Lille, 1988, p.  95-129, p.  106, traduit littéralement, "moi-même, en héraut, je suis venu de la désirable Salamine, ayant mis en place une composition versifiée en forme de chant au lieu de harangue. Je ne pense pas, néanmoins, que l'éventuelle intervention du ϰῆρυξ puisse fonder en droit la parole quelle que soit la façon dont elle aurait été prononcée. On ne peut s'autodésigner comme héraut politique, le αὐτòς ϰῆρυξ ἦλθον est donc métaphorique. 207. Aristote, Constitution des Athéniens, 5, 2. 208. N. Loraux, "Solon et la voix de l'écrit, dans Les savoirs de l'Écriture en Grèce ancienne, Lille, 1988, p.95-129, souligne, avec raison, que "dans l'action du libérateur et l'écriture des lois, il faut voir deux formes équivalentes de l'agir, aussi essentielle l'une que l'autre", p. 123. 209. Voir le récit fait par Diodore, IX, 20, 2, dont K. Freeman, The Work and Life of Solon, Cardif, 1926, montre qu’il est structurellement parallèle à l'épisode salaminien de Plutarque, Vie de Solon, 30. 210. Solon, Fragment, 11, je reprends, là encore, la traduction de N. Loraux, "Solon et la voix de l'écrit", Les Savoirs de l'écriture, éd. M. Detienne, Lille, 1988, p.95-129, p. 121 qui met ce texte en rapport avec un passage de Thucydide décrivant les Athéniens comme les "spectateurs des discours", III. 38, 4. 211. P. Ricœur, "L'herméneutique et la méthode des sciences sociales". Théorie du droit et science, Paris, 1994, édité par P. Amsalek, p. 15-26. 212. Il ne faut pas craindre de répéter qu'il en est de même en tout temps et en tout lieu, le Droit n’existe que dans une forme écrite, sauf de façon tout à fait marginale, comme le fait remarquer M. Gagarin, Early greek law, Berkeley, 1986, p. 10 "within possible exceptions [oral law in preliterate Iceland], laws are recognized primarly by means of writings". 213.Nomima II, Appendice et Index. 214.Nomima I, 7, 1.12, qui ne doit pas dispenser de lire ce qu'écrivait H. Van Effenterre dans Cahiers du Centre Glotz, IV, 1993, p. 13-21. notamment p. 20 note. 215.Lois 793b. 216.Politique 292a. Le passage 295e est difficile, on y évoque le politique se débattant entre les nécessités de l'écriture et la possibilité du non-écrit pour conduire son troupeau humain et définir le beau et le honteux, τῷ δέ τά δίϰαια δὴ ϰαὶ ἄδιϰα ϰαὶ ϰαλὰ ϰαὶ αἰσχρὰ γράψαντι ϰαὶ ἄγραϕα νομοθετήσαντι ταῑς τῶν ἀνθρώπων ἀγέλαις ὁπόσαι ϰατὰ πόλιν έν ἑκάσταις νομεύονται ϰατὰ τοὺς γραψάντων νόμους, il doit être analysé parallèlement à 295a et à 298e. 217.M. Ostwald, "Was there a concept ἄγραϕος νόμος in classical Greece ?", Studies in Greek Philosophy presented to G. Vlastos, Phronesis, Supp., I, 1973, p.  70-104, souligne en citant Lois, 841b, que, "it assumes an identity of its own, which makes it capable of beeing embodied in a

written statute... it is not contrasted with the written statutes but simply different from them", p. 98. voir aussi Lois 793b-d. 218.Lois 858b. 219.Politique 295e. 220.Politique 298e. 221. Πάτριος doit se comprendre dans son sens d’avant la rupture, il introduit dans le récit une continuité qui fait naître la cité directement de la nature et ses lois de la parole divine, cela s'intégre à un courant idéologique dont font usage les orateurs du début du IVème siècle. Voir Ed. Lévy Athènes devant la défaite de 404, Paris, 1976, p.  174, note 9, τοίς νόμοις τοίς ὑμετέροις οὓς παρὰ τῶν θεῶν ϰαὶ τῶν προγόνων διαδεξάμενοι, qui cite Antiphon, I, 3. 222. P. Haggenmacher, "Coutume", Archives de Philosophie du Droit. 35, 1990, p. 27-42. 223. Dans Nomima I, Paris, 1994, la seule occurrence de ϰατὰ τὰ πὰτρια est un règlement qui fonde la coutume en la reprenant, I, 4. 224. Lysias, Contre Andocidès, 10. 225.Lois 865c, ἐξεγητὰς oἃς ἂν ὁ θεός ἀνέλῃ. En 872e, les prêtres anciens appliquent la loi du talion. 226. Pour reprendre une formule de S. C. Todd, The shape of Athenian law, Oxford, 1993, p. 3132. 227. Andocide, Sur les mystères 116, M. Ostwald, From popular sovereignty to the sovereignty of the law, Berkeley, 1986, traite longuement, p.  161-169, et 527-536, du droit pour un des Kérykes à jouer les exégètes,. 228. Démosthène, Contre Euergos et Mnésiboulos, 68-71. 229. J. Svenbrö, Phrasikleia, Paris, 1988, Chapitre 6."Nomos, “exégèse", lecture, la voix lectrice de la loi", essaie d'expliquer comment le mot de nomos s'instituerait dans l'ambiguité du lire et du dire car nemein pourrait signifier "lire” et non pas seulement "répartir, distribuer". Le latin lex est bien connu pour être associé au verbe legere au sens de lire, A. Magdelain, La Loi à Rome, Paris, 1978. p. 18. 230. Nomima I, 52. 231.Phèdre 274c-277a. Le texte, depuis longtemps emblématique, de J. Derrida. "La pharmacie de Platon" a été repris dans le volume publiant la traduction qu'a donnée du Phèdre L. Brisson, Paris, 1989. Voir M. Narcy, "La leçon d'écriture de Socrate dans le Phèdre de Platon", ΣΟΦΙΗΣ MAIHTOPEΣ, « Chercheurs de sagesse », Hommage à Jean Pépin, publié sous la direction de M.-O. Goulet, G. Madec et D. O'Brien, Paris, 1992, p. 77-92, note résumée dans l'introduction à la traduction qu'il donne du Théétète, Paris, 1994, p. 26-28 et présentée sous une forme abrégée dans Understanding the Phaedrus. Proceeedings of the II symposium platonicum. Sankt Augustin, 1992. 232.Hécatée, FGH, 264, Fg. 25, 1. 130, souligne que l'on construit ainsi la première langue commune, ὑπò γὰρ τούτου πρῶτον μὲν τήν τε χοινὴν διάλεϰτον διορθωθῆναι, les mots

devenant toujours plus nombreux pour désigner ce qui n'avait pas de nom, ϰαὶ πολλὰ τῶν ἀνωνύμων τυχεῑν προσηγορίας. 233.Phèdre 275b. 234.Protagoras 327e. 235.Cratyle 438b. 236.Cratyle 383a-b, 384d 237. M. Canto," Le semeion dans le Cratyle", Revue de Philosophie ancienne, 5, 1987, p.  1-25 souligne, à propos de 387d-388c que "le nom est exactement fait lorsqu'il permet l'instruction mutuelle et la définition du réel. On voit bien qu'il ne s'agit pas du nom en général, mais du nom en tant qu'il remplit sa fonction : être un objet d'accord et un élément de communauté, ainsi qu'un moyen de déterminer des réalités qui ne sont pas encore définie", la justesse du nom ne peut se définir que par rapport à cette double finalité dont on pourrait prolonger la pertinence en termes plus pragmatiques, le discours construisant les réalités dont il prétend découvrir les propriétés (p. 11), ce dont s'aperçoit, d'ailleurs, M. Canto quand elle indique que "à interpréter strictement la définition du nom qui fait de celui-ci l'instrument diacritique d'une définition du réel, il faudrait admettre que le législateur ait fabriqué, en même temps que les noms, les choses, ou du moins qu'il ait produit les individualités du réel et leurs délimitations réciproques" (p. 13). La façon dont B. Cassin analyse l'attitude de Socrate, "il faut parler des choses et non des noms" ne conduit pas à une conclusion aussi riche, "Le doigt de cratyle". Revue de Philosophie ancienne, 2, 1987, 139-150. 238.Cratyle 408a, dans sa fonction pragmatique, le langage est une métaphore de la législation. 239.Lois 679c. 240. Lois 678e. 241. Diodore, Bibliothèque I, 90, voir aussi 86. 242. N. Grimai, Histoire de l'Égypte ancienne, Paris, 1988, p.  40 montre que les enseignes décrites par Diodore et représentant des animaux et qui auraient permis aux hommes d'ordonner leurs unités militaires étaient déjà autant de hiéroglyphes, cela donne quelque fondement à l'idée selon laquelle l'écriture est fondatrice du politique et qu'elle précède donc le système politique lui-même. K. A. D. Smelik et E. A. Hemelrijk, "Egyptian animal worship in Antiquity", ANRW, II, 17,4, p. 1852-2000 (p. 1898 et suivantes) remarquent que Diodore évoque cette particularité de l'Égypte primitive en traitant des lois, "obviously. Diodorus considered animal worship as a separate phenomenon from religion ". Le commentaire de A. Burton ne s'intéresse pas au problème. 243. Plutarque, Isis et Osiris, 72, parle d’ἐπίσηµoν. Les commentaires de J. G. Griffith sont indigents, Ch. Froidefond, pour son édition de la CUF sait montrer qu'il y a, en l’occurrence, comme une pratique inversée du totémisme. 244. Le passage du Protagoras 325c-326e concernant le programme éducatif et la fonction de l'enseignement des lettres est censé être prononcé par le sophiste. Cela correspond,

néanmoins, parfaitement aux principes et aux stipulations des Lois 804d, 808c-810c, 811d-e, 812a. 245.Lois 804d, le texte considère comme parfaitement naturel que les filles apprennent elles aussi à lire. Les seules matière du programme qui puissent poser un problème sont la gymnastique et l'équitation, les filles sont conviées à pratiquer les exercices physiques imposés aux garçons pour pouvoir être utiles pour la défense de la cité en participant aux combats si nécessaire, 806a-b, 814b. Sur le programme d'ensemble voir 809c, l'apprentissage de l'écriture n'est pourtant pas l'essentiel de l'activité scolaire dans Magnésie, il faut apprendre tout ce qui est utile à la guerre ainsi que la musique. Il faut connaître à l'issue du cycle scolaire tout ce qui est utile pour la guerre, l'économie domestique, l'administration de la cité (c'est dans cette partie du programme qu'intervient l'initiation à l’astronomie car la connaissance en est nécessaire pour rendre en temps utile les honneurs dus aux dieux). Cette argumentation est politique. Diodore, Bibliothèque, XII, 12, 4-13, est plus lyrique quand évoquant la législation de Charondas qui avait rendu l'enseignement gratuit dans la ville il explique que l'âme sans culture est infirme et que l'apprentissage de la culture est la condition du "bien-vivre". Aristote sait que le soin d'assurer à tous les jeunes une éducation identique est dévolu à la communauté politique, Politique 1337a 21-22. La grammaire est dans l'antiquité "une science de la langue écrite", F. Desbordes, "Elementa, Remarques sur le rôle de l'écriture dans la linguistique antique", Philosophie du langage et grammaire dans l'Antiquité, Cahiers de Philosophie ancienne, 5, 1986, p. 339-356. Dans le même volume, voir H. Joly, "Platon et le maître d'école et le fabricant de mots. Remarques sur les Grammata", dans ce volume, p. 105-136. 246.Protagoras 327a, la traduction de Croiset et Bodin pour la CUF traduit curieusement ce verbe par "rester ignorant". M. Vallozza, "L’oratore, l'incolto e la comunicazione nel IV secolo a. C." Retorica della comunicazione nelle letterature classiche, Bologne, 1990, p. 15-29, ne traite pas le sujet et n'explique pas ce passage important. 247. On s'aperçoit de l'importance de la métaphore de la ligne droite au long de laquelle on transcrit le texte que l'on lit comme l'explique E. G. Turner, Athenians learn to write. Plato, Protagoras 326d", BICS, 12, 1965, p.  65-67 plus pertinent que les remarques sur la société d'écriture de C. Sirat, La morphologie humaine et la direction des écritures", Compte Rendu de l'Académie des Inscriptions et des Belles-Lettres, 1987, p.  7-56 à qui fait confiance Cl. Gaudin, Platon et l'alphabet, Paris, 1990. 248.Charmide 159c. 249.Lois 811e. 250.Protagoras 326d, le corps humain est, très souvent, considéré dans son rapport à l'écriture, on peut écrire sur la peau, on peut exposer un homme vivant, on peut lui substituer une statue ou l'inscription de son identité sur une stèle. 251. Voir Phoinikeia grammata, Lire et écrire en Méditerranée, Namur. 1991, éd. Cl. Baurain, C. Bonnet, V. Krings.

252. Par exemple D. Musti, Storia Greca. Rome/Bari, 1989, p. 139. Nombre des analyses sont répétitives. R. F. Willetts, The law code of Gortyn, Berlin, 1967. p. 8, qui connaît bien l’antiquité de la ville dont il a publié bien des textes semble faire partie de cette mouvance. 253. Voir M. Narcy, "Le contrat social, d’un mythe moderne à l’ancienne sophistique", Philosophie, 28, 1990, p. 32-56. 254. Ephore, FGH, 70. 138b, Clément d'Alexandrie, Stromates. 16. 79. Ζάλευϰός τε ὁ Λοϰρòς πρῶτος ἱστόρηται νόμους θέσθαι. 255. Aristote, Politique, 1274a25. 256. Strabon, Géographie, 6, 1, 8 : νομογραϕίας μνησθεὶς ῎Εϕορος ἣν Ζάλευκος συνέταξεν ἔϰ τε τῶν Κρητικῶν νομίμων ϰαὶ Λαϰωνιϰῶν ϰαὶ ἐϰ τῶν ’Aρεοπαγιτικῶν. 257. On lira une critique bienvenue de la façon dont sont établies les théories concernant les législateurs dans G. Camassa, "Aux origines de la codification écrite des lois en Grèce", Les Savoirs de l'écriture, éd. M. Detienne, Lille, 1988, p. 130-155 258. H. Van Effenterre, "Criminal law in Archaic Crete", Symposion 1990, Cologne, 1991, p. 8386. Sur le caractère contingent de la mise en place des lois et la naissance progressive de l'idée collective, voir K. J. Hoelkeskamp, Written law in archaic Greece", Proceedings of the Cambridge Philological Society. 38, 1992, p. 87-117 en nuançant les conclusions par ce que propose A. Maffi dans sa Chronique Revue d'Histoire du Droit, 71, 1993, p. 637 et suivantes reprenant un article de D. Musti, "Democrazia e scrittura", Scrittura e Civilta. 10. 1986, p. 21-48. L'article de J. Whitley, "Cretan laws and cretan literacy", American Journal of Archceology, 101, 1997, p. 635-661, est réducteur et par là peut être, non pertinent. 259. Collection Glotz, Histoire ancienne, Histoire grecque, Volume I. p. 238-242 (édition de 1925). 260.Lois 684a. 261. "Literacy and the Codification of Law", Studia et Documenta Historiae et Juris, 43, 1977, p.  455-458. L'idée est reprise par M. Gagarin, Early greek law, Berkeley, 1986, p.  123  124, remonte à G. M. Calhoun, Introduction to Greek legal science, Oxford, 1944. 262. G. Camassa, "Aux origines de la codification écrite des Lois en Grèce", Les Savoirs de l'Écriture en Grèce ancienne, p.  130-155  ; ibid., M. Detienne, "L'espace de la publicité, ses opérateurs intellectuels dans la cité", p. 27-81, "la cité se nourrit de l'écriture, elle se fortifie de la publicité" 263. M. Gagarin, Early greek law, Berkeley, 1986, p. 58 parle de la pratique Spartiate comme d'un "conservative protest against innovation of written laws". D. T. Steiner, The tyrant's writ. Myths and images of writing in ancient Greece, Princeton, 1994, prétend que la réticence de Sparte à l’égard de l'usage de l'écrit est un témoignage de sa capacité de résistance à l'égard de la barbarie au nom d’un hellénisme intransigeant. 264. Aristote, Politique 1270b30. 265. Plutarque, Vie de Lycurgue, 13, 8, διαμνηονεύουσι. 266. Plutarque, Vie de Lycurgue, 13, 1-4.

267.Apophtegmes laconiens, Moralia, 221B, les lois de Sparte sont peu nombreuses car les gens "qui parlent peu n'ont besoin que de peu de lois, 232B. 268. Sur l'illétrisme, il ne faut pas se laisser aller aux approximations parfois hasardeuses de E. E. Havelock. Il vaut mieux s'en tenir à des descriptions concrètes de ce que peut avoir été réellement la capacité des Grecs, à tirer parti de leur capacité à lire, G. Nieddu, "Alfabetismo e diffusione sociale della scrittura nelle Grecia arcaica e classica  : pregiudizi recenti e realta documentaria, Scrittura e civiltà, 6, 1982  p 233-262. P. Cartledge, "Literacy in the Spartan oligarchy", Journal of Hellenic Studies, 98, 1978, p. 25-37, corrige lui-aussi l’idée, émise par H. I. Marrou, selon laquelle Sparte aurait "mis son point d’honneur à rester une ville de semiillétrés"  ; voir W. V. Harris, "Literacy and Epigraphy", Zeitschrift für Papyrologie und Epigraphik, 52, 1983, p. 87-111. 269. Plutarque, Vie de Lycurgue, 13, 10, ainsi que 6,1. 270.Lois 624b. Les lois peuvent être complétées ou modifiées tous les huit ans puisque tel est le rythme des retours périodiques de Minos. Cette périodicité correspond à celle qui fut retenue pour le contrôle par les éphores de la légitimité des rois Spartiates en fonction de critères astronomiques, voir N. Richer, Les éphores : études sur l'histoire et sur l'image de Sparte, Paris, 1998. La parole divine est ϕήμη et non pas ῤήτρα. 271.Vie de Lycurgue, 31,2, qu’il faut mettre en rapport avec tel texte de Platon, πολιτεία... ϕυῃ ϰαὶ ϕῶς ἡλίου ἴδῃ, République 473e. 272. J. Svenbrö, Phrasikleia, Paris, 1988, p. 147. 273. Voir Nomima I, Index, sv. 274. Sur l'analyse formelle et grammaticale de ce texte, voir Ed. Lévy, "La Grande rhètra", Ktèma, 2, 1977, p.  105-120, pour une position nouvelle sur le sens de ce que l'on appelle "l'amendement", F. Ruzé, "Le conseil et l'assemblée dans la grande Rhètra de Sparte", Revue des Études Grecques, 104, 1991, p. 15-30 (résumé dans Délibération et pouvoir dans la cité grecque de Nestor à Socrate, Paris. 1997, p. 159 et suivantes). 275. Voir le texte de l'alliance entre les Éléens et les Héréens, Nomima I. 52. 276. Solon pour sa part est présent personnellement au lieu où se construit la cité, il sait en occuper le centre où se constitue le politique, N. Loraux "Solon au milieu de la lice", Aux origines de l'hellénisme, La Crète et la Grèce, Hommage à Henri Van Effenterre, Paris 1984, p. 199214. 277. Xénophon, République des Lacédémoniens, 9, 1, 1. 278.Lois 634d-e. 279.Vie de Lycurgue 6, 9, le ϰαὶ αὐτοί dans un développement où il est question d'un évident mensonge implique que la tromperie sur l'origine divine de la constitution Spartiate est originelle et que Plutarque considère qu'elle remonte à Lycurgue lui-même 280. Plutarque, Vie de Lycurgue, 31, 2. La pratique de Lycurgue est, ainsi, mise en parallèle avec celle des philosophes, dont Platon, qui n'ont laissé, eux-mêmes, que des textes. 281. Lois 858e.

282. Pausanias, V, 4, 5. 283.M. Nafissi, La nascita del Kosmos. Studi sulla storia e la societa di Sparta, Pérouse, 1991, p. 5181 évoque le problème de la transmission orale. M. Gagarin, Early greek law, Berkeley, 1986, p.  53 note 9 montre très clairement que si παρενέγράψαν a bien pour sens "written down besides", cela veut dire que "the original was written down by the time the addition was enacted". 284. F. Ruzé, "Le conseil et l’assemblée dans la grande Rhètra de Sparte", Revue des Études Grecques, 104, 1991, p. 15-30 (résumé dans Délibération et pouvoir dans la cité grecque de Nestor à Socrate, Paris, 1997, p.159 et suivantes), traduisait l’amendement par "si le peuple se prononce mal, les anciens et les archégètes se dissocieront de lui", et commente, p. 26, on peut toujours rêver avec Tyrtée d'un accord parfait, dans la réalité il arrive que l'assemblée ne suive pas ses Anciens". L'essentiel est de comprendre qu'il faut que, dans αἰ δέ σϰολίαν ὁ δᾶμος ἔροιτο, le σϰολίος, le tordu, le mauvais, l'antonyme étant dans le texte l'adjectif εὐθύς, doit être inclus dans la politique pour que la cité commence d'exister à proprement parler. Solon avait tenu à chanter qu'il faisait des lois pour le bon comme pour le méchant, Éégies 1, 36, 20, θεσμούς δ’ ὁμοιους τῷ ϰαϰῷ τε ϰάγαθῷ. Il n'y a de cité véritable, en effet, que lorsqu'on accepte qu'il existe des différences entre les égaux et quand le coupable peut continuer de vivre aux côtés de l'innocent, N. Loraux, dans "Reflexions of the greek city on unity and division", City States in Classical antiquity and medieval Italy, édité par A. Molho, K. Raaflaub, J. Emlen, Stuttgart, 1991, p. 33-51, "Le lien de la division". Le cahier du Collège international de Philosophie, 4, 1987, p. 101-124 (p. 106). Le vote peut être désigné du nom de διαϕορά, car il est affrontement et séparation de la cité en camps opposés, mais le maintien de la cité en tension qui lui donne vie et force. 285. Plutarque, Vie de Lycurgue, 6, 7. 286. Il n’y a que peu d'occurrences d'un terme impliquant l'écriture dans le texte de la Vie de Lycurgue et partout la pertinence en est évidente, on remarquera particulièrement la réflexion très platonicienne de ton, en 10, 3, sur Ploutos représenté en un tableau, dessin sans âme et sans mouvement, γραϕὴν ἄψυχον ϰαὶ αϰίνητον.. 287. Plutarque, Vie de Lycurgue, 6, 1. 288. Voir T. A. Boring, Literacy in ancient Sparta, Mnémosyne, Supp. 54, 1979. Sur le γραμματοϕυλακείον, dépôt d'archives, et les λαϰωνιϰαὶ. ἐπιγραϕαί, évoqués par Plutarque, Vie d'Agésilas, 19, 6, voir P. Cartledge, Agesilaos and the crisis of Sparta, Londres, 1987, p. 70 qui pense que cette mention témoigne de la volonté de Plutarque de se renseigner à des sources primaires pour discuter de ce que pouvaient avoir écrit Xénophon et Dicéarque. Il existait ἐν ταῑς παλαιοτάταις άναγραϕαῑς, des copies des oracles rendus à Lycurgue, Plutarque, Adversus Colotem, 1116F. 289. Cléomène avait lu et diffusé auprès des alliés de Sparte, les oracles rendus aux Pisistratides et exposés sur l'Acropole. M. Rocchi, "Les oracles des Pisistratides, Phoinikeia grammata, Lire et écrire en Méditerranée, Namur, 1991, p.  577-589, pense que ces prétendus

oracles pouvaient être des chroniques écrites de la vie du sanctuaire et de la façon dont se comportait le serpent sacré d’Athéna. 290. Hérodote, Histoires, VI, 57 : τὰς μαντηίας τὰς γινεμένας τούτους ϕυλάσσειν, ουνειδέναι δὲ ϰαὶ τοὺς Πυθίους. Voir P. Cartier, La royauté en Grèce avant Alexandre, Strasbourg, 1984, p. 267269. 291.FGH III no 582, P. Carlier par une formule qui ne peut être innocente parle des rois qui seraient tentés "d'enterrer" les réponses des oracles qui leur aurait déplu, et conclut en expliquant que ce n'était guère possible. Cette inférence manque de fondement quelque logique qu'elle puisse paraître. Il a raison en revanche bien évidemment de penser que bien des oracles anciens et soit-disant révélés pouvaient être des faux. 292. M. Detienne, "L'espace de la publicité, ses opérateurs intellectuels dans la cité", Les Savoirs de l'écriture, éd. M. Detienne, Lille, 1988, p.  62 et suivantes. P. Carlier, La royauté en Grèce avant Alexandre, Strasbourg, 1984, p. 267-269, a montré comment les rois conservaient les textes des oracles delphiques par devers eux, choisissant de les divulguer ou non. 293. Sur l'incidence du phénomène de la cryptie dans la vie de la cité, voir J.-M. Bertrand, Espace et politique en Grèce ancienne, Paris, 1992, p.  55-56. Pour comprendre ce qu’est l'institution, on peut se cantonner dans une approche très minimaliste, comme l'a proposé E. Lévy, " La Kryptie et ses contradictions, Ktèma, 13, 1988, p. 245-252, qui permet de comprendre que Platon puisse désigner les pacifiques agronomes de la cité des Lois comme des cryptes, parce qu ils parcouraient sans relâche la campagne. J. Ducat reprend le problème dans Hommages à Y. Garlan, Rennes, 1997, p. 43-74, "La cryptie en question" et dans Cahiers du Centre G. Glotz, VIII, 1997, p.  9-38, "Crypties". D. Knoepfler, Les Kryptoi du stratège Épicharès à Rhamnonte et le début de la Guerre de Chrémonidès", Bulletin de Correspondance Hellénique, 117, 1193, p. 327-341, a voulu évoquer le problème. Des soldats commandos, combattant dans une sorte de clandestinité riche d'embuscades et de coups fourrés de divers types ont pu être désignés par le nom de cryptes. Cela ne résout en rien le problème spécifique de la cryptie lacédémonienne. Il y a dans le système Spartiate une réalité irréductible à la seule approche rationnelle, la cité ayant développé des conduites que l'idéologie justifiait seule, le terme de la langue technique militaire proprement descriptif ne peut servir de parallèle à un mot figé dans une connotation spécifique. 294. Plutarque, Vie de Lycurgue, 2, 5. 295. Les prologues dont Platon ferait précéder ses lois étaient propédeutiques de même nature, un moyen de conduire à ce que la loi saurait imposer, Lois 659d, παιδεία ἐσθ’ ἠ παίδων ὁλϰή τε ϰαί ἀγωγή πρòς τοũ νόμου λόγον ὀρθόν εἱρομένον. 296.Lois 857e. 297. Plutarque, Vie de Lycurgue, 29, il se laissa mourir de faim, voir D. M. Mac Dowell, Spartan law, Edimbourg, 1986. Sur les incertitudes concernant l'emplacement de son tombeau, Plutarque, Vie de Lycurgue, 31, 5-10 et la réitération de son désir de ne pas voir son corps ramené à Sparte. Pour comprendre quels liens existent entre l'écriture et l'enfouissement, lire

Y. Thomas, "Idées romaines sur l'origine et la transmission du droit", Rechthistorisches Journal, 5, 1986, p. 252-273, traitant de la découverte des livres de Numa "absence du corps et présence du texte", "mise en scène de l'impersonnalité du droit distinct de la loi personnelle, de façon plus convaincante que J. Svenbrö, Phrasikleia, Paris, 1988, Chapitre 7 "La vraie métempsychose. Lycurgue, Numa et le cadavre tatoué d'Épiménide". J. Linderski, "The Libri reconditi", Harvard Studies in Classical Philology, 89, 1985, p. 206-273, puis Cl. Moatti, "Tradition et raison chez Cicéron  : l'émergence de la rationalité politique à la fin de la République romaine", Mélanges de l'École Française de Rome, Antiquité, 100, 1988, p. 385-430 ont traité, euxaussi du problème. 298. Plutarque, Vie de Lycurgue, 29, 5. 299. On rappelera comment Démarate un espion Spartiate avait pour prévenir les Grecs de l'invasion imminente envoyé une tablette portant sur la cire un texte anodin alors que le texte fondamental était gravé sur le bois même, l'écriture visible servant à cacher l'écriture signifiante qu'il fallait savoir découvrir, Hérodote, Histoires, VII, 239. 300. Plutarque, Vie de Lysandre, 25-26 et 30, 3. Voir M. Detienne, "L'espace de la publicité", Les Savoirs de l'Écriture en Grèce ancienne, p. 29-81 (p. 59 et suivantes), J.-F. Bommelaer, Lysandre de Sparte, Athènes, 1981, p. 224-225 croit à la réalité des projets révolutionnaires de Lysandre. 301. y. Thomas, "Idées romaines sur l'origine et la transmission du droit", Rechthistorisches Journal, 5, 1986,p. 252-273. On avait, de même, choisi, à Rome, de brûler les livres de Numa au lieu de les faire connaître pour préserver l’idée que l'expression originelle du droit n'était pas la simple mise en objet d’un moment d'histoire. Il fallait que l'on rendît impossible de remonter à une source fondamentale pour que les origines du droit positif paraissent être antérieures à toute rédaction accessible. 302. Aristote, Constitution d'Athènes, 9, 303. Plutarque, Vie de Solon, 25, τοῑς νόμοις ἔσεσθαι συνήθεις. 304. A. Szegedy-Maszak, "Legends of the the Greek lawgivers", Greek Roman and Byzantine Studies, 19, 1978, p. 199-209, montre que l’ensemble des récits de la vie et mort des législateurs constitue un genre littéraire spécifique. Celui de la mort de Dracon, étouffé par ses admirateurs dans le théâtre d'Egine et inhumé sur place, est particulier, car ce n'est qu'une légende étiologique, voir Th. J. Figueira, The strange death of Draco on Ægina", Nomodeiktes. Greek studies in honor of M. Ostwald, éd. R. M. Rosen et J. Farrell, Michigan, 1993, p. 287-304. 305. Diodore, Bibliothèque, XII, 19, 1. Diodore, XIII, 33, 2, reprend la même anecdote à propos du législateur de Syracuse, Dioclès. 306. Eustathe donne un récit de sa mort qui est un doublet de celle de Charondas, Commentaire à l'Iliade, p.  132, 1.1. Le Corpus aristotélicien indique que lorsque son fils fut reconnu coupable de vol, il s'arracha un œil et fit subir le même supplice à son fils alors que ses concitoyens n'avaient pas voulu le punir de cette peine pourtant prévue par la loi, Fragments, Catégories 8, 45, 611, 1. 309. Ælien, Histoire variées, 13, 24, 14 reprend la même histoire, le vol serait devenu adultère et aurait dû être puni de l'arrachage des deux yeux du

coupable, Zaleucos aurait offert l'un des siens pour que sa loi fût confirmée mais que son fils ne se retrouvât pas néanmoins aveugle. On connait tel roi de Ténédos qui tua son fils pour de la même façon sanctionner une loi, Stéphane de Byzance, Ethnica, sv. Ténédos. 307. Il subit lui-aussi une sorte de mort symbolique quand Alcandre lui creva un œil au sortir d’une assemblée houleuse, Plutarque, Vie de Lycurgue, 11, 2-4. 308. J. Derrida, "La pharmacie de Platon" dans la traduction du Phèdre éditée par L. Brisson, Paris, 1992, p.  306. On évitera de prendre trop au sérieux ce qu'il écrit de la "rigueur cadavérique du texte écrit" (p-, 318). Sur la disparition de l'auteur dans son texte même, voir R. Barthes, "La mort de l'auteur", Œuvres complètes, II, p. 491-494 (le texte est de 1968).Sur sa survie inévitable dans sa mort même, J. Svenbrö, Phrasikleia, Paris, 1988, p. 51-52. 309.Politique 295e. 310.Phèdre 228e ainsi que 263d λέγε ἵνα ἀϰούσω αὐτοũ ἐϰείνου, voir le volume Le texte et ses représentations, éd. L. Brisson et alii, Paris, 1987. 311. P. Ricœur, Du Texte à l'Action, Essais d'Herméneutique II, Paris. 1986 p. 125. 312. Pour D. Musti, "Democrazia e scrittura", Scrittura e Civilta, 10, 1986, p. 21-48, il semble que l'écriture fut liée au développement de la démocratie, ce qui laisse sceptique, par exemple, A. Maffi, "Leggi scritte e pensiero giuridico", dans Lo Spazio letterario della Grecia antica, édité par G. Cambiano, L. Canfora, D. Lanza, Rome, 1992, p. 419-432. On peut souscrire à la prudence de F. D. Harvey, "Literacy in the Athenian democracy", Revue des Études Grecques, 78, 1966, p. 585-635, qui montre que l'outil n'est pas tout et que "the foundation of schools is a measure that would suit tyranny as well as democracy". 313.Banquet, 209d. Lycurgue n’aurait eu qu'un fils qui mourut sans enfants. 314. Plutarque, Vie de Lycurgue, 30, 1. 315. Platon a prétendu que la cité devait constituer un organisme aussi uni que l'était le corps d'un homme, Republique 462 c-d. Cette métaphore fut dénoncée par Aristote, Politique, 1261a. Lire M. Canto-Sperber, "L’unité de l'Etat et les conditions du bonheur public", Aristote politique, Etudes sur la Politique d'Aristote, sous la direction de P. Aubenque, publiées par A. Tordesillas, Paris, 1993, p. 49-71. Sur un plan plus général, voir N. Loraux, "Reflections of the Greek city on Unity and Division", in City States in Classical Antiquity and Medieval Italy éd. A. Molho, K. Raaflaub et J. Emlen, Stuttgart, 1991, p. 33-51, qui montre comment les assemblées dans les cité doivent "négocier avec la division" puisque "stasis is a dangerous strong link", voir aussi "Le lien de la division", Cahier du Collège International de Philosophie, 4, 1987, p. 101124 et désormais, La cité divisée, Paris, 1998. 316. M. Hunyadi, "La souveraineté de la procédure", Lignes, 7, 1989. p.  11-27 propose une introduction à un texte topique de J. Habermas, "Un concept normatif d'espace public. La souveraineté populaire comme procédure”, p. 29-58. 317. Plutarque, De laude sua, 543a, Clément d'Alexandrie, Stromates, I. 26, 152. 318.Lois 712b. 319.Critias 119b

320. L. Brisson, "De la philosophie politique à l’épopée. Le “Critias de Platon, Revue de Métaphysique et de Morale, 75, 1970, p. 402-439 ne traite pas de l'inscription mais seulement du sacrifice que doivent accomplir les rois, dont il ne souligne pas d'ailleurs que le sang coule sur l'inscription elle-même ϰατὰ τῶν γραμμάτων. Voir A. Vincent, "Essai sur le sacrifice de communion des rois Atlantes dans le Critias de Platon", Mémorial Lagrange, p. 119-120. 321.Critias 120c. 322.Critias 120e. 323.Lois 645c. 324.Lois 657a-b. 325. L’ensemble de la phrase est difficile et le texte en a été très souvent amendé notamment par des Places. Schöpsau traduit "was von Natur eine richtige Beschaffenheit aufweist". Voir Th. Pangle, Études de philosophie politique platonicienne, Paris, 1992, p. 19. 326. Sur les raisons qui expliquent que les questions aux oracles et les réponses fussent écrites, à Dodone, ou à Delphes (voir notamment la procédure mise en œuvre par Athènes, Syll3  204), voir J. Champeaux, "De la parole à l’écriture, essai sur le langage des oracles", Oracles et prophéties dans l'Antiquité, éd. J. G. Heinz Paris, 1997, p. 405-438. 327. Cela ne veut pas dire que la loi civile n’est qu’une loi religieuse, le fait qu’il puisse exister parfois un double châtiment pour celui qui, par exemple déplace les bornes, l’une venant des dieux, l’autre du droit civil montre que les deux domaines ne sont pas identiques, Lois 843a. La loi civile doit contribuer au bon accord avec les dieux, 921a. 328.Lois 713b Sur les bonnes ou mauvaises imitations en matière politique, Politique 297e. 329.Lois 713e. 330.Politique 301e. 331.Politique 297d. Il ne faut pas interpéter ce texte à contre sens, τοῑς ταύτης συγγράμμασι est bien clairement une référence à un système d'écrits, le ταύτης ne peut pas être autre chose que la constitution primitive elle-même que l'on esssaie d'imiter. 332. Rappelons que, pour Cicéron, il n'y a pas de loi vraie qui puisse ne pas exister dès l'origine du droit et que celui-ci peut être considéré comme une parole, "non incipit lex esse cum scripta est sed cum orta est... lex vera atque princeps apta ad jubendum et ad vetandum, ratio est recta summi Jovis". De legibus. II. 10. 333. Y. Thomas, "Idées romaines sur l'origine et la transmission du droit", Rechthistorisches Journal, 5, 1986,p. 252-273. 334.Politique 301a. Le texte du dialogue précise "ou bien les coutume ancestrales", τὰ πάτρια ἔθη" pour être complet. Le système politique idéal laisse une large part à la pratique comportementale, la coutume est comme l'armature des institutions, Lois 793a-d. 335. Je reprends ici une formule de M. Vegetti, "Dans l'ombre de Thoth, dynamiques de l'écriture chez Platon", dans Les Savoirs de l'Écriture en Grèce ancienne, p. 388-419 (p. 415). 336.Politique 296e. 337.Politique 295b.

338.Politique 295c 339.Lois 859a, ἐν πατρòς ϰαὶ μητρòς σχήμασι ϕιλούντων ϰαὶ νοῦν ἐχόντων ϕαίνεσθαι τὰ γεγραμμένα ϰατὰ τύραννον ϰαὶ δεσπότην τάξαντα ϰαὶ ἀπειλήσαντα γράψαντα ἐν τοίχοις ἀττηλλάχθαι ;. Diès traduit, "leurs prescriptions doivent-elles prendre l'attitude d'un père ou d'une mère pleins d’amour et de sagesse ou celles d'un tyran et despote qui ordonne et menace et, une fois ses volontés écrites sur les murs, s'en va libéré  ?". Gernet, "doit-elle ressembler à un tyran, à un maître absolu qui ordonne et menace et qui, son écrit affiché, se tient quitte  ?", dans sa thèse complémentaire, p.  29, mais rend ϰατανομοθήσει de 861b, traduit, p.  32, "[notre parole] fera la loi comme un tyran". Tout le problème est de comprendre le ϰατὰ ainsi que le sens de l'infinitif ἀπηλλάχθαι. England semble conscient des difficultés en soulignant que "the personnalisation involves the author in the curious statement that « what is written » writes itself up on the walls", c'est bien en-effet la loi qui écrit elle même ce qu'elle est mais ce ne peut être elle qui quitte la pièce puisqu’elle reste dans la cité pour régir les mouvements des citoyens, alors que le tyran se retranche dans une forteresse pour régir de loin ceux qui l'ont porté au pouvoir. Le fait que la loi doive être une mère est une autre affaire. 340. Hérodote, Histoires, I, 95-101, montre comment les Mèdes ont donné tout pouvoir à Deiokès pour se consacrer à leurs travaux agricoles et comment cela n'a pas construit une démocratie rurale (sur ce concept, voir Aristote, Politique 1318b 10) mais une tyrannie. La ville d'Ecbatane est entourée de sept enceintes lui même y est en sûreté avec ses trésors, les habitants qui ont dû, pour la bâtir, abandonner les villes où ils étaient installés, restent en dehors des murs. Sur Deiokès voir I. M. Diakonoff, Cambridge History of Iran, 1985, II, p.89 et suivantes et M A. Dandamaev et V. G. Lukonin, The Culture and Social Institution of Ancient Iran, Cambridge, 1989, p. 48 qui cite R. Schmidt, "Deiokes", Anz. Öst. Akad. Wiss., 1973, p. 137-147. Sur les sources d'Hérodote, P. R. Helm, "Herodotus'Medikos Logos and médian history", Iran, 19. 1981, p. 85-90, H. Sancisi-Weerdenburg, "Was there ever a médian empire ?", Achoemenid History, III, 1988, 197-212 pense à une sorte de reconstruction écrite (serait-ce une sorte de roman) plutôt qu'à des récits locaux repris, voir O. Murray, "Herodotus and oral history", Achoemenid History, II, 1987, p. 93-115. P. Briant, Histoire de l'empire perse de Cyrus à Alexandre, Paris, 1996, pense qu'Hérodote aurait décrit les institutions des Mèdes à partir des éléments perses qu’il connaissait, sa Médie étant totalement imaginaire, p. 36-37 et 103-104. M. Gagarin, Early greek law. Berkeley, 1986, p. 20-24 et 134 a fort justement analysé ce passage d’Hérodote comme nourri par la réflexion politique propre à la Grèce about law and order. La royauté de Deiokès doit être comprise dans son rapport à celle des souverains d'Hésiode, elle doit être analysée rétrospectivement en fonction avec le mythe de Protagoras (Protagoras 320 et suivantes), il souligne que Deiokès n’est pas un nomothète et que son invention dans le cadre judiciaire est seulement procédurale. Ce texte apparaît, essentiellement, comme un paradigme du détenteur d’un pouvoir tyrannique protégé matériellement par une garde de "doryphores" et que l’usage d'un mode de communication discriminant éloigne ses sujets.

Voir, sur les rapports du tyran à l'écriture, D. T. Steiner, The tyrant's writ. Myths and images of writing in ancient Greece, Princeton, 1994, p. 130. 341. Hérodote, Histoires, I, 100. Le roi de la Cyropédie se constitue, de même, comme le sait Xénophon, un espace ui le sépare des autres Perses, VII, 5, 37-47 : alors qu'il avait commencé par ouvrir sa cour en indiquant qu'il se mettait à la disposition de tous ceux qui viendraient le solliciter, παρεῑχον ἐν τῷ μέσῳ ἐμαυτόν, il finit, pour reconnaître qu'il ne peut traiter d'affaires avec ses amis et ses officiers, ϕίλοι ϰαὶ ἄρχοντες, qu'en s'installant dans le vaste cercle de ses soldats, τῶν ξυστοϕόρων Περσῶν ϰύϰλος μέγας. 342.Politique 293c. 343. J.-F. Balaudé, "Le triptyque, République, Politique, Lois" dans D'une cité possible. Sur les Lois de Platon, éd. J.-F. Balaudé, Paris. 1995, p. 29-56. 344.Phèdre 275c-d ; il n'est pas inutile de voir comment E. G. Turner, Libri, editori e pubblico nel mondo antico, édité par G. Cavallo, Rome, 1989, p. 17 met ce texte en rapport d’opposition avec le Prométhée d'Eschyle et le Palamède d'Euripide qui présente l'avantage (Nauck2 fg.578) d'annoncer le mot même de Platon, λῃθης ϕάρμαϰα 345.Phèdre 275d. 346.Phèdre 276a. 347.Phèdre 275e. 348.Phèdre 276b ; la métaphore du terrain apte à être ensemencé se combine, dans Théétète 194e, avec celle de la cire dans laquelle on peut imprimer les éléments de savoir, cf. Tintée 50c, Lois 746a, 712b. On distinguera de ce modelage de la cité, celui du nouveau-né, 789e. Sur la métaphore de la mémoire, G. F. Nieddu, "La metafora della memoria corne scrittura e l’immagine dell'animo corne deltosI", Quaderni di Storia, 10, 1984, p. 213-219 néglige dans Timée 26c, "l'histoire peinte à la cire dans l'esprit de celui qui la raconte". C'est dans le Philèbe qu il faut aller chercher la définition la plus claire de la mémoire présentée comme un livre 38e39a, J. Svenbrö, Phrasikleia, Paris, 1988, p. 200, J. Derrida, Chôra, Paris, 1993, p. 74. 349.Phèdre 276d, sur le rapport de Platon à l'écriture, voir la note de Ph. Hoffmann, "Écriture littéraire et écriture philosophique", Topoi, 4/2, 1994, p.  637-642, qui insiste sur le souci de recherche stylistique de Platon. 350.Phèdre 276e-277a. 351.Politique 293c-e. 352. Certains crimes ne sont pas punis s'ils sont commis par des personnes en état d'enfance, comme si tout le monde n’était pas accessible à la punition ou digne de la subir, Lois 910c. 353.Lois 735 b-736c. 354.République 501a. 355.République 541a.

Les ambiguïtés de la publication 1

Si l'on veut bien considérer l'écriture comme absolument nécessaire à la naissance de la loi, aussi bien pour des raisons pragmatiques que pour des raisons de fond, ce n'était pas le fait d'avoir écrit des lois qui posait problème. Il faut plutôt se demander si elles devaient être lues et par qui. Il ne fallait pas que des lecteurs pussent se trouver trop libres dans leur rapport à un texte qu'un législateur leur aurait abandonné 1 . Ce type de problématique doit être posé car il était admis que l'acte d'écriture pouvait rester autonome et se suffire à lui-même. L'écrit pouvait s'accommoder en effet de l'évidence de son existence, acceptant de rester en deçà de toute autre signification que celle acquise de sa présence. Un livre placé dans le tombeau de son auteur acquérait, ainsi, une puissance paradoxale, de même les pièces d'un procès placées dans un vase scellé et apporté devant le tribunal, ou un bordereau comptable caché dans une bourse et ignoré de qui la transportait. Démosthène sut parler de telle inscription dont l'intérêt tenait à ce qu'elle était cachée plutôt qu'exposée dans le temple de Dionysos Limnatis 2 . Ce sanctuaire n'était ouvert qu'une fois par an, elle était si vénérable qu'il fallait faire en sorte que peu de gens pussent la voir, μὴ πόλλοι εἰδῶσιν. La voyait-on, d'ailleurs, qu'on ne pouvait guère la déchiffrer, car les lettres en étaient devenues presque illisibles 3 . L'écriture en cette forme extrême n'existait qu'en tant que signe et prétexte à reconstruction exégétique. Retrouvant le chemin du récit mythique quelques privilégiés recevaient le droit d'en établir et d'en diffuser

les leçons, le vulgaire maintenu à distance respectueuse reconnaissant son incapacité à participer aux mystères dont témoignait son effacement. 2

Le politique, ou le législateur, pouvait choisir, par ailleurs, entre deux modes de diffusion de l’écrit. Il pouvait multiplier les lecteurs potentiels en publiant des documents de la façon la plus évidente possible, sur des stèles, des murs, des plaques de bronze fixées aux colonnes des temples, etc... 4 . Il avait la possibilité d'attendre une demande spécifique pour fournir les textes à qui voulait le lire et acceptait, pour ce faire, de se rendre dans tel ou tel dépôt d’archives. Cette dernière solution pouvait avoir des conséquences redoutables comme on l'apprend du récit des pratiques de Maiandros qui, plutôt que de publier les comptes de son gouvernement sur la place publique ou d'ouvrir un dialogue avec l'ensemble de ses concitoyens, faisait venir chez lui chacun de ceux qui tenaient à les connaître, sous prétexte de leur en faire voir l'état, ὡς δὲ λόγον τῶν χρημάτων δώσων. Il les faisait emprisonner les uns après les autres 5 Les cités de la Grèce antique ont choisi l'une ou l'autre de ces pratiques. Sparte ou Corinthe n'ont publié que peu de documents par gravure sur des supports durables. Athènes n'a pratiquement pas inscrit, non plus, de textes officiels sur la pierre à l'époque de Démétrios de Phalère. A l’inverse, toutes les époques de démocratie furent éminemment productives. Il est très remarquable qu'en 304/303, lors de l'une des restaurations démocratiques qui rythmèrent l'histoire de la cité durant la période hellénistique, Eucharès fut honoré pour avoir fait graver les lois promulguées durant l'année de telle sorte que chacun puisse en prendre connaissance, σϰοπεῖν τῶι βουλομένωι, que personne, μηδὲ εἷς, ne pût ignorer ce qu'étaient les lois de la cité, ἀγνοεῖν τοὺς τῆς πόλεως νόμους 6 . Dans la cité des Magnètes, au contraire, la publicité des lois et textes officiels est tout

à fait confidentielle, l'écriture n'est guère apparente dans l'espace public, ce qui rend particulièrement significative la fonction des très rares inscriptions qui doivent y être exposées 7 . 3

L’écriture monumentale signifiait, d'abord, par sa seule évidence, qu'une cité fonctionnait au lieu de son exposition et faisait connaître ce qu'elle était. On ne comprendrait pas qu'eussent été publiés dans les cités tant de textes traitant de sujets tout à fait inessentiels, en apparence, tant d'inscriptions honorifiques répétitives, si le geste de la publication n'avait pas une plus large signification que la simple diffusion du contenu d'un document. La gravure et l'exposition d'une stèle servaient à montrer que la cité travaillait comme il convient à la date où tel décret était promulgué et ne mettait pas à mal les règles constitutionnelles. Une mise en page spectaculaire pouvait, parfois, d'ailleurs, être employée pour faire comprendre ce qu’avait été la complexité de la procédure ayant conduit à l’exposition du document. Ainsi, dans l'Athènes du Vème siècle, on souhaitait mettre en évidence en haut d'une stèle le nom d'un secrétaire dont la constitution reconnaissait la dignité au plan institutionnel et social 8 . L'identité de l'archonte ainsi que le nom de l'orateur ne furent mis en évidence que plus tard, quand il parut opportun de mieux souligner quelles étaient les étapes de la prise de décision politique. On en vint à mettre en page les inscriptions dans le style appelé "the perfect pattern", où la mention de l'existence d'une proposition ("ἔδoξεν clause") fut inscrite au centre d'une ligne encadrée de vacat pour mettre en valeur le préambule qui attestait du rituel procédural. Le nom de l'orateur fût inscrit en tête du bloc du texte développant la décision prise. Celui-ci pouvait, paradoxalement, rester relativement compact et, par conséquent, difficile à lire, car une des fonctions essentielles de la gravure était de faire connaître ce qu'avaient été les modalités du vote qui l'avait

approuvé 9 . La publication d'un texte était un moyen pour la cité de montrer qu'elle existait mais aussi quelle était la complexité des rouages institutionnels qui la faisaient fonctionner. 4

Il ne faudrait pas croire, néanmoins, que l'épigraphie était le seul mode de diffusion des décisions publiques. L’usage de l'écriture n'était pas exclusif, évidemment, de la publication orale 10 . En effet, le héraut ne disparaît pas nécessairement des sociétés très habituées à toutes les formes d'écriture. On se gardera, donc, de tirer de conclusions sur le degré d'oralité d'un pays ou d’une civilisation de la constatation de sa présence et de son rôle de diffuseur de nouvelles ou de textes législatifs et d'informations administratives 11 . Il faut essayer d’expliquer ce qu'est la spécificité dans la Grèce des cités de la publication orale au regard de la diffusion des mots du politique par l'écriture 12 .

Diffusions orales et jeux d'écriture 5

Les Grecs savaient parfaitement que, dans le royaume achéménide, des hérauts devaient être envoyés dans les pays d'empire pour proclamer de façon très spectaculaire la parole royale dans la langue de chacun des sujets 13 . Elle était publiée, pour les responsables administratifs, en une mise en scène qui la rendait efficace de son seul prononcé. Ainsi, le texte des décisions du souverain était transmis, scellé, aux satrapes qui, pour en assurer la diffusion auprès de leurs subordonnés, prenaient soin de le présenter de façon solennelle aux destinataires désignés selon une procédure, décrite par Xénophon quand il évoqua la façon dont fut proclamée la "Paix du Roi" 14 ou, pour une période plus ancienne par Hérodote. Selon ce dernier 15 , on prenait connaissance de l'ordre royal au cours d’une lecture publique à laquelle procédait un secrétaire totalement

irresponsable et lié par la lettre du texte reçu ainsi que par la nécessité de le déchiffrer en totalité car il ne pouvait, après avoir vu rompre le sceau, interrompre sa lecture ou la différer. L'instrumentalisation du grammatiste, donnant vie à la parole sacrée du roi sans qu'il y eût de solution de continuité entre l'écriture et sa publication, empêchait par exemple qu'un gouverneur pût mettre obstacle à la divulgation d'ordres qu’il aurait été le premier et le seul à connaître. Il n'en prenait connaissance qu’en même temps que ses subordonnés. Il lui était impossible de travestir ce qu'étaient les volontés du souverain. Oroitès fut, ainsi, tué par ses propres gardes, sans qu'il se fût douté de ce que contenaient les lettres de Darius qui leur ordonnaient de le faire. Lui-même ne pouvait savoir quelle en était la teneur, ni avoir réagi préventivement à la lecture que l'on en fit puisqu'il n'était pas maître du rythme de leur dévoilement. 6

On savait qu'il existait, aussi, des pièces d'archives que la tradition a fait connaître, ainsi le corpus biblique donne, en un passage célèbre, le texte d'un édit concernant les Juifs 16 . Il existe des textes inscrits sur des support assez durables, stèles ou papyrus, pour que nous soyons informés directement de leur teneur. Les documents pouvaient être gravés quand les sujets, destinataires réels du discours du pouvoir, s'appropriaient sa parole en la publiant dans leur pays pour garantir la pérennité d'une décision qui les favorisait 17 . Le fait, d'ailleurs, que leur propre langue était utilisée par le texte leur notifiant tel ou tel privilège induisait, pour qu'il fût tenu compte de la spécificité de leur société, une variation dans les modes d'expression de la volonté du pouvoir qui semblait se couler dans leurs propres schémas idéologiques. En témoigne, par exemple, l'inscription trilingue de Xanthos. Le document de langue grecque concernant l'administration d'un sanctuaire de la cité était rédigé d’une façon sensiblement différente de celle du texte écrit et diffusé

en araméen, langue administrative commune à tout l'empire 18 . Dans la mesure où l'on croit savoir que c'était la chancellerie qui traduisait les textes officiels dans les diverses langues des peuples de l’empire 19 , cette forme de transposition était, plus que la pratique raisonnée d’un polycentrisme culturel 20 . Le souci qu'elle avait d'accepter que pussent coexister des langues d'État y fondait des légitimités diverses. Sans doute, la volonté du prince passait-elle pour le seul principe fédérateur. Mais cette pratique témoignait de ce que le destinataire était, en fait, le véritable maître du discours d'État et de ses modalités dans la mesure où il fallait que le roi, en acceptant de s'exprimer en sa langue, entrât, en reconnaissant sa langue, dans son système d'idéologie référentielle.

Proclamer la loi 7

Dans le monde hellénique le problème se posait en termes différents. Pour ce qu'il en est de l'oralité institutionnelle, on n'attachera pas une importance excessive à ce que l'on croit savoir de la pratique que l'on eut parfois de mettre les lois en musique. Les Grecs auraient ainsi appelé leurs chants, νόμοι, parce qu'ils usaient originellement à chanter les lois, ϰαλοῦνται οὓς ᾄδουσιν. Pour ne pas oublier leurs ordres, alors qu'ils ne connaissaient pas l'écriture, ils auraient gardé ce nom pour désigner celles qu'ils auraient pu écrire par la suite. Le Corpus aristotélicien fonde une réflexion étymologique sur cette homonymie, mais ne découvre à la pratique de la publication des lois par le chant qu'une référence bien exotique et tout à fait éloignée de ce qu'était l'hellénisme, renvoyant pour expliquer ce qu’en fut la pratique aux Agathyrses, ὅτι πρὶν ἐπίστασθαι γράμματα ᾖδoν τοὺς νόμους, ὅπως μὴ ἐπιλάθωνται, ὥσπερ ἐν ’Aγαθύρσοις ἔτι εἰώθασιν ϰαὶ τῶν ὑστέρων οὖν ῷδῶν τὰς πρώτας τò αὐτò ἐϰάλεσαν ὅπερ τὰς πρώτας 21 . Strabon ne nous ramène pas à une pratique qui pourrait

être proprement grecque quand il rappelle que, chez les Mazakéniens, on connaissait un chanteur de lois, νόμῳδος, qui remplissait le rôle d'un exégète 22 . 8

À Athènes, dans les banquets, il était d'usage, dit-on, de chanter les lois de Charondas. On sait que lui-même avait demandé à ses concitoyens que les prologues au code qu’il avait rédigés, pour invoquer la puissance divine, fussent récités lors de fêtes après qu'eût été chanté le péan pour que leurs principes pussent mieux s'enraciner dans l'âme de chacun, προστάσσει ὁ νόμος ἐπίστασθαι τὰ προοίμια τοὺς πολίτας ἅ, ϰαὶ ἐν ταῖς ἑορταῖς μετὰ τοὺς παιᾶνας λέγειν ᾧ ἂν προστάσσῃ ὁ ἱστιάτωρ, ἵν’ ἐμϕυσιῶται ἑϰάστῳ τὰ παραγγέλματα 23 . Les érudits supposent que les Athéniens auraient fait de même. Cette pratique serait le signe du maintien d'une tradition d'oralité en politique dans la cité et éventuellement de l’illétrisme supposé des Athéniens de l'âge classique. On peut se demander, pourtant, quelle en était la signification, puisque ce sont les lois concernant l'ivresse que l'on chantait alors, chose que les commentateurs de ce document semblent parfois oublier. On peut douter, surtout, sinon de la pertinence de l'information 24 , du moins de ce qu’elle ait eu un sens proprement politique, ne serait-ce que parce que Charondas n'est pas connu pour avoir écrit de lois pour la cité d'Athènes 25 . Pour ce qui se passait ailleurs, on se trouve confronté au même type d'aporie, Terpandre chantait la loi indique Clément d'Alexandrie, Timothée de Milet avait été le premier à user pour ce faire de la cithare et d'un chœur, cela ne veut pas dire que les lois n'étaient que ce qu'ils chantaient ou que leur chant avait valeur de publication juridique 26 . Quant à la mention de la Souda 27 selon laquelle une loi voulait qu'on lût, à Sparte, le traité de Dicéarque sur la constitution lacédémonienne, chaque année, devant le bâtiment réservés aux éphores et, donc, en plein centre de l'espace politique,

et que tous les jeunes en âge de le faire dussent l'écouter, on doit en nuancer l'intérêt. Il est bien évident que ce n'est pas cela qui constitue le témoignage d'une oralité spécifique de la législation Spartiate ou d'une nécessité de la diffuser par la parole pour qu'elle fût appliquée. Ce ne fut bien évidemment qu’à une époque relativement tardive que telle lecture pût se faire, elle ne put l'être que dans un but pédagogique et non point juridiquement performatif. Les lois de Sparte n’avaient pas besoin de Dicéarque pour être ce qu'elles avaient toujours été, quant à Dicéarque luimême il n'était pas Lycurgue ni son ouvrage une constitution au sens véritable du terme. 9

Pour ce qui en est de la cité des Magnètes, L. Gernet semble avoir voulu admettre la possibilité que les lois aient pu y avoir été chantées. Mais il ne s'est pas rendu compte que, dans le texte qu'il commente, ce sont les lois qui chantent leurs ordres et qu'il n'est personne pour devoir le faire à leur place, ᾄδειν μέγα 28 , les chœurs ont, comme nous le verrons, un autre répertoire. Platon ne manque pas, évidemment, de rappeler le fait que les noms de la loi et du morceau de musique sont homonymes, νόμος désignant l'un et l'autre. Il tient, néanmoins dans l'analogie que cette homonymie construit nécessairement, à distinguer de façon claire les nomes, chants de la cithare, ϰιθαρῳδιϰῆς ᾠδῆς, de ce que sont les lois, au sens propre, λεγόμενοι νόμοι, que l'homme connaît comme politiques, oἱ δὲ ὄντως νόμοι οὓς δὴ πολιτιϰοὺς εἶναί ϕαμεν 29 . Le rapport établi entre l'un et l'autre νόμος lui sert à expliquer ce qu'est le prologue dont il souhaite qu'il soit à chaque loi comme un prélude, mais le mouvement de la comparaison ne laisse pas supposer que le chant soit essentiel à la diffusion, ou a fortiori, à la rédaction de la loi.

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Si l'on cherche à savoir quelles sont, dans les cités grecques, les manifestations d’oralité moins discutables, on constate, bien évidemment, que les cités ne manquèrent pas de hérauts publics 30 dont la voix pouvait passer pour leur voix même, ἣν ὁ ϰῆρυξ ϰατὰ τοὺς νόμους ϕωνὴν ἀϕίησι, ταύτην τὴν ϰοινὴν τῆς πατρίδος διϰαίον ἐστιν ἡγεῖσθαι 31 . Depuis la plus haute époque, ils étaient chargés de diffuser les textes officiels en tout lieu d'un territoire politique. Aristote écrivit que celui-ci devait être de dimension assez réduite pour qu'ils ne dussent pas nécessairement être des Stentor pour pouvoir s'y faire entendre de tous 32 . Même dans les cités les plus portées à publier l'écriture, les institutions semblent avoir conservé une certaine place à l’oralité. La proclamation pouvait parfois se révéler nécessaire à l'efficacité du discours politique 33 , certains rituels de prise de parole étant nécessaires au bon déroulement de l'activité publique. Ainsi, l'archonte devait, à Athènes, par exemple, faire proclamer par son héraut que les citoyens conserveraient leurs propriétés durant tout le temps où il exercerait ses fonctions 34 , de même qu'il était interdit d'exporter les blés 35 . Les exemples de même type sont nombreux. A Sparte les éphores faisaient annoncer, lors de leur entrée en charge, que les citoyens devaient se raser la moustache et se soumettre aux lois 36 . C'est aussi par l'intermédiaire d'un héraut sans doute qu'était déclarée la guerre faite aux hilotes qui était de si grande importance pour la définition symbolique du territoire politique 37 , l’expulsion périodique des étrangers était, elle-aussi, prononcée en de sauvages annonces, ϰηρύγμασιν ἀγρίοις 38 . C'est, de même, par une proclamation, que les éphores firent annoncer que l'indécence était permise aux gens de Chios, quand, après boire, ils eurent souillé le local où ils étaient hébergés 39 . Dans l'ensemble des cités, le nom des exilés était proclamé, le mot ἐπιϰηρύζεσθαι finissant sans autre précision par

signifier exiler, les exilés errants pouvaient être qualifiés de πλανηθέντες ϰαὶ ἀναϰηρυχθέντες. Alcibiade avait été maudit par la voix du héraut 40 . On pourrait multiplier les exemples de cette pratique d'oralité, s'il en était besoin 41 . Certains documents primaires permettent de comprendre quelle en est la fonction. 11

À Téos, ainsi, un magistrat devait lire, chaque année, publiquement, quelles mesures avaient été prises contre les ennemis publics. Se mettaient dans le cas d'être punis ceux qui ne n'auraient pas fait lecture de ce qui était écrit sur les stèles ou qui, exerçant la fonction de secrétaire, n'auraient pas accompli cette tâche, ὄστις δὲ τιμοχέων ἤ ταµειεύων μὴ’ νἀλέξεεν τὰ γεγραθμένα ἐν τῆι στήληι ἐπὶ μνήμηι ϰαὶ δυνάμει ἢ ϕοινιϰογραϕέων 42 . La proclamation était nécessaire pour rappeler à la mémoire de tous les dispositions prises par la cité. La stèle avait, sans doute, du mal à remplir son rôle hypomnématique, la lecture publique avait une fonction mémoriale, elle était faite, avant tout, ἐπὶ μνήμηι 43 . Néanmoins, l'écriture restait primordiale, la proclamation se faisait sous le contrôle de la pierre que pouvaient lire les participants à la cérémonie et qui, seule, garantissait la transmission du souvenir. D'ailleurs, le traité conclu entre Itanos et Hierapydna montre de façon très claire dans quelle atmosphère suspicieuse se faisait, parfois, ce retour sur l'écrit et quel souci l'on prenait de lui faire assumer de façon particulièrement précise sa puissance référentielle. Il était prévu que, chaque année, dans chacune des deux cités, les magistrats devaient en faire lecture. Il leur fallait indiquer à l'avance à leur partenaire quel jour ils le feraient pour que celui-ci pût déléguer une commission pour venir s'assurer que c'était bien le texte gravé l'on récitait 44 . Ce type de lecture solennelle était nécessaire pour que, par ailleurs, les dispositions prises fussent suivies d'effet, ἐπί δυνάμει. Une malédiction devait être prononcée et pour qu'elle fût

efficace, même si les mots en étaient gravés sur une stèle qu'il aurait été sacrilège d'effacer ou de détruire, la dire était indispensable car la parole avait seule, en l'occurrence, quelque efficacité 45 . Il existe d'autres situations où l’oralité passait pour nécessaire. La proclamation faite à Téos pour dénoncer les ennemis du peuple n’est pas foncièrement différente du cri porté contre le meurtrier par les parents du mort, la πρόρρησις. Cette dénonciation n'avait pas, pour fonction principale de désigner un individu à la vindicte publique, surtout quand le criminel était inconnu, mais elle était une étape obligée du processus de purification de la famille et de la cité 46 . Il était aussi prévu que l'on dût, dans le cadre des relations internationales, prêter serment oralement pour s'engager personnellement à respecter un traité 47 . Celui-ci pourtant n'avait d'existence que s’il avait été écrit puis publié, au point que briser la stèle qui en conservait le texte était le détruire lui-même 48 . 12

Cette capacité performative de l'oral ne se limitait pas à des réalités situées aux frontières du politique et du religieux. Ainsi, par exemple, dans la cité des Magnètes, seule la voix du héraut pouvait effectuer le transfert juridique des biens du vaincu au vainqueur d'un procès privé. Les juges, eux-mêmes, devaient écouter l'annonce du jugement qu'ils avaient prononcé pour que leur décision fût suivie d'effet, χρήματα πάντα ἀποδιδότω ὑπò ϰήρυϰος, ἀϰουόντων τῶν διϰαστῶν 49 . La voix seule, en ce domaine parfaitement profane, avait capacité performative.

Fonctions de la proclamation 13

Les annonces publiques ne servaient pas à informer les citoyens de ce qu'ils n'auraient pas connu, mais à participer d'un rituel nécessaire au bon déroulement de la vie publique. Cela se comprend parfaitement de l'analyse des moyens qu’utilisa Eschine, sans

pouvoir faire prévaloir ses arguments, pour contester la façon dont avait été proclamée la couronne proposée par Ctésiphon en l’honneur de Démosthène. L’enjeu du procès dépassait très largement les limites du dossier procédurier qu'il ouvrait et Démosthène feignit de ne pas prendre la chose au sérieux 50 . Le propos est pourtant intéressant. 14

Eschine disserta sur le fait que les annonces publiques étaient faites pour éduquer la jeunesse mieux que les palestres, les écoles, la musique, οὐχ αἱ παλαῖστραι οὐδὲ τὰ διδασϰαλεῖα οὐδ’ ἡ μουσιϰὴ μόνον παιδεύει τοὺς νέους ἀλλὰ πολὺ μᾶλλον τὰ δημόσια ϰηρύγματα 51 . Il sut rappeler, surtout, que ce qui importe dans l'usage public de cet instrument qu'est la voix, n'est pas le héraut, mais ceux qui l'écoutent. Au théâtre, où avait été proclamée la couronne de Démosthène, les destinataires de l'annonce étaient l'ensemble des Grecs assemblés pour le cycle de représentations 52 . Les étrangers présents en ce lieu 53 devenaient, avec les Athéniens, des témoins, µάρτυρες, garants de la validité de ce dont il était fait proclamation 54 . Ce mode d’expression, passif sans doute, encore que personne ne puisse être assuré qu'ils ne mêlaient pas d'éventuelles acclamations à celles des autochtones, leur permettait, d'une certaine façon, de participer au discours politique. Pour limiter l'incongru de cette intrusion, il était prévu que l'essentiel des annonces que l'on était autorisé à faire au théâtre devait, donc, se limiter à la proclamation des honneurs accordés à un Athénien par des cités étrangères. Celles-ci devaient, d'ailleurs, demander, aux Athéniens qui entendaient rester maîtres de leur espace propre de diffusion, l'autorisation de se faire entendre 55 . La cité annonçait dans ce cadre les honneurs accordés à des étrangers, Évagoras de Chypre, par exemple, honoré à l'occasion des concours tragiques, ὅταν οἱ τραγωιδοὶ ἀγωνίζωνται, en tant que Grec pour service rendu

aux Hellènes et à l'Hellade 56 . Si tant est que des éloges publics pussent avoir été prononcés au théâtre et des couronnes accordées à des citoyens ayant bien mérité de leurs concitoyens à l'occasion de grands concours dans leur propre ville, c'est parce que la cité tenait parfois à se situer dans le cadre d’une compétition internationale portant sur sa capacité à susciter l'évergétisme et à rendre des honneurs avec une générosité spectaculaire 57 . Toutes les cités cherchaient à bénéficier d’une bonne réputation dans l’ensemble du monde grec 58 , or celle qui honorait le mieux les hommes vertueux, comme celle qui récompensait le plus splendidement les vainqueurs 59 , était la mieux considérée 60 . Athènes, d'ailleurs, avait, depuis longtemps, tenu à honorer ses morts devant une assistance qui comprenait des étrangers conviés à écouter les oraisons destinées à exalter la gloire inimitable de la cité 61 . Cela favorisait la multiplication de ce type d'ouvertures vers l'extérieur et explique que Démosthène ait pu défendre, sans difficulté, son ami sur ce chef d’accusation. Il est difficile, néanmoins, d'imaginer que des annonces effectuées, ainsi, devant un auditoire mêlé ait pu procéder d'une volonté de produire du droit. Les spectateurs étant un groupe divers et bariolé et la cité ne pouvait y parler de ses propres affaires. 15

La diffusion des décisions proprement politiques devait se faire en circuit fermé, tout citoyen devant être à la fois destinateur et destinataire du message, détenteur du pouvoir et sujet obéissant, l'auteur de l'injonction qu'il avait pu prononcer et celui qui devait s'y conformer. C'est ainsi devant l'assemblée du dème qu'il fallait couronner les citoyens honorés par leurs démotes 62 . dans l'ecclesia que devaient être proclamées les couronnes qu'avait votées le peuple, au siège du conseil que devaient être annoncées celles qu'aurait votées le conseil. Cela signifie, bien évidemment, que ces annonces n'étaient pas faites pour informer quiconque de quoi que

ce fût qu'il pût ignorer, puisque celui qui avait voté un texte était la même personne que celui qui en écoutait la lecture. La proclamation était ainsi le moment ultime d'une mise en scène procédurale qui restait intégrée dans le système d’un langage fonctionnant de façon proprement incantatoire. Elle n'était pas, évidemment, exclusive de la publication sur une stèle sur laquelle serait gravé, en son entier, le décret voté précisant, souvent, à l’avance que l'on ferait lecture d'un résumé que l'on avait pris la peine de rédiger et de transcrire 63 .

Écriture et liberté 16

Ce qui fait la spécificité de la proclamation est l'impossibilité pour le destinataire de se dérober au message qui lui est transmis. Symétriquement l'émetteur est contraint d'user de ce mode de diffusion s'il veut être certain qu'on l’entende. La chose peut paraître facile à l’intérieur de la cité et c'est pour cela que, lorsque l'on brûla sur l'agora d'Athènes les ouvrages de Protagoras pour cause d'impiété après avoir fait demander publiquement, ὑπò ϰήρυϰι, aux propriétaires de ses écrits reproduits de les apporter 64 , pour cela aussi que Nicolas de Damas pensait que ce ne pouvait être que par la voix du héraut qu'avait été proclamée une récompense pour qui tuerait les proscrits de Milet, alors qu'il n'avait lu, lui ou sa source, que la pierre qui l'offrait 65 . Dans le cadre interpoliade la pratique de l'oralité était imposée de façon particulièrement contraignante pour que nul ne pût prétendre avoir échappé à la connaissance des obligations qu'imposaient les traités. Ainsi, la voix du héraut devait se faire entendre pour imposer, par exemple, dans les cités assujetties à l’empire d'Athènes, des mesures contraignantes, des stèles devaient être érigées ensuite pour conserver le souvenir de ces proclamations 66 .

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Il faut admettre que les Grecs étaient convaincus du fait que si, l'oreille est soumise à la parole proclamée parce qu'elle ne peut pas ne pas entendre, les yeux et l'esprit sont libres de ne pas lire s'ils souhaitent ne pas le faire. Même si la cité grecque pouvait penser que tel magistrat, desservant un sanctuaire par exemple, ne devait pas invoquer l’excuse absolutoire de l'ignorance d'une loi quand elle était affichée là où il exerçait ses fonctions 67 et si le serment d'ignorance pouvait même être interdit 68 . Il était bien difficile de se sentir lié par l'écriture du simple fait qu'elle était offerte à la lecture 69 . On a pu imaginer que, dans une civilisation comme celle de la Grèce archaïque et classique, où la lecture n'était pas silencieuse, l'écriture imposait sa prégnance de façon particulièrement forte. Son lecteur se serait trouvé, pour lui donner sens, entièrement soumis à l'écriture qu’il dévoilait de sa bouche devenue esclave. S'introduisant ainsi dans le corps même du lecteur, le texte publié aurait gagné, sur lui, de ce jeu une puissance particulière 70 . En fait, c'est le scripteur, à l'inverse, qui se livre et s'enchaîne par l'écriture. Les modalités du discours interpoliade permettent de s'en rendre compte de façon particulièrement nette. Nous avons souligné combien les partenaires devaient s'engager l'un envers l'autre par des manifestations d'oralité constructive. Il fallait, aussi, ériger des stèles qui en publiaient les clauses 71 . Quand la publicité d'un traité était faite par les deux contractants dans un sanctuaire panhellénique où se réunissait la communauté des Grecs de telle sorte que les dieux et tous les hommes en fussent témoins et garants, ou bien en des points de passage obligés tels les décrets pour Leucon 72 , c'était pour que l'une et l'autre partie fussent également liées par leur parole pétrifiée 73 . Dans le cas des traités inégaux, c'est la partie la plus faible, telle cité de l'empire athénien, par exemple, qui se voyait obligée de payer la gravure d'une stèle

qu'elle faisait exposer à Athènes pour bien montrer qu'elle avait accepté sa dépendance et les conséquences qui en découlaient 74 . C'était bien, ainsi, le lecteur qui dominait celui qui se mettait à sa merci en usant de l'écriture pour exposer, dans la demeure même de son maître, à quelles obligations il était soumis. L'écriture était en fait un discours sur soi-même que l'on acceptait d'objectiver et de projeter vers un lecteur pour qu’il en joue à son gré, l'auteur ne pouvant plus échapper aux mots qu'il avait écrits alors que ceux-ci n'étaient plus les siens puisqu'ils étaient repris par d'autres que lui 75 . On pouvait penser que la pierre avait, en tant que signe, une valeur propre et l'on imaginait que l'on dût détruire la stèle pour échapper aux obligations d'un traité quand on voulait qu'il fût caduc 76 . Cette pratique s'introduisit, même, dans la cité aux temps des guerres civiles où l'on brisait les pierres pour rendre les lois invalides et effacer les décrets, στήλας ἀνείλετε ϰαὶ νόμους ἀϰύρους ἐποιήσατε ϰαὶ ψηϕίσματα ἐξηλείψατε 77 . Apollodore prétendait, même, que la pierre pouvait être considérée comme le tout de l'expression politique et de la législation, πᾶσαν δημοσίαν γραϕὴν ϰαὶ νόμους ϰύρϐιν ϰαλεῖσθαι 78 , comme si l'objet signifiant finissait par avoir autant d'importance que le signifié même. En fait, chacun savait que le sens n'était pas dans la pierre qui avait cessé d'être une sorte d'objet magique. Il était dans la lecture que l'on en pouvait faire. Il suffisait, ainsi, par exemple, de retourner un placard, τò πινάϰιoν, publiant un décret contre Mégare, dont on savait qu’il était interdit de le détruire 79 pour qu'il cesse d'avoir sens. Nul ne pouvait plus le lire sans que la lettre même du texte eût été transgressée. On savait parfaitement qu'un texte qui n’a plus de lecteur meurt nécessairement d'inexistence. 18

C'est peut-être parce qu'il put toujours choisir ainsi de lire ou de ne pas le faire, d'être responsable de son accès aux textes, que l'homme

grec éprouvait le sentiment d'une liberté dont on a parfois l'impression qu'il était sa caractéristique ontologique, quelle que fût l'évidence des esclavages quotidiens auxquels il pouvait être soumis 80 . Dans le monde grec, une lecture solennelle de la loi n'était pas nécessaire pour qu'elle fût reçue. Le νόμος n'était pas, en effet, semblable à la lex dont la validité ne pouvait être assurée que par la lecture qu'en faisait un magistrat 81 . Il faut bien distinguer le statut du texte qui devait être lu par un magistrat comme c'était le cas à Rome de celui du document qui serait exposé sur la place publique aux regards des citoyens.

Les modes de la publication des textes officiels Archives et publicité des lois 19

Les cités grecques, pour diffuser leurs décisions ou tout simplement pour avoir une claire perception de ce qu'étaient leur terroir, leur population, leurs revenus, écrivaient beaucoup 82 . L'administration des cités grecques utilisait de nombreux supports pour la conservation des documents qui leur étaient nécessaires. Ils ont disparu pour la plupart, aussi bien les tablettes d'argile que le cuir et le parchemin ou les tablettes de bois, le papyrus très employé dans l'ensemble du monde antique n’ayant été conservé de façon aléatoire qu'en Egypte, ou peu s'en faut.

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Il existait des dépôts officiels d'archives dans les bâtiments publics, faits pour conserver aussi bien les documents nécessaires de l'administration de l'État que des contrats ou preuves de transactions privées 83 . Les décrets d'Athènes furent conservés d'abord dans le bâtiment où siégeait le conseil, bouleutérion puis dans

une construction spécifique, le mètrôon. Ils étaient conservés sur des supports légers, tel d'entre eux précisant, par exemple, qu'il serait gravé et exposé sur l'Acropole mais qu'une transcription en serait faite sur une tablette de bois conservée là où étaient les autres décrets, [ὁ γραμματεὺς τ]ῆς βουλῆς [ἐν στήλῃ λιθίνῃ ϰαταθέτο ἐμ] πόλει ὡς [ἐν ϰαλλί]στῳ ϰαὶ ἐν τῷ βουλευτεριῷ ἐν [σανιδί]ῳ ἵναπερ τὰ ἄλλα ψηϕίσματα 84 . La publication solennelle proprement dite des textes officiels se faisait sur des supports durables exposés dans l'espace public ouvert. 21

Les lois étaient applicables dès le jour où elles avaient été votées, sauf si mention particulière avait été faite d'une date spécifique d'entrée en vigueur, ἄρχει τῆι ῥήτρηι τρίτη ἱσταμένο Γαλαξίωνος 85 , le plus souvent, en ce cas, il était prévu qu'elle ne serait applicable qu'après l'entrée en charge du prochain archonte, ϰύριον εἶναι ἀπò τῆς ἡμέρας ἧς ἐτέθη..., πλὴν εἴ τῳ χρόνος προσγέγραπται, τούτῳ δὲ τòν γενραμμένον ἄρχειν, διὰ τί ὅτι πολλοῖς τῶν νόμων προσεγέγραπτο, τòν δὲ νόμον εἶναι ϰύριον τόνδ’ ἀπò τοῦ μετὰ τòν νῦν ἄρχοντα 86 . L’éventuel procès-verbal de la réunion de l'assemblée, ou ce qui en tenait lieu, devait donc suffire à donner valeur juridique à une décision officielle. Il ne faut pas croire, donc, que la gravure des textes conditionnait leur application 87 . Quand, pour se prémunir contre tout oubli possible lors de la rédaction, εἰ δέ τινα ἄγραϕά ἐστι, tel texte prévoyait que les responsables prendraient en cas de besoin toute décision utile qui n'aurait pas été prévue précisément par le décret, il ne s'agissait pas, évidemment, d'attendre qu'il eût été transcrit 88 . Ce type de parallèle devrait permettre d'analyser telle ou telle formule du code de Gortyne quand il précise qu'il faut juger selon les stipulations du texte publié, ϰρήθαι δὲ τῶιδε ἆι τάδε τὰ γράμματα ἔγραψε 89 . On Peut se demander s'il est bien évident que l'on doive comprendre alors que

these regulations shall be followed from the time of the inscription of this law. Faut-il en effet évoquer la gravure du texte ou bien la date de sa rédaction comme on a bien l'impression que c'est le cas lorsqu'il est précisé que l'on peut faire une donation selon les formes antérieures à ce qui est écrit mais que, pour l'avenir, il faudrait le faire en application des nouveaux textes, ἆι ἔγραττο πρò τῶνδε τῶν γραμμάτων τò δ’ ὔστερον δεδόμην ἆι ἔγραπται 90 . 22

Néanmoins, même si cela peut paraître paradoxal, il faut admettre que la pierre était parfois première dans le processus d'écriture et devait donc être considérée comme l'archive originelle 91 . L'indique de façon particulièrement évidente, le texte du décret de Mantinée qui organise le recensement des citoyens d'Hélisson devant être incorporés dans le corps civique, après absorption de leur propre cité 92 . Ceux-ci devaient faire enregistrer leur identité, âge et filiation, auprès des commissaires désignés pour cela, ἀπογράψασθαι ἰν τὰς ἐπιμελητὰς πατριᾶσι ϰάτ’ἀλιϰίαν. Il était prévu que cela fût fait dans un délai de dix-jours dont la durée était calculée par rapport au moment où seraient arrivés dans le village les techniciens chargés de graver la stèle, ἰν δέϰ’ἀμέραις ἅμαν οἱ σταλογράϕοι μόλωνσι. Cette façon de calculer la date de forclusion opposable aux personnes concernées signifiait clairement que les artisans graveurs intervenaient dès le premier moment où était établie la liste des nouveaux citoyens. La gravure sur la pierre du nom des inscrits était, ainsi, le premier acte administratif et archivistique nécessaire. Les épimélètes, en tant que magistrats, étaient, sans doute, les responsables auprès de qui chacun devait se faire enregistrer mais, leur travail semble avoir consisté à servir d'intermédiaire entre les gens d’Hélisson et les graveurs, à surveiller ceux-ci, peut-être. Ensuite, ils devaient faire tenir aux Thesmothètes, pour transférer au centre de la cité les informations gravées sur la

pierre, une liste, qui ne peut être considérée comme un original mais comme la copie de la stèle. C'est cette copie que ces magistrats publieraient en la faisant recopier, eux-mêmes, sur des tableaux blancs affichés près de la salle du conseil, ἰν λευϰώματα πòς τò βωλήιον. Il est possible d'imaginer que les graveurs aient commencé par établir une liste sur un support plus maniable que la pierre. Il n'est pas sûr que ce fut le cas car on sait qu'ils savaient parfaitement écrire à main-levée 93 . L'essentiel est de comprendre que le fait que leur fonction parût prioritaire signifie que tout document d'étatcivil serait en cette occurrence second par rapport à la stèle, seul texte primaire. Cela impose de se demander si le lapicide n'avait pas, dans l'exercice d'un geste technique qu'il était seul à savoir maîtriser, une influence aussi grande dans certaines cités que celle qu'aurait pu exercer le scribe seul capable d'écrire dans certaines des cités d'époque archaïque 94 . Seconde ou première, l'écriture monumentale était considérée, en tout cas, pour sa valeur documentaire et probatoire. C’étaient les mémoriaux de pierre et de bronze, monumenta sculpta saxis et aere prisco, que l'on évoquait, après les avoir relus, quand il s’agissait de faire confirmer par un souverain tel privilège, ou faire valoir ses droits 95 . C'est bien aux stèles, à l'écriture gravée, que l'on faisait référence dans le discours judiciaire ou politique quand il fallait citer une loi ou un décret 96 . Leur valeur était prégnante, c'est elles qu'on lisait, dont on écoutait les leçons, ἀϰούετε τῶν γραμμάτων λεγόντων... 97 , dont les copies étaient des ordres, τῶν ἀντιγράϕων ϰελευόντων 98 . Telle stèle était assez célèbre pour avoir été lue à la fois par Andocide, Démosthène ou Lycurgue 99 . Nul ne pouvait manquer de la connaître puisqu'elle était placée dans la salle même du conseil. Un secrétaire pouvait se voir enjoint, par décret, d'aller lire les pierres pour y recopier un inventaire, comme s'il n'avait pas

existé d'autres archives dans la chalcothèque, ἀντίγραϕα ἐϰ τῶν στηλῶν τὰ ἀναγεγραμμένα περὶ τῶν ἐν τῆι χαλϰοθήϰει 100 . Pour connaître l'état des finances d'Athènes il parut, parfois, nécessaire de rechercher tous les documents possibles et de les lire, qu'ils fussent inscrits sur des tablettes ou d’autres supports dont les prêtres, les magistrats religieux ou de simples citoyens pouvaient connaître l'existence, τά τε πινάϰια ϰαὶ τὰ γραμματεῖα ϰαὶ ἐάν πo ἄλλοθι ι γεγρεμμένα ἀποϕαινόντων ὲ τὰ γεγραμμένα οί τε ἱερεῖς ϰαὶ oἱ ἱεροποοὶ ϰαὶ εἴ τις ἄλλος οἶδεν 101 . À Halicamasse, il fut décidé de répertorier les statues pour lire les dédicaces qui y étaient gravées et de pouvoir ainsi reconstruire la liste des prêtres 102 . Un texte tout à fait particulier, le pacte conclu entre Gortyne et Rhittèn témoigne de ce que l'on pouvait, sans doute, prendre en considération, dès le moment de sa rédaction, ce que serait la stèle sur laquelle on inscrirait le décret que l’on prenait. Cet accord prévoyait que la partie qui transgresserait certaines des clauses qu'il avait établies se verrait infliger une amende dont le montant était mentionné en fonction de ce qui était écrit au verso de la pierre sur lequel on le graverait, τιμὰν ἇι ἐν τᾶι πόραι ἔγραπται. Cela signifie que l'on savait que le traité que l'on venait de conclure ne pouvait pas ne pas être publié et qu'il devait l'être sur un bloc bien précis. Il suffisait de désigner cette pierre pour que le texte qui s'y trouvait inscrit servît de référence sans qu'il fût nécessaire d'en reprendre les stipulations. Les rédacteurs la connaissaient, ils étaient allés la voir ou bien l'avaient sous les yeux avant de conclure l'accord en fonction des indications qu'elle fournissait. Les stipulations du nouveau texte ne trouvaient de sens que par sa publication sur un support qui devait l'associer à un autre document dont il se trouvait dépendre 103 . De même, quand l’alliance d'Athènes avec Corcyre, l'Acamanie et Céphallénie évoquait comme conséquence immédiate de la

conclusion de l'accord l'inscription du nom des nouveaux membres de la ligue sur la stèle commune des alliés, εἰς τὴν στήλην τὴν ϰοινὴν τῶν συμμάχων, le traité s'intégrait à un contexte documentaire et juridique dont il était inutile de préciser les limites 104 . La publication d'un texte en un lieu donné, sur une pierre particulière, était ainsi porteuse de sens.

Facilités de lecture 23

Les cités s'efforçaient, au moins les cités démocratiques, où toute décision politique prenait la forme d'un décret 105 , de faire en sorte que la lecture des textes officiels fût possible et d'une certaine façon facile. Les savants modernes ont trop l'habitude de lire des textes à moitié effacés conservés en des endroits peu accessibles pour être toujours persuadés que l'on faisait à l'époque en sorte que les documents essentiels pussent véritablement être lus. On sait, pourtant, que même les comptes qui peuvent paraître si rébarbatifs étaient consultés par ceux qui souhaitaient le faire 106 . R. Stroud a bien compris et montré, après avoir lu Plutarque et découvert une représentation graphique intéressante 107 , de quelle manière étaient publiées les lois de Dracon et de Solon. Il a montré que beaucoup avait été fait pour le confort du lecteur. Celui-ci pouvait, pour consulter les textes, faire tourner les poutres de bois sur lesquels ils étaient inscrits 108 . Telle loi sacrée de Sélinonte était, de façon comparable, gravée sur un plaque de plomb repliée sur un axe de bois et il suffisait ainsi de la faire pivoter pour pouvoir en lire successivement les deux faces 109 . Exprimant de façon parfaitement explicite ce qu'avait toujours été la fonction de l'épigraphie, le rédacteur d'une loi d'époque romaine exprimait le souci de faire en sorte qu'elle fût inscrite de telle sorte qu'on pût la lire de plain-pied et que chacun pût, ainsi, en prendre connaissance commodément s'il

souhaitait le faire, ϕανερῶς ὅθεν δυνήσονται ἑστηϰότες ἀναγινώσϰειν ἰσόπεδοι oἱ βουλόμενοι 110 . C'eût été transgresser l'usage normal que d'agir comme le fit, un jour, l’empereur Caligula, à Rome, et afficher tel document en toutes petites lettres dans une minuscule ruelle, minutissimis litteris et angustissimo loco uti ne cui describere liceret, ce qui par l'impossibilité où les citoyens avaient été d'en prendre connaissance, per ignorantiam scripturae, aurait procuré divers inconvénients 111 . 24

En général, donc, les textes étaient exposés de telle sorte que chacun fût à même de les voir s'il le désirait, σϰοπεῖν τῷ βουλομένῳ 112 . Ils étaient placés dans l'endroit le plus en vue de la cité de telle sorte que tou le monde pût savoir où les trouver et en connaître, ἐν τῷ ἐπιφανεστάτῳ τόπῳ, ἵνα πᾶσιν ἐξῆ ἐντυγχάνειν 113 , ἵνα ἅπαντες εἰδῶσιν. La nécessité de rendre visible l'écriture institutionnelle pour qu'elle fût bien comprise était si typique de la réalité hellène que la réflexion sur la pédagogie d'apprentissage de la lecture se fondait sur la possibilité qui était partout offerte à chacun de lire les inscriptions. On savait parfaitement que pour que la compréhension d’un texte fût plus aisée il suffisait de jouer sur la taille des caractères, on savait que le lecteur malhabile reconnaissait plus facilement les grosses lettres que les petites 114 . Pour que les documents pussent être connus, les stèles étaient parfois gravées en deux ou plusieurs exemplaires, érigés en divers lieux dont on savait qu'ils étaient particulièrement passants même s'ils n'étaient pas des endroits spécifiquement consacrés à l'activité politique. La loi d'Eucratès sur la tyrannie devait à Athènes être placée aux entrées de l’Aréopage, du Conseil ainsi que dans l’Assemblée, τὴν μὲν ἐπὶ τῆς εἰσόδου τῆς εἰς ῎Aρειον Πάγον, τῆς εἰς τò βουλευτήριον, τὴν δὲ ἐν τῆι ἐϰϰλησίαι 115 . Le décret sur l'usage des monnaies dans l'empire athénien fut affiché sur l'agora de chacune des cités ainsi que devant

l'entrée de chacun des ateliers monétaires 116 , lieux symboliques, sans doute, mais surtout lieux d'usage. Une loi réglementant le change des monnaies étrangères à Athènes, fut exposée à l'endroit où travaillaient les professionnels et les contrôleurs, pour que nul n'en ignore 117 . À Thasos, la loi sur le rétablissement de la démocratie fut exposée au Pythion, mais des copies furent publiées au port et ailleurs encore 118 . Il est bien d’autres exemples de cette volonté de multiplier les occasions de lire les textes importants. 25

Les lettres gravées étaient peintes en rouge pour qu’on les vît bien et l'on peut penser que c'est pour cela qu'elles avaient, dès l'origine, été désignées comme des φοινιϰεία γράμματα. Un jeu de métaphores croisées rend difficile à comprendre la signification originelle de ce syntagme. En effet, Φοῖνιξ désigne, une couleur qui doit être "quelque chose comme rouge fauve ", les Phéniciens qui sont perçus peut être, comme des "peaux rouges" 119 , ainsi que le palmier. Hérodote semble avoir considéré que l'adjectif faisait référence au fait que l’alphabet était un emprunt aux Phéniciens, ce que personne ne songeait et ne songe, évidemment, à contester 120 . Il n'est pas sûr qu’il ait, ainsi, touché, pourtant, au sens premier de la formule. Le plus curieux est, d’ailleurs, que sa proposition ne s'inscrit pas dans la logique de son propre raisonnement. Voulant donner, en effet, un parallèle à cette désignation, dont il prétendait qu'elle se fondait sur l'origine de la lettre, il évoque une autre métaphore qui servait à désigner, cette fois, les livres. Il indique qu'ils étaient appelés par les Ioniens, διφθέρας, parce qu'ils étaient faits de peaux 121 . Il semble qu'il ne se soit pas, ainsi, rendu compte qu'il n'existe aucun parallélisme entre ce qu'il croit être une désignation fondée sur l'histoire d'un objet et celle qui tient à la matière employée pour le réaliser. Si l'on admet la pertinence du rapprochement entre les deux faits rapportés, on peut se demander si ce ne doit pas être la

matière les constituant qui fait le lien entre elles. Les Grecs pouvaient faire référence à un décret en l'appelant stèle ou λεύϰῶμα, tableau blanc, de même que nous appelons papier un article ou une note, car le support impose sa présence objective à toute réalisation de l'esprit par le biais de l'écriture. Il n'est pas déraisonnable de penser que, selon ce principe, les lettres avaient tiré leur nom originel de la matière qui les rendait lisibles et signifiantes, la couleur rouge. Il existait, d'ailleurs, une tradition crétoise selon laquelle l'expression, φοινιϰεία γράμματα, était née du fait que l'on avait tracé les premières lettres sur des feuilles de palmier. L. H. Jeffery, qui le signale, suggère, par ailleurs, que les tablettes dont on se servait ordinairement en Crète pouvaient bien avoir été faites en bois de palmier et que la cire en était rouge. Si tel est bien le cas, cela permettrait d'introduire l'écriture non monumentale dans le processus de la construction métaphorique 122 . Ayant négligé ce faisceau d'analogies possibles, Hérodote serait le témoin de ce que l’on avait privilégié une explication rationalisante à des moyens plus simples d'analyse du langage. Ce qui vaut, peut-être, pour la lettre, vaut aussi pour les secrétaires, de Crète, comme Spensithios, ou de Téos, ποινιϰαστάς, φοινιϰογράϕος, ils étaient désignés de ce nom parce que, sans doute, ils savaient utiliser le rouge pour que les textes qu'ils devaient transcrire fussent bien vus et lus 123 . 26

On écrivait les documents officiels de façon parfaitement commune pour qu'ils fussent bien compris. À l'époque archaïque, le système de l'écriture boustrophédon, changeant d'orientation à la fin de chaque ligne, procurait un certain confort de lecture à des débutants. Il fut abandonné au fur et à mesure que l'illétrisme diminuait pour que les divers registres de lecture fussent plus cohérents. Il n'y eut plus que certaines inscriptions religieuses pour perpétuer ce style contrevenant à l'usage courant d'une écriture désormais maîtrisée

par la société, as in English printing, the gothic type was still used for religious and legal Works in the eighteenth century, long after his use had ceased in the normal way 124 . Athènes fut, sans doute, la première à conduire jusqu'à son terme le mouvement de banalisation des modes de publication des textes officiels. Dès 403, sur proposition d’Archinos 125 , l'écriture publique fût mise en conformité avec l’écriture privée qui avait beaucoup évolué dans le courant du Vème siècle comme on s’en aperçoit de ce que l'on peut lire sur les vases ou les tessons 126 . L'alphabet ionien remplaçait, ainsi, celui qui était spécifique de l'attique et la pratique, devenue obsolète, du dialecte fut abandonnée. Par un même souci de rapprochement du langage officiel et du langage quotidien, le grand décret sur le monopole de l'usage de la monnaie attique dans l'empire fut affiché dans chacune des cités en conformité avec les usages de chacun de ses destinataires 127 . Partout, dans le monde grec, on finit, ainsi, par écrire et publier les textes officiels dans la langue commune, koinè, quand son usage se fut imposé. Rares furent les cités qui tinrent, à l'inverse, à conserver leur dialecte épichorique pour leurs documents publics, les exemples les plus connus étant celui de Messène qui en usa jusqu'à l'époque d'Antonin le Pieux 128 et de Cyrène qui le fit durant toute la période impériale 129 . L'usage d’un dialecte n'était guère, en l'occurrence, qu'une réalité institutionnelle parmi d'autres 130 , elle servait à affirmer l'indépendance du système politique par rapport à toute ingérence extérieure. À Thasos, ainsi, le retour à la gravure des textes en alphabet parien, fut le signe de ce que les oligarques étaient revenus au pouvoir après un intermède démocratique imposé par Athènes 131 . Quand, sous Philippe V, roi des Macédoniens et souverain en Thessalie, la cité de Larissa voulut retranscrire en dialecte thessalien une lettre royale pour pouvoir en faire l'attendu de son propre discours, ce n'était pas

parce qu'il était nécessaire de la faire mieux comprendre dans la zone de diffusion de son écriture et que ses membres ne savaient pas lire la langue employée par la chancellerie royale, mais pour indiquer que nul maître ne pouvait influer sur la forme de ses décisions 132 . La lecture de ce type de documents ne posait, d'ailleurs, pas de réels problèmes aux citoyens concernés. L’usage d'une langue particulière n'était que l'une des manifestations de la spécificité du langage politique ou juridique. L'écriture se produisant en un jeu de médiations, la mise en lettres n'étant que l'une d’entre elles, comme l'usage d’un dialecte. Ce jeu de décalage enrichissait le texte et le contexte idéologique était parfaitement compris des lecteurs. L'information était, ainsi, fournie à plusieurs niveaux, chacun bien distinct et perceptible. 27

Il est très clair, en tout cas, que c’est parce qu'ils les lisaient que les Grecs tenaient à corriger les textes, quand ils avaient été publiés de façon incorrecte 133 . C'est aussi parce qu'on savait qu'ils seraient lus que l'on faisait exposer des textes fallacieux. Certaines de ces inscriptions, considérées à tort comme fausses par les érudits modernes 134 , étaient des dédicaces prestigieuses mais inauthentiques qu'auraient fait graver dans tel ou tel sanctuaire les héros mythiques. Hérodote en connaissait, par autopsie, quelques unes 135 . Le sanctuaire de Lindos en publia l'inventaire quand il voulut démontrer l'antiquité de son influence dans le monde méditerranéen 136 . Il existait des faux spécifiquement politiques, ainsi le disque d'Iphitos à Olympie, qui prétendait témoigner du rôle particulier joué par Lycurgue dans la fondation de la cité Spartiate 137 , ou telle dédicace d'une offrande dont Hérodote savait qu’elle était trompeuse, par qui elle avait été écrite et dont pourtant il se refusait à dénoncer l'auteur, ἐπιστάµενoς τò oὔνομα oὐϰ ἐπιμνήσομαι Cet homme avait voulu faire plaisir aux Spartiates, en inscrivant leur

nom sur un vase précieux qui, pourtant, avait été offert au sanctuaire de Delphes par Crésus 138 . Bien d'autres textes de ce type sont connus par les allusions des historiens 139 ou des orateurs. Tel décret de Magnésie du Méandre était censé témoigner de ses rapports originels avec la Crète et de son antiquité glorieuse 140 . Nombreux furent, notamment à Athènes, les faux décrets rédigés et gravés pour donner crédit à certaines reconstructions historiques dont on pensait que l'énoncé serait politiquement utile 141 , aussi bien la stèle d'Acharnes portant le soit-disant serment de Platées 142 , que l'inscription de Trézène du prétendu décret de Thémistocle 143 . Il est évident que, si ces textes pouvaient servir à la propagande de celui qui les exposait, c’est parce qu’ils étaient lus et qu’ils pouvaient intéresser leurs lecteurs. 28

La lisibilité des documents publiés devint moins aisée, naturellement, quand il y eut des stèles partout dans les villes. A Athènes, par exemple, on en trouvait au théâtre, au Conseil 144 , à l'Aréopage 145 , sur l’Acropole ou dans l’Agora. Ce type de diffusion ne pouvait pas être maîtrisé, comme elle pouvait l’être dans un système d'archivage mobile 146 . Un texte, pourtant exposé à la vue de tous, pouvait, ainsi, rester inconnu du citoyen qui n'était pas capable de mener, pour le découvrir, une recherche de type historique ou archéologique. Il exista, dès l'époque classique, des spécialistes de ce genre de travail qui en donnèrent les résultats sous la forme d'ouvrages dont on a retrouvé la trace 147 , Philochore avait publié des Inscriptions attiques 148 , Polémon était appelé le Grignoteur de Stèles, στηλοϰόπας 149 , Cratère était réputé pour citer exactement les décrets ou traités, il s'attachait à les connaître et il avait publié une Συναγωγὴ ψηϕισμάτων 150 . Curieusement, les rédacteurs d'un traité comme la Constitution d'Athènes semblent, pourtant, n’avoir pas songé à utiliser ce type de documents 151 . Il

semble que les historiens n'aient pas, non plus, consulté de façon systématique les textes gravés. Hérodote s'était laissé tromper par les inscriptions cadméennes de Thèbes 152 mais il avait su lire à Athènes, ou ailleurs, des documents authentiques 153 . Thucydide évoqua le texte gravé sur l’autel dédié par le fils de Pisistrate et tint à signaler que les lettres en étaient très abîmées et difficiles à lire, cela signifiant clairement qu’il attachait de l'importance à la matérialité de ce type de document 154 . Il reprit les termes de l'alliance entre Athènes et Argos, Élée et Mantinée d'une façon parfaitement conforme à la stèle que nous avons conservée 155 . On ne sait pas, néanmoins, s'il ne les avait pas lus dans les archives plutôt que sur la pierre et s'il n'aurait pas, comme il semble qu'il l’ait fait ailleurs, corrigé pour des raisons d’homogénéisation stylistique, avant la publication définitive de son œuvre, le texte qu'il en donna. Il ne faut pas imaginer que nous connaissons mieux que lui les listes des tributs athéniens mais comprendre qu'il ne se soucie pas d'en donner la teneur, son propos n'étant pas de rendre ce genre de service à d'éventuels collègues 156 . Le grand décret pris en l'honneur de Lycurgue est connu par la pierre qui nous en est restée, mais le Pseudo-Plutarque en donne une glose plutôt qu'une transcription, soit parce qu'il aurait utilisé le texte des considérants d'un autre décret qui n'étaient pas formellement semblable au décret de Stratoclès, ou qu'il aurait repris la trame de plusieurs décrets successifs pour les résumer, il avait, lui aussi, des préoccupations d'auteur et non pas de scribe 157 . Timée ne cessait, en revanche, de faire étalage de sa compétence à dénicher des documents dans les salles d'archives les plus reculées des temples τὰς ὀπισθοδόμους στήλας ϰαί τὰς ἐν τὰς ϕλιαῖς τῶν νεῶν προξενίας 158 . Polybe savait faire de même quand il voulait critiquer les méthodes et les préjugés de son prédécesseur, lui-même ne cherchait pas, néanmoins, à

procéder systématiquement à l'autopsie des tous les documents qu'il discutait 159 . Pausanias recherchait avec attention les pierres inscrites sur les sites qu'il visitait et il se souciait de confronter les versions que donnaient de l'histoire locale ses guides avec les renseignements qu'il pouvait tirer de la lecture des documents conservés en place 160 . Le recours à la lecture de la pierre restait toujours possible, même s'il était parfois difficile au quotidien. 29

Pour faciliter la consultation des textes, on faisait en sorte de réunir les documents de même nature en un même endroit, car on pensait qu'ils seraient plus facilement accessibles. En témoigne le formulaire athénien où les clauses précisant en quel lieu et auprès de quel autre texte devait être publiée une décision nouvelle sont fréquentes, τò ψήϕισμα τόδε ϰαὶ τò γεγραμμένον τò ἕτερον ὃ εἶπε ὁ δεῖνα ἀναγράψαι ϰτλ... 161 . On regroupait, parfois, certains textes se rapportant à des affaires semblables sur la même pierre, ἀναγράψαι τόδε τò ψήϕισμα εἰς τὴν στήλην τὴν ἐν ’Aϰροπόλει ἐν ᾗ γέγραπται Ἐχεμϐρότῳ Κλεωναίῳ τῷ προγόνῳ τῷ Λαπύτιος ἡ προξενία. Il était possible de publier en bloc, comme en une sorte de dossier, plusieurs textes rédigés à des périodes différentes, non diffusés sur le champ mais concernant le même sujet, la stèle reprenant ensemble divers décrets athéniens concernant Méthonè témoigne de cette pratique 162 , de même que la série des documents de Priène concernant les honneurs accordés à un dignitaire royal 163 , car les décrets votés n’étaient pas toujours gravés immédiatement ou même dans des délais raisonnables, pour des raisons diverses éventuellement justifiables. Certains types de document, comme par exemple les actes d’affranchissements ou les comptes étaient systématiquement regroupés en des lieux précis du territoire politique, sur les parois de tel temple par exemple, sur tel ou tel mur. Tout cela témoigne de ce que l'on souhaitait faciliter l'accès aux textes parce que l'on savait

que les citoyens pouvaient souhaiter les lire, par nécessité pratique ou simple désir d'information.

Republier et effacer 30

Significatif, aussi, de l'importance que l'on accordait à la publication et à la facilité de consultation des textes est le souci que l'on avait de republier des documents anciens. Il serait vain de citer ici les exemples de textes regravés pour qu'ils trouvent, dans une situation politique qui le rendait nécessaire ou souhaitable, toute leur actualité. C'est ce qui arriva au fameux pacte réglant le départ des colons de Théra pour Cyrène 164 , c'est aussi le cas de la lettre de Darius à Gadatas recopiée au second siècle avant J.-C. 165 ou de la loi de Pergame sur la police des rues dont le caractère tout à fait trivial a fait que nul n'a jamais pensé qu'il pouvait s'agir d’un faux 166 . On regroupa dans telle ou telle cité, à l'époque des rois puis des Romains, des textes d’époque différente pour attester de leur statut. Étaient republiés, bien évidemment, ceux qui pouvaient témoigner de la grandeur de la ville plutôt que de ses misères 167 .

31

À Gortyne, au milieu du Vème siècle, on avait gravé et exposé sur les murs d'un monument de l'agora l'ensemble des lois dont la connaissance permettait la perpétuation de la cité en sa forme, les blocs de pierre transportés un à un furent ensuite réutilisés à époque romaine pour servir, dans la ville refondée, de substructions à un bâtiment nouveau 168 . Quand on eut décidé, en confiant le travail à une commission d'ἀναγραϕείς, de republier l'ensemble des lois d’Athènes après la révolution oligarchique, de 410 à 404 puis de 403 à 399, on pensait sans doute devoir regrouper l'ensemble des textes en un système monumental de même type 169 , de telle sorte que les citoyens ne pussent plus se perdre dans la confusion de publications

successives dont on avait conscience qu’elles pouvaient parfois recéler des contradictions irréductibles. Le travail ne put être mené à bien, car la commission se trouva devant la nécessité de devoir envisager un véritable travail de révision du corpus législatif remis au jour. Il lui aurait fallu décider s'il fallait reprendre ou non tel texte de sorte qu'elle aurait dû choisir à son gré de graver ou d'effacer l’un ou l'autre des textes dont elle découvrait l'existence, τοὺς μὲν ἐνέγραψε τοὺς δὲ ἐξήλειϕεν 170 La chose était inimaginable. 32

Aussi les plaideurs purent-ils continuer d'utiliser des textes contradictoires devant les tribunaux, tout en prétendant que nul n'avait le droit de faire état de textes non repris par cette nouvelle publication. Quand un orateur athénien, durant le IVème siècle, faisait valoir que les lois n'étaient applicables qu'une fois gravées ou parce qu'écrites 171 et que nul n'avait le droit d’invoquer de loi non écrite, c'est à dire non publiée, ce n’était pas pour rappeler un principe juridique à valeur générale, mais pour faire référence à la révision de 403. Seules pouvaient, en effet, être invoquées, dans le cadre judiciaire, en tant que lois écrites, sur proposition de Dioclès, les lois qui remontaient à l’époque de la démocratie et que la commission de révision avait reprises dans les archives pour être gravées, τοὺς νόμους τοὺς πρò Εὐϰλείδου τεθέντας ἐν δημοϰρατία ϰαὶ ὅσοι ἐπ’ Εὐϰλείδου ἐτέθησαν ϰαὶ εἰσὶν ἀναγεγραμμένoι 172 . Seules étaient valides, ϰυρίους εἶναι, en effet, celles qui avaient alors été reprises pour servir de base à la reconstruction de la cité après sa défaite et l’amnistie qui avait permis d’effacer les drames de la guerre civile. Tout ce travail avait abouti d’ailleurs à ce que l’on affirmait avoir republié les lois mêmes de Solon, alors que l'on savait très bien quelle pouvait être la date des décrets que l'on avait voulu reprendre. Tel d’entre eux, bien connu et dont l'initiateur était

Démophantos, devenait ainsi dans la bouche d'Andocide une loi solonienne 173 . Il semble, en effet, que le corpus des textes remis à jour ne pouvait être validé que dans la mesure où il était renvoyé à une écriture primordiale 174 , de même que la bonne constitution ne pouvait être que la copie du texte d'un modèle idéal 175 , de même tout texte législatif devait pouvoir passer pour avoir sa place dans un corpus clos et cohérent dès son origine 176 . 33

Le jeu de la reprise et de l'effacement éventuel des textes publiés était complexe. La cité classique savait faire silence sur ses erreurs, ses fautes et, parfois, les crimes avoués pour continuer à vivre. L'oubli pouvait être nécessaire à la perpétuation de son être au détriment même des exigences de la justice 177 . C'est parce qu'on lisait les textes exposés que pouvait se poser, dans le cas de bouleversements institutionnels nés dans l'horreur de guerres civiles ou de renversements d'alliance, la question de la destruction des stèles érigées dans d'autres circonstances. Un effacement partiel pouvait être plus riche de signification encore quand il rendait la modification perceptible. Ainsi, sur la stèle des alliés témoignant de la naissance de la seconde confédération athénienne, une ligne soigneusement effacée marque de façon particulièrement nette qu'elle décida, à un certain moment, de ne plus fonctionner dans le cadre des principes qui l'avaient fait naître et que l'on souhaitait, donc, cesser de faire référence à la paix d'Antalcidas et au roi de Perse 178 . La procédure mise en œuvre pour la rature d'un document pouvait, ailleurs, paraître imparfaite dans ses effets collatéraux. En effet, l'effacement d'une ligne, ou la gravure d'une correction, dans un texte, se faisait de telle façon que le passage devant être supprimé ou corrigé, l'était dans le texte où il convenait de le faire, mais qu'il restait disponible à tout lecteur dans le texte

du décret qui avait décidé qu'il était opportun de le faire disparaître ou de le modifier 179 . 34

Il ne faut pas oublier que les jeux de la conservation ou de la rature montraient que la publication d'un texte ne valait pas nécessairement par son seul contenu et l'évènement dont elle rendait compte. La gravure et l'exposition avait deux fonctions complémentaires, elles servaient à publier les décisions de la cité pour les faire connaître, mais la stèle devait aussi démontrer l'existence et la continuité de la cité dans le cours de ses vicissitudes. Indépendante par rapport à la vie de chacun de ses membres, aux décisions de chaque moment, la cité pouvait changer d'avis, condamner puis absoudre, elle restait néanmoins la même et affichait sa permanence dans l'évidence de ses changements de position. Elle pouvait dire successivement deux choses contradictoires, les lois pouvaient être modifiées, le document gravé n'en restait pas moins l'expression de la permanence politique incluse dans la manifestation de son évolution. Cette volonté de mise en évidence du changement fut manifeste dès l'origine. On peut imaginer, par exemple, que l'effacement d'un verbe dans une inscription archaïque, très énigmatique, d'Érétrie témoigne de ce qu'il avait été procédé à une modification essentielle de la loi sur la saisie de personnes, en cas de non respect des obligations financières résultant d'un procès 180 . A défaut de comprendre le texte de façon certaine, on peut être sûr que la cité montrait son désir de signifier, en inscrivant sur la pierre une rature explicite, qu'il était intervenu un changement dans ses institutions. La pierre publiait ce qu'était le droit mais voulait témoigner aussi de ce qu'il ne s'était pas construit sans des bouleversements que la cité assumait comme constitutifs de son histoire. Cette volonté de continuité malgré les avatars surprend parfois celui qui constate comment pouvaient, ainsi, coexister dans

le même espace public des documents absolument contradictoires. Ainsi la petite cité de Telmessos se réjouissait-elle, en un décret, d'avoir reçu une lettre royale qui lui garantissait qu'elle ne serait jamais attribuée à personne. Quelque temps après, elle tint à manifester sa reconnaissance à l'égard de celui à qui elle avait été donnée. Les deux documents confrontés ne se déniaient pas l'un l’autre mais le contexte avait changé du tout au tout. La cité, feignant d'être toujours aussi heureuse de son sort, démontrait qu'elle continuait d'exister puisque seul un État vivant pouvait se manifester par l'exposition de son écriture 181 . 35

Publier beaucoup ou très peu, conserver à jamais en place les textes existants, les recopier et les republier pour mieux les faire connaître, effacer ou détruire ceux qui passaient pour inutiles, gênants ou déplaisants, étaient les trois possibilités offertes à la cité. Elle gérait sa mémoire à son gré, en fonction de choix parfaitement significatifs de son système et de sa volonté politique. Le regard qu'elle devait porter sur les modalités de la publication de son discours était, en tout cas, tout à fait essentiel.

La condamnation platonicienne de la publication des livres 36

Platon vivait, ainsi, dans un monde où les modalités de la publication de l'écriture politique étaient maîtrisées, perfectionnées et riches de sens. Son usage témoignait de la capacité des cités à se construire à leur gré par l'effet leur langage. C'est pour cela qu'il faut analyser avec quelque rigueur la pratique de l'épigraphie dans la cité des Magnètes. La chose est d'autant plus intéressante que doit apparaître la possibilité de réfléchir à la façon dont le politique proposé ne prétend pas s'affranchir d'une réflexion proprement

philosophique. La pensée platonicienne est une. Nulle part le philosophe n'est étranger à la pratique de son temps qui fait du politique l'essentiel du référent. 37

On a parfois prétendu que Platon dans le Phèdre souhaitait que l'on n'écrivît pas 182 . Même si l'on peut croire au caractère provocateur de certaines de ses prises de positions sur ce point 183 , le débat est faussé quand il se fonde, sans précaution, sur certains des arguments développés dans la Lettre VII 184 , à l'analyse desquels nous nous tiendrons, pour des raisons évidentes 185 Pour lui, comme pour les gens de son époque, le problème n'était pas, en effet, de savoir si l’on devait ou non écrire, si l'on devait, ou non, publier des livres. Il était d'analyser ce qu'étaient les conséquences de cette pratique pour la caractériser et comprendre sa fonction sociale et politique.

Platon et le livre 38

L'usage du livre 186 était assez naturel, à l'époque de Platon, pour qu’il existât notamment des ouvrages de philosophie qui circulaient, au moins, dans le cadre des sociétés d'élèves et anciens disciples des écoles philosophiques 187 . Héraclite d'Éphèse avait écrit un traité qui lui avait procuré beaucoup d'adeptes en Asie comme en Grèce où l'un de ses proches l'avait diffusé 188 , Socrate l'avait lu, sinon compris, à ce qu'il prétendait, en tous ses développements 189 . Les livres d'Anaxagore étaient en vente sur le marché et Socrate les avait acquis 190 . Il aimait à commenter ses lectures avec ses compagnons 191 , même s'il reprochait, parfois, à tel bourgeois, fier de sa bibliothèque, de ne pas être intellectuellement à la hauteur de sa fortune 192 . Lorsque, donc, Platon reprochait à Denys d’avoir fait paraître un opuscule 193 , ce n'était pas le fait qu'il l'eût écrit, γεγραϕέναι, qui lui paraissait particulièrement grave. Ce qui le scandalisait était en fait qu'il avait fait passer son œuvrette pour un

travail personnel, en prétendant avoir publié ce qui lui appartenait en fait de science, τὴν αὑτοῦ τέχνην. au lieu d’indiquer qu'il reprenait en fait ce qu'il avait appris des leçons des autres, τῶν αὐτῶν ὣν δὲ ἀϰούοι 194 . Il s'était ainsi rendu coupable de plagiat et d'un détournement de notoriété. Par pudeur, peut-être, ou parce que cela ne l'atteignait pas, n'était-ce que parce que le statut du plagiaire rendait le risque illusoire, Platon ne souligne pas le fait que ce genre de préjudice pouvait être considérable. Isocrate pour qui la publication d'un discours était une source de profit puisqu'il augmentait le nombre des élèves désireux de suivre ses cours le fait savoir, en revanche 195 . Diogène Laerce témoigne, par ailleurs, de ce que le piratage des œuvres était chose courante. Il indique qu'Épicure, par exemple, avait été accusé de s'être approprié en tant qu'œuvres personnelles, ὡς ἴδια, les ouvrages de Démocrite et d’Aristippe 196 . Platon qui aurait, par l’intermédiaire de Philolaos, acheté les livres secrets de Pythagore se trouvait, en Sicile, confronté à la diffusion clandestine de ses propres œuvres par un de ses disciples, Ermodore, ἀϰροατὴς γενóµενoς Πλατώνι τοὺς ὑπ’ αὐτοῦ συντεθειμένους λόγους ϰομίζων εἰς Σιϰελίαν ἐπώλει 197 . Tout le monde savait, donc, parfaitement que les vols de manuscrits et leur publication subreptice n'était pas rares 198 . Un certain Eschine de Sphettos aurait même reçu de Κanthippe le texte de dialogues socratiques qu'il aurait publié sous son nom, gagnant à ce faire une réputation qu'il ne put soutenir quand il en vint à publier des textes de son cru 199 . Cette efflorescence éditoriale 200 rendait inutile de s'interroger sur le choix de le publier un livre ou de ne pas le faire, τις αὐτò ἔϰλεψε ὥoτε οὐδὲ βουλεύσασθαι ἐξεγένετο εἴτ’ ἐξοιστέον αὐτò εἴτε μή, surtout quand il était un instrument du combat philosophique et avait été écrit dans un esprit polémique, διὰ τὴν ϕιλονιϰίαν. Ce n'est, donc, qu'après avoir dénoncé de façon

proprement contingentes, les mœurs éditoriales de son temps que Platon condamnait, dans sa lettre, en disant penser à la spécificité de la philosophie, la valeur de l'écriture et de la publication des ouvrages en général 201 . Cela devrait pouvoir conduire à relativiser le sens de la condamnation qu'il prononçait. Néanmoins, dans la mesure où il retrouve dans sa lettre des arguments de même nature que ceux qu’il avait utilisé dans le Phèdre en les adaptant à un contexte nouveau, celui de la diffusion plutôt que celui de la construction même de l’objet communiqué, il n'est pas inutile de se demander s’il ne tenait pas à revenir au fond même du problème 202 . 39

Platon prétendit que nul philosophe n'écrirait jamais sur la philosophie rien qui pût servir à quelque chose, considérant que la sagesse ne naît jamais dans une âme que par la fréquentation directe des sages, seule à pouvoir procurer l'amour de la vérité et de montrer quels en sont les modes d'accès 203 . À son avis, même réservée à l'usage ésotérique des élèves propres de l'école, l’écriture philosophique est parfaitement inutile, car la philosophie tient en quelques mots simples qui ne s’oublient jamais une fois que la vérité a pénétré dans l’âme et il n'est pas donc besoin d'aide-mémoires, ὑπoµνήµατα 204 . Ce n'est pas ainsi l'activité d'écriture que le maître souhaite récuser en tant que telle, mais son usage pour l'accomplissement d'un apprentissage spécifique 205 . S'il peut, en effet, s’inquiéter à l'idée qu'il pourrait ne savoir écrire qu'un texte plus médiocre, γεγραμμένα ϰαϰῶς, que ne l'aurait été sa parole, Platon se sent capable de convaincre par l’écrit comme par la parole, γραϕέντα ἢ λεχθέντα ὑπ’ ἐμοῦ βέλτιστ’ ἂν λεχθείη. Il sait bien, d'ailleurs, quelles sont les incapacités de l'oralité à se mouvoir avec assez d'agilité dans le monde des mots pour rendre ce qui fait l'instantané pluriel de la beauté 206 . Dans un contexte moins

ambitieux mais essentiel au politique, Alcidamas 207 , pour sa part, montre comment l'écrit ne peut entrer dans le jeu du débat dialectique car il ne fournit pas la puissance bienvenue, εὔϰαιρον δύναμιν 208 , nécessaire à la mécanique de la persuasion 209 , l'usage de l’écriture empêchant de trouver les mots qui conviennent à la situation, ἡ μελέτη τoῦ γράϕειν ἀπορίαν τοῦ λέγειν πλείστην παραδίδωσιν 210 . Les réticences de Platon à l'égard de l'écrit pourraient tenir en fait à ce que la parole serait infiniment améliorable dans le monde d’une école toujours ouverte à tous et, naturellement, dans celui du système politique, alors qu'il semble, lui-même, figé en une forme immuable, ἀμεταϰίνητος, et reste, par conséquent, imperfectible 211 . 40

En fait, ce qui lui fait prendre une position aussi radicale à l'égard de la publication des leçons de la philosophie est que les auteurs ne sont pas maîtres du temps et de la façon correcte ou non, ϰαλῶς ἢ μὴ ϰαλῶς, dont on reçoit leurs textes 212 . Aucun d'entre eux ne peut contrôler les effets procurés par ses ouvrages. Les livres qui peuvent passer pour n’être que des aide-mémoire pour gens instruits, ὑπομνήματα τῶν εἰδότων, sont inutiles du fait de leur redondance par rapport à l'enseignement oral. Ils doivent être considérés comme dangereux quand la façon dont on s'en sert échappe au contrôle du maître. Si tel prétend écrire et publier une œuvre, tous les hommes sont sans distinction destinataires de son discours. Par anticipation et conséquence, ils deviennent tous nécessairement les partenaires d'un dialogue initié dès le moment où il se met à écrire. L'infinie multiplicité des intervenants rend impossible que l'on puisse s'adresser individuellement à tous, alors qu'eux-même sont déjà associés à la parole écrite. Inévitablement, leur intervention dans le discours que construit le philosophe, avant même qu'ils n'aient pu le lire, aura complètement ruiné l'esprit de celui qui envisagerait de

publier ses livres avec l'intention de s'adresser à eux. Cette façon de refuser certaines formes de diffusion n'implique pas un refus de l'écriture en tant que telle, le fait que l’enseignement de la philosophie doive être réservé à un petit nombre de gens choisis n'implique pas qu’il faille imaginer l'existence d'une doctrine secrète car il n'y a pas de condamnation d'ensemble de l'écriture mais seulement un programme de prudence pour son utilisation 213 . Employant un vocabulaire proche de celui de Platon, Isocrate 214 sait très bien écrire que l'auteur est sans recours devant son lecteur s'il n'est pas là pour porter secours au texte qu'il a produit, ἀπόντος γὰρ τοῦ γράψαντος ἔρημος τοῦ βοηθήσαντός ἐστι ὁ λόγος 215 . Il accepte avec plaisir que le discours tenu devienne ce qu'il doit être par l'effet de l'intervention de son destinataire, car il s'enrichit et s'améliore par cette collaboration dialogique, τὰ µὲν ἐϰ τῆς τῶν ἰδιωτῶν συμβουλίας ἐπανορθώσασθαι 216 . Le style très platonicien de cette analyse rend cette prise de position particulièrement intéressante. 41

Platon, dont la dialectique reste monologique, ne veut point qu'il en soit ainsi. Il est, d'abord, assez subtil pour feindre de ne point s’être engagé et de ne pas avoir écrit ses propres œuvres en se cachant derrière les divers masques dont il ne cesse de se revêtir 217 . Néanmoins, quand il souhaite réinvestir le lieu du politique qu'il prétend avoir déserté après la mort de son propre maître 218 , il lui faut proposer des modalités d'usage de l'écrit correspondant, à la fois aux pratiques de son époque et à des présupposés proprement philosophiques.

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Il semble et c'est là sans doute une de ses faiblesses, s’être contenté, le plus souvent, de souhaiter résoudre le problème de l’oral et de l'écrit en fonction de leur usage social. Il avait le sentiment que diffuser le savoir philosophique de telle façon qu'il débordât du

cercle étroit de ceux qui avaient les moyens de suivre ses leçons était inutile et que cela ne faisait qu’emplir le peuple de mépris pour la philosophie ou d'une vaine suffisance Il estimait, ainsi, qu’il était inopportun de s'adresser au plus grand nombre, πρòς τοὺς πολλοὺς. L'écriture comme la parole, ῥητά 219 , du philosophe devait être réservée au petit nombre des gens qui n'auraient pas eu besoin de trop longues explications pour comprendre ce qui devait leur être enseigné car ils auraient pu être instruits dans la simple connivence d'une courte démonstration, διὰ σμιϰρᾶς ἐνδείξεως 220 . Un homme sage devait, en tout cas, éviter de traiter devant un public ordinaire, ἐν ἀνθρώποις, des affaires les plus sérieuses et ce, d'autant plus, qu'il aurait été lui-même plus sérieux, ταῦτα σπουδαιότατα εἴπερ ἔστ’αὐτòς σπουδαῖος. Il pouvait feindre de le faire mais il devait alors rester prudent et prendre soin de garder par devers lui le meilleur de ce qu’il avait en tête, ϰεῖται δέ που ἐν χώρᾳ τῇ ϰαλλίστῃ τῶν τούτου 221 . Le philosophe devait, nécessairement ainsi, se conduire en menteur dans la cité, sinon en action du moins par omission. Pour reprendre, par un autre biais, une formule de K. Popper, on pourrait prendre, ici, Platon en flagrant délit d'outrage à son maître 222 ou du moins à l'image qu'il avait donné de lui. Un législateur, qui, par nécessité, devait se montrer parfait expert en technique politique, devait se situer dans cette perspective. 43

Il était légitime que le philosophe écrivît, mais, s'il prétendait parler encore, il devait accepter de faire l'expérience de sa capacité à produire deux discours décalés, l'un au moins d'entre eux ne pouvant être pertinent ou juste. La pratique politique implique, dans la durée, l'usage de l'écriture et de la parole, alors que se trouver dans le cas de devoir user de l'une puis de l'autre témoigne publiquement de l'incapacité à avoir atteint quelque jour la vérité ou à lui rester fidèle. Socrate avait le droit de parler dans l'assemblée

qui traitait de l'affaire des Arginuses, de même que tout citoyen d'Athènes, parce qu'aucun des citoyens présents ni lui-même ne souhaitait jamais rien écrire. D'autre part, l'un comme l'autre des interlocuteurs se gardait bien dans le débat de poser le problème au fond et chacun prit bien soin d'abord de rester à l'extérieur du sujet, le peuple prétendant exciper de sa souveraineté pour affirmer son droit à faire ce qui lui plaisait, le philosophe, qui tenait à rester fidèle à lui-même sans que son discours ordinaire dût entrer dans une enceinte qui n'était pas faite pour lui, se contentait de rappeler ce que devaient être les règles de la procédure 223 .

La fonction politique des traités 44

Platon se présentait, dans l'autobiographie épistolaire qui fut à la fois son apologie et une sorte de programme politique annonçant, bien évidemment, les Lois comme un homme qui aurait souhaité participer aux débats de la cité pour atteindre à la perfection du philosophe citoyen dont il évoqua l'image dans le Timée 224 . Il savait, surtout, que l'écriture ne pouvait jamais être utilisée, dans le quotidien du politique, que par ceux qui se situaient, effectivement ou non, à l’extérieur de la ville.

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Si l'on part du niveau le plus banal, on constate que des cités étrangères ou des rois savaient comment envoyer des lettres qui étaient lues devant l'assemblée après que l'on eût reçu leurs ambassadeurs. Des magistrats éloignés de la ville pour des raisons circonstancielles pouvaient faire de même. Nicias voulut, ainsi, écrire, de Sicile, une lettre à ses compatriotes au lieu de laisser parler ceux qu'il avait délégué à l'assemblée pour expliquer dans quelle situation il se trouvait, on lui reprocha d'avoir, en l'occurrence, commis une erreur en prétendant pouvoir figer une parole qu'il aurait dû laisser se déployer pour qu'elle fût efficiente

. Plus significatif, sans doute, pour comprendre ce que sont les mécanismes du politique, est le fait que l’on s'aperçoit que ceux qui se considéraient comme des exilés de l'intérieur choisissaient d’utiliser, en tant qu'opposants irréductibles au régime, l'écriture pour se faire entendre, car ils étaient persuadés que l'assemblée ne pouvait pas recevoir les mots qu'ils voulaient lui dire 226 . Tel fut, sans doute, le cas du Pseudo-Κénophon qui diffusa un pamphlet, dont la lecture est essentielle à qui veut comprendre quelle idée l'on pouvait se faire du cynisme politique dans une cité impérialiste, qu'elle fût démocratique ou oligarchique 227 . La publication de ce texte est le témoignage parfaitement clair de ce que l’écriture induit l'exclusion de l'auteur du Sein du groupe politique de telle sorte qu'il reste méconnu, nul ne sait qui était le Vieil Oligarque dont on pensa qu’il pouvait être Κénophon, Ou bien Antiphon, personnage, souvent dédoublé par la tradition érudite et dont la biographie est une des apories les plus difficiles à résoudre de l'histoire littéraire 228 . Dans un cas extrême, l'écriture pouvait se construire en une double absence, en refusant de paraître pour telle et devenir proprement virtuelle. Hypéride avait ainsi rédigé un opuscule pour dénoncer Démosthène et le gardait secret. Celui-ci, apprenant par hasard l'existence de ce βιϐλίον ϰαθ’αὑτοῦ lui en fit reproche. Hypéride se défendit en expliquant que ce livre ne serait dangereux que s’il le faisait condamner pour une raison ou une autre à la mort ou à l'exil, car c'est alors seulement que l'ouvrage serait publié. Ce livre caché était assez inquiétant en tant que parole muette pour empêcher que l'on fît mourir son auteur, mais il n’aurait eu de voix que pour attester de la défaite politique et de la disparition subséquente de celui qui l'avait écrit 229 . L'écriture n'apparaissait, en tant que telle, dans la sphère collective que pour signifier l'incapacité et de l'impuissance de l'auteur à participer en tant que 225

partenaire de plein droit aux débats publics. Elle servait, ainsi, à témoigner de l'absence de l'auteur au groupe de ceux qui se rassemblaient pour le lire. 46

Platon qui fit tant parler Socrate ne souhaitait pas, en tant que philosophe, admettre pour son propre compte cette inconvenance fondamentale qui signalait la disparition de l'auteur par l'acte même de son écriture. Il ne condamnait pas l'écriture en tant que telle ni la possibilité de la diffuser, on n'aurait pas compris s’il en avait été autrement que la République ou les Lois, pour ne rien dire du Politique eussent été produits. Ce à quoi il voulait personnellement échapper était la conséquence qui découlait de cette publicité, c'est à dire l'impossibilité de vivre en citoyen sans se dédire après l’avoir fait, de dire ce qu'il aurait eu à dire, après avoir publié ce qu'il aurait écrit. La publication lui paraissait d'une certaine façon comme sa propre condamnation au silence. La place qu'il donnait à la publication de l'écriture dans la cité des Lois dut beaucoup à cette prise de conscience de la capacité mortifère de la diffusion de l'écrit, mais il en prolongea les effets jusqu'à la faire participer de la condamnation de ceux qu’elle désignait.

L'écriture publiée dans la cité des Magnètes Listes et mémoriaux 47

La cité des Magnètes devait manifester son existence en publiant une écriture. Les monuments épigraphiques les plus spectaculaires que l'on devait trouver dans la ville seraient des murs blanchis sur lesquels chaque phratrie inscrirait le nom de ses membres vivants, effaçant à mesure celui de ses morts 230 . La cité platonicienne doit signifier, de cette façon, son rapport au temps puisque la date de naissance de chacun de ses membres est indiquée par référence au

nom du magistrat éponyme 231 , les lignes vides donnant une idée de ce qu’est la succession, due à la mort, des individus dans un ensemble restant institutionnellement vivant. Magnésie se présente sous forme de catalogues, en publiant, de cette façon, le nom de ses membres. Les cités historiques, dont les listes de citoyens étaient de simples registres réservés à l'usage administratif 232 et où seuls étaient exposés de cette façon le nom des nouveaux membres du groupe politique quand on avait procédé à une politographie collective 233 , ne se souciaient pas de représenter de façon aussi manifeste ce qu'elles étaient. Sans doute, est-ce, de la part du législateur, une volonté de transparence qui permettrait d'éviter les contestations de citoyenneté dont on sait qu'elles n'étaient pas rares à Athènes, ainsi n'est-il pas besoin de longues recherches pour savoir qui est chacun et quelle est sa naissance. Il existe, par ailleurs, dans la ville, un mémorial du partage originel du territoire entre les familles fondatrices et sans doute est-il offert aux regards puisque l'on insiste sur son aspect et le matériau, des tablettes de cyprès, qui doit le constituer. Les informations fournies sont censées être pérennes, μνήμας εἰς τòν ἔπειτα χρόνον ϰαταγεγραμμένας 234 , mais la pertinence des renseignements nominatifs, au bout de quelques générations n'en doit guère être claire, puisque les propriétés peuvent avoir été transmises par voie collatérale, quand il n’y a pas d'héritier direct. Il était de même prévu que soient inscrites ἐν τῷ ϕανερῷ les transactions portant sur les biens mobiliers 235 et l'on devait pouvoir se servir de ces documents dans les procès en revendication 236 . Ce registre public peut, sans doute, donner une idée de ce qu'est l'inégalité dans une société où il est permis de posséder jusqu’à la valeur, τιµή, de cinq fois le lot initial considéré comme l'étalon, µέτρoν, par rapport auquel on mesure les fortunes 237 . Ces diverses séries documentaires, présentées de façon assez

manifeste pour être clairement signifiantes, sont ainsi les images de la cité, organisme collectif, considérée dans ses dimensions essentielles, celui du rapport des hommes au territoire et aux objets possédés. 48

Durant sa vie, le citoyen ordinaire ne se voit publiquement désigné par écrit qu'à la seule place qu'il occupe dans la liste des membres de sa phratrie. Éventuellement, il devient magistrat et se voit mentionné comme tel dans les listes établies à la suite des élections ou dans les documents d'état-civil, s’il est devenu éponyme. Il peut faire graver, dans l'espace sacré des sanctuaires, son nom, s'il est vainqueur dans un concours 238 et y dédier les couronnes que lui auraient valu d'éventuels exploits militaires 239 . À sa mort, il quitte la liste des citoyens et tout texte mentionnant son existence est effacé 240 . S'il n’a pas, durant sa vie, été condamné à une peine afflictive, son nom est, alors, transféré sur la stèle d'un tombeau qui l'individualise et perpétue sa mémoire, on peut éventuellement y faire graver un éloge bref de quatre vers au maximum 241 . Ce transfert du nom, quittant une liste collective pour apparaître seul sur une tombe, signifie que la personne a perdu son statut politique en accédant à l'état de nature, l'écriture fonctionne alors en tant que représentation et non pas seulement comme mode de désignation. Néanmoins, cette façon de conserver ainsi le nom de morts n’est pas neutre dans la mesure où seuls les citoyens sans reproche ont droit à ce type de sépulture, alors que, par exemple, le citoyen coupable d'avoir déserté la cité par un suicide doit se fondre dans l’anonymat d’un tombeau non identifiable, relégué en un lieu qui n’a pas de nom sur les frontières de l’une ou l’autre des douze régions 242 . Il peut sembler que cette façon de perpétuer un nom par l’écriture doive être considérée comme ayant une fonction honorifique, permettant à une personne de prolonger au delà de la mort le souvenir de son

existence vertueuse et de lui donner valeur exemplaire 243 . Pourtant, l’épigraphie funéraire ne tient pas une grande place dans la cité, car les stèles qui marquent les tombeaux des morts 244 se trouvent éloignées de tout lieu de vie ordinaire puisque l’on ne peut utiliser pour les inhumations que les terrains qui ne sont vraiment bons à rien d’autre qu’à cet usage 245 . Il ne faut pas en effet attrister les vivants en rendant la présence des morts trop évidente. Ainsi, les épitaphes hagiographiques sont-elles bien peu visibles dans le territoire politique.

La publication des textes juridiques 49

Dans la cité des Magnètes, l’écriture du nomothète doit être accessible à qui souhaite la lire. La législation est destinée à être lue ou relue. Elle fait partie d’un corpus de textes découverts par tout enfant dès son entrée à l’école publique. L’apprentissage de la loi grâce à une pédagogie qui doit mêler l’oralité à l’écriture, la lecture puis la réécriture, est facilitée par la puissance socialisante de l’apprentissage du geste graphique 246 . Les maîtres ont pour mission de faire transcrire par, et pour leurs élèves, les discours des poètes qui se trouveraient être frères, ἀδελϕά, de celui du législateur pour enrichir leur enseignement 247 . L’écrit se trouve, de cette façon, à l’origine de la rencontre que chacun peut faire avec les lois, dans une collectivité qui peut passer pour une métaphore du politique. Il existe, par ailleurs, des ouvrages de droit que l'on peut lire chez soi. Il est indéniable, en effet, que les lois sont publiées en recueils dans la cité des Magnètes puisque le juge doit posséder, ϰεϰτημένος, les livres, γράμματα, qui lui permettent de les connaître, d'apprendre ce qu'elles sont, αὐτῶν πέρι μανθάνειν 248 et d'en mieux comprendre les principes en les relisant 249 . Il faut, qu'à force de travail personnel, il s'en approprie les leçons et les ait bien

présentes à l'esprit, ἐν αὑτῷ 250 . La disponibilité du support écrit permet, même à des esprits lents, imbéciles, δυσμαθεῖς, qui n'auraient pu s'adapter au rythme de la parole prodiguée dans le discours politique spontané, de comprendre ce que sont les ordres, προστάγματα, promulgués par le législateur et de tirer profit de ses leçons à qui sait manifester de la bonne volonté 251 . Il est, en effet, possible à chacun de revenir sur ce qu'il aurait seulement reçu par son oreille, la vue permettant de reprendre un texte aussi souvent que nécessaire. Ainsi la législation intelligente, ἠ μέτα ϕρονήσεως νομοθεσία 252 , connaît par l’écriture une disponibilité qui garantit sa pérennité. Tout le problème qui se pose alors est de savoir quelle publicité est faite à ces publications, pour en connaître les destinataires désignés et préciser quelle idée l'on doit se faire de leur fonction.

Les lois sur le commerce 50

Les textes juridiques, dont la lecture est reconnue comme tout à fait nécessaire à une bonne administration de la justice ou, plus largement, pour l'éducation de tous, ne semblent pas devoir, pourtant, être exposés dans l'espace public aux regards de tous les membres de la cité des Magnètes. Il est très clair qu'il n'est pas prévu de graver beaucoup de lois ou de décret sur des stèles ou sur les murs de la ville. Il ne semble pas, en effet, qu'il soit souhaitable de multiplier les monuments inscrits de ce type. Cela ne surprend guère, puisque seule l'ironie du Politique envisageait que les lois et décrets des assemblées dussent être gravés en grand nombre sur la pierre, ἐν ϰύρϐεσι ϰαὶ στήλαις 253 . Dans Magnésie, il n'est prévu d’ériger que deux stèles diffusant un texte législatif 254 , l'une placée devant le bureau des agoranomes, l'autre devant celui des astynomes 255 . L'une comme l'autre sont faites pour publier la loi

sur la police des marchés ainsi que les compléments éventuels que l'expérience pourrait conduire à lui apporter 256 . 51

Le commerce des subsistances porte sur le tiers des produits agricoles récoltés sur le territoire par les citoyens-propriétaires, cette part du produit des exploitations familiales devant servir à nourrir les étrangers qui vivent sur le territoire, en particulier les artisans 257 . La responsabilité des citoyens, à qui il est enjoint de procéder à ces ventes, est, évidemment, engagée dans ce type d'opération car ils doivent veiller à ce que tout se passe conformément aux lois, σϰοπεῖν εἰ γίγνεται ϰατὰ τòν νόμον ἕϰαστα 258 . Ils n'ont pas, néanmoins, le droit de participer directement aux transactions. Celles-ci ne peuvent être conclues qu'à dates fixes, car les marchés ne sont pas quotidiens. Elles doivent être confiées à des mandataires choisis parmi les étrangers ou les esclaves, ὅσοι τοῖς ἀστοῖς ξένοι ἢ ϰαὶ δοῦλοι ἐπιτροπεύουσι 259 . Outre le commerce des vivres, ceux-ci peuvent procéder à la vente de bois de chauffage en gros 260 , la récolte des fruits pouvant, elle, être achetée sur pied par un métèque qui se charge de la cueillette 261 . Le commerce de détail, ϰαπηλεία, est réservé à des gens qui, s’approvisionnant en gros auprès des mandataires des propriétaires, détaillent ce qu'ils ont acheté dans des marchés pour étrangers, ἐν ταῖς ξένων ἀγοραῖς 262 . Aucun citoyen ni quelqu'un de ses esclaves ne peut se livrer à cette activité, seuls des étrangers ou des métèques ont le droit de le faire 263 . Il est, par ailleurs, interdit à tout propriétaire ou à n'importe lequel de ses esclaves d'acquérir de cette façon des produits destinés à l’alimentation familiale 264 . Quelque peu clair, d'autre part, que soit la façon de présenter l’enchaînement des étapes du processus, il semble bien que le commerce des matières premières nécessaires à l'artisanat, peaux, tissus, est organisé de façon aussi rigoureuse, on procède à des ventes en gros à dates fixes

puis à une redistribution de détail sur la place publique, ἑϰάστοισι εἰς τὴν ϰοινὴν ἀγοράν 266 . Ces dispositions sont telles que l'on comprend sans peine que l'exercice personnel d'une activité commerciale est, dans la cité 267 , interdit sous quelque forme que ce soit à un citoyen de plein droit appartenant au corps des descendants des 5040 fondateurs, Μαγνήτων oὓς ὁ θεòς ἀνορθῶν πάλιν ϰατοιϰίζει, γεωμόροι ὅσοι τῶν τετταράϰοντα ϰαὶ πενταϰισχιλίων ἑστιῶν εἰσιν, μήτε ϰάπηλος ἑϰὼν μηδ’ ἄϰων μηδεὶς γιγνεσθω μηδ’ ἔμπορος 268 . Les lois concernant l'activité commerciale ne sont pas rares, néanmoins elles ne concernent les Magnètes, au sens propre du terme, que de façon marginale, sinon pour leur en interdire l'exercice. Le seul texte législatif publié dans l'espace de la cité n’appartient, donc, pas à l’univers ordinaire des citoyens 269 et il faut que le législateur se justifie de l'importance qu'il lui accorde. 265

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Il prétend ne devoir légiférer que pour une cité dont les membres ne se livreraient qu'à des activités liées à l’agriculture. Le législateur souhaite travailler pour une cité de cultivateurs, bergers, apiculteurs, ainsi que pour les dépositaires de leurs produits et les fabricants de leur outillage, γεωργοῖς δὲ ϰαὶ νομεῦσι ϰαὶ µελιττουργοῖς ϰαὶ τοῖς περὶ τὰ τοιαῦτα ϕυλαϰτηρίοις τε ϰαὶ ἐπιστάταις ὀργάνων νομοθετήσει 270 . Ces deux dernières catégories de populations ainsi désignées doivent, dans Magnésie, être uniquement composées de personnes étrangères au corps politique proprement dit. Il faut, donc, que les trois participants au dialogue fondateur se justifient d'attacher une telle importance à la question du commerce dans la cité, tout en réservant sa pratique à des étrangers. Ils le font en excipant du fait que le commerce et l'artisanat sont indispensables à la vie collective, ἐϰ πολλῆς ἀνάγϰης ἐν τῇ πόλει. Il faut surveiller de façon particulièrement vigilante des

gens qui n'auraient pas été éduqués comme il convient et risquent d'être plus aisément corruptibles que les citoyens 271 . L'exercice d'un métier dangereux pour la vertu de celui qui s'y livre doit être réservé à des gens dont l'éventuelle perversité ne rendrait pas la cité trop malade, οὐϰ ἂν γίγνοιτο μεγάλη λύμη τῇ πόλει 272 . La conjonction des dangers, insuffisante éducation des commerçants et incapacité subséquente de résister aux tentations qu'induit la pratique du commerce, ést nécessairement réalisée par la constitution même qui n'imagine pas, sinon pour en refuser l'idée que des gens convenables puissent devenir commerçants 273 . Les lois sont un moyen, µηχανή 274 , de faire que ceux à qui le commerce est confié soient assez bien contrôlés pour que leur état moral ne devienne pas trop mauvais et qu'ils ne risquent pas d’être, de ce fait, dangereux pour la cité dans son ensemble. La législation qui s'applique aux marchés ne concerne les citoyens qu'autant qu'ils doivent y assurer l'ordre et qu'il faille. y protéger le naïf, ἰδιώτης, des malices du connaisseur 275 . 53

La loi que l'on affiche et qui concerne les fraudes usuelles est précédée d'un prologue assez général qui ne traite pas de technique commerciale, à proprement parler, mais de l'usage du serment dans le cadre des transactions. Il insiste sur le fait que mentir, tromper autrui en jurant est interdit au nom de la piété 276 . L'ordonnance qui se veut la conséquence de cette pétition de principe interdit simplement aux commerçants toute négociation sur le prix des produits qu’ils présentent à la vente, ainsi que toute réclame à leur sujet, qu'elle soit accompagnée ou non de serment sur la qualité de la marchandise 277 . On sait, par ailleurs, que les transactions doivent se faire sous la surveillance des agoranomes sur le marché, ϰατ’ ἀγoράν, le paiement des marchandises achetées devant être immédiat, tout recours légal étant impossible si la vente a été

conclue dans des conditions autres, à crédit par exemple 278 . Le texte fixe de quelles peines sont passibles les marchands irrespectueux de ce règlement. 54

Ce texte est, en fait, une loi programmatique plus qu’autre chose. Elle prévoit surtout que les agoranomes et nomophylaques auront pour tâche de définir de façon détaillée ce qui sera permis ou interdit, les astynomes devant agir de même en ce qui les concerne. Ils doivent le faire en s'adressant, bien évidemment, aux personnes spécifiquement concernées par l’exercice de ces activités commerciales. Il leur faut, donc, parler à ces professionnels dans une langue qui tienne compte de réalités étrangères au monde du politique. Les gardiens des lois doivent, ainsi, pour rédiger leurs ordres s'instruire des réalités qu'ils ignorent parce qu'ils ont reçu une éducation purement libérale. Il leur faut, donc, s'informer auprès de ceux qui ont l’expérience de ce genre de pratique, πυθόμενοι τῶν ἐμπείρων 279 et qui ne peuvent être que des noncitoyens. La loi se trouve, ainsi, dépendre d’un savoir d'ordre technique étranger au politique, et perd, du fait même, son autonomie auto-référentielle.

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Le traitement des infractions échappe, d'ailleurs, au politique par un autre biais. Tout citoyen de plus de trente ans est censé devoir intervenir pour en faire respecter les dispositions, il a le droit de frapper celui qui n’obéirait pas aux interdictions qui lui sont signifiées, s'il ne le faisait pas, il pourrait, d'ailleurs, être poursuivi pour trahison, προδοσία τῶν νόμων 280 . Néanmoins, s'il échappe au regard trop naïf d'un citoyen qu'une faute a été commise, il est prévu qu'un non-citoyen, pour peu qu’il soit compétent en ces matières, ὁ προστυγχάνων τῶν γιγνωσϰόντων 281 , puisse initier des poursuites et en tirer bénéfice en se faisant attribuer les marchandises de celui dont il aurait dénoncé les procédés

frauduleux. Un citoyen est, bien évidemment, autorisé à faire de même, mais pour signifier qu'il doit rester désintéressé, il doit, en cas de dénonciation justifiée, consacrer la marchandise saisie aux divinités protectrices du marché. Ce qui doit le dissuader de se lancer dans ce type d'affaire est qu'il sera puni comme sacrilège s'il ne peut démontrer que le marchand s'est mal conduit. La législation protège, en effet, les commerçants contre les foucades d'un citoyen incompétent qui ne peut ainsi leur faire du tort impunément 282 de même que sont protégés les artisans contre les malhonnêtetés éventuelles de qui leur fait des commandes en prétendant ne les pas payer comme il faut 283 . L’essentiel est, en fait, que l'idéologie politique platonicienne fonde la législation sur le postulat de l'évidente incompétence du citoyen dans ce domaine. On peut imaginer, ainsi, qu'il doit éprouver du mal à faire la preuve de la pertinence de ses allégations, tandis que l'esclave ou le métèque sont mieux à même d'inspirer confiance au tribunal. D'ailleurs, faire reconnaître par un tribunal qu'il est compétent en matière de délits commerciaux est, sans doute, pour un citoyen, l'aveu de son intérêt pour ce qui n'est pas de son domaine, laisser soupçonner qu'il est peut-être corrompu par des fréquentations douteuses. De même, les Athéniens sont dénoncés comme pervertis par la connaisssance qu'ils ont du vocabulaire et des pratiques d'un art maritime que certains dénoncent comme indignes d'un homme convenable 284 . On sait, et cela peut inciter à la prudence, qu'il est prévu dans la législation de Magnésie qu'un homme qui ne vivrait pas d'une façon conforme à la dignité d'un citoyen en se livrant à des activités qualifiées de serviles, soit déféré par qui le souhaite devant le tribunal des premiers pour la vertu sous l'accusation d'avoir déshonoré sa race, γραϕέσθω αὐτον γένους αἰσχύνης πρòς τοὺς ἀρετῇ πρώτους ϰεϰριμένους 285 . On constate que la conséquence de ces

dispositions est que, dans la cité des Magnètes, des magistrats peuvent être chargés de se prononcer sur des affaires auxquelles ils doivent rester totalement extérieurs 286 . Dans les compétitions de lutte, à l'inverse, tout le monde est censé être ou avoir été pratiquant, tout le monde se doit d'être, en ce domaine, qualifié, de plain-pied avec ceux qui servent d'arbitre. Ils jouent un rôle purement instrumental 287 et leur présence n'est nécessaire dans les concours que parce que la lutte comme le pugilat ne sont qu'artifice 288 . Seule la guerre, la plus importante des compétitions τῶν ἀγώνων 289 , permet, par la sanction immédiate de la mort reçue ou donnée 290 , de révéler le brave, τòν εὔψυχον sans qu'il soit besoin de quiconque pour juger de la valeur des coups. De façon semblable, le dialektikos participe de la construction d'un langage qu'il sait devoir utiliser en tant que philosophe 291 , car la sagesse est à l'horizon nécessaire de l'inventeur des mots 292 , le même personnage, en ses divers moments, peut jouer le rôle d'inventeur ou d'utilisateur 293 . Chacun des membres d'une communauté est, ainsi, qualifié pour juger ses semblables, même dans les activités les plus spécifiques, car tous les domaines ouverts par l'éducation libérale lui sont nécessairement familiers. Il n'est pas nécessaire, en effet, de savoir quelle est la qualité technique d’un acte appartenant à ce type d'activité culturelle pour le réaliser et en apprécier la valeur. Ainsi, n’est-il pas obligatoire de connaître la musique pour recevoir le droit de faire chanter une ode que l’on aura composée en l'honneur d'un vainqueur, même si la valeur musicale en est médiocre, ἐὰν ϰαὶ μὴ μουσιϰὰ πεϕύϰῃ 294 . En matière de droit commercial, au contraire de ce qui se passe pour les procès criminels et civils, la pertinence d'un jugement paraît devoir être pure technique et n'induit aucune conséquence politique, l'affaire concerne la police

plutôt que la justice ou l'équité. Cela justifie le recours à des experts extérieurs au monde de la citoyenneté. 56

La conséquence essentielle de ce que, seule, la loi sur le commerce est exposée dans la ville est ailleurs. Les citoyens sont bien convaincus qu'ils n'ont besoin que de lois faites pour les hommes libres 295 et que la législation relative au commerce ne peut les concerner qu'en les incitant à se montrer méfiants et répressifs à l’égard de ceux qui se livrent à cette activité. Les lois qui évoquent les crimes des marchands et leur malhonnêteté, ϰιβδηλεύματα ϰαὶ ϰαϰουργίας τῶν πωλούντων, leur paraissent être faite pour une population tout à fait spécifique, potentiellement criminelle, celle des étrangers. Dans une cité ordinaire, les stèles peuvent stigmatiser des fautes que tous peuvent commettre, mais, à Magnésie, les crimes potentiels des non-citoyens sont seuls évoqués sous une forme monumentale. L'écrit public sert à stigmatiser toute une part de la population du pays. Une catégorie entière d'habitants de la cité est, par la stèle que l'on érige au centre même de l'espace public, confrontée en permanence à l'indignité présupposée de l’activité à laquelle elle doit s'adonner parce qu'elle est la seule que lui permet d'exercer le système politique. Par la dénonciation spectaculaire des tares supposées qui naîtraient inévitablement de la pratique d'un métier spécifique auquel il est contraint de se livrer, le commerçant est mis dans la situation de l'hilote à qui l'on impose sa laideur et que l'on fait boire, pour pouvoir se moquer de son intempérance 296 .

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En tout état de cause, la cité ne veut connaître du commerçant que sa perversion et fait en sorte de le signifier de la façon la plus évidente qui soit. Le fait que cette dénonciation passe par la publication épigraphique doit faire réfléchir à ce qu’est l'usage de

l'écriture publique dans la cité individuellement les citoyens vivants.

quand

elle

concerne

L'épigraphie dénonciatrice 58

Nous avons indiqué comment le nom des citoyens pouvait apparaître dans la liste de sa phratrie et dans tout monument témoignant de ce qu'était la composition de la cité dans son ensemble. Éventuellement, il pouvait être inscrit, ce qui passait pour une marque de distinction, dans les sanctuaires. Il semble, en revanche, que, chaque fois que le nom d'un individu vivant était exposé dans l'espace public profane de la cité des Magnètes, c'était pour stigmatiser celui qu'il désignait.

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Ainsi, chacun des chefs de famille devait faire par écrit une déclaration de sa fortune et les trente-sept gardiens des lois étaient chargés de la conservation de ce document 297 , si l'un d'entre eux se trouvait posséder plus qu'il ne l'avait indiqué, ἐὰν δέ τις ἕτερον ϕαίνεταί τι παρὰ τὰ γεγραμμένα ϰεϰτημένος et si la fausse déclaration était réputée avoir été faite à des fins intéressées, le coupable devait être déféré en justice. S’il se trouvait convaincu de fraude sa culpabilité devait être signifiée et publiée par écrit durant tout le temps de sa vie, γεγράϕθω δὲ ὠϕληϰὼς ἕως ἂν ζῇ. L’écriture permettait ainsi qu'il n'y eût pas de condamnation qui pût s'effacer ni que personne pût être pardonné par le simple oubli de fautes anciennes 298 , car toutes devaient être publiées en un lieu où tout le monde devait pouvoir en prendre connaissance, ὅπου πᾶς ὁ βουλόμενος αὐτὰ ἀναγνώσεται, non pas à l'intérieur du local officiel où avaient été déposées les déclarations de l'état des fortunes, mais en un endroit accessible aux regards même non prévenus. Il était prévu que l'on dût utiliser, sans doute, pour ce faire, un tableau d'infamie spécifique 299 . De même l'identité des agronomes

coupables de ne pas avoir rempli correctement les devoirs de leur charge en participant aux repas communs était affichée sur la place publique par leurs collègues, γράψαντες θῶσιν ἐν ἀγορᾷ, et chacun de ceux qui rencontrait les fautifs pouvait dès lors impunément les frapper 300 . Il en advenait de même pour le garde absent de façon irrégulière 301 . La publicité donnée à leur faute valait, pour les uns et les autres, immédiate mise au ban de la cité, en revanche d'autres magistrats qui auraient été condamnés à une amende ou à quelque peine afflictive pouvaient faire appel de la sentence, même après affichage de leur nom au même endroit 302 . 60

Ce type de flétrissure est utilisé pour la police des jeunes couples et fait partie des moyens utilisées pour leur faire adopter une sexualité conforme aux exigences de la procréation. Des femmes désignées pour surveiller les jeunes ménages doivent se réunir chaque jour pour s'informer de ce qu'elles savent sur chacun d'eux. Elles ont le droit d'entrer dans la maison de ceux qui ne semblent pas remplir leurs devoirs correctement pour les convaincre de s'amender. Si elles ne réussissent pas dans leur mission, elles préviennent les gardiens des lois qui doivent d'essayer de corriger les coupables, s'ils ne réussissent pas, non plus, à le faire, ils font afficher leur nom en public, πρòς τò δηµóσιoν, attestant par serment de ce que ceux-ci n'ont pas obéi à leurs injonctions. Publier ce qu'il en est de leur intimité 303 met les conjoints désignés au ban de la cité, à moins qu'ils ne choisissent de saisir le tribunal et réussissent à faire admettre qu'ils auraient été dénoncés à tort 304 .

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La publicité faite, de façon similaire, au nom d'un citoyen semble jouer, paradoxalement, un rôle semblable dans le processus électoral. Il est ainsi prévu que, pour l'élection des nomophylaques, chaque citoyen doive déposer, sur un autel installé dans le sanctuaire le plus vénérable de la cité, une tablette inscrite et dûment signée qui sert

de bulletin de vote et porte le nom de l'un de ceux qu'il veut voir élire. Au fur et à mesure que se déroulent les divers tours du scrutin, ceux qui ont recueilli le moins de suffrages sont éliminés. Sont retenus trois cents candidats à l'issue d'un premier tour, cent après le second et trente sept élus sont finalement désignés. On en publie la liste, δεῖξαι, pour que la cité puisse en prendre connaissance, ἰδεῖν 305 . Ce qui est le plus significatif est que, durant le cours du scrutin, chacun des citoyens a le droit de prendre l'une ou l'autre des tablettes placées sur l'autel, portant le nom de l'un des postulants et de l'exposer sur l'agora. La publication, en ce lieu, de l'identité d'un individu séparé du groupe des candidats suffit à le désigner comme coupable ou du moins suspect d'une faute dont il n'est même pas besoin de préciser quelle elle peut être. Le citoyen dont le nom est mis ainsi en évidence est sans autre forme de procès considéré comme indigne d'être candidat. Il suffit d'une seule personne pour initier ce processus d'exclusion 306 . On peut se poser la question de savoir si le transfert sur la place publique du bulletin de vote ne sert pas, par voie de conséquence nécessaire, à stigmatiser aussi l'homme qui avait soutenu tel ou tel candidat par son vote puisque chaque tablette est identifiée 307 . On veut croire que le droit offert à n'importe qui de dénoncer un concitoyen pourrait impliquer la possibilité d'engager des poursuites rétorsives contre un diffamateur comme cela se passait par exemple à Athènes où la procédure d'ἔνδειξις permettait de poursuivre l'initiateur d'un procès en cas d'abus de droit ou de mensonge 308 . Il ne semble pas, néanmoins, que Platon ait souhaité que ces dénonciations ne fussent pas anonymes. Il paraît clair que le système électoral associe deux formes de légitimités. Il joue de deux systèmes de publication complémentaires et contradictoires dans leurs effets. La première naît dans le secret du sanctuaire où le dieu peut intervenir pour que

soient désignés dans l'ensemble de ceux dont on lui présente les noms les candidats les plus dignes d'être honorés. Le groupe des citoyens en revanche se réserve le droit de laisser dénoncer par l'affichage de son identité sur la place publique, sans qu’il soit besoin de la moindre justification et qu'il lui soit permis de se défendre, la faute supposée d'un homme. 62

Cet ensemble de pratiques dénonciatrices laisse supposer que l'essentiel de l'épigraphie dans Magnésie sert, ainsi, à publier le nom de citoyens délinquants ou suspects d’être tels, à signaler ainsi qu’il se commet des fautes envers une norme qui ne reçoit pourtant pas, en tant que telle, la moindre publicité dans l'espace politique. Le rapport de l'individu à une flétrissure publique de ce type peut paraître spécifique à la cité platonicienne car, tandis que dans une cité ordinaire, le condamné dont le nom pouvait mériter l'affichage infamant était exilé ou mort et qu'il n'était pas en position de la lire, chez les Magnètes un coupable ou un simple suspect, est obligé de toujours penser à son indignité en se trouvant continuellement confronté à la publication de son nom aux yeux de tous. Sans doute, est-ce une des modalités de la méthode curative que Platon veut mettre en œuvre pour corriger les fautifs 309 . Il semble qu'il faille que des coupables, individus ou groupes de populations à risques, soient publiquement désignés pour que le reste de la cité se sente exister dans sa perfection satisfaite. Chacun se sait offert aux regards des gardiens, qui regardent du haut de leur acropole métaphorique qui n'est pas à la place qui lui revient, n'agit pas comme il convient, lequel d'entre eux doit être noté d'infamie 310 . Il faut que l'écriture permette que ce regard scrutateur devienne celui de tous. Le fait que les criminels échappent aux regards de leurs concitoyens, est le signe de la perversion de la cité confuse et aveugle à elle-même 311 .

La mort dans l'écriture L'ambiguité des honneurs 63

Lorsque une cité désirait honorer un bienfaiteur, elle inscrivait son nom sur une liste générale ou bien sur une stèle spécifique qui exposait quels étaient ses mérites personnels et publiait le décret qui justifiait qu'on lui accordât le titre d'euergetès 312 . L’honneur ainsi accordé était souvent désigné par le mot ἀναγραϕή, un emploi technique très courant mais dont il faut évaluer le contexte, comme si l'on voulait, ainsi, signifier que l'inscription était l'essentiel de la récompense.

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Le profit tiré de la désignation épigraphique pouvait être indirect. Ainsi, les archontes éponymes, le secrétaire du conseil athénien tiraient grand prestige du fait que leur noms étaient mentionnés dans les documents publics, ἐν ταῖς στήλαις 313 . Glorieux était aussi, pour un citoyen, le droit à publier ses succès, mais cela devait se faire, pour être admis, du moins dans le cadre de l'idéologie la plus classique, par des moyens quelque peu obliques. Un vainqueur pouvait, ainsi, recevoir le droit d'offrir aux dieux les objets, trépieds ou couronnes, reçus en récompense, dans les concours, après y avoir inscrit son nom ainsi que le faisaient par exemple les chorèges à Athènes 314 , Platon connaît et autorise cette pratique dans l'espace sacré des sanctuaires de Magnésie. Acquérir cette forme de reconnaissance n'était pas accordé à tout le monde et pouvait être refusé par la communauté politique, ou ne l’être qu'avec certaines restrictions. Ainsi, quand les Athéniens permirent à Cimon de dédier des Hermès, ils ne l'autorisèrent pas à y faire inscrire son propre nom. Cela passa, pourtant, aux yeux des gens de son époque pour un honneur tout à fait hyperbolique ταῦτα ϰαίπερ οὐδαμοῦ τò Κίμωνος

ὄνομα δηλοῦντα τιμῆς ὑπερβολὴν ἐδόϰει τοῖς τότ’ἀνθρώποις 315 . Il ne ne paraissait pas, en effet, souhaitable qu'un général pût faire graver son nom sur un monument et passer pour, ainsi, revendiquer comme une victoire personnelle ce qui était dû à la vertu du peuple des hoplites, µὴ ἐπιγράϕειν τò ὄνομα τò ἑαυτῶν ἵνα µὴ τῶν στρατηγῶν ἀλλὰ τοῦ δήμου δοϰῇ εἶναι τò ἐπίγραμμα 316 . Pour une raison semblable, Miltiade fut représenté sur le tableau de la bataille peint dans le Pœcile mais son nom n'y fut pas mentionné pour l'identifier 317 . Quand, en revanche, Pausanias voulut dédier en son nom propre la spectaculaire colonne des serpents à Delphes, après la victoire de Platées, cela lui fut compté à crime par ses compatriotes 318 . 65

Le seul fait de passer pour individuellement responsable de quelque action dans sa propre cité et de demander à ce que cela fût publié pouvait être considéré comme criticable et, par conséquent, dangereux pour un particulier. Se réjouir, ainsi, par exemple, d’avoir été le promoteur d'un décret approuvé par l'assemblée et de voir son nom inscrit au début du texte promulgué ouvrait la voie aux accusateurs de procès capitaux. Il n'y a rien d'étonnant, ainsi, à ce que les cités aient mis très longtemps à honorer comme des bienfaiteurs leurs propres membres et non plus seulement les étrangers qui lui avaient rendu des services, sans, pourtant, avoir jamais eu l'obligation de le faire. L'exercice d'un mérite, fût-il éminent, au profit de la collectivité était de devoir étroit et l'on ne devait pas, pour l'avoir fait, être honoré 319 . En revanche, l'erreur ou l'échec était punissable. L'anonymat du citoyen pouvait passer, ainsi, en quelque sorte, pour la récompense de sa vertu 320 . La pratique épigraphique manifeste, de façon parfaitement claire qu'il n'y avait pas de grande distance du héros au criminel.

L'infamie par l'écriture 66

Hérodote voulait faire mémoire des belles actions accomplies et savait que les villes de son temps pouvaient elles-mêmes exalter le nom des héros qu'elles souhaitaient distinguer 321 . Il avait, aussi, pleinement conscience de ce qu'était l'éventuelle fonction dénonciatrice de l'écriture, il refusait d'en faire usage si bon lui semblait 322 mais, connaissant le nom du traître des Thermopyles, il fit en sorte que son texte fût une sorte de monument qui le flétrît en tant que responsable du désastre, ἐγὼ τοῦτον αἴτιον γράϕω 323 .

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À Athènes, le verbe qui signifiait que l’on érigeait une stèle, στηλίζειν, avait, sans qu'il fût besoin d'autre précision, le sens de "noter d’infamie", comme en témoigne la Souda. Soumis à la στηλίτευσις 324 , un condamné pouvait, tout à fait simplement et couramment, être appelé στηλίτης 325 . Polluϰ intègre ce mot, en effet, à la série des termes qui servaient à désigner les coupables de quelque faute grave 326 . Par ailleurs, la Souda, traitant du mot στήλη, définit le στηλευτιϰòς λόγος, en prenant soin de le distinguer de l'invective, ψόγος, construite sur le modèle rhétorique de l'éloge 327 . Ce type de discours est désigné par référence métaphorique à la stèle qui publie la méchanceté d'un criminel et il doit se contenter de décrire les fautes commises par celui qu'il dénonce et d'indiquer quelle sentence les a punies, ἐστὶν ὁ παρά τινι τῶν πεπλασμένων διὰ μόνων τῶν πράξεων, εἰ τύχοι δὲ ϰαὶ συγϰρίσεως στηλιτευτιϰòς ϰέϰληται ἐϰ μεταϕορᾶς τῆς στήλης ἐν ᾖ γέγραπται ἡ τοῦ στηλιτευομένου ὕϐρις 328 . Ce n'est qu'en appendice à cette remarque que le lexique signale que les stèles peuvent aussi, usage dont il admet qu'il est fréquent, servir à désigner des personnes pour ce qu'elles ont offerts de bienfaits, πολλάϰις δὲ ϰαὶ εὐεργετῶν εὐεργεσίαι ἀναγράϕονται. La capacité honorifique de la stèle semble

avoir été, dans cette tradition, considérée comme tout à fait secondaire par rapport à sa fonction stigmatisante. Les orateurs chrétiens, tels Grégoire de Naziance qui avait écrit deux discours connus l'un comme l'autre comme des ϰατά Ἰουλιανοῦ Βασιλέως Στηλιτευτιϰòι λόγοι 329 furent des spécialistes de ce genre littéraire. Il n'est pas impossible que ce soit d'eux que les lexicographes aient tiré leur façon d'expliquer les choses. On ne peut, néanmoins, penser que ce type d'emploi est spécifique de la patristique. Ainsi, la conclusion du second des discours de Grégoire est que la stèle qu’il venait d'ériger pour flétrir la mémoire de l'empereur impie serait plus célèbre que celles qu'avait élevées Héraclès lui-même aux confins du monde, son texte saurait rouler de place en place et trouver partout son public alors que les pierres fixées dans le sol en sont incapables puisqu'elles ne sont vues que de ceux qui se déplacent pour les lire, αἱ μὲν ἐϕ’ ἐνòς τόπου πεπήγασι ϰαί μόνοις εἰσὶ θεαταὶ τοῖς ἐϰεῖσε ἀϕιϰνουμένοις. τὴν δὲ οὐϰ ἔστι μὴ πανταχοῦ ϰαὶ πᾶσι γνωρίζεσθαι 330 . Cette métaphore du discours devenu stèle mobile se trouvait déjà dans un discours d’AElius Aristide 331 qui reprochait à Platon d'avoir érigé au détriment de Thémistocle et de Miltiade, ainsi que de ceux qu’il avait choisi de leur associer dans la honte, une stèle que ne voyaient pas seulement ses compatriotes et les voyageurs qui auraient cherché à la connaître, mais qui avait touché tous les hommes, partout sur terre et sur mer. Les modalités métaphoriques de la dénonciation, par l'effet de la diffusion rhétorique d'une stèle emblématique, avaient, ainsi, été évoquées bien avant que ne les pratiquent les pères de l’église dont la culture sur ce point n'était pas spécifique.

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Les Athéniens ont, semble-t-il, beaucoup utilisé le pouvoir dénonciateur de l'écriture publique. Ils avaient, ainsi, érigé sur l'Acropole pour stigmatiser les criminels, dont ils souhaitaient sans doute que la condamnation fût exemplaire, de nombreuses stèles. Cela peut expliquer que l'emploi du mot στηλίτης pour désigner un coupable ait été parfois considéré comme spécifique de l'usage attique, le lexicographe Hésychius ayant jugé bon de préciser que c'était le mot que les Athéniens, ’Aττιϰοί, en leur langage, employaient ordinairement pour désigner ceux qui avaient été condamnés dans un procès, ἐπ’αἰτίᾳ τινὶ ἐστηλογράϕησαν 332 . Le nom des traîtres qui avaient accompagné Cléomène de Sparte en 508 avaient été inscrits sur une stèle de bronze exposée près de l'ancien temple 333 . Une stèle dénonçant les fautes des tyrans, ἡ στήλη ἡ περὶ τῆς τῶν τυράννων ἀδιϰίας 334 portait inscrits les noms de tous les descendants d'Hippias, celui-ci étant mentionné tout de suite après son père, Thucydide la lut pour opposer les renseignements qu'elle fournissait à ceux de la tradition orale, ἀϰοή 335 . Une autre, de même fonction, avait été érigée à la suite de la condamnation pour trahison d'Hipparque fils de Charmos qui était, lui-même, un parent des Pisistratides 336 . Elle était faite du bronze obtenu par la fonte de la statue qui aurait été érigée préalablement à son effigie. Elle dénonçait, en même temps, des malfaisants, ἀλιτηρίους, et des traîtres, προδότας. Arthmios de Zéleia fut condamné avec sa descendance pour avoir pactisé avec les Mèdes et fut, lui aussi, désigné comme στηλίτης. On crut bon, dans son cas, cela paraissant tout à fait singulier à Démosthène qui traite en détail de l'affaire, d'inscrire quelles raisons l'avaient fait condamner à l'exil, μόνῳ

τούτῳ προσέγραψαν τὴν αἰτίαν δι’ ἣν ὁ δῆμος ἐξέϐαλεν αὐτòν ἐϰ τῆς πόλεως, alors que la seule mention de son nom aurait suffi à signifier sa honte. La stèle était elle-aussi faite du bronze d'une statue refondue 337 . On peut, comme Ch. Habicht 338 , prétendre que le décret concernant ce personnage est inauthentique, mais, cela interdirait de comprendre pourquoi l'orateur attache autant d'importance aux modalités de sa publication. Il tient, en effet, à expliquer par le menu à ses auditeurs qu'ils ne doivent pas trouver étonnant que l'on ait voulu dénoncer le coupable d'une faute inexpiable en plaçant la stèle qui attestait de sa condamnation, non pas n'importe où, mais dans le lieu le plus sacré de la ville, auprès de la statue de la déesse érigée comme un trophée de la guerre livrée aux barbares. Le discours, quelle que soit l'idée que l'on puisse se faire de l'historicité de l'évènement auquel le nom d'Arthmios est associé, est un témoignage précieux de l'importance idéologique et du caractère spécifique de l'épigraphie dénonciatrice. Sans laisser entendre que quiconque pourrait songer à contester son analyse, l'orateur affirme que dans le temps de la grandeur d'Athènes, on avait un tel respect pour la justice et l'on attribuait tant de prixà punir ceux qui se soulevaient contre le peuple que l'on accordait le même emplacement au trophée de la déesse et aux châtiments infligés aux criminels de leur espèce, τῆς αὐτῆς ἠξιοῦτο στάσεως τό τ’ ἀριστεῖον τῆς θεοῦ ϰαὶ αἱ ϰατὰ τῶν τὰ τοιαῦτα ἀδιϰοῦντων τιμωρίαι 339 . Thrasybule de Collytos était devenu lui aussi objet de gravure, στηλίτης. L'inscription de son nom suffisant à attester de sa haine pour la démocratie, il se défendit d'avoir voulu le faire effacer sous les Trente au prétexte que c'eût été à l'époque avantageux que de passer pour appartenant à ce type de parti, ϰατηγορήσαντος Θρασυβούλου ὅτι ἦν στηλίτης γεγονώς ἐν τῇ ἀϰροπόλει, ἀλλ’ ἐϰϰόψαι ἐπὶ τῶν τριάϰοντα οὐϰ ἐνδέχεσθαι ἔϕη. μᾶλλον γὰρ ἂν

πιστεύειν αὑτῷ τοῦς τριάϰοντα ἐγγεγραμμένης τῆς ἔχθρας πρòς τòν δῆμον 340 . Étaient publiés bien d'autres textes de ce type, l'un témoignait de l'exil de Diagoras dont un Atthidographe semble avoir été parfaitement informé par la pierre qu'il avait lue et citée mot pour mot 341 , un autre désignant Antiphon 342 avait été placé auprès d’une inscription concernant Phrynichos, ᾗπερ ἀνάϰειται τὰ ψηϕίσματα τὰ περὶ Φρυνίχου 343 . 69

Une amnistie pouvait conduire à détruire les stèles infamantes existant dans la cité 344 . Cela pouvait être l'effet d'une mesure individuelle, ainsi Timanthès connu pour être un des Hermocopides et dont le nom avait été compris dans une liste des coupables 345 bénéficia entre 411 et 408 d'une mesure de grâce, un décret ordonnant aux trésoriers de la déesse de faire en sorte que son nom fût effacé de la stèle placée sur l'Acropole, τὰ δὲ περὶ Τιμάνθος γεγραμμένα ἐν πόλει ἐϰϰολαϕσάντων οἱ ταμίαι τῆς θεοῦ ἐϰ τῆς στήλης 346 . Le décret de Patrocleidès fut, pour sa part, une mesure d’ordre général qui visait à effacer dans tous les registres publics le nom des coupables de certaines fautes s’ils étaient rentrés en ville, seul resterait mentionné le nom de ceux qui ne se seraient pas fait reconnaître comme désormais présents, ἐν στήλαις γέγραπται τῶν μὴ ἐνθάδε μεινάντων et un certain nombre d'autres personnages pour des raisons non précisées. Nul n'avait, désormais, le droit de détenir des copies des documents supprimé que ce fût ou non pour son usage personnel, μὴ ϰεϰτῆσθαι ἰδιᾷ μηδενὶ ἐξεῖναι 347 . Quant à la stèle qui témoignait des crimes d’Alcibiade et de ses complices, dont parlent Isocrate 348 et Philocore 349 , elle fut l'objet d'un traitement spectaculaire puisqu'elle fut solennellement jetée à la mer lors du retour du coupable qui était redevenu un héros indispensable, τὰς στήλας ϰατεπόντισαν ἐν αἶς ἦν ἡ ϰαταδίϰη ϰaὶ τἆλλα τὰ ϰaτ’ἐϰείνου ϰυρωθέντα 350 .

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Il est bien évident que ce type de documents pouvait avoir une réelle valeur informative. Ainsi, quand on publiait à Délos, le nom de condamnés à un exil éternel pour cause d'impiété, ἀειϕυγία δι’ ἀσέϐειας 351 , c'est qu'il ne fallait pas qu'ils pussent rentrer dans l'île et que, s'ils revenaient, chacun dût leur courir sus. La loi de Milet qui désignait comme coupables de songer à exercer la tyrannie les fils de Nympharètos, Alkimos et Cresphontès 352 avait une double fonction, publier leur condamnation et proposer une récompense à qui tuerait le criminel en fuite, οἵτινες ἐπὶ Χαϐρίου θάνατόν τε ϰατεγνώσθησαν ϰαὶ τὰ ὀνόματα αὐτῶν εστηλιτευθη ϰαὶ ἐδημεύθη ϰαὶ τῷ ϰτείναντι ϰατ’ ἄνδρα ἐϰηρύχθη τάλαντον 353 . À Dymè, en revanche, pour avoir fait circuler des monnaies fourrées des faux-monnayeurs avaient été condamnés à mort et à la publication de leur nom, τούςδε ἁ πόλις ϰατέϰρινε θανάτου 354 , cette diffusion avait valeur d'exemplarité. Il était des raisons moins graves que le crime d'État pour stigmatiser par la publicité donné à son nom tel ou tel citoyen. Ainsi, les auteurs de promesses inconsidérées faites au peuple étaient inscrits sur un tableau de la très grande honte installé devant le monument aux éponymes, ἐπ’ αἰγίστῳ ἐπιγράμματι ἔμπροσθεν τῶν ἐπωνυμών, pour que fussent dénoncés ceux qui avaient promis de fournir volontairement des fonds au peuple et ne les avaient pas fournis 355 . Cet affichage se faisait sur tableau mobile, σάνις, semblable à celui sur lequel on indiquait du temps de l'empire athénien quelles étaient les cités sujettes qui n'avaient pas payé le tribut et restaient devoir l'argent de leurs contributions 356 . On inscrivait le nom des débiteurs publics sur l'Acropole sur une stèle que venaient lire et transcrire ceux qui voulaient, durant un procès, déconsidérer leur adversaire en signalant qu'ils s'y trouvaient mentionnés 357 . Cette stèle donnait le nom des créanciers dont on n'espérait plus qu'ils pussent

rembourser leurs dettes. Ordinairement, les polètes établissaient et conservaient des tablettes établies au nom de chaque débiteur, mentionnant le montant de leur dette et celui des remboursements périodiques, ils les effaçaient, ἀπαλείφουσι, quand tous les versements prévus étaient effectués, ils devaient signaler par écrit le nom des défaillants, ἐνταῦθ’ ἐγγέγραπται 358 . Les dettes des organismes publics étaient soumise à la même règle, comme l'a montré la découverte des tablettes de Locres, qui nous sont parvenues parce que le sanctuaire n'avait pas été remboursé par la cité 359 . Ce n'est, en tout cas, que lorsque tout espoir de recouvrer la créance était éteint que la pierre prenait le relais des archives du trésor conservées dans le coffre des comptables et que la honte du mauvais payeur devenait publique. Ce n'est pas, ainsi, par exemple, dans les premiers moment de sa dette qu'à Delphes, Diopeithès d'Athènes vit son nom gravé pour devoir huit talents au dieu, ὀϕείλων τῶι θεῶι τάλαντα ὀϰτῶ 360 , son identité et le montant de sa dette, sous la forme reprise ensuite par l'inscription, étaient longtemps restés confidentiels et mentionnés seulement par les documents conservés dans un coffre du trésor sacré 361 . D'autre part, les polètes avaient pour charge de procéder aux confiscations et ventes des biens saisis par l'État. Ils en publiaient la liste ainsi que le nom de ceux dont les biens étaient soumis à cette procédure vexatoire. Dans le cas d'Alcibiade et des condamnés de l'affaire des mystères, outre la stèle évoquant leur condamnation qui finit par être jetée à la mer 362 , il existait, ainsi, une liste de leurs biens que les magistrats financiers avaient fait publier et que l'on a retrouvée sous forme de fragments 363 . En l'occurrence, d'ailleurs, les magistrats ne se contentèrent pas de faire la liste des biens à confisquer puis à vendre mais indiquèrent en outre quelle était la cause de la confiscation c’est-à-dire l'impiété, τῆι ἀσεβεία [περὶ τὰ

μυστ]έρια 364 , πρòς δὲ τούτοις ἀναγραϕέντας ἐν στήλαις ὡς ὄντας ἀλιτηρίους τῶν θεῶν 365 . Les maisons, confisquées à ceux que l'on qualifiait de traîtres, furent détruites. Sur le terrain ainsi dégagé, furent érigées des bornes portant le nom des propriétaires déchus et le motif de leur condamnation, τὼ οἰϰία ϰατασϰάψαι αὐτῶν ϰαὶ ὅρους θεῖναι ἐπὶ τοῖν οἰϰοπέδοιν ἐπιγράψαντας ’Aρχεττολέμου ϰαὶ ’Aντιϕῶνος τοῖν προδόταιν 366 . Toutes ces publications valaient, bien évidemment, pour leur capacité à produire de la honte.

L'écriture substitut de soi 71

Sans qu'elle fût, ainsi, la marque d'une condamnation effective, une simple borne inscrite et érigée sur une terre pouvait avoir possédé une fonction traumatisante quand elle était le signe que son propriétaire avait mis en gage sa propriété. Elle passait pour un stigmate dans la terre qu'elle marquait, sans qu'il fût besoin qu'il fût démontré qu'il s'était conclu quoi que ce fût d'illégal, sans d'ailleurs que le texte qui y était gravé fût fixé en un formulaire rigoureux. Le signe était devenu l'essentiel du sens 367 . À l'époque archaïque où le scandale de l'aliénation d’une terre était, peut-être, plus grand qu’il ne le devint à l'époque classique, où l'emprunt put passer pour un mode normal de gestion des fortunes 368 , seul un terrain libre de toute hypothèque pouvait être considéré comme exempt de tout signe d'indignité, comme un ἄστιϰτον χωρίον 369 . Particulièrement significatif du sens qu'il faut attacher à cette pratique est le fait que, par une métonymie immédiate, l'homme dont la terre était ainsi marquée pouvait être désigné lui-même, comme un στιγματίας 370 , comme si la pierre était directement plantée dans sa propre chair. La stèle était, en effet, dans tous les cas, liée de façon très intime à celui qu'elle évoquait.

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L'écriture infamante pouvait apparaître comme le substitut à l’exposition personnelle d'un coupable. Le pilori auquel étaient enchaînés dans le monde des cités historiques les coupables d'un crime odieux pouvait porter le nom de σάνις 371 , mais on inscrivait, aussi, le nom de condamnés, ἐν ταῖς σανίσιν 372 . Le corps du supplicié était l'écriture de sa propre déchéance, les lettres de son nom peintes ou gravées sur un tableau ou sur une stèle la signifiaient de façon tout aussi évidente. Une statue pouvait jouer le même rôle. Ainsi les archontes d'Athènes déclaraient à leur entrée en charge qu'ils offriraient à la déesse une statue d'or s’ils venaient à transgresser l'une des lois de Solon, cette statue devant être faite à leur ressemblance 373 . Le fait de devoir s'exposer ainsi était se reconnaître coupable d’une faute inexpiable autrement que par l’exposition permanente de sa personne aux yeux des dieux et des hommes 374 . C'est pour rendre compte de ce genre de pratique que l'on avait pu imaginer que la stèle dénonçant Hipparque et les traîtres était faite d'une statue refondue, τὴν εἴϰονα αὐτοῦ ἐξ’ ’Aϰροπόλεως ϰαθέλοντες ϰαὶ συγχωνεύσαντες ϰαὶ ποιησάντες στήλην 375 , de même que la stèle d'Arthmios de Zéleia 376 . Il est, évidemment, très peu vraisemblable que des statues d'Hipparque ou d'Arthmios aient jamais pu avoir été érigées sur l'Acropole, ce que l'on disait de la façon dont on avait fabriqué la stèle les concernant était une invention servant à rendre compte de l'idée que l'on se faisait de la fonction de la gravure. Elle était le substitut d'une image qui, elle-même, se substituait à l'évidence de leur corps. G. Piccaluga pensait qu'entrer dans l'écriture avait servi à ouvrir le livre des morts 377 , et l'on a pu imaginer, sans doute à tort, que l'écriture alphabétique avait eu pour fonction première d’être d’abord épitaphe. Le cheminement métaphorique pouvait, néanmoins, faire

comprendre qu'exposer le nom d'un homme sur la place publique était le mettre symboliquement à mort. 73

On pouvait jouer d'une autre façon du rapport de la chair à l'écriture et obtenir un résultat similaire, la personne se dissolvant dans la lettre qui lui était attachée. Le visage des esclaves qui avait fui leur maître était marqué au fer d'un texte, ϰατέχέ με, ϕεύγω, qui invitait toute personne le rencontrant à l'attraper, car sa présence hors de la demeure de son maître, témoignait de ce qu’il avait récidivé. Il faisait de l'homme un objet parlant dont l'unique parole, je suis en fuite, inscrite de façon définitive déniait toute autre expression possible 378 . Plus généralement, il suffisait que le corps d'un homme fût marqué pour que sa déchéance fût patente, de même, la terre marquée d'une borne pouvait passer pour souillée378. L'inscription du sceau d'Athènes sur le visage d'un prisonnier Samien, devenant esclave, en faisait, selon un mot féroce d'Aristophane, un homme de lettres, πολυγράμματος 379 . Celui-ci savait signifier par là quelle était la capacité mortifère de l'expression écrite.

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Platon connaissait les vertus de ce type de lecture des corps pour la cité des Magnètes. Il propose d'exposer certains criminels sur les frontières du territoire en des postures spectaculaires destinées à rendre manifeste leur mort politique 380 . Plus significatif est que l’un des trois lieux de détention prévu dans la cité doit placer les condamnés que l'on considère comme récupérables par la communauté, en fait la plupart d'entre eux, oἱ πλείστοι, sous le regard de tous, tout près de l'agora, περὶ ἀγοράν 381 . Les esclaves fugitifs, l'esclave ou l'étranger voleur voient, quant à eux, inscrire leurs fautes sur leur visage et leurs mains, τὴν συμϕορὰν ἐν τῷ προσώπῳ ϰαὶ ταῖς χερσί 382 . Néanmoins l'essentiel est pour lui que l'écriture pouvait suffire à stigmatiser un coupable, qu'il soit

individu ou qu'il s'agisse de toute une classe fonctionnelle, en exposant son nom ou les dangers de l'activité dans laquelle on la cantonne. Dans les cités historiques, la capacité dénonciatrice de l'écrit publié pouvait avoir été importante, mais il y avait été donné à la gravure des lettres bien d’autres rôles. L'utopie platonicienne, semblant avoir systématisé certains des aspects les plus archaïques de la pratique sociale et en être resté à cet usage, ne la publie que pour ses capacités infamantes et mortifères.

NOTES 1. Voir M. Detienne, "L'espace de la publicité ; les opérateurs intellectuels dans la cité", Les savoirs de l'écriture en Grèce ancienne, Lille, 1988, p. 29-81. 2. Sur le fait que les temples sont le lieu privilégié de la publication des textes archaïques, voir dans Rechtskodifizierung und soziale Norme imm interkulturellen Vergleich, éd. H. J. Gehrke, Tübingen, 1994. La contribution de H. Van Effenterre, "Écrire sur les murs", p. 87-96, insiste sur le fait que les textes archaïques sont souvent inscrits sur les parois intérieures des temples ou sur des pierres de forme spécifique, les kyrbeis, qui sont des sortes de bétyles, parce que la loi serait encore considérée comme une parole divine. K. J. Hölkeskamp, "Tempel, Agora und Alphabet. Enstehungsbedingungen von Gesetsgebung in der archaischen Polis", p.  135-164, constate, lui-aussi que cette façon de situer les textes dans l'espace religieux est fréquente. 3. Démosthène, Contre Néère, 76. 4. Sur ce genre de problème, voir notamment M. Corbier, "L'écriture dans l’espace public romain", L'Urbs, espace urbain et histoire, Colloque international de Rome 1985, Rome, 1987, p. 27-60. 5. Hérodote, Histoires, III, 142-143. Voir, sur cet épisode, D. T. Steiner, The tyrant's writ. Myths and images of writing in ancient Greece. Princeton 1994 p. 173-174. 6. IG II2 487. 7. J.-M. Bertrand, "De l'usage de l'épigraphie dans la cité des Magnètes platoniciens", Communication au Xème Symposion de Droit Grec et Hellénistique, Corfou, 1-5 septembre 1995, Symposion 1995, Vienne, 1997, p. 27-47. 8. Aristote, Constitution des Athéniens, 54, 3. 9. Sterling Dow, "New kind of evidence for dating Polyeuktos", American Journal of Archeology, 40, 1936, p.  62-65, la thématique a été reprise par J. Bingen, "Préambule et promoteur", Hommage à C. Préaux, Paris, 1975, p.  470-479. Voir J.-M. Bertrand, "Formes de discours politiques  : décrets des cités grecques et correspondance des rois hellénistiques", dans Cl. Nicolet éd. Du pouvoir dans l'Antiquité : Mots et réalités, Cahiers du Centre G. Glotz, I, 1990, p. 101116, p. 104, note 21. 10. O. Longo, Techniche della Communicazione nella Grecia antica, Naples, 1981, a tort, sans doute, de ne voir les choses que sous un aspect qu'il prétend technique. On ne peut jamais imaginer que telle forme de communication peut en valoir une autre. L’idée d'un taux brut de valeur informative indépendant du support n'a pas de pertinence, ne serait-ce que parce l'on s'adresse, selon chaque support de publication choisi, à un destinataire spécifique. 11. Naguère dans la France royale la proclamation sur les places et les carrefours, en chaire aussi, passait pour nécessaire et cela n'empêchait pas le pouvoir d'écrire et de publier beaucoup, M. Fogel, Les cérémonies de l'Information dans la France du XVIème au XVIIIème siècle,

Paris, 1989, a montré de quelle façon la proclamation devait se faire et comment elle était mise en scène du pouvoir, quels pouvaient être les rapports de la proclamation réglée par rapport à l'écrit. Elle porte une attention particulière à la façon dont est postulé le destinataire. Le lecteur est, à cette époque, considéré comme plus libre qu'un auditeur qui ne peut échapper à la diffusion qu’on lui impose, l'autorité sait jouer des contraintes imposées par l'un ou l’autre des modalités du discours royal. Dans la France du XIXème siècle une loi de  1834 réglementait la profession de crieur tant était grande l’influence que son activité pouvait exercer sut ; l'opinion publique et la paix civile, on trouvera dans le Larousse Universel du XIXeme siècle (tome V, s.v.) toutes les références nécessaires pour comprendre ce qu'était son travail et le caractère de sa fonction. Avec le développement nouveau des techniques de communication le monde contemporain fait grand usage des formes orales de la diffusion des messages politiques sans que cela diminue le rôle de l'écriture officielle. 12. Nous ne traiterons pas ici le problème de la sanction des actes entre personnes privées. Même s'ils sont des textes écrits, ils doivent être passés devant des témoins pour être valides. Cela ne devrait guère surprendre les Français contemporains habitués à la façon dont sont effectués les mariages : ce sont des actes passés devant un représentant de l'État, ils donnent lieu à l'établissement de divers documents écrits dits d'Etat-civil et nécessitent la présence comme la participation effective de témoins à la réalisation de l'accord et au processus d'écriture qui le sanctionne. Pour ce qu'il en est du problème spécifique que nous avons envisagé, voir F. Pringsheim, The greek law of sale, Weimar, 1950, p. 25. 13. Sur ces pratiques, voir P. Briant, Histoire de l'empire perse de Cyrus à Alexandre, Paris, 1996, ainsi que M. Dandamaiev et V. G. Lukonin, The culture and social institution of ancient Iran, Cambrige, 1989, p. 96 et suivantes. D. T. Steiner, The tyrant's writ. Myths and images of writing in ancient Greece, Princeton, 1994, p. 151-152. 14. Xénophon, Helléniques, V, 1, 30. 15. Hérodote, Histoires, III, 128. 16. EJ. Bickerman, "The edict of Cyrus in Ezra I", Studies in Jewish and Christian History, Leyde, 1976, p. 72-101. 17. Les rois par ailleurs publiaient de leur côté des inscriptions témoignant de leur puissance dans divers lieux symboliques, discours idéologique qui n'a pas grand chose à voir avec la pratique quotidienne de l'administration et de la construction du droit dont nous occupons ici. 18. H. Metzger, E. Laroche, A. Dupont-Sommer, Fouilles de Xanthos. VI, La stèle trilingue de Xanthos, Paris, 1981. La transposition en langue grecque de ce que l'administration satrapique considérait comme un ordre et exprimait sous cette forme rigoureusement impérative dans la langue ordinaire de son pouvoir ainsi qu'en Lycien, devait, pour être lue par des Hellènes tenir compte de ce qu'une cité ne pouvait pas faire autrement pour exister que se prétendre autonome et être reconnue pour telle. Pour garantir donc la manifestation de cette liberté d'initiative, le texte ne parlait plus d'ordre mais indiquait que le résultat souhaité par le

pouvoir avait été atteint par la collaboration spontanée des différentes sources d'expression de la volonté publique. 19. M. Dandameiev et V. Lukonin, The culture and social institutions of ancient Iran, Cambridge, 1989, p. 114-115. 20. P. Briant, "Pouvoir central et polycentrisme culturel dans l'empire achéménide", Achoemenid history, I, 1987, p. 1-33. 21. [Aristote], Problèmes, 919b-920a. 22. Strabon, Géographie, 12, 2, 9. 23. Athénée, Deipnosophistes, XIV, 619b. 24. L. Piccirilli "Nomoi cantati e nomoi scritti", Civilta classica e Cristiana, 2, 1981, p.  7-14, a parfaitement raison d’indiquer que le texte ne peut pas être corrigé et qu'il faut bien y lire ’Aθήνῃσι, en revanche, il ne convint pas quand il évoque les rapports objectifs entre les lois de Solon et celles de Charondas. Il ne suffit pas, en effet, de logique pour construire un discours idéologique et il ne semble pas que Charondas fut un des hommes que la cité athénienne, malgré ou à cause de son prestige, ait pu souhaiter mythifier. 25. P. Schmitt-Pantel, La cité au banquet, Rome, 1992, montre ce qu'il en est p. 32 et suivantes. En suivant pour l'essentiel les analyses de J. Svenbrö, elle a bien raison d'écrire que "l'auditoire qui s'imprègne de la parole poétique au banquet est le même que celui qui participe aux débats de l'agora et de l'assemblée. Mais, le même n'est pas l'identique, la situation d’énonciation est différente, cela signifie bien que le groupe ne peut y dire ou y entendre la même chose. Charondas n'a rien à voir avec le discours constitutif des lois d'Athènes, même si le banquet est bien une activité publique, on n'y vote pas des lois, il peut être une école de la vie civique, il n'est pas le lieu d'exercice institutionnel de la citoyenneté. 26. Clément d'Alexandrie, Stromates I, 16, 78, 5, 1. 27. Souda, Sv. Διϰαίαρχος, 1062, οὖτος ἔγραψε τὴν πολιτείαν Σπαρτιατῶν ϰαὶ νόμος ἐτέθη ἐν Λαϰεδαίμονι ϰαθ’ἕϰαστον ἔτος ἀναγιγνώσϰεσθαι τòν λόγον εἰς τò τῶν ἐϕόρων ἀρχεῖον, τοὺς δὲ τὴν ἡϐητιϰὴν ἔχοντας ἡλιϰίαν ἀϰροᾶσθαι ϰαὶ τοῦτο ἐϰράτει μέχρι πολλοῦ. 28. Dans son commentaire au Livre IX, p. 71, note 12, "il est possible que le mot ἄδειν qui chez Platon n'apparaît que dans cet emploi soit une allusion au caractère primitif de la loi. En 870e, ὑμνεῖν est peut-être rappel de ce qu'est le chant des Erinyes qui pourchassent le coupable. 29. Lois 722d-e. Comparer à 700b. 30. Nous connaissons le "caduceo" d'un ϰῆρυξ δαμόσιος d'une petite ville arcadienne, nombre d'entre ces sceptres ont été déposés dans des sanctuaires. notamment en Italie et en Sicile, M.Guarducci, Epigrafia greca, II, 1969, p.  230-232. Le héraut qui diffuse un texte est responsable de ce qu'il annonce et peut être condamné en cas de proclamation illégale, Eschine, Contre Ctésiphon 44. Cela participe du même principe qui veut que l'on puisse attaquer en justice l'auteur d'une proposition illégale, même si celle-ci a été votée par l'assemblée. 31. Démosthène, Sur la couronne, 170. 32. Aristote, Politique, 1376a.

33. Sur le problème général de la pratique de l'oralité dans le cadre politique, voir désormais R. Thomas, Oral tradition and written record in classical Athens, Cambridge, 1989, ainsi que le précis qu’elle a fait paraître sous le titre, Literacy and orality in Ancient Greece, Cambridge, 1992. Elle a relu l’essentiel des textes et de la bibliographie, on regrettera qu'une certaine volonté de systématiser ait fini par faire fi de certaines nuances nécessaires comme cela semble être le cas dans une note récente, "Literacy and the city State in archaïc and classical Greece", Literacy and power in the ancient world, éd. K. Bowman et O. Wolf, Cambridge, 1994, p. 33-50. Voir, pour une critique bien venue des positions de R. Thomas sur certains points où elle manque par trop de précision, L. Boffo, "Acora una volta sugli «  archivi  » nel mondo greco : conservazione e « pubblicazione » epigrafica", Athenaeum, 83, 1995, p. 91-130. 34. Aristote, Constitution des Athéniens, 56, 2, les titulaires de la charge viagère de héraut étaient recrutés dans une même famille, voir le commentaire de Rhodes. 35. Plutarque, Vie de Solon, 24, 1-2. 36. Plutarque, Vie de Cléomène, 9, 3. 37. Plutarque, Vie de Lycurgue 28, 7, ϰαταγγγέλειν πόλεμον J.-M. Bertrand, Cités et royaumes du monde grec, espace et politique, Paris, 1992, p. 65-69. 38. Lois 953e. 39. Plutarque, Apophtegmes laconiens, 233A. 40. FGH III, fg. 134. 41. Voir O. Longo, Tecniche della communicazione nella Grecia antica, Naples, 1981, p.  115 et suivantes notamment. 42. Nomima I, 105. 43. Cela témoigne du fait que dans les cités le µνάµων n’avait pas à devenir personnellement archives et se trouvait être tout simplement celui qui devait écrire et lire ou faire lire les textes ἐπί μνήμηι. C'était sans doute la fonction de Spensithios quand il fut recruté par les Dataleis, M. Bile, Le dialecte crétois ancien, Études crétoises, 27, 1988, p. 350 pense que le terme µναµóνευ εν signifie tout simplement "enregistrer". D. Viviers, "La cité de Dattalla et l’expansion territoriale de Lyktos en Crète centrale", Bulletin de Correspondance Hellénique, 118, 1994, p. 229-259 reprend l'idée d'un µνάµων, mémoire vivante, pour finir par conclure que le "mnamôn était une sorte de greffier, chargé d'enregister les actes d'administration et de juridiction de la cité". Il faut penser que la fonction est déjà relativement banale. 44. IC III, 4. 45. Nomima I, 104, 1. 30. 46. Platon, Lois 871c-e avec le commentaire de Gernet dans l’édition de la CUF p. CXCVII. À Athènes c'est le roi qui prononce l’interdiction, Aristote, Athenaiôn Politeia, 57, 2, voir M. Piérart, Platon et la cité grecque, Bruxelles, 1974, p. 430-433. 47. F. Letoublon, "Le serment fondateur", Métis, 4, 1989, p. 101-115. 48. J.-M. Bertrand, "Formes du discours politique  : décrets des cités grecques et correspondance des rois hellénistiques", Revue d'Histoire du Droit, 63, 1985, p.  469-482, Du

Pouvoir dans l'Antiquité, Cahiers du Centre G. Glotz, I, éd. Cl. Nicolet, Genève, 1990, notamment p. 107-108. Il peut être précisé que, pour être valides, ϰύριαι, les serments soient transcrits sur un stèle de marbre, comme nous l'apprend, par exemple, le traité entre Athènes et Ioulis, Tod, GHI 142, 1. 19. 49. Lois 958a. On peut imaginer qu’il se tenait une sorte de session particulière en fin d'année judiciaire consacrée à l'exécution des jugements rendus. Les magistrats reçoivent le bien contesté bien à transférer et le transmettent ai vainqueur du procès. Au cas où le perdant d'un procès ne se soumettrait pas à cette procédure, son attitude serait assimilée à une rébellion, 958c. 50. Sur la couronne, 120. 51. Contre Ctésiphon, 246. La loi est instrument d'éducation, cette idée est de celles que les considérants de décrets honorifiques gravent sur les stèles. On ne peut donc écrire n'importe quoi, Démosthène souligna de quelle impertinence aurait été une stèle érigée en l'honneur d'Harmodios et d'Aristogiton si elle avait publié un décret autorisant leurs descendants à "faire du tort à qui leur semblait bon", Démosthène, Contre Midias, 170. Par ailleurs, la formule courante pour introduire le texte des décisions prises, "afin que tous sachent que la cité sait honorer...", signifie que tout décret honorifique glorifie la cité qui le proclame parce qu'elle peut servir d'exemple à toutes. 52. Contre Ctésiphon, 34. 53. Il n'y avait guère qu’aux Lénéennes qu'ils ne venaient guère. Aristophane, Acharniens, 504, mais cela ne modifie en rien la nature de l'assistance réunie au théâtre. 54. Contre Ctésiphon, 41. 55. Contre Cté siphon, 45. Les couronnes étrangères décernées à un Athénien doivent être dédiées à Athéna, de telle sorte que l'or reçu ne pouvait être une source d'enrichissement pour le bénéficiaire. En revanche, les détenteurs de couronnes civiques doivent les garder chez eux pour que leurs enfants, les contemplant, apprennent à ne jamais rien faire contre les intérêts du peuple, ἔχοντες ἐν τῇ οἰϰίᾳ τò ὑπόμνημα μηδέποτε ϰαϰοὶ τὴν ψυχὴν εἰς τòν δῆμον γίγνωνται. Il s'agit d'une des intrusions dans l'espace privé que se permet là la cité athénienne. 56. L. D. M. Lewis et R. S. Stroud, "Athens honors King Evagoras", Hesperia, 48, 1979, p. 187193. 57. Ph. Gauthier, Les cités grecques et leurs bienfaiteurs, Athènes, 1985, Bulletin de Correspondance Hellénique, Supp. XII, p.  12 a souligné que le vocabulaire et l'idéologie de l'évergétisme étant "calquée sur celle des concours". 58. Lois 950c-951a, 953c-e. 59. Les grandes amphores panathénaïques, τῶν ’Aθένεθεν ἄθλον, sont un discours destiné à l’extérieur. 60. Cest le sens des propos de Démosthène dans le Sur la couronne, 120.

61. N. Loraux, L'invention de la démocratie, 2éd, Paris, 1993, p. 41 et 359 souligne que les alliés sont libres d'assister ou non aux funérailles publiques alors qu'ils sont tenus de participer aux Panathénées. 62. Démosthène, Sur la couronne, 120. 63. J.-M. Bertrand, "Formes du discours politique", Du Pouvoir dans l'Antiquité, Cahiers du Centre G. Glotz, I éd. Cl. Nicolet, Genève, 1990, p. 101-115. 64. Diogène Laerce, Vie des Philosophes, IV, 52. 65. Nomima, I, 103, avec le commentaire qui montre comment la confusion dans le texte de Nicolas de Damas implique une mauvaise interprétation du mot ἐπιµηνίoς lu sur la pierre. 66. Ainsi dans le décret sur l'usage exclusif de la monnaie attique dans les cités de l'empire, Inscriptions historiques grecques 31 (M&L 45). 67. Les orateurs savent, comme les autres Athéniens, quels sont les textes inscrits sur les stèles érigées aux portes du Conseil ou de l'Aréopage. Le plus ancien document qui semble interdire que l'on se retranche devant le fait que l'on ignore un texte officiel est le règlement de l'Acropole. La conclusion à laquelle parviennent H van Effenterre et F. Ruzé, Nomima. Recueil d'inscriptions politiques et juridiques de l'archaïsme grec, Paris, 1994,1, 96, pour traduire εἰδῶς est que les magistrats coupables d'une infraction à une loi publiée sont nécessairement coupables de négligence puisqu'ils sont informés par la publication, ils n’ont pas droit à l'ignorance". 68. Une incription de Thasos semble interdire de prêter serment d’ignorance, Nomima II, 96, νηιδίης οὐϰ ἔστιν ὅρϰος, mais cette analyse fut contestée, D. Gofas, "L'ὅρϰος νηιδίης à Thasos", Bulletin de Correspondance Hellénique, 95, 1971, p. 245-257 (repris dans Études d'histoire du droit grec des affaires, Athènes, 1993). 69. Voir J Goody et I. Watt, "The conséquences of literacy", Comparative studies in Society and history, 5, 1962-63, p. 305-345 : "the literate culture is much more easily avoided than the oral one", p. 337. 70. La réflexion s'est beaucoup enrichie depuis l’article fondateur de B. Knox, "Silent reading in Antiquity", Greek Roman and Byzantine Studies, 9. 1968, p.  421-435. L'essentiel des nouveautés a été apporté par J. Svenbrô, dans Phrasileia. Anthropologie de la lecture en Grèce antique, Paris, 1988, p.  207-238, où fut développée l'idée d'un paradigme pédérastique de l’écriture au prétexte qu'elle s'imposerait à qui la déchiffre au point de s'introduire en lui, l'idée étant reprise dans Histoire de la lecture dans le monde occidental, éd. G. Cavallo et R. Chartier, Paris, 1997, p.  57-58. Les textes qui fondent l'essentiel du raisonnement appartiennent à un registre tout à fait particulier : il s agit d'insultes adressées à un amant ou un rival dont on est jaloux, le scripteur prétendant sodomiser le lecteur, ὁ δὲ γράψας τòν ἀννέμοντα πυγίξει. Ils ressemblent à un classique de l'épigraphie enfantine contemporaine du type "M... à celui qui lira". Il s'agit d'établir un horizon d’attente puis d'y envelopper brutalement le lecteur, celui-ci se croit hors de cause, témoin d'un procès dont il lui reste à connaître le protagoniste alors qu'il se révèle qu'il est, lui-même, le héros caché dans le texte.

Ce n'est pas l'écriture qui est en cause mais son premier dévoilement, ce que Svenbrö a bien compris tout en se dévoyant, car il donne une expllication globale de ce qui n'est qu'un usage anecdotique. L'écriture ne s'impose qu'une fois, son seul avantage sur la parole est une rémanence qui lui permet de surprendre de nombreux lecteurs successifs. Une fois pris, chacun est parfaitement libre de rester à l'écart du texte qui, s'il n'a plus de lecteur meurt d'inexistence. Insulter par le graffito, même quand on prétend signer son texte, est refuser un contact qui seul pourrait donner un véritable sens aux propos que l'on écrit pour ne pas avoir à en répondre sur le champ. 71. J.-M. Bertrand, "Formes du discours politique", Du Pouvoir dans l'Antiquité, Cahiers du Centre G. Glotz, I éd. Cl. Nicolet, Genève, 1990, p. 101-115. 72. Démosthène, Contre Leptine, 36. 73. Voir les discussions qu'a suscité la présence de πρóξενoι dans le traité entre Sybaris et les Serdaoi, Nomima I, 42 avec la bibliographie (notamment Ph Gauthier, Symbola, 1973, p. 33 et suivantes). Le serment est la façon normale de faire des dieux les garants des traités. 74. Ainsi la stèle de Chalcis, IG I3 40, qui doit être gravée à Athènes aux frais de Chalcis. 75. On sait que dans un cadre plus égalitaire les cités pouvaient déléguer chez leur partenaire des commissions chargés de bien vérifier que c’était bien le texte prévu qui était gravé et dont on faisait lecture, IC III, 4. 76. Démosthène, Contre Leptine, 64. 77. Il faut lire, dans l'édition procurée par D. Mac Dowell (Oxford, 1962), Andocide, Sur les mystères, 103, 78. R. Stroud, The Axones and Kurbeis of Dracon and Solon, Berkeley, 1989, p. 29-32. 79. Plutarque, Vie de Périclès, 30,1 80. Ed. Lévy, "La cité grecque, invention moderne ou réalité antique, Du pouvoir dans l'antiquité, Cahiers du Centre G. Glotz, I, 1990, p. 54-68. 81. A. Magdelain, La loi à Rome, Paris, 1978, p. 18 : "l'autorité compétente... lit à haute voix la lex publica, la lex templi, le traité (qui lui aussi mérite le nom de lex)... il ne s'agit pas d'une simple mesure de publicité, mais d'une lecture solennelle indispensable à la validité de l'acte. Au contraire l'affichage, si utile soit'il, reste étranger à la procédure de confection des lois et des traités et n est qu'une « mesure d'opportunité » qui s’y ajoute", voir M. Bats, Les débuts de l'information politique officielle à Rome au premier siècle av. J.-C., dans La Mémoire perdue, Paris, 1994, p. 19-44 (notamment p. 30). 82. Les travaux pionniers de Cl. Nicolet sur les archives de Rome, La mémoire perdue, Paris, 1988, doivent être prolongés pour faire comprendre comment étaient gérées les grandes cités du monde grec. 83. Les uns comme les autres sont des μνημονιϰά γράμματα, W. Lambridunakis et M. Wörrle, "Ein hellenistische Reformgesetz über das offenliche Urkundenwesen von Paros", Chiron, 13, 1983, p. 283-368.

84. IG I3 165, 1. 7-11. Le texte n’est pas aussi clair que semble le penser T. Leslie Shear Jr., "Bouleuterion, Métroon and the archives of Athens", dans Studies in the ancient greek Polis, Historia Einz. 95, Stuttgart, 1995, édité par M. H. Hansen et K. Raaflaub, p. 157-190 (p. 186), en fait les différents commentateurs se demandent comment remplir une lacune de la ligne 8, où l'on trouve. ἐμ [6 βολευτ]ερίοι, D. Lewis pensait à ϰαὶ ἕ[τερον ἐν βολευτε]ρίοι, mais constate que la lecture ἐμ est claire, Prichtett pensait à ἐμ [βραχίστῳ ou bien ἐμ [ἐλαχίστῳ. 85. À Thasos, J. Pouilloux Choix d'inscriptions grecques, 31. 86. Démosthène, Contre Timocratès, 43, texte qui réfléchit sur la non rétroactivité des lois : voir Syll 3 45 1.19 et Démosthène, Contre Midias, 30 qui montre bien que les lois devraient être faites avant que les délits ne soient commis sans que l'on sache qui pourrait être lésé ou léser et être puni. 87. Sur le travail des secrétaires et leur rôle, voir Aristote, Constitution d'Athènes, 54 Voir, pour comprendre ce qu'est le jeu des documents originau et des ampliations, IG I2 1, 1. 22  : τò βιϐλίoν n’est sans doute ni un original dont il serait surprenant que la cité se désaisisse d'autant que le secrétaire doit faire faire la copie sur la pierre, ni une minute. 88. Syll3 736, 1.180 89. R. F. Willets, The Law code of Gortyn, Berlin, 1967, XI. 20, etc..., texte repris et commenté dans Nomima II. Les épidictiques témoignent de ce qu’il existe les témoignages matériels d'une rédaction mais cela n'implique pas qu’il en a été fait nécessairement une transcription épigraphique. 90. R. F. Willets, The Law code of Gortyn, Berlin, 1967, XII, 5. 91. Cela n'a pas toujours été reconnu, voir J. et L. Robert, Bull.. 1961. 154. 92. G. J. Te Tiele, Bulletin de Correspondance Hellénique, 111, 1987. p.  167-190, repris sur un point important par L. Dubois, Bulletin de Correspondance Hellénique, 112, 1988, p. 279-290. 93. Sur les méthodes de travail des lapicides et leur capacité à écrire à main levée, voir R. Osborne, "Attic cutters at work", Zeitschrift für papyrologie und Epigraphik, 19, 1975, p.  159177. Tel lapsus de lapicide particulièrement savoureux témoigne de ce que cette pratique du "free-hand cutting" était largement répandue. Ainsi, la pierre qui reprend une lettre du roi Mithridate à la cité de Nysa fait mention des "communs ennemis des Romains" alors que selon toute vraisemblance le roi avait écrit "nos communs ennemis, les Romains", le scripteur s'est laissé entrainer par les habitudes d'un temps où les Romains étaient des maîtres dont on ne cessait de célébrer les vertus et la formule habituelle avait entraîné mécaniquement sa main, Syll 741. Il ne s'était pas relu, si quelqu’un l’avait fait, le texte avait paru, peut-être, d'assez bon augure pour qu'on ne souhaitât pas le corriger. 94. Voir F. Ruzé, "Aux débuts de l'écriture politique : le pouvoir de l'écrit dans la cité", Les savoirs de l'écriture en Grèce ancienne, éd. M. Detienne, Lille, 1988, p. 82-94 95. Tacite, Annales, IV, 43, 1. Sur ce texte et l’inscription de Priène. Ins. von Priena, 500, voir J.M. Bertrand, "Territoire donné, territoire attribué dans le monde grec des Romains", Cahiers

Glotz, II, p. 125-164, notamment p. 128-129. 96. Voir S. Georgoudi, "Manières d'archivage et archives de cités", Les savoirs de l'Écriture en Grèce ancienne, éd. M. Detienne, Lille, 1988, p.  221-251, W. C. West, "The public archives in Fourth-century Athens", Greek Roman and Byzantine Studies, 30, 1989, p. 529-543. 97. Démosthène, Sur les forfaitures de l'ambassade, 270 98. Démosthène, Contre Leptine, 127 99. Démosthène, Sur les mystères, 96-98, Contre Leptine, 159, Contre Léocratès, 127. 100. IG II/III2 120. 101. IG I3 52 1. 11-13. 102. Syll 3 1020. 103. H. Van Effenterre, "Le pacte Gortyne-Rhittèn", Cahiers Glotz, IV, 1993, p.  13-21. Les auteurs de Nomima I, 7, reviennent, au mépris de la lectio dijficilior originelle, sur cette conclusion et laissent entendre que l'amende aurait été fixée en fonction des stipulations d'une stèle placée sur la frontière des cités associées, cela supprimerait toute référence préalable à la gravure nécessaire du traité. 104. IG II2 96, la formule est intéressante en elle-même puisqu'elle semble vouloir considérer l’archive comme un bien que l'on peut posséder en propre ou à plusieurs. 105. Eschine excipe du caractère démocratique d'Oréos et du fait que par conséquent "rien ne s'y fait sans un décret" (Contre Ctésiphon, 103, 5) pour souligner que des archives doivent y être conservées et disponibles. 106. Voir J. de Waele, "Mnesiklès, propylaia on the Athenian Acropolis", Daidalikon, Mélanges V. Schoder, 1989, p. 397-414, Philocoros l'Atthidographe et Héliodore le Périégète, celui-ci au second siècle av. J.-C., ont sans doute lu les comptes donnant les chiffres de la construction et le nom de l'architecte. 107. Plutarque, Vie de Solon, 25, 1. 108. R. Stroud, The Axones and Kyrbeis of Drakon and Solon, Berkeley, 1989, p. 41. 109. SEG XLIII 630 analysée par G. Nenci, "La kyrbis selinuntina" ANSP, 1994, p. 459-466 (SEG XLIV 783) qui fournit un charmant dessin explicatif. Le modèle qu'il propose est de taille beaucoup plus réduite que le système inventé par Stroud qu'il critique (p. 465). 110. Roman statutes, éd. M. Crawford, Londres, 1996, n. 12 : exemplaire gravé à Delphes d’une loi concernant la dévolution des provinces d'Asie et de Macédoine, on en connaît un autre exemplaire découvert à Cnide. 111. Suétone, Caligula, 41, cité avec nombre de textes intéressants par M. Corbier, "L'écriture dans l'espace public romain", L'Urbs, espace urbain et histoire, Colloque international de Rome 1985, Rome, 1987, p.  27-60, on notera ce qu'elle dit de la pérennité du support  : "L'espace public est investi d’une fonction fondamentale, c'est à lui qu'il appartient de conserver, inchangés, sous le regard ininterrompu de tous et à l'abri de toute manipulation, les textes essentiels à la vie de la cité et au statut des individus".

112. IG II2 1369. Andocide, Sur les Mystères, §§ 54, 83, 84. 113. Pollux, 8, 128. N. Robertson, "Solon’s axones and kvrbeis and the sixth-century background", Historia, 35, 1986, p.  147-178 montre comment les textes ont toujours été exposés au centre du politique. K. J. Hoelkeskamp. "Written law in archaïc Greece", Proceedings of the Cambridge Philological Society, 38, 1992, p. 87-117, insiste, au contraire, sur le fait que nombre de lois sont publiées dans les temples, loin de l'agora lieu de rassemblement du peuple, "Tempel, Agora und Alphabet. Enstehungsbedingungen von Gesetsgebung in der archaischen Polis", dans Rechtskodifizierung und soziale Norme imm interkulturellen Vergleich éd H. J. Gehrke, Tübingen, 1994, p.  135-164, voir H. Van Effenterre. "Écrire sur les murs", p. 87-96, dans ce même volume. Il ne semble pas nécessaire de distinguer en l'espèce le sacré du public, seul compte le fait que le texte soit diffusé. On doit considérer comme site politique tout endroit où sont inscrits les textes essentiels, "la maison du dieu est une demeure publique" sait dire M. Detienne. Les savoirs de l'écriture en Grèce ancienne, Lille, 1988, p. 41. 114. République 368d. 115. C. J. Schwenck, Athens in the âge of Alexander, Chicago, 1985, no 6. 116. Inscriptions historiques grecques, 31, voir, désormais, Th. Figueira, Coinage andpolitics in the Athenian empire, Philadelpnie, 1998. 117. Inscriptions historiques grecques, 43 (R. S. Stroud, Hesperia. 43. 1974, p. 157-188. 118.IG XII, 8, 262, Syll3 287, J. Pouilloux Recherches sur l'histoire et les cultes de Thasos’, Paris, 1954, particulièrement p.  164 et 171 note 2. Y. Grandjean et F. Salviat, "Décret d'Athènes restaurant la démocratie à Athènes en 407 av. J.-C., IG XII 8, 262 complétée", Bulletin de Correspondance Hellénique, 1 12, 1988, p.249-278, ont profité de la découverte d'un nouveau fragment du texte pour en reprendre l’analyse. Ce texte est un décret athénien dont les stipulations furent imposées à Thasos, il fut rédigé à Athènes où une stèle de référence fut peut-être érigée et deux copies en furent exposées dans l'île. 119. Le débat n'est, bien évidemment pas clos. P. Chantraine, Dictionnaire étymologique de la langue grecque, sv Φοῖνιξ indique que le syntagme φοινιϰεία γράμματα signifiait que les Grecs savaient que leur alphabet était une adaptation de l’écriture phénicienne, le φοινιϰογράϕος serait soit le scribe gravant des lettres phéniciennes", soit le "secrétaire" faisant peindre en rouge les lettres gravées, quand au palmier, ce serait "l'arbre phénicien". Sur l'indéniable origine orientale des lettres grecques, Phoinikeia grammata, Lire et écrire en Méditerranée, Namur, 1991. édité par Cl. Baurain, C. Bonnet, V. Krings, une des attestations les plus claires de la connaissance que les Grecs avaient de cette évidence est un texte de Critias qui procure un catalogue des spécialités fournies par telle ou telle contrée. Athénée, Deipnosophistes, I, 28b : Φοίνιϰες δ’ ηὗρον γράμματ’ἀλεξίλογα. 120. Histoires, V, 58. 121. P. Chantraine, Dictionnaire étymologique de la langue grecque, signale que le διϕθεραλοιϕός est un maître d'école.

122. Souda, 787. Voir L. H. Jeffery, " ’Aρχαῖα γράμματα. Some ancient greek views", Europa, Feztschrift für E. Grumbach, éd. W. C. Brice, Berlin, 1967, p. 152-166. Certaines tablettes écrites en minoen linéaire B sont dites "tablettes-feuilles" et leur forme a été comparée à celle des feuilles de palmier. Cela prolonge la métaphore dans le contexte de la réflexion des érudits modernes. 123. Sur le scribe Spensithios, voir L.H. Jeffery et A. Morpurgo-Davies "’ΠOINIKAΣTAΣ and ΠOINIKAZEIN ", Kadmos, 9, 1970, p. 118-154, puis F. Ruzé, "Aux débuts de l'écriture politique : le pouvoir de l’écrit dans la cité", dans Les savoirs de l'écriture, éd. M. Detienne, Lille, 1988, p.82-95 qui serait tentée de suivre l'argumentation d'Hérodote. P. Herrmann, "Teos und Abdera im 5 Jahrhundert v. Chr.", Chiron 11, 1981, p. 1-30. 124. L. H. Jeffery, Local scripts of archaïc Greece, Oxford, 1961, p. 76. 125. Sur Archinos, voir Souda, sv Σαµιῶν (repris de Théopompe). M. Guarducci, Epigrafia greca, Rome, 1967,1, p. 87, insiste sur l'avantage politique qu'il y avait à manifester ainsi les liens qui unissaient Athènes aux cités de l'ancienne ligue, on peut se demander si cela est bien pertinent en ces années de défaite. Voir désormais L. Bodson, "Aspects techniques et implications culturelles des adaptations de l’alphabet attique préliminaires à la réforme de 403/402, Phoinikeia grammata, Lire et écrire en Méditerranée, Namur, 1991, p. 591-611. 126. H. R. Immerwahr, Attic script, a survey, Oxford, 1990, notamment p. 174 et suivantes. 127. Inscriptions historiques grecques, 31 (M&L 45). 128. Voir Pausanias, IV, 27, 11 et le commentaire que donne Dittenberger de Inschriften von Olympia 445. 129. C. Dobias-Lalou, "Dialecte et koinè dans les inscriptions de Cyrénaïque", Verbum, 10, 1987, p. 29-50. 130. Formule employée par Cl. Brixhe dans sa chronique de la Revue des Études Grecques 103, 1990, p. 212. 131. J. Pouilloux Recherches sur l'histoire et les cultes de Thasos, Paris, 1954, p. 146. 132. Syll3 543, "Formes du discours politique", Du Pouvoir dans l'Antiquité, Cahiers du Centre G. Glotz, I, 1990, éd. Cl. Nicolet, p. 101-115. 133. Les textes étaient lus et que l'on faisait tout pour qu'ils le fussent, voir, pour des exemples topiques, W. K. Pritchett, Greeks archives, cuits and topography, Amsterdam, 1996. On peut citer, parmi les textes repris récemment, SEG XXI, 19, relu par K. Baba, "On Kerameikos Inv. I 3888, a note on the formation of the athenian metic-status", Annals of the British School of Athens, 79, 1984, 1-5 qui montre comment on a intentionnellement évité de peindre des lettres gravées par erreur, ou Ch. W. Hedrick, The decrees of the Demotionidai, Atlanta, 1990, analysé par Ph. Gauthier, Bulletin épigraphique, 1991, 167. 134. Ce qualificatif ne convient pas bien qu'il soit d'usage de l'employer dans les manuels et même dans les publications érudites. On devrait réserver son emploi à la désignation des textes rédigés par des faussaires modernes qui les prétendraient antiques.

135. Histoires, V, 58-61, dans le temple d'Apollon Isménios, il aurait lu, en "lettres cadméennes", le nom de héros légendaires. Ce s’inscriptions ne peuvent être que des faux anciens. 136. Voir la chronique de Lindos dans F. Jacoby FGH, III, 352, inventaire exceptionnel du sanctuaire, après incendie, il reprend les sources anciennes attestant d’inscriptions antiques censées avoir été laissées par Lindos lui-même, Cadmos, Minos, Héraclès. 137. Voir M. Guarducci, Epigrafia greca. "Iscrizioni false". Rome, 1967. I, p.  488-501, Pausanias, Périégèse, V, 20, 1. 138. Hérodote, Histoires, I, 51. 139. Voir A. Chaniotis, Historié und Historiker in den grieschischen Inschriften, Stuttgart, 1988, notamment p.  234 et suivantes qui parfois se laisse aller à l'hypercriticisme, de même Ch. Habicht, "Falsche Urkunden zur Geschichte Athens im Zeitalter der perserkriege", Hernies, 1979, p. 1-35. J. K. Davies se propose de faire l'inventaire de ce type de texte, voir une note programmatique dans Le Quatrième siècle av. J-C. Approches historiographiques, Nancy, 1996, éd. P. Carlier, p. 29-39. 140. M.-B. Sakellariou, La migration grecque en Ionie, Athènes, 1958, p. 106. 141. Le débat engagé sur ce type de documents (Inscriptions historiques grecques 17 et 18) destinés à écrire l'histoire des guerres médiques, construire pour Athènes un passé conforme à une imagerie héroïque ne réussit pas à déboucher sur une problématique productive, M. Sordi et alii dans un débat publié sous le titre La propaganda del mondo greco, i falsi epigrafici nel IV secolo AC". Rev. Stor. dell'Antichita, 1, 1971, 197-217, approche de l’essentiel, mais restent trop isolés et ne savent pas définir clairement la fonction de ce type de textes. M. Guarducci, Epigrafïa greca, Rome, 1967 ; I, p. 488 et suivantes, se contente de parler du manque d'esprit critique des Grecs de cette époque. 142. Inscriptions Historiques grecques 18. 143. Inscriptions Historiques grecques 17. Ce serait au IIIème siècle la reprise d'une inscription du IVème parce qu'elle convenait au contexte de la Guerre de Chrémonidès, voir R. Étienne et M. Piérart, "Un décret du Koinon des Hellènes a Platées", Bulletin de Correspondance Hellénique, 99, 1975, p. 51-75 (notamment p. 65 et note 52). 144. Andocide, Sur les mystères, 95. 145. Lysias, Sur le meurtre d'Ératosthène, 30. 146. Voir S. Georgoudi, "Manières d’archivage et archives de cités”, Les savoirs de l'Ecriture en Grèce ancienne, éd. M. Detienne, Lille, 1988, p. 221-251. 147. Les anciens avaient parfois besoin de publier des textes pour faire valoir leurs droits à privilège ainsi, par exemple, Priène (Ins.V. Priene 500 1. 12 et suivantes, 37) ou pour des raisons de prestige, ainsi à Lindos. Le goût pour les antiquités a poussé certains érudits à publier des recueils épigraphiques dès la fin du IVème ou le début du IIIème siècle (voir, après Boeckh et l'introduction de son CIG p. VIII, ce qu'écrit Jacoby FHG Illb, de Philochoros, de Polémon et Menetor, pour ce dernier, voir Athénée, Deipnosophistes, VIII, 594d).

148. F. Jacoby, Atthis, The local chronicles of ancient Athens, Oxford, 1949 p. 170. 149. Cette traduction amusante provient du dictionnaire canonique Bailly/Chantraine. 150. Plutarque, Vie d'Aristide, 26, 1 ; Jacoby, FGH 342. 151. D. M. Lewis, "The epigraphical evidence for the end of the Thirty", Aristote et Athènes, éd. M. Piérart, Paris 1993, p. 223-229. 152. Histoires, V, 58-61. 153. Histoires, V, 77 qui est IG I2 394, et qui date des années 446, voir B. Hemmerdinger, Les manuscrits d'Hérodote et la critique verbale, Genève, 1981, p.  180-182 et S. West, "Herodotus' epigraphical interest", Classical Quarterly. 35 1985, p. 278-305. 154. IG I3 948. La formule que Thucydide emploie pour dire que le texte était gravé en lettres peu lisibles, ἀμυδροῖς γράαμασι, a reçu une nouvelle interprétation, B. M. Lavelle, "Thucydides and IG I3 948 ἀμυδροῖς γράμμασι", Daidalikon : Studies Schoder, Wauconda, 1989, p. 207-210 (SEG 39, 1989, 34), l'inscription aurait été effacée intentionnellement, on l'aurait recouverte de plâtre, ou de telle ou telle autre matière qui aurait disparu avec le temps. L'historien l’aurait lu avec difficulté mais les épigraphistes d'aujourd’hui en admirent la gravure parfaitement nette. 155. IG I3 83. Voir la note de A. W. Gomme, A. Andrewes, K. J. Dover, Historical commentary on Thucydides, Oxford, 1981, pour V, 47, 5. p. 457, les divergences entre le texte de la pierre (très abimée) et ce qu'il écrit sont du même ordre que celles qui pouvaient être "tolérées quand on devait exposer deux copies d'un même texte" (les auteurs font référence au décret sur les prémices d'Eleusis). 156. A. Momigliano, "La place d'Hérodote dans l'histoire de l'historiographie", article de 1958 repris dans Problèmes d'historiographie, Paris, 1983, p. 169-185. 157. Plutarque, Vie des dix orateurs, 851F, à mettre en parallèle avec IG II2  457. Voir sur Kratéros, auteur d’un recueil de décrets, qui est la source des documents cités par le biographe, Fr. Ladek, Wiener Studien, 13, 1891, p.  63-128, cité par Ph. Gauthier, Les cités grecques et leurs bienfaiteurs, Athènes, 1985. Bulletin de Correspondance Hellénique, Supp. XII, p. 83 note 20. 158. Polybe, Histoires, 11, 2. 159. P. Pédech, La méthode historique de Polybe, Paris, 1964, p. 377 et suivantes. 160. Voir Ch. Habicht, Pausanias Guide to ancient Greece, Berkeley, 1985, Chapitre III, p. 64-89 et passim. 161. Voir l'index des IG II/III/4/1, p. 39, pour multiplier les exemples. 162. IG I3 61. 163. Ph. Gauthier, "Les honneurs de l'officier séleucide Larichos à Priène", Journal des Savants, 1980, p. 35-50. 164. Nomima I, 41, voir M. B. Sakellariou, Between memory and Oblivion, The transmission of early Greek historical tradition, Athènes, 1990, p.  38-65. L'idée de S. Dusanic, "The ὅρϰιον οἰχιστήρων and Fourth-century Cyrene". Chiron, 8, 1978, p.  55-76 est viciée par le fait qu'il

prétend savoir ce que peut être "la" cité grecque archaïque. Rien, par ailleurs, ne laisse penser que ce texte soit réellement d'inspiration platonicienne. 165. Nomima I, 50 dont on a suspecté aussi, mais à tort, l'authenticité. 166. G. Klaffenbach, Die Astynomeninschrift von Pergamon, seul l'intitulé de "loi royale" a posé un problème aux commentateurs, voir J.-M. Bertrand, L'Hellénisme, Paris, 1992, p. 136. 167. Voir S Sherwin-White, "Ancient archive, the edict of Alexander to Priena ; a reappraisal", Journal of Hellenic Studies, 105, 1985, p.  69-89  ; voir dans Autocoscienza e rappresentazione dei popoli nell'antichità, a cura di M. Sordi, Milan, 1992, l’article de F. Landucci Gattinoni, "L’immagine di una città ellenistica : il caso di Priene", p. 83-92. 168. R. willetts, The law code of Gortyn, Berlin, 1967 ainsi que H. Van Effenterre et F. Ruzé, Nomima II, p. 2. 169. A. L. Bœgehold, "Andokides and the decree of Patrocleides", Historia, 39, 1990, p.  149162, N. Roberson, "The laws of Athens, 410-399 BC : the evidence for review and publication", Journal of Hellenic Studies, CX, 1990, p. 43-75 et P. J. Rhodes, "The athenian code of laws, 410399 B.C.", Journal of Hellenic Studies, CXI, 1991, p. 87-100. À lire les analyses que donne de cette bibliographie A. Maffi, dans sa chronique de Revue d'Histoire du Droit, 71, 1993, 4, p. 638-640, ainsi que, par exemple, J. P. Sickinger, "Inscriptions and archives in classical Athens", Historia, 43, 1994, p.286-296, T. Leslie Shear, "Bouleuterion, metroon, and the archives of Athens", Studies in the ancient greek polis, éd. M. H. hansen et K. Raaflaub, Stuttgart, 1995, on évitera de considérer que le débat est clos. H. Hansen, The athenian democracy in the age of Demosthenes, Oxford, 1991, pense, pour sa part, que cette tentative de codification n'eut pas de suite et que the idea of a law-code stable enough to be worth engraving in marble was abandoned", p. 164. 170. Lysias, Contre Nicomachos, 2 et 5. Je ne comprends pas ce que veut dire N. Robertson, The laws of Athens, 410-399 BC : the evidence for review and publication, Journal of Hellenic Studies, CX, 1990, p. 43-75, quand il prétend que "ἐγγράϕειν and ἐξαλείϕειν as complementary terms refer to writing in ink” alors qu'employés seuls, ils pourraient avoir un autre sens, à savoir, "submitting ones' account" pour le premier, "erasing stelae" pour le second (au paragraphe 21). Dans le discours prononcé devant le tribunal, Lysias se situe dans un système métaphorique. Il n’est, ainsi, question que de la possibilité de valider ou d'annuler certaines dispositions légales. Néanmoins le terme ἐξαλείϕειν conserve un sens technique et cela induit que la pierre est bien à l'horizon du travail de la commission. Rien ne se fait que l'on ne songe à inscrire ou à effacer. 171. Andocide, Sur les mystères, 115-116. 172. Démosthène,Contre Timocratès, 42. 173. Andocide, Sur les Mystères 95, elle est citée entièrement § 96-98 que l'on peut dater par référence à IG I3 375, voir Démosthène, Contre Leptine, 159. Eschine, Contre Ctésiphon, 109 et 120, Lycurgue, Contre Léocrate, 127. 174. M. G. Hansen, "Diokles'law (Dem. 24.42) and the révision of the athenian corpus of laws in the archonship of Eukleides", Classica and Medievalia. 41, 1990, 63-71.

175. Politique 297d. 176. K. Clinton, "The late fitfth-century révision of athenian law code", Hesperia, Suppl. XIX, p. 27-37 (notamment p. 29). 177. Voir les références topiques dans J.-M. Bertrand, "Formes du discours politique : décrets des cités grecques et correspondance des rois hellénistiques", Revue d'Histoire du Droit, 63, 1985, p. 469-482 repris dans Cl. Nicolet éd. Du pouvoir dans l'Antiquité : Mots et réalités, Cahiers du Centre G. Glotz, I, 1990, note 89. 178. Inscriptions historiques grecques 40. 179. IG I3 101, 1. 58, J. Pouilloux, Recherches sur l'histoire et les cultes de Thasos, Paris, 1954, I, p.  155 et suivantes, il est prévu par un décret spécifique d'inscrire sur la stèle au lieu de ἄπoιϰoι ὄντες ϴασίων qui a été réellement effacé sur la pierre que nous connaissons, le fait qu'ils ont combattu avec les Athéniens, μεταγράψαι ἀντὶ τῆς ἀποιϰίας τῆς Θασίων ὅτι συνδιεπολέμεαν τòν πόλεμον μετὰ ’Aθηναίων. 180. E. Vanderpool, W. P. Wallace, "The sixth century laws from Eretria", Hesperia, 33, 1964, p.  381-391, F. Cairns, "Three laws of Eretria (IG XII. 9, 1273 and 1274), epigraphic, legal, historical and political aspects", Phoenix, 45, 1991, p.  296-313. Cet article, en particulier l'analyse de cette rature, a été sévèrement critiqué par A. Maffi dans sa chronique de la Revue d'Histoire du Droit, 1993, p.  434. Il parle "d'épigraphie fiction" et il a raison de reprocher à l’auteur certains de ses parallèles (ainsi ἀπò ῥητῶν de la ligne 8 ne peut en aucun cas être mis en parallèle avec τὰ ἐγεγραμμένα des lois de Gortyne). H. van Effenterre et F. Ruzé, Nomima, I, 91, acceptent certaines des leçons de Cairns mais ne discutent pas le point que nous évoquons, sans doute jugent ils sa démonstration peu convaincante. 181. Voir quelques références dans Inscriptions historiques grecques. 91 et 103. 182. Voir, dans Understanding the Phœdrus, Proceedings of the II Symposion Platonicum, Sankt Augustin, 1992, éd. L. Rossetti, les réflexions de A. Arrighetti, G. Cerri, et surtout dans la note de M. Narcy, "Platon, l'écriture et les transformations de la rhétorique", p.275-279, qui souligne qu'il n'est pas sans conséquence pour l'écriture de s'afficher", p.  278, reprise de façon plus développée dans "La leçon d'écriture de Socrate dans le Phèdre de Platon", Chercheurs de Sagesse, Hommage à Jean Pépin, éd. M.-O. Goulet et alii, Paris ; 1992, p. 77-92, ainsi que l’introduction qu'il a procurée à la traduction du Théétète, Paris, 1994, p. 23-30. 183. Havelock dans sa Preface to Plato, Cambridge (Massachussets), 1963, que l'on peut lire dans l'édition italienne préfacée par B. Gentili, Cultura orale e civiltà della scrittura, Rome, 1973. A. Schnapp-Gourbeillon, "Homère, Hipparque et la bonne parole", Annales ESC, 1988, p. 805-822, a traité des textes du corpus platonicien concernant l'usage de l'écriture par les tyrans. 184. L. Brisson a raison de considérer que le problème de l'authenticité du texte n'a plus à être posé, dans l'introduction qu'il donne de sa traduction des Lettres, Paris, 1987, ainsi que dans le recueil L'invention de l'autobiographie éd. M. F. Basiez, Ph. Hoffmann, L. Pernot, Paris, 1993, p. 37-46.

185. Rappelons, voir notre introduction, note 42, que nous ne prétendons pas vouloir ébaucher la moindre réflexion sur le problème de l'ésotérisme platonicien, voir une synthèse de M.-D. Richard, L'enseignement oral de Platon. Une nouvelle interprétation du platonisme, Paris, 1986, et une livraison récente des Etudes Philosophiques (1998, 1) où J.-L. Brisson réunit, et présente avec beaucoup de prudence, diverses analyses et mises au point des principaux représentants de ce courant d'interprétation. 186. Voir dans Libri, editori e pubblico nel mondo antico, éd. G. Cavallo, Rome, 1989, aussi bien la note de E. G. Turner que celle très riche de T. Kleberg, qui, curieusement, est moins citée que la première. 187. Bien des ouvrages furent publiés d'une façon qui ne satisfaisait pas leur auteur, aussi était-ce plus de l'édition que les anciens devaient se défier que de l'écriture, L’exemple le plus précis de la pratique de l'édition sauvage est décrit par Diodore qui fut victime d'un détournement de son travail et se décida à éditer sa Bibliothèque sans avoir pu y mettre la dernière main, parce qu'il en circulait des copies inauthentiques, voir XL, fg. 8. 188. Diogène Laerce, Vie des philosophes, IX, 5-6. 189. Diogène Laerce, Vie des philosophes, II, 22. 190. Apologie 26d-e, Phédon 97b-98b. 191. Xénophon, Mémorables, 1,6, 14. 192. Xénophon, Mémorables, 4, 2, 1 193. Lettre VII 341b. 194. L'emploi du mot τέχνη est éclairé, dans la traduction de L. Brisson qui l'a mis en parallèle avec un texte d'Isocrate attestant de ce qu'il s’agit d'un "traité", genre littéraire spécifique : αἱ ϰαλουμέναι τεχναί, Isocrate, Contre les sophistes. 19. Le mot ne peut avoir le sens de manuel. 195. Isocrate, Sur l'échange, 87. E.G. Turner, Libri, editori e pubblico nel niondo antico, éd. G. Cavallo, Rome, 1989, p. 20. 196. Diogène Laerce, Vie des Philosophes, X, 4. 197. Souda, 661. 198. Parménide 128d. 199. Diogène Laerce, Vie des philosophes, II, 60-62. 200. Voir l'article essentiel de G. Nieddu, "Testo, scrittura, libro nelle Grecia arcaica e classica  : note e osservazioni sulla prosa scientifico-filosofica", Scrittura e civilta, 8, 1984, p. 213-261. 201. M. Narcy, "La leçon d'écriture de Socrate dans le Phèdre de Platon", Chercheurs de Sagesse, Hommage à Jean pépin, éd. M.-O. Goulet et alii, Paris, 1992, p.  77-92  : la véritable écriture philosophique est par rapport à celle des logographes ce que l'agriculture est à la confection des jardins d’Adonis. 202. Lettre VII 343a-b. Le refus de l'écriture finit par se justifier par la dénonciation de l’imitation graphique, Cratyle 384d-e et 439a. Le conventionalisme du langage est justifié au nom de la nécessité d'une liberté du discours philosophique car ce n'est pas de l'imitation

qu'il faut partir pour connaître la vérité mais de la vérité qu'il faut partir pour savoir si l'imitation a été correctement faite, Timée 49-50. Pour J. Derrida, dans Khôra, Paris, 1993, l'analyse portant sur le discours mimétique qui fige la cité en son présent et le discours philosophique vrai qui l'installe dans la durée oblige à distinguer deux types de fictions graphiques, dont la première purement mimétique est figée, la seconde étant animation. Socrate feint de se ranger dans la catégorie de ceux qui ne savent pas sortir de la mimétique figée, ce serait une ruse. 203. Lettre VII 341c-d. 204. Il n'est pas de notre propos de prétendre savoir s'il faut imaginer qu'il existe un texte caché de la doctrine platonicienne, voir, supra, note 185. 205. Vegetti, Les Savoirs de l'écriture, p.  408, parole ou écriture le savoir philosohique se développe autour du simulacre, République, 533a, on pense que la parole "remplace" la vision alors que la vérité ne peut être comprise que par l'intuition. 206. Cratyle 439d-e. 207. Texte disponible désormais dans une édition accompagnée d'une traduction et de notes par G. Avezzu, Alcidamante, orazioni e frammenti, Université de Padoue, Bolletino dell'Istituto di Filologia greca, Suppl. 6, 1982. on lira aussi S. Gastaldi," La retorica del IV secolo tra oralità e scrittura", Quaderni di Storia, 14, 1981, 189-225 et M. Vallozza, "L'oratore, l'incolto e la comunicazione del discorso nel IV secolo a.c", dans Retorica della comunicazione nelle letteratura classiche. Bologne, 1990, p. 15-31, qui s'intéresse au sens du mot très employé dans ce texte de ἰδιώτης. 208. Alcidamas, § 9, commenté en contexte par M. Trédé, Kairos, L'à-propos et l'occasion, Paris, 1992. 209. Dans la vie courante ou politique, le recours systématique à l'écrit n'implique pas une modification de la procédure du débat, l'orateur entre dans son cabinet d'écriture alors que l’eau de la clepsydre coule déjà, il écrit non pour fournir un texte mais pour l'apprendre par cœur et le réciter μαθησόμενος, Alcidamas §§ 11, 18. On apprend les discours écrits par morceaux et non pas dans le courant du discours et l'on retrouve ici le problème déjà posé par le kairos qui constate de toute évidence une parcellisation du temps dans le cadre discursif : ἐν δἐ τoῖς γραπτοῖς λόγοις ϰαὶ τῶν ὀνομάτων ϰαὶ τῶν συλλάβῶν ἀναγϰαῖόν ἐστι ποιεῖσθαι τὴν μνήμην ϰαὶ τὴν μάθησιν ἀϰριβη. 210. Alcidamas, § 15. 211. Lettre VII 343a. Euclide, Théétète 143a, ne cesse de corriger ce qu'il écrit, il faut lire la traduction de ce texte analysé par M. Narcy dans l'introduction et les notes à sa traduction du dialogue, Paris, 1994. 212. Lois 886c. 213. Lettre VII 344c, L. Brisson sait bien montrer quels sont les rapports de ce texte avec le Phèdre 278c.

214. E. Erler dans Symposion Platonicum II, éd. L. Rossetti. Sankt Augustin 1992, repris sous le titre "Il Panatenaico d'Isocrate e la critica della scrittura nel Fedro", Athenaeum, 1993, p. 149164, montre comment Isocrate est plus libre que Platon dans ses rapports à l'écriture. 215. Lettre I, 3. Sur les affinités entre le Platon du Phèdre et Isocrate, M. Tulli, "Sul rapporto di Platone con Isocrate, profezia e lode di un lungo impegno letterario", Athenœum, 77, 1990, p. 403-422. 216. Alcidamas § 4. 217. Outre l'article de P. Loraux,"L’art platonicien d'avoir l'air d’écrire", Les savoirs de l'écriture en Grèce ancienne, éd. M. Detienne, Lille, 1988. p. 420-455. voir J. Derrida, Khôra, Paris, 1993, qui explique, p. 63, comment Socrate se constitue, mieux vaudrait dire est constitué, comme destinataire universel, "il reçoit la parole de ceux devant lesquels il s'efface mais qui la reçoivent aussi de lui puisqu'il les fait parler". 218. Lettre VII 324b-326b. 219. Lettre VII 341d. 220. Lettre V//341e. 221. Lettre VII 344c. 222. K. Popper, La société ouverte et ses ennemis, traduction française. Paris 1979, p. 111-112, et, surtout, p. 159-164. 223. Xénophon, Helléniques, I, 7, 1-35. 224. Timée 19e. 225. Thucydide, Guerre du Péloponnèse, VII, 8 ; VII, 10. 226. Voir F. Sartori, "Platone e le eterie", Historia, 7, 1958, p.  157-171. Sur ces groupes politiques, Ch. Pecorella Longo, Eterie e gruppi politici nell'Atena del IV secolo, Florence, 1971. 227. Au contraire de ce que semble penser N. Loraux, L'invention de la démocratie, 2ème éd., Paris, 1993, p. 394, note 39, on ne peut imaginer que l'écriture soit démocratique parce qu’elle fixerait l'adhésion populaire à un discours persuasif. 228. B. Cassin, "Histoire d'une identité", L'écrit du temps. 10, 1985, p. 65-77. 229. Plutarque, Vie des dix orateurs, 849E-F. 230. Lois 785a-b. L’inscription des étrangers, παρὰ τoὶς ἄρχουσιν, ne reçoit pas la même publicité, Lois 850 c. 231. L'éponyme est le grand-prêtre d'Apollon et d'Hélios, Lois 947a-e, désigné simplement comme archonte en 785a. La nécessité de dater la naissance de chacun tient à ce qu'il existe une législation réglementant l’âge du mariage, et de l'accession aux charges publiques. 232. Le ληξιαρχιϰòν γραμματεῖον, IG I3 138, serait un registre des hommes mobilisables (voir H. Van Effenterre, Revue des Études Grecques, 89, 1875, p. 1-17). Aristote, Constitution d'Athènes, 26 parle d'un ϰατάλογος des hoplites. Le contrôle des entrées à l'assemblée, se faisait sur un πίναξ ἐϰϰλησιαστιϰός, Démosthène, Contre Léocharès, 35. 233. Outre le cas d'Hélisson, G. J. Te Tiele, Bulletin de Correspondance Hellénique, 111, 1987, p. 167-190, L. Dubois, ibid., 112, 1988, p. 279-290, on peut citer, par exemple, celui de Larissa :

les opposants à l’ouverture de la cité ont détruits les stèles qui portaient les noms des nouveaux citoyens pour en détruire l'effet et le roi de Macédoine ordonne qu'on les rétablisse, Syll33 543. 234. Lois 741c. La répartition des terres se fait par tirage au sort, le territoire politique est, en effet, par nature consacrée aux dieux et le partage doit se faire par leur intermédiaire. 235.Lois 744e-745a-b. Toute acquisition excédant la valeur du ϰλῆρος doit être inscrite et publiée de telle sorte que les procès en revendication de biens soient facile et clairs, ἡ δὲ ϰτῆσις χώρις τοῦ ϰλήρου πάντων πᾶσα ἐν τῷ ϕανερῷ γεγράϕθω παρὰ ϕύλαξιν ἄρχουσιν οἶς ἂν ὁ νόμος προστάξῃ, sur les nomophylaques, Lois, 754d, ὄπως ἂν αἱ δίϰαι περὶ πάντων, ὅσαι εἰς χρήματα, ῥᾴδιαί τε ὦσι ϰαὶ σϕόδρα σαϕεῖς. L’emploi du terme de ϰλῆρος témoigne de ce que le lot de terre est une sorte d'instrument de mesure des fortunes, en effet, puisqu'il n’y a pas de marché des propriétés immobilières, 954c. il n'est pas question que l'acquisition concerne des terres. Les nécessités de la mise en valeur d'un lot implique que le propriétaire possède aussi des capitaux, il faut éviter qu un domaine dépérisse, δι’ ἀπορίαν χρημάτων, le fait de ne posséder que son ϰλῆρος est πενίας ὅρος. La formule ἐν τῷ ϕανερῷ indique, sans doute,. que l'on doit envisager une forme de publicité permettant la revendication d un bien par simple consultation des registres, 914c-d. 236. Lois 914d. 237. Il s'agit de la loi fondamentale, Lois 744e-745a. 238. Lois 955a-b. 239. Lois 943c, γράψαντα ἀναθεῖναι μαρτύριoν εἰς τὴν τῶν ἀριστείων ϰρίσιν παντòς τοῦ βίου, on notera cette limitation de la durée de l’honneur conféré, il est lié à l’activité même de celui qui a accompli un exploit, sans doute est-ce pour des raisons qui tiennent à la pédagogie politique. 240. Lois 785a-b. 241. Lois 958e. 242. Lois 873d. Ne pas négliger le fait que néanmoins le suicide peut être dans certains cas considéré comme un moindre mal, Lois 854c. 243. Pour comprendre ce qui se passe dans la cité Spartiate où les morts peuvent être enterrés dans la ville même et où seuls reçoivent l’honneur de l’inscription de leur nom les hommes tombés au combat et les femmes mortes en couches, voir N. Richer, "Aspects des funérailles à Sparte", Cahiers Glotz, V, 1994, p. 51-96. 244. Lois 958d-960b. Seuls les tombeaux des redresseurs honorés, 947c-e, sont quelque peu remarquables, mais il ne semble pas prévu que des épitaphes y soient gravées, il est simplement précisé que le tertre ne devrait être recouvert par aucun autre. Un redresseur condamné perdrait le droit à ce type de sépulture, 948a. 245. Lois 958d. 246. Protagoras 326d. 247. Lois 811e-812a.

248. Lois 957c-d. 249. Socrate fait reprendre deux fois par son compagnon le début du texte de Lysias, Phèdre 262e et 263e-264a, où il lui est enjoint d’aller plus loin d'une phrase, cela permet à Socrate d'affiner son analyse et de faire comprendre que le discours reste bien à disposition de son lecteur. 250. Lois 957d. 251. En augmentant le corps des lettres, on peut faciliter la compréhension de ceux qui ont la vue basse mais aussi de ceux qui ne sont pas très habiles à comprendre ce qu'ils lisent, République 368d. 252. Lois 890e-891a. 253. Politique 298e doit être mis en rapport avec Aristote, Politique 1286a et Isocrate, Aréopagitique, 39-41. 254. Lois 917e et 918a. Le seul autre emploi du mot stèle dans les Lois est celui qui désigne les monuments funéraires en 873d. 255. O. Longo, Techniche della communicazione nella Grecia antica, Naples. 1981, p. 115, pense, à tort, que Lois 891témoigne de ce que d'autres textes étaient exposés dans la ville. Les προστάγματα ἐν γράμμασι τεθέντα sont, tout simplement, les textes constitutionnels rédigés par le législateur. 256. Lois 917e-918a. On ne mentionne même pas qui sont les destinataires présumés de la loi. Elle n'a d'autre préoccupation que les "besoins du marché", les hommes qui y travaillent apparaissant indignes sans doute de la sollicitude du législateur ou du moins paraissant totalement instrumentalisés dans le monde qu'on leur laisse habiter. Les nomophylaques ont un rôle essentiel à jouer dans la rédaction des lois sur le commerce, les agoranomes aussi bien que les astynomes doivent se concerter avec eux pour rédiger les textes qui sont de leur ressort. Les agoranomes ont la charge de tout ce qui concerne le marché, τὰ περὶ ἀγοράν, 849a, et les astynomes semblent en ce domaine, un rôle d'appoint, ἀγορανόμοι μετ’ ἀστυνόμων, 849e. En 920c, les agoranomes, les astynome et les agronomes sont associés pour surveiller le commerce de détail, de telle sorte qu'il nuise le moins possible à la cité. 257. Lois 848a-b ; on ne comprend pas très bien 848c, comment le propriétaire est libre ensuite de distribuer διανέµειν les deux tiers qu'il conserve par devers lui entre "esclaves et personnes libres". P. Vidal-Naquet, Le chasseur noir, Paris, 1981, "Étude d'une ambiguité : les artisans dans la cité platonicienne", p. 289-316, a montré combien le législateur tenait compte des besoins et du bien-être des artisans. 258. Lois 849a, Astos signifie toujours citoyen chez Platon a bien expliqué A. Fouchard, "Astos, politès et épichôrios chez Platon", Ktèma 9, 1984. p. 185-204 259. Lois 849b. 260. Lois 849d. 261. Lois 845a. 262. Lois 849d.

263. Lois 918a-920c. 264. Lois 849c. 265. Loi5 848C. 266. Lois 849e. Dans le contexte, l'anaphorique ἑϰάστοισι ne peut désigner autre personne que les étrangers dont il est question dans tout le passage. Il est inutlie de prétendre savoir ce que peut être l’agora commune dans laquelle les nomophylaques assistés des agoranomes et des astynomes désigneront des places particulières pour chaque type de commerce, où seules pourront se réaliser les transactions légales, voir Lois 915e. Il faut comparer les solutions préconisées par Platon avec la pratique athénienne telle qu’elle a été décrite par R. Descat, "L’économie d’une cité grecque au IVème siècle avant J.-C. : l’exemple athénien", Revue des Études Anciennes, 89 Grecs et Ibères au IVème siècle av. J.-C., Bordeaux, 1987, p. 239-256 (voir dans Entretiens d'archéologie et d'histore. Économie antique, les échanges dans l'antiquité, le rôle de l'État, 1994, "La cité grecque et les échanges, le retour à Hasebrock", p. 11-30 ainsi que "L'économie antique et la cité grecque", Annales ESC, 1995, p.  961-989) qui montre bien que le paysan athénien achète au marché pour satisfaire ses besoins et ne vit pas en autarcie sur son domaine. Dans la cité des Lois, on ne fait commerce que des biens de la terre et c’est l’activité de l'ἐμπόριον qui est interdite, μήτε χρηματίζηται πλὴν τòν ἐϰ γῆς χρηματισμòν μήτ’ ἐμπορεύηται, Lois 949e. Néanmoins, on sait devoir importer des produits précieux, tels encens et pourpre, de même que les matériaux nécessaires aux arsenaux, Lois 847b-d. 267. Dans la cité primitive telle que la décrit République 371c-d, le marchand a une place plus honorable. Socrate, dans la République, est plus réaliste que Platon dans les Lois, en 370e, il montre qu’une cité ne peut se passer d’importer et donc d’exporter. Voir dans Revue des Études Anciennes, 89 Grecs et Ibères au IVème  siècle av. J.-C., Bordeaux, 1987, l'article programmatique de A. Bresson. "Aristote et le commerce extérieur", p. 217-257, les cités les plus favorisées sont celles qui peuvent confier leur commerce extérieur à des étrangers qui viennent dans la ville pour en acheter les produits en apportant dans leur port même ce dont elle a besoin. 268. Lois 919d. 269. Le citoyen doit rester un amateur, ἰδιώτης, Lois 915d-916c. 270. Lois 842d. 271. Lois 920b. Platon a envisagé d'obliger les plus honnêtes citoyens à tenir un temps boutique pour démontrer que l'on peut rester intègre, même en exerçant ces activités, puisqu'il apparaît qu'elles sont nécessaires à l'équilibre économique et au confort de chacun, 918b et d-e. Le ridicule d'une telle prescription ne lui a pas échappé. Il se contente d’évoquer les activités hôtelières, en prétendant que l'hospitalité marchande devrait se confondre avec l'hospitalité traditionnelle, où l'hôte est un ami. 272. Lois 919c. 273. Lois 918d-e. 274. Lois 919d.

275. L’opposition naïf/connaisseur, dont il est question, essentiellement, dans la législation sur les rescisions, Lois 915d-916b, semble inversée dans le cadre des rapports avec les artisans. Il est admis que les prix ne soient pas fixés par le marché, Lois 921b, le démiurge sait la valeur des choses et fixe le prix qui convient, sauf à démontrer qu’il est malhonnête, il faut que le particulier paie ce qu’il demande, Lois 921e. 276. Lois 916b-917b. La caractère tautologique du discours juridique apparaît de ce que le prologue interdit tout simplement de ne pas respecter la loi. 277. Lois 917b-918a. Sans doute parce qu’il faut comprendre qu’il n’existe qu'un prix juste pour un produit donné, toute fixation du prix dans une instance dialogique paraît être une faute contre l’esprit de vérité, toute modification de prix pour la preuve que l’évaluation a été mal faite. 278. Lois 915d. La loi leur refuse toute valeur légale aux souscriptions de parts de société, cela n’est pas extraordinaire dans la tradition grecque. P. Milieu, Sale, crédit and exchange in Athenian law and society", p. 169-194, p. 187, dans P Cartledge, Nomos, essays in Athenian law, politics ans society, Cambridge, 1990, cite Aristote, Éthique, 1162b21-1263a6, mais ne débouche pas sur une analyse de fond du texte des Lois. 279. Lois 917e, 920c. 280. Lois 917c. 281. Lois 917d. 282. Xénophon écrivit les Poroi pour faire partager le souci qu'il avait de mieux protéger les commerçants et les entrepreneurs dans la cité. 283. Lois 921e. 284. J.-M. Bertrand, "Langage et politiqe : réflexion sur le traité de la République des Athéniens ", Langage et Société, 49, 1989, p.25-41. Platon dénonce avec vigueur les pratiques de la guerre menée depuis la mer, Lois 705c-707d. 285. Lois 919e. On ne sait pas comment est composé ce tribunal, l'affaire est présentée comme purement technique, puisqu'il s'agit d’attaquer un citoyen qui pratiquerait une activité commerciale, néanmoins, le texte est introduit par des considérations sur la difficulté pour le législateur à définir ce qui appartient au domaine de l'ἐλευθεριϰόν ou bien de l'ἀνελεύθερον, aussi la saisine du tribunal peut-elle être largement ouverte. 286. À Athènes, les commerçants purent, si leurs affaires avaient donné lieu à un contrat de droit attique, être jugés directement par le tribunal populaire. L'activité commerciale impliquait des gens de toute origine et de tout statut politique, il fallait la contrôler sous peine de voir se tarir les bénéfices qu'en tiraient la cité et ses habitants, voir Ph. Gauthier, Un commentaire historique des Poroi de Xénophon, Paris, 1976. Le juge ne connaît pas ce dont il est amené à s'occuper, la République, 409a-409e, montre que, s’il est vertueux, toute injustice lui est parfaitement étrangère, quelle que soit l'affaire qu'il doive juger, ἀλλοτρία ἐν ἀλλοτρίαις μεμελετεϰῶς. Néanmoins, s’il connaît les lois, il peut savoir ce qu’est la méchanceté, πονηρία, et remplir sa mission.

287. Lois 833e. 288. Sur le pugilat et les modes d'entraînement, Lois 830d. 289. Lois 830c. 290. Lois 830e. 291. Cratyle 390d-e. 292. Sur l'ὀνοματοθέτης voir Charmide 175b. 293. T. Baxter, The Cratylus. Plato's critique of naming, Leyde, 1992, p. 46 et suivantes 294. Lois 829d. 295. Lois 842d. Le législateur n'ayant pas à prendre en compte les problèmes du négoce aura moins de textes à rédiger. Dans la République 425c-d, les préoccupations du législateur sont les mêmes, mais il n'est même pas question de légiférer sur de telles question, il n'y a rien à dire aux gens convenables qui constituent la cité et ils sont censés découvrir facilement ce qu'il y faut prendre comme mesures en cas de besoin. 296. Lois 853e. Sur l'hilote ivre, voir J.Ducat, Les Hilotes, Bulletin de Correspondance Hellénique Suppl., XX, 1990, p. 115. 297. Lois 754d, ϕύλαϰες ἔστωσαν... τῶν γραμμάτων ὧν ἂν ἕϰαστος ἀπογράψῃ τοἶς ἀρχουσι τò πλῆθος τῆς αὑτῶν οὐσίας. De même les métèques doivent faire mention du montant de leur fortune. On a le droit de déduire de la fortune globale une somme dégressive en fonction du capital global, le montant de cette décote étant fixé en valeur monétaire. Cela réintroduit une certaine obscurité dans le jeu de la publicité des patrimoines, au bénéfice essentiel des plus riches. Ce serait à cette pratique de la limitation des fortunes qu’il faudrait rattacher la notation de Lois 850a, pour la traduction de laquelle il semble que des Places, malgré les avertissements de England ait fait un contre-sens. M. Piérart, Platon et la cité grecque, Bruxelles, 1972, p. 173 comprend mieux les choses. Selon lui, si un achat ou une vente fait sortir quelqu'un des normes fixées par les règles de la limitation des fortunes, soit en plus, soit en moins, il faudrait que "l'excès soit consigné immédiatement auprès des nomophylaques et la différence en moins soit effacée", ἀναγραϕήτω παρὰ τοῖς νομοϕύλαξιν τò πλέον, ἐξαλειϕέσθω δὲ τò ἐναντίον. Cela n'est pas très clair, car une vente ou un achat ne peut procéder que d'un échange entre les contractants, donc il ne peut y avoir dans l’acte de vente même de modification de l'état des fortunes respectives. Tout ce que l'on peut dire c'est que certaines ventes qui seraient des abandons de biens sans contrepartie, sous couvert de transaction fictive, sont peut-être interdites et annulées dès lors qu'elles conduisent à un appauvrissement faisant tomber la fortune du vendeur en dessous de la valeur du lot. On ne voit pas non plus ce que signifie ἀναγραϕήτω, y-a-t'il comme le pense Piérart, et England, très affirmatif, confiscation, au moins temporaire, de ce qui excèderait les limites autorisées mais le mot ne l'induit pas nécessairement, l'inscription en elle-même pourrait suffire à produire l'effet attendu et faire que celui qui aurait dépassé le seuil doive renoncer à son achat. 298. Celui qui aura obtenu le prix de bravoure sera symétriquement honoré dans un temple par l’offrande de la couronne d’olivier qui lui aura été décernée, son nom sera ainsi

témoignage, παντòς τοῦ βίoυ, 943c. 299. Lois 755 a. 300. Lois 762 c-d. 301. Lois 774b. 302. Lois 946d. Dans les procès privés, au contraire, la sentence devait être prononcée par le héraut en présence des juges, seule cette proclamation semble avoir eu valeur performative, Lois 958a. 303. Sur le goût du secret des débauchés, voir République 548a. 304. Lois 784a-e, des Places évoque une "mise au pilori". 305. Lois 753c et d. De même, les archontes publient une liste des candidats aux fonctions de bouleutes, Lois 756e de telle sorte qu'elle soit vue de tous les citoyens qui participent au vote. 306. Lois 753b-d. Voir M. Piérart, Platon et la cité grecque, Bruxelles, 1974, p.  134-144. Cl. Nicolet a étudié, dans "Cicéron, Platon et le vote secret". Historia, 19, 1970, p.  39-66, notamment p. 59-61 le problème posé par cette procédure qui interdit l'irresponsabilité par l'absence de secret. Le même jeu de la publicité et de l'anonymat explique la façon dont sont installés les prisons, 908a, l'une, où sont exposés les petis délinquants, est "proche de la grand-place", περὶ τὴν ἀγόραν. La seconde est située en un lieu non-identifié près de l'endroit où se réunit le conseil nocturne. La troisième se trouve en un lieu particulièrement désert et sauvage dont il est étonnant qu'il soit ϰατὰ μέσην τὴν χώραν, puisqu'on ne connaît aucun site qui puisse convenir à cette définition dans un territoire dont il semble qu’il soit entièrement mis en culture. Cet emprisonnement est comme une mort fictive puisque les enfants d'un prisonnier de ce type son considérés comme orphelin dès la date de son incarcération, 909c. 307. On ne comprend pas très bien comment celui qui désire supprimer le nom de l'un des candidats devait s'y prendre. Lui fallait-il exposer sur l’agora la totalité des tablettes désignant celui qu'il voulait stigmatiser et donc les noms de tous ses suffrageants, ou bien une des tablettes seulement, ce qui impliquerait que l’on n'attachait pas d'importance au nom de l'électeur potentiel. Platon, sans doute, ne s'est pas posé la question, restant à l'essentiel du signifié. 308. Pollux, VIII, 47. A. R W. Harrison, The Law of Athen, Oxford. 1971, p. 229 et suivantes. 309. T. J. Saunders, Plato's penal code, Tradition, controversy and reforni in Greek penology, Oxford, 1991. 310. Lois 964e. 311. République 588a. 312. Ph. Gauthier, Les cités grecques et leurs bienfaiteurs, Athènes, 1985. Bulletin de Correspondance Hellénique, Supp. XII, p. 18. 313. Voir le commentaire de P. J. Rhodes à la Constitution d'Athènes d'Aristote, Oxford, 1981. 314. Isée, Dikaiogenes, 41. Gorgias 472 a-b. 315. Plutarque, Vie de Cimon, 8. 316. Eschine, Contre Ctésiphon, 183.

317. Eschine, Contre Ctésiphon, 189. La comparaison de ce qui arriva à Cimon et à Miltiade est faite aussi bien par Plutarque que par Eschine. Celui-ci doit être la source principale du biographe pour l'anecdote concernant Cimon. Phidias fut emprisonné pour avoir représenté Périclès et s être représenté lui-même sur le bouclier d'Athéna Promachos, comme l'indique Plutarque, Périclès 31, A. Rouveret, "Les lieux de la mémoire politique. Quelques remarques sur la fonction des tableaux en Grèce ancienne", OPUS VI-VIII, p.  101-124, G. Vanotti, "L’immagine di Milziade nell'elaborazione dell'uomo politico greco tra la fine del V e nel IV secolo a.c." p. 15-32, dans L'immagine dell'uomo politico : vita pubblica e morale nell'antichità a cura di M. Sordi, Milan, 1991, a pensé que le décret de Miltiade, Démosthène, Sur l'ambassade, 303, devait être aussi apocryphe que le fameux décret de Thémistocle. Elle évoque le monument de Marathon et accepte les interprétations de P. Amandry, "Sur les épigrammes de Marathon", ϴEΩQPIA, Festschrift W.H. Schuchhardt,, Baden, 1960, p.  1-9. La discussion s'est, depuis, prolongée, voir Ph. Gauthier, Les cités grecques et leurs bienfaiteurs, Athènes, 1985, Bulletin de Correspondance Hellénique, Supp. XII, p. 121 et suivantes. Le texte de Pausanias a été analysé par P. Vidal-Naquet, dans Une énigme à Delphes, Pausanias, X, 10", repris dans Le chasseur noir, Paris, 1981. Quant aux épigrammes IG I2 763 (M&L 26) elles ont été complétées par deux nouveaux fragments qui ont permis de comprendre, peut-être qu'elles n'ont rien à voir avec Marathon, J. Barron, "All for Salamis", “Owls to Athens, éd. E. M. Craik, Oxford, 1990, p. 133-143 (SEG 40. 1990, 28). 318. Thucydide, Guerre du Péloponnèse, I, 132. 319. Ph. Gauthier, Les cités grecques et leurs bienfaiteurs, Athènes, 1985. Bulletin de Correspondance Hellénique, Supp. XII, p.  21. Celui qui aura vécu correctement sera loué à sa mort, Lois 801e. 320. Cet effacement était plus généralement le fait des épouses ou veuves, Thucydide, Guerre du Péloponnèse, II, 45, 2. 321. Hérodote, Histoires VI, 14, évoque le fait que les Samiens ont érigé une stèle, en les désignant comme des hommes de valeur, ἐν τῇ ἀγoρῇ ὡς ἀνδράσι ἀγαθοῖσι, en l'honneur des triérarques qui, désobéissant à leurs stratèges, avaient refusé de trahir les Grecs à la bataille de Ladè. 322. L'inscription attribuant aux Lacédémoniens telle offrande exposée à Delphes est un faux mais Hérodote qui en connaît l’auteur se refuse à divulguer son nom, Histoires, I, 51  : τò οὔνομα οὐϰ ἐπιμνήσομαι 323. Hérodote, Histoires, VII, 214. La formule est de F. Hartog, Le miroir d'Hérodote, Paris, 1980, p. 294. 324. Voir E. Karabélias, "La peine dans l'Athènes classique", Recueils de la Société J. Bodin, LV, 1, 1991, p. 77-132, notamment p. 115 qui souligne que cette publication "solennelle", assume "un important rôle d’éducation civique". Pour G. Glotz, dans le Dictionnaire des Antiquités (Daremberg, saglio, Pottier), sv. Pcena, στηλίτευσις signifiait "proprement la proscription", ce qui nest pas tout à fait exact.

325. L'analyse du mot est faite par D. M. Lewis, "After the profanation of the Mysteries", Ancient Society ans Institutions, Studies presented to V. Ehrenberg, Oxford, 1966, p. 177-191. 326. Souda,VIII, 73 (Dindorff), Hypéride, Fragment 239. 327. Comme le constate Quintilien, L'institution oratoire, III. 7. voir S. Koster, Die Invektive in der griechischen und römischen Literatur, Beitrage zur klassischen Philologie, 99, Meisenheim, 1980. 328. Souda, sv. στήλη. 329. Il existe un bon commentaire du premier d'entre eux, A. Kurmann. Gregor von Nazianz Oratio 4 gegen Julian, Ein Kommentar, Bâle, 1988, qui indique que le mot στηλογραϕία, employé dans le Discours 4, 20,1. 12, apparaît dans divers psaumes davidiques de la version des Septante. 330. Grégoire de Naziance, Discours 5, 42. 331. Ælius Aristide, Contre Platon, pour la défense des Quatre. 303. 10 (discours qui reproche à platon les accusations portées contre Miltiade, Thémistocle. Cimon et Périclès dans le Gorgias). 332. Ce mot en revanche ne semble pas apparaître dans le corpus des orateurs attiques, ni ne faire partie des termes de la langue littéraire classique mais il est courant dans les inscriptions d'époque hellénistique. 333.Scholie d'Aristophane, ad Lysistrata 273, cité notamment par Ins. Jur. Grecques, II, p. 49-50 334. Thucydide, Guerre du Péloponnèse, VI, 55. 335. Le commentaire de Gomme souligne, de façon claire que, in this confused situation, Thucydides’use of a documentary inscription is the firmest point". 336. Lycurgue, Contre Léocrate, 117, voir B. M. Lavelle, "Thucydides VI, 55, 1 and adikia", Zeitschrift fiir papyrologie und Epigraphik, 54, 1984. p.  17-19. Hipparque fils de Charmos, archonte en 496/5, fut ostracisé en 488, première victime de la procédure instaurée par Clisthène, Aristote, Athénaiôn Politeia, 22, 3-4, voir R.Thomsen, The origins of the Ostracism, Copenhague, 1972, p. 18 et suivantes. Ses liens de parenté avec Hippias ne sont pas très clairs, sur ce point, voir J. K. Davies, Athenian propertied families, Oxford, 1971, p. 451, et l'on ne sait pas pourquoi une statue aurait pour lui été érigée sur l'Acropole. On ne sait pas très bien quand auraient été pris les décrets le condamnant, en 481 sans doute s’il n'avait pas voulu profiter de l'amnistie ou juste après les victoires de la seconde guerre médique, on ne peut imaginer que ce fut beaucoup plus tard. On ne sait pas non plus qui pouvaient bien être les autres traîtres qui furent désignés avec lui. On a depuis longtemps, sans que cela doive paraître raisonnable, identifié cette stèle avec la précédente, voir, sur ce point, Ch. Habicht, "Falsche Urkunden zur Geschichte Athens im Zeitalter der Perserkriege", Hermes, 1979, p. 1-35 (p. 18 note 3) qui considère le décret comme une falsification. 337. Démosthène, Ambassade, 271-272  ; Philippique 3, 41, voir R. Thomas, Oral tradition and written record in classical Athens, Cambridge, 1989. p.  85, 87. I. Calabi Limentani, "Modalité

della comunicazione ufficiale in Atene. I decreti onorati", Quademi Urbinati di Cultura Classica, NS, 16, 1984, p. 85-115, a l'air de croire que c'est un décret honorifique. 338. Ch. Habicht, "Falsche Urkunden zur Geschichte Athens im Zeitalter des Perserkriege", Hermes, 89, 1961, p.  3-35, se contente de postuler la fausseté d'ensemble de l'anecdote en traitant de l'emploi du terme πoλέµιoς dans le texte transmis par Démosthène, sans se demander s’il ne peut s'agir d'une glose et non pas d'une citation faite mot pour mot. 339. Démosthène, Sur l'ambassade, 271. 340. Aristote, Rhétorique, 1400a32. 341. F. Jacoby, Atthis, 1949, p. 208. 342. Plutarque, Vie des Dix Orateurs, 834a  ; sur le personnage lui-même, voir B. Cassin, "Histoire d'une identité", L'écrit du temps, 10, 1985, p. 65-77. 343. Il s'agit de l'inscription IG I3 102 accordant divers privilèges aux assassins de Phrynichos, l'un des membres du groupe de 400. 344. Voir N. Loraux "L’oubli dans la cité", Le temps de la Réflexion, 1, 1980, p.213-214 et "De l'amnistie et de son contraire", Usages de l'oubli, Paris, 1988. La pratique de l'amnistie n'est pas spécifique des Athéniens, ceux-ci interdisent que l'on rappelle les maux passés, μνησιϰαϰεῖν, dans un système où la mise en œuvre de l'action de justice passe nécessairement par une dénonciation et un procès de type agônal. À Alipheira, voir L. Dubois, Recherches sur le dialecte arcadien, Louvain, 1988, p. 241 et suivantes, il est interdit de garder rancune, μνασιχολῆσαι. 345. Andocide, Sur les Mystères, 35. 346. IG I3 106 1. 21. 347. Andocide, Sur les Mystères, 76-79 ; voir, outre le commentaire de D. Mac Dowell, Andocides on the mysteries. Oxford, 1962, l'article de A. L. Boegehold, "Andokides and the decree of Patrocleides", Historia, 39, 1990, p. 149-162. 348. Isocrate, Sur l'attelage, 9. 349. FGH III, Fragment 134. Plutarque s'amuse à jouer des références à l'écrit et à l'oral dans le jeu du rappel, Vie d'Alcibiade, 33, 1. Sont associés proclamation et gestes signifiants. Il ne faut pas oublier de quelle façon le hiérophante Théodoros se justifie de l'avoir prononcée, "pour moi, je ne l'ai maudit que s'il était coupable envers la cité", Plutarque, Vie d'Alcibiade, 33, 2, doit être mise en rapport avec telle loi sacrée qui ne sachant si tel ou tel est coupable déclare que la malédiction que l’on pourrait proclamer contre lui est suspendue à la volonté divine. 350. Diodore, Bibliothèque, XIII, 69 et Cornelius Nepos Alcibiade, 6. On ne sait pas, à proprement parler, si la stèle qui fut noyée, voir s.v. katapontismos, l'article du Dictionnaire des Antiquités par G. Glotz, concernait le seul Alcibiade ou était celle dont il est question dans le discours d'Andocide. 351. Syll3 153. 352. Nomima 104. 353. FGH III, Fragment 134 (Scholia in Aristophanem, Oiseaux, scholia vetera), ad 766, ligne 7).

354. Inscriptions Juridiques Grecques II 28 et J. et L. Robert, Bull 1973, 58. 355. Isée, Dikaiogenès, 37-38. L.Migeotte Les Souscriptions publiques dans les cités grecques, Genève-Québec, 1992, p. 323-325. 356. IG I3 68, tout le problème de Samos, ou de Théra, n'est pas de payer ou non le tribut, d'être ou non stigmatisé mais d'être soumis ou non au contrôle d'un percepteur désigné par Athènes. 357. Démosthène, Contre Aristogiton 4, 99 ; Contre Euergos 21-22 358. Aristote, Constitution, 47-48. Il peut y avoir des procédures qui ont pour but de dénoncer les radiations illicites, voir Aristote, Constitution d'Athènes, 49, 3, ἀγραϕίου δὲ ϰατηγοροῦνται ὅιτινες ἂν ἑαυτοὺς ἐξαλείϕωσι, Pollux, VIII, 54 ; il faut voir de même VIII, 103, ἐπιγραϕεῖς οὗτοι τὰ ὀϕειλόμενα ἐφ’ἑϰάστου ἑϰάστῷ ἐπέγραϕον. 359. Polis ed Olympieion a Locri Epizefiri, éd. F. Costabile, Catanzaro. 1992. 360. Syll 3 416 361. . Le ζύγαστρον est un coffre, ainsi que ὀ ϰιβωτός, il contient les divers documents nécessaires à l'administration ἐν ὧι τοὶ πίναϰες, Syll3 244, 1.50. Néanmoins l'ensemble de ces documents peut constituer ce que l'on appelle ὁ δημoσιος πίναξ, Syll3 671. Sur un plan plus général, là encore, on peut lire J. Goody, Entre l'oralité et l'écriture, Paris, 1994, qui montre bien de quelle importance économique se trouve être la capacité à écrire pour la mise en place d'une comptabilité qui permet de savoir ce que doit chacun. Il n'est pas possible d'imaginer qu'était déposée sur l'Acropole d'Athènes une σανίς portant inscrits les noms des débiteurs de l'État" malgré T. Georgoudi, "Manières d'archivages". Les Savoirs de l'Écriture, p. 237, avec note 47 et références, pour qui "cette sanis serait un document non exposé, mais non pas pour cela inaccessible". Si l'on entend bien l'orateur qui compare ce type de tablettes à une borne, ὅρος δ’ἡ σανὶς ἡ παρὰ τῇ θεῷ ϰειμένη, il faut au contraire penser que, de même qu'il existait de nombreuses bornes dites "hypothécaires", M. Finley, Land and crédit in Ancient Athens, Columbia, 1952, qui, chacune, étaient le témoignage d’une dette, de même, il était établi de nombreuses tablettes attestant de ce que tel ou tel était débiteur pour telle ou telle somme, chaque tablette correspondait à la dette d'une personne et il fallait détruire la tablette, ἀνῄρηται, quand la créance était purgée, ἐξαλήλιπται τò ὄϕλημα, la multiplicité des σανίδες permettant une gestion aisée des registres. On peut mettre cela en parallèle avec ce qui se passe pour l'archivage des lois, celui qui effacerait une loi dans le Métrôon serait condamné à mort, Lycurgue, Contre Léocrate, 66, mais nul ne peut penser que les lois avaient été toutes inscrites sur un document unique continu, chacune était inscrite à part sur un support spécifique. Dans la cité des Lois, le fait qu'il soit prévu que des magistrats de Magnésie doivent avoir le contrôle et la surveillance de la publicité des biens témoigne de ce que, selon toute vraisemblance, les documents étaient mis à la disposition du public dans un local qui leur appartenait. 362. J. Hatzfezld, Alcibiade, Paris, 1940, p. 204.

363. W. K. Pritchett, "The attic stelai", Hesperia, 22, 1953, p. 225-298. 25, 1956, p. 178-319, et surtout A. Pippin, "The demioprata of Pollux X", Hesperia. 25, 1956, p. 320-328 qui montre bien que Pollux n'a jamais consulté de recueils épigraphiques, ni a fortiori vu la moindre stèle pour composer son ouvrage mais s'est contenté de faire usage de ses prédécesseurs lexicographes, voir "Five new fragments of the attic stelai", Hesperia, 30, 1961. Lire aussi D. M. Lewis, "After the profanation of the mysteries", dans Ancient Society and Institutions, Studies V. Ehrenberg, Oxford, 1966, p. 177-191. 364. W. K. Pritchett, "The attic stelai", Hesperia, 22, 1953, p. 225-298, Col. III, 1. 184-186. 365. Andocide, Sur les Mystères, 51. 366. Pseudo-Plutarque. Vies des Dix orateurs, 834A. 367. M. Finley, Studies in Land and crédit in ancient Athens, Cambridge, 1959, ne manque pas de souligner que le problème n'est pas toujours simple, p. 10. La plupart du temps, on y trouve mentionné le nom du créancier. Voir telle borne, no 63, qui comporte une rature. P. Milieu, "The attic horoi reconsidered in the light of recent discoveries", Opus, I, 1982, p. 219-249. 368. R. Etienne, Ténos II, Ténos et les Cyclades du milieu du IVème siècle au milieu du IIIème siècle av. J.-C., Paris, 1990, a montré comment les transactions de divers types concernant la terre pouvaient être devenues banales. 369. U. Fantasia, ΑΣΤΙΚΤΟΝ ΧΩΡΙΟΝ, Annali Scuola Norm. Pisa, 6, 1976, p. 1165-1175. Sur une possible borne hypothécaire d’époque archaïque, qui serait si haute que l'on pourrait la voir depuis la ville, voir un article de B. Bravo, "Theognidea, 825-830, un témoignage sur les horoi hypothécaires de l'époque archaïque", Mélanges P. Lévêque, Besançon, 1990, V, p. 41-52 dont la thèse est considérée comme proprement "invraisemblable" par A. Maffi dans sa Chronique Revue d'Histoire du Droit, 71, 3, p.  431. Ni l’un ni l'autre n'ont envisagé la possibilité de comprendre le texte de Théognis de façon métaphorique et cela a conduit à la curieuse traduction, par Bravo, de oὔpoç par "pieu. On peut penser que le poète parle de l'agora comme du lieu du pouvoir, il n'est pas, pour ceux qui la fréquentent, besoin de voir l'état de la chôra ni les bornes qui la marquent, témoignages des modifications sociales et politiques en cours. Il n'est pas nécessaire, donc, que celles-ci aient la taille de colonnes, chacun sait qu elles sont là et leur présence obsède tous les esprits. On ne comprend pas, en revanche, ce que pourraient être les bornes imaginées par T. E. Rihll, "Hectemoroi. partners in crime", Journal of Hellenic Studies, 111, 1991, p.  101-127. H. Van Effenterre, dont les arguments ont été développés par L. M. L'Homme-Wéry, La perspective éleusinienne dans la politique de Solon, Genève, 1996, a cru pouvoir démontrer que que les bornes évoquées par les poèmes de Solon n'avaient rien à voir avec la propriété foncière, la thèse est forte, mais trop iconoclaste, sans doute, pour s'imposer. 370. J.-M. Bertrand, "De l'usage de l'épigraphie dans la cité des Magnètes platoniciens", Communication au Xème Symposion de Droit Grec et Hellénistique, Corfou, 1-5 septembre 1995, Symposion 1995, Vienne, 1997, p. 27-47.

371. Voir E. Karabélias, "La peine dans l'Athènes classique", Recueils de la Société J. Bodin, LV, 1, 1991, p. 77-132. Il faut lire avec prudence E. Cantarella, "Per una preistoria del castigo", Du châtiment dans la cité, Rome, 1984, p. 37-73 (p. 63 et 64) qui multiplie les confusions, les textes qu’elle invoque et dont elle pense qu’ils désignent un pilori, σάνις, ne sont pas topiques, ni IG II2  313. 1. 133, où l’emploi du mot n’est pas analysable mais doit désigner simplement une planche, ni en  1672, 1. 168, où il s'agit bien de bois utilisé pour des travaux de menuiserie effectués sur un chantier parfaitement ordinaire, quant à Polybe, Histoires, I, 22, 9, les σανίδες sont les planches des bateaux carthaginois, et les corbeaux, les instruments dont les Romains se servent pour immobiliser ceux-ci avant de monter à l'abordage. Dans I supplici capitali in Grecia e a Roma, Milan, 1991, elle ne revient pas sur le problème. 372. Lysias, Euandros, 10. 373. Aristote, Constitution d'Athènes, VII, 1 ; Plutarque, Vie de Solon 25, 3 ; Phèdre, 235d. 374. Le caractère honorifique des statues et accessoirement des textes plus malléables par leur caractère explicite put naître de l'image de la victime offerte qui devait être parfaite, être consacré sous forme de ϰoῦpoç put donc signifier pour l'aristocratie qui construisait la cité archaïque que sa perfection la rendait digne d'être entré en rapport avec les dieux garants du pouvoir. Voir J. Ducat, Fonctions de la statue dans la Grèce archaïque  : Kouros et Kolossos'', Bulletin de Correspondance Hellénique, 100, 1976, p.  239-251, ainsi que E. Loucas-Durie, "Simulacre humain et offrande rituelle", Kernos, I, 1988, p.  151-162, J. P. Vernant, Figures, idoles, masques, Paris, 1990. Le roi Évagoras de Chypre fut en revanche le premier vivant qu’honora d'une statue à la démocratie athènienne, Ph. Gauthier, Les cités grecques et leurs bienfaiteurs, Athènes, 1985, Bulletin de Correspondance Hellénique, Supp. XII, M. Lewis et R. S. Stroud, "Athens honors King Evagoras". Hesperia, 48, 1979, p. 187-193. 375. Lycurgue, Contre Léocrate 117. C'est parce qu’ils ne peuvent s'emparer du corps qu'ils utilisent la statue, le nom se trouve être la représentation de la personne désignée. 376. Démosthène, Ambassade, 271-272 ; Philippique 3, 41. 377. G. Piccaluga, "Potmos impara a scrivere", Scrittura e civilta. 12, 1988, p.5-46, il est difficile de penser que l'écriture fut créée pour rédiger des épitaphes, elle est trop liée au pouvoir pour que sa fonction première fût aussi marginale. C’est son usage mieux compris qui la construit comme productrice d'absence. Sur le sujet des premiers textes alphabétiques en Grèce, voir "The origins of alphabetic literacy among the Greeks", Phoinikeia grammata, Lire et écrire en Méditerranée. Namur, 1991 édité par Cl. Baurain, C. Bonnet, V. Krings, p. 357-370. Par ailleurs, J. Svenbrö, Phrasikleia, Paris, 1988, p.  14, ainsi que J.-M. Ganebin. "Mort de la mémoire, mémoire de la mort, de l’écriture chez Platon, Les études philosophiques, 1997, p. 289304.. 378. Sur le tatouage, lire l'article ancien de P. Perdrizet, "La miraculeuse histoire de Pandare et Echédore, recherches sur la marque dans l'Antiquité". Archiv für Religiongesselschaft, 14, 1911, p.  54-129, et C. P. Jones, "Stigma, tattoing and branding in graeco-roman antiquity",

Journal of Hellenic Studies. 77, 1987, p.  139-155 ainsi que M. Gartner, "Le tatouage dans l’Antiquité grecque". Mélanges P. Lévêque, 5, 1990, p.101-116. 379. Plutarque, Vie de Périclès, 26-28, 380. Lois 855c, L. Gernet a étudié ce texte en  1936, analyse reprise dans l'Anthropologie Juridique. Il y est question des châtiments suprêmes dont θάνατον δὲ ἢ δεσαοὺς ἤ πληγάς τινας ἀμóρϕους ἕδρας ἢ στάσεις ἢ παραστάσεις εἰς ἱερὰ ἐπὶ τὰ τῆς χώρας ἔσχατα. On ne comprend pas bien ce que sont ces terroirs consacrés à l'extrémité du territoire, on a pensé à corriger le texte, Gernet proposait à tout hasard εἰς ἱερὰ ἐπὶ τὰ τῆς χώρας ἔσχατα, mais il n'est pas besoin de procéder à ce genre de distinction puisque l'on connaît des temples, non seulement sur l'agora et dans les villages, mais aussi dans les campagnes, 761c, certaines zones non cultivées sont aussi, comme on le sait de la loi sur la chasse, consacrées, 824a. L'exposition semble devoir s'accompagner d'une sorte d'exil au moins symbolique et l'on ne comprend guère ce que peut être cette publicité sans spectateur possible. Il est bien clair qu'il en faut pas imaginer comme T. J. Saunders, Plato's penal code, Tradition, controversy and reform in Greek penology, Oxford, 1991, que Platon utilise ce genre de supplice pour sa valeur curative, "a medical penology", celui-ci cite 855c mais sans faire de commentaire sur la valeur que peut avoir ce principe d'exposition dont chacun sait, et Platon le premier qu'il est un supplice qui détruit les corps, ἀμóρϕους ἕδρας, et non pas un remède. 381. Lois 908a. En 855b, il est bien précisé que la prison est un lieu d'exposition du criminel qui sont punis par une détention durable et publique, δεσμοἶς τε χρονίοις ϰαὶ ἐμϕανέσι, Diès n'a pas bien compris le texte en évoquant un "affichage" (du nom du condamné sans doute), L. Gernet "parle d'un enchaînement prolongé et public" : il semble penser, ainsi, que le nom ne peut avoir de valeur métaphorique qu'au singulier, alors qu'il traduit normalement δεσµούς de 855c par détention. 382. Lois 854d.

Stabilités et permanences 1

Si l'on en croit la façon dont Platon développe le mythe de Theuth, le dieu aurait cru, inventant l'écriture, qu'elle pourrait servir à garantir la pérennité du souvenir 1 . Ammon lui aurait, néanmoins, reproché de n'avoir découvert qu'une technique fallacieuse dont l'utilisation rendrait impossible l'émergence, puis la pratique, d'un véritable savoir. Il n'aurait pas, en effet, découvert le philtre garantissant la mémoire mais seulement l’instrument du resouvenir, οὔϰουν μνήμης ἀλλα ὑττομνήσεως ϕάρμαϰον εὖρες 2 . L’idée la mieux reçue, dans le monde des cités, était que cette technique était parfaitement capable de conserver le souvenir des prescriptions du législateur puis celle des décisions devenues des lois par l'effet du processus formalisé de leur promulgation.

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Tout document rendant compte d'une décision d'une assemblée était, par essence, un mémorial. Il n'était pas de décret qui ne fût une sorte de récit historique, un compte-rendu qui utilisait, dans son formulaire, le temps des récits historiques et signifiait qu'il avait plu à la cité, ἔδοξε τῇ πόλει 3 , de faire telle ou telle chose ou de donner un ordre. Il n'y avait pas, ainsi, de texte juridique qui, dès le premier moment de son usage ne dût témoigner de la capacité de l'écriture à enregistrer et faire connaître des événements renvoyés dans un passé nécessairement indéterminé mais dont les conséquences étaient censées pouvoir s'appliquer au présent et au futur. Les contemporains du moment de la rédaction de ce discours,

de même que toutes les générations successives de citoyens, se trouvaient, ainsi, dans une situation similaire par rapport au temps relatif du document. Cela pouvait garantir, pour le long terme, l’efficience des textes qui n'avaient pas à être considérés comme ne devant exister que dans le moments de leur rédaction et de leur première lecture. Néanmoins, cela ne garantissait nullement la pérennité du sens des textes publiés. En matière politique, comme dans le domaine littéraire ou philosophique, l'écriture ne pouvait, quoi qu'en eût pensé Theuth, servir, en effet, d'instrument de la permanence, mais elle apparaissait bien plutôt comme l'outil de toutes les libertés et de tous les renouvellements. S'il prétendait gagner la partie, le souci de conserver les lois, ou les textes en général, ainsi que les objets construits par elles, en leur forme devait, donc, découvrir des modalités spécifiques d'expression.

Ecriture, imitation et action politique Philosophie et pratique politique 3

Dans le Politique, il est établi que la constitution la meilleure est celle qui permet qu'agissent des chefs doués d'une véritable science. Ceux-ci doivent savoir commander en respectant des lois ou sans le faire 4 , régissant les hommes selon les règles de l'art, que ceux-ci fussent d'accord ou non pour leur obéir spontanément, ἐάντε ἑϰόντων ἐάντ’ ἀϰόντων ἄρχωσιν,..., νομιστέον ϰατὰ τέχνην ἡντινοῦν ἀρχήν ἄρχοντας 5 . Le nomothète originel, auteur de la première constitution parfaite, aurait été un démiurge dont le pouvoir et le droit à légiférer se serait justifié de ce qu’il possédait, ainsi, la science du politique. Le philosophe doit savoir dessiner pour ses concitoyens le tableau des usages qui les conduiraient à pratiquer la justice et la tempérance dans sa vie privée comme dans son activité

politique, ἤθη ϰαὶ ἰδίᾳ ϰαὶ δημοσίᾳ τιθέναι 6 . Le bon législateur doit imiter le savant initiateur du politique, μιμούμενος τòν ἐπιστήμονα 7 et, surtout, agir de telle sorte que son travail d'imitation et de reprise de pratiques éprouvées soit efficace, εἰς δύναμιν μιμήσεσθαι 8 . Le gouvernement idéal serait celui du sage délégué pour exercer le pouvoir parce qu'il serait le seul à posséder les compétences techniques nécessaires, ἡ τοῦ ἑνòς μετὰ τέχνης ἄρχοντος πολιτεία 9 . 4

Il a été justement établi que, pour Platon, "la « connaissance » peut consister, en matière de morale, davantage en la pratique de la vertu qu'en une saisie intellectuelle de son essence” 10 . C'est, donc, dans l'action que l'on doit juger le politique ainsi que les rares constitutions convenables. Si le sage doit conduire une société sur la voie de la vertu, il lui faut devenir roi, comme le souhaite Socrate dans la République car il doit se montrer capable d'associer sagesse et puissance politique, δύναμίς τε πολιτιϰή ϰαὶ ϕιλοσοϕία. C'est là que réside le seul moyen de faire que sa constitution naisse à l'existence en accédant à la lumière du jour, ϕυῃ ϰαὶ ϕῶς ἡλίου ἴδη 11 . Aucune justice n'existe sans l'installation du juste dans l'état de réalité, ce qui impose que le sage sache comment on peut vivre dans le bonheur ou le malheur qu'elle procure. Est, ainsi, vertueux celui qui sait, non seulement, envisager les objets parfaits, qu'il dit être seul capable de connaître, mais, surtout, se rendre semblable à eux, μιμεῖσθαί τε ϰαὶ ὅτι μάλιστα ἀϕομοιουσθαι et se modeler lui-même en fonction de ce qu'il est censé savoir, ἑαυτòν πλάττειν 12 . L'homme juste doit être paradigme de la justice et il ne doit différer d'elle en rien, πανταχῇ τοιοῦτον εἶναι oἶov διϰαιοσύνη ἐστίν... παραδείγματος ἕνεϰα 13 . Il lui faut avoir pour ambition de construire à son image la cité qu'il régit.

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De façon préjudicielle, on peut se demander, donc, si ce que doit envisager le législateur n'est pas, d'abord, une pratique de

gouvernement, même s'il peut sembler qu'existe aux yeux du théoricien une différence essentielle entre gouverner et légiférer, entre éduquer et régir les citoyens, pour les rendre meilleurs et faire du système politique un outil de perfection collective et individuelle 14 . Il semble qu'il ne puisse, en fait, exister de véritable exercice de l'art nomothétique sans une pratique directe ou indirecte du pouvoir. Si l'on en revient aux récits des origines, le premier responsable d'une cité primitive aurait appartenu au groupe des hommes et ne serait advenu au premier rang en son sein que parce qu'il s'y était distingué par ses qualités éminentes 15 . Il n'aurait été conduit à y pratiquer une activité législatrice que parce qu'il lui avait été confié la charge de gouverner. De même, il n'est jamais de ce type de fonction qui ne soit action, et qu'il n'y a pas en particulier de justice qui ne doive être, comme saurait l'écrire Aristote la mise en œuvre volontaire du juste, διϰαιοσύνη ἀϕ’ ἦς πραϰτιϰοί. τῶν διϰαίων εἰσί ϰαὶ ἀϕ’ ἧς διϰαιοπράγουσι ϰαὶ βούλονται τὰ δίϰαια 16 . L'homme juste est celui qui pratique la justice par choix, ϰατὰ προαίρεσιν 17 , la justice doit être la construction de ce juste objectif qu'il désire découvrir, ἡ μὲν διϰαιοσύνη ἐστί ϰαθ’ ἥν ὁ δίϰαιος λέγεται πραϰτιϰòς ϰατὰ προαίρεσιν τοῦ διϰαίου. Le dirigeant avisé ne peut pas ne pas comprendre qu'il lui est nécessaire de pratiquer la justice sous peine de voir nécessairement se dresser contre lui l'ensemble de ceux qu'il prétendrait soumettre à ses caprices et dont, fût-il doté de la force considérable de l'homme adamantin décrit par l’Anonyme de Jamblique, la victoire serait certaine et la légitimité aussitôt reconnue. S'il existe, en effet, un homme supérieur par ses vertus et sa capacité à réaliser les actions les meilleures, c'est à lui qu'il est juste d'obéir. Encore faut-il qu'il n'ait pas seulement des vertus mais aussi une force qui lui permette d’agir, δεῖ δ’ oὐ μόνον ἀρετὴν ἀλλὰ ϰαὶ δύναμιν ὑπάρχειν ϰαθ’ ἢν

ἔσται πραϰτιϰός 18 . La loi est l'instrument de son action mais elle ne peut se passer de l’accomplissement du projet qui l'a fondée. Le discours légiférant doit être efficace. 6

Pour Platon, les philosophes qui ne chercheraient pas à réaliser les propositions qu'ils pourraient énoncer, et auraient peur d'examiner si ce qu'ils souhaitent est pratiquable ou ne l'est pas, se contentant de le poser comme existant, θέντες ὡς ὑπάρχον, puis expliquant ce que pourraient être les conséquences de leurs prémisses en s'éjouissant à énumérer ce qu'ils feraient quand cela aurait été réalisé, oἷα δράσουσι γενομένου 19 , devraient être considérés comme des rêveurs et des esprits sans énergie. S'ils s'abandonnent à la paresse et remettent à plus tard le soin d'examiner si leurs projets sont réalisables, ils deviennent responsables de ce que la cité convenable, celle des Magnètes, ou a fortiori celle de la République, ne peut accéder à l'existence. L'éventuelle constitution parfaite cesse d'exister 20 s'ils se contentent du plaisir d'en décrire la perfection 21 et, s'ils prétendent qu'elle serait seule à pouvoir construire l'unique cité digne de ce nom, ce ne peut être que fallacieux 22 . Ainsi ne remplissent-ils pas leur fonction. Il faut donc contraindre le sage que répugnerait toute activité pratique à s'engager de telle sorte qu'il prouve qu'il connaît le bien en montrant qu'il est capable de le construire 23 . Si tant est, donc, qu'il existe un modèle qu'il lui faille envisager, παράδειγμα, il doit aller jusqu'au bout de la construction d’un réel qui touche du mieux possible au bel absolu et au vrai. Celui qui pense pouvoir suivre les leçons du modèle doit essayer de faire en sorte d'atteindre ce qui en est le plus proche. Le législateur doit, ainsi, faire en sorte que puissent être réalisées ses volontés, τόν νομοθέτην δ’ ἐᾶσαι τέλος ἐπιθείναι τῇ βουλήσει, en considérant ce qui se révélerait utile dans les lois proposées, σϰοπεῖν ὅ τί τε συμϕέρει τῶν εἰρημένων 24 .

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Le devoir d'agir est d'autant plus nécessaire à l'exercice de la fonction philosophique, que, dans les cités médiocres, le sage ne peut que dégénérer et finir par devenir incapable d'accéder à la perfection à laquelle il doit aspirer. Pour pouvoir donner sa mesure et montrer combien il est divin, δηλώσει ὅτι τῷ ὄντι θεῖον ἦν 25 , il lui faut, en effet, vivre en communion avec un monde dont les qualités répondraient aux siennes. Si ce n'était pas le cas, comme s'il s'assimilait lui-même aux discours qu'il tiendrait sans pouvoir se faire comprendre et qui perdraient ainsi leur sens, il subirait le sort d'une graine semée dans un terrain qui ne lui convient pas. Celle-ci devrait s'adapter au sol dans lequel elle vivrait et se soumettre aux exigences du milieu quelque étranger qu'il fût à sa nature propre, ὥσπερ ξενιϰòν σπέρμα ἐν γῇ ἄλλῃ σπειρóμενον ἐξίτηλον εἰς τò ἐπιχώριον ϕιλεῖ ϰρατούμενον ἰέναι 26 . La métaphore du jardin et des semis se construit, ainsi, dans la République, en un mouvement inverse de ce qu'elle était dans le Phèdre 27 où l'âme de l'élève est comme le terreau dans lequel le philosophe doit semer les germes de la sagesse. Dans l'un et l'autre texte, il apparaît clairement que le maître ne doit enseigner que des auditeurs choisis sauf à constater qu'ils sont incapables de faire fructifier son discours et, surtout, qu'il se perdrait à vouloir dispenser des instructions qui seraient mal comprises. De la conjonction de ces deux textes, il apparaît clairement qu'il n'existe pas d'écriture ou de parole philosophique qui puisse se prétendre monologue car c’est nécessairement à l'interlocuteur ou au lecteur qu'il revient de donner sens et prolongement au discours, celui-ci n'existant que dans cette interactivité, qu'on en accepte ou que l'on en refuse les effets. C'est pour cela que le philosophe n'a pas le droit ni le pouvoir de rester à l'écart des autres hommes et que, pour vivre dans une cité qui convienne à sa nature et à son projet, pour pouvoir se sauver lui-

même, il lui faut la construire et devenir ainsi l'artisan de la sagesse, de la justice et de la vertu sociale, δημιουργος... σωϕροσύνης τε ϰαὶ διϰαιοσύνης ϰαὶ συμπάσης τῆς δημοτιϰῆς ἀρετῆς 28 . Le sage, dans les cités ordinaires, doit savoir gouverner, non seulement pour rendre service aux hommes mais parce que c'est la seule garantie qu'il ait d'avoir, un jour, les moyens de vivre en philosophe. Dans la cité parfaite où ses qualités auraient été développées par une éducation convenable, où ses interlocuteurs auraient été choisis puis préparés à écouter et répondre à ses désirs, la chose serait moins nécessaire mais elle irait de soi 29 .

Théorie et pratique constitutionnelle 8

Il ne faut, donc, pas imaginer que Platon veuille prétendre que le législateur doive considérer et se contenter d'imiter, pour assurer le bonheur de la cité pour laquelle il travaille, une constitution parfaite dont il lui suffirait de reprendre les termes en recopiant les traces léguées par un passé mythique. Cette idée n'est qu'une sorte de métaphore de ce que le sage construit en postulant qu'il peut exister un texte de ce type dans le ciel de ses désirs et justifier quels choix il fait, en rédigeant les lois. Le modèle est, lui-même, un artefact. Il n'a de réalité que par l'effet de la volonté qui en revendique l'existence potentielle. Il n’est paradigme que pour qui souhaite le voir, παράδειγμα τῷ βουλομένῳ ὁρᾶν 30 .

9

Le système législatif semble pouvoir être considéré comme fonctionnant de la même façon que le langage et il n’est pas illégitime d’utiliser pour l'analyse divers cheminements analogiques. Ce qui fait la justesse d'un terme n'est pas l'adéquation à un modèle inimaginable mais sa capacité à désigner les choses de telle sorte que les hommes puissent se comprendre les uns les autres 31 . La rectitude d'un nom est, ainsi, fonction de sa capacité à être reconnu

par autrui, et non pas d'un prétendu rapport à une possible vérité de l'être propre des conjonctions sonores, ou d'une adéquation aux objets qu'il désigne 32 . Si le dialecticien intervient dans le travail de définition des mots que le nomothète a pour fonction d'établir, il a pour seule tâche d’indiquer, non pas s'ils correspondent à un idéal qu'il serait seul à même de percevoir, mais s'ils sont bien adaptés à leur fonction de communication. Les mots du langage peuvent être assimilés, par un glissement métaphorique particulièrement productif, à la navette du tisserand, comme le Cratyle le fait comprendre 33 . Il est très difficile, sans doute, de découvrir parmi les hommes un onomaturge digne de ce nom, car un tel législateur est particulièrement rare, ὁ νομοθέτης ὃς δὴ τῶν δημιουργῶν σπανιώτατος ἐν ἀνθρώποις γίγνεται 34 . Quand il advient, néanmoins, il se trouve placé, pour établir les noms, dans la situation de celui qui doit construire les instruments nécessaires au tissage. 10

L'outil idéal peut, en effet, être réalisé de multiples façons en fonction du matériau dont on dispose. Tous les forgerons n'opèrent pas sur le même fer en fabriquant, pour la même fonction, le même type d'instrument. Les artisans doivent, évidemment, posséder une idée de ce qu'est la navette en soi, αὐτò ὃ ἔστιν ϰερϰίς, car aucune n'existerait sans l'image de ce qu'elle doit être. De même, il n'y aurait pas de nom si l'on n'avait pas le sentiment de ce à quoi ils doivent servir et de ce qu'est leur nature 35 . Quand on donne à la navette la forme qui doit être la sienne, τὴν αὐτήν ἰδέαν, l’instrument est bon, même si tous ceux qui la fabriquent n'utilisent pas le même métal. De même, si l'onomaturge sait faire entrer dans la langue la forme convenable du nom, τò τοῦ ὀνόματος εἶδος, requise par chaque projet de langage, il peut passer pour un parfait législateur du langage 36 . L'objet ne peut être considéré comme

conforme à la forme idéale que dans la mesure où il est à même de remplir convenablement sa fonction. C'est, ainsi, le tissu fabriqué qui donne sa forme à l'outil dont la qualité ne peut être reconnue que par le résultat obtenu en l'utilisant. Le groupe des hommes qui vivent sous les ordres des lois sont comme le produit du mouvement de la navette. La cité peut, en effet, être assimilée à un objet fabriqué par une constitution qui lui donne sa forme spécifique. Nécessairement, elle ne préexiste dans l’ordre des êtres à l'outil qui la construit. Les lois ne peuvent, ainsi, accéder à l’existence que par leur capacité à réaliser l’objet politique et c’est en considérant ce qu’il est que le législateur doit découvrir les raisons de leur donner telle ou telle forme. De même que c’est, ainsi, à la qualité de la toile que l’on juge de la valeur de la navette, à la pertinence du discours dialectique que l’on apprécie la valeur des mots, de même, c’est à la façon dont se conduit la cité que l’on juge de la valeur de ses institutions et que l’on peut apprécier le travail du législateur 37 . 11

Présupposer la primauté ontologique de la cité ne se résoud pas simplement en un jeu de logique qui trouverait son expression la plus claire dans l’introduction archéologique qu’Aristote donne à sa Politique 38 . Il est essentiel de signifier que, nécessairement, elle préexiste, physiquement, historiquement, à celui qui en est le législateur. Celui-ci ne peut apparaître que parce qu'il a été reconnu pour tel par l’ensemble de ceux qui ont désiré obéir à des lois qu’il serait le seul à même de rédiger. La théorie, de même que la pratique politique, ne fait pas l’économie de ce genre de constatation. La cité, donc, est antérieure à toute loi qui la régit puisque la naissance n’en peut se constater que dans le cercle des citoyens associés pour les reconnaître pour telles. Même quand Aristote pense pouvoir expliquer qu’elle n’est rien d’autre que sa πoλιτεία, il sait parfaitement qu'il n’est pas d’institutions qui puissent la précéder

dans l’ordre des êtres 39 . Les institutions ne sont, dans leur grande variété, que les modalités de l’existence politique. La polis n’est jamais politeia que par métonymie. 12

Le modèle institutionnel n’existe que parce que le discours politique prétend trouver en lui des moyens de justifier sa pratique et fonder chaque norme sur une norme première. De même, surtout, qu’il ne peut pas exister de langage d’avant le langage, ni de modèles qui préexisteraient à l’existence des mots, de même il n’existe pas de constitution qui serait préalable au politique. Ce genre de constatation aide à comprendre que le Lycée ait compris qu’il ne peut exister de paradigme institutionnel parce que la qualité des constitutions est fonction du caractère de la cité qu'elles doivent régir. Le législateur a toute latitude pour travailler comme il l'entend et satisfaire les besoins du souverain dont il organise le pouvoir mais il n'existe pas d'autre modèle législatif que celui qu'il découvre par l'expérience, même si la perfection en ce domaine peut passer naturellement, ϰατὰ ϕúσιν, pour unique 40 . Il ne sert à rien que le législateur travaille pour recopier ce qu'il peut croire être le meilleur et compulse les recueils de textes législatifs. En effet, les seules lois utiles sont celles qui correspondent à ce que produit un travail politique effectif, oἱ δὲ νόμοι τῆς πολιτιϰῆς ἔργoις ἐοίϰασιν 41 . Il faut, avant de proposer quoi que ce soit en matière institutionnelle, comprendre comment cela peut s'harmoniser avec le monde de ceux qui se verront imposer de les appliquer, ποῖα ποίοις ἁρμόττει 42 . Le travail du législateur n'est donc pas d'imiter mais de comprendre ce que sont les règles internes de fonctionnement du système auquel il doit donner forme. Les lois sont sans doute efficaces en tant que réalités d'imitation, μιμήματα τῆς ἀλήθείας εἰς δύναμιν γεγραμμένα 43 , mais elles apparaissent, quand elles sont en usage, comme étant la vérité en elles-mêmes et le

problème de la qualité de la copie ne doit plus être posé, οὐϰ ἔστιν ἔτι μίμημα ἀλλ’αὑτò τò ἀληθέστατον ἐϰεῖνο 44 .

La loi doit être efficace 13

Platon est évidemment à l'origine de ce genre de proposition. Même si les imprécisions de son argumentation et l’évolution de sa doctrine, en ce domaine, rendent difficile à comprendre l'analyse qu'il fait du phénomène politique, il sait qu'il ne peut éluder ce type d'évidence.

14

Déjà, dans le Politique, il signifiait que, même si les constitutions écrites ne sont qu'une imitation imparfaite du plus droit des gouvernements 45 , c'est à juste titre, néanmoins, que l'opinion les loue, car le fait qu'elles soient des représentations correctes ou insuffisantes d'un modèle idéal n'a pas réellement d'incidence sur les capacités vitales du politique. Une cité peut vivre, quelles que soient les institutions qui la régissent, et le philosophe peut se trouver dans la situation de devoir admirer quelle force de résistance chacune possède naturellement puisqu'elle sait demeurer efficiente dans sa stabilité malgré l'incompétence de ceux qui la régissent 46 . L'expérience prouve, en effet, qu'elles peuvent prospérer dans des conditions très insuffisantes au regard de celui qui jugerait de leurs institutions en fonction de la théorie qu'il prétendrait seule valide. Par ailleurs, le souci légitime d'imaginer qu'il doive exister un idéal de justice ne peut faire oublier que le bonheur est nécessaire à l'homme et qu'il faut donc chercher à le lui procurer. Cela permet de porter un jugement positif sur la démocratie, car c'est le régime, dont on doit constater, qu’il est, évidemment, le plus agréable à vivre 47 .

15

Platon est parfaitement conscient de ce que, dans le monde du politique comme dans tout domaine technique, ce ne sont pas les

réalités idéales qui possèdent la plus grande efficacité fonctionnelle. La pratique du juste dans le domaine politique, comme toute activité de la cité, appartient à l'ordre du démiurgique et les institutions, faites pour produire de l’action, se jugent à leurs seuls fruits. Un savoir artisanal ne peut prétendre valoir comme savoir universel 48 , mais il n'est pas nécessaire d’accéder à la sagesse pour produire, gouverner ou juger correctement. L'opinion droite, ὀρθὴ δόξα, peut en effet produire d'aussi bons résultats que la science véritable, ἐπιστήμη. La preuve peut sembler en être faite, chaque jour, devant les juges. Les plaideurs, dans le temps bref qui leur est imparti pour parler, ne peuvent instruire le tribunal à propos de ce qu'ils sont les seuls à connaître, περί ὧν ἰδόντι μόνον ἔστιν εἰδέναι, mais seulement faire naître une opinion. Il suffit que cette opinion soit correcte pour que son jugement soit bon et l'on doit considérer que tel est le cas, si les résultats de ses décisions, τὰ ὑπ’ αὐτοῦ γιγνόμενα, sont de beaux et bons produits, πάντα ϰαλὰ ϰαὶ ἀγαθά 49 . Cela signifie que l’opinion vraie, née dans le cadre du tribunal par l'effet des discours persuasifs des orateurs habitués des tribunaux et qui conduit les juges à prononcer des jugements droits, ἀληθῆ δόξαν λάϐοντες, n'a pas besoin d'être scientifiquement fondée et parfaitement éclairée, ἄνευ ἐπιστήμης ἔϰριναν, pour être utile à la société. Même s'il peut paraître aller bien au-delà des positions que Socrate choisit de défendre, ce texte peut être considéré pour sa valeur opératoire. Il s'inscrit, en effet, dans un contexte pragmatique qui est bien celui de la pratique politique même quand elle est envisagée dans le cadre de l'utopie, comme nous devrons nous en rendre compte 50 . Elle appartient, d’ailleurs, au fond commun de la pensée des cités historiques. Ainsi, le sophiste subtil qu'était Démosthène savait jouer dans les limites strictes de cette théorie 51 . Ce n'était pas en effet par simple démagogie et pour donner aux héliastes une bonne idée

d'eux-mêmes, qu'il affirmait vouloir qu'ils fussent disculpés de toute faute s'il devait leur arriver de prononcer un jugement incorrect. Devait être considéré comme coupable de cette défaite de la justice celui qui les aurait consciemment trahis ou égarés. D’ailleurs les institutions le signifiaient quand le héraut public, à chaque assemblée, se chargeait de maudire, non pas les jurés qui se seraient fourvoyés pour avoir été égarés par des plaideurs, mais, tout au contraire, l'orateur qui tromperait par ses discours le conseil, le peuple ou bien le tribunal. L'opinion droite des juges fondant leur sentence ne devait jamais se fonder que sur ce qu'ils auraient entendus, ἡ τῆς γνώμης δόξα ἀϕ’ ὦν ἄν ἀϰούσωσι παρίσταται. 16

Platon savait, qu’en acceptant un système où la vérité du juste devait se juger à l'efficacité du chemin qui pouvait y conduire, il lui fallait accepter le principe du relativisme politique. L'homme doit, avant tout, comprendre qu'il a une fonction sociale et qu'il se conforme à la justice quand il accomplit ce qu'il est chargé de faire dans la société. L'expression vraie du juste peut, en effet, naître dans la conscience de chacun qui accomplit ce qu'il lui revient de réaliser dans la cité, τò αὐτοῦ [πράττειν] ἐν πόλει. En ce cas, seulement, il agit justement 52 . Un État peut, lui-même, être considéré comme juste quand les trois catégories d'hommes qui se sont naturellement regroupés pour le constituer font, chacune, ce qu'elles ont à faire, πόλις γε ἔδοξεν διϰαία ὅτε ἐν αὐτῇ τριττὰ γένη ϕύσεων ἐνόντα τò αὑτῶν ἕϰαστον ἔπραττεν 53 . Dans les Lois, comme dans la République, il semble, ainsi, que l’on considère d'abord la justice en tant que réalité sociale, en examinant ce qu’elle est pour l'État pour peu qu'il soit fondé de façon à être le meilleur possible, πόλις ϰαὶ οὕτω ᾠϰιζομεν ὡς ἐδυνάμεθα ἀρίστην 54 , et ce n’est que par extension qu'il est possible de définir en quoi elle consiste quand elle est rapportée à l'individu 55 . La justice consistant en l'exercice de son

métier de citoyen est une réalité sociale et intersubjective. Son exercice dépend entièrement de la façon dont fonctionnent les institutions. Un homme formé sur le modèle de la cité juste, bien disposé par la nature et bien éduqué, n'ira pas détourner les dépôts, piller les temples, voler, trahir ses compagnons ou la cité elle-même, commettre l'adultère, négliger ses parents, outrager les dieux 56 . À l'inverse, Platon sait parfaitement qu'il existe une manière de faire vivre la cité qui peut conduire les gens les mieux disposés à des crimes dont ils auraient été incapables si la société ne leur avait ouvert la voie du péché. Certains braves, par exemple, qui auraient pu servir comme soldats brillants deviennent, si l'on ne sait pas les employer, des brigands, cambrioleurs ou sacrilèges, hommes de main capables de servir toute forme de tyrannie, voués au malheur les uns comme les autres, τούς ἀνδρείους ληστάς ϰαὶ τοιχωρύχους ϰαὶ ἱεροσύλους ϰαὶ πολεμιϰοὺς ϰαὶ τυραννιϰοὺς ποιοῦσα [αἰτία τοῦ µήτε ἄλλο ϰαλόν μήτε τὰ πρòς τòν πόλεμον ἱϰανῶς ἀσϰεῖν τὰς πόλεις].... δυστυχοῦντας γε µήν 57 . Platon veut croire que la justice peut advenir à l'homme en tant que réalité interne à son âme 58 , que celle-ci devrait même être considérée à elle seule comme une sorte de société plurielle dialogisante capable même d'accéder à la capacité de mener en elle même une guerre civile 59 de telle sorte que chacune des parties qui la composent fasse ce qu’il lui est enjoint de faire en se montrant capable d'obéir ou de commander, ἕϰαστον τὰ αὑτοῦ πράττει ἀρχῆς τε πέρι ϰαὶ τοῦ ἄρχεσθαι 60 , mais il sait aussi qu'elle ne peut exister donc que dans la réalisation effective de la société. Ἡ διϰαιοσύνη μόνη τῶν ἀρετῶν πρòς ἕτερον ἐστίν, la justice est la seule des vertus qui n'existe qu'en fonction d’autrui, saurait expliquer de façon parfaitement claire Aristote pour avoir mieux compris sans aucun doute ce qui était en cause dans ce genre de problématique 61 .

17

Si c'est à sa fonctionnalité que se reconnaît une constitution vraie, la naissance d'un droit purement positif est possible. Toute la difficulté vient de ce qu'il faut gérer le décalage qui existe entre cet éventuel relativisme institutionnel et la réalité métaphysique 62 si le véritable État doit conduire ses membres à la vertu totale, πρòς πᾶσαν ἀρετήν 63 et si celle-ci se fonde sur une morale et une métaphysique indépendantes de la seule réalité politique.

Relativisme et tradition 18

Platon tient pour acquise l'idée de l'existence réelle des dieux et souhaite que pensent de même l'ensemble de ceux dont la vie dépendrait des lois qu'il leur propose. Ils ne sont pas créés par la seule convention, de même l'honnête et le juste ne sont des réalités créées par les coutumes des lieux et des moments.

19

Dans la cité des Lois, il faut, néanmoins, admettre qu'il existe un bien qui est défini comme tel par la cité et qui se trouve consister en ce qu'elle souhaite considérer comme juste, beau et bon, τῆς πόλεως νόμιμα ϰαὶ δίϰαια ἢ ϰαλὰ ἢ ἀγαθά 64 . Cela ne signifie pourtant pas que l'art du législateur manque de vérité, oὐϰ ἀληθείς εἶναι τὰς θέσεις 65 et, d'ailleurs, certaines personnes peuvent se faire sur ce point une idée personnelle et établie conformément aux règles de la réflexion dialectique. Néanmoins, le citoyen ordinaire peut se contenter d'obéir aux enseignements des lois et ne croire en l'existence des dieux que parce qu'elles l'établissent, θεοὺς ἡγούμενος εἶναι ϰατὰ νόμους 66 , oἱ νῦν ϰατὰ νόμον λεγόμενοι θεοί 67 . Ils sont pour lui tels que la législation dit qu'ils sont et lui ordonne de les considérer, οἵους ϕησὶν ὁ νόμος 68 , οἵους ὁ νόμος προστάττειν διανοείσθαι δεῖν 69 , et s'ils sont immortels c'est selon la loi, ϰατὰ νόμον 70 . Le petit traité de théologie qui se trouve constituer le Livre X du dialogue, et qui prétend convaincre de

l'existence réelle de la divinité de telle sorte que personne ne reste englué dans l'athéisme, s'ouvre, par l'ordre intimé au citoyen de faire confiance à celui qui sait quelle est la vérité sur ce sujet, doit l'enseigner, διδάσκειν περὶ αὐτῶν τούτων ὡς ἔχει et établit la loi, de croire, ou, à tout le moins, de ne jamais commettre d'actes impies, ἀσεϐῆσαι 71 . Cette proposition n'est pas une version primitive d'un pari de type pascalien, mais, bien au contraire, l'affirmation ferme qu'il faut respecter la loi établie dans son cadre proprement positif. Il n'est pas indifférent, pour comprendre quels sont les principes qui régissent le politique, de savoir que les citoyens ordinaires peuvent se contenter d'une construction purement législative de l'existence des dieux, acceptant d'obéir à la seule parole des lois, τῇ ϕήμῃ μόνον τῶν νόμων 72 , mais que l'on exige que les magistrats potentiels aient dépassé le stade du simple respect des règles et qu’ils aient réussi à force de travail à comprendre parfaitement ce que sont les preuves de leur existence 73 . 20

Platon se cantonne, ainsi, dans les Lois, malgré quelques pétitions de principe, dans un utilitarisme relativiste qui semble bien ne considérer la pratique de la religion que comme une façon d'empêcher les actes délictueux, que ce soit, bien évidemment, dans le domaine de la piété mais aussi dans le cadre plus général de la vie des relations intersubjectives. Le bien peut être considéré dans sa seule dimension positive, il peut rester contingent et valoir, non pas pour ce qu'il est, mais pour sa seule conformité à l'expression législative,... ἀγαθòν ϰατὰ νόμους 74 , et naître dans le seul cadre d'un discours qui le déclare droit au regard de la loi, ὁ ὑπό τοῦ νόμου λόγος ὀρθός 75 . Le fait que la construction juridique peut apparaître comme une réalité parfaitement autonome, non seulement par rapport à un événement, mais par rapport à tout regard qui ne la prendrait pas en compte est particulièrement

évidente dans la législation que, dans les Lois, on construit sur le meurtre  : les responsables de la mort d'un citoyen peuvent, dans certaines conditions, être considérés comme purs aux yeux de la loi, ἐν τῷ νόμω 76 , à l'inverse tel sera dit ϰαϰòς ϰατὰ νόμον 77 . Telle faute en revanche n'existerait jamais qu'au regard de la loi qui prétendrait la dénoncer, puisque l'on ne serait pas poursuivi pour une autre cause que pour l'avoir trahie, ἔνοχος ἔστω ψόγῳ προδοσίας τῶν νόμων 78 . La pureté, la culpabilité, ne tient qu'aux réalités juridiques et n'aurait pas ainsi à voir avec telle ou telle règle universelle, même religieuse, qui doive la fonder 79 . 21

On doit revenir, par là, au problème du modèle. Il faut, en effet, tenir compte de ce que la loi peut être considérée comme une construction humaine et imparfaite. On peut, même, penser que c'est uniquement pour des raisons d'utilité sociale que le théoricien du politique prétend qu’elle est le reflet d'une réalité métaphysique 80 . Il faut, alors, trouver le moyen de faire qu'elle soit d'autant mieux respectée au moment où le caractère contingent de ses origines paraît plus évident. Si l'on accepte l’idée qu'elle construit un juste qui lui est propre, il faut faire admettre qu’il doit être respecté comme si ses fondements étaient tout à fait indiscutables parce qu’elle existe pour avoir été promulguée. Ainsi, Socrate et Thrasymaque s’accordent-ils pour penser que les sujets sont obligés de faire ce que les gouvernants ont institué 81 . La loi doit, alors, être survalorisée, il faut interdire que personne dans la cité ose rien faire contre elle et punir par la mort et les derniers supplices celui qui l'oserait 82 , dénoncer le refus d'obéissance, extirper de la vie entière de tout homme et de toute bête soumise a l'homme l'indépendance, ἀναρχίαν 83 , punir par les plus grands supplices ceux qui enseigneraient à vivre au mépris des lois écrites, παρὰ τοῦς νόμους ϰαὶ τὰ γεγραμμένα 84 . Néanmoins, pour mieux assurer

l'obéissance, et essayer d’obtenir l'adhésion des citoyens, le nomothète pense pouvoir user d'une sorte de moyen oblique pour les persuader et les apprivoiser. Il souhaite qu’ils ne pensent pas que la loi pourrait, à elle seule, constituer le juste ou créer les dieux 85 . Il cherche à récuser l'idée qu'elle pourrait n'être qu'une réalité contingente et qu'elle n'est que le discours immédiat et mobile de la cité, il tient à l'ancrer, au contraire, dans une pérennité qui puisse la fonder. Le responsable politique est invité à expliquer qu'il ne fait rien, en soutenant la loi elle-même, νόµω αὐτῷ, que fonder sa parole sur un discours ancien, τῷ παλαιῷ λóγῳ, légitimé pour son antiquité même et dont il prétend n'être que l’auxiliaire, ἐπίϰουρος 86 . Ainsi, dans la cité où s'exerce l'art du législateur, rien ne doit pouvoir se faire sans référence à un discours normatif dont la légitimité est censée tenir à son antiquité et au fait qu'il s'est maintenu. Cela constitue d'une certaine façon la loi en coutume et oblige à mettre en œuvre les modalités nécessaires à la conservation de ce qu'il faut transmettre pour l'avoir reçu 87 . Le problème est de comprendre comment l'écrit peut jouer un rôle dans ce système où tout présent, discours ou acte législatif, doit s'inscrire dans une continuité qui le rattache au passé et l’inscrit, par avance, dans le futur.

Archives dans la cité Les documents du quotidien 22

Si l'on souhaite rester au niveau de l'analyse politique il ne faut pas accorder trop de place à la distinction importante, au regard d'Ammon, dans son débat avec Theuth, entre une mémoire, l'hypomnèse, qui serait inefficace et l'anamnèse, qui seule pourrait être dite véritablement mémoire 88 , car elle serait productrice et permettrait que les connaissances qu'elle aurait fait acquérir soient

suffisamment intériorisées pour permettre la pensée et l'action 89 . Il faut néanmoins garder présente à l’esprit la distinction entre l'une et l'autre pour bien comprendre ce que sont les modes d'usage de l'écriture ainsi que sa véritable fonction. L’usage de la tablette du domaine de Theuth permet de croire qu'il est possible de s'approprier une mémoire extérieure et d'en construire sa propre perception des choses mais pour que cela soit possible il faut savoir construire du vivant avec ce que l'on pense avoir appris 90 . 23

Le geste du scripteur est le paradigme de toute mémoire possible puisque le souvenir s'inscrit dans l'esprit de chacun comme sur une tablette de cire et donc de toute activité intellectuelle. Sont défectueuses les mémoires où l'on ne peut rien graver qui ne soit illisible, ἀσαϕές, parce qu'elles sont trop sèches ou trop humides, aussi bien que celles où, par manque de place, les lettres se superposent les unes aux autres et se mélangent sans qu'on puisse y déchiffrer quoi que ce soit, ἐπ’ ἀλλήλων συμττεπτωϰότα ὑπò στενοχωρίας 91 . Ceux qui n'ont pas réussi à retrouver et classer dans leur esprit tout ce qui y est inscrit, en raison de sa mauvaise qualité comme support d'écriture, ont nécessairement, ainsi, des opinions fausses et se révèlent devoir être à proprement parler des ignorants, ἀμαθεῖς. Les signes graphiques apparaissent bien, ainsi, même si c’est par métaphore, comme les seuls instruments permettant à l’esprit de franchir les frontières de l'immédiat présent et d'accéder à une véritable réflexion. Ce qui est gravé dans l'âme n'est jamais un simple rappel du passé mais constitue l'expérience productrice de désirs et doit servir de moteur pour toute action. En témoigne de façon particulièrement évidente la question rhétorique que Socrate pose à Protarque pour lui faire comprendre que les lettres et les dessins gravés dans les âmes, images de souffrances vécues ou des bonheurs qu'elles savent pouvoir retrouver, ne sont

pas seulement des renvois au vécu passé, ou des enregistrements du présent immédiat, mais servent nécessairement à considérer et construire le futur, πότερον οὖν τὰ γράμματά τε ϰαὶ ζωγραϕήματα ἃ μιϰρῷ πρóτερον ἐτίθεµεν ἐν ὑμῖν γίγνεσθαι, περὶ τòν γεγονότα ϰαὶ τò παρόντα χρóνον ἐστίν, περὶ δὲ τòν μέλλοντα οὐϰ ἔστιν ; 92 . 24

La mémoire inscrite sur le corps physique de la cité, dans ses dépôts d'archives, sur ses murs, sur les stèles de la place publique, sur les bornes de son territoire, pouvait être considérée comme la représentation métaphorique de cette tablette intérieure à l'homme. Chaque texte officiel perpétué se révélait posséder un caractère fonctionnel. Il n'était jamais en effet de mémorial enregistré du passé dont on ne sût qu'il devait servir au fonctionnement quotidien du corps politique. Le souvenir était conservé de telle sorte qu'il fût utile et productif à la vie politique dont il devait constituer l’élément moteur essentiel. Il faut donc comprendre comment ainsi le même instrument pouvait passer pour garantir la permanence du souvenir et concomitamment permettre qu'il fût le garant des évolutions nécessaires à la vie des organismes politiques. On sait que les secrétaires des cités furent, dès l'origine, chargés d'assurer, par l'usage de la technique spécifique qu'ils étaient sans doute seuls à maîtriser, la constitution de la mémoire collective. Le scribe Spensithios fut ainsi recruté pour que fût sauvegardé par l'exercice de son art le souvenir des affaires publiques, μναμονεῦ εν τὰ δημόσια 93 . Dès les époques anciennes des techniciens parfois rattachés fonctionnellement à des magistrats, percepteurs 94 ou autres, furent recrutés pour que fût garantie la mémoire administrative. Les secrétaires d’Halicarnasse, μνήμονες, possédaient ainsi dès l’époque archaïque un savoir ayant valeur probatoire dans les procès en revendication de propriété. Leur intervention servait à garantir les droits immobiliers et la validité des cessions éventuelles

. C'était donc à eux que l'on remettait, par une sorte de fiction, les propriétés privées avant qu'elles ne fissent l’objet d'une transmission à leur nouveau détenteur, παραδίδοναι γῆν ϰαὶ οἱϰίαν, ce passage par leurs mains permettait de garder la mémoire de la transaction intervenue 96 . Ce collège n'était pas un groupe d'antiques vieillards exerçant une charge viagère, celle de conserver en leur mémoire le souvenir exact de l’histoire complexe d'un terroir qu'ils auraient été les seuls à pouvoir bien connaître, ce n'était pas une sorte de cadastre incarné dans le souvenir personnel ou collectif des plus anciens parmi les citoyens. En effet, la fonction de secrétaire était temporaire et un certain nombre de citoyens devaient l'exercer à tout de rôle de telle sorte que l'on pouvait désigner telle ou telle année par le nom de ceux qui en étaient chargés, en employant une formule tout à fait banale de datation, ἐπὶ ᾽Απολλωνιδίδεω τõ Λυγδάμιος μνημονεύοντος ϰτλ.... Dans une cité dont chacun des membres était censé pouvoir lire assez bien pour que l'on pût préciser dans les textes que les décisions prises et confirmées par des serments seraient gravées dans le sanctuaire d'Apollon de telle sorte que nul ne pût y contrevenir, µὴ παραϐαίνηι ϰατóπερ τὰ ὅρϰια ἔταμον ϰαὶ ὡς γέγραπται ἐν τῶι ᾽Απολλωνίωι 97 , c'était bien évidemment par écrit qu'ils conservaient les éléments de leur savoir. Ils devaient être ainsi des magistrats se succédant pour assurer la responsabilité d’un dépôt d'archives et leur intervention dans un procès en revendication se faisait par la divulgation sous une forme ou une autre d'éléments appartenant à leurs dossiers. Ils n'étaient vraisemblablement ainsi pas différents des secrétaires de Thasos qui avaient à fournir à qui le leur demandait leurs livres, τοὺς βύϐλους 98 , ou de ceux de Paros qui devaient transcrire dans leurs registres la copie de toutes les archives, ἀναγράψαι εἰς βυϐλία ἀντίγραϕα πάντων τῶν μνημονιϰῶν γραμμάτων 99 . La formule selon laquelle 95

ce qu'il savaient devait être tenu pour valide devant le tribunal, ὅ τι ἄν oἱ μνήμονες εἰδέωσιν τοῦτο ϰαρτερòν εἶναι, ne signifie pas que l'on aurait pu vouloir constester la valeur de leur témoignage au nom de la fragilité du souvenir en proposant des éléments de preuve matériellement mieux établis mais que tout simplement les archives publiques étaient seules à faire foi 100 . 25

Pour reprendre, dans un autre contexte, les formules que font connaître les inscriptions de Téos, les documents n’étaient pas seulement destinés à conserver le souvenir du passé, ἐπὶ μνήμηι, mais ils possédaient une puissance propre, leur enregistrement comme leur dévoilement leur permettait par son efficace ἐπὶ δυνάμει de servir à la gestion quotidienne de la cité 101 . L'écriture donnait aux objets de mémoire une fonction qui dépassait largement la simple capacité à asurer la permanence du souvenir.

La republication de textes anciens 26

La conscience de ce que l'écriture mémoriale devait servir à animer le présent se manifestait dans le domaine proprement politique par le souci que l’on avait de republier, dans telle ou telle circonstance importante, des textes anciens négligés en les associant à des textes diffusant des décisions toutes récentes. Ils n'étaient pas repris dans un souci d’érudition mais parce que l'on tenait à ce qu'ils fussent à nouveau pris en compte pour l'action, et parce qu’ils pouvaient servir à procurer, sans qu'il fût besoin d'explications complémentaires, des justifications et des précédents utiles.

27

L'inscription cyrénéenne, connue par la Stèle dite des Fondateurs, était, par exemple, construite en fonction de ce principe. Le texte archaïque d'un serment associé au décret accordant l'isopolitie aux Théréens, bien longtemps après la fondation de la ville, à laquelle leurs ancêtres avaient participé, était présenté comme la référence

nécessaire et topique pour justifier en droit la mesure prise, lui donner une base juridique irréfutable, le décret lui-même exposait la raison et la fonction de cette republication. 28

Il serait fallacieux de prétendre toujours vouloir rendre compte de la pertinence rigoureuse de la rhétorique argumentaire qui aurait lié les uns aux autres les textes associés de cette façon et croire que l'on utilisait les documents anciens pour leur signification propre. Ainsi la rediffusion de textes présentés comme archaïques, ou du moins ancestraux, n'était pas toujours fondée en logique ou en droit. Ce fait est parfaitement illustré, par exemple, par la façon dont furent republiés, à Dréros, quelques fragments d'archives 102 . Ils étaient associés au texte d’un serment que les jeunes gens allaient devoir prêter parce que l'on essayait de leur imposer de prendre le bon parti dans les luttes civiles qui déchiraient, alors, la ville et surtout de dénoncer tout complot dont ils auraient connaissance 103 . Ces trois pièces brèves et rompues, désignées comme des mémoriaux de l'antique terroir drérien, τάδε ὐπομνάματα τᾶς Δρηρίας χώρας τᾶς ἀρχαίας, étaient sans liens très évidents entre elles ni avec le serment lui-même. Elles étaient, sans doute, pourtant, les plus topiques que l'on ait pu trouver pour montrer que les hommes des temps anciens respectaient leur terre ancestrale, savaient l'exploiter et la défendre 104 . Les faire ainsi relire n'avait pas pour fonction d'imposer la reviviscence des rituels archaïques d'appropriation du territoire dont ils rappelaient le souvenir mais bien plutôt de faire supposer que la décision du moment, dont la publication leur était associée, devait être considérée comme s'inscrivant sans rupture dans le droit fil de la tradition politique la plus ancienne et la plus respectable. La juxtaposition des textes témoignait, surtout, par son évidence concrète, de ce que la capacité du politique à s'exprimer n'avait jamais cessé depuis l'époque la plus ancienne, que chaque parole du

passé pouvait être reçue dans le présent et que le dialogue entre les générations qui avaient construit et fait vivre la cité ne cessait pas puisque l'assemblée pouvait toujours connaître les décisions anciennes que donnaient à lire ses archives. 29

Il faut considérer comme particulièrement signifiant le fait que l'on tenait, d'ailleurs, à mettre en évidence et de façon très insistante quelle était la longue durée du temps qui séparait la date de rédaction des documents cités du moment de leur republication. Cela se fit, à Cyrène, par le rappel curieusement redondant de la nécessité de recourir aux traditions ancestrales des ancêtres pour donner la citoyenneté aux Théréens, ἀττοδόμεν τοῖς Θηραίοις τὰν πολιτείαν ϰατὰ τὰ πάτρια τὰ oἱ πρόγονοι ἐποιήσαντο 105 . À Dréros, on indiquait de façon précise quel était le caractère tout récent du texte nouveau, en prenant soin de le dater avec toute la netteté ordinaire, ἐπὶ τῶν Αἰθαλέων ϰοσμιόντων τῶν σῦν Κυδίλα... 106 , en revanche, on laissait entendre que l'ancienneté des mémoriaux désignés tout simplement comme archaïques par une métonymie qui fondait leur antiquité sur celle du territoire, ἡ Δρηρίας χώρα ἡ ἀρχαία, était si remarquable qu'elle était difficilement mesurable, les origines de la cité étaient ainsi censées se perdre dans la nuit des temps. L'emploi du mot ἀρχαῖος positivement connoté signifiait au contraire de ce qu'aurait pu faire le terme παλαιός que l'antiquité des textes qu'il qualifiait n'empêchait pas la possible reprise des leçons qu'ils proposaient et témoignait paradoxalement de ce qu'elles étaient indifférentes aux aléas de l’histoire.

30

Le recours au passé lointain devait permettre de montrer que le groupe politique n'avait jamais rompu avec ses origines et perpétuait sans avoir rien oublié tout ce qui avait fait la trame d'un passé dont on souhaitait montrer qu'il n'avait rien détruit 107 . L'écriture publiée prétendait pouvoir annuler le sentiment de ce

qu'il aurait pu exister des ruptures dans la continuité de l'existence de la cité. La distance existant entre les documents semblait, quoique reconnue et soulignée, pouvoir être abolie par le caractère simultané de leur publication conjointe. La pierre reprenant en parallèle des textes décrits comme éloignés dans le temps les rendait contemporains par consonnance et la mise en page des textes associés sur la stèle témoignait visuellement du caractère immuable des institutions. Par ailleurs, la loi ancienne passant nécessairement pour la meilleure, νόμος δ’ ἀρχαῖος ἄριστος 108 , toute loi nouvelle pouvait sembler accéder elle aussi à la perfection par l'effet de la liaison qui s'établissait dans cette association contextuelle.

Les textes dits faux 31

Comme en témoigne néanmoins le désordre de certaines republications, la réactualisation souhaitée de l'archaïque n'était envisageable que lorsqu'il avait été possible de conserver correctement les documents anciens. L'exemple de Dréros est, bien sûr, à cet égard, tout à fait significatif des insuffisances des dépôts d'archives et du fait que le hasard avait eu toute sa place dans la survie ou la disparition des textes. Le fait que leur conservation fût ainsi connue pour trop souvent aléatoire faisait que l'on ne s’étonnait pas toujours suffisamment lorsque l'on présentait un document nouveau en prétendant à son authenticité et à son antiquité. Si personne ne pouvait spontanément en évoquer la mémoire, ni le dialogue entre concitoyens en faire naître le souvenir, chacun, sachant que la mémoire individuelle ou collective était, par nature, incapable de conserver la totalité du passé, était prêt à se laisser tromper par des publications fallacieuses dans la mesure où elles étaient faites dans le style ordinaire de l'écriture politique.

Paradoxalement l'écriture pouvait, en effet, être utilisée pour jouer avec le passé et non pour le ressusciter. 32

Nombre de ces textes fallacieux furent rédigés et publiés durant le IVème ou le IIIème pour nourrir des campagnes de propagande et manipuler l'opinion publique 109 . Leur fabrication se nourrissait de force lectures. Le prétendu serment de Platées publié sur la stèle que l'on a retrouvée dans le dème d'Acharnes regroupait, en un centon, divers éléments tirés de documents éloignés les uns des autres mais que la capacité associative de la lecture dispersée, avait permis au rédacteur de réunir. Il proposait une leçon de panhellénisme et rappelait le souvenir d’une victoire exemplaire. Utilisant certains éléments de la thématique des oraisons funèbres, il en renouvelait l'esprit car les Athéniens préféraient d'ordinaire vanter les vertus de leur seule cité et l'emblématique combat de Marathon 110 . Le jeu des échos renvoyait ainsi à des formules connues et chacun de ceux qui pouvait ainsi croire à l'authenticité de tel ou tel des éléments du texte était incité à être persuadé de celle de l'ensemble construit. Dans le décret de Trézène, dit de Thémistocle, dont on peut penser qu'il est sans doute le plus significatif de ce genre de documents, le rédacteur avait associé, en un texte plausible bien que parfaitement dénué par illogisme de toute vraisemblance, la "rhétorique patriotique des orateurs et publicistes du IVème siècle" aux "minutieuses prescriptions sur les navires correspondant à l’esprit du siècle d'Athènes qui nous a laissé les «  archives de la marine  » dans les inscriptions" 111 .

33

Sur la stèle d'Acharnes, le prétendu serment de Platées était précédé du texte du serment des éphèbes athéniens. Le serment prêté par les jeunes soldats était présenté de façon redondante comme le serment ancestral des éphèbes que les éphèbes doivent prononcer, ὅρϰος ἐϕηϐων πάτριος 112 ὃν ὀμνύναι δεῖ τούς ἐϕήϐους 113 et il n’avait

jusqu'alors eu de signification que par l’effet de sa prestation orale annuelle ainsi que par la mémoire exacte qu'en gardaient l'ensemble des citoyens qui avaient dû participer à ce rituel collectif. Le texte en était ainsi connu de tous et il est tout à fait évident, même si cela n'a pas été compris immédiatement par l'érudition moderne, que les mots écrits ne pouvaient pas ne pas avoir été ceux que chacun des jeunes soldats avait eu l'occasion de prononcer. La publication, que l'on en faisait par la gravure, n'avait pas pour fonction de rappeler l'existence et la signification des formules sacrées comme si l'on avait craint qu'elles pussent jamais être oubliées. Elle était faite pour donner, comme par contact, l'impression que le texte du serment fabriqué pouvait être authentique, donnant le sentiment qu'il n'existait pas la moindre distance entre l'authentique et l'apocryphe puisqu'ils étaient présentés ensemble. Le caractère fabriqué de ce dernier pouvait ne pas échapper aux lecteurs dotés d'un minimum de culture et d'esprit critique, aussi pour endormir leur méfiance était-il opportun de lui associer un document dont l'authenticité ne pouvait être mise en doute. 34

L'inauthentique pouvait s'introduire dans le jeu politique parce que, pour servir des intérêts avouables ou non, il était possible de tirer parti des insuffisances des divers modes de conservation des archives publiques. L'usage de l'écriture permettait de construire des images de cités où le déroulement temporel ne pouvait, en principe, abolir aucun accomplissement. Chacune des décisions anciennes pouvait, en tout moment, être invoquée, à l’assemblée comme au tribunal, et participer de son présent. Chacun avait, pourtant, pleinement conscience de ce que l’écrit ne pouvait protéger la totalité de ce qu'il avait publié et que son usage pouvait au contraire favoriser l'émergence de toutes les formes de

nouveautés, même les moins légitimes. La tromperie fleurissait sous cette forme. 35

C'est un texte de Platon, consacré à la nécessité de ne jamais rien changer des institutions d'une cité, qui permet de comprendre ce qu'est la voie par où peut s'introduire et trouver crédit le texte faux. Le philosophe dit souhaiter que la constitution reste immuable et toujours semblable à ce qu'elle était lors de sa naissance, ϰατὰ ταὐτὰ ὡσαύτως ἔχουσα 114 . Le bonheur pour le politique devrait consister en ce que par une chance divine, les lois ne connaissent aucun changement pendant des espaces de temps si longs que nul ne puisse personnellement se rappeler ou n'entende jamais évoquer le souvenir d'une époque où elles auraient été différentes, ὡς μηδένα ἔχειν μνείαν μηδέ ἀϰοὴν τοῦ ποτε ἄλλως αὐτὰ σχεῖν ἢ ϰαθάπερ νῦν ἔχει 115 . Paradoxalement, l'écriture permettait qu'il pût en être ainsi dans la mesure où les lois, continuellement reprises, vivaient toujours le présent de leur lecteur. La mise en parallèle des plus anciennes avec les textes nouveaux était faite pour témoigner que rien ne changeait jamais dans le système politique, toute nouveauté pouvant apparaître comme l'évident prolongement du passé. Elle provoquait, en revanche, l'abandon de l'exercice d'une mémoire individuelle, µνεία, et et pouvait sembler rendre inutile l’écoute réciproque, ἀϰοή, et les dialogues spontanés nécessaires à la construction d'une culture collective. Dans l'espace d'oubli, né de ce que les citoyens des cités historiques faisaient trop confiance aux capacités mémoriales des textes écrits, pouvait paradoxalement s'introduire le fallacieux. Nous verrons comment Platon pensait pouvoir trouver les moyens de protéger de ce danger, en organisant de façon efficace, le fonctionnement d'une parole productrice d'une mémoire collective, efficace et véridique.

Lecture des mémoriaux 36

L'idée selon laquelle l'écriture pouvait assurer, sans autre médiation que la mise en scène de sa publication, la pérennité de la loi pouvait être présentée comme une évidence par les orateurs. Il est bien clair qu'ils ne raisonnaient pas de façon théorique mais en fonction des nécessités supposées de l'activité qu'ils exerçaient. Ils savaient parfaitement, en effet, que l'écrit, dans ses diverses manifestations, était l'un des instruments les plus nécessaires à leur action dans le domaine politique aussi bien que judiciaire. La pratique des tribunaux constitue, pour l’historien, le domaine privilégié d'émergence de ce genre de problème car chaque discours judiciaire important posait, de façon plus ou moins évidente, la question du mode de fonctionnement possible de la lecture dans son rapport à la mémoire. Par ailleurs, il faut tenir compte de ce que le rappel du passé était, sans doute, nécessaire pour lui-même, ἐπὶ μνήμηι, mais surtout pour l'effet qu'il produirait, ἐπὶ δυνάμει. Un magistrat pouvait être convaincu des capacités performatives immédiates d'une lecture ritualisée qui lui était prescrite en telle ou telle occasion ainsi que ceux qui l'écoutaient 116 . L'orateur athénien devait, quant à lui, argumenter pour faire comprendre pourquoi il choisissait d'évoquer tel ou tel texte et pour expliciter le sens qu'il fallait donner à la lecture qu’il en faisait faire par le greffier du tribunal.

La lecture des décrets dans les procès en illégalité 37

La façon dont on procédait dans les procès athéniens pour illégalité est significative de la façon dont on utilisait la citation des documents pour se réjouir de la supposée capacité de l'écriture à conserver intact le texte des lois anciennes, à permettre, en publiant

des documents prétendument immuables et transparents, que chacun pût espérer accéder à la connaissance du droit. Ce type de procès était le plus souvent purement politique. Ils pouvaient ne porter que sur des décrets honorifiques d'une importance si réduite qu'il n'était pas question de demander leur annulation pour leur contenu. Attaquer un texte de ce genre, n'avait pour but que de faire condamner, pour l'écarter de la vie publique, un adversaire parce qu'il avait été responsable de son approbation ou accessoirement se trouvait en être le bénéficiaire. La réflexion sur la forme et la procédure tenait, donc, une place essentielle dans ce cadre 117 . Si le tribunal signifiait par son vote secret que celui qui attaquait un décret avait eu raison de le faire, c'est qu'il considérait que la proposition et la mise aux voix en avait été fautive, il condamnait les initiateurs de la procédure 118 . Le vote de la cité était de ce fait nul et non avenu. Comme si le groupe politique était censé ne pas s'être même exprimé, le texte faisant état de sa décision avait cessé d'exister. Dans le cas contraire le scrutin était confirmé et le décret mis en application. Le jeu de la recherche de nullité imposait de curieuses stratégies de lecture. 38

Ce qui surprend est évidemment que, réuni en tribunal, le peuple pouvait être conduit à assister à la réouverture d'une discussion déjà tranchée par un vote de l'assemblée, alors même qu'il était censé devoir se contenter d'arbitrer l'affrontement de deux parties en procès et qu'il n'était plus possible à quelque citoyen que ce fût d'exprimer son opinion. La cité semblait, ainsi, pouvoir se contredire et récuser, siégeant en forme de jury, les résultats d’un scrutin intervenu dans l'assemblée. Eschine savait, donc pouvoir prétendre mettre en garde les Athéniens en leur demandant de confirmer en tant que juges la décision prise en tant que législateurs, τὴν αὐτὴν ἔξετε γνώμην νομοθετοῦντες ϰαὶ διϰάζοντες 119 . Démosthène

pouvait, au contraire, insister sur le fait que les jurés devaient, en raison du serment qu'ils avaient prêté et qui leur donnait une responsabilité spécifique, se préoccuper de façon particulièrement attentive de la défense des institutions et faire en sorte qu'un texte voté, mais qu’il prétendait non conforme à la constitution, fût aboli, εἴπερ ὑμῶν ἑϰάστῳ μέλει τι τῆς πολιτείας ϰαὶ δείν οἴεται ϰυρίαν εἶναι τὴν αὑτοῦ γνώμην περὶ ὧν ἂν ὀμωμοϰῶς ψηϕίσηται, λυτέος ϰαὶ οὐϰ ἐατέος οὑτος ὁ τοιοῦτος νόμος ϰύριος νυνί γενέσθαι 120 . 39

Dans la mesure où la souveraineté populaire était indivisible, le tribunal ne pouvait pas prétendre au droit d'annuler une décision prise par l’assemblée car il était inimaginable que le peuple pût se trouver dans la situation de devoir se condamner lui-même. Le tribunal qui envisageait de condamner l'initiateur d'un décret pourtant voté par le peuple parce qu'il acceptait de se laisser persuader qu'il était illégal devait, ainsi, jouer sa partie en une curieuse fiction. Il fallait, en effet, pour parvenir à cet aboutissement que fussent mises en œuvre des procédures de lecture extrêmement subtiles pour éviter qu’il apparût que pouvaient naître entre les diverses instances politiques des conflits de compétence. Cela eût, pourtant, été logique, comme sut le faire comprendre, par exemple, Démosthène en expliquant que tous les prétendus crimes, dont on voulait lui faire endosser la responsabilité en demandant la condamnation de Ctésiphon, étaient sans doute de sa responsabilité mais que les Athéniens pouvaient être considérés comme plus fautifs que lui pour ne pas les avoir empêchés. Ils devaient, donc, pour conserver leur honneur et manifester leur fierté pour tout ce qu'ils avaient accompli en suivant ses conseils, réaffirmer leur confiance en acquittant l'ami qui l'avait fait honorer par décret 121 . Il ne faisait, en l'occurrence, que retrouver l'esprit de l'argumentation que Périclès avait utilisée en 430/429 122 ,ou la thématique développée

par Thucydide jugeant de l'attitude des Athéniens aux lendemains des désastres de Sicile 123 . 40

Le tribunal n'était pas censé, pourtant, raisonner ainsi. Sa seule fonction était de se contenter de juger de la validité du scrutin ayant accepté le décret contesté. S’il concluait à sa nullité, en condamnant son promoteur ou le prytane qui avait fait procéder au vote, le décret était, de fait, censé n'avoir jamais existé en raison du vice de forme qui avait entâché la prise de décision. De cette façon, le jury se contentait de constater l’inexistence du texte dont il avait décidé de condamner l'initiateur, mais il n’avait pas à annuler en tant que telle une décision de l’assemblée 124 . Cette procédure induisait une lecture différenciée des éléments du texte dont on contestait la légalité. Un décret rédigé pouvait être, en effet, considéré comme un document complexe dans le texte duquel il était possible de distinguer deux parties, le dispositif regroupant les divers éléments nécessaires à la datation du document et à l'identification de ceux qui en avaient initié la présentation et le texte de la décision, justifiée par des considérants, qui n'est en général qu'une longue et unique phrase.

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Eschine put, de façon tout à fait insistante et sous une forme généralisante, soutenir que l’écriture avait pour fonction d'assurer la sauvegarde des textes juridiques, l'usage des lettres assurant, à l'entendre, l'immuabilité des textes, ϰαλòν ἡ τῶν γραμμάτων ϕυλαϰή, ἀϰίνητον γὰρ ἐστι 125 . Il était pourtant parfaitement conscient de ce que personne ne pouvait avoir songé à invoquer cette immobilité comme absolument nécessaire, en toute occasion de la vie politique, et que ce n'était donc pas là-dessus qu'il devait fonder l'essentiel de son discours. La tradition athénienne lui aurait, nécessairement, apporté un perpétuel démenti car, dans la cité démocratique, une certaine mobilité institutionnelle pouvait passer

pour vertu, Athènes s'était toujours montré particulièrement entreprenante alors que l'immobilisme semblait avoir été l'apanage des seules cités tranquilles parce que trop modestes dans leurs ambitions, ἡσυχαζούσῃ πόλει τὰ ἀϰίνητα νόμιμα ἄριστα 126 . Sa façon de faire témoigne, pourtant, de ce qu'Eschine savait construire, en fonction des besoins de son action immédiate, la lecture de ce qu'il prétendait avoir été et devoir rester immobile et qu’il pensait pouvoir faire admettre par les jurés la validité de son procédé. Cela prouve que ceux-ci étaient parfaitement au fait des subtilités de la pratique de l'écrit. Quand il se félicitait, ainsi, de ce que l’écriture assurait la permanence des informations nécessaires à son travail d'accusateur, Eschine faisait clairement comprendre que la seule des informations qu'il cherchait dans le document officiel qu'il devait analyser, celle dont il lui importait que fût assurée la permanence et dont il était satisfait qu'elle le fût, était le dispositif. Il lui permettait de connaître le nom des auteurs d'un décret ainsi que celui de ceux qui l'avaient proposé au vote, ὁ δεῖνα εἶπε, ὁ δεῖνα ἐπεψήϕιζε. Il avait besoin de savoir, en effet, quelle était leur identité. Tout décret devait la publier de telle sorte que, si besoin était, ils ne fussent pas oubliés et, donc, pussent échapper à une éventuelle punition 127 . Cette indication était l'une des données que fournissait le document archivé et éventuellement gravé sur une stèle. L'information était parfaitement incontestable, même s’il pouvait arriver que tel ou tel orateur eût essayé parfois de tromper les jurés en attribuant à un tel ce qui devait l'être à un autre 128 . Ceux qui avaient, ainsi, joué un rôle actif d'initiateur dans la prise d'une décision ou de régulateur de la procédure étaient désignés à jamais comme tels. Il n'était de personne dont le nom était noté de cette façon qui pût prétendre échapper à la responsabilité qui avait été la sienne. La publicité faite au nom de l’un ou l'autre, par les archives ou les stèles, trouvait sans

que cela dût étonner, toute la valeur dénonciatrice qui pouvait s’attacher à ce mode de désignation d'un individu. Elle possédait, paradoxalement, une capacité stigmatisante d'autant plus grande qu’un vote positif était intervenu pour approuver le promoteur du texte. Une proposition qui n'aurait pas suivi dans leur succession les diverses étapes du processus jusqu'à sa présentation devant l'assemblée, où une première procédure d'empêchement pouvait être lancée, et jusqu'au vote d’approbation n'aurait pas pu être attaquée de façon aussi rude ni son auteur traité avec la même sévérité 129 . 42

Pour, néanmoins, qu'une condamnation pût intervenir et qu'un décret fût considéré comme inexistant, il fallait, pourtant que l'expression immuable et pérenne, ἀϰίνητον, du nom d'un orateur ou d'un président de collège de prytanes fût lue dans l'ensemble de son contexte car elle ne prenait tout son sens d'ignominie qu'en fonction de la manière dont on lisait l'entier du décret dont ils avaient pris la charge chacun à son niveau. L'accusateur, qui se réjouissait de pouvoir les faire condamner pour avoir lu leur nom en tête du décret dont il attaquait la légitimité, devait donc faire partager son interprétation du document par le peuple devant qui l'affaire était introduite. Le tribunal ne pouvait condamner qu'en fonction d'analyses dont l'accusateur aurait su faire valoir au fond la pertinence et il ne décidait ainsi de la nullité du scrutin qu'en s'interrogeant sur la lecture qu'il devait faire du document dans son ensemble.

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Il distinguait ainsi dans le texte d'une décision politique ce qui devait rester dans la mémoire par l'effet de sa publication, à savoir les noms des responsables à juger qui restaient présents par l'effet de l'écriture et couraient le risque d'être frappés à jamais d'infamie, de ce qui allait devoir en être effacé, c'est à dire l'ensemble des décisions prises s’il était avéré qu’elles contrevenaient aux lois

existantes. Le tribunal était censé devoir lire le texte d'un décret attaqué comme s'il était composé de deux blocs signifiants dotés de statuts différents. L’un devait être considéré au terme de la procédure comme inexistant, aussi bien la formule ἔδοξε τῇ βουλῇ ϰαὶ τῷ δήμῳ, que l'ensemble même des considérants et de la décision qui devaient donc disparaître des archives publiques. L'autre était renvoyé à son seul auteur, que l'on pouvait condamner pour avoir voulu donner de mauvais conseils à l'assemblée comme s'il n’avait pas su trouver de soutien dans le vote positif du peuple. La seule chose ainsi qui, dans un texte officiel relu devant le tribunal se révélait ineffaçable, ἀϰίνητον, était ainsi le nom de l'orateur et celui du président de l'assemblée qui avait mis sa proposition aux voix. On ne voulait pas revenir sur cette publication qui empêchait qu'ils pussent jamais se dégager de leur responsabilité. 44

En distinguant ainsi l’intitulé d'un décret pour permettre au peuple de condamner les orateurs dont le nom ne devait surtout pas être oubliée des dispositions mêmes issues d'un vote, la cité démontrait qu'elle savait parfaitement que l'écriture n'avait de pérennité que dans la mesure où elle trouvait un lecteur pour vouloir la valider. Il était parfaitement compris ainsi que toute écriture prend sens et pertinence en fonction du seul choix du destinataire de la lire ou non, de l'interpréter comme il lui convient. Cela témoigne de son essentielle volatilité. En jouant de cette découverte la cité se rendait capable d'oublier par l'annulation d'un texte, reconnu comme illégal, ses propres errements par une sorte d’amnistie offerte à l'innocence nécessaire à sa perfection, tout en refusant de faire silence sur les fautes individuelles réelles ou supposées de ses membres. Il paraissait nécessaire, en effet, qu'il n'y eût pas d'erreur collective qui ne dût être renvoyée à la responsabilité d'un seul citoyen 130

alors qu'à l'inverse la capacité des bienfaiteurs à faire reconnaître leurs vertus était moins aisée 131 .

La rédaction des décrets selon le Phèdre 45

Cette façon de dissocier le texte législatif en éléments distincts était une création spécifique du système judiciaire et semble ne pas avoir correspondu à la façon dont se déroulait la mise en œuvre du processus législatif telle que l'a décrite Platon avec une précision très éclairante 132 . Dans le Phèdre, il montre comment l'orateur politique écrivait le texte, dont il aspirait qu'il devînt un décret, sous la forme d'un ensemble parfaitement homogène 133 .

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Il en rédigeait chacun des éléments et présentait d’un seul tenant les décisions qu'il soumettait au vote en les justifiant par la rédaction d’attendus qui témoignaient de son intelligence et de son sens de l'opportunité politique ainsi que toutes les formules purement procédurales du type "il a plu", ἔδοξε, au peuple, au conseil, ou bien aux deux ensemble, ἀμϕοτέροις. C’est lui qui indiquait en effet qu’un tel avait fait la proposition, ὃς εἶπεν, écrivant et lisant lui-même devant les diverses instances décisionnelles son propre nom comme s'il était celui d'un autre, τòν αὑτόν δὴ λέγων. Son ouvrage devait pouvoir tenir la scène jusqu'au moment où intervenait, dans chacune des assemblées par lesquelles il devait être reçu, la sanction d'un vote positif auquel cas lui-même quittait le théâtre en auteur comblé, ἐὰν μὲν οὖτος ἐμμένῃ, γεγηθὼς ἀπέρχεται ἐϰ τοῦ θεάτρου ὁ ποιητής. Si tel n’était pas le cas, l'intégralité du texte qu'il avait présenté se trouvait à proprement parler effacé, ἐξηλείϕθη. Les propositions de l’orateur disparaissaient ainsi devant le refus de l'assemblée de ses auditeurs et lecteurs par son intermédiaire d'en assumer les termes 134 . Lui-même ne gagnait point alors ses galons d'homme politique, ne recevait pas la part de la dignité qui s’attache

à l’activité d'écrivain du droit, ἄμοιρος γένηται λογογραϕίας [ὁ ποιητής] τε ϰαὶ τοῦ ἄξιος εἶναι συγγράϕειν, à la grande peine de ses partisans, πενθεῖ αὐτός τε ϰαὶ oἱ ἑταίροι 135 . 47

En tant qu'auteur, l'orateur devait s'être situé hors de l'évidence de la réalité énonciative et ne pouvait décrire, dans son temps propre, l'activité qu'il menait. Il ne devait pas, non plus, se présenter comme le sujet de son propre discours, mais seulement comme le héros d'un récit dont la responsabilité était censée lui avoir échappé puisqu'il se présentait lui-même à la troisième personne du verbe. εἶπε. La métaphore du théâtre laisse entendre ainsi qu'il se considérait plus comme un acteur récitant un texte dont il ne se s'avouait pas l'auteur en un jeu dont la responsabilité semblait lui échapper. Le plus clair de cette présentation du processus de la mise en œuvre de l'activité législatrice est que la proposition rédigée par un homme politique était un texte parfaitement unitaire. Tout était, déjà, inscrit dans la forme exacte que prendrait le décret publié, dispositif et décision, quand le peuple aurait découvert et exprimé par son vote ce qu'il aurait plu à la cité de décider. C'est ce texte homogène, dont l'initiateur lui-même s'effaçait dans la troisième personne pour laisser la place à l'évidence de la parole de la cité, que le tribunal devait dissocier pour en condamner l’auteur. La pièce devait était réputée n'avoir jamais été jouée, dès lors que le juge choisissait de récuser l’effet qu’avait produit sa présentation devant le public de l’assemblée.

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Il semble bien que la cité savait, ainsi, lire l'écriture de ses membres de façon différente en fonction de l'instance devant laquelle elle était produite. Elle pouvait, dans ses assemblées, récuser un décret dans sa totalité par les votes négatifs. Mais le tribunal pouvait en retenir la part nécessaire à punir celui qui en avait été le rédacteur, n'effaçant que ce qui lui convenait du texte proposé. 136 . L'orateur

judiciaire et le jury, auquel il s'adressait, savaient parfaitement, l'un comme l'autre, que le statut même de l'auteur était en cause dans l'activité de lecture. Englué dans le passé des verbes obligés et dans l’emploi de leur troisième personne, εἶπε ou ἔδοξε, le promoteur du décret avait pu paraître se contenter, dans son geste d’écriture, de jouer un rôle du héros d'un récit qui ne prendrait sens que lorsqu'il cesserait d’être le sien propre et serait devenu la décision voulue et promulguée par la seule cité. Comme, devant un jury, on venait le poursuivre personnellement, et qu'il devait se défendre, il ne pouvait plus se contenter de prendre l’air de celui qui aurait pu écrire mais ne l’avait pas fait puisqu'il était censé n'avoir que parlé, εἶπε 137 . 49

De son côté, l'accusateur, à qui il revenait de tout oser pour que fût reconnu comme un véritable sujet susceptible d'être condamné celui qui avait rédigé la proposition qu'il voulait voir disparaître du corpus législatif, pouvait parfois pousser sa pointe. Eschine, par exemple, voulut prétendre que la responsabilité de son adversaire devait être considérée comme absolue tout au long du processus de la prise de la décision contestée. Contre toute vraisemblance institutionnelle, mais par une présentation démagogique des faits destinée à exonérer le corps politique de toute faute qui pût lui être imputée, il alla jusqu'à prétendre que le degré du contrôle de l'accusé avait été complet tout au long du déroulement de la procédure de prise de décision. L'assentiment du peuple, l’ἔδoξε, dont la mention dans le document était de son fait, n'aurait pas été obtenue par un vote formel qui, seul, aurait pu lui donner valeur juridique. Eschine allait, ainsi, jusqu'à présenter l'orateur ayant proposé un décret sous des traits qui rappellaient ceux du roi charismatique d'Hésiode, celui-ci ayant exercé à lui seul, aux âges anciens, la charge du politique et qui devait ainsi assumer la

responsabilité de tous les malheurs que ses fautes et son injustice faisaient tomber sur le peuple 138 . De façon moins métaphoriquement idéologique et, pour en rester à des événements mieux perceptibles, il décrivit Démosthène comme coupable d'avoir réuni le conseil en comité secret et transmis à l'assemblée un προβούλευμα qu'il avait rédigé lui-même mais dont il avait fait endosser par un conseiller naïf la responsabilité, προσλαβών τὴν τοῦ γράψαντος ἀπειρίαν. Il aurait ensuite fait en sorte que le texte fût acccepté sans que le peuple ait pu manifester sa volonté. Celui-ci se serait laissé manipuler au moment du scrutin et le texte aurait été voté et serait devenu décret dans l'assemblée, en quelque sorte passivement, et par la seule action de Démosthène, ἐν τῇ ἐϰϰλησίᾳ διεπράξατο ἐπιψηϕισθῆναι ϰαὶ γενέσθαι δήμου ψήϕισμα 139 . L'idée qu'un promoteur pouvait avoir été tout à fait libre de transformer en texte officiel le projet même qu'il avait rédigé sans que se fût exprimé la volonté populaire n’était, évidemment, guère plausible. Pour avoir tenu la scène, la proposition avait du trouver, tout au long de la procédure, des publics réceptifs et aptes à intervenir dans le dialogue nécessaire à l'émergence de la voix de la cité. L'accession du texte initial au statut de décret sans que plusieurs scrutins effectifs fussent intervenus n'était pas imaginable. Néanmoins, jouer sur le statut du sujet pour ne pas vouloir que le peuple pût être mis en cause permettait à Eschine de faire semblant, au moins pendant une partie de son discours, de ne pas avoir à reprendre les éléments du débat sur l'opportunité et la pertinence des décisions prises. C'était une sorte de jeu sur le statut de l'écriture. Il en était d’autres qui pouvaient être mis en œuvre, non seulement dans les procès en illégalité, mais dans tous les types de procédure.

La lettre et l'esprit

Le jeu de la forme et de la règle 50

Dans leur partie proprement technique, nombre de discours judiciaires s'attachaient aux formes. L'usage et la pertinence de chaque élément des textes législatifs ou des documents devaient, ainsi, être compris et justifiés dans le cadre des procédures engagées. Ce genre de considérations pouvait, parfois, conduire à réfléchir aux problèmes essentiels de qualification comme ce fut le cas, par exemple, dans le procès pour le meurtre d'Hérode 140 . Elles pouvaient se réduire à des jeux de mots, comme ce fut le cas dans l'intéressant procès pour injure Contre Théomnestos, Lysias se refusant, dans son discours, à imaginer que l'on ne dût pas s'en tenir, avec une extrême rigueur, dans un procès pour ϰαϰηγορία, à la lettre même de la loi énumérant en listes fermées les vocables insultants dont l’usage devait conduire à une condamnation, seuls ceux qui étaient définis comme tels devaient à son avis être considérés comme interdits mais aucun synonyme ne devait l'être 141 . Il semble que, dans le cadre des procès pour illégalité dont la logique est particulièrement significative, le débat semblait pouvoir s'en tenir à la seule lettre des textes attaqués. Le caractère illégal ou légal d'un décret tenait essentiellement à sa capacité à s’intégrer sans discordance au corpus de l'ensemble de tous les autres textes législatifs. Ctésiphon, par exemple, fut attaqué par Eschine pour avoir proposé un décret qui n'aurait pas tenu compte de ce qu'une loi précisait qu'un magistrat devait avoir rendu ses comptes avant d'être couronné, ainsi que pour avoir demandé que l’hommage à Démosthène fût proclamé au théâtre alors qu'il aurait dû l’être à l'assemblée 142 . L'accusateur, avait introduit le débat sur un mode que l'on pourrait croire réducteur, mais qui permet de comprendre quelle idée l'on se faisait de la fonction et de la pratique de l'écriture publique.

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L'épreuve de légalité était censée pouvoir se faire d’une façon tout à fait simple. Assimilant la loi à la règle de l'architecte, ϰανών, dont on utilisait la rectitude pour assurer ou contrôler celle du mur d'un bâtiment en la posant contre lui 143 . Eschine prétendait qu'il suffisait de juxtaposer la tablette, σανίδιον, où aurait été inscrit le décret dont il contestait la validité et celle où les lois existantes, oἱ νόμοι, auraient été recopiées de façon à ce qu’elles leur fussent confrontées à lui, παραγεγραμμένοι 144 . Il aurait voulu que Ctésiphon. sans chercher à argumenter, se fût contenté de montrer de cette façon, ἐπιδειϰνύναι, que le texte de son décret n'était en rien différent des dispositions législatives antérieures conservées par les archives puis quittât aussitôt la tribune. On aurait ainsi pu connaître sans ambiguité possible quelle était la différence entre les textes anciens considérés comme valides de leur pérennité même et le décret nouveau qu'il faudrait annuler s il se révélait qu'il n'était pas conforme aux modèles. Il n’y aurait pas eu ainsi à analyser, ni à interpréter ni même à comprendre les documents mis en rapport les uns avec les autres. La mises en regard des lettres écrites devait suffire à faire la preuve qu'il n'y avait pas de différence entre les textes ni de distorsion d’expression de l'un à l'autre. Le regard n'aurait même pas eu à lire et aurait pu se contenter de confronter les images des lettres confrontées, il n'aurait été besoin ni de discours ni d'analyse. L'œil semblait devoir accomplir des mouvements de l’un à l'autre pour apprécier, en chaque lieu de l'écriture, l'adhérence de chaque endroit de l'un à chacun de ceux de l'autre, il s'agit de constater le parallélisme parfait de deux jeux de lignes graphiques, toute divergence disqualifiant le produit nouveau comme mal formé puisque c'est la seule règle née de l'un qui doit juger de l'autre. La métaphore se prolonge, nécessairement, car, dans le cadre d'une lecture effective devant le tribunal, elle suscite la

parole du greffier, jouant de la possibilité d'une lecture simultanée des textes, les sonorités semblables de la lecture orale devant permettre qu'ils paraissent devenir consonnants, συμϕωνοῦντα ἀλλήλοις Il semble que l'orateur soit passé sans solution de continuité de l'image procurée par la publication de l'écriture à la prononciation même des mots dont les sonorités se seraient superposées non pas en une complexe symphonie mais, évidemment, en une véritable homophonie 145 . Le fait de présenter conjointement plusieurs documents semble permettre qu'ils soient parfaitement clairs au regard du juge, sans, pourtant, qu'aucun ait besoin d'être analysé pour lui-même car seule, dans cette mise en parallèle, doit avoir une valeur opératoire leur corrélation. 52

Seule l'écriture permettait de rendre évidentes d'éventuelles contradictions entre les textes que la cité avait pu produire, l'oral des débats et des scrutins, qui avaient avalisé chacun d'eux dans le cours irréversible du temps en faisant appel à la mémoire sélective et partiale des orateurs, ne pouvait rivaliser avec sa capacité à offrir des images conjointes. Il semble que l'idée de traiter, ainsi, la procédure en illégalité comme le simple jeu d'une confrontation des textes connus ou du moins connaissables pouvait paraître pertinente à tous les orateurs. Cette pratique était d'ailleurs rendue inévitable par le jeu même de la procédure puisque l'accusateur devait annexer à sa plainte, παραγράϕεσθαι, les textes législatifs dont il prétendait qu'ils avaient été violés 146 . Démosthène acceptait, sans états d'âme, la métaphore de la règle d'architecte proposée par Eschine 147 , mais il se devait d'en montrer les limites.

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Il savait d'abord qu'il était possible, pour se défendre, étant donné le caractère agonique de tout procès, d'attaquer, non seulement les propositions explicites de son adversaire mais aussi de souligner ses omissions. Il pouvait, en effet, être utile de montrer que, dans son

propre discours ou dans des prises de position antérieures, celui-ci avait reconnu la validité des documents qu'il souhaitait invoquer lui-même pour assurer la validité du texte discuté et innocenter son promoteur. La rhétorique judiciaire avait souvent, en effet, pour fonction de persuader les jurés de la mauvaise foi de l’adversaire en mettant en évidence le fait qu’il refusait de reconnaître qu'il était en fait en accord profond avec celui que, pourtant, il attaquait. Dans le cas envisagé, le silence d'Eschine, ne cherchant pas à contester l'existence d'un décret qui aurait dû, s’il avait été logique avec luimême, lui disconvenir, fut présenté par Démosthène comme étant de sa part l'affirmation de ce qu'il approuvait telle décision prise antérieurement et donc ne pouvait attaquer son adversaire en se tenant sur le terrain qu'il avait retenu 148 . Un refus de contestation valant acceptation prenait d'autant plus de valeur dans le cadre du procès que celle-ci pouvait être considérée comme concomitante du moment même où se déroulait le débat et permettait et d'ajouter, ainsi, le texte négligé dans le groupe des documents présentés, les uns à côté des autres, par l'adversaire 149 . L'orateur souhaitait convaincre le jury, par un raisonnement analogique de ce que tout décret même juridiquement contestable voté par le peuple pouvait acquérir, par défaut, une légitimité indiscutable quand il n'avait pas été attaqué par quiconque durant la période où une action publique contre son promoteur avait été possible. L'absence de contestation pouvait être présenté comme valant légitimation d'un texte, il pouvait être prétendu que ce qui pouvait passer pour valable au niveau de la cité pouvait prendre sens, aussi, dans le cadre purement dialogique du procès 150 . Démosthène se plut, donc, à citer tel texte qu'Eschine n'avait pas songé à récuser et qui donc pouvait à son avis servir de précédent incontestable dans le cadre du procès. Il démontra qu'il était un parallèle absolu au décret qu'avait fait voter

Ctésiphon parce qu'il était fait des mêmes syllabes et des mêmes mots, τὰς αὐτὰς συλλαβάς ϰαὶ ταὐτὰ ῥήματα que lui 151 , il en connaissait un autre d'ailleurs aussi qui avait été construit des syllabes mêmes dont s'était servi Ctésiphon, γράψαντος ’Αριστονίϰου τὰς αὐτὰς συλλαϐάς ἅσπερ Κτεσιϕῶν νῦν γέγραϕεν 152 . Les mêmes lettres, associées en unités de lecture et de paroles, produisaient des sons semblables dans une musique que l'écriture procurait en images superposables, la revendication d'Eschine à la présentation de parallèles incontestables était, ainsi, satisfaite. 54

L'accord manifeste des deux adversaires dans leur façon de raisonner sur la méthode de vérification des textes suspects aurait pu les conduire conjointement, malgré leur opposition sur le fond et leurs choix de références, à donner une image de leur cité similaire à l'une de celles qu'avait dessinées Hérodote pour faire concevoir ce qu'était la permanence des structures sociales et étatiques de l'Égypte. Il avait ainsi montré comment dans l'une des pièces d'un sanctuaire étaient alignées des statues toutes absolument semblables représentant les prêtres qui, de père en fils, comme l'épiclèse de chacune le signifiait avaient été les desservants du temple qu'il disait avoir visité. Elles étaient le témoignage de ce que le temps pouvait s'écouler depuis l'âge des hommes primitifs jusqu'à l'époque contemporaine sans que rien n'eût jamais changé, ni les modalités de la représentation des formes de la société ni celle des hommes chargés d'un certain pouvoir qui paraissaient toujours semblables les uns aux autres dans chacune des générations successives qui les avait vu naître puis mourir se succédant les uns les autres en se remplaçant trait pour trait 153 . On peut imaginer que cette vision aurait été la même dans la ville idéale construite par ce type d'argumentation judiciaire si des stèles, reprises par des stèles similaires, publiant leurs décrets successifs mais toujours

homophones, s'étaient alignées côte à côte dans les sanctuaires ou l'agora, d'une façon pareillement uniforme. 55

Seule l'écriture permettait de reconnaître les éventuelles contradictions entre les textes que la cité avait pu produire. L'oral des débats et des scrutins, qui avaient avalisé chacun d’eux dans le cours irréversible du temps, en faisant appel à la mémoire sujette à caution des orateurs, ne pouvait rivaliser avec sa capacité à offrir des images conjointes. L’assemblée pouvait avoir oublié l’existence de textes antérieurs et avoir enfreint ainsi les règles contraignantes de non-contradiction entre ses décisions successives, avoir apprécié l'harmonie spontanée naissant en son sein lors de la proclamation d'un vote au point de ne s'être pas assez préoccupée de la nécessité de maintenir la symphonie de tous les temps successifs qui avaient laissé leur marque dans le courant du discours politique. Le tribunal avait pour devoir, s'il en était requis, de supprimer les dissonnances apparaissant dans le corpus législatif. Il ne devait rien admettre de nouveau qui fût différent de ce que le passé avait déjà exprimé quand il apparaissait que l'écriture avait permis que fussent conservés, dans l'espace où se développait la parole publique, les mots d'un texte plus ancien. C'est la tonalité de celui-ci qui devait par principe s’imposer à toute parole nouvelle. L'accusateur se donnait pour fonction de rappeler qu’elle devait être l'actualité d'une loi que le criminel supposé était censé avoir essayé de détruire. Son discours voulait se donner les moyens de faire redire les mots d'une écriture qui aurait pu, sans son intervention, tomber dans l'obsolescence et faire en sorte qu'elle retrouve son efficace. Le souvenir qu’il voulait faire renaître devait servir à construire une législation nouvelle et pourtant toujours semblable à ce qu'elle avait été, comme si le politique pouvait jouer de la seule accumulation sans jamais devoir rien modifier des acquis du passé.

Le jeu de la signification 56

La même ligne tracée dans la pierre en tant que lettre n'avait pourtant pas toujours en contexte la même fonction. Il en est de même en sculpture où le modelé d'une épaule n’est rien sans le corps qui le fait vivre. La recherche des similitudes pouvait ainsi laisser place à des surprises. Démosthène prit ainsi plaisir à citer parallèlement deux textes de structure inverse pour témoigner de l'impertinence de la méthode qui aurait utilisé exclusivement la similitude des formes, là où il fallait aussi aller à la recherche des significations. Il put, ainsi, mettre en regard un décret qui établissait l'obligation de tenir pour valide tout cadeau que le peuple aurait accordé, ϰυρίας εἴναι τὰς δωρειὰς ὅσας ὁ δῆμος ἔδωϰεν, et tel autre interdisant d'invalider le don d'un cadeau qu'aurait accordé le peuple, μηδένα εἶναι ἀτελῆ τούτων οἷς ὁ δῆμος ἔδωϰεν 154 . La similitude d'ensemble en était absolue bien que la formulation en fût totalement inverse à l'exception de la finale. Il démontrait ainsi que les images sonores procurées par les textes importaient moins que la nécessité de leur découvrir un sens. La meilleure manière de plaider n'était pas ainsi de collectionner les parallèles et l'enjeu d'un procès en illégalité ne pouvait se fonder seulement sur des analyses purement formelles.

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Il fallait dépasser ce type de débat et faire déboucher tout discours sur une réflexion concernant l'interprétation des décrets contestables, ce qui imposait de conduire l'argumentation sur un autre terrain 155 . Il était nécessaire d'argumenter au fond et de débattre de la signification même des textes contestés pour expliquer s'ils avaient été proposés, ou non, dans une intention criminelle et comment leur illégitimité avait été nuisible aux accomplissements dont la cité aurait pu espérer tirer profit. Ce

n'était pas seulement que l'on cherchait, en recourant faute de mieux à des arguments non juridiques en eux mêmes, à impressionner ou émouvoir un jury d'amateurs 156 . Même s'il ne fallait pas paraître vouloir mettre en cause les décisions antérieures d’une assemblée souveraine et, par nature, irresponsable, on estimait, pourtant, devoir donner à certains procès la dimension proprement politique qu'ils méritaient. C'est bien clairement par là que l'on s'aperçoit que les jurés ne pouvaient manquer de s'apercevoir que l'écriture n'était pas le moyen de construire l'immobile mais qu’elle permettait au contraire tous les jeux d'interprétation possibles. 58

Là encore, Eschine n'a pas une conception des choses différentes de celle de Démosthène. Rédigeant et prononçant le Contre Ctésiphon, l'idée qu'il cherchait à faire partager au jury était que son adversaire n'avait jamais parlé et agi que pour faire du tort à Athènes. La réponse de Démosthène se situait, pour l'essentiel, sur ce terrain et devint donc une défense de son action passée. Appeler à l'acquittement de Ctésiphon devenait un manifeste politique puisqu'il s'agissait de demander à la cité d'affirmer hautement, par l'organe de son tribunal, son désir réitéré de ne pas se rapprocher de la Macédoine et de son roi. Néanmoins, le débat devait se fonder sur la lecture raisonnée de document significatifs, non point seulement pour ce qu'ils pouvaient apporter comme parallèles, ou comme justifications nécessaires au traitement précis de la cause qui servait de prétexte au procès, mais pour en expliquer les arrière-plans. Pour réussir à fonder son argumentation, chacun des orateurs était conduit, en effet, à montrer comment il était possible de donner de chacun des textes invoqués des lectures divergentes et d'expliquer quelle méthode il entendait utiliser pour en faire la démonstration. Aucun des jurés ne pourrait ignorer, à l'issue du procès, que, ce qui

passait aux yeux de l'un pour raisonnablement fondé par un document, avait été considéré, par le second des plaideurs lisant le même texte, comme illégitime. Une telle façon de concevoir les choses était assez répandue pour attester de la capacité des orateurs classiques et de tous les Athéniens à avoir compris que l'écriture n'imposait rien à personne et que seul le lecteur donnait sens à un document prétendument hypomnématique, que par ailleurs cette liberté du lire permettait d'utiliser tout texte dans le jeu de l'oralité politique puisqu'il n'en était pas un qui ne dût être considéré comme offrant de nombreuses possibilités de discours exégétiques différents. 59

La chose était considérée comme évidente par Eschine qui prétendait devoir introduire, dans le débat, une épreuve de véridiction, au prétexte que les lois auraient interdit de faire figurer quelque mensonge que ce fût dans les décrets publics, ἅπαντες ἀπαγορεύουσιν οἱ νόμοι μηδένα ψευδῆ ἐγγράϕειν ἐν τοῖς δημοσίοις ψηϕίαμασι 157 . Il est inutile ici de se demander si le droit positif formulait ce genre d'interdiction, et de quelle façon il aurait fallu comprendre la signification du terme de ψεῦδος 158 . Le fait que l'orateur l'invoquait témoigne de ce qu'il prétendait pouvoir le qualifier et lui donner un sens juridiquement incontestable, de telle sorte qu'il fût assez efficace pour conduire à une condamnation. L'orateur feignait d'utiliser les textes qu'il avait fait joindre à son dossier comme des instruments démontrant que lui-même disait vrai, ou ὅτι δ’ ἀληθῆ λέγει, quand il prétendait que son adversaire avait menti. Il savait jouer du caractère malléable de tout texte écrit pour essayer de faire avaliser son opinion par le jury. S'il avait, donc, souligné les vertus d'immobilité des dispositifs où l'écriture procurait une incontestable ἀϰινησία, il savait, au contraire, pour bâtir ses attaques, construire à neuf des textes prétendus sincères,

mais plutôt explicatifs, avec tout ce qui composait le corps signifiant des documents dont il voulait contester la pertinence et la sincérité. Il procurait ainsi des considérants et des décisions mêmes, non pas des lectures asservies mais des paraphrases ou des analyses, qui venaient à l'appui de sa thèse. La lettre même, d'ailleurs, devait à son gré savoir, alors, s'effacer pour que pût être perçue ce qu'il prétendait avoir été et devoir être la véritable signification d'un texte. En témoignent les instructions qu'il feignait de donner au greffier avant qu’il ne procédât à la lecture, l'adresse étant bien évidemment de pure rhétorique puisqu'elles étaient destinées aux juges eux-mêmes. Par référence explicite à la pratique épigraphique productrice des ratures qu'elle prétendait pourtant parfois interdire, il prétendait demander que fussent supprimés dans l'écoute de la lecture d'un décret désignant des ambassadeurs pour Érétrie certains des éléments qui ne convenaient pas à sa démonstration. Il aurait fallu en enlever, non seulement, ce qu'il considérait comme des effets rhétoriques, jactance ou vantardise, mais aussi les éléments factuels comme par exemple la mention qui y était faite de trières, ἀϕελὼν τὸν ϰόμπον ϰαὶ τὰς τριήρεις ϰαὶ τὴν ἀλαζονείαν, ἀνάγνωθι 159 . Pour dévaluer, par un autre procédé encore, tel décret qu'il souhaitait faire lire, il pouvait, en effet, tenter de ravaler au rang de simple verbiage les éléments documentaires contenus dans un texte officiel, quand ils ne lui convenaient pas comme s'ils n'avaient jamais été qu’une parole vide qui n'aurait pas été reprise par la cité en écriture. Il aurait ainsi fallu trier et distinguer dans le texte ce que l'on aurait connu par la seule écoute d'une parole immédiate, non seulement l'éphémère inexistant de trières, mais aussi les expéditions de fantassins, la pleine lune et les assemblées, τὰς τριήρεις ϰαὶ τήν πεζὴν στρατριὰν ϰαὶ τὴν πανσέληνον ϰαὶ τοὺς συνέδρους λόγῳ ἠϰούστε, feignant d’oublier qu'ils avaient été

construits, par la cité, dans l'écriture. La seule réalité objectivable, ἔργον, aurait été en fait la perte effective des revenus procurés par les alliés qu'aurait subie la cité, τὰς δὲ συντάξεις τῶν συμμάχων, τὰ δέϰα τάλαντα ἔργῳ ἀπωλέσατε, dont il ne dit pourtant pas comment ils avaient été inscrits dans les comptes publics 160 . 60

Démosthène, tout naturellement, prétendit, à l'inverse, qu'il fallait lire les textes en entier, ἀνάγνωθι τὸ ψήϕιομ’ ὅλον τὸ γραϕέν 161 . Reprenant à son compte l'idée selon laquelle dans un procès en illégalité où les juges doivent décider ϰατὰ τοὺς νόμους, il insistait sur le fait qu'il fallait fournir systématiquement à leur information l’ensemble des textes disponibles dans leur intégralité, ὅλους δίϰαιον ἦν ἀναγιγνώσϰεσθαι. Il dénonçait donc la pratique d'Eschine qui voulait en effacer certaines parties, άϕαιρῶν μέρη, comme scandaleuses et condamnables 162 , l'écriture retrouvant ses droits à exprimer la permanence par son exhaustivité même. Démosthène reprochait donc ainsi à son adversaire sa propension à jouer avec les textes et la replaçait dans un contexte idéologique intéressant puisqu'elle enrichissait la métaphore de la règle capable de mesurer objectivement l'illégalité. H accusait en effet Eschine de décrire la démocratie à l'aune de laquelle il fallait juger des actes des orateurs non pas en fonction du réel ni des évidences de la situation politique mais en fonction d'un schéma préconstruit qui procurait une image artificielle et purement graphique d'un idéal auquel il eût fallu que correspondît la pratique des responsables, ἀνδρίας ϰατὰ συγγραϕήν. Ce refus de considérer le réel de façon directe prétendait, ainsi, faire condamner les hommes politiques qu'il dénonçait non pas en fonction de leur conduite dans leur rapport au droit et au juste objectif mais sur la seule foi d'une rhétorique tirant des interprétations fallacieuses de textes torturés. Eschine qui avait prétendu que le procès devait se satisfaire de l'usage d'une règle

unique et de sa forme immuable se voyait ainsi accusé de choisir pour référence canonique un corpus de textes qu'il aurait modifiés à son gré et biaisés, l'écriture qu'il prétendait devoir être véridique se révélait par l'exemple qu'il donnait productrices de faux-semblants.

Les jeux de la procédure au tribunal 61

L'usage de l’écriture restait encadré, dans le système judiciaire athénien, par des règles de procédure qui récusaient l'exhaustivité et imposaient que l'on construisît des corpus réduits des textes qui seraient seuls invoqués dans le débat public. La capacité à faire revivre les textes dans le cadre du tribunal était, ainsi, matériellement limité car aussi bien dans les procès privés que dans les affaires publiques 163 . Les plaideurs ne pouvaient faire usage, dans les discours qu'ils prononçaient devant le tribunal, que des documents et des témoignages qu'ils avaient présentés durant la procédure arbitrale ou durant l'ἀνάϰρισις dont la fonction était de définir la situation de droit avant l'audition par le jury 164 . Ces pièces étaient contenues dans un jarre fermée, un échinos, dans lequel se trouvait ainsi contenus les divers éléments textuels nécessaires à la procédure en cours 165 . Celle-ci pouvait être ouverte à la demande de l'une ou l'autre des parties pour vérification de ce que les moyens de droit invoqués l'avaient bien été à tous les stades de la procédure. Les témoignages étaient contrôlés d'une façon analogue. Ainsi, chacune des parties choisissait de proposer la lecture des seuls textes qu'elle revendiquait comme favorables à sa thèse. Le travail des magistrats instructeurs n'était pas, ainsi, de faire émerger la totalité des documents possibles, références objectives nécessaires à la manifestation de la vérité, mais de garantir que la parole devant le tribunal serait limitée au jeu des vérités partielles proposées, non seulement dans les procès privés mais aussi dans les procès publics.

Le tribunal devait ainsi décider en fonction des seules propositions des plaideurs sans avoir la possibilité d'enrichir son travail d'écoute par une réflexion qui lui fût propre et par la publication d'attendus éventuels justifiant son jugement. Ayant construit une mémoire à la fois sélective et menaçante des discours possibles dans le cadre judiciaire, l'écriture était le témoin muet d'un corpus constitué comme parfaitement clos et circonvenant le territoire du discours au lieu de l'ouvrir à la compréhension d'ensemble. 62

Dans la cité des Magnètes, où les procès concernant certaines affaires importantes doivent durer trois jours 166 , l'audience publique regroupe les étapes de la procédure qui étaient dissociées à Athènes car il semble que l'on y fait coexister plaidoiries et interrogatoires sur les faits eux-mêmes pour permettre à une vérité d'émerger qui, bien évidemment, doit se situer ailleurs que dans les déclarations liminaires des parties. La parole s'y développe de la même façon sous le contrôle d'une écriture cachée. Les textes des témoignages invoqués doivent être conservés scellés et sont repris lorsque l'une des parties envisage de contester la validité de ceux qui ont été présentés en intentant une action pour faux témoignage, τὰς ἐπισϰήψεις ϕυλάττειν ϰατασησμένας ϰαὶ παρέχειν εἰς τὴν τῶν ψευδομαρτυριῶν 167 . Il est par ailleurs prévu que l'on doive dresser à chacune des séances des procès-verbaux des séances et que ceux-ci doivent être sinon exhaustifs du moins assez précis pour conserver tout ce qui aurait été dit de topique au regard de la cause traitée, τῶν ῥηθέντων ὅσα ἂν εἶναι ϰαίρια δοϰῇ 168 . Ces archives doivent évidemment servir de moyen de preuve si un citoyen attaque le juge qui aurait rendu une sentence inadaptée à l'état du dossier et que la famille souhaite donc voir réouvert par une nouvelle instance 169 . Ces façons de faire et les discussions portant sur leur légitimité plus ou moins fondée témoignent de ce qu'en matière de procédure

judiciaire, l'écriture, que ce fût chez les Magnètes ou à Athènes, ne s'utilisait pas comme le moyen de diffuser des textes et de les faire connaître du jury, ou plus largement des citoyens, de telle sorte que l’on pût les utiliser hors du champ clos du procès en cours mais comme un moyen de cantonner la parole des plaideurs et du tribunal. Ce qui est bien sûr le plus significatif est la façon dont on peut user du secret dans le maniement de ces archives aveugles. Le dévoilement, qu’il fût ou non fréquent, était un instant magique où il pouvait se révéler que l’un des orateurs avait contrevenu à une norme qu’il avait établi lors de l’instruction mais que ne connaissaient pas les auditeurs de sa plaidoirie. C'était la preuve que l'écriture, quelque cachée qu'elle fût, pouvait porter en elle l'évidence d’une faute que l’oralité, qui n’avait jamais à passer le cap de l’instant de son prononcé, pouvait se permettre de négliger 170 . 63

À ce niveau la pratique judiciaire rejoignait le mode de fonctionnement du politique. L'orateur désireux de proposer un décret ne pouvait le faire que sous la menace de voir surgir un texte qu'il aurait ignoré et qui serait la cause de sa perte si un adversaire réussissait à lui faire voir le jour. L'écriture était, par nature et par l'usage que l'on en faisait, englobante puisqu'il n'existait pas de moment de l'activité judiciaire ou politique qui ne présupposait que l'on ne dût parler sous le contrôle absolu de la mémoire qu'elle actualisait tout en limitant son extension. L'écriture était, ainsi, potentiellement, cause de souffrances et de mort, si l'on négligeait son éventuelle émergence, ce qui ne veut pas dire qu’elle eût nécessairement un sens incontestable.

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Il faut pourtant garder à l'esprit l'idée, qui peut passer pour reçue mais qui est toujours à répéter, que chacun savait lire en restant libre de ce qu'il comprenait et qu'il ne fallait donc pas compter sur l’écriture pour assurer l'unicité des possibles interprétations de la

loi. Tout procès était ainsi un jeu où deux lectures des textes pouvaient s'affronter. Le tribunal était chargé de signifier laquelle il préférait. Dans la cité des Magnètes, les juges construisent une lecture unique de faits qu'ils analysent sans devoir tenir compte d’autre chose que d’une vérité prétendue extérieure, néanmoins leur pratique se fonde de la même manière sur un jeu interprétatif dont ils sont les seuls maîtres. La loi pouvait ainsi se révéler d'autant plus malléable qu’elle serait restée immuable dans sa forme, d’autant plus mortelle qu'elle aurait essayé de se protéger contre toute destruction par l'inscription d’un texte qui n'avait de sens que dans l'exégèse que l'on en faisait 171 . Aristote savait parfaitement que les lois pour rester droites ont besoin d'une autre loi qui les soutienne, δέονται οἱ νόμοι νόμου τοῦ διορθώσαντος 172 et il n'en existait pas qui n’eût besoin d’être protégée, secourue. L'écriture ne garantissait la fixité du sens que parce qu’il était possible de la soutenir par d'autres modes d'expression plus immédiatement efficaces.

La capacité d'appréciation des juges 65

Tout praticien athénien des instances judiciaires savait que les héliastes avaient juré de rendre leurs jugements dans le strict respect des lois quand il en existait mais, qu'ils gardaient leur liberté d'appréciation dans tous les cas dont les lois n’avaient pas traité 173 . Le jury devait, néanmoins, s'en remettre à la bonne foi des plaideurs chargés de l'instruire de l'affaire tout au long de leurs plaidoiries contradictoires. Cela pouvait inquiéter Antiphon qui le mettait en garde contre un trop de confiance, en lui signalant que ce n'est pas d'après les discours des plaignants qu'ils devaient discuter de la valeur des lois, mais en fonction du texte même des lois qu'il devait se déterminer, οὐ δεῖ ὑμάς ἐϰ τῶν τοῦ ϰατηγόρου λόγων τοὺς

νόμους ϰαταμανθάνειν εἰ ϰαλῶς ὑµῖν ϰεῖνται ἤ µἤ, ἀλλ’ ἐϰ τῶν νόμων τοὺς τῶν τοῦ ϰατηγόρου λóγους, εἰ ὀρθῶς ϰαὶ νομίμως ὑμᾶς διδάσϰουσι τò πρᾶγμα ἤ οὐ 174 . Ce n'est, ainsi, que dans le cas de lacunes de la loi qu'il était censé pouvoir s'en remettre à son intime conviction. 66

Cette capacité des juges à pouvoir juger ϰατὰ γνώμην n'était pas une spécificité de la cité athénienne, il s'agissait d'un principe reconnu pour sa valeur dans l'ensemble du monde grec 175 d’autant qu'il appartenait déjà à la pratique de Gortyne où le juge devait, quand il existait une loi écrite qui l'imposait, prononcer la sentence prévue, διϰάδδεν ἆι ἔγρατται, mais pouvait décider après avoir prêté serment comme il l'entendait en fonction de l'état du dossier si tel n'était pas le cas, τõν δ’ ἀλλõν ὀμνύντα ϰρίνεν 176 . Ce genre de débat pose sans doute le problème de la suffisance de la loi puisqu'il est bien évident qu'elle semble s'être résignée à ne pas pouvoir tout régir des affaires humaines 177 mais surtout permet de faire entrer l’équité dans le processus judiciaire. Aristote, pour qui le mot de γνώμη sert à désigner l'appréciation juste de l'équitable, ἡ ϰαλοuμένη γνώμη, ἡ τοῦ ἐπιειϰοῦς ἐστί ϰρίσις ὀρθή 178 , comprend très clairement quel genre de problème cela peut poser en expliquant que, même s'il peut être considéré comme le juste, l'équitable se situe nécessairement en marge des lois écrites, τò παρὰ τòν γεγραμμένον νόμον δίϰαιον 179 . Il sait aussi que l'équité est par nature indulgence, τòν γὰρ ἐπιειϰῆ μάλιστά ϕαμεν εἶναι συγγνωμονιϰόν 180 , mais qu'il faut en considérer l'usage comme une amélioration du droit positif, ἐπανόρθωμα νομίμου διϰαίου 181 . Les tribunaux des Magnètes ont toute latitude pour faire prévaloir s'ils le souhaitent ce type d'équité indulgente. Néanmoins, Platon tient à leur faire savoir que toute décision qui se fonderait sur un tel principe devrait être considérée comme dérogeant à la parfaite exactitude et la droite justice, τò γὰρ

ἐπιειϰές ϰαὶ σύγγνωμον τοῦ τελέου ϰαὶ ἀϰριϐοῦς παρά δίϰην τὴν ὀρθήν ἐστιν παρατεθραυμένον ὅταν γίγνηται 182 . La liberté qu'on leur accorde témoigne de ce que même dans la cité la mieux contrôlée la loi n'est rien au regard de la bouche qui prononce la sentence. Tout droit finit, ainsi, par mettre en place les moyens de se construire en s'adaptant au contexte politique qu'il prétend régir. 67

C'est en constatant ainsi qu'il était inévitable que la volonté souveraine du juge pût s’exprimer que l'on s'apercevait que seul un discours idéologique fallacieux prétendait à la possibilité de bâtir la permanence du droit sur le seul fait d'avoir écrit les lois. Le plaideur savait parfaitement que l'idée que la loi serait devenue immuable parce que l'écriture en aurait conservé les leçons était plus une revendication programmatique que la constatation de ce dont témoignaient les pratiques judiciaires. Chacun avait parfaitement compris que l'écriture ne procurait pas l’immutabilité des textes publiés mais construisait au contraire l'infinie pluralité des sens et des résultats que toute lecture est à même de faire naître. Ce n'est donc pas dans l'écriture que la cité pouvait trouver l'outil qui lui aurait permis de rester aussi stable que l’on pouvait penser qu'elle devait être.

68

Il est possible de s'apercevoir qu'il en était ainsi, même dans l'emblématique cité de Locres, où les lois anciennes étaient censées être si respectées qu'il ne pouvait en être proposées de nouvelles que par un orateur offrant lui-même d'avance son cou au garrot pour être mis à mort si sa proposition n'était pas reçue. Une anecdote sans doute traditionnelle racontée par Démosthène et reprise selon la même structure, mais sous une autre forme, par Polybe 183 montre bien que l'assemblée des Locriens ne se sentait pas liée par ce que l'on aurait pu prétendre être la lettre même des textes. Nul ne songeait à exécuter, comme la loi en faisait pourtant obligation, celui

qui n'aurait pas réussi à faire voter par l'assemblée une proposition tendant à modifier une loi ancestrale. Le jeune homme, quelque peu provocateur, dont parle Polybe, ne fut pas approuvé dans sa demande de réforme mais il ne fut pourtant pas mis à mort. Les intervenants dans le débat législatif avaient su, en effet, comme partout, se déterminer en fonction non point de la lettre prétendue des documents publiés mais bien plutôt des intentions du législateur. Si, dans cette cité à la tradition prétendue particulièrement rigoureuse, l'écrit pouvait devenir ainsi prétexte à une exégèse dont les auteurs savaient bien qu'elle déboucherait nécessairement sur un au-delà interprétatif du texte, découvrant une signification jusqu'alors cachée mais devant être désormais acceptée comme pertinente, il est bien clair qu'il en était de même partout. La constatation que le droit de chacun à l'analyse devait être admis sinon considéré comme nécessaire dans la plupart des cas où l’on ne pourrait plus prétendre être à même de se contenter de citations brutes et de comparaisons terme à terme des textes juridiques, témoigne de ce que le fait d’avoir écrit la loi pouvait être considéré comme la source d'une réflexion qui pouvait en modifier la signification même. Pour être équitable, et donc adapter au mieux l'appréciation d'un acte aux réalités sociales et aux situations personnelles, il fallait ainsi, non pas tenir compte de la lettre de la loi ou de ce qu'avait pu faire personnellement en son temps le législateur, mais essayer de comprendre ce qu'avait été sa pensée et son intention µὴ πρòς τῷ λόγον ἀλλὰ πρòς τὴν διάνοιαν τοῦ νοµοτέτου σϰοπεῖν. ϰαὶ µὴ τὴν πράξιν ἀλλὰ πρòς τὴν προαίρεσιν 184 . 69

Cela aurait pu permettre le développement, dans les cités grecques, d'une véritable jurisprudence constitutive de droit. L’orateur Lycurgue pouvait, ainsi, dire que les juges devaient laisser aux

générations futures des exemples à suivre, παραδείγματα τοῖς ἐπιγιγνομένοις 185 . Pourtant, il ne pouvait pas prétendre signifier que leur décision devrait s'imposer à leurs successeurs et la formule n'était guère qu'un lieu-commun comme il semble que ce soit le cas pour Aristote qui signale, sans illusion, dans la Rhétorique qu’il faut présenter, devant un tribunal, comme des précédents exemplaires, les jugements déjà prononcés 186 . Lysias pouvait qualifier les jurés de législateurs et leur demander de se conduire comme tels, δεῖ ὑμᾶς γενέσθαι τοῦ νῦν ἀδιϰήματος διϰαστάς ἀλλὰ ϰαὶ νομοθέτας, en prétendant que l'expression de leur conviction devrait être désormais la règle qui s'imposerait à la cité, εὖ εἰδότας ὅτι ὅπως ἄν ὑµείς περὶ αὐτῶν γνῶτε οὕτω ϰαὶ τòν παλλον χρόνον ἡ πόλις αὐτοῖς χρήσεται 187 , mais il pouvait tout aussi bien leur dénier tout droit à se prévaloir d'une quelconque légitimité à la libre interprétation en leur rappelant que ce n'était pas eux qui faisaient les lois et qu'ils devaient se contenter de les appliquer, µεμνῆσθαι χρὴ ὅτι οὐ νομοθετήσοντες περὶ αὐτῶν ἥϰετε ἀλλὰ ϰατὰ τοὺς ϰειμένους νόμους ψηϕιούμενοι 188 . 70

D'ailleurs le système de pensée réducteur, qui faisait du procès une sorte d’affrontement opposant deux parties entre lesquelles le jury devait trancher, pouvait empêcher que se développât une réflexion sur ce qu'étaient les fondements mêmes de la décision juridique. Le caractère agônal du procès ainsi que le secret du scrutin qui prononçait la sentence empêchaient, dans une cité comme Athènes, que quelque jugement que ce fût pût réellement faire jurisprudence et les sessions des tribunaux ne donnaient pas lieu bien évidemment à la rédaction de procès verbaux permettant une relecture des jugements en fonction des arguments échangés ni d'attendus qui les auraient motivés 189 . Aucun procès ne permettait la naissance d'une véritable réflexion sur le droit et un enrichissement de sa

pratique. Le tribunal était le lieu où la loi pouvait devoir céder le pas devant l'impression du moment, ou toute émotion réductrice. Même à l'occasion d'affaires qui pourraient passer pour purement techniques, nous ne savons pas ce qui faisait sens dans la pratique judiciaire. Les justiciables eux-mêmes n'avaient peut-être pas une idée claire de ce que pouvait être la logique du droit par lequel ils vivaient et que les érudits modernes ont analysés trop souvent en utilisant des concepts étrangers à leur culture 190 .

Comment effacer et pourquoi réécrire 71

C'est en fait depuis les origines même de la législation écrite que les Grecs savaient que les lois pouvaient n’être pas immuables. Le discours sur leur nécessaire stabilité n'était jamais qu'un thème développé par les orateurs qu'ils fussent ou non considérés comme réactionnaires. Il n'avait jamais été question qu'il fût la règle de fonctionnement du politique. On sait d'ailleurs que l’une des premières mesures prises par les oligarques arrivés au pouvoir à Athènes fut justement la suppression du droit à engager des procédures pour illégalité 191 .

La révision des lois Dans la pratique des cités, aux temps les plus reculés, les lois anciennes étaient considérées comme particulièrement respectables et l'antiquité pourtant relative de leur transcription était censée leur avoir procuré une autorité particulière, les jugements devant être prononcés selon leurs stipulations, τὰ δίϰαια ϰατὰ τò γράϕος τἀρχαίον 192 . Il était interdit en tout cas de juger ainsi selon d'autres règles que celles qui avaient été publiées, αἰ δέ τις πάρ τò γράϕος διϰάδοι, ἀτελές ϰ’ εἴε ἁ διϰά 193 . Les écrits auraient été si

vénérables et intouchables que celui qui aurait fait une proposition ou aurait présidé une séance, hó τε λέγον ϰαὶ hó ἀ ρετεύον, où aurait été proposée au vote une loi qui aurait eu pour effet de rendre invalide un texte inscrit sur une stèle, se serait rendu coupable d'une telle faute qu'il aurait dû être considéré comme ennemi public 194 , πολέμιος, αἴ τις ἀτελὲ τιθείε τὰ γράθματα τὰ ἐν τᾶι στάλαι γεγραθμένα 195 . Néanmoins, s'il était bien clair qu'un individu se devait de respecter les textes quand il exerçait la fonction de juge sous peine de voir sa décision cassée, εἰ δέ τις πὰρ τò γράϕος διϰάδοι, ἀτελές ϰ’ εἴε ἁ δίϰα, il était parfaitement admis que l'assemblée pût, quand elle agissait en corps, se soustraire à cette règle, ἁ δέ ϰα ράτρα ἁ δαμοσία τελεία εἴε διϰαδόσα 196 . Les lois elles mêmes pouvaient, en effet, être modifiés par l'assemblée 197 , qui avait le droit d'en supprimer certaines clauses et d'envisager le geste même de la rature, elle pouvait y effacer, ἐξαιρεῖν 198 . ou bien d'y ajouter des éléments nouveaux, ἐμποιεῖν. Pour qu'un individu, dans certaines cités, ne fût pas considéré comme seul responsable d'une proposition de réforme au risque de paraître coupable de crime pour avoir initié un processus qui pourrait passer pour inopportun, il semble que l’on ait été amené parfois à consulter la divinité topique pour savoir ce qui pourrait lui paraître meilleur, ὅ τι δοϰέοι ϰαλιτέρος ἔχεν πότ τòν θεòν. 72

La procédure de révision devait partout être précautionneuse. Il semble que l'on ait tenu souvent à préciser qu’un nombre significatif de citoyens devaient participer au scrutin pour qu'il fût valide, car c'est sans doute de cette façon qu'il faut comprendre la mention du δῆμος πληθύων quand elle apparaît dans ce type de contexte 199 . On pouvait prévoir, ce fut parfois le cas pour les accords internationaux significatifs, de multiplier les votes de confirmation

avant que les mesures envisagées ne fussent adoptées 200 . On savait néanmoins qu'une des raisons de procéder à des modifications institutionnelles pouvait être tout simplement l'emprise de la nécessité 201 , les cas de force majeure avaient été pris en compte de façon tout à fait explicite dans le Serment de Cyrène prévoyant le retour possible des colons à qui l'on avait imposé de partir 202 . Dans le cas de la colonie de Naupacte de même il était interdit que l'on voulût spontanément revenusur telle ou telle clause de l'accord mais on envisageait de pouvoir le faire si l'on y était forcé hυπ’ ἀνάγϰας 203 . Le Bronze Pappadakis prévoyait que l'on pût être conduit par la guerre à revenir sur le mode originel et intangible du partage des terres dans la cité, et donc de proposer une modification des règles régissant le droit de propriété 204 . La promulgation de cette clause excusatoire était ainsi une prise de conscience de la relativité du droit. La soumission des stipulations légales aux situations de fait fut de règle dans la cité réelle, et les cités rêvées n'étaient pas à l’abri de cette évidence incontournable 205 .

La réforme de 403 à Athènes 73

L’exemple le plus achevé de la capacité de la cité à formaliser à l’époque classique les pratiques des modifications institutionnelles est celui d'Athènes, c'est d’ailleurs le seul qui nous soit réellement connu. Lors des réformes de 403, la cité sut se donner les moyens nécessaires pour mettre en œuvre toute forme d’évolution législative potentielle. Le texte qui nous permet le mieux d'en comprendre le mécanisme est le Contre Timocrate qui présente l’avantage de mettre en évidence que la procédure était faite pour éviter qu'il pût exister la moindre contradiction entre les lois existantes. Il fallait, en effet, avant de proposer une loi, qui pût être contraire à un texte déjà en vigueur, faire en sorte que celui-ci fût d'abord aboli pour faire place

à la loi nouvelle 206 . Cela imposait la tenue de plusieurs scrutins dans les diverses instances politiques 207 et donnait le temps nécessaire au mûrissement de la décision. Ce qui comptait, en tout ce genre d'affaire, c'était surtout son rythme car il fallait respecter avec scrupule les règles de la temporalité propre aux institutions. Il n'était pas d’affaire publique, en effet, qui ne dût tenir compte des délais de latence nécessaires à l'établissement d'un dialogue étendu à l'ensemble du corps social, l’inertie même de sa masse imposant les délais de réponse 208 . 74

Ce qui ne doit pas apparaître surprenant, à nouveau, est le caractère typiquement agônal de la procédure qui induisait que toute initiative législative fût considérée comme une attaque portée à la législation existante 209 , cela impliquait que toute révision potentielle nécessitât l'intervention d'un jury, comme si l'assemblée, en tant que telle, dut être nécessairement hors du jeu de la diachronie qui devait imposer sa pérennité à la cité. Des magistrats, portant le titre de nomothète, choisis dans le corps des jurés aptes à participer aux votes dans le tribunal, étaient amenés ainsi à exercer le pouvoir législatif aux dépens de l'assemblée, même si celle-ci était le seul organe politique qui fût habilité à les convoquer 210 . Le principe fondant la procédure, que les Athéniens avaient mis en place en instituant le collège des nomothètes, restait conforme à l'idée selon laquelle il fallait confronter les textes existants et les propositions qui prétendaient les remplacer en les affichant côte à côte, de telle sorte que la cité pût se rendre compte des ressemblances et des différences qui devenaient ainsi manifestes. La conjonction des publications permettant de faire un choix éclairé, la cohérence homogène du système législatif devant être maintenue puisque seul un des textes inscrits subsisterait à l’issue de la procédure de révision de telle sorte que toute dissonnance dans

l'ensemble législatif serait évitée. Néanmoins, on ne se fonderait plus sur la nécessité de maintenir à tout prix le passé, l'harmonie n'étant plus considérée comme un donné, mais, bien au contraire, comme une permanente construction. Loin qu'il fût attentatoire au droit institué de manifester une désir de détruire le passé, cette pratique témoignait de ce que la cité se considérait comme une institution qui par sa permanence était à même de mettre en présence les générations que le jeu de la vie et de la mort avait séparées. Elle était un système qui savait publier, dans le même présent de l'espace politique, divers instants de la parole publique que l'histoire avait pu stratifier en lois mais dont la mémoire individuelle aurait pu oublier l'existence. S'il était nécessaire de les faire s'affronter devant une commission, c'est que l’institution préférait s'assurer d'abord de sa propre capacité à préférer la permanence avant de se reconnaître le droit à une parole constitutionnelle novatrice. 75

L'essentiel de l'esprit des lois était que tout devait être fait pour qu'il ne pût y avoir en usage sur un sujet particulier dans le même moment de l'histoire politique qu'une loi et non point deux instructions divergentes sinon contradictoires, ἵν᾽ εἶς περὶ τῶν ὄντων ἑϰαστου νóµoς 211 . Une loi ancienne devait être abolie préalablement à ce que pût naître une loi qui la déniait 212 . L’harmonie du discours politique était préservée de cette façon car les juges ne pouvaient jamais se trouver ainsi dans le cas d'avoir à juger en devant choisir d'accepter ou de récuser l'une ou l'autre. Tomber dans cette nécessité les aurait rendus parjures à leur serment pour désobéissance à l'une ou l’autre d’entre elles 213 . Théoriquement il ne pouvait exister ainsi de loi nouvelle qui pût être contraire à une loi existante et le discours formulé de la cité d’Athènes pouvait passer pour avoir pu rester univoque à l’issue des prises de parole différées lors des assemblées tenues par les

générations successives des citoyens 214 . Il n’est sans doute pas alors inutile de rappeler avec quel soin on se souciait d’objectiviser, pour qu’il fût connu de tous, le projet d’une loi nouvelle avant qu’elle ne pût être adoptée par la cité représentée par les nomothètes qu’elle pourrait désigner. Si la loi proposée devait avoir été présentée devant le monument aux Héros Éponymes sous le regards de tous les citoyens, parallèlement à l’ancienne qu’elle prétendait remplacer 215 , c’est que l’on avait bien compris que l’écriture ne servait pas seulement à la conservation des lois anciennes car elle servait aussi à la mise en place de tous les futurs possibles. 76

L’unique sauvegarde des lois anciennes, si tant est qu’il parût nécessaire de les conserver, était, ainsi, le regard de ceux qui, détenant la majorité dans les votes, ὑμεῖς oἱ πολλοί, souhaiteraient continuer de les lire 216 . L'œil du citoyen fondait le choix qu’il faisait, les récusant ou les validant. L’écriture, qui en avait conservé le texte, ne prenait sens que dans la lecture que l’on en voulait bien faire et dans la capacité de la parole publique immédiate à en assumer toutes les possibles interprétations 217 . L’écriture ne pouvait, en elle-même, stabiliser et pérenniser tous les documents qu’on lui avait confiés, elle ne pouvait le faire que pour ceux que l'on voulait bien lire. En fait, ce qui pouvait instituer, ainsi, la stabilité législative n’était pas l’existence du texte mais le fait que le citoyen choisît de s'en faire lecteur, les lettres ne trouvaient de sens que par l'effet de sa coopération et n'existaient que par lui 218 . Il n'était pas ainsi de texte législatif qui ne dût être, ainsi, une instance de co-énonciation 219 .

La liberté de la parole politique

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Cela permet d'expliquer la façon dont certains textes étaient rédigés. Il est parfaitement significatif par exemple que le décret proposée aux Athéniens, en 337, par Eucratès, semblait considérer qu'un gouvernement tyrannique ne pouvait être installé que par l’exercice de la force et qu'il devait être possible d'interdire préalablement que fût réunie au lendemain du coup d'État une instance qui aurait pu être amenée à se prononcer sur la possibilité de transformer la situation de fait en une réalité institutionnelle juridiquement fondée. Il fit décider par l'assemblée qu'aucun aréopagite n'aurait le droit, si la démocratie populaire était abolie à Athènes, de siéger en conseil ou de délibérer sur quoi que ce soit, εἰς ῎Aρειον Πάγον ἢ συνϰαθίζηι ἐν τῶι συνεδρίωι ἢ βολεύηι περί τινος. L'intérêt et l'originalité du texte impose qu'on l’analyse dans ses implications les plus spectaculaires 220 , d'autant que l'érection de deux stèles était prévues, cela signifiant que la publication du document était considérée comme particulièrement importante. L'une était placée comme un rappel de la décision prise devant l'assemblée et l'autre, puisqu'elle était un ordre aux aréopagites destinataires désignés du décret, se trouvait exposée devant le lieu où ils siégeaient.

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Le décret indique bien qu'une tyrannie ne pouvait s'imposer que par la violence et chacun se voyait reconnaître d'abord le droit à tuer le tyran éventuel dans un mouvement de contre-violence justifiée. Néanmoins il était envisagé que la démocratie pût finir par être abolie et que le nouveau régime fût accepté par les vaincus de la guerre civile, comme cela s'était passé dans nombre de cités à l'époque 221 , une cité ne disparaissant pas quand elle modifie ses institutions même si, comme le sait Aristote, une cité change quand sa constitution se transforme 222 . Le peuple a le droit imprescriptible en effet d'agir comme bon lui semble et d'accepter une tyrannie si cela lui convient, néanmoins la cité présente peut

essayer de se prémunir contre une telle éventualité, affirmer son droit à régir tout futur possible et prétendre assurer la perpétuation de sa forme première quelles que soient les circonstances. Le décret prenait garde d'envisager qu'une assemblée populaire pût être concernée par ses prescriptions. La façon de désigner l'Aréopage comme responsable potentiel d’une transformation irrémédiable était, bien évidemment, la reconnaissance de l’importance politique qu’il avait retrouvée à l’époque, comme cela a souvent été souligné 223 mais surtout une façon de signifier implicitement que l’Ecclésia ne pouvait pas être privée, pour sa part, de sa souveraineté et qu’elle avait le droit d’abolir le gouvernement démocratique s'il lui convenait de le faire 224 . Pour exprimer son refus de la tyrannie, Eucratès utilisa l'unique biais procédural possible, légiférant pour la seule des institutions qui fût à la fois une assemblée et, donc, pût passer pour une source légitime de parole politique et une magistrature à laquelle le peuple pouvait donc donner des ordres. Même dans ce cadre, le fait qu'il fût interdit aux Aréopagites, non pas seulement de participer à une session et d'y prononcer, au cours de délibérations déclarées illégitimes, des paroles qui auraient pu se construire en un texte public ou du moins auraient pu prétendre à une certaine légitimité, en raison de l'histoire même des institutions en général et de l'Aréopage en particulier, n'est pas l'essentiel. Ce qui doit être considéré comme particulièrement significatif est l'interdiction qui leur est faite de se mettre en route vers l'endroit où ils devraient siéger, ἀνιέναι εἰς ῎Aρειον Παγον. Cela témoigne de la volonté du législateur de rester en deçà de toute injonction qui aurait eu pour résultat de brider le droit à l'expression d'une instance quelconque de la cité réunie. En revanche, il pouvait passer pour légitime de donner des ordres aux individus.

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La cité prétendait parfois, en effet, pouvoir contrôler l’ensemble des menus gestes de chacun, Platon ne serait pas ainsi trop novateur en ce domaine 225 . Il n'était pas extraordinaire d’envisager d'interdire à un citoyen de sortir de chez lui pour se rendre en un lieu désigné, parce que chacun d’entre eux n'avait d'autre fonction que de servir l'État dans chacun de ses actes même les plus anodins. Périclès, en Athénien modèle, s'interdisait, ainsi, toute sortie de chez lui qui n'eût pas pour but l'assemblée du peuple, car il prétendait ne devoir vivre une autre vie que celle de l'homme public et ne pas avoir, ainsi, même le désir d'une promenade ou d'un loisir qui fût privé 226 . On peut penser, néanmoins, que l'expression de ces interdictions formalisées n'étaient envisageable que parce que les Aréopagites exerçaient une charge publique qui faisaient d'eux des magistrats à qui la cité qu’ils servaient pouvait dicter une conduite. Dans la mesure où ils le faisaient à titre viager, leur personne pouvait, en quelque sorte, se confondre avec leur fonction et leur existence pouvait être contrôlée de façon particulièrement stricte. Cette loi ne prétendaient pas, en tout cas, enchaîner pour l'éternité l'ensemble des citoyens à venir, car les Athéniens savaient bien que, par nature, lex posterior derogat priori.

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Une pratique politique ouverte avait permis de comprendre que la souveraineté de la cité ne pouvait s'accommoder d'une législation trop contraignante. Il était impossible de croire en la valeur de certains interdits. C'est par des biais procéduraux, dans un contexte spécifique, que l'on pouvait parfois donner un caractère absolu à certains refus. La loi écrite savait qu'elle allait devoir, parfois, s'effacer devant la parole toujours libre. La seule chose qu'elle pouvait imaginer pour se protéger était d'empêcher que celle-ci pût s'exprimer en interdisant certains des gestes nécessaires à son émission.

La stabilité des lois dans la cité des Magnètes 81

Les fondateurs de la cité des Magnètes connaissent parfaitement ces différents problèmes. Le rapport du droit à l'écriture et à la parole y est vécu de façon particulièrement complexe et l'on a l'impression parfois que Platon doit argumenter à fronts renversés quand il semble vouloir valider certaines pratique des cités de son époque tout en proposant, quand il le peut, les solutions nouvelles nécessaires à la mise en place de son système.

Les livres du juge

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Il sait montrer que l'écriture est d'un grand secours pour la sauvegarde d'une législation intelligente, ce que la loi ordonne étant attesté à jamais par les lettres, qui jamais ne bougent et servent à convaincre, de leur pertinence ceux qui les connaissent. Elle est, donc, indispensable à la pratique politique et judiciaire. Le fait que les ordres des lois soient confiés à l'écriture permet d'argumenter sans limite de logique ni de temps car rien ne peut changer des éléments de leur discours, νομοθεσίᾳ ἐστὶν τῇ µετὰ ϕρονήσεως μεγίστη βοήθεια, διότι τά περὶ νόμους προσταγματα ἐν γράμµασι τεθέντα, ὡς δώσοντα εἰς πάντα χρόνον ἔλεγχον πάντως ἠρεμεῖ 227 . L'emploi du verbe ἠρεμεῖν, qui signifie que le texte reste toujours le même en toute circonstance et que l’on doit se fier à ce qu'il exprime, surprend. Cela semble contrevenir à l'idée exprimée par le Phèdre selon laquelle le document écrit s’en va rouler de place en place parce qu'il n'est pas prononcé pour quelqu'un qui l'écoute et qu'il ne peut donc se fixer ni prendre sens. Il semble que cette façon de présenter les choses soit la manifestation de ce que Platon tente d’échapper à la logique de l'écriture mobile. Cela lui permet de faire l'économie de l'idée selon laquelle il serait possible de trouver du secours auprès du nomothète originel pour préciser le sens propre des lois et pour les sauver quand elles risqueraient d'être mises à mal par les attaques d'hommes pervers, νόμοις διαϕθειρομένοις ὑπò ϰαϰῶν ἀνθρῶπων προσήϰει βοηθεῖν τòν νομοθέτην 228 . Il était parfaitement conscient de ce que Solon, qui avait su écrire des traités devenus lois, ὅστις ἐν πολιτιϰοίς λόγοις νόμους ὀνομάζων συγγράμματα ἔγραψεν, avait pensé devoir être, aussi, capable d'argumenter pour les défendre, une fois écrites, βοηθεῖν εἰς ἔλεγχον

ἰὼν περὶ ὦν ἔγραψεν 229 , n'avait rien pu faire contre l'irrésistible ascension de Pisistrate. Dans le jeu des apories, dont il ne peut se déprendre, la chose qui apparaît comme la plus claire est qu'il ne considère pas l’écriture comme l’instrument capable, par sa seule évidence, d'assurer la conservation des lois mais comme l'outil qui permet au lecteur qui veut en faire un usage raisonné de les servir et de les défendre. Elle semble procurer plus d'immédiateté par l'effet de sa disponibilité que de pérennité au sens propre, c'est en effet, seulement, parce que l'on consent à l'utiliser et à se reporter à ses leçons, quand besoin s'en fait sentir, qu'elle peut être efficace. 83

Lire est donc particulièrement recommandé au juge qui doit posséder par devers lui les livres publiant les lois et bien les connaître, αὐτῶν πέρι μανθάνειν 230 , la nécessité de cette fréquentation des textes étant par ailleurs justifiée par la valeur formatrice propre à l'enseignement du droit 231 . En effet, de toutes les matières intellectuelles enseignées dans une cité, celle qui doit être la plus apte à rendre meilleur celui qui l'étudie est celle qui touche à la connaissance des lois, à condition toutefois qu’elles aient été correctement établies, ὀρθῶς τεθέντα 232 et aient ainsi mérité d'être désignées comme divines 233 . L’essentiel n'est sans doute pas que la connaissance privilégiée qu'il a du code lui permet de signifier au justiciable, par l'intermédiaire d’une instance tierce, ce qu’il faut faire dans tel ou tel cas difficile, de faire comprendre à d'éventuels ignorants ou criminels qu'ils sont coupables et d’utiliser à bon escient l'échelle des peines nécessaires pour les punir. Lire les écrits du législateur sert au bon juge à s'instruire et à acquérir une pierre de touche pour tester, si besoin est, la valeur de ses opinions de telle sorte qu'il puisse fonder les décisions qu'il estime devoir prendre tout en restant dans la droite ligne, ὀρθοῦν. Les textes sont ainsi comme l'antidote qui protège de tout autre discours, ἅ δεῖ

ϰεϰτημένον ἐν αὐτῷ ϰαθάπερ ἀλεξιϕάρμαϰα τῶν ἄλλων λόγων 234 , les lettres sont dans la cité de Magnésie comme des γράμματ’ἀλεξίλογα, permettant de se défendre contre des paroles fugaces par nature mais séduisantes 235 . Les lettres semblent ainsi n'être pas seulement des moyens de remémoration mais sont ainsi l'outil qui permet de fonder la pensée juridique et fait donc fonctionner les institutions dans la durée. Sauvegarde des mots, les lettres que lisent par devers eux les magistrats de l'ordre judiciaire doivent passer, néanmoins, par leur parole institutionnelle pour acquérir du sens.

La fonction politique du juge 84

Les juges de Magnésie, notamment ceux qui siègent dans les instances supérieures, ne doivent pas se contenter d'être des jurés assistant passivement à des procès de type agônal, ils sont des sortes de magistrats soumis à élection et à examen, cela leur donne une place particulière dans la cité qui les évalue en fonction de critères extérieurs à l’instant de la sentence 236 , et notamment de leur connaissance précise des lois existantes 237 . Ils sont maîtres de leurs décisions et sont honorés quand elles paraissent particulièrement opportunes, car elles sont librement prises dans le cadre de la science juridique qui les fonde et qu'ils sont censés posséder 238 . Ils peuvent fixer les peines à leur gré et le font bien parce qu’ils sont correctement formés, εἰς δύναμιν ὀρθòν ϰαθεστῶτα ᾖ 239 . Ils doivent exercer leur pouvoir répressif avec conscience, pour assurer aux honnêtes gens la protection de leurs droits, aux méchants curables, ἰάσιμοι, la guérison de leurs folies et de leur injustice, aux incurables, la mort. S'ils se conforment à ce programme, méritent d'être publiquement loués aussi bien les juges que les gens qui les conduisent, ἄξιοι ἐπαίνου γίγνοιντ’ ἂν τῇ πάσῃ

πόλει τοιοῦτοι διϰασταί ϰαὶ δικαστῶν ἡγεμόνες 240 . Ils ne se contentent pas ainsi d’appliquer mécaniquement des textes mais savent adapter leur décision à l'importance du dommage et à la grandeur de la faute, τὴν ἀξίαν [δίϰην] τοῦ πάθους τε ϰαὶ τῆς πράξεως 241 . Ils doivent juger en se conformant aux injonctions des lois ou bien en se conformant aux principes qu'il a énoncé, τὰ μὲν αὐτoὺς πειθομένους τοῖς νόμοις, τὰ δὲ ϰαὶ μιμουμένους, ὅσα ἂν ἐϰείνοις ἐπιτρέψωμεν 242 quand le nomothète leur a laissé le champ libre. Le nomothète ne s'est pas senti le devoir de fixer lui-même le détail des règles qu’ils doivent respecter et ils créent la loi du fait qu'ils sont maîtres de la sentence 243 . Le droit des Magnètes est ainsi construit par la collaboration de ceux qui en connaissent les sources et doivent en prolonger naturellement les leçons. Ils ne peuvent donc pas rester muets, ἄϕωνοι, comme l'étaient les jurés du tribunal d'Athènes 244 et ils ont pour fonction, non seulement de prononcer des sentences, διϰάζειν, mais surtout de se constituer en instance d'évaluation, ϰρινεῖν 245 . Ils doivent, ainsi, non pas se poser en arbitre entre les plaideurs mais faire connaître ce qu'est le juste, chose qu'un juge réduit au silence ne saurait faire, οὐϰ ἄν ποτε ἱϰανòς γένοιτο περὶ τὴν τῶν δίϰαιῶν ϰρίσιν 246 . Platon donc se montre parfaitement conscient de ce que si les leçons des lois doivent être ainsi conservées par l'écriture elles doivent surtout être prolongées jusqu'à l’énoncé de la sentence. Dans la mesure, par ailleurs, où la loi ne sait pas saisir par avance le détail des choses, τό δ’ ἐπὶ πᾶν ἀδυνατεί 247 , le législateur doit, comme l’écrit pour sa part Aristote, laisser, ἐϰλείπειν 248 , bien des points de côté. L'application des lois se trouve, ainsi, naturellement dépendre de la pratique judiciaire, car le tribunal est investi du droit de participer à l'expression du droit. La responsabilité du juge est essentielle. Sa fonction est très loin de se borner à constater que tel fait a eu lieu ou

non, τò πότερον ἐγένετο ἢ οὐϰ ἐγένετο, à fixer les amendes ou d'autres peines dans les limites définies par la loi. Le législateur, n’ayant pas voulu expressément légiférer sur de très nombreux points, même importants, νομοθετῆσαι περὶ πάντων ϰαὶ μεγάλων 249 , a laissé une très grande latitude d'appréciation aux tribunaux, et ceux-ci peuvent, même, sembler pouvoir contrevenir à certaines prescriptions les plus explicites des lois. Cela pose évidemment le problème de savoir si les instances judiciaires doivent exercer une véritable capacité à légiférer en prononçant des jugements, et l'on peut se poser la question de distinguer ce que doit établir le législateur de ce qu’il doit laisser à l'appréciation des tribunaux jugeant en conscience, νομοθετητέον τε ϰαὶ ἀποδοτέον ϰρίνειν τοῖς διϰαστηρίοις 250 . On peut se demander même si le discours législatif peut donc perdurer dans son écriture originelle, τῇ γραϕῇ, sans une périodique reformulation. S'il faut nécessairement que le juge se fasse la bouche de la loi, c'est dans l'analyse de sa pratique quotidienne qu'il faut comprendre de quels moyens il se sert pour faire vivre la cité dans ses formes primitives. C'est le contrôle du discours quotidien des tribunaux et non pas de l'écriture qui peut jouer ce rôle. Le législateur a proposé des modèles, c'est au juge de les reprendre dans le cadre d'un mode d'expression qui lui est propre et qui seul se trouve pouvoir devenir acte car en tant que magistrat il est doté d'une partie du pouvoir collectif d'exécution, τòν δέ, ϰαθάπερ ζωγράϕον, ὑττογράϕειν ἔργα ἑπόμενα τῇ γραϕῇ 251 . 85

La fonction du juge de la cité idéale est complexe puisqu'il n'a pas seulement à arbitrer entre des plaideurs mais, au delà de chaque affaire définir ce que peut être la justice elle-même, étant parfaitement instruit de ce que l'équité et l'indulgence doivent être considérées comme servant à transgresser la parfaite exactitude et contrevenir à la stricte justice 252 . Il est libre, néanmoins, de choisir

de déroger aux règles les plus expresses, c'est son devoir et c'est là que, sans doute, se reconnaît l'extrême dignité de sa fonction. Quand par exemple les règles de droit, que des intérêts particuliers ou collectifs pourraient obliger à respecter dans toute leur rigueur, risquent de faire mener une vie parfaitement invivable, ἀϐίωτον ζῆν 253 , à tel ou tel citoyen contraint d'épouser une fille infirme de corps ou d'esprit parce qu'elle est épiclère, ou si une jeune fille ne veut point, symétriquement, épouser son parent désigné, μήδε γῆμαι μήδε γήμασθαι 254 , les juges restent libres de décider ce que bon leur semble. Ils sont invités à ne pas faire appliquer la loi par la force, au contraire de ce que Platon dit être la pratique commune des cités de son temps où l'on use, dans ce genre de cas, de contrainte, τοὺς νῦν ἀναγϰαζομένους ἐϰάτερα δρᾶν 255 . Ils doivent, après avoir réuni un tribunal d'arbitrage composé de membres de la famille et des gardiens des lois, trancher en leur âme et conscience dans le sens qui leur paraît le meilleur, dispensant ainsi tel ou tel de ses obligations strictes, sans qu'il soit expliqué de quelle façon cela peut permettre de maintenir en l'état le système originel de partage du sol politique. Ce problème n'est pas éludé, la réponse étant qu'ils sont libres, en tant que magistrats, particulièrement importants et chargés d'honneurs, ἀρχὴ ἣν ἄν θώμεθα μεγίστην ϰαὶ τιμιωτατὴν, de faire ce que bon leur semble à condition de tenir compte de ce qu'en matière de rapports de famille, il faut juger en fonction de ce qui conduit les individus à s'apprécier mutuellemment, ϰατὰ χάριν μὲν μάλιστα, si les sympathies font défaut, ils sont censés agir au mieux, ἐὰν δέ τισιν ἐλλείπωσιν χάριτες [ἄρχη] σϰαψαμένη τί χρὴ χρῆσθαι 256 . L'essentiel est de comprendre quelle conséquence cela peut avoir sur les relations établies par les lois entre les membres de la cité. Le parent ou le tuteur qui, pour des raisons qu'il était à même d'apprécier, aurait insisté pour faire appliquer les textes et qui se

serait vu débouter, serait marqué à vie par la honte et le blâme qu'il aurait reçu, ψόγος ϰαὶ ὄνειδος, sans pourtant que l'on songeât à lui infliger une amende puisque ce qu'il subirait de ce désaveu serait pire qu'une peine financièrement afflictive 257 . Ce n’est donc pas le droit mais la capacité attribuée à une instance d'énoncer des privilèges qui permet de régler ce type d'affaire dans l’intérêt, sans doute, d'une des parties plaidantes, mais au détriment de l'autre. La commission juridictionnelle est présentée comme fonctionnant dans le cadre d'une procédure de type agônal mais il est bien évident que ce qui importe, c'est, en l'occurrence, le fait que l'on ait dispensé des individus d’appliquer la loi, parce qu'ils avaient protesté contre ce qu'elle leur imposait, ἐγϰαλῶσι τοῖς ϰειμένοις νόμοις 258 . Chaque décision de ce type est une interprétation de la législation ou une adaptation à des situations exceptionnelles. Dans l'un ou l'autre cas, il s'agit de l'exercice par le juge d'une capacité juridictionnelle qui peut confiner à la nomothésie. 86

Le tribunal doit donner son appréciation sur ce qui est opportun et ne l’est pas, le définissant comme le juste ou l'injuste, de même qu'aurait pu le faire le nomothète s'il avait été possible de le consulter, au cas improbable où il aurait été vivant et présent, παρῶν ϰαὶ ζῶν 259 , et ne se soucie pas de savoir s'il doit y avoir ou non un vainqueur éventuel dans un conflit purement privé. Platon, dépassant la problématique du procès proprement agonique, donne au juge la fonction de travailler au profit de la cité, en prononçant des sentences où les intérêts des parties doivent être subordonnés à ceux de la cité, Magnesian penology is State directed 260 . Ainsi dans la loi sur le vol, tout à fait significative de cette problématique, on ne sait pas ce qui est privilégié de la compensation du dommage, βλάϐη ou de l'injustice, ἀδιϰία 261 , dont l'évaluation induit la punition corrective nécessaire à l'amendement du coupable 262 . Cette façon

de voir montre que l'on ne doit pas considérer et désigner, λέγειν, le tort causé à autrui, ou l’avantage qu'on lui procure, comme juste ou injuste. Le législateur, puis le juge prenant son relai, doit prendre en considération dans quel esprit et de quelle manière celui qui aurait causé un dommage ou procuré un avantage indu aurait agi 263 . Il existerait, donc, deux types de lois, celles qui seraient faites pour procurer les compensations nécessaires aux personnes lésées ou corriger le fait d'avoir favorisé l'une ou l'autre au détriment d'une autre, et celles qui, considérées comme faisant partie des plus belles, τῶν ϰαλλίστων νόμων, ont pour fonction de guérir les coupables de leur injustice ou de les éliminer du monde politique s'ils se révélent incurables 264 . 87

Toute loi joue, nécessairement, sur l'un et l'autre registre. Ce qu'il importe de déterminer est comment chacune se construit selon deux logiques complémentaires qui, l'une comme l'autre, font référence à l'utile et ne peuvent pas se comprendre sans référence à un système extérieur au langage du seul droit positif. L'évaluation des torts est relativement aisée et objective quand il n'est question que des intérêts d'un particulier, elle est plus difficile à réaliser quand il s’agit d'un État car, en fonction de l’enjeu prétendu, toutes les distorsions sont possibles, même si le but prétendu du législateur est d’atteindre le juste en soi. Le rôle du juge, qui se révèle devoir être législateur et magistrat politique, n'en est que plus important. Se pose à ce niveau encore le problème de la nécessité et de la pérennité de l'écriture puisque le magistrat joue dans un présent oral, tout son travail étant le dialogue immédiat avec le justiciable. Si l'on en revient au Politique on peut comprendre que de même que le médecin n'hésiterait pas à modifier les ordonnances qu'il aurait écrites pour la durée d'une absence, s'il retrouvait au retour d'un voyage plus court que prévu son malade dans une situation imprévue, de même

le magistrat peut se trouver contraint de modifier les prescriptions de la loi 265 , comme le ferait le nomothète lui-même s'il se trouvait à même de revenir dans la ville. Le fait qu'aucune chose humaine n'est, pour ainsi dire, jamais en repos ne laisse place, dans aucun art et dans aucune matière, à un absolu qui vaille pour tous les cas et pour tous les temps 266 . Aussi le législateur ne doit-il pas oublier que ses instructions ne sont pas nécessairement les meilleures pour tous les temps à venir. Chaque citoyen doit, de même, savoir que s'il fonde ses actions sur la seule lettre écrite ou la coutume, non pas sur le savoir de ce qui convient au moment de l'action, cela conduit à des erreurs 267 . Or, la science du politique est, justement, la capacité à comprendre une situation et à répondre à ses exigences dans l'instant, de même qu'en philosophie, il ne peut y avoir, en ce domaine, d'apprentissage ou de savoir délégué. 88

Dans les cités historiques, l'exégèse des textes peut imaginer qu’il est possible que les jurés sachent comprendre ce que Solon avait en tête quand il promulguait telle ou telle loi, τὴν ψυχὴν τὴν Σόλωνος ϰαὶ τὴν διάνοιαν 268 , ils peuvent se fonder sur ce qu’ils pensent avoir été la pensée et l'intention du législateur, sans en rester au texte rigidifié de ses lois, µὴ πρòς τῷ λόγον ἀλλὰ πρòς τὴν διάνοιαν τοῦ νομοτέτου σϰοπεῖν, ϰαὶ µὴ τὴν πράξιν ἀλλὰ πρòς τὴν προαίρεσιν 269 . Dans la cité de l'utopie, les juges sont particulièrement libre mais où l'on sait qu'ils doivent être bien formés pour savoir ne pas sortir des limites de le la justice, βαίνειν ἔξω τῆς δίϰης, il faut découvrir le moyen de faire coïncider le donné législatif et la pratique judiciaire 270 . De façon tout à fait naturelle, néanmoins, ou par manque d'imagination, la responsabilité des réformes législatives formelles revient aux instances proprement politiques puisque rien n'est dit, dans le projet magnète, des capacités de la jurisprudence.

Modélisation et pratique législative 89

Pris par les rets du mirage égyptien 271 , Platon vantait les vertus du pays où rien n'avait changé depuis des millénaires, en matière de dessin, de sculpture et de musique, ce qu’il considérait non pas comme étonnant mais comme un témoignage de ce que pouvait faire la loi et le politique quand ils étaient porteurs de justes principes 272 . Il pensait qu'il était possible de valider en un système législatif, νόμος ϰαὶ τάξις 273 , les rythmes justes dont l'origine remontait aux instructions d'Isis et qui, par le fait même, étaient conformes à la nature, μέλη τῆς ῎Iσιδος... τὰ τὴν ὀρθότητα ϕύσει παρεχόμενα. Cela donnait à la pratique des chœurs toute sa valeur éducative 274 . Il se proposait de rechercher dans le domaine du droit ce type de permanence. Sans doute ne se rendait-il pas assez compte que l'existence même des ruptures qu'imposait la pratique législative empêchait que l'on profitât des bénéfices d'un projet dont le seul intérêt était de fonder le politique sur le maintien du rapport avec la parole divine originelle. Prenant, alors, le moyen pour la fin, il finit par rechercher l'immobile pour lui-même, sans se rendre compte que, si l'on renonçait à l'enracinement divin pour donner place aux lois humaines, cet immobilisme n'avait pas nécessairement de sens.

L'évolution législative dans Magnésie 90

Le projet des vieillards cheminant au long des chemins de la Crète est que la cité qu’ils rêvent permette à ses membres de vivre le type de relation que les hommes avaient entretenu avec les dieux quand ceux-ci leur parlaient et qu'ils étaient persuadés de la véracité de tout ce qui leur était dit sur le bien et le juste 275 . La règle législative devait être établie de telle façon qu'elle permît ce type de

permanence et que tout citoyen continuât de connaître un bonheur parfait et convenable, dans un monde où le plaisir serait né de la pratique des chants dont la déesse aurait, elle-même, inspiré les modes 276 . Les risques de tomber dans une dépravation qui peut naître de la recherche du plaisir sont moins à craindre quand on réussit à persuader les justiciables qu'ils éprouveraient une certaine satisfaction à perpétuer le passé de leur société, les modes de constitution de la permanence paraissent ainsi moins contraignants car il paraît évident que chacun doive apprécier que les cités puissent rêver de leur immuable éternité 277 . Le nomothète originel éclairé par l'inspiration divine advient par nature, γένηται ϕύσει, il n'appartient pas au monde ordinaire du politique 278 , mais il s'apparente au bienfaiteur dont Aristote sait qu'il était responsable de la naissance de la cité, quelque naturelle qu’elle fût, ὁ πρῶτος συστήσας μεγίστων ἀγαθῶν αἴτιος 279 . 91

La cité des Magnètes doit savoir donc ériger en loi, νόμον θεμένη, les mots qu'elle aurait reçus de quelqu’un d'entre les dieux ou de l’homme qui avait la connaissance de ces choses, ἢ παρὰ θεῶν τίνος ἢ παpὰ τούτου τοῦ γνόντος ταῦτα λόγον παραλαϐοῦσαν 280 . Le législateur sait parfaitement que sa tâche ne peut qu'être incomplète car, puisqu'il a travaillé pour une collectivité, il a dû négliger en promulguant ses lois ce que seraient les cas individuels. Il n'a jamais été à même en effet de pouvoir venir s'asseoir auprès de chaque particulier à tout instant de sa vie pour prescrire exactement ce qu'il devait faire, παραϰαθήμενος ἐϰάστῳ δι’ ἀϰριϐείας προστάττειν τò προσήϰον 281 , et il ne lui sera jamais possible de le faire. Il faut donc qu'il ait posé les cadres du système législatif mais les mises en pratique lui échappent et conduisent nécessairement à des révisions qui sont faites pour compléter peu à peu son esquisse de telle sorte que soit progressivement construit en juridicité une plus grande

partie du réel et contrôlé de façon plus stricte l'ensemble du champ juridictionnel resté ouvert. 92

Platon propose donc une législation évolutive pour une cité qui doit roder ses institutions avant de les figer en un code définitif, cette démarche en cascade étant d'autant plus aisée que les vieillards voyageurs ne prétendent être que des conseillers possibles d'un législateur à venir et que le discours législatif est ainsi antérieur à toute mise en place de lois qui peuvent ainsi être prétendues modifiables en fonction des circonstances de la fondation 282 . Le fondement même de la cité est le premier partage du sol et il est interdit de le modifier en quoi que ce soit, il ne faut pas envisager de toucher aux bornes des champs 283 , ni non plus d'ailleurs aux bornes qui limitent, vers un extérieur voulu vide, le territoire politique 284 . C'est ainsi que la cité doit accepter de ne jamais mouvoir l'immuable, µὴ ϰινεῖν τὰ ἀϰίνητα 285 . Cet ordre s'applique aussi bien aux dépôts qui peuvent avoir été enfouis par n'importe qui, et qu'il est interdit de s'approprier comme s'ils étaient devenu sacrés d'avoir été déposés, même de façon purement transitoire et pour des raisons tout à fait profanes 286 ,qu'aux bornes servant à délimiter un sol dont la découpe parce qu'elle est reconnue comme originelle par le droit politique ne peut être que sacrée.

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Partout ailleurs l'immobilité s'acquiert et se construit de façon progressive. Les immédiats successeurs du premier nomothète doivent mettre des couleurs au schéma qu'il a proposé 287 , les nomophylaques doivent après eux protéger les lois mais agir si besoin est en nouveaux législateurs eux aussi 288 . Ils doivent à la fois posséder la possibilité d'agir et le dynamisme nécessaire, ils ont à s'occuper d'abord de ce qui était de trop peu d'importance pour qu'un législateur chevronné s'en soit occupé dès l'origine mais ne peut se réaliser que dans le prolongement de son travail originel, les

propositions de lois complémentaires ou nouvelles doivent d'ailleurs, tant qu’il est présent dans la cité, être rédigées en collaboration avec lui 289 . Leur première fonction est sans doute de conserver l'existant car ils sont avant tout des σωτῆρες νόμων, ils ont pour ce faire la maîtrise de tout l'arsenal du contrôle et de la répression. Mais ils ont surtout le devoir de mettre en place dans la législation tout ce qui aurait été laissé de côté à l'origine de la cité, ils doivent ainsi proposer et réaliser tout ce qui peut correspondre à une amélioration des lois quand cela leur paraît souhaitable. Ils doivent améliorer les lois qui ne peuvent, par incapacité structurelle, δι’ ἀπορίαν, avoir tout prévu dès le début 290 . 94

Particulièrement important au plan théorique est le fait qu'ils peuvent avoir à corriger certains aspects de la législation originelle quand elle se révéle inadaptée. Il est, ainsi, explicitement prévu qu'ils pourraient devoir remplacer par une loi plus indulgente la règle établie pour la maîtrise de l'activité sexuelle 291 , même si le mécanisme de mise en place de la loi nouvelle, prévue comme un second choix par rapport à la loi souhaitable, n'est pas très clair. Les nomophylaques peuvent en effet s'apercevoir que la loi originelle leur échappe, αὐτoύς ἐϰϕύγει 292 , et ils doivent alors se préparer à en promulguer une seconde dont le détail développé par l'Athénien doit se proposer d'atteindre une moralité de second ordre moins exigeante que la première et qui impose simplement de cacher ses turpitudes. Le législateur doit savoir bien qu'il est difficile de faire cesser certaines pratiques. Il peut penser, ainsi, qu'une loi de nature interdit les rapports homosexuels, mais Laïos les ayant mis en usage, il est impossible de prétendre les supprimer et le législateur qui prétendrait le faire ne saurait trouver un langage capable de persuader 293 , il ne serait pas en harmonie avec celui qui est tenu dans le monde des cités, τάχ’ ἄν χρῶτο ἀπιθάνῳ λόγῳ ϰαὶ ταῖς

ὐμετέραις πόλεσιν οὐδαμῶς συμϕώνῳ, or le discours du législateur doit, d'une certaine façon, se couler dans celui du monde pour pouvoir être compris et admis. C'est, seulement, par l'énoncé du jugement qu'il porte sur les choses, ἀξίωσις, qu’il peut essayer d'agir. En l’occurrence, il se garde donc bien de considérer comme honnêtes les pratiques qu'il réprouve mais qui sont admises par la société 294 . Cela permet, sans doute, de comprendre pourquoi il ne semble pas, qu'en matière sexuelle, doive être formellement supprimée la loi première et que Platon puisse imaginer pouvoir promulguer soit une loi soit deux, νόμος εἶτε εἶς εἶτε δύο. La loi primitive ne doit pas être abolie au sens plein du terme et il semble qu'elle soit simplement mise en sommeil quand intervient la seconde 295 . Cela ne peut manquer de poser des problèmes. On doit, par ailleurs, même si cela n'est pas explicitement évoqué, se poser la question de la responsabilité du juge pour sa capacité répressive, s'il doit apprécier de quelle façon le citoyen a tenté de respecter la loi du silence imposé. Si quelqu'un a été dénoncé comme débauché, en effet, c'est parce qu'il n'a pas réussi à respecter l'obligation de se cacher, il s'est fait reconnaître comme criminel pour n'avoir pas voulu ou sans doute pas su se dissimuler. Il est coupable de ce chef avant, vraisemblablement, de devoir se défendre du principal. Cela paraît d'autant plus inquiétant pour lui que les lois applicables à sa situation sont trois en fait puisqu'il existe, outre les deux textes diffusés par le pouvoir une règle tout à fait contraignante qui sous forme de loi non-écrite, ἄγραϕος νόμος, interdit toute relation sexuelle entre parents et enfants et qui est si bien intériorisée que nul ne semble penser pouvoir la transgresser, ni ouvertement ni en cachette 296 . Si nous en restons au fait qu'il est possible que la loi échappe au législateur, nous devons admettre qu'il existe un rapport de force entre le pouvoir législatif et l’ensemble des justiciables qui

impose dans la cité une sorte de multiplicité des sources émettrices du droit. Platon veut en tant que responsable récuser cette possibilité qu'il admet en tant que témoin objectif du fonctionnement des institutions, et il prétend faire du nomothète ou de ceux qui prolongent son œuvre en tant que responsables d'une forme de pouvoir institutionnel, les seuls concepteurs possible des lois. Cela impose que ce soit par des procédure lourdes de validation que l'on passe dès que l'on constate des problèmes et que l'on souhaite les résoudre. 95

C'était donc la pratique, l'expérience, ἐμπειρία 297 , qui, menée durant une période significative 298 , doit permettre aux magistrats d'éprouver la valeur des lois 299 et de se rendre compte de ce que peuvent être les réformes qui leur semblent nécessaires, τῆς ἀναγϰαίας αὐτῶν χρείας ἐμπείρως ἴσχοντες 300 , notamment pour combler les lacunes éventuellement constatées. Le pouvoir garde le droit de mener la réforme, dont il définit, par l'effet du contrôle expérimental même, les modalités aux moments où il en éprouve la nécessité et il y procède par petites touches. Il le fait en accord avec le législateur originel, tant que celui-ci est vivant, puis, après sa mort, sous la seule responsabilité des magistrats et des nomophylaques. Le processus doit durer jusqu'au moment où il semble que l'on peut y mettre un terme parce que les habitudes des justiciables sont stabilisées et que l’on a le sentiment ainsi d'avoir travaillé correctement, ἕως ἂν ὅρος ἰϰανός δόξῃ τῶν τοιούτων νομίμων ϰαὶ ἐπιτηδευμάτων γεγονέναι, μέχριπερ ἄν τέλος ἔχειν ἕϰαστον δόξῃ τοῦ ϰαλῶς ἐξειργάσθαι. La loi et les règlements amendés ou complétés doivent alors être considérés comme parfaitement immuables, ἀϰίνητα 301 , la succession des législateurs prétendant avoir réussi à les faire telles, ἀϰίνητα ποιησάμενοι 302 , et avoir garanti du sceau du travail de toute leur vie leur pérennité,

ἀϰίνητα ἐσϕραγισαμένους χρῆσθαι τòν ἅπαντα βίον 303 . Cette stabilité, construite secondairement, semble devoir être, ainsi, considérée comme devant être plus rigoureuse que celle qui faisait respecter les lois du nomothète originel lui-même, comme si leur confrontation aux réactions des justiciables avait permis d'en renforcer les défenses tout en les modifiant. Pourtant il est évident que des réformes peuvent à tout moment du politique se révéler nécessaires si l'on en reste à l'idée que rien ne reste en repos dans les choses humaines et que le problème a simplement été déplacé. Il faut se demander, d'autre part, si l'on doit accepter de considérer comme légitime une loi qui n'aurait plus que de lointains rapports avec le discours législatif originel qui seul peut être prétendu avoir une origine divine. Ce n'est plus le dieu en effet qui aurait inspiré le discours législatif construit sur l'expérience mais le regard porté sur les choses humaines ainsi que les interactions procurées par la société.

Procédures de révision des lois dans la cité des Magnètes Au delà de cette période d’expérimentation proposée, la procédure de révision éventuelle des lois est très contraignante et pose des problèmes institutionnels complexes. Il faut d'abord que le cas de force majeure ait été dûment constaté car il ne faut jamais désirer rien changer, ϰινεῖν µὴ ἑλόντας μηδέποτε μηδέν, εἰ δέ τις ἀνάγϰη δόξειέ ποτε ϰαταλαβεῖν 304 . La réforme devient alors l'affaire du groupe politique dans son ensemble. Il faut faire intervenir trois instances, d'abord les magistrats qui semblent constituer un corps particulier et sont considérés comme dissociés du peuple dans son ensemble, puis le peuple lui-même tout entier, enfin les oracles des divers sanctuaires panhelléniques 305 . Il est établi que l'accord de tous est nécessaire et l’on peut se demander ce que cela signifie

quand Platon conclut par cette évidence prétendue l'exposé qu'il fait du processus envisagé 306 . Il est en effet précisé que celui qui s'oppose à la réforme doit faire prévaloir nécessairement son point de vue, τòν ϰωλύοντα ἀεὶ ϰατὰ νόμον ϰρατεῖν. Cela pourrait signifier que chaque groupe d'intervenants dans la procédure doit en corps approuver la réforme proposée et que l'acceptation pourrait être soumise à trois scrutins dans trois instances qui devraient manifester leur accord unanime 307 . Il est bien évident que dans le cas des dieux la réponse négative d'un seul oracle suffirait à rendre impossible toute réforme. Il faut donc comprendre qu'il en est de même dans les instances proprement humaines. La décision de modifier la constitution imposait donc que l’on obtînt l’unanimité de tous les citoyens, magistrats ou non, exprimée de façon non seulement collective mais renvoyant ainsi à la responsabilité individuelle de chacun des membres de la cité. Un texte du Politique conduit d'ailleurs nécessairement à cette conclusion puisqu'il exprime l’idée, qu'il dit être courante dans le monde des cités, selon laquelle on ne pourrait procéder à la moindre réforme des institutions en proposant des lois meilleures que les anciennes sans avoir persuadé chacun de ses citoyens d’y souscrire, ϕασὶ δή δεῖν, εἴ τις γιγνώσϰει παρὰ τούς τῶν ἔμπροσθεν βελτίους νόμους, νομοθετεῖν τὴν ἐαυτοῦ πόλιν ἕϰαστον πείσαντα, ἄλλως δὲ µή 308 . Ce qui dans le Politique est considéré comme assez déplorable pour que soit présenté comme nécessaire le recours au souverain parfait, devient dans les Lois une règle normale puisqu'elle semble tout naturellement découler de l'existence d'une législation écrite dont il paraît impossible de vouloir réécrire les termes sans précaution 309 . La conséquence de cette règle établissant que le dialogue entre les citoyens, leur présence physique dans le débat doit déboucher sur l'unanimité est, néanmoins, tout à fait paradoxale puisqu'elle

constitue la parole d'un seul comme plus efficace que toute expression collective quand il s'agit de maintenir la validité d'un texte de loi écrite. L'individu se voit ainsi investi de la responsabilité d'exprimer la permanence de la cité en sa forme. On se retrouve ici dans une situation que le droit de la guerre connaît bien. Une cité ne disparaissait que lorsque la totalité de ses membres, sans en excepter un seul, étaient morts. Même si elle était physiquement détruite comme l'avait été Thèbes par Alexandre, même si son territoire était démembré et partagé entre de nouveaux propriétaires, tant qu'il restait un homme pour en porter l'ethnique et revendiquer le droit à s'en prétendre membre, elle ne pouvait disparaître 310 . Symétriquement on peut admettre que le fait qu'une législation fût écrite et que les lois fussent ainsi conservées en leur forme primitive n'avait pas de valeur en soi puisque le groupe pouvait se sentir le droit de le corriger à son gré. Ce qui fondait la valeur d'une législation était en fait la réaffirmation permanente de ce qu'il fallait la maintenir. Dans une situation de crise il pouvait suffire d'une seule voix pour que la cité parle et que l'écrit fût conforté dans sa pertinence. L’écriture n'existe qu’en fonction de la parole possible. Il suffisait qu'un héraut reprenant les paroles anciennes se manifeste pour que la cité perdure dans sa forme ancienne. Si ce n'était pas le cas, même les paroles écrites disparaissaient au gré des volontés du groupe. Quelques précautions que l'on ait pu prendre, l'écrit n'était rien sans la parole politique, seule capable de découvrir et d'exprimer le droit. L'écrit ancien, τò γράϕος τὰρχαῖoν, devait céder le pas aux décisions du conseil et du peuple d'Elis réuni en masse, βολὰ ϰαὶ ζᾶμος πλαθύων 311 , une autre inscription de cette petite cité proposait de façon plus précise encore pour toute révision de la législation la réunion de trois instances de décision comme chez les Magnètes platoniciens. Il fallait qu’en présence du dieu, manifestant

son accord par l'intermédiaire de son oracle, le conseil des Cinq Cents et le peuple dans son ensemble fussent associés lors de toute révision constitutionnelle dont la possibilité était toujours envisageable de telle sorte qu'elle pût se faire sans problème, ἀ λανέος, à condition que les procédures de dialogue politique fussent respectées 312 .

NOTES 1. Phèdre 274c-277b. 2. Phèdre 275b. L'écriture n'et pas condamnée en tant que telle. Voir la traduction du Phèdre, qu'a donnée, avec des commentaires, L. Brisson, Paris, 1989 qui reprend en annexe tel article bien connu de J. Derrida, "La pharmacie de Platon", ainsi que M. Narcy, "La leçon d'écriture de Socrate dans le Phèdre de Platon", ΣΟΦΙΗΣ MAIHTOPEΣ, « Chercheurs de sagesse », Hommage à Jean Pépin, publié sous la direction de M.-O. Goulet, G. Madec et D. O'Brien, Paris, 1992, p. 7792, repris sous forme résumée dans Understanding the Phœdrus, Proceedings of the II Symposion Platonicum, Sankt Augustin, 1992, éd. L. Rossetti, ainsi que "l’Introduction" qu'il a procurée à la traduction du Théétète, Paris, 1994, p.  23-30. Sans doute, l'écriture n'aurait en tant qu'instrument de mémoire que la capacité à construire des simulacres, le sophiste "vendrait non pas la mémoire elle-même, μνήμη, seulement les monuments, ὑπομνάματα" (p.  307 de l’édition précitée). Tout législateur, néanmoins, comme tout médecin qui doit laisser aux malades dont il s'occupe, s'il s'absente, des textes écrits, ὑπομνήματα, qui sont des mémoires, des comptes rendus. Ceux-ci permettent d'agir sur la maladie ou de faire fonctionner le système politique, Politique 295c, dans sa pratique l'écriture est ainsi productrice. Tout homme est, par ailleurs, fondé à écrire pour son propre compte des textes sous la forme qui lui convient et à préparer, ainsi, à son usage des trésors de mémoire pour sa vieillesse, ἑαυτῷ ὑπομνήματα θησαυριζόμενος εἰς τò λήθης γῆρας, Phèdre 276d. 3. Sur la prise de conscience de ce que doit être "[the] pastness of the past" dont la mise en évidence dépend de la capacité des hommes à disposer de l'écriture, voir J. Goody et J. Watt, "The conséquences of literacy", Comparative studies in society and history, 5, 1962-63, p. 304345. Sur la naissance de l’histoire en Grèce et son rapport à l'écriture, on en revient toujours au texte fondamental d’Hécatée qui commence son ouvrage par ces mots, "Hécatée de Milet parle ainsi. Ces récits, je les écris comme ils me semblent être vrais. Car les récits des Grecs, tels qu'ils se montrent à mes yeux, ὡς ἐμοὶ ϕαίνονται, sont multiples et risibles", voir F. Hartog, "Ecritures, Généalogies, Archives, Histoire en Grèce ancienne", Mélanges P. Lévêque, tome  V, Besançon/Paris, 1990 (1987) p.  177-188. L'écriture crée la concomitance de la pluralité des temps, dans le cadre de l'oralité mnémonique le texte est unique et se présente comme appartenant à un présent immobile. 4. Politique 293c. Ce texte pourrait être essentiel pour comprendre ce que serait la conception platonicienne du pouvoir. Il est désormais trop communément admis que Platon dans les Lois userait plus de persuasion que de contrainte. Certaines des analyses qu'A. Laks avait exposé dans sa thèse non publiée ont été reprises par Ch. Bobonich, "Persuasion, compulsion and freedom in Plato's Laws", Classical Quarterly, 41, 1991, p. 365-388, qui pense que Platon tient à persuader plus qu’à contraindre les justiciables de la nécessité de pratiquer la vertu,

l'essentiel de sa méthode étant exposée dans Lois 722b-c. L'Athénien dans l'énumération qu'il fait des droits à commander indique que la nature veut que le pouvoir de la loi s'exerce sur des gens consentants et qu'il ne doit pas se fonder sur l'exercice de la violence, ϰατὰ δὲ [γίγνεσθαι] τὴν τοῦ νόμου ἑκόντων ἀρχήν ἀλλ’ oὐ βίαιον πεϕυϰυῖαν, Lois 690c. Les constitutions imparfaites seraient celles où les dirigeants gouverneraient par la force, [πολιτεία] ἀϰόντων ἑϰοῦσα ἄρχει σῦν ἀεί τινι βίᾳ, Lois 832c. Néanmoins, quand il cherche un exemple de ce que sont les moyens le meilleurs pour inciter le peuple à faire, sans qu'il y soit contraint par la violence, ce qu’il faut de faire, le philosophe ne trouve comme moyen qui lui paraisse efficace, le seul mensonge, Lois 663e (ce passage est expliqué par Bobonich, p. 382, de façon tout à fait curieuse). 5. Politique 293a. Ce passage file la comparaison avec le médecin. On doit reconnaître les qualités de celui-ci au résultat de ses prescriptions. J. Jouanna. "Le médecin modèle du législateur dans les Lois de Platon", Ktèma, 3, 1978, p. 562-577, insiste sur la collaboration du malade et du médecin dans l'exercice d'un dialogue nécessaire. 6. République 500c-d. 7. Politique 301b, cette volonté d'imiter un homme conduit nécessairement à des erreurs puisque en imitant les chefs compétents on peut ne pas comprendre les raisons qui les ont fait agir et l'on se trompe sur les buts qu'ils poursuivent comme sur les méthodes qu'ils mettent en œuvre. 8. Politique 301 a. 9. Politique 300e. 10. J'emprunte cette formule d'aspect paradoxal à R. Brague, "Critique de l'anamnesis", Revue Philosophique, 1991, p. 621-625. 11. République 473d-e. Cette formule est remarquable de ce que Plutarque la reprendra pour évoquer la façon dont travaillait Lycurgue qui se glorifiait d'avoir fait voir le jour à une constitution ancienne πολιτείαν εἰς ϕῶς προένεγϰα, Vie de Lycurgue, 31, 2. 12. République 500d. 13. République 472b. 14. Politique 297a. 15. Le politique joue son jeu dans une politeia qui lui est préexistante. Politique 293d, de même, par nature, la ruche préexiste à son roi, Politique 301e. 16. Aristote, Éthique à Nicomaque, 1129a8. 17. Aristote, Éthique à Nicomaque, 1134a2, voir 1137b35. Il n'existe pas de droit qui n'induise l'exercice d'une activité judiciaire, 1129a. 18. Aristote, Politique 1325b10. 19. République 458a. 20. Lois 969b. 21. Politique 293c.

22. Nous en restons ici à l'analyse traditionnelle de République 422e. J. Bordes, Politeia dans la pensée grecque jusqu'à Aristote, Paris, 1982, p. 389. En fait, il faudrait admettre que ce passage ne nie aucunement la précellence de la cité sur la constitution. Platon par la voix de Socrate se contente de mettre en cause la pertinence d'une analyse qui se refuse à admettre qu'il existe en fait plusieurs cités et non pas une seule, quand, dans un système politique considéré comme unitaire, les lois ne sont pas capables de faire prévaloir l'intérêt commun, ainsi, dans les États où riches et pauvres s'affrontent. La cité de la République serait la seule qui ne soit pas éclatée en composantes ennemies, c’est donc la seule à pouvoir être dite "cité" au singulier, les autres sont plurielles. 23. République 473d et 519c-d. 24. Lois 746c, le nomothète est dans ce texte assimilé à un démiurge qui semble ne pouvoir exsiter que si l'on reconnaît la valeur de son travail. 25. République 497c. 26. République 497b (voir 536b). 27. Phèdre 276d-277a. 28. République 500d. K. Trampedach, Platon, die Akademie und die zeitgenössische Politik, Hermes Einz. 66, Stuttgart, 1994, a montré combien de gouvernants formés à l’Académie avaient joué un rôle politique durant le IVème  siècle et a tenté de réfléchir sur les bases théoriques de cette pratique. 29. République 519d-521b. 30. République 592a-b. 31. Je reprends ici certains éléments de l'analyse d'A. Soulez, La grammaire philosophique chez Platon, Paris, 1991, p.  65 et suivantes, le dialecticien assistant le nomothète du langage est "comme un grammairien soucieux de préserver le lien de dépendance qui subordonne l’usage de la langue naturelle à un système de patrons d'actes, lois et noms c’est tout un”, l’usage, au sens linguistique, étant ce que sont les lois à la vie de la cité, "une nature seconde structurellement normée par des principes de légalité interne", p. 27. 32. Cratyle 438a-c. 33. Cratyle 387e et suivants. Voir, J. Scheid et J. Svenbrö, Le métier de Zeus, mythe du tissage et du tissu dans le monde gréco romain, Paris, 1994. 34. Cratyle 389a. 35. Cratyle 436b-c. 36. Cratyle 389e 37. Dans l’opposition ϕúσις-νóµoς M. Dixsaut, Le naturel philosophe, Paris, 1985, montre, p. 196-197, qu’il "existe une parfaite circularité entre la notion de « nature d’une chose » et celle de « fonction ». 38. J.-M. Bertrand, "Sur l’archéologie de la cité (Aristote, Pol, 1252a-1253)", Histoire et Linguistique, Actes de la Table Ronde organisée par Langage et Société, éd. P. Achard, M. P. Gruenais, D. Jaulin, Paris, 1983, p. 271-278.

39. Politique 1292b21. Aristote, raisonnant en juriste et théoricien, prétend qu’il n’y a pas de πóλις, sans une πoλιτεία qui la fonde, voir Ed. Lévy, "Politeia et politeuma chez Aristote", Aristote et Athènes éd. M. Piérart, Paris, 1993, p. 65-90. 40. Aristote, Éthique à Nicomaque, 1135a5. 41. Aristote, Éthique à Nicomaque, 1181 b 1. 42. Aristote, Éthique à Nicomaque, 1181 b9. 43. Politique 300c. On ne prétendra pas trouver ici un écho du discours de Cléon, tel qu’il est construit par Thucydide, Guerre du Péloponnèse, III, 37, 3, χείροσι νόμοις ἀϰινήτοις χρωμένη πόλις ϰρείσσων ἐστί. Aristote a traité de ce problème dans Politique 1269a 27, il a refusé de s'enfermer dans l'alternative du mouvement ou du repos, voir J. Brunschwig, "Du mouvement et de l'immobilité de la loi", Revue Internationale de Philosophie, 34, 1980, p. 512-540. 44. Politique 300e. 45. Politique 302c. 46. Politique 302a. 47. Politique 303b. 48. H. Joly, Le renversement platonicien, Logos, Episteme, polis, Paris, 1974, p. 225 et suivantes. 49. Théétète 200e. Voir Ménon 97b-c, analysé dans son contexte politique par M. Detienne, Les maîtres de vérité dans la Grèce archaïque, Paris, 1967. p. 116. note 45. 50. Théétète 200e-201c. M. Narcy, dans une traduction du Théétète avec introduction, notes et bibliographie, Paris, 1994, indique qu'il ne s'agit pas, pour Socrate, d’accepter l’idée qu'une "sentence obtenue par la seule persuasion puisse être juste... sa propre conception de la rhétorique lui interdit de définir la science comme une simple opinion vraie", p. 365, note 420. Cette idée correspond en revanche à celles que Platon prête à Protagoras en 167c, sur l’interprétation de ce paragraphe voir M. Narcy, p. 336, note 201.’ 51. Démosthène, Contre Aristocrate, 95-97. 52. République 434c. 53. République 435b. 54. République 434e. 55. Le mécanisme de la métaphore est inverse dans la République 368d, c'est de l'individu que part Socrate et il n'examine l'État en son entier que pour avoir un exemple plus grand à déchiffrer, comme un lecteur qui a de mauvais yeux préfère lire des lettres grosses plutôt que des petites. On ne peut manquer de constater à l'inverse que dans la Lettre VII, 326a, on peut lire que "c'est la droite philosophie qui permet de savoir ce qu'est la justice aussi bien dans les affaires de la cité que dans celle des particuliers". 56. République 442e-443a. 57. Lois 831e-832a. Le texte se continue par une réflexion sur ce qu'est la vraie guerre à l’époque même où vit Platon, où les mercenaires se louent au plus offrant, la recherche que le philosophe qualifie d'insatiable du profit empêche celui qui s’y livre de bien pratiquer ce qui importe à la guerre, sans doute la seule qui fût justifiable, celle où il se serait engagé en tant

que citoyen pour défendre sa cité ou pour accroître sa puissance, ἄπληστος ζἠτησις ἐμπόδιος γίγνεται τοῦ μὴ ϰαλῶς ἀσϰείν τὰ περὶ τòν πόλεμον ἑϰαστους. On ne peut imaginer un instant que Platon ait imaginé que la guerre ne fût pas essentielle à la vie politique, ne fût-ce que comme moyen fallacieux ed justifier les rigueurs d'une éducation censée former les corps et les âmes à la dure leçon des sacrifices consentis. 58. A. Neschke-Hentschke, Platonisme politique et théorie du droit naturel, Louvain, 1995, affirme le contraire p. 48 et suivantes, τὰ αὑτοῦ πράττει, ne veut pas dire "faire ce qui est le propre de ma nature", maxime qui "aurait le statut de droit naturel". 59. Lois 626e. 60. République 443a. Cette façon de voir les choses montre bien que. lorsque Platon, dans les Lois 942c-943a, indique qu'il faut soit commander, soit obéir, de telle sorte que l'anarchie soit extirpée du moindre moment de la vie de tout homme, τὴν δ’ ἀναρχίαν ἐξαιρετέον ἐϰ παντòς τoῦ βίου ἀπάντων τῶν ἀνθρώπων, il n'entend pas nécessairement que chacun exerce à tour de rôle les charges du commandement. Il est des gens faits pour commander et des gens faits pour obéir de même qu'il faut que l’homme mette en ordre son esprit de telle sorte que seules les pulsions conduisant au bien soient obéies. 61. Éthique à Nicomaque, 1130a 5. Pour bien prendre conscience que l'homme social n'est pas seulement un individu relié aux autres par un jeu complexe de relations contractuelles, voir le livre publié sous la direction de H. Parret, La communauté en paroles, Communication, consensus, rupture, Liège, 1991. 62. Voir L. Strauss, Droit naturel et histoire, trad. franc., Paris, 1954, p. 115 et suivantes. Sur la justice comme ordre, voir A. Neschke-Hentschke, Platonisme politique et théorie du droit naturel, Louvain, 1995, p. 227. 63. Lois 630d-631a, voir 705e. 64. Lois 801c, avec un ϰαὶ qui est très clairement explicatif. 65. Lois 889e. 66. Lois 885b. La traduction de Diès fait porter le ϰατὰ νόμους exclusivement sur ἡγούμενος ce qui ne convient sans doute pas. 67. Lois 891e. Le νῦν a été interprêté de façon minimale et serait censé signifier seulement que Platon souhaite n'évoquer que les seuls dieux dont il serait en train de définir le caractère spécifique. Si tel était bien le cas, encore faudrait-il que le caractère positif de λεγόμενοι soit pris en compte. On ne doit, donc, pas, comme le fait Diès, le comprendre comme s'il n'avait qu'une signification vague les dieux qu'honorent nos lois présentes". C'est dans le cadre d’une positivité de ce type, renvoyée à la doctrine traditionnelle que l'on doit interpreter Lois 890d. 68. Lois 890b. 69. Lois 890a, le discours est censé n'être que la reprise ironique du celui que tiennent les gens pervertis par les sophistes. Le caractère arbitraire de la définition des dieux n'est pas ici récusé, le προστάττειν indiquant bien que la loi est le mode naturel de construction d'une théologie.

70. Lois 904a. 71. Lois 888d. 72. Lois 966c, cf. 964. 73. Une telle façon de jouer de la convention et de la vérité a sucité les dénonciations de K Popper, La société ouverte et ses ennemis, 1945, traduction française incomplète, Paris, 1979, notamment p.  163 et sq., qui constate que si le diagnostic sociologique de Platon était excellent, la médication qu’il prônait était pire que le mal dont il voulait guérir la société" et que sa probité intellectuelle devait être mise en cause. Moins engagé, L. Rossetti, "Eléments d’une morale juridique dans les Lois de Platon", Archives de Philosophie du Droit, t.  33, 1988, p.  229-242, montre que "la positivité du droit s'encadre assez naturellement aux yeux de Platon, dans l'idée que la morale s'identifie à l'idéal, alors que le code de la vie en société en constitue une sorte de produit dérivé, d'imitation imparfaite donnant lieu à un ensemble de dispositions contingentes dont la mise au point, qui se fait d'ailleurs en ayant en vue une communauté donnée, n'est pas vraiment en état d'éviter toute imperfection". Cela laisse entière l’interrogation poppérienne sur la légitimité de ce droit à références inégales, aux uns le droit positif, aux autres la possibilité de pratiquer la morale vraie, de cette vérité à géométrie variable, aux uns le devoir de s'instruire aux autres celui de croire et d'obéir. 74. Lois 809a. La référence au mieux et au pire devient la loi commune de la cité, 644d. 75. Lois 659d. Il faudrait se poser le problème de la légitimité de l'instance de discours qui est posé quand il est signifié que "ce que la multitude appelle bien, porte ce nom à tort", 661a. Cela débouche sur celui de la responsabilité du discours politique, est-ce l'orateur qui doit le prendre en compte ou l'assemblée, qui ne se contenterait pas de reprendre "le dire des orateurs", Euthydème 284b. L’opinion de la multitude n'est pas nécesairement fondée, Lois 657e, 659b, mais cela ne met pas en cause l'omnipotence de la loi "amener les enfants au principe que la loi déclare juste et dont, forts de leur expérience, les gens les plus vertueux et les plus âgés s'accordent à reconnaître la justesse", 659d, impose que le législateur donne au vrai et au juste leur place, 663b-c. 76. Lois 874b-c. 77. Lois 880b. 78. Lois 917c. 79. Lois 865b-d. 80. K. R. Popper, La société ouverte et ses ennemis, 1945, traduction française incomplète, Paris, 1979, condamne, notamment, la façon qu'aurait Platon de réduire la morale à "l’hygiène politique", p. 94. 81. République 339b-e. 82. Politique 297e. 83. Lois 942d. 84. Politique 299c, le ϰαὶ intoduit, comme si souvent en Grec, non pas une addition, mais une explication, il signifie "à savoir.

85. Lois 890b et suivants. 86. Lois 890d. Il s'agit de fonder la pertinence de l'idée selon laquelle les dieux existent. 87. M. Bertone, "Il giureconsulto e la memoria", Quaderni di Storia, 20, 1984, p.  223-225, Technica e ideologia della giurisprudenza romana.. Voir dans Continuité e Trasformazioni fra Repubblica e Principato a cura di M. Pani, Bari, 1991, "Il tempo e la norma", cité ici pour sa page 13 (voir Aristote, Politique, 1310a 13), ainsi que I. Labriola, "La legge del tempo e il tempo della legge". 88. Voir Philèbe 34b, μνήμης ἀνάμνησιν ἆρ’ oὐ διαϕέρουσαν λέγομεν.. 89. Tout savoir est mémoire, ἢν ϰαλοῦμεν μάθησιν ἀνάμνησίς ἐστιν, Ménon 81e ou bien Phédon 73b, ἡ ϰαλοuμένη μάθησις ἀνάμνησίς ἐστιν. Sur les modalités du souvenir et le fait qu'il puisse naître ἀϕ’ ὁμοίων ou bien ἀπò ἀνομοίων, voir Phédon 74b-75b. 90. H. Joly,'"Platon et les Grammata", Philosophie du langage et grammaire dans l'Antiquité, Cahiers de Philosophie ancienne, 5, p. 105-136. 91. Platon, Théétète 194e-195a, Timée 50c. G. F. Nieddu, "La metafora della memoria come scrittura e l'immagine dell'animo corne deltos", Quaderni di Storia, 10, 1984, p.  213-219. La métaphore du modelage qui est liée, par l'emploi du même matériau à une matrice semblable, est tout à fait différente, on peut modeler la cité par le discours, πλάττειν τῷ λόγω, Lois 712b, Lois 746a. La sculpture du nouveau-né par sa mère est encore autre chose, Lois 789e. 92. Philèbe 39d. 93. Nomima I, 22 1. 5. 94. Nomima I, 97. 95. Nomima, I, 19, 1. 20-22. 96. Le contexte historique et juridique est celui d'une restauration des droits fonciers à la suite d'une guerre civile et de l'exil de nombreux propriétaires, ainsi que l'ont établi les analystes. Si une cession ne pouvait se conclure entre les seuls partenaires qui la négotiaient et ne prenait effet que par l’intermédiaire du magistrat qui l'enregistrait tout en la prenant à son compte, c'est parce que la propriété d’un domaine agricole n’était jamais une affaire purement privée. Platon l’exprime de façon très ferme dans sa loi sur les héritages, Lois 923ab. "ni vous ni vos biens ne vous appartenez, vous comme vos domaines appartiennent à votre race, à vos ancêtres comme à vos descendants, mieux encore, toute votre race et tout votre bien appartiennent à la cité, τῆς πόλεως εἶναι τό τε γένος πᾶν ϰαὶ τὴν οὐσίαν". On retrouve cette idée développée dans un discours de Dion Chrysostome, Discours 31, 47. La même conception peut fonder une bonne partie de la législation sur le commerce des subsistances, il est souvent par exemple interdit au citoyen d'exporter du blé car ce type de production importe à la survie même de la cité. Voir, pour une vision renouvelée du problème, R. Descat, "La loi de Solon sur l'interdiction d'exporter les produits attiques” dans L’emporion, Paris, 1993, p.  145-161 éd. A. Bresson et P. Rouillard. Sur la façon dont devraient être tenues les archives cadastrales dans les cités, voir Aristote, Politique 1321b34-40 et les fragments des Lois de Théophraste, 21, 4 (A. Szegedy-Maszak, The Nomoi of Theophrastus, New York, 1981, voir S.

C. Todd, The shape of the athenian law. Oxford, 1993, p.  237-241). Doivent être comptées au nombre des magistratures indispensables à la cité celles qui s’occupent de l’inscription des contrats privés, συνναλλαμάτων ἀναγραϕαί, Aristote, Politique, 1322b34, Théophraste en écho à ce passage explique que l'on doit conserver τὰ ἵδια συμϐοόλαια ϰαὶ τὰς ϰρίσεις ἐϰ τῶν διϰαστηρίων, Stobée, 44, 22. Il faut que chacun puisse connaître le cadastre du territoire et les transactions foncières intervenues, ἵν’ ἐξῆι τῶι βουλομένωι τῶν πολιτῶν ἐϕοτᾶν τοὺς γεγενημένους μερισμοὺς τῶν ἐγγαίων ϰαὶ ϰοινὴν τὴν διαίρεσιν, InsGSKlein Asia, Ephesos 4 (Inscriptions juridiques grecques. 5), 1. 23. On peut se demander donc si R. Étienne n'est pas trop prudent quand, à propos des textes cadastraux de Ténos qu'avait étudiés R. Dareste, il indique qu'il lui semble que "l'enregistrement officiel des actes de vente ait été plutôt rare". Ténos II, Ténos et les Cyclades du milieu du IVème siècle au milieu du IIIème siècle av. J.-C., Paris, 1990, p. 52. Les connaissances ont beaucoup évolué, depuis G. Klaffenbach, Bemerkungen zum gr. Urkundenwesen, 1960. notamment avec W. Lambridunakis et M. Wörrle, "Ein hellenistische Reformgesetz über das öffenliche Urkundenwesen von Paros", Chiron, 13, 1983. p.  283-368. Pour ce qu il en est d'Athènes où le système semble décentralisé au niveau des dèmes voir désormais M. Faraguna, "Registrazioni catastali nel mondo greco. il caso di Atene", Athenaeum, 85, 1997, p.7-33. 97. Nomima, I, 19, 1. 41. 98. IG XII, Suppl. 347. 99. W. Lambridudakis, M. Wörrle, "Ein hellenistisches Reforrogesetz über das öffentliche Urkundenwesen von Paros", Chiron, 13. 1983. p. 28c-368. 100. Il s'agit tout simplement d’un éventuel dans une relative, une traduction du type "ce qu'ils pouvaient savoir" comme celle de Nomima I insiste, sans doute trop, sur le caractère aléatoire de leur témoignage. 101. Nomima, I, 105, 1.15 et suivantes. 102. Nomima, I, 48. De même que les lois sont d'autant plus respectable quelles sont anciennes, voir dans Nomima, I, 108, la référence au texte archaïque, τò γράϕoς τἀρχαῖoν, de même, un territoire doit être possédé depuis les origines du monde pour que son occupation puisse être considéré comme légitime. V. Ilari, Guerra e diritto nel mondo antico, Turin, 1980 (un résumé rapide des thèses de l'auteur, et une mise en parallèle des faits grecs avec les romains qui n'ont pas fait l'objet d'un volume spécifique, est donné dans le Bulletino dell' Istituto di Diritto romano, 27, 1985, p. 159-179) analyse (p. 303 et suivantes) le texte essentiel de Quintilien, Institution oratoire, 5, 10, 116, expliquant ce que fut l’impossibilité de faire disparaître Thèbes, la ville détruite restait une réalité politique tant qu’un homme pouvait s'en dire originaire et donc citoyen, voir J.-M. Bertrand, Cités et royaumes du monde grec, espace et politique, Paris, 1992, p. 92-95. Sur ce thème voir un article récent de F. Guizzi, "Occupazione del suolo e titoli che danno diritto alla proprieta. L'esempio di una controversia interstatali cretese", Athenaeum. 85, 1997, p. 35-52.

103. Nomima, I, 48. H. Van Effenterre a montré de façon tout à fait exemplaire comment la publication et même l’esprit du texte du serment de Dréros était inclus dans l'histoire immédiate de la cité, ulletin de Correspondance Hellénique. 61, 1937, p. 327-332 (Cretica Selecta I, p. 219-224). 104. La stèle reprend, sans doute, un passage d'une chronique relatant une guerre de voisinage, un règlement, un texte faisant obligation à chaque jeune homme de planter un olivier et de le faire pousser. Il s'agit de trois textes différents regroupés sans avoir été harmonisés, l’aoriste du premier ne pouvant s’accommoder de l'infinitif du troisième, le second étant trop lacunaire pour qu'on en reconnaisse la syntaxe. La présence d'un Kαὶ introduisant le premier document ainsi que le troisième implique qu'il existait d'autres passages des textes qui n'ont pas été repris, soit par choix, soit par la perte d'une partie des originaux. M. Detienne. L’olivier, un mythe politico-religieux", Problèmes de la terre en grèce ancienne, Paris, 1973, p. 293-306, considère que ces trois textes appartiennent à un corpus de documents concernant des jeunes gens engagés dans le cycle des épreuves qui conduit à la citoyenneté. 105. Cyrène, SEG, IX, 3. C'est sans doute par manque d'imagination et par incapacité à comprendre que les cités anciennes possédaient de véritables archives que les commentateurs ont pensé que ce document pouvait être un faux. S. Dusanic, "The ὅρϰιον οἰϰιστήρων and Fourth-century Cyrene", Chiron. 8, 1978, p.  55-76, montre ce que signifie le concept d'harmonie politique, mais il a tort de penser que ce texte n'a pu être écrit que par un homme qu'auraient instruit les leçons de Platon. 106. M. Guarducci, Inscriptiones Creticae, I, p. 84. 107. Le discours aristotélicien se démarque de cette idée. Il en montre le caractère simpliste en soulignant combien les mœurs anciennes étaient barbares. Politique 1268b 25-1269a 24, τοὺς γὰρ ἀρχαίους νόμους λίαν ἁπλοῦς ϰαὶ βαρϐαριϰούς. Néanmoins il insiste sur la nécessité de maintenir les lois immuables car cette permanence a une valeur éducative. 108. Hésiode, Fragment 322. 109. M. Guarducci, Epigrafia greca, Rome, 1967, I, p. 488 et suivantes, se contente de parler du manque d'esprit critique des Grecs de cette époque. Le débat initié par M. Sordi et publié sous le titre "La propaganda del mondo greco, i falsi epigrafici nel IV secolo AC", Revista. Storica dell'Antichita, 1, 1971. 197-217 approche de l'essentiel mais ne définit pas clairement la fonction de ce type de textes. Ch. Habicht, "Falsche Urkunden zur Geschichte Athens im Zeitalter der perserkriege", Hermes, 1979, p. 1-35, fait preuve de beaucoup d'acribie mais sa tendance à l'hypercriticisme lui fait préférer la description des documents à l'analyse des conditions de leur publication. J. K. Davies prépare un corpus des décrets que les orateurs attiques prétendaient, faussement, authentiques, voir Le Quatrième  siècle av. J-C. Approches historiographiques, Nancy, 1996, éd. P. Carlier, p. 29-39. 110. N. Loraux, L'invention d'Athènes, Paris, 1993, p. 93-96.

111. L. Robert dans Bull 1961, 320 (voir aussi Bull 1962, 135 à 143 et 1966, 166 à 170). Le décret attribué à Thémistocle a été publié par M. H. Jameson. "A decree of Themistocles from Troizen", Hesperia, 1960, p. 198-223. 112. On sait que les diverses sensibilités politiques de la cité d'Athènes développèrent à la fin du Vème siècle une propagande fondée sur l'idée qu'il avait existé une constitution ancestrale parfaite, πάτριος πολιτεία, qu'il fallait faire revivre. Chaque parti semblait accommoder selon ses besoins propres le souvenir et fondait au gré de ses besoins les références de son discours, voir Ed. Lévy, Athènes devant la défaite de 404, Paris-Athènes, 1976, p.  175-208 (notamment p. 191-196). 113. Le texte en est facilement accessible dans Tod, GHI, 204. Pour comprendre la technique et la logique qui firent écrire le texte et graver la stèle il faut connaître les analyses exemplaires de L. Robert, Études épigraphiques et philologiques, Limoges, 1938, p. 293-301. Voir, aussi. Ch. Habicht. "Falsche Urkunden zur Geschichte Athens im Zeitaltér der Perserkriege", Hermes, 1979, p. 1-35. 114. République 479a. 115. Lois 798b. 116. Par exemple, dans les inscriptions de Téos, Nomima, I, 104 et 105. 117. M. H. Hansen, The athenian democracy in the age of Demosthenes, Oxford, 1991, p. 21, sur les procès en illégalité qui attaquent des probouleumata et non des décrets aboutis, voir M. H. Hansen, The Athenian ecclesia II, Copenhague, 1989, p. 271-281 (reprise d'un article de 1987, Classica et Medievalia, 38, p. 63-79). 118. J.-M. Bertrand, "Formes du discours politique  : décrets des cités grecques et correspondance des rois hellénistiques", Revue d'Histoire du Droit. 63. 1985, p. 469-482. 119. Eschine, Contre Timarque, 176. 120. Démosthène, Contre Timocrate, 78. 121. Démosthène, Sur la couronne, 72. 122. Thucydide, Histoire de la Guerre du Péloponnèse, II, 60, 4, en homme politique séduisant, Périclès se garde bien de faire des reproches au peuple, il se borne à remarquer que la colère de l'assemblée devrait s’adresser autant aux Athéniens qu'à lui-même. 123. Thucydide, Histoire de la Guerre du Péloponnèse, VIII, 1, 1. L'historien s'exprime en moraliste politique, il reproche aux Athéniens de s'en prendre aux hommes politiques qui leur avaient conseillé l'expédition de Sicile alors que c'était bien eux qui en avaient voté le départ, χαλεποί μὲν ἦσαν ξυμπροθυηθεῖσι τῶν ῥητόρων τòν ἔϰπλουν, ὥσπερ οὐϰ αὐτοί ѱηϕισάμενοι. 124. Cette conclusion est aussi celle de M. H. Hansen, The athenian democracy in the age of Demosthenes, Oxford, 1991, p. 207-208. 125. Eschine, Contre Ctésiphon, 75. 126. Thucydide, Histoire de la Guerre du Péloponnèse, I, 71, 3. E. Braun analyse les diverses occurrences du syntagme chez l'historien, "'Νόμοι ἀϰίνητοι, Jahreshefte des Österreichischen

Arch. Inst., 40, 1953, p. 144-150, notamment en III, 37, 3, qui se demande si une cité se trouve plus forte en respectant de mauvaises lois qu'en les réformant. Aristote, Politique 1268b9 sait qu’il serait préférable de ne pas conserver toujours immuables les lois écrites, οὐδὲ τοὺς γεγραμμένους ἐᾶν ἀϰινητούς βέλτιον mais il a le sentiment qu'il vaut mieux, pour des raisons pédagogiques ne rien changer aux lois existantes sinon avec les plus extrêmes précautions, Politique 1268b26. J. Brunschwig, "Du mouvement et de l'immobilité de la loi", Revue Internationale de Philosophie, 34, 1980, p. 512-540. 127. Eschine semblait vouloir faire croire que nul délai de prescription ne pouvait ête invoqué pour répondre de cette responsabilité devant le tribunal, ce n’est pas le cas. M. H. Hansen, The athenian democracy in the age of Demosthenes, Oxford, 1991, p.  207, montre, en citant Démosthène, Contre Aristocrate, 104, que "the liability of proposers was limited to one year, and a graphe paranomon brought after that limit had the sole conséquence of annulling the decree, with no effect on the proposer". Il en est ainsi dans le Contre Leptine, 144, le délai durant lequel une personne aurait pu être mise en cause personnellement était dépassé, le débat ne pouvait plus porter donc que sur le maintien ou l'annulation de la loi mise en cause, ἐξῆλθον oἱ χρόνοι ϰαὶ νυνὶ περὶ αὐτοῦ τοῦ νόμου πᾶς ἐστιν ὁ λόγος, τούτῳ δ’ οὐδείς ἐστι ϰίνδυνος. Le cas du Contre Aristocrate n'est pas aussi clair que l'écrit Hanssen, il est bien quand même, d'obtenir, outre l'annulation du texte, la condamnation de l'accusé pour empêcher qu'il n'ait des imitateurs. § 92. Par ailleurs le texte dont il est question est un προϐούλευμα qui n’a pas formellement à être expressément annulé puisque, n'ayant pas donné lieu au vote d’un décret, il est caduc par situation. L’argumentation est rhétorique et n'a pas de valeur proprement juridique. 128. Voir Démosthène, Sur la couronne, 70, τò ψήϕισμα Εὔϐουλος ἔγραψεν οὐϰ ἐγώ, τò δ’ ἐϕεξῆς ’Aριστοϕῶν, εἶθ’ ‘Hγήσιππος..., 75, ἐγώ, δ’ οὐδὲν περὶ τούτων, 79, οὐδαμοῦ Δομοσθένην γέγραϕεν εύδ᾽ αἰτίαν οὐδεμίαν ϰατ’ ἐμοῦ. 129. MH. Hansen, The athenian democracy in the age of Demosthenes, Oxford, 1991, p.  210 et suivantes, traite de la graphe paranomon against a proposed decree. L’orateur, celui dont la fonction est d’écrire les décrets, γράϕειν τὰ ψηϕίσματα, qui ne donne pas de bons conseils au peuple après avoir été corrompu, peut être en butte à une procédure d’eisangelie, Hypéride, Pour Euxénippe, 7-8. F. Ruzé, Délibération et pouvoir dans la cité grecque de Nestor à Socrate, Paris, 1997, p.  443-452, a montré que Lykidès aurait souhaité que la cité acceptât de recevoir les envoyés de Mardonios à la veille de Salamine, cela ne conduisit pas à la rédaction d’un texte puisqu’il ne tenta de trahir la cité qu’en paroles, λόγῳ μόνον ἐνεχείρει προδιδόναι τὴν πόλιν, mais il n’en fut pas moins mis à mort, Hérodote, Histoires, IX, 5. Archestratos fut mis en prison pour avoir exprimé, εἰπῶν ἐν τῇ βουλῇ, en conseil l’avis qu’il fallait s'entendre avec Lysandre, et par la suite il fut interdit de délibérer sur la question des remparts de la ville, Xénophon, Helléniques, II, 2, 15. 130. La cité Spartiate prétend laisser la responsabilité de leur parole aux individus qu’elle envoie en ambassade et les partenaires ne peuvent savoir s'ils parlent en leur nom ou en celui

de la cité, en général quand les résultats de leur négociation ne conviennent pas, ils en assument l'échec en personne, Plutarque, Lycurgue, 25. 7. 131. On doit revendiquer l'honneur d'avoir accompli telle action quand on pense que la cité peut manifester sa reconnaissance, les évergètes font, ainsi, une demande explicite d'honneurs, Ph. Gauthier, Les cités grecques et leurs bienfaiteurs, Athènes, 1985, BCH, Supp. XII, p. 112 et suivantes. Démosthène savait revendiquer la responsabilité personnelle d'un décret, Sur la couronne, 180. 132. Phèdre 257d-259b. Ce passage n'a rien à voir avec la publication éditoriale des discours politiques comme le croit M. H. Hansen, The athenian democracy in the age of Demosthenes, Oxford, 1991, p. 12-13. 133. Démosthène accuse Eschine d'être une machine à écrire, γραμματοϰύϕων, Sur la couronne, 209. 134. À un logographe, orateur-écrivant, doit correspondre un lecteur-écoutant, il semble que, dans ce contexte, le concept d'écriture vocale utilisé par J. Svenbro, "L’invention de la lecture silencieuse", dans G. Cavallo-R. Chartier éd.. Histoire de la lecture dans le monde occidental, Paris, 1997, p. 47-77, notamment p. 66-67. ait une véritable pertinence. 135. Démosthène s'installe dans le même jeu métaphorique quand il reproche à Eschine d'avoir été et d'être resté, en quelque sorte, un acteur de second plan, τριταγωνιστής Sur la couronne, 129, 209, 262, 265. Il ne reprend pas la métaphore platonicienne de l'assemblée devenue théâtre, où l'orateur serait un acteur. 136. La capacité à l'oubli différencié, institué par le système judiciaire, savait fonctionner aussi dans les affaires proprement privées. Au terme d'une série complexe d'actes de procédure, une action pouvait être considérée comme n'ayant jamais été inscrite si le défenseur faisait constater qu'elle avait été introduite injustement. Une action privée était réputée non inscrite quand elle était effacée et annulée par l'effet d'une παραγραϕὴ, ἄγραπτος δὲ δίϰη ἐϰαλεῖτο ἡ ὑπò τῆς παραγραϕῆς ἀναιρεθεῖσα ϰαὶ διαγραϕείσα, selon Pollux, VIII, 57. 137. Voir l'article de P. Loraux,"L'art platonicien d'avoir l’air d'écrire". Les savoirs de l'écriture en Grèce ancienne, éd. M.Detienne, Lille, 1988, p. 420-455. 138. Hésiode, Les travaux et les jours, 225-247. 139. Eschine, Contre Ctésiphon, 125-126. 140. Le plaideur se plaint d'être soumis à un procès pour ϰαϰουργία alors que l’affaire porte sur un meurtre qui devrait en toute logique être jugé par une autre instance. 141. C'est le fond même du discours Contre Théomnestos. 142. Contre Ctésiphon, 9 et suivant, repris en 202-204. Cela est discuté par Démosthène, Sur la couronne, 111-125. Voir W. E. Gwatkin, "The legal arguments in Aishines Against'Ctesiphon and Demosthenes On the Crown", Hesperia, 26, 1957, p. 129-141. 143. Eschine, Contre Ctésiphon, 199-200. Aristote indique, Éthique à Nicomaque, 1137b30, qu'il existe à Lesbos une règle de plomb qui sert, par sa plasticité, à donner une image de l'indéterminé. Elle reproduit la courbe de toute surface sur laquelle elle est appliquée, τοῦ γὰρ

ἀορίστου ἀόριστος ϰαὶ ὁ ϰανών ἐστιν, ὥσπερ ϰαὶ τῆς Λεσϐίας οἰϰοδομίας ὁ μολίϐδινος ϰανών, πρός γὰρ τò σχῆμα τοῦ λίθου μεταϰινείται. Pour Aristote, néanmoins, une règle de ce type n'en est pas une au sens propre, ϰαὶ οὐ μένει ὁ ϰανών, puisque la norme ne doit pas naître de l'existant, mais procurer l'image de la rectitude. 144. La formule a, selon toute vraisemblance, une signification proprement technique. Voir Démosthène, Contre Androtion, 34, Contre Leptine, 98, Sur la couronne, 111 ainsi qu'Eschine, Contre Ctésiphon, 200. 145. La correspondance entre l'image et le son, incluse dans la métaphore de la règle, témoigne de ce que les lettres "sont devenues de « pures » représentations d’une voix. Même si, comme le pense J. Svenbro. la lecture silencieuse est restée un "phénomène marginal pratiqué par les seuls professionnels de la parole écrite alors que pour la masse des gens "la façon normale de lire est demeurée la lecture à haute voix", l’essentiel du politique et du judiciaire se résoud à accepter l'idée que tout écrit se suffit du regard qu'on lui porte. Voir dans le livre de G. Cavallo et R. Chartier, Histoire de la lecture dans le monde occidental, Paris, 1997, la contribution de J. Svenbro, "L'invention de la lecture silencieuse", p.  47-77, notamment p. 77. 146. Voir, par exemple, Démosthène, Contre Androtion, 34, Contre Leptine, 98. Sur la couronne, 111 ; Eschine, Contre Ctésiphon, 200. 147. Démosthène, Contre Leptine, 99. 148. Démosthène, Sur la couronne, 222. 149. Par exemple, Démosthène, Sur la couronne, 83, 222, ainsi que 124. 150. M. H. Hansen, The athenian democracy in the age of Demosthenes, Oxford, 1991, p.  207, citant Démosthène, Contre Aristocrate, 104, οἱ δὲ χρόνοι ϰατὰ τοῦ τὸ ψήϕισµ’ εἰπόντος τῆς γραϕῆς ἐξεληλύθεσαν. Néanmoins, il est toujours possible d'abolir le décret mis en cause, λύειν τὸ ψήϕισμα. Ce qu'il en est des délais de forclusion est précisé, § 92, ainsi, les décrets du conseil n'ont de validité que pour un an, ὁ νόμος δ’ ἐπέτεια ϰελεύει τὰ τῆς βουλῆς ψηϕίσματα εἷναι, les textes qui n'ont pas été votés par l'assemblée au moment où le conseil se disperse sont réputés nuls, P. J. Rhodes, The athenian Boule, Oxford. 1972. p. 63. 151. Démosthène, Sur la couronne, 222. 152. Démosthène, Sur la couronne, 83. 153. Hérodote, Histoires, II, 143, il est question de 345 statues de prêtres tous fils de pères qui sont semblables à ce qu'ils sont eux-mêmes. La généalogie homogène qui se constate de la concomitance constatée de leur représentation permet de récuser toute idée d'une ascendance divine ou héroïque de l'homme. 154. Démosthène, Contre Leptine, 97. 155. La formule est de M. Ostwald, From popular sovereignty to the sovereignty of the law, Berkeley, 1986, p. 125. La loi n’existe que dans un système attaqué dans son ensemble par le crime, quel qu'il soit. M. H. Hansen, The athenian democracy in the age of Demosthenes, Oxford, 1991, p. 206, "the notion of illegality was extended in the course of the fourth century from

simple breach of some specific provision to breach of the [democratic] principles underlying the laws". 156. M. H. Hansen, The athenian democracy in the age of Demosthenes. Oxford, 1991, p.  206, constate que, nulle part, on n'oublie l’argumentation proprement juridique fondant l'accusation. 157. Eschine, Contre Ctésiphon, 50. 158. Le texte repris dans le corpus démosthénien et présenté comme étant le texte même de la plainte déposé par Eschine, Sur la couronne, 54-55. Il n'a pas la même structure que dans le Contre Ctésiphon d'Eschine. voir §§ 9-50. La contestation de la politique de Démosthène par l'affirmation qui se fondait sur le fait que le décret n'était que mensonge, πάντα ταῦτα ψευδῆ γράψας, devait précéder la discussion juridique sur la possibilité d'honorer un homme qui n'aurait pas rendu les comptes de sa magistrature et l'interdiction de proclamer une couronne dans le théâtre. 159. Eschine, Contre Ctésiphon, 101. On retrouve les mêmes mots pour caractériser le style du décret de Ctésiphon, ϰόμπος, ἀλαζονεία, § 237. 160. En cela, sans doute, Eschine a parfaitement compris la leçon de Thucydide. N. Loraux, "Thucydide a écrit la guerre du Péloponnèse", Metis, I, 1986, p.  139-161, sait parfaitement, p. 148, qu'il faut toujours s’assurer de la valeur des ἔργα avant d'en faire état. 161. Démosthène, Sur la couronne, 118. 162. Démosthène, Sur la couronne, 121. 163. Il en était de même dans les procès politiques en illégalité, les documents ils devaient être présentés devant les thesmothètes par écrit, M. H. Hansen. The athenian democracy in the age of Demosthenes, Oxford, 1991, p. 206. les textes invoqués pour témoigner de la validité de la requête devaient y être annexés. 164. A. R. W. Harrison, The law of Athens, II, p. 94-105, sait que la procédure impliquait à ce stade l'usage de l'écrit, p. 98. 165. A. L. Boegehold, "A lid with a dipinto", Hesperia, Supp. 19, 1982, p.1-6. S. C. Todd, The Shape of Athenian law, Oxford, 1993, p. 12, discute de la pertinence du document dans l'absolu sans en donner une traduction bien différente, ni une interprétation plus forte. 166. Le titre d'un article programmatique de A. Bœgehold, "Three court days", Symposion 1990, p. 165-185, n'est pas une référence à cette pratique platonicienne, il s’agit de "three typical courts days" à diverses époques de l'histoire d'Athènes, l'essentiel des usages scripturaires appartenant au quatrième  siècle. Voir, désormais, A. Boegehold, Lawcourts at Athens, Sites, Buildings, Equipement, Procedure and testimonia, Athenian Agora, XXVIII, 1992. 167. Lois 937b.’Eπισϰήπτεσθαι, "technically means « to give formal notice of an intention to prosecute a witness »" indique A. R. W. Harrison, The law of Athens, II, p. 192. Il cite ce texte en indiquant que Platon suit en l'occurrence la loi athénienne. 168. Lois 855d-856a. M. Piérart, Platon et la cité grecque, Bruxelles, 1974, p. 460, pense que "cela leur permettra d’examiner soigneusement le dossier avant de voter". Ce type de procédure

concerne les juges des tribunaux du plus haut ressort. Lois 767a-e. Tous les citoyens doivent participer aux procès, Lois 768b. car il faut que, dans la mesure du possible, chacun ait part au jugement des affaires privées, celui qui n'exercerait pas son pouvoir en ce domaine étant, de fait, exclu de la cité. Pour les procès d'importance, néanmoins, le citoyen ordinaire ne peut que jouer le rôle d'auditeur, 855d, ἐπήϰοοι ἔστωσαν. L'écriture sert à limiter la dérive possible des débats puisque, par exemple, on doit indiquer, à l'avance et par écrit, le montant des dommages prétendument subis avant d'engager une procédure concernant les délits commis dans l'usage de l'eau, 845e. 169. Contrairement à ce qui se passe dans la cité athénienne, les votes sont publics, Lois 766767. 170. Gylippe avait volé une partie du contenu des sacs qu'il devait convoyer, en en décousant le fond, sans s'apercevoir qu'il se trouvait, près de leur ouverture, des bordereaux des sommes qu’ils contenaient, ἀγνοήσας ὅτι γραμματίδιον ἐνῆν ἑϰάστῳ τὸν ἀριθμόν σημαῖνον, Plutarque, Vie de Lysandre, 16. 2. Dans la thématique de l'écriture ignorée de celui qui la transmet, qui risque de mourir pour l'avoir fait connaître, on connaît ce qu'il arriva à Bellérophon quand il fut envoyé en Lycie, porteur de signes funestes, σήματα λυγρά. Les messagers mis à morts par les destinataires des lettres qu'ils portaient, et leur ordonnaient de le faire sans qu'eux-mêmes le sussent, sont nombreux, ainsi, par exemple, Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse, I, 132. 171. Y. Thomas, "Sanctio, les défenses de la loi", L'écrit du temps, 19, 1988, p. 61-83. 172. Aristote, Rhétorique, 1400a10, "les lois ont besoin d'une loi qui assure leur rectitude, de même que les poissons ont besoin de sel pour se conserver...”, cette διόρθωσις a une valeur dynamique, De mundo, 400b. La divinité est plus forte que toute loi inscrite sur des stèles, elle procure une loi qui ne connaît pas de distorsion et n'a pas besoin de rectifications, elle est plus forte que les lois que l'on inscrit sur les stèles, νόμος γὰρ ἡμῖν ἰσοϰλινὴς ὁ θεός, οὐδεμίαν ἐπιδεχόμενος διόρθωσιν ἢ μετάθεσιν, ϰρείττων δέ, οἶμαι, ϰαὶ βεϐαιότερος τῶν ἐν ταῖς ϰύρζεσιν ἀναγεγραμμένων. 173. Le texte en est connu par Démosthène, Contre Timocrate, 149-151, le juge doit jurer de voter en conformité avec les lois et les décrets du peuple des Athéniens et du conseil des cinqcents, quand il n'existe pas de loi, il doit décider en fonction de sa conviction sur la nature de la justice, ψηϕιοῦμαι ϰατὰ τοὺς νόμους ϰαὶ τὰ ψηϕίσματα τοῦ δήμου τοῦ ’Αθηναίων ϰαὶ τῆς βουλῆς τῶν πενταϰοσίων περὶ ὦν ἂν νόμοι µὴ ὦσι γνώμῃ τῇ δικαιότάτῃ. 174. Antiphon, Sur le meurtre d'Hérode, 14, voir C. Carey. "Nomos in attic rhetoric and.oratory", Journal of Hellenic Studies, 116, 1996, p. 33-46. 175. Ainsi à Cnide, Insc. Jur. Grecques, XA 1. 5, à Érésos, Ins. Jur. Grecques, XXVII, repris par A. J. Heisserer, Alexander and the Greeks, the epigraphic evidence, Chapitre II, b, y, 1. 11, διϰάσσω τὰν δίϰαν ὅσσα μὲν ἐν τοῖς νομοίσι ἔνι ϰἀτ τοῖς νόμοις τὰ δὲ ἄλλα ἐϰ ϕιλοπνοίας ὡς ἄριστα ϰαὶ διϰαιότατα. La littérature, aussi, par le biais d'un texte d'Hérondas souvent évoqué. Mimes, II, 98, évoque le jugement ὀρθῇ γνώμῃ.

176. Nomima, II, 4, sur l’opposition entre διϰάζειν et ϰρίνειν "nelle testimonianze greche piu antiche" voir A. Talamanca, Symposion 1974. 1979. p. 103-135. 177. L. Gernet, "Sur la notion de jugement en droit grec", Droit et société en Grèce ancienne, Paris, 1955, 61-81 (notamment p. 67). 178. Aristote, Éthique à Nicomaque, 1143a20. 179. Aristote, Éthique à Nicomaque, 1374a27. Voir dans Rhétorique 1374b21 comment l'arbitre considère les faits en fonction de l'équité alors que le juge ne connaît que la loi, ὁ γὰρ διαιτητής τò ἐπιειϰὲς ὁρᾷ, ὁ δὲ διϰαστής τòν νόμον. L'individu peut d'une certaine façon pratiquer l'équité en ne revendiquant pas tout son droit, 1138al. 180. Aristote, Éthique à Nicomaque, 1143a20. 181. Aristote, Éthique à Nicomaque, 1137b 11 et 27. 182. Lois 757d-e. À propos du développement de la notion d'équité chez les juristes latins, M. Ducos, Les Romains et la loi, Paris, 1984, Chapitre VI cite F. D'Agostino, Epieikeia, il tema dell' equita nell' antichita greca, Milan, 1973 et conclut que Cicéron est "le seul à présenter une réflexion originale sur l’équité", p.  337, tout en l’assimilant "à la véritable justice". J. Brunschwig, "Rule and exception. On the aristotelician theory of greek thought", dans Rationality in greek thought, éd. M. Frede et G. Strikker, Oxford, 1996, p.  161-172, a étudié quelle était la raison du décalage entre le sentiment selon lequel le véritable politique doit se tenir auprès de chacun des citoyens pour adapter ses instructions à ses besoins, Politique 292303, et l'idée qu'il est nécessaire de faire strictement respecter la loi en sa forme, Lois 874e875d. 183. Polybe, Histoires XII, 16, raconte l’histoire d'un jeune homme qui aurait été en conflit avec le juge suprême, un homme très âgé, sur un point de droit et aurait argué du fait que si chacun d'eux risquait sa vie dans le débat la situation n'était pas égale pour l'un et l'autre puisque lui pouvait espérer avoir de longues années devant lui alors qu'il n'en était pas de même pour son adversaire, il aurait fallu qu'une loi vînt remédier à cette situation. Ce récit est construit selon la même thématique que celui que reprend Démosthène, Contre Timocrate, 139141. un borgne y fait prévaloir l'idée que crever un œil à une personne se trouvant dans sa situation n'est pas de même conséquence que lorsque l'on mutile de cette façon un individu qui aurait eu ses deux yeux. 184. Aristote, Rhétorique, 1374b 11-13, plus développé dans Éthique à Nicomaque, 1137b20. La pratique de la justice ne peut être dissociée de la recherche volontaire, προαίρεσις, du juste, ἡ µὲν διϰαιοσύνη ἐστὶ ϰαθ’ ἥν ὁ δίϰαιος λέγεται πραϰτιϰòς ϰατὰ προαίρεσιν τοῦ διϰαίου, Éthique à Nicomaque, 1134a2. Ce passage sert à définir ce qu'est l’équitable en fonction de la mission de l’arbitre qui peut être amené à décider en fonction de sa propre opinion alors que le juge est tenu dans son action à respecter les règles des lois. C'est devant de dernier que l'on peut être amené à réfléchir sur les oppositions possibles entre des lois écrites et les lois non-écrites et à faire valoir qu'il existe des contradictions entre les unes et les autres, entre les lois écrites elles-mêmes, et même qu’il n'en manque pas dans un seul et même texte. C'est cela qui

permet à l'orateur de trouver des arguments pour la défense ou pour l'attaque, Rhétorique, 1375b 11-13. 185. Lycurgue, Contre Léocrate, 9. 186. Aristote, Rhétorique, 1376a. 187. Lysias, Contre Alcibiade II, 4, Contre Philon, 27. 188. Lysias, Contre Alcibiade I, 9. 189. S. C. Todd, The Shape of Athenian law, Oxford, 1993, p. 60 sq. a pris soin d'établir ce point de façon très nette, Contre Alcibiade I, 4 : ""there is no attempt (nor even the possibility of an attempt) to isolate and follow the ratio decidendi of a previous court decision. No panel of dikastai can bind his successor 190. Voir les remarques de S. C. Todd, The Shape of Athenian law, Oxford, 1993, p. 10-17. 191. Aristote, Constitution des Athéniens, 29, 4, analysé par F. Ruzé, "Les oligarques et leurs « constitutions » dans l'Athenaion Politeia", Aristote et Athènes, Fribourg, études rassemblées par M.Piérart, Paris 1993, p.  185-202. Il semble exister une contradiction entre ce qu'est l'idéologie politique des oligarques athéniens et leur façon de proposer une gestion démocratique des assemblées. Cela a été soulignée par P. J. Rhodes. Il ne faut pas prendre leurleur libéralisme affiché pour sincère. Ce type d'ouverture peut s'accompagner de l'exercice d'un contrôle renforcé sur les modalités de l’initiative. On constate, notamment, que l'arbitraire peut naître de ce que le droit à proposer un texte nouveau qui contredirait les lois antérieures était conditionné par "l'intérêt supérieur de l'Etat", ἡ σωτηρία τῆς πόλεως, notion subjective par excellence. Thucydide analysant les paroles et les silences, le clair et l'obscur, Histoire de la Guerre du Péloponnèse, VIII, 67-68. a bien expliqué comment cette ouverture vers les réformes avait eu pour conséquence réelle la fin de toute parole politique, "le peuple se réunissait bien encore... mais rien n'y était décidé qui n'eût l'accord des conspirateurs... les orateurs étaient des leurs et leur avaient soumis d’avance leur intervention, τὰ ῥηθησόμενα. S'il y avait par hasard un protestataire, εἰ δέ τις ϰαὶ ἀντείποι, il se trouvait immédiatement supprimé... le peuple ne bougeait pas, en proie à une épouvante telle qu'on s’estimait heureux, même en gardant le silence, εἰ ϰαὶ σιγῴη, de ne pas subir de violence". Le silence des assemblées fit que les citoyens ne se connaissaient plus eux-mêmes, ne savaient pas combien étaient les conjurés dont ils imaginèrent qu'ils étaient beaucoup plus nombreux qu'ils n'étaient en réalité, et les oligarques profitèrent de la défiance qui divisait le peuple contre lui-même, τὴν ἀπιστίαν τῷ δήμῳ πρòς ἑαυτòν ϰαταστήσαντες. 192. Nomima, I 108. 193. Nomima, I 109. 194. La fiction est très présente à l'époque archaïque dans le jeu du raisonnement juridique, elle se manifeste par exemple dans le Bronze Pappadakis, Nomima I 44, où celui qui propose un nouveau partage des terres est assimilé à un homicide. 195. Nomima, I, 110, 1. 6. 196. Nomima, I, 109.

197. Nomima, I, 109. 198. Dans Nomima I 109, sous la forme dialectale ἐξαγρείν. 199. Nomima, I, 108, 109. La révision ne peut être acquise que s'il y a un nombre suffisant de participants au vote et la cité peut prévoir qu’il faut pour ce faire une succession de plusieurs délibérations et votes. Voir, par exemple. J. Tréheux, "La prise en considération des décrets à l'époque hellénistique", Du pouvoir dans l'Antiquité, Cahiers du centre Glotz, I. éd. Cl. Nicolet, Paris-Genève, 1990, p. 117-129. 200. Nomima I 109. 201. Le terme est relativement peu courant dans les inscriptions juridiques archaïques, voir l'Index du recueil de R. Koerner, Inschrifliche Gesetzestexte der frühen griechischen Polis, Cologne, 1993, Cl. Vatin, Bulletin de Correspondance Hellénique,'88, 1963, p.  11, souligne que l'emploi du participe ἀναγϰαζόμενος dans le bronze Pappadakis "semble assez littéraire". 202. Nomima I 41, 1. 35. 203. Nomima I 43, 1. 12, εϙóτας. 204. Nomima I 44. 205. Lois 846c. 206. Démosthène, Contre Leptine, 89, qui fait remonter cette procédure à l'époque de Solon, Contre Timocrate, 18, 34. Eschine, Contre Ctésiphon, 39. 207. M. H. Hansen, The athenian democracy in the age of Demosthenes, Oxford, 1992, p. 161-177, pour comprendre l'essentiel du mécanisme. 208. Cette évidence est soulignée par Démosthène quand il reproche aux législateurs pressés de ne pas respecter les procédures en prétendant légiférer à leur rythme, ὅταν τις βούληται ϰαὶ ὅν ἄν τύχῃ τρόπον, Contre Leptine, 91. Sur l'importance pour la démocratie du facteur temps, voir le texte remarquable de Sur l'ambassade. 186, "celui qui prive du temps un régime comme le nôtre, celui là ne nous a pas seulement enlevé du temps mais il nous a supprimé purement et simplement les actions". 209. M. H. Hansen, The athenian democracy in the age of Demosthenes, Oxford, 1992, p.  168  : "every legislative proposai being seen as an accusation against the existing laws". 210. Aristote, Constitution des Athéniens, 41, 2. 211. Démosthène,Contre Leptine, 93. 212. M. H. Hansen a montré pourquoi la moindre décision concernant les dépenses publiques devait faire l'objet d'une loi. Il pense que dès lors que les magistrats recevaient année après année la même somme pour faire fonctionner leur administration, cette répartition des crédits, le merismos, pouvait être considérée comme permanente et donc susceptible, pour sa pérennité, d'être défini comme une loi. Chaque modification à cette répartition devant faire l'objet d'une loi nouvelle abolissant la précédente qui est, pourtant, considérée, elle-même, comme pérenne jusqu'à la modification nécessaire (voir The Athenian ecclesia, 1983, p.  192193).

213. Démosthène, Contre Timocrate, 35. Le système des rapports des lois entre elles est posé d’une façon plus mécanique dans le système romain dont les lois se protègent contre toute abrogation par un formulaire qui doit être repris à l'inverse par toute loi nouvelle, "les lois s'érigent en bastion autonome dans ce qui ressemble à une guerre généralisée des lois entre elles  : aucune ne s’impose qui n'ait démenti les autres et ne se soit préservé de leurs menaces... ce sont des lois singulières qui s'affrontent... chacune, par hypothèse ignore la souveraineté d'un quelconque législateur commun", Y. Thomas, "Sanctio, les défenses de la loi", L’écrit du temps, 19, 1988, p. 61-83. 214. La loi sur la circulation des monnaies d'argent prévoit que, si elle contrevient à des décrets antérieurs, ceux-ci doivent être effacés. Cela ne témoigne pas du fait que les décrets sont par nature inférieurs à la loi mais plutôt de ce que chaque âge du politique peut se permettre l’oubli de ses volontés antérieures à condition que les formes du déni soient respectées, les textes cités par R. S. Stroud, "An Athenian law on silver coinage", Hesperia, 43, 1974, p. 157-188 ne sont pas nécessairement les plus topiques. 215. M. H. Hansen, The athenian democracy in the age of Demosthenes. Oxford 1992. 216. Démosthène, Contre Timocrate, 37. 217. La procédure doit avoir la même finalité que celle qui permet de connaître les archives financières, Aristote, Constitution d'Athènes, 48, 2. 218. Voir, sur la pragmatique de la lecture et la façon dont un ''lecteur-modèle" doit collaborer avec l'auteur d'un texte pour que naisse une sorte de sens, cette coopération textuelle ayant des limites qui peuvent être dessinées en fonction de stratégies subtiles, U. Eco, Lector in fabula, Paris, traduction française. 1985. Dans son ouvrage, Six promenades dans les bois du roman et d'ailleurs, Paris, 1996, il montre que cette connivence est présupposée par le choix même que chaque lecteur fait de se procurer ce que l’éditeur lui offre, néanmoins, le "lecteur empirique" peut se révéler incapable, au contraire du "lecteur modèle" dont l'existence est à la fois induite et construite par l’auteur qui écrit pour lui, en présupposant son existence, d'entrer en dialogue avec le livre. 219. Sur cette notion voir D. Maingueneau, Pragmatique pour le discours littéraire, Paris, 1990, p. 27 et suivantes. 220. J. S. Schwenk, Athens in the age of Alexander, Chicago, 1985. 6, p. 33 et suivantes. R. W. Wallace, The Areopagos council, Baltimore. 1989. p. 179-184 signale quel est le rapport de cette loi au décret de Démophantos connu par Andocide, Sur le mystères, 96-98, et selon lequel il serait interdit d'exercer une magistrature si la démocratie était abolie. 221. Voir la conclusion aux travaux du Congrès Le Quatrième  siècle av. J-C. Approches historiographiques, Nancy, 1996, éd. P. Carlier, p. 369-381. 222. Aristote, Politique, 1292b21. Ed. Lévy, "Politeia et Politeuma chez Aristote" dans Aristote et Athènes, éd. M. Piérart, Paris, 1993, p. 65-90. notamment p. 81. 223. R. W. Wallace, The Areopagos council, Baltimore, 1989.

224. F. Ruzé, Délibération et pouvoir dans la cité grecque de Nestor à Socrate. Paris, 1997, p. 471 et suivantes. 225. Voir notre chapitre IV. 226. Plutarque, Vie de Périclès, 7, 4. 227. Lois 891a. Le texte canonique des discours des dix orateurs attiques ne connait guère d'exemples du rapprochement des termes ἔλεγχος et γράμματα sinon dans Contre Apatourios du Corpus Démosthénien, 17, 36, 37, qui montre comment l'on doit, dans le cadre des affaires commerciales, s'en remettre à l'écriture et non pas au témoignage en matière de preuve. Cette argumentation est tout à fait conforme à ce que déduit d'une analyse plus ample J. Velissaropoulos, Les nauclères grecs, Paris, 1980, p.305, quand elle souligne que la sungraphè n'est pas un titre, au sens propre du terme, mais que sa valeur est essentielle dans "le cadre de la force probatoire. 228. Lois 891b. 229. Phèdre 278c. 230. Lois 957c-d. 231. Lois 957c. 232. E. Harris dans une discussion de colloque (Symposion 1990. p. 135) signale qu'il existe une culture jusrisprudentielle orale à Athènes, comme on le voit du Contre Théocrines, 24, de Démosthène, il cite S. Todd, Lady Chatterley's lover and the Attic orators  : the social composition of the Athenian jury, Journal of Hellenic Studies, 110, 1990, p. 146-172. 233. Lois 957c. Il en est ainsi, notamment, si l'étymologie qui associe νóµoς à νoὺς est bien fondée. 234. Lois 957c-e. On constate, de 967d, que le juge doit garder dans la droite ligne aussi bien lui-même que la cité, αὐτòν ϰαὶ τὴν πόλιν. M. Bertone, Il giureconsulto e la memoria", Quaderni di Storia, 20, 1984, p. 223-225. cite nombre de textes de Platon, il ne semble pas qu'il ait accordé de l'importance à ce passage pourtant important ; voir du même auteur, "Il tempo e la memoria. Technica e ideologia della giurisprudenza romana. Voir, dans Continuità e Trasformazioni fra Repubblica e Principato a cura di M. Pani, Bari, 1991, les articles de M Bertone, "Il tempo e la norma" et, de I. Labriola, "La legge del tempo e il tempo della legge. 235. Critias, Fragments, B, 2 (Diels). Ce terme est en général compris comme devant signifier que les lettres sont "la sauvegarde du langage" comme l'écrit J. Labarbe, "Survie de l'oralité dans la Grèce archaïque", Phoinikeia grammata. Lire et écrire en Méditerranée, Namur, 1991, p. 499-531 (p. 519-520). Cette traduction traditionnelle est mise en cause par N. Loraux, "Solon et la voix de l'écrit, Les Savoirs de l'écriture, éd. M. Detienne, Lille, 1988. p. 95-129 (p. 127). Les occurrences dans les textes platoniciens de mots formés sur le radical ἀλεξι- témoignent de ce qu'ils sont employés pour signifier le rejet de ce qu’ils évoquent et non point le désir de le conserver. Les démons sont ἀλεξιϰαϰοι car ils protègent du mal, Cratyle 398a, de même que les anti-poisons, ἀλεξιϕάρμαϰα Lois 957d, servent à protéger les gens contre les sortilèges. 236. Lois 767a et 768b-c.

237. S. Todd, The Shape of Athenian law, Oxford, 1993, p 62, L. Gernet. Droit et Société, p. 65-67. 238. Lois 958a. 239. Lois 876c. 240. Dans les Poroi de Xénophon, III, 3, les juges de l'emporion sont invités par des récompenses, ἆθλα, à juger de la façon la plus juste, mais aussi la plus rapide possible, voir Ph. Gauthier, Un commentaire historique des Poroi de Xénophon, Genève, 1976, ad loc. et p. 83-84. 241. Lois 876d. 242. République 458c. 243. L. Gernet, Recherches sur le développement de la pensée morale en Grèce, Paris, 1917, p. 86 et son introduction à l'édition CUF des Lois p. CXXXII et CXLIII. 244. Lois 766d. Un tribunal aphone est impuissant, Lois 876a, il procède aux jugements en dissimulant ses opinions, et prononce la sentence qui met fin à l'affaire sans révéler de quelle façon il apprécie les faits, ϰρύϐδην τὰς ϰρίσεις διαδιϰάζει. Pires encore sont les instances qui ressemblent à des théâtres où chacun applaudit ou se met à huer les orateurs. 245. Voir, sur ce point, M.Talamanca, "Διϰάζειν e ϰρίνειν nelle testimonianze greche piu antiche", Symposion 1974 [1979], p. 103-135. 246. Lois 766d. 247. Lois 875d. 248. Aristote, Politique 1286a35. 249. Lois 875e. 250. Lois 876a. 251. Lois 934b, Platon insiste sur le fait que, dans toute cité, le juge, s’il n’est pas à proprement parler un magistrat, le devient nécessairement au moment même où il rend une sentence, διϰαστὴς δὲ οὐϰ ἄρχων ϰαί τινα τρόπον ἄρχων oὐ πάνυ ϕαῦλος γίγνεται τὴν τόθ’ ἡμέραν ᾖπερ ἄν ϰρίνων τὴν δίϰην ἀποτελῇ, Lois 767a. Pour insister sur l'idée que le juge exerce une fonction nomothétique, il tire son activité du côté de l'écriture alors que son activité est de parole dans le cadre du tribunal et qu'elle l'est aussi lors du prononcé de la sentence qui procure les effets témoignant de l'efficacité de l'activité judiciaire, ἔργα. On sait, Lois 958a, que seule la voix du héraut pouvait par exemple effectuer le transfert juridique des biens d'un vaincu au vainqueur d'un procès privé et que les juges devaient assister au prononcé de leur propre décision, χρήματα πάντα ἀποδιδóτω ὑπò ϰήρυϰος, ἀϰουόντων τῶν διϰαστῶν 252. Lois 757d-e, voir 737c et 744c. 253. Lois 926b. 254. Lois 925d-926d. 255. Lois 926c. Comprendre le νῦν pose un problème. On ne sait s'il est une référence à la situation des cités historiques ou une référence intertextuelle qui pourrait signifier que, dans la mesure où l'indulgence n'ayant point encore été réclamée, les acteurs du dialogue, ainsi que le lecteur, pensent encore que les juges doivent appliquer la loi à la rigueur. 256. Lois 739e-740a.

257. Dans 925d-926d, il est question du mariage vu selon les deux points de vue de chacun des conjoints, il concerne aussi bien la jeune fille qui peut avoir des réticences à épouser le parent qu'on lui désigne que celui-ci qui peut ne pas vouloir d’elle. Le procès est présenté, de même que l'est le procès de Socrate, comme opposant les époux éventuels aux lois auxquelles ils ne peuvent se résoudre à obéir, διαιτητάς τοῖς τοιούτοις νόμοις ϰαὶ νομοθοτουμένοις ἀναγϰαῖον αἱρεῖσθαι 926a. Néanmoins le procès est nécessairement agônal, il oppose des parents  » soucieux de faire appliquer la loi et des personnes désireuses d'échapper aux obligations qu'elles imposent,. 258. Lois 925b. 259. Lois 926c. 260. T. J. Saunders, Plato's penal code, Tradition, controversy and reform in Greek penology, Oxford, 1991  p.  180, même si la compensation dans le cas de dommage privé doit rester intégrale, 933e. 261. L. Gernet, édition des Lois de la CUF, p.  CLXXXIX, Platon distinguait un droit répressif "définissant le délit à travers le délinquant" et un "droit restitutif" Sur ce problème, I. M. Copi, "A problem in Plato's Laws", p. 627-639, dans A. Kasher, Language in Focus : Foundations, Methods ans Systems ; Essays in Memory of Yehoshua Bar-Hillel, éd. 1976. 262. Lois 933e et suivants. T. J. Saunders, Plato's penal code. Tradition, controversy and reform in Greek penology, Oxford, 1991 p. 280-300. L. Gernet, Recherches sur la pensée juridique et morale en Grèce, Paris, 1917, p. 158 et suivante, traite du dommage et de la réparation due aux individus dans son rapport à ce que la cité obtient en tant que destinatrice des amendes. 263. Lois 862a-b, ainsi que 864c. T. J. Saunders, Plato's penal code. Tradition, controversy and reform in Greek penology, Oxford, 1991, p.  145-147 et 178-185, "Plato's penology is not retributive". 264. Lois 862c-d. Il est plus important d’assurer le bien public que de protéger les intérêts particuliers, "le bien particulier déchire les cités, et bien commun et bien particulier gagnent tous les deux à ce que le premier, plutôt que le second soit solidement assuré", 875a-b. L'intérêt bien compris incite à ne pas poursuivre son intérêt personnel au dépens de l'État. La mort d'un coupable odieux passe pour doublement utile, l’exemple du supplice détourne les autres de l'injustice, sa disparition vide la cité d'un méchant, Lois 862e. Sur la peine de mort, voir T. J. Saunders, Plato's penal code, Tradition, controversy and reform in Greek penology, Oxford, 1991, p. 181-183. En Lois 958a, Platon souligne que celui des juges qui condamnent à mort un homme qui est enfermé dans le crime comme remède à sa misère, θάνατος ἴαμα, sont dignes d'éloges dans toute la ville, ἄξιοι ἐπαίνου γίγνοντ’ ἂν τῇ πάση πόλει τοιούτοι διϰασταί ϰαὶ διϰαστῶν ἡγεμόνες, on ne manquera pas de constater que nul ne s'est jamais intéressé à ce que peuvent bien être dans la cité ces "directeurs" de juges (je reprends ici la traduction de Diès) qui témoignent du souci de Platon de faire surveiller les magistrats dont il parle par des instances obscures au-delà de tout contrôle connu.

265. Politique 295c-296a. Les analyses que fait H. Joly, Le renversement platonicien, Paris, 1974, p. 363, de Politique, 295 et suivants, prétendant que la "structure formelle de l'écriture permet d'anticiper, comme l'ordonnance médicale, sur le surgissement du réel et sur le cours du temps", sont à contre sens de ce que signifie Platon, l'écriture empêche que l'on suive le "surgissement" des circonstances, le conservatisme peut trouver son lieu dans l'immobilité morte de la lettre ou de l'ordonnance immuable, mais non pas le rationalisme. 266. Politique 294b. 267. Politique 301a-302a. 268. Démosthène, Sur l'Ambassade, 254, sait que le problème est posé depuis les origines de la pensée juridique. 269. Aristote, Rhétorique, 1374b 11-13. Le législateur doit manifester ses qualités par ses paroles et ses actes, ainsi Solon quant il vint en aide à sa patrie, βεϐοηθηϰέναι τῇ πατρίδι λόγῳ ϰαὶ ἔργῳ. 270. Lois 876e. 271. Pour comprendre ce type de thématique, dans le cadre spécifique de la pensée platonicienne, voir Ch. Froidefond, Le mirage égyptien dans la littérature grecque d'Homère à Aristote, Paris, 1971. 272. Lois 657a. Le texte est particulier car, en réponse à la surprise de qui pense que cela n'a rien à voir avec la législation, θαυμαστόν, Platon affirme que ce genre de problème est νομοθετιϰòν μὲν oὖν ϰαὶ πολιτιϰόν. L'analyse pose quelques problèmes aux commentateurs qui n'en traitent que certains aspects. Il faut souligner que le discours sur la pérennité des formes musicales n'est que l'interdiction de modifier les représentations que l'on en donne dans les sanctuaires. L'interdiction de modification concerne des images et le conservatisme en ce domaine empêche l'évolution des esprits et des pratiques, οὐϰ ἐξῆν oὔτε ζωγράϕοις oὔτ’ ἄλλοις ὅσοι σχήματα ϰαὶ ὁποī’ ἄττα ἀπεργάζονται ϰαινοτομεῖν oὔδ’ ἐπινοεῖν ἄλλ’ ἄττα ἢ τὰ πάτρια οὐδε νῦν ἔξεστιν. L'interdiction d'écrire conditionne le maintien en l'état de la danse et de la musique, σχήματα garde les deux sens de figure et de représentation, μέλη celui de mélodie. L'écriture est. en fait, le tout des choses politiques, le maintien en l'état comme le changement. Néanmoins, il faut demander de continuellement recopier car c'est cet acte de reprise qui assure la permanence. 273. Le verbe "légiférer" est pris au sens de "donner force de loi à un air" dans la curieuse formule νομοθετεῖσθαι μέλη. Le terme τάξις est à analyser dans son rapport à l'ordre social mais que c'est aussi la capacité de vivre le rythme qui est constitutif de la musique, Lois 653e654a. 274. Lois 660c. 275. Lois 678e-679c. 276. Pour le problème spécifique des chœurs et le plaisir convenable qu’ils procurent, voir Lois 654a, une étymologie très cratylienne voudrait que les chœurs aient reçu le nom qu'ils

portent de la joie l’on ressent à les pratiquer, χορούς ὠνομαϰέναι παρὰ τῆς χαρᾶς ἔμϕυτον ὄνομα. 277. Lois 798b. Les jeunes sont avides de nouveauté et méprisent ce qui est ancien, 797b, τò ψέγεσθαι τὴν ἀρχαιότητα. 278. Cf. Lois 309d, 657a, 660a, 68ld, 704d, 709c  ; on voit, en 710e. que le législateur γένηται ϕύσει, ce qui signifie bien qu'il n'appartient pas au monde ordinaire du politique, mais qu'il s'apparente à "l'homme divin" dont Aristote sait qu'il est à l'origine de la naissance de la cité, quelque naturelle qu’elle soit (Politique 1253a30). 279. Aristote, Politique 1253a30. 280. Lois 645b, ce texte est l'un de ceux où Platon énonce de façon particulièrement nette le fait qu'il est possible de décrire la cité sous la forme d’un homme, la cité, en corps, en effet se trouve soumise aux mêmes tractions que l'individu, et doit, comme chacun, régler sa vie comme il le fait lui-même. 281. Politique 295b. 282. On peut reprendre ici ce que dit l'Athénien de l'imposition du nom à la cité nouvelle qui tiendra à sa situation et à la façon dont elle sera fondée, Lois 704a. 283. Lois 842e. Le discours politique et idéologique présente souvent comme sacrilège tout projet de partage des terres, voir A. Fuks, Social conflict in ancient Greece, Leyde, 1984. Platon reproche à ses contemporains de ne jamais accepter les projets de réforme qu'il considère comme absolument nécessaires pour instaurer une égalité convenable dans la cité. Mais, il peut présenter de façon contradictoire le γῆς ἀναδασμός, négativement dans République 556a, positivemen dans Lois 684e où il est bien compris que dans les cités au moins en tout cas celles qui risquent d'être minés par les conflits le partage des terres est absolument nécessaire quand il possible d'envisager de construire du neuf raisonnable et durable. 284. Lois 842e-843b. Platon semble considérer comme possible le fait que le territoire de la cité des Magnètes soit cultivé jusqu'à ses frontières mêmes, ἐπ᾽ ἐσχατίας, de telle sorte qu'un propriétaire puisse avoir pour voisin un étranger. D. Rousset, qui en fait état, montre, "Les frontières des cités grecques". Cahiers du Centre G. Glotz, 5, 1994, p. 97-126, que la très faible occupation humaine des confins n'empêchait pas qu'il s'y trouvât des terres cultivées. Cela surprend si l'on pense que les ἐσχατίαι sont telles que L. Robert les a décrites, en des termes toujours repris et incontestables. La plupart du temps, ce sont des zones d'activités pastorales et leur rapport aux rituels sociaux et religieux est particulier. Pour une histoire du mot, voir M. Cazevitz, " Sur eschatia, histoire du mot", dans Frontières terrestres, frontières célestes dans l'Antiquité, Perpignan, 1995, édité par. A. Rousselle, p. 19-30. 285. Lois 843a. Il s'agit d'une réappropriation par les législateurs de la cité des Magnètes d'une formule idéologiquement conservatrice. Elle est. pourtant, condamnée en tant que telle quand il s’agit, pour les participants au dialogue, de fustiger l’incapacité des cités historiques. Lois 684e et 736d, insistent sur le fait que l’abolition des dettes et le partage égalitaire du

terroir sont des préalables nécessaires à toute réforme politique bien que ce soit, pour un législateur, des mesures difficiles à mettre en pratique. 286. Lois 913a-914e. Une telle loi ne semble pas conforme aux principes qui régissent la cité des Magnètes. Tout y est fait pour favoriser la transparence des patrimoines et, donc, cacher une partie de sa fortune est criminel. On constate que, pour que cette contradiction potentielle n'ait pas de conséquence dommageable, il n'est pas prévu que le dépôt puisse être restitué à quiconque pourrait avoir été identifié comme propriétaire, comme si l'argent, du fait même qu’il avait été caché dans le sol, était devenu propriété d'une divinité. 287. A. Rouveret, Histoire de l'imaginaire dans la peinture ancienne p. 42 et suivantes. En Lois 769b, la législation primitive est présentée comme une sorte d’esquisse sur laquelle il faut travailler pour en faire un tableau. 288. Lois 840e, voir M. Piérart, Platon et la cité grecque, Bruxelles, 1974, Chapitre V, notamment p. 200-207. Lois 769a-771a, assimile les nomophylaques à des nomothètes. 289. Lois 772b. 290. Lois 779d. 291. Cela a été parfaitement mis en évidence par M. Piérart. Platon et la cité grecque, Bruxelles, 1974. 292. Lois 841a. 293. Lois 836c. 294. Lois 836d. Sur l'ἀξίωσις τῶν ὀνομάτων, Thucydide, III, 82, 3-4, N. Loraux, "Thucydide et la sédition dans les mots, Quaderni di storia, 12, 1986, p. 95-134. 295. Lois 839e-842a, la formule citée est en 841e. On peut penser que les trois vieillards se considérant comme une instance de proposition, Lois 746c, présentent deux textes entre lesquels le nomothète pourrait choisir. Néanmoins, l'idée d'une loi qui échappe fait bien comprendre qu'elle est considérée comme ayant été promulguée et qu’elle n'a pas été respectée. Le crime produit la loi par deux types de processus complémentaires, son existence constatée impose que l'on définisse une loi qui puisse l'interdire, sa perpétuation qu'une loi nouvelle se conforme à l'état des mœurs que l'on ne peut réussir à transformer. 296. Lois 838a-e. Hippias prétend, pour sa part, que cette loi ne peut être considérée comme une loi divine puisque certains la transgressent, Xénophon, Mémorables, 4, 4, 20. Platon admet que frères et sœurs puissent être mariés dans la République 461e, il en récuse la possibilité dans Lois 838c, ceux qui se serait liés à une sœur sont justement punis par les dieux. Les exemples cités, Œdipe et Thyeste, ne semblent pas topiques. 297. La définition du terme est donnée par Polos dans le Gorgias 448c et n’est pas contestée par Socrate qui se contente de signaler qu’en énonçant ce genre de généralité Polos ne répond pas à la question qui lui est posée. L’expérience, dit-il, dirige notre vie selon les règles de l’art, l’inexpérience la laisse diriger par le hasard, ἐμπειρία μὲν γὰρ ποιεῖ τòν αἰῶνα ἡμῶν παρεύεσθαι ϰατὰ τέχνην, ἀπειρία δὲ ϰατὰ τύχην.

298. Elle et fixée à dix ans. Lois 772b, il ne faut pas imaginer que cela soit la preuve d’un libéralisme de la constitution. 299. Lois 957b : διαϐασανίζειν. 300. Lois 846c. 301. Lois 772c. 302. Lois 846c. 303. Lois 957c. 304. Lois 772c. 305. Lois 759d : ils seraient invités à donner leur avis de même qu’il avait été convenu qu'ils le fissent lors de la mise en place des institutions religieuses. 306. Lois 772d. 307. Il semble que ce soit l'avis d'England, "a single objection from any of these quarter [magistrats, assemblée du peuple, oracles] is to be fatal to a project of change." 308. Politique 296a 309. F. Ruzé, "Plèthos, aux origines de la majorité politique", Aux origines de l'hellénisme, Hommages à H. van Effenterre, Paris, 1984, p.  247-263. évoque ce qu'est la recherche obsessionnelle de l'unanimité dans les assemblées homériques (p. 248-249) et signale que le vote unanime peut être nécessaire pour, dans la cité de Rhizénia, rejeter une décision prise antérieurement (p. 253). Ph. Gauthier. "Quorum et participation civique dans les démocraties grecques", Cahiers du centre Glotz, I, p. 73-99. Comme le sait N. Loraux, La cité divisée, Paris, 1998, le vote est une réalité explosive dans la cité. 310. Nous avons abordé ce point dans "Territoire donné, territoire attribué : la pratique de l'attribution dans le monde impérial de Rome", Cahiers G. Glotz, II, p. 125-164, p. 133 mais il faut le reprendre en fonction des analyses de Y. Thomas, "L'institution civile de la cité", Le Débat, 74, 1993. p. 23-44. 311. Nomima I, 108. 312. Nomima I, 109 avec les commentaires de H. Van Effenterre et F. Ruzé notamment sur l'adverbe ἀ λανέος. Pour l'interprétation de δινάϰοι δέ ϰα ἐν τρίτον, les commentateurs pensent sans doute avec raison qu'il faut envisager trois scrutins successifs, "beim dritten Mal" écrit Koerner, mais on peut penser qu'il peut s’agir de consulter trois instances différentes.

Les jeux du dialogue politique 1

Le législateur pouvait imaginer se réfugier sous l’ombre de Theuth pour penser que ses lois ne seraient pas modifiées par l’évolution de l’histoire, pour essayer d’empêcher aux citoyens, qui détenaient, générations après générations, le droit à l’exercice de la parole publique, la possibilité de faire prévaloir sur la matérialité de son écriture prétendument pérennisée l’immédiateté de leur verbe et de leur capacité d’initiative 1 . Il savait parfaitement, pourtant, qu’étant donnée la nature ainsi que le mode de fonctionnement de l’écriture, la diffusion de la législation pouvait susciter plus de variation que de fixité. Il lui fallait, donc, trouver à faire jouer d’autres moyens que la publicité des textes pour garder confiance dans la capacité du politique à avoir accédé par leur évidence à l’immuable. Il faut comprendre quels sont, dans la cité des Magnètes, les modes d’expression de la loi, sans oublier que Platon tient à ce que, dans la cité dont il rêve, toute dérive institutionnelle doit être récusée parce que les lois qu’il propose sont véritables et sont, donc, l’expression de la raison. Cela ne doit pas dissuader de vouloir comprendre ce que la loi, elle-même signifie.

Loi et répression 2

Pour définir ce qu’est la loi Platon semble s’en tenir à un discours qui de prime abord ne semble pas être très différent de celui qu’avaient développé les orateurs de son temps. Pour ceux-ci, les

lois étaient faites, tout simplement, pour interdire, ϰωλύειν, autoriser, παρέχειν, ἐϕιέναι, persuader, πείθειν 2 , ordonner, προστάσσειν, contraindre, ἀναγϰάζειν. Elles ordonnaient ce qu’il faut faire, interdisaient ce qu’il ne fallait pas faire, προστάττουσιν oἱ νόμοι ποιεῖν ϰαὶ μὴ ποιεῖν 3 , mais devaient se soucier non pas du particulier mais des seuls cas généraux, οὐ τò ίδιον ἀλλὰ τò ϰοινόν ἀνάγϰη μέλειν 4 . 3

Démosthène semblait résumer ce qu’était le sentiment le plus courant en expliquant, dans un développement sophistique très convenu qui ne prétendait à aucune originalité, que les lois veulent le juste, le beau, l’utile, cherchent à les atteindre. Lorsque le législateur a pu découvrir en quoi ils consistent, il doit proclamer un ordre qui, pour être considéré comme une loi, doit avoir valeur générale et s’adresser à tous également, ϰοινόν τοũτο πρόσταγμα πᾶσιν ἴσον ϰαὶ ὅμοιον, τοũτ’ἔστι νόμος 5 . Il est convenable d’obéir parce que chacune est une découverte et un don des dieux, εὕρημα μὲν ϰαὶ δῶρον θεῶν, et qu’à tout le moins elle résulte d’une décision prise par des hommes sensés, δόγμα δὲ ἀνθρώπων ϕρονίμων 6 . Elles sont faites pour ordonner ce qu’il faut faire, ἅπαντες προστάττουσιν ἅ χρὴ ποιεῖν 7 . Le législateur doit définir quels sont les devoirs de chacun et quels seraient les châtiment appropriés à chaque faute, oἷα δεῖ γίγνεσθαι ϰαὶ ὡς ἕϰαστ’ ἔχειν. Tel doit être le travail de mise en place des lois communes, ϰοινοὺς τοùς νόμους 8 .

4

Le législateur ne peut proposer de lois concernant des faits antérieurs à leur promulgation, περὶ τῶν γεγονότων πραγμάτων γράϕειν, car une telle pratique ne pourrait être considérée comme nomothétique, οὐ νομοθετεῖν ἐστιν. Seules les cités oligarchiques passaient, en effet, pour considérer comme légitime que les gouvernants pussent révoquer le passé par des décisions rétroactives quand les effets d’une loi ne correspondaient pas à ce que l’on en

avait attendu 9 . Dès la plus haute-époque on savait parfaitement, en effet, qu’il n’était pas correct de légiférer sur des faits passés, cela se faisait pourtant mais cela donnait lieu à des formulations explicites car il fallait souligner le caractère exceptionnel de ce type de décision, quand il paraissait nécessaire de la prendre. Ainsi, la loi de Dracon précisait que les meurtres commis antérieurement à sa promulgation devraient être soumis aux dispositions qu’elle établissait, ϰαὶ oἱ δὲ πρότερον κτέναντες ἐν τõδε τõ θεσμõι ἀνέχεσθον 10 . Il est possible de penser que cela n’était fait que pour régler des situations qui ne s’étaient pas encore dénouées et, éventuellement, garantir une paix civile que la multiplication des vengeances privées aurait pu menacer. On a pensé aussi que cette disposition permettait de faire prévaloir une nouvelle forme d’indulgence en imposant aux familles des règles de composition plus strictes. L’essentiel est de comprendre qu’il paraissait nécessaire de le préciser parce que la loi ne pouvait ne pas être claire sur ce point. Telle loi d’Érythrées 11 interdisait à tous ceux qui avaient déjà été secrétaires de l’être à nouveau, c’était bien évidemment une décision à valeur rétroactive puisque cela pouvait modifier le déroulement ultérieur de la carrière des magistrats, si tant est que cette notion pût avoir la moindre pertinence, l’essentiel est de se rendre compte que les gens de l’époque en étaient conscients et distinguaient de façon tout à fait explicite le rapport de la loi au passé, ὅσοι ἤδη, et au futur à construire, μηδὲ τò λοιπόν. 5

Dans les cités bien gouvernées le législateur doit se porter au-devant du crime et fermer toutes les voies par lesquelles celui-ci pourrait s’introduire dans la ville, contrarier l’accomplissement de tout mauvais dessein. Il devait avoir une vision du système qu’il voulait établir en la promulguant. Pour Platon il ne pouvait exister, ainsi, de loi véritable que dans le cadre d’un projet d’ensemble et donc d’un

code 12 . Il condamne, en effet, de la façon la plus formelle la façon de faire de ceux qu’il considère comme des législateurs trop pressés en montrant combien seule est convenable la façon de travailler de ceux d’entre eux qui commencent par disposer sur le chantier la totalité des matériaux nécessaires à l’ouvrage, de telle sorte qu’il soit possible de choisir ce qui est nécessaire à la construction d’un ensemble politique qui reste harmonieux et cohérent, τὰ πρόσϕορα τῇ μελλούσῃ γενήσεσθαι συστάσει 13 . Les cités qui légifèrent, par des lois spécifiques, au fur et à mesure qu’elles découvrent des abus, qui doivent être corrigés à cause des inconvénients qu’ils procurent, sont imparfaites. Tel jour il faut mettre en place une législation sur les héritages et les filles épiclères, tel autre celle de l’outrage, des centaines peuvent ainsi être écrites sans qu’il soit tenu compte d’un projet d’ensemble et ne servent en rien les desseins de ceux qui voudraient conduire les hommes à la vertu totale, πρòς πᾶσαν ἀρετήν 14 . 6

C’est en cela, sans doute, que le projet platonicien paraît très clairement appartenir au domaine de l’utopie. Il semble que les cités historiques n’aient jamais, en effet, pratiqué de la façon qu’il préconise et que ce qu’il dénonce corresponde bien à ce que l’on y constate. Comme le soulignent H. Van Effenterre et F. Ruzé, l’impression que l’on retire de la lecture des textes conservés est celle d’un "certain désordre", "de décousu", "l’écriture politique semble toucher à tout". L’âge des législateurs n’apparaît pas comme ayant manifesté une quelconque volonté de créer de façon méthodique des structures nouvelles, ni comme capable d’avoir organisé, même de façon progressive, le statut des cités 15 . Il semble que depuis les origines on ait inventé les lois au fur et à mesure que le besoin d’en user se manifestait. Si cette façon de voir est fondée, elle conduit nécessairement à une réflexion de

thématique générale bien connue des juristes et l’on peut accepter, par exemple, les conclusions de J. K. Davies qui, ayant analysé après tant d’autres la composition des "codes" de Gortyne, conclut que deux processus de construction du droit sont à l’œuvre dans la cité. L’appétence pour la codification ne déniait pas toute pertinence à l’étude des cas, the legal material from Gortyn is real and shows two contradictory processes, that of codification or systematization, and that of continuons amendment or decodification via generalized case-law, in operation at the same time. Cela ne devrait surprendre que les historiens qui ne seraient pas familiers avec le système de la common-law 16 . Si les lois doivent être faites pour indiquer à l’avance ce qu’il ne faut pas faire, πέϕυϰε προλέγειν ἃ µὴ δεῖ πράττειν 17 , elles sont ainsi censées devoir montrer ce qui doit advenir dans le futur, oἱ δὲ νόμοι περὶ τῶν μελλόντων ἃ χρῆ γίγνεσθαι ϕράζουσιν 18 . Mais on se rend compte que ce futur n’existe que parce qu’il nait dans la dénonciation d’un passé qui en est la matrice. Pour Lysias le souvenir du passé, dont on devait punir les crimes, servait à donner une image de ce que devrait être le futur, χρὴ δὲ µὴ μόνον τῶν παρεληλυθότων ἕνεϰα αὐτoὺς ϰολάζειν, ἀλλὰ ϰαὶ παραδείγματος ἕνεϰα τῶν μελλόντων ἔσεσθαι 19 . Protagoras savait, par exemple, faire comprendre que celui qui sait ce que punir signifie ne le fait jamais en raison de la faute commise antérieurement mais pour construire un futur qui lui convienne, τοῦ μέλλοντος χάριν 20 . Cette idée est conforme à ce que l’on pense généralement, même si elle peut sembler, ici, avoir été exprimée sous une forme paradoxale 21 . Ce principe, où se dilue la notion même de temporalité, rend compte, non seulement, du processus de l’exercice du droit, mais aussi de celui de son élaboration. 7

Platon sait que le législateur doit utiliser la puissance de ses injonctions pour amener les citoyens à pratiquer la vertu en les

persuadant que ce sont bien elles qui apprennent à découvrir que l’on peut éprouver un véritable plaisir à se bien conduire 22 , ellesmêmes ayant capacité à faire l’éloge de ce bien qui se trouve supérieur aux plaisirs ordinaires, τò τῆς ἡδονῆς ϰρεῖττον ἀγαθόν τε ϰαὶ ϰαλόν ὁ νόμος ἐνὸν ἐπαινεῖ 23 . Faites pour procurer la tranquillité et le bonheur à l’ensemble des membres du groupe politique, elles permettent d’associer les citoyens les uns aux autres par la persuasion ou la contrainte, ξυναρμόττων τοὺς πολίτας πειθοῖ τε ϰαὶ ἀνάγϰῃ, et à fortifier le lien qui unit la cité, τòν ξύνδεσμον τῆς πόλεως 24 , ainsi n’ont-elles pas pour fonction d’assurer le bonheur particulier d’une catégorie spécifique de gens, ἕν τι γένος, mais de faire qu’il soit procuré à l’ensemble des citoyens, ἐν ὅλῃ τῇ πόλει.

Puissance de la loi La voix de la loi 8

9

Les lois ont une puissance spécifique. Elles possèdent une voix, ἡ ϕήμη τῶν νόμων, dont Platon sait dire explicitement qu’elle est la leur propre 25 . Quand elle se fait entendre dans un système démocratique, cette voix est celle de chacun des citoyens et les jurés acceptent avec plaisir d’entendre un orateur leur dire qu’elle est bien la leur, τὴν τῶν νόμων ϕώνην ὑμετέραν εἶναι 26 . Pour l’Athénien du dialogue, il semble qu’elle puisse parler d’elle-même et qu’il n’est donc pas nécessairement besoin d’imaginer que quelqu’un doive se faire sa bouche pour qu’elle s’exprime 27 Dans le cas des crimes de sang, par exemple, elle peut signifier d’elle-même, à un meurtrier, les interdictions rituelles et paraît en ce rôle immédiatement efficace, ὁ γὰρ νόμος ἀπαγορεύει ϰαὶ ἀπαγορεύων ὑπὲρ τῆς πόλεως ἀεὶ ϕαίνεταί τε ϰαὶ ϕανεῖται 28 . Elle reste, quand nul ne veut briser le silence criminel et l’ignorance

indifférente, la seule à savoir punir le sacrilège de celui qui ne prendrait pas la peine de dénoncer le meurtre d’un parent 29 . Il suffit en effet que devant un cadavre la loi prononce la malédiction pour que le coupable soit touché par son énoncé, ἡ τοῦ νόμου ἀρὰ τήν ϕήμην προτρέπεται 30 , la voix de la loi devenant la malédiction même et manifeste alors toute sa puissance pour assurer, par le biais du respect de ce rituel nécessaire la protection de la cité. Démosthène associe d’ailleurs de la même façon ces deux modes d’expression du politique en ne séparant pas le religieux du judiciaire quand il souligne que ce sont les malédictions prévues par les lois, ἀραὶ ϰαὶ νόμοι ϰαὶ ϕυλαϰαί ὅπως μηδεὶς ἄλλος ταύτης [τῆς πολιτείας] ϰύριος γενήσεται, qui assurent la protection de la cité et de la démocratie, nul autre que le peuple ne pouvant recevoir la responsabilité de mener les affaires publiques 31 . C’est ainsi l’évidence affirmée de ce qu’un meurtre a bien été commis qui fait retentir la voix de la loi quand elle s’adresse à un meurtrier. Cette immédiateté ressort du religieux, mais doit se transcrire dans le judiciaire pour qu’elle prenne tout son sens politique. Cela est particulièrement clair, dans le cas d’un homicide dont le coupable n’est pas connu, on annonce, alors, son crime à un assassin construit par le mot même qui le dénonce, il ne peut exister que parce que l’on a fait reconnaître l’acte qu’il est supposé avoir commis comme criminel. C’est ainsi à cet assassin, construit par la parole qui le maudit, que l’on annonce le crime et pour lui que l’on profère les formules rituelles, προαγορεύειν δὲ τòν ϕόνον τῷ δράσαντι. C’est là qu’intervient le processus de qualification. Si un corps d’homme sans vie est découvert sur le territoire de Magnésie, ἐὰν δὲ τεθνεὼς μὲν αὖ τις ϕανῇ 32 , et que le caractère suspect de la mort semble évident, en fonction de la grille de lecture des réalités connues par les magistrats chargés de la police du territoire, un criminel, ὁ

ϰτείνας, existe nécessairement, dont on proclame la culpabilité sans avoir besoin de connaître qui il est, τῷ ϰτείναντι τòν ϰαὶ τòν ϰαὶ ὠϕληϰότι ϕόνου. L’analyse du cas a permis de qualifier le cadavre comme étant le produit d’un homicide, donc de rendre nécessaire l’existence d’un meurtrier auquel on peut s’adresser car il est présupposé et défini par le processus qui conduit à la proclamation de son infamie. Celle-ci n’est possible que par l’effectivité de son existence dont elle est pourtant, bien évidemment, la seule garante. 10

Toutes les découvertes de corps ne sont pas de même conséquence. L’interprétation de la réalité, comme l’a justement souligné L. Gernet, est l’effet d’une première décision judiciaire de qualification. Celle-ci possède une valeur immédiatement performative car elle postule l’existence d’un meurtrier qui n’existe que par elle 33 . Une formule d’Antiphon témoigne d’ailleurs de la capacité du discours judiciaire à aller plus loin que l’apparente constatation d’une évidence prétendue objective car il était des cadavres qui pouvaient, non seulement témoigner de ce qu’il existait dans la cité le responsable direct d’une mort survenue, mais aussi dénoncer les intentions du meurtrier présumé en signifiant par exemple que le crime dont il semblait que l’on connût seulement les effets était bien prémédité, αὐτὸς ὁ θανάτος ἐξ ἐπιϐουλῆς ἀποθανόντα μηνύει αὐτόν 34 . Le coupable naît dans le discours qui a constitué la faute et la proclamation qui, le désignant comme tel, confirme son statut. L’énoncé public de l’exécration est fait pour que le statut d’existant du meurtrier soit indiscutable et que, surtout, le secret de son identité cesse de le protéger car les dieux qui savent tout doivent avoir été intéressés par les hommes au dénouement d’une affaire pour s’en soucier. Il ne lui reste plus qu’à paraître et à se faire connaître, ἂν ϕανῇ ϰαὶ γνωσθῇ 35 , comme correspondant à la désignation qui a été faite de lui pour que la punition s’en suive car

toute mort par violence débouche nécessairement sur un châtiment que les lois doivent prévoir, περὶ θανάτων τῶν βιαίων ἃς δεῖ τιμωρίας γίγνεσθαι νενομοθετήσθω 36 . La puissance de la loi est ainsi de construire des statuts à partir d’actes reconnus comme signifiants. Ceux qui se reconnaissent comme possédant l’un ou l’autre, le font parce qu’ils se reconnaissent dans la définition que la cité propose, et ils acceptent les conséquences éventuelles de ce qu’ils ont fait comme mal.

Lois et honneurs 11

La loi possède une réelle capacité à contraindre les hommes à contenir leurs passions mauvaises, au même titre que peut le faire la crainte ou bien la vertu, δύναμις 37 . Le souci de respecter la règle est un sentiment répandu chez les hommes. Il est un moyen terme entre la peur, ϕόϐος 38 , qui peut sembler dans une société primitive être le commencement de la sagesse, et la raison vraie, ἀληθὴς λόγος 39 , qui permettrait que dans une cité parfaite la loi redevienne inutile puisque que tous les hommes y seraient assez sages pour savoir se bien conduire. Elle agit en éduquant ou en contraignant, διδάσϰει, ἀναγϰάζει 40 . Platon se dit persuadé que l’homme devrait pouvoir apprendre à se laisser guider par sa capacité d’attraction et, qu’étant la raison même, elle peut agir plus par douceur que par contrainte, δεῖν δὴ τῇ ϰαλλίστῃ ἀγωγῇ τῇ τοῦ νόμου ἀεί συλλαμϐάνειν ἕτε γὰρ τοῦ λογισμοῦ ϰαλοῦ μὲν ὄντος πρᾴου δὲ ϰαὶ οὐ βιαίου 41 . Il suffit d’être assez habile pour que soit présenté sous une forme agréable ce qui est bon et sous une forme rebutante ce qui doit être évité 42 , de telle façon que les gens en arrivent à faire le bien volontairement et non par la force, µὴ βίᾳ ἀλλ’ ἑϰόντας πάντας πάντα τὰ δίϰαια 43 .

12

La loi doit avoir fonction incitative. Elle doit savoir s’adresser aux gens de bien pour leur enseigner comment se comporter s’ils veulent vivre de façon convenable. Le système législatif est fait pour indiquer ce qu’il doit faire, περὶ ὧν ἂν πραγμάτων ἀπορῶμεν... σϰεψώμετα ὅ τι ἡμῖν ποιητέον ἐστίν, à celui qui ne sait pas comment trouver les moyens de sortir de telle ou telle situation difficile 44 . La loi doit enseigner, ainsi, aux gens de quelle façon ils peuvent vivre en paix et amitié mutuelle, oἱ μὲν [νόμοι] τῶν χρηστῶν ἀνθρώπων ἕνεϰα γίγνονται, διδαχῆς χάριν τοῦ τίνα τρόπον ὁμιλοῦντες ἀλλήλοις ἂν ϕιλορόνως οἰϰοῖεν 45 . Elle doit faire détester l’injustice, empêcher que l’on ne méconnaisse ou refuse le juste, et, tout au contraire, le faire apprécier par la manifestation de la puissance de l’État ou par la parole publique, ἔργοις ἢ λόγοις, en procurant plaisirs ou chagrins, en accordant des honneurs ou en les refusant, en infligeant des amendes ou en offrant des récompenses, ἢ μεθ’ ἡδονῶν ἢ λυπῶν, ἢ τιμῶν ἢ ἀτιμιῶν, ϰαὶ χρημάτων ζημίαις ἢ ϰαὶ δώρων 46 .

13

Platon veut que le législateur sache louer et honorer, tout en restant capable de dénoncer celui qui ne saurait pas se laisser persuader d’obéir, τὰ μὲν ἐπαινοῦντα ϰαὶ τιμῶντα, τὰ δ’ αὖ πρòς ψόγον ἄγοντα ϰαὶ τòν µὴ πειθόμενον ἀτιμάζοντα ϰαθ’ ἑϰάστας τῶν πράξεων 47 . Il souhaite qu’une vie menée dans le respect des règles soit signalée de façon aussi nette par les honneurs qu’une conduite coupable doive l’être par la punition, τοῖς μὲν εὐπειθέσιν τῶν νόμων τιμὰς ἀπονέμειν, τοῖς δὲ δυσπειθέσι δίϰας ταϰτὰς ἐπιτιθέναι 48 . Il signifie que les lois doivent louer et blâmer à propos, ψέγειν τε ὀρθῶς ϰαὶ ἐπαῖνειν δι’ αὐτῶν τῶν νόμων 49 . L’obéissance doit être reconnue publiquement par le prononcé d’éloges, πειθόμενον τῷ νόμῳ ἐπαινεῖν χρὴ πάντας 50 pour que la vertu soit bien distinguée du vice, ἀρετῆ, ϰαϰία. Ces éloges et les honneurs qui s’y attachent

doivent être définis de façon assez précise pour éviter qu’il puisse en être institué qui seraient fallacieux, ϰίϐδηλοι, et non point véritables 51 . 14

Le jeu des récompenses dans la cité est complexe et particulièrement subtil. Le bon citoyen, qui ne fait rien que de parfaitement ordinaire, doit être distingué du simple fait qu’il n’a pas mérité de diminution de ses droits statutaires par un délit qui l’aurait soumis à une ἀτιμία. Il faut, sans doute, considérer que l’honneur que l’on fait, ainsi, à quelqu’un de sa normalité banale est susceptible d’une évaluation objective puisqu’il est possible d’en doubler les effets, cela ne serait pas possible s’il n’était question que de constater par défaut qu’il n’est coupable de rien 52 . Le caractère positif de l’innocence par abstention semble devoir, néanmoins, s’effacer devant l’obligation où est chacun est d’agir dans un certain nombre de situations définies par le législateur. Ainsi, l’Athénien souhaite interdire, non seulement les pratiques de chasse qui pourraient passer pour indifférentes, mais celles qui ne seraient pas dignes qu’on les loue, οὐϰ ἀξία ἐπαίνου 53 . Le rapport de la récompense à la punition est plus difficile à comprendre encore, quand il apparaît qu’il peut n’exister de point intermédiaire entre l’intervention obligatoire et l’abstention coupable. L’obéissance à la loi ne peut être un repli sur soi. Ainsi, l’homme libre qui dénonce celui qui s’approprie un dépôt se fait une réputation de vertu, celui qui ne le fait pas de malhonnêteté, ὁ μηνύσας δόξαν ἀρετῆς ϰεϰτήσθω, µὴ μηνύσας δέ, ϰαϰίας 54 . De façon plus insistante, il est précisé que le témoin d’une agression perpétrée par un enfant contre son père, sa mère ou un ascendant n’a pas le droit de ne pas intervenir, qu’il soit d’ailleurs étranger au corps civique ou qu’il soit citoyen, celui-qui porte secours à l’agressé, et donc ne fait que ce qu’il lui est expressément ordonné de faire, est honoré d’une place au premier

rang lors des spectacles publics, mais s’il ne le fait pas il est passible de bannissement 55 , Dans la cité des Magnètes il se construit une véritable hiérarchie des honneurs 56 . Ainsi, mérite d’être honoré, τιμίος ὁ μηδὲν ἀδιϰῶν, celui qui n’est coupable d’aucun crime. Est digne d’un honneur double, διπλασίας τιμῆς ἄξιος. celui qui ne laisse pas les criminels sévir en les dénonçant aux magistrats 57 . Doit être proclamé vainqueur pour la vertu celui qui dans la mesure de ses forces aide les magistrats à réprimer les désordres éventuels, ὁ μέγας ἀνήρ ἐν πόλει ϰαὶ τέλειος οὗτος ἀναγορευέσθω, νιϰηϕόρος ἀρετῇ. 15

Dans la vie politique, une compétition permanente semble avoir été organisée de telle sorte que chacun des citoyens rivalise de valeur avec tous les autres 58 , seul l’activiste paraît digne d’être pleinement honoré 59 . D’ailleurs, si ceux qui manifestent leur capacité d’obéissance doivent être honorés, ils le sont moins, néanmoins, pour leur vertu reconnue que pour la valorisation de l’exemple qu’ils procurent. Ce n’est pas se conduire en homme juste que d’attacher du prix aux récompenses que l’on peut acquérir en étant reconnu pour tel. En effet, le sage n’a que faire des honneurs et n’en a pas besoin pour vivre comme il convient. Il peut être dépouillé de tout, il peut passer pour le plus scélérat des hommes, il ne se départit pas de sa vertu. C’est à cela que l’on reconnaît que celle-ci est bien véritable, μηδὲν γὰρ ἀδιϰῶν δόξαν ἐχέτω τὴν μεγίστην ἀδιϰίας 60 .

16

Les cités historiques avaient parfaitement compris que la punition et l’éloge public, ἡ τοῖς ἀνδράσι τοῖς ἀγαθοῖς διδομένη δωρεά, devaient être utilisés pour leur valeur éducative. Le montre, parfaitement, une belle envolée du Contre Léocrate, qui souligne comment "deux chose instruisent les jeunes gens, la punition des coupables.et la récompense décernée aux bons citoyens. Les yeux fixés sur l’une et sur l’autre, ils évitent celle-là par crainte et aspirent à celle-ci par

émulation" 61 . Particulièrement naïve, mais très significative de ce que l’on attendait de l’offre des récompenses, fut, par exemple, la formule utilisée par la cité d’Histiée qui avait parfaitement compris qu il convenait que le peuple ne négligeât rien de ce qui se rapportait aux honneurs car ils étaient offerts afin que tout le monde pût apprendre que le peuple savait honorer ses bienfaiteurs. Plus nombreux seraient ceux qui concouraient aux intérêts de la cité, s’ils voyaient honorer ceux qui le faisaient, ὅπως oὖν εἰδῶσι πάντες ὅτι ὀ δῆμος ὁ τῶν Ἱστιαιέων ἐπίσταται τιμᾶν τοῦς εὐεργετοῦντας αὑτόν, ϰαὶ πλείους ἀγωνισταὶ γίνωνται ὑπὲρ τῶν συμϕερόντων τῆι πόλει ὁρῶντες τοὺς ἀξιους τιμωμένους 62 . L’idéologie du discours de l’évergétisme était, ainsi, calquée sur celle des concours pour favoriser les rivalités fécondes 63 . Platon savait, comme tous ses contemporains, que chacun peut apprendre de cette façon quel intérêt il trouve à respecter les lois, non pas seulement celles qui interdisent et menacent, mais aussi celles qui proposent d’honorer celui qui sait se contraindre et leur obéir, τὰ μετ’ ἐπαίνου ῥηθέντα μᾶλλον τιμᾶν ϰαὶ προσταχθέντα ἀποτελεῖν 64 . 17

Ce type de rivalité peut avoir été considéré comme spécifique de la démocratie 65 . Il semble, pourtant, tenir une place très évidente dans les cités aristocratiques. Dans celles-ci, le jeu est moins ouvert, car les rigidités sociales en limitent la portée, mais le principe de compétition y est d’autant plus exalté qu’il faut pouvoir en piper les résultats. Néanmoins, on doit constater que, lorsque seule l’excellence est considérée, l’éloge se dévalorise en simple certificat de bonne conduite alors que le refus de l’accorder devient une marque manifeste de déshonneur. Dans Magnésie, les redresseurs médiocres se voient refuser la distinction du tombeau de type particulier qui leur est, pourtant, promis à leur entrée en fonction 66 . Cette façon de dénoncer tel ou tel, en lui refusant les honneurs

habituels, correspond à la pratique des cités ordinaires. Les Athéniens peuvent déshonorer les membres du Conseil des Cinqcents en refusant à leur assemblée l’attribution d’une couronne lors de leur sortie de charge 67 , notamment pour n’avoir pas fait construire de trières durant leur année de charge ou pour avoir refusé d’exclure un conseiller indigne 68 .

Loi et répression 18

Ce sont les lois criminelles coercitives qui constituent, naturellement, l’essentiel du corpus législatif platonicien, car elles sont, comme toujours, moins une espèce particulière de lois que la sanction de toutes les autres. Cela n’a rien, sans doute, d’original. Pour Hésiode, c’est dans le châtiment que l’imbécile apprend à être sage, παθών δέ τε νήπιος ἔγνω 69 . Critias avait établi que la punition est à l’horizon nécessaire de tout travail législatif, les hommes ayant inventé le discours législatif pour définir de quelle punition doit être suivi tel crime ou tel délit, ἄνθρωποι νόμους θέσθαι ϰολαστάς... ἐζημιοῦτο δ’εἴ τις ἐζαμαρτάνοι 70 . Aristote pensait, pour sa part, que la plupart des hommes évitent de commettre des actes honteux non par sens du convenable mais par peur des châtiments, οὐ γὰρ πεϕύϰασιν αἰδοῖ πειθαρχεῖν ἀλλὰ ϕóϐῳ, οὐδ’ ἀπέχεσθαι τῶν ϕαύλων διὰ τò αἰσχρòν ἀλλὰ διὰ τὰς τιμωρίας 71 , même si concevoir la loi dans un aspect purement répressif ne lui paraît pas la meilleure façon d’éduquer des hommes libres et qu’il eût mieux valu que chacun fût conduit par le sens de l’honneur et l’appétence pour le beau, δι’ αιδῶ ϰαὶ διὰ ϰαλοῦ ὄρεξιν 72 . Pour Diodore, Isis législatrice n’est écoutée que parce qu’elle fait craindre des châtiments à qui la méprise, διὰ τòν ἀπò τῆς τιμωρίας ϕόϐον 73 .

19

Platon sait que le législateur peut se trouver en présence d’hommes qu’aucune sélection intelligente n’aurait recrutés, ayant échappé aux

bienfaits de l’éducation et dont la nature brute n’aurait pas été assez attendrie, τεγθείς, pour qu’ils ne soient pas portés à toutes les méchancetés, ἐπὶ πᾶσαν ϰάϰην 74 . Il doit, à leur égard, s’en tenir à l’idée que la loi promulguée est faite pour que les fautes soient punies lorsqu’elles ont été commises, γενομένων ϰολάσεως τιθέναι νόμους 75 . Il semble compter, essentiellement, sur la peur qui est attente de déplaisir, ϕόϐον ἡ πρò λύπης ἐλπίς, pour les contenir et essayer de les conduire à la vertu, en comptant sur leur capacité à calculer la balance des avantages et les inconvénients respectifs de telle ou telle conduite, ἐπὶ δὲ πᾶσι τούτοις λογισμός ὅ τί ποτ’ αὐτῶν ἄμεινον ἤ χείρον 76 . L’établissement d’un barême de sanctions semble devoir être l’aboutissement du discours du législateur qui souhaite interdire telle ou telle pratique inconvenante. À son argumentation doit s’ajoindre le pouvoir de la loi qui vient lui porter assistance, ὦν ἄν ὁ λόγος προστάττη ἀπέχεσθαι, νόμος ἐπιχειρῶν γίγνεσθαι 77 . Pour convaincre l’homme d’agir correctement il n’est pas de meilleur argument à lui fournir que de l’assurer qu’il ne serait pas puni s’il obéit, ὁ πειθόμενος ἔστω ζημίας ἐϰτός 78 . 20

Il semble que la punition d’une faute puisse être différée et la justice humaine préfère en laisser l’exercice aux dieux vengeurs. C’est, ainsi, dans l’Hadès qu’on subit l’essentiel de la peine qui punit le meurtre volontaire, avant que le retour sur terre 79 permette que s’exerce les rigueurs de la peine du talion promise par la déesse justice, Δίϰη ἐπίσϰοπος ἔταζεν ἄρα δράσαντί τι τοιοũτον παθεῑν ταὐτά ἀναγϰαίως ἄπερ ἔδρασεν 80 . Platon reste, dans la tradition des législateurs anciens qui n’avaient pas manqué d’user de cette facilité pour se justifier de leur incapacité à tout connaître des fautes de leurs mandants. Zaleucos dès les origines avait, ainsi, par exemple indiqué en son prologue que le citoyen devait savoir qu’il existait des dieux veillant à l’ordre du monde et à la justice, que ceux-ci savaient punir

ceux qui n’auraient pas été démasqués à l’heure où ils devraient quitter la vie, ἐν ᾦ [ϰαιρῷ] γίνεται τò τέλος ἑϰάστῳ τῆς ἀπαλλαγῆς xoù ζῆν 81 . Il la prolonge dans la logique d’une politique métaphysique qui est la sienne. Il sait, aussi, que le châtiment peut se nicher, au coeur de la faute même, sans déboucher sur la logique épicurienne de l’inquiétude tapie au fond du coeur du coupable, dès qu’ils ont commis leur première infraction 82 . Dans une société de surveillance mutuelle telle que l’est la cité magnète, la punition peut être immédiate et précéder même toute intervention du juge. La rumeur construit au coupable présumé d’un manquement aux règles ordinaires de conduite une mauvaise réputation qui le poursuit partout et lui rend le bonheur impossible. Cette possibilité de mettre à distance la sanction pénale montre combien le législateur est conscient des limites du droit positif. Il sait que l’essentiel de la puissance de la répression tient à ce qu’elle s’exerce, surtout, dans un cadre extra-judiciaire, à l’intérieur du groupe social quand intervient l’opinion publique, hors de la cité quand on fait confiance au jugement divin. Par ailleurs, la doctrine pénale platonicienne, n’est pas purement répressive, il prétend donner à la punition infligée au criminel valeur curative, éducative et non point vexatrice.

Valeur thérapeutique de l’application de la loi 21

Si, pour Glaucon, nul n’est juste volontairement et s’il faut, ainsi, contraindre chacun pour qu’il consente à le devenir, οὐδείς ἑϰὼν δίϰαιος ἀλλ’ἀναγϰαζόμενος 83 , la tradition socratique voulait que nul ne pût être méchant volontairement, ϰαϰòς ἑϰὼν οὐδείς. Était méchant celui-là seul qui l’était devenu, ὁ ϰαϰòς γίγνεται ϰαϰòς 84 , les gens convenablement éduqués devenant le plus souvent des gens de bien, oἴ γε ὀρθῶς πεπαιδευμένοι σχεδòν ἀγαθοὶ γίγνονται 85 . Le

dialogue des Lois n’oublie, donc, pas de manifester toute la compassion convenable à l’égard du criminel censé souffrir terriblement des maux que lui procure sa conduite déplorable 86 et reprend la doctrine de Socrate dans ses grandes lignes, il n’est pas d’homme injuste qui le soit volontairement, πᾶς ὁ ἄδιϰος οὐχ ἑϰῶν ἄδιϰος 87 . Néanmoins, le pessimisme reprend ses droits quand le législateur se voit signaler qu’il ne pourra jamais rédiger de lois que les citoyens, dans leur ensemble, recevraient volontiers, oὓς ἑϰόντες oἱ δῆμοι ϰαὶ τὰ πλήθη δέξονται 88 . La façon dont l’Athénien envisage l’exercice quotidien de la justice semble plutôt faire penser qu’il a le sentiment très net que l’homme n’est pas naturellement disposé à faire ce qu’il serait convenable qu’il fasse. Au contraire, sa nature mortelle le pousse à rechercher trop souvent les plaisirs, à satisfaire de façon égoïste toutes sortes de convoitises, ἐπι πλεονεξίαν ϰαὶ ἰδιοπραγίαν ἡ θνητὴ ϕύσις αὐτòν ὁρμήσει ἀεί 89 . La sagesse peut sembler naître de la volonté d’adéquation au modèle proposé, ou de la répression qui empêche de satisfaire ces désirs. Leur origine, pourtant, n’a rien de répréhensible puisque c’est l’appétit du manger et du boire qui procure à tout être, ἤν περὶ ἄπασαν πᾶν ζῷον ἔμϕυτον ἔρωτα ἔχον, dès la naissance, la première expérience du plaisir, puis de l’interdit et de la révolte possible 90 . Le législateur reconnaît l’existence et la puissance de ces pulsions, mais définit comme punissables certaines de leurs satisfactions. Il les punit effectivement quand l’homme qui les subit a pris conscience de leur caractère irrépressible et accepté de leur céder. En fait, comme l’a montré M. Foucault, on peut considérer que définissant la faute préalablement à la punition, lui donnant sa justification et son prix, "la loi est constitutive du désir et du manque qui l’instaure" 91 .

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Si ce n’est jamais pour faire souffrir, ἐπὶ ϰαϰῷ, que l’on punit mais pour que le coupable puisse se corriger et devenir meilleur 92 , la pratique répressive n’est pas néanmoins très éloignée de la pénologie prônée, soi-disant, par Protagoras et présentée sous la forme d’un mécanicisme naïf. La loi est censée dire à l’enfant de faire ceci ou cela et s’il n’obéit pas on le redresse par des menaces et par des coups comme on redresse un bâton tordu, ὤσπερ ξύλον διαστεϕόμενον ϰαὶ ϰανμπτόμενον εὐθύνουσιν ἀπειλαίς ϰαὶ πληγαῑς 93 . La punition peut être efficace par l’effet direct qu’elle produit sur le coupable peu enclin à récidiver quand il l’a subie ou qu’il est empêché de le faire. Elle l’est, sans doute, surtout par le spectacle que procure la mise en scène des supplices infligés 94 pour servir à tous d’exemple, παράδειγμα 95 . Dans les enfers du Gorgias et de la République, même les grands coupables peuvent servir à quelque chose. Ils sont soumis à des punitions particulièrement cruelles pour que le spectacle qu’ils donnent de leurs souffrances soit un avertissement pour chacun de ceux qui passent devant eux. Euxmêmes ne peuvent pas en tirer personnellement le moindre profit 96 , puisqu’ils n’obtiennent pas le droit de revenir sur terre pour vivre une vie nouvelle 97 . À Magnésie, selon un même principe, la mise à mort est une solution radicale pour que la cité soit débarrassée définitivement des incorrigibles dont la disparition est le moindre des maux qui puisse les atteindre, ἐλάχιστον τῶν ϰαϰῶν, mais sa mise en oeuvre, outre son caractère cathartique, est censée pouvoir détourner les gens du crime car elle procure un exemple qui empêche de mal faire, παράδειγμα τοũ µὴ ἀδιϰεῑν 98 . On ne renonce pas, d’ailleurs, aux châtiments spectaculaires. On propose, ainsi, d’exposer certains criminels sur les frontières du territoire en les contraignant à prendre des postures forcées, non conformes à la nature du corps humain, en des endroits consacrés de la zone

frontière du territoire, τινας ἀμóρϕους ἔδρας ἤ στάσεις ἤ παραστάσεις εἰς ἱερά ἐπὶ τὰ τῆς χώρας ἔσχατα 99 , il est vraisemblable que cette façon de lier des criminels à un pilori est un moyen de les mettre à mort 100 . Pour souligner le caractère odieux du crime de parricide, les magistrats doivent procéder à une lapidation, très impressionnante sans doute, du cadavre du fils criminel, mis à mort, de façon sans doute banale 101 . Le supplice, dans ce cas, est évidemment plus utile à ceux qui en sont témoins qu’au coupable lui-même. Le destinataire du discours répressif n’est pas nécessairement celui qui en est l’instrument.

Loi et ordonnance Forme épitactique du discours juridique dans Magnésie 23

Si l’on cherche à caractériser la façon dont Platon conçoit la loi et non plus les moyens par lesquels elle agit, on se rend compte qu’il considère que la loi est nécessairement un ordre, τὴν ἐπίταξιν ὅ δή ἐστιν ὁ νόμος 102 . Il sait très bien, pourtant, que cette formule réductrice ne peut suffire à rendre compte de l’ampleur du concept et qu’elle a plutôt valeur programmatique 103 , il fonde, néanmoins, sur ce postulat, auquel il se réfère chaque fois que cela lui paraît nécessaire, l’essentiel du droit de Magnésie. Il ne peut manquer ainsi de confondre le juridique et le politique, alors qu’il faudrait sans doute distinguer deux modes d’expression dans la cité, les lois écrites devant posséder un registre spécifique.

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Dans le Politique, il a défini l’homme royal comme appartenant à la catégorie de ceux qui ordonnent, τυγχάνει τò τῶν ἐπιταϰτιϰῶν γένος 104 et il le distingue de tous ceux qui se contentent en tant que magistrats, en particulier s’ils sont des hérauts, de transmettre à d’autres les ordres qu’ils ont reçus sans les avoir conçus, τò

ϰηρυϰιϰòν ϕῦλον ἐπιταχθέντ’ ἀλλότρια νοήματα παραδεχόμενον αὐτò δεύτερον ἐπιτάττει πάλιν ἑτέροις 105 . Ce dirigeant parfait maîtrise une science à la fois théorique et directive, τò ἐπιταϰτιϰòν μέρος [τῆς γνωστιϰῆς ἐπιστήμης]. Cela lui impose de ne pas quitter le chantier jusqu’à ce que l’ouvrage de mise en place de l’État qu’il aurait entrepris fût achevé, car sa fonction n’est pas seulement de concevoir mais d’être toujours là pour donner en personne les ordres nécessaires aux ouvriers qui le réalisent, προστάττειν ἐϰάστοις τῶν ἐργατῶν. Le responsable d’un bureau d’études, le métreur, ὁ λογιστής, a le droit pour sa part de ne pas vouloir participer au processus même de la construction et de s’en aller quand il le souhaite, ἀπηλλάχθαι, à condition qu’il ait fourni le résultat de ses calculs 106 . Les lois écrites devraient, chez les Magnètes, pouvoir, agir selon ce même principe de la présence attentive, il ne faut jamais qu’un tyran ou un maître les inscrive sur les murs d’une cité et s’en aille après avoir dicté des volontés à respecter jusqu’à la fin des temps, il faut qu’elles ressemblent à un père ou une mère qui sont l’un et l’autre toujours proches de leurs enfants et nécessairement compréhensifs, ἐν πατρός τε ϰαὶ μητρòς σχήμασι ϕιλούντων τε ϰαὶ νοῦν ἐχόντων ϕαίνεσθαι τὰ γεγραμμένα 107 . Elles doivent, ainsi, toujours suivre, protéger, mais, surtout, diriger la vie de chacun de ceux qui sont nés, par elles, à la vie citoyenne. 25

La loi est présentée comme un ordre si prégnant qu’il doit imposer une obéissance absolue aussi bien aux citoyens ordinaires qu’aux magistrats qui apparaissent comme ses esclaves les plus consentants, δοῦλοι τοῦ νόμου 108 . S’ils ne le sont pas, c’est la cité qui leur devient soumise. Ce rapport prétendu au politique dans sa dimension proprement institutionnelle semble imposer le renoncement volontaire de chacun à son statut d’homme libre car il faut qu’il choisisse de s’asservir volontairement, ἑϰών 109 . Cela

signifie qu’il accepte que toute forme d’expression politique soit censée n’avoir de prolongement que dans l’exécution immédiate puisque le discours fait à l’esclave est censé ne pas souffrir de difficulté dans l’exécution qui aurait pu nuire à la félicité de la parole ordonnatrice. La voix de la loi doit être, ainsi, le discours performatif parfaitement réussi 110 . Chacun, ordonnant et obéissant en fonction de la situation qui est la sienne en un moment donné, doit se tenir à la place assignée. L’anarchie serait, ainsi, extirpée du domaine de l’homme. Accepter de se soumettre ainsi aveuglément aux règles peut sembler pourtant tout à fait paradoxal même à un philosophe puisque l’esprit véritablement libre ne devrait jamais se faire l’esclave de quiconque, ni d’aucun ordre car toujours la science vraie doit en toute raison l’emporter sur tout pouvoir, ἐπιστήμης oὔτε νόμος oὔτε τάξις οὐδεμία ϰρείττων 111 . 26

Socrate, par son acceptation volontariste des règles régissant la cité qui lui proposait la mort, avait pu démontrer que la grandeur du sage pouvait être d’obéir à des ordres même quand il savait que les prémisses en étaient injustes. Le sens du devoir, vertu proprement morale, pouvait faire que l’on acceptât de se soumettre et d’abdiquer en apparence sa liberté personnelle en choisissant de la vouer au service de la loi seule. L’Athénien du dialogue signale comme exemplaire le fait qu’aux temps des Guerres Médiques, ses ancêtres avaient voulu que cette abdication vertueuse de leur volonté propre devînt leur souveraine maîtresse et que, pour ce faire, ils avaient justement choisi d’obéir aveuglément aux lois, δεσπότις ἐνῆν τις αἰδῶς δι’ ἥν δουλεύοντες τοῖς τότε νόμοις ζῆν ἠθέλομεν 112 comme l’avaient fait les Spartiates aux Thermopyles. Platon feint d’oublier que le sens de l’honneur se nourrit, dans l’armée magnète comme ailleurs, de la crainte d’être mal jugé par l’opinion par ses camarades, δόξα. C’est une sorte de honte, αἰσχύνη, qui conduit celui

qui ne veut pas être considéré comme mauvais, ϰαϰός, à se soumettre au regard des autres 113 . Il sait, pourtant, que la vertu consiste à mener contre soi-même la guerre pour progresser, πολέμου ἐν ἑϰάστοις ἡμῶν ὄντος πρòς ἡμᾶς αὐτοὺς 114 et que le seul moyen d’atteindre à la vertu est d’être capable d’être à la fois plus et moins que soi-même, τò ϰρείττω ἑαυτοũ ϰαὶ ἥττω εἶναι 115 . Démocrite avait déjà su dire que "c’est à soi-même que l’on doit manifester le plus de respect" 116 "pour donner loi à son âme de ne rien faire qui ne soit convenable", ἑαυτὸν μάλιστα αἰδεῖσθαι ϰαὶ τοῦτον νόμον τῇ ψυχῇ ϰαθεσθάναι ὥστε μηδὲν ποιεῖν ἀνεπιτήδειον. Il semble que cette leçon n’ait put convenir à la vie sociale que prétendaient construire les bons vieillard du dialogue. 27

L’usage revendiqué de la forme épitactique pour le discours juridique donnait une forme spécifique au système politique proposé 117 , d’autant plus que cette modalité résultait d’un choix dont on savait, à l’époque, qu’il n’était pas le seul envisageable. La tradition des nomothètes avait su proposer des modèles différents. Zaleucos s’était, par exemple, contenté d’autoriser, en décrivant leur usage de façon à les déconsidérer, les façons de faire dont il aurait souhaité qu’elles disparussent, mais qu’il ne prétendait pas devoir, ou pouvoir, interdire formellement. Les ivrognesses acquéraient, ainsi, de leur intempérance le droit, qui leur était réservé, de sortir de chez elles avec plus d’une servante, celles qui allaient voir leur amant celui de passer la nuit hors de leur maison. Les prostituées pouvaient seules se vêtir d’un vêtement de pourpre, les invertis ou les souteneurs porter des bijoux d’or et de manteaux de laine milésienne. Des textes juridiques de ce genre ne donnaient pas d’ordre ni n’interdisaient aucune pratique même déplorable. Ils servaient à ce que chacun des justiciables pût trouver à se définir, aux yeux de ses concitoyens, par des actes dont l’accomplissement,

même s’il n’était pas interdit, imposait qu’il acceptât la qualification qu’il était censé induire 118 . La nature de la personne pouvait être immédiatement déduite, par tous, de sa façon de se conduire sans qu’il fût besoin d’une procédure spécifique, sinon pour d’éventuelles vérifications 119 . Si telle personne éprise de débauche ou d’un luxe tapageur ne supportait pas les commentaires, la honte ou le ridicule qui s’attachait à sa personne du fait de sa pratique et du regard que ses concitoyens portaient sur elle, τὴν αἰσγρὰν ἀϰολασίαν ὁμολογήσας καταγέλαστος ἐν τοῖς πολιταῖς εἶναι, elle pouvait modifier ses façons de faire 120 . Le législateur pourrait s’en montrer satisfait, néanmoins il n’avait lui-même introduit dans la rédaction de ses lois rien qui pût ressembler à l’expression d’une injonction ou même d’un souhait 121 . M. Villey avait constaté que "le code pénal ; article 302, ne nous interdit pas de tuer", en effet, "le droit pénal s’occupe des peines". Zaleucos, comme le ferait plus tard Portalis qui avait "pris soin de n’insérer dans le code civil aucune «  règle de conduite  », impératif ou norme d’action", n’interdisait rien, il se contentait d’indiquer de quelle façon devait être qualifiée l’auteur de telle ou telle façon de faire pour qu’elle fût autorisée 122 . Ce n’est pas, évidemment, parce qu’il ne donnait aucun ordre que le système de Zaleucos pouvait passer pour libéral. La loi semblait une toile d’araignée dans laquelle pouvait venir se prendre et s’exposer au regard toute personne entrant dans la sphère de sa validité 123 . Les justiciables étaient confrontés à des images réductrices pré qualifiées et ne devaient pas prétendre être autre chose que leur apparence, sous peine d’être punis s’ils voulaient la récuser. La révélation de la nature profonde de chacun étant supposée parfaitement accomplie dans certains actes pourtant définis comme licites, chacun se trouvait, en quelque sorte, obligé d’y souscrire dans chacune des manifestations qu’il faisait de lui-même, comme si

elle avait, ainsi, été inscrite sur sa peau même 124 . Il n’était pas évidemment question de juger des intentions de l’individu, d’autant moins qu’aucun juge n’était convoqué pour traiter de cas dont la résolution était laissée à l’opinion publique. Les choix de Platon, qui, au contraire souhaitait personnaliser l’expression de la loi, moyen pour des règles de ne pas passer pour lointaines et tyranniques, induisait des conséquences importantes et, d’une certaine façon, paradoxales.

Ordre et dialogue 28

Au plan linguistique, l’expression d’un ordre, implique nécessairement le destinataire dans le discours qu’on lui tient, car son expression ne trouve sens que dans la réponse qui lui est donnée. Si la loi prétend à l’épitactique, elle est, nécessairement, une intervention directe du discours législatif dans le temps de chaque justiciable. Cela interdit au législateur toute parole proprement autonome, le destinataire acquiert un statut de réciprocité, dans le jeu d’un dialogue qu’il ouvre à propos d’une action qu’il impose ou interdit. Quand elle prétend se donner la forme d’une ordonnance, la loi se révèle incapable de construire l’éternité dont doit rêver l’organisateur d’un système politique, d’accéder à l’intemporel de tous les éventuels 125 . Platon est parfaitement conscient de ce que le choix de la forme de l’ordonnance est dangereux car il provoque une intrusion de l’assujetti dans le jeu du discours législatif. Cela lui paraît assez gênant pour qu’il essaie parfois par un bricolage peu convaincant d’empêcher le destinataire d’entrer dans le jeu discursif.

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Ainsi l’introduction du texte sur les héritages prétend s’adresser aussi bien aux vivants qu’aux morts pour bien signifier que puisqu’il n’est pas possible d’entrer en situation de dialogue avec les morts, les ordres qu’on leur adresse ne doivent pas être considérés comme

leur prêtant quelque voix que ce soit qui puisse être une réponse. Par glissement, il peut être imaginé qu’il en est de même des vivants, ils sont objets que la parole construit et fait agir sans que leurs réactions éventuelles doivent être considérées comme une réponse 126 . Le discours de la loi est, ainsi, présenté comme parfaitement autonome et monologique, indépendant de toute réaction possible de l’assujetti, comme si même l’obéissance n’était pas nécessaire pour qu’il aboutisse. Dans ce texte, qui se prête bien à ce jeu métaphorique et conceptuel, par effet rhétorique, il est possible de n’envisager les vivants que dans le seul transitoire de leur passage pour mieux nier la spécificité de leur état, de nier la matérialité de la vie et du temps et de faire en sorte que ne puisse pas se construire une connivence entre le nomothète et le particulier. Ne pas attacher d’importance à l’existence physique du destinataire veut témoigner de ce qu’une loi n’appartient pas au discours ordinaire. Dans son contenu même d’ailleurs, la loi précise combien le justiciable même vivant n’existe guère en tant que personne et ne doit pas être considéré comme une instance de réponse. Il semble que la dépersonnalisation du justiciable puisse être nécessaire à la construction du droit comme système particulier. Le point d’application même de la loi le permet et le sens même des mesures prises parachève le propos. Le texte récuse, en effet, tout droit personnel à la propriété foncière et fait donc de chaque citoyen détenteur d’un des 5040 lots de terre, qui ont été répartis entre les cofondateurs de Magnésie, le simple usufruitier d’un domaine qui n’aurait jamais cessé d’appartenir à la cité ou à sa famille, ascendants et descendants à la rigueur, τò γένος τò τε ἔμπροσθεν ϰαὶ τò ἔπειτα ἐσόμενον 127 . N’ayant pas d’histoire propre, disparaissant dans sa race, absorbé dans la cité toute entière, le destinataire ne semble pas devoir trouver la moindre occasion de pouvoir se manifester, de se

poser personnellement en interlocuteur du nomothète et de participer par sa façon de recevoir une parole qui lui serait spécifiquement destinée à l’élaboration d’un droit devenant réalité dialogique 128 . 30

Le législateur en use d’une façon quelque peu différente, mais en fonction des mêmes besoins prophylactique, quand il est question de traiter des grands crimes, dont les auteurs potentiels ne peuvent être que des monstres. Leur existence dans la cité est présentée comme improbable mais elle doit être envisagée parce qu’il faut être complet dans la rédaction du code. Le législateur ne s’adresse pas directement au criminel mais projette l’expression de l’interdiction de les commettre à un niveau tel qu’il puisse trouver un interlocuteur acceptable. Il choisit, donc, ne pas évoquer directement, fût-ce pour l’interdire, le crime de parricide. Il se contente d’indiquer qu’il ne faut pas qu’une loi soit jamais promulguée qui puisse un jour l’autoriser comme s’il fallait qu’il en passe par ce moyen contourné pour faire qu’un tel crime puisse être strictement interdit 129 . Quand il énonce par ailleurs la loi proprement dite concernant ce type de meurtre, il choisit de ne pas évoquer la possibilité d’une interdiction, à proprement parler, et se contente d’indiquer que tout meurtrier de ses parents sera mis à mort, le cadavre du coupable devant être lapidé. Le refus de donner corps et parole au criminel potentiel est rendu manifeste par l’emploi des termes les plus vagues possibles pour le désigner, ainsi que l’usage d’anaphoriques neutres pour désigner les morts que l’on doit venger et le crime lui-même. Il est donc question de celui qui est convaincu d’un tel meurtre perpétré sur les personnes susdites, ἐὰν δέ τις ὄϕλη ϕόνου τοιούτου, τούτων ϰτείνας τινά. Quant au législateur, il essaie de se dissoudre en tant que responsable individuel de la prescription dans l’ensemble des hommes mortels et

de se cacher en tant que destinateur derrière la loi placée en position de sujet, le nomothète s’efface derrière elle, c’est elle qui ordonne comme s’il n’était pas besoin que quelqu’un se fît son rédacteur ou sa voix, ὁ παρὰ τοῦ θνητοῦ νομοθέτου νόμος ὧδε περὶ τῶν τοιούτων νομοθέτει 130 . 31

Le plus souvent, néanmoins, Platon ne se soucie pas d’en passer par ce niveau d’écriture et ne cherche pas à donner à ses textes législatifs une forme qui les distinguerait du langage politique tel qu’il est construit dans les discours d’assemblée. Il semble n’avoir pas souhaité éviter ainsi les rapports directs entre le nomothète et le justiciable. Il se présente comme un interlocuteur incontournable en insistant sur sa responsabilité dans la rédaction des textes. Il peut d’ailleurs se poser en destinataire de sa propre loi pour bien montrer qu’elle le désigne comme son concepteur et accessoirement comme soumis à elle ainsi que les législateurs mythiques qui se sont suicidés pour y obéir, λόγος ἡμῖν περὶ τούτων ὅδε νόμος ϰείσθω 131 . Il s’engage personnellement en employant la première personne du verbe pour préciser d’un "je veux dire" ce qu’il souhaite faire comprendre à propos du suicide dont il avait proposé une définition énigmatique, λέγω δὲ ὃ ἃν ἐαυτòν ϰτείνῃ 132 . Tout aussi significative est la manière extrêmement vivante dont est rédigée la loi sur la propriété mobilière privée et les dépôts enfouis, on passe de l’impersonnel "que personne"..., μήτε οὖν τις, à une interdiction qui semble formulée par le destinataire lui-même comme s’il répondait directement au législateur qui l’institut comme sujet, "ce que j’aurai trouvé, je ne l’enlèverai pas", μήθ’ εὑρὼν ϰινήσαιμι. Le texte est construit tout entier comme une saynette qui mêle les réflexions morales aux considérations d’opportunité, fait intervenir de façon très vivante divers personnages accessoires, devins ou législateurs anciens avant que l’interdiction ne soit finalement

formulée de façon tout à fait impérative à la seconde personne "ce que tu n’as pas déposé, ne l’enlève pas", ἃ µὴ ϰατέθου, µὴ ἀνέλῃ 133 . 32

Platon sait user de la structure hypothético-répressive du type "si quelqu’un fait... alors il" 134 et se révèle parfaitement capable d’envisager toutes les éventualités imaginables et de construire l’image potentielle d’un justiciable impersonnel. Il utilise, néanmoins, le plus souvent, la syntaxe de la langue quotidienne et donne ainsi la vie aux personnages auxquels il s’adresse. La loi se valide de la réponse qui lui est donnée. C’est naturellement pour cela qu’il regrette de devoir figer sa parole dans une écriture incapable de s’adapter aux divers moments de l’existence de chacun des Magnètes. Même après avoir renoncé à la possibilité de le découvrir, il continue de penser qu’il devrait être possible qu’un dirigeant parfait doté de la véritable science politique puisse se tenir auprès de chacun pour lui glisser à l’oreille les ordres nécessaires et parfaitement adaptés à chaque situation, tout le droit se dissoudrait ainsi dans le contact permanent de chacun avec la source même d’où sourdrait la parole de lois toujours parfaites car parfaitement topiques 135 . Législateur mais tenant à conserver par la forme épitactique de son discours un rapport direct avec le justiciable, l’Athénien devient en quelque sorte un substitut de politique 136 . C’est d’ailleurs cet engagement dans le texte qui justifie l’utilisation des prologues, par lesquels il s’engage à convaincre. Ordonner, persuader, sont les deux volets d’une même pratique.

Prologues Fonction des prologues

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Le jeu de la rhétorique personnalisant le destinataire tient à ce que Platon sait très bien qu’il n’est pas possible de se contenter de l’assertion normative pour obtenir l’obéissance, ni de l’incitation ou de la répression. Le législateur ne peut se contenter d’ordres ou de défenses, de ne promulguer que des lois menaçantes, ἐπὶ πᾶσιν τάξεις ϰαὶ ζημίας ἐπιτιθέντα ἀπειλητιϰά νόμιμα τιθέναι 137 . Dans la cité des esclaves de la loi le véritable nomothète doit agir pourtant comme le médecin libre qui soigne des hommes libres, qui prend le temps d’expliquer ce qu’il fait, d’instruire son patient, qui ne prescrit rien sans avoir persuadé son malade, l’avoir adouci, et convenablement disposé par la persuasion, οὐ πρότερον ἐπέταξεν πρὶν ἄν πῃ συμπείςῃ 138 . Un pareil médecin prend le risque de passer aux yeux de l’empirique pour un insensé qui ne soigne pas son malade, mais l’instruit comme s’il fallait non pas lui rendre la santé mais faire de lui un confrère 139 . Il est difficile d’imaginer qu’une société soit entièrement composée de médecins et cette façon de présenter les réalités ne peut être que métaphorique, en revanche le bon législateur est parfaitement conscient de ce qu’il a pour fonction de faire entrer chacun des citoyens dans la sphère du savoir politique en lui proposant le régime qui lui conviendrait. Il doit savoir guérir les maux individuels et collectifs, permettre à qui se soumet aux lois qu’il propose d’accéder par l’obéissance à une vertu qui le rapprocherait de sa perfection 140 . Le législateur doit donc associer la persuasion aux interdictions, τò πείθειν ϰαὶ τò ἀπειλῖν, l’élément persuasif est procuré par la publication d’un prologue, προοίμιον 141 , παραμυθία parfois 142 , préludant à chaque loi ou du moins à la plupart 143 . Devenu rhéteur et cherchant à persuader les citoyens le législateur fait entrer ses écritures dans le corpus de tous les textes publiés dans la ville, il y paraît des œuvres nombreuses, diffusées par l’écriture ou l’oral,

celles du nomothète en font partie, γράμματα μέν που ϰαὶ ἐν γράμμασιν λόγοι ϰαὶ ἄλλων εἰσὶ πολλῶν. Comme si Platon ne reconnaissait là encore aucune spécificité au langage juridique, l’Athénien prétend ainsi pouvoir rivaliser avec les plus grands poètes pour enseigner aux gens qui désirent être heureux comment il faut vivre, ὡς ἐπιτηδευτέον τοῖς μέλλουσιν εὐδαίμοσιν ἔσεσθαι 144 . Ce qu’il sait pourtant n’être point le cas car l’écriture de la loi doit être différente de la littérature où le client dicte sa vérité au poète. Celui-ci doit louer la richesse chez l’homme fortuné, l’économie chez le parcimonieux. Il ne sait jamais où est la vérité dont en fait il ne se soucie guère puisqu’il se sait instruit par les muses et qu’il ne se sent jamais responsable de la véracité des mots qu’elles lui dictent 145 . En revanche, le législateur, pour être compris puis obéi comme il convient, doit définir avec exactitude la signification des termes qu’il emploie, par exemple ce qu’est la juste mesure, σοὶ δὲ οὐχ oὕτω ῥητέον ὡς νῦν εἶπες μέτριον εἰπών, ἀλλὰ τι τò μέτριον ϰαὶ ὁπόσον ῥητέον, sous peine de ne jamais pouvoir opérer la mutation en loi des textes qu’il écrirait, τòν τοιοῦτον λόγον μήπω σοι διανοοũ γίγνεσθαι νόμον 146 . C’est là que le dialogisme instauré par le choix de l’ordonnance comme fondement de l’ordre juridique trouve ses limites. C’est, en effet, par la mise en place d’un code langagier prétendu véridictif que le législateur impose ses vues sans que le justiciable doive se sentir autorisé à entrer en rapport égalitaire avec lui, sans même que sa réponse soit sollicitée, comme elle l’est par l’émission d’un ordre, puisque le référent est ailleurs et prétendu immuable.

Typologie des prologues 35

Provisoirement, il est possible d’entrer dans le jeu platonicien d’avoir l’air de vouloir convaincre et de pouvoir rivaliser par ses

écrits avec toute oeuvre littéraire existant dans la ville. Le dialogue commence par un prélude général qui s’adresse aussi bien au justiciable qu’à la commission législative qui serait chargée de la fondation de la cité 147 . Il prépare la présentation du corpus des lois proprement dites 148 , s’étendant pratiquement jusqu’à la fin du livre IV 149 , développant de façon considérable le modèle des prologues connus pour être ceux de Zaleucos ou de Charondas. Ce dernier, pour sa part, avait commencé son ouvrage en invoquant les dieux comme il convient de le faire si l’on veut aboutir à quelque chose, τοὺς βουλευομένους ϰαὶ πράττοντάς τι ἀπò θεῶν ἄρχεσθαι χρή 150 , et conclu en rappelant que la loi impose que tout citoyen les respecte, connaisse ces préludes et sache réciter lors des fêtes quels étaient les ordres du fondateur de la cité pour que leur leçon s’enracine en chacun d’eux 151 . Les participants au dialogue des Lois ont le sentiment d’être les premiers à avoir envisagé que ce ne soit pas seulement le code dans son ensemble qui soit précédé d’un prélude, mais chacune des lois, sur le modèle de ce que faisaient les compositeurs de musique pour chacun de leurs morceaux. Ils soulignent que les nomes du chant citharédique, ϰιθαρωδιϰῆς ᾠδῆς λεγομένων νόμων, et tous les airs de musique sont précédés de.préludes merveilleusement travaillés, mais que, pour ce qui est des lois proprement dites, appelées politiques, τῶν δὲ ὄντως νόμων ὄντων νόμων oὓς δὲ πολιτιϰούς εἶναί ϕαμεν, personne n’avait jamais parlé de prélude et aucun compositeur n’en avait produit, comme si, par nature, cela ne se faisait pas, ὡς οὐϰ ὄντoς ϕύσει 152 . Une loi précédée d’un prologue doit être appelée double, διπλοῦς νόμος, bien que l’Athénien tienne à préciser que celui-ci n’appartient pas au texte de la loi proprement dite qui est appelée la loi pure, νόμος ἄϰρατος 153 . Chaque loi est ainsi accompagnée d’un texte dont les leçons doivent servir à éduquer au bien avant qu’elle ne vienne

punir les éventuels auditeurs rétifs aux instruments de persuasion qu’il prétend mettre en oeuvre. Ce n’est en effet que si le prologue des lois pénales n’a pas réussi à emporter l’adhésion complète du justiciable que l’on fait appel aux instances judiciaires. La mise en oeuvre des lois, qu’elles aient su convaincre par leurs prologues, ou qu’elles doivent punir par la violence de la justice, conduit ceux qui n’auraient pas été touchés par les arguments persuasifs à changer de moeurs, τῶν νόμων αὐτῶν ἡ διέξοδος, τὰ μὲν πείθουσα, τὰ δὲ µὴ ὑπείϰοντα πειθοῖ τῶν ἠθῶν βίᾳ ϰαὶ δίϰῃ ϰολάζουσα 154 . 36

La diplomatique’de Platon n’est pas systématique. Aussi, la construction de ce qu’il présente comme des lois doubles n’est pas la même dans tous les cas qu’il propose. Celle qu’il présente comme un modèle est la loi sur le mariage mais la forme en est la plus atypique de toutes, son schéma complexe n’étant repris pour aucune autre. Curieusement, en effet, elle associe en un discours continu prélude et dispositions législatives. L’Athénien présente d’abord sous forme d’une loi simple l’ordre de se marier après trente ans et avant trentecinq ans, ἀπλοῦς, γαμείν δέ, ἐπειδὰν ἐτῶν ᾖ τις τριάϰοντα, μέχρι ἐτῶν πέντε ϰαὶ τριάϰοντα, celui qui ne respecterait pas cet ordre se verrait infliger une amende et serait privé d’une partie de ses droits civiques, εἰ δὲ µή, ζημιοῦσθαι χρήμασιν τε ϰαὶ ἀτιμίᾳ 155 . Puis est proposé le texte de la loi dite double. Elle commence par les mêmes mots, γαμείν δέ, ἐπειδὰν ἐτῶν ᾖ τις τριάϰοντα μέχρι ἐτῶν πέντε ϰαὶ τριάϰοντα, mais, au lieu d’énoncer aussitôt ce que serait la peine infligée à celui qui n’obéirait pas, s’étend en considérations générales sur les aspirations de la race humaine à l’immortalité, sur la nécessité qu’il y a à ce que celle-ci se perpétue. La texte se désigne alors expressément comme loi et définit son destinataire sous deux formes possibles, le citoyen obéissant, πειθόμενος τῷ νόμῳ, sera tenu quitte de toute peine, ἀζήμιος ἀπαλλάττοιτο ἄν, celui qui ne le fait

pas, µὴ πειθόμενος δὲ au, sera puni s’il ne s’est pas marié avant trente-cinq ans, μηδέ γαμῶν ἔτη τριάϰοντα γεγενώς ϰαὶ πέντε, ζημιοῦσθω. Chacun des citoyens est concerné dans cette logique où il semble impossible de ne pas prendre position active pour obéir ou désobéir, la loi définissant le non-criminel comme devant être soumis à une non-peine car la sanction paraît constitutive de l’expression législative. La loi semble parler ainsi à tous les justiciables indifféremment et l’horizon de toute législation semblant ainsi être la répression il est logique que tout innocent puisse être considéré comme celui qui sait échapper à la punition 156 . Ensuite seulement vient une sorte d’exposé des motifs qui souligne que le célibat ne doit pas être source de profit et de vie facile pour qui s’y complait, ἵνα µὴ δοϰῇ τὴν μοναυλίαν oἱ ϰέρδος ϰαὶ ῥᾳστώνην ϕέρειν. Cette rédaction est l’exemple d’une rédaction qui entrelace au texte même des lois des appréciations sur ce qui paraît beau ou non au législateur, ὅσα ϰαλὰ αὐτῷ δοϰεῖ ϰαὶ µὴ ϰαλά εἶναι [τòν νομοθήτην] νόμοις ἐμπεπλεγμένα γραϕειν 157 et dont il est question à propos de la loi concernant la chasse, qui ne répond pas à ce programme mais a l’originalité d’être précédée d’un prologue suivi d’une exhortation prenant la forme d’un texte double, éloge et blâme, ἔπαινος ϰαὶ ψόγος 158 , car la loi sur le mariage est la seule à avoir été présentée sous cette forme. 37

Dans la plupart des cas, le prologue est distinct du texte de la loi qu’il précède, il demande au citoyen de ne pas se mettre dans le cas d’être puni par la loi. Celle-ci est écrite à la seule intention de celui qui n’aurait pas été convaincu d’obéir à ses objurgations. Elle se tait s’il est dans le cas de l’avoir été, τῷ μὲν πειθομένῳ τòν νόμον ἐᾶν σιγῇ δὲ, et ne parle qu’à celui qui doit l’entendre, elle ne tonne que pour qui ne s’est pas laissé persuader, τῶ δὲ ἀπειθοῦντι μετά τò προοίμιον ἄδειν μέγα 159 . Elle n’a rien à annoncer à celui qui

convaincu par l’argumentation du prologue de ce que tout crime est puni d’abord dans l’Hadès et lors du retour de l’âme en un nouveau corps sur la terre est assez inquiet pour bien se conduire, seul celui qui n’a pas compris est concerné par les règles qu’elle énonce par écrit, πειθομένῳ μὲν δὴ ϰαὶ πάντως ϕοϐουµένῳ ἐξ αὐτoῦ τοῦ προοιμίου τὴν τοιαύτην δίϰην οὐδὲν δεῖ τòν ἐπὶ τούτῳ νόμον ὑμνεῖν ἀπειθοῦντι δὲ νόμος ὅδε εἰρήσθω τῇ γραϕῇ 160 . Le concept même de la loi double procure diverses difficultés d’écriture et de lecture. 38

Au plan formel on constate, d’abord, que dans ces lois doubles le texte législatif proprement dit fait parfois explicitement référence à ce qui a été exposé dans le prologue. Ainsi le fait-il, par exemple, pour éviter de reprendre la définition des trois causes d’impiété définies dans le prélude et qu’il aurait fallu pourtant reprendre dans la loi elle-même pour qu’elle fut parfaitement autonome et autosuffisante, περὶ ἀσέϐειαν ὄντων αἰτίαις τρισὶν αἷσπερ ϰαὶ διήλθομεν 161 . C’est un mode de rédaction qui peut passer pour correspondre au système de l’entrelacement du prologue et de la loi, mais se révèle comme étant tout à fait différent de celui qu’ont pratiqué les cités historiques dans lesquelles les considérants qui justifiaient et permettaient de comprendre la teneur d’un décret étaient syntaxiquement liés à la signification de la décision prises par un "attendu que", ἐπειδή, qui assurait la caténisation du texte, le rendant parfaitement autarcique par sa syntaxe et son contenu autoréférentiel 162 .

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Par ailleurs, il faut bien admettre que la logique du rapport de la loi au prologue n’est pas toujours clair, car il peut se faire que le prologue et la loi, dont il explique la fonction et justifie la nécessité, n’aient pas exactement le même destinataire, ce qui témoigne de ce que la répression ne s’adresse pas toujours au personnage que l’on aurait prétendu convaincre. On constate, par exemple, qu’un même

prologue peut être associé à trois lois différentes qui concernent les citoyens, les étrangers et esclaves, les nomophylaques 163 , justiciables trop différents les uns des autres pour qu’une même argumentation puisse leur convenir. Plus significatif du problème qui se pose, est le fait que la loi sur les fraudes en matière commerciale concerne d’abord le marchand étranger, seul autorisé à faire commerce, à qui il est interdit de modifier le prix de ses marchandises durant toute la durée du marché ou de la vanter en assurant par serment de sa qualité, elle adresse à lui seul, d’abord, ses ordres, ὁ πωλῶν μηδέποτε δύο εἶπῃ τιμὰς ὧν ἂν πωλῇ, ἔπαινος δὲ ὅρϰος τε περὶ παντòς τοῦ πωλουμένου ἀπέστω 164 . Ce texte est précédé d’un prologue qui est destiné à toute personne capable de jugement sur le bien et le mal quel que soit son statut, dès lors qu’il est capable d’obéir aux instructions qu’énonce le législateur, τοῖς νῦν πείθεσθαι λόγοις 165 . Il s’adresse surtout aux citoyens, dont la loi proprement dite exige qu’ils participent à la répression du délit commis par le marchand irrespectueux des ordres, s’ils le constatent. Il leur était interdit de participer eux-mêmes aux activités commerciales, mais sous peine d’être incriminés de trahison envers la loi, ἔνοχος ἔστω προδοσίας τῶν νόμων, ils doivent accomplir leur devoir de police. Cette loi témoigne, surtout ainsi, de la dualité d’une société où l’on travaille à persuader les uns de faire obéir les autres. Plus clair encore, même si la chose peut surprendre, est le cas de la loi sur la chasse qui est précédée d’un prélude énumérant les divers types de chasse et les classant selon une typologie axiologique ainsi que d’une invitation faite aux chasseurs de se conformer aux préceptes établis, il fait l’éloge de ἔπαινος, blâme des autres, ψόγος, exhorte à ne pratiquer que les formes de chasse éducative, dénonce les techniques paresseuses et purement acquisitoires 166 . La loi proprement dite s’adresse, non pas aux

chasseurs eux-mêmes pour leur indiquer ce qui leur est enjoint de faire, mais à ceux qui pourraient être tentés d’empêcher les jeunes gens honorables de chasser avec leurs chiens et leurs chevaux où bon leur semble comme ils souhaitent, ὅπου ϰαί ὅπηπερ ἂν ἐθέλωσιν ϰυνηγετεῖν, y compris, sans doute, dans les terres labourées. De même elle interdit à quiconque de laisser pratiquer des chasses nocturnes où l’on utiliserait filets et lacets, d’autoriser quiconque à pratiquer la chasse aux oiseaux dans les terres cultivées ou consacrées. Dans ses aspects répressifs, la loi concerne essentiellement les propriétaires ou les travailleurs ruraux à qui l’on interdit de chasser, comme ils l’entendent, même, sur leur propre domaine. Surtout, on se rend compte qu’ils pourraient avoir la tentation, ce que le législateur condamne, de ne pas apprécier que n’importe qui pût venir, au contraire, pratiquer sans restrictions aucunes, sur leurs propres terres, une activité, qui pour être éducative, n’en était pas moins un prélèvement de ressource et pouvait se révéler bien gênante pour les nécessités de l’exploitation 167 . Promulguer la loi sous cette forme témoigne, sans doute, qu’il peut exister de réelles tensions sociales dans la cité, jeunes gens fortunés et paysans moins riches peuvent avoir des intérêts divergents et il semble qu’ils puissent s’opposer les uns aux autres. 40

Ces distorsions dans la procédure d’adresse laissent penser que la nécessité pédagogique revendiquée par le législateur pour justifier l’adjonction d’un prologue à chacune de ses lois, et l’idée qu’il se ferait un devoir de persuader plutôt que de contraindre est, peutêtre, fallacieuse. Ce ne sont pas, en effet, nécessairement les principaux intéressés qui sont concernés par les arguments justifiant la promulgation des textes normatifs. Pour que l’Athénien paraisse parfaitement sincère quand il prétend chercher non pas à contraindre mais à convaincre les gens d’obéir aux lois 168 , il

faudrait qu’il consente à toujours prendre pour interlocuteur de ses prologues les destinataires à qui s’adresse la loi.

Prologues et ordonnances 41

La sincérité du projet persuasif peut être mise en cause d’autre façon encore. En fait le nomothète s’arroge le droit d’indiquer en ces textes ce qui lui semble bon ou mauvais, ὅσα ϰαλὰ αὐτῷ δοϰεῖ ϰαὶ µὴ ϰαλὰ εἶναι, et cet avis exprimé doit lier le parfait citoyen, τòν ἄϰρον πολίτην 169 , aussi strictement que ce à quoi la loi le contraindrait par des peines afflictives, μηδὲν ἧττον ταῦτα ἐμπεδοῦν ἢ τὰ ταῖς ζημίαις ὑπò νόμων ϰατειλημμένα 170 . Aucune possibilité de choix n’est ainsi offerte au justiciable qui doit considérer le prélude comme un impératif aussi prégnant que l’ordre promulgué par la loi.

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Cela tient à ce que Platon pense que l’expression de la raison est, par elle-même, un impératif. La loi ne sert qu’à en rendre plus efficaces les prescriptions ou les interdictions, ὧν ὁ λόγος προστάττη ἀπέχεσθαι, νόμος ἐπιχειρῶν γίγνεσθαι 171 . L’homme est comme une marionnette qui doit, sans hésiter ni résister, suivre la sainte traction du fil d’or de la raison, τὴν τοῦ λογισμοῦ ἀγωγὴν χρυσῆν ϰαὶ ἱεράν. Celle-ci est bien douce et sait, dans sa beauté, contraindre sans exercer la moindre violence, τοῦ λογισμοῦ ϰαλοῦ μὲν ὄντος, πρᾴου δὲ ϰαὶ οὐ βιαίου. Son action doit être considérée comme la loi commune de la cité, τῆς πόλεως ϰοινòς νόμος il faut toujours collaborer à ce qu’elle propose, δεῖν δὴ τῇ ϰαλλίστῃ ἀγωγῇ τῇ τοῦ νόμου ἀεί συλλαμϐάνειν et s’en faire donc les serviteurs, δεῖσθαι ὑπηρετῶν αὐτoῦ τὴν ἀγωγήν 172 . Les lois particulières servent à ajouter la force qui manque à cette douceur 173 . L’ensemble des parallélismes de ces jeux métaphoriques, dont il faut considérer qu’ils sont imbriqués, montre bien que si les prologues sont l’expression de la raison, ils sont déjà des lois dont chacun doit, volontairement et tout

naturellement, consentir à se faire l’esclave. Le prologue ne prétend emprunter les outils de la rhétorique persuasive que par soumission au style politique dominant alors qu’il n’est le plus souvent que de l’assertorique à visée incitative même si son mécanisme argumentatif est décrit comme complexe et s’il prétend vouloir convaincre le citoyen et inspirer de la crainte ou du dégoût, avant de promulguer la loi qui lui convient, ὅσα πρέπει μετὰ ταῦτα ἤδη νομοθετοῖμεν 174 . Il est facile et tentant pour le nomothète d’introduire la positivité dans le texte même de son prélude. Il renonce, alors, à argumenter pour y condamner comme inadmissible ce que la loi se charge d’interdire ensuite. Par exemple, le prologue aux lois sur l’impiété se conclut par une invite aux sacrilèges à abandonner leurs mauvaises pensées pour se tourner vers une vie pieuse, προαγορεύων ἐξίστασθαι πᾶσι τοῖς ἀσεϐέσι τρόπων τῶν αὐτῶν τῶν αὐτὦν εἰς τοὺς εὐσεϐεῖς. Cette formule, tout brève qu’elle soit, est définie comme devant servir de base interprétative à l’ensemble des lois dont elle annonce la promulgation et en résume la signification, μετὰ τò προοίμιον τοίνυν λόγος οἶος ἄν τῶν νόμων ἑρμηνευς ὀρθῶς γίγνοιτο ἡμῖν 175 . Dans ce prélude, très long et qui présente tout l’apparence d’un petit traité philosophique 176 , le nomothète se pose dès l’origine comme statutairement investi du privilège de véracité. Il se présente comme le seul détenteur d’une capacité à connaître et énoncer ce qu’il semble considérer comme des évidences dont les hommes pourraient ne découvrir la pertinence qu’à la longue et dont ils ont intérêt à se persuader, en lui faisant confiance, pour ne pas perdre de temps à trop s’interroger. Il s’ouvre sur une apostrophe qui semble admettre la possibilité du doute métaphysique mais en interdit, sans réserve ni explication, l’expression et le vécu au quotidien, "tu attendras si tu veux m’en croire de t’être fait sur les dieux une opinion autant que

possible certaine, et cependant, tu examineras lequel est vrai, de l’affirmation ou de la négation, en faisant particulièrement confiance aux leçons du législateur, πύνθανόμενος παρά τε τῶν παλλων ϰαὶ μάλιστα ϰαὶ παρὰ τοῦ νομοθέτου 177 . D’ici là ne te risque pas à rien faire d’impie à l’égard des dieux, la piété appartient bien au domaine du droit positif et Platon tombe bien dans la situation dénoncée par les sophistes. C’est, en effet, à celui qui établit pour toi une législation d’essayer de t’apprendre, maintenant et plus tard, la vérité sur ce sujet, πειρατέον γὰρ τῷ τοὺς νόμους σοι τιθέντι διδάσϰειν περὶ αὐτῶν τούτων ὡς ἔχει" 178 . Ainsi la loi ordonne, le prologue prétend convaincre, mais le sujet doit éviter de se montrer rétif à son argumentaire et doit surtout se persuader qu’il est impossible de ne pas envisager d’obéir.

Corpus législatif et réalité sociale Le criminel est l’auteur des lois 43

Si l’on veut bien admettre que le prologue s’adresse à tous les membres de la cité, la loi ne se trouve pas dans la même situation. L’essentiel du rapport des prologues aux lois tient ainsi à ce que celles-ci sont censées ne devoir être jamais rédigées, ne devoir être dotées d’une voix et se trouver en état de punir que parce qu’il existe dans le groupe politique des hommes qui ne peuvent ou ne souhaitent pas se conduire selon les principes prétendus fondés en raison qu’ils ont énoncés, ὁ δυσπειθεὶς ϰαὶ μηδὲν προοιμίου ϕροντίζων δέχοιτ’ ἂν τòν τοιόνδε ἑτοίμως ωόμον 179 . Elles ne se proposent de sévir, donc, qu’envers celui qui se révèle sourd aux invites de leurs préludes, εἰ δ’ οὖν τινα κατέχοι ϕήμη ϰωϕòν τῶν τοιούτων προοιμίων 180 .

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Même si la loi sur le mariage définit son destinataire sous deux aspects possibles, aussi bien le citoyen obéissant, πειθόμενος τῷ νομῳ, que le coupable, µὴ πειθόμενος δὲ αὖ, semblant ainsi s’adresser, ainsi, à tous les justiciables indifféremment 181 . Le discours législatif n’existe, donc, que pour et par le criminel. La loi n’a pas pour auteur le législateur, mais ceux auxquels il s’adresse. Les coupables sont ainsi les véritables artisans des lois car c’est pour eux seuls que le législateur se trouve obligé de légiférer, oὖτοι τοὺς μέλλοντας λόγους ῥηθήσεσθαι πεποιηϰότες ἄν εἶεν, οἶς δὴ τοὺς νόμους ἐξ ἀνάγϰης ὁ νομοθέτης ἂν νομοθετοῖ 182 . Allant plus loin encore, Platon avoue, même, que jamais personne n’a fait de loi, οὐδείς ποτε ἀνθρώπων οὐδὲν νομοθετεῖ seuls les évènements qui frappent les sociétés construisent des législations, τύχαι δὲ ϰαὶ συμϕοραί παντοῖαι πίπτουσαι παντοίως νομοθετοῦσι τὰ πάντα ἡμῖν, τò θνητòν μὲν μηδένα νομοθετεῖν μηδέν 183 .

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Le sens commun pense que la loi sert à corriger les fautes volontaires ou involontaires 184 et l’analyse de l’ordre juridique ne peut échapper à l’idée que l’existence du crime est, ainsi, à l’origine du droit. Selon l’adage bien connu de Théophraste, les bons n’ont besoin que d’un petit nombre de lois. Ce sont les faits constatés qui font naître les lois, elles ne sont pas établies pour envisager des faits à venir, ὀλίγων oἱ ἀγαθοὶ νόμων δέονται οὐ γὰρ τὰ πράγματα πρòς τοὺς νόμους ἀλλ’ oἱ νόμοι πρòς τὰ πράγματα τίθενται 185 . Que la loi dépendît ainsi de l’émergence du crime ou de l’erreur commise semble bien avoir correspondu à la pratique originelle des cités. La plupart des textes législatifs les plus anciens que l’on connaisse étaient publiés, en effet, pour modifier des usages dont on avait constaté la nocivité 186 . Aristote, traitant de ce thème dans une perspective plus ouverte, pensait pour sa part que la faute n’est pas construite par la loi, ni par le nomothète, mais par la nature même

du fait, οὐϰ ἐν τῷ νόμῳν οὐδ’ ἐν τῷ νομοθέτῃ ἀλλ’ ἐν τῇ ϕύσει τοῦ πράγματος 187 . Il décrit, ainsi, le caractère essentiellement réactif du processus législatif mais fait bon marché, néanmoins, du problème posé par la nécessité de qualifier tout événement constaté pour qu’il apparaisse au regard de la loi 188 . 46

Par précaution, pour tenter de réduire, de façon pragmatique, le champ de ses interventions, le fondateur de Magnésie a pris soin de limiter les activités des membres de la cité au travail de la terre dont il pense qu’il laisse dignes et libres ceux qui s’y consacrent. Les lois qu’il devrait avoir à promulguer seraient, ainsi, deux fois moins nombreuses que dans une cité maritime qui tirerait sa subsistance aussi bien de l’activité agricole que du commerce maritime, οὐ γὰρ μόνον ἡμίσεις αὖ γίγνονται νόμοι μέτριοι, πολὺ δὲ ἐλάττους 189 . Le législateur est obligé, néanmoins, de proposer les éléments d’un droit criminel, car il se rend compte qu’il existe nécessairement dans la cité des gens inaptes à tenir compte des leçons qu’il énonce dans ses discours programmatiques et ses préludes, et qu’il en existera toujours malgré l’excellence du système éducatif. Ce sont des gens si peu dignes de faire partie du groupe social qu’il y a même quelque chose de honteux à devoir évoquer les crimes scandaleux qu’ils sont susceptibles de commettre, αἰσχρòν μὲν δή τινα τρόπον ϰαὶ νομοθετεῖν πάντα ὁπόσα νῦν μέλλοµεν τοῦτο δρᾶν, νομοθετεῖν δεινòν ϰαὶ οὐδαμῶς προσϕιλές 190 . Le mieux serait de ne pas légiférer pour éviter de donner statut de destinataire, et donc existence potentielle, à ces gens répugnants. Cela correspondrait à une tradition qui voulait que l’on ne parle pas de réalités immondes pour ne pas leur donner une sorte d’existence virtuelle 191 . Cette idée appartient, sans doute, au fond commun de la rhétorique puis de la philosophie du droit. Solon n’avait pas proposé de loi contre les parricides non pas seulement quod antea commissum non erat 192 mais parce qu’il

espérait qu’il ne se commettrait jamais ce genre de crime et qu’il ne fallait pas penser qu’il put même être envisagé, διὰ τò ἀνελπίσαι 193 . Lysias prétendait que le crime de non-participation aux guerres civiles n’était pas évoqué par une loi explicite 194 , parce qu’aucun orateur ou nomothète ne pouvait imaginer que quelqu’un pût se rendre coupable d’un crime aussi scandaleux 195 . L’Athénien considère néanmoins qu’il lui est impossible de ne pas légiférer, µὴ νομοθετεῖν δὲ ἀδύνατον 196 . 47

Platon avait bien compris sans doute que le langage juridique est d’une performativité telle qu’il fait exister ce dont il parle et que, par conséquent, il sert à la mise en place du crime au sein même des institutions qu’il construit. Nul ne peut néanmoins lui reprocher d’avoir craint qu’il ne se trouvât parmi les citoyens qu’il souhaitait réunir un homme au coeur de corne, ϰερασϐόλος, que nulle cuisson ne pourrait adoucir 197 et à l’intention de qui, ὧν χάριν, il faudrait promulguer des lois concernant le pillage des temples ou les atteintes portées à la constitution. Pour tenter de trouver des excuses à cette nécessité de s’intéresser aux aspects les plus noirs de l’humanité le législateur peut prétendre qu’il ne légifère sur tel ou tel point que par acquis de conscience alors que c’est pour lui une tâche terrible mais impossible à récuser, νομοθετεῖν δεινòν ϰαὶ οὐδαμῶς προσϕιλές 198 . De façon peu convaincante, de même qu’il avait joué, par bricolage, des formules d’adresse pour éviter d’entrer en dialogue avec ses destinataires, il prétend que telle loi ne concerne que les esclaves, les étrangers, les esclaves d’étrangers qui n’auraient pas profité de l’éducation soignée imposée aux citoyens 199 .

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Le travail serait plus aisé si les philosophes pouvaient ne devoir promulguer des lois que pour des cités qu’ils auraient reçues pures ou rendues telles, μήτε πόλεως ἐθελῆσαι ἂν ἄψασθαι μηδὲ γράϕειν

νόμους πρὶν ἢ παραλαϐεῖν ϰαθαράν ἢ αὐτoὶ ποιῆσαι, s’ils pouvaient ainsi se permettre de ne tracer de lignes que sur un panneau vierge 200 , la construction d’une cité parfaite impliquant que soient abandonnées par ses habitants toutes les coutumes transmises de génération en génération, ἐϰτòς τῶν νῦν ἠθῶν ἃ ϰαὶ oἱ γονῆς ἔχουσι 201 . Ce n’est qu’à cette condition que les sages pourraient bâtir une cité qu’ils pourraient dire la leur, τὴν ἑαυτῶν πόλιν. Pourtant, même dans ce cas, ils ne pourraient se contenter de rédiger les seules lois que l’ensemble des citoyens recevraient ensemble volontiers, οὓς ἑϰόντες oἱ δῆμοι ϰαὶ τὰ πλήθη δέξονται 202 . Comme si toute législation ne pouvait échapper à l’idée que la faute est inhérente à l’homme, le meilleur des législateurs semble ne pouvoir remplir sa mission qu’en s’opposant. Comme si le panneau sur lequel il pourrait dessiner n’était jamais vierge. Chaque homme étant toujours la mémoire du passé de son âme malgré les morts et les renaissances, certains des citoyens ne peuvent jamais devenir ce que le législateur voudrait qu’ils soient et semblent ne pas pouvoir, parfois, comprendre son discours. 49

Les lois servent, ainsi, à donner l’image d’une réalité avec laquelle le nomothète est amené à transiger en tenant compte de la naissance de chacun, γένεσις, de la formation, τροϕή, et de l’éducation, παίδευσις, son art devient ainsi un art d’évaluation, d’appréciation, de qualification puis de compromis et de dialogue où les circonstances mêmes trouvent une place légitime, la force majeure à laquelle même les dieux se soumettent devant être considérée notamment comme irrépressible, ἀνάγϰην οὐδὲ θεòς εἶναι λέγεται δυνατòς βιάζεσθαι 203 , comme l’ont su depuis toujours tous les auteurs de toutes les lois 204 . La loi, par les ordres et surtout les interdictions qu’elle profère, apparaît comme le reflet de l’état moral des hommes et des relations sociales qui s’établissent dans la cité, les lois en sont ainsi

la métaphore, elles sont bien ainsi la communauté politique que définit en un hendiadyn telle formule du Criton, oἱ νόμοι ϰαὶ τò ϰοινòν τῆς πόλεως 205 . Images ambigües selon qu’on les considère dans leur statut descriptif ou dans la dynamique qu’elles proposent, les lois témoignent des divisions de la cité construite mais permettent d’envisager, en proposant des moyens répressifs nécessaire à la guérison de certains ou les modalités d’une épuration qui élimineraient les incorrigibles, un cheminement collectif vers la vertu. 50

Paradoxalement, pourtant, la loi semble ne pouvoir survivre que par la disparition du crime, car, si elle n’est pas obéie, elle se révèle invalide, ἄϰuρoς 206 . Née du crime, elle doit, sauf à n’exister plus, être validée, pourtant, par l’obéissance de tous en tous les instants, comme s’il suffisait d’un refus d’obéissance pour que se réalise l’effet de la désuétude 207 . C’est l’homme, alors, et non plus la faute qui se révèle au centre du projet du législateur. Chacun obéit ou non, mais acquiert, en préférant l’une ou l’autre réponse, un statut tel que, bien loin de devoir être considéré seulement comme un objet de droit, il est associé à la mise en œuvre de la loi parce qu’il est traité comme un sujet capable de choisir 208 . Si tous les membres d’une communauté historique doivent à leur niveau exprimer par leur obéissance leur "vouloir vivre ensemble" 209 , ils restent libres de leur réponse et donc d’accepter ou non l’existence d’un groupe politique les incluant. Il est possible, à ce niveau, de découvrir qu’au-delà de la relation dyadique établie entre le nomothète et le citoyen, la loi naît dans le cadre d’un projet social dont elle garantit la mise en oeuvre.

Loi et lien social

La force associative de la loi 51

Témoignant, ainsi, de l’existence du crime et du criminel au sein de la société, la loi prétend qu’elle est, pourtant, faite pour assurer la permanence et l’harmonie de l’association humaine à l’intérieur de la cité. Il ne faut pas qu’elle prétende se donner pour fonction d’assurer de façon spécifique le bonheur particulier de telle ou telle catégorie sociale ou fonctionnelle dans la cité, ὅπως ἕν τι γένος ἐν πόλει διαϕερόντως εὖ πράξει. Elle doit être attentive à l’ensemble du groupe politique. Par la persuasion ou la contrainte, elle doit se soucier de réunir et d’associer les citoyens les uns aux autres, ξυναρμόττων τοὺς πολίτας πειθοῖ τε ϰαὶ ἀνάγϰῃ, de telle sorte que soit conforté le lien de la cité 210 . Elle leur impose, d’ailleurs, de jurer de bien s’entendre et partout en Grèce ils sont censés le faire, ἐν τῇ Έλλάδι νόμος ϰεῖται τοὺς πολίτας ὀμνύναι ὁμονοεῖν ϰαὶ πανταχοῦ ὀμνύουσιν τòν ὅρϰον τοῦτον 211 . On passe naturellement de l’idée selon laquelle les sentiments des citoyens peuvent se plaire à partager des sentiments communs et haïr d’un même coeur, χάρματα δ’ἀντιδιδοῖεν ϰοινοϕιλεῖ διανοία, στυγείν μιᾷ ϕρένι 212 , à celle que la cité toute entière puisse vivre et sentir comme un seul corps, ce que souhaite explicitement Platon 213 . L’idée qu’il existe un accord des hommes concomitant sinon préalable au moment où ils avaient choisi de vivre ensemble est évidemment très répandue. On peut s’en tenir à l’opinion exprimée par Démosthène parce qu’elle participe de la sagesse partagée par tous ses contemporains selon laquelle la loi est présentée comme une convention commune à la cité, πóλεως συνθήϰη ϰοινή, en fonction de laquelle il convient que vivent ses membres 214 . L’emploi de συνθήϰη n’y est pas indifférent dans la mesure où sa mise en corrélation avec νόμος semble, de façon surprenante, rare dans les discours tenus devant les tribunaux.

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Si l’on en reste aux développements des théoriciens, on se rend compte que le concept de société contractualisée ne paraît pas toujours nécessaire. Aristote récuse ainsi, au nom de la naturalité du corps politique, la théorie même d’un contrat originel qui serait nécessaire à la constitution de la société 215 . La loi ne peut, à son avis être considérée comme une garantie réciproque ἐγγυητὴς ἀλλήλοις τῶν διϰαίων 216 , ni symétriquement la cité comme une simple communauté d’installation qui s’accompagnerait d’un refus de se faire l’un à l’autre du tort et permettrait les échanges de services, ϰοινωνία τοῦ τόπου ϰαὶ τοῦ µὴ ἀδιϰεῖν σϕᾶς αὐτοὺς ϰαὶ τῆς μεταδόσεως χάριν 217 . La cité n’est pas simplement une communauté d’intérêts 218 . Si elle naissait d’un acte spécifique d’association, la cité serait une alliance mais une alliance n’a rien à voir avec un système politique, ἕτερον συμμαχία ϰαὶ πόλις 219 . Des alliés sont des individus ou des collectivités interchangeables, parce que semblables, et dont il est seulement important qu’ils soient assez nombreux pour constituer une force militaire conséquente. La cité doit au contraire faire vivre ensemble des personnes de fonction, de statut et de dignité divers, ἐξ ἀνομοίων ἡ πόλις 220 qui doivent être conduits par la dynamique d’une amitié réciproque vers la vertu et le bien vivre, la communauté du bien vivre procurant la vie parfaite, ἡ τοῦ εὖ ζῆν ϰοινωνία... ζωῆς τελείας χάριν.

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Le législateur platonicien se propose de procurer aux citoyens le plus de bonheur possible et de leur permettre de vivre dans la plus grande amitié mutuelle 221 , cette amitié ne pouvant se construire que parce qu’il a lui-même une idée de ce qu’est la vertu et la justice et qu’il connaît le rythme selon lequel il doit développer son projet de codification 222 . Platon avait récusé lui-aussi la possibilité qu’il faille en passer par la théorie du contrat 223 , non pas seulement parce qu’il ne pouvait admettre les principes énoncés par les

sophistes, Antiphon sans doute 224 , mais aussi par Thrasymaque ou Glaucon. La cité naîtrait à entendre ce dernier d’un moindre mal, si suivant la nature, commettre l’injustice peut être un bien et la subir un mal. Il y a plus de désagrément à la subir que de plaisir à la commettre. Quand les hommes pratiquent les uns envers les autres l’injustice et qu’ils en ressentent le plaisir ou en subissent le dommage, ils peuvent faire la part des choses et se rendre compte qu’il leur serait plus utile de s’entendre. De là seraient nées les lois et les conventions des hommes entre eux et les ordres de la loi furent appelés légalité et justice, ἐντεũθεν ἄρξασθαι νόμους τίθεσθαι ϰαὶ συνθήϰας αὐτῶν, ϰαὶ ὀνομάσαι τò ὑπò τοῦ νόμου ἐπίταγμα νόμιμόν τε ϰαὶ δίϰαιον 225 . Platon ne pouvait accepter cette façon de voir. Il cherchait à faire naître de la pratique politique un corps social si intimement uni qu’il ne dût plus former qu’un seul corps, les parties deviendrait bien évidemment inaptes à maintenir d’éventuels rapports contractuels, sinon par métaphore, car la contractualité présuppose une altérité première et irréductible entre les associés. Surtout, il savait bien que ce n’est pas la loi qui est créatrice du lien social, car il a bien conscience que la cité précède le nomothète dans la succession des existants et qu’elle est simplement ce qui aide à conforter une association existante, ὁ βοηθῶν ἔστω τῷ τῆς πόλεως συνδέσμω 226 . Cette façon de poser le problème du politique nous ramène, bien évidemment, à l’étude du statut de Socrate dans son rapport aux lois de la cité. Le fait, en effet, que l’on puisse choisir d’entrer ou non dans le jeu du politique n’est pas étranger à la problématique de Platon, même si l’unanimité de sentiment dont il imagine qu’elle doive être la caractéristique de la cité parfaite lui interdit d’imaginer que l’on puisse être à la fois au-dedans et audehors du système constitué.

Le refus possible de la participation

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Antiphon, dans le discours Sur la vérité 227 , avait posé le problème sur des bases relativement différentes. Il pensait que le droit se fonde sur un contrat liant des personnes acceptant de s’accorder, ὁμολογήσαντες, pour qualifier ce qui doit être considéré comme honteux et punissable, pour définir la honte et fixer la peine qui doit être le prix de la faute commise, αἰσχύνη ϰαὶ ζημία. Ce qui relève du droit serait ainsi construit dans un accord explicite associant chacun aux témoins de ses façons de faire sous le regard d’un juge 228 . Il s’agit d’accepter ainsi l’évidence de la présence des autres et la puissance active de ce qu’ils pensent, δόξα 229 . Les lois qui naissent dans le cadre défini par cette association ne participent pas du système naturel car les objets de nature ne peuvent être l’effet d’un contrat, τὰ μὲν τῶν νόμων ὁμολογηθέντα οὐ ϕύντα ἐστίν, τὰ δὲ τῆς ϕύσεως ϕύντα οὐχ ὁμολογηθέντα. Aristote reprendrait ce thème, l’originalité de la conception d’Antiphon est, donc, ailleurs.

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Le sophiste semble avoir considéré que l’homme doit pouvoir ainsi faire valoir son droit à rester libre par rapport à l’Etat, dans la mesure où nul ne lui a demandé de faire un acte d’adhésion personnelle au système politique autrement que de façon implicite, et que respecter les règles définies par d’autres que lui ne peut lui apporter le moindre avantage. Les instances judiciaires, en effet, qui sont censées pouvoir punir un coupable sont incapables de le faire de telle sorte que la partie lésée trouve compensation aux dommages subis, ce qui signifie que le droit est incapable de jouer un rôle de dissuasion efficace. Le criminel trouve, en effet, plus d’intérêt à transgresser la loi en s’attaquant aux intérêts de ses voisins que le juste à respecter ses prescriptions et à accepter de s’en remettre aux tribunaux. En bref, le juste issu de la loi n’est pas capable de porter secours, ἐπϰουρεῖν, à ceux qui se confient à lui. Il n’a pas, au moment opportun, empêché celui qui subit de subir ni celui qui agissait

d’agir et, lorsqu’il est fait appel au châtiment, la justice institutionnelle n’est pas plus du côté de celui qui a subi que de celui qui a agi. Il faut, en effet, que la victime réussisse à persuader ceux qui peuvent châtier qu’elle a effectivement subi un dommage, à moins qu’elle ne puisse user de tromperie pour obtenir justice 230 . Le système de la justice, qu’elle soit de type agônal ou qu’elle fonctionne selon le système inquisitoire, la met jusqu’au prononcé du jugement sur un pied d’égalité avec celui qui l’a lésée, l’homme juste étant placé, en raison même des nécessités de la procédure, sur un pied d’égalité avec l’injuste. Il apparaît ainsi qu’entrer dans le jeu du contrat politique, πολιτεύεσθαι, ne procure aucun avantage ni matériel ni moral à l’individu honnête puisque le souci d’obtenir justice au lieu de se venger directement quand il a subi dommage ou outrage peut l’induire à envisager de devoir mettre en œuvre des pratiques injustes pour essayer de convaincre un tribunal de sa bonne-foi 231 . Platon veut que le tribunal compense les dommages causés par un coupable mais surtout qu’il soigne l’injustice dont témoigne un vol ou une violence, car il ne faut pas considérer que tout dommage causé à quelqu’un est l’effet d’une injustice, µὴ τοίνυν τις τὰς βλάϐας πάσας ἀδιϰίας τιθείς 232 . Le législateur doit ordonner au juge d’apprécier en cas de vols ou de coups non seulement le dommage subi par la victime, βλάϐη, mais aussi la nature et le degré d’injustice qui a poussé à commettre cette faute, ἀδιϰία 233 . Ce n’est pas une réponse pertinente aux constatations d’Antiphon. Si l’on doit considérer que τò ἀδιϰεῑν est contrevenir délibérément aux lois, τò ἀδιϰεῖν ἑϰόντα παρὰ τòν νόμον 234 , l’action du malfaiteur impose à la personne lésée une réaction qu’il ne peut, sous peine de dommages plus graves encore à ses intérêts, éviter de mettre en oeuvre, il n’est, donc, pas libre de se conduire comme bon lui semble. Le tribunal de la cité des Magnètes doit assurer la

compensation du dommage subi et celle-ci doit toujours être égale à sa valeur reconnue pour en annihiler les nuisances, μέχριπερ ἂν ἰάσηται τò βλαϐέν 235 , ce qui est facile dans le cas du vol mais l’est moins dans celui des violences où le magistrat doit être assez compétent pour apprécier la valeur du préjudice que le coupable doit verser à sa victime, βλάϐος... ἐϰτίνειν τῷ βλαϕθέντι τιμᾶν δὲ τò διϰαστήριον 236 . Il doit surtout infliger en sus une pénalité financière qui soit à la mesure de l’intention ayant conduit à l’acte criminel et serve à l’amendement du coupable 237 . Or les hommes ne considèrent pas que les rapports sociaux puissent avoir pour fonction essentielle l’éducation mutuelle, même s’il n’est pas souhaitable qu’elle soit exclue de leurs relations égalitaires ou non, mais sont faits pour assurer à chacun une certaine forme de confort individuel et au moins la reconnaissance d’un statut correspondant à ses qualités personnelles, deux éléments qui sont constitutifs du "bien-vivre, εὖ βιοῦν. Le seul fait d’obliger tel de ses compatriotes à ester en justice est constitutif d’un dommage dont les orateurs ne manquent pas de souligner la gravité, mais qui n’est pas, objectivement, pris en compte par le tribunal 238 . D’ailleurs l’Athénien sait parfaitement que punir le mal commis ne sert pas à grand-chose puisque le passé ne peut s’abolir, οὐ γὰρ τò γεγονός ἀγένητον ἔσται ποτέ, et ne se fait que pour préparer l’avenir, εἰς τòν αὖθις ἔνεϰα χρόνον 239 , mais ce n’est sans doute pas ce qui intéresse au premier chef la victime. Le législateur ne peut dissimuler, non plus, que le but essentiel de la compensation attribuée à la partie lésée n’est pas destinée à annuler le préjudice subi mais de rétablir au profit de la cité une certaine amitié entre les parties 240 , l’action judiciaire finit, essentiellement, par apparaître comme "l’instrument d’une police bien ordonnée" 241 .

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Dans cette situation, certains peuvent choisir de se retirer du jeu, de barbariser 242 , Antiphon pense pouvoir faire croire que certains auraient pu souhaiter devenir le barbare de leur semblable, πρòς ἀλλήλους βεϐαρϐαρώμεθα 243 , en choisissant de se conduire en individu libre de toute attache à l’égard de quiconque. Il semble penser qu’il existe bien en chaque homme du grec et du barbare, de l’animal politique et de la nature brute, cyclopéenne ou animale dont il faudrait, après les avoir assumées, se défaire si l’on veut devenir citoyen, ce qui revient à nier la priorité de la cité sur l’homme 244 . Il ne pense pas que celui qui ne souhaiterait pas citoyenniser, πολιτεύεσθαι, chercherait à exercer une puissance qui l’autoriserait à vivre selon son bon plaisir aux dépens du groupe dont il fait de bon ou de mauvais gré partie. Chacun doit avoir pris conscience, de l’expérience et des leçons reçues, que l’on n’est jamais assez fort pour le faire. Les arguments dont use Socrate, ferraillant contre Calliclès, devaient être assez admis dans tous les milieux intellectuels pour que chacun ait compris que, dans quelque société que ce fût, le nombre prime la puissance de l’individu qui se voudrait capable de régner sans entraves, l’Anonyme de Jamblique, décrivant le sort de l’homme adamantin qui doit, pour survivre, se soumettre à la loi ou disparaître devant la révolte du peuple, en est le témoin le plus sûr 245 . À celui qui souhaite vivre comme bon lui semble, sans perdre les bénéfices de son association de fait à la vie sociale, tout en sachant qu’il est illusoire de penser pouvoir faire admettre par les autres son droit à se livrer à des plaisirs trop personnels pour être partagés, il reste la possibilité d’effacer le regard des autres, fi faut se cacher, refuser de vivre dans la lumière d’autrui. Il n’est pas question en l’occurrence de chercher à se faire Gygès pour apparaître quelque jour en maître. Le choix de la ruse ne sert pas à masquer une violence qui permettrait de dominer les

autres, il est simplement repli sur soi, mais l’on attend des autres qu’ils acceptent de continuer à procurer la sécurité relative qu’ils peuvent offrir 246 . Le contrat social est décrit comme ne pouvant procurer de satisfactions qu’à celui qui se dérobe durablement au contrôle du public pour faire ce qui lui convient dans son domaine privé. Par un renversement sophistique de la logique sociale Antiphon peut alors imaginer que porter à la connaissance de la cité ce que tel aurait voulu laisser cacher peut être considéré, par celui qui est victime d’une dénonciation, comme une agression véritablement injuste. Celui qui dévoile les turpitudes de qui désirait rester caché lui fait injustement du tort, alors que pourtant celui-ci n’avait rien accompli qui fût directement contraire à ses intérêts personnels 247 . Si, en effet, l’on définit le fait de se conduire avec justice comme le fait de ne pas commettre de violence contre qui n’en commet pas contre vous, τò µὴ ἀδιϰεῖν μηδένα µὴ ἀδιϰούμενον αὐτὸν δίϰαιόν ἐστιν 248 , le témoin dénonciateur est coupable d’injustice. De façon globale, la société qui met l’homme à la merci d’un dénonciateur, et l’oblige, donc, à se cacher pour faire ce qui lui plaît, exerce une violence injuste envers ses membres. Antiphon savait sans doute que la dénonciation des crimes avait été considérée comme une absolue nécessité par l’un des premiers législateurs, Charondas qui indiquait dans ses prologues qu’il est beau de dénoncer les délinquants, du moins ceux qui fautent volontairement, ϰαλὸν ἔστω ϰαὶ μηνύειν, que c’est même un acte de piété que de dénoncer ses proches, μηνύων εὐσεϐής ἔστι ϰαὶ ϰατὰ τῶν οἰϰειοτάτων ἐξαγγέλλων, de telle sorte que la patrie et ses lois semblent protégées ainsi par une infinité de gardiens, que chacun soit surveillé par une multitude de médecins qui prendraient soin de la plus grande des maladies qui puisse l’atteindre, l’injustice, μεγίστη νόσος ἀδιϰία 249 . Antiphon s’oppose ainsi à une tradition

vénérable en se définissant comme un théoricien de l’individualisme intéressé. Si l’on est le seul, en effet, à connaître de ses actes, on accède à la possibilité de vivre selon les impulsions de ses désirs prétendus naturels tout en utilisant la justice à son plus grand avantage. 57

Néanmoins, quand le sophiste prend conscience de ce que l’anarchie et le désordre peuvent naître de la coexistence de sphères de vies privées occultées et étrangères l’une à l’autre, il lui faut se résoudre à participer au politique et à vivre en citoyen. La justice se révèle n’être pas autre chose, alors, pour lui, que ne pas transgresser les prescriptions de la cité dans laquelle on se trouve être citoyen, διϰαιοσύνη τὰ τῆς πόλεως νόμιμα ἐν ᾖ πολιτεύηταί τις µὴ παραβαίνειν 250 . L’idée qu’il faut entrer dans la logique d’un accord pour vivre ensemble est donc ainsi confortée, mais relativisée, puisqu’elle joue de l’ombre et de la positivité du droit dans les obscurités duquel il était possible de se dissimuler sans aucun doute. Platon ne pouvait admettre ces échappatoires et condamnait toute idée selon laquelle il aurait été possible de trouver le bonheur dans une injustice impunie parce que restée cachée 251 ou parce qu’elle n’aurait pas été définie comme punissable. À cette revendication de privauté, il répond en refusant absolument que le législateur laisse la moindre ouverture à une vie privée qui serait sans contrôle. Il faut que tout homme soit persuadé que la vie collective impose de commander ou d’obéir et que l’anarchie doit être extirpée du moindre moment de la vie de tout homme, τὴν δ’ ἀναρχίαν ἐξαιρετέον ἐϰ παντòς τοῦ βίου ἀπάντων τῶν ἀνθρώπων 252 .

Le refus des lacunes 58

Le législateur doit faire en sorte que la loi soit constitutive d’un ordre dont elle maintiendrait la pérennité par ses capacités

répressives, de telle sorte qu’elle prépare à toute forme de vertu en interdisant quelque faute que ce soit, ϰαθ’ ἑϰάστην ἀρετὴν προστάττει ζῆν ϰαὶ ϰαθ’ ἑϰάστην μωχθηρίαν ϰωλύει ὁ νόμος 253 . Elle doit intervenir à tout moment dans le privé des hommes. Le législateur platonicien doit se proposer de contrôler en permanence et de régler toutes les questions que posent l’essentiel des actes de l’activité personnelle quelque menus et nombreux qu’ils soient, πολλά ϰαὶ σμιϰρὰ, même quand ils échappent au regard des gens de telle sorte que ses instructions, συμϐουλαί, risquent de ne pas être respectées. Ils sont pourtant si nombreux et si minces d’apparence que l’on peut se trouver δι’ἀπορίαν 254 incapables de légiférer sur eux, ποιεῖν νόμους 255 , on ne sait pas d’ailleurs comment définir des pénalités, ἐπιζήμια, qui pourrait rendre leur transgression coûteuse. 59

Il faudrait pourtant réussir à le faire car le législateur qui permet aux individus de vivre toute la journée à leur guise et, au lieu de mettre de l’ordre, τάξις, partout, laisse aller la vie privée sans lui donner de lois, estimant que les citoyens consentiront à conformer aux lois leur activité publique et officielle, τὰ ϰοινὰ ϰαὶ δημόσια, est loin de remplir sa mission 256 . La République prétendait naïf de vouloir légiférer sur trop de petites choses comme la coupe des cheveux, les chaussures, la façon de s’asseoir et de se lever, néanmoins, Platon pense qu’il faut trouver, néanmoins, le moyen de faire comprendre qu’il est pourtant souhaitable que tout le monde vive de la même façon 257 , il faut donc que le nomothète cherche, sous peine de passer pour un paresseux qui travaillerait sans soin, à régler avec le même soin les petites et les grandes choses, σμιϰρά τε ϰαὶ μεγάλα, car tout détail est nécessaire à la perfection du tout, les dieux s’occupent de tout et ne manquent pas de s’occuper des minuties 258 . La loi doit être longue et détaillée car, puisque elle est

écrite et disponible au lecteur, son utilité est fonction des précisions qu’elle peut envisager dans lesquels elle peut entrer, ce qui condamne la pratique laconienne faisant de la brièveté une forme de perfection 259 . 60

Platon n’imagine pas, ainsi, que dans le droit qu’il promulgue, il puisse exister des lacunes, διάϰενα 260 , mais il sait très bien aussi qu’il est impossible de tout prévoir, on revient ainsi par un nouveau biais à l’idée que l’ensemble des lois n’est rien sans les événements qui les construisent à mesure qu’ils sont advenus, alors qu’il semblait que le travail de les établir aurait dû être prospectif. Platon ne sait pas très exactement où il doit se situer en tant que nomothète, son projet global étant de prétendre s’opposer à ce type de pratique réactive 261 , mais l’impossibilité de s’en tenir à la prospective l’en empêchant. Il se trouve ainsi écartelé entre sa volonté de parler de tout, le sentiment qu’il ne peut le faire, le souci de laisser une porte ouverte à l’interprétation qui permet d’imaginer que son œuvre est perfectible comme si l’expérience devait pouvoir remplacer la contemplation du modèle.

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L’aboutissement de ce projet serait que tout ce qui n’est pas interdit doive être expressément autorisé pour pouvoir être accompli 262 , Aristote allant jusqu’à prétendre que tout ce que la loi n’ordonne pas expressément est interdit, ἃ δὲ µὴ ϰελεύει, ἀπαγορεύει 263 , ce qui signifie qu’il admet lui aussi qu’il ne puisse y avoir de lacune dans la vie de chacun, il n’y a pas de sphère du privé ou de sphère de liberté possible. Significative est, dans ce système, l’expression du refus d’interdire, comme si la lacune devait être explicitée dans la négation de sa nécessité. Mais elle s’explique, en général, par une volonté rhétorique de dénoncer ce qu’il considère comme les erreurs d’autres législateurs, c’est un encouragement à faire voyager des gens bien choisis pour qu’il fassent profiter la cité de leurs

expériences qui n’est exprimé sous cette forme que parce qu’il fait référence à une législation dont on veut récuser les erreurs 264 ou bien à un changement de position par rapport à ce qui avait été proposé dans la République 265 . Il est assez significatif de la pensée du Platon des Lois qu’il ne considère pas comme extraordinaire qu’il soit possible d’envisager de promulguer une loi qui autoriserait à tuer son père ou sa mère 266 . Le sujet légiférant imaginant qu’il doit être partout, ordonne donc que personne ne propose une telle législation. παρέξει νόμος οὐδείς ϰτεῖναι τòν πατέρα ἢ μητέρα τοὺς εἰς ϕῶς τὴν ἐϰείνου ϕύσιν ἀγαγόντας 267 . Il manifeste là une frénésie de positivisme tout à fait surprenante puisqu’il semble pouvoir croire que le parricide pourrait être autorisé par une législation alors qu’on peut se demander si elle serait encore digne d’être appelée telle, une prescription législative à laquelle on peut penser qu’il est nécessaire de désobéir à cause de son iniquité n’est pas une mauvaise loi, ce n’est pas une loi 268 . D’autre part il montre son désir de ne rien laisser à l’appréciation morale, il faut que le juriste étende la sphère de la prédétermination, dont il se croit le maître, jusqu’aux limites extrêmes où il ne resterait rien comme surdétermination. Alors que dans ce cas précis, le sens moral commun conduit sans doute aux mêmes effets sans impliquer la toute-puissance dont il veut se voir investi 269 . D’une certaine façon, il se conduit en mauvais juriste, car il propose assez de lois sur l’homicide pour que l’application aux meurtres perpétrés sur des ascendants en soit aisée. Surtout, il manifeste son désir d’être le seul émetteur de normes dans une société qui, à son gré, n’aurait jamais connu d’autre règle de fonctionnement que celles qu’il aurait établies. Ce caractère d’un droit affranchi de toutes règles constitutives de l’humanité se manifeste par un autre biais encore. Le coupable d’un tel crime mérite de devoir mourir plusieurs fois

car il n’est pas digne d’une mort seulement mais de deux, ἑνòς οὐδὲ δυοῖν θανάτοιν et de fait il est exécuté puis soumis ensuite à la lapidation 271 . De façon complémentaire à la mise en place de cette mort plurielle, qui ne peut exister que dans le cadre d’un droit parfaitement détaché de la réalité physique, la loi établit de façon tout à fait explicite, νομοθετέσει, qu’un enfant doit accepter de tout subir de la part de son père, τὰ πάντα πάσχειν, avant d’en venir à l’extrémité criminelle de le tuer pour éviter de l’être, πρίν τι δρᾶν τοιοῦτον. Cette proposition est tout à fait étonnante 272 et l’exprimer témoigne que ce n’est pas par maladressse que Platon interdit qu’on légifère sur l’autorisation de se livrer à l’homicide d’un ascendant et que ce crime ne serait jamais susceptible d’être excusé quelles qu’en soient les raisons. Le législateur accepte d’assumer les rythmes ordinaires de la vie en proposant un avant, mais cet avant induit un futur où l’on peut imaginer que les actions interdites antérieurement seront autorisées, pourtant le τὰ πάντα inclut la mort de celui qui pourrait souhaiter tuer son père 273 et rend impossible la venue d’un après que le πρίν induit pourtant, ne proposant alors que la condamnation à mort, trois morts sont ainsi liées par le propos du législateur, celle acceptée que le père procurerait à son fils, celle prévue par la loi à tel fils qui se serait défendu 274 , celle qui serait quand même infligée au père tuant son fils volontairement et délibérément 275 . 270

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Nous verrons comment le législateur, incapable de réaliser ce programme d’un droit absolument holistique, est conduit à une assez curieuse politique de silences acceptées ou revendiqués qui essaie de tenir compte des divers modes de fonctionnement de la société. C’est par d’autres moyens que l’expression législative qu’il pourra contrôler comme il l’entend la totalité de la vie des citoyens. L’idée qu’il pourrait exister des lacunes éclairées par la sphère de la

surdétermination qui rendrait criminel ce que la loi même ne pourrait interdire expressément est, sans doute, commune au discours sophistique. Elle n’en pourrait pas moins paraître scandaleuse au regard du principe nullum crimen, nulla pœna sine lege, mais elle ne peut passer pour un principe fondateur, Platon en est bien conscient.

Le choix de Socrate 63

Si nous prenons ce problème, non pas du point de vue du législateur mais de celui de l’assujetti, on revient sur le statut de Socrate dans son rapport à la cité d’Athènes. On sait, par l’Apologie ainsi que le Criton, que Socrate n’avait jamais, pour sa part, cessé de citoyenniser, πολιτεύεσθαι, même s’il prétendait n’avoir pas eu d’activité publique effective et s’être cantonné dans son privé 276 , il a su remplir à plusieurs reprises comme il le fallait son rôle politique. En deux occasions essentielles, il sait être venu au secours du droit, ἐϐοήθουν τοῑς διϰαίοις 277 . Lors de l’assemblée qui condamna les stratèges des Arginuses il choisit de partager les risques courus par la loi et le juste, μετὰ τοῦ νόμου ϰαὶ τοῦ διϰαίου ὤμην μᾶλλον µε δεῖν διαϰινδυνεύειν 278 , ce qui importait en l’occurrence était un problème de procédure, l’assemblée prétendait juger en corps contrairement à la loi qui imposait le recours au tribunal, ἐϐουλεύσασθε ἀθρόους ϰρίνειν, παρανόμως. Il ne faut pas imaginer que Socrate se crut dans cette affaire détenteur d’une légitimité supérieure à celle du peuple réuni puisqu’il justifiait ensuite sa position en rappelant la décision même du peuple qui avait fini par reconnaître le caractère anormal de la condamnation intervenue 279 . Sa façon de récuser la décision des Trente de le faire participer à leur politique de répression fut en revanche l’abstention et le retour chez lui, ce n’était pas alors refuser de prendre parti et revenir à la

vie privée mais bien dénoncer l’illégalité d’un pouvoir de fait dont il ne parla jamais que comme d’une ἀρχή, et non comme d’une πολιτεία 280 . Sa mort, au contraire, fut l’affirmation positive de sa vertu politique puisqu’il choisit de la revendiquer en un jeu procédural qui devait la rendre inévitable alors qu’il aurait pu choisir une autre issue pour son procès 281 , ou s’évader une fois condamné. Son suicide légalisé est ainsi semblable à la mort d’un législateur qui n’ayant pas écrit se doit de valider les lois par sa propre mort, pour être le citoyen parfait qu’il sait devoir être 282 . Les lois personnifiées s’adressent donc à un autre que lui quand elles lui font le reproche de vouloir les détruire, mais c’est parce qu’il accepte d’en être le destinataire que leur discours est intéressant 283 . 64

La leçon la plus évidente que l’on puisse tirer de la Prosopopée est que Socrate avait conclu individuellement une sorte de contrat avec les lois et que désobéir à leurs ordres aurait été une dénonciation de cet accord. Cette attache proposée, dès sa naissance, à chacun de ceux qui adviennent dans une cité déjà construite, est présentée comme devant être confirmée par une adhésion personnelle aux règles régissant la société politique. Il semble clair que cela ne doive se faire qu’après un examen attentif, δοϰιμασία, de ce qu’elles sont 284 . Néanmoins, l’adhésion est considérée comme acquise dès qu’ont été accomplis les actes témoignant du désir de participer à la vie du groupe. Socrate avait choisi de démontrer, ainsi, tout au long de son existence, par ses actes et ses paroles qu’il avait voulu vivre en citoyen d’Athènes. Ayant attesté de son engagement volontaire et personnel dans la vie publique ou militaire, il avait toujours montré qu’il souhaitait se conduire en citoyen, ὡμολογηϰέναι πολιτεύεσθαι ϰαθ’ ἧμας ἔργῳ ἀλλ’ οὐ λόγῳ 285 , alors qu’il lui aurait été loisible, s’il l’avait voulu, de rompre tout lien avec la ville 286 . Il se trouvait ainsi dans l’obligation de respecter à la rigueur les règles dont il

avait accepté les stipulations. Étendu à l’ensemble du corps politique, le type de construction théorique proposé par les lois personnifiées n’est pas celui d’un contrat social liant les uns aux autres des concitoyens. Chacun semble vivre dans un rapport personnel à la loi, il ne s’établit pas ainsi, nécessairement, de rapport d’interlocution entre les gens, car ils ne sont associés les uns aux autres que parce qu’ils acceptent d’obéir chacun de leur côté à ce qui leur est ordonné 287 . Les lois ne sont pas, ainsi, considérées comme régulatrices du système des relations immédiates et directes entre les citoyens, puisque lorsqu’elles ont la parole, elles décrivent la cité comme un faisceau de liens individuels attachant à elles, et non les uns aux autres, chacun de ceux qui composent la cité. Le rapport de l’individu aux lois se construit dans un sens vertical, chacun pouvant choisir ed les respecter ou de les mépriser. C’est avec la cité que chaque citoyen est entré en relation contractuelle et à chacun l’on peut dire s’il commet un crime qu’il avait accepté les contrats et les accords en fonction desquels il avait accepté d’ête citoyen, ὠμολόγεις ϰαθ’ ἡµᾶς πολιτεύσεσθαι 288 , s’évader pour Socrate serait agir παρὰ τὰς συνθήϰας τε ϰαὶ ὁμολογίας ϰαθ’ ἃς ἡµῖν συνέθου πολιτεύεσθαι 289 . Les assujettis ne sont jamais, ainsi, considérés qu’en fonction des devoirs qu’ils doivent remplir envers les lois et, au delà d’elles, envers la cité dans son ensemble. En témoignent dans la cité des Magnètes, par exemple, les lois qui prétendent imposer de limiter ses activités sexuelles à la procréation dans le cadre du mariage pour favoriser l’équilibre de la société et réaliser les conditions favorables à un bon renouvellement des générations sans que l’on se préoccupe "des devoirs réciproques afférents à une relation duale entre les conjoints" 290 . Il en est de même des diverses lois sur le commerce, sur les blessures et assassinats qui sont surtout considérés dans leur rapport à la morale et à l’intérêt

public. Même si Platon règle le problème du dommage subi, c’est au traitement de l’injustice dans l’âme du coupable qu’il s’intéresse, non pour son seul bénéfice, d’ailleurs, mais pour le bien de la cité. Quand il envisage une faute impliquant deux personnes, l’une agissant et l’autre subissant, c’est à la valeur morale des actes délictueux qu’il attache le plus d’importance et dont il se préoccupe essentiellement. Les lois les plus belles ont pour fonction, ἔργoν τῶν καλλίστων νόμων 291 , de guérir les coupables de leur injustice ou bien s’ils se révélent incurables de les éliminer du monde politique 292 . Ce qu’il importe à Platon de soigner 293 ce n’est pas l’individu mais la cité dans son ensemble quand tel de ses membres se révèle défaillant, car l’Athénien sait que le législateur doit façonner chaque partie en fonction du tout et non pas le tout en fonction des parties, µέρoς µὴν ἕνεϰα ὅλου ϰαὶ οὐχ ὅλoν μέρους ἔνεϰα, le bien de chacun étant subordonné à l’intérêt de l’ensemble 294 . 65

Néanmoins, une relation horizontale entre tous les assujettis se construit, nécessairement, du fait que chacun se trouve dépendre des mêmes dispositions légales et doit se soumettre aux mêmes règles de vie, le groupe semblant ne pouvoir exister sous forme de cité que dans sa complétude et dans la seule mesure où l’ensemble des contrats liant individuellement chacun aux lois sont respectés. Ainsi le comportement individuel est présenté comme capable de construire en permanence le collectif. Celui-ci n’existe que par conjonction de tous car dès qu’un citoyen prétend rompre avec la cité, sortir de l’ensemble qu’elle constitue, c’est la forme même de la cité qu’il bouleverse, c’est le corps politique même qui dans sa totalité souffre avec le criminel 295 . Dans un pareil système, personne n’est en droit de rompre par une défaillance le contrat

individuel qui le lie à la cité et le coupable met en cause du fait même de sa désobéissance l’ensemble du système politique 296 . 66

Cette idée apparaît déjà chez Zaleucos qui l’exprime en termes institutionnels en indiquant que la désobéissance aux lois prépare l’anarchie, τῇ πόλει μεγίστων ϰαϰῶν ἀρχήν, ἀναρχίαν. Renvoyée au temps des premiers législateurs, elle appartient au fond commun de la rhétorique judiciaire pour qui les fautes commises contre les lois touchent nécessairement tout le monde, τὰ τῶν νομων ἀδιϰήματα ϰoινά 297 . Il n’est jamais, ainsi, de procès proprement privé, malgré les apparences et quoi que puisse en penser Antiphon, puisque la tranquillité publique est concernée chaque fois qu’une affaire vient devant le tribunal. La faute de chacun est l’affaire de tous, ϰοινòν ἁπάντων τῶν ἐν τῇ πόλει 298 et tout délit est une attaque contre les institutions, l’accusateur ayant pour tâche de venir à leur secours quand elles sont mises à mal 299 . L’idée est reprise dans les Lois, où l’on sait dire que les criminels tendent à détruire les structures politiques par leur crime même. C’est pour eux que l’on écrit les lois et leur destruction serait la conséquence inévitable de leur impunité, τῶν τοὺς νόμους διαϕθειρόντων ἐπὶ τῇ ϰαταλύσει τῆς παρούσης πολιτείας 300 . Il est évident qu’il suffit qu’un seul homme réussisse à transgresser la loi pour que tous subissent l’injustice, "toute violation de la loi nie le système légal" 301 . Cela se manifeste, dans l’inverse parfaitement symétrique qu’est, à Magnésie, la procédure de révision des lois, l’unanimité absolue est requise pour qu’elle soit acceptée. La loi stipule qu’il suffit en effet que s’exprime une opinion s’y opposant pour que la réforme soit refusée, τòν ϰωλύοντα ἀεὶ ϰατὰ νόμον ϰρατεῖν 302 .

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Il n’est pas étonnant, donc, que chacun doive être considéré comme responsable par sa conduite criminelle de la destruction des lois s’il s’avère qu’il peut mener à terme ses activités criminelles sans être chassé par une procédure cathartique légale. Le refus d’admettre que le groupe puisse se diviser conduit en effet à ne concevoir la cité que dans une parfaite totalité homogène, commettre un crime, quel qu’il soit, est une volonté de manifester un désir de se dissocier de la société et détruit l’ensemble des lois et la cité toute entière, car il ne peut être considéré que pour ses conséquences extrêmes. Toute transgression de la loi menace l’existence même de la cité 303 . Cela veut dire, en fait, que citoyenniser est imposé à chacun de ceux qui sont entrés dans le système et que la cité trouve l’une de ses vérités en imposant que l’on respecte ses lois. L’expulsion ou la mise à mort d’un coupable étant à la fois un châtiment et la reconnaissance de la possibilité pour chacun de se vouloir différent dans le groupe à condition d’en tirer jusqu’au bout les conséquences. Il n’est pas étonnant donc que le législateur platonicien demande que les avocats d’un accusé se contentent de défendre la société, qu’ils n’essaient pas de justifier ou d’excuser les criminels. Leur devoir est de collaborer avec le pouvoir judiciaire, συνδιϰεῖν, de s’associer ainsi à la décision des juges assimilée à l’expression de la justice puisqu’il leur faut obéir et ne jamais parler contre le droit, πείθεσθαι ϰαί µὴ ἐναντία δίϰῃ ϕθέγγεσθαι 304 . Le plaidoyer dont on dit, par une révérence obligée, mais rapide, qu’il pourrait être honorable s’il visait à faire triompher la justice, est ainsi désavoué en étant présenté comme simplement l’art de tromper les juges. Celui qui s’adonne par esprit de chicane ou par esprit de lucre à cette activité

peut donc être poursuivi pour procédure nuisible ou plaidoyer inconvenant, γραϕέσθω ϰαϰοδιϰίας ἤ ϰαί συνδιϰίας ϰαϰῆς 305 . L’aboutissement nécessaire de cette législation est, de toute évidence, qu’un avocat ayant plaidé dans un procès perdu devrait être condamné pour avoir défendu une cause injuste. 68

Platon n’est pas néanmoins toujours rigoureux quand il envisage les conséquences pratiques de telle ou telle des dispositions légales qu’il propose. Il sait bien que telle loi trop sévère puisse disparaître pour n’être respectée par personne, elle s’enfuit ἐϰϕύγειν 306 et qu’il faille, par conséquent, promulguer une loi qui tienne compte de l’état réel des mœurs et non pas de ce qui est souhaitable au plan moral. Il admet parfaitement, d’autre part, que tel ou tel citoyen puisse se trouver dans la situation d’être contraint de désobéir aux prescriptions du législateur, ἀπειθεῖν ἀναγϰάζοιτ’ ἂν τῷ νόμῳ 307 , sous peine de vivre une vie non viable 308 . Il débouche sur une aporie en proposant que soit mis en place un tribunal qui se verrait confier la charge d’arbitrer entre les lois et les assujettis, διαιτητὰς τοῖς τοιούτοις νόμοις ϰαὶ νομοθετουμένοις 309 . Les nomophylaques désignés comme juges seraient censés alors pouvoir prendre toute décision autorisant à déroger aux règles ordinaires du droit 310 , leur tribunal ayant toute latitude pour décider ce que bon lui semblerait. En indiquant que c’est contre la loi que l’on plaide, ἐὰν τινες ἐγϰαλῶσι τοῖς ϰειμένοις νόμοις 311 , même s’il sait bien que c’est entre des personnes aux intérêts divergents qu’il va falloir arbitrer, Platon est resté dans la logique du Criton où les lois ne laissaient d’autre choix que de faire ce qu’elle demandaient ou de les convaincre qu’elles avaient tort en leur montrant quelle était la voie du droit, ποιεῖν ἢ πείθειν αὐτὴν ᾗ τò δίϰαιον πέϕυϰε 312 de les respecter ou d’engager une procédure politique qui les modifie.

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Le danger pour tout plaideur est que ce système veut que la loi, contre laquelle on est censé plaider, soit le règlement du concours aussi bien que l’adversaire du justiciable. Elle est, à la fois, l’un des interlocuteurs du dialogue et le système qui s’en prétend le régulateur. Commettre un crime est ainsi une faute double, désobéissance individuelle à la loi, mais aussi attaque contre le système qui se trouve être le juge. Socrate ne dialogue pas avec les lois dans un rapport d’égalité, puisque ce sont elles qui prétendument mises en cause sont aussi les maîtresses des procès, plaider contre elle ne peut faire oublier qu’elles sont juges et parties. Les lois sont ce par quoi le tribunal de la cité lui-même existe et elles affirment comme une évidence être les juges mêmes, τὰς δίϰας διϰάζομεν 313 . Il est bien évident que cette situation rend difficile toute défense par le biais d’un tribunal qui n’a pas de capacité juridictionnelle et ne peut que savoir écouter les paroles des lois que les adversaires ont présentées dans un jeu judiciaire agônal. Le système juridique et les règles de la procédure, dont Socrate a joué de façon à en montrer les inconséquences, l’ont condamné à mort en fonction d’une logique politique et non pas juridique de noncontradiction. L’individu se retrouve seul face à des pouvoirs qui le renvoient à son incapacité à convaincre, non pas à son droit. On doit constater que la façon dont les lois assimilent l’effort que Socrate peut entreprendre pour les persuader de leurs défauts éventuels est en fait celui qu’il doit mettre en oeuvre devant un corps politique dont la condamnation, selon le principe de la majorité, est à proprement parler celle que prétendent avoir prononcée les lois 314 . Les difficultés pour un citoyen à faire valoir ses droits à la liberté individuelle et au dialogue avec le système politique communautaire, oἱ νόμοι ϰαὶ τò ϰοινòν τῆς πόλεως, dans ses rapports avec le reste du groupe et avec chacun des autres, alors

qu’il est accusé de vouloir détruire τοὺς νόμους ϰαὶ τὴν ξύμπασαν πόλιν, tiennent à ce qu’il est un homme seul qui doit se faire reconnaître comme interlocuteur acceptable avant de pouvoir faire évoluer le système dans son ensemble, la loi s’accepte comme transitoire et modifiable à condition que celui qui prétend la faire évoluer puisse trouver dans l’opinion un relais unanime. Socrate avait, avant et dans le cours de son procès, la possiblité de faire ce que les lois ordonnaient ou de chercher à les convaincre qu’elles avaient tort 315 . Le procès, si l’on en croit la prosopopée, fut mené dans un dialogue avec elles, et il n’aurait pu réussir à les persuader de ce qu’elles auraient dû en agir autrement dans ses rapports avec lui, oὔτε πείθει ἡμᾶς εἰ µὴ ϰαλῶς τι ποιοũμεν 316 .

Loi et procès de type agônal 70

Tout le problème est d’essayer de comprendre comment dans une cité comme Athènes pouvaient se régler ce genre de problèmes, car le refus d’obéissance, l’outrage fait à la loi, conduisait nécessairement à l’affrontement de deux adversaires devant un jury, il y avait un vainqueur et un vaincu, le perdant recevant blâme et honte, ψόγος ϰαὶ ὄνειδος 317 , l’indulgence qui pouvait être accordée à l’un des plaideurs ne pouvait s’exercer que par la condamnation de son adversaire. Ce qui est présenté ainsi dans la cité idéale comme un arbitrage entre la loi et un individu prenait ainsi la forme d’un conflit entre deux citoyens.

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Le rapport vertical présenté comme devant lier chacun individuellement à la loi devait, semble-t-il, passer pour être validé par un dialogue horizontal à l’intérieur du groupe politique médiateur irrécusable. C’est un des problèmes posé par le droit hellénique que de paraître incapable de se dégager de cette forme interlocutoire 318 . D’une certaine façon la loi n’ordonne quoi que ce

soit et ne lie à la cité que dans la mesure où elle est reprise par la parole de chacun des membres du groupe. Même si les gens peuvent avoir l’illusion d’entretenir un rapport vertical et direct avec la loi, le seul protecteur de la loi est le voisin ou l’ensemble des discours interpersonnels rendus possibles dans le cadre d’une loi qui organise le tribunal. 72

Il n’était personne qui, devant les tribunaux d’Athènes, ne considérât la loi comme un outil commode pour défendre ses intérêts personnels, elle était plus une arme dont on usait parce que l’on en avait besoin pour attaquer ou se défendre. Cela explique que la loi puisse être invoquée comme partenaire de tel ou tel plaideur, Eschine confronté aux difficultés que procure l’existence concomitante de deux lois contradictoires peut proposer de chercher le secours de celles qui seules peuvent lui convenir. Celles-ci peuvent, ainsi, devenir ses avocats même s’il utilise une formule prétendant lui permette de revendiquer le secours de l’ensemble du corpus législatif, παρέξομαι συνηγόρους τοὺς νόμους τοὺς ὑμετέρους 319 . Hypéride impliqué dans un jeu compliqué où une convention qu’il avait conclue, lui avait procuré bien des difficultés prétendit faire des lois des arbitres entre l’équité qu’il prétendait faire appliquer par le tribunal et la règle qui aurait voulu sans doute qu’il payât ce que le contrat semblait rendre obligatoire, la loi n’était pas, en l’occurrence censée donner des ordres, elle était présentée comme un instrument de discrimination, διαιτητὴς ἡμῖν γενέσθω ὁ νόμος 320 . En fait les jeux de la discussion juridique ne proposent jamais des interprétation des textes de la loi, au sens technique du terme 321 , une loi n’étant jamais citée dans un discours que parce qu’elle est utile à un argumentaire qui fait une place très large à d’autres éléments, elle est un objet dont on se sert ou que l’on laisse dans l’ombre dans la mesure où elle est utile. Le discours joue ainsi à les

utiliser ou non, à les attaquer si l’adversaire les a citées en fonction des seuls besoins de la rhétorique judiciaire. Le texte législatif est un donné que l’on invoque comme l’on peut le faire d’un témoignage. Elle apparaît dans le dialogue institué devant le tribunal, sa plasticité 322 lui permet de servir dans tout type d’argumentation, le manque de culture juridique des juges athéniens donnant à la façon dont on la fait intervenir plus de valeur rhétorique qu’autre chose 323 .

Loi et dialogue, la codétermination L’exécution des ordres 73

La forme épitactique dont Platon fait la caractéristique du langage juridique se fait ainsi le promoteur est ainsi bien difficile à faire fonctionner. Née de la constatation que le crime existe, la loi ne se réalise que dans l’obéissance de tous en tout instant. Ce n’est pas ainsi l’expression de l’ordre qui le fait efficace, mais l’application qui en est faite. De même que ce n’est pas l’ordonnance du médecin qui peut guérir un malade, mais le régime, διαίτη, qu’il suit avec scrupule 324 . Platon prétend ne pas vouloir que les intentions du législateur soient transformées par les effets de ce dialogisme essentiel puisqu’il pense que la constitution qu’il propose est la seule qui permette d’approcher de la justice et de la vertu car elle est imitation la plus parfaite possible du modèle idéal, il veut en limiter ainsi les effets inévitables et laisser le moins de place possible aux évolutions que l’exercice de cette co-détermination peut imposer. Le projet platonicien est globalisant, car de même que toute faute de quiconque détruit la cité toute entière, de même tout acte doit correspondre à une injonction ou interdiction explicite. Chacun doit savoir que simple unité dans le cosmos, sa part de rôle, si minime

soit-elle, doit toujours tendre au profit de l’ensemble, μόριον εἰς τò πᾶν συντείνει ϰαίπερ πάνσμιϰρον ὄν, et doit avoir conscience que rien ne se fait sinon pour assurer à la vie de l’univers permanence et félicité. Rien ne se fait au profit de chacun, mais chacun doit agir pour l’ensemble 325 . Pourtant il sait aussi construire le privilège quand tel risque d’être trop malheureux pour avoir respecté la législation concernant le mariage, il sait aussi que lorsqu’une loi est trop sévère et risque d’être inefficace parce que tombant en désuétude à peine formulée, ἐϰϕύγειν 326 . Il se contente, donc, en l’occurrence d’avaliser par décision du pouvoir, législateur ou tribunal, l’essentiel acceptable par la pratique sociale 327 . 74

Le législateur doit envisager de prendre totalement en compte l’homme intégré au groupe politique et cela implique, bien évidemment, que le nombre des prescriptions puisse être infini, comme peut l’être la totalité des potentialités d’instants d’une existence humaine. Il ne faut pas qu’il se contente ainsi de considérer ce que sont les fautes constatées pour construire une législation rétrospective, il semble qu’il lui faille prévoir tous les évènements possibles d’un futur multiforme pour l’ordonner et ne rien oublier qui puisse avoir une importance. Or, dans la grande construction qu’est un corpus législatif on ne sait jamais ce qui est important ou ne l’est pas, car des prescriptions qui pourraient passer pour accessoires sont pourtant essentielles 328 . Le plus minime changement législatif peut modifier de façon profonde les institutions les mieux établies comme le démontre Aristote 329 , de la même façon la plus petite négligence ou le plus mince oubli du moindre détail dans une constitution en gestation peut provoquer l’échec du projet du fondateur. L’idée par ailleurs, selon laquelle la juridicité ne peut naître ainsi que dans l’échange de deux volontés, celle de la loi, celle du sujet, impose que soient mis en œuvre des

modes de fonctionnement du politique qui permettent la réalisation effective de cette permanence.

Autonomie du droit 75

Il faut néanmoins dépasser cet aspect de la problématique. Le droit est un outil dont il faut essayer de comprendre par quels moyens il agit. Il faut naturellement se demander ce qui limite son expression en dehors du rapport aux personnes. En fait, comme l’a montré L. Gernet, Platon a cherché à "éliminer, dans ce qu’elle a d’équivoque, la notion même de délit privé" pour faire prévaloir l’idée que "tout acte défini qui offense la morale de la cité relève d’une justice que la cité applique en son nom et pour elle-même" 330 . Un problème qui paraît proprement juridique est traité de façon très largement politique et il semble que, pour le philosophe, la justice soit bien, ainsi, devenue un instrument servant à régir et contrôler la vie de la collectivité. Dépassant le cadre limité du procès de type agônal, qui reste le seul praticable dans la cité historique, le législateur de la cité des Magnètes demande au juge d’apprécier la nature et le degré d’injustice qui a poussé à commettre telle ou telle faute au détriment de l’un de ses concitoyens, ἀδιϰία 331 . Ce qui importe à Platon n’est pas le rapport intersubjectif, sauf quand il risque de nuire à l’harmonie de l’ensemble, mais la cité en tant que groupe. L’Athénien sait que le législateur doit façonner chaque partie en fonction du tout et non pas le tout en fonction des parties, μέρος µὴν ἔνεϰα ὅλου ϰαὶ οὐχ ὅλον μέρους ἕνεϰα, le bien de chacun étant subordonné à l’intérêt de l’ensemble 332 .

76

La loi permet à la société de jouer sur un autre registre que celui des relations interpersonnelles et c’est de toute évidence ce que Platon souhaite réaliser dans une cité faite pour construire la vertu 333 . Elle réussit aussi à dégager les hommes de leur rapport personnel à

la faute car elle construit, par sa capacité à punir selon les modalités qu’elle a choisies, une réalité qui n’existe que par référence aux normes qu’elle a proposées. L’action publique qu’elle mène à son terme empêche que se perpétue la chaîne de crimes de sang qui prolongeraient le premier meurtre car les dieux veulent que le parricide soit nécessairement à son tour tué par ses propres enfants, et ceux-ci par les leurs propres 334 . Il se crée ainsi, par l’exercice de la justice, une réalité qui ne dépend de personne d’autre que de celui qui a su la proposer en un texte de loi, aucun dieu ne peut faire que la mort programmée par le nomothète ne soit pas la mort voulue par des hommes. Ceux-ci, pour peu qu’ils soient fondés à le faire, sont libres à son égard de construire le monde en fonction de l’idée qu’ils se font d’une perfection à la constitution de laquelle la divinité n’a de part que celle que l’on veut bien lui laisser, quelque révérence que l’on tienne à manifester à son égard. Le discours juridique libère de toute éventuelle inquiétude métaphysique, il n’est pas de mort imposée en effet qu’il ne construise et ne maîtrise. 77

De même que tel membre de la cité devient un triste sire pour peu qu’il soit dit par la loi tel, ϰαϰòς ὑπò τοῦ νόμου πολίτης εἶναι λεγέσθω 335 , ou un lâche qui doit être dénoncé publiquement, ϰάϰος ἔστω ϰατὰ νόμον 336 , car nommer en l’occurrence "est plus que dire" 337 , de même celui qui a fait mourir un de ses contemporains peut rester pur de toute faute, ϰαθαρός, si le juge le décide 338 . Aucune condamnation ne peut avoir lieu sans un dialogue entre le criminel éventuel et le discours que l’on construit autour de son acte et de lui. On sait ce qu’est le crime de sacrilège défini par le législateur mais la dénomination de sacrilège ne peut s’appliquer à quelqu’un que dans la mesure où les nomophylaques auront, après enquête, su faire dans l’attitude de tel ou tel accusé la part de ce qui est enfantillage et ce qui est sacrilège intentionnel et

donc punissable, la loi n’est rien ainsi sans le discours du juge 339 . Dans les lois sur le vol, on distingue bien entre ce qui est réparation du dommage causé à autrui et qui doit être remboursé au double, sauf à fléchir l’adversaire, particulier ou, en cas de vol au détriment du trésor public, l’État 340 . 78

Ce n’est pourtant pas la matérialité de l’acte qui importe, mais l’idée que l’on se fait de sa personne et la définition de son statut, le citoyen convaincu "d’avoir volé sa patrie, qu’il ait été pris sur le fait ou non, doit être puni de mort" 341 , alors que l’esclave ou l’étranger se trouvant dans la même situation n’est soumis qu’à une amende. De la même façon, dans la loi sur le meurtre non mené à bien, c’est l’intention homicide que l’on prétend juger 342 tout en assurant que, pour remercier la divinité, l’on souhaite commuer la condamnation en un exil permanent, pour ne pas ensanglanter une cité que le dieu aurait protégé d’une première souillure, ce principe n’est pas respecté quand un fils ayant blessé son père est condamné à mort, le délit ou le crime ne peut avoir d’existence objective, il existe en fonction d’un projet politique et de la place que chacun doit y tenir 343 .

Succès du projet législatif 79

Le droit refuse, en l’occurrence, d’être construction purement autonome, il se développe dans la constatation qu’il existe des réalités primordiales dont il n’est que la conséquence. Chaque loi est reconnaissance de l’existence préalable du collectif des citoyens habilités à réfléchir en commun pour l’avoir établie, elle est aussi description implicite d’un réel dont il paraît évident qu’il échappe au contrôle de la cité parce qu’il lui est extérieur. Pas plus qu’elle ne construit la cité, la loi ne construit le monde, elle se contente de préparer, de la façon la plus commode possible, l’insertion de

l’homme dans un univers dont les règles de fonctionnement lui sont imposées, sans qu’il ait le moindre moyen de les maîtriser. Toute l’ambiguïté de la réflexion platonicienne tient à ce qu’elle ne cherche pas à distinguer entre les vertus de l’individu et celles que doivent pratiquer les cités en corps à l’égard de leurs membres. La personne est intégrée dans un système de rapports sociaux où le juste est, si l’on s’en tient aux jeux de la compensation pour les éventuels dommages causés à autrui qu’envisagent les lois des Magnètes, un système d’égalisation des droits et des devoirs conforme à ce que proposera Aristote. Au contraire, on ne sait pas avec qui la cité dans son ensemble pourrait entrer dans un système où la compensation des torts commis et subis serait possible puisqu’elle est seule dans son domaine et à son niveau, les lois récusant toute référence extérieure et étant uniquement construites dans un rapport de soi à soi. Tout le problème est sans doute qu’il y a dans la pensée de Platon difficulté à penser que la loi règle les rapport entre les individus, elles sont faites pour le développement du système qui les produit. Lorsque nous légiférons, c’est en escomptant que les lois que nous établissons seront utiles pour les temps à venir, αἱ νομοθεσίαι ϰαὶ τò ὠϕέλιμον πέρι τò μέλλον ἐστί 344 . On en revient par un nouveau biais à la nécessité fonctionnelle, le type de réflexion que construit Protagoras, ἐν μὲν ττολιτιϰαῖς δυναστείαις n’a pour résultat que de produire des sottises, ϕορτιϰαί 345 , car, pour Platon 346 , si la cité a le droit de décréter beau, laid, juste et injuste, saint ou impie, ce que bon lui semble et de le dire légitime, tout le problème est de savoir si ce qu’elle aura décrété lui sera, πρòς ἀλήθειαν, réellement utile. La seule chose que l’on ne puisse pas décréter c’est l’effet concret de telle ou telle mesure prise. Ce pragmatisme est censé pouvoir atteindre au véridique à la condition que des gens possédant le savoir technique nécessaire, ἔντεχνοι,

soient dotés de science, ἐπιστήμη, et deviennent capables de pratiquer au quotidien l’activité politique dans sa perfection idéale 347 . Mais cette capacité à la connaissance directe du vrai savoir et de l’art n’est pas habituelle et il faut donc que les hommes s’en tiennent à des médiations. Ce qui veut dire, de toute évidence que le discours politique, y compris dans sa composante juridique, n’est pas autonome, la valeur de la loi ne peut être jugée que par référence à un monde dont le législateur ne pense pas pouvoir maîtriser les mécanismes au point de devoir juger son programme par rapport à son résultat. 80

C’est aux résultats effectifs de la pratique juridique que l’on doit juger de la valeur d’une législation. Ceux-ci sont objectivement constatables car il n’est qu’une chose que le langage politique ne puisse envisager de construire et la cité décréter, c’est justement ce que seraient les conséquences de ses décrets. Il n’est personne, en effet, même les tenants les plus résolus de l’homme mesure de toute chose, qui ait le courage de maintenir jusqu’au bout l’audacieuse formule selon laquelle ce qu’une cité a trouvé avantageux pour elle de décréter, cela, aussi longtemps que subsiste son décret, lui est de fait avantageux, ἄ ἄν ὠϕέλιμα οἰηθεῖσα πόλις ἑαυτῇ θῆται. ϰαὶ ἔστι τοσοῦτον χρόνον ὅσον ἄν ϰέηται ὠϕέλιμα, à moins, peut-être, qu’il ne suffise de le dénommer tel, πλήν εἴ τις τò ὄνομα λέγοι, mais ce serait vraiment se moquer du sujet traité tient à dire Socrate 348 .

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Le discours juridique ne peut tout faire et sa capacité performative s’arrête aux limites de la réalité factuelle, si ce que la cité appelle du nom d’utile, ὠϕέλιμον, si est précisément ce qu’elle vise en établissant ses lois, νομοθετοuμένη, car toutes ces lois, autant qu’elle peut le croire et faire, c’est parce qu’elles lui seront le plus utile possible qu’elle les promulgue", car ce que l’on appelle "décret commun de la cité" et qui reçoit le nom de loi est un "calcul sur ce

qui sera bon ou mauvais", λογισμòς ὅ τί ποτ’αὐτῶν ἄμεινον ἢ χείρον ὃς γενόμενος δόγμα πόλεως ϰοινòν νόμος ἐπωνόμασται 349 . 82

La loi semble n’avoir que peu d’autonomie dans le système politique platonicien, l’Athénien du dialogue se réjouit de pouvoir priver de sa toute-puissance le législateur dont il pense qu’il ne fait jamais de loi, ni non plus aucun homme, οὐδείς ποτε ἀνθρώπων οὐδὲν νομοθετεῖ, seuls les évènements qui frappent les sociétés construisent des législations, τύχαι δὲ ϰαὶ συμϕοραί παντοῑαι πίπτουσαι παντοίως νομοθετοũσι τὰ πάντα ἡμῖν, τò θνητòν μὲν μηδένα νομοθετεῖν μηδέν 350 . Elle naît du criminel, elle n’est justifiée que par le fait qu’on en respecte les ordres, elle n’a d’autre valeur que pragmatique. Tout le problème reste de savoir comment la mettre en oeuvre puisque tous les moyens qui servent à la construire, dans la forme qu’on lui connaît, semblent permettre plus sa soumission aux événements que sa permanence ontologique.

NOTES 1. Démosthène, Contre Androtion, 11. À l’occasion du problème tout à fait spécifique qu’est l’interdiction faite aux orateurs de proposer la couronne pour une Boulé qui n’aurait pas fait mettre de trières en chantier, il témoigne de ce que l’écrit est censé devoir l’emporter sur la spontanéité des assemblées, le législateur n’a pas cru devoir laisser la possibilité de traiter de cette affaire par dérogation à la seule capacité des orateurs, οὐ γὰρ ᾤετο δεῖν ὁ τιθεὶς τòν νόμον ἐπὶ τῇ τῶν λεγόντων δυνάμει τò πρᾶγμα ϰαταστῆσαι, ἀλλ’ὅ δίϰαιον ἦν εύρειν ἄµα ϰαὶ συμϕέρον τῷ δήμῳ. 2. Lois 659d. Si la loi est censé persuader alors que sa fonction est spécifiquement d’ordonner, c’est que l’idée que se fait Platon de la persuasion est tout à fait particulière. 3. Eschine, Contre Ctésiphon, 37. 4. Lois 875a. La loi, qui est l’armature de la cité, a pour fonction essentielle d’assurer son unité. Il est tautologique de dire que l’intérêt particulier disjoint la cité alors que la volonté communautaire la soude, τò μὲν γὰρ ϰοινὸν συνδεῖ, τò δὲ ἴδιον διασπᾷ τὰς πόλεις. 5. Démosthène, Contre Aristogiton I, 16, elle est aussi "un correctif apporté aux erreurs volontaires ou involontaires", le caractère positif de l’ordre législatif ne peut se déprendre de l’idée que l’existence de la faute est à l’origine du droit. 6. Démosthène, Contre Aristogiton I. 16. 7. Démosthène, Contre Timocrate, 53. 8. Démosthène, Contre Timocrate, 116. Cette formule se retrouve chez Aristote, Rhétorique, 1374. 9. Démosthène, Contre Timocrate, 76. Il faut savoir que les lois d’amnistie n’ont pas pour fonction d’effacer le passé mais d’interdire que l’on en rappelle le souvenir, μνησιϰαϰείν. 10. Nomima I, 2, 1. 18. R. Koerner, Inschrifliche Gesetzestexte der frühen griechische Polis, Cologne, 1993, 11 résume les discussions essayant de croire qu’il pourrait s’agir d’une sorte de mention adventice, M. Gagarin, Dracon and early Athenian homicide law, Londres, 1981, avait pensé que cette disposition servait surtout à faire prévaloir une forme d’indulgence (p. 52-54) mais cela peut passer pour paradoxal. 11. Nomima, I, 84. 12. C’est là que la thèse de A. Laks, "L’utopie législative de Platon", Revue Philosophique, 4, 1991, p. 418-430, prend toute sa valeur. 13. Lois 858a. 14. Lois 630e-631a. 15. Nomima I, p. 392 16. J. K. Davies, ""Deconstructing Gortyn : when is a code a code" dans Greek law in its political setting éd. L. Foxhall et A. D. E. Lewis. Oxford, 1996, p. 33-56. On lira dans le même recueil R.

Thomas, "Written in stone ? Liberty, Equality, orality and the codification of law", p. 9-31. H. Van Effenterre et F. Ruzé montrent que le code de Gortyne "n’est pas une codification au sens propre du terme... c’est une série de mesures de circonstances que le législateur proposait — ou imposait— à ses concitoyens. Il s’agissait d’enregistrer, d’améliorer, de faire connaître à tous les conduites confirmées par l’expérience qui permettraient à la cité d’affronter les problèmes qu’elle rencontrerait", Nomima II, p.  3. Le même genre de déAs’est développé à propos du "code” d’Hamourabi, J. Bottéro. "Le « code d’Hammur-rabi »", Annali della scuola Normale Superiora di Pi sa, XII, 2. 1982, p. 409-444, en fait un "traité de l’exercice du pouvoir judiciaire par l’exemple" et fait gloire aux seuls Grecs d’avoir connu le concept de loi (p. 437) mais la discussion n’est pas close, voir la "Chronique" de G. Gardascia dans la Revue de l’Histoire des Droit sfrançais et étranger. 1985 p. 99 et 1987, p. 159. 17. Lycurgue, Contre Léocrate, 4. 18. Démosthène, Contre Timocrate, 76, cf. 116. 19. Lysias, Contre les marchands de blé, 20. 20. Platon, Protagoras, 324b. 21. M. Foucault, Surveiller et punir, Paris, 1975, cite, p.  150, divers textes signifiant que "la prévention du crime est la seule fin du châtiment (formule de Montesquieu) dans la mesure notamment où la véritable punition des coupables est considérée comme devant être réservée à Dieu. 22. Lois 663C. Sur l’ensemble de ce passage, voir Voir A. Laïcs, "Raison et plaisir, pour une caractérisation des Lois de Platon", La naissance de la raison en Grèce. Actes du Congrès de Nice, Mai 1987, Paris, 1990, p.  291-305. Ch. Bobonich, "Persuasion, compulsion and freedom in Plato’s Laws", Classical Quarterly, 41. 1991, p.  365-388. L. Rossetti, "Éléments d’une morale juridique dans les Lois de Platon", Archives de Philosophie du droit, 33, 1988, p. 229-242 reproche à Platon une conception somme toute élémentaire du rapport de la morale au droit. 23. Lois 663a. Dans ce texte c’est la loi elle-même et non pas le prologue qui se livre à un discours d’éloge alors qu’elle ne devrait pas être autre chose qu’un ordre. 24. République 519e-520a. Voir Lois 711e, 718b. 25. Lois 966c, seuls ceux à qui doit être confiée la garde de la cité sont censés devoir acquérir une connaissance fondée de la théologie. 26. Corpus démosthénien, Contre Phoenippos, 15, 5. 27. Pour Cicéron la loi est muette par nature, c’est le magistrat qui seul parle, néanmoins la loi régit la cité en tant que magistrat muet puisqu’elle est investie d’autorité, "magistratum legem esse loquentem, legem autem mutum magistratum". De legibus, III, 2. 28. Lois 871a. 29. Lois 871a-b. Il est assez clair que, pour Platon, tout assassin doit être poursuivi (voir ce que dit L. Gernet dans sa préface à l’édition des Lois, p. CC sur le principe de l’incrimination), et qu’il doit être puni. Le droit attique permettait, en revanche, qu’un criminel pût n’être pas poursuivi puisqu’il ne pouvait l’être que par des parents du mort, A. Tulin, Dikè phonou, The

right of prosecution and attic homicide procedure, Stuttgart, 1996, p. 105-106 ainsi que p. 9, note 29). Même l’idée qu’une procédure d’impiété aurait permis de poursuivre le parent d’un homme assassiné pour n’avoir pas traîné les meurtriers devant le tribunal est difficile à admettre malgré Démosthène, Contre Androtion, 2. Si l’on en reste, en effet, au Contre Théocrines, 28, on comprend bien qu’il pouvait être déshonorant de ne pas poursuivre un criminel quand, après enquête, on savait qui il était, mais que cela n’était en rien interdit (voir M. Gagarin, " The prosecution of homicide in Athens", Greek Roman and Byzantine Studies, 20, 1979, p. 301-323). Chez les Magnètes il n’en est pas nécesssairement de même. A. Tulin traite brièvement de ce thème, p.  80, note 213, G. R. Morrow, Plato’s cretan city, Pinceton, 1960, réédité en  1993, p.  274-275 cite les textes les plus topiques et souligne que dans la cité les magistrats peuvent avoir l’initiative de poursuites en matière criminelle, Lois 952d. Parfaitement clair est la situation du magistrat qui ne ferait pas respecter les règles de bonne conduite envers les parents, il serait noté d’infamie, lors de sa reddition de comptes, pour n’avoir pas poursuivi les enfants indignes, Lois 881e. Toute personne, ὁ βουλεύμενος qui le souhaite peut citer devant le tribunal celui qui n’aurait pas poursuivi lui-même un assassin alors qu’il aurait dû le faire, 866b, de même 868b. Lois 871b prouve que celui qui attaquerait ainsi un parent négligent le ferait au nom du mort lui-même, le meurtrier serait donc poursuivi par qui le souhaiterait, ὑπόδιϰος τῷ ἐθέλοντι τιμωρεῖν ὑπὲρ τοῦ τελευτήσαντος (on notera le parallélisme avec ὁ γὰρ νόμος ἀπαγορεύει ϰαὶ ἀπαγορεύων ὑπέρ τῆς πόλεως ἀεὶ ϕαίνεταί τε ϰαὶ ϕανεῖται, Lois 871a). Il est bien évident que dans le cas d’un maître ayant assassiné un esclave pour empêcher qu’il ne dénonce ses turpitudes, ce sont des magistrats qui doivent animer les poursuites ne serait-ce que parce que les esclaves n’ont personne pour les venger par le biais d’une action légale, comme nous le verrons. 30. Le sens de ϕήμη conditionne la façon dont il faut traduire προτρέπεται. Ce passage a fait l’objet de très nombreux commentaires et de traductions qui ne sont guère satisfaisantes. L. Gernet, dans son Commentaire du Livre IX, (p. 45 de la traduction et p. 147, note 142) pense, prolongeant en cela l’opinion de Stallbaum. que τήν ϕήμην est ici la "voix populaire" qui "réaliserait cette espèce d’ἀλήθης δόξα collective qui, pour Platon, entretient la vie de la cité". Ce sens évident en plusieurs passages, 932a, 838d, 671b, n’est sans doute pas ici celui qui convient comme semble le prouver la traduction paraphrastique et quelque peu énigmatique qu’il propose, "la voix populaire se renforce ici de l’imprécation de la loi". England avait pensé (ad loc) pour sa part que "these words (ἡ τοῦ νόμου ἀρά) are équivalent to «  in accordance with the law curse  », ce qui n’a pas grand sens, et précise que l’on doit comprendre littéralement "« for the curse (which forms part) of the law brings the ominous with it — had the virtue of an omen  »". Diès écrit "l’imprécation de la loi tourne vers [le criminel] la malédiction divine" ce qui revient à combiner l’opinion d’England avec celle de Winckelmann dont pourtant il ne songe pas à reprendre la correction alors qu’elle avait le mérite de proposer un texte plus simple προστρέπεται. Ce verbe est pourtant employé en Lois 866b dans un contexte de même ordre, si le parent le plus proche néglige de poursuivre le

coupable d’un crime la victime fait retomber le malheur sur lui, τοῦ παθόντος προστρεπομένου τὴν πάθην. Il semble, par ailleurs, qu’il soit tout à fait gratuit de forcer le sens du mot ϕήμη en pensant qu’il désigne la parole du dieu, il n’est pas de parallèle utilisable en contexte. Ne disons rien de telle correction de Bury qui propose de lire ϕήμης et pense pouvoir traduire "the curse of the law brings also upon him that of the divine voice". T. J. Saunders, Plato’s penal code, Oxford, 1994, p.  234. complique beaucoup les choses tout en restant dans la ligne tracée par Stallbaum et Gernet puisqu’il traduit "for the curse of the law urges on the rumour/report (phèmè)" en expliquant "presumably the law says « undertake the proclamation, and if you don’t you will incur the force of my curse, which is publicity, which will put you under pressure : for it will become well-known in society that you are now the polluted person" (c’est T. Saunders qui souligne). Il faut penser que la loi a capacité à prononcer l’interdiction d’un meurtrier. Cette interdiction est efficace quand un des parents de la personne assassinée la prononce mais s’il ne le fait pas, c’est elle qui en définitive prononce les mots sacrés de la πρόρρησις (sur ce point, voir désormais A. Tulin, Dikè phonou, The right of prosécution and attic homicide procedure, Stuttgart, 1996). La traduction par Gernet des quelques lignes qui précèdent le passage que nous essayons d’expliquer et ses réflexions (notes 138 et 139) sont parfaitement éclairantes : que l’interdiction ait été prononcée ou non par un mortel, ἐάντε τις ἀπαγορεύῃ τῷ δράσαντι ταῦτα ἀνθρώπων ϰαὶ ἐὰν µή. c’est la loi ellemême qui excommunie un criminel et, au nom de la cité toute entière, fait entendre sa défense de se montrer dans les lieux publics en toute occasion, ὁ γὰρ νόμος ἀπαγορεύει ϰαὶ ἀπαγορεύων ὐπὲρ πάσης τῆς πόλεως ἀεὶ ϕαίνεταί τε ϰαὶ ϕανεῖται. Si celui qui aurait dû procéder à la proclamation ne fait pas ce qu’il doit faire, la loi suffit à ce que les paroles qu’il aurait dû lui-même prononcer produisent l’effet nécessaire. Comme le constatait R. Vallois (Bulletin de Correspondance Hellénique, 38, 1914, p. 250-271, notamment p. 259-261), un lien très clair associe la malédiction à la loi qui demande qu’on la prononce  : "la malédiction conditionnelle établit une fois pour toute entre l’acte et ses conséquences pénales une relation nécessaire où l’homme n’intervient plus, elle crée donc une véritable loi naturelle", et il montre comment on les constitue chacune en une sorte de θεσμός par un acte législatif spécifique, citant l’exemple d’Aristide qui ἀρὰς θέσθαι τοὺς ἱερείς ἔγραψεν (Plutarque, Vie d’Aristide, 10) et divers parallèles. Si "l’imprécation remontait bien, en fait ou en théorie, à un auteur déterminé, elle prenait généralement la forme plus tangible d’une répétition rituelle, d’une malédiction coutumière, ἀρὰ νομαία". Si, dans le domaine public les ἀραὶ ϰαὶ νόμοι font partie des ϕυλαϰαί de la cité (Démosthène, Contre Leptine, 107), il en est de même dans le cadre des rapports privés et l’on peut les écrire dans un testament pour qu’elles fassent effet. On peut ainsi reprocher dans un procès à son adversaire de contrevenir aux stipulations d’un testament, ἐναντία τῇ διαθήϰῃ ϰαὶ ταῖς ἀπ’ ἐϰείνης ἀραὶς, Démosthène, Pour Phormion, 52. Notre glose, tout en considérant la correction qu’envisageait Winckelmann comme inutile, essaie de conserver ce que l’expression paraît avoir de tautologique par nécessité religieuse, les mots prononcés par la loi sont bien la malédiction qui frappant le coupable méconnu mais

qu’il faut considérer comme le principal intéressé procure d’elle-même à la cité la paix divine nécessaire à sa sauvegarde. 31. Démosthène, Contre Leptine, 107. 32. Lois 874a 33. Dans son édition du Livre IX des Lois, p. 170, note 180. A. Giulani. "Le rôle du fait dans la controverse", Archives de Philosophie du Droit. 39, 1995, p. 229-237, a bien montré comment le fait reste "extérieur à l’herméneutique judiciaire"... et que "c’est la rhétorique qui construit le fait objet judiciaire". 34. Antiphon, Tétralogie Ι, 5. 35. Lois 874b. 36. Lois 874b. On ne peut, en l’état des manuscrits, envisager d’étudier la pertinence de l’idée selon laquelle la loi sur l’homicide perpétré par un inconnu serait la seule qui est consacrée au meurtre comme il peut sembler que ce soit le cas à la lecture du texte retenu par Diès. Platon semble le signifier, oὖτoς δὴ νόμος εἶς ἡμῖν ἔστω ϰυρίως περὶ ϕόνου ϰείμενος, l’homicide objet de droit n’impliquant d’abord le sujet que par conséquence nécessaire du crime commis, des considérations extérieures au résultat même d’un acte brut, la préméditation, la colère, les circonstances peuvent intervenir pour modifier la façon de juger d’un meurtre qui cesse ainsi d’être totalement pur. 37. Lois 880c 38. Il faut distinguer la peur du châtiment ou de l’ennemi de la peur que procurerait le fait de se mal conduire devant ses camarades, Lois 647b. 39. Lois 783a. 40. Il faut bien constater que les prologues ne sont pas les seuls textes à valeur pédagogique dans les Lois, la loi enseigne en même temps qu’elle peut contraindre comme on le comprend de Lois 862d où elle apprend par l’expérience au délinquant à s’amender, 880d indique qu’elle enseigne les gens de bien et contraint les mauvais sujets. 41. Lois 645a, voir Ch. Bobonich, "Akrasia and Agency in Plato’s Laws and Republic", Archiv. f. Gesch.d. Philosophie, 76, 1994, p. 3-36. 42. Lois 660a. 43. Lois 663e, l’essentiel de cette formule anime les analyses de A. Laks. "L’utopie législative de Platon", Revue Philosophique, 4, 1991, p. 417-428, et de Ch. Bobonich, "Persuasion, compulsion and freedom in Plato’s Laws". Classical Quarterly, 41, 1991, p. 365-388. 44. Lysias, Sur le meurtre d’Ératosthène, 35. 45. Lois 880d. 46. Lois 862d. Pour F. Gény, Science et technique en droit privé positif, Paris. 1913,1, p. 47, les règles exprimées par le droit positif sont nécessairement soumise à une "sanction extérieure au besoin coercitive émanant de l’autorité". 47. Lois 71 le, l’éloge et le blâme sont considérés comme étant de même valeur efficiente. 48. Lois 632c.

49. Lois 632a. 50. Lois 775a. 51. Lois 728d. 52. On est dans une perspective différente de celle qui est envisagée par les lois précisant que celui qui obéit ne doit pas être puni, 72 ld, 960a, ἀζήμιος. 53. Lois 824a. 54. Lois 914a. L’esclave est obligé de dénoncer un tel crime, il y gagne la liberté, s’il ne le fait pas, il est mis à mort. 55. Lois 881b-c. 56. Lois 730d. Le pouvoir civil prend le pas sur le militaire, 922a. 57. Sur le devoir de dénonciation auprès des magistrats, voir V. Goldschmidt, "Théorie platonicienne de la dénonciation", Questions platoniciennes. Paris, 1970, p. 173-201. 58. Lois 731a. 59. Sur cette, notion, P. Veyne, "Les lois de Platon et la réalité", Annales ESC, 1982, p. 883-908. 60. République 361c, voir dans la suite du discours de Glaucon, 361e-362a, l’image du juste fouetté, torturé, emprisonné, on lui brûle les yeux et il est. finalement, empalé. 61. Lycurgue, Contre Léocrate, 10. 62. Nouveau choix d’inscriptions grecques par l’Institut F. Courby, Paris, 1971, 7, 1. 16-17. Les épigraphistes appellent ce passage obligé des textes de ce type la "formule hortative", "cette phrase conventionnelle se propose de souligner qu’obliger la cité n’est pas rendre service à des ingrats" (p. 34). 63. Formule de Ph. Gauthier, Les cités grecques et leurs bienfaiteurs, Athènes, 1985, BCH, Supp. XII, p.12. 64. Lois 823c. Le texte, qui théorise l’idée selon laquelle le législateur ne peut se contenter de menaces, est rattaché à la loi sur la chasse, la généralisation ne se fait que dans une incise. 65. Pour M. H. Hansen, la compétition serait la règle de la démocratie et non point celle de l’aristocratie, Was Athens a democracy. Popular rule, liberty and equality in modem politcal thought, Copenhague, 1989, évoquant Démosthène, Contre Leptine, 108 et Sur la couronne 320. 66. Lois 948a 67. P. J. Rhodes, The athenian Boule, Oxford, 1972, p. 14-16 et 144. 68. Eschine, Contre Timarque, 112. 69. Hésiode, Travaux, 218. 70. Critias, Fg. B 25. 71. Aristote, Éthique à Nicomaque, 1179b 10, voir 1115b 11. 72. Aristote, Éthique à Nicomaque, 1116a28. Sur cette notion voir D. L. Cairns, Aidôs. Psychology of honour ans shame in ancient greek literature, Oxford. 1993, notamment p. 420 et suivantes. 73. Diodore, Bibliothèque, I, 14, 3. 74. Lois 880e. 75. Lois 853b.

76. Lois 644d, A. Laks, dans "L’utopie législative de Platon", Revue Philosophique, 4, 1991, p. 418430 évoque le "sombre verdict que Platon porte sur l’humanité" (p. 430). 77. Lois 835e. 78. Lois 960a (voir 72ld). On peut rapprocher cette définition négative de celle que l’on trouve dans le Gorgias 506d, "chacun de nous, pour être heureux doit rechercher la tempérance, σωϕροσύνη, et s’y exercer... faire en sorte avant tout de n’avoir aucun besoin de châtiment, μηδὲν δεῑσθαι τοũ ϰολάζεσθαι. 79. Voir, sur le problème de la surrogation, les textes cités par T. J. Saunders, Plato’s penal code, Oxford, 1991, p. 208-211, Lois 865d-e, 870d-e, τò τοιούτων τίσιν ἐν "Αιδου γίγνεσθαι. 80. Lois 872e-873a. La loi sur le pillage des dépôts, promulgué dans un état d’esprit analogue, ne fixe pas de punition pour qui se serait rendu coupable d’appropriation illicite, car c’est au dieu qu’il est demandé de la définir au cas par cas, la cité réserve le prononcé de la peine à l’oracle de Delphes, Lois 914a. 81. Zaleucos souhaite que l’homme soit pieux et honore les divinités poliades. En fréquentant les sanctuaires, il peut échapper à la tentation du pêché quand un mauvais démon le pousserait à l’injustice, maîtresse impie et si pénible que les dieux seuls peuvent contenir, ἐὰν δέ τῷ παραστίῇ δαίμων ϰαϰòς τρεπων πρòς ἀδιϰίαν ὡς διατρίϐειν πρòς ναοίς ϰαὶ ϐωµoίς ϰαὶ τεμένεσι,ἄ ϕεύγοντα τὴν ἀδιϰίαν ὡς δέσποιναν ἀσεϐεστάτην ϰαὶ χαλεπωτάτην, ἰϰετεύοντα τοùς θεούς συναποτρέπειν αὐτήν. A. Delatte. Esssai sur la politique pythagoricienne, Paris, 1922. 82. Maximes 34 et 35. V. Goldschmidt, La doctrine d’Épicure et le droit, Paris, 1977  p.  91 et suivantes cite telle formule de Stobée, Florilège, IV, 4, 143, selon qui "les lois ont été positivement établies dans l’intérêt des sages, non pas pour les empêcher d’être injustes, mais d’être victimes de l’injustice", l’obéissance aux lois étant une condition de la sécurité collective ou individuelle. Il sait "qu’Epicure recommande la vie privée, mais que "ce qui la rend possible et nous dispense de prendre part aux affrontements et aux luttes politiques, ce sont précisément les lois. D’où l’on concluerait déjà que le droit est d’une importance capitale et proprement vitale, non pas peut-être pour la doctrine, mais pour l’existence même du philosophe" (p. 241). La traduction de M. Conche, Epicure, lettres et maximes, Paris, 1987, ne modifie pas de façon substantielle l’idée que l’on doit se faire du texte. V. Goldschmidt insiste sur le fait que le sage ne pourrait être heureux en contrevenant aux lois même si la certitude de l’impunité lui était donné parce que la sagesse implique la justice et que celle-ci impose l’obéissance aux lois. Voir sur ce thème A. Alberti, "The epicurean theory of law and justice", dans Justice and generosity, éd. A. Laks et M. Schofield, Cambridge, 1995, p. 161-189. 83. République 360c. 84. Timée 86e. Voir Lois 86Od. Le texte a été analysé par T. J. Saunders. Plato’s penal code, Oxford, 1994, p. 169 et suivantes, il est mis naturellement en rapport avec Gorgias 474-479 qui prétend démontrer que ne pas expier ses crimes est le pire des maux. Voir République 445a-b, ainsi que désormais, R. Muller. La doctrine platonicienne de la liberté, Paris, 1997. 85. Lois 644a.

86. Lois 73 ld. 87. Lois 731c. Voir, Ch. Bobonich, "Akrasia and Agency in Plato’s Laws and Republic", Archiv. f. Gesch. d. Philosophie, 76, 1994, p.  3-36. A. Laks, "L’utopie législative de Platon", Revue philosophique, 4, 1991, p. 417-428, montre quel "sombre verdict" Platon porte sur l’humanité. 88. Lois 684c, voir 690c. 89. Lois 875b. 90. Lois 782e. B. Cassin, L’effet sophistique, Paris, 1995, p.  277, procure un commentaire bienvenu au discours Sur la vérité, d’Antiphon. Pour le sophiste, il semble que l’utile bien compris, soit l’utile posé par la nature susceptible d’être en même temps réjouissant, mais certainement pas l’utile affligeant posé par la loi. Il se constituerait, ainsi, une hiérarchie des avantages, et la souffrance, qui est souvent la marque de l’utile légal, contrainte ou châtiment, ne saurait en aucun cas être tenue comme l’indice d’une utilité véritable, inévitable, οὓϰουν ἄν δ’οὐδὲ ξυμϕέροντ’είη τἀ λυποũντα μᾶλλον ἤ τὰ ἤδοντα. Il ne faut pas négliger, au nom de l’idée selon laquelle le médecin s’occupe du bien-être de son patient, le fait que l’exercice de la médecine est inséparable de la répression. Le praticien commence par empêcher son malade de faire ce dont il a envie et qu’il a toujours fait, Gorgias 505a, voir M. Narcy dans l’introduction qu’il a donnée à sa traduction du Théétète. Paris. 1994 p. 112. 91. M. Foucault, La volonté de savoir, "L’implantation perverse", Chapitre I, 2, Paris, 1976, montre quels liens associent de façon indissoluble en "spirales perpétuelles", le pouvoir et le plaisir. 92. Lois 854e, cf. 862d-e. 93. Platon, Protagoras, 325d. T. J. Saunders, Plato’s penal code. Oxford. 1991, p. 133. 94. Gorgias 525b-c. M. Foucault, Surveiller et punir, Paris, 1975. p.  76 et suivantes montre comment le spectacle des supplices peut avoir des effets tout à fait contraires aux prévisions de ceux qui croient à la valeur exemplaire des pires tortures. Cela finit par en faire modifier les modalités. 95. Lois 854e. 96. Gorgias 525b-c. 97. République 616a. 98. Lois 862e. 99. Lois 855c, L. Gernet a étudié ce texte, étude reprise dans l’Anthropologie de la Grèce antique, Paris, 1960. On ne comprend pas bien ce que peuvent être des terroirs consacrés à l’extrémité du territoire, on a pensé à corriger la tradition, Gernet proposait à tout hasard εἰς ἱερὰ ἐπὶ τά τῆς χώρας ἔσχατα mais il est inutile de procéder à ce genre de distinction puisque l’on connaît, à Magnésie, des temples dans les campagnes, 761c, et que certaines zones non cultivées sont comme on le sait de la loi sur la chasse, consacrées, 824a. On ne comprend guère ce que peut être la publicité d’un supplice qui serait accompli dans un lieu que ne fréquenterait aucun spectateur. Il ne faut pas imaginer comme T. J. Saunders. Plato’s penal

code, Oxford, 1991, que ce genre de supplice puisse avoir la moindre valeur curative, Platon est le premier à reconnaître qu’il est un supplice destructeur et non pas un remède. 100. Sur l’άποτυμπανισμός voir E. Karabélias, "La peine dans l’Athènes classique", Recueil de la Société J. Bodin, LV, 1991, p. 77-132. 101. Lois 873b, voir M. Gras, "Cité grecque et lapidation", Du châtiment dans la cité, supplices corporels et peine de mort dans le monde antique. Paris-Rome, 1984. p. 75-89. 102. Lois 723a ; voir aussi 875d, τάξις τε ϰαὶ νόμος. Chez Aristote l’emploi du terme τάξις est moins évidemment impératif, comme l’expliqua tout au long de son enseignement M. Villey, la loi est un système de répartition des droits et devoirs dans le système politique, c’est la loi en effet, τάξις ἡ νόμος, qui prévoit la succession des citoyens aux charges de magistrats pour que chacun à son tour commande et soit commandé, Politique 1287a 18. En 1326a29 ὅ τε γὰρ νόμος τάξις τίς ἐστι, il est bien clair que la loi est un principe d’organisation du monde même si, telle la divinité qui régit l’univers, elle commande et ordonne. Le texte le plus clair est Rhétorique, 1366b 10. 103. Il paraît difficile de comprendre et. donc, d’accepter la classification de M. Ostwald, Nomos and the beginnings of Athenian democracy. Oxford. 1969. S’il distingue, p. 54 et suivantes, treize significations du terme, il est sûr que la classification proposée n’a guère de sens. Quand il en reste à une définition minimale, il est clair qu’il a raison d’expliquer que "νόμος is a norm, both in a descriptive and in a prescriptive sense”, et de constater que norme, n’a pas nécessairement le même sens dans le langage courant et dans celui des théoriciens du droit, mais cela n’a guère d’intérêt. 104. Politique 260e. 105. Politique 260d. 106. Politique 260a. Le verbe est le même que celui qui est employé deux fois dans Lois 859a, ce qui est bien évidemment significatif pour définir ce qu’est le tyran séparé de la cité même dans laquelle il est né. 107. Lois 859a. 108. Lois 715c-d. M. Piérart, "Les figures du roi et du tyran dans les Lois de Platon", Ktèma, 16, 1991, p.  219-227 a analysé ce passage p.  223, il note que le terme de βασιλεία n’est jamais employé pour évoquer la souveraineté des lois. On sait d’autre part que pour pouvoir commander, il faut avoir appris à obéir, et s’être entrainé à le faire, μελετητέον ἄρχειν τε ἄλλων ἄρχεσθαι θ’ ὑϕ’ ἑτέρων, Lois 942d. 109. Lois 700a. 110. Lois 777e. 111. Lois 875c, la loi ne saurait définir ce que sont les occupations dignes ou indignes d’un homme libre, 919e. 112. Lois 698b, voir Lois 699c. Voir D. L. Cairns, Aidôs. Psychology of honour and shame in ancient greek literature, Oxford, 1993, p. 365-370.

113. L’αἰδῶς présente rend audacieux devant l’ennemi car on aurait honte de paraître faible et craintif au regard de ses amis, Lois 646e-647d. 114. Lois 626d. 115.Lois 645b, Ch. Bobonich, "Akrasia and Agency in Plato’s Laws and Republie", Archiv. f. Gesch.d. Philosophie, 76, 1994, p. 3-36. 116.Fg 264, traduction par J. -P. Dumont, Les Présocratiques, Paris, 1986. Le texte est analysé rapidement par D. L. Cairns, Aidôs. Psychology of honour ans shame in ancient greek literature, Oxford, 1993, p. 365-370. 117. H. L. A. Hart, The concept of law, Oxford, 1961, a consacré plusieurs pages (Chapitre II et notes p. 234-237) à la façon dont il faut comprendre les divers impératifs du langage juridique pour conclure "the laws of any country will be general orders backed by threats which are issued either by the sovereign or subordinates in obedience to the sovereign. Le volume 19 des Archives de Philosophie du Droit, 1974, est consacré au "Langage du Droit" et une partie essentielle en est consacrée à "Indicatif et impératif juridique" par M. Viley, G. Kalinowski, J.L. Gardies, p. 33-88, auquel on peut joindre, pour que le trio devienne un quatuor, R. Coulon, "Indicatif présent et socio-sémiotique du discours constitutionnel", Archives de Philosophie du droit, 33, 1988, p. 347-368. La plupart des analyses nouvelles se fondent sur l’oeuvre pionnière de J.-L. Austin, Quand dire c’est faire (à lire dans l’édition de 1991, Paris, dotée par F. Récanati d’une postface importante), et les conclusions qu’il a proposées sur les catégories de l’illocutoire et du perlocutoire. Particulièrement important est Théorie des actes de langage, éthique et droit, édité par P. Amselek, Paris, 1986, avec des propos introductifs de J. Bouveresse. Il paraît évident que "les juristes n’ont pas besoin de la philosophie pour être conscients de la puissance créatrice du verbe du droit... la relation du langage juridique à la réalité correspondante n’est pas passive, reproductrice, réfléchissante — mais active, productive et constituante", en cela les "les actes du langage juridiques sont très proches des actes du langage commun appelés «  performatifs  » mais en même temps ils ne sont pas identiques à ceux-ci", ainsi faut-il s’interroger sur les conditions nécessaires à la façon dont les performatifs juridiques peuvent être dits réussis (voir D. N. MacCormack et Z. Bankowski, loc. cit., p.  175-195, notamment p.  187 sq.). J’emploie le mot "épitactique" après A. Laks, "Raison et plaisir, pour une caractérisation des Lois de Platon", dans La naissance de la raison en Grèce, édité par J.-F. Mattéi. Paris, 1990, p. 291-303 (p. 300), cela pour éviter d’entrer dans le débat sur le mode du verbe, au sens où l’entend la grammaire traditionnelle, utilisé dans chacun des textes considérés comme une loi. Le débat sur ce point est récurrent mais doit être relativisé, voir par exemple D. de Béchillon, Qu’est-ce qu’une règle de droit ?, Paris, 1997, qui montre que toute loi supposant un devoir-être pose le problème de l’ordre mais il est possible de le formuler selon des modalités très diverses (p. 174-218). La pratique des juristes de l’Antiquité semble se poser en termes plus complexes que le droit français ou belge auxquels se réfèrent le plus souvent les éminents juristes francophones dont nous avons cité les travaux. Néanmoins, A. Magdelain, La loi à Rome, Paris, 1978, p. 23 et suivante, signifie, sans

états d’âme, que "l’impératif est la langue du jus aussi bien dans les adages rédigés par les prêtres que dans les différents types de leges archaïques", en revanche "ni le magistrat dans ses édits, ni le sénat dans ses résolutions ne parlent à l’impératif. Le langage du jus, qui est en même temps celui de la lex, leur est inaccessible... le prêteur ordonne au subjonctif et promet à la première personne... la faculté de formuler du jus à l’impératif fait (sauf rare exception) autant défaut à la haute assemblée qu’aux magistrats... les leges typiques ont ceci de commun d’être rédigées à l’impératif qui est le langage du jus". 118. A. J. Greimas dans Sémiotique et science sociale, Paris, 1976, distingue entre l’ordre de l’être qui construit des existants qui n’ont de réalité que parce qu’ils ont été créés par le langage même qui les évoque, et celui du faire "où il s’agit de fixer à l’aide d’énoncés fonctionnels la sphère opérationnelle de l’objet sémiotique déjà appelé à l’existence, l’ensemble prévisible des comportements se trouve soumis à l’appréciation d’une grille modale. Théoriquement, l’inventaire des comportements que le législateur cherche ainsi à réglementer relève du niveau référentiel plus ou moins explicité et est censé recouvrir la totalité de l’univers justiciable” (p. 89). 119. Sur ce terme, qui montre bien ce qu’est l’autonomie du droit par rapport aux faits prétendus bruts et au discours naturels, voir Droits, 18, 1993, pour l’ensemble des études proposées et l’introduction d’O. Cayla, "La qualification ou la vérité du droit", p.  3-18. Il montre comment "toute qualification se ramène à un fondamental acte d’évaluation, c’est à dire qu’il "consiste à donner le nom non pas qui « revient » à la chose, mais que « mérite » la chose, et surtout qu’il impose un nom "qui « convient » non pas à la chose elle-même mais au sort qu’on veut lui faire subir en vertu de déterminations foncièrement politiques" (p. 9, c’est l’auteur qui souligne). 120. Diodore, Bibliothèque, XII, 21. 121. Ce qui n’est pas le cas dans tout ce que l’on connait des lois de Charondas, il avait fait interdiction aux femmes, sous peine de mort, de boire de vin pur sans ordonnance de médecin, Athénée, Deipnosophistes, X, 43 Ib. Symétriquement, à Marseille on imposait aux femmes de boire de l’eau. 122. M. Villey, "Indicatif et impératif juridiques. Dialogue à trois voix [en association avec G. Kalinowski et J.-L. Gardies]. De l’indicatif dans le droit", Archives de Philosophie du droit, 19, 1974, p.  33-61 p.  34 et 39. On retrouve la même idée dans "la notion classique de jus et le dikaion d’Aristote", La filosofia greca e il diritto romano, Colloque italien-français, Rome, Académie dei Lincei, 1976 : "le juge n’a nullement de prescrire des comportements, comme le fait le moraliste... il dit ce juste rapport qu’est le dikaion attribuant à chacun sa part, à chacun ce qui lui revient". On ne manquera pas de rapprocher cette opinion de ce que dit Eschine, Contre Timarque, 165, ὁ δὲ νομοθέτης οὐχ ὅπως τò πρᾶγμα γεγένηται ἐϕρόντισεν ἀλλ’ ὁπωσοῦν μίσθωσις γένηται, κατέγνωκε τοῦ πράξαντος αἰσχύνην. Villey savait néanmoins parfaitement que, lorsque tel n’agit pas comme il convient, il faut lui envoyer les gendarmes pour le contraindre.

123. Cette métaphore appartient à la tradition de la législation de Zaleucos, Stobée, Anthologie 4, 4, 25, comme à celle de Solon, Plutarque, Vie de Solon, 5, voir Diogène Laërce, 1, 58. Le sens n’en est pas celui que je lui donne ici. Elle évoque dans les textes la fragilité de la toile et sert à faire comprendre que les grands peuvent contrevenir, le plus souvent, aux règles de droit sans qu’on soit à même de les punir, car ils sont assez puissants pour détruire les filets censés les retenir. 124. Le Corpus démosthénien, Contre Timotheos, 55, 5, indique que la preuve des crimes se lit sur la peau, ἐν τῷ δέρματι ὁ ἔλεγχος. Dans ce texte, il est question de la torture et de la façon dont en faire usage permettait de découvrir la vérité en marquant le corps de l’esclave, nous utilisons la formule pour sa seule valeur rhétorique. 125. Quoi qu’en dise H. Joly, Le renversement platonicien, Paris, 1974. p. 363, le fait d’écrire la loi ne change pas grand-chose en cette occurrence. Les analyses qu’il fait, de Politique, 295 etc., prétendant que la "structure formelle de l’écriture permet d’anticiper, comme l’ordonnance médicale, sur le surgissement du réel et sur le cours du temps", sont à contre sens de ce que signifie Platon pour qui l’écriture empêche que l’on suive le "surgissement" des circonstances, le conservatisme peut trouver son lieu dans l’immobilité morte de la lettre ou de l’ordonnance immuable, en tout cas pas le rationalisme. 126. Lois 923c. 127. Lois 923a. 128. Lois 923c  : προοίμια τῶν τε ζώνχων ϰαὶ τῶν τελευτῶντων. le présent n’est pas, simplement, une sorte de duratif, "ceux qui sont en train de mourir". 129. Lois 869b. Sur le parricide, voir infra. 130. Lois 873a-b. 131. Lois 926b, voir 876e, ἡ δὲ γραϕή περὶ τραύματος ὧδε ἡμίν ϰείσθω. 132. Lois 873c. 133. Lois 913a-d. 134. Je reprends la formule de H. Joly, Le renversement platonicien, Paris, 1974 (réimprimé en 1994), p. 92. 135. Politique 295a, προστάττων ἀϰριϐῶς ἐνὶ έϰάστῳ τò προσῆϰον ἀποδίδοναι, ἑϰάστῳ δι’ ἀϰριϐείας προστάττειν τò προσῆϰον. 136. Je rejoins, par une approche différente, les conclusions de J. F. Pradeau, Platon et la cité, Paris, 1997, p. 103. 137. Lois 823c. 138. Lois 720d, le médecin doit adoucir son malade en le persuadant, μετὰ πειθοῦς ἡμερούμενος τòν ϰάμνοντα. M. Ducos, Les Romains et la Loi, Paris, 1984, souligne (p. 401) en citant 890c que le verbe ἡμεροῦν "s’applique d’abord aux animaux rendus obéissants". Cela dévalorise quelque peu la dignité rendue en apparence au citoyen par le soin qu’on prend de faire appel à sa raison. A. Powell, "Plato and Sparta  : Modes of rule and of non-rational persuasion in the Laws". The shadow of Sparta éd. A. Powell et S. Hodkinson, Londres, 1994,

p. 273-321 signale que Simonide qualifie Sparte de δαμασίμϐροτος, texte cité par Plutarque, Agésilas, 1. 139. Lois 857d. 140. Voir J. Jouanna, "Le médecin modèle du législateur dans les Lois de Platon" Ktèma, ", 1978, p. 562-577. 141. Le mot est spécifique des Lois, il y est employé 36 fois, alors que l’on n’en compte, dans l’ensemble de l’œuvre de Platon, que 46 occurrences. Dans la République, il est question des préludes mélodiques préparant les nomes citharédiques et les airs de musique, mais Platon tient à montrer (Lois 722e) que "si l’on n’a jamais parlé de prélude pour les vraies lois (τῶν δὲ ὄντως νόμων ὄντων, ὃυς δὴ πολιτιϰοὺς εἶναί ϕαμεν), si aucun compositeur (συνθέτης) n’en a produit au jour", il est du devoir du législateur de faire en sorte que les lois ne manquent pas de préambule (723b). On ne doit pas comparer, comme le fait Cicéron, les prologues généraux tels que les avaient conçus Zaleucos ou Charondas. aux prologues platoniciens attachés à chaque loi. M. Detienne, L’invention de la mythologie, Paris, 1981, analyse pour sa part (p. 176177) le terme παραμυθίον que Platon emploie parfois et montre quelle est sa valeur incantatoire. 142. Lois 880a. 143. Lois 723d. Sur le sens même du mot προοίμιον, M. Costantini-J. Lallot. "Le προοίμιον est-il un proème ?", Le texte et ses représentations, éd. M. Costantini et alii, Paris, 1987, p. 13-27. Les prologues ont été étudié sous divers aspects et le problème de la capacité du philosophe à accepter le dialogue avec le justiciable pour le convaincre semble devoir rester à l’horizon de toute discussion. S. Gastaldi, "Legge e retorica. I proemi delle Leggi di Platone", Quaderni di Storia. 20, 1984, p. 69-109, en souligne leur caractère assertorique. A. Laks n’a pas renoncé à l’idée de publier, sous une forme ou sous une autre, sa thèse, Loi et persuasion. Recherche sur la structure de la pensée platonicienne, dont un exemplaire dactylographié peut être consulté à la bibliothèque des thèses de l’Université Paris IV. Il semble que l’on s’accorde, aujourd’hui, à trouver convaincant un article de G. Bobonich, "Persuasion, compulsion and freedom in Plato’s Laws", Classical Quarterly. 41, 1991, p. 363-388, prolongé dans "Reading the Laws", Form and argument in late Plato, éd. Ch. Gill et M. M. McCabe, Oxford, 1996, p.  249-282. Celui-ci insiste sur le fait que Platon est parfaitement sincère quand il pense pouvoir convaincre sans contraindre, il prend, ainsi, le contrepied des commentateurs tentés de suivre les condamnations de K. Popper. Pour un résumé commode de cette problématique, voir les Extraits des Lois traduits et commentés avec une abondante introduction par A. CastelBouchouchi, Paris 1997, qui ne se scandalise pas assez des "accents totalitaires", p. 52, que nombre de lecteurs de Platon avaient cru devoir dénoncer. 144. Lois 858c-859a, sur lâ censure qui découle de cette concurrence pourtant acceptée 656e, 719b, 817d,. 145. Voir Ch. Gill, "Plato on falsehood—not fiction", Lies and fiction in the ancient world, éd. Ch. Gill et T. P. Wiseman, Exeter, 1993. p. 38-87. P. Murray, Plato on poetry, Cambridge, 1996.

146. Lois 719e. 147. Les trois vieillards ne sont pas les législateurs à proprement parler, celui-ci ne doit être nommé par Cnossos qu’au moment de la déduction effective de la colonie. Ce législateur est désigné, de façon explicite, comme le destinataire de l’œuvre dans un appendice au prologue qui demande, par avance, qu’on lui soit indulgent, en raison de la difficulté de la tâche qui lui sera confiée, Lois 925e. C. Bobonich, "Persuasion, compulsion and freedom in Plato’s Laws", Classical Quarterly, 41, 1991, p. 365-388, pense que l’ouvrage pourrait être lu devant les futurs habitants de la cité, et que tel discours, 718b-d, leur serait spécifiquement adressé. 148. Lois 734e. 149. Voir Lois 722d. 150. Prologue 60, 10 (édition H. Thesleff, The Pythagorean texts of the Hellenistic period, 1965, reprise par le TLG). 151. Prologue 63, 1 (édition. H. Thesleff, The Pythagorean texts of the Hellenistic period, 1965, reprise par le TLG). 152. Lois 722, sur le fait que les prologues peuvent être chantés, c’est du moins l’opinion de L. Gernet alors que le mot est le plus souvent métaphorique dans le dialogue, voir Lois 854c. Sur le rapport de la philosophie à la musique, il faut lire les travaux de R. W. Wallace, qui annonce un livre sur Damon d’Oa et a publié (avec B.MacLachlan) Harmonia mundi, Musica e filosofia nell’antichità, Rome, 1991. 153. Lois 723b. 154. Lois 718b, nous reviendrons sur les divers modes d’entrainement au bien. 155. Lois 721b. 156. Lois 72 ld. 157. Lois 823a. 158. Lois 823d. 159. Lois 854c. 160. Lois 870e-871a 161. Lois 908b. 162. Sur ce thème, voir notre note, "Formes du discours politique : décrets des cités grecques et correspondance des rois hellénistiques", Revue Historique de Droit français et étranger, 63, 1985, p. 469-482 (repris dans les Cahiers du Centre G. Glotz, I), on remarque que c’est ainsi par exemple qu’en usent les Cyrénéens quand ils évoquent le serment des fondateurs, ils exposent dans les considérants du décret ce pourquoi ils le lisent et ce qu’ils y trouvent. 163. Lois 918a-920c. 164. Lois 917c 165. Lois 917c. 166. On apprend de République 373b que le chasseur apparaît dans la cité au moment où celleci commence à s’agrandir et se découvre des goûts de luxe.

167. Lois 823a-d. Il semble que Magnésie soit une cité où le groupe des chasseurs pourrait se trouver en butte à l’hostilité de gens qui ne partagent pas les valeurs paraissant essentielles au législateur et qui voudraient imposer des restrictions à l’activité des jeunes gens disposant d’assez de loisirs pour chasser à courre. On peut se demander si cette loi n’est ainsi, au-delà de son objet propre et avéré, un texte qui témoigne de la dureté des oppositions sociales dans une cité moins égalitaire qu’il n’est, parfois, prétendu. 168. Ch. Bobonich, "Persuasion, compulsion and freedom in Plato’s Laws", Classical Quarterly, 41, 1991, p. 365-38, pense que Platon est parfaitement sincère et que son souci de convaincre en faisant appel à la raison des justiciables est inconstestable. 169. Lois 823a, il semble que la formule soit un hapax. 170. Lois 823a. 171. Lois 835e. 172. Lois 644a. 173. Lois 644d-645a. 174. Lois 887a. 175. Lois 907d. 176. Lois 884a-907d. 177. Lois 888d. 178.Lois 888c-d. 179. Lois 880a. 180. Lois 932a. Il faut retenir la correction retenue par England. ϰωϕόν et non pas le texte des manuscrits qui supposent une ϕήμη sourde. Il est ainsi question de la rumeur dénonçant, avant même que la loi ne le condamne, un citoyen qui semblerait négliger ses devoirs envers ses parents. 181. Il est, de même, des situations, pourtant moins généralisables, où le non-agir est interdit. Ainsi, le témoin d’une agression contre un parent n’a pas le droit de s’abstenir d’intervenir, qu’il soit d’ailleurs étranger au corps civique ou qu’il soit citoyen, Lois 880b, celui qui aurait porté secours à l’agressé serait honoré d’une place au premier rang lors des spectacles publics, s’il ne l’avait pas fait, il aurait été banni du territoire. La loi sur les dépôts est construite sur un schéma un peu semblable, 913a-914a. Elle est, d’abord, un discours argumentatif sur les raisons traditionnelles de devoir respecter les trésors enfouis, et cite un aphorisme déontique, µὴ ϰινεῑν τὰ ἀϰίνητα, puis évoque une loi de Solon, ἃ µὴ ϰατέθου, µὴ ἀνέλῃ, puis finit par considérer comme une faute celui qui ne se conformerait pas à ces interdictions. Il n’est pas, néanmoins, fixé de punition pour qui se rendrait coupable d’une appropriation illicite et c’est au dieu qu’il appartient de la définir au cas par cas, aussi la cité réserve-t-elle le prononcé de la sentence à l’oracle de Delphes. De même que, dans la loi spécifique sur l’impiété, le nomothète fait obligation à toute personne informée de dénoncer le coupable et de venir ainsi au secours de la loi. Lois 907d, ἀμύνειν σημαίνων. le dénonciateur

est récompensé mais celui qui se refuse à jouer ce rôle est puni, l’esclave est puni de mort s’il ne révèle pas ce qu’il sait. 182. Lois 880e, je reprend la très explicite traduction de Gernet. On constate que, de la même façon, on ne promulguera pas de loi sur les relations sexuelles pour les personnes hors d’âge de faire des enfants, mais que l’on en envisage de le faire si les gens se révèlent incapables de rester, d’eux-mêmes, dans des limites raisonnables. 785a. 183. Lois 708e-709c. 184. Démosthène, Contre Aristogiton I, 16. 185. Théophraste, Fragment 106,1, 1. 186. Voir, dans Nomima II, p. 3-4, les réflexions de H. Van Effenterre, sur la codification. 187. Aristote, Éthique à Nicomaque, 1137b 18. 188. J. Cayla, "La qualification ou la vérité du droit", Droits, 18, 1993. p.  9-18, l’expression juridique est "commandée par une fondamentale et préalable évaluation de ce qui est politiquement souhaitable ou socialement acceptable". 189. Lois 842c-d. 190. Lois 853b. 191. On se trouve, ici, dans la situation bien mise en évidence par A.J. Greimas, Sémiotique et sciences sociales, p.  89-90, qui distingue très clairement entre l’ordre de l’être où la parole juridique est performative et où rien de ce qui est dit ne peut manquer le statut d’existant et ce qui est de l’ordre du faire où doit se poser le problème du permis et de l’interdit, chaque système juridique ayant éventuellement une préférence pour l’un ou l’autre des modes de vouloir, cela constituant une typologie des dits systèmes, en tout cas cela laisse des lacunes considérables dans le champ des possibles. 192. Ce que lui reproche Cicéron, Pro Roscio Amerino, 70. 193. Diogène Laerce, Vie des philosophes, I, 59, ἐρωτηθεὶς διὰ τί ϰατὰ πατροϰτόνου νόμον οὐϰ ἔθηϰε, il est bien clair que le crime existe au moins en parole avant d’avoir forme juridique. L’essentiel est néanmoins qu’il ne soit pas assumé dans la langage du droit, voir Y. Thomas, "À propos du parricide. L’interdit politique et l’institution du sujet", L’inactuel, 1995, p. 167-187, qui évoque le topos rhétorique "du législateur malheureux qui, le premier, institue le supplice et fait apparaître ainsi la vraisemblance du parricide. Le premier attentat ne fut pas le fait du meurtrier, mais celui du législateur qui avait osé briser le silence". Sur le matricide d’Oreste, voir M. Detienne, "Le doigt d’Oreste", Destins de meurtriers, Systèmes de Pensée en Afrique Noire, 14, 1996, éd.M. Cartry et M. Detienne, p. 23-37. 194. Le terme topique qui permet d’indiquer que l’on cite textuellemnt une source est διαρρήδην, les citations sont très nombreuses, ὁ γὰρ νόμος διαρρήδην λέγει. 195. Lysias, Contre Philon, 27-28, cet argument n’est utilisé qu’après que l’accusateur se soit défendu de la faute qu’il assumait de devoir rappeler les maux anciens, chose interdite par les nécessités de la réconciliation nationale. L. Gernet fait remarquer, dans la notice qui présente le discours dans l’édition de la CUF, qu’il existait bien une loi de Solon interdisant de rester à

l’écart des conflits civils en laissant aller les choses mais qu’elle semble avoir été oubliée à l’époque de Lysias. On peut penser qu’une législation solonienne sur ce point n’est que reconstruction. Plusieurs contributions érudites, voir E. Rushenbusch, ΣΟΛΩΝΟΣ NOMOI, Historia, Suppl. 9, 1966, p. 82-83 et A. Martina. Solon, Rome, 1968, p. 174-176, ont tenté d’en démontrer l’authenticité. Elle semble admise par Rhodes dans son commentaire de La Constitution des Athéniens, 8, 5, ὁρῶν δὲ τὴν πόλιν πολλάϰις οτασιάζουσαν, τῶν δὲ πολιτῶν ἐνίους διὰ τὴν ῥαθυμίαν ἀγαιτῶντες τò αὐτόµατον, νόμον ἔθηϰεν πρòς αὐτoὺς ἴδιον "ὃς ἄν στασιαζούσης τῆς πóλεως µὴ θῆται τὰ ὅπλα μηδέ μεθ’ ἐτέρων, ἄτιμον εἶναι ϰαὶ τῆς πόλεως µὴ μετέχειν. N. Loraux, "Solon au milieu de la lice", Aux origines de l’hellénisme, La Crète et la Grèce. Hommage à Henri van Effenterre, Paris 1984, p. 199-214 (p. 203) pense que cette mesure est bien solonienne, au moins dans son esprit. Cette loi peut appartenir à la tradition antityrannique comme cela semble assez clair de la tradition qui traite de la façon dont Solon essaya de détourner les Athéniens de faire confiance à Pisistrate, faisant, pour sa part, ce qu’il lui revenait de faire pour venir au secours de la patrie (Diodore. IX. 20, 1), alors qu’euxmêmes se taisaient, accueillant ses discours sans réagir (ῥαθύμως, Ælien, Histoires variées, 8, 16). Un texte d’Aulu Gelle montre que celui qui ne veut pas prendre parti devient solitarius separatusque a communi malo civitatis, Nuits, 2, 12, 1. Il n’est que Plutarque pour s’étonner de l’existence de ce type de législation ait pu exister, sans doute le dégoût qu’il avait ressenti pour les guerres civiles romaines avait atténué son intelligence de certains des principes politiques de l’hellénisme originel. Il n’est guère surprenant que dans les Lois, le frère qui tuerait son frère, en participant aux combats d’une guerre civile, soit pur de toute souillure. Lois 869c-d. 196. Lois 872c. 197. Lois 853c. 198. Lois 872c. 199. Lois 853c-854a. 200. République 501a ; Lois 735b-736c. sur la métaphore de la mémoire cire, voir Timée 26c, ἐγϰαύματα ἀνεϰπλύτου γραϕῆς. 201. République 541a-b : il est question, dans ce passage assez pessimiste puisqu’il exprime des doutes sur la possibilité que se réalise un jour la cité parfaite, de "reléguer aux champs", tous les habitants de la cité ancienne, qui doit servir de support au nouvel Etat, et de ne garder, pour les éduquer aux moeurs et aux lois parfaites, que les enfants de moins de dix ans, ce serait le moyen "le plus sûr et le plus rapide de faire en sorte que la cité et les institutions... soient mises en place, prospèrent et profitent grandement au peuple qui l’aurait vu naître” (cf. 415d). 202. Lois 684c, voir 690c. 203. Lois 741a. 204. Ainsi, le concept est connu des Locriens de Naupacte, comme des Théréens, invoquer la force majeure permet de déroger aux règles les plus rigoureuses, Nomima 43, l. 8, 35, l. 35.

205. Criton, 50a. Le xaî est en l’occurrence épéxégétique comme l’a bien compris R. E. Allen, Socrates and legal obligation, Minnéapolis, 1980. p.  123 repris par R. A. Mac Neal, Law and rhetoric in the Crito, Francfort. 1992, p. 118 et suivantes. Il sert à introduire, afin de préciser la pensée, un synonyme qui nuance la première formulation et peut être explicité par la traduction "à savoir", "c’est à dire", on trouve la même construction quelques lignes plus loin, τοῦς νόμους ϰαὶ σύμπασαν τὴν πόλιν. 206. Lois 715d. 207. Ce genre de constatation doit faire réfléchir à ce qu’est la performativité du discours juridique. Que l’énoncé normatif se fasse à l’indicatif ou à l’impératif n’a d’importance que par la façon dont cela conditionne le rapport du citoyen au pouvoir dans le système interlocutif, l’essentiel est dans la capacité perlocutoire du langage juridique, "la normativité ne réside pas dans les signes eux-mêmes mais plutôt dans leur relation «  productive  » à la réalité" comme l’écrivait Ch. Grzegorczyk. "Le rôle du performatif dans le langage du droit", Archives de Philosophie du Droit, 19, 1974, p. 229-256, voir Théorie des Actes de Langage, Éthique et Droit, éd. P. Amselek, Paris, 1986. Si, seule, l’effectivité de la loi fonde sa validité, on pourrait aussi poser le problème de rapport de la loi à l’idéale constitution posée comme modèle de toute législation. On lira pour comprendre certains des problèmes posés par l’interprétation des derniers états de la pensée de Kelsen. P. Amselek, "Kelsen et les contradictions du positivisme juridique", Revue Internationale de Philosophie, 138, 1981, 4, p. 460-473, qui propose comme seul moyen de résoudre les paralogismes de sa construction récessive d’instituer comme seule Grundnom possible une "norme prescrivant l’obéissance" (p. 470), et ce, à tout niveau de l’ordre juridique (voir dans le même fascicule, p. 518-529, M. Troper. "La théorie de l’interprétation"). 208. Le livre de D. Vanderveken, Les actes de discours, Liège, 1988 distingue avec beaucoup de rigueur, reprochant à Austin son imprécision dans l’emploi du concept de "félicité", les conditions de succès d’un acte de langage et les conditions de satisfaction "basée sur la notion de vérité par correspondance... de par son intentionnalité linguistique, chaque acte illocutoire est dirigé vers l’état de chose représenté par son contenu propositionnel" (p. 134). Cela signifie que, contrairement aux énonciations assertives, les énonciations engageantes et directives ne se trouvent satisfaites que si l’allocutaire accomplit l’acte qui lui est commandé, ce qui peut ne pas paraître trop différent de l’idée que l’on se fait d’ordinaire de ce qu’est un ordre, mais impose d’autres conclusions plus graves de conséquence. Il n’est pas besoin ainsi que la loi soit fondée pour être obéie, ce qui oblige à réfléchir sur l’idée selon laquelle le bon nomothète doit chercher à découvrir à imiter la constitution véritable, Politique 301a, il faudrait néanmoins, en toute logique, considérer qu’il suffit en revanche qu’un discours émis sous la forme prescrite soit obéi pour être loi. 209. P. Ricoeur, Soi-même comme un autre, Paris, 1993, p. 256. 210. République 519e-520a.

211. Ce texte a été placé en tête du Discours Sur la Concorde d’Antiphon par le Diels-Kranz (Fg 44), il s’agit d’un réflexion de Socrate qui la prolonge en indiquant que cette concorde ne signifie pas qu’ils seront d’accord sur tout, sur l’appréciation d’un chœur ou d’un flûtiste par exemple (voir B. Cassin, L’effet sophistique, Paris, 1995, p. 237-239). Platon est un mauvais élève de son maître ainsi quand il prétend que la cité doit être comme un corps unique soumis aux mêmes plaisirs et déplaisirs, République 462c-d, Lois 739c. 212. Eshyle, Euménides, 984-988, διάνοια impliquant la multiplicité de sentiments conjugués. 213. République 462c-d  : "Que dire de l’État qui se rapproche le plus de l’individu, ἑνòς ἀνθρώπου ? Quand par exemple nous avons reçu quelque coup au doigt toute la commauté du corps et de l’âme rangée organisée par celui qui le commande sent le coup et souffre toute entière avec la partie blessée, et c’est ainsi que que nous disons que l’homme a mal au doigt. L’État le mieux gouverné est celui qui se rapproche le plus de l’individu, πόλις ἥτις ἐγγύτατα ἐνὸς ἀνθρώπου ἔχει. Qu’il arrive quelque chose, bien ou mal, à un seul citoyen, un tel État sera le premier à dire que c’est lui qui souffre et il se réjouira tout entier et s’affligera avec lui". Voir 464b et Lois 739c. Aristote, Politique 1261a 19, montre qu’il est impossible d’atteindre au degré d’unité que prétend atteindre Platon et que la cité se perdrait à vouloir devenir individu, J.-M. Bertrand, "Quelques aspects de la métaphore organique dans le domaine politique  : images du corps dans la Politique d’Aristote". Langage et Société, 29, 1984, p. 45-57. 214. Démosthène, Contre Aristogiton I, 16. Dans le même discours, le terme συνθήϰη est employé pour désigner un accord proprement privé par lequel Aristogiton reconnaît devoir de l’argent à la cité, ce type de convention est conclu en fonction de lois générales qui réglementent les rapports de chaque débiteur avec la cité, ces "contrats" sont ainsi tous construits sur un modèle commun et soumis aux mêmes conditions, εἱσι τοίνυν ὦν Ἀριστογείτων ὀϕείλει τῇ πόλει συνθῆϰαι oἱ νόμοι, ϰαθ’οὓς ἐγγράϕονται πάντες oἱ ὀϕλισϰάνοντες (70). Il s’agit donc bien de conventions de droit commun liant chacun des individus concernés. 215. Aristote, Politique 1253a30, voir J.-M. Bertrand, "Sur l’archéologie de la cité (Aristote, Pol, 1252a-1253)", Histoire et Linguistique, Actes de la Table Ronde organisée par Langage et Société, Paris, 1983, p. 271-278. Néanmoins il sait se servir de la notion de contrat quand il pense que cela peut permettre un jeu rhétorique, il est conseillé à l’orateur d’opposer devant un tribunal la loi naturelle, dont tous les hommes ont une sorte de connaissance intuitive, même si elle n’implique pas communauté de vie ou de contractualisation de leurs modes de contacts, Rhétorique 1373b7. 216. Aristote, Politique 1280b. Le contexte est riche d’implications. Il apparaît constituer une discussion de République 369b et suivants, définissant l’État originel comme une association où l’homme "donne et reçoit parce qu’il pense qu’il trouve intérêt à le faire". Socrate sait qu’il porte en germe la cité du commerce, du luxe et de la guerre. Il faut insister sur le fait que la cohabitation en un même lieu provoquée par la ϕιλία unissant les hommes les uns aux autres est faite pour assurer à tous le bonheur. L’union des personnes n’a de sens que, dans le droit

qui lui-même n’existe que dans le cadre de la cité dont tout procède, on n’oubliera pas que pour Platon par exemple, l’étranger est un être qui n’a statutairement ni compagnon, ni parent, il est ἔρημος ἑταίρων τε ϰαί συγγενῶν (Lois 729e), comme si la cité pouvait construire des liens de parenté qui n’existent que par son intermédiaire. La cohabitation est un fait premier de même que les unions qui en résultent, elle est la condition nécessaire à l’émergence de la cité qui institutionnalise les liens de famille, et constitue les phratries, organisant notamment les sacrifices : la famille est ainsi seconde par rapport à la cité et que si celle-ci est définie comme une "communauté de familles et de villages", πόλις ἡ γενῶν ϰαὶ ϰωμῶν ϰοινωνία ζωῆς τελείας ϰαὶ αὐτάρϰους, ceux-ci n’existent que dans le cadre qu’elle définit en tant que réalité première. E. Lévy, "Apparition en Grèce de l’idée de village", M. Bile "Le vocabulaire du village dans les inscriptions Cretoises", ont repris le problème dans Ktèma 11, 1986, p. 117-128 et 137-144. Voir aussi M. Hansen dans The ancient greek city-state. Acts of the Copenhagen Polis center, Copenhague, 1993, puis dans Studies in the ancient greek polis, Historia Einz. 95, 1995, chacun s’accordant pour être surpris de ce que le village apparaît en tant que concept bien après la cité qui est bien clairement première comme le dit Aristote avant de reconstruire un schéma d’évolution, on sait que par le biais des synoecismes la naissance de certaines cités finit par ressembler au schéma lu au premier degré d’Aristote. 217. Aristote, Politique 1280b30. La "cité parfaite", τέλειος πόλις, peut être définie comme une ϰοινωνία ἐϰ πλειόνων ϰωμῶν, Politi.que 1252b25, ce qui ne signifie pas qu’elle soit en germe dans les villages éventuels qui ne sont que des éléments de sa constitution, sa nature est d’être achevée, les éléments ne se constituent qu’à partir du corps abouti. Le village naît de l’idée de ville et non pas l’inverse. 218. Aristote, Politique 1261 a25. 219. Aristote, Politique 1261a22-30. 220. Éd. Lévy, "Cité et citoyen dans la Politique d’Aristote", Ktema, 5, 1980, p.  223-248, notamment p. 246, mène une analyse documentée sur ce point, en invoquant l’existence de diverses strates constitutives du texte de la Politique, et reconnaît que l’on doit conclure par la reconnaissance d’une aporie, "il ne faut pas se dissimuler que dans ces textes de date différente l’accent est mis sur des aspects opposés". 221. Lois 743c. 222. Lois 631b-632d, le législateur croit connaître la façon dont la nature a classé les divers biens et se conformer à cette classification pour proposer à la mesure de leur importance relative les lois nécessaires. Curieusement le texte se construit selon deux logiques, la première impose que l’on doive, pour traiter de tout, procéder par une démarche prospective, en envisageant l’homme dans son cheminement du berceau à la tombe, la seconde classe les vertus en fonction de leur importance relative et par ordre de dignité. 223. M. Narcy, "Le contrat social, d’un mythe moderne à l’ancienne sophistique", Philosophie, 28, 1990, p.  32-56 et "Quels modèles, quelle politique, quels Grecs", dans Nos Grecs et leurs modernes, Paris, 1992, éd. B. Cassin, p. 99-113.

224. En Lois 889e, Platon évoque les conventions mutuelles qui lient par le biais de la loi les gens les uns aux autres, ἔϰαστοι ἐαυτοῖσι συνωμολόγεσαν νομοθετούμενοι, mais c’est pour dénoncer une conception dont F. Caizzi, "«  Hysteron proteron  »  : la nature et la loi selon Antiphon et Platon", Revue de Métaphysique et de Morale, 91, 1986, p. 291-310, pense qu’elle est, selon toute vraisemblance, celle que défend Antiphon. 225. République 359a. Glaucon reprend la thématique de Calliclès quand il indique que nul, qui pourrait se conduire de façon injuste avec profit, ne consentirait à ce genre de convention. On n’oubliera pas que, pour Aristote, celui qui serait capable de se passer de la communauté politique par incapacité ou surcapacité ne peut être qu’une bête ou un dieu, ὁ µὴ δυνάμενος ϰοινωνεῖν ἢ μηθὲν δεόμενος δι’αὐταρϰείαν οὐθέν μέρος πόλεως ὥστε ἢ θηρίον ἢ θεός, Politique 1253a25. La communauté implique un minimum de langage commun, elle préexiste d’une certaine façon à toute construction juridique qui se formaliserait sous forme contractuelle. 226. Lois 921c. 227. Édité dans le Corpus dei papiri filosofici greci e latini, CPF I, 1. B. Cassin, dans L’effet sophistique, Paris, 1995, p.  162, a donné de ce texte difficile une traduction annotée et un commentaire très riche. 228. B. Cassin, L’effet sophistique, Paris, 1995, p. 162. 229. Antiphon, Sur la vérité, B, II, 15. 230. Sur la vérité, B, col. 6, 15-30. 231. Ce problème est au centre de la réflexion de L. Gernet, Recherches sur le développement de la pensée juridique en Grèce, Paris, 1917. J.-P. Vernant, Mythe et tragédie en Grèce ancienne, Paris, 1989, "Études de la volonté dans la tragédie grecque", p. 43-74, notamment p. 55, "l’individu qui a commis [une erreur] (ou plus exactement qui en est la victime) se trouve pris lui-même dans la force sinistre qu’il a déclenchée (ou qui s’exerce à travers lui)... l’agent est pris dans l’action. Il n’en est pas l’auteur. Il reste inclus en elle". L. Gernet, "Introduction" à l’édition des Lois dans la CUF, p. CLXXIV cite les textes topiques, 861e, 862b-c. voir, aussi, 864d. 232. Lois 861e. L. Gernet montre, Platon, Lois, Livre IX, Paris, 1917, p. 102 note 66, qu’il faut voir là "un vigoureux effort de la pensée grecque pour éliminer la notion du délit objectif et qu’il s’agit d’un progrès considérable pour faire évoluer la pensée juridique. 233. Lois 933e-934c, analysé de façon détaillée par T. J. Saunders, Plato’s penal code, Oxford, 1991, p. 280-300. 234. Aristote, Rhétorique, 1368b6 235. Lois 933e. La loi concernant le vol est plus douce que celle qui est en usage dans la cité athénienne et a été présentée sous ses trait les plus rudes, notamment, par M. Debrunner Hall, "Even dogs have Erinyes, sanctions in athenian practice and thinking", Greek law in its political setting, éd. L. Foxhall et A. D. E. Lewis, Oxford, 1996, p.73-90. L. Gernet dans l’Introduction aux Lois remarque que. sur la rigueur ou le trop d’indulgence du droit platonicien, les modernes sont parfois d’avis opposé, pour lui, ce genre de discussion n’a guère d’importance, "c’est une question de goût personnel", (p. CXCII).

236. Lois 877b. L’enquête sur ce point est difficile, voir Lois 875e. 237. T. J. Saunders, Plato’s penal code, Oxford, 1991, traite de cette idée et du passage qui l’exprime de façon particulièrement nette, 933e, à de multiples reprises. 238. Il peut suffire de rappeler ce que sont les textes les plus typiques. Lysias. Sur l’olivier, 1, Contre Ératosthène, 3 ou Eschine, Contre Timarque. 1. voir P. Demont, La cité grecque et l’idéal de tranquillité, Paris, 1990. p. 95 et suivantes. 239. Lois 934a. M. Foucault Surveiller et punir, Paris, 1975, cite, p. 150, cite les divers textes montrant que "la prévention du crime est la seule fin du châtiment". 240. Lois 862c. 241. Formule de L. Gernet, "Sur la notion de jugement en droit grec", Droit et société en Grèce ancienne, Paris, 1964, p. 61-81. L’exécution d’un jugement est affaire d’État à Magnésie, ce qui n’est pas le cas à Athènes. Les juges font proclamer par la voix du héraut le transfert des biens du vaincu au vainqueur et la réalisation effective doit avoir lieu dans le mois suivant la clôture de l’année judiciaire, Lois 958 a-c. 242. B. Cassin, "Antiphon, sur la Vérité" suivi de ". Citoyenniser, barbariser, on n’échappe pas à Antiphon", Rue Descartes, 3, 1992, p.  11-34, avant d’en reprendre l’essentiel dans L’effet sophistique, Paris, 1995, avait donné une analyse intéressante de ce texte, elle n’excluait pas la possibilité de l’interpréter de façon métaphorique, le barbare est une part de soi-même que pour accéder au rang de citoyen on doit mettre à distance. 243. Antiphon, Sur la vérité, A, II, 9. Il faut bien évidemment traduire le parfait en l’interprétant pour sa valeur d’état qui constate une réalité d’évidence acquise. 244. Voir, après tant de réflexion sur les "chasseurs noirs", F. Lissarague, L’autre guerrier, Paris, 1990, p.  187-188, traitant de la façon dont les éphèbes sont, d’une certaine façon, représentés comme le "contrepoint d’un modèle central qui est la figure de l’hoplite. Jeunes, satyres, Noirs [il faudrait ajouter les femmes guerrières qui n’apparaissent que plus tard dans l’analyse] constituent trois variantes maximales, trois écarts possibles [il faut comprendre nécessaires à l’institution politique elle-même] au plus loin du monde hoplitique, mais toujours par référence à lui". 245. Fg. VI. 246. Voir J.-P. Vernant et M. Detienne, Les ruses de l’intelligence. La métis des Grecs, Paris, 1974 et sur ce point précis, M. Broze, "Calliclès et Thrasymaque, sur la ruse et la violence chez Platon", Revue de Philosophie ancienne, 1991, p.  99-115, ainsi que M. Broze, "Mensonge et justice chez Platon”, Revue Internationale de Philosophie, 1986, p. 38-48. 247. B. Cassin a bien montré, dans "Antiphon, sur la Vérité", puis "Citoyenniser, barbariser, on n’échappe pas à Antiphon", Rue Descartes, 3, 1992, p.l 1-34, repris dans L’effet sophistique, Paris, 1995, que la justice se définissait dans la négativité, notons dès l’abord avant d’y revenir que cette justice de l’abstention est l’antithèse du principe de militantisme qui est celui dont P. Veyne sait qu’il est caractéristique de la cité platonicienne.

248. Antiphon, Sur la vérité. A, I, 12. On ne manquera pas de souligner que la première Tétralogie d’Antiphon commence par une réflexion sur le statut du dénonciateur. On sait quelle place tient la dénonciation et l’obligation de dénonciation dans la cité platonicienne, V. Goldschmidt, "Théorie platonicienne de la dénonciation", Questions platoniciennes, Paris, 1970, p. 173-201. 249. Charondas, Prologues, 61, 18. Le dénoncé qui n’aurait pas apprécié la mise en évidence de ses turpitudes et s’en serait pris au dénonciateur aurait été condamné pour ingratitude, δίϰη ἀχαριστιας. 250. Antiphon, Sur la vérité, B, I, 1, B. F. Decleva Caizzi, "« Hysteron proteron » : la nature et la loi selon Antiphon et Platon", Revue de Métaphysique et de Morale. 91, 1986, p 291-310. 251. Voir République 445a-b, et aussi 392b. 252. Lois 942c-943a. Xénophon, Constitution des Lacédémoniens, 2. 10 signale qu’à Sparte, les enfants ne sont jamais sans être commandé, οὐδέποτε ἐϰεῖ oἱ παίδες ἔρημοι ἄρχoντoς εἰσι. 253. Aristote, Éthique à Nicomaque, 1130b20. 254. Lois 779d. Ne pas négliger 746e. 255. Lois 788a ; voir aussi 793d, 807e, où sont repris les mots πολλὰ ϰαὶ πύϰνα ϰαὶ σμιϰρά. P. Veyne a bien exposé naguère ce qu’il appelle "l’idéal militant" qui imposait au citoyen soucieux de faire son métier convenablement de soumettre aux règles de la vie collective l’ensemble de ses activités, "Critique d’une systématisation : les Lois de Platon et la réalité", Annales ESC. 37, 1982, p.  883-908. Il explqie ce qu’est le "présupposé militant" qui fait du citoyen une sorte de "moine soldat", le bon citoyen se devait d’être un "activiste”, "il n’y a donc pas de limite à ce qu’une cité est en droit d’attendre des siens", le citoyen a des devoirs plutôt que des droits et il n’a pas non plus de vie privée qui puisse se construire sans le regard de la cité car "tout militant est un homme public". Une des conséquences de cette situation est que la justice ne consiste pas à se tenir tranquille, ni à s’occuper de ses affaires mais à se mêler sans cesse de celles des autres, V. Goldschmidt l’avait parfaitement compris quand il expliquait de quelle façon se justifiait la "Théorie platonicienne de la dénonciation", Questions platoniciennes, Paris, 1970, p. 173-201. Il est un homme politique qui réussit à vivre ainsi sa vie de citoyen : Périclès ne recevait personne chez lui et ne connaissait en fait de promenade que le trajet qui le menait de sa maison au lieu de réunion de l’assemblée. 256. Lois 780a. 257. République 425a-b  : elles ne peuvent être maintenues seulement par la parole ou l’écriture, οὔτ’ ἄν μείνειεν λόγῳ τε ϰαὶ γράμμασιν νομοθετηθέντα. 258. Lois 902a-903b. 259. Lois 793b-d. 260. Lois 820e. Le mot a valeur métaphorique, il sert d’habitude, notamment dans le Timée, à désigner des cavités, des solutions de continuité dans un milieu homogène. Il n’est employé à ce sens, que dans ce seul passage. Il n’est un terme technique du droit ni chez les orateurs, ni chez Aristote.

261. Lois 630d. 262. Pour G. Timsit, Les noms de la loi, Paris, 1991, p.  118, la lacune est "l’absence du sujet émetteur, auteur de la norme", ce qui ne veut pas dire qu’on est dans la sphère du non-droit mais dans celui où l’on entre dans le système où la codétermination laisse place à l’interprétation libre. Le problème de Platon est que, s’il considère la loi comme un ordre explicite, il se doit de couvrir la totalité du champ du réel observable, et s’il ne le fait pas, c’est avec le regret de ne pouvoir le faire. 263. Aristote, Éthique à Nicomaque, 1138a7. Il est question du suicide qui n’étant pas autorisé doit être interdit. 264. Lois 949e-952d (voir 951a, ἀπεργέτω µηδεὶς νόμος). 265. Ainsi, quand il est question de ne pas établir dans Magnésie la communauté des terres, il est bien précisé que les colons doivent se partager le sol ϰαὶ µὴ ϰοινῇ γεωργούντων, cette interdiction ne pouvant se justifier vu son caractère particulier que par référence à Callipolis, Lois 739e. 266. Lois 869c. Il faut d’abord expliquer le texte d’England repris par Budé. N. Loraux a compris que le problème de la guerre civile se pose en terme d’assassinat familial, "Oikeios polemos : la guerra nella famiglia", Studi Storici, 1, 1987, p. 5-35, qui analyse aussi Lois 869c-d. 267. Lois 869b. 268. L. H. A. Hart, The concept of law, Oxford, 1961. p. 205. 269. G. Timsit, Les noms de la loi, Paris, 1991, explique certains "silences" de la loi par le jeu de la "surdétermination", notion qui, appliquée à l’analyse juridique, permet, par un prolongement de ses analyses formelles sur la prédétermination. Cela permet de sortir du débat sur le droit naturel en décrivant dans une systémique nouvelle quelle place doit être faite dans la réflexion à l’existence d’un donné qui est le "droit du droit" car "il y a dans le silence de la loi tout ce qu’elle ne dit ni n’écrit et qui pourrait fonder tout ce qu’elle a, jusquelà, écrit et dit" (p.  166). Le problème de Platon est, sans doute, qu’il ne se résigne qu’avec peine à ce que le droit ne soit pas un dit total et performatif de tout, que par conséquent le silence, parole par défaut, ne soit mensonge au lieu d’être espace de liberté. C’est par ce biais que l’on réintroduirait la notion du totalitarisme platonicien qui induit des conduites d’échappement aussi parlantes que les conduites d’adhésion. 270. Cette idée est reprise, pour les impies, en Lois 908d-e. 271. Lois 873b. Voir M Gras, "Cité grecque et lapidation", Du châtiment dans la cité, supplices corporels et peine de mort dans le monde antique, Paris-Rome, 1984, p.  75-89. Le caractère scandaleux de l’assassinat des géniteurs tient en partie à ce que ceux-ci sont les images de la divinité, 931d-e : ce sont des statues animées, ἔμψυχα, bien différentes des statues de bois ou de pierre. On sait que cette capacité de l’homme à devenir représentation divine, et en cela sacrée, sera théorisée à la fin du IVème siècle, quand naîtra le culte royal dans ses formes nouvelles, Démétrios Poliorcète se voyant honoré par les Athéniens de ce qu’il n’était pas "en bois ni en pierre, mais au contraire vrai,... souriant comme il sied à un dieu", Athénée,

Deipnosophistes, 253. En 717b-d, Platon a traité des devoirs de respect que l’on doit avoir pour ses parents à qui l’on ne cesse d’être redevables de la vie qu’ils ont transmises, il faut qu’un enfant accepte de subir de leur part tout mode d’expression, parole ou acte, de leur colère quand elle s’exerce contre eux. 272. Platon prévoit que le meurtre délibéré des enfants par leurs parents, des frères par leur frère, doit être considéré comme un crime odieux, il explique que "si certains osaient volontairement et délibérément dépouiller de son corps l’âme d’un père, d’une mère, de frères ou d’enfants", il faudrait les punir par lapidation aux carrefours (873b), ce texte est tout à fait isolé dans le système punitif (voir, par exemple, 868e). Un frère peut, sans devoir être puni, tuer son frère dans une situation de guerre civile, Lois 869c. Le père est toujours justifié quand il se met en colère contre ses enfants, Lois 717d. 273. Lois 868c. 274. Quand des conflits irréductibles se prolongent entre parents et enfants, il semble que la responsabilité doive en être partagée, "si le mal n’est que d’un côté, si le père est méchant et non le fils, ou inversement, on ne voit pas naître les malheurs qu’engendre pareille inimitié" (Lois 928e). Le parricide est condamné pour la bonne règle, mais son crime est nécessairement provoqué par la méchanceté de son père, c’est cela qui justifie que la loi doive se contenter de porter sur le nœud logique qui associe deux comportements conduisant nécessairement à une catastrophe dont il faut conjurer les conséquences possibles. 275. Il est condamné à mort et lapidé, Lois 872c. Il est clair que si quelqu’un "comme il arrive, mais rarement, un père ou une mère en colère tuent leur fils ou leur fille à force de coups ou autres violences" (868c), le crime qu’il aura commis sera soumis à une purification et à l’exil, le couple devra ensuite se dissocier. Des enfants peuvent faire interdire leurs parents et ont la possibilité de demander aux nomophylaques qu’ils soient déchus de la puissance paternelle et les droits qui s’y rattachent, mais cela n’est prévu que pour des raisons de mauvaise administration des biens familiaux, 929d-e. 276. Apologie 31d-e  : il montre comment il n’est jamais entré dans le jeu politique institutionnellement parlant, néanmoins il a négligé ses propres affaires pour s’occuper de ses concitoyens et leur enseigner la vertu. Ce fut par ailleurs un soldat tout à fait honorable. 277. Apologie 32e. Cet emploi dont on sait qu’il a une signification proprement philosophique puisqu’elle est une référence au fait qu’il faut porter secours à tout écrit incapable de se défendre seul n’est pas, loin s’en faut, proprement platonicien : Eschine, par exemple en fait usage quand il indique que le nomothète a ordonné "que les membres des tribus viennent porter secours aux lois et à la démocratie", Contre Timarque, 33. 278. Apologie 32c. 279. Il faut connaître R. Kraut, Socrates and the State, Princeton, 1984. livre qui a fait l’objet de critiques qu’il a discutées dans ses Platonic writings, 1988 et dans The Cambridge companion to Plato, Cambridge, 1995. Il ne faut pas imaginer en tout cas que Socrate prétendrait avoir jugé de l’affaire au fond en prétendant être détenteur d’une légitimité supérieure à celle de

l’assemblée. Toute décision de l’assemblée n’est pas, en effet, légitime sinon il n’y aurait pas de procédure pour "illégalité". Dans ce genre de procédure on poursuit aussi bien celui qui a proposé un décret illégal que celui qui l’a mis aux voix, en tant que prytane, Socrate a fait donc ce que sa fonction lui imposait de faire, rien de plus. Il faut aussi sortir d’une problématique qui fait imaginer que Socrate joue durant le procès qu’on lui fait d’une soit disant polysémie du mot loi, comme le pense R. A. Mac Neal, Law and rhetoric in the Crito, Francfort, 1992, p. 118 et suivantes, il est condamné dans le cadre d’une procédure dont il ne conteste pas le moins du monde la validité. 280. Apologie 32d. 281. V. L’Huilier, "Le procès de Socrate", Archives de Philosophie du droit. 39, 1995, p. 45-71, comprend bien que le sage doit se soumettre à la justice politique quelque imparfaite qu’elle soit. 282. Apologie 31a-d. 283. Criton 50a, 52e, le philosophe doit être roi pour servir la cité et se donner les moyens de vivre en philosophe, République, 519c-520e. 284. Criton 51e montre que l’intégration dans la cité peut n’être pas automatique, tout citoyen étant censé pouvoir quitter la ville quand il a pris connaissance de ce que sont les lois qui y régnent, ἐπειδὰν δοϰιμασθῇ ϰαὶ ἴδῃ τὰ ἐν τῆ πόλει πράγματα ϰαὶ ἧμας τοùς νόμους. Ch. H. Kahn, "The origin of the social contract theory", The sophists and their legacy, éd. G. Kerferd, Hernies Einz. 44, 1981, p. 92-112, indique que la thématique du contrat liant Socrate ou toute personne ayant pu se trouver dans sa situation par rapport à la cité, ou pour mieux dire en l’occurrence à l’État, est sans parallèle chez les théoriciens de l’antiquité. 285. Criton 52d-53d. 286. Criton 53a sq., on ne manquera pas de constater que laisser le choix entre l’obéissance et l’exil est insatisfaisant étant donnée ce qu’est la réalité matérielle et psychologique de l’exil, chose que le texte souligne de façon suffisamment explicite. 287. Criton 51e. 288. Criton 52c. 289. Criton 52d. 290. M. Foucault, L’image des plaisirs, Paris, 1984, p. 188. 291. Lois 862c. 292. Lois 854e. 293. Je reprends, ici, la thématique de T. J. Saunders, Plato’s penal code. Oxford, 1994. 294. Lois 903b-d. 295. Nous revenons, par un autre biais, à la thématique de République 462c-d. 296. Sur ce qu’est la "socialisation" du délit, voir L. Gernet, Recherches sur la pensée juridique et morale en Grèce, Paris, 1917, p. 63. 297. Démosthène, Contre Midias, 225 : l’orateur montre que si les lois viennent au secours des gens qui sont lésés, elles ne peuvent le faire seules car elles ne sont que mots écrits, γράμματα

γὰρ γεγραμμἐν’ἐστι ϰαὶ οὐχὶ δύναιντ’ ἃν τοῦτο ποιῆσαι, leur seule force, δύναμις, vient des citoyens, ὑμεῖς εὰν βεϐαιῶτε αὐτοùς, οὐϰοũν oἱ νόμοι δ’ὑμῖν εἱσιν ἱσχυροὶ ϰαὶ ὑμεῑς τοῑσ νόμοις. 298. Lysias, Pour Callias, 5. 299. Eschine, Contre Timarque, 2, 5, voir aussi Contre Ctésiphon 6. 300. Lois 864b. 301. Cl. Gaudin, "Physis-nomos dans le Gorgias", Revue des Études Grecques, 102, 1989, p. 308330, notamment p. 327. 302. Lois 772d. 303. Criton 50e. Lois 941c explique que le moindre larcin commis par un citoyen au détriment du trésor public est une violence intolérable envers la patrie et doit être puni de mort, ce passage est contredit par 857b qui prévoit, comme dans le cas de vol au détriment d’une personne privée, remboursement du double du montant du vol. Sur ces textes très étudiés, voir T. J. Saunders, Plato’s penal code. Oxford, 1994. 304. Lois 937d-938c. 305. T. J. Saunders, Plato’s penal code. Oxford, 1994, p.  332-339, ces procédures ne sont pas connues ailleurs que dans la cité platonicienne. 306. Lois 841a. 307. Lois 926b. 308. Lois 926c. 309. Lois 926a : l’emploi du passif renvoie directement à chacun des individus qui sont soumis à la loi. Cela correspond parfaitement à la logique du contrat. 310. Lois 926c. 311.Lois 926b. 312. Criton 51c. 313. Criton 50c, δίϰαις αἶς ἡ πόλις διϰάζῃ. 314. Criton 51a. Voir la contribution de S. Panagiotou, "Socrates and civil disobedience", dans le recueil de B. S. Gower et M. C. Stokes éd.. Socratic questions, p. 93-121. 315. Criton 52a. 316. Criton 51e. 317. Lois 926c. 318. P. Ricoeur, Soi-même comme un autre, Paris, 1990, p.  228 et suivantes, montre bien comment la justice naît dans le dépassement du dialogue purement dyadique. 319. Eschine, Contre Ctésiphon, 37. 320. Hypéride, Contre Athenogenes, 21. 321. On lira dans P. Amselek éd., Théorie des actes de langage, éthique et droit, Paris, 1986, M. van de Kerchove, "La théorie des actes du langage et la théorie de l’interprétation juridique", p. 211-248. 322. Je reprends une formule utilisée par B. Cassin, L’effet sophistique, Paris, 1995. p. 281.

323. Voir, dans The discourse of Law, éd. S. Humphreys, History and Anthropology, I, 1985, S. Humphreys, "Law as discourse", p. 241-264, "Social relations on stage : Witnesses in classical Athens", p. 313-369, ainsi que C. Carey, "Nomos in attic rhetoric and oratory", Journal of Hellenic Studies, CXVI, 1996, p. 33-46. Il n’y a pas, à proprement parler, d’école de jurisprudence dans le système hellénique, cet aspect des choses a été souligné de façon très évidente par E. Harris dans une réponse à une communication de T. J. Saunders, Symposion, 1990, p.  133-137 qui évoquait la possibilité que les juges athéniens aient acquis un minimum de culture juridique. 324. République 425e. Il faut voir comment est filée la métaphore du médicament. ϕάμμαϰον dont on ne peut rien attendre si l’on ne vit pas de façon convenable, de même que le législateur n’approte rien à qui n’est pas capable de vivre une vie qui convienne au progrès moral. C’est par l’effort de son gouvernement que la cité accédera à la perfection et non par la multiplication des textes législatifs qu’il faudrait corriger au fur et à mesure qu’apparaitraient les difficultés d’application. Il faut s’intéresser à la façon dont est fondé l’ensemble politique, ϰατάστασις τῆς πόλεως ὅλη, 436c. 325. Lois 903c. 326. Lois 841a. 327. Lois 840e. 328. Lois 793d. 329. Aristote, Politique 1303a20, τò μιϰρόν. Voir Platon, Phèdre 261e. Lire J. Brunschwig, "Du mouvement et de l’immobilité des lois", Revue Internationale de Philosophie, 34, 1980, p. 512540, le texte serait une attaque contre Hippodamos. 330. L. Gernet, "Les Lois et le droit positif, introduction à l’édition des Lois par A. Diès et É. des Places, Paris, 1951, p. CCIII. Sur ce qu’est la "socialisation" du délit., voir L. Gernet, Recherches sur la pensée juridique et morale en Grèce, Paris. 1917, p. 63. 331. Lois 933e-934c, analysé de façon détaillée par T. J. Saunders, Plato’s penal code, Oxford, 1991, p. 280-300. 332. Lois 903b-d. 333. Lois 630e-631a. 334. Lois 872e. 335. Lois 774c. 336. Lois 880b, nous gardons ici la traduction de Diès qui présente l’avantage de souligner le caractère positif de la proposition, de même que, selon un exemple classique, les pigeons voyageurs sont, par l’effet de l’article 524 de l’ancien code civil, des biens immobiliers en droit français, de même un homme qui n’est pas intervenu dans une rixe pour des raisons qui peuvent être raisonnables sera pourtant assimilé à un lâche parce qu’ils se trouvait être dans les conditions qui auraient imposé qu’il le fît. 337. La formule est de F. Leimdorfer,"Le pouvoir de nommer et le pouvoir juridique", Sociétés contemporaines, 18/19, 1994, p.  145-163 qui a utilisé, notamment, la note de J. Greimas, "Analyse sémiotique du discours juridique", Sémiotique et science sociale, Paris, 1976, p. 79-128.

338. Lois 874b-c. On ne peut, bien évidemment, savoir comment le ὀρθῶς doit être interprêté de façon très sûre, mais sansdoute est-îl question de droit positif et non pas de morale puisque quelques lignes plus loin il est dit ἔστω καθαρòς ἐν τῶ νόμῳ. 339. Lois 910b. 340. Lois 857b. Voir T. J. Saunders, "Plato and the athenian law of theft". Nomos, Essays in Athenian law and politics and society, éd. P. Cartledge. P. Millet, S. Todd, Cambridge, 1990, p. 63-82. 341. Lois 942a. 342. Le texte essentiel est Lois 862b. 343. Lois 877a-c. 344. Théétète 179b. 345. Théétète 176c. 346. Théétète 172a 347. Politique 300e. 348. Théétète 177d. 349. Lois 644d. 350. Lois 708e-709c, le texte se prolonge par l’idée que le législateur doit être un homme tombé du ciel mais surtout qu’il doit savoir se contenter de ce qu’il a.

Les manipulations de la parole dans la cité magnète 1

La pensée politique platonicienne, les propositions des participants au dialogue, doivent tenir compte de quelques évidences. Il faut admettre que le fait que l’on doive promulguer des lois, à Magnésie, comme partout, signifie que toute cité constituée est nécessairement brisée par l’existence irrépressible du crime. La nécessité d’une législation démontre, en effet, que la faute doit être considérée comme une composante essentielle de la vie sociale. Dans le travail législatif, par ailleurs, le temps de la cité s’avoue disjoint car l’écriture, ancrée dans son présent mais prétendant régir tous les futurs possibles, ne sait pas toujours s’imposer à l’actualité multiforme. Le nomothète et ses lecteurs ne peuvent, donc, se rejoindre dans une temporalité partagée, fondant, pour l’un et l’autre, la même cité. L’écriture, enfin, dont on s’imagine qu’elle pourrait empêcher les évolutions dans le domaine politique et juridique par la disponibilité de son évidence propose, en fait, des lectures dont les destinataires sont les seuls maîtres, qu’ils soient criminels ou magistrats, et fait bouger le monde de la cité plutôt qu’elle ne le fige.

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Platon était conscient de ces difficultés pragmatiques et de l’impossibilité subséquente à faire du seul droit écrit l’armature d’une cité dont il aurait voulu qu’elle restât toujours tout à fait semblable à elle même puisqu’elle était le seul instrument capable de

construire la vertu. C’est par l’organisation de la parole et du geste dans l’espace public qu’il pensait pouvoir faire vivre et durer la société dont il prévoyait l’existence potentielle. L’essentiel du projet législatif finit par se résoudre, donc, en un mode spécifique de gestion de l’expression collective.

Rumeur et parole politique 3

Un des problèmes essentiels qui avait retenu l’attention de Platon depuis la République est qu’il avait pleinement conscience de ce que le nomothète ne peut prétendre légiférer sur des minuties, alors qu’il ne faudrait, pour bien faire, laisser aucune lacune formelle dans le corpus des lois. Il sait n’avoir pas de prise non plus sur les personnes qui paraissent situées au plus loin possible de toute vie politique, en particulier le personnel chargé des soins à donner aux petits enfants qui sont des femmes esclaves 1 . Il comprend bien qu’il ne serait ni convenable, ni décent, ἀπρεπὲς ἅµα ϰαὶ ἄσχημον 2 de leur donner des directives et, d’ailleurs, le faire serait inefficace car elles se contenteraient de rire et continueraient de faire à leur gré 3 . Pourtant, le législateur doit savoir qu’il ne faut pas laisser les enfants jouer sans imposer des règles strictes à leurs amusements car si cette activité reste en marge de la loi παρανόμος, il serait impossible qu’ils puissent devenus adultes se soumettre à des règles 4 . Il faut imposer à tout être libre de soumettre toute sa conduite à un ordre, τάξις τῆς διατριϐῆς. La femme, elle-même, doit soumettre sa conduite à l’ordre civil, τάξις 5 , et entre par ce biais dans la communauté politique. L’être humain doit commander ou bien obéir, l’anarchie, période où ne s’exerceraient pas dans le groupe de rapports hiérarchiques, doit être extirpée du moindre moment de la vie sociale, il n’est pas admissible, en effet, qu’un homme, un enfant,

ou même un animal domestique, puisse échapper un instant à l’autorité, τὴν δ’ἀναρχίαν ἐξαιρετέον ἐϰ παντòς τοῦ βίου ἁπάντων τῶν ἀνθρώπων τε ϰαὶ τῶν ὑπ’ἀνθρώπους θηρίων 6 . C’était ce qui semblait avoir, aux yeux de certains, réussi Sparte où les enfants n’étaient jamais laissés à eux-mêmes, οὐδέττοτε ἐϰεῖ oἱ παῖδες ἔρημοι ἄρχοντος εἰσι 7 . Si les citoyens devaient pour leur part vivre en marge de la loi, παρανομεῖν, cela ne pourrait manquer de conduire à la destruction des lois promulguées par écrit, διαϕθείρει δὲ ϰαὶ τοùς γραϕῇ τεθέντας νόμους 8 .

Modes autogènes de contrôle 4

Platon veut bien admettre qu’il n’y a pas les moyens de légiférer sur tout et qu’il se trouve en cela devant une aporie au sens propre du terme, ἀπορία περὶ αὐτὰ νομοθετεῖν 9 . Aussi la παρανομία dont il regrette les effets n’est pas nécessairement la désobéissance à une loi positive puisqu’elle peut se manifester dans des situations où, justement, il n’y a pas été possible de promulguer de loi à laquelle désobéir. Le verbe παρανομεῖν signifie au sens propre et au sens premier vivre en marge, παρά, d’un système régi par les instructions du législateur. Elle peut induire une παρανομία secondaire qui se développe chez celui qui se laisse trop facilement aller à la satisfaction de plaisirs immédiats, licites ou non 10 . Les rechercher de façon compulsive rend incapable de résister à leur appel 11 , et l’homme faible en vient à ne plus respecter les magistrats, ses parents, les lois, puis il oublie toute forme de civilisation. Il se laisse envahir par la part titanique de sa nature, ἡ λεγομένη παλαιὰ Τιτανιϰὴ ϕύσις 12 , alors que le développement des systèmes politiques est fait pour limiter les débordements.

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Le législateur ne peut, donc, se satisfaire d’un aveu d’échec et il se rend compte qu’il lui est impossible de se taire, σιγᾶν δὲ ἀδύνατον

. Alors même qu’il semble accepter de renoncer à rédiger des lois expresses sur certaines façons de se conduire ou d’agir, il entend bien, pourtant, qu’elles soient contrôlées, surveillées ou même interdites. Il lui faut, donc, découvrir quel doit être le mode de diffusion des règles qu’il n’envisage pas de promulguer sous forme législative. Il souhaite que la sphère de validité de ses instructions soit telle que, pour les respecter comme il faut, les citoyens n’imaginent même plus avoir le droit de respirer sans devoir se référer à elles, ἀναπνεῖν παρὰ τòν νόμον 14 . L’emploi du mot νόμος dans cette formule provocatrice signifie, bien évidemment, que Platon veut que le législateur ait une conception exhaustive de son travail et sache découvrir le moyen de régir toute activité, toute pensée qu’elle soit de grande ou de mince conséquence. Si rien ne peut se faire sans son ordre et s’il veut être considéré comme initiateur de toute action ou appréciateur de chaque état, il faut qu’il ait envisagé l’homme dans chacun des instants de sa vie pour pouvoir tisser, en fonction des diverses activités de chacun des âges, le réseau des prescriptions nécessaires 15 . 13

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L’Athénien sait qu’il existe des butoirs internes à l’espèce, qui empêchent que l’être humain devienne totalement incontrôlable. C’est au fondateur de l’ordre politique de savoir découvrir quels sont les instruments permettant que fonctionnent ces ressorts naturels pour le plus grand bien du groupe. Chacun peut découvrir, ἐξευρίσϰειν, la valeur et la nécessité des règles. Les gens bien préparés par une éducation adaptée savent, d’eux-mêmes, ressentir le désir de la loi. de l’εὐνομία 16 . Ce désir de respecter le droit facilite l’accession d’une cité à la justice, ou l’y fait revenir quand elle a perdu temporairement la raison et qu’il faut la réformer. Le législateur doit savoir définir et enseigner ce qui est convenable ou ne l’est pas, διδαϰτέον ϰαὶ ὁριστέον τό τε ϰαλòν ϰαί μή 17 . Il a pour

fonction essentielle de réfléchir à la façon de faire naître l’aspiration au bien et au juste. Il peut le faire en développant, chez les enfants, des formes de jeu subtilement surveillés ainsi que la pratique musicale 18 . Si leur formation a été bien menée, quand ils sont devenus des hommes, ils savent retrouver, s’ils semblent qu’ils aient pu les oublier, ou découvrir les éléments nécessaires à la législation, νόμιμα. Il doit avoir, par ailleurs, compris pour quelle raison même des êtres semblant vivre en marge de toute règle, παρανόμοι, s’abstiennent en général d’avoir des relations sexuelles avec leur frère, ou leur sœur, leur fils ou leur fille. Il semble qu’une loi non écrite, νόμος ἄγραϕος, leur interdise la pensée d’un tel crime. Le nomothète doit, donc, admettre que, si la loi positive ne peut tout contrôler et apprendre à jouer des répugnances ou appétences innées, des usages ou coutumes qui sont l’armature de la vie humaine, pour réussir à contrôler non seulement les activités importantes mais aussi les plus petits détails de la vie de chacun, μήτε μέγα μήτε σμιϰρòν ὅσα νόμους ἤ ἔθη τις ἤ ἐπιτηδεύματα ϰάλει. C’est en soumettant, ainsi, la pratique quotidienne de la cité à tout un réseau de régulations dont il n’explicite pas nécessairement les modalités qu’il espère pouvoir faire que les éléments divers la composant soient bien liés les uns aux autres, συνδείται, et que tout y reste parfaitement homogène et stable, μόνιμος 19 .

La nature de la rumeur 7

Ce type de règle, dans la société des hommes, est diffusée par la voix publique unanime, personne n’imagine pouvoir la discuter ou la récuser. La rumeur, ϕήμη, ne cesse de proclamer par tous les canaux d’expression possibles ce qu’est la norme. Elle est dotée d’une puissance étonnante, θαυμαστή τις δύναμις, on peut espérer l’utiliser

au mieux et réussir à faire en sorte que chacun finisse, en lui obéissant, par agir de façon convenable 20 . 8

Les orateurs politiques avaient su parfaitement définir, devant le tribunal des cités historiques, ce qu’elle était et à quoi elle servait quand, véridique en grande déesse, θεός μεγίστη, elle se répandait sans autre moteur que sa propre puissance dans la ville, ἀψευδὴς ἀπò ταύτομάτου πλανᾶται ϰατὰ τὴν πόλιν 21 . Elle passe pour la voix de tous et naît spontanément, sans qu’il ait été besoin d’en préparer l’avènement par la diffusion préalable du moindre discours propédeutique, πρόϕασις Dans tous les endroits de la cité, elle sait répéter la même chose, divulguant partout les faits qui seraient restés ignorés sans son intervention, ὅταν τò πλῆθος τῶν πολιτῶν αὐτόματον ἐϰ μηδεμιᾶς προϕάσεως λέγῃ τινὰ ὡς γεγενημένην πρᾶξιν 22 . Tout ce qu’elle révèle est authentique 23 mais elle sait aller au delà de cette fonction de révélation objective. L’essentiel, en effet, de ce qu’elle doit faire est d’exercer une fonction éponymique en désignant d’un mot qui les qualifie, ἐπονυμία, les situations et les actes qu’elle a choisi de révéler et même les intentions de ceux qui les ont produits 24 . Cette désignation, faite dans les formes ordinaires de son usage, se révèle immédiatement recevable et elle peut être comprise et reprise par tous, devenant ἡ ϰοινή ἐπωνυμία, de telle sorte que la transmission des mots qu’elle produit ne s’interrompt pas 25 . Platon sait qu’elle jouit du droit à prononcer des jugements avant toute réunion d’un tribunal et avant même qu’un nomothète ait énoncé la moindre règle. Ainsi, telle personne qui paraîtrait n’être pas convaincue par les arguments d’un préambule de loi pourrait être dénoncée, avant même, sans doute, qu’elle n’ait commis le moindre crime contre la loi positive qui doit en sanctionner l’argumentation. Les bons vieillards voyageurs, méditant sur les fondements de ce que doit être l’obéissance,

peuvent prétendre, en effet, que si quelqu’un était notoirement connu comme restant sourd aux préambules du législateur, εἰ δ’οὖν τινα ϰατέχοι ϕήμη ϰωϕòν τῶν τοιούτων προοιμίων, la rumeur ferait savoir que la loi ne s’adresse, en fait, qu’à lui et à ses semblables reconnus 26 . 9

Il se révèle qu’une rumeur qui se répand dans l’espace public n’est pas nécessairement tout à fait spontanée ni, par voie de conséquence, incontrôlable. Elle est, en fait, un objet malléable et le législateur peut en disposer pour diriger la cité s’il est assez habile pour s’en servir. Il lui est, donc, enjoint de bien connaître le moyen, τέχνη 27 , d’utiliser la puissance de cette parole diffuse pour en prolonger les effets et en valider les leçons. Alors qu’il ne peut légiférer pour chacune des circonstances, parfois infimes et le plus souvent imprévisibles, qui rythment la vie des hommes, elle est l’instrument qui lui permet de régir l’activité et l’affectivité des membres du groupe politique, de telle sorte qu’ils se comportent de façon parfaitement convenable aussi bien en public que dans leur particulier, puisqu’elle ne connaît pas l’opposition du visible et du caché et qu’elle peut intervenir aussi bien ϕανερῶς que λάθρᾳ 28 .

La rumeur sacralisée 10

Le législateur peut intervenir en affirmant le caractère sacré de la rumeur qui se diffuse et dont il entend qu’elle impose, à tous, ses leçons. Par l’effet de cette ϰαθιέρωσις 29 , il réussit à transformer en loi les leçons qu’elle énonce, ἡ ϕήμη devenant par son intervention ὁ νόμος. Les hommes acceptent de se laisser prendre dans les rets du discours ambiant quand il est, ainsi, élevé à la dignité de norme sacrée, fondatrice de la loi même et, donc, lui obéissent. Le nomothète, ou du moins les organes de régulation qu’il a mis en place et qui exercent la réalité du pouvoir, réussissent à soumettre

les âmes de citoyens qui baignent dans le discours sacralisé du groupe auquel ils savent appartenir 30 . À l’inverse il n’est pas nécessaire de discuter un discours déviationniste ou simplement original pour le disqualifier ou le récuser, il suffit de le désigner comme impie, ἀνόσιος, et que soit prononcé ce petit mot, ῥῆμα, σμιϰρòν ῥῆμα 31 pour que les opinions et les comportements auxquels il s’applique cessent d’être licites par l’effet de cette excommunication. La rumeur peut devenir, ainsi, un élément essentiel du discours du pouvoir qui joue de son contrôle institutionnel sur le sacré pour diffuser ses ordres et contrôler la spontanéité de la parole dans l’espace politique. Le nomothète peut alors espérer soumettre les passions qui asserviraient les hommes par une parole qui les enchaîne. La rumeur permet que tous les habitants de la ville veuillent ainsi entendre et dire ensemble les mêmes mots, ὅπως δὲ αὖ τò τοιοῦτον ἐθέλοντας λέγειν πάντας δυνατòν ἔσται ποτέ παρασχεῖν 32 , agir et réagir de la même façon. La sanctification de la parole publique par le pouvoir fait qu’elle échappe à l’instanéité phatique, elle permet que soit prolongé à l’infini chacun des moments de son expression diffuse 33 . 11

La rumeur se nourrit, bien souvent, de discours anciens récurrents et sait reprendre les thèmes développés par l’histoire ou le mythe. Cette leçon peut être ambiguë, sans doute, puisque les exemples tirés du mythe fondent l’idée que les règles, présentées comme parfaitement évidentes, se sont vues transgressées. L’émotion que suscite les récits de ce type peut induire en erreur et il faut surveiller la façon dont ils sont diffusés 34 . Néanmoins, on peut apprendre, de la logique spontanée de leur emploi, à utiliser les leçons de l’anecdote pour fonder la justesse de telle ou telle règle de morale sexuelle particulièrement difficile à faire admettre 35 , de même, on peut essayer de justifier, par de prétendues connaissances

scientifiques, les principes d’une morale que l’on veut faire croire naturelle 36 . Il semble que l’on sache que la loi ne peut être efficace, si elle essaie de contrevenir à la coutume, ὁ νομος ἰσχòν οὐδεμίαν ἔχει πρòς τò πείθεσθαι παρὰ τò ἔθος 37 . Chez les Magnètes, cité neuve, il semble possible d’envisager qu’une parole collective puisse naître et se fonder sur une sorte de culture commune construite et sans cesse reprise pour instruire chacun, de l’école à la tombe. Le nomothète ne prétend pas, ici, se poser en auteur qui aurait inventé des formules qui puissent lui être attribuées en propre, et imposeraient que l’on soit obligé d’agir par réaction à ses propositions. Il se contente de faire en sorte que ce jeu de la parole diffuse, propagée par la rumeur, semble repris par son discours législatif. Il travestit, ainsi, la notion d’opinion publique, prétendant que sa parole peut devenir le véhicule des seules idées reçues et la faisant passer pour la voix même du groupe politique. Il limite, parfois, son discours personnel à l’expression d’une formule de sanction procédurale qui donne à celle-ci valeur juridique 38 . 12

L’obéissance des hommes peut alors s’habiller des oripeaux que sont la honte ou le respect humain, αἰδῶς, dont aime à se draper le grégarisme 39 . Le législateur affirme tenir en grande estime ce qu’il souhaite appeler pudeur parce qu’il sait posséder la technique nécessaire pour l’utiliser de telle sorte qu’il obtienne de son respect des conséquences utiles. Il connaît, en particulier, le moyen de faire craindre aux soldats la censure de leurs compagnons plus que la violence de l’ennemi. Il présente celle-ci comme devant être moins pénible à supporter que la honte qui naîtrait d’une défaillance sous le regard de ses camarades 40 .

L’universalité de la rumeur

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Pour passer pour pertinente et devenir légitime, la voix publique doit impliquer la totalité des participants au système social constitué et procéder d’une unanimité parfaitement homophonique. Elle doit être considérée comme étant celle de tous, πάντες, mais elle est aussi destinée à tous, fonctionnant en circuit fermé. Le destinateur et le destinataire sont les membres de la même cité qui bruit des mots qu’elle prononce et qu’ils doivent concomitamment émettre et écouter, pensant n’entendre jamais, ainsi, que leur propre voix. L’unanimité est requise dans ce jeu de parole car il semble à Platon que, s’il ne se trouvait pour la diffuser qu’une partie de la population, quelque majoritaire qu’elle puisse être, τὴν ϕήμην ἐπιϕέρειν εἰώθασιν oἰ πολλοί, si donc une minorité ne s’y associait pas, la propagation s’en révélerait pernicieuse et ceux qui s’en feraient les diffuseurs parleraient à faux, ϰαϰῶς λέγοντες 41 . Elle doit fonctionner, en revanche, dans le monde parfaitement protégé de la cité refermée sur elle-même, car si elle était contaminée par une parole extérieure, elle ne saurait propager que des idées inconvenantes et nuisibles. Ainsi ne faut-il pas écouter par exemple ce que disent la plupart des Grecs et des barbares 42 du caractère déréglé d’Aphrodite et de ce que les désirs amoureux seraient irrépressibles, il faut au contraire apprendre que l’on peut résister aux impulsions de ses sens 43 . Il ne faut pas non plus qu’elle se diffuse subrepticement car lorsque la rumeur s’insinue, ἡ ϕήμη ὑπορρεί, c’est pour dire des bêtises 44 . Un jeune homme ne doit pas se laisser circonvenir en secret, λάθρα, par les racontars que les femmes aiment à propager, οἶα ϕίλουσιν αἱ γυναίϰες ὑμνείν, ainsi que les serviteurs dans la maison 45 . Il ne peut que mal tourner si son âme est vide des discours vrais, ϰενή μαθημάτων τε ϰαὶ ἐπιτηδευθμἀτων καλῶν ϰαὶ λόγων ἀληθῶν, que seule une bonne éducation et la bonne rumeur savent produire et propager 46 . Il faut

en revanche collaborer du mieux possible à l’expression du sentiment collectif. Chacun doit ainsi participer, avec tous, à la construction de l’opinion publique, δόξα, qui désigne ce qui peut procurer honorabilité ou disgrâce. Tous doivent se soumettre à ses injonctions en veillant à ce que nulle honte, αἰσχύνη, ne vienne ternir leur propre réputation 47 . Les hommes doivent faire en sorte qu’aucune de leurs façons d’être ou de faire ne suscite de commentaires accusateurs, se soumettre aux règles diffusées par ce discours commun à tous 48 . 14

Il n’est pas indifférent de constater que le groupe des émetteurs et des récepteurs de la rumeur est beaucoup plus large que le groupe politique réduit à la seule réunion des citoyens actifs, jouissant du droit de participer au discours ritualisé des assemblées ou des élections. Quand Platon indique qu’elle s’adresse à tous, παρά πᾶσι, il précise bien qu’il faut entendre par là les citoyens, les femmes, les enfants et même les esclaves dont il semble bien ainsi qu’ils constituent tous ensemble la cité, δούλοις τε ϰαὶ ἐλευθέροις ϰαὶ παισὶ ϰαὶ γυναιξὶ ϰαὶ ὅλῃ τῃ πόλει 49 . Même ceux qui ne possèdent pas le droit de citoyenneté peuvent entrer dans le circuit de sa diffusion, ou même se trouver à l’origine même de sa constitution. Ainsi quand un propriétaire ne se lève pas assez tôt dans la nuit pour accomplir son métier de notable, comme il convient au chef de l’une des familles de la cité, ou quand sa femme n’est pas réveillée avant ses servantes, l’ensemble de la maisonnée doit les dénoncer, même les esclaves mâles et femelles, les enfants doivent publier partout leur inconduite, δοῦλός τε ϰαὶ δούλη ϰαὶ παῖς, ϰαὶ εἴ πως ἦv oἶoν τε, ὅλη ϰαὶ πᾶσα οἰϰία 50 . Toute la population du terroir, sans égard au statut de chacun dans le système politique, doit, ainsi, s’impliquer et participer à la mise en circulation de la rumeur, chacun à son niveau mais en collaboration avec tous 51 . L’existence d’un langage

commun à tous les habitants de la cité semble devoir signifier, d’ailleurs, que Platon pourrait n’être pas ainsi tellement éloigné de l’idée, qu’Aristote exprime d’une façon pourtant polémique, selon laquelle la cité est un groupe de gens de statuts nécessairement divers, ἐξ ἀνομοίων ἡ πόλις 52 . Ainsi, même une cité de type oligarchique, semble capable d’intégrer à son discours propre la parole de tous ceux qui vivent sur son sol d’une façon plus positive que ne le faisait Sparte, où les hilotes n’avaient pour fonction reconnue que celle de représenter la face hideuse de l’humanité et d’en faire connaître toutes les noirceurs aux citoyens convenables 53 . 15

La possibilité de donner à la parole née dans la maison capacité à être diffusée dans l’ensemble de la collectivité pourrait fonder aussi l’idée qu’il existe une loi universelle autorisant chacun de ceux qui possèdent le langage, caractéristique de l’espèce humaine à participer à la vie du groupe social. Cette loi ne trouve normalement d’application qu’au sein du groupe familial où la diversité de statuts fondée sur le droit positif s’efface parfois devant les pratiques ordinaires de la vie commune 54 . Si Platon lui donne une place essentielle dans son dispositif politique c’est qu’il tient à ce que la distinction qui pourrait se faire entre le monde du public et celui du privé s’abolisse et que ce soit partout la même parole publique, alimentée par tous les canaux possibles, qui règne sans partage dans les oreilles et les esprits. Le rôle que l’esclave joue dans la construction de la rumeur doit être considéré comme essentiel puisqu’il semble qu’il soit à même de faire et défaire les réputations des meilleures maisons 55 . C’est en fonction de cette évidence que l’ensemble de son droit à se faire entendre dans la cité doit être analysé.

Paroles d’esclave Le témoignage de l’esclave 16

Dans la cité des Magnètes le droit, et le devoir parfois, qu’a l’esclave d’ester en justice sont reconnus de façon spécifique. Il est prévu, ainsi, qu’il doive fournir une caution garantissant sa présentation devant le tribunal jusqu’à l’issue d’un procès où il peut intervenir non-seulement comme témoin mais aussi en tant que synégore 56 . Il est fait obligation à tout esclave, par ailleurs, de dénoncer un fils qui maltraiterait ses parents et il gagnerait à ce faire la liberté 57 . S’il ne se portait pas à leur secours en suscitant l’intervention du magistrat il serait condamné au fouet 58 . Il doit aussi, sous peine d’être condamné à mort, dénoncer toute personne qui se serait approprié un trésor 59 . Cette façon de définir les droits et devoirs de l’esclave semble particulière à Magnésie.

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On sait par exemple que, dans la cité d’Athènes, l’esclave n’avait pas droit à une parole propre dans le cadre des institutions. Son témoignage ne pouvait être reçu en justice qu’après la mise en œuvre d’une procédure spécifique, il fallait que l’une des parties eût revendiqué qu’il fût soumis à la torture, que l’autre l’eût accepté ou refusé. Si l’on ne torturait, sans doute, jamais personne, la demande faite et récusée dans les règles était nécessaire pour valider la déposition devant le magistrat et le tribunal et elle n’avait aucune signification sans la construction de cette fiction procédurale 60 . Dans la cité des Magnètes, au contraire, l’esclave se voit reconnaître le devoir personnel d’exprimer ce qu’il peut avoir à dire et la cité reçoit directement sa parole, il est ainsi, en droit, un sujet et non pas seulement un objet parlant dont le mode d’expression légitime serait limité au seul cri de son corps martyrisé. Il est sans doute contraint

par la loi à parler plus que ne l’est un homme libre. Celui-ci serait, par exemple, honoré pour avoir procédé à des révélations sur des faits pouvant intéresser le tribunal, mais il serait seulement prononcé un blâme à son endroit s’il avait préféré se taire et que l’affaire eût fini par être connue 61 . L’esclave n’a pas le droit, en revanche, de choisir de cacher une information susceptible d’être utile à la justice, il doit dénoncer tout crime dont il peut avoir eu connaissance 62 . 18

Les démocrates s’honoraient de ce qu’Athènes accordât la liberté de parole à tous ceux qui vivaient dans la ville. Les étrangers, tout comme les esclaves, semblaient y avoir le droit de dire plus de choses que les citoyens n’étaient autorisés à le faire dans nombre de cités, πᾶσι τοῖς ἐν τῇ πόλει ὥστε ϰαὶ τοῖς ξένοις ϰαὶ τοῖς δουλοις, πολλούς ἄν τις οἰϰέτας ἴδοι παρ’ἡμῖν μετὰ πλείονας έξουσίας ὅ τι βούλονται λέγοντας ἤ πολίτας ἐν ἐνιάις τῶν ἄλλων πόλεων 63 . Platon, prétendait considérer cette façon de traiter les esclaves comme une perversion particulièrement dommageable 64 . Il semble, pourtant, que, dans la cité des Lois, l’esclave tienne, par sa capacité de parole, plus de place encore. Il a le droit et même le devoir d’alimenter la rumeur, de procéder aux dénonciations les plus graves de telle sorte que l’on doit les craindre lorsque l’on participe soi-même à la citoyenneté. Dans le monde des cités réelles, l’esclave n’était peut-être pas le travailleur muet que l’on se plaît à imaginer 65 , nombre des difficultés, d’ailleurs, dans l’organisation des cités les plus fermées, comme Lacédémone, tenaient peut être à l’existence de cette source possible de discours public, utilisée mais niée. Magnésie se construit dans un système inégalitaire, mais ce n’est pas nécessairement le plus élevé en dignité qui profite le mieux des inégalités annoncées par le système. Ainsi, la réputation du maître et, parfois, sa vie même dépend du jugement de ses propres esclaves.

Si les dépendants ont une telle place effective dans le système politique, si leur statut peut changer du tout au tout, on peut se demander s’ils sont, aux yeux du législateur, tellement différents des citoyens, qui, comme ils le sont eux-mêmes, doivent être soumis de façon absolue à ses instructions 66 . 19

La parole des esclaves est si fermement revendiquée par la cité que tout criminel doit craindre d’être dénoncé par l’un d’entre eux, qu’il soit de sa maison ou étranger à elle, et que le meurtre d’un esclave pour se protéger des effets d’une dénonciation est tout à fait envisageable par le législateur qui ne peut, en raison des intérêts de l’ordre public laisser disparaître une pareille source d’information et doit, donc, la protéger 67 . La preuve de l’importance qui est accordée à ce genre de témoignages est que le geste d’un citoyen qui aurait assassiné un esclave pour qu’il ne dénonce pas les fautes que lui-même aurait pu commettre est assimilé au meurtre d’un citoyen.

La domaine de la fiction en matière criminelle 20

Un tel assassin devrait être poursuivi ϰαθάττερ ἄν εἰ πολίτην ϰτείνας 68 . Par ce ϰαθάπερ nous pénétrons dans le domaine de la fiction juridique 69 dont le droit grec était coutumier et dont il fut dit naguère qu’il l’utilisait "avec parfois une simplicité candide" 70 . Le "Bronze Pappadakis", datant de la fin du VIème siècle, prévoyait, ainsi, que celui qui introduirait une proposition de partage des terres serait puni selon la loi concernant l’homicide, ϰατ τòν ἀνδροϕονιϰόν τεθμόν 71 . À Argos, un décret du milieu du Vème siècle indiquait que celui qui rendrait inopérantes les décisions inscrites sur la stèle, celui qui en ferait la proposition ou celui qui présiderait la séance subirait les mêmes peines que celui qui introduirait un ennemi dans la ville, ὅσσα ϰα πολεμίους ἐπάγον 72 . À Téos le droit pénal tout entier a pu sembler se fonder sur les

dispositions établies par la loi pour punir les sacrilèges 73 . À Thasos c’est la même procédure pour coups et blessures qui était utilisée en des cas très divers et, en particulier, dans le cas de délits portant sur la production et la commercialisation des vins 74 . Il était bien évidemment possible de jouer sur le statut des personnes. À Athènes par exemple la situation d’un esclave pouvait être assimilée à celle d’un homme libre, dans certaines situations de faute avérée, τòν [δούλον ϰαταδιϰάζεν ϰα]θάπερ [τòν ἐλ]ευθ[έρ]ον 75 . La loi de Dracon prescrivait que celui qui aurait tué un criminel exilé pour meurtre mais se tenant à l’écart des marchés frontaliers, des concours et sacrifices amphictioniques serait soumis aux mêmes règles que s’il avait tué un citoyen de plein exercice par une sorte de fictive réintégration posthume de la victime dans ses droits originels, ὥσπερ τòν’ Ἀθηναῖον ϰτείναντα ἐν τοῖσι αὐτοῖσι ἐνεχεσθαι 76 . De la même façon Athènes n’hésitait pas à assimiler dans son empire certains de ses partisans à des citoyens, pour pouvoir faire craindre à qui aurait l’idée de les assassiner, une comparution devant ses propres tribunaux et une rigueur impitoyable de leur part 77 . 21

Il n’y a, donc, rien d’étonnant à ce que Platon puisse offrir dans les mêmes conditions à un esclave cette sorte de citoyenneté conditionnelle, afin que soit donnée au crime qui aurait causé sa mort une punition conforme à l’utilisation politique que les magistrats se proposaient de faire de ses révélations éventuelles. Bien évidemment, et pour en rester au cas envisagé par le législateur des Magnètes 78 , l’esclave n’aurait pas été considéré comme un citoyen au cours de l’enquête et lors du procès où il aurait pu dénoncer les turpitudes de tel ou tel membre de la cité, mais son discours aurait été reçu et validé par les juges qui en aurait ainsi fait l’élément essentiel de leur décision. L’avoir fait taire en l’assassinant

est, ainsi, considéré comme une tentative de rendre inefficace une parole appartenant dès l’origine à la sphère politique et c’est pour cela que le meurtrier d’un esclave dénonciateur potentiel doit être traité comme s’il avait occulté une parole d’État. 22

Il est bien clair que l’essentiel, en cette procédure, se joue lors de l’acte judiciaire qui qualifie le meurtre parce que ce ne peut être évidemment l’esclave mort qui aurait été capable d’indiquer luimême, ce n’aurait éventuellement pu se faire que durant son agonie car on imagine mal qu’il ait pu déposer des écrits dénonciateurs en lieu sûr et accessible 79 , pour quelle raison il avait été assassiné. On ne sait pas, non plus, de quelle façon un particulier pourrait intervenir pour introduire une instance pour faire établir le caractère spécifique du crime commis, celle-ci ne pourrait, d’ailleurs, que rester incidente puisqu’il lui faudrait dénoncer, d’abord, le crime préalable de l’assassin pour faire recevoir la plainte concernant le meurtre de l’esclave. Il faut, sans doute, qu’un magistrat, en cas de flagrant délit, ou bien après la découverte du corps, ouvre une procédure particulière 80 alors que, normalement, le meurtre d’un esclave ne nécessite que la purification du meurtrier et l’indemnisation du maître lésé par la disparition de son serviteur, s’il n’appartient pas à la maison du meurtrier 81 . Il faut, peut-être, postuler que s’ouvre, dans tous les cas de mort suspecte d’un esclave, une sorte d’enquête préliminaire qui se conclut ou non par l’ouverture d’un procès, le verdict du tribunal établissant définitivement le statut de la victime s’il condamne son assassin. C’est en remontant à une faute commise en amont du meurtre que l’on peut procéder à l’inculpation et en établissant le lien entre deux affaires conjointes que ce type de procès peut avoir lieu sans que l’on sache s’il doit y avoir ou non confusion des procédures.

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L’assimilation du meurtre de l’esclave dénonciateur potentiel à celui d’un citoyen sert à faire craindre au meurtrier une peine sévère et cette fiction est donc un moyen pour les dirigeants de tenir les maîtres qui doivent se sentir sans cesse observés par des serviteurs à qui la loi impose une obligation de délation. On peut se demander néanmoins si, lorsque l’on a commis un grand crime, cette dissuasion peut être efficace et s’il ne vaut pas mieux procéder à une fuite en avant en espérant que le caractère particulier de la mort d’un témoin dangereux peut rester ignoré et, par voie de conséquence, l’existence d’un crime antérieur. Ce n’est donc pas, bien évidemment, le souci d’une sorte de promotion des esclaves qui peut avoir suscité cette législation. Elle n’est promulguée que parce que la parole du serviteur appartient au tribunal qui sait donner sens à sa mort. L’esclave à une fonction politique et son service ne se limite pas à celui de son maître 82 . Le faire disparaître n’est pas, dans tous les cas, s’en prendre à sa seule nature, c’est parfois léser la cité.

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Le serviteur peut user, quand il a l’opportunité de dénoncer un citoyen, d’une parole à valeur politique en collaborant avec la justice. Il y trouve son intérêt et il peut être affranchi, aux frais de l’État, quand il l’a fait selon les règles 83 . Néanmoins, et paradoxalement, c’est par une dénonciation potentielle et non aboutie en raison de la mort qu’on lui a fait subir, qu’il obtient le statut le meilleur. Abstractisée, sans doute, par la disparition de son émetteur, sa déposition est validée en tant que parole citoyenne. Resté vivant et ayant exercé sa fonction d’œil et de bouche, le serviteur aurait cessé, sans doute, d’être une sorte d’objet d’usage mais il ne serait pas devenu citoyen comme l’est, par rétroactivité, celui qui aurait été tué pour s’être trouvé dans la nécessité de dénoncer son maître, sans avoir réussi à le faire de son vivant. On

comprend, ainsi, que, dans sa fonction de dénonciateur, l’esclave ne se trouve pas mis dans une situation d’égalité avec celui qu’il dénonce ou aurait pu dénoncer s’il en avait eu le loisir. Il n’existe pas de symétrie statutaire entre lui et le citoyen coupable. Le serviteur met au jour, par obligation, des faits dont le procès lui échappe au profit des magistrats qui se saisissent de l’affaire dans laquelle il ne joue qu’un rôle instrumental. Il n’a nulle part, ni jamais, d’intérêt personnel qu’il soit libre de défendre 84 . Il n’a pas, à sa mort, de parent qui puisse soutenir un procès en sa faveur, µὴ oἶóς τέ ἐστιν αὐτός αὐτῷ βοηθείν μηδὲ ἄλλῳ oὖ ἄν ϰήδηται 85 . Il n’est, en ce genre d’affaire, qu’un simple outil dont se sert le pouvoir et c’est à ce titre qu’il est utile et que l’on tient compte de ce qu’il aurait eu à dire. Son rôle est, en quelque sorte, du même ordre que celui de l’exécuteur public. Si l’esclave n’a pas, en effet, le droit de frapper un homme libre, ce qui est n’a rien qui doive surprendre 86 , il peut en revanche se voir ordonner de le faire par les magistrats et serait naturellement puni s’il ne le faisait pas. L’esclave, homme instrument, est, parfois, celui qui, devenu bourreau, tue des citoyens quand il est besoin de les éliminer 87 . Il peut ainsi, se révéler être utile au moment où commence un procès puis quand le coupable est condamné. L’esclave peut être l’œil et la bouche puis le bras. Il n’est pas, sans doute, une personne au sens proprement juridique du terme mais le fait que le législateur lui ouvre l’accès à la citoyenneté, qu’elle soit posthume ne nuit point au caractère juridique et fonctionnel du statut acquis, éclaire, par contraste, la façon dont le citoyen ordinaire est considéré par le législateur et les détenteurs du pouvoir.

La fiction de paternité

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Pour avancer dans cette analyse, il est possible d’essayer d’étudier une autre fiction de même registre où la cité platonicienne sait jouer aux frontières du réel et de l’utopie. Quand un esclave tue un citoyen, même s’il le fait en situation de légitime défense, ἐὰν δὲ αὖ δοῦλος ἐλεύθερον 88 ἀμυνόμενος ἀποϰτείνῃ, il est assimilé à un fils qui aurait tué son père, ϰαθάπερ ὁ ϰτείνας πατέρα τοῖς αὐτοῖς ἔνοχος ἔστω νόμοις 89 . On ne peut se contenter d’interpréter au premier degré cette assimilation, en pensant qu’il s’agit de faire craindre aux éventuels coupables une punition spécifiquement dissuasive car, si les parricides volontaires sont soumis à des peines spectaculaires, celles-ci ne sont pas particulièrement terrifiantes, puisque la lapidation à laquelle ils sont soumis n’est pas le moyen de leur mise à mort, ce qui serait pour eux fort désagréable, mais ne frappe que leur seul cadavre exécuté de façon plus classique et moins cruelle 90 . D’ailleurs, on peut se demander, si étant donné le contexte, il n’est pas simplement question d’assimiler cet homicide à celui du fils qui tue par réaction de colère son père ou sa mère et doit être mis à mort, sans autre précision 91 . Un fils biologique n’a pas le droit, en effet, de se défendre contre les violences de son père ou de sa mère, y compris si elles doivent le conduire à la mort, ce qui peut arriver, quoique cela soit rare, ὅ γίγνεται μέν, ὀλιγάϰις δέ 92 . Il doit tout subir et s’il cède au désir de se protéger et tue l’un ou l’autre, il est mis à mort. Aucune loi ne peut, en effet, autoriser ce genre d’acte, παρέξει νόμος οὐδεὶς ϰτεῖναι τòν πατέρα ἤ μητέρα 93 .

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Le problème doit donc être posé d’une autre façon et analysé avec rigueur même si l’on sait que la législation du meurtre chez Platon n’est pas toujours très claire puisque la multiplication des catégories, et notamment l’introduction du meurtre par colère, en rend la lecture juridique peu évidente 94 . L’homicide perpétré par un esclave est traité par le nomothète de façon différenciée mais, en

fait, assez simple dans sa rigueur. Le serviteur qui, dans un moment de colère, tue son maître est exécuté par la famille de la façon qui lui convient sans que la cité semble souhaiter intervenir 95 , celui qui tue par colère un homme libre n’étant pas son maître doit être livré par ses propriétaires à la famille du mort qui doit le mettre à mort 96 . L’esclave qui délibérément tue un homme libre personnellement ou par un intermédiaire, ἐϰῶν, εἴτε αὐτόχειρ εἴτε βουλεύσας, paraît, en revanche, appartenir à la cité. Il semble qu’il doive subir une sorte de procès puis être conduit devant le tombeau de sa victime où l’exécuteur public, ὁ τῆς πόλεως ϰοινòς δήμιος, le fait périr en le fouettant d’autant de coups que l’aurait souhaité l’accusateur, l’achevant au cas où il n’aurait pas trouvé la mort à la fin du décompte 97 . Il n’est prévu, dans aucun de ces cas, quel sort doit être réservé au corps du supplicié 98 alors que l’on a pris soin de préciser que, dans le cas du meurtre involontaire d’un esclave il faut se purifier 99 , que le corps d’un animal meurtrier ou tel objet criminel doit être jeté hors du territoire de la cité 100 . C’était d’ailleurs une pratique ordinaire dans les cités grecques que de vouloir juger les objets eux-mêmes et les condamner à l’exil 101 . On peut se demander si, dans l’esclavage tel que le décrit Platon, l’esclave supplicié de cette façon ne se trouve pas dans une situation de telle déshérence qu’il ne peut même accéder à la dignité qui fait de l’instrument de mort redevenu pourtant inoffensif ou de l’animal exécuté pour meurtre un objet sacralisé dont la présence maintenue à l’intérieur du territoire politique peut poser un problème. L’esclave mis à mort n’est rien et son geste d’assassin l’a conduit en un statut où sa matière physique même n’a plus d’existence, son corps n’a plus la moindre valeur, même religieuse, et accède à l’absolu néant d’une sorte de βαραθρόν 102 . L’assimilation fictive d’un esclave à un fils parricide doit, donc, être considérée comme

paradoxale, car c’est une mise en cause profonde de la symbolique des liens sociaux et des rapports politiques. 27

Quand l’esclave entre dans la catégorie juridique des fils, ce n’est pas évidemment en fonction de considérations qui prendraient en compte le fait que souvent des esclaves ont été pour leur maître meilleurs que des frères ou des enfants 103 . Ce n’est pas non plus pour des raisons qui tiendrait à une réflexion sur la nature de l’esclavage induisant, comme sut l’exprimer Aristote, qu’une certaine amitié pouvait lier le maître à son serviteur 104 . Il ne faut pas imaginer, non plus, que l’esclave et l’enfant soient considérés par le législateur comme dotés de natures relativement semblables 105 . Cela se manifeste dans la loi sur les blessures volontaires où la situation d’un fils qui blesse ses parents ou le serviteur son maître sont assimilées, γονέας δ’ἄν παῖς ἤ δοῦλος δεσπότην τρώση 106 . Mais, on ne doit pas penser que l’esclave, par la volonté du législateur, entre de façon active dans un système fictionnel aussi particulier, sans que cela ne soit d’une conséquence plus intéressante 107 .

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Même, si l’on peut admettre que la peine promise à l’auteur d’un parricide doit faire réfléchir quiconque serait susceptible de commettre un tel crime et serait sensible à la façon dont on en signifie le caractère sacrilège, le serviteur n’est pas censé connaître ce qui est réellement en question. Il n’est pas, en effet, susceptible de comprendre la dimension morale de l’acte qu’il accomplirait, d’abord parce qu’il ne sait pas ce qu’est un père au sens juridique et peut être naturel du terme, d’autre part parce que le système des punitions infligées à des esclaves ne prend pas en considération l’idée qu’il serait susceptible de progresser dans le plan de la morale 108 . L’éducation des esclaves, en effet, n’a qu’une fonction instrumentale car la seule chose qu’on leur demande est de se

conduire comme il faut pour ne pas nuire au confort de son maître. Pour le bien de la société, l’esclave, dans la cité comme dans la famille, n’est censé connaître qu’un discours réduit à la seule modalité de l’impératif, non pas même à celle de l’ordre qui naît dans l’écriture de législateur mais de celui qui né de la parole immédiate semble soumis à la seule nécessité pratique 109 . Le serviteur réputé parricide appartient donc à une catégorie nouvelle dans la cité et son apparition doit être analysé dans le cadre d’une réflexion d’ensemble. 29

Le texte semble clair, le ϰαθάπερ ὁ ϰτείνας πατέρα induit la conséquence qui découle naturellement de l’assimilation telle qu’elle est proposée, τοῖς αὐτοῖς ἔνοχος ἔστω νόμοις 110 , αὐτοῖς ne devant pas être considéré comme une redondance. Il permet de comprendre que le participe substantivé, ὁ ϰτείνας πατέρα est une nominalisation volontairement classificatoire. Cette catégorisation concerne, donc, la personne de l’esclave, auteur du meurtre, et non pas seulement l’acte qu’il a commis et dont on doit punir l’auteur. Le meurtrier change de statut au moment même où il agit. La situation dans laquelle il se trouve n’est pas symétrique de celle de l’esclave dénonciateur potentiel d’un crime qui ne devenait citoyen que de façon posthume, par l’assassinat dont il était la victime 111 . Le citoyen, meurtrier d’un esclave qui aurait pu le dénoncer, voyait son acte criminel assimilé à un certain type d’assassinat mais lui-même ne changeait pas de statut personnel. L’esclave assassiné n’avait pas eu à occuper de place dans le corps politique. Il n’était pas né, ainsi, à proprement parler dans la cité, de citoyen nouveau et seul un certain crime devait se trouver assimilé à un autre devant le tribunal, ϰαθάττερ ἄν εἰ πολίτην ϰτείνας ὑπεῖχεν ϕόνου δίϰας 112 . Quand le propos du législateur est, en revanche, de prétendre considérer que l’esclave ayant tué un citoyen quel qu’il soit, même

s’il n’a fait que se défendre, est un parricide 113 , la situation est différente, puisqu’il est considéré et traité effectivement comme le fils d’un citoyen. Quelque bref que soit le temps durant lequel perdure cette situation, il a véritablement changé de statut personnel, il n’a pas à subir le supplice du fouet sur le tombeau de sa victime 114 . Il se voit mis à mort de façon tout à fait normale et enterré, sans doute, si son acte est assimilé à celui du fils qui tue par colère son père ou sa mère 115 . Son corps trouverait, par ailleurs, toute sa dignité de cadavre signifiant, s’il devait, ce qui n’est pas explicitement précisé, être considéré comme parricide volontaire et, être jeté hors du territoire de la cité, dans une cérémonie éminemment politique 116 . 30

Tout citoyen, quel qu’il soit, peut être considéré comme le père de l’esclave qui le tuerait s’il l’avait agressé 117 . Celui-ci est mis, ainsi, dans la situation de pouvoir devenir l’enfant de géniteurs multiples. Cela ne tient pas à ce que, dans Magnésie comme à Sparte 118 , tout citoyen devait s’il était témoin de quelque manquement aux règles normales de comportement châtier un esclave ou un enfant coupable de quelque faute, comme s’il était investi de l’autorité parentale sur tous les enfants de la cité et d’un droit de regard sur la conduite de tous les dépendants 119 . L’assimilation qui fait d’un homicide un parricide est d’une tout autre conséquence. Elle doit s’interpréter d’une façon qui permette de comprendre de quelle nature sont audelà des rapports intra familiaux les rapports juridiques existant entre les divers humains constituant la cité 120 .

La fallacieuse fraternité 31

Toute cité pouvait métaphoriquement être décrite sous la forme d’une famille et cette image débouchait, si l’on voulait tenir compte de l’égalité nécessaire des membres qui la constituaient, sur l’idée

qu’elle pouvait être une association de frères 121 dont les membres devaient mutuellement s’apprécier et se porter secours 122 . Sparte mythique était, parfois, décrite comme la cité modèle de cet idéal fraternel car le territoire y était partagé en lots égaux que rien ne semblait séparer l’un de l’autre, ressemblant, chaque année lors de la moisson à un domaine familial dont ils venaient de se répartir l’héritage, ἡ Λαϰωνιϰή ϕαίνεται πάσα πολλῶν ἀδελϕῶν εἶναι νεωστί νενεμημένων 123 . Au contraire, il pouvait apparaître que l’évidente fraternité des Athéniens nés autochtones, μιᾶς μητρòς ϕύντες, leur avait imposé d’établir une constitution isonomique qui seule pouvait empêcher l’ordre de succession des générations et celui des naissances dans la fratrie d’acquérir une valeur hiérarchisante, οὐϰ ἀξιοῦμεν δοῦλοι οὓδε δεσπόται ἀλλήλων εἶναι ἀλλ’ἡ ϰατὰ ϕύσιν ἰσονομίαν ἀναγϰάζει ζητειν ϰατὰ νόμον 124 . La fraternité institutionnelle devait passer, en effet, nécessairement, par la disparition symbolique du père auquel le fils devait pouvoir s’assimiler quand il était installé à ses côtés dans le groupe des citoyens de plein droit. La cité se construisait, ainsi, par le déni de la coupure des générations 125 . L’admission dans les phratries doit être considéré comme l’accomplissement d’une procédure par laquelle les παῖδες se transformaient en ϕράτερες, les fils devenant, ainsi, en droit et en religion aussi, les frères de leur propre père. Il était, d’ailleurs, possible, comme ce fut le cas dans la cité de Nakoné où cela paraissait utile à la cohésion politique, de construire dans le groupe des citoyens des familles purement fictives et d’instituer ainsi dans la cité réconciliée des groupes de frères d’élection. ἀδελϕοί αἱρετοί 126 , la fiction faisant vivre la cité refondée lorsque la crise qui l’avait déchirée avait été résolue. 32

Dans la cité des Magnètes, l’assimilation de l’homicide accompli par un esclave sur un homme libre à un parricide, même en cas de

légitime défense, doit, sans doute, se situer dans un contexte tout à fait spécifique. Le passage des Lois, où ce problème est évoqué, ne peut, en effet, quoi qu’en aient pensé les commentateurs être considéré comme traitant de façon systématique de la légitime défense, en tant que telle 127 . Les agressions perpétrées par un homme libre sur un esclave sont évoquées ailleurs et il n’y est pas question des réactions éventuelles de la victime 128 , de même les homicides excusables dont l’auteur reste pur de tout crime, ϰαθαρός, parce qu’ils sont commis pour protéger ses parents, femmes, ou enfants, d’une violence qui leur serait faite, ou pour défendre ses biens de nuit 129 . Le cas dont nous traitons est situé dans le cadre de la guerre civile, ἐν στάσεσι μάχης γενομένης 130 où le frère peut affronter son frère, le traitement des autres catégories de personnes vivant dans la cité se faisant par assimilation, ϰατὰ ταὐτά. On n’imagine pas que Magnésie puisse devenir le théâtre de ce type de conflit, mais il faut comprendre que la possibilité qu’il éclate, est, nécessairement, à l’horizon de toute cité grecque, quelque parfaite qu’elle puisse être. Platon sait, d’ailleurs, et le signifie sans ambages, que c’est dans la στάσις que se manifestent le mieux les vertus citoyennes. Alors que le mercenaire brutal trouve sa place dans les guerres étrangères 131 , le conflit civil est une guerre méritoire où chacun peut découvrir ce qu’est la parfaite justice, διϰαιοσύνη τελέα 132 . La loi de Magnésie veut que chacun puisse se défendre, à bon droit, contre un égal 133 , le frère a le droit de tuer un frère alors que, dans un autre cadre, le tuer volontairement serait un parricide 134 , le citoyen un citoyen, l’étranger un étranger, l’esclave un esclave, chacun a d’ailleurs, sans doute, le devoir de le faire puisque participer à la guerre civile est une obligation, si l’on s’en tient à la législation de Solon 135 . Tout homme libre, qu’il soit citoyen ou étranger, peut, pour se défendre, tuer son agresseur, et rester pur,

ϰαθαρός, comme s’il avait tué un ennemi extérieur, ϰαθάπερ πολέμιον ἀποϰτεινας. Le texte joue des seuls parallélisme croisés, ἀστòν ξένος, ξένος ἀστòν, mais il est bien évident que, de la part d’un homme libre, tuer un esclave pour se défendre serait, de même, impuni. Si cela n’est pas précisé, c’est peut-être que le serviteur ne participe à ce type de débat politique, que de façon plus ou moins marginale et l’on n’envisage, donc, que la seule situation où il se serait trouvé dans l’obligation de se défendre, ἀμυνόμενος 136 . 33

Dans le cas où l’esclave devient, par fiction, le fils d’un citoyen, par le biais d’une des lois sur le meurtre, cela, paradoxalement, ne conduit pas à l’annexer au groupe politique dont, pourtant, il est membre par l’effet de multiples liens, à laquelle il participe de droit en tant que vecteur de la rumeur, témoin devant les tribunaux, dénonciateur, ou bien même en tant que combattant, puisqu’il a même le droit et sans doute le devoir, dans le cadre d’une guerre civile de tuer d’autres esclaves, si nécessaire. Ce qui le caractérise, par rapport aux autres membres de la cité est que son statut de fils se construit dans l’acte par lequel il donne la mort à un citoyen et que, fictivement fils potentiel de tous, il ne peut jamais devenir le frère possible d’aucun des citoyens alors que tous peuvent éventuellement devenir ses pères. Les frères de Nakonè ne peuvent passer, au contraire, par l’effet de leur fraternité fictive pour les fils de quiconque mais cela n’a pas d’importance puisqu’il s’agit de mettre en place le jeu d’une parole égalitaire. À Magnésie, la dissymétrie des rapports qu’entretiennent maîtres et esclaves paraît si évidente que même la fiction ne peut faire qu’ils se trouvent à quelque moment que ce soit dans une situation d’égalité 137 . Le serviteur devient fils mais il est le seul d’entre les enfants à ne pas se voir offrir la possibilité de prendre place dans le groupe politique aux côtés de son père, non pas seulement parce que celui-ci disparaît

au moment où lui-même naît comme son enfant, mais parce qu’il se voit refuser les conséquences de cette dignité fictive puisqu’elle se produit par l’effet de ce que l’on qualifie de crime, ce pour quoi on le met aussitôt à mort. Il ne peut, ainsi, franchir le pas qui conduit du droit potentiel à la parole politique qu’impliquerait sa qualité, alors que cela est permis à un enfant ayant attendu d’avoir l’âge de participer à l’assemblée et qui peut siéger à l’assemblée aux côtés de ses frères, à quelque génération qu’ils appartiennent 138 . 34

Le lien fictionnel de l’esclave à l’homme libre qu’il vient de tuer ne lui ouvre pas le chemin du politique. Il le rejette, au contraire, hors de toute communauté qui pourrait être construite de ses égaux ou de ses semblables, le fait entrer dans un système de minorité et non pas de fraternité. Ce n’est pas, ainsi, le faire mieux participer au groupe politique, c’est au contraire l’en exclure. Les fictions ne modifient pas les réalités en fonction d’une logique qui correspondrait à leurs conséquences objectives immédiates, l’effet obtenu est une sorte d’artefact qui possède sa propre logique de fonctionnement. Néanmoins, la qualité de la réflexion juridique platonicienne se manifeste dans le fait que cette construction s’inscrit parfaitement dans le système proposé pour la gestion de la famille dans la cité magnète. Sa structure impose, en effet, que soit considéré comme parfaitement clos l’ensemble des 5040 groupes familiaux originels 139 . La constitution protège de façon très attentive la pureté de chacun, ainsi que le jeu de la transmission du patrimoine.

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Ainsi, la fraternité des enfants issus de l’adultère est soigneusement contrôlée, comme si ce problème devait passer pour essentiel. La loi fait en sorte qu’il n’y ait pas, à l’intérieur d’une maison, de frères biologiques des enfants légitimes qui soient issus d’esclaves. L’enfant que le maître ou la maîtresse de maison aurait eu d’un ou d’une esclave domestique serait expulsé de la cité avec son père ou sa mère

non-libre, si du moins l’affaire était devenue publique, περιϕανές. En revanche, l’enfant qu’un homme ou une femme libre aurait produit avec un ou une esclave qui ne serait pas de leur propriété resterait esclave dans la demeure du maître de son producteur mâle ou femelle car il n’aurait pas de frère ou de sœur dans la famille dont il se trouverait devenir le serviteur 140 . Dans une famille qui comprendrait plusieurs garçons, seul l’un des fils peut succéder à son père et devenir, en tant qu’héritier présomptif, installé dans une des deux maisons du domaine, l’un des adultes, citoyens de plein droit. Les autres ne peuvent accéder à ce statut, sauf à épouser une fille qui ne serait, elle-même, devenue héritière que parce qu’elle n’aurait pas de frère. La cité n’existe, ainsi, que par la succession d’un des fils à son père, il ne peut s’y développer de fraternité véritable puisque la seule citoyenneté légitime est fondée sur le partage initial de terres et que les lots constitués originellement ne peuvent plus être divisés. Les fils non casés, les cadets, sans doute, le plus souvent, doivent s’exiler pour espérer trouver, ailleurs, la possibilité d’exercer des droits politiques 141 . On peut se demander si de tels hommes ne se trouvent pas, de fait, installé dans un statut comparable à celui de l’esclave que la fiction a porté aux portes de la citoyenneté sans, pourtant, l’y faire entrer. 36

Le jeu auquel se livre la législation de Magnésie sur le statut de l’esclave et celui de l’enfant est très significatif de ce que la parenté, dans la cité, est une affaire juridique et non pas biologique. Ce qui fait l’originalité de la cité est la facilité relative avec laquelle le législateur envisage que les esclaves puissent acquérir un statut qui leur est, partout ailleurs, complètement fermé. Que les conditions de la mise en œuvre de cette fiction soient difficiles à remplir ne doit pas faire croire à son caractère anodin puisque elles font se rejoindre dans la même catégorie juridique des personnes dont les statuts

paraissent tout à fait distincts et impossibles à conjoindre. Le législateur veut faire comprendre par ce jeu que l’on peut vider de tout contenu effectif les réalités juridiques prétendues les plus claires. Quand l’esclave peut devenir le fils de tout citoyen, s’il peut acquérir, ainsi, dans la mort qu’on lui a donnée pour empêcher qu’il ne parle, un droit de cité fictif, c’est que les hommes libres ne sont pas ontologiquement différents des esclaves 142 . Les hommes libres doivent se rendre compte que leur supériorité, constitutionnellement affirmée, n’existe pas par nature mais seulement dans le jeu des lois et que, par ailleurs, elle est subordonnée à l’intérêt supérieur du système. La seule chose qui compte, en effet, dans le cadre politique, est la façon dont le législateur sait faire jouer la parole de chacun, dans le cadre spécifique de la procédure politique ou dans le cadre plus large de la société qu’il construit.

Le contrôle direct sur les discours publiés dans la cité 37

Le législateur peut essayer de manipuler le langage ou la prise de parole des citoyens de façon plus directe que par la légitimation de la seule rumeur. Il est, ainsi, chez les Magnètes des opinions qu’il est interdit de manifester, des textes qu’il ne faut pas écrire, des paroles qu’il ne faut pas prononcer, censure banale en quelque sorte. Il est aussi des moyens plus subtils de faire que les modes d’expression du discours politique et le langage même soient des instruments au service de l’institution.

La censure dans la cité

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Dans la cité de la République, ne doivent être diffusés que les hymnes pour les dieux et les éloges pour les gens de bien, ὓμνους θεοίς ϰαὶ ἐγϰώμια τοῖς ἀγαθοῖς 143 . On en expulse parfois les poètes 144 . Il est interdit d’y écouter ce qu’il est interdit de dire. La répression frappe, en effet, les deux partenaires d’un échange et considère comme un coupable l’auteur d’un discours ainsi que tout destinataire qui ne se serait pas refusé à entendre ce qu’il n’aurait pas fallu diffuser, διαμαχετέον πάντι τρόπῳ µήτε τινὰ λέγειν µήτε τινὰ ἀϰούειν 145 . Les fondateurs de l’État, οἰϰισταί τῆς πόλεως, se chargent de proposer les thèmes, τοùς τύπους, que les poètes doivent développer dans leurs œuvres. Il est signifié que les auteurs doivent s’en tenir à l’axiome originel selon lequel les dieux sont bons. Il est interdit de prétendre que la divinité puisse être à l’origine du moindre mal, cela posant évidemment des problèmes que seule une réflexion sur le sens même du mot peut résoudre. Les citoyens doivent penser et dire qu’elle ne peut être la cause de quoi que ce soit qui ne soit le bien, µή πάντων αἴτιον τòν θεòν ἀλλὰ τῶν ἀγαθῶν 146 . Il faut, surtout, que les poètes et les prosateurs soient contraints à cesser de prétendre, comme ils le font d’ordinaire que les hommes peuvent être heureux même s’ils sont injustes, et à chanter le contraire 147 .

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Ce type de censure n’était pas évidemment inconnu dans le monde grec classique 148 . Dans le prologue des Lois, l’Athénien se plaint, ainsi, de ce qu’aient pu être diffusés depuis longtemps dans la ville dont il est originaire et qu’il prend comme référence, parfois comme repoussoir, des textes écrits, ἐν γράμμασιν λόγοι ϰείμενοι, qui ne rendaient pas justice à la divinité et seuls prétend-il les Spartiates auraient connu, à l’époque, une législation faite pour empêcher qu’il parussent 149 . Il est bien clair que, dans le monde des cités réelles, la liberté d’expression n’était pas chose courante 150 et Socrate eut

l’occasion de s’en apercevoir. Platon se trouve, d’ailleurs, si bien athénien sur ce plan que l’on ne manque pas de s’étonner qu’il reproche à sa ville d’avoir voulu que toute recherche philosophique fût interdite sous peine d’impiété alors que cela semble correspondre parfaitement à ce qu’il propose pour la cité de ses Lois 151 40

Le législateur s’y donne le devoir d’intervenir avant toute diffusion d’une œuvre littéraire pour juger de sa pertinence et de son intérêt 152 ou même de sa forme puisqu’il se considère comme qualifié pour juger de la qualité des textes 153 . Les poètes n’ont pas, ainsi, le droit de pratiquer leur art comme ils l’entendent et le mécanisme de la surveillance que l’on doit exercer sur eux est minutieusement exposé 154 . Comme l’on tient pour assuré qu’un auteur est incapable de faire la différence entre le bien et le mal, il lui est interdit de donner lecture d’une œuvre à aucun des citoyens, τῶν ἰδιωτῶν μηδενί, avant de l’avoir présenté à des juges et aux gardiens des lois. Ce contrôle est d’autant plus nécessaire que, pour les participants au dialogue des Lois, il paraît tout à fait évident que les auteurs tragiques professionnels ne peuvent jamais se recruter que parmi les étrangers. Ceux-ci doivent être considérés, par révérence, sans doute, à la tradition, comme les enfants des saintes Muses, παίδες μαλαϰῶν Μουσῶν ἔϰγονοι, mais ils doivent accepter que la loi doive être considérée comme la seule véritable source de l’activité dramatique, [δράμα] ὅ δὴ νόμος ἀληθὴς μóνος ἀποτελείν πέϕυϰεν 155 . Il faut qu’ils comprennent, donc, que s’ils réussissent leur travail quand l’inspiration divine le leur permet, les hommes ordinaires peuvent, guidés par la loi, apparaître comme des rivaux, ποιηταί μὲν οὖν ὑμείς, ποιηταί δὲ ϰαὶ ἡμεῖς ἐσμεν τῶν αὐτῶν, ὑμίν ἀντίτεχνοί τε ϰαὶ ἀνταγωνισταί τοῦ ϰαλλίστου δράματος. Par ailleurs, il n’est pas raisonnable de laisser à des auteurs de métier le droit de

faire ce que bon leur semble, car ils sont trop sensibles au souci de plaire au public à tout prix 156 . Aussi, l’on doit, lors des cérémonies les plus solennelles, faire chanter, même s’ils paraissent techniquement défectueux, les poèmes d’amateurs vertueux, de préférence aux productions d’auteurs de talent qui n’auraient pas accompli de belles actions 157 . 41

Il faut être impitoyable envers tout auteur qui se révélerait avoir conçu de fausses opinions sur les dieux 158 . La loi condamne toute personne qui signifie dans ses paroles comme dans ses actes qu’elle ne proteste pas de sa piété envers la divinité, ἐάν τις ἀσεβῇ λόγοις εἴτ’ἔργοις 159 . Choisissant la voie de la polémique, car le dialogue prétendant fonder un monde dans la pérennité de l’utopie ne néglige pas le transitoire des discussions sur l’actualité, l’Athénien prétend, en particulier, interdire dans la cité la parution de textes en vers ou en prose qui mèneraient les jeunes gens à ce qu’ils prétendent caractériser comme la droite vie de nature 160 . Il faut que le législateur puisse convaincre les auteurs, par la mise en œuvre d’une sorte de censure incitative, de ne tenir que des discours utiles au développement de la vertu, les obliger à n’imiter, dans leurs rythmes et dans leurs mélodies, que les façons de s’exprimer des hommes sages et courageux, pour que ceux qui les entendraient s’en imprègnent et se modèlent sur leur exemple. Le sage doit savoir, en effet, utiliser le poète et le conteur de telle sorte qu’il soit au service de la cité, il faut qu’il traite de sujets convenables selon les modalités qui lui sont fixées par la loi, ποιητῇ χρῴμεθα ϰαὶ μυθολογῳ ὠϕελίας ἔνεϰα ὅς ἡμίν τὴν τõ ἐπιειϰοῦς λέξιν µιμοῖτο ϰαὶ τὰ λεγόμενα λέγοι ἐν ἐϰεινοις τοῖς τύποις οἶς ϰατ’ἀρχάς ἐνομοθετησάμεθα 161 . Les habitants de la ville doivent reprendre, dans leurs propres discours, ce qu’on a contraint les auteurs à produire, τοùς τε ποιητὰς ἀναγϰάζειν ϕθέγγεσθαι ϰαὶ πάντας τοùς ἐν τῇ πόλει 162 . Les chants

diffusés par les littérateurs professionnels dûment autorisés peuvent constituer la partie spectaculaire de ce que doit être l’enseignement dispensé à l’ensemble de la population. Ainsi, le contrôle des représentations dramatiques permet aux magistrats de canaliser les émotions dans la cité 163 . 42

La façon de définir l’activité littéraire imposée est tout à fait conforme à la structure ordinaire des textes législatifs magnètes qui créent le droit par la récusation de la faute, définissant ce que l’on souhaite interdire et prescrivant ensuite. L’établissement de la censure se fonde sur une analyse réductrice de l’activité littéraire, en déduit les conséquences obligées et indique quel doit être le seul discours recevable. Celui-ci n’est, pourtant, que l’expression d’une thèse présentée de façon purement assertorique. Ainsi, quand le philosophe se réjouit d’avoir montré que rien de mauvais ne peut venir des dieux, ἐπεδείξαμεν ὅτι ἐϰ θεῶν ϰαϰὰ γίγνεσθαι ἀδύνατον 164 , il prétend pouvoir récuser tout droit à soutenir logiquement la thèse inverse.

Le contrôle du vocabulaire 43

Le jeu de la censure remonte très en amont, il est préparé par un travail sur la structure même de la langue. Il est possible au législateur d’intervenir activement, car la cité est la cellule naturelle de construction de la langue 165 , Le simple fait de parler s’y révèle être un acte productif, τò λέγειν ἄρα πράττειν ϰαὶ ποιεῖν ἐστίν 166 , la dénomination se révélant devoir être une activité, ὀνομάζειν πρᾶξις τίς ἐστιν, essentielle 167 . C’est, donc, d’abord, au niveau du vocabulaire que se fait la surveillance du langage. Ce n’est qu’ensuite que l’on contrôle le jeu des entrelacements. Platon est parfaitement conscient de ce que l’acte de nommer n’est pas neutre et qu’y procéder est une des fonctions du politique, le législateur doit s’en

charger, puis, faire en sorte que les justiciables agissent en fonction de la définition des mots dans chacun des contextes dans lesquels ils apparaissent. 44

La complexité du problème qui se pose au législateur des Magnètes, qui se révèle avoir été un bon lecteur du Cratyle, est grande. Il ne suffit pas, en effet, de donner un nom aux choses perçues et aux concepts construits pour les caractériser. Il faut aussi comprendre comment se réalise l’accord nécessaire entre la désignation et la signification 168 . Il est très difficile de réduire en un simple moment l’acte de la dénomination et d’en contrôler les effets. En témoigne l’ingéniosité de Socrate qui avait décomposé, en moments signifiants, le processus de la construction du nom d’Apollon et proposé des explications qui, successivement, rendaient compte de ses différents usages et fonctions. Le dieu aurait originellement été celui qui lave et purifie, Άπολούων, ou bien le dieu des mouvements simultanés, ‘Ομοπολῶν 169 , termes qui n’auraient jamais possédé qu’un lambda, prononciation et orthographe originelles et naturelles, en quelque sorte. Les générations successives auraient, à tort au regard de cette vérité première, redoublé la lettre, ἔτερον λάϐδα ἐμϐαλόντες, ὅτι ὁμώνυμον ἐγίγνετο τῷ χαλεπῷ ὀνόματι, pour mettre la divinité qu’elles considéraient, désormais, comme terrible en relation avec le verbe mortifère, ἀπολλύναι 170 , faisant désormais d’Apollon le dieu qui fait mourir. Un mot agréable à entendre comme à utiliser aurait, ainsi, servi de matrice à un terme connoté négativement quand certains connaissant mal la valeur du nom primitif du dieu et redoutant une puissance qui leur paraissait désormais fort inquiétante le modifièrent. Le mot aurait, ainsi, trouvé une nouvelle forme et une nouvelle signification par l’effet du discours que l’on tenait désormais à propos de son référent. Socrate se donnait pour tâche, en proposant des étymologies qu’il prétendait

fondées sur des bases scientifiques, de découvrir dans le cœur même des mots, un ou plusieurs noms racines cachés mais par hypothèse pourvus de sens. Il lui était, ainsi, possible de multiplier à l’infini la quête du sens premier d’un mot. Son travail de décomposition, multipliant par le jeu des analogies le nombre des termes initiaux censés continuer d’habiter un mot du langage actuel, montre que l’on ne trouve jamais en ce dernier que ce que l’on a choisi d’y mettre 171 . Sa méthode transforme tout mot, et en particulier, le nom, si bref, de Zeus, par exemple, en une sorte de discours, ἐστιν oἶoν λόγος τò τοῦ Διòς ὄνομα 172 . Elle permet bien évidemment de comprendre comment on peut mettre en œuvre de façon pertinente une véritable politique linguistique qui sache jouer de tous les possibles. Ce travail se prolonge dans les Lois et trouve son aboutissement pratique. Paradoxalement, c’est, néanmoins, la richesse sous jacente des référents multiples de chacun des mots qui rend la surveillance nécessaire du vocabulaire par les fondateurs et les dirigeants de l’État plus difficile. 45

Les jeux cratyliques sont essentiels pour justifier la façon dont est fondée la cité magnète, ce qu’en est la pratique. Le mot désignant la loi, νόμος, est, ainsi, reconnue comme signifiant qu’elle est intelligence, νοῦς. Il sert à signifier quel rapport existe nécessairement entre elle et l’esprit, τοὓνομα νῷ προσῆϰον 173 , les hommes ayant, ainsi, désigné leur capacité à régir le monde, en y diffusant la puissance de leur esprit, τὴν τοῦ-νοῦ διανομὴν ἐπονομάζοντες νόμον 174 . Pour ce qui est de la pragmatique, les chœurs dont la pratique est essentielle à l’harmonie politique, sont dits tirer naturellement leur nom de la joie qu’ils procurent à qui y participe, χορούς τε ὠνομαϰέναι παρὰ τò τῆς χαρᾶς ἔμϕυτον ὄνομα 175 .

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Dans la République, Platon avait donné divers exemples de la façon dont pouvait être analysé, puis devait être épuré, le vocabulaire en fonction des besoins de l’éducation et de la pratique politique. Ce jeu se joua, plus tard dans toutes les sociétés qui vécurent des périodes de bouleversements et prétendirent parfois mener des politiques linguistiques de rupture 176 . Le législateur doit faire en sorte que ne soient mis en usage dans le langage public que les mots qui permettent de faire correctement la distinction entre le bien et le mal, chacun devant, par ailleurs, n’être retenu en fonction de son utilité pratique. Les prescriptions les plus précises concernent les termes relatifs à la mort et aux enfers 177 Le prononcé de certains noms, ὀνόματα, le Cocyte ou le Styx, les mânes ou les spectres, qui seraient tellement terrifiants, δείνά τε ϰαὶ ϕοϐερά, devrait être interdits. Il faudrait les supprimer non seulement dans les textes circulant dans la cité mais aussi les retrancher, par un effacement métaphorique, ἀϕαιρείν, non dans la langue elle-même car ce sont des termes qui pourraient être utiles en d’autres circonstances, πρòς ἄλλο τι, mais au moins du langage des gardiens. Il n’est pas souhaitable que ceux-ci les connaissent, aussi faut-il en inventer d’autres conçus selon un modèle contraire pour qu’ils s’en servent dans la conversation et qu’ils les trouvent dans les ouvrages littéraire dont ils disposeront, τòν δὲ ἐναντίον τύπον τούτοις λεϰτέον τε ϰαὶ ποιητέον 178 . L’idée est reprise dans les Lois où l’on explique que le nom d’Hadès, servant à désigner les mondes des profondeurs souterraines, est de ceux qui font faire d’affreux cauchemars aux vivants et rompent les corps alors qu’il existe des euphémismes pouvant servir à désigner la même réalité sans nuire à personne, εἰς βάθος τά τε ϰάτω λεγóμενα τῶν τόπων ὅσα "Αιδην τε ϰαὶ τὰ τούτων ἐχόμενα τῶν ὀνομάτων ἐπονομάζοντες σϕόδρα ϕοβοῦνται ϰαὶ ὀνειροπολοῦσιν ζῶντες διαλυθέντες τε τῶν σωμάτων

. Il peut paraître surprenant qu’un nom possède, par lui-même, le pouvoir de procurer de semblables craintes et surtout qu’elles soient irrépressibles. Une telle vertu des mots ne peut leur être reconnue que si l’on veut bien admettre qu’ils sont dotés d’une sorte "d’épaisseur sémiotique" qui permettrait que l’on saisisse dans leur prononcé même l’essence même d’une signification 180 . Cela n’est, en fait, jamais clair. Ainsi, dans le Cratyle, Hadès, n’est pas considéré comme un nom qui puisse inquiéter 181 . On se retrouve, en fait, enfermé dans le cercle herméneutique qui limite l’intérêt du dialogue entre Socrate et Cratyle et se résout en aporie. Il faut croire, néanmoins, que, dans le jeu du politique, la puissance des mots soit extraordinaire et puisse l’emporter sur toute réalité physique. Ainsi, les gardiens de la Callipolis, à qui l’on veut épargner la dureté d’un mot doivent être lancés dans les épreuves les plus difficiles, être testés de façon plus dure que ne l’est l’or par le feu, βασανίζοντες πολύ μᾶλλον ἤ χρυσόν ἐν πυρί 182 , de même les soldats magnètes doivent être jetés aux milieu des souffrances 183 , il faut que leurs chefs, inspirés par la loi sur ce point, leur fassent affronter la peur pour les rendre impavides, ϰαί µὴν ἄϕοβόν γε ἔϰαστον βουληθέντες ποιεῖν ϕόϐων πολλῶν τινων, εἰς ϕόϐον ἄγοντες αὐτόν μετὰ νόμου 184 . Bien loin de se voir protégés par un environnement rassurant, les citoyens doivent être habitués à subir sans frémir les pires épreuves, être projetés au milieu des souffrances, pour apprendre à découvrir en eux leurs capacités d’héroïsme. Il faut aussi qu’ils se durcissent intellectuellement et moralement pour pouvoir résister aux enchantements en devenant δυσγοήτοι, pour le cas où l’on devrait les conduire en des mondes où les sorciers, notamment les rhéteurs sophistes, seraient les maîtres. Il est prescrit aux éducateurs d’user d’une rhétorique persuasive qui soit à même de faire que les jeunes soldats craignent la mort le moins possible. La 179

façon dont ils doivent tenir ce discours obligé ne semble pas très commode à mettre en œuvre 185 . Il leur faut louer, ἐπαινείν, la façon dont on est traité chez Hadès, τὰ ἐν "Αιδου, et ne pas se laisser aller à peindre l’endroit de couleurs noires, λοιδορεῖν, le philosophe prétend qu’un tel discours ne ne serait pas vrai, ἀληθῆ, il sait qu’il ne serait pas utile, ὠϕέλιμα, à des gens qui doivent servir leur patrie en soldats 186 . Il faut surtout effacer de tous les textes diffusés dans la ville ce qui pourrait s’opposer à cet enseignement. Il peut sembler plus simple et plus efficace de ne jamais prononcer devant les guerriers des mots qui feraient envisager la mort sous ses aspects les plus désagréables. 47

Seul le sage peut et doit savoir pour quelles raisons, avouables ou non, il faut inventer, utiliser ou ne pas prononcer tel ou tel mot de telle sorte que l’on réussisse à parler comme il convient aux besoins de l’État, ἄ τε λεϰτέον, ὡς λεϰτέον 187 . La dénomination est affaire essentielle, l’acte d’éponymie 188 procède d’un sujet qui peut, et doit éventuellement, rendre compte de la pertinence de ses choix puisqu’il est possible d’en estimer la valeur et d’en discuter les modalités 189 . Néanmoins le mot ne peut pas être considéré comme une création autonome et autosuffisante. Il naît de l’acte d’un nomothète du langage mais il reste une réalité différente de l’objet auquel il s’applique et l’essentiel de son utilité tient à ce que par lui on doit pouvoir concevoir la chose qu’il désigne 190 . En dénommant il faut que l’on puisse se faire comprendre, ce qui signifie que l’activité éponymique doit se soumettre à des règles de félicité et ne peut être solitaire. La fonction du διαλεϰτιϰός dans le Cratyle est ainsi de rendre compte de ce que sont les modes possibles de l’échange en faisant connaître quels sont les usages qui imposent des limites à l’activité d’invention d’un éventuel constructeur, ou rénovateur, du langage. Le dialogue, par les divers liens qu’il tisse

entre les gens dans la synchronie comme dans l’histoire des sociétés, donne un sens aux mots, car il est l’instrument des rapprochements et de l’entrelacement des êtres avec leurs pensées, συμπλοϰή 191 . L’Athénien joue parfaitement son rôle en choisissant d’être le philosophe connaissant quels mots doivent fonctionner dans le contexte qu’il est en train de constituer. S’il en existe, dont il sait qu’ils ne peuvent lui appartenir, il doit les supprimer pour assurer la fiabilité du système qu’il construit. Dans la mesure où il travaille sur une matière humaine et politique déjà constituée et que les mots interdits appartiennent au langage des gens qu’il réunit, il doit, pour les éradiquer, user du raisonnement et convaincre par la persuasion qu’ils doivent disparaître, mais surtout en interdire l’usage pour que la langue de la cité soit conforme aux choix qu’il aura faits. 48

Même si Platon ne le dit pas de façon toujours claire, c’est plus pourtant de la notion de registre que d’activité proprement éponymique qu’il s’occupe quand il veut définir le travail sur le langage confié au nomothète dans la cité parfaite. Il semble bien, en effet, qu’il soit conscient de ce que les mots existent déjà par euxmêmes et peuvent, ainsi, posséder une vie propre qui se situerait à l’extérieur du langage que les maîtres de la cité souhaitent voir tenir par les membres du corps politique, ils peuvent en effet servir à tout autre chose qu’au projet politique, ἴσως εὖ ἔχει πρòς ἄλλο τι 192 . Ce que souhaite Platon ce n’est pas ainsi nécessairement que le nomothète construise des mots spécifiques mais qu’il fasse un choix dans le vocabulaire de sorte qu’il puisse par sélection définir des niveaux de langue tels que chacun sache à quelle place il se situe dans la cité et ce qu’il doit y faire. Il existe une façon commode de procéder qui assume les acquis du langage tout en définissant des registres qui servent à en contrôler la pratique. Le législateur doit imposer à certains membres de la cité l’usage exclusif de tel ou tel

terme qui les caractérisera et en retour les mots dénotés signifieront quel est le niveau social et politique de qui les emploie. Ainsi certaines pratiques langagières dégradantes doivent être réservées aux esclaves et aux étrangers vivant de leur travail dans la cité des Magnètes pour réserver à chaque ordre de la société la pratique d’un certain type de loisir, d’un certain langage, c’est un moyen efficace de discrimination politique et sociale. Les femmes ordinaires et les gens de peu, ϰαϰοί, semblent pouvoir être caractérisés non seulement par leurs fonctions économiques mais surtout par la façon dont ils parlent, la totalité de leur être semblant s’exprimer dans leur dire et leur faire spécifiques 193 . À Sparte, les hilotes n’avaient pas le droit de chanter autre chose que des ridicules chansons qui passaient pour leur être traditionnelles, ἐγεννεῖς ϰαὶ ϰαταγέλάστους, ils se voyaient interdire d’entonner les chants propres à leurs maîtres, cela était si parfaitement intériorisé que, même libérés de leur présence, ils n’osaient pas changer de registre 194 . Ils étaient contraints, parfois aussi, à boire jusqu’à l’ivresse crapuleuse pour témoigner de leur infamie, car leur abjection pouvait aussi devenir spectacle et leçon 195 . Assister aux jeux dégradants de gens réputés différents permettait au citoyen de se pénétrer, par réaction, de l’idée de ce que devait être son comportement. Dans les cités platoniciennes, les gens convenables peuvent devenir les spectateurs de ce qu’ils doivent considérer comme une abjection. Il faut que les auteurs dramatiques admis par la République mettent, ainsi, les lamentations dans la bouche des femmes et des lâches, pour inspirer aux bons soldats le mépris de pareilles faiblesses 196 . Les Magnètes doivent considérer et connaître, θεάσασθαι ϰαὶ γνωρίζειν, ce que peut être la laideur du corps et de la pensée, τὰ δὲ τῶν αἰσχρῶν σωμάτων ϰαὶ διανοημάτων, et, pour ce faire, demander aux étrangers et esclaves de réaliser des spectacles comiques dont ils doivent

savoir combien ils sont inconvenants, car il est impossible de connaître le sérieux sans le ridicule, le contraire sans son contraire, ἄνευ γὰρ γελοίων τὰ σπουδαία ϰαὶ πάντων τῶν ἐναντίων τὰ ἐναντία μαθείν μὲν οὐ δυνατόν 197 . Dans le jeu du clair et de l’obscur qui leur est imposé pour des raisons pédagogiques, ils ne doivent jamais montrer, néanmoins, qu’ils auraient pu apprendre, μανθάνειν, et, à plus forte raison, utiliser les mots et les airs réservés aux inférieurs, λέξις ϰαὶ ὠδή 198 . Tout du langage ou des pratiques de ces gens doit paraître parfaitement étrangère à leurs préoccupations et même à leur nature, ϰαίνον 199 . De même, en effet, que se rendre coupable de certains types de crimes témoigne de ce que celui qui s’y livre s’exclut de l’humanité 200 , de même celui dont le corps n’ignorerait pas la pratique de certains gestes ou la bouche l’usage de certains mots prouverait qu’il n’appartient pas à la bonne société. 49

Dans la même perspective, le Pseudo Xénophon ne refusait pas au peuple athénien le droit légitime à connaître et à pratiquer le langage des marins, il savait trop bien de quelle utilité étaient les flottes pour Athènes et de quelle nécessité les voyages. Il regrettait, néanmoins, que, les marins ayant le droit de participer à l’assemblée, le langage technique d’un art sans grandeur, la langue mêlée qui naissait dans la promiscuité des ports de l’empire, finît par trouver sa place dans le discours politique. Celui-ci, désormais abâtardi, n’avait plus de spécificité par rapport au langage courant, ni de dignité et il se révélait inapte à permettre de traiter des affaires publiques conformément aux nobles traditions d’Athènes. La cité perdait, ainsi, avec l’usage du dialecte dont les nobles cavaliers semblaient être devenu les seuls et impuissants défenseur, le sens de son indépendance 201 . Lycurgue avait, sans doute, donné un bon exemple à tous les opposants à la démocratie ouverte, en empêchant que le langage des Spartiates fût contaminé par les apports

extérieurs puisqu’il avait refusé que l’on admît des étrangers dans la cité. Cela empêchait qu’avec leur langue, ceux-ci pussent y propager des pensées hétérodoxes. Là où viennent des étrangers, arrivent, en effet, des discours neufs qui font voir les choses d’un œil nouveau, ξένοις σώμασιν ἀνάγϰη λόγους ἐπεισιέναι ξένους, λόγοι δὲ ϰαινοί ϰρίσεως ϰαίνας ἐπιϕέρουσιν 202 . Il pouvait paraître opportun à un législateur soucieux de la pérennité de son œuvre d’interdire tout néologisme ou tout emprunt verbal, d’en limiter, au moins, et d’en surveiller l’emploi.

Le jeu du sens 50

Le principe originel de toute la politique dans la cité platonicienne se fonde sur l’affirmation selon laquelle ce que la multitude considère comme un mal ou nomme des biens reçoit ces noms à tort, τὰ γὰρ ὑπò τῶν πόλλων λεγόμεν’ἀγαθά οὐϰ ὀρθῶς λέγεται 203 . Cette formule doit être située, d’abord, dans une perspective linguistique et non pas axiologique. Le législateur espère que, par effet illocutoire, l’opinion vraie pourra naître du fait que l’on apprend à donner le nom qui convient aux réalités qu’il décrète devoir être désignées comme telles. La proposition n’a de sens que parce que le mot bien est envisagé dans deux contextes différents, considérés de façon concomitante.

51

Un mot peut en lui-même en effet désigner le vrai et son contraire, ἔστιν ἄρα ὄνομα ψεῦδος ϰαὶ ἀληθές λέγειν 204 , les mots que nous croyons appliqués aux choses les plus mauvaises apparaissent tout à fait semblables à ceux qui désignent les meilleures, ἄ νομίζομεν ἐπὶ τοῖς ϰαϰίστοις ὀνόματα εἶναι, ὁμοιότατ’ἄν ϕαίνοιτο τοῖς ἐπὶ τοῖς ϰαλλίστοις 205 . Chaque nom n’est jamais ainsi qu’une partie du dire, τοῦ λέγειν μόριον τò ὀνομάζειν 206 et même si Socrate semble confondre parfois le dire et le nommer, ὀνομάζοντες λέγουσι τοùς

λόγους 207 , il sait parfaitement que l’entrelacement originel qui est la plus petite partie dans lequel on puisse décomposer un discours, ἡ πρώτη συμπλοϰή, comprend au minimum un nom et un verbe 208 . 52

Ce que certains, donc, appellent un bien peut être considéré comme un mal par d’autres, en fonction du point de vue adopté. Le terme peut être compris au sens où le sentiment commun l’entend alors que le philosophe sait très bien que les événements que l’on considère comme malheureux sont parfois le moyen de conduire l’homme vers le véritable bien même si cela passe par d’éventuelles souffrances. En jouant sur les deux registres du langage courant et du langage savant, le législateur pratique une dialectique déstabilisante par son ambiguïté car elle ne considère les choses que du point de vue de sa conclusion alors que la discussion même lui impose de feindre de prendre en compte l’un et l’autre points de vue affrontés. Le moment le plus significatif de la mise en œuvre de cette pratique et de ses conséquences politiques est sans doute celui où Socrate, dans la République, traite de la façon dont il faut parler de la responsabilité de Dieu dans la punition des coupables de grands crimes 209 . Il indique qu’il faut savoir se persuader que toute punition divine infligée à un criminel, quelque terrible qu’elle soit, est un bienfait pour lui et non point un mal. Les poètes ne doivent, donc, pas avoir le droit d’écrire que Dieu, quelque dure que soit la punition qu’il lui inflige, fait le malheur de quelqu’un, puisqu’il le châtie pour son bien. Cette position est parfaitement admissible. Ce qui peut surprendre est la façon dont il est proposé aux auteurs un modèle de discours censé en présenter l’évidence. Il est, en effet, demandé aux orateurs, ou aux poètes, de signifier que les dieux ne sont pas responsables de tout ce qui arrive aux hommes mais seulement de ce qui leur advient de bon, δεήσει τοùς λέγοντας λέγειν ϰαὶ τοùς ποιοῦντας ποιεῖν µὴ πάντων αἴτιον τòν θεòν ἀλλὰ τῶν

ἀγαθῶν. En logique, pourtant, si le discours était de toute bonne foi, il faudrait seulement faire comprendre au poète, et à tout autre auteur, qu’il ne doit pas se laisser aller à prétendre que sont malheureux les gens qui sont punis et que Dieu est la cause de leur malheur, ὡς δὲ ἄθλιοι μὲν oἱ δίϰην δίδοντες ἦν δὲ δὴ ὁ δρῶν ταῦτα θεòς, οὐϰ ἐατέον λέγειν τòν ποιητήν. Platon ou Socrate savent, évidemment, que Dieu est responsable de tout ce qui arrive aux hommes et veulent croire qu’il agit toujours pour leur bien. La prescription est présentée sous une forme tout à fait insuffisante mais elle se prétend opératoire. Ce que le législateur veut imposer n’est pas que chacun soit persuadé de la véracité des principes posés, sinon il n’emploierait pas le mot πάντων. Celui-ci ne s’explique que parce que l’on s’est placé dans une perspective où l’on considère que l’homme ne sait pas distinguer la masse des événements ce qui est bon ou mauvais et qu’il est inutile de prendre la peine de lui expliquer ce que l’on veut dire 210 . Il suffit d’imposer que tout discours évoquant une action divine la qualifie de bonne, et non point de déplorable ou de funeste, on pense, par ce moyen, construire des systèmes contextuels, où les termes, devant nécessairement être liés l’un à l’autre, finissent par prendre sens dans leur association même. 53

Ce système, construisant, en fait, une éponymie de contact, est la matrice du système de langage que l’on institue dans Magnésie. Le principe proposé à l’action politique est exposé de façon qu’il semble être question de faire appel à la raison des citoyens, et il est prétendu qu’il faut faire en sorte qu’ils apprennent à ne pas séparer d’un côté l’agréable et de l’autre le juste. Nul ne consentirait, en effet, de son plein gré, à adopter docilement le parti qui ne comporte pas plus de joie que de peine. Le législateur peut convaincre les gens par tout moyen qui lui convienne, habitudes, louanges ou

raisonnements, que la perception du juste et de l’injuste est faussée par la perspective puisque l’injuste, en opposition avec le juste paraît agréable à qui le considère du point de vue de son moi injuste et mauvais, et la justice fort désagréable, tandis que du point de vue du moi juste tout homme juge tout le contraire dans les deux cas 211 . L’affaire devrait déboucher sur un effort pédagogique, mais il semble que l’effet d’une rhétorique persuasive soit trop aléatoire. Il paraît, donc, plus facile et plus efficace de venir en amont contrôler le jeu des mots eux-mêmes. 54

La pratique des cités grecques, n’était pas tellement éloignée de ces pratiques théorisées. La fonction éponymique pouvait être utilisée par les instances politiques pour sa valeur de propagande ou sa puissance performative propre. Ainsi Clisthène devenu le maître de Sicyone avait changé la dénomination des tribus de la ville, τὰς ἐπωνυμίας μετατιθεὶς μετέϐαλε ἐς ἀλλὰ οὐνόματα 212 . Sa propre tribu fut désignée comme étant celle des Άρχέλαοι les Maîtres du peuple, les trois autres devenant celles des Asinards, Όνεᾶται, des Cochonnards, Ύᾶται, et des Porcelards, Χοιρεᾶται. Il semble qu’Hérodote, ainsi que les Sicyoniens eux-mêmes, aient considéré que ces désignations étaient dépréciatives et, dès qu’ils le purent, reprirent les noms traditionnels des tribus doriennes, donnant à celle de Clisthène une désignation plus neutre, mais témoignant de ce que la cité s’était rapprochée d’Argos puisqu’il était construit sur le nom d’Aigialeus fils d’Adraste lui-même Sicyonien mais ancien roi d’Argos. Ce n’était pas, évidemment, les noms eux-mêmes qui posaient un problème mais c’était leur emploi dans une taxinomie où ils n’avaient rien à faire. La plupart sont exclusives et l’on ne peut faire passer un terme de l’une à l’autre, sans poser le problème et de la signification qu’elle peuvent conserver dans le contexte institué par leur usage 213 . C’est la distorsion ou le décalage qui, allant

parfois, comme à Sicyone, jusqu’à la transgression, faisait sens. Les grands bouleversements politiques furent, ainsi, par un mouvement dont les auteurs anciens furent bien conscients, des moments où se renouvelèrent les façons de signifier les concepts les mieux établis jusqu’alors et la façon ordinaire de considérer les choses se modifia de telle sorte que les mots qui s’y appliquaient parurent glisser d’une signification à une autre. 55

Thucydide, en une formule parfois mal comprise, τὴν εἰωθυῖαν ἀξίωσιν τῶν ὀνομάτων ἐς τὰ ἔργα ἀντήλλαξαν τῇ διϰαιώσει 214 , sut dire, évoquant l’affaire de Corcyre, comment, lors des guerres civiles, "les factions échangèrent les évaluations usuelles données par les mots aux actes". Ce qui jusqu’alors était audace folle devint courage dévoué à la cause de son parti, τόλμα ἀλόγιστος ἀνδρεία ϕιλέταιρος ἐνομίσθη, sagesse lâcheté déguisée, μέλλησις προμηθὴς δειλία εὐπρεπής, tout étant à l’avenant. L’historien comprenait, en observateur sagace, quelle était la capacité d’un mot a conserver dans le domaine de la morale et du politique ses références traditionnelles de telle sorte qu’il gardât un sens conforme à ses usages antérieurs tout en montrant que la guerre et les révolutions procuraient des modifications dans la façon de s’en servir, construisant ainsi de nouvelles façons de considérer les objets auxquels ils s’appliquaient. On voit bien que le jeu naturel du discours politique se construisait de cette rhétorique ambiguë qui finissait par perdre toute signification perceptible, les chefs de parti utilisaient un langage pouvant leur servir à s’emparer du pouvoir avec le consentement de leurs concitoyens par l’utilisation de mots spécieux, μετά ὀνόματος εὐπρεττοῦς, qui s’adaptaient aux habitudes d’écoute de ceux dont ils voulaient obtenir les suffrages 215 . Il n’était pas, ainsi, question seulement des auteurs de ce genre de discours car ils étaient, en fait, construits pour ceux qui devaient les

entendre et, d’une certaine façon, par eux. Aux uns, on parlait d’égalité, à d’autres de la sagesse nécessaire, mais la conséquence était qu’il n’était plus personne qui pût comprendre les discours tenus de telle sorte qu’ils eussent un sens hors de leur contexte, seul l’historien en sa sagesse pouvait en distinguer les spécificités langagières et les significations. Ainsi, l’idée la plus répandue, que Platon ne s’était pas fait faute de reprendre, était que la pratique démocratique avait bouleversé les sentiments les mieux fondés en travestissant la signification des mots. Pour que les discours y aient été acceptés de ceux qui les recevaient, on en avait fait disparaître la modération et la mesure, en les faisant passer pour rusticité et absence de liberté, μετριότης δὲ ϰαὶ κοσμία δαπάνη ὡς ἀγροιϰία ϰαὶ ἀνελευθερία 216 , appellant l’insolence, bonne éducation, l’anarchie, liberté, ὓϐριν εὐπαιδευσίαν ϰαλοῦντες ἀναρχίαν δὲ ἐλευθερίαν ϰτλ... 217 , Isocrate avait repris à son compte cette dénonciation de l’éducation athénienne, en prétendant qu’elle enseignait aux citoyens à considérer que la démocratie était vivre sans frein, que la liberté était la transgression des lois, l’égalité devant la loi le droit de tous à la parole, le bonheur étant le pouvoir de faire tout cela, τοῦτον τòν τρόπον ἐπαίδευε τοùς πολίτας ὥσθ’ἡγείσθαι τὴν μὲν ἀϰολασίαν δημοϰρατίαν, τὴν δὲ παρανομίαν ἐλευθερίαν, τὴν δὲ παρρησίαν ισονομίαν, τὴν δ’ἐξουσίαν τοῦ ταῦτα ποιείν εὐδαιμονίαν 218 , Aristote, lui-aussi, prétendait que la démocratie pervertissait le sens des mots en appelant esclavage ce qui n’était que l’obéissance nécessaire aux lois et devait être considéré comme le moyen de conserver la cité, oὐ δεῖ οἴεσθαι δουλείαν εἶναι τò ζῆν πρòς τὴν πολιτείαν ἀλλὰ σωτηρίαν 219 . Dans la Rhétorique, néanmoins, il sut montrer que, dans les éloges, il faut, pour obtenir l’assentiment de ses auditeurs, faire "du téméraire un courageux, du prodigue un libéral" pour tenir compte des sentiments de ceux devant lesquels

on se produit de telle sorte que ces glissements de sens soient admis 220 . Il faut, de même, dans le discours judiciaire, savoir donner des définitions différentielles du vol, de l’outrage, de l’adultère afin de pouvoir montrer si tel délit est constitué ou non, διὰ ταῦτα δέοι ἄν ϰαὶ περὶ τούτων διωρίσθαι, τί ϰλοπή, τί ὓϐρις ϰτλ...." 221 . Il savait, en effet, que tout jeu sur le vocabulaire se résolvait en une discussion portant sur la qualification. 56

Ainsi peut-on accepter le système d’Hermogène où il n’est pas de mot qui ne soit juste, ὅ τι ἄν τίς τῳ θῆται ὄνομα, τοῦτο εἶναι τò ὀρθόν 222 , mais cette justesse doit être jugée à l’aune du projet politique qu’il sous-tend. Pratiquer l’éponymie est jouer, non seulement sur la capacité du mot à contenir des discours spécifiques que l’on va y chercher pour y trouver des sens cachés 223 , mais aussi sur la référence culturelle ou historique. Tout mot fonctionne dans le cadre d’un jeu où l’usage constitue une règle que le politique utilise comme il lui convient, en le détournant ou bien en instituant un langage nouveau qui serait à l’usage ce que le droit positif serait à la coutume. Le nomothète chargé de la construction de la langue peut, ainsi, travailler avec le donné des mots anciens qui ne peuvent entièrement disparaître et à qui il doit donner sens tout en respectant la connaissance qu’il a, lui-même, des lois et des principes de légitimité interne à la langue 224 . La convention et l’usage semblent devoir ainsi collaborer pour représenter ce que nous avons dans l’esprit en parlant, ἀναγϰαῖόν που ϰαὶ ξυνθήϰην τι ϰαὶ ἔθος ξυμϐάλλεσθαι πρòς δόλωσιν ὦν διανοούμενοι λέγομεν 225 .

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Dans la mesure où le critère de validité du langage tient au succès de la performance 226 nous en revenons au problème de la responsabilité conjointe de la communauté des actants dans cette réussite, de même qu’il n’y a de langage que dans le cadre d’une acceptation commune des règles qui le façonnent, de même la loi

n’est une loi que si elle est reconnue pour telle et façonnée dans un dialogue plus ou moins négocié entre le pouvoir et les sujets. Cratyle prétend que seuls sont des noms ceux qui sont justes 227 pourtant si la valeur d’un instrument tient à sa capacité de s’adapter à l’objet qu’il construit et qui le prédétermine, on doit se demander si l’on peut concevoir l’idée que certains mots ou discours seraient impossibles, Cratyle s’y enferre 228 . Comme tout politique, l’Athénien sait faire jouer la procédure pour montrer que seules certaines émissions vocales, faites selon certaines règles, peuvent entrer dans le cadre des discours admissibles. Proférées en dehors des règles, elles ne sont que des bruits, des souffles de voix sans valeur. Il peut se trouver, par exemple, dans le groupe même des citoyens un jeune homme spermatique qui mécontent de ne pouvoir se laisser aller à ses plaisirs emplirait la cité de ses cris, βοῆς πάντα ἐμπλήσειε 229 . Ce cri bien évidemment n’est pas une parole et ne signifie rien d’utile ou de convenable, σημεία οὐδαμῶς εὐτυχῆ 230 , pas plus que ne peuvent avoir de sens les cris poussés dans les théâtres qui procurent seulement des sensations nuisibles à la cité, πάθος χαλεπòν ὅλῃ τῇ πόλει 231 . On peut, donc, exercer un contrôle des mots existants et de la capacité du groupe à les admettre mais l’on débouche nécessairement sur l’idée que ce ne sont pas les mots qui sont justes ou non, mais la façon dont on s’en sert 232 , ce n’est pas avec l’objet mot que l’on joue. D’ailleurs il est toujours possible de mésuser des mots même bien faits, il faut intervenir dans le langage pour sa valeur instrumentale. Si les noms jouent un rôle dans la vie politique ce n’est pas pour ce qu’ils sont mais par cette instrumentalité même. 58

Il existe évidemment ainsi une continuité de pensée entre les théories sur le langage et celles qui fondent le système juridique proposé par Platon dans les Lois, où l’on se trouve situé dans le jeu de

la moralité seconde proposée par Socrate à Cratyle, chacun préférerait des noms d’un type parfait mais se contente de ce qu’il a 233 . Le législateur, dans la cité, se doit de composer avec la coutume qui permet que le droit soit reçu et ce par des moyens plus immédiats, que la rhétorique persuasive qui est de l’ordre du politique et non pas du juridique.

Les leçons du silence 59

Un des problèmes qui se pose désormais est qu’aucune politique linguistique ne peut se suffire d’un jeu sur les mots. Il faut, aussi, jouer d’autres modalités de contrôle ou d’activation du langage. Il faut, donc, que le nomothète des Magnètes découvre des formes d’expression suffisamment efficaces pour qu’il puisse espérer construire la cité dont il rêve. Ce sont des formes de communication spécifiques qui seront les plus immédiatement utiles, le silence, la parole devenue collective.

Amnésie ou amnistie dans les cités 60

Quand les cités tenaient à rendre à leur histoire l’aspect convenant à l’exaltation de leurs perfections, elles pouvaient effacer tout souvenir d’un passé déplorable et supprimaient, parfois, pour ce faire, les stèles qui en conservait la mémoire. Athènes sut comprendre, en 403, qu’il faut savoir, sinon oublier, du moins apprendre à faire silence sur les maux du passé pour pouvoir continuer à vivre en société, et accepter qu’il ne soit pas rendu justice pour les crimes commis 234 . La cité réunie se refondait sur le silence puisque l’on devait toujours éviter de parler de ce qui était advenu, alors que le fondement de la vie politique était le conflit, on cherchait à en nier l’expression non procéduralisée, pour lui

permettre d’exister dans un consensus fallacieux mais nécessaire. Il ne faut pas oublier, non plus, que dans le détail des procès en illégalité, la cité, par son tribunal, considérait comme n’ayant jamais été voté le décret que l’initiateur n’aurait jamais dû proposer mais qu’elle avait pu recevoir. On pouvait, ainsi, réputer inexistant un vote pourtant intervenu dans les formes pour témoigner de l’impeccabilité nécessaire à la vie de la cité en corps. 61

Lorsque fut ainsi organisée la seconde confédération athénienne, il était prévu par le décret d’Aristotélès que, s’il se trouvait à Athènes des stèles inconvenantes, ἀνεπιτήδειοι, à l’égard de l’une des cités qui faisaient alliance avec les Athéniens, le conseil aurait le pouvoir de les détruire, καθαιρεῖν. Dans les temps de guerre civile, les vainqueurs souhaitèrent parfois faire oublier certains épisodes antérieurs de l’histoire politique et brisèrent les stèles qui témoignaient des périodes où ils avaient été condamnés pour les intrigues qu’ils avaient menées contre le pouvoir en place 235 . En cas de réconciliation des partis, on pouvait souhaiter que nulle archive publique ne gardât le souvenir des temps troublés pour que nul ne pût rappeler les maux passés, μνησιϰαϰείν 236 , aussi prévoyait-on de faire disparaître certains types de documents publics trop explicites 237 . On pouvait détruire par exemple une liste d’otages 238 .

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Certaines cités prétendaient pouvoir effacer un événement inadmissible de telle sorte qu’il devînt totalement invisible. Ilion voulut décider ainsi par avance qu’elle devrait supprimer toute trace écrite de la présence d’un tyran, s’il en advenait un dans la ville, qu’il s’imposât en solitaire ou établît une oligarchie en détruisant la démocratie, ὅς ἄν τύραννος ἤ ἡγεμών γένηται ὀλιγαρχίας ἤ τύραννον στήσηι ἤ συνεπαναστῆι ἤ δημοϰρατίαν ϰαταλύσηι. Son nom devrait, lors de restauration des institutions traditionnelles, être raturé sur

toute pierre où il aurait été mentionné, y compris sur sa tombe, ὅπου ἄν τι ὄνομα ᾖι τούτων ἐὰν τε ἐν τοῖς ἱερευσασιν ἐάν τε ἐν ἀναθήματι ἐὰν T’ἐπὶ τάϕου ἐϰϰόπτειν παντόθεν 239 . Dans les listes où la cité conservait la mémoire de ses prêtres ou de ses magistrats, où son nom aurait pu être inscrit, mais que l’on ne pouvait détruire en totalité ou conserver avec des lacunes nées de ratures trop signifiantes, on ferait en sorte qu’il fût remplacé par celui qui paierait pour occuper sa place, τòν πριάμενον ἐπιγράψασθαι ὅτι ἄν θελῆι οἶς μέτεστι 240 . L’abolitio memoriae étant ainsi masquée, l’oubli devenait absolu. La loi interdisait l’usage du nom d’un éventuel tyran dans le langage quotidien en le faisant disparaître de tout contexte, mais le silence obligé dont on pensait sans doute qu’il serait efficace pour faire oublier même que la tyrannie fût possible passait par la mise en place d’une zone d’ombre à l’intérieur de la cité qui, se mentant à elle-même, refusait par avance de voir ce qu’elle pourrait se trouver être et avoir été. Nous aurons l’occasion de montrer combien la cité parfaite des Magnètes savait jouer de ce genre de mensonge. 63

À Érésos, dans une situation de même type, la politique linguistique jouait à un niveau de langue différent qui témoignait d’un comportement tout autre. Seul le langage politique se voyait explicitement interdire le prononcé du nom du tyran, puisqu’il était interdit de proposer à l’assemblée le rappel des membres de sa famille. Limiter l’interdiction à cette enceinte témoignait de ce que l’épisode tyrannique n’était qu’un accident sans conséquence véritable pour la vie de la cité, celle-ci se sentait capable de se défendre contre le mal par le contrôle normal de ses institutions et savait pouvoir faire confiance aux rois pour l’aider au cas où cela se révélerait nécessaire. Il fut interdit de détruire la stèle évoquant les crimes des tyrans et leur condamnation. La punition prévue pour

cette faute était celle que l’on réservait à qui aurait voulu présenter un décret tendant au retour d’un des enfants d’un ancien tyran. La pierre devait, ainsi, servir de mémorial permanent aux crimes accomplis et de la façon dont la cité avait su réagir pour se libérer 241 , elle avait valeur exemplaire et pouvait servir à définir, dans des circonstances encore difficiles, la conduite que devaient tenir les citoyens assemblés et soumis aux pressions des descendants des anciens tyrans toujours influents dans la ville et en Ionie. Elle avait, aussi, pour fonction de rappeler aux successeurs d’Alexandre ce qu’avait été leur conduite pour qu’ils poursuivent la même politique à l’égard de la cité. 64

La possibilité de choisir entre la mémoire ou une amnésie complète était ainsi offerte, celle-ci pouvait, en revanche, n’être que partielle. La cité pouvait, alors, décider d’oublier tout en mettant en évidence les fractures grandes ou modestes de son histoire, laissant dans la pierre la trace d’une correction plutôt que de la faire disparaître entièrement. On pouvait ainsi raturer une partie d’une inscription et, ce-faisant, on mutilait de façon très évidente la pierre, on signifiait ainsi que l’histoire de la cité n’avait pas été linéaire et avait connu des volte-face. Ainsi, dans la stèle dite des alliés, qui publiait le décret d’Aristotélès et que l’on ne pouvait détruire parce qu’elle était l’instrument irremplaçable de l’alliance, où chacun des membres faisait nécessairement inscrire son nom, on finit par supprimer par une érasure très visible la ligne qui évoquait la paix du roi. On inscrivait ainsi dans le texte par un vide signifiant que l’on avait fini par sortir d’une situation politique d’abord acceptée 242 . Le passé, que l’on se refusait à raconter pour ne pas lui laisser la possibilité de lier le présent par les mots qui l’avaient construit, laissait une marque évidente et acceptée 243 . Parfois, comme on devait délibérer pour dire expressément quels mots inscrits sur une

pierre on allait effacer, l’évidence de l’état antérieur d’un texte pouvait se trouver confirmée par la publication du décret même qui voulait le dénier. Ainsi avait-on, par exemple, décidé à Athènes d’effacer une mention gênante dans un décret déjà exposé qui indiquait que Néapolis était colonie des Thasiens et de le remplacer par un texte plus convenable qui se contentait de rappeler qu’elle avait été longtemps l’alliée d’Athènes μεταγράϕσαι ἀντί τῆς ἀποιϰίας τῆς Θασίων ὅτι συνδιεπολέμεσαν τòν πόλεμον μετὰ Αθεναίων. On savait en effet que ce document pouvait être vu par des gens qui en auraient conçu des opinions défavorables aux intérêts des Néapolitains. Ce faisant néanmoins on inscrivait sur la pierre qui devait transcrire le nouveau décret ce que l’on allait effacer sur l’autre pour le remplacer par une nouvelle rédaction qu’à l’époque chacun put lire, pour en tirer les conclusions qui lui convenaient 244 . De la même façon, quand il fut gravé sur une pierre que les trésoriers de la déesse devait effacer les documents concernant Timanthos, τὰ δὲ περὶ Τιμάνθος γεγρα[μμένα] ἐν πόλει ἐϰϰολαϕσάντων oἱ ταμίαι oἱ τῆς θεοῦ ἐϰ τῆς στήλης, à Athènes en 409/408, chacun savait et nul ne pourrait plus jamais ainsi oublier qu’il avait été inscrit sur la stèle dénonçant les sacrilèges 245 . Les modalités de la rature, explicitées ou non, ou le pourquoi de la conservation d’un texte, la façon d’oublier ou de récuser n’était pas neutre du point de vue idéologique et politique.

Lacunes signifiantes dans la cité de Magnésie 65

L’Athénien, on le sait est bien conscient, comme l’était Solon, de la capacité performative du langage juridique qui fait exister ce qu’il prétend interdire. La loi peut, ainsi, se refuser à parler et sait pouvoir, en fonction des projets du législateur et des réalités, se faire

silence ou voix, σιγή, ϕωνή 246 . Il sait, donc, jouer des silences de la loi pour donner à la cité la forme qui lui convient. 66

Il serait, ainsi, illusoire de prétendre légiférer pour les nourrices et imposer des amendes, en cas de non-respect d’éventuelles instructions, ζημίαν τοῖς µὴ ποιοῦσι, car leur nature de femmes esclaves, γυναιϰείά τε ϰαὶ δούλεια ἤθη 247 , les rend totalement incapables de comprendre le discours du politique. Par le fait même d’évoquer leurs pratiques, ou par l’effet des réactions que cela susciterait, leur imposer des lois serait, au contraire, introduire dans la sphère de la cité, des paroles étrangères, inutiles et nuisibles. Le nomothète n’a pas choisi d’interdire que l’on pleure ses morts en privé mais il n’a pas, non plus, souhaité donner l’autorisation de le faire. Une instruction sur ce thème n’aurait pas de sens et il serait impossible de lui donner une forme, elle serait, en effet, ἄμορϕον 248 . Il sait bien qu’il n’a pas de prise sur l’homme placé dans une telle situation, la seule réponse fournie à une injonction expresse de se conduire avec impassibilité serait le refus d’obtempérer devenant crime de ce que la loi l’aurait rendu tel, et, comme toute faute, il pourrait détruire l’État. Même un philosophe peut, donc, se laisser aller au deuil, sans que cela soit considéré comme formellement criminel 249 . Il serait opportun qu’il atteigne à une impassibilité raisonnable 250 , la raison et la règle morale, λόγος ϰαὶ νόμος, le lui imposent, car il n’y a rien de plus beau que de conserver le plus de calme possible dans le malheur et de ne pas se révolter car aucune des choses humaines ne mérite qu’on y attache beaucoup d’importance, ὁ νόμος ὅτι ϰάλλιστον ὅτι μάλιστα ἡσυχίαν ἄγειν ἐν ταῖς ξυμϕοραῖς 251 . Dans la cité des Lois, la personne, même réputée sage, garde le droit de se laisser aller, en privé, à des manifestations de souffrance auxquelles il serait pourtant déplorable pour son image qu’il se livre en public. La règle de droit cède à la pression

sociale et à l’opinion publique, dont le pouvoir doit savoir jouer pour parvenir, par des moyens détournés à ses fins 252 . L’exposition du cadavre peut se faire, ainsi, selon la règle ordinaire pour ce genre de choses, ϰατὰ τòν περὶ τὰ τοιαῦτα νόμον γιγνόμενα, mais le politique légifère sur l’interdiction de chanter les thrènes à l’extérieur de la maison mortuaire, car la cité assume son devoir de régir l’espace et le temps collectif, τῷ δὲ πολιτιϰῷ νομοθετοῦντι παραχωρείν χρὴ τὰ τοιάδε. Les membres du groupe familial doivent, ainsi, collectivement savoir se conduire à la façon de l’individu livré à lui-même qui peut, dans son privé, se laisser aller à la faiblesse humaine, mais doit rester convenable au dehors. Néanmoins, peutêtre, parce que la famille est une institution concurrente du politique, le législateur veut rester vigilant. La présence imposée d’un nomophylaque, lors de la célébration d’un deuil, est requise dès la constatation d’un décès et pour surveiller la façon dont se passent les diverses étapes cérémonielles, les proches du défunt devant la susciter. On peut se demander, d’ailleurs, si, par une sorte de complicité teintée de rivalité entre les magistrats et chacun de ceux qui peuvent passer pour sages, et appartiennent donc à la sphère du pouvoir, la façon dont ceux-ci se seraient conduits durant un deuil ne resterait du domaine de leur vie privée que tant que cela satisferait les forces en présence dans le monde des gouvernants. La rumeur peut dénoncer la façon dont les gens vivent dans leur intérieur même sans qu’aucun crime soit, à proprement parler, commis par la mère de famille, par exemple, qui ne se serait pas levée avant ses propres servantes. Le silence de la loi doit, donc, être jugé pour sa valeur pragmatique, son usage témoigne de ce que la perfection politique doit s’accommoder, par réalisme, d’une obscurité acceptée et d’ailleurs relative, car chacun sait parfaitement ce que peut faire son voisin quand il lui faut porter en terre sa

femme ou son fils. Cela ne signifie pas que la société soit totalement désarmée pour limiter l’impact négatif et les nuisances éventuelles de certains laisser-aller. 67

Refuser de sanctionner par des lois spécifiques telle ou telle pratique peut avoir une autre signification. Cela peut être considéré comme la condamnation, par refus de prise en considération, d’une activité courante sur laquelle on prétend se refuser à prendre publiquement parti, bien qu’on la tienne pour non souhaitable et que l’on souhaite, par ce moyen oblique, la faire disparaître. Dans le domaine des affaires, τὰ ἀγοραία, Socrate pouvait penser, dans la République, que légiférer était inutile, parce que les gens convenables sont capables de découvrir seuls, si besoin est, les règles d’un comportement correct, οὐϰ ἄξιον ἀνδράσι ϰαλοίς ϰἀγαθοις ἐπιτάττειν τὰ πολλά γὰρ αὐτῶν ὅσα δεί νομοθετήσασθαι ῥαδίως εὑρήρουσι 253 . Dans la cité des Magnètes, il est convenu que l’on ne légifère que pour des agriculteurs propriétaires. C’est sous le prétexte que la cité est mêlée d’étrangers que l’on promulgue et que l’on affiche des lois sur le commerce 254 . Néanmoins, les citoyens ne peuvent rester à l’écart de toute activité d’échange car ils doivent, nécessairement, pour leur activité même d’exploitant agricole, pour l’achat d’esclaves, de bétail, ou de matériel, conclure des transactions entre eux ou avec des professionnels étrangers domiciliés, artisans ou commerçants. Le législateur voudrait, pour des raisons morales, interdire toute vente à crédit. Il sait bien, que malgré ses injonctions, il pourrait continuer de s’en conclure clandestinement, car, sans doute, aucun contrôle n’est possible. Il ne prétend, donc, pas empêcher qu’il s’en conclue, de même il ne veut pas interdire formellement les sociétés d’éranistes regroupant des amis, ϕίλος παρὰ ϕίλοις 255 . Pour parvenir à son but, en ces deux domaines, il se contente d’organiser le silence de la loi en stipulant que les obligations financières

qu’impliquerait ce genre de rapport contractuel ne seraient pas reconnues par elle. De semblable façon, Zaleucos avait interdit que fût conclu quelque contrat de prêt écrit que ce fût 256 , Charondas aurait, par le même biais, interdit de protéger les intérêts du fournisseur de crédit en considérant que toute faute lui revenait quand son débiteur refusait de le rembourser, fût-ce au dépens de l’honnêteté, ἐὰν δὲ τις πιστεύση µὴ εἶναι δίϰην, αὐτόν γὰρ αἴτιον εἶναι τῆς ἀδιϰίας 257 . La raison qui fait ainsi se conduire le législateur des Lois est très clairement expliquée par la République, tous les contrats de prêt doivent se faire aux risques et périls du prêteur pour que soient empêchés les ruines scandaleuses et les enrichissements sans cause légitime 258 . Si la législation refuse d’avaliser ce qu’elle ne veut, pourtant, pas interdire formellement, cela ne peut s’apparenter à de l’impuissance. Le silence se construit dans une démarche qualificatoire qui donne à cette abstention un statut juridique, cette façon de faire permet à la cité de récuser l’existence de réalités dont elle ne veut pas qu’elles émergent au niveau de la pratique collective. Le droit, qu’il soit permissif ou répressif, est nécessairement la prise en compte de l’existence d’un réel. En l’occurrence, ce que l’on refuse, explicitement, à désigner comme un objet de droit, est nécessairement invalide. 68

On peut aller plus loin dans l’explicitation des diverses modalités du silence législatif. Le commerce étant une activité considérée comme marginale dans la cité des Magnètes, le refus d’intégrer certaines de ses pratiques à la législation n’est pas de trop grande conséquence 259 . Plus grave d’implications est le fait que Platon considère comme recevable, par réalisme ou parce qu’il a une vision très pessimiste de l’homme, l’idée que prêter de faux serments devant un tribunal est une pratique ordinaire. Au lieu d’interdire que l’on se parjure et de punir ceux qui seraient convaincus, ainsi, de sacrilège,

il interdit tout simplement que quiconque, parmi les citoyens, prononce quelque serment que ce soit devant un tribunal. Cette façon de refuser d’envisager de devoir punir l’éventuel coupable d’un blasphème, en empêchant que se formalise un usage que l’on tient pour inévitable, est un discours à multiples fonctions. C’est un moyen d’assurer la paix que la cité doit maintenir avec ses dieux 260 en interdisant au plaideur une parole qui, les prenant à témoin, peut leur déplaire, en cela il appartient à la législation sur l’impiété. S’il autorise, en effet, les étrangers à faire comme ils l’entendent et à jurer, s’ils le souhaitent, c’est parce que cela ne porte pas à conséquence politique. Un procès qui oppose l’un à l’autre d’entre eux ne risque pas d’impliquer la cité car ils ne doivent, en aucun cas, y faire souche 261 . Cette obligation de silence est, aussi, une manifestation de défiance envers les juges, car l’on doit penser que la prestation d’un serment, n’est pas seulement un acte religieux, mais apparaît surtout comme l’instrument d’une rhétorique persuasive dont le tribunal ne serait pas à même, malgré sa compétence, de comprendre le caractère fallacieux 262 . En tout cas, elle témoigne de ce que le droit, tel qu’il est établi, peut n’avoir pas d’autre visée que pratique et s’accommoder des incartades de la vertu, pour peu qu’elles restent informulées. Imposer de ne rien dire, quand le discours pourrait n’être pas ce qu’il conviendrait qu’il soit, est un des moyens qui permettent de construire le politique en ne laissant subsister que les mots qui peuvent signifier une certaine perfection, même s’il s’avère qu’elle n’est que formelle. 69

Dans un autre domaine, pour prolonger le propos, on doit prendre en compte le cas du jeune homme doté de pouvoirs génésiques exceptionnels qui ne comprend pas que la loi puisse mettre des bornes à son activité sexuelle. Il laisse libre cours à ses cris, qu’ils soient de rage ou de simple dépit, et en remplit la ville, βοῆς πάντα

ἐμπλήσειε 263 . Personne ne songe à lui répondre. D’ailleurs, nul ne saurait le faire, car le cri, par lui-même, n’a ni sens ni pertinence, il n’est que manifestation biologique et quand il se trouve être devenu le mode ordinaire d’expression d’une cité, c’est qu’elle est en voie de décomposition 264 . Néanmoins, le législateur des Magnètes se rend compte qu’il n’est peut-être pas seul dans la cité à ne pas vouloir accepter les prescriptions de la loi qui définit ce qu’est la conduite vertueuse et en impose les usages. Il en vient, dans le cadre d’une loi qu’il dit être de second ordre, δεύτερος νόμος 265 , à autoriser à fauter à condition de le faire en secret. Il renonce à imposer une morale sexuelle stricte, dont il sait pourtant qu’elle est nécessaire à qui veut vivre vertueusement, mais demande de couvrir de mystères certains des actes moralement condamnables qu’il ne veut, pourtant, pas interdire. Il justifie cette exigence en la fondant sur la coutume et une loi non écrite, ἔθει ϰαὶ ἀγράϕῳ νόμω 266 . Cette pratique de la dissimulation destiné à taire une réalité scandaleuse, n’a rien à voir, évidemment, avec celle des gens honnêtes sur les mœurs desquels nul ne peut jamais rien dire, et qui n’ont à donner aucun avis sur rien, νουθετείν, parce que leur mérite silencieux suffit à instruire de ce qu’est la vertu 267 . L’instruction d’agir de cette façon contredit la règle qui veut que l’on soit particulièrement sévère pour les crimes commis en secret, dans l’ombre et par tromperie, ματὰ σϰότους ϰαὶ ἀπάτης λαθραίως 268 . Le repli spécieux dans l’obscurité et le non-dit est imposé comme une forme spécifique du langage, en tant qu’il est une pratique sociale, et fait bon marché, bien évidemment, de toute préoccupation éthique. La dissimulation semble devoir être un mode obligé du fonctionnement de la société. Cela se manifeste, d’ailleurs, même dans des pratiques qui pourraient paraître anodines. Ainsi, l’on autorise les gens de moins de trente ans à cueillir pommes, poires et grenades sur le

terrain d’autrui à condition qu’ils le fassent en cachette alors qu’il est loisible à tout propriétaire de les frapper s’il les surprend 269 . Cette loi renvoie, peut-être, aux principes de l’éducation Spartiate où les enfants étaient tenus de voler pour se nourrir mais ne devaient pas se faire prendre 270 . Elle ne semble pas, néanmoins, correspondre, de même que la loi sexuelle seconde, à la logique de l’institution que prétendent établir les vieillards au cours de leur voyage. En effet, ils cherchent à construire une cité transparente, où ne puisse exister la moindre zone de vie inaccessible au regard de la cité 271 , l’œil du magistrat étant censé pouvoir entrer dans tous les foyers, que ce soient ceux des jeunes ménages 272 ou, peut-être, ceux mêmes des adultes installés puisque leurs propres esclaves doivent surveiller la façon dont ils se conduisent 273 . Le législateur demande que l’on se cache pour satisfaire ses pulsions sexuelles, il se justifie en expliquant que l’absence des manifestations de la puissance d’Aphrodite fait progressivement disparaître l’esclavage dans lequel certains des Grecs, et la plupart des barbares, pensent qu’elle tient les humains 274 . En fait, il demande, surtout, que la conduite de chacun témoigne de sa bonne intégration au groupe politique. Respecter les ἐπιτηδεύματα, qui sont la manifestation concrète de la coutume, est, tout naturellement et sans autre mode de légitimation, le signe d’appartenance à la cité. Celui qui n’écoute pas, ou ne se conforme pas, aux instructions que transmet le législateur en se fondant sur les règles ordinaires d’usage n’est pas seulement coupable d’une faute, il se révèle être parfaitement étranger au groupe politique. Le coupable de relations illicites effectuées en public serait privé de ses droits politiques, non tant en raison de l’acte commis, ni parce que celui qui se livrerait à certains types d’actes sexuels mérite d’être corrigé 275 , mais parce qu’il signifierait, par son incapacité à obéir aux préceptes diffusés par une

parole partagée par tous, qu’il est réellement un étranger à sa propre cité, ὡς ὄντως ὄντα ξενιϰóν 276 . Celle-ci construit l’opinion, δόξα, elle peut, aussi, servir de fondement à l’argumentation des prologues législatifs qui savent rappeler quelles leçons doivent être reçues, sauf à se trouver de fait exclu de la communauté, de se révéler lui être étranger, ἀλλότριος, ἀϰοινώτητος 277 , pour vouloir, par exemple, rester célibataire. La conséquence logique d’une telle attitude est une privation partielle des droits civiques. Le refus de mettre ses actes en accord avec le discours reçu est une forme d’expression qui peut conduire à l’exclusion. Au minimum, contrevenir aux règles de silence, dissonner est considéré comme ridicule, διαϕωνοῦντα αὐτοῖς εἶναι ϰαταγέλαστα 278 . 70

Il peut sembler que le nomothète se contente de penser à construire une société d’apparence à une cité vertueuse dans ses fondements mêmes. La République condamnait le libertinage en tant qu’ouvragé des ténèbres 279 . Admettre que l’on puisse imposer le secret pour certains incestes, comme c’est le cas dans la cité des Magnètes, fait que les crimes y sont pardonnables tant qu’ils sont cachés et ne deviennent punissables que pour avoir été révélés. Le dialogue des Lois accepte de construire, ainsi, un droit qui n’est pas au service de la norme morale. Néanmoins, le législateur ne renonce pas à son projet de gestion totale de la vie sociale, puisque là où il ne peut imposer la clarté, il exige l’obscurité, et s’il accepte d’abandonner le "principe de visibilité obligatoire", il en proclame pourtant la validité quand il le restreint 280 . Il demande, à qui voudrait se livrer à des activités sexuelles incorrectes, un silence dont il pense qu’il fera disparaître avec le scandale, d’abord l’idée de la faute puis la faute elle-même. Cette dissimulation, voulue pour de prétendues raisons pédagogiques, se révèle productive aussi au plan théorique. Le crime n’existe pas quand il n’a pas reçu de nom dans un code,

Solon en était parfaitement conscient quand il refusait de traiter du parricide 281 . Le tacite prend, ainsi, valeur de discours et s’intégre au système général de la cité. On peut se demander, pourtant, si la cité ne devrait pas fonder sa pratique et son discours sur le respect de la justice et de la morale, au lieu de recommander le non dit et le non vu qui sont censés ne pas remettre en cause les convenances sociales. Il peut paraître gênant de constater que l’on ne doive, par exemple, expulser avec sa mère ou son père l’enfant que le maître ou la maîtresse de maison aurait eu d’un ou d’une esclave, que si l’affaire est patente, περιϕανές, nul magistrat ne semblant devoir s’en préoccuper si tel n’est pas le cas 282 . Le jeu du silence permet, néanmoins, que la faute continue d’exister au regard de la cité et d’être qualifiée pour ce qu’elle est. Elle existe nécessairement en tant que telle, car elle est prise en compte dans le silence imposé, le refus d’interdire est, de cette façon, tout autant producteur de norme et d’obéissance que l’interdiction proprement dite. Il semble, simplement, qu’il puisse être formulées deux règles de droit différentes, l’une est censée pouvoir proposer aux gens les moyens d’atteindre à la perfection morale, l’autre fait meilleur marché de ces visées éthiques. La pratique de ce δεύτερος πλοῦς qu’est la δεύτερος νόμος alors que la règle morale a été énoncée et reste inappliquée témoigne qu’il faut distinguer dans le cadre du juste ce qui "regarde du côté du bon dont il marque l’extension des relations interpersonnelles aux institutions, et du côté du légal, le système juridique conférant à la loi cohérence et droit de contrainte" 283 . Néanmoins, s’il semble suffire que telle faute soit cachée pour ne plus sembler exister, l’éducation peut se réduire à l’apprentissage de l’hypocrisie. La loi, par ailleurs, laisse sa place à l’arbitraire. Sachant que la rumeur n’a pas d’auteur et qu’elle est un système autonome capable de dénoncer toute déviance, quand le législateur énonce

l’idée qu’il faut supprimer la publicité des gestes signifiants et le récit qu’elle en donnerait, il garde bien évidemment la possibilité de l’écouter, si besoin est 284 . Le rapport au silence n’est pas neutre en terme de pouvoir, ainsi, dans la République, est-il permis aux sages de savoir ce qu’est la légende de Kronos et la façon dont il fut traité par son fils. Encore serait-elle vraie, ούδ’ἄν εἰ ἦν ἀληθῆ, qu’il faudrait qu’ils n’en parlent jamais, σιγᾶσθαι, ou seulement à mots couverts, δι’ἀπορρήτων, de telle sorte que ce soit un minimum de gens qui en ait connaissance, ὅπως ὅτι ἐλαχίστους συνέϐη ἀϰοῦσαι 285 . 71

Nous retrouvons, ainsi, par un autre biais, dans l’utopie même, l’idée selon laquelle le législateur est second par rapport au système institué et que le droit positif récuse, quand cela lui paraît nécessaire tout souci de morale, et n’est en fait que l’organisation de l’activité sociale en fonction de règles qui peuvent échapper à tout souci d’éthique. Platon est, là encore, le fils des cités de son temps et d’Athènes même qui sut comprendre qu’il faut savoir, sinon oublier, du moins apprendre à faire silence sur les maux du passé pour pouvoir continuer à vivre 286 . Un des problèmes qui se pose par ailleurs est que du non-montré, qui permet le non-dit, on en vient tout naturellement au mensonge qui peut réputer non-dit ou non-vu ce qui avait pourtant été perçu, ou bien affirmer le contraire de ce qui est connu. Au niveau de l’anecdote politique, on se rappellera que telle inscription d’Ilion se proposait d’effacer le nom des tyrans et de revendre les emplacements laissés vides dans les listes de prêtrise ou de magistratures pour que la cité pût se reconstruire un passé sans tache 287 . On connaît aussi telle histoire que rapporte Plutarque où un coquin ayant présenté un avis excellent, la cité l’adopta mais en fit honneur à un citoyen vertueux 288 , mensonge mal fait pour encourager qui souhaite s’amender.

Le mensonge et la loi Mensonge utile 72

L’Athénien pose comme principe d’action politique que le législateur même si les choses ne sont pas ce que la raison et l’intelligence ont démontré qu’elles étaient, εἰ ϰαὶ µὴ τοῦτο ἦν οὓτως ἔχον, ὡς ϰαὶ νῦν αὐτò ἤρηχ’ὁ λόγος ἔχειν doit pouvoir assumer dans l’intérêt du bien l’audace de mentir à la jeunesse et que c’est là le plus utile des mensonges, ψεῦδoς λυσιτελέστερον. Piper, ainsi, les esprits permet de ne pas avoir à user de la force pour conduire les gens à faire volontiers le geste juste, ποιεῖν µὴ βία ἀλλ’ἑϰόντας πάντας πάντα τὰ δίϰαια 289 . Cela se fonde sur une logique difficile à justifier mais qui résulte du postulat selon lequel il est impossible de convaincre certains esprits irréductibles à toute autre forme de pédagogie et que le philosophe doit éviter de parler sérieusement de vérités profondes à des êtres qu’il aurait reconnus inaptes à les comprendre sous peine de se corrompre lui-même 290 . Il estimait inutile d’écrire aussi bien que de parler au peuple, πρòς τοùς πολλούς. L’écriture comme la parole, ῥητά, du philosophe aurait dû être réservée au petit nombre des gens qui n’auraient pas eu besoin de longues démonstrations pour comprendre ce qui leur aurait été enseigné, car ils pourraient être instruits dans la connivence de courtes démonstrations, διὰ σμιϰρᾶς ἐνδείξεως 291 . Ce choix de l’exclusion n’était pas sans implication au plan politique. Il fallait, en effet, considérer comme évident qu’un homme sage devait refuser de traiter devant un public ordinaire, ἐν ἀνθρώποις, des affaires les plus sérieuses d’autant plus qu’il serait lui-même sérieux, ταῦτα σπουδαιότατα εἴπερ ἔστ’αὐτòς σπουδαίος. S’il prétendait néanmoins pouvoir le faire, ce ne pouvait être qu’en feignant de conserver son sérieux mais en prenant soin de garder par devers lui le meilleur de ce qu’il aurait en tête, ϰείται δέ

που ἐν χώρᾳ τῇ ϰαλλίστῃ τῶν τούτου 292 . Le philosophe devait ainsi nécessairement se conduire en menteur dans la cité, sinon en action du moins par omission. Pour reprendre sous une autre forme une formule de K. Popper, on pourrait prendre ici Platon en flagrant délit d’outrage à son maître 293 ou du moins à la façon dont il l’avait décrit. La vérité serait en effet chose belle et stable, ϰαλόν μὲν ἡ ἀλήθεια ϰαὶ μόνιμον, mais il semble qu’on ne pourrait pas facilement persuader autrui de la reconnaître, ἔοιϰε µὴν οὐ ῥᾴδιον εἶναι πείθειν 294 . Employer le mensonge comme une drogue, ϕάρμαϰον 295 , permettrait de conduire les gens à accepter le discours juste des lois, πρòς τòν ὑπò τοῦ νόμου λόγον ὀρθòν εἰρημένον 296 . 73

Dans la République, la justification de la structure sociale de la cité est conditionnée par un noble mensonge, γενναίον ψεῦδoς, dont les modalités, le principe et les conséquences morales ou politiques ont été beaucoup étudiées 297 . Il est fait essentiellement pour tromper les magistrats et, si possible, les autres membres de la cité, πεῖσαι μάλιστα μὲν αὐτοùς τοùς ἄρχοντας, εἴ δὲ µὴ τὴν ἄλλην πολιν 298 , πρῶτον μὲν αὐτοùς τοùς ἄρχοντας πείθειν ϰαὶ τοuς στρατιώτας, ἔπειτα δὲ ϰαὶ τὴν ἄλλην πολιν 299 . On s’aperçoit, à cette occasion, que les magistrats ne sont pas seulement les esclaves des lois comme ils le seraient à Magnésie 300 mais se trouvent dans une situation de dépendance intellectuelle absolue par rapport aux philosophes qui connaissent seuls ce que peut être la vérité. On peut se demander ce que signifie pour Platon l’emploi du mot ἄρχειν pour désigner la charge des philosophes éduqués dans la contemplation du bien et du vrai mais acceptant de passer quelque temps à exercer le pouvoir pour le bénéfice de la seule cité, πρòς πολιτιϰοῖς ἐπιταλαιπωροῦντας ϰαὶ ἄρχοντας ἐϰαστοὺς τῆς πόλεως ἔνεϰα 301 , quand les gestionnaires ordinaires responsables de la cité sont considérés

comme des gens de peu qui ne sont pas considérés comme dignes de dialoguer avec les véritables maîtres de la ville. Il suffit à ces derniers de leur donner des ordres pour qu’ils obéissent, qu’ils soient ou non persuadés de la validité du mythe, qu’ils soient ou non trompés, n’a pas la moindre importance. 74

Le concepteur de l’État idéal ne prend même pas la peine de feindre accorder la moindre valeur de vraisemblance au mythe qu’il forge ou du moins tire des récits phéniciens d’autochtonie dont étaient si friands les poètes. Il sait que le type d’avatars qu’il envisage n’a rien à voir ni avec le présent ni aucun avenir envisageable, ἐϕ’ἡμῶν οὐ γεγονòς οὐδ’oἶδα εἰ γενόμενον ἄν 302 . Il entre ainsi de plein gré dans le système de gouvernement dénoncé par Critias qui reprochait au législateur, un homme sage et prudent, d’avoir inventé les dieux pour justifier les principes du droit et fonder la justice 303 . Les mensonges et les fraudes, ψεῦδος ϰαὶ ἀπάτη, du pouvoir se situent aussi à un autre niveau. Pour faire en sorte que les unions légitimes des citoyens destinées à procurer des enfants tournent au bénéfice de la cité, les magistrats doivent organiser les mariages de telle sorte que les meilleurs reproducteurs mâles et femelles, τοùς ἀρίστους ταίς ἀρίσταις, soient accouplés et se reproduisent le plus possible en se rencontrant le plus souvent possible, ὡς πλειστάϰις. Il leur est enjoint d’apparier les candidats en feignant de faire appel au hasard. Mais le souci d’eugénisme exige que ces tirages au sort soient arrangés, ϰλῆροι δή τινες ποιητέοι ϰομψοί 304 . Les citoyens ordinaires, ainsi désavantagé, ne s’en prend pas aux magistrats euxmêmes de sa déconvenue mais à la fortune, τòν ϕαῦλον ἐϰείνον αἰτιᾶσθαι τύχην, άλλὰ µὴ τοùς ἄρχοντας. Il a confiance en la sincérité de la procédure de désignation et il se contente de maudire son mauvais sort. L’ignorance dans laquelle on a choisi de le tenir débouche, ainsi, sur un blasphème. C’est, ainsi, la victime abusée sur

qui retombe la faute sacrilège d’accuser le sort ou les dieux 305 , alors que le seul responsable de sa réaction est le magistrat manipulateur. Le législateur est parfaitement conscient des conséquences de la fraude, mais le sacrilège est renvoyé à la responsabilité de la seule victime de ses façons de faire. Dans la cité des Magnètes, l’usage du tirage au sort dans le cadre des élections est considéré comme un pis-aller, mais il permet d’éviter le mécontentement populaire, δυσϰολία τῶν πόλλων, qui naîtrait de l’application de la stricte justice réservant aux meilleurs toutes les charges. On l’utilise pour les mêmes raisons, mais il ne semble pas qu’il soit prévu d’en truquer les résulatats, de telle sorte que les dirigeants doivent se contenter de prier les dieux et le hasard propice de bien vouloir diriger le sort du côté le plus juste, θεòν ϰαὶ ἀγαθὴν τύχην ϰαὶ τότε ἐν εὐχαῖς ἐπιϰαλείσθαι ἀπορθοῦν αὐτοùς τòν ϰλῆρον πρòς τò διϰαιóτατον 306 .

Mensonge et hiérarchie politique

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Le droit à l’usage du mensonge dans la cité est fonction des hiérarchies sociales et politiques et sa pratique les conforte. Le particulier ne doit pas mentir au magistrat, ni personne à l’un de ses supérieurs, les jeunes, ainsi, ne doivent pas tromper les anciens, ni les femmes ou les enfants quelque homme que ce soit 307 . Les propositions des Lois sont dans le droit fil de ce que la République avait exposé.

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Dans Callipolis, il paraît convenable que le magistrat use du mensonge quand il est utile à la cité, τοῖς ἄρχουσιν τῆς πόλεως προσήϰει ψεύδεσθαι ἤ πολεμίων ἤ πολιτῶν ἔνεϰα ἐπ’ὠϕελία τῆς πόλεως, mais aucun particulier, ἰδιώτης, n’a le droit de s’en servir à l’égard des magistrats. Cela débouche sur une réflexion assimilant par analogie le politique à la démiurgique, ainsi, le malade ne doit pas mentir à son médecin ou l’athlète à son entraîneur, ni le marin au pilote. Si le magistrat a le privilège de ne devoir recevoir que des paroles véridiques des simples citoyens, c’est qu’il doit pouvoir régir la cité en étant parfaitement informé de ce que sont les diverses situations auxquelles elle est soumise pour pouvoir répondre de façon pertinente aux nécessités du moment 308 . Socrate revient néanmoins, alors, au politique par un biais curieux. Il cite, pour conclure son raisonnement, un passage d’Homère qui signifie que les démiurges, devins, médecins, ou bien charpentiers, n’ont pas droit au mensonge car ils sont des inférieurs dont les mensonges éventuels provoqueraient la perte de l’État 309 . Ce rapprochement témoigne de ce que ces techniciens n’ont en fait aucun droit politique nulle part dans la cité platonicienne et que l’idée qu’ils puissent jouir du privilège de véracité n’est jamais que métaphorique, néanmoins il

témoigne de ce que les nomothètes et les gouvernants doivent être, pour des raisons prétendues techniques mais en fait politiques, les seuls à recevoir des informations fiables. Dans la cité, telle que la conçoit Platon, il y a dissymétrie dans le jeu dialogique, certains ont l’obligation de se montrer aussi véridiques que leurs connaissances le leur permettent. Les détenteurs du pouvoir peuvent, au contraire, travestir la réalité qu’ils perçoivent en fonction de nécessités qu’ils n’expliciteront pas, ajoutant le mensonge à l’obscurité. 77

Parce que le problème est d’importance, Aristote traite, lui-aussi, du mensonge des gouvernants d’une façon plus concrète et permet que l’on en comprenne mieux la finalité. Il conseille aux gouvernants de toujours annoncer l’inverse de ce qu’ils ont l’intention de faire. Il faudrait aux démocrates les plus frénétiques faire semblant de parler pour la défense des intérêts des riches, quand, au contraire, ils s’en prennent à eux, μαχόμενοι τοῖς εὐπόροις, δεῖ δὲ τοὐναντίον αῖεί δοϰεῖν λέγειν ύπερ τῶν εὐπóρων. Les oligarques, au lieu de s’engager par serment à faire tout le mal possible à la démocratie, devraient feindre au contraire de ne vouloir faire aucun tort au parti populaire, ὑποϰρίνεσθαι xoùvavxtov ἐπισημαινομἐνους ἐν τοῖς ὅρϰοις ὅτι οὐϰ ἀδιϰήσω τòν δῆμον 310 . Aristote avait en l’occurrence le même but que Platon, empêcher que n’éclatent des conflits civils qui risqueraient de ruiner les constitutions, ϕθείρειν τὰς πολιτείας. La défense des institutions existantes paraît primordial, rien ne prévaut sur le devoir de les maintenir en leur forme originelle. En cela, le système politique, qu’il soit platonicien ou aristotélicien, joue de l’intérêt du groupe contre l’individu, de la technique institutionnelle contre toute innovation. En cette affaire, le fauxsemblant peut suffire, quand Aristote conseille aux démocrates de mentir sur leurs intentions véritables, il indique qu’il leur suffit de sembler parler en faveur du parti des riches, δοϰεῖν λέγειν ὑπὲρ τῶν

εὐπóρων 311 , cela suffit à maintenir l’harmonie de la cité, car chacun veut bien s’en contenter. Platon sait bien, même s’il le fait dire par Glaucon, que chaque gouvernement définit ce qui lui est utile, et établit les lois en fonction des nécessités de sa propre conservation, τίθεται τοùς νόμους ἐϰαστη ἡ ἀρχὴ τò αὐτῇ ξυμϕέρον 312 . Il est parfaitement conscient de ce que les gouvernants se trompent parfois sur leur intérêt véritable 313 . Néanmoins, il persiste à penser qu’ils ont pour devoir d’user de mensonges et de tromperies, et que cela peut être fait au profit des gouvernés, συχνῷ τῷ ψεύδει ϰαὶ τῇ ἀπάτη... δεήσειν χρῆσθαι τοùς ἄρχοντας ἐπ’ὠϕελίᾳ τῶν ἀρχομένων 314 . 78

Il faut penser que le véritable mensonge, τò ἀληθῶς ψεῦδος 315 , τò ὡς ἀληθῶς ψεῦδος 316 , ἄϰρατον ψεῦδος 317 , τò τῷ ὄντι ψεῦδος 318 , naît de l’ignorance et que cette ignorance permet de déboucher sur le problème du mensonge involontaire, ἀϰούσιον ψεῦδος, en particulier de celui de qui s’y complaît par paresse et incapacité à sortir de sa fange 319 . Pour peu qu’il soit une drogue systématiquement répandue, le mensonge politique est, quelque utilité pratique qu’on puisse lui trouver, diffusion d’une ignorance qui ne construit rien d’autre que des potentialités de fautes involontaires contre la vérité objective chez tous ceux qui doivent le recevoir et acceptent de s’en contenter. Le véritable mensonge est introduit, ainsi, dans l’âme de ceux à qui l’on refuse le savoir et que l’on a trompé, ἡ ἐν τῇ ψυχῇ ἄγνοια ἡ τοῦ ἐψευσμένου 320 et l’esprit succombe ainsi à la violence de celui par qui il est induit en erreur, l’âme est frappée, τῇ ψυχῇ ψεύθεσθαι τε ϰαὶ ἐψευσθαι, et il reste un ignorant, ἀμαθής 321 . C’est toujours, en effet, contre son gré que l’on est induit en erreur, ἄϰοντες ἀληθοῦς δόξης στερίσϰεσθαι 322 . Le jeu est ainsi violence commise par le pouvoir ou le sage. Mais le mensonge étant nécessairement réciproque, il est bien clair que ne

pas dire la vérité induit que l’on ne peut recevoir en retour un discours vérace. L’un et l’autre des interlocuteurs, dans un système où le flou est nécessairement de règle, finit par être, de cette façon, condamné à manquer la vérité 323 .

Mensonge et unité politique 79

Dans la cité des Lois, le phénomène d’occultation du réel observable, silence conduisant au mensonge, fonctionne selon des règles très précises. Alors que nul citoyen n’a le droit de quitter la ville à titre privé la cité peut autoriser le départ vers l’étranger d’observateurs d’âge mûr qui doivent prendre contact avec les hommes divins qui existent ici ou là dans les villes 324 . Le conseil, dit nocturne, réunion de ceux qui ont à veiller à tout ce qui concerne les lois, ὁ σύλλογος τῶν περὶ νόμους ἐποπτευόντων 325 , doit leur donner audience à leur retour. Ce qui retient l’attention de cette assemblée est essentiellement de savoir ce qu’ils sont personnellement devenus au plan moral. S’ils reviennent meilleurs, ils sont honorés, s’ils sont restés ce qu’ils étaient, on les remercie de leur zèle à avoir essayé de servir la cité. S’ils sont revenus pires qu’ils n’étaient partis, ils sont privés de leurs droits civiques et n’ont plus le droit d’entrer en contact avec qui que ce soit, jeune ou vieux, dans la cité, en prétendant avoir acquis la sagesse, μηδενί συγγιγνέσθω μήτε νέῳ μήτε πρεσϐυτέρῳ προσποιούμενος εἶναι σόϕος. Il leur est loisible de vivre chacun en simple particulier, ἰδιώτης ζήτω, mais ils perdent le droit à exercer quelque activité que ce soit dans le domaine de l’éducation et de la justice, ainsi que de participer au débat législatif, sous peine d’être condamnés à mort s’ils transgressaient ces interdictions, τεθνάτω ἐὰν γ’ἐν διϰαστηρίῳ ἁλῷ πολυπραγμονῶν τι περὶ τὴν παιδείαν ϰαὶ τοùς νόμους 326 .

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Ce que les observateurs peuvent avoir appris en matière de nomothésie, d’enseignement ou d’éducation semble devoir, en tout cas, être partagé avec le seul conseil. On ne doit pas s’étonner que toute parole soit confisquée par le conseil, car il est naturel dans le monde grec de réserver à l’État certains types de discours. La cité doit avoir, à l’égard de l’étranger, un discours collectif qui transcende les paroles individuelles. Celles-ci n’ont pas le droit de s’exprimer, sauf pour les serments d’alliance qui prennent à témoin les dieux auxquels seules des personnes physiques peuvent s’adresser de telle sorte qu’elles doivent attirer sur leurs seules têtes d’éventuelles malédictions 327 . Aucun particulier, ainsi, n’a, dans les cités historiques, le droit d’entrer en rapport avec une cité étrangère, s’il n’est pas spécifiquement mandaté pour ce faire. Si le Dicéopolis d’Aristophane s’amuse à signer individuellement un traité de paix qu’il fait afficher dans la cour de sa maison transformée et redevenue prospère, grâce à la reprise du commerce extérieur 328 , il est, donc, tout à fait naturel que la cité des Magnètes interdise toute guerre ou paix privée 329 . C’est, en revanche, le besoin exacerbé de maîtriser tout discours vers l’extérieur qui fait interdire, dans la cité des Magnètes, l’existence de sanctuaires et de cultes privés, alors que la politique des cités ordinaires peut être à cet égard plus souple 330 . Par ailleurs, il est bien précisé que ce sont des hommes que l’observateur admis à voyager va rencontrer, non des cités, ἄνθρωποι θεῖοι, qui peuvent se trouver dans les États bien ou mal gouvernées, ϕυόμενοι οὐδὲν μᾶλλον ἐν εὐνομουμέναις πόλεσιν ἤ ϰαὶ µή 331 . Il semble que son voyage puisse, donc, être considéré comme relevant de rapports interpersonnels, néanmoins, il passe par le filtre du pouvoir qui n’en répercute que ce que bon lui semble. Le contrôle de toute information venue de l’extérieur est absolu et le voyageur ne peut, sans doute, jouer que de son exemple

pour montrer que le monde extérieur ne corrompt pas nécessairement ceux qui ont eu l’autorisation de s’y rendre 332 . 81

Plus clair et plus significatif, encore, des pratiques des gouvernants de Magnésie, est le fait que les ambassadeurs, hérauts ou théores délégués par la cité dans les assemblées panhelléniques, et qui doivent être particulièrement vertueux pour que la cité acquière bonne réputation dans le monde grec, doivent à leur retour ne tenir qu’un discours auprès des jeunes, en ne cessant de leur répéter que les institutions des autres peuples sont inférieures à celles du pays, διδάξουσι τοùς νέους ὅτι δεύτερα τὰ τῶν ἄλλων ἐστὶ νόμιμα τὰς περὶ τὰς πολιτείας 333 . Comme il est inimaginable que cette assertion puisse être mise en cause par qui que ce soit, elle impose son évidence informative. Chacun des membres du conseil nocturne savait qu’elle était fallacieuse dans son caractère globalisant. Elle va, même, au-delà de ce que retenait la tradition laconisante qui se contentait, en ce domaine, d’exiger le silence en interdisant aux jeunes Spartiates de s’enquérir de ce que la législation contenait de bon ou de défectueux, les vieillards pour leur compte, s’ils trouvaient quelque chose à reprendre dans les institutions, n’ayant le droit de tenir de discours critiques que devant un magistrat ou un homme de leur âge 334 . À Magnésie, l’ambassadeur ne peut se contenter de rester silencieux car, sans doute, le législateur se rend compte de l’extrême curiosité qui anime les esprits dans la cité trop bien close. Ce discours imposé, cette expression publique prédéfinie, est donc un mensonge effectif. Évidemment, il a pour résultat de tarir toute curiosité intellectuelle et toute recherche morale dans une cité où seule la vérité officielle doit être reconnue. Cela peut conduire à l’expression d’un mensonge objectif, dont personne ne met, en fin de compte, la validité en doute et que tout le monde répète. D permet que l’on envisage la possibilité de réaliser le projet

d’un discours collectif homophonique, de faire que tous les citoyens, d’une seule voix, d’une seule bouche, proclament, comme cela se faisait à Sparte, que tout est excellent dans la cité, μιᾷ δὲ ϕωνῇ ϰαὶ ἐξ ἐνòς στόματος πάντας συμϕωνείν ὡς πάντα ϰαλῶς ϰεῖται 335 . Néanmoins, le mensonge est une sorte de dialogue et, par conséquent, il est producteur de dissociation, c’est par d’autres moyens que la cité doit découvrir son unité.

Inutilité du mensonge 82

La loi n’a qu’une fonction, construire un certain futur. Le succès est la norme unique et objective qui justifie l’existence et la nature de la législation. Le travail du nomothète concerne l’utile, l’utile ne se juge qu’en fonction du résultat à venir 336 , αἱ νομοθεσίαι ϰαὶ τò ὠϕέλιμον πέρι τò μέλλον ἐστί 337 . Ce que l’on appelle décision commune de la cité, δόγμα πόλεως ϰοινòν, qui est appelé, ἐπωνόμασται, νόμος à proprement parler, c’est, en fait, un jugement sur ce qui peut être bon ou mauvais pour elle, ὅ τί ποτ’αὐτῶν ἄμεινον ἤ χείρον 338 . Cela veut dire, de toute évidence que l’on est dans un système juridique non autonome. La valeur de la loi ne se peut comprendre que par insertion dans une chronologie qui lui échappe. On semble penser qu’elle doit agir dans un domaine objectif dont elle ne maîtrise pas les mécanismes et où elle n’apparaît pas nécessairement comme créatrice. Ordre elle est, futur elle doit construire. Le langage politique ne fonctionne de façon heureuse que par sa fonctionnalité. L’utile est fonction d’une appréciation qui finit par excuser l’emploi de tout type de pratique langagière, y compris le mensonge 339 . Tout le problème est de savoir, pourtant, si ce qu’elle aura décrété lui sera véritablement, πρòς ἀλήθειαν, utile. La seule vérité est, ainsi, celle de l’instrument de mesure, car la seule chose que l’on ne puisse pas décréter c’est l’effet concret de telle ou

telle mesure prise 340 . Ce pragmatisme atteindrait au véridique quand des gens possédant le savoir technique nécessaire, ἔντεχνοι, seraient dotés aussi de science, ἐπιστήμη, devenant capables de pratiquer au quotidien l’activité politique dans sa perfection idéale 341 . Mais cette capacité à la connaissance directe du vrai savoir et de l’art n’est pas habituelle et il faut donc que les hommes s’en tiennent à des médiations. C’est aux résultats effectifs de la pratique législative que l’on doit juger de la valeur d’une législation. Ceux-ci sont objectivement constatables, car il n’est qu’une chose que le langage politique ne puisse envisager de construire et la cité décréter, c’est justement ce que seraient les conséquences de ses décrets. Il n’est pas possible de se contenter de prétendre qu’ils sont utiles, s’ils ne le sont pas, πλὴν εἴ τις τò ὄνομα λέγοι 342 . 83

Le mensonge semble ne créer rien de fiable, encore faut-il savoir à quoi il peut bien servir. Le mot ψεῦδος serait l’opposé du mouvement, τοὐναντίον τῇ ϕορᾷ. Dans ce mot, nous verrions revenir les injures adressées à celui qui s’est arrêté et contraint au repos, il a été formé par comparaison avec les gens endormis, ϰαθεύδουσι 343 . Cette métaphore, qui doit avoir une origine militaire, pourrait témoigner de ce que le mensonge a pour fonction de figer une réalité qui dans la réalité de la vie ne cesse de se transformer. Dans le cadre du politique, il ne peut donc construire le futur comme il convient que cela soit fait. Si l’immobilité est, en revanche, considérée comme une vertu du politique, le mensonge n’est pas néanmoins efficace par lui-même. Le Sophiste montre que l’on peut construire en même temps du vrai et du faux sans qu’ils puissent être distingués, en fait la seule chose que produit le discours faux, c’est son apparence au point que tout s’emplit de simulacres et d’illusion, ἀπάτης οὐσης εἰδώλων τε ϰαὶ εἰϰόνων ἤδη ϰαὶ ϕαντασίας πάντα ἀνάγϰη μεστά εἶναι 344 .

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Il ne faut pas oublier, néanmoins, que, si le Cratyle 345 pose le problème du vrai en soi et du faux en soi, il faut, avant tout se poser la question des moyens de félicité qui font que le langage fallacieux est possible ou non. Comment il peut construire l’harmonie et l’immobilité, résultat que peut procurer son usage quand on refuse d’expliciter, ou que l’on nie ce que sont les différences réelles entre les gens et les choses. La réponse est évidemment politique, les cités construisent progressivement un langage commun à leurs membres mais spécifiques par rapport aux autres 346 . En fait, si dire, c’est faire 347 , la cité platonicienne peut devenir un concert de paroles désinsérées de toute référence au réel objectif mais utiles, selon d’autres critères de référence.

La magie du discours collectif 85

Platon veut que la cité vive de sa propre parole, en cela la cité créée par l’instance fondatrice, existe de ce qu’elle produit le discours dont le mode de production lui est proposé par le législateur. Le mécanisme institué de cette façon doit suffire à construire un réel politique, sans qu’il y ait besoin de se préoccuper du sens de ce qu’il énonce, il exprime et réalise l’unité de la cité dont il est bien considéré comme évident qu’elle est le plus grand des biens, l’État le mieux gouverné étant prétendu être celui qui se rapproche le plus du modèle de l’individu. Il faut que l’ensemble des citoyens ne fassent qu’un seul corps, ce qui implique qu’ils n’aient qu’un seul langage, un seul mot à la bouche, et un seul point de référence. Il faut que se construise une cité où l’on sera arrivé à rendre commun même ce qui par nature est personnel, où tout peut être commun aux citoyens, yeux, oreilles et mains, de telle sorte que tous aient l’air de voir, d’entendre, d’agir en commun de telle sorte que tous,

autant que possible, louent et blâment d’une seule voix, ἐπαινεῖν τ’αὐ ϰαὶ ψέγειν ϰαθ’ἔν ὅτι μάλιστα σύμπαντας 348 . Tout échange langagier paraît impossible mais cela n’est pas censé empêcher la réussite du projet, au contraire 349 .

Unité politique 86

Dans la cité de la République, les jeunes gardiens sont invités à désigner des noms de père et de mère l’ensemble des adultes 350 . Cela n’est pas, à proprement parler, une fiction langagière puisque les liens de parenté sont eux-mêmes fictifs dans la cité et n’importe lequel des enfants peut penser être le fils de n’importe quel citoyen et de n’importe quelle femme. Platon sait que les simples mots "ceci est à moi", "ceci n’est pas à moi" peuvent, selon la façon dont ils sont employés, détruire ou aider à construire l’unité politique. Ils n’ont pas même signification s’ils sont prononcés pour désigner les mêmes choses, au même moment par des gens vivant en communauté ou dans le cadre d’une cité où est admise l’appropriation familiale ou individuelle des biens, et où les enfants vivent en compagnie de leurs parents biologiques. Revendiquer la propriété exclusive de ce qui peut être possédé peut être destructeur du politique, quand le discours débouche sur une prise en main effective et exclusive de l’objet désigné, surtout s’il est, par ailleurs, réclamé par autrui. Cela peut, au contraire, permettre de construire l’unité de la cité, si chacun admet que le prononcé des mots suffit à réaliser le processus d’appropriation. L’unité se découvre, non seulement dans le refus de l’exclusivité, faisant de la cité une famille où le père de chacun des enfants est évidemment le père de toute la fratrie, les biens non partagés sont, de même, possession personnelle dans le cadre communautaire. Le régime démocratique est celui du chacun pour soi 351 , la timocratie celui de l’ombre où se cachent

des trésors cachés à tous les regards, les maisons y sont comme des nids où l’on se retranche pour essayer d’échapper au regard de la loi 352 . Dans la cité idéale, les biens sont vraiment communs et sont dits par chacun propriété de chacun. Jamais cela ne conduit à un rapport personnel exclusif à l’objet, le jeu du mien et du tien est vidé d’une partie de son sens ordinaire par les gardiens à qui l’on refuse tout droit à l’appropriation de quoi que ce soit 353 . 87

Le "mien" de chacun désigne tous les partenaires du champ discursif. Ainsi, ils disent tous la même chose des mêmes objets et chacun emploie les mêmes mots en leur donnant le même sens, τò αὐτò ϰατὰ ταὐτὰ λέγουσι 354 . Ces désignations, ϕῆμαι, chantent à leurs oreilles, ὑμνήσουσιν περὶ τὰ τῶν παίδων ὦτα, elles deviennent les leurs puisqu’ils finissent par les avoir à la bouche, διὰ τῶν στομάτων 355 , et elles se traduisent sans difficultés en actes, ἔργοι. La notion de mien et de non-mien devient subjective, les plaisirs même et les peines de chacun deviennent communs à tous et que chacun l’exprime par une formule où la référence à soi paraît nécessairement collective, quand la cité va bien ou mal, chacun sait que ce sont ses propres affaires qui sont en bon ou mauvais point, τò ὅτι τò ἐμòν εὖ πράττει ἤ ὅτι τò ἐμòν ϰαϰῶς 356 . Ainsi, les citoyens participent-ils au même intérêt commun, et ils signifient qu’il est bien le leur, ὅ δὴ ἐμòν ὀνομάζουσιν, et cette participation entraîne une plus complète communauté de peine et de plaisir, unité de sentiment qui procure, à l’État, le plus grand bien 357 .

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Pour désigner ce qui leur est propre, un bien d’usage ou un sentiment, les gardiens doivent employer, tous, le même mot, "le mien". Pourtant, la première personne du singulier ne doit pas seulement exprimer un rapport à soi et doit admettre que, dans son rapport à un même objet, tout autre camarade soit inclus dans le champ référentiel. La première personne n’est pas, ainsi, exclusive

de toutes les autres, le mien est nécessairement tien et sien, il est d’ailleurs, aussi, tout aussi bien, le nôtre. Le fait, en effet, que Socrate n’envisage que l’usage du seul singulier pour le possessif récuse, même, l’idée qu’il doive exister une instance qui serait constituée de l’addition d’individus associés les uns aux autres, naissant secondairement au collectif de l’emploi d’un pluriel, ἡμέτερος. Le discours de la cité parfaite est, ainsi, construit de telle sorte qu’il ne puisse déboucher sur la constitution de la personne, ni, par conséquent, sur quelque possibilité de dialogue entre des individus auxquels on refuse même le droit de se dire partie d’un collectif. On le comprend, sans peine, de l’usage qui est fait de la métaphore de la cité présentée comme un homme. Chacune des parties du corps se dissout dans l’unicité de l’ensemble qui souffre, ou prend plaisir, en un lieu spécifique, le doigt, par exemple, τòν δάϰτυλον ἀλγεῖ. Les éléments ne se connaissent, en fait de capacité à vivre dans un rapport de communauté, que leur association à l’âme qui garantit, seule, la cohésion des réactions de l’ensemble. Elle est dotée du pouvoir d’organiser la diffusion des sensations dans l’ensemble qu’elle commande, ἡ ϰοινωνία ἡ ϰατὰ τò σῶμα πρòς τὴν ψυχὴν τεταμένη εἰς μίαν σύνταξιν τὴν τοῦ ἄρχοντος 358 . Le philosophe, qui a construit les modalités de ce langage, peut seul en comprendre le sens caché, le mien n’est devenu le sien de chacun que dans un système qu’il est seul à maîtriser et à contrôler. Il transmet la douleur du doigt dans l’ensemble des parties d’un corps qui désormais souffre tout entier avec la partie blessée, πᾶσα ἄµα ξυνήλγησεν μέρους πονήσαντος ὅλη. Le jeu d’un discours, qui accepte de renoncer à toute revendication au soi dans la multiplicité de formulations homophones, est le moyen qu’il a découvert pour construire une cité parfaitement unifiée. Ce discours n’a pas d’autre cadre que celui qui a été défini par le véritable maître de la cité. Ce

type de langage ne peut avoir de signification, en effet, que dans un système de niveaux qui ne peut être connu que par celui qui les a institués comme l’instrument de l’exercice d’un pouvoir qu’il prétend altruiste, mais nécessaire. Il joue de la capacité des hommes à s’instituer par le discours en tant qu’individus pour leur faire dire l’inverse de ce qu’ils peuvent prétendre naturellement vouloir signifier. Il faut, pour aboutir à ce résultat, un minimum de technique. 89

La cité peut construire une parole efficace qui soit une parole magique 359 , dont le prononcé suffise à la rendre telle qu’on la souhaite. On peut apprendre à verser aux oreilles des jeunes des paroles ensorcelantes qui les rendent tels que l’on souhaite qu’ils soient 360 . Tant que l’incantation reste dans le champ de la persuasion sophistique, elles restent du domaine des prologues qui tentent de tourner les esprits des citoyens vers la loi 361 , mais, devant une telle rhétorique il semble que chacun soit seul. L’essentiel est de faire en sorte que les paroles prononcées deviennent le discours de chacun, et que la cité toute entière ne cesse de s’enchanter elle-même, ὅλῃ τῇ πόλει ὅλην τὴν πόλιν αὐτὴν αὐτῇ ἐπάδουσαν µὴ παύεσθαι 362 . Pour que le discours cesse de faire exister l’individu, il faut lui donner une évidence collective dont l’homophonie passant pour symphonie harmonique paraîtra suffisante à l’expression collective, et référence nécessaire à toute expression individuelle. C’est au contrôle de ce langage que le politique doit s’investir pour que la cité vive 363 .

Les chœurs 90

Le moyen de faire que le discours, au moins public, de chacun soit vraiment celui de la cité toute entière est d’en faire la parole de chœurs qui parlent en son nom et pour elle. Chacun y disparaît en

tant qu’individu et le jeu dialogique y est perverti. Le législateur veut que ceux-ci soient au nombre de trois 364 pour correspondre aux trois âges de la vie sociale et politique 365 . Il doit y avoir celui des enfants, celui des hommes de moins de trente ans, celui des hommes plus âgés qui auraient tendance, s’ils étaient laissés à leur timidité naturelle, à ne se manifester qu’en petit comité et après boire et dont le chant doit être, donc, consacré à Dionysos 366 . Les jeunes sont les premiers à chanter et ce sont eux qui semblent avoir le plus à dire, il leur faut signifier que la vie la plus agréable est la vie la plus vertueuse, τòν αὐτòν ἤδιστον τε ϰαὶ ἄριστον βίον 367 , ils chantent pour toute la cité avec tout leur cœur, ἁπὰση σπουδῇ ϰαὶ ὅλῃ τῇ πόλει. L’idéologie qui arme le projet prétendant fonder Magnésie trouve paradoxalement son expression dans le chant de ceux qui n’ont pourtant pas voix dans le champ du politique, il y a dans le jeu du magistrat un détour qui lui fait enchanter la cité par le biais de la jeunesse qui finit par donner le ton aux vieux. Même si cela n’a pas de rapport direct avec cette thématique, on doit constater que cela correspond, d’une certaine façon, à ce que la cité nouvelle de la République doit être construite par la déportation de la génération des adultes, de telle sorte que des sages aient la possibilité d’éduquer, comme il convient, sans qu’ils y participent le moins du monde, les enfants qu’ils auraient produits 368 . Le chœur des moins de trente ans semble n’avoir rien à dire. La seule chose que ces jeunes hommes aient à faire est de prendre à témoin Apollon de la véracité de ce que les plus jeunes sont en train de chanter et de le prier de leur être favorable pour qu’ils soient persuasifs, τόν τε Παιᾶνα ἐπιϰαλούμενος μάρτυρα τῶν λεγομένων ἀληθείας πέρι ϰαὶ τοῖς νέοις ἴλεων μετὰ πειθοῦς γίγνεσθαι ἐπευχόμενος 369 . Leur groupe n’a qu’une fonction purement procédurale, la cité dans son âge parfaitement opérationnel au plan militaire, mais n’ayant pas

encore découvert la sagesse des plus anciens qui ont besoin du vin pour être éloquents, n’a pour fonction que de sanctionner un discours dont il ne prend pas la responsabilité. Les plus anciens 370 de trente à soixante ans, sont le meilleur de la cité, τò ἄριστον τῆς πόλεως, ils sont les plus dignes de confiance d’entre les citoyens et détiennent en maître exclusifs le secret des chants les plus utiles et les plus beaux, ὅ ϰυριώτατον ἄν εἴη τῶν ϰαλλίστων τε ϰαὶ ὠϕελιμωτάτων ᾠδῶν 371 , mais ce qu’ils savent dans la Crète dont il faut accepter le modèle en le perfectionnant 372 , n’est rien d’autre que ce qu’ils ont appris à chanter quand ils étaient adolescents, oἴδε οὐϰ ἄλλην ἄν τινα δυναίμεθα ᾠδήν ἤ ἤv ἐν τοῖς χοροίς ἐμάθομεν συνήθεις ἄδειν γενόμενοι 373 . Quant au hommes de plus de soixante ans, ils n’ont plus à chanter mais doivent se consacrer à raconter des histoires en jouant le rôle de mythologues, leur discours se fondant sur la ϕήμη, θεία ϕήμη, leur mode de validation du discours collectif empruntant des voies différentes de celles qu’utilisent les plus jeunes de trente à soixante ans mais sont tout aussi efficaces 374 . La fonction de ces chœurs est d’enchanter les âmes jeunes et tendres des enfants. ἐπάδειν ἔτι νέαις οὐσαις ταίς φυχαίς ϰαἱ ἁπαλαῖς τῶν παίδων. Par le seul mouvement du chant 375 et les sons qui lui sont propres 376 , l’incantation suffit à persuader. Le travail des auteurs est de signifier ce que peuvent penser et ressentir les gens convenables, sans jamais changer de forme d’expression pour éliminer toute ouverture vers une recherche, qui serait nécessairement désordonnée, des plaisirs 377 . L’enchantement de la cité, par elle-même, est considérée comme souhaitable, alors que se soumettre à l’envoûtement procuré par le sophiste serait inopportun. C’était d’ailleurs, une pratique que les Athéniens euxmêmes, si soucieux, pourtant, de paraître ne se soumettre aux dictats de leurs orateurs que pour avoir été convaincus en raison, ne

récusaient pas. L’auteur prétendu de l’oraison funèbre du Ménéxène accepte, ironiquement peut-être, de s’en tenir au système proposé comme utile à Magnésie, en acceptant que ce genre de cérémonie serve simplement à enchaîner les âmes, γοητεύουσιν ἡμῶν τὰς ψυχάς 378 . Cela semblant signifier, s’il en était besoin, combien la cité grecque ou bien le rêve que l’on fait de sa perfection possible est le même quels que soient les régimes envisagés. 91

Les paroles n’ont pas à avoir de sens spécifique. Pour Platon, le rythme est spécifique de la parole humaine, organisant la succession des lettres et des syllabes, il participe de la capacité imitative qui permet au discours d’être représentation, de même que le choix des teintes par un peintre et leur mélange n’est rien sans leur capacité à être associés 379 , la musique est en cela peinture 380 . Il faut admettre néanmoins que sa pratique dans l’exercice de la danse, ainsi que celle de l’harmonie 381 n’est pas de l’ordre de l’acquis naturel comme celle de la langue maternelle. Platon insiste sur ce point dans le Protagoras 382 en montrant comment le maître devra imposer le mouvement réglé aux jeunes corps, en même temps qu’il leur apprendra à écrire en traçant des lignes qui guideront leurs gestes 383 .

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La pratique des chœurs construit une rythmique et une harmonie qui témoigne d’abord de la cohésion spontanée du groupe. Hommes ou femmes sont associés dans un bonheur qui doit correspondre à leur nature profonde comme le laisse entendre Platon quand, dans le jeu d’une étymologie cratylique qui associe le mot choros au mot chara qui signifie joie 384 , il prétend faire admettre qu’il est un nom du langage naturel, emphyton onoma. Ce caractère originel, et non conventionnel, de la dénomination est d’ailleurs étendu 385 au nom des diverses danses, pour peu qu’elles soient convenables. Admettre la qualité de l’éponymie est reconnaître que danse et société se sont

construites du même mouvement. La symphonie des voix des membres de la cité réunis dans l’expression des mêmes sentiments assure la cohésion synchronique du groupe. Le législateur n’a plus ainsi qu’à trouver le moyen d’en assurer la perpétuation puisque la perfection de la cité réside dans sa capacité à vivre sans histoire. Dans le pays d’Égypte où rien n’a jamais changé depuis des millénaires 386 , il avait été possible de "donner valeur légale" aux airs dont l’origine remontait aux enseignements d’Isis et ériger en "système", taxis, les rythmes justes et qui, par le fait même, étaient conformes à la nature. De semblable façon, il faut que le législateur sache connaître ce que sont les chœurs, quelle danse doit correspondre à chaque moment du sacré 387 et impose que l’on ne change jamais rien à la tradition, de telle sorte que "passant leur vie de la même façon dans les mêmes plaisirs, cité et citoyens demeurent les mêmes, et se ressemblant autant que faire se peut, vivent comme il faut dans le bonheur" 388 . La valeur performative de l’expression chorégraphique est assurée par le fait que "nous nous réjouissons quand nous nous croyons dans la prospérité, mais quand nous nous réjouissons, à l’inverse, nous nous croyons dans la prospérité" 389 , la danse n’est pas ainsi, seulement, l’expression du bonheur politique, elle en est la condition. La voix du chanteur, le geste danseur modèle celui qui l’accomplit. De même la pratique artisanale contraint le corps de l’artisan qui n’a pas de place active dans la cité parce que son âme finit par ressembler à l’image de son corps déformé par le travail. Il paraît évident que le fait de se faire plaisir fait paraître semblable aux causes mêmes de son plaisir, ὁμοιοῦσθαι ἀνάγϰη τòν χαίροντα ὁποτέροις ἄν χαίρη 390 , on devient honorable de s’amuser de ce qui est défini comme tel. L’intérêt de la pratique de la danse est qu’elle sert à façonner les corps et, par voie de conséquence immédiate, les âmes des citoyens.

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Un idéal musical donne à la pratique des chœurs une réelle valeur éducative 391 et conduit vers la beauté, tout mouvement qui participe du rythme permettant d’accéder à une grâce qui naît de "sa lenteur opportune" 392 . Cette modération dans l’expression de la joie, qui doit se manifester dans l’exercice de la danse, est justement ce que permet l’éducation et la soumission à l’ordre, elle est la caractéristique des gens convenables 393 , même si l’on s’aperçoit que certains cherchent, par trop de personnalité, à échapper au cadre que délimitent les convenances. On le sait de l’exemple bien connu d’Hippocleidès qui commençant à se mouvoir sur le rythme auguste de l’emmelie, finit par danser la tête en bas en montrant ses jambes, cela lui fit manquer son mariage avec la fille du tyran de Sicyone mais il prétendit n’en avoir cure 394 . Seuls sont autorisés les gestes qui peuvent convenir à des citoyens vivant sous de bonnes lois 395 . La pratique de l’orchestique est ainsi le moyen de donner à voir la société, non pas tant dans son unité que dans les limites qu’elle s’accorde.

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Le chœur est à la fois, ainsi, destinataire et destinateur de ce qu’il chante, il s’enchante lui-même selon les règles posées par le législateur, mais il sait aussi pouvoir enchanter la cité dans son ensemble, ᾀσόμενος ὅλῃ τῇ πόλει 396 . Toute entière, celle-ci prend part à sa prestation, le fait d’être spectateur, de regarder et d’écoutert 397 , n’excluant jamais le devoir de participer activement au jeu. On peut penser que la cité unitaire développe l’essentiel de son discours en circuit fermé, de la rumeur dont nul ne sait où elle naît jusques aux chœurs qui se parlent, ainsi, à eux-mêmes. Dans la cité platonicienne il n’y a pas de parole puisque l’essentiel du discours public se replie sur lui-même, et tous les discours se reprennent les uns les autres. Le problème de la parole dans la cité platonicienne est que nul ne sait d’où elle vient ni ce qu’elle dit.

C’est une parole circulaire, les destinateurs en sont, par le biais de son mécanisme même, les seuls auxquels elle parle, si elle naît dans une troisième personne, celle-ci ne peut découvrir un auteur qui la fonde. La recherche d’une légitimité aboutit à la dilution même de la notion de groupe, ou à l’instauration d’un totalitarisme d’autant plus sournois qu’il semble récuser la possibilité même que le pouvoir ait un visage puisque l’existence d’une source possible du discours politique est continuellement récusée au nom de l’unanimisme. 95

Le législateur accepte ainsi de se contenter de rechercher le moyen quel qu’il soit, ὅντινά ποτε τρόπον, non pas de construire le bien, de découvrir la vertu, mais tout simplement d’accéder à l’unité homophonique, ἔν ϰαὶ ταὐτòν ὅτι μάλιστα ϕθέγγοιτ’ἀεί διὰ βίου παντòς ἔν τε ᾠδαῖς ϰαὶ μύθοις ϰαὶ λόγοις 398 . Il semble que le moyen ait supplanté la fin, la cité n’a plus de fonction justifiable, l’organisme s’organise pour sa propre survie et non pour ses fins. Le moyen est essentiellement la maîtrise de la parole, qui est seule préparée. L’outil prend le pas sur l’objet qui disparaît derrière lui. Il ne reste rien en fait du projet sinon un objet qui n’est même pas capable de conduire ses membres vers la vertu puisque, dans les enfers, les gens qui viennent des états bien gouvernés ne savent rien souvent de la morale, ils ont vécu dans l’habitude et non la philosophie ou simplement la sagesse 399 .

NOTES 1.Lois 790a. 2.Lois 788a. 3.Lois 790a. Cette incidente montre que la nourrice, personnage ordinaire de l’épopée et des tragédies, n’est pas dans la maison un personnage muet, son rire doit donner quelque fraîcheur à la maison rigoriste que construit la cité platonicienne. L’intérêt de cette remarque de Platon est de montrer que tout philosophe qu’il soit, il reste, comme Socrate, le témoin attentif de son temps. On doit comprendre dans son rapport à l’Économique de Xénophon l’idée selon laquelle les Athéniens "enfermaient leurs richesses entre quatre murs pour les confier à l’administration des femmes", en Lois 805e, noter l’usage du verbe διαταμιεύειν pour indiquer que leur charge ne se limite pas à la durée normale d’une magistrature. 4.République 424e. Lois 856b montre comment celui qui prétend soumettre les lois aux pouvoirs des hommes finit par rendre la cité esclave de ses compagnons et suscite la guerre civile au mépris de la légalité, ὅς ἄν ἄγων εἰς ἀρχὴν ἀνθρώπων δουλῶται μὲν τοὺς νόμους, ἑταιρίας δὲ τὴν πόλιν ὑπήϰοον ποιῇ, ϰαὶ βιαίως δὴ πᾶν τοῦτο πράττων ϰαὶ στάσιν ἐγείρων παρανομῇ.... cela signifie bien que le mot παρανομεῖν peut aussi avoir le sens de "agir contre les lois positives". 5.Lois 805d. 6.Lois 942c-943a. 7. Xénophon, Constitution des Lacédémoniens, 2, 10. 8.Lois 788a-b, voir République 425a-c. Aristote présente le problème sous un autre angle et propose diverses anecdotes illustrant le fait que des modifications législatives d’apparence anodine peuvent avoir de grandes conséquences ou que des conflits futiles naissant au sein de la classe politique peuvent conduire à de véritables révolutions, Politique 1307a40-b5 que l’on doit mettre en rapport avec 1303b17. En  1307b30 ainsi que 1302b4, il est néanmoins assez proche de ce que Platon signifie quand, dans République 424d, il indique que le mépris des lois s’insinue facilement sans que l’on s’en aperçoive, παρανομία ῥαδίως αὓτη λανθάνει παραδυόμενη. 9.Lois 788c. 10.Lois 659a-c. A. Laks, "Raison et plaisir, pour une caractérisation des Lois de Platon", dans La naissance de la raison en Grèce, édité par J.-F. Mattéi, Paris, 1990, p. 291-303 11.Lois 700e. 12.Lois 701b-c. 13.Lois 788c. Le législateur ne peut se taire parce qu’il constate que tels actes qui le révulsent sont commis, il les qualifient de faute mais la loi la loi semble n’exister que par réaction.

14.Lois 838d : on notera sans imaginer qu’il puisse avoir raison que cette évidence physique apparaît si surprenante à England qu’il préfère croire que le mot ἀναπνείν pourrait signifier "form an idea of’, "dream of", et doit imaginer que le παρὰ τòν νόμον est "an epexegetic tautology— conversational for ἄλλως ἤ παρὰ τòν νόμον. 15.Lois 631a-632e. 16.Lois 713e. 17.Lois 632b. 18.République 425a. Voir R. W. Wallace. "Damone di Oa ed i suoi successori, un’analisi delle fonti", dans Harmonia Mundi, éd. R. W. Wallace et B. MacLachlan. Rome, 1991, p. 30-53, et R. W. Wallace, "Private lives and public enemies : freedom of thought in classical Athens", dans Athenian identity and civic ideology, éd. A. L. Bœgehold et A. C. Scafuro, Baltimore, 1993, p. 127154. 19.Lois 793d. Lire S. Tzitzis, "Nomos et Thé sis : : expression du langage juridique, de la Polis au cosmopolitisme", Langage et droit à travers l’histoire réalités et fictions, Leuven-Paris, 1989, p. 53-70. 20. Pour une bonne analyse distinguant les faux bruits et la "bonne rumeur", voir M. Detienne, L’écriture d’Orphée, Paris, 1989, p. 135-145. Une glose à Lois 624a. définit la ϕήμη par rapport au λόγος et lui attribue une puissance particulière de ce que son destinateur est inconnu : διαϕέρει λόγος ϕήμης’ὁ μὲν γὰρ δῆλος γίγνεται ϰαὶ ὑϕ’oὖ ϕέρεται, ἡ δὲ ἄγνωστον ἔχει τὴν ἀρχήν. 21. Eschine, Contre Timarque, 127. J. Ober, Mass and elite in democratie Athens, Princeton, 1989, p. 148, évoque dans un chapitre intitulé "Rumor", "the « everyone knows » topos. The topos created the fiction that the entire polis was the sort of face-to-face community that in reality existed only at the level of the demes... was linked to egalitarian ideology". V. J. Hunter, Social control in the attic lawsuits, 420-320 b.c., Princeton, 1995, évoque ce qu’elle appelle "Gossip" comme étant un mode de contrôle social. Voir aussi "Private lives and publics ennemies  : freedom of thought in classical Athens", dans Athenian identity and civic ideology, édité par A. L. Bœgehold et A. C. Scafuro, Baltimore, 1994, p. 127-155. 22. Eschine, Sur l’ambassade infidèle, 145, il existe ainsi une rumeur publique à laquelle il est opportun de faire des sacrifices, ἡ ϕήμη δημοσία. Ce texte doit être analysé en parallèle avec Démosthène, Sur l’ambassade, 244. 23. Démosthène, Sur l’ambasade, 145. 24. Eschine, Contre Timarque, 131, dans Sur l’ambassade infidèle, 99, cette épiclèse devient ἡ ἀρχαία ἐπωνυμία et se valorise de son antiquité. 25. Eschine, Sur l’ambassade infidèle, 99. 26.Lois 932a. Le texte cité ici est une correction absolument indispensable de ce que l’on trouve dans les manuscrits, ϕήμη ϰωϕή, la justification en est donnée et commentée par England qui montre bien par ailleurs quelles sont les références poétiques de ϰατέχοι ϕήμη. 27.République 415c.

28.Lois 838b. Les exemples choisis pour illustrer la prohibition de l’inceste montrent bienn néanmoins, que c’est lors du passage de l’ombre à la lumière que les coupables se rendent compte de la gravité de leurs actes et se suicident. μειχθέντας λαθραίως, ὀϕθέντας ἑτοίμως θάνατον αὐτοῖς ἐπιτιθέντας. 29.Lois 838d, 839c, M. Detienne, L’invention de la mythologie, Paris. 1981. p. 173 et suivantes a analysé de quelle façon il pouvait le faire. Voir aussi, du même auteur, L’écriture d’Orphée, Paris, 1989, p. 136-145. 30.Lois 839c. 31. Mot impliqué par le μηδαμῶς ὅσια de Lois 838b. 32.Lois 838e. 33. Dans République 415c-d, pour faire croire à la validité du mensonge de la race d’or et il est bien précisé qu’il faut faire intervenir la rumeur. Le mythe fera son chemin comme il plaira à la rumeur de le conduire, τοῦτο δὴ ἔξει ὅπῃ ἄν αὐτò ἡ ϕήμη ἀγάγῃ. Elle doit le diffuser et s’il lui est impossible de convaincre la génération actuelle, sa puissance lui permettra de s’imposer auprès de leurs enfants. 34.Lois 838c-d, voir République 605b-c. 35.Lois 840b-c. 36.Lois 840d condamne la perversité du grand nombre pour essayer de promouvoir une morale naturelle que respecteraient les animaux décrits comme continents et chastes. 37. Aristote, Politique, 1269a20. M. Bertone, "Il giureconsulto e la memoria", Quaderni di Storia, 20, 1984, p.  223-225. du même auteur. "Il tempo e la memoria", Technica e ideologia della giurisprudenza romana. Voir dans Continuità e Trasformazioni fra Repubblica e Principato a cura di M. Pani. Bari. 1991, les articles de M. Bertone, "Il tempo e la norma" et, de I. Labriola, "La legge del tempo e il tempo della legge". 38. Voir, dans M. Sordi éd., Aspetti dell’opinione pubblica nel mondo antico, Milan, 1978, G. Reale, "Il concetto di opinione, doxa ", p. 7-32, qui explique Ménon 97a-98a-e, le mettant en parallèle avec République 476e-478d. 39.On lira le livre de D. L. Cairns, Aidôs, The Psychology and Ethics of Honour and Shame in Ancient Greek Lite rature, Oxford, 1993, quelque décevant que soit le Chapitre 6, 3, "Doing wrong in secret : Shame culture versus Guilt culture". Les repas publics ne semblent pas jouer de rôle dans la diffusion de la rumeur publique, si l’on s’en remet à la tradition ancienne. Les sources concernant les syssities Spartiates en sont un des témoignages. Pour Xénophon, elles sont le lieu où tout se dit en public, République des Lacédémoniens, III, 2sq„ εἰς τò ϕανερόν ἐξήγαγε τὰ συσϰήνια, et, ainsi, il s’y construit la norme sociale par le prononcé de l’éloge des belles actions. Plutarque, au contraire évoque les railleries qui sont la règle des échanges entre les commensaux, dont il semble qu’elles puissent être mal reçues malgré leur caractère formateur, Propos de table, II, 2, or rien de ce qui se dit à table ne doit être répété au dehors, Vie de Lycurgue, 12, 8. Plutarque s’insurge contre cette clôture, l’un des buts de la publication de ses Propos de table est justement de leur donner publication, ἐξαγωγή, Propos de table, 7, 1,

697e. Platon sait que la rumeur, qui raconte les premiers malheurs de Dionysos, semble recommander les beuveries agitées, Lois 672b, et lui-même en a fréquenté qui le furent parce c’est la règle ordinaire, Lois 639d. Il lui paraît plus raisonnable de mettre de l’ordre dans les discours qui s’y tiennent, τάξις ϰαὶ τò ϰατὰ μέρος σιγῆς ϰαὶ λόγου ϰαὶ πόσεως ϰαὶ μούσης ὑπομένειν, Lois 671c, et d’en laisser la direction à un homme de sens, Lois 640d, ou au groupe des plus sages. Il ne dit rien des thèmes des discours tenus et il ne se risque pas à indiquer quel profit il y trouve pour l’éducation des citoyens, Lois 64 ld. P. Schmitt-Pantel, La cité au Banquet, Rome, 1992, évoque les données platoniciennes, p. 235 et suivantes. 40.Lois 647b. 41.Lois 916d. Eschine se contente d’opposer une majorité qui reprend un bruit et l’avalise à l’expression de l’opinion d’un homme seul qui n’a aucune valeur et peut valoir une accusation en retour pour dénonciation calomnieuse. Sur l’ambasssade infidèle, 145. 42. Démosthène envisage de considérer comme légitime et fondée la rumeur universelle, Sur l’ambassade. 244. 43.Lois 850e. 44.Lois 671b. 45.République 549d-550b. 46.République 560b. Ce passage doit être mis en parallèle avec les réflexions que Thucydide développe sur la guerre civile, Guerre du Péloponnèse, III. 82-83. C’est essentiellement le jeu des interventions extérieures qui provoque la corruption du discours politique et moral. Sur ce texte, voir N. Loraux, "Thucydide et la sédition dans les mots", Quaderni di Storia, 23, 1986, p. 95-134. Sur un programme de clôture de la cité, voir J.-M. Bertrand, "Langage et politique : réflexions sur le traité pseudo-xénophontique De la République des Athéniens ", Langage et Société, 49, 1989, p. 25-41. 47.Lois 647b. 48. N. Loraux, L’invention d’Athènes, 2ème édition, Paris, 1993. p. 182 : la soumission à ce type de leçons aurait supplanté "la vertu aristocratique de l’aidôs". 49.Lois 838d, ϰαὶ ὅλῃ τῃ πόλει doit être compris comme étant le résumé de l’énumération qui précède, la cité est une réalité englobante, le contenu en est défini selon des critères qui sont juridiques autant que biologiques comme on s’en aperçoit dans 665c, τò δεῖν πάντ’ἄνδρα ϰαὶ παίδα, ἐλεύθερον ϰαὶ δοῦλον. θῆλυν ϰαὶ ἄρρενα, ϰαὶ ὅλῃ τῇ πόλει ϰτλ.... 50.Lois 808a. 51. Démosthène, de la même façon, insistait sur l’universalité de la rumeur quand il signalait à Eschine que c’est la terre entière qui peut témoigner de sa corruption et que ce témoignage doit être reçu comme légitime, "il n’est pas un Grec, pas un Barbare pour ne pas dire que vous avez touché de l’argent à la suite de votre ambassade", Sur l’ambassade, 244. 52. Voir Ed. Lévy, "Cité et citoyen dans la Politique d’Aristote", Ktèma, 5. 1980, p. 223-248. 53. J. Ducat, Les hilotes, BCH, Supp. 20, Athènes, 1990.

54. On sait que l’on peut prétendre qu’il existe une loi commune aux hommes. Lois 845a, 913c et 914b, 953e. 55. Les quelques pages que M. Piérart a consacrées au statut des esclaves sont volontairement très allusives, Platon et la cité grecque, Bruxelles, 1974, p. 85-86. Il faut donc continuer de lire G. R. Morrow, Plato’s law of slavery in his relation to Greek law, 1939, en particulier pour notre propos son chapitre V. "The legal capacity of slaves". 56.Lois 937a-b, voir L. Gemet, "Aspect du droit athénien de l’esclavage" dans Droit et société en Grèce ancienne, Paris, 1964, p. 151-172 (notamment p. 152-153) et l’introduction du texte des Lois dans la collection Budé p.  CXLVII. Il est tout aussi important de souligner que l’indépendance potentielle de l’esclave devant le tribunal est reconnue par le fait qu’il doit fournir une caution personnelle, nulle part il n’est dit que le maître doive être cette caution garantissant la venue attendue de son serviteur. On retrouve le même problème en Lois 954e : personne n’a le droit de s’opposer à la comparution en justice d’un esclave qu’il soit le sien ou celui d’autrui, il n’est pas question que la violence que l’on pourrait faire à un esclave pour le priver de son droit d’accès au tribunal implique son maître qui, en tant que propriétaire, pourrait considérer que cette violence faite à son serviteur est un outrage s’adressant à lui. 57.Lois 932d. 58.Lois 881c. 59.Lois 914a : on peut se demander bien évidemment qui aurait pu avoir intérêt à dénoncer un esclave qui n’aurait pas dénoncé celui qui se serait approprié un trésor. Il existe une curieuse inconséquence dans la loi, ainsi l’esclave dénonciateur est affranchi et la cité paie à son maître une compensation financière, en revanche, il n’est pas question de cette indemnisation quand l’esclave est condamné à mort. 60. Voir nos "Conclusions" aux travaux du Congrès Le Quatrième siècle grec avant Jésus-Christ. Approches historiographiques, Nancy, 28-30 septembre 1994, nous avons essayé d’analyser une étude de M. Gagarin, publiée dans les actes du congrès et et reprise sous une forme plus développée dans Classical Philology. 91, 1996, p. 1-18. Celui-ci a montré que l’on ne soumettait jamais à la torture un esclave pour valider son témoignage bien que ce fût une procédure prévue par la loi. Le fait de revendiquer l’application de la question suffisait à donner statut recevable aux témoignages des esclaves que nul ne tenait à voir effectivement martyriser, car on savait qu’ils n’étaient pas moins hommes que leur maître. 61. Lois 914a. Témoigner est imposé à tout homme libre qui n’a pas été convaincu, par deux fois, de faux témoignage, Lois 936e-937a et 937c. 62. Voir V. Goldschmidt, "Théorie platonicienne de la dénonciation". Questions platoniciennes, Paris, 1970, p.  173-201. Lois 730d distingue entre le dénonciateur ordinaire et celui qui est capable d’empêcher que le crime soit commis en dénonçant préalablement qui serait en situation de le commettre, ἐπιτρέπων τοῖς ἀδιϰοῦσιν ἀδιϰεῖν... μηνύων τὴν τῶν ἄλλων τοῖς ἄρχουσιν ἀδιϰίαν. 63.IIIème philippique, 9, 3.

64. Platon ne se fait pas faute de le dénoncer, voir J.-M. Bertrand. "Langage et politique  : réflexions sur le traité pseudo-xénophontique De la république des Athéniens", Langage et Société, 49, 1989, p. 25-41. 65. C’est ce que montre V. J. Hunter, Social control in the attic lawsuits, 420-320 b.c., Princeton, 1995. 66. Voir J.-M. Bertrand, "Sur la place des esclaves dans la cité des Magnètes", I Congreso internacional de pensamienton classico, Las Leyes de Platon y su signification histôrica, Salamanque, novembre 1998, à paraître 67. Voir 932d, il est prévu que les magistrats doivent veiller à ce que nul ne les maltraite quand ils ont dénoncé quelqu’un. 68.Lois 872c, dans la cité d’Athènes le maître qui avait tué son esclave échappait selon toute vraisemblance à tout châtiment dans la mesure où seul un parent de la victime pouvait intenter un procès, voir A. Tulin, Dik’e phonou, The right of prosécution and attic homicide procedure, Stuttgart, 1996. Bien évidemment un esclave n’avait pas de parent, ni de répondant si ce n’est justement son maître. 69. Voir F. Gény, Science et technique en droit privé positif, Paris, 1914-1924, Tome III, Chapitre septième, "Présomptions (de droit) et fictions envisagées comme moyens de la technique juridique", R. Dekkers, La fiction juridique. Étude de droit romain et de droit comparé, Paris, 1935, Ch. Perelman et P. Foriers, Les présomptions et les fictions en droit, Bruxelles, 1974, ainsi que le numéro 21 de la revue Droits, 1995, présentée par O. Cayla, "Le jeu de la fiction entre « comme ci » et « comme ça »", fort utile aussi est la réflexion de Y. Thomas, "Fictio le gis", p.  17-63. Pour rester dans le domaine platonicien, voir Ch. Atias, "Le faux et le droit, Sozein ta phainomena", Le Temps de la réflexion, V, 1984. p. 225-245. J’utilise et utiliserai le mot fiction dans le sens extensif correspondant à la définition que donne R. Dekkers, c’est "un procédé technique qui consiste à placer par la pensée un fait, une chose dans une catégorie juridique sciemment impropre pour la faire bénéficier par voie de conséquence de telle solution pratique propre à cette catégorie" (p.  86). J. Wröblewski, "Structure et fonction des présomptions juridiques" dans Ch. Perelman et P. Foriers (cité ci-dessus) p. 70, se demande s’il y a bien fiction juridique quand "le droit traite certains faits «  comme s’ils étaient autres »", il s’agit en tout cas "fiction législative", même si l’on affirme pas expressément que "les faits sont autres qu’en réalité". 70. Appréciation de G. Glotz analysant une inscription de Milet (désormais reprise dans Nomima I, 103) évoquant ce qu’il appelle "le phénomène d’assimilation juridique", dans Comptes Rendus de l’Académie des Inscriptions, 1906, p. 513-515. 71. Nomima I, 44, 1. 13. 72. Nomima I, 110. 73. Syll 3  578. 74. Voir J. Pouilloux Recherches sur l’histoire et les cultes de Thasos, Paris. 1954. p. 37-40, 204213, 204-213, δίϰην εἶναι ϰαθάπερ τῶν βίαιων, mais aussi ϰατάπερ τοῦ ὓδατος τῆς παραχύσιος,

dans une inscription où les restitutions sont sûres. 75.IG I3 4, 1. 13 (vers 485 avant J-C.), restitution de D. Lewis qui se fonde sur l’idée que la désignation de l’homme libre est si rare dans les inscriptions attiques qu’elle rend vraisemblable la restitution de δούλος En revanche le texte d’Antiphon. Meurtre d’Hérode, 48, ne joue pas sur ce registre, il y est question de la possibilité offerte au maître d’un esclave assassiné de saisir le tribunal pour obtenir réparation, les tribunaux sont ainsi amenés à se prononcer dans le cas du meurtre d’un esclave, de même qu’ils le font dans le cas du meurtre d’un homme libre, mais on se rend compte qu’il ne s’agit pas du tout du même type de procédure. 76.Nomima I, 02, ligne 28. M. Gagarin, Dracon and early Athenian homicide law, Londres, 1981, p. 58-61, analyse la formule ἐν τῷ αὐτῷ en rappelant (p. 40 note 30) que c’est le même usage qu’en fait Andocide (Sur les Mystères, 94) pour signaler que l’inspirateur d’un crime de sang est traité de la même façon que l’exécutant. L’utilisation de la désignation τòν’Aθηναῖoν pour signifier que l’on doit envisager le cas d’un Athénien détenteur de tous ses droits civiques doit faire penser au décret pour Léonidas d’Halicarnasse qui prévoit que si quelqu’un le tuait dans une ville dépendant d’Athènes, la procédure et la punition serait celle qui frapperait le meurtrier d’un Athénien (IG I3 156, pour divers parallèles et une explication du sens de cette clause dans le monde impérial, voir R. Meiggs, The athenian empire, Oxford, 1972, p. 227-228). 77. Le problème a été traité par R. Meiggs, The athenian empire, Oxford, 1972, p.  172 qui souligne que par ailleurs les cités où se produit l’assassinat d’un proxène sont soumis à une amende de cinq talents. Cela donna lieu à un vif débat avec H. B ; Mattingly, dont il faut voir, désormais, The athenian empire restored. Ann Harbor, 1996, "The langage of athenian imperialism", p. 361-385 (p. 366). 78. On sait que c’est la règle ordinaire de toute fiction juridique qui ne peut oublier en désignant les pigeons de colombier comme des biens immeubles qu’ils ne sont pas de même nature qu’une pièce de terre, O. Cayla, "Le jeu de la fiction entre « comme ci » et « comme ça »", Droits, 21, 1995, p. 3-15. 79. Voir, dans notre Chapitre II, la note 229, pour comprendre de quelle façon Hypéride espérait tenir Démosthène en respect, s’il lui avait pris la fantaisie de l’attaquer en justice. 80. Le devoir d’initiative du magistrat, en matière criminelle, paraît établi en 952d. 81.Lois 868a. Le texte n’est pas clair, on ne sait pas s’il concerne seulement les esclaves, mais, si tel est le cas, on doit se garder de considérer, comme semble le faire des Places, que celui-ci puisse avoir des parents qui prendraient sa défense  : ὁ ἐπιτρέπων τῶν προσηϰόντων, n’est rien d’autre que l’ayant droit, le maître en l’occurrence, qui plaide ainsi contre un de ses concitoyens. 82. On doit comparer cette façon d’utiliser les esclaves et celle qui semble caractéristique des magistrats Spartiates quand il s’occupent d’affaires sensibles, notamment lors de la conspiration de Cinadon, Xénophon, Helléniques. III, 3. 4-11.

83.Lois 914a, 932a-d. 84. L. Gernet, "Introduction" à l’édition des Lois de la CUF, p.  XXXVII, avec la note 1, fait remarquer que Platon n’utilise pas les mêmes mots pour les dénonciations portés par les hommes libres, ἐξαγγέλλειν, ce qui semblerait envisager une procédure accusatoire conduisant à un procès de type athénien, et celui utilisé pour l’esclave, μηνύειν, qui préluderait à un procès confié aux tribunaux des nomophylaques (sur ce type de tribunal, voir M. Piérart, Platon et la cité grecque, Bruxelles, 1974, p. 178 notamment). On ne peut dire que cette remarque soit tout à fait fondée comme on s’en aperçoit de Lois 914a, quatre emplois du verbe μηνύειν répartis entre homme libre et esclave, de façon égale. 85. Platon, Gorgias , 483b, cité par D. M. Mac Dowell, Athenian homicide law , Manchester, 1963, p. 21. 86.Lois 879a 87.Lois 822a. 88. Il faut sans doute comprendre que le terme ἐλεύθερος désigne ici les seuls "citoyens" comme c’est le cas dans Lois 848a où il est prévu que les fruits de l’agriculture doivent être divisés en trois parts, l’une réservée aux propriétaires, la seconde à leurs esclaves, la troisième aux étrangers et en particulier aux artisans, ἔν δὲ μέρος τοῖς ἐλευθέροις, ἔ δὲ τοῖς τούτων οἰϰέταις, τò δὲ τρίτον δημιουργοίς τε ϰαὶ πάντως τοῖς ξένοις. Si l’on préfère en rester à une distinction horizontale entre les hommes libres quelque soit leur statut et les esclaves, comme dans Lois 882a, ἐὰν δὲ αὖ δοῦλος τύπτῃ τòν ἐλεύθερον, εἴτ’οὖν ξένον εἴτε ἀστόν, on considérera notre commentaire comme spécifique d’un cas particulier, cela étant d’autant mieux justifié que les problèmes de filiation ne sont intéressants que pour les familles de citoyens, les étrangers ne font pas en effet souche dans la cité, Lois 949c. Pour une étude spécifique, voir A. Fouchard, "Astos, politès et épichorios chez Platon", Ktèma, 9, 1984, p.  185204. 89.Lois 869d. 90.Lois 873b. Voir M. Gras, "Cité grecque et lapidation", Du châtiment dans la cité, supplices corporels et peine de mort dans le monde antique, Paris-Rome. 1984, p. 75-89, la lapidation est essentiellement une expulsion du coupable et le jet de pierre signifie le désir de le voir s’éloigner, l’important étant de comprendre que la cité toute entière participe nécessairement à la cérémonie. Lois 873b, ὅλη ἡ πόλις. Sur le problème précis des législations grecques concernant les devoirs envers les parents, voir X. de Schutter, "Piété et impiété filiales en grèce”, Kernos. 4. 1991. p. 219-243. 91.Lois 869c. 92.Lois 868c. 93.Lois 869b-c. Le meurtre volontaire d’un enfant est considéré comme un parricide, 873a. 94. M. Piérart, Platon et la cité grecque, Bruxelles, 1974, p. 423 sq. insiste sur le fait que Platon a compliqué à plaisir un sujet qu’il n’a pas réussi à maitriser. Le mot même de θυμός n’apparaît pas dans l’œuvre de Platon hors des Lois dans les passages que nous évoquons.

95.Lois 868b ; Gernet indique que l’on se trouve là dans un "régime intermédiaire entre celui de la vengeance du sang et celui de la répression par l’Etat". 96.Lois 868c ; il n’est pas indiqué si cette mise à mort implique souillure de ceux qui l’infligent, elle est rendue obligatoire pour que le transfert d’un esclave d’une famille à une autre ne soit pas un prétexte à malversations. 97.Lois 872b. Voir le commentaire de ce passage dans l’analyse du Livre IX par L. Gernet, p. 156-157. Déjà England avait assuré les sens de ὁ ἐλών. 98.Lois 869d, ainsi que dans tous les passages conjoints. 99.Lois 865c. 100.Lois 873e-874a. Sur le problème de la pollution et la façon de le traiter dans Platon, voir R. Parker, Miasma, Pollution and purification in early geek religion, Oxford, 1983, p.  113 et suivantes, sur le point qui nous occupe, peu de choses sont dites (voir p. 117). On lira donc J. L. Durand, Sacrifice et labour en Grèce ancienne, Paris, 1986, p.  78 et suivantes, qui montre ce qu’est la valeur formelle de la procédure nécessaire pour l’accomplissement du rituel. Pour une étude du droit comparé concernant les règles de procédure concernant les crimes commis par les animaux, voir J. Mélèze-Modrzejewski, "Hommes libres et bêtes dans les droits antiques", Statut personnel et liens de famille dans les droits de l’Antiquité, Aldershot, 1993, chap. I. 101. Telle anecdote que rapporte Pausanias faisant référence à la législation de Dracon est très claire sur ce point, Périégèse, VI, 11,6, cf. 5, 27, 11. 102.République 439e-440a témoigne de ce qu’était l’état de l’endroit où étaient répandus les cadavres des suppliciés au long du mur nord reliant Athènes au Pirée. 103.Lois 776b, dans le développement 776b-778a qui leur est consacré. 104. Aristote, Politique 1255b 10, Éthique à Nicomaque 1161 a33. 105.Lois 914b ; cf 804d. 106.Lois 877b. 107. Le jeu est à multiples facettes, ainsi, Platon institue des orphelins de fiction, en réputant tels les fils de citoyens impies, Lois 909c. Les orphelins ordinaires reçoivent, pour pères putatifs, les nomophylaques. Lois 926e sq.. 108. L’idée est, néanmoins, développée par T. J. Saunders, Plato’s penal code, Oxford, 1991, p.  345. Sur l’ensemble de la question de la différenciation des peines en fonction du statut individuel, voir p. 333-348. 109.Lois 777e-778a. On notera que pour Aristote, au contraire, il ne faut jamais avec les esclaves se contenter de la modalité de l’ordre mais qu’il faut avec eux raisonner plus qu’on le le fait avec les enfants, Politique 1260b5. 110. Voir T. J. Saunders, Plato’s penal code, Oxford, 1991 P-231. 111.Lois 872c : l’acte de l’assassin est seul à paraître productif. 112.Lois 872c. 113.Lois 869d, voir note 88.

114.Lois 872b. 115.Lois 869c. 116.Lois 873a. 117.Lois 869d 118. Sur ce problème, voir J. Ducat, Les hilotes, BCH, Supp. 20. Athènes. 1990, nous nous contentons d’utiliser le modèle de façon métaphorique. 119.Lois 914b ; cf. 804d. 120. Voir L. Gernet, Droit et société en Grèce ancienne, Paris. 1954. p. 39 il montre ce que signifie la loi de Numa qui veut que si quis hominem liberum dolo sciens morti duit, parricidas esto. C’est un moyen d’assimiler un crime social à un crime familial. 121.République 414d-415a. 122.Lois 880b. 123. Plutarque, Vie de Lycurgue, 8, 4. Le texte insiste sur le fait que les meules de grain après la moisson sont égales les unes aux autres et parallèles les unes par rapport aux autres, comme si le territoire était organisé en champs ouverts. 124.Ménéxène, 259a. 125. D. Asheri, "Formes et procédures de réconciliation dans les cités grecques : le décret de Nakone", Symposium 1982, Cologne, 1989, p. 135-145. Dans la cité platonicienne, le père garde son statut et la relation entre le père et son fils ne peut jamais devenir égalitaire. La paternité biologique est un état historiquement constitué dans un évènement qui en constitue ad œternum la réalité, la catégorie de fils implique pour cette raison des devoirs et il faut que les "fils témoignent à leurs pères tout ce que la loi paternelle commande de respect, de soin, de soumission envers ceux qui nous ont mis au monde", République 463d-e, il existe donc une loi sur le respect dû aux parents νόμος περὶ πατέρας αἰδοῦς τε πέρι, dont la rédaction sous forme d’hendiadyn fait comprendre que la vergogne et la voix publique imposent des devoirs que la loi se contente de formaliser, ou de verbaliser. L’esclave devenu fils par meurtre nait lui d’un évènement qui se suffit à lui-même et n’induit aucun devoir. 126. Lire ces textes dont les modalités de publication sont restées confuses, dans SEG 30, 11171123, ainsi que dans SEG 32, 914, divers articles ont paru sur ces textes dont nombre de références ultérieures se trouvent réunies dans SEG 40, 785, Bulletin épigraphique 1993, 717, sur la chronologie voir J. B. Corbera, Annali della Scuola Normale di Pisa, 1994, p. 879-893. L. Dubois, Inscriptions dialectales de Sicile, 206, fait remarquer que la formule complète, oἱ συνλαχόντες ἀδελϕοί αἱρετοί peut renvoyer à un contexte platonicien, Timée 18e, évoquant les mariages arrangés par le sort pour les gardiens de la République. Sur le problème posé par le fait que, dans ce cadre institutionnel, c’est le mot, ἀδελϕός, qui, référence à la maternité, soit employé et non tel autre qui évoquerait la nécessaire existence d’un père commun, voir E. Benveniste, Vocabulaire des institutions indo-européennes, Paris, 1969, I, p. 213-214 et, pour des prolongements nouveaux. N. Loraux, dans Aux sources de la puissance, sociabilité et parenté,

Colloque de Rouen, 1987, Rouen 1989, "La politique des frères", p. 21-35 et "Oikeios polemos : la guerra negla familia", Studi storici, I, 1987, p. 5-35. 127. T. J. Saunders, Plato’s penal code , Oxford, 1991, Index sv. self-help. 128. Le meurtre involontaire d’un esclave familial donne lieu à purification, Lois 865d, celui d’un esclave appartenant à autrui à l’indemnisation du maître, celle-ci est portée au double par le tribunal si elle n’est pas versée spontanément, 865c. Le meurtre d’un esclave par colère est traité d’une façon comparable. 868a. Il ne semble pas être question de meurtre volontaire d’un esclave, sauf quand il est question de le faire taire, 872c. 129.Lois 874b-c. 130. Voir Lois 829a, "bonne elle vivra en paix, mais en guerre au dehors comme au dedans si elle est mauvaise", la recherche du bien ne l’empêche pas de préparer les citoyens à la guerre y compris la guerre intestine. Des gens incapables de justice ne peuvent créer d’association durable, s’ils se nuisent mutuellement, ils ne peuvent rester associés pour agir, seraient-ils des brigands, République 351c. 131.Lois 630a-d, même si le mercenaire, aux yeux de Platon, est le plus souvent un insensé dont la vie violente est tout à fait étrangère à la vertu, il est capable de mourir à sa place et peut légitimement être loué par Tyrtée pour sa capacité à le faire. On sait, par ailleurs, que de telles gens peuvent être intégrés aux cités pour lesquelles ils combattent, ainsi, par exemple, à Syracuse, Aristote. Politique, 1303b 1, et que, d’autre part, les citoyens eux-mêmes peuvent être profondément transformés par le fait qu’ils gagnent de l’argent en participant à des expéditions militaires conduites par la cité, Aristote, Constitution des Athéniens, 27, ou même du simple fait d’exercer leur charge d pouvoir (Aristote, Politique 1317b35). 132.Lois 630c. 133.Lois 869d. 134.Lois 873b. La légitime défense est nécessairement postulée pour l’une et l’autre partie. Il est précisé que l’on ne peut tuer son frère que s’il a attaqué le premier, ἄρχοντα χειρῶν πρότερον, mais, dans tout combat, μάχης γενομένης, l’agression est réciproque. 135. Plutarque, Vie de Solon, 20, Lysias, Contre Philon. 27-28. 136. On peut se poser la question de savoir si la personne qui subit la peine la plus dissuasive n’est pas le maître de l’esclave lui-même quand son serviteur est condamné et exécuté. La mise à mort systématique d’esclaves recrutés pour constituer des armées de guerre civile pourrait coûter extrêmement cher à celui qui aurait voulu s’en servir pour fomenter un coup d’État. Ce texte fait songer à des problèmes posés par les pratiques de l’époque de Platon. Sur la participation des esclaves aux combats des guerres civiles et la reconnaissance que peut, parfois, manifester le parti vainqueur à l’égard de ces bons serviteurs, voir H.-J. Gehrke, Stasis. Untersuchungen zu den inneren kriegen in den griechischen Staaten des 5. und 4. Jahrunderts v. Chr., Vestigia, 35, Munich, 1985, p. 243-244. 137. Aristote, Politique 1254al0 insiste à juste titre sur le caractère non symétrique de la relation maître esclave. Cela empêche de concevoir que le maître puisse exercer sur lui un

pouvoir de type politique, c’est à dire en l’occurrence monarchique, 1255bl5 et suivants. 138. Il faudrait ici reprendre le problème des politographies dans les situations exceptionnelles où la cité est conduite à naturaliser même des esclaves, ainsi à Athènes, lors de la la campagne des Arginuses, les volontaires étrangers et lees esclaves reçurent la citoyenneté, M. J. Osborne, Naturalization in Athens, Bruxelles, 1983, p. 33 et suivantes. Cela ne veut pas dire qu’une véritable fraternité fut instituée entre les anciens citoyens et les nouveaux. M. J. Osborne, p. 176 et suivantes). 139. Au terme d’un certain délai, les étrangers doivent quitter la cité où il leur est interdit de faire souche, 850a. M. Piérart, Platon et la cité grecque, Théorie et réalités dans la constitution des Lois, Bruxelles, 1974, p. 80 ne reprend pas la formule métaphorique de Platon. En 915a, on apprend que l’esclave affranchi doit quitter la ville au terme de vingt ans de résidence libre, sauf si les magistrats et son ancien maître ne l’autorisent à rester, sa fortune, acquise par le commerce, seule activité qu’il puisse pratiquer, ne doit pas dépasser la valeur du troisième cens. 140.Lois 930d-e, on peut se demander comment la femme peut être convaincue de ce genre d’adultère et comment se fait le retour de l’enfant dans la maison du maître du géniteur. 141.Lois 929d. Dans cette même loi le père a le droit de renier son fils et il est précisé que l’enfant sans père doit s’exiler, 929a. 142.Lois 869a. 143.République 607a. 144.République 398a, c’est un être trop particulier pour qu’on puisse admettre sa présence dans la cité. 145.République 380b. 146.République 379a. 147.République 392b. 148. Sur la censure dans l’antiquité grecque, on connait un article de M. Finley, "Censura nell’antichita classica", Belfagor, 32, 1977, p. 604-622, mais son étude comparatiste est moins utile que celle de K. J. Dover, "The freedom of the intellectuals in Greek society", Talanta, 7, 1976, p. 24-54. Voir R. W. Wallace, "Private lives and public ennemies : freedom of thought in classical Athens". Dans Athenian identity and civic ideology, éd. A. L. Bœgehold et A. C. Scafuro, Baltimore, 1993, p.  127-154. Il est bien évident que tous ceux qui ont parlé du procès de Socrate on étudié le problème, le plus acharné à dénoncer la façon dont Platon aurait trahi son maître, en oubliant que, pour penser, il fallait être libre, est, on le sait K. Popper, La société ouverte et ses ennemis, traduction française, Paris, 1979. 149.Lois 886b. 150. Sur ce qu’est la παρρησία, il existe un livre de G. Scarpat, Parrhesia, Milan, 1964, mais on ne manquera pas de se référer à deux notes récentes, W. Wroblewski, Eos, 78, 1990, p. 91-99 (non vidï), et M. Casevitz, "παρρησία, histoire du mot et de la notion", Revue des Études Grecques, 105, 1992, p. XIX-XX : ce dernier montre comment la παρρησία "parole exhaustive et

totalement sincère", le mot est un composé de πάντα (πᾶν) et de λέγειν sur le modèle ἀπόρρητος. 151.Lois 821a. 152. Voir M. Detienne, L’invention de la mythologie, Paris, 1981, p.  185. P. Murray, Plato on pœtry, Cambridge, 1996, a publié avec commentaires et notes une édition des textes de Platon concernant la poésie, Ion, République 376e-398b, 595-608b. 153.République 395b-398b. 154.Lois 801a-803a. 155.Lois 817a-d montre comment le travail du législateur est semblable à celui du poète tragique puisque πάσα ἡ πολιτεία συνέστηϰε μίμησις τοῦ ϰαλλίστου ϰαὶ ἀρίστου βίου et que donc l’œuvre théatrale risque de concurrencer le discours législatif sur son propre terrain, cette compétition est récusée dans la République 378e-379a. 156. Il ne faut pas que le plaisir et la douleur deviennent les recteurs de la vie publique en lieu et place de la loi et des principes considérés par la communauté comme les meilleurs, République 607a, εἰ δὲ τὴν ἡδυσμένην Μοῦσαν παραδέξει ἐν μέλεσιν ἤ ἔπεσιν ἡδονή σοι ϰαὶ λύπη βασιλεύσετον ἀντί νόμου τε ϰαὶ ϰoινῇ ἀεὶ δὀξαντος εἶναι βέλτίστου λόγου. 157.Lois 829c. 158.Lois 887a  : on ne sait pas s’il s’agit d’une crainte du châtiment divin ou d’une crainte instituée par la loi. On ne manquera pas de constater que Platon, ou du moins ici l’Athénien, se place dans le cas de pouvoir être attaqué par une majorité de gens qui, ne sachant pas ce que peuvent être les dieux, le trainerait devant un "tribunal d’impies" devant lesquels ils devraient se défendre d’avoir promulgué des lois sur l’existence des dieux, ϰατηγορήσαντός τινος ἐν ἀσέϐεσιν ἀνθρώποις ἡμῶν. 159.Lois 907d. 160. Le texte.de Lois 890a est une définition de la στάσις qui est vouloir vivre en "dominant les autres", ϰρατοῦντα ζῆν τῶν ἄλλων ϰαὶ µὴ δουλευόντα ἐτέροισι ϰατὰ νόμων, le texte de Platon est teinté d’humour puisque ce qui est caractérisé comme la "droite vie de nature" ne l’est que par la reprise de la formule dans le cadre d’un discours indirect dont on ne dit pas qu’il est tel, ce décalage n’étant rendu manifeste que par le τῇ ἀληθεία. F. Decleva-Caizzi, "Hysteron Proteron : la nature et la loi selon Antiphon et Platon", Revue de Métaphysique et de Morale. 91, 1986, p. 291-310, démontre de façon convaincante que ce texte a pour objectif de dénoncer la position prise par Antiphon dans son ouvrage De la vérité. 161.République 398 a-b. 162.Lois 662b. 163.Lois 660a, on note, dans ce texte, une référence au système de la loi double, le législateur prétend devoir persuader et ne contraindre que s’il n’a pas réussi à le faire, πείσει ϰαὶ αναγϰάσει µὴ πείθων. 164.République 391e.

165.Cratyle 390a montre bien ce qu’est l’opposition politique aussi bien que linguistique entre Grecs et Barbares. 166.Euthydème 284b. 167.Cratyle 387b, τò λέγειν μία τις τῶν πράξεών ἐστιν. 168. Voir, essentiellemnt, G. Genette, Mimologiques, Voyage en Cratylie, Paris, 1976, p.  23. A. Soûlez, La grammaire philosophique chez Platon, Paris, 1991, montre, p. 107, que "les Idées sont les Formes auxquelles les choses ont part comme à des « éponymes », ces héros qui donnent à une cité ou à une tribu leurs « noms propre »". Cela permet de comprendre quel est le rapport du mot à la forme qui nait en lui, l’éponymie lui est, en quelque sorte, intérieure. 169. Nous n’entrons pas dans le raisonnement compliqué qui permet de passer du ὁμo-au α-, Cratyle 405c-e. 170.Cratyle 404e. 171. Voir, sur les noms d’Hestia, Cratyle 401b-d. 172.Cratyle 396a. 173.Lois 957c. 174.Lois 713e-714a. 175.Lois 654a. 176. Pour une approche de ces problèmes, voir, par exemple, dans le no 21 de Mots. Décembre 1989, qui traite des "Langues de bois ?", G. Gemgembre. J. Goldzink, "Terreur dans la langue. La question de la langue révolutionnaire d’Edme Petit à Madfame de Staël", p. 20-31, ainsi que M. P. Gruénais, États de langue : peut on penser une politique linguistique ?, Paris, 1986. 177.Republique 386a-387d. 178.République 387b-c, voir Cratyle 439a. 179.Lois 904c-d. 180. Voir, dans la Revue de Philosophie ancienne, 5, 1987, M. Canto, "Le semeion dans le Cratyle", p. 9-26 et P. Loraux, "L’audition de l’essence", p. 27-46. Voir G. Genette, Mimologiques, Voyage en Cratylie, Paris, 1976, sur F. Ponge. 181.Cratyle 403e-404a. 182.République 413d-e, il faut même les confronter aux prodiges nés de la magie. 183.Lois 634a. 184.Lois 647c, 648b reprend l’idée de l’épreuve. 185.République 386a. 186.République 386b, il semble que, dans ce cas, le vrai s’efface devant l’utile, comme le remarque E. Chambry, dans une note de l’édition de la CUF. 187.République 392c. 188. G. Genette, Mimologiques, Voyage en Cratylie, Paris, 1976. p. 24. 189.Cratyle 387b. 190.Cratyle 432d. 191.Sophiste 262d.

192.République 387c. 193.République 388d, λέγειν ϰαὶ ποιεῖν. Voir J. Ducat, Les hilotes, BCH, Supp. 20, Athènes, 1990, notamment p. 115 et suivantes. Lois816d montre comment le comique doit rester un langage étranger au citoyen et ne sera pratiquée que par les esclaves et les étrangers salariés. Il existe un langage réservé aux esclaves, aux femmes et aux lâches, cette dernière catégorie appartenant à l’univers des Spartiates, République 388a. On doit surveiller les auteurs tragiques, non parce que les sujets qu’ils traitent et les modalités de leur discours sont indignes, mais parce que les meilleures leçons se trouvent dans le discours législatif, considéré comme ἡ ἀλοθεστάτη τραγωδία, 816b. 194. Plutarque, Vie de Lycurgue, 28, les Hilotes libérés par les Thébains se refusent à chanter les airs réservés à leurs maîtres. 195. Plutarque, Vie de Lycurgue, 27, 8., J. Ducat, Les hilotes. BCH. Supp. 20, Athènes, 1990, p. 116118, a fait le rapprochement qui s’imposait avec Lois 815c-816e. 196.République 388a. 197.Lois 816d. 198.Lois 816d. 199.Lois 816e. 200.Lois 841e. 201. J.-M. Bertrand, "Langage et politique : réflexions sur le traité pseudo-xénophontique De la république des Athéniens", Langage et Société. 49, 1989, p. 25-41. 202. Plutarque, Vie de Lycurgue, 27, 8, voir Protagoras 342d-343b. 203.Lois 661 a. 204.Cratyle 385c. 205.Cratyle 437c. cf. 438b. 206.Cratyle 387c. 207.Cratyle 385b, voir A. Soulez, La grammaire philosophique chez Platon, Paris, 1991, p. 52. 208.Sophiste 262d, analysé par G. Movia, Apparenze, esserre et verita. Commentario storicofilosofico al Sofista di Platone, Milan, 1991, p. 434-435. 209. République 380a-c. 210. Au contraire, dans la Republique, il est renvoyé à la responsabilité des dieux par le tirage au sort la responsabilité des mariages 460b, ceux qui ne sont pas contents de leur mariage doivent accuser la fortune, αἰτιᾶσθαι τύχην, et non pas les magistrats. 211.Lois 663b-c. 212. Hérodote, Histoires, V, 68. L’épisode a été étudié par S. Vilatte, "Le porc, l’âne et le porcelet et les « chefs du peuple » des tribus clisthéniennes : des emblèmes pour les citoyens de Sicyone", Dialogues d’Histoire Ancienne, 16, 2, 1990. p. 114-133, qui ne peut convaincre. Elle n’a pas pu connaître N. F. Jones, Public organization in Ancient Greece, Philadelphie, 1987, qui, p. 103-106, reste fidèle aux analyses classiques, néanmoins il continue d’évoquer le caractère anti-dorien de la réforme alors qu’E. Will, Doriens et Ioniens, Paris, 1956, p. 39-55, avait montré

que la politique de Clisthène et notamment cette métonomasie avait une coloration antiargienne, cette interprétation ayant été reprise par A. Pariente, "Le monument argien des « Sept contre Thèbes », Polydipsion Argos, BCH, Suppl. 22. p. 195-225 (p. 220). 213. Voir la préface de M. Foucault, Les mots et les choses, Paris. 1966, qui rappelle que selon telle encyclopédie chinoise "les animaux se divisent en a) appartenant à l’empereur  ; b) embaumés, c) apprivoisés, d) cochons de lait, e) sirènes, f) fabuleux, g) chiens en liberté, h) inclus dans la présente classification, i) qui s’agitent comme des fous, j) innombrables, k) dessinés avec un pinceau très fin en poils de chameau, l) et caetera, m) qui viennent de casser la cruche, n) qui de loin semblent des mouches". Il me semble que c’est un jeu que l’on peut prendre par beaucoup de biais, c’est l’un d’entre eux que pratique B. Cassin dans une réflexion sur le vrai, le faux, notamment dans le Sophiste dans Etudes sur le Sophiste de Platon, sous la direction de P. Aubenque, Naples, 1991, "Les Muses et la philosophie. Éléments pour une histoire du pseudos", p.  291-316 qui montre comment tout se joue dans le cadre syntaxique. 214. Thucydide, III, 82, 4, N. Loraux, "Thucydide et la sédition dans les mots", Quaderni di Storia, 23, 1986, p.  95-134 (p.  103) dont je reprends la traduction, a proposé une analyse pionnière de ce texte à propos duquel un consensus d’interprétation a fini par s’établir, voir, S. Hornblower, A commentant on Thucydides, Oxford, 1991, qui expose clairement ce qu’est le problème et à quelle solution l’on est parvenu. 215. Thucydide, III, 82, 8. Il faudrait reprendre l’analyse de l’adjectif. 216.République 560d. 217.République 560e, analysé notamment par W. Mûri, "Politische metonomasie”, Museum Helveticum, 26, 1969, p. 65-79. 218. Isocrate, Aréopagitique, 20, 7. le mot est action puisque les mots abstraits se transforment en actes. 219. Aristote, Politique 1310a, 20-30. 220. Aristote, Rhétorique, 1367a30-1367b 10. 221. Aristote, Rhétorique, 1374a8. 222.Cratyle 384d. 223. G. Genette, Mimologiques, Voyage en Cratylie, Paris, 1976. 224. A. Soûlez, La grammaire philosophique chez Platon, Paris, 1991, p. 27. 225.Cratyle 435b. 226. A. Soûlez, La grammaire philosophique chez Platon. Paris. 1991, p. 65. 227.Cratyle 429b. 228.Cratyle 430a. 229.Lois 839b. 230.Lois 792a. 231.Lois 876b. 232. A. Soulez, La grammaire philosophique chez Platon, Paris. 1991, p. 63.

233.Cratyle 435d  ; A. Soulez, La grammaire philosophique chez Platon, Paris, 1991, p.  60 et suivantes. 234. La réflexion la plus enrichissante sur ce thème est celle de N. Loraux. "L’oubli dans la cité", Le temps de la réflexion, 1, 1980, p. 212-242, il ne faut pas néanmoins négliger ce qui est proposé par l’ouvrage édité par M. Sordi, Amnistia, perdono e vendetta nel mondo antico, Milan, 1997, avec notament les contributions de C. Mossé, "L’amnistie de 403, une illusion politique", p.  53-58 et M. Sordi, "La fortuna dell’amnistia de 403/2a.C.", p.  79-90. Plutarque, Préceptes politiques 814b, cite le décret athénien d’amnistie et non pas les exploits guerriers de la cité, comme un exemple de ce qu’il faut faire pour former les mœurs et conduire à la vertu les citoyens, ἠθοποιεῖν ϰαὶ σωϕρονίζειν. 235.IG II/III2 6 une stèle détruite sous les Trente, la cité renouvelle un privilège de proxénie, 43, 52, 111, 116, 172, 448. 236. Xénophon, Helléniques. 2,4,43, Aristote, Constitution des Athéniens, 39, 6, Thucydide, Guerre du Péloponnèse, 4, 74  ; Andocide, Sur les Mystères, 77, 79, 81, 89 sq., Eschine Contre Césiphon 208, Sur l’ambassade, 208. 237. IG II/III 2 43,1. 35. 238. IG I 3 118. 239. . IGSKleinasien Ilion 25, 1. 116-121 240. IGSKleinasien Ilion 25, 1. 124-125. 241.A. J. Heisserer, Alexander the Great and the Greeks. The epigraphic evidence, 1980, Chapitre II, p. 27-78. 242. Voir Inscriptions historiques grecques, Paris, 1992, no 40. 243. N. Loraux, "De l’amnistie et de son contraire", Usages de l’oubli. Paris. 1988, p. 23-48. 244.IG I3 101, 1.7 et 59, voir R. Thomas,"Literacy and the city State in archaïc and classical Greece", Literacy and power in the ancient world, éd. K. Bowman et O. Wolf, Cambridge, 1994, p. 33-50, qui a tort de dire que les Athéniens ont eu "the last laught". Cela n’a rien à voir avec le problème en cause, dans la mesure où le décret de référence était corrigé, où la stèle faisant foi de ce qu’étaient les rapports entre Athènes et Néapolis l’était, nul n’était censé devoir rechercher l’historique de cette correction. 245.IGI2 106 1. 21, Timanthès aurait collaboré au rétablissement de la démocratie, son nom aurait été effacé de la stèle, cf. Andocide V, 35. 246.Lois 938a. 247.Lois 788a-790e. 248.Lois 960a, le mot est curieux, il est rare chez Platon et n’a pas d’emploi qui puisse passer pour juridique, il semble en être de même dans l’ensemble accessible du corpus. On se contentera de noter que le mythe dont les Lois sont la forme écrite doit être construit dans un système de temporalité qui fasse référence à la cité mère des Magnètes, Cnossos, si le récit ne

décrivait pas ce que devait être le lien institutionnel entre la colonie et sa métropole il serait αϰέϕαλος et par conséquent ἄμορϕος 249.République 603e-604b. 250.Lois 803b. 251.République 604b. Les textes des Lois et de la République sont cohérents dans l’idée et l’emploi du vocabulaire, notamment l’usage de σπουδή. 252. C’est une partie essentielle de la réflexion de Zaleucos législateur. L’homme ne craint pas les fautes qui conduisent à des punitions pécuniaires, mais se garde de tout ce qui procure de la honte, il faut préférer τὰς εἰς χρήματα ζημίας μάλλον τῶν εἰς αἰσχύνην τεινόντων, parce que les hommes libres sont menés δι’αἰδῶ. 253.République 425 c-e. 254. J.-M. Bertrand, "De l’usage de l’épigraphie dans la cité des Magnètes platoniciens", Communication au Xème Symposion de Droit Grec et Hellénistique, Corfou, 1-5 septembre 1995, Symposion 1995, Vienne, 1997, p. 27-47. 255. Nulle vente ou nul achat ne peut se faire à crédit, μηδ’ἐπὶ ἀνοϐολῇ πρᾶσις μηδέ ὠνή, Lois 915e. Il n’y a, donc, pas d’instance légale de recours contre les ventes ou achats réalisés de cette façon, οὐϰ οὐσῶν διϰῶν ϰατὰ νόμον περὶ τῶν µὴ πραθέντων ϰατὰ τῶν νῦν λεγόμενα, ce qui signifie que la loi ne parle pour personne mais que la bonne volonté des uns et des autres peut faire entrer dans la vie commerciale une sorte de morale coutumière. Le prêteur peut se réjouir de ce que l’argent lui est rendu, il en est ainsi en 849e, quand il "fait confiance". πίστευων, ce mot ayant,"dans le monde des affaires a une valeur quasi technique", voir l’Introduction de L. Gernet, p.  CLXXVI et suivante,.F. Pringsheim, The greek law of sale, Weimar, 1950, p.  247 discuté notamment par M. Finley, Studies in land and crédit in ancient Athens, Columbia, 195, p.  269, no  39, mais aucune instance ne songe à s’occuper de tels contrats. Il en est de même pour les sociétés, ἔρανoι, qui associent des "amis" et ne sont pas reconnues par la loi, seule l’amitié leur tient lieu de règle de fonctionnement, P. Demont, "Note sur les premiers emplois de ethikos chez Aristote. Le sentiment d’amitié et les transactions de gré à gré", à paraître dans Public privé, Colloque Paris 1995. Plus surprenant est en revanche le fait que le prêt à intérêt étant interdit, il est expressément autorisé à l’éventuel emprunteur de ne rembourser ni l’intérêt, ni le capital, Lois 742c. L’artisan a, pour sa part, le droit de livrer un objet contre paiement à terme, quand le délai de versement n’est pas respecté, la créance doit porter intérêt, des tribunaux au contraire de tout ce qui se passe dans les autres types de transactions. Lois 921c-d, des tribunaux de tribus, τὰ ϰατὰ ϕυλάς διϰαστηρια, étant chargés de faire respecter cette disposition, les astynomes restant compétents pour les litiges ne dépassant pas cinquante drachmes, 847b. F. Pringsheim, The greek law of sale, Weimar, 1950, p. 16 sq. signale que Zaleucos interdisait que fussent conclus des contrats de prêt écrits, O. Crusius, Analecta Critica ad Parœm. Gr., Leipzig, 1883, 132M II 3 : Ζαλεύϰος νόμον ἔθηϰε συγγραϕὴν ἐπὶ τῶν δανεισμάτων µὴ γίνεσθαι. Dès République 556a, il est indiqué que toute transaction de gré à gré doit se faire "aux risques du prêteur" ce qui

aurait pour effet de moraliser la vie économique et sociale. Il est, par ailleurs, expressément prévu, Lois 920d, que les conventions, pour être valides, doivent avoir été conclues dans le cadre des lois et des décrets en vigueur et que leur établissement n’a pas été obtenue par violence, L. Gernet utilise ce texte pour montrer que Platon a défini de façon particulièrement synthétique le principe de l’obligation contractuelle, p. CLXXVI. Platon décrit une société où ne sont envisagés que des prêts médiocres dans un système peu évolué qui ne correspond pas à ce que l’on sait de la cité de son temps. Voir R. Bogaert, Banques et banquiers dans les cités grecques, Leyde, 1968, p. 371 et suivantes. Pour une mise au point sur le modernisme de la vie économique d’Athènes au IVème  siècle, voir R. Descat, "L’économie d’une cité grecque au IVème siècle avant J.-C. : l’exemple athénien", Revue des Études Anciennes, 91, Grecs et Ibères au IVème  siècle av. J.-C., Bordeaux, 1989, p.  239-256, analyses reprises sur nouveaux frais dans "L’économie antique et la cité grecque", Annales ESC, 1995, p. 967-989.. 256. Dans P. Carledge, P. Millett et S. Todd éd., Nomos. Essays in Athenain law, politics and society, Cambridge, 1990, P. Millett, "Sale, crédit and exchange in Athenian law and society", p. 169-194 (p. 187 note 42). Certaines cités interdisent les conventions de gré à gré alors que la cité athénienne les admet, Platon. Banquet, 196c. 257.Fg. 97 : le délit est dans le prêt lui-même, et la permission donnée de ne pas rembourser vaut autorisation de punir, αὐτόν désigne le prêteur, la répression échappe ainsi à la cité qui en laisse la réalisation à l’emprunteur. 258.République, 556a. On sait qu’existait, dans les cités historiques, une possibilité d’engager la responsabilité publique dans le cadre des contrats de vente en assurant leur publicité par la voix de héraut ou inscription dans un registre, cette intervention de la δημοσιὰ πίστις faisait de la cité une sorte de tiers dans le contrat. Lire les commentaires sur un document publié par W. Lambridunakis et M. Wörrle, "Ein hellenistische Reformgesetz über das öffenliche Urkundenwesen von Paros", Chiron, 13, 1983, p. 283-368. Voir L. Gernet, dans Droit et société en Grèce ancienne, "Sur l’obligation contractuelle dans la vente hellénique", p.  225-236, en considérant néanmoins comme spécieuse l’idée selon laquelle une cité pouvait reprendre les créances à leurs détenteurs et exiger des débiteurs les remboursements dus. Dans l’affaire qu’il évoque la cité s’est fait, dans un moment de crise, céder des créances, sorte de confiscation temporaire ou de cession plus ou moins spontanée d’un capital, et se contente d’assurer le service des intérêts. Elle s’engage à rembourser elle-même les créanciers qui dans la situation vécue par la cité pouvaient s’inquiéter de la solvabilité future de leur débiteur, cette inquiétude étant désormais sans objet les affaires peuvent reprendre. Ce genre de responsabilité publique pouvait être engagé dans le cadre du commerce international où les Etats étaient amenés à intervenir, Polybe, Histoires, III, 22. 259.Lois 919d, Μαγνήτων οὓς ὁ θεòς ἀνορθῶν πάλιν ϰατοιϰίζει. γεωμόροι ὅσοι τῶν τετταράϰοντα ϰαὶ πενταϰισχιλίων ἐστιῶν εἰσιν. µὴτε ϰάπηλος ἐϰὼν μηδ’ἄϰων μηδείς γιγνεσθω μηδ’ἔμπορος.

260.Lois 948d. Ce passage est curieux puisqu’il semble que Platon envisage que les procès puissent être nombreux dans la cité, διϰῶν γ’ἐν πόλει πολλῶν γενομένων, et que la moitié des plaideurs se parjurent nécessairement. Les étrangers ne semblent pas concernés par cette affaire puisqu’il n’est question que de ceux qui participent aux repas communs. 261.Lois 949b, οὐδ’ἐννεοττεύοντες ἐν τῇ πόλει. 262.Lois 948c-d ; en 949b, le serment est cité parmi les thèmes de discours au même titre que les "imprécations, les supplications dignes d’esclaves et les gémissements de femmes" ; sur l’usage rhétorique de la prestation du serment, voir Aristote, Rhétorique, 1277a8sq., savoir si le serment est un élément essentiel des procès dans l’Athènes classique a été étudié par G. Thür, Journal of Juristic Papyrology P 1990 et M. Gagarin Symposion 1995 qui pense, sans réussir à convaincre tout le monde, que le jeu sur la prestation de serment est "a forensic argument in court". 263.Lois 839b. 264.Lois 876b. 265.Lois 840e. 266.Lois 841b. 267.Lois 729b-c. Il ne faut pas que les jeunes voient les hommes faits se livrer à des activités honteuses, les adultes doivent donner des exemples et non des conseils. 268.Lois 864c. 269. Il s’agit bien sûr d’une consommation immédiate, αἰσχρòν μηδέν ἔστω λαμϐάνειν, Lois 845b, un homme de plus de trente ans perdra à se laisser aller à trop de gourmandise "le risque d’être disqualifié pour les concours de vertu". 270. Textes bien connus de Plutarque, Vie de Lycurgue, 17-18. 271. R. W. Wallace, qui dans un article paru dans la XLVème session de la Société "Fernand de Visscher", Questions de Responsabilité, Miskolc, 1993, "Personal conduct and legal sanction in the democracy of classical Athens", p. 397-413, évoque les pratiques publiques des personnes privées, en contravention avec les lois dites somptuaires, ces pratiques publiques peuvent être contrôlées mais cela ne touche en rien à la vie privée proprement dite, quant à D. Musti, "Publico e privato nella democrazia periclea", Quaderni Urbinati di Cultura Classica, 20, 1985, il parle d’autre chose. 272.Lois 784a-e. 273.Lois 808a. 274. Lois 840e-841a. 275. Ce qui justifierait la philosophie générale de l’ouvrage de T. J. Saunders, P lato’s penal code. Oxford, 1991. 276.Lois 841e. Les coupables de débauche ne peuvent être que des gens qui se sont laissés corrompre par d’autres Grecs ou Barbares, τὴν λεγομένην ἄταϰτον Άϕροδίτην ἐν αὐτοῖς ὁρῶντές τε ϰαὶ ἀϰούοντες μέγιστον δυναμένην, 840e, ce qui surprend car ils ne peuvent sortir de chez eux pour apprendre ce qu’est l’amour déréglé et puissant ; c’est là encore une des

raisons pour lesquelles, parce que le citoyen est incapable d’obéir à une loi qu’on lui en propose une autre plus facile à appliquer, le jeune homme spermatique de 839b, n’aura plus alors à crier contre sa promulgation (on n’oublie pas que le guerrier peut demander à faire l’amour avec qui bon lui semble dans la cité de la République 468a et que cela s’accorde mal avec une morale sexuelle stricte), il se constituera ainsi une ὀρθότης δεύτερα qui sera fonction de son utilité. Voir une nalyse du passage par M. Detienne, L’invention de la mythologie, p. 176 : je ne suis pas sûr qu’il faille parler d’une cité où le jeune homme n’est "plus" censuré, car on se trouve vivre dans une cité primitive, la vraie cité antérieure à la cité des Lois et Popper a raison de faire le lien avec la République. 277.Lois 774a. 278.Lois 858e. 279.République 461a. 280. Sur ce terme, voir M. Foucault, Surveiller et punir, Paris, 1975, p 189. 281.Lois 841d-e, celui qui ne respecterait pas cette règle trouvant sa justification dans la coutume, ἔθoς, se révélerait être non seulement coupable au regard du droit positif mais montrerait, par son incapacité à s’en tenir aux usages communément respectés et repris dans la loi, qu’il est étranger au groupe de ses concitoyens. 282.Lois 930d-e. 283. P. Ricœur, Soi-même comme un autre, Paris, 1993. p. 231. 284. C’est ce que semble demander Eschine. Contre Timarque, 121. 285.République 378a. 286. N. Loraux, "L’oubli dans la cité", Le temps de la réflexion. 1, 1980. p. 212-242. Il ne faut pas oublier que, pour Plutarque, Préceptes politiques 814b, le décret d’amnistie est mis en rapport avec la condamnation de Phrynichos sur la prise de Milet, comme s’il s’occupait surtout de la conclusion des guerres perdues et non pas des exploits toujours vantés des ancêtres. 287.IGSKleinasien Ilion 25,1. 117 et suivantes. 288.Apophtegmes laconiens, 233F. 289.Lois 663d-e. On est bien évidemment surpris que Ch. Bobonich, "Persuasion, compulsion and freedom in Plato’s Laws", Classical Quarterly. 41. 1991. p. 365-388, puisse écrire que "the sort of persuasion that Plato requires the laws to use do not involve the use of lies" (p. 368, voir aussi p. 373 et p. 377 où il cite le noble mensonge dont la nécessité est revendiquée dans la République), il ne semble pas que la volonté de rompre avec certaines idées reçues impose ce genre de simplification quelque peu fallacieuse. On ne peut pas non plus se contenter de la formule de Schôpsdau qui, dans son commentaire, sans citer Bobonich, pense qu’il s’agit d’un simple jeu intellectuel, "hier also gerade in irrealer Form als blosses Gedankenspiel". Le débat sur le thème du noble mensonge est resté dans sa forme caricaturale cantonné entre J. Ferguson et D. A. Dombrowski. Liverpool Classical Monthly, 6, 1981, p. 259-267 et 10, 1985, p. 3638, il faut citer aussi, 863b. 290.République 536b. Voir 497b.

291.Lettre VII 341d. 292.Lettre VII 344c. 293.La société ouverte et ses ennemis, traduction française, Paris 1979, p. 111-112 et surtout 159164. 294.Lois 663a-664a. 295.République 382a-d. 296.Lois 659d. 297.République 414b-c. Il existe sur ce thème un livre de R. K. Sprague, Plato’s use offallacy, Londres, 1962. L’un de ceux qui a condamné avec une grande énergie cette façon même de fonder la cité parfaite est K. Popper. La société ouverte et ses ennemis, Paris, 1979 pour la traduction française, notamment p. 116 et suivantes. 298.République 414c. K. Popper a dénoncé avec une vigueur toute particulière, La société ouverte et ses ennemis, traduction française, Paris, 1979. de quelle façon "le principe utilitaire et totalitaire l’emporte sur tout", même sur la prérogative —pourtant accordée aux dirigeants — de connaître la vérité". On notera par ailleurs, car le εἴ δὲ μή est explicite à cet égard, que les autres membres de la cité n’ont qu’a obéir et qu’il n’est pas besoin ainsi de les convaincre pour faire fonctionner la cité. 299.République 414d qui justifie et précise la première explication. Faut-il croire qu’il suffit de contraindre les gens qui n’appartiennent pas à la classe dirigeante ou militaire et que le choix de persuasion n’est évoqué que par bénivolence ? 300.Lois 715d. 301.République 540b. 302.République 414c. 303. Fg 25 (Untersteiner), v. 11 et suivants. 304.République 460a. 305. Voir, dans le mythe d’Er, République 619c, celui qui choisit le premier lot au sortir des enfers, et accepte une tyrannie sans s’être aperçu qu’elle allait le conduire à mille crimes atroces accuse le sort et les démons plutôt que lui-même, τύχην τε ϰαὶ δαίμονας ϰαὶ πάντα μᾶλλον ἀνθ’ἑαυτοῦ. Il est bien clair que le sort qui se manifeste dans ce genre de procédure est censé être une réalité proprement divine, et que c’est au dieu d’indiquer sa préférence en choisissant au sort ses desservants. Lois 759c, τῷ θεῷ ἐπιτρέποντα αὐτῷ τò ϰεχαρισμένον γίγνεσθαι, ϰληροῦν οὓτω τῇ θείᾳ τύχῃ ἀποδίδοντα, voir les Définitions 411, τυχή, ἡ ἐϰ τοὖ αὐτομάτου αἰτία δαιμoνίας πράξεως. 306.Lois 757e. 307.Lois 917a. 308.République 389d. 309.Odyssée XVII 383-384 en négligeant d’ailleurs le travail d’autres démiurges que sont les poètes. 310. Aristote, Politique 1310a, 2.

311. Aristote, Politique 1310a. On ne sait pas très bien ce que peut bien être le serment que les oligarques étaient, ici ou là, censer prêter de faire au peuple tout le mal qu’il pourrait lui faire. Le philosophe leur conseille, au contraire, d’affirmer de façon solennelle, "je ne ferai au peuple aucun tort". 312.République 338e. La réplique de Socrate concerne le fait que c’est cela que l’on doit appeller la justice. 313.République 339b-e. 314.République 459c, voir 338e où Thrasymaque indique comment chaque gouvernement organise la vie politique pour son seul intérêt, tandis que Socrate, 342e, signifie que le chef digne de ce nom ne se soucie nullement de son intérêt propre, mais de celui à qui il commande. 315.Théétète 189c. 316.République 382a. 317.République 382c. 318.République 382c. 319.République 535e. 320.République 382b. 321.République 413b-c. 322.République 413a. 323. D. Vernant, Du discours à l’action, Paris, 1997. 324.Lois 951a. 325.Lois 95 ld, la mission leur a été confiée par les nomophylaques qui constituent une partie de ce conseil nocturne. 326.Lois 952c-d. Le texte est important pour définir la capacité d’un citoyen à vivre une vie privée, il lui est loisible de vivre en simple particulier, ἰδιώτης ζήτω. mais cela lui interdit d’avoir la moindre activité dans le domaine de l’éducation ou de participer au pouvoir législatif. S’il le faisait c’est le tribunal qui aurait à en juger, τεθνάτω ἐὰν γ’ἐν διϰαστηρίῳ ἁλῷ πολυπραγμονῶν τι περὶ τὴν παιδείαν ϰαὶ τοùς νόμους, saisi par un magistrat qui devrait le faire sous peine de recevoir un blâme. Il perd tout droit à la parole politique, à l’égard des jeunes et même des vieux, ce qui est original, pour que la totalité de la cité soit concernée 327. J.-M. Bertrand, "Formes de discours politiques  : décrets des cités grecques et correspondance des rois hellénistiques", dans Cl. Nicolet éd. Du pouvoir dans l’Antiquité : Mots et réalités, Cahiers du Centre G. Glotz, I, 1990, p. 101-116. 328. Aristophane, Acharniens 719. 329.Lois 955b ; quand au mot connu de Plutarque, Lycurgue 25, il témoigne de ce que la parole politique n’existe que par ses succès tandis que la parole personnelle peut connaître des échecs, l’infélicité de la parole politique est inimaginable. 330. Lois 909d-910d. 331.Lois 951b.

332.Lois 952d. 333.Lois 951a. 334.Lois 634e ; sur le silence des jeunes dans la cité, voir O. Murray-S. Price éds., la cité grecque d’Homère à Alexandre, trad. franç., Paris, 1992. p. 259. 335.Lois 634d 336.Théétète 178a. 337.Théétète 179b. 338.Lois 644d. 339. Sur ce point, le texte fondamental est le Théétète 177c-179d. 340.Théétète 172a 341.Politique 300e. 342.Théétète 177d. 343.Cratyle 421b. 344.Sophiste 260c. 345.Cratyle 385a-e. 346.Cratyle 385a, sur l’emploi de παρά voir Jean-Marie Bertrand, "Langage et politique  : réflexions sur le traité pseudo-xénophontique De la république des Athéniens", Langage et Société, 49, 1989, p. 25-41 (p. 27). 347.Euthydème 284b. 348.Lois 739c-d. 349. Il n’y a de cité véritable que lorsqu’on accepte les différence, et quand le coupable peut côtoyer l’innocent, N. Loraux, dans "Reflexions of the greek city on unity and division", City States in Classical antiquity and medieval Italy, édité par A. Molho, K. Raaflaub, J. Emlen, Stuttgart, 1991, p. 33-51, "Le lien de la division". Le cahier du Collège international de Philosophie, 4, 1987, p.  101-124 (p.  106). L’essentiel de son propos vise à montrer ce qu’est l’union des contraires qui fait tenir debout les charpentes et permet le tissage, chaque objet accèdant ainsi à l’existence. 350.République 463c-464c. On sait qu’Aristote, Politique, 1261 b-1262a a dénoncé la logique de Socrate et indiqué combien ce type de construction de la société dépourvue de famille définies était dangereux, H. Joly, Le renversement platonicien. Paris, 1974, p. 344. 351.République 556e. 352.République 548a. 353.République 417a-b. 354.République 462c. 355. Il faut se demander si Socrate n’a pas le sentiment que la bouche "organe musculaire de la phonation" "dicte le sens", comme le suggère A. Soulez, La grammaire philosophique de Platon, Patris, 1991, p. 77, analysant le Cratyle et la valeur mimétique des sons. 356.République 463e. 357.République 463c-464b.

358.République 462b. 359. J. de Romilly, Magic and Rhetoric in ancient Greece, Cambridge, 1975 montre comment Platon dénonce les magiciens qui sévissent dans les cités, mais ne manque pas lui-même d’évoquer le caractère ensorcelant de la langue politique. F. Letoublon, "Comment faire des choses avec des mots grecs. Les actes de langage dans la langue grecque", Philosophie du langage et grammaire dans l’Antiquité, Cahiers de Philosophie ancienne, 5, Cahiers du groupe de recherches sur la philosophie et le langage, 6 et 7, p. 67-90, a bien montré que le langage politique finit par n’être plus qu’incantation, mais que nul n’a le sentiment qu’un formulaire va agir sur les choses directement, on ne se situe pas, donc, dans le cadre d’une pratique magique, mais dans un jeu compris comme étant proprement linguistique. 360.Sophiste 234c. 361. Voir Lois, 773d, 812c, 837e, 944b. 362.Lois 665c. 363. N. Loraux, "Thucydide et la sédition dans les mots", Quaderni di Storia, 12, 1986, 95-134. Il ne faudrait pas négliger de citer dans le contexte posé, Hérodote, III, 80 πλῆθος ἄρχων αὓνομα πάντων ϰάλλιστον ἔχει ἐπονομίην. 364.Lois 664b-667b. 365. Plutarque, Vie de Lycurgue, 21, les chœurs à Sparte insistent sur la succession des générations dans le cycle des progrès de la cité guerrière, "nous fûmes des guerriers, nous sommes des guerriers, nous serons des guerriers plus forts" encore. 366.Lois 666c. 367.Lois 664b. 368.République 541a. 369.Lois 664c. 370. Clinias souligne qu’ils peuvent avoir plus de cinquante ans, Lois 665b. 371.Lois 665d. 372.Lois 666e. 373.Lois 666d. Voir sur les rapports entre enfants et vieillards, Lois 659e. 374.Lois 664d. Est-ce la rumeur divine ou le discours transmis par les dieux que signifie περὶ τῶν αὐτῶν ἠθῶν ? 375.Lois 664e, le chant donne le sens de l’ordre et du rythme. Voir République 400a, la parole est comme le poison ou l’effluve bénéfique, les oreilles mais aussi les yeux en sont frappés et ils sont conduits au bien. 376.Lois 664a et c, ϕθόγγος est, comme on le sait de Cratyle 389d, l’unité élémentaire de son antérieure dans la signification à la syllabe. 377.Lois 660a-c. 378.Ménéxène 235a. 379.Cratyle 424b-425b. 380.Lois 655a

381.Lois 654a. 382. Protagoras 326a-b. 383. Protagoras 326d. 384.Lois 654a. 385.Lois 816b. 386.Lois 656d-657b. 387.Lois 799a-b. 388.Lois 816c. 389.Lois 657c. 390.Lois 656b, le langage ne suit pas nécessairement l’acte, ainsi, "tel aurait honte de faire l’éloge de certains des plaisrs qui pourtant le façonnent". 391.Lois 660c. 392.Politique 306e-307a. 393.Lois 816b. 394. Hérodote, Histoires, VI, 129. 395.Lois 815b, 815d. 396.Lois 664c. 397.Lois 664c. 398.Lois 664a. 399.République 619c.

Conclusion 1

Platon, n’est pas, à proprement parler, un philosophe du droit. Son œuvre politique est une réflexion sur les divers modèles de sociétés existantes et leurs modes de fonctionnement. Dans la République ainsi que dans les Lois, il propose des images de systèmes politiques qu’il considère comme particulièrement aptes à permettre l’accomplissement des qualités humaines de ceux qui leur seraient rattachés. Par l’effet de son intégration à l’hellénisme, il sait intuitivement que, seule, la cité fournit les moyens nécessaires au développement harmonieux de l’homme, qu’elle naît de façon spontanée et qu’il suffit, alors, qu’elle soit reconnue, pour accéder à une existence formelle. Le législateur ne peut jamais intervenir qu’une fois le système installé et institué comme tel. Il doit avoir une parfaite connaissance des techniques nécessaires pour en régler les modalités de fonctionnement. Le théoricien se donne pour tâche de lui faire comprendre comment il doit travailler et quel type d’organisation du pouvoir il doit mettre en place. Dans la République, Socrate décrit ce que pourrait être une cité conduisant à la vertu parfaite les meilleurs de ses membres, dans les Lois, un Athénien propose des modèles de textes législatifs capables de procurer au groupe tout entier un certain bonheur dans le respect des règles morales.

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Dans la Callipolis de la République, l’individu, paradoxalement et, sans doute, de façon quelque peu fallacieuse, est à l’horizon de

toutes les propositions faites pour la gestion du politique. Il peut sembler que la fonction essentielle du groupe soit de faire émerger en son sein des gens capables de le diriger parce qu’ils seraient devenus de vrais philosophes. Le groupe, vivant en autarcie, doit savoir découvrir en son sein les individus capables d’en perpétuer les perfections. Il faut mettre en place un système de sélection qui, étape par étape, permette de savoir qui est capable d’aller au terme du cycle d’apprentissage de la sagesse et de la dialectique 1 . On doit, génération après génération, procéder au tri des aspirants à la compétence philosophique, découvrir dans l’ensemble des membres de la cité, quelle que soit la catégorie fonctionnelle dans laquelle ils sont nés, des jeunes assez doués pour être élevés au rang que justifient leurs capacités naturelles 2 . Le système paraît organisé de telle sorte que les meilleurs puissent être reconnus et mis à même d’accéder à la connaissance et à la vertu 3 . Socrate ne répugne pas, d’ailleurs, à ce que naissent et vivent dans la cité des personnalités atypiques car il sait que de bons maîtres peuvent en utiliser les potentialités 4 . Il considère, en effet, que, parmi les hommes qui pourraient devenir de grands criminels, certains sont parfois dotés de qualités qui les auraient conduits à l’excellence, s’ils avaient été bien dirigés, alors que les faibles sont toujours médiocres dans la vertu comme dans la faute 5 . Mettre en place un tel système ne peut être envisagé que pour un futur indéterminable, cela ne peut s’accomplir que par la rupture absolue d’avec le présent de toute société instituée, par la séparation des jeunes d’avec leurs aînés considérés comme inéducables. Néanmoins, Platon semble penser que cette fondation pourrait ne point se révéler totalement étrangère au peuple chez lequel on envisagerait de l’implanter, et prétend qu’elle lui procurerait bonheur et prospérité. Il imagine, en effet, que la mémoire du peuple biologique originel serait conservée dans

la cité nouvelle malgré le bouleversement complet de ses traditions et de sa culture 6 . Le monde né d’un arrachement primordial, n’effacerait pas le souvenir de la société ancienne inaboutie et le bonheur procuré aux enfants illuminerait, a posteriori, la vie de leurs parents dépossédés. Cette nécessité de rémanence témoigne, sans doute, des limites que l’utopie doit se donner pour passer pour un projet plausible et de l’impossibilité où l’on se trouve de construire le politique sans lui connaître des racines biologiques. 3

La cité des Magnètes, dans les Lois, est, de façon parfaitement claire, présentée comme un groupe humain qui existe préalablement à toute intervention du législateur qui doit l’organiser. L’Athénien et ses compagnons de voyage lui reconnaissent, dès le moment où ils envisagent de s’adresser à eux, une existence collective. Reconnaître le fait que le politique ne peut naître que d’un objet qui, nécessairement, préexiste à toute intervention du législateur est essentiel à l’économie du dialogue et justifie le caractère pragmatique de son propos 7 . La fondation de la colonie est un processus complexe. On se propose de relever et rétablir une cité ancienne plutôt que de bâtir dans le vide 8 . Les colons ne doivent, donc, pas oublier l’existence des anciens habitants, dont il est, d’ailleurs, proposé qu’ils relèvent le nom. Il leur est, ainsi, enjoint d’honorer les dieux que ceux-ci vénéraient aux endroits mêmes où ils le faisaient 9 . Ses institutions semblent ne pouvoir commencer à fonctionner qu’avec le soutien d’une métropole qui doit guider ses premiers pas indépendants 10 . La mission du législateur est de permettre au groupe primordial, par un travail précis, de mener, le plus longtemps possible, une existence convenable 11 . Il doit lui donner forme viable, la plus parfaite possible, définir quels moyens peuvent lui permettre de se perpétuer sans rien perdre des qualités qu’il lui aura procurées.

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Le fait, d’abord, que le législateur doive donner une forme au groupe primitif des hommes qui constituent la cité et qu’il faut installer sur un territoire donné, explique, en partie, que l’image soit si nécessaire pour faire connaître ce que doit être le système proposé. Il n’est pas inutile de s’arrêter un instant sur les descriptions prospectives menées par les trois vieillards du dialogue car elles permettent de découvrir, au delà de leur discours théorique et proprement législatif, ce qu’est la réalité politique qu’ils proposent de construire. En effet, pour que rien n’échappe aux regards du lecteur, il en est procuré deux représentations. De façon similaire, Platon avait présenté, dans le Critias, deux vues d’Athènes perçues chacune selon des points de vue différents 12 . La première image de Magnésie, ville et territoire, est assez détaillée et spectaculaire pour avoir été le plus finement analysée. Elle est planimétrique. Elle présente la cité sous la forme d’un ensemble territorial circulaire centré et zoné 13 . La seconde est moins claire mais elle doit être considérée comme tout aussi signifiante 14 .

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Dans la représentation de type cartographique, la ville est installée au centre du territoire. La campagne est divisée en deux zones concentriques. Chaque lot de terre, attribué à chacune des 5040 familles de colons, est composé de deux parts, l’une appartenant à la zone intérieure du territoire rural, la seconde à la zone extérieure. Une couronne de douze villages jalonne la limite des deux zones. Ils sont installés sur la ligne de collines qui la marque et permet que chacune de ces unités d’habitation et de production puisse être mise en défense, si cela se révèle nécessaire 15 . Chaque domaine se voit attribuer deux maisons. L’une est située dans la ville, la seconde dans un des villages. La maison urbaine sert de résidence au chef de famille, la demeure rurale est réservée au jeune ménage qui doit s’y installer pour éviter les conflits que la cohabitation ne manquerait

pas de faire naître 16 . La partition est faite pour essayer de neutraliser les effets pervers de la centralité qui concentre les symboles et les réalités du pouvoir dans la ville. C’est dans le centre urbain que sont célébrés les cultes des grands dieux, Hestia, Zeus et Athéna, dans les quartiers adjacents que sont installés les personnes d’âge à qui l’essentiel du pouvoir appartient et que se tiennent les marchés autorisés. Néanmoins, au contraire de ce qui se produit, parfois, dans les cités ordinaires, personne n’est enclin à se désintéresser de ce qui se passe dans la périphérie du territoire, puisque chaque famille a des propriétés et, donc, des intérêts, aussi bien en son centre que sur la frontière. Aristote, souvent critique à l’égard des propositions de son maître, admet que cette répartition est conforme à la justice et aux besoins du système. Ce type de partage des domaines est fait pour assurer l’égalité des citoyens. Il garantit, aussi, l’unité de la cité, en rendant impossible la naissance de conflits d’intérêts liés à l’implantation de chacun des propriétaires en une région et l’expression de particularismes régionaux dans le jeu politique 17 . L’image de la ville, qui, échappant à la planimétrie tout en s’y inscrivant, semble surimposée à cette carte, paraît particulièrement significative du sens et de la fonction de modélisation. Le centre urbain n’a pas de remparts, mais les murs des maisons sont décrits comme jointifs aux bords mêmes de l’espace bâti réservé aux citoyens. La ville est, ainsi, assez close pour pouvoir être défendue efficacement. Mais s’il est ainsi envisagé de la construire de cette façon 18 , c’est pour que la muraille unique, devant réunir toutes les unités familiales d’habitation en un bloc homogène, donne l’image de ce qu’était la grande habitation commune aux habitants de la cité primordiale dont les mythes archéologiques avaient conservé le souvenir 19 . La demeure de chacun semble se fondre dans la collectivité urbaine. La ville paraît,

ainsi, se conformer au projet politique, tel qu’il est esquissé dans la République, proposant de rendre commun à tous ce qui aurait pu leur rester personnel 20 . Chaque chef de famille accepte de dénier symboliquement sa propre capacité à l’individuel pour que la ville ne constitue plus qu’un seul bloc, d’abandonner le désir d’une maison qui lui soit propre. Le projet urbanistique, dans ce qu’il a d’original, est, ainsi, un discours de théorie politique tout aussi clair et efficace que le partage même du territoire 21 . 6

La seconde image de la cité se construit dans un plan vertical. Elle apparaît au moment où est évoquée la nécessité d’instituer le Conseil nocturne 22 . Cette assemblée doit veiller sur l’État, assurer, telle une ancre, la sauvegarde de la cité toute entière, par la raison et l’action, son existence est considérée comme essentielle au maintien du système dans sa perfection 23 . La cité est, alors, décrite sous la forme d’un humanoïde panoptique composé d’une tête et d’un tronc 24 . Au sommet du crâne 25 , s’installent les plus jeunes d’entre les conseillers qui doivent inspecter le reste du corps politique offert à leur regard circulaire. Serviteurs de leurs collègues plus âgés, ils recueillent et transmettent les informations utiles pour que ceux-ci les analysent et les mémorisent 26 . Cette représentation en rondebosse, interfère, de façon curieuse, avec les propositions du schéma planimétrique, car la métaphore impose, quand elle est filée, une nouvelle topographie du territoire. Ainsi, le conseil, qui doit siéger dans la tête du corps métaphorique, est dit se réunir dans l’acropole du pays 27 . Or, il semble que l’on ne connaisse qu’une acropole dans la cité telle qu’elle a été présentée par le discours de type cartographique. Celle-ci est au centre de la ville et rien ne permet de penser qu’elle soit située en un lieu particulièrement élevé du territoire, car le fondateur l’a définie comme telle pour des raisons de symbolique sans prétendre vouloir rendre compte de ce qu’est le

site de son implantation 28 . Il n’est pas question, d’ailleurs, pour une autre raison encore, que l’acropole urbaine et celle où est censé siéger le Conseil puissent être les mêmes. Celui-ci doit, en effet, se tenir dans le voisinage d’une prison servant de maison de correction pour certains grands criminels considérés comme amendables 29 . Or, ce lieu de détention ne peut être assimilé à celui qui est réservé aux petits délinquants dont la punition doit être publique et se trouve, sur la grand-place, dans la ville même 30 . On ne peut, ainsi, trouver d’endroit où installer effectivement le Conseil nocturne dans le territoire utopique. 7

Les renseignements fournis par les deux images sont parfaitement inconciliables mais elles sont présentées l’une et l’autre parce qu’elles sont complémentaires. Platon utilise leur conjonction d’une façon qui rappelle la façon dont Clisthène avait bâti et représenté l’Athènes de sa réforme. En cartographe subtil, il avait découpé l’Attique en un système complexe de dèmes et de trittyes, circonscriptions réparties région par région et regroupées en dix tribus hétérogènes, de telle sorte que l’unité de l’ensemble politique pût être parfaitement assurée au plan administratif et institutionnel par la dissociation des solidarités locales. Il avait fait, par ailleurs, dessiner sur l’agora des espaces réservés à chacune des tribus, divisés eux-mêmes en zones réservées à chacune des trois trittyes qui les constituaient. S’installant dans l’emplacement qui leur était réservé pour certains scrutins solennels, les citoyens percevaient dans l’ordonnance de leur rassemblement ce qu’était la structure du système politique et quelle forme était donnée au pouvoir au moment même où ils l’exerçaient 31 . La première des images était, peut-être, difficilement perceptible par le citoyen ordinaire mais elle avait été, évidemment, parfaitement claire aux yeux de qui l’avait dessinée. Elle signifiait comment le terroir était partagé en

circonscriptions assez artificielles pour que s’établisse dans l’ensemble un équilibre qui ne dût rien aux déterminismes géographiques et aux rapports naturels de voisinage. La seconde, dispensée de tout lien avec la représentation du sol, montrait ce qu’était la cité des hommes en la forme que lui donnait leur seule répartition dans le cadre du système constitutionnel. 8

Dans les Lois, le découpage du terroir doit servir à établir l’égalité des citoyens et assurer la permanence de la structure sociale. Le modèle qui en rend compte est un instrument essentiel du discours politique, même si la forme publiée, sous forme de tablettes de cyprès, n’en est, sans doute, pas très claire 32 . Les représentations d’un système politique, quelles qu’en soient les modalités, sont, en effet, performatives quand elles sont officialisées 33 , qu’elles soient métaphores, cartes, cadastres ou registres d’état-civil. Les hommes vivent, en effet, leur rapport au sol et au groupe social en fonction de l’image qui leur en est donnée. Les images de la société et du pouvoir conditionnent, ainsi, l’action du politique. L’idée qu’il soit possible, en particulier, de construire Magnésie par un discours de géographe est, donc, pertinente. La description quasi biologique de la cité qui est associée à cette première représentation du système est moins précise et pourrait sembler moins utile au législateur à qui elle est proposée. Pourtant, elle est tout aussi nécessaire car, c’est en la considérant que l’on peut comprendre où se situe, dans la cité, le pouvoir. On ne peut, en effet, le déduire du texte des lois constitutionnelles proposées par les participants au dialogue. Nulle part les droits des citoyens à décider de leur destin dans le cadre des assemblées ne sont définis avec précision. Les prérogatives des magistrats, quelque puissants qu’ils puissent paraître, semblent se résumer à la gestion des affaires courantes dans un cadre dont ils doivent se contenter d’assurer la pérennité. Cela pourrait faire

douter de la possibilité de la cité à remplir sa mission. Il faut qu’elle soit dotée d’un centre de décision. Cette instance est un substitut du politique véritable dont Platon souhaitait qu’il pût donner à chacun des citoyens placés sous son autorité des ordres adaptés à la nature propre de celui-ci et aux circonstances 34 . Dans Magnésie, de même que dans la cité de la République, le pouvoir reste en retrait. 9

Pour être efficace, il a appris à s’effacer dans une mutité qui rend impossible toute tentative de réaction, a fortiori d’opposition, aussi n’apparaît-il que dans une image d’autant plus signifiante qu’elle est fugitive.

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La mission du législateur est de donner au groupe humain, réuni par le hasard d’une entreprise coloniale, les moyens de vivre comme il convient. Les Lois proposent un modèle de gestion de l’ensemble politique institué dès l’origine du dialogue et indiquent quels instruments sont nécessaires pour le conduire à pratiquer ce qu’il faut de vertu. Il s’agit de mettre et de maintenir en mouvement un système du type de celui que toutes les sociétés contemporaines de l’auteur du discours utopique connaissent sans qu’elles se posent de question sur la raison de son existence. L’essentiel est, semble-t-il, d’abord, de construire un système autosuffisant et autorégulé, contenant en lui-même les principes d’un équilibre capables de le maintenir perpétuellement en mouvement sans intervention extérieure ni modification de ses structures.

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Pour ce faire, plus que les lois sur l’organisation des pouvoirs publics, la législation concernant les mariages et les héritages est fondamentale. Les rapports économiques qui s’établissent nécessairement entre les gens en fonction de la logique d’organisation du territoire sont censés procurer spontanément les comportements collectifs nécessaires à la permanence des institutions. Par une sorte de déterminisme, que l’on peut qualifier

d’inverse car la répartition du sol est imposée et non pas reçue de l’histoire 35 , la structure des propriétés et les modalités de leur transmission semblent pouvoir perpétuer l’égalité originelle des familles, le système social dans son ensemble, et, par voie de conséquence, les équilibres politiques. 12

Le droit privé semble n’avoir d’autre fonction que celle de jouer sur les marges d’ajustement. Il s’agit d’empêcher que naissent et perdurent des difficultés relationnelles grippant le fonctionnement de l’ensemble par l’émergence de conflits entre les personnes. Le meilleur moyen que l’on puisse trouver pour ce faire est d’éduquer les citoyens de telle sorte qu’ils maîtrisent leur violence naturelle et l’avidité de leurs passions, ou bien de les punir, s’ils se sont laissés aller à y céder. Le législateur propose divers moyens d’incitation ou de répression. Il montre pourquoi il faut pratiquer certains types de rapports sociaux, refuser la violence ou l’injustice. L’incitation à la pratique de la vertu est affaire d’éducation, de surveillance et de punition. L’éloge du bien, la dénonciation du crime font partie de la panoplie mise à la disposition des magistrats par une rhétorique dont les effets sont multipliés par l’emploi de procédés irrationnels de persuasion.

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Bien que le législateur prétende se soucier du devenir personnel de chaque individu dans le groupe réuni devant lui et de son évolution morale, il semble bien qu’il se sache investi de la mission de veiller, surtout, à ce que la qualité des rapports interpersonnels contribue au fonctionnement du système ou, tout du moins, ne l’entrave pas. La justice est un instrument servant à régir et contrôler, au jour le jour, la vie de la collectivité et non pas, malgré certaines apparences, les rapports d’individu à individu. Ainsi, par exemple, dans un procès civil, la compensation attribuée à la partie lésée n’est pas essentiellement destinée à annuler le préjudice subi, son but

essentiel est de rétablir au profit de la cité une certaine amitié entre les parties 36 . Le droit privé est essentiellement un instrument de régulation sociale. L’institution judiciaire semble ne pas avoir pour fonction essentielle d’éduquer les gens qui se sont révélés imparfaits ou de les soigner, de façon à les rendre meilleurs, mais de rétablir d’abord une certaine harmonie dans une cité que le crime a bouleversée. 14

C’est là que le projet platonicien perd de sa clarté, de sa cohérence et sans doute de sa pertinence. Sous prétexte qu’il paraît impossible de trouver les moyens de se faire obéir en tout, le législateur peut se voir conseiller de prescrire des comportements sociaux ou politiques tout à fait atypiques, pour ne pas dire injustifiables, sauf à ne retenir que leur efficacité immédiate, et à assumer leur caractère discutable. Ainsi, se livrer à des pratiques sexuelles, moralement et socialement inadmissibles, peut devoir être autorisé à la seule condition que la pratique en reste dissimulée. De même, le souci, tout à fait louable et humain, de la personnalisation des peines ou, même, des injonctions législatives peut contrevenir au projet politique et déboucher sur des décisions judiciaires où ni la justice formelle, ni l’équité, ne trouvent de place. Même la législation tout à fait explicite sur la dévolution des lots de terre en cas d’absence d’héritier direct peut être bafouée par la décision d’un tribunal alors qu’elle constitue le socle sur lequel est bâti l’ensemble du système social. Les juges se voient, ainsi, enjoindre d’apprécier si l’obligation faite à une épiclère d’épouser son plus proche parent ne risque pas de faire mener une vie invivable au ménage, ce qui pourrait se produire si l’un des deux promis se révélait trop âgé, trop infirme ou, peut-être, trop peu aimable. Ils peuvent, alors, dispenser les intéressés, sans doute celui d’entre eux qui s’y est refusé, de l’application de la loi. On ne comprend pas quelle peut être la valeur propre d’une décision de

confort pour le progrès moral de qui en est le bénéficaire. On doit se demander, aussi, en quoi elle peut servir l’intérêt de la cité puisque rien ne semble prévu pour la transmission effective du lot de terre dont le mariage annulé était l’enjeu, alors que la perpétuation du partage territorial originel est essentielle au maintien de la cité en sa forme. 15

Dans l’un comme dans l’autre cas, l’arbitraire est la règle de fonctionnement du tribunal. La façon dont on apprécie comment le déviant sexuel respecte l’obligation de dissimuler ses pratiques est tout à fait problématique. Le public peut accepter de ne pas voir ce qu’on doit lui cacher et qu’on s’efforce de lui dissimuler, mais, s’il ne souhaite pas le faire, une dénonciation suffit à faire la preuve que le sodomite ou l’adultère est coupable, puisqu’il a été surpris. Le jeu des regards et de la dénonciation n’a cure des efforts imposés à la vergogne. Quand il est question d’avaliser le refus d’un individu de déférer à l’obligation de conclure un mariage réclamé par les proches du défunt dans le respect des lois, les juges sont censés avoir été assez bien formés pour ne pas contrevenir à l’esprit de justice 37 . Néanmoins ils peuvent être conduits à débouter d’une action parfaitement fondée des gens qui s’abritaient derrière l’idée que leurs intérêts pouvaient être les mêmes que ceux que la constitution prétendait défendre. L’intime conviction d’un tribunal prévaut sur les règles présentées comme les plus nécessaires. La capacité de n’importe lequel d’entre les citoyens à s’exprimer ou à accepter de se taire, le pouvoir souverain des juges valent mieux que les règles constitutionnelles. La loi s’efface derrière le souci de faire accepter l’inacceptable en fonction d’un principe d’opportunité qui peut justifier toutes les dérives.

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Dans l’un ou l’autre de ces deux cas significatifs, il semble tout à fait évident que la pratique doive se fonder sur l’existence d’un pouvoir

qui seul peut faire admettre l’injustifiable. La possibilité qu’il s’exprime, quelque contrôlée qu’elle soit, témoigne qu’il doit exister, en marge des institutions reconnues et des lois qui en définissent le fonctionnement, une instance qui en rend possibles, en justifie et en valide les manifestations. Platon avait voulu montrer, dans le Politique, que le seul gouvernement convenable devrait être celui de l’expert qui, sans être lié par le texte de lois écrites dont il ne refuserait pas, néanmoins, l’existence, saurait prendre le temps de venir s’asseoir à côté de chaque membre de la cité pour lui dire comment il doit se comporter 38 . Il lui serait reconnu, même, en cas de besoin, le droit de faire violence à ceux qu’il dirigerait, ceux-ci n’ayant aucun droit à se plaindre de ses procédés sauf à paraître ridicules 39 . Les Lois semblent, ainsi, n’avoir pas su rompre avec cette logique pour assurer le pouvoir de la loi seule. Les ayant droit d’une épiclère ou d’un promis désigné seraient stigmatisés et réputés honteux pour avoir été déboutés en revendiquant l’application des textes les plus explicites et les plus nécessaires 40 . 17

Dans le monde hellénique, la cité paraît une réalité naturelle dont la nécessité est reconnue, l’antiquité de l’origine de cette institution fondant sa légitimité. Il suffit que l’organisme fonctionne pour qu’en soit justifiée l’existence par tout discours juridique et idéologique. Il procure à ses membres un sorte de bien vivre dont ils ne cherchent pas, sinon par empirisme, à savoir s’il est parfaitement satisfaisant, se contentant de ce qu’ils sont capables d’obtenir de sa part et ne se résolvant à la guerre civile que si leur situation se dégrade de façon par trop évidente. Dès qu’il paraît nécessaire de donner au système une autre mission que celle de servir de cadre de vie, il faut le doter d’une instance de définition et d’évaluation de ses besoins, de ses fins et des moyens employés pour les atteindre. Celle-ci peut se muer

en organe de direction. La cité se construit en un État, que cela soit, ou non, explicite dans les textes qui prétendent, alors, la décrire. 18

Platon veut que la cité d’utopie conduise ses membres sur le chemin d’une vertu dont il prétend savoir, pour sa part, quelle elle est. Cela serait l’unique moyen de leur assurer un bonheur véritable. Dans Callipolis, le philosophe roi doit jouer le rôle d’une sorte de guide, mais la République évite de traiter des modes d’exercice de son hégémonie 41 . Le dialogue se contente de signifier quelles seraient les conditions à remplir pour supprimer toute tension interne dans la cité parfaite et rendre inutile la mise en action d’une puissance chargée d’ordonner ou de contraindre 42 . Il suffirait de sélectionner des enfants encore amorphes, de les éduquer selon de sains principes, de les laisser baigner dans un discours convenable pour que se réalise une cité qui serait la propre cité du philosophe.

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Les Lois s’adressent à des hommes faits et les participants au dialogue ne méconnaissent pas la nécessité de pratiquer à leur égard une pédagogie directive. Une répression sévère des fautes qu’ils ne pourraient manquer de commettre est préconisée pour combattre et corriger ce qu’il peut exister d’indocile dans leur nature. Les enfants, laissés, un certain temps, par nécessité pratique et souci de préserver la cellule familiale, sous la responsabilité de leurs parents, doivent être éduqués de telle sorte qu’ils puissent progresser et atteindre à toute la perfection dont ils sont capables. Telle est la mission assignée aux institutions, c’est, par ailleurs, l’unique moyen de voir perdurer le système qui ne peut subsister que par l’accomplissement du projet même qui l’a fait naître.

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Dans la mesure où la vertu de chacun n’est connue que par ses manifestations objectives, tous les citoyens doivent pouvoir se rendre compte de la façon dont leurs voisins se conduisent, produisent et dépensent. Chacun est sous le regard de tous. Le

groupe peut, ainsi, penser que les institutions sont faites pour savoir qui récompenser ou punir en fonction du tarif défini par la loi. Néanmoins, le projet législatif serait fallacieux s’il prétendait faire admettre que le tribunal, le juge connaissant les textes, peut suffire à faire fonctionner le politique de façon à ce que ses fins soient accomplies par le seul exercice de l’incitation ou de la répression institutionnelle. Pour que son entreprise réussisse, le théoricien doit pouvoir mettre en usage des instruments fiables pour assurer l’éducation permanente des membres du groupe et la gestion de leur comportement. S’il ne veut pas abuser de la contrainte, car la violence, même ritualisée, suscite nécessairement résistances et conflits, il doit convaincre. Mettre en évidence une instance à qui serait confié ce travail de persuasion serait dangereux car cela fonderait l’idée qu’il peut exister dans la cité des hétérodoxies et qu’elles sont légitimement admises à s’exprimer puisque l’on s’adresse ouvertement à leurs tenants. 21

Les participants au dialogue fondateur montrent qu’enseigner, jour après jour, ce qui doit être fait et dénoncer l’inadmissible doit être confié à la collectivité, instance plurielle et englobante. La cité des Magnètes est invitée à savoir se convaincre elle-même, par l’effet des mots qui naissent et circulent en son sein, de la pertinence du projet politique et de la nécessité de le mettre en œuvre. Elle doit être, à la fois, destinateur et destinataire de tout discours public, que ce soit dans les représentations qu’elle donne d’elle-même lors des festivités chorales ou dans la façon dont elle fait circuler la rumeur, discours anonyme et unanime. Le législateur se voit enjoindre de réduire le plus possible les jeux de la procédure interlocutive à l’intérieur du groupe. Les seules partitions du corps politique qu’il admette sont celles qui peuvent être considérées comme naturelles. Dans la mesure où la distinction entre les jeunes et les plus vieux

semble impossible à nier parce qu’elle paraît objective, il doit l’utiliser au mieux en organisant les échanges pseudo-dialogiques des divers chœurs recrutés chacun dans une des générations. Tout discours produit est, ainsi, censé appartenir à tous et être l’expression du sentiment général, ne pouvoir jamais être mis en cause. Chacun doit accepter de le considérer comme sien et perdre tout désir d’un discours personnel. Il peut devenir l’esclave des ordres de la loi, parce qu’elle est présentée comme l’unique mode d’expression de la raison possible, parce qu’elle est sans cesse reprise dans le cours des célébrations collectives et qu’elle est confortée par la dénonciation sans appel d’éventuelles réticences par la rumeur subreptrice mais omniprésente. 22

Platon avait parfaitement compris que la publication de la loi construit nécessairement un espace de liberté que n’offre pas, dans son espace clos, la diffusion orale des textes, des slogans ou des ordres. Il est difficile de se sentir lié par l’écriture du simple fait qu’elle est offerte à la lecture 43 , car les destinataires sont institués en tant que maîtres du sens des textes dont l’auteur s’est nécessairement absenté 44 . Le philosophe, conscient de cette aporie, avait assumé l’idée qu’il était impossible de faire du droit écrit l’armature d’une cité dont il souhaitait, en refusant que s’y manifeste la moindre possibilité de dialogue, qu’elle restât toujours semblable à la forme parfaite qu’il pensait lui avoir donnée 45 . Cela conduit à ce que l’on ne peut connaître comment pourraient être instituées, dans la cité magnète, des instances capables d’exercer, en tant que telles, un droit à une parole propre. On ne sait rien, ainsi, de la façon dont pourrait s’exprimer l’assemblée primaire, si tant est qu’elle ait le moindre droit à le faire. Le processus électoral servant à désigner les magistrats est organisé de telle sorte qu’il soit impossible d’en faire l’occasion, pour la cité, d’exprimer ses divisions. Les candidats

n’ont pas à se présenter, celui qui, proposé par un concitoyen, ne plairait pas à un autre, est, sans qu’il soit besoin de justification, exclu du nombre des élus possibles. La multiplication des tours de scrutin n’est que la mise en scène du regroupement progressif de tous les suffrages sur une liste de plus en plus réduite, de telle sorte que les élus semblent désignés par l’accord de tous 46 . Il n’est pas indiqué, non plus, comment le Conseil nocturne doit manifester son opinion ou ses décisions, ni comment il peut intervenir dans la vie quotidienne de la cité, alors que son rôle est présenté comme devant être essentiel. En son sein même, la nature et les rituels des rapports liant les anciens et les jeunes, qu’ils recrutent à leur gré, en fonction de leur capacité à s’instruire, ne sont pas précisés. 23

La cité doit aller son chemin comme le fait un bon attelage. Il faut que les souffles des chevaux s’accordent pour que le parcours se déroule sans accroc 47 . Nul d’entre les citoyens ne doit songer à respirer sans considérer comment la loi ordonne qu’il le fasse 48 . Il est conseillé, donc, au législateur de faire accéder Magnésie à ce type d’homophonie. La communauté toute entière ne doit pas cesser, autant qu’il lui est possible, d’émettre les mêmes sons en un même rythme, n’exprimant qu’une seule et même chose durant toute son existence, dans ses chants, ses mythes et tous ses discours 49 . La signification de ce que proclament les chœurs semble être moins importante que la façon dont leurs paroles sont dites 50 . La persuasion raisonnable n’a pas sa place dans ce jeu, l’incantation suffit à faire que la cité toute entière s’enchante elle-même par le seul mouvement du chant 51 . Se contentant de faire en sorte qu’elle manifeste son unité, le théoricien politique fait passer au second plan sa mission d’éducation. Il se satisfait de la manifestation spectaculaire des apparences de la sagesse. Platon est parfaitement conscient de cette dérive. Il sait que, dans les enfers, les gens qui

viennent d’États considérés comme bien gouvernés ne savent rien, le plus souvent, de la morale car ils ont pratiqué la vertu par habitude et non par amour de la sagesse 52 . Même s’il peut imaginer qu’il est possible, dans la fiction comme dans la réalité, de jouer avec les mots de telle sorte qu’ils construisent ce dont la cité a besoin pour vivre, si la performativité du discours politique réussit, parfois, à construire les réalités que le philosophe se contente de proposer, cette constatation désabusée témoigne de ce que son projet débouche le plus souvent sur le vide. 24

L’homme vraiment soucieux de son accomplissement personnel doit s’installer à l’écart du politique et accomplir son destin en se situant hors du groupe. Il ne peut accepter, ainsi que les autres philosophes qui partagent son destin, d’administrer la cité que parce que c’est une nécessité et qu’il est de son devoir de s’y soumettre 53 . La tâche de chacun est, d’ailleurs, alors, essentiellement de former les jeunes qui seraient aptes à lui succéder, l’obéissance des autres, malgré quelques difficultés que le mensonge peut résoudre sans difficulté, est présupposée 54 . Dans la cité des Magnètes, où nulle sélection préalable n’a permis de constituer un groupe homogène, soucieux de se laisser séduire et naturellement capable de comprendre et de prolonger les leçons du législateur, la manifestation même de l’existence d’un pouvoir serait une source de conflits nuisibles à la mise en œuvre de ce qu’il considère comme nécessaire. Tout indique que la gestion de l’opinion publique impose qu’il soit mis en place une instance de surveillance, de proposition et de légitimation des discours tenus, mais que son pouvoir doit être, pour l’essentiel, masqué pour qu’elle ne puisse apparaître un interlocuteur identifiable dans une cité où toute parole doit être renvoyée au collectif pour paraître recevable.

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De même que la loi n’est que rarement publiée pour être offerte à la lecture d’hommes qui seraient libres de l’interpréter, de même l’existence d’un pouvoir distinct du groupe des citoyens capables de discuter de la pertinence de ses choix est implicitement déniée. La nécessité de la mise en place du Conseil nocturne n’est énoncée qu’à la fin d’une œuvre qui se fonde, néanmoins, sur l’idée qu’il doit nécessairement exister et dont il constitue, ainsi, le couronnement 55 . Or, il est, alors, signifié qu’il n’est pas possible de fixer par une loi quels doivent être ses pouvoirs avant qu’il n’ait été institué et, sans doute, ne les ait défini lui-même 56 . Nul ne sait quels sont les critères qui font recruter tel ou tel de ses jeunes membres sinon le bon plaisir des anciens 57 . Si tel d’entre eux se révèle indigne de la fonction à laquelle il a été élevé, c’est à huis-clos que l’on blâmera son introducteur. Si le bon peuple est invité à honorer la vertu des uns ou des autres de ces aspirants à la sagesse, de les combler d’honneurs ou de les en priver, c’est, selon toute vraisemblance, en fonction de critères qu’il n’a pas défini et pour des raisons qui, vraisemblablement, lui échappent puisque c’est le conseil, lui-même, qui s’est institué, sur son acropole, métaphorique, en instance de surveillance de tous dans toute la cité. Le système défini et proposé par l’Athénien est, ainsi, fallacieux. Il n’est pas question, en effet, de faire de la cité un espace interlocutif productif. Le politique ne peut naître dans Magnésie, car nulle règle n’y établit de rapports contractuels entre les dirigeants, les véritables détenteurs du pouvoir et les simples citoyens. Or, la capacité de la parole diffusée dans l’espace public à devenir source de droit n’est jamais fonction que des modalités de son expression. Le respect du droit et des règles de procédure, permet seul d’échapper aux vertiges du spontanéisme incapable de construire rien qui vaille, même si tel qui se livre à son arbitraire prétend n’agir que pour le bonheur de ses

sujets. La cité des philosophes n’appartient pas au monde du politique car nulle cité ne peut naître d’une volonté individuelle. De la même façon, "le dialogue platonicien est caricature pédagogique" 58 , car le vrai n’advient pas dans un espace de dialogue, qui lui donnerait quelque légitimité, la revendication de nescience étant, chez Socrate, mensonge. 26

La façon qu’a Platon de construire une cité en marge d’un pouvoir qui ne peut apparaître dans toute sa vérité lui est, évidemment, propre et tient à ce que furent ses expériences de la vie publique. Son propos s’inscrit néanmoins dans un contexte qui assume l’essentiel de ce qu’il a de pragmatiquement novateur. Avec l’avènement des rois macédoniens, les antiques cités grecques vont découvrir de quelle façon peut s’exercer sur elles un pouvoir indiscutable sans que soient modifiées les images qu’elles publient du politique, sans que le discours public cesse, quand il est diffusé, de célébrer leur autonomie et leur liberté. Le souverain régnant qui tient en ses mains le destin d’une ville de vieille tradition hellénique n’est jamais présenté que comme extérieur à elle. Ses ordres semblent ne jamais devoir y pénétrer directement et imposer quoi que ce soit aux citoyens, qui peuvent prétendre n’obéir jamais qu’à des lois qui leur seraient propres. Acceptant de fonder leur discours sur les principes que leur propose le souverain sous des formes diverses, intégrant à la législation ancienne les textes nouveaux dont il leur fournit le modèle, ils n’en signifient pas moins qu’ils le font en toute indépendance. Diviniser le roi permet, par ailleurs, de le constituer en une instance telle que l’on ne perde rien de sa liberté humaine à obéir à sa volonté. Il est plus proche des hommes que ne l’étaient devenus les dieux poliades traditionnels, mais sa parole peut être considérée comme une source de droit tout aussi légitime que l’avaient été les oracles rendus aux premiers législateurs. La cité

peut, ainsi, prétendre rester aussi libre qu’elle l’était sous le regard des Olympiens. On ne décrit guère officiellement, ainsi, le souverain que pour ses capacités à combler de bienfaits celui qui s’est placé sous sa protection. Ainsi, le pouvoir, pourtant, parfois, si lourd à supporter n’est que très rarement désigné comme tel et son arbitraire ne peut être jamais que l’effet de sa bonté. Cette capacité à voir et décrire le monde sous des aspects acceptables au plan de l’idéologie est, sans doute, en germe dans l’utopie politique platonicienne.

NOTES 1. République 537a-d. 2. République 415b-c. 3. République 535a-536d. 4. République 475d. 5. République 491e. En Lois 666e, on voit comment il ne serait pas inopportun de prendre à part, pour lui faire subir un enseignement particulier, tel jeune homme particulièrement sauvage. Il deviendrait, non seulement un bon guerrier, mais aussi un administrateur civil de qualité. 6. République 541a. 7. Lois 704a. 8. En Lois 919d, l’existence de cet ancien peuplement paraît être une évidence. 9. Lois 848d. 10. Lois 702d. 11. Lois 746b. 12. J.-F. Pradeau, Le monde de la Politique, Sur le récit atlante de Platon. Sankt Augustin, 1997, donne (p. 67-109), un résumé analytique des interpétations récentes. 13. Lois 745a-e. 14. Lois 964c. 15. Lois 745e et 848c-d, ces deux passages ont été mal compris par Des Places. Dans le premier il faut comprendre, τὴν ἐγγὺς τοũ µέσou ϰαὶ τὴν τῶν ἐσχάτων, comme désignant une maison

proche du centre, une seconde proche de la zone périphérique. Dans le second, il ne faut pas traduire ϰώµαι, par quartier, ce qui ne signifie rien, mais par village. 16. Lois 776a. 17. Aristote, Politique 1265b25, 1284a26, 1310b20. 18. Lois 778e, 848d-e. 19. République 369c. 20. Lois 739c. 21. Republique 562 c-d. 22. L. Brisson, propose de l’appeler désormais, "Collège de vigilance". 23. Lois 964e. Pour une analyse de sa composition et de la fonction qu’on lui réserve, voir M. Piérart, Platon et la cité grecque, Théorie et réalités dans la constitution des Lois, Bruxelles, 1974, p. 209-234. A. Castel-Boubouchi, "« Comment peut-on être philosophe ? » la notion de paideia et son évolution de la République aux Lois”, dans D’une cité possible. Sur les Lois de Platon, éd. J.-F. Balaudé, Paris, 1995, p. 57-78, (p. 72-76) essaie de comprendre quelle place tient l’institution dans le cadre plus général du rapport de l’éducation philosophique au politique. 24. J.-M. Bertrand, (en collaboration avec M. P. Gruénais) "Quelques aspects de la métaphore organique dans le domaine politique : images du corps dans la Politique d’Aristote", Langage et Société, 29, 1984, p. 45-57. La cité parfaite est représentée comme un corps synesthésique, dans République 368c. Le terme de ϰύτoς partie du corps qui se trouve située entre la tête et le nombril, apparaît aussi dans le Timée 67a. 25. Devenue sage, la cité pourrait être représentée comme une tête qui n aurait plus besoin de corps, Lois 964d. 26. Lois 964e. 27. Lois 969c. 28. Lois 745c. 29. Lois 908a. 30. Lois 908a. La localisation des trois prisons, telle qu’elle est proposée, pose un autre problème. Quand il est question que la prison punitive, et non plus éducative, l’Athénien indique qu’elle doit être installée ϰατὰ μέσην τὴν χώραν, en un lieu qui serait particulièrement désert et sauvage, on ne comprend pas comment il peut, dans un terroir rural entièrement partagé et exploité, exister un endroit de ce type. 31. P. Lévêque et P. Vidal-Naquet, Clisthène l’Athénien, Paris, 1964, J.-M. Bertrand, Cités et royaume du monde grec : espace et politique. Paris. 1992, p. 42-48. 32. La mémoire du partage initial est conservée sur des tablettes de cyprès, Lois 741c. 33. Cl. Raffestin, Pour une géographie du pouvoir, Paris. 1980, sait que le maillage est un "acteur" de la vie sociale (p. 163) et montre comment "les maillages sont sous-tendus par les relations vécues des populations, par les rapports économiques, par des liens de solidarité et par des conformités de langage et de coutumes" ce qui empêche que l’on puisse le modifier sans de bonnes raisons (p.  156). R. Pourtier, "Nommer l’espace", L’espace géographique, 4,

1983, p. 293-304, du même auteur, Le Gabon, Paris, 1989, II, p. 65, "on dit l’espace comme on dit la loi". 34. Politique 295b. 35. G. Di Méo, L’homme, la société, l’espace, Paris, 1991, p.  33. définit l’espace comme la "contradiction dialectique de la substance (c’est-à-dire ce qui est à la fois en soi et par soi) et du produit (résultat historique de l’activité socio économique)" 36. Lois 862c. L. Gernet, "Sur la notion de jugement en droit grec", Droit et société en Grèce ancienne, Paris, 1964, p.  61-81 montre comment l’action judiciaire en matière privée n’est jamais que "l’instrument d’une police bien ordonnée" (p. 75). 37. Lois 876e. 38. Politique 295b. 39. Politique 296d. 40. Lois 925d-926d. 41. République 540e-541a. 42. Voir Politique 308e. 43. Voir J. Goody et I. Watt, "The conséquences of literacy", Comparative studies in Society and history, 5, 1962-63, p. 305-345 : "the literate culture is much more easily avoided than the oral one" (p. 337). 44. Sur la disparition de l’auteur dans son texte même, voir R. Barthes, "La mort de l’auteur", Œuvres complètes, II, Paris, 1993-1995, p. 491-494 (cette note est de 1968). 45. Lois 798a-b. 46. Lois 753b-d. Parfois, en cas, notamment, de nécessité de remplacement partiel, il semble que l’élection ne soit pas nécessaire, Lois 928d. 47. Lois 708d. Le Phèdre a présenté l’âme comme un attelage de deux chevaux dont l’appariement est difficile, 246a-b, 253d et suivants. 48. Lois 838d. 49. Lois 664a. 50. Lois 664b-666b. 51. Lois 665c. 52. République 619c. 53. République 540b. 54. République 414b-c 55. Lois 951c-952d, 964d-966b et 968a-969d. 56. Lois 968c. 57. Lois 951e. 58. D. Vernant, Du discours à l’action, Paris, 1997, p. 93.

Annexes

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II-Index des passages de Platon commentés ou cités Apologie 26d-e, 130 31a-d, 310 31d-e, 308 32c, 309 32d, 309 32e, 309

Banquet 196c, 358 209d, 81

Charmide 159c, 67 175b, 148

Cratyle

119b, 83 120c, 83 120e, 83 383a-b, 64 384d, 64, 370 385a, 396 385a-e, 396 385b, 366 385c, 366 387b, 362, 358 387c, 346, 363 387e, 176 388a, 364 388d, 364 388e-389a, 37 389a, 176 389e, 176 390a, 358 390d-e, 148 396a, 360 401b-d, 360 403e-404a, 361 404e, 359 405c-e, 359 408a, 64 421b, 396 423c, 20

424b-425b, 402 426c-427d, 20 429b, 371 430a, 371 431e, 37 432d, 362 435b, 370 435d, 372 436b-c, 165 437c, 366 438a-c, 176 438b, 64, 366 439a, 361 439d-e, 132

Critias 109e-110a, 20 114d, 19 119b, 77 120c, 78 120e, 78

Criton 50a, 310, 310, 297 50c, 315 50e, 313, 310

51a, 298 51c, 297 51e, 310, 294, 315 52a, 293, 315 52c, 311 52d, 311 52e, 310 52d-53d, 310 53a, 310

Définitions 411, 367

Euthydème 284b, 184, 358, 396

Gorgias 448c, 244 464c, 38 472a-b, 153 473a, 39 474-479, 265 483b, 343 484a-b, 31 505a, 266

506d, 264 520b, 38 521c-522b, 47 525b-c, 267

Lettre VII 322b, 42 324b-326b, 134 326a, 181 330e-331a, 35 341b, 130 341c-d, 132 341d, 135, 387 341e, 135 343a, 133 343a-b, 132 344c, 134, 135, 387

Lois 624a, 39, 329 624b, 72 625c-630e, 24 625e, 25 626a, 25, 29 626d, 25, 271 626e, 181

628b, 26 628d, 29 630a-d, 351 630a-631a, 238 630b, 26, 39 630c, 351 630d, 305 630d-631a, 182 630e, 39 630e-631a, 319 631a-632e, 328 631b-632d, 296 632a, 260 632b, 328 632c, 260 632d, 39 634a, 39, 361 634d, 394 634d-e, 73 634e, 394 639d, 333 641d, 333 644a, 266, 286 644d, 173, 264, 323, 395 644d-645a, 286 645a, 259 645b, 40, 271

645c, 84 646e-647d, 271 647b, 258, 333, 335 647c. 362 648a, 38 648b, 362 649a, 38 653e-654a, 239 654a, 240, 360, 404 655a, 402 656b, 403 656d-657b, 381 656e, 279 657a, 39, 40, 239, 240 657a-b, 84 657c, 403 657e, 184 659a-c, 327 659b, 15, 184 659d, 76, 184, 250, 387 659d-661a, 184 659e, 401 660a, 39, 240, 259, 358 660a-c, 401 660c, 239, 404 661a, 366 662b, 358

662e, 40 663a, 254 663a-664a, 387 663b-c, 173, 368 663d-e, 6, 386 663e, 171, 259 664a, 382, 401, 405, 420 664b, 400 664b-666b, 420 664b-667b, 400 664c, 401, 403, 404 664d, 401 664e, 402 665c, 378, 400 665d, 401 666c, 400, 401 666d, 401 666e, 379, 408 667a, 37 671b, 255, 334 671c, 333 672b. 333 676b, 13 678a, 14 678c, 20 678e, 20, 65 678e-679c, 239

679a, 20. 21 679c, 41, 64 679d, 27 680b, 17, 34 680e, 14, 17, 18 681a, 21 681b, 19, 48 681c-d, 34, 48 681d, 39, 49, 240 683d-684a, 19 684a, 70 684c, 39, 266, 292 684e, 241, 228 689e-691b, 19 690c, 36, 171, 266, 292 691d, 40 692c, 40 693b, 47 698b, 271 699c, 271 700a, 270 700b, 100 700e, 327 701b-c, 327 701d, 47 702d, 43, 409 704a, 44, 241, 409

704d, 39, 240 705e, 182 708d, 419 708e-709c, 38, 288, 323 709b, 37 709c, 39, 40. 240 710d, 46 710e, 41, 46, 240 711b-c, 46 711c, 259 712b, 39, 83, 187 712c-714b, 29 713b, 85 713d-e, 12 713e, 85, 328 713e-714a, 360 714b-c, 46 714d, 31 715c, 49 715d, 49, 292, 388 715c-d, 270 715d, 45, 276, 366 717b-d, 307 717d, 307 718b, 254, 281 718b-c, 47 719b, 38, 279

719e, 280 720d, 47, 278 721b, 282 721d, 260, 264, 282 722b-c, 171 722c, 263 722d, 280 722d-e, 100 722e, 278 723a, 268 723b, 38, 278, 281 723d, 279 728d, 260 729b-c, 382 729e, 295 730d, 261, 319 731a, 261 731c, 265 731d, 265 734e, 44, 280 735b, 47 735b-736c, 90 735b-736c, 291 736d, 241 737c, 234 737e, 42 739a, 47

739c, 294, 411 739c-d, 397 739e, 45 739e-740a, 235 740b, 45 741a, 292 741c, 138, 413 742a, 45 743c, 296 744c, 234 744e-745a, 139 745a-e. 409 745c, 412 745e, 410 745e-746d, 45 746a, 187 746b, 409 746c, 174 746c, 230 746e, 304 747e, 38 753b-d, 151, 419 753c, 151 753d, 151 754d, 149 755a, 150 756e, 151

757d, 39, 47 757d-e, 36, 218, 234 757e, 36, 389 759c, 40, 388 759d, 245 761c, 166, 268 762c-d, 150 762e, 40 766a, 14 766d, 233 767a, 234 767a-e, 215 768b, 215 768b-c, 232 769b, 228 772b, 244, 242 772c, 245 772d, 232, 313 773d, 400 774a, 362, 384 774b, 150 774c, 320, 383 775a, 245 776a, 410 776b, 346 776b-778a, 346 777e, 270

777e-778a, 347 778e, 410 779d, 242, 304 780a, 304 782e, 266 783a, 258 784a-e, 151, 383 785a, 138 785a-b, 139 788a, 326, 308 788a-790e, 376 788a-b, 327 788c, 328, 327 789e, 187 790a, 326 792a, 371 793a-d, 86 793b, 60 793b-d, 56, 305 793d, 304, 318, 329 797b, 226 798a-b, 10, 419 798b, 195, 240 798d, 195 799a-b, 403 801a-803a, 356 801c, 182

803b, 376 804d, 66, 346, 348 805b, 38 805d, 326 805e, 326 807a, 21 807e, 304 808a, 335, 382 808c-810c, 66 809a, 184 809c, 66 811d-e, 66 811e, 67 811e-812a, 140 812a, 66 812c, 400 815b, 404 815c-816e, 364 815d, 404 816b, 364, 402, 403 816c, 403 816d, 365 816e, 365 817a-d, 356 817d, 279 820e, 305 821a, 356

822a, 343 823a, 282, 285, 270 823a-d, 285 822d-824a, 21 823c, 5, 27, 262, 278 823d, 282 823e, 27 824a, 166, 260, 268 829a, 350 829c, 357 829d, 148 830c, 147 830d, 147 830e, 147 831e-832a, 181 832c, 171 833e, 147 835c, 39 835e, 264, 285 836c, 243 836d, 243 837e, 400 838a-e, 244 838b, 331 838c, 244 838c-d, 332 838d, 37, 255, 328, 335 331, 419

838e, 332 839b, 372, 381 839c, 331 839e-842a, 243 840b-c, 332 840d, 332 840e, 242, 318, 381 840e-841a, 383 841a, 243, 314, 318 841b, 381 841d-e, 384 841e, 243, 365, 383 842c-d, 289 842d, 144, 148 842e, 241 842e-843b, 241 843a, 85, 241 843e, 38 845a, 143, 336 845b, 382 845e, 215 846c, 224, 245 847b-d, 143 848a, 344 848c, 142, 143 848c-d, 410 848d, 43

848d-e, 410 849a, 142, 134 849b, 142, 134 849d, 143 849e, 142, 143 850a, 140, 353 850c, 138 850e, 334 853b, 263, 289 853c, 38, 291 853c-854a, 291 853e, 149 854c, 140, 252, 265, 283 854d, 167 854e, 7, 267, 311 855b, 166 855c, 166, 268 855d, 215 855d-856a, 215 &, 313, 321 857d, 278, 326 857e, 77 858a, 252 858b, 61 858c-859a, 279 858e, 73, 383 859a, 81, 269. 270 859b, 43

860d, 265 860e, 43 861e, 299 862a-b. 236 862b, 321 862b-c, 299 862c, 7, 236, 300, 311 862c-d, 237 862d, 258, 259, 267 862e, 237, 268 864b, 312 864c, 236, 382 864d,6 865b-d, 185 865c, 62, 350, 345 865d, 350 865d-e, 264 866b, 255 868a, 342, 350 868b, 255, 345 868c, 308, 344, 345 868e, 307 869a, 354 869b, 276, 306 869b-c, 326 869c, 306, 307, 344, 348 869d, 344, 345, 348

869d, 351, 329 870d-e, 264 870e-871a, 283 871a, 255, 254 871a-b, 254, 255, 244 871b, 255 871c-e, 103 872b, 348, 329 872c, 308, 320, 339,347, 348 872e, 320 872e-873a, 264 873a, 345, 329 873a-b, 276 873b, 268, 307, 344, 351 1 873c, 277 873d, 140, 142 873e-874a, 345 874a, 257 874b, 258 874b-c, 184, 303, 350 874e-875d, 14, 218 875a, 250 875a-d, 237 875b, 266 875c, 7, 270 875d, 233, 268 875e, 233, 283

876a, 233, 234 876b, 351, 372, 382 876b-c, 39 876c, 232, 261 876d, 232 876e, 238, 276, 416 877a-c, 321 877b, 7, 300, 346 879a, 343 880a, 279, 287 880b, 184, 272, 320, 349 » 880c, 258 880d, 258, 259 880e, 263, 288 881b-c, 261 881c, 337 882a, 344 884a-907d, 286 885b, 183 885e, 38 886b, 356 886c, 133 887a, 286, 357 888c-d, 287 888d, 183, 287 888e-890b, 34 889e, 33, 41, 182, 297

889e-890a, 33 890a, 185, 357 890b, 183, 185, 175 890d, 30, 183, 185, 175 890e-891a, 141 891a, 230 891b, 230 891e, 183 902a-903b, 304 903b-d, 7, 311, 318, 319 903c, 318 904a, 183 904c-d, 341, 361 907d, 286, 288, 357 908a, 142, 166, 412 908b, 267 909c, 151, 346 908d-e, 307 909d-910d, 393 910b, 320 910c, 90 913a-914a, 288 913a-914e, 241 913a-b, 261 913c, 336 914a, 260, 264, 337, 338, 342 914b, 336, 348, 329

914d, 139 915a, 353 915d, 145 915d-916b, 145 915d-916c, 144 915e, 143, 357 916b-917b, 145 916d, 334 917a, 389 917b-918a, 136 917c, 146, 184, 284 917d, 146 917e, 142, 146 917e-918a, 142 918a, 142 918a-920c, 143, 283 918b, 144 918d-e, 144, 145 919c, 144 919d, 43, 144, 145, 136, 380, 409 919d-910d, 372 919e, 147, 270 920b, 144 920c, 133, 146 920d, 358 921a. 85 921c, 297

921d-922a, 29 921e, 146, 138 922a, 29, 261 922e, 38 923a, 275 923a-b, 177 923c, 275 925b, 235 925d-926d, 235, 417 926a, 314 926b, 234, 275, 297 926c, 235, 236, 316, 298 926e, 346 928b, 26 928d, 419 928e, 308 929a, 354 929d, 354 929d-e, 291, 308, 353. 385 931d-e, 307 932a, 255, 287, 330, 354 932a-d, 342 932d, 337, 339 933e, 236, 300 933e-934c, 299, 302 934a, 300 934b, 234

936e-937a, 338 937a-b, 337 937b, 215 937c, 338 937d-938c, 313 938a, 376 941c, 313 942a, 321 942c-943a. 182, 303. 326 942c-d, 28 942d, 185 942e-952d, 289 943c, 139, 141 944b, 399 946b, 43 946d, 150 947a-e, 138 948a, 131, 262 948c-d, 380, 381 948d, 381 949b, 380, 381 949c, 344 949e, 143 949e-952d, 306 950c-951a, 105 951a, 306, 392, 394 951b, 393

951c-952d, 421 951d,370, 392 951e, 421 952c-d, 393 952d, 255, 323, 394 953c-e, 105 953e, 102, 336 955a-b, 139 955b, 26, 393 957b, 244 957c, 231, 245, 360 957c-d, 141, 230 957d, 141, 231 957c-e, 218 958a, 103, 150, 234, 237 958c, 97 958d, 141 958d-960b, 140 958e, 139 960a, 246, 264, 376 964c, 409 964d-966b, 421 964d-e, 36 964e, 153, 411 966c, 29, 183, 254 967d, 231 968a-969d, 421

968c, 421 969a, 43 969b, 173 969b-c, 36 969c, 412

Ménéxène 235a, 402 237d-238a, 17 239a, 35 259a, 349

Ménon 81e, 186 97a-98a-c, 333 97b-c, 179

Minos² 318c, 40

Parménide 128d, 131

Phédon

73b, 186 74b-75b, 186 97b-98b, 130

Phèdre 235d-259b, 190 246a-253b, 419 257d-259b, 202 258a-c, 56 261e, 318 262e, 141 263-264a, 141 274c-277, 63, 169 275b, 64, 169 275c-d, 89 275d, 89 275e, 89 276a, 89 276b, 89 276d, 89,169 276d-277a, 89, 174 278c, 134, 230

Philèbe 34b, 186 38e-39a, 89

39d, 176

Politique 228e, 80 260a. 269 260c, 269 260d, 269 263d, 80 272a, 13 292-303, 218 292a, 60 293a, 171 293c, 88, 171, 173 293c-e, 90 293d, 172 294a, 46 294b, 238 295, 274 295a, 10, 60, 262 295a-e, 259 295b, 87, 240, 413, 416 295c, 60, 87, 169 295c-296a, 237 296d, 416 295e, 10, 37, 80 296a, 246 296b, 43 296d, 416

296e, 86 297a, 172. 297d, 85, 127 297e, 185 298c, 61 298e, 133 299c, 174, 300c, 178 300e, 171, 178, 322, 395 301a, 86, 171, 277 301a-302a, 238 301b, 171 301b-c, 35 301e, 22, 85. 172 302a, 179 302c, 178 303b, 179 305c, 47 306e-307a, 404 308e, 417 309d, 46

Protagoras 322a, 19 322b, 21, 27 322c, 21, 30

324b, 253 325c-326e, 66 325d, 267 326a-b, 402 326d, 67, 140, 402 327a, 66 327d, 13, 27 327e, 64 342d-343b, 365

République 338e, 31, 391 339b-e, 185, 391 342d-343b, 345 342e, 391 347c, 2 351c, 350 359a, 297 359b, 33 360c, 33, 265 361c, 261 361e-362a, 261 368c, 411 368d, 116, 141, 181 369b, 295 369c, 20, 411

370b, 36 370e, 143 371c-d, 143 372a, 21 372c-374d, 29 372c-d, 21 372d-373e, 27 373b, 2284 375e-376b, 29 376e-398b, 356 378a, 385 378e-379a, 356 379a, 355 380a-c, 367 380b, 355 382a, 391 382a-d, 366 382b, 391 382c, 391 386a, 362 386a-387d, 360 386b, 362 387b-c, 361 387c, 363 388a, 364 388d, 364 389d, 390

391e, 358 392b, 303, 355 392c, 362 395b-398b, 356 398a, 355 398a-b, 358 409a-409e, 147 413a, 391 413b-c, 391 413d-e, 361 414b-c, 387, 420 414c, 387, 388 414d, 388 414d-415a, 349 415a-c, 36 415b-c, 408 415b-d, 408 415c, 331 415c-d, 332 415d, 291 417a-b, 397 422e, 173 424d, 327 424e, 326 425a, 329 425a-b, 304 425a-c, 327

425c-d, 148 425c-e, 378 425e, 317 434c, 180 435b, 180 436c, 317 439e-440a, 346 442e-443a, 181 443a, 182 445a-b, 266, 303 458a, 173 458c, 232 459c, 391 460a, 389 460b, 347 461a, 384 461e, 230 462b, 399 462c, 376, 398 462c-d, 76, 312, 295 463c-464b, 397, 398 463c-464c, 398 463d-e, 349 463e, 376 469b-471c, 27 472b, 172. 472e, 44

473d, 174 473d-e, 172 475d, 386 476e-478d, 333 479a, 195 491e, 386 496d, 39 497b, 174, 387 497c, 174 500c-d, 171 500d, 173, 175 501a, 90, 291 519c-520c, 310 519d-521b, 175 519e-520a, 254, 294 535a-536d, 408 535e, 391 536b, 174, 387 537a-d, 407 540b, 388, 420 540e-541a, 417 541a, 90, 401. 408 541a-b. 291 548a, 151, 398 549d-550b, 334 556a, 241, 380 556e, 379, 398

560b, 334 560d, 370 560e, 370 562c-d, 411 563c, 29 588a, 153 592a-b, 175 595-608b, 356 603e-604b, 377 604b, 376 605b-c, 332 607a, 355, 357 616a, 267 619c, 388, 405, 420

Sophiste 234c, 400 260c, 396 262d, 363, 366

Théétète 143a, 133 172a, 322, 395 176c, 322 177c-179d, 395 177d, 322, 395

178a, 395 179b, 322, 395 189c, 370 194e-195a, 187 200e, 179 200e-201c, 180

Tintée 18e, 350 19b-c, 28 19e, 136 23a, 14 26c, 291 50c, 187 86e, 265

III-Index thématique amnésie ; 14 ; 380 ; 382 amnistie ; 126 ; 159 ; 207 ; 380 Anonyme de Jamblique ; 30 ; 179 ; 308 Antiphon ; 23 ; 31 ; 159 ; 223 ; 264 ; 304 ; 305 ; 306 ; 308 ; 309 ; 310 ; 319 archive ; 56 ; 74 ; 78 ; 94 ; 97 ; 110 ; 111 ; 113 ; 123 ; 126 ; 161 ; 192 ; 193 ; 195 ; 196 ; 199 ; 200 ; 201 ; 206 ; 207 ; 212 ; 221 ; 222 ; 380 Aristote ; 18 ; 42 ; 68 ; 71 ; 82 ; 101 ; 180 ; 184 ; 189 ; 224 ; 225 ; 227 ; 247 ; 271 ; 297 ; 303 ; 306 ; 313 ; 326 ; 329 ; 344 ; 354 ; 378 ; 398 ; 399 Athènes ; 62 ; 68 ; 78 ; 94 ; 95 ; 99 ; 101 ; 105 ; 106 ; 108 ; 113 ; 114 ; 116 ; 118 ; 119 ; 121 ; 122 ; 123 ; 125 ; 135 ; 138 ; 152 ; 153 ; 155 ; 159 ; 161 ; 164 ; 166 ; 201 ; 206 ; 218 ; 222 ; 228 ; 229 ; 231 ; 233 ; 235 ; 316 ; 318 ; 324 ; 345 ; 348 ; 373 ; 381 ; 383 ; 384 ; 394 chant ; 57 ; 58 ; 98 ; 99 ; 100 ; 148 ; 246 ; 288 ; 362 ; 364 ; 365 ; 371 ; 384 ; 405 ; 407 ; 408 ; 409 ; 410 ; 411 Charondas ; 79 ; 99 ; 287 ; 309 ; 386 convaincre  ; 40  ; 76  ; 132  ; 150  ; 189  ; 214  ; 271  ; 285  ; 287  ; 288  ; 290 ; 291 ; 292 ; 293 ; 294 ; 337 ; 365 ; 370 ; 375 ; 394 coutume  ; 14  ; 48  ; 60  ; 61  ; 188  ; 192  ; 244  ; 298  ; 336  ; 339  ; 378  ; 379 ; 389 ; 390 Crète (Cretois, Dréros, Gortyne, Lyt-tos) ; 50, 53 ; 60 ; 68 ; 69 ; 72 ; 76 ; 84 ; 111 ; 114 ; 118 ; 121 ; 125 ; 197 ; 199 ; 200 ; 225 ; 247 ; 260 ;

409 crime 54 ; 62 ; 78 ; 90 ; 103 ; 127 ; 148 ; 153 ; 155 ; 156 ; 157 ; 159 ; 160 ; 161 ; 164 ; 187 ; 203 ; 215 ; 216 ; 229 ; 237 ; 250 ; 258 ; 260 ; 261 ; 264 ; 268 ; 270 ; 273 ; 275 ; 283 ; 289 ; 294 ; 295 ; 296 ; 297 ; 298 ; 300 ; 301 ; 305 ; 307 ; 309 ; 314 ; 315 ; 318 ; 319 ; 320 ; 322 ; 324 ; 326 ; 327 ; 330 ; 332 ; 336 ; 337 ; 345 ; 346 ; 347 ; 349 ; 354 ; 355 ; 359 ; 372 ; 374 ; 380 ; 382 ; 384 ; 388 ; 389 ; 391 démocratie (démocrate)  ; 47  ; 55  ; 79  ; 94  ; 114  ; 116  ; 119  ; 126  ; 136 ; 159 ; 205 ; 219 ; 234 ; 261 ; 263 ; 269 ; 345 ; 372 ; 377 ; 381 ; 397 ; 398 ; 405 dénonciation ; 76 ; 103 ; 146 ; 149 ; 152 ; 155 ; 157 ; 159 ; 206 ; 260 ; 309 ; 317 ; 345 ; 346 ; 348 ; 349 ; 350 ; 355 ; 359 ; 377 dialogue (dialogisme) ; 22 ; 24 ; 36 ; 42 ; 54 ; 67 ; 82 ; 87 ; 94 ; 133 ; 134 ; 187 ; 197 ; 199 ; 201 ; 210 ; 214 ; 230 ; 243 ; 252 ; 253 ; 256 ; 281 ; 282 ; 283 ; 287 ; 288 ; 298 ; 299 ; 321 ; 322 ; 323 ; 324 ; 325 ; 327 ; 330 ; 332 ; 363 ; 364 ; 369 ; 370 ; 378 ; 391 ; 395 ; 397 ; 402 ; 406 ; 407 éducation ; 25 ; 28 ; 76 ; 141 ; 144 ; 146 ; 148 ; 181 ; 245 ; 268 ; 270 ; 272 ; 291 ; 292 ; 296 ; 298 ; 299 ; 307 ; 335 ; 341 ; 354 ; 368 ; 369 ; 377 ; 389 ; 392 ; 400 ; 411 effacer  ; 63  ; 79  ; 94  ; 103  ; 109  ; 124  ; 126  ; 127  ; 128  ; 139  ; 150  ; 159 ; 160 ; 207 ; 208 ; 218 ; 219 ; 228 ; 229 ; 235 ; 309 ; 343 ; 368 ; 369 ; 380 ; 381 ; 382 ; 383 ; 393 éponymie (dénomination) ; 50 ; 328 ; 367 ; 371 ; 376 ; 379 ; 411 esclave ; 27 ; 35 ; 40 ; 49 ; 107 ; 142 ; 143 ; 146 ; 165 ; 166 ; 277 ; 285 ; 291 ; 293 ; 298 ; 328 ; 333 ; 342 ; 343 ; 344 ; 345 ; 346 ; 347 ; 348 ; 349 ; 350 ; 351 ; 352 ; 353 ; 354 ; 355 ; 357 ; 358 ; 359 ; 360 ; 361 ; 371 ; 372 ; 383 ; 385 ; 390 ; 392 ; 395 fiction ; 346 ; 351 ; 353 ; 360 ; 361 ; 404

harmonie ; 28 ; 52 ; 215 ; 231 ; 232 ; 249 ; 259 ; 301 ; 326 ; 367 ; 398 ; 403 ; 409 ; 410 héraut ; 57 ; 96 ; 100 ; 101 ; 102 ; 103 ; 104 ; 106 ; 186 ; 253 ; 276 ; 401 homophonie ; 213 ; 341 ; 401 ; 406 ; 407 ; 412 honte ; 156 ; 158 ; 161 ; 163 ; 241 ; 270 ; 278 ; 280 ; 296 ; 305 ; 323 ; 340 ; 341 ; 342 inscription (inscrire) ; 52 ; 53 ; 56 ; 59 ; 67 ; 74 ; 84 ; 89 ; 93 ; 94 ; 95 ; 97 ; 98 ; 112 ; 113 ; 114 ; 115 ; 116 ; 118 ; 120 ; 121 ; 122 ; 123 ; 128 ; 137 ; 138 ; 141 ; 149 ; 151 ; 153 ; 154 ; 157 ; 158 ; 159 ; 161 ; 162 ; 163 ; 164 ; 166 ; 193 ; 196 ; 197 ; 200 ; 209 ; 212 ; 219 ; 222 ; 229 ; 231 ; 253 ; 276 ; 281 ; 347 ; 381 ; 382 ; 393 interlocution ; 82 ; 88 ; 135 ; 181 ; 282 ; 283 ; 292 ; 318 ; 322 ; 323 ; 399 Isocrate ; 131 ; 134 ; 160 ; 377 jeune  ; 19  ; 71  ; 100  ; 104  ; 150  ; 197  ; .200  ; 225  ; 241  ; 268  ; 291  ; 292 ; 341 ; 364 ; 379 ; 388 ; 390 ; 393 ; 397 ; 399 ; 401 ; 404 ; 407 ; 408 ; 409 ; 410 juge ; 51 ; 54 ; 68 ; 103 ; 111 ; 141 ; 147 ; 148 ; 185 ; 186 ; 203 ; 204 ; 213 ; 218 ; 219 ; 221 ; 222 ; 223 ; 224 ; 225 ; 226 ; 227 ; 228 ; 229 ; 232 ; 236 ; 237 ; 238 ; 239 ; 240 ; 241 ; 242 ; 243 ; 244 ; 250 ; 272 ; 291 ; 305 ; 306 ; 316 ; 320 ; 321 ; 322 ; 324 ; 326 ; 327 ; 328 ; 337 ; 346 ; 348 ; 353 ; 363 ; 375 ; 388 lacune ; 223 ; 251 ; 311 ; 312 ; 313 ; 315 ; 333 ; 381 ; 383 lecture ; 53 ; 55 ; 60 ; 66 ; 70 ; 80 82 ; 88 ; 89 ; 90 ; 93 ; 94 ; 97 ; 100 ; 102 ; 106 ; 107 ; 108 ; 109 ; 114 ; 115 ; 116 ; 118 ; 120 ; 121 ; 123 ; 127 ; 130 ; 134 ; 136 ; 140 ; 141 ; 176 ; 181 ; 199 ; 200 ; 201 ; 202 ; 203 ; 204 ; 205 ; 207 ; 208 ; 209 ; 212 ; 214 ; 217 ; 218 ; 220 ; 222 ; 225 ; 233 ; 237 ; 259 ; 264 ; 290 ; 312 ; 332 ; 363 ; 366

législateur ; 13 ; 29 ; 37 ; 39 ; 40 ; 41 ; 42 ; 44 ; 45 ; 46 ; 47 ; 61 ; 67 ; 69 ; 79 ; 80 ; 81 ; 84 ; 86 ; 90 ; 93 94 ; 135 ; 138 ; 140 ; 141 144 ; 178 ; 226  ; 227  ; 235  237  ; 239  ; 240  ; 243  ; 244  246  ; 247  ; 248  ; 249  ; 251 256 ; 257 ; 258 ; 259 ; 260 266 ; 267 ; 270 ; 271 ; 272 273 ; 280 ; 281  ; 283  ; 284  285  ; 286  ; 287  ; 289  ; 291  292  ; 294  ; 295  ; 296  ; 298 299 ; 300 ; 303 ; 306 ; 307 310 ; 311 ; 314 ; 315 ; 319 320 ; 321 ; 325  ; 326  ; 329  330  ; 333  ; 334  ; 335  ; 337  338  ; 340  ; 346  ; 348  ; 351 353 ; 354 ; 355 ; 361 ; 362 363 ; 365 ; 366 ; 368 ; 371 373 ; 374 ; 383  ; 384  ; 387  389  ; 390  ; 391  ; 392  ; 393  395  ; 396  ; 404  ; 410  ; 411 412 Lycurgue ; 39 ; 62 ; 71 ; 72 ; 73 ; 74 ; 75 ; 76 ; 77 ; 78 ; 80 ; 81 ; 100 ; 113 ; 120 ; 123 ; 372 mémoire (mémorial)  ; 14  ; 71  ; 78  ; 81  ; 87  ; 88  ; 102  ; 113  ; 129  ; 132 ; 133 ; 137 ; 138 ; 139 ; 155 ; 156 ; 175 ; 176 ; 192 ; 193 ; 194 ; 195 ; 196 ; 197 ; 198 ; 199 ; 200 ; 201 ; 202 ; 207 ; 213 ; 215 ; 220 ; 222 ; 231 ; 238 ; 299 ; 380 ; 381 ; 382 mensonge (menteur)  ; 39  ; 83  ; 152  ; 217  ; 381  ; 393  ; 394  ; 395  ; 396 ; 397 ; 398 ; 399 ; 401 ; 402 ; 403 musique ; 98 ; 100 ; 104 ; 148 ; 214 ; 245 ; 288 ; 409 mythe ; 13 ; 63 ; 65 ; 175 ; 339 ; 395 nature (droit naturel) ; 18 ; 22 ; 27 ; 30 ; 31 ; 32 ; 33 ; 34 ; 35 ; 36 ; 37 ; 41 ; 63 ; 84 ; 139 ; 249 ; 304 ; 361 ; 410 nomothète ; 37 ; 38 ; 39 ; 41 ; 46 ; 47 ; 49 ; 73 ; 80 ; 84 ; 89 ; 90 ; 140 ; 177 ; 182 ; 191 ; 231 ; 232 ; 236 ; 239 ; 242 ; 244 ; 246 ; 248 ; 250 ; 251 ; 279 ; 282 ; 283 ; 285 ; 286 ; 292 ; 293 ; 296 ; 297 ; 299 ; 301 ; 305 ; 312 ; 327 ; 332 ; 333 ; 336 ; 337 ; 339 ; 340 ; 352 ; 370 ; 378 ; 379 ; 383 ; 391 ; 397 ; 402 ordre (ordonnance, ordonner) ; 46 ; 59 ; 71 ; 76 ; 83 ; 87 ; 97 ; 98 ; 100 ; 113 ; 141 ; 146 ; 176 ; 183 ; 189 ; 234 ; 235 ; 236 ; 244 ; 247 ; 257 ;

267 ; 275 ; 276 ; 277 ; 281 ; 282 ; 283 ; 284 ; 285 ; 287 ; 288 ; 289 ; 291 ; 292 ; 294 ; 299 ; 304 ; 306 ; 311 ; 313 ; 317 ; 318 ; 322 ; 323 ; 324 ; 330 ; 333 ; 335 ; 339 ; 350 ; 354 ; 371 ; 395 ; 402 performatif ; 44 ; 100 ; 103 ; 202 ; 264 ; 277 ; 298 ; 330 ; 375 ; 383 ; 410 persuasion ; 133 ; 136 ; 185 ; 191 ; 257 ; 260 ; 266 ; 285 ; 286 ; 288 ; 290 ; 291 ; 292 ; 293 ; 294 ; 301 ; 306 ; 310 ; 322 ; 369 ; 370 ; 374 ; 375 ; 379 ; 388 ; 394 ; 407 ; 408 ; 409 politique linguistique ; 367 ; 379 ; 381 positif (droit posipositif) ; 32 ; 41 ; 61 ; 86 ; 188 ; 189 ; 190 ; 217 ; 224 ; 243 ; 267 ; 272 ; 293 ; 294 ; 310 ; 313 ; 334 ; 336 ; 343 pouvoir  ; 18  ; 30  ; 34  ; 40  ; 46  ; 52  ; 71  ; 97  ; 106  ; 177  ; 178  ; 181  ; 184 ; 231 ; 238 ; 251 ; 322 ; 325 ; 338 ; 339 ; 350 ; 351 ; 368 ; 377 ; 378 ; 380 ; 384 ; 392 ; 395 ; 396 ; 397 ; 399 ; 401 ; 406 ; 412 proclamation ; 101 ; 102 ; 103 ; 104 ; 106 ; 215 ; 264 prologue (préambule, prélude) ; 76 ; 95 ; 99 ; 100 ; 145 ; 271 ; 285 ; 286 ; 287 ; 288 ; 289 ; 290 ; 291 ; 292 ; 293 ; 294 296 ; 309 ; 337 ; 362 ; 391 ; 407 publicité ; 76 ; 94 ; 108 ; 110 ; 137 ; 141 ; 150 ; 151 ; 152 ; 161 ; 206 ; 256 ; 392 qualification ; 59 ; 163 ; 211 ; 218 ; 264 ; 279 ; 280 ; 281 ; 296 ; 299 ; 305 ; 337 ; 348 ; 359 ; 374 ; 378 ; 387 ; 392 rature ; 127 ; 128 ; 218 ; 229 ; 381 ; 382 ; 383 rumeur ; 272 ; 333 ; 336 ; 338 ; 339 ; 340 ; 341 ; 342 ; 343 ; 345 ; 359 ; 362 ; 385 ; 392 ; 411 secret ; 74 ; 75 ; 78 ; 131 ; 137 ; 152 ; 222 ; 341 ; 389 ; 391 ; 408 sélection ; 90 ; 270 ; 371

silence ; 73 ; 207 ; 250 ; 261 ; 315 ; 379 ; 380 ; 381 ; 383 ; 385 ; 386 ; 387 ; 388 ; 391 ; 392 ; 393 ; 399 ; 401 Socrate ; 27 ; 28 ; 31 ; 80 ; 85 ; 88 ; 130 ; 135 ; 137 ; 178 ; 185 ; 191 ; 193 ; 273 ; 277 ; 305 ; 308 ; 315 ; 316 ; 317 ; 318 ; 322 ; 330 ; 363 ; 366 ; 367 ; 369 ; 373 ; 374 ; 379 ; 385 ; 397 ; 406 Solon ; 39 ; 44 ; 56 ; 58 ; 78 ; 79 ; 115 ; 164 ; 237 ; 244 ; 297 ; 358 ; 383 ; 391 stèle ; 62 ; 72 ; 83 ; 94 ; 95 ; 102 ; 103 ; 106 ; 108 ; 112 ; 113 ; 114 ; 116 ; 118 ; 121 ; 123 ; 124 ; 127 ; 128 ; 139 ; 140 ; 141 ; 142 ; 148 ; 153 ; 155 ; 156 ; 157 ; 158 ; 159 ; 160 ; 164 ; 165 ; 193 ; 196 ; 198 ; 199 ; 206 ; 215 ; 229 ; 234 ; 347 ; 380 ; 381 symphonie ; 213 ; 215 ; 407 ; 410 unanimité ; 51 ; 252 ; 253 ; 305 ; 320 ; 322 ; 336 ; 341 ; 412 utile (utilitarisme) ; 27 ; 111 ; 121 ; 180 ; 184 ; 185 ; 190 ; 193 ; 213 ; 275 ; 304 ; 312 ; 324 ; 329 ; 330 ; 340 ; 345 ; 350 ; 357 ; 365 ; 368 ; 369 ; 379 ; 393 ; 397 ; 398 ; 399 ; 402 ; 403 ; 408 ; 409 Zaleucos ; 39 ; 68 ; 79 ; 82 ; 271 ; 279 ; 280 ; 281 ; 287 ; 319 ; 386