De la génération et de la corruption 2251000461, 9782251000466

Extrait: Objet general de ce traite. Examen des systemes anterieurs; opinions diverses; examen des theories d'Anaxa

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French, Grec ancien Pages [202] Year 1966

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De la génération et de la corruption
 2251000461, 9782251000466

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DE LA GÉNÉRATION ET DE LA CORRUPTION

ARISTOTE DE LA GÉNÉRATION ET DE LA CORRUPTION

1

Il a été tiré de cet ouvrage: 200 exemplaires sur papier pur fil Lafuma numérotés de là 200.

COLLECTION

DES

UNIVERSITÉS

publiée sous le patronage de VASSOCIATION

DE

FRANCE

GUILLAUME BUDÉ

ARISTO DE LA GÉNÉRATION

ET

DE

LA

CORRUPTION

TEXTE ÉTABLI ET TRADUIT PAR

Charles MUGLER Professeur à la Faculté des Lettres et Sciences humaines de Nice.

PARIS SOCIÉTÉ D’ÉDITION « LES BELLES LETTRES > 95, BOULEVARD RASPAIL 1966

Conformément aux statuts de ΓAssociation Guillaume Budé, ce volume a été soumis à Γapprobation de la commission tech­ nique, qui a chargé M. Pierre Chantraine d'en faire la révision et d'en surveiller la correction en collaboration avec M. Charles Mugler.

© Société d’Édition « LES BELLES LETTRES », Paria, 1966.

INTRODUCTION

i LE TRAITÉ DE LA GÉNÉRATION ET DE LA CORRUPTION DANS L’ŒUVRE D’ARISTOTE Le traite De gen. et corr. est mentienne, soit sous le titre traditionnel, soit sous un autre nom, par les listes anciennes des écrits d’Aristote, qui ont fait l’objet d’une savante étude de P. Moraux1. Le titre traditionnel περί γενέσεως καί φθοράς figure sous le n° '149, dans l’Appendice du catalogue anonyme conservé par Hésychius 12. Sous le même titre le traité se trouve, rangé parmi les autres ouvrages consacrés à l’univers physique, dans le catalogue de Ptolémée 3, dans l’ordre

..... Authenticité.

φυσικής άκροάσεως η' περί ούρανοϋ καί κόσμου δ' περί γενέσεως καί φθοράς β' μετεωρολογικών δ'. La troisième liste, la bibliographie qui termine la Vie d'Aristote de Diogène Laërce et qui remonte4 à la fin du 3e siècle avant J.-C., ne contient pas le titre περί γενέσεως καί φθοράς, mais elle mentionne deux traités dont le titre suggère un sujet identique ou semblable à celui du De gen.

1. P. Moraux, Les listes anciennes des ouvrages d'Aristote, Louvain, 195'1. 2. Ibid. p. 252. 3. Ibid. p. 297. 4. Cf. P. Moraux, op. laud. p. 25 et passim, et I. Düring, Aristotle in the ancient biographical tradition, Gôteborg, 1957, p. 47.

VI

INTRODUCTION

et corr. Sous le n° 39 figure un ouvrage, -περί στοιχείων α' β' γ', dans lequel Heitz, Zeller et Gohlke1 ont voulu voir un traité comprenant les deux livres du De gen. et corr., sous prétexte qu’Aristote y développe une théorie des στοιχεία, des élé­ ments de la matière. Contre cette interprétation, Waitz et P. Moraux font valoir que, le terme στοιχείου étant souvent synonyme, chez Aristote, de τόπος, le titre περί στοιχείων peut aussi désigner un ouvrage de dialectique. Le titre, en revanche, qui figure sous le n° 25 de cette liste, περί τοϋ πάσχειν ή πεπονθέναι α', se rapporte au De gen. et corr. ou du moins à une partie de ce traité 12. Dans le De anima, 417 a 1, et dans le De gen. an., 768 b 23, Aristote se réfère à ce qu’il a écrit antérieurement εν τοίς περί τοϋ ποιείν καί πάσχειν. Or le développement consacré, dans le De gen. et corr., à l’action et à la passion, 323 b 1-327 a 29, commence par les mots περί δέ τοϋ ποιείν καί πάσχειν λεκτέον εφεξής. Nous ignorons si ce développement a été publié par son auteur sous la forme d’un ouvrage indépendant avant de trouver sa place dans le De gen. et corr. ou si Aristote vise dans sa citation tout le traité, qui aurait ainsi été appelé περί τοϋ ποιείν καί πάσχειν avant de porter le nom consacré περί γενέσεως καί φθοράς. Ces témoignages de l’authenticité du De gen. et corr. sont confirmés par Aristote lui-même. Le traité appartient en effet, par son sujet, au groupe des écrits ayant pour objet la structure et le fonctionnement de l’univers physique, et sa place dans ce groupe est exactement celle qui lui est assignée par le catalogue de Ptolémée, c’est-à-dire entre le De caelo et les Meteorologica. Entre le De caelo, qui étudie l’application des lois générales du mouvement, objet de la Physique, aux révolutions des corps célestes, et les Meteoro­ logica, consacrés à l’étude d’objets et de phénomènes se situant soit au niveau de la terre soit, entre la terre et l’orbite de la lune, dans la zone sublunaire, la continuité exigeait un traité intermédiaire sur les processus physiques liant les phénomènes célestes au devenir terrestre par un parcours cyclique des éléments entre le feu, élément de la région des

1. Cf. P. Moraux, op. laud., pp. 81, 82. 2. Ibid. p. 45.

INTRODUCTION

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astres, et la terre, élément de la partie centrale de l’univers. Le De gen. et corr. assure cette liaison entre le De caelo et les Meteorologica, puisqu’il traite d’une part de la formation et de la transformation des éléments par le passage, de la puissance à l’acte, des quatre qualités fondamentales, d’autre part de la production et de la transformation des corps com­ posés par l’association et par le mélange. Plusieurs références et allusions soulignent cette appar­ tenance du De gen. et corr. au groupe des traités physiques. Dans le De gen. et corr., l’auteur se réfère à la Physique en 316 b 17; 317 b 13; 318 a 2; 320 b 28; 323 a 3; 336 a 13; 336 a 18; 337 a 18; 338 a 18, et au De caelo en 315 b 31; 325 b 34; 331 a 7. Λ plusieurs autres endroits, comme 319 b 8; 323 a 9; 323 a 14; et passim, il résume des théories développées plus largement dans ces deux écrits. Les références de 337 a 18 et de 338 a 18 concernent le livre VIII de la Physique, celle de 318 a 2 sq. se rapporte au même livre de la Physique et au livre Λ de la Métaphysique, c’est-à-dire à des textes où Aristote, à la suite de l’évolution suivie par son idée de Dieu1, a imaginé un premier moteur immobile au-delà de la sphère des fixes et de l’éther qui, dans la Physique de la première main, avaient commandé comme cause ultime la totalité des mouvements de l’univers. Ces passages sont donc à considérer comme des additions 1 2 au premier texte du De gen. et corr. Au commencement des Meteorologica, enfin, Aristote résume le De caelo et le De gen. et corr., 338 a 21-25, et les chapitres relatifs aux éléments, Meteor., livre IV, font suite à la théorie des éléments développée dans le De gen. et corr. A ces affinités de doctrine entre le De gen. et corr. et les autres traités physiques s’ajoute, comme argument en faveur de l’authenticité, la ressemblance du style. La langue philo­ sophique du De gen. et corr. accuse en effet les mêmes traits qui caractérisent la manière d’Aristote dans les parties de 1 'Opus dont l’authenticité est certaine. Une terminologie savante (ουσία 314 b 14; 317 b 9; et passim; δύναμις 317 b 16 sq.;

1. Cf. II. von Arniin, Die Entstehung der Gotleslehrc des Aristo­ teles, Vienne, 1931. 2. Cf. P. Gohlkc, Introduction à la traduction du De caelo et du De gen. et corr., Paderborn, 1958, pp. 5, 6.

VIII

INTRODUCTION

322 a 22; εντελέχεια 316 b 21; 317 b 17; et passim; τδ τί ήν είναι 335 b 35; etc.), créée en grande partie par Aristote, y avoisine le vocabulaire désignant les objets de la vie cou­ rante (métaux, matériaux de construction, liquides, plantes, aliments, matières organiques, etc.) que l’auteur choisit pour expliquer sur des exemples concrets les oppositions entre la puissance et l’acte, entre la matière et la forme, entre le moteur et le mu, et pour illustrer la génération et la destruction. Le flux périodique du cours ex cathedra, destiné à la publi­ cation, est souvent coupé de passages d’une syntaxe plus simple, rappelant le style de la conversation. Il en est ainsi aux endroits où l’attention de l’auditeur — et du lecteur — est stimulée par des questions incisives et brèves, ne compor­ tant souvent qu’un seul mot, qui donnent l’impression d’un enseignement oral immédiat, pris sur le vif et noté par un disciple (τί ούν εσται λοιπόν; μέγεθος; ού γάρ οϊόν τε, 316 a 24; ταύτην οΰν ή φιλία κινεί; ή ού; 333 b 30; ταϋτα δή γίνεται πώς; 334 a 26; et passim). Il suffit de lire quelques pages de la Physique, de la Métaphysique, de Y Éthique à Nicomaque ou d’un autre traité authentique pour y rencontrer les mêmes particularités de style. Le De gen. et corr. se situant entre le caelo et les Meteorologica, un ter. , , minus ante quem pour la composition nous est donné par un passage1 des Meteor., 372 a 28, 29, où Aristote note que le phénomène optique de l’arc-en-ciel se produisant en pleine nuit, par la réflexion des rayons visuels sur la lune, est si rare qu’il ne l’a observé que deux fois εν έτεσιν ύπέρ τα πεντήκοντα. Aristotç étant né en 384/3, le De gen. et corr. aurait donc été composé avant 334. D’autre part Callippe de Cyzique, le conseiller d’Aristote en matière d’astronomie2, n’étant guère arrivé à Athènes3 avant 336, le De caelo, qui accuse des traces de l’influence de Callippe, et,

Date.. de composition.

1. Cf. P. Louis, Introduction à VHistoire des animaux I-IV, Paris, 1964, p. xvu, n. 3. 2. Cf. Simplicius, Commentaire au De caelo, éd. Hcibcrg, p. 493. 3. Cf. G. Sarton, A history of science, Londres et Oxford, '1953, p. 508.

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IX

à plus forte raison, le De gen. et corr., postérieur au De caelo, ont été composés après 336. Aristote se souvient, De caelo 292 a 3 sq., d’une occultation de la planète Mars par la lune au moment du premier quartier. Mais il s’agit d’un souvenir déjà lointain, inutilisable pour la précision du terminus post quem, puisque le phénomène décrit par Aristote s’est produit le 4 avril 357 d’après les calculs de J. Kepler, le 4 mai 357 d’après K. Schoch x. II OBJET ET COMPOSITION DU TRAITÉ

Nous avons vu que le titre περί γενέσεως καί φθοράς figure dans deux des listes anciennes des ouvrages d’Aristote. Aristote lui-même, dans le résumé du De gen. et corr. donné dans le prologue des Meteorologica, se sert de l’expression περί γενέσεως καί φθορδς, 338 a 24. Platon avait désigné par les mêmes termes un des thèmes de la recherche physique, en disant dans le Phédon δλως γάρ δεί περί γενέσεως καί φΟορδς τήν αίτίαν δι,απραγματεύεσθαι., 95 Ε, et dans le Parmenide ο αυτός λόγος ... καί περί γενέσεως καί φθορδς 136 Β. Placé en tête du troisième traité physique, ce titre désigne exactement le propos principal de l’ouvrage, la recherche des conditions et des causes physiques de la production et de la destruction des choses et des êtres individuels. Aristote est parfaitement conscient de la nouveauté et de l’originalité de ce traité. En 325 b 15, il reproche aux systèmes antérieurs, à celui d’Empédoclc en particulier, leur incapacité à rendre compte de la naissance et de la disparition des corps et des êtres individuels qui nous entourent, du σωρευόμενον μέγεθος. Ce qu’on trouve dans ces systèmes du monde — et les frag­ ments et notes doxographiques semblent donner raison à Aristote — ce sont des théories relatives à la formation et à la structure du cadre cosmique général, aux linéaments Titre et contenu du traité.

1. Cf. W. K. C. Guthrie, Arislotle, On thc Heavens, Londres et Cambridge (Mas.), 1960, p. 205.

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macroscopiques de l’univers; mais ils nous donnent trop peu de renseignements sur le cadre étroit de notre vie et sur les choses et les êtres qu’il abrite, et même dans ce Περί φύσεως qu’est le Tintée, il reste une lacune entre la physique à l’échelle cosmique et la physique différentielle des triangles et des polyèdres élémentaires que Platon n’a su combler qu’exceptionnellement, pour quelques phénomènes de la vie1. Pour Aristote, en revanche, les choses et les êtres de la zone sublu­ naire ont droit à une explication dans le cadre de sa physique générale au même titre que les phénomènes célestes. Le De gen. et corr. a pour fin de développer les principes de cette explication. Ce traité est une introduction aux ouvrages dans lesquels Aristote dressera l’inventaire de tout ce qui apparaît et disparaît dans les basses régions du monde. On peut distinguer dans le De gen. et corr. quatre parties. I Lieu de la génération et de la destruction. Distinction entre ces πάθη et les autres changements (314 a '1-322 a 33). Le devenir sublunaire est caractérisé par la γένεσι,ς et la φθορά des corps et des êtres contenus dans l’espace limité par la terre et par la région des astres. Génération et destruction sont des πάθη distincts des autres changements, de l’alté­ ration, de l’accroissement et du décroissement; γένεσις et φθορά ont une πρώτη υλη qui est la cause de leur réciprocité et de leur alternance ininterrompue dans la région sublunaire. Après avoir défini l’objet du traité (314 a 1-9), Aristote critique les théories d’Empédocle, d’Anaxagore et de Leucippe (314 a 10-314 b 1); il distingue parmi les théories anciennes celles qui construisent la réalité d’un seul élément de celles qui ont recours à deux ou plusieurs éléments (314 b 1-315 a 29). Il mentionne brièvement les insuffisances de la physique de Platon (315 a 29-33) et esquisse une première analyse de la tentative des atomistes pour réduire la génération et la corruption, l’altération et la qualité, à l’association et la dissociation de particules irréductibles (315 a 34-316 a 4). Ce résumé, assez objectif dans l’ensemble, est suivi d’une critique de l’atomisme, du point de vue de la physique qua­ litative d’Aristote, comportant une réfutation de la divisi­ 1. Cf. Ch. Muglcr, La physique de Platon, Paris, 1960, pp. 158, 159 et passim.

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bilité absolue des corps et des réflexions sur la nature du continu spatial (316 a 5-317 a 31). Un paragraphe sur les différences entre la génération et la destruction absolues et la génération et la destruction relatives (317 a 32-318 b 2) est suivi d’un développement consacré aux distinctions entre les genres de génération et aux rapports entre la génération et la destruction (318 b 2-319 b 5). Les paragraphes suivants expliquent ce qui distingue la génération et la destruction de l’altération (319 b 6-320 a 7) et de l’augmentation et de la diminution (320 a 8-322 a 33).

II Génération et corruption et leurs rapports avec le mélange, l'action et la passion (322 b 1-328 b 22). Les sujets ayant comme attributs la génération et la corruption sont les corps naturels, les φυσικά σώματα, composés d’homéomères, les­ quels sont à leur tour composés des quatre éléments terre, eau, air et feu. Le processus qui produit les homéomères est la μίξις des quatre éléments. La μίξις suppose l’action et la passion, ιτοιεΐν καί τιάσχειν, et l’action et la passion se fondent sur le contact, αφή. Dans cette partie, Aristote examine successivement le contact entre figures géométriques et le contact entre corps matériels (322 b 1-323 a 34), l’action et la passion, l’agent et le patient (323 b 1-324 b 24), la réciprocité de l’action et de la passion (324 b 25-35), la manière dont le problème du contact des corps a été traité dans certaines écoles du passé, dans i’éléatisme (324 b 35-325 a 23), dans l’atomisme de Leu­ cippe (325 a 23-325 b 5), chez Empédocle (325 b 5-25), les différences entre l’atomisme de Platon et celui de Leucippe (325 b 25-326 b 2), la théorie des pores d’Empédoclc (326 b 228). Aristote propose une explication personnelle de l’action et de la passion (326 b 29-327 a 29), et de la mixtion (327 a 30328 b 22). III Combinaison et transformations réciproques des élé­ ments (328 b 26-335 a 23). Aristote étudie la combinaison des éléments dans les corps composés et leurs transformations réciproques lors de la formation des homéomères. Il commence par une enquête sur la nature des éléments et sur le problème de l’unité et de la pluralité des éléments (328 b 26-329 a 13); il critique la théorie des éléments de Platon (329 a 13-329 b 6);

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il examine la nature des oppositions, des εναντιώσεις (329 b 7330 a 29), les rapports entre les éléments et les qualités pri­ mordiales (330 a 30-330 b 7) et la manière dont Parménide, Platon et Empédocle ont conçu ces rapports (330 b 7-331 a 6). Il développe sa théorie personnelle de la transformation et du parcours cyclique des éléments (331 a 7-332 a 2) et ses arguments contre le monisme matériel (332 a 3-333 a 15) et contre Empédocle (333 a 16-334 a 15). Il explique la for­ mation des homéomères (334 a 15-334 b 30) et la présence des quatre éléments dans chaque corps composé (334 b 31-335 a 23). IV 338 b 336 a de la

Causes et caractère cyclique de la génération (335 a 2419). Les causes matérielle, formelle et finale (335 a 2414), la cause efficiente (336 a 15-337 a 33); la nécessité génération (337 a 34-338 b 19).

Bien que le propos du De gen. et corr. \ · . . - . , tut nouveau, Aristote a examine, dans . , '. , ' , les cosmologies présocratiques et chez Platon, la manière dont ses prédécesseurs avaient traité certaines questions physiques qui auraient pu être chez eux la base d’une théorie de la formation des choses et des êtres individuels. Il critique, en particulier, les hypothèses qu’ils ont formulées sur les éléments. Il résume ainsi l’atomisme de Leucippe et de Démocrite (314 a 21 et passim), la physique des homéomères d’Anaxagore (314 a 24 et passim), le mélange et la séparation des quatre éléments d’Empédocle sous l’action de la Haine et de ΓAmour (325 b 1 et passim). Il évoque l’Un immobile de Parménide et de Zénon (325 a 3 et passim), le dualisme matériel de Parménide (318 b 6; 330 b 14, et pas­ sim), le monisme de Diogène d’Apollonie (322 b 14). Sans nom­ mer les auteurs, il fait allusion à Heraclite et à sa thèse de l’identité de 1’air et du feu (332 a 12), à Ι’άπειρον d’Anaximandre (332 a 25), au mécanisme de la condensation et de la raréfaction d’Anaximène (330 b 9), à l’Un continu de Mélissos (325 a 8), à la physique à trois éléments d’ion de Chios (329 a 2), aux cycles physiologiques d’Alcméon 1 (338 b 8). _ Les sources ,, . . d’Aristote.

fA.

1. Alcméon compte parmi les auteurs qu’Aristote cite fréquem­ ment; cf. P. Louis, op. laud. p. xxxvm, n. G.

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De l’œuvre de Platon, Aristote cite la théorie de la causalité du Phédon (335 b 10), la physique des surfaces atomes du Timée (315 b 30 et passim), le triangle idéal (316 a 12), l’espace réceptacle du Timée (329 a 24). Il fait allusion à la διαίρεσις de la matière en trois éléments dans le Sophiste (330 b 16). Ici, comme ailleurs dans l’œuvre d’Aristote, en particulier dans la Physique et la Métaphysique, les remarques sur les présocratiques sont une source de renseignements utiles, quelquefois uniques, pour l’histoire de la pensée grecque, à condition d’être interprétées avec prudence1. Dans ces notes Aristote, étranger à toute préoccupation d’histoire de la philosophie, se propose de juger de l’efïicacité des principes physiques et cosmologiques de ses prédécesseurs. Mais il évalue cette efficacité par rapport aux données de son propre système physique, en détachant les principes à expliquer de leur contexte dans leur système d’origine. Il lui arrive par exemple (De sensu 437 b 23 sq.), à propos du mécanisme de la vision chez Empédoclc, de transplanter dans le devenir monodrome de sa physique à lui un processus physique imaginé par son auteur pour un système cosmologique réver­ sible à deux phases12, ou ici même, dans le De gen. et corr. (325 a 30 et passim), à propos de la grandeur des atomes, de placer les corpuscules ultimes de Leucippe et de Démocrite dans la perspective d’un cosmos unique et d’une limite unique de la perceptibilité, alors que, chez les fondateurs de l’ato­ misme, la pluralité des mondes s’accompagne d’une variété infinie des seuils de la perception3. Les notations d’Aristote sur les présocratiques ne sont donc utilisables pour l’histoire de la philosophie qu’à condition d’être replacées dans leur contexte original.

1. Les jugements d’Aristote sur les présocratiques ont été cri­ tiqués avec sévérité par II. Cherniss dans Aristotle's criticism of prcsocratic philosophy, Baltimore, 1935, d’une façon plus juste, par Λ. Maddalcna, Ionici, Florence, 1963, pp. 6-9 et par W. Wicland, Die aristotclischc Physik, Gottingen, 1962, chap. Ier. 2. Cf. Ch. Muglcr, Devenir cyclique et pluralité des mondes, Paris 1953, pp. 52-60. 3. Cf. mon article Les théories de la vie et de la conscience chez Démocrite, Revue de Philologie, 3e série, t. XXXIII, 1959, pp. 16-20.

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S’il s’agit de simples déformations, dues à un changement de perspective, dans le cas des présocratiques, les notations d’Aristote relatives à Platon contiennent souvent des inexac­ titudes réelles. En 315 a 32, il prétend ainsi que Platon n’a su expliquer la génération que dans le cas des éléments et que la formation des substances organiques échappe à sa physique. Il ne se souvient pas de Timée 73 B sq., où Platon construit la moelle des animaux à partir des polyèdres élé­ mentaires. En 316 a 4, il reproche à Platon de n’avoir même pas essayé de rendre compte de la qualité au moyen des tri­ angles atomes, alors qu’aux pages 67 C sq. du Timée les différences qualitatives -des couleurs sont ramenées à des différences quantitatives au niveau des triangles et des polyèdres élémentaires. En 325 b 33, il prête à Platon la néga­ tion absolue du vide, κενόν γάρ ούκ είναΙ φησνν, en oubliant que le Timée contient des propositions comme celle-ci : τά γάρ εκ μεγίστων μερών γεγονότα μεγίστην κενότητα εν τί] ξυστάσει τιαραλέλουπε, τα Là σμνκρότατα έλαχίστην, 58 Β. Ces erreurs à l’égard de Platon montrent qu’Aristote, déjà détaché de l’enseignement de son ancien maître au moment de la composition du De gen. et corr., n’a lu qu’avec peu d’attention ses dernières œuvres. II était trop préoccupé d’appliquer au sujet de ce traité les principes de sa physique personnelle, et trop conscient de l'originalité de son propos, pour qu’il ait pris soin de donner à la discussion de la physique platonicienne toute l’exactitude désirable. Le sujet du De gen. et corr. relevant essentiellement d’une physique de la qualité, les propositions d’ordre quantitatif y sont très rares. Si, exceptionnellement, Aristote fait inter­ venir la quantité, comme en 333 a 24 sq., il se montre prudent en marquant sa réserve par l’emploi de termes comme oîov. Cette réserve du De gen. et corr. à l’égard de la quantité a eu pour effet que ce traité a suscité moins de critiques que cer­ tains autres ouvrages d’Aristote. La qualité ne prête pas à la vérification expérimentale et, partant, à la réfutation au même titre que la quantité. Les erreurs d’Aristote en matière de sciences physiques se situent en général là où, quittant le domaine de la qualité, qui lui est familier, il s’aventure dans des précisions relatives aux grandeurs mesu­ rables telles que les forces, les vitesses, les résistances, etc.,

INTRODUCTION

xv

et certaines de ces erreurs, dans la Physique en particulier, ont été relevées déjà un siècle après leur énoncé1. C’est ce confinement dans l’inattaquable qualité qui explique peut-être pourquoi le De gen. et corr. sera moins cité et moins commenté que les autres traités physiques d’Aristote. Μ. Λ. Wartelle12 mentionne il commentaires grecs du De gen. et corr. contre 24 relatifs à la Physique, les textes de ces deux traités étant représentés respectivement par 69 et 110 témoins. En revanche, cette prédominance des considérations qualitatives, jointe à la sollicitude de ce traité pour le détail du devenir au niveau de l’homme et de son cadre biologique, a valu au De gen. et corr. l’intérêt du dernier partisan d’une physique qualitative, je veux dire de Goethe (cf. les notes à 315 a 13, à 333 b 20 et à 338 b 9). Deux traductions françaises du De gen. et corr. ont paru avant cette édition, l’une, peu exacte, de Barthélemy-SaintHilaire, (Paris, 1866), l’autre, plus correcte, de J. Tricot, (Paris, 1934).

III

LE TEXTE DU TRAITÉ

Dans son Inventaire des manuscrits grecs d'Aristote et de ses commentateurs, M. A. Wartelle mentionne 69 témoins du texte du De gen. et corr. Pour un certain nombre de ces manus­ crits on peut reconnaître l’appartenance à une même famille. Le plus ancien est le Vindobonensis phil. gr. 100, qui contient la Physique, le De caelo, le De gen. et corr. (f. 86v-102v), les Meteorologica, la Métaphysique de Théophraste et la Méta­ physique d’Aristote. Le manuscrit a été utilisé pour une édition des Meteorologica (1918) par F. II. Fobes, pour le De gen. et corr. (1922) par II. II. Joachim, pour la Métaphysique (1924) et pour la Physique (1936) par Sir David Ross, et pour le De caelo (1936) par J. D. Allan. Il fut daté du xe-xic siècle 1. Cf. mon article Archimède répliquant à Aristote, Revue des Et. Gr., t. LXIV, 1951, pp. 50-81. 2. Inventaire des manuscrits grecs d’Aristote et de ses commenta­ teurs, Paris, 1963. 2

XVI

INTRODUCTION

par A. Gercke1, du début du xe siècle par Robes et par Sir David Ross (1924), du xe siècle par Sir David Ross (1936). Mais, comme l’a fait voir M. J. Irigoin1 2, toutes ces datations sont trop récentes. Après avoir démontré par un examen paléographique que le manuscrit appartient au ixe siècle, M. Irigoin précise la date de la rédaction en montrant que les signes critiques et exégétiques et les notes marginales ajoutées au Vindobonensis phil. gr. 100 par une main posté­ rieure accusent les caractéristiques d’une collection philo­ sophique identifiée par T. W. Allen3, que les paléographes sont d’accord pour dater de 850-880. Il s’ensuit, conclut M. Irigoin, que le Vindobonensis phil. gr. 100 a été écrit vers le milieu du ixe siècle, à l’époque de la renaissance byzantine. Répandu d’abord, à partir du Ier siècle avant J.-C., — date où commence la diffusion de l’oeuvre d’Aristote par les Romains 4 —, comme une partie des traités physiques suivis de la Métaphysique d’Aristote, le De gen. et corr. apparaît, au milieu du ixe siècle, intégré dans un ensemble plus vaste comprenant, à côté de la « tétralogie » physique — Physique, De caelo, De gen. et corr.} Meteorologica — et de la Métaphysique d’Aristote, des ouvrages philosophiques d’autres auteurs. F. H. Fobes, H. H. Joachim, J. D. Allan et Sir David Ross avaient déjà reconnu la parenté du Vindobonensis phil. gr. 100 avec plusieurs manuscrits utilisés par Bekker pour l’édition de l’Académie de Berlin, et A. Gercke avait même cru pouvoir considérer le Vindobonensis phil. gr. 100 comme l’archétype de ces manuscrits. Sans souscrire à la thèse, peut-être préma­ turée, de Gercke et en nous bornant à ceux des manuscrits qui contiennent le De gen. et corr., nous pouvons effectivement ranger dans la famille du Vindobonensis phil. gr. 100 le Laurentianus 87.7, du xne siècle, et le Vaticanus gr. 1027, 1. A. Gercke, Aristoteleum, Wiener Studien, t. XIV, 1892 pp. 146-148. 2. L'Aristote de Vienne, Jahrbuch der ôsterreichischen byzantinischen Gesellschaft, VI, 1957, pp. 5-10 (avec une reproduction du f. 24r du Cod. phil. gr. 100). 3. A group of ninth century greek rnanuscripts, J. of Philol t. XXI, 1893, pp. 48-55. 4. Cf. A. Dain, Les manuscrits, 2e édition, Paris, 1964, p. 113.

INTRODUCTION

XVII

du xiiic siècle, auxquels il faut ajouter, d’après une étude récente de E. Mioni \ le Marcianus gr. 214, du xn° siècle, et le Marcianus gr. 211, du xme siècle. Le Parisinus gr. 1853, manuscrit du xe siècle, dont C. Prantl s’est servi comme témoin principal pour son édition (Leipzig, 1881), est pratiquement isolé. Puisque, d’autre part, la préfé­ rence accordée à ce manuscrit par Prantl paraît mal justifiée en présence de fautes comme ύγιαίνοντος pour ύγιαινον (dans les quatre autres manuscrits choisis pour cette édition, cf. plus loin), 317 a 34; ομοιομερή pour ανομοιομερή, 321 b 17; φθορά pour φορά, 336 a 30; φοράς pour φθοράς, 336 b 19; φθοράν pour φοράν, 337 a 13, pour ne citer que quelques exemples, le témoignage du Parisinus gr. 1853 ne nous semblait pas suffire pour contrebalancer celui des manuscrits de la famille rassemblée autour du Vindobonensis phil. gr. 100. Un éclectisme fondé à l’occasion sur des considérations de langue, mais le plus souvent sur l’analyse du sens exigé par le contexte et par ce que nous savons par ailleurs de la pensée d’Aristote, me paraissait s’imposer dans cette situation. J’ai ainsi unifié en γίνεσθαι une graphie flottant entre γίγνεσθαι et γίνεσθαι, et j’ai relégué dans l'apparat critique les variantes qui risquaient de prêter des absurdités à Aristote. La présente édition est fondée sur le Vindobonensis phil. gr. 100 (J), du milieu du ixe siècle, le Parisinus gr. 1853 (E), manuscrit du xe siècle, souvent corrigé jusqu’au xv° siècle, le Laurentianus 87,7 (F), du xne siècle, le Vaticanus gr. 1027 (H), du xme siècle, et le Vaticanus gr. 253 (L), du xme siècle. Elle tient largement compte des collations de Bekker (édition de l’Académie de Berlin, 1831), de Prantl (Leipzig, 1881) et de IL IL Joachim (Oxford, 1922), qui a rectifié un certain nombre d’erreurs commises par Bekker et reproduites par Prantl. Le Vindobonensis phil. gr. 100 n’ayant été utilisé jusqu’à présent qu’une seule fois pour le De gen. et corr., par Joachim, j’ai collationné ce manuscrit sur photographies. Parmi les témoins indirects, dont M. A. Wartelle cite une dizaine de manuscrits grecs, j’ai consulté le commentaire de

1. E. Mioni, Aristotelis codices graeci qui in bibliothecis Vendis adservanlur, Padoue, 1958, pp. 34-35.

XVIII

INTRODUCTION

Jean Philopon et les lemmes de Saint Thomas. Comme on le verra dans l’apparat critique, le témoignage de Philopon rejoint en général les leçons que je n’ai pas adoptées pour la constitution du texte. Indirectement, cependant, ce témoi­ gnage a pu servir parfois à orienter le choix de la leçon à adopter, comme en 322 a 24, où la variante de Philopon, la circonstancielle 8ταν φθίνη, montre qu’il convient d’opter — ce que suggère d’ailleurs aussi le sens de ce passage — pour le φθίνον de J et L contre le φθίνη de E et H et le φθίνει, de F. Des précisions analogues sont données pour quelques passages par le commentaire de Saint Thomas; voir, en particulier, mes notes à 318 b 23 et à 320 a 21.

Ce travail doit beaucoup à l’obligeance et aux conseils éclairés de M. Pierre Chantraine, qui a accepté de reviser cette édition, et de M. Jean Irigoin, qui m’a fait bénéficier de sa connaissance approfondie des questions paléographiques. Qu’il me soit permis de leur exprimer ici ma sincère recon­ naissance.

SIGLA

E F II J L

Parisinus gr. 1853, saec. X. Laurentianus 87,7, saec. XII. \raticanus gr. 1027, saec. XIII. \rindobonensis phil. gr. 100, saec. IX med. Vaticanus gr. 253, saec. XIII.

DE LA GÉNÉRATION ET DE LA CORRUPTION LIVRE I

I Pour expliquer la génération et la destruction des corps et des êtres qui se produisent dans la réalité et qui en disparaissent, il faut distinguer, pour tous de la même manière, les causes et les fins; il faut examiner, de plus, ce que c’est que la croissance et le changement, et si on peut admettre que changement et génération sont de même nature ou de nature distincte comme sont distincts aussi les noms qui les désignent. Parmi les anciens, les uns prétendent que la géné­ ration dite simple est un changement, les autres disent que changement et génération sont des réalités distinctes. Tous ceux, en effet, qui affirment l'unité de l’univers et font naître tout d’un élément unique sont obligés d’identifier la génération avec le changement et de dire que ce qui naît, à proprement parler, ne fait que changer. L *objet du traité.

Les partisans d’une pluralité d’élé­ ments dans la matière, tels Empédocle, Anaxagore et Leucippe, sont au con­ traire forcés de distinguer entre les deux. Et cependant Anaxagore n’a pas su employer le terme exact; il prétend du moins que la génération et la destruction sont la même chose que le changement, tout en admettant comme d’autres une pluralité d’éléments. Pour Empédocle, en effet, la matière comporte quatre élé­ ments, mais en y comptant aussi les principes de mouvement1 leur nombre s’élève à six; Anaxagore, de même que Leucippe et Démocrite, en admettent une infinité. C’est que Anaxagore considère comme éléments les homéomères, c’cst-à-dire des matières telles que les os, la chair et la moelle et toute autre

Théories d’Empédocle, Anaxagore et Leucippe,

1. Pour les appels de notes sans répondants au bas de la page, on se reportera aux notes complémentaires, p. 75 et suiv.

ΠΕΡΙ ΓΕΝΕΣΕΩΣ ΚΑΙ ΦΘΟΡΑΣ

A I

[314 a] Περί δέ γενέσεως καί φθοράς τών φύσει γενομένων

καί φθειρομένων, ομοίως κατά πάντων, τάς τε αιτίας διαιρε­ τέο ν καί τούς λόγους αυτών, ετι δε περί αύξήσεως καί άλ-

λοιώσεως, τί έκάτερον, καί πότερον τήν αύτήν ύποληπτέον

5 φύσιν εΐναι άλλοιώσεως καί γενέσεως, ή χωρίς, ώσπερ διώρισται καί τοίς δνόμασιν. Τών μέν οδν αρχαίων οί μέν τήν

καλουμένην απλήν γένεσιν άλλοίωσιν εΤναί φασιν, οί δ’ έτε­

ροι άλλοίωσιν καί γένεσιν. "Οσοι μέν γάρ εν τι τδ πάν λέγουσιν είναι καί πάντα έξ ενός γεννώσι, τούτοις μέν ανάγκη

10 τήν γένεσιν άλλοίωσιν φάναι καί τδ κυρίως γινόμενον άλλοιοΟσθαι.

"Οσοι δέ πλείω τήν ϋλην ένδς τιθέασιν, οΤον Εμ­ πεδοκλής καί Αναξαγόρας καί Λεύκιππος, τούτοις δέ έτε­ ρον. Καίτοι Αναξαγόρας γε τήν οΐκείαν φωνήν ήγνόησεν* λέ­

γει γοϋν ώς τδ γίνεσθαι καί άπόλλυσθαι ταύτδν καθέστηκε 15 τώ άλλοιοϋσθαι, πολλά δέ λέγει τά στοιχεία, καθάπερ καί

έτεροι. Εμπεδοκλής μέν γάρ τά μέν σωματικά τέτταρα, τά δέ πάντα μετά τών κινούντων εξ τδν άριθμόν, Αναξαγό­

ρας δέ άπειρα καί Λεύκιππος καί Δημόκριτος. Ό μέν γάρ

τά δμοιομερή στοιχεία τίθησιν, οΐον δστοϋν καί σάρκα καί

[314 a] 1 οε oin. E Q 3 αυτών ετι EHJL : αυτών διοριστέον ετι F fl 9 γεννώσιν EFJL : γεγονέναι Η || 14 ταύτόν ΕΗ : ταύτό FJL || 16 pr. μεν oin. HL.

GÉNÉRATION ET CORRUPTION

2

substance dont les parties accusent les mêmes qualités que l’ensemble1, alors que Démocrite et Leucippe enseignent que les autres corps sont faits de corps indécomposables, que ces derniers existent en quantité infinie et avec des formes infiniment variées, et que les corps composés diffèrent entre eux par ces corps indécomposables dont ils sont faits et par leur orientation et leur groupement. Les partisans d’Anaxagore soutiennent apparemment une thèse opposée à celle des partisans d’Empédocle. Empédocle dit en effet, que le feu, l’eau, l’air et la terre forment quatre éléments et que ces corps sont simples, plutôt que ne le sont la chair et les os et d’autres corps semblables parmi les homéomères; les partisans d’Anaxagorc considèrent, au contraire, ces derniers comme éléments simples, et la terre, le feu, l’eau et l’air comme corps composés, du moment, disent-ils, qu’il y en a des traces partout.

Quant à ceux qui construisent l'uni­ vers d’un seul élément, ils sont obligés de présenter la génération et la des­ truction comme des changements; car le substratum de ces phénomènes reste toujours identique à lui-même, et un processus de ce genre est désigné par nous par le terme « changement ». Pour ceux, au contraire, qui admettent plusieurs espèces de matière simple, il y a nécessai­ rement une différence entre le changement et la génération; car c’est au gré de la combinaison et de la séparation de ces éléments que la génération et la destruction se produisent chez eux; c’est pour cela qu’Empédoclc a formulé cette proposition qu’il n’y a naissance pour aucune chose, mais seulement mélange et échange des éléments mélangés 2. Que le raisonnement qu’ils développent est conforme à leur hypothèse, cela est évident, et ils s’expriment effectivement de cette manière. Cependant les partisans de la pluralité des éléments sont eux aussi obligés de convenir que le changement est quelque chose de différent de la génération en dépit de l’impos­ sibilité de la génération d’après les théories qu’ils avancent. Que c’est à juste titre que nous dénonçons cette contradiction, il est facile de s’en convaincre. De même, en effet, que, la substance étant en repos, nous y voyons un changement de grandeur, à savoir l’augmentation et la diminution, de même Unité et pluralité des éléments.

2

ΠΕΡΙ ΓΕΝΕΣΕΩΣ ΚΑΙ ΦΘΟΡΑΣ

[314 a]

20 μυελόν, καί των άλλων ων έκάστω συνώνυμον τδ μέρος έστίν. Δημόκριτος δέ καί Λεύκιππος εκ σωμάτων αδιαιρέτων ταλ-

λα συγκείσθαί φασι, ταΟτα δ* άπειρα καί τδ πλήθος εί­ ναι καί τάς μορφάς, αυτά δέ πρδς αύτά διαφέρειν τούτοις

εξ ων είσί καί θέσει καί τάξει τούτων. Έναντίως δέ φαίνονται

25 λέγοντες οί περί Αναξαγόραν τοίς περί Έμπεδοκλέα* δ μέν γάρ φησι πΟρ καί ύδωρ καί άέρα καί γήν στοιχεία

τέσσαρα καί άπλδ είναι μάλλον ή σάρκα καί δστούν καί

τά τοιαΟτα των δμοιομερών, οί δέ ταΟτα μέν απλά καί

στοιχεία, γήν δέ καί πΟρ καί ύδωρ καί άέρα σύνθετα* παν[314 bl σπερμίαν γάρ είναι τούτων. Τοίς μέν ουν εξ ένδς πάντα

κατασκευάζουσιν άναγκαιον λέγειν τήν γένεσιν καί τήν φθοράν άλλοίωσιν* αεί γάρ μένειν τδ ύποκείμενον ταύτδ καί εν τδ δέ τοιούτον άλλοιοΟσθαί φαμεν* τοίς δέ τά γένη πλείω ποι-

5 οΟσι διαφέρειν τήν άλλοίωσιν τής γενέσεως* συνιόντων γάρ καί διαλυομένων ή γένεσις συμβαίνει καί ή φθορά. Διδ λέγει τούτον τδν τρόπον καί Εμπεδοκλής, δτι « φύσις ούδενός

έστιν,... άλλά μόνον μίξις τε διάλλαξίς τε μιγέντων. » “Οτι μέν

ουν οικείος δ λόγος αυτών τή ύποθέσει οΰτω φάναι, δήλον, 10 καί ότι λέγουσι τδν τρόπον τούτον άναγκαιον δέ καί τούτοις

τήν άλλοίωσιν είναι μέν τι φάναι παρά τήν γένεσιν, αδύ­ νατον μέντοι κατά τά ύπ’ εκείνων λεγόμενα. Τούτο δ’ ότι

λέγομεν δρθώς, βάδιον συνιδείν. °Ωσπερ γάρ δρώμεν ήρεμούσης τής ουσίας εν αυτή μεταβολήν κατά μέγεθος, τήν κα20 μυελόν, ζαί των EFJL : μυελόν και ξύλον και των II |Ι έκάστω EJ : έκαστου FHL || συνώνυμον τό μέρος έστίν EJ : τό μέρος συνώνυμόν έστι 11 συνωνύμως τό μέρος έστίν F συνωνύμως τό μέρος κατήγορειται L || 24 ο'ε FHL : γάρ EJ || 28 ομοιομερών EHJL : μερών F. [314 b] 3 μένειν EFHL : μένει J Philoponus || 9 et 11 φάναι EFHL : φάναι J || 11 τι EHJL : τοι F.

GÉNÉRATION ET CORRUPTION

3

nous y observons de l’altération. Mais d’après ce que disent les partisans de la pluralité des éléments, ce genre de change­ ment est impossible. Nous voyons en effet que les affections, qui nous font dire qu’il y a altération, sont des différences des éléments, par exemple le chaud et le froid, le blanc et le noir, le sec et l’humide, le mou et le dur, et toutes les autres oppositions, comme le montre aussi Empédocle lors­ qu’il dit « le soleil avec son aspect brillant et sa chaleur répandue partout, et la pluie, sombre en tout et froide » 1 et dans les distinctions analogues qu’il fait pour le reste de la réalité. S’il est, par conséquent, impossible que l’eau vienne du feu ni la terre de l’eau, le noir ne pourra pas davantage venir du blanc ni le dur du mou, et le même raisonnement s’appliquerait aux autres oppositions. Or c’est en ces passages (d’une qualité à la qualité opposée) précisément que consistait l’altération. Ces considérations montrent aussi qu’il faut toujours admettre une seule matière pour les contraires, soit qu’elle change de place dans l’espace, soit qu’elle change par augmentation ou diminution, soit qu’elle varie par alté­ ration. Elles montrent même que la matière unique et l’alté­ ration sont la condition nécessaire l’une de l’autre. Car si l’altération existe, le substratum en est, à son tour, un seul élément, et le support de toutes les qualités qui se transfor­ ment les unes dans les autres est une matière unique, et réci­ proquement, si le support matériel est un, il y a altération. Empédocle semble donc être en contradiction à la fois avec l’observation et avec lui-même. Tout en niant, en effet, qu’un élément puisse venir d’un autre et en affirmant que, au contraire, tout le reste vient des éléments, il prétend, après avoir ramené à l’unité la réalité physique toute entière sauf la Haine 2, que chaque chose se développe de nouveau à partir de cette unité. Il est ainsi évident que chez Empédocle, à partir d’une certaine unité, les choses se séparent les unes des autres à la suite de certaines différences et de certaines modifications et deviennent les unes de l’eau, les autres du feu, 1. Les mêmes vers sont cités entre autres par Plutarque, De pr. frigido 949 F. Le groupe de vers qui contient cette citation d'Aristote et celle de Melaph. 1000 a 29 a été conservé par Simplicius, Phys. 159, 13; cf. D.V.31 B21.

3

ΠΕΡΙ ΓΕΝΕΣΕΩΣ ΚΑΙ ΦΘΟΡΑΣ

[314 b]

15 λουμένην αύξησιν καί φθίσιν, οϋτω καί άλλοίωσιν. Ού μήν

άλλ’ εξ ων λέγουσιν οί. πλείους άρχάς ποιοϋντες μιάς άδύνατον άλλοιοϋσθαι. Τά γάρ πάθη, καθ’ ά φαμεν τοΟτο συμ­

βαίνει, διαφοραί των στοιχείων είσίν, λέγω δ’ oîov θερμόν ψυχρόν, λευκόν μέλαν, ξηρόν ύγρόν, μαλακόν σκληρόν καί 20 των άλλων έκαστον, ώσπερ καί φησίν Εμπεδοκλής « ήέλιον

μέν λευκόν δράν καί θερμόν άπάντη, δμβρον δ’ εν πδσιν δνοφόεντά τε ριγαλέον τε ». ‘Ομοίως δέ διορίζει καί επί των λοιπών. °Ωστ’ εί μή δυνατόν εκ πυρδς γενέσθαι ύδωρ μηδ’ εξ

ίίδατος γήν, ούδ’ εκ λευκοϋ μέλαν εσται ούδέν ούδ’ εκ μαλακοί) 25 σκληρόν’ δ δ’ αυτός λόγος καί περί των άλλων τοΟτο δ’ ήν

άλλοίωσις. *Ή ι καί φανερόν δτι μίαν αεί τοίς έναντίοις ύπο-

θετέον ύλην, άν τε μεταδάλλη

κατά τόπον, άν τε κατ’

αΰξησιν καί φθίσιν, άν τε κατ’ άλλοίωσιν. "Ετι δ’ δμοίως άναγκαίον είναι τοΟτο καί άλλοίωσιν· είτε γάρ άλλοίωσις

[315 a έστι, καί το υποκείμενον εν στοιχειον καί μία πάντων Ολη τών έχόντων είς άλλη λα μεταβολήν, καν εί τό υποκείμενον έν, εστιν άλλοίωσις.

Εμπεδοκλής μέν ουν έοικεν εναντία λέ-

γειν καί πρδς τά φαινόμενα καί πρός αύτόν αυτός. °Αμα μέν δ γάρ οΰ φησιν έτερον εξ ετέρου γίνεσθαι τών στοιχείων ούδέν, άλλα ταλλα πάντα εκ τούτων, άμα δ’ όταν είς εν συνα-

γάγη τήν άπασαν φύσιν πλήν τοϋ νείκους, εκ τοϋ ενός γί­

νεσθαι πάλιν έκαστον. °Ωστ’ εξ ενός τίνος δήλον δτι διαφοραΐς 16 ποιοϋντες EFHJ : ποιούνται L || 19 λευκόν EFJL : καί Η || 21 όραν FIIJ Simpl. Phys. DE ρ. 33 et 159 : ορα EL. Plut. De pr. frig. 949 F όρα Simpl. Phys. F p. 33 || 22 δνοφόεντά EF J Plut. 949 F: δνοφέοντά Simpl. DEF p. 33 et 159 ζοφόεντα HL || 26 η FJ : ή EHL |] 27 άν τε κατ’ αύΤησιν καί φθίσιν om. Ε. [315 a] 1 μία πάντων EI1J : μία ή πάντων FL.

GÉNÉRATION ET CORRUPTION

4

comme le soleil qu’il dit brillant et chaud ou la terre qualifiée par lui de lourde et de dure. Or ces différences étant sup­ primées, et elles peuvent être supprimées du moment qu’elles sont devenues \ il est évident que nécessairement de la terre naît de l’eau et réciproquement, et que la même chose se produit pour chacun des autres éléments, et cela non seule­ ment au commencement de la séparation, mais aussi mainte­ nant, à la suite des transformations et des modifications qui ont lieu. Empédocle nous présente, de plus, des principes grâce auxquels les choses peuvent se réunir et se séparer de nouveau, du fait, surtout, que la Haine et F Amour continuent à se combattre mutuellement2; cette lutte réciproque fut d’ailleurs aussi à l’origine (du règne de la Haine) la cause de la naissance des choses à partir d’une réalité unique. Car ce n’est pas à des moments où feu, terre et eau existaient encore comme éléments séparés que leur ensemble a formé un univers matériellement un3. Aussi est-il incertain s’il faut poser comme principe, pour le feu, la terre et les autres éléments qu Empédocle leur joint, l’unité ou la pluralité 4. Si en effet, on admet comme matière primordiale ce à partir de quoi la terre et le feu prennent naissance par une transformation causée par le mouvement, il y a un élément unique; si on considère, au contraire, que cette matière unique est le produit de la réunion des éléments feu, terre, etc. se combinant entre eux, et que, réciproquement, ces éléments proviennent de la dissociation de la matière une, ce sont le feu, la terre, etc. qui apparaissent plus élémentaires, et antérieurs par leur nature. II II nous faudra donc parler d’une manière générale de la génération et de la destruction, au sens simple des termes, et examiner si elle est ou si elle n’est pas et comment elle est, et étendre notre enquête aux autres mouvements simples, tels que l’augmentation et l’altération. Platon n’a donc étudié la génération et la destruction qu’en tant qu’elles existent dans les choses, en limitant même l’étude de la génération à la géné­ ration des éléments. Mais sur la manière dont se forment et se défont les chairs ou les os ou les autres corps de ce genre,

Théories de Platon et de Démocrite.

ΠΕΡΙ ΓΕΝΕΣΕΩΣ ΚΑΙ ΦΘΟΡΑΣ

4

[315 a]

τισι χωριξομένων καί πάθεσιν έγένετο τδ μεν ύδωρ τδ δέ

10 πϋρ, καθάπερ λέγει τδν μέν ήλιον λευκδν καί θερμόν, τήν δέ γήν βαρύ καί σκληρόν άφαιρουμένων οΰν τούτων τών δια­

φορών (είσί γάρ άφαιρεταί γενόμεναί γε) δήλον ώς ανάγκη γίνεσθαι καί γήν εξ ΰδατος καί ύδωρ εκ γής, δμοίως δέ καί

των άλλων έκαστον, ού τότε μόνον άλλα καί νϋν, μετα15 θάλλοντά γε τοίς πάθεσιν. ’Έστι δ’ εξ ών εΐρηκε δυνάμενα

προσγίνεσθαι καί χωρίζεσθαι πάλιν, άλλως τε καί μαχο-

μένων άλλήλοις ετι τοΟ νείκους καί τής φιλίας. Διόπερ καί τότε εξ ένδς έγεννήθησαν ού γάρ δή πΟρ γε καί γή καί

ύδωρ δντα εν ήν τδ πάν. "Αδηλον δέ

καί πότερον άρ-

20 χήν αύτών θετέον τδ εν ή τα πολλά, λέγω δέ πΟρ καί γήν καί τά σύστοιχα τούτων. *Ηι μέν γάρ ώς ύλη ύπόκειται, εξ

ου μεταθάλλοντα διά τήν κίνησιν γίνονται γή καί πϋρ, τδ εν στοιχείον’ ή δέ τούτο μέν εκ συνθέσεως γίνεται συνιόντων

εκείνων, εκείνα δ’ εκ διαλύσεως, στοιχειωδέστερα εκείνα καί 25 πρότερα τήν φύσιν.

II

°Ολως τε δή περί γενέσεως καί φθοράς τής απλής

λεκτέον, πότερον έστιν ή ούκ έστι καί πώς εστιν, καί περί τών

άλλων απλών κινήσεων, οίον περί αύξήσεως καί άλλοιώσεως. Πλάτων μέν οΰν μόνον περί γενέσεως έσκέψατο καί

30 φθοράς, όπως ύπάρχει τοίς πράγμασι, καί περί γενέσεως

ού πάσης άλλα τής τών στοιχείων’ πώς δέ σάρκες ή δστά ή

20 αύτών H L : αυτά F αύτώ EJ || και om. F 22 γή και πυρ HJ : πυρ καί γή FL γή καί το ύδωρ Ε || 24 στοιχειωδέστερα εκείνα EHJL: στοιχ. τα τέτταρα εκείνα F || 27 τών άλλων απλών κινήσεων Bekker : τάς άλλα; άπλας κινήσεις EF τάς άλλας κινήσεις HJL Philoponus |[ 29 μόνον om. FII.

GÉNÉRATION ET CORRUPTION

5

il n’a rien dit \ ni sur la façon dont se manifestent l’altération et l’augmentation dans les choses. D’une façon générale, personne ne s’est intéressé à ces questions autrement que d’une manière superficielle, sauf Démocrite. Ce penseur semble avoir réfléchi sur toutes les questions; dans la manière de les expliquer, il diffère cependant de nous. Personne, nous le constatons, n’a examiné le problème de l’augmentation autrement que de la manière dont n’importe qui pourrait le faire en disant que les corps augmentent du fait que le sem­ blable va vers le semblable, sans que personne ait encore indiqué comment s’opère ce phénomène 2. Nous ne possédons, de même, aucune étude sur le mélange 3 ni, pour ainsi dire, sur aucune des autres questions de ce genre, par exemple sur la question de l’action et de la passion et de la manière dont certains corps agissent, alors que certains autres ne font que subir les actions naturelles. Démocrite et Leucippe, en ima­ ginant les figures des atomes, expliquent par ces figures l’altération et la génération, à savoir par leur dissociation et leur association la génération et la destruction, par leur ordre et leur orientation l’altération 4. Mais comme ils croyaient la vérité située dans les apparences s, et comme les apparences sont contraires et infiniment variées, ils ont imaginé les atomes et leur figures 6 en nombre infini. Grâce à cette hypo­ thèse, les changements dans un objet composé d’atomes peuvent avoir pour effet que le même objet apparaît sous des aspects opposés à tel observateur et à tel autre, et qu’un corps se transforme si un corps étranger, même petit, vient s’y mélanger et apparaît entièrement changé si une seule partie change de place; avec les mêmes lettres, en effet, on peut composer une tragédie et une comédie. Comme presque tous croient que la génération et l’altération sont des phé­ nomènes différents et que les choses naissent et se détruisent par l’association et la dissociation, alors qu’elles s’altèrent par le changement de leurs propriétés, il faut nous arrêter à l’examen de ces questions, qui offrent, en effet, des difficultés nombreuses et réelles. L’hypothèse qui consiste à expliquer la génération par une association entraîne, d’un côté, beaucoup de consé-

La nature de la génération et de la destruction.

5

ΠΕΡΙ ΓΕΝΕΣΕΩΣ ΚΑΙ ΦΘΟΡΑΣ

[315 a]

τών άλλων τι των τοιούτων, ούδέν έτι ούτε περί άλλοιώσεως ούτε περί αύξήσεως, τίνα τρόπον ύπάρχουσι τοίς πράγμασιν. °Ολως δέ παρά τα έπιπολής περί ούδενδς ούδείς έπέστησεν έξω 35 Δημοκρίτου. Οδτος δ’ έοικε μέν περί απάντων φροντίσαι, ήδη

[315

δέ εν τώ πώς διαφέρειν. Ούτε γάρ περί αύξήσεως ούδείς

ούδέν διώρισεν, ώσπερ λέγομεν, 8 τι μή κάν δ τυχών εΐπειεν,

δτι προσιόντος αυξάνονται τώ δμοίω (πώς δέ τούτο, ούκέτι), ουδέ περί μίξεως, ούτε περί τών άλλων ώς είπείν ούδενός, οΤον

5 τοϋ ποιείν καί τοΟ πάσχειν, τίνα τρόπον τδ μέν ποιεί τδ δέ πάσχει τάς φυσικάς ποιήσεις. Δημόκριτος δέ καί Λεύκιπ­ πος ποίησαντες τα σχήματα τήν άλλοίωσιν καί τήν γένεσιν

εκ τούτων ποιοΟσι, διακρίσει μέν καί συγκρίσει γένεσιν καί

φθοράν, τάξει δέ καί θέσει άλλοίωσιν. Έπεί δ’ ώοντο τά10 ληθές εν τώ φαίνεσθαι, εναντία δέ καί άπειρα τα φαινό­

μενα, τά σχήματα άπειρα έποίησαν, ώστε ταΐς μεταθολαΐς τοΟ συγκειμένου τδ αύτδ εναντίον δοκείν άλλω καί άλλω,

καί μετακινείσθαι μικρού

έμμιγνυμένου

καί

δλως “τερον

φαίνεσθαι ένδς μετακινηθέντος* εκ τών αυτών γάρ τραγωδία 1ο καί κωμωδία γίνεται γραμμάτων.

Έπεί δέ δοκει σχεδδν

πδσιν έτερον είναι γένεσις καί άλλοίωσις, καί γίνεσθαι μέν καί φθείρεσθαι συγκρινόμενα καί διακρινόμενα, άλλοιοΰσθαι δέ μεταθαλλόντων τών παθημάτων, περί τούτων έπιστήσασι θεωρητέον. Απορίας γάρ έχει ταύτα καί πολλάς καί εύλό-

20 γους. El μέν γάρ έστι σύγκρισις ή γένεσις, πολλά αδύνατα 35 δ’ εοιχε EFJL : δε δοζεϊ II. [315 b] 1 διαφέρειν EJ : διαφέρει FHL || 2 καν ό τυχών FHL : κάν ό μή τυχών EJ || 4 ούτε conicci : ούδε codd. || 13 έμμιγνυμένου EHJL : έγγινομένου F || 18 έπιστήσασι EFHL : έπιστήσαι J.

GÉNÉRATION ET CORRUPTION

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quences inadmissibles; mais il y a, d’un autre côté, d’autres arguments, bien raisonnés et d’une réfutation difficile, tendant à démontrer qu’il n’en saurait être autrement. Quoi qu’il en soit, il faut essayer de résoudre le problème difficile de savoir si la génération est une association de particules ou si la géné­ ration n’est autre chose qu’une altération. La question essentielle dans toute cette discussion est de savoir si les choses se produisent, changent et augmentent, et subissent les phénomènes opposés à ceux-là, grâce à l’exis­ tence des grandeurs primordiales indécomposables, ou s’il n’y a pas de grandeur indécomposable. Cette question est de la plus haute importance. D’autre part, s’il existe des grandeurs indivisibles, ces grandeurs sont-elles des corps, comme le veulent Démocrite et Leucippe, ou sont-elles, comme dans le Timée, des figures planes x? Or cette dernière solution, comme nous l’avons aussi dit ailleurs 2, qui consiste à pousser la décomposition des corps jusqu’au niveau des surfaces planes, est absurde. Il est plus logique, pour cette raison, d’admettre l’existence de corps indivisibles; mais même cette hypothèse est peu conforme à la raison. Néan­ moins il est possible au moyen de cette hypothèse, comme on l’a dit, de rendre compte de l’altération et de la génération en soumettant, comme le fait Démocrite, le même substratum aux variations de l’orientation dans l’espace, du voisinage et de la forme3. C’est là la raison pour laquelle Démocrite nie l’existence réelle de la couleur en disant que c’est l’orientation des atomes qui donne leur couleur aux objets 4. Ceux, au contraire, qui décomposent les corps en figures planes ne peuvent plus expliquer la couleur du moment que la compo­ sition de ces figures planes ne peut rien produire, sinon des corps solides. Aussi n’essaient-ils même pas à en faire sortir une qualité 5.

L’hypothèse atomîste.

La raison de cette aptitude diminuée pour embrasser du regard des phéno­ mènes incontestés est le manque d’ex­ périence. Ceux, au contraire, qui ont une plus grande habitude des faits de la nature sont plus capables d’imaginer des principes susceptibles de lier entre eux un grand nombre de Critique de l’atomisme.

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ΠΕΡΙ ΓΕΝΕΣΕΩΣ ΚΑΙ ΦΘΟΡΑΣ

[315 b]

συμβαίνει’ είσί δ’ αΰ λόγοι έτεροι αναγκαστικοί καί ούκ εύ­ ποροι διαλύειν ώς ούκ ενδέχεται άλλως έχειν. Είτε μή έστι σύγκρισις ή γένεσις, ή δλως ούκ έστι γένεσις ή άλλοίωσις, ή εί καί τούτο διαλϋσαι χαλεπόν δν πειρατέον.

Αρχή δέ 25 τούτων πάντων, πότερον οΰτω γίνεται καί άλλοιούται καί αύ-

ξάνεται τά όντα καί τάναντία τούτοις πάσχει, τών πρώτων

ύπαρχόντων μεγεθών άδιαιρέτων, ή ούθέν έστι μέγεθος άδιαίρετον διαφέρει γάρ τούτο πλειστόν. Καί πάλιν εί μεγέθη,

πότερον,

ώς

Δημόκριτος

καί Λεύκιππος,

σώματα ταύτ’

30 έστίν, ή ώσπερ εν τώ Τιμαίω επίπεδα. Τούτο μέν οΰν αύτό„ καθάπερ καί εν άλλοις είρήκαμεν, άλογον μέχρι επιπέδων

διαλύσαι.

Διό

μάλλον

εύλογον

σώματα

είναι

άδιαίρετα.

Άλλα καί ταύτα πολλήν έχει άλογίαν. "Ομως δέ τούτοις

άλλοίωσιν καί γένεσιν ενδέχεται ποιείν, καθάπερ ειρηται, 35 τροπή καί διαθιγή μετακινούντα τό αύτό καί ταΐς τών σχημά[316 al των διαφοραΐς, δπερ ποιεί Δημόκριτος. Διό καί χροιάν

οΰ φησιν είναι* τροπή γάρ χρωματίζεσθαι. Τοίς δ* είς επί­

πεδα διαιρούσιν ούκέτι· ούδέν γάρ γίνεται πλήν στερεά συντιθεμένων* πάθος γάρ ούδ’ έγχειρούσι γεννάν ούδέν εξ αύτών.

G Αίτιον δέ τού επ' έλαττον δύνασθαι τά δμολογούμενα συνοράν ή άπειρία. Διό δσοι ένωκήκασι μάλλον εν τοίς φυσικοίς μάλλον δύνανται ύποτίθεσθαι τοιαύτας άρχάς αΐ επί πολύ

24 εί om. EHJ || δν FJL: δ Η om. Ε || 30 αύτό om. L || 31 άλο­ γον EHJL : άτοκον F || 33 όμως FHL: ομοίως EJ || 35 διαθιγή FII r διαΟηγ^ EJL. [316 a] 1 -χροιάν EFL : χροιήν HJ || 3 συντιΟεμένων EHJ : συντιθέ­ μενων κατά πλάτος L et in inarg. F || 4 έγχειρούσι EFHJ : έγχωρουσι. L K 7 έπι om. F. 3

GÉNÉRATION ET CORRUPTION

7

phénomènes. Mais ceux qui, se prévalant de raisonnements multiples, n’observent pas la réalité n’ont le regard fixé que sur un petit nombre de phénomènes, et ils exposent plus facilement leur opinion. Là aussi on peut voir toute la diffé­ rence entre ceux qui étudient la nature par des méthodes appropriées et ceux qui le font par la logique. Au sujet de l’existence des grandeurs indivisibles, ces derniers les expli­ quent par le foisonnement, dans le réel, du triangle idéal1, alors que Démocrite paraît avoir suivi plutôt des raisonne­ ments propres à la physique. Ce que nous venons de dire deviendra clair dans la suite de cette discussion.

Il y a, en effet, une grande difficulté d’admettre qu’il existe un corps qui soit une grandeur absolument divisible, et que cette division peut être réalisée. Que restera-t-il, en effet, qui échappe à la division? Car si ce corps est divisible absolument et que cette division puisse être réalisée effectivement, telle partie du corps pourrait être divisée jusqu’au bout en même temps que le corps entier, même si elle ne l’est pas effectivement; et même si elle l’était, il n’y aurait rien d’impossible. Il en est donc comme de la division indéfinie en deux moitiés, et, d’une façon générale, de toute division 2 : si un corps est divisible indéfiniment, il n’y a rien d’impossible à ce qu’il soit effectivement divisé, du moment qu’une division en dix mille fois dix mille parties n’a rien d’impossible, bien que personne peut-être ne puisse réaliser cette division. Or, le corps ayant cette propriété de la divisibilité absolue, supposons la division réalisée. Que restera-t-il alors du corps? Une grandeur? Mais ceci est impossible, puisqu’il y aura alors une partie non divisée, alors que l’hypothèse était que le corps fût divisible jusqu’au bout. Mais s’il n’en reste ni corps ni grandeur et que la divisi­ bilité existe cependant, alors ou bien le corps sera composé de points et ses éléments constitutifs seront dépourvus de grandeur, ou il ne sera plus rien du tout, de façon que, que le corps vienne du néant ou qu’il soit composé, le tout sera réduit à une apparence. Même si on admet que le corps est composé de points, il n’y aura pas de la quantité. Car chaque fois que ces points se touchaient et formaient une grandeur

Réfutation de la divisibilité absolue des corps

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ΠΕΡΙ ΓΕΝΕΣΕΩΣ ΚΑΙ ΦΘΟΡΑΣ

[316 a]

δύνανται συνείρειν* οΐ δ’ έκ τών πολλών λόγων άθεώρητοι

τών ύπαρχόντων δντες, πρδς δλίγα βλέψαντες, άποφαίνον10 ται ράον. "Ίδοι δ’ αν τις καί έκ τούτων όσον διαφέρουσιν οί

φυσικώς καί λογικώς σκοπούντες* περί γάρ τοΟ άτομα είναι μεγέθη οί μεν φασιν δτι τδ αύτοτρίγωνον πολλά εσται, Δημόκριτος δ’ άν φανείη οίκείοις καί φυσικοίς λόγοις πεπεισθαι. Δήλον δ’ εσται 8 λέγομεν προιοΟσιν.

’Έχει γάρ άπο15 ρίαν, εΐ τις θείη σώμα τι είναι καί μέγεθος πάντη διαιρε­

τόν, καί τούτο δυνατόν. Τί γάρ εσται όπερ τήν διαίρεσιν δια­ φεύγει; εί γάρ πάντη διαιρετόν, καί τούτο δυνατόν, κάν

άμα εΐη τούτο πάντη διηρημένον, καί εί μή άμα διήρηται* κάν εΐ τούτο γένοιτο, ούδέν άν εΐη αδύνατον. Ούκοθν καί κατά 20 τδ μέσον ωσαύτως, καί δλως δέ, εί πάντη πέφυκε διαιρετόν, άν διαιρεθώ, ούδέν εσται άδύνατον γεγονός, έπεί ούδ’ άν είς μυρία μυριάκις διηρημένα ή, ούδέν άδύνατον* καΐτοι ίσως

ούδείς άν διέλοι. Έπεί τοίνυν πάντη τοιούτόν έστι τδ σώμα,

διηρήσθω. Τί οΰν εσται λοιπόν; μέγεθος; ού γάρ οΤόν τε* εσται

25 γάρ τι ού διηρημένον, ήν δέ πάντη διαιρετόν. Άλλα μήν εΐ μηδέν εσται σώμα μηδέ μέγεθος, διαίρεσις δ’ εσται, ή έκ

στιγμών εσται, καί άμεγέθη έξ ών σύγκειται, ή ούδέν παν-

τάπασιν, ώστε κάν γίνοιτο έκ μηδενδς κάν εΐη συγκείμενον, καί τδ πάν δή ούδέν άλλ’ ή φαινόμενον. ‘Ομοίως δέ κάν η 30 έκ στιγμών, ούκ Ισται ποσόν. ‘Οπότε γάρ ήπτοντο καί έν ήν

8 πολλών EFJL: άλλων II || 12 τό αύτοτρίγωνον FHL : τό αυτό τρίγωνον J αυτό τό τρίγωνον Ε |[ 13 οικείους EFJ : οίζείως L έκλογ Η |] 15 Οείη FIIJL : φήσει Ε || 16 οπερ την διαίρεσήν διαφεύγει FHJL : παρά τήν διαίρεσιν διαφεύγειν Ε || 21 pr. άν EHJ : κάν FL || είς HL : om. EF εί J K 22 μυρία om. EJ et corr. F || διηρημένα ή EH JE : διηρημένα εϊη F [| 29 ή om. HJ || η EFJ : εί HL.

GÉNÉRATION ET CORRUPTION

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une et simultanée, ils ne donnaient pas plus de grandeur au tout; divisé en deux ou plusieurs points, le tout ne devient, en effet, ni plus petit ni plus grand qu’auparavant, de façon que même la somme de tous les points ne produirait aucune grandeur. Et même si on réduit le corps, par la division, à une sorte de sciure et qu’ainsi la grandeur se réduit en quelque chose qui garde la nature du corps, même alors se pose la même question, à savoir comment ces fragments de corps sont divisibles à leur tour. Mais si on prétend que ce à quoi le corps se réduit par la division ce n’est pas un corps mais quelque forme séparable ou quelque propriété et que la grandeur est ainsi faite de points ou, plus précisément, de points de contact qui sont le support de ces propriétés, il est absurde d’admettre que la grandeur puisse être composée de données qui ne sont pas des grandeurs. Une autre question qui se pose est celle de savoir où se trouveront ces points, qu’on les suppose immobiles ou en mouvement. Il y a toujours un seul point de contact entre deux choses, ce qui suppose qu’à côté du contact et de la division et du point il y a encore une autre réalité. Si on soutient donc que n’importe quel corps, quelles que soient ses dimensions, est divisible jusqu’au bout, on se trouve face à toutes ces conséquences. D’autre part, si, après avoir divisé le bois ou tel autre corps, je le recompose, il sera res­ titué dans son unité et son égalité. Or il est évident qu’il en sera ainsi quelque soit le point où je coupe le corps. Le corps est donc divisible en puissance jusqu’au bout. Que reste-t-il donc à part la division? Si ce qui reste est quelque propriété, comment le corps peut-il se résoudre en des propriétés de ce genre, comment peut-il en être constitué, et comment ces propriétés peuvent-elles être séparées? Par conséquent, s’il est impossible que les grandeurs se composent de contacts ou de points, il est nécessaire qu’il y ait des corps et des grandeurs indivisibles. Mais même cette hypothèse conduit à des difficultés non moins graves. Nous avons étudié cette question déjà ailleurs 1 ; mais nous allons essayer de la résoudre maintenant. A cette fin il convient de reprendre la difficulté dès le principe. Que tout corps perceptible est en n’importe lequel de ses points à la fois divisible et indivisible, rien d’absurde dans cette affirmation, du moment qu’un corps peut être divisible en

8

ΠΕΡΙ ΓΕΝΕΣΕΩΣ ΚΑΙ ΦΘΟΡΑΣ

[316 a]

μέγεθος καί άμα ήσαν, ούδέν έποίουν μειζον τδ πδίν. Διαι-

ρεθέντος γάρ είς δύο καί πλείω, ούδέν έλαττον ουδέ μείζον τδ π&ν τοΟ πρότερον, ώστε κόΐν πώσαι συντεθώσιν, ούδέν ποιήσουσι μέγεθος. Αλλά μήν καί εΐ τι. διαιρουμένου οΤον εκπρισμα

[316 bj γίνεται τοΟ σώματος, καί ούτως εκ τοϋ μεγέθους σώμά τι. άπέρχεται, δ αύτδς λόγος, εκείνο πώς διαιρετόν. Et δέ μή σώμα άλλ’ εΐδός τι χωριστδν ή πάθος 8 άπήλθεν, καί εστι τδ μέγεθος στιγμαί ή άφαί τοδί παθοΟσαι, άτοπον εκ μή

5 μεγεθών μέγεθος είναι. *Έτι δέ ποϋ έσονται, καί άκίνητοι ή κινούμεναι αί στιγμαί; άφή τε άεΐ μία δυοιν τινων, ώς δντος τινδς παρά τήν άφήν καί τήν διαίρεσιν καί τήν στιγ­

μήν. El δή τις θήσεται δτιοϋν ή δπηλικονοϋν σώμα είναι πάντη διαιρετόν, πάντα ταϋτα συμβαίνει. “Ετι εάν διελών συνθώ

10 τδ ξύλον ή τι άλλο, πάλιν ίσον τε καί εν. Ούκοϋν ούτως εχει

δηλονότι κ&ν τέμω τδ ξύλον καθ’ δτιοΟν σημειον. Πάντη αρα

διήρηται δυνάμει. Τί ούν εστι παρά τήν διαίρεσιν; εΐ γάρ καί

έστι τι πάθος, αλλά πώς είς ταΟτα διαλύεται καί γίνεται εκ τούτων; ή πώς χωρίζεται ταΟτα; ώστ’ ειπερ άδύνατον

15 εξ άφών ή στιγμών είναι τά μεγέθη, άνάγκη είναι σώματα άδιαίρετα καί μεγέθη. Ού μήν άλλά καί ταΟτα θεμένοις

ούχ ήττον συμβαίνει αδύνατα. ’Έσκεπται δέ περί αύτών εν

έτέροις. Αλλά ταϋτα πειρατέον λύειν* διδ πάλιν εξ άρχής τήν άπορίαν λεκτέον. Τδ μέν ουν απαν σώμα αίσθητδν είναι

20 διαιρετόν καθ’ δτιοϋν σημειον καί αδιαίρετον ούδέν άτοπον τδ

[316 b] 3 ο om. EL || 4 ατοπον έκ μή μεγεθών EFL: ατοπον μεν το μή έκ μεγεθών HJ || 10 ή EFHL : εί J |[ 16 ού μήν άλλα Ε : άλλα μήν FHJL Philoponug || θεμένοις ούχ ^ττον om. Ε.

GÉNÉRATION ET CORRUPTION

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puissance et indivisible en acte. Mais qu’un corps soit divi­ sible en puissance jusqu’au bout, cela semblerait impossible. Si cela était possible, en effet, il arriverait qu’un corps, au lieu d’être à la fois indivisible en acte et divisible en puissance, soit divisible en n’importe lequel de ses points. Dans ce cas, il ne resterait plus rien, et le corps se désintégrerait jusqu’à l’incorporel. Réciproquement, le corps apparaîtrait alors formé de points ou même du néant absolu, et comment cela peut-il être possible? Mais que le corps peut être décomposé en parties capables d’être détachées et en grandeurs de plus en plus petites, distantes les unes des autres et isolées, cela est évident. Cependant la division en parties de plus en plus petites ne peut être poursuivie indéfiniment par un morcel­ lement s’étendant à l’infini, et il n’est pas possible non plus qu’un corps soit divisé en tous ses points, mais la division doit s’arrêter à une certaine limite. Il est donc nécessaire qu’il y ait des atomes invisibles \ surtout si on veut que la génération et la destruction se fassent l’une par la dissociation l’autre par l’association de particules. Tel est le raisonnement, d’une apparence péremptoire, en faveur de l’existence de grandeurs insécables. Mais nous allons montrer que ce raisonnement contient un paralogisme caché et indiquer l’endroit précis où il s’abrite. Du moment qu’il n’existe pas de point attenant à un autre point, la divisibilité indéfinie peut être une propriété des corps, mais elle peut aussi être étrangère aux corps. Mais si on admet la divisibilité indéfinie, on semble admettre aussi que des points se rencontrent partout et jusqu’au bout, de façon que nécessairement la grandeur est réduite à néant par la division et que, le point se rencontrant dans toute la suite des divisions successives, le corps est com­ posé soit de contacts soit de points. Mais ceci revient à prêter au corps la divisibilité indéfinie, puisque le point est partout un, que tous sont comme chacun en particulier et qu’il n’y en a pas plus d’un; car les points ne sont pas attenants les uns aux autres. Il s’ensuit que le corps n’est pas indéfiniment divisible; (car si le corps est divisible en son milieu, il sera divisible aussi au point attenant à celui qui marque le milieu, Paralogismes de l’explication atomiste.

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ΠΕΡΙ ΓΕΝΕΣΕΩΣ ΚΑΙ ΦΘΟΡΑΣ

[316 b]

μέν γάρ δυνάμει διαιρετόν, τδ δ’ έντελεχεία ύπάρξει. Τδ

δ’ είναι &μα πάντη διαιρετόν δυνάμει άδύνατον δόξειεν fiv είναι. Et γάρ δυνατόν, κάν γένοιτο, ούχ ώστε είναι άμα

άμφω έντελεχεία άδιαίρετον καί διηρημένον, άλλά διηρη25 μένον καθ’ δτιοΟν σημειον. Ούδέν άρα έσται λοιπόν, καί. είς

άσώματον έφθαρμένον τδ σώμα, καί γίνοιτο δ’ άν -πάλιν

ήτοι εκ στιγμών ή δλως εξ ούδενός. Καί τοΟτο πώς δυνατόν;

άλλά μήν δτι γε διαιρείται είς χωριστά καί άεί είς έλάττω μεγέθη καί είς άπέχοντα καί κεχωρισμένα, φανερόν. Ούτε

30 δή κατά μέρος διαιροϋντι εϊη άν άπειρος ή θρύψις, ούτε άμα οΤόν τε διαιρεθήναι κατά πάν σημειον (ού γάρ δυνατόν),

άλλά μέχρι του. Ανάγκη άρα άτομα ένυπάρχειν μεγέθη

άόρατα, άλλως τε καί εΐπερ έσται γένεσις καί φθορά ή μέν διακρίσει ή δε συγκρίσει. Ό μέν ουν άναγκάζειν δοκών

[317 a] λόγος είναι μεγέθη άτομα ουτός έστίν δτι δέ λανθάνει παραλογιζόμενος, καί ή λανθάνει, λέγω μεν.

Έπεί γάρ ούκ έστι

στιγμή στιγμής έχομένη, τδ πάντη εΐναι διαιρετόν έστι μέν ώς ύπάρχει τοΐς μεγέθεσιν, έστι δ’ ώς οΰ. Δοκει δ’, δταν τοϋτο

6 τεθή, καί δπηοϋν καί πάντη στιγμήν είναι, ώστ’ άναγκαίον είναι διαιρεθήναι τδ μέγεθος είς μηδέν* πάντη γάρ είναι

στιγμήν, ώστε ή εξ άφών ή εκ στιγμών είναι. Τδ δ’ έστίν ώς ύπάρχει πάντη, δτι μία δπηοΟν έστι, καί πάσαι ώς έκάστη*

πλείους δέ μιάς ούκ είσίν* έφεξής γάρ ούκ εϊσίν, ώστ’ ού πάντη* 10 εΐ γάρ κατά μέσον διαιρετόν, καί κατ’ έχομένην στιγμήν

21 διαιρετόν oni. FIIJ [| 26 γίνοιτο II: γίγνοιτο EFJL γένοιτο Bekkcr || 31 οϊόν τε EFHL: οϊονται J || ού γάρ FHJL : ούκ άρα Ε. [317 a] 5-8 και πάντη στιγμήν ... όπηοΰν om. L || 10 μέσον EF.JL : μέσων Η.

GÉNÉRATION ET CORRUPTION

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et il n’y a pas de point attenant à un point ni de marque attenante à une marque)1. Or c’est de cette manière que se font la division et la composition des corps. Il y a donc aussi dissociation et association de particules. Mais cette dissocia­ tion et cette association n’opèrent pas sur des atomes (cette hypothèse conduirait à de nombreuses impossibilités), ni de manière que la division soit indéfinie (si le point était attenant au point il pourrait en être ainsi), mais la dissociation réduit le corps en parties de plus en plus petites, et l’association le compose de ces parties. Mais la génération simple et parfaite ne se borne pas à l’association et à la dissociation de particules, comme le prétendent certains, qui présentent aussi l’altération comme un changement survenant dans le continu. Mais c’est ici que se situe l’erreur de toutes ces théories. Car la simple génération et la destruction ne se produisent pas par l’asso­ ciation et la dissociation de particules, mais par un change­ ment qui s’opère sur la totalité d’une chose et qui transforme cette chose en autre chose. D’autres croient pouvoir expliquer toute altération par un changement du même genre; le cas est cependant différent. Dans un objet, en effet, il faut dis­ tinguer l’essence et la matière. Si donc le changement se pro­ duit dans l’essence et dans la matière, il y aura génération et destruction; mais s’il se produit dans les propriétés et les qualités accidentelles, il y aura altération. Les choses qui se forment par la dissociation et par l’association de particules deviennent facilement destructibles. Quand ainsi de l’eau se divise en de trop petites particules, elle devient rapidement de l’air; si l’eau reste, au contraire, associée, elle le devient plus lentement. Cette explication sera plus claire dans les chapitres ultérieurs2. Pour le moment retenons seulement notre explication d’après laquelle il est impossible que la génération soit une simple association, comme le veulent certains penseurs.III

III Ces distinctions faites, il faut d’abord examiner s’il y a quelque chose qui naisse simplement et disparaisse, ou s’il n’y a rien qui naisse et disparaisse à proprement parler et si, plutôt, une chose ne vient pas d’une autre chose, comine du malade vient Génération et destruction absolues et relatives.

[317 a]

ΠΕΡΙ ΓΕΝΕΣΕΩΣ ΚΑΙ ΦΘΟΡΑΣ

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έσται διαιρετόν* ού γάρ έστιν έχόμενον σημειον σημείου ή στιγμή στιγμής. ΤοΟτο δ’ έστί διαίρεσις ή σύνθεσις. “Ωστ έστι καί διάκρισις καί σύγκρισις, άλλ’ ούτ’ είς δίτομα καί εξ άτόμων (πολλά γάρ τά άδύνατα) ούτε ούτως ώστε πάντη

15 διαίρεσιν γενέσθαι (εΐ γάρ ήν έχομένη στιγμή στιγμής, τοϋτ’ άν ήν), άλλ’ είς μικρά καί έλάττω έστί, καί σύγκρισις εξ έλαττόνων. Άλλ’ ούχ ή απλή καί τελεία γένεσις

συγκρίσει καί διακρίσει ώρισται, ώς τινές φασιν, τήν δ’ εν τώ συνεχεί μεταβολήν άλλοίωσιν. Αλλά τοΟτ’ έστιν εν 2 20 σφάλλεται πάντα. "Εστι γάρ γένεσις απλή καί φθορά ού

συγκρίσει

καί διακρίσει,

άλλ’ δταν

μετά β άλλη

εκ τοϋδε

είς τόδε δλον. Οΐ δέ οΐονται άλλοίωσιν πάσαν είναι τήν τοιαύτην μεταβολήν* τδ δέ διαφέρει. Έν γάρ τώ ύποκει-

μένω τδ μέν έστι κατά τδν λόγον, τδ δέ κατά τήν ύλην. 25 "Οταν μέν ούν έν τούτοις ή ή μεταβολή, γένεσις έσται ή φθορά,

δταν

άλλοίωσις.

δ’

έν τοίς πάθεσι καί

Διακρινόμενα

δέ

καί

κατά

συμθεβηκός,

συγκρινόμενα

εύφθαρτα

γίνεται. Έάν μέν γάρ είς έλάττω ύδάτια διαιρεθή, θάττον άήρ γίνεται, έάν δέ συγκριθή, βραδύτερον. Μάλλον δ’ έσται 80 δήλον έν τοίς ύστερον. Νϋν δέ τοσοΟτον διωρίσθω, δτι άδύνα-

τον είναι τήν γένεσιν σύγκρισιν, οϊαν δή τινές φασιν. III

Διωρισμένων δέ τούτων, πρώτον θεωρητέον πότερόν

έστί τι γινόμενον απλώς καί φθειρόμενοι», ή κυρίως μέν ούδέν, άεί δ’ έκ τίνος καί τί, λέγω δ’ οΐον έκ κάμνοντος ύγιαι85 νον καί κάμνον εξ ύγιαίνοντος, ή μικρδν έκ μεγάλου καί

11 διαιρετο'ν* ού γάρ EFHL : διαιρετο'ν ού/ί δί* ού γάρ J; cf. Η.Η. Joachim ad 1. || 12 τούτο FHL : τό Ε οΰτω coni. Prantl |] 14 αδύ­ νατα EFJL : άτοπα II || 16 αν om. E || 33 τι EF HJ : τό L | 34-35 ύγιαινον FHJL : ύγιαίνοντος E.

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GÉNÉRATION ET CORRUPTION

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le bien portant et du bien portant le malade, comme le petit vient du grand et le grand du petit, et toutes les autres géné­ rations qui ont lieu de cette manière. Car si la génération absolue est possible, quelque chose pourrait naître absolument du néant, et on pourrait dire alors avec raison que le non-être existe pour certains corps ou êtres. Une certaine génération peut bien se produire à partir d’un certain non-être, comme le blanc peut provenir du non-blanc ou le beau du non-beau, mais la génération absolue vient du non-être absolu. Or le terme « absolu » désigne ici soit le primordial dans chaque catégorie de l’être, soit l’universel qui embrasse tout. S’il désigne le primordial, il y aura génération de substance à partir de non-substance. Mais ce qui n’a pas de substance ni de détermination, ne peut évidemment avoir aucune des autres catégories, telles que la qualité, la quantité ou le lieu, sinon les qualités des substances pourraient en être séparées. Si le terme « absolu » désigne le non-être, ce sera la négation générale de toutes choses, de façon que c’est nécessairement du néant que naît ce qui se produit. Ces questions ont fait, déjà ailleurs, l’objet d’une enquête et d’une discussion assez longue 1. Pour résumer notre pensée, nous dirons maintenant qu’en un sens il y a génération absolue à partir de quelque chose qui n’est pas, mais qu’en un autre sens la génération a toujours lieu à partir de quelque chose qui est. Ce qui existe, en effet, en puissance, mais n’existe pas en acte, doit en premier lieu pouvoir être dit exister des deux manières que nous venons d’indiquer. Mais cette question, qui nous étonne par sa difficulté même après les explications qui précèdent, doit être reprise, et il nous faudra examiner comment la génération absolue est possible, soit qu’elle se produise à partir de ce qui est en puissance, soit qu’elle se produise de quelque autre manière. On pourrait, en effet, être embarrassé par la question s’il y a génération pour la substance et pour une chose déter­ minée, sans qu’il y ait génération aussi pour la qualité, pour la quantité et pour le lieu, et les mêmes questions se posent au sujet de la destruction. Car si quelque chose naît, il est évident qu’il y aura une certaine substance, en puissance et non en acte, de laquelle sortira la génération et vers laquelle retournera nécessairement, en se transformant, la chose produite au moment où elle est détruite. Les autres catégories,

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ΠΕΡΙ ΓΕΝΕΣΕΩΣ ΚΑΙ ΦΘΟΡΑΣ

[317 b]

[317 b] μέγα εκ μικροί), καί τ&λλα πάντα τοΟτον τδν τρόπον. Et

γάρ απλώς εσται γένεσις, απλώς αν τι γίνοιτο εκ μή δντος, ύστ’ αληθές άν εΐη λέγειν δτι ύπάρχει τισΐ τδ μ ή ον. ΤΙς

μέν γάρ γένεσις εκ μή δντος τινός, οΐον εκ μή λευκοΟ ή

5 μή καλοί), ή δέ απλή εξ απλώς μή δντος. Τδ δ’ απλώς ήτοι τδ πρώτον σημαίνει καθ’ έκάστην κατηγορίαν τοΟ δντος, ή τδ καθόλου καί τδ πάντα περιέχον. Et μέν ουν τδ πρώ­

τον, ουσίας εσται γένεσις εκ μή ουσίας. *Ώι δέ μή ύπάρχει

ουσία μηδέ τδ τόδε, δήλον ώς ουδέ τών άλλων ούδεμία κατη10 γοριών, οΐον ούτε ποιδν ούτε ποσδν ούτε τδ ποΟ" χωριστά γάρ

άν εΐη τά πάθη τών ουσιών. Et δέ τδ μή δν δλως, άπόφασις εσται καθόλου πάντων, ώστε εκ μηδενδς άνάγκη γί-

νεσθαι τδ γινόμενον. Περί μέν οΰν τούτων εν άλλοις τε διη-

πόρηται καί διώρισται τοίς λόγοις επί πλεΐον συντόμως δέ 15 καί νϋν λεκτέον, 'ότι τρόπον μέν τινα εκ μή δντος απλώς

γίνεται, τρόπον δέ άλλον εξ δντος άεί* τδ γάρ δυνάμει δν έντελεχεία δέ μή δν άνάγκη προυπάρχειν λεγόμενον άμ-

φοτέρως. "Ο δέ καί τούτων διωρισμένων έχει θαυμαστήν άπο-

ρίαν, πάλιν έπαναποδιστέον, πώς έστιν απλή γένεσις, εΐτ 20 εκ δυνάμει δντος ούσα είτε καί πως άλλως. Άπορήσειε γάρ

άν τις αρ’ έστιν ουσίας γένεσις καί τοϋ τοΟδε, άλλά μή τοϋ

τοιοΟδε καί τοσοΟδε καί ποΟ. Τδν αύτδν δέ τρόπον καί περί φθοράς. Et γάρ τι γίνεται, δήλον ώς εσται δυνάμει τις

ουσία, έντελεχεία δ’ ού, εξ ής ή γένεσις εσται καί είς ήν 25 άνάγκη μεταθάλλειν τδ φθειρόμενον. Πότερονούν ύπάρξειτι

[317 b] 3 τισί vin. HJ || G σημαίνει EFHJ : συμβαίνει L || 9 το om. EFL; rcst. Joachim ex 317 b 21 || 10 τό που EFHL : τόπος J || 20 ουσα EF J : ουσία II ουσίας L || 22 τοιουδε J : τοιοΰτουδε E xa*. του τοσουδε F || xaî του που FJ || 23 εί om. E || 24 ουσία EFHL : ουσα J [I έξ εσται om. E || εσται om. J.

GÉNÉRATION ET CORRUPTION

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qui sont en acte, peuvent-elles appartenir à cet être en puis­ sance; en d’autres termes, peut-on appliquer des catégories comme la quantité, la qualité ou le lieu à ce qui n’est déter­ miné et n’existe qu’en puissance, mais qui n’est ni déterminé ni existant d’une manière absolue? Si, en effet, cet être ne possède aucune des catégories en acte en les possédant toutes en puissance, le non-être ainsi entendu apparaît dans une existence séparée et, ce qui est plus grave 1 et ce que les premiers philosophes n’ont cessé de redouter, la génération peut sortir du néant. Mais si la détermination ou la substance manquent, alors que quelqu’une des autres catégories est présente, les affections, comme nous l’avons déjà dit 2, peuvent être séparées des substances. Ce sont ces problèmes qu’il faut discuter dans la mesure du possible, en nous demandant quelle est la cause de la durée ininterrompue de la génération, tant de la génération absolue que de la génération partielle. Comme il y a une cause unique de laquelle nous dérivons le principe du mouvement, et comme il y a aussi une seule matière, il faut préciser la nature de cette cause. Pour ce qui est de la cause du mouve­ ment, nous en avons parlé antérieurement dans nos dévelop­ pements sur le mouvement, en y distinguant quelque chose qui reste immobile à travers tout le temps et quelque chose qui est constamment tenu en mouvement3. De ces questions celle du principe immobile relève d’une philosophie supérieure 4, d’un autre genre; quant à la question du moteur qui par son mouvement continu met en mouvement le reste de l’univers, nous en traiterons plus tard 5 en examinant quelle est la cause de chaque phénomène particulier. Pour le moment, nous allons parler de la cause qui apparaît sous forme de matière et qui fait que la génération et la destruction ne font jamais défaut dans le devenir. En même temps cette discussion nous fera peut-être comprendre cette question qui nous cause encore des difficultés, à savoir l’explication qu’il faut donner aussi à la destruction absolue et à la génération absolue. Une question assez difficile est aussi celle de savoir quelle est la cause de l’enchaînement de la génération 6 si on admet que ce qui est détruit s’en va dans le non-être et que le non-être La continuité de la génération.

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ΠΕΡΙ ΓΕΝΕΣΕΩΣ ΚΑΙ ΦΘΟΡΑΣ

[317 b]

τούτω τών άλλων έντελεχεία; λέγω 8' oTov άρ’ εσται ποσδν

ή τιοιδν ή ποθ τδ δυνάμει μόνον τόδε καί ον, απλώς δέ μή τόδε μηδ’ ον; εΐ γάρ μηδέν άλλά πάντα δυνάμει, χωρι­ στόν τε συμβαίνει τδ μή οίίτως ον, καί ετι, 8 μάλιστα φο30 βούμενοι διετέλεσαν οί πρώτοι φιλοσοφήσαντες, τδ εκ μηδενδς γίνεσθαι προϋπάρχοντας* εΐ δέ τδ μέν είναι τόδε τι

ή ουσίαν ούχ ύπάρξει, τών δ’ άλλων τι τών είρημενών, έσται, καθάπερ εΐπομεν, χωριστά τά πάθη τών ούσιών. Περί

τε τούτων ουν όσον ενδέχεται πραγματευτέον, καί τίς αΙτία 35 τοΟ γένεσιν άεί είναι, καί τήν απλήν καί τήν κατά μέρος.

[318 a] Ούσης δ’ αίτιας μιάς μέν δθεν τήν άρχήν εΐναί φαμεν τής κινήσεως, μιάς δέ τής ύλης, τήν τοιαύτην αΙτίαν λεκτέον.

Περί μέν γάρ εκείνης εϊρηται πρότερον εν τοίς περί κινήσεως λόγοις, δτι έστί τδ μέν άκίνητον τδν άπαντα χρόνον, τδ δέ

5 κινούμενον άεί. Τούτων δέ περί μέν τής άκινήτου άρχής τής

έτέρας καί προτέρας διελείν έστι φιλοσοφίας ίργον* περί δέ τοΟ διά τδ συνεχώς κινείσθαι τάλλα κινοΟντος δστερον άποδοτέον, τί τοιοΟτον τών καθ' έκαστα λεγομένων αίτιόν έστιν, νθν δέ τήν ως εν Ολης εϊδει τιθεμένην αΙτίαν εϊπωμεν, δι’ ήν 10 άεί φθορά καί γένεσις ούχ ύπολείπει τήν φύσιν* άμα γάρ

άν ίσως τοθτο γένοιτο δήλον, καί περί τοΟ νθν άπορηθέντος, πώς ποτέ δει λέγειν καί περί τής απλής φθοράς καί γε-

νέσεως. "Εχει 8' απορίαν Ικανήν καί τί τδ αίτιον τοϋ συνείρειν τήν γένεσιν, εϊπερ τδ φθειρόμενον είς τδ μή ον άπέρ27 μόνον EHJ : όν FL || 29 μή ούτως EL : οΰτω μή Η ούτως μή FJ [) 31 τ: ή EFHL : τήν J. [318 a] 4 οτι έστί FIIJL : οπ δε έστί Ε || 8 τοιουτον EFIIJ : τοιούτων L || τών om. J.

GÉNÉRATION ET CORRUPTION

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n’est rien; car ni la substance, ni la qualité, ni la quantité, ni le lieu ne s’appliquent au non-être 1. Mais si constamment une des choses existantes s’en va, comment se fait-il que l’uni­ vers n’ait pas été épuisé depuis longtemps et à jamais2, si la réserve qui entretient la génération de chaque chose était limitée? Car ce n’est pas parce que les ressources de la géné­ ration des choses sont infinies que la génération ne s’arrête pas. Cela est, en effet, impossible. En acte, en effet, rien n’est infini, et l’infini en puissance ne se trouve que dans la division, de façon que seule la division ne fait jamais défaut dans la géné­ ration de corps et d’êtres de plus en plus petits. Or nous ne voyons rien de cela se produire 3. La correspondance entre la génération et la destruction, qui fait que la destruction d’un objet déterminé est la génération d’un autre et réciproque­ ment, entraîne-t-elle nécessairement la continuité ininter­ rompue du changement? Pour l’explication de la génération et de la destruction de chaque être particulier sans distinction on pourrait admettre que cette réciprocité est une cause qui suffit à tous. Mais il n’en faut pas moins reprendre notre examen de la question pour quelle raison on dit que certaines choses naissent et se détruisent d’une façon absolue, mais que certaines autres n’ont pas de génération absolue ni de destruction absolue, toujours avec l’hypothèse que la génération de tel objet particulier équivaut à la destruction de tel autre, et réciproquement. Cette distinction demande, en effet, à être expliquée. Nous disons qu’un être est détruit maintenant d’une manière absolue, et non pas seulement en tant qu’étant déterminé d’une certaine manière; nous distinguons une géné­ ration absolue et une production absolue; nous disons que tel être particulier naît sans prétendre qu’il naît absolument, du moment que nous disons de quelqu’un qui apprend qu’il devient instruit sans prétendre qu’il naît absolument. La distinction, que nous avons souvent faite, entre des termes qui désignent un objet déterminé et des termes qui n’en désignent pas s’applique aussi à la question que nous nous posons ici.

1. En d'autres termes, le non-être est « irrécupérable » pour la production de corps ou d’êtres nouveaux.

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ΠΕΡΙ ΓΕΝΕΣΕΩΣ ΚΑΙ ΦΘΟΡΑΣ

[318 a]

15 χεται, τδ δέ μή δν μηδέν έστιν· ούτε γάρ τι ούτε ποιδν ούτε

ποσδν ούτε ποϋ τδ μή ον. Εΐπερ οδν άεί τι των δ'ντων άπέρχεται,

διά τί ποτ’ ούκ άνήλωται πάλαι καί φροΟδον τδ

πάν, εϊ γε πεπερασμένον ην εξ ου γίνεται τών γινομένων έκαστον; ού γάρ δή διά τδ άπειρον είναι εξ ού γίνεται, ούχ

20 ύπολείπει* τοΟτο γάρ άδύνατον. Κατ’ ενέργειαν μεν γάρ ούδέν έστιν άπειρον, δυνάμει δ’ επί τήν διαίρεσιν, ώστ’ έδει ταύτην

είναι μόνην τήν μή ύπολείπουσαν τώ γίνεσθαί τι άεί ελαττο ν νΟν δέ τοϋτο ούχ δρωμεν. *Αρ’ ουν διά τδ τήν τοΟδε φθο­

ράν άλλου είναι γένεσιν καί τήν τοΟδε γένεσιν άλλου εΐναι

25 φθοράν άπαυστον άναγκαίον είναι τήν μεταβολήν; Περί μέν

ουν τοΟ γένεσιν εΐναι καί φθοράν δμοίως περί έκαστον τ2ν

οντων, ταύτην οίητέον εΐναι πάσιν Ικανήν αιτίαν. Διά τΐ δέ ποτέ τά μέν άπλΏς γίνεσθαί λέγεται καί φθείρεσθαι τά

δ’ ούχ άπλως, πάλιν σκεπτέον, εΐπερ τδ αύτό έστι γένεσις

30 μέν τουδί φθορά δέ τουδί, καί φθορά μέν τουδί γένεσις δέ τουδί' ξητεί γάρ τινα τούτο λόγον. Λέγομεν γάρ ότι φθεί­

ρεται νΟν άπλως, καί ού μόνον τοδί’ καί αϋτη μέν γένεσις άπλώς, αύτη δέ φθορά. Τοδί δέ γίνεται μέν τι, γίνε­

ται δ’ άπλως ού' φαμέν γάρ τδν μανθάνοντα γίνεσθαί μέν

35 επιστήμονα, γίνεσθαί δ’ άπλώς ού. Καθάπερ ουν πολλάκις [318 b] διορίζομεν λέγοντες οτι τά μέν τόδε τι σημαίνει τά δ’ ού, διά τοϋτο συμβαίνει τδ ξητούμενον.

15 μηδέν έσ-tv FII : ούδέν μή έστιν Ε, ούδέν έστιν L || 18 ην FHJL : η Ε U 28 καί FHJL : τά δε χαί Ε || 30-31 φθορά δε .... γένεσις δε τουδί oin. L.

GÉNÉRATION ET CORRUPTION

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Il importe, en effet, beaucoup de préciser ce en quoi se change un objet qui change. Ainsi la transition vers le feu d’un objet qui se change en feu est peutêtre une génération absolue, mais elle est peut-être aussi une destruction de quelque chose, de terre par exemple; la géné­ ration d’un objet de terre est peut-être la génération de quelque chose, mais elle n’est peut-être pas une génération absolue, mais une destruction absolue, une destruction de feu par exemple, comme chez Parménide qui soutient qu’il y a deux éléments, disant que ces deux éléments, l’être et le nonêtre, sont le feu et la terre \ Que l’on admette ces éléments ou d’autres éléments pareils, cela n’a pas d’importance du moment que c’est la manière dont les phénomènes se passent qui est l’objet de notre enquête, et non leur support matériel. Le chemin qui mène vers le non-être absolu est donc une destruction absolue, le chemin qui mène à l’être absolu est une génération absolue, et quels que soient les éléments par lesquels on délimite la génération et la destruction, que ce soit le feu, la terre ou tout autre élément, l’un de ces éléments sera l’être, l’autre le non-être. D’une manière donc la généra­ tion et la destruction absolues se distinguent de la génération et de la destruction non absolues par ce que nous venons de dire; d’une autre manière elles se distinguent par les qualités de la matière qui en est le support. Un support matériel, en effet, dont les différences désignent davantage la détermi­ nation d’un objet, relève davantage de la substance; un autre, dont les différences désignent davantage la privation, relève davantage du non-être. Le chaud est ainsi une catégorie et un genre, le froid n’est qu’une privation. Or la terre et le feu se distinguent aussi par ces différences. Mais aux yeux du vulgaire la différence entre la génération et la destruction réside surtout en ce que l’une est perceptible aux sens, alors que l’autre est imperceptible. Quand il y a changement en une matière sensible, on dit qu’il y a génération, quand il y a changement en une matière imperceptible, on parle de destruction. C’est qu’on distingue l’être et le non-être selon qu’on éprouve une sensation ou qu’on n’en éprouve pas, comme on appelle être ce qui est connaissable et non-être ce qui n’est pas connaissable. La sensation a, en effet, pour Distinctions entre les différents genres de génération.

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ΠΕΡΙ ΓΕΝΕΣΕΩΣ ΚΑΙ ΦΘΟΡΑΣ

[318 b]

Διαφέρει γάρ είς δ με­

ταβάλλει τδ μεταδάλλον, οΤον ίσως ή μέν είς πϋρ δδδς γένεσις μέν απλή, φθορά δέ (τίς) τινός έστιν, οΐον γής, ή

5 γής γένεσις τίς γένεσις, γένεσις δ’ ούχ απλώς, φθορά δ’ απλώς, οΐον πυρός, ώσπερ Παρμενίδης λέγει δύο, τδ δν καί τδ μή δν είναι φάσκων πϋρ καί γήν. Τδ δή ταΟτα ή τοιαϋθ’ έτερα ύποτίθεσθαι διαφέρει ούδέν τδν γάρ τρόπον ζητοΟμεν, άλλ’ ού τδ ύποκείμενον.

‘H μέν ουν είς τδ μή 10 δν απλώς δδδς φθορά άπλή, ή δ’ είς τδ απλώς δν γένε-

σις απλή. Οΐς ουν διώρισται είτε πυρί καί γή είτε αλλοις τισί, τούτων έσται τδ μέν δν τδ δέ μή δν. "Ενα μέν ουν τρό­

πον τούτω διοίσει τδ απλώς τι γίνεσθαι καί φθείρεσθαι τοϋ μή απλώς, άλλον δέ τή ύλη δποία τις &ν ή· ής μέν γάρ

15 μάλλον αί διαφοραί τόδε τι σημαίνουσι, μάλλον ουσία, ής δέ στέρησιν, μή δν, οΐον τδ μέν θερμδν κατηγορία τις

καί είδος, ή δέ ψυχρότης στέρησις, διαφέρουσι δέ γή καί

πΟρ καί ταύταις ταΐς διαφοραΐς.

Δοκει δέ

μάλλον τοΐς

πολλοίς τώ αίσθητώ καί μή αίσθητώ διαφέρειν ‘όταν μέν

20 γάρ είς αίσθητήν μεταΒάλλη ύλην, γίνεσθαί φασιν, όταν δ’ είς αφανή, φθείρεσθαι* τδ γάρ δν καί τδ μή δν τφ αίσθάνεσθαι καί τώ μή αίσθάνεσθαι διορίζουσιν, ώσπερ τδ

μέν επιστητόν δν, τδ δ’ άγνωστον μή ον* ή γάρ αίσθησις επιστήμης έχει δύναμιν. Καθάπερ ουν αυτοί τώ αίσθάνεσθαι

[318 b] 4 τις add. Prantl |] 7 τό δή EFHL : δει δή J εί δή uel είδη Philoponus || 9 τό μή ον απλώς EFHL : τό απλώς μή δν J || 13 τι om. FH II 14 τή ύλη E.TL : ή υλη FH || 22 ζαί τώ μή αίσθάνεσθαι om. Ε αίσθάνεσθαι om. L. 4

GÉNÉRATION ET CORRUPTION

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ces gens la portée de la science1. Ils croient eux-mêmes vivre et être par leurs sensations et par leur pouvoir d’éprouver des sensations, et ils étendent cette conception de l’existence aux choses; ils cherchent bien à connaître la vérité, mais ce qu’ils affirment n’est pas la vérité. Selon qu’on les considère donc d’après l’opinion ou d’après la vérité, la génération absolue et la destruction se présentent tout autres. Le souille et l’air, en effet, sont, d’après le témoignage des sens, une réalité moindre, ce qui fait dire aux gens que les objets qui subissent une destruction absolue sont détruits par leur transformation en ces éléments, mais que les objets naissent quand ils se changent en quelque chose de tactile et en terre, alors que d’après la vérité ces éléments relèvent de la subs­ tance et du genre à un plus haut degré que la terre. Nous avons donc dit la raison pour laquelle il y a d’un côté la génération absolue comme destruction de quelque chose, d’un autre la destruction absolue comme génération de quelque chose. Cela provient en effet de ce que la matière est différente, soit parce que l’une est substance 2 alors que l’autre ne l’est pas, soit parce que l’une a plus d’existence, l’autre moins, soit que la matière d’où viennent les choses et où elles vont est plus ou moins sensible. Des corps et des êtres on dit que les uns naissent absolument, alors que les autres ne font que devenir telle ou telle chose, sans qu’ils viennent réciproque­ ment l’un de l’autre à la manière dont nous venons de parler. Nous nous bornons en effet maintenant à donner les raisons de la distinction grâce à laquelle, toute génération étant une destruction de quelque autre chose et toute destruction étant la génération d’une autre chose, nous n’attribuons pas dans le même sens la génération et la destruction aux choses qui se transforment les unes dans les autres. Ce n’est cependant pas cette question qui fait l’objet de ce que nous avons dit en dernier lieu, mais la question pourquoi apprendre n’est pas appelée devenir absolument, mais devenir instruit, alors que pousser est une génération absolue. Ces distinctions se font d’après les catégories. Parmi les corps et les êtres les uns indiquent la réalité déterminée, les autres la qualité, les autres la quantité. De tous ceux donc qui n’indiquent pas une subs­ tance on ne dit pas qu’ils naissent absolument, mais qu'ils deviennent telle ou telle chose. Cependant, dans toutes les

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ΠΕΡΙ ΓΕΝΕΣΕΩΣ ΚΑΙ ΦΘΟΡΑΣ

[318 b]

25 ή τώ δύνασθαι καί ξήν καί είναι νομίζουσιν, οΟτω καί τά •πράγματα, τρόπον τινά διώκοντες τάληθές, αύτδ δέ λέγοντες ούκ άληθές. Συμβαίνει δή

κατά δόξαν καί κατ’

άλήθειαν άλλως τδ γίνεσθαί τε απλώς καί τδ φθείρεσθαι*

πνεϋμα γάρ καί άήρ κατά μέν τήν αϊσθησιν ήττόν έστιν (διδ 30 καί τά φθειρόμενα απλώς τίη εις ταΟτα μεταβολή φθείρεσθαι λέγουσιν, γίνεσθαί δ’ δταν είς άπτδν καί εις γήν μετα­ βάλλω), κατά δ’ άλήθειαν μάλλον τόδε τι καί είδος ταθτα

τής γής· Τοθ μέν ουν είναι τήν μέν απλήν γένεσιν φθοράν ου-

σάν τίνος, τήν δέ φθοράν [τήν] απλήν γένεσιν οδσάν τίνος, εί35 ρηται τδ αίτιον· διά γάρ τδ τήν ύλην διαφέρειν ή τώ ουσίαν f319 a] είναι ή τώ μή, ή τώ τήν μέν μάλλον τήν δέ μή, ή τώ τήν

μέν μάλλον αισθητήν είναι τήν ϋλην εξ ής καί εις ήν, τήν δέ ήττον είναι. Τοθ δέ τά μέν απλώς γίνεσθαί λέγεσθαι, τά δέ τι μόνον, μή τή εξ άλλήλων γενέσει καθ’ δν ειπομεν

5 νθν τρόπον νΟν μέν γάρ τοσοϋτον διώρισται, τί δή ποτέ πάσης γενέσεως οΰσης φθοράς άλλου, καί πάσης φθοράς οΟσης ετέρου τινδς γενέσεως, ούχ δμοίως άποδίδομεν τδ γίνεσθαί καί

τδ φθείρεσθαι τοίς είς άλλη λα μεταθάλλουσιν τδ δ’ ϋστερον

είρημένον ού τοϋτο διαπορει, άλλά τί ποτέ τδ μανθάνον μέν ου 10 λέγεται απλώς γίνεσθαί άλλά γίνεσθαί έπιστήμον, τδ δέ

φυόμενον γίνεσθαί. ΤαΟτα δέ διώρισται ταΐς κατηγορίαις·

τά μέν γάρ τόδε τι σημαίνει, τά δέ τοιόνδε, τά δέ ποσόν.

‘Όσα ουν μή ουσίαν σημαίνει, ου λέγεται απλώς, άλλά τι γί25 τφ EFHL : τό J || καί ante ζήν om. Ε || 34 τήν dei. Bonitz. [319 a] 1 ή τω μή .... οε μή oin. Ε || τω μή FHL : τό μή J fl τήν μεν utrumque om. J || 6 ού'σης φθοράς .... γενέσεως om. L || 8 είς αλληλα om. Ε.

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catégories de la même manière, on ne parle de génération que pour l’un des deux termes1 d’une opposition. Dans la caté­ gorie de la substance il n’y a ainsi génération que lorsque c’est du feu qui naît, mais non quand c’est de la terre, dans la catégorie de la qualité il y a génération lorsqu’un être devient savant, mais non quand il devient ignorant. Nous avons ainsi parlé de la distinction entre la génération absolue et la génération non absolue, d’une manière générale et dans les substances en particulier, et nous avons expliqué pourquoi la continuité ininterrompue de la génération a pour cause matérielle le sujet, parce qu’il peut se transformer dans les contraires et que, dans les substances, la génération d’une chose est toujours la destruction d’une autre, et réciproque­ ment. Mais la question pourquoi la génération est toujours accompagnée de destruction ne doit pas causer de difficultés. Car de même qu’on parle de destruction absolue quand un corps ou un être passe à l’imperceptibilité et au non-être, de même on dit qu’un corps ou un être naît en venant du non-être, quand il vient de l’imperceptible. Qu’il y ait un sujet ou qu’il n’y en ait pas, le corps ou l’être vient dans ce cas du non-être, et ainsi il vient à la fois, en naissant, du non-être, et il s’en va au non-être en se détruisant. Il est ainsi tout naturel que génération et destruction ne cessent jamais, du moment que la génération est destruction de non-être, et la destruction génération de non-être. Mais on pourrait éprouver des difficultés à répondre à la question si ce non-être absolu peut être un des termes d’un couple de contraires, si la terre et ce qui est lourd, par exemple, peut être le non-être, le feu et le léger formant l’être, ou si ceci n’est pas possible. Mais on peut dire aussi que la terre est l’être, le non-être étant la matière de la terre, et de même pour le feu. Mais pour chacun de ces éléments la matière est-elle donc autre? Et ne serait-il pas possible qu’ils viennent l’un de l’autre, au lieu de venir des contraires? Ces quatre éléments, le feu, la terre, l’eau et l’air, admettent en effet des contraires. Ou leur matière est-elle la même en un sens, autre en un autre sens? Car l’être en tant que sujet reste le même, mais le mode d’exis-

1. Cf. une opposition de même sens Métaph. 1072 a 31.

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ΠΕΡΙ ΓΕΝΕΣΕΩΣ ΚΑΙ ΦΘΟΡΑΣ

[319 a]

νεσθαι. Ού μήν άλλ* δμοίως έν πάσι γένεσις μέν κατά τά εν

15 τή έτέρα συστοιχία λέγεται, οΤον έν μέν ούσία εάν πΰρ άλλ’ ούκ εάν γή, έν δέ τώ ποιώ έάν έπιστήμον άλλ’ ούχ δταν

άνεπιστήμον.

Περί μέν ουν τοϋ τά μέν απλώς γίνεσθαι τά δέ

μή, καί δλως καί έν ταΐς ούσίαις αύταΐς, εΐρηται, καί διότι

τοΟ γένεσιν είναι συνεχώς αιτία ώς ϋλη τδ ύποκείμενον, δτι 20 μεταδλητικόν έστι είς τάναντία, καί εστιν ή θατέρου γένεσις

άεί έπΐ τών ουσιών άλλου φθορά καί ή άλλου φθορά άλλου

γένεσις. Αλλά μήν ούδ’ άπορήσαι δει διά τί γίνεται άεί άπολλυμένων ώσπερ γάρ καί τδ φθείρεσθαι απλώς φασιν, δταν

είς άναίσθητον έλθη καί τδ μή ον, δμοίως καί γίνεσθαι έκ

25 μή δντος φασίν, δταν έξ άναισθήτου. Εϊτ’ ουν δντος τινδς τοϋ ύποκειμένου είτε μή, γίνεται έκ μή δντος. "Ωστε δμοίως καί γίνεται έκ μή δντος καί φθείρεται είς τδ μή δν. ΕΙκότως οΰν

ούχ ύπολείπει’ ή γάρ γένεσις φθορά τοϋ μή δντος, ή δέ

φθορά γένεσις τοϋ μή δντος. Αλλά τοϋτο τδ μή δν απλώς 30 άπορήσειεν άν τις πότερον τδ έτερον τών έναντίων έστίν, οΤον

γή καί τδ βαρύ μή δν, πϋρ δέ καί τδ κοϋφον τδ δν, ή ού, άλλ’ έστί καί γή τδ δν, τδ δέ μή δν ύλη ή τής γής, καί πυρδς

ώσαύτως. Καί άρά γε έτέρα έκατέρου ή ϋλη, ή ούκ άν γί[319 b] νοιτο έξ άλλήλων ούδ’ έξ έναντίων; τούτοις γάρ ύπάρχει

τάναντία, πυρί, γή, ϋδατι, άέρι. "Η έστι μέν ώς ή αύτή, έστι δ’ ώς ή έτέρα- δ μέν γάρ ποτέ δν ύπόκειται τδ αύτό,

15 έτέρα συστοιχία EHL : έτέρα συστοιχεία J έτέρα του κρείττονος συστοιχία F || 18 μή EL ; 7τή FHJ || ζαί HJL ; om. EF || 21 ή άλλου φθορά FHJL : ή φθορά Ε || 22 αεί Η: αίεί JL εί Ε τιμάει F |j 26 γίνεται έκ μή δντος om. L |] 26-27 ώστε ομοίως .... έκ μή δντος om. Ε I 31 τό ante ον om. FHJ.

GÉNÉRATION ET CORRUPTION

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tence ne le reste pas. Mais bornons à cela notre enquête sur ce sujet. IV Parlons maintenant des diffé­ rences qu’il y a entre la génération et l’altération. Car à notre avis ces changements sont distincts l’un de l’autre1. Du moment donc qu’il y a d’un côté la réalité du sujet, et d’un autre côté l’affection, qu’on attribue natu­ rellement au sujet, et que des changements sont possibles pour l’un et l’autre, il y a altération quand, le sujet restant identique et perceptible, un corps ou un être change dans scs affections, que celles-ci soient contraires ou intermédiaires; ainsi le corps est tour à tour bien portant et malade tout en restant le même, et l’airain est tantôt rond, tantôt anguleux, tout en restant le même. Mais lorsque le corps ou l’être change tout entier sans qu’il en reste quelque chose de sensible qui en soit le sujet identique, comme cela arrive quand du sang se forme aux dépens de toute la semence, de l’air aux dépens de toute l’eau, de l’eau aux dépens de tout l’air, alors il y a dans ces phénomènes génération d’un élément et destruction de l’autre, et cela surtout quand la transformation se fait de l’imperceptible au perceptible, soit pour le toucher, soit pour tout autre sens, comme dans le cas de l’eau, quand elle vient de l’air ou quand elle se dissout en air; car l’air est un élément à peu près imperceptible. Mais si dans ces phénomènes il subsiste une affection identique pour les termes extrêmes de l’opposition, tant dans ce qui naît que dans ce qui disparaît, si, par exemple, dans la transformation de l’air en eau, ces deux éléments sont transparents ou froids, il faut se garder de voir dans l’une de ces deux propriétés une affection de l’élément qui est le résultat de cette transformation. Si non, il y a altération comme dans le cas où l’homme musicien a disparu et l’homme non-musicien est apparu, pendant que l’homme est resté le même. Or si la connaissance et l’ignorance de la musique n’était pas une affection de la personne de cet homme, il y aurait génération d’un homme non-musicien et destruction d’un homme musicien. Ce sont donc là des affec-

L’altération.

1. Aristote traite aussi ailleurs de la différence entre Γάλλοόοσ'ς et la γένεσις και φθορά; cf. Phys. 224 a 21-226 b 17.

ΠΕΡΙ ΓΕΝΕΣΕΩΣ ΚΑΙ ΦΘΟΡΑΣ

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[319 b]

τδ δ’ είναι ού τδ αυτό. Περί μέν οϋν τούτων επί τοσοϋτον

5 εΐρήσθω. IV

Περί δε γενέσεως καί άλλοιώσεως λέγωμεν τί διαφέ-

ρουσιν* φαμέν γάρ έτέρας είναι ταύτας τάς μεταθολάς άλ-

λήλων. Επειδή οΰν έστί τι τδ ύποκείμενον καί έτερον τδ πάθος 8 κατά τοϋ ύποκειμένου λέγεσθαι πέφυκεν, καί έστι μεταβολή

10 έκατέρου τούτων, άλλοίωσις μεν έστιν, όταν ύπομένοντος τοΟ ύποκειμένου, αΙσθητοΟ δντος, μεταβάλλη εν τοΐς αύτοΟ πά-

θεσιν, ή έναντίοις ουσιν ή μεταξύ, οΐον τδ σώμα ύγιαίνει καί πάλιν κάμνει ύπομένον γε ταύτό, καί δ χαλκδς στρογ-

γύλος, δτέ δε γωνιοειδής δ αυτός γε ών. "Οταν δ’ 8λον μετά-

15 Βάλλη μή ύπομένοντος αίσθητοϋ τινδς ως ύποκειμένου τοϋ αύτοΟ, άλλ’ οΐον εκ τής γονής αίμα πάσης ή εξ ϋδατος άήρ

ή εξ άέρος παντδς ϋδωρ, γένεσις ήδη τδ τοιοΟτον, τοϋ δέ

φθορά, μάλιστα δέ, αν ή μεταβολή γίνηται εξ άναισθήτου

είς αίσθητδν ή αφή ή πάσαις ταΐς αίσθήσεσιν, οΐον δταν 20 ϋδωρ γένηται ή φθαρή είς άέρα’ δ γάρ άήρ επιεικώς άναίσθητον. Έν δέ τούτοις αν τι ύπομένη πάθος τδ αύτδ έναντιώ-

σεως εν τώ γενομένω καί τώ φθαρέντι, οΐον όταν εξ άέρος ϋδωρ, εΐ άμφω διαφανή ή ψυχρά, ού δει τούτου θάτερον

πάθος είναι είς 8 μεταβάλλει. Et δέ μή, εσται άλλοίωσις,

25 οΐον δ μουσικός άνθρωπος έφθάρη, άνθρωπος δ’ άμουσος έγένετο, δ δ’ άνθρωπος ύπομένει τδ αύτό. Et μέν ουν τούτου μή

πάθος ήν καθ’ αύτδ ή μουσική καί ή άμουσία, τοϋ μέν γένεσις ήν άν, τοϋ δέ φθορά’ διδ άνθρώπου μέν ταθτα πάθη,

[319 1>] 4 τοσοϋτον είρήσΟω EFHL : τοσούτων eίρεισΟ sec a conduit Aristote à s’écarter sensiblement de ce qu’il enseigne ailleurs sur l’eau et l’air et sur les rapports de ces deux éléments, en particulier dans Meteor. 382 a 3-4. 2. Dans De caelo 304 b 23 sq. et, dans ce traité, 314 b 15-26 et 329 a 35 sq.

Page 54.

1. Comme l’enseignent Anaximene et Diogène d’Apollonie. Page 55. 1. Héraclite avait implicitement postulé l’identité du feu et de l’air chaud en disant que le soleil garde sa mesure en se nour­ rissant des exhalaisons chaudes qui montent de la terre vers le ciel. 2. το άπειρον και τό περιεχον. Ε’άπειρον est la matière indéter­ minée d’Anaximandre qui se différencie en éléments au cours du processus cosmique. Le περιεχον est l’enveloppe, encore indiffé­ renciée, du cosmos d’Anaxagore, dans laquelle le vou; dissocie progressivement le πάντα ôjxou des qualités dans sa lente avance vers la périphérie. Alors que le processus de dissociation de Γάπειρον d’Anaximandre s’achève en un temps fini, la différenciation totale du περιέχον n’est jamais atteinte chez Anaxagore, aucune qualité ne pouvant être réalisée sans mélange; cf. la note à 328 a 15. 3. C’est là la solution adoptée par Empédocle; cf. plus haut 325 b 16; 329 a 4; et passim; cf. aussi la note à 325 b 16. 4. Seuls les éléments fluides feu, air et eau, dont les polyèdres représentatifs sont faits de triangles élémentaires de la même espèce, peuvent se transformer les uns dans les autres dans la physique du Timée, 54 B-54 D; la terre, dont les molécules cubiques sont faites de triangles élémentaires d’une autre espèce, reste exclue du cycle des transformations; cf. la note à 330 b 16. Page 56.

2. Thèse réduite à l’absurde plus haut, 332 a 6 sq.

NOTES COMPLÉMENTAIRES

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3. L’état actuel de nos connaissances sur les présocratiques ne permet pas de voir quels sont les penseurs visés ici par Aristote. Platon, dans le mythe géographique du Phédon, développe une théorie très rudimentaire des éléments, où l’air et l’eau apparaissent comme un dépôt, υποστάθμη, de l’éther et où l’eau est peut-être un dépôt de l’air; cf. 109 C sq.; mais cette théorie ne répond que partiellement à la critique d’Aristote. Page 57. 1. και ετι πλείους; cette expression est caractéristique de la façon prudente et très moderne dont Aristote définit l’infini numérique comme ce qui dépasse tout nombre déterminé et l’infini spatial comme ce qui dépasse toute grandeur assignable. Toute l’argu­ mentation 332 b 30-333 a 15 repose sur la thèse d’Aristote, d’après laquelle il est impossible d’actualiser l’infini. Page 58. 1. Cf. D.V. 31 B 17. 2. La cotyle, κοτύλη, est une mesure de capacité équivalant à 270 cm3 ou 0,270 litre.

Page 59. 1. Cf. D.V. 31 B 37. 2. Allusion au chapitre biologique du Περί φύσεως, où Empédocle explique la genèse des êtres vivants par une sélection naturelle s’opérant automatiquement sur les êtres nés des rencontres for­ tuites de membres isolés; cf. D.V. 31 B 57-62. 3. Pour μόνον je propose de lire το μεν; μόνον peut provenir du μόνον de la ligne 13. 4. Cf. D.V. 31 B 8. 5. περί φύσεως.. Aristote cite ironiquement le titre du poème d’Empédocle. G. Cette affirmation est contraire à tout ce que les fragments et les notes doxographiques nous apprennent sur les actions opposées de la Haine et de l’Amour, si on entend ici le terme διακρίνειν dans le sens de « séparer ». C’est bien la Haine, et non l’Amour, qui sépare progressivement dans le mélange du Sphairos les éléments réunis, c’est-à-dire juxtaposés par particules imperceptibles, comme nous l’avons vu plus haut (cf. les notes à 327 a 34 et à 328 a 15), et qui transforme au cours de son règne le Sphairos homogène en un univers stratifié où les quatre éléments n’ont plus aucun contact entre eux,

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NOTES COMPLÉMENTAIRES

jusqu’au commencement du règne suivant de ΓAmour. Mais Aristote semble donner ici à διαχρίνειν le sens de « dissocier, disloquer, arracher à une ambiance de même nature ». Avec ce sens de διαχρίνειν, la proposition τα στοιχεία διακρίνει ... ή φιλία est compatible avec la physique d’Empédoclc. C’est en effet l'Amour qui arrache les particules et les fragments d’un même clément à l’étreinte où les tient réunis l’attraction du semblable par le semblable et qui mélange ainsi au cours de son règne les éléments d’espèces diffé­ rentes. L’attribut de τα στοιχεία, τα φύσει πρότερα του θεού, a un sens concessif : l’Ainour accomplit son œuvre de dissociation des éléments, bien que les éléments, dieux eux-mêmes, soient anté­ rieurs, et par conséquent supérieurs dans la hiérarchie des êtres, à la divinité qu’est le Sphairos. Au sens de διαχρίνειν que nous venons d’analyser correspond celui du nom διάχρισις en 333 b 31. Ce n’est que par une dissociation, une fragmentation suivie de mélange, opérée par l'Amour dans l’élément compact de la terre, que des particules de cet élément peuvent prendre le chemin vers le haut, alors que l’attraction du semblable par le semblable, interrompue par l’action de l’Amour, mais reprenant son efficacité sous le régime de la Haine, tend à concentrer tout l’élément terre au centre du monde, en faisant affluer toutes les particules et tous les fragments de terre vers « le bas ». Certains traducteurs donnent cependant à διαχρίνειν, διάζρισις le sens de « séparer, séparation », en rapprochant ce passage de Metaph. 985 a 21-29 et 1000 a 241000 b 12, sans se rendre compte que cette interprétation met 333 b 20 en contradiction non seulement avec les fragments et la doxographie d’EmpédocIe, mais aussi avec la suite 333 b 21-22. Parmi ceux qui ont compris ce texte avec ce dernier sens il convient de citer Goethe. Le poète, grand lecteur d’Aristote pendant les années de rédaction du Faust, d’après son journal (cf. la note à 315 a 13), transpose, dans l’apothéose de Faust à la fin du drame, le motif de l’Amour séparateur de 333 b 20, en termes du mysticisme chrétien : « Wenn starke Geisteskraft die Elcmcnte an sich herangerafft, kein Engel trennle geeinte Zwienatur der innigen beiden, die ewige Liebe nur vermag’s zu scheiden. » 7. Sur les θεοί d’Empédoclc cf. Aétius I, 7, 28; D.V. I, p. 289; Hippolyte, Ref. VII, 29; D.V. I, p. 357. Page 60.

1. Aristote a raison en considérant dans le système d’EmpédocIe les mouvements selon la nature comme relevant de la Haine, les mouvements à l’encontre de la nature comme relevant de l’Amour, en ce sens que sous le régime de la Haine les corps obéissent

NOTES COMPLÉMENTAIRES

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à la loi universelle de l’attraction du semblable par le semblable et. que les éléments tendent à se réunir par genres et à se séparer les uns des autres, alors que sous le règne de ΓAmour la fonction essentielle de cet agent cosmique est de s’interposer à l’attraction des semblables et de mélanger les éléments. Mais dans tout ce passage, 333 b 16-334 a 8, Aristote considère la Haine et l’Amour comme deux forces cosmiques antagonistes agissant simultanément et se montre étonné que l’Amour, dont il attend plus d’action ordonnée que de la Haine, apparaisse par moments plus destruc­ teur chez Empédoclc que la Haine. En réalité, les deux forces cosmiques se valent, chacune, à tour de rôle, organisant le monde et le désorganisant après une courte akiné. Aussi la différence hiérarchique qu’Aristote veut établir, 333 b 20 et 21, entre les éléments et le Sphairos, est étrangère à Empédocle. L’univers stratifié qui est l’aboutissement de l’action de la Haine et que l’Amour travaille à détruire durant son règne, n’est pas plus divin que le mélange homogène sphérique qui est produit par l’Amour et auquel s’attaque la Haine. 2. Cf. D.V. 31 B 53. 3. Cf. D.V. 31 B 54. 4. Cf. De anima 409 b 25-410 a 22.

Page 61.

1. Aristote traite de ce problème De anima 408 a 18-23 et 409 b 23 sq. 2. Aristote vise avant tout Empédocle; cf. les notes à 315 a 8; 315 a 13; 325 b 16. Page 62.

1. 2. 3. 4.

Cf. 334 b 8-16. C’est-à-dire de la façon décrite 334 b 10-12. De la façon décrite 334 b 6-7. En 323 b 1-324 b 25.

Page 63.

1. Le μέσος το'πος de l’univers étant occupé par la terre, et les éléments tendant à se trouver en leur lieu propre, les corps composés situés περί τόν του μέσου το'πον, c’est-à-dire à la surface de la terre, contiennent naturellement une forte proportion de l’élément terre. 2. Cf. 320 b 34 sq. 13

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NOTES COMPLÉMENTAIRES

Page 64.

3. Ce troisième principe est la cause efficiente, nécessaire pour l’explication de la génération des corps dans la zone sublunaire et du mouvement des corps célestes inengendrés. Page 65.

1. Cf. Phédon 96 A-99 C. 2. Aristote vise ici les présocratiques en général et Empédocle en particulier. Il a raison en ce sens qu’aucun de ces penseurs n’est arrivé à se représenter une force indépendamment d’un support matériel. Cette séparation est l’œuvre d’Aristote, comme l'a montré H. Carteron (cf. La notion de force dans le système d’Aris­ tote, Paris 1926) et, en partie, déjà de Platon, chez qui la matière se réduit, au niveau de l’imperceptible, à des surfaces de résistance. Chez Empédocle, au contraire, les deux forces cosmiques sont localisées inséparablement dans le substratum matériel de l’Amour et de la Haine. 3. Sur le sens de δύναμης chez Aristote cf. l’index de Bonitz, 207 b 4 sq. Page 66. 1. On traduit souvent le τό τί ην είναι d’Aristote par « la quiddité », d’après la traduction quidditas de Saint Thomas. J’ai traduit cette expression par « la fin », parce que dans la proposition subs­ tanti vée d’Aristote είναι est un infinitif final et que τό τί ην είναι signifie ainsi « le pour être quoi quelque chose a été informé ». Sur la place du τό τί ην είναι dans la philosophie d’Aristote, cf. Metaph. 1033 b 29; 1034 a 8; 1034 a 33-1034 b 4 ; et passim; sur le sens précis de l’expression, cf. Bonitz, Index 763 b 10 sq. ; sur son aspect linguistique, cf. Ch. Mugler, La proposition substantiae, Bulletin de la soc. ling. de Paris, t. LV, I960, p. 32-39. 2. Dans Phys. II, 3-9. Page 67.

1. Dans Phys. VIII, 7-9. 2. Grâce à l’obliquité de l’écliptique, la révolution céleste ap­ proche et éloigne périodiquement le soleil et crée ainsi les saisons; cf. Phys. 194 b 13; Metaph. 1071 a 15-16; 1072 a 10-18. 3. Phys. 260 a 26-261 a 26. 4. Cf. plus haut 317 b 33.

NOTES COMPLÉMENTAIRES

•J'J

5. Aristote énonce ici une forme du principe de causalité. 6. Le soleil se meut, comme les autres planètes, sur l’écliptique, dans le sens contraire à celui de la révolution céleste; sa vitesse, au cours de ce mouvement annuel, est, de plus, variable. 7. La révolution de la sphère des fixes, le mouvement diurne, auquel Aristote assigne comme cause le premier moteur, Dieu; cf. Phys. 258 b 12-260 a 10. Page 68. 1. Le soleil participe à deux mouvements : il se meut sur sa propre sphère, dont l’écliptique est un des grands cercles, et en même temps la sphère portant le soleil est entraînée par le mouvement de la sphère des fixes. Aristote a essayé, en cherchant à dépasser Eudoxe de Cnidc et Callippc, de rendre compte des complications accusées par les trajectoires apparentes des planètes, telles que les stations et les rétrogradations, de σώζειν τα φαινόμενα en imaginant un grand nombre de sphères emboîtées les unes dans les autres et entraînées chacune par le mouvement de la précédente, la dernière portant la planète dont le mouvement était à expliquer; cf. De caelo 286 a 3 sq.; Metaph. 1073 a 14 sq. 2. Aristote rattache ainsi les rythmes biologiques, en particulier les durées de la vie des espèces animales, au double mouvement du soleil. 3. En 318 a 9 sq. Page 69.

4. Aristote soulève ici une question que n’ont cessé de se poser les présocratiques et encore Platon. Nous observons autour do nous que tous les mouvements individuels et toutes les transformations particulières tendent à un état final. Comment se fait-il, dès lors, que le devenir universel, l’ensemble de tous ces mouvements et de toutes ces transformations, n’ait pas abouti depuis longtemps à un état final au cours de la durée illimitée du temps que le processus cosmique a à sa disposition? Les systèmes du monde de ces penseurs sont la réponse à cette question; cf. la note à 318 a 18. 5. En d’autres termes, l’univers aristotélicien aurait atteint depuis longtemps, ήδη, la figure d’équilibre du τετράστοι/ον où les quatre éléments seraient répartis en couches concentriques super­ posées, dans l’ordre terre, eau, air, feu. On sait qu'Empédocle, dont l’univers arrive à cet état à la fin du règne de la Haine, l’arrache à cet arrêt momentané en envoyant F Amour à la relève do la Haine. Platon qui, lui, est partisan d’une présence cosmologique inin-

100

NOTES COMPLÉMENTAIRES

terrompue et qui rejette pour cette raison le retour périodique du monde de l’un au multiple et du multiple à l'un, ξύμπολλα iÇ ενός η έκ πολλών εν, Lois X 903 Ε, présente dans le Timée une solution avec laquelle celle d’Aristote a beaucoup d’analogie. L’attraction du semblable par le semblable, la force de Γάνάγκη, aurait pour effet un univers stratifié immobile, frappé de stagnation, 58 A. Mais cette stagnation dans l’homogénéité des quatre couches d’éléments, cette στάσις èv όμαλότητί, 57 E, est évitée par le rétablissement incessant de l’hétérogénéité qui, elle, est productrice de mouvement. La cause, enfin, de Γάνωμαλότης est la révolution de la sphère céleste, qui fait rayonner des particules de feu, émises par le soleil et les astres, vers l’intérieur du monde, vers les régions de l'air et de l’eau, où elles créent les conditions physiques offrant prise aux forces de Γάνάγκη.

Page 70. 1. Cf. Phys. 255 b 31-36; 260 a 10 sq.; Metaph. 1072 a 19-1074 b 14; et passim. 2. Cf. la théorie aristotélicienne du temps dans Phys. 217 b 29224 a 17; 251 b 10 sq. 3. τό κύκλω σώμα φερόμενον. Aristote considère, comme Platon, la sphère des étoiles fixes comme un immense corps solide d’une rigi­ dité absolue. On sait que cette représentation, qui remonte à Anaximene, se maintiendra jusqu’au seuil de la Renaissance. Copernic encore verra dans la sphère des fixes « le » huitième corps céleste. Page 71.

1. Sur les rapports entre l’antécédent et le conséquent cf. An. post. 95 a 24 sq. Page 72.

1. Or il serait absurde de prétendre que la construction d’une maison est une génération éternelle; ef. Eth. Nicom. 1139 b 23 sq. 2. Cf. plus haut 337 b 28, 29. Page 73. 1. Cf. Phys. VIII, 7-9. 2. Les planètes, dont le mouvement est commande par la révo­ lution de la sphère des fixes.

NOTES COMPLÉMENTAIRES

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3. Alcméon, dans un autre contexte philosophique, avait exprimé une pensée analogue à celle d’Aristote en disant que les hommes périssent parce qu’ils ne peuvent pas joindre Jeur commencement à leur fin, τούς ανθρώπους ... τούτο άπο'λλυσΟαι, δτι ου δύνανταί τήν αρχήν τω τελεί προσά·}αι [Aristote] Probi. 916 a 33. Goethe, grand lecteur d’Aristote, comme nous l’avons vu plus haut (cf. les notes à 315 a 13 et à 333 b 20), et de ce qui passait, autour de 1800, pour être d’Aristote, s’inspire de cette idée dans sa poésie «Dauer im Wechsel»; cf. mon article Alcméon et les cycles physiologiques de Platon, Revue des Et. gr., t. LXXI, 1958, p. 42-50. 4. Ce sont les corps célestes; ils restent identiques à eux-mêmes.

l

TABLE DES MATIÈRES

Introduction : Pages

I. Le traité de la génération et de la corruption dans Vœuvre d'Aristote.................................................... II. Objet et composition du traité ................................... III. Le texte du traité.........................................................

v ix xv

Sic la ..........................................................................................

xix

Livre I ......................................................................................

'1

Livre II ...................................................................................

45

Notes complémentaires .......................................................

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ACHEVE D IMPRIMER EN AVRIL 1966

SUR

LES PRESSES DE

l’imprimerie DURAND

28-luisant. VÉLIN TEINTÉ

DES

PAPETERIES DE GUYENNE

Dépôt légal:

2° trimestre 1966

IMPR. N° 258 ÉDIT. N° 1243.

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