De la vie religieuse chez les Chaldéens: Suivie de l'histoire du couvent catholique de Rhaban-Ormuzd et des persécutions qu'il a essuyées de la part des hérétiques et des musulmans 9781463228262

In this volume, Boré (1809-1878), who traveled in the Middle East, offers a study of religious life among the Chaldeans,

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French Pages 113 [135] Year 2012

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De la vie religieuse chez les Chaldéens: Suivie de l'histoire du couvent catholique de Rhaban-Ormuzd et des persécutions qu'il a essuyées de la part des hérétiques et des musulmans
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De la vie religieuse chez les Chaldéens

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Syriac Studies Library

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Sériés Editors Monica Blanchard Cari Griffïn Kristian Heal George Anton Kiraz David G.K. Taylor

The Syriac Studies Library brings back to active circulation major reference works in the field of Syriac studies, including dictionaries, grammars, text editions, manuscript catalogues, and monographs. The books were reproduced from originals at The Catholic University of America, one of the largest collections of Eastern Christianity in North America. The project is a collaboration between CUA, Beth Mardutho: The Syriac Institute, and Brigham Young University.

De la vie religieuse chez les Chaldéens

Suivie de l'histoire du couvent catholique de Rhaban-Ormuzd et des persécutions qu'il a essuyées de la part des hérétiques et des musulmans

Eugène Boré

Gorgias Press LLC, 954 River Road, Piscataway, NJ, 08854, USA www.gorgiaspress.com G&C Kiraz is an imprint of Gorgias Press LLC Copyright © 2012 by Gorgias Press LLC Originally published in 1843 All rights reserved under International and Pan-American Copyright Conventions. No part of this publication may be reproduced, stored in a retrieval system or transmitted in any form or by any means, electronic, mechanical, photocopying, recording, scanning or otherwise without the prior written permission of Gorgias Press LLC. 2012

ISBN 978-1-61719-521-1

Reprinted from the 1843 Paris edition.

Digitized by Brigham Young University. Printed in the United States of America.

Series Foreword

This series provides reference works in Syriac studies from original books digitized at the ICOR library of The Catholic University of America under the supervision of Monica Blanchard, ICOR's librarian. The project was carried out by Beth Mardutho: The Syriac Institute and Brigham Young University. About 675 books were digitized, most of which will appear in this series. Our aim is to present the volumes as they have been digitized, preserving images of the covers, front matter, and back matter (if any). Marks by patrons, which may shed some light on the history of the library and its users, have been retained. In some cases, even inserts have been digitized and appear here in the location where they were found. The books digitized by Brigham Young University are in color, even when the original text is not. These have been produced here in grayscale for economic reasons. The grayscale images retain original colors in the form of gray shades. The books digitized by Beth Mardutho and black on white. We are grateful to the head librarian at CUA, Adele R. Chwalek, who was kind enough to permit this project. "We are custodians, not owners of this collection," she generously said at a small gathering that celebrated the completion of the project. We are also grateful to Sidney Griffith who supported the project.

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CHEZ L E S

CHALDÉENS. si-

La vie du chrétien est une expiation, possible seulement; en renonçant au monde. Au commencement, Dieu créa l'homme heureux et juste, mais libre, c'est à-dire capable de persévérer ou non par la justice dans la félicité. L'homme fut tenté, et il tomba dans l'orgueil qui avait perdu son tentateur. Comme l u i , il eût été condamné à l'effroyable infortune de haïr Dieu et d'en être haï éternellement, sans l'intervention du Fils qui satisfit le P è r e , en disant : « Me voici, eccè venio '. » Toutefois, l'offrande du réparateur n'absout le coupable qu'autant qu'il s'unit à son sacrifice infini. Cette union qui, sous la loi figurative, commence par la foi et l'espérance, s'accomplit dans la possession de l'amour, sous la loi réelle. Les anciens attendaient et de'siraient les mérites de la re'demption que nous savons et voyons se perpétuer miséricordieusement dans le monde. Y participer, telle est l'obligation première et dernière de l'existence que le chrétien peut définir pour lui : le tems de l'expiation. Heureux celui q u i , marchant de bonne heure dans la voie droite, n'a point d'égarement à pleurer, ni à s'affliger d'avoir aimé trop tard le bien seul aimable 2 ! La part de sa dette est ' Psau. xxxix, 7 — S. Paul, ad flebr. x, 7. Dcus vilae meajquàm vanè consumpta sunt, quàm infruluosè elapsa sunt tempora mea, quaededisti mihi ut facerem voluntatem tuam in eis, et non feci ! quanti anni, quothoric perierunt apud me ; in quibus sine fructu vivi coram te! et quomodô subsistam ? Quomodô levarepotero oculos meos in facietn tuam in illo magno examine tuo ; si rememorari usseris omnia peccata mea et fructuro requisieris singulorum? patien1

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moins difficile à acquitter, bien que la transmission de la (aclie originelle suffise déjà pour ie rendre pénitent inconsolable. Le devoir de cette réparation facile pour quiconque s'est mis décidément à la suite du maître, semble intolérable à ceux qui lui préfèrent la servitude de son ennemi. Effectivement, l'état et les actes des fils vivans de la grâce qui les a régénérés, sont i n compréhensibles aux enfans de la chair et d u sang. C'est pour cela que l'Evangile les distingue sans cesse comme deux races d ' u n e n a t u r e opposée, et n ' a y a n t de commun que la même f o r m e h u maine et le m ê m e soleil qui les éclaire. Du reste, ils sont nécessairement dans u n e lutte et u n e contradiction perpétuelles; ce qui est bonheur, vérité et lumière pour ceux-ci, est à ceux-là misère , erreur et ténèbres. Let biens et les joies recherchées avid e m e n t par les uns, excitent le dégoût ou la compassion des autres; et au contraire la sagesse des premiers scandalise les seconds, comme une folie insigne. La division, h é l a s ! la plus nombreuse, est appelée le monde par celui qui l'a créé dans la puissance de sa parole , et il « est venu, dans le monde et le monde, ne Va pas connu *.» Aussi quels anathèmes fait-il retentir contre le m o n d e et les siens d u r a n t les années de sa mission divine ! Quels inefïables dédomagemens ne prouiet-il point aux disciples qui renoncent au monde p o u r le suivre ! Et il n'est point de milieu entre la double condition d'appartenir à Jésus-Christ ou au monde ; car quiconque n est point avec lui est contre lui et nul ne peut servir deux maîtres 3 . Donc , tout h o m m e raisonnant avec le bon sens de la foi, sera frappé de l'évidence de ce dilemme, et s'il ne ferme son cœur à la grâce, il se rangera d u côté de Jésus-Christ, car le m o n d e et sa concupis-

tissime pater, non liât hoc; se Un jour, après nous avoir énuméré une partie des peines et des angoisses dont regorgeait sa vie, il laissa par mégarde échapper ce beau mot : « Il » n'est rien de difficile à celui qui aime notre Seigneur Jésus» Christ » Sur une simple remarque, de notre part, il modifia l'ordre de la classe et la méthode de l'enseignement j avec nous, il conçut le plan d'une école annexée au monastère qui formerait des clercs instruits et peut-être des novices ; il approuva que tous les frères allassent en rang aux exercices religieux, et que pendant les repas on rétablît les lectures spirituelles ; il consentit avec joie à faire fabriquer une table pour tous les frères qui mangeaient accroupis sur des nattes, et il leur prescrivit l'usage de la cuiller et de la fourchette. Pendant notre séjour dans le monastère , les heures de récréation des religieux furent régulièrement employées à la contruction d'un Chemin de la croix serpentant dans la montagne , au milieu des rochers, et allant aboutir à la grotte de Bar-Mama qui devait être transformée en Saint-Sépulchre. La caverne qui sert de réfectoire était le lieu de la conversation qui suivait le repas du soir. Nous aimions voir, à la lueur d'une seule lampe, toutes les figures calmes et recueillies des religieux écoutant la lecture arabe de la Fie des Pères du désert. Ils nous rappelaient les moines de la Thébaïde, les disciples de leur 1

Saint Augustin a dit : « Nihil tani durum quod non amoris igné vin-

catur. » Lib. De mor. eccl. c. aa.

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pafron saint Antoine et des Paconie et des HUarion. La seule distraction qu'ils s'accordent est de f u m e r la longue pipe t u r q u e , habitude répugnant à nos mœurs, mais qui n'a rien d'inconvenant chez les Orientaux. Hélas ! le b o n h e u r que nous partagions dans leur solitude devait bientôt cesser dans les larmes et dans le sang ! § XXVI. Ismaëi bey, prince d'Àmadia, attaque et pille le couvent. •— La moitié des Religieux est traînée en esclavage. — Le Père Ilanna meurt confesseur de la Foi. Après 52 jours d ' u n e douce retraite, nous revînmes â Mossoul, pour surveiller la nombreuse école que nous y avons fondée et mise sous la direction des religieux. Nons quittions ces frères avec l'espoir et la promesse de revenir promptement p a r m i eux continuer l'apprentissage de la vie monastique. Nous ne présagions ni notre retour en F r a n c e , ni la catastrophe nouvelle qui leur était réservée. Pour !a c o m p r e n d r e , il f a u t savoir que la principauté Curde à'Amadia appartient de teins immémorial à ia famille des Badinons qui fait remonter son origine aux califes de Bagdag. Le bey autrefois observait une éiiquette que Benjamin de T u d è l e nous apprend avoir été en usage chez les derniers Abassides. Il se tenait isolé et le visage couvert d ' u n voile. Personne n'osait se servir d u plat où il avait mangé ni toucher à sa pipe. Depuis que la T u r quie songe à réduire les t r i b u s indépendantes riu Curdistan et à soumettre le pays à la législation couimuie de F,empire, les beys ont perdu beaucoup ds leur influence. Us sont sous l'autorité des pachas de Mossoul, qui entretiennent une garnison dans la citadelle, admirablement fortifiée par Sa nature. De la sorte, ils contiennent le pays, et pour le détacher de ses anciens mai res, ils cherchent à leur substituer des gouverneurs étrangers. Telle était la politique de Mohtmmed, pacha de la p r o v i n c e , et bien qu'Ismael Bey, descendant des seigneurs d'Amadia, eut obtenu

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pafron saint Antoine et des Paconie et des HUarion. La seule distraction qu'ils s'accordent est de f u m e r la longue pipe t u r q u e , habitude répugnant à nos mœurs, mais qui n'a rien d'inconvenant chez les Orientaux. Hélas ! le b o n h e u r que nous partagions dans leur solitude devait bientôt cesser dans les larmes et dans le sang ! § XXVI. Ismaëi bey, prince d'Àmadia, attaque et pille le couvent. •— La moitié des Religieux est traînée en esclavage. — Le Père Ilanna meurt confesseur de la Foi. Après 52 jours d ' u n e douce retraite, nous revînmes â Mossoul, pour surveiller la nombreuse école que nous y avons fondée et mise sous la direction des religieux. Nons quittions ces frères avec l'espoir et la promesse de revenir promptement p a r m i eux continuer l'apprentissage de la vie monastique. Nous ne présagions ni notre retour en F r a n c e , ni la catastrophe nouvelle qui leur était réservée. Pour !a c o m p r e n d r e , il f a u t savoir que la principauté Curde à'Amadia appartient de teins immémorial à ia famille des Badinons qui fait remonter son origine aux califes de Bagdag. Le bey autrefois observait une éiiquette que Benjamin de T u d è l e nous apprend avoir été en usage chez les derniers Abassides. Il se tenait isolé et le visage couvert d ' u n voile. Personne n'osait se servir d u plat où il avait mangé ni toucher à sa pipe. Depuis que la T u r quie songe à réduire les t r i b u s indépendantes riu Curdistan et à soumettre le pays à la législation couimuie de F,empire, les beys ont perdu beaucoup ds leur influence. Us sont sous l'autorité des pachas de Mossoul, qui entretiennent une garnison dans la citadelle, admirablement fortifiée par Sa nature. De la sorte, ils contiennent le pays, et pour le détacher de ses anciens mai res, ils cherchent à leur substituer des gouverneurs étrangers. Telle était la politique de Mohtmmed, pacha de la p r o v i n c e , et bien qu'Ismael Bey, descendant des seigneurs d'Amadia, eut obtenu

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de la porte la confirmation du commandement de cette place, on la lui refusait toujours sous quelque prétexte, et il était retenu pour ainsi dire prisonnier dans les murs de Mossoul. Ismael Bey est un jeune homme dans la force de l'âge, ennemi des Turcs, auxquels il obéit à regret. Comptant sur la valeur de ses clans et sur la position presque inaccessible de ses montagnes , il tramait une insurrection générale du Gurdistan. Quand il crut ses auxiliaires suffisamment préparés, il s'échappe furtivement de Mossoul, et cherche un asile près du bey de Djézireh. Baderkhan Bey le reçut et le traita en ami, et lui fournit même les premiers fonds pour lever des troupes. Depuis, voyant que ses affaires tournaient mal, il l'abandonna. La maison de l'ancien patriarche avait des intelligences avec Ismael, et elle cherchait les moyens de nuire au couvent dont la stabilité, depuis deux années , était pour elle un objet d'inquiétude. Elle voit toujours les pauvres moines réclamant les anciennes possessions de Rahban Ormuzd, et à tout prix elle veut s'en défaire. Notre visite au monastère avait permis au supérieur d'acheter quelques brebis, et nous leur avions assigné pour lieu de pâture l'intérieur de la montagne où sont creusées les cellules. La famillejdu.patriarche s'alarme et appelle perfidement Ismael Bey, en lui promettant les dépouilles des frères. Zourika, membre de cette famille, prit le soin de la négociation , et la manière dont il l'a exécutée ne dément point la scélératesse de ses persécutions précédentes. Le 14 avril, Ismael tombe sur Alqouche, à la tête de 500 cavaliers. Les liabitans, prévenus quelques heures d'avance, eurent le tems de se sauver avec leurs troupeaux. Mais les meubles des maisons furent enlevés, ainsi que les provisions de froment et d'orge. L'Église de Saint-George fut profanée ; ses ornemens , ses vases sacrés sont tombés dans les mains des infidèles, et qui oserait le croire, Zourika les excitait au pillage. A la nouvelle de ces excès, le P. Hanna prend la résolution de venir au devant d'Ismael Bey, qu'on disait disposé à monter au monastère. Il le trouve sous sa tente, entouré de ses chefs qui se partageaient le butin. Le Curde le reçoit avec dédain et lui ¿e-

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m a n d e si le couvent n'est pas proche d u village. Sur la re'ponse affirmative du supérieur, il part avec son escorte et le p r e n d pour guide. Dès qu'ils eurent franchi l'enceinte du cloître, Ismael dit au P. Hanna d'un ton impérieux : « Amènr-moi le Balioz » Frengui1 ou le consul F r a n c . » Par ce nom il voulait nous désigner. « Depuis u n mois, repartit le supérieur, il est sorti et retourné » k Mossoul. — Mais d u moins, reprit le bey, je veux son trésor » que Zourika atteste avoir été déposé entre vos mains. » L'invention d u traître était bien trouvée pour la circonstance, nous qui, par notre entrée subite en T u r q u i e , et privé, p e n d a n t l'hiver,, de toute communication avec nos amis de Tauris et de Constantinople, avons été dans l'heureuse nécessité de pratiquer avec les moines la pauvi-eté évangélique. C'est ce que loi fit entendre la réponse du P. Hanna, qui dit que nous mangions avec eux les mets de leur frugale cuisine. « Tu mens, s'écria Ismael, » et à son ordre, le Père supérieur est garotté et enfermé avec tous les religieux dans une même cellule ; u n des soldats lui brise avtc le poing une dent. Ils étaient entassés les uns sur les autres, et on leur refusait l'eau et le pain , afin de les contraindre à révéler le lieu du dépôt. Des soldats leur appliquaient sur le cou, sur les pieds et sur les jambes, des fers chauds, ou ils les battaient violemment, torture qui a duré, pour plusieurs, plus de cinq mois. Pendant cetems, avec l'instinct du vol qui distingue lesCunles, une partie des cavaliers rôdait dans le cloître, cherchant leseffets qu'on avait cachés. De la sorte, ils trouvèrent les vases sacres et les ornemens de l'église, tous offerts par la Propagande romaine aux P P . Gabriel et Hanna. L'église fut dévastée avec une impiété dont on n'avait jamais eu d'exemple. Les croix furent ' Balioz, mot qui a passé dans la langue grecque, semble venir du mot italien Bailo, et a la signification de Consul. Les musulmans de la Perse et de la Turquie donnent volontiers ce titre à certains voyageurs. Ils leur supposent gratuitement aussi de grandes sommes d'argent, soit à cause de la haute idée qu'ils ont de la richesse des Européens, soit aussi à raison de leur opinion que nous possédons le secret de la pierre philosophale.

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brisées, les statues et les images des saints mises en pièces. De* coups de lances étaient portés à celles que leur bras ne pouvait atteindre. Comment s'étonner ensuite que les œuvres de tant d'auteurs chaldéeus, grecs et arméniens, connus par leur mérite littéraire, aient été anéanties, et qu'il n'en reste plus que le nom ? La barbarie avec laquelle se font ici les guerres explique ces pertes, et nous devons, au contraire, admirer la conservation de plusieurs ouvrages, connue un prodige. Ainsi les Curdes ayant découvert la bibliothèque , ont b r û l é une partie des livres et ont déchiré l'autre à coups de sabre. Le plaisir du mal et d u désordre p o u vait seul les pousser à cet a c t e , dont ils ne retirèrent aucun profit. Durant la nuit, les novices et les jeunes frères , qu'on n'avait pas liés, s'échappèrent et s'enfuirent à Télescope, disîant de deux lieues. Nous les avons vu venir ensuite successivement à Mossoul, avec les signes sanglans de la barbarie des infidèles. Le P . Supérieur et les douze religieux compagnons de sa captivité étaient réservés à d'autres tourmens. Le Bey, après les avoir enchaînés comme des malfaiteurs, 1rs a traînés à la suite de sa petiie armée. Plusieurs villages, appartenant aux chrétiens , ont été pillés avec la m ê m e i n h u m a n i t é que le couvent. Le pacha de Mossoul, en apprenant l'incursion d'Istntiël Bey, a envoyé sur le champ des troupes à sa poursuite. Mais pour les pauvres Chrétiens les deux années sont des ennemis impitoyables. L ' u n e et l'autre les spolient également. Le secours des soldats turcs leur est aussi fatal que l'hostilité des Curdes. P l u s d ' u n mois, le P. Hanna, malgré ses 70 ans, marcha nupieds, la chaîne au cou, à peine couvert de quelques haillons, en tète des cavaliers curdes, qui le frappaient brutalement. Zoiirika était l'instigateur, et de cette manière, dit-il, nous le contraindrons de livrer les trésors du couvent. Le Bey, qui espère de lui et de ses frères une grosse rançon, le retiendra tant qu'il pourra tenir tete aux troupes d u pacha. Sa fuite ou sa défaite sera leur délivrance. Il en a congédié trois p o u r les envoyer quêter la somme qu'il exige; elle est si considérable que les Chai-

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déens, dans l'état de pauvreté où ils languissent actuellement, ne pourraient l'acquitter. Un de ces frères quêteurs nous a raconté arec quelle force d'âme le P . Hanna supporte les coups, les fatigues et les h u m i liations. Lui, le plus vieux, donne l'exemple de la constance aux jeunes, et le ciel lui conserve une force corporelle qui les étonne. L e jour de Pâques, étant parvenus à un village chaldéen, nommé Mézé, au district à'Jmadia, iis furent reçus avec une charité compatissante de la part de ces Chrétiens, sectaires de Nestorius. Les prêtres et les principaux leur apportèrent des vivres, des vêteinens et des chaussures. Ils prièrent Isma'él Bey de les laisser chez eux, lui jurant qu'ils répondaient de leurs personnes. Zourika l'empêcha de consentir à la proposition. Cette sympathie des Nestoriens pour les Catholiques est d'un heureux augure; les préjugés haineux de ceux-là sont à peu près éteints et la réunion devient chaque jour moins difficile. Le patriarche Nestorien, Mar Chîmon, a néanmoins fait une démarche qui la retardera. Après avoir exprimé dans plusieurs lettres le désir de revenir à l'unité, il a imprudemment associé sa fortune à celle d ' I s m a ë l Bey. Il est venu avec 5,000 montagnards jusque sur les frontières du territoire de Mossoul, sans doute dans l'intention de protester contre ie gouvernement inique du pacha, qui, par ses exactions et son avarice, a soulevé contre lui la province. Mais Ismaël a prouvé par ses brigandages qu'il était un gouverneur plus intolérable, et il s'est mis en état de rébellion ouverte. Bien que Mar Chîmon, à la nouvelle du pillage du monastère, ait rompu soudain toute alliance avec le chef curde et se soit retiré dans ses montagnes, il ne pourra se disculper devant la Porte, qui n'attend que l'occasion favorable pour le réduire lui et ses tribus. La dectruction de leur indépendance politique entre probablement dans le plan de la Providence qui prépare à ce peuple les moyens d'un rapprochement, Les Nestoriens le désirent ; seulement, comme le défaut de garanties leur fait redouter le régime musulman, ils attendent l'intervention d'une puissance Chrétienne. Si celle qui a le privilège de défendre l'orthodoxie en Orient leur prêtait l'appui d'une

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protection ferme, ils se réuniraient sans aucun doute, d'abord à la Porte et ensuite à l'Eglise d'Occident. Ismaël Bey avait enfermé les religieux dans la forteresse HAmadia. La poignée de Curdes qui la défendait contre les troupes du pacha leur a résisté tout l'été. Quelles n'étaient pas les horreurs de la détention parmi des Musulmans aussi fanatiques et au milieu de toutes les privations d'une place réduite à la famine ! Les consolations spirituelles propres à adoucir les souffrances d u corps, manquaient à nos prisonniers ; et ils ne pouvaient réciter ensemble les heures canoniques, ni célébrer les saints mystères. La résignation absolue à la volonté divine était le sentiment qui les soutenait. Le Père Hanna et le prêtre son compagnon étaient torturés avec une cruauté particulière. On eût dit que les infidèles prissent plaisir à se venger sur les deux ministres de Dieu de la guerre active que leur livrait le pacha. Souvent ils leur enfonçaient dans les chairs des broches ardentes pour les contraindre à livrer les prétendus trésors qu'on supposait enfouis dans les cellules du couvent. Ces blessures et celles causées par les chaînes firent bientôt de leur corps une seule plaie. La fièvre, que les chaleurs rendent commune dans ces lieux et très-maligne, les acheva, et vers le milieu de septembre, leur holocauste était consommé. Ils méritent le nom de martyrs, car souvent les Curdes les pressaient de renoncer à la foi Chrétienne et de devenir Musulmans. La liberté, l'argent et des honneurs auraient été la récompense de leur apostasie. Ces offres étaient rejetées avec indignation; et ils ont appris aux infidèles que les en fans de la véritable Eglise savaient toujours souffrir pour elle, et, au besoin, mourir. Le P . Hanna était un vieillard plus que septuagénaire. Sa taille était élevée ; sa figure, pâle et amaigrie par les austérités, avait une expression mêlée de noblesse et de douceur j l'un des premiers disciples du P . Gabriel, le restaurateur du monastère, il avait traversé, calme et persévérant, le tems difficile de sa formation, Sa patience défiait toutes les épreuves et changeait en mérite chacune d'elles. Que les Catholiques, nos lecteurs, se souvienne 1 a Atel du

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P. Hanna et de son compagnon ! Leurs prières, outre le mérite de la charité, auront peut-être encore les avantages spirituels de l'invocation. Depuis nous avons su que les autres Religieux captifs sont rentrés dans le monastère et qu'ils y vivent avec une obéissance résignée sous la direction des Pères Emmanuel et Elisée, qui nous ont transmis la majeure partie de ces renseignemens. Ils espèrent que le cœur des Catholiques d'Occident s'apitoyera sur leur malheureux sort et qu'ils les aideront à soutenir l'existence d'une institution de laquelle dépendent, en Chaldée, le triomphe et la conservation de la foi Catholique.

TABLE DES

MATIÈRFS.

TABLE DES MATIÈRES.

§ I . — L a v i e d u C h r é t i e n est u n e e x p i a t i o n p o s s i b l e s e u l e m e n t en r e n o n çant au m o n d e . 1 $ II. — De la t r i p l e loi q u i d é t e r m i n e et facilite c e t t e e x p i a t i o n . k S III. — Q a e c e t t e t r i p l e loi a d o n n é n a i s s a n c e a u x O r d r e s r e l i g i e u x . 3 S IV. — Q u e les t r o i s v e r t u s q u i c o n s t i t u e n t la vie r e i i g i e u s e sont i n s é p a rables. 7 § V, — Q u e les i n s t i t u t i o n s r e l i g i e u s e s s o n t u n e p r e u v e d u b o n h e u r et de la p e r f e c t i o n sociale. 10 S V I . — D u b i e n q u i r é s u l t e p o u r l'Eglise et îe clergé des O r d r e s m o n a s tiques. 43 § VII. — La p r o p a g a n d e c a t h o l i q u e doit s u r t o u t ê t r e e x e r c é e p a r les O r d r e s religieux. 20 S V I I I . — Q u e la vie r e l i g i e u s e r e n d é m i n e m m e n t p r o p r e à l ' é d u c a t i o n de la jeunesse. 23 S IX. — Des a u x i l i a i r e s q u e d o i v e n t s ' a t t a c h e r a u j o u r d ' h u i les m i s s i o n n a i r e s de l ' O r i e n t . 27 § X . — L e s O r d r e s r e l i g i e u x s o n t t r è s - u t i l e s p a r la r a i s o n s e u l e q u ' i l s prient. 30 $ X I . — C o m m e n t la t e r r e d ' O r i e n t est t r è s - p r o p r e à la f o n d a t i o n et au d é veloppement des O r d r e s religieux. 33 § XII. — D e la c o n t r é e et d u l i e u où est bâti le m o n a s t è r e C h a l d é e n de R a h b a n Ormuzd. 3S § XIII. — Du t e m s et d u m o d e d ' é t a b l i s s e m e n t d e la v i e r e l i g i e u s e d a n s la Chaldée. 42 § X I V . — D u lieu natal et de la p r e m i è r e j e u n e s s e d u P . G a b r i e l . 46 § X V . — C o m m e n t G a b r i e l fait l e v œ u d e m e t t r e à e x é c u t i o n son p r o j e t d e q u i t t e r le siècle. ¿g S X V I . — C o m m e n c e m e n t d e l a c o m m u n a u t é de R h a b a n - O r m u z d . 50 § XVII. — C o m m e n t , à p e i n e établis d a n s le c o u v e n t , les r e l i g i e u x en s o n t chassés, et de q u e l l e m a n i è r e ils y r e n t r e n t . S4 $ X V I I I . — L e n o m b r e des f r è r e s a u g m e n t e ; p l u s i e u r s sont o r d o n n é s p r ê t r e s ; institution d'un cours r é g u l i e r d ' é t u d e s et construction d e l'Eglise. Persécution de la part d u patriarche. 88

TABLE DES MATIÈRES.

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$ XIX. — Outre les attaques du dehors que la communauté repousse, elle triomphe encore en dedans de ses ennemis intérieurs. 64 $ XX — La famine et la peste affligent le pays et le monastère; le gouverneur d'Amadia, à l'instigation du patriarche, emmène le P. Hanna prisonnier dans la ville ; sa délivrance et sa retraite chez les Nestoriens. 68 { XXI. — L'habitude nestorienne du Népotisme livre l'Eglise catholique du Curdistan à un évêque intrus et apostat. 75 S XXII. — Mort sanglante du P. Gabriel, massacré par les Curdes. Nouvelle» tribulations qui afligent les religieux. 79 S XXIII. — Commencement des persécutions que Zourika, cousin de Mar-EIias, suscite au couvent. 84 S XXIV. — Relâchement de quelques religieux. — Intrigues de Damien. — Il se fait nommer supérieur. — Il est déposé et chassé du monastère. 87 S XXV. — Le P . Ilanna remplace Damien. — Il rétablit la règle dans le couvent. — Procès intenté par le pacha aux religieux. — Visite et séjour à Rhaban-Ormuzd. 93 $ XXVI. — Ismaël Bey, prince d'Amadia, attaque et pille le couvent. — La moitié des religieux est traînée en esclavage. — Le P. Haona meurt confesseur de la foi. 99