Confréries et dévotions dans la catholicité moderne (mi-XVe-début XIXe siècle) / 9782728307944

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CONFRÉRIES ET DÉVOTIONS DANS LA CATHOLICITÉ MODERNE (MI-XVe - DÉBUT XIXe SIÈCLE)

Études réunies par Bernard DOMPNIER et Paola VISMARA

ÉCOLE FRANÇAISE DE ROME 2008

Confréries et dévotions : dans la catholicité moderne (mi-XVe - début XIXe siècle) / études réunies par Bernard Dompnier et Paola Vismara Rome : École française de Rome, 2008 (Collection de l’École française de Rome, 0223-5099 ; 393) ISBN 978-2-7283-0794-4 (br.) 1. Confréries -- France -- Histoire 2. Confréries -- Italie -- Histoire 3. France -- Vie religieuse -- Histoire 4. Italie -- Vie religieuse -- Histoire I. Dompnier, Bernard II. Vismara, Paola, 1947CIP – Bibliothèque de l’École française de Rome

∞ ISO/CD 9706

© - École française de Rome - 2008 ISSN 0223-5099 ISBN 978-2-7283-0794-4

BERNARD DOMPNIER ET PAOLA VISMARA

AVANT-PROPOS

Les dix-huit contributions que recueille ce volume ont d’abord été présentées oralement lors d’un colloque tenu à Rome en octobre 2003 à l’initiative conjointe du Centre d’histoire « Espaces et cultures » (Université Blaise-Pascal, Clermont-Ferrand), de l’Università degli studi de Milan et du Centre d’anthropologie religieuse européenne (EHESS), avec le soutien de l’École française de Rome. Comme le titre du volume le souligne, l’approche choisie insiste sur la dimension religieuse des confréries ; plus précisément même, elle privilégie l’étude de celles-ci comme voie d’approche des permanences et des mutations dévotionnelles dans la catholicité, de l’âge des Réformes au premier XIXe siècle, longue période marquée par la diversification des objets de la piété des fidèles, l’approfondissement de la démarche religieuse personnelle et le renforcement des règles de comportement du chrétien. Les confréries qui, par leur titulatures et leurs règlements, fournissent de riches informations sur ces évolutions, portent encore témoignage de bien d’autres aspects de la vie de piété des fidèles, tels que la permanence de la quête de protection exprimée dans le culte des saints ou encore l’accroissement du contrôle des clercs sur la religion des laïcs. En dépit d’une historiographie déjà très riche des confréries, ces aspects n’avaient que peu retenu l’attention des chercheurs jusqu’à une période relativement récente, peut-être parce que – plus largement – les pratiques cultuelles du catholicisme moderne rencontraient des difficultés à être reconnues comme véritable objet d’histoire. Cette situation change profondément aujourd’hui et de nouvelles lectures s’imposent progressivement, tendant à examiner ces pratiques selon des clés d’histoire culturelle. À titre d’exemple, et sans prétention à l’exhaustivité, on peut ici citer les pistes ouvertes par les recherches sur le disciplinamento ou encore les riches suggestions offertes par les études sur les enjeux politiques des cultes locaux ou nationaux. Le moment semblait donc venu de faire le point sur les acquis des travaux récents et de confronter aussi les problématiques et les méthodologies. La richesse des deux traditions historiographiques – française et italienne – dans ce domaine appelait la

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réunion de chercheurs des deux pays pour un ample tour d’horizon. Mais un autre facteur invitait encore à la configuration choisie pour ce colloque : l’histoire des confréries et des dévotions s’appuie aujourd’hui plus délibérément qu’hier sur les sources archivistiques romaines, à travers notamment l’exploitation des brefs d’indulgences concédées par la papauté et des agrégations aux archiconfréries. En France notamment, où l’histoire des confréries a longtemps privilégié les sources locales, la mise en perspective de celles-ci avec les documents romains devient de pratique courante, et les phénomènes sont plus volontiers abordés avec une recherche attentive aux éléments d’unité et de spécificité des divers espaces. D’où la volonté de ne pas clore la rencontre sur l’étude de territoires particuliers, mais de faire une large place aux approches thématiques, que traduisaient les titres des demi-journées du colloque : « Les confréries, vecteurs privilégiés de la dévotion », « Pastorale, confréries et dévotions », « Confréries, spiritualité et société », « Typologie des confréries et typologies des dévotions », « Géographie des confréries et des dévotions ». L’ordre de présentation des communications est repris dans le présent volume, même si – en raison de la richesse de nombre d’entre elles – il a paru préférable de ne pas les enfermer, dans la version écrite, dans le cadre un peu étroit de parties pré-déterminées. C’est enfin un plaisir pour les organisateurs de la rencontre d’exprimer leurs remerciements à tous ceux qui ont contribué à sa réussite. Outre les institutions déjà évoquées, qui ont apporté le concours financier nécessaire à la tenue de cette réunion, on citera ici les collègues qui ont assuré des présidences de séance et participé à la table ronde conclusive : Sofia Boesch Gajano, Philippe Boutry, Sara Cabibbo, Marina Caffiero, Luigi Fiorani, Jacques Le Brun, Mario Rosa, Marc Venard. Une gratitude particulière va à l’École française de Rome, qui a hébergé le colloque et accueille les Actes dans sa collection, et à ses deux directeurs successifs : André Vauchez a suivi ce projet depuis ses origines et l’a soutenu avec un intérêt jamais démenti ; Michel Gras, qui venait de prendre ses fonctions, a accepté d’ouvrir la rencontre. Brigitte Marin, directrice des études d’histoire moderne et contemporaine, a accompagné la préparation de cette rencontre et sa publication avec compétence et sympathie. Bernard DOMPNIER Paola VISMARA

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« TESORO SPIRITUALE DELLA COMPAGNIA » I LIBRI DELLE CONFRATERNITE NELL’ITALIA DEL ‘5001

Durante il ’500 le pubblicazioni a stampa promosse in Italia dalle confraternite dei laici devoti fanno la propria comparsa secondo un andamento assai significativo, che riflette la temperie complessiva della vita religiosa e soprattutto le sue mutazioni nel corso del secolo, dal momento che, almeno nei decenni iniziali, esse rappresentano una sostanziale propaggine delle iniziative da loro intraprese nell’ultimo quarto del ‘400, dopo l’introduzione della stampa a caratteri mobili2. Si trattava peraltro di un numero ridotto di edizioni, che conobbero un moderato incremento nei decenni centrali del secolo, fra 1531 e 1560, assai verosimilmente anche in rapporto con le diverse iniziative di rinnovamento devozionale e pastorale attestate in quegli anni. Successivamente a quella data si registrò, invece, un notevole incremento di tali pubblicazioni a stampa, anche per effetto delle deliberazioni adottate nel corso del Concilio di Trento e dei riflessi che esse ebbero sulle iniziative pastorali di taluni rappresentanti particolarmente significativi dell’episcopato italiano, ai quali il disciplinamento del mondo confraternale apparve senza dubbio un significativo obiettivo della riforma religiosa all’interno della Chiesa cattolica3.

1 La citazione nel titolo corrisponde alle prime parole di un frontespizio, come : Tesoro spirituale della Compagnia della Santissima Concettione della beata Vergine Maria. Nella chiesa di Santa Croce di Firenze, Firenze, Giorgio Marescotti, 1580 (CNCE 15620 : 80, [4] p. ; 16°). 2 Cfr. R. Rusconi, Pratica cultuale ed istruzione religiosa nelle confraternite italiane del tardo medio evo : « libri da compagnia » e libri di pietà, in Le mouvement confraternel au Moyen Âge. France-Suisse - Italie (Actes de la Table Ronde ... Lausanne 9-11 mai 1985), Roma, 1987, p. 133-153. Si veda anche R.M. Dessì, Parola, scrittura e libri nelle confraternite. I laudesi fiorentini di San Zanobi, in Il buon fedele. Le confraternite tra medioevo e prima età moderna, Verona, 1998 (Quaderni di storia religiosa, V), p. 83-105 (che riguarda però i libri manoscritti). 3 Per una presentazione generale si può sempre ricorrere a C. F. Black, Italian Confraternities in the Sixteenth Century, Cambridge, 1989 (trad. it. Le confraternite italiane del Cinquecento, Milano, 1992) Cfr. da ultimo gli studi raccolti in N. Terpstra (a cura di), The Politics of Ritual Kinship. Confraternities and Social

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Se i dati numerici risultano comunque significativi anche sul piano meramente quantitativo4, da soli essi non sono del tutto adeguati a rappresentare la complessità del fenomeno5, che deve essere quindi esaminato per mezzo di un’indagine mirante a mettere in luce le differenti categorie di pubblicazioni a stampa che in maniera diretta ed esplicita fecero capo alle confraternite nel corso del secolo XVI6. Naturalmente, se questi erano i principali libri di lettura a fini di edificazione per i confratelli appartenenti alle associazioni devote dei laici, non lo erano certo in maniera esclusiva7 : alquan-

Order in Early Modern Italy, Cambridge, 2000. Più specifici gli interventi di D. Zardin, Il rilancio delle confraternite nell’Europa cattolica cinquecentesca, in C. Mozzarelli e D. Zardin (a cura di), I tempi del Concilio. Religione, cultura e società nell’Europa tridentina, Roma, 1997, p. 107-144 (che alle p. 110-112 si occupa in particolare dei libri delle confraternite) e Tra chiesa e società ‘laica’ : le confraternite in epoca moderna, in Annali di storia moderna e contemporanea, 10, 2004, p. 529-543. Non esiste per la prima età moderna un repertorio come M. Gazzini (a cura di), Bibliografia medievistica di storia confraternale, in Reti Medievali – Rivista, 5 (2004) [www.dssg.unifi.it/_RM/rivista/biblio/Gazzini.htm]. 4 Per ragioni di natura pratica, a fronte della vastità del potenziale campione di pubblicazioni, si farà riferimento quasi unicamente alle edizioni individuate nel Censimento nazionale delle edizioni italiane del XVI secolo, curato dall’Istituto Centrale per il Catalogo Unico : Le edizioni italiane del 16. secolo. Censimento nazionale, IV : C. Chiesa di S. Barbara – Czernins, Roma, 1996, p. 125-154, num. 5649-5985 (vi si veda anche l’Appendice II, per le forme varianti delle denominazioni, alle p. 276-283), e disponibile anche in rete (http://edit16.iccu.sbn.it). Ad esso rimanda la sigla CNCE, accompagnata dalle indicazioni relative alla consistenza della singola edizione, perché utili a cogliere la fisionomia di una determinata pubblicazione. Per altrettanto evidenti motivi si rinuncia a fornire rinvii bibliografici esaustivi, relativi alle specifiche confraternite nominate nel testo. 5 Per quanto riguarda la distribuzione dei titoli nei rispettivi decenni del secolo XVI, si segnala che una consultazione on line di Edit 16, eseguita nel settembre 2003 e ripetuta nel febbraio 2005, ricercando il termine « confraternita » come autore, ha dato i seguenti risultati : 1501-1510 2 (2) 1551-1560 12 (13) 1511-1521 3 (5) 1561-1570 33 (40) 1521-1530 5 (5) 1571-1580 62 (67) 1531-1540 8 (8) 1581-1590 90 (98) 1541-1550 13 (13) 1591-1600 61 (67) 6 Sul libro religioso nella prima età moderna si vedano E. Barbieri e D. Zardin (a cura di), Libri, biblioteche e cultura nell’Italia del Cinque e Seicento, Milano, 2002, e in particolare E. Barbieri, Fra tradizione e cambiamento : note sul libro spirituale del XVI secolo, p. 3-61. Più in generale si veda U. Rozzo, Linee per una storia dell’editoria religiosa in Italia (1465-1600), Udine, 1993, ma anche U. Rozzo e R. Gorian (a cura di), Il libro religioso, Milano, 2002. 7 Per la significativa analisi di un caso, relativo a una confraternita ambrosiana nel 1566, si veda R. Bottoni, Libri e lettura nelle confraternite milanesi del secondo Cinquecento, in N. Raponi e A. Turchini (a cura di), Stampa, libri e letture a Milano nell’età di Carlo Borromeo, Milano, 1992, p. 247-277.

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to più ampia e articolata poteva essere una proposta religiosa e devozionale affidata alla stampa, ad esempio nelle intenzioni di un prelato riformatore come il cardinale arcivescovo di Milano, Carlo Borromeo8 (1565-1584), oppure nelle direttive indirizzate ai membri delle loro congregazioni devote da parte della Compagnia di Gesù9. Accuratamente rilegato in cuoio dal possessore, Sebastiano Torello10, un esemplare del Libro da Compagnia secondo il nuouo breviario, et ufizio della beata Vergine, riformato dalla santità di n.s. Pio papa quinto, e confermato da n.s. papa Gregorio XIII. Con indulgenze, e con priuilegio del serenissimo Gran Duca di Toscana, pubblicato a Firenze nella stamperia di Bartolomeo Sermartelli nel 157711, rappresenta da molti punti di vista un incrocio singolare degli elementi che, nel corso del secolo, interessarono i libri che le confraternite dei laici devoti fecero stampare a proprio uso. In questo caso ci si collocava all’interno del grande filone delle confraternite dei disciplinati (o battuti), che soprattutto a partire dalla metà del secolo XV avevano costituito un fenomeno associati-

8 Negli Ordini delle Confraternita della Gloriosa Vergine Maria di Consolatione trasferita nella chiesa collegiata di San Stefano in Brolio. Milano, Valerio e Girolamo Meda, 1571, citati in R. Bottoni, Libri e lettura cit., p. 285, si leggeva : « I fratelli che sapranno leggere habbiano alcuni libri spirituali volgari, come l’Essercitio della vita christiana del padre Loarte della Compagnia di Iesu, overo la Guida de’ peccatori del Granata, o simili altri ». 9 Per la circolazione di questo genere di pubblicazioni all’interno delle congregazioni legate alla Compagnia di Gesù si veda D. Zardin, La « pia institutio » dei Gesuiti. Congregazioni, libri di regole, manuali, in M. Hinz, R. Righi e D. Zardin (a cura di), I Gesuiti e la « Ratio studiorum », Roma, 2004, p. 97-137 : specie p. 104-105. Più in generale su questo genere di associazioni dei laici devoti cfr. L. Lazar, The First Jesuit Confraternities and Marginalized Groups in SixteenthCentury Rome, e M. Lewis, The Development of Jesuit Confraternity Activity in the Kingdom of Naples in the Sixteenth and Seventeenth Century, in N. Terpstra (a cura di), The Politics of Ritual Kinship cit., p. 132-149 e p. 210-227. 10 M. A. Visceglia, Carnevali romani : il ritorno e la trasfigurazione dei trionfi antichi, in L. Fiorani e A. Prosperi (a cura di), Roma, la città del papa. Vita civile e religiosa dal giubileo di Bonifacio VIII al giubileo di papa Wojtyl⁄a, Torino, 2000 (Storia d’Italia. Annali, 16), p. 158, nota 183 e p. 159, nota 187, gli attribuisce dubitativamente : Ordine delle feste celebrate in Roma, per Carnevale, nella Piazza di Agone, e di S. Pietro, con la dechiaratione, e significato delli carri che intervennero e degli altri progressi e inventioni, Roma, 1539, e Gli grandi trionfi, feste, pompe et livree fatte dalli Signori Romani per la festa d’Agone, et di Testaccio con il significato de li carri et Imprese che vi erano et il nome di tutte le Arti che intervennero, Roma, 1545. Si veda comunque S. Torello, Il Belissimo ordine tenuto nella solenne e magnanima intrata nella elicissima Città di Roma, dal Serenissimo Gran Duca di Toscana il dì 28 di Febraro, Viterbo, Sebastiano Colaldi, [dopo il 1570] (CNCE 24293). 11 CNCE 15383 ([16] 270 [1] p. : 4°). È stato consultato l’esemplare conservato a Roma, Biblioteca Casanatense (segn. c.XVII.8).

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vo assai vivace, anche per la loro autonomia organizzativa nei confronti delle istituzioni ecclesiastiche e degli ordini regolari (sia pure alquanto parziale sul piano liturgico e sacramentale)12. Si trattava in effetti dell’ennesima riedizione di un manuale, nel senso letterale del termine : vi erano contenuti tutti i rituali, nel cui esercizio si manifestava la dimensione devozionale della confraternita. Ai libri liturgici veri e propri lo assimilavano i caratteri della stampa, dove si alternavano il rosso delle rubriche, in genere in italiano (dal momento che fornivano indicazioni ai fini dell’espletamento del rito), e il nero delle preghiere, rigorosamente in lingua latina13 : in particolare nel momento in cui ci si voleva adeguare alla riforma dell’officiatura liturgica voluta da Pio V e confermata da Gregorio XIII14 – a riprova del fatto che il laicato devoto si allineava, in questo caso, al sequestro biblico operato ai danni delle traduzioni volgari della Bibbia15. Il volume, preceduto da una lettera di dedica in latino al cardinale Alessandro de’ Medici, datata 15 gennaio 1577, ostentava un’autorizzazione del vicario dell’arcivescovo di Firenze Antonio Altoviti, risalente a cinque anni prima. Nel corso del secolo XVI, in effetti, il « Libro da Compagnia ovvero Fraternita dei Battuti » aveva continuato a essere stampato, come era accaduto nell’ultimo quarto del secolo precedente16, e in almeno tredici edizioni : dalla tiratura effettuata da Bartolomeo de’

12 Sui disciplinati in genere e sul ruolo che venne loro assegnato da un prelato riformatore come Carlo Borromeo si vedano almeno D. Zardin, La riforma delle confraternite di Disciplinati in una sconosciuta « Regola della compagnia della Penitenza », in Id., San Carlo Borromeo ed il rinnovamento della vita religiosa dei laici, Legnano (Milano), 1982, p. 7-54 ; Le confraternite bresciane al tempo della visita apostolica di Carlo Borromeo, in San Carlo Borromeo a Brescia (Atti del convegno di Rovato), Rovato (Brescia), 1987, p. 123-151 : specie p. 130-142 ; e più in generale Id., Relaunching confraternities in the Tridentine era : shaping conscience and Christianizing society in Milan and Lombardy, in The Politics of Ritual Kinship cit., p. 198-200. 13 Sull’estensione del controllo censorio all’ambito della preghiera, anche privata, si veda ora G. Caravale, L’orazione proibita. Censura ecclesiastica e letteratura devozionale nella prima età moderna, Firenze, 2003, e in precedenza G. Fragnito, « Dichino corone e rosarii » : censura ecclesiastica e libri di devozione, in D. Montanari (a cura di), La religione della Serenissima, in Cheiron, 17, 2000, num. 33, p. 135-158. 14 Su questa temperie, in cui ebbero luogo la riforma del Breviario (1568), del Messale (1570) e del Martirologio romano (1586), si veda S. Ditchfield, Liturgy, sanctity and history in Tridentine Italy. Pietro Maria Campi and the preservation of the particular, Cambridge (UK), 1995. 15 Si veda soprattutto G. Fragnito, La Bibbia al rogo. La censura ecclesiastica e i volgarizzamenti della Scrittura, Bologna, 1997. 16 Cfr. R. Rusconi, Pratica cultuale ed istruzione religiosa nelle confraternite italiane del tardo medio evo : « libri da compagnia » e libri di pietà cit.

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Libri a Firenze il 7 agosto 1511, un volume in quarto di 84 carte non numerate17, a questo ben più voluminoso esemplare stampato nelle stessa città da Bartolomeo Sermartelli nel 1577, la cui consistenza in maniera significativa arrivava a oltre 270 pagine nel medesimo formato. Le sue riedizioni avevano costellato i decenni del secolo XVI ed erano apparse a stampa nelle principali città italiane18, sottolineando anche nei rispettivi frontespizi il carattere del volume, come il Libro da Compagnia, o ver Fraternita … con l’officio del Sacramento, et con l’officio de la Madonna ordinato per tutto l’anno, e l’officio della Settimana Santa e disteso per ciascun anno19, ovvero il Libro da Compagnia, ouero Fraternita, con l’officio del Santissimo Sacramento, et con l’officio della Madonna ordinato secondo i tempi, e con l’officio della Settimana Santa distinto per i suoi giorni20 (un’edizione contemporanea a Venezia nel 1556 a opera del medesimo editore, gli eredi di Pietro Ravani, sia pure di formato diverso, ad attestare ulteriormente la domanda di un siffatto genere di libro, di certo non esclusivamente locale). A rendere del tutto singolare l’esemplare di Sebastiano Torello, comunque, fu la particolare cura con la quale il possessore del volume, in corrispondenza delle sue specifiche partizioni, si era preoccupato di inserirvi metodicamente un rilevante numero di stampe a carattere devozionale, a evidente complemento visivo delle preghiere che si distendevano sulle pagine del proprio esemplare del libro21. Qualora non si trattasse di opuscoletti ovvero di fascicoli di poche carte, nei libri a stampa delle confraternite era spesso presente un testo iniziale, nel quale si ripercorreva la memoria dei diversi avvenimenti che si erano verificati all’inizio della storia di una specifica associazione. Il più delle volte semplicemente vi si indicava perché si fosse addivenuti a una nuova redazione delle norme che la CNCE 15377 ([84] c ; 4°). Siena 1509 (CNCE 15809) ; Firenze 1511 (CNCE 15377) ; Firenze 1521 (CNCE 15378) ; Venezia 1535 (CNCE 15384) ; Firenze 1539 (CNCE 15379) ; Venezia 1542 (CNCE 15795) ; Firenze 1552 (CNCE 15380) ; Venezia 1556 (CNCE 15385 e 15798) ; Firenze 1563 (CNCE 15382 e CNCE 15381) ; Firenze 1565 (CNCE 55417) ; Bologna 1574 (CNCE 15376) ; Firenze 1577 (CNCE 15383) ; Vicenza 1592 (CNCE 15386). 19 Venezia, eredi di Pietro Ravani e soci, 1556 (CNCE 15798 : 158, [2] c. ; 8°). 20 Venezia, eredi di Pietro Ravani e soci, 1556 (CNCE 15385 : 158, [2] c. ; 4°). 21 Alcune di esse sono state riprodotte in G. Palumbo, I giubilei del Cinquecento tra Riforma e Controriforma, in M. Fagiolo – M. L. Madonna (a cura di), La storia dei giubilei, II : 1450-1575, Firenze, 1998, p. 231-232 e 235, peraltro con l’errata indicazioni di Torello come autore del volume, che derivava da M. L. Cammarata, E. Pannozzo e M. G. Pasqualitti, 1575. Pellegrinaggio spirituale e pellegrinaggio antiquario, in Immagini di giubilei nei secoli XV-XVIII (mostra iconografico-documentaria. Roma, Palazzo Braschi, ottobre 1975), Roma, 1975, p. 34-41. 17 18

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governavano, come accadde nel primo capitolo degli Statuti dell’honorata Compagnia di Santa Maria degl’Angioli di Bologna, pubblicati nel 157822 : « Della caggione, perché si sono mossi gl’huomini della Compagnia a reformare, & di nuovo ordinare questi Statuti », dove appunto ci si limitava a rimandare alla necessità di rivederne i precedenti, che vi si facevano risalire al 1443, alla luce delle più recenti disposizioni ecclesiastiche posttridentine23. Altre volte, magari ad alcuni decenni di distanza, si rievocava un’epoca dei primordi, che nel ricordo veniva descritta come caratterizzata da un clima religioso e da un contesto ben diversi. Nel primo capitolo, « Origine, et principio dell’Archiconfraternità », negli Statuti della vener. Archiconfraternità della morte et oratione di Roma24, pubblicati con l’approvazione del cardinale protettore Federigo Borromeo25, si leggeva : Nell’anno del Signore 1538 alcuni devoti christiani vedendo che molti poveri, li quali o per la loro povertà o vero per la lontananza dal luogo, dove morivano, il più delle volte non erano sepolti in luogo sacro, overo restavano senza sepoltura, & forse cibo de animali, mossi da zelo di carità, & pietà instituirno in Roma una compagnia sotto il titolo della morte, la qual per particolare instituto facesse quest’opera di misericordia tanto pia, et tanto grata alla divina maestà di sepellire i poveri morti. Deliberorno ancora di fare una volta il mese l’oratione continua per spatio di 40 hore, in memoria delle ore, che’l Signor Nostro Iesu Christo doppo la sua morte fu posto nel sepolcro sino alla sua santissima resurretione, le quali opere, sì per la tepidezza delle persone, come anche per la qualità di quelli tempi non havevano preso molto vigore, occorse, che nell’anno del Signore 1551 predicando nella chiesa di Santo Lorenzo in Damaso di Roma nel tempo dell’Advento di Christo un frate cappuccino, cercava detto frate con molta efficatia mostrare quanto fosse devota, & utile cosa la continua oratione. 22 Bologna, Pellegrino Bonardo, [1578] (CNCE 15681 : [20] c. ; 4°). Esemplare consultato : Roma, Biblioteca del Senato della Repubblica (segn. Statuti 1361). 23 Sulla storia di questa confraternita si veda M. Fanti, L’Ospedale di San Procolo o dei Bastardini tra Medioevo e Rinascimento. Da istituzione monastica e confraternale a ente di pubblica assistenza, in I Bastardini. Patrimonio e memoria di un ospedale bolognese, Bologna, 1990, p. 7-38, ora in Id., Confraternite e città a Bologna nel Medioevo e nell’età moderna, Roma, 2001 : cap. 6, p. 515-550. 24 Per questa confraternita si vedano M. Chiabò e L. Roberti, L’arciconfraternita di S. Maria dell’Orazione e della Morte. Inventario dell’Archivio, in Ricerche per la storia religiosa di Roma, 6, 1985, p. 109-174, che alle pagine 159168 danno un fittissimo elenco di aggregazioni di confraternite italiane (e alle p. 168-169 di confraternite estere). Ebbe inizio nel 1538 e venne confermata da Giulio III come « dell’Orazione e Morte » nel 1552. Cfr. anche V. Paglia, La morte confortata. Riti della paura e mentalità religiosa a Roma nell’età moderna, Roma, 1982, p. 49-52. Vedi Repertorio degli archivi delle confraternite romane, in L. Fiorani (a cura di), Storiografia e archivi delle confraternite romane, in Ricerche per la storia religiosa di Roma, 6, 1985, p. 330-332. 25 Roma, Paolo Blado, 1590 (CNCE 15540 : [4], 120, [4] p. ; 4°). Esemplare consultato : Biblioteca Apostolica Vaticana, Stamp. Barb. D. II. 99.

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Per effetto dell’intervento dell’anonimo cappuccino la confraternita riprese decisamente vigore a partire dal Natale di quell’anno26. In realtà, nei cinquantaquattro capitoli che formarono quegli statuti, nei capitoli dal XL al XLV si prescrivevano alcune basilari norme devozionali, ivi compreso l’obbligo di confessarsi ogni mese prima dell’orazione delle quarantore e di comunicarsi ogni volta che ci si fosse confessati27 (forse non vi era da farsi eccessive illusioni sul tasso di osservanza degli statuti da parte dei confratelli, se vi si prevedeva anche una « esclusione » temporanea dalla confraternita per chi non ottemperasse almeno al precetto ecclesiastico della confessione annuale). Alle confraternite dei laici devoti dedicarono una crescente attenzione i vescovi delle diocesi italiane, e non soltanto per motivazioni strettamente legate a problemi di carattere giurisdizionale, ma anche all’interno di una propria politica pastorale : attenti in ogni caso a fare ampio ricorso alle pubblicazioni a stampa per assicurare una maggiore circolazione alle disposizioni da essi adottate. Non stupisce dunque di trovare in tale ambito le precoci tracce dell’intervento di un prelato riformatore, quale Gian Matteo Giberti, il quale a suo tempo aveva dato particolare importanza proprio alla stampa per l’attuazione del suo programma pastorale28. Ad esso si richiamavano le poche carte di un fascicolo pubblicato nel 1578 : Instituttione dell’Opera della Carità di Verona. Introdotta al tempo del reuerendissimo Giberto, et ordini per la conseruatione, et accrescimento della detta opera, aggiunti da monsig. Reuerendiss. Agostino Valerio vescouo pre-

26 Sul ruolo dei frati cappuccini nel promuovere la devozione eucaristica per il mezzo dell’orazione delle quarantore si veda almeno C. Cargnoni, Le quarantore ieri e oggi. Viaggio nella storia della predicazione cattolica, della devozione popolare e della spiritualità cappuccina, Roma, 1986 (anche in L’Italia francescana, 61, 1986, p. 329-460) e C. Cargnoni (a cura di), I frati cappuccini. Documenti e testimonianze del primo secolo, III/2, Perugia, 1991, p. 2895-3163. 27 Sull’importanza della confessione sacramentale nella pastorale postridentina in Italia si vedano A. Prosperi, Tribunali della coscienza. Inquisitori. Confessori, missionari, Torino, 1996, parte seconda ; R. Rusconi, L’ordine dei peccati. La confessione tra Medioevo ed età moderna, Bologna, 2002, cap. VIII ; W. De Boer, The conquest of the soul : confession, discipline, and public order in CounterReformation Milan, Leida, 2001 (trad. it. Torino, 2004). 28 Sul personaggio si veda ancora A. Prosperi, Tra Evangelismo e Controriforma. Gian Matteo Giberti (1495-1543), Roma, 1969 : un cenno alla « Societas Charitatis » alle p. 265-266, con rinvio alla poca bibliografia precedente. Fu istituita nel 1538 e i suoi statuti furono approvati nel 1539. Per le confraternite veronesi durante il suo episcopato cfr. anche A. Fasani, Verona durante l’episcopato di G. M. Giberti, in A. Fasani (a cura di), Riforma pretridentina della diocesi di Verona : visite pastorali del vescovo G. M. Giberti, 1525-1542, Vicenza, 1989, specie p. LXXXVIII, XCIV-XCVI, CVIII-CIX e CXXXIII-CXXXV.

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sente29. La volontà dell’attivo successore30 di richiamarsi all’opera dell’illustre predecessore non era sufficiente a occultare che, ad alcuni decenni di distanza, il clima religioso era davvero alquanto cambiato (come sin dall’intitolazione attestava dal canto suo un altro opuscolo, apparso sempre a Verona l’anno successivo, nel 1579 : Questo è il summario de alcuni priuilegij, gratie, et indulti, con le stationi di tutte le chiese di Roma, concessi alla Compagnia della Charità di Verona31). In effetti, il canone VIII del Decretum de reformatione, approvato nel corso della sessione XXII del Concilio di Trento, il 17 settembre 1562, aveva attribuito ai vescovi il potere di visita anche in relazione alle confraternite laicali, a proposito di « quae ad Dei cultum aut animarum salutem seu pauperes sustentandos instituta sunt »32. Allo scopo di applicare quelle prescrizioni, nel corso del secondo concilio provinciale milanese, nel 1569, il cardinale Carlo Borromeo fece approvare una disposizione, con cui si stabiliva che i vescovi erano tenuti a visitare le confraternite dei disciplinati, esaminandone le costituzioni e i libri di meditazione33. In quella occasione si annunciava anche la pubblicazione di una regola generale, cui esse avrebbero dovuto conformarsi, e che puntualmente apparve a stampa, dopo l’approvazione da parte di papa Gregorio XIII nel 1572 : Regola delle Confraternita de i Disciplinati, per decreto del Concilio prouincial secondo di Milano. Riformata d’ordine di monsignor ... Borromeo arciuescouo34. Nella strategia pastorale del cardinale arcivescovo di Milano assai per tempo erano rientrate le confraternite35 : Verona, Sebastiano e Giovanni Dalle Donne, 1578 (CNCE 15555 : [8] c. ; 4°). Sulla sua attività pastorale in diocesi si vedano Agostino Valier, Visite pastorali a chiese della diocesi di Verona, anni 1565-1589 (trascrizione dei Registri XIII-XIV delle visite pastorali), Verona, 2001, e alcuni accenni alle confraternite in L. Tacchella e M. M. Tacchella, Il cardinale Agostino Valier e la riforma tridentina nella diocesi di Trieste, Udine, 1974, p. 75-77. 31 Verona, Sebastiano e Giovanni Dalle Donne, 1579 (CNCE 15556 : 19, [5] p. ; 8°). 32 G. Alberigo et alii (a cura di), Conciliorum Oecumenicorum Decreta, Bologna, 1973, p. 740. 33 Cfr. Acta Ecclesiae Mediolanensis, a cura di A. Ratti, Milano, 1890-1897 (3 vol.). Furono ripetutamente stampati dagli editori Da Ponte a Milano fra 1582 e 1583, e anche dopo la morte del cardinale. I passi relativi alle confraternite sono ampiamente citati in R. Bottoni, Libri e letture nelle confraternite milanesi cit. 34 Milano, Pacifico Da Ponte, 1573 (CNCE 15396 : [4] , 30, [6] p. ; 4°). Esemplare consultato : Roma, Biblioteca del Senato della Repubblica (segn. Statuti 1436). 35 Cfr. D. Zardin, Relaunching Confraternities in the Tridentine Era : Shaping Conciences and Christianizing Society in Milan and Lombardy cit., p. 190-209. Sulla politica editoriale del cardinale arcivescovo, nella quale rientravano anche le pubblicazioni a stampa concernenti le confraternite laicali, si veda il documentato studio di C. Di Filippo Bareggi, Libri e letture nella Milano di san Carlo Borromeo, in N. Raponi e A. Turchini (a cura di), Stampa, libri e letture cit., p. 39-96. 29

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già anni prima erano stati pubblicati gli Ordini della Compagnia della Charita per le parochie della citta & diocesi di Milano36, mentre alcuni anni dopo i medesimi editori arcivescovili stampavano le Constitutioni et regole della Compagnia, et scuole della Dottrina Christiana fatte dal cardinale Santa Prassede, arciuescouo di Milano37. Dal canto suo un altro influente prelato, a sua volta protagonista della riforma tridentina, il cardinale arcivescovo di Bologna Gabriele Paleotti38, nell’arco di quasi un ventennio metteva in circolazione a stampa le norme da lui dettate per le compagnie del Santissimo Sacramento della propria diocesi, a partire dalle sommarie Ordinationi fatte per lo buon gouerno delle Compagnie del Santissimo Corpo di Christo, nella città, & diocesi di Bologna. D’ordine di monsignor illustrissimo, et reuerendissimo cardinale Paleotti vescouo di Bologna39, e ciò soltanto un anno dopo che le ordinazioni sinodali del 1566 ne avevano previsto l’istituzione in ogni parrocchia della diocesi. Un potente impulso alla percezione del proprio « tesoro spirituale » venne dalla trasformazione di talune confraternite romane in « arciconfraternita », alla quale si collegavano diverse confraternite di altre città40, con la medesima intitolazione devozionale (a volte con adattamenti e aggiunte) : in particolare, dopo la celebrazione dell’anno santo del 1575, che sanciva il trionfo devozionale del cattolicesimo romano e favoriva, per il tramite del pellegrinaggio alla sede papale di Roma, un collegamento diretto tra le diverse associazioni devote41. Appare difficile sottovalutare la portata di un siffatto Milano, Giovanni Battista Da Ponte, 1566 (CNCE 15547 : [8] c. ; 8°). Milano, Pacifico Da Ponte, 1585 (CNCE 15588 : [4], 122 c. ; 4°). Esemplare consultato : Roma, Biblioteca Casanatense (segn. *i.VI.8). 38 Si veda sempre P. Prodi, Il cardinale Gabriele Paleotti (1522-1597), Roma, 1959-1967 (2 voll.), e per le confraternite in particolare vol. II, p. 179-191. Alle confraternite e alle altre istituzioni pie fu dedicata, alle p. 345-428, la quarta parte dello Archiepiscopale Bononiense siue De Bononiensis ecclesiae administratione auctore Gabriele Palaeoto S.R.E. cardinali. Continent hic liber non solum praecipuas, ac necessarias episcopalis officij functiones, sed etiam continuatam quandam praxim bononiensis ecclesiae gubernandae, ex sacri Tridentini Concilij decretis. Opus septem partibus distributum. Ad usum cleri, populique Bononiensis, Roma, Luigi Zanetti, 1594 (CNCE 23369). 39 Bologna, Giovanni Rossi, 1567 (CNCE 15470 : [24] c. ; 4°). Ristampate nella medesima città, sempre da Alessando Benacci, nel 1572 (CNCE 15471 : [24] c. ; 4°), nel 1578 (CNCE 15472 : 15 [i.e. 14] c. ; 4°) e nel 1584 (CNCE 15474 : 34 p. ; 4°). 40 Cfr. R. Rusconi, Confraternite, compagnie e devozioni, in G. Chittolini e G. Miccoli (a cura di), La Chiesa e il potere politico, Torino, 1986 (Storia d’Italia. Annali, 9), specie p. 489-490. 41 Su questo giubileo si veda in particolare G. Palumbo, I giubilei dei Cinquecento tra Riforma e Controriforma cit., specie p. 230-237. Un cenno anche 36 37

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nuovo genere di relazioni fra le associazioni confraternali : « Su ogni piega delle sue sfaccettate articolazioni si stendeva la forza attrattiva delle più robuste e prestigiose « arciconfraternite » della sede papale, proiettate ai vertici della scala gerarchica dal loro legame di vicinanza con il fulcro di governo della cristianità romana, saldamente munite dei loro invidiabili privilegi spirituali e con il loro bagaglio di indulgenze in via di crescita continua »42. Con gli Statuti della venerabile Archiconfraternita della Santissima Trinità de’ Pellegrini, & convalescenti, nuovamente riformati, & stampati, a Roma nel 157843, si pubblicava un volume a stampa di piccole dimensioni, ma di circa 140 pagine, frutto di una revisione statutaria affidata a un’apposita commissione il 21 luglio 1577, e ciò anche per effetto dell’innegabile successo ottenuto appunto nel corso del giubileo del 157544. Divisi in tre libri, preceduti da un lungo testo, in cui si tracciava una storia molto impegnativa della confraternita stessa45, vi si presentava ai confratelli una precisa proposta di vita spirituale, all’interno di un orientamento strettamente gerarchico e sacramentale : Nel secondo, si ragiona dell’opere spirituali, & di quelle, che s’hanno da essercitare nel culto divino, & Chiesa, & dell’Oratorio, & como debbano regin I. Fosi, Fasto e decadenza degli anni santi, in L. Fiorani e A. Prosperi (a cura di), Roma, città del papa cit., p. 796 e 807-808. 42 D. Zardin, La « pia institutio » dei Gesuiti cit., p. 102, che rinvia ai vasti contributi curati da L. Fiorani, Le confraternite romane : esperienza religiosa, società, committenza artistica, in Ricerche per la storia religiosa di Roma, 5, 1984, e Storiografia e archivi delle confraternite romane cit. (per le confraternite romane si veda inoltre D. Rocciolo, Gli archivi delle confraternite per la storia dell’assistenza a Roma in età moderna, in Mélanges de l’École française de Rome. Italie et Méditerranée, 111, 1, 1999, p. 345-365) 43 Roma, eredi di Antonio Blado, 1578 (CNCE 15630 : [8], 138, [1] p. ; 4°). È stato consultato l’esemplare della Biblioteca Angelica di Roma (segn. Z.12.11). 44 Nel « Libro terzo », l’intero capitolo X tratta « Della forma tenutasi nell’albergare i Pellegrini sotto Gregorio XIII Pont. Mass. L’Anno del Santissimo Giubileo MDLXXV » (p. 85-93). Cfr. M. Borzacchini, Un tipo di assistenza ai poveri nel ‘500 : l’arciconfraternita della SS. Trinità dei Pellegrini e Convalescenti (XVIXIX secolo), in Storia e politica, 21, 1982, 363-409 ; L. Fiorani, Gli anni santi del Cinque-Seicento e la confraternita della SS. Trinità dei Pellegrini, e J. Delumeau, Movimenti di pellegrini e assistenza nel Cinquecento, in M. Fagiolo e M. L. Madonna (a cura di), « Roma sancta ». La città delle basiliche, Roma, 1985, p. 85-90 e 91-100. Si vedano gli ampi dati sulle aggregazioni di altre confraternite forniti da L. Cajani, Lungo le strade che portavano a Roma : le confraternite aggregate all’arciconfraternita della SS. Trinità dei Pellegrini e dei Convalescenti (XVI-XIX secolo), in A. Monticone (a cura di), Poveri in cammino. Mobilità e assistenza fra Umbria e Roma in età moderna, Roma, 1993, p. 339-408. 45 « Il principio et successo dell’Archiconfrat. della Santissima Trinità » (p. 111). Su questa confraternita si veda M. Borzacchini, Il patrimonio della Trinità dei Pellegrini alla fine del Cinquecento, in Ricerche per la storia religiosa di Roma, 5, 1984, p. 237-260 (con indicazione della scarsa bibliografia precedente).

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gersi, & governarsi, & de’ fratelli, & sorelle come s’ammettano, & nella fine s’instituisce il modo d’aggregare le Compagnie forastiere, et quello che debba usarsi dalli due secretarii deputati a questo effetto.

In questo secondo libro, in effetti, i capitoli degli statuti erano dedicati, nell’ordine, alla Chiesa e ai suoi ministri ; al predicatore della compagnia ; alla confessione ordinaria mensile ; alla comunione ordinaria mensile ; alla preghiera delle Quarantore ; alle processioni (dal VI al X) ; all’Oratorio della confraternita (dal XII al XIV). Le numerose confraternite a carattere eucaristico costituirono un tratto peculiare dell’Europa cattolica, per la centralità che alla devozione fu attribuita nell’ambito dell’opposizione ai protestanti46. Si trattava spesso di associazioni laicali che avevano avuto origine nel contesto della promozione del culto eucaristico avvenuta nell’ultima parte del secolo XV47, e che talora si limitarono a ristampare soltanto le poche carte dei propri statuti, come avvenne ripetutamente nel giro di pochi anni, tra 1563, 1566 e 1572, per la Confraternita del SS. Sacramento in S. Feliciano a Foligno48. Nell’ultima ristampa il frontespizio si faceva alquanto esplicito nell’indicare le pretese religiose di quelle paginette : Capitoli et osseruationi de quelli che volessero intrare ne la Confraternita del Santissimo Corpo di Christo : li quali se debbiano osseruare nello infrascritto modo, e forma, & chi non osseruasse non cascha in pena di peccato mortale : ma nelle pene infrascritte, fatti & ordinati dal reuerendo padre predicatore frate Francesco da Capranica, nell’anno del Signore 1497. Con l’aggiuntione de certi capitoli sopra la biastemma de Dio, della Madonna, & de santi, per il reuerendo padre predicatore frate Bernardino de Lionardo da Fuligno, nell’anno del Signore 1498 e ristampati nell’anno 157249.

A dire il vero, un poderoso incentivo alle confraternite eucaristiche era venuto al tempo del pontificato di Paolo III (1534-1549), come confermano i diversi opuscoli fatti stampare dalle confraterni-

46 Cfr. ad esempio D. Zardin, Confraternite e vita di pietà nelle campagne lombarde tra ‘500 e ‘600, Milano, 1981, cap. II. 47 Si veda ancora il vecchio volume di G. Barbiero, Le confraternite del Santissimo Sacramento prima del 1539, Vedelago (TV), 1941. 48 Foligno, Vincenzo Cantagalli, 1563 (CNCE 57337 : [8] c. ; 8°) ; Foligno, Agostino Colaldi e Vincenzo Cantagalli, 1566 (CNCE 15497 : [4] c. ; 4°) ; Foligno, Vincenzo Cantagalli, 1572 (CNCE 15498 : [4] c. ; 4°). 49 Sui personaggi menzionati negli statuti, i francescani osservanti Francesco da Capranica e in particolare Bernardino (Bonavoglia) da Foligno, si veda M. Sensi, Predicazione itinerante a Foligno nel sec. XV, in Picenum Seraphicum, 10, 1973, p. 189-193, doc. 45-46 (e anche G. Grandinetti, La predicazione francescana osservante in Italia fra il 1484 ed il 1507 attraverso un manoscritto della Biblioteca Comunale di Foligno, in Ephemerides liturgicae, 105, 1991, p. 376-385).

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te del SS. Sacramento di Firenze50, di Pavia51 e di Perugia – quest’ultima significativamente ridenominata, all’evidente scopo di associare all’antica intitolazione il nuovo obiettivo devozionale : Summario delle indulgentie della s. di n.s. papa Paulo terzo date alla Confraternita del Santiss. Corpo di Christo e de Santo Ioseppe. Nella cappella di san Ioseppe nella chiesa Cathesdale di Perusina52. Lo stesso pontefice aveva in effetti istituito una compagnia eucaristica presso la basilica di S. Pietro in Roma nel 154853, i cui statuti erano stati redatti in latino, verosimilmente per conferire loro maggiore autorità e forse per consentire ad essi una circolazione non limitata all’Urbe e all’Italia : Statuta siue Constitutiones Societatis Corporis Christi, in basilica Sancti Petri de Vrbe, sub Paulo III ad excitandam populi deuotionem erecte54. Essi furono peraltro pubblicati anche in italiano, verosimilmente con il fine di suscitare una più ampia adesione : Statuti o ver Constitutioni della Compagnia del Santissimo Sacramento, eretta nella chiesa di San Pietro in Roma sotto Paolo III ad eccitare la deuotione del popolo55. Se prima della ricorrenza del Giubileo del 1575 un’omonima confraternita romana si era ripetutamente preoccupata di mettere a stampa, a partire almeno dal 154256, soltanto le norme che la regolavano, ovvero Li Capituli, statuti, et ordinationi della venerabile Compagnia del Sacratissimo Corpo di Christo, posta nella chiesa di

50 Capitoli et ordinationi della pia et vniuersale Compagnia del Sacratissimo Corpo & Sangue di Ghristo Giesu … nuouamente fondate nella chiesa di Santa Maria Nouella .. membro della Compagnia di Roma di Roma della chiesa di Santa Maria sopra la Minerua concessa dalla s. di n.s. papa Paulo terzo. Firenze, s.n., [circa 1540] (CNCE 15514 : [4] c. ; 4°). 51 Sommario di tutti i priuilegi … & altre gratie spirituali & temporali, concesse da varij & sommi pontefici, & di nouo confirmate dal s. nostro papa Paolo terzo, alla Fraternita del S. Sacramento del Corpo del Nostro Signore Giesu Christo di Pauia & sua diocesi. Pavia, Giovanni Maria Simonetta, 1545 (CNCE 15485 : [32] c. ; 8°). 52 [Perugia, Girolamo Cartolari, 1542] (CNCE 15499 : [12] c. ; 8°). Cfr. O. Marinelli, Le confraternite di Perugia dalle origini al secolo XIX, Perugia, 1965, p. 472-577. 53 Cfr. Repertorio degli archivi cit., p. 382-383. 54 [Roma, Antonio Blado ?, non prima del 1548] (CNCE 15507 : [8] c. ; 4°). 55 Roma, Antonio Blado, [non prima del 1548] (CNCE 15508 : [8] c. ; 4°). 56 Roma, Stefano Nicolini da Sabbio, 1542 (CNCE 15515 : [20] c. ; 4°). Si veda anche una successiva ristampa : Roma, snt [Antonio Blado ? Valerio e Luigi Dorico ?], prima del 1549 (CNCE 15516 : [4] c. ; 4°). Si ripubblicarono a Roma nel 1561, ad opera di Antonio Blado, di nuovo nelle due lingue : in italiano (CNCE 15520 : [36] c. ; 4°) e in latino (CNCE 15519 : [16] c. ; 4°). Si veda anche la Bulla piae, ac vniuersalis Societatis Sacratissimi Corporis Domini Nostri Iesu Christi, in Sacra Aede super Mineruam, Ordinis fratrum praedicatorum institutae, Roma, snt [Antonio Blado ? Valerio e Luigi Dorico ?, 1550] (CNC 15518 : [8] c. ; 4°).

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S. Maria sopra Minerua della città di Roma (istituita nella principale chiesa domenicana dell’Urbe57), in seguito la medesima compagnia porrà a più riprese in circolazione il proprio vasto patrimonio indulgenziale, certo a favore dei propri confratelli, ma anche di quante altre confraternite, anche non romane, si sarebbero volute associare ad essa : Summario delle gratie … priuilegii concesse dalla fe. me. di papa Paolo III, Alla venerabile Archiconfraternita del Santissimo Sacramento eretta nella chiesa di Santa Maria sopra Minerua dell’alma citta di Roma58. Il grande formato della stampa, in un foglio unico, faceva ovviamente pensare a una sua programmatica affissione59. Promossa dal frate domenicano Tommaso Stella, attivo oppositore delle novità religiose d’oltralpe e in tale contesto promotore della pietà eucaristica, la confraternita raccoglieva le esperienze religiose di precedenti sodalizi e radunava aderenti in tutte le parrocchie della città. Il tenore del proemio alla prima edizione dei suoi statuti indicava gli orientamenti sulla base dei quali essa, con l’elevazione ad arciconfraternita, avrebbe costituito un punto di riferimento per la pietà controriformistica di quante in seguito vi si sarebbero aggregate60. Nemmeno è da trascurare poi il ruolo dei vescovi della riforma tridentina nel promuovere un orientamento a favore della devozione eucaristica, sulla scia dei maggiori esempi, rappresentati da Carlo Borromeo a Milano e da Gabriele Paleotti a Bologna. A Pavia nel 1574 il vescovo Ippolito de’ Rossi faceva dal canto suo ripubblicare un opuscolo edito tre decenni prima : Libro delle indulgenze, e priuilegi concessi alla veneranda Compagnia del Santissimo Corpo del Nostro Signor Iesu Christo da molti sommi pontefici, & specialmente da papa Paulo III & Giulio III. Ristampato d’ordine del …monsignor Hippolito de Rossi vescouo di Pauia61.

57 Repertorio degli archivi cit., p. 393-396. Su di essa si veda più ampiamente, L. Fiorani, L’esperienza religiosa cit., p. 169-172. 58 Ne sono note almeno due edizioni, pubblicate a Roma, presso gli eredi di Antonio Blado, non prima del 1572 [CNCE 15521 (1 foglio ; atl.) e CNCE 15522 (1 foglio ; atl.)]. 59 Si veda anche il Sommario delle indulgenze et gratie perpetue concesse da Sommi Pontefici, alli confrati della Venerabile Compagnia del Santissimo Corpo di Christo, eretta nella Chiesa di S. Maria sopra la Rotonda di Roma, Roma, Paolo Blado, 1592 (CNCE 57080 : 1 foglio). 60 Il testo del proemio è riportato e commentato in L. Fiorani, L’esperienza religiosa cit., p. 170-171, che sul ruolo del domenicano e sulla confraternita torna anche in Id., « Charità et pietate » cit., p. 462-464. 61 Pavia, Girolamo Bartoli, 1574 (CNCE 15484 : [39] c. ; 8°). Sulle confraternite a Pavia al tempo di Ippolito de’ Rossi si veda X. Toscani (a cura di), Visite pastorali in diocesi di Pavia nel Cinquecento. Una documentazione guadagnata alla storia, Bologna, 2003, p. 173-187 (p. 176-177 per le confraternite del SS.mo

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Dopo la data del Giubileo del 1575 si moltiplicarono i titoli di un tal genere di pubblicazioni confraternali, come nell’opuscolo apparso a Venezia già nel 1576 : Indulgentie, gratie, et stationi di tutta Roma, concesse alle confraternità del pretiosissimo corpo del nostro signor Giesu Christo62, oppure a Mantova nel 1578 : Indulgentie, gratie e stationi di tutta Roma, concedute a tutte le Confraternità, ouero scole del Santissimo Sacramento. Approuate, & aumentate da molti sommi pontefici sin a questi tempi63 (peraltro preceduti da un altro opuscolo, apparso a Como nel 1573 : Summario de le gratie, indulgentie, et remissioni. Di nuouo concesse, et confermate per … papa Paolo III & Giulio III alla Santa Compagnia, & scuola del santissimo Sacramente. Quale nuouamente è stata instituita in Roma, nel monasterio di S. Maria detta Minerua, et successiuamente alla chiesa Cathedrale di Como64, che rimandava chiaramente alla prassi dei decenni precedenti). Ancora una volta si trattava magari di un solo foglio, in formato atlantico, riprodotto a evidenti fini promozionali, come quello che la confraternita del SS. Sacramento in S. Pietro di Reggio Emilia fece dal canto suo stampare per mettere in circolazione un Sommario dell’indulgenze, et gratie, concesse dalla santità di n.s. Gregorio papa XIII all’Archiconfraternita della Santiss. Trinità di Roma … le qual’indulgenze gode la Compagnia del Santiss. Sacramento della parochial chiesa di S. Pietro di Reggio65. Un siffatto orientamento giungeva a una sorta di suo epilogo con la pubblicazione di un libretto, ormai della consistenza di parecchie decine di pagine, promossa nel 1594 dalla confraternita del SS. Sacramento di Trecate : Compendio delle gratie, indulgentie, et priuilegii concessi da diuersi pontefici. Alla venerabile Archiconfraternità del Santiss. Sacramento, eretta nella chiesa di S. Maria sopra Minerua dell’alma città di Roma, e alla Confraternità dil Santiss. Sacramento, posta nella Chiesa Maggiore di Treca diocese di Nouara suo membro66, in quella diocesi di Novara di cui fu vescovo dal 1593 al 1615 il barnabita Carlo Bascapé67.

Sacramento e del S. Corpo di Cristo), e sull’azione pastorale del vescovo ancora V. L. Bernorio, La Chiesa a Pavia nel secolo XVI e l’azione pastorale del cardinal Ippolito de’ Rossi (1560-1591), Pavia, 1971, p. 309-332. 62 Venezia, al segno dell’Ercole, 1576 (CNCE 53098 : 23, [1] c. ; 12°). 63 Mantova, Francesco Osanna, 1578 (CNCE 40699 : [24] c. ; 8°). 64 Milano, Pacifico Da Ponte, 1573 (CNCE 15490 : [11] c. ; 4°). 65 Reggio Emilia, Ercoliano Bartoli, [non prima del 1576] (CNCE 15505 : 1 foglio ; atl.). 66 Novara, eredi di Francesco Sesalli, 1594 (CNCE 12899 : 63 p. ; 4°). 67 Per un indice della confraternite esistenti in diocesi di Novara intorno al 1590 si veda P. G. Longo, Per uno studio delle confraternite novaresi, in Novarien., 5, 1973, p. 60-109.

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Quanto alle modeste e limitate modalità di espressione di una pietà eucaristica configurata in tal modo, senza dubbio appaiono alquanto indicative le scarne prescrizioni contenute nell’opuscolo degli Statuti della Venerabile Compagnia de’ Santi Dodici Apostoli di Roma68 : stampati dopo la promulgazione dei decreti tridentini, al capitolo XI trattavano « Dell’elettione et offitio delli due custodi del Santissimo Sacramento », portato in processione ogni ultima domenica del mese oppure recato al letto degli infermi, e al capitolo XXX, « Della confessione, et communione », invitavano i confratelli a comunicarsi almeno una volta al mese, con l’esortazione finale che « nel confessarsi, & communicarsi ogniuno sia libero di andare ove li piace, ma bene si essortano a trovarsi insieme più che si può, per mostrarsi così uniti nella communione, come si mostrano anche nel resto ». Con modalità nella sostanza non diverse, nelle differenti città italiane in cui confraternite locali gradualmente erano state affiliate all’Arcispedale di S. Spirito in Sassia a Roma69, facevano la loro comparsa a stampa libretti sul genere dei « compendi dei privilegi », in particolare dopo un’intervenuta conferma da parte di papa Sisto V, come il Compendio delli priuilegii … et indulgenze, concesse da diuersi pontefici all’Archispedale di S. Spirito in Sassia di Roma, e alla Confraternità della chiesa di S. Vito di Somma, diocesi di Milano, suo membro. Con la confirmazione di n.s. Sisto V70, oppure il Compendio de’ priuilegi, esentioni, et indulgenze da diuersi sommi pontefici concessi all’Archiospitale di Santo Spirito in Sassia di Roma, & suoi membri. Et alli confrati della Confraternita et oratorio di S. Marta, e S. Maria Maddalena della città di Lucca, al detto archiospedale aggregati71, entrambi stampati nel 1587 (e anche a Novara, per la Confraternita di S. Spirito in S. Bartolomeo nel 159072, e a Bologna per la Confraternita di S. Maria Maddalena in S. Onofrio della Mascarella, nel 159273). 68 Roma, eredi di Antonio Blado, 1573 (CNCE 15406 : [14], 20 [i.e. 22] p. ; 4°). La citazione è a p. 18. Esemplare consultato : Roma, Biblioteca nazionale centrale (segn. 31.4.D.23. int. 2). Sulla confraternita si veda Repertorio degli archivi cit., p. 277-279. 69 Si veda Repertorio degli archivi cit., p. 399-400, con ampi riferimenti alla bibliografia precedente. 70 Milano, Pacifico Da Ponte, 1587 (CNCE 15703 : 32, [8] p. ; 8°). 71 Lucca, Vincenzo Busdraghi, 1587 (CNCE 15638 : [28] c. ; 8°). Cfr. A. Bideleux, Devozione popolare e confraternite nella Lucca del ‘500, in Città italiane del ‘500 tra Riforma e Controriforma, Atti del Convegno internazionale di studi. Lucca, 13-15 ottobre 1983, Lucca, 1988, p. 165-180. 72 Novara, Giovanni Battista Sesalli e fratelli, 1590 (CNCE 15702 : [26] c. ; 8°). 73 Compendio delli priuilegii ... & indulgenze. Concesse da diuersi sommi pontefici, all’Archihospitale di S. Spirito in Saxia di Roma, et suoi membri, con la confirmatione della santa memoria di Gregorio XIII et di Sisto papa V e la riforma del

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Nel 1585 fu stampato a Roma un opuscoletto in quarto, di appena sei carte non numerate, nel quale veniva riprodotta a piena pagina, la Vita et martirio di S. Eleuterio vescouo, et di S. Ginesio caualiere, martiri romani. Come si trouan in Simone Metafraste, & ne gli antichi libri scritti a mano, a’ quali conformano i vecchi martirologi di Beda, Usuardo, Adone, & anco li moderni74. Come recitava la parte restante del suo lungo frontespizio, era stata tradotta dalla lingua latina in italiana, dal R. M. Pietro Fuluio dottore, & sacerdote romano, un ecclesiastico chiaramente legato in maniera alquanto stretta al mondo confraternale, per ordine della venerabile Archicompagnia della Pietà de’ carcerati di Roma, alla quale la santità di N.S. Sisto papa quinto ha concessa la chiesa di S. Giovanni del Rione Pigna nella quale sono li corpi di essi santi. Eretta nel 1575 per iniziativa di un gesuita, il normanno Jean Tellier, la compagnia fu autorizzata da papa Gregorio XIII nel 1579 e ricevette il titolo di arciconfraternita, anche se l’approvazione degli statuti ebbe luogo soltanto nel 1582 : « l’assistenza svolta dalla confraternita comprendeva un aiuto spirituale (confessioni, sacramenti, conversazioni religiose, diffusione di libri devoti), e quello più genericamente sociale »75. In tale circostanza ci si trovava di fronte a un risvolto di politica editoriale, all’interno del mondo confraternale, che andrebbe ulteriormente indagato, dal momento che non si trattava affatto di un caso isolato. Oltre a quanto già segnalato a proposito della dotazione libraria di una confraternita milanese per il 156676, e della letteratura pubblicata per essere indirizzata alle congregazioni legate alla Compagnia di Gesù77, basterebbe pensare ai testi a stampa destinati ai « confortatori » per l’espletamento del loro ufficio a favore dei condannati a morte78. Si trattava di opuscoli redatti talora da personaggi significativi della riforma cattolica, come il reatino Tullio Crispolti, collaboratore di Gian Matteo Giberti (Interrogatorio del

Concilio di Trento. Concessa alla Confraternita di S. Maria Maddalena nell’hospitale di S. Onofrio nella Mascarella. Raccolte per m. Lorenzo Pedrini, Bologna, Vittorio Benacci, 1592 (CNCE 15700 : 82, [1] c. ; 12°). 74 Roma, Giacomo Ruffinelli, 1585 (CNCE 48311 : [6] c. ; 4°). È stato consultato l’esemplare della Biblioteca nazionale centrale di Roma (segn. 6.41.E.46.4). 75 Su di essa si veda Repertorio degli archivi cit., pp. 228-230 (la citazione è a p. 229). Nella bibliografia ivi indicata si segnalano in particolare l’estratto della dissertazione di V. Paglia, L’Arciconfraternita della Pietà dei Carcerati : contributo alla storia religiosa e sociale di Roma nei secoli XVI-XVIII, Roma, 1979, e dello stesso « La pietà dei carcerati ». Confraternite e società a Roma nei secoli XVI-XVIII, Roma, 1980, specie p. 75-103. 76 R. Bottoni, Libri e lettura cit. 77 Cfr. D. Zardin, La « pia institutio » cit. 78 Cfr. A. Prosperi, Il sangue e l’anima, Ricerche sulle compagnie di giustizia in Italia, in Quaderni storici, 17, 1982, 51, p. 960-999.

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maestro al discipulo per instruir gli fanciulli & quelli che non sanno nella via di Dio con bellissime ragioni da confortare quelli che sono vicini a la morte & massime per giustizia raccolte da m. Tullio Crispoldo da Riete79), oppure da un penitenziere nella basilica di S. Maria Maggiore a Roma, il domenicano fiorentino Zenobio de’ Medici (Trattato vtilissimo in conforto de condennati a morte per via di giustitia. Composto dal venerabile generoso frate Zanobi de Medici fiorentino, dell’ordine de Predicatori80) ovvero da un nobile palermitano, Baldassarre Bologna, autore di un voluminoso Conforto dei giustiziandi a morte per quei tre dì che stanno nella cappella dei Bianchi81, stampato quasi alla fine del secolo XVI per i membri della palermitana Confraternita dei Bianchi del Crocifisso82. Prima dell’esplodere di una sorta di accumulazione indulgenziale, particolarmente incentivata a partire dagli ultimi decenni del secolo XVI, a volte per il tramite degli statuti si proponeva ai confratelli un modello di intensa vita devozionale : certo fatta di scarni adempimenti e caratterizzata dalla ripetizione di semplici preghiere, come appariva dalle poche carte non numerate delle Regole, e constituttioni da osseuarsi da tutti quelli, li quali saranno aggregati nella Compagnia delli Poueri, eretta sotto la protettione della Regina delli Cieli, posta nella strada della Nosadella, la quale fu fondata l’anno del salutifero parto di Maria Vergine MDLXXVII di marzo83, e venne approvata con breve apostolico di papa Gregorio XIII il 17 maggio 1577. Vi si prevedeva che, al momento di entrare nella confraterni-

79 Brescia, Lodovico Britannico, 1556 (CNCE 51730 : [30] c. ; 8°). Sul personaggio si veda sempre P. Pavignani, Tullio Crispoldi da Rieti e il suo sommario di prediche, in Rivista di storia della Chiesa in Italia, 28, 1974, p. 536-562, e più in particolare un cenno di L. Fiorani, Discussioni e ricerche sulle confraternite romane negli ultimi cento anni, in Ricerche per la storia religiosa di Roma, 6, 1985, p. 80, a proposito di Alcune ragioni, da confortare coloro che per la giustizia pubblica si trovano condannati a morte, Ancona, Astolfo Grandi, 1572. 80 (Roma, Valerio Dorico, 1565) (CNCE 34254 : [1], 91 p. ; 4°). Se ne veda anche una ristampa : Trattato vtilissimo in conforto de condennati a morte per via di giustitia. Composto dal venerabile religioso frate, Zanobi de Medici fiorentino, dell’ordine de Predicatori. Con la giunta de l’essortatione da farsi al condennato, & altre oratione, Ancona, Astolfo Grandi, 1572 (CNCE 34488 : 48, [8] c. ; 4°). 81 Palermo, Giovanni Antonio de Franceschi, 1599 (CNCE 6756 : [8], 256, [3] p. ; 8°). 82 Per il testo dei suoi Capitoli, sempre più voluminosi, pubblicati negli anni 1542, 1561, 1572, 1579 e 1598, si vedano : CNCE 15387, 15388, 15389, 15390 e 50983. 83 Bologna, Giovanni Rossi, 1577 (CNCE 15405 : [10] c. ; 4°). È stato consultato l’esemplare della Biblioteca del Senato a Roma (segn. Statuti 2023), da cui sono tratte le citazioni. Cfr. M. Fanti, La chiesa e la Compagnia dei Poveri di Bologna. Una istituzione di mutuo soccorso nella società bolognese fra il Cinquecento e il Seicento, Bologna, 1977, ora in Id., Confraternite e città a Bologna cit., p. 175-303.

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ta, venisse fatta una confessione generale, e che in seguito ci si comunicasse a Natale e a Pasqua – anche se si aggiungeva : « e quanto più si frequentassero questi santissimi sacramenti, tanto più giovevole sarìa alle anime loro ». Vi si prescriveva che i confratelli recitassero ogni giorno tre Pater e tre Ave inginocchiati dinnanzi a un’immagine sacra, e che sempre ogni giorno recitassero anche cinque Pater e cinque Ave in memoria delle cinque piaghe del Signore. Almeno una volta alla settimana doveva essere recitata la « corona di Maria » e al passaggio di fronte a un’immagine mariana le doveva essere rivolta un’ulteriore Ave Maria (in verità, i confratelli erano invitati a comportarsi in maniera analoga con le immagini dei santi e con la croce) : l’Ave Maria doveva essere recitata anche al mezzogiorno e alla sera. I confratelli erano tenuti a recitare preghiere anche quando si sedevano e si levavano da tavola e a pregare quotidianamente per gli agonizzanti e per i defunti : soprattutto, poi, dovevano partecipare alle esequie dei confratelli e alle preghiere in loro suffragio. Era prevista inoltre una pubblica processione dei confratelli ogni prima domenica del mese, che veniva effettuata cantando inni e recitando il Rosario. Altre prescrizioni erano costituite dallo specifico impegno di dare in elemosina almeno due quattrini al giorno e dall’obbligo a digiunare il venerdì. Come ben si vede, pur comprendendovi di certo un intensificato accesso ai sacramenti, si rimaneva ancora fondamentalmente legati alle coordinate basilari di una pietà rituale, quale era praticata nel tardo medioevo : con la rilevante eccezione, tale però da dare la misura dell’impatto significativo sulla pietà confraternale di una temperie ormai drasticamente mutata, di un invito pressante ad apprendere la « dottrina cristiana », sia pure in una versione indubbiamente alquanto semplificata : « almeno facciano ogni sforzo d’imparare la picciola, ch’è il Pater Noster, l’Ave Maria, il Credo, e li Dieci Comandamenti, o latinamente o volgarmente, conforme agli ordini » del cardinale arcivescovo di Bologna, Gabriele Paleotti, « ricordandosi che è debito di ogni christiano il saperli ». Certo non si trattava ancora del catechismo vero e proprio, e pure l’orientamento appariva ormai decisamente segnato. Quanto alle confraternite della dottrina cristiana, alla loro esistenza facevano riferimento, quasi per definizione perché intrinsecamente legate agli obiettivi delle loro attività, numerose pubblicazioni a stampa di diverso genere : dai regolamenti per le compagnie e per le scuole ai catechismi in volgare, dai sussidi in uso nelle scuole alle regole di « costumi christiani »84. All’incrocio fra istruzione reli84 Si veda M. Turrini, « Riformare il mondo a vera vita christiana » : le scuole di catechismo nell’Italia del Cinquecento, in Annali dell’Istituto storico italo-germa-

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giosa, alfabetizzazione di base e disciplinamento sociale85, i testi in circolazione in quelle confraternite riflettevano nella propria configurazione l’evolversi del ruolo dei confratelli a mano a mano che, dai decenni iniziali del ‘500, ci si avviava verso la fine del secolo : soprattutto dal momento in cui, sulla falsariga delle iniziative intraprese da Carlo Borromeo a Milano, e in particolare delle disposizioni approvate dal concilio provinciale milanese del 1583, si andò accentuando l’intervento diretto dell’episcopato riformatore nella loro organizzazione86. Lo si evince, tra l’altro, dagli Statuti per la congregazione della dottrina christiana nella Città, et diocese di Bologna, Approvati da mons. ill. & reverendiss, Cardinale Paleotti Arcivescovo di detta Città87, il quale all’inizio del suo episcopato in effetti aveva lasciato « la responsabilità dell’insegnamento catechistico […] ai parroci della città e della diocesi, con l’aiuto dei confratelli delle compagnie del Corpo di Cristo delle singole parrocchie »88, ma in seguito si risolse anche a redigere un piccolo catechismo, in due versioni (doctrina parva e doctrina maior). Dopo numerose ristampe in volgare i due testi furono tradotti ed editi in lingua latina ad uso delle scuole : Doctrina christiana, explicationibus illustrata, ad pueriles animos diuinis praeceptionibus imbuendos, olim iussu illust. card. Palaeoti episcopi Bonon. vulgari sermone conscripta, nunc vero ad vsum scho-

nico in Trento, 8, 1982, p. 407-489 (con ampi riferimenti alla letteratura precedente), la quale offre alla fine una bibliografia di edizioni di regolamenti, di catechismi in volgare, di sussidi e di regole, a suo tempo frutto di un ampio spoglio di cataloghi a stampa. Tali pubblicazioni a stampa sono attualmente oggetto della tesi di dottorato di Carlo Urbani, in Storia del cristianesimo e delle chiese (Università di Padova). 85 Ampi riferimenti alla letteratura precedente in A. Turchini, Sotto l’occhio del padre. Società confessionale e istruzione primaria nello Stato di Milano, Bologna, 1996, specie p. 66-75. 86 Per la produzione libraria connessa con le scuole si veda anche A. Bianchi, Le scuole della dottrina cristiana: linguaggio e strumenti per una azione educativa di massa, in F. Buzzi e D. Zardin (a cura di), Carlo Borromeo e l’opera della « grande riforma ». Cultura, religione e arti del governo nella Milano del pieno Cinquecento, Cinisello Balsamo, 1997, p. 145-158. 87 Bologna, Alessandro Benacci, 1583 (CNCE 6755 : 27, [1] c. ; 4°). È stato consultato l’esemplare della Biblioteca del Senato della Repubblica a Roma (segn. Statuti 1877). Si vedano anche le Regole per ben gouernare le schuole delle putte della Dottrina Christiana nella città di Bologna. Approvate da mons. ... Paleotti arciuescovo di detta citta, Bologna, Alessandro Benacci, 1583 (CNCE 15573 : 11 [i.e. 12] c. ; 4°). 88 P. Prodi, Il cardinale Gabriele Paleotti (1522-1597) cit., 1967, II, p. 182, che richiama due pubblicazioni da lui fatte risalire al maggio 1568 : la Indulgentia concessa a tutti quelli che insegnano et imparano la dottrina christiana e la Regula de servarsi per tutti li curati del Contado di Bologna sopra la institutione della dottrina christiana.

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larum Latinitate donata. Huic accesserunt hymni, et alia sacra eodem pertinentia carmina89, e infine da lui inseriti autorevolmente nel proprio Archiepiscopale Bononiense90. Nel « Proemio sopra li Statuti per la Compagnia della Dottrina Christiana, con autorità apostolica instituita in Bologna », si sottolineava che quello era soltanto il « libretto » degli statuti o « regole », e nel mentre si rimandava per « la cura d’insegnar la Dottrina Christiana a tutti li putti, & putte della Città di Bologna, nel modo, & forma, che si contiene nel libretto della Dottrina già molti anni fatto, & stampato d’ordine » del Paleotti medesimo91. Dopo un « Sommario delli decreti del Concilio Lateranense et del Concilio Tridentino, & di varie Bolle de Pontefici sopra la Dottrina Christiana », in cui furono riprodotti in italiano i testi approvati nel corso della IX sessione del V concilio del Laterano, il 5 maggio 1514, e nella sessione XXIV del concilio di Trento, l’11 novembre 1563 (can. III del Decretum de reformatione)92, oltre a lettere di papa Pio V (6.10.1567) e di papa Gregorio XIII (21.10.1572 ; 6.6.1576 ; 29.6.1576), in « La Prima parte [che] appartiene al corpo generale della congregatione, mostrando come tutti s’hanno da diportare », il VI capitolo si intitolava : « Della lettione frequente del libretto della Dottrina che ciascun della Compagnia dovrà tenere appresso di sé » (specificando nel testo : « Perché il scopo della Compagnia è d’insegnar la Dottrina christiana ai putti, però si desidera, che tutti quelli di essa, che sapranno leggere, tenghino appresso di sé il libretto della Dottrina, acciò spesso lo leggano, & si faccino pratichi in quello per poterlo poi usare nelle schuole al tempo suo […] »). Anche in « La Seconda parte [che] contiene il titolo, & numero, delli Officiali maggiori, gl’officii loro, & il modo di usarli », al capitolo III, a proposito « Dell’officio del Padre Spirituale », al proposito si esortava che quest’ultimo « usi diligenza che la Congregatione […] faccia progresso nelle vere virtù esshortandola spesso a frequentare l’orationi, li sacramenti con la lettione de libri spirituali, percioché questi sono

Bologna, Società Tipografica Bolognese, 1578 (CNCE 17310 : [16], 64 p. ; 8°). Cfr. Archiepiscopale Bononiense cit., pars II, p. 9-25. 91 Si dovrebbe trattare di Dottrina christiana, et sua dichiaratione, da insegnarsi alli putti et putte della città, et diocese di Bologna, diuisa in tre parti. Nouamente stampata colla gionta d’alcune lodi spirituali & altre cose. Per ordine di mons. illust. card. Paleotti vesc. di Bologna, [Bologna], Alessandro Benacci, [non prima del 1576] (CNCE 50859 : 60 c. ; 12°) ; Dottrina christiana et sua dichiaratione diuisa in tre parti. Da insegnarsi alli putti et putte della città, et diocese di Bologna. Per ordine di monsig. illustriss. cardinal Paleotti vescouo di Bologna. Nuouamente stampata con il sommario dell’indulgenze, et con la gionta d’alcune lodi spirituali, et altre cose, [Bologna], Alessandro Benacci, 1577 (CNCE 51413 : 119, [1] p.). 92 Conciliorum Oecumenicorum Decreta cit., p. 614-617 e p. 761-763. 89

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mezzi efficacissimi per questo fine […] ». Infine, in « La terza parte [che] contiene il titolo, numero, & officii de li Officiali particolari delle Scuole, & alcune altre cose », al capitolo XIII, relativo al « Modo di proveder alli putti, che usciranno dalla Schuola della Dottrina », si forniva la seguente indicazione : « Il modo di trattenergli, et conservargli nella buona vita sarà di farli leggere alcuni libri spirituali, insegnando loro il modo di leggerli, con frutto, insegnargli il modo di far oratione, mattina, e sera, far l’essamine della conscienza, udir divotamente la Messa, confessarsi, & communicarsi almeno una volta il mese, insegnando loro il modo di farlo fruttuosamente ». A indicare il genere di pubblicazioni e di letture che ruotavano, secondo un siffatto orientamento, intorno alle confraternite della dottrina cristiana, si possono prendere in considerazione, a titolo di esempio, una serie di stampe riferibili alla confraternita della dottrina cristiana della diocesi di Cremona93, dalle Orationi diuotissime per cantare dinanzi all’altissimo Dio et alla beatissima sua Madre, raccolte per istruir li fanciulli di Cremona, alla santa, et catolica fede94, al Sommario della Vita Christiana. Qual s’insegna alli fanciulli di Cremona95, dallo Interrogatorio della dottrina christiana visto corretto et di nouo ristampato per ordine dell’Ill. & Reur. Cardinal Borromeo ... in esecutione del Concilio Prouinciale dell’anno 158396, al Libretto per conoscer il gouerno delle scuole de putti, & putte, & come si debba orare97, sino alle Preci, accomodate per le schuole della Dottrina Christiana98. Queste ultime, riservate ai confratelli e alle consorelle, erano quasi tutte in latino, ma nell’opuscolo furono inseriti anche testi in volgare, come una « Predica a tutti li fedeli christiani, estratta dal libro della vita del Nostro Signor Iesu Christo Crucifisso Amor nostro », una paginetta che rappresentava in sostanza un invito a

93 Per il contesto di quelle pubblicazioni si veda A. Zappellini, I testi catechistici in uso nella diocesi cremonese nella seconda metà del sec. XVI, in Studi e fonti di storia lombarda. Quaderni milanesi, 9, 1989, 19-20, p. 124-142. 94 Brescia, Giacomo Britannico, 1567 (CNCE 54170 : [4] c. ; 8°). È stato consultato l’esemplare della Biblioteca Apostolica Vaticana (segn. Ferraioli V. 8011, int. 2). 95 Cremona, Vincenzo Sabbio, s.d. (cfr. M. Turrini, « Riformare il mondo » cit., num. 113). È stato consultato l’esemplare della Biblioteca Apostolica Vaticana (segn. Ferraioli V. 8011, int. 3). 96 Cremona, Barucino Zanni, 1593 (CNC 39214 : 36 p. ; 8°). È stato consultato l’esemplare della Biblioteca Apostolica Vaticana (segn. Ferraioli V. 8011, int. 4). 97 Brescia, Policreto Turlino, 1593 (CNCE 15575 : [8] c. ; 8°). È stato consultato l’esemplare della Biblioteca Apostolica Vaticana (segn. Ferraioli V. 8011, int. 5) 98 Cremona, Barucino Zanni, 1594 (CNCE 39216 : [12] c. ; 8°). È stato consultato l’esemplare della Biblioteca Apostolica Vaticana (segn. Ferraioli V. 8011, int. 6).

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fare penitenza, e « Un’essempio molto notabile, & da esser considerato assai dai mortali, & accaduto nei moderni tempi in queste parti nostre al proposito della necessità della confessione, contra gli Heretici, scritto da don Serafino da Bologna Canonico Regolare »99. Nella rimodulazione della pietà confraternale su larga scala, durante il corso del secolo XVI anche gli ordini religiosi svolgono un proprio ruolo significativo, e in particolare quegli ordini mendicanti i quali, sin dalla fine del medioevo, si erano ampiamente impegnati nel promuovere la vita di pietà dei laici e il loro associazionismo devoto100. All’ordine dei frati Predicatori sin dall’ultimo quarto del secolo XV si doveva un’intensa propaganda a favore della recita del Rosario, allora detto anche « Salterio della Vergine », e delle confraternite che la praticassero101. All’interno degli orientamenti religiosi favoriti nel mondo cattolico dalla vittoria nella battaglia di Lepanto contro i Turchi, il 7 ottobre 1571, che papa Pio V volle attribuire all’intercessione della Vergine, il capitolo generale dei domenicani, a partire da quel medesimo anno, e di nuovo nel 1574 e nel 1580, raccomandò che in ogni chiesa dell’ordine venisse istituita una confraternita del SS. Rosario102. Nel 1585 la Confraternita del SS. Rosario in S. Maria sopra Minerva a Roma, a oltre un secolo di distanza dalla loro redazione, procedeva a far stampare di nuovo le poche carte dei Capitoli, statuti et ordinationi della venerabile Compagnia del Santissimo Rosario. Fondata nella chiesa di Santa Maria della Minerua l’anno 1481, quali saranno anco communi alla Compagnia del Santissimo Nome d’Iddio, mutate però le cose che secondo la diversità della Compagnia dovranno essere mutate : fatti, et novamente revisti dal reverendissimo padre generale dell’ordine de’ Predicatori, con l’intervento de molti Reverendi Padri, conforme a’ quali capitoli si dovranno governare ancora tutte l’altre Compagnie dell’istesso Santissimo Rosario, et Nome d’Iddio,

99 Cfr. Serafino da Bologna, Un’essempio molto notabile, & da esser considerato assai da i mortali. & accaduto nei moderni tempi in queste parti nostre al proposito de la necessità della confessione, contra gli heretici. Scritto da don Serafino da Bologna Canonico Regolare, (Cremona, Barucino Zanni, 1599) (CNCE 39225 : [4] c. ; 8°). L’autore era, tra l’altro, traduttore in italiano della Pharetra divini amoris del certosino bavarese Johann Landsperger. 100 Cfr. M. Gazzini, Bibliografia medievistica di storia confraternale cit., passim. 101 Cfr. G.G. Meersseman, Le origini della Confraternita del Rosario e della sua iconografia in Italia (1963-1964), ora anche in Id., « Ordo fraternitatis ». Confraternite e pietà dei laici nel Medioevo, Padova, 1977, p. 1170-1232. 102 Cfr. M. Rosa, Pietà mariana e devozione del Rosario nell’Italia del Cinque e Seicento, in Id., Religione e società nel Mezzogiorno tra Cinque e Seicento, Bari, 1976, p. 217-243 : a p. 226.

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poste in qualsivoglia luogo103. Nel verso del frontespizio una lettera del maestro generale dei domenicani, fra Sisto Fabbri da Lucca, datata al 1° ottobre 1581, chiariva in maniera inequivocabile le motivazioni dell’intervenuta riforma statutaria, vale a dire nella direzione di un progressivo disciplinamento cui venivano sottoposte le confraternite, e in particolare quelle legate agli ordini regolari : per l’avenire in tutti i luoghi, dove si trova, o in successo di tempo si troverà detta Compagnia del Santissimo Rosario, siano tenuti, & obligati li Confrati di quella a regolarsi, & governarsi secondo questi presenti capitoli, regole, & statuti che si sottogiongono : con li quali ancora si regola, & governa la Compagnia del Santissimo Rosario fondata in Roma nella nostra Chiesa di Santa Maria sopra la Minerva. Essendo molto raggionevole, che detta Compagnia nella predetta Chiesa fondata sia essempio, & modello all’altre fondate, e poste in altri luoghi : poiché si trova nella principalissima Città, anzi capo di tutto’l mondo vicina al Vicario di Giesù Christo, & Pastore universale di Santa Chiesa, & capo tanto dell’ordine de’ Predicatori, quanto di essa Compagnia del Rosario […]. Conforme a questi istessi capitoli, ancora si doverà regolare la Compagnia del Santissimo Nome de Dio in ogni luogo, dove ella fuori di Roma sia : mutando però que’ nomi & cose, che secondo la diversità di detta Compagnia doveranno essere mutate. Et perciò tutte le Compagnie sopradette cercheranno havere quanto prima questi capitoli, quali si daranno stampati qui novamente in Roma.

A partire dagli anni ’70 del ‘500 i frati domenicani promossero anche l’erezione di confraternite del SS. Nome di Dio, « per la correttione delle bestemmie, & vani giuramenti », come recita un « Sommario delle Regole, et Gratie », posto all’inizio di un fascicolo di poche carte non numerate : Capitoli della Compagnia del Santissimo Nome di Dio. Con il Sommario delle indulgentie, stampato a Bologna nel 1571104. Ripubblicando tra i « privilegi » della compagnia anche la bolla Salvatoris di Pio IV, del 13 aprile 1564, vi si ricordava nel proemio che in quell’anno il pontefice aveva approvato e confermato una compagnia di analoga intitolazione, fondata in Spagna da un frate domenicano, allo stesso modo in cui la compagnia bolognese aveva avuto inizio ad opera di un suo confratello nel 1565 (ricevendo l’approvazione da parte del maestro generale dell’ordine, Vincenzo Giustiniani). La finalità della compagnia bolognese105, strettamente legata ai domenicani, dunque, ai quali gli scarni capitoli delle « ordinationi », meramente organizzativi, riservavano

103 Roma, eredi di Antonio Blado, 1585 (CNCE 15467 : [6] c. ; 4°). È stato consultato l’esemplare della Biblioteca nazionale centrale di Roma (segn. 31.4.D.23.9, int. 9). 104 Bologna, Giovanni Rossi, 1571 (CNCE 15441 : [12] c. ; 4°). Esemplare consultato : Roma, Biblioteca del Senato della Repubblica (segn. Statuti 1306). 105 Cfr. P. Prodi, Il cardinale Gabriele Paleotti cit., II, p. 189-191.

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il ruolo di padre spirituale, emergeva da un altro piccolo fascicolo, di sole 4 carte non numerate : Capitoli et regole sopra l’audire, trattare, et concordare, lite & differentie per gli Huomini della Compagnia del Santissimo Nome di Dio di Bologna106. Come si legge nella premessa Alli lettori, « oltre le Regole, ordinationi, altre volte dalla detta Compagnia fatte, aprovate, publicate, & stampate, quale commanda, & nel Signore essorta che da tutti li fratelli inviolabilmente siano osservate, a maggior compimento, & più regolar successo propone, ordina, dà, & statuisse gl’infrascritti capitoli, da servarsi, & mantenersi, nel convenire, ascoltare, trattare, digerire, componere, & accomodare, ogni, & qualunque causa, che in essa sarà proposta indifferentemente ». E, in effetti, vi si prescrive : « Che si facciano tre libri ordinarii, per l’occasione delle litte », per essere compito dei confratelli il ricomporle (evidentemente si trattava di libri di ben altro genere, rispetto alle pubblicazioni a stampa). Quanto alla prassi più strettamente legata alla vita di pietà, che i frati domenicani dal canto loro prospettavano agli aderenti a un tale genere di confraternite, essa veniva in verità condensata in opuscoli come le Salutationes ad sanctissimum Nomen Dei dicendae a confratribus societatis eius, iuxta ritum septem horarum canonicarum, in quibus fere omnia ipsius, ac eiusdem filii sui domini nostri Iesu Christi nomina invocantur, quorum virtute corda fidelium ipsas devote dicentium valde laetificantur, ac in fide sancta catholica roborantur, pubblicate a Napoli nel 1580107 e redatte ad opera di un frate domenicano partenopeo, Reginaldo Accetto108 : il quale due anni prima aveva messo in circolazione a stampa anche il testo di una sua Predica del santissimo nome di Dio109. Evidente appariva da parte sua la proposta ai confratelli di uniformarsi a un modello cultuale di per sé tipico dei chierici, come sottolineava lo stesso autore in una lettera al procuratore generale del proprio ordine, Sisto da Lucca : « Hinc factum est, ut instar septem horarum canonicarum, quae a clericis persolvuntur, quibus ab ipsis sua laudatur divina maiestas, septem salutationes a nobis confratribus quotidie eidem Sanctissimo Dei

106 Bologna, Alessandro Benacci, 1575 (CNCE 15442 : [4] c. ; 4°). Esemplare consultato : Roma, Biblioteca del Senato della Repubblica (segn. Statuti 1367). 107 Napoli, Orazio Salviani, 1580 (CNCE 15446 : [29] c. ; 12°). È stato consultato l’esemplare della Biblioteca Apostolica Vaticana (segn. R. I. 356). 108 Per i suoi testi di natura letteraria, come Il thesoro della volgar lingua. Del reuerendo padre fra Reginaldo Accetto da Napoli, dell’ordine de predicatori. Doue appieno si tratta, dell’orthografia, e di quanto, ad un’ottimo scrittore s’appartiene, Napoli, Giuseppe Cacchi, 1572 (CNCE 94), si veda A. Asor Rosa, Accetto (Acceto, Aceto), Reginaldo, in Dizionario biografico degli Italiani, I, 1960, p. 73. 109 Napoli, Orazio Salviani, 1578 (CNCE 95 : [8] c. ; 4°).

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Nomini faciendae condiderim » – anche se poi vi si riproponeva la consueta soluzione per i confratelli e le consorelle che fossero analfabeti : « Quelli confrati, e consori, quali non sanno leggere, o non possono, potranno dire per ogni hora canonica, in luogo della salutatione, un Pater Noster, et una Ave Maria, in laude, e gloria d’esso Santissimo Nome di Dio per li sette doni dello Spirito Santo, et per le sette parole che disse Christo in croce » (preghiere peraltro da recitarsi ovviamente in latino). Alla fine dell’opuscolo, con più stretta attinenza alle finalità specifiche della confraternita, vi si pubblicarono gli « Avertimenti delle biasteme, e giuramenti » per « li confrati, et consori del Santissimo Nome di Dio, acciò possano da quelli astenersi » : quattro facciate di testo, in cui si insegnava che cosa fosse la bestemmia ; e poi gli « Avertimenti delli giuramenti » : altre sette facciate di testo, in cui si insegnava che cosa fosse il giuramento. Negli ultimi decenni del secolo, in effetti, si incrociarono un progressivo orientamento all’accumulo indulgenziale, da un lato e l’accentuarsi del carattere controriformistico e dichiaratamente antiprotestante della devozione confraternale, dall’altro, come non poteva che accadere nell’ambito del culto mariano e di conseguenza riflettersi all’interno delle confraternite del Rosario. È infatti « alli deuoti christiani della Compagnia del Santissimo Rosario », che il canonista valenciano e vescovo di Orihuela, José Esteve, indirizzò i tre volumi del Rosario della Sac.ma Vergine Maria con li miracoli bolle indulgenze molte vltra cose vgiunte110, dopo avere pubblicato alcuni anni prima una Sacri Rosarii Virginis Mariae ab haereticorum calumniis defensio vna cum mysteriis et bullis Romanorum pontificum111. Non prima del 1588 vennero stampati a Novara gli Statuti, et ordini della uenerabile Compagnia e Sacro Monte della Santissima Pietà della città di Novara. Co’ breui facultà, indulgenze, e gratie concesse dalla Santa Sedia Apostolica112, che solo il timore di irriverenza potrebbe trattenere dal definire una sorta di « fondo comune di investimento » in materia di indulgenze, come suggeriva la commistione ormai intervenuta in essi fra la gestione della beneficenza creditizia, rilanciata alla fine del secolo113, e l’associazionismo religioso Venezia, Bernardo Giunta, 1587 (CNCE 28528 : 3 v. . ; 4°). Roma, Domenico Basa, 1584 (CNCE 18322 : [12], 209, [1] p. ; 4°). 112 Novara, eredi di Francesco Sesalli, [non prima del 1588] (CNCE 15435 : [6], 4, [47] c. ; 4°). Esemplare consultato : Roma, Biblioteca del Senato della Repubblica (segn. Statuti 1018). 113 Si vedano P. Prodi, La nascita dei Monti di pietà : tra solidarismo cristiano e logica del profitto, in Annali dell’Istituto storico italo-germanico in Trento, 8, 1982, p. 211-224, e Id., La nascita dei Monti di pietà : nuove riflessioni, in R. Crotti Pasi (a cura di), Bernardino da Feltre a Pavia. La predicazione e la fondazione del Monte di Pietà, Como, 1994, p. 55-62. 110 111

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dei laici devoti114. Impressionante risultava appunto l’apparato di accumulo nelle sue pagine, che iniziava con il « Breve della erretione del sacro Monte, et vener. Compagnia della Santissima Pietà della Città di Novara, con le facultà, gratie, et Indulgenze concesse et altre communicate », vale a dire il breve Ex pastoralis officii debito di papa Pio V, dell’11 giugno 1556 (per ben otto fitte pagine) ; che proseguiva con il « Breve d’indulgenza plenaria, & remissione de tutti li peccati, perpetua, a quelli della Compagnia che confessati & communicati, devotamente accompagneranno la processione del santiss. Sacramento ogni sera di ciascun venerdì santo », emanato da papa Gregorio XIII il 20 febbraio 1581 ; che continuava con un « Sommario delle indulgenze, et facultà communicate dalla venerab. Compagnia di San Giov. Decollato della Misericordia di Roma, alla detta del Sacro Monte di Novara »115, alla quale « Seguono indulgenze, indulti, facultà, et gratie, antiche, et moderna, dell’ordine della Santiss. Trinità del riscatto de’ captivi, communicate alla Vener. Compagnia del Sacro Monte della Santiss. Pietà di Novara, in S. Pietro, et che aquistano li fratelli, et sorelle d’essa Compagnia della Pietà ovunque si troveranno » (altre tredici fittissime pagine a stampa). Nel verso dell’ultima carta del volume, in data 29 dicembre 1588, sia il canonico novarese Giovan Battista Boniperti, incaricato dal vicario generale della diocesi, sia il vicario dell’inquisitore, fra Andrea Goteschi, attestavano la conformità dei testi raccolti ai rispettivi originali. Nella lettera posta all’inizio del volume, sottoscritta da Amico da Canobio, abate di S. Bartolomeo di Novara e Rettore della Compagnia e del Monte, si sottolineava ampiamente il carattere del tutto pratico dei testi nella raccolta : che abbracciano voluntieri l’occasioni sante quando le intendano, et che se gl’appresentano, et ancora per una certa commodità di quelli della nostra compagnia, acciò che commodamente vedendo le leggi alle quali siamo tenuti per giuramento, et a quelle alle quali siamo essortati, possiamo con prontezza essequirle, mandarle ad effetto.

114 Secondo le indicazioni riportate nel volumetto, la fondazione del Sacro Monte avvenne il 15 agosto 1566 e gli statuti vennero redatti il successivo 8 dicembre, anche se il « Breve della erretione » era stato promulgato da Pio V già l’11 giugno 1556. La nuova redazione degli statuti, in esso pubblicata, fu approvata il 28 settembre 1588, con rogito notarile. Vi venne riprodotta anche la « copia dell’aggregatione » all’omonima arciconfraternita assisana, rilasciata dal ministro generale dei frati minori conventuali, Filippo Gesualdo (priva però di data) [non è menzionata in L. Proietti Pedetta, Le confraternite di Assisi tra riforma e declino (secc. XVI-XVIII), Assisi, 1990]. 115 In effetti, come appare dal cap. XXX degli statuti, si trattava di una compagnia di confortatori di condannati a morte e di carcerati.

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Vi si rinnovava l’invito a perseguire il fine di un’intensa vita di pietà, sostanziata di numerose pratiche rituali : « Sentire ogni mattina la messa, presentarsi al Santissimo Sacramento, havere alcuni Oratori per devotione, et in specie la Corona della Compagnia, che ha ancora in sè Indulgenza particulare. Digiunare tutti i giorni di comandamento, confessarsi e communicarsi spesso », oltre agli obblighi associativi di « visitare gl’infermi, e gli incarcerati, et accompagniare quei miseri alla giustizia » (vale a dire di assistere i condannati al supplizio), pregando inoltre per i defunti e per i benefattori, e concludendo : « Non manchiamo di frequentare l’Oratorio a’ suoi uffici », e così via. Nel 1595 veniva dato alla luce a Napoli un corposo volume, che un arciprete della chiesa di S. Maria della Rotonda a Roma, Pietro Fulvio, aveva redatto a istanza dei confratelli della confraternita di S. Bernardo e di S. Margherita di Napoli116. Segno evidente di successo, nel giro di un anno veniva di nuovo messo in circolazione a stampa : Compendio del celeste et divino tesoro dell’indulgenze, indulti, gratie, favori, esenzioni, & privilegij, in perpetuo concessi da Sommi Pontefici alla Venerabile Archiconfraternità, Monasterio di Monache, & Colleggio de zitelle de San Bernardo dell’Alma Città di Roma, alle loro Chiese, & Compagnie aggregate, & a tutti gli altri fideli christiani che faranno le infrascritte opere pie. Raccolto dal reverendo Signor Pietro Fulvio, Arciprete della Rotonda ad instantia di detta Archiconfraternità l’anno 1595 e stampato ad instantia delle Venerabile Compagnia di san Bernardo & santa Margarita di Napoli aggregata a detta Archicompagnia117. Giurista e titolare di un beneficio nella basilica di S. Maria Maggiore, questo ecclesiastico appariva assai attivo sulla scena religiosa romana di fine secolo, in rapporto con monasteri femminili118 116 Napoli, Giovanni Giacomo Carlino e Antonio Pace, 1595 (CNCE 15650 : 263 [i.e. 264] p. ; 8°). 117 Napoli, Giovanni Giacomo Carlino e Antonio Pace, 1595 (1596) (CNCE 15651 : 266, [29] p. ; 8°). È stato consultato l’esemplare della Biblioteca Apostolica Vaticana (segn. R.I.169). Nel foglio di guardia una mano coeva ha annotato : « Questo libbro è del monasterio di S.ta Susanna, concesso ad uso de D. Barbara Woode scozzesa ». 118 Insieme a un altro canonico di S. Maria Maggiore, Giovanni Daddei, egli curò la pubblicazione della Regola del S.mo P. Benedetto con le constitutioni, quali si debbano osseruare nel Monasterio delle monache, & Collegio delle zitelle di San Bernardo in S. Susanna di Roma. Con la tauola de i capitoli della Regula, e delle Constitutioni, Roma, Stamperia Camerale, 1594 (CNCE 33853), e nella propria veste di visitatore delle monache i Rituum sacrarum cerimoniarum ven. Monasterij & Collegij S. Bernardi in S. Susanna de Vrbe Cistercensis ordinis libri. tres a Petro Fuluio Romano i.v.d. et basilicae S. Mariae Maioris presbytero beneficiato ac dictorum monasterii et collegii visitatore laboriose collecti cum indice titolorum & rerum memorabilium locupletissimo anno Domini MDLXXXVIII, Roma, Stamperia Camerale, 1595 (CNCE 33865).

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e confraternite laicali, se già nel 1585 per l’Arciconfraternita della Pietà dei carcerati di Roma aveva tradotto dal latino quella Vita et martirio di S. Eleuterio vescouo, et di S. Genesio caualiere, martiri romani119 (e nel 1591 aveva curato una ristampa romana del Libretto de i ricordi al popolo della citta et diocese di Milano. Dati dalla fel. me. del card. di Santa Prassede, arciuescouo, per il viuere christiano ... Corretto, & di nuouo ristampato, ad istantia del reueren. signor Pietro Fuluio ... aggiontoui in fine la Dottrina christiana120). Nella sua veste di priore della compagnia121 aveva già fatto pubblicare nel 1591 la stampa di un foglio (verosimilmente in formato atlantico, e quindi da affiggere), con un Sommario delle indulgentie, gratie, et privileggi, concessi da Sommi Pontefici in perpetuo alla Venerabile Archiconfraternità di S. Bernardo di Roma al suo monasterio di monache, et collegio di zitelle, eretto in S. Susanna, alle loro chiese, et agli altri che faranno le infrascritte opere pie, raccolte dal R.M.P. Fulvio Sacerdote, et dottore Romano, Arciprete della Rotonda, et Priore di detta Compagnia122. Se il modello devozionale vi appariva analogo a quello di altri compendi del genere all’epoca, nel proporre una programmazione sostanzialmente quasi giornaliera di acquizione delle indulgenze, risaltava in esso la puntigliosa indicazione delle fonti, che nell’occasione induceva l’autore della compilazione, con il puntiglio del giurista, il quale vuole assicurare il lettore della veridicità dei testi raccolti e dei dati adunati nel compendio, a redigere anche una Tavola de’ libri dove son cavate l’Indulgentie, e gratie contenute nel presente Compendio, con li luoghi dove son stampati, a’ quali in principio, o in fine di ciascun’indulgentia si ha relatione, acciò chi le vorrà confrontare facilmente possa. Avvertendo che quelle ne’ quali non vi sarà relatione, l’Autore ha visto li originali, o transunti authentici, & però nomina il Pontefice, & l’anno della concessione. Si trattava di ben ventisette titoli, numerosi dei quali riportavano esattamente a pubblicazioni di confraternite già incontrate in precedenza. Numerose furono le stampe commissionate da svariate confraternite, che sotto diverse intitolazioni ne raccoglievano in forma di « sommario » il « tesoro delle indulgenze », nel grande formato del foglio atlantico, destinato evidentemente all’affissione e quindi con finalità di fatto promozionali a favore della confraternita ovvero della arciconfraternita da cui ne era stata promossa la diffusione.

Vedi sopra, nota 74. Roma, Luigi Zanetti, 1591 (CNCE 9566 : 96 p. ; 12°). 121 Si vedano inoltre le litterae indirizzate a questa confraternita da papa Sisto V fra 1586 e 1590 (CNCE 15644-15649 e 15729). 122 Roma, Paolo Blado, 1591 (CNCE 56978). 119

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Alquanto interessante dal punto di vista dei meccanismi di propaganda a favore dell’adesione a una confraternita negli ultimi decenni del secolo XVI, e in particolare alla Arciconfraternita del Cordone di S. Francesco in Assisi (anche perché con una siffatta pubblicazione si superavano le tradizionali e ben radicate divisioni fra i diversi ordini minoritici), appariva sicuramente essere la stampa della Bulla sanctiss. in Christo patris et d.n.d. Sixti diuina prouidentia pp. 5. de erectione archiconfraternitatis Chordigerorum in ecclesia sancti Francisci Assisiensis facultate concessa generali ministro Conuent. Erigendi & aggregandi confraternitates praefatorum in ecclesiis Fratrum Minorum, tam conventiualium quam de observantia & Capuccinorum totius orbis…, a opera degli eredi di Antonio Blado, dopo la sua emanazione il 7 maggio 1586123. Nella stampa in grande formato, il testo della bolla Divinae charitatis altitudo eminentissima era collocato all’interno di un riquadro, a caratterizzare il quale fu eseguita un’incisione assai indicativa dei significati attribuiti a una adesione all’arciconfraternita. In alto, dal centro, dove si stagliava un pontefice barbuto, con in testa la tiara papale e seduto su una cattedra posta al di sotto di un immagine del Padre e della colomba dello Spirito santo, si dipartiva un nodoso cordone, che dapprima avvolgeva a sinistra un Cristo portacroce, per poi attorcigliarsi a destra a un san Francesco anch’egli portacroce (alle sue spalle si delineava una schiera di devoti barbuti, inginocchiati) : il cordone poi passava per le mani del pontefice, dove ritornava dopo avere percorso tutta la cornice. Nei bordi a più riprese il cordone era avvolto da un cartiglio, dove si leggeva la scritta : « Funiculus triplex difficile rumpitur ». Negli angoli superiori del foglio, due angioletti reggevano mazzi di nodosi cordoni, evidentemente a disposizione dei fedeli che li volessero prendere su di sé. A un ulteriore sviluppo in una siffatta direzione conduceva, a pochi anni di distanza, l’impresa del frate minore conventuale Camillo Bene da Milano124, a quel tempo predicatore nella basilica romana dei SS. Apostoli, il quale si pose all’opera, alla fine dell’estate del 1598, e nell’arco di appena tre settimane – nella lettera « Alli devoti lettori » egli precisava « che venti giorni dall’avviso, giorni e notti non ho riposato » – mise insieme il Compendio de spirituali thesori da molti sommi pontefici al serafico ordine concessi, e dalla fel. mem. di Sisto V all’Archiconfraternità del Cordone nel sacro conuento

123 [Roma, eredi di Antonio Blado, 1586] (CNCE 15413 : 1 foglio ; atl.). È stato consultato l’esemplare della Biblioteca nazionale centrale di Roma (segn. 68.13.E.2.12). 124 G. G. Sbaraglia, Supplementum et castigatio ad Scriptores trium Ordinum S. Francisci. Editio nova, I, Roma, 1908, p. 198.

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d’Assisi aggregati125 – con finalità da lui puntualmente indicate in una lettera a fra’ Cesare Palmeruccio da Montalcino, commissario generale e viceprocuratore del proprio ordine, oltre che guardiano del convento dei SS. Apostoli di Roma : per cavare dalle tenebre alcuni suscitati dubij per rispetto de diversi, che troppo solleciti in mettere le mani nella messe altrui, benedicendo, cingendo, & distribuendo questa santa corda con l’Indulgenze di Sisto Quinto, troppo dal vero senso dei suoi Brevi si discostano. Ma principalissimamente mi sono mosso a farlo per assicurare le conscienze de molti, a’ quali si rendea difficile, se non credere, almeno il sapere, come e dove si trovavano tante Indulgenze.

Allo scopo egli fece ricorso agli originali dei documenti, che dichiarava di avere ricercato negli archivi dei principali conventi dei tre ordini francescani126. La finalità della raccolta era comunque indicata in maniera esplicita dalla rubrica che introduceva una sequela di indulgenze di ogni genere, da lui puntualmente annotate per un centinaio di pagine, sotto il titolo : « Dell’acquisto, che fa il devoto confratello nell’ingresso, et progresso, e come possi essere assoluto ». Queste indulgenze venivano sostanzialmente ripartite secondo un criterio cronologico, annotandole in base alle scadenze del calendario dei singoli mesi dell’anno, e quindi con un criterio non soltanto liturgico, e ciò sia per quelle legate ai privilegi degli ordini francescani sia per quelle ricollegate alle « stationi » delle chiese di Roma. Al termine, a prescindere da qualsivoglia indicazione cronologica ovvero topografica, veniva presentata anche una « Conclusione delle sopradette Indulgenze », su cui si attirava dunque l’attenzione del lettore : « Deve dunque

125 Roma, Stamperia Camerale, 1598 (CNCE 5151 : 155, [1] p. ; 12°). È stato consultato l’esemplare della Biblioteca nazionale centrale V. Emanuele II di Roma (segn. 8.43.A.16). La fondazione dell’arciconfraternita romana era avvenuta il 19 novembre 1585, ed era stata rinnovata il 6 maggio 1586, da papa Sisto V, i cui brevi venivano pubblicati in traduzione italiana (p. 9-22). A p. 23 si trovava la Copia dell’aggregatione di questa Confraternita di S. Francesco di Roma nella chiesa de Dodici Apostoli all’Archiconfraternità del sacro conuento d’Assisi, rilasciata dal ministro generale dei frati conventuali, Filippo Gesualdo (senza indicarne la data). Se ne segnalano almeno altre due edizioni, nello scorcio del secolo : Compendio de spirituali thesori da molti sommi pontefici al serafico ordine concessi e dalla fel. mem. di Sisto V all’Archiconfraternità del Cordone del sacro conuento d’Assisi aggregati, Roma, Stamperia Camerale, 1598. (CNCE 15416 : 142 p. ; 12°) ; Compendio de spirituali thesori da molti sommi pontefici al serafico ordine concessi, e dalla fel. mem. di Sisto V all’Archiconfraternità del Cordone nel sacro conuento d’Assisi aggregati, Roma, Stamperia Camerale, 1598. (CNCE 15425 : 155 , [1] p. ; 12°). 126 Questa citazione e le successive si trovano rispettivamente alle p. 142-143, 29 sgg., 129-130, e 136.

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avvertire ogni fedele, che Leone X concesse le stationi, & Indulgenze sopradette, a quelli, che in qualsivoglia hora di giorno o di notte, et in qualsivoglia loco diranno cinque Pater, & cinque Ave Maria & all’ultimo di ciascuna Ave Maria un Gloria Patri, & un Pater, & un Ave Maria & un Gloria Patri per la santità di chi le concesse ». A chi si interrogasse sull’effettiva utilizzazione di questo volume da parte di un suo eventuale possessore, rispose a suo modo un anonimo lettore, il quale aveva messo in evidenza, apponendo due crocette nel margine di un esemplare, la seguente frase : Avvertendosi ognuno, che quante volte il giorno farà questa oratione dinanzi al Crocifisso, come si è detto, tante volte guadagnerà Indulgenzia plenaria, & remissione di tutti i peccati, & inoltre anco tutte l’Indulgenze […] come se personalmente visitasse tutti questi luoghi, et si può far tale oratione in qualunque chiesa, in qual si voglia oratorio, e ancora nelle proprie case.

Incentivate dalla concessione del pontefice, l’antico ministro generale dei Frati minori conventuali Felice Peretti da Montalto, a partire dal 1586 numerose erano state le pubblicazioni, in diverse località italiane, concernenti le « indulgentie » concesse alle confraternite del cordone di san Francesco : ad esempio, a Ferrara127 e a Bologna128 in quel medesimo anno ; subito dopo a Piacenza129 ; poi a Roma e di nuovo a Bologna130 e a Brescia nel 1588131. A Roma nel 1594 faceva la sua comparsa anche un opuscoletto, che pubblicava Tutte l’indulgenze concesse, alli confrati, et consore del Cordone di S. Francesco. Raccolte per il r.p.m.f. Giulio da Monte Rubiano132, e che 127 Gratie, et indulgenze concesse a quelli, che portano il Cordone di Santo Francesco. Co’l sommario delle lettere di n.s. papa Sisto quinto, sopra l’erettione dell’Archiconfraternita di quei che porteranno il detto Cordone di Santo Francesco, Ferrara, Vittorio Baldini, 1586 (CNCE 15414 : [12] c. ; 12°). 128 Indulgenze, doni, gratie, & thesori spirituali. Concessi da molti pontef. romani a quelli, che portano il cord. di s. Francesco ... Bologna, Alessandro Benacci, 1586 (CNCE 52718 : 56, [1] p. ; 12°). 129 Ritratto, delle indulg. ... et celesti thesori, concessi dalla santita di n.s. Sisto pp. V alla Confraternita del Cordone del serafico p.S. Francesco. Eretta nella chiesa di detto S. in Piacenza ... & aggregata all’Archiconfraternità ... di Assisi, Piacenza, Anteo Conti, 1587 (CNCE 15423 : 159, [1] p. ; 8°). 130 Tutte l’indulgenze concesse alli confrati, et consore del Cordone di S. Francesco. In Roma, per gli heredi di Antonio Blado. Et ristampato in Bolog., per Alessandro Benacci, Bologna, 1588 (CNCE 15418 : 24 p. ; 24°). 131 Conpendio [!] delle indulg. gratie, stationi, & celesti thesori, concessi dalla santità di N.S. Sisto papa quinto. Alle confraternita del Cordone del serafico P. S. Francesco. Erette nelle chiese de Frati minori osseruanti, vnite et aggregate, all’Archiconfraternità instituita nella Chiesa del Sacro Conuento di S. Francesco de F. minori d’Assisi, Brescia, Policreto Turlino, 1588 (CNCE 53899 : 171, [1] p. ; 8°). 132 Roma, eredi di Giovanni Gigliotti, 1594 (CNCE 15415 : 22 p. ; 12°). Esemplare consultato presso la Biblioteca Apostolica Vaticana. Si veda anche un’altra edizione descritta in Edit 16 (CNCE 21326).

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si fregiava dell’autorità di un frate Minore conventuale della chiesa romana dei SS. Apostoli, autore di diversi scritti proprio in materia di indulgenze133. Esattamente al volgere del secolo, nell’anno 1600 un’ulteriore voluminosa compilazione, arrivata ormai a oltre cinquecento pagine, indicava il raggiungimento di una sorta di punto di non ritorno all’interno di una siffatta strategia accumulativa : Libro delle gratie et indulgentie concesse da N.S. papa Gregorio XIII et altri Sommi Pont. alla Compagnia de’ Centurati di S. Agost. e Madre Monica, unita insieme con quella della Madonna di Consolatione et di nuovo confermate da N. Sig. Papa Clemente VIII … Ordinato ad insistenza dell’humile custode di detta Compagnia il P. F. Simpliciano Torrini de l’Ordine di S. Agostino134. Nella lettera Alli lettori, il frate agostiniano Simpliciano Torrina da Linara li avvertiva come « con grandissima diligenza procurai, che fosse scoperto il Thesoro incomprensibile dell’Indulgenze di questa Venerabile Compagnia de’ Centurati » di Bologna, nella quale erano state incorporate a partire dal 1578 le compagnie omonime di Rimini, Perugia, Finale, Concordia, Fossombrone, Carpi, Oriola (in Spagna), Recanati, Castelfranco, Castel S. Pietro, Bagnorola (Bologna), Lodi, e di cui si rivendicavano le antiche origini, a partire dalla predicazione di un confratello, Martino da Vercelli : il quale aveva a suo tempo promosso il culto di un’immagine mariana fatta dipingere presso la chiesa di S. Giacomo del proprio ordine, dando in tal modo avvio all’istituzione di una Compagnia della Madonna di Consolazione, di cui a dire di fra’ Simpliciano si conservava ancora la matricola del 1495, scritta su pergamena135. Per centinaia e centinaia di pagine il frate aveva raccolto le indulgenze che, a suo avviso, ai confratelli era possibile lucrare, nel contesto di una proposta religiosa fortemente connotata, sul piano agiografico e devozionale, da un’affiliazione al suo stesso ordine. Se nel primo libro della compi-

133 Si vedano la Breue dichiaratione di alcune cose intorno la materia delle s. indulgenze. Cioè che cosa siano, & onde si cauano. Che cosa siano stationi, giubileo, indulgenza plenaria, una terza, o quarta parte de peccati, una quarantena, penitenze ingiunte, & altre cose degne di consideratione. Raccolte per il r.p.m. Giulio da Monte Rubiano, curato in Santi Apostoli, Bergamo, Comin Ventura, 1595 (CNCE 53254) ; Intorno la materia delle SS. Indulgenze. [Bergamo, Comin Ventura, 1595] (CNCE 38356) ; Breue dichiaratione di alcune cose intorno la materia delle sante indulgenze...raccolte per Giulio da Monte Rubbiano, In Siena, e ristampate in Viterbo, [Agostino Colaldi ?], Viterbo, 1596 (CNCE 21327 : 8°). 134 Bologna, eredi di Giovanni Rossi, 1600 (CNCE 15568 : [80], 488 p. ; 8°). È stato consultato un esemplare della Biblioteca Angelica di Roma (segn. Z.9.7/1). 135 Su questa confraternita alla fine del medioevo si veda M. Fanti, La confraternita di S. Maria dei Guarini e l’ospedale di San Giobbe in Bologna, in Id., Confraternite e città a Bologna cit., p. 393-514 (passim)

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lazione non mancava, ovviamente, una « Breve inscrittione del miracolo fatto dalla Beatissima Vergine Maria nella persona di Rinaldo Corso136, sopra la Santa Cintura data, e cinta di propria mano dall’istessa Beata Vergine al sopradetto Rinaldo », poche pagine più oltre si rammentava che « Questi sottoscritti sono i santi, e sante, beati, e beate dell’Ordine degli Eremiti […] i quali per mezo di quest’habito benedetto della Cintura hanno acquistato la gloria del santo Paradiso », indicati in ordine alfabetico e per categoria (poche pagine prima, compariva anche a un « Catalogo de’ santi, e sante, beati e beate, dell’ordine eremitano di S. Agostino », cui era stata fatta seguire una « Vita di S. Chiara » da Montefalco). Nella politica editoriale delle confraternite italiane di devozione, nel corso di tutto il ‘500, si rifletteva naturalmente la dinamica delle profonde trasformazioni che interessarono la vita religiosa durante quel secolo, rendendo evidenti i modi nei quali un’élite dei fedeli cattolici, che la strategia pastorale della riforma cattolica e della riforma tridentina tendevano comunque a rendere maggiormente ampia di quanto non fosse stata tra gli inizi del medioevo e la prima età moderna, potesse trovarsi fra le mani una sorta di « prontuario » a stampa non soltanto della propria prassi rituale, ma anche della propria identità. Accadde di frequente, comunque, soprattutto prima dell’assise conciliare tridentina, che alla semplice necessità di mettere in circolazione un testo comprensibile ai confratelli venisse ricondotta la motivazione della riforma delle norme e della loro pubblicazione a stampa : « in volgar sermone si debbino compilare, scrivere, & in autentica forma ridurre, acciò che tutti li devoti predetti, & altre persone che sono d’essa Compagnia, che per la maggior parte sono persone idiote, & non letterate, possono leggere, & intendere detti ordinamenti, & quegli osservare », si leggeva nel primo capitolo delle Ordinationi o vero Statuti della Congregatione di san Sebastiano e san Rocco di Bologna, un fascicolo di poche carte non numerate137. Ovvero si leggeva, altrettanto chiaramente, nelle menzionate Regole e constitutioni della Confraternita dei Poveri di Bologna, pubblicate nel 1577 : « Per ciò tutti siano zelanti, e studiosi di sua salute, e per più commodità delli Fratelli, si porrà qui sotto la forma di dette cose, essortando ancora tutti a pigliare uno di quei fogli stampati, ove si

136 Per il personaggio si veda G. Romei, Corso (Macone), Rinaldo, in Dizionario biografico degli Italiani, XXIX, 1983, p. 687-690. 137 Bologna, Alessandro Benacci, 1566 (CNCE 15409 : 13, [1] c. ; 4°). Esemplare consultato : Biblioteca del Senato della Repubblica a Roma (segn. Statuti 479).

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contengono, e tenerli nelle proprie case »138. Motivazioni analoghe si riscontravano, ad esempio, anche nel Libretto per conoscer il gouerno delle scuole de Putti, & Putte, & come si debba orare, stampato a Brescia nel 1593139. In tale prospettiva tendeva dunque a essere nettamente prevalente la semplice pubblicazione a stampa delle norme statutarie, in modesti opuscoli o in fascicoli anche di poche carte non numerate : nei cui esemplari non ci si stupisce di trovare nei margini richiami tracciati a penna proprio in corrispondenza della parti degli statuti che riguardavano le procedure140. Si comprende, allora, l’ostentazione con cui in quelle stampe veniva dato molte volte l’elenco dei nominativi degli ufficiali della confraternita che avevano provveduto all’approvazione di nuovi statuti o alle revisione delle norme dei vecchi. Inoltre, da un siffatto genere di pubblicazioni si ricava anche un’ulteriore conferma di un rilevabile incremento della partecipazione femminile all’associazionismo confraternale141, che peraltro rimaneva pur sempre subordinata e alquanto marginale, quand’anche rivestisse forme organizzative proprie, come attestavano gli Statuti della venerabile Archicompagnia della Pietà de’ Carcerati di Roma, stampati nel 1583142, dove nel capitolo XXXI, a proposito « Delle sorelle della Compagnia », si leggeva semplicemente : « La devotione delle donne ricerca, che si procuri di dar anco a loro occasione di essercitarsi nelle opere della pietà christiana, acciò possino aiutarsi l’una l’altra, & invitarsi alla buona, & sancta vita, dell’essercitio spirituale ». Non ci si trovava in presenza di un quadro del tutto monocorde, come peraltro è stato ampiamente indicato dagli studi più recenti

Vedi nota 83. Si vedano, a titolo di esempio, gli Statuti di M. S. Maria della Vita. Bologna, Anselmo Giaccarello, 1555 (CNCE 15691 : 32 c. ; 4°), nell’esemplare conservato a Roma presso la Biblioteca del Senato della Repubblica (segn. Statuti 775). 140 Si vedano, a titolo di esempio, gli Statuti di M. S. Maria della Vita. Bologna, Anselmo Giaccarello, 1555 (CNCE 15691 : 32 c. : 4°), nell’esemplare conservato a Roma, Biblioteca del Senato della Repubblica (segn. Statuti 775) 141 Cfr. C. F. Black, Le confraternite italiane del Cinquecento cit., p. 53-58. Per ricerche recenti, relative a un’area particolare fra tardo medioevo e prima età moderna, si vedano G. Casagrande, Confraternities and Lay Female Religiosity in Late Medieval and Renaissance Umbria ed A. Esposito, Men and Women in Roman Confraternities in the Fifteenth and Sixteenth Centuries : Roles, Functions and Expectations, in N. Terpstra (a cura di), The Politics of Ritual Kinship cit., p. 4866 e p. 82-97. Per l’epoca precedente si vedano anche M. T. Brolis e G. Brembilla, Mille e più donne in confraternita. Il « consorcium Misericordiae » di Bergamo, in Il buon fedele cit., p. 107-134. 142 Roma, Giovanni Gigliotti, 1583 (CNCE 15611 : [6], 79, [4] p. ; 4°). È stato consultato l’esemplare della Biblioteca Apostolica Vaticana (segn. R.G. Storia III 2913, int. 4). 138

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TESORO SPIRITUALE DELLA COMPAGNIA

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sul mondo delle confraternite nella prima età moderna : al cui interno è di un certo interesse rilevare, anche attraverso l’indicatore dei libri a stampa direttamente riferibili a una loro iniziativa, in quale misura i suoi caratteri tradizionali si fossero dovuti in qualche modo adattare alla nuova temperie religiosa, quando non si sia assistito, alla fine, anche a una trasformazione alquanto radicale della loro fisionomia, a seguito di ripetuti interventi dei vescovi e dei pontefici. In effetti, nel corso degli ultimi decenni del secolo XVI si andò accentuando una sorta di progressiva rimodulazione dell’autonomia delle confraternite laicali in rapporto alla crescente affermazione dell’autorità episcopale : non soltanto per il ruolo che i prelati riformatori assegnavano alle confraternite nella propria strategia pastorale, quanto per la necessaria sottomissione di quelle all’autorità ecclesiastica, se non altro ai fini di una verifica dell’ortodossia delle loro pubblicazioni a stampa. Ad esempio, nel 1578 una confraternita bolognese, che rientrava nel novero delle associazioni di laici devoti strettamente legate all’ordine degli Agostiniani, pubblicava i propri Capitoli della confraternita della beata Vergine di Consolatione et del glorioso P. S. Agostino, et santa Monica143, che alla fine risultavano essere stati sottoscritti anche dal cardinale arcivescovo Gabriele Paleotti, in una premessa agli statuti detto « protettore » della confraternita stessa. Assai difficile appare sottovalutare, inoltre, in quale misura il meccanismo di aggregazione alle arciconfraternite, in particolare a quelle romane, ne abbia fatto esplodere il « tesoro spirituale », indirizzandone la pietà in una direzione fortemente, quando non esclusivamente, rituale144. Resta in ogni caso da tenere presente che, accanto al « tesoro spirituale » delle confraternite, sono rimaste ampie tracce di un ben più corposo « tesoro materiale », attestato da un altro genere di libri, dei quali, alla stregua della matricola, i confratelli talora sembrano essere maggiormente preoccupati, dal momento che a più riprese negli statuti fanno la loro comparsa appositi « officiali » – notai, cancellieri, amministratori – deputati alla tenuta delle diverse scritture confraternali145 (a quelle che si

143 Bologna, Fausto Bonardo, 1578 (CNCE 15565 : [48] c. ; 8°). Esemplare consultato : Roma, Biblioteca Angelica (segn. Z.9.4/1). 144 Su questi aspetti più generali si veda B. Dompnier, Réseaux de confréries et réseaux de dévotions, in La circulation des dévotions, Clermont Ferrand, 2000 (Cahiers du Centre d’histoire « espaces et cultures », 12), p. 9-28. 145 Per queste genere di scritture alla fine del medioevo si veda soprattutto A. Esposito, Amministrare la devozione. Note dai libri sociali delle confraternite romane (sec. XV-XVI), in Il buon fedele cit., p. 195-223, e più in particolare per una confraternita presa in esame più sopra M. Borzacchini, Il patrimonio della Trinità dei Pellegrini alla fine del Cinquecento cit.

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radicavano nella tradizione precedente se ne aggiungeva una del tutto nuova, il catalogo « dei putti e delle putte » nelle scuole della dottrina cristiana146). Agli inizi del secolo XVII, dopo l’emanazione della bolla Quaecumque del 7 dicembre 1604, papa Clemente VIII ne faceva stampare il testo dalla tipografia della Camera Apostolica, per assicurarle la più ampia circolazione : Constitutio super modo, & forma per quoscumque Regulares Ordines, Religiones, Instituta, seu Archiconfraternitates, & Congregationes Saecularium, tam Urbis quam aliarum civitatum, & locorum, in erectionibus, institutionibus, & aggregationibus confraternitatum, & congregationum, & communicationibus privilegiorum indulgentiarum, facultatum, aliarumque spiritualium gratiarum & indultorum eisdem confraternitatibus & congregationibus faciendis in posterum observanda147. Con le sue disposizioni, a partire dai primi anni del nuovo secolo il mondo delle associazioni dei laici devoti entrava in una diversa dimensione, e non soltanto dal punto di vista istituzionale148. Roberto RUSCONI Università degli studi Roma Tre

146 Cfr. Statuti per la congregazione della dottrina christiana nella Città, et diocese di Bologna Statuti (come a nota 88) : Parte seconda, capitolo X. 147 Roma, Stamperia Camerale, 1604. È stato consultato l’esemplare della Biblioteca nazionale centrale di Roma (segn. 68.13.E.2.12, int. 139). Cfr. Bullarium diplomatum et privilegiorum Sanctorum Romanorum Pontificum, XI, Torino, 1867, p. 138-139. 148 Cfr. R. Rusconi, Confraternite, compagnie e devozioni cit., p. 490 ; C. F. Black, Le confraternite italiane del Cinquecento cit., p. 100-103 ; e in particolare M. Mombelli Castracane, Ricerche sulla natura giuridica delle confraternite nell'età della Controriforma, in Rivista di storia del diritto italiano, 55, 1982, p. 43-116.

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DES CONFRÉRIES FACE AU LIVRE (1750-1850)

Au début du XVIIe siècle, La Bruyère s’étonnait : « Ils jeûnent, veillent, psalmodient, usent leurs corps par des austérités extérieures […] font de grands efforts vers la sainteté ignorant en quoi elle consiste »1. Une des armes utilisées pour remédier à cette situation, si souvent décriée, fut de développer, à partir du milieu du siècle, une intense pastorale fondée sur l’écrit, mouvement qui s’intensifia lentement pour gagner toutes les couches de la population2. Dans la France de l’Est, l’existence de livres de confréries est attestée depuis longtemps mais ils se multiplièrent après 1720. Le titre d’un ouvrage, édité à Épinal en 1726, explique très clairement ce changement : Statuts et règlements imprimés par ordre de Monseigneur l’Evêque comte de Toul pour la confrairie de la Glorieuse Assomption de la Sainte Vierge érigée canoniquement dans l’église paroissiale… Fondée le 13 juin 1682, cette association ne fut reconnue qu’en 1725 à la condition expresse que les statuts soient édités. Les évêques poussèrent donc à l’impression de manuels, manière de renforcer la cohérence de ces associations et de mieux contrôler les pratiques en les codifiant afin que tous les connaissent parfaitement3. C’était le temps où les confréries s’enracinaient profondément dans l’espace dévotionnel, années correspondant également à l’essor des petites éditions dévotes et des ouvrages de cantiques spirituels à destination d’un large public4. S’appuyant largement sur le

1 La Bruyère, Dialogues posthumes sur le quiétisme, 1699 ; cité dans M. Brûlin, Le verbe et la voix. La manifestation vocale dans le culte en France au XVIIIe siècle, Paris, 1998, p. 123. 2 Voir Ph. Martin, Une religion des livres (1640-1850), Paris, 2003. 3 Le même souci se remarque dans la Champagne étudiée dans S. Simiz, Confréries urbaines et dévotion en Champagne (1450-1830), Lille, 2001, p. 214. Il donne l’exemple de la confrérie du Saint Sacrement de Saint-Timothée de Reims qui imprime ses règlements en 1725 alors qu’elle existe depuis plus de deux siècles. 4 Ph. Martin, Le cantique catholique en Lorraine (vers 1750 - vers 1850), dans Y. Ferraton (dir.), Symphonies lorraines. Compositeurs, exécutants, destinataires, Paris, 1998, p. 337-359.

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clergé, assisté d’actifs réseaux commerciaux de diffusion, l’écrit gagnait les plus humbles campagnes5. En 1720, on pouvait donc ordonner aux confrères du Très Saint Sacrement de Bouzonville d’acheter le manuel de l’association afin « d’en avoir une copie pour être instruits de leurs principaux devoirs »6. En quelques mots, l’essentiel était dit : le confrère devait être un homme du livre. Voir le livre de confrérie L’importance d’une production Pour approcher la réalité du livre de confrérie, nous avons fondé notre analyse sur un corpus de 111 éditions différentes imprimées entre 1750 et 1850 pour les associations du diocèse de Toul7 et sur 107 ouvrages alsaciens répertoriés par Romain Boxberger8. Ce nombre limité d’ouvrages conservés traduit tout d’abord la fragilité de nombreuses éditions de quelques pages qui n’ont fait l’objet d’aucun soin particulier, au même titre que les si rares exemplaires de la Bibliothèque bleue. Peut-être correspond-il également à la faible utilisation de l’imprimé par les confréries9. En effet, le succès du livre de confrérie fut tout relatif. La confrérie de saint Sébastien de Meistratzheim fondée en 1526 n’eut le sien qu’en 1920, l’association éponyme de Masevaux, créée en 1612, vers 1880-1890, et celle du Très Sacrement de Saint-Hippolyte en 1889 alors qu’elle existait depuis 1684. Même les congrégations nées au XVIIIe siècle n’eurent pas systématiquement leur manuel imprimé. Celle de l’Assomption de Notre-Dame de Dinsheim fut fondée en 1759 mais son livre date de 1802, celle de l’Agonie de Notre Seigneur Jésus Christ (NSJC) de Barr, instituée en 1769, eut le sien en 1817. En Lorraine, un décalage similaire est perceptible. Si nous avons pu composer un corpus de 111 éditions publiées pendant le siècle de notre étude, Louis Châtellier y a recensé 1 766 confréries pour la seconde moitié du

Ph. Martin, Une religion… cité n. 2, chapitre 3. Livre pour la confrairie du Très Saint Sacrement de l’autel établi dans l’église abbatiale de Bouzonville, Nancy, 1720, p. 26. 7 Ce corpus a été constitué lors de notre enquête sur le livre de piété entre 1640 et 1850 (voir Ph. Martin, Une religion…cité n. 2). Nous y ajoutons les exemplaires découverts par Mlle Fanny Reinhardt. 8 Nous remercions Romain Boxberger de nous avoir communiqué son mémoire de DEA et nous tenons à l’associer à cet article. Voir la liste, donnée en annexe, dans R. Boxberger, Les livres de piété des catholiques d’Alsace (1750-1965). Premières approches, mémoire de DEA, université de Strasbourg II, 2003, dactyl. 9 Nous n’envisagerons pas dans la suite de cet article les placards si fréquents dans les confréries qui y portaient les indulgences dont elles jouissaient. 5 6

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grands noms de la littérature dévote étaient cependant présents : Baltazard, Antoine, Charlot, Lamort, Leseure…13. Face à eux, Toul, antique capitale épiscopale, fournit longtemps des titres variés. À côté de ces grands centre de production, d’humbles imprimeurs s’intéressèrent à ces livres : Lambelet à Dieuze ou Friedrich Bock à Wissembourg travaillèrent pour les confréries locales, respectivement celle de saint Hubert et celle de l’Agonie de NSJC. Sous l’Ancien Régime, à peine 10% des ouvrages lorrains furent munis des permissions et privilèges ducaux ou royaux : preuve qu’ils occupaient un statut intermédiaire entre le livre et le livret de la Bibliothèque Bleue. Les éditeurs de colportage ne négligèrent pas ces petits opuscules14. Partout en France, les ouvrages pour la Confédération d’Amour de Notre-Dame Auxiliatrice, érigée à Munich le 18 août 1684, furent innombrables ; ils furent imprimés par la veuve Béhourt à Rouen (1749), Chalopin fils à Caen (fin XVIIIe siècle), Lecrêne-Labbey à Rouen (1800, 1817), Pellerin à Epinal (1821), Poulet-Malassis à Alençon (1832)… Mais des ouvrages plus spécifiques sortaient aussi de leurs presses, comme L’association de la confrérie de Notre-Dame de Bon Secours érigée en la paroisse de Blosville-lès-Rouen vers 1300 chez Lecrêne-Labbey à Rouen (1817 et 1845)15 ou les Statuts de la confrairie de Sainte-Barbe chez Trotot à Saint-Dié (1820). Le XIXe siècle provoqua une évolution dans le monde des éditeurs : l’apparition de manuels destinés non plus à une association précise mais à un ensemble de confréries placées sous le même vocable. Ce furent, par exemple, les publications de Ludwig Franz Le Roux de Strasbourg telles Andachstübungen zu Ehren des allerheiligsten Herzens Jesu en 1821 pour les confréries du Sacré-Cœur ou Der lebendige Rosenkranz. Ein vor Gott besonders wohlgefälliges und wiksames gemeinschaftliches Gebet… en 1850 pour les confréries du Rosaire. On recherchait un lectorat plus nombreux à un moment où une véritable guerre éditoriale se déclarait. Si les petites entreprises ne purent s’adapter à ces changements16, quelques grandes maisons s’imposèrent, n’hésitant pas à chercher leurs clients au loin, hors des marchés régionaux traditionnels, et à se confronter à la concurrence locale. L’imprimerie nancéienne Haener publia ainsi Association

Ph. Martin, Une religion… cité n. 2, chapitre 3. Voir G. Oberlé, Livres de colportage, catalogue n° 20 du Manoir de Pron, s. d. Voir aussi R. Hélot, La bibliothèque bleue en Normandie, Rouen, 1928. 15 Il s’agit d’un pèlerinage normand célèbre. 16 Ph. Martin, Une religion… cité n. 2, chapitre 3. 13 14

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en l’honneur du Bon Pasteur pour demander à Dieu le salut des pécheurs, volume de 256 pages destiné à la confrérie établie dans le Grand Séminaire de Strasbourg en 1824, ville où les imprimeurs ne manquaient pourtant pas. La forme des livres La majorité de nos ouvrages, 69%, sont des in-8°, les autres sont du format in-12°, in-32° ou in-16° : les petits formats régnaient donc. Leur taille est très variable : un tiers a moins de 50 pages, un autre tiers entre 50 et 100 pages, le reste dépassant la centaine de pages, cette dernière catégorie ayant tendance à croître au fur et à mesure que nous avançons dans le temps car, au XIXe siècle, le livre de confrérie devint un manuel se rapprochant des autres livres de piété. Les tirages étaient considérables : le Petit office de la congrégation des hommes en l’église paroissiale de Moyenvic sous l’invocation des Saints patrons Pian, Agent et Colombe en 1775 fut imprimé par Lambelet, à Dieuze en 1779, en 1 000 exemplaires au format in-12° ; quant au manuel de 1788 de la confrérie du Saint Sacrement de Pont-à-Mousson, il fut publié à 1 500 exemplaires au même format. Cela correspondait parfaitement au seuil de rentabilité d’une impression17 mais excédait les capacités d’écoulement immédiat au sein de la confrérie ; des stocks existaient donc pour les futurs membres. Les libraires espéraient aussi les vendre à des lecteurs avides des prières et des exercices que ces volumes contenaient, ou à d’autres associations. En 1724, à Nancy, Antoine imprima les Instructions sur la confrairie des Morts érigées dans l’église paroissiale de Saint-Denis de Fraisnes, un sous-titre précisait cependant que ce texte « peut servir à toute autre pareille confrairie et à la vraye dévotion pour le soulagement des Ames du purgatoire ». D’un ouvrage particulier, il voulait faire un produit de large diffusion. L’aspect de ces manuels était en effet plus attrayant que ceux des habituels livres de piété : 25% étaient ornés de gravures contre à peine 10% de la littérature dévote18. Le plus souvent, il s’agissait d’images stéréotypées servant à de multiples autres usages pieux. Si le Sacré-Cœur, le Christ mort dans les bras de la Vierge… furent très fréquents, le Saint Sacrement dans l’ostensoir s’imposa partout, présent dans près de la moitié des livres illustrés, qu’il s’agisse de manuels pour la Bonne Mort, les Agonisants, le Sacré-Cœur ou, bien évidemment,

17 H.-J. Martin, Livres, pouvoirs et société à Paris au XVIIe siècle (1598-1701), Paris-Genève, 1969, II, p. 375-376. 18 Ph. Martin, Une religion… cité n. 2, p. 128-129.

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pour le Saint Sacrement. Quelques riches associations demandèrent des œuvres précises à des artistes ; au siècle précédent, Jacques Callot avait d’ailleurs largement profité de telles commandes. En 1775, le manuel de la confrérie des Pénitents Blancs de Nancy s’ouvrit sur une gravure montrant deux fidèles habillés en pénitent, à genoux, devant un autel que surmontait une gigantesque piéta encadrée des instruments de la Passion. Malgré le succès de ces manuels, les auteurs demeurèrent le plus souvent inconnus. Quelques prêtres signèrent les textes des groupes dont ils s’occupaient, tel Nicolas Lambrecht, desservant de Reichshoffen, qui publia à Strasbourg, en 1785, Andachtsübungen der Todt-Angst-Bruderschaft…petit opuscule de 55 pages. Nous découvrons aussi quelques ouvrages qui n’étaient que des adaptations de textes de spirituels connus. Les exercices de piété pour les associés à l’Adoration perpétuelle du Saint Sacrement… (Nancy, 1770) correspondaient à un écrit du père Vauber (1644-1716), jésuite qui enseigna au collège Louis-le-Grand. Il en alla de même avec une version de l’Ange conducteur de Jacques Coret (1631-1721) édité pour les « personnes associées dans la confrairie de l’Ange Gardien » (Nancy, 1759). En fait, l’auteur était parfaitement secondaire, ce qui comptait c’était l’association qui avait commandité le texte. Pourquoi écrire des livres ? Les raisons qui poussaient à faire imprimer un manuel demeurent souvent obscures. Un quart des éditions lorraines correspondait à l’érection de l’association. Le 12 décembre 1758, la confrérie de Notre-Dame des Suffrages en faveur des Âmes du Purgatoire fut établie dans l’église Saint-Nicolas de Nancy. Quelques semaines plus tard, Pierre Antoine, dont les presses étaient installées dans cette ville, mit en vente le règlement accompagné d’une présentation des buts et des origines de cette dévotion19. Le même phénomène se remarque en Alsace ; les éditions étaient parfaitement contemporaines de la création de l’Amende honorable à la Très Sainte Vierge Marie à la cathédrale de Strasbourg (1758), du Scapulaire de NotreDame du Mont Carmel de Schiltigheim (1764), du Très Saint Sacrement de Beinheim (1765), du Très Saint Sacrement de Molsheim (1770), de saint Sébastien de Bantzenheim (1777), de l’Assomption de la Vierge de Colmar (1783)…

19 Érection d’une confrérie sous le titre de Notre-Dame des Suffrages, Nancy, 1759, 35 p.

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L’époque était à l’édition des règlements et le siècle fut marqué par de nombreuses « régularisations », c’est-à-dire que d’anciennes associations publièrent leurs manuels alors qu’elles se réformaient près de 20% des livres lorrains furent imprimés à cette occasion. Fondée le 13 juin 1682 en l’église d’Uriménil, la confrérie de l’Assomption de la Vierge ne vit ses statuts approuvés par l’évêque de Toul qu’en 1725 ; quelques mois après sortirent des presses spinaliennes ses règlements. Il en alla de même de la confrérie du Très Saint Sacrement établie dans l’église Saint-Aignan de Toul en 1682 ; réformée en 1751, elle publia alors son manuel20. La confrérie de la Miséricorde regroupait les avocats et gens de justice de Nancy ; instituée le 4 décembre 1613, elle connut un fort déclin dans la seconde moitié du siècle. En 1761, elle fut totalement réformée, ce qui passa par une nouvelle édition des règlements, travail effectué chez Pierre Antoine21. Le fait semble assez général puisque l’Alsace connut le même mouvement. La confrérie du Rosaire de Boersch fut fondée en 1656 mais son premier manuel fut publié en 1770, le Saint Scapulaire de Ebersmunster de 1698 eut le sien en 1774 et NotreDame de Bon Secours de Rosheim, née en 1695, en 1762. Inexorablement, ces éditions s’épuisaient et près du quart des ouvrages lorrains étaient des rééditions. Ce fut cette raison qu’avança, en 1743, la Congrégation de la Présentation de Nancy, approuvée par l’évêque le 12 septembre 1696 et confirmée le 23 avril 1698, quand elle commanda à René Charlot ses règles, petit opuscule destiné aux jeunes associées, fillettes de 8 à 15 ans de la paroisse SaintEpvre. Régulièrement, il fallait faire face à la croissance du nombre des membres. La confrérie de l’Annonciation de Haguenau fut fondée en 1613 mais son Marianisches Gebet-Gesang und VersammlungBuch…, 280 pages accompagnées de nombreuses illustrations, ne fut publié chez Sébastien König, imprimeur en cette ville, qu’en 1784. Cette nouvelle parution devait soutenir le succès d’une association qui, en moyenne, accueillit tous les ans 149 personnes entre 1741 et 1760, contre 38 entrées annuelles en 1681-170022. Le manuel était donc considéré comme un bien indispensable à la piété du confrère et, bien souvent, on le lui remettait le jour de son adhésion, juste après sa confession et sa communion23. 20 Statuts anciens et nouveaux de la Confrairie du Très Saint Sacrement érigée dans la paroisse de S. Anian de la ville de Toul, en 1682, unie à l’archiconfrairie de Rome en 1693 et rétablie dans sa première splendeur en 1751, Toul, 1751. 21 Statuts de la confrérie de la Miséricorde, Nancy, 1761. 22 L. Châtellier, L’Europe des dévots, Paris, 1987, p. 222. 23 F. Hernandez, Les confréries de l’Agonie de Jésus et des Agonisants à la lumière de leurs livrets et manuels, dans Siècles, Cahiers du Centre d’Histoire « espaces et cultures », 12, 2000, p. 29-56.

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Le contenu des livres de confrérie Le reflet d’une identité Compagnon du fidèle, le manuel tenait une place particulière dans la production dévote, son contenu le distinguant totalement des autres livres de piété. L’exemple lorrain met clairement en évidence cette différence24. Le livre de piété est un volume de petit format, essentiellement écrit en langue vulgaire et expressément destiné aux laïcs. Il négligeait les manifestations collectives de la vie religieuse pour privilégier tout ce qui concernait la réformation intérieure et la prière, chacun de ces thèmes étant présent dans près de la moitié des volumes. Guide propre à seconder le catholique dans l’approfondissement de sa foi, il le poussait à responsabiliser sa quête spirituelle, à devenir acteur de son Salut. En 1766, le père Baudrand assurait : « Un bon livre est un ami sincère, un conseil fidèle qui vous donnera des avis salutaires quand vous voudrez l’écouter et le recevoir […] c’est un trésor où vous pourrez trouver les richesses spirituelles de la grâce de Dieu »25. Lire était essentiel car : « Nous parlons à Dieu dans l’oraison et Dieu nous parle dans la lecture »26. Tout différent était le manuel de confrérie. Considérant le lecteur comme le membre d’une association où il vivait intensément sa foi, il insistait sur d’autres aspects de la vie religieuse. La comparaison de quelques sujets est édifiante (voir document n° 2). Plus de 85% des volumes des confrères abordaient les questions de la mort, de la messe, de la confession et de la communion alors que ces questions n’étaient traitées, respectivement, que par 11%, 15,5% et 14,5% des ouvrages de piété. La répartition des autres matières fait apparaître des différences aussi importantes.

24 Pour le livre de piété, nous nous fondons sur un corpus de 1 241 éditions utilisées en Lorraine entre 1640 et 1850. Voir Ph. Martin, Une religion… cité n. 2, 2e partie. 25 B. Baudrand, L’âme sanctifiée par la perfection de toutes les actions de la vie…, Paris, 1766, p. 123. 26 Ibid.

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Tableau 1 - Le contenu du livre de confrérie et du livre de piété en Lorraine Principaux thèmes abordés Règlements et statuts Mort et agonie Messe Confession et communion Dévotions au Christ Dévotions à la Vierge Actes de charité Dévotions aux saints

Présence dans les livres de confrérie

Présence dans les livres de piété

98% 92% 87,5% 85% 75% 64% 63% 43%

thème absent 11% 15,5% 14,5% 17% 6% 5% 12%

Si nous pénétrons plus avant dans les textes, nous découvrons que la manière dont chaque sujet était présenté variait énormément. Le livre de confrérie faisait fréquemment appel à l’argument d’autorité, assurant que telle ou telle pratique était obligatoire. Il les liait à des indulgences, sorte de tractation avec l’au-delà et souvenir d’une théologie de la peur où le Salut pouvait se « négocier ». De telles attitudes n’étaient quasiment jamais présentes dans la littérature de dévotion qui incitait à une prise de conscience et à une responsabilisation personnelle. Alors que le livre de piété était un ouvrage de méditation favorisant la transformation intime du fidèle, le manuel de confrérie était un volume d’exercices reposant sur des obligations. L’analyse du contenu des éditions utilisées en Lorraine le démontre. Un recueil officiel Le manuel de confrérie se caractérisait tout d’abord par un aspect très légaliste puisque 96% d’entre eux contenaient les pièces officielles se référant à la création de l’association. Alors que très peu faisaient mention d’actes issus des autorités civiles27, 60% indiquaient des pièces émanant de Rome et 68% des autorités diocésaines. C’était l’occasion de présenter la longue liste des indulgences octroyées aux fidèles : plénière à l’admission ; de sept ans pour celui qui, s’étant confessé et ayant communié, visitait la chapelle lors des fêtes secondaires de la confrérie ; de 60 jours pour celui qui suivait le viatique porté aux malades… En 1749, la confrérie de

27 C’est le cas, par exemple, de l’édition de 1775 du manuel de la confrérie des Pénitents de Nancy qui reproduit un arrêt de la Cour souveraine de Nancy ordonnant l’homologation des statuts.

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l’Assomption de la Bienheureuse Vierge Marie, de la paroisse NotreDame de la Ville Vieille de Nancy, leur consacra six pages ; pour éviter toute contestation, elle fit préciser : « Pour copie fidellement traduite de l’Original Latin en Français, et y rendue conforme par le souscrit Nicolas Petit-Jean, notaire Publique par la Sacrée Autorité Apostolique, deuement immatriculé en l’Archive de Cour de Rome, et Tabellion général de Lorraine, résidant à Nancy ». Luxe de précautions qui montre que les confrères souhaitaient se mettre à l’abri de toute critique, au moment où quelques associations usurpaient les indulgences si recherchées. Les bulles et autres actes officiels décernés par de prestigieuses autorités avaient souvent déjà été diffusés sous forme de placards ou rendus publics lors de prêches ; en étant fixés sur le papier, ils entraient dans la sphère du privé, chacun pouvant les relire et s’en nourrir. En s’inscrivant dans un livre, ils acquéraient également une nouvelle autorité semblant, à présent, s’intégrer au temps long. Consigner ces privilèges, c’était encore manifester l’honneur qui avait été octroyé aux associés soucieux d’obtenir ces précieux avantages capables de leur attirer de nouveaux membres, mais aussi d’assurer leur position au sein des hiérarchies urbaines28. L’éventuelle agrégation à une archiconfrérie romaine était largement soulignée car elle s’accompagnait d’indulgences supplémentaires. Ainsi l’affiliation à l’archiconfrérie romaine du Saint Sacrement du couvent dominicain de Sainte-Marie de la Minerve, créée en 1539 par la bulle Dominus noster christus, fut signalée dans sept manuels : Toul (1741), Nancy (1741, 1806, 1810 et 1816), Pontà-Mousson (1746 et 1788). L’associé jouissait d’une indulgence plénière à son admission et trois fois au cours de sa vie ; 100 jours quand il assistait le prêtre portant le viatique aux malades… Le recours à ces formules souvent stéréotypées ne fit pas disparaître le caractère particulier de chaque association. Les rédacteurs des ouvrages insistaient sur les noms des fondateurs. Cinq pages de l’Instruction sur la confrairie des Morts érigées dans l’église paroissiale de Saint-Denis de Fraisnes (Nancy, 1724) présentaient une biographie du fondateur, en 1720, le père Claude Rollin. Le Livre à l’usage des confrères et consœurs associés à la confrérie du grand saint Hubert érigée en l’église paroissiale de Mulcey… (Dieuze, 1761) rappelait l’action du père Nicolas Beaupoil qui obtint l’érection de l’association ; pour leur part, les Règlements et prières pour l’association des Dames de la Charité, érigée en la paroisse de Ferrières (Nancy, 1803) célébraient l’action du curé qui exhorta ses paroissiennes à y adhérer,

28 Sur l’utilisation des indulgences, voir, dans ce volume, les communications de Stefano Simiz et de Philippe Desmette.

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leur fournit leurs premières règles, des prières… De telles évocations permettaient aux confrères d’ancrer leur démarche dans le passé de l’association, de participer aux efforts originaux et de s’inscrire dans la longue lignée de leurs prédécesseurs. Tous les manuels fournissaient également règlements et statuts29. Près de 60% d’entre eux présentaient le fonctionnement interne : l’immense majorité, 75%, optant pour le système de l’élection aux offices, 18% pour la désignation par le curé, les autres ne donnant pas de précision. En revanche, tous s’appesantissaient sur les conditions d’admission. Dans 72% des cas, on s’adressait à un public mixte. Dans à peine 15%, il était prévu une mise à l’épreuve du futur associé : trois dimanches pour les femmes de la Charité de Ferrières, mais un an pour ceux souhaitant entrer dans le Tiers Ordre des minimes de Nancy en 1740. Ailleurs des clauses particulières étaient énoncées. En 1743, la Congrégation de la Présentation et Enfance de la Vierge de Nancy comptait uniquement 63 membres en souvenir des 63 années que la Vierge passa sur terre. En 1768, la confrérie des Saints Innocents d’Épinal ne regroupait que 20 laïcs et 20 prêtres, auxquels s’adjoignaient 4 « expectants », 2 laïcs et 2 prêtres, qui attendaient le décès d’un membre pour pouvoir devenir associés à part entière. Plus rarement, des conditions spéciales étaient imposées à certaines catégories de fidèles. En 1810, les malades payaient une taxe plus importante que les biens portants pour s’affilier à la Confrérie du Saint Sacrement et des Morts de la paroisse SaintNicolas de Nancy. Partout, on insistait sur l’honneur qui était fait au nouveau membre et le tiers des règlements présentait les conditions d’exclusion. Ceux fréquentant les bals publics et les cabarets, bref toutes les « personnes scandaleuses ou de mauvaise vie », étaient implacablement repoussées. Devenir membre d’une de ces associations engageait le fidèle sur une voie qui devait l’amener à être un modèle pour les autres chrétiens, en particulier parce qu’il pratiquait de multiples exercices pieux. Un livre d’exercices Pour rappeler le confrère à ces devoirs, la mort était omniprésente : 92% des manuels abordaient cette question alors qu’à peine 11% des livres de piété la traitaient, preuve que la littérature confraternelle demeurait attachés à la pastorale de la peur30. Si très peu de 29 Notre chiffre de 98% s’explique par le fait qu’une des éditions étudiées est incomplète ; les règlements ont-ils été arrachés ? 30 J. Delumeau, Le péché et la peur. La culpabilisation en Occident XIIIe-XVIIIe siècle, Paris, 1983, 3e partie.

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ces ouvrages mentionnaient l’extrême-onction, ils insistaient sur la nécessaire pensée de la mort. En 1752, le confrère de la Bonne Mort de Nancy consacrait une journée par mois à la préparation de son décès31. La veille de la journée choisie, il se rendait dans son église paroissiale pour implorer le secours de la Vierge, de saint Joseph patron de la Bonne Mort et de son saint patron. Le lendemain, dès son lever, après avoir remercié Dieu, il effectuait un examen de conscience avant d’entamer une série d’exercices très codifiés : messe à 7 heures, méditation à 8 heures, confession à 9 heures suivie de lectures pieuses, réflexion sur la manière de recevoir les derniers sacrements à midi, visite au Saint Sacrement dans l’après-midi accompagnée de l’office des morts et d’une mise au point de son testament, visite aux malades en début de soirée, prières des agonisants avant de se coucher. Tout était précisé avec une grande rigueur, l’ouvrage renfermant même un formulaire type de testament. La dévotion au Sacré Cœur de Notre Seigneur Jésus Christ (Nancy, 1732 et 1764) préférait préconiser une « préparation abrégée à la mort » en douze prières à réciter tous les jours ou, à défaut, au moins une fois par semaine. La pensée de sa fin ne devait pas faire oublier au confrère qu’il était membre d’un groupe, ce qui impliquait des devoirs envers ses collègues : 63% des manuels soulignaient l’indispensable charité, en particulier lors de la maladie ou de la mort. On exigeait sa présence aux côtés des agonisants, lors des processions mortuaires, à l’occasion des offices funèbres… Pour faciliter le salut de son âme, la confession et la communion furent mises au cœur de la démarche du fidèle : 84% des ouvrages abordaient ce thème. La moitié d’entre eux obligeait à une confession au moins une fois par mois, exigence qui devint de plus en plus pressante et explicite tout au long de notre siècle d’étude. Mais à peine un quart fournissaient des conseils et 12% des prières et des méditations. Le plus souvent on se contentait d’évoquer l’obligation des croyants. Les Règles et offices pour la congrégation de la Très Sainte Vierge... (Nancy, 1723) précisaient : « Il n’est rien de plus important dans le christianisme que de recevoir, avec les dispositions nécessaires, le sacrement de pénitence ». Injonction bien rapide alors que le livre de piété multipliait les explications pratiques32. La vie quotidienne était rythmée par des exercices collectifs, en priorité la messe présente dans 87,5% des livres. La définition don-

31 Règlements et prières à l’usage de ceux qui sont associés à la congrégation dite de la Bonne Mort, Nancy, 1752, p. 106-114. 32 Ph. Martin, Une religion… cité n. 2, chapitre 5.

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née par nos manuels n’était pas différente de celle en vigueur à l’époque : « La messe est le sacrifice du corps et du sang de Jésus Christ que l’Église, par le ministère du prêtre, offre à Dieu pour honorer sa souveraine grandeur, pour le remercier de tous ses bienfaits, pour lui demander pardon des péchés commis contre lui et pour obtenir toutes les grâces dont on a besoin »33. Seuls 22% des ouvrages ordonnaient l’assistance à la messe paroissiale dominicale. Le plus souvent, ils rappelaient les exigences de la présence lors des offices particuliers de la confrérie : messe annuelle pour les confrères décédés, pour la fête... En 1721, les membres de la confrérie des Agonisants de la paroisse Saint-Sébastien de Nancy devaient participer à l’office de l’association, célébré le jour de Notre-Dame de Pitié, qui était suivi d’une procession et de vêpres à 14 heures. Une messe était faite le premier vendredi de chaque mois et quatre fêtes secondaires étaient spécialement honorées : l’Assomption, la SaintJoseph, la Saint-Jean et la Sainte-Marie-Madeleine. En Lorraine germanophone, l’attention pour ces messes était encore plus grande, la cérémonie étant le moyen de manifester une réelle et visible identité confraternelle. Nombre d’associations éditaient d’ailleurs des cantiques propres à ces manifestations, comme le Gebett-Büchlein der aufgerichteten Brüderschaft des Hoch-Heiligen Sacraments des Altars édité à Strasbourg, en 1728, pour la confrérie du Saint Sacrement de Fénétrange. Les exercices en commun modelaient le comportement du confrère qui devenait le fidèle idéal aux offices, chantant, priant, méditant afin d’honorer Dieu mais aussi de servir d’exemple. Un livre de dévotion Comme dans le livre de piété, le Christ fut placé au cœur même des dévotions. Mais là s’arrêtaient les similitudes, notre corpus traitant cette question bien plus fréquemment que le reste de la littérature dévote (voir tableau 1). Le culte au Sacré-Cœur n’était évoqué que dans 16% des manuels alors que le Saint Sacrement était omniprésent. Dans la moitié des confréries, son exposition était autorisée par l’évêque. Près de 45% exigeaient aussi des visites fréquentes et individuelles. En 1806, la confrérie du Saint Sacrement et des Morts de Saint-Epvre de Nancy préconisait une heure quotidienne d’adoration lors de l’octave du Saint Sacrement, de la fête de la Compassion de la Vierge… À nouveau, très peu d’ouvrages, à peine 9%, donnaient des explications ou des conseils pratiques. Les prières

33 Règles et offices pour les congrégations de la Très Sainte Vierge […], Nancy, 1823, p. 24-25.

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ou les cantiques étaient plus fréquents. Le livret de 1754 de la confrérie du Très Saint Sacrement de Bar-le-Duc, créée en 1548 et réformée en 1730, comportait des vers faciles à mémoriser34 : Je t’adore, ô grand Dieu, présent dans ce nuage, Qui cache les raisons de ta vive clarté : Mon cœur te contemple en cette obscurité Plein d’un profond respect, t’offre son humble hommage.

Les manifestations collectives étaient largement représentées puisque 40% des manuels envisageaient les processions du Saint Sacrement. En 1788, chaque premier jeudi du mois, les confrères du Saint Sacrement de Pont-à-Mousson organisaient un cortège à l’intérieur de leur chapelle. En 1810, ceux de Saint-Nicolas de Nancy préféraient les défilés publics le dimanche dans l’octave de la FêteDieu, dans le cimetière le jour des morts… Les manuels présentaient les rites, les obligations et les indulgences à gagner, alors que les conseils pratiques étaient peu présents. Les Exercices de piété pour les associés de l’Adoration perpétuelle (Nancy, 1770) firent figure d’exception avec un chapitre consacré à « une manière d’assister dévotement à la procession du Saint Sacrement »35. L’auteur expliquait que cette cérémonie répondait « aux insultes, outrages et à ces violences avec lesquelles Jésus fut pris pendant les ténèbres de la nuit, par les mains sacrilèges des soldats ». Pendant sa marche, il suggérait au fidèle de se répéter : « Ô mon Dieu ! Je crois que vous êtes JésusChrist le Fils de Dieu vivant qui êtes venu dans le monde ». Entre chaque reposoir, il pouvait se remémorer un des moments importants de la Passion ; entre le premier et le second, il réfléchissait à ce « qui se passa chez Anne et Caïphe, à ces moqueries outrageuses que reçut le divin Sauveur, à ces crachats injurieux et à ces soufflets qui furent déchargés sur ses joues sacrées ». Cette présence du Christ ne faisait pas négliger les dévotions à la Vierge, présentes dans 64% des livrets contre 6% dans les livres de piété. Ce fut surtout sa personne qui fut mise en avant puisque la moitié des manuels présentait ses mystères : Annonciation, Assomption… Le Rosaire était l’exercice spécifique le plus recommandé, 19%, loin devant le Scapulaire, 6%. Mère du Christ, Marie était l’intercesseur privilégié et la moitié des ouvrages fournissait des prières pour l’implorer ou la louer. En effet, comme le proclamait un

34 Statuts et instructions pour les confrères et les sœurs de la confrérie du TrèsSaint-Sacrement, Bar-le-Duc, 1754. 35 Exercices de piété pour les associés de l’Adoration perpétuelle du Saint Sacrement, Nancy, 1770, p. 182-189.

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règlement de 1738 : « Toutes les marques extérieures que nous pouvons donner de notre respect envers elle, ne l’honorent point si elles sont dépouillées de la révérence intérieure que nous lui devons »36. Prières et cantiques étaient adressés à celle qui était la consolatrice par excellence. Un manuel de 1785 proposait de chanter37 : À cette mère chérie, Mortels, applaudissons tous ; Jésus est avec Marie, Mais Marie est avec nous : Avec nous, pour nous défendre Contre le monde et Satan, Ainsi qu’une mère tendre Défend son timide enfant.

Les saints et les anges étaient présents dans 43 % des manuels alors qu’à peine 12% des livres de piété s’y intéressaient. Il s’agissait d’abord d’honorer le patron de l’association. C’est ainsi que les Saints Anges étaient priés par une confrérie érigée par les Minimes du couvent de Nancy, saint Sigisbert dans la primatiale de Nancy… Les récits de vies de saints étaient cependant très rares38 car on ne voulait ni fournir un guide de vie, comme les livres de piété, ni rapporter de fantastiques légendes, comme la Bibliothèque Bleue. Le plus souvent, on se contentait d’ordonner des neuvaines, de proposer des prières afin que la dévotion du confrère s’éloigne, autant que faire se pouvait, de la « relation demande » construite lors des traditionnels pèlerinages39. Il inscrivait son rapport avec Dieu dans le temps et se préparait efficacement à cette rencontre. Ainsi, la prière à saint Sigisbert, invoqué contre les contagions, devait être accompagnée d’une confession et d’une communion pendant neuf jours. Traitant, presque avec la même importance, du Christ, de la Vierge et des saints, les manuels de confrérie affirmaient une notable originalité. Cependant, insensiblement, au cours du XVIIIe siècle, ils gagnèrent en ampleur et se rapprochèrent des livres de piété. Ils devinrent des ouvrages complets offrant offices, prières, cantiques

36 Règlement et pratiques de piété à l’usage des congrégations érigées en l’honneur de la Sainte Vierge dans les paroisses du diocèse de Toul avec des réflexions propres à faire entrer dans le véritable esprit de cette dévotion, Nancy, 1738, p. 29. 37 Règlemens, statuts et prières pour la confrairie de Notre Dame des Hermites, érigée en 1778 en la paroisse de Villers les Nancy…, Nancy, 1785, p. 41. 38 Elles ne furent développées réellement que dans deux ouvrages. 39 Ph. Martin, Paroles de pèlerins, dans L. Châtellier et Ph. Martin (dir.), La prière dans le christianisme moderne, Revue de l’histoire des religions, 217, juil.sept. 2000, p. 489-502.

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ou explications diverses sur les principaux mystères. Les rééditions étaient l’occasion de permanents enrichissements, en particulier les exercices pour le Sacré-Cœur et les explications de la messe. Entre 1732 et 1764, La dévotion au Sacré Cœur de Notre Seigneur Jésus… gagna 80 pages consacrées en particulier à une vie du Christ. À la veille de la Révolution, des manuels, à l’origine modestes, étaient devenus de longs ouvrages. Fondée en 1547 à Pont-à-Mousson, la confrérie du Très Saint Sacrement fit rééditer en 1788 ses Heures, in12° de 367 pages. On y joignit un calendrier, une « Imitation de Jésus-Christ sur la communion », une série de questions-réponses permettant d’aborder les points essentiels du catéchisme… Des réflexions et des méditations terminaient le volume. Cette évolution s’affirma au début du XIXe siècle. La part des données propres à l’association diminuant, le livre devenait de plus en plus commun. Le cas d’un livret imprimé à Épinal en 1821 est exemplaire40. Sur ses 68 pages, 14 étaient spécifiques à la confrérie : prières pour le jour d’admission, oraisons lors des fêtes de l’association… On précisait la puissance de cette dévotion qui célébrait annuellement plus de 12 000 messes et faisait dire plus de 40 000 chapelets. Lors de son admission, chaque associé recevait une image de la Vierge derrière laquelle il inscrivait son nom avant de la faire bénir. On lui recommandait de la conserver sur soi, de la baiser régulièrement, de la serrer sur son cœur à l’heure de sa mort et de se faire inhumer en sa compagnie. Les 54 autres pages étaient consacrées à des prières, avec une prédilection pour le chapelet présenté sur plus de 15 pages. De multiples formules permettaient d’accompagner un convoi funèbre, de visiter le Saint Sacrement, d’offrir sa journée à Dieu… Les confréries avaient accompagné le mouvement de « démocratisation » du livre. Ayant gagné en taille et leur contenu étant devenu plus généraliste, leurs manuels s’inscrivaient de plus en plus au cœur de la pastorale par l’écrit qui passait par la lecture dévote. Comment lire ? La lecture encadrée Les livres n’étaient pas de simples objets à posséder, ils étaient les supports de la dévotion individuelle. En 1740, le règlement des associés du Tiers Ordre des Minimes précisait que les membres

40 La Sainte Association de l’amour sacré de Marie Très Digne Mère de Dieu […], Épinal, 1821. Voir Arch. dép. des Vosges [107] 48 J Colp. 85.

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devaient lire leur manuel au moins une fois par an41. Après la fin des réunions, il était un indispensable soutien de persévérance et un outil pour un approfondissement personnel : « On espère que la lecture fréquente et attentive qu’ils en feront soutiendra la ferveur et ranimera celle des autres et leur inspirera une ardeur toujours nouvelle » précisait un règlement de 174542. Deux moments de lecture étaient privilégiés « à l’église ou lorsqu’ils seront obligés d’assister quelque personne à l’agonie »43. Bien sûr la question des confrères illettrés se posait. Les congréganistes de la Très Sainte Vierge étaient très strictes : elles devaient « avoir ce livre qui doit être lu au moins deux fois par an à ceux qui ne savent pas lire »44. Cela supposait donc des lectures collectives à voix haute dont tous profitaient. Une telle pratique rapprochait les associés des communautés religieuses, où les repas, en particulier, étaient rythmés par de tels enseignements. Elle permettait aussi des commentaires et devenait une occasion de former l’ensemble des confrères présents. En écoutant ces textes, chacun se fondait dans le groupe, ce qui permettait aux responsables de diriger et d’encadrer la compréhension du message spirituel. La lecture à voix haute était expressément signalée par certains règlements, qui prévoyaient la création d’un office particulier, celui de lecteur. L’oratorien qui, en 1738, rédigea les statuts des associations mariales de jeunes filles du diocèse de Toul précisa son rôle. La jeune fille en charge n’utilisait que les ouvrages choisis par la préfète et le directeur spirituel. Lors des assemblées qui se tenaient dans la chapelle, elle lisait « à voix haute, lentement, d’une manière distincte ». Si elle heurtait un mot ou si elle hésitait, « elle s’arrêtera lorsque la Préfète la reprendra ; et après avoir répété comme on lui aura dit, elle continuera jusqu’à ce que la Préfète fasse signe pour cesser ». Debout, au milieu des congréganistes recueillies et silencieuses, elle risquait cependant de se croire investie d’un extraordinaire pouvoir, du moins c’est ce que craignait le religieux qui lui demandait de considérer cet emploi « avec humilité et dévotion ». Les détentrices de cet office ne devaient pas estimer qu’il s’agissait d’une lecture comme il s’en faisait tant lors des veillées ou des réunions profanes, elles étaient des instruments aux mains de Dieu

41 La règle du Tiers Ordre des Minimes […] pour les fidèles de l’un et l’autre sexe qui vivent dans le monde, Nancy, 1740, p. 66. 42 Instructions pour les fidèles qui sont engagés dans la Confrairie des Morts et dans celle de l’Immaculée Conception de la Très Sainte Vierge et de Saint Nicolas érigées canoniquement dans l’église paroissiale de Vitrey, Nancy, 1745, p. 6. 43 Règlements, statuts et prières pour la confrairie des Agonisants érigée en 1711 en la paroisse Saint-Sébastien ville neuve de Nancy, Nancy, 1721, p. 14. 44 Règlements et pratiques… cité n. 36, p. 118.

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car « les lectures qu’elles font sont des grâces que Dieu veut faire passer par elles pour l’instruction et la sanctification des autres congréganistes et d’elles-mêmes si elles savent en profiter »45. Ces séances étaient accompagnées de discussions et de prises de résolutions, comme l’attestent les fréquentes marginalia découvertes dans les manuels qui ne quittaient donc pas les confrères lors des réunions. Un membre de l’association du Saint Ange Gardien établie dans le couvent des minimes de Nancy nota des citations des œuvres de Gonnelieu ou du père Rodriguez lus par le chapelain de l’association. Au premier, il emprunta des pensées sur l’oraison comme : « La prière est un remède général et principal contre les tentations et autres besoins que nous avons ». Ce furent les passages sur la tentation qui retinrent son attention chez le second46. L’usage des lectures à haute voix se maintint tout au long de notre période d’étude. Au début du XIXe siècle, des prêtres de villages l’introduisirent dans leurs paroisses. C’est ce que fit Nicolas Laurent Gobÿ à Longeville-lès-Saint-Avold. En 1807, il décrivait son initiative à son évêque : « Les grandes et petites filles et beaucoup de femmes s’assemblent les dimanches après le service divin chés la sœur d’école, où on lit la vie des saints, l’introduction à la vie dévote par St. fr. de Sales et d’autres livres de piété. Je désirerais de pouvoir faire la même chose pour les garçons chés le maître d’école, mais cela paraît impraticable »47. En fait, les confréries étaient prises dans un monde de contradictions quand elles considéraient le livre. L’écrit gagnant tous les niveaux de la société, elles ne pouvaient l’ignorer d’autant plus qu’il permettait de renforcer la cohésion du groupe. Cependant, elles se méfiaient des lectures individuelles, épousant en cela les craintes d’une partie du clergé qui redoutait les errements de fidèles livrés à eux-mêmes. De plus, ces associations demeuraient les détentrices d’une piété formée avant tout d’exercices collectifs où le croyant vivait avec le groupe. Elles semblaient avoir détourné le livre de son but premier : au lieu d’une action purement du for intérieur qui laissait le lecteur libre de ses interprétations et de ses choix, on était arrivé à une pratique dirigée, la lecture à haute voix permettant les commentaires et les interprétations d’un texte qui, même s’il était repris

Ibid., p. 85-86. Bibl. Diocésaine de Nancy, T 3083, Livre de dévotion envers les SS. Anges et en particulier envers le Saint Ange gardien dont la confrérie est établie dans l’église des RR. PP. Minimes du couvent de Nancy, Nancy, 1745. 47 Arch. dép. de la Moselle, 29 J 367. 45 46

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par l’individu en solitude, était définitivement marqué. Il valait mieux surveiller les lectures et favoriser les « bons livres » plutôt que de prendre le risque de laisser les fidèles face à des textes qu’ils comprenaient mal. La confrérie au service du livre Le bon confrère ne se contentait pas de ces exercices collectifs. Il parcourait régulièrement son manuel. Mais il faisait plus encore : il recourait à d’autres livres de dévotion. Lors de la retraite mensuelle préconisée, en 1752, aux membres de la Bonne Mort de Nancy, il leur était conseillé de lire l’Imitation de Jésus Christ ou tout autre livre de piété48. Pour faciliter l’accès au livre, les jésuites organisèrent des bibliothèques où chaque congréganiste pouvait venir emprunter volumes de spiritualité ou de controverse. Pour inciter les plus nonchalants à lire, parfois, après la messe du Saint-Esprit, on tirait au sort les volumes qui étaient remis à chaque personne présente49. Les membres de la Compagnie de Jésus n’étaient pas les seuls à mettre l’écrit entre les mains des associés qu’ils dirigeaient. À Nancy, les minimes qui administraient la confrérie du Saint Ange Gardien, établie dans leur couvent, permettaient à des laïcs de consulter et d’emprunter leurs ouvrages de prière ou de spiritualité. Les archives sont bien souvent silencieuses sur l’existence de bibliothèques de confréries mais nous savons que certaines en possédaient. C’est le cas de la Congrégation des Messieurs et Bourgeois de Saint-Mihiel qui, en 1769, détenait une douzaine d’ouvrages50 : une édition des Évangiles, un volume concernant les célébrations de l’année, les œuvres de spiritualité de saint François de Sales, saint Ignace et saint Louis de Gonzague. Les volumes étaient précieusement rangés dans une armoire de chêne et de sapin, propriété de l’association entreposée chez le secrétaire, Charles Vallée. Un confrère ne pouvait donc pas directement y avoir accès, devant sans doute faire la demande aux officiers ou au directeur spirituel avant qu’on lui transmette l’ouvrage désiré. Avec la restauration du culte, après la signature du Concordat, quelques confréries se donnèrent pour but principal la diffusion de l’écrit. C’est ce que décidèrent les fondateurs de l’Association de

48 Règlements et prières à l’usage de ceux qui sont associés à la congrégation dite de la Bonne Mort, Nancy, 1752, p. 106-114. 49 Voir L. Châtellier, L’Europe… cité n. 22, p. 99. 50 Arch. dép. de la Meurthe-et-Moselle, H 2261, inventaire du 21 septembre 1769.

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Charité sous le vocable de Notre-Dame de la Merci51. Ils s’inspiraient de saint Augustin, saint Antoine ou saint François d’Assise qui se seraient convertis après la lecture d’un ouvrage de piété. Or, force était de reconnaître que « beaucoup de personnes ne savent pas lire ; plusieurs manquent de bons livres ; d’autres, prévenues par le dégoût des choses saintes, retenues par la paresse, égarées par les passions et les suggestions du Démon, ne savent se déterminer à cet exercice si utile ». Les associés devaient donc devenir d’actifs intermédiaires culturels, propageant les « bons livres ». Fut alors mis sur pied un véritable programme de distribution. Chaque section de l’association choisissait des titres « qui sont à la portée de l’intelligence commune, qui traitent des vérités les plus frappantes […] et qui joignent à l’enseignement de la doctrine les touchantes leçons de l’exemple ». Les règlements conseillaient d’éviter les manuels anciens sous prétexte qu’ils étaient bon marché, ils privilégiaient les vies de saints et les vies édifiantes, deux genres qui connaissaient une grande vogue en ce début du XIXe siècle52. L’action des associés était clairement définie : « Vous prêterez, vous ferez circuler les livres de piété, et ils iront éclairer et sanctifier les âmes ». Cela supposait d’aller audevant des futurs lecteurs : « Vous irez leur présenter le secours ; vous les intéresserez à entendre le bon livre que vous portez ; vous emploierez heureusement à cela les intervalles qui vous restent les jours de fêtes, ou tous les moments de la journée, les soirées, et surtout l’occasion des visites pour cause de maladie ». Une telle action pouvant se heurter à l’hostilité d’une partie de l’opinion, les fondateurs réconfortaient les associés : « Que votre zèle soit pur ; qu’il soit patient et constant, et il ne manquera pas d’être favorisé des bénédictions du Ciel, pour vous et pour tous vos frères ». Ils devaient croire en l’efficacité certaine de leur action car « à la lecture d’un livre religieux, il faut qu’un homme se condamne et qu’il se rende […] La lecture spirituelle est une eau douce qui pénètre notre cœur, et lui donne une sainte fécondité ». Une telle entreprise ne pouvait que plaire à Dieu : « Que de biens vous avez à procurer par ce moyen ! Vous exercerez une espèce de saint ministère […] vous deviendrez les canaux salutaires des grâces de la rédemption ».

51 Les extraits suivants sont tirés de Association de charité sous le vocable de Notre-Dame de la Merci pour la rédemption des pécheurs captifs du démon et pour le soutien des chrétiens faibles. 52 Ph. Martin, Une religion… cité n. 2, p. 215-220.

DES CONFRÉRIES FACE AUX LIVRES (1750-1850)

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Conclusion Assimiler le manuel de confrérie à un simple livre de piété serait commettre une erreur. Le livre participait à la légitimation de l’association tant vers l’extérieur que vers l’intérieur : vers l’extérieur puisque le texte imprimé célébrait les privilèges, l’histoire et les fondateurs, vers l’intérieur en fournissant règlements, statuts et renseignements normatifs. Les aspects organisationnels cédèrent cependant lentement la place aux dévotions qui peu à peu s’imposèrent pour devenir le cœur même de ces volumes. Il s’agissait d’uniformiser les pratiques et de soutenir la piété des dévots. La diffusion, surtout à partir des années 1820, de manuels conçus d’une manière généraliste pour des confréries placées sous le même vocable favorisa encore cette uniformisation. Voulu par le pouvoir ecclésiastique mais aussi par les responsables des associations, le livre gagna très vite ses lettres de noblesse. Il se heurta cependant à une contradiction fondamentale puisque la confrérie était, par excellence, une manifestation collective de piété alors que la lecture s’adressait au for intérieur. Entre le souci de s’intégrer dans l’association et le respect de la sphère personnelle, des tensions auraient pu naître. Elles finirent par s’estomper car il fallut prendre en compte le fabuleux essor de la dévotion individuelle. À terme, l’articulation entre le particulier et le collectif se réalisa. La part réservée aux offices ou aux prières liturgiques diminua – sans pour autant disparaître – au profit de pratiques plus personnelles. Ce ne fut plus le groupe qui fut envisagé mais le croyant, vivant sa foi en association et en privé. L’avant-propos d’un manuel publié en 1750 résumait parfaitement le livre de confrérie : « On trouvera dans ce recueil les instructions pour les Associés, les Prières propres à cette sainte Dévotion, et les Pratiques pour s’y affermir, et en tirer un fruit solide pour le salut »53 Philippe MARTIN Université de Nancy 2

53 La dévotion au Sacré Cœur de Notre Seigneur Jésus Christ établie dans l'église des RR. PP. Capucins de Neufchâteau et dans plusieurs autres lieux…, Neufchâteau, 1750, p. 2.

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CONFRATERNITE E DEVOTI A ROMA IN ETÀ MODERNA FONTI E PROBLEMI STORIOGRAFICI

Alla fine del Quattrocento vi è a Roma un notevole sviluppo delle associazioni laicali impegnate in attività di beneficenza e devozione1. La fortuna di queste aggregazioni si deve alla capacità dei loro membri di alternare momenti di solidarietà a intense esperienze religiose : formula accolta in ogni fascia sociale e fatta propria da aristocratici, lavoratori e forestieri di ogni età e provenienza. Grazie alle confraternite si allarga la rete assistenziale romana, che diventa particolarmente fitta negli anni delle riforme tridentine2, quando la città, in piena fase di rinnovamento sociale e religioso, cresce sul piano demografico3 e ha maggiore bisogno di risorse umane e materiali. Cambia la città, si modifica il tessuto urbano e si rafforza l’organizzazione sociale : si costruiscono ospedali, si distribuiscono sussidi, si consegnano doti alle ragazze povere per il matrimonio o la monacazione4, si fondano reclusori per proteggere le gio-

1 Vedi, ad esempio, la crescita in termini di iscritti e di patrimonio delle confraternite del SS. Salvatore e del Gonfalone e il rapido successo avuto da aggregazioni di nuova fondazione come la SS. Annunziata e la SS. Concezione. Su questi sodalizi cfr. P. Pavan, La confraternita del Salvatore nella società romana del TreQuattrocento, in Ricerche per la storia religiosa di Roma, 5, 1984, p. 81-90 ; A. Esposito, Le « confraternite del Gonfalone » (secoli XIV-XV), in Ricerche per la storia religiosa di Roma, 5, 1984, p. 105-136 ; Ead., Le confraternite del matrimonio. Carità, devozione e bisogni sociali a Roma nel tardo Quattrocento (con l’edizione degli statuti vecchi della Compagnia della SS. Annunziata), in L. Fortini (a cura di), Un’idea di Roma. Società, arte e cultura tra Umanesimo e Rinascimento, Roma, 1993, p. 7-51 ; R. Barone, L’Arciconfraternita della SS. Concezione in S. Lorenzo in Damaso (1494-1535), tesi di laurea, Università degli Studi di Roma La Sapienza, Facoltà di Lettere e Filosofia, Antichità e Istituzioni Medievali, A.A. 2002-2003. 2 Per avere un’idea del numero delle confraternite erette a partire dalla seconda metà del Cinquecento cfr. M. Maroni Lumbroso e A. Martini, Le confraternite romane nelle loro chiese, Roma, 1963. 3 Cfr. A. Esposito, La città e i suoi abitanti, in A. Pinelli (a cura di), Roma del Rinascimento, Roma-Bari, 2001, p. 3-47. 4 Cfr. C. Fanucci, Trattato di tutte le opere pie dell’alma città di Roma, Roma, 1601 e G. Piazza, Opere pie di Roma descritte secondo lo stato presente, Roma, 1679.

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vani nubili a rischio di prostituzione5, si aprono botteghe e laboratori per promuovere l’apprendistato alle arti e ai mestieri6. È tuttavia un dato essenziale della realtà associativa locale il rapporto esistente tra luoghi della carità e sedi di culto (chiesa, oratorio o santuario), perché i percorsi quotidiani compiuti dalle confraternite non sono finalizzati soltanto alla beneficenza e all’assistenza, ma alla costruzione della società religiosa, e dunque alla diffusione di specifiche tradizioni e devozioni7. Si moltiplicano così i riti, le preghiere, le celebrazioni e le sacre rappresentazioni, che scandiscono la vita delle istituzioni e ne determinano la qualità delle manifestazioni8. Appare importante non sottovalutare gli aspetti riguardanti le attività interne svolte da queste aggregazioni per mantenersi ed esprimersi nel tessuto urbano. Diviene regola costante ricavare da una buona amministrazione quelle risorse economiche che saranno poi necessarie per il conseguimento degli scopi statutari. Si tratta di far crescere il patrimonio mediante investimenti, lasciti e testamenti, unica via per programmare lo svolgimento delle pratiche caritative e religiose. È come dire che alla base delle attività di religione vi dovessero essere strategie di consolidamento della proprietà e di ricerca del consenso popolare, che sarebbero state risolutive soltanto se accompagnate dalla devoluzione di benefici materiali9. Altrimenti si rischia il fallimento o addirittura l’estinzione, perché la pietà religiosa disgiunta dall’impegno sociale e dal corretto impianto amministrativo resta serrata in un troppo esiguo recinto. Per questo si presta particolare attenzione al rapporto dare e avere in termi-

5 A. Groppi, I conservatori della virtù : donne recluse nella Roma dei papi, Roma-Bari, 1994. 6 Sulle attività di assistenza svolte dalle confraternite nella Roma pontificia cfr. L. Fiorani, Religione e povertà. Il dibattito sul pauperismo a Roma tra Cinque e Seicento, in Ricerche per la storia religiosa di Roma, 3, 1979, p. 43-131. 7 Cfr. L. Fiorani, L’esperienza religiosa nelle confraternite romane tra Cinque e Seicento, in Ricerche per la storia religiosa di Roma, 5, 1984, p. 155-196 e Id., « Charitate et pietate ». Confraternite e gruppi devoti nella città rinascimentale e barocca, in L. Fiorani e A. Prosperi (a cura di), Storia d’Italia. Annali, 16, Roma la città del papa. Vita civile e religiosa dal giubileo di Bonifacio VIII al giubileo di papa Woytila, Torino, 2000, p. 429-476. 8 Vedi ad esempio quanto scrive A. Esposito, Apparati e suggestioni nelle « feste et devozioni » delle confraternite romane, in Archivio della società romana di storia patria, 106, 1983, p. 311-322. 9 È ciò che fece, tra le altre, la confraternita della SS. Annunziata in S. Maria sopra Minerva per aiutare le fanciulle povere in età di matrimonio, cfr. M. D’Amelia, La conquista di una dote. Regole del gioco e scambi femminili alla confraternita dell’Annunziata (secc. XVII-XVIII), in L. Ferrante, M. Palazzi e G. Pomata (a cura di), Ragnatele di rapporti. Patronage e reti di relazione nella storia delle donne, Torino, 1988, p. 305-343.

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ni economici : per assicurare ai poveri iscritti al sodalizio e agli assistiti nella città il minimo di sussidio promesso. Si dà quel che si riceveve al fine di essere donato. Furono dunque i versanti amministrativi e religiosi a determinare il mantenimento dell’istituzione confraternale. Lo dimostrano gli archivi conservati in gran numero e solitamente densi di informazioni su ambienti, persone, celebrazioni, ma anche su operazioni economiche e contabili10. Su questi punti andrebbe concentrata la ricerca per rispondere ad interrogativi che non hanno ancora avuto una risposta, come i seguenti : quale identità ebbero i devoti, quali professioni svolsero e da dove provennero11, perché scelsero di iscriversi ad uno specifico sodalizio. Se si intraprenderà questo percorso di studio non si potrà fare a meno delle fonti, anche in direzione di un approccio al tema città/confraternite, che sembra essere il più adeguato per comprendere le ragioni del successo di questi organismi a livello rionale, corporativo12 o nazionale13. Sappiamo che il sarto affidò le proprie preghiere al protettore della sua università di mestiere (s. Omobono), che il bolognese pensò ai patroni della sua città (ss. Petronio e Giovanni), che gli iscritti a corporazioni e comunità nazionali furono anche devoti della Beata Vergine e del SS. Sacramento. Nuove ricerche traccerebbero una mappa della devozione romana, che per il momento è ancora sconosciuta. Ci si chiede quanti e quali furono i temi di devozione appartenuti a più confraternite ? La risposta non può che essere evasiva, perché non può dare conto di un’indagine complessiva. Potremmo dire allora che sono attestati solo alcuni casi : ad esempio che l’assistenza agli

10 Gli archivi confraternali conservano documentazione ufficiale, religiosa e amministrativa, che testimonia non solo la vita delle istituzioni che l’hanno prodotta, ma il contesto socio-politico nel quale fu generata. Per questo sono di grande interesse e consentono ricerche incrociate e su piani diversi. Cfr. L. Fiorani, Discussioni e ricerche sulle confraternite romane negli ultimi cento anni, in Ricerche per la storia religiosa di Roma, 6, 1985, p. 11-105 ; V. Vita Spagnolo, Le confraternite romane e i loro archivi, in Archivi e archivistica a Roma dopo l’Unità : genesi storica, ordinamenti, interrelazioni, Atti del convegno, Roma, 12-14 marzo 1990, Roma, 1994, p. 455-465 ; D. Rocciolo, I documenti dell’Archivio storico del Vicariato di Roma, in Archivi e cultura, XXVII, 1995, p. 47-63. 11 Cfr. G. Barone, Prospettive di utilizzazione demografica delle fonti relative alla « popolazione religiosa » e all’associazionismo confraternale (XIV-XV), in E. Sonnino (a cura di), Popolazione e società a Roma dal medioevo all’età contemporanea, Roma, 1998, p. 677-688. 12 Vedi il rapporto corporazione-confraternita in A. Martini, Le università romane di arti e mestieri e le loro confraternite, Milano-Roma, 1992. 13 Valga l’esempio della venerazione dei piemontesi a Roma per il beato Amedeo di Savoia, cfr. P. Cozzo, Una chiesa sabauda nel « teatro del mondo ». La chiesa del Santo Sudario dei piemontesi a Roma da fondazione nazionale a cappella palatina, in Ricerche di storia sociale e religiosa, 61, 2002, p. 91-111.

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agonizzanti aprì la strada alle devozioni della buona morte14 o che la celebrazione delle messe di suffragio nutrì la sensibilità popolare per il destino dei trapassati e delle anime purganti, e anche che alcune devozioni furono proprie di una sola confraternita, come quella degli angeli custodi15. Ma ciò è troppo poco. Occorre allargare le ricerche. Per ora dobbiamo limitarci a sostenere che le devozioni si svilupparono entro precisi confini territoriali, per poi assumere talvolta contorni cittadini. Possiamo aggiungere che tutte insieme diedero vita ad un vero e proprio movimento guidato dal clero, perché è indubbio che ecclesiastici e religiosi imposero una normalizzazione dei comportamenti per rispondere alle sollecitazioni delle autorità superiori e agli ordini del tribunale del cardinale Vicario, che, come è noto, ebbe la prerogativa di regolare la devozione, in piena coerenza con l’applicazione dei postulati tridentini e per la costruzione della città religiosa16. È, infatti, l’idea di Roma centro del cattolicesimo e città del papa a muovere le coscienze verso le riforme. Così a partire dalla seconda metà del Cinquecento questo movimento laicale si innestò nel grande processo di rinnovamento della Chiesa locale17. Obiettivo fu l’affermazione di Roma « capo, madre et maestra di tutte le altre città »18. Fu l’ideale che mosse il governo e le componenti cittadine a rinnovare le strutture di culto nel territorio (parrocchie, rettorie, oratori e santuari), i centri di carità operativi (ospizi, ospedali e conservatori) e le sedi di vita monastica tradizionali. Le fonti negli archivi Negli anni ’80 un gruppo di ricercatori compì un importante censimento degli archivi delle confraternite romane19. Per la prima 14 Cfr. V. Paglia, La morte confortata. Riti della paura e mentalità religiosa a Roma nell’età moderna, Roma, 1982. 15 La devozione agli angeli custodi nella Roma moderna è ancora tutta da studiare. L’archivio, conservato presso l’Archivio storico del Vicariato di Roma, è in corso di riordinamento e quando sarà aperto alla consultazione potrà dare numerose informazioni. 16 Cfr. D. Rocciolo, La costruzione della città religiosa : strutture ecclesiastiche a Roma tra la metà del Cinquecento e l’Ottocento, in L. Fiorani e A. Prosperi (a cura di ), Storia d’Italia, Annali, 16, Roma, la città del papa, cit., p.365-393. 17 Cfr. A. Monticone, L’applicazione a Roma del Concilio di Trento. Le visite del 1565-1566, in Rivista di storia della Chiesa in Italia, VII, 1953, p. 225-250 ; D. Beggiao, La visita pastorale di Clemente VIII (1592-1600). Aspetti di riforma post-tridentina a Roma, Roma, 1978 e L. Fiorani, Le visite apostoliche del Cinque-Seicento e la società religiosa romana, in Ricerche per la storia religiosa di Roma, 4, 1980, p. 53-148. 18 G. Labrot, L’image de Rome : une arme pour la Contre-Réforme, 1534-1677, Seysel, 1987 (trad. it. Roma « caput mundi » : l’immagine barocca della città, Napoli, 1997).

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volta si parlò di documentazione ignorata e in qualche caso abbandonata. Nei casi migliori questi archivi erano depositati presso i principali centri di tutela documentaria della città : l’Archivio di Stato di Roma, l’Archivio Segreto Vaticano, l’Archivio storico del Vicariato di Roma, ma in buon numero erano ancora presso le sedi delle associazioni esistenti. In modo sommario vennero descritti i fondi, gli spezzoni e anche i pochi resti individuati, per una consistenza che andò dalle centinaia di unità (registri, volumi, faldoni, buste, mazzi e fascicoli) a poche e frammentarie carte sopravvissute alle dispersioni20. In tutto vennero schedate circa 150 raccolte, ossia la metà degli archivi delle confraternite romane segnalate da Antonio Martini e Matizia Maroni Lumbroso nel 196321. Questa ricchezza documentaria fu subito al centro di ricerche interdisciplinari per le innumerevoli informazioni che era possibile ricavare su chiese, oratori, cappelle, reliquie, suppellettili, patrimoni, eredità, ospedali, dotazioni, personaggi, istituzioni e altre materie ancora. Si trattava di fonti, che in larga misura, mettevano in rilievo la centralità dei versanti economico-amministrativo e religioso-caritativo della vita delle istituzioni, e anche di parte della società romana22. Così la storiografia cominciò a rinnovare i propri indirizzi di ricerca, anche se va subito aggiunto, che molto vi era da indagare, conoscere e ricostruire. Un passo in avanti fu certamente compiuto nello studio dell’assistenza23. Sempre più emergeva la partecipazione dei laici alla vita dei centri di accoglienza (ospizi e conservatori). E in effetti in epoca moderna la città divenne più aperta alle tematiche sociali24, sia per la spinta dell’immigrazione, che per il fenomeno della povertà dila-

19 Cfr. il Repertorio degli archivi delle confraternite romane, in Ricerche per la storia religiosa di Roma, 6, 1985, p. 175-413. 20 In questo settore della descrizione dei materiali documentari con indicazione della consistenza degli archivi, pionieristica è stata la Guida generale degli Archivi di Stato italiani, Roma, 1981-1986. 21 Cfr. Maroni Lumbroso-Martini, Le confraternite romane, cit. 22 Sul ruolo delle immagini nella vita della Chiesa cfr. G. M. Besutti, Santuari e pellegrinaggi nella pietà mariana, in Lateranum, 48, 1982, 2, p. 450-504 ; D. Menozzi, La Chiesa e le immagini. I testi fondamentali sulle arti figurative dalle origini ai nostri giorni, Cinisello Balsamo, 1995. 23 La bibliografia è molto consistente. Tra gli altri si vedano i lavori di V. Vita Spagnolo, Fonti per lo studio dell’assistenza e della beneficenza a Roma durante il secolo XVI : gli archivi di alcune confraternite, in M. Fagiolo dell’Arco e M. L. Madonna (a cura di), Sisto V, I., Roma e il Lazio, Roma, 1992, p. 243-260 e M. Vaquero Piñeiro, L’ospedale della nazione castigliana in Roma tra medioevo ed età moderna, in Roma moderna e contemporanea, I, 1993, 1, p. 57-81. 24 Fino a tutto il Quattrocento prevalsero i temi penitenziali. Cfr. G. G. Meersseman, Ordo fraternitatis. Confraternite e pietà dei laici nel Medioevo, Roma, 1977 e G. Alberigo, Contributi alla storia delle confraternite dei Disciplinati

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gante. In questo periodo cominciò ad avvertirsi prepotente il bisogno del sostegno sociale ed economico allargato. Ragione per la quale le compagnie di nuova e vecchia fondazione si allinearono su un comune programma operativo, che principalmente tenne conto delle esigenze delle famiglie costituite e di quelle in formazione. Successivamente la Chiesa fece suo questo tema e lo introdusse nei propri programmi pastorali25. In questo senso, lo sviluppo delle confraternite sembrò avvenire in corrispondenza del consolidamento delle strutture della città. Le fonti riferiscono di elemosine giornaliere, visite dei malati nelle case e negli ospedali, visite dei carcerati, aperture di spezierie (farmacie) e così di seguito. Dalla metà del Cinquecento le opere benefiche vennero realizzate con schemi quasi standardizzati e comunque approvati dall’autorità ecclesiastica superiore. Non vi è dubbio che le autorità cominciarono a tenere in grande considerazione il contributo che davano queste associazioni, sia per un migliore controllo della vita sociale26, che per un maggiore radicamento della religione negli ambienti popolari. Le immagini sacre Ma come sorsero queste associazioni ? A quali sollecitazioni diedero riscontro ? Certamente il primo impulso venne da religiosi o ecclesiastici fondatori, oppure da esercenti la stessa arte (corporazioni)27, o anche da persone provenienti dalla stessa patria, che si riunirono per mantenere la propria identità e il titolo di sudditi del sovrano del luogo di origine (confraternite nazionali)28. Oppure fu la stessa autorità diocesana a chiedere l’erezione delle compagnie, come nel caso delle seicentesche confraternite del SS. Sacramento nelle parrocchie. e della spiritualità laicale nei secoli XV e XVI, in Il movimento dei Disciplinati nel settimo centenario del suo inizio, Perugia, 1962, p. 165-252. 25 Vedi gli atti del convegno Chiesa e denaro tra Cinquecento e Settecento : possesso, uso, immagine, Aosta 9-13 settembre 2003, a cura di V. Doveze, Cinisello Balsamo, 2004. Sui problemi della famiglia a causa della crescita demografica vedi E. Sonnino, Le anime dei romani : fonti religiose e demografia storica,in FioraniProsperi (a cura di), Storia d’Italia, Annali, 16, Roma, la città del papa, cit., p. 327-364. 26 Cfr. M. Caffiero, Religione, politica e disciplinamento a Roma. Riflessioni in margine ad un volume recente, in Roma moderna e contemporanea, IV, 1996, 2, p. 495-505. 27 Cfr. C. M. Travaglini (a cura di), Corporazioni e gruppi professionali a Roma tra XVI e XIX secolo (= Roma moderna e contemporanea, VI, 1998, 3), Roma, 1998. 28 Sulle confraternite nazionali cfr. Les fondations nationales dans la Rome pontificale, Roma, 1981 (= Collection de l’École française de Rome, 52) ; I. Fosi, A proposito di una lacuna storiografica. La nazione tedesca a Roma nei primi secoli dell’età moderna, in Roma moderna e contemporanea, I, 1993, p. 45-56.

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Prima di entrare nel merito delle specifiche devozioni, vorrei soffermarmi sui racconti popolari riguardanti eventi miracolosi attribuiti alle sacre immagini29, da cui dipese talora la fondazione di nuove confraternite. Questi racconti parlano di miracoli e di fenomeni prodigiosi da cui scaturirono comportamenti e sentimenti edificanti. Hanno in genere una costruzione narrativa semplice. Riprendono episodi del vissuto quotidiano. Attribuiscono eventi prodigiosi a immagini che in gran parte si trovavano fuori dei luoghi di culto, e che soltanto dopo la manifestazione della devozione da parte dei fedeli venivano chiuse in uno spazio sacro30. In gran parte si trattò di « devozione di strada », che talora, come si è detto, diede origine a nuovi nuclei associativi. I protagonisti dei racconti trovano le immagini in luoghi periferici (orti, vigne, fienili, vecchi edifici abbandonati, sottoscala di umili abitazioni) o hanno apparizioni e guarigioni31. La notizia del miracolo raggiunge le confraternite già istituite. Vi sono confraternite erette dopo l’avvenimento prodigioso e confraternite che consolidano invece devozioni preesistenti, perché si trasferiscono nelle sedi di custodia delle effigi. I casi da citare potrebbero essere molti. Mi limito a segnalarne alcuni : quello della confraternita di S. Maria della Purità dei Caudatari (la confraternita si trasferisce nel 1538 nella chiesa di S. Maria della Purità in Borgo e ha la custodia dell’immagine della Madonna della Purità. Il racconto popolare parla di una casa in rovina di Lucrezia Salviati durante il Sacco del 1527. La casa è colma di sporcizia. Una povera donna sofferente per malformazioni agli arti, di nome Branda, entra nelle rovine e scopre su una parete un’immagine di Maria con il Bambino, che pulisce e venera e dalla quale ottiene la guarigione)32 ; ricordo quello che portò alla fondazione della confraternita di S. Maria dell’Orto (alla fine del Quattrocento

29 A distanza di oltre venti anni è ancora di grande interesse l’articolo di R. Guarnieri, Fonti vecchie e nuove per una « nuova » storia dei santuari, in Marianum, 42, 1980, p. 495-521, dove l’autrice parla dei cosiddetti miti di fondazione. 30 Vedi gli interventi di L. Scaraffia, Immagini sacre e città, M. L. Odorisio, Il ritrovamento miracoloso e A. Di Nola, Spazio aperto e spazio protetto : le immagini della Vergine tra culto locale e controllo ecclesiastico (XVI-XVII secolo), in L. Cardilli (a cura di), Edicole sacre mariane. Un segno urbano da recuperare, Roma, 1990, p. 19-24, 25-30 e 31-39. 31 Una interessante rassegna di racconti riguardanti altre aree la forniscono J. Bouflet e Ph. Boutry, Un segno nel cielo. Le apparizioni della Vergine, Genova, 1999. 32 Cfr. Biblioteca Apostolica Vaticana, Madonne coronate ossia raccolta di documenti relativi alle corone di oro donate dal R.mo Capitolo Vaticano secondo la pia intenzione del conte Alessandro Sforza di Piacenza alle immagini o statue di Maria SS.ma e Suo Divin Figlio più celebri per antichità e miracoli, I, f. 258-258v.

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un gruppo di fedeli si raccoglie attorno ad un uomo che trova grazia presso un’immagine posta in un campo a via Anicia. Il malato guarisce inspiegabilmente. Subito dopo viene eretta la confraternita)33 ; segnalo quello che diede origine all’Arciconfraternita di S. Maria del Pianto (il 10 gennaio 1546 un giovane gioca alle carte e uccide l’avversario a tradimento. L’immagine piange, attira una gran folla e spinge i devoti a fondare la confraternita, approvata in seguito da Pio IV)34 ; e infine ricordo quello riguardante la Confraternita di S. Maria della Consolazione (un giovane condannato all’impiccagione, ma innocente, sale al patibolo e resta illeso. Racconta poi che mentre era appeso alla corda, la figura di Maria sita su una costa di muro ai piedi del Campidoglio, lo aveva sorretto e salvato)35. Abbiamo alcuni dati interessanti sui protagonisti. Ad un esame complessivo risulta che i beneficiati dei miracoli furono in maggioranza uomini : su 53 episodi si hanno 40 protagonisti maschili, di cui 4 operai, 5 bambini, 1 converso, 5 giovani, 1 curiale, 1 servo, 2 giocatori, 1 storpio, 2 papi, 1 birro, 1 cieco, 1 santo, 1 mercante, 2 religiosi, 1 pellegrino, 1 soldato, più altri 10 senza riferimenti alla identità. Le donne furono invece 13, di cui 1 storpia, 1 madre, 1 donna incinta, 2 giovani, 2 monache, 1 nobildonna, 5 senza riferimenti alla identità. Altre notizie si hanno sui luoghi degli eventi : 1 segnalato a Regola ; 1 alla Longara ; 3 a Trastevere ; 2 alla contrada dell’Orso ; 1 a via del Babuino ; 1 a Merulana ; 1 al Gianicolo ; 1 a Monte Caprino ; 1 a Campo Vaccino, 1 a Castel di Leva. Scendendo nel dettaglio si hanno casi di ritrovamenti, guarigioni o prodigi avvenuti nella stalla, in case in rovina, nei fienili, sul tetto di casa, nell’orto, al fiume, nella vigna, nel convento. Le narrazioni ruotano attorno a fatti desunti dalla vita quotidiana o ricavati dall’immaginario collettivo, come il gioco delle carte, la pesca, gli incidenti sul lavoro o per la strada, il pozzo, i furti, il lancio di sassi, la malattia mentale, le cadute nel fiume, i ferimenti, le inondazioni, gli attacchi del demonio, le condanne ingiuste, la guerra agli eretici, l’aggressione da parte di animali, la percezione di voci e presenze soprannaturali. Vi sono i seguenti casi particolari : 1 liberazione di anima dal purgato-

33 Cfr. C. Carocci, Il pellegrino guidato alla visita delle immagini più insigni della B. V. Maria in Roma ovvero discorsi familiari sopra le medesime, detti i sabati nella chiesa del Gesù, Roma, 1729, p. 158-171. 34 C. Carocci, Il pellegrino, cit., p. 85-98. 35 M. Dejonghe, Roma santuario mariano, Bologna, 1969, p. 125-126. La costruzione della chiesa della Consolazione avvenuta in seguito al miracolo segnò la rifondazione cristiana del Campidoglio, cfr. M. Miglio, Il leone e la lupa. Dal simbolo al pasticcio alla francese, in Studi romani, XXX, 1982, 2, p. 180.

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rio ; 1 parto di feto morto ; 1 recupero ad opera degli angeli ; 1 risalita di acque terapeutiche ; 1 luce irradiata dal cassetto ; 1 fuoco contro i nemici in battaglia ; 2 perdite ematiche. Come per i santuari si potrebbe parlare di miti di fondazione. Naturalmente il rapporto confraternite/immagini non termina con il riferimento a questi racconti. Anzi gli studi si spingerebbero ben oltre e esaminerebbero gesti, vicende, forme e contenuti relativi a tempi assai diversi, e comunque connessi a cerimonie pubbliche o a riti interni, oppure alle attività di assistenza e beneficenza. Restano centrali i comportamenti delle compagnie nei grandi appuntamenti devoti : ad esempio il giovedì santo per la processione a S. Pietro, il mercoledì delle Rogazioni, il giorno del Corpus Domini, oppure durante i funerali, nelle occasioni di consegna delle doti o nel corso dei riti giubilari. Da alcune fonti ricavo che la confraternita dei SS. Angeli Custodi il venerdì santo esponeva il legno della Santa Croce (quindi una reliquia) e teneva riti di devozione con preghiere e canti, più l’uso di incenso, torce, paramenti e baldacchino36, che la compagnia del SS. Sacramento in SS. Quirico e Giulitta, assieme ai domenicani titolari della chiesa, portava in processione l’immagine della Beatissima Vergine del Rosario completamente coperta di fiori e di gioie preziose37 e che la compagnia delle Sacre Stimmate ogni anno teneva la processione del sangue di s. Francesco, a cui partecipavano i padri dell’ordine francescano e un gran numero di devoti38. Come si vede gli esempi sono numerosi. Quel che colpisce di più, tuttavia, è l’azione di diffusione capillare delle devozioni nelle case. Questo genere di attività appartenne in particolare alla confraternita del Sacro Cuore di Gesù, che alle famiglie distribuì l’immagine del Sacro Cuore durante la consegna dell’elemosina, ovviamente allo scopo di trovare nuovi ascritti39. Le fonti ci dicono che vari furono i canali o i mezzi di diffusione delle devozioni. Tra gli altri gli appuntamenti rituali stabiliti dal calendario liturgico (penso al SS. Nome di Maria e alla Madonna di Loreto), la conduzione delle missioni, la produzione delle stampe, la distribuzione degli oggetti votivi. Non vanno dimenticate le possibili circostanze avverse, come accadde, ad esempio, al sodalizio della

36 Vedi gli Esercizi da farsi da’ fratelli della Ven. Archiconfraternita de’ SS. Angeli Custodi di Roma nella loro chiesa, nelli giorni, ne’ quali si espone il legno della Santa Croce, Roma, 1727. 37 Cfr. ASVR, SS. Quirico e Giulitta, Varia, 4, ff. non numerati (si tratta dei ricordi della chiesa nel 1736). Sulla devozione al SS. Rosario cfr. M. Rosa, Pietà mariana e devozione del Rosario nell’Italia del Cinque-Seicento, in Id., Religione e società nel Mezzogiorno tra Cinque e Seicento, Bari, 1976, p. 217-243. 38 ASVR, Atti della segreteria, 43, ff. 382-382v. 39 ASVR, Confraternita del Sacro Cuore, 45, f. 39.

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Madonna SS.ma del Carmine, proprietario di una statua della Beata Vergine « vestita, adornata e ricolma di gioie di gran prezzo e valore ». Un forte contrasto scoppiò, infatti, tra il sodalizio e i carmelitani di S. Crisogono nel luglio del 1723, quando gli iscritti alla confraternita toccarono con « bacchette a guisa di forcinelle » le corone e la veste dell’immagine. Il gesto non piacque ai religiosi che richiesero il possesso dell’immagine. La questione fu presentata a Innocenzo XIII e fu risolta a danno del sodalizio con l’affidamento della statua ai carmelitani40. Sulla base di questo singolare episodio si può riflettere sulla sensibilità mostrata dalla parte laica rispetto a quella ecclesiastica. I laici del sodalizio mostrarono di aver bisogno di avvicinare l’oggetto della loro venerazione e se possibile di toccarlo. I religiosi, invece, intesero conservare la separazione esistente tra ciò che è immanente e ciò che è trascendente, tra la condizione umana e quella soprannaturale, anche semplicemente a livello di rappresentazione. Ciò non vuol dire che la parte ufficiale (ecclesiastica) esercitasse arbitrariamente il proprio compito di verifica delle buone intenzioni. Ai fini del nostro tema si dovrà dire che la documentazione ufficiale è senza dubbio utile alle ricerche, sia che si tratti di relazioni, voti, esposti, notificazioni o atti di congregazione. Comprenderei tra questa anche i rescritti di autenticazione e di donazione delle reliquie. È nota, in proposito, la venerazione dei resti umani sacralizzati. In genere il confratello archivista tenne un libretto dove annotò le reliquie conservate in oratorio, in chiesa o anche in archivio41. Il tema è, in realtà, ancora tutto da studiare42, nonostante la documentazione non manchi. Una figura pressoché sconosciuta, ad esempio, è quella del custode delle sante reliquie, che dal Seicento fino ad Ottocento inoltrato resse un vero e proprio ufficio con specifiche competenze. Fu un esperto di scavi nella campagna romana e di ritrovamenti di ossa di martiri destinate alla venerazione pubblica. Donò resti umani a molte sedi di culto in Europa. Il documento vicariale che accompagnò le reliquie ne rese legittima la venerazione, mentre la provenienza incerta diede origine a liti e controversie, con penosi strascichi di accuse e denunce. Soltanto a partire dal 1672 furono vietate la tenuta in casa di resti di corpi sacri, la donazione di un corpo intero o anche di un frammento senza lettera di conces-

ASVR, Atti della segreteria, 43, ff. 388-388v, 393. ASVR, Confraternita del Sacro Cuore di Gesù, 45, f. 11. 42 Manca ancora uno studio complessivo sul recupero, autenticazione e distribuzione delle reliquie a Roma. Recente è il contributo di C. G. Coda, Duemilatrecento corpi di martiri. La relazione di Benigno Aloisi (1729) e il ritrovamento delle reliquie nella basilica di Santa Prassede in Roma, Roma, 2004. 40

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sione dell’ordinario43. La ragione fu semplice. Gli abusi difficilmente furono impediti. L’interesse per i sacri corpi andò ben oltre i confini della città. Conosciamo, ad esempio, il caso della Arciconfraternita dei SS. Bartolomeo e Alessandro dei Bergamaschi, che ricevuta una parte di braccio di s. Bartolomeo apostolo dal vescovo di Avellino, la espose come reliquia alla devozione pubblica. La legittimità del gesto fu contestata dalla città di Benevento e dalla chiesa romana di S. Bartolomeo all’Isola, perché rispettivamente vi si conservavano parti diverse del corpo del santo. La compagnia sostenne in tribunale che il corpo mutilo di un santo poteva essere custodito in un luogo sacro e altre membra potevano trovarsi legittimamente altrove. La confraternita ottenne soddisfazione, tanto che nel 1677 invitò l’intera città a partecipare alla processione festosa in onore della santa reliquia44. Altre compagnie mostrarono le proprie reliquie alle famiglie, affinché fossero venerate45. Dunque le immagini e le reliquie furono al centro della vita devota, riguardo alle quali occorre dire qualche parola anche sugli autori e i luoghi di venerazione. La documentazione ci informa che agli inizi del Seicento, a Roma, fu compiuta una ricognizione su altari e pitture di cappelle, conventi e chiese di confraternite, per verificare se erano fuori norma. L’esito dell’inchiesta fu drastico. Nel 1610 il tribunale del cardinale Vicario emise l’ordine che non si potessero introdurre altari e dipinti senza licenza del vicegerente, che i pittori non creassero più opere senza prima aver mostrato all’autorità competente il cartone con il disegno e che tutti si astenessero dal dipingere immagini del Salvatore, della Beata Vergine e dei santi nelle vie e in ogni altro luogo senza autorizzazione46. Dalle devozioni alla devozione eucaristica Si è accennato ai modi con i quali la base popolare accolse le devozioni. Queste espressioni religiose furono inquadrate, come detto, nei percorsi liturgici, entrarono cioè a far parte delle funzioni ufficiali della Chiesa. Ciascuna comunità continuò a celebrare, tuttavia, i riti che ricordavano più da vicino gli eventi o i ricordi più significativi della propria tradizione. Ed ecco allora la comparsa dei rituali, come quello dell’Arciconfraternita delle Sacre Stimmate del 1711, dove troviamo elencati i riti dell’esposizione del SS. Sacramento per le 40 ore, della benedizione dell’acqua e del sale per la festa dell’Epifania, della distribuzione delle candele nella festa 43 44 45 46

ASVR, ASVR, ASVR, ASVR,

Bandi ed editti, 1586-1672, f. 94. Atti della segreteria, 43, ff. 61-69. Confraternita del Sacro Cuore di Gesù, 45, f. 46. Bandi ed editti, 1586-1672, f. 93.

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della Purificazione e delle Ceneri in Quaresima, dell’esposizione del sangue di s. Francesco il 31 dicembre, oltre alle regole per le 40 ore durante il carnevale, per la processione del giovedì santo a S. Pietro, per la visita delle sette chiese, per la festa della Porziuncola, per la festa delle Stimmate, e per la visita a S. Giovanni in Laterano il giorno di s. Michele il 29 settembre47. Questi rituali confermano che la devozione era controllata affinché non cedesse agli errori dottrinali. Non solo, ma ci dicono che ogni forma di pietà doveva restare subordinata alla principale devozione comune : quella del SS. Sacramento, attorno alla quale la Chiesa costruiva quotidianamente le fondamenta del proprio essere. La devozione eucaristica, in altre parole, fu l’asse di collegamento delle diverse forme di pietà religiosa. Sappiamo che un robusto impulso in questo senso lo aveva dato la confraternita dell’Orazione e Morte con la pratica delle 40 ore poi adottata da tutti i sodalizi. Nel Seicento, però, si ebbe un deciso consolidamento di questa gerarchia devota con l’istituzione delle compagnie del SS. Sacramento nelle parrocchie, fortemente voluta dall’autorità diocesana. Così le compagnie di antica fondazione, come quelle di S. Giovanni in Laterano, S. Giacomo a Scossacavalli e S. Maria sopra Minerva divennero punti di riferimento per molte altre nuove istituzioni. La svolta va collocata al 1695 con le istruzioni pubblicate dal cardinale Vicario Gaspare di Carpegna48 (in seguito aggiornate dal suo successore Giovanni Antonio Guadagni)49. Tutti i parroci furono chiamati a stringere i fedeli attorno al SS. Sacramento in forma di Viatico, mentre la segreteria del tribunale diocesano aggiornò un proprio archivio di annotazioni, lettere e ordini sull’esposizione dell’Eucaristia nelle chiese e negli oratori della città e tenne liste di aristocratici e benestanti disposti ad accompagnare il Viatico negli ospedali e nelle case50. In questo modo l’autorità ecclesiastica volle « promuovere, mantenere, ed accrescere la venerazione della SS.ma Eucharistia », secondo la mente della bolla D. N. Iesu Christi di Paolo III del 30 novembre 1539 e di vari decreti emessi dalle congregazioni di Curia. In seguito a questo provvedimento alcune compagnie modificarono il proprio titolo. Tra le altre la compagnia della Divina Grazia

47 Rituale della venerabile Archiconfraternita delle Sagre Stimmate del padre s. Francesco di Roma, Roma, 1711. 48 Regole ed istruzioni, che si devono osservare nell’accompagnamento del SS.mo Viatico, Roma, 1695. 49 Regole ed istruzioni da osservarsi nell’accompagnamento del SS.mo Viatico già pubblicate per ordine della san. Mem. D’Innocenzo XII dal cardinal Gasparo di Carpegna allora suo Vicario, Roma, 1758. 50 ASVR, Atti della segreteria, 36.

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in S. Maria in Campitelli, che aggiunse alla propria denominazione l’invocazione del SS. Sacramento (i sodali affermarono che non vi poteva essere modo migliore per implorare la misericordia celeste). Si iscrissero persone di ambo i sessi e cosa singolare, anche le monache di clausura51. Gli iscritti ricevettero l’invito ad assistere « con la maggior frequenza e divotione possibile » all’esposizione del SS. Sacramento, perché in tal modo si ottenevano i favori celesti e anche i benefici per le anime del purgatorio (altro tema devoto denso di significati e molto presente a Roma)52. Da allora la festa principale della confraternita – come di tutte le confraternite –, fu il Corpus Domini, solennità che è ancora da studiare a fondo, anche in riferimento alla processione cittadina e al cerimoniale seguito. Vorrei aggiungere che in realtà i parroci trovarono quasi sempre difficoltà a eseguire l’ordine ricevuto dal cardinale Vicario. Infatti non sempre riuscirono a radunare i propri fedeli e quando ciò avvenne cercarono di rimediare al fallito tentativo riservando maggiori spazi, arredi e suppellettili alla venerazione dell’Eucaristia. La rinuncia all’erezione delle compagnie del Sacramento dipese soprattutto dalla povertà delle parrocchie, specie se erano in periferia, dove la « gran povertà e miseria » dei parrocchiani non permise l’acquisto dello stendardino, dell’incensiere, dei lanternini, del secchiello per l’acqua santa con l’aspersorio, del baldacchino, delle vesti per i chierici, dei candelieri e del credenzone delle suppellettili del Viatico. Alcuni parroci cercarono di superare le difficoltà chiedendo l’elemosina di monte del Sacro Viatico costituita dal tribunale diocesano per sussidiare le parrocchie povere53. Abbiamo testimonianze interessanti. Tra gli altri il curato di S. Martino ai Monti, nel 1702, riferì di aver portato il Viatico in città, nelle vigne extraurbane e di notte, con grande dispendio di forze e di tempo. Lamentò che al suono dei campanelli non vi fosse alcuno a prestargli aiuto, non a causa di assenza di devozione, ma perché i parrocchiani erano tutti impegnati nel lavoro quotidiano54. Il curato di S. Nicolò degli Incoronati disse, invece, che le sue convocazioni erano andate deserte55, mentre quello di S. Maria in Cosmedin affermò di aver chiesto aiuto agli agostiniani di S. Giorgio e di S. Prisca, ai domenicani di S. Sabina e alle confraternite di S. Eligio de’ Ferrari, di S. Giovanni Decollato, di S. Aniano de’ Pianellari e

ASVR, Atti della segreteria, 43, f. 110v. Anche in epoca postunitaria, come dimostra lo studio di F. R. Koch, I contabili dell’aldilà : la devozione alle anime del purgatorio nella Roma postunitaria, Torino, 1992. 53 ASVR, Atti della segreteria, 43, f. 34. 54 Ivi, ff. 28-28v. 55 Ivi, f. 32. 51

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Calzolari e di S. Anna de’ Calzettai, che per statuto avevano l’obbligo di partecipare all’accompagnamento del SS. Viatico con almeno due confratelli muniti di torce56. Per un verso, dunque, l’autorità ecclesiastica tenne molto al radicamento di questa devozione e dall’altro non pochi parroci esitarono nel compito loro assegnato, anche se è attestato il coinvolgimento di molti uomini di alta carica sociale e professionale, come avvocati, procuratori e nobili, che si prestarono a questa opera devota57. In generale si può dire che una tale forma di pietà fu in linea con il grande movimento di spiritualità eucaristica diffuso in vaste aree della Penisola italiana almeno nel corso del XVIII secolo. Si trattò di esaltare il SS. Sacramento come mezzo di conversione e di missione58. Si doveva coinvolgere il più possibile la collettività. Questo sembra essere stato il principale scopo delle devozioni eucaristiche e delle processioni cittadine in onore del SS. Sacramento. Le confraternite seguirono rituali e percorsi stabiliti. Evitarono persino di percorrere strade « sospette di scandalo » e se trasgredirono agli ordini le pene applicate dal tribunale diocesano furono « rigorosissime »59. Conclusioni Nel concludere questo breve intervento desidero sottolineare che molti altri temi meriterebbero di essere segnalati. Ne ricordo uno che a me sembra particolarmente ricco di spunti per la nostra riflessione : quello del rapporto devozione e giustizia. A Roma, come è noto, operarono confraternite dedite all’assistenza dei carcerati e dei condannati a morte60. Quel che è meno noto, invece, è che tra i condannati assistiti dalle compagnie, vi furono anche i non cattolici, e tra questi gli ebrei. È un filone di ricerca di grande interesse. La procedura fu specifica come risulta dagli atti dell’Arciconfraternita degli Agonizzanti e delle Anime più Bisognose del Purgatorio, la quale seguì precise istruzioni ricevute dall’autorità superiore. Abbiamo un caso interessante del 1736 : Avutasi la sicura notizia del giorno destinato alla sudetta giustizia si potranno affiggere per le piazze le consuete tabelle, ma colla seguente dichiaIvi, f. 44. Cfr. C. Bordi, La chiesa di S. Simeone profeta nel rione Ponte a Roma, in Rivista storica del Lazio, III, 1995, 3, pp. 147-186. 58 Cfr. S. Nanni, Roma religiosa nel Settecento. Spazi e linguaggi dell’identità cristiana, Roma, 2000. 59 ASVR, Bandi ed editti, 1586-1672, f. 96. 60 Cfr. V. Paglia, « La pietà dei carcerati ». Confraternite e società a Roma nei secoli XVI-XVIII, Roma, 1980 e L. Cajani, Giustizia e criminalità nella Roma del Settecento, in V. E. Giuntella (a cura di), Ricerche sulla città del Settecento, Roma, 1978, p. 263-312. 56 57

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razione, cioè : nella venerabile chiesa […] si terrà esposto il SS.mo Sacramento, affinché dalla carità cristiana siano impiegate ferventi orazioni per impetrare la divina assistenza a quelli che si adopreranno nella conversione alla santa fede del condannato o condannati a morte, acciò possino fruttuosamente eseguire il loro offizio ; e vi si esprimerà l’indulgenza, quando vi sia già concessa per simili esposizioni ne’ i giorni di giustizie. A tenore di detta notificazione si esporrà il Sacramento per lo stesso tempo e colla medesima forma, che generalmente si usa in occasione di altre giustizie. All’ora debita e secondo il solito loro stile si porteranno i confratri in comunità avanti il Divin Sacramento e genuflessi si darà principio all’orazione nella maniera che segue. Il sacerdote con cotta e stola accennerà al popolo l’intenzione con cui dovranno dirigersi le preghiere ad alta voce dicendo Fratelli carissimi poniamoci con un atto di viva fede alla presenza di Dio […]. Indi supplichiamo la sua infinità misericordia a conceder benignamente tutta l’assistenza e spirito necessario a quelli che sono impiegati per la conversione alla santa fede del condannato o condannati a morte, acciocché possino esercitarsi con frutto in tale lor ministero.

L’istruzione concluse : « Tutto questo regolamento s’intende che debba osservarsi in evento che detti ebrei morissero (che Iddio non voglia) ostinati nella loro perfidia ; nel qual caso si ricorda che subbito avutosi l’avviso della loro infelice morte, si riponga il Sacramento colle dovute solite cerimonie, consueta recita del Tantum ergo e benedizione al popolo e si dia termine alla funzione. Se poi piacesse alla divina misericordia, che o tutti o alcuno di essi giudei si convertisse alla santa fede, in tal caso, dopo ricevutane la notizia, dovrà per la prima cosa cantarsi l’inno Te Deum laudamus ». Qualcuno aggiunse : « Morirono (gli ebrei) impenitenti la mattina de’ 24 novembre 1736 e però non fu innovata cosa veruna. Furono bensì staccati dal patibolo nel giorno per via degli esecutori del governo e messi nel cortiletto a Ponte, lungo il Tevere, di dove poi la notte furono trasportati da pochi ebrei a Muro Torto, guardati dagli sbirri dell’e.mo Vicario e da quelli del Governo »61. È soltanto un esempio, che tuttavia dice molto. Il SS. Sacramento fu al centro della preghiera della Chiesa per ottenere la conversione dei condannati alla pena capitale. L’argomento, se approfondito, rientrerebbe pienamente nel grande tema dei rapporti tra città cristiana e comunità ebraica locale. Concludo ricordando alcuni altri argomenti di ricerca che non sono meno importanti, come le aggregazioni, le indulgenze, le orazioni, le celebrazioni giubilari, le pratiche penitenziali, ecc. Sono temi che riguardano la società religiosa romana in generale e proprio per questo meritano attenzione da parte degli storici. Domenico ROCCIOLO Archivio storico del Vicariato (Roma) 61

ASVR, Atti della segreteria, 43, n. 6.

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LA DÉVOTION DU SAINT-SACREMENT LIVRES ET CONFRÉRIES*

En 1746, Jean Bertholet, jésuite, publie à Liège une histoire de l’institution de la Fête-Dieu1. Cette Histoire sera rééditée à la fin du XVIIIe siècle, augmentée de l’Abrégé historique de l’institution des illustres confrairies de l’adoration perpétuelle de l’auguste sacrement des autels, et sur-tout de celle érigée dans l’insigne église collégiale de Saint-Martin à Liège, en 17652. L’ouvrage est avant tout une glorification de l’église de Liège3. Mais il reconstruit également une histoire plus générale, celle du développement de la dévotion à l’Eucharistie au cours des siècles. Dans tous les épisodes de ce récit – premières hérésies eucharistiques, institution de la Fête-Dieu, création des confréries, miracles eucharistiques – l’auteur s’adresse à un contradicteur toujours à convaincre. Ce contradicteur, c’est l’hérétique aux multiples visages, mais particulièrement le réformé et l’adepte de la nouvelle philosophie. On a donc affaire à une histoire apologétique, un plaidoyer pour convaincre tous ceux qui contestent la présence réelle de Jésus-Christ dans l’Eucharistie. En cette fin du XVIIIe siècle, l’auteur ne cherche pas à expliquer une dévotion du SaintSacrement largement répandue, ni à présenter les exercices spirituels qu’exige une bonne communion. L’essentiel de sa démonstration consiste à présenter la progression de la dévotion à travers celle des confréries : confréries médiévales « sous le titre du St Sacrement ou du sacré corps de Jésus-Christ », confréries modernes créées,

* Pour une étude plus approfrondie, nous nous permettons de renvoyer à notre ouvrage : Dieu pour tous et Dieu pour soi. Histoire des confréries et de leurs images à l’époque moderne, Paris, 2006. 1 J. Bertholet, Histoire de l’institution de la Fête-Dieu, avec la vie des bienheureuses Julienne et Eve, toutes deux originaires de Liège, Liège, 1746. 2 Liège, 1781. 3 C’est dans cette église en effet que vécut la bienheureuse Julienne dont les visions sont à l’origine de la Fête-Dieu établie par le pape Urbain IV en 1264. Mais l’auteur tend également à ériger en modèle la confrérie liégeoise qui s’agrège à l’archiconfrérie romaine de la Minerve en 1575, ainsi que l’association de l’Adoration perpétuelle qui se trouve dans la même église de Liège en 1765.

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comme celle de Liège, dans le sillage de l’archiconfrérie érigée en 1539 dans l’église Sainte-Marie sur la Minerve des dominicains de Rome, et enfin, couronnement de l’édifice, les associations de l’Adoration perpétuelle du Saint-Sacrement. Pour l’auteur, comme pour Joseph de Gallifet qui avait publié vers 1730 un livre sur le Sacré-Cœur4, la vérité d’une dévotion vient aussi de son pouvoir de convaincre, du grand nombre de confréries qu’elle a engendrées. Mais ces confréries, par les livres qu’elles publient à partir du XVIe siècle, par la manière dont elles se créent et se diffusent, définissent elles aussi les contours d’une dévotion. C’est ce que nous chercherons à analyser à partir de deux ensembles : les livres et les confréries du Saint-Sacrement.

LES LIVRES DES CONFRÉRIES DU SAINT-SACREMENT Les livres des confréries du Saint Sacrement ont sans doute été très nombreux, mais ils n’ont pas toujours été conservés. Aussi est-il malaisé de les retrouver dans les bibliothèques et nous avons eu bien du mal pour en rassembler une cinquantaine. Dans ce petit lot, on peut toutefois analyser deux catégories d’ouvrages suivant l’époque de leur parution : avant la mi-XVIIe siècle ou après. Les premiers livres des confréries Les nouvelles confréries du Saint-Sacrement qui se créent à Rome au XVIe siècle publient dès cette époque de petits livrets pour les confrères. Ces livrets ont tous les mêmes caractères, tant au XVIe siècle5, qu’au tout début du XVIIe siècle6. Ils règlent la vie de la confrérie et se résument à la codification minutieuse de celle-ci. Prenons comme exemple l’archiconfrérie du Saint-Sacrement de la Minerve. Cette confrérie publie en 1561 un petit livre de 38

4 J. de Gallifet, L’excellence de la dévotion au cœur adorable de Jésus-Christ, Lyon, 1733. C’est la traduction en français d’un ouvrage en latin déjà publié par l’auteur à Rome en 1726. 5 Libro delli decreti, overo constitutioni della venerabile & piissima Arcicompagnia del Sacratissimo Corpo di nostro signore Giesu Christo, situata, & fondata nella devota Chiesa di Santo Lorenzo in Damaso della Citta di Roma, con li suoi Privilegii, esentioni, & Indulgentie, Roma, 1541. 6 Statuti, leggi et ordinationi della Venerabile Compagnia del Santiss. Sacramento in S. Maria in Via di Roma..., Roma, 1608 ; Statuti della venerab. archiconfrat. ta del Smo Sacramento e Cinque Piaghe ni N. S. eretta nella chiesa de SS. Lorenzo e Damaso di Roma, nuovamente riformati, e posti in luce, Roma, 1626.

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pages7. Quel est le but de la confrérie ? Comment doit-elle s’organiser ? Tels sont les sujets que ce livret porte à la connaissance de chaque membre. Le but, comme l’avait rappelé la bulle de Paul III confirmant la confrérie en 1539, est de remédier au manque général de respect pour le Saint-Sacrement conservé avec peu d’honneur dans les églises de Rome8. Le livret insiste sur l’exceptionnelle vénération que l’on doit avoir pour le Saint-Sacrement : dans l’église, par l’entretien de la sainte réserve ; dans les rues, par ces sortes de processions que constitue désormais l’accompagnement du saint Viatique protégé d’un dais. Il s’agit de réprimer l’orgueilleuse folie de ces hérétiques modernes (« reprimere anchora la superba pazzia delli moderni heretici ») qui parlent de façon scélérate (criminelle) contre le Très Saint-Sacrement. La tonalité est celle d’une Contre-Réforme militante. Le livret rappelle aussi aux confrères les obligations contenues dans les statuts et la bulle de 1539 : réciter chaque semaine cinq Pater et cinq Ave, s’assembler, le troisième dimanche de chaque mois et le vendredi qui suit la Fête-Dieu, pour une messe et une procession. Mais s’il recommande de recevoir le Saint-Sacrement plusieurs fois par an, il ne propose en aucune manière des exercices spirituels. La méditation cède la place à l’action. Toutefois cela ne signifie pas l’absence de dévotion individuelle. Les trois premières pages du livret introduisent les statuts par un enseignement sur l’Eucharistie. Les trois dernières, qui définissent les « instruments des bonnes œuvres » (« Quali siano gli istrumenti delle buone operationi »), offrent un témoignage lumineux sur cette dévotion en évoquant le vrai culte intérieur et caché que l’on doit chercher à atteindre à travers le culte extérieur demandé : premièrement, aimer Dieu avec tout son cœur, toute son âme et toute sa vertu ; puis, aimer le prochain comme soi-même, etc. À l’exemple de cette confraternité, les instructions touchant la piété personnelle du confrère restent exceptionnelles dans les premiers livrets qui se limitent souvent à la publication de statuts. Pour la confrérie du Très Saint Corps de Dieu de San-Lorenzo-in-Damaso, il faut attendre un nouveau livret de 1626 pour trouver un modeste chapitre de quelques lignes, portant sur ce que les confrères doivent faire pour gagner les indulgences (« di quello che devono far li fra-

7 Li capitoli, statuti, et ordinationi della Venerabile Compagnia del Sacratissimo Corpo di Christo, posta nella chiesa della Minerva della citta di Roma, Roma, 1561. 8 Bulle Domine noster Jesus Christus, 30 novembre 1539.

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telli per acquitar l’indulgenze »). Encore ne s’agit-il uniquement que d’un simple rappel des obligations contenues dans les statuts : visiter les malades et les prisonniers, accompagner le Saint-Sacrement quand on le porte aux malades, se confesser et communier le deuxième dimanche du mois pour l’accompagner dignement dans la procession habituelle de ce jour-là ; prier Dieu pour les morts. Là encore, aucune véritable instruction, bien que l’on préconise la méditation de la Passion du Christ (la confrérie est également sous le titre des Cinq Plaies) et d’autres oeuvres de charité pour lesquelles on renvoie à un autre livret imprimé à cet effet (« come ne insegna il libretto à questo effetto stampato »)9. Cependant, en ce début du XVIIe siècle, quelques chapitres des livres de piété peuvent suggérer aux confrères des pratiques dévotes précises. Ainsi, le livre de la confrérie de Santa-Maria-in-Via, qui est aussi une confrérie de pénitents blancs, consacre un paragraphe à la sainte Communion et un autre aux prières des quarante heures. Mais ces prières ou ces pratiques pieuses font toujours partie intégrante des statuts10. En somme, l’organisation du grand rassemblement que constitue la confrérie reste la seule véritable préoccupation de ces publications qui s’exprime dans les titres : règles, constitutions ou statuts. Il en est encore de même pour le livre de la confrérie établie à Saint-Pierre de Rome publié en 164511. En France, les seuls ouvrages qui puissent être comparés à ces livrets romains sont ceux des confréries de pénitents du SaintSacrement. Le plus caractéristique à cet égard est celui que la confrérie de Roanne, créée en 1617, publie en 162712. Comme les livrets des confréries précédentes, il s’agit essentiellement de statuts. Les prières que doit dire le pénitent s’intègrent dans les règles qui régissent une société confraternelle, même si certaines, comme la distribution des saints du mois, ont un aspect nettement personnel13. Statuti della venerab… cité n. 6, Cap. XXX. Statuti, leggi et ordinationi... cité n. 6, Cap XXVIII et XXIX. 11 Costitutioni, privilegii, et indulgenze della venerabile archiconfraternita del Santiss. Corpo di Christo nella Basilica di S. Pietro prencipe degli Apostoli di Roma. Trapportate dalla lingue latina alla volgare, Roma, 1645. 12 Reigles et offices des Compagnies de Poenitents du tres sainct et tres Auguste Sacrement de l’Autel ; Approuvées de l’ordinaire et dressées pour l’usage des Poenitents de Roanne et des compagnies instituées à leur instar, Lyon, 1627. L’ouvrage (Lettre dédicatoire à l’archevêque de Lyon) propose un règlement commun à toutes les confréries qui avaient adopté les règles de celle de Roanne. Voir B. Dompnier, Les confréries de pénitents du Saint-Sacrement au XVIIe siècle. Essai de définition, dans Cahiers d’Histoire, XXX, 1985 3-4, p. 263-288. 13 Voici à ce propos le contenu de l’article XII : « Si le S.Sacrement est un memorial des merveilles de Dieu, ceste Compagnie doit estre le recueil de tout ce 9

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Dans une somme d’exercices exactement codifiés, la dévotion spécifique du Saint-Sacrement n’a droit à aucun développement particulier. Elle s’exprime uniquement par des actes : le troisième dimanche de chaque mois, les pénitents doivent se rassembler dans la chapelle pour chanter l’Office, ouïr la messe, communier et porter en procession le Saint-Sacrement. Et « au cas qu’il y ait quelqu’un de cette Compagnie qui ne sçache pas lire, il dira pour chacune des heures dudict Office, trois fois le Pater, & trois fois l’Ave Maria » (art. VI). Mais ces actes sont le reflet d’une forte dévotion qui soude les confrères : Puisque la saincte Eucharistie est un Sacrement d’union, d’amour, & de pureté, il faut que ceux qui, sous des Reigles particulières, se veulent obliger à l’adorer, & recevoir, extraordinairement, ayent quelques unes des qualitez, qui ne sont pas communes à toutes sortes de Chrestiens (art I).

À ces fidèles hors du commun, le livret fournit en ses dernières pages une « Forme de profession de foy, ordonnée par nostre S.Père le Pape Pie IV et insérée au S. Concile de Trente » dont voici quelques passages : Je N croy fermement & confesse tous & chacuns les poincts contenus au Symbole de la Foy, duquel use la saincte Eglise Romaine. […] J’admets aussi, & embrasse tres-fermement les Traditions Apostoliques, & Ecclesiastiques, & les autres Observations & Constitutions de la mesme Eglise. Je reçoy la saincte Escriture, selon le sens & interprétation qu’a tenu & tient l’Eglise nostre saincte Mere : à laquelle appartient de iuger du vray sens & interpretation des sainctes Escritures : Et ne la prendray iamais ny interpreteray autrement que selon le commun consentement des Peres. […] Je confesse qu’en la saincte Messe, le vray, propre, & propitiatoire Sacrifice est offert à Dieu, pour les vivans et trespassez : & qu’au tres-sainct Sacrement de l’Eucharistie est vrayement, reelement, & substantiellement le corps & le sang ensemble avec l’ame & la Divinité de nostre Seigneur IesusChrist, & qu’il s’y fait une conversion de toute la substance du pain, au corps : & de toute la substance du vin, au sang : laquelle conversion l’Eglise Catholique appelle Transsubstantiation.

Le sentiment de faire partie d’une élite chrétienne explique la présence de cette profession de foi qui unit les pénitents du SaintSacrement dans le combat contre les réformés.

qu’il y a de plus Sainct & de plus Religieux en toutes les Congregations instituées, & approuvées de l’Eglise. C’est pourquoy ayant reconnu que la devotion aux sentences & saincts du mois adioustoit beaucoup à la Piété des ames Chrestiennes, le Recteur en fera la distribution tous les troisiesmes Dimanches, pour le mois prochain ».

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Le livre que ces mêmes pénitents publient en 1657 n’est pas fondamentalement différent14. La même profession de foi clôt des statuts semblables, bien que ceux-ci explicitent mieux ce que doit être la vie exemplaire du confrère. Si l’ouvrage prend plus d’ampleur, c’est qu’il contient tous les Offices de la confrérie. Ce sont des prières liturgiques en latin qui ne laissent qu’une petite part à la prière individuelle en français : « prières pour dire avant la Confession ; prières avant la sainte Communion ». Cependant dans ces quelques pages, douze au total, le ton a totalement changé. Le pénitent s’adresse personnellement à Dieu : Mon Dieu, mon Créateur & mon Souverain juge, en l’estat criminel où je suis, il n’y auroit point assez d’aveuglement en mon esprit, pour avoir l’impudence de me presenter au Tribunal de voutre justice, si vous n’aviez dit à tous les hommes de vous prier jusqu’à vous faire violence ; de demander, & qu’on leur donneroit ; de chercher & qu’ils trouveroient ; & de frapper à la porte de votre Miséricorde & qu’elle leur seroit ouverte…

Cette prière personnelle, même réduite à quelques pages, se rapproche de la méditation pieuse. Une vingtaine d’années après, un nouvel ouvrage est publié pour les pénitents du diocèse de Lyon15. La vie de la confrérie passe au second rang. Les bulles publiées ne sont pas attachées à une association particulière16, mais à l’ensemble des confréries du SaintSacrement17. De la sorte, il semble que l’on ait en ces années un

14 Reigles et Offices de la Compagnie des Penitens du Tres St Sacrement de l’Autel establie à Roanne et des Autres Compagnies qui lui sont Aggrégées, Lyon, 1657. 15 Reigles, Statuts, et Offices des Compagnies des Pénitens du très Auguste et très Sainct Sacrement de l’autel, établies par l’autorité du S. Siège, ou de l’Ordinaire dans tout le Diocèse de Lyon, & autres lieux du Royaume de France…, Lyon, 1673. 16 Ce qui était le cas dans le livret de 1657, qui se terminait par la « Bulle de N.S.Pere le Pape Paul V… pour les Pardons & Indulgences qu’il octroye à perpétuité aux Pénitens de la Confrérie du très-sainct Sacrement, érigée à Roanne, au diocèse de Lyon », p. 437-442. 17 On y trouve : la « Bulle de N.S. le pape Paul V, contenant les Indulgences octroyées aux Confrères de l’Archiconfrérie du très-saint Sacrement de l’Autel canoniquement instituée à Rome, en l’église de nostre Dame sur Minerve de l’Ordre des Frères Prescheurs », p. 1-4 ; puis le « Decret de la sacrée Congrégation des Eminentissimes Cardinaux, députez pour déliberer & résoudre des doutes survenantes (sic) es matières des Indulgences. Par lequel il est ordonné, que toutes les Confrairies du très-saint Sacrement, qui sont & seront cy après en l’Eglise, peuvent iouir des Indulgences, Graces spirituelles, Privilèges, concédées par nostre saint Pere le Pape Paul troisième à l’Archiconfrérie de sainte Marie sur Minerve, & de toutes celles qui leur seront octroyées à l’advenir », p. 16-18. L’Avertissement de l’archevêque de Lyon qui fait suite à ces textes ne s’adresse plus à des pénitents particuliers, mais aux « confréries du très-Saint Sacrement érigées en la Ville, & Diocèse de Lyon », p. 19-31.

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reflux de la confrérie de pénitents au profit de simples confréries du Saint-Sacrement qui leur ont peut-être succédé. Comme l’affirment les pénitents de Beaujeu qui publient leurs statuts dans les mêmes années, il n’y a plus de différence entre les deux associations : elles « ne sont toutes deux qu’une seule & mesme confrérie », bien que les pénitents aient « esté les premiers instituteurs & directeurs de l’une et de l’autre »18. Peut-être ces pénitents sont-ils les confrères les plus dévots ? À moins que cette élite soit simplement constituée par ceux qui savent lire, comme le suggèrent expressément les statuts des pénitents du Saint-Sacrement de Saint-Laurent-les-Grenoble, datés de 1631 : Aux Confrairies où il y aura nombre suffisant de gens sçachant lire pour chanter l’Office du S. Sacrement, le Recteur & les autres Officiers procureront qu’il soit dit dévotement et distinctement en habit de Pénitent avec édification19.

Mais à la fin du XVIIe siècle, et à fortiori au XVIIIe siècle, les confrères capables de lire l’Office sont de plus en plus nombreux. Les ouvrages de dévotion se multiplient. Ils restent réservés à une élite dévote chez les confrères, mais une élite qui s’élargit progressivement à la confrérie tout entière. Dans cette progression, les livres des pénitents du Saint-Sacrement cèdent le pas à ceux de simples confréries du Saint-Sacrement qui, à la même époque, se répandent dans tout le royaume. Par ailleurs, en ces années où le protestantisme est affaibli et semble même éradiqué, ces livres ont perdu l’aspect combatif qu’ils conservaient chez les pénitents. La « confession de foy » qui ouvre l’ouvrage destiné aux confréries du diocèse de Lyon a perdu son aspect polémique pour se transformer en louange adressée à un Dieu caché dans l’Eucharistie. La multiplication des livres des confréries du Saint-Sacrement Voyons quelques-uns de ces ouvrages publiés dans la seconde moitié du XVIIe siècle. Certains, qui contiennent essentiellement des Offices, sont proches du schéma précédent. Tel celui de la

18 Reigles et ordre d’Offices de la compagnie des pénitens du tres-Saint Sacrement de l’Autel establie en la ville de Beaujeu. Composez par messire Jean Barjot, prestre Docteur es Droicts, Chanoine de N. Dame de Beaujeu, Villefranche, 1672 : « Advis au lecteur ». 19 Breviaire à l’usage de la confrairie des pénitents blancs de S. Laurent lès Grenoble, & autres Confrairies de la Province du Dauphiné, érigées sous le vocable du très-auguste et très-saint Sacrement de l’Autel…, Grenoble, 1767 : texte des statuts de 1631, p. XXI.

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confrérie du Saint-Sacrement de Vienne-les-Blois20, instituée en 1659 par Blaise Fréron, grand vicaire du diocèse de Chartres21. Comme précédemment, aucun texte ne présente la dévotion. La plus grande partie de l’ouvrage est réservée aux Offices de la confrérie. Seule l’épître aux confrères rappelle que le « très-saint Mystère de l’Autel est un vray Sacrement de Communion qui unit les fidelles entre eux par la vertu du Pain surnaturel qu’ils mangent en mesme table » et que la confrérie a été établie pour raffermir cette union. Mais à côté de ce type d’ouvrage de conception traditionnelle, les livrets du Saint-Sacrement s’ouvrent de plus en plus à la réflexion sur la dévotion et, ce qui va ensemble, à la prière personnelle dont les textes sont rédigés en français. L’ouverture peut être timide, limitée à une glorification du SaintSacrement. Tel est le cas du livre de la confrérie de Châteauroux qui ne compte que de courtes instructions ou des prières pour la confession et la communion22. Mais, généralement, la part des explications ou des commentaires prend de l’ampleur. Voici un ouvrage caractéristique de cette période, publié à Toulouse en 166623. Il énonce les statuts de la confrérie et rappelle les règles d’union entre les confrères. Il n’y a plus de profession de foi. En revanche, les exercices de piété se multiplient. Les confrères devront désormais procéder à un examen de conscience journalier, matin et soir, devant une « image de la Sainte Hostie avec ces mots, Loué soit le très-Saint Sacrement de l’Autel » ; « ouïr tous les jours (s’il est possible) la sainte Messe avec vive foy de

20 Institution de la Confrérie du tres-sainct Sacrement de l’Autel, dans l’église parroissiale du Faux-bourg de Vienne-lez Blois, par Monseigneur l’illustris. & Reverend. Evesque de Chartres, avec la Bulle de l’Aggrégation d’icelle à l’Archi Confrérie de S. Pierre de Rome, portant la concession des Indulgences et des grâces accordées par les Souverains Pontifes, approuvée par mondit Seigneur de Chartres. Ensemble l’Office du Saint Sacrement, de la Conception de la Vierge et de S.Saturnin premier archevesque de Tolose, avec l’Histoire de sa vie, Blois, 1659. 21 Ibid., épître, p. 5 : l’association aurait été créée « il y a deux cens ans ou plus ». 22 Statuts, ordonnances et règles qui doivent être observées par les freres de la Confrairie du tres-saint Sacrement, fondée en l’Eglise de saint Martial de Chateauroux, par monseigneur Guy de Chauvigny, vivant Seigneur dudit Château-roux, Vicomte de Brosse, l’an 1362…, Bourges, 1699. L’ouvrage s’ouvre sur un « Hymne de la sainte eucharistie », le récit d’un miracle eucharistique et le rappel de l’institution de la Fête-Dieu. 23 Instructions, Constitutions & Exercices de piété pour la direction des Confrères de la Confrairie du Très-Saint Sacrement, etablie en l’Eglise parroissialle Nostre Dame du Taur en Tolose, par Mre Simon de Peyronet, Prestre, Docteur en Théologie & Recteur de ladite Eglise, Toulouse, s. d. (approbation 6 avril 1666).

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la reelle presence de Iesus-Christ » ; communier au moins quatre fois dans l’année et le troisième dimanche de chaque mois, « voire mesme plus souvent si leur Directeur le trouve bon » ; et « pour les autres jours ausquels les Confreres ne communieront pas Sacramentellement, ils mettront tant qu’ils pourront en pratique la communion spirituelle ». Enfin, ils visiteront le Saint-Sacrement le plus souvent qu’ils pourront et se comporteront modestement dans l’église ou dans les processions. Les méditations qui accompagnent ces exercices occupent la moitié de l’ouvrage au détriment des prières liturgiques, les seules qui restent en latin. Pour conduire les confrères au véritable culte en esprit, l’auteur affirme dans son épître avoir réuni dans ces exercices « un tissu des plus purs & des plus tendres sentiments des Pères spirituels, qui ont le plus excellé en la dévotion de ce mystère adorable ». Un vocabulaire affectif prend le dessus : Allant à la Sainte Messe, allés y comme si vous allies assister au Sacrifice sanglant de la Croix : & dites à Dieu. Je vay, mon doux Iesus, avec vous au Calvaire, faites moy participant de la charité qui vous y conduisoit, donnés-moy le ressentiment qu’eurent les Filles de Sion vous rencontrant chargé de votre Croix, la corde au col…

Il n’est pas étonnant dès lors que le dévot auteur de l’ouvrage propose, dans les « exercices de piété pour les confrères », une « amende honnorable à Iésus, pour les affrons qu’il reçoit des impies, en priant pour la conversion de ceux qui ne le croyent pas dans ce Mystère ou qui le croyant le deshonorent par les irreverences scandaleuses qu’ils commettent tous les jours dans les Eglises ». Il n’est pas étonnant non plus que le dernier chapitre de ces exercices soit consacré à l’Adoration perpétuelle du Saint-Sacrement : Et parce que à toutes heures & à tous momens Dieu est deshonnoré par ces ames prophanes dans cét estat sacramentel, il est raisonnable que ceux qui sont voüez particulièrement au S. Sacrement tâchent de reparer les injures qu’on luy fait, & comme elles sont continuelles, que la reparation le soit aussi ; ce qui ne se peut faire que par l’adoration perpétuelle…

L’ouvrage publié à Toulouse en 1666 est un bon exemple, nous semble-t-il, d’une période de transition dans laquelle les livres des confréries ne se bornent plus seulement, comme auparavant, à expliciter des règlements ou à fournir le texte des Offices, mais développent le contenu intellectuel et spirituel d’une dévotion. Avec cette nouvelle orientation, on passe insensiblement du « respect » public dû au Saint-Sacrement à l’adoration privée du Saint-Sacrement. Les prières liturgiques se réduisent ou sont agrémentées de longues paraphrases en français. Dans les deux cas, elles cèdent le pas à l’effusion du sentiment qui caractérise l’Adoration perpétuelle. De la sorte, on l’a vu, sans en prendre l’appellation, la confrérie de Toulouse tend à

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se muer en association de l’Adoration perpétuelle tournée, non plus vers le combat contre les réformés, mais contre les impies. C’est dans un tel contexte que naissent en effet les « associations » de l’Adoration perpétuelle du Saint-Sacrement. En 1659, le célèbre évêque de Châlons, Félix Vialart de Herse, fonde une telle association dans sa ville épiscopale. Immédiatement un petit livre de piété est publié24, lequel débute par des règlements précédés d’une épître de l’évêque et suivis d’une « Convocation générale des Ames dévotes au très-saint Sacrement de l’Autel, dans la province de Champagne ». Les règlements ne sont différents d’anciens statuts que par l’organisation de l’adoration qui s’y ajoute. En revanche, l’épître de l’évêque insiste particulièrement sur le culte véritable qu’exige l’Adoration perpétuelle et exhorte les confrères de « ne pas tomber dans l’inconvénient funeste de ceux qui présument trop de leur dévotion extérieure… sans se mettre en peine de corriger sérieusement leurs mœurs ». La première règle de l’association doit être « le véritable & intérieur Règlement de l’âme »25. La nouvelle dévotion entée, plus que l’ancienne, sur le perfectionnement individuel, n’a plus tout à fait le même combat. Entrer dans l’esprit de l’Adoration, dit l’évêque de Châlons, c’est vouloir « réparer continuellement les affronts & outrages qui sont faits à toute heure à notre divin maistre ». La « première et principale fin de cette dévotion, dit-il encore, est de glorifier Nostre Seigneur JesusChrist & essayer de luy rendre l’honneur que les mauvais Chrestiens, les hérétiques, les prophanateurs de l’Eucharistie luy ravissent ». À Châlons comme à Toulouse, le vocabulaire employé est déjà celui de la dévotion, encore à naître, du Sacré-Cœur26. Pour la fête principale de la confrérie de Châlons, le dimanche de l’octave du Saint-Sacrement, tous les confrères « communieront pour rendre hommage & faire amende honorable au Verbe incarné, pour tant de

24 Instruction, règlemens et prières pour l’Association de l’Adoration perpetuelle du S. Sacrement de l’Autel, instituée et établie dans l’Église de l’Abbaye de S. Memmie, premier evesque et Apostre de Chaalons... quatrième édition, Chalons, s. d. (la permission d’imprimer est de 1659). Voir S Simiz, Confréries urbaines et dévotion en Champagne (1450-1830), Villeneuve-d’Ascq, 2002, p. 170-171. 25 Cette piété individuelle n’a pas besoin de rassemblement physique des confrères pour s’exprimer. C’est ce qui explique que l’association puisse être composée de membres résidant dans toute la Province, comme en Bretagne où, nous dit-on, « il y a déjà cinquante mille associés à ce dessein & plus grand nombre dans la province de Bourgogne & autres Provinces ». 26 M.-H. Froeschlé-Chopard, Aspects et diffusion de la dévotion du Sacré-Cœur au XVIIIe siècle, dans Mélanges de l’École française de Rome. Italie Méditerranée, 112, 2, 2002, p. 737-784 et Dieu pour tous et Dieu pour soi...cit.

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sacrilèges & de crimes qui se commettent contre l’honneur du Saint Sacrement ». L’adversaire n’est plus vraiment l’hérétique, mais l’impie à l’intérieur même du catholicisme. De la sorte, on peut interpréter les nombreux exercices et les longs commentaires qui envahissent les livres comme les fruits d’une seconde réforme plus destinée à raffermir la foi à l’intérieur du camp catholique qu’à reconquérir des territoires à jamais perdus. On voit alors les livres des confréries anciennes ou renouvelées adopter des aspects nouveaux liés à l’adoration du Saint-Sacrement dans le but avoué, comme le dit l’Avertissement d’un livret de Chartres, de voir « continuer et multiplier » les saints exercices liés à la dévotion et réparer « des sacrilèges et des irréverences qui se commettent tous les jours contre cet adorable mystère par les infidelles, les hérétiques, les libertins et les mauvais chrétiens »27. La dévotion, individuelle, peut s’exprimer en dehors de toute confrérie. On a imprimé, dit-on à Chartres, « ce petit recueil non seulement en faveur des confrères, mais aussi de tous ceux & celles qui pourront s’associer à l’adoration du Saint-Sacrement & même à toutes les personnes qui hors de ces engagemens ont de la dévotion pour cet adorable mystère & qui assisteront aux Offices, processions, saluts, etc. ». Le livret publié probablement en 1715 à SaintOmer semble se faire le lointain écho des querelles du temps, en présentant cette adoration comme une « imitation de la piété des premiers siècles de l’Eglise »28. À côté des livres d’anciennes confréries plus ou moins renouvelées par l’Adoration perpétuelle, on voit se multiplier les ouvrages propres aux nouvelles associations. Celles-ci sont présentées comme le rassemblement d’une élite religieuse et urbaine. Dans un livret édité à Caen, le mandement de l’évêque qui accorde des indulgences à la nouvelle association souhaite qu’elle imite « l’Adoration continuelle… qui se pratique tous les jours, depuis le matin jusques au soir, dans la plupart des paroisses de Paris, outre les maisons religieuses où il est adoré jour et nuit sans aucune interruption »29. 27 Instructions, règlemens, statuts, pratiques et prières concernant les confréries et l’Adoration perpetuelle du très-saint Sacrement, Chartres, 1706, « Avertissement ». 28 Confrerie de l’Adoration quotidienne du très-saint Sacrement de l’autel et de la société du s. Viatique canoniquement établies en l’Eglise paroissiale de Sainte Aldegonde dans la ville de Saint Omer par Monseig. François de Valbelle de Tourves Reverendissime Evêque de St Omer, le 14 mars 1714, Saint-Omer, s. d. 29 La vraye dévotion au Très saint sacrement de l’autel, seconde partie contenant les saintes pratiques des vrais adorateurs de Jesus-Christ... en faveur des confrères de l’adoration perpétuelle par G. M. Duleiville..., Caen, 1664.

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Comme dans le livret précurseur de Châlons, les règles spécifiques d’une confrérie ne sont guère abordées. La confrérie se dissout dans l’association spirituelle. Ce type de livret, qui s’attache presque uniquement à des instructions et des méditations, se rencontre en ces années tant à Poitiers30 qu’à Marseille31. En 1717 paraît à Marseille un nouvel ouvrage dans lequel les instructions et les prières sont destinées à « ceux qui ne sont pas encore exercés en l’oraison mentale »32. Une Amende honorable au très-Auguste Sacrement de l’Autel, des actes d’humilité et de contrition, de foi, d’admiration, d’adoration, etc., proposent des méditations affectives pour passer l’heure d’adoration avec « dévotion et profit ». Elles donnent la parole à l’adorateur modèle auquel le confrère est appelé à s’identifier : Dans le très-profond respect que la foi m’inspire, mon Dieu, & mon Sauveur Jésus-Christ, vray Dieu & vray Homme, je vous adore du plus profond de mon cœur au Très-Auguste Sacrement de l’Autel, en réparation de toutes les irréverences, profanations & sacrilèges que j’ai commis jusqu’à maintenant, de tous ceux et celles qui s’y sont commis ou pourroient encore se commettre à l’avenir, je vous adore donc, ô mon Dieu, non pas autant que vous êtes adorable ni que je le dois, mais du moins autant que je le puis…

On pourrait dire que ces livrets fournissent l’exemple type des publications liées aux associations de l’Adoration perpétuelle, dominées par des prières privées. Pourtant, il peut paraître dans les mêmes années, pour ces mêmes associations, des ouvrages presque entièrement consacrés à des prières liturgiques. C’est le cas d’un livre édité à Reims en 172233.

30 La Pratique de l’adoration perpétuelle de Jésus-Christ dans la S. Sacrement de l’autel establie dans la Ville & le Diocèse de Poitiers… par un Père de la Compagnie de Jésus, Poitiers, 1693. Il s’agit du P. Chastain qui a établi cette confrérie « dans les diocèses de Bourdoux, La Rochelle, Luçon, Saintes, Sarlat, & Basas ». 31 Traité de l’Adoration perpétuelle du S. Sacrement, Contenant les Instructions & des Moyens excellens pour y adorer Jesus-Christ. Avec 24 sujets de Méditations pour les 24 heures du Jour & de la nuit ; des Prières & des Exercices pour le jour de la Communion et de l’Adoration & pour assister dévotement à la sainte Messe. Le tout tiré de l’Écriture sainte et des Autheurs Ecclésiastiques, Marseille, 1705, seconde édition. 32 Directoire pour les associez à l’Adoration perpetuelle du st Sacrement, qui se pratique toutes les heures du jour & de la nuit par les Religieuses du St Sacrement, établies à Marseille,& qui se pourra établir en d’autres villes, Marseille, s. d. (approbation 1717). 33 Statuts, reglemens et prières de la confrairie de l’adoration perpetuelle de Jésus-Christ au très-saint Sacrement de l’autel érigée en l’église paroissiale de S. Hilaire de Reims, Reims, 1722. Approbation du 8 mars 1665.

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Mais les Offices qu’il publie présentent une traduction française en regard de chaque prière. Dans ces traductions, la frontière entre prière liturgique et prière privée s’atténue jusqu’à disparaître34. Le commentaire se décline d’ailleurs à la première personne : Deus adsondite & Salvator, miserere nobis O mon Dieu ! encore que vous vous cachiez sous de si viles espèces dans vôtre Sacrement ; encore que vous y anéantissiez toutes vos grandeurs, je ne laisse pas de vous y reconnoître comme le Fils du Dieu vivant, comme mon Sauveur, comme mon Roy, & comme le Roy de toutes les créatures. C’est pour ne m’éblouir pas de vos lumières que vous vous cachez ; c’est pour nous inspirer par votre exemple l’amour des humiliations et du mépris, que vous vous mettez en cet état. Aprenez-moy, Seigneur, à me cacher aux yeux des hommes, à m’humilier, & à m’anéantir : & puisque vous êtes mon Sauveur en ce Mystère, sauvez-moy des pièges de mon amour propre.

À ces commentaires s’ajoutent enfin, comme à Marseille, divers actes et prières à réciter devant le Saint-Sacrement, actes de réparation d’honneur à Jésus-Christ, acte de foi, d’humilité, d’adoration, d’amour, etc. qui ouvrent au confrère la voie de la véritable adoration en esprit & vérité35. Qu’ils soient rédigés pour une association qui garde le nom de confrérie du Saint-Sacrement, ou pour celles qui adoptent celui de l’Adoration perpétuelle du Saint-Sacrement, les livres imprimés pour les confrères ou les associés ont tous, au XVIIIe siècle, des caractères analogues. Entre la nouvelle association et l’ancienne confrérie qui se renouvelle, les ponts sont multiples et les limites floues. Les livres expriment une progression générale d’une dévotion dans laquelle s’épanche de plus en plus une affectivité personnelle. Mais cette dévotion personnelle qui doit « engager à une sainteté de vie » doit aussi « donner des sentimens d’une profonde vénération envers l’adorable sacrement de l’autel »36. La confrérie reste l’instrument de lutte non seulement contre l’impiété, mais aussi contre la tiédeur, comme semble l’avouer une Instruction aux confrères

34 Henri Bremond, Histoire littéraire du sentiment religieux en France depuis la fin des guerres de religion jusqu’à nos jours, X, La prière et les prières de l’Ancien Régime. 35 Un nouvel ouvrage, Office de l’adoration perpétuelle de Jésus-Christ au très s. Sacrement de l’autel… sera publié à Reims en 1737. Il garde les mêmes caractères que celui de 1722 bien que le petit Office de la réparation du SaintSacrement ait été supprimé. En revanche, il comporte des « prières pendant la messe » qui augmentent la part des oraisons dans lesquelles le confrère dialogue avec Dieu. 36 Statuts, reglemens et prières… cité n. 33, « Approbation et permission de Monsieur le Vicaire général ».

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publiée à Orléans en 1731, dont l’Avertissement établit la liste de toutes les excuses « qu’apportent ceux qui sont peu fidèles à remplir leurs heures » d’adoration37. Rares sont les ouvrages qui, tel celui d’une confrérie de Strasbourg, développent longuement, dans un esprit de controverse, les points de doctrine sur la présence réelle38. On les trouverait uniquement dans les provinces où, comme en Alsace, la Réforme catholique ne s’épanouit qu’au XVIIIe siècle. Les confréries y retrouvent l’esprit combatif du XVIe siècle. Dans la préface d’un petit livret édité à Munster, probablement en 1712, on apprend que les religieux de l’abbaye ont établi une confrérie dans leur église parce qu’ils « voyoient avec douleur toute la face de l’Eglise dans cette vallée, presque entièrement défigurée par le Luthéranisme »39. Quelle que soit l’époque, au moins aux yeux du clergé qui rédige les ouvrages destinés aux confréries, la dévotion du Saint-Sacrement est perçue comme un instrument de combat. Les confréries, par leur existence, par les processions qu’elles organisent dans les cités à chaque sortie du Saint-Sacrement, sont l’expression vivante d’une Contre-Réforme en action. Sur l’affirmation de la présence réelle de Jésus-Christ dans l’Eucharistie se concentre toute l’orthodoxie et se définit toute hérésie40. Par là même, et comme l’affirme Jean Bertholet au XVIIIe siècle, les confréries du Saint-Sacrement prennent place dans la longue controverse sur l’Eucharistie qui perce au IXe siècle et qui rebondit sans cesse. Mais les rédacteurs des livres de piété sont-ils suivis par les fidèles et selon quelles modalités ?

37 Instruction aux confrères de l’Adoration perpétuelle du très-st. Sacrement, établie dans l’Eglise Paroissiale de Saint Pierre, alias Sainte Catherine, de la Ville d’Orléans, Orléans, 1731. 38 Heures nouvelles à l’usage de la confrérie du tres-saint Sacrement érigée en 1707 dans l’Eglise Paroissiale de Saint Louis…, Strasbourg, 1759. Un ouvrage sous ce titre avait été publié en 1708. Il n’avait pas le caractère de controverse anti-protestante de cette édition. 39 Confrairie du tres saint Sacrement Establie dans l’Eglise abbatiale de Munster de la vallée de St. Grégoire, contenant les indulgences que l’on y peut gagner, les Statuts qu’il y a à observer, & les Prieres que l’on y peut reciter..., Colmar, s. d. 40 Cet aspect ne conduit pourtant pas les confréries à prendre physiquement les armes. Ce rôle étant réservé à quelques autres associations du temps de la Ligue : Saint-Esprit, Pénitents, Saint-Nom de Jésus. Voir Robert R. Harding, The mobilization of confraternities against the reformation in France, dans The Sixteenth Century Journal, 11, 1980, p. 85-107.

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LES CONFRÉRIES DU SAINT-SACREMENT La réponse à cette question est donnée par l’existence, la multiplication ou le reflux des confréries elles-mêmes. La constitution d’une association est en effet sous l’Ancien Régime la forme la plus achevée de l’acceptation d’une nouvelle dévotion, le vecteur le plus solide de sa diffusion. On peut le vérifier, par exemple, au sujet d’une dévotion plus récente, celle du Sacré-Cœur. On dispose en effet en ce cas, par le biais des lettres circulaires des Visitandines, de récits précisant les circonstances de la naissance des confréries. L’accueil se fait en différentes étapes : on reçoit d’abord des livres de piété et des images ; ensuite, lorsque la dévotion s’est largement répandue, qu’elle est devenue « populaire », on constitue une confrérie41. S’appuyant sur ces récits, il est permis de déduire de l’abondance ou de la rareté des confréries le succès ou le recul d’une dévotion. Mais comment connaître ces confréries ? Leur approche est bien difficile. Les sources sont certes nombreuses, mais d’une grande diversité : enquêtes administratives ou ecclésiastiques, sources notariales ou judiciaires, archives propres à telle ou telle confrérie. Limitées à une région et à une époque, constituées dans des buts très différents, elles sont difficilement comparables, et les renseignements qu’elles fournissent ne peuvent guère être mêlés. Une enquête, même réduite à l’espace français, semble vouée à l’échec42. Cependant, une source peut être envisagée : ce sont les demandes d’indulgences que les confréries envoient à Rome. Parce que ces demandes poursuivent un même but, qu’elles sont centralisées à Rome et qu’elles concernent l’ensemble des confréries de la catholicité, on peut espérer obtenir de leur analyse une vue d’ensemble pour une période assez longue. Toutefois, et il est nécessaire de le souligner, il s’agit de prendre cette source uniquement comme une étape de la recherche, une manière parmi d’autres d’appréhender l’existence des confréries. Les documents à notre disposition sont de deux types : les registres des archiconfréries romaines qui établissent les listes des confréries qui leur sont affiliées ; les registres du Secrétariat aux brefs, organisme de l’administration pontificale chargé d’envoyer les 41 E. Letierce, Études sur le Sacré-Cœur, I, Le Sacré-Cœur et la Visitation Sainte-Marie, Paris, 1890. Voir, par exemple, la constitution de la confrérie de Bordeaux, p. 390-396. 42 Une grande enquête visant à constituer un atlas des confréries dans la France moderne s’est ainsi « perdue dans les sables ». Voir M. Venard, Les confréries en France au XVIe siècle et dans la première moitié du XVIIe siècle, dans Société, culture, vie religieuse aux XVIe et XVIIe siècles, Paris, 1995, p. 44-57 (p. 45).

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bulles d’indulgences à chaque confrérie qui en faisait la demande. Ces deux types de documents brossent les contours d’un vaste panorama des confréries, mais un panorama différent. Les confréries du Saint-Sacrement affiliées à l’archiconfrérie de Sainte-Marie sur la Minerve Voyons d’abord les confréries du Saint-Sacrement qui ont demandé leur agrégation à l’archiconfrérie romaine de Sainte-Marie sur la Minerve afin de jouir de ses nombreux privilèges. Les archives de l’Ordre des frères prêcheurs, à Sainte-Sabine, conservent un premier registre d’affiliations à cette archiconfrérie fondée en 153943. Ce registre présente, sous forme de répertoire alphabétique, une liste de confréries agrégées pendant les quelques années (1539-1543) qui ont immédiatement suivi la fondation du Saint-Sacrement de la Minerve. Il est donc particulièrement intéressant à étudier, car il offre l’image de l’influence de l’archiconfrérie dès sa création, avant même l’ouverture du concile de Trente. Les confréries agrégées durant ces années sont nombreuses (1 698), ce qui représente une moyenne annuelle élevée (425). La nouvelle confrérie romaine du Saint-Sacrement est donc immédiatement et profondément attractive. Comme le document situe chaque confrérie affiliée dans son diocèse, il permet de tracer les caractères et les limites de cette influence44. Les pays méditerranéens viennent largement en tête : Espagne, Portugal et Italie rassemblent en effet 86% des affiliations. La France est très peu représentée (10%). Les demandes provenant du reste de l’Europe sont presque inexistantes (2,5%), guère plus nombreuses que celles des « Indes » occidentales ou orientales (1,5%). On a ici un premier résultat qui est loin d’être inintéressant : les agrégations se multiplient dans les régions méditerranéennes peu touchées par la Réforme. L’adhésion à la nouvelle confrérie traduit la situation d’une Europe partagée entre Réforme (pays où les demandes d’affiliations sont absentes) et résistance à cette Réforme. À l’intersection de ces deux mondes, l’image des agrégations françaises est révélatrice du partage qui est en train de se dessiner. Les régions les plus vides (Ouest, Dauphiné, Vivarais, Languedoc oriental) seront les zones de fort peuplement

43 Archivium Generale Ordinis Praedicatorum (AGOP), XVI, 241. Nous avons présenté plus haut le livre des statuts de cette confrérie publié en 1561. 44 10% seulement des lieux n’ont pu être identifiés : soit parce que le nom du diocèse est resté illisible ou inconnu, soit parce que le scribe lui-même a laissé un blanc à la place du nom de ce diocèse, soit enfin parce que certaines localités, dépendant d’abbayes, sont déclarées « de nul diocèse ».

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protestant. Les régions où les affiliations sont les plus nombreuses se placeront sous l’influence de la Ligue (Bretagne, Bassin parisien, vallée de la Saône, Lyonnais, Provence, Toulousain) ou sont encore aux mains des Habsbourg (Artois et Flandre, Franche-Comté, Roussillon). Nulle part de phénomène conquérant dans ces confréries des années 1540, mais, au contraire, l’affirmation de la vitalité d’une pré-Réforme dans ses aspects méditerranéens que l’on retrouvera quelques années plus tard, dans le concile de Trente45. Malgré le laconisme général du document, on doit s’arrêter un instant sur ces confréries qui demandent leur agrégation au tout récent Saint-Sacrement de Rome. Tout d’abord, le scribe établit généralement une différence entre la confrérie déjà érigée (confraternitate jam erecta, ou simplement erecta) et celle qui est à ériger (erigenda). Ces expressions mettent l’accent sur les réalités préexistantes. Les confréries qui s’agrègent à la Minerve ne sont pas forcément nouvelles. Comme celle de Liège, ce sont souvent d’anciennes confréries du Corpus Christi, pouvant exister depuis le XIVe siècle46. Comme ces dernières, elles paraissent très proches de la communauté d’habitants qui se fait souvent le requérant auprès de l’archiconfrérie romaine. Leur agrégation ne signifie pas forcément une transformation, un changement de statuts mais, simplement, le désir d’entrer dans le réseau d’une élite dévotionnelle et de jouir des grandes indulgences accordées par le pape à l’archiconfrérie. Dans ces conditions, la « géographie » des premières affiliations pourrait bien être d’abord celle des confréries du Corpus Domini médiévales. C’est ce que semble confirmer l’importance des affiliations provenant de la péninsule ibérique (52%), région dans laquelle la dévotion eucharistique s’est développée précocement. En outre, le qualificatif de Saint-Sacrement est rarement employé dans le registre : il désigne une réalité trop neuve et, sans doute, encore à venir. On n’en veut pour preuve que le nom donné à la confrérie de la Minerve ellemême : Très Saint Corps du Christ. Quelques inventaires ultérieurs donnent un aperçu sur l’évolution de ces confréries affiliées à celle de la Minerve au cours des XVIIe et XVIIIe siècles. Ils sont malheureusement très succincts, n’indiquant généralement que la situation géographique de l’association requérante. Ils permettent néanmoins de constater que le

45 A. Dupront, Du concile de Trente : réflexions autour d’un IVe centenaire, dans Revue historique, 206, décembre 1951, p. 262-280. 46 Y. Dossat, Les confréries du Corpus Christi dans le monde rural pendant la première moitié du XIVe siècle, dans La religion populaire en Languedoc du XIIIe siècle à la moitié du XIVe siècle, Cahiers de Fanjeaux, 11, 1976, p. 357-385.

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nombre de ces confréries est en constante diminution : il est en moyenne de 73 par an à la fin du XVIe siècle (1563-1566) ; de 13 dans la seconde moitié du XVIIe siècle (1658-1689) ou au début du XVIIIe siècle (1703-1724) ; entre un et deux à la fin du XVIIIe siècle (1748-1795). Cette chute régulière est peut-être la conséquence des décrets pontificaux qui accordent à toute nouvelle confrérie du Saint-Sacrement, sans formalités particulières, toutes les faveurs dont jouit l’archiconfrérie de la Minerve47. Mais elle s’accompagne également d’un net repli sur l’Italie. Les confréries italiennes, qui représentaient 34% de l’ensemble au moment de la création du Saint-Sacrement de la Minerve, constituent la moitié des agrégations dès la fin du XVIe siècle ; elles gardent cette proportion jusqu’au début du XVIIIe siècle, pour atteindre 65% entre 1748 et 1795. En outre, en cette dernière période, on n’a pas toujours affaire à des agrégations nouvelles, mais à des confirmations comme nous l’apprennent quelques lettres jointes aux documents. Tous ces indices vont dans le même sens. Les affiliations que l’archiconfrérie romaine conserve soigneusement, et dont elle établit même un répertoire en 1739, révèlent que son rayonnement est de plus en plus faible au fil du temps, et qu’il tend à se restreindre aux confréries de la péninsule italienne48. Si ces affiliations peuvent donner une idée de la répartition des confréries du Corpus Domini dans les années 1540, il devient difficile de les utiliser ensuite, lorsqu’elles ne traduisent plus que le rayonnement déclinant de l’archiconfrérie. Les brefs d’indulgences envoyés aux confréries du Saint-Sacrement Les registres du Secrétariat aux brefs ont-ils pris le relais des affiliations aux archiconfréries romaines ?49 La réponse n’est pas simple. Les confréries du Saint-Sacrement bénéficient, on l’a vu, à partir du début du XVIIe siècle, d’un régime particulier qui pourrait les dispenser de demander des indulgences. Malgré cela, certaines persistent à vouloir s’agréger à l’archiconfrérie de la Minerve, et d’autres sollicitent des brefs d’indulgences auprès du Secrétariat aux brefs. Ainsi, les deux manières dont disposent les confréries pour 47 Décret de Paul V (15 février 1608) confirmé par Innocent XI (déclaration Injuncti nobis du 1er octobre 1678). 48 Archives du couvent de Sainte-Marie de la Minerve de Rome, VI, a, 2 : « Rubricellone dell’archivio della ven. Archiconfraternita del SSmo sagramento, composto nell anno 1739 da Fran. M. Magni ». 49 Bernard Dompnier envisage cette hypothèse : Les confréries françaises agrégées à l’archiconfrérie du Gonfalon. Recherche sur une forme de lien à Rome, dans Cl. Langlois et Ph. Goujard (dir.), Les confréries du Moyen Âge à nos jours. Nouvelles approches, Rouen, 1995, p. 41-56.

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obtenir des privilèges de Rome continent de jouer jusqu’à la fin du XVIIIe siècle, et rien ne permet d’affirmer avec certitude que les indulgences obtenues directement du Secrétariat aux brefs ont remplacé totalement ou partiellement les demandes d’agrégations aux archiconfréries. De la comparaison des deux sources ressort toutefois une certitude : des confréries comme celles du Saint-Sacrement, pourtant assurées de leurs privilèges dès leur établissement, ressentent le besoin, au même titre que d’autres associations moins prestigieuses, de solliciter de Rome une bulle d’indulgences qui leur soit dûment adressée. Mais ces confréries sont toujours en petit nombre dans les registres de brefs : 20 ou 30 par an jusqu’en 1770, moins de 10 ensuite. Malgré leur soif d’indulgences, nombre d’entre elles semblent échapper au document. Remarquons que ce qui est vrai pour les confréries du Saint-Sacrement l’est aussi pour toute autre confrérie, comme on peut le vérifier pour telle ou telle région dont les associations pieuses ont été étudiées à partir d’autres documents50. Outre les divers obstacles qui se dressent pour obtenir un bref d’indulgences, on doit se rappeler que bien des associations existent depuis longtemps vers 1650, au moment où les registres de brefs sont constitués et où le document devient véritablement sériel. Ainsi, même si le nombre des confréries qu’ils permettent de connaître est important (probablement plus de 40 000 brefs enregistrés de la miXVIIe siècle à la fin du XVIIIe siècle), les registres du Secrétariat aux brefs ne reflètent qu’une partie des confréries existantes, au même titre que les registres d’affiliation aux archiconfréries. Comment donc étudier ce document ? Sans reprendre le détail de la critique du document, rappelons les résultats obtenus à partir de l’analyse de quelques confréries provençales ou de l’ensemble des confréries du Sacré-Cœur51. Dans les deux cas, celles qui sollicitent des indulgences en cour de Rome le font à un moment privilégié de leur existence, soit après leur fondation, soit après une totale restauration ou au moment de leur plein épanouissement. Sans doute puisent-elles dans les privilèges accordés, en un temps où Rome s’affirme de plus en plus nettement comme le pôle de la Réforme catholique, une plus grande légitimité ou un regain de faveur parmi les fidèles.

50 Voir par exemple : M.-H. Froeschlé-Chopard (dir.), Les confréries, l’Église et la cité, Grenoble, 1988. 51 M.-H. Froeschlé-Chopard, Aspects et diffusion… cité n. 26, et Dévotions et confréries aux XVIIe et XVIIIe siècles d’après les sources vaticanes, dans Les confréries du Moyen Âge… cité n. 49, p. 23-40.

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Ainsi, bien qu’ils ne soient pas exhaustifs, les registres de brefs permettent de saisir la naissance ou la transformation d’un grand nombre de confréries qui se distinguent par leur patronage. En ce cas, le renseignement fourni par le document ne concerne plus uniquement la confrérie mais, à travers le nom qu’elle a choisi, la dévotion qui l’anime. Les octrois de brefs d’indulgences expriment alors l’émergence d’une innovation dans les pratiques de dévotion, tout en reflétant également une allégeance, plus ou moins forte selon les confréries, les régions ou les pays, au pouvoir pontifical. En conséquence, l’analyse quantitative des renseignements fournis, qui fait ressortir l’importance de telle ou telle confrérie par rapport à celles qui se créent ou se renouvellent à la même époque, permet de saisir sur le vif, à un moment précis, le succès ou le déclin d’une dévotion, d’en déduire une évolution au cours des années 1650-1790. Mais les brefs ne fournissent pas uniquement le nom de la confrérie, ils indiquent aussi la localité, le diocèse, le siège de cette confrérie (église paroissiale, église conventuelle, chapelle). Par là, ils permettent de dessiner une géographie de la diffusion des dévotions, de saisir l’influence qu’a pu exercer sur cette diffusion le clergé séculier ou les ordres religieux. Enfin, ces documents mentionnent aussi les fêtes que la confrérie solennise au cours de l’année : le jour de la fête principale pour laquelle les confrères jouissent d’une indulgence plénière ; les jours des fêtes secondaires pour lesquels des indulgences de sept ans sont accordées. Lorsqu’ils ne mentionnent rien à ce sujet, les brefs emploient l’expression « ad libitum », ce qui montre bien que ces jours de fêtes ne sont pas imposés, qu’ils relèvent de l’initiative soit des confrères, soit de l’ordinaire du lieu. Dans les deux cas, leur analyse dévoile tout un nouvel ensemble de dévotions liées à la confrérie, mais que sa seule titulature ne permettait pas d’atteindre. Les confréries du Saint-Sacrement d’après leurs brefs d’indulgences Dans l’état actuel des dépouillements, il n’est pas possible de présenter une exploitation méthodique de l’ensemble de la source. Nous nous contenterons d’analyser les résultats de sept sondages qui permettent d’esquisser une évolution de la mi-XVIIe siècle à la fin du XVIIIe siècle. Les six premiers échantillonnages portent sur 8, puis 12 années, et sur environ 2 500 brefs chacun. Pour le dernier, il a fallu multiplier les années, de 1780 à 1799, pour atteindre près de 1 200 brefs52. Dans cet ensemble de plus de 16 000 brefs dépouillés, 1 447 ont été envoyés à des confréries du Saint-Sacrement. 52 Les sept sondages réalisés portent sur les années : 1653-1662 ; 1676-1684 ; 1698-1706 ; 1721-1731 ; 1740-1750 ; 1758-1771 ; 1780-1799.

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Premier constat : l’importance des confréries du SaintSacrement. Près de 9% des brefs de chaque sondage s’adressent à ce type de confrérie. Leur proportion est même en légère progression après 1750 : elle atteint 11% dans le dernier échantillon. Ainsi, la dévotion résiste bien à l’usure du siècle. Elle résiste aussi au succès fulgurant des confréries du Sacré-Cœur, lesquelles occupent au XVIIIe siècle des proportions semblables. Deuxième constat : ces confréries se répartissent très différemment de celles de 1540. Les pays méditerranéens largement ouverts au Saint-Sacrement dès le XVIe siècle sont moins bien représentés. Ce n’est qu’à la veille de la Révolution qu’un léger renouveau s’amorce parmi les confréries de la péninsule italienne, lequel exprime probablement une certaine reprise de la piété confraternelle à l’extrême fin du XVIIIe siècle53. A l’opposé, les nouvelles confréries se multiplient en Europe centrale à partir du début du XVIIIe siècle. Nous retrouvons ici l’onde de propagation des dévotions de la Réforme catholique mise en évidence dans une étude antérieure pour l’ensemble des confréries54. La dévotion du Saint-Sacrement est à l’image de ce mouvement général. Troisième constat : chaque étape de l’évolution est marquée par le grand nombre de confréries des pays francophones, terre d’élection de la dévotion dans tous nos échantillons. La floraison des confréries du Saint-Sacrement place ces pays à la pointe de la Réforme catholique, caractéristique que l’on retrouvera peut-être pour d’autres associations dites « dévotes », comme celles du Rosaire ou de saint Joseph. Le volume des brefs envoyés à des confréries françaises est suffisamment important pour permettre d’enregistrer une onde de propagation qui reproduit, à travers les différentes provinces, la progression de cette réforme. Les confréries du Saint-Sacrement les plus nombreuses, au milieu du XVIIe siècle, se situent à Paris, en Provence et en Bretagne. Il s’y ajoute à la fin du siècle la province de Cambrai. Puis, à partir de 1720, les diocèses du Nord-Est du pays (Toul particulièrement) et, entre 1740 et 1750, ceux de Besançon ou de la province d’Auch. Ce parcours reflète la consolidation du catholicisme que l’on peut suivre dans des régions particulièrement sensibles. Dans le dio-

53 Une reprise que l’on a pu saisir aussi dans certaines régions de France. Voir Stefano Simiz, Confréries urbaines… cité n. 24. 54 M.-H. Froeschlé-Chopard, Indulgences et confréries, test de l’évolution des dévotions au dix-huitième siècle, dans Studies on Voltaire and the eighteenth century, 2, 2002, p. 75-94.

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cèse d’Alès par exemple, les confréries du Saint-Sacrement, créées ou renouvelées au XVIIIe siècle, sont le moyen privilégié d’affirmation d’une identité pour une population catholique minoritaire rassemblée dans quelques communes55. Dans le Val d’Aran, territoire espagnol dépendant d’un diocèse français, ces mêmes confréries témoignent du rôle différent assumé par la dévotion selon que l’on se place d’un côté ou de l’autre de la frontière. Fruits de la dévotion eucharistique qui s’est développée précocement dans le monde espagnol, les confréries du Val d’Aran gardent d’anciennes coutumes combattues par les prélats du XVIIe siècle, Gilbert de Choiseul en particulier. En revanche, c’est dans le milieu du XVIIe siècle seulement que se développent du côté français les nouvelles confréries promues par les évêques et les missionnaires. Elles ont tendance à contrôler la vie du village avec une méthode qui n’est pas sans rappeler celle des consistoires protestants56. En ce sens, en Cévennes comme en Pyrénées, la présence protestante ou la mise en place d’une Contre-Réforme militante expliquent la multiplication des confréries au XVIIe siècle, leur vigilance et leur combativité. Les brefs permettent de saisir le même processus un siècle plus tard dans la province d’Auch. Dans cette province, les confréries du Saint-Sacrement bénéficient de 17 brefs d’indulgences entre 1740 et 1750 et de 23 entre 1759 et 1770, soit respectivement 13% et 15% des confréries françaises pour les deux périodes. Or, c’est justement au XVIIIe siècle que s’y consolide la reconquête catholique après un long travail d’éradication du protestantisme. Une reconquête qui semble mieux réussie dans le diocèse d’Oloron administré par des prélats particulièrement zélés (11 et 14 brefs pour les deux périodes) qu’à Dax (1 seul bref pour chaque échantillon) où le protestantisme fait preuve d’une forte résistance57. Le caractère « militant » de ces nouvelles confréries explique la quasi disparition dans les brefs de l’ancienne appellation du Corpus Domini (autour de 10% dans chaque échantillon retenu). Il explique aussi que toutes ces confréries dites du Saint-Sacrement n’admettent que rarement une autre titulature (une vingtaine de cas dans chacun de nos échantillons). 55 F. Pugnière, Confréries du Saint-Sacrement et frontières religieuses en Cévennes : le cas du diocèse d’Alès, Communication aux journées d’étude Confréries et dévotions, Université de Nice, 26 avril 2003. 56 S. Brunet, Les prêtres des montagnes. La vie, la mort, la foi dans les Pyrénées centrales sous l’Ancien Régime, Aspet, 2001, p. 271-275. 57 V. Castagnet, Prosopographie d’une société en reconstruction : le clergé béarnais des diocèses de Lescar et d’Oloron de l’édit de Fontainebleau à la Révolution (1599-1780), thèse de doctorat en histoire soutenue à l’université de Pau et des Pays de l’Adour le 18 octobre 2002.

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Toutes sont très majoritairement installées dans des églises paroissiales, ce qui montre à quel point elles sont – ou veulent être – totalement immergées dans la vie dévote des fidèles58. Il en est de même pour les associations de l’Adoration perpétuelle du SaintSacrement. Toujours peu nombreuses (1% au milieu du XVIIe siècle à 12% dans leur période la plus florissante, les années 1758-1771), celles-ci ne se différencient guère, comme on l’a vu dans l’étude des livres de piété, des confréries elles-mêmes. Si quelques-unes se créent auprès d’un ordre religieux, elles émigrent dans des églises paroissiales dès la fin du XVIIe siècle. Malgré leur caractère bien tranché, les confréries du SaintSacrement ne rejettent pas pour autant d’autres dévotions. C’est ce que dévoilent leurs fêtes. Celles-ci sont particulièrement nombreuses dans notre premier échantillon, celui des années 1653-1662, où elles sont indiquées dans 87% des brefs. Par la suite, les octrois d’indulgences se fient de plus en plus au choix des confrères pour les jours de fête : les mentions diminuent régulièrement. Voyons donc les fêtes du milieu du XVIIe siècle, période où il est possible de les étudier avec assez de précision, en commençant par la fête principale. Généralement, la titulature de la confrérie (SaintSacrement) et le jour de la fête principale de celle-ci (Fête-Dieu) coïncident : 151 cas sur 205. Quand la confrérie choisit un autre jour, il s’agit le plus souvent de solennités liées au temporal. Fêtes du Christ ou de la Vierge essentiellement, elles traduisent peut-être simplement l’influence des grandes solennités de l’année liturgique que l’on retrouverait pour l’ensemble des confréries. Toutefois, on doit remarquer la relative fréquence des fêtes de l’Enfance du Christ (Noël, Épiphanie, Circoncision), lesquelles tendent à équilibrer le groupe des solennités liées à la Passion, Pâques et Pentecôte. D’autre part, lorsque la confrérie adopte le jour de la fête d’un saint, il s’agit dans plus de la moitié des cas du saint titulaire de l’église. Ainsi, outre la dévotion tournée vers le Christ présent dans l’Eucharistie qui la caractérise, la confrérie n’oublie ni l’Enfant Jésus et le Verbe incarné des fêtes qui entourent Noël, ni l’hommage à la Vierge tout au long de l’année, ni le saint protecteur de la paroisse et de la communauté. Les fêtes secondaires, celles pour lesquelles les confrères jouissent d’indulgences partielles, reflètent encore mieux la diversité des dévotions liées à celle du Saint-Sacrement. Entre 1653 et 1662, 157 brefs détaillent des fêtes qui, au rythme de quatre par bref, attei-

58 C’est au milieu du XVIIe siècle que les confréries conventuelles sont les plus nombreuses, mais elle ne dépassent pas la vingtaine.

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gnent ainsi le chiffre de 628. On ne sera pas étonné que les fêtes du Christ y occupent la première place (30%) et que, parmi celles-ci, la Fête-Dieu ou un jour de son octave (43 cas) arrivent en tête. Deux ensembles dominent cependant : les fêtes de l’enfance du Christ – Noël, Circoncision, Épiphanie – qui comptent 56 occurrences, et surtout celles qui, de Pâques à la Pentecôte, en rassemblent 83. Parmi les fêtes mariales, celle de l’Assomption est de loin la plus prisée (73 cas). Sans doute exprime-t-elle au cœur de l’été une dévotion, à la fois traditionnelle et récente, à la Vierge victorieuse de la mort et rempart contre l’hérésie. Parmi ces fêtes, remarquons aussi la relative importance de la Conception (12 occurrences) qui est pourtant objet de controverse chez les théologiens jusqu’en 170859. Au total, les fêtes de la Vierge atteignent 28% de l’ensemble, ce qui équilibre presque le groupe précédent. Parmi les solennités liées au culte des saints, la dévotion se disperse, malgré la fréquence de la Toussaint (38 cas), de la nativité de saint Jean-Baptiste, la noël d’été (22 cas) et de la fête du saint titulaire de l’église (33 cas attestés60). À ces cultes dont on peut mesurer ainsi la prégnance s’ajoutent des dévotions plus récentes et en pleine progression, comme celles qui s’adressent à saint Joseph (17 fêtes) ou à saint Antoine de Padoue (7 fêtes). Retenons de cet ensemble de fêtes secondaires une volonté séculaire d’équilibre entre trois types d’intercesseurs – le Christ, la Vierge, le saint – ce qui n’exclut pas, dans chaque groupe, l’ouverture à des courants dévotionnels récents. Ceux-ci finissent par percer dans le nom de quelques confréries. En effet, dans les rares doubles titulatures de quelques-unes d’entre elles, on constate, au fil du temps, l’abandon de patronages traditionnels au profit de dévotions plus récentes (saint Joseph, saint Antoine de Padoue), revisitée (la Croix, la Trinité), ou toutes nouvelles (le Sacré-Cœur). À travers cette évolution, les confréries du Saint-Sacrement semblent vouloir rassembler, dans leurs titulatures comme dans leurs fêtes, des dévotions qui reçoivent un accueil favorable au cours du XVIIe siècle sans véritablement abandonner les anciennes. Dans

59 La croyance à l’Immaculée Conception de la Vierge commence à se répandre au IXe siècle. Elle a été longtemps combattue au Moyen Âge, avant d’être approuvée par le pape Sixte IV en 1477. Elle reste contestée à l’époque moderne mais gagne progressivement du terrain. La fête de l’Immaculée Conception est mise au rang des fêtes de précepte en Espagne en 1644, puis pour toute l’Église en 1708. La croyance devient un dogme de l’Église romaine en 1854. 60 Le choix du saint titulaire de l’église est sans doute bien plus fréquent, mais le nom de celui-ci n’est pas toujours donné par le document. Des études locales menées parallèlement pourraient le vérifier. Nous l’avons constaté ponctuellement pour une confrérie du diocèse de Fréjus.

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une telle alliance, les confrères du Saint-Sacrement paraissent absorber, sublimer et réunir à la fois toutes les autres dévotions. Pour eux, la révérence à Jésus-Christ présent dans l’Eucharistie, but des confréries, ne supprime pas l’importance des autres dévotions, des autres protections. *

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Les livres des confréries du Saint-Sacrement brossent le portrait d’associations qui suivent de près le développement de la Réforme catholique, soit pour réaffirmer, face aux protestants, le dogme de la présence réelle du Christ dans l’Eucharistie, soit pour réveiller, face aux impies, les enthousiasmes ensommeillés du XVIIIe siècle en prônant l’Adoration perpétuelle et la communion fréquente. Mais l’accueil de la dévotion par les fidèles révèle une réalité plus nuancée. Quand, dès 1540, nombre de confréries souhaitent s’agréger à l’archiconfrérie du Saint-Sacrement de la Minerve, elles expriment une dévotion anciennement implantée, celle des processions eucharistiques de la Fête-Dieu, celle des confréries du Corpus Domini, plus étroitement liées à une liturgie dans la cité qu’à un souci de perfectionnement individuel. Quand des confréries nouvellement créées adressent leurs suppliques au Secrétariat aux brefs pour obtenir des indulgences, elles semblent plus conformes aux vues du clergé exprimées dans les livres de piété. L’évolution de leur répartition géographique suit en effet le cheminement de l’onde de la Réforme catholique qui se prolonge jusqu’au cœur du XVIIIe siècle dans les régions de frontière de catholicité. Mais dans la grande diversité des fêtes de ces confréries, la dévotion du Saint-Sacrement s’allie à des dévotions anciennes, dont celle qui lie les confrères au saint protecteur de leur église, et des dévotions nouvelles s’adressant à des saints proches de Jésus, comme Joseph ou Antoine de Padoue. La piété personnelle qu’incarnent ces saints de la Réforme catholique rejoint celle que demande la dévotion au Saint-Sacrement. Mais le saint, ancien ou nouveau, est toujours protecteur ; il vient ainsi seconder la croyance en la présence réelle de Jésus-Christ dans l’Eucharistie que la confrérie est chargée de réaffirmer. Il faudrait compléter ces résultats par bien d’autres analyses : les prières ; les statuts, les comptes des confréries, sans oublier l’étude sociologique des groupements confraternels et celle des images qu’ils propagent. On évoquera uniquement quelques images

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(planches I, II et III ci-après) qui expriment, comme les fêtes, la dualité de la dévotion. Elles présentent toujours un ostensoir adoré par deux anges, image qui est celle de tout livre de piété. Mais certaines n’oublient pas, tant dans les paroisses de Paris que dans celles de Provence, le saint protecteur de l’église que le Saint-Sacrement a en quelque sorte évincé sur le maître-autel61. Marie-Hélène FROESCHLÉ-CHOPARD Centre national de la recherche scientifique

61 Voir J. Lothe et A. Virole, Images de confréries parisiennes. Exposition du 18 décembre 1991 au 7 mars 1992. Catalogue des images de confréries (Paris et île de France) de la collection de M. Louis Ferrand..., Paris, 1992, n° 74 et n° 75 et, à titre d’exemple, les deux faces de la bannière d’une paroisse du diocèse de Grasse reproduites dans le présent volume.

STEFANO SIMIZ

LES CONFRÉRIES FACE À L’INDULGENCE TRADITION, QUÊTE, ACCUEIL ET EFFETS DANS LA FRANCE DE L’EST (XVe-XVIIIe SIÈCLE)

Auteur d’un article sur les confréries auquel les historiens français reviennent toujours avec gratitude, le doyen Gabriel Le Bras a proposé une équation simple sur le thème de l’indulgence. Puisque les associations de piété ont rendu de nombreux services à l’Église en la soutenant dans les œuvres de pastorale et de piété, celle-ci honore en retour la bonne confrérie de multiples bienfaits : « tant de services expliquent la manne des indulgences romaines et épiscopales. Leur octroi suscite une intéressante émulation »1. Si l’affirmation concerne toute l’histoire confraternelle depuis le XIIIe siècle, non sans de fortes nuances d’ailleurs, elle s’applique avec une grande évidence à la période de la Réforme catholique, l’un des moments où l’Église a « cru voir son salut dans la généralisation des confréries »2. Dans les deux provinces de Champagne et de Lorraine privilégiées pour cet exposé comme terrain d’observation, « l’équation » traditionnelle est déjà très marquée dans les derniers siècles du Moyen Âge, moment du premier apogée confraternel. Dans le détail, on trouve un fort déséquilibre non seulement en termes de qualité d’indulgences (les partielles sont en position dominante, pratiquement aucune plénière) mais aussi d’institutions à qui on les demande (les évêques en sont les grands dispensateurs). Or, à partir du XVIe siècle, une mutation très significative s’opère. Elle est favorable à l’émetteur romain très recherché, bien organisé, alimentant les diocèses en brefs d’indulgences plénières perpétuelles ou ad tempus, une attitude qui entraîne une formidable augmentation de leur nombre et éclipse, sans toutefois l’annuler, le réflexe de recourir aux évêques. Les confréries en sont immédiatement de grands bénéficiaires, d’autant que nombre d’entre elles ont assumé ou assument

1 G. Le Bras, Les confréries chrétiennes. Problèmes et propositions, dans Études de sociologie religieuse, II, Paris, 1956, p. 453. 2 Ibid., p. 452.

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encore avec succès un rôle de rempart face au protestantisme, très apprécié du Saint-Siège. À compter de cet instant débute une nouvelle page de l’histoire de la rencontre entre une forte réalité de la vie religieuse d’Ancien Régime et un indicateur de la sensibilité et de la spiritualité catholiques. Son observation à partir d’exemples choisis localement doit se faire en réponse à quelques questions simples : quand et pourquoi sollicite-t-on des brefs ? Que fait-on de ceux-ci une fois arrivés à destination ? Il sera alors temps de remarquer que des difficultés d’interprétation ou d’usage resurgissent, conduisant les confréries les plus utilisatrices d’indulgences à faire preuve de pédagogie et de prudence. Le temps des sollicitations Afin de prendre la pleine mesure de l’importance du phénomène des demandes d’indulgences, rappelons un fait essentiel : le succès des demandes d’affiliation à la confrérie du Saint Sacrement de la Minerve dès la décennie 1540, l’agrégation à d’autres fraternités romaines comme celle de Notre-Dame du Gonfalon, le triomphe des confréries du Rosaire portées par l’apostolat des Dominicains ainsi que, dans une moindre mesure, la notoriété de toutes les confréries liées à un ordre régulier (Scapulaire pour les Carmes, Cordon de Saint François en faveur des Cordeliers) bouleversent le paysage confraternel, notamment dans le monde urbain3. Pour le laïc qui en devient membre, c’est l’assurance de se placer dans la mouvance spirituelle rassurante des réguliers, d’avoir accès à des dévotions largement privilégiées par les autorités, de pratiquer des exercices de piété et surtout de profiter automatiquement des indulgences accordées par les nombreuses bulles pontificales4. Ce nouveau modèle diffusé par la confrérie de dévotion a pour effet de créer vers 1600, une fois la paix civile revenue, le réflexe de l’indulgence tant parmi les

3 Dans une abondante bibliographie consacrée à tous ces aspects, on peut privilégier M.-H. Froeschlé-Chopard, Espace et Sacré en Provence (XVIe-XXe siècle). Cultes, images, confréries, Paris, 1994, p. 399-565 ; du même auteur, Les Dominicains et les confréries du Rosaire, dans Les mouvances laïques des ordres religieux, Saint-Étienne, 1996, p. 355-375 ; B. Dompnier, Les confréries françaises agrégées à l’archiconfrérie du Gonfalon. Recherche sur une forme du lien à Rome, dans Les confréries du Moyen Âge à nos jours. Nouvelles approches, Rouen, 1995 (Cahiers du GRHIS, 3), p. 41-57 et Réseaux de confréries et réseaux de dévotions, dans La circulation des dévotions. Siècles, Cahiers du Centre d’histoire « espaces et cultures », 12, 2000, p. 9-28 ; A. Duval, Rosaire, dans Dictionnaire de spiritualité, XIII, 1988 ; J. Delumeau, Rassurer et protéger. Le sentiment de sécurité dans l’Occident d’autrefois, Paris, 1989, p. 385-396. 4 L. Châtellier, Conclusion pour la période moderne, dans Les mouvances laïques des ordres… cité n. 2, p. 525-530.

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groupes récemment fondés qu’au sein de plus anciennes confréries érigées pendant la première vague médiévale5. Ces dernières vivent un moment charnière de leur existence, marqué ou par une renaissance après une éclipse plus ou moins longue, ou par la nécessité d’une relance remarquable afin de relever le défi crucial de l’adaptation aux nouvelles normes de piété confraternelle. Dans ce contexte, se tourner vers Rome offre un double avantage : obtenir un document de reconnaissance en bonne et due forme, forcément utile à l’avenir et avoir accès aux mêmes types de pardons. Afin d’être dans la capacité de formuler la demande, la confrérie doit néanmoins obtenir son érection canonique par l’évêque. Celui de Toul l’accorde aux confrères de saint Cosme et saint Damien d’Épinal en 1648, espérant ainsi « qu’ils puissent facilement obtenir du Saint Siège quelques indulgences et graces pour eux et leurs successeurs »6. C’est bien une mutation qui s’est accomplie à partir de 1580 et jusque vers le milieu du XVIIIe siècle, au cours de laquelle la plupart des confréries de dévotion adoptent un des critères en vue de la modernité en puisant dans la « manne » romaine. Elles obtiennent de la sorte une marque de protection et de reconnaissance jugée indispensable tant à leur croissance qu’à leur attractivité. Les « indulgences ordinaires »7 dispensées par les évêques ne disparaissent certes pas et jouent un rôle de relance non négligeable à l’occasion, mais il faut bien admettre que la norme des pardons s’est élevée car, du « tarif » de 40 jours hérité du Moyen Âge8, on est passé à la plénitude au XVIIe siècle.

5 Pour un panorama d’ensemble de ces mouvements dans trois cités épiscopales (Reims, Châlons, Troyes), qu’il soit permis de renvoyer à S. Simiz, Confréries urbaines et dévotions en Champagne, 1450-1830, Villeneuve d’Ascq, 2002, p. 222-231. 6 Arch. par. de Saint-Maurice d’Épinal, non côté. 7 Arch. dép. de Moselle, G 2357. À titre d’exemple, voici la lettre adressée par les paroissiens de Saint Simon, diocèse de Metz, en 1742. Ils écrivent à leur évêque, conformément aux règlements diocésains, pour obtenir l’érection d’une confrérie de la Vierge placée sous la titulature de l’Assomption. Afin de bénéficier des mêmes avantages que les confréries des clochers voisins, leur requête s’achève sur la demande « d’accorder les indulgences ordinaires… [ainsi] ils redoubleront leurs prières pour la conservation de Votre Excellence ». Le réflexe de l’approbation généreuse de l’Ordinaire est également automatique chez les confrères tailleurs d’habits pour femmes de l’église Saint-Sébastien de Nancy. Fondant leur groupe de piété vers 1750, à la suite d’une séparation avec les tailleurs pour hommes, ils espèrent et obtiennent de l’évêque de Toul Scipion Jérôme quarante jours pour « tous les fideles qui apres s’estre confessé, recevront le dit jour en ladi[t]e Eglise le sacrement d’Eucharistie » (Bibl. diocésaine de Nancy, MB 30, fol. 140v°-141r°). 8 J.-M. Roger, Les confréries du couvent des Cordeliers de Bar-sur-Aube aux XIVe-XVe siècles, dans 109e Congrès national des sociétés savantes, Dijon, 1984,

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Indépendamment de ce trait général, certaines suppliques se singularisent par le souci de viser un objectif propre. Ainsi, en demandant deux brefs d’indulgences en l’espace d’un demi-siècle, en 1586 et 1641, la confrérie rémoise de Dieu et de Monsieur Saint Pierre fait une mue spectaculaire. Par le premier, elle enrichit d’abord sa solennité de la Saint-Pierre et Saint-Paul d’une indulgence plénière, puis se fait attribuer un second patronyme, celui du Saint Nom de Jésus, donnant naissance à un nouveau temps fort confraternel. Quant au second, il achève officiellement un processus de réorientation spirituelle au terme duquel son patron originel, saint Pierre, est déclassé au profit de la fête du Saint Nom de Jésus, enrichie des pardons et seul titre désormais reconnu du groupe9. De plus, la sollicitation d’une indulgence n’intervient jamais accidentellement ou fortuitement dans l’existence d’une fraternité laïque. Un simple regard dans les archives des groupes permet de constater de frappantes corrélations entre des éléments de vitalité internes et la démarche menée auprès des autorités dispensatrices des pardons. De même que le don d’une indulgence peut coïncider avec la volonté de promouvoir une nouvelle dévotion collective10, les périodes de forts effectifs sont souvent liées à l’arrivée d’un bref romain11. L’évolution de la vieille confrérie rémoise de saint Gibrien, implantée depuis 1331 dans le monastère Saint Rémi, est un cas particulièrement intéressant de réveil encadré par l’indulgence. Voilà une « frairie » malmenée pendant les Guerres de religion, puis en perte de vitesse après 1600, mais elle amorce un redressement spectaculaire à la fin des années 1620. La réception d’indulgences partielles accordées en 1628 par l’archevêque Gabriel de Sainte-Marie, lui-même ancien bénédictin et confrère, entame un mouvement aussitôt prolongé par la conception d’une image gravée du saint due à

Section Histoire médiévale, I, p. 521, n. 33 ; C. Vincent, Les confréries médiévales dans le royaume de France, XIIIe-XVe siècle, Paris, 1994, p. 91-92 propose d’élargir l’éventail des possibilités les plus courantes de trente à cent jours et, surtout, elle insiste sur la grande variété des solutions trouvées en fonction des exercices demandés. Ainsi, les brefs romains des Temps modernes contribueront non seulement à promouvoir les indulgences plénières, mais encore à simplifier les propositions en matière d’indulgences partielles en faisant correspondre partout plus strictement les « pardons » chiffrés à des obligations codifiées. 9 Arch. dép. de la Marne, 2 G 2395, inventaire de 1724. 10 Ibid., fol. 85-87. En 1769, la confrérie du Saint Nom de Jésus de Reims ajoute la saint Joseph à son calendrier de fêtes solennelles, avec 40 jours d’indulgences à gagner en visitant la chapelle du groupe accordés par l’archevêque de la Roche-Aymon. 11 Arch. dép. de la Marne, G 1820, la confrérie de la Conception de Châlons est dotée du bref en 1645, moment où elle compte déjà plus de 1 700 membres.

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un artiste localement reconnu, distribuée aux fidèles dévots. Signe irréfutable d’une relance en train de réussir les effectifs sont multipliés par deux en l’espace de quelques années. C’est dans ce moment très favorable que les confrères choisissent de solliciter une indulgence plénière à Rome en 1633 afin, en point d’orgue, de couronner la croissance retrouvée12. La recherche du bref romain par les confrères du Saint-Sacrement de Saint-Loup à Châlons13 n’est pas sans ressemblance, mais elle relève d’une logique différente. Si le bref semble avoir été sollicité par l’ensemble des confrères, il est surtout attendu par le curé qui espère ainsi doter sa compagnie paroissiale d’une indulgence au moment même où il combat certaines de ses pratiques traditionnelles14. Dans ce cas, l’indulgence octroyée participe à la recherche d’un compromis entre nouvelle manière de vivre la dévotion et coutumes anciennes. L’indulgence est donc bien un « ressort réactualisé »15 de la Réforme catholique, un instrument apprécié par les confréries et très recherché par ceux qui les fondent. Au point, parfois, qu’on les considère comme acquises d’avance ou qu’on leur attribue une fonction qu’elles ne rempliront pas. Les échecs rencontrés au début du XVIIIe siècle par les confrères de l’Adoration Perpétuelle de SaintSébastien de Nancy et les regrets de Pierre Fourier contrarié dans un projet façonné un siècle plus tôt viennent illustrer l’existence de ces limites. Les premiers cités obtiennent de l’évêque la fondation de leur confrérie en 1721, avec reconnaissance des statuts. Signe d’une certaine naïveté ou d’une trop grande confiance, un des articles déclare par avance le gain de pardons pour les adorateurs pendant leur temps de veille, anticipant la volonté de Rome d’accéder à ce souhait. Malheureusement, le bref arrivant l’an suivant ne mentionne aucune indulgence en faveur de cet exercice16. Pour Pierre Fourier,

12 Tous ces renseignements dans Arch. dép. de la Marne, 56 H 922 (registre de la confrérie) et 927 (comptes 1599-1658). 13 Arch. dép. de la Marne, G 1770, pour le placard imprimé des indulgences. 14 Arch. dép. de la Marne, B 684 : le conflit est engagé en 1607 (pièce 1) puis réglé par de nouveaux statuts en 1623 (pièce 2), à la suite d’une sentence rendue par l’Officialité de Vaux (G 418). 15 Selon l’heureuse expression de G. Provost, La fête et le sacré. Pardons et pèlerinages en Bretagne aux XVIIe et XVIIIe siècles, Paris, 1998, p. 297 16 Bibl. diocésaine de Nancy, MB 30, fol. 110 r°/v° ; c’est l’article 4 du projet de statuts qui mentionne cette attente : « qu’on obtiendra par memes bulles une indulgence a temps pour tous ceux et celles / qui adoreront le tres Saint Sacrement aux heures qui leur auront été indiquées, ou qui envoyeront une personne de leur part lorsqu’ils ne pourront y assister par eux memes à cause de quelque empeschement légitime ».

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la déception est d’un autre ordre. Le curé de Mattaincourt est un des grands réformateurs du catholicisme lorrain, puisqu’on lui doit la fondation de la Congrégation enseignante de Notre-Dame et la réforme des chanoines réguliers de Saint-Augustin réorganisés au sein de la Congrégation du Saint-Sauveur17. Soucieux de revivifier les cadres ecclésiastiques, il est de même attentif à promouvoir les bonnes dévotions auprès des fidèles, notamment en créant dès 1628 sa première confrérie dédiée à l’Immaculée Conception. Trois années plus tard, alors que la rédaction définitive des statuts est réalisée et que les groupes commencent à essaimer dans les maisons des deux congrégations, il estime venu le temps d’obtenir des indulgences, et en grand nombre. Il espère, ni plus ni moins, fonder une famille confraternelle comparable à celle des Dominicains pour le Rosaire ou aux sodalités mariales des Jésuites, qui serait placée sous la direction des hommes de la Congrégation du Saint-Sauveur18. Pendant trois années, aidé par le banquier-expéditionnaire Joachim, puis par ses envoyés à Rome, dont le père Terrel, il travaille à cela, mais sans succès19. À qui la faute ? Au pape en charge ! En 1627 déjà, le père Guignet, premier supérieur de Saint-Sauveur, lui signifiait la réputation de parcimonie d’Urbain VIII sur ce point : « c’est que vous en auriez obtenu dix mille autrefois plutôt qu’une seule sous ce pontife, tant il administre et gouverne toutes choses avec prudence, mesure et scrupule »20. Confronté à ce qu’il désigne comme une forme d’avarice et de frilosité, alors qu’il s’agit plutôt d’une prudence pontificale de bon aloi, Fourier est contraint de viser plus bas et écrit en 1634 : « je désirerois bien d’avoir quelques indulgences pour notre confrairie de Mataincour. Quelles elles puissent être c’est beaucoup plus que de n’en point avoir du tout »21. Rien dans sa correspondance ne garantit qu’il ait été exaucé.

17 R. Taveneaux (études réunies par), Saint Pierre Fourier en son temps, Nancy, PUN, 1992. 18 Correspondance de S. Pierre Fourier. IV. 1634-1640, Nancy, PUN, 1989, p. 64, lettre au R. P. Terrel à Rome, 15 juin 1634. 19 Le père Fourier tente de développer parallèlement un autre réseau de congrégations, confiées spécialement à la direction des religieux réformés de Saint-Léon de Toul, et dédiées au Saint Enfant Jésus. Il semble formuler les mêmes demandes en indulgences que pour la Conception, à tel point qu’il est parfois difficile d’affirmer à laquelle il songe en priorité dans sa correspondance. Cf. Abbé Jérôme, Une œuvre inédite de Saint Pierre Fourier : les confréries de l’Enfant Jésus, Nancy, 1925. 20 Correspondance de S. Pierre Fourier. II. 1624-1628, p. 324, lettre du père Guignet, de Rome, 4 septembre 1627 (sur ce climat nouveau à propos de l’indulgence, voir aussi les lettres du même, datées du 20 août et du 24 septembre, p. 302 et 363). 21 Ibid., IV, p. 112-113, lettre au R. P. Terrel à Rome, 17 septembre 1634.

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Accueillir et promouvoir les indulgences Les demandes d’indulgences sont donc courantes et explicitement encouragées par un contexte très porteur. Si la démarche de requête est révélatrice de cet intérêt, l’échec rencontré par Pierre Fourier montre que seule l’obtention des indulgences par l’intermédiaire de l’une des secrétaireries vaticanes, puis leur bon acheminement en retour vers la France ou la Lorraine est à prendre en considération. Dans le cas très fréquent du succès rapide des tentatives, le mérite en revient pour l’essentiel à la mobilisation réussie de relais principalement cléricaux. Les réseaux réguliers sont de loin les plus efficaces en ce domaine, parce qu’ils possèdent à Rome, selon les mots d’un bourgeois rémois du milieu XVIIe siècle, « des procureurs généraulx […] qui baient en la chancellerie du saint Père pour ces indulgences »22. Rendent compte également de cette excellente organisation les Cordeliers de Châlons-en-Champagne qui sont ainsi capables de doter en brefs toutes leurs confréries de dévotion dès leur érection et ce sans la moindre difficulté23. Cependant, les filières actives ne se limitent pas aux Mendiants et aux Jésuites, car bien d’autres traditions régulières entretiennent des liens spirituels intimes avec la capitale de la catholicité (les Bénédictins par exemple), sans compter avec les liens de cœur ou de sang qui unissent parfois les agents pourvoyeurs avec la confrérie demandeuse. Enfin, les duchés lorrains peuvent aussi compter sur ces relais institutionnels reconnus que sont les banquiers expéditionnaires en Cour de Rome. S’ils ne garantissent pas toujours une bonne fortune à la requête, le recours à leur service aplanit normalement les difficultés rencontrées et favorisent le succès et la célérité de l’entreprise. Sitôt le bref romain arrivé à destination et placé entre les mains des responsables de la confrérie, il est nécessaire d’obtenir son approbation par les évêques sous peine de ne pouvoir le publier et le promouvoir. Il ne s’agit là en règle générale que d’une formalité très rapidement accomplie. Au mieux, quelques brèves semaines s’écoulent entre la signature du bref à Rome et la fin des navettes avec l’évêque. Le délai le plus court connu concerne la confrérie du Saint Sacrement de la collégiale de Saint-Jean-des-Vignes à Soissons, qui

22 Mémoires d’Oudard Coquault, bourgeois de Reims, 1649-1668, publiées par C. Loriquet, Reims, 1875, II, p. 383. 23 Arch. dép. de la Marne, 41 H 1, il s’agit de la confrérie du Cordon saint François (1609, pièce 59), de sainte Anne (1638, pièce 66 et 68), du Saint Nom de Jésus (1639, pièce 67), de la Passion (1652, pièce 74), de saint Roch (1661, pièce 80), de sainte Barbe (1664, pièce 81) et des âmes du Purgatoire (1664, pièce 82).

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fait approuver le 25 août 1646 un bref concédé à Rome le 17 du mois précédent24. Dans la plupart des autres cas, et sans prétendre établir la moindre statistique, la durée écoulée dépasse toujours les deux mois, mais n’excède qu’exceptionnellement une année. Il est alors temps de recopier le texte des indulgences dans les documents actifs de la confrérie, par exemple le registre en cours, voire dans ceux de la paroisse d’implantation, dans sa version originelle latine ou traduit (in extenso ou sous la forme d’extraits se contentant de mentionner les indulgences et les jours et exercices y étant attachés25). La démarche effectuée auprès de l’Ordinaire a une ultime fonction tout à fait fondamentale sur la vie du groupe, puisqu’elle fixe définitivement le calendrier de ses principales dévotions conformément aux vœux des responsables. Tout ceci démontre une fois de plus la place occupée par cet indispensable document, peut-être le plus précieux des moyens à la disposition de la confrérie pour atteindre ses objectifs dévots. Grâce au visa d’approbation, le groupe de piété est habilité à faire connaître publiquement le bref hors du cercle étroit de ses membres, « dans les Eglises de ce Diocèse », ainsi que l’indique le vicaire général de Troyes Langlois aux confrères de saint Roch le 30 juillet 171526. Naturellement, on s’arrange toujours pour recevoir les précieux pardons à quelque temps des solennités qu’ils couvrent. Parfois, les circonstances très bien calculées d’une arrivée facilitent une excellente publicité, comme pour cette confrérie de la Compassion de Thonon (Savoie) qui fait coïncider la proposition des indulgences avec le jubilé particulier accordé à la ville des bords du Lac en 160727. Les annonceurs, certainement des prédicateurs engagés par la fraternité avec l’encouragement de l’évêque François de Sales, œuvrent dans un contexte doucement porteur et attractif. Il en va de même plus tard dans le siècle à Reims où la confrérie du saint Ange Gardien retient les services du théologal Nicolas Roland pour la première prédication officielle. Soucieux de bien s’acquitter de cette mission, il n’hésite pas à utiliser le privilège de sa prébende

Arch. dép. de l’Aisne, G 701. Un seul exemple nancéien. À la demande du duc Henri, une confrérie de l’Annonciation est officiellement implantée dans la Primatiale de Saint-Georges en 1605. On classe le texte latin du bref accordé par Paul V sous ce titre Confirmatio et indulgentiae confraternitatis de Annunciatio[n]e, puis on accroche au parchemin une traduction française libre sur un feuillet de plus petite taille (Arch. dép. de Meurthe-et-Moselle, G 356). 26 Arch. dép. de l’Aube, 18 G 3-4, placard imprimé de la confrérie de saint Roch reproduit en annexe (illustration n° 1 et 1 bis). 27 Œuvres de Saint François de Sales. XXIV. Opuscules. III, Annecy, 1929, p. 400-401. 24 25

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pour déplacer le sermon de la paroisse Saint-Étienne à la cathédrale afin de toucher le plus grand nombre possible de Rémois et donner une audience considérable, quasi diocésaine, à l’événement28. En dehors de ces occasions exceptionnelles de la « première fois », les confréries rappellent chaque année lors du grand sermon du jour de la fête indulgenciée la possibilité de gagner le pardon. Celles, plus rares, ayant plusieurs prédications fondées les font coïncider avec les fêtes secondaires retenues pour l’obtention des grâces partielles toujours dans le même souci de conjuguer les bienfaits29. Il est probable qu’au fil des ans, par la force des choses, l’annonce par la parole devienne assez routinière. Pourtant certaines circonstances particulières redonnent une dimension au sermon, à nouveau moyen efficace pour dire tous les bienfaits proposés par la confrérie, surtout lorsque des associations rivales, éventuellement consacrées à une même dévotion, s’implantent dans le paysage de la piété urbaine. Le cas semble s’être posé à Troyes en 1652 quand, un an après l’arrivée d’indulgences plénières dans deux confréries majeures de la cité30, la très vénérable confrérie du Très-Saint-Sacrement à SaintUrbain de Troyes décide de communiquer de manière spectaculaire sur son Thresor d’indulgences et de reliques. Elle profite de la venue d’un prêtre avignonnais, le protonotaire apostolique Pierre-François de Benoît, invité à prêcher les octaves dans la collégiale. Il ne se contente pas de compulser les archives, à l’instar de ses prédécesseurs, mais frappé par l’extraordinaire richesse des grâces accumulées depuis le XIIIe siècle et convaincu que les Troyens ignorent le nombre incroyablement élevé des indulgences partielles, injustement rejetées dans l’ombre par la mode des plénières, il se fait le devoir d’en dresser un catalogue qu’il prêcha et rédigea sous le titre de Thrésor spirituel caché en l’église Sainct Urbain de Troyes31.

28 J. Leflon, Un précurseur méconnu, Monsieur le chanoine Nicolas Roland, fondateur de la Congrégation des sœurs du Saint Enfant Jésus, 1642-1678, Reims, 1963, p. 138. 29 La confrérie de la Conception de Notre-Dame de Châlons propose cinq sermons annuels au jour de la fête principale, mais aussi pour l’Annonciation, l’Assomption, la Nativité et la Purification (Arch. dép. de la Marne, G 1820 ; Bibl. mun. de Châlons-en-Champagne, ms. 750, comptes de 1671-72 et 1692-93) 30 Il s’agit de la confrérie du Saint Sacrement de la grande paroisse centrale de Saint-Jean, ancienne, mais relancée par une bulle d’indulgences plénières en 1651 et de la confrérie de saint Michel Archange dans le couvent des Cordeliers, elle aussi relevée par un bref romain du 16 septembre 1651, visée par l’Ordinaire du lieu le 28 février 1652 (Arch. dép. de l’Aube, 13 H 42). 31 Arch. dép. de l’Aube, collégiale de Saint-Urbain, 10 G Layettes, carton 1, Le Thresor spirituel caché dans l’Eglise papale de sainct Urbain martyr de la ville de Troyes, 28 p.

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de pardons qui nécessite aussi de se mettre à la suite du Christ, ne serait-ce que par l’obligation de communier (fig. 3 et 4)36. Remarquons enfin que l’investissement dans une affiche n’est guère effectué lorsque les indulgences ne sont que partielles. Ce constat prouve une fois encore la hiérarchisation en faveur des pardons pléniers, dans les esprits comme dans les moyens. S’il est vrai que les « manuels de confréries ne sont pas de simples recueils de règlements, de statuts et d’indulgences »37, les livrets sont néanmoins un incontournable support de la mise en valeur des indulgences. Celle-ci débute remarquablement dès le titre de l’imprimé qui fait apparaître le terme d’indulgences au pluriel. C’est le cas du livret nancéien désigné de la manière suivante : Instructions, prières et indulgences pour les confreres de la confrairie de la Très Sainte Trinité érigée dans l’insigne Eglise collégiale de Saint Georges de Nancy pour la rédemption des captifs38. Certainement plus significatif, des confréries rémoises choisissent de placer ce mot-clé en première position : Indulgences plénières, statuts, règlements et prières de la Confrérie de Saint-Jean-Baptiste, érigée en l’église paroissiale de Saint Jean de Reims, en l’année 1726, avec l’abrégé de la vie de saint Jean-Baptiste et Indulgences, statuts, reglemens et prières pour servir aux confreres et consœurs de la confrairie du Tres Saint Nom de Jesus instituée en l’eglise de Saint Pierre le Vieil de Reims en l’année 117239. Ce deuxième exemple est d’autant plus intéressant qu’il choisit d’abord de ne pas qualifier les indulgences de plénières, car bien d’autres existent pour prouver l’indéfectible soutien que leur accordent les archevêques depuis quatre siècles ; ensuite ce n’est pas l’unique manuel confraternel en circulation au début du XVIIIe siècle, mais cette édition est la seule à mettre d’emblée les pardons en évidence40. Si on pénètre à l’intérieur des livrets, l’évocation de l’indulgence demeure considérable. Elle est généralement située dans les pre-

36 Arch. dép. de l’Aube, 19 H 15 bis, Pardons et indulgences accordées par N.S.P. le Pape Alexandre VII en faveur de la Famille du Sainct Enfant Jésus, establie en l’Eglise des prêtres de l’Oratoire en la ville de Troyes, 1661. Notons qu’une ligne de lecture de la gravure semble aller de Joseph à Marie, puis de la Mère au Fils. Le fait que Joseph ne soit pas auréolé au contraire de son épouse renforce l’impression d’une certaine hiérarchie au sein d’une famille toutefois unie par la volonté de Dieu. 37 P. Martin, Une religion des livres, 1640-1850, Paris, 2003, p. 470. 38 Livret édité à Nancy en 1721. 39 Reims, Jeunhomme, 1704 ; ce livret compte une soixantaine de pages et on le donne au membre lors de son entrée dans la compagnie. 40 Le second manuel imprimé et conservé du groupe est Institutions, règlemens et prières de l’ancienne confrairie du Tres-Saint-Nom de Jésus et de St Pierre aux clercs, Reims, 1710, 320 p.

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mières pages entre l’historique de la confrérie ou de la dévotion qu’elle honore et les règlements. Le livret de dévotion consacré à Saint Lié de Villedommange, près de Reims, place la bulle accordée par Paul V immédiatement après le récit édifiant de la vie du saint, l’histoire des reliques et du pèlerinage qu’elles ont suscitée. Donnée comme souvent sous la forme d’extraits41, elle précède ici l’office du confesseur42. Soigner le positionnement formel du texte dans les écrits confraternels est certes important, mais l’essentiel consiste cependant à remettre en perspective l’indulgence dans le projet dévot de l’association, en l’intégrant dans les statuts, notamment dans les modalités de réception d’un nouveau membre ou en publiant diverses prières et oraisons pour « gagner » les pardons43. Trop d’indulgences dans les confréries ? Présente dans la plupart des confréries de dévotion, nouvelles comme anciennes, accordées également mais avec parcimonie aux confréries de métier qui ne limitent pas leur horizon de recrutement à la seule profession44 – comme y invite la formule de rédaction des brefs romains –, l’indulgence est un peu partout. Ainsi, grâce aux grandes confréries promues par la Réforme catholique, celles abritées chez les réguliers puis, dans la seconde moitié du XVIIe siècle, en milieu paroissial, l’indulgence a fait la conquête de toutes les couches de la chrétienté, en ville comme à la campagne. Cela pose question : le développement s’est-il fait partout sans excès et avec

41 Indulgences, statuts, reglemens et prières pour servir aux confreres et consœurs de la confrairie du Tres Saint Nom de Jesus instituée en l’eglise de Saint Pierre le Vieil de Reims en l’année 1172, Reims, Jeunhomme, 1704 ; entre le récit de l’institution et les règlements du groupe, les rédacteurs ont placé un résumé des indulgences accumulées depuis le XIVe siècle puis le texte complet de la seconde indulgence plénière accordée en 1641 par Urbain VIII. 42 Office de Saint Lié, confesseur non-pontife, en latin et en françois, pour la paroisse de Villedommange près de Reims, Reims, 1805. 43 Cf. l’Office de la confrérie du Saint Ange Gardien érigée en l’église paroissiale de Saint Etienne de Reims, Reims, 1744, p. 196-199, « Antiennes et oraisons » ; Institutions, reglemens… cité n. 40, p. 293-294, « prières pour demander à Dieu le pardon de nos péchés au Nom et par les mérites de Jésus-Christ, et pour gagner les indulgences accordées ». 44 Arch. dép. des Ardennes, 1 J 516. Quarante-quatre bouchers et charcutiers de Charleville établissent – ou rétablissent – une confrérie de saint Hubert en 1723. Le registre entamé à cette occasion s’ouvre sur la traduction de l’indulgence plénière accordée le 12 juin par Innocent XIII et approuvée par l’Ordinaire le 5 octobre suivant. Grâce aux comptes des années 1770-1780 qui fournissent quelques précisions sur les qualités des membres, on peut vérifier une ouverture du recrutement largement au-delà de la profession.

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une bonne compréhension ? Certes non. De nombreuses voix, surtout issues du clergé séculier et du milieu paroissial, voire gallican des cités, se lèvent de 1650 jusqu’à la fin du XVIIIe siècle pour dénoncer la facilité avec laquelle les indulgences sont concédées aux confréries de dévotion, notamment implantées dans les couvents. Parmi les réactions très hostiles, le bourgeois de Reims Oudard Coquault est par la virulence de ses propos à la limite de la caricature. Dans ses Mémoires, il ne cesse en effet de dénoncer la stratégie des réguliers – entendez Jésuites et Mendiants – passés maîtres dans l’art de les obtenir en grand nombre depuis 1610, au point, ditil, d’organiser un système habile attirant chaque dimanche à tour de rôle les fidèles hors de leurs paroisses légitimes, qualifiant leurs pratiques ni plus ni moins de « forme d’inquisition »45 ! À un degré moindre, ce sentiment d’une rivalité déloyale de nouveau installée entre réguliers et séculiers par le biais des exercices confraternels est largement partagé par les curés et surtout les évêques. En 1694, l’archevêque de Reims Le Tellier constate à force de visites et de rapports le retour d’un usage pernicieux des indulgences, notamment par la généralisation des brefs d’autels privilégiés accordés seulement pour sept ans, mais restant en fonction bien au-delà de ce délai, notamment dans des « monastères » qu’il ne veut pas nommer46. Son confrère de Toul trouve aussi, dans son ordonnance sur les dévotions et les confréries de 1719, les ordres religieux fautifs de « vouloir ériger autel contre autel, et établir confrérie contre confrérie dans une même paroisse, ou dans différentes églises du même lieu »47. Plus consensuel dans ses propositions, l’évêque de Verdun propose un Règlement général pour toutes les confréries du diocèse en 1737 dans lequel il tente de trouver une solution pour que les confréries conventuelles restent assidûment fréquentées sans nuire à la communauté paroissiale : Nous souhaiterions ardemment, que chacun se bornât dans sa paroisse, comme étant l’endroit où chacun doit porter ses vœux et ses offrandes, faire ses prières à Dieu, et chercher les suffrages des Saints ; car telle est la

45 Mémoires d’Oudard Coquault… cité n. 22, I, p. 189. Persuadé de refléter une opinion commune, il écrit un peu plus tard : « chacun se scandalise du nombre d’indulgences qui sont données par le Saint Père en tant d’églises, tant de jours, tant de confrairies » (II, p. 420). 46 Mandement portant règlement sur les autels privilégiés, Reims, 1694. Pour Monseigneur Le Tellier, le constat de légèreté quant aux délais de validité donnés par les brefs, les nombreuses confusions sur leur sens et le retour d’un commerce honteux des indulgences sont d’autant plus regrettables qu’ils fournissent des arguments pour les protestants. 47 Arch. dép. de Meurthe-et-Moselle, 4 F 43, Ordonnance et instruction générale pour les dévotions et les confréries, Toul, 1719, 14 p.

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dévotion la plus régulière, et aussi la plus conforme à notre intention : mais ne voulant cependant pas priver plusieurs Ames saintes et pieuses des Indulgences accordées à perpétuité à certaines Confréries, comme à celles du Scapulaire, du Rosaire, et autres, qui ont obtenües des Bulles de pareilles Indulgences plénieres ; Nous laissons libre l’entrée desdites Confreries ainsi bullées à tous les Fideles de l’un et de l’autre sexe de notre Diocèse. Exhortons néantmoins les Curés surtout de la campagne, de ne pas se rendre si faciles à admettre dans les confreries établies dans leur Paroisse, tant de personnes des villages circonvoisins, qu’une vaine curiosité, souvent, plutôt qu’un veritable desir de se sanctifier porte à abandonner leur propre Paroisse pour courir à des dévotions étrangeres48.

À son tour, une certaine littérature religieuse relaie les critiques faisant état d’abus dans la concession et l’application des indulgences au sein de quelques confréries. De Jean-Baptiste Thiers49 jusqu’au prémontré Nicolas Collin50 ces observateurs abondamment nourris de la lecture des théologiens spécialistes sur le sujet (Baronius, Bellarmin, Suarez ou encore l’abbé Boidot au XVIIIe siècle51), informés des décisions prises par la commission cardinalice instituée par Clément VIII, puis par la Congrégation des Indulgences et des Reliques fondée en 166952, blâment à peu de choses près les mêmes débordements. J.-B. Thiers regrette les indulgences trop fréquentes qui « regardent le culte superflu, la vaine observance et quelquefois le faux culte. Celles des Eglise stationnaires de Rome, et celle des Eglises des confréries des Réguliers », désignant nommément les sociétés dirigées par les grands ordres Mendiants : Cordon saint François, Scapulaire, Rosaire, Ceinture de saint Augustin et de sainte Monique. Outre le problème de la vénalité parfois réintroduite dans les démarches d’obtention du bref, le danger majeur réside dans les indulgences « qui se donnent pour les délivrances des ames du Purgatoire », trop nombreuses « dans les Eglises et dans les Confreries des Réguliers » et surtout insuffisamment comprise ou expliquée53. Pour sa part, Nicolas Collin, qui se

Règlement général pour toutes les confréries du diocèse, 1737, art. III. J.-B. Thiers, Traité des superstitions qui regardent les sacrements, Paris, 4e édition, 1741. 50 N. Collin, Traité des confrairies en général et de quelques-unes en particulier, Paris, 1784. 51 Sur cette réflexion à la fois théologique et pastorale, une mise au point très accessible dans J. Delumeau, Rassurer et protéger. Le sentiment de sécurité dans l’Occident d’autrefois, Paris, 1989, p. 367-376. 52 R. Aubert, Indulgences et reliques, dans Dictionnaire d’Histoire et de Géographie Ecclésiastique, XXV, Paris, 1995, c. 1105. Particulièrement importante est la bulle Quaecumque du 16 décembre 1604 qui inaugure toute une série de décisions visant à contrôler circulation et pratique des indulgences. Elle semble notamment faciliter les obtentions pour les confréries du Saint Sacrement. 53 J.-B. Thiers, Traité des superstitions… cité n. 49, p. 237. 48

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présente comme un défenseur de la confrérie en un temps où sa nécessité est en débat, admet aisément l’existence d’interprétations erronées à propos de l’indulgence plénière applicable à l’article de la mort et aux âmes du Purgatoire. C’est même une des matières « où il paroit à nos critiques qu’il s’en est glissé le plus ». À ses yeux pourtant, l’utilité de l’indulgence plénière, qu’il préfère largement aux indulgences chiffrées rappelant les tarifs issus des pénitentiels anciens jugés caduques, ne fait aucune doute54. Les argumentations varient, mais elles aboutissent à une conclusion similaire : il est toujours urgent de remédier aux excès pour préserver le sens salutaire de la pratique. Une partie de cette œuvre dépend tout logiquement du magistère ordinaire et des clercs. C’est pourtant d’abord aux maîtres des confréries qu’incombe le devoir de relever l’important défi d’éclairer leurs membres à propos du bon usage des pardons, d’en formuler l’esprit et la lettre. La confrérie de dévotion au service d’une bonne pratique de l’indulgence L’enjeu posé est tout à la fois simple et crucial: dans le but de légitimer la pratique de l’indulgence auprès des confrères et consœurs sans encourir le risque d’implanter un mauvais germe, comme laisser sous-entendre l’automaticité de son efficacité sur le bénéficiaire vivant ou décédé, il faut en expliquer le sens doctrinal précis, en le rattachant à la tradition et en indiquant avec une grande netteté de propos les dispositions indispensables attendues de tout chrétien la recevant. Pour cela, la confrérie dispose de la tribune des sermons des jours de fêtes indulgenciées et elle l’utilise sans aucun doute. Toutefois, le défaut de sources ne permet ni de connaître le contenu des paroles prêchées, ni d’évaluer l’impact d’une éventuelle mise en garde sur les risques encourus. C’est donc par l’imprimé que l’essentiel du travail de communication repérable par l’historien s’est effectué. Il est à un stade élémentaire sur les placards imprimés déjà évoqués, car on ne fait qu’y reproduire le discours des secrétaireries, sans autre forme d’enrichissement. Une instruction est en revanche bien présente dans les livrets des associations au XVIIIe siècle. On y adopte délibérément un langage pédagogique en matière de pardons tout comme cela se fait pour n’importe quel bienfait spirituel proposé, notamment pour la prière intérieure. Derrière ce premier principe, les imprimés ne se ressemblent pas et offrent une série de gradations dans le discours élaboré depuis le simple conseil jusqu’à la démonstration avancée. 54

N. Collin, Traité des confrairies… cité n. 50.

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Au tout premier niveau figurent les avertissements ponctuels. Les maîtres de la congrégation des Pénitents blancs du Gonfalon et de la Miséricorde de Nancy écrivent en 1775, juste après le sommaire des abondantes indulgences gagnées par leur agrégation à la confrérie romaine du Gonfalon qu’il « est néanmoins à craindre qu’il n’y ait quelques termes que vous ne compreniez pas assez, si vous n’en avez l’explication qui a été omise dans les anciennes Regles, et [devenue] si nécessaire aujourd’hui »55. Ce que les rédacteurs des livrets craignent par dessus tout est l’illusion d’un bénéfice passif de l’indulgence, appliqué sans mérite à une personne. Ainsi le livret de la confrérie du Saint Ange Gardien de Reims clôt son règlement par une précision fondamentale : « il faut remarquer que les avantages spirituels énoncez dans la Bulle de Notre Saint Pere le Pape Clément X, en faveur de ladite Confrérie sont seulement pour ceux et celles qui satisferont aux obligations portées dans cette Bulle »56. Illustrant bien un propos général de théologiens selon lequel beaucoup de monde pense connaître l’indulgence, mais se fourvoie souvent sur sa signification exacte, le livret de la Miséricorde de Nancy estime utile de distinguer parmi les indulgences les plus usuelles : il y a, lit-on, « deux sortes [d’indulgences] ; les unes sont plénières et générales, les autres sont particulières et limitées » ; les premières relâchent le bénéficiaire de toute la peine due au péché, les secondes s’appliquent en un temps déterminé sur des attitudes pieuses et charitables « selon la volonté de celui qui l’a concédé »57. Globalement applicables à l’ensemble des groupes détenteurs d’indulgences, ces premières remarques ne sont pas jugées suffisantes par tous. Aussi, certaines sociétés, en nombre plus restreint il est vrai, franchissent un degré de précision dans les recommandations écrites. C’est l’objet même de la publication des « Prières pour demander à Dieu le pardon de nos péchés […] et pour gagner les indulgences »58,

55 Statuts et Règlements approuvée par N.S.P. le Pape Urbain VIII et par Monseigneur l’Evêque de Sitie, administrateur de l’Evêché de Toul… pour être observés par la Congrégation des Pénitents Blancs du Confalon et de la Miséricorde, Villevieille de Nancy, Nancy, 1775, p. 50. Ce thème de la « confiance aveugle » qui consiste à regarder les pardons « comme un moïen court & facile pour assurer leur salut sans se convertir, sans faire pénitence, sans observer la loi de JésusChrist & sans aucune disposition chrétienne » est courant, comme dans ce manuel du Rosaire marseillais dont est tirée la citation précédente (M.-H. FroeschléChopard, La dévotion du Rosaire à travers quelques livres de piété, Actes du colloque Prières et Charité, dans Histoire, Économie, Société, 1991, p. 308). 56 L’Office de la confrérie du Saint Ange Gardien… cité n. 43, n. p. 57 Statuts et Règlements approuvées par N.S.P. le Pape Urbain VIII… cité n. 55, p. 55. 58 Cf. note 43.

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permettant au dévot d’inscrire ses pensées dans le sillage d’une orthodoxie reconnue des mots et formules pré-établis. Un autre complément appréciable consiste à asseoir la pratique des pardons sur des fondements scripturaires d’une incontestable autorité, tel le recours à l’Épître aux Romains précisant que là « où il y a une abondance de péché, Dieu a répandu une surabondance de grace, afin que la grace regne par la justice »59. Cette référence paulinienne est assez originale, la plupart des groupes préférant citer les passages de l’Évangile où le Christ confie aux apôtres, Pierre en tête, et à leurs successeurs (papes et évêques) le pouvoir de remettre les péchés60. La confrérie peut encore décider de prendre à rebours les critiques et le nouveau « mépris » du siècle à propos des indulgences, ne serait-ce que pour gommer les scrupules qui taraudent peut être la conscience des fidèles. La confrérie Notre-Dame des Hermites, fondée à Nancy en 1778, affirme que, si le mépris de l’indulgence sentait l’hérésie au XVIe siècle (Luther est nommé), il reflète dorénavant l’indifférence des mauvais chrétiens61. Autrement dit dans un autre livret, ils sont comparables aux Israélites qui avaient « méprisé la manne » et s’étaient à cause de cela attirés les foudres divines62. L’argument de dénonciation ne pouvant suffire, on lui adjoint des textes évoquant l’attitude des nouveaux saints et bienheureux de l’Église de la Réforme catholique (saint Charles Borromée, saint François de Sales, saint François-Xavier et, puisque nous sommes en Lorraine, le bienheureux Pierre Fourier) dont l’exemple incitera à courir vers les pardons sans état d’âme. Un troisième degré d’approfondissement, réservé à une minorité de confréries, permet de dépasser ces niveaux pour glisser vers une démonstration d’un ordre plus théologique et historique. Dans son « explication desdites indulgences », la congrégation de la Miséricorde insiste sur la modernité spirituelle et la pertinence de l’indulgence, distinguant pour cela un avant, période où « l’Esprit Saint […] avoit inspiré à l’Eglise d’être severe durant les premiers siecles », imposant de longues et pénibles pénitences réparatrices, et les siècles récents où le même Esprit « lui a aussi inspiré d’user de clémence… [car] elle crut qu’elle devoit proportionner ses remedes au tempérament et au degré de la force des malades », pour « les 59 Institutions, règlemens et prières de l’ancienne confrairie du Tres-Saint-Nom de Jésus et de St Pierre aux clercs, p. 292-293. 60 Évangile selon Saint Matthieu, ch. 16, v. 19. 61 Règlemens, statuts et prières pour la confrairie de Notre Dame des Hermites, érigée en 1778, en la paroisse de Villers-les-Nancy, Nancy, 1785, p. 14-15. 62 Statuts et Règlements approuvées par N.S.P. le Pape Urbain VIII… cité n. 55, p. 53.

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guérir avec sûreté, par des petites médecines souvent réitérées ». Le rédacteur juge bon de conclure : « C’est par cette favorable conduite que l’Eglise ouvre maintenant les tresors des Indulgences plus souvent qu’elle ne faisoit autrefois »63. Plus avancé encore dans l’instruction, l’ouvrage édité par les confrères de la Très Sainte Trinité de Saint Georges consacre quelques pages à un catéchisme formel en apportant cinq réponses à la question suivante « Que faut-il faire pour gagner les indulgences ? »64. Le livret le plus détaillé sur cette matière est dû à la confrérie des morts de Nancy ce qui ne peut surprendre car on sait depuis bien longtemps l’importance donnée aux indulgences dans cette perspective. Communicables « aux fideles vivans », elles sont surtout l’un des plus sûrs moyens de « soulager les fideles trépassez », les « ames du Purgatoire ». Pas question de s’en approcher avec erreur, aussi apporte-t-on les recommandations ; les fidèles vivants doivent impérieusement être « en état de grâce », « contrits et vrayment pénitens » et se tenir éloignés des écueils les plus fréquents : « il ne faut pas s’imaginer que l’Eglise pretende éteindre ou rallentir en nous l’esprit de pénitence, lorsque par les indulgences elle remet la peine dûe à nos péchez. Non, non, ce seroit là une indulgence meutrière, inutile à ceux qui la recevroient, et pernicieuse à ceux qui l’accorderoient ». De même, il ne faut pas croire que l’indulgence accordée aux morts libère toute âme du Purgatoire, car l’Église « ne commande pas, parce que les ames ne sont plus soumises à son jugement. Elle ne dit pas je vous remet vos péchez », mais prie le Seigneur de le faire au nom de sa foi65. Conclusion L’analyse de la relation entre confrérie et indulgence effectuée depuis les sources locales livre plusieurs enseignements importants66. On peut avant tout reconnaître l’existence d’un « effet du bref d’indulgence » repérable en terme d’effectifs, sur un plan comptable, en terme de notoriété d’un groupe ou de hiérarchisation des associations entre elles au sein d’un même espace et, plus sûrement encore, sur la dévotion confraternelle car il contribue très fréquemment au Ibid., p. 52-53. Instructions, prières et indulgences pour les confreres de la Confrairie de la Très Sainte Trinité érigée dans l’insigne Eglise Collégiale de Saint Georges de Nancy pour la rédemption des captifs, Nancy, 1721, p. 22-26. 65 Instruction pour la confrairie des morts érigée dans la ville de Toul, Toul, 1740, p. 34-37. 66 La thèse entreprise par F. Schwindt à l’université de Nancy 2 sur Confrérie et société dans l’organisation de l’espace lorrain, XIII 63 64

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triomphe de certaines grandes piétés, confirmant ou bouleversant le profil dévotionnel à l’origine des confréries. Le document romain véhicule également des attentes pastorales et spirituelles tout à fait fondamentales pour l’épanouissement du fidèle. En associant étroitement les indulgences, la confession et la communion, il entend d’abord contribuer à l’intériorisation de l’exigence de la conversion permanente pour tout pécheur qui se reconnaît. De même, en accordant de nombreuses indulgences en faveur des œuvres pieuses et charitables de la confrérie, il renforce non seulement sa légitimité, mais encore confirme sa valeur d’école enseignant aux laïcs des voies spirituelles immédiatement empruntables. Une preuve de tout cela se lit dans les rituels assez détaillés de l’admission. Un tel soin dans son déroulement ne s’explique-t-il pas par la volonté de faire de chaque entrée dans une bonne confrérie de dévotion l’occasion d’un changement de vie radical rendu manifeste par la réception de l’indulgence plénière ? Quant à l’indulgence proposée chaque année au temps de la fête, n’est-elle pas aussi la manifestation de l’engagement pris devant d’autres de renouveler régulièrement sa décision ? Après l’interruption plus ou moins longue de la vie confraternelle due aux événements révolutionnaires, l’attachement confraternel aux indulgences ne se dément pas. Bien au contraire, la relance s’effectue dans des proportions tout à fait impressionnantes et l’état d’esprit propre à la Restauration justifie même le recours systématique aux pardons. Les nouvelles confréries dressées entre 1801 et 1830 puisent alors à pleines mains dans les trésors hérités de l’Ancien Régime et contribuent à une nouvelle et évidente inflation des indulgences. C’est un fait bien connu. Dans cet environnement de nouveau favorable, l’attitude des confréries renaissantes est à souligner. En effet, il n’est pas question de reparaître sur le théâtre public de la piété, dans son église d’implantation où dans un autre sanctuaire lorsque celui qui accueillait le groupe a disparu, sans recouvrer les grâces et indulgences dont elles jouissaient encore au tout début des années 1790. Qu’elles soient adressées à l’incontournable légat Caprara (Saint Sacrement de Saint Alpin de Châlons)67 ou aux autorités diocésaines (Saint Sacrement de l’église paroissiale Saint-Maurice d’Épinal), les requêtes sont accompagnées, comme à Épinal, d’un « tableau » des indulgences accordées en 1609 car « ils espèrent [encore et à nouveau] en profiter »68 Stefano SIMIZ Université de Nancy 2 67 68

1808.

Arch. dioc. de Châlons, dossier paroisse Saint Alpin, pièce non cotée. Arch. par. de Saint-Maurice d’Épinal, supplique à l’évêque de Nancy, 7 juin

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CONFRATERNITE E SANTUARI NELL’ITALIA CENTRALE RAPPORTI, COMMITTENZA, DEVOZIONI (SECC. XV-XIX)

Nel dibattito attualmente al centro della storiografia sulle confraternite, che vede impegnati da una parte coloro che tendono a sottolineare i caratteri anticorporativi e individualistici che assume la religione in età moderna e dall’altra coloro che invece sostengono, anche dopo il Concilio di Trento, la continuità delle devozioni e dell’organizzazione del culto, raramente, per non dire mai, è affrontato il tema del rapporto che, nella transizione dalla cristianità medievale al cattolicesimo dell’età moderna, viene a instaurarsi tra un luogo sacro, al centro di eventi straordinari, e il mondo dell’associazionismo laicale1. Eppure i segnali a indagare in tale direzione, almeno nella realtà geografica dell’Italia centrale, appaiono abbastanza evidenti ; basta ricordare il caso delle confraternite di ex pellegrini dell’Angelo, ancora fiorenti nel Quattrocento, che probabilmente subentrarono nella promozione e gestione dei santuari micaelici allorché venne meno l’attenzione dei patroni, i grandi proprietari dei pascoli, su cui detti

1 Ormai, alla classica sintesi di R. Rusconi, Confraternite, compagnie, devozioni, in G. Chittolini e G. Miccoli (a cura di), Storia d’Italia, Annali 9, La Chiesa e il potere politico dal Medioevo all’età contemporanea, Torino, 1986, p. 469-506, si possono aggiungere numerosi interventi, sempre ristretti al caso italiano, di autori stranieri soprattutto interessati alle dinamiche socio-antropologiche : N. Terpstra (ed.), The politics of ritual kinship. Confraternities and social order in early modern Italy, Cambridge, 2000 ; B. Wisch e D. C. Ahl (ed.), Confraternities and the visual arts in Renaissance Italy. Ritual, spectacle, image, Cambridge, 2000. Sullo schema involutivo, a lungo usato per fare la storia delle confraternite italiane (dalla fioritura delle origini, alla vitalità medievale, al lento scivolamento verso la crisi settecentesca), e soprattutto per una verifica delle tendenze più recenti cfr. D. Zardin, Il rilancio delle confraternite nell’Europa cattolica cinque-seicentesca, in C. Mozzarelli e D. Zardin (a cura di), I tempi del Concilio. Religione, cultura e società nell’Europa tridentina, Roma, 1997 ; nonché dello stesso autore, il recentissimo, Tra Chiesa e società « laica » : le confraternite in epoca moderna in L. Vaccaro (a cura di), Storia della Chiesa in Europa, Brescia, 2005 (Quaderni della Gazzada, 25), p. 381-399.

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santuari insistevano2 ; oppure la straordinaria diffusione, sempre nell’area mediana della Penisola, di micro-santuari dedicati alla Vergine. Quasi ogni piccola comunità aveva un proprio luogo simbolico, espressione compiuta della « religione civica », dell’identità stessa della comunità, che attraverso l’istituto del santesato manteneva lo iuspatronato sul santuario e, di conseguenza, la gestione. La maggior parte di essi nacquero in seguito ad apparizioni e eventi miracolosi e i mediatori, pur non mancando religiosi o religiose, sono individui di umili origini, spesso incapaci di trasmettere il messaggio, che comunque quasi sempre venne recepito dalle « classi dirigenti » che divennero il motore della monumentalizzazione del sito dell’evento epifanico, con una committenza artistica talvolta impensata, considerando la dislocazione geografica della comunità3. Tuttavia, in alcuni casi, è la stessa confraternita, collettivamente oppure tramite un associato, a divenire mediatrice dell’evento prodigioso da cui nasce il santuario : a Matelica (Macerata) all’origine del culto del SS. Crocifisso, è narrato un miracolo di cui furono spettatori i confratelli della compagnia di S. Giovanni Battista che, recandosi alla casa di una donna defunta, in una giornata di neve, videro il Cristo staccarsi dalla Croce, cadere a terra, voltarsi con la faccia verso il cielo, e provocare lo scioglimento della neve nello spazio intorno alla sacra immagine4. A Mondolfo (Pesaro-Urbino) fu invece un confratello della Compagnia della Misericordia, nel 1679, a collocare, per devozione, una statuetta di terracotta della Vergine del Rosario in un luogo denominato « delle Grotte » ; subito si verificarono i primi eventi prodigiosi, cominciarono ad affluire i fedeli e venne edificata, sul luogo, una piccola chiesa con la confraternita regista e artefice del diffondersi della devozione5.

2 M. Sensi, Alle radici della committenza santuariale, in M. Tosti (a cura di), Santuari cristiani d’Italia. Committenze e fruizione tra Medioevo e età moderna, Roma, 2003 (Collection de l’École française de Rome, 317), p. 228, dove alla nota 82 viene riferito il caso della fraternità dell’Angelo di Spoleto che gestiva il santuario micaelico di Colle Ciciano. 3 Ivi, p. 248-252. Il termine santese, che deriva da santo, indicava la persona che aveva cura del Santo, cioè della chiesa o del santuario, cfr. M. Sensi, Laici a servizio della comunità parrocchiale. L’istituto medievale del santesato, in Id., Santuari, pellegrini, eremiti nell’Italia centrale, tomo primo, Spoleto, 2003 (Uomini e Mondi medievali. Collana del Centro italiano di studi sul basso MedioevoAccademia Tudertina, 6), p. 413-445. 4 Citato in D. Pilati, Santuari della diocesi di Fabriano-Matelica. StoriaTradizione-Pietà popolare, Fabriano, 1996, p. 114. Una solenne processione riportò la croce e il Cristo nell’oratorio della Confraternita da cui, nel 1660, vennero trasferiti nella chiesa dei Filippini. 5 G. Cucco (a cura di), Santuari nelle Marche, Urbino, 1996, p. 312.

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Spesso tale stretto collegamento è ribadito dalla rappresentazione dei santi protettori della confraternita, o dei committenti, nell’immagine oggetto della devozione : una rilettura delle origini del luogo devoto che intende assegnare definitivamente all’ente confraternale il santuario ; esemplari, in questo senso, sono le vicende della Madonna delle Grazie di Cerreto d’Esi (Ancona) : nel 1598, la compagnia di S. Rocco e S. Sebastiano, venuta in possesso del santuario, fece dipingere, in basso, sotto l’immagine della Madonna, le figure dei santi di cui portava il titolo6. Certamente la ricerca del rapporto che venne a fissarsi tra la confraternita e il santuario non appare facile da intraprendere ; come è noto, il santuario è una realtà viva, che nasce, vive e muore e l’oggetto, immagine o reliquia, non è immutabile, non sembra tanto l’elemento di stabilità del fenomeno santuariale. È sottoposto invece a trasformazioni e duplicazioni e va sempre considerato in relazione alle esigenze artistiche o devozionali. Frequentemente le carte relative alla maggioranza dei santuari riguardano il periodo post-unitario, cioè proprio il tempo in cui gran parte delle confraternite subirono processi di accorpamento e di incameramento ; svolgimenti che ridisegnarono i caratteri originari del luogo sacro e ne diversificarono profondamente l’impegno devozionale e la promozione cultuale. L’elaborazione dei dati reperiti in occasione del progetto nazionale di censimento dei santuari cristiani d’Italia7, qualche primo elemento di valutazione permette di ottenerlo e relativamente all’Umbria ci informa che dei circa duecento santuari censiti, dal 1400 al 1799, solo 19 mantengono un patronato laico e tra questi cinque, costantemente, presentano la cura spirituale affidata a confraternite e quattro una giurisdizione deputata a confraternite ; per le Marche, in attesa della chiusura della fase di inserimento delle schede del censimento nel sito, utilizzando un’altra fonte8, è possibile evidenziare che dei 165 santuari presentati, 6 Ivi, p. 51 ; inoltre D. Pilati, Santuari della diocesi di Fabriano-Matelica cit., p. 81-87. L’affresco fu ricoperto nel 1678 da una tela raffigurante la Vergine con i santi Rocco e Vincenzo Ferreri, mentre nel 1786, passato il luogo sacro in uso della comunità, il dipinto fu sostituito da una piccola statua. In un contesto diverso, la Toscana del Trecento, Michele Bacci ha messo in evidenza non solo il contributo dei privati nella promozione e affermazione di un luogo di culto, ma anche la loro influenza nelle scelte artistiche e nelle modalità di presentazione delle immagini ; M. Bacci, Luoghi devoti e committenza privata nella Toscana del Trecento, in M. Tosti (a cura di), Santuari cristiani d’Italia cit., p. 127-144. 7 Il censimento è stato il risultato di due progetti di ricerca scientifica di rilevante interesse nazionale, cofinanziati dal MIUR e coordinati dalla prof.ssa Sofia Boesch Gajano, che ha visto impegnate, negli anni 1998-2000 e 2001-2003, le Università di Napoli Federico II, Firenze, Catania, Perugia, L’Aquila, Siena, Roma Tor Vergata, Chieti e Bari. 8 G. Cucco (a cura di), Santuari nelle Marche cit. Una sintesi dei dati raccolti che mette in relazione le origini, la committenza e la cura spirituale, con la tipo-

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ben 26, tra il XV e il XIX secolo, hanno patronato/giurisdizione o cura spirituale di confraternite. Di grande interesse risulta anche verificare il rapporto con le confraternite in ordine alla tipologia del santuario ; nelle Marche dei 17 santuari cristologici, 5 hanno patronato e cura spirituale di confraternite ; dei 60 santuari mariani, 16 sono collegati a confraternite, mentre dei 48 santuari che presentano intitolazioni diverse, topografiche o ambientali, solo 5 sono collegati, dal punto di vista amministrativo e spirituale, a confraternite. Varia appare la casistica che produce il rapporto ; nella maggioranza dei casi esaminati si tratta di eventi straordinari che interessano affreschi, statue o tele, perlopiù collocati in piccole maestà o oratori che, successivamente al miracolo, diventano oggetto di culto e di intensa devozione e che spesso trovano nella confraternita locale l’elemento accelerante. In questa circostanza è possibile distinguere due casi : l’evento prodigioso determina anche la nascita della confraternita, che si costituisce proprio per gestire la costruzione del santuario e promuovere la diffusione del culto, oppure sono le autorità, laiche e religiose, che affidano a confraternite già operanti nella comunità e spesso impegnate nell’amministrazione di ospedali, monti di pietà e frumentari, anche la cura del santuario. Sulla prima situazione ci soffermeremo in modo dettagliato presentando il caso della Compagnia di Maria Santissima dei Miracoli di Castel Rigone, ma tali eventi, che legarono in modo quasi indissolubile le sorti del santuario a quelle della confraternita, sono parecchio diffusi : si possono ricordare, in territorio marchigiano, le vicende del Santuario di S. Maria delle Grazie di Monte Giberto (diocesi di Fermo)9, oppure quelle del Santuario della Madonna delle Grazie di Pennabilli (diocesi di S. MarinoMontefeltro)10 ; le vicende del santuario della Madonna delle Grazie

logia e la distribuzione nelle diocesi è presentata sempre da G. Cucco, Santuari marchigiani, in G. Cracco (a cura di) Per una storia dei santuari cristiani d’Italia : approcci regionali, Bologna, 2002, p. 329-340. Da rilevare che tra i due testi esiste discordanza circa il numero dei santuari attivi nella regione, che risulta di 165 presenze nel primo volume ridotte a 159 nel saggio. I dati presentati nel testo fanno riferimento al volume Santuari nelle Marche cit., che, se pur talvolta imprecisi e poco omogenei, sembrano una discreta base per valutare la consistenza del fenomeno nei suoi diversi aspetti. 9 La leggenda di fondazione del santuario narra dell’apparizione della Vergine a una pastorella e del successivo rinvenimento di una piccola statua in marmo bianco della Madonna che, collocata in una chiesa, per ben tre volte ritornò nel primitivo luogo. Aumentando la devozione, per raccogliere le elemosine, venne istituita una confraternita (Maria SS. delle Grazie) e tra il 1567 e il 1570 venne edificata la chiesa ; ivi, p. 144-145. 10 La Madonna delle Grazie, venerata in un affresco, di origine duecentesca, all’interno della chiesa di S. Agostino, fu protagonista di un evento miracoloso

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(attuale chiesa di S. Filippo), a Todi11 e dell’omonimo santuario di Città di Castello12, nell’area umbra. Ma in questa regione maggior fama ebbe sicuramente la vicenda del Santo Anello, un anello in onice o calcedonio di color verde-bluastro, ritenuto l’anello sponsale della Vergine, trafugato dai perugini dalla vicina città di Chiusi, dove secondo la tradizione lo avrebbe portato Mustiola, la santa martirizzata nel III secolo, e collocato, nel 1488, in una cappella all’interno della cattedrale di Perugia, dopo che, per quindici anni, era stato sistemato, per motivi politici e di sicurezza, all’interno della cappella dei Priori. La cura della preziosa reliquia venne affidata alla Confraternita di S. Giuseppe, appositamente istituita da Bernardino da Feltre, e la sua presenza in città rappresentò non solo un’occasione di rilancio delle aspirazioni di libertà municipale di fronte alla sempre più invadente presenza pontificia, ma anche il definitivo inserimento di Perugia nell’itinerario dei pellegrini attirati dal Perdono di Assisi. L’ostensione più frequentata era infatti quella del 7 agosto, inserita nel percorso della « Perdonanza »13. Di gran lunga

avvenuto il 20 marzo 1489, allorché, durante una funzione religiosa, cominciò a lacrimare. Nello stesso anno nacque la Confraternita di S. Maria Novissima delle Grazie, confermata dal capitolo provinciale agostiniano due anni dopo, che divenne la principale animatrice delle vicende artistiche e religiose del santuario ; ivi, p. 316-317 e inoltre G. Allegretti, Confraternita e cultura : una strategia dell’immagine, in Il santuario della Madonna delle Grazie di Pennabilli. Atti del Convegno per il V centenario (1489-1989), Pennabilli, 1991, p. 45-50. 11 La miracolosa immagine della Madonna delle Grazie era stata dipinta a fresco sulla parete dell’Ospedale dei Cavalieri di S. Giovanni di Gerusalemme, nella prima metà del Trecento, in esecuzione di una norma dello statuto di Todi che sanciva l’obbligo di dipingere immagini della Madonna all’interno o nei pressi delle porte della città. La presenza dell’immagine alimentò la pietà popolare tanto che la maggior parte della popolazione, residente in quella parte di città, si costituì in compagnia con lo stesso nome di Santa Maria delle Grazie. Fu la medesima confraternita ad innalzare la prima chiesa e a provvedere ai successivi ampliamenti della medesima. Ulteriori notizie nella scheda del censimento visibile in www.santuaricristiani.it curata dalla dott.ssa Clara Amandoli. 12 Il santuario della Madonna delle Grazie prese vita nella seconda metà del XV secolo, allorché i Servi di Maria, vista la necessità di avere un luogo più idoneo alla preghiera e all’accoglienza dei devoti, decisero di collocare l’immagine miracolosa, che si trovava sul muro esterno di una cappella, rappresentante la Vergine con Bambino, circondata da S. Filippo Benizi e S. Florido, con un Angelo ai suoi piedi che offre alla protezione l’immagine della città, all’interno della stessa. L’occasione della istituzione della confraternita, secondo fonti locali, venne nel 1514, quando, scampato il pericolo della peste, per riconoscenza verso la Vergine, patrona della città, fu affidato ad essa la promozione del culto e la cura del santuario. Notizie più dettagliate in D. Dolciami, La Compagnia della Madonna delle Grazie. Aspetti della situazione religiosa postridentina nella diocesi di Città di Castello, Città di Castello, s.d. 13 Sul significato « politico » che venne ad assumere la presenza della reliquia cfr. G. Casagrande, Devozione e municipalità. La Compagnia del

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più numerosi sono tuttavia i casi di affidamento a confraternite, già operanti all’interno della comunità, della cura del luogo in cui si è manifestato un evento straordinario : nell’area marchigiana si possono elencare il Santuario della Madonna della Incancellata (o della Cancellata), a Corinaldo, in diocesi di Senigallia14 ; il Santuario della Madonna della Figura, di Apiro (diocesi di Camerino-San Severino Marche)15 ; il Santuario del SS. Crocifisso, a Mogliano Marche (diocesi di Fermo)16 ; il Santuario di S. Maria del Glorioso, a S. Severino Marche17 ; il Santuario della Madonna del Monte, a Caldarola, (dio-

S. Anello/S. Giuseppe di Perugia(1487-1542), in Le mouvement confraternel au Moyen Age, Rome, 1987, p. 155-183 ; per una ricostruzione dell’ambiente culturale e religioso M. Duranti, Il « S. Anello » della cattedrale di Perugia tra leggenda e devozione, in M. L. Cianini Pierotti (a cura di), Una città e la sua cattedrale : il Duomo di Perugia, Atti del convegno di studio, Perugia, 1988, Perugia, 1992, p. 363-372. La confraternita si fece carico di ricorrenti iniziative economiche tendenti a rinvigorire il culto dell’Anello ; commissionò opere d’arte per la cappella, come ad esempio lo sposalizio della Vergine, opera attribuita al Perugino e collocata originariamente sull’altare, nonché indagini e ricerche, fino a Ottocento inoltrato, sull’autenticità della reliquia. 14 Il santuario ebbe origine da una piccola edicola, in cui era raffigurata una Madonna che allattava il Bambino, dipinta nei primi decenni del secolo XVI ; monumentalizzata verso la metà del Seicento ad opera della locale Confraternita del Gonfalone, che costruì la chiesa, collocò all’interno l’immagine protetta da un cancello di ferro, donde deriva il nome del santuario, organizzò l’accoglienza dei pellegrini ed esercitò la cura spirituale, nominando il cappellano ; G. Cucco (a cura di), Santuari nelle Marche cit., p. 55-56. 15 Anche in questo caso all’origine del santuario, metà del secolo XVI, è un’immagine della Vergine collocata in una piccola edicola (« figura ») che « offesa » da un giovane con un sasso, operò prodigi e suscitò immediata venerazione ; le due confraternite locali, quella del Corpo di Cristo e della Misericordia, che già amministravano il Monte di pietà, il Monte frumentario e l’ospedale, furono incaricate della promozione del culto che, appannatosi nel Sei-Settecento, riprese vigore in occasione della stagione dei « miracoli mariani » del 1796 ; la Madonna della Figura fu, infatti, una di quelle che pianse e cambiò colore in occasione dell’approssimarsi delle truppe francesi a Roma ; ivi. p. 169. 16 Il Santuario deve la sua origine a un’immagine di Cristo Redentore, dipinta probabilmente nella prima metà del secolo XV, collocata sulla parete di fondo di una cappella situata presso la fonte pubblica, all’incrocio di importanti itinerari di transito. Il luogo, assai frequentato, favorì la venerazione e non tardarono a manifestarsi prodigi, soprattutto riguardo alla guarigione di infermi ; nel 1636, le autorità comunali decisero di restaurare l’immagine, probabilmente usurata dalla devozione dei fedeli, e affidarono il restauro alla Confraternita della Pietà. La confraternita costruì una chiesa più accogliente, nella quale trasferì la sezione di muro dipinto e si assicurò la cura e la gestione del santuario che ebbe da papa Innocenzo X, nel 1654, la facoltà di lucrare l’indulgenza plenaria nella festa dell’Ascensione ; ivi, p. 217-219. 17 L’evento straordinario che fu all’origine del santuario avvenne il Venerdì santo dell’anno 1519 quando, secondo la leggenda di fondazione, in una piccola cappella di campagna, che apparteneva all’Università dei Bifolchi, e presso la

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cesi di Camerino-San Severino Marche)18. In area umbra basta invece richiamare le vicende del santuario della Madonna delle Fontanelle, a Magione (diocesi di Perugia-Città della Pieve)19 e quelle di Santa Maria del Prato e di Santa Maria della Piaggiola, a Gubbio20. Non mancano situazioni in cui l’oratorio della confraternita diviene un santuario : è il caso della Confraternita dei Poveri e della Morte di Jesi, istituita con finalità di assistenza ai carcerati e ai condannati a morte, aggregata dal 1585 alla Compagnia della Morte di Roma e nella cui chiesa si affermò il culto per l’Eucaristia e per la Madonna di Loreto21 ; ma esemplare resta, in tale contesto, la vicenda del Santuario di Santa Maria del Buon Gesù di Fabriano, riconosciuto dalle autorità come santuario cittadino, luogo di protezione e

quale aveva sede una confraternita « in onore di Nostra Donna e dell’Ascensione di Nostro Signore », una scultura in terracotta, raffigurante una Pietà, cominciò a lacrimare ; nel giro di tre anni venne costruita una nuova chiesa, affidata ai Domenicani, ma la vita spirituale e la liturgia del luogo sacro erano animate dai confratelli della Compagnia del Rosario e di S. Antonio ; ivi, p. 264-265. 18 Al centro della devozione una tavola dipinta da Lorenzo d’Alessandro nel 1491, che rappresenta la Madonna col Bambino. La piccola chiesa, di proprietà della comunità, verso il 1480 venne donata alla Confraternita di Maria Santissima del Monte, istituita dal beato Francesco Piani, francescano, che già gestiva il Monte di pietà e un piccolo ospedale. All’interno di essa i confratelli tenevano le loro assemblee e svolgevano attività di culto e di carità ; a metà del secolo XVIII costruirono un tempio più grande che indubbiamente contribuì a far coincidere confraternita e santuario, tanto che esso è comunemente definito della Madonna del Monte ; ivi, p. 175-176, ma anche A. A. Bittarelli, La Madonna del Monte, il Beato Francesco, la Confraternita, Tolentino, 1992. 19 Il nome sembra trovare origine dalla presenza di una sorgente d’acqua inglobata sull’esterno dell’abside del santuario. Nei pressi della sorgente esisteva un’edicola, con l’affresco venerato, che mostra una Madonna col Bambino, databile su base stilistica intorno agli anni venti-trenta del XV secolo. Già alla fine del Quattrocento è documentabile una forte devozione locale verso l’immagine, testimoniata dalla costruzione di una prima cappella. Dal 1498 l’edificio fu affidato alla Confraternita del Crocifisso di Montecolognola ; ulteriori notizie nella scheda del censimento visibile in www.santuaricristiani.it curata dal dott. Mirko Santanicchia. 20 Fu il vescovo di Gubbio Alessandro Sperelli (1644-1672) a costruire, anche impegnando il proprio patrimonio personale, la chiesa che inglobava l’edicola con l’immagine della Madonna, che tiene sul ginocchio sinistro il Bambino, dipinta su pietra, intorno alla quale si era sviluppato un fervente culto. A partire dal 1786 la cura spirituale del santuario venne affidata alla Confraternita del Suffragio. La chiesa di Santa Maria della Piaggiola fu eretta nel XV secolo e al suo interno esisteva un affresco raffigurante la Madonna. Nel 1567 le autorità comunali approvarono l’edificazione di un nuovo edificio, ma solo nel 1624 il priore della Confraternita della Piaggiola finanziò l’opera di taglio della parete affrescata della vecchia chiesa per riposizionarla sopra l’altare del nuovo edificio ; ivi, schede a cura di Silvestri-Baldelli. 21 G. Cucco (a cura di), Santuari nelle Marche cit., p.81

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di salvaguardia della città contro ogni calamità naturale e ubicato nella cappella ad uso dell’ospedale, voluto da Giacomo della Marca nel 1456 e amministrato dalla Fraternità di S. Maria del Mercato22. Di grande interesse risultano anche le connessioni che vennero a instaurarsi tra confraternite, culti e devozioni in occasione della diffusione di epidemie ; in tali circostanze spesso risulta determinante il contributo delle confraternite nella edificazione di piccoli luoghi di culto secondo la formula « tre passi per tre passi in un solo giorno », con la finalità dichiarata di ottenere con migliori risultati la grazia richiesta. È questa, per esempio, l’origine del santuario della Madonna della Misericordia di Macerata, costruito, secondo il sistema ricordato, nei primi anni del secolo XV e successivamente ampliato grazie all’impegno delle diverse confraternite che si susseguirono nella cura del luogo sacro23. In area marchigiana non mancano nemmeno esempi di confraternite che diventano artefici della promozione del culto della Vergine di Loreto ; come è noto, il culto lauretano, già presente nel tardo medioevo, fu fortemente incrementato, anche in funzione antiprotestante, all’indomani della crisi religiosa del Cinquecento ; i papi della Controriforma prestarono massima attenzione alla costruzione e al rinnovamento della fabbrica chiamando a Loreto i migliori architetti e gli artisti più noti. Il progressivo affermarsi del santuario lauretano, rivoluzionò la viabilità regionale e rispetto alle grandi vie romane si affermarono innumerevoli itinerari sostitutivi che avevano tutti come meta Loreto ; « si può dire – afferma Cucco – che da ogni città marchigiana partiva una via diretta a Loreto »24 e in questa ragnatela di percorsi non è raro trovare santuari dedicati alla Vergine di Loreto. Quello di Ripatransone (Ascoli Piceno) deve la sua origine alla confraternita di S.Giovanni ; furono infatti i confratelli a commissionare il simulacro a un artista recanatese, una iconografia assai diffusa che prevedeva la Vergine seduta su una piccola casa, con il Bambino in braccio, che successivamente si incaricarono di far benedire la Sacra immagine a Loreto e a curare il trasporto della

22 Oggetto di venerazione è un dipinto su seta, riportato su tavola, nato come stendardo per l’ospedale tra il 1458 ed il 1460, che rappresenta la Madonna col Bambino Gesù sulla culla in atto di sostenere il modello della città di Fabriano ; davanti a lui, a sinistra, S. Bernardino da Siena ; ivi, p. 66-67, ma anche D. Pilati, Santuari della diocesi di Fabriano-Matelica cit. 23 G. Cucco (a cura di), Santuari nelle Marche cit., p. 205-207 ; inoltre E. Gallegati, La devozione mariana e il Santuario della Misericordia, in Storia di Macerata, vol.II, Macerata, 1987. Sul fenomeno, in generale, cfr. M. Sensi, Santuari, culti e riti « ad repellendam pestem » tra medioevo ed età moderna, in Id., Santuari, pellegrini, eremiti cit., p. 381-395. 24 G. Cucco, Santuari marchigiani cit., p. 340.

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medesima a Ripatransone. Più che una processione fu una marcia trionfale, con miracoli e guarigioni durante il percorso ; dal 1620, anno di collocazione della statua nella piccola chiesa della Compagnia, il santuario venne chiamato « Madonna di S. Giovanni », proprio a sottolineare lo stretto legame con la confraternita25. Resta ancora da richiamare alla memoria i casi in cui il collegamento tra confraternita e santuario avviene nella possibilità di rendere esplicita la volontà di autonomia dell’ente confraternale rispetto all’autorità vescovile o alla giurisdizione di ordini religiosi ; in questo caso il luogo, epicentro dell’evento straordinario, attraverso il consenso e la devozione popolare, assume le caratteristiche di eccezionalità e la sacralità conquistata sembra renderlo indipendente rispetto a qualsiasi autorità ordinaria. A Petriolo (Macerata), il lungo braccio di ferro tra le confraternite della Misericordia e del Sacramento e il vescovo di Fermo sembra definitivamente risolversi a favore dell’autonomia delle confraternite allorché un evento straordinario trasformò la chiesa della Compagnia della Misericordia in un santuario ; la leggenda di fondazione, ancora una volta, ricorda l’episodio di una statua trasportata su di un carro e trainata da una coppia di giumenti che transitando per Petriolo, davanti alla chiesa della confraternita, si inginocchiarono e si rifiutarono di proseguire fino a quando la medesima statua non fu collocata all’interno della chiesa26. Un capitolo a parte, ricco di episodi di collaborazione, ma anche di incomprensioni e rivalità, riguarda i rapporti tra confraternite e ordini religiosi in relazione alla gestione e alla cura spirituale di luoghi sacri ; a Città di Castello (Perugia), il ricordato santuario della Madonna delle Grazie, a partire dagli anni venti del XVII secolo, fu al centro di un’aspra contesa tra i Servi di Maria e la Compagnia con al centro i diritti di questua, di amministrazione dei beni e delle suppellettili della S. Cappella, di precedenza nell’ostensione della Sacra Immagine, patrona della città. Si giunse, nel 1645, davanti ad un notaio cittadino, alla redazione di un Istrumento di transazione che in quindici articoli regolava i punti più critici della controversia27. 25 Ivi, p. 158-159. Lo studio più recente sul santuario è quello di A. Giannetti, La Madonna di San Giovanni di Ripatransone, Fermo, 1993, edito in occasione del centenario della proclamazione della Madonna a patrona della città e diocesi (1883) e patrocinato dai confratelli della Compagnia. 26 G. Cucco, Santuari marchigiani cit., p. 233-235. Dal 1553, le due confraternite custodiscono il santuario, provvedono alla sua manutenzione e si occupano della divulgazione del culto ; anche il volume più recente sulla storia del santuario G. Crocetti e G. Bernasconi, Il Santuario della Madonna della Misericordia di Petriolo, Petriolo, 1986, risulta edito dalla Confraternita del SS. Sacramento. 27 Essendo insorte « differenze e disturbi tra detti Padri e Confratri di detta

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Per concludere, l’esame dei casi proposti permette di rispondere a questioni generali, quali il ruolo delle confraternite nello sviluppo di nuove devozioni o nell’affermazione di culti tradizionali, ma permette anche, concentrandosi sullo scavo documentario e su orizzonti geografici circoscritti, di aggiungere qualche tessera a un mosaico ancora troppo nebuloso e, almeno nell’ambito della storia dei santuari e dei nuclei confraternali ad essi collegati, non in grado di cogliere il fenomeno nella sua globalità e di inserirlo nel più vasto orizzonte della definizione delle problematiche e delle metodologie necessarie a rinnovare la storia delle confraternite, contribuendo a orientarla, oltre che verso gli aspetti istituzionali e sociali, anche sulla storia della pietà. La compagnia di Maria Santissima dei Miracoli di Castel Rigone e il suo santuario (secc. XV-XIX) La circostanza, certamente fortunata se consideriamo la compattezza e regolarità della documentazione conservata28, ma assolutamente non casuale se si riflette sui profondi legami che nel corso dei secoli si sono venuti a determinare tra santuario, comunità e confraternita, ci ha orientato a privilegiare, pur senza trascurare i lineamenti di una realtà più generale, l’attenzione a un ambito territorialmente ristretto, al quale certamente non è immaginabile ricondurre la multiforme realtà della Penisola. Castel Rigone, situato a 653 metri di altezza, distante quattro chilometri dal lago Trasimeno, è oggi una frazione del comune di Passignano sul Trasimeno ; in età medievale era un castello di poggio del territorio perugino, ubicato lungo il percorso dell’antica strada che collegava Perugia con la Toscana e, considerati i costanti scambi e i rapporti con quell’area, era giudicato un insediamento strategico e per questo motivo tenuto sempre nella massima considerazione da parte dei magistrati perugini, che nel 1451, per esempio, esentarono la comunità dal pagamento dei dazi al fine di permettere la riparazione delle mura e nel 1479 assegnarono alla stessa 30 fiorini per completare l’opera29. Un cronista locale, Felice Ciatti,

Compagnia, acciò nell’avvenire si cammini con ogni sodisfazione, e quiete, si tolgano tutte le occasioni di discordie, et inconvenienti che potessero nascere si stabilissero gli infrascritti ordini, e consuetudini […] ». Il testo integrale dell’accordo è in appendice al volume di D. Dolciami, La Compagnia della Madonna delle Grazie cit., p. 78-81. 28 E. Bogini (a cura di), L’Archivio della Confraternita di Maria Santissima dei Miracoli di Castel Rigone. Inventario, Perugia, 1996. 29 A. Grohmann, Città e territorio tra medioevo ed età moderna (Perugia, secc. XIII-XVI), II. Il territorio, Perugia, 1981, p. 922-923.

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fa risalire l’origine del castello al tempo dei Goti, così chiamato « da quel Rigone – scrive il cronista – favorito di Totila, che per ingannare S. Benedetto se le presentò vestito d’habiti regali in vece di Totila, ma fu scoperto dal Santo » ; un episodio ricordato da Luca Signorelli nell’Abbazia di Monte Oliveto Maggiore, presso Siena30. Dunque un luogo già predisposto al sacro in cui, verso la fine del Quattrocento, si manifestò l’evento miracoloso che fu all’origine del santuario. La leggenda di fondazione, simile a quella di molti altri luoghi di culto mariano dell’area del lago Trasimeno, narra come nelle vicinanze di un pozzo, situato fuori delle mura del castello, « nella superficie degli antichi avanzi di una diroccata muraglia », « tra gli orrori di folte siepi e spine » – riferisce un opuscolo stampato nel 1724 – era dipinta un’immagine della Vergine col Bambino31. Essa, siamo nell’anno1490, si rese evidente ad una fanciulla, domestica del parroco, e manifestò la volontà di ricevere una sistemazione più adeguata ; naturalmente la fanciulla non fu creduta e solo allorché, dopo altre apparizioni, ritornò all’interno delle mura del castello con l’acqua attinta dal pozzo dentro una brocca rovesciata, da cui non cadeva neppure una goccia, la notizia dell’epifania e del miracolo si diffusero rapidamente e non solo gli abitanti del castello « ma moltissimi ancora de i convicini luoghi – narra sempre il citato libretto – volarono immantinente a riverire ed a tributare i loro ossequi alla Gran Madre delle Misericordie e molti che erano da vari e disperati malori oppressi ricorrendo con puro cuore e viva fede alla medesima ne ricevettero a larga mano evidenti le Grazie »32. L’immagine, che si impose subito alla venerazione dei fedeli, era una delle tante Madonne del latte presenti nelle chiese e negli oratori situati intorno al lago Trasimeno e rappresenta la Vergine mentre allatta il Figlio, testimone della « diffusa e sentita necessità di disporre di situazioni esemplari protette e garantite all’interno delle quali poter incanalare e risolvere i momenti critici della vita umana legati al puerperio e all’allattamento »33. Una necessità che in quest’area sembra avere addirittura radici precristiane se consideriamo il caso della chiesa di Santa Maria d’Ancaelle, nei pressi di Sant’Arcangelo

30 F. Ciatti, Delle memorie annali, et istoriche delle cose di Perugia, In Perugia, Nella Stampa Episcopale, Appresso Angelo Batoli, 1638, p. 54 31 Ragguaglio intorno alla Madonna de i Miracoli di Castel Rigone. Con alcune notizie appartenenti alla medesima, date alla luce e dedicate all’Eminentiss. e Reverendiss. Principe il signor Cardinale Pietro Ottoboni vice cancelliere della S.R.Chiesa dal priore e fratelli della medesima. In Perugia, per l’erede del Ciani e Franc. Desiderj, Perugia, 1724, p. 11. 32 Ivi, p. 12 33 G. Baronti, Santuari e luoghi di culto mariano attorno al lago Trasimeno, in M. Sensi (a cura di), Itinerari del sacro in Umbria, Firenze, 1998, p. 311.

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di Magione, non molto distante da Castel Rigone, all’interno della quale, non senza stupore, è possibile verificare la presenza, accanto all’immagine tardo-cinquecentesca della Madonna del latte, una simbologia, forse etrusca, che richiama culti della fertilità. Lo stimolo decisivo alla monumentalizzazione dell’immagine venne ancora una volta dagli interessi della dominante : nel 1494 i Priori di Perugia presero atto dei fatti eccezionali che avvenivano per intercessione della Madonna dipinta presso la maestà di Castel Rigone e stabilirono di contribuire alla spesa per l’erezione della cappella, eleggendo pure i sovrastanti alla fabbrica. L’autorità laica confermò, dunque, l’eccezionalità dell’evento, anche con la speranza di allontanare, con il soccorso della « Madonna de Castello Rigone », una « infezione dell’Aria », annunciatrice di ben più terribili flagelli34. Solo alcuni mesi più tardi una bolla di papa Alessandro VI decretò la costruzione di un tempio dedicato alla « Beata Maria dei Miracoli », destinando all’iniziativa tutte le elemosine dei fedeli. In realtà, come è noto, spesso alle improvvise epifanie del sacro contribuiscono il convergere di sollecitazioni profondamente radicate nel tessuto economico, sociale ed umano ; elementi localizzativi tali da tratteggiare un vero e proprio progetto e la manifestazione del sacro come esito di un preciso disegno promosso da specifiche esigenze. Tutta l’area in questione, corrispondente al contado di Porta S. Angelo, subì, in realtà, nel XV secolo una profonda trasformazione che vide l’abbandono dei centri di vita associata sparsi nel territorio, soprattutto a causa della diffusione della nuova forma di organizzazione e di sfruttamento delle terre, connessa all’affermazione del contratto mezzadrile. Una fase di decompressione demografica che costrinse gli uomini a uscire « dai centri abitati e a distribuirli nelle zone di mezza collina e di pianura più fertili e più adatte allo schema della policultura »35. Questo processo di umanizzazione delle campagne, che ha segnato in modo incancellabile l’ambiente umbro, comportava naturalmente rischi di spopolamento delle comunità, basta ricordare che il castello di Preggio, situato a pochi chilometri di distanza da Castel Rigone, subì, in poco tempo, una diminuzione di ben 379 fuochi36, ma consentiva anche un maggior rilievo dell’economia contadina rispetto a quella cittadina e sosteneva il bisogno di commercializzare i prodotti, con un conseguente incremento dei centri di mercato e di fiera all’interno del territorio perugino. 34 D. Cardinali, Castel Rigone. Sette secoli di storia, Città di Castello, s.d. (ma 1992), p. 76. In appendice la trascrizione dei più importanti documenti relativi alla storia del castello e del santuario. 35 A. Grohmann, Città e territorio cit., p. 666. 36 Ibid.

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Non c’è bisogno di insistere sul collegamento tra raduni fieristici e santuari ; soprattutto in età medievale l’origine di molte fiere franche, che permettevano ai mercanti di godere di particolari esenzioni, era nello spazio antistante l’ingresso di un santuario. Così sembra avvenire anche per il santuario in questione ; un Breve del cardinale Agostino Spinola del 1524 permise ai sovrastanti alla fabbrica e agli uomini del castello di organizzare ogni anno una fiera libera il giorno della natività di Maria, nonché i due giorni successivi37. Tuttavia la costruzione del santuario procedeva assai lentamente, i sovrastanti alla fabbrica certamente non badavano a spese : nel 1512 commissionarono a Domenico Bertini da Settignano, allievo di Michelangelo, il portale del tempio ; di particolare pregio la lunetta, nella quale sono rappresentati la Madonna col Bambino, S. Bartolomeo e S. Agostino, santi a cui erano dedicate le due preesistenti chiese del castello ; nel 1528, la pala d’altare, l’Adorazione dei Magi, a Domenico Alfani, collaboratore di Raffaello che, secondo la testimonianza del Vasari, eseguì la grande pala su disegno di Rosso Fiorentino, riparato a Perugia nel 1527 per sfuggire al sacco di Roma38. Proprio per far fronte alle spese necessarie alla fabbrica e alla decorazione del tempio, si giunse alla determinazione di unire le recenti rendite della chiesa con i beni dell’ospedale dei poveri di Castel Rigone, affidandone l’amministrazione alla nuova Confraternita laicale di Maria Santissima dei Miracoli ; una Bolla di Clemente VII, del 26 gennaio 1531, decretava così la nascita di questo sodalizio che subito, sempre con il medesimo atto, si vedeva riconosciuta una grande autonomia nella cura spirituale e nella gestione delle pratiche religiose del santuario, nonché molti altri privilegi quale quello dell’indulgenza plenaria per tutti coloro, « che nel giorno della Natività di Maria Santissima confessati o con intenzione di confessarsi a tempi debiti, avessero visitata la detta Chiesa ed ivi fatta avessero qualche limosina a benefizio della medesima »39. Il 5 maggio 1537 il cardinale Marino Grimani, « legato de latere » di Perugia e dell’Umbria, concesse, secondo le disposizioni dell’autorità apostolica, sette anni di indulgenza a tutti quei fedeli che la prima

D. Cardinali, Castel Rigone cit., p. 79 e appendice doc. 13 A. Mariotti, Lettere pittoriche perugine ossia ragguaglio di alcune memorie istoriche risguardanti le Arti del Disegno in Perugia, In Perugia, Dalle Stamperie Badueliane, 1788, p. 241. L’originale fu asportato dalle milizie fiorentine del granduca Ferdinando II dei Medici che nel 1643, durante la cosiddetta Guerra di Castro, avevano invaso la parte nord-occidentale dell’Umbria. Quella visibile oggi è la copia dell’originale che nel 1644 il Granduca, come atto di riparazione e di omaggio alla Madonna, consegnò alla confraternita. 39 Ragguaglio intorno cit., p.15. 37

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domenica di ogni mese e nelle feste in onore della Vergine avessero visitato la chiesa della confraternita40. L’ospedale dei poveri di Castel Rigone, allibrato nel catasto del 1489 per 25 libre e nell’estimo del 1493 per 48 libre, era probabilmente uno dei tanti piccoli ospizi gestiti da confraternite disciplinate, assai numerosi in Umbria, tanto da ipotizzare che l’erezione dell’ospedale costituiva la maggiore preoccupazione dei disciplinati, anche a danno delle loro altre peculiari attività assistenziali, quali il conforto ai carcerati e ai condannati a morte oppure la gestione dei Monti di pietà41 ; la nuova confraternita ereditò dai disciplini la gestione dell’ospedale, ma, come vedremo, in realtà la suggestione del loro modello conquistatore riuscirà a innescare un processo di imitazione che caratterizzerà anche la pietà e la vita associativa della nuova compagnia. Verso il 1531, probabilmente la fabbrica era ormai terminata se, con la stessa Bolla, Clemente VII autorizzò la costruzione del campanile ; ignoto è il nome del progettista del santuario che dopo improbabili attribuzioni, Bramante o Rocco da Vicenza, sembra opera di un artista certamente influenzato dal senese Francesco di Giorgio Martini, anche se non mancano accanto a numerosi motivi toscani evidenti caratteri lombardeschi, che proprio in quel periodo stava portando a termine la monumentale chiesa di S. Maria delle Grazie al Calcinaio, presso Cortona, costruzione alla quale il santuario di Castel Rigone, pur presentando uno stile più grezzo, si può ricollegare. All’interno del santuario, anche se più volte restaurati, troviamo dei veri capolavori dell’arte Rinascimentale e tardo-rinascimentale : dalla tela dedicata alla Madonna del Rosario, opera del fiorentino Bernardo di Girolamo Rosselli (1558), sulla quale ritorneremo brevemente, all’incoronazione di Maria, un affresco di scuola umbra attribuito a Giovan Battista Caporali e ai suoi allievi (1519), ai due ex voto, con il nome del committente, uno datato 1591 e l’altro attribuito alla scuola del Pinturicchio, alla statua di S.Antonio Abate con il porcellino, in pietra locale e di autore ignoto del XVI secolo, fino alla splendida Croce di Sagrestia, dono della città di Perugia per la grazia della liberazione dalla peste (1531), attribuita a Nicolò Circignani detto il Pomarancio. L’epicentro del santuario è tuttavia la cappella con la nicchia contenente l’immagine della Madonna

40 Archivio della Confraternita di Maria Santissima dei Miracoli di Castel Rigone (d’ora in avanti ACMSM), Pergamene, 4, 1537 maggio 5, Perugia. Ma tre anni prima, a testimonianza del rilievo che ormai aveva acquisito il santuario nella vita religiosa della comunità, una convenzione tra il pievano e il priore della confraternita stabiliva che « il Santissimo Sacramento » fosse custodito nella Chiesa della Madonna, ivi, Posizioni antiche, 79, Istrumenti, fasc. 2/9, 6 maggio 1534. 41 P. L. Meloni, Per la storia delle confraternite disciplinate in Umbria nel secolo XIV, in Id., Saggi sull’Umbria medievale, Napoli, 1994, p. 88.

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miracolosa, di molto antecedente alla costruzione del tempio, definita in alcune memorie addirittura acheropita42. Nell’altro braccio del transetto vi è un secondo avancorpo, simile al precedente, in cui è esposto alla venerazione dei fedeli un Crocifisso parimenti ritenuto miracoloso ; ungersi con l’olio della sua lampada era considerato un giovamento per diversi malori mentre all’approssimarsi di « comuni calamità » oppure nelle « stagioni più contrarie o di straordinaria siccità o di esorbitanti continue piogge o in tempo di spaventosi terremoti », gli abitanti del castello e dei paesi circostanti, si rivolgevano al Crocifisso « porgendo a Lui le loro più fervorose preghiere ed alle volte portandolo ancora devotamente in processione »43. Anche in questo caso, a sostenere la straordinarietà dell’evento, esiste una leggenda di fondazione, rappresentata in un bassorilievo sul basamento, che ricorda l’episodio del mulo carico del prezioso Crocifisso da trasportare ad altra località e che invece davanti al santuario si inginocchiò e non si alzò, nonostante gli stimoli dei conduttori, fino a quando il carico non fu portato e per sempre sistemato all’interno della chiesa, accompagnato dal suono spontaneo delle campane, testimonianza diretta dell’avvenuto miracolo44. Due culti si affermarono dunque all’interno del santuario, quello per la Vergine, mirato a proteggere e risolvere i momenti critici della vita delle donne e quello per il Crocifisso, più collegato a devozioni legate soprattutto ai cicli agrari, alla protezione dei raccolti e degli animali, alla difesa contro le avversità e le calamità naturali. Tutte e due le immagini erano naturalmente « continuamente coperte, né si scoprono – si riferisce nell’opuscolo del 1724 – se non in alcune feste solenni, o pure quando mai capitano forestieri di qualche qualità, ed allora a suono di campane ed organo, accendendosi molti lumi agli altari di quelle, ed i Cappellani che intervengono alla funzione portano torcie parimente accese cantando devotamente inni, cioè o Gloriosa Virginum, quando si scopre l’Immagine della Madonna e Vexilla Regis prodeunt quando si scopre quella del Crocefisso »45. Anche il Crocifisso si ritiene anteriore alla costruzione del santuario e l’ipotesi avanzata è quella di un « recupero » effettuato in qualche oratorio o chiesa dei dintorni (forse dal convento degli Agostiniani, oppure da quello dei Camaldolesi) certo è che, in origine, la proposta stessa dei disciplinati aveva posto il culto della Passione come momento essenziale e centro di tutta la spiritualità Ragguaglio intorno cit. Ivi, p. 22. Oltre a ciò particolare venerazione era attribuita al chiodo dei suoi piedi da cui spirava « continuamente un soave odore ed una fragranza di qualità non mai più sentita che sembra quasi Celeste ». 44 Ragguaglio intorno cit., p. 23. 45 Ivi, p.23-24. 42 43

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cristiana ; riproponeva in termini drammatici un cristocentrismo che intendeva soprattutto essere imitazione ed appartenenza al Crocefisso. Senza forzare, è possibile individuare nella nuova confraternita, nata dalla fusione della compagnia incaricata di sovrintendere alla costruzione del santuario e dalla confraternita disciplinata che gestiva il piccolo ospedale della comunità, una sintesi che permetteva la coesistenza di innovazioni nella pratica religiosa e nelle manifestazioni cultuali più a contatto con la massa dei fedeli, con le forme più tradizionali di governo delle strutture e delle opere caritativo-assistenziali. La sopravvivenza insomma del modello disciplinato, in una realtà quale l’Umbria in cui l’opera dei visitatori apostolici fu particolarmente severa nei confronti della pietà dei disciplini46, come proposta di una formula associativa che, anche in altre realtà geografiche, restava « il recinto privilegiato dell’iniziativa dei laici nel campo religioso e a loro offriva una robusta cintura di protezione per l’esercizio di una responsabilità in proprio »47. Attraverso la Confraternita della Beata Vergine la suggestione del modello disciplinato, nato con una fisionomia fortemente élitaria, sembra dilatarsi e assumere consistenza comunitaria ; nei primi anni di vita della confraternita fu presente anche un ramo femminile, distinto, con proprie donne ufficiali48. La maggior parte delle entrate proveniva dalle elemosine, dalle questue periodiche e tutto avveniva con un diffuso consenso della pubblica opinione e delle oligarchie locali di notabili. Del 1589 è l’atto di aggregazione alla Confraternita romana del Santissimo Gonfalone, adesione rinnovata nel 1638 con la concessione di tutti i privilegi e le indulgenze di cui godeva l’Arciconfratenita romana ; nel 1667 Pietro Lanfranconio, priore generale dell’Ordine dei frati eremitani di S. Agostino, concesse invece al sacrista del santuario di erigere la Confraternita dei Cinturati di S. Agostino e di S. Monica e di aggregarla all’omonima confraternita eretta nella chiesa di S. Giacomo a Bologna49. Nella comunità erano attive però anche due altre confraternite, frutto del nuovo clima post-tridentino, quella del Sacramento e quella del Rosario, quest’ultima eretta e aggregata nel 1618 all’Arciconfraternita roma-

46 P. L. Meloni, Topografia, diffusione e aspetti delle confraternite dei disciplinati, in Id., Saggi sull’Umbria medievale cit., p. 146-147. 47 D. Zardin, Tra chiesa e società laica cit, p. 391. 48 ACMSM, Libri di aggregazione, 15, Libro de la fraternità de le donne di Castel Rigone nel quale si scriveranno tutte le entrate e uscite de ditta fraternità, 1559, luglio 12- 1687. 49 ACMSM, Pergamene, 5, 1589 ottobre 8, Roma , « in oratorio SS. Petri et Pauli » ; ivi, 7, 1638 agosto 24, Roma, « apud Sanctam Mariam maiorem » ; ivi, 9, 1667 marzo 22, Roma, « in conventu S. P. Augustini ».

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na del Rosario50 ; la confraternita aveva un proprio altare all’interno del santuario e proponeva alcuni dei caratteri distintivi della pietà rosariana tradizionale : ruolo centrale della recita del rosario e processione per la festa della Madonna del Rosario, nella prima domenica di ottobre. A tale scopo sembra che i confratelli avessero acquistato una statua della Vergine, « con suo Bambino in braccio, di mistura di Luccha d’altezza di piedi quattro in circa, vestita di ermosino di seta bianca con manto di taffeta torchino e velo bianco con corona di legno dorata » che, secondo l’inventario dei beni del santuario, redatto nell’anno 1717, era posta in una nicchia, dietro la tavola dipinta nel 1558 da Bernardo di Girolamo Rosselli ; la parte centrale della tavola, in occasione delle feste più importanti, scivolava lungo due guide di legno verso il basso e scopriva la statua. Ignoriamo i veri motivi per cui, nel 1708, un precetto del vescovo impedì ai confratelli di portare in processione la statua ; nell’ingiunzione inviata dal vescovo si parla di « statua o statue nuovamente erette senza licenza » e di statua o statue non benedette51. Probabilmente, risale invece al 1553 l’istituzione della società del SS. Sacramento, dotata di un proprio oratorio all’interno delle mura del castello in cui è conservata una pregevole tavola, raffigurante l’Ultima cena, risalente alla fine del Cinquecento e dipinta da Silla Piccinini. Appena eretta diffuse la devozione delle Quaranta ore di adorazione, facendo allestire per lo scopo una struttura all’interno del santuario sulla quale, secondo le cronache, erano sistemate una « moltitudine di candele accese, che su di essa riproducevano disegni sacri e scritte inneggianti a Cristo Salvatore »52. Questo particolare conferma la notizia che già dal 1534, in virtù di un accordo tra il parroco e il priore e ufficiali della confraternita, l’Eucaristia era custodita all’interno del santuario e non nella vicina chiesa parrocchiale ; un accordo ratificato definitivamente nel 1577 con un atto che stabiliva dettagliatamente le norme per lo svolgimento dei vari uffici liturgici e il ruolo del parroco53. Si è molto insistito sull’applicazione del modello tridentino-borromaico, incentrato sull’obbligo di istituire la confraternita eucaristica e di favorire una rete di scuo-

Ivi, 6, 1618 febbraio 23, Roma, « in conventu S. Mariae supra Minervam » ACMSM, Posizioni antiche, 78/4, Decreti vescovili, circolari dell’Arciconfraternita del confalone, 1640 marzo 27 – 1712 marzo 5. Sempre nel 1708, i priori della confraternita ricevevano invece l’autorizzazione a effettuare la processione con la statua di S. Antonio da Padova, « colla dovuta decenza e divozione e praticando le forme solite » 52 Cfr. D. Cardinali, Castel Rigone cit., p. 104 che cita V. Mariani, Castel Rigone. L’Altare delle Quarant’ore. Una tradizione. s.d. 53 ACMSM, Posizioni antiche, 79/2, Copie di istrumenti riguardanti compre, vendite e censi, 1534, maggio 6 – 1635, giugno 20. 50

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le della dottrina cristiana ; tale modello è messo in atto anche nelle diocesi dell’Umbria : nel caso esaminato la confraternita stipendiava un maestro che aveva l’obbligo, per cinque giorni « di ogni settimana, mattina e sera, per due ore continue », di istruire i giovani del castello54. Si verificò una complessiva riorganizzazione del governo religioso, ma, almeno in questo caso, la centralità della parrocchia si affermò solo in parte. Non mancarono, è vero, frizioni tra confraternita e autorità sacerdotale, in particolare sul piano della delimitazione dei poteri di giurisdizione, così come nella gestione economica delle risorse ; conflitti che anche in questo caso si acutizzarono mano a mano che si affacciò sulla scena un clero tridentino, formato nei seminari, consapevole del proprio ruolo sacerdotale. Nell’archivio del santuario è conservato un voluminoso fascicolo circa la causa sostenuta dalla confraternita contro il pievano don Benedetto Bicci, dal 1704 al 1715 ; in breve il parroco chiedeva di poter esercitare nel santuario tutte le funzioni « nella forma medesima che userebbe nella sua parochia », di ottenere « la preminenza in ciascuna funzione e servizio » e inoltre di esercitare una responsabilità nell’amministrazione del patrimonio del santuario55. La difesa della confraternita fece leva sui privilegi, di cui aveva goduto nei lontani anni di avvio, appoggiandosi sull’autorità dei pontefici e sulla legittimità delle immunità concesse dai vescovi e dai precedenti parroci. Non è tuttavia un conflitto tra società laica e società religiosa : in un regime non ancora diviso dal dualismo Stato-Chiesa le zone di attrito erano determinate dai modi diversi di interpretare la cooperazione necessaria delle due autorità, dalla necessità di tutelare la propria immagine e il proprio ruolo sulla scena dei pubblici cerimo54 ACMSM, Libri dei partiti, 22, Libro de Partiti della Venerabile Confraternita della Madonna de i Miracoli di Castel Rigone, c. 37v, 26 novembre 1800. Lo stesso maestro, secondo le deliberazioni della confraternita, doveva condurre « ogni mattina i suoi scolari ad ascoltar la S. Messa o prima o dopo la scuola come gli farà comodo », doveva inoltre vigilare « scrupolosamente sopra la loro modestia e devozione, da osservarsi esattamente tanto nella casa di Dio, nella scuola che altrove » ; inoltre tutte le sere di mercoledì, venerdì e sabato il maestro e i suoi scolari dovevano recarsi nel santuario e « dinanzi all’altare della Madonna SS. del Rosario » dovevano recitare « divotamente il S. Rosario e le litanie della Madonna ». Era altresì obbligo del maestro, nelle più importanti feste dell’anno, « dopo compieta recitare il S. Rosario con il popolo che vi concorre con tutte quelle solite preci assegnate ». Sull’applicazione del modello tridentino-borromaico in Umbria R. Chiacchella, Il tipo ideale di vescovo e l’applicazione del modello nelle chiese locali : Carlo Borromeo e la sua influenza nella diocesi di Perugia, in San Carlo Borromeo in Italia. Studi offerti a Carlo Marcora dottore dell’Ambrosiana, Brindisi 1986, p. 85-103. 55 ACMSM, Posizioni antiche, 86/1, Documenti riguardanti la causa sostenuta contro il sig. Pievano D. Benedetto Bicci, 1700, gennaio 3 - 1715, marzo 27.

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niali56. Del resto la crescita del patrimonio economico del santuario fu veramente impressionante ; oltre a case e terreni, tra Sei e Settecento, all’interno della chiesa furono istituite ben cinque cappelle : la cappella Amatucci, fondata in virtù del testamento che nel 1611 fece il monaco camaldolese Ercolano Amatucci e che prevedeva di attribuire al cappellano, nominato dalla confraternita, anche la responsabilità della scuola della Dottrina Cristiana ; la cappella Serafini, istituita con atto notarile del 1671 da Pietro Serafini ; la prima cappella Pinozzi, istituita da don Ercolano Pinozzi con testamento del 1712 ; la seconda cappella Pinozzi, istituita con atto redatto nella cancelleria ecclesiastica nell’anno 1747 dal minore osservate Antonio Pinozzi ed infine la cosiddetta « Cappella Sopranumeraria », istituita per volontà dei confratelli per soddisfare alcuni pesi collegati a lasciti e pie disposizioni a favore della stessa confraternita57. A questo elenco, in una realtà di pluralismo confraternale, quale appare questa esaminata, si devono aggiungere i benefici eretti nella chiesa della confraternita del SS. Sacramento, in particolare la Cappella Fabbri e la Cappella Toni (1657) ; emerge un’offerta di impieghi ecclesiastici assai generosa e, ma non è questa la sede, si dovrebbe analizzare se tale offerta di impieghi e benefici sia stata da stimolo per abbracciare la vita chiericale oppure, viceversa, se è stata l’abbondanza di clero ad aver incentivato l’istituzione di benefici per impiegarlo58. L’apice dello splendore per la confraternita e il suo santuario furono probabilmente gli anni venti del secolo XVIII, allorché dal priore e dai fratelli venne deliberato di dare alle stampe una celebrativa e sintetica storia del santuario, dedicata al cardinale Pietro Ottoboni, della famiglia pontificia di Alessandro VIII (16891691), a quel tempo protettore della confraternita. Dal testo si ricava che la chiesa era allora « continuamente ufiziata da numero sette cappellani, oltre a i quali vi è ancora un chierico che ha il peso di servire e di aver cura e custodia di detta chiesa »59 ; i cappellani, parte

D. Zardin, Tra chiesa e società laica cit, p. 388-389. ACMSM, Posizioni moderne, 93/1, Due documenti sulla riunione delle Cappelle, 1855, maggio 13. 58 M. Lupi, Il clero a Perugia durante l’episcopato di Gioacchino Pecci (18461878) tra Stato Pontificio e Stato unitario, Roma, 1998 (Italia sacra. Studi e documenti di storia ecclesiastica, 57), p. 19. L’autrice sottolinea che la tesi storiografica della domanda e dell’offerta elaborata per spiegare il reclutamento sacerdotale avvenuto in età moderna, non sembra utilizzabile per l’Ottocento allorché entrano in gioco fattori molto più complessi e le variabili sono assai più numerose. L’analisi dei dati ha permesso di verificare che dal 1848 all’Unità nelle parrocchie più feconde di vocazioni non era eretto alcun beneficio non curato mentre dove l’offerta era notevole, come a Castel Rigone, non risulta alcun sacerdote, ivi. 59 Ragguaglio intorno cit. p. 26. 56

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stipendiati da privati e parte con le entrate del santuario, erano tenuti « a cantar messe solenni, vesperi e compiete in coro a debiti tempi essendo in detta chiesa […] un organo »60. Le ricorrenze solenni, durante le quali era impiegato l’organo, erano l’8 settembre, giorno della Natività di Maria, una festa che si celebrava « con molta magnificenza e splendore […] onorata […] con la celebrazione di moltissime messe » alle quali assisteva « un’infinità di popolo » ; era il giorno in cui si apriva la fiera che richiamava dai paesi limitrofi una moltitudine di persone, le quali tutte, il giorno successivo, partecipavano devotamente all’« Ufizio in suffragio delle povere anime purganti, intervenendovi ogni anno per l’ordinario a celebrare il Santo Sacrificio della Messa per propria loro divozione sessanta ed alle volte ancora più sacerdoti »61. Altro appuntamento solenne era la seconda festa di Pentecoste : per l’occasione, dai paesi confinanti partivano processioni che convergevano presso il santuario recando « doni e splendidi regali in segno di vassallaggio a questa sovrana Signora dell’Universo, ad effetto di sempre più arricchire e rendere più adorna la residenza della di Lei prodigiosissima Immagine »62. Ma, accanto alle feste previste nel calendario liturgico, non mancavano occasioni straordinarie, sollecitate dalle numerose indulgenze che si potevano lucrare visitando il santuario oppure dai momenti congiunturali poco favorevoli. Un appuntamento particolarmente sentito era la festa che ogni venticinque anni veniva celebrata in onore del Crocifisso ; a tale scopo veniva creato un apposito comitato, presieduto da un priore, emanazione della confraternita, che aveva il compito, approssimandosi l’evento, di incaricare idonei soggetti da impiegare nella questua ; per le celebrazioni previste per il 1804, l’allora priore delegato, Luigi Santini, in occasione dell’assemblea annuale, rese partecipi i confratelli che, pur avendo avviato la raccolta di elemosine dal 1794, aveva percepito dai questuanti solamente la somma di 273 scudi ; gli anni di fine secolo certamente erano stati assai difficili e tuttavia per organizzare la festa « con quella decenza che indispensabilmente si richiede […] nelle presenti critiche e calamitose circostanze », era necessario aggiungere almeno altri 100 scudi, « a scanso – aggiunge il priore – di una vergognosa critica »63. Altre volte i confratelli furono costretti a Ibid. Ivi, p. 25. 62 Ibid. Si veda anche in ACMSM, Documenti di amministrazione, 233/3, Registro d’introito di questue delle 4 prioranze per la festa del Santissimo Crocifisso del 4 giugno 1827. All’interno del registro sono conservati quattro libretti utilizzati per annotare « i ricavati delle questue ». 63 I cento scudi vennero reperiti attraverso una sottoscrizione tra i confratelli, ACMSM, Libri dei partiti, 22, Libro de Partiti della Venerabile Confraternita della Madonna de i miracoli di Castel Rigone, c43 r e v, 7 giugno 1803. 60 61

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sostenere, attraverso prestiti personali, le spese per allestire la festa del Crocifisso : era in gioco la « gerarchia del prestigio », il ruolo stesso della confraternita sulla scena dei pubblici cerimoniali e scatta una difesa di tipo corporativo, basata cioè sul diretto contributo dei confratelli, forse anche questo un elemento che rivela tracce della tradizione disciplinata64. L’esperienza della confraternita appare segnata anche da un carattere fortemente societario ; oltre a continuare a gestire il piccolo ospedale, « sempre aperto per benefizio e comodo de i poveri viandanti e forestieri », stipendiando allo scopo uno « spedalario », ogni anno distribuiva sussidi dotali, pane e altri alimenti ai poveri, almeno nei giorni del Venerdì Santo, di S. Antonio Abate, di S. Sebastiano ; erano appuntamenti assai conosciuti e frequentati, che nemmeno nei momenti di più forte criticità vennero cancellati65. Naturalmente anche durante l’anno, in occasione delle cerimonie più importanti, per sottolineare l’intreccio tra simbologia eucaristica e identità collettiva, i confratelli promovevano piccoli riti conviviali ; essi assumevano, in realtà, carattere di aperta socialità e per questo, più volte, i priori della confraternita vennero richiamati dalle autorità a ridurre tali riti66. Non è un caso che proprio la pubblica64 Ivi, c. 58v, 22 febbraio 1818 ; sempre per dimostrare la volontà di mantenere inalterata la gerarchia del prestigio, cfr. ivi, Posizioni antiche, 78/3, Decreti in sacra visita, 24 maggio 1827. 65 Nell’adunanza del 19 marzo 1764, i confratelli esprimono riserva circa l’opportunità, suggerita dai magistrati perugini, di sostituire la tradizionale elemosina di pane del Venerdì Santo con la distribuzione di denaro : « Gli Offiziali e Fratelli della V.bile Compagnia della SS. Vergine detta de Miracoli […] riverentemente espongono che sentirsi proibita la distribuzione dell’elemosina solita a farsi in pane dalla istessa V.bile Compagnia per la ricorrenza del Venerdì S. precedente la prossima S. Pasqua di Resurrezione i poveri ed i popoli a detto luogo circonvicini (h)anno cominciato a fare dello schiamazzo e può fondatamente temersi che in detto giorno del Venerdì S. futuro nascano degli inconvenienti contro la stessa V.bile Compagnia e suoi Offiziali e Fratelli […] onde ricorrono alla paterna sua clemenza perché si degni o permettere alla stessa V.bile Compagnia di distribuire la solita elemosina in pane o pure provedere in altra forma che crederà più espediente all’indennità di detta V.bile Confraternita e suoi Offiziali e liberare il povero luoco di C. Rigone dagli assalti che temono ricevere dal Popolo », ACMSM, Libri dei partiti, 22, Libro de Partiti cit., 19 marzo 1764. 66 Ivi, c. 53r, 17 luglio 1803 ; un decreto del vescovo di Perugia, Alessandro Maria Odoardi, al paragrafo IX, intimava : « In occasione delle due feste di Pentecoste e settembre la sera della Vigilia non si dia per le Fiaccole alcuna sorta di refezione, anzi la casa e cantina della Fraternita stiano chiuse e prevedendosi che per tale provvidenza niuno farà le Fiaccole si autorizza il Si. Economo a fare i Fuochi dalla Croce di Poggio Martino alla Chiesa e contigua Piazza e così supplire alla spesa delle Fiaccole ». Ancora nel 1822 venne deliberato di ridurre le « refezioni » a sole quattro processioni : S. Marco, prima di luglio, Ascensione e S. Antonio, ma un anno dopo, nella riunione del 2 giugno, venne deciso di ripristinare le solite « refezioni » durante le processioni, ivi, c. 64v e c. 66r.

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zione di un decreto delle autorità repubblicane, nella primavera del 1798, che proibiva l’attività della questua, emanato per impedire una incontrollata mobilità nelle campagne, ma che di fatto venne a impedire la tradizionale forma di raccolta di oblazioni, messa in atto dai priori della compagnia, per far fronte a esigenze di culto o di carità, fu all’origine dell’insorgenza popolare antifrancese, che ebbe come epicentro proprio Castel Rigone. La sommossa ebbe inizio il 22 aprile 1798 e, al suono delle campane del santuario, si dilatò in tutti i centri vicini ; la data dell’insurrezione appare significativa, precede infatti di soli tre giorni la consueta assemblea generale della confraternita, convocata tutti gli anni il 25 aprile, giorno di S. Marco67. L’esperienza associativa venne ad assumere allora i caratteri di un fenomeno di massa ; esisteva intorno alla confraternita un consenso popolare in grado di porla nella condizione di tutelare, anche in condizioni difficili, il patrimonio accumulato nei secoli ; così, proprio durante l’esperienza della Repubblica Romana, i confratelli non esitarono ad assegnare in affitto tutti i beni rustici della confraternita a Guerriero Guerrieri, notabile locale, esponente di punta del movimento democratico-repubblicano68, ma anche componente della famiglia che quasi ininterrottamente aveva gestito, sul filo delle generazioni, per quasi tutto il Settecento, la Confraternita69 ; salvo poi, passata la tempesta, richiedere la disdetta dell’affitto « a costo di qualche sagrificio, per giusti nostri motivi »70. Tra il contesto comunitario, l’esperienza confraternale e il santuario sembra instaurarsi, col tempo, una perfetta osmosi che, accettando le gerarchie prodotte dal mutamento politicosociale, assicura alla compagnia la sopravvivenza e il consolidamento del prestigio popolare ; una rilevanza che gli consente di far fronte anche alla volontà regolatrice e livellatrice dell’autorità vescovile. Così nel 1768 i confratelli dichiarano al vescovo di aderire all’invito di licenziare due cappellani del santuario, molto stimati dai fedeli, e di assumere al loro posto due padri Gesuiti portoghesi, solo se la richiesta fosse stata trasmessa direttamente dal Papa71 ; stessa

67 C. Minciotti Tsoukas, I « Torbidi del Trasimeno ». Analisi di una rivolta, Milano, 1988. Don Raffaele Cerboni, cappellano del santuario, ritenuto uno dei responsabili della sommossa, « per giusti giudizi di Dio » venne fucilato, ACMSM, Libri dei partiti, 22, Libro de Partiti cit.,c. 35r, 25 aprile 1799. 68 C. Minciotti Tsoukas, I « Torbidi del Trasimeno » cit., p. 147-181. 69 Cfr. in ACMSM, Libri dei partiti, 21, L. dei partiti 1700, 1705, ottobre 291762, marzo 5. 70 Ivi, 22, Libro de Partiti cit., c. 41v, 2 maggio 1802. 71 Ivi, Posizioni antiche, 78/3, Decreti in sacra visita, 16 ottobre 1768. « A tale improvisa proposta i Fratelli di detta Compagnia restarono non poco sorpresi da meraviglia, essendo ai medesimi ben noto che il Rev. Sign. Don Francesco

CONFRATERNITE E SANTUARI NELL’ITALIA CENTRALE

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reazione nei confronti di mons. Carlo Filesio Cittadini, vescovo di Perugia dal 1818 al 1845, rigido conservatore, tutto impegnato negli anni del suo episcopato a ripristinare il prestigio e l’autorevolezza della Chiesa e soprattutto a far convergere sotto l’autorità episcopale tutte le istituzioni ecclesiastiche72, allorché, dopo ben due visite pastorali, nel 1828, intimò ai confratelli di rinnovare le Costituzioni, « ravvisando che per la loro antichità, non meno che per la varietà de tempi non possono essere in qualche parte adattate e degne sono di qualche modificazione »73. In effetti le Costituzioni e Capitoli della Confraternita risalivano al 163474 e se pure il vescovo Cittadini esortava i confratelli a non « dipartirsi dagli antichi », in realtà imponeva non solo la ratifica vescovile delle nuove costituzioni, ma anche la presenza di un deputato ecclesiastico alle riunioni della confraternita75. Ne nacque un lungo contenzioso76, che rese i rapporti tra

Sanfranceschi fin dall’anno 1753 e il Rev. Sign. Don Domenico Ricci fino dall’anno 1757 fino al presente giorno prestato (h)anno un puntuale e esatto servizio a questa nostra chiesa che sempre stati sono al popolo esemplarissimi, assidui al Tribunale di penitenza, assistenti agl’infermi, non solo al popolo di questo Castello, ma anche a curati circonvicini […] Sembra cosa strana il licenziare i sudetti cappellani ». Si aprì un’ampia discussione e alla fine i confratelli decisero di « licenziare » i due cappellani « qual ora fosse stato ordine di sua Santità ». Probabilmente da Roma giunse il beneplacito e allora i confratelli accettarono di sostituire i due « benemeriti sacerdoti borghesi » e di eleggere per cappellani del santuario i due padri gesuiti, non senza specificare però, in una lettera al vescovo – che « per il decoro e maggior vantaggio di questo nostro santuario di far si che venendo detti Padri gesuiti si contentino delli seguenti capitoli cioè che venendo il nostro degnissimo Sig. Piovano ad ufficiare gratis questa nostra Chiesa seguasi ad avergli e usargli quelle convenienze e preminenze che a si degno pastore come agl’altri per mera convenienza si convengono. Che per togliere ogni motivo di disturbo tra cappellani in ogni funzione che facciasi o dentro o fuori della nostra Chiesa, nei posti e preminenze si abbia ad osservare l’ordine di anzianità. Che i detti padri gesuiti nulla di più possino pretendere dalla Chiesa che quanto è costume di darsi agl’altri cappellani. Che non si pregiudichi a diritti di detta Confraternita. Che finalmente tanto i detti padri gesuiti quanto gli altri soggiacino a quei risentimenti e risoluzioni che possa fare la Confraternita se mai negligenti fossero o nelle funzioni sagre o il altro Ufficio come di maestro publico ». 72 M. Lupi, Il clero a Perugia cit., p. 5. 73 ACMSM, Posizioni antiche, 78/2, Decreti in sacra visita, suppliche e concessioni, 18 maggio 1828. 74 Costituzioni e capitoli della Confraternita della Madonna de’ Miracoli e Gonfalone di Castel Rigone Diocesi di Perugia, Per Angelo Batoli Stampatore Episcopale, 1634. In Archivio è rimasto solo un frammento di questa edizione e il testo, pubblicato in appendice al volume L’Archivio della Confraternita cit., è una trascrizione dei primi del Novecento. 75 ACMSM, Posizioni antiche, 78/2, Decreti in sacra visita, suppliche e concessioni, 18 maggio 1828. 76 Cfr. Ivi, Posizioni antiche, 78/5, Carte relative alle sacre visite apostoliche effettuate a Castel Rigone dal vescovo di Perugia mons. Carlo Filesio Cittadini […] ;

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autorità vescovile e confraternita assai tesi : se da una parte il vescovo negò l’autorizzazione all’impiego di « una scelta musica e banda istromentale » in occasione della processione con il « miracolosissimo Crocifisso », ribadendo che i « divini offici » dovevano celebrarsi « semplicemente col canto gregoriano »77 ; dall’altra i confratelli si rifiutarono di prestare teli e altro prezioso materiale, appartenente al santuario, « per fare il trono al S. Padre Gregorio XVI », in occasione della sua visita a Perugia78. Anche in queste circostanze prevalgono nella confraternita atteggiamenti che portano ad assumere una responsabilità in proprio pure nel campo religioso ; senza insistere, in modo inopportuno, sulla sopravvivenza del modello disciplinato, tuttavia, provocatoriamente, si potrebbe affermare che piuttosto che di processo di disciplinamento sociale post-tridentino, nel caso specifico esaminato, senza la pretesa di rappresentare nemmeno tutta la multiforme complessità delle diocesi dell’Umbria, sia lecito parlare piuttosto di « società disciplinizzata ». Se il successo delle confraternite in età moderna è certamente da radicare nella loro capacità di immergersi, attraverso la devozione e l’amministrazione del culto, ben dentro al corpo dei fedeli, il legame stretto che si viene a instaurare con un santuario, luogo privilegiato per la ricerca di sicurezze materiali, di garanzie ultraterrene e simbolo stesso della sociabilità, attraverso la condivisione di suffragi e indulgenze, sembra assicurare uno speciale connubio. Il legame tra confraternita e santuario mostra insomma di essere in grado di ridurre la distanza tra le tendenze dualistiche del codice espressivo della pietà moderna ; il riflusso verso forme intimistiche e private è bilanciato dal radicamento della religione nella logica dei bisogni e nel tessuto umano-relazionale, che resta senza dubbio l’espressione più convincente e duratura del cattolicesimo dell’età moderna. Mario TOSTI Università degli Studi di Perugia

il fascicolo contiene Opposizioni fatte dal Priore Ercolano Mari al decreto dell’Ill.mo Rev.mo Monsignore Carlo Filesio Cittadini per l’installazione del Deputato Ecclesiastico. 1827. 77 Ivi, 78/3, Decreti in sacra visita, 24 maggio 1827. 78 Ivi, Libri dei partiti, 23, Libro in cui si registreranno le risoluzioni ed i partiti che si faranno nelle Congregazioni dai Confratelli della Compagnia, c. 9v, 12 settembre 1841.

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ENCADREMENT DES LAÏCS ET IDENTITÉ SPIRITUELLE LES CONFRÉRIES CARMÉLITAINES EN FRANCE (XVIIe-XVIIIe SIÈCLES)

« Estant à Saint Joseph d’Avila la veille de la Pentecoste, dans l’hermitage de Nazaret, […] je fus saisie d’une grande impetuosité et ferveur d’esprit qui me fit entrer en suspension. Dans ce grand recueillement j’entendis de Nostre Seigneur […] que je disse de sa part à ces Peres déchaussez, qu’ils […] communiquassent peu avec les seculiers » (Sainte Thérèse d’Avila, La Vie de la Sainte Mere Terese de Jesus, ecrite par elle mesme, suivant le commandement de son Confesseur, à qui elle l’envoye et l’addresse, dans Les Œuvres de la Sainte Mere Terese de Jesus, fondatrice de la Reforme des Carmes et Carmelites Déchaussez. Nouvellement traduites d’Espagnol en François, par le R. Pere Cyprien de la Nativité de la Vierge, Carme Déchaussé, 2 vol., Paris, 1650, I, p. 385).

Apparu en Orient aux alentours du XIIe siècle, l’ordre des Carmes est à l’origine constitué de religieux qui se sont retirés sur les pentes du Mont Carmel pour s’adonner à la contemplation1. Dès les premières décennies du siècle suivant, leurs successeurs vont bénéficier d’une « règle de vie » rédigée à leur demande par saint Albert, patriarche de Jérusalem. Ce court texte, s’adressant aux « frères ermites », préconisant que « chacun demeure seul dans sa cellule ou près d’elle, méditant jour et nuit la loi du Seigneur et veillant dans la prière » consacre canoniquement leur vocation première2. Il subit

1 Pour un historique détaillé, voir l’article collectif Carmelitani, Ordo Fratrum B. Mariae Virginis de Monte Carmelo (OCarm, OrdCarm), dans Dizionario degli istituti di perfezione (DIP), II, Rome, 1975, c. 460-521 ; voir également Melchior de Sainte-Marie, Carmel (Ordre de Notre-Dame du Mont-Carmel), dans Dictionnaire d’histoire et de géographie ecclésiastique (DHGE), II, Paris, 1949, c. 1070-1104 et B. Zimmerman, Carmes (ordre des), dans Dictionnaire de théologie catholique (DTC), II, Paris, 1932, c. 1176-1192. 2 François de Sainte-Marie (éd.), Les plus vieux textes du Carmel, Paris, 1944, p. 69-96, plus particulièrement p. 88.

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toutefois un premier infléchissement en 1229, lorsque Grégoire IX contraint les membres de l’ordre à une stricte pauvreté, non seulement individuelle mais également et surtout commune, rendant ainsi inévitable les contacts avec le siècle3. Enfin le passage, quelques années plus tard, des déserts d’Orient aux principales villes d’Occident contribue à modifier durablement l’esprit originel des religieux. Aussi, afin de s’adapter à ce nouveau mode de vie, Simon Stock fait-il appel à Innocent IV pour apporter, en 1247, quelques modifications au texte initial. Définitivement apparentés aux mendiants, les Carmes vont désormais devoir, tout en conservant leur orientation contemplative, se consacrer aux activités apostoliques. Les siècles suivants témoignent pourtant de la difficulté à concilier ces deux exigences de la règle que l’on continue de qualifier, malgré ces remaniements, de primitive. En effet, au contact du monde, les infractions et les abus se multiplient, battant en brèche l’observance régulière. En 1432, les autorités carmélitaines décident donc d’intervenir de nouveau auprès du pape. Constatant que le texte « soit à cause de sa rigueur intrinsèque, soit à cause de la faiblesse humaine, n’est plus observé par plusieurs religieux au détriment de leur âme, et que nombreux sont les postulants qui, effrayés de cette rigueur, refusent d’embrasser cette vie »4, Eugène IV accepte d’en atténuer les exigences, réduisant notamment le temps de solitude en cellule5. Ce remaniement sensible de la règle, désormais qualifiée de mitigée, va rapidement entraîner de multiples réactions, des courants réformateurs se manifestant dans différentes provinces de l’ordre6. En Espagne, le mouvement est initié par Thérèse d’Avila qui, en 1562, érige dans sa ville natale un couvent de religieuses observant strictement les préceptes de la règle primitive. « Toutes celles qui portent le sainct habit de nostre Dame du Mont Carmel, rappelle-t-elle à ses disciples, sont appellées à l’oraison et à la contemplation car c’est là nostre origine, c’est de cette extraction, et de cette tige de nos saincts Peres du Mont Carmel que nous descendons lesquels cherchoient ce tresor et cette perle pretieuse avec une si gran-

3 B. Xiberta, Carmes chaussés (règle des), dans Dictionnaire de droit canon (DDC), II, Paris, 1937, c. 1354-1356, particulièrement c. 1355. 4 Cité dans Antoine-Marie de La Présentation, Le Carmel en France, Étude historique, 7 vol., Toulouse, 1936-1939, I, p. 21. 5 T. Brandsma, Carmes (spiritualité de l’ordre des), 1. En dehors de la réforme de sainte Thérèse, dans Dictionnaire de spiritualité ascétique et mystique (DSAM), II, Paris, 1953, c. 156-171, particulièrement c. 166-167. 6 Benoît-Marie de La Sainte-Croix, Les réformes dans l’ordre de Notre-Dame du Mont Carmel, dans Études carmélitaines, 2, 1934, p. 155-195.

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de solitude et un si grand mépris du monde »7. Forte de son succès, encouragée par ses supérieurs, elle inaugure, en 1568, à Duruelo, le premier couvent réformé de la branche masculine de l’ordre. Ceux que l’on qualifie de Carmes déchaussés ou Petits Carmes, pour les distinguer des Grands Carmes qui suivent la règle mitigée, revendiquent l’héritage du double idéal primitif8. Celui-ci, est-il indiqué dans leurs constitutions, « a été divinement conferé a notre religion avec un certain ordre ; en sorte que la premiere partie en fut la contemplation et l’amour des choses divines ; et la seconde fut l’action qui regarde principalement le salut du prochain »9. Branches mitigée et réformée de la famille carmélitaine partagent ainsi, audelà des divergences ascétiques qui ont donné lieu à leur séparation, une même exigence apostolique. Dès lors, il semble intéressant de s’attarder sur l’une des activités liées à l’encadrement des fidèles dont les Grands Carmes et les Carmes déchaussés assument parallèlement la charge. Les confréries, situées comme l’indiquait très tôt Gabriel Le Bras, à la croisée du religieux et du social10, offrent à ce titre un champ d’observation idéal. Aussi, afin de comparer et d’apprécier le poids de l’identité spirituelle et dévotionnelle de l’une et l’autre mouvances de l’ordre, il convient de présenter tour à tour les particularités de ce qu’il est permis de considérer comme les deux grandes catégories de confréries carmélitaines. La première est constituée d’associations qui, hébergées dans l’enclos ou l’église conventuels, parfois dirigées par un religieux, manifestent bien souvent une certaine indépendance à l’égard de l’ordre. Les confréries dont les dévotions sont liées à l’histoire de la famille carmélitaine et, à ce titre, vivement revendiquées par les religieux de l’une et l’autre mouvances qui tentent de les promouvoir, composent le second ensemble.

7 Thérèse d’Avila, Le chasteau interieur, ou les demeures de l’ame, dans Les Œuvres de la Saincte Mere Terese de Jesus, fondatrice de la Reforme des Carmes et Carmelites Dechaussez. Traduites d’Espagnol en François, par le R. P. Cyprien de la Nativité de la Vierge, Religieux du mesme Ordre, Paris, 1644, II, p. 67. 8 À partir de 1593, après avoir difficilement coexisté, les deux mouvances carmélitaines vont se séparer, les religieux réformés ayant obtenu leur indépendance absolue à l’égard de la branche antique (cf. M. de Sainte-Marie, Carmel… cité n. 1, c. 1088-1094). 9 Bibl. mun. de Marseille, ms. 706, La règle primitive de l’ordre de la bienheureuse Vierge Marie du Mont Carmel donnée par le bienheureux Albert patriarche de Jérusalem et confirmée par le pape Innocent quatrième, suivie de Les constitutions des Carmes déchaussés de la congrégation de Saint Elie de l’ordre de la très bienheureuse Vierge Marie du Mont Carmel, (sans date), p. 8. 10 G. Le Bras, Les confréries chrétiennes : problèmes et méthodes, dans Revue historique de droit français et étranger, série 4, 19-20, 1940-1941, p. 310-363.

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Confréries hébergées Ont été prises en compte pour la présente étude les archives relatives aux couvents de Carmes déchaux situés au sud du tracé de la Loire et à l’est d’une ligne reliant Arras à Lyon. Cet espace correspond grossièrement aux limites des provinces de Lille, de Lorraine, de Franche-Comté, de Provence et d’Aquitaine, soit 5 provinces sur 7, au sein desquelles sont implantées 48 des 62 maisons que compte l’ordre à la fin de l’Ancien Régime11. À la difficulté inhérente à l’extrême dispersion de ces sources s’ajoute le problème de leur conservation qui explique en partie l’absence de synthèse portant sur les mouvances laïques carmélitaines12. En effet, un peu plus d’une vingtaine de ces fondations ne dispose, dans la série H des dépôts départementaux, que d’un fonds inférieur ou égal à 5 liasses13. Surtout, quelle que soit la richesse documentaire initiale, les informations relatives aux confréries se limitent bien souvent, hormis lorsqu’un différend juridique a pu opposer leurs représentants aux religieux, à des mentions marginales. Dans le cadre de ces dépouillements, il nous est également arrivé de croiser des indications relatives aux confréries hébergées par les Grands Carmes. Il n’était toutefois guère envisageable de tenter de réaliser un relevé systématique de telles informations. Aussi avons-nous pris le parti de recourir à la source de substitution que constitue l’ouvrage d’Antoine-Marie de la Présentation, Le Carmel en France, Étude Historique, publié en 7 volumes entre 1936 et 1939. L’auteur, précise l’avant propos, après avoir entrepris le dépouillement des fonds départementaux français 11 Sont également compris dans cet espace les couvents d’Arras, de Vic-surSeille, de Metz et de Nevers, appartenant à la province de Paris. Les dépouillements en cours permettront de compléter cette géographie des confréries carmélitaines. 12 Tout au plus dispose-t-on de brefs passages intitulés « Dévotions » dans l’article du DTC (B. Zimmerman, Carmes… cité n. 1, c. 1788), et « Carmélites, Tiers Ordre, Confréries » dans celui du DHGE (M. de Sainte-Marie, Carmel… cité n. 1, c. 1087). Si l’on excepte Régis Bertrand qui a récemment consacré un article aux confréries carmélitaines provençales (Carmes et confréries en Provence (XVIIeXIXe siècle), dans B. Hours (dir.), Carmes et Carmélites en France du XVIIe siècle à nos jours, Paris, 2001, p. 190-202), la plupart des historiens ont bien souvent dû se limiter à la présentation d’une seule dévotion ou association pieuse de l’ordre (voir en particulier Élisée de La Nativité, Le Tiers-Ordre du Carmel, dans J. de Longny (dir.), À l’ombre des grands ordres : Histoire, Spiritualité, Constitution des huit principaux tiers ordres, Paris, 1937, p. 213-257 ; du même auteur, Le scapulaire du Carmel, Étude historique, Tarascon, 1958 ; P. Sérouet, Le culte de saint Joseph dans le Carmel de France au XVIIe siècle, dans Cahiers de Joséphologie, 29, 1981, p. 770-792). 13 D’autre part, les fonds de la série H des Carmes déchaux de Toulouse et de Limoges n’étant pas classés, les conservateurs des archives départementales concernées ne nous ont pas autorisé à les consulter.

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et des archives romaines de son ordre, a très tôt manifesté le souhait de « faire sortir de l’oubli ces documents des temps passés ». Toutefois, alors que son projet initial englobait l’ensemble des huit provinces carmélitaines14, les différents volumes publiés ne concernent finalement que trois d’entre elles : les provinces de Narbonne, de Provence et d’Aquitaine. Cet ensemble géographique, comprenant, au nord, la Franche-Comté et la Bourgogne, encerclant, à l’ouest et au sud, le Massif central, depuis Limoges jusqu’à Montpellier, ne regroupe ainsi qu’un peu plus d’une cinquantaine de couvents sur les 129 que comptent les Carmes mitigés sous l’Ancien Régime15. Surtout, quelques sondages ont permis de constater qu’en limitant les dépouillements à certaines séries des dépôts départementaux, le travail d’Antoine-Marie de la Présentation souffre parfois d’un sous enregistrement des confréries carmélitaines. Ainsi, alors qu’à la lecture de registres du couvent des Grands Carmes d’Aix, il ne relève l’existence que de trois confréries16, un document destiné aux autorités épiscopales en mentionne le double17. De même, alors que dans son ouvrage le couvent de Marseille ne semble abriter que trois confréries professionnelles18, le Calendrier spirituel et perpétuel de la même ville n’en signale pas moins de huit19. Ces réserves n’altèrent toutefois qu’en partie la validité des sources utilisées pour l’une et l’autre mouvances de l’ordre, sources à partir desquelles il est permis d’extraire un certain nombre d’éléments de comparaison. Le premier est d’ordre quantitatif. Si pour une vingtaine de couvents de Grands Carmes, Antoine-Marie de la Présentation ne trouA.-M. de La Présentation, Le Carmel en France… cité n. 4, I, p. 41. Cf. L. Lecestre, Abbayes et couvents d’hommes en France. Liste générale d’après les papiers de la Commission des Réguliers en 1768, Paris, 1902, p. 66-70. Sur les 58 couvents que présente A.-M. de La Présentation, nous avons écarté ceux de Chomérac, Hautvillars et Géronde (province de Narbonne), de même que ceux de Nice, Chavanoz, La Rochette et Pont-de-Beauvoisin (province de Provence), la plupart ayant été supprimés au cours des XVIIe-XVIIIe siècles ou n’appartenant pas alors au royaume de France (A.-M. de La Présentation, Le Carmel en France… cité n. 4, III, p. 97, 99 et 251 ; V, p. 71, 99, 171 et 193). 16 Ibid., IV, p. 309-312. 17 Arch. dép. des Bouches-du-Rhône, 1 G 256, Etat des Confreries erigées dans l’eglise des peres Carmes de cette ville d’Aix (sans date), dans Confréries d’Aix, Statistiques. Ce document évoque également un tiers ordre, relevé par ailleurs par A.-M. de la Présentation (ibid., IV, p. 320-323). Ce dernier signale de son côté une confrérie de la Miséricorde qui ne figure pas sur le document conservé aux archives départementales. 18 A.-M. de la Présentation ne s’est pas contenté ici des registres de la série H. Il a consulté plusieurs ouvrages qui s’avèrent toutefois incomplets (ibid., V, p. 29). 19 Calendrier spirituel et perpétuel pour la ville de Marseille avec un Etat spirituel de tout le diocèse, Marseille, 1713, p. 101. 14

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ve aucune trace de confréries, il en recense par ailleurs un peu moins d’une centaine, disséminée au sein des 28 autres établissements20. La moitié d’entre eux accueille entre trois et dix associations de laïcs, le maximum étant atteint par celui de Lyon qui n’en affiche pas moins de quinze21. Les sources demeurent en revanche désespérément silencieuses lorsqu’il s’agit d’appréhender les liens qu’entretiennent les Carmes déchaux avec le mouvement confraternel. Certes, il arrive que des actes officiels ou comptables mentionnent l’intervention ponctuelle des disciples de Thérèse d’Avila et de Jean de la Croix. Ainsi les religieux de Gray s’engagent-ils en 1686 à se livrer à deux prédications annuelles en faveur de la confrérie de la Sainte-Trinité, afin « d’inviter le peuple a se porter a suivre la regle de lad. Confrerie et s’y enroller »22. De même, les Carmes déchaux d’Avignon perçoivent, au cours du XVIIIe siècle, les sommes relatives au service de la chapelle des Pénitents Violets de la ville23. Toutefois, dans un cas comme dans l’autre, ces associations sont situées à l’extérieur du couvent, respectivement dans l’église paroissiale et dans une chapelle voisine24. Pour l’ensemble de la zone étudiée, seules six mentions attestant réellement la présence d’une confrérie au sein de l’enclos conventuel ont été localisées dans les différents dépôts départementaux. Ces modestes résultats doivent, en outre, être nuancés. En effet, en 1663, les Carmes déchaux ne sont-ils autorisés à s’installer à Montpellier, à l’emplacement de l’ancien cimetière Saint-Barthélemy, siège de la confrérie médiévale dédiée à « Nôtre Dame et St Claude du Carnier », qu’en se soumettant aux conditions de ses membres : lesd PP., imposent ces derniers, seront tenus de bailler ausd Confreres une chapelle dans le corps de leur Eglise lorsqu’elle sera batie au chois desd 20 Sont bien entendu écartés de ce décompte les confréries du scapulaire et les tiers ordres, les premières étant abordées dans la seconde partie du présent article, les seconds en étant exclus. 21 A.-M. de La Présentation, Le Carmel en France… cité n. 4, I, p. 235-242 et 302. Les confréries « revendiqués » de Saint-Joachim et de Saint-Joseph, traitées dans la seconde partie, ont été écartées de ce décompte. 22 Arch. dép. de Haute-Saône, H 903. Une seconde écriture indique que « par consentement des parties on est convenu que la susdite fondation sera changée en trois cent basses messes que les Rds Peres Carmes de Gray seront obligés de celebrer » (mai 1719). 23 Arch. dép. du Vaucluse, 5 E 14, Livre de quittance a l’usage des Tresoriers des penitents violets (1763) ; 5 E 15, Livre des comptes de la Devote confrerie des Penitents Violets sous l’Auguste titre de Jesus Marie Joseph (1773). Pour une présentation du couvent, voir F. Arlot, La préhistoire du lycée Aubanel, dans Mémoires de l’Académie de Vaucluse, 8e série, 1, 1992, p. 153-175. 24 Calendrier et notices de la ville d’Avignon et du Comtat Venaissin pour l’année 1761, Avignon, 1761. Il y est indiqué que « les Penitens Violets ont pris naissance d’une dispute qu’il y eut en 1662 entre les Penitens Bleus, dont un parti se sépara de l’autre, fit bâtir une chapelle près des Carmes déchaussés, et prit l’habit violet » (non paginé).

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Confreres, laquelle leur appartiendra en proprieté pour pouvoir disposer à perpetuité, et y faire faire le service divin lors et comme bon leur semblera (souligné dans le texte)25.

À Barjols, c’est une confrérie de flagellants, dont la première mention remonte au milieu du XVIe siècle, qui occupe primitivement le lieu dit de la « Baume de Joachim ». Consacrée en 1649 sous le titre de Notre-Dame de Bon Refuge, prise en charge par les religieux en 1678, la grotte, aménagée en église conventuelle, continuera de réserver une de ses cavités aux pieux exercices de l’antique association26. Autrement dit, la présence d’une confrérie relève parfois davantage d’une obligation ou d’un héritage, que du souhait manifeste d’héberger une telle structure. Quelques sondages, réalisés à partir des brefs d’indulgences accordés par le Saint-Siège aux confréries qui en font la demande, confirment l’écart quantitatif qui ressort de la confrontation des sources relatives aux confréries des Grands Carmes et des Carmes déchaux27. En effet, au cours des périodes 1653-1662, 1676-1684 et 1692-1699, les registres romains mentionnent près d’une vingtaine de confréries supplémentaires chez les Grands Carmes étudiés par Antoine-Marie de la Présentation28. Dans le même temps, chez les Carmes déchaux, alors que la plupart de leurs établissements sont fondés29, seules quatre mentions supplémentaires correspondent à la catégorie des confréries hébergées30. 25 Arch. dép. de l’Hérault, 36 H 3. À la suite d’un certain nombre de différends, les confrères finiront, au milieu du XVIIIe siècle, par s’installer dans un autre quartier (L. Guiraud, La paroisse Saint-Denis de Montpellier. Étude Historique, Montpellier, 1887, p. 214-227). 26 Arch. dép. du Var, 7 G 2, Livre des Affaires de La Chapelle de Nostre Dame de Bon Refuge érigée au terroir de ceste ville de Barjoulx, cartier du Fauvery, lieudict La Baume de Joachin (XVIIe siècle) ; Arch. dép. du Var, fonds Castinel n° 15, Carmes déchaux de Barjols (sans date) ; Archives générales de l’Ordre des Carmes déchaux (AGOCD), plut 101a, Fundatio barjolensis (sans date). Voir également G. Sinicropi, Missionnaires sur la montagne. Les Carmes déchaux de Barjols (fin XVIIe-fin XVIIIe siècles), dans Provence historique, 52, 2002, p. 3-25. 27 Pour une présentation de la source, voir M.-H. Froeschlé-Chopard, Les dévotions des confréries, reflet de l’influence des ordres religieux ?, dans Dimensioni e problemi della ricerca storica, 2, 1994, p. 104-125 et Indulgences et confréries, tests de l’évolution des dévotions au dix-huitième siècle, dans Studies on Voltaire and the eighteenth century, 2, 2000, p. 75-94. 28 Archives secrètes du Vatican (ASV), Segretaria dei Brevi, Indulgentiae perpetuae : listes de brefs aimablement fournie par les membres de l’enquête « Confréries et indulgences d’après les sources vaticanes ». Pour des raisons évidentes de cohérence, les brefs relatifs aux confréries érigées dans des couvents n’appartenant pas à la zone étudiée par A.-M. de la Présentation n’ont pas été pris en compte. 29 Seules les maisons de Lunéville et de Lemberg seront créées au cours du XVIIIe siècle. 30 ASV, Segretaria… cité n. 28. Une confrérie érigée en 1660 chez les Carmes déchaux a été écartée, le document ne mentionnant pas sa localisation.

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Le deuxième élément de comparaison est relatif à la nature de ces associations. Les contemporains eux-mêmes ont eu pour habitude de distinguer les confréries des « Arts et Métiers » de celles que l’auteur du Calendrier spirituel pour la ville de Marseille qualifie de « particulières ». « Ceux qui sont de ces Confréries, explique-t-il, qui ne sont pas de celles des Arts et Métiers, doivent certains jours de l’année se confesser, et communier, réciter quelques Prières et pratiquer les Dévotions qui leurs sont marquées, avec l’approbation de l’Ordinaire, pour gagner les Indulgences de la Confrérie »31. Si l’on adopte cette classification, aussi imparfaite soit-elle, métier ou dévotion, environ la moitié des associations qu’hébergent les Grands Carmes appartiennent clairement à la première catégorie32. Les couvents de Lyon et de Marseille arrivent en tête, accueillant chacun près d’une dizaine de fraternités. Sont ainsi représentés aussi bien les maîtres boulangers, les cardeurs de soie, les matelassiers et les joueurs d’instruments33, que les tailleurs de pierre, les bergers ou encore les « enterremorts »34. Le schéma classique, selon lequel les ordres mendiants auraient volontiers réservé les bas-côtés de leurs sanctuaires aux corps de métiers, est donc ici confirmé35. Les actes officiels qui en sont à l’origine, comme en témoigne celui qu’ont conclu, en 1647, les arquebusiers et les religieux de Lyon, exposent clairement les bénéfices qu’en retirent les uns et les autres. Les Carmes, est-il indiqué, sont convenus que la chapelle de saint Roch demeurera pour toujours aux arquebusiers ; que les religieux célébreront, tous les ans, à perpétuité, une grande messe à diacre et soub-diacre, le jour de la saint Roch en ladite chapelle ; que le dimanche suivant, ils feront la procession à la chapelle saint Roch hors les murs de la ville et qu’ils chanteront une grande messe à la manière accoutumée […]. Le tout moyennant la somme de 50 livres payable le lendemain de saint Roch36.

Les Carmes déchaux, quant à eux, semblent ne pas avoir profité de telles sources de revenus. Les principaux liens financiers qu’ils ont pu entretenir avec les corps de métiers paraissent se limiter,

31 Calendrier spirituel… cité n. 19, p. 101-104. L’auteur distingue également les pénitents, les congrégations, et les tiers ordres. 32 Sont comprises dans cette proportion à la fois les confréries mentionnées par A.-M. de la Présentation et celles qui sont signalées par les brefs romains au sein de la zone qu’il a étudiée. 33 A.-M. de La Présentation, Le Carmel en France… cité n. 4, I, p. 238-241. 34 Calendrier spirituel… cité n. 19, p. 101. 35 Voir M. Venard, Réforme protestante, Réforme catholique dans la province d’Avignon au XVIe siècle, Paris, 1993, p. 965 ; Plus récemment, S. Simiz, Confréries urbaines et dévotion en Champagne (1450-1830), Villeneuve-d’Ascq, 2002, p. 164-165. 36 Cité dans A.-M. de La Présentation, Le Carmel en France… cité n. 4, I, p. 239.

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comme à Montpellier, aux rentes constituées à leur profit ou acquises par subrogation37. Les quelques associations dont les documents font mention s’apparentent en effet essentiellement à la catégorie des confréries dites de dévotion. Comme l’illustre le témoignage d’un religieux messin, quelques doutes peuvent parfois subsister. Ainsi, interrogé en 1654 sur l’histoire des bâtiments carmélitains, ancien collège jésuite de la ville, Valérien de Sainte-Cécile évoque une chapelle qui abrite une confrérie dédiée à saint Éloi, évêque de Noyon. L’église de ce couvent, s’empresse-t-il d’ajouter, a « aussy avant que nous y fussions introduits esté dediée aud St »38. Confrérie héritée ? Confrérie de métiers ? Sans préciser clairement la nature de cette association, le document fait toutefois état de l’importance de ce culte, le saint tutélaire étant « invocqué de plusieurs qui ont le mal qu’ils appellent de St Eloy ». Les religieux semblent d’autre part désireux d’entretenir cette dévotion car, propriétaires d’une première relique du saint évêque, léguée par un membre de leur ordre au cours du XVIIe siècle39, ils en acquièrent une seconde lors d’une vente publique tenue en 1762, relique « que les Pères Jésuites avoient trouvé dans l’Abbaï de S. Eloy en en prenant possession »40. Si l’on excepte la confrérie de Sainte-Thècle, à Aix-en-Provence, pour laquelle nous ne disposons que de trop peu d’informations41, la nature des autres confréries qui évoluent au sein de la mouvance thérésienne est moins ambiguë. Ainsi, l’abbé Bled mentionne-t-il, dans la chapelle provisoire des religieux de Saint-Omer, une confrérie du Rosaire autorisée par l’évêque en 162742. Également, les registres romains signalent, en 1653 et 1659, deux associations dédiées à l’Ange Gardien, respectivement érigées à Paris et à Rouen. D’autre part, au cours de l’année 1692, des brefs d’indulgences sont accordés à la confrérie de l’Enfant-Jésus à Saint-Mihiel. Les Carmes déchaux de Perpignan et de Lunéville, quant à eux, ont participé à la diffusion 37 Arch. dép. de l’Hérault, 36 H 19, rentes sur les ceinturonniers, sur les tapissiers, sur les menuisiers, sur les serruriers, sur les jardiniers…, 1694-1790. 38 Arch. dép. de Moselle, H 2866-10, Deposition du R. Fr. Valerien de Ste Cecile sur l’Interrogation a luy faicte juridiquement par l’ordre de nos Superieurs touchant l’histoire et l’ordre des Carmes Deschaussez (1654). Pour une présentation du couvent, voir H. Tribout de Moremberg, Les Carmes à Metz, dans Annuaire de la Société d’histoire et d’archéologie de la Lorraine, 72, 1972, p. 47-68. 39 Arch. dép. de Moselle, H 2866-10, doc. cité et H 2869-2, attestation de Paul-Simon de Jésus-Marie, prieur du couvent des Carmes déchaussés de Metz (1683). 40 Arch. dép. de Moselle, H 2868, Papiers authentiques concernant les reliques (1756). 41 Des indulgences sont accordées à cette confrérie en 1698 (ASV, Segretaria… cité n. 28). 42 O. Bled, Les évêques de Saint-Omer depuis la chute Thérouanne (16191708), Saint-Omer, 1910, p. 109.

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de la dévotion au Sacré-Cœur en accueillant chacun une confrérie qui lui est dédiée43. Les premiers ont même pu bénéficier d’un livret qui nous est connu par la courte description qui en a été faite par l’abbé Torreilles44. Si ce dernier a curieusement omis d’en préciser le titre, il en a extrait un certain nombre d’indications, assorties de très précieuses citations. Ainsi, rapporte-t-il, cet ouvrage anonyme, de 49 pages, au format in 16, imprimé sans date ni lieu d’édition, aurait été rédigé, comme l’indique la mention la plus récente, dans le dernier tiers du XVIIIe siècle. En effet, un sommaire des indulgences accordées par Clément XII, en 1732, publié en dernières pages, indique qu’on trouve également ces privilèges référencés dans les Bulles de Clément XIV, en date de 1769. Celles-ci, est-il précisé, « renoven y confirmen la erectio de dita confreria en lo convent dels RR. PP. Carmes Descalsos de dit Sant Joseph de esta vila de Perpigna ». Les deux dates mentionnées correspondent exactement à deux éditions de l’ouvrage fondamental de Jean Croiset, La dévotion au SacréCœur de Notre Seigneur Jésus-Christ, mentionnées dans l’inventaire révolutionnaire de la bibliothèque des religieux45. L’une et l’autre publications (Lyon en 1732, Limoges en 1770)46, pourraient ainsi correspondre, sans qu’aucun document ne mentionne avec certitude la date de leur acquisition, à la création de la confrérie47 et à une tentative de renouvellement. Les documents présentés en 1790 par le « regidor » de la confrérie aux fonctionnaires révolutionnaires auraient pu attester, si nous en avions retrouvé la trace, du retentissement de la dévotion auprès des fidèles. En effet sont mentionnés 43 Pour une présentation d’ensemble, voir M.-H. Froeschlé-Chopard, Aspects et diffusion de la dévotion du Sacré-Cœur au XVIIIe siècle, dans Mélanges de l’École française de Rome. Italie et Méditerranée, 112, 2, 2000, p. 737-784 et Dieu pour tous et Dieu pour soi. Histoire des confréries et de leurs images à l’époque moderne, Paris, 2006, p. 315-377. 44 P. Torreilles, Note sur la dévotion perpignanaise au Sacré-Cœur de Jésus avant la Révolution, dans Revue historique et littéraire du diocèse de Perpignan, 5, 1921, p. 85-86. Pour une présentation du couvent, voir J. Capeille, Les anciens monastères de Perpignan. Les Carmes déchaux (1589-1791), dans Revue historique et littéraire du diocèse de Perpignan, 1930, p. 378-382 et 416-420. 45 Arch. nat. F 17/1178, Catalogue des livres des différentes maisons religieuses du district de perpignan, premier cahier, maison des petits carmes (1791). Pour une présentation de cette bibliothèque, voir M.-H. Froeschlé-Chopard et G. Sinicropi, Lire pour croire. Étude de quelques bibliothèques de Carmes déchaux, dans M.H. Froeschlé-Chopard, B. Dompnier (dir.), Les religieux et leurs livres à l’époque moderne, Clermont-Ferrand, 2000, p. 109-132. 46 Le catalogue indique : « La devotion au Sacré Cœur de notre Seigneur, par le pere Jean de Croiset, ouv. en 2 v. in 12. edit. de Lyon en 1732 » et « Devotion au Sacré Cœur de notre Seigneur Jesus Christ contenant une pratique de devotion pour honorer le Sacré Cœur de la Sainte Vierge ouv. en 1 vol. in 12 edit. de Limoges en 1770 » (Arch. nat., F 17/1178, doc. cité, non paginé). 47 Voir M.-H. Froeschlé-Chopard, Indulgences et confréries… cité n. 27, p. 78.

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quatre registres, « dans deux desquels sont decrits les noms des hommes associés à la dite confrerie et deux des femmes »48. À Lunéville, les documents épiscopaux, datés de mai 1740 – soit quelques mois après l’obtention des brefs d’indulgences – nous renseignent plus précisément sur les circonstances et les modalités d’installation de cette confrérie. En effet, ils indiquent que, sollicité par « plusieurs personnes de la paroisse […] desirant s’associer et former un corps de Congrégation sous le titre du Sacré cœur de Jesus », l’évêque en a autorisé l’érection dans l’église et sous la direction des Carmes déchaux49. À ces quelques dévotions présentes chez les disciples de Thérèse d’Avila et de Jean de la Croix, s’oppose, une fois de plus, la litanie des titulatures adoptées par les confréries localisées chez les Grands Carmes. La plus représentée, avec huit occurrences seulement, étant celle des agonisants50. Confréries et dévotions revendiquées Le second groupe de mouvances laïques carmélitaines n’est constitué que de quelques confréries dont les titulatures sont toutes relatives à la Vierge et à son entourage. La plus répandue, dédiée au scapulaire et à Notre-Dame du Mont-Carmel, est intimement liée à l’histoire et à la spiritualité de l’ordre51. En effet, les principaux auteurs carmes, mitigés ou déchaux, consacrent dans leurs ouvrages de longs développements à la vocation mariale de leur institut. Plus qu’une simple dévotion, ils n’hésitent pas à revendiquer une véritable filiation. « Il y a plusieurs Ordres Religieux dans l’Eglise qui ont des alliances particulières avec la Sainte Vierge », écrit Étienne de Saint-François-Xavier. « On peut dire mesme qu’il y en a peu qui ne l’ayent choisie pour leur Patronne, Avocate et Protectrice. Mais il est singulier à l’Ordre du Mont Carmel de l’avoir pour Mere et Fondatrice »52. Pour légitimer

Arch. dép. des Pyrénées-Orientales, 1 Qp 326 (non paginé). Arch. dép. de Meurthe-et-Moselle, H 936, Etablissement de la Confrerie du Sacré Cœur de Jesus dans l’Eglise des Peres Carmes Dechaussez de Lunevilles (1740). Ce livret contient la Bulle de Clément XII accordée en septembre 1739. 50 Cette confrérie est érigée dans les couvents de Mende, Montpellier, Narbonne, La Châtre, Montauban, Cahors, Montréal et Aix-en-Provence. Ces fondations ont obtenu des indulgences entre 1653 et 1698 (ASV, Segretaria… cité n. 28). 51 Voir Élisée de La Nativité, La vie mariale au Carmel, dans H. du Manoir (dir.), Maria, Études sur la Sainte Vierge, Paris, 1949-1971, II, Paris, 1952, p. 245278. 52 Étienne de Saint-François-Xavier, Le Tiers-ordre de Nostre-Dame du MontCarmel, confirmé par les papes Nicolas V et Sixte IV, expliqué en faveur des frères et de sœurs qui le professent, Paris, 1672. 48 49

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de telles revendications, les auteurs carmes n’hésitent pas à recourir indifféremment aux écrits de leurs fondateurs et aux témoignages puisés aux sources d’une tradition commune. S’ils font remonter l’origine de la parenté spirituelle qui les lie à Marie à l’époque du prophète Élie, ils évoquent surtout les multiples faveurs dont leur ordre fut gratifié tout au long du XIIIe siècle53. L’une d’entre elles, en particulier, est à l’origine de la principale confrérie carmélitaine. Sollicitée de nombreuses fois par Simon Stock, général de l’ordre, la Vierge lui serait enfin apparue, lui tendant un scapulaire et s’adressant à lui en ces termes : « Voici le privilège que je te donne à toi et à tous les enfants du Carmel. Quiconque meurt revêtu de cet habit sera sauvé »54. Quelques décennies plus tard, au début du XIVe siècle, elle serait également apparue à Jean XXII : « Nostre-Dame, rapporte Louis de Sainte-Thérèse, luy promit la Papauté et la délivrance de tous ses ennemis […] à condition qu’il declareroit par Bulle expresse les Privileges qu’elle entendoit donner aux Religieux et Confreres de l’ordre des Carmes : l’un desquels concernoit le salut Eternel : et l’autre la delivrance du feu du Purgatoire le premier Samedy d’après leur mort »55. Cette promesse aurait été révélée par la Bulle dite communément « Sabbatine », confirmée les siècles suivants par de multiples approbations pontificales, assurant ainsi le succès des confréries du scapulaire et de Notre-Dame du Mont Carmel. Lorsque, deux siècles plus tard, Thérèse d’Avila entreprend de réformer son ordre, prônant un retour à la règle primitive, elle contribue, s’appuyant sur son expérience mystique, à populariser à la fois la vocation mariale du Carmel, et la puissance d’intercession et de protection de la Vierge56. Elle évoque à plusieurs reprises des apparitions durant lesquelles l’épouse de Joseph revêt d’un manteau blanc des membres de son ordre. Au cours de l’une d’entre elles, accordant cette faveur à un père dominicain, elle aurait personnelle-

53 Louis de Sainte-Thérèse, La succession du saint Prophete Elie en l’ordre des Carmes et en la Reforme de Sainte Terese : selon l’ordre chronologique où l’on voit l’Origine de l’Estat Religieux et Monastique en la Loy de Moïse, son progrès et sa perfection en la Loy nouvelle, Paris, 1662, p. 74. Outre les articles généraux consacrés à l’ordre des Carmes, voir É. de La Nativité, Le scapulaire… cité n. 51. 54 Ibid., p. 12. 55 L. de Sainte-Thérèse, La succession… cité n. 53, p. 527. À propos des débats concernant la Bulle Sabbatine, voir É. de La Nativité, Le scapulaire… cité n. 51, p. 29 et suivantes. 56 Archange de La Reine du Carmel, La Marialogie de Ste Thérèse ou La Pensée de Sainte Thérèse sur les relations du Carmel à Marie. Essai, Bourg, 1924. Voir également G. Sinicropi, Le Petit habit de la Vierge. Les Carmes déchaux et la dévotion au saint Scapulaire (XVIIe-XVIIIe siècles), dans Ordres, saints et dévotions. FrancePologne, Siècles, Cahiers du Centre d’histoire « espaces et cultures », 16, 2003, p. 85102.

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ment expliqué à la réformatrice du Carmel, faisant ainsi clairement référence à la promesse faite à Simon Stock, que par ce geste, « elle conserveroit son ame en pureté de là en avant, et qu’il ne tomberoit point en peché mortel »57. Thérèse d’Avila rapporte par ailleurs un autre témoignage capital qui, très explicitement, fait allusion au privilège sabbatin. « Je vis, écrit-elle, [un religieux de l’ordre] monter au Ciel sans passer par le Purgatoire. […] J’entendis qu’il avoit receu cette grace parce qu’il avoit bien gardé sa profession, et que pour ce sujet les bulles de l’Ordre lui avoient servi pour estre exempt du Purgatoire »58. Par ses multiples révélations, Thérèse d’Avila semble donc désireuse de transmettre aux membres de sa réforme cet héritage marial et les faveurs qui en découlent. Certains témoignages rapportent d’ailleurs qu’elle n’hésitait pas à s’introduire, de nuit, dans les cellules de ses ouailles, afin de vérifier qu’elles étaient bien toutes revêtues du précieux scapulaire59. Le test des confréries et des brefs d’indulgences vient confirmer à la fois l’identité spirituelle de l’ordre et les conclusions issues de l’analyse des confréries hébergées. Les Grands Carmes, étudiés par Antoine-Marie de La Présentation, abritent, nous l’avons souligné, un très grand nombre de confréries de dévotion. Parmi elles, une dizaine adoptent l’une des nombreuses titulatures mariales60. Sont ainsi évoquées les associations dédiées à la Nativité de la Vierge61, à l’Immaculée Conception62, à Notre-Dame de Pitié63, à Notre-Dame des Lumières64 ou encore à Notre-Dame de la Victoire65. Les brefs d’indulgences, signalent quant à eux, au cours des périodes citées précédemment, des confréries érigées sous le titre de Vierge des agonisants, Vierge de Pitié et Vierge du Refuge66. Chez les disciples de Thérèse d’Avila et de Jean de la Croix, on ne relève que la mention

57 Thérèse d’Avila, Livre des Fondations de la Ste Mere Terese de Jesus, Fondatrice de la Reforme des Carmes et des Carmelites Dechaussez, dans Les Œuvres de la Saincte Mere Terese de Jesus, Fondatrice de la Reforme des Carmes et des Carmelites Dechaussez, Traduites d’Espagnol en François par le R.P. Cyprien de la Nativité de la Vierge, Paris, 1644, II, p. 340. 58 Ibid., p. 348. 59 Cf. A. de La Reine du Carmel, La Marialogie… cité n. 56, p. 23. 60 Ont été écartées de ce décompte les confréries professionnelles érigées sous l’une des titulatures de la Vierge. 61 A.-M. de La Présentation, Le Carmel en France… cité n. 4, II, p. 174 ; III, p. 133. 62 Ibid., II, p. 329 ; III, p. 133. 63 Ibid., II, p. 239 et 248-9. 64 Ibid., V, p. 53. 65 Ibid., IV, p. 84. 66 ASV, Segretaria… cité n. 28.

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marginale, à Bordeaux, en 1769, d’une congrégation « soub l’invocation de la Sainte Vierge »67. Toutefois, à ces confréries s’ajoutent celles dédiées au scapulaire et à Notre-Dame du Mont Carmel. Car les Carmes déchaux, contrairement à l’attitude qu’ils adoptent habituellement face aux autres confréries, font preuve d’un véritable engagement à l’égard de cette association qu’ils souhaitent promouvoir. Un religieux de l’ordre, Grégoire-Nazianzene de Saint-Basile lui consacre d’ailleurs, dès 1641, une véritable somme sous le titre de L’adoption des enfans de la Vierge dans l’ordre de la Confrairie de Nostre-Dame du Mont Carmel. Tout au long de ce recueil de plus d’un millier de pages, l’auteur expose tour à tour les liens unissant Marie au Carmel, l’historique de la dévotion envers le scapulaire et les « Devoirs et obligations » auxquels doivent se plier les confrères. Le résultat de cet investissement, dont de nombreux autres documents se font l’écho, notamment à Douai68, Cambray69, Nancy70, Bar-leDuc71, Lunéville72, Saint-Mihiel73, Vic-sur-Seille74, Chambéry75 ou encore Toulon76, demeure pourtant difficilement quantifiable, d’autant que le recours aux brefs s’avère inutile. En effet, les indulgences, accordées puis confirmées tout au long du XVIIe siècle par les papes successifs, sont adressées non pas nominativement à une confrérie, mais à « tous fidèles Chrétiens de l’un et de l’autre sexe qui se feront inscrire dans la Confrérie du S. Scapulaire dans quelque lieu que ce soit, où elle est à présent canoniquement érigée, où elle sera à l’avenir »77. Quoi qu’il en soit, plus qu’une simple comptabilité, il

Arch. dép. de Gironde, H 2683. Arch. dép. du Nord, 79 H 2. 69 Arch. dép. du Nord, 7 G 66, pièces 963 et 964. Pour l’historique du couvent, voir J. Briche, Les Carmes de Cambrai au temps des archiducs (1595-1677), dans Mémoires de la société d’émulation de Cambrai, 1987, p. 53-71. 70 Almanach spirituel pour l’année 1746, Nancy, sans date, p. 8. 71 E. Fourier de Bacourt, Le couvent du Carmel à Bar-le-Duc, dans Mémoires de la Société des lettres, sciences et art de Bar-le-Duc, 1899, p. 235-245, particulièrement p. 242. 72 Arch. dép. de Meurthe-et-Moselle, H 936. 73 Arch. dép. de la Meuse, 12 H 4, n° 19-21. 74 Arch. dép. de Meurthe-et-Moselle, H 965. Pour l’historique du couvent, voir E. Voltz, Le couvent des Carmes déchaux à Vic-sur-Seille, dans Mémoires de l’Académie nationale de Metz, 1973, p. 167-177. 75 Arch. dép. de Savoie, C 741. Pour l’historique du couvent, voir M. Burdin, La Réforme carmélitaine en Savoie : le couvent des Carmes déchaussés de Chambéry (1636-1793), dans Bulletin du centre d’études franco-italien, 1982, p. 39-61. 76 Louis de Sainte-Thérèse, Annales des Carmes Deschausez de France, Paris, 1665, p. 311. 77 « Sommaire de la Constitution du Pape Clement X de l’an 1673, qui confirme toutes les Indulgences ci-devant accordées à l’Ordre des Carmes, et aux Confrères du Scapulaire », dans Exercices de piété en faveur des confreres du Saint 67 68

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convient avant tout d’apprécier la façon dont les différentes branches de l’ordre vont gérer le partage à la fois de leur principal fondement identitaire et des prérogatives qui y sont liées. En théorie, le droit d’ériger des confréries du scapulaire et de Notre-Dame du Mont Carmel a été accordé aussi bien aux Grands Carmes qu’aux Carmes déchaux. Aussi, rapporte l’un d’entre eux, « on ne peut que s’étonner qu’il s’en soit trouvé certains […] poussés par la malveillance et la jalousie, qui n’ont pas vu ces privilèges ou les ont dissimulés et ont osé les soumettre à la controverse »78. En fait, explique plus précisément un décret, les pères Carmes qui jadis ont érigé la confrérie [de Notre-Dame du Mont Carmel] en plusieurs lieux, cherchent à obtenir que les Déchaux, en fondant de nouveaux monastères dans ces mêmes lieux, n’accordent pas le scapulaire de la Bienheureuse Vierge aux fidèles qui le réclament pieusement […] et au contraire les Déchaux pourraient avancer la même réclamation dans les lieux où ils ont érigé des monastères en premier.

Aussi, en 1617, les deux branches de la famille carmélitaine conviennent-elles d’un accord, reconnaissant le droit d’antériorité, interdisant l’installation d’une seconde confrérie dans un même lieu, mais acceptant que le scapulaire soit accordé individuellement aux fidèles par l’ensemble des religieux, déchaux ou non79. Cette convention explique donc qu’en un certain nombre de villes telles que Marseille80, Aix81, Arles82, Avignon83, Besançon84, Valenciennes85 ou encore Lille86, la confrérie du scapulaire ne se trouve que chez les Grands Carmes, installés pour la plupart depuis l’époque médiévale87.

Scapulaire de Notre-Dame du Mont-Carmel. Précédé d’un Discours qui a établi la solidité et la sainteté de cette Confrerie, autorisée par les Bulles des Souverains Pontifes, Poitiers, 1769, p. 39. 78 Pierre de Saint-André, Historia Generalis fratrum discalceatorum, ordinis B. Virginis Mariae de Monte Carmelo, Congregationis S. Eliae, Rome, 1668-1671, I, p. 130. 79 Publié dans P. de Saint-André, Historia Generalis… cité n. 78, p. 130-133. 80 Calendrier spirituel… cité n. 19, p. 105. 81 Arch. dép. des Bouches-du-Rhône, 11 H 4. 82 Arch. mun. d’Arles, GG 247. 83 Arch. dép. du Vaucluse, H 14. 84 Bibl. mun. de Besançon, collection Dunand, ms. 8, Dictionnaire historique de la Franche-Comté (XVIIIe siècle) fol. 155. 85 Arch. dép. du Nord, 70 H 67. 86 Arch. dép. du Nord, 73 H 16. 87 Ces couvents ont pour la plupart été fondés entre 1263 et 1392 (cf. R. W. Emery, The Friars in Medieval France. A catalogue of french mendicant convents, 1200-1550, Londres, 1962). En France, sous l’Ancien Régime, une vingtaine de villes abritent à la fois un couvent de Grands Carmes et un de Carmes déchaux (cf. L. Lecestre, Abbayes et couvents… cité n. 15).

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C’est d’ailleurs en vertu de ce même principe que les Carmes déchaux insèrent, dans les autorisations de fondation de confréries qu’ils accordent aux communes qui en déposent la demande, une clause restrictive : « en cas d’establissement d’un couvent de l’ordre des Carmes dans ledit lieu […] ou aux environs, ladite Confrerie se pourra transporter dans l’Eglise dudit Couvent »88. Précisément, à la suite de leur installation, les religieux font valoir cette obligation de cession auprès des chanoines de l’église collégiale de Saint-Géry de Cambray89, du clergé séculier de Vic-sur-Seille90, des Observantins de Sainte-Marie-l’Égyptienne de Chambéry91 et des religieux Minimes de Toulon92. La Vierge, d’une certaine manière, est également honorée au travers des autres dévotions revendiquées, puisque toutes sont relatives à son entourage proche, dont le destin semble intimement lié, si l’on en croit les auteurs carmes, à celui de la sainte montagne dont ils sont issus. C’est là, précise en effet un religieux, « que fut predit à Saincte Emerentiane Mere de Saincte Anne, que de sa Saincte Fille naistroit la Mere du Sauveur du monde ; car Saincte Emerentiane […] estoit gouvernée, et conduite en la vie spirituelle par ces bons Peres, et Saincts Religieux Carmes ». Il est d’autre part fort probable, ajoute l’auteur panégyriste, que « la Saincte Vierge Nostre Dame, et maistresse, nasquit sur les collines du Mont Carmel ». En effet, précise-t-il, « puis que le lieu de sa naissance fut celuy où S. Joachim tenoit ses troupeaux, […] qui pourra nier qu’elle ne fut bastie sur les collines du Carmel, lieu si propre pour les pasturages »93 ? À ces démonstrations audacieuses s’ajoutent d’autres témoignages qui, plus concrètement, illustrent l’importance du culte voué aux parents de la Vierge au sein de l’ordre. Je viens de recevoir, écrit le père Arnold Bostius dans une lettre datée de 1496, d’excellentes nouvelles de Lyon. […] Maître Laurent Bureau [y] a fait ériger […] deux belles statues en marbre, l’une représentant saint Joachim, l’autre saint Joseph. […] ce savant religieux vient d’obtenir de Mgr

88 Arch. dép. de la Moselle, H 2896, Establissement d’une confrerie de N-D du Mont Carmel a Marange (1670). 89 Arch. dép. du Nord, 7 G 66, pièces 963 et 964. La confrérie, installée dans la collégiale depuis 1627, est transférée chez les Carmes déchaux en 1663. 90 Arch. dép. de Meurthe-et-Moselle, H 965. Fondée en 1647, la confrérie sera récupérée par les religieux qui ne s’installeront dans la commune qu’en 1675. 91 Arch. dép. de Savoie, C 741. Ce document évoque la cession, en 1643, par les religieux Observantins, de la confrérie du scapulaire qu’ils abritent depuis 1623. 92 L. de Sainte-Thérèse, Annales… cit. n 76, p. 311. 93 Le thresor inestimable de S. Joseph descouvert par le R. P. Antoine de la Mère de Dieu, Provincial des PP. Carmes Deschaussez de la Province de Ste Therese, Lyon, 1654, p. 153-154 (1re éd., Avignon, 1646, 2 vol.).

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l’Archevêque de Lyon l’érection canonique de la confrérie de saint Joachim ; […] il a promis d’obtenir du prochain Chapitre que [sa] fête […] soit célébrée dans tout l’ordre sous le rite double tout entier. […] enfin, ce qui est le plus important, il a mis avec le concours du Père Jacob Badius, la dernière main à deux ouvrages sur les Gloires de notre Ordre : l’un en prose en forme de dialogue, et l’autre en vers. Dans ces deux ouvrages, il traite au long des gloires de saint Joachim, de saint Joseph et de sainte Anne94.

Parmi les personnes saintes ayant côtoyé la Vierge, les auteurs étrangers à l’ordre ont surtout retenu la dévotion que les Carmes ont, depuis des temps reculés, voué à saint Joseph. Un grand nombre, relayé au XVIIIe siècle par Benoît XIV, considère en effet que c’est la branche antique qui en a introduit le culte dès son passage en Occident95. Pourtant, si ses membres ont bénéficié d’un office propre à l’époux de Marie dès le XVe siècle, la plupart des auteurs s’accordent surtout pour reconnaître en Thérèse d’Avila la véritable initiatrice de cette dévotion96. La réformatrice du Carmel a en effet consacré, dans ses écrits, un certain nombre de passages à saint Joseph, par l’intermédiaire desquels elle a contribué à dévoiler les multiples faveurs qu’il octroie en toutes situations. « Quoy que vous ayez divers Saints pour intercesseurs, conseille-t-elle à ses religieuses, adressez-vous particulièrement à saint Joseph : car ses prieres peuvent beaucoup aupres de Dieu »97. D’autre part, forte de son expérience mystique, elle va consacrer sa vie durant un grand nombre de couvents à celui à qui on n’avait jusqu’à présent dédié que des autels et des chapelles98. C’est la raison pour laquelle certains religieux déchaux n’hésitent pas, en toute légitimité selon eux, à s’arroger le patronage de saint Joseph.

94 Cité dans A.-M. de La Présentation, Le Carmel en France… cité n. 4, I, p. 235-236. B. Zimmerman, dans l’article cité n. 1, évoque également le culte dont sont honorés sainte Anne et saint Joachim chez les Grands Carmes, dès 1315 pour la première, au XVe siècle pour le second (c. 1788). 95 Albert-Marie du Saint-Sauveur, Saint Joseph et son culte dans l’ordre du Carmel, Paris, sans date, p. 39-40 et 59-60. 96 Marie-Joseph du Sacré-Cœur, Le culte de saint Joseph et le Carmel, dans Études carmélitaines historiques et critiques sur les traditions, les privilèges et la mystique de l’ordre, 1911, p. 81-92, particulièrement p. 87-88 ; G. Sinicropi, Un Mont spirituel de piété, L’association de Saint-Joseph et les Carmes déchaux provençaux sous l’Ancien Régime, dans Provence historique, 52, 2002, p. 435-458 ; B. Dompnier, Les religieux et saint Joseph dans la France de la première moitié du XVIIe siècle, dans Ordres, saints et dévotions. France-Pologne, Siècles, Cahiers du Centre d’histoire « espaces et cultures », 16, 2003, p. 57-75, particulièrement p. 67. 97 Thérèse d’Avila, Avis de la Sainte a ses religieuses, dans Les Œuvres de Sainte Therese divisées en deux parties. De la Traduction de Monsieur Arnauld d’Andilly, Paris, 1670, p. 498. 98 M.-J. du Sacré-Cœur, Le culte de saint Joseph… cité n. 96, p. 87-88.

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S’ils se treuvent, peut-on lire dans un manuel de dévotion, d’autres Chapelles, d’autres Eglises, d’autres Monasteres, ou Maisons Religieuses, sous le titre et sous le nom du glorieux Sainct Joseph, c’est [qu’ils] l’ont pris d’eux mesmes pour leur Patron et Protecteur, de quoy je leur en sçay tres bon gré, et seroit à souhaiter que, tout le monde en fist de mesme. Mais pour ce qui concerne l’Ordre des Carmes Déchaussez […] c’est Dieu, c’est Jésus mesme qui le leur a donné en la personne de leur Seraphique Mere Saincte Therese, pour Pere, pour Patron, et pour Protecteur de leur saincte Religion99.

Une fois encore, encadrement des laïcs et identité spirituelle semblent intimement liés. Les Grands Carmes accueillent en effet une association dédiée à saint Joachim100, deux à sainte Anne101 et surtout sept à saint Joseph102, sachant qu’ont été écartés de ce décompte les regroupements de nature professionnelle. Nous obtenons donc un total d’une dizaine de confréries érigées en l’honneur d’un des membres de la Sainte Famille ou de son entourage103. Chez les Carmes déchaux, pour la première fois, le résultat est identique à celui de leurs frères mitigés, avec en outre, une répartition tout à fait caractéristique. En effet, les documents signalent d’une part, une confrérie de Sainte-Anne localisée à Pont-à-Mousson104 mais surtout neuf confréries dédiées à saint Joseph105. Les premières créations, s’étalant de 1642 à 1660, sont toutes localisées au sein de la province de Provence106. C’est là qu’en 1646, un religieux de l’ordre publie un premier manuel de dévotion destiné aux confrères d’Avignon mais également, comme il l’indique à plusieurs reprises, à tout « autre lieu où l’Association sera establye »107. Ce Thresor inestimable

99 Association de saint Joseph canoniquement érigée dans les Eglises des Reverends Peres Carmes Deschaussez d’Avignon, d’Aix, de Marseille, et autres lieux, Aix-en-Provence, s.d., p. 90. 100 A.-M. de La Présentation, Le Carmel en France… cité n. 4, I, p. 235-236. 101 Ibid., IV, p. 83 ; VII, p. 60. 102 Ibid., I, p. 242 ; II, p. 240 ; III, p. 74-77 ; IV, p. 83 ; VIII, p. 60 ; ASV, Segretaria… cité n. 28. 103 L’association présentée dans l’ouvrage de Daniel de Saint-Joseph, Manuel de la Confrairie de la Sainte Famille de Jésus, sous l’invocation de S. Joseph, S. Joachim et Sainte Anne, érigée dans l’Eglise des Carmes d’Angers (Angers, 1640), qui sort du cadre géographique de l’étude d’A.-M. de la Présentation, constitue une véritable synthèse de ces dévotions. 104 ASV, Segretaria… cité n. 28. Cette confrérie a obtenu ses indulgences en 1692. 105 Pour un exemple hors des frontières du royaume de France, voir H. Gil, Los Carmelitas Descalzos y el desarrollo del culto de San José en la Polonia del siglo XVII, dans, Estudios Josefinos, 45, 1981, p. 897-914. 106 Celles d’Avignon et de Marseille sont érigées en 1642 (voir G. Sinicropi, Un Mont spirituel… cité n. 96), celles d’Aix-en-Provence et de Toulon en 1653 et 1660 (ASV, Segretaria… cité n. 28.). 107 Le thresor inestimable de S. Joseph descouvert par le R. P. Antoine de la Mère de Dieu… cité n. 93, p. 236.

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de S. Joseph sera d’ailleurs, tout au long du XVIIe siècle, remanié et réédité à l’usage des couvents d’Avignon, de Marseille et d’Aix-enProvence essentiellement108. Les sources actuellement disponibles évoquent par ailleurs l’existence d’une telle association à Bletterans109, Paris, Brest, Perpignan et Arras110. Cette présentation de l’encadrement des laïcs au sein de la mouvance carmélitaine a permis de faire émerger un certain nombre de différences, voire d’antagonismes. Différences, tout d’abord, dans la façon d’aborder la réalité confraternelle. La démarche qu’ont adoptée les Carmes mitigés consiste à accueillir, sans aucune distinction, des mouvements associatifs aussi nombreux que diversifiés, une large part étant réservée aux corps de métiers. L’apport financier que constituent ces groupes de laïcs pour les religieux mendiants est indéniable. En témoigne cet acte notarié, en date de septembre 1516, relatant la plainte déposée par les Grands Carmes d’Arles contre les « Messieurs de la Major », afin d’obtenir le retour de la confrérie des Maîtres Chirurgiens dans leur église. La requête aboutit, les religieux Carmes doivent « dédommager » leurs adversaires, mais peuvent désormais bénéficier de nouveau des deniers relatifs au service de la chapelle des confrères111. Le récit que livre Thérèse d’Avila de l’une de ses multiples visions est à l’opposé de cette démarche. « J’entendis de Nostre Seigneur, raconte-t-elle, […] que je disse de sa part à ces Peres déchaussez, qu’ils […] communiquassent peu avec les seculiers »112. Aussi n’est-il pas surprenant de constater à quel point ses disciples semblent réticents face à ces assemblées de laïcs, à qui ils ne proposent qu’exceptionnellement les chapelles latérales de leurs sanctuaires. Seules les mou108 Association de saint Joseph canoniquement érigée dans les Eglises des Reverends Peres Carmes Deschaussez d’Avignon, d’Aix, de Marseille, et autres lieux, Aix, sans date ; Petit abbrege de l’Association de saint Joseph canoniquement érigée dans les Eglises des Reverends Peres Carmes Déchaussez d’Avignon, d’Aix, de Marseille et autres lieux, Avignon, 1687 ; Petit abbrege de l’Association de saint Joseph canoniquement érigée dans l’église des RR. PP. Carmes Déchaussez d’Avignon, avec les quinze Mysteres de ce Saint pour la commodité de ceux qui veulent les honorer pendant les Mercredis, Avignon, 1695. 109 Arch. dép. du Jura, 22 H 15. 110 ASV, Segretaria… cité n. 28. Ces confréries ont obtenu leurs indulgences respectivement en 1661, 1680, 1696 et 1697. 111 Cité dans A.-M. de La Présentation, Le Carmel en France… cité n. 4, IV, p. 257-258. 112 Thérèse d’Avila, La Vie de la Sainte Mere Terese de Jesus, ecrite par elle mesme, suivant le commandement de son Confesseur, à qui elle l’envoye et l’addresse, dans Les Œuvres de la Sainte Mere Terese de Jesus, fondatrice de la Reforme des Carmes et Carmelites Déchaussez. Nouvellement traduites d’Espagnol en François, par le R. Pere Cyprien de la Nativité de la Vierge, Carme Déchaussé, Paris, 1650, I, p. 385.

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vances laïques dont les dévotions sont en total accord avec leur identité bénéficient d’un traitement particulier, Saint-Joseph, le tiers ordre et surtout Notre-Dame du Mont-Carmel. Les Constitutions évoquent d’ailleurs exceptionnellement « la congregation de la tres sainte vierge, qu’on pourra etablir dans [les] Convens », précisant tout de même qu’il faut prendre garde à ce « que ses exercices ne soient point incompatibles avec [les] maximes [de l’ordre] »113. Antagonismes d’autre part, les Grands Carmes comme les Carmes déchaux se réclamant d’une même souche, d’une même histoire, d’une même identité spirituelle. Le désir commun de participer à la diffusion de la principale dévotion carmélitaine, le scapulaire de Notre-Dame du Mont Carmel, ne pouvait donc qu’engendrer difficultés et oppositions. C’est pourquoi il a fallu, dès le début du XVIIe siècle, recourir à un arbitrage pontifical afin de définir les prérogatives des uns et des autres. Des tensions, des rivalités sousjacentes continuent toutefois à être ponctuellement perceptibles comme en témoigne la correspondance du visiteur général des Carmes déchaussés de Lorraine. Celui-ci, en 1660, contacte le supérieur du couvent des Grands Carmes de Baccarat. « Vos Peres, se plaint-il, vont publiant par les villages que nous ne pouvons distribuer le scapulaire de la Vierge »114. L’étude de ce qu’il est permis de considérer comme la troisième catégorie de mouvances laïques, les tiers ordres, a permis d’aboutir à des conclusions similaires. En effet, le tiers ordre des disciples de Thérèse d’Avila et de Jean de la Croix, qui ne se contente plus de l’antique titre de Notre-Dame du Mont Carmel, mais se distingue par l’ajout de la titulature honorant Sainte Thérèse, affiche un niveau d’exigence bien plus élevé que celui des religieux mitigés. D’autre part, loin de se contenter des ouvrages rédigés par les auteurs appartenant à la branche antique de l’ordre, les religieux Carmes déchaux imposent leurs propres écrits aux tertiaires évoluant au sein de leurs maisons115. L’encadrement des laïcs leur permet donc, à travers ses différentes manifestations, de revendiquer une identité spirituelle qui, tout en empruntant un certain nombre de ses fondements à celle des Grands Carmes, n’en affirme pas moins son originalité. Gilles SINICROPI Université de Clermont 2 Bibl. mun. de Marseille, ms. cité, p. 55. Arch. dép. de Meurthe-et-Moselle, H 911. 115 Voir G. Sinicropi, À l’ombre des Carmes déchaux. Le tiers ordre de NotreDame du Mont-Carmel et de Sainte-Thérèse (XVIIe-XVIIIe siècles), dans M. Venard, D. Julia, Sacralités, culture et dévotion. Bouquet offert à Marie-Hélène FroeschléChopard, Marseille, 2005, p. 73-91. 113 114

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CONFRATERNITE ROMANE NEL SETTECENTO SPAZI E FORME DELLE CERIMONIE

Il 21 ottobre 1710, i fratelli dell’Adunanza del sovvenimento del Numero della Notte eretta nell’Arciconfraternita dell’Orazione e della Compagnia della Morte a Strada Giulia partono solennemente per la Santa Casa di Loreto. Una Relazione coeva del pellegrinaggio1 motiva espressamente il cammino laureano, inquadrandolo nel « desiderio di sommamente… uniformarsi » ai « degnissimi esempi…dei fervorosi antecessori »2. L’autore del diario, Luca Fanelli reggente dell’Adunanza, aveva in precedenza riordinato le carte della Compagnia fin dalla sua fondazione per « ricavare l’origine di sì Pia e devota Adunanza…che và osservando il primo suo Istituto nell’opere pie… », « seppellire i corpi de’ Morti, massimamente de’ poveri e di quei che muoiono nelle campagne di Roma »3. Riaffiorava in

1 Archivio Storico del Vicariato di Roma (ASVR), Arciconfraternita di S. Maria dell’Orazione e Morte, 6, Numero della Notte, « Relazione ossia Diario del Viaggio fatto alla Visita della Santa Casa di Loreto nel mese di Ottobre dell’anno 1710 dai Fratelli dell’Adunanza del sovvenimento detta del Numero della Notte eretta nella Ve. Arciconfraternita… descritta da Luca Fanelli Reggente della medesima Adunanza ». (d’ora in poi, Relazione…). 2 Fanelli, reggente dal primo semestre 1709, stila « un estratto di tutte le Congregazioni, Decreti ed altre Risoluzioni e Funzioni… per lo spazio di centotrentatre Anni, cioè dall’Anno 1576… » ; predispone « copie di Capitoli approvati dai Superiori nel 1693 », con indici e « catalogo di tutti i reggenti eletti dal 1565 al 1710 » ; tale materiale viene offerto ai confratelli in occasione della festa di san Michele Arcangelo protettore dell’Adunanza : ff. 1-8. Sull’Adunanza, numerose notizie in ASVR, Arciconfraternita…, cit., Numero della Notte. 654, « Libro delle Nottate… 1704-1717 » ; « Libro dei fratelli per notte e Ordini » in conformità dei quali devono comportarsi » ; « Decreti… 1666, 1699, 1704 ». 3 Accurata, e succinta descrizione topografica e istorica di Roma moderna. Opera postuma dell’abate Ridolfino Venuti cortonese, tomo I-II, Roma, 1766, ristampa anastatica con introduzione di F. Prinzi, Roma, 1977, p. 229. Il pellegrinaggio è attestato anche da Carlo Bartolomeo Piazza, Eorterologio overo le sacre stazioni romane, e feste mobili... con le preci quotidiane... Loro origine, rito e venerazione nella Chiesa..., Roma, 1702 tip. Gaetano Zenobj ; cfr. anche : G. Roisecco, Roma antica e moderna, o sia nuova descrizione di tutti gl’edifici antichi e moderni, tanto sagri quanto profani della città di Roma..., tomi tre, Roma, 1750 ; Concezio

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quei testi la memoria antica di una pratica tardo-cinquecentesca del pellegrinaggio mariano a Loreto tanto più significativa nella chiesa di S. Maria dell’Orazione e Morte all’interno della quale era stata trasferita nel 1577 un’effigie mariana « dal muro di una strada, in cui era di grande venerazione »4. Il ritorno all’antico che si connota come elemento centrale della Relazione può essere riconnesso ad un disegno di valorizzazione della chiesa mariana e della sua Compagnia che troverà compimento durante il pontificato di Clemente XII. Ma già nel secondo decennio del secolo, attraverso la mobilitazione di confratelli e protettori religiosi e laici, si avviano i piani per la riedificazione della chiesa che troveranno compimento tra il 1733 e il 1737 con la nuova fabbrica « riuscita assai vaga, e di buona simmetria, e architettura », progettata e diretta da Ferdinando Fuga5. Successivamente ai restauri verrà rilanciata la celebrazione mensile di antica memoria delle Quarant’ore che aveva dato il nome alla confraternita e alla chiesa, « così nominata perché ogni mese vi si fa l’Orazione delle Quarant’ore « coll’esposizione del Venerabile, che da questa derivò a tutte le altre chiese »6. Carocci s. J., Il pellegrino guidato alla visita alle immagini più insigni della B. V. Maria in Roma ovvero Discorsi familiari sopra le medesime..., Roma, 1729 e G. Roisecco, Roma antica e moderna, o sia nuova descrizione di tutti gl’edifici antichi e moderni, tanto sagri quanto profani della città di Roma..., tomi tre, Roma, 1750. 4 L’affresco raffigurante la Vergine con il Bambino viene donato dal confratello duca Cesare Gloriero ; originariamente collocato sul muro della scuderia annessa al palazzo del duca, viene poi inserito in un grande quadro di Filippo Zucchetti rappresentante scene di vita della confraternita e san Carlo Borromeo con San Michele Arcangelo che conduce le anime del Purgatorio. Diverse informazioni in ASVR, Arciconfraternita…, cit., 6, « Notizie storiche 1738 », « Origine e istituzione della Venerabile Compagnia… », in particolare f. 2 (immagine prodigiosa) ; « Memorie Storiche 1561-1777 » e « Varie Memorie… ». Vedi anche A. Bevignani, Le rappresentazioni sacre per l’Ottavario dei Morti in Roma, Roma, 1912 e H. Hager, S. Maria dell’Orazione…, cit. (ivi incisione di Giovacchino Filidoni raffigurante il quadro di Zucchetti). Sulla costruzione antica, chiesa-sala a navata unica edificata nel 1575-76, notizie, bibliografia e riproduzioni di miniature, incisioni (facciata, pianta, interni) in H. Hager, S. Maria dell’Orazione e Morte, con nota introduttiva di A. Martini, Roma, 1964. 5 Il 7 settembre 1732 la confraternita approva il progetto di Ferdinando Fuga, suo affiliato (che chiederà come unico compenso il diritto gratuito di sepoltura nel cimitero sottostante la chiesa) per la demolizione della vecchia struttura e il rifacimento della chiesa ; il 1 giugno 1733 « con solenne apparato e gran concorso di popolo » il cardinal Vicario Guadagni getta la prima pietra « ne’ fondamenti della…nuova chiesa », la cui area si arricchisce di nuovi spazi, acquistati o acquisiti con permute dalle proprietà confinanti, i Farnese e i Falconieri (a Giuliana Falconieri, canonizzata nel 1737, sarà dedicato il primo altare a sinistra presso il coro della nuova Chiesa ed il grande quadro di Pier Leone Ghezzi). Notizie analitiche e bibliografia sui lavori in H. Hager, S. Maria dell’Orazione…, cit. 6 Accurata, e succinta… , cit.. Sulla devozione delle Quarantore, R. Diez, Le

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Il legame con il santuario lauretano era naturale per una chiesaconfraternita intitolata alla devozione mariana che d’altra parte a Roma copriva tradizionalmente e ancora pienamente all’inizio del Settecento uno spazio centrale della devozione delle Quarant’ore. Tuttavia, per i fratelli dell’Adunanza (piuttosto che per l’arciconfraternita nel suo complesso), il ritorno all’antico non richiamava soltanto l’impegno originale della compagnia di appartenenza e le sue prospettive di rilancio, affidate al culto mariano piuttosto che al SS.mo Sacramento. Si può ipotizzare questo slittamento di segno devoto sulla base di quanto scrive il Reggente quando, per motivare l’impresa lauretana, evoca in modo arbitrario ma strumentale il titolo della compagnia, detta « del Sovvenimento » (del Numero della Notte), leggendovi non l’impegno notturno di assistere il SS.mo Sacramento ma un « dovuto » rispetto delle tradizioni caricato di una evidente simbologia profetica7. Lo stesso reggente dell’Adunanza offre altri indizi che sembrano evocare un « passaggio di consegne » (o comunque una primazìa sul SS.mo Sacramento) al clero di San Lorenzo in Lucina : racconta con enfasi che all’avvio del pellegrinaggio, giorno della festa del Rosario, i confratelli « con i bordoni a terra… con vivissima fiducia… e comune consolazione e tenera commozione da niuno preveduta » ricevono la « sagramental benedizione del SS.mo Sacramento » dal parroco di quella chiesa che, con seguito, « compagnia ed ombrella » si recava processionalmente a dare il viatico agli infermi8. Si può

Quarantore : una predica figurata, in La festa a Roma. Dal Rinascimento al 1870, a cura di M. Fagiolo, Milano, 1997, p. 84-97 ; diversi riferimenti in Il barocco romano e l’Europa, a cura di M. Fagiolo e M. L. Madonna, Roma, 1992 ; M. S. Weil, The Devotion of the Forty Hours and Roman Baroque Illusions, in « Journal of the Warburg and Courtauld Institutes », 38, 1974, p. 218-248 ; L. Cajani e S. Saba, La notte devota : luci e ombre delle Quarantore, in La notte, a cura L. Sbriccoli, Firenze, 1991, p. 67-79. Cfr. anche, Catalogo delle Indulgenze, Indulti e Privilegi concessi da’ Sommi Pontefici alla Ven. Arciconfraternita di S. Maria dell’Orazione e Morte in Roma, Roma, 1781. 7 Relazione…, cit., « e ricordandosi nel medesimo tempo essere loro Fratelli detti del Sovvenimento, risolsero di volere a tutto costo sovvenire a questa mancanza », f. 4. In ASVR, Arciconfraternita…, cit., Numero della Notte. « Pellegrinaggio alla S. Casa di Loreto, resoconti dei pellegrinaggi a Loreto del 1735 » (« Metodo per il viaggio » con indicazioni su abiti e apparato modellate sulle prescrizioni del 1710, in part. f. 2) ; « Diario storico del viaggio fatto per la Visita alla Santa Casa di Loreto… nell’anno 1748 » ; « Piano e Ordinanza della processione del Ricevimento de’ fratelli che si ritornarono dalla S. Casa… l’anno 1759 » ; testimoniati anche i pellegrinaggi del 1830 e 1831. A stampa : F. Compagnoni, Relazione del pellegrinaggio fatto dalla Ven. Arciconfraternita di S. Maria dell’Orazione e Morte di Roma alla prodigiosa Immagine di Maria Santissima di Vicovaro, Roma, 1863. 8 Relazione…, cit., p. 140-141 ; da notare anche che il reggente, nell’esplicitare il suo progetto di recuperare la memoria delle tradizioni antiche, non si soffer-

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intravvedere tale strategia – perseguita da alcuni membri dell’arciconfraternita, e finalizzata ad enfatizzare il culto mariano – sulla base delle vicende successive della chiesa che, a conclusione dei citati lavori di rifacimento nell’ottobre 1737 e in un orizzonte devozionale di crescente centralità cristologica, viene riconsacrata sotto i titoli del SS.mo Crocifisso e della Beata Vergine9. Il viaggio a Loreto del 1710 – nella decisiva valenza che la memoria scritta di ogni minuta fase preparatoria assegna a quello specifico pellegrinaggio mariano – si inquadra in questo orizzonte di rilancio che coinvolge l’arciconfraternita nel suo complesso ma trova particolare dinamismo nell’Adunanza del Numero della Notte, o meglio nel suo reggente Fanelli. Presento in queste note i motivi dominanti della lunga organizzazione del pellegrinaggio a Loreto : essi trovano riscontro a livello più ampio nella città, in un orizzonte che tende a modellare i piccoli luoghi del sacro ed i loro rituali sulle feste religiose organizzate dalle gerarchie ecclesiastiche ed aristocratiche. Si disegna così via via più compiutamente nei primi decenni del Settecento una maggiore visibilità delle confraternite romane in tema di devozioni pubblicamente celebrate ; soprattutto, l’attenta messa a punto dei rituali legati ai segni visibili (abito, insegne, gesti e suoni delle liturgie e delle processioni) valorizza le compagnie di appartenenza, e con esse, l’identità sociale, culturale e psicologica di ciascun confratello. I segni visibili diventano virtù riconoscibili delle comunità e dei singoli affiliati, dilatano spazi di azione, legittimità e potere. Il pellegrinaggio, preparato in un anno di riunioni, adunanze, congressi, si inquadra in una ferrea disciplina : anzitutto al reggente e ai suoi delegati, gli « Officiali per il Viaggio » : due sacrestani, ma sul SS.mo Sacramento che pure, assieme alle pratiche caritative per i defunti dà il titolo a confraternita e chiesa e che era celebrato anche « per ricordare l’esposizione del SS.mo Sacramento in San Lorenzo in Damaso ogni terza domenica del mese » (cfr. fascicolo dattilografato sulle origini della Compagnia nel fondo citato dell’ASVR, 6). Va ricordato che specifiche prediche per incentivare le affiliazioni alla giovane confraternita vennero tenute nel 1551 nella chiesa di San Lorenzo in Damaso ; l’anno successivo il sodalizio veniva approvato con il titolo dell’« Orazione » aggiunto a quello della « Morte » in riferimento all’esposizione del SS.mo Sacramento. 9 Il 26 ottobre 1737 la nuova chiesa viene consacrata al SS.mo Crocifisso e alla Beata Vergine Maria da mons. Cristofano Almeyda, arcivescovo di Pirgi e confratello della Compagnia ; sulla consacrazione e apertura al culto, cfr : H. Hager, cit :, p. 13-14. Per un quadro generale delle devozioni cristologiche : L. Châtellier, La religion des pauvres.. Les missions rurales en Europe et la formation du catholicisme moderne. XVIe-XIXe siècles, Parigi, 1993, ed. it., Milano, 1994 ; M. Rosa, Settecento religioso. Politica della Ragione e religione del cuore, Venezia 1999 ; S. Nanni, Roma religiosa nel Settecento. Spazi e linguaggi dell’identità cristiana, Roma, 2000.

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due capi guida e due provveditori, tutti amovibili, designati « giornata per giornata », « distribuendo ripartitamente a diversi le… funzioni, acciocché ciascuno avesse la sua posizione, e del merito, e della fatica »10. Tutti devono sottoscrivere i regolamenti, perché « non obbedendo al Capo del Viaggio, o sturbando gli altri, saranno esclusi irremisibilmente dal numero… », devono uniformarsi pienamente alle gerarchie interne « acciò riesca il loro cammino di maggior edificazione agli spettatori, e di maggior devozione, ed incitamento di pietà alli medesimi Confratelli ». Il reggente Fanelli stabilisce « il metodo…, come anche il modo di fare la Massa » al quale ogni fratello deve attenersi « in tutto e per tutto », pena essere « immediatamente cassato » dall’Adunanza « senza speranza di poter mai più esservi ammesso ». Ciascun aspirante pellegrino dovrà versare la quota di iscrizione sulla base dell’« esclusiva » modalità prevista « per non far distinzione alcuna tra’ Fratelli », ovvero in « tre paghe continue » registrate in apposito libretto « fatto di lettere d’Alfabeto, coperto di carta pecora ». L’intera comunità deve uniformarsi in un’obbedienza che rende uguali, annullando differenze di ceto, generazione e potere consolidato nell’ambito della compagnia, a cominciare dall’anzianità di affiliazione11. Il complesso sistema di regole prefigurato dal reggente ma discusso e modificato caso per caso dall’intera adunanza è un fatto sociale e amicale, è frutto di una confidenza che si rafforza inevitabilmente al di là delle posizioni di partenza dei singoli affiliati e che, riunione dopo riunione, per un anno intero, costruisce il senso profondo dell’appartenenza alla comunità confraternale. D’altra

10 Relazione…, cit., f. 94 e 110 ; rispettivamente ai ff. 96-105 e 107-129 « Breve istruzione » per i Provveditori e per i Sacrestani sui cui passi più importanti (specie su recite di orazioni e canti) si tornerà più avanti. Ogni sera il reggente nomina due o quattro fratelli « con titolo di Provveditori » incaricati di provvedere ai pasti di ciascuna tappa, registrandone le spese « minestra, porzione, e postpasto, e nella cena minestra insalata, e porzione, il tutto discreto e non superfluo con sufficiente quantità di pane, e di vino », « proibendo espressamente.. che non possino fare di più di quello che sarà notato nel libro delle spese, anco con titolo di donativo, per non entrare in gara, ed acciocché tutti al ritorno siano eguali nella spesa » (Relazione…, f. 29 e f. 98). 11 Numerosi rinvii a rinunce per malattia o mancato versamento delle quote nei tempi previsti ; particolare il caso del fratello Lama, aiutato nei pagamenti e « di tutto il bisognevole per il viaggio » da un anonimo benefattore (ff. 90-93). Ai ff. 2428 ; al f. 39, 43 e 45 i nomi degli esterni ammessi. Il « Regolamento per la Massa », al f. 34 prevede ogni uso dei fondi comuni : « Se poi succedesse che li denari… fossero avanzati, in tal caso si faccia la spartizione delli medesimi dando a ciascuno la sua porzione, di modo che resti soddisfatto e contento prima di entrare a Roma » ; sulle espulsioni : ff. 9, 10, 11 ; ammessi al pellegrinaggio (tenuti a rispettare modi e gerarchie decise dall’Adunanza ) alcuni confratelli dell’Orazione « non ascritti al d. Numero (della Notte), mossi nondimeno dal proprio zelo ».

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parte, quel sistema di regole marca appartenenza e riconoscibilità : per valenza simbolica e potere immediato sulla percezione pubblica, l’apparire vi gioca un ruolo fondamentale. I fratelli dell’Adunanza preparano con cura il loro abito dedicando attente riunioni ai particolari : il Congresso convocato con bollettino a stampa di domenica 5 ottobre 1709 esamina i due campioni di bordone (per il reggente e per le guide giornaliere) e predispone preventivi per le mozzette e gli stivaletti da usare « ne’ tempi cattivi » : L’adunanza del 25 maggio approva modelli e spese per i bordoni ormai confezionati ed esclude la spesa collettiva per gli stivaletti (« quattro giulj il paro »), giudicata eccessiva, concedendo a ciascuno il diritto di « farseli, come in effetti alcuni li fecero di tela incerata nera ». Quanto alle mozzette, dopo lunga discussione su bordature, asole e bottoni, si decide di acquistare, per venti unità, undici canne di « tela di mezza costanza cruda » da far imprimere. Al Congresso del 27 luglio, i confratelli approvano con soddisfazione la mozzetta « già fatta, quale era nera, e di sua perfezione sì di tela, come d’imprimitura assai lustra… ed era tutta di un pezzo, con il passamano di seta nera a tutta la larghezza del collo ed al davanti vi erano sei asole di seta, con suoi bottoni similmente di seta, e dalla banda sinistra il segno della nostra Compagnia… orlato di passamano di seta nera largo un dito, ed era coperto di talco » ; il segno riportava sul retro il passo iniziale del Vangelo di San Giovanni stampato in carta pecora »12. L’aspetto esteriore dei singoli è già di per sé espressione di virtù ; a ricordarla a tutti i fratelli pellegrini, prima di mostrarla all’esterno, è un piccolo cannello di latta che ciascuno porta con sé assieme al « fagotto », composto di due fazzoletti, una camicia, un paio di calzette, una posata ; all’interno della latta c’è un quadruccio « dipinto in pelle… tirato in tela ad uso di carta geografica, con quattro poemetti indorati alle cantonate » ; vi sono rappresentati il Ss.mo Sacramento (a cui i fratelli « secondo l’istituto » sono assistenti la notte), la Madonna conservata nella Chiesa e san Michele Arcangelo (sotto la cui protezione milita l’Adunanza) « in atto di fulminare il nostro nemico comune » e alle due estremità l’arma della Compagnia13. Anche il « quadruccio » è predisposto con grande

12 « Per carità, non mancate » si legge negli inviti di convocazione alle riunioni organizzative. Quanto alle riunioni sull’abito : Relazione…, ff. 48-50 (mozzette, stivali), ff. 54-56 (disegni del bordone del Reggente, dei due dei « Capi Guida amovibili » e dei semplici Fratelli) ; ff. 59-71 (il « segno ») ; ff. 67 e 68 (schizzo dello stemma sulle due facciate ; leggibile il testo evangelico). Altre notizie ai ff. 53-58. 13 Sul cannello di latta, descrizione nell’Indice della Relazione, ff. XXX-XXXI e rinvii nella « Breve istruzione ai Sagrestani… » relativamente alla consegna del

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cura, pensato in tutti i particolari. Ce ne danno testimonianza gli atti dei congressi, riunioni organizzative dei confratelli iscritti al viaggio, che discutono anche delle forme e dimensioni dei Bordoni, dei Segni dell’Adunanza, di tutti i simboli cioè dell’affermazione visibile e indiscutibile delle virtù dei pellegrini : esemplarità, modestia, pacatezza, silenzio e civiltà dei modi, rifiuto di ogni mormorazione e parola di scandalo. Ogni scansione del pellegrinaggio viene minutamente prefigurata e predisposta nella relazione di Fanelli, nel Regolamento e nel Metodo, nelle Istruzioni ai Provveditori e ai Sacrestani, incaricati di governare il cammino e le soste, i tempi e le forme della preghiera e del raccoglimento, la maniera di visitare città e villaggi, di trattare con ospiti, visitatori, passanti, di consumare i pasti e le ricreazioni, di celebrare due volte al giorno il piccolo ma significativo rito dell’« acqua alle mani » che, dopo la « salutazione angelica del mezzo giorno » apre il pasto e lo chiude14. L’uniformità di abito, insegne e virtù, al pari della rotazione delle cariche, agevola anche il pacifico governo dei fratelli pellegrini, serve cioè a « slontanare… ogni sorte di altercazione, e disturbo che il nemico infernale potesse mai suscitar tra di noi per farci perdere o scemare il merito…di un’opera così pia, e salutare »15. Così, si decide di ordinare, per i Fratelli di Roma e per quelli di Loreto, un migliaio di medaglie (poi duemila) di nuovo conio « in perfettissimo ottone » con « l’impronta da una banda della Madonna Santissima di Loreto, e dall’altra della … Compagnia » e cinquanta (poi duecentocinquanta) medaglie con l’effigie della Madonna di Loreto e l’im-

cannello di latta ai sacrestani « dal Reggente… con dentro il quadruccio per servirvene a suo tempo ». Nella « Breve istruzione ai Sagrestani… » è trascritto l’« Inno in onore del Glorioso san Michele Arcangelo nostro Protettore », f. 121. Sempre in ASVR, Arciconfraternita di S. Maria dell’Orazione e Morte, 509, Libretto a stampa (stamperia Costantino Mezzana) del 1842 e « Offizio del Glorioso Arcangelo san Michele particolare protettore dei fratelli assistenti la Notte al SS.mo Sacramento nella ven. Arciconfraternita ». Quasi tutti ottocenteschi i « Divoti esercizi da praticarsi nella festa di san Michele Arcangelo » conservati in ASVR, Arciconfraternita…505, « Chiesa. Libri liturgici e musicali » e, 534. « Stampati sec. XVIII-XIX ». 14 La Relazione prescrive come comportarsi con le genti incontrate alle stazioni di posta, venti in totale fino a Loreto, con un percorso giornaliero di sette/otto miglia e nelle visite a chiese e conventi delle città (tutti elencati, con annotazione delle benedizioni ricevute, delle reliquie visitate a Narni, Terni, Spoleto, Foligno, Camerino, Tolentino, Ancona, Loreto, al f. XXX), delle soste dal barbiere, degli inviti a pranzo, etc. Ai ff. 130-131, « Poste da Roma alla Santa Casa di Loreto », elenco e miglia percorse per ciascuna tappa ; ai ff. 10-11 il rito dell’acqua. 15 Relazione…, cit., f. 109.

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magine di san Michele Arcangelo « con fargli dare a tutte la benedizione in articulo mortis »16. Distribuite in uguale numero a ciascun confratello, le medaglie diventano un ulteriore tassello della valorizzazione di un’identità di gruppo che si fonda certo sull’impegno caritativo-assistenziale, sui rituali comuni e sulle forme di devozione ma evoca un’aspirazione di riconoscimento sociale dell’Adunanza nei confronti dell’arciconfraternita nel suo complesso e del posto che essa occupa nella scena romana ; credo che questo sentimento sia all’origine della volontà di lasciare meticolose testimonianze scritte del viaggio a Loreto e di creare attorno al proprio pellegrinaggio una memoria importante17. Sia pure nella normalità del cammino lauretano, tale fine di eternizzazione configura quasi un viaggio alla rovescia (una comunità che, già in partenza « devota e santa », compie un percorso inverso rispetto al pellegrinaggio romano18), o piuttosto un viaggio a doppio binario, che testimonia cioè attraverso il racconto il « sommo zelo » che i confratelli dell’Adunanza sono capaci di veicolare anzitutto a Roma e poi da Roma, verso uno dei santuari fondativi della cristianità di età moderna che ospita anche la sede di una confraternita gemella19 ; ad essa, appunto, è dedicata parte delle medaglie commemorative di un evento che ancora non si è consumato. La partenza si muove su questa linea : domenica cinque ottobre, festa del Rosario, i fratelli dell’Adunanza si riuniscono nell’Oratorio della loro chiesa per il rito collettivo della vestizione ; era stato loro 16 Ivi, ff 72-74. Il quarto Congresso, il 14 ottobre, esamina il campione in piombo delle medaglie fatto da Antonio Travani « dell’ordine del medagliaro all’insegna della Colomba » e, sulla base dello sconto proposto dall’artigiano, aumenta la quantità delle medaglie (ff. 76-79) ; ai ff. 80 e 81-82 disegni a impronta delle medaglie ormai consegnate e lista degli esemplari acquistati dai singoli fratelli dell’Adunanza. 17 Relazione… : « Lo Scrittore ai cortesi Lettori », Fanelli precisa « l’impulso a descrivere la presente relazione », « d’inspirare in avvenire alcun’altra de’ nostri buoni Fratelli a nuovamente accingersi a simile opera, che non è credibile quanto ecciti devozione in chiunque n’è spettatore, possa agevolmente vedere qual norma siasi da noi tenuta, e quanto in somma sia stato in questa congiuntura da noi praticato », f. III. 18 Per un quadro di insieme sull’età moderna : La città del perdono. Pellegrinaggi e anni santi a Roma in età moderna (1550-1750), a cura di S. Nanni e M. A. Visceglia, in Roma Moderna e contemporanea, 2-3, 1997. 19 Sono diversi, nel testo di Fanelli, i riferimenti alle compagnie aggregate alla arciconfraternita romana « che sono erette nelle Città e Luoghi per dove si deve passare in detto Viaggio », e tutti rimarcano un certo distacco, quasi un rifiuto di trattare con confidenza (per « esserci prefissi di non incomodare in verun modo », « non dare alcun minimo aggravio », etc) ; significativo forse il rifiuto di Fanelli alla proposta di alcuni pellegrini di suonare le trombe all’incontro con la compagnia-sorella di Loreto.

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proibito di « di levare dalla Provveditoria alcuna mozzetta, o bordone per portarselo a casa, ma che ciascheduno avesse preso il tutto la mattina della partenza al proprio Oratorio ». Indossano : « Sacco e Mozzetta di tela incerata con sopra il segno della… Compagnia coperto di talco, con bordone nero, scarpe e calzette similmente nere… cappello del medesimo colore ; non portano « al collo cravatte di nessuna sorte, ma bensì una fascetta bianca quale si dice cravatta alla dragona » e sostengono il bordone parimenti nero, « con sopra l’arme della nostra Compagnia, cioè tre monti, con testa di Morte, e sopra la Croce »20. Si rivolgono in preghiera all’altare del protettore san Michele Arcangelo, accendono sei candele, partecipano alla Messa, prendono la comunione e passano in provveditoria per festeggiare con « buon rinfresco di cioccolata, e biscottini » ; poi, prima della benedizione, in Oratorio ascoltano il « breve, ma devoto sermone » del confessore » che esalta « il profitto, che così Santa intrapresa avrebbe arrecato alle Anime nostre, e l’eccitamento, che con questa avremmo destato in quelle dei fedeli, che l’avrebbero mirata, e che quindi avrebbero preso motivo d’imitarla, se noi con la nostra modestia, e devozione avessimo accompagnato il nostro viaggio »21. Annunciato dai rintocchi delle campane della chiesa che solennizza l’uscita all’esterno, il pellegrinaggio ha inizio disegnando fin dal suo avvio un vero e proprio percorso esemplare. Nel corteo i fratelli sfilano a due a due, preceduti dai capi guida con bordone con l’arme della compagnia (con tre monti e testa di morte sormontata da croce) e disciplinati dal reggente che chiude il corteo con il suo bordone dalla « testa di morte in legno intagliata in cima, con una latta dalla banda destra attaccata al cordone alta tre terzi di Canna e larga due, con dentro li Capitoli da osservarsi, ed al di fuori di essa una Morte stampata in rame in piedi, con falce in mano coperta di osso ». I pellegrini escono su via Giulia e, « accompagnati da buon numero d’amici, e fratelli in cappa », si incamminano « alla volta della Cancelleria, per il vicolo delli Leutari, alla piazza di Pasquino, all’Anima, alla piazza Tor Sanguigna, a S. Agostino, alla piazza delle Cornacchie, agli Orfanelli, a piazza Colonna, alli Crociferi, a Fontana di Trevi, ed al Palazzo di Monsignor Ill.mo Niccolò Giudice nostro Governatore, quale stando alla finestra ci fece segno… »22.

20 Relazione…, f. 133 e f. 135 (partenza da Roma, la domenica 5 ottobre, festa del SS.mo Rosario) ; v. anche ff. 19, 74 e per il bordone, f. 138.. L’oratorio antico, prima dei grandi restauri avviati nel 1733, era decorato con scene di vita della confraternita e figure delle virtù cristiane. 21 Relazione… , cit., ff. 135-137 ; sulla solenne uscita : ff. 138-139. 22 Seguono, a Palazzo : « sontuoso rinfresco di cioccolata, e claretto biando, e rosso, con una quantità di delicatissimi biscottini, e pani di Spagna », delle

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Poi, recitando le « quindici poste del SS.mo Rosario, conforme si dispone nei capitoli » e le litanie della Madonna), percorrono piazza di Spagna, Osteria del Cavalletto, porta del Popolo, Ponte molle, Prima Porta dove fanno una breve sosta (all’osteria della Posta, in stanza riservata23), prima di proseguire per Castelnuovo, prima tappa del viaggio, recitando il Notturno de’ morti, con le Laudi e i sette Salmi penitenziali. Itinerario dopo itinerario, aperto dalle due guide giornaliere, il corteo « in ordinanza » o in truppa sfila a testa bassa e con il sacco calato, composto ed uniforme nella postura e nel gesto, « con la debita esemplarità, e obbedienza », indistinto nei gesti comuni, efficace in nero con i cappucci che si abbassano sui volti a scadenze precise – costantemente in preghiera, o meglio in canto. La preghiera cadenza costantemente il pellegrinaggio, fin dal suo avvio : alla fine della messa, ancora nella chiesa romana, si intona l’inno Te Splendor, et virtus in onore del protettore san Michele Arcangelo ; poi, all’uscita sul sagrato, alla benedizione che apre il viaggio, l’intonazione dell’Antifona In Viam Pacis e il cantico Benedictus. Antifone, inni, orazioni, cantici si succedono durante il cammino24 : Rosario nelle quindici poste, Litanie mariane con Laudi del medesimo Officio e sette Salmi Penitenziali intonati in vista di ogni singola tappa, quando uno dei Provveditori si fa « incontro a tutto il corpo de’ fratelli per un quarto di miglio, portando il bordone e, salutati i fratelli… (si porta) avanti la guida del viaggio, per condurli al luogo… ». Sempre durante il cammino si recita il Notturno dei Morti « che accade in quella giornata, con le Laudi del medesimo Officio e li Sette Salmi penitenziali, il tutto recitando in ore compartite per non tediarvi » ; prima di accomodarsi a tavola si recita il salmo de Profundis, si prende l’« acqua alle mani », si intonano le

« ben ponderate parole » e lettera di presentazione al governatore di Loreto (ff. 139-140). Da notare che il governatore aveva approvato con diverse missive degli inizi di gennaio il Regolamento in ordine al viaggio (f. 37). 23 Relazione…, cit., f. 143 La compagnia siede a tavola « con l’ordine prescritto nel riferito Libretto dell’Istruzione per i provveditori » ; il Relazione dà nota analitica delle vivande (« pane, vino mortadella, carne, riso, cacio conditura… ») e delle spese sostenute. 24 Le « Orazioni… sono tutte state dette, con il preciso ordine che insegna il Libretto stampato dell’istuzione per li Sagrestani », si precisa al f. XXIV (segue « orazioni dette nell’andare. Annotazione, ff. XXIV-XXVII. Oltre a quanto citato alla nota successiva, cfr. nella Breve Istruzione… ai Sagrestani riferimenti ad altri Inni (Quam terra, Stabat Mater dolorosa, O Gloriosa Virginum), ad antifone (Deus in Adjutorium, Ne reminiscaris Domine) ; alle altre orazioni, Salve Regina, « Vergine Maria Madre di Dio », « Pregate Gesù per noi », etc. (Relazione…, p. 107-122) ; elenco delle orazioni serali : versetti, inni, antifone ai ff. 124-127.

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Litanie dei Santi e si « dispone il dormire »25. Il temine della giornata richiede un rito particolare : « osservando quest’ordine. Aprirete (i Sagrestani) il cannello di latta, e stenderete il quadruccio, che dentro vi si conserva attaccandolo ad uno delli due bordoni della Guida, dopo accese le due candele a suo tempo, ed inginocchiati tutti i fratelli, e detto dal Reggente l’Antifona Ne reminiscaris Domine. Farete intuonare da due fratelli le litanie de’ Santi, quali terminate si diranno dal Reggente le preci. E perché nel quadruccio in primo luogo vi è dipinto il Ssmo Sacramento, a cui secondo il nostro istituto siamo assistenti la notte, dopo il ritratto della Madonna che si conserva nella nostra Chiesa, e per ultimo S. Michele Arcangelo, sotto la cui protezione militiamo, potranno dirsi… orazioni » ; segue l’inno a san Michele Arcangelo, ancora antifone e versetti corali : « terminato tutto questo potrà ciascuno fratello andare a riposare »26. Il Te Deum scandisce tre volte nel corso del viaggio il ringraziamento : viene intonato « nel vedere la cuppola della Santa Casa di Loreto, nell’andarvi processionalmente e nel partire… » e al rientro a Roma, « da Porta del Popolo alla nostra chiesa ». Compete ai Provveditori il coordinamento delle orazioni ed ai sacrestani l’intonazione, sulla base di Istruzioni minutissime che ci consentono di conoscere tipologie e tempi delle orazioni, tutte recitate – in strada e nei ripari, in coro e individualmente, camminando o « in ginocchioni, la sera » – « inalterabilmente alla cappuccina… a voce bassa, ma distinta tanto che possano sentirsi i Fratelli uno dell’altro ». Altri suoni accompagnano l’intero pellegrinaggio, scandito da una successione di scampanii, che annunciano ogni canto e segnano l’inizio e il termine dei pasti : dai rintocchi delle campane (alla partenza, all’arrivo a Loreto, al ritorno nella chiesa romana) ; nel Diario compaiono anche le trombe, che alcuni confratelli suonano per scandire le fasi più solenni del pellegrinaggio all’ingresso della

25 Relazione… , cit., ff. 19-20 delle Istruzioni ai Provveditori si elenca la successione delle orazioni : « reciterete le quindici poste del SS.mo Rosario con le litanie della Madonna applicando una terza parte di esso Rosario all’Anime del Purgatorio… » e « altre Orazioni a beneplacito del Reggente », poi silenzio ; « al tocco del campanello levati in piedi richiederanno la Salutazione Angelica del Mezzogiorno e poi a tavola »… ancora silenzio, « al tocco del campanello si leveranno per la solita Orazione … » segue l’ora di ricreazione « e dopo, « al suono del Campanello, il Salmo De Profundis per li morti e le Litanie de’ Santi colle sue preci e dopo anderanno a dormire, secondo che saranno disposti, facendosi il tutto con ogni ubbedienza e carità ». E così via, « in tutte le seguenti giornate sino al ritorno a Roma » (ff. 19-21, 100-104, ma cfr. complessivamente le Istruzioni ai Provveditori e ai Sacrestani). 26 ASVR, fondo citato, Breve Istruzione per i Fratelli Sagrestani in occasione del Pellegrinaggio alla Santa Casa di Loreto proposta dal Reggente del Numero della Notte…, ff. 111-112 (intera istruzione, allegata alla Relazione, ff. 107-129).

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compagnia nel santuario di Loreto e alla benedizione nella Santa Casa27 » . Il suono è un elemento forte del racconto e verrà richiamato più avanti in questo contributo a proposito delle ‘piccole’ cerimonie religiose, celebrate da oratòri e confraternite a macchia d’olio nella città. Il suono delle orazioni, degli scampanii sacralizza il cammino al pari della modestia e della compostezza che « serve di edificazione a chiunque… veda » ; il suono governato del pellegrinaggio si rivela al contempo utile strategia per evitare discorsi indisciplinati e mormorazioni che possono distogliere i confratelli dal fine spirituale con cui si sono impegnati individualmente e come comunità. Al pari del gesto, dell’abito e dell’ordine cerimoniale, la recita corale di orazioni, inni e cantici disegna lo spazio-tempo del sacro ; è intrusiva e invadente, utile a produrre cultura e comportamenti cristianizzati, a cominciare dalla compostezza richiesta dal rito ; assicura a ciascun devoto legittimazione all’interno della propria comunità (e, grazie ad essa, nella società) e al contempo evoca anche nella partecipazione collettiva alla preghiera-canto quel tempo metastorico della festa in cui le differenze di ceto, genere e generazioni sembrano non esistere. La ricerca sulla festa religiosa a Roma si è poco soffermata sul suono delle cerimonie, mostrandosi più attenta allo spettacolo visivo e alla valenza politica dei riti, e a vantaggio di apparati effimeri, girandole, fuochi artificiali ampiamente testimoniati dalla memorialistica e dall’iconografia ; in un’ottica, soprattutto, centrata sulla Curia romana e sulle alte gerarchie, ecclesiastiche, civili, « nazionali »28. Vorrei qui indagare le feste ‘minori’, quelle celebrate capillarmente sul territorio urbano dalle confraternite romane, ovvero da

27 Relazione… : « al tocco del campanello, levati in piedi » Trombe « non si vogliono dal Reggente essere suonate nell’incontro con la Compagnia lauretana », f. XXXVIII. 28 Quadro complessivo recente in M. Gori-Sassoli, La città della rappresentazione : le feste e gli spettacoli, in Storia di Roma dall’antichità ad oggi. Roma moderna, a cura di G. Ciucci, Roma-Bari, 2002, p. 181-215 ; S. Carandini, L’effimero spirituale. Feste e manifestazioni religiose nella Roma dei papi in età moderna, in Roma, città del papa. Storia d’Italia. Annali, 16, a cura di L. Fiorani e A. Prosperi, Torino, 2000, p. 519-553. Corpus delle feste a Roma. 1. La festa barocca, a cura di M. Fagiolo Dell’Arco, Roma, 1997 ; Corpus delle feste a Roma. 2. Il Settecento e l’Ottocento, a cura di M. Fagiolo, Roma, 1997 ; La festa a Roma. Dal Rinascimento al 1870, a cura di M. Fagiolo, 2 voll., Milano, 1997 ; sul Carnevale romano e sulle feste ‘nazionali’, diversi saggi di M. Boiteux tra i quali mi limito a segnalare Parcours rituels romains à l’époque moderne, in Cérémonial et rituel à Rome (XVIeXIXe siècles), a cura di M. A. Visceglia e C. Brice, Roma, 1997, pp. 27-87 e sul carnevale, Ead., Formes de la Fête. Carnaval annexé : essai de lecture d’une fête romaine, in Annales E.S.C., 1977, p. 356-380.

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una società concreta di uomini (e donne e bambini) che nella ritualizzazione cerca risposta alle proprie attese spirituali, psicologiche, sociali e costruisce, nelle cerimonie, pratiche e sentimento religioso ; partecipa con la propria soggettività – sia pure all’ombra di protettori, laici ed ecclesiastici, e di devozioni dalla forte valenza simbolica e politica – alle strategie di riforma religiosa e morale29. Nell’ambito di una ricerca più ampia sulla sacralizzazione degli spazi a Roma tra il tardo Seicento e la soppressione della Compagnia di Gesù, in questo contributo indago le confraternite dal punto di vista del territorio/’spazio governato’ del sacro ; e dal punto di vista di una sociabilità duttile che è al contempo fonte di identità e legittimazione per gli affiliati (cui si aggiungono, nelle cerimonie, famiglie ed amici) e risposta ad una domanda religiosa che, sempre più distratta e diffidente, richiede una individualizzazione del sentimento religioso e occasioni di impegno personalizzate. Il racconto del pellegrinaggio dell’Adunanza del Numero della Notte costituisce da questo punto di vista una documentazione preziosa, tantopiù in considerazione della debolezza delle « fonti interne » che l’analisi della storiografia sulle confraternite e linee interpretative presentate in questo convegno30 hanno evidenziato circa l’indagine sul sentimento religioso degli affiliati e sulle logiche psicologiche, culturali e sociali delle comunità. I motivi centrali di quel racconto (intimità/obbedienza, rituali e forme visibili, eternizzazione) trovano riscontro su più ampia scala nel panorama delle confraternite romane, per inquadrarsi in una generale e sistematica strategia di valorizzazione degli spazi sacri che costruisce, anche dal popolo devoto31, una nuova immagine 29 Per questo « Settecento religioso », cfr., oltre alla bibliografia già indicata, anche il mio Le origini di una riforma religiosa a Roma tra Seicento e Settecento, in La Comunità cristiana a Roma, a cura di M. Belardinelli e P. Stella, vol. 3, Città del Vaticano, 2002, p. 53-73. 30 Mi riferisco in particolare alle relazioni di Bernard Dompnier, MarieHélène Froeschlé Chopard, Philippe Boutry. Sulla « pietà » delle confraternite a Roma : P. Stella, Tra Roma barocca e Roma capitale : la pietà romana, in Roma, città del papa, cit., p. 753-785 e soprattutto L. Fiorani, « Charità et pietate ». Confraternite e gruppi devoti nella città rinascimentale e barocca, ancora in Roma, città del papa, cit., p. 431-476 ; Id., Processioni fra devozioni e politica, in La festa a Roma, cit., p. 66-83. quadro generale sulle confraternite in età moderna, L. Fiorani (dir.), Storiografia e archivi delle confraternite romane, fasc. monografico di Ricerche per la storia religiosa di Roma, VI, 1985 ; R. Rusconi, Confraternite, Compagnie, devozioni, in La Chiesa e il potere politico dal Medioevo all’età contemporanea, Storia d’Italia, Annali IX, Torino, 1986, p. 467-506. 31 Relativamente agli intrecci tra sacralizzazione degli spazi, strategie pastorali e dinamiche devote, rinvio al mio Roma religiosa…, cit. ; su logiche urbanistiche, edilizia civile, grandi opere e committenze : M. Gargano, L’invenzione dello spazio urbano, in Storia di Roma dall’antichità … Roma moderna., cit., p. 217-243 ; Ivi, p. 245-273 : G. Curcio, Da città a metropoli : la nuova edilizia del Settecento.

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materiale e simbolica della città. Fonti esterne alle confraternite testimoniano, con crescente evidenza nel corso del Settecento, una quotidianità romana scandita giorno e notte da cerimonie ‘interne’ ed ‘esterne’32, confinate negli spazi tradizionali delle compagnie o capaci di dilagare nei rioni e oltre, cadenzate su di un calendario liturgico enfatizzato dal basso, talvolta in collaborazione e spesso in rivalità con altre confraternite, sotto la protezione di potenti protettori aristocratici ed ecclesiastici, e sul modello delle grandi feste celebrate da Curia, Nazioni, ordini e congregazioni religiose. La città si riempie di persone che sfilano in processione con abiti e insegne, accendono ceri nella notte, intonano litanie, cantici e inni, si impegnano per abbellire le sedi delle adunanze e gli oratòri in cui si riuniscono, si inglobano cioè in un disegno complessivo della città devota capitale della cristianità. La musica assume un ruolo sempre più decisivo per il suo potere di accrescere il peso emotivo del rito, di enfatizzare con la partecipazione corale una ‘cultura di appartenenza’ e al tempo stesso di richiamare la valenza ludica delle scadenze religiose. Credo che la partecipazione di musici alle feste delle confraternite debba tener conto anche di una concreta offerta di professionalità, che accoglie e al contempo amplia le occasioni del mestiere di musicista (musici di varia disciplina, solisti, cori, trii), dilatando il bacino di utenza che dal salotto e dalla grande celebrazione arriva all’oratorio e alla strada, divulga temi musicali alti o rivisitati o di matrice popolare, o che servono spesso da semplice accompagnamento alle orazioni ; ma che formano un gusto e una cultura collettiva33. Le rubriche romane del Chracas, le relazioni a stampa delle feste che qui interessano (promosse da confraternite e oratòri) riempiono la quotidianità romana di melodie e motivi musicali. L’elenco

32 La cura sempre più attenta delle cerimonie esterne è spesso in relazione con rifacimenti e recuperi artistici-architettonici e con acquisizioni o donazioni ricevute di tele, arredi e oggetti per il culto e la vita comune ; talvolta le feste religiose celebrano tali restauri e talvolta mettono in moto raccolte di finanziamenti per il rinnovo degli spazi. 33 Sulla musica ‘minore’ ed il suo uso liturgico e devozionale : La lauda spirituale fra Cinque e Seicento : poesie e canti devozionali nell’Italia della Controriforma, a cura di G. Rostirolla, D. Zardin, O. Mischiati, Roma, 2001 ; Confraternite, Chiese e società. Aspetti e problemi dell’associazionismo laicale europeo in età moderna, a cura di L. Bertoldi Lenoci, Fasano, 1994 ; D. Costantini, A. Magaudda, Attività musicali promosse da confraternite laiche, in Fonti d’archivio per la storia della musica e dello spettacolo a Napoli tra XVI e XVIII secolo, a cura di P. Maione, Centro di Musica Antica Pietà dei Turchini, Napoli 2002. Per una lettura di vasto respiro delle relazioni tra musica/musici, istituzioni ecclesiastiche e cultura religiosa : Maîtrises et Chapelles aux XVIIe et XVIIIe siècles : des institutions musicales au service de Dieu, a cura di B. Dompnier, Clermont Ferrand, 2003.

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delle feste in musica organizzate o celebrate da confraternite è lunghissimo e in crescita costante si rivelano nel corso del secolo i riferimenti (prima rari nelle fonti) agli strumenti musicali impiegati nelle chiese e negli oratòri. Alcuni esempi : Messa cantata con Te Deum in ringraziamento per lo scampato terremoto ed esposizione del SS.mo Sacramento alla presenza di ventidue porporati in San Lorenzo in Damaso nel Carnevale 1703 (17-21 marzo) ; la grande macchina illuminata raffigura il papa Clemente XI « in ginocchio con volto elevato al cielo… e il Venerabile in mezzo fra nuvole.. adorato da angeli »34. « Eccellente musica » è offerta dal cardinale Carlo Colonna per la festa della Madonna del Carmine celebrata dall’omonima compagnia nella piazza del Popolo (chiesa di Santa Maria in Montesanto) con luminarie e macchina di fuoco dell’architetto Ludovico Rusconi Sassi rappresentante il combattimento di Rinaldo e Tancredi e il castello di Armida che « la sera… apparve tutto illuminato ». « Vari fatti di Goffredo secondo la narrazione del Tasso » con solenne musica erano già stati ricordati in occasione della festa della Compagnia della Misericordia per la Decollazione di san Giovanni Battista35. Si celebra « con esquisita musica, e nobile Apparato » (e visita del pontefice) la festa di san Bernardo del 1724 nella Chiesa omonima alle

34 Committente è il cardinale Pietro Ottoboni, su cui cfr. F. Matitti, Il cardinale Pietro Ottoboni mecenate delle arti. Cronache e documenti, 1689-1740, in Storia dell’arte, 1995, n. 84, p. 156-243. Vedi anche Descrizione del sontuoso sagro apparato ordinato nella Tribuna della Basilica di San Lorenzo in Damaso per l’esposizione del SS.mo Sacramento in forma di XL Ore dall’e.mo… card. Ottoboni, anno bisestile 1728, Roma, Antonio de’ Rossi, 1728 (con identico titolo, stampato anche nell’anno santo 1725). Descrizione del sagro apparato ordinato nella Tribuna della Basilica di San Lorenzo in Damaso per il sepolcro di Nostro Signore Gesù Cristo nella Settimana Santa dell’anno anno bisestile 1728 dall’e.mo… card. Ottoboni , Roma, Antonio de’ Rossi. Seconda citazione dal Diario di Roma di Francesco Valesio, a cura di G. Scano e collaborazione di G. Graglia, Milano, Longanesi 1977, d’ora in poi Valesio, II, p. 550-553. Una grandissima festa di ringraziamento per la fine del terremoti è celebrata da tutta la città a Santa Maria in Aracoeli. Nel 1701 e nel 1703 la musica è ampiamente testata nelle relazioni della processione del primo giugno in san Lorenzo in Damaso, nella festa di san Rocco a Ripetta, nelle celebrazioni del Battista in San Giovanni Decollato il 29 agosto 1706. 35 Cfr. nell’ordine : Valesio, V, p. 381 (anche nella festa sopra citata di san Rocco a Ripetta tema dedicato a Goffredo da testi di Tasso, riproposto con deciso segno antiturco anche a San Francesco a Ripa nel dicembre) ; p. 381-382 e Valesio, I, p. 659. La festa dell’Assunzione della Vergine del 1726 è celebrata sulla via del Pellegrino con tre cori di strumenti ad arco e fiato ; una “sinfonia di strumenti” accompagna la festa della Madonna del Carmine organizzata ancora dal cardinal Colonna con macchine, fuochi artificiali sulla scala di Trinità dei Monti ; musici partecipano alla festa della Natività della Vergine in via dei Baullari pagata « dal droghiere Barazza » ; dello stesso tenore la festa di san Nicola da Tolentino alla Scrofa.

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Terme Diocleziane ; quello stesso giorno, festa dell’Assunzione di Maria, al Collegio Clementino « la cantata, che era musica del sig. Cesarini, fu intesa dagli astanti con particolare soddisfazione ». Suonano tutti insieme « scelta musica « i virtuosi Maestri di Cappella Girolamo Chiti, Carlo Cesarini e Giuseppe Ottavio Pitoni al triduo di ottavario per la festa di san Luigi Gonzaga del 1727 al Gesù. Presso l’Oratorio del SS.mo Sacramento, dove si riuniscono anche gli Accademici Infecondi, si tiene una « recita dottissime composizioni in onore della Passione » di Cristo, con « parato lugubre, e copiosa illuminazione che riuscì di gran piacimento agli spettatori » ; precede la recita delle composizioni una « armoniosa sinfonia colla cantata a due voci allusiva alla Passione…, musica composta, e regolata dal sig. Benedetto Micheli Maestro di Cappella di detta Accademia ». Messa cantata con « gran concorso di Nobiltà, e popolo » alla festa di sant’Antonio Abate nella chiesa dei Padri Fatebenefratelli ; vi partecipano « tutti li cantanti del Teatro delle Dame agli Orti di Napoli… per udire sì vaga musica… del virtuoso signor Giuseppe Arena compositore del Dramma che si recita presentemente nel Teatro delle Dame… »36. La confraternita delle Sacre Stimmate solennizza nella chiesa omonima le Esequie per le Anime del Purgatorio con Messa di requiem in musica e apparato del festaiolo Barboncini : illuminazione dell’edificio con ceri e lampadari di cristalli, addobbato « con solenne apparato lugubre, di singolare ricchezza, e bellezza, e gran maestria di lavoro » e « catafalco alla reale assai ben decorato di grossa cera »37. Musica e apparato danno un tono particolare alla festa di strada per San Rocco, il 16 agosto 1701 : la via è tutta illuminata « con razzi sulla corda e piccoli fochi artificiali, onde vi fu grande concor36 Diario Ordinario, Chracas, n. 2445, 4 aprile 1733, p. 6 e (per s. Antonio) n. 3196, 25 gennaio 1738, p. 2. Le feste di strada talvolta si concludono con feste private, riservate ai nobili, come accade alla festa dell’Epifania « secondo il solito celebrata con pompa d’apparato » nel Collegio de Propaganda fide » ; segue, alla sera nel palazzo del card. Pietro Ottoboni, al recita di varie e dotte composizioni ; indi dopo vaghissime Sinfonie, alzato il telone del Teatrino domestico dell’Eminenza sua, si diede principio da tre Cantori della Cappella Pontificia ad una Cantata quale fu la medesima, che si udì nel Palazzo Apostolico la sera della Vigilia della Nascita del Redentore » (Diario ordinario, Chracas, n. 1003, 8 gennaio 1724, p. 6). 37 Diario Ordinario, Chracas, n. 6513, 31 marzo 1759, p. 2-3. L’Arciconfraternita del SS.mo Sacramento e delle Cinque Piaghe in S. Lorenzo in Damaso organizza una processione « con concerto in musica, suono di tamburri e di varj istromenti da fiato » che si snoda lungo il Corso e oltrepassa la Porta del Popolo dove accoglie alcuni suoi confratelli ritornati dal pellegrinaggio a Loreto. Diario Ordinario, Chracas, n. 3241, 10 maggio 1738, pp 2-3 ; stessa accoglienza per i confratelli dell’Archiconfraternita di S. Spirito in Sassia (Diario Ordinario, Chracas, n. 3250, 31 maggio 1738, p. 8-9.

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so di popolo… la sera fu dato fuoco ad una macchina rappresentante un dragone alato che era sospeso avanti il palazzo della famiglia Borghese ». La festa del 1703, su committenza del cardinale Pietro Ottoboni protettore della compagnia, si celebra con « pompa estraordinaria di apparato e musica » : il cortile è « ricoperto di quadri di eccellenti autori, ricoperto sopra di tende… ornato con busti e statue e gruppi la più parte moderni, opere di monsù Momò francese » ; nelle strade vicine sono innalzati altari e fontane con illuminazioni e razzi su la corda »38. Si è visto, nel panorama delle feste del primissimo Settecento fin qui presentate, come, con stili e apparati « sperimentati », il forte protagonismo di cardinali e di famiglie eccellenti pervada le scadenze del calendario liturgico a particolare radicamento popolare (la festa di san Rocco con i suoi forti richiami taumaturgici, le anime del Purgatorio, etc.). Tale scena tuttavia, in cui i devoti, i penitenti e il più ampio popolo di rione giocano ruolo gregario o di spettatore, cambia lentamente di segno via via che si fanno più usuali le iniziative festive progettate ed organizzate dalle compagnie laicali. Come dimostra lo spoglio del Diario di Valesio e del Chracas, l’apparato delle feste delle confraternite si carica con crescente evidenza nel corso del secolo di elementi di effetto ; ricorre ‘in piccolo’ a girandole, fuochi artificiali, apparati effimeri. Anche i temi si modificano nello stesso orizzonte di riferimento, utilizzando motivi classici profani o ripresi dalla letteratura di grande successo popolare e dalla forte valenza politica assieme a temi sacri del Vecchio e Nuovo Testamento o più attuali, spesso legati alla lotta tra peccato e salvezza ma anche al culto dei santi e naturalmente alle devozioni mariane e cristologiche. Si intensificano via via le uscite pubbliche e dunque la cura per i segni visibili, abito e insegne ; si imitano per così dire le procedure delle feste delle gerarchie ecclesiastiche, dell’aristocrazia romana e delle rappresentanze diplomatiche ; i riti dilagano dagli interni verso l’esterno, con « uscite » sempre più frequenti e dilatate sullo spazio urbano. La confraternita del S. Nome di Maria a San Bernardo alla Colonna Traiana, chiesa riedificata nel 1738, si snoda in solenne processione fino a Santa Maria della Vittoria. Così la confraternita del SS.mo Sacramento a SS. Quirico e Giuditta (rinvigorita sotto il pontificato di Clemente XI e abbellita con Benedetto XIII). Anche la processione della Madonna del Carmine conquista vasta eco grazie al particolare impegno organizzativo della omonima confraternita che cura anche la stampa di apposita Distinta Relazione39. 38 Valesio, I, p. 464 (per la festa del 1701). Monsù Momò è Pietro Stefano Monnot ; alla sera, il papa visita la chiesa. Valesio, II, p. 676-677. 39 Distinta Relazione della macchina, fiaccole e lanternoni fatti dalla Ven. Arciconfraternita della Madonna SS.ma del Carmine nel dì 22 luglio, Roma, 1708.

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Diventa un modello da imitare « per il gran concorso di popolo » (normale del resto in tempo di giubileo) la Processione della confraternita della Madonna del Carmine per la festa del 22 luglio 1725 : passa per San Martino ai Monti, Madonna ai Monti, Colonna Traiana, chiesa del Gesù, Santa Maria in Via Lata e si chiude in piazza SS. Apostoli nell’oratorio della confraternita. La Macchina, su progetto di Francesco Moderati, rappresenta la statua della Madonna incoronata con Bambino protetta da un ricco baldacchino sorretto da putti e innalzata su piedistallo ; ai suoi piedi le Quattro Parti del Mondo ; l’ oratorio è illuminato e bardato con drappi40. Clemente XII concede indulgenza plenaria a chi partecipa alla solenne processione del Rosario del 1738 organizzata dall’ arciconfraternita del SS. mo Nome di Maria in San Bernardo alla colonna Traiana ; la processione, con grande macchina e apparato, parte da S. Maria sopra Minerva « tra la folla della gente, che appena potevasi camminare… recitando ad alta voce… eccitando maggiormente il fervore, e la devozione de’ fedeli » fino a piazza Colonna e piazza Monte Citorio : « quando il principio della processione tornò in chiesa, il popolo che la seguiva ancora non era terminato d’uscirne »41. Apparati, addobbi, macchine, effetti luminosi sono sempre più curati, talvolta affidati ad artisti di fama, più spesso a « manipolatori de le carte piste » e festaioli di rione ; i finanziamenti necessari mobilitano le confraternite e le loro cerchie allargate di amici, conoscenti e compaesani immigrati a Roma ; la fitta rete delle filiazioni confraternali consente spesso di ricevere in dono o di commissionare ad artigiani ‘di periferia’ a minore costo (ebanisti, doratori, stuccatori, ricamatrici) la confezione di stendardi, abiti e oggetti rituali. Alcuni esempi : La Compagnia di Santa Maria della Vittoria celebra con i carmelitani scalzi Solenne Triduo in onore di san Giovanni della Croce « ascritto e annoverato nel Catalogo de’ Santi… il dicembre 1726 ; l’ » apparato ed abbellimento sì della facciata esteriore che della chiesa interiore » sono commissionati a Giovanni Battista Moranti milanese che « dispose l’ornato nel modo seguente : principiando dalla chiesa interiore, l’architrave, il fregio ed il cornicione… distintamente fregiati di damaschi, e velluti cremisi, guarniti con trine, e frangio d’oro. Il piano, che sta sotto di essi, era coperto di velluto arabescato con trine d’oro, il cornicione di tutta la chiesa, era abbellito con vaghissima simmetria da diversi ornati… Vasi, e conchiglie colo-

40 Diario Ordinario, Chracas, n. 1275, p. 4-6 e Valesio, IV, p. 453. Straordinaria immagine della Macchina in Corpus delle feste a Roma. 2. Il Settecento e l’Ottocento, a cura di M. Fagiolo, Roma, 1997, p. 56. 41 Diario ordinario, Chracas, n. 3310, 18 ottobre 1738, p. 3.

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riti a guisa di bronzi dorati, e lapislazzuli, ripieni di diversi fiori dipinti al naturale, e in molti angoli erano poste alcune ben’intese profumere… sopra i capitelli di tutta la Chiesa scherzavano diversi putti, dipinti al naturale in atto di spargere fiori o di sostenere ghirlande, fascetti e canestri ripieni di fiori »42. La notte enfatizza la potenza emotiva di cerimonie e processioni e richiede agli organizzatori maestria nell’uso di macchine di luce e fuochi artificiali, l’arte di valorizzare lumi, ceri e lampade. Rappresenta il Parnaso la « gran macchina di fuoco » con « lumini in cocce di melangoli che rendevano vaghissima vista » e accompagnamento di « stromenti da fiato… che ogni tanto sonavano » innalzata il 16 luglio 1737 per la festa della Madonna del Carmine su committenza cardinale Carlo Colonna ; accesa la macchina, si incendia accidentalmente un carro di paglia nel vicolo dell’Inferno ; il fuoco « fu domato solo dopo due giorni »43. Sono spesso sontuosi gli apparati di luce dei tanti Ottavari intitolati alla Madonna del Carmine, alla Natività di Maria, al Nome di Maria44. L’ Ottavario per le Anime del Purgatorio è aperto il primo novembre 1723 « con somma pietà, ed edificazione da tutte le arconfraternite, e Compagnie di quest’Alma città…, ammirabili non solo per le belle e ricche disposizioni degli apparati, come anche per la quantità de’ lumi ben disposti con nobile simmetria, e vaghissima ordinanza di lampadari di cristalli »45. L’Ottavario della festa della 42 Aggiunta al num. 1516 del diario Ordinario, 26 aprile 1727, p. 3 e 4. La festa di santa Caterina da Siena nella cappella del SS.mo Rosario in S. Maria sopra Minerva « tutta ornata di preziose tappezzerie, lampadarj e Placche di cristallo » solenne vespro accompagnato da solita musica, siccome… la Messa la mattina, diretta dal sig. D. Girolamo Chiti senese, maestro di Cappella della Basilica lateranense » (Diario Ordinario, Chracas, n. 1519, 3 maggio 1727). Sempre « del celebre maestro Chiti la strepitosa musica composta e diretta per la medesima festa nel 1733 (Ivi, n. 2457, 2 maggio 1733 p. 7). L’arciconfraternita delle Sacre Stimmate organizza il 22 24 aprile 1768 triduo per la canonizzazione di Giuseppe Calasanzio ; quadro del santo ornato con « ricchissimo paludamento alla reale formato di tocche d’oro, asperto di fiori d’argento… velluto cremisi guarnito di frangia d’oro ». (Diario Ordinario, Chracas, n. 7933, p. 2-5 ; la celebrazione si ripete l’anno successivo). 43 Diario Ordinario, Chracas, n. 3115, p. 5 e 6. 44 Ottavario del S. Nome di Maria celebrato dall’ arciconfraternita omonima con solenne traporto della miracolosa immagine… vaghissima macchina ricca di moltissimi lumi ». Diario Ordinario, Chracas, n. 3765, 16 settembre 1741 ; Ivi, l n. 3584 descrizione del l’ ottavario per la Madonna del Carmine Il 23 luglio 1740 celebrato « con ogni sontuosità di apparato e musica » dalla confraternita omonima e da quella del SS.mo Sacramento. 45 Diario Ordinario, Chracas, n. 979, 1723, p. 12. Di particolare effetto con « quattro giganteschi fanali » la processione dell’arciconfraternita del SS.mo Crocefisso a San Marcello per il giovedì santo dell’anno santo 1725 successivamente riproposta nelle stesse forme.

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Madonna del Carmine del 1724 è « solennizzato con musica, e Panegirici da’ Confratelli della Venerabile Archiconfraternita alle Tre Cannelle, verso la sera, processionalmente fu da medesimi e da’ Rev. Padri Carmelitani col solito numeroso accompagnamento di torce e lumi, portata fu la vaga Macchina, la Statua della Beatissima Vergine, al Ven. Monastero delle reverende Monache dello Spirito Santo… »46. Un fuoco « artificiato rappresentante una scrofa tenuta da un amorino con briglia » chiude la festa notturna di San Nicolò da Tolentino sulla via della Scrofa. Con processione notturna e « vaghissima macchina ricca di moltissimi lumi » l’arciconfraternita del SS. Nome di Maria trasporta solennemente l’Immagine mariana della chiesa omonima47. Ancora di notte con macchina del fuoco e giochi pirotecnici è celebrata la festa di san Rocco del 9 settembre 1739 organizzata dalla Compagnia di Gesù e Maria al Corso. Si celebra « ma con poca magnificenza » l’esposizione del SS.mo Sacramento in S. Lorenzo in Damaso, dal giovedì al sabato del carnevale 1701, con « cavalcata dei cavalieri romani » e macchina (su committenza del card. Pietro Ottoboni48) costituita di una base di finto marmo a gradoni digradanti « con candelieri con cere e il Venerabile in cima con splendori… al quale formava baldacchino una cascata di damasco… Facevano… ali due ordini semicircolari di candelabri dipinti con grossissimi ceri accesi. Angeli appaiono ad Abramo nella macchina innalzata per l’esposizione del SS.mo Sacramento del 1701 in S. Maria in Campitelli ; « esposizione ordinaria assai » nello stesso anno all’Oratorio del Caravita con macchi46 Diario ordinario, Chracas, n. 1094, 5 agosto 1724, p. 6 ; alle p. 2-3, riferimento alla messa cantata dagli alunni del Collegio Germanico alla festa di s. Apollinare nella chiesa omonima apparata con trono e baldacchino. 47 Rispettivamente, Valesio, I, 486 e Diario Ordinario, Chracas, n. 3765, 16 settembre 1741. 48 Da notare che nello stesso anno 1701, il 23 maggio, per l’apparato della festa del Corpus Domini in San Lorenzo in Damaso e processione, Ottoboni riceve in prestito dal cardinale de’ Medici « arazzi rappresentanti l’Istoria di Ulisse e portiere di velluto trinate d’oro della guardaroba del medesimo » (Valesio I p. 392393, Mercoledì 1 giugno 1701). Il diario nota : « non vedendovi spiegata la pompa delli arazzi e nobili portiere… si congettura da’ speculativi che questi possono essere impegnati, stante le spese esorbitanti che continuamente si fanno da S. Eminenza in musiche e simili vanità ». Sempre a proposito del cardinale Ottoboni, è un « familiare dell’Eminentissimo… » Giovanni Costanzi che pone in musica « la solita cantata della Nascita del Redentore composta dal sig. Filippo Leers » che « i cardinali convenuti… nella sala di detto palazzo apostolico si trattennero a godere » a conclusione del Vespro solenne nella cappella Paolina al Quirinale (Diario ordinario, Chracas, n 1000, 1 gennaio 1724, p. 2-3). 49 Nell’ordine, Valesio, I, p. 288 (Carnevale 1701) ; I, p. 282 ; e I, p. 283. 50 Ricordo alcuni esempi : il « teatro » per la Chiesa del Gesù di Nicolò Menghini del 1646 (alto 35 metri, raffigura l’episodio biblico del passaggio del Mar Rosso) e del 1647 (incoronazione di Ester) ; il teatro di Carlo Rainaldi del

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na dell’Angelo che « tiene un giro di nuvole tutto illuminato di splendori con copiosi lumi di candele »49. Di maggiore impatto visivo – ed improntate ai gran teatri secenteschi delle Quarantore50 – sono le esposizioni del SS.mo Sacramento alla chiesa del Gesù nel carnevale tra 1700 e 1704, tutte descritte nel Chracas : la Confraternita della Comunione Generale della Madonna della Pietà e di San Francesco Saverio (con committenza affidata dalla congregazione de’ Nobili della chiesa a Francesco Ferrari architetto e Antonio Bicchierai pittore) innalza in chiesa una macchina che raffigura l’episodio biblico di Gedeone e del soldato Madianite, suo nemico, che sogna la spada di Gedeone in forma di pane d’orzo. Nel 1701, la macchina ha per tema un angelo che tiene un giro di nuvole tutto illuminato di splendori con copiosi lumi di candele. La cerimonia è descritta come « consueta, e ordinaria assai » : riproduce le figurazioni del corpo eucaristico splendente tra corone di cherubini, trasparente come la luce ed il cristallo che informano una consolidata iconografia51. Con « poco ornamento » è anche l’esposizione del SS.mo Sacramento nel carnevale 1703 (12-14 febbraio) ; ma nel carnevale successivo la macchina viene affidata ad un architetto, Romano Carpecchia : raffigura l’ara pontificia che doma gli spiriti ribelli (le furie che si aggrappano rabbiose al globo del mondo) aiutata dai santi Michele Arcangelo e Francesco Saverio ; ancora l’apostolato d’Oriente (in sembianza di maestosa matrona i cui popoli sono rappresentati in « profondissimi inchini ») è il tema della esposizione del SS.mo Sacramento dell’anno successivo, 16-18 febbraio 170452. Relativamente all’esposizione del SS.mo Sacramento, le fonti evidenziano il primato di visibilità del centro propulsore romano dei culti eucaristici, l’Oratorio del Caravita, e delle confraternite lì attive. La solenne esposizione « solita farsi ne’ tre giorni di lunedì, martedì e mercoledì di Carnevale » celebrata al Caravita su committenza della confraternita della Comunione Generale, della Madonna della Pietà e di san Francesco Saverio presenta la macchina con

1650 (con opuscolo a stampa Apparato delle solenni Quarant’hore…) ; il teatro di Andrea Pozzo del 1695 ingloba l’adorazione dell’agnello mistico all’interno dell’affresco bacicchiano terminato nel 1693 ; numerosi altri esempi in M. S. Weil, The Devotion…, cit., e Corpus delle feste a Roma/1. La festa barocca., cit ; ivi anche indicazioni di opuscoli su Quarantore a stampa. 51 Evidente il rinvio all’affresco della Disputa di Raffaello dipinto nella Stanza vaticana della Segnatura tra il 1508 e il 1511. 52 Sul percorso del Vicariato di Roma verso l’ istituzione di confraternite intitolate al SS.mo Sacramento in tutte le parrocchie romane (e per le relazioni con il SS.mo Rosario), rinvio al contributo presentato in questo convegno da Domenico Rocciolo.

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Gesù « in atto di invitare a mangiare con Esso Lui i discepoli, quali… gettata la rete…dalla loro barca… la ritrovavano con loro alto stupore intatta, e ripiena di centocinquanta grandi e nobili pesci ». Nel Carnevale successivo, (5-7 febbraio), la macchina rappresenta la parabola del Figliol Prodigo ; nel 1727 (17-19 febbraio), l’esposizione del SS.mo Sacramento si carica di un segno diverso : l’apparato, dell’architetto Francesco Ferrari (che abbiamo visto all’inizio del secolo allestire le cerimonie al Gesù)53, rappresenta san Stanislao Kostka, a Roma per chiedere l’ammissione alla Compagnia di Gesù, comunicato da un Angelo. Nel 1734 la macchina rappresenta l’arca del Testamento posta nel santuario del Tempio ; nel 1738 si rappresenta con « bellissima macchina » il monte Oreb con l’apparizione del Signore a Noè pastore di greggi »54. Il 29-31 gennaio 1742 le celebrazioni mostrano una macchina (arch. Francesco Ferrari) rappresentante la regina « Sabba venuta da lontanissimi paesi, con nobile accompagnamento, e ricchissimi doni, per vedere la grandezza, e ammirare la Sapienza del Re Salomone »55. E’ naturalmente il colore bianco degli abiti a caratterizzare i confratelli protagonisti delle cerimonie appena descritte : indossano « Sacchi bianchi con Mozzette lionate e l’insegna di un Calice » sormontato dall’Ostia i confratelli del SS.mo Sacramento e Santa Maria del Carmine in San Crisogono a Trastevere ; è bianco, « col segno di una Pietà sopra d’un Calice », il Sacco della confraternita del SS.mo Sacramento in San Giacomo a Scossacavalli a Borgo, nota per la sua

53 L’architetto Francesco Ferrari risulta occuparsi dell’esposizione del SS.mo Sacramento senza interruzioni dal 1743 al 1743 con temi che via via abbandonano i riferimenti classici e biblici e riguardano piuttosto santi (non soltanto della Compagnia) nonché temi politici (es. : profezia del trono a Rodolfo d’Austria che a caccia si impietosisce di un infermo) e di evangelizzazione (es., nel 1743, la macchina con san Francesco Saverio che amministra la comunione – non il battesimo – al popolo di Goa). Dal pontificato di Benedetto XIV e sotto Clemente XIII e XIV le celebrazioni torneranno a riferirsi ad episodi della vita di Gesù, nell’orizzonte della centralità cristologia che segna il panorama devozionale del secondo Settecento. 54 L’ esposizione del SS.mo Sacramento al Caravita è in tutto il periodo considerato tra le più testate cerimonie. Nell’ordine : Diario Ordinario, Chracas n. 1024, 21 febbraio 1724, p. 3-4 (ma vedi anche Corpus, cit., p. 47) e n. 1489, pp 67. La macchina predisposta dall’architetto Francesco Ferrari per il carnevale 1739 rappresenta l’episodio di Gesù bambino presentato a Simeone (Ivi, n. 3356, 7 febbraio 1739, p. 7-8). Per le cerimonie del 1727 : Diario Ordinario, Chracas, n. 2589, 6 marzo 1734 f. 6-7 e n. 3205, 15 febbraio 1738. Il 25-27 febbraio 1737 sempre al Caravita, la macchina « vaghissima » ricorda « il gran prodigio narrato nel libro di Giosuè » e l’« esercito vittorioso d’Israello contro li cinque Re degli Amenorrei… e il SS.mo tra splendori » (Ivi, n. 3055, p. 7-9). 55 Diario Ordinario, Chracas, n. 3825.

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partecipazione alla processione solenne per l’ottava del Corpus Domini organizzata dal Capitolo di San Pietro56. Vestono ancora « Sacchi bianchi, con Mozzette e Cordone turchino e colla propria insegna della Madonna sostenuta da due Santi vestiti alla greca » i fratelli della confraternita (de’ Siciliani e Aragonesi) di Santa Maria di Costantinopoli al rione Trevi che ha lasciato ricche testimonianze circa la festa solenne per ultimo giorno della Pentecoste con esposizione del SS.mo Sacramento e indulgenza plenaria. Ancora « Sacchi bianchi colle Mozzette simili, sopra le quali hanno l’effigie di un Angelo che per le mani guida un’anima » sono gli abiti dei confratelli dei Santi Angeli Custodi nella chiesa omonima sempre nel rione Trevi, dove il 2 ottobre con festa solenne il popolo romano ossequia l’Angelo Tutelare e dove ogni domenica si espone il SS. Sacramento. Sono quasi sempre bianche le vesti dei bambini e delle bambine che partecipano alle celebrazioni giubilari. E’ piuttosto senza colore il Sacco « rozzo di canovaccio », dei confratelli (detti Sacconi, anch’essi a piedi scalzi) del Santissimo Cuore di Gesù a San Teodoro ; sono scalzi e vestiti di sacco nero i fratelli dell’arciconfraternita del SS.mo Crocifisso a San Marcello. Era interamente nero, come visto, l’abito dei confratelli dell’Adunanza del Numero della Notte, così legato alla mansione assistenziale della confraternita e al contempo significativo del segno penitenziale che caratterizza vasti ambienti devoti del primo Settecento, anche romano.

Stefania NANNI Università di Roma « La Sapienza »

56 M. A. Visceglia, Tra liturgia e politica : il Corpus Domini a Roma (XV-XVIII secolo), in Kaiserhof Papsthof. Corte imperiale-corte papale, a cura di R. Bösel, G. Klingenstein, A. Koller, Vienna, 2005, p. 147-172.

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DE LA MUTATION DES CONFRÉRIES AU XVIIIe SIÈCLE L’EXEMPLE DES PAYS RHÉNANS

Victor-Lucien Tapié avait coutume de dire lors de ses célèbres séminaires à la Sorbonne : « On parle de la déchristianisation au XVIIIe siècle mais, en vérité, on connaît fort mal ce siècle ». Cette remarque, très pertinente en son temps, serait aujourd’hui complètement déplacée et cela grâce principalement à l’immense travail accompli par les historiens italiens et français dont plusieurs participent à ce colloque. Leur mérite ne consiste pas seulement à avoir mis au jour le travail pastoral ou missionnaire accompli tout au long du XVIIIe siècle mais encore, ce qui est du plus haut intérêt, d’avoir montré comment s’était manifesté à la fin du siècle un déplacement des sensibilités et, en particulier, de la sensibilité religieuse. Ma contribution, fort modeste, à l’œuvre commune prendra appui sur une région pour laquelle j’ai pu réunir quelques informations sur le terrain. Il s’agit de l’axe rhénan, de Cologne à Lucerne, en passant par l’Alsace. Un élan indéniable Si dans la région étudiée la contre-réforme a commencé, comme partout, après le concile de Trente, la reconstruction des églises et la mise en place des communautés paroissiales n’eurent lieu qu’à la fin du XVIIe siècle, voire, dans bien des cas, après les traités d’Utrecht et de Rastadt (1713-1714). Il faut se souvenir que pour une très grande partie de l’Europe qui va de la Moselle à la Vistule, le XVIIIe siècle fut le temps du renouveau catholique. Le rythme de ce dernier est fort bien décrit par le père Josy Birsens S. J. dans sa thèse sur le duché de Luxembourg aux XVIIe et XVIIIe siècles (diocèses de Liège et de Trèves). Entre 1662 et 1701, un missionnaire jésuite, le père Scouville, procéda à la fondation de 132 confréries de la Doctrine chrétienne. Un de ses successeurs, le père Wiltz, en cinq ans seule-

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ment (1726-1731), en établit 2061. Dans les régions où catholiques et protestants vivaient côte à côte, souvent dans les mêmes villages, appartenaient parfois aux mêmes familles, le rythme d’établissement des confréries se trouva retardé. Dans l’ancien diocèse de Strasbourg (parties alsacienne et badoise), près de 40% des confréries qui existaient en 1790 n’avaient été établies qu’entre 1750 et 1790. Si on ne fait porter l’enquête que sur trois confréries particulièrement bien représentées dans le diocèse qui vient d’être mentionné : le Saint Sacrement, le Sacré-Cœur et l’Agonie du Christ, 72% d’entre elles furent fondées après 17502. On peut être surpris de constater dans ce groupe de tête deux confréries (l’Agonie du Christ et, partiellement, le Sacré-Cœur) dont les jésuites furent les ardents promoteurs à une époque où ils étaient attaqués de toutes parts avant de disparaître en 1773. Dans l’histoire du collège de Fribourg en Suisse se trouve le récit de la fondation de l’une des deux confréries qui viennent d’être mentionnées. « Ce ne fut que cette année, lit-on à la date de 1764, que l’église Saint-Michel vit s’établir officiellement la Congrégation de la Bonne Mort sous le titre de Jésus agonisant et de sa Mère pleine d’afflictions. Mgr de Montenach, évêque de Lausanne, voulut [en] faire lui-même l’inauguration solennelle et un discours lors de la première assemblée. On fit imprimer le manuel de la confrérie en allemand et en français et six mois plus tard on comptait déjà 1 200 associés »3. Ce simple événement révèle que dans les cantons catholiques de la Confédération helvétique, comme en Alsace d’ailleurs ou en Bavière, ce fut une Compagnie de Jésus en pleine vigueur qui fut supprimée. Le bref Dominus ac Redemptor n’eut pas d’ailleurs de grandes conséquences à Fribourg comme dans les autres villes de la région. Les jésuites sécularisés furent maintenus comme professeurs au collège4. Quant à la confrérie, elle devint comme celles du même titre qui se trouvaient à Strasbourg, à Sélestat ou à Cologne, une

1 J. Birsens, Manuels de catéchisme, missions de campagne et mentalités populaires dans le duché de Luxembourg aux XVIIe-XVIIIe siècles, Luxembourg, 1990 (Publications de la Section historique de l’Institut G.-D. de Luxembourg, 105), p. 196-197. 2 L Châtellier, Tradition chrétienne et renouveau catholique dans le cadre de l’ancien diocèse de Strasbourg (1650-1770), Strasbourg, 1981, p. 416-438. 3 Bibliothèque cantonale de Fribourg, Manuscrits, fonds du collège SaintMichel, L 107, Historia, fo 134. 4 Ibid., f° 146 v°-147 : « Le Sénat a pris ses précautions avant la suppression (de la Compagnie) en s’entendant avec les pères. Pour sauver les biens du collège, les sénateurs les déclarèrent propriété de la république de Fribourg. Après la suppression, le Sénat pria les PP. de poursuivre leur enseignement ».

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« association paroissiale ». Sous ce titre, ou avec le nom traditionnel de congrégation, elles poursuivirent souvent leur développement. Il en fut ainsi pour la congrégation académique de Molsheim, en Alsace, dans les années qui précédèrent immédiatement la Révolution française. Mieux, elle était désormais bien présente à Strasbourg et dans le nord de l’Alsace, c’est-à-dire sur les terres qui avaient été longtemps à majorité protestante5 (cf. fig. 1). À Cologne, comme à Lucerne, les congrégations de jeunes ouvriers maintinrent leurs activités comme le montre la page de titre d’un volume édité en 1806 à l’intention des compagnons qui partaient faire leur tour d’Europe6. On peut naturellement s’interroger sur la valeur à accorder aux chiffres souvent imposants des associés qui avaient donné leur nom à telle ou telle confrérie. À Strasbourg existait depuis le début du XVIIIe siècle, érigée dans la paroisse Saint-Louis, une confrérie du Saint-Sacrement. En 1768, il fut décidé de faire imprimer un livre de prières propre à l’association et tiré à 1 280 exemplaires, ce qui devait correspondre au nombre des membres à l’époque indiquée. Illusion : en 1780, l’éditeur vint réclamer un dédommagement car il était toujours en charge de 1 137 invendus7. Confréries et sodalités subsistaient. Mais n’étaient-elles pas vidées de leur contenu au propre comme au figuré ? Des institutions en plein renouvellement En fait, une recherche dans les archives de la confrérie strasbourgeoise vient rapidement nous persuader que l’activité principale de cette dernière n’était plus constituée par l’objet de sa fondation en 1707 mais par une œuvre parallèle qui s’était en quelque sorte greffée sur elle au milieu du XVIIIe siècle. Rapidement, celle-ci en était devenue l’activité principale. « L’œuvre des Messes » – pour les confrères décédés – avait bien, à la fin du siècle, tous les caractères de la prospérité : listes de membres imprimées, strict numerus clausus, cotisation annuelle rigoureusement perçue et, souvent même, limite d’âge pour l’inscription8… Il s’agissait d’une forme du Pactum 5 L. Châtellier, La Congrégation Académique de Molsheim et la société alsacienne à la fin du XVIIIe siècle, dans Annuaire de la Société d’histoire et d’archéologie de Molsheim, Annuaire 1980, Numéro spécial 1980, p. 89-97. 6 Archives de la ville de Lucerne, fonds Jésuites, Cod. KK 720, Hundert väterliche Lehren den wandernden Handtwerksgesellen auf die Reise mitzugeben. Ein Andenken von der Congregation der ledigen Mannspersonen in Luzern ihren Mitgliedern gewidmet, Lucerne, 1806. 7 Arch. dép. du Bas-Rhin, H 1345, p. 224-225. 8 J. Gass, La confrérie du Saint-Sacrement à Saint-Louis de Strasbourg, dans Revue catholique d’Alsace, Nouvelle série, 1928, p. 645-650 et p. 705-713.

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Marianum qui, après avoir été établi par les jésuites dans leurs congrégations mariales, avait été adopté pour d’autres confréries qu’ils ne dirigeaient pas9. De cette façon, les congrégations mariales qui avaient longtemps été strictement masculines évoluaient et prenaient davantage en compte le lien matrimonial. Elle prenaient le nom d’associations paroissiales ou même conservaient leur ancien titre et se retrouvaient encore au XIXe siècle là où elles avaient été fondées deux siècles plus tôt, de Cologne à Lucerne. Elles se rapprochaient toutefois de plus en plus de certaines confréries, établies elles aussi par les jésuites, et au caractère familial bien marqué dès l’origine, comme celles de l’Agonie du Christ10. On pourrait en dire autant, avec plus de pertinence encore pour les confréries de la Doctrine chrétienne, étudiées dans le diocèse de Trèves par Bernhard Schneider11 et qui connaissaient alors, dans la région étudiée comme en Bavière, un succès considérable12. Dans les années 1770, il ne s’agissait plus seulement d’apprendre le catéchisme en famille et de se soumettre ensuite aux questions du missionnaire ou du curé13. Mais, celui-ci, à l’inverse, était souvent interrogé par les parents qui lui demandaient quelles réponses donner aux enfants qui les questionnaient sur des points de dogme, de morale ou, tout simplement, dans ces pays de confessions mêlées, sur la différence entre luthériens et catholiques14. La famille prenait une place de plus en plus grande dans le phénomène confraternel. Était-ce par la volonté des fidèles eux-mêmes ou par celle du clergé ? Un fait mérite étude : c’est la grande mutation apparue dans l’enseignement des séminaires autour des années 1740, parfois plus tôt. La théologie morale prit alors une place dominante, parfois même aux dépens du dogme et des études bibliques.

9 L. Châtellier, Enquête sur la formation de la société catholique strasbourgeoise au XVIIIe siècle. Le cas de la congrégation des « bourgeois allemands, dans Annuaire de la société des amis du Vieux-Strasbourg, XII, 1982, p. 29-36. 10 L. Châtellier, L’Europe des dévots, Paris, 1987, p. 211-232. 11 B. Schneider, Bruderschaften im Trierer Land. Ihre Geschichte und ihr Gottesdienst zwischen Tridentinum und Säkularisation, Trèves, 1989 (Trierer Theologische Studien, 48), en particulier p. 108-162. 12 K. Baumgartner, Die Seelsorger im Bistum Passau zwischen Barocker Tradition, Aufklärung und Restauration, Passau, 1975 (Münchener Theologische Studien, I, Historische Abteilung, XIX). 13 L. Châtellier, La religion des pauvres. Les sources du christianisme moderne XVIe-XIXe siècles, Paris, 1993, p. 255-262. 14 A. et L. Châtellier, Les premiers catéchistes des Temps modernes. Confrères et consœurs de la Doctrine chrétienne aux XVIe-XVIIIe siècles, dans J. Delumeau (dir.), La religion de ma mère. Le rôle des femmes dans la transmission de la foi, Paris, 1992, p. 287-299, voir p. 296.

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On peut constater à partir des cahiers de notes des séminaristes que l’étude du mariage couvrait souvent une année entière. Il en allait de même pour les différents types de contrats15. Il y aurait lieu, d’ailleurs, à ce sujet, d’examiner les archives des conférences ecclésiastiques, quand elles existent encore, où aboutissaient souvent les questions embarrassantes posées par les fidèles à leurs pasteurs. L’évolution de la théologie comme les changements intervenus dans la formation du clergé, y compris l’existence fréquente en France d’une formation continue, sont autant d’éléments dont on peut se demander s’ils n’ont pas porté à conséquence dans l’évolution des confréries. Toutefois, dans le temps même où s’affirmait le caractère familial de certaines confréries, l’individu ressentait de plus en plus, comme Philippe Ariès l’a bien montré, son isolement devant la mort. Ainsi s’expliquaient la quête des indulgences et des messes post mortem que le Pactum Marianum assurait à ses associés et le désir des femmes d’y avoir aussi accès. Mais, cela n’apparaissait pas toujours suffisant à des êtres angoissés qui redoutaient plus que tout le péché mortel commis quelques instants avant le dernier soupir. C’était d’ailleurs le thème de bien des sermons de missionnaires, y compris d’Alphonse de Liguori16. Alors, les messes n’étaient plus d’aucun effet puisque l’âme du défunt n’était pas au purgatoire mais bien en enfer. Pour se préserver d’une telle fin, une garantie existait depuis le milieu du XVIIIe siècle : l’union de saint Aloyse (saint Louis de Gonzague). Établie d’abord à Prague, elle fut érigée, dès 1751, à Lucerne où elle comptait 78 000 associés en 1760 (venus vraisemblablement de l’ensemble des cantons catholiques)17. Il n’y avait d’ailleurs aucune raison pour que fût limitée cette progression car les charges étaient faibles (une salutation angélique chaque jour au son de la cloche) et les avantages étaient considérables. « Ce vœu fait dans la jeunesse, écrivait l’annaliste du collège de Lucerne, est d’un effet admirable car jamais, tant qu’il est exécuté, le fidèle à saint Aloyse ne sera tenté par le mal »18. Du même type était la neuvaine à saint François-Xavier qui, à date fixe, chaque année attirait beaucoup de monde. Cette

15 Sur l’exemple allemand, voir J. Diebolt, La théologie morale catholique en Allemagne au temps du Philosophisme et de la Restauration 1750-1850, Strasbourg, 1926 ; pour l’Alsace en particulier, L. Châtellier, Tradition chrétienne et renouveau catholique… cité n. 2, p. 405-407. 16 L. Châtellier, La religion des pauvres… cité n. 13, p. 190-192. 17 Archives de la ville de Lucerne, Fonds Jésuites, Cod. KK 75, Catalogus Personarum Foederis S. Aloysii Gonzagae Anno 1751. La liste des membres est précédée du bref d’érection de l’union. 18 Archives de la ville de Lucerne, Cod. KK 25/2, Histoire du collège, p. 307.

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dévotion, comme bien d’autres, survécut au départ des jésuites19. Il ne conviendrait pas non plus d’oublier, dans les sanctuaires de la Vierge, les confréries de pèlerins qui n’étaient pas seulement pour ceux-ci une façon de rappeler leur passage, mais surtout, sans doute, une manière de se recommander à l’intercession de la mère du Christ au jour de leur trépas. À Mariastein, sanctuaire marial du canton de Soleure construit sur le modèle de Notre-Dame de Lorette, les registres d’inscriptions des confréries du Saint Scapulaire et de Notre-Dame des sept douleurs sont remplis de milliers de noms de pèlerins venus entre 1750 et 1790. Beaucoup, sans doute, n’ont jamais participé à une assemblée ; peut-être même ne sont-ils jamais revenus en pèlerinage. Peu leur importait, l’essentiel était bien que leur nom figurât dans le livre de la Vierge20. Vers une nouvelle sensibilité religieuse Entre 1750 et 1790, dans la région rhénane, un changement était en cours. Bien des confréries fondées un siècle plus tôt étaient encore en activité et bénéficiaient d’un grand crédit dans la population. Mais, il n’était pas sûr que l’objet qui leur avait été assigné lors de leur fondation fût encore la raison qui motivait les demandes d’inscription des nouveaux confrères et consœurs. Un déplacement des centres d’intérêt était apparent. Quand cela n’était pas le cas, comme pour les confréries de la Doctrine chrétienne, un changement des pratiques pouvait être observé. Le curé, autrefois examinateur, était désormais soumis à des questions sur la mise en pratique au quotidien des principes du christianisme. Rien ne permet cependant de croire à des dérives justifiées par des motivations intéressées que l’on pourrait résumer ainsi : le bonheur sur terre et le paradis après la mort. Il ne faudrait pas oublier ces nombreuses fondations de confréries sous les titres du SacréCœur ou de l’Agonie du Christ à la veille de la Révolution française. Ce qui a été évoqué pour le diocèse de Strasbourg se retrouve d’une façon tout aussi imposante en d’autres diocèses. Le fait est d’ailleurs à mettre en rapport avec les innombrables croix de mission, de peu antérieures, élevées des Vosges à la Moravie ou à la Pologne. Le Christ y est généralement représenté perdant abondamment son 19 Comme le prouvent les poursuites intentées par la paroisse de Sélestat à l’ancien recteur des jésuites du lieu qui était parti avec les ornements et les objets du culte propres à la neuvaine, Arch. dép. du Bas-Rhin, C 343, f° 45 49 (1767). 20 Archives de l’abbaye de Mariastein (canton de Soleure, Suisse), registres des membres de la confrérie du Saint Scapulaire érigée à Mariastein en 1663 et registres des membres de la confrérie de Notre-Dame des sept douleurs fondée à Mariastein en 1669.

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sang à l’endroit des cinq plaies. Il porte sur la poitrine un grand cœur doré. Il convient aussi de rappeler que les années 1760-1780 furent aussi celles de la construction de nombreux chemins de croix près des villages ou des lieux de pèlerinage, comme en Bavière ou en Suisse, ainsi à Mariastein. Les confréries plus haut citées se placent donc dans un ensemble de dévotions au Christ « souffrant sur la croix » qui semblent atteindre, à l’époque étudiée, un particulier développement. Il n’est pas inutile de rappeler qu’en un temps où la division entre catholiques et protestants était souvent vécue comme un scandale, la représentation du Christ agonisant sur sa croix pouvait rapprocher les fidèles de Rome des luthériens de sensibilité piétiste, nombreux dans la vallée rhénane21. Ainsi, à côté de préoccupations propres au temps, l’étude des confréries de la fin du XVIIIe siècle laissait déjà entrevoir une sensibilité religieuse qui annonçait le christianisme de l’époque romantique. Un autre fait mérite d’être relevé, c’est le caractère commun des dévotions et des pratiques qu’elles impliquent dans l’ensemble de la région étudiée et toutes confréries confondues. Sans doute, le doiton à un ordre religieux, la Compagnie de Jésus, dont la marque profonde est visible du Nord au Sud. On peut y ajouter la pratique ancienne de la lecture et de l’écriture dans une région où le livre, depuis ses origines, a accompagné la piété. Mais la parfaite cohérence des dévotions tient aussi à un autre fait : la fidélité absolue de tous les catholiques à Rome, legs encore de la Compagnie de Jésus. Un symbole en est constitué par la présence de deux nonciatures aux deux extrémités de la région étudiée avec Cologne au nord et Lucerne au sud. Le jansénisme y fut complètement ignoré et l’obligation de l’enseignement des quatre articles de 1682 mit les jésuites de Strasbourg dans un grand embarras qui se changea d’ailleurs, au fil des ans, en oubli presque complet. La seule exception fut l’œuvre de l’évêque suffragant de Trèves, Nicolas de Hontheim. Dans son De statu ecclesiae et legitima potestate Romani Pontificis signé du nom de Febronius et paru en 1763, celui-ci souhaitait une plus grande liberté, voire l’autonomie de l’Église catholique du Saint Empire à l’égard de Rome. Mais il ne convainquit ni ses prêtre ni ses fidèles. Aussi, le prince-archevêque ClémentWenceslas de Saxe (1768-1801) ne tarda-t-il pas à le démettre de ses fonctions (1778) et à le remplacer par un prélat d’une absolue fidélité à Rome22. Quel fut le rôle des confréries de la Doctrine chrétienne,

L. Châtellier, La religion des pauvres… cité n. 13, p. 160-174. E. Gatz (dir.), Die Bischöfe des Heiligen Römischen Reiches 1648 bis 1803. Ein biographisches Lexikon, Berlin, 1990, p. 192-195. 21

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DEVOZIONI E VITA QUOTIDIANA DEGLI STUDENTI NELL’ITALIA MODERNA

Parlare di studenti significa parlarne al plurale, riconoscere che lo scolaro dell’età medievale e moderna era essenzialmente membro di un gruppo, da cui ricavava la propria identità come singolo, un gruppo di cui contribuiva a tratteggiare il volto. Studenti in gruppo, quindi, studenti che si aggregarono dando vita a una delle più straordinarie invenzioni del medioevo occidentale, l’università ; studenti che vennero aggregati, raccolti sotto lo stesso tetto nei collegi o nei convitti ; studenti che si unirono nel segno delle comuni origini geografiche, della crescita culturale, della tutela del proprio status, ma anche per l’edificazione spirituale e l’impegno caritativo. Molteplici furono le ragioni, altrettanto variegate le soluzioni, ma in tutti i casi ciò che prevalse fu lo status studentesco di colui che stava compiendo un cammino di formazione e per il quale l’aggregazione con i suoi pari doveva essere l’aiuto quotidiano per nutrire il corpo, la mente e lo spirito. Per molto tempo le nationes costituirono le uniche associazioni degli studenti in grado di favorire gli indispensabili rapporti « orizzontali », come emerge chiaramente dall’analisi di alcune forme consociative1. Accanto a esse, tuttavia, si svilupparono altri raggruppamenti, dai collegi alle congregazioni, luoghi privilegiati anche per l’esercizio di pratiche devote. Gli episodi di trasgressione certo non mancarono, atteggiamenti contraddittori che esprimevano insieme la realtà pubblica e quotidiana. Alla trattazione vanno apposte due postille iniziali. La prima riguarda la periodizzazione adottata : pur concentrando nell’età moderna la maggior parte dei casi presi in esame, è stato necessario anticipare lo sguardo ai secoli medievali così da comprendere strutture e categorie che, seppur in forme diverse, risulteranno perma-

1 E. Stumpo, Spazi urbani e gruppi sociali (1536-1630), in G. Ricuperati (a cura di), Storia di Torino. III. Dalla dominazione francese alla ricomposizione dello Stato (1536-1630), Torino, 1998, p. 210-215 ; O. Niccoli, La vita religiosa nell’Italia moderna. Secoli XV-XVIII, Roma, 1998, p. 34-43, 127-150, 169-177.

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nenti. La seconda è di tipo metodologico : in antico regime, pur trattando dell’istruzione superiore universitaria, non sempre il confine che la separava da quella secondaria era netto e ben riconoscibile e, di conseguenza, certe riflessioni paiono valere per fasce contigue. Il legame tra l’università e gli istituti secondari risultava talmente evidente che le riforme sabaude del Settecento vennero impostate su tutti i livelli, secondo una prassi consolidata che Maria Teresa non tardò ad applicare anche nella Lombardia austriaca. L’argomento affrontato nelle pagine seguenti ha presentato parecchie difficoltà perché, fino a oggi, gli studi consacrati alla storia dell’università hanno tenuto in posizione marginale le questioni religiose connesse alla vita accademica. Non bisogna dunque meravigliarsi se i casi appresso illustrati non saranno numerosi ; le fonti fin qui esplorate evidenziano solo pochi casi, gli unici su cui esista un minimo di bibliografia. Si tratta, tuttavia, di una pista ancora da battere e che riserverà sicure sorprese. Le tipologie di aggregazione Il medioevo, la cui società era organizzata per ordini e ceti, fu tutto impastato da quello spirito di corpo, che è all’origine delle grandi aggregazioni prima religiose e poi civili. Dal XIII al XVII secolo, operare una distinzione fra i raggruppamenti laicali appare un’operazione alquanto artificiosa e non riscontrabile nella terminologia e nella coscienza dei fedeli e della stessa gerarchia ecclesiastica2. Almeno fino a tutto il Settecento, al termine confraternita si assegnò una notevole estensione, come mostra anche la varietà di sinonimi, a volte usati indifferentemente, con cui furono designate tali associazioni : gilda, confraternitas (confreria), colligatio, sodalitas, congregatio, schola, collegium, amicitia, caritas, communio, fraternitas, familiaritas, coniuratio, societas, coetus, pia unio, consociatio, limitandosi solo ai termini latini usati nei documenti dalla stessa gerarchia. Se la confraternitas e le sue volgarizzazioni servirono a designare indifferentemente la maggior parte delle associazioni di laici a scopo prevalentemente religioso, ma anche forme associative ispirate a un ampio concetto di religiosità, fu proprio nel secolo dei Lumi che la confraternita di devozione iniziò a distinguersi nettamente dall’associazione di arte e mestiere, dalla società di mutuo soccorso, dal con-

2 G. Angelozzi, Le confraternite laicali. Un’esperienza cristiana tra medioevo e età moderna, Brescia, 1978, p. 9-11 ; R. Rusconi, Confraternite, compagnie e devozioni, in G. Chittolini e G. Miccoli (a cura di), Storia d’Italia. Annali 9 : La Chiesa e il potere politico dal Medioevo all’età contemporanea, Torino, 1986, p. 467-506.

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siglio di gestione di opere di carità e di assistenza con cui si era talora confusa3. Essa diede vita a una tipologia di forme associative estremamente varia e di problematica classificazione, e tuttavia strettamente apparentate tra loro per ispirazione e funzioni : il senso di una solidarietà intima, fraterna e durevole fra i confratelli, vivificata dalla corrispondenza dei favori spirituali goduti comunitariamente dall’associazione e da un forte senso della tradizione e della continuità ; la consuetudine della preghiera, dell’atto di culto e della pratica ascetica esercitati in comune ; l’aiuto scambievole fra confratelli, spirituale e materiale, in vita e in morte ; l’impegno caritativo e assistenziale nello stile genuino ed estemporaneo, o in quello più complesso e istituzionalizzato ; una struttura organizzativa e gerarchica variamente articolata, ma abitualmente ben delineata, fondata sul principio dell’autogoverno e fissata in deliberati statutari, espressione della volontà e dell’impegno degli stessi confratelli. Alla luce delle attuali acquisizioni storiografiche, la componente sostanziale della riforma cattolica fu probabilmente la preoccupazione di conformarsi a una regola di vita4. Questo valse sia per gli ordini religiosi, che, osservando già una regola, si impegnarono a seguirne la versione originaria, sia per i laici, studenti compresi, strutturati in aggregazioni ecclesiali suscitate nell’alveo di ordini rinnovati o di recente fondazione. « La disciplina fu un’ossessione che accomunò fondatori, maestri e amministratori dei collegi »5, e tale affermazione è tanto più evidente quanto più ci si avvicina all’età confessionale, quando l’influenza esercitata dall’ambiente ecclesiastico sui codici di comportamento degli studenti dei collegi aveva dato frutti già avvertiti dai contemporanei6. Tra medioevo ed età moderna, o per scelta personale o per condizioni storico-sociali, gli studenti furono l’immagine della preca-

3 D. Zardin, Le confraternite in Italia settentrionale fra XV e XVIII secolo, in Società e storia, 35, 1987, p. 81-137 ; Id., Il rilancio delle confraternite nell’Europa cattolica cinque-seicentesca, in C. Mozzarelli e D. Zardin (a cura di), I tempi del Concilio. Religione, cultura e società nell’Europa tridentina, Roma, 1997, p. 107-144. 4 L. Châtellier, I gesuiti alla ricerca di una regola di vita per i laici : le congregazioni mariane, in P. Prodi (a cura di), Disciplina dell’anima, disciplina del corpo e disciplina della società tra medioevo ed età moderna, Bologna, 1994, p. 383-393. 5 W. Frijhoff, Conclusions. Vers une autre histoire des collèges universitaires, in D. Maffei e H. De Ridder-Symoens (a cura di), I collegi universitari in Europa tra il XIV e il XVIII secolo. Atti del convegno di studi della Commissione internazionale per la storia delle università : Siena-Bologna, 16-19 maggio 1988, Milano, 1991, p. 185-196 (specie p. 194). 6 D. Knox, Disciplina : le origini monastiche e clericali del buon comportamento nell’Europa cattolica del Cinquecento e del primo Seicento, in P. Prodi (a cura di), Disciplina dell’anima cit., p. 63-99.

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rietà : giovani, spesso lontani da casa e con pochi soldi, sciolti dalla custodia familiare e dal controllo sociale della cerchia di appartenenza, esposti alle tentazioni di un ambiente non di rado più libero di quello di provenienza, ma anche a una serie di pericoli la cui gravità non va sottovalutata7. Un miglioramento nelle condizioni di vita e nella sicurezza pubblica si era certamente prodotto nel Cinquecento rispetto a due secoli precedenti. Ma nondimeno la morte, naturale o violenta, continuava a far parte dell’orizzonte quotidiano, a essere un’eventualità quasi ‘normale’ per uno studente universitario. La malattia, affrontata in solitudine o quasi, lontano dalla cornice affettiva e dalle opportunità di assistenza che la famiglia poteva garantire, costitutiva un frangente spesso assai rischioso e anche, in alcuni casi, una dolorosa pietra di paragone per i rapporti umani. Le diffidenze sociali per i forestieri e il sospetto nei confronti di un ceto non allineato rendevano marginale la presenza degli studenti nelle città. Non stupisce, dunque, la forte tendenza associativa degli studenti, la ricerca di una solidarietà di gruppo (formalizzata e istituzionalizzata, come nelle nationes, o informale) che ripristinasse almeno in parte i livelli di protezione garantiti dalle famiglie e dagli ambienti d’origine. In un contesto relativamente controllato come fu quello cittadino, lo studente sviluppava una sorta di concorrenza con la gioventù locale, venendo percepito come una minaccia sessuale da padri, fratelli e mariti, e come una possibile causa di disordine sociale dai borghesi, spesso innescando una sorta di conflitto tra generazioni (giovani-imprudenti contrapposti ad anziani-saggi). In ambito educativo, dove si consolidarono alcune forme associative a cominciare proprio dall’università, queste assumevano connotati distinti oppure omologati rispetto a quelle diffuse in altri ambiti sociali. Dopo la parentesi della prima età moderna in cui indicava pure il comune, oggi la parola ‘università’ fa riferimento a due realtà per le quali nel medioevo si usavano due termini distinti : l’universitas, cioè l’istituzione che organizzava e controllava l’insegnamento superiore, e lo studium, cioè il contenuto dell’attività didattica e di ricerca, il complesso delle discipline, i metodi8. Le istituzioni universitarie erano il risultato di due componenti : da una

7 F. Piovan, Studenti e città nel diario di Giovanni Antonio da Corte, in F. Piovan e L. Sitran Rea (a cura di), Studenti, università, città nella storia padovana. Atti del convegno Padova, 6-8 febbraio 1998, Trieste, 2001, p. 317-345 ; M. Gazzini, Confraternite e giovani a Milano nel Quattrocento, in Rivista di storia della Chiesa in Italia, 57, 1, 2003, p. 65-84. 8 C. Frova, Università, in A. Vauchez, C. Vincent e C. Leonardi (a cura di), Dizionario enciclopedico del Medioevo (d’ora in poi DEM), I-III, Parigi-RomaCambridge, 1998-1999, III, p. 1991-1993.

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parte i maestri e dall’altra gli studenti che, come si è anticipato, sentivano l’esigenza di associarsi in organizzazioni corporative (universitates) per definire la propria fisionomia di gruppo e regolare autonomamente la propria attività. Le corporazioni universitarie governavano la vita della scuola in tutti i suoi aspetti : i curricula dei vari settori disciplinari, i contenuti e le modalità di svolgimento dei corsi, le procedure degli esami e della concessione dei titoli, la remunerazione dei docenti, la disciplina cui dovevano sottostare i maestri, gli studenti e anche il personale che svolgeva mansioni tecniche a servizio dello Studium. Maestri e discepoli, talora di varia provenienza, hanno avuto la tendenza a radunarsi per affinità geografica o linguistica, per ‘nazioni’, in cui natio aveva il significato semplicemente di « regione di nascita »9. L’esperienza di aggregazione per lingue era stato uno dei grandi pilastri dell’accoglienza dei pellegrini : Roma, meta religiosa per eccellenza già del pellegrinaggio alto-medievale, conosceva le scholae organizzate per nationes linguistiche nei pressi della basilica di San Pietro (si pensi, ad esempio, alla schola dei Sassoni in Santo Spirito in Saxia o a quella degli Angli). Nel 1195 la confratria scholarium ultramontanorum di Bologna raccoglieva studenti francesi, spagnoli, inglesi, secondo un processo analogo all’affermazione delle corporazioni artigiane e delle associazioni religiose10. La universitas ultramontanorum (al di là delle Alpi) e la universitas citramontanorum (al di qua delle Alpi) emersero di lì a poco. Per le nationes (cioè componenti dell’universitas), le occasioni d’incontro e di confronto erano innanzitutto di carattere liturgico-devozionale : per la Natio Teutonicorum bolognese, oltre a quella solenne della prima domenica dopo l’Epifania, si celebravano messe dedicate alla Vergine e alla sua Purificazione, per la domenica delle Palme, l’Ascensione, la Pentecoste, l’Assunzione di Maria, la festa di Ognissanti e dei morti, per santa Caterina e per il Natale. A Parigi si ebbero quattro nazioni, riservate solo agli studenti e ai docenti delle arti, che comparvero verso il 1220, due omogenee dal punto di vista geografico (Normandia, Piccardia), due più disorganiche : quella di Francia riuniva tutti i francesi (eccetto normanni e piccardi), ma anche italiani e iberici ; quella di Inghilterra (che diventò di Germania nel XV secolo) radunava gli studenti dell’Europa centrale e del Nord. A Parigi, come a Bologna, le nazioni avevano come ulteriore compito quello di accogliere i nuovi stu-

J. Verger, Nazioni studentesche, in DEM, II, p. 1268-1269. R. Greci, L’associazionismo degli studenti dalle origini alla fine del XIV secolo, in G. P. Brizzi - A. I. Pini (a cura di), Studenti e università degli studenti dal XII al XIX secolo, Bologna, 1988, p. 27, 38-39. 9

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denti esercitando su di essi una certa giurisdizione e di garantire loro la solidarietà tra compatrioti e un inquadramento religioso. Le nazioni avevano i loro santi patroni e le loro feste, inoltre possedevano alcuni locali che fungevano da aule ; i conflitti fra nazioni erano piuttosto frequenti, specialmente in occasione dell’elezione del rettore. A tutto ciò, nel Trecento si aggiunse un aspetto conviviale, ma sopravvisse lo spirito di mutuo soccorso confraternale ravvisabile nella cura riservata alle sacre funzioni e alle esequie dei sodali, nelle periodiche erogazioni di elemosine e così via. Progressivamente l’autorità pubblica si accollò sempre maggiori responsabilità nei confronti dell’università addossandosene il sostentamento e diminuendo così l’autonomia delle corporazioni universitarie. Nel Quattrocento l’università appariva un’istituzione robusta : pontefici, sovrani, aristocratici, ecclesiastici, ricchi mercanti disponevano lasciti per la fondazione di collegi dove i giovani poveri potevano essere ospitati durante gli studi, fatto che non invertì la tendenza alla chiusura nei confronti delle classi meno privilegiate dall’insegnamento superiore accentuando il carattere elitario dell’università11. I tentativi di riposizionare al centro del dibattito cinquecentesco la comunità dei docenti e dei discenti non mancarono e ci fu chi, come il giurista francese Étienne Pasquier, definendo l’università un’istituzione « bâtie en hommes », intendeva far prevalere, sulle influenze esterne, l’autogoverno interno12. Inesorabilmente con la diffusione e regionalizzazione delle università e il contenimento della loro autonomia, le nazioni ridussero la loro influenza con le debite eccezioni, tanto che nel 1679 la popolazione studentesca torinese risultava ancora divisa in ben tredici nazioni13. Dalle fonti si evince come i termini congregazione, confraternita o compagnia fossero utilizzati in alcuni casi come sinonimi di nazione, a cui spesso trasferiscono le loro caratteristiche specifiche. Nella ricognizione curata da Luigi Fiorani sulle confraternite romane, si ricorda come queste ebbero vivo il sentimento della morte, lo affermarono con esperta pedagogia, lo divulgarono ricorrendo a cerimoniali estenuanti e di immediata comprensione. Il compito di garantire un funerale solenne e una sepoltura decorosa ai propri morti fu

11 G. P. Brizzi, Collegi e Università : otto secoli di storia, in P. Del Negro (a cura di), I Collegi per studenti dell’Università di Padova. Una storia plurisecolare, Padova, 2003, p. 23-45. 12 C. H. Haskins, L’origine delle università, in G. Arnaldi (a cura di), Le origini dell’università, Bologna, 1974, p. 33-34 ; sullo studente medievale p. 64-84. 13 A. Catarinella e I. Salsotto, L’Università degli Studi in Piemonte tra il 1630 e il 1648, in G. Ricuperati (a cura di), Storia di Torino. IV. La città fra crisi e ripresa (1630-1730), Torino, 2002, p. 546-551.

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tratto peculiare in quasi tutti i sodalizi romani, ma non venne forse riproposto dalle stesse nazioni studentesche14 ? Il collegio costituì l’altra forma aggregativa fra studenti. Nel medioevo, collegium indicava ogni associazione di persone riunite per uno scopo comune : artigiani, sacerdoti addetti alla stessa chiesa (collegiata) e quindi anche corporazioni, o universitates, di studenti e maestri. In seguito si pervenne all’attuale accezione della parola, e cioè la casa (domus) degli studenti poveri. In Italia si pensi ai collegi : a Bologna quello di San Clemente, fondato dal cardinale Egidio Albornoz nel 1364, e quello di Spagna nel 1367 ; a Padova quello degli Engleschi nel 1466 ; a Roma numerosi i collegi pontifici, come il Nardini e il Capranica nel 145615. L’istituzione si trasformò successivamente : alcuni rimasero semplici case per studenti poveri, raggruppando gli alunni di una nazione, regione, città, altri divennero veri e propri centri d’insegnamento. Nel reclutamento dei borsisti, sulla necessità dovuta alla povertà prevalse la ricerca delle capacità intellettuali o delle relazioni sociali, predisponendo così le basi allo sviluppo dei collegi al di fuori delle università, istituzioni che, preparando agli studi superiori, divennero le chiavi di volta del sistema educativo europeo moderno. Benché l’ammissione al collegio presupponesse una fervida vita devota, lo studente circoscriveva le manifestazioni di fede alle tappe sacramentali : battesimo, comunione, matrimonio o estrema unzione. Nel 1366, il vescovo di Tournai scriveva : « La devozione dei laici si raffredda e diminuisce il rispetto dovuto ai sacramenti »16. Non mancavano chierici ignari del Pater o del Credo, e che si limitavano a recitare l’Ufficio abbreviato, come le Ore della Santa Vergine, quelle dello Spirito santo o quelle della Morte. Il rettore dell’Università di Cracovia, Tommaso di Strzepno, rammentava agli studenti nel 1432 che qualunque fosse stata la loro nazionalità, polacca o tedesca, ungherese o francese, nonostante le loro differenze, essi formavano un solo corpo in Cristo. Si era ormai alle soglie dell’Umanesimo e il ricorso alla metafora paolina indicava l’indebolimento di quel sentimento di fedeltà assoluta alla ‘nazione’ che tanto fortemente aveva fecondato i secoli precedenti. Le cause di tale affievolimento si radi-

14 L. Fiorani (a cura di), Le confraternite romane esperienza religiosa, società, committenza artistica. Colloquio della Fondazione Caetani Roma, 14-15 maggio 1982, in Ricerche per la storia religiosa di Roma, 5, 1984 (si veda l’intero numero monografico). 15 G. P. Brizzi, Da « domus pauperum scholarium » a collegio d’educazione : università e collegi in Europa (secoli XII-XVIII), in P. Prodi (a cura di), Disciplina dell’anima cit., p. 808-840. 16 L. Moulin, La vita degli studenti nel Medioevo, Milano, 1992, p. 23-24, 3033, 120.

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cavano nel processo di costituzione delle nazioni politiche secondo uno spirito moderno e nell’accentuazione delle differenziazioni segnate dai confini geo-politici. In antico regime, università e collegio costituirono un binomio inscindibile anche se tale rapporto non implicò una posizione subalterna dell’uno all’altra, giacché i collegi - al pari delle università studentesche o di quelle dei maestri, delle facoltà, dei collegi dottorali costituirono fin dall’inizio una delle componenti della complessa articolazione dello Studio pubblico, ciascuna delle quali operava in modo autonomo rispetto alle altre17. Nel XVI secolo il termine collegio accomunava molteplici istituzioni ben differenziate nei propri compiti : la scuola pubblica tenuta da religiosi, dove gli studenti laici frequentavano le lezioni talora accanto ai novizi dell’ordine ; un istituto per aspiranti al sacerdozio (come il Collegio Germanico di Roma), che oggi noi chiameremmo più propriamente seminario ; i seminaria laicorum, i seminaria nobilium, i seminaria familiaria, cioè i convitti o collegi di educazione18. I collegi universitari italiani svolsero essenzialmente tre funzioni : residenziale o materiale, educativa e sociale. In essi si acquisivano attitudini e modi di comportamento che avrebbero contribuito a trasmettere un modello di vita e un habitus intellettuale utili in futuro19. Questo fu il caso del Collegio Grassi, fondato come risposta a esigenze di sopravvivenza fisica nella Torino di metà Quattrocento20. Il fondatore, il giurista Giovanni Grassi, rivolse la sua attenzione non solo agli aspetti culturali, ma anche ai risvolti morali e religiosi, componenti essenziali del percorso educativo. L’atmosfera che si respirava era di profonda carità e spirito cristiano, con una vita collettiva moralmente controllata e una disciplina molto rigida. I doveri religiosi, considerati di fondamentale importanza per i convittori, consistevano in una serie di preghiere ben precisate, senza però comprendere la messa quotidiana, obbligatoria in istituzioni più grandi, né l’obbligo a periodici digiuni, alla confessione e alla comunione un certo numero di volte l’anno, come accadeva nel Collegio Castiglioni di Pavia, che disponeva di una propria cappella e di due cappellani residenti all’interno21. Le pratiche di pietà imposte ai convittori tori17 J. Verger, Collegi e università tra Medio Evo ed Età Moderna, in D. Maffei e H. De Ridder-Symoens (a cura di), I collegi universitari in Europa cit., p. 1-12. 18 G. P. Brizzi, La formazione della classe dirigente nel Sei-Settecento. I seminaria nobilium nell’Italia centro-settentrionale, Bologna, 1976, p. 21. 19 P. Del Negro, L’età moderna, in Id., I Collegi per studenti cit., p. 97-161. 20 I. Naso, Studio, disciplina e preghiera. I Collegi universitari a Torino nel Quattrocento, in Quaderni di Storia dell’Università di Torino, 2, 1998, p. 211-240. 21 A. L. Visentin, Il più significativo precedente del Collegio Ghislieri : il Collegio universitario Castiglioni (1429-1803), in Il Collegio Universitario Ghislieri di Pavia istituzione della Riforma cattolica (1567-1860), I, Milano, 1966, p. 57.

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nesi si esaurivano con l’impegno a recitare ogni giorno sette Pater noster e Ave Maria, oltre ai sette salmi penitenziali, mettendosi in ginocchio in camera o in chiesa, dove si recavano obbligatoriamente la domenica e nei giorni festivi. Negli statuti dei collegi italiani per studenti universitari, appare chiara l’esigenza di garantire una solida formazione di carattere etico attraverso precise disposizioni di culto, anche se, nel caso torinese, questo fatto non sembra ispirato da generiche e indefinite finalità religiose dell’opera pia, quanto piuttosto dal desiderio di trarne meriti e intercessioni per l’anima del benefattore e della sua famiglia, compresi antenati e discendenti. Il Collegio Grassi riproduceva i caratteri di una fondazione tradizionale, fedele al modello più medievale dell’istituzione di piccole dimensioni con pochi convittori e piuttosto chiusa. Questo, che fu il modello prevalente nella maggioranza dei collegi fondati fino al Seicento nell’Europa meridionale, Italia compresa, rivelava alcuni elementi di originalità rispetto alla tendenza del tempo, come l’attività didattica interna non solo di sostegno, ma integrativa rispetto alla formazione universitaria allora lacunosa. Il fondatore concepì la formazione intellettuale ed educativa come trampolino di lancio per quei giovani che, grazie al rigore degli studi e allo stile di vita morigerato e austero, avrebbero acquisito un modus vivendi distintivo e indispensabile per acquisire importanti ruoli dirigenziali nella società del tempo. Costituendo la sede privilegiata di un magistero didattico, il collegio, oltre a essere la sede, rappresentava il centro propulsore di un fascio di attività legate al culto e alla propaganda religiosa, e anche centro di aggregazione di primaria importanza nella società sabauda tra Cinque e Settecento. In una società in cui tempo della festa e tempo della Chiesa tendevano a confondersi, i gesuiti si fecero interpreti di una religiosità coinvolgente ed emotiva22. Coerente al dettato controriformistico, che imponeva il soffocamento o il recupero a un’area ortodossa delle espressioni religiose più autonome, legate al folklore e alla sensibilità popolare, la Compagnia fu particolarmente attenta alla dimensione collettiva del sacro (confessioni durante celebrazioni pubbliche, processioni, culto delle Quarantore)23. Le confraternite e le associazioni laiche in 22 M. Roggero, Scuola e riforme nello Stato sabaudo. L’istruzione secondaria dalla Ratio studiorum alle Costituzioni del 1772, Torino, 1981, p. 65-71. Nel corso dell’anno i giorni festivi (ricorrenze religiose e civili, occasionali o di tradizione) erano di gran lunga più numerosi e frequenti di quelli di oggi : E. Stumpo, Spazi urbani e gruppi sociali cit., p. 210-215. 23 La processione per scongiurare la peste, che si snodò per le vie di Torino nel 1599, vide la partecipazione delle confraternite, dei collegi e dell’università : P. G. Longo, Città e diocesi di Torino nella Controriforma, in G. Ricuperati (a cura di), Storia di Torino. III. Dalla dominazione francese alla ricomposizione dello Stato (1536-1630), Torino, 1998, p. 501-515.

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genere con fini spirituali si fregiavano di connotati cultuali e culturali autonomi, ed essendo aduse ad amministrare i propri fondi e a celebrare i propri riti in libertà, costituivano un ostacolo non trascurabile sulla via dell’accentramento imposto dalle gerarchie civili e religiose. I gesuiti riuscirono gradualmente a penetrare in esse, erodendo dall’interno le antiche autonomie : fu il caso della Compagnia di San Paolo che, nella Torino del Seicento, venne recuperata e dirottata in varie opere di misericordia, fra cui quelle indirizzate al milieu universitario24 : Si sono aiutati molti dottori e scolari, li quali avevano tenuto o letto ancora libri proibiti e seguitando la libertà scolaresca ad ogni altra cosa attendevano che […] al bene di studiare ; al che ha giovato grandemente un oratorio di dottori e scolari […] che si congrega ogni domenica, ove si ragiona di cose spirituali25.

Sebbene l’Università torinese mostrasse una situazione culturale sbiadita e la sua funzione si riducesse alla formale attribuzione dei gradi accademici, la Compagnia non era indifferente al controllo dello Studio da cui derivava una certa dose di prestigio. Anche nelle proprie scuole, tra gli stessi studenti, i gesuiti vollero introdurre alcune associazioni devote come le congregazioni mariane riservate ai migliori allievi che, sotto la guida dei Padri, si impegnavano in un’intensa attività spirituale e caritativa26. I legami nati nelle aule del collegio non si esaurivano con il termine degli studi, ma erano coltivati con cura per indurre gli antichi allievi a mantenersi in contatto con l’ambiente della loro formazione e rinsaldare così i molteplici vincoli che già univano la Compagnia alle cerchie privilegiate o perlomeno colte. Le relazioni accennavano con compiacimento alla presenza di studiosi e laureati che, sebbene scholas nostras non amplius frequentent, marianae tamen sodalitati non desinunt interesse27. Percorrendo lo stesso solco, riscossero fortuna le accademie, circoli di studenti di retorica (minori) e di filosofia e teologia (maggiori) che si riunivano nei giorni di vacanza (carnevale, feste solenni, distribuzione dei premi) per perfezionarsi « nel leggere e nel

24 L. Gilardi, Gesuiti, associazioni laicali e predicazione nella chiesa dei Santi Martiri tra Seicento e Settecento, in B. Signorelli (a cura di), I Santi Martiri : una chiesa nella storia di Torino, Torino, 2000, p. 133-135. 25 Archivum Romanum Societatis Iesu (d’ora in poi ARSI), Med. 76/I, Litterae annuae collegii Taurinensis (1584). 26 É. Villaret, Les congrégations mariales. I : Des origines à la suppression de la Compagnie de Jésus (1540-1773), Parigi, 1947 ; R. G. Villoslada, Storia del Collegio Romano dal suo inizio (1551) alla soppressione della Compagnia di Gesù (1773), Roma, 1954, p. 125-132 ; L. Châtellier, L’Europa dei devoti, Milano, 1988. 27 ARSI, Med. 78, Litterae annuae collegii Taurinensis (1715).

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declamare » : esse costituivano una sorta di sdoppiamento delle congregazioni della Beata Vergine Maria e per essere ammessi all’una bisognava far parte dell’altra28. A capo vi era un rettore (uno studente eletto a rotazione) cui spettava, sotto il controllo di un professore, dare un indirizzo alle esercitazioni (declamazioni in versi, lezioni su un difficile passo di un autore ecc.). Il collegio costituì uno dei punti di forza dell’azione educativa della Chiesa verso l’ambiente universitario, quindi giovanile e colto : l’efficacia di quest’azione va individuata non solo sotto il profilo organizzativo e istituzionale, ma anche nell’idea di studente che statuti e regolamenti interni si sforzarono di delineare. Nella sua evoluzione plurisecolare, il collegio assistette alla scomparsa dell’originaria autonomia delle comunità studentesche alla quale subentra un principio di autorità fondato su una rigorosa gerarchia dei ruoli, cui restava affidata la trasmissione dei codici di comportamento e di rigorose norme morali. Il modello formativo individualizzato porterà alla perdita di coesione nella vita comunitaria collegiale. In diverse occasioni, poi, la vita del collegio si incrociò con quella delle confraternite cittadine che ne promuovevano la fondazione o ne garantivano l’amministrazione. Il Collegio San Carlo di Modena nacque ai primi del Seicento dall’impulso di una congregazione di laici guidata dal conte modenese Paolo Boschetti29. Con l’intento di fornire la necessaria cultura di governo al ceto nobiliare, dopo aver eretto la congregazione laicale della Beata Vergine e di san Carlo, egli fondò, nel 1626, un collegio sotto la protezione di Maria e di san Dionigi Aeropagita, aperto ai rampolli delle famiglie nobiliari italiane e di altri paesi europei, secondo un modello educativo che collocava gli studi scientifici e giuridici accanto a quelli teologici, letterari e filosofici, e prevedeva fra gli esercizi spirituali l’obbligo della messa quotidiana. Sulla base delle ingenti risorse del suo patrimonio e di altri lasciti, il decollo del collegio poté essere rapidissimo : nel 1662 riavviò le ‘letture’ universitarie dell’antico Studium modenese che divenne Studio pubblico in San Carlo, evolvendosi in Università nel 1685 con piena facoltà di addottorare. Per quasi un secolo il collegio coincise con l’università finché, nel 1772, il duca

28 In Torino, lo Studio incentivò la creazione di alcune accademie, luoghi di incontro e di scambi di tipo orizzontale : E. Stumpo, Spazi urbani e gruppi sociali cit., p. 210-215. 29 G. Simonini (a cura di), Catalogo degli alunni del Collegio San Carlo in Modena dalla sua fondazione fino al 25 Novembre 1876, Modena, 1876 ; C. Campori, Storia del Collegio S. Carlo in Modena, Modena, 1878 ; M. Bellei, La libreria del collegio San Carlo a Modena nei secoli XVII e XVIII, Modena, 1987 ; D. Benati, L. Peruzzi e V. Vandelli (a cura di), Il Collegio e la Chiesa di San Carlo a Modena, Modena, 1991.

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Francesco III ne sancì la statalizzazione. Alla confraternita romana del SS. Salvatore ad Sancta Santorum (che, costituitasi all’inizio del Trecento, annoverava fra i suoi membri una gran parte del ceto dirigente romano), venne affidata l’amministrazione, organizzazione e, per alcuni aspetti, il controllo disciplinare di due collegi dell’Urbe : quello fondato dal cardinale Domenico Capranica, nel 1456, e quello creato dal cardinale Stefano Nardini da disposizione testamentaria del 1484 e attivo poco dopo30. Un quinto dei capitoli statutari dei due collegi riguarda le pratiche religiose a cui i chierici dovevano attenersi, con indicazioni sulla frequenza ai sacramenti, sui digiuni, sul culto divino nella cappella del collegio, sulle prediche da ascoltare, sulle festività da solennizzare, sulle processioni da seguire, soprattutto quella organizzata dalla Confraternita del SS. Salvatore per la festa dell’Assunta31 e, nel caso del Collegio Capranica, sulla devozioni a sant’Agnese, vergine e martire, patrona della famiglia del fondatore e, per estensione, del collegio. Una disciplina organizzata Nel descrivere alcune esperienze aggregative studentesche, sorte, a loro volta, in ambienti già predisposti all’accoglienza e all’educazione dei giovani, può soccorrere l’esperienza personale di Federico Borromeo che, rimasto orfano prematuramente, venne affidato alla tutela del cugino Carlo, il quale lo incoraggiò a intraprendere studi umanistici e filosofici presso l’Università di Bologna. Nel 1579, sotto l’occhio vigile del cardinale Gabriele Paleotti e la direzione spirituale del gesuita Francesco Palmio, lo scolaro Federico si inserì nella vivace vita studentesca bolognese iscrivendosi alla Congregazione della perseveranza. Si trattava di un’associazione composta dai rappresentanti dei consiglieri dell’università degli scolari e da alcuni lettori, creata per « aiutare col consiglio e nei fatti gli altri scolari dell’Università a viver bene » fin dal 1574 pro-

30 A. Esposito, Le « Sapientiae » romane : i collegi Capranica e Nardini e lo Studium Urbis, in Roma e lo Studium Urbis. Spazio urbano e cultura dal Quattro al Seicento. Atti del Convegno. Roma, 7-8 giugno 1989, Roma, 1992, p. 40-68 ; Ead., I collegi universitari di Roma : progetti e realizzazioni tra XIV e XV secolo, in O. Weijers (a cura di), Vocabulaire des collèges universitaires (XIIIe-XVIe siècles). Actes du colloque Leuven 9-11 avril 1992, Turnhout, 1993, p. 80-89 ; A. Esposito e C. Frova, Statuti e altre fonti per la storia dei collegi universitari italiani nel Medioevo, in L. Sitran Rea (a cura di), La storia delle università italiane : archivi, fonti, indirizzi di ricerca. Atti del Convegno, Padova, 27-29 ottobre 1994, Trieste, 1996, p. 221-235. 31 A. Esposito, Apparati e suggestioni nelle « feste et devotioni » delle confraternite romane, in Archivio della Società romana di Storia patria, 106, 1983, p. 311-322.

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prio da padre Palmio e favorita dal cardinale Paleotti, con finalità religiose, culturali e assistenziali ad gymnasi Bononiensis utilitatem ut studiosa iuventus cum eruditione christianam pietatem coniungat32. Tale istituzione godette dell’appoggio di numerosi dottori dello Studio e senatori, e prosperò fino al 1608 allorché si fuse con la Congregazione dell’Assunta, concepita dai gesuiti sia per gli scolari delle proprie scuole che per quelli del pubblico Studio. Il successo di questa iniziativa fu veramente ragguardevole per i gesuiti che si inserirono non solo nel mondo culturale bolognese, nella loro qualità di padri spirituali e confessori di dottori e studenti, ma allacciarono rapporti internazionali, grazie a quegli studenti, « particolarmente oltramontani », che, in procinto di venire a Bologna, erano loro raccomandati dai confratelli sparsi in tutta Europa33. Questo lo sfondo dell’esperienza bolognese di Federico Borromeo, interrotta quando, manifestata al cugino Carlo l’intenzione di entrare nella Compagnia di Gesù, fu rapidamente richiamato a Milano e, già nel 1580, inviato a Pavia in veste di alunno presso il Collegio Borromeo, fondato dallo stesso Carlo con bolla dello zio Pio IV del 15 ottobre 1561. La vocazione di Federico venne dirottata nelle fila del clero secolare, dal momento che, già in quell’anno, ricevette gli ordini minori. A Pavia Federico fece parte del nucleo iniziale degli alunni ospitati nel palazzo che, inaugurato nella Pasqua del 1581, lo accolse fino alla laurea in teologia il 19 maggio 1585, venendo a contatto con un ambiente stimolante e insieme ricettivo alle proposte di Carlo Borromeo. Questi non concepiva una rigida distinzione di compiti tra università e collegio, ma in quest’ultimo volle attuare un’educazione caratterizzata dall’impronta morale, un armonico sviluppo della vita religiosa e intellettuale, non inferiore a quella professionale e scientifica34. Un’unica linea progettuale unì sia la fondazione del Collegio dei Nobili di Milano (e del Collegio

32 Della Congregazione della Perseveranza, in Informatione del principio, et origine et di tutte le cose notabili del Collegio della Compagnia di Iesu di Bologna, fatta da P. Francesco Palmio Rettor di questo Collegio, et mandata al Molto Rev.do Padre Everardo Mercuriano generale di detta Compagnia (ARSI, Veneta 105/I, f. 74-123v, specie f. 119v-121). Per gli statuti definitivi della Congregazione, preceduti da una premessa di Carlo Sigonio, si veda : Archiepiscopale Bononiense sive de Bononiensis Ecclesiae administratione, Autore G. Paleoto…, Roma, 1594, p. 364 ss. Sulla Congregazione della perseveranza, cfr. : P. Prodi, Il cardinale Gabriele Paleotti (1522-1597), Roma, 1967, II, p. 215-221 ; N. Fabrini, Le congregazioni dei Gesuiti a Bologna, Roma, 1946, p. 17 ss. 33 N. Fabrini, Le congregazioni dei Gesuiti cit., p. 11 ss. 34 D. Zardin, La « perfettione » nel proprio « stato » : strategie per la riforma generale dei costumi nel modello borromaico di governo, in F. Buzzi e D. Zardin (a cura di), Carlo Borromeo e l’opera della « grande riforma ». Cultura, religione e arti del governo nella Milano del pieno Cinquecento, Milano, 1997, p. 115-128.

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Elvetico e del Seminario maggiore), affidato ai gesuiti, sia l’istituzione del Collegio Borromeo, per la formazione cristiana dei professionisti. Questo disegno motivava l’indirizzo religioso comune che orientava le tre istituzioni : come per i seminaristi e i nobili nel loro collegio, anche gli studenti borromaici erano tenuti alla frequenza della messa quotidiana, ad accostarsi ai sacramenti almeno una volta al mese, all’orazione mentale e all’esame di coscienza, alla preghiera (da preferire quella ufficiale della Chiesa come la recita del breviario o dell’Ufficio della Beata Vergine Maria), all’osservanza del digiuno in determinati giorni dell’anno, alla lettura di libri edificanti come efficaci aiuti « al vivere religiosamente », e ad attendere allo studio della dottrina cristiana presentata ogni domenica e nelle altre feste di precetto da un maestro, incaricato dal rettore. Si trattava di esercizi devoti che le nuove congregazioni religiose tridentine e le correnti di osservanza dei vecchi ordini si impegnavano a valorizzare nell’opera di santificazione personale. Anche papa Pio V, il domenicano Michele Ghislieri volle offrire a studenti laici e chierici intellettualmente dotati, ma senza mezzi, la possibilità di dedicarsi agli studi e di conseguire i gradi accademici nell’Università di Pavia, in un luogo tranquillo in cui attendere con profitto agli studi e insieme coltivare i buoni costumi e la pietas35. Nel collegio da lui fondato tutti dovevano indossare l’abito talare, gli aspiranti sacerdoti e i laici portare la tonsura, non usare profumi e tenere i capelli corti36. Dette pratiche si rifacevano sostanzialmente alle costituzioni del pavese Collegio Castiglioni, i cui alunni, in Avvento e Quaresima, dovevano assistere alle prediche che i frati conventuali tenevano in San Francesco, confessarsi due volte l’anno e comunicarsi a Pasqua, assistere alla messa quotidiana nella cappella del collegio, e nelle solennità dell’anno liturgico ascoltare la messa solenne nella parrocchiale di Santa Maria in Pertica, e nella festa di sant’Agostino, patrono del collegio, praticare il digiuno, ascoltare letture spirituali durante i pasti e recitare ogni giorni l’Ufficio della Madonna37. Nel 1776, in seguito al Regolamento per il piano di pietà elaborato dal principe di Kaunitz vennero riportate in uso una serie di preghiere del Cinquecento, quali il Passio Domini,

35 M. Marcocchi, La personalità di Pio V e le direttive religiose, disciplinari e culturali delle costituzioni del collegio Ghislieri, in Il Collegio Universitario Ghislieri cit., II, p. 91-129 (specie p. 112-117). 36 S. Onger, Vestire in collegio. L’abbigliamento negli istituti di educazione, in C. M. Belfanti e F. Giusberti (a cura di), Storia d’Italia. Annali 19. La moda, Torino, 2003, p. 285-300. 37 A. Pini Fortunati, Aspetti della vita interna del Collegio Ghislieri nei primi due secoli : 1567-1796, in Il Collegio Universitario Ghislieri di Pavia istituzione della Riforma cattolica (1567-1860), II, Milano, 1970, p. 26-29.

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l’Oratio praemittenda Exercitiis Spiritualibus, il De Profundis, l’Oratio della messa votiva del 5 maggio per Pio V, che, aggiunte a quelle coeve (le litanie lauretane, quelle dei santi e il Miserere), si recitavano comunitariamente. I « Collegiali del Papa » avrebbero dovuto confessarsi una volta al mese e partecipare durante la Settimana Santa a esercizi spirituali, ma nel corso del Settecento le pratiche religiose in collegio subirono un notevole rilassamento : gli allievi cercavano di evitare la messa o l’orazione serale ricorrendo a vari mezzi (nascondendosi sotto i letti o in altri luoghi) e, quando vi partecipavano, si appisolavano o recitavano le litanie in modo scherzoso e, ridendoci sopra, facevano « gran schiamazzo in chiesa ». Anche le costituzioni che Ludovico Moneta stilò per il Collegio Borromeo (1587), rifacendosi a quelle precedenti del Ghislieri (1569) e del Castiglioni (1437), riproducevano gli esercizi devoti che i nuovi ordini e le correnti di osservanza nei vecchi ordini avevano valorizzato nell’opera di santificazione personale. L’esame comparativo delle costituzioni consente di formulare un interessante rilievo sulla pietas eucharistica nei collegi pavesi : dalla comunione annuale prescritta nel Collegio Castiglioni, si passava a una periodicità di almeno quattro volte l’anno in Ghislieri e mensile in Borromeo. Nel singolare rilievo accordato alla comunione agì senza dubbio la fervida pietas eucaristica di Carlo Borromeo che, durante il suo ministero episcopale, raccomandò caldamente la comunione frequente. Ai giovani ospiti del ‘suo’ collegio consigliò di conservare in camera immagini di Cristo, della Madonna e dei santi, specie di santa Giustina, vergine e martire, patrona della famiglia Borromeo, della quale sarebbe stata membro come figlia del capostipite principe Vitaliano, e a cui è dedicata la cappella. Anche per questi alunni vigeva l’obbligo di indossare l’abito talare (violaceo con la scritta Humilitas) e di trattenersi in collegio in occasione di alcune feste liturgiche (Ascensione, Pentecoste, Annunciazione, Assunzione, Natività, Purificazione di Maria, santa Giustina, Natale, Epifania e Pasqua), seguite a brevi vacanze. In questo ambiente si inserì Federico con la volontà di riprodurre in Pavia ciò che aveva conosciuto e apprezzato in quel di Bologna. Una delle sue prime cure fu la creazione nel 1581 dell’Accademia degli Accurati, cioè dei più diligenti, un importante sussidio didattico per gli alunni. Essa, suddivisa in due sezioni, quella dei Giuristi e quella dei Filosofi e dei Medici, aveva come compito non secondario di evitare le controversie tre le nationes degli studenti38. Ma fu un

38 R. Maiocchi e A. Moiraghi, L’Almo Collegio Borromeo. Federico Borromeo studente e gli inizi del Collegio, Pavia, 1916, p. 134-136.

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altro organismo, sempre promosso da Federico e sorto fra i convittori del collegio, a incontrare il pieno compiacimento di Carlo : la Congregazione segreta, così definita non perché dovesse essere tenuta nascosta, ma perché segrete dovevano essere tenute le umiliazioni in essa cercate, le penitenze e le privazioni, nascosti i cilici e le flagellazioni a cui i membri si assoggettavano, il fervore della carità al quale si incitavano, i santi propositi, le correzioni vicendevoli e le pene volontarie39. Federico volle creare un’associazione alla quale si ascrivevano liberamente coloro che desideravano partecipare ai frutti spirituali di essa, ed essere guidati a più perfetta vita cristiana : una solidarietà nel bene fra collegiali, uno stimolo aperto alla virtù, una pratica costante, e persino la spontanea e coraggiosa accusa dei propri difetti, come i capitoli delle colpe negli ordini religiosi. Ogni domenica i membri si radunavano nelle « congregazioni », nelle quali si praticavano determinati e speciali esercizi di pietà, senza trascurare l’impegno caritativo della visita agli ospedali40. Nel percorso del giovane Federico Borromeo si riconosce la migrazione, da Bologna a Pavia, di un’idea, e cioè della necessità di un surplus di disciplina organizzata da realizzarsi all’interno di strutture come i collegi, di per sé già soggetti a una regola. La Congregazione segreta, con la sua doppia anima assistenziale e devozionale, si proponeva di rendere i collegiali più solidali fra loro, capaci di trarre benefici personali e collettivi dal loro esser cum fratres. Culto, devozione e trasgressione Gli esempi fin qui offerti riflettono l’immagine di uno studente dedito a compiere atti di culto o di devozione mai in modo isolato, ma come membro di un tutto che, di volta in volta, poteva essere la nazione, l’università, il collegio o la congregazione. La sua pietà era guidata o suggerita da situazioni circostanziali o ben radicate nella tradizione locale, oppure, come nel caso della Torino di primo Settecento, dalla necessità di legittimare il potere della dinastia sabauda attraverso il culto della reliquia della Sindone, a cui erano tenuti in principal modo i membri, docenti e discenti, dell’università di Stato. La reliquia, trasferita a Torino, dal 1578 costituì da allora

39 Biblioteca Ambrosiana di Milano, F 65 inf., f. 21, lett. 11 : lettera di C. Borromeo a Giulio Cesare Bonomi (R. Maiocchi e A. Moiraghi, L’Almo Collegio Borromeo cit., p. 161-166). In particolare si veda : S. Negruzzo, Per allegrezza spirituale : la « congregazione segreta » del collegio Borromeo di Pavia, in F. Forner, C. M. Monti e P. G. Schmidt (a cura di), Margarita amicorum. Studi di cultura europea per Agostino Sottili, Milano, 2005, p. 803-823. 40 Si parla di una lettera dei membri di detta congregazione a Federico fra il 1597 e 1599, la cui segnatura Archivio del Rettorato, cart. 1581, appare inesistente.

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in poi la prova tangibile del favore accordato da Dio ai governanti sabaudi, la prova, cioè, che l’autorità del ducato era avallata dal cielo non soltanto in modo astratto, bensì attraverso una testimonianza concreta. Il diffondersi della devozione, grazie alla nascita di confraternite dedicate al Sudario (la prima fu creata a Chambéry nel 1598), fu notevole fin dal Cinquecento, ma si potenziò a partire dal 1694 con la collocazione nella cappella costruita da Guarino Guarini. Lo Studio si apriva alla città sotto il segno della pietà religiosa, pubblicamente espressa, a simboleggiare l’esaltazione dell’ortodossia e il rilievo della pratica devozionale richiesta e imposta agli studenti. Ciò avveniva in occasione delle solennità attraverso le processioni, che spesso coincidevano con le feste ufficiali dell’ateneo. La prima si teneva il 3 novembre all’inaugurazione dell’anno accademico, la seconda si celebrava nel giorno dell’Annunciazione, la terza, per l’Assunta, si snodava verso la chiesa della Consolata, luogo sacro legato alla memoria dei torinesi, dove l’università festeggiava la chiusura dell’anno sancendo quel connubio tra religione e Stato che le riforme di Vittorio Amedeo II avevano inteso valorizzare41. La stessa adesione alla processione del Corpus Domini assumeva un significato particolare, dal momento che la partecipazione alla festa dell’omonima chiesa, amministrata dal Comune, rappresentava il massimo emblema del prestigio e del potere municipale in ambito religioso, perché celebrava il miracolo a cui la città attribuiva un valore speciale e che annualmente solennizzava con sontuosi festeggiamenti. Il Magistrato della riforma fu unanime nel ritenere che in un’università, nella quale non mancavano caute posizioni di critica ideologica alla Chiesa nell’auspicio che il cattolicesimo illuminato potesse dialogare con schemi più tradizionali, fosse indispensabile offrire ancor più marcati segni di religiosità, la quale andava conclamata, ufficializzata, cantata ed esibita dinanzi all’intera città42. Tra i fondamenti del potere sabaudo si situavano il rispetto della religione e la fedeltà ai principi cattolici e proprio in quest’ottica, nel tentativo di sostituirsi alla famiglia nel suo fondamentale ruolo educativo, si propugnava di inculcare nei giovani la pietas, da intendere

41 Nel calendario dell’anno accademico 1723-24, il numero delle processioni alle quali era l’obbligo che l’università partecipasse fu raddoppiato, dal momento che vennero ad aggiungersi quelle del Corpus Domini, dell’ottava del Corpus Domini e della natività della Vergine (8 settembre) : Archivio di Stato di Torino, Corte, Istruzione Pubblica, Regia Università di Torino, mazzo II, n. 23, Calendarium Archigymnasii taurinensis, 1724-25. 42 P. Delpiano, Il trono e la cattedra. Istruzione e formazione dell’élite nel Piemonte del Settecento, Torino, 1997, p. 135-140 ; D. Carpanetto, L’università ristabilita, in G. Ricuperati (a cura di), Storia di Torino. IV. La città fra crisi e ripresa (1630-1730), Torino, 2002, p. 1091.

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come devozione verso Dio e come attaccamento allo Stato, la fides, ossia la lealtà, la gravitas, cioè la saggezza e la ponderazione. Alle scienze si doveva unire la « pietà, ed il santo timor di Dio », intervenendo alle congregazioni « per impiegarsi in que’ santi, e divoti esercizj, che vi si faranno », pena l’esclusione dai gradi accademici43. A Torino, la volontà di rinnovamento intellettuale espressa con le riforme degli anni Venti del Settecento si tradusse in notevoli innovazioni dal punto di vista dei contenuti didattici, ma nella piena considerazione che religio, instrumentum regni. Il culto dei santi e le pratiche devote, familiari agli studenti medievali, continuarono a esserlo anche per quelli di età moderna. Nell’università riformata bolognese del Settecento, oltre la domenica e la festa ordinaria del giovedì, vi erano ben altre novanta feste religiose che interrompevano lo svolgimento ordinario delle lezioni : le numerose feste canoniche universali, quelle dei non pochi patroni e vescovi cittadini, quelle specifiche dei patroni degli studenti44. Dopo il 24 giugno e fino al 20 luglio si leggeva solo a giorni alterni. Numerose erano poi le feste civili cittadine : ogni ingresso bimestrale del Gonfaloniere e delle Nazioni, gli ingressi dei Tribuni della plebe, la traslazione del capo di san Petronio ecc. L’anno accademico era ritmato dal susseguirsi di feste e solennità religiose cosicché, attraverso il calendario scolastico, appariva evidente la stretta compenetrazione, specie in età moderna, tra università, ortodossia cattolica e municipalismo cittadino. Non sorprende perciò constatare che il più reale e proficuo insegnamento si svolgesse spesso nell’ambito domestico, informalmente, o nelle ufficiose accademie. Il periodo in cui più numerosi erano i giorni di vacanza a Padova, tanto da superare di gran lunga i giorni di lezione, andava dal 13 dicembre, festa di santa Lucia, all’inizio della Quaresima. Il carnevale era il momento di maggiore sfrenatezza dell’anno, quello in cui gli studenti più si divertivano a fare « mille gran materìe » mascherati e spesso armati, con casi in cui dall’apprezzamento più o meno galante rivolto a una donna, dallo scherzo o dal motteggio, si passava all’alterco o alla rissa45. Terminati i corsi, giungeva per gli studenti il momento per distrarsi, e in generale tutte le occasioni erano buone per provocare risse : tra nazioni, con o contro maestri,

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Costituzioni di Sua Maestà per l’Università di Torino, Torino, 1729, p. 28,

39-40. 44 G. P. Brizzi, Modi e forme della presenza studentesca a Bologna in età moderna, in G. P. Brizzi, L. Marini e P. Pombeni (a cura di), L’Università a Bologna. Maestri, studenti e luoghi dal XVI al XX secolo, Bologna 1988, p. 59-74 ; D. Marchesini, Lo studente di collegio a Bologna. Aspetti di vita quotidiana, in G. P. Brizzi e A. I. Pini (a cura di), Studenti e università cit., p. 285-317. 45 F. Piovan, Studenti e città cit., p. 335-338.

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con gli abitanti della città importunando donne e frequentando osterie. Le nazioni e le facoltà si riunivano solitamente nei monasteri o nelle chiese ; ma queste riunioni, spesso tumultuose, turbavano la quiete monastica, tanto che preti e religiosi alla fine si rifiutarono di accoglierle. Lo scompiglio giungeva dai goliardi, l’altra faccia dello scolaro che si voleva pio e studioso46. Tale nome veniva attribuito a quei chierici che, abbandonate le loro sedi perché avevano dilapidato le loro prebende o perché colpiti da provvedimenti disciplinari, giravano di città in città associandosi a gruppi di studenti. In alcuni testi del Duecento i goliardi apparivano infatti come chierici o studenti dai costumi corrotti, minacciati dalla Chiesa con la perdita del loro status clericale. In età moderna, se da un lato la fama avventurosa e mascalzona del goliardo sbiadì, risse e beghe non mancarono : ci si azzuffava fra studenti (proverbiali le bagarres tra studenti universitari e collegiali dei gesuiti !), girando armati si metteva a repentaglio la propria vita e quella altrui, si rischiava di essere paragonati ai marginali della società. Gli studenti conoscevano situazioni di povertà e di degrado a cui le autorità civili e religiose cercavano di porre rimedio a corollario di feste e funzioni religiose. A Napoli, tra le funzioni spettanti al Cappellano maggiore, rappresentante del sovrano a governo dell’università, vi erano quelle di organizzare la processione di sant’Andrea, di vigilare sul comportamento degli studenti e terrà pensiere sapere degli studenti che staranno infermi, e giunti con alcun cappellano della Cappella di detti Studi li visiteranno, proccurando che piglino i Santissimi Sagramenti ; e se saranno poveri e terranno bisogno di alcuna cosa, ne avviserà il detto prefetto, acciocché proccurri rimediare al più necessario47.

Inoltre, la tradizione riferisce che, avendo fondato lo Studio nel luogo in cui sorgeva e sorge la chiesa di Sant’Andrea a Nido, era consuetudine, alla vigilia della festa del santo apostolo, organizzare una solenne processione che, formata da lettori e studenti, partiva dal cortile di San Domenico maggiore e giungeva alla suddetta chiesa recando un’offerta di cera. Ogni anno il Cappellano maggiore faceva affiggere alla porta della chiesa un editto con cui ribadiva l’obbligo di partecipazione e minacciava di scomunica coloro che l’avessero disertata. In cambio della cera portata dagli studenti, l’abate di

J. Verger, Goliardi, in DEM, II, p. 866. Prammatica di don Pietro Fernandez de Castro, conte di Lemos, 1616, p. I, tit. III [collezione delle prammatiche De regimine Studiorum]. 46 47

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Sant’Andrea inviava a casa del Cappellano maggiore, dei lettori e dei bidelli, un regalo di carne di porco, proporzionato alla qualità delle persone e alla quantità della cera, in capite et coxa, seu spalla integra, vel dimidiata. Su questa tradizione, dal 1625 cala il silenzio : la figura dello studente bisognoso lasciò ineluttabilmente il posto a quello servito e riverito nei collegi, che richiedeva risposte tempestive e risolutive ai bisogni di rappresentanza e di regolata spiritualità. Vittorio Amedeo II, riorganizzando l’Ateneo torinese negli anni venti del Settecento, avanzò l’esigenza di collegare alla rinnovata università un gruppo di istituti secondari controllati dal Magistrato della riforma, Francesco D’Aguirre48. La volontà del sovrano di avocare allo Stato la conduzione dei collegi, se pure si tradusse in lotta aperta contro il monopolio educativo degli ordini regolari, non giunse mai a mettere in discussione il diritto dei religiosi di presiedere alla formazione morale della gioventù. Le costituzioni del 1729, mentre affermavano perentoriamente i diritti sovrani sulle scuole, aprivano ai religiosi un’ampia sfera d’influenza : non soltanto la religione entrava come materia di pieno diritto nei programmi di studio, ma a docenti e allievi era fatto obbligo di partecipare alle funzioni di culto e di accostarsi ai sacramenti49. Nelle costituzioni del 1772, e soprattutto nei regolamenti, smorzate le vive tensioni culturali di sperimentazione e di ricerca e trascurate le questioni organizzative o più propriamente pedagogiche, ci si concentrava sugli obblighi religiosi di allievi e insegnanti. La religione continuava a giocare all’interno del processo educativo un ruolo assai complesso : alle autorità interessava non solo o non tanto, l’insegnamento morale, quanto l’esercizio quotidiano, la pratica ricorrente del culto. Professori e allievi dovevano assistere alla messa quotidiana e rendere grazie a Dio con qualche preghiera all’inizio e al termine delle lezioni ; alla vigilia di ogni festività di precetto gli insegnanti avevano il compito di ricordare con un breve sermone la necessità di santificare la festa e, nel corso della giornata, docenti e scolari dovevano poi partecipare alla congregazione e al catechismo vespertino. Le ricorrenze solenni, come la Settimana Santa, richiedevano cerimonie particolari, esercizi devoti e qualche giorno di ritiro spirituale erano consigliati per preparare l’animo degli scolari « a celebrarne i misteri ». La presenza assidua alle cerimonie del culto non era però sufficiente : l’intima devozione doveva essere suggellata dal frequente accostarsi ai sacramenti, e l’attestato del direttore spirituale era indispensabile per il superamento dell’esame di dottrina cristiana,

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M. Roggero, Scuola e riforme nello Stato sabaudo cit., p. 129, 151-153. Costituzioni di Sua Maestà cit., Regolamenti, cap. XII, par. 5-6.

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pregiudiziale alla promozione della classe superiore, così come per iscriversi all’università50. Il culto dei santi crebbe sia nell’ambito del culto liturgico che in quello della religione civica promossa dalle autorità pubbliche e, come per le corporazioni e le confraternite, coinvolse tutte le istituzioni, non certamente ultime quelle educative. Per queste, specialmente a livello universitario, il patronage di Caterina d’Alessandria, donna santa e sapiente, si distinse per durata e intensità. Sin dal XIIXIII secolo, alcune facoltà giuridiche e teologiche, prevalentemente francesi, ma appartenenti anche ad altri atenei europei (Parigi, Padova, Pavia ecc.), assunsero come patrona santa Caterina d’Alessandria che, per aver vittoriosamente contraddetto le teorie dei filosofi pagani facendo prevalere la forza della dottrina cristiana, ricevette come simbolo iconografico, oltre al ramo di palma, alla ruota dentata e alla spada riferiti al martirio, anche il libro, emblema della Sapienza (sostituita nell’Ottocento dalla dea Minerva). Per questo motivo, la santa alessandrina venne eletta protettrice dei collegi dei teologi ; poi, col tempo, la sua protezione si estese anche a collegi di altre discipline e a interi atenei. Fra le università che si posero sotto la sua tutela, per lo meno a partire dal XIV secolo, vi fu anche quella di Siena e di ciò fa fede un sigillo circolare raffigurante la santa circondata dall’iscrizione Univer. Senarum51. A Torino, il re Vittorio Amedeo II, mentre riconferma il patronage di Caterina, vi associa quello dei protagonisti dell’Annunciazione, Maria e Gabriele : Per rendere vie più stabile, e fruttuosa l’Università de’ studj da Noi riaperta a comun beneficio, oltre il Patrocinio, sotto di cui anticamente fu posta, di S.ta Catarina Vergine, e Martire, abbiamo stimato di consecrarla principalmente alla Prottezione della Beata Vergine Maria, e dell’Arcangelo Gabriele, che nell’annunciarla Madre del divin verbo, la rese meritevole tra gli altri titoli a lei dovuti, di quello, con cui viene onorata da S.ta Chiesa, di sede della Sapienza52.

Per quanto riguarda poi la partecipazione degli studenti alla vita religiosa ‘ordinaria’ delle parrocchie, è oggi possibile la sua ricostruzione attraverso l’analisi di una fonte insolita, come quella dei registri dei battesimi, dei matrimoni e dei defunti. Considerando la mobilità degli scolari dalla presenza discontinua nello stesso quartiere o nella stessa città, si capisce quanto questo tipo di ricerca consen-

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Ibid., cap. XVIII, par. 2, 4, 6, 12, 13, 15. A. Leoncini, I simboli dell’Università di Siena, in Annali di Storia delle Università Italiane, 4, 2000, p. 123-138. 52 Archivio Storico dell’Università di Torino, Leggi di S. M. Serie I-1, 4 dicembre 1720. Per questa segnalazione, ringrazio l’amica e collega Rita Binaghi. 51

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ta di tastare davvero il polso della loro religiosità quotidiana. Nel caso padovano risulta fattibile la ricostruzione almeno di una parte della popolazione studentesca che risiedeva in città studii causa e perciò assai mobile all’interno del tessuto urbano ; ma la presenza non frequente di scolari negli atti in qualità di padrini e testimoni a battesimi e matrimoni, specie alla fine del XVI secolo, insieme alle peculiarità di redazione degli atti di morte di alcuni universitari deceduti durante gli anni padovani, giustificano l’interesse per questa documentazione relativa agli studenti cattolici53. La percentuale più alta è riscontrata nei registri battesimali, in cui gli studenti risultano come ‘compari’ nelle chiese in cura d’anime prossime dell’università : Santa Caterina, San Lorenzo e poi anche Santa Sofia, San Giorgio e San Giacomo. Chiedere a uno studente di far da padrino significava ipotizzare di trarne un ipotetico vantaggio una volta che questo si fosse addottorato e avesse stabilito la residenza in città. Lo studente scelto veniva ospitato dalla famiglia del figlioccio, era un vicino, della stessa città o nazionalità ; a volte i legami apparivano occasionali ; a volte gli studenti erano padri di bambini illegittimi. Considerazioni analoghe valevano per i matrimoni, anche se la presenza di studenti come testimoni di nozze sembrava inferiore rispetto ai battesimi ; i dati diventarono più rari nei registri dei morti. Si confermò l’uso di seppellire gli studenti nelle chiese dove le nationes o le universitates disponevano di proprie tombe, ad esempio in Santa Caterina per l’università dei giuristi, in Santa Sofia per gli artisti della natio germanica, agli Eremitani per i legisti della medesima nazione. *

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Lo scolaro apparso sulla scena sociale nel basso medioevo, che aveva saputo conquistarsi uno status distinto assolvendo una funzione fondamentale nell’organizzazione delle scuole, durante l’età moderna venne sempre più spesso relegato a un ruolo marginale : soggetto passivo di un ideale educativo maturato al di fiori della scuola, divenne il fruitore di un curriculum di studi dal percorso ben definito, mirante ad assolvere precise esigenze di professionalizzazione54. Gli epigoni del chierico vagante o del goliardo resistettero a lungo, ma nell’età confessionale si intensificò lo sforzo per afferma-

53 P. Benussi, I registri canonici come fonti per la storia degli studenti : note sul caso padovano, in G. P. Brizzi e A. Romano (a cura di), Studenti e dottori nelle università italiane (origini-XX secolo). Atti del Convegno di studi, Bologna, 25-27 novembre 1999, Bologna, 2000, p. 95-104. 54 G. P. Brizzi, Modi e forme... cit., p. 61-63.

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re un nuovo modello di scolaro, riconducibile allo stereotipo dello studente di collegio, che si era imposto grazie soprattutto alle istituzioni educative della Compagnia di Gesù. I collegi universitari fondati nel corso del XVI e del XVII secolo persero il carattere di comunità studentesche autogestite : al rettore-studente subentrò nelle nuove fondazioni un governatore o un rettore nominato dall’autorità tutoria, di solito un ecclesiastico. La solidarietà studentesca apparve compromessa già dal primo Cinquecento per il prevalere degli interessi particolaristici che rafforzavano alcune componenti, indebolendo, di conseguenza, la capacità contrattuale delle altre. A dividere il corpo studentesco erano anche annose questioni di precedenza che lasciavano intravedere, al di là degli aspetti puramente formali di un cerimoniale esasperato, le cause ben più profonde che stavano alla radice dei contrasti che dividevano gli studenti. All’interno delle università degli scolari si riverberavano i conflitti che incendiavano l’Europa producendo lacerazioni e che di fatto scioglievano il patto di solidarietà su cui si era fondato per secoli il loro assetto corporativo (si pensi, ad esempio, al contrasto che a Bologna nel 1566 oppose il rettore delle università e il rettore del Collegio di Spagna). La rivoluzione educativa generalizzata si manifestò in Europa tra Cinquecento e Seicento sotto l’impulso di una nuova domanda di istruzione a livello superiore che coinvolse ceti sociali rimasti tradizionalmente ai margini, come la nobiltà, e per la maggior capacità di assorbimento di personale qualificato richiesto dall’eccezionale sviluppo delle burocrazie laiche ed ecclesiastiche55. Il 13 novembre 1564 era stato introdotto l’obbligo della professione di fede (giuramento) per i laureandi a norma della bolla In sacrosancta di Pio IV. Quasi in coincidenza con la chiusura del Concilio di Trento, la realizzazione delle scuole comportò un maggiore controllo sull’ortodossia dell’insegnamento, specificatamente col giuramento dei docenti di accettazione del credo tridentino e di piena obbedienza alla Chiesa. Che detta pratica andasse svuotandosi progressivamente di significato non impedisce di constatare che venne mantenuta anche nelle proposte di riforma settecentesche, suggello religioso a una istituzione sempre più laica. Simona NEGRUZZO Università Cattolica del Sacro Cuore (Brescia)

55 L. Stone, The Educational Revolution in England, 1560-1640, in Past & Present, 28, 1964, p. 41-80 ; R. L. Kagan, Universities in Italy, in D. Julia, J. Revel e R. Chartier (a cura di), Les universités européennes du XVIe au XVIIIe siècle. Histoire sociale des populations étudiantes, I, Paris, 1989, p. 153-186.

BERNARD HEYBERGER

CONFRÉRIES, DÉVOTIONS ET SOCIÉTÉ CHEZ LES CATHOLIQUES ORIENTAUX

Alors que dans l’Europe latine, la structure confrérique est ancienne, elle est une innovation, introduite par les missionnaires occidentaux à partir du XVIIe siècle, dans l’Orient ottoman1. Comme dans les pays catholiques à la même époque, elle est alors conçue pour diffuser un nouveau modèle de société et un nouveau modèle de christianisme parmi les chrétiens, faisant figure d’instrument privilégié pour mobiliser et éduquer les fidèles en les amenant à une pratique et à une spiritualité d’inspiration tridentine2. Dans la seconde moitié du XVIIIe siècle et au XIXe, elle est devenue une institution presque universellement répandue là où les missionnaires latins s’étaient implantés. Il est significatif que, lorsque les cardinaux de la congrégation de la Propagande doivent se prononcer à propos de litiges concernant des confréries en Syrie en 1766 et en 1767, ils s’appuient sur des situations similaires tranchées auparavant, concernant la Chine (1731, 1735), Scuttari en Albanie (1763), Constantinople et l’Archipel (1757)3. Nous nous contenterons néanmoins d’évoquer ici le cas de la Syrie, et plus particulièrement celui d’Alep, pour lequel une abondante documentation est parvenue jusqu’à nous.

1 Toutefois, là où de petites communautés latines ont survécu à la conquête ottomane, comme à Syros ou Naxos, l’implantation confrérique est sans doute plus ancienne : une confrérie de « disciplinants », à côté de confréries du Rosaire et du Saint Sacrement, y est signalée en 1652 : Rome, Archives de la Congrégation « De Propaganda Fide » (désormais abrégé ASCPF), SC, vol. 31, Arcipelago, f° 50r, 60r, f° 68r° ; vol. 32, f° 17r°v°, f° 54r. 2 L. Châtellier, L’Europe des dévots, Paris, 1987. 3 B. Heyberger, Pro nunc, nihil respondendum. Recherche d’informations et prise de décision à la Propagande : l’exemple du Levant (XVIIIe siècle), dans Mélanges de l’École française de Rome. Italie et Méditerranée, 109, 2, 1997, p. 541542. Rome, ASCPF, Acta, vol. 136, 3 mars 1766, f° 29 r°, 33r° ; vol. 137, 16 juin 1767, f° 133r°-139r°. À propos de l’introduction de la dévotion du Sacré-Cœur à Constantinople par l’action conjuguée des visitandines et des dominicains, cf. B. Montagnes, La dévotion des dominicains au Sacré-Cœur à Marseille et à Istanbul en 1733, dans Mémoire dominicaine, 15, 2001, p. 305-309.

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Si l’action des jésuites a été prédominante, les autres ordres religieux implantés en Orient (carmes déchaux, capucins, frères mineurs de la Terre Sainte, dominicains, lazaristes) ont également introduit leurs propres associations pieuses et leurs propres dévotions, non sans émulation ou rivalité entre eux. Après plusieurs tentatives au XVIIe siècle, les confréries obtiennent un succès durable auprès des chrétiens unis à Rome à partir des premières décennies du XVIIIe siècle. Ce succès se traduit par le fait qu’elles deviennent autochtones. D’abord fondées par les missionnaires latins, elles passent progressivement aux mains du clergé oriental, ou sont même directement fondées par celui-ci. Cette évolution montre en même temps leurs limites dans le processus de transformation de la société et des mentalités. En effet, les confréries deviennent un instrument pour asseoir influence et pouvoir dans des milieux qui se caractérisent par leur tendance au fractionnisme et à la rivalité entre clans et lignages. Elles n’en participent pas moins à l’introduction de nouvelles normes de comportement et à l’élaboration d’une nouvelle conscience chrétienne d’inspiration catholique. Premières tentatives dans un milieu défavorable La tentative de gagner une emprise sur les chrétiens orientaux à travers les confréries est typiquement – mais pas exclusivement – jésuite. Les pères de la Compagnie initièrent des associations sur le modèle de leurs congrégations mariales européennes presque dès leur installation. À Alep, une « sodalité » sous le nom de l’Assomption obtint son agrégation à la Primaria en 1632, une autre sous le titre de la Conception en 1641. À Saïda, une congrégation de l’Annonciation fut agrégée dès 16454. Ce sont les marchands « francs » vivant sur place qui furent la première cible des missionnaires. Ils durent apporter un soutien matériel à l’entreprise des religieux « francs », et servir en même temps de modèle pour attirer les Orientaux. L’objectif était de favoriser chez eux la pratique de la confession et de la communion fréquentes, la lecture de bons livres, la participation aux offices, notamment aux expositions du Saint Sacrement. Après la réorganisation des consulats pour les placer directement sous l’autorité monarchique, les consuls d’Alep acceptèrent d’être à la tête de l’association. Très vite, les pères indiquèrent dans leur correspondance que des orientaux demandaient leur affiliation. Dans la grande ville de Syrie, trois « principaux » maronites

4 B. Heyberger, Les chrétiens du Proche-Orient au temps de la Réforme catholique, Rome, 1994, p. 279.

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y furent inscrits en 1637, et le 29 juillet 1640, une congrégation de la Conception de la Vierge, composée d’hommes orientaux, demanda son agrégation à la Primaria, tandis qu’une autre, destinée aux adolescents, commençait à fonctionner. En 1641, elles furent toutes les deux transférées à l’église maronite à la demande des confrères5. Les carmes déchaux, dès leur implantation à Alep, y ont initié la dévotion au Scapulaire de la Vierge vers 16406. Dans les instructions aux capucins de Chios, en 1628, les pères Joseph et Léonard indiquaient la fondation de congrégations séculières prenant la règle du Tiers Ordre, comme une des méthodes possibles pour agir auprès des chrétiens7. On trouve effectivement de ces associations dans les missions capucines par la suite. En 1652, une visite apostolique à Syra, dans l’Archipel, y mentionnait l’existence de 22 tertiaires capucines, dont 10 vivaient enfermées dans un monastère, les autres habitant chez elles. Outre cela, les pères tenaient dans l’île deux fraternités de Saint-François, une d’hommes, comptant 38 membres, l’autre de femmes, forte de 52 adhérentes. Un autre rapport de 1710 signalait 11 « béguines », 27 « tertiaires vêtues de l’habit de l’ordre », 30 frères du tiers ordre, plus des sœurs. À cette époque, l’évêque latin du lieu tentait de reprendre le contrôle des « moniales capucines », qui étaient encore 23 en 1776, plus 5 « béguines »8. À Alep, les missionnaires capucins réussirent également à diriger un petit groupe de dévotes tertiaires, atteignant la vingtaine en 1672, qu’on peut suivre pendant près de quarante ans (vers 1663-1700)9. Sur la réalité et la continuité du fonctionnement de ces groupes, nous ne sommes généralement pas aussi bien informés. Ce que les missionnaires disent à leur sujet dans leur correspondance peut relever de « l’écriture de consolation », car les résultats paraissent maigres10. Il faut dire que la structure était soumise aux contraintes spécifiques du milieu. Au début, les jésuites ne disposaient pas du matériel nécessaire pour tenir les réunions hebdomadaires. Ils recopiaient eux-mêmes les règles de l’association. Un père dessinait

Ibid. Ibid., p. 479-481. 7 Lettre du 1er décembre 1628, éditée dans Ignazio da Seggiano, Documenti inediti sull’apostolato dei minori cappucini nel Vicino Oriente, dans Collectanea Franciscana, 18, 1948, p. 127-131. 8 Archives des capucins de Paris, manuscrits copiés par Arsène du Châtel, n° 1195, Archives de la mission des Capucins de Syra (dactyl.), f° 20v°-22r° ; 48r°51r° ; 52r°v°-53r° ; 58r°v°-60r°v° ; 63r° ; 64r° ; 67r°v°-68r°v° ; 69r° ; 70r°v°. 9 B. Heyberger, Hindiyya, mystique et criminelle, Paris, 2001, p. 37-38. 10 B. Heyberger, Les chrétiens… cité n. 4, p. 495. 5 6

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même à la main les saints du mois. Les religieux de tous les ordres traduisaient ou composaient des ouvrages de dévotion, qu’ils devaient ensuite reproduire eux-mêmes. On apprend en passant que certaines séances tournaient au chahut, parce que l’arabe du directeur était incompréhensible. Vers 1656, les congrégations mariales furent interrompues à Alep parce qu’il ne demeurait sur place qu’un religieux de la Compagnie, qui était arrivé depuis trop peu de temps pour savoir suffisamment l’arabe11. Les contraintes venaient aussi de la domination musulmane. La confrérie de l’Habit de la Vierge du Carmel devait en principe tenir une procession mensuelle dotée d’indulgences. Mais le père Anselme de l’Annonciation écrit en 1658 qu’il a fallu renoncer à cette manifestation qui se passait modestement dans la chapelle des carmes, de peur des avanies. Il faut dire que les missionnaires étaient installés dans le centre ville, dans des khans qui étaient des fondations waqf musulmanes. En 1641, les réunions de jeunes gens tenues par les jésuites devaient être interrompues, après que des musulmans ont trouvé les allées et venues de garçons en bande suspectes. Les pères essayèrent alors d’imposer qu’ils vinssent un à un pour ne pas attirer l’attention12. Parfois, les fidèles se divisaient entre ceux qui auraient voulu donner quelque solennité et quelque publicité à leur activité collective et ceux qui craignaient les avanies de la part des autorités. D’autres difficultés étaient imputables à la rivalité entre ordres religieux latins qui se disputaient la même clientèle forcément restreinte. De plus, si les confréries faisaient partie d’une stratégie de pénétration de la société locale, celle-ci se heurtait très vite aux obstacles élevés par le clergé oriental. La pratique intensive de la confession devenait en particulier un sujet de conflit dès les années 1650. Le pluralisme confessionnel posait un autre problème. Les missionnaires avaient pu imaginer de réunir dans leurs confréries, et d’associer dans leurs dévotions, des fidèles de différentes obédiences chrétiennes. En fait, ils y réussirent un peu avec des groupes de femmes. Mais presque toujours, ils durent y renoncer du fait de l’hostilité du clergé qui tenait à conserver son identité propre. La décision de transférer la congrégation de la chapelle des jésuites au khan, dans l’église paroissiale maronite, excluait ainsi de fait les membres des autres confessions. Et en effet, une congrégation spécifique aux Arméniens fut fondée à ce moment-là13.

Ibid., p. 295. Ibid., p. 344, 495. 13 Rome, ASCPF, Acta, vol. 192, juillet 1829, f° 235r°v°-236r° : l’article 7 de la règle de la confrérie du Saint Sacrement, fondée par les lazaristes à Alep en 1787, 11

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Le succès du XVIIIe siècle On devine, dans la correspondance, que les jésuites n’étaient pas tous unanimes sur le rôle des congrégations et sur la manière de les gérer. Un changement important s’opéra à Alep avec la fondation par le père Michel Nau d’une confrérie du Rosaire, en 167914. Cette dévotion a été introduite dès la première mission jésuite au Liban, en 1580. Mais cette fois, les jésuites s’appliquèrent à la diffuser dans le cadre d’une confrérie, avec patente du Grand maître des dominicains. Et elle connut les années qui suivirent un succès significatif, dû sans doute au fait qu’elle s’adressait à un public large, sans distinction de sexe, d’âge et de confession. En 1698-1699, la correspondance jésuite faisait état de son introduction dans 34 maisons et de la célébration de la fête annuelle, avec récitation du chapelet toute la journée devant une image de la Vierge, dans dix quartiers de la ville. En 1701, le rapport indiquait que la sodalité comptait plus de 50 noms, hommes et femmes, de différentes « nations ». En 1714, le père Barse revendiquait 89 nouvelles inscriptions, après instruction suffisante. En 1719, il est fait état de 168 inscrits. Les pères diffusaient aussi la dévotion dans les missions qu’ils entreprenaient à cette époque dans les campagnes. En 1699, le père Cordier affirmait que tout le monde était friand d’indulgences du Rosaire, autour d’Antoura (Kisruwân, Liban). « Tous les gens du pays tâchent d’entrer dans cette confrairie » écrit-il, en demandant des livres avec des histoires sur le Rosaire. En 1719, le culte du Rosaire était introduit par les jésuites dans les églises maronites de Tripoli et de Saïda. Cet essor entraîna assez vite un conflit avec le clergé oriental. À Alep, la confrérie du Rosaire fut transférée à l’église maronite en 1686, et commença alors à échapper aux jésuites. Butrus Ibn Zaytûn Al-Tûlâwî, un prêtre maronite arrivé de Rome après ses études en 1685, fut accusé par les missionnaires de vouloir se « l’impatroniser ». Auteur prolixe, il composait en particulier un traité sur cette dévotion en 1690. Il lui était reproché de recevoir dans l’association toute sorte de gens sans contrôle, et sans en référer aux jésuites, qui s’en considéraient les légitimes directeurs. Ce qui était en jeu, une nouvelle fois, c’était la pratique de la confession. La recherche des indulgences de la confrérie orientait les fidèles vers le confesseur qui pouvait en dispenser15. À Damas, les maronites reprirent leur église,

prévoit que l’association réunit des chrétiens de différents rites et que si un membre adhère à une confrérie propre à sa confession, il quitte celle des lazaristes. 14 B. Heyberger, Les chrétiens… cité n. 4, p. 496. 15 Ibid., p. 428.

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qui avait été confiée un temps aux pères de la Terre Sainte. Germanos Farhât, enfant d’Alep et membre fondateur de l’ordre des Moines libanais, y institua les dévotions du Rosaire et du Scapulaire en 1705. Il avait aussi composé un poème pour encourager les fidèles à s’adonner à celle du Sacré-Cœur de Jésus, qui venait d’être introduite par les jésuites16. Lorsque ces mêmes Moines libanais entreprirent des actions pastorales dans les campagnes libanaises, l’introduction du Rosaire fit partie de leur arsenal. En 1728, en quinze jours, ils auraient associé 1 200 âmes à la dévotion dans le seul village de Bikfâyyâ. À partir de cette année-là, la procession qu’ils organisaient autour de leur couvent de Luwayza aurait attiré de cinq à six cents personnes, venues se confesser et gagner des indulgences. En 1734, une lettre émanant de notables des campagnes entre Tripoli et Homs signalait la tournée missionnaire de deux moines qui ont introduit parmi eux « in vece di rai abusi la Devozione del Smo Rosario e del Carmine »17. En fait, à partir du début du XVIIIe siècle, les Orientaux disposaient dans leur clergé d’un certain nombre d’individus formés aux normes du catholicisme tridentin, et capables de mener une action pastorale au même titre que les « Francs ». C’est le moment aussi où se constituaient chez les maronites, les melkites et les Arméniens, des ordres religieux sur le modèle occidental, ayant l’ambition d’agir dans le monde et de s’investir dans la pastorale auprès des fidèles. Les associations pieuses commencèrent alors à échapper aux jésuites. À cette même époque, les prélats orientaux prirent euxmêmes l’initiative d’encourager les dévotions comme le Scapulaire, Notre-Dame des Sept Douleurs, ou, plus tard, la Ceinture de la Vierge18. Le clergé oriental, imitant les missionnaires, se mit à produire alors une importante littérature dévote, dont les manuscrits dorment dans les bibliothèques, consacrée à la Vierge du Rosaire, au Saint Sacrement, aux procédures d’examen de conscience et d’édification personnelle. L’évêque melkite Maximos Al-Hakîm composa lui-même douze cantiques dévotionnels en l’honneur du Rosaire. Un tableau d’un peintre alépin, datant de 1758, représente la Vierge du Rosaire d’après les canons iconographiques occidentaux, mais dans

16 Ibid., p. 443. Sur le Sacré-Cœur, voir B. Heyberger, Politique et spiritualité du « Sacré-Cœur » en Syrie et au Liban (XVIIIe siècle), dans M. Venard, D. Julia (dir.), Sacralités, culture et dévotions, Marseille, p. 93-106. 17 B. Heyberger, Les chrétiens… cité n. 4, p. 445. 18 Ibid., p. 479-481. B. Heyberger, Un nouveau modèle de conscience individuelle et de comportement social : les confréries d’Alep (XVIIIe-XIXe siècles), dans Parole de l’Orient, 21, 1996, p. 273.

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un traitement pictural adapté au goût local19. En 1790, le synode melkite de Saint-Sauveur imposa l’usage exclusif de chants byzantins pour la procession mensuelle du Rosaire20. Tout en intégrant la pratique d’une dévotion d’origine occidentale, le clergé « grec » cherchait donc à la « byzantiniser », pour la distinguer de la pratique latine. Un autre événement crucial du début du XVIIIe siècle est la constitution de hiérarchies catholiques séparées des hiérarchies orthodoxes chez les melkites, les Arméniens, les syriens orientaux (chaldéens) et, un peu plus tard, chez les syriens occidentaux (jacobites). Ces nouvelles obédiences devaient faire front contre la réaction des orthodoxes, d’autant plus qu’elles ne disposaient d’aucune reconnaissance légale aux yeux des autorités ottomanes avant le milieu du XIXe siècle. C’est dans ce contexte, à partir de 1730, que les jésuites fondèrent à nouveau des congrégations mariales à Alep, non pas concurrentes, mais complémentaires des dévotions et des structures existant dans les diverses églises paroissiales. L’identité catholique l’emportait dans ces structures sur l’identité confessionnelle, encore que très vite elles se démultiplièrent suivant les rites. L’agrégation préalable au Rosaire était exigée comme condition d’entrée dans la congrégation de l’Annonciation des célibataires melkites, approuvée par l’évêque d’Alep en 1737, qui comptait 50 membres de toute confession au bout d’un an. Plus tard, la congrégation de l’Immaculée Conception des Arméniens prévoyait une clause spéciale pour ceux qui étaient agrégés au Rosaire en même temps. Le caractère défensif de ces associations est extrêmement marqué : la première dont nous connaissons l’existence est une « Confrérie de la Défense de la foi catholique », fondée après les événements de 1725-1730 pendant lesquels les melkites unis ont dû souscrire, certains sous la torture, une profession de foi anti-catholique21. On était aussi à un moment où les missions, en Europe même, s’occupaient davantage de mobiliser les catholiques que de combattre les « hérétiques ». La stratégie jésuite, adaptée aux circonstances locales, s’inscrivait donc en même temps dans un mouvement plus global. C’est à la même époque encore que les Frères de la Terre sainte développèrent leur Tiers Ordre de Saint-François, dans toutes les

19 Icônes melkites, catalogue de l’exposition du musée Sursock, Beyrouth, 1969, p. 169-170. 20 C. De Clercq, Conciles des Orientaux catholiques, 1575-1849, dans HefeleLeclercq (dir.), Histoire des conciles, XI, 1, Paris, 1949, p. 326. 21 B. Heyberger, Les chrétiens… cité n. 4, p. 497.

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villes où ils étaient implantés22. On en trouve une première mention à Alep en 1699. Il semble avoir fonctionné comme les congrégations jésuites à la même époque, mobilisant de façon intense un milieu dévot particulier derrière le père directeur. Un règlement conservé à Alep s’appesantit sur la nécessité d’examiner avec le plus grand soin l’attachement du candidat à la foi catholique et aux fondements de l’Église romaine : il ne doit y avoir aucun soupçon sur sa fidélité au siège apostolique, ni aucune trace d’hérésie23. Mais l’esprit du Tiers Ordre franciscain se distinguait de celui des congrégations jésuites dans la mesure où, à partir de 1729 et jusqu’au XIXe siècle, il fut régulièrement accusé d’être un instrument pour « latiniser », pour détourner donc les fidèles de leur rite d’origine24. Ces derniers étaient en effet invités à remplir leurs obligations chrétiennes dans les chapelles des confréries. En 1830, le Frère Vincenzo Maria di S. Anastasia, gardien de la Terre Sainte, écrit à propos d’Alep que « la majeure partie des Chrétiens catholiques n’ayant pas d’églises, où les devoirs de religion puissent être remplis, ces devoirs se faisaient dans les congrégations des susdites confréries »25. Cette structure confrérique se maintint à Alep jusqu’au XIXe siècle, malgré des évolutions et des changements, au-delà de la suppression de la Compagnie de Jésus. En 1761, les jésuites étaient à la tête de huit congrégations, une de célibataires pour les quatre rites présents dans la ville, une pour les hommes mariés melkites, une pour les hommes mariés maronites, une « pour la défense de la foi » chez les melkites, spécialisée dans l’adoration du Saint Sacrement, et une sous le même titre pour les Arméniens, réservée aux chefs de famille. La plupart de ces associations survécurent au départ ou au décès des derniers jésuites. Il est remarquable que lorsqu’elles furent reprises par des prêtres orientaux, leurs règles ne furent guère modifiées dans un sens plus fidèle aux rites et aux traditions orientales26. Les lazaristes prirent la succession des jésuites avec plus ou moins de succès. Ils fondèrent à leur tour une confrérie du Saint Sacrement

22 Mention d’un Tiers Ordre à Damas en 1798 : Archives des capucins de Paris, M 100 ; mention d’un tiers ordre à Nazareth, Bethléem et Jérusalem : Status Terrae Sanctae, dans L. Lemmens (éd.), Acta S. Congregationis de Propaganda Fide pro Terra Sancta, II, Quaracchi, 1922, p. 226. 23 Alep, Fondation Salem, n° 1217. 24 B. Heyberger, Les chrétiens… cité n. 4, p. 487-492. 25 Rome, ASCPF, Acta, vol. 194, 1831, f° 488r° : « Impercioché la maggior parte de’ Cristiani Cattolici non avendo qui Chiese, ove farsi possono i doveri di Religione, tali doveri si facevano nelle congregazioni delle suddette Confraternite ». 26 B. Heyberger, Les chrétiens… cité n. 4, p. 500.

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en 1787, qui exigeait l’adhésion préalable au Rosaire et au Scapulaire, et une autre du Rosaire destinée exclusivement aux jeunes filles en 179427. Individualisation et nouvelle sociabilité Il est certain que les formes de dévotion et de spiritualité introduites par ces associations pieuses sont totalement neuves dans l’univers du christianisme oriental et ont profondément transformé celui-ci, sans que cela soit toujours reconnu aujourd’hui. Ainsi, il est généralement admis que les Orientaux ont toujours été très dévots à la Vierge, que le culte à celle-ci remonterait aux temps immémoriaux et se serait perpétué « sur le littoral phénicien » depuis « les premiers vagissements du culte marial »28. Il est vrai que l’Écriture, reprise par la liturgie, évoque « la gloire du Liban », la « bien-aimée » « pure comme la neige du Liban »29. La plupart des lieux de culte mariaux ont cependant été construits ou réaménagés au XIXe siècle. Et des pratiques, si souvent rapportées comme des témoignages de la dévotion des Orientaux à la Vierge – comme la récitation du chapelet ou de la salutation de l’Ange – sont bien l’aboutissement des efforts de pastorale des missionnaires latins, relayés par le clergé local30. On pourrait faire le même genre de remarque à propos de la dévotion à l’Eucharistie. Si un recueil de prescriptions comme le Kitâb al-huda maronite (XIIe siècle) insiste sur le banquet eucharistique comme voie de la Rédemption et du Salut, il en fait un événement liturgique collectif et le couronnement du jeûne du Carême31. La vision moderne de l’Eucharistie, introduite dans les règlements des confréries et pratiquée dans l’entourage des missionnaires à partir du XVIIe siècle, fait de la communion un acte individuel plutôt fréquent, reliant le fidèle au Christ, et préparée par la confession auriculaire32. Nous disposons de toute une littérature en arabe destinée à une pratique solitaire de la religion : guides pour l’examen de conscien-

27 Ibid. ; Cf. B. Heyberger, Un nouveau modèle… cité n. 18, p. 281. Sur la confrérie du Saint Sacrement, Rome, ASCPF, Acta, vol. 192, f° 234r°-246v° (dossier de juillet 1829), et SOCG, vol. 944, 2e partie, f° 3r°-68v°. 28 J. Goudard, La Sainte Vierge au Liban, 3e éd., Beyrouth, 1993, préface à la première édition. 29 Ibid., p. 18. 30 Voir l’univers dévotionnel de Saint Charbel Makhlouf (seconde partie du XIXe siècle) : B. Heyberger, Saint Charbel Makhlouf, ou la consécration de l’identité maronite, dans C. Mayeur-Jaouen (dir.), Saint et héros du Moyen-Orient contemporain, Paris, 2002, p. 139-159. 31 B. Fahd (Fahed), édit., Kitâb al-Hudâ, Alep, 1935, p. 120-132. 32 B. Heyberger, Hindiyya… cité n. 9, p. 157-160.

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ce, méthodes pour la prière mentale, méditation sur l’Eucharistie, sur le Cœur de Jésus, etc.33 Il est certain que la pastorale catholique encourage l’intériorisation et le développement psychologique personnel. Les confréries s’assignent le but de préparer à la mort et au Jugement (en obtenant des indulgences), introduisant ainsi une obsession de la mort individuelle qui était sans doute étrangère aux chrétiens orientaux34. Le règlement du Tiers Ordre impose aux adhérents les plus fortunés de faire leur testament au moment de l’adhésion (la pratique du testament étant elle-même une nouveauté dans ces sociétés). La règle la moins exigeante en matière d’édification personnelle est celle du Scapulaire de la Vierge. Les autres règles exigent une confession générale à l’entrée et insistent sur la pratique de la confession et de la communion, sur le contrôle de soi tout au long de la journée, sur l’examen de conscience quotidien. Ainsi, les statuts de la Confrérie du Saint Sacrement présentés à Rome pour approbation en 1829, affirment que tous les jours, au lever du lit : Le confrère […] doit considérer qu’il se trouve en présence de Dieu, et baiser trois fois la terre, en honneur de la Très Sainte Trinité, offrant soimême, ses sentiments, paroles et œuvres à Dieu, avec dévotion […] Qu’il pense qu’il a devant lui l’enfer et le règne des cieux, le premier pour le fuir, le second pour l’acquérir : que le démon le tente, que l’ange le protège, auquel il se recommande : il souffre les tentations pour sanctifier son âme en les vainquant35.

Dans la règle de la congrégation de l’Annonciation, il est prévu que le matin le confrère récite les prières que lui a données le directeur, et qu’il termine la journée par un examen de conscience plus une prière pour les âmes du Purgatoire. Dans celle de l’Assomption, l’examen de conscience vespéral est de règle aussi. Il est dit par ailleurs que la communion doit être un moyen d’améliorer sa vie d’une fois à l’autre, qu’il faut pratiquer une confession générale

Ibid., p. 55-58. Alep, archevêché maronite, n° 835, f° 10r° : l’association de l’Assomption pour les célibataires prévoit un exercice de la Bonne Mort par mois ; Alep, Archevêché melkite (rûm kathulik), n° 518, Sûra rusûm Akhawiyya al-‘uzbân biHalab : la confrérie des célibataires melkites contient une longue liste des indulgences que les confrères peuvent gagner. 35 La Confrérie du Saint Sacrement a été fondée par les lazaristes en 1787 ; Rome, ASCPF, Acta, vol. 192, juillet 1829, f° 241r° : « Deve il Fratello […] considerare che trovasi alla presenza di Dio, e baciare tre volte la Terra in honore della SS. Trinità, offerendo se stesso, i suoi sentimenti, parole, ed opere a Dio, con devozione […]. Pensi che hà davanti l’Inferno, ed il Regno di cieli, il primo per fuggirlo, il secondo per acquistarlo : che il Demonio lo tenta, che l’Angelo lo custodisce, al quale si racommandi : soffra le tentazioni, per santificare l’anima sua vincendole ». 33 34

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annuelle, les exercices de la Bonne Mort une fois par mois et que, tous les dimanches matins, il faut se livrer à un examen du relâchement de sa dévotion. La méditation d’un quart d’heure par jour est recommandée, notamment à partir du billet mensuel distribué par le directeur36. C’est sans doute le règlement de la confrérie du SacréCœur fondée par Hindiyya ‘Ujaymî en 1767 qui est le plus porté vers la dévotion individuelle et domestique. Et c’est sans doute chez les femmes dévotes que la pratique de l’examen de conscience et l’attention aux états psychologiques a été le plus développée, jusqu’à provoquer quelque scandale37. Mais si nous examinons les règlements des confréries et congrégations d’Alep parvenues jusqu’à nous, nous sommes surtout frappé par le fait qu’ils se concentrent beaucoup plus sur l’organisation minutieuse du groupe et le comportement public ou collectif des confrères. Il va de soi que dans le règlement d’une confrérie pour la défense de la foi catholique, comme celle des Arméniens, on insiste sur l’indispensable solidarité et l’absence de toute forme de communication avec les « hérétiques ». Il est nécessaire d’être un seul cœur et une seule voix, dit l’article 14. L’article 8 précise qu’aucun membre ne doit signer un papier diffusé par l’évêque ou l’assemblée des « hérétiques » sans avoir pris conseil des responsables. Un autre article stipule que si l’un des confrères est condamné à une amende pour n’avoir pas voulu se soumettre au clergé « hérétique » (officiellement reconnu par la Porte), tous s’engagent à se cotiser pour le tirer de ce mauvais pas qui met en danger sa foi. Parmi les membres de l’association (qui doit rester discrète, « voilée »38), il est exclu de compter des ivrognes, des semeurs de trouble, ou des gens qui trament des plans avec les hérétiques. Le règlement de l’Assomption pour les maronites célibataires se fixe comme objectif, après la gloire de Dieu et la dévotion à la Vierge, « l’éducation du comportement et de la conduite », qui distingue le dévot du laïc. Par la suite, il précise de manière détaillée l’obligation au catéchisme du dimanche, avec ponctualité et décence, sans rire et sans parler. Il impose des habits décents, propres, pas excessivement chers, mais qui doivent le distinguer du monde. Le confrère doit se reconnaître dans sa

36 Alep, Archevêché melkite, n° 518 (Annonciation) ; Alep, bibl. de l’archevêché maronite, n° 835 (Assomption). 37 B. Heyberger, Les chrétiens… cité n. 4, p. 484-485 ; B. Heyberger, Un nouveau modèle… cité n. 18, p. 280-281 ; B. Heyberger, Entre Orient et Occident, la religion des dévotes d’Alep, dans L. Châtellier (dir.), Religions en transition dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, Oxford, 2000, p. 171-185. 38 Alep, Archevêché arménien catholique, registre n° 2.

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manière de circuler dans les rues, de parler, de manger, de boire. Son comportement doit se distinguer par sa décence (ihtishâm) et sa politesse (tartîb). Il doit éviter de fréquenter les gens ordinaires, et s’abstenir des moments de convivialité, comme les soirées traditionnelles de divertissement dans les jardins. Il ne doit pas manger au souk, ni sortir les nuits de ramadan39. On retrouve le même genre de prescriptions dans le règlement de la congrégation de l’Annonciation et dans celui de la confrérie du Saint-Sacrement des lazaristes, plus tardif. Celui-ci, dans un effort d’adaptation locale, interdit « d’élever des oiseaux et des pigeons, ceci étant une dissipation et un scandale pour le Prochain ». Il est vrai que cette activité, qui se pratique encore de nos jours sur les terrasses d’Alep, était tenue pour peu recommandable et condamnée aussi par des moralistes musulmans. De même, il interdit aux confrères de « sortir et d’aller sur les places sans vêtement du dessus », ou de porter « le vêtement sur les épaules », ou « des fleurs à la main », ou un couteau, « mais qu’ils soient par contre contents de porter le chapelet du Rosaire ». « Ils ne se promèneront pas sur les places avec les mains en arrière, c’est-àdire en bravade »40. Le règlement du Rosaire à destination des jeunes filles consacre un chapitre à chacun des sens, qu’il faut surveiller. À propos de la vue, il précise qu’il ne faut pas regarder des mauvais lieux, ni porter le regard sur quelqu’un, ni se mettre du kohol aux yeux, et qu’il ne faut pas aller dans les rues sans voiler le visage. Si jamais le voile s’envole, elles doivent se tourner contre le mur pour le rajuster…41 Mis à part les efforts d’adaptation locale, tout cela n’est guère différent de ce que qui s’enseigne dans ce genre d’associations pieuses en Europe. Il faut cependant remarquer que, dans les situations de cohabitation confessionnelle, les confréries jouent un rôle de discriminant face aux chrétiens non catholiques et face aux musulmans. Et que dans cette société qui pratiquait la discrimination publique en défaveur des chrétiens, ces associations introduisent une discrimination volontaire et positive, et font de cette distinction un élément de supériorité. Pour la définition identitaire du chrétien, il y a là un renversement qui me paraît significatif. D’autant plus que, par les indulgences, et par l’histoire de la dévotion qui figure parfois en tête du règlement, la confrérie rattache symboliquement le dévot à l’Église universelle, c’est-à-dire occidentale, élargis-

Alep, Archevêché maronite, n° 835, f° 5v°, 10v°, 11r°, 12r°, 14r°. Rome, ASCPF, Acta, vol. 192, f° 242v°. 41 Alep, Archevêché melkite, n° 508, règlement du Rosaire pour les dévotes vivant dans le monde. 39

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sant ainsi son horizon. Cette ouverture mentale ou spirituelle s’accompagne souvent d’un élargissement matériel, puisque ces marchands tissent au même moment des liens non seulement avec les « Francs » des Échelles, mais aussi avec Rome, Livourne ou Marseille42. Un nouvel instrument dans un système de pouvoir traditionnel Mais la réussite même de la structure confrérique marque aussi les limites du projet initial de transformer la société chrétienne en profondeur. Les règlements, en particulier ceux des congrégations jésuites, sont extrêmement minutieux sur le déroulement des réunions, sur la hiérarchie entre membres de l’association, sur la désignation aux fonctions de responsabilités et sur l’exercice de ces fonctions. Ils renforcent l’autorité cléricale du directeur, le murshid, qui peut intervenir dans toutes sortes de circonstances de la vie, par exemple pour autoriser un confrère à voyager, à se marier ou à entrer dans un monastère, voire à se rendre au bain ou à dormir dans les jardins43. Les confrères sont utilisés pour mettre en valeur la dignité de l’autorité ecclésiastique : les femmes du Tiers Ordre franciscain se chargent d’organiser la réception solennelle du père Gardien de Jérusalem, arrivé à Alep en prince de l’Église, pour confirmer les rares latins de la ville44. Au début du XIXe siècle, le nouvel évêque maronite est accueilli par une procession de ses fidèles, parmi lesquels les congréganistes portent un cierge allumé. À l’intérieur du groupe des confrères, les règlements établissent une nouvelle hiérarchie, fondée sur le mérite plutôt que sur la position sociale ou le lignage, en instituant des règles minutieuses de désignation des préfets et de ses aides et en détaillant précisément les fonctions de chacun. Le règlement de l’Assomption des célibataires maronites fait cette recommandation, à propos des élections :

42 B. Heyberger, Sécurité et insécurité : les chrétiens de Syrie dans l’espace méditerranéen (XVIIe-XVIIIe siècles), dans M. Anastassiadou et B. Heyberger (dir.), Figures anonymes, figures d’élite : pour une anatomie de l’Homo ottomanicus, Travaux du CeRATO, 4, Isis, Istanbul, 1999, p. 147-163 ; B. Heyberger, Les nouveaux horizons méditerranéens des chrétiens du bila¯d al-sˇa¯m (XVIIe - XVIIIe siècle), dans Arabica, 51, 4, 2004, p. 435-461. 43 Alep, Archevêché maronite, n° 835, f° 8v°, 10v°, 11v°. Alep, Archevêché melkite, n° 508, règlement du Rosaire pour les dévotes vivant dans le monde, chapitre « natharan ilâ al-murshid » (concernant le directeur), extrêmement précis sur les conditions de la relation entre le directeur et les dévotes. 44 B. Heyberger, Les chrétiens… cité n. 4, p. 491-492.

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Il faut rendre attentifs les frères qu’il ne leur est pas permis de tenir compte de leur penchant, de leur parenté, ou de leur affection, dans cette élection ; et qu’ils ne pensent pas qu’il s’agisse d’une chose futile ; au contraire, elle est importante, et d’elle dépend tout le bien de la confrérie…45 ».

Les relations entre membres de la confrérie sont extrêmement formalisées, et insistent sur le respect et l’obéissance aux préposés. Ainsi, il est dit que les confrères doivent se lever à l’entrée du directeur et du préfet et qu’ils doivent demeurer debout jusqu’à ce qu’ils soient autorisés par ces derniers à se rasseoir. Lorsque le préfet ou un conseiller s’adresse à un confrère, celui-ci doit lui répondre à voix basse, et non pas grossièrement, et il doit croiser les bras dans une attitude d’attention et d’humilité46. Ces tentatives de réformer la société se heurtent à des oppositions parfois vives. Le fait en particulier de rassembler des femmes pour une pratique intense des réunions, de l’examen de conscience, de la prière à l’église, provoque des oppositions de la part des familles, qui voient leurs filles ou leurs femmes échapper à l’encadrement et au contrôle traditionnel de la parentèle, au profit d’un directeur spirituel47. Dans l’ensemble, malgré les objectifs affichés, ces structures n’ont pas abouti à transformer radicalement les rapports sociaux. On se demande plutôt si elles n’ont pas été instrumentalisées dans le fractionnisme traditionnel, opposant divers notables à l’intérieur d’une même appartenance confessionnelle. Jusque vers le milieu du XIXe siècle, l’autorité ecclésiastique dans les différentes Églises reste instable, et les confréries sont un moyen de mobiliser les fidèles derrière tel ou tel compétiteur dans la lutte pour le pouvoir, dans une organisation où la paroisse n’est pas un territoire, mais, pour simplifier, un groupe de familles regroupées derrière un prêtre de leur choix. Il est significatif, par exemple, que dans le texte arabe du synode de l’Église maronite de 1736, l’article qui dit que les règles des confréries doivent être approuvées par le patriarche a été corrigé : on a remplacé « patriarche » par « évêque »48. La compétition entre patriarche et évêques, représentant les grandes familles, caractérise en effet l’Église maronite tout le long du XVIIIe siècle et au début du XIXe. C’est une des sources de la tragédie de l’affaire Hindiyya, dans laquelle d’ailleurs les confréries ont été utilisées pour réunir les partisans dans les camps qui s’affrontaient49.

Ibid., p. 505-507 ; Alep, archevêché maronite, n° 835, f° 34r°v°. Alep, archevêché maronite, n° 835, f° 15r°, 16r°. 47 B. Heyberger, Entre Orient et Occident… cité n. 37. 48 E. Atallah, Le Synode Libanais de 1736, Paris-Antélias, 2002, II (traduction du texte original arabe), p. 354. 49 B. Heyberger, Hindiyya… cité n. 9, p. 193-195. 45

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Cette atmosphère de rivalité et de contestation du pouvoir se retrouve aussi, dans une moindre mesure, chez les Melkites. Le 13 août 1733, Maximos Al-Hakîm, évêque d’Alep, adresse une lettre aux membres de la Confrérie pour la Défense de la Foi. La terminologie employée est guerrière : il est question de « camp », d’armée, de commandant, de « l’arène du combat sacré ». Il exhorte ses fidèles à suivre le Christ, venu sur terre pour souffrir. Il évoque l’exemple des martyrs. Il attribue au souverain pontife le commandement absolu. Le but est-il de resserrer les rangs contre les attaques du patriarche orthodoxe Sylvestre, qui revient en Syrie au début de 1733 ? Il s’agit surtout de remobiliser les fidèles catholiques après une affaire délicate : le frère de Maximos, en personne, médecin à Istanbul, à l’intervention duquel il devait sa confirmation officielle d’évêque, venait de se convertir à l’islam, et avait envoyé chercher ses fils à Alep pour les faire musulmans. Cette affaire avait coûté 3 000 piastres aux melkites catholiques, et la lettre de Maximos, qui s’était réfugié dans un couvent libanais, venait surtout les féliciter d’avoir dépensé leur argent dans la joie, pour la foi. « La prospérité du croyant n’est rien, c’est celle de la communauté qui compte », dit la lettre. « Il faut de toute façon que nous quittions l’argent, et que l’argent nous quitte. D’ailleurs, nous l’avions peut-être gagné par des moyens illicites »50. La même « Compagnie pour la défense de la foi » fait l’objet d’un rapport du patriarche Agapios à la Propagande en 1810. Il semblerait qu’après sa fondation par Maximos elle ait cessé longtemps de fonctionner, ou du moins qu’elle ait seulement existé « in essere » pendant près de trente ans, sans avoir obtenu l’autorisation de l’évêque d’Alep, Germanos Adam. Le patriarche Agapios a accordé la confirmation de cette association le 3 septembre 1809, sur présentation de deux mémoires de la part des fidèles d’Alep. Mais il s’est rendu compte par la suite que cette demande n’émanait pas de toute la « nation », et qu’elle n’avait pas obtenu l’assentiment de tout le clergé, ce qui était un indice d’une fracture au sein de la communauté, d’une absence de consensus. Cette confrérie s’assignait comme but l’instruction des enfants, mais elle rentrait en fait en concurrence avec la confrérie de l’Annonciation pour les célibataires qui s’adonnait à la même activité, et débauchait les jeunes gens de cette dernière. Le patriarche décida donc de revenir sur sa première décision, et de retirer sa confirmation à la nouvelle confrérie, qui divisait la communauté en deux partis51.

50 51

B. Heyberger, Les chrétiens… cité n. 4, p. 502-503. ASCPF, SC, Melchiti, vol. 12, f° 64r°-66v°.

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Dans les années qui suivirent, des polémiques éclatèrent autour des confréries à Alep, créées sans approbation de l’ordinaire ni de Rome, et servant à regrouper autour d’un prêtre un groupe de partisans, accusés de s’exempter ainsi de l’autorité légitime, et de pratiquer des exercices déviants. Notons que parmi les principaux accusés dans cette affaire figure le lazariste Nicolas Gaudez, fondateur de plusieurs confréries, et à la tête notamment d’un groupe de dévotes regroupées dans une association du Sacré-Cœur52. Car les missionnaires latins eux-mêmes ont été pris dans le jeu local des alliances et des oppositions. Les Frères de la Terre Sainte ont en particulier exploité partout leur Tiers Ordre pour organiser autour d’eux une clientèle dévouée, ce qui a été à de nombreuses reprises dénoncé par les évêques et les patriarches melkites, qui y voyaient un moyen de leur retirer des fidèles au profit des Églises latines. *

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Dans un univers instable, où les réseaux de relations se recomposaient sans cesse, une institution comme la confrérie offrait de nouvelles opportunités de pouvoir et d’action. Les religieux latins eux-mêmes étaient plongés dans un système clientéliste au sein duquel la relation entre les personnes et les groupes était fondée sur des modes de domination de type patriarcal : le lien personnel, la solidarité du lignage et du village derrière le chef local l’emportaient en définitive sur des considérations plus larges d’intérêt collectif, et ce malgré la volonté affichée de formaliser et de rationaliser le pouvoir. Le Tiers Ordre des Frères de la Terre Sainte serait à cet égard significatif. Les femmes, plus que les hommes, restaient en fait sous l’autorité de leur famille lorsqu’elles s’engageaient dans une vie de dévotion plus intense. L’affirmation de l’autonomie individuelle, qui caractérisait malgré tout l’esprit de ces associations, se heurtait constamment à des logiques plus collectives, qui divisaient traditionnellement les groupes confessionnels chrétiens en Syrie. Le fait que plusieurs de ces confessions chrétiennes, chacune composée d’un petit nombre d’individus, vivaient côte à côte, et qu’une paroisse consistait en un groupe de fidèles qui choisissait son curé (et même souvent son évêque) plutôt qu’en un territoire délimité, faisait de l’institution confrérique une structure susceptible de mobiliser une faction derrière un prêtre ou un prélat. On peut rapporter ce fonc-

52

ASCPF, Acta, vol. 194, 183, f° 448r°-453v°.

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tionnement à la ‘asabiyya définie par Ibn Khaldoun, qui caractériserait la société arabe. Mais on n’est pas très loin de mécanismes décrits dans d’autres contextes vers la même époque. On pense en particulier à l’Espagne ou à l’Italie, et il n’est pas indifférent sans doute que les missionnaires de la Terre Sainte aient été justement originaires de ces deux pays53. Une société fondée sur le lien lignager, clanique ou clientéliste, ne doit pas nous apparaître comme figée dans un immobilisme archaïque. Elle contient au contraire des ressources de dynamisme et d’adaptation qui lui permettent d’intégrer des éléments culturels ou institutionnels nouveaux. La confrérie, tout en se coulant dans le moule des rapports sociaux traditionnels, introduit aussi un début d’individualisation et des nouvelles formes de sociabilité. Elle tend à renforcer l’autorité du clergé et à modifier les rapports entre classes d’âge et entre sexes, notamment en développant la pratique de l’aveu. Elle introduit surtout de nouveaux critères de distinction entre catholiques et non-catholiques, et contribue à la discrimination confessionnelle au sein d’une société qui, malgré son pluralisme religieux, se caractérisait jusque-là par une certaine unité dans les comportements, les croyances et les rituels. Bernard HEYBERGER Université de Tours / I.U.F.

53 G. Levi, Le pouvoir au village, Paris, 1989 ; C. Windler, Clientèles et État en Espagne au 18e siècle, dans Annales ESC, mars-avril 1997, p. 293-319.

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Dans l’ouvrage qu’ils ont consacré à l’image du Noir, Jean Devisse et Michel Mollat rappellent la place considérable occupée par les Noirs dans la société et dans l’imaginaire du monde ibérique médiéval. Les Castillans, écrivent-ils, « sont sensibles d’abord à la puissance des guerriers noirs et ils vont transférer de l’Aethiop au « Maure noir » les anciens sentiments d’hostilité. Enveloppé dans la vague d’intolérance anti-musulmane que développent les clunisiens spécialement en Espagne, le Maure noir est voué à l’exécration comme tout autre guerrier musulman. En même temps, il est aussi pour le castillan un serviteur présent dans les maisons riches de l’Espagne musulmane qui commencent à l’acheter. Il est enfin – question vivante que l’on ne peut pas se poser – un homme créé par Dieu et susceptible de rachat par le baptême. Mais la composante majeure, néanmoins, est pour longtemps défavorable dans les terres castillanes »1. Les auteurs de cet ouvrage opposent une image globalement négative du Noir en Castille à une autre plus nuancée en Aragon. Je ne m’attarderai pas sur cette différence dont l’évidence me semble douteuse, mais on peut sans nul doute retenir l’ambiguïté généralisée des perceptions qu’ont des Noirs et l’Espagne musulmane et l’Espagne chrétienne. Cette dernière trouvait dans la Bible deux passages qui ont nourri son attitude à l’égard des Noirs. D’une part celui de la Genèse où Noé maudit son fils Cham et toute sa descendance, condamnant celle-ci à être esclave des autres hommes. Or Cham a reçu pour sa lignée le vaste territoire s’étendant du sud de la Syrie au détroit de Gabés et donc englobant toute l’Afrique. Saint Ambroise insiste sur cette malédiction et, comme le soulignent encore Jean Devisse et Michel Mollat, « poètes, hagiographes, chroniqueurs, encyclopédistes, auteurs divers de l’époque carolingienne, reprennent à l’étourdie, le thème de la malédiction des fils de Cham »2. 1 J. Devisse et M. Mollat, L’image du Noir dans l’Art occidental, II, Des premiers siècles chrétiens aux grandes découvertes, tome 1, De la menace démoniaque à l’incarnation de la sainteté, Fribourg, 1979, p. 82. 2 Ibid., p. 55.

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Grégoire de Tours fait même de Chus, fils de Cham, l’inventeur de la magie par l’action du diable ; Tertullien et Isidore de Séville voient en Cham et sa descendance les ancêtres de ceux qui ne croient pas dans le Christ ; Bède le Vénérable considère que la malédiction a fait des Noirs des êtres immoraux. D’autre part les versets des Actes des Apôtres relatant le baptême de l’eunuque éthiopien, intendant de la reine Candace, par Philippe montrent que les Noirs, ces hommes comme les autres, peuvent être convertis. Il n’est pas sans intérêt de constater que l’humaniste flamand Nicolas Clénard qui, dans les années 1530, dit toute son aversion pour les Noirs, finit par acheter à Lisbonne trois esclaves et se réfère, à leur endroit, aux Actes des Apôtres « si Dieu me prête vie, écrit-il, pourquoi ne pourrais-je pas en faire des théologiens ? Qu’ils désirent lire Isaïe, tout aussi bien que le nègre baptisé par l’Apôtre Philippe »3. On retiendra des exégèses que les hommes du Moyen Âge ont fait de la Bible que l’esclavage des Noirs a pu paraître à tous justifié et que nul ne le remet en question encore à l’aube des Temps modernes. Mais, parallèlement, l’idée de l’appartenance des Noirs au plan divin ne souffre pas davantage de contestation. Les Noirs ont bien entendu droit à recevoir le baptême, mais qui plus est leur place dans la chrétienté a fait l’objet entre le XIVe et le XVIIe siècle de véritables politiques promotionnelles. On sait que vers 1240-1250 a été réalisée pour la cathédrale de Magdebourg une statue représentant saint Maurice. Ce ne serait là rien que de très banal si pour la première fois le saint martyr n’avait été représenté sous les traits d’un officier noir. Dès lors le thème iconographique du Maurice noir a été récurrent dans une partie de l’empire germanique à partir de Magdebourg, lieu du dépôt des reliques du saint. Notons qu’il n’a guère été adopté plus à l’ouest et a fortiori dans la péninsule Ibérique qui l’a totalement ignoré. Rappelons-nous par exemple que le saint Maurice peint par le Greco pour l’Escorial est blanc. Espagne et Portugal ont de même beaucoup tardé à faire leur le roi mage noir qui comme saint Maurice est apparu, au début du XVe siècle d’abord, au cœur du saint Empire romain germanique. Balthasar, le troisième des rois mages est devenu noir à Fribourg-en-Brisgau, à Venise ou à Cologne. Peu à peu il s’impose sous ces traits plus à l’ouest et la même année, 1464, Memling et Mantegna composent chacun une Adoration des Mages où Balthasar est noir. La péninsule Ibérique a longtemps méconnu ce mouvement de réhabilitation des Noirs. La première apparition du genre est probablement celle,

3

A. Roersch, Clénard peint par lui-même, 1942, p. 34.

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vers 1490, du retable du Covarrubias en Castille, et encore l’auteur est-il Flamand ou Allemand !4 Il est possible que le retard de la péninsule Ibérique en cette matière ait été la conséquence d’une forte présence servile. Le paradoxe n’est en apparence pas mince entre un monde germanique – d’où le Noir est absent mais qui « invente » un saint Maurice noir puis un roi mage de la même couleur – et un monde ibérique où aboutissent les chemins qui depuis l’Afrique subsaharienne ont été empruntés contre leur volonté par de très nombreux esclaves noirs et qui ignore cette iconographie. En revanche, il n’est pas rare de voir représentés des Noirs intervenant de manière très réaliste dans des tâches subalternes de la vie quotidienne. La société ibérique avait quelque difficulté à participer à l’entreprise de promotion du Noir. Pourtant tout n’est pas aussi tranché et c’est sans nul doute le mouvement confraternel en développement constant dans l’Occident chrétien depuis le XIe siècle qui nous en apporte la meilleure preuve. Les Noirs au XIVe siècle ne sont pas inconnus, à Tolède, à Valence, à Barcelone ou ailleurs, et comme l’eunuque de la reine Candace ils sont baptisés. À la fin du Moyen Âge, ils appartiennent – du moins certains d’entre eux – à des confréries. Celles-ci se sont multipliées dans l’ensemble de l’Espagne comme dans tout l’Occident médiéval (le premier règlement, celui de Santa Cristina de Tudela, date du XIIe siècle), si bien que 18 avaient été créées avant à la fin du XVe siècle dans la seule ville de León, 19 à Astorga, 37 à Zamora, 28 à Salamanque5. La première confrérie de Noirs aurait été fondée à Séville vers 1400. La date est incertaine mais son existence au XVe siècle ne fait pas de doute car, à la suite de divers procès, la confrérie de la Piedad y Nuestra Señora de los Angeles, plus communément appelée de los Negros, a été autorisée à figurer à partir de 1672 au troisième rang de la quarantaine des confréries locales en raison de son ancienneté. Et il est probable que l’invocation Piedad y Nuestra Señora de los Angeles ne se soit imposée qu’au XVIe siècle et qu’antérieurement la confrérie ait été placée sous la protection de Notre-Dame des Rois. Nous savons peu de choses de l’importance de la communauté noire sévillane au cours de la première moitié du XVe siècle. En revanche, elle est indéniablement nombreuse au tournant des XVe et XVIe siècles. Le monde servile dont les Noirs constituent la plus

4 J. Devisse et M. Mollat, L’image du Noir… cité n. 1, vol. II, t. 2, Les Africains dans l’ordonnance chrétienne du monde (XIVe-XVIe siècles), p. 176. 5 J. Sanchez Herrero, Para una reconstrucción de los archivos de las cofradías, dans Archivos locales y Mundo cofrade, Malaga, 2002, p. 141.

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grande part est très imposant. Antonio Collantes de Teran constate que bien des artisans et même des personnes très modestes possèdent un esclave6. Le chroniqueur Ortiz de Zuniga souligne l’importance du commerce andalou en direction des côtes de l’Afrique subsaharienne et rapporte que les Rois Catholiques donnèrent en 1475 à un Noir – Juan de Valladolid, membre de leur maison – le titre de « mayoral e juez » de tous les Noirs, esclaves et libres, de Séville et de son archevêché7. À cette époque existent d’autres confréries ouvertes aux Noirs à Barcelone, à Valence et enfin à Lisbonne qui est le grand centre de la traite atlantique depuis que les Portugais ont pris pied sur les côtes de Sénégambie et aux îles du Cap-Vert dans les années 1440. La population noire est bientôt considérable et on admet que vers 1600 elle comprendrait 10 000 personnes, soit environ 10% de la population urbaine. L’histoire de cette confrérie créée en 1476 et placée sous le patronage de Notre-Dame du Rosaire est particulièrement intéressante. Sise en l’église de Santo Domingos, elle accueillait Blancs et Noirs. Pourtant les conflits internes ne tardèrent pas à éclater et, en 1565, une confrérie du Rosaire noir, résultat d’une scission, vit le jour. Les deux confréries, noire et blanche, coexistèrent dans la rivalité jusqu’à l’expulsion de la partie noire de l’église des dominicains au début du XVIIe siècle8. Les vicissitudes de la première confrérie noire lisboète illustrent les difficultés de l’intégration de la population noire au mouvement confraternel. Cependant celle-ci s’est peu à peu réalisée au point que les spécialistes des confréries espagnoles réservent dans leur typologie une place à celles qu’ils appellent les confréries ethniques. Ces dernières sont comme beaucoup d’autres des confréries de pénitence, associations d’hommes – et parfois de femmes – sans nombre défini, disposant d’une organisation autonome et de statuts d’approbation ecclésiastique. Leur temps fort était bien entendu la semaine sainte au cours de laquelle une procession avait lieu. Cependant le terme de confrérie ethnique fait problème. L’exemple de la confrérie du Rosaire de Lisbonne l’atteste puisque, au moins dans un premier temps, Noirs et Blancs étaient indistinctement admis. En outre la

6 A. Collantes de Téran, Sevilla en la baja edad media. La ciudad y sus hombres, Séville, 1977. 7 Isidoro Moreno, La Antigua hermandad de los negros de Sevilla. Etnicidad, Poder y Sociedad en 600 años de historia de Historia, Séville, 1997, p. 43. 8 Didier Lahon, Les confréries de Noirs à Lisbonne et leurs privilèges royaux d’affranchissement. Relations avec le pouvoir du XVIe au XIXe siècle, dans M. Cottias, A. Stella et B. Vincent (dir.), Esclavage et dépendances serviles, Paris, 2006, p. 195-215.

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question se pose de savoir si certaines confréries étaient réservées aux Noirs, esclaves et libres confondus, ou si elles n’étaient pas plutôt destinées à réunir tous les esclaves, quelle que fut leur couleur de peau. N’oublions pas que sur le sol de la péninsule Ibérique, les esclaves blancs provenant le plus souvent d’Afrique du Nord constituaient des contingents nourris, surtout dans la partie orientale, de Valence à Malaga. Au total, vers 1600, alors que la population servile d’Espagne et du Portugal devait être proche de 150 000 personnes, un bon tiers ou peut-être plus était de couleur blanche9. Un chroniqueur de la fin du XVIIIe siècle cite une délibération municipale de Malaga datée de 1610 où fut examinée une requête des « negros, mulatos y esclavos berberiscos » administrant la confrérie de la Miséricorde10. On peut s’étonner qu’ici le mot esclavos précède les seuls barbaresques et ne s’applique pas aux Noirs et Mulâtres, mais l’important est le rapprochement entre les trois groupes, ce qui laisse à entendre qu’ils appartenaient tous à une même confrérie au début du XVIIe siècle. L’indice demeure très fragile car l’on peut s’interroger sur la viabilité d’une institution réunissant une population majoritairement attachée à des pratiques animistes et une autre d’origine musulmane. La cohabitation ne peut cependant pas être délibérément écartée car l’on sait qu’une véritable politique d’évangélisation en direction des musulmans ou des convertis en provenance de l’islam a été mise en œuvre dans l’Espagne des XVIe et XVIIe siècles11. Il est possible que l’appellation confrérie de los negros ou de los morenos en Espagne, de los pretos au Portugal, ait eu un caractère générique désignant rapidement l’ensemble des minoritaires. Cela serait particulièrement logique au Portugal, en Estrémadure ou en Andalousie occidentale où les dépendants noirs étaient beaucoup plus nombreux que les autres. Un tel glissement serait moins compréhensible là, en Andalousie orientale et dans les royaumes de Murcie et de Valence, où les esclaves blancs fournissaient les plus gros contingents. Faudrait-il alors admettre – autre hypothèse plausible – que les esclaves d’origine maghrébine et donc musulmane se seraient montrés plus réfractaires à l’organisation en confréries que les esclaves venus d’Afrique noire ? Ou encore que les esclaves blancs n’avaient aucun souhait de se mêler à des esclaves noirs ? Mais auraient-ils alors échappé aux efforts du mouvement confraternel ? 9 A. Stella et B. Vincent, L’Europe, marché aux esclaves, dans L’Histoire, 202, 1996, p. 64-70 10 Cecilio Garcia de la Leña, Conversaciones históricas malagueñas, t. IV, 1793 (réédition 1981), p. 89. 11 B. Vincent, Les jésuites et l’islam méditerranéen, dans B. Bennassar et R. Sauzet (éd.), Chrétiens et musulmans à la Renaissance, Paris, 1998, p. 519-531.

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Ces dernières remarques nous ramènent à la dimension ethnique des confréries de Noirs et par là aux diverses discriminations à l’œuvre. Celles-ci semblent bien s’être renforcées au cours des XVIe et XVIIe siècles. Nous venons de voir comment à Lisbonne les Blancs avaient écarté leurs confrères noirs en deux étapes. Mais cet exemple est loin d’être isolé tant les frontières et les rejets sont infinis. Les plus démunis, à commencer par ceux qui étaient privés de liberté, n’ont pas davantage constitué un front uni. À Séville, à la fin du XVIe siècle, la présence de trois confréries, peut-être complémentaires, peut-être concurrentes, est troublante. En dehors de la doyenne, celle de la Piedad y Nuestra Señora de los Angeles, deux autres apparaissent. Probablement fallait-il répondre aux besoins d’une population croissante d’esclaves, 10 000 environ dont une grande majorité de Noirs. La confrérie du Rosaire, créée en 1584, s’installe à Triana, bourg de la rive méridionale du Guadalquivir et zone de forte implantation servile. Mais à en croire divers témoignages, la confrérie aurait été interdite aux Morisques et aux mulâtres. La troisième, placée sous l’invocation de la Presentación de Nuestra Señora, sise dans la paroisse de San Ildefonso et très liée à l’hôpital de Belen, a existé au moins dès 157212. La dénomination de confrérie de los mulatos ou de los pardos ne trahit-elle pas la volonté de ses membres de se distinguer des negros ? Reprenons le cas de Malaga : la confrérie de la Miséricorde qui a été évoquée plus haut aurait évolué au point qu’à la fin du XVIIe siècle seuls les Barbaresques en auraient fait partie. Que seraient devenus los negros et mulatos qui les côtoyaient en 1610 ? Nous constatons que dans la même ville il y eut jusqu’en 1681, date de sa disparition, une confrérie de mulatos. On est alors tenté de se demander si ceux-ci ne se sont pas séparés de leurs confrères pour aller constituer leur propre association. Mal connues, les confréries de negros ou de mulatos n’en existent pas moins. Et elles sont nombreuses, plus d’une vingtaine en Espagne et près d’une trentaine au Portugal ont déjà été repérées, comme le montre l’enquête systématique de Didier Lahon. Les grandes villes en abritent plusieurs, Malaga deux, Cadix et Séville trois chacune, Lisbonne jusqu’à sept dans la première moitié du XVIIIe siècle, ce qui correspond bien à l’importance des communautés locales d’esclaves et d’affranchis. Il n’est pas moins significatif qu’on en trouve dans des lieux de dimensions plus réduites, par exemple Gibraltar, Medina Sidonia, Montemor o Novo ou Tavira. Chaque agroville, chaque modeste port de la moitié méridionale de

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1978.

I. Camacho Martinez, La hermandad de los mulatos de Sevilla, Séville,

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la péninsule Ibérique a participé au phénomène, si bien que l’on devrait découvrir l’existence de dizaines d’autres confréries de ce type. Si les premières confréries ibériques de Noirs datent du XVe siècle, la diffusion du phénomène atteint son paroxysme entre 1570 et 1630. Les confréries se sont alors multipliées à Jaen, Ubeda, Baeza, au Puerto de Santa Maria comme à Séville ou à Lisbonne. Il y a deux facteurs principaux à ce mouvement, d’une part la capacité des Espagnols et des Portugais à approvisionner plus que jamais les marchés péninsulaires d’esclaves, d’autre part le vif intérêt que porte l’Église romaine à la catéchèse et à l’encadrement de la population noire. En témoigne l’introduction à la fin du XVIe siècle (1586) dans le Martyrologe romain par le cardinal Cesare Baronio, successeur de saint Philippe Néri à la tête de l’Oratoire et confesseur du pape Clément VII, de quatre saints noirs africains, bien sûr Philippe, l’eunuque trésorier de la reine Candace mais également Moïse, éthiopien qui lui aussi se serait converti après avoir été bandit de grand chemin. Devenu ermite, il aurait souffert le martyr en 405 ou 407. À Philippe et Moïse s’ajoute encore Elesban, prince éthiopien du VIe siècle qui se serait opposé à un roi particulièrement cruel envers les chrétiens, Dunaan. Victorieux, Elesban aurait abandonné sa couronne pour devenir ermite. Enfin, Baronio inclut une femme, Iphigénie, princesse de Nubie, convertie au christianisme par l’apôtre Mathieu et ayant subi les persécutions du roi, son oncle. Dans ces conditions, le XVIIe siècle a été le temps de l’apogée des confréries noires de l’Europe ibérique. Celles d’entre elles qui ont le plus longtemps perduré sont fort logiquement gaditanes, lisboétes ou madrilènes. Cadix a connu à partir du milieu du XVIIe siècle un fort développement qui a suscité un appel considérable à la main d’œuvre esclave. Lisbonne a conservé, et avec elle d’autres villes portugaises, une population servile importante au XVIIIe siècle : c’est pourquoi les créations de confréries continuent. Madrid, parce que capitale, dispose encore d’effectifs serviles relativement importants. La confrérie y est fondée tardivement en 1747 par vingt-quatre Noirs. Ailleurs, au moins en Espagne, c’est le reflux, la disparition ou la reconversion. On a vu plus haut que la Misericordia de Malaga était affaire exclusive de Blancs dès 1693. Henriquez de Jorquera, chroniqueur de Grenade, évoque le transfert de la confrérie de Nuestra Señora de la Encarnación y Paciencia a gente blanca13. La confrérie

13 F. Henriquez de Jorquera, Anales de Granada, Grenade, 1987, t. I, p. 223 (1re éd. 1934).

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Confréries de Noirs en Espagne (XVIe-XVIIIe siècles) ? ? San Jaime Apostol, 1455 Na Sa del Rosario y San Benito, avant 1579 Na Sa de la Salud y San Benito y Santa Ifigenia Gibraltar Na Sa del Rosario y San Benito, avant 1575 Grenade Na Sa de la Encarnación y Paciencia de Cristo y San Benito Huelva Na Sa del Rosario Jaén Na Sa de los Reyes y San Benito, 1600 Jerez Na Sa de los Reyes, 1627 Las Palmas (Gran Canaria) Na Sa del Rosario, vers 1530 Lorca Na Sa de los Remedios Madrid San Benito, 1747 Malaga Angel Custodio (ou Misericordia) ? Medina Sidonia Nbre de Jesus, 1645 Puerto de Santa Maria Na Sa del Rosario y San Benito, avant 1565 San Juan del Puerto-Gibraleon Na Sa del Rosario Séville La piedad y Na Sa de los Angeles (fin XIVe s.) Presentación de Nuestra Señora (1572) Na Sa del Rosario (1584) Telde (Gran Canaria) Na Sa del Rosario, vers 1530 Ubeda ? Valencia 1472

Almeria Baeza Barcelone Cadix

de los mulatos de Séville n’avait plus en 1709 que cinq membres. Elle continue à végéter jusqu’à la fin du XVIIIe siècle. Et celle voisine de los morenos vit la proportion des Blancs, nulle au XVIIe siècle, augmenter progressivement. Entre 1775 et 1797 sont admis 31 membres noirs dont seulement 4 esclaves et 55 Blancs parmi lesquels figurent de nombreux nobles et ecclésiastiques. On constate donc que la mixité ne semble alors plus faire problème. Mais la plus ancienne confrérie noire ibérique traverse une période difficile : 10 à 12 confrères participent aux chapitres généraux qui avaient attiré jusqu’à 250 membres à l’époque de grande vitalité de la fin du XVIe siècle. Il y a, on le voit, en Espagne et au Portugal un temps des confréries noires du XVe au XVIIIe siècle, avec une première phase ascensionnelle qui culmine dans le premier tiers du XVIIe siècle avant de connaître un repli marqué en Espagne, au XVIIIe siècle, plus tardif (fin XVIIIe début XIXe siècle ?) au Portugal. Les raisons n’ont pas manqué à la diffusion des confréries de Noirs et de Mulâtres. Ces êtres déracinés trouvaient dans l’associa-

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tion un lieu d’accueil ou s’exerçait la solidarité sous de multiples formes. La confrérie était l’espace d’un possible loisir collectif dont la danse semble avoir été l’élément essentiel. Les zambras de negros dans leurs différentes versions, zarabanda, chacona, guineo, paracumbé, zarambeque, etc., ont été extrêmement populaires et ont représenté un signe fondamental d’identité en terre d’exil. On en trouve trace à Grenade comme à Lisbonne ou à Valladolid14. La confrérie était surtout l’institution qui pouvait défendre les intérêts de ses membres et peut-être au-delà de tous ceux qui avaient quelque affinité avec elle. Les activités privées au quotidien, certainement les plus importantes, nous échappent totalement. Mais comment ne pas imaginer que les confréries ont été des lieux de refuge pour des esclaves ou des domestiques en conflit avec leurs maîtres ? Où qu’elles ont défendu auprès des autorités ecclésiastiques la cause de couples qui s’étaient promis le mariage mais ne parvenaient pas à leurs fins en raison de l’opposition systématique de propriétaires, hostiles à toute manifestation d’autonomie de leurs dépendants. On sait que l’Église, soucieuse de permettre l’accès de tous au sacrement du mariage, a favorisé ces unions plus ou moins clandestines. La pression des confréries n’a pas dû y être étrangère. Et comment ne pas songer à l’obtention de la liberté par des esclaves qui auraient obtenu l’aumône de leurs confrères ? Cette possibilité dont nous ne mesurons pas l’ampleur a pu être favorisée par la (ou les) Couronne(s). Didier Lahon insiste avec raison sur l’attitude des souverains portugais, principalement don Manuel et Jean III qui ont accordé ou renouvelé les privilèges des confréries noires portugaises leur permettant de payer le prix de la liberté d’un esclave, même aux maîtres non consentants. Il semble que la confrérie de San Juan del Puerto-Gibraleón en Andalousie occidentale ait bénéficié de ces mêmes dispositions favorables. Faut-il voir là l’influence du monde portugais tout proche ou bien ce modèle a-t-il été plus répandu en Espagne qu’on ne l’a cru jusqu’ici ? Quoi qu’il en soit, l’histoire de l’entraide est à cet égard totalement à écrire. Les autorités étaient également intéressées à l’existence et à la consolidation de confréries. Esclaves et affranchis suscitaient de multiples craintes en raison du refus par certains de leur condition, à l’origine d’éventuelles rébellions individuelles et collectives, et de pratiques culturelles et religieuses, animistes ou musulmanes, que l’on cherchait à extirper. Laisser l’initiative aux esclaves et aux affranchis était considéré comme dangereux. Les confréries consti-

14 A. Rojo Vega, Fiestas y comedias en Valladolid, siglos XVI-XVII, Valladolid, 1999, p. 91.

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tuaient le vecteur idéal à travers lequel les énergies pouvaient être canalisées, le moule précieux où surveillance et contrôle pouvaient être assurés. Les ordres religieux, au premier plan desquels se situent les dominicains, des prélats comme l’archevêque de Grenade puis de Séville Pedro de Castro y Quiñones, auteur en 1612 d’une « Instrucción para remediar y asegurar quanto con la divina gracia fuere posible que ninguno de los negros que vienen de Guinea, Angola y otras provincias de aquella corte de Africa carezcan del sagrado bautismo », enfin des corporations municipales contribuèrent à l’effort commun15. Les confréries de negros ou mulatos eurent une vie généralement difficile, tout d’abord parce qu’elles n’étaient pas riches. L’une des plus prospères, celle de la Piedad y Nuestra Señora de los Angeles, était installée à Séville dans une chapelle modeste. Elle acheta en 1635 un Christ, œuvre de l’un des meilleurs sculpteurs andalous, Andrés de Ocampo, pour la somme de 1 400 reales. Elle possédait antérieurement la Vierge de los Angeles qui ornait le grand autel et acquit un San Benito de Palermo probablement au milieu du XVIIe siècle16. La chapelle contenait en outre deux bénitiers, quelques tableaux, des tapis de sparte, des bancs. Les inventaires font naturellement état de la présence des ornements liturgiques indispensables, croix, calice, ciboire, chasubles, étoles, etc. Les frais étaient relativement élevés. La confrérie participait activement à diverses fêtes du calendrier liturgique, et en particulier à la semaine sainte, préparée solennellement depuis le 25 mars, jour de l’Incarnation, et prolongée jusqu’à la Pentecôte ; s’ajoutaient les fêtes du 2 août, des âmes du purgatoire le 2 novembre et de l’Immaculée Conception le 8 décembre17. La contribution à la procession de la Fête Dieu et l’enterrement des confrères étaient très coûteux. Décoration de la chapelle, vêtements de la Vierge, encens, cire, location de tuniques de pénitents, paiement de musiciens et de prédicateurs, feux d’artifice, etc., représentaient des frais considérables pour une confrérie dont les membres étaient d’ordinaire pauvres. Et encore fallait-il entretenir la chapelle. L’économie confraternelle reposait sur les cotisations, les dons de membres ou de protecteurs. Des quêtes étaient réalisées surtout pour faire face aux dépenses extraordinaires. En période de grande difficulté, la confrérie vendait des objets, faisait payer la participation de danseurs à des fêtes profanes ou bien des membres libres n’hésitaient pas à devenir esclaves. La 15 L’instruction de Pedro de Castro est publiée par Aurelia Martin Casares, La esclavitud en la Granada del siglo XVI, Grenade, 2000 p. 502-508. 16 I. Moreno, La Antigua hermandad… cité n. 7, p. 99-100. 17 Ibid., p. 116.

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confrérie de Nuestra Señora de los Reyes de Jaen, qui avait acquis une statue de la Vierge en 1601 pour la somme modeste de 125 reales, dut pour régler ses dettes faire appel à l’aumône publique pendant onze jours de fête au cours des années 1627 et 162818. Les associations avaient à faire face à bien d’autres problèmes, en particulier internes car les conflits entre confrères n’étaient pas rares. Ainsi la réunion du chapitre de la confrérie de los mulatos de Séville, le 9 juillet 1600, fut marquée par des incidents qui rendirent impossible la présentation des comptes. D’ailleurs trois confrères avaient préalablement engagé un procès contre deux responsables. La même confrérie fut le théâtre de violents heurts toujours pour raisons économiques, au début du XVIIIe siècle. Au sein de la confrérie des Noirs de Jaen une lutte sans merci opposa, en 1627, le fondateur Juan Cobo à son confrère Cristobal de Porras désireux de prendre en main la destinée de l’association. Porras passa huit jours en prison tandis que l’épouse de Cobo était excommuniée. II est possible que la pauvreté des confréries « ethniques » ait exacerbé les dissensions entre leurs membres19. Elles eurent à compter sans relâche aussi avec l’hostilité déclarée d’une grande partie de la population. Si toutes les confréries de Noirs ou de Mulâtres purent disposer de la bienveillance et de l’appui de notables, les manifestations de sympathie dont elles bénéficièrent demeurèrent rares au regard des mouvements de mépris et de dérision, des humiliations et des prises de position menaçantes. De ce point de vue, tout ce que l’on sait de la relation entre la population en général et les communautés gitanes en Espagne, au Portugal et ailleurs au XVIIe ou au XVIIIe siècle est applicable aux Noirs et aux Mulâtres. À la protection accordée par des archevêques de Séville de la fin du XVIe siècle s’opposa l’attitude délibérément négative de leur successeur Fernando Niño de Guevara (1601-1609), qui interdit aux confréries de Noirs de participer aux processions générales20. Le prélat faisait sienne, par son rejet, l’opinion majoritaire. Les Noirs de la Piedad y Nuestra Señora de los Angeles furent au début du XVIIe siècle opposés judiciairement à l’une des plus puissantes confréries de la cité, celle de Nuestra Señora de la Antigua, à la suite d’affrontements qui avaient eu lieu le jeudi saint de 1604 entre membres des deux associations pour des questions de préséance. Les témoignages alors recueillis ne laissent aucun doute quant à l’animosité généralisée à l’encontre des

18 R. Ortega Sagrista, La Cofradía de los Negros en el Jaén del siglo XVII, dans Instituto de Estudios Giennenses, 11, 1957, p. 132. 19 Ibid., p. 131. 20 I. Moreno, La Antigua hermandad… cité n. 7, p. 78.

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minoritaires. Les Noirs sont qualifiés de gens sans raison, ridicules, fomenteurs de scandales, L’un des déposants en vient à affirmer « bien que comme le dit Notre Seigneur Jésus Christ il a accepté la croix pour le salut de tous et que notre mère l’Église ne les (les Noirs) exclut pas, il y a en son sein des ordres et des degrés comme au ciel »21. Les termes offensants et racistes n’étaient nullement conjoncturels. Année après année les Noirs et Mulâtres subissaient lazzis, insultes, sifflets. Le procureur de l’archevêché sévillan affirmait à la fin d’une diatribe visant les Noirs que leur procession ne servait à rien sinon à perturber la dévotion des fidèles. C’est sous cet angle qu’il faut envisager les danses que les Noirs effectuaient les jours de fête. La danse est un bel exemple du phénomène d’attraction-répulsion que suscitaient les esclaves. Elle était si appréciée qu’elle faisait immanquablement partie du programme de la Fête-Dieu. Les badauds se pressaient au spectacle. Mais à la fois les commentaires critiques et les condamnations pleuvaient. Nous en trouvons un écho dans le mémoire que le Morisque grenadin Francisco Nunez Muley adresse au président de la Chancellerie en 1567 : « Y-a-t-il plus vile caste que celle des noirs er esclaves de Guinée ? Et pourtant on les autorise à danser et chanter avec leurs instruments et dans leer progre langue »22. Pas un instant ce notable si émouvant par ailleurs ne ressent la moindre solidarité inter-ethnique. Le jésuite Juan de Mariana voyait en la zarabanda, la plus populaire de toutes les danses de Noirs, une expression de tous les vices, à commencer par la luxure et la paresse : « Entre autres inventions, ces années-ci, est apparue une danse et un chant si lascif dans les paroles, si laid dans les contorsions qu’ils suffisent à enflammer les personnes les plus honnêtes ? Que dira-t-on quand on saura jusqu’où vont les maux et quand se répandra le bruit qu’en Espagne, où se trouve l’empire, l’abri de la religion et de la justice, on s’y adonne non seulement en secret mais aussi en public, avec la plus extrême indécence, avec des déhanchements et des mots adaptés aux actes les plus indécents et les plus répugnants pratiqués dans les bordels ? »23. Un tel exemple ne pouvait, aux yeux du religieux, que mettre en péril la République. 21 Ibid., p. 84, « Aunque, como dice Nuestro Señor Jesucristo se puso en la cruz por todos y nuestra madre la iglesia no los (los negros) excluye, en ella hay órdenes y grados como los hay en el cielo… ». 22 A. Gallego Burín et A. Gamir Sandoval, Los Moriscos del reino de Granada según el sínodo de Guadix de, 1554, Grenade, 1996, p. XLIV ; « Hay más baja casta que los negros y esclavos de Guinea ? Y sin embargo se les consiente que canten y dancen con sus instrumentos y cantares y en sus lenguajes ». 23 J. de Mariana, Tratado contre los juegos públicos, Biblioteca de Autores

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Alors que l’éventail des invocations de confréries est très ample, celles désignant les confréries de Noirs sont extrêmement limitées. À l’origine deux seules dominent, Notre-Dame du Rosaire et NotreDame des Rois. Plus que toutes les autres, ces confréries dépendent étroitement de leurs commanditaires et de leurs protecteurs. Beaucoup, parmi les premières, furent liées aux dominicains qui n’eurent de cesse d’être les principaux propagateurs du culte de la Vierge du Rosaire. On a vu que la première des confréries de Noirs de Lisbonne était installée au couvent de S. Domingos, au cœur de la ville. À partir des années 1640, les dominicains de Lisbonne patronnèrent deux confréries du Rosaire ouvertes aux Noirs, la seconde étant connue comme celle du Salvador. Au début du XVIIIe siècle, les augustins favorisèrent à leur tour l’émergence de deux confréries similaires, toutes deux placées sous la protection de la Vierge du Rosaire et installées dans les monastères de la Trinité et de la Grâce. À Cadix, Gibraltar, Huelva, Séville, Gibraléón et au Puerto de Santa Maria, on retrouve l’invocation de Notre-Dame du Rosaire. II est possible que cette insistance traduise la volonté de proposer aux intéressés des substitutions pratiques24. Le rosaire serait perçu par les Noirs comme une sorte de talisman, une alternative à l’ifa, instrument africain de divination selon l’hypothèse d’Alessandro Dell’Aira25. N’oublions pas non plus que la dévotion au Rosaire a été renforcée par l’institution de la fête par le pape Grégoire XIII, le 7 octobre, à la suite de la victoire de la Sainte Ligue sur les Ottomans en 1571 à Lépante. Le rosaire pouvait à la fois attirer les Noirs et signifier la supériorité des chrétiens sur les musulmans. Deuxième invocation récurrente, celle de Notre-Dame des Rois, adoptée primitivement par la première confrérie sévillane mais aussi par exemple à Jaen et à Jerez de la Frontera. Comme le souligne Isidoro Moreno, il s’agissait pour les promoteurs de la confrérie de souligner l’égale sollicitude de la Mère de Dieu pour tous les

Epañoles, 30, Madrid, 1950, p. 52 ; « Entre otras invenciones ha salido en estos años un baile y cantar tan lascivo en las palabras, tan feo en los meneos que basta para pegar fuego aun en las personas muy honestas… ¿ Qué dirán cuando sepan cómo van cundiendo los males y creciendo la fama, que en España, donde está el imperio, el albergo de la religión y de la justicia, se representan no sólo en secreto, sino en público, con extrema deshonestidad, con meneos y palabras a propósito los actos más torpes y sucios que pasan y hacen en los burdeles ? ». 24 A. C. de C. M. Saunders, A social history of black slaves and freedman in Portugal, 1441-1565, Cambridge, 1982, trad. portugaise, Lisbonne, 1994, p. 205. 25 A Dell’Aira, Il Santo nero e il rosario : devozione e reppresentazione, communication au colloque Il Santo patrone e la citta. San Benedetto il Moro da Palermo : culti, devozioni, strategie di eta moderna, éd. G. Fiume, Palerme, 2000, p. 164-179.

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hommes. Les confrères noirs manifestaient aussi leur attachement à la Vierge des Rois Mages par le relief qu’ils donnaient à la fête de l’Épiphanie. Enfin les nombreuses références à Saint Benoît de Palerme ne sont pas moins remarquables. De Lisbonne à Jaen, de Gibraltar à Grenade, du Puerto de Santa María à Baeza, le saint sicilien a été vénéré. Ce fils d’affranchis noirs était né à San Fratello, près de Messine, vers 1525. Il servit comme pâtre le maître de ses parents, Vincenzo Manasseri. Un chevalier, Girolamo Lanza le convainquit, alors qu’il avait une vingtaine d’années, de rejoindre une communauté d’ermites, Celle-ci ayant été dissoute en 1562, Benoît entra au couvent franciscain de Santa Maria di Gesú, près de Palerme, où il exerça d’abord comme cuisinier. Sa réputation fut rapidement considérable et de nombreuses guérisons miraculeuses lui furent attribuées. Élu en 1578 gardien du couvent, ce frère lai analphabète fut aussi maître des novices. Il mourut en odeur de sainteté le 4 avril 1589. Le procès de béatification de saint Benoît de Palerme ou saint Benoît le More, pour reprendre l’expression employée couramment pour le désigner, aboutit seulement en 1743. Mais il avait été entamé dès 1591 avec la composition par un riche et dévot marchand, Gian Domenico Rubbiano, d’une vie du frère franciscain26. La diffusion du culte fut foudroyante et le roi Philippe III fit transférer en 1606 et 1607 des reliques du saint en Espagne. En l611, Lope de Vega écrivit une pièce de théâtre intitulée Comedia famosa de el Santo negro Rosambuco de la ciudad de Palermo. L’auteur fait dire à l’un de ses personnages, une Noire sans nom ni prénom, véritable porte-parole de sa communauté, dont la prononciation de la langue castillane devait amuser les spectateurs : « Tura ro neglo hacemo confadría al Santo Neglo »27. Tout porte à croire qu’effectivement des confréries de Noirs portant l’invocation de Saint Benoît le More aient vu le jour au début du XVIIe siècle en Espagne et au Portugal, ou surtout que nombre de confréries déjà existantes ont ajouté le nom du saint sicilien à leur titre. Ce fut le cas de Notre-Dame de Guadalupe de Lisbonne, de Notre-Dame du Rosaire de Cadix et probablement de Notre-Dame des Rois de Jaen et de Notre-Dame du Rosaire de Gibraltar. Il faudrait en fait pouvoir dater très précisément ces créations et ces introduc-

26 G. Fiume et M. Modica (dir.), San Benedetto il Moro : Santità, agiografia e primi processi di canonizzazione, Palerme, 1998. 27 F. Lope de Vega Caprio, Comedia famosa de el Santo negro Rosambuco de la ciudad de Palermo, acte II.

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tions, et en connaître les circonstances. La confrérie sévillane de la Virgen de los Angeles n’a jamais adopté le nom de Saint Benoît dans son invocation, mais la statue du noir sicilien fut dès le milieu du XVIIe siècle, et peut-être avant, la troisième en importance de l’institution. Seuls le précédaient dans l’esprit des confrères la Vierge des Anges et un Christ en croix. Au XVIIIe siècle, l’image du saint se trouvait au centre d’un retable où elle était accompagnée des statues de saints noirs, sainte Éphigénie et saint Elesban28. Il est clair que l’ordre franciscain a été alors très actif afin de jouer un rôle éminent auprès des communautés d’esclaves. Ainsi Cristobal de Porras, personnage en vue de la confrérie de Jaen, était un frère franciscain dépêché peutêtre depuis Priego pour aller fonder des confréries de Saint Benoît à Ubeda, Baeza et finalement Jaen. La confrérie madrilène, créée sous l’invocation de Saint Benoît en 1757, était attachée au couvent des franciscains. En 1807, date de la canonisation du saint palermitain, sa statue fut à Séville portée en procession de la chapelle de la confrérie de la Vierge des Anges au monastère franciscain. On peut en outre émettre l’hypothèse d’un culte amplement encouragé par les autorités, tant civiles que religieuses ; saint Benoît offrait toutes les qualités propres à unir l’ensemble des esclaves ou affranchis et par là à assurer l’encadrement d’une population manquant de repères. On s’est peu préoccupé de connaître les origines géographiques de la famille de Benoît. Le flou était opportun comme le montre à merveille la Comedia de Lope de Vega. Le saint pouvait être éthiopien, mandingue ou congolais. Et de surcroît il aurait été, avant son baptême, musulman, d’où ce surnom de Benoît le More. Lope ne fait-il pas dire par la bouche de saint François29 : À te baptiser prépare-toi et abandonne le faux Mahomet et ensuite à Jesús del Monte qui est mon monastère ceints toi de la corde et prends l’habit.

Dès lors Africains du nord, de l’est ou de l’ouest pouvaient se sentir concernés par la dévotion à un saint qui, d’une manière ou d’une autre, leur racontait leur propre histoire. On ne s’étonnera pas que le mouvement confraternel se soit dans ces conditions développé très vigoureusement au sein des communautés noires du Nouveau Monde. L’histoire de cette propaga-

I. Moreno, La Antigua hermandad… cité n. 7, p. 120. « A bautizarte, disponte, y deja al falso Mahoma, y luego en Jesús del, Monte, que es mi monasterio, tome, la cuerda, el hábito ponte ». 28 29

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tion, qui n’a jamais été globalement étudiée, se situe dans le droit fil des efforts et donc des politiques éprouvées en Espagne et au Portugal. Si nous sommes loin de pouvoir mesurer l’ampleur du phénomène, l’attention portée récemment aux Noirs américains victimes des traites et à leurs descendants permet de poser quelques jalons. Si nous retrouvons des traces de confréries noires partout du Mexique au Chili, nous nous attacherons ici brièvement aux trois exemples péruvien, brésilien et centro-américain. La première confrérie de Noirs au Pérou aurait été créée à Lima dans les années 1540. Si l’on sait peu de choses des premiers pas des fondations les plus anciennes, il est certain qu’à la fin du XVIe siècle le tissu confraternel noir était riche de plusieurs dizaines d’unités, peut-être plus d’une centaine dans le ressort de la vice-royauté. À Lima même l’archevêque fait état en 1619 de six confréries de Noirs, de trois de Mulâtres et de six autres mixtes (Noirs et Mulâtres). De surcroît d’autres confréries, telle celle fort importante du Cristo de Burgos, patronnée par les augustins, admettait indistinctement Espagnols, Indiens, Mulâtres et Noirs. La plupart, malgré l’apport des cotisations, des aumônes et des dons étaient pauvres, si bien que leur patrimoine est souvent limité. Certaines d’entre elles réussissent toutefois à posséder une chapelle et (ou) un local de réunion. Parmi les plus riches à Lima figurent la confrérie de Notre-Dame des Rois qui dépend des franciscains et les deux confréries du Rosaire (Mulâtres et Noirs) qui relèvent des dominicains. Dénuées de statuts, pas toujours bien administrées par leurs majordomes dont l’élection et la gestion font souvent l’objet de conflits et de contestations, elles n’en jouent pas moins un rôle actif et remarqué lors des grandes fêtes du calendrier liturgique et de celle de leur patron ou patronne et tout au long de l’année dans le domaine de l’entraide. Et, souligne JeanPierre Tardieu, « elles sont les seules structures ouvertes aux Noirs par les pouvoirs public et religieux, leurs responsables étant considérés immanquablement comme des notabilités par leurs congénères. La lutte pour le pouvoir dans les confréries était en réalité une lutte pour le seul pouvoir à portée des Noirs et des Mulâtres »30. Le Brésil constitue certainement aujourd’hui le laboratoire privilégié du mouvement confraternel noir. Caio Boschi a montré que, dans le territoire relevant de la capitainerie du Minas, 322 associations religieuses fondées par des laïcs avaient vu le jour aux XVIIIe et XIXe siècles31. Parmi elles soixante-trois « étaient placées sous 30 J.-P. Tardieu, L’Église et les Noirs au Pérou, XVIe et XVIIe siècles, Paris, 1993, t. I, 3e partie, chap. IV, Les confréries de Noirs et de Mulâtres, p. 551-612. 31 C. Boschi, Os leigos e o Poder (Irmandades Leigas Politica Colonizadora em Minas Gerais), São Paulo, 1986.

POUR UNE HISTOIRE DES CONFRÉRIES DE NOIRS

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l’invocation de Notre-Dame du Rosaire et presque toutes étaient l’apanage des Noirs32 ». D’autres à peine moins nombreuses avaient pour protecteur ou protectrice l’un des saints noirs dont la dévotion avait connu un premier essor en Europe méridionale à la fin du XVIe siècle, saint Benoît de Palerme à Antonio Pereira, Congonhas do Campo, Mariana ou Sumidouro, saint Elesban à Pitangui, Santa Barbara et São João del Rei, sainte Iphigénie à Mariana, Santa Barbara et Santa Luzia. S’y ajoutent encore les confréries dont Gonzalo Garcia , franciscain noir mexicain, martyrisé au Japon, est le saint patron, ainsi à Soumidouro ou à Ouro Preto. À Parati, ville de la côte située entre Rio de Janeiro et São Paulo, où le minerai extrait au Minas Gerais était embarqué au début du XVIIIe siècle, deux confréries étaient concurrentes, celle de Saint Benoît de Palerme regroupait les Noirs et celle de Sainte Rita les mulâtres. Nombreuses sont les confréries dès le XVIIe siècle à Olinda (confrérie du Rosaire des Hommes Noirs), à Recife (confrérie du Rosaire), à Bahia (confrérie du Rosaire de l’église de NotreDame do Pelorinho, confrérie du Bon Jésus des Nécessités et Rachat des hommes Noirs de l’église du Corpo Santo…), Saint Antoine de Categero (que les européens appellent Saint Antoine de Noto), à Rio (confrérie du Rosaire et de Saint Benoît existante dès 1667 après la réunion de deux associations, confrérie de Saint Dominique, confrérie de Mulâtres de l’Immaculée Conception). D’autres s’ajoutent au XVIIIe siècle, celle de Notre-Dame de Lampadosa, de Saint Antoine de Mouraria, de Saint Elesban et Sainte Iphigénie. L’étude de quelques-unes d’entre elles a commencé et on en retiendra celle – très exemplaire – de Mariza de Carvalho Soares qui montre à la fois les luttes internes à la confrérie de Saint Elesban et Sainte Iphigénie de Rio de Janeiro, confrérie composée d’hommes et de femmes, ces dernières accédant progressivement mais difficilement aux charges de l’institution. Dans cette dernière ville sont ainsi analysées les luttes entre individus pour le pouvoir et les luttes entre groupes ethniques, qui tantôt cherchent à imposer leur identité à tous, tantôt construisent une nouvelle identité33. Le dossier centro-américain est a priori moins foisonnant, sans doute parce que la traite y a été moins massive. Cependant Carmela 32 C. A. R. Maia Borges, As Irmandades do Rosario : culturas em negociacão, dans Congresso Luso Brasileiro Portugal-Brasil : Memorias e Imaginarios, Lisbonne, 2001, p. 315-321 33 M. de Carvalho Soares, Devotos da cor, Identidade etnica, religiosidade e escravidão no Rio de Janeiro, seculo XVIII, Rio de Janeiro, 2000 ; du même auteur, O Imperio de Santo Elesbão, na cidade do Rio de Janeiro no seculo XVIII, dans Topoi, mars 2002, p. 59-83.

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Velazquez a déjà établi l’existence, au XVIIIe siècle au Nicaragua, de plusieurs confréries placées sous l’invocation de Saint Benoît de Palerme à León, au Realejo, à Rivas, à Chinandega, à Granada, à Nandaime, à San Jorge. Celle de León est, selon les comptes des années 1742-1760, une confrérie qui accueille à la fois des Espagnols et des Mulâtres. La procession la plus solennelle avait lieu le mardi saint, procession de sang qu’illustrent les représentations locales, très originales car on ne retrouve nulle part ailleurs l’iconographie d’un saint Benoît agenouillé et s’autoflagellant. À cette occasion les confrères avaient recours aux services de musiciens indiens originaires du village tout proche de Subtiava. La confrérie possédait quelques terres où était cultivé du maïs et étaient plantés des bananiers, et elle disposait de quelques centaines de têtes de bovins et de chevaux34. Il y a tout lieu de croire que les confréries de Noirs et de Mulâtres ont existé par centaines et peut-être par milliers. Malgré une bibliographie très abondante consacrée au mouvement confraternel, elles ont été longtemps oubliées. Le renouveau que connaissent les études sur les esclavages et les traites ouvre en cette matière des perspectives, mais encore faudrait-il que les historiens du religieux ne les négligent pas. Il convient d’en faire un inventaire le plus exhaustif possible, de les cartographier, de les dater, de cerner les caractéristiques de leurs membres, libres et esclaves, Noirs, Mulâtres ou Blancs, Angolais, Makis, Minas, Cocolis, Sapés, etc., afin de comprendre le sens et les enjeux des conflits. Les associations revêtent une triple dimension dévotionnelle caritative et identitaire qui en fait un magnifique terrain à la croisée de l’histoire sociale et de l’histoire culturelle. De surcroît, le cheminement singulièrement complexe de ces confréries créées pour les communautés noires mérite une étude dans le long terme jusqu’à nos jours. Si certaines ont disparu (mais quand et comment ?), beaucoup d’autres ont survécu. La confrérie de Notre-Dame du Rosaire du Pelorinho bahianais exclusivement composée de Noirs et celle de Saint Benoît de Palerme de la León nicaraguayenne composée exclusivement de Blancs expriment aujourd’hui la même ferveur à l’adresse du saint sicilien mort en 1589. N’oublions pas que la Sicile faisait à cette date partie du vaste empire hispano-portugais qui a donné au mouvement confraternel une amplitude trop méconnue. Bernard VINCENT École des hautes études en sciences sociales 34 Carmela Velázquez est l’auteur d’une thèse sur le diocèse de León aux XVIIe et XVIIIe siècles, présentée en 2004 devant l’université du Costa Rica à San José.

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« Il popolo milanese egli è per natura portatissimo alle ampliazioni e propagazioni delle opere pie […]. Ciò vediamo diffatti nella moltiplicazione delle confraternite, scuole, divote adunanze e pii istituti »1. La curia milanese invocava negli anni sessanta del Settecento questa, insieme ad altre ragioni, per opporsi alla soppressione delle missioni gesuitiche e relative confraternite. L’inclinazione dei milanesi alle pie associazioni era spiegato con il « costante attaccamento alle religiosissime idee del gran pastor S. Carlo » ; nella Milano di Carlo Borromeo s’erano rinnovate antiche confraternite e se n’erano formate di nuove, molte delle quali destinate a vivere a lungo. Le regole date dal Borromeo ai disciplini, ad esempio, erano ancora osservate dalle scuole della città e ristampate nel corso del XVIII secolo2. La storia delle confraternite milanesi tra Cinque e Seicento è stata studiata soprattutto da Danilo Zardin. Un’attenzione alquanto minore hanno attirato le vicende settecentesche3 ; è dunque possibile ed utile ritornare sull’argomento, per un’età di transizione e per una città come Milano4, importante sotto molti profili. Nella fase finale dell’antico regime, le confraternite costituiscono un interessante osservatorio per valutare i ritmi e le modalità di passaggio dal « vecchio » al « nuovo », soprattutto in città, meno consuetudinaria rispetto alle campagne.

1 Osservazione sopra i due quesiti, 1767, Archivio Storico Diocesano, Milano (d’ora in poi : ASDMi), Carteggio Ufficiale 131. 2 R. Bottoni, Le confraternite milanesi nell’età di Maria Teresa : aspetti e problemi, in A. De Maddalena, E. Rotelli e G. Barbarisi (a cura di), Economia, istituzioni, cultura in Lombardia nell’età di Maria Teresa, III, Bologna, 1982, p. 595-607. 3 D. Zardin, Confraternite e « congregazioni » gesuitiche a Milano fra tardo Seicento e riforme settecentesche, in A. Acerbi, M. Marcocchi (a cura di), Ricerche sulla Chiesa di Milano nel Settecento, Milano, 1988, p. 180-252 e Le confraternite in Italia settentrionale fra XV e XVIII secolo, in Società e storia, 10, 1987, n. 35, p. 81-137. 4 Non prendo in esame la situazione dell’intera diocesi, ma solo quella urbana, molto significativa perché più rapidamente sensibile al mutamento.

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Di particolare rilievo è l’aspetto devozionale. Infatti, ad un primo sguardo, può sembrare che le istanze favorevoli ad una religiosità interiorizzata e i provvedimenti dell’autorità civile nella seconda metà del secolo debbano condurre a ridimensionare in modo drastico l’afflato devoto delle esperienze associative laicali ; si può pensare che la crisi delle confraternite sia sostanziale e impedisca il perpetuarsi di determinate forme di religiosità. Ma un’analisi puntuale delle fonti induce a conclusioni più sfumate ; anzi, per certi aspetti, si può affermare che la calda devozionalità della Milano ottocentesca, ben documentata ad esempio nella notissima Filotea del Riva, affondi le sue radici nel Settecento, in una spiritualità affettiva i cui connotati s’accentuano con il trascorrere del tempo. Allo stesso modo, e non contraddittoriamente, nell’epoca moderna si trova già espresso il leit-motiv che ricorre poi nel XIX secolo, con la proposta di un cristianesimo semplice, quotidiano, legato all’adempimento dei doveri del proprio stato5. Come rileva Zardin a proposito della Milano borromaica, per le confraternite si può parlare di una proposta educativa resa accessibile alla massa dei laici, desiderosa di raggiungere l’individuo incardinandolo in una ‘scuola’ fondata sull’apprendistato collettivo e sull’imitazione reciproca, i cui frutti dovevano poi riverberarsi, per naturale osmosi, nella coerenza della condotta quotidiana e diffondere, quindi, nel cuore della società, il fermento di un richiamo esemplare, di una incisiva ‘militanza’ capace di invadere gli spazi della vita professionale dei propri simili, l’esercizio dei ruoli pubblici e politici, la più riservata e chiusa convivenza domestica6.

All’interno di molte confraternite l’aspetto devoto era particolarmente sentito e vissuto, da parte di un popolo, come quello milanese, che l’arcivescovo Stampa nel 1740 definiva « inclinato e pronto per gli esercizii di divozione e religione cristiana »7. Gli « esercizi »

5 M. Marcocchi, Fermenti di spiritualità in Lombardia tra Sette e Ottocento, in M. Bona Castellotti et al. (a cura di), Cultura, religione e trasformazione sociale, Milano, 2001, p. 15-38 ; Id., Modelli professionali e itinerari di perfezione nella trattatistica sugli « stati di vita », in P. Pissavino, G. Signorotto (a cura di), Lombardia borromaica Lombardia spagnola 1554-1659, Roma, 1995, p. 845-893 ; cfr. anche G. Signorotto, La devozione settecentesca. Tradizione e mutamento, in M. Infelise e P. Marini (a cura di), L’editoria del ’700 e i Remondini, Bassano del Grappa, 1992, p. 183-195. 6 D. Zardin, Il bilancio delle confraternite nell’Europa cattolica cinque-seicentesca, in C. Mozzarelli e D. Zardin (a cura di), I tempi del Concilio. Religione, cultura e società nell’Europa tridentina, Roma, 1997, p. 107-144, ivi p. 109 ; cfr. Id., Tra chiesa e società « laica » : le confraternite in epoca moderna, in Annali di storia moderna e contemporanea, 10, 2004, p. 529-543. 7 Editto 2 gennaio 1740, in A. Ratti (a cura di), Acta Ecclesiae Mediolanensis, IV, Milano, 1897 (d’ora in poi : AEM), col. 1597-1604.

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esteriori presentano aspetti precipui di interesse, poiché attraverso la loro analisi è possibile cogliere molti aspetti della sensibilità e della vita religiosa, tra continuità e mutamento. Moltissime confraternite ancora in attività nel Settecento sono di fondazione antecedente ; alcune mantengono la loro denominazione, talora modificando e aggiornando le regole ; altre mutano di titolo. Le intitolazioni sono interessanti, poiché permettono di individuare la fisionomia della devozione, nonché altri elementi, come ad esempio l’eventuale influenza degli ordini religiosi ; non meno rilevanti sono le attività dei confratelli, segnale delle inclinazioni devote e spia dei mutamenti. La devozione eucaristica si colora di accenti sempre più marcati ; dell’ssoluta centralità del culto eucaristico si colgono i sintomi nelle cerimonie di ostensione, nelle processioni, ma soprattutto nel documentato attaccamento popolare a una devozione cristologica suggerita dall’alto, con accenti sempre più personali. Al culto si accompagnavano tradizionalmente sontuosi apparati e scenografie ricche di fascino. Basti ricordare il caso della confraternita del Santissimo in S. Lorenzo Maggiore, che a Settecento inoltrato provvede al restauro dell’apparato (scenarium sive theatrum sacrum) per la Settimana Santa, e che è dotata di ricchissimo materiale liturgicorituale relativo all’esposizione e al trasporto del Santissimo8. Gli arcivescovi incentivano e al tempo stesso verificano le forme della devozione eucaristica ; una fase di accentuato controllo, che sembra manifestare una certa diffidenza per l’ampliamento eccessivo del culto, si ha con Stampa, il meno sensibile tra gli arcivescovi alle istanze della religione popolare (il cui episcopato peraltro è così breve da essere difficilmente valutabile). Nel 1738 il vicario generale emana un editto sull’esposizione del Santissimo, nel quale si ricorda che per l’esposizione occorre la licenza arcivescovile, da concedersi solo per pubblica e grave causa, a tenore della disposizione romana in vigore già da decenni. In ogni caso, gli oratori delle confraternite sono esclusi da tale concessione9. È l’epoca di nuove devozioni e pratiche di pietà, largamente incentrate sul Cristo sofferente e « appassionato ». La devozione al S. Cuore è attestata soprattutto nelle confraternite mariane legate ai gesuiti, ma anche in quelle « oratoriane »10. Sorgono anche confra-

ASDMi, Visite Pastorali, S. Lorenzo Maggiore, vol. 17, f. 59s. 4 settembre 1738, in AEM, col. 1586-1593. 10 G. Barzaghi, Tre secoli di storia e pastorale degli oratori milanesi, Torino, 1985, p. 148s. Segnalo qui la difficoltà a stabilire confini precisi tra le confraternite nel senso stretto del termine e certe associazioni che si sviluppano in rapporto con gli oratori per i giovani, dall’autorità ecclesiastica considerate confraterni8 9

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ternite sotto tale titolo11. Una confraternita del S. Cuore è eretta durante l’episcopato di Erba Odescalchi in S. Maria Fulcorina12. Attorno ad essa si sviluppano conflitti e contese, per motivazioni soprattutto economiche, che i fautori leggono alla luce di quelle difficoltà che Cristo aveva predetto alla Alacoque. Vi è esplicito richiamo alle visioni della monaca francese e all’opera di Claude de la Colombière13. Il contesto è quello di una religiosità in cui il riconoscimento dell’amore ardente di Cristo fa « conflagrare » le anime devote, che ritengono così di compensare la tiepidezza dei cattolici e l’abbandono del sacramento eucaristico14. Non sempre le confraternite intitolate al S. Cuore avevano una dimensione prettamente devozionale. La confraternita del Sacro Cuore di Gesù e S. Anastasia in S. Babila, ad esempio, tra i suoi scopi poneva in primo piano la celebrazione della dignità del Santissimo, durante l’amministrazione del viatico, e a questo univa il soccorso materiale ai malati, soprattutto se poveri : sintomo del crescente risvolto personale e sociale della devozione15.

te. La presenza di attività comuni e regole di vita le distingue in effetti da semplici pie associazioni con finalità di preghiera. 11 Per uno sguardo d’insieme sullo sviluppo delle confraternite del S. Cuore : M. Rosa, Settecento religioso. Politica della Ragione e religione del cuore, Venezia, 1999, p. 26s. ; D. Menozzi, Sacro Cuore. Un culto tra devozione interiore e restaurazione cristiana della società, Roma, 2001, p. 27s. ; vari saggi di M.-H. FroeschléChopard, tra cui soprattutto : Aspects et diffusion de la dévotion du Sacré-Cœur au XVIIIe siècle, in Mélanges de l’École française de Rome. Moyen Âge, 112, 2, 2000, p. 737-784. 12 ASDMi, Sez. XIII, vol. 49 ; cfr. la supplica per l’erezione della confraternita (s.d., ma luglio 1724), in ASDMi, Fondo Confraternite (d’ora in poi : F.C.) Y 2966. Ivi si può constatare che la richiesta di erezione, presentata in primo luogo dal prevosto e dai canonici della Collegiata, reca tra l’altro la sottoscrizione di una dozzina di francesi. 13 La Divozione al sagro cuore di Gesù Cristo ebbe parecchi edizioni in italiano. Nel documento è citata la ed. In Venezia, Recurti, 1731. 14 S.d., in ASDMi, Sez. XIII, vol. 49. Una preesistente confraternita del S. Cuore trova sede per un breve periodo presso le Visitandine ed è trasferita nel 1752 in S. Sebastiano : ASDMi, F.C. Y 4172 (ivi anche elenco dei deputati per l’anno 1751) e Y 2890. Per una più precisa individuazione delle confraternite dedicate al S. Cuore a Milano, occorre attendere il completamento del lavoro di inventariazione del Fondo Confraternite, in corso a cura dell’archivista don Francesco Ronchi, che ringrazio per l’aiuto fornitomi. 15 Documentazione del 1755-56 in ASDMi, F.C. Y 2966 (richiesta, atti relativi all’erezione, pratiche per ottenere le indulgenze romane ecc.). Nel 1756 i confratelli chiedono che la confraternita sia assimilata a quelle del Santissimo, con analoghi privilegi e indulgenze. La confraternita si unisce poi con quella intitolata a S. Giuseppe, « corpo volante » eretto canonicamente nel 1755, con intonazione assistenziale e funeraria : dalla cura materiale e spirituale dei malati all’Ospedal Maggiore sino alle preghiere dei morti e celebrazione degli uffici funebri in S. Michele ai Nuovi Sepolcri (ASDMi, F.C. Y 3641).

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Il contesto, anche al di là delle intitolazioni, documenta comunque il successo delle nuove devozioni riparatrici e penitenziali, che, inserite in un antico filone, connettono le devozioni al Cristo sofferente con quelle al Cristo eucaristico. Il sepolcro del Cristo morto, come pure la sua croce, è « ‘teatro’ della misericordia di Dio, che ha amato a tal punto gli uomini da sacrificare il proprio figlio, ed è anche il ‘teatro’ della viva presenza nella storia del Cristo risorto, sotto le apparenze del pane eucaristico »16. La devozione alla Passione era tradizionalmente assai sentita, come attestano le cosiddette croci stazionali17. Costruite a partire dall’impulso di Carlo Borromeo, il loro numero era andato aumentando, ancora incrementato durante gli anni venti del Settecento. Nel 1737 nell’ambito strettamente urbano le croci erano trentanove, cinquantasei invece se si calcolano anche quelle situate ai Corpi santi ; altrettante erano le confraternite. Nel corso della prima metà del Settecento le cerimonie ufficiali sono numerose e ripetute, con la riedificazione di alcune croci, la benedizione di nuove statue, in qualche caso la costruzione di una piccola cappella, come per le croci di S. Benigno e di S. Caio18. Tali piccoli edifici servivano a dare riparo, in caso di maltempo, ai fedeli che si riunivano per le orazioni serali. Di fatto le « crocette » costituivano un importante centro di aggregazione. Le benedizioni delle croci riedificate o delle nuove statue avvenivano « con bellissimo apparato » e con la partecipazione delle compagnie, con il concorso di « numerosissimo popolo », talora con la presenza degli arcivescovi19. Il venerdì santo le confraternite percorrevano la città facendo tappa alle sette chiese stazionali e nel corso dell’anno partecipavano alle grandi processioni, nel contesto di una « religione civica » persistente sin oltre la metà del secolo : sì da farne un elemento portante dell’organizzazione della cultualità cittadina, profondamente inserito nel tessuto urbano20.

16 C. Bernardi, Il tempo sacro : « Entierro ». Riti drammatici del venerdì santo, in A. Cascetta, R. Carpani (a cura di), La scena della gloria. Drammaturgia e spettacolo a Milano in età spagnola, Milano, 1995, p. 585-620, ivi p. 620. 17 G. Signorotto, Milano sacra. Organizzazione del culto e consenso tra XVI e XVIII secolo, in F. Della Peruta e altri (a cura di), Milano e il suo territorio, II, Milano, 1985, p. 581-629 (p. 610) ; M. Olivieri Baldissarri, I « poveri prigioni ». La confraternita della Santa Croce e della Pietà dei carcerati a Milano nei secoli XVIXVIII, Milano, 1985. 18 S. Latuada, Descrizione di Milano, Nella Regio-ducal Corte, a spese di G. Cairoli, V, Milano, 1738, p. 58-59 ; I, Milano, 1737, p. 238-239 ; Biblioteca Trivulziana, Cod. 1765, ms., fasc. 22 e 39. 19 Si vedano ad es. i casi di S. Eustorgio e S. Ambrogio (ivi, fasc. 10 e 19). 20 Per le modalità di presenza delle confraternite in genere all’interno delle processioni e delle funzioni : G. B. Borrani, Diario milanese, ms., Biblioteca Ambrosiana, N 1 suss - N 42 suss.

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I conflitti e le contese non mancavano. Appare quasi inevitabile il nascere di microconflittualità dovute a uno spirito di concorrenza tra aggregazioni devote poste su un certo territorio (oltre che all’interno delle medesime). Ad esempio, per il giubileo del 1751, la città è percorsa da processioni alle chiese stazionali, di parrocchie, ma anche di altre istituzioni e aggregazioni, tra cui spiccano le confraternite. Ciò provoca non solo affollamento e confusione, ma talora dà esca all’esplodere delle rivalità esistenti tra confraternite ; lo stesso accade nel 177621. L’arcivescovo Archinto nel 1711 era intervenuto a ridefinire i confini delle compagnie, allo scopo di evitare « inquiete competenze […], risse e dissensioni », tanto più gravi ai suoi occhi per aver luogo presso chi intende venerare quella croce che ha ristabilito la pace tra Dio e l’uomo22. Nella prima metà del secolo a tale proposito sono constatabili ripetuti interventi degli arcivescovi, che accedono alla richiesta di istituire figure di pacificatori, ma soprattutto richiamano a un duplice modello, quello del Cristo e quello della primitiva comunità di Gerusalemme, icona del vivere religioso associato23. Le feste dei santi protettori erano celebrate, sino agli interventi repressivi dell’autorità civile, con particolare sfarzo, processioni e musiche, luminarie e apparati effimeri. Le fonti ne riportano numerosissimi esempi ; ne ricordo uno solo, relativo alla croce di Sant’Anatalone. Il 27 settembre 1760 alla sera medema fu fatta una bella iluminazione di lampadini attorno la S. Croce con sopra un baldachino […], terminandosi in cima con una ben composta piramide di ferro fatta fare col industria de zelanti confratelli questuandone l’importo, a suono di timpani e trombe, e […] furono esposti molti lampadarii di cristallo acesi. Il giorno seguente poi fu aparata la S. Croce col paramento più bello ed esposto il gran quadro del santo sotto baldachino, con a piedi un ben ordinato altare, si rinovò l’illuminazione, si cantò la santa orazione vespertina24.

Anche al di fuori dei devoti splendori degli eventi eccezionali, i confratelli si dedicavano ad organizzare presso le croci la recita comunitaria delle preghiere vespertine per gli abitanti del quartiere. Così accadeva anche dinanzi alle immagini, soprattutto mariane, dipinte sui muri della città. Sono « devozioni di strada », esterne ai luoghi di culto ; talora manifestazioni di relativa autonomia rispetto all’autorità ecclesiastica, con un forte impulso dal basso. Ecco un

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Ivi, N 12 suss. e N 34 suss. AEM, col. 1453-1477. Ad es. : 9 marzo 1725, in AEM, col. 1549-1551. Biblioteca Trivulziana, Cod. 1765, fasc. 5.

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esempio di popolare « devozione di strada ». « Molti divoti che habitano al ponte di Porta Romana sogliono ogni sera orare alla B.ma Vergine, che si ritrova dirimpetto alla torre di detto ponte, dove vengono tutti li vicini et fachini al detto passo ». I confratelli chiedevano all’autorità civile l’autorizzazione a questuare, per poter affrontare le spese della celebrazione della Natività di Maria « con qualche apparato » e per poter garantire l’illuminazione per le « orationi, che si fanno alla sera giornalmente »25. Si noti che uno dei primi passi dell’azione del governo contro le confraternite è costituito proprio dal divieto delle questue, poiché in tale attività esse avevano una fonte non irrilevante di finanziamento. Osservo qui, per incidens, che l’autorità ecclesiastica scoraggiava gli aspetti considerati abusivi, non le iniziative in sé. Anzi, a partire dall’episcopato Erba Odescalchi si realizza un grande progetto di evangelizzazione urbana a partire non dalle chiese, ma dalle piazze, soprattutto attraverso le missioni popolari, che peraltro erano già state sostenute dall’arcivescovo Archinto nei borghi e nelle campagne26. Il Settecento confraternale è particolarmente devoto. Questo vale per le confraternite mariane dei gesuiti come per le antiche scuole di disciplini o per le confraternite di suffragio e devozione. Le regole di confraternite disciplinate, ripubblicate nell’epoca di Erba Odescalchi, riportano tutta la parte cerimoniale, con orazioni latine e canti ; vi sono poi numerose preghiere italiane, più facilmente comprensibili, da recitare in comune27. Per le confraternite della dottrina cristiana, il cui scopo è essenzialmente quello di istruire nella « scienza del cristianesimo »28, la lettura delle « azioni ed avvisi » che scandiscono il corso dell’anno è particolarmente interessante. L’anno inizia con la devozione al nome di Gesù, con l’impegno a improntare di spirito autenticamente cristiano le proprie azioni per la durata dell’intero anno, con l’assegnazione a ciascuno di un santo protettore. In varie occasioni si compie la visita alle sette chiese, talora anche visite a reliquie ; più volte si ha concessione di particolari indulgenze, applicabili anche alle anime dei defunti. Sono incentivate alcune devozioni : in particolare alla croce e al sacro chiodo,

25 Agosto 1715, Archivio di Stato di Milano (d’ora in poi : ASMi), Fondo Culto p.a. 1498. 26 F. Fontana, Quaresimale. Coll’aggiunta della serie delle missioni da lui fatte nell’Italia e Germania, In Venezia, presso Andrea Poletti, 1721, passim, soprattutto p. 325ss., 337-341. 27 Appresso Giuseppe Galeazzi e figli, Milano, s.d. 28 G. B. Castiglioni, Istoria delle scuole della dottrina cristiana, ms., Biblioteca Ambrosiana, Suss H 139, f. 209r.

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ma anche la più tenera devozione mariana (con la recita del rosario in alcune feste) e quella ai santi, soprattutto il santo protettore, santi come Giovanni Battista, Barnaba, Andrea, Pietro e Paolo, proposti come modello ; si favorisce la devozione all’angelo custode29. I confratelli dell’oratorio di S. Filippo Neri prima di intraprendere la visita delle sette chiese si accostano alla confessione e ascoltano la messa, ponendo dunque a fondamento del percorso devozionale l’oggettività sacramentale. La ricerca delle indulgenze si inserisce in un contesto marcatamente devoto. Ogni tappa è l’occasione per il ricordo di un episodio del doloroso viaggio di Cristo sofferente verso una morte destinata alla salvezza di ogni uomo, mediante l’effusione del sangue prezioso30. D’altra parte, le devozioni passionistiche erano incentivate dall’autorità ecclesiastica stessa ; lo documentano sia l’accento posto sulla necessità di mirare, nelle confraternite di dottrina cristiana, a istruire e santificare le « anime da Gesù ricomperate a costo del preziosissimo suo sangue »31, sia le prescrizioni dell’arcivescovo Pozzobonelli nel 175632. Un sondaggio effettuato nelle confraternite oratoriane rivela che anche in tale ambito, assai operativo e socialmente impegnato, nel Settecento sembrano imperversare le devozioni : Angelo custode33, anime del purgatorio, sette dolori e allegrezze di Maria, S. Cuore di Gesù e di Maria, Stanislao, Filippo Neri. La visita alle sette chiese si effettua recando in mano un teschio. Non mancano pratiche che richiamano le più collaudate tradizioni ascetiche, dal cilicio ai sassi nelle scarpe alla cenere sparsa sulle vivande ; ma con devozioni e novene si intensifica anche la pratica dei « fioretti ». Nella chiesa di S. Lorenzo l’oratorio della Visitazione propone agli aderenti una ricca devozionalità, segnata peraltro da un’accentuazione nuova, con l’introduzione nel 1745 della novena allo Spirito Santo ; alla devozione mariana, celebrata soprattutto durante la novena dell’Assunta, si connettono particolari pratiche caritative, alcune delle quali appaiono ai nostri occhi abbastanza ripugnanti34.

29 Cfr. Serie compendiosa delle azioni ordinarie, che si fanno fra l’anno, ed avvisi, che si danno nella congregazione e nelle scuole della Dottrina cristiana di Milano, in Regole della congregazione e scuole della dottrina cristiana, per Beniamino Sirtori, Milano, 1740. 30 Metodo da tenere da fratelli dell’oratorio di S. Filippo Neri nella visita delle sette chiese, per Pietro Antonio Frigerio, Milano, s.d. 31 Lettera circolare del Prior Generale della Dottrina cristiana, 30 aprile 1736, in Regole della congregazione e scuole della dottrina cristiana cit., p. 270. 32 17 gennaio 1756, in AEM, col. 1666-1667. 33 All’angelo custode ad es. è intitolata una confraternita, le cui regole, dopo una fusione tra confraternite, sono rinnovate e approvate nel 1723 (ivi, col. 15391540 ; cfr. ASDMi, F.C. Y 331 ; per il 1717, Y 4746). 34 Barzaghi, Tre secoli di storia e pastorale cit., p. 100s.

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Un caso analogo si ha con l’oratorio della Natività di Maria in S. Maria di Carugate, che inaugura nel Settecento specifiche novene per Bambin Gesù e Spirito Santo, la pratica di una « corona di fiori [di virtù] » nella novena dell’Assunta, e propone obbligatoriamente agli iscritti le visite ai malati presso l’Ospedal Maggiore35. La carità e i « fioretti » sono, insieme all’offerta della giornata e all’esame di coscienza, insieme alle preghiere serali in comune, il segno interessante di una devozione che si trasferisce nel quotidiano dell’esistenza, dando forma nuova alla pratica del vivere36. Le confraternite già nell’età precedente si erano presentate come momento di integrazione forte tra slancio devozionale e propensione caritativa. Gli atteggiamenti di solidarietà e benevolenza reciproca che caratterizzavano statutariamente le confraternite inducevano ad un atteggiamento di attenzione alle necessità del prossimo che si riverberava poi all’esterno, spesso organizzandosi in vere e proprie attività assistenziali37. I confratelli si aprivano dunque sempre più a problemi sociali, assumendo talora funzioni di carattere istituzionale, senza peraltro abbandonare gli impegni di aiuto reciproco e senza smentire le inclinazioni devote. L’orchestrazione indulgenziale era assai ricca38. Gli oggetti indulgenziati si moltiplicano ; sono numerosissime le richieste indirizzate alla curia romana per ottenere l’ampliamento delle indulgenze e la loro applicazione a medaglie e crocette per i confratelli39. Se le devozioni in sé sono accettate o addirittura incentivate dall’autorità ecclesiastica, non si può dire la stessa cosa per le forme in cui esse si realizzano, considerate spesso abusive. Erba Odescalchi,

35 Ad es. carte relative alle Congregazioni de’ giovani della Madonna (ASDMi, Sez. XIII, vol. 62, fasc. 7). 36 « La pietà è intesa tanto come consolazione intima donata dalla presenza di Dio nell’anima, quanto come virtù civile derivante dal riconoscimento del vincolo ad un dovere superiore : la premura « a sollievo dei poveri » ne è la conseguenza. Vincolo verso Dio e vincolo verso il prossimo : i due volti della pietà sono entrambi presenti. Si delinea in tal modo una religione operosa, concreta, fattiva, che serva a migliorare il consorzio civile attraverso l’edificazione di luoghi di accoglienza e di cura » (G. Zanlonghi, Teatri di formazione. Actio, parola e immagine nella scena gesuitica del Sei-Settecento a Milano, Milano, 2002, p. 266-267). Per un esempio concreto si vedano le Regole della Confraternita del SS. Nome di Maria Vergine, nelle quali è sottolineata l’importanza dell’agire e quella dell’esempio ; ciò comporta concretissimi obblighi e divieti. 37 A mero titolo di es. : ASDMi, F.C. Y 4972 (1742, Confrat. di S. Maria della Salute degli Infermi). 38 Si veda ad es. il Sommario delle indulgenze perpetue, grazie, privilegi e indulti da molti sommi Pontefici concessi alli confratelli e consorelle del Smo Rosario, Beltramino, Milano, 1718. 39 Olivieri Baldissarri, I « poveri prigioni » cit., p. 68.

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ad esempio, interviene contro « l’eccesso di pompe et addobbi superflui con profusione di spese superiori anche per lo più alle forze », contro i « rinfreschi […], conviti, cene o simili conversazioni totalmente indecenti ed aliene dalla cristiana disciplina in que’ siti destinati solamente all’orazione et alla gloria del Signore Iddio », in occasione delle processioni organizzate sei volte l’anno dalle confraternite disciplinate. « Male si accoppiano sacco di penitenza e pompe fastose d’apparati ; cingolo umile di continenza e sregolatezza di abusi ; religiosità di sagre preci, e distrazzioni di colloquii ed opre inutili ; segni esteriori di mortificazione, et affetti rei di vanità et intemperanza. Se vi siete arruolati alla milizia di Cristo, fatevi conoscere veri soldati di sì gran Duce »40. Sul terreno devozionale, l’azione dell’arcivescovo Stampa mira a combattere gli eccessi, riferibili al culto delle immagini al di fuori delle chiese e, soprattutto, alle devozioni in suffragio delle anime del purgatorio, pericolose e abusive perché svolte spesso in ore notturne senza separazione di sesso : « scandalose corruttele [...], tanto più stomachevoli e pregiudiziali alla nostra santa religione, quanto che sono palliate da motivo di santità e religiosità di cristiano istituto »41. Si mantiene anche a livello popolare, come documenta il caso di S. Bernardino alle ossa, l’idea che i morti possano essere intesi come intercessori ; è, pur sgradito, un elemento di lunga durata, colpito dagli interventi regolatori dei sovrani in materia di devozione42 assai più che dall’autorità ecclesiastica, che pure cerca di moderarne alcuni aspetti43. I consorzi funerari per la buona morte si moltiplicano esponenzialmente, costituendo una forma di assistenza reciproca di non poco conto. Ma le pratiche di suffragio segnalano anche il forte senso di un rapporto tra il mondo dei vivi e quello dell’al di là. Confraternite tanto di laici quanto di ecclesiastici si impegnano negli statuti a garantire dignitose esequie e numerose preghiere di suffragio ai confratelli defunti. L’attività di suffragio delle confraternite

27 marzo 1728, in AEM, col. 1556-1557. Editto 2 gennaio 1740, cit. 42 G. Signorotto, Un eccesso di devozione. Preghiere pubbliche ai morti nella Milano del XVIII secolo, in Società e Storia, 6, 1983, n. 20, p. 305-336. 43 La relativa permeabilità tra il piano socio-culturale alto e quello popolare, tale da rendere poco corrispondente alla realtà una rigida divaricazione tra i due, è stata opportunamente segnalata per questo tema da F. Cervini, L’immaginario della morte nelle confraternite della Liguria in età moderna, in L. Bertoldi Lenoci (a cura di), Confraternite, chiese e società. Aspetti e problemi dell’associazionismo laicale europeo in età moderna e contemporanea, Fasano, 1994, p. 125-143. Cfr. anche P. Vismara Chiappa, Miracoli settecenteschi in Lombardia tra istituzione ecclesiastica e religione popolare, Milano, 1988. 40 41

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appare potenziata, almeno per una certa parte del secolo. Menziono alcuni casi a mero titolo di esempio. Le Regole della compagnia della carità de vivi e morti, risalenti alla metà del Seicento, sono ripubblicate durante l’episcopato di Erba Odescalchi44. Agli inizi del Settecento si costituisce in S. Paolo in Compito una confraternita di suffragio intitolata a Maria e agli Angeli custodi, che completa e perfeziona le proprie regole nel 175245. La confraternita femminile sub titulo suffragii et sub invocatione dell’Immacolata, Francesco d’Assisi e Antonio di Padova, eretta in S. Lorenzo Maggiore nel 1730 e riconosciuta dall’autorità ecclesiastica due anni più tardi, è caratterizzata da una forte componente funeraria e al tempo stesso è strettamente legata alla parrocchia46. L’autorità ecclesiastica mira a contenere eccessive pretese di autonomia. Erba Odescalchi ad esempio interviene con un editto contro quelle confraternite del suffragio e simili che, aggregate ad arciconfraternite romane47, presumono di poter eleggere il confessore e pretendono che a costui sia lecito assolvere anche dai casi riservati48. Uno dei luoghi deputati al suffragio dei defunti era la chiesa di S. Michele ai Nuovi Sepolcri, di costruzione settecentesca, edificata accanto ad un foppone in prossimità dell’Ospedal Maggiore ; al forte afflusso corrisponde lo sviluppo di innumerevoli devozioni e la richiesta di nuovi altari49. Nel 1767, anno chiave per l’avvio delle riforme in materia ecclesiastica, l’autorità civile interviene a contenere e reprimere il massiccio afflusso di devoti : una « unione rischiosa e sconvenevole », tanto più che i « pretesi divoti vorrebbe-

Nella stampa del Beltramino, Milano, 1728. Regola de capitoli della pia adunanza laica […] sotto l’invocazione della B.V. Maria e de’ santi angeli custodi, Nella Stamperia di P. F. Malatesta, Milano, s.d. (in appendice un interessante Catalogo di ufficiali e confratelli) ; cfr. incartamento del gennaio 1752 in ASDMi, F.C. Y 2890. 46 Documenti relativi all’erezione, regole, elenchi di nominativi in : ASDMi, F.C. Y 152 ; cfr. ASDMi, Visite Pastorali, S. Lorenzo Maggiore, vol. 17, f. 188s. 47 L’aggregazione ad arciconfraternite romane è anche il segnale di un modo di pensare e vivere la religione, in cui la coscienza di appartenenza gioca un ruolo considerevole. A ciò si affianca l’elemento del prestigio e la possibilità di ottenere ricche indulgenze : si vedano in particolare i saggi di M.-H. Froeschlé-Chopard e B. Dompnier in C. Langlois e Ph. Goujard (a cura di), Les confréries du Moyen Age à nos jours. Nouvelles approches, Rouen, 1995. 48 24 febbraio 1723, in AEM, col. 1530-1532. 49 Signorotto, Un eccesso di devozione cit. Molte confraternite, funerarie e non, imponevano ai propri iscritti obblighi di presenza a S. Michele ai Nuovi Sepolcri, con cadenze diversificate (si vedano gli esempi della confraternita di S. Giuseppe in S. Babila e della confraternita dei cucinieri in S. Maria dei Servi, in ASDMi, F.C. Y 3641). 44 45

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ro erigersi in corpo o confraternita »50. Emerge qui con chiarezza quell’elemento di diffidenza nei confronti dei corpi intermedi, che caratterizza per tanti aspetti quest’epoca di transizione, in cui l’autorità di governo tende a imporre un modello razionale normativo valido per tutte le realtà intermedie. Non si dimentichi che ciò si collega ad un’astratta semplificazione di una realtà complessa e stratificata, nella quale alla ribalta venivano posti essenzialmente, ai due estremi, l’individuo e lo Stato. Sono questi gli anni nei quali i provvedimenti di governo prendono di mira sempre più le espressioni esteriori della religione, soprattutto se realizzate in forme associative. Dal 1767 ripetuti editti mirano a regolare, e più spesso a vietare, le processioni notturne, le discipline, la segretezza dell’appartenenza (gli incappucciati51), le intemperanti esteriorità devote52. Ma vi sono anche provvedimenti di carattere strettamente amministrativo, non meno determinanti. Gli editti più organici in materia datano al 178653. Si prevedeva tra l’altro la drastica soppressione dell’intera rete confraternale, ivi comprese le compagnie della croce. Erano vietate preghiere e celebrazioni all’aperto e si imponeva la distruzione degli altari esterni ; gli atti di devozione dovevano assumere un carattere marcatamente interiore ed avere luogo solo entro gli edifici sacri54. Persino i nomi dovevano scomparire : agli oratori delle soppresse confraternite si sarebbe mutata intitolazione, per cancellarne anche il ricordo55. Sino a quel momento si era mantenuta la pluralità dei modelli e dei contenuti delle confraternite. Sono constatabili elementi di una crisi interna, accentuata poi dai provvedimenti del governo, soprattutto in antiche confraternite ; in altre, nuove o rinnovate, erano al

50 Bottoni, Le confraternite milanesi cit. ; varia documentazione del 1767 in ASMi, Fondo Culto p.a. 1503, da cui traspare la preoccupazione per la « notturna radunanza di numeroso popolo » e per la « sconsiderata e rischiosa divozione ». 51 Le critiche governative alle confraternite gesuitiche legate allo svolgimento delle missioni popolari si appuntano tra l’altro proprio su tali elementi (P. Vismara, L’abolizione delle missioni urbane dei gesuiti a milano (1767), ora in Settecento religioso in Lombardia, Milano, 1994, p. 186-213). La presenza di confratelli incappucciati è spesso documentata : v. ad es. per il 1751 B. Silvola, Della minoritica riforma di Milano. Cronica sesta, ms., Biblioteca Ambrosiana, I 86 suss, f. 145s. 52 Si noti peraltro che vi erano degli antecedenti, come i Providissimi ripieghi presi dal governo per impedire molti abusi e disordini soliti emergere in occasione di pubbliche fonzioni e processioni, 1749 (ASMi, Fondo Culto p.a. 2084). 53 P. Vismara, Echi e riflessi del sinodo di Pistoia in Lombardia, ora in Settecento religioso cit., p. 217-240. 54 Ivi, p. 233s. 55 Atti della Commissione ecclesiastica, ASMi, Fondo Culto p.a. 76 e 140 (in particolare ivi il prot. 724 del 25 febbraio 1789).

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contrario evidenti dei segni di vitalità. Complessivamente, dunque, più che di crisi si può parlare di mutamento. Soprattutto nel primo Settecento, un aspetto di vitalità è desumibile dall’analisi del cantiere sacro, che vede una notevole attività in particolare per quanto concerne restauri, modifiche, integrazioni ed aggiunte. Di interventi edilizi di un certo peso sono protagoniste confraternite laicali. Mi limito ad un esempio. L’oratorio di S. Bernardino alle ossa, sede a Milano della prima confraternita di disciplini, fu oggetto di vari abbellimenti e restauri, sino ad una vera e propria ricostruzione. Nel 1749 i confratelli di S. Bernardino, richiedendo al consiglio generale della città l’autorizzazione all’abbattimento di alcune case adiacenti, per poter ricostruire e ampliare l’edificio, motivavano la necessità dei lavori « sì per l’universale divozione del popolo verso quei morti per le innumerevoli grazie che se ne riporta, e sì anche per l’affluenza delle messe, che vi si celebrano in ogni opportuna occasione di detto popolo »56. Nel 1762 l’altare ligneo è sostituito con uno marmoreo, in relazione alla rinnovata devozione a Maria Addolorata e al radicamento della devozione ai morti57. Dei nuovi altari costruiti in quest’epoca, parecchi sono dedicati a S. Antonio di Padova ; vi è anche testimonianza, seppure in misura minore, di varie intitolazioni a S. Giuseppe, il patrono dei morenti. Particolarmente sentita era la devozione mariana ; accanto alle antiche intitolazioni, se ne sviluppano altre, come ad esempio, dal Seicento, quella all’Immacolata Concezione. Al restauro di S. Nazaro Pietrasanta venne spostata sull’altar maggiore una preesistente statua dell’Immacolata, per darle una centralità corrispondente alla vivissima devozione. Il risvolto devoto di ricostruzioni e abbellimenti è manifesto. Ad esempio nell’oratorio di S. Agata, sede di una confraternita di disciplini, al restauro dell’altar maggiore nel 1736 s’accompagna una processione con le reliquie di S. Serviliano, con la prestigiosa partecipazione dei canonici di S. Nazaro. L’indiscutibile tendenza allo sfarzo devozionale, evidentissima nella prima metà del secolo, motiva il potenziamento delle sacre suppellettili, per gli altari e soprattutto per le processioni58. Il patrimonio, anche devoto, delle confraternite era molto variabile : vi sono « povere confraternite » e accanto ad esse, scuole dai

56 1 ottobre 1749, cit. da G. Arienti, Nel Brolo. Il santuario e l’ossario di S. Bernardino, Milano, 1941, p. 40-42. 57 ASDMi, Fondo Spedizioni diverse, 29. 58 Non è un fenomeno solo urbano. Per le campagne piemontesi v. A. Torre, Il consumo di devozioni. Religione e comunità nelle campagne dell’Ancien Régime, Venezia, 1995, passim.

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beni cospicui. Così, tra le confraternite del SS.mo Sacramento, quella eretta nella collegiata di S. Giorgio al Palazzo ha bilanci di tutto rispetto, mentre a non grande distanza la confraternita nella parrocchiale di S. Pietro in Campo Lodigiano ha bilanci modesti e vita grama, tanto che il tesoriere risulta in credito nei confronti della scuola stessa59. Si noti che, nonostante le difficoltà, la confraternita eroga annualmente tre doti matrimoniali a ragazze indigenti della parrocchia. Come è ovvio, ai possedimenti immobiliari della prima confraternita corrispondono anche esborsi consistenti per la manutenzione e per il personale ; oltre al portiere, questa confraternita paga anche un cancelliere ed un ragionato. Ma la differenza si esplicita in modo evidentissimo negli apparati devoti, ove con la ricchezza crescono in modo esponenziale le spese per la cera, la manutenzione di paramenti e baldacchini, e quant’altro può giovare alla dignità delle processioni e dell’accompagnamento del viatico agli infermi. La voce più elevata nello stato passivo della confraternita in S. Giorgio corrisponde alla celebrazione di messe. La ricca confraternita del SS.mo in S. Lorenzo Maggiore, oltre agli oneri di messe, ha notevoli impegni economici per acquisto e manutenzione di suppellettili, per il trasporto del viatico, cera per le processioni, partecipazione di cappellani a cerimonie, pagamento ad un organista che viene stipendiato per diverse funzioni comprese le Quarant’ore, e via dicendo60. Non va dimenticato il peso che nelle espressioni esterne della religione giocavano il desiderio di prestigio e l’ambizione ; ma occorre anche non sottovalutare quelle che sono le espressioni visibili e concrete dell’animo religioso. Alcune confraternite ed oratori sembrano del tutto privi di beni. Così l’oratorio della Natività effettua i necessari lavori per rendere appetibile ai giovani la ricreazione – con la costruzione di uno spazio per il gioco del pallamaglio – mediante il contributo personale di un confratello sacerdote ; in altri casi si ricorre alla classica forma della « riffa », della pesca di beneficenza61. All’atto della soppressione, l’Inventario e stima de’ sagri arredi e mobili della soppressa scuola de Ss. Bernardino e Sebastiano presso S. Francesco Grande di Milano62 mostra una situazione non agiata : i beni ammontano in totale a lire 1545, e la stima deriva quasi totalmente dall’armamentario liturgico-devoto.

59 Stato attivo della veneranda Scuola del Ss.mo Sacramento eretta nella chiesa parochiale di S. Pietro in Campo Lodigiano, ms., Biblioteca Ambrosiana, X 303 inf. 60 ASDMi, Visite Pastorali, S. Lorenzo Maggiore, vol. 17, f. 73s. 61 Barzaghi, Tre secoli di storia e pastorale cit., p. 117 e passim. 62 Affare della scuola di S. Bernardino vicino a S. Francesco, ms., Biblioteca Ambrosiana, S 176 inf (A 1, fasc. 2).

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Vi erano confraternite che, tradizionalmente, reclutavano i loro aderenti nei ceti sociali più alti. Basti pensare alle confraternite gesuitiche in S. Fedele, come quella dell’Entierro, dalla composizione sociale elevatissima. Le regole furono ristampate ancora nel 1764 ; mentre s’approssimava il tempo della soppressione della Compagnia, continuavano a svolgersi con grande solennità la processione del venerdì santo e ricchi apparati funebri63. Negli ultimi decenni del ’700 vi sono sintomi di qualche diminuzione del prestigio delle confraternite. Varie confraternite reclutano ormai i propri aderenti soprattutto nelle classi medie : tra i mercanti e gli artigiani, tra i membri della piccola borghesia64. Mancano ancora ricerche sistematiche e puntuali sul reclutamento. È lecito tuttavia ipotizzare che tale tendenza si leghi al fenomeno, evidente in modo precoce nel contesto urbano, del crescente distacco delle élites dalle forme esteriori della religione, dalle sue pratiche, talora dalla religione stessa ; al contrario, come osserva il nunzio Garampi nel 1785 : « Per quanto siasi moltiplicati i così detti spiriti forti, la massa generale però del popolo serba tuttavia nel cuore un buon fondo di religione cristiana »65. Sullo scorcio del secolo, i registri dei Confratelli dell’oratorio della B.V. Immacolata in S. Gio. Evangelista descritti secondo l’ordine del tempo della loro accettazione66 danno del fenomeno un’interessante documentazione. Vi sono annotati nome, cognome, professione, abitazione degli iscritti ; talora la data della morte ; spesso vi sono indicazioni circa la precedente appartenenza a confraternite soppresse67, le ragioni dell’eventuale abbandono della confraternita, i nomi di chi ha presentato il candidato. Tra gli iscritti vi sono canonici e sacerdoti, dottori legali, ma soprattutto droghieri, sensali, mercanti,

63 Sull’apogeo settecentesco della processione dell’Entierro e le sue caratteristiche : Bernardi, Il tempo sacro cit. ; sulla teatralità gesuitica cfr. Zanlonghi, Teatri di formazione cit. 64 Per l’età precedente, questo dato emerge già con chiarezza nel mondo urbano : Zardin, Confraternite e « congregazioni » gesuitiche cit. e Le confraternite in Italia settentrionale.. cit., p. 117. Vari casi sono ricordati in Barzaghi, Tre secoli di storia e pastorale cit. 65 Cit. in U. Dell’Orto, La nunziatura a Vienna di Giuseppe Garampi (17761785), Città del Vaticano, 1995, p. 450. 66 Ms., Biblioteca Ambrosiana, Z 379 sup ; Indice dei giovani confratelli registrati in questo libro, f. 237s. 67 L’elemento di continuità con altre confraternite è molto forte ; nelle alterne vicende di tempi difficili, la confraternita muta altre volte nome e sede, ma il dato della continuità di fondo sembra prevalere sulle discontinuità determinate da avvenimenti esterni (v. passim, soprattutto f. 77s.) ; cfr. Barzaghi, Tre secoli di storia e pastorale cit., p. 119s.

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negozianti, e molti giovanissimi studenti. Anche tra i mercanti e i praticanti i giovani sono numerosissimi, segno di un rafforzamento della borghesia mercantile e di una non estraneità di questi ceti al discorso religioso. L’incipiente secolarizzazione sembra toccare maggiormente i nobili, con la loro cultura e le loro letture. Il buon esito della formazione cristiana impartita ai giovinetti appare dal numero di quanti accedono poi al sacerdozio. Le adesioni sono numerose. Nel 1790 gli iscritti sono 45 ; ma nell’anno successivo le persone accettate sono ben 95, cui nel 1792 se n’aggiungono altre 53. Il registro contiene i dati fino al 1798, poi le registrazioni si interrompono, per riprendere nel 181668. Il ruolo dei laici tende ad accentuarsi, in relazione anche ad un maggiore dinamismo, come bene attesta il caso dell’oratorio della Sacra Famiglia, nato per una spontanea iniziativa di un gruppo di ragazzi e poi consolidatosi per l’azione dell’autorità ecclesiastica, che non solo lo approva ma lo propone come modello. Alcuni ragazzi « solevano unirsi in una stanza, ed ivi fatta raccolta di fanciulli, si trattenevano col discorrere ancora di dottrina, col leggere qualche libro spirituale e far recitare e cantare orazioni inanzi a qualche divota imagine », essendo essi stessi « li promotori e direttori di quell’adunanza ». La spontaneità originaria trova nell’istituzione ecclesiastica un sostegno che va oltre la mera volontà di controllo. Due sacerdoti prestano la loro opera per consolidare l’iniziativa, integrata con lo svago, l’alfabetizzazione e la predicazione in « stile famigliare e lingua totalmente materna »69. Si noti l’attenzione per la popolarità e comprensibilità della comunicazione, sulle quali già aveva insistito qualche anno prima il priore delle confraternite della dottrina cristiana, chiedendo di « dichiarare in lingua vernacola e famigliare i divini misteri e i mezzi della salute, così che restino bene intesi e fermamente impressi nella mente e nel cuore di chiunque interviene ad apprenderli »70. Questo tipo di aggregazione, in cui emerge una notevole sensibilità al mutamento sociale, è caratteristico delle fondazioni settecentesche e si pone al tempo stesso sulla scia delle istituzioni federiciane per l’educazione dei giovani. Nella parrocchia di S. Satiro è attestato nel 1757 un oratorio intitolato a San Filippo, con due confraternite, una riservata ai sacerdoti e l’altra ai laici, al servizio non solo dell’insegnamento della dottrina cristiana, ma anche della for-

Confratelli dell’oratorio della B.V. Immacolata cit., f. 57s. 30 dicembre 1766, in AEM, col. 1709-1711 ; cfr. Appunti sull’oratorio della Sacra Famiglia, s.d., Archivio di S. Stefano, presso ASDMi, Oratorio Sacra Famiglia, cart. 1. 70 Regole della congregazione e scuole della dottrina cristiana cit., p. 268. 68

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mazione e dell’educazione dei giovani71. L’oratorio della Visitazione in S. Lorenzo con gli inizi dell’episcopato Pozzobonelli inserisce una forte dimensione educativa e si preoccupa di acquisire spazi per consentire la ricreazione dei ragazzi72. Sempre in parrocchia di S. Lorenzo, la confraternita di S. Pietro in Scaldasole unisce all’impegno religioso-devoto quello sociale, stipendiando dei maestri che preparino una cinquantina di ragazzi poveri, sino a renderli idonei al passaggio alle rinomate scuole di Brera o di S. Alessandro73. Tali aperture all’attività socio-caritativa si collocano entro l’ambito di una proposta che è largamente spontanea, profondamente devota, inserita in un contesto di fedeltà alle proprie tradizioni. È dunque comprensibile che le imposizioni di Giuseppe II sortiscano esito assai limitato. Infatti le devozioni proposte e vissute nelle confraternite erano del tutto consentanee alla mentalità religiosa dei fedeli ; tradizionalmente inoltre le confraternite costituivano, nel loro ricco particolarismo, una « formula associativa che restava il recinto privilegiato dell’iniziativa dei laici in campo religioso e a loro offriva una robusta cintura di protezione per l’esercizio di una responsabilità in proprio »74. La réaction anti-Lumières que l’on enregistre partout à la mort de Joseph II – et à Milan au temps de l’archevêque Filippo Visconti – serait incompréhensible sans le profond mécontentement, jusqu’à la révolte parfois, des humbles privés de leurs pèlerinages, de leur confréries, empêchés de prier comme ils le souhaitent75.

71 Atti relativi al 1757-58 in F.C. Y 2966. Non mi soffermo qui sulle fraternità sacerdotali, caso a sé (F. Ronchi, Scholae, societates, consortia, confraternite di preti a Milano. Panorama delle fonti. II parte (secoli XVI-XVIII), in Ricerche storiche sulla Chiesa ambrosiana, 23, 2005, p. 5-135) ; cfr. Barzaghi, Tre secoli di storia e pastorale… cit., p. 186s. e passim. Nel Seminario maggiore vi erano varie confraternite di chierici, per la formazione spirituale e devota (U. Dell’Orto, L’educazione nel Seminario maggiore di Milano nella testimonianza di due ‘Zibaldoni’ del Settecento, in Annali di storia dell’educazione e delle istituzioni scolastiche, 7, 2000, p. 113-166). Degne di considerazione sono le confraternite mariane del Collegio di Brera, molto ricche sotto il profilo devozionale, con una valenza formativa assai forte e marcati risvolti di apostolato esterno. Nel tracciare alla metà del Settecento le linee storiche dell’insegnamento della dottrina cristiana a Milano, G.B. Castiglioni affermava che la Congregazione Maggiore di Brera « si poteva dire a ragione il seminario de’ maestri della dottrina di Gesù Cristo » (Istoria delle scuole cit., f. 217r.). 72 Barzaghi, Tre secoli di storia e pastorale cit., p. 100s. 73 Ivi, p. 157s. 74 D. Zardin, Tra chiesa e società ‘laica’ cit., p. 539. 75 L. Châtellier, Lombardie exemplaire, prefazione a : Vismara, Settecento religioso in Lombardia cit., p. 6.

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L’autorità ecclesiastica esortava ad una moderazione religiosa e all’abbandono di aspetti abusivi nelle devozioni e nella socialità confraternale ; ma ciò non coincide affatto con una svalutazione di quelle forme di esperienza, che spesso appaiono portatrici di una felice sintesi, pur tra contrasti e conflitti, tra fermenti associativi dal basso e forme di devozione popolare da una parte e proposte della gerarchia dall’altra. È ben noto tuttavia che nel Settecento si trovano critici ed oppositori anche all’interno della Chiesa. A tal proposito si invocano in genere le opinioni di Lodovico Antonio Muratori. Nelle Dissertazioni sopra le antichità italiane, delle confraternite egli critica le forme espressive, troppo scenografiche e devozionalistiche, troppo esteriori e sregolate ; e le modalità nei rapporti sociali, sovente improntati a quelli consueti al di fuori dell’ambito religioso, segnati da necessità di autoaffermazione, da conflitti e discordie, da eccessi conviviali che ne trasfigurano l’autentica natura. Tuttavia egli difende le confraternite, respingendone la ventilata origine pagana e riconducendole ad espressione autenticamente cristiana : esse sono « tutte istituite per il culto divino, per cantare le lodi di Dio e de’ santi, ed esercitarsi in altre opere di pietà e di misericordia »76. La realizzazione pratica peraltro gli appariva spesso insufficiente ; egli esprimeva così le sue riserve : Ve ne ha ben delle ottime fra esse, ma alcune certo non son necessarie, e fors’anche son poco utili, stante il ridursi talvolta ad una semplice apparenza di bene quel poco ben ch’elle fanno ; e ad un vero male que’ litigi e quelle dissensioni, che loro son tanto familiari, appunto per mancamento della carità santissima77.

Ma non vi era volontà di obliterazione dell’esistente, di cui Muratori invece propugnava, ove possibile, la rivitalizzazione. Nelle confraternite già erette riteneva indispensabile la ripresa o l’inaugurazione dello slancio caritativo, all’interno e all’esterno, al fine di riportare la devozione al suo significato autentico, quello della carità. Se le lor divozioni consistono in sole orazioni vocali, che si recitano a stampa ; se solamente in portare addosso quell’abito o quel segno sacro, e in simili cose che costa ben poco all’uomo l’averle e il farle, perché non recano scomodo alcuno ; la nostra sarà una divozione superficiale e non soda [...]. Ma a conquistare il cielo ci vuol della forza, perché i violenti son quei che lo

76 Dissertazioni sopra le antichità italiane, presso gli Eredi Barbiellini, Roma, 1755 (Dissertazione LXXV, Delle pie confraternità de’ laici, e dell’origine di esse, de’ flagellanti e delle sacre missioni, p. 343-361). Cfr. Della carità cristiana in quanto essa è amore del prossimo, appresso Gio.Batta Recurti, Venezia, 1724, p. 164. 77 Ibid.

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rapiscono. Bisogna darsi a divozioni sostanziali ; e fra queste la più rilevante e la più spedita è la carità78.

Se sul piano strettamente religioso Muratori dunque si proponeva di ricondurre la religione ai suoi fondamenti, sfrondandola dagli orpelli e dagli eccessi, sul piano dei rapporti sociali si configurava la proposta di razionalizzare e purificare la rete confraternale incentrandola sull’esercizio della carità. Ecco dunque, tra regolata devozione e amore del prossimo, la proposta muratoriana, che si rivolge espressamente a tutti, poiché l’esercizio della carità non si fonda su distinzioni di ceto. Si noti peraltro che sarebbe improprio attribuire a Muratori l’idea dell’utilità sociale come movente predominante. La carità, che può essere definita la « livrea del cristiano », si modella essenzialmente non solo sull’insegnamento di Cristo, ma sulla sua stessa persona ; essa è il modo più sublime di personalizzazione della pietà. Lo sfondo e le motivazioni sono assai diverse rispetto a quella versione della regolata devozione che emerge nella politica giuseppina, alquanto infedele rispetto all’originale e collocata in un contesto socio-politico radicalmente mutato79. Anche a Firenze, l’azione anti-confraternale di Lorenzo Mehus non appare totalmente ascrivibile ad un sostrato muratoriano80. Nell’azione di governo, l’ostilità alle confraternite si inserisce nel quadro dell’interesse prevalente della Corte per un’organizzazione accentrata del culto e per il ruolo attribuito al clero secolare81, di cui dà testimonianza anche la riorganizzazione parrocchiale. Ma si trattava in certo senso di una proposta astratta, formulata sulla base di teorie politiche. Le confraternite invece spesso nascevano dal basso, e comunque riflettevano sentite esigenze religioso-sociali. Si spiega così la ragione del sostanziale insuccesso dei provvedimenti di Giuseppe II. Era prevista la conservazione solo delle confraternite del Santissimo (dal carattere essenzialmente parrocchiale, sotto lo stretto controllo del clero, il che non impediva spunti di autonomia ed episodi di conflitto82) e la costituzione di un’unica Confraternita

Ibid. Cfr. Dissertazione LXXV. E. Bressan, L’eredità del Settecento : la carità, in R. Ghiringhelli, O. Sanguinetti (a cura di), Il cattolicesimo lombardo tra Rivoluzione francese, Impero e Unità, Pescara, 2006, p. 41-47. 80 Come ritiene K. Eisenblicher, The suppression of confraternities in Enlightenment Florence, in N. Terpstra (a cura di), The Politics of Ritual Kinship. Confraternities and Social Order in Early Modern Italy, Cambridge, 2000, p. 262278, ivi p. 271-272. 81 Bottoni, Le confraternite milanesi cit., p. 600s. 82 D. Zardin, Solidarietà di vicini. La confraternita del Corpo di Cristo e le compagnie devote di S. Giorgio al Palazzo tra Cinque e Settecento, in Archivio Storico Lombardo 118, s. XI, vol. IX, 1992, p. 361-404. 78 79

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della carità del prossimo. L’arcivescovo Visconti, attraverso una dettagliata normativa, presta la sua collaborazione per cercare di dar vita al nuovo istituto ; afferma che Giuseppe II non ha inteso, con la soppressione delle confraternite, allontanare i fedeli dal culto esterno della religione e dal soccorso del prossimo, ma togliere « la varietà degli spiriti e degl’impegni ». Seguono dettagliate norme per l’istituzione e il funzionamento della confraternita, articolata parrocchialmente ; si prevede una schematica suddivisione del territorio parrocchiale in piccole aree (4-6 case al massimo) da affidare ciascuna ad un confratello abitante in una di quelle case. Per motivare la piena coerenza dei nuovi provvedimenti, l’arcivescovo si appella all’azione di Carlo Borromeo volta a potenziare attraverso una specifica confraternita l’assistenza agli infermi. Nonostante l’intervento dell’arcivescovo, ciò si risolve sostanzialmente in un clamoroso fallimento83. Anche dopo la soppressione alcune confraternite sopravvivono, eludendo per quanto possibile i controlli ; di altre si cerca di ottenere il ripristino nell’età di Leopoldo II. Notevole è l’insistenza dei padri di famiglia, che riuniti in comitato ottengono nel 1790-91 la ripresa dell’attività di varie confraternite e oratori giovanili, pur subordinata al principio di accettazione del dominante schematismo spaziale legato alla centralità della parrocchia (che Federico Borromeo aveva superato per quanto concerneva l’evangelizzazione dei giovani)84. Così accade per la Visitazione in S. Lorenzo, soppressa nel 1786, che riprende presto le sue attività, attestate dal 1792 ; per la Natività di Maria in S. Maria di Carugate ; per l’Oratorio della Sacra Famiglia, e via dicendo85. All’atto del ripristino di alcune con-

83 Istituto della confraternita della cristiana carità, Milano, Nella stamperia di Giuseppe Marelli, 1788 ; lettera 4 agosto 1788, In Milano, appresso G. Galeazzi e figli Stampatori arcivescovili (copie conservate in ASDMi, sez. XIII, vol. 49 ; ivi anche altra documentazione). Secondo l’arcivescovo, i « vincoli di cristiana fraternità », anziché essere potenziati con la nuova confraternita, si sono allentati a seguito della soppressione degli antichi consorzi : F. Visconti a Leopoldo II, s.d. (1790) in F. Maass, Der Josephinismus. Quellen zu seiner Geschichte in Österreich, II, Wien, 1953, p. 531-543 (p. 535). 84 Barzaghi sostiene che ancor oggi « in mezzo al pluralismo delle confraternite e delle esenzioni, a volte trasformato in caos di forze centrifughe […], l’accentramento parrocchiale […] è un principio valido e diremmo necessario della chiesa » (Tre secoli di storia e pastorale cit., p. 203). Circa l’interesse dell’autorità politica per la riduzione degli spazi associativi definiti privati : Bottoni, Le confraternite milanesi cit., p. 599. Sulle richieste dei padri di famiglia : Barzaghi, Tre secoli di storia e pastorale cit., p. 195-198. Dello stesso Barzaghi si veda ora : Don Bosco e la chiesa lombarda. L’origine di un progetto, Milano 2004, p. 119 e passim. 85 Barzaghi, Tre secoli di storia e pastorale cit., p. 100s. e passim.

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fraternite del Santissimo, ad esse si attribuisce il titolo di Santissimo e carità cristiana, mantenendo la sostanza delle prime86. Per le sopravvivenze nonostante le disposizioni restrittive, si possono ricordare gli assembramenti di preghiera attorno alle crocette. Nel 1790 una serie di denunce alla polizia dà un quadro delle permanenze di pratiche contrarie ai nuovi regolamenti87. Un professore della Facoltà Teologica pavese, il giansenista Giuseppe Zola, propone che contro tali adunanze di preghiera si intervenga militarmente e se ne freni radicalmente il persistere mediante qualche impiccagione ad exemplum88. È evidente che non si tratta qui soltanto della volontà di imporre un modello religioso, ma anche e soprattutto del timore che il ritrovarsi dei devoti assumesse connotati antigovernativi, qualificabili come vera e propria cospirazione ; insomma, che le confraternite divenissero il luogo di espressione collettiva del malcontento popolare, oltre che della « sregolata e superstiziosa devozione ». D’altronde, episodi significativi non mancano. Quando nel 1798 i francesi indagano sull’oratorio di S. Filippo Neri, non solo registrano la mancata erezione dell’albero della libertà, ma all’ingiunzione di piantare quel simbolo sono costretti alla fuga, inseguiti sino alla Porta Romana da una massa di giovanetti urlanti, definiti dai rivoluzionari come aristocratici a causa del loro atteggiamento, ma in realtà di estrazione assai popolare89. Non è un caso comunque che già negli anni ’70, quando si sviluppa una politica avversa alle confraternite, essa prenda le mosse da altre aree della Lombardia austriaca, come Cremona, Lodi e Casalmaggiore, mentre a Milano si seguiva una via di maggior prudenza, sia per le posizioni poco accomodanti dell’arcivescovo Pozzobonelli, sia per non urtare l’orgoglio civico-religioso della popolazione, legata alle sue tradizioni e istituzioni devote e ancora capace di dare vita a confraternite nuove90.

86 Negli anni 1791-1795 si vedano ad es. i casi di S. Babila, S. Maria della Fontana, S. Maria del Carmine (ASDMi, F.C. Y 4746 e Y 2971). Numerose le richieste di ripristino anche nel 1799, durante la breve parentesi austro-russa. 87 Signorotto, Milano sacra cit., p. 612s. 88 Lettera a P. Bocca, s.d., cit. da P. Guerrini, Carteggi bresciani inediti sulla vita e i tempi di Pietro Tamburini (1737-1827), in Bollettino della Società pavese di storia patria, 27, 1927, p. 161-250, ivi p. 229. Maggiore prudenza era suggerita da Tamburini, che pure rilevava, quale ritorno alle antiche usanze, che « in Milano regna un entusiasmo per le processioni » (a Scipione de’ Ricci, 18 giugno 1790, cit. da R. Mazzetti, Relazioni tra il giansenismo pavese e il giansenismo toscano, in Miscellanea pavese, Torino, 1932, p. 119-239, ivi p. 211s.). 89 Barzaghi, Tre secoli di storia e pastorale cit., p. 186s. 90 La necessità di prudenza, più volte ribadita da Kaunitz, su questo delicato terreno è la conferma che non si trattava di involucri vuoti, cui i fedeli aderissero per puro conformismo od ostentazione.

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Prendiamo a titolo di esempio il caso di S. Lorenzo Maggiore, una delle più prestigiose collegiate del centro cittadino. La visita pastorale effettuata nel 177891, in anni già difficili, attesta l’esistenza di numerosi consorzi. La descrizione, puntualissima ed apparentemente asettica, come in genere i documenti di visita, restituisce appieno le dimensioni della devozione in città, che, a questa data (si avvicina la tempesta giuseppina), appare ancora legata alle sue antiche tradizioni, pur nell’evoluzione delle medesime. Si può notare la molteplice varietà dei consorzi e il loro prevalente legame con la parrocchia, con modestissime eccezioni. Vale anche qui quanto è stato osservato circa la visita a S. Giorgio al Palazzo l’anno successivo : la documentazione di contorno, oltre agli scarni verbali di visita, conferma l’impressione di « una tenuta che si esprime nel rispetto di usi liturgici consolidati, nella fedeltà alle forme di coesione corporativa ereditate dalla consuetudine »92. Si noti che per il governo l’antichità non attesta la validità di certe istituzioni o consuetudini, al contrario. Già in età teresiana – nel cruciale anno 1767 – Kaunitz affermava : « L’origine di alcuni esercizi di pietà, tratta da’ tempi caliginosi e d’ignoranza, li rende anzi più sospetti in confronto della solida e ben regolata divozione »93. Le confraternite avrebbero costituito una distrazione dagli impegni civili, un incentivo alla frivolezza religiosa, un’inutile occasione di assembramento. Si asseriva che le confraternite favoriscono la perdita del tempo, che si sottrae all’esercizio dei doveri più essenziali della vita civile o domestica per impiegarlo nelle pratiche di pietà intempestive o superstiziose, la frivolezza e la materialità, che s’introduce nelle cose più sacre e più rispettabili, e che si confonde dai deboli coi principi di religione, […] la profanazione e l’indecenza che subentra talvolta alle pie costumanze e alle pratiche di devozione, e mille altri inconvenienti, che fanno degenerare a poco a poco queste devote instituzioni in adunanze inutili o scandalose94.

Ma l’attaccamento popolare ad una tradizione sentita e vissuta come propria rendeva assai difficile smantellare la rete confraternale per mera imposizione dell’autorità civile95. Non a caso uno dei membri della Commissione ecclesiastica, commentando le inadempienze agli editti giuseppini del 1786, affermava : « L’oggetto delle divozioni è delicato […] per tutti i riguardi non meno spirituali che

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ASDMi, Visite Pastorali, S. Lorenzo Maggiore, vol. 17. Zardin, Solidarietà di vicini cit., p. 398. Kaunitz a Firmian, 24 dicembre 1767, ASMi, Fondo Culto p.a. 2010. Pecci a Firmian, 27 maggio 1767, ibid. Zardin, Solidarietà di vicini cit., p. 404.

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politici ». In questo periodo si avvertono peraltro anche sintomi di crisi interna per le confraternite, accentuati dalle imposizioni governative e destinati a lasciare il segno nell’età successiva. L’opposizione alla devozionalità confraternale e più ampiamente ai modi di espressione di una religiosità ricca, espansiva, visibile, si configura su linee diverse. Le critiche radicali dell’autorità civile, con i suoi provvedimenti restrittivi, e l’ostilità di alcuni settori del mondo ecclesiastico, sensibili alla proposta di una spiritualità intima e individualissima nel contesto di una Chiesa invisibile (in un indirizzo seppur involontariamente secolarizzante), incidono sulla presenza e sull’attività delle confraternite, in un contesto politico e religioso in radicale mutamento già dagli anni sessanta del Settecento. Le imposizioni dell’autorità civile rendono peraltro difficile discernere se si tratti di crisi o di forzato adeguamento alle prescrizioni. Senza dubbio i provvedimenti incidono su un tessuto meno forte che in passato, con qualche sintomo di crisi interna ; per certe tradizionali confraternite, ad esempio, è attestato un calo degli aderenti e un attenuarsi della vitalità che aveva contrassegnato invece il primo Settecento. Ma vi sono anche confraternite recenti, rinnovate, vitali ; esse si muovono tra un teatro sacro che si riallaccia al passato ma è in progressiva perdita d’importanza, e forme di presenza sociale e di educazione popolare che preludono a ulteriori sviluppi. Con la fine dell’antico regime, certe forme della socialità confraternale si riversano in altro tipo di esperienze, non più connotate dall’afflato religioso96. All’interno del mondo ecclesiastico le confraternite perdono larga parte della loro importanza. Elementi di persistenza sotto il profilo religioso sono peraltro rilevabili, nonostante la cesura anche violenta che segna il passaggio dall’una all’altra epoca : sono individuabili elementi di robusta continuità, che tuttavia escono, nel passaggio di secolo, dal mondo delle confraternite per travasarsi più ampiamente nella vita religiosa dei laici ed incarnarsi in forme nuove. La volontà dell’autorità ecclesiastica e la spinta dal basso convergono nel creare luoghi nei quali sia possibile vivere un orizzonte complessivo di vita cristiana. Alla scomparsa di molti elementi del passato corrisponde nel corso del XVIII secolo il configurarsi di una situazione nuova contrassegnata dall’adattamento delle confraternite alle trasformazioni della società, pur nel mantenimento di un forte afflato devoto. Con la fine dell’antico regime, mentalità e abitudini di vita un tempo presenti solo presso gli aderenti a certe confraternite permangono e si estendono al di là dell’ambito originario. Proprio all’interno delle

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Zardin, Le confraternite in Italia settentrionale cit., p. 122s.

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confraternite le responsabilità attribuite ai laici – tanto maggiori dopo la soppressione di molti ordini religiosi97 – , le preoccupazioni caritative, la volontà di realizzare il cristianesimo nel quotidiano, avevano aperto la via all’impegno sociale, che diverrà successivamente impegno anche politico. « Lorsqu’ils interviennent dans la vie politique ou qu’ils défendent les droits de la religion et le sort des ouvriers, les catholiques du XIX siècle ne font que prolonger, en l’adaptant aux circonstances, une action à laquelle les avaient déjà préparés leurs pères ou leurs prédecesseurs congréganistes »98. Insomma, nelle diversità evidenti appare comunque anche una linea di continuità che affonda le sue radici nel passato, nell’intreccio tra devozione, carità e impegno sociale. Paola VISMARA Università degli Studi di Milano

Castiglioni, Istoria delle scuole cit., f. 223r. L. Châtellier, L’Europe des dévots, Parigi, 1987, p. 269 ; cfr. ora anche M. Venard, Préface a M.-H. Froeschlé-Chopard, Dieu pour tous et Dieu pour soi. Histoire des confréries et de leurs images à l’époque moderne, Parigi, 2007, p. 12. 97

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LA DÉVOTION À SAINT JOSEPH AU MIROIR DES CONFRÉRIES (XVIIe-XVIIIe SIÈCLES)

La dévotion à saint Joseph connaît, dans la catholicité latine, une histoire peu commune. Pendant de nombreux siècles, le père terrestre de Jésus ne fait pas partie des intercesseurs privilégiés ; bien plus, l’iconographie religieuse n’en renvoie pas une image valorisante. Certes, les théologiens ne l’ignorent pas : des Pères de l’Église aux docteurs du Moyen Âge à son apogée, ses qualités et ses vertus sont soulignées dans des commentaires de l’Écriture. Mais il faut attendre le XVe siècle pour que lui soient consacrés des traités complets et, surtout, que son culte se développe véritablement. Gerson est l’un des premiers auteurs à insister fortement sur sa place éminente parmi les saints, tandis que les carmes lui consacrent un office entier dans la liturgie1. Sur ces bases, la dévotion se renforce au cours du XVIe siècle, grâce en particulier à la confiance que Thérèse d’Avila accorde à Joseph, avant de pleinement s’épanouir au XVIIe siècle, notamment en France2. Comme la figure de Joseph est de plus en plus étroitement associée au patronage de la Bonne Mort au cours des deux derniers siècles de l’Ancien Régime, il est tentant de trouver dans cette seule fonction l’explication du développement de la piété manifestée pour le saint ; au temps de la surculpabilisation et de l’angoisse autour de l’agonie, Joseph s’imposerait ainsi dans la piété des fidèles comme le recours privilégié pour passer heureusement de vie à trépas3. À n’en

1 Gerson est à la fois l’auteur d’un long poème (la Summa Josephina) et de sermons. Pour les aspects liturgiques du culte, non abordés ici, on se reportera toujours à P. Lucot, Saint Joseph. Étude historique sur son culte, Paris, 1875. Pour une bibliographie d’ensemble, R. Gauthier, Bibliographie sur saint Joseph et la sainte Famille, Montréal, 1999. 2 La fête de saint Joseph n’est inscrite au calendrier universel de l’Église qu’à partir de 1621, et elle ne devient fête de précepte dans les différents diocèses que très progressivement au cours du XVIIe siècle. 3 J. Delumeau, Rassurer et protéger. Le sentiment de sécurité dans l’Occident d’autrefois, Paris, 1989.

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pas douter, il y a là l’une des clés du succès de la dévotion au père terrestre de Jésus. Mais certains témoignages invitent à une approche plus complexe du processus de diffusion du culte. Ainsi, le feuillant Pierre de Sainte-Marie écrit-il à propos de la sainteté de saint Joseph, dans un traité qu’il publie en 1631 : Elle nous oblige à l’imiter particulièrement pour ces deux raisons : la première, qu’ayant été contemporelle, voire présente, voire unie, à la sainteté de notre Sauveur et de la Vierge, et comme un découlement et particule de la leur, il ne se peut qu’elle n’ait été également solide et relevée. Et la 2. Parce qu’elle paraît extrêmement aisée à représenter par nos mœurs, n’y ayant rien dans les actions et la vie de saint Joseph qui effraie nos sens ou qui désespère notre courage, comme nous voyons dans celles de beaucoup de saints, où les austérités effroyables qu’ils ont exercées et leurs ravissements ou méditations extatiques font perdre haleine aux plus courageuses résolutions de les imiter4.

Comme tous les auteurs de littérature spirituelle qui consacrent un ouvrage à saint Joseph à la même époque, Pierre de Sainte-Marie ne cherche donc pas à recommander son culte pour la protection des mourants, mais à le proposer comme modèle sûr et accessible d’exercice des vertus chrétiennes. Étudier la dévotion à saint Joseph aux XVIIe et XVIIIe siècles suppose donc, sans négliger l’essor de son patronage sur les agonisants, de rechercher aussi les autres aspects de la piété des fidèles envers lui. Les confréries offrent de ce point de vue un angle d’approche privilégié. Une partie de la documentation qui a trait à ces associations, tels les brefs d’indulgences ou les listes d’agrégations aux archiconfréries, se prêtent à une analyse sérielle qui, à travers les titulatures par exemple, met en évidence le développement spatial et temporel des diverses facettes de la dévotion5. D’autres sources, plus qualitatives, tels les statuts et règlements ou encore les manuels ou la littérature dévotionnelle, offrent la possibilité d’une approche plus fine des pratiques de dévotion et, au-delà, des significations de ce culte dans la piété du catholicisme tridentin. Certes, toute la dévotion à saint Joseph ne se réduit pas à la présen-

Pierre de Sainte-Marie, La dévotion de saint Joseph, Paris, 1631, p. 19-20. Pour une présentation d’ensemble des possibilités offertes par l’exploitation des brefs d’indulgences, M.-H. Froeschlé-Chopard et F. Hernandez, Les dévotions des confréries, reflet de l’influence des ordres religieux, dans Dimensioni e problemi della ricerca storica, 1994, 2, p. 104-126 ; M.-H. Froeschlé-Chopard, Dévotions et confréries aux XVIIe et XVIIIe siècles d’après les sources vaticanes, dans C. Langlois et Ph. Goujard (dir.), Les confréries du Moyen Âge à nos jours. Nouvelles approches, Rouen, 1995 (Cahiers du GRHIS, 3), p. 23-40 ; B. Dompnier et F. Hernandez, Fêtes des confréries, calendrier liturgique et dévotions (XVIIe et XVIIIe siècles), dans M. Venard et D. Julia, Sacralités, cultures et dévotion. Bouquet offert à MarieHélène Froeschlé-Chopard, Marseille, 2005, p. 171-191. 4

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ce de confréries ou aux exercices de leurs membres. Mais ces associations informent le mieux l’historien sur la place qu’elle occupe, puisque – comme le souligne un autre auteur de traité, le chanoine Dognon – ce sont elles qui illustrent aussi avec le plus d’évidence et de force l’attachement au saint6. Le patron de la Bonne Mort L’historiographie de ces dernières décennies a fortement souligné l’importance du discours sur la mort dans la pastorale du catholicisme tridentin7. Pour mieux inviter chacun à ne pas oublier qu’aucun des actes de la vie de tous les jours n’est indifférent au regard de la destinée éternelle de l’âme, le clergé a dramatisé l’instant de la mort, qu’il convient de conserver toujours présent à l’esprit afin de se garder du choix du péché8. Toute la vie doit être préparation à ce passage inéluctable, qui peut survenir à tout instant et suppose donc d’y être toujours prêt. De surcroît, même les plus vertueux ne sont pas à l’abri d’ultimes tentations diaboliques qui, si elles ne sont repoussées, peuvent encore faire basculer dans une éternité de malheur. Comme tant d’autres, les confrères de Calcara soulignent cet aspect dans le préambule de leur règlement, en 1715, affirmant leur certitude qu’est « infinitamente laborioso e difficile il passaggio da questa infelice e breve vita all’altra Beata ed eterna, massime a cagione degli assalti e tentazioni vigorose che vengono fatte in quell’estremo punto da nostri comuni nemici ». Soucieuse aussi de « rassurer et protéger », l’Église propose aux fidèles des dévotions qui doivent les aider à affronter l’instant du trépas et leur assurer l’assistance de protecteurs puissants et efficaces. Parmi ceux-ci, saint Joseph acquiert progressivement la première place ; la faveur qu’il rencontre dans le catholicisme de cette époque reflète à bien des égards l’empreinte du discours que les clercs tiennent sur la mort dans la mentalité religieuse des croyants. Le choix de Joseph comme protecteur des ultimes instants de la vie se fonde sur un passage de l’Histoire de Joseph le charpentier, évangile apocryphe traduit en latin au XIVe siècle et plus largement diffusé au début du XVIe grâce à la Summa de donis sancti Josephi

6 R. Dognon, Le Modelle du mesnage heureux en l’histoire du mariage de Sainct Joseph. Avec la prattique de sa devotion et l’imitation des douze traits principaux de sa perfection, Paris, 1633, p. 290. 7 Sur cette question, on consultera particulièrement J. Delumeau, Le péché et la peur. La culpabilisation en Occident, Paris, 1983. 8 On sait par exemple que les jésuites commençaient traditionnellement leurs missions par un sermon sur la mort.

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que le dominicain Isidoro Isolano publie à Pavie en 1522 et qui en donne de larges extraits9. Dans ce texte ancien, généralement dénommé à l’époque moderne Histoire orientale, figure un récit de la mort de Joseph, fait par Jésus en personne à ses disciples ; accouru pour assister son père nourricier, il lui promet l’incorruptibilité corporelle et ajoute : Ceux qui réserveront une offrande, pour la donner à ton sanctuaire le jour de ta commémoration qui est le 26 du mois d’épiphi, je les bénirai moimême par un don céleste, qui leur sera fait dans les cieux.

À l’époque moderne, l’interprétation qui est donnée du « don céleste » promis aux dévots de saint Joseph contribue fortement à l’instituer comme patron de la Bonne Mort. Isolano n’est pas étranger à une telle lecture, lui qui amplifie en effet significativement les propos de Jésus, pour leur faire apporter l’assurance de la préservation de la mort subite et la garantie d’une éternité heureuse : Je bénirai et j’assisterai tout homme qui, dans l’Eglise des justes, le jour où il se fera mémoire de vous, ô Joseph, offrira un sacrifice à Dieu. Et celui qui méditera sur votre vie, sur vos travaux et sur votre sortie du monde, lorsque son âme quittera son corps, j’effacerai ses péchés du livre, pour qu’ils ne soient pas punis au jour du jugement. La peste n’entrera pas, et la mort subite n’arrivera pas dans sa maison où votre souvenir sera vénéré10.

Les règlements des confréries rendent compte parfois assez directement de l’influence de ce récit dans le choix de Joseph comme protecteur des agonisants. Celui de Sarreguemines, datant de 1755, expose ainsi que les dévots s’en remettent à lui « pour obtenir de la Bonté divine par son intercession la grace de mourir comme luy entre les bras de Jesus et de Marie »11. Le succès de la dévotion à Joseph pour un heureux passage dans l’au-delà est largement attesté par l’iconographie. La scène rapportée par l’Histoire orientale se rencontre fréquemment sur les tableaux d’autel : Joseph, allongé dans son lit, est béni par Jésus en présence de Marie. La diffusion géographique de cette iconographie est large. Emile Mâle relève sept tableaux de ce type dans les églises de Rome, mais note aussi qu’on en rencontre à Naples comme à Bologne, dans le sud-est de la France comme à Rouen, ou encore en Espagne, où

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Summa de donis sancti Joseph sponsi beatissimae Virginis Mariae, Pavie,

1522. Cité dans Delumeau, Rassurer et protéger… cité n. 3, p. 347. Archivio storico du Vicariat de Rome, Archiconfrérie des Agonisants, Agrégations, non coté (voir la note 14). 10

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Goya, par exemple, donne une représentation de la mort de saint Joseph en 1787 à Valladolid12. Marie-Hélène Froeschlé-Chopard, de son côté, a montré à partir du cas provençal la large diffusion de cette iconographie, jusque dans des bourgades modestes, sans notables variations dans le traitement du thème. L’abondante circulation de gravures réalisées à partir des tableaux les plus célèbres, notamment celui de Carlo Maratta, favorise cette relative uniformisation qui reflète sans doute une attente précise des commanditaires des toiles13. Celles-ci sont le plus souvent placées dans des chapelles dédiées aux agonisants, sièges de confréries érigées au XVIIe ou au XVIIIe siècle, dont la titulature ne fait toutefois pas toujours explicitement référence à saint Joseph. Les aléas de la fortune de Joseph dans la dévotion tournée vers les ultimes instants de la vie se lisent le plus clairement dans les registres d’agrégation à l’archiconfrérie romaine della Natività di Nostro Signore degli Agonizzanti, dite des agonisants, fondée en 1616 en l’église Sant’Agostino et installée définitivement en 1692 – après divers transferts – dans l’église de la Natività di Nostro Signore de la place Pasquino14. Comme la plupart des grandes confréries romaines, celle-ci se consacre à diverses œuvres pies, dont l’accompagnement des condamnés à mort au supplice ; elle tient aussi du pape le privilège de faire libérer un condamné chaque année. Bénéficiant de la possibilité de faire partager les indulgences et autres faveurs spirituelles qui lui ont été accordées, elle semble n’en avoir usé qu’avec parcimonie : ses archives ne portent la trace que d’un peu plus de trois cents agrégations d’autres confréries, surtout

12 É. Mâle, L’art religieux après le concile de Trente. Étude sur l’iconographie de la fin du XVIe, du XVIIe et du XVIIIe siècles, Paris, 1932. 13 M.-H. Froeschlé-Chopard, Espace et sacré en Provence. XVIe-XXe siècle. Cultes, images, confréries, Paris, 1994, p. 259-264. 14 Les archives de cette archiconfrérie sont aujourd’hui conservées à l’Archivio storico du Vicariat de Rome (ASVR). On y trouve en particulier (liasse 13) un « Libro de Privilegii, Capitoli, Statuti e Regola appartenenti all’erettione della Compagnia della Natività di N.Signore Giesù Cristo […] » qui apporte aussi d’utiles indications sur l’esprit de cette institution. Il y est en particulier expliqué qu’ont été pris comme « Avvocati e Protettori » ceux qui « più d’ogn’altro si veggono vicini, accetti e grati al Salvatore del Mondo, cioè la Beatissima Sempre Vergine Maria, e San Gioseppe suo dilettissimi Sposo » (p. 8). Le 19 mars fait partie des fêtes où les confrères obtiennent des indulgences (p. 27). Les dévotions de la confrérie sont présentées dans Orazioni particolari, che si recitano da i Fratelli della Venerabile Archiconfraternita della Santissima Natività di N. Sig. Gesù Cristo, Rome, 1748. La partie du fonds la plus utilisée ici est celle des agrégations à l’archiconfrérie, non cotée (désormais ASVR, Agon.). Présentation générale de la confrérie et de ses archives dans L. Fiorani (dir.), Storiografia e archivi delle confraternite romane, Rome, 1985, Ricerche per la storia religiosa di Roma, 6, p. 221-222.

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laisse apparaître un glissement sémantique progressif, qui traduit le renforcement du lien entre Joseph et le moment de l’agonie. Si toute la période considérée compte des confréries du Transito di san Giuseppe ou de saint Joseph mourant, le XVIIIe siècle seul accueille des confréries placées sous le patronage de saint Joseph agonisant ou associant explicitement la « Bonne mort » au saint. Parfois même, comme à Verzoli, dans le diocèse de Saluzzo, on rencontre des confréries della Buona Morte sotto il titolo di S. Giuseppe agonizzante. Une telle dénomination semble bien rendre compte des fondements de la dévotion au père de Jésus : à travers son agonie, il a intégralement vécu l’épreuve de la fin de la vie terrestre ; aussi pleinement humain, celui que Jésus a réconforté est nécessairement un protecteur efficace pour ceux qui se confient à lui au seuil de la mort. Le progrès croissant de la dévotion à saint Joseph ne lui accorde cependant pas un monopole sans partage auprès des agonisants. La répartition géographique des confréries placées sous son patronage le manifeste bien, même si les registres d’agrégation sont un peu trompeurs à cet égard puisqu’ils renseignent surtout sur l’Italie. À l’intérieur de cet espace, le déséquilibre est fort entre le nord et le sud. La partie septentrionale totalise 76% des agrégations, avec une forte prédominance des provinces ecclésiastiques de Milan et de Turin ; elle constitue aussi une zone d’où émanent très tôt des demandes d’affiliation pour des confréries sous le patronage de saint Joseph, indice d’une association précoce entre le saint et la protection au cours de l’agonie. Hors de l’Italie, seul le territoire de la France actuelle abrite des confréries dont la titulature fait référence à Joseph ; plus précisément, la Provence correspond au centre de gravité de cet ensemble, qui ne déborde guère le Sud-est du pays. Les agrégations romaines définissent de la sorte une zone de prédilection du patronage de saint Joseph sur la Bonne Mort, située de part et d’autre des Alpes, où les confréries, nombreuses, sont présentes dès la seconde moitié du XVIIe siècle. Même lorsque l’on recourt à lui, Joseph n’est pas toujours l’unique protecteur des derniers instants. Les dénominations relevées dans les registres d’agrégation font fréquemment état d’associations de patronages, plus ou moins faciles à interpréter. Dans un cercient saint Joseph à d’autres protecteurs, on relèvera celle de la confrérie de Castelleto Adorno (1687), qui mentionne aussi la Vierge « lagrimosa », l’ange gardien et Jean-Baptiste, celle de Montechiaro (1680) où Joseph est associé à la Vierge de l’Assomption, l’ange gardien, François Xavier et Philippe Néri, ou encore celle de Villafranca, où se rencontre une « compagnia detta degli Agonizzanti sotto il Patrocinio ed invocazione della Beatissima Vergine Maria, di S. Giuseppe e di S.Antonio da Padova ».

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tain nombre de cas, en vérité, les titulatures complexes reflètent surtout l’histoire particulière de confréries qui, au fil du temps, se réorganisent et joignent de nouveaux patronages aux anciens, modifiant sans doute aussi leurs finalités dévotionnelles ou caritatives. En revanche, la mention récurrente de certains intercesseurs – tels l’ange gardien, l’archange Michel ou sainte Barbe – laisse entrevoir l’existence d’autres recours que Joseph, associés à lui pour une protection plus assurée16. C’est une semblable logique qu’expose Esprit Chaulardy dans le livret qu’il publie sous le titre de La nouvelle voye pour aller saintement à Dieu, ou la devotion à Saint Joseph, Saint Alexis, et à Sainte Barbe, les Patrons de la Bonne Mort17. Pour lui, s’il faut faire appel à trois protecteurs, c’est que, selon les loix de la guerre on leve des nouvelles troupes, on redouble les gardes et les Sentinelles d’une Ville lorsque l’ennemi s’en approche dans le dessein de l’assieger et de donner un assaut general pour s’en rendre le maistre […] Si l’on prend tant de precautions pour conserver une place contre les ennemis de l’Estat, que ne devons-nous faire pour conserver nostre ame contre les ennemis de nostre salut, qui sont sans cesse armez contre nous […] et qui nous donnent de si cruels et de si terribles assauts, lors que nous sommes réduits à l’agonie, que sans l’ayde du Ciel nous succomberions tous à leurs attaques18.

La multiplication des recours, qui se traduit ainsi par une accumulation des dévotions, accompagne donc la dramatisation de l’agonie dans le discours de l’Église. Toutes les confréries qui invoquent Joseph comme patron de la Bonne Mort ne lui demandent pas exactement la même assistance. Une première catégorie l’implore pour tous les fidèles qui arrivent au terme de leur existence terrestre, se proposant une fonction d’assistance spirituelle à un moment particulièrement critique. Le manuel édité pour la confrérie des agonisants de Tonnerre contient ainsi une pressante exhortation à la charité :

16 Ces autres protecteurs peuvent aussi être invoqués séparément de Joseph. Ainsi Jacques Coret, l’auteur du célèbre Ange conducteur, publie-t-il aussi un livret intitulé Association pour bien mourir, sous la protection des saints anges gardiens. Avec les choses qu’il faut observer pour en être. L’édition consultée (Paris, 1733) est la quatorzième, indice du succès rencontré. 17 L’ouvrage est publié à Avignon en 1681. L’auteur souligne que les trois saints qu’il retient ont comme trait commun d’avoir été « presque cachez seize siecles aux Fideles ; […] amateurs particuliers de la vie cachée, il semble aussi qu’ils ont obtenu de Dieu d’estre comme inconnus si long-temps ». 18 Esprit Chaulardy, La nouvelle voye…, préface non paginée. Contrairement à ce que pourrait laisser penser ce passage, l’ouvrage de Chaulardy est un traité de spiritualité, s’adressant à un public de dévots entraînés à la méditation, et non un manuel proposant de simples exercices pieux.

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Envisageons avec les yeux de la foi l’extrême besoin du salut de notre prochain : ne l’abandonnons point sur son lit de douleur sans le secourir de nos prières […] ; allons au Saint-Sacrement de l’autel exposé pour lui […], implorons l’assistance de Marie […], intéressons-nous pour lui avec saint Joseph, protecteur des agonizans, et le prions qu’il obtienne cette faveur de Dieu, qu’à l’heure de sa mort il soit assisté de Jésus et de Marie.

Les statuts de la même confrérie tiennent aussi à leur manière un discours comparable, stipulant en leur premier article que ses membres prennent un « soin très particulier de prier pour les personnes qui sont à l’agonie de la mort sous la protection de saint Joseph, afin de partager avec lui le bonheur qu’il a eu d’avoir une sainte agonie »19. D’autres confréries envisagent d’une manière très différente la protection du père terrestre de Jésus, insistant sur le secours qu’il apporte à ceux qui s’en remettent à lui et invitant leurs membres à en devenir les dévots dans cette perspective. Au premier type de groupement, pour qui l’invocation de Joseph constitue une forme de charité à l’égard de tous les agonisants, s’oppose ce second groupe, pour qui la participation à la confrérie est souvent à la fois dévotion régulière à Joseph dans l’attente de sa protection au moment de l’agonie et engagement dans une démarche de préparation personnelle à la mort. Le livret publié à Rouen en 1721 témoigne de cette seconde orientation, présente dès le préambule, qui explicite le sens de l’attente placée en saint Joseph : C’est particulierement la Grace de bien mourir qu’on peut espérer de lui […] Le moien peut être le plus propre pour obtenir cette Grace incomparable est de se joindre d’esprit et de prieres à plusieurs saintes Personnes, qui se sont associées depuis peu à honorer ce grand Saint, et pour obtenir par son intercession une sainte Mort.

Plus avant, le même livret insiste sur la dimension de réciprocité de l’appartenance à la confrérie : tous les mercredis, en méditant sur la Passion, « l’on demandera pour soi et pour ceux de l’Association une mort sainte, comme celle du Sauveur »20. Certes, se rencontrent aussi des confréries qui associent les objectifs de l’une et de l’autre de ces catégories, telle celle de Camporosso – dans le diocèse de Vintimille – qui propose à ses membres de « pregar e far pregar in aiuto de fedeli agonizanti e prepararsi a ben morire »21. Il existe donc des passerelles entre les deux 19 Les Prieres pour les Agonizans, et l’office propre de Saint Joseph. Avec les Regles et les Statuts de la Confrérie des Agonizans […] de la ville de Tonnerre, Paris, 1767, p. IV, 1 et 7. 20 La dévotion à Saint Joseph, Rouen, 1721, p. 52 et 76. Cette confrérie a obtenu un bref d’indulgences en 1720. 21 ASVR, Agon. Le texte est de 1729.

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grands types, et surtout sans doute des évolutions dans les finalités et les pratiques de certaines confréries qui, appartenant initialement à l’une des catégories, se rapprochent de l’autre au cours du temps22. Du moins convenait-il de souligner cette diversité des attentes que recouvre l’invocation de Joseph comme patron de la Bonne Mort. Saint Joseph, protecteur universel Lorsque les sources mises en œuvre permettent une approche globale des confréries et ne se limitent pas à celles qui sont centrées sur les prières pour les agonisants, le succès de la dévotion à saint Joseph apparaît comme éclatant à l’époque moderne. Le dépouillement, aux archives du Vatican, du fonds des brefs d’indulgences accordées aux confréries – documentation la plus apte à fournir une vue d’ensemble sur le mouvement confraternel dans l’ensemble de la catholicité – laisse bien apparaître la place que l’époux de Marie prend dans la piété au cours du XVIIe siècle. Un premier indicateur fourni par cette source est celui de la fête principale des confréries, chacune d’entre elles choisissant la date du calendrier à laquelle elle souhaite faire bénéficier ses membres de l’indulgence plénière annuelle qui fait partie des bénéfices spirituels qu’apporte le bref. Or, la fête de saint Joseph fait partie de celles qui sont le plus fréquemment choisies : elle arrive en troisième place, immédiatement après la Fête-Dieu et l’Assomption, c’est-à-dire deux solennités puissamment ancrées dans le calendrier liturgique et dans la dévotion. Le second indicateur est celui des titulatures des confréries. Alors que la gamme des dénominations est considérable, reflétant l’extraordinaire foisonnement des objets de la piété dans le catholicisme tridentin, le patronage de saint Joseph est régulièrement mentionné dans au moins 4% des titres à partir du milieu du XVIIe siècle et atteint même 4,5% à la charnière des XVIIe et XVIIIe siècles23. Dans la mesure où les confréries qui sollicitent un bref sont souvent de création récente, la forte présence de Joseph dans ce corpus suggère un ample mouvement de dévotion pour le saint tout au long des deux siècles ; la place occupée par cette titulature dans le premier échantillon étudié démontre que le phénomène a nécessairement déjà plusieurs décennies d’existence au milieu du XVIIe siècle24. 22 Pour une analyse détaillée des typologies et des « contaminations », on se reportera, dans le présent volume, à la communication de Françoise Hernandez. 23 Cette évaluation ne tient pas compte des titulatures liées à la dévotion à la Sainte Famille, dévotion différente de celle à saint Joseph. 24 Pour des raisons de classement de la documentation, l’enquête ne débute qu’en 1653 lorsque les brefs d’indulgences des confréries font l’objet de registres séparés.

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Dans le corpus des brefs d’indulgences, pour l’ensemble des confréries dont la titulature renvoie à saint Joseph, celles qui l’associent aux agonisants ou à la bonne mort sont minoritaires. On pourrait certes émettre l’hypothèse que les brefs rapportent de manière incomplète la dénomination des confréries auxquelles ils sont adressés, ce qui conduirait à une disparition de la mention de saint Joseph lorsqu’il est associé à d’autres dévotions. Mais l’examen de la liste générale des titulatures rencontrées suffit à se convaincre que la Secrétairerie des brefs retranscrit assez méthodiquement des dénominations longues et complexes, associant parfois quatre, cinq, voire six patronages ou dévotions. De surcroît, la répartition géographique des confréries associant Joseph aux derniers instants de la vie que met en évidence l’étude des brefs est conforme, dans ses grandes lignes, à celle que permettent de dessiner les registres de l’archiconfrérie des agonisants : l’Italie septentrionale et le Sud-est de la France prédominent toujours, même si le Nord-est de l’Italie (provinces ecclésiastiques d’Aquileia, Côme, Trente) est mieux représenté ici que la partie occidentale, qui se détache dans les agrégations à l’archiconfrérie. C’est donc tout le Nord de l’Italie qui semble connaître une rapide diffusion du culte de saint Joseph comme patron que la Bonne Mort, les différences n’intervenant que dans les procédures d’obtention des indulgences. Si l’on raisonne à partir de l’ensemble des confréries qui se réclament de saint Joseph, et non plus seulement sur celles qui sont tournées vers les fins dernières, la géographie qui s’esquisse est sensiblement différente de celle qui vient d’être évoquée. Dans une première période, leur terre d’élection est la France : avec 46% du total, ce pays distance nettement la péninsule ibérique, le monde germanique et même l’Italie. Par la suite, la part de la France demeure toujours élevée à l’intérieur de l’ensemble, le minimum se situant à 14% au cours de la période 1691-1705 (graphique 2). Le suivi chronologique de la répartition spatiale des confréries bénéficiaires d’un bref montre une diffusion par étapes à partir du foyer français. L’Italie et la « dorsale catholique » (des Pays-bas méridionaux à la FrancheComté) sont très présentes dans les brefs des décennies 1670 et 1680 ; puis le monde germanique est touché à son tour par le phénomène, qui connaît là son plus ample développement à la charnière des XVIIe et XVIIIe siècles. Les années 1720, pendant lesquelles l’Allemagne demeure à un niveau assez élevé, marquent surtout une reprise du succès des confréries de saint Joseph en France et en Italie, où elles sont alors le plus fréquemment tournées vers la piété en faveur des agonisants. La Pologne, enfin, après une croissance régulière, arrive à sa plus forte présence dans l’ensemble après 1758.

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une place honorable dans cet ensemble réduit, en raison de la reprise du culte fondée sur un lien croissant entre le saint et la piété en faveur des agonisants. Le second modèle, qu’illustre le cas polonais, est celui d’une réforme catholique tardive mais puissante ; la promotion de saint Joseph ne commence que dans les dernières décennies du XVIIe siècle ; mais, dans un contexte où l’offre dévotionnelle globale est sans doute moins diversifiée que dans les contrées plus occidentales, la dévotion au père terrestre de Jésus se fait massive au cours du siècle suivant et épouse profondément le renouveau de la piété, ce que traduit la vitalité confraternelle (à la mi-XVIIIe siècle, le nombre global de brefs accordés à la Pologne est très élevé). Une recherche plus précise des foyers qui jouent un rôle actif au moment de l’origine de la dévotion conduit à se tourner prioritairement vers la France en raison de la place qu’elle occupe dans les brefs. De fait, les sources permettent d’identifier plusieurs pôles du nouveau culte, particulièrement actifs à partir de 1630 environ. Dans La dévotion de saint Joseph, qu’il publie à Paris en 1631, le feuillant Pierre de Sainte-Marie donne les statuts de la « Société du glorieux saint Joseph » établie dans le monastère parisien de l’ordre ; fondée en 1626 par le duc César de Vendôme et sa femme Catherine de Lorraine, elle dispose d’une chapelle à partir de 1628 ; la reine Anne d’Autriche s’y fait enrôler en 1629. Tout semble indiquer que cette confrérie, au-delà de ses fonctions pieuses, constitue le support d’un réseau aristocratique, peut-être construit sur l’opposition à Richelieu25. En diverses localités de Provence, de leur côté, les carmes fondent des associations intitulées « Monts spirituels de piété », qui regroupent aussi des dévots de saint Joseph ; il est difficile de situer leur origine avec précision, mais les plus anciennes sont antérieures à 164226. Dans son Modelle du mesnage heureux, ouvrage de 1633, le chanoine Dognon mentionne pour sa part une association de piété fondée à Reims en 163227. Surtout, l’ouvrage met sur la piste d’un foyer plus ancien, situé hors de France, celui des Pays-Bas méridionaux, en évoquant la confrérie érigée à Gand, « il y a quelques années », dans laquelle se sont inscrits de nombreux princes et prélats. Le manuel de cette association, qui avait été fon-

25 Cette hypothèse est confortée par le fort engagement des feuillants parisiens dans la sphère politique, notamment comme théoriciens du pouvoir. Voir B. Pierre, La bure et le sceptre. La Congrégation des Feuillants dans l’affirmation des États et des pouvoirs princiers (vers 1560-vers 1660), Paris, 2006. 26 G. Sinicropi, Un mont spirituel de piété. L’association de saint Joseph et les carmes déchaux provençaux sous l’Ancien Régime, dans Provence historique, 52, oct.-déc. 2002, p. 435-458. 27 R. Dognon, Le Modelle… cité n. 6, p. 402.

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dée en 1604 par l’Infante Isabelle, est fréquemment réédité au cours de la décennie 1620, indice de sa vitalité et de sa capacité à susciter l’émulation en d’autres villes. De fait, des confréries analogues s’implantent en diverses localités de ces contrées, notamment au couvent des ermites de saint Augustin de Bruges en 1616, chez les observants de Saint-Omer en 1625, ou encore chez les carmes de Tournai en 1628. À la même époque, des fondations ont également lieu en Lorraine, notamment à Nancy en 162228. Les confréries de saint Joseph qui ne privilégient pas son rôle de protection des agonisants trouvent donc leur origine hors de la catholicité méditerranéenne, principalement dans les actifs foyers de la Réforme catholique situés aux frontières du monde protestant, où les ordres religieux font preuve d’un particulier dynamisme. Il est d’ailleurs remarquable qu’au cours des décennies 1620 à 1640, au moment du premier essor de la dévotion, la promotion en soit assurée par un large éventail de familles religieuses. À tous les habits qui ont déjà été évoqués, il convient en effet d’adjoindre encore, sur la base de la liste des auteurs de traités publiés à ce moment, les jésuites ou les franciscains29. Lorsque l’étude fondée sur les brefs saisit les confréries vers le milieu du siècle, le rôle des religieux est déjà comme estompé : les groupements dévots qui reçoivent des indulgences de Rome sont plus fréquemment installées dans des églises paroissiales que dans des couvents. C’est le cas de 43% de ceux qui figurent dans les brefs entre 1653 et 1662, et de 54% de ceux de la tranche chronologique 1676-168430. Les titres utilisés pour désigner ces groupements qui vouent un culte à saint Joseph sans rapport avec la Bonne Mort sont d’une grande variété. On rencontre certes des confréries, mais aussi des

28 La chronologie de ces premières fondations a été en grande partie établie d’après les notes personnelles de Roland Gauthier qui m’ont aimablement été communiquées par le Centre de documentation de l’Oratoire Saint-Joseph de Montréal. 29 On peut ainsi citer Andrès de Soto, franciscain, L’image de chasteté sur la vie et actions de saint Joseph, espoux de la Vierge Marie, 1601 (1re éd., Valladolid, 1593) ; É. Binet, jésuite, Tableau des divines faveurs faites à saint Joseph, Paris, 1634 ; P. de Barry, jésuite, La dévotion à saint Joseph, Paris, 1639 ; J. Jacquinot, jésuite, La gloire de saint Joseph, Dijon, 1644. Sur l’ensemble des traités publiés par des religieux, B. Dompnier, Les religieux et saint Joseph dans la France de la première moitié du XVIIe siècle, dans Ordres, saints et dévotions. France-Pologne, Siècles. Cahiers du Centre d’histoire « Espaces et Cultures », 16, 2003, p. 57-75. 30 Les sièges des confréries se répartissent globalement en trois grandes catégories : les églises conventuelles, les paroissiales et collégiales et, enfin, les oratoires, chapelles ou autres églises indéterminées. Cela signifie notamment qu’avec 43% au milieu du siècle, les églises paroissiales sont déjà à cette date la catégorie la mieux représentée.

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associations ou des monts-de-piété spirituels. Une telle diversité suggère un assez large éventail des motifs du recours au patronage de Joseph comme des pratiques dévotionnelles en usage. Peut-être la première moitié du XVIIe siècle correspond-elle à une phase d’émergence et de mutation de la dévotion, au cours de laquelle aucun modèle ne s’impose encore véritablement. La transformation d’anciennes confréries professionnelles de charpentiers en confréries dévotionnelles pourrait symboliser les bouleversements en cours dans l’ordre des motifs et des formes de l’invocation de saint Joseph31. Il est ainsi remarquable que le premier grand traité invitant à faire une place de choix au père terrestre de Jésus dans la piété, celui du carme espagnol Graciàn de La Madre de Dios, a théoriquement été publié en faveur de la confrérie des charpentiers de Rome, destinataire évoqué dans la préface mais ensuite totalement oublié par cet ouvrage tout entier tourné vers la promotion du culte auprès de l’ensemble des fidèles32. Les patronages dont Joseph se trouve investi au cours de cette période permettent assurément de mieux connaître pour quels motifs les clercs et les fidèles s’adressent davantage à lui. Deux types de recours semblent particulièrement se détacher. Tout d’abord, des confréries sont créées dans des contextes de guerre pour implorer la protection de villes menacées par les opérations militaires ou pour obtenir le retour à la paix. À Saint-Dié, en 1650, les membres de la confrérie créée par le chapitre cathédral disent leur confiance en Joseph et s’engagent dans des œuvres de piété pour « apaiser la justice divine irritée contre [eux], attirer la miséricorde de Dieu sur [leur] patrie, obtenir la paix ». L’année suivante, la brochure publiée à Toul associe la piété à l’égard de Joseph à celle manifestée pour Marie33 ; « que pourrait refuser un Fils si pieux [Jésus] et si puissant,

31 Les attestations explicites de ces évolutions sont rares. On peut toutefois mentionner ici, quoique tardif, un document concernant la confrérie de Camerino en 1758, dans lequel il est indiqué que la nouvelle confrérie de la Bonne Mort a été incorporée à la « Venerabile Compagnia di S.Gioseppe e Università de Falegnami » (ASVR, Agon.). 32 On trouvera des indications sur la confrérie romaine des charpentiers dans I. Lori Sanfilippo, La Roma des Romani. Arti, mestieri e professioni nella Roma del Trecento, Rome, 2001, p. 238. Les archives de cette confrérie sont conservées au Vicariat de Rome (ASVR) et contiennent notamment une esquisse manuscrite d’histoire de la confrérie (vol. 303). Voir à leur sujet L. Fiorani, Storiografia… cité n. 14, p. 308-309. Apparemment, la confrérie a commencé à inscrire des personnes extérieures à la profession à partir de 1526, et le phénomène s’amplifie à partir de 1545 (ibid., vol. 302). 33 Les honneurs rendus à saint Joseph par l’Eglise Cathedrale et Ville de Toul. Avec les Regles de la Confrérie établie sous son invocation, Toul, 1651, p. 38.

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à ses parents qu’il ayme si tendrement ? », demande son auteur, avec la certitude de la puissance de ce double patronage. Pour marque de la dévotion, les diverses églises de la ville se répartissent les jours de la semaine pour célébrer à tour de rôle des messes solennelles à saint Joseph, tandis que les confrères le prient souvent pour la paix, qu’ils travaillent à établir autour d’eux. Dans le contexte de désolation de la guerre franco-espagnole, Joseph semble se substituer à des protecteurs traditionnels, comme porté par la vague de dévotion qui se développe alors en sa faveur. Le second grand motif d’invocation de Joseph apparaît à travers les confréries qui choisissent pour fête principale celle des Épousailles de Marie et de Joseph, dont Gerson s’était fait le promoteur au XVe siècle34. Le père de Jésus est alors considéré comme le patron des époux, au sein de confréries qui sont toutefois souvent exclusivement masculines, comme à La Bresse dans les Vosges. Le chanoine Dognon, qui écrit pour les confréries lorraines, et donc immédiatement voisines, invite de son côté, dans son Modelle du mesnage heureux, à imiter les douze perfections de saint Joseph35. Il est difficile de trouver d’autres indices sur cette orientation dévotionnelle, qui semble n’appartenir qu’à une zone circonscrite à quelques diocèses. Le plus important demeure toutefois de découvrir, à travers ce patronage particulier de saint Joseph, qu’il apparaît aux yeux de certains de ses dévots, dès la première moitié du XVIIe siècle, comme un modèle de vie chrétienne proposé aux laïcs qui demeurent dans le « monde ». Il a en effet pratiqué à la perfection toutes les vertus que les fidèles sont invités à placer au cœur de leur existence, telles que l’humilité ou la chasteté, et son exemple est imitable puisque sa vie est d’abord caractérisée par l’accomplissement discret des tâches quotidiennes, loin des débordements mystiques qui accompagnent la vie spirituelle de certains saints de renom, sans même l’imposition volontaire de mortifications. De la sorte, saint Joseph peut apparaître comme le prototype d’une sainteté accessible à tous, comme le souligne le feuillant Pierre de Sainte-Marie dans un texte déjà cité. L’entrée dans une confrérie qui lui est dédiée, c’est prendre un engagement plus solennel à l’imiter et à modeler son comportement sur celui de ce saint pour cheminer vers le salut, dans l’assurance de sa protection et de son aide. Fondamentalement, le développement de la dévotion à saint Joseph, auquel s’emploient les membres de très nombreuses familles

34 Fixée au 23 janvier par le bréviaire romain, cette fête est célébrée le 22 dans certains diocèses. 35 R. Dognon, Le Modelle… cité n. 6, p. 321 et suiv.

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religieuses, pourrait ainsi s’expliquer par la place qu’il est susceptible d’occuper dans l’entreprise de disciplinement de la société que conduit l’Église à l’âge de la Réforme catholique, dans une double dimension, à la fois spirituelle et morale. À cet égard, le culte de saint Joseph occupe peut-être une place à part par rapport à celui des autres saints, qu’ils soient vénérés depuis longtemps ou proposés à la piété des fidèles plus récemment, dans la mesure où l’image qui en est proposée se trouve parfaitement en phase avec les grands objectifs du catholicisme tridentin36. L’étude des pratiques que les confréries proposent aux fidèles qui s’enrôlent dans leurs rangs devrait permettre de vérifier cette hypothèse. Être dévot de saint Joseph Comme l’ensemble des confréries placées sous le vocable d’un saint, les confréries de saint Joseph invitent généralement leurs membres à honorer particulièrement la fête de leur patron. Ainsi se propose-t-on, comme à Beauvais par exemple, de faire célébrer une messe aux dépens de la confrérie37. À l’Hôtel-Dieu de Gonesse, la confession et la communion sont recommandées ce jour, ce qui permet de gagner l’indulgence plénière38. Souvent aussi, comme dans le cas de Chevron-en-Tarentaise, une procession est organisée le jour de la fête39. Dans certains cas, les célébrations durent plusieurs jours, comme à Castelnuovo, où la confrérie solennise la fête du Patronage de saint Joseph, le troisième dimanche après Pâques, par une neuvaine avec – tous les jours – exposition solennelle du SaintSacrement et récitation de prières. À Troyes, dans les statuts de 1694, les exigences individuelles sont plus importantes : les confrères jeûneront ou s’imposeront une autre mortification la veille, ils communieront, liront la vie du saint ; de plus, ils sont invités à « prier plus qu’à l’ordinaire, et s’occuper saintement le reste de la journée »40. On

36 Évidemment, il faudrait s’arrêter sur la construction de cette image, d’autant plus conforme au message que les clercs souhaitent faire passer que les éléments strictement biographiques sur saint Joseph sont extrêmement réduits. 37 Arch. dép. de l’Oise, G 109 (la confrérie est érigée en 1657). 38 L’establissement de la confrairie de Saint Joseph Espoux de la Sacrée Vierge, dans l’Eglise des Religieux de l’Ordre des Freres Prescheurs, dits Jacobins Reformez, de l’Hostel-Dieu de Gonesse, Paris, 1665, p. 21. À Brentonico (diocèse de Vérone), il est indiqué que ces pratiques doivent être accomplies « implorandum auxilium tempore mortis » (ASVR, Agon.). 39 J. Garin, En Savoie. Une paroisse et une communauté rurale avant la Révolution. Histoire de Chevron, II, Paris, 1912, p. 93-94. 40 Devotion envers Saint Joseph. Avec les Prières du matin et du soir, et celles des Voiageurs, et des Agonizants, Troyes, 1694, p. 9.

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perçoit, à travers ces quelques notations, que les confréries de saint Joseph participent pleinement, avec beaucoup d’autres, au développement de la pratique sacramentelle et de la prière personnelle qui caractérise l’âge de la Réforme catholique41. D’autres pratiques encore sont partagées avec les autres types d’associations pieuses, telle l’expression de la solidarité spirituelle qui accompagne la mort d’un confrère. Dès l’annonce de l’agonie de l’un des membres, chacun est généralement invité à se rendre à l’église ou à prier « en son particulier ». À Castelnuovo, dans le diocèse de Lucques, par exemple, lorsque la cloche est sonnée pour annoncer l’agonie de l’un des confrères, le Saint-Sacrement est exposé solennellement sur l’autel de saint Joseph et des prières sont récitées, en utilisant le livret imprimé à cet effet, afin d’implorer sur le moribond les grâces « che tanto ci sono necessarie per fare un felice passaggio dal mondo all’eternità ». Cela se pratique également à Gonesse, où ceux qui le peuvent accompagnent aussi le SaintSacrement lorsqu’il est porté aux malades42. Puis, lorsque le décès est survenu, prières et messes font partie des obligations43 ; souvent aussi, une messe est célébrée le lendemain de la fête de saint Joseph à l’intention des confrères décédés44. Ce n’est pas par ces pratiques, largement répandues dans le monde des confréries et adoptées par l’ensemble des confréries de saint Joseph, que se singularisent celles qui se consacrent plus particulièrement à l’assistance spirituelle des agonisants. C’est l’extension des destinataires de leurs prières – l’ensemble des fidèles à l’agonie, et non les seuls membres de l’association – qui les range dans une catégorie spécifique. Une première originalité des confréries de saint Joseph pourrait bien résider dans l’intensité des pratiques proposées à leurs membres, surtout en regard des autres associations pieuses placées sous le vocable d’un saint. À Gonesse, dès 1665, il est demandé d’adresser une prière à Joseph matin et soir, en utilisant une « salu-

41 En revanche, la confrérie des charpentiers de Rome limite la solennisation à des manifestations collectives, rapportées chaque année dans le registre de la confrérie ; au 19 mars 1649, par exemple, il est indiqué : « Fu tornata ordinaria dove si fece la festa del nostro Avvocato Sto Giuseppe con l’Apparato come è solito et primo Vespero et Messa Cantata et Molte Messe basse et secondo vespero con Musica il tutto ogni cosa ad honore de Iddio e del nostro Advocato Sto Giuseppe » (ASVR, confr. S. Giuseppe Falegnami, vol. 61). 42 L’establissement de la confrairie… cité n. 38, p. 22. 43 À Brentonico, chacun des confrères doit faire célébrer une messe dans les quinze jours qui suivent le décès de l’un d’eux (ASVR, Agon.). 44 Cette pratique se rencontre par exemple à Rouen (La dévotion… cité n. 20, p. 62).

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tation » calquée sur l’Ave Maria ; de plus, il est recommandé la récitation du petit office une fois par semaine, outre la participation à une procession mensuelle, qui a lieu le troisième dimanche du mois45. À Troyes, les exigences sont très proches : les litanies tous le jours, la récitation hebdomadaire du petit office, le choix d’un jour de la semaine pour honorer particulièrement le saint46. À Rouen, on récite les litanies le mercredi et le petit office le dimanche47. Dans son traité déjà cité, le feuillant Pierre de Sainte-Marie fournit de nombreuses suggestions de prières et de méditations, à propos desquelles il convient peut-être de retenir particulièrement son insistance sur les litanies comme support des prières et des méditations. S’adressant aux dévots, il les leur présente comme un « magasin dont vous pouvez tirer à toute heure, et à toute occasion, de nouveaux sujets d’honorer et de servir le grand saint Joseph et de vous enflammer toujours de plus en plus en sa dévotion »48. Comme le suggère un tel discours, l’abondance des prières proposées constitue le moyen de nouer une relation intime avec le saint, à un degré et selon des modalités qui semblent se rencontrer rarement hors de ce cas. L’expression la plus forte en est peut-être ce vœu à saint Joseph que proposent beaucoup de confréries à leurs membres, comme à Gonesse où le dévot s’adresse au saint en lui demandant de « recevoir mon cœur que je consacre par hommage à vos excellences, par soumission à vos mérites, par reconnaissance à vos bienfaits, et par le devoir de ma profession »49. Parfois, comme à Toul, c’est le jour de l’entrée dans la confrérie que le fidèle prend Joseph comme « premier Patron et principal protecteur », promesse qu’il renouvelle chaque année le 19 mars50. À Troyes, on ne rencontre pas de formule précise, mais chaque confrère est toutefois invité à considérer le saint comme « avocat singulier durant toute sa vie »51. Dans tous les cas, quelle que soit la formule retenue, l’engagement est intense, créant un véritable lien de dépendance à l’égard de saint Joseph en même temps qu’est affirmée une totale confiance en lui. Avec ces confréries, la pratique traditionnelle du vœu retrouve un

45 L’establissement de la confrairie… cité n. 38, p.19-20 et 48. Le choix du troisième dimanche du mois n’est pas sans exceptions, même s’il est assez répandu. À Castelnuovo (diocèse de Lucques), c’est le quatrième dimanche qu’a lieu une exposition solennelle du Saint-Sacrement à l’autel de saint Joseph, avec récitation de prières collectives (ASVR, Agon.). 46 Devotion envers Saint Joseph… cité n. 40, p. 4-5. 47 La dévotion… cité n. 20, p. 62. 48 P. de Sainte-Marie, La dévotion de saint Joseph… cité n. 4, p. 221. 49 L’establissement de la confrairie… cité n. 38, p. 63. 50 Les honneurs rendus à saint Joseph… cité n. 33, p. 99. 51 Devotion envers Saint Joseph… cité n. 40, p. 10.

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sens très fort : la protection attendue s’étend à tous les instants et non à un épisode difficile de l’existence ; en échange, c’est d’un don total de soi qu’il s’agit, assorti d’une vénération quotidienne du saint. Le chanoine Dognon assigne clairement cet objectif aux associations pieuses : Les devots d’un Sainct, dans la Confrerie duquel ils sont associez, sont plus proprement ses serviteurs, que les autres : car ils sont ses domestiques, et les autres ne sont qu’estrangers ; ils sont, comme par profession, et par obligation, ce que les autres ne sont qu’avec liberté. D’où vient que, comme les actions qui se font par vœu, sont estimées plus nobles que les autres, parce qu’en vouant on consacre, et ses actions et sa liberté tout ensemble à Dieu, et qu’on se met en état de ne pouvoir autrement faire. Aussi les exercices de piété, ausquels on s’oblige dans les Confreries, en l’honneur du Sainct, qui en est patron, tirent de cette obligation une bonté particuliere, que les autres n’ont pas, et c’est ce que signifie proprement le mot de devotion, qui originairement ne s’applique qu’aux choses devoüées, et qui sont comme voüées52.

Certes, le discours du chanoine semble avoir une portée générale et valoir pour toutes les confréries. Il n’en est pas moins intéressant que ce soit précisément à propos de la dévotion à Joseph qu’il expose cette conception d’un lien particulièrement fort entre le dévot et le saint par le vœu, d’autant qu’il convient de souligner qu’à la même époque – et peut-être même légèrement antérieurement – se développe également l’usage de vœux collectifs à saint Joseph. Des villes et des villages se placent sous son patronage, notamment dans les régions dévastées par la guerre franco-espagnole au milieu du XVIIe siècle. La fréquence des vœux peut trouver une explication dans l’insistance de la littérature pieuse sur les avantages particuliers du recours à Joseph. Le livret de Rouen, par exemple, théoriquement destiné à une confrérie de la Bonne Mort, propose un discours beaucoup plus général sur la relation que les fidèles peuvent et doivent entretenir avec Joseph, expliquant que lui sont dus honneur, confiance et reconnaissance. Le lien qui unit les fidèles à ce saint est présenté comme sans équivalent, puisqu’il les « regarde comme les serviteurs, les amis et les frères de celui dont il eut l’honneur d’être appellé Père ; […] comme enfans de sa sainte Epouse, et comme des Personnes pour qui il a conservé et sacrifié toute ensemble la vie du Sauveur ». Jamais il ne faut oublier qu’il a « un pouvoir de Père, et d’un Père plein de tendresse pour ses enfans, plein de compassion pour leur misère »53.

52 53

R. Dognon, Le Modelle… cité n. 6, p. 290-291. Paul de Barry, La dévotion… cité n. 29, p. 44-47.

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Un autre trait distinctif de la dévotion à saint Joseph dans les confréries qui lui sont dédiées est la place accordée à l’image comme support de la dévotion. Les statuts de plusieurs d’entre elles stipulent dès leur premier article qu’il convient de posséder une image. Il en est ainsi à Reims, ou encore à Troyes, avec dans ce dernier cas une notation intéressante : le dévot la conservera « dans son oratoire ou sa chambre ou son livre de prières »54. Cette image, qui peut donc être une gravure de petit format (pour pouvoir être conservée dans le livre), est toujours liée à l’espace privé : elle prend place dans un lieu retiré et intime, n’étant pas destinée à une pièce de la maison d’usage collectif. La prescription des règlements de confréries fait écho à d’autres textes traitant eux aussi des images. La plupart des auteurs de traités de dévotion au saint recommandent également d’en conserver une, faisant régulièrement référence à l’usage de Thérèse d’Avila55, et rapportant, pour certains d’entre eux, que la tradition veut que François de Sales n’avait qu’une seule image dans son bréviaire à la fin de sa vie, précisément celle de saint Joseph. Le jésuite Étienne Binet, pour sa part, recommande au dévot quel comportement adopter face à l’image du saint : « Parlez luy privément, comme si vous le voyez en propre personne »56. Indubitablement, l’image revêt donc deux fonctions : d’un côté, selon une conception courante, elle assure de la protection du saint – peut-être plus particulièrement dans l’espace privé – et rappelle en même temps les engagements pris à son égard ; d’un autre côté, l’insertion de Joseph dans l’intimité du fidèle se concrétise par le dialogue familier qui s’engage avec lui grâce au support de l’image. Cet échange est nourri par la méditation, dont la forme rudimentaire est assez souvent constituée de la dévotion aux sept douleurs et sept allégresses de Joseph, qui invite à méditer sur celles-ci pendant la récitation quotidienne de sept Pater et sept Ave, selon le modèle fourni par la pratique du Rosaire. C’est par exemple ce qui est recommandé aux confrères de Camporosso, dans le diocèse de Vintimille57. La place particulière accordée à cette dévotion tient au fait que, comme le souligne Paul de Barry, elle a été enseignée par Joseph lui-même à deux franciscains qu’il a miraculeusement sauvés d’un naufrage. D’une manière plus générale, les ouvrages destinés

Devotion envers Saint Joseph… cité n. 40, p. 3. On sait que dans la langue du XVIIe siècle, le mot « image » peut désigner une représentation en deux ou en trois dimensions. Si l’on peut penser que le conseil donné aux fidèles vise surtout à la possession de gravures, c’est toutefois une statue que portait Thérèse d’Avila avec elle lors des fondations de monastères. 56 É. Binet, Tableau des divines faveurs faites à saint Joseph, Paris, 1634, p. 344. 57 ASVR, Agon. 54 55

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aux confrères contiennent ordinairement des chapitres présentant la vie et les vertus de Joseph pour nourrir leur méditation, mais aussi pour les guider dans la voie de l’imitation des vertus du saint, car tel est bien, de manière évidente, la finalité de la méditation58. À Troyes, où cette pratique est soigneusement recommandée, les confrères sont invités à porter particulièrement leur dévotion sur l’un des mystères de la vie de Joseph59. Quant à la confrérie de Bruxelles, son règlement de 1679 présente ses membres « non seulement honnorants et invoquants saint Joseph comme Patron, mais aussi l’imitants comme exemplaire et modèle de toutes les vertus chrétiennes »60. Apparemment, par ces divers aspects, les livrets des confréries de saint Joseph se distinguent au sein du genre littéraire auquel ils se rattachent, preuve supplémentaire de l’importance de l’intériorité dans la dévotion à ce saint61. On peut aussi rapprocher de ces observations le fait qu’un certain nombre de groupements qui se placent sous la protection de ce saint préfèrent le titre d’association à celui de confrérie, nuance qui – de plus en plus – sert à exprimer la priorité accordée aux exercices individuels sur les manifestations collectives de la piété, à la méditation sur la récitation de formules de prières62. Tel est par exemple le cas du groupement dévot qui fait publier un livret à Rouen en 1721. Toutefois, cette piété incorpore aussi fréquemment une dimension de charité active. À Troyes, les membres de la confrérie sont exhortés à instruire « leurs gens des choses nécessaires à salut », en suivant l’exemple de Joseph, qui a pris soin de l’éducation de Jésus enfant63. À Rouen, chaque confrère est invité à faire l’aumône ou à

58 On notera ici que les confréries de saint Joseph patron des agonisants, lorsqu’elles suggèrent à leurs membres la méditation comme moyen de préparation à la mort, n’évoquent guère saint Joseph dans les textes fournis comme support de la réflexion. Voir par exemple le cas de Rouen, où les dévots sont invités à se préparer à la mort par des exercices spécifiques le dernier mercredi de chaque mois (La dévotion… cité n. 20, p. 82-91). 59 Devotion envers Saint Joseph… cité n. 40, p. 4. 60 Indulgences de la confrerie du Glorieux Patriarche S.Joseph, erigée en l’Eglise Paroissiale de Nostre Dame Finis-Terrae, dans la tres-Noble Ville de Bruxelles, Bruxelles, 1679, p. 6. 61 Voir dans le présent volume la contribution de Philippe Martin, mais aussi son ouvrage, Une religion des livres (1640-1850), Paris, 2003. 62 Dans le présent volume, on trouvera des remarques à ce sujet à propos des confréries des Agonisants et de l’Agonie du Christ dans l’étude de Françoise Hernandez. 63 Devotion envers Saint Joseph… cité n. 40, p. 13-14. Il est aussi recommandé de prendre en charge l’enseignement des prières du matin et du soir à un enfant.

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assister un pauvre au moins une fois par semaine64. La charité à l’égard des pauvres est aussi présentée comme une manière d’honorer Jésus, Marie et Joseph, comme l’enseigne Vincent Ferrier, en rapportant l’histoire de ce marchand de Valence qui, tous les ans, pour Noël, recevait trois pauvres à sa table – un homme, une femme et un enfant – et en fut récompensé à l’heure de son trépas. Enfin, troisième domaine de la charité : l’assistance matérielle et spirituelle des agonisants à laquelle sont invités les confrères. Ce volet complète le précédent : l’imitation de Joseph doit se traduire en gestes concrets, d’autant qu’il est un saint de l’action concrète, à la fois quotidienne et discrète, telle que doit la pratiquer le chrétien. *

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L’étude conjointe des sources sérielles (registres d’agrégations aux archiconfréries, archives de la Secrétairerie des Brefs) met ainsi en évidence l’existence de divers modèles de confréries de saint Joseph, renvoyant à divers modèles dévotionnels. En particulier, à côté des confréries des Agonisants et de la Bonne Mort – et même plus exactement avant elles – naissent des groupements qui proposent Joseph en modèle des époux et de la fonction paternelle, fonction qui était à peu près vacante. Ceux-ci présentent des aspects nouveaux par rapport aux institutions confraternelles traditionnelles, par l’insistance sur la relation personnelle avec le saint, qui se traduit notamment par la place qu’ils accordent à l’image de piété ; la dévotion privée et l’exigence d’imitation occupent une place importante dans leurs objectifs, l’engagement du fidèle se fait par vœu. D’une certaine manière, l’ancien cadre de sociabilité confraternelle, s’il est conservé, se trouve investi de finalités nouvelles. La mutation de confréries de métier en confréries de dévotion trouve sans doute là un cadre interprétatif. Mais il est frappant de constater que les deux types de confréries de saint Joseph semblent réussir très inégalement. Celles où il est vénéré comme patron de la Bonne Mort connaissent un succès croissant, en écho au message de la Réforme catholique sur les fins dernières, sur lequel elles apportent un intéressant éclairage. L’adhésion à ces groupements dévots éloigne la crainte des fins dernières, en donnant l’assurance d’un patronage puissant et efficace, celui d’un saint à qui Jésus a obéi et auquel il ne refuse rien. En revanche, le second type de confrérie – que l’on est tenté d’appeler

64

La dévotion… cité n. 20, p. 62.

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de « pure dévotion » – semble bénéficier d’un succès limité dans le temps et connaître son apogée à l’époque de « l’invasion dévote » qui couvre un grand second tiers du XVIIe siècle, au moment où la littérature dévotionnelle consacrée à Joseph est aussi la plus abondante. Trois hypothèses peuvent être avancées pour expliquer la brève visibilité de cette catégorie de confréries. La première renvoie aux exigences spirituelles qui sont les siennes et qui lui interdisent peut-être une durable implantation hors des élites dévotes, qui semblent bien constituer son premier public. D’un autre côté – et c’est la deuxième hypothèse – ces confréries qui réduisent la part des pratiques collectives peuvent en quelque sorte être mortes de la logique qu’elles portaient en elles ; elles n’auraient ainsi constitué qu’une étape dans la familiarisation avec la dévotion de saint Joseph, qui s’inscrit ensuite toute entière dans la piété individuelle, sans le support de structures confraternelles. Enfin, on peut encore supposer que les confréries de la Bonne Mort, sous le patronage de saint Joseph, en appelant leurs membres à se préparer à la mort tout au long de leur vie, ont intégré la dimension de conformation aux vertus de saint Joseph qui était au cœur du projet de l’autre type de confréries. Quoi qu’il en soit, le mouvement confraternel dans son ensemble traduit à la fois l’irruption d’un culte nouveau du père terrestre de Jésus au XVIIe siècle, dont témoignent aussi d’autres indices, et son extension progressive à l’ensemble de la catholicité. Il rend compte aussi d’une nouvelle relation au saint, à la fois plus intime et plus exigeante moralement. Le succès de la dévotion à saint Joseph repose sans doute sur son aptitude à répondre à de telles attentes. Bernard DOMPNIER Université de Clermont 2 / I.U.F.

FRANÇOISE HERNANDEZ

ÊTRE CONFRÈRE DES AGONISANTS OU DE LA BONNE MORT AUX XVIIe ET XVIIIe SIÈCLES

Être confrère des Agonisants ou de la Bonne Mort au XVIIe siècle signifie d’abord appartenir à un groupe de confréries, inconnu au siècle précédent, qui se distingue par sa volonté d’aider le confrère à bien mourir. Prolongeant et amplifiant les artes moriendi du siècle passé, ces confréries proposent essentiellement à l’affilié une assistance spirituelle pour réussir son passage dans l’au-delà. Elles viennent ainsi compléter le vaste courant dévotionnel des confréries des Fins dernières né à l’époque médiévale : Âmes du Purgatoire, Suffrages, Trépassés ou Fidèles défunts. Ces confréries qui choisissent de s’intituler soit des Agonisants soit de la Bonne Mort ou de l’Agonie de Jésus ont souvent été considérées comme semblables par l’historiographie de l’époque moderne influencée par l’amalgame qui s’est produit au XIXe siècle. Or l’approche sérielle, menée à partir de l’enquête « Confréries, indulgences et dévotions dans l’Europe moderne », portant sur 916 brefs d’indulgences accordés par Rome à ces confréries1, m’a rapidement conduite à m’interroger sur l’existence, non pas d’un seul, mais de deux courants dévotionnels confraternels nouveaux2. En effet, ces deux groupes, bien que voisins, présentent des caractères spécifiques tant dans leurs pratiques dévotionnelles révélées par leur titulature, le patronage et leurs fêtes que dans les rythmes, les espaces et les acteurs de la diffusion.

1 Premiers résultats publiés : M.-H. Froeschlé-Chopard et F. Hernandez, Les dévotions des confréries. Reflet de l’influence des ordres religieux ?, dans Dimensioni e problemi della ricerca storica, 2, 1994, Rome, p. 104-126 ; M.-H. FroeschléChopard, Dévotions et confréries d’après les sources vaticanes (XVIIe-XVIIIe siècles), dans Les Confréries du Moyen Âge à nos jours. Nouvelles approches, Rouen, 1995 (Cahiers du GRHIS, 3), p. 23-40. 2 F. Hernandez, communications sur les confréries des Agonisants et de la Bonne Mort à travers l’enquête sur les brefs les 7 novembre 1996 et 28 mars 1998, Séminaire d’anthropologie religieuse de M-H. Froeschlé-Chopard, EHESS Marseille.

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Pourtant cette source romaine des brefs, riche mais stéréotypée et succincte, ne peut suffire à l’élaboration d’une typologie de ces confréries et de leurs dévotions. Elle doit être complétée par une seconde source romaine, celle des documents relatifs aux deux archiconfréries auxquelles ces confréries se réfèrent ou s’agrègent. Certaines confréries des Agonisants déclarent se rattacher à l’archiconfrérie romaine « de la Nativité de Notre Seigneur Jésus-Christ et des Agonisants », établie à Rome en 1616 et autorisée à recevoir des agrégations en 1622, tandis que les associations de l’Agonie de Jésus et de la Bonne Mort rappellent leur lien avec l’association jésuite romaine dite « de Jésus mourant sur la Croix, de sa mère la Vierge Marie souffrant sous la Croix ou de la Bonne Mort », érigée en 1648 dans l’église du Gesù et devenue archiconfrérie en 1729. Ces association et archiconfrérie romaines ont ainsi défini, avant le milieu du XVIIe siècle, des objectifs et des comportements dévotionnels3. Cependant, l’impossibilité d’affirmer que les modèles dévotionnels et associatifs élaborés à Rome se sont pérennisés en se diffusant dans l’espace et dans le temps a nécessité un recours à une troisième source, plus marquée régionalement, celle des livres de piété édités par chaque confrérie, supports de la dévotion et révélateurs de leurs pratiques. Une première analyse de 39 ouvrages imprimés aux XVIIe et XVIIIe siècles en langue française m’a déjà permis de définir les caractères associatifs, les pratiques et exercices dévotionnels collectifs ou individuels de ces deux courants dévotionnels présents dans l’espace francophone4. Le corpus s’élève actuellement à 57 livres : 22 de la Bonne Mort et 35 des Agonisants5. L’utilisation simultanée de ces trois sources complémentaires doit permettre de comprendre pourquoi l’on est confrère des Agonisants ou de la Bonne Mort, quelles pratiques dévotionnelles

3 Présentation synthétique de ces deux archiconfréries dans V. Paglia, Le confraternite e i problemi della morte a Roma nel Sei-Settecento, dans Ricerche per la storia religiosa di Roma, 5, 1984, Rome, p. 197-220. 4 F. Hernandez, Les confréries de l’Agonie de Jésus et des Agonisants, à la lumière de leurs livrets et manuels, dans La circulation des dévotions, Siècles, Cahiers du Centre d’histoire « espaces et cultures », 12, 2000, p. 29-56. Ces confréries des Agonisants et de la Bonne Mort m’ont aussi servi de terrain d’observation dans l’étude des significations dévotionnelles des associations de fêtes et de titulatures : B. Dompnier et F. Hernandez, Fêtes des confréries, calendrier liturgique et dévotions (XVIIe et XVIIIe siècles), 3e partie, dans M. Venard (dir.), Sacralités, culture et dévotion, Marseille, 2005, p. 171-191. 5 Je remercie les personnes qui m’ont signalé ou aidé à consulter des livres : J.-M. Billé, M. Bouyssou, R.-M. Buis, R. Brès (†), P. Desmette, B. Dompnier, M.H. Froeschlé-Chopard, A.-F. Girard-Geneix, B. Hernandez, P. Lançon, J.M. Matthieu, B. Montagnes, J.-F. Maurel, C.-M. Robion, F. Schwindt, M. Venard.

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sont respectivement mises en œuvre et comment s’est faite leur propagation dans le temps et dans l’espace. DEUX COURANTS DÉVOTIONNELS VOISINS MAIS DIFFÉRENCIÉS Deux réseaux de confréries de création récente Les demandes de brefs d’indulgences du milieu du XVIIe siècle permettent de saisir l’existence de deux réseaux de confréries de création récente ainsi que leurs propagateurs (fig. 1). Le premier sondage portant sur les années 1653-1662 comporte les plus anciens enregistrements de ces confréries des Agonisants et de la Bonne Mort conservés par la Secrétairerie des brefs. Les deux tiers des 120 confréries qui affirment leur volonté d’aider le confrère à bien mourir se définissent comme des confréries des Agonisants, le dernier tiers comme des confréries de la Bonne Mort ou de la sainte Agonie de Jésus. Les liens des confréries ou associations de la Bonne Mort avec la Compagnie de Jésus apparaissent clairement puisque les deux tiers d’entre elles sont installés dans une église jésuite. Peu après la création de l’association romaine de la Bonne Mort dans l’église du Gesù en 1648 par le père Caraffa, les jésuites s’emploient rapidement à constituer un réseau de confréries de la Bonne Mort en de nombreuses villes, en premier lieu dans leurs églises6. Les livres de piété publiés par les associations francophones de la Bonne Mort, jésuites ou paroissiales, rappellent fréquemment la première création du Gesù et l’onde de propagation7. Les confréries des Agonisants appartiennent à un autre courant de création un peu antérieure à celui de la Bonne Mort : aussi sontelles déjà plus nombreuses à demander des indulgences durant cette décennie 1650. Les plus anciennes de ces confréries rappellent dans leurs livres leur agrégation à l’archiconfrérie romaine de la Nativité de Notre Seigneur Jésus-Christ des Agonisants érigée en 1616-1622. Bien qu’installées à 48% dans des églises conventuelles, elles échappent à l’emprise marquée d’un ordre ou d’une congrégation : 9 occurrences seulement pour les Ermites de saint Augustin, 8 pour les Grands Carmes, 8 pour la famille franciscaine. La forte implantation en églises paroissiales ainsi que l’analyse des dossiers de l’archiconfrérie ou des livres et documents produits par les premières

6 7

Archivum Romanum Societatis Jesu (ARSI), Rom. 148, f° 121-124. Évocation dans la moitié des livres de la Bonne Mort étudiés.

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confréries françaises entre 1640 et 1670 révèlent le rôle majeur des évêques et des chanoines dans la diffusion de ces pratiques dévotionnelles. La première confrérie française connue est implantée dans l’église cathédrale de Cavaillon par un évêque romain qui la fait agréger à l’archiconfrérie romaine en septembre 1640. Immédiatement, ces nouvelles confréries commencent à se diffuser dans les églises cathédrales ou collégiales des villes du Sud-Est de la France : à Saint-Genies d’Avignon en décembre 1640, à la cathédrale de Carpentras en 1643, à Notre-Dame des Accoules de Marseille en 1645, aux cathédrales de Toulon en 1650, d’Orange en 1653, de Riez en 1654 ou à Saint-André de Grenoble en 1655, puis en d’autres lieux. Dans chacun de ces diocèses, ces créations sont rapidement imitées tant en églises paroissiales par les curés qu’en églises conventuelles8. Dans l’Ouest de la France, la plus ancienne confrérie connue à ce jour est celle de Notre-Dame des Agonisants érigée par les chanoines de l’église collégiale de Notre-Dame-la-Grande de Poitiers et pourvue d’indulgences par une bulle du 22 septembre 1646, après transformation en confrérie des Agonisants d’une « congrégation de la Sainte Vierge » créée deux ans auparavant9. A partir de cette ville, l’onde se propage rapidement aux diocèses voisins. Ainsi, avec le soutien de l’évêque d’Angers (ou à son initiative), deux missionnaires capucins de Poitiers, les pères Bernardin et Bonaventure, multiplièrent vers 1655-1657 les créations de confréries de Notre-Dame des Agonisants à l’image de celles « déjà érigées dans la ville d’Angers et dans plusieurs autres villes et paroisses de ce diocèse » (demande des paroissiens de Jallais en décembre 1655)10. Les évêques de Tours et de Rennes en 1656, puis de La Rochelle avant 1660 et du Mans en 1667 sont aussi les grands propagateurs de ces confréries des Agonisants. Les statuts concédés par l’évêque de Tours le 10 février 1656 à la confrérie de Luynes, alors que déjà « il y a des compagnies et des sociétés d’agonizans en beaucoup de lieux », se terminent ainsi : « Mandons aux curés et vicaires des Eglises parochiales tant de ladite ville qu’autres voisines en nostre diocese de publier aux prosnes de leurs messes notre présente ordonnance et d’exhorter les

8 Ces renseignements sont tirés du corpus des brefs ou donnés dans F. Hernandez, Les confréries… cité n. 4. 9 Société de Notre-Dame des Agonisants établie premièrement dans l’église royale et collégiale de Notre-Dame-La-Grande de Poitiers… avec les statuts de ladite société… qui a commencé le 8 septembre 1644, Poitiers, 1759, p. 3-12 et 18. 10 Arch. dép. de Maine-et-Loire, 2 F 1 / 4, Jallais. Les créations de ces confréries ont été présentées par F. Lebrun, Les hommes et la mort en Anjou aux 17e et 18e siècles. Essai de démographie et de psychologie religieuse historiques, Paris-La Haye, 1971, p. 457.

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peuples à embrasser cette sainte dévotion »11. De même, l’évêque de Rennes écrit dans un mandement du 1er janvier 1656 : « Avons jugé à propos d’establir dans les paroisses de cette ville [de Rennes] la Confrairie de Nostre Dame des Agonizans […]. Pour cet effet, Nous enjoignons aux Recteurs et Curez desdites Paroisses de convier les Fidelles d’entrer et se faire enroller en ladite confrairie »12. Derrière l’utilisation de formules un peu conventionnelles transparaît la volonté épiscopale d’encourager la diffusion de ces nouvelles pratiques en relayant et en amplifiant l’action des chanoines ou des religieux en mission dans les paroisses. Les religieux identifiés en l’état de nos connaissances, Capucins ou Récollets en ces régions, furent surtout, par leur action missionnaire ou de prédication, des fondateurs de confréries des Agonisants dans les paroisses et non pas des directeurs spirituels sur le long terme, puisqu’ils sont peu enclins à accueillir des confréries dans leurs propres églises13. Les titres des confréries, révélateurs du profil dévotionnel L’analyse des titulatures figurant dans les brefs de la seconde moitié du XVIIe siècle permet de définir les grands contours dévotionnels de ces confréries. Les trois coupes réalisées, 1653-1662, 1676-1684, 1691-1705, appréhendent au total 536 confréries qui affirment vouloir aider le confrère à bien mourir, réparties presque également entre les deux groupes (fig. 2). Les titulatures données par ces confréries lors de leur demande d’indulgences sont le plus souvent multiples et complexes, associant selon les cas deux ou trois, voire quatre vocables comportant l’objet, la dévotion principale et le ou les patronage(s), ce qui les rend riches en enseignements. Les titulatures des confréries de la Bonne Mort, installées tant en églises jésuites (30% de cet échantillon) que paroissiales ou conventuelles, imitent intégralement ou partiellement celle de l’association du Gesù dite « de Jésus mourant sur la Croix, de sa mère la

11 Vive Jésus. Les pratiques et instructions de la confrairie des Agonisans… par le Père Dominique Saymond prédicateur Recolet, Angers, s. d. [1658], p. [11] : livre de la confrérie de la paroisse de Sainte-Geneviève de Luynes (proche de Tours), dont le bref du 30 septembre 1658 est conservé. 12 Le manuel de la confrairie de Nostre-Dame des Agonisans dressé par un PDLCDI en faveur des Associez… en l’Eglise parochiale de Saint Aubin de Rennes, Rennes, 1659, p. V. Le jésuite Georges Fauterel a rédigé cet ouvrage à la demande de l’évêque de Rennes. 13 Dans cette coupe, les Capucins n’accueillent que 2,4% et les Récollets 10% des 204 confréries établies en églises franciscaines (tous types de confréries cumulés).

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Vierge Marie souffrant sous la Croix et de la Bonne Mort », appelée aussi selon une autre formulation utilisée précocement par les jésuites « de la Sainte Agonie de Notre Seigneur Jésus-Christ mourant sur le Calvaire et de la Sainte Vierge Notre-Dame de Douleur instituée pour obtenir une Bonne Mort ». Cette triple et longue titulature n’est cependant employée que par une minorité d’associations (10% des 260 confréries considérées), tandis que la contraction permet d’identifier la dévotion ou la finalité essentielle de la confrérie14. Les jésuites eux-mêmes l’abrégent souvent, ne retenant que deux des trois vocables parmi l’objet de la confrérie (ici la Bonne Mort), la grande dévotion (l’Agonie de Jésus ou Jésus mourant sur la Croix ou quelques dévotions anciennes liées à la Passion comme le Crucifix ou les Cinq Plaies), enfin l’intercesseur privilégié (la Vierge de Douleur, Mater Dolorosa). Dès les premières années, les pères de la Compagnie de Jésus adoptent dans les pays latins la titulature simplifiée de « la Bonne Mort » préférant insister sur la finalité de la confrérie, peut-être pour la distinguer de la confrérie des Agonisants fortement répandue en ces lieux et valoriser la démarche personnelle attendue. Dans les régions plus nordiques, ils mettent l’accent sur la dévotion principale de l’Agonie de Jésus et la Vierge de Douleur intercesseur privilégié. L’attention portée à la Passion du Christ et par conséquent à Marie souffrant sous la Croix, appelée aussi Vierge de la Bonne Mort en quelques régions15, laisse peu de place dans ces titulatures pourtant multiples aux autres mystères de la vie de la Vierge (9 cas) ainsi qu’à d’autres intercesseurs : quelques occurrences seulement pour Joseph (9), les Anges gardiens (3), l’archange Michel (2) ou les saints de la Bonne Mort (Barbe 6, Ursule 3, Alexis 2). Enfin, la faible mention des Âmes du Purgatoire ou des Agonisants atteste que la prière à leur intention n’est pas une priorité de ces associations de la Bonne Mort. Cette titulature complète ou abrégée donne déjà la finalité essentielle de ce courant dévotionnel qui est de conduire l’associé à obtenir une bonne mort en s’y préparant personnellement. Le second courant rassemble des confréries qui pour 95% d’entre elles affichent leur volonté de porter assistance aux agonisants. Les plus anciens livres et les premiers statuts des confréries françaises mentionnent leur agrégation à l’archiconfrérie romaine

14 La comparaison du livre avec le bref conservé dans la source vaticane montre que la confrérie utilise le plus souvent dans l’édition le titre complet comportant les trois vocables jésuites et l’abréviation dans la demande de bref. 15 L’appellation « Vierge de la Bonne Mort » est surtout utilisée dans les diocèses de Cambrai et de Tournai.

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de la Nativité de Notre Seigneur Jésus-Christ des Agonisants reconnue en 1622 et rappellent la finalité de cette archiconfrérie, « laquelle prie pour les âmes qui sont en agonie de la mort »16. Les confréries des Agonisants étudiées dans le corpus des brefs sont nombreuses à ne mentionner que leur objet sans ajouter de dévotion. Une seule adopte la titulature romaine de « la Nativité de Notre Seigneur Jésus-Christ des Agonisants »17, qui a pourtant été imitée par les premières confréries du Sud-Est de la France18. Ce chiffre s’explique par l’évolution rapide de la titulature vers trois modèles dévotionnels répondant mieux à la finalité de ces confréries : Jésus agonisant, la Vierge des Agonisants et Joseph. Dans quelques cas, souvent précoces, le titre glisse de « la Nativité de Jésus » à « Jésus agonisant » ou au « Sauveur agonisant » (8 exemples seulement dans cette partie du corpus19) ou adopte une autre dévotion christologique (Crucifix, Croix, Cinq Plaies, saint Nom de Jésus). L’intercesseur le plus recherché (71 occurrences) est cependant « La Vierge des Agonisants », qui ne correspond pas nécessairement à la Vierge des Douleurs, tandis que les confréries des Agonisants placées sous la protection de Joseph ne constituent qu’un groupe plus limité, 39 cas de ce corpus des Agonisants de la seconde moitié du XVIIe siècle. Enfin, les saints réputés favoriser une bonne mort sont peu présents dans cette liste : 7 occurrences pour Nicolas de Tolentino ou 6 pour les Anges gardiens et saint Michel. Le confrère des Agonisants, dans les heures les plus dangereuses et les plus décisives de sa vie est placé, comme l’associé de la Bonne Mort, sous la protection de Jésus agonisant, de la Vierge, mais ici grâce aux prières des confrères durant son agonie. Les registres d’indulgences et les livres témoignent ainsi de l’appartenance de ces confréries ou associations, aux dénominations voisines, à deux courants dévotionnels différenciés dont les pratiques peuvent être cernées par une étude plus approfondie.

16 Exemples : Règles et statuts de la dévote confrérie des Agonisants érigée dans l’Eglise collégiale et paroissiale de Saint Genies d’Avignon, Avignon, s. d. [1641], p. 1. Caderousse et Sainte-Cécile (diocèse d’Orange) : Arch. dép. du Vaucluse, 5 G 45 f° 794 et 5 G 46 f° 88. 17 Cas d’une confrérie des Carmes de Valenciennes (bref de 1662), à rapprocher d’une confrérie paroissiale de Lille, « des Agonisants sous le titre de la Nativité de Jésus » qui obtient un bref en 1667, cité par P. Desmette, Les brefs d’indulgences pour les confréries des diocèses de Cambrai et de Tournai aux XVIIe et XVIIIe siècles, Bruxelles, 2002, p. 221. 18 Confréries de Cavaillon, d’Avignon (église Saint-Genies) et de Piolenc (diocèse d’Orange), cas connus par leurs archives ou leur livre. 19 D’autres exemples connus par les livres permettent de penser que ce vocable a été plus répandu qu’il n’apparaît ici.

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DIVERSITÉ ET SPÉCIFICITÉ DES PRATIQUES DÉVOTIONNELLES La principale source permettant de dégager les profils dévotionnels de ces deux courants de confréries et de comparer leurs pratiques est celle des livres de dévotion produits par et pour ces confréries. Dans ce corpus de 57 livres de langue française étudiés à ce jour, aucun n’est totalement identique à un autre. Chaque ouvrage qui doit répondre à la finalité et aux besoins spécifiques de l’association est personnalisé par l’introduction des indulgences obtenues, du règlement et des pratiques dévotionnelles variables selon les régions et l’influence des fondateurs. Ce livre que le confrère reçoit ou se procure à son entrée dans la confrérie et qui doit pouvoir être consulté fréquemment se présente sous un petit format, souvent peu volumineux20. Une vie confraternelle très inégale Cette source, envisagée sur le plan historique et non liturgique, révèle que les pratiques dévotionnelles retenues s’inscrivent dans le cadre d’une vie confraternelle très inégale, voire inexistante. L’appellation sous laquelle le groupe se désigne présente plus de fiabilité dans les livres que dans les brefs traités par les secrétaires romains : les fidèles de l’aide aux agonisants font toujours partie d’une « confrérie » tandis que ceux de la Bonne Mort appartiennent le plus souvent à une « association » ou à une « congrégation », très exceptionnellement à une « confrérie ». Ces deux dénominations traduisent deux organisations associatives différentes dont l’analyse statistique des livres rend compte. Les confrères des Agonisants, contrairement aux associés de la Bonne Mort, font toujours imprimer leurs règles et statuts souvent très détaillés qui occupent en moyenne 20% des pages. Ces règlements organisent tout d’abord la gestion de la confrérie : nomination et rôle des dirigeants, tenue de registres d’entrée et de comptabilité, entretien de la chapelle dans l’église d’accueil. Ils définissent aussi les pratiques dévotionnelles collectives et la solidarité envers les confrères mourants ou défunts. La petite cérémonie d’entrée dans la confrérie fait prendre conscience au nouveau confrère de son appartenance à un groupe qui saura lui apporter aide et réconfort dans les heures difficiles de son agonie.

20 On trouvera plus précisément la description du corpus, les tableaux comparatifs des thèmes traités par les deux séries de livres et l’analyse du contenu dévotionnel dans F. Hernandez, Les confréries… cité n. 4. La consultation de nouveaux livres confirme cette analyse.

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Les associés de la Bonne Mort n’impriment aucun règlement, ne font pas mention d’une chapelle propre dans l’église d’accueil, n’organisent pas de cérémonie d’entrée du nouveau venu puisque la démarche reste individuelle. Il suffit de remettre au directeur un billet portant son nom pour être inscrit sur le registre, puis de réciter quelques prières ou de se confesser et de communier. L’associé se joindra ensuite anonymement au groupe pour les exercices collectifs dans l’église. Certains membres de ces associations de la Bonne Mort ne se rencontrent jamais puisque les exercices mensuels peuvent être effectués à domicile ou au couvent. Au cours du XVIIIe siècle, cette faiblesse ou dans certains cas l’absence de vie confraternelle est parfois dénoncée. Un exemple est fourni par le livre de l’association jésuite de la Bonne Mort de Fribourg en Suisse qui évoque une première création : la congrégation « qu’on avait érigée en cette ville l’an 1694 sous ce même titre n’étant qu’associée à celle de Vienne en Autriche et n’ayant aucun exercice publique ne sembla pas assez répondre à sa fin. On en souhaitait une qui, subsistant par elle-même, fut associée immédiatement à celle de Rome ». Ce fut chose faite en 176421. Un autre exemple confirme l’existence de ces réseaux d’associations qui se réduisent à une simple mais grande communauté de prières. Les pères Camilliens de Milan (dits de la Croix Tané) obtiennent le privilège d’agréger à leur confrérie de la Bonne Mort installée dans leur église de Milan, entre juin et août 1736, toute personne qui le souhaite, « avertissant châcun qu’en faisant inscrire le chef de famille, seront entendu inscrits tous ceux de la famille jusqu’au troisième degrez ». Parmi ces fidèles qui devront pratiquer les exercices et « seront participans de toutes les œuvres méritoires » s’inscrivent de nombreux habitants des villages de Rebeuvilier et de Vermes dans le diocèse de Bâle, qui en raison de l’éloignement ne peuvent que profiter d’une communauté de prières22. L’associé de la Bonne Mort entre ainsi dans une simple assemblée de fidèles réunis pour suivre et pratiquer les mêmes exercices dévotionnels, à l’imitation de la congrégation romaine de la Bonne Mort que Vincenzo Paglia définit comme « une dévote assemblée de personnes pieuses » sans règles confraternelles23.

21 Reglemens et pratiques de piété pour les associés de la congrégation de la Bonne Mort érigée sous le titre et la protection de Jésus agonisant et de sa très douloureuse Mère, dans l’église de la Compagnie de jésus à Fribourg en Suisse l’an 1764, 6e édition, 1813, p. 4. 22 Arch. par. de Vermes, canton du Jura (Suisse). Je remercie J. Schaller d’avoir porté à ma connaissance ces documents et P. Vismara pour les renseignements sur les Camilliens de la Croix Tané de Milan (couleur de la croix figurant sur l’habit des Camilliens). 23 V. Paglia, Le confraternite… cité n. 3, p. 206.

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Les pratiques dévotionnelles révélées par les livres de confréries L’idée d’une nécessaire préparation à la mort est présente dans tous les livres, mais elle s’oriente vers deux attitudes assez éloignées : fournir une aide aux agonisants pour bien mourir ou (et) se préparer soi-même, durant toute sa vie, à faire une bonne mort. La solidarité avec les agonisants est l’objectif premier de toute confrérie dite des Agonisants pendant deux siècles, « laquelle n’a pour fin que de prier pour les agonisants » écrivent de nombreuses confréries. La prière est à la fois collective et individuelle, régulière et occasionnelle lors de l’agonie d’un confrère qui constitue le temps dévotionnel collectif essentiel. Les confrères s’assemblent à l’occasion des grandes fêtes de la confrérie et assez souvent une fois par mois ou par semaine pour prier pour les agonisants, tandis qu’un sermon vient édifier le confrère plus exceptionnellement. Lors de l’agonie d’un des leurs, la sonnerie de la cloche rassemble les confrères qui le peuvent pendant un temps qui n’excède pas trois heures, en mémoire des trois heures de l’agonie de Jésus sur la Croix. Sous la conduite du directeur spirituel qui a exposé le Saint Sacrement commence la récitation des prières pour les agonisants, avant que la bénédiction du Saint Sacrement ne termine la célébration. Aussi le confrère qui sait lire doit-il trouver dans son livre toutes les prières, oraisons et litanies qu’il est censé réciter ou chanter en assemblée à l’église ou chez lui. En conséquence, cette rubrique est la plus importante en nombre de pages (en moyenne plus de 50%) dans la majorité des livres des confréries des Agonisants. Que la démarche soit collective ou individuelle, le confrère prie toujours pour l’agonisant et non pour lui-même : « je vous prie pour lui (ou pour elle), je vous recommande l’âme de (suit le nom) ». Contrairement aux confréries des Agonisants, les associations de l’Agonie de Jésus et de la Bonne Mort ne privilégient pas la solidarité durant le temps de l’agonie. Aucune sonnerie de cloche ne rassemble les associés à l’église lors de l’entrée en agonie d’une personne. Dans quelques cas seulement, une sonnerie de cloche rappelle chaque soir la nécessité de recommander son âme à Dieu – la sienne en premier – et celles des agonisants24.

24 Exemple : Association sous le titre de la Sainte Agonie de Nostre Seigneur Jesus-Christ mourant sur le Calvaire et de la Sainte Vierge Nôtre-Dame de Douleur, instituée pour obtenir une bonne Mort, et erigée en l’Eglise des Pères de la Compagnie de Jésus à Arras, Arras, 1683, 5e édition, p. 24 « je vous recommande mon âme et je la mets entre vos mains. Je vous recommande les Ames de tous les Agonisants et principalement celles des associés ».

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En revanche, se préparer longuement à la mort constitue la préoccupation essentielle du confrère de l’Agonie de Jésus et de la Bonne Mort et doit occuper tous les instants d’une vie, ce qui n’étonnera pas puisque la pastorale de l’Église a insisté dès le XVIe siècle sur cette nécessité. La plupart de ces associations organisent pour leurs membres des exercices collectifs mensuels ou hebdomadaires de préparation à la mort, d’inspiration ignatienne, sous la conduite d’un jésuite ou d’un autre directeur. Après une confession et une communion, puis une prédication, alternent oraisons, prières et méditations sur la mort, sur les péchés, sur l’extrême-onction à recevoir en esprit, sur les grandes dévotions de l’association, la Passion et l’agonie de Jésus ou sur le nécessaire recours à quelques grands intercesseurs. Cette préparation orchestrée collectivement doit être prolongée par des exercices individuels contraignants, véritables travaux pratiques eux aussi d’inspiration ignatienne, où l’on imagine en pensée le temps de sa maladie, de son agonie, de l’extrême-onction et de sa mort. En conséquence, les pages d’exercices, d’explications et de commentaires dominent très largement dans tous les livres de ces associations au XVIIe siècle tandis qu’au cours du siècle suivant, les prières et oraisons prennent plus d’importance. Pour tous les temps de prières, collectifs ou individuels, le livre propose une formulation de la prière ou de l’oraison au profit de l’associé et non plus d’un ou des agonisants. Ce recours limité à l’entraide spirituelle et l’insistance mise sur la pédagogie de la préparation de sa propre mort expliquent la faiblesse de la vie confraternelle qui se dégage des livres des associés de la Bonne Mort. Cependant, dès le milieu du XVIIe siècle, certains confrères des Agonisants utilisent aussi de véritables manuels de préparation à la mort, où exercices et méditations dominent. Mais cette préparation longue et exigeante, vulgarisée par le clergé séculier25 et les grandes familles religieuses26, n’est proposée en exercices collectifs ou indivi-

25 En exemple, le modeste livret de la petite communauté rurale de Grignan (diocèse de Die) qui conduit le confrère à réfléchir, durant 30 pages, aux trois grands moments de la préparation à la mort : Livre des règles et pratiques de la confrérie des Agonisans érigée et établie dans l’Eglise collégiale de Saint-Sauveur de la ville de Grignan, Bourg-Saint-Andéol, 1741. 26 Des manuels de confréries des Agonisants proposant une longue préparation à la mort sont rédigés par un récollet pour la confrérie de Luynes au diocèse de Tours, par un jésuite pour celle de Rennes. D’autres ouvrages exigeants dont les auteurs restent inconnus sont imprimés pour des confréries installées chez les Grands Carmes de Cahors et de Montauban (ouvrages presque semblables), chez les Trinitaires de Meaux, chez les Cordeliers de Muret. En revanche, les confrères des Agonisants du séminaire de Dijon tenu par les Oratoriens ne disposent dans leur livre d’aucune méditation ou préparation à la mort.

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duels qu’à un petit tiers des confréries des Agonisants étudiées par leurs livres. Au-delà des différences nettes entre leurs deux pratiques dévotionnelles, ces deux familles de confréries proposent des itinéraires diversifiés, à niveaux progressifs dépendant certes du degré d’instruction mais aussi de l’aptitude dévote du confrère. Le premier niveau, présent dans les deux groupes, est celui de la démarche dévotionnelle collective sous la conduite du directeur spirituel qui fait souvent appel à la pédagogie des sens et de l’émotion, tout en conservant la finalité propre de chaque courant. Au XVIIe siècle cependant, les livres des Agonisants contiennent tous le texte des pratiques dévotionnelles collectives tandis que les livres de la Bonne Mort les ignorent. Le deuxième niveau de l’itinéraire conduit le confrère à développer sa piété individuelle, en pensant à sa mort comme à celle des agonisants, au cours de petits exercices, proposés par presque tous les livres étudiés : la place qui leur est réservée est souvent minime. Enfin, seule une élite lettrée et dévote peut accéder à l’oraison et à la méditation par des exercices contraignants que tous les livres de la Bonne Mort et une minorité de ceux des Agonisants proposent. Pourtant, à partir des années 1730-1740, les nouveaux livres des deux courants deviennent plus accessibles et moins volumineux : l’ampleur et les difficultés des méditations et des exercices individuels sont considérablement réduites. Les auteurs cherchent alors à s’adresser non plus à une élite dévote mais à un large public pour qui le livre ne peut être l’outil essentiel de la préparation à une bonne mort comme il le fut au XVIIe siècle pour certaines confréries. La participation aux assemblées de la confrérie devient indispensable et le rôle du directeur spirituel primordial pour orienter les exercices privés. Significations dévotionnelles des associations de fêtes et de titulatures L’étude du calendrier festif fourni par la source des brefs permet de compléter le profil dévotionnel de ces deux courants de confréries aidant à bien mourir. La relation entre fêtes et titulatures peut être analysée pour 53% des confréries des Agonisants et 33% de la Bonne Mort dans la seconde moitié du XVIIe siècle. Une rapide approche fait apparaître une grande dispersion des fêtes, ainsi que d’assez fortes différences de choix (fig. 3). Notons tout d’abord que les fêtes de la Toussaint et des Défunts, privilégiées par les confréries des Âmes du Purgatoire ou du Suffrage ou des Défunts, sont ici délaissées, signe que les confrères des Agonisants et de la Bonne Mort renoncent à la prière indifférenciée pour l’ensemble des morts et recherchent un secours spirituel pour la mort individuelle.

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Le confrère de la Bonne Mort est beaucoup plus souvent invité à méditer sur le mystère de la Passion, source de Rédemption, et à s’adresser directement à Dieu et à son Fils pour préparer à long terme son agonie et sa mort. Le trait novateur est visible dans la prédominance du dimanche de la Passion qui confirme l’importance de la dévotion à Jésus agonisant, forme rénovée de la mystique de la Passion largement répandue au XVIIe siècle. Le choix de cette fête et les exercices individuels qui lui sont associés invitent le confrère à méditer sur les paroles du Christ souffrant et agonisant, plus que sur les souffrances elles-mêmes, les plaies ou les instruments de la Passion27. Les confréries qui adoptent le dimanche de la Passion sont surtout situées dans les régions de reconquête catholique de l’Europe centrale. En revanche, la désignation des fêtes de la Croix qui sont préférées dans l’ensemble du corpus des brefs par des confréries à dévotions anciennes comme la Croix, le Crucifix ou les Cinq Plaies pourrait traduire ici une volonté d’enraciner les nouvelles pratiques dévotionnelles de la préparation à une bonne mort sur les dévotions médiévales à la Croix ou aux Cinq Plaies28. L’existence de titulatures multiples adjoignant ces dévotions anciennes confirme cette hypothèse. Quarante pour cent des confréries de la Bonne Mort se confient par leur fête à un intercesseur, protecteur et modèle pour le passage vers l’au-delà. Les fêtes de la Vierge de douleur, pourtant intercesseur privilégié que mentionne la titulature, sont rarement sélectionnés sans pour autant que le choix se reporte sur les grandes fêtes de la Vierge29. Les saints réputés de la Bonne Mort dont saint Joseph (en Italie seulement) n’ont qu’une place modeste, à l’image de celle qui leur est réservée dans les livres, au troisième rang après Jésus mourant et la Vierge de Douleur.

27 Sur le passage d’une spiritualité sensible à la douleur physique à une mystique plus attirée par les souffrances morales et spirituelles de Jésus : F. Di Bernardo, Passion (Mystique de la), dans Dictionnaire de Spiritualité, XII, 1984, c. 312-338 et A. Rayez, Humanité du Christ (dévotion à la Passion), ibid., VII, 1969, c. 1070-1073. 28 Hypothèse émise par L. Châtellier pour les confréries de l’Agonie du Christ de Sélestat et Haguenau en Alsace ou Ottersweier en pays de Bade, dans Tradition chrétienne et renouveau catholique dans l’ancien diocèse de Strasbourg (16501770), Paris, 1981, p. 186-192 et L’Europe des dévots, Paris, 1987, p. 220-222. Le bref de cette confrérie de Sélestat de 1655 (qui est inclus dans le corpus étudié ici) fixe la fête principale à l’Invention de la Croix. 29 Quelques occurrences au vendredi de la troisième semaine après Pâques (la plus ancienne fête de la Vierge de douleur) ou à la Vierge des sept douleurs du vendredi de la Passion. Les grandes fêtes solennelles de la Vierge – Assomption, Nativité, Visitation, Purification – sont principalement élues par des confréries françaises et italiennes.

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Quant aux confrères des Agonisants, ils continuent de rechercher fortement (à 70%) le soutien d’un intercesseur protecteur et modèle dans les heures difficiles du passage de la vie à la mort. En corrélation avec les titulatures, le choix se porte principalement sur les fêtes solennelles anciennes de la Vierge (Assomption, Nativité, Annonciation ou Vierge des Sept Douleurs du vendredi de la Passion) tandis que sont absentes les fêtes plus novatrices de la Conception ou de la Vierge des Douleurs du mois de septembre. Ces choix donnent un côté un peu archaïsant à ces confréries mariales des Agonisants et suggèrent encore un enracinement de nouvelles pratiques sur d’anciennes30. Ces confréries des Agonisants participent pourtant aussi à la diffusion de dévotions nouvelles. Celles qui se placent sous le patronage de Joseph ou Joseph agonisant et élisent la fête de ce saint sont beaucoup plus nombreuses que celles de la Bonne Mort. En cette seconde moitié du XVIIe siècle, et plus encore au XVIIIe siècle, Joseph – comme y invite l’apocryphe qui rapporte son agonie – apparaît dans les brefs comme un protecteur de l’agonisant plus que du confrère préparant sa mort lointaine. La place qui lui est faite est en relation assez directe avec celle qu’occupe l’agonie du confrère dans ces associations. Le corpus des brefs, pourtant source succincte, révèle aussi le comportement dévotionnel particulier et minoritaire de certaines confréries des Agonisants. Le choix du dimanche de la Passion comme fête principale associé à la titulature « Jésus agonisant » veut pousser le confrère à préparer sa propre mort par une démarche personnelle et à méditer sur le mystère de la Passion, interprétation qui est confirmée par la consultation de livres de ces confréries citées dans les brefs31. Enfin, certaines fêtes bien que peu fréquentes, telles Noël ou l’Épiphanie, rappellent que cet ensemble dévotionnel des Agonisants fut en ses débuts à Rome et en quelques autres lieux placé sous le titre de la Nativité de Jésus avant une rapide inflexion vers Jésus Agonisant ou vers Joseph ou vers la Vierge32. 30 Rappelons la transformation de la congrégation de la Sainte Vierge de Poitiers en confrérie de Notre-Dame des Agonisants en 1646. 31 À titre d’exemple, le livre très exigeant : Reglemens et offices de la confrairie de Jesus Agonizant, etablie… en l’Eglise paroissiale de S. Sauveur… de La Rochelle, La Rochelle, 1697. Cette confrérie obtient le 3 juillet 1696 un bref d’indulgences qui fixe la fête principale au dimanche de la Passion. 32 Ainsi, la confrérie des Agonisants de Saint-Genies d’Avignon, une des deux premières confréries créées en France en 1640, abandonne la fête de Noël (livre de 1641) au profit de celle de saint Joseph (livre de 1721).

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Les confréries italiennes de ce courant ne représentent pourtant, dans cette source, qu’une part assez faible (15%), alors qu’elles constituent la grande majorité des adhésions à l’archiconfrérie romaine des Agonisants33. Les demandes de brefs, comme les affiliations à l’archiconfrérie, émanent le plus souvent de confréries paroissiales situées en Italie septentrionale et dans les États de la papauté. Les fondateurs de ces confréries italiennes ont cherché, par l’utilisation fréquente de titulatures multiples ou par le choix de la fête, à enraciner ces nouvelles pratiques d’assistance aux agonisants sur d’anciennes dévotions, telles les suffrages pour les Âmes du Purgatoire ou la dévotion à la Croix. La source des brefs fait aussi apparaître, dès le milieu du XVIIe siècle, le rôle novateur de ces confréries italiennes dans la propagation du culte de « Joseph agonisant » devenu protecteur des agonisants34. Cependant, l’espace de prédilection de ces confréries des Agonisants se situe dans le royaume de France, avec 66% du corpus des brefs accordés à celles-ci (fig. 5, 6 et 7). Ce courant qui se répand dès 1640 à partir d’Avignon et de sa région connaît une extension rapide et remarquable jusqu’au premier tiers du XVIIIe siècle. Installées dans de nombreuses paroisses à l’instigation du clergé et des religieux, ces confréries dominent largement le créneau dévotionnel de l’aide à mourir, ne laissant que peu de place à de nouvelles confréries de préparation plus individuelle à une bonne mort. L’essor des confréries des Agonisants a été favorisé par la volonté de vulgariser ces nouvelles attitudes d’assistance aux agonisants et d’aide à bien mourir, en utilisant un cadre dévotionnel traditionnel encore marqué par des pratiques médiévales : organisation confraternelle, utilisation d’une chapelle propre, expression dévotionnelle collective marquée, entraide spirituelle rédemptrice35. Le recours à un protecteur privilégié, qui varie selon leur implantation géographique, constitue une autre originalité de ces confréries françaises, confirmée par les trois sources documentaires

33 Les demandes d’indulgences à l’archiconfrérie émanent, au XVIIIe siècle, à 85% de l’Italie : B. Dompnier, Réseaux de confréries et réseaux de dévotions, dans La circulation des dévotions, Siècles, Cahiers du Centre d’histoire « espaces et cultures », 12, 1, 2000, p. 9-28, et communication sur l’archiconfrérie des Agonisants, novembre 1989, séminaire d’Anthropologie religieuse de M.-H. FroeschléChopard, EHESS Marseille. 34 Sur cette question, voir dans ce même volume la contribution de B. Dompnier. 35 C. Vincent, Les confréries médiévales dans le royaume de France. XIIIe-XVe siècles, Paris, 1994.

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teurs profitent de l’enracinement populaire et du grand renouveau de la dévotion mariale après les négations protestantes et l’iconoclasme36. L’argumentaire des premières confréries des années 1640-1660 insiste sur les miracles obtenus par l’intercession de la Vierge pendant les guerres de religion (ainsi lors de l’échec du siège de Poitiers par les protestants en 1569) et sur l’excellence et la variété des bienfaits du culte marial. Puisque seule la Vierge offre toutes les protections, le confrère peut « obtenir par son intercession la grâce de bien mourir », d’autant que « l’Église […] veut que nous ayons recours à la plus puissante et à la plus efficace de toutes les intercessions, qui est celle de la Mère de notre Dieu, qu’elle veut que nous honnorions comme la porte du Ciel »37. En revanche, dans le Sud-Est de la France et dans quelques diocèses de l’Est, en particulier celui de Langres, le grand protecteur et le modèle des agonisants est Joseph. Dans les régions méridionales voisines de l’Italie, le culte de Joseph protecteur universel et patron de confréries de métier était déjà bien présent dès les années 1630-1640. Aussi, « Joseph agonisant » ou « Joseph » devient-il rapidement dès les années 1650 et comme en Italie l’intercesseur privilégié des agonisants, ce qui conduit à une reconversion d’anciennes confréries de métier38. Enfin, la protection de Nicolas de Tolentino est recherchée par les confréries françaises des Ermites Augustins qui semblent avoir profité de l’attrait des confréries des Agonisants pour rénover d’anciennes confréries et promouvoir le grand saint de l’ordre39.

36 Sur le renouveau des dévotions mariales, Marie (Sainte Vierge) dans Dictionnaire de Spiritualité, 10, Paris, 1980, c. 406-482. 37 Société de Notre-Dame des Agonisants établie premièrement dans l’église royale et collégiale de Notre-Dame-La-Grande de Poitiers… avec les statuts de ladite société…qui a commencé le 8 septembre 1644, Poitiers, 1759, p. 18-19. Citations extraites de Exercice de dévotion pour les personnes associées à la confrerie de Nôtre-Dame des Agonisans erigée dans l’eglise paroissiale de Nôtre-Dame de la Dalbade, Toulouse, 1743, p. 6-7. 38 Exemples donnés dans M.-H. Froeschlé-Chopard et F. Hernandez, Les dévotions… cité n. 1, p. 107-108. 39 À Reims, l’ancienne confrérie de saint Nicolas de Tolentino a été transformée en confrérie des Agonisants sous l’invocation des Cinq Plaies et de saint Nicolas de Tolentino lorsqu’elle obtient un bref le 18 mai 1655 ; voir aussi S. Simiz, Confréries urbaines et dévotion en Champagne (1450-1850), 2002, p. 166 et 229. Sur les 38 confréries de saint Nicolas de Tolentino présentes dans l’ensemble du corpus, les 7 associées à l’aide aux agonisants sont des confréries françaises, tandis que les autres sont surtout situées hors de France. Dans le livre d’une de ces confréries, la place faite à Nicolas de Tolentino dans les pratiques dévotionnelles d’aide aux agonisants reste limitée : Institution de la très-célèbre et importante confrerie des Agonisans, en l’église des Augustins réformés de la ville d’Amiens, sous l’invocation de saint Nicolas de Tolentino, Douay, 1702.

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D’après la source vaticane, les confréries des Agonisants n’ont connu qu’une expansion limitée et tardive dans les Pays-Bas méridionaux et l’archevêché de Cologne (entre 1680 et 1730)40. Un petit réseau original de confréries, connu seulement par les livres de piété, s’y est aussi développé sous le titre de « confrérie électorale de saint Michel Archange pour les Agonisants » érigée sur l’initiative de l’archevêque de Cologne à Joseph-Bourg en Bavière et à Freisingen en 1693, avant d’être propagée entre 1696 et 1706 dans les diocèses de Cologne, de Liège et dans les régions voisines (dont Lille). Dans le livre qu’elles utilisent, l’aide aux agonisants par la prière, bien que présente, reste pourtant très secondaire aux yeux des fondateurs, ce qui permet d’expliquer la titulature réduite à « saint Michel archange » dans les 11 brefs reçus par ces confréries, par conséquent absentes de notre corpus des Agonisants41. La titulature donnée à la secrétairerie des brefs rend compte d’une absence d’orientation spécifique et non d’une amputation par omission : une nouvelle fois, la fiabilité de la source vaticane est confirmée. Les associations de la Bonne Mort Les livres de piété des associations de la Bonne Mort évoquent une diffusion rapide dès les années qui suivent la création de l’association romaine du Gésu : « Cette confrerie commença à Rome dans l’Eglise de la Compagnie de Jesus l’an 1648. La dévotion des peuples repondant au desir du Saint Siége, elle s’etendit dans l’Italie, de Rome à Naples, au Royaume de Sicile, à Milan et en plusieurs fameux lieux »42, puis « elle s’étendit en Allemagne à la requête de l’Impératrice Eleonore veûve de Ferdinand II, en France, en Espagne, en Pologne, en Flandre et généralement presque par tout le monde »43. Cette rapidité de propagation en Europe est confirmée

40 Ces confréries présentent les mêmes caractères que la majorité des confréries françaises, comme en témoigne le livre de la confrérie de la Vierge des Agonisants de Chastelet (diocèse de Namur) édité en 1756. 41 Les confréries de l’archange saint Michel continuent de se propager dans ces régions durant le XVIIIe siècle (sans que l’on sache si elles appartiennent au même réseau). Les fondateurs s’attachent surtout à proposer des confréries réformées, avec rétablissement de l’autorité ecclésiastique et règles strictes (habits, parcours et ordonnancement des processions) : Explication de l’institution des regles et des usages de la confrerie electorale de St Michel Archange pour les Agonisans, Lille, 1706. 42 Livre de l’association de la Bonne Mort de Dresde : La confrerie des Agonizans sous le titre de la mort de notre Seigneur Jesus, Prague, 1730, p. 5-6. 43 Congrégation de l’un et l’autre sexe sous le titre de l’Agonie de Jésus mourant et de sa sainte Mère souffrante au pied de la Croix de son Fils, érigée canoniquement

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– tout en la hiérarchisant – par les premières demandes d’indulgences datées de la décennie 1650, provenant pour un tiers d’entre elles d’Italie (36%), un quart de l’Empire germanique (28%), de la dorsale catholique, de la Hongrie et de la Dalmatie, déjà de Pologne, mais assez peu de France et des pays ibériques (fig. 5, 6 et 7). Le réseau de ces associations de préparation à une bonne mort étroitement lié à la Compagnie de Jésus dépend, en ses débuts, de la densité de leurs établissements ainsi que de la fréquence de leurs missions. Durant toute la période retenue pour cette étude, ces confréries sont d’abord érigées par les jésuites dans leurs églises, avant d’être installées dans des églises paroissiales et conventuelles de la région. La préoccupation des fins dernières étant alors commune à tous, les autres ordres religieux ou congrégations ainsi que les évêques deviennent aussi des propagateurs de ces pratiques. À la fin du XVIIe et au XVIIIe siècles, la multiplication de ces associations de préparation à la mort montre à l’évidence qu’elles séduisent plus que celles des Agonisants (fig. 4). Les demandes de brefs émanent alors surtout du monde germanique (42%), d’Italie (17%), de l’Europe centrale et orientale (14%) plus que du royaume de France (11%), où l’existence d’un important réseau de confréries des Agonisants peut freiner les créations paroissiales. Dans le monde germanique, où la concurrence des confréries des Agonisants est faible ou inexistante, les associations de l’Agonie de Jésus et de la Bonne Mort connaissent un grand succès, portées qu’elles sont par la forte implantation des jésuites et leurs actions missionnaires. En revanche, en Espagne et au Portugal, seules quelques confréries de la Bonne Mort sont érigées chez les jésuites ou dans quelques couvents, tandis que dans les paroisses les nombreuses confréries des Âmes du Purgatoire de création plus ancienne semblent occuper tout le créneau dévotionnel des Fins dernières, sans qu’il soit possible de dire si l’assistance aux agonisants et la préparation à une bonne mort y sont introduites44. Les jésuites ont multiplié les créations de ces associations de la Bonne Mort dans les régions où ils ont activement participé à la restauration catholique ou dans les nouvelles terres de missions. Aux Pays-Bas méridionaux, outre les associations de la Bonne Mort établies dans leurs établissements, la préparation à la mort est associée

dans l’Eglise des PP. de la Compagnie de Jésus à Tournay, pour obtenir une sainte mort, Douai, 1685, p. 11. 44 Dans l’ensemble du corpus, en Espagne et au Portugal, on ne trouve que 17 confréries de la Bonne Mort, et 2 des Agonisants.

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à la dévotion à l’ange gardien que répand activement, à partir des années 1660, le père Jacques Coret, figure marquante de la province jésuite gallo-belge. À partir des pays rhénans et dans la dorsale catholique, ils contribuent aussi au développement de la dévotion à sainte Ursule patronne des mourants, en accueillant ces confréries dans leurs églises ou en encourageant leur création chez les Ursulines45. En terres protestantes, après la conversion de l’Électeur de Saxe au catholicisme en 1697, les jésuites de Prague érigent dans la chapelle royale de Dresde, au cours d’une mission, une confrérie « de la Bonne Mort sous le titre de Notre Seigneur Jésus-Christ agonisant et mourant sur la Croix » pour laquelle un bref est obtenu le 19 janvier 1729 et un livre de piété très dévot imprimé à Prague en 173046. Dans les nouvelles terres d’Amérique, les jésuites sont les seuls à solliciter des brefs pour des confréries de la Bonne Mort47. Enfin, il faut remarquer les spectaculaires demandes d’indulgences de 1697 pour 17 confréries de la Bonne Mort qui seraient érigées dans des églises jésuites d’Angleterre48. Puisque l’acte de tolérance de 1689 ne s’applique pas aux catholiques, peut-être ne s’agit-il que d’associations fictives créant une communauté de prières entre quelques catholiques anglais et des jésuites anglais réfugiés sur le continent à Liège ou à Saint-Omer. Comme dans le cas des confréries des Agonisants, les nouvelles pratiques dévotionnelles de la préparation à une bonne mort ne sont pas diffusées uniformément par les propagateurs, en particulier par les jésuites. L’analyse sérielle des titulatures et des fêtes montre à l’évidence une grande attention et une adaptation aux substrats dévotionnels régionaux tant anciens que récents. Reprenons l’exemple italien au milieu du XVIIe siècle : titulatures et fêtes des confréries de la Bonne Mort intègrent aussi bien les anciennes dévotions au Crucifix, aux Cinq Plaies que le nouveau culte à Joseph patron de la Bonne Mort, encore bien localisé en Italie. L’exemple polonais met aussi en évidence l’utilisation par les jésuites de l’attention portée à la Bonne Mort, pour diffuser de nouvelles dévotions au XVIIIe siècle. Les travaux récents de B. Rok menés à partir des livres 45 Alors que les brefs accordés aux confréries ne comportent le plus souvent que la titulature de « sainte Ursule », les titres des livres connus sont plus complets ; en exemple, Confrérie pour obtenir une sainte mort sous la protection de sainte Ursule érigée à Mons chez les religieuses ursulines le 24 octobre 1672, Mons, 1679 (1re édition en 1672). 46 La confrerie des Agonizans sous le titre de la mort de notre Seigneur Jesus, Prague, chez S. Clemens de la Société de Jésus, 1730, en langue française. 47 Quatorze demandes d’indulgences pour des confréries de la Bonne Mort. 48 Ces églises seraient situées dans les anciens évêchés catholiques d’Angleterre.

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polonais de la Bonne Mort ont montré qu’au début du XVIIIe siècle les jésuites propagèrent les confréries de la Bonne Mort dans tous leurs collèges, puis dans les églises paroissiales49. Certaines de ces confréries sont établies sous la titulature classique du Gesù et se retrouvent facilement dans les brefs, pour les plus anciennes dès le milieu du XVIIe siècle. B. Rok évoque aussi d’autres confréries dites de « la Providence Divine » qui sont associées à partir des années 1720 à la préparation à la bonne mort et qui utilisent en chaque église un livre de piété imprimé par les jésuites pour leurs deux confréries de la Bonne Mort et de la Providence Divine, sans qu’il soit précisé si celles-ci sont associées. Or, dans la source des brefs, les 56 confréries de la « Providence Divine », toutes polonaises, ne comportent aucune mention permettant de les identifier comme des confréries de la Bonne Mort. Établies d’abord chez les jésuites, puis en églises paroissiales et conventuelles, elles fixent de préférence leur fête au sixième dimanche de Pentecôte, qui célèbre la providence divine bienveillante indispensable pour se préparer à la mort, seul indice ténu pouvant rattacher à la Bonne Mort ces confréries nouvelles et peu définies par leur titre. L’étude de la circulation des dévotions permet ainsi de saisir les spécificités régionales, les enracinements sur d’anciennes pratiques ainsi que les principaux propagateurs. Les deux réseaux ont chacun leurs espaces privilégiés d’épanouissement ainsi que leur période d’expansion. Les confréries des Agonisants connaissent un développement rapide au XVIIe siècle suivi d’un déclin relatif au XVIIIe siècle révélé par la baisse des créations de confréries, tandis que les associations de la Bonne Mort s’épanouissent au XVIIIe siècle. *

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Dans l’histoire des dévotions liées aux Fins Dernières, une place doit être faite à la longue quête d’une assistance spirituelle pour réussir son passage dans l’au-delà et apprendre à « bien vivre pour bien mourir », qui a trouvé en la confrérie un moyen privilégié d’expression et de propagation. L’utilisation de trois sources complémentaires permet de définir les deux réseaux dévotionnels innovants du XVIIe siècle, voisins mais pourtant différents, et d’esquisser leur géographie et leurs rythmes de diffusion. Elle met en évidence les strates successives de la piété des confrères et le glissement progres-

49 B. Rok, Les Jésuites et la Bonne Mort, dans Ordres, saints et dévotions. France-Pologne, Siècles, Cahiers du Centre d’histoire « espaces et cultures », 16, 2003, p. 77-83.

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sif de pratiques dévotionnelles à d’autres. Les lents changements de finalité des confréries des Fins Dernières peuvent être appréhendés. On passe ainsi de la prédominance de la prière pour l’ensemble des défunts à la prière plus personnalisée pour les agonisants avec mise en œuvre d’une forte solidarité, enfin à la préparation de sa propre mort marquée par la volonté d’établir une relation intense avec le Christ agonisant. De nombreuses confréries des Agonisants qui n’atteignent pas ce dernier stade de la démarche individuelle et intériorisée présentent moins de modernité. Si l’on tient aussi compte de leur enracinement marqué dans des pratiques dévotionnelles anciennes que traduisent les choix de titulatures, de fêtes ou de vie confraternelle, ces confréries des Agonisants malgré leurs innovations semblent, dès leurs origines au XVIIe siècle, un peu plus archaïsantes et de transition, ce qui pourrait expliquer le déclin relatif de leurs créations au XVIIIe siècle. Enfin, à partir des années 1730, une série d’indices montre que les directeurs spirituels et les confrères de la Bonne Mort cherchent à s’adresser à toutes les catégories sociales, en publiant des livres plus simples et plus accessibles, en insistant sur les exercices collectifs et en allégeant la difficulté des exercices individuels, conformément à l’effort de simplification de l’enseignement chrétien de certains missionnaires de cette période décrit par L. Châtellier50. L’importante diffusion de ces associations de la Bonne Mort au XVIIIe siècle s’explique sans doute en partie par cette triple attention portée au salut individuel, à la gradation des exigences et à la prise de conscience de la nécessité de maintenir une démarche collective un peu plus forte. Toutefois, le développement de ce réseau de confréries, marqué par une progression en Europe centrale et orientale, est aussi lié à la géographie et aux acteurs de la reconquête catholique. Françoise HERNANDEZ Professeur agrégé

50 L. Châtellier, La religion des pauvres. Les missions rurales en Europe et la formation du catholicisme moderne XVIe-XIXe siècle, Paris, 1993, p. 240-241.

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LIMITES DU RÔLE DES CONFRÉRIES DANS LE RAYONNEMENT DES DÉVOTIONS EN PROVENCE SOUS L’ANCIEN RÉGIME

La Provence et ses confins ont constitué, au cours de la dernière génération, une des régions de prédilection de l’étude des confréries, à la suite des thèses pionnières de Maurice Agulhon1 et Marc Venard2, grâce en particulier aux travaux que Marie-Hélène Froeschlé-Chopard y a menés3 ou dirigés. L’enquête sur Les confréries, l’Église et la cité, fondée principalement sur le dépouillement des visites pastorales, publiée en 1988, a montré à la fois leur nombre, leur variété et leur importance dans l’espace provençal et suggéré leur rôle dans l’« accroissement du culte public »4, la promotion, la diffusion ou le maintien des dévotions5. Les visites pastorales d’Ancien Régime attestent en effet l’existence à un moment donné

1 M. Agulhon, La sociabilité méridionale. Confréries et associations dans la vie collective en Provence orientale à la fin du 18e siècle, Aix-en-Provence, 1966, 2 vol. et Pénitents et francs-maçons de l’ancienne Provence. Essai sur la sociabilité méridionale, 2e et 3e éd. de l’ouvrage précédent, Paris, 1968 et 1984. Sur sa postérité, La sociabilité méridionale (Provence-Languedoc-Roussillon), livraison de Provence historique, 47, 187, 1997. 2 M. Venard, Les confréries de pénitents au XVIe siècle dans la province ecclésiastique d’Avignon, dans Mémoires de l’Académie de Vaucluse, 6e série, 1, 1967, p. 55-79 et Réforme protestante, Réforme catholique dans la province d’Avignon, XVIe siècle, Paris, 1993 (Histoire religieuse de la France), thèse soutenue en 1977. 3 M.-H. Froeschlé-Chopard, La religion populaire en Provence orientale au XVIIIe siècle, Paris, 1981 et Espace et sacré en Provence (XVIe-XXe siècle). Cultes, images, confréries, Paris, 1994. 4 C’est, rappelons-le, la fonction que leur assignera plus tard le Codex juris canonici entrepris à l’initiative de Pie X et publié en 1917 par Benoît XV (Lib II, pars III, tit. XIX, can. 707, § 2 : « sodalitia vero in incrementum quoque publici cultus erecta, speciali nomine confraternitas appellantur »). 5 M.-H. Froeschlé-Chopard et al., Les confréries, l’Église et la cité, cartographie des confréries du Sud-Est, Grenoble, 1988 (Documents d’ethnologie régionale, 10). J’y avais étudié celles des diocèses d’Arles en Basse-Provence et de Senez en Haute-Provence, ce qui explique la place que ces diocèses tiennent dans la présente étude. Voir également Pénitents et confréries du Sud-Est, dans Provence Historique, 34, 136, 1984 et Paroisses, confréries, dévotions à l’épreuve de la Révolution, dans Provence historique, 39, 156, 1989.

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d’un semis d’églises et de chapelles qui renferment reliquaires, statues, tableaux et autels. Mais ces édifices et ce mobilier lato sensu sont seulement l’indice qu’une ou plusieurs personnes ont eu, à un moment donné, envers tel aspect de la vie du Christ, de la Vierge, ou à l’égard d’un ange ou d’un saint, une dévotion suffisante pour en instituer ainsi, à leurs frais, une de ces formes de présence sensible. Laquelle n’est a priori qu’un support potentiel de dévotion. Les mêmes visites pastorales indiquent aussi l’existence de confréries et précisent souvent que chacune est attachée à une chapelle ou un autel, qu’elle entretient matériellement et spirituellement. La cartographie des principales dévotions promues en un lieu et un temps donnés par des confréries a pu ainsi être établie grâce à une étude sérielle fondée sur la corrélation explicite ou implicite des titulatures d’autels et de confréries. Afin de contribuer à approfondir cette recherche, j’ai cru utile de tenter de mieux cerner les contours de ce « monde plein » des confréries provençales en soulignant trois limites du rôle qu’ont pu avoir ces groupes restreints en matière de promotion des dévotions. Il n’y a point d’abord correspondance obligée entre un autel et une confrérie. Il peut paraître ensuite réducteur de dresser le catalogue des dévotions d’une paroisse par simple addition des titulatures d’autels et de chapelles. Rien ne garantit en effet que ces derniers sont tous librement accessibles pour la prière individuelle ou de groupe ou communautaire. Les associations semi-fermées ou à recrutement sélectif font-elles ainsi rayonner une dévotion ou bien l’accaparent-elles ? Quelle réalité recouvre enfin certains statuts minimaux d’associations ? Les autels et chapelles dépourvus de confréries Des associations pieuses ont été structurellement dépourvues d’autels ou de chapelles propres, ce qui explique qu’elle soient très laconiquement signalées dans les visites pastorales, ou même ignorées. Ce dernier cas est évidemment celui des associations secrètes, Compagnie du Très Saint Sacrement et Aa6. Mais aussi le fait de celles qui étaient uniquement caritatives, ainsi des confréries établies dans les hôpitaux, telle celle de saint Louis roi de France à

6 A. Tallon, La compagnie du Saint-Sacrement, Paris, 1990. Les actes et délibérations de celle de Marseille (1639-1702) ont été publiés par R. Allier, La compagnie du Très-Saint-Sacrement de l’Autel à Marseille, Paris, 1909. Pour les Aa, [Chanoine Brassevin], Histoire des prêtres du Sacré-Coeur de Marseille (1732-1831) communément appelés prêtres du Bon-Pasteur, Marseille, 1876. et, seconde éd., 1914, p. 178186. Synthèses déjà anciennes dans le Dictionnaire de Spiritualité, M. Viller, Aa, I, c. 1-2 et surtout R. Rouquette, Congrégations secrètes, 2/2, c. 1491-1507.

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l’Hôtel-Dieu de Marseille, dite couramment des « infirmiers » ou parfois des « peigneurs », dont les membres se vouaient aux soins corporels (et en particulier le peignage et l’épouillage) des malades, d’où leur surnom ; ou bien les « miséricordes » des paroisses urbaines, apportant des secours à domicile7. L’inverse, soit l’autel ou la chapelle dépourvus de confrérie, existe aussi, en particulier dans les villes importantes, où la présence permanente de l’élite induit la multiplication des autels et chapelles fondés dans les église paroissiales et surtout conventuelles. Ces fondations peuvent relever juridiquement de deux cas qui souvent se superposent : la chapelle funéraire d’une famille et aussi l’autel ou la chapelle auxquels sont attachés les bénéfices mineurs d’une ou plusieurs chapellenies, chacun de ces deux types pouvant être également chargé de diverses fondations de messes anniversaires faites par des testateurs. Ces deux formules n’ont pas encore, à ma connaissance, été étudiées dans la Provence tridentine ; la thèse de Marc Venard les prend en compte pour la fin du Moyen Âge et le XVIe siècle8. L’on ne peut que regretter que la grande enquête menée il y a quinze ans à travers les visites pastorales n’ait pas retenu dans ses dépouillements l’état de ces fondations aux XVIIe et XVIIIe siècles9. Les visites pastorales d’Arles, fort précises pendant l’ensemble de la période, montrent que les chapelles latérales ou autels appartenant à des familles y étaient rarement le siège de confréries10. Le fait serait un peu plus fréquent à Marseille, où la pénurie de chapelles disponibles pourrait se combiner avec l’abandon de certaines d’entre elles par des familles devenues aixoises ou éteintes. Nous ne disposons actuellement que de données très fragmentaires sur le cas aixois. Pour Arles, la visite pastorale de 1675-1676 permet une estimation, limitée à la cathédrale et aux églises paroissiales intra-muros, puisque les couvents en sont exclus. Sur 57 ora-

7 Leur étude a fort peu progressé depuis A. Fabre, Histoire des hôpitaux et établissements de bienfaisance de Marseille, Marseille, 1855, II, chap. XIV et XV. Il existe une étude en cours de la confrérie de Saint Louis par J. Aziza et R. Bertrand. 8 M. Venard, Réforme protestante… cité n. 2, en particulier p. 1008-1009 et passim. 9 Les pouillés constituent pour les chapellenies, qui étaient de petits bénéfices, une autre source fort peu exploitée. 10 R. Bertrand, Autels, chapelles et confréries du diocèse d’Arles entre 1671 et 1778, dans M.-H. Froeschlé-Chopard et al., Les confréries… cité n. 5, p. 195-212. D’autres érudits attentifs l’avaient déjà observé auparavant : ainsi l’abbé A. Allègre, Monographie de Beaumes-de-Venise, nouvelle édition augmentée par P. Blanchon, Paris, 1967 (1re éd. 1888), p. 42-43.

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toires latéraux (je vais désigner ainsi les autels et chapelles pour éviter d’avoir à les distinguer), 12 dépendaient de confréries-luminaires et cinq de simples marguilliers (je vais revenir sur cette notion), 6 de confréries de métier, 22 étaient des chapelles funéraires, 12 avaient un statut non défini, sans doute des chapellenies. Les confrères desservaient donc au maximum 40% du total11. À Marseille, dont les sources sont assez médiocres, une tentative de dénombrement des oratoires latéraux de quatre églises de mendiants d’origine médiévale, les Dominicains, les Grands-Trinitaires, les Grands-Augustins et les Grands-Carmes, donne au milieu du XVIIIe siècle un total de 23 oratoires familiaux (dont 3 abritent peut-être des associations pieuses), contre 22 à des confréries de métier, 9 à d’autres confréries ou des tiers-ordres et 5 au statut non défini. Les oratoires de famille s’y avèrent prépondérants dans les églises des couvents masculins de mendiants fondés au XVIIe siècle, leurs détenteurs ayant pu contribuer à en financer la construction. Chez les Carmes déchaux, sept chapelles sur huit appartiennent à des familles, y compris celles de sainte Thérèse et de saint Jean de la Croix. Seule celle de la Vierge semble relever du couvent, mais n’abrite pas de confrérie, du moins au XVIIIe siècle. Il en est de même à l’Oratoire pour six chapelles latérales sur huit, les exceptions étant celles de saint Joseph et de l’Enfant Jésus. Chez les Augustins réformés, quatre chapelles sont à des familles (deux semblant abriter des confréries luminaires), une est à une confrérie de métier, une n’a pas de statut défini. Chez les Capucins, les six chapelles latérales relèvent d’autant de familles12. Dans le diocèse de Senez, un des plus pauvres et des plus ruraux de France, sur 98 autels latéraux des églises paroissiales, 80 sont desservis par des confréries au temps de Mgr Soanen, soit à la fin du XVIIe et au début du XVIIIe siècle. Restent en sus quelques chapelles seigneuriales, de rares chapelles funéraires de notables et quelques chapellenies. En fait la réalité pourrait y avoir été différente : dans cette Haute-Provence où l’habitat tend à la dispersion, l’effort des fondateurs de chapellenies semblerait s’être porté aux temps modernes sur la création de chapelles de secours dans les hameaux et dans les forestages (estives sur les hauteurs). Ces chapelles seigneuriales ou familiales peuvent aussi dans certains cas être le siège de dévotions individuelles ou collectives impor-

11 Arch. dép. des Bouches-du-Rhône, 3 G 300. Visite de Jean-Baptiste Adhémar de Monteuil de Grignan, coadjuteur de son oncle François. 12 D’après le manuscrit de François Michel de Léon, Taphologe de la ville de Marseille, rédigé vers 1770, Bibl. mun. de Marseille, ms. 2102.

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tantes à cause des reliques qu’elles renferment. L’histoire de l’une des reliques les plus célèbres de Provence, celle de sainte Roseline de Villeneuve, dont le corps et les yeux étaient conservés intacts dans la chapelle de sa famille au monastère de la Celle-Roubaud, aux Arcs, vient de faire l’objet d’une étude minutieuse qui ne fait pas apparaître de confrérie13. Elle suggère en revanche le rôle de la famille de Villeneuve des Arcs dans la promotion du culte de sa sainte parente et celui de la communauté d’habitants des Arcs. Une fondation peut aussi être le moyen d’implanter des pratiques de dévotion nouvelles, du moins en milieu rural. Deux exemples. À Coursegoules, au diocèse de Vence, le vicaire général s’informe lors de sa visite pastorale le 17 août 1705 au sujet des armoiries que porte le tableau de la chapelle de l’Enfant Jésus. Il note que « feu damoiselle Isabeau de Brez, fame de monsieur JeanHenry de Grimaldy, par son dernier testament, notaire royal du lieu de Saint-Jeannet du 30 décembre 1679, ordonna estre fait par ses héritiers un hautel dédié au saint Enfant Jésus, lequel elle dota d’une fonda(ti)on de 15 livres de rentes annuelles, pour célébrer audit autel une grande messe de requiem tous les 25 de chaque mois »14. Décision originale qui combine le souci personnel de bénéficier de messes des morts et celui d’honorer chaque 25e, allusion directe aux pratiques instaurées par Marguerite du Saint-Sacrement au Carmel de Beaune et propagées par le réseau urbain des Familles du Christ. Au diocèse de Senez, une chapelle dédiée au Sacré-Cœur a été fondée au cours de la seconde moitié du XVIIIe siècle par un habitant dans le minuscule hameau de Sausserie-Haute à Tartonne15. Ces oratoires privés sembleraient au total constituer une offre dévotionnelle nette, en particulier lorsqu’ils correspondent à des saints que les clercs ou les fidèles peuvent juger importants. Ainsi dans l’église des Grands-Carmes de Marseille, les chapelles latérales qui sont à usage funéraire sont sous le titre de sainte Thérèse, saint Jean-Baptiste, sainte Anne, sainte Marguerite et sainte Madeleine de Pazzi. Tous ces saints correspondent à des prénoms dominants dans la Provence du temps16. Dans les églises des Augustins, des Prêcheurs et des Minimes, les chapelles des âmes du Purgatoire appartiennent à des familles. 13 R. Boyer et G. Grévin (dir.), Une sainte provençale du XIVe siècle, Roseline de Villeneuve. Enquête sur sa « momie », Paris, 2002 (De l’archéologie à l’histoire). 14 Arch. dép. des Alpes-Maritimes, G 1253 f° 63. 15 Ce que note l’évêque dans sa visite pastorale de 1787. Arch. dép. des Alpesde-Haute-Provence, 1 G 22. 16 B. Cousin, Prénommer en Provence (XVIe-XIXe siècle), dans Provence Historique, 53, 212, 2003, p. 193-224.

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Néanmoins, ces chapelles étaient-elles toutes publiques et donc ouvertes à la prière d’intercession de chacun ? Le droit gallican reconnaissait aux propriétaires d’une chapelle de fondation le droit de la fermer à clef si elle avait une voûte propre, distincte de celle de l’église17. Dans sa visite de l’église Notre-Dame-la-principale d’Arles le 22 mars 1676, Jean-Baptiste d’Adhémar de Monteil de Grignan a observé au sujet des neuf chapelles latérales appartenant à des familles que « ces chapelles sont fermées par un treillis de fer »18. La réalité des temps modernes semble cependant avoir été plus complexe : nombre de chapelles latérales faisaient au XVIIe siècle corps avec l’église dont elle constituaient le bas-côté ; elles étaient simplement concédées aux familles qui n’en fondaient que l’autel, ce qui a pu assurer au clergé desservant ce lieu de culte un certain usage public de la chapelle, au moins sans doute le jour de la fête de son titulaire. Il est aussi possible que le tiers-ordre féminin des GrandsCarmes de Marseille, qui était sous le titre de sainte Madeleine de Pazzi, ait obtenu l’autorisation de se réunir dans la chapelle privée de leur église placée sous le même vocable. Le libre-accès de ces chapelles aux fidèles mériterait cependant d’être vérifié cas par cas. La fondation avait certainement beaucoup d’avantages aux yeux du clergé : étant rentée, elle garantissait des revenus réguliers pour l’entretien de la chapelle ou de l’autel et sa desserte spirituelle, alors que la confrérie faisait dépendre le succès d’une dévotion du nombre et du zèle de ses membres. Elle laissait le clergé, en particulier régulier, assez largement maître de la forme qu’il souhaitait donner à une dévotion. À noter qu’un autel doté de plusieurs fondations de messes ou d’une chapellenie autorisant une célébration de messe ou une récitation de l’office par semaine ou même par mois offrait à des fidèles pieux davantage de célébrations que la plupart des confrériesluminaires. Confréries semi-fermées et dévotions publiques L’étude de l’organisation associative, lorsqu’elle permet une typologie un peu affinée, peut réserver des surprises. Là où l’on attendrait, pour la célébration d’une fête du temporal ou du sanctoral qui semble d’importance à l’historien, une confrérie-luminaire largement ouverte à tous, ou mieux encore une confrérie de dévotion19,

17 Durand de Maillane, Dictionnaire de droit canonique et de pratique bénéficiale, 3e éd., Lyon, 1776, art. « Chapelle, chapellenie », I, p. 445-451. 18 Arch. dép. des Bouches-du-Rhône, 3 G 300 f° 71 et sq. 19 M. Venard, Qu’est-ce qu’une confrérie de dévotion ? dans M.-H. FroeschléChopard et al., Les confréries… cité n. 5, p. 253-261.

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l’on découvre parfois que cette titulature est accaparée par une confrérie de métier, ou une compagnie de pénitents, ou encore dans des villes importantes, par des associations semi-fermées qui empruntent leur modèle et parfois leur nom aux congrégations jésuites20. Dans quelle mesure des confréries dont le recrutement est soumis à des exigences statutaires parfois drastiques pouvaient-elles être des vecteurs de dévotions auprès d’un large public ? Certes, la source que constitue la visite pastorale est souvent trop vague et n’indique pas que telle confrérie paroissiale est en fait professionnelle ; ou bien elle ne permet pas de déterminer avec précision les activités pieuses qui ont lieu dans les confréries de ce type. Lorsque les sources permettent d’établir ces distinctions, les résultats peuvent nuancer des données sérielles brutes. À Marseille, une estimation globale des associations ayant existé au cours du XVIIIe siècle dans la ville et ses faubourgs permet de dénombrer 14 compagnies de pénitents, 12 tiers-ordres, 50 confréries professionnelles, 33 « confréries » (soit des luminaires), 23 « congrégations » et enfin un dernier groupe de 13 associations qui étaient uniquement charitables. A priori, l’adhésion immédiate et sans condition de tout catholique qui le souhaitait à une association pieuse n’était possible que dans moins du quart d’entre elles21. Il s’agit justement de celles qui, à l’instar du Rosaire ou du Scapulaire, font le plus souvent l’objet de legs dans les testaments naguère étudiés par Michel Vovelle22. Certaines possédaient aussi les plus lourdes statues d’argent de la Vierge et la célébration publique de leur fête par la procession semble avoir été importante. Mais cela peut aussi suggérer a contrario les limites du rayonnement des autres en matière de dévotions publiques. Ce problème se pose pour les compagnies de pénitents et plus encore pour les confréries de métier23. À Avignon, ces dernières

20 Les congrégations jésuites ont été magistralement étudiées par L. Châtellier, L’Europe des dévots, Paris, 1987. Sur la diffusion et l’adaptation de leur modèle en Provence, dans le cadre paroissial ou celui d’autres instituts religieux : R. Bertrand, Aux origines des oeuvres de jeunesse catholiques : les congrégations de Basse Provence sous l’Ancien Régime, dans Provence Historique, 47, 187, 1997, p. 47-58 et De la congrégation de la jeunesse des prêtres du Sacré-Cœur à l’Œuvre de jeunesse de M. Allemand, dans Bicentenaire de l’Œuvre J.-J. Allemand, Marseille, 1999, p. 15-39. 21 R. Bertrand, Pour une étude des associations religieuses à Marseille au XVIIIe siècle, dans Provence Historique, 52, 210, 2002, p. 419-433. 22 M. Vovelle, Piété baroque et déchristianisation, les attitudes devant la mort en Provence au XVIIIe siècle, Paris, 1973, chap. 4, p. 147-182. 23 Étude ancienne mais non remplacée : J. Billioud, De la confrérie à la corporation. Les classes industrielles en Provence aux XIVe, XVe et XVIe siècles, dans Mémoires de l’Institut Historique de Provence, 4, 1929, p. 235-271 et VII, 1930, p. 5-35.

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confréries constituent au XVIe siècle le tiers des confrères de la ville selon Marc Venard24. Dans l’ensemble du diocèse d’Arles elles formaient à la fin du XVIIe siècle un peu plus du quart du total de tous les types d’associations recensées par les archevêques (mais il y a sous-enregistrement de celles de la ville d’Arles, puisque les couvents ne sont pas visités : la proportion devait donc être nettement plus forte). Dans la ville de Marseille et ses faubourgs, au XVIIIe siècle, elles formaient plus du tiers du total des associations pieuses recensées25. Dans le diocèse très rural de Senez, en Haute-Provence, ces confréries font une timide apparition à Barrème (1 081 habitants en 1765) avec la confrérie Saint-Joseph des maçons établie dans une chapelle hors de l’église, et à Senez avec celle de Saint-Blaise dans la cathédrale qui regroupe en 1697 « un petit nombre de tisserands et de cardeurs » ; Castellane (1 752 habitants en 1765), la seule ville du diocèse, a cinq confréries de métier : potiers de terre, tisseurs de toile, chapeliers, ménagers, marchands tailleurs26. Toutes ne correspondaient certainement pas à des métiers jurés et beaucoup semblent relever du souci de se démarquer du reste de la population qui travaillait la terre afin de développer les solidarités d’un corps spontané parmi la minorité qui exerçait des métiers secondaires ou tertiaires. L’on en donnera pour indice, dans le diocèse d’Arles, le cas extrême de la succursale de La Couronne, hameau du terroir de Martigues, dont les carrières de mollasse fournissaient en pierre à bâtir les villes des environs. Sa modeste église renfermait les deux autels mariaux qui se faisaient face de l’Assomption ou Notre-Dame de Grâces (confrérie des ménagers, paysans relativement aisés) et de la Nativité de la Vierge (confrérie des « traceurs de pierre »)27, qui semblent bien traduire un clivage dans la maigre population résidante. Les gens de mer constituaient de même parfois la seule confrérie professionnelle d’un bourg maritime, aux Saintes-Mariesde-la-Mer ou à Marignane. Plus souvent néanmoins, dans ce diocèse, la frange aisée de la paysannerie, les ménagers, détenteurs de trains d’attelage et donc d’animaux de trait, se démarquaient de la

M. Venard, Réforme protestante…, cité n. 2, p. 960-971. R. Bertrand, Pour une étude… cité n. 21 et Les compagnies de pénitents de Marseille (XVIe-XXe siècle), Marseille, 1997. 26 R. Bertrand., Dévotions et confréries dans le diocèse de Senez au temps de Mgr Soanen, dans M.-H. Froeschlé-Chopard et al., Les confréries… cité n. 5, p. 113126. 27 Fondée le 8 août 1666, acte enregistré dans Arch. dép. des Bouches-duRhône, B 3361 f° 786. 24

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masse des « travailleurs » (paysans modestes), par une confrérie placée ordinairement sous le vocable de saint Éloi28. Le recrutement de telles confréries se réduisait ordinairement, selon leurs statuts, aux seuls membres qui satisfaisaient à des critères professionnels. Néanmoins le patronage joséphique étant adopté prioritairement par les menuisiers et charpentiers et plus largement le groupe des métiers du bâtiment, ce dernier menaçait ainsi d’accaparer à son profit une dévotion à vocation universaliste. Marc Venard pour le Comtat du XVIe siècle, comme Maurice Agulhon pour la confrérie de Bandol à la fin de l’Ancien Régime, ont indiqué que la confrérie de métier acceptait alors dans ce cas des associés des deux sexes qui n’étaient pas artisans afin de jouer pleinement son rôle de confrérie-luminaire d’une dévotion importante29. Je ne suis pas sûr en revanche que ce soit le fait de celle de saint Joseph d’Arles, dans l’église Notre-Dame-la-Principale, la paroisse la plus centrale de la ville, d’autant qu’une ville importante peut disposer d’autres autels dédiés au saint. La chapelle appartient aux menuisiers et charrons et la confrérie semble active. Selon la visite pastorale de 1676, elle bénéficie « d’indulgences perpétuelles pour les confrères », fait dire une messe tous les dimanches, une grand-messe et procession le jour de la saint Joseph et un chanté [messe des morts], le lendemain pour les confrères décédés » ; elle a commencé de faire faire « une chasse d’argent de saint Joseph »30. Les autres confréries professionnelles du diocèse ont alors ordinairement le même rythme hebdomadaire de célébrations. Encore doit-on ajouter que celles qui étaient des corps constitués, correspondant à des métiers jurés, participaient sans doute es-qualité aux processions générales de la cité telle que celle de la Fête-Dieu. Mais l’on n’est point assuré que ces messes, qui devaient renforcer les liens interpersonnels et l’esprit de corps, soient proposées à tous les fidèles, ni même que l’autel, son retable, sa châsse soient librement accessibles pour la prière individuelle. Les procès-verbaux de ventes révolutionnaires confirment l’existence de grilles fermant très fréquemment ces chapelles latérales des églises ; elles ont été d’ailleurs parfois conservées.

28 Les exemples pris dans le diocèse d’Arles sont extraits des visites pastorales. Cf. R. Bertrand, Autels, chapelles et confréries du diocèse d’Arles… cité n. 10. 29 M. Venard, Les confréries de métiers dans le Comtat venaissin au XVIe siècle, dans Provence Historique, 26, 103, 1976, p. 65-82 et M. Agulhon, Pénitents et francs-maçons… cité n. 1. 30 Arch. dép. Bouches-du-Rhône, 3 G 300 f° 74 v°.

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Pour le commun des mortels, la dévotion des membres d’une confrérie de métier à l’égard de son saint patron était surtout marquée lors de sa fête par des processions en forme de défilés, voire des jeux spécifiques. Les confréries de ménagers du pays d’Arles célébraient (et célèbrent toujours) leur fête par la « cavalcade de saint Éloi », longue théorie de chevaux et mulets ; les confréries de gens de mer organisaient les jeux de la bigue (poutre suiffée) et de la joute, à valeur dévotionnelle réduite. L’on peut en dire autant de la participation de certaines de ces confréries de métier à la fête patronale de sainte Marthe à Tarascon, où certains de leurs membres se livraient à des facéties de type carnavalesque à l’égard du public31. Les formes élémentaires de confréries De bonnes sources conduisent à une autre interrogation, qui porte sur la fragilité des confréries provençales et plus particulièrement les limites extrêmes que peut atteindre la notion de confrérie. Cette région est globalement pauvre sous l’Ancien Régime, ce qu’observent d’emblée quelques évêques qui ont été vicaires généraux dans d’autres parties du royaume lorsqu’ils notent que les confréries y sont très rarement dotées de rentes et de fondations. Elles dépendent donc essentiellement des « cotes » (cotisations) de leurs membres et du produit de la quête, ce qui signifie que moins une confrérie a de membres, moins elle a de moyens pour faire rayonner une dévotion qui serait susceptible de lui attirer de nouveaux membres. Des « confréries » peuvent être réduites à quelques personnes, voire une ou deux, qui semblent parfois nommées à vie, et ont surtout un rôle d’organisation et de gestion. L’historien est certes coutumier des sociétés savantes qui se réduisent à un bureau de quelques membres et à une population passive d’abonnés à la revue et de familiers des conférences. Marie-Hélène Froeschlé-Chopard a déjà montré comment la confrérie du Saint-Sacrement de Grasse en est venue à être ainsi réduite à un tel bureau32. L’on retrouve cette même évolution à Marseille, où les deux confréries de Notre-Dame de Confession et de Notre-Dame de Bon Secours, responsables des deux « églises inférieures » de Saint-Victor et de Notre-Dame des Accoules, ne sont plus constituées dans la seconde moitié du XVIIIe

31 L. Dumont, La Tarasque. Essai de description d’un fait local d’un point de vue ethnographique, Paris, 1949 et rééd. 1987. 32 M.-H. Froeschlé-Chopard, Saint-Sacrement et pénitents de Grasse, deux confréries populaires au XVIIIe siècle, dans Éthnologie française, 7, 4, 1977, p. 345-360.

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siècle que par une petite équipe de notables bénévoles, gérant les revenus de l’association, les augmentant par des quêtes et contribuant à son action en lui offrant leur temps, leurs compétences, voire en payant aussi de leur personne pour organiser la fête patronale. Dans la même ville, cette évolution a atteint sans doute son terme : la nouvelle paroisse Saint-Ferréol, construite entre 1716 et 1740 dans les nouveaux quartiers plutôt aisés de la rive sud, est administrée au temporel par un conseil de fabrique sur le modèle parisien, qui gère en particulier dans l’église, qui ne renferme vers 1760 aucune confrérie, les chapelles de la Vierge, de saint Joseph et des âmes du Purgatoire33. Ce phénomène ne semble pas seulement lié à l’évolution générale de la réforme catholique et ne caractérise pas seulement la dernière phase de certaines confréries-luminaires dans la seconde moitié du XVIIIe siècle. Il paraît dans certains cas de nature structurelle, en particulier dans ce que j’appellerai les formes élémentaires d’association. La formule la plus modeste consistait à désigner un ou quelques bénévoles qui prenaient en charge une tâche en général assez limitée. Les « bassiniers » ou quêteurs étaient un homme ou une « bonne femme » qui « f(aisaie)nt circuler le bassin », soit un plat de quête, pour une intention précise, récoltaient quelques sommes dans un but caritatif ou bien pieux. Ainsi dans le premier cas, les « bassins des pauvres », les « bassins des esclaves », pour le réseau du rachat des chrétiens captifs au Maghreb animé par les Trinitaires, et celui des « bassins du Sépulchre », pour l’entretien du tombeau du Christ, organisé par les Récollets. Dans le second cas, qui nous intéresse ici, il s’agissait de l’entretien et de la desserte d’un autel ou bien du « bassin du Purgatoire ». Le système pouvait être alors plus complexe : un, deux ou trois « prieurs » ou « marguilliers » avaient en charge un autel ou une chapelle. Ils l’entretenaient en quêtant et en gérant parfois le petit temporel qui leur était attaché par des fondations ; ils faisaient célébrer la messe le jour du saint titulaire, allant parfois jusqu’à organiser une fête ; ils faisaient également dire les services pour les défunts prescrits par les bienfaiteurs de l’autel ou du sanctuaire. On lit ainsi dans l’« État du diocèse d’Aix » de 1730 à propos de Saint-Antonin, minuscule communauté de 60 communiants : « Il n’y a que deux marguilliers, l’un pour l’autel de saint Antonin et l’autre qui queste pour les âmes du purgatoire » ; à Châteuneuf-leRouge (même population), « deux pauvres paisans choisis par le

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R. Bertrand, Pour une étude… cité n. 21.

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sieur curé font fonction de marguilliers. Tout leur soin et [sic] de retirer le produit de la quête et de l’employer en cire pour éclairer l’autel ». À Saint-Martin-de-Pallières (350 communiants), « chacune des quatre chapelles de l’église a deux marguilliers ». À Fuveau (environ 400 communiants), outre plusieurs confréries paroissiales et une chapelle de pénitents, « l’autel de la Vierge a deux filles et celuy de sainte Anne une veuve, qui ont soin de les orner »34. Les modalités des nominations de ces « bassiniers » ou ces prieurs d’autel attestent le poids des autorités : dans tel cas, le curé les nommait à vie – parfois de père en fils – dans d’autres ils étaient élus par l’assemblée communautaire ou désignés par son conseil restreint35. Le livre de paroisse rédigé par messire Paul Bois, curé de Noyers-sur-Jabron de 1711 à 1756, suffira à montrer l’organisation d’une dévotion en l’absence d’une véritable confrérie : Ce fut environ l’an 1680 que l’on érigea dans l’église paroissiale de ce lieu un autel pour la confrérie des Ames du Purgatoire. La chapelle à l’honneur de Notre-Dame du Rosaire ayant été achevée et l’autel bâti, on y transféra le tableau qui était à l’autel au-dessous de la chaire36 et ce même autel servit dans la suite comme il sert encore aujourd’hui pour les Ames du Purgatoire, auquel on mit le tableau qui s’y trouve encore à présent et qui fut peint par un nommé Jean Marie, italien qui n’était pas le plus excellent peintre de son pays. Le tableau de Saint-Joseph et le précédent de NotreDame du Rosaire étaient aussi de sa façon. Ce fut le même qui peignit le devant d’autel où sont représentés des têtes de mort. L’an 1712 je commençai à décorer cet autel, qui était absolument dépourvu de tout ce qui est nécessaire pour célébrer avec décence le service divin ; et parce qu’en tout ce que nous voulons exiger des autres, il convient de montrer l’exemple, je donnai à ce sujet pendant quelque temps pour dire des messes et faire des prières en faveur des Ames du Purgatoire toutes les aumônes que les fidèles font dans l’église. J’établis encore des quêteurs qui eurent soin de recevoir les susdites aumônes et de demander dans le reste de la paroisse. Eucher Latil, maître-tailleur d’habit et Louis Latil, maître-tisseur à draps, furent les deux sur qui je jettai les yeux pour cette bonne oeuvre et ils s’y employèrent avec tant de zèle et de fidélité qu’en peu de tems nous fûmes en état de fournir cet autel de tous les ornemens nécessaires37.

Bibl. mun. d’Aix-en-Provence, ms. 263 (1048). Dans le cas d’Arles, exceptionnel répétons-le par la qualité de sa documentation, les réponses souvent détaillées des curés à l’enquête de Mgr du Lau en 1777 permettent une étude fine du phénomène (Arch. com. d’Arles GG 117). 36 Sur ces travaux, R. Collier, L’église Notre-Dame-de-Bethléem à Noyers-surJabron, dans Bulletin de la société scientifique et littéraire de Digne (Annales de Haute-Provence), 41, 261-262, 1970, p. 188-205. Sur ce transfert à une place d’honneur, voir M.-H. Froeschlé-Chopard, La religion populaire… cité n. 3. 37 Arch. dép. des Alpes-de-Haute-Provence, I 116 f° 203 ; à noter également 34

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Eucher Latil étant décédé en 1754, son fils Bonaventure Latil est « établi marguillier ». Les deux familles Latil fourniront en fait pendant tout le XVIIIe siècle les deux marguilliers d’un autel où aucune confrérie ne semble avoir été canoniquement instituée. Le 2 germinal an III, Bonaventure Latil rendra ses comptes à l’administration. L’on a noté que, dans le texte cité, messire Bois emploie le terme de « confrérie » et l’on peut s’interroger sur ce qu’il recouvre. Une association ne semble pas être érigée canoniquement et le curé ne se soucie pas de structurer davantage la participation à cette dévotion. Le sens est apparemment celui de simple communitas des membres de la communauté villageoise ou paroissiale qui adhérent moralement, s’ils le jugent bon, aux fins proposées par les « prieurs » ou les « bassiniers » en leur versant une obole, éventuellement en assistant aux messes et cérémonies qu’ils organisent. Ces bénévoles portant le même titre que les dignitaires des confréries, ils pourraient également marquer dans certains cas – mais non dans tous – la dissolution dans la communauté paroissiale au cours du XVIIIe siècle de certaines confréries-luminaires avortées ou exsangues. Le fait est très net dans l’étude sur la longue durée des visites pastorales d’Arles. Le Pouillé du diocèse d’Aix de 1730, déjà cité, suggère de multiples exemples de coexistence de « marguilliers » et de « confréries » : ainsi à Peynier (350 communiants), il y a des marguilliers du Saint Sacrement, du saint Rosaire, de saint Clair, de saint Éloi et de saint Pierre-aux-liens, mais aussi la confrérie de Notre-Dame-de-Nazareth et la chapelle des pénitents38. Ils offrent aussi apparemment une solution à la gestion des chapelles isolées dans le terroir. A Puyloubier, au diocèse d’Aix, en 1730 (environ 600 communiants), chaque chapelle de l’église a sa confrérie avec ses marguilliers. Les confréries du Saint-Sacrement et du Rosaire sont « les plus considérables » ; mais « la chapelle rurale Saint-Sec a des marguilliers ».

f° 207-208, à l’initiative du curé, l’achat à Sisteron en 1732 de deux bustes-reliquaires pour l’autel au s. Carrellet maître-sculpteur et en 1734 à Orange, par l’intermédiaire du frère du curé, qui est capucin, de deux petits tableaux « pour mettre à côté du grand tableau du Purgatoire » ; cadres faits par me Carrellet. 38 Ce phénomène est également perceptible dans les meilleures visites des diocèses de Grasse et Vence, où il semble cependant n’affecter qu’une minorité d’autels, les confréries luminaires y paraissant plus nombreuses qu’en BasseProvence occidentale : ainsi à Coursegoules en 1715, F. Moret de Bourchenu note que « l’autel de Saint-Joseph est entretenu par des recteurs qui font la queste pour l’entretien du luminaire, on y dit la messe le jour de saint Joseph » et que « la chapelle du purgatoire a un recteur. On fait courir le bassin qui produit suffisamment pour une grande messe tous les mois » ; en revanche l’autel du Rosaire est « érigé en confrérie » (Arch. dép. des Alpes-Maritimes, G 1255 f° 15).

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L’efficacité de ce système semble nette dans le cas des dévotions pour les âmes en purgatoire, où le système des « bassins » était d’origine médiévale39. Lorsque Mgr Le Tellier accomplit sa visite générale du diocèse de Digne en 1683-1685 – la seule qui nous soit parvenue –, il ne recense aucun autel du Purgatoire et signale cependant six confréries « du Purgatoire » et au moins 13 bassins (et encore, le relevé de ces « plats » ou « bassins » ne semble pas avoir été systématique)40. Les « bassins du Purgatoire » peuvent parfois constituer une première étape vers la réalisation d’un autel et peut-être la création d’une confrérie, mais ils semblent en fait subsister pendant toute la période, le bassinier utilisant l’argent récolté pour faire célébrer des messes des morts au maître-autel. Dans le diocèse d’Arles à la même époque, les évêques dénombrent huit confréries dotées d’autels, quatre autels tenus par des marguilliers et 20 « bassins du purgatoire ». Quarante pour cent des communautés renfermaient donc un autel des âmes du Purgatoire, mais l’addition des bassins indique qu’en réalité la dévotion envers les âmes du Purgatoire y était pratiquée, même sous une forme institutionnelle élémentaire, dans 77% des communautés et la moitié des hameaux. À noter que deux bourgs urbanisés, Grans et Mouriès, huit villages (dont les Saintes-Maries-de-la-Mer et les Baux) et huit succursales de hameaux n’ont jamais connu sous l’Ancien Régime que le « bassin du Purgatoire »41. Pour une étude des pratiques Les problèmes qui viennent d’être esquissés posent la question du rôle propre de la confrérie entre, d’une part, la communauté des fidèles d’une paroisse ou d’un lieu, ou l’ensemble des familiers laïcs d’une maison religieuse et, d’autre part, la pratique individuelle ou familiale de chacun d’entre eux. Le statut associatif semi-fermé ou même fermé d’une confrérie de métier a pour corollaire possible la monopolisation d’une dévotion à un saint par un groupe socio-professionnel qui peut mêler dans la confrérie esprit de corps, défense de ses privilèges et rapports plus ou moins fervents avec un saint patron dont l’effigie figure sur son sceau, sa bannière et ses porte-

39 M. Fournié, Le ciel peut-il attendre ? Le culte du Purgatoire dans le midi de la France (1320 environ-1520 environ), Paris, 1997. 40 R. Bertrand, Dévotions et confréries dans le diocèse de Digne à la fin du XVIIe siècle, dans Annales de Haute-Provence, 301, 1986, p. 3-18, d’après Arch. dép. des Alpes-de-Haute-Provence, 1 G 8 et 9. 41 Ces bassiniers du Purgatoire existeront dans certaines paroisses de HauteProvence jusqu’aux transformations induites par le concile de Vatican II.

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cierges de procession. La même dévotion peut être ailleurs proposée par les marguilliers d’un autel ou le bénéficier d’une chapellenie, le rassemblement de fidèles lors des messes célébrées en son honneur constituant une sorte de fraternité éphémère informelle. Une confrérie n’est point indispensable, dès lors que les revenus d’une fondation ou le produit des quêtes permettent d’assurer l’entretien matériel du lieu de culte et sa desserte spirituelle. Dans le cas marseillais, les deux calendriers liturgiques publiés en 1713 et 1759 révèlent une surabondance quasi-quotidienne de manifestations pieuses et en particulier de messes ou de bénédictions et processions lors des fêtes de quelque importance. Les confréries s’y trouvent soumises à concurrence, face aux fondations paroissiales et conventuelles ou tout simplement à l’offre des couvents qui solennisent les fêtes de nombre de saints42. C’est par rapport à cette polyphonie de dévotions des mondes urbains qu’il conviendrait de mieux préciser l’apport spécifique du mouvement confraternel pour ses membres. Ce qui revient à tenter d’apprécier ce qu’une formule confraternelle canoniquement instituée pouvait apporter à de petits groupes dont il faudrait tenter de cerner la composition43. Théoriquement, la confrérie proposait à ses membres un surcroît de pratiques pieuses et, surtout, des exercices et prières propres (la récitation du rosaire par exemple) ; elle pouvait leur apporter une solidarité de prières dans la vie, à la mort et après la mort, souvent assortie du bénéfice d’indulgences ; elle pouvait aussi instaurer parmi eux une émulation spirituelle et morale, mobiliser et organiser le bénévolat des laïcs en des activités charitables, être enfin un lieu de sociabilité, mais tout cela de façon fort inégale selon le type d’association et avec un impact sans doute variable selon le moment44. Sans doute convient-il d’aller au-delà des comptages, qui étaient au demeurant indispensables et restent précieux, pour étudier plus finement le rôle du phénomène associatif, son ampleur et ses bornes entre le cadre paroissial, rural et urbain, et la sphère individuelle ou

R. Bertrand, Pour une étude… cité n. 21. Sur les aspects socio-professionnels du recrutement confraternel, la voie ouverte par M. Venard et M. Agulhon n’a pas été la plus suivie. Parmi les exceptions : A. E. Barnes, The social dimension of piety. Associative life and devotion change in the penitent confraternities of Marseilles (1499-1792), New York, 1994. 44 Étude exemplaire, portant sur une période antérieure à l'Époque moderne : C. Vincent, Les confréries médiévales dans le royaume de France, XIIIe XVe siècle, Paris, 1994. 42

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RÉGIS BERTRAND

familiale. Michel Vovelle a naguère montré, au prix d’un considérable dépouillement d’archives, l’intérêt et les limites sur ce point de l’étude sérielle des clauses de legs testamentaires45. L’exploitation fine des archives propres de certaines confréries, dans la mesure où elles ont été tenues et conservées, peut procurer une multiplicité d’indices corrélables, en particulier à travers les recrutements et les cursus d’officiers. L’étude des archives privées telles que les livres de raison, peut éclairer sur les rapports entre dévotions personnelles ou familiales et choix des prénoms des descendants, sur les liens avec des couvents grâce aux élections de sépulture, sur l’importance et l’image des confréries à travers les données jugées mémorables d’une existence. Du moins conviendrait-il de tenter de passer du constat de l’offre dévotionnelle théoriquement proposée aux fidèles parce qu’elle existe dans leur paroisse à la pratique réelle de ces derniers ou du moins d’une partie d’entre eux, qu’elle s’exprime ou non dans le cadre associatif. Régis BERTRAND Université de Provence

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M. Vovelle, Piété baroque… cité n. 22.

PHILIPPE DESMETTE

LES CONFRÉRIES RELIGIEUSES DANS LE DIOCÈSE DE CAMBRAI À L’ÉPOQUE MODERNE PERMANENCES ET INNOVATIONS

La réforme opérée par Philippe II en 1559 réduisit le diocèse de Cambrai à un peu moins de 600 paroisses, réparties en 14 doyennés. Élevé au rang d’archevêché en compensation des pertes territoriales subies, il se trouva partagé dès 1659 entre l’Espagne, puis l’Autriche, et la France, la métropole aboutissant définitivement dans l’espace français en 1677. C’est le nord du diocèse – à savoir les doyennés de Bavay, Binche, Chièvres, Hal, Lessines, Mons et Saint-Brice, soit 297 paroisses et succursales à la fin du XVIIIe siècle – qui retiendra notre attention. Chronologiquement, nous envisagerons les deux siècles et demi qui séparent la réforme de 1559 de la fin de l’Ancien Régime1. Aux sources de l’histoire des confréries Depuis plus d’une décennie maintenant, les chercheurs ont largement mis à profit les sources « romaines » susceptibles d’éclairer l’histoire des confréries. On pense en ordre principal aux archives des archiconfréries2 et aux brefs d’indulgences délivrés par le Saint1 Concernant la topographie du diocèse, faute d’une étude d’envergure, on consultera le Tableau général des paroisses du diocèse de Cambrai publié à la suite de l’Ordo Divini officii dicendi missasque celebrandi juxta rubricas breviarii ac missalis romani de 1789, Cambrai, S. Bertoud, 1789, p. 5-12 (Bibl. du Séminaire épiscopal de Tournai, Musée F 2). On y ajoutera G. Deregnaucourt, De Fénelon à la Révolution. Le clergé paroissial de l’archevêché de Cambrai, Lille, 1991, p. 30-37 et A. Lottin, Les temps modernes, dans P. Pierrard (dir.), Cambrai et Lille, Paris, 1978 (Histoire des diocèses de France, 8), p. 97-99. 2 Au sujet des archiconfréries, voir A. Amanieu, Archiconfrérie, dans Dictionnaire de droit canonique, I, Paris, 1935, c. 934-948 et F. Beringer, Les indulgences, leur nature et leur usage, 4e éd. française, II, Paris, 1925, p. 38-44. Plus concrètement, on verra par exemple les travaux de B. Dompnier, Les confréries françaises agrégées à l’archiconfrérie du Gonfalon. Recherche sur une forme du lien à Rome, dans Les confréries du Moyen Âge à nos jours. Nouvelles approches, éd. C. Langlois et P. Goujard, Rouen, 1995, p. 41-56 (Sociabilité, culture et patrimoine. Cahiers du GRHIS, 211) ; Id., Réseaux de confréries et réseaux de dévotion, dans

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PHILIPPE DESMETTE

Siège3. L’intérêt de ces derniers n’est plus à démontrer. Ils offrent aux chercheurs une statistique fiable concernant les titulatures et les fêtes des confréries, grosso modo entre le milieu du XVIIe siècle et la fin du XVIIIe siècle. Dans le cadre qui nous occupe, ces registres semblent exhaustifs à partir de 1653. Auparavant, de 1639 à 1652, cinq brefs seulement sont mentionnés. Sans doute faut-il voir là une mise en route progressive de l’enregistrement qui correspondrait à la systématisation chez les nouvelles confréries de l’usage de solliciter des indulgences du Saint-Siège. La pratique, attestée dès la fin du XVIe siècle, demeure en effet occasionnelle jusque précisément le milieu du siècle suivant4. Notons toutefois certaines limites de ces registres. La large absence d’abord des confréries d’ordres et des confréries agrégées, pourvues d’indulgences par d’autres sources. Ensuite, l’impossibilité de déterminer l’ancienneté et la nature des groupements mentionnés. Enfin, les activités et les objectifs de ceuxci nous demeurent totalement inconnus5. Il convient donc pour toute étude d’ensemble d’y adjoindre les archives des confréries elles-mêmes, documents administratifs ou livrets à destination des confrères6. Dans le diocèse de Cambrai, il faut renoncer en revanche aux sources épiscopales. Les registres du

La circulation des dévotions, Siècles, Cahiers du Centre d’histoire « Espaces et Cultures », 12, 2000, p. 16-28. L’essentiel de la législation en la matière fut fixée par la constitution Quaecumque de Clément VIII en 1604. Bullarium Romanum. Bullarum, diplomatum et privilegiorum sanctorum romanorum pontificum, XI, Turin, 1867, p. 138-143. 3 De manière générale, voir à propos de ces brefs M.-H. Froeschlé-Chopard, Espace et sacré en Provence (XVIe-XXe siècle). Cultes, images, confréries, Paris, Cerf, 1994, p. 569-575. Pour ce qui concerne le diocèse de Cambrai, voir Ph. Desmette, Les brefs d’indulgences pour les confréries des diocèses de Cambrai et de Tournai aux XVIIe et XVIIIe siècles, (Achivio Segreto Vaticano, ci-après abrégé ASV, Sec. Brev., Indulg. Perpetuae, 2-9), Bruxelles-Rome, 2002, 320 p. (Analecta Vaticano-Belgica, 1re série, 33). 4 Concernant les indulgences dans le diocèse de Cambrai, voir Ph. Desmette, Les brefs… cité n. 3, p. 25-26 et id., Le processus d’érection et de réglementation des confréries religieuses dans le diocèse de Cambrai à l’époque moderne, dans Les confréries religieuses et la norme XIIe-début XIXe siècle, Bruxelles, 2003, p. 108-109 (Centre de recherches en histoire du droit et des institutions, Cahiers, 19). 5 Pour une critique de cette source, voir Ph. Desmette, Les brefs… cité n. 3, p. 54-67. 6 Concernant les archives des confréries (actes d’érection, statuts, listes de membres, comptes, indulgences, etc.), voir Ph. Desmette, Typologie des archives paroissiales dans le cadre de l’actuel diocèse de Tournai, dans Congrès de Mons. Sixième congrès de l’Association des cercles francophones d’histoire et d’archéologie de Belgique, IV, Mons, 2003, p. 1 047-1 050. Pour ce qui concerne les livrets, voir Ph. Martin, Une religion des livres (1640-1850), Paris, 2003, p. 467-472 (Histoire religieuse de la France, 22).

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LES CONFRÉRIES RELIGIEUSES DANS LE DIOCÈSE DE CAMBRAI

Vicariat ont disparu7 et les visites pastorales abordent très peu le sujet8. Ampleur et évolution du phénomène Il est rarement possible de conclure avec certitude à l’absence d’un groupement dans une paroisse donnée9. Déterminer le pourcentage de paroisses où une confrérie au moins fut implantée ne va pas non plus sans difficulté en raison du manque de données sérielles. Brefs d’indulgences (1639-1799)

Saints Vierge P. divines Fins dernières Totaux

1639 1659 1 2 2

1660 1679 27 15 9

1680 1699 14 10 9

1700 1719 15 3 4

1720 1739 23 5 10

1740 1759 28 8 7

1760 1779 4 10 11

1780 1799 0 1 0

6

7

10

5

13

5

2

1

49

11

58

43

27

51

48

27

2

267

Totaux 112 54 52

7 On pourra voir un exemple d’utilisation des registres épiscopaux pour le diocèse de Rouen dès le XVe siècle dans C. Vincent, Des charités bien ordonnées. Les confréries normandes de la fin du XIIIe siècle au début du XVIe siècle, Paris, 1988, p. 52 (Collection de l’École normale supérieure de jeunes filles, 39). Pour l’époque moderne, voir par exemple le cas du diocèse de Tournai, voisin de celui de Cambrai dans Ph. Desmette, Deux registres aux délibérations du vicariat de Tournai à la Bibliothèque du Séminaire épiscopal, dans Société royale d’histoire et d’archéologie de Tournai. Bulletin d’information, 1999, 2, p. 8-9. 8 On pourra se rendre compte de l’intérêt porté par ces visites aux confréries grâce aux indications du Répertoire des visites pastorales de la France. Première série : anciens diocèses (jusqu’en 1790), Paris, 1979-1985, 4 vol. et les cartes dressées sur cette base par M.-H. Froeschlé-Chopard, Atlas de la Réforme pastorale en France de 1550 à 1790. Les évêques en visite dans les diocèses, Paris, 1986, p. 196197. Sur l’ensemble du territoire envisagé, 26% des visites traitaient des confréries de 1550 à 1610, 58% de 1610 à 1670, 84% de 1670 à 1730 et 81% de 1730 à 1790. Il faut toutefois garder en vue qu’une mention isolée suffit à inclure un procès-verbal. 9 Un indice révélateur peut toutefois résider dans le silence des semainiers ou registres d’annonces à propos de célébrations confraternelles. Mais encore faut-il qu’ils couvrent une large période. Voir par exemple les cas d’Angreau (Arch. de l’État à Tournai, Arch. par. d’Angreau, 1, Semainier, 1756-1767), de Melles (Archives de l’évêché de Tournai, Semainiers, 1780-1813) ou encore de Quartes (Arch. de l’État à Tournai, Arch. par. de Quartes, 1, Semainier, 1744-1754).

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Sur la base des sources disponibles, nous avons pu constater que ce taux – minimum donc – variait de 65,3% (doyenné de SaintBrice) à 82% (doyenné de Chièvres). Au total, une confrérie au moins a été repérée dans 71,7% des paroisses. Nonobstant le problème des sources, se dessine donc une très large implantation des confréries sur l’ensemble du territoire. Naturellement, une certaine disparité ville/campagne caractérise le phénomène et la perception qu’il nous est permis d’en avoir. Des confréries sont attestées dans la totalité des paroisses urbaines. Mais le taux de pénétration dans les paroisses rurales atteint néanmoins 69,2%. En ce qui concerne les brefs d’indulgences, 45,4% des paroisses sont mentionnées dans les registres vaticans. Qu’en est-il maintenant de l’évolution du mouvement confraternel ? Constatons d’abord que les décennies les plus proches de la fin de l’Ancien Régime, caractérisées par une conservation abondante d’archives, sont loin de dominer au niveau des fondations. Pour le reste, l’interprétation des données antérieures à 1580 reste délicate en raison de la pauvreté des sources disponibles. Fondations et brefs d’indulgences (1559-1799) 1560 1580 1600 1620 1579 1599 1619 1639 Fondations 4 12 14 21 Indulgences 1

1640 1659 19 10

1660 1679 16 58

1680 1700 1720 1740 1760 1780 1699 1719 1739 1759 1779 1799 16 3 8 11 5 0 43 27 51 48 27 2

Immédiatement après, les fondations se multiplient et atteignent leur sommet entre 1620 et 1655 avec 35 fondations connues. Malgré une légère diminution, elles conservent un niveau élevé jusqu’à la fin du XVIIe siècle. Le début du XVIIIe siècle connaît par contre une chute spectaculaire jusqu’à la timide reprise enregistrée à partir des années 1720. Dès 1760 s’amorce un déclin définitif. On ne compte plus que cinq fondations d’ici à la fin de l’Ancien Régime. Les concessions d’indulgences pontificales confirment ce schéma. La période 1660-1679 se présente d’emblée comme la plus riche jusqu’à la fin de l’Ancien Régime. Les deux dernières décennies du XVIIe siècle montrent au contraire une régression, même si l’on ne peut en aucun cas parler d’effondrement. Celui-ci interviendra – parallèle à celui des fondations, mais de manière moins marquée – au début du XVIIIe siècle. La reprise enregistrée vers 1720 correspond à la reprise des érections, mais dans des proportions bien plus importantes. Avec les années 1760, se dessine ici aussi une chute brutale : 27 concessions de 1760 à 1779 et 2 par la suite.

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Le monde urbain semble avoir connu en premier lieu le déclin. En moyenne, sur l’ensemble de la période, les brefs destinés à des confréries établies en ville composent 40% de l’échantillon. Durant la période 1760-1779, les requêtes émanent à 85,1% de confréries rurales. Celles-ci d’ailleurs présentent une grande stabilité par rapport à la période 1740-1759 : 24 occurrences pour 23 maintenant. Après 1766, un seul bref pour une confrérie urbaine figure dans les registres vaticans10. À l’analyse, il se révèle qu’un certain nombre des groupements qui sollicitèrent des indulgences après 1720 existaient antérieurement, parfois depuis plusieurs siècles. D’où les divergences enregistrées par rapport à la courbe des fondations. Ce phénomène peut s’expliquer en partie par la perte d’archives durant les troubles du XVIIe siècle11. Il faut envisager également une baisse de popularité de certains d’entre eux qui tentèrent de redynamiser leurs activités par l’obtention de nouvelles faveurs. D’aucuns n’avaient d’ailleurs jamais obtenu au préalable d’indulgences ni d’approbation épiscopale. En 1737, les confrères de Saint-Hilaire à Mons, dont l’association remontait à 1570, déploraient le petit nombre de membres présents lors des offices et processions. Ils souhaitèrent obtenir de Rome des indulgences afin de pousser les « zéleux » à s’associer et accroître ainsi les libéralités. En conséquence, il s’avéra nécessaire de faire approuver les statuts par l’archevêché12. Cas identique chez les confrères de Sainte-Renelde à Saintes en 1740-174113. Paradoxalement donc, il n’est pas impossible que certaines requêtes correspondent à une période de déclin dans le chef des confréries requérantes. Le succès des fondations et des demandes d’indulgences semble donc s’être estompé au fil du XVIIIe siècle. En analyser les raisons imposerait d’étudier également en détail l’évolution individuelle de

10 ASV, Sec. Brev., Indulg. Perpetuae, 9, f° 260. Ph. Desmette, Les brefs… cité n. 3, p. 200. 11 À Bray, les confrères des Sept-Douleurs de la Vierge ne purent fournir aux autorités épiscopales en 1744 que la copie d’anciennes lettres d’indulgences dont l’original était perdu (Arch. dép. du Nord, 3 G 3.045. 11 septembre 1755. Le curé de Pommeroeul déclarait en 1760 que les indulgences de la confrérie Notre-Dame avaient été égarées (Arch. de l’État à Tournai, Arch. par. de Pommeroeul*, 3 juillet 1760). En date du 22 août 1760, un nouveau bref fut octroyé (ASV, Sec. Brev., Indulg. Perpetuae, 9, f° 47) ; cf. Ph. Desmette, Les brefs… cité n. 3, p. 193. 12 Arch. de l’État à Mons, Arch. par. de Mons, Sainte-Waudru, 299, Résolutions, 9 mai 1728 et 18 mai 1737 (ASV, Sec. Brev., Indulg. Perpetuae, 8, f° 40 v°) ; cf. Ph. Desmette, Les brefs… cité n. 3, p. 170. 13 Ph. Desmette, La confrérie Sainte-Renelde : origine et rayonnement, dans La vie et le culte de sainte Renelde des origines à nos jours, éd. L. Delporte, RebecqTubize, 1996, p. 178-179.

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chaque groupement, sa population, ses revenus, etc. Cela nous aurait mené trop loin. Soulignons toutefois l’influence épiscopale très limitée14 et à l’inverse le poids du contexte politique dans certaines évolutions ponctuelles de la courbe15. Les titulatures L’étude des titres adoptés par les confréries impose d’opérer des regroupements. Nous avons opté pour une répartition en quatre catégories : saints et saintes, Vierge, personnes divines et fins dernières. On gardera toutefois à l’esprit les difficultés suscitées par certaines titulatures ambiguës, telle par exemple Notre-Dame de Miséricorde pour les trépassés. Par ailleurs, nous envisagerons l’ensemble des confréries, c’est-à-dire non seulement les confréries fondées à l’époque moderne, mais aussi les confréries anciennes, souvent d’origine médiévale, qui conservent un attrait indéniable et constituent donc un versant non négligeable du phénomène à la fin de l’Ancien Régime encore. Les saints et saintes occupent 37,8% des patronages connus. Très répandues dès le Moyen Âge, ces confréries demeurent les plus fréquemment fondées jusqu’aux années 1610. De 1600 à 1619, elles représentent ainsi 46,1% des fondations. Par la suite, un tassement s’opère, imputable à la multiplication des confréries de la Vierge et des Trépassés. Néanmoins, les saints figurent encore en moyenne à la tête de 20,4% des confréries fondées jusqu’en 1730. À ce moment, elles connaissent une nouvelle période faste (9 fondations sur 11 entre 1740 et 1759), avant de décliner, à l’image des autres types de confréries.

Ph. Desmette, Les brefs… cité n. 3, p. 72-73. Un exemple : la Guerre de 1673-1678 qui touche le Hainaut à partir de 1674, le laissant dans un état déplorable de ruine complète, marque la courbe de son empreinte. La moyenne passe sous la barre des deux brefs annuels. En 1676, pour la première fois depuis 1661, aucun bref n’est octroyé. Le traité de Nimègue, signé entre la France et l’Espagne (septembre 1678), apaise la situation dans les Pays-Bas. Est-ce un hasard si le nombre de concessions connaît une croissance dans les années qui suivent et ce jusqu’en 1682 ? Les années 1683-1684 marquent un nouvel effondrement (un seul bref) qu’il est tentant de placer en parallèle avec la nouvelle campagne menée par Louis XIV dans le Hainaut. Sur ces événements, voir H. Houtman-Desmedt, De Zuidelijke Nederlanden na de vrede van Munster 1648-1678, dans Algemene geschiedenis der Nederlanden, VIII, Haarlem, 1979, p. 297-307 ; R. De Schrijver, Oorlog en vrede voor de Zuidelijke Nederlanden 16781700, dans le même ouvrage, p. 308-319 ; E. Dony, Histoire du Hainaut de 1433 à nos jours, Charleroi, 1925, p. 231-242. 14

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Avant les années 1760, les brefs à destination des confréries de saints constituent toujours plus de 30% du total. Au plus bas, le seuil se situe à 32,5% (1680-1699). On perçoit ici aussi la reprise des années 1740-1750 où ces brefs constituent plus de 58% du total. Si le creux repéré au niveau des fondations jusqu’en 1730 apparaît moins nettement ici, cela résulte de l’absence, pour les raisons déjà évoquées, des confréries d’ordres dans les registres. D’où une augmentation en termes de proportion des autres types de groupements. Parmi les patrons, beaucoup figurent au rang des évangélisateurs ou des martyrs du haut Moyen Âge vénérés dans la région. Ces confréries trouvent certes parfois leur origine au Moyen Âge, mais encore régulièrement à l’Époque moderne. Ainsi en 1610 à Mons (Sainte-Waudru)16 ou quelques années plus tôt à Soignies. Honoré depuis le Xe siècle au moins, le bienheureux Vincent (VIIe siècle) vit son culte s’intensifier à la fin du XVIe siècle. Une série de miracles débuta en 1595 pour se clôturer en 1643. En 1599, une confrérie vit le jour. Outre la dévotion des confrères à l’égard de leur patron, il faut souligner la part fondamentale qu’ils prirent dans l’organisation de la procession annuelle du lundi de Pentecôte17. Ces érections de confréries et le développement parallèle du culte s’inscrit naturellement dans la campagne contre-réformiste de promotion des saints à laquelle le diocèse de Cambrai ne demeura pas étranger18. Par ailleurs, les confrères ne renonçaient pas à se placer sous la protection de saints « universels », issus des Écritures ou des premiers siècles. Parmi les premiers, citons saint Pierre (11), sainte

16 E. Matthieu, La confrérie de Sainte-Waudru à Mons, dans Annales du Cercle archéologique de Mons, 38, 1898, p. 219-252. 17 Sur tout ceci, nous nous permettons de renvoyer à notre étude Le culte de saint Vincent à Soignies sous l’Ancien Régime. Contribution à l’étude de ses principales manifestations, dans Saint Vincent de Soignies. Regards du XXe siècle sur sa vie et son culte, Soignies, 1999, p. 126-145 (Les Cahiers du Chapitre, 7). 18 Dans le cadre des anciens Pays-Bas, voir M. Cloet, La religion populaire dans les Pays-Bas méridionaux au XVIIe siècle, dans Revue du Nord, 67, 1985, p. 943-944 et A. Lottin, Les temps modernes… cité n. 1, p. 129-130, pour le diocèse de Cambrai. R. Bertrand, dans Les modèles de vie chrétienne (Histoire du Christianisme, 9, s. l., 1997, p. 914), souligne a contrario la popularité relativement secondaire des saints régionaux à la sortie des troubles religieux, en raison notamment du tri des anciennes reliques opéré par les autorités épiscopales. J. Delumeau et M. Cottret suivent le même point de vue (Le catholicisme entre Luther et Voltaire, Paris, 1996, p. 276). De manière générale, sur l’utilisation du culte des saints dans le cadre de la Réforme catholique, voir M. Venard et B. Vogler, Les formes collectives de la vie religieuse, dans Histoire du Christianisme, 8, 1992, p. 972-974.

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Anne (9), saint Joseph (8) ou encore saint Jean-Baptiste (5), auxquels on peut ajouter trois confréries de la Sainte-Famille. Chez les seconds, saint Nicolas (13), sainte Barbe (9), saint Antoine abbé (7), saint Christophe (6), saint Jacques (6), saint Martin (4) se distinguent particulièrement. Et si beaucoup de ces confréries sont d’origine ancienne, médiévale, elles demeurent néanmoins bien vivantes aux XVIIe et XVIIIe siècles. Régulièrement, elles concrétisèrent un culte préexistant. Le fait paraît évident lorsque le saint patron s’identifie à celui de la paroisse, soit dans 45 cas. Plus rarement, le patron d’une chapelle isolée se vit aussi promu à la tête d’une confrérie. En règle générale, ces fondations décentrées sont relativement anciennes et datent au plus tard de la première moitié du XVIIe siècle. Parmi les ordres religieux, les Bénédictins accueillent peu de ces confréries. Les Franciscains promurent par contre les cultes de saint Antoine de Padoue (6) et de saint François (4 confréries dont 3 du cordon). Mais ceux-ci demeurèrent le plus souvent confinés aux couvents, touchant peu les paroisses. Ainsi, des six confréries en l’honneur d’Antoine de Padoue, trois avaient leur siège chez des Récollets (Ath, Fontaine-l’Évêque et Mons), une chez les Conceptionistes d’Enghien, pour deux seulement dans des églises paroissiales (Péruwelz et Willaupuis)19. La découverte vers 1650 des reliques de saint Donat dans les catacombes marqua par contre le début d’un culte neuf promis à un brillant avenir20. Réputé pour son action protectrice contre le feu et la foudre, sa popularité fut grande à partir du milieu du XVIIIe siècle : 7 brefs d’indulgences parvinrent dans le nord du diocèse de Cambrai entre 1752 et 1757 ; 12 dans l’ensemble du diocèse jusqu’en 178221. On pourrait parler également du culte de saint Roch, placé à la tête de 12 associations, attestées pour la plupart (7) à partir du XVIIe siècle22.

19 Pour ces confréries, connues avant tout grâce à des brefs d’indulgences, voir Ph. Desmette, Les brefs… cité n. 3, passim. 20 Concernant saint Donat, martyr romain, voir Biblitoheca Sanctorum, IV, Rome, 1964, c. 792. Sur la diffusion des reliques et l’influence romaine en cette matière, voir B. Dompnier, Continuité de la Réforme catholique, dans Histoire du Christianisme, IX, p. 240-241 et H. Leclercq, Catacombes, dans Dictionnaire d’archéologie chrétienne et de liturgie, II, Paris, 1910, c. 2439-2440 21 D’où la publication de livrets tel Confrérie de Saint-Donat martir, patron contre les orages, la foudre et les tempêtes établie dans l’église paroissiale de SaintMartin en la ville d’Ath, Mons, P.-J.-J. Plon, 1753, 38 p. (Bibl. du Séminaire épiscopal de Tournai, Musée G 4). 22 Par exemple à Hal. Rijksarchief te Leuven, Kerkarchief van VlaamsBrabant, 33.242. Érection et statuts, 1635.

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Les confréries mariales représentent pour la période envisagée 27,4% des patronages. Elles connaissent leur plein succès durant la première moitié du XVIIe siècle : 7 fondations sur 14 entre 1600 et 1619, 12 sur 21 entre 1620 et 1639 et 8 sur 19 entre 1640 et 1659. On assiste alors à la multiplication des confréries des Sept-Douleurs de la Vierge (13, dont 6 sont attestées pour la première fois entre 1620 et 1650), mais surtout du Rosaire (35, dont la première date de 1609 et 11 au moins furent fondées entre 1620 et 1645) et du MontCarmel (25, principalement établies durant les décennies 16401650). Par la suite, les fondations se tassent : 5 sur 16 en 1660-1679, 3 sur 16 en 1680-1699, malgré l’émergence de groupements liés à des sanctuaires de pèlerinage, indépendants cette fois de tout ordre religieux. Après 1700, le déclin s’accentue encore : 4 fondations sur 27 entre 1700 et 1779. Le paradoxe des données fournies par la courbe des brefs d’indulgences n’est qu’apparent. Avant 1660, on compte seulement 2 brefs sur les 12 répertoriés. Par la suite, les quelques confréries de pèlerinage qui voient le jour entraînent une augmentation significative des concessions : 25,8% des brefs de 1660 à 1679 et 23,2% entre 1680 et 1699. Le déclin affiché par les fondations à partir de la fin du siècle se retrouve ici également : 11,1% des brefs de 1700 à 1719 et 9,8% durant les 20 années suivantes. En revanche, de 1760 à 1779, une reprise se fait jour qui vaut à ces groupements de recevoir 37% des brefs. Une série d’anciennes confréries d’ordres manifestent alors leur désir d’obtenir des indulgences pontificales (7 cas sur 17). Est-ce dû à l’ignorance dans laquelle elles se trouvent désormais de connaître avec précision les faveurs dont elles bénéficiaient à leur origine, pourtant détaillées dans les livrets de dévotion ? À tout le moins, cela témoigne de leur éloignement par rapport à l’ordre fondateur23. Peu de liens doivent être établis ici avec la titulature des églises paroissiales. Moins de 10 cas au total. Des nuances s’imposent toutefois. Le nombre d’églises ou succursales placées sous le patronage de la Vierge est restreint : 13,9% du total24. De surcroît, certaines titulatures (Rosaire, Mont-Carmel, etc.) n’ont pas été retenues pour cette comparaison, puisque liées à des facteurs autres que le patronage paroissial. Mais ont pu préexister là des confréries de la Vierge

23 Citons par exemple la confrérie du Rosaire d’Escanaffles, érigée en 1639, qui obtint un bref le 12 janvier 1779 (ASV, Sec. Brev. Indulg. Perpetuae, 9, f° 349) ; cf. Ph. Desmette, Les brefs… cité n. 3, p. 203 et A. Descamps, Escanaffles, Escanaffles, 1952, p. 36. 24 G. Deregnaucourt, De Fénelon… cité n. 1, p. 33.

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qui évoluèrent ensuite vers ces nouvelles titulatures. Enfin, des chapelles isolées accueillent en plus grand nombre des confréries : Kain (Notre-Dame de la Tombe)25, Estinnes-au-Mont (Notre-Dame de Cambron)26, etc. Parmi les plus anciennes associations, beaucoup étaient en lien avec les vertus prêtées à la Mère de Dieu. Citons Notre-Dame de Pitié27, de Miséricorde28 ou de Consolation29. D’autres tiraient leur nom d’un toponyme. Il pouvait s’agir de sanctuaires modestes, au rayonnement limité, ainsi Notre-Dame d’Hautrage établie en 148230, ou de centres à vocation régionale, tel Tongre-Notre-Dame31. Dès le Moyen Âge, mais plus encore à partir du XVIIe siècle, se multiplient les confréries de pèlerinage, en lien direct avec ces lieux de culte. Leur originalité réside dans le moment central que constitue chaque année la visite au sanctuaire primitif. D’emblée, viennent à l’esprit les confréries en l’honneur des Vierges de Hal à Mons (1677)32, BonSecours à Tournai (1651)33, ou encore Alsemberg à Mons (1669)34. À n’en pas douter, les confrères recherchaient avant tout la protection et l’intercession de Marie.

25 Chapelle du hameau de la Tombe à Kain ; E. Roland, Notre-Dame de la Tombe à Kain. Sa chapelle, sa confrérie, son célèbre pèlerinage, Tournai, 1952, 95 p. 26 Th. Lejeune, Notice historique sur la Vierge miraculeuse de Cambron et sur la chapelle érigée en son honneur à Estinnes-au-Mont, Écaussinnes, 1872, 42 p. 27 À Braine-le-Comte, citée en 1512 ; C. Dujardin, J.-B.-J. Croquet et P. Bourdeau, La paroisse de Braine-le-Comte, souvenirs historiques et religieux, Braine-le-Comte, 1889, p. 251-252. 28 À Audregnies, où la confrérie reçut des indulgences en 1759. À Velaines, la confrérie de Notre-Dame refuge des pêcheurs obtint également des indulgences en 1779 (ASV, Sec. Brev., Indulg. Perpetuae, 9, f° 20 v° et f° 349) ; cf. Ph. Desmette, Les brefs… cité n. 3, p. 192 et 203. 29 Tournai, paroisse Saint-Jean-Baptiste, fondée en 1650. Arch. de l’État à Tournai, Arch. par. de Saint-Jean-Baptiste, 66, Pièce de procédure, 1708. 30 Arch. de l’État à Mons, Arch. par. de Hautrage, 5. 31 La confrérie est attestée dès 1524 ; G. Huart, L’histoire admirable de NostreDame de Tongre avec ses principaux miracles par M. Georges Huart, Mons, Veuve S. De la Roche, 1671, p. 25 (Bibl. du Séminaire épiscopal de Tournai, Musée G 5). 32 Confrérie de Mons. Arch. de l’État à Mons, Arch. par. de Mons, Sainte-Élisabeth, 442-444 ; J. Lipse, Diva Virgo Hallensis. Beneficia eius & miracula fide atque ordine descripta, Anvers, Plantin, 1616, p. 70-72 (Bibl. du Séminaire épiscopal de Tournai, Musée H 5). 33 Ainsi la confrérie tournaisienne (Saint-Brice) ; Guillaume, Histoire populaire de Notre-Dame de Bonsecours et des principaux miracles opérés par son intercession depuis les origines jusqu’à l’année 1914, 4e éd., Paris-Tournai, [1913], p. 36. 34 Confrérie de Mons par exemple. Arch. de l’État à Mons, Fonds français, liasse 404, I, Requête des confrères, 1804.

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Au sein des confréries christiques (23,3%) les confréries du Saint Sacrement dominent sans conteste (52,9%). Leur développement remonte aux années 1530-156035. Un certain nombre d’entre elles doivent être replacées dans le contexte de l’archiconfrérie de la Minerve à Rome, établie suite à la bulle Dominus noster Jesus Christus de Paul III du 30 novembre 1539. Le pape accordait de facto à toutes les confréries du Saint Sacrement approuvées par l’ordinaire les indulgences de l’association romaine36. Cinq confréries du diocèse de Cambrai figurent dans le registre romain des agrégations entre 1540 et 1544, registre qui en totalise 1 69837. Faute d’avoir pu consulter les registres suivants conservés au couvent de la Minerve, nous devons nous contenter par la suite des indications fournies par les archives locales. On remarque d’une part des groupements dont les statuts font allusion à l’association romaine, en raison des indulgences y liées38, mais sans qu’ils aient eu pour autant un contact direct avec elle. Dans d’autres cas, la confrérie s’adressa bien à l’archiconfrérie et en adopta les statuts39. À partir des années 1570, se manifeste une baisse d’intensité, avec deux fondations seulement jusqu’à la fin du siècle. L’archevêque Guillaume de Berghes (1601-1609) continua pourtant à soutenir l’érection de ces confréries : Confraternitates corporis Christi in omnibus locis, saltem celebrioribus, erigi optamus, déclara le synode de Cambrai de 160440. Qu’en résulta-t-il ? Aucune indication n’est à rele-

35 Parmi nombre d’autres : 1532 à Mons, paroisse Sainte-Élisabeth (Arch. de l’État à Mons, Arch. par. de Sainte-Élisabeth, 450-467), 1534-1535 à Soignies (L. Destrait, Statuts de la confrérie du Saint-Sacrement de Soignies, dans ACAS, VIII, 1938, p. 75-81), 1554 à Condé (Histoire de Condé par le Duc de Croÿ, p. 258267, XVIIIe siècle, Bibl. mun. de Valenciennes, ms. 527). Le monde rural fut touché un peu plus tardivement : ainsi à Horrues en 1549 (Arch. de l’État à Mons, Arch. par. de Horrues, 54, Statuts). 36 Bullarium… cité n. 2, VI, p. 275-280. La confrérie du Saint Sacrement de la collégiale Saint-Martin à Liège est l’une des rares associations à avoir conservé la plupart des documents relatifs à son agrégation en 1573 ; cf. J.-P. Delville, La confrérie du Saint-Sacrement, dans Saint-Martin. Mémoire de Liège, éd. M. Laffineur-Crepin, Liège, 1990, p. 165-176. 37 On y trouve également sept confréries du diocèse de Tournai, mais aucune de Liège (Archivio generale ordinis Praedicatorum, XVI 241). 38 Arch. de l’État à Mons, Arch. par. de Saint-Ghislain, 16, Statuts, 1562 ; P. Delattre, La confrérie du Saint-Sacrement à Antoing, dans Annales du Cercle royal d’histoire et d’archéologie d’Ath, XXVI, 1940, p. 339-340. 39 Ainsi à Condé en 1554 (Histoire de Condé… cité n. 35, p. 258-267) et à Ath la même année (Arch. d’Ath, Saint-Julien, 1 309, Statuts, 1677). 40 Th. Gousset, Les actes de la Province ecclésiastique de Reims, III, Paris, 1844, p. 672.

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ver avant 1636, date à laquelle deux lettres d’indulgences pontificales parviennent dans le diocèse41. Quant aux registres vaticans, ils mentionnent un bref en 165242, après quoi il faut attendre 1665. Le renouveau viendra au cours des années 1680. De 1680 à 1699, 9 brefs apparaissent. À cette époque, pas moins de 9 fondations sont également attestées, spécialement en ville où fleurissent les confréries d’escorte du Saint Sacrement. Le mouvement se poursuit ensuite, régulier, jusqu’en 1772, avec une moyenne d’un bref tous les quatre ans. Si les fondations se font rares au XVIIIe siècle, il faut cependant souligner les approbations de statuts sollicitées alors auprès de l’épiscopat par d’anciennes confréries43. Quant aux agrégations, elles ne franchirent guère le cap du XVIe siècle. Deux seulement nous sont connues ensuite, à Saint-Ghislain (1702)44 et à Mons (1735)45. Encore s’agit-il de confréries érigées depuis le XVIe siècle et même, dans le second cas, d’une confrérie déjà agrégée officiellement en 156346. En milieu urbain, pratiquement chaque paroisse disposait à la fin du XVIIe siècle de sa confrérie (par exemple les six paroisses montoises ou les trois paroisses de Tournai dépendant de l’archevêché de Cambrai). À partir des données conservées, nous pouvons dire qu’à la fin du XVIIIe siècle, 18,8% des paroisses – rurales et urbaines confondues – possédaient ou avaient possédé une confrérie du Saint Sacrement47. Au total, elles représentent 11,5% des confréries connues et 12,4% des brefs d’indulgences.

41 À Louvignies (Arch. du musée du Chapitre, Soignies, Arch. par. de Louvignies, 513) et à Saint-Vaast (L. Deltenre, Livre d’or de la vénérable et noble confrérie du S. Sacrement, dite confrérie des XIII, érigée en la bonne ville de Thuin l’an de N.S. XVcXXIX, dans Documents et rapports de la Société de paléontologie et d’archéologie de Charleroi, 39, 1933, p. 284). 42 Pour la paroisse de Silly (ASV, Sec. Brev., Indulg. Perpetuae, 3, f° 685) ; cf. Ph. Desmette, Les brefs… cité n. 3, p. 102. 43 Par exemple Arch. du musée du Chapitre, Soignies, Arch. par. de Naast*, Statuts, 1747. 44 Arch. de l’État à Mons, Arch. par. de Saint-Ghislain, 16, Lettre d’agrégation du 7 octobre 1702. 45 Sommaire des grâces, privilèges & indulgences de la confrérie du très SaintSacrement de l’autel, érigée en l’an mil cinq cens soixante trois dans l’église collégiale & paroissiale de Saint-Germain, avec des exercices journaliers pour méditer sur cet adorable mystère, Mons, M. Varret, 1736, p. 56-73 (Bibl. univ. de Mons, 39/J). 46 Ce qui correspond à l’analyse de M.-H. Froeschlé-Chopard, Espace… cité n. 4, p. 556, qui a pu analyser les registres des XVIIe et XVIIIe siècles de la confrérie romaine. Voir également Ph. Desmette, Les brefs… cité n. 3, p. 58-59. 47 En France, entre 7% (diocèse de Strasbourg) et 90% (diocèse de Montpellier) des paroisses disposaient d’une confrérie du Saint Sacrement au

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Les confréries du Saint-Nom de Jésus, centrées sur la lutte contre le blasphème, apparurent quant à elles dans le diocèse de Cambrai à la fin du XVIe siècle. Implantées en milieu urbain d’abord, elles connurent une diffusion limitée (12 cas)48. Au contraire, les confréries de la Trinité s’implantèrent massivement (25 cas) vers le milieu du XVIIe siècle. Destinées à récolter des offrandes en vue de permettre le rachat des chrétiens captifs des infidèles, elles n’en développaient pas moins des activités pieuses comparables à celles des autres groupements49. D’autres dévotions, typiques de l’époque moderne, demeurent pour ainsi dire absentes. C’est le cas des confréries du Sacré-Cœur50. Deux d’entre elles furent érigées, sans doute en 1703, dans des maisons religieuses. Seule la troisième prit place dans l’église paroissiale de Péruwelz51. On peut situer dans la même ligne la confrérie du Sauveur flagellé, établie chez les Croisiers de Tournai52. À noter seulement deux confréries paroissiales – urbaines – centrées sur la

XVIIIe siècle ; cf. M.-H. Froeschlé-Chopard, De la confrérie du Saint-Sacrement au culte du Sacré-Cœur. Le passage de l’homme à l’individu, dans Confréries et dévotions à l’épreuve de la Révolution, Actes du colloque de Marseille (18-19 mars 1988), éd. M.-H. Froeschlé-Chopard, Marseille, 1989, p. 137-138 (Provence historique, 156). 48 Sur le développement de ces confréries, voir Ph. Desmette, La confrérie du Saint-Nom de Jésus de Soignies en 1581. Ses origines romaines. Ses influences à Flobecq, dans Bulletin de la Commission royale d’histoire, CLXVIII, 2002, p. 200-203. 49 Selon J. Pujana (La orden de la santissima Trinidad, Salamanque, 1993, p. 115-116), 80 localités de la Belgique actuelle auraient compté une telle confrérie sous l’Ancien Régime. Voir également de manière générale sur ces associations P. Deslandres, L’ordre des Trinitaires pour le rachat des captifs, I, Toulouse-Paris, 1903, p. 347-354. Un livret fut massivement diffusé : La confrérie de la très SainteTrinité et rédemption des captifs, Ath, P.-J.-J. Plon, 1744, 119 p. (Bibl. du Séminaire épiscopal de Tournai, Musée G 5). 50 À propos de ces confréries, voir M.-H. Froeschlé-Chopard, Aspects et diffusion de la dévotion du Sacré-Cœur au XVIIIe siècle, dans Mélanges de l’École française de Rome. Italie et Méditerranée, 112, 2000, 2, p. 737-784 et id., La dévotion au Sacré-Cœur. Confréries et livres de piété, dans Revue de l’histoire des religions, 217, 2000, p. 531-546. 51 La première sans doute chez les Visitandines de Mons (bref du 3 mars 1703), la seconde chez les Célestines de Tournai (bref du 17 mars 1703). Le troisième bref date du 21 mai 1768, mais la confrérie aurait été érigée en 1749 ; L.A.-J. Petit, Histoire de la ville de Péruwelz, dans Mémoires et publications de la Société des sciences, des arts et des lettres du Hainaut, XXVI, 1871, p. 147 ; ASV, Sec. Brev., Indulg. Perpetuae, 6, fos 320 v° et 322 ; 9, f° 199 v° ; Ph. Desmette, Les brefs… cité n. 3, p. 140 et 198. 52 ASV, Sec. Brev., Indulg. Perpetuae, 3, fos 551 et 546 (17 mars et 31 mai 1664) ; cf. Ph. Desmette, Les brefs… cité n. 3, p. 97 et 99.

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croix53, à Mons et Ath54. Ces cultes, visiblement, demeurèrent confinés aux maisons religieuses55. Plus tardives, les confréries des Fins Dernières restent quantitativement inférieures, avec 11,3% du total. Les plus anciennes, apparues dans les années 1620, s’intitulent confréries des Trépassés, des Âmes du Purgatoire ou encore de la Miséricorde pour les Trépassés56. À défaut de nous renseigner sur la première moitié du XVIIe siècle, les concessions d’indulgences confirment le succès de ces confréries dans les années 1640-1650, avec 4 brefs sur 11. Le succès se maintient ensuite, même si en termes de pourcentages les chiffres demeurent faibles (4 brefs sur 59 en 1660-1679, 9 sur 43 en 1680-1699, etc.), soit une moyenne entre 1660 et 1759 de 11,9% des brefs octroyés. La fin de l’Ancien Régime marque en revanche un effondrement total. À ces confréries des Trépassés, vont s’ajouter à la fin du XVIIe siècle et au début du XVIIIe siècle deux nouveaux types d’associations, centrées non plus sur l’intercession en faveur des défunts, mais sur le trépas57. D’une part apparaissent les confréries des Agonisants : quatre d’entre elles sont attestées entre 1678 et 1736, auxquelles on peut ajouter celle de Saint-Joseph à Asquillies58. Aucune indication ne nous renseigne à propos d’éventuelles agréga-

53 Thème développé dans leurs missions par les jésuites, notamment entre 1680 et 1750, même si de nombreuses croix érigées dans ce contexte devinrent rapidement des objets sacralisés investis d’une certaine puissance ; L. Châtellier, La religion des pauvres. Les sources du christianisme moderne, XVIe-XIXe siècles, Paris, 1993, p. 157. 54 Arch. de l’État à Mons, Arch. par. de Saint-Nicolas-en-Havré, 642, Statuts, 1720 ; Arch. de la ville d’Ath, Saint-Martin, 882, Statuts, vers 1675-1694. 55 Voir au sujet de l’influence des ordres religieux M.-H. Froeschlé-Chopard et F. Hernandez, Les dévotions des confréries. Reflet de l’influence des ordres religieux ?, dans Dimensioni e problemi della ricerca storica, 2, 1994, p. 104-126. 56 Par exemple : Th. Lejeune, Histoire de la ville de Binche, dans Mémoires et publications de la Société des sciences, des arts et des lettres du Hainaut, XXXVIII, 1884, p. 147-148 et 554-557 (1621) ; Arch. de l’État à Mons, Arch. par. de Mons, Sainte-Élisabeth, 408, Statuts, 1631 ; Arch. de l’État à Mons, Arch. par. de Lens, 67, Statuts, 1653. 57 Voir à leur sujet F. Hernandez, Les confréries de l’Agonie de Jésus et des agonisants à la lumière de leurs livrets et manuels, dans La circulation des dévotions, Siècles, cahiers du Centre d’histoire « espaces et cultures », 12, 2000, p. 29-56. 58 On connaît la protection particulière recherchée pour les mourants auprès de saint Joseph. Si le terme d’agonisants n’apparaît pas dans le titre de la confrérie d’Asquillies, son règlement ne laisse aucun doute sur sa parenté avec ces associations ; Confrérie de Saint-Joseph érigée en l’église paroissiale d’Asquillies par les bulles apostoliques placetées par Monseigneur l’archevêque, 1752, Mons, H. Bottin, 1752, p. 5-14 (Bibl. univ. de Mons, 204/C).

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tions à l’archiconfrérie romaine de la Nativité de Notre-Seigneur Jésus-Christ et des Agonisants. L’objectif de ces groupements consistait à fournir une aide spirituelle aux mourants au moment de leur agonie afin de leur assurer une « bonne mort », condition indispensable à l’obtention du salut éternel. D’autre part, à partir des années 1660, les confréries de l’Agonie de Jésus ou de la Bonne Mort constituent une seconde innovation. Quatre sont connues, dont trois dans des maisons religieuses59. En apparence proches des précédentes quant à leurs fins, elles s’en révèlent à l’analyse relativement éloignées. L’objectif consiste certes toujours à obtenir une bonne ou heureuse mort, mais alors que les confrères des Agonisants dirigent leurs prières vers leurs confrères à l’agonie, les membres de ces associations visent à parvenir eux-mêmes à une heureuse mort par un travail spirituel quotidien, effectué chaque jour de leur vie. Les structures collectives se révèlent ici des plus limitées. Dernier type de confréries liées au trépas, celles des SaintsAnges-Gardiens, dont Clément X officialisa la fête en 167060. On en dénombre huit, implantées essentiellement en milieu rural entre 1653 et 1761, avec un succès particulier durant les décennies 17201730. En honorant son ange protecteur, le confrère espérait non seulement éviter une mort subite, mais également obtenir un soutien efficace au moment de son trépas. De surcroît, il avait d’autant moins à craindre ce moment clé que son ange lui aurait évité durant sa vie même de sombrer dans de trop grandes fautes. Si ces confréries se révèlent proches dans leur objet des confréries de la Bonne Mort et développent également une certaine piété personnelle, leurs exigences s’avèrent nettement plus modestes que celles des premières. Les pratiques Au-delà des titulatures, il importe de saisir en profondeur le quotidien des confréries. Prenons pour exemple les confréries du Saint Sacrement. La plus ancienne dont on ait gardé la trace fut érigée en 1503 à Lessines. Faute d’en connaître les statuts, examinons

59 Chez les Jésuites de Ath et de Mons, ainsi que les Ursulines de Mons (ASV, Sec. Brev., Indulg. Perpetuae, 3, f° 729, 15 septembre 1666 ; f° 131, 19 avril 1659 et 4, f° 220 v°, 13 mai 1672) ; cf. Ph. Desmette, Les brefs… cité n. 3, p. 105, 91 et 113. 60 Sur ce culte, voir B. Dompnier, Des anges et des signes. Littérature de dévotion à l’ange gardien et image des anges au XVIIe siècle, dans G. Demerson et B. Dompnier (dir.), Les signes de Dieu aux XVIe et XVIIe siècles, Clermont-Ferrand, 1993, p. 211-223 ; J. Delumeau, Rassurer et protéger. Le sentiment de sécurité dans l’Occident d’autrefois, Paris, 1989, p. 293-339.

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ceux de la modeste association établie dans le petit village d’Horrues en 1549. Le nombre de confrères ne pouvait pas dépasser soixante et toute admission était subordonnée à une décision de l’ensemble des membres. À cette occasion, un droit de 10 sous tournois était perçu. Le versement de 2 livres tournois était exigé de quiconque souhaitait quitter le groupe. Les activités consistaient à participer à la procession paroissiale du Saint Sacrement et à l’office au jour de la fête. Tous devaient assister aux funérailles d’un associé. Les vêpres célébrées chaque jeudi aux frais de la confrérie n’entraînaient en revanche aucune obligation. Du point de vue profane, le banquet annuel constituait un rendez-vous incontournable61. Manifestement, nous sommes toujours ici en présence d’une confrérie de type médiéval. Comme nous l’avons dit, quelques confréries adopteront à la même époque les statuts de la Minerve de 1539. C’est le cas à Condé. Logiquement, les confréries se préoccupent avant tout du culte public, délaissant toute pratique de piété personnelle62. Les statuts renouvelés de la Minerve en 156163 n’ont quant à eux laissé aucune trace dans le territoire envisagé. Si l’on examine maintenant les statuts de la confrérie d’Antoing, approuvés en 1594 par l’archevêché, un certain nombre d’innovations se font jour. La communion y est requise à l’entrée et lors des principales fêtes de l’année, soit à cinq reprises outre Pâques : Nativité du Christ, Pentecôte, Saint Sacrement, Assomption et Toussaint. En outre, chaque semaine, les confrères doivent entendre une messe en l’honneur du Saint Sacrement ou, à défaut, réciter un rosaire. Lorsque le corps du Christ est porté à un infirme, ils s’efforcent de l’accompagner ou à défaut récitent une prière64. En 1631 paraît à Arras un livret destiné cette fois à la confrérie du Saint Sacrement d’Ath, agrégée en 1554 à la Minerve. Les statuts n’innovent en rien par rapport à ceux de cette dernière. Pourtant, on voit apparaître une série de conseils spirituels, de sujets de réflexions destinés à aider les confrères à dépasser une simple piété de gestes65.

Arch. de l’État à Mons, Arch. par. de Horrues, 54, Statuts. Histoire de Condé… cité n. 35, p. 258-267. Concernant ces statuts, voir M.H. Froeschlé-Chopard, Espace… cité n. 4, p. 510-512. 63 M.-H. Froeschlé-Chopard, Espace… cité n. 4, p. 528-532. 64 P. Delattre, La confrérie… cité n. 38, p. 342-345. 65 Le bon usage du très auguste Sacrement de l’autel et du très excellent sacrifice de la messe, avec un sommaire des grâces, indulgences & privilèges concédés à la célèbre confrairie du très Sainct-Sacrement érigée en la ville d’Ath, dressé et tissu de 61 62

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On franchit ici un pas dans la dévotion. Notons que la rédaction de ce livret fut l’œuvre non pas des confères, mais d’un jésuite66. La prudence s’impose car la portée de ces deux exemples demeure limitée. Toutes les confréries du Saint Sacrement sont loin d’adopter à la charnière des XVIe et XVIIe siècles les usages ici décrits. Un chanoine sonégien ne légua-t-il pas en 1598 5 livres 10 sous tournois à la confrérie locale pour ses « depenses de bouche » ?67 La confrérie de Blaton fournit un exemple plus révélateur encore. Établie en 1575, approuvée par l’ordinaire l’année suivante, elle obtint une nouvelle confirmation des autorités archiépiscopales en 1626. Les statuts conservés sont postérieurs à 1713, mais ils ne diffèrent sans doute guère de ceux avalisés au début du siècle précédent. L’entrée et l’issue coûtaient 10 sous au confrère. Chaque année, il devait en outre assumer sa part des dépenses, à savoir les frais liturgiques, mais également « autres choses raisonnables approuvées par les confrères… ». Tout manquement pouvait entraîner des poursuites devant la justice et l’exclusion pure et simple. Chaque jeudi, une messe en l’honneur du Saint Sacrement avait lieu dans l’église paroissiale, mais sans obligation pour les membres d’y assister. Il n’en allait pas de même pour les funérailles ou l’obit d’un confrère, au risque d’encourir une amende. Aucun désaccord ne pouvait survenir non plus entre les associés. Manifestement, on ne s’éloigne guère ici des usages repérés à Horrues en 1549. Seul le banquet, incompatible avec une approbation épiscopale, disparaît, officiellement tout au moins68. Il faut en fait attendre les années 1680 et l’apparition des confréries centrées sur l’escorte du viatique pour assister à une véritable innovation : « Il y aura quattre confreres d’entre les eclesiasticques et le quart des confreres seculiers qui chacque sepmaine succesivement se rendront dans laditte eglisse lors qu’on portera le matin le tres Saint-Sacrement aux malades de la paroisse »69. L’émergence de telles associations ne révèle-t-elle pas un désintérêt des fidèles et

plusieurs autheurs par le R.P. Jacques Simon de la compagnie de Jésus, Arras, J.-B. et G. De la Rivière, 1631, p. 36-37 (Bibl. mun. d’Arras, La 102). 66 Cette confrérie avait été prise en charge par les Jésuites athois en 1625 après qu’elle soit « presque entièrement tombée » ; P. Delattre, Les Jésuites à Ath (1621-1773), dans Annales du Cercle royal d’histoire et d’archéologie d’Ath, XXIII, 1937, p. 15. 67 Arch. de l’État à Mons, Chapitre Saint-Vincent, 49, Testament d’Arnould Massy. 68 Arch. de l’État à Tournai, Archives locales, C 2648, Statuts. 69 Arch. de l’État à Mons, Arch. par. de Saint-Nicolas-en-Havré, 752, Statuts, 1680.

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notamment des confrères du Saint Sacrement pour l’escorte70 ? C’est ce qu’indiquent les préambules des statuts : « Messieurs les doyens, grand-maitres et mambours de Sainte-Elisabeth remarquant avec regret et douleurs le peu de devotion qu’on porte au plus auguste de nos sacrements, principallement lors qu’on le porte aux malades ou le plus souvent il est porté sans dais et flambeaux, ÿ estant conduit avec une seule lanterne portée par le clercq »71. Notons qu’aucune démarche d’intériorisation n’est ici proposée aux confrères. Ni prière, ni hommage personnel au Corps du Christ ne sont requis. Élément significatif : « Il n’importe pas tant que le nombre des seculiers semeniers soit complet ». L’objectif poursuivi est donc bien d’accroître le culte public. Le livret publié en 1694 par la confrérie de la paroisse Sainte-Waudru à Mons traite de l’historique de la dévotion, du règlement et des indulgences, mais n’aborde en rien la prière ou la méditation. L’auteur justifie implicitement cette absence en déclarant que cette escorte constitue sans aucun doute un acte agréable à Dieu si on n’a pas le courage d’instaurer une adoration72. Manifestement, les démarches diffèrent. Les années 1720 vont marquer en cette matière une réelle évolution. La Pratique pieuse pour assister devotement avec un flambeau quand on porte le très Saint-Sacrement... pour la paroisse de SaintGermain (1722)73 n’entend plus encourager l’escorte – dont l’usage est implanté, nous dit-on, depuis 1687 – mais désire désormais présenter une méthode pour ce faire. Le confrère se voit proposer des pistes de réflexion : la flamme lui suggérera de tourner son espérance vers le ciel ; la chaleur lui rappellera l’ardeur de la charité avec laquelle il aime le Christ ; etc. Restons dans la même paroisse et exa70 La confrérie de l’escorte de Saint-Nicolas-en-Havré, établie en 1680, tenta vainement d’obtenir l’union avec l’ancienne confrerie du tres Saint-Sacremen. En 1710 encore, l’échec était patent, ce qui révèle bien les divergences d’objectifs ; Arch. de l’État à Mons, Arch. par. de Saint-Nicolas-en-Havré, 748, Registres aux résolutions de la confrérie de l’escorte, 10 août 1684, 17 avril 1785, 10 juillet 1693, 5 août 1703 et 8 juin 1710. Voir à propos de ces confréries A. Dupont, Les confréries du Saint-Sacrement et le phénomène normatif dans le diocèse de Cambrai. Les exemples d’Ath, Saint-Ghislain et Mons, XVIe-XVIIIe siècle, dans Les confréries religieuses et la norme... cité n. 4, p. 111-135. 71 Arch. de l’État à Mons, Arch. par. de Mons, Sainte-Élisabeth, 450, Statuts, 1681. 72 Association pour accompagner Nostre Seigneur aux malades, érigée dans l’église de Sainte-Waudru par l’authorité de Monseigneur archevêque & duc de Cambray, le 28 septembre 1687, Mons, E. De la Roche, 1687, 24 p. (Bibl. univ. de Mons, 39/M 8.996). 73 Pratique pieuse pour assister dévotement avec un flambeau quand on porte le très Saint-Sacrement aux malades en forme de viatique, présentée à messieurs les confrères de l’église collégiale & paroissiale de Saint-Germain à Mons, [Mons], J.N. Varret, 1722, 64 p. (Bibl. du Séminaire épiscopal de Tournai, Musée G 3).

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minons un autre ouvrage au titre significatif, publié en 1736 : Sommaire des grâces, privilèges & indulgences de la confrérie du très Saint-Sacrement de l’autel, érigée en l’an mil cinq cens soixante trois dans l’église collégiale & paroissiale de Saint-Germain, avec des exercices journaliers pour méditer sur cet adorable mystère74. Il s’agit certes encore d’instruire les confrères quant aux fins de leur association et de leur donner connaissance des indulgences dont ils peuvent bénéficier, mais après cette introduction qui compose le premier volume, viennent 153 pages d’exercices spirituels, de méditations, d’oraisons, etc., dans l’espoir que les membres voudront « retirer tout le fruit d’une telle lecture ». En milieu rural, il faudra attendre davantage. À Boussu, un livret publié en 1769 parle des confrères en termes de « fidèles & zélés adorateurs ». Ils devront, lorsque le Saint Sacrement sera exposé dans l’église, consacrer chacun une heure à son adoration. Trois fois par jour, ils réciteront la devise de la confrérie : « Loué soit à jamais le très Saint-Sacrement de l’autel ». À leur entrée et au jour du Saint Sacrement, ils prendront soin de communier. L’escorte du viatique constitue également une de leurs tâches essentielles. La seconde partie du livret est d’ailleurs consacrée à « ce qu’il faut faire pour accompagner dévotement le très Saint-Sacrement lors qu’on le porte aux infirmes & aux malades »75. Autre exemple, celui de la confrérie établie à Masnuy-Saint-Jean la même année : on y parle de « reconoître l’amour infini » de Jésus-Christ, « de s’unire au Sacré-Cœur de Jesus brulant d’amour ». L’escorte du viatique y est requise. La prière de dévotion et l’adoration font également leur apparition. Chacun prendra soin d’assister aux offices où le Saint Sacrement sera exposé. Les confrères tacheront aussi « de se distinguer des autres fideles par un respect singulier envers le très Saint-Sacrement ». Ils communieront à leur entrée et lors des fêtes indulgenciées76. Enfin, signalons la large diffusion à la même époque, dans le dernier tiers du XVIIIe siècle donc, de l’adoration, mais indépendamment d’une organisation confraternelle. Il s’agit de simples réunions, en dehors de toute structure77, par exemple à Sainte-Élisabeth à

Mons, M. Varret, 1736, 74 et 153 p. (Bibl. univ. de Mons, 39/J). Règles et indulgences de l’archiconfrérie du très Saint-Sacrement érigée dans l’église paroissiale de Saint-Géry à Boussu, Mons, J.-B.-J. Varret, 1769, 32 p. (Bibl. univ. de Mons, 39/Q9). 76 Lens, Doyenné, Arch. par. de Masnuy-Saint-Jean, C 74. 77 Comme l’a très bien noté J.-P. Delville, La confrérie… cité n. 36, p. 170, en ce qui concerne Saint-Martin à Liège : « Une telle association n’est plus une confrérie au sens propre ; il s’agit plutôt d’une organisation qui planifie l’adoration ». Dans ce cas précis également, l’adoration fut instaurée en 1765. 74 75

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Mons78, vers 1769 sans doute, à Soignies en 177479, à Lens en 177780 ou encore à Thieu en 177981. Quelle que soit l’évolution de ces groupements, proches du modèle de la confrérie de dévotion décrit par M. Venard82, il faut se garder encore une fois de toute généralisation hâtive. Certaines confréries qui adoptent pourtant des pratiques dévotionnelles élevées, allant jusqu’à l’adoration, n’en conservent pas moins des usages anciens. Si la confrérie du Saint Sacrement de Soignies, attestée déjà en 1534-1535, modifie ses statuts en 1767 et propose à ses membres divers exercices individuels et collectifs, elle n’en continue pas moins à exiger une taxe d’entrée de 2 livres tournois, à quoi s’ajoute un flambeau de cire, et à répartir chaque année les frais de fonctionnement entre les confrères. Ils s’élevèrent ainsi à 6 livres 7 sous en 1767. De surcroît, aucune personne ne pouvait être admise « sans prealablement avoir convoqué la confrérie ». Quant à l’issue volontaire, elle se trouve sanctionnée d’une taxe de 2 livres. La sociabilité conserve manifestement toute son importance. Par ailleurs, d’autres groupements ne connaissent aucune évolution. Les statuts de la confrérie de Lessines de 1731 non seulement restent peu exigeants du point de vue cultuel, mais maintiennent – entre autres – des usages aussi peu conformes au catholicisme dévot que des distractions profanes : « pour tant plus entretenir

78 Le règlement de l’adoration prévoit explicitement que « si la confrairie du Saint-Sacrement veut se charger des inscriptions, ce sera un moyen de proposer de se rendre confrere ». L’adoration s’organise donc en dehors des activités de la confrérie et sans prendre la forme d’une confrérie. Chaque année, les volontaires se font inscrire et reçoivent une heure sans qu’existe aucun lien entre eux (Arch. de l’État à Mons, Arch. par. de Mons, Sainte-Élisabeth, 13). 79 Arch. du musée du Chapitre, Soignies, Arch. par. de Soignies*, Établissement de l’adoration. 80 Arch. dép. du Nord, 3 G 2.855, Visite décanale. 81 Arch. du musée du Chapitre, Soignies, Arch. par. de Thieu, 167, Registre de l’adoration. 82 La manifestation de ces confréries « dévotes » est donc postérieure d’un siècle à la situation rouennaise ou provençale. À Rouen, les pratiques dévotionnelles se manifestent dès le milieu du XVIIe siècle ; M. VENARD, Qu’est-ce qu’une confrérie de dévotion ? Réflexions sur les confréries rouennaises du SaintSacrement, dans Les confréries, l’Église et la Cité, Grenoble, 1988, p. 253-261 (Documents d’ethnologie régionale, 10). En Provence, le tournant des confréries vers la dévotion se situe dans les années 1630 (M.-H. Froeschlé-Chopard, Espace… cité n. 4, p. 537-540). À Liège en revanche, le changement débute également vers 1720. Le règlement ancien de la confrérie du Saint Sacrement de SaintMartin (1575) fut modifié en 1723 avec en vue « un aspect plus spirituel : il s’agit de promouvoir « la dévotion des fidèles à l’égard de cet auguste et adorable mystère » (J.-P. Delville, La confrérie… cité n. 36, p. 166).

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l’amitié confraternel et se voir de tems en tems, ils s’obligent de tems en tems apres le salut de chacque jeudy des quattre tems en leur chambre a ce destinez pour s’acompagner, dont la depense ne pourra exceder douze sols a chacque present a ladite assemblée, laquelle devra finir a sept heures, sous l’amende a chacqu’un qui ne se trouveroient de trois sols, laquelle sera employé a assister a la depense des present »83. Les nourritures spirituelles ne constituaient sans doute pas l’essentiel du menu. Ce panorama dressé à partir des confréries du Saint Sacrement est particulièrement révélateur. On voit surgir au cours de l’époque moderne – encore est-ce ici tardivement pour la majorité – des confréries de dévotion. Il en est d’autres. Pensons à certaines confréries des Trépassés, dès le milieu du XVIIe siècle, ou aux confréries, il est vrai peu nombreuses, de la Bonne Mort, voire dans quelques cas des Saints-Anges-Gardiens. Mais elles ne sont pas tout. Les confréries de type médiéval qui jusqu’à la fin du XVIe siècle virent le jour de par la seule volonté des confrères, voire avec l’approbation d’autorités temporelles, ne disparurent pas avec la Réforme catholique. Certes, de semblables érections devinrent impossibles en raison du contrôle épiscopal qui s’établit progressivement à partir des années 1570 et devint incontournable dès le début du siècle suivant84. Mais les groupements existants subsistèrent et bien peu sollicitèrent une reconnaissance épiscopale85. Ils continuèrent par la suite à promouvoir une sociabilité forte dont rend compte bien entendu le célèbre banquet86. Autre pratique Lessines, Doyenné, Arch. par., 78. Les statuts synodaux cambrésiens demeurent pour ainsi dire muets en la matière. Tout au plus voit-on Louis de Berlaymont encourager la fondation de confréries du Saint-Nom de Jésus et imposer son consentement lors du synode de Cambrai de 1586. Th. Gousset, Les actes… cité n. 40, III, p. 570. Sans doute fautil chercher dans l’esprit tridentin l’origine du contrôle épiscopal sur les érections. Voir Ph. Desmette, Le processus… cité n. 4, p. 91-106. Concernant les décisions tridentines au sujet des confréries (autorisant l’ordinaire ou son délégué à les visiter et à en approuver les comptes), voir Concilium Tridentinum. Diariorum, actorum, epistularum, tractatuum nova collectio, VIII, Fribourg-en-Brisgau, 1919, p. 967. 85 Pour le diocèse de Cambrai, voir Ph. Desmette, Les confréries religieuses dans le plat pays hainuyer au seizième siècle, dans Mémoires et publications de la Société des sciences, des arts et des lettres du Hainaut, 97, 1994, p. 1-26 et id., Le processus… cité n. 4, p. 92-94. Autre exemple, le diocèse voisin de Tournai : P. Trio, Volksreligie als spiegel van een stedelijke samenleving. De broederchappen te Gent in de late middeleeuwen, Louvain, 1993, p. 321-322 et 355-357 (Symbolae. Facultatis litterarum et philosophiae Lovaniensis, series B/vol. 11). 86 C. Vincent, Des charités… cité n. 7, p. 244-251 et id., Les confréries médiévales dans le royaume de France (XIIIe-XVe siècle), Paris, 1994, p. 13-29 (Albin Michel histoire). 83 84

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fréquente, le numerus clausus destiné à éviter le relâchement des liens entre des membres devenus trop nombreux. Sans doute trouvèrent-ils un appui tacite auprès du clergé local87. La piété y est simple. Outre la fête du saint patron, on y célèbre quelques offices annuels et les confrères paraissent en groupe à la procession, munis de bâtons, voire revêtus de costumes spécifiques, destinés à affirmer l’identité commune. Leur but premier consiste à rechercher la protection, l’intercession du patron88. Et si quelques groupements solliciteront plusieurs siècles après leur fondation leur reconnaissance auprès de l’ordinaire – afin d’obtenir l’approbation d’indulgences – en omettant toute allusion à des pratiques depuis longtemps mises en cause, l’examen des délibérations ultérieures révèle toutefois leur maintien89. De même, ils n’accorderont pour la plupart aucune attention à des usages typiquement post-tridentins, telle la communion90. Les confréries fondées à partir du XVIIe siècle se présenteront sous d’autres aspects. Pour autant, toutes, bien loin de là, ne sont pas à ranger parmi les confréries de dévotion. En ce qui concerne l’accès, elles vont renoncer à exiger des cotisations élevées, variables selon les années, qui caractérisaient certains groupements anciens et adopter une cotisation fixe, généralement inférieure à 10 sous tournois91. Cette somme peu élevée représentait néanmoins au XVIIIe

87 C’est le cas notamment de nombreux groupements sonégiens qui continuèrent au XVIIIe siècle à modifier de leur propre autorité leurs statuts, sans aucune intervention extérieure. Cf. Ph. Desmette, Confréries religieuses et Réforme catholique à Soignies : persistance implicite d’un christianisme populaire, dans Revue du Nord, LXXVII, 1995, p. 511-534. Autre exemple, les statuts (1570 n. s.) des confrères de Saint-Hilaire à Mons, renouvelés de la même manière en 1681 et qui conservent banquet et numerus clausus (Arch. de l’État à Mons, Arch. par. de Sainte-Waudru, 299). 88 De manière générale, outre les travaux cités de P. Trio et C. Vincent, voir M. Venard et B. Vogler, Les formes… cité n. 18, p. 975-976. 89 La confrérie de la Sainte-Face à Soignies, érigée en 1571 et approuvée en 1740, organisait encore en 1777 un banquet annuel dans un cabares. Les consœurs ne buvant pas voyaient leur écot diminué de 5 liards. Voir Ph. Desmette, Une confrérie d’Ancien Régime et ses documents normatifs : le cas de la Sainte Face à Soignies, dans Haynau. Revue d’histoire religieuse du comté et de la province de Hainaut, n° 4, 1992, p. 4. 90 Statuts de la confrérie Saint-Hilaire de Mons, 1737, Arch. de l’État à Mons, Arch. par. de Sainte-Waudru, 298 (érigée en 1570 n.s. et approuvée en 1737). Cette réticence a également été constatée par S. Simiz, Confréries urbaines et dévotion en Champagne (1450-1830), Villeneuve-d’Ascq, 2002, p. 218-219 (Histoire et civilisations). 91 Notre-Dame de Messines, 3 sous en 1626 (Mons, Cure de Messines*, Statuts) ; Saint-Roch à Braine-le-Comte, 5 sous en 1604 et 1676 (Arch. de l’État à

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siècle encore, selon les professions, entre une demi et une journée de travail92. S’ajoutaient à cela la taxe d’entrée et, afin de bénéficier d’un service funèbre, celle d’issue. La gratuité n’est par contre que très exceptionnellement de mise. Le nombre de listes de membres conservées, dont l’objectif était de noter annuellement les payements, suffit à le démontrer93. Offices et processions connaissent peu d’évolutions. On assiste tout au plus à un développement des fêtes dites secondaires, ce qui n’est sans doute pas sans lien avec la diffusion progressive des indulgences pontificales. Il en va de même de la communion à l’entrée qui devient un précepte très fréquemment usité94, même si quelques groupements demeurent réfractaires95. La pratique peut toucher également la fête principale, voire les quatre fêtes secondaires. Toutefois, la communion est généralement présentée comme le sésame indispensable pour bénéficier des indulgences : « Il y a indulgence pléniere a perpétuité le jour de Saint-Augustin 28 août pour tous confreres et consoeurs qui confessez et communiez visiteront ladite eglise »96. En d’autres termes, on ne demande pas une pratique sacramentelle pour elle même, par pure dévotion, mais on la lie à une faveur insigne97. Un certain succès dut toutefois s’ensuivre puis-

Mons, Archives locales, P 452, Statuts et liste des membres) ; Notre-Dame de la Tombe à Kain, 10 sous en 1609 (E. Roland, Notre-Dame… n. 25, p. 22) ; NotreDame à Moustier, 6 sous en 1680 et en 1792 (Arch. de l’État à Tournai, Arch. par. de Moustier, 94-95, Statuts et registre des membres) ; Crucifix, 10 sous en 1720, et Saints-Libourne et Servais, 5 sous en 1732, à Mons (Arch. de l’État à Mons, Arch. par. de Saint-Nicolas-en-Havré, 642 et 655, Statuts) ; Trépassés à Lobbes, 4 sous en 1755 (Arch. de l’État à Mons, Arch. par. de Lobbes, 74, Statuts) ; etc. 92 I. Delatte, Prix et salaires à la fin du XVIIIe siècle, dans ACAS, VI, 1936, p. 295-303. 93 Ph. Desmette, Typologie… cité n. 6, p. 1.049. 94 La communion tenait généralement peu de place dans les confréries médiévales, puisque peu encouragée en dehors des festivités pascales. Voir par exemple V. Tabbagh, La pratique sacramentelle des fidèles d’après les documents épiscopaux de la France du Nord (XIIIe-XVe siècles), dans Revue Mabillon, XII, nlle série, 2001, p. 193. S. Simiz, dans Confréries… cité n. 90, p. 63, note en revanche dès la fin du Moyen Âge une évolution vers une piété plus individuelle, marquée entre autres par une pratique eucharistique accrue. 95 Confrérie du Mont-Carmel de Huissignies (Arch. de l’État à Mons, Arch. par. de Huissignies, 115, Statuts, 1782) ; confrérie Sainte-Barbe de Lobbes (Arch. de l’État à Mons, Arch. par. de Lobbes, 70, Statuts, 1664). 96 Lessines, Hôpital Notre-Dame à la Rose, IV, 2, Statuts de la confrérie Saint-Augustin, 1729. 97 Les pardons s’adressaient aux confrères et consœurs « vere poenitentibus et confessis ac sacra communione refectis » ; cf. Ph. Desmette, Les brefs… cité n. 3, p. 279.

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qu’il n’était pas rare que les confrères sollicitent à cette fin les services de l’un ou l’autre religieux98. L’escorte du Saint Sacrement, porté lors des processions, mais surtout porté en viatique aux malades, sera en revanche une innovation99. L’usage se manifeste dès le XVIe siècle100, mais connaîtra son plein développement au XVIIIe siècle seulement. La démarche concerne ici les seuls confrères et, dans certains cas, on peut se demander s’il ne s’agissait pas davantage de soutenir le mourant, d’intercéder en sa faveur, que de rendre hommage au Corps du Christ. C’est ce que laissent à penser certains textes normatifs qui considèrent simultanément la présence au viatique, à l’extrême-onction ou aux funérailles101. La prière ne dépasse pratiquement jamais le niveau du Pater et de l’Ave. Il convient de mentionner toutefois les oraisons propitiatoires recommandées aux confrères par certains statuts ou livrets102 et la prière en faveur des défunts103, en plein essor dès le début du XVIIe siècle. Principales concernées, les confréries de saints, dont nous avons dit le succès jusqu’au milieu du XVIIIe siècle, mais également les confréries de la Vierge en lien avec des pèlerinages de

98 Confrérie du Mont-Carmel de Jurbise, 5 avril 1759 (Lens, Doyenné, Arch. par. de Jurbise, Semainier). 99 De façon générale sur le viatique, voir A. Bride, Viatique, dans Dictionnaire de théologie catholique, XV, Paris, 1950, c. 2842-2858 ; H. Rondet, Extrême-onction, dans Dictionnaire de spiritualité ascétique et mystique, IV, Paris, 1960, c. 2189-2200 ; M. Bernos, L’extrême-conction à l’époque moderne : onction des malades ou démarche pénitentielle pour les mourants ?, dans Mélanges Michel Vovelle. Volume aixois, Aix-en-Provence, 1997, p. 89-98, 100 Statuts de la confrérie du Saint Sacrement d’Horrues, Arch. de l’État à Mons, Arch. par. de Horrues, 54, 1549 ; statuts de la confrérie du Saint Sacrement de Soignies, dans L. Destrait, Statuts… cité n. 35, p. 78-79, 1534-1535. 101 « Toutes les fois qu’on portera le Saint-Sacrement aux malades surtout aux confreres & consœurs, ils tacheront d’y assister, aussi bien qu’a l’extreme onction & joindront leurs prieres pour le salut & soulagement des malades. Ils en feront de meme a la sepulture » (Arch. de l’État à Mons, Arch. par. de SaintNicolas-en-Havré, 605, Statuts de la confrérie Saint-Agapit, 1746). 102 Origine de l’église et du pèlerinage de Saint-Antoine en Barbefosse et du nouvel établissement de la confrérie de ce grand saint, canoniquement érigée le 27 juin, qui est celui de la translation, en l’an 1719, Mons, J.-N. Varret et Veuve Preud’homme, [1719], p. 19 (Bibl. univ. de Mons, 9.36917 carton Mons15). Oraison pour obtenir la guérison du feu contagieux (ergotisme). 103 Confrérie Saint-Pierre à Neufvilles ; Arch. du musée du Chapitre, Soignies, Arch. par. de Neufvilles*, Serment, 1593. Édition : Ph. Desmette, Réinstallation de la confrérie Saint-Pierre à Neufvilles, l’an 1593, dans Annales du Cercle archéologique de Soignies, XXXIII, 1991, p. 89. Cette prière pour les morts est relevée également en Champagne dès la fin du Moyen Âge par S. Simiz, dans Confréries… cité n. 90, p. 64-67.

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proximité ou encore des Trépassés. Par ailleurs, il faut souligner que nombre d’associations, même fondées au XVIIe ou au XVIIIe siècle104, n’accordent toujours aucun intérêt à la prière. Au bilan, une conclusion s’impose : l’uniformité ne caractérise pas le monde des confréries modernes. Les groupements anciens non seulement subsistent jusqu’à la fin de l’Ancien Régime mais conservent leurs pratiques parfois séculaires. En raison de leur ancienneté et de leur permanence, ils méritent la qualification de classiques. Parmi les nouveaux venus, une large part, tout en s’adaptant au contexte réformateur, demeure essentiellement centrée sur des pratiques d’intercession et n’accorde au mieux à la dévotion personnelle qu’une place secondaire. Viennent enfin des groupements au sein desquels cette dernière dimension trouve sa concrétisation au travers d’« exercices de piété collectifs » et d’« actes de piété individuelle », à l’image des confréries de dévotion105. Le caractère indicatif des titres est une autre constatation : hormis pour quelques confréries typiquement modernes (le Sacré-Cœur peut-être), ils ne peuvent à eux seuls révéler la nature réelle d’un groupement, d’où le recours indispensable – autant que possible – aux sources locales. Philippe DESMETTE Facultés universitaires Saint-Louis (Bruxelles)

104 Citons entre autres la confrérie Saint-Éloi de Meaurain (Arch. de l’État à Mons, Arch. par. de Roisin, 59, 1727), la confrérie Saint-Donat de Tournai (A. de La Grange, Confrérie de Saint-Donat, en l’église Saint-Brice, dans Bulletin de la Société historique et littéraire de Tournai, XXII, 1889, p. 189-196, p. 191 192), la confrérie du Mont-Carmel de Huissignies (Arch. de l’État à Mons, Arch. par. de Huissignies, 115, 1782), etc. 105 M. Venard, Qu’est-ce qu’une confrérie… cité n. 82, passim.

PIERRE RAGON

MOUVEMENT CONFRATERNEL ET SPIRITUALITÉ DANS LE MEXIQUE DE LA FIN DU XVIIe SIÈCLE

Aussi étonnant que cela puisse sembler, la vie spirituelle des confraternités mexicaines a, jusqu’alors, peu retenu l’attention des chercheurs. L’institution confraternelle n’est certes pas passée inaperçue, loin de là, mais quand on l’a interrogée, on l’a fait à partir de questionnaires différents alors même que l’étude du sentiment religieux, lorsqu’elle était esquissée, se trouvait abordée à partir d’autres sources1. De ce fait, jusqu’à une date récente, les archives des confréries étaient fort peu mises en œuvre lorsqu’il s’agissait de faire l’histoire des croyances et des pratiques religieuses. Les particularités de la chrétienté mexicaine, – une catholicité missionnaire des marges –, ont longtemps orienté les curiosités vers l’examen des différents aspects de l’adaptation de ces institutions européennes au milieu colonial américain d’une part, au métissage religieux d’autre part, alors que l’interrogation sur la spiritualité des confrères paraissait relever de perspectives étrangères aux particularités des associations pieuses du Mexique. Ainsi connaît-on relativement bien les fonctions économiques que jouèrent les confréries au sein de la société coloniale. Les plus puissantes d’entre elles se trouvaient en effet souvent dotées de biens fonciers importants, de troupeaux, voire de capitaux mobilisables qui jouèrent un rôle essentiel dans l’équilibre des communautés villageoises ou les économies régionales. Certaines offraient les ressources de sociétés charitables en cas de crise ou fournissaient un cadre juridique commode à la gestion des biens villageois ainsi mis en commun ; d’autres, du fait de leurs capacités financières, fonctionnaient comme des organismes de crédit2.

1 Voir par exemple T. Calvo, Poder, religion y sociedad en la Guadalajara del siglo XVII, Mexico, 1992, chapitre 5 : « L’imprégnation religieuse ». Dans ce chapitre, Thomas Calvo utilise avant tout les testaments et les inventaires après décès. 2 Deux études représentatives de cette tendance : C. García, Sociedad, crédito y cofradía en Nueva España a fines de la época colonial : el caso de Nuestra Señora de Aránzazu, dans Historias, 3, janv.-mars 1983, p. 53-68. Ou encore A. Bazarte Martínez, Las cofradías de Españoles en la ciudad de México (1526-1869), Mexico, 1989.

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De même, souvent la fonction sociale des confréries a retenu l’attention. L’anthropologie des communautés indigènes, tout d’abord, a particulièrement pris en compte cet aspect de la question dont l’intérêt a été démontré dès les années 1930 et 1940. Dans les villages indigènes, l’exercice des responsabilités à la tête des confréries faisait et fait souvent encore partie intégrante du cursus honorum. Un modèle classique fut élaboré, et maintes fois vérifié, selon lequel, au cours de leur vie publique, les « autorités » indigènes des villages devaient gravir un à un les différents niveaux de responsabilité au sein des hiérarchies religieuse et civile, selon un ordre rigoureusement fixé par la tradition3. Enfin, quand les historiens de la culture se sont intéressés aux confréries, ce fut presque toujours pour tenter de démontrer comment les sociétés indigènes qui les avaient adoptées s’en étaient emparé pour les transformer, à rebours de l’intention des clercs, en instruments de résistance culturelle. Faute d’être replacée dans le contexte plus large de l’histoire des relations tumultueuses du clergé et des associations de laïcs, la défiance que l’Église mexicaine du XVIe siècle manifesta à l’égard des institutions confraternelles fut, a priori, interprétée comme la preuve de leur caractère subversif. Sans nier que de telles situations aient pu exister, il serait abusif, croyonsnous, d’en tirer des conclusions trop générales4. Sans doute est-il malaisé de s’inscrire à contre-courant de toute une tradition historiographique et de renverser les termes du débat. C’est pourtant ce que nous voudrions faire ici en abandonnant, au moins pour un temps, la question de l’ampleur de la résistance au catholicisme au profit d’une autre dont l’examen nous semble un préalable et qui porte à l’inverse sur l’importance de l’imprégnation

3 On trouvera une bonne présentation de la discussion de cette approche dans l’article souvent repris de J. K. Chance et W. B. Taylor, Cofradías y cargos : an historical perspective on the mesoamerican civil-religious hierarchy, dans American ethnologist, 12, 1985, p. 1-26. 4 Sur la défiance de l’Église du XVIe siècle à l’égard des associations religieuses de laïcs, voir M. Venard, La crise des confréries en France au XVIe siècle, dans Populations et cultures. Études réunies en l’honneur de François Lebrun, Rennes, 1991, p. 397-409. Serge Gruzinski a rassemblé un certain nombre d’hypothèses sur la manière dont les néophytes avaient pu se réapproprier l’institution : S. Gruzinski, Indian confraternities, brotherhoods and Mayordomías in Central New Spain. A list of questions for the historian and the anthropologist, dans A. Ouweneel et S. Miller éd., The Indian community of colonial Mexico. Fifteenth essays on land tenure, corporate organizations, ideology and village politics, Amsterdam, 1980, p. 207 sq. La connaissance des relations entre clercs et laïcs, pour le XVIIIe siècle, a depuis fait l’objet d’un grand livre où l’auteur explore ses propres voies : W. B. Taylor, Magistrates of the sacred. Priests and parishioners in XVIIIth century Mexico, Stanford, 1996.

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catholique5. De fait, rien n’interdit de penser qu’au moins un certain nombre de ces associations de fidèles furent aussi des associations pieuses. Certaines furent même probablement d’authentiques confréries de dévotion, et pas seulement dans les villes d’Espagnols. Il s’agit donc, dans un premier temps, de les identifier, de dessiner leurs contours, de préciser leurs caractères. Il s’agit aussi, autant que faire se peut, de mesurer leur importance numérique, de déterminer leur diffusion sur le territoire et de reconnaître les probables foyers d’irradiation. Mais ne nous leurrons pas : dans ce domaine encore peu exploré, la tâche est immense et sur bien des points il est encore trop tôt pour tirer des conclusions définitives. Le rythme des évolutions, les différences régionales dont on pressent l’ampleur ou celle des publics impliqués ne pourront faire l’objet d’hypothèses qu’une fois un plus grand nombre de sources réunies et recoupées. Aussi, nous n’offrirons ici qu’un instantané, celui que nous donne une coupe privilégiée opérée au moment le plus favorable : la seconde moitié du XVIIe siècle et notamment le temps de l’épiscopat de Francisco de Aguiar y Seixas (1682-1698). La période est en effet mieux connue que d’autres. Probablement ne le doit-elle pas seulement au hasard de la conservation des archives, relativement nombreuses pour ces années-là et pour le sujet qui nous occupe. Encore méconnue, la figure d’Aguiar y Seixas est assurément celle d’un prélat d’exception. De tous ceux qui ont occupé le siège de Mexico, il est le seul archevêque qui mourut en odeur de sainteté : un an après son trépas, son confesseur José de Lezamis donnait le coup d’envoi de la campagne en faveur de sa béatification en publiant sa première hagiographie et, quarante ans plus tard, une procédure en bonne et due forme était ouverte auprès de la congrégation des rites en vue de sa béatification6. L’action d’Aguiar y Seixas fut telle que José de Lezamis parvint à couler les grands traits de sa vie dans celle du modèle borroméen. Ponctuellement, d’autres sources confirment certaines de ses

5 Nous empruntons l’expression à Thomas Calvo. David Brading a autrefois montré la pertinence de ce renversement de perspective dans un article suggestif : D. Brading, Images and prophets, dans A. Ouweneel et S. Miller (éd.), The Indian community… cité n. 4, p. 184-204. Quelques années plus tard, John Frederick Schwaller publiait une traduction anglaise de l’étonnant statut de la confrérie du Saint Sacrement de Tula (original en nahuatl, texte de 1570), assurément une confrérie de dévots. Voir J. F. Schwaller, Constitution of the Cofradía del Santíssimo Sacramento of Tula, Hidalgo, 1570, dans Estudios de Cultura Nahuatl, 19, 1989, p. 217-244. 6 José de Lezamis, Breve relación de la vida y muerte del Illustríssimo y Reverendíssimo Señor Doctor don Francisco de Aguiar y Seyxas, Mexico, 1699 ainsi que Archivo Segreto Vaticano, fonds Riti, vol. 1737-1738.

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affirmations7. Ainsi est-il établi qu’entre toutes les vertus, Aguiar y Seixas cultiva tout particulièrement l’humilité et qu’il manifesta une prédilection pour les œuvres charitables8. L’épiscopat d’Aguiar y Seixas, un prélat qui ne manque alors pas de relais au sein du clergé de la Nouvelle-Espagne, apparaît comme un temps fort du développement de la réforme catholique dans le diocèse de Mexico. L’évêque ne semble avoir négligé aucun domaine. Rompant avec les efforts infructueux de ses prédécesseurs, il parvient à faire ouvrir le séminaire diocésain de Mexico ; soucieux d’adapter l’enseignement du christianisme au projet des pères de Trente jusque dans les paroisses les plus isolées de son diocèse, il introduit partout où il passe le catéchisme de Bellarmin. Au plus haut point, il apparaît soucieux de promouvoir de nouveaux cultes et de nouvelles pratiques de dévotion, plus conformes à la sensibilité religieuse de son temps : il appuie résolument les causes de béatification des saints locaux, favorise le culte de deux précieuses reliques de la cathédrale, celles de saint Primitif et de sainte Hilarie, encourage la dévotion au Christ d’Ixmiquilpan ou encore la fête de Corpus Christi, la pratique du chemin de croix et celle de la procession du rosaire. À l’inverse, il s’emploie à lutter contre les usages anciens désormais jugés trop indécents, à l’instar des défilés nocturnes de flagellants9. Sa grande visite diocésaine, la première inspection générale de l’évêché de Mexico, un diocèse démesuré, trois fois plus grand que la Bretagne, ne fut pas seulement un exploit sans précédent qui l’occupa près de dix-huit mois, l’amena à parcourir plus de deux mille kilomètres, à reconnaître des paroisses, notamment dans la région de Tampico, qu’aucun évêque n’avait visité avant lui et à confirmer près de deux cent mille fidèles10. Cet événement qui fit date dans l’histoire

7 Antonio de Robles, Diario de sucesos notables, Mexico, 1972, II et III, notamment aux années 1682-1684, 1687, 1689, 1692, 1694, 1696 et 1698. 8 Ibid., III, p. 39, et G. Gemelli Carreri, Le Mexique à la fin du XVIIe siècle vu par un voyageur italien, Paris, 1968, p. 180. 9 A. de Robles, Diario… cité n. 7, II, p. 12, 48, 74, 181, 192, 315 et III, p. 43 ; Archivo Histórico del Arzobispado de México (dorénavant AHAM), Visitas, caja 19, libro 1, passim et P. Ragon, Les saints et les images du Mexique, Paris, 2003, p. 202 et 230. 10 La visite fut effectuée en trois temps, de novembre à juin 1683, dans la partie septentrionale du diocèse, de novembre à juin 1684 dans la centre et le sud et de novembre 1687 à janvier 1688 pour les terres chaudes des bords du Pacifique. Seuls les procès-verbaux des deux premières tournées nous sont parvenus. Nos chiffres sont donc des estimations. Voir AHAM, Visitas, caja 19, libro 1 et, pour la mention de la troisième sortie de l’évêque, A. de Robles, Diario… cité n. 7, II, p. 151 et 154. Voir aussi, Mariano Cuevas, Historia de la iglesia de México, Mexico, 1992, III, p. 104.

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du magistère épiscopal fut un acte majeur de l’action réformatrice du prélat. À cet égard, cette visite nous intéresse directement car, pour lui, elle fut plus que l’occasion de faire l’inventaire du mouvement confraternel de son évêché. Elle lui permit, sans doute timidement il est vrai, de remodeler certaines associations pieuses, celles sur lesquelles il put prendre prise, et de les conformer à ses propres projets. Ainsi, plus qu’un instantané, ce coup de projecteur nous donne à voir la portée de la politique élaborée par une institution, l’Église, à un moment clé de son histoire. La grande diversité du mouvement confraternel Au cours des seules visites des années 1683-1684 et 1684-1685, qui nous sont les mieux connues, Francisco de Aguiar y Seixas visita personnellement cent dix paroisses de son diocèse, soit sans doute quelque 60% de l’ensemble du territoire placé sous son autorité. À cette occasion, l’évêque ou son représentant contrôla alors les livres des confréries, pour autant il est vrai qu’ils lui furent présentés, ce qui ne fut pas toujours le cas. Si l’inspection, même pour l’espace parcouru, n’offre pas la garantie d’un inventaire exhaustif, ce zèle nous laisse entrevoir un lot sans équivalent de 202 confréries et de 322 titulatures de confréries. À l’occasion, des différends s’élevèrent entre les responsables des associations pieuses et l’évêque, des débats s’engagèrent qui nous permettent de mieux saisir le fonctionnement des associations et les enjeux de l’inspection épiscopale. En fait, la visite fut, pour l’évêque, l’occasion d’affirmer l’autorité supérieure du clergé vis-à-vis des responsables de ces associations de laïcs11. Elle fut aussi celle de les réformer afin d’accentuer leur caractère d’associations pieuses. Systématiquement, Aguiar y Seixas demanda aux responsables des confréries visitées que sur deux points au moins les statuts soient réformés ou précisés. Les confréries, pour recevoir la sanction de l’autorité épiscopale, durent accepter de placer leurs assemblées générales sous la présidence du juge ecclésiastique du secteur (mais en aucun cas sous celle du prieur quand l’autel était placé dans une église conventuelle) ; elles durent aussi s’engager à réserver la totalité de leurs fonds à la célébration d’actes de dévotion, à l’exclusion de toutes les réjouissances profanes, qu’il s’agisse de buffets, de jeux, de danses, de courses de taureaux ou de feux d’artifice12. En échange de quoi, tout confrère qui

11 Les confréries qui ne peuvent présenter leurs livres en cette occasion sont suspendues. Voir par exemple AHAM, Visitas, caja 19, libro 1, f° 160v°. 12 De très nombreuses mentions dans AHAM, Visitas, caja 19, libro 1. Voir par exemple f° 37v°-39r° (visite des confréries de Texcoco). Pour la mise à l’écart

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observait strictement ses obligations statutaires se voyait octroyer le bénéfice de quarante jours d’indulgence. Il s’agissait donc d’un véritable marché aux termes duquel la reconnaissance de la prééminence de l’autorité ecclésiastique et de la dimension spirituelle de l’association pieuse était récompensée par un accès facilité au trésor des remises de peine dont l’Église disposait. Il est permis de penser, du moins dans un certain nombre de cas, que la présence physique de l’évêque et de ses familiers renforça l’autorité du siège épiscopal de manière décisive, lui permettant dès lors de peser sur la vie du mouvement confraternel. De fait, le passage de l’évêque facilita l’érection de certaines confréries et, à l’occasion, les fondateurs se pressèrent autour de sa personne afin d’obtenir les autorisations nécessaires13. Mais le plus souvent, il est vrai, l’action de l’évêque ne porta ses fruits que dans les années qui suivirent. On vit alors un certain nombre de confréries se plier aux exigences du prélat et faire enregistrer de nouveaux statuts auprès de ses services, plus conformes à ses prescriptions. Qui plus est, il arriva que des confréries sises dans des paroisses qu’il n’avait pu visiter lors de sa tournée s’inspirassent des modèles alors largement diffusés par tout le territoire du diocèse pour réformer leurs propres statuts et obtenir le bénéfice des indulgences épiscopales14. Mais – et c’est là le premier enseignement – aux yeux de l’autorité épiscopale toutes les confréries ne se valent pas. Fait remarquable, que révèle le rapide examen de leurs titulatures : les confréries patronales sont quasiment absentes de l’inventaire que nous livre la visite pastorale15. Elles n’ont donc pour l’évêque aucun intérêt ; il ne cherche pas non plus à exercer sur elles le moindre contrôle. Elles sont, tout simplement, d’une autre nature. Du coup, il appa-

des réguliers, voir ibid., f° 170r° ou encore Archivo General de la Nación (Mexico, dorénavant AGN), Bienes Nacionales, 1028-43. 13 AHAM, Visitas, caja 19, libro 1, f° 179v°. 14 On dispose d’un petit lot (exceptionnel par son homogénéité) d’une quarantaine de statuts de confréries datant des années 1680 et 1690. Il s’agit plus exactement des doubles des statuts déposés pour confirmation et enregistrement aux bureaux de la curie épiscopale. Si certains sont antérieurs à la visite d’Aguiar y Seixas, d’autres lui font expressément référence ou correspondent à la mise en œuvre de ses prescriptions. Voir AGN, Bienes Nacionales 1028-9 et 17 ou encore AGN, Cofradías 187, f° 3r°-v°. 15 Cas significatif, dans la paroisse d’Asunción Jalatlaco, le visiteur recense quatre confréries mariales, mais aucune d’entre elles n’est placée sous le titre de l’Ascension. Les confréries patronales sont plus aisément mentionnées quand elles correspondent à des fondations prestigieuses. C’est le cas de celles dédiées à saint Sébastien et à sainte Prisca dans la riche ville minière de Taxco (AHAM, Visitas, caja 19, libro 1, f° 248v°-250r°, 347v° et 356v°).

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raît que le système confraternel est écartelé entre deux pôles : d’un côté des institutions qui comptent avant tout par leur fonction sociale ou économique ; de l’autre des associations dont l’Église attend qu’elles puissent aussi contribuer à l’organisation de la vie religieuse des laïcs16. Une autre face du mouvement confraternel mexicain sort de l’ombre. L’examen de ces titulatures confirme la première impression. Très peu de ces associations, sont placées sous la protection d’un saint (15% seulement) : c’est bien là la conséquence de l’absence quasi totale des confréries patronales. Au demeurant, les saints sollicités sont très peu nombreux. Plus d’une fois sur deux, il s’agit de saint Antoine ou de saint Nicolas : si une certaine ambiguïté peut exister sur l’identité exacte de ces deux protecteurs, il est attesté dans un certain nombre de cas, probable dans d’autres, qu’il s’agit de saint Antoine de Padoue et de saint Nicolas Tolentino, les grands saints thaumaturges des Franciscains et des Augustins, deux ordres missionnaires parmi les plus actifs en Nouvelle-Espagne. Rappelons que ces deux figures avaient fait l’objet d’une promotion particulière auprès des Indiens dont les frères de saint François et ceux de saint Augustin avaient respectivement la charge17. Au-delà – et pour l’essentiel – les protections sous lesquelles se placent les confrères se répartissent en quatre grands ensembles, qui ne sont pas sans rappeler, avec quelques nuances significatives, des situations rencontrées en Espagne. Signalons tout d’abord le poids énorme des advocations mariales. À elles seules, les confréries consacrées au rosaire et celles placées sous la protection d’un mystère joyeux ou d’un mystère glorieux de la Vierge, aussi nombreuses, représentent près de 30% de l’ensemble. Puis vient un second groupe constitué par les confréries consacrées aux mystères douloureux de Jésus ou de Marie, celles-là même qui jouent souvent un rôle majeur durant les processions de la semaine sainte (plus de 20%). Viennent enfin les confréries du Saint Sacrement (près de 15%) et un dernier groupe constitué par les associations pieuses dédiées aux âmes du purgatoire (12%). Toutes ces confréries, à l’exception des dernières

16 Dans certains cas, le vocabulaire rend compte de cette distinction. Le terme « mayordomía » est appliqué aux premières, celui de « cofradía » réservé aux secondes. Voir E. Pérez-Roche, Mayordomías y cofradías del pueblo de Tacuba en el siglo XVIII, dans Estudios de Historia Novohispana, Mexico, 6, 1978, p. 119131. Avant la fin du XVIIIe siècle, le mot « hermandad », qui apparaît parfois dans l’expression « hermandad de devoción » connut des usages plus variables. Toutefois, même dans ce dernier cas, l’hermandad n’a jamais été considérée comme une confrérie à part entière. 17 P. Ragon, Les saints… cité n. 9, p. 204.

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qui à l’évidence peinent un peu à s’épanouir, sont donc mieux représentées qu’elles ne l’étaient, un siècle plus tôt, dans la région de la Manche en Espagne18. Bien entendu, cette progression s’est faite au détriment des confréries placées sous la protection des différents saints, dont l’héritage encombre les autels de la péninsule19. Cette répartition reflète assez étroitement ce que furent, en la matière, les politiques déployées par les ordres missionnaires de la Nouvelle-Espagne. Partout où ils étaient implantés, les Franciscains s’étaient méthodiquement employés à promouvoir la fondation de confréries soutenant ces dévotions hormis, peut-être, celle du rosaire qu’Alonso de la Rea ne mentionne pas20. Les Augustins, de leur côté, accordaient toutes leurs attentions à la promotion des confréries susceptibles de solenniser la semaine sainte, les confréries dites « de lumière et de sang », des confréries de pénitents. Ils se faisaient fort également de mettre en place des associations pieuses dédiées au salut des âmes du purgatoire21. Quant aux dominicains, ils s’employèrent avec ferveur, comme il se doit, à multiplier les associations au titre du rosaire, même s’ils ne furent pas les seuls en cela et si ce projet ne suffit pas à épuiser toute leur ardeur22.

18 Sara T. Nalle, God in La Mancha. Religious reform and the people of Cuenca (1500-1650), Baltimore-Londres, 1992, p. 160 (d’après son tableau). Là, les confréries des âmes du purgatoire sont déjà les plus nombreuses (23%), suivies des confréries mariales (toutes confondues, 18,5%), des confréries dédiées au Christ (15%) et de celles du Saint Sacrement encore très peu nombreuses (10,5%). Il est à noter que les confréries du Saint Nom de Jésus, qui jouent un rôle important en Espagne dans le cadre de la lutte contre le blasphème, sont exceptionnelles au Mexique (5 mentions pour 339 titulatures connues par la visite). Pour le rôle des confréries du Saint Nom de Jésus, voir Henry Kamen, The phoenix and the flame. Catalonia and the Counter Reformation, New Haven et Londres, 1993, p. 167. 19 M. Flynn, Sacred charity. Confraternities and social welfare in Spain (14001700), Ithaca, 1989, p. 124. 20 A. de la Rea, Crónica de la orden de nuestro seráfico padre san Francisco, provincia de san Pedro y san Pablo de Mechoacan en la Nueva España, Mexico, 1996, p. 163-164. Il s’agit de la province franciscaine qui correspond grosso modo à l’évêché voisin de Valladolid. Voir également, pour la province franciscaine dont relève Mexico, Del orden y buena diligencia que algunos religiosos tienen », dans J. García Icazbalceta, Nueva colección de documentos para la historia de México, Mexico, 1941, II, p. 67-69. Dans ce texte les âmes du purgatoire ne sont pas citées. 21 J. de Grijalva, Crónica de la orden de nuestro padre san Agustín en las provincias de la Nueva España, Mexico, 1985, p. 161-162. 22 J. Bautista Méndez, Crónica de la provincia de Santiago de México de la orden de predicadores, Mexico, 1993, p. 389-393 ; P. Ragon, Les saints… cité n. 9, p. 206-220.

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Solenniser le culte Les patronages ne fournissent qu’un premier indicateur de la nature des confréries. Au-delà, quelles pratiques de dévotion promouvaient-elles ? Les témoignages des chroniqueurs et les rapports des hommes d’Église cherchent à accréditer l’idée qu’elles fixaient aux fidèles des programmes exigeants. Ainsi, selon Alonso de la Rea (qui écrit en 1643), les confrères de la Vraie Croix « se donnent la discipline tous les lundis, tous les mercredis et tous les vendredis en disant le Miserere, comme s’ils étaient des religieux, à partir du premier vendredi de carême et jusqu’à la fête de Pâques, assistant en outre, à chaque fois, à une messe votive de la passion »23. En réalité, aucun des statuts conservés ne témoigne de telles exigences. Ceux de la confrérie du Santo Entierro du village de San Mateo Teoloyuca, en la paroisse Tepotzotlan, pour ne donner qu’un exemple parmi tant d’autres, ne comportent que deux types d’obligations : d’une part, et comme il se doit, les confrères s’engagent à faire dire un certain nombre de messes tout au long de l’année et, d’autre part, ils s’obligent à organiser une procession de flagellants tous les ans, le soir du vendredi saint. Cette dernière prescription est décrite au demeurant comme « l’unique raison d’être de cette association » et, tranchant sur les autres, l’article qui la prescrit est rédigé avec un soin tout particulier. Les fondateurs, soudainement diserts, précisent alors que « pour mieux s’employer à servir Dieu notre seigneur, (ils) s’engagent à (se) mortifier… en mémoire de la très sainte Passion et de la très sainte mort qu’il souffrit pour la Rédemption du genre humain et… à sortir en procession de lumière et de sang dans les rues dudit village, tous les ans, le soir du vendredi saint, avec une clochette, une bannière, une croix, les insignes de la Passion, le saint sépulcre et les chars de procession de la Vierge et de MarieMadeleine »24. En faisant célébrer, conformément à leurs ressources, le plus grand nombre possible de messes, en solennisant de manière particulière telle ou telle fête du calendrier chrétien, dans tous les cas, ces confréries semblent avant tout vouloir contribuer à la solennité du culte. Ce qui est vrai des associations de flagellants l’est également des autres. Tel est le cas, bien entendu, des confréries du Saint Sacrement. Ainsi celle d’Almoloya est-elle fondée en 1691 « pour

A. de la Rea, Crónica… cité n. 20, p. 163. AGN, Tierras, vol. 3541-5, article 8. Ces statuts datent de 1674. On pourrait citer aussi ceux de la confrérie du Saint Sépulcre de Zinacantepec fondée en 1691 (AGN, Bienes Nacionales, 1028-30), de Cuernavaca en 1693 (AGN, Bienes Nacionales 1028-39) ou de Piedragorda datant de 1680 (AGN, Cofradías, 15-2). 23 24

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l’honneur et la gloire de Dieu notre seigneur et celui de la très sainte Vierge Notre Dame »25. Contribuer à l’éclat du service liturgique, tel est le moyen le plus sûr et le plus immédiat de servir Dieu. Les confrères de Huejutla, un gros bourg enclavé perdu loin au nord de Mexico sur les premières pentes du versant atlantique de la Sierra Madre orientale, déclarent se rassembler « pour le service de Dieu et la dévotion envers le glorieux saint [Antoine] » sous la protection de qui ils se sont placés après qu’il eut accompli un miracle au bénéfice de la communauté des habitants. La formule, qui figure en préambule pourrait passer pour banale si, un peu plus loin, ils ne précisaient, manifestant leur confiance en la valeur de la célébration liturgique, qu’ils agissent « pour le service dudit saint et que son culte ait le lustre souhaitable afin que tous les habitants dudit village, voire d’autres, deviennent ses dévots »26. De fait, en intégrant l’association, les confrères s’obligent avant tout à acquitter le coût de la célébration d’une messe chantée tous les mois en l’honneur de saint Antoine. Pareillement « la gloire de Dieu et le culte de ses saints » est le premier objectif que les confrères de saint Joseph poursuivent à Tepecoacuilco27. Lorsque les paroissiens disposent de quelque fortune ou quand la paroisse est administrée par un clerc suffisamment dynamique, les confréries peuvent se fixer des programmes de célébrations liturgiques ambitieux. Ainsi, de par ses statuts, celle du rosaire promue par les Augustins qui possèdent un important couvent à Actopan prévoit-elle la célébration annuelle de plus de soixante-dix messes. À chaque fois, le nombre des officiants requis, l’importance et les caractéristiques du luminaire, la durée des sonneries de cloches ainsi que le parcours des éventuelles processions se trouvent précisés par le menu. Le jour de la fête d’advocation et sa vigile, les cloches carillonnent et sonnent durant plusieurs heures28. L’ensemble du dispositif a fait l’objet d’une longue négociation et d’une tarification précise adoptée conjointement par les religieux du couvent et les principaux habitants d’Actopan. Pour une part, ces orientations constituent un héritage : celui d’une église missionnaire issue de l’action d’un clergé mendiant qui en principe et à l’origine ne disposait que de peu de ressources. Le cadre légal de la confrérie lui fournit les moyens d’assurer la continuité de la célébration liturgique dans de bonnes conditions et de lui donner le lustre souhaité. Les pères de la mission franciscaine

25 26 27 28

AGN, AGN, AGN, AGN,

Bienes Nacionales, 1028-27, préambule. Bienes Nacionales, 1028-31, préambule et dernier article. Bienes Nacionales, 1028-29, préambule. Cofradías, 44-1, article 14 (statuts de 1663).

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l’avaient perçu d’emblée. Pour eux, les confréries étaient le meilleur moyen d’obtenir le nécessaire à la célébration (« aparejo »), d’assurer le décorum souhaitable (« ornato »), de solenniser les offices en assurant « la fréquentation de l’église, le jour des fêtes solennelles où ils viennent le cierge allumé à la main »29. En 1615, Juan de Torquemada, se remémorant l’action de frère Pedro de Gante aux premières heures de la mission mexicaine, évoque d’un trait son labeur inlassable en faveur des confréries d’Indiens dont il favorisa la formation et le zèle qu’il déploya au service « de la beauté du culte divin qu’il accrut en augmentant la taille des chorales et des orchestres et en veillant à la beauté des célébrations en l’autel de saint Joseph »30. Un siècle plus tard encore, dans les villages indigènes, bien des confréries du Saint Sacrement n’ont guère d’autre ambition que d’assurer la pérennité d’une modeste activité liturgique tout en contribuant au luminaire de l’autel. De nombreuses constitutions nous sont parvenues qui, selon un même modèle inlassablement repris ne prévoient guère que la célébration d’une messe de corpus christi, l’assistance aux messes de rénovation et la contribution au luminaire du Jeudi saint. Certaines, à l’instar de la confrérie de Zacualtipan, s’engagent même à assurer la propreté de l’autel31. L’accompagnement du viatique n’est alors pas nécessairement cité32. Certaines de ces confréries sont même couramment appelées « du saint sacrement et de la fabrique » tant il est clair pour tous qu’elles assurent des fonctions élémentaires33. Toutefois, on aurait sans doute tort de ne voir là que la conséquence de l’histoire particulière des églises du Nouveau Monde et le reflet de leur pauvreté matérielle. En effet, on ne saurait oublier que ce penchant pour la communion dans la célébration collective et ce goût pour les fastes du culte caractérisent également les confraternités de l’Espagne péninsulaire. Après avoir minutieusement étudié une cinquantaine de confréries d’Ávila, Ana María Sabe Andreu conclut qu’elles expriment une religiosité « plus sensuelle que spirituelle ou, pour mieux dire, qu’elles élèvent vers l’Esprit en s’adressant aux sens ». Pour croire et pour s’abandonner à la puissance du sacré, il faut voir le Saint Sacrement ou les images, les retables ou la lumières des cierges, les tapis précieux posés aux balcons ; il faut toucher les étoffes et la cire des cierges, l’eau bénite et le bois des

Del orden y buena diligencia… cité n. 20, p. 68. Juan de Torquemada, Monarquia indiana, Mexico, 1975, III, p. 428. 31 AGN, Bienes Nacionales, 1028-43, article 12. 32 Statuts de las confrérie d’Omitlan, AGN, Bienes Nacionales, 1028-11. 33 AHAM, Visitas, caja 19, libro 1, f° 324v°-325v°. Mais on retrouve cette expression à plusieurs reprises dans ce document. 29

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chars de procession ; il faut humer le parfum de la cire qui brûle ou celui de l’encens. De fait, les prescriptions visant à régler minutieusement le déroulement des célébrations sont généralement très développées34. Il convient cependant de dépasser ce constat. Des exigences graduées L’omniprésence des recommandations visant à assurer le faste de la célébration et la participation des confrères aux rites publics ne doit pas faire oublier que certaines associations n’en négligent pas pour autant d’encourager un exercice plus personnel de la piété. Jusque dans les villages les plus éloignés de la capitale de la viceroyauté, il arrive qu’au détour d’un article, une brève recommandation vienne rappeler au confrère la valeur des œuvres personnelles. Ainsi, à Huejutla, l’avant-dernier article des statuts de la confrérie de saint Antoine (1690) ne se limite-t-il pas à prescrire la traditionnelle assistance aux funérailles du confrère trépassé mais elle lui enjoint aussi de visiter les confrères agonisants : « il est pareillement d’obligation, pour les membres de ladite confrérie qui viendraient à être informés de la maladie de l’un d’entre eux, de lui rendre visite car c’est là une œuvre de miséricorde »35. Deux ans plus tôt, les fondateurs de la confrérie de Malinalco étaient allés plus loin encore puisque l’œuvre de charité qu’ils se proposaient d’accomplir les obligeait à prendre soin de la santé ou de l’âme de tous ceux que la maladie ou la mort surprendrait loin des leurs. Dans cette ville qui, depuis Mexico, ouvrait l’accès vers les terres chaudes du Guerrero et la côte du Pacifique, ils se proposaient de secourir les voyageurs malades et de prendre soin des dépouilles de ceux qui seraient morts sur la route36. Une claire logique se mettait en place : l’autorité ecclésiastique, ici le prieur du couvent augustin du lieu, l’un des probables instigateurs de cette fondation, s’appuyait sur un précepte ordinaire. Communes à toutes les confréries, l’entraide et l’assistance au moment du trépas d’un confrère étaient utilisées pour faire œuvre de pédagogie, insister sur la valeur morale de l’aide au mourant et tenter d’en faire un temps fort d’édification mutuelle : « Item que tous les confrères qui le peuvent, assistent aux funérailles et participent aux autres œuvres de miséricorde ; qu’ils s’efforcent aussi d’y attirer ceux qui n’y viendraient pas »37.

34 Ana María Sabe Andreu, Las cofradías de Ávila en la edad moderna, Ávila, 2000, p. 283-285. 35 AGN, Bienes Nacionales, 1028-21, article 13. 36 AGN, Bienes Nacionales, 1028-13, article 6 (version de juillet 1688). 37 Ibid., article 9.

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Mais l’épisode de l’érection de la confrérie des Esclaves du Saint Sacrement de Malinalco est plus significatif encore par ses hésitations que par ses réussites. Il importe en effet de souligner qu’en la circonstance le prieur du couvent dut s’y reprendre à deux fois pour parvenir à ses fins. Après avoir songé à ouvrir la confrérie à toutes les « républiques » vivant à Malinalco, c’est-à-dire conjointement aux Indiens et aux Espagnols, trois mois plus tard, il dut déchanter, probablement du fait de l’opposition de ces derniers qui se retranchèrent derrière une coutume vieille de plus de soixante ans38. Un nouveau texte fut donc rédigé, qui réserva l’entrée de la confrérie aux seuls Indiens, sommés du coup de s’administrer sans appui extérieur et de faire respecter leurs règles par leurs seuls pairs. Les statuts furent modifiés en conséquence, les mesures de cœrcition se firent plus apparentes et devinrent aussi plus sévères. Le majordome, s’il ne réservait pas la totalité de l’argent de la confrérie à des tâches spirituelles mais payait sur ses comptes des frais de bouche ou assumait le coût de réjouissances profanes devenait redevable d’une forte amende de 20 pesos. En outre, l’exhortation à donner l’exemple qui était faite aux confrères fut alors accompagnée d’une précision fort négative : « qu’ils évitent l’ivrognerie et les désordres qui accompagnent ordinairement leurs assemblées »39. L’entreprise suivit son cours cahin-caha puisqu’une enquête de la fin du XVIIIe siècle mentionne encore deux confréries du Saint Sacrement à Malinalco. Mais cette même enquête témoigne aussi du faible dynamisme de la confrérie des Indiens que l’archevêque de Mexico, Alonso Nuñez de Haro y Peralta (1772-1800) décida alors de supprimer40. L’épisode souligne donc tout à la fois la continuité et la difficulté d’une politique dont la mise en place remonte aux premières heures de l’Église missionnaire. Car si aux yeux des premiers clercs du Mexique, les ressources des confréries devaient fournir la base matérielle propice au développement d’une activité liturgique décente et régulière, l’association confraternelle pouvait également in fine, et par là-même, sensibiliser ses membres à l’exercice des vertus chrétiennes41. À la fin du XVIIe siècle, l’optimisme étant plus mesuré, on

38 Pourtant, lors de son passage à Malinalco,quatre ans plus tôt, Aguiar y Seixas n’y avait pas relevé la présence d’une confrérie du Saint Sacrement (AHAM, Visitas, caja 19, libro 1, f° 267r°-275v°). 39 AGN, Bienes Nacionales, 1028-13, article 11 (version d’octobre 1688). 40 « Ynforme del arzobispo de México sobre todas las cofradías, hermandades y congregaciones establecidas… » dans AGN, Cofradías, volume 18, « Malinalco ». 41 « …troisièmement, ceux qui acceptent de rentrer dans les confréries se gardent des vices plus efficacement que les autres conformément à leurs ordon-

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lia la valeur des associations pieuses à leur caractère pluriethnique : on espérait alors que le rapprochement en leur sein des Indiens (parfois associés aux Noirs ou aux mulâtres) et des Espagnols permettrait aux premiers de mieux bénéficier de l’exemple des derniers. La formule connut un inégal succès puisque, d’un village à l’autre, les deux solutions apparaissent : tantôt la confrérie regroupe tous les habitants quelle que soit leur origine, tantôt la population se répartit entre différentes confréries, en fonction de ses appartenances ethniques42. Inégal, assurément modeste, le succès des clercs ne fut pas nul. Quelques exemples remarquables sont là pour nous le rappeler, à l’instar de celui de la confrérie de saint Joseph à Tepecoacuilco. Tepecoacuilco, campée sur le versant nord de la vallée du río Balsas, est une paroisse des terres chaudes et semi-arides du Guerrero central. C’est là, nous dit-on, à la fin du XVIIe siècle et pour au moins un demi-siècle encore, une zone très indigène43. Mais, au tournant des années 1680 et 1690, le ministère paroissial se trouve confié à un prêtre exigeant qui décide d’y fonder une confrérie en l’honneur de saint Joseph. Pour ce faire, il fournit lui-même la statue du saint ainsi que l’essentiel des capitaux nécessaires à la fondation, sous la forme d’un don en nature, un troupeau de trente vaches. Il s’agit d’une association dévote caractéristique de l’église baroque et probablement inscrite dans la mouvance de la spiritualité du Carmel réformé : trois messes chantées en l’honneur de saint Joseph, de l’Incarnation et de sainte Thérèse d’Avila constituent l’essentiel des obligations liturgiques44. Mais la confrérie ne s’inscrit pas seulement dans une logique de célébration. Là, en tout état de cause, n’est pas sa spécificité car son objectif essentiel est de favoriser la confession et la communion fréquentes, exigences qui apparaissent bien rarement dans les statuts des confréries indiennes. Ainsi « tous les confrères et esclaves dudit saint doivent-ils se confesser et communier au début de chaque mois et lorsqu’on célébrera les sept messes basses [en l’honneur du saint]. Ils feront de même le jour de

nances et ils s’exercent davantage à la pratique des vertus, notamment au service des malades. En définitive, l’expérience le prouve, les villages où des confréries ont été fondées dépassent ceux qui n’en ont pas pour ce qui relève de la police chrétienne », dans Del orden y buena diligencia… cité n. 20, p. 68. 42 Ces choix, qui peuvent également tenir à la taille des différentes communautés ou à leurs ressources économiques, mériteraient d’être étudiés de plus près. 43 J. A. de Villaseñor y Sánchez, Theatro americano, descripción general de los reynos y provincias de la Nueva-España, Mexico, 1746, I, p. 239. Cet auteur précise que toute la région est « stérile et montagneuse ». 44 Sur ce type de confrérie, voir dans ce même volume le texte de Bernard Dompnier.

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l’Incarnation de Notre Seigneur, celui de la fête de saint Joseph et enfin, au jour anniversaire de sainte Thérèse de Jésus »45. Ouverte à tous et à toutes, libre de frais d’inscription, l’appartenance à la confrérie n’implique ensuite que le versement d’une cotisation très faible : un réal par mois, ce qui représente la moitié de la cotisation habituellement exigée des Indiens. C’est dire que la collecte de fonds destinés à la célébration n’est pas prioritaire. Chaudement félicité par son évêque pour son initiative, le curé de Tepecoacuilco sut mener à bien son entreprise et assurer la pérennité de sa fondation. Un siècle plus tard, la confrérie de saint Joseph fonctionnait toujours et elle bénéficiait encore des faveurs de l’archevêque de Mexico, Alonso Nuñez de Haro y Peralta, qui lui agrégea alors les trois autres confréries de l’endroit46. Encore est-on là en un endroit relativement isolé, même si Tepecoacuilco s’éveille parfois au passage des charrois qui vont et viennent entre Mexico et Acapulco, le grand port du galion de Manille. Que se passe-t-il dans les régions plus ouvertes aux migrants espagnols et aux influences extérieures, mieux intégrées à l’économie de la Nouvelle-Espagne et à la vie du diocèse ? Tel est le cas, par exemple, du bourg minier de Real del Monte, au nord de Mexico, au cœur d’une zone vitale pour l’économie de la NouvelleEspagne. L’endroit attire aventuriers, capitalistes et main d’œuvre ; il est en relation constante avec la capitale de la vice-royauté qui absorbe sa production d’argent. La confrérie qui y fut fondée en l’honneur de la Vierge de Guadalupe, laquelle connaissait alors un succès croissant, dépasse complètement la logique d’embellissement du culte. Dans cette ville rongée par le mirage de la réussite facile, les longs statuts de l’association, avec leur empilement de règles minutieuses, visent avant tout à inciter à la pratique des œuvres de charité ; ils s’efforcent aussi de promouvoir certaines pratiques quotidiennes de dévotion privée. De manière très symbolique, l’association est issue de la réunion de trente-trois fondateurs qui se rassemblent autour du curé de la paroisse. Outre « l’accroissement de la dévotion, l’honneur et la gloire Notre Dame la Vierge Marie », les promoteurs de la nouvelle institution entendent œuvrer pour « le bien des âmes bénites du purgatoire » et encore « pour le profit des fidèles et des habitants du lieu ». Il s’agit, là encore, d’une confrérie largement ouverte : aucune qualité ethnique n’est requise, un tarif aménagé est prévu pour les femmes, dont les ressources sont moindres47. Tout nouvel adhérent est invité à faire un don équivalent AGN, Bienes Nacionales, 1028-29, article 6. AGN, Cofradías, volume 18, « Tepecoacuilco ». 47 La confrérie est ouverte à tous les travailleurs de la mine. Seule sa direction est réservée aux Blancs. 45 46

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au coût d’une messe pour les âmes des confrères morts mais à défaut d’argent, il peut également s’engager à dire trois rosaires de cinq mystères à la même intention. Enfin, – et surtout –, le confrère prend un certain nombre d’engagements personnels : visiter les agonisants et leur prodiguer des conseils susceptibles de les aider à bien mourir, enterrer les cadavres que l’on pourrait retrouver dans la montagne, se confesser et communier à toutes les fêtes mariales et enfin dire un rosaire quotidien, chaque soir, en famille48. « Solo México es corte » Mais c’est à Mexico, bien sûr, et dans les grandes villes de la Nouvelle-Espagne que l’effort de réforme religieuse laisse les traces les plus profondes sur la vie des confréries. Là, les associations dévotes et charitables ne sont plus des cas isolés. Elles sont même assez nombreuses pour entrer en compétition et chercher à se distinguer les unes des autres par la quête de raffinements supplémentaires. Dans la capitale de la vice-royauté, on compte, à la fin du XVIIe siècle, plusieurs dizaines de confréries alors que la ville abrite probablement une centaine de milliers d’habitants49. Outre des confréries de métiers, on y retrouve toute la gamme des confréries précédemment évoquées, d’autres aussi au caractère charitable ou dévot plus accentué encore. Un dernier groupe enfin apparaît, nettement individualisé. Il s’agit de confréries associant des clercs et des laïcs autour de projets communs clairement identifiés : œuvres de catéchèse ou d’évangélisation, promotion au sein du siècle de la spiritualité particulière développée au sein d’un ordre ou d’une congrégation religieuse. Les confréries de charité sont parmi les plus anciennes, instituées au moment même où s’organisait la vie de la capitale. Ainsi les deux prestigieuses confréries du rosaire et du Saint Sacrement, la première fondée dans l’église du couvent dominicain en 1538, la seconde instituée en la cathédrale quelques semaines plus tard, au début de l’année 1539, rivalisent-elles de générosité lorsqu’il s’agit de marier les orphelines. Tous les ans, conformément à leurs statuts,

AGN, Bienes Nacionales, 1028-37. Il y en aura 115 dans les années 1770, au début de l’épiscopat d’Alonso Nuñez de Haro y Peralta. Voir AGN, Cofradías 18, et A. Bazarte Martínez, Las cofradías de Españoles… cité n. 2, p. 66-67. On a donc alors, grosso modo, une confrérie pour mille habitants : Mexico elle-même fait moins bien que la plupart des villes espagnoles. Maureen Flynn calcule que l’on a en moyenne 3,61 confréries pour mille habitants en Espagne en 1771 (M. Flynn, Sacred charity… cité n. 19, p. 139). 48 49

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toutes deux en dotent plusieurs dizaines, chacune à la hauteur, jamais réévaluée, de trois cents pesos. Encore peut-on s’interroger : s’agit-il de charité ou d’évergétisme ? Les orphelines, obligatoirement espagnoles sont toujours des jeunes filles ou des femmes issues des bonnes familles de la ville et les responsables de la confrérie parviennent souvent à faire profiter leurs proches parentes (pas toujours orphelines) de la manne qu’ils contrôlent. L’une des ordonnances de la confrérie du Saint Sacrement les favorise même expressément50. Et puis, certaines jeunes femmes bénéficient plusieurs années de suite des largesses des confrères51. L’appartenance à ces associations prestigieuses, fondées par des conquistadores, par les premiers habitants de la ville ou par leurs descendants, est avant tout un signe de distinction. Les assemblées annuelles sont minutieusement réglées par une étiquette fort précise qui permet à chacun de tenir et de faire respecter son rang. La participation des confrères aux cérémonies publiques fait pareillement l’objet de véritables mises en scène où éclate le souci du prestige social52. En fait, l’œuvre de charité et la vertu d’humilité ne firent bon ménage qu’un peu plus tard, quand s’affermirent les valeurs de la réforme catholique. En 1685, la fondation de la confrérie de NotreDame de la Charité dans le temple de la Miséricorde, l’église d’une maison destinée à la réclusion des épouses écartées pour démence, en offre un bon exemple. Avant de rédiger les statuts de la nouvelle institution, ses fondateurs, qui n’ont pas d’autel ni de fonds, exposent leur projet : gens du commerce et des petits métiers, ils entendent offrir leurs personnes afin de quêter par les rues à la place des pauvres honteux, clercs sans ressources ou jeunes filles seules, qui n’osent s’y aventurer de peur d’y exposer leur habit ou d’y risquer leur vertu. Ils sont disposés à s’y retrouver en fin d’après-midi, vers dix-huit heures, une fois leur journée de travail achevée et à l’heure où les puissants ouvrent leurs portes à leurs clients et ils espèrent, en particulier, pouvoir réunir des vêtements usagés. L’adhésion à la confrérie est rigoureusement subordonnée à cet engagement dont l’idée est empruntée à un immigrant récemment arrivé d’Espagne53. Ainsi l’œuvre de charité trouve-t-elle des champs d’expression plus personnels, en-dehors du cadre offert par les confréries les plus prestigieuses, qui sont aussi les plus fermées, et au-delà de celui des traditionnelles confréries hospitalières. Il en va de même pour les

A. Bazarte Martínez, Las cofradías de Españoles… cité n. 2, p. 213-216. Ibid., p. 89-114. 52 AGN, Cofradías, 10-1. Les statuts de la confrérie du Saint Sacrement ont été publiés par A. Bazarte Martínez, Las cofradías de Españoles… cité n. 2, p. 197221. 50

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associations de dévotion : au cours des deux dernières décennies du XVIIe siècle au plus tard, elles se font plus nombreuses et acquièrent de nouveaux traits. L’évolution passe à la fois par des fondations ex nihilo et par la réforme d’associations antérieures dont les statuts sont aménagés afin d’exprimer de nouvelles orientations. Tel est le cas, par exemple, de la réforme de la confrérie du Précieux Sang de Jésus Christ, fondée en la prestigieuse paroisse Sainte-Catherine54. Cette association pieuse qui, par son origine, remontait sans doute à l’année 1605, avait le privilège d’organiser le soir du jeudi saint la procession du Christ à la Colonne, dont elle possédait une statue55. En 1683, à l’initiative des curés de la paroisse, elle se transforme en archiconfrérie et enrichit son règlement. Désormais, elle n’a plus pour seule tâche, ni même pour tâche essentielle, de participer aux festivités de la semaine sainte. Ces célébrations publiques de la foi et leurs mises en scène spectaculaire propices aux débordements profanes font alors, de la part de certains milieux, l’objet de vives critiques. De par ses nouveaux statuts, la confrérie réformée réduit l’engagement des ses membres dans ces manifestations et introduit un certain nombre de prescriptions visant à séparer plus rigoureusement les actes de dévotion et les réjouissances profanes56. Surtout, fait exceptionnel au Mexique, l’association s’ouvre à une préoccupation alors probablement nouvelle, la catéchèse familiale, puisque l’adhésion est assortie de l’obligation « d’enseigner la doctrine chrétienne aux siens »57. L’intérêt pour la formation et la parole apparaît encore à travers un autre de ses engagements : cette riche confrérie s’engage aussi à faire dire des sermons à la porte de sa chapelle tous les jeudis durant le temps de Carême58. Huit ans plus tard, la confrérie fondée au titre de Notre-Dame de Guadalupe dans le couvent tout proche des dominicaines de Sainte-Catherine-de-Sienne apparaît également comme une association de dévots. En fait, réunissant des clercs et des laïcs autour des religieuses dominicaines afin de leur faire partager à tous et à toutes

AGN, Bienes Nacionales, 1028-5. La paroisse de Sainte-Catherine, probablement instituée en 1568 est l’une des plus anciennes de la ville. C’est une paroisse d’Espagnols qui abrite la très distinguée confrérie de sainte Catherine, fondée par les conquistadores au lendemain de leur victoire et dont la chapelle fournit son premier siège à la paroisse. Voir José María Marroquí, La ciudad de México, Mexico, 1969, II, p. 94 et Juan Javier Pescador, De bautizados a fieles difuntos. Familia y mentalidades en una parroquia urbana : Santa Catarina de México, 1568-1820, Mexico, 1992, p. 18 sq. 55 AGN, Bienes Nacionales, 1028-1, article 1. 56 Ibid., article 19. 57 Ibid., article 13. 58 Ibid., article 18. 53 54

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un certain nombre d’exigences communes, elle tend à diffuser hors les murs de la clôture un programme de réforme intérieure pour lequel les bénéfices attendus des prières de chacun sont mis en commun. L’adhésion est gratuite mais en échange elle implique un engagement personnel relativement fort : « tous les confrères devront s’employer avec toute la ferveur dont ils sont capables au culte de la toujours Vierge Marie Notre Dame et chacun dira tous les jours cinq Pater et cinq Ave à l’intention des confrères, priant le Seigneur pour qu’ils demeurent purs et chastes comme de dignes esclaves d’une telle reine et dame ». Tous les mois, les confrères doivent en outre s’assembler en l’église du couvent, suivre une demi-heure de catéchisme, entendre durant une autre demi-heure une conférence et enfin dire une partie du rosaire59. En fait, durant ces années-là, dans la ville de Mexico, les confréries fleurissent, qui s’offrent comme le support de dévotions nouvelles (ou nouvellement diffusées) et comme des moyens sûrs, donné à tout un chacun, de faire son salut. Cette même année 1691 est également fondée une confrérie du saint scapulaire, dont les membres s’engageaient à porter la fameuse capuche de Notre-Dame du Carmel et aussi à prendre exemple, à chaque instant de leur vie, sur la Vierge Marie, « l’imitant ainsi intérieurement comme extérieurement afin de garder parfaitement les commandements de Dieu et ceux de l’Église, de s’appliquer à l’exercice des vertus et à l’amour de Dieu et de ses prochains, pratiquant pour cela toutes les œuvres de piété et de miséricorde ». De fait, les engagements des confrères ne sont pas minces et l’adhésion à la confrérie est un acte solennel : chacun fait alors vœu de chasteté conformément à son état, se confesse et communie, s’engage à dire tous les jours sept Pater et sept Ave en l’honneur des Sept Joies de Marie, à se confesser et à communier au moins une fois par mois. Trait distinctif, l’association du saint scapulaire rompt avec les obligations communes de toutes les autres confréries et n’intervient pas lors des funérailles des confrères qui viennent à décéder60. Prier plus souvent, fréquenter plus étroitement les sacrements, édifier par la parole ou prêcher par l’exemple, œuvrer par la prière ou par les œuvres pour le salut de son prochain : installées dans les grandes paroisses du centre de la ville ou dans ses couvents, en plus grand nombre désormais, les confréries de Mexico intègrent de tels

AGN, Bienes Nacionales, 1028-22, articles 2 et 4. Archivo Histórico del Instituto Nacional de Antropología e Historia, F-L 21 : « Libro de fundación y cabildos de esta cofradía del santo escapulario de la Señora del Carmen (1691-1824) », f° 44r°-48r°. 59 60

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objectifs. C’est encore le cas, à partir de 1694, de celle de l’Esprit saint et de Notre-Dame des Douleurs (paroisse de Sainte-Catherine), de celle de saint François-Xavier (1657, réformée en 1694, paroisse de la Vraie Croix) ou encore de celle d’Ecce Homo 1698, (couvent de Regina Coeli)61. À l’instar de la confrérie de Notre-Dame de la Charité, certaines de ces fondations prouvent que cette sensibilité religieuse n’est pas l’exclusivité d’une mince élite sociale et culturelle. C’est le cas, par exemple, de la confrérie de Notre-Dame du Rosaire et saint Antoine de Padoue, agrégée à celle de la Trinité, en son temple (1682). Ses membres, en s’obligeant à dire le rosaire, publiquement, toutes les nuits de Noël, en procession par les rues de la ville, « avec modestie et dévotion », s’inscrivent dans un mouvement déjà vieux de plusieurs décennies62. Les péripéties de sa fondation illustrent le caractère populaire de l’association : un seul « don » parmi ses fondateurs et une mise en garde inhabituelle et sans équivoque du proviseur de l’archevêché qui enregistre la fondation : que le majordome sache lire et écrire63. Mexico, ville espagnole, serait-elle un cas à part ? Sans doute, mais la capitale de la Nouvelle-Espagne est aussi un modèle pour toute la vice-royauté. Dès lors une question se pose : dans quelle mesure la ville peut-elle entraîner le reste de la province ? L’histoire des confréries de la Doctrine chrétienne, que l’Oratoire introduit au Mexique à partir de 1679, éclaire d’un jour particulier la réalité mais aussi les limites des modèles que la capitale s’efforce d’exporter. L’affaire commence en 1677 quand un avocat de la cause de l’Oratoire de Mexico obtient pour lui, en cour romaine, un certain nombre de grâces. En fait le Saint Père accorde à l’Union de saint Philippe Néri la possibilité de fonder une association pieuse agrégée à l’archiconfrérie romaine de la Doctrine chrétienne. Deux ans plus tard, la confrérie affiliée voit le jour en l’église de l’Oratoire de Mexico. De ce fait, comme il se doit, elle bénéficie des mêmes grâces – un trésor d’indulgences conséquent – que la confrérie romaine. L’événement est remarqué et le programme d’enseignement de la doctrine chrétienne qu’elle se fixe est ambitieux et bientôt complété par un projet d’expansion, par affiliations complémentaires, à travers tout le diocèse64. À Mexico même, la confrérie de la Doctrine chrétienne se propose d’ouvrir sept écoles de catéchisme et de formation chrétienne pour les enfants et pour les adultes. Pour cela les

AGN, Bienes Nacionales, 1028-40 ; Cofradías 12-8, 12-17 et 15-12. Cette dévotion est apparue en Nouvelle-Espagne en 1650. Voir sur cette question P. Ragon, Les saints… cité n. 9, p. 212-213. 63 AGN, Bienes Nacionales 863-4, f° 5r° et 16r°. 61 62

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clercs de l’Oratoire s’adjoignent des laïcs sélectionnés pour leurs vertus et pour une piété où les dévotions christocentriques sont dès lors appelées à avoir la meilleure part. Des lieux d’enseignement sont retenus, sept en tout : six églises mais aussi « les portiques de la grand place de cette ville où l’enseignement de la doctrine chrétienne paraît plus indispensable que partout ailleurs puisqu’on y rencontre les gens les plus vulgaires et ceux qui demandent le plus ce secours spirituel ». Une action spécifique est prévue en direction des esclaves, que l’on se propose de réunir les dimanches après-midi au son de la cloche65. Un ensemble de règles très minutieuses organise la vie spirituelle des confrères qui s’obligent à toute une série d’actes de dévotion privés et publics ainsi qu’à mener une vie exemplaire. L’archiconfrérie de la Doctrine chrétienne devient alors un des acteurs de la vie religieuse de la capitale et ses manifestations les plus importantes ne passent jamais inaperçues66. Très vite aussi, elle essaima dans tout le diocèse de Mexico car Francisco de Aguiar y Seixas s’employa immédiatement – et notamment à la faveur de sa visite épiscopale – à multiplier les affiliations de confréries provinciales à celle de Mexico. Il y parvint à vingt-deux reprises au moins entre 1683 et 1685, dans les cent dix paroisses qu’il visita alors. Cette politique fut poursuivie par ses successeurs et en 1731, la Gazeta de México nous apprend que le diocèse comptait alors deux cents douze confréries affiliées : sans doute chaque paroisse comptait-elle alors la sienne. Mais en quoi consistaient donc ces confréries affiliées ? On aurait tort d’imaginer qu’elles furent toutes bâties sur le modèle de la confrérie de l’Oratoire. Fortement portées par l’autorité épiscopale, ces institutions ne se diffusèrent qu’au prix d’une politique de compromis souvent audacieuse et, en définitive, bien des confréries locales de la Doctrine chrétienne n’empruntèrent pas grand chose à leur modèle. Les quelques statuts qui nous sont parvenus en témoignent. Ainsi en 1687, à Tacuba, aux portes de Mexico, malgré un fort investissement personnel de Francisco de Aguiar y Seixas qui présida lui-même la première cérémonie de la nouvelle institution, les

64 Le 3 mai 1579, trois mille personnes participèrent à la première procession publique de la nouvelle confrérie selon A. de Robles, Diario… cité n. 7, I, p. 259 et 261 ; voir aussi la demande adressée par le préfet de l’Oratoire à l’archevêque de Mexico le 18 mars 1783, quelques mois avant le début de la visite épiscopale (AGN, Bienes Nacionales, 944-2). 65 Ibid., « Reglas y constituciones que han de observar los congregantes », articles 4 et 8. 66 Gazetas de México, Castorena y Ursúa et Sahagún de Arévalo éd., Mexico, 1949, I, p. 322, II, p. 41 et 85, III, p. 176.

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confrères ne s’engagèrent guère, en vertu de l’affiliation, en termes très généraux, qu’à « améliorer leur vie selon leur état » et à assister aux conférences « aussi souvent que possible »67. Encore n’était-ce pas si mal puisque deux ans plus tard, à « Tolotlan » (sans doute Lolotla, près de Xochicoatlán et de Huejutla), l’affiliation ne semble pas avoir eu d’autre but que de faciliter l’accès des confrères aux indulgences dont disposait la Doctrine chrétienne68. Combien de fois ce scénario se reproduisit-il ? Pourtant, il n’en alla pas toujours ainsi et il est possible que le projet ait été mis au service de politiques plus conformes au modèle initialement proposé par les Oratoriens. Ainsi, au terme de la phase d’expansion des confréries de la Doctrine Chrétienne en NouvelleEspagne, dans la lointaine Huauchinango, sur le versant oriental de la Sierra Norte de Puebla, on adopta des statuts nettement plus exigeants pour les confrères. Le règlement de la confrérie ne faisait pas que rappeler l’obligation de l’assistance pour tous au catéchisme dominical, mais il mettait en place une longue série d’obligations pour les hommes et pour les femmes. Tous les mercredis soirs, les hommes devaient s’assembler en l’église, dévotement pour dire le rosaire et les litanies, écouter durant un quart d’heure la lecture qu’un religieux ferait d’un livre de dévotion puis se discipliner collectivement avant de faire un acte de contrition. Tous s’engageaient à enseigner le catéchisme à leur famille et à leurs voisins, notamment aux enfants et aux Indiens, une fois par semaine. Les femmes, elles, s’engageaient à faire le chemin de croix tous les vendredis de carême et à suivre ensuite l’enseignement du prêtre. Enfin, hommes et femmes devaient, un jour par semaine, méditer sur la Passion du Christ et se préparer à bien mourir69. Sans doute s’agissait-il là, pour une part, de vieilles recettes empruntées aux confréries de pénitents les plus exigeantes. Encore celles-ci n’avaient-elles pas été si nombreuses jusque-là, en NouvelleEspagne, à adopter de tels principes. Sans doute aussi, cette fondation correspondait-elle au désir des Augustins qui, depuis le milieu du XVIe siècle, avaient fait de cette paroisse le centre d’une importante mission qu’ils peinaient à entretenir. On ne sait dans quelle mesure l’entreprise des religieux de Huauchinango put prospérer. L’épisode a tout de même le mérite d’illustrer la continuité d’une politique : cinquante ans après avoir

AGN, Bienes Nacionales 1028-9, articles 2 et 10. AGN, Bienes Nacionales 1028-17. Les statuts sont copiés sur ceux de la confrérie de Xochicoatlán. 69 AGN, Bienes Nacionales, 829-11, notamment articles 6, 8 à 11 et 13. 67 68

MOUVEMENT CONFRATERNEL ET SPIRITUALITÉ AU MEXIQUE

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obtenu ses premières affiliations, l’archiconfrérie de la Doctrine Chrétienne constituait toujours un instrument apprécié et il se trouvait encore des clercs pour s’en servir. Plus généralement, ce rapide panorama du mouvement confraternel dans la Nouvelle-Espagne de la fin du XVIIe siècle jette un bref éclairage sur un paysage spirituel à l’image du diocèse, tout en contrastes violents et en retards accumulés. De fait, à ce moment-là, la confrérie peinait toujours à devenir un instrument de réforme chrétienne. Il y avait sans doute à cela bien des raisons, propres au monde hispanique en général et à ses marges américaines en particulier : en ces terres faiblement encadrées par un clergé jamais assez nombreux, en ces paroisses souvent peuplées de nouveaux chrétiens, en cette Église où, plus qu’ailleurs, l’ancien conflit entre réguliers et séculiers faisait toujours des ravages, l’exportation de la sensibilité religieuse des confréries espagnoles, longtemps plus tournées vers la célébration que vers la méditation pieuse, ne pouvait avoir d’autres conséquences. Pourtant, ce n’est pas un monde américain monolithique et immobile qui nous apparaît ici. Cette fin du XVIIe siècle est indéniablement le moment d’un frémissement. Encouragées par un évêque exceptionnel, des initiatives apparues depuis peu tendent alors à se multiplier. Sans doute, aucune étape décisive n’est-elle alors franchie car en menant jusqu’à son terme la première visite générale du diocèse, Francisco de Aguiar y Seixas ne peut guère que réaliser l’inventaire des succès et des échecs de ses prédécesseurs. Encore, physiquement présent, est-il à même d’affirmer le droit de regard du siège archiépiscopal et de semer pour l’avenir. De fait, dans l’histoire de l’administration ecclésiastique du diocèse de Mexico, l’épiscopat de Francisco de Aguiar y Seixas constitue bien une rupture. Après lui, tout au long du XVIIIe siècle, d’autres fortes personnalités, José de Lanciego y Eguilaz et Manuel José Rubio y Salinas, Francisco Antonio de Lorenzana y Buitrón et Alonso Nuñez de Haro y Peralta, occuperont le siège de Mexico, parviendront à affirmer leur autorité et approfondiront la réforme. Pierre RAGON Université de Rouen

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« Confréries ». La définition du terme ne présente pas apparemment de difficultés : un genre de regroupement – une forme d’associazionismo – laïc, tourné vers le perfectionnement moral, la dévotion, l’assistance réciproque, la charité. Mais bien vite, pour qui examine le phénomène, la question devient plus complexe, en raison notamment de la variété des dénominations utilisées, qui établissent des distinctions, suggèrent des nuances, ou plus simplement introduisent des ambiguïtés. S’il ne s’agissait que de mots, le débat ne vaudrait pas d’être prolongé. Mais les subtiles sfumature de la terminologie disent aussi des modes d’organisation divers et des orientations caritatives ou dévotionnelles dissemblables. Tout en se rattachant au monde confraternel, les associations pieuses ou les congrégations présentent pour la plupart des traits spécifiques. L’historiographie – française notamment – s’est déjà essayée à des typologies, certains travaux distinguant confréries de métier, confréries de dévotion et confréries de pénitents1, d’autres introduisant une classification en confréries-institutions et confréries-associations2. À l’évidence, l’ensemble offre quelque résistance aux nomenclatures qui ont cherché à le plier à une rationalité globale. Qu’on nous permette d’y voir le signe que les recherches visant à sa compréhension méritent d’être poursuivies, à commencer par celles qui se proposent de contribuer à la définition de ses contours. Où commence le phénomène confraternel tel qu’on l’entend ordinairement ? Parmi les contributions de ce volume, deux s’attachent particulièrement à

1 Tel est le cas du Répertoire des visites pastorales publié sous la direction de Dominique Julia et Marc Venard. 2 Voir notamment les ouvrages désormais classiques sur les confréries provençales : M. Agulhon, La sociabilité méridionale. Confréries et associations dans la vie collective en Provence orientale au XVIIIe siècle, Aix-en-Provence, 1966, édité ultérieurement sous le titre Pénitents et francs-maçons de l’ancienne Provence. Essai sur la sociabilité méridionale, Paris, 1968 (plusieurs rééditions) ; M.H. Froeschlé-Chopard, La religion populaire en Provence orientale au XVIIIe siècle, Paris, 1980.

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cette question de la frontière – ou de la genèse – des confréries, l’une à partir de l’analyse du cadre paroissial, l’autre en s’attachant à un milieu traditionnellement fortement structuré, celui des universités. Régis Bertrand examine quel est le lien entre autels latéraux, dévotions et confréries, montrant que les nouvelles dévotions peuvent prendre leur essor sans la présence de confréries, ou encore que ces dernières peuvent parfois n’intéresser qu’un groupe de dévots à la fois très restreint et très fermé. Simona Negruzzo s’intéresse pour sa part aux multiples formes de regroupements d’étudiants, qui ne portent pas toujours le nom spécifique de confraternitas ou de scuola, mais traduisent une recherche de solidarité et présentent des caractéristiques courantes dans les confréries : structuration réglée par des statuts, piété répondant à des orientations définies (au moins dans leurs lignes générales) et vécue à travers des pratiques communes, solidarité réciproque, activités caritatives en direction de l’extérieur. Une nouvelle étape de la recherche Depuis plusieurs décennies, les recherches sur les confréries ont connu un notable développement aussi bien en France qu’en Italie et ont profondément renouvelé la connaissance à leur sujet3. Dans le premier de ces deux pays, l’élan a été donné par Gabriel Le Bras qui, dès 1940-1941, dressait un bilan des connaissances et esquissait des perspectives, à la fois dans son séminaire de l’École pratique des Hautes Études et dans un article de la Revue d’histoire du droit français et étranger4. Ce n’est toutefois qu’avec le triomphe de la « sociologie religieuse rétrospective », une vingtaine d’années plus tard, que se développe pleinement l’étude des confréries, envisagées comme l’un des meilleurs indicateurs de la vitalité de la piété des laïcs. La carte des confréries du Rosaire dans le diocèse de La Rochelle, construite par Louis Pérouas, conserve assurément une valeur exemplaire à cet égard5 ; nul doute qu’elle ait, directement ou non, inspi-

3 L’intérêt pour le sujet est également évident dans d’autres traditions historiographiques. On citera à titre d’exemple C.F. Black, Italian Confraternities in the Sixteenth Century, Cambridge, 1989 (traduction italienne : Le confraternite italiane del Cinquecento, Milan, 1992) ; N. Terpstra (dir.), The Politics of Ritual Kinship. Confraternities and Social Order in Early Modern Italy, Cambridge, 2000. Un centre d’études sur les confréries existe à l’Université de Toronto. 4 G. Le Bras, Les confréries chrétiennes. Problèmes et propositions, repris dans Études de sociologie religieuse, t. 2, Paris, 1956, p. 442-452. 5 L. Pérouas, Le diocèse de La Rochelle de 1648 à 1724. Sociologie et pastorale, Paris, 1964.

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ré le projet d’un atlas des confréries en France, remis sur le métier à diverses reprises, jamais abouti pour l’ensemble du territoire, mais mené à bien pour des territoires plus limités6. Consacrés pour beaucoup à l’espace méridional, et tout particulièrement à la Provence, les travaux sur les confréries de l’époque moderne ont pointé la spécificité des pénitents et ainsi contribué également à mettre en évidence la diversité des sensibilités catholiques que traduit le phénomène confraternel au temps des Réformes7. Dans leur prolongement, l’étude des statuts et des règlements des divers types de groupements a largement permis la mise en évidence des nuances de la piété collective et individuelle des Français de l’Ancien Régime8. Une autre approche, choisie d’abord par Maurice Agulhon9, a privilégié la fonction sociale des confréries, et particulièrement leur rôle de structures de sociabilité. Comme en témoignent certaines rencontres entre chercheurs français et italiens10, cette piste a également été explorée de l’autre côté des Alpes, où l’approche a souvent privilégié les dynamiques socio-anthropologiques, notamment à partir des décennies 60 et 70, au moment où la sociologie et l’anthropologie religieuses triomphaient, sur les traces du modèle français. Les chercheurs italiens ont en effet utilisé les sources des confréries dans les travaux d’histoire démographique. Surtout, depuis de nombreuses années, leur attention s’est portée sur la fonction d’assistance des confréries11 – si importante à l’époque moderne – ainsi que

6 Le Sud-Est de la France a fait l’objet des travaux les plus aboutis en ce domaine. Voir notamment M.-H. Froeschlé-Chopard et R. Devos (dir.), Les confréries, l’Église et la cité, cartographie des confréries du Sud-Est, Grenoble, 1988 (Documents d’ethnologie régionale, 10). 7 Outre les travaux déjà cités à la note 2, on retiendra encore M.H. Froeschlé-Chopard, Espace et sacré en Provence (XVIe-XXe siècle). Cultes, images, confréries, Paris, 1994, ainsi que Les confréries de pénitents (DauphineProvence). Actes du colloque de Buis-les-Baronnies, Valence, HAD, 1988. 8 Pendant plusieurs années, cette thématique a été au cœur du séminaire tenu par Marie-Hélène Froeschlé-Chopard à la Vieille-Charité, antenne marseillaise de l’ÉHÉSS. Parmi les travaux récents concernant d’autres régions, on peut citer en particulier M. Bée, La croix et la bannière. Confréries, Église et société en Normandie du XVIIe au début du XIXe siècle, thèse de l’Université de Paris IV, 1991, 3 vol., ainsi que S. Simiz, Confréries urbaines et dévotions en Champagne (1450-1830), Lille, 2002. 9 M. Agulhon, Pénitents et franc-maçons dans l’ancienne Provence, Paris, 1998. 10 En particulier M.-T. Maiullari (dir.), Storiografia francese ed italiana a confronto sul fenomeno associativo, Turin, 1990. 11 Par exemple D. Rocciolo, Gli archivi delle confraternite romane per la storia dell’assistenza a Roma in età moderna, in Mélanges de l’École Française de Rome. Italie et Mediterranée, 111, 1, 1999, p. 345-365 ; V. Paglia, La ‘pietà dei carcerati’. Confraternite e società a Roma nei secoli XVI-XVIII, Rome, 1980.

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sur les stratégies patrimoniales visant à consolider leur situation économique, sans négliger toutefois l’étude des dépenses (les uscite) qui, par leur quantité et leur qualité, informent de l’importance et des finalités des différentes confréries12. Bien que prédominantes, ces orientations ne sont pas exclusives. Dans l’Italie des petits États, les particularités locales, les situations et les traditions spécifiques font aussi l’objet de nombreuses recherches, tout comme les rapports avec les autorités politiques ou encore la morphologie de ces organismes d’Église13. Plusieurs historiens cherchent à connaître, à travers l’étude des confréries, le rôle des laïcs au sein de l’Église moderne et les mécanismes de l’« acculturation religieuse » des confrères, qui – par leur intermédiaire – se communiquait ensuite à l’extérieur, par le biais de la littérature de dévotion et des activités charitables14. Une telle démarche permet d’envisager les confréries de l’époque moderne dans leur dimension de continuité avec les expériences médiévales, qui ne sont pas abolies, même si des changements importants apparaissent, traduisant la volonté de répondre aux exigences nouvelles d’un catholicisme lui-même renouvelé. Un large éventail de sources, une méthodologie renouvelée C’est sur la base de ces apports variés que peut aujourd’hui se développer une nouvelle étape de la recherche, qui hérite notamment du considérable élargissement de la documentation utilisée par les travaux les plus récents et les plus solides. C’est probablement

12 Voir par exemple les contributions de A. Serra et M. Borzacchini, dans Ricerche per la storia religiosa di Roma, 1984 ; A. Esposito, Amministrare la devozione. Note dai libri sociali delle confraternite romane (sec. XV-XVI), in Il buon fedele. Le confraternite tra Medioevo e prima età moderna, Verona, 1998 (Quaderni di storia religiosa, V), p. 195-223. 13 Le cadre général : R. Rusconi, Confraternite, compagnie e devozioni, in G. Chittolini e G. Miccoli (dir.), Storia d’Italia. Annali 9. La Chiesa e il potere politico dal Medioevo all’età contemporanea, Turin, 1986, p. 467-506 ; les situations particulières : par exemple M. Fanti, Confraternite e città a Bologna nel Medioevo e nell’età moderna, Rome, 2001. 14 Parmi les nombreux travaux, on retiendra, à titre d’exemple : G. Angelozzi, Le confraternite laicali. Un’ esperienza cristiana tra Medioevo e età moderna, Brescia, 1978, p. 9-11 ; L. Fiorani (dir.), Le confraternite romane. Esperienza religiosa, società, committenza artistica, in Ricerche per la storia religiosa di Roma, 5, 1984. D. Zardin, Il rilancio delle confraternite nell’Europa cattolica cinque-seicentesca, in C. Mozzarelli et D. Zardin (dir.), I tempi del Concilio. Religione, cultura e società nell’Europa tridentina, Rome, 1997, p. 107-144 ; Tra chiesa e società ‘laica’ : le confraternite in epoca moderna, in Annali di storia moderna e contemporanea, 10, 2004, p. 529-543 ; Relaunching confraternities in the Tridentine era. Shaping conscience and Christianizing society in Milan and Lombardy, in N. Terpstra (dir.), The Politics of Ritual Kinship…, p. 198-200.

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l’un des traits les plus marquants du présent volume que de mettre en évidence la très grande diversité des sources mises à contribution pour l’étude des confréries. Certaines de ces sources constituent traditionnellement le socle de leur analyse, tels les statuts et règlements, les listes de confrères, les registres de comptabilité, les actes épiscopaux, les concessions d’indulgences ou les livres de dévotion. On relèvera toutefois que leur exploitation se modifie sensiblement, à un double point de vue. Tout d’abord, les grands équilibres se trouvent modifiés. Ainsi, les registres d’enrôlement, qui ont eu une faveur durable chez les historiens français, sont aujourd’hui moins étudiés, même si la sociologie des confréries appelle encore bien des travaux, notamment à propos de leur féminisation croissante, sur laquelle Sara Cabibbo insistait dans le débat conclusif du colloque. En revanche, les sources imprimées – tout particulièrement les livres – retiennent l’attention de tous les chercheurs. À côté de nombreux textes qui les confrontent à d’autres documents, deux contributions de ce volume sont entièrement dédiées au livre. Roberto Rusconi montre l’essor de l’édition d’ouvrages destinés à l’usage des confrères au cours du XVIe siècle, mais aussi les glissements de leur contenu : aux statuts et règlements s’ajoutent ensuite les recueils d’indulgences ; les pratiques dévotionnelles y prennent aussi une place croissante ; au total, le livre reflète les mutations du catholicisme au siècle des réformes. Philippe Martin adopte une démarche voisine en s’arrêtant pour sa part aux changements qui surviennent à l’autre extrémité de la période considérée ; le manuel de confrérie, qui gagne en nombre de pages, se rapproche du livre de piété destiné à tous les fidèles, dont il se distinguait fortement auparavant, notamment par son insistance sur les obligations des confrères. Le second grand changement dans l’approche des sources déjà fréquentées par les historiens depuis longtemps tient à un nouveau mode d’exploitation de celles-ci. L’analyse fine n’est certes pas abandonnée, mais elle voisine désormais avec le traitement sériel lorsque celui-ci est possible. La manière dont est abordée la production imprimée le suggère ; la mise en chantier de grandes enquêtes collectives, notamment sur les dizaines de milliers de brefs d’indulgences accordés par Rome aux confréries de l’ensemble de la catholicité en constitue la démonstration la plus évidente. L’exploitation de ce dernier corpus documentaire témoigne d’un profond changement de perspectives dans la recherche sur le phénomène confraternel, conduite désormais à l’échelle internationale, comme le soulignait Marc Venard en conclusion du colloque : prise en compte de l’espace global de la romanité, avec les implications de ce choix en termes de géographie ou de chronologie différentielles des manifestations de la piété, possibilité d’approfondir l’analyse d’un type de confrérie à une vaste échelle, confrontation entre les acquis de cette « macro-histoire » et

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ceux des études de cas (un diocèse, une ville, voire une confrérie) qui à la fois éclairent et nuancent les apports de la première. D’autres sources sont d’un usage plus neuf, comme celles qui ont trait aux agrégations aux archiconfréries romaines, aux rituels et cérémoniaux, aux processions et aux pèlerinages, aux apparats cérémoniels, ou aux pratiques pénitentielles, sans oublier les images, les objets de dévotion, la musique, les hymnes et les chants, ou encore les rescrits d’authentification de reliques… L’élargissement de la palette documentaire et la méthode d’analyse des sources plus usuelles sont à mettre en étroite relation avec l’enrichissement de la grille de questionnements. Domenico Rocciolo montre bien, sur la base de son incomparable familiarité avec les fonds romains, comment des documents très variés se prêtent à de nouvelles investigations, voire sollicitent la curiosité de l’historien. La multiplicité des approches, parfois interdisciplinaires, ouvre pour sa part de nouvelles perspectives. Nouvelle est ainsi l’attention accordée aux « sons » des confréries, que l’on rencontre par exemple dans la contribution de Stefania Nanni : litanies, prières et chants accompagnent les parcours processionnels, sans oublier le tintement des cloches et l’éclat des trompettes… Plus globalement, le son des confréries, « réglé », permet de souder leurs membres dans un mouvement commun et de délimiter un espace-temps du sacré. Par delà, les groupements pieux se font les promoteurs d’une authentique activité musicale qui contribue à modeler les mentalités et les goûts. À l’évidence, lorsque les pratiques du sonore atteignent ce niveau, la recherche exige un dialogue entre les disciplines pour une analyse complète des phénomènes. Le temps des confréries Les bornes chronologiques fixées pour ce recueil témoignent elles aussi du renouvellement des approches. Le champ couvert par les contributions correspond à une option délibérée, celle d’étudier une « longue époque moderne », qui court du XVe siècle aux premières décennies du XIXe. Le passage entre le Moyen Âge et l’âge moderne ne constitue pas une fracture, mais bien plutôt un tournant, une sorte de cheminement auquel prend part le mouvement confraternel. Un rapport évident existe entre l’important développement des sodalités laïques et le profond processus de rénovation de l’Église à la suite du concile de Trente, auquel elles contribuent comme force d’innovation sur le plan religieux et dans le domaine de l’engagement social. À l’intérieur de ces confréries, on observe fréquemment une réceptivité aiguisée aux diverses manifestations du changement religieux. Les confréries apparaissent alors comme des

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lieux capables de conjuguer l’orientation « moderne » de la religion vers une démarche personnelle et son enracinement dans le tissu du collectif, qui impose ses exigences propres et ses impératifs relationnels. L’étude du diocèse de Cambrai, proposée par Philippe Desmette, fournit de nombreux exemples de cette capacité à l’articulation des vetera et des nova. Même le renforcement économique des confréries peut être lu à la lumière d’une volonté de garantir efficacement une mutation de pratiques qui n’étaient pas purement « religieuses » mais s’inscrivaient – à travers une activité d’assistance très ample et diversifiée – dans un tissu culturel et social spécifique. Dans le processus alors à l’œuvre, les éléments de continuité sont également patents. Ainsi, la fréquence de l’édition ou de la réédition, au XVIe siècle, de textes déjà antérieurement en usage dans les confréries ne tient pas du hasard. Comme pour d’autres aspects de l’évolution du catholicisme, le dénouement qui se dessine à partir de la fin du XVIe siècle est largement guidé par les autorités ecclésiastiques, ce dont témoigne surtout une série de dispositions romaines, dont les plus importantes sont contenues dans la constitution de Clément VIII du 7 décembre 1604, relative aux règles d’érection et d’approbation des confréries, aux agrégations aux archiconfréries et à la communication des indulgences. Au tournant des XVIe et XVIIe siècles, comme le montre Stefano Simiz, plus nombreuses sont les confréries qui cherchent à procurer à leurs membres une indulgence plénière – grâce qui n’est obtenue que par bref pontifical ou par agrégation à une archiconfrérie romaine - et qui changent plus ou moins simultanément de dénomination et de fête, adoptant les dévotions promues par la Réforme catholique. Relativement original, le choix délibéré d’inclure le premier XIXe siècle dans l’analyse correspond à la volonté de ne pas enfermer le parcours des confréries dans des bornes chronologiques prédéfinies, mais de lui donner au contraire une souplesse qui favorise l’étude des mutations internes. On présuppose souvent, pour le soir de l’Ancien Régime, une « crise » du monde confraternel suffisamment forte pour entraîner une totale disparition des confréries ellesmêmes ou pour ne plus permettre, dans le meilleur des cas, qu’une survie formelle d’institutions amoindries. Aujourd’hui, il faut complètement abandonner une telle vision schématique du déclin, même graduel, des confréries, tant les études mettent en évidence et exploitent des éléments qui invitent à une autre interprétation, plus complexe et plus argumentée. En effet, une analyse qui franchit la barrière de la fin du XVIIIe siècle pour prendre en compte la situation au début du XIXe fait ressortir que, si l’on doit conserver cette notion, la crise est largement déterminée par des facteurs externes, et notamment par l’intervention du pouvoir. À l’évidence, les phéno-

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mènes observés indiquent qu’on a surtout affaire à une transformation, avec pour toile de fond l’ample mouvement des transitions de la société du temps, qui marque déjà largement de son empreinte les confréries au cours du XVIIIe siècle. Des confréries en mutation donc, plutôt que des confréries en crise, comme le montre bien l’apparition de dévotions nouvelles et de nouvelles formes de la piété. Paola Vismara le montre en étudiant l’évolution des titulatures et des structures confraternelles, tandis que Louis Châtellier met en évidence les nouveaux rapports entre la confrérie, le clergé et la famille, qu’il s’agisse de la piété ou de l’enseignement de la doctrine. Par bien des aspects, se lisent en germe les grandes articulations de ce que sera la sociabilité catholique au XIXe siècle : outre le primat de la vie paroissiale solidement encadrée par le curé, un net décrochement entre piété et sociabilité, cette dernière empruntant de plus en plus la voie des associations confessionnelles plus que celle des confréries15. On le voit, d’intéressantes perspectives de recherche sont ouvertes à propos du XVIIIe siècle. En dernière analyse, les choix opérés dans ce volume – longue durée, retour à l’ensemble des sources – ouvrent de fructueuses perspectives pour saisir les dynamiques complexes du mouvement confraternel et en proposer de nouvelles hypothèses de lecture. Le foisonnement dévotionnel « Confréries et dévotions ». Avec pour grille de lecture l’association de ces deux termes, le colloque inscrivait son angle de recherche et d’interprétation dans cette « histoire culturelle de la piété catholique » qui permet de reprendre à nouveaux frais l’étude des mobiles, des méthodes et des résultats du changement dans le catholicisme moderne. Il est désormais possible de mettre un terme à la période de suspension des recherches sur certains thèmes, qui résultait pour une bonne part du « divorzio consumato un secolo fa tra le culture dei laici e dei chierici », et de dépasser aussi – selon les vœux de Giovanni Pozzi – les anciens et solides clivages entre les « tristizie dell’Arcadia devota e pregiudizi dell’Accademia indevota »16. La nouvelle orientation de l’historiographie commence maintenant à démontrer pleinement sa validité en faisant la preuve de son aptitude à aller au-delà de l’analyse des institutions ecclésiastiques et à 15 Ces remarques empruntent aux propos de Philippe Boutry lors de la Table ronde conclusive du colloque. 16 G. Pozzi, L’alfabeto delle sante, désormais dans Alternatim, Milano, 1996, p. 289-313 ; ici, p. 294-295. Dans le débat conclusif du colloque, Luigi Fiorani soulignait aussi que l’historiographie des confréries a fortement souffert de préjugés défavorables pendant plusieurs décennies.

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affronter des questions strictement religieuses en apparence, mais en réalité sociales et culturelles. Les diverses contributions du volume font pleinement apparaître la fécondité de cette perspective de lecture, et un certain nombre d’acquis qu’elles apportent tracent la voie pour des recherches qui mériteraient d’être poursuivies. Chaque confrérie, au-delà d’un objet principal de piété – que met en évidence sa titulature, propose ordinairement à ses membres une série de dévotions qui forment toutes ensemble une « toile » encore à reconstituer. Plus finement ensuite, il peut exister des articulations chronologiquement différenciées autour de certains cultes, tel le Sacré Cœur. Autre exemple : les confréries placées sous l’invocation de l’archange Michel, symbole de la victoire sur le Mal et donc sur les adversaires de l’Église, se présentent avec une signification entièrement différente de celles placées sous le titre de l’Ange gardien ; elles ont d’ailleurs une histoire tout à fait distincte de ces dernières, celle d’une dévotion très ancienne, dans laquelle on peut discerner des éléments de continuité et des inflexions par rapport au passé ; les confréries de l’Ange gardien, au contraire, création de l’époque moderne, trouvent leur plein épanouissement dans un contexte de développement du sens de la responsabilité individuelle et de l’introspection, sur fond d’une relation plus intime à Dieu. La présence de dévotions particulières, leur évolution, mais aussi leur éventuelle absence, tous ces éléments contribuent à brosser un tableau d’ensemble subtilement nuancé et à poser les bases d’une sorte de vaste carte géographique des dévotions ellesmêmes, ou plus exactement d’une série de cartes successives. D’une certaine manière, ce type d’investigation sur les réseaux de dévotions s’impose particulièrement pour l’époque moderne en raison du foisonnement de ces dernières. Il s’agit de tenter de rendre raison de la multiplication des titulatures de confréries – elles-mêmes reflet de la démultiplication du nombre des objets de dévotions proposés – ou du moins de déceler les logiques à l’œuvre pour mieux comprendre les grandes inflexions de la piété. Avec la subjectivation croissante de la démarche religieuse qui prend son essor à l’âge des Réformes, dans un mouvement parallèle à celui de la subjectivation de la foi, l’offre dévotionnelle s’accroît et se diversifie. Les obligations du chrétien sont peu nombreuses, mais, « dans la solitude de son intériorité, ou en rapport avec un groupe limité, le fidèle choisit d’être le ‘dévot’ de tel mystère, de tel saint, de tel pèlerinage »17. À ce déve-

17 J. Le Brun, Dévotion et dévotions à l'époque moderne, dans La circulation des dévotions. Siècles. Cahiers du CHEC, 12, 2000, p. 139-150 ; ici, p. 144. La citation de saint Thomas est empruntée au même article.

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loppement de la dévotion entendue comme « volonté prompte et prête à accomplir ce qui concerne le culte divin », selon sa définition par saint Thomas, correspond dans la catholicisme moderne une forte insistance sur la pratique (et les pratiques). Dans ce contexte, les confréries constituent à l’évidence à la fois le moyen privilégié de l’essor des nouvelles dévotions, même si elles n’en sont pas le seul, comme le rappelle opportunément Régis Bertrand. Les plus importantes de celles-ci se repèrent aisément par le nombre d’associations pieuses qu’elles suscitent, qu’il s’agisse du Rosaire, de l’Ange gardien, de la Sainte Famille, de saint Joseph ou, plus tardivement, du Sacré Cœur. Pour la plupart de ces dévotions, le mécanisme de leur diffusion par l’intermédiaire des confréries est désormais assez clairement défini. Les réguliers sont le plus souvent les premiers propagateurs, et l’innovation trouve un milieu d’incubation dans les églises conventuelles, avant de se disséminer dans les paroisses sous l’action des ordres ou des dévots, par une sorte de mimétisme. Certaines dévotions sont diffusées par un large spectre de familles religieuses, d’autres au contraire demeurent étroitement liées à l’une de celles-ci, du moins pendant une période. Pierre Ragon le montre bien pour le Mexique, à partir des exemples des Franciscains et des Augustins notamment ; Gilles Sinicropi examine de son côté l’action des diverses branches de la famille carmélitaine, y compris la concurrence qui existe entre elles. Une place à part doit assurément être faite aux confréries du Saint-Sacrement, auxquelles est consacrée la contribution de Marie-Hélène Froeschlé-Chopard : héritières d’un culte médiéval, stimulées par la création de celle du couvent de la Minerve au XVIe siècle et par le combat contre le protestantisme, elles s’infléchissent ensuite dans le sens d’une piété plus personnelle, voire affective ; on passe ainsi « du respect dû au Saint-Sacrement à l’adoration privée du Saint-Sacrement ». Philippe Desmette décrit aussi leur évolution pour le diocèse de Cambrai, et Louis Châtellier met pour sa part en évidence la transformation de ces confréries, au XVIIIe siècle, en « œuvre des messes ». Les confréries liées aux fins dernières, et tout spécialement celles qui ont trait à l’agonie, méritent aussi de retenir l’attention, ne serait-ce qu’en raison de leur nombre. Dans l’étude de celles qui se placent sous le patronage de saint Joseph, Bernard Dompnier souligne la progression de l’invocation du père terrestre de Jésus comme protecteur des ultimes instants de la vie. Françoise Hernandez, pour sa part, développe une analyse minutieuse qui distingue dans un ensemble de confréries dédiées aux fins dernières, et trop souvent confondues entre elles, des orientations dévotionnelles et spirituelles diverses, certaines associations tournées principalement vers la solidarité des vivants à l’égard des agonisants, les autres invitant surtout le confrère à préparer ses ultimes instants. La même contribution souligne aussi les nuances du

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tableau selon les aires géographiques, les divers types de confréries trouvant dans le tissu de sodalités préexistant, ici des structures anciennes qu’elles peuvent transformer, parfois par association de titulatures, là au contraire des formes dévotionnelles qui ne laissent guère de place au développement d’une concurrence. L’identité confraternelle Au sein de cette perspective globale de recherche, l’un des apports notables des travaux recueillis dans ce volume est constitué par la mise en évidence de l’affirmation de l’identité confraternelle, restituée à travers l’analyse des modalités d’adhésion, mais aussi des parcours personnels et collectifs des confrères. Les éléments identitaires qui jouent à l’origine, dans l’émergence des divers groupements, peuvent être professionnels mais aussi, par exemple, liés à l’origine géographique des membres, comme dans le cas des confréries « nationales ». Plus original est le cas de ces confréries de Noirs, en Espagne et en Amérique latine, sur lesquelles Bernard Vincent apporte un éclairage très neuf ; sans doute lieu de solidarités pour des populations déracinées, elles permettent l’expression d’une culture propre, notamment à travers la danse, et développent des cultes spécifiques, tel ceux de saint Benoît de Palerme (alias saint Benoît le More). À l’évidence, l’identité sociale des confrères et les raisons de leur choix pour une sodalité particulière apparaissent comme des questions particulièrement importantes pour la compréhension du phénomène. Ensuite, les règles d’admission peuvent singulièrement varier selon les compagnies, depuis celles où aucune liste des membres n’est rédigée ni aucune formalité d’entrée exigée, jusqu’à celles qui se composent d’un nombre déterminé de membres, qui fixent un âge maximal d’admission ou qui instaurent une période probatoire plus ou moins stricte. D’autres facteurs jouent aussi un rôle significatif dans la construction identitaire, qui emprunte des chemins variés : rituels communs, formes de dévotion, activités de charité et d’assistance. Le sens de l’identité collective et de l’appartenance au groupe est certes créé et cultivé par les engagements communs ou les assemblées, mais aussi à travers le partage de pratiques à l’occasion des cérémonies publiques et des rites internes, notamment autour des images et des reliques. Les unes et les autres occupent souvent une place centrale dans la vie de dévotion des confréries, sans compter qu’elles peuvent aussi susciter de nouvelles adhésions. La participation à des parcours liturgiques collectifs n’exclut jamais le maintien de spécificités propres. D’où l’intérêt des rituels – entendus au sens large – dont l’étude permet de relever les rythmes spécifiques de la piété des confrères,

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et aussi son articulation par rapport à cette sorte d’épine dorsale que constitue de plus en plus nettement la dévotion eucharistique. La musique, de son côté, occupe une place toujours plus importante. Elle doit certes émouvoir, mais elle est aussi appelée à la construction de la ritualité par sa fonction de rupture du quotidien ; le chant, en particulier, est promu comme instrument de création et de manifestation d’appartenance. Une attention particulière doit aussi être portée à l’étude des dispositifs de mise en lumière : cierges, lampes et torches ; luminaires et feux d’artifice ; machines et apparati éphémères destinés à valoriser ces divers éléments. De son côté, la pratique des pèlerinages renforce aussi l’identité du groupe. L’exemple de Stefania Nanni à propos de Lorette est très parlant à ce sujet. La mémoire des origines, entretenue de diverses manières, constitue un autre aspect constitutif de l’identité du groupe, comme le mettent en évidence Roberto Rusconi, Domenico Rocciolo ou Mario Tosti. Dans les livres imprimés, une première partie des textes destinés aux confrères rappelle fréquemment les temps primordiaux de la confrérie, reconstruits selon une mythologie caractéristique, qui fait une large place au merveilleux. Les actions engagées pour la formation des jeunes ou pour la transmission du patrimoine – matériel et symbolique – aux générations suivantes s’inscrivent dans une préoccupation identique, étroitement liée par ailleurs à une quête de reconnaissance sociale. Les confréries et la cité Évidemment, la définition de l’identité propre des confréries s’articule avec le rapport qu’elles entretiennent avec la cité et la communauté locale, question du plus haut intérêt, aujourd’hui mieux prise en compte par l’historiographie, comme le relevait Marina Caffiero à l’issue du colloque. La dimension charitable de leur activité est suffisamment connue pour qu’il soit inutile de s’y arrêter longuement. On mentionnera seulement la diversité des formes qu’elle peut prendre, que le vocabulaire employé renvoie à la tradition des diverses œuvres de miséricorde ou – par exemple chez Bossuet – à une classification en aumône matérielle et aumône spirituelle, avec une insistance croissante sur la contribution au salut du prochain que représente la charité. En dépit d’inégales obligations caritatives selon le type auxquelles elles se rattachent, les confréries se présentent globalement comme des institutions particulièrement actives dans ce domaine. Rappelons par exemple que certaines se dévouent à l’assistance des condamnés à mort et à leur ensevelissement, tandis que d’autres (telles les premières compagnies de la Mort) s’occupent de la sépulture des cadavres recueillis le long des chemins ou

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de ceux des pauvres qui ne peuvent s’offrir des obsèques décentes. D’autres associations, notamment celles qui sont érigées sous le vocable de la Doctrine chrétienne, œuvrent en faveur de l’enseignement du catéchisme, participant à la grande offensive d’instruction que constitue la Réforme catholique. Mais il est encore bien d’autres aspects du rôle des confréries dans la cité. Plusieurs contributions – particulièrement celle de Paola Vismara – attirent l’attention sur la place qu’elles occupent dans la ritualité festive organisée des villes, dont elles contribuent à rehausser l’éclat par leur présence en corps, mais aussi parfois – pour les plus grandes d’entre elles – par le renfort de leur musique. De la sorte elles contribuent aux fastes de la religion civique ; bien plus, leur propre développement peut parfois être concomitant de celui des institutions urbaines, comme le montre Domenico Rocciolo à partir de l’exemple romain. Aux confins du politique et du religieux, on notera encore, à la suite de Stefania Nanni, que les démonstrations publiques des confréries structurent l’espace urbain et contribuent à la définition d’un profil spécifique des divers quartiers. Du point de vue du rapport avec les autorités politiques, au-delà des aspects particuliers à certains contextes, le milieu du XVIIIe siècle marque le début de divergences profondes fondées sur des désaccords dans la conception de l’expression publique de la religion et de la dévotion. Les confréries constituent un observatoire de choix pour une analyse approfondie de la bataille menée par l’État contre les instances intermédiaires, avec l’objectif de diminuer le poids des stratifications et des relais sociaux et de privilégier le contact direct de l’individu avec l’État. Cette entreprise se double de la volonté de renforcer les structures paroissiales et de mettre en place une organisation centralisée du culte. La radicale hostilité aux agrégations indépendantes de toute attache à une entité territoriale, que relève Paola Vismara, en apporte une parfaite illustration. Un rapport complexe à l’institution ecclésiastique Par rapport aux institutions ecclésiastiques, on connaît bien l’affrontement fréquent du monde confraternel avec les autorités, qu’il s’agisse du curé ou de l’évêque. Les relations conflictuelles naissent ordinairement de la volonté de régulation et de contrôle de ces derniers, soit qu’ils désirent imposer des limites précises à l’autonomie des confréries du point de vue économique – donc autour du « trésor matériel » des confréries – ou dans le domaine des dévotions et des sacrements. Dans certains États, le soutien des autorités politiques accentue encore à la fin du XVIIIe siècle une tendance déjà marquée à un renforcement de l’encadrement paroissial. Le conflit

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s’inscrit parfois sur la toile de fond des tensions entre réguliers et séculiers. Les premiers hébergent en effet traditionnellement des confréries dans leurs églises ; ils en créent aussi beaucoup à l’époque moderne, dans les couvents ou les paroisses, comme le montre Gilles Sinicropi à propos des Carmes. Pour le curé, les associations pieuses qui appartiennent à la mouvance des religieux peuvent ainsi devenir un instrument de détournement du devoir paroissial, d’autant plus attractif que de nombreuses indulgences et autre grâces spirituelles sont promises à leurs membres ; les évêques, indique Stefano Simiz, s’inquiètent au XVIIIe siècle d’une telle surabondance de privilèges. Ceux qui sont obtenus directement du centre même de la catholicité occasionnent aussi des tensions. Cela se vérifie surtout avec les agrégations aux archiconfréries, dont la demande peut s’inscrire dans une recherche de prestige ; mais on constate aussi que les confréries ainsi agrégées portent parfois devant leur homologue romaine dont elles tiennent leurs privilèges les différends qui les opposent au clergé de la ville, voire à l’évêque. Les mécanismes de l’indulgence (brefs et agrégations) renforcent donc le lien entre centre et périphérie ; pour les dévots, Rome est vraiment la capitale de la catholicité. Ces données invitent assurément à un renouvellement de la lecture de l’articulation des pouvoirs au sein de l’Église catholique. D’un autre côté, il ne faut pas donner un tour systématique aux oppositions des évêques et du clergé diocésain aux confréries. Beaucoup sont aussi créées à leur initiative, comme moyen de stimuler la piété et de transformer les comportements des fidèles, comme le montre l’exemple des confréries de la Doctrine chrétienne ; le développement des confréries de Noirs, étudiées par Bernard Vincent, relève de la même logique au XVIIe siècle au moins. Le débat ne saurait donc être limité à ses aspects institutionnels ; audelà du contrôle sur les associations, il touche à leur fonction dans la relation au sacré et à leur capacité à modeler de nouvelles attitudes de piété. Les confréries sont notamment encouragées par le clergé pour stimuler la pratique sacramentelle, phénomène particulièrement sensible dans les pays de mission, ce que souligne Pierre Ragon pour le Mexique. Les confréries, qui permettent la promotion de nouvelles dévotions, aident également à l’adoption de nouvelles normes de comportement ; Simona Negruzzo en fournit une belle illustration à propos du milieu étudiant, dont elles facilitent l’encadrement. Elles contribuent aussi, par la mobilisation des fidèles dans leurs exercices collectifs, à contenir certaines manifestations profanes que combat le clergé ; la pratique de la célébration des Quarante-Heures pendant le carnaval constitue sans doute la meilleure illustration d’une telle fonction. Mais les confréries sont

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également des lieux où peut s’épanouir – voire tenter de survivre – une forme de religiosité refusée par les clercs, celle dans laquelle le voir et le toucher occupent une place de choix, celle qui met l’accent sur le concret et sur le contact, soit avec l’image soit avec la relique. Dans le réseau des liens et des rapports à l’intérieur de l’institution ecclésiastique, la présence de confréries dans des lieux de culte ou de dévotion présentant des caractères particuliers mérite aussi de retenir l’attention. Parfois la fondation de nouvelles associations est directement liée aux miracles et prodiges survenus autour d’images sacrées, à l’intérieur ou à l’extérieur du lieu saint. Dans certains sanctuaires, les confréries sont à considérer comme les véritables promoteurs de la dévotion, situation qu’illustre la contribution de Mario Tosti ; les confrères, médiateurs de l’évènement religieux, ont alors souvent l’administration du sanctuaire et la gestion des pratiques de piété ; ils s’emploient à la diffusion de l’information et à la circulation de la dévotion, notamment par la publication de livrets imprimés, moyen privilégié pour accroître l’aire de rayonnement du sanctuaire. Quant aux confréries qui se contentent de pèlerinages collectifs, elles assurent aussi, dans une moindre mesure certes, une promotion des dévotions liées à un lieu. Par la diffusion d’images ou d’objets pieux, les unes et les autres contribuent à faire pénétrer la dévotion dans l’espace privé. La dévotion des confrères Les indicateurs ne manquent pas pour une analyse des formes et des significations de la dévotion des confrères. Leurs rituels méritent de ce point de vue une attention particulière, notamment pour le rapport qu’elles entretiennent avec le calendrier liturgique et avec la pratique sacramentelle. On y relève notamment l’importance de la participation commune à l’eucharistie, point de rencontre entre dévotion collective du groupe, piété personnelle et piété liturgique ; d’une manière générale, la dévotion au Saint-Sacrement tend de plus en plus à constituer l’axe autour duquel s’organisent les diverses formes de la piété, ainsi que le souligne Domenico Rocciolo. Le choix de cet angle d’approche permet d’introduire des nuances chronologiques dans la vie dévotionnelle des confréries et de vérifier aussi si celle-ci correspond, dans ses orientations et ses articulations, aux souhaits de la hiérarchie ecclésiastique, à commencer par Rome. D’un point de vue plus général, l’analyse des pratiques des confrères aide à la définition de certaines caractéristiques des mentalités religieuses et du rapport au sacré, et c’est aussi un des apports importants des contributions de ce volume que de s’attacher aux attitudes et aux gestes qui esquissent un espace-temps du rite, mar-

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qué par les processions, les constructions éphémères, la récitation des prières, le son des cloches, le chant des cantiques… Tous ces marqueurs informent à la fois sur le sentiment religieux et sur les logiques psychologiques, sociales et culturelles du groupe. L’attention aux rites et aux pratiques des confréries introduit à une anthropologie du geste religieux. L’étude de la spiritualité des confréries, qui prend appui sur l’approche anthropologique, se construit aussi sur l’analyse des nombreux livres édités à l’intention de leurs membres. Le livre constitue un puissant véhicule de transmission des normes et des règles, et l’intérêt que lui portent les évêques en apporte une claire démonstration ; il leur permet d’apporter de la codification, comme l’explique Philippe Martin, au sein d’un univers trop foisonnant à leur gré. Mais, du point de vue des confréries, les livres sont surtout utiles pour la communication de leur « trésor spirituel » composé principalement de dévotions (à commencer par celle à l’Eucharistie) et du patrimoine d’indulgences qui leur est lié, comme on le perçoit clairement dans l’essai de Roberto Rusconi. En matière d’indulgences, on assiste – surtout à partir de la fin du XVIe siècle – à une véritable stratégie d’accumulation, tout à fait sensible dans les livres, destinée notamment à favoriser les adhésions. Cette inflation dans l’affichage de grâces spirituelles – qui constitue (contre toute attente ?) un trait majeur du catholicisme de la Contre-Réforme – mérite mieux que le sourire amusé et légèrement condescendant que lui ont réservé beaucoup de travaux naguère encore, à défaut de trouver l’angle d’analyse approprié. Dans le présent volume, l’indulgence est omniprésente, et l’on pourrait dire qu’elle est prise au sérieux ; des pistes sont ouvertes pour son analyse approfondie, dans sa dimension ecclésiale et dévotionnelle certes, mais aussi anthropologique. L’indulgence permet en effet de toucher concrètement à cette religion du faire, puisqu’elle est contrepartie d’actes de dévotion ou de charité, mais elle exige aussi une attitude spirituelle de conversion, inculquée par une pastorale, comme le montre bien Stefano Simiz, dont la contribution s’arrête particulièrement sur l’ensemble de ces questions. Elle renvoie assurément aussi à une vision de l’Église, fortement connotée de polémique à l’égard de la Réforme, avec la doctrine du trésor spirituel qui peut être ouvert pour les fidèles. Plénière, elle ne peut être accordée que par le pape, à qui les confrères adressent leurs suppliques et renforcent par là le lien qui les unit au centre du catholicisme. Par ailleurs, la concession d’indulgences par Rome, à travers les brefs ou surtout les agrégations aux archiconfréries, est souvent associée à l’adoption de nouvelles formes de piété promues par le clergé ; elle participe ainsi à la diffusion de l’innovation dévotionnelle.

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Les livres des confréries mettent aussi en évidence l’intensité de la vie dévotionnelle, à condition toutefois de ne pas négliger de s’interroger préalablement, autant que faire se peut, sur les manières de lire. Il est ainsi évident que ces associations – ou du moins certaines d’entre elles – ont recours à des pratiques collectives de lecture, utiles pour les confrères analphabètes, mais aussi favorables au renforcement de la cohésion du groupe. L’évolution de la structure et du contenu des ouvrages manifeste toutefois la progression de l’usage individuel, lié au développement de la capacité à lire et à méditer bien connue par ailleurs comme phénomène majeur des évolutions culturelles et religieuses des XVIIe et XVIIIe siècles. La présence de marques manuscrites d’appropriation du livre, si elles peuvent témoigner de sa fonction de distinction des confrères par rapport à la masse des fidèles (notamment à travers les ex libris), invite aussi à conclure dans le sens de son usage privé, surtout évidemment lorsqu’il s’agit d’annotations marginales. En matière de dévotion, les exigences posées demeurent parfois modestes, en se limitant à la récitation de prières simples, un peu dans la continuité du Moyen Âge. Mais l’examen des livres montre bien que les confrères sont invités à une pratique beaucoup plus développée de l’oraison et de la méditation, et la sollicitation s’affirme au fil des siècles, comme le montre parfaitement l’étude de Philippe Martin, qui insiste sur la place croissante des exercices proposés aux confrères dans les manuels qui leur sont remis. La confrérie, par ses livres, suscite une piété affective, parfois fondée sur une relation intime avec le saint ; on l’observe nettement dans le cas de la dévotion à saint Joseph, étudiée par Bernard Dompnier. Marie-Hélène Froeschlé-Chopard le souligne aussi à propos des mutations de la littérature liée au culte du Saint-Sacrement. Par leurs pratiques collectives comme par la dévotion personnelle qu’elles suscitent, les confréries accordent une large place à la dimension émotionnelle de la démarche religieuse, en particulier en insistant sur la contemplation des divers moments de la Passion ou sur les préparations à la mort. Cette évolution reflète assurément les grandes inflexions du catholicisme moderne ; elle dénote peut-être aussi d’une mutation du recrutement des confréries, dont les membres appartiennent au XVIIIe siècle à un éventail social plus ouvert que celui des élites dévotes du temps des grands affrontements confessionnels. Françoise Hernandez, notamment, en formule l’hypothèse à propos des confréries dédiées aux fins dernières. *

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De la sorte, les confréries constituent donc un terrain d’observation privilégié pour la compréhension de la « modernité » religieuse, c’est-à-dire de l’aptitude du catholicisme des XVIe-XVIIIe siècles au

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changement, sous l’effet des sollicitations du contexte ecclésial, social et culturel, sans que soient pour autant renié l’héritage de la tradition. C’est en effet précisément une capacité d’adaptation continuelle aux transformations de l’Église et de la société que la brassée d’études rassemblées dans ce volume met clairement en évidence pour les confréries. L’attention aux gestes et aux pratiques permet de repérer régularités et nuances, d’interroger finement les significations de l’engagement volontaire qu’est l’adhésion à une confrérie. Nova et vetera. L’histoire des confréries ouvre à celle des dévotions, faite d’un attachement à d’anciens objets – qui n’exclut toutefois pas un renouvellement des modalités de la piété – et de création de nouveaux, dont le Sacré Cœur ou l’Ange gardien constituent des exemples particulièrement éloquents. Parce qu’il est possible, à travers l’histoire des confréries, de suivre dans le temps et dans l’espace la diffusion des titulatures et des pratiques de piété qui leur sont associées, d’analyser aussi les mécanismes de la propagation des dévotions, leur histoire prend pleinement place dans l’histoire culturelle de l’époque moderne, de plus en plus attentive aux médiations, aux inflexions, aux processus d’assimilation. Au-delà, l’approche fine que permet l’histoire des confréries fournit une focale qui, sans s’arrêter à des aspects généraux rangés commodément sous l’appellation de mentalités, conduit vers l’analyse plus subtile des sensibilités religieuses, c’est-à-dire vers une interprétation culturelle de la diversité des choix dévotionnels. Le renouvellement des figures de la dévotion se manifeste aussi clairement au plan social : l’assistance aux malades revêt des formes nouvelles, l’attention à la formation de la jeunesse s’affirme plus fortement. La conscience de constituer une élite chrétienne demeure vive au sein des confréries, mais avec des engagements divers selon les moments : contre le protestantisme d’abord, contre le libertinage, contre l’incrédulité enfin. Incontestablement, le périmètre de cette élite s’élargit considérablement à l’époque moderne ; demeure toutefois la même conviction, celle de constituer un levain dans la catholicité. Autour de cette conscience du groupe se construit une identité aux multiples marqueurs, des rituels d’admission aux vêtements distinctifs, de l’usage de livres propres à la revendication – par delà l’autorité paroissiale et épiscopale – d’un lien direct à Rome. Rome, précisément, il en est beaucoup question dans ce livre, et pas seulement parce que la rencontre qui lui a donné naissance s’y est déroulée. Le rapport des confréries à la capitale de la catholicité a été fortement souligné et, avec lui, l’intérêt des archives qui y sont conservées, notamment celles produites par la distribution d’indulgences, phénomène dont l’importance dans la vie de piété a été

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réévaluée. L’accent nouveau sur le lien à Rome ne vise toutefois pas à gommer les différences qui peuvent exister entre contrées, pour les dévotions comme pour les confréries. Bien au contraire, il favorise le renouvellement des questionnements par les comparaisons internationales. Loin d’être négligées, les données des sources locales sont alors mises en perspective au service d’une histoire de la vie de piété des catholiques. Des voies sont tracées dans ce volume, mais le chantier demeure largement ouvert. Bernard DOMPNIER Paola VISMARA

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Acapulco, 395 Actopan, 390 Afrique, 243, 247, 252 Afrique du Nord, 247 Afrique subsaharienne, 245, 246 Aix, diocèse, 349, 351 Aix-en-Provence, 153, 157, 159n, 163, 166n, 167 Albanie, 225 Alençon, 42 Alep, 225-232, 234n, 235-237, 238n, 239, 240 Alès, diocèse, 98 Allemagne, 197n, 205, 295, 334 Almeria, 250 Almoloya, 389 Alpes, 205 Alsace, 40n, 41, 44, 45, 90, 193-195, 326n, voir aussi Dorsale catholique Amérique, 257,336, 391 Amérique latine, 415 Amiens, 333n Ancône, 127, 175n Andalousie, 247, 251 Angers, 166n, 315 Angleterre, 205, 336 Angola, 252 Angreau, 357n Anjou, 315n Antoing, 365n, 370 Antoura, 229 Apiro, sanctuaire de la Madonna della Figura, 130 Apt, 290n Aquileia, province ecclésiastique, 295 Aquitaine, province, 152, 153 Aragon, 243 Arles, 163, 341, 344, 346, 347, 348, 350n, 351 diocèse, 352 Arras, 152, 167, 322n, 370 Artois, 93 Ascoli Piceno, province, 132

Asquilies, 368 Assise, 31 Astorga, 245 Asunciòn Jalatlaco, paroisse, 386n Ath, 362n, 368, 369n, 370, 371, 372n Auch, 97, 98 Audregnies, 364n Autriche, 321, 355 Avellino,71 Avignon, 154, 163, 166, 167, 315, 319n, 327n, 331, 345 province d’, 339n Baccarat, 168 Bade, pays de, 326n Baeza, 249, 250, 257 Baeza, Puerto de Santa Maria, 249, 250, 255, 256 Bagnarola, 34 Bahia, 259 Bâle, 321 Bâle, diocèse, 200 Bantzenheim, 44 Barcelone, 245, 246, 250 Barjols, 155 Bar-le-Duc, 52, 162 Bar-sur-Aube, 105n Barr, 40 Barrème, 346 Bazas, 88n Bavay, doyenné, 355 Bavière, 194, 196, 199, 334 Beaujeu, 83 Beaumes-de-Venise, 341n Beauvais, 302 Beinheim, 44 Belen, 248 Belgique, 367n Bénévent, 71 Besançon, 97, 163 Bethléem, 232n Bikfâyyâ, 230 Binche, 368n

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INDEX DES NOMS DE LIEU

Binche, doyenné, 355 Blaton, 371 Bletterans, 167 Blosville-lès-Rouen, 42 Bologne, 8, 11, 15, 20, 22, 25, 33-35, 205, 207, 212, 213, 215, 216, 223, 288, 408n collège San Clemente, 207 collège di Spagna, 207, 223 église San Giacomo, 34, 140 S. Onofrio della Mascarella, 17 Bordeaux, 91n, 162 Bourdoux, 88n Bourgogne, 86n, 153 Boussu, 373 Bouzonville, 40 Braine-le-Comte, 364n, 376n Bray, 359n Brentonico, 302n, 303n Brescia, 33, 35 Brésil, 258 Brest, 167 Bretagne, 86n, 93, 97, 107n, 384 Bruges, 299 Bruxelles, 307 Cabris, 102bis Caderousse, 319n Cadix, 248-250, 255, 256 Caen, 42, 87 Cahors, 159n, 323n Caldarola, sanctuaire de la Madonna del Monte, 130 Cambrai, 97, 162, 164, 355, 356, 365, 375n, 411 archevêché, 366 diocèse, 318n, 319n, 357n, 361, 362, 365, 367, 372n, 375n, 414 Cambron, 364n Camerino, 175n, 300n Camerino - San Severino Marche, diocèse, 130, 131 Camporosso, 293, 306 Cap-Vert, 246 Carpentras, 315 Carpi, 34 Casalmaggiore, 281 Castel Rigone, 128, 134, 136, 137, 138, 143n, 145n, 146 Castel S. Pietro, 34 Castelfranco, 34 Castellane, 346 Castelnuovo, 178, 302, 303, 304n Castille, 243, 245

Cavaillon, 315, 319n Cerreto d’Esi, 127 Cévennes, 98 Châlons, 86, 88, 105n, 106n, 107n, 109, 111n, 124 Chambéry, 162, 164, 217 Champagne, 39n, 86, 103, 105n, 333n, 376n, 378n, 407n Charleville, 117n Chartres, 84, 87 Chastelet, 334n Châteauroux, 84 Châteuneuf-le-Rouge, 349 Chavanoz, 153n Chevron-en-Tarentaise, 302 Chièvres, doyenné, 355, 358 Chili, 258 Chinandega, 260 Chine, 225 Chios, 227 Chiusi, 129 Chomérac, 153n Città di Castello, sanctuaire de la Madonna delle Grazie, 129, 133 Colle Ciciano, sanctuaire, 126n Colmar, 44 Cologne, 193-196, 199, 244, 334 diocèse, 200, 334 Côme, 16 province ecclésiastique, 295 Comtat Venaissin, 154n, 347n Concordia, 34 Condé, 370 Constantinople, voir Istanbul Corinaldo, sanctuaire de la Madonna della Incancellata (ou della Cancellata), 130 Cortona, Santa Maria delle Grazie al Calcinaio, 138 Coursegoules, 343, 351n Covarrubias, 245 Cracovie, 207 Crémone, 281 diocèse, 23 Cuernavaca, 389n Dalmatie, 335 Damas, 229, 232n Dauphiné, 83n, 92, 407n Dax, 98 Die, diocèse, 323n Dieuze, 42, 43 Digne, diocèse, 352 Dijon, 323n

INDEX DES NOMS DE LIEU

Dorsale catholique, 296, 297, 329, 330, 336 Douai, 162 Dresde, 334n, 336 Duruelo, 151 Ebersmunster, 45 Empire, 199, 244, 335 Épinal, 39, 42, 49, 54, 105, 124 Escanaffles, 363n Espagne, 25, 92, 100n, 150, 241, 243245, 247, 248, 250, 251, 253, 254, 255n, 256, 258, 288, 297, 329, 330, 334, 335, 360n, 388, 391, 396n, 415 Espagne, La Manche, 387 Estinnes-au-Mont, 364 Estrémadure, 247 États pontificaux, 331 Europe, 13, 45n, 57n, 70, 92, 193, 195, 213, 223, 225, 231, 236, 259, 311, 334, 335, 338, 345n, 408n Europe centrale, 97, 205, 329, 330 Europe méridionale, 209 Europe septentrionale, 205 Fabriano, 132n sanctuaire Santa Maria del Buon Gesù, 131 Fénétrange, 51 Fermo, diocèse, 128, 130, 133 Ferrare, 33 Ferrières, 48, 49 Finale, 34 Flandres, 93, 334 Flobecq, 367n Florence, 5, 6, 7, 14, 279 Foligno, 175n San Feliciano, 13 Fontaine-l’Évêque, 362 Fossombrone, 34 France, 39, 80, 82n, 89n, 91n, 92, 97n, 106n, 109, 149, 153n, 163n, 166n, 197, 205, 285, 291, 295, 297, 299n, 327n, 329-335, 353n, 355, 357, 360n, 366n, 375n, 382n, 406, 407 France, Bassin Parisien (ou Île-deFrance), 93, 102n, 152n France, Est, 103 France, Midi, 352n France, Nord, 377n France, Nord-Est, 97 France, Ouest, 92, 315, 332 France, Sud-Est, 288, 291, 295, 315, 319, 333, 407n

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France, vallée de la Saône, 93 Franche-Comté, 93, 152, 153, 295, voir aussi Dorsale catholique Freisingen, 334 Fréjus, diocèse, 100n Fribourg, 194, 321 Fribourg-en-Brisgau, 244 Fuveau, 350 Gabès, détroit, 243 Gand, 298 Géronde, 153n Gibraleon, 255 Gibraltar, 248, 250, 255, 256 Gonesse, 302-304 Granada, 260 Grande Canarie, Las Palmas, 250 Grande Canarie, Telde, 250 Grans, 352 Grasse, 348 diocèse, 102n, 102 (h.t.), 351n Gray, 154 Grenade, 249-252, 254n, 256 Grenoble, 290n, 315 Saint-Laurent, 83 Grignan, 323n Guadalquivir, fleuve, 248 Gubbio, 131n Santa Maria del Prato, 131 Santa Maria della Piaggiola, 131, 131n Guerrero, 392, 394 Guinée, 252, 254n Haguenau, 45, 326n Hainaut, 360n, 375n, 376n Hal, doyenné, 355 Hautrage, 364 Hautvillars, 153n Homs, 230 Hongrie, 335 Horrues, 365n, 370, 378n Huauchinango, 402 Huejutla, 390, 392, 402 Huelva, 250, 255 Huissignies, 377n Indes, 92 Istanbul, 225n, 239 Italie, 3, 9n, 14, 92, 94, 97, 127, 207, 209, 241, 291, 295, 297, 326, 328331, 333-336, 406, 408 Italie centrale, 125 Italie, Nord, 295

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INDEX DES NOMS DE LIEU

Kain, 364, 377n Kisruwân, 229

Lorraine, 39n, 40, 41, 47, 51, 103, 109, 152, 168, 299, voir aussi Dorsale catholique Louvignies, 366n Lucerne, 193, 195-197, 199 Luçon, 88n Lucques, diocèse, 303, 304n Lunéville, 155n, 157, 159, 162 Luwayza, 230 Luxembourg, duché, 193, 194n Luynes, 315, 317n, 323n Lyon, 80n, 82, 83, 152, 154, 156, 158, 165 Lyonnais, 93

La Châtre, 159n La Rochelle, 88n, 315, 327n diocèse, 406 La Rochette, 153n Langres, 333 Languedoc, 92, 93n, 339n Lanslebourg, 290 Lausanne, 194 diocèse, 200 Lemberg, 155n Lens, 374 Leòn, 245, 260 diocèse, 260n Lépante, 24, 255 Les Arcs, 343 Les Baux, 352 Lescar, diocèse, 98n Lessines, 369, 374 doyenné, 355, 375n Liban, 229, 230n, 233 Liège, 77, 78, 93, 336, 373n, 374n diocèse, 193, 334, 365n paroisse Saint-Martin, 374n Lille, 163, 319n, 355n diocèse, 334 province, 152 Lima, 258 Limoges, 153, 158 Lisbonne, 246, 248, 249, 251, 255, 256 Livourne, 237 Lobbes, 377n Lodi, 34, 281 Loire, fleuve, 152 Lolotla, 402 Lombardie, 202, 281, 408n Longeville-lès-Saint-Avold, 56 Lorca, 250 Lorette, 132, 170, 172, 175, 175n, 176n, 179, 180, 184n Santa Casa, 169, 175n, 180

Macerata, 126, 133 Macerata, sanctuaire de la Madonna della Misericordia, 132 Madrid, 249, 250 Magdebourg, 244 Maghreb, 349 Magione, sanctuaire de la Madonna delle Fontanelle, 131 Malaga, 247-250 Malinalco, 392, 393 Manille, 395 Mans, 315 Mantoue, 16 Marches, 127, 128 Mariana, 259 Mariastein, 198, 199 Marignane, 346 Marseille, 88, 89, 156, 163, 166n, 167, 225n, 237, 315, 340n, 341-346, 348, 352n paroisse Saint-Ferréol, 349 Martigues, La Couronne, 346 Masevaux, 40 Masnuy-Saint-Jean, 373 Massif Central, 153 Matelica, 126 église des Filippini, 126n Mattaincourt, 108 Mayence, diocèse, 200 Meaurain, 379n Meaux, 323n Mechoacan, 388n Medina Sidonia, 248, 250 Meistratzhein, 40 Mende, 159n Messine, 256 Metz, 152n, 157n diocèse, 105n Mexico, 383, 388n, 390, 392, 393, 395, 396, 398-401 diocèse, 384, 401, 403

Italie, Nord-Est, 295 Jaen, 249, 250, 255-257 Jallais, 315 Japon, 259 Jerez de la Frontera, 250, 255 Jérusalem, 149, 232n, 237, 266 Jesi, 131 Jura, 321n Jurbise, 378n

INDEX DES NOMS DE LIEU

Mexique, 258, 381, 382n, 384n, 388n, 393, 414, 418. Voir aussi NouvelleEspagne Milan, 5, 10, 10n, 15, 21, 213, 261, 262, 273, 281, 281n, 291, 321, 334, 408n collège de Brera, 277n collège dei Nobili, 213 collège Elvetico, 214 oratoire Sant’Agata, 273 Ospedale Maggiore, 264n, 269, 271 San Babila, 264, 271n, 281n San Bernardino alle ossa, 270, 273 San Fedele, 275 San Giorgio al Palazzo, 274, 282 San Lorenzo Maggiore, 263, 268, 271, 274, 277, 280, 282 San Michele ai Nuovi Sepolcri, 264n, 271, 271n San Nazaro Pietrasanta, 273 San Paolo in Compito, 271 San Pietro in Campo Lodigiano, 274 San Satiro, 276 Santa Maria dei Servi, 271n Santa Maria del Carmine, 281n Santa Maria della Fontana, 281n Santa Maria di Carugate, 269, 274, 280 Santa Maria Fulcorina, 264 Seminario Maggiore, 214 Minas Gerais, 259 Minas, 258 Modène, 211 collège San Carlo, 211 Mogliano Marche, sanctuaire du SS. Crocifisso, 130 Molsheim, 44, 195 Mondolfo, 126 Mons, 336n, 359, 362, 364, 366, 367n, 368, 369n, 372n, 374, 376n, 377n doyenné, 355 paroisse Sainte-Élisabeth, 365n, 372, 373 paroisse Sainte-Waudru, 361, 372 paroisse Saint-Germain, 372 Montauban, 159n, 323n Mont-Carmel, 149 Monte Giberto, sanctuaire Santa Maria delle Grazie, 128 Montechiaro, 291n Montemor o Novo, 248 Montpellier, 153, 154, 155n, 157, 159n diocèse, 366n

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Montréal, 159n Moravie, 198 Moselle, rivière, 193 Mouriès, 352 Moyen-Orient, 233n Moyenvic, 43 Mulcey, 48 Munich, 42 Munster, 90 Murcie, 247 Muret, 323n Namur, diocèse, 334n Nancy, 43-45, 47n, 48-53, 56, 57,105n, 107n, 116, 121-123, 124n, 162, 299 Nandaime, 260 Naples, 26, 29, 219, 288, 334 monastère Santa Susanna, 29n San Domenico Maggiore, 219 Sant’Andrea a Nido, 219, 220 Narbonne, 159n province, 153 Narni, 175n Naxos, 225n Nazareth, 149, 232n Neufchâteau, 59n Neufvilles, 378n Nevers, 152n Nicaragua, 260 Nice, 153n Normandie, 42n, 205, 407n Nouveau Monde, Voir Amérique Nouvelle-Espagne, 381n, 382n, 384, 387, 388, 394n, 395, 396, 400, 402, 403 Novare, 27, 28 diocèse, 16, 16n S. Bartolomeo, 17, 28 Sacro Monte, 28, 28n San Pietro, 28 Noyers-sur-Jabron, 350 Noyon, 157 Olinda, 259 Oloron, diocèse, 98 Ombrie, 127, 137, 137n, 140, 142, 142n, 148, Omitlan, 391n Orange, 315 Orange, diocèse, 319n Orihuela (Oriola), 27, 34 Orléans, 90 Ottersweier, 326n Ouro Preto, 259

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INDEX DES NOMS DE LIEU

Padoue, 207, 218, 221 collège degli Engleschi, 207 église degli Eremitani, 222 San Giacomo, 222 San Giorgio, 222 San Lorenzo, 222 Santa Caterina, 222 Santa Sofia, 222 Palerme, 256 Parati, 259 Paris, 87, 97, 102, 157, 167, 205, 221, 227n, 298 Passignano sul Trasimeno, 134 Pavie, 14, 15, 15n, 208, 213-216, 221, 288 collège Borromeo, 213, 215 collège Castiglioni, 208, 214, 215 collège Ghislieri, 214, 215 Santa Maria in Pertica, 214 Pays-Bas, 295, 298, 334, 335, 360n, 361n. Voir aussi Dorsale catholique Péninsule ibérique, 244, 245, 247, 249, 295, 335 Péninsule italienne, 74, 126, 134 Pennabilli, sanctuaire de la Madonna delle Grazie, 128 Pérou, 258 Pérouse, 14, 34, 129, 133, 134, 136138, 145n, 147, 148 Pérouse - Città della Pieve, diocèse, 131 Perpignan, 157, 158, 167 Péruwelz, 362, 367 Pesaro - Urbino, province, 126 Petriolo, 133 Peynier, 351 Picardie, 205 Piedragorda, 389n Piolenc, 319n Pitangui, 259 Plaisance, 33 Poitiers, 88, 315, 327n, 333 Pologne, 198, 295, 297, 298, 329, 330, 334, 335 Pommeroeul, 359n Pont-à-Mousson, 43, 48, 52, 54 Pont-de-Beauvoisin, 153n Portugal, 92, 244, 247, 248, 250, 253, 255n, 256, 258, 329, 330, 335 Prague, 197, 336 Preggio, château de, 136 Proche-Orient, 226n, 227n Provence, 93, 97, 102, 104n, 152, 153, 166, 289n, 291, 298, 339, 343, 374n, 405n, 407

Provence, Basse, 345n, 351n Provence, Haute-, 342, 346 Puyloubier, 351 Pyrénées, 98 Quartes, 357n Real del Monte, 395 Realejo, 260 Rebeuvilier, 321 Recanati, 34 Recife, 259 Reggio Emilia, San Pietro, 16 Reims, 88, 105n, 106n, 109n, 110, 116118, 121, 298, 306, 333n paroisse Saint-Étienne, 111, 117n province ecclésiastique, 365n Rennes, 315, 317,323n Rhin, Pays rhénans, 193, 198, 336. Voir aussi Dorsale catholique Riez, 315 Rimini, 34 Rìo Balsas, fleuve, 394 Rio de Janeiro, 259 Rio, 259 Ripatransone, 132, 133 Rivas, 260 Roanne, 80, 82n Rome, 8, 11, 12, 14, 14n, 15, 15n, 18, 25, 28, 30, 32, 33, 61, 62n, 63, 64, 64n 70n, 71, 73, 74,78-80, 84n, 91, 93, 95, 104n, 105n, 107-110, 119, 199, 130n, 131, 137, 147n, 169, 171, 173n, 175, 175n, 176, 177n, 179, 179n, 180, 181, 183n, 186, 190, 205, 207, 208, 212, 226, 229, 234, 237, 240, 288, 289n, 290, 299, 300, 303n, 311, 312, 321, 327, 334, 355n, 359, 365, 407n, 409, 418-420, 422, 423 arcispedale di Santo Spirito in Sassia, 17 chapelle Paolina al Quirinale, 188n collège Capranica, 207, 212 collège Clementino, 184 collège Germanico, 184n, 208 collège Nardini, 207, 212 église de la Consolazione, 68n église des Padri Fatebenefratelli, 184 église des Sacre Stimmate, 184 église du Gesù, 184, 186, 188n, 189 Madonna ai Monti, 186 oratoire de la Madonna del Carmine, 186

INDEX DES NOMS DE LIEU

oratoire de Caravita, 189, 189n oratoire du SS. Sacramento, 184 Sainte-Sabine, 73, 92 San Bartolomeo all’Isola, 71 San Bernardo alla Colonna Traiana, 185, 186 San Bernardo alle Terme Diocleziane, 183 San Crisogono a Trastevere, 70, 190 San Giacomo a Scossacavalli a Borgo, 72, 191 San Giorgio, 73 San Giovanni in Laterano, 72, 187 San Lorenzo in Damaso, 8, 172n, 183, 183n, 184n, 188, 188n San Lorenzo in Lucina, 171 San Marcello, 187n, 191 San Martino ai Monti, 73, 186 San Nicolò degli Incoronati, 73 San Pietro, 14, 69, 72, 205 San Teodoro, 191 Santa Maria della Purità in Borgo, 67 Santa Maria della Rotonda, 29 Santa Maria della Vittoria, 185 Santa Maria di Costantinopoli al rione Trevi, 191 Santa Maria in Aracoeli, 183n Santa Maria in Campitelli, 73, 188 Santa Maria in Cosmedin, 73 Santa Maria in Montesanto, 183 Santa Maria in Via Lata, 186 Santa Maria Maggiore, 19, 29, 29n, Santa Maria sopra Minerva, 24, 25, 62n, 72, 77n, 78, 79n, 82n, 92-94, 101, 104, 186, 187n Santa Prisca, 73 Sant’Apollinare, 188n schola degli Angli, 205 schola dei Sassoni in Santo Spirito in Sassia, 205 SS. Angeli Custodi al rione Trevi, 191 SS. Apostoli, 31, 32, 34 SS. Quirico e Giuditta, 69, 185 Rosheim, 45 Rouen, 42,157, 288, 293, 303n, 304, 305, 307, 357n, 374n Roussillon, 93, 339n Saïda, 226, 229 Saint-Brice, doyenné, 355, 358

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Saint-Denis-de-Fraisnes, 43, 48 Saint-Dié, 42, 300 Sainte-Cécile, 319n Saintes, 88n, 359 Saintes-Maries-de-la-Mer, 346, 352 Saint-Ghislain, 366, 372n Saint-Hippolyte, 40 Saint-Jeannet, 343 Saint-Martin-de-Pallières, 350 Saint-Mihiel, 57,157, 162 Saint-Omer, 87, 57, 299, 336 Saint-Simon, 105n Saint-Vaast, 366n Salamanque, 245 Saluces, diocèse, 291 San Fratello, 256 San Jorge, 260 San Juan del Puerto-Gibraleon, 250 San Marino - Montefeltro, diocèse, 128 San Mateo Teoloyuca, 389 San Severino Marche, sanctuaire Santa Maria del Glorioso, 130 Sant’Arcangelo di Magione, église Santa Maria d’Ancaelle, 135 Santiago de Mexico, province, 388n São Paulo, 259 Sarlat, 88n Sarreguemines, 288 Savoie, 110, 162n, 290, 302n Saxe, 336 Schiltighein, 44 Scuttari, 225 Sélestat, 194, 326n Sénégambie, 246 Senez, 346 diocèse, 342, 346 Senigallia, diocèse, 130 Servais, 377n Séville, 245, 246, 248, 249, 252, 253, 255, 257 Sicile, 260, 334 Sienne, 221 abbaye de Monte Oliveto Maggiore, 135 Sierra Madre, 390 Silly, 366n Sisteron, 351n Soignies, 361, 365n, 367n, 374, 376n, 378n Soissons, 109 Soleure, 198 Soumidouro, 259 Spolète, 126n, 175n Strasbourg, 42-44, 51, 90, 194, 195, 199

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INDEX DES NOMS DE LIEU

diocèse, 194, 198, 200, 326n, 366n paroisse Saint-Louis, 195 Subtiava, 260 Suisse, 194, 199, 321 Syra, 227 Syrie, 225, 226, 230n, 237n, 239, 240, 243 Syros, 225n Tacuba, 387n, 401 Tampico, 384 Tarascon, 348 Tartonne, 343 Tavira, 248 Taxco, 386n Tepecoacuilco, 390, 394, 395 Tepotzotlan, paroisse, 389 Terni, 175n Terre-Sainte, 230, 232, 240, 241 Thieu, 374 Thonon, 110 Thuin, 366n Todi, 129n sanctuaire de la Madonna delle Grazie (ou église de San Filippo), 128 Tolède, 245 Tolentino, 175n Tolotlan, 402 Tongre-Notre-Dame, 364 Tonnerre, 292, 293n Toscane, 127n, 134 Toul, 39, 40, 42, 45, 48, 53n, 55, 105, 108n, 118, 121n, 123n, 300, 304 diocèse, 97 paroisse de Saint-Anian, 45n Toulon, 162, 164, 166n, 315 Toulouse, 84-86, 333n région de, 93 Tournai, 299, 335n, 356n, 364, 366, 367, 379 diocèse, 318n, 319n, 357n, 365n, 375n paroisse Saint-Jean-Baptiste, 364n Tours, 315, 317n, 323n Trasimène, lac, 134, 135 Trecate, 16 Trente, province ecclésiastique, 295 Trèves, 199 Trèves, diocèse, 193, 196, 200 Triana, 248 Tripoli, 229, 230 Troyes, 105n, 110, 111, 113n, 114, 115, 116n, 302, 304, 306, 307

paroisse Saint-Nizier, 112, 113, 115n Tula, 383n Turin, 208, 209n, 210, 211n, 216, 218, 221, 291 collège Grassi, 208, 209 Ubeda, 249, 250, 257 Urbe, voir Rome Uriménil, 45 Val d’Aran, 98 Valence, 245-247, 250, 308 Valenciennes, 163, 319n, 365n Valladolid, 251, 289 évêché, 388n Vatican, 294 Velaines, 364n Vence, diocèse, 343, 351n Venise, 7, 16, 244 Vermes, 321 Vérone, 10 diocèse, 302n Verzoli, 291 Vic-sur-Seille, 152n, 162, 164 Vienne, 321 Vienne-les-Bois, 84 Villafrance, 291n Villedommange, 117 Villers-lés-Nancy, 53n, 122n Vintimille, diocèse, 293, 306 Vistule, fleuve, 193 Vitrey, 55n Vivarais, 92 Vosges, 198, 301 Willaupuis, 362 Wissembourg, 42 Xochicoatlán, 402 Zacualtipan, 391 Zamora, 245 Zinacantepec, 389n

RÉSUMÉS DES CONTRIBUTIONS

Roberto RUSCONI, « Tesoro spirituale della Compagnia » : i libri delle confraternite nell’Italia del ‘500, p. 3-38. Durante il ‘500 le pubblicazioni a stampa promosse in Italia dalle confraternite dei laici devoti hanno un andamento assai significativo, che riflette la temperie complessiva della vita religiosa e le sue mutazioni nel corso del secolo. Nei decenni iniziali esse rappresentano una sostanziale propaggine delle iniziative intraprese nell’ultimo quarto del ‘400, dopo l’introduzione della stampa a caratteri mobili. Si trattava peraltro di un numero ridotto di edizioni, che conobbero un moderato incremento nei decenni centrali del secolo, fra 1531 e 1560, in rapporto con le diverse iniziative di rinnovamento devozionale e pastorale di quegli anni. Successivamente a quella data si registrò un notevole incremento di tali pubblicazioni a stampa, anche per effetto delle deliberazioni adottate nel corso del Concilio di Trento e dei loro riflessi sulle iniziative pastorali dell’episcopato italiano, cui il disciplinamento del mondo confraternale apparve un importante obiettivo della riforma religiosa all’interno della Chiesa cattolica.

Philippe MARTIN, Des confréries face au livre (1750-1850), p. 39-59. Cette approche du livre de confrérie se fonde sur le dépouillement de 89 éditions différentes éditées entre 1720 et 1850 pour les associations du diocèse de Toul. Ce corpus est trop étroit pour que nous puissions tenter une analyse chronologique fine. En effet, dans cet espace Louis Châtellier a recensé 1766 confréries pour la seconde moitié du XVIIIe siècle. Il est cependant une voie d’entrée dans le monde complexe que les confrères entretiennent avec l’imprimé, d’autant qu’il est comparé avec des manuels publiés en Alsace à la même époque. Livrets de petit format (69% sont des in-8°), ils étaient publiés lors de la création de l’association ou quand les statuts étaient confirmées. Leur multiplication au cours du XVIIIe siècle correspond parfaitement à un souci accru d’encadrement de la démarche confraternelle. À cette époque, l’imprimé revêt une triple dimension : il est un recueil officiel où sont conservés règlements ou indulgences ; il comporte un ensemble d’exercices pieux que le fidèle doit effectuer ; il demeure un manuel de dévotion nécessaire à la spiritualisation du quotidien. Ainsi, il est la manifestation de l’identité de la confrérie. Avec le temps, le rapport à l’imprimé subit une double évolution. La première concerne le contenu qui le rapproche de plus en plus du livre de piété traditionnel ; s’il perd de sa spécificité, le livre de confrérie s’insinue donc plus étroitement dans l’univers mental des fidèles. Cette nouvelle importance amène certaines associations à se consacrer à sa diffusion.

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Domenico ROCCIOLO, Confraternite e devoti a Roma in età moderna : fonti e problemi storiografici, p. 61-75. Nella Roma della prima età moderna le confraternite affrontano con rinnovato impegno i problemi sociali provocati dai flussi di immigrazione. Realizzano numerose opere di carità e di religione. Dopo il Tridentino e nell’età barocca crescono di numero e si inseriscono in tutti i settori dell’assistenza, nei quali impiantano specifiche devozioni sorte attorno ad immagini sacre, a preghiere come il Rosario, a santi fondatori e a riti liturgici. L’autorità ecclesiastica sorveglia che le forme devote convergano verso la pietà eucaristica, soprattutto dopo che hanno richiesto ai parroci di fondare nelle loro parrocchie le compagnie del SS. Sacramento. Tra attività di sostegno dei bisognosi e espressioni di vita religiosa, i sodalizi curano i propri interessi economici, dai quali dipende la loro esistenza. Si tratta di temi ben documentati negli archivi, che attendono, tuttavia, di essere approfonditi. Marie-Hélène FROESCHLÉ-CHOPARD La dévotion du Saint-Sacrement : livres et confréries, p. 77-102. Les livres du Saint-Sacrement, écrits par des membres du clergé, définissent les caractères de la dévotion. Les premiers, publiés à la fin du XVIe siècle ou au début du XVIIe siècle, insistent sur l’exceptionnelle vénération que l’on doit avoir pour le Saint-Sacrement (entretien dans l’église, révérence dans les processions). Il s’agit d’un culte extérieur qui doit aussi refléter l’intensité de la dévotion intérieure. C’est un culte public chargé d’affirmer la vérité d’un dogme rejeté par les Réformés. La dévotion au Saint-Sacrement est une dévotion qui se développe avec la Contre-Réforme. Cet aspect persiste par la suite, mais les ouvrages de piété introduisent de plus en plus souvent des méditations pieuses destinées au perfectionnement individuel du confrère. Ils prônent l’Adoration perpétuelle du Saint-Sacrement et la communion fréquente. Les nombreuses confréries créées de par le monde catholique montrent par leur abondance que les fidèles ont massivement adopté la dévotion. Étudiée à partir des affiliations à la confrérie du Saint-Sacrement de Sainte-Marie sur la Minerve de Rome ou à partir des octrois de brefs d’indulgences par le Secrétariat des brefs, l’onde des créations de confréries suit sans conteste la consolidation du catholicisme en Europe comme en France. Toutefois, malgré leur caractère bien tranché de « Contre-Réforme », les confréries du Saint-Sacrement ne rejettent pas les autres dévotions. L’analyse des fêtes secondaires choisies par les confrères montre une volonté d’équilibre entre trois types d’intercesseurs : le Christ, la Vierge, le saint protecteur, qui est souvent le saint titulaire de l’église paroissiale. La dévotion du SaintSacrement, dévotion de combat, tend ainsi à opérer dès la fin du XVIIe siècle, le rassemblement, la synthèse de toutes les dévotions préexistantes. Stefano SIMIZ, Les confréries face à l’indulgence : traditions, quête, accueil et effets dans la France de l’Est (XVe-XVIIIe siècles), p. 103-124. Le doyen Le Bras avait démontré qu’en échange des services rendus à la pastorale, l’Église avait largement doté, dès le Bas Moyen Âge, les confréries en indulgences tant romaines qu’épiscopales. Avec le XVIe siècle les sollicitations favori-

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sent désormais Rome et les pardons pléniers au détriment des indulgences partielles et tarifées. S’appuyant sur des réseaux organisés et de nombreux intermédiaires pour la plupart cléricaux, au temps de leur fondation ou à un tournant de leur histoire, les confréries de dévotion de l’est de la France accueillent les précieux brefs et assurent leur publicité. L’extraordinaire afflux d’indulgences aux XVIIe et XVIIIe siècles les oblige aussi à en expliciter le sens afin d’éviter de nouveaux abus. Il est enfin une invitation à développer, dans les livrets comme en chaire, leur bon usage dans une perspective de piété plus intérieure et très sacramentalisée.

Mario TOSTI, Confraternite e santuari nell’Italia centrale. Rapporti, committenza, devozioni (secc. XV-XIX), p. 125-148. La prima parte del saggio affronta, in generale, i rapporti tra un luogo sacro, al centro di eventi straordinari, e il mondo dell’associazionismo laicale. Attraverso i risultati del censimento svolto a livello nazionale negli anni 19982003, finanziato dal MUR (Fondi PRIN), si mette in evidenza, con particolare attenzione all’area umbro-marchigiana, il ruolo delle confraternite nello sviluppo di nuove devozioni o nel rinvigorire culti tradizionali. Attenzione particolare è dedicata al rapporto con le autorità ecclesiastiche e gli ordini religiosi, in ordine alla gestione dei luoghi sacri, nonché alla tipologia dei santuari affidati alla cura di confraternite. Un tentativo di orientare la storia dell’associazionismo laicale, oltre che sulla storia istituzionale e sociale, anche verso la storia della pietà. Nella seconda parte, avvalendosi della documentazione conservata nell’archivio della Confraternita di Maria Santissima dei Miracoli (Castel Rigone - PG) vengono esaminati, in modo dettagliato, i tortuosi e variegati rapporti che si instaurarono tra la Compagnia e il santuario in ordine alla committenza artistica, al rapporto con il clero locale e il vescovo, con la popolazione. Tra il contesto comunitario, l’esperienza confraternale e il santuario si stabilì una perfetta osmosi che assicurò alla compagnia la sopravvivenza, anche nei momenti storici più difficili ; emerge dai documenti un radicamento dell’esperienza associativa nella logica dei bisogni e del tessuto umano-relazionale, che appare, anche nei secoli dell’età moderna, l’espressione più convincente dell’associazionismo laicale.

Gilles SINICROPI, Encadrement des laïcs et identité spirituelle : les confréries carmélitaines en France (XVIIe-XVIIIe siècles), p. 149-168. Grands Carmes et Carmes déchaux partagent, au-delà des divergences ascétiques qui ont donné lieu à leur séparation, une même exigence apostolique. Il semble donc intéressant de s’attarder sur l’une des activités liées à l’encadrement des fidèles dont ils assument parallèlement la charge aux XVIIe et XVIIIe siècles. Les confréries offrent un champ d’observation idéal, permettant de comparer et d’apprécier le poids de leur identité spirituelle et dévotionnelle respective. Deux grandes catégories peuvent être distinguées. La première est constituée d’associations qui, hébergées dans les bâtiments conventuels, manifestent une certaine indépendance à l’égard de l’ordre. Le second ensemble est composé des

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confréries dont les dévotions sont liées à l’histoire carmélitaine et, à ce titre, vivement revendiquées par les religieux de l’une et l’autre mouvances qui tentent de les promouvoir. Cette confrontation permet de faire émerger, au sein de la famille carmélitaine, différences et antagonismes face à « l’offre » confraternelle.

Stefania NANNI, Confraternite romane nel Settecento : spazi e forme delle cerimonie, p. 169-191. Lo spazio governato del sacro nel Settecento romano è indagato a partire dalle cerimonie di secondo ordine, celebrate capillarmente sul territorio urbano dalle confraternite : una società concreta che, nei rituali devoti cerca risposta alle proprie attese spirituali, psicologiche, sociali e ad una domanda religiosa che, sempre più distratta e diffidente, richiede una individualizzazione del sentimento religioso e occasioni di impegno personalizzate. Tale sociabilità devota è via via sempre più intrusiva ed invadente sullo spazio urbano ; sconfina dagli spazi tradizionali delle compagnie e dilaga nei rioni, sfila in processione con abiti e insegne, accende ceri nella notte, intona litanie e cantici, si impegna per abbellire le proprie sedi, affina segni e rituali ; si ingloba in un disegno complessivo della città devota capitale della cristianità. In questo scenario, che si esprime all’ombra di protettori laici ed ecclesiastici e di devozioni dalla forte valenza simbolica e politica, la musica assume un ruolo sempre più decisivo, per il suo potere di enfatizzare il peso emotivo del rito e i sentimenti di appartenenza e al tempo stesso di richiamare la valenza ludica delle scadenze religiose e il tempo metastorico della festa in cui le differenze di ceto, genere e generazioni sembrano non esistere.

Louis CHÂTELLIER, De la mutation des confréries au XVIIIe siècle : l’exemple des pays rhénans, p. 193-200 Dans les synthèses d’histoire religieuse, il était fréquent, jusqu’à une époque récente, de partir d’une idée reçue, la déchristianisation du XVIIIe. En fait, cette idée partait de l’exemple français et, encore, bien rapidement survolé. En réalité, les études nombreuses et précises de ces dernières années ont montré combien cette généralisation était fausse. Certes, le catholicisme, en particulier, n’était plus vécu, à l’époque des Lumières, comme il l’était au siècle précédent et il serait abusif de l’appeler, lui aussi, « le siècle des saints ». Mais, il serait tout aussi exagéré de juger de la vie religieuse en Europe par le seul modèle français, voire parisien. C’est pourquoi nous avons pris comme objet d’étude l’axe médian de l’Europe, depuis Cologne jusqu’à Lausanne. Catholiques et protestants s’y trouvent constamment proches les uns des autres et, le catholicisme lui-même est vécu de façon différente depuis les terres gallicanes jusqu’au monde du baroque, depuis les imposants prélats de l’Église germanique jusqu’aux humbles familles chrétiennes des bordures du Rhin. Après plus de deux siècles de Contre-Réforme, qu’est-ce qu’un catholique dans ces terres où l’on ne se bat plus pour des motifs religieux, mais où les familles des deux confessions restent séparées ? L’étude des confréries, au plus proche du quotidien, est peut-être susceptible de nous mieux faire connaître comment le peuple catholique se définit lui-même, dans sa fidélité indéfectible à Rome.

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Simona NEGRUZZO, Devozioni e vita quotidiana degli studenti nell’Italia moderna, p. 201-223. La storiografia sulle università e sulle istituzioni educative superiori è stata parca di argomenti sulla vita di devozione del corpo accademico, studenti e docenti insieme. Al contrario, analizzando le fonti ci si accorge quanto il funzionamento di questi organismi, nell’età medievale come in quella moderna, traesse ispirazione dall’anno liturgico, dall’attività delle confraternite, dagli esercizi di pietà e dal culto dei santi patroni. Nelle Penisola italiana, dal XVI al XVIII secolo, le pratiche religiose influenzarono l’organizzazione del calendario scolastico, l’allestimento dei corsi e delle cerimonie pubbliche. Attraverso questa ricerca, partendo dagli esempi offerti dagli atenei di Torino, Pavia, Padova, Bologna e Napoli, si è ricostruita l’esperienza dei maestri e degli studenti che, nelle nationi come nei collegi, appaiono uniti sotto il segno dell’appartenenza linguistica, degli studi e della fede. L’auspicio è che quest’indagine costituisca la prima tappa di un successivo percorso di approfondimento.

Bernard HEYBERGER, Confréries, dévotions et société chez les catholiques orientaux, p. 225-241. Les confréries étaient une structure nouvelle dans le christianisme oriental, lorsqu’elles y furent introduites par les missionnaires latins au cours du XVIIe siècle. Comme partout dans le monde catholique, elles formaient alors un instrument privilégié pour mobiliser et éduquer les fidèles. Elles attirèrent les chrétiens locaux avec un succès mitigé, car leur développement se heurtait à plusieurs obstacles, comme la discrétion imposée aux rassemblements et célébrations par l’autorité musulmane, et la division en plusieurs églises, dont le clergé était réticent à toute mainmise des missionnaires latins. Après des débuts chaotiques, les confréries connurent un vrai succès au XVIIIe siècle. Elles servirent en particulier à structurer les catholiques au moment où des hiérarchies unies à Rome se détachaient des orthodoxes dans toutes les Églises. Ces confréries introduisirent de nouvelles formes de dévotion dont toute une littérature en arabe atteste, visant à une intériorisation et à une individualisation de la conscience et de la pratique religieuses. Leurs règlements trahissent de plus l’intention de structurer la population selon de nouvelles donnes, rompant avec la société syrienne traditionnelle. Cet objectif semble ne pas avoir été atteint. La confrérie offrait de nouvelles ressources pour le pouvoir et l’action. Mais ces ressources furent mobilisées dans une société dont les ressorts du lignage et de la clientèle ne furent pas fondamentalement modifiés.

Bernard VINCENT, Pour une histoire des confréries de Noirs, p. 243-260. Les confréries ont eu et ont encore dans le monde ibérique, européen et américain une place fondamentale dans la société. C’est donc fort justement qu’elles ont fait l’objet de multiples études. Cependant les confréries accueillant les Noirs ou mulâtres ont été longtemps ignorées. Il est indispensable d’en faire l’inventai-

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re, d’examiner leurs activités et leurs relations avec les autorités et les autres confréries. On sait à ce jour que plus d’une cinquantaine ont existé à partir du XVe siècle en Espagne et au Portugal et plusieurs centaines à partir du XVIe siècle en Amérique. Elles ont été pendant plusieurs siècles un lieu essentiel de la sociabilité des Noirs, libres et esclaves, un instrument décisif de leur intégration au monde chrétien et le vecteur privilégié de la diffusion du culte de saints noirs (Benoît de Palerme, Iphigénie, Elesban, Martin de Porras).

Paola VISMARA, Confraternite e devozioni nella Milano del Settecento, p. 261-284. Le confraternite urbane sono un osservatorio per valutare continuità e mutamenti nelle pratiche religiose a Milano durante il XVIII secolo. L’attaccamento alle proprie tradizioni fa sì che gli interventi dell’autorità politica, prima regolatori e poi repressivi, siano accolti con reticenza o addirittura resistenza. Vi sono nuove fondazioni ; antiche confraternite si rinnovano, nelle intitolazioni e nelle pratiche. Gli « esercizi » esteriori presentano aspetti precipui di interesse, poiché attraverso di essi è possibile cogliere molti aspetti della sensibilità e della vita religiosa. Il persistente aspetto devozionale conserva caratteri di esteriore visibilità e si carica di tonalità affettive marcate. Le confraternite peraltro sempre più si aprono al sociale, a partire dall’idea che la religione deve improntare il quotidiano e che la devozione manifesta la sua autenticità attraverso l’attività caritativa.

Bernard DOMPNIER, La dévotion à saint Joseph au miroir des confréries (XVIIeXVIIIe siècles), p. 285-309. Grâce à une grande variété de sources, les confréries constituent un indicateur privilégié pour étudier la diffusion de la dévotion à saint Joseph dans la catholicité, ainsi que les nuances qui la caractérisent selon les dates et les lieux. À partir du milieu du XVIIe siècle et d’un épicentre correspondant au Nord de l’Italie et au Sud-Est de la France, le saint s’impose progressivement comme le protecteur des agonisants. Mais en d’autres régions (Nord et Est de la France notamment), il est invoqué plus précocement comme protecteur contre les malheurs de la guerre ou comme patron des ménages, fonctions qui ne connaissent pas la même diffusion que la première, plus en rapport avec les idéaux de piété et de comportement véhiculés par la Réforme catholique. Les pratiques de dévotion proposées, qui font une large place au vœu, à la prière privée et à la possession d’une image, font de Joseph un saint de l’intimité, avec lequel est entretenu un étroit rapport personnel.

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Françoise HERNANDEZ, Être confrère des Agonisants ou de la Bonne Mort aux XVIIe et XVIIIe siècles, p. 311-338. Devenir confrère des Agonisants ou de la Bonne Mort au XVIIe siècle fait entrer dans un groupe de confréries, inconnu au siècle précédent, qui doit aider à réussir son passage dans l’au-delà. Ces confréries qui viennent compléter le vaste réseau dévotionnel des Fins dernières ont souvent été considérées comme semblables par l’historiographie. Or, l’approche sérielle menée à partir de la source vaticane des demandes de brefs d’indulgences a conduit l’auteur à envisager l’existence, non pas d’un seul, mais de deux courants dévotionnels confraternels nouveaux. L’utilisation de trois sources complémentaires que sont les brefs, les archives des archiconfréries romaines et les livres édités par ces confréries met en lumière les caractères spécifiques de ces deux réseaux de confréries, tant dans leurs titulatures et leurs pratiques dévotionnelles qu’au niveau des rythmes, des espaces et des acteurs de leur diffusion.

Régis BERTRAND, Limites du rôle des confréries dans le rayonnement des dévotions en Provence sous l’Ancien Régime, p. 339-354. Trois de ces limites sont ici soulignées. Il n’y a point correspondance obligée entre une chapelle ou un autel et une confrérie. Des dévotions ont été proposées par l’intermédiaire de chapelles de familles ou de pieuses fondations. Les associations semi-fermées ou à recrutement sélectif, congrégations, compagnies de pénitents, confréries de métier, ont-elles fait rayonner une dévotion ou bien l’accaparaient-elles ? Enfin un ou deux « marguilliers » ou « bassiniers » (du nom du bassin de quête), parfois nommés à vie, ou bien des bénévoles pouvaient prendre en charge l’entretien d’un autel ou d’une chapelle et organiser leur desserte spirituelle. Sans doute convient-il de passer du constat de l’offre dévotionnelle en théorie proposée aux fidèles dès lors qu’elle existe dans leur paroisse à la pratique réelle de ces derniers ou du moins d’une partie d’entre eux, qu’elle s’exprime ou non dans le cadre associatif.

Philippe DESMETTE, Les confréries religieuses dans le diocèse de Cambrai à l’époque moderne : permanences et innovations, p. 355-379. Les titulatures des confréries dans le diocèse de cambrai peuvent être rangées en quatre catégories : saints et saintes, Vierge, Christ et fins dernières. À l’époque moderne des évolutions sont à noter au niveau de ces titulatures. On remarque également des changements dans les pratiques, qui s’orientent vers une piété plus personnelle. Toutefois, il importe de relativiser ces évolutions. Beaucoup de confréries conservent les caractères qui étaient les leurs avant la Réforme catholique. D’autre part, des confréries d’intercession sont encore régulièrement fondées aux XVIIe et XVIIIe siècles. En définitive, on peut conclure que le mouvement confraternel est marqué à la fois par des évolutions dans la ligne du catholicisme moderne, mais également par des permanences.

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Pierre RAGON, Mouvement confraternel et spiritualité dans le Mexique de la fin du XVIIe siècle, p. 381-403. Les historiens de l’économie, les premiers, se sont intéressés à l’histoire des confréries du Mexique. Ces associations, en milieu indigène, furent également décrites comme des outils de résistance à la culture dominante, espagnole et chrétienne. En fait, un petit nombre d’archives datant de la fin du XVIIe siècle, exceptionnellement bien conservées, permettent d’entrevoir l’hétérogénéité du mouvement confraternel. Il existe certes des confréries, souvent des confréries patronales, que l’Église abandonne aux laïcs. D’autres en revanche sont d’authentiques instruments de réforme chrétienne. Sans doute ces dernières sont-elles beaucoup plus nombreuses dans la capitale du diocèse qu’ailleurs et elles recrutent surtout parmi les Espagnols. Elles n’en constituent pas moins un modèle qui, avec plus ou moins de bonheur, s’exporte loin de Mexico et auprès d’autres groupes ethniques.

Bernard DOMPNIER et Paola VISMARA, De nouvelles approches pour l’histoire des confréries, p. 405-423. Solidement enracinées dans la tradition, les confréries de l’époque moderne présentent l’originalité d’un foisonnement sans précédent, par leur nombre et par la diversité de leurs titulatures. Profitant du renouveau historiographique dont le mouvement confraternel a été l’objet au cours des dernières décennies, tant en France qu’en Italie, ce volume propose un approfondissement de l’enquête sous l’angle de l’histoire culturelle de la piété, à partir d’un large éventail documentaire qui accorde une place privilégiée aux archives romaines. À travers les objets et les formes de leurs dévotions, les confréries donnent à lire les mobiles, les méthodes et les résultats des changements à l’œuvre dans la catholicité moderne ; elles informent aussi sur les ressorts profonds du commerce sacral. Leur étude permet ainsi d’approcher les sensibilités religieuses au sein de l’Église romaine des siècles qui suivent le concile de Trente, dans leurs lignes de force comme dans leurs nuances spatiales et chronologiques.

TABLE DES MATIÈRES

Pages

Bernard DOMPNIER et Paola VISMARA, Avant-Propos . . . . .

1-2

Roberto RUSCONI, « Tesoro spirituale della compagnia » : i libri delle confraternite nell’Italia del ‘500 . . . . . . . . . . .

3-38

Philippe MARTIN, Des confréries face au livre (1750-1850)

39-59

Domenico ROCCIOLO, Confraternite e devoti a Roma in età moderna : fonti e problemi storiografici . . . . . . . . . . . .

61-75

Marie-Hélène FROESCHLÉ-CHOPARD, La dévotion du SaintSacrement. Livres et confréries . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

77-102

Stefano SIMIZ, Les confréries face à l’indulgence : tradition, quête, accueil et effets dans la France de l’est (XVeXVIIIe siècle) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

103-124

Mario TOSTI, Confraternite e santuari nell’Italia centrale. Rapporti, committenza, devozioni (secc. XV-XIX) . . . .

125-148

Gilles SINICROPI, Encadrement des laïcs et identité spirituelle. Les confréries carmélitaines en France (XVIIeXVIIIe siècles) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

149-168

Stefania NANNI, Confraternite romane nel Settecento. Spazi e forme delle cerimonie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

169-191

Louis CHÂTELLIER, De la mutation des confréries au XVIIIe siècle. L’exemple des pays rhénans . . . . . . . . .

193-200

Simona NEGRUZZO, Devozioni e vita quotidiana degli studenti nell’Italia moderna . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

201-223

Bernard HEYBERGER, Confréries, dévotions et société chez les catholiques orientaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

225-241

Bernard VINCENT, Pour une histoire des confréries de Noirs

243-260

Paola VISMARA, Confraternite e devozioni nella Milano del Settecento . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

261-284

442

TABLE DES MATIÈRES

Bernard DOMPNIER, La dévotion à saint Joseph au miroir des confréries (XVIIe-XVIIIe siècles) . . . . . . . . . . . . . . .

285-309

Françoise HERNANDEZ, Être confrère des Agonisants ou de la Bonne Mort aux XVIIe et XVIIIe siècles . . . . . . . . . .

311-338

Régis BERTRAND, Limites du rôle des confréries dans le rayonnement des dévotions en Provence sous l’Ancien régime . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

339-354

Philippe DESMETTE, Les confréries religieuses dans le diocèse de Cambrai à l’époque moderne : permanences et innovations . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

355-379

Pierre RAGON, Mouvement confraternel et spiritualité dans le Mexique de la fin du XVIIe siècle . . . . . . . . . . . . . . . .

381-403

Bernard DOMPNIER et Paola VISMARA, De nouvelles approches pour l’histoire des confréries . . . . . . . . . . . .

405-423

INDEX DES NOMS DE LIEU . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

425-432

RÉSUMÉS DES CONTRIBUTIONS . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

433-440

TABLE DES MATIÈRES . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

441-442