Œuvres complètes: XVII De la Religion, considérée dans sa source, ses formes et ses développements, Tome I 9783110307931, 9783110307795

Ce volume XVII contient le premier des cinq volumes de De la Religion publiés par Benjamin Constant dès 1824. Il est com

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Œuvres complètes: XVII De la Religion, considérée dans sa source, ses formes et ses développements, Tome I
 9783110307931, 9783110307795

Table of contents :
Table des illustrations
Principes d’édition des Œuvres complétes
Signes, symboles, sigles et abréviations
Chronologie
Introduction générale au tome XVII
Sources
Manuscrits
Imprimés
1. De la Religion, considérée dans sa source, ses formes et ses développements. Tome premier
Introduction
Préface
Livre premier
Chapitre Ier. Du sentiment religieux
Chapitre II. De la nécessité de distinguer le sentiment religieux des formes religieuses, pour concevoir la marche des religions
Chapitre III. Que l’effet moral des mythologies prouve la distinction que nous voulons établir
Chapitre IV. Que cette distinction explique pourquoi plusieurs formes religieuses paraissent ennemies de la liberté, tandis que le sentiment religieux lui est toujours favorable
Chapitre V. Que le triomphe des croyances naissantes sur les croyances anciennes est une preuve de la différence qui existe entre le sentiment religieux et les formes religieuses
Chapitre VI. De la maniére dont on a jusqu’ici envisagé les religions
Chapitre VII. Plan de notre ouvrage
Chapitre VIII. Des questions qui seraient une partie nécessaire d’une histoire de la religion, et qui sont néanmoins étrangéres à nos recherches
Chapitre IX. Des précautions que la nature de nos recherches nous oblige de prendre
Livre deuxiéme. DE LA FORME LA PLUS GROSSIÈ RE QUE LES IDÈ ES RELIGIEUSES PUISSENT REVÊTIR
Chapitre Ier. Méthode que nous suivrons dans ce livre
Chapitre II. De la forme que le sentiment religieux revêt chez les sauvages
Chapitre III. Efforts du sentiment religieux pour s’élever audessus de cette forme
Chapitre IV. Des idées d’une autre vie dans le culte des sauvages
Chapitre V. Des erreurs dans lesquelles sont tombés plusieurs écrivains, faute d’avoir remarqué la lutte du sentiment religieux contre sa forme à cette époque de la religion
Chapitre VI. De l’influence des jongleurs dans l’état sauvage
Chapitre VII. Conséquences de l’influence des jongleurs sur le culte des sauvages
Chapitre VIII. Pourquoi nous avons cru devoir décrire en détail le culte des sauvages
Textes complémentaires
2. Liste générale de tous les matériaux de mon ouvrage sur la religion
Introduction
Liste générale de tous les matériaux de mon ouvrage sur la religion
3. Plans pour la publication de l’ouvrage sur la Religion
Introduction
Plan sommaire des livres III à VIII de De la Religion
Version remaniée du plan sommaire
Ordre des matiéres
De la Religion &ca
4. Prospectus pour De la Religion
Introduction
Prospectus
Prospectus pour De la Religion
Projet de prospectus
Prospectus de juillet 1823
5. Suite d’idées dans le premier volume de l’ouvrage sur la Religion
Introduction
Suite d’idées dans le premier volume de l’ouvrage sur la Religion
6. Deux articles relatifs à De la Religion et une réponse adressée à un critique de l’ouvrage sur la religion
Introduction
A Monsieur le Rédacteur du Constitutionnel
To the Director of the European Review
A Monsieur le Rédacteur de la Revue Européenne
Une réponse adressée à un critique de l’ouvrage sur la religion
7. Carnet de notes depuis le 29 septembre 1824
Introduction
Carnet de notes depuis le 29 septembre 1824
8. Ordre de travail pour demain
Introduction
Ordre de travail pour demain
9. Instruments bibliographiques
Abréviations
Bibliographie
Ouvrages cités par Constant
10. Index
Index des noms de personnes

Citation preview

Benjamin Constant Œuvres comple`tes Œuvres XVII

Benjamin Constant Œuvres comple`tes Se´rie Œuvres XVII Comite´ de Patronage Membre d’honneur : Roland Mortier Membres : Andre´ Cabanis, Maurice De´chery, Michel Delon, Franc¸oise Fornerod, Doris Jakubec, Franc¸ois Jequier, Mario Matucci, Martine de Rougemont, Lionello Sozzi et Arnaud Tripet Comite´ Directeur Pre´sident : Paul Delbouille Le´onard Burnand, Jean-Daniel Candaux, Cecil Patrick Courtney, Lucien Jaume, Kurt Kloocke, Giovanni Paoletti, Franc¸ois Rosset, Paul Rowe, Markus Winkler et Dennis Wood Secre´taire : Guillaume Poisson Commission des Œuvres Pre´sident : Kurt Kloocke Le´onard Burnand, Paul Delbouille, Lucien Jaume, Fre´de´ric Jaunin, Franc¸oise Me´lonio, Franc¸ois Rosset, Markus Winkler et Dennis Wood Ce tome XVII appartient a` la se´rie intitule´e E´crits sur la Religion dirige´e par Kurt Kloocke La re´vision en a e´te´ assure´e par Giovanni Paoletti La relecture en a e´te´ assure´e par Lisa Azorin La supervision du traitement informatique a e´te´ prise en charge par Kurt Kloocke

Benjamin Constant De la Religion, conside´re´e dans sa source, ses formes et ses de´veloppements Tome I Volume dirige´ par Markus Winkler et Kurt Kloocke E´tablissement des textes, introductions et notes par Kurt Kloocke, Hermann Krapoth, Jeanne Wagner, Laura Wilfinger et Markus Winkler Instruments bibliographiques par Laura Wilfinger

De Gruyter

ISBN 978-3-11-030779-5 e-ISBN 978-3-11-030793-1 Library of Congress Cataloging-in-Publication Data A CIP catalog record for this book has been applied for at the Library of Congress. Bibliografische Information der Deutschen Nationalbibliothek Die Deutsche Nationalbibliothek verzeichnet diese Publikation in der Deutschen Nationalbibliografie; detaillierte bibliografische Daten sind im Internet über http://dnb.dnb.de abrufbar. 쑔 2013 Walter de Gruyter GmbH, Berlin/Boston Satz: pagina GmbH, Tübingen Druck: Hubert & Co. GmbH und Co. KG, Göttingen 앝 Gedruckt auf säurefreiem Papier 앪 Printed in Germany www.degruyter.com

Table des matie`res

Dans un souci de clarte´, les titres qui figurent dans cette table ont e´te´ dans certains cas modernise´s et uniformise´s. Ils sont ainsi parfois le´ge`rement diffe´rents des titres qui apparaissent dans le volume.

Table des illustrations . . . . . . . . Principes d’e´dition des Œuvres comple`tes Signes, symboles, sigles et abre´viations Chronologie . . . . . . . . . . . . Introduction ge´ne´rale au tome XVII . . Sources . . . . . . . . . . . . . Manuscrits . . . . . . . . . . Imprime´s . . . . . . . . . .

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. IX . 1 . 3 . 7 . 21 . 23 23 24

1. De la Religion, conside´re´e dans sa source, ses formes et ses de´veloppements. Tome premier DE

LA

RELIGION,

CONSIDE´ RE´ E DANS SA SOURCE, SES FORMES

ET SES DE´ VELOPPEMENTS

Texte e´tabli et pre´sente´ par Markus Winkler et Kurt Kloocke Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 29 De la Religion, conside´re´e dans sa source, ses formes et ses de´veloppements . . . . . . . . . . . . . . . . . . 69 Pre´face

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 71

Livre premier Chapitre Ier. Du sentiment religieux. . . . . Chapitre II. De la ne´cessite´ de distinguer le religieux des formes religieuses, pour concevoir des religions. . . . . . . . . . . . . . . Chapitre III. Que l’effet moral des mythologies distinction que nous voulons e´tablir. . . . .

. . . . . . 87 sentiment la marche . . . . . 106 prouve la . . . . . 125

VI

Table des matie`res

Chapitre IV. Que cette distinction explique pourquoi plusieurs formes religieuses paraissent ennemies de la liberte´, tandis que le sentiment religieux lui est toujours favorable. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Chapitre V. Que le triomphe des croyances naissantes sur les croyances anciennes est une preuve de la diffe´rence qui existe entre le sentiment religieux et les formes religieuses. Chapitre VI. De la manie`re dont on a jusqu’ici envisage´ les religions. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Chapitre VII. Plan de notre ouvrage . . . . . . . . . . Chapitre VIII. Des questions qui seraient une partie ne´cessaire d’une histoire de la religion, et qui sont ne´anmoins e´trange`res a` nos recherches. . . . . . . . . Chapitre IX. Des pre´cautions que la nature de nos recherches nous oblige de prendre. . . . . . . . . . . Livre deuxie`me DE LA FORME LA PLUS GROSSIE` RE QUE LES IDE´ ES RELIGIEUSES PUISSENT REVEˆ TIR. Chapitre Ier. Me´thode que nous suivrons dans ce livre. . . Chapitre II. De la forme que le sentiment religieux reveˆt chez les sauvages. . . . . . . . . . . . . . . . . . Chapitre III. Efforts du sentiment religieux pour s’e´lever audessus de cette forme. . . . . . . . . . . . . . . . Chapitre IV. Des ide´es d’une autre vie dans le culte des sauvages. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Chapitre V. Des erreurs dans lesquelles sont tombe´s plusieurs e´crivains, faute d’avoir remarque´ la lutte du sentiment religieux contre sa forme a` cette e´poque de la religion. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Chapitre VI. De l’influence des jongleurs dans l’e´tat sauvage. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Chapitre VII. Conse´quences de l’influence des jongleurs sur le culte des sauvages. . . . . . . . . . . . . . . . Chapitre VIII. Pourquoi nous avons cru devoir de´crire en de´tail le culte des sauvages. . . . . . . . . . . . . .

135

141 144 167

173 182

217 218 258 269

292 298 316 330

VII

Table des matie`res

Textes comple´mentaires 2. Liste ge´ne´rale de tous les mate´riaux de mon ouvrage sur la religion LISTE GE´ NE´ RALE DE TOUS LES MATE´ RIAUX DE MON OUVRAGE SUR LA RELIGION . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Texte e´tabli et pre´sente´ par Kurt Kloocke Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Liste ge´ne´rale de tous les mate´riaux de mon ouvrage sur la religion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

333 335 339

3. Plans pour la publication de l’ouvrage sur la Religion PLANS POUR LA PUBLICATION DE L’OUVRAGE SUR LA RELIGION Textes e´tablis et pre´sente´s par Kurt Kloocke Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . Plan sommaire des livres III a` VIII de De la Religion . . Version remanie´e du plan sommaire . . . . . . . . Ordre des matie`res . . . . . . . . . . . . . . . De la Religion &ca . . . . . . . . . . . . . . .

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347 355 357 358 359

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4. Prospectus pour De la Religion PROSPECTUS POUR De la Religion . . . . Textes e´tablis et pre´sente´s par Kurt Kloocke Introduction . . . . . . . . . . Prospectus . . . . . . . . . . . Prospectus pour De la Religion . . Projet de prospectus . . . . . . . Prospectus de juillet 1823 . . . .

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5. Suite d’ide´es dans le premier volume de l’ouvrage sur la Religion SUITE D’IDE´ ES DANS LE PREMIER VOLUME DE L’OUVRAGE SUR LA RELIGION . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Texte e´tabli et pre´sente´ par Kurt Kloocke Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Suite d’ide´es dans le premier volume de l’ouvrage sur la Religion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

387 389 391

VIII

Table des matie`res

6. Deux articles relatifs a` De la Religion et une re´ponse adresse´e a` un critique de l’ouvrage sur la religion

DE LA RELIGION ET UNE RE´ PONSE ` UN CRITIQUE DE L’OUVRAGE SUR LA RELIGION . . ADRESSE´ E A Textes e´tablis et pre´sente´s par Kurt Kloocke Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . A Monsieur le Re´dacteur du Constitutionnel . . . . . . To the Director of the European Review . . . . . . . . A Monsieur le Re´dacteur de la Revue Europe´enne . . . Une re´ponse adresse´e a` un critique de l’ouvrage sur la religion . . . . . . . . . . . . . . . . . . DEUX

` ARTICLES RELATIFS A

415 417 421 427 431 435

7. Carnet de notes depuis le 29 septembre 1824 . . . . . . CARNET DE NOTES DEPUIS LE 29 SEPTEMBRE 1824 Texte e´tabli et pre´sente´ par Kurt Kloocke Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Carnet de notes depuis le 29 septembre 1824 . . . . . .

437 439 447

8. Ordre de travail pour demain ORDRE DE TRAVAIL POUR DEMAIN . . . . . . . . . . . . . Texte e´tabli et pre´sente´ par Kurt Kloocke Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Ordre de travail pour demain . . . . . . . . . . . .

617 619 621

9. Instruments bibliographiques Abre´viations . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Bibliographie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Ouvrages cite´s par Constant . . . . . . . . . . . . . . .

625 627 649

10. Index Index des noms de personnes . . . . . . . . . . . . . . .

687

Table des illustrations

1. Page de titre de la premie`re e´dition de De la Religion, Paris : Bossange Pe`re, Bossanges Fre`res, Treuttel et Wurtz, Rey et Gravier, Renouard, Ponthieu, 1824 BCU, Institut Benjamin Constant . . . . . . . . . . . . . . 68 2. Premie`re page de la Liste ge´ne´rale de tous les mate´riaux de mon ouvrage sur la religion BnF, NAF 18823, fo 39ro . . . . . . . . . . . . . . . .

337

3. Une page des notes de lecture tire´es de l’ouvrage de Christoph Gottlob Meiners, Allgemeine kritische Geschichte der Religionen, re´dige´e a` Göttingen BCU, Co 3293, fo 1 . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

344

4. Plan sommaire des livres III a` VIII de De la Religion BCU, Co 3471, fo 1 . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

351

5. Version remanie´e du plan sommaire BCU, Co 3471, fo 1 . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

352

6. Plan de l’ouvrage De la Religion en 6 tomes et XII livres, fin 1823 BCU, Co 3469 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

353

7. Premie`re page du Prospectus imprime´ BCU, 1 NED 3056 Re´s. VA . . . . . . . . . . . . . . .

362

8. Quatrie`me de couverture du deuxie`me volume de De la Religion, Paris : Be´chet Aıˆne´, 1825 Collection particulie`re . . . . . . . . . . . . . . . . . .

365

9. Premie`re page de la Suite d’ide´es dans le premier volume de l’ouvrage sur la Religion BCU, Co 3269 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

388

10. Le folio 8ro du Carnet de notes depuis le 29 septembre 1824 BnF, NAF 18829, fo 8ro . . . . . . . . . . . . . . . . .

465

X

Table des illustrations

11. Le folio 33ro du Carnet de notes depuis le 29 septembre 1824 BnF, NAF 18829, fo 33ro . . . . . . . . . . . . . . . .

526

12. Liste de noms d’hommes politiques auxquels Benjamin Constant adresse son discours du 23 fe´vrier 1825 sur la «Loi d’indemnite´ pour les e´migre´s» BCU, Co 4619, fo 1 . . . . . . . . . . . . . . . . . .

616

Principes d’édition des Œuvres complètes

La présente édition a pour règle de reproduire tous les textes connus, publiés ou non, de Benjamin Constant. Elle donne, pour chacun, toutes les variantes. On a maintenu l’orthographe et la ponctuation des originaux. On a préservé la diversité des usages, selon qu’on avait affaire à un autographe de Constant ou à une copie. Dans le cas des imprimés, on n’a corrigé dans le texte, avec mention en note, que les seules fautes d’impression évidentes. Pour les manuscrits, la règle est celle du respect maximal. Les cédilles n’ont pas été rétablies. Les tildes et les traits horizontaux placés sur certaines consonnes pour en indiquer le redoublement ont été conservés. En revanche, les capitales qui apparaissent parfois, dans l’écriture de Constant, à l’intérieur des noms communs, ont été considérées comme de «grandes lettres», non comme de vraies majuscules, et ont dès lors été normalisées. Les capitales n’ont pas été rétablies en tête des noms propres, ni en tête des phrases. Elles ont été respectées à l’intérieur des noms propres (ex. «M. DeSaussure»). Les apostrophes et les traits d’union n’ont pas été rétablis. Les mots liés ont été respectés («peutetre» pour «peut-être»). On n’ajoute aucun signe de ponctuation. En cas d’absence des parenthèses ou des guillemets fermants, une note signale le fait. On a respecté les tirets longs, mais non les traits qui, souvent chez Constant, achèvent la ligne. On a respecté également les deux points employés selon l’usage ancien. Les accents circonflexes et les trémas abusifs ont été maintenus. L’italique représente les soulignés simples ; l’italique souligné les soulignés doubles. Lorsqu’il y avait doute dans l’interprétation d’une lettre, d’un accent ou d’une graphie quelconque, on a tranché en faveur de l’usage actuel. Lorsqu’il y avait hésitation entre apostrophe et accent (exemple : «l été» ou «l’eté»), ou entre l’un de ces signes et la ponctuation de la ligne précédente, on a privilégié le signe de ponctuation par rapport à l’apostrophe et à l’accent, l’apostrophe par rapport à l’accent. Les abréviations ont été résolues quand le signe n’existe pas en typographie. On explique en note celles qui feraient difficulté pour le lecteur. Les mots abrégés ont été transcrits tels quels, avec une éventuelle explication en note. Pour la sténographie, une transcription en clair vient doubler la

2

Principes d’édition

transcription en abrégé. En revanche, les terminaisons de mots simplifiées, sauf s’il s’agit d’une évidente volonté d’abréviation, ont été restituées complètement, même si les dernières lettres étaient mal formées. Les fautes de syntaxe ont été transcrites telles quelles. On a évidemment maintenu la graphie des mots grecs isolés ou des citations. Dans le texte, les crochets carrés [ ] indiquent les restitutions textuelles. ` l’intérieur d’une restitution, le point (la suite de points) indique la (les) A lettre(s) illisible(s). Dans la transcription des variantes, le mot ou le passage en cause est suivi d’un crochet carré fermant ], lui-même suivi de la variante. Si le passage en cause est relativement long, il est désigné par son début et sa fin, séparés par trois points. Les crochets pointus 〈 〉 encadrent les mots ou les passages biffés. Les barres obliques à droites / / encadrent le(s) mot(s) biffé(s) à l’intérieur d’une variante biffée. Chacun des volumes des Œuvres complètes, aussi bien dans la série Œuvres que dans la série Correspondance, est soumis à l’attention d’un réviseur désigné par le Comité directeur, dont la tâche consiste à contrôler l’adéquation du travail aux principes d’édition qui viennent d’être succinctement énoncés. On voudra bien noter que l’accord donné par ce réviseur à l’issue de son examen n’implique nullement, de sa part, une adhésion aux opinions exprimées et aux jugements portés par les collaborateurs de l’édition.

Signes, symboles, sigles et abréviations

La liste qui suit ne reprend pas certaines abréviations d’usage très général (etc., M., Mme, Mlle) ; elle ne reprend pas non plus celles qui apparaissent dans les cotes des bibliothèques, ni celles par lesquelles nous désignons les ouvrages et les périodiques souvent cités (on trouvera ces dernières dans les «Instruments bibliographiques» à la fin du volume), ni les sigles par lesquels nous désignons les manuscrits ou les éditions des textes que nous éditons (ils sont donnés à la fin des introductions, dans la section «E´tablissement du texte»).

[...] ] 〈〉 // /

? *

2

1905

a. add.

: restitutions textuelles ; le point (la suite de points) indique la (les) lettre(s) illisible(s). : signe qui, dans la transcription des variantes, suit le mot ou le passage en cause, et qui est suivi de la variante. : encadrent les mots ou les passages biffés. : encadrent le(s) mot(s) biffé(s) à l’intérieur d’une variante biffée. : indique, dans une note ou dans une variante, le retour à la ligne. : indique, dans les vers cités en note ou en variante, la limite de chaque vers ; indique, dans la description des imprimés, le retour à la ligne ; indique, dans les textes de Constant, le changement de page ou de folio de la source. : le point d’interrogation suit toute indication conjecturale. : l’astérisque, mis en exposant devant le numéro d’un folio dans la description des manuscrits, indique que le folio ainsi désigné est perdu. : un chiffre mis en exposant devant l’année de publication d’un ouvrage dans la bibliographie indique qu’il s’agit de la 2e (3e ...) édition. : autographe(s) : addition

4 AN app. attr. art. BC BCU BGE BL BnF br. chap. col. coll. corr. c. r. éd. éd. orig. édit. fasc. fo fos IBC illis. inf. interl. J.I. lac. livr. mm ms. mss n. no nos p. part. pl. pp. ro ros réimpr.

Signes, symboles, sigles et abréviations

: Archives nationales, Paris : appendice : attribué(e)(s) : article(s) : Benjamin Constant : Bibliothèque Cantonale et Universitaire, Lausanne : Bibliothèque de Genève, Genève : British Library, Londres : Bibliothèque nationale de France, Paris : broché : chapitre(s) : colonne(s) : collection : correction(s), corrigé(s), corrigée(s) : compte rendu : édition : édition originale : éditeur : fascicule(s) : folio : folios : Institut Benjamin Constant : illisible(s) : inférieur(e) : interligne : Journal intime : lacune : livraison(s) : millimètres : manuscrit : manuscrits : note(s) : numéro : numéros : page : partiellement : planche(s) : pages : recto : rectos : réimpression

Signes, symboles, sigles et abréviations

s. s.d. s.éd. s.l. s.l.n.d. sup. supp. sv. t. v. vv. vo vos vol.

: signé : sans date : sans indication de l’éditeur commercial : sans lieu : sans lieu ni date : supérieur(e) : supprimé(s), supprimée(s) : suivant(s), suivante(s) : tome(s) : vers : vers : verso : versos : volume(s)

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Chronologie

1767, 25 octobre : Naissance de Benjamin Constant à Lausanne. 1779 : Il compose Les Chevaliers. 1780-1782 : Séjours en Angleterre, en Hollande, à Lausanne, puis à Erlangen, où il fréquente l’Université. 1783-1785 : Études à l’Université d’E´dimbourg. 1785 : Séjours à Paris, à Bruxelles, à Lausanne. Mise en chantier d’un ouvrage sur le polythéisme. 1786 : Rencontre et amitié avec Mme de Charrière. 1788 : Séjour à Brunswick où il rencontre Minna von Cramm, qui deviendra sa première femme, et en 1793 Charlotte von Hardenberg, alors épouse de Wilhelm Christian von Mahrenholz. Amitié avec Jacob Mauvillon, qui imprime aux études de BC sur la religion une nouvelle orientation. 1793 : Séjour à Colombier, près de Neuchâtel, chez Mme de Charrière. 1794 : Première rencontre avec Mme de Staël. Il travaille à son ouvrage sur la religion et rédige un chapitre «D’une nouvelle espèce de rapports que les théologiens modernes voudraient introduire dans la religion», le plus ancien manuscrit connu des écrits de BC sur la religion. 1795 : BC accompagne Mme de Staël à Paris. Ils commencent à jouer un rôle politique. 1796, fin avril : BC publie sa première grande brochure politique, De la force du gouvernement actuel et de la nécessité de s’y rallier. 14 novembre : Achat du domaine d’Hérivaux, sur le territoire de la commune de Luzarches.

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Chronologie

1797 : Il publie Des réactions politiques et Des effets de la Terreur. Naissance d’Albertine de Staël. BC est nommé par le Directoire président de l’administration de la commune de Luzarches, reconnaissance de fait de sa nationalite´ française. 1798 : Rencontre et amitié avec Julie Talma. 1799, juillet : Il publie Des suites de la contre-révolution de 1660 en Angleterre. Il travaille à sa traduction de l’ouvrage de Godwin. 9 novembre : Coup d’E´tat du 18 Brumaire. 1800 : BC est membre du Tribunat, dont il sera éliminé avec d’autres opposants le 17 janvier 1802. Séjour en Suisse. Il lit, dans la traduction française de Gallois, le livre V de l’ouvrage de Filangieri, «Des lois qui concernent la religion», et rédige un long extrait des quatre premiers chapitres. 1802 : BC travaille à un traité politique intitulé Possibilité d’une constitution républicaine dans un grand pays. Ce travail sera abandonné au mois d’octobre de cette même année. Il pense peu après à la rédaction d’un ouvrage élémentaire sur la liberté. Il s’agit probablement de ce qui deviendra les Principes de politique. 22 mars : Vente d’Hérivaux. Achat des Herbages, domaine qui se trouve lui aussi sur la commune de Luzarches. BC y travaille à son traité sur la religion. Il en résulte le dossier dit «manuscrit des Herbages», partiellement conservé. 1803 : Lectures en vue de la rédaction de l’ouvrage politique. janvier : BC rédige Amélie et Germaine, abandonné le 10 avril. Il projette une Histoire de Frédéric II, jamais réalisée. mai : BC s’installe aux Herbages. 15 octobre : Mme de Staël reçoit un ordre d’exil définitif. 19 octobre : BC et Mme de Staël partent pour l’Allemagne. 26 octobre : Ils s’arrêtent à Metz où ils se lient d’amitié avec Charles de Villers, un des premiers à faire connaître la philosophie de Kant en France. Mme de Staël conçoit le projet d’écrire un ouvrage sur l’Allemagne.

Chronologie

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14 décembre 1803 : Mme de Staël arrive à Weimar. BC la rejoint quelques jours plus tard. Il y restera jusqu’en avril 1804. Rencontres avec Goethe, Schiller, Wieland, le duc de Weimar et d’autres personnages de cette petite localité. Travail soutenu à son ouvrage sur la religion. BC découvre les axiomes fondamentaux de sa théorie sur la religion. Il rédige le plan dit «plan de Weimar». Celui-ci ouvre une série de restructurations continues de l’ouvrage. 1804, 22 janvier : Début du Journal intime. BC rentre en Suisse tandis que Mme de Staël se rend à Berlin. 9 avril : Mort de Necker. BC, de retour à Lausanne depuis le 7 avril seulement, repart pour rejoindre Mme de Staël à Weimar. décembre : Départ de Mme de Staël pour l’Italie. Constant la rejoint à Lyon pour prendre congé d’elle. De retour à Paris, il retrouve Charlotte von Hardenberg, qui a épousé le vicomte du Tertre. 1805 : Passion pour Anna Lindsay. Mort de Julie Talma (mai) et de Mme de Charrière (décembre). BC travaille de janvier à juin à son ouvrage sur la religion, à Paris et aux Herbages. 1806, 4 février : Début du travail aux Principes de politique. La rédaction du texte sera interrompue à la fin de l’année. 4 septembre : Il projette Wallstein. 19 octobre : BC revoit Charlotte, dont il s’éprend et qu’il songe à épouser. 30 octobre : Il commence un roman d’où sortira Adolphe. 1807, 12 février : Constant rédige le plan d’un ouvrage intitulé «Recherches historiques sur la religion des principaux peuples de l’antiquité». Pendant l’été il poursuit la rédaction de son ouvrage, en dépit des différends avec Mme de Staël et des très nombreux déplacements entre Paris, Acosta, Dole et la Suisse. 1808, mars et avril : BC rédige le Livre verd, un cahier avec des additions à l’ouvrage sur la religion. juin : Mariage avec Charlotte à Brevans.

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Chronologie

1809 : Publication de Wallstein. juillet : Constant fait copier par Audouin un plan très développé des Recherches historiques. Celui-ci dominera la rédaction du texte dont il reste des fragments importants. La rédaction est abandonnée au moment où, en 1811, il partira pour Göttingen avec Charlotte. 1810 : Grosse perte de jeu et vente des Herbages. 1811, 17 janvier : Départ avec Charlotte pour la Suisse. 8 mai : BC fait ses adieux à Mme de Staël. 15 mai : Départ avec Charlotte pour l’Allemagne. Il reprend son Journal Intime. 18 mai : Les premières notes du Repertory, c’est-à-dire du «Répertoire de morceaux et de notes détachées sans destination fixe dans mon ouvrage sur la religion», sont rédigées. Ce recueil sera poursuivi jusqu’à l’automne 1813. Dès son installation à Göttingen, BC reprend le travail à son ouvrage avec beaucoup de courage, convaincu d’avoir trouvé «le moyen de tout concilier». 1812 : Séjour à Göttingen, où BC travaille au manuscrit qu’il appelle le Grand quarto bleu ou la Copie bleue, qui offrira une première rédaction ` une date indéterminée, après 1813 et probableachevée en 44 livres. A ment avant 1825, il fera établir par deux copistes une mise au net de ce manuscrit, les Grands Cahiers blancs. BC travaille régulièrement à la bibliothèque de l’université et rédige d’importants extraits de lecture qui constituent les matériaux de base de son futur travail. Ces dossiers comprennent environ 375 folios et beaucoup de notes éparses. Ils seront exploités systématiquement pour la rédaction de l’ouvrage imprimé. 11 février : Mort de Juste de Constant. 23 mai : Départ de Mme de Staël qui quitte Coppet pour Moscou, SaintPétersbourg, Stockholm et l’Angleterre. BC apprend la nouvelle avec inquiétude à la fin du mois. juin-décembre : Campagne de Russie et retraite de l’armée napoléonienne en déroute. 1813 : BC commence Le Siège de Soissons. L’ouvrage sera achevé en 1826.

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BC redécouvre, avec le désastre de la campagne de Russie qui laisse espérer la chute de l’Empire, sa vocation politique. Il commence la rédaction de De l’esprit de conquête et de l’usurpation et se rallie au prince royal de Suède. 1814, 30 janvier : De l’esprit de conquête et de l’usurpation est publié à Hanovre. février-avril : BC accompagne Bernadotte à Liège, puis à Bruxelles, et retourne seul à Paris, laissant Charlotte en Allemagne. 6 avril : Abdication de Napoléon. 24 mai : Publication des Réflexions sur les constitutions, la distribution des pouvoirs, et les garanties dans une monarchie constitutionnelle. 10 juillet : Publication de De la liberté des brochures, des pamphlets et des journaux. 31 août : Passion subite pour Juliette Récamier. été 1814 (?) : BC fait établir par un copiste le Registre violet avec des additions et des notes de lecture pour l’ouvrage sur la religion. 1815, 10 février : BC publie De la responsabilité des ministres. 6 mars : Débarquement de Napoléon à Golfe-Juan. 20 mars : Fuite de Louis XVIII à Gand. avril : BC rédige l’Acte additionnel. 2 juin : Il publie les Principes de politique, texte de 1815. 18 juin : Waterloo. 31 octobre : BC, toujours pris par sa passion pour Juliette Récamier et inquiet du projet de restauration politique, quitte la capitale et rejoint sa femme en Belgique. 1816, janvier-juillet : Séjour à Londres. Il commence la rédaction de son «apologie», de laquelle sortiront les Mémoires sur les Cent-Jours. juin : Il publie Adolphe. 23 juillet : Il confie les manuscrits de son ouvrage sur la religion à Nathaniel May. Départ pour Bruxelles.

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Chronologie

26 septembre 1816 : L’ordonnance du 5 septembre qui dissout la Chambre introuvable encourage BC à rentrer à Paris. Il laisse son Journal intime chez le banquier Schumacher à Bruxelles. décembre : Il relance le Mercure de France et publie, à la fin de ce mois, la brochure De la doctrine politique qui peut réunir les partis en France. 1817 : BC se fait une réputation de journaliste et d’auteur politique. 14 juillet : Mort de Mme de Staël. août : Échec à l’Académie. septembre : Échec aux élections. Publication, avec Saint-Aubin, des Annales de la Session de 1817–1818, dont la dernière livraison paraît en avril 1818. octobre : Le premier tome du Cours de politique constitutionnelle est en librairie. fin décembre : Le Mercure de France est supprimé. 1818, fin janvier : Publication de la première Lettre à M. Odillon-Barrot, avocat en la Cour de Cassation, sur l’affaire de Wilfrid Regnault, condamné à mort. début février : Fondation de la Minerve française. 6 février : Première lecture à l’Athénée royal sur la religion. mi-février : Publication de la 2 me Lettre à M. Odillon-Barrot, sur le procès de Wilfrid Regnault. 18 mars : Deuxième lecture sur la religion à l’Athénée royal. avril : BC publie Du discours de M. de Marchangy, avocat du Roi, devant le tribunal correctionnel dans la cause de M. Fiévée. 22 mai : Troisième et dernière lecture sur la religion à l’Athénée royal. La suite annoncée de ce cours ne se réalisera pas. 25 juin : Il se blesse au genou dans le jardin de Mme Davillier. juillet : Publication de De l’appel en calomnie de M. le marquis de Blosseville contre M. Wilfrid Regnault. BC intervient dans l’affaire Lainé avec la Lettre à M. Odillon-Barrot, sur le procès de Lainé, entraîné au crime de fausse monnaie par un agent de la gendarmerie et condamné à mort.

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octobre 1818 : Échec électoral. 30 novembre : Début de la correspondance entre BC et Charles Goyet de la Sarthe. 2 décembre : BC prononce à l’Athénée royal l’Éloge de Sir Samuel Romilly. C’est la première lecture de son cours sur la constitution anglaise qui se terminera en juin 1819. 1819, février : De la liberté des anciens comparée à celle des modernes. mars : Le tome III du Cours de politique constitutionnelle paraît en librairie. 25 mars : Élu député de la Sarthe, BC intervient fréquemment dans les débats de la Chambre. Son premier discours sera Sur le projet de loi relatif à la répression des délits de la presse. début juin : Prospectus de La Renommée. 21 août : Il publie dans La Minerve un important article sur la traite des noirs. C’est le début d’une longue campagne contre l’esclavage. début septembre : La première des Lettres sur les Cent-Jours est publiée dans La Minerve. fin octobre : BC défend dans La Renommée la «Société des amis de la Presse». 29 novembre : Réouverture de la Chambre. 1820, janvier à juillet : BC déploie une activité considérable à la Chambre des députés, où il prend plus de quarante fois la parole. 23 janvier : BC publie dans La Minerve une réponse à un article de Chateaubriand paru dans Le Conservateur. 13 février : Assassinat du duc de Berry à l’Opéra. 20 février : Le ministère Richelieu succède à celui de Decazes, forcé de démissionner. mars : Dépôt légal du premier volume des Mémoires sur les Cent-Jours. 7 mars : Discours Sur la loi d’exception contre la liberté individuelle. 23–30 mars : Discours Sur la loi d’exception contre la liberté de la presse. 27 mars : Suppression de La Minerve.

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20 mai 1820 : Publication de la brochure Des motifs qui ont dicté le nouveau projet de loi sur les élections. juin : Suppression de La Renommée qui sera remplacée un mois plus tard par Le Courrier français. mi-juillet : BC distribue à la Chambre les Éclaircissements sur quelques faits, adressés à MM. les membres de la Chambre des députés pour protester contre la saisie de lettres adressées à Charles Goyet. L’affaire donnera lieu à un procès qui se terminera en mars 1821. 15 juillet : Fin de la session de 1820. BC loue une maison de campagne à Montmorency pour s’y reposer. septembre : BC a accepté d’écrire un «Commentaire» sur l’ouvrage de Filangieri, dont la traduction française de Gallois sera rééditée. 20 septembre : BC publie une brochure électorale, De la dissolution de la Chambre des députés et des résultats que cette dissolution peut avoir pour la nation, le gouvernement et le ministère. 20 septembre – début octobre : Voyage dans la Sarthe, avec Charlotte, pour prendre contact avec ses électeurs. 7–8 octobre : Graves incidents à Saumur. Des officiers de cavalerie menacent d’assommer BC. 19 octobre : BC publie la brochure Lettre à M. le marquis de LatourMaubourg, ministre de la Guerre, sur ce qui s’est passé à Saumur les 7 et 8 octobre 1820. novembre : Élections partielles pour le renouvellement de la Chambre. Les royalistes emportent 198 sièges sur 220. décembre : Chambre des députés, ouverture de la session de 1821. 1821 : BC travaille, depuis plusieurs mois déjà, à un manuscrit sur la religion, dit «Copie à chiffres romains». Entre le 13 février 1820 et le 22 mai 1821, BC rédige une brochure, De la charte constitutionnelle, telle que le ministère de 1820 l’a faite. Cette brochure est annoncée mais ne sera pas publiée. début mars : BC a un nouvel accident à la jambe en quittant la tribune. Il ne pourra assister aux débats pendant un mois environ.

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BC est cité devant la cour d’Assises dans le procès de Sauquaire-Souligné et de Goyet. Grands discours de BC devant la Chambre : Sur l’interdiction de la parole, par suite de rappel à l’ordre et à la question. 19 mai 1821 : Discours Sur une pétition relative à l’influence du clergé catholique sur l’éducation des protestants. Mort de Camille Jordan. BC publie un article nécrologique dans le Courrier français du 22 mai. 27 juin : Audacieux discours Contre la traite des noirs. BC semble avoir repris le travail à son Commentaire sur l’ouvrage de Filangieri. Les manuscrits fragmentaires permettent de dire que la discussion sur l’esclavage conduit BC à élargir la mouture précédente du texte qui n’en parlait probablement pas encore. 7 juillet : Discours de BC Sur la censure des journaux. 31 juillet : Clôture de la Chambre. BC est fatigué et découragé. septembre : BC reprend le travail à son ouvrage sur la religion. 15 octobre : BC s’installe 17, rue d’Anjou St. Honoré, où il reste jusqu’en janvier 1823. Il change alors de maison, passant au numéro 15, qu’il a acheté et où il reste jusqu’à sa mort. novembre : BC travaille à la seconde partie des Mémoires sur les CentJours qui paraîtront finalement en 1822. Le travail à son Commentaire sur l’ouvrage de Filangieri se poursuit. 5 novembre : Reprise des séances de la Chambre des Députés. Villèle devient président du Conseil des ministres. 1822, 19 janvier : La première partie du Commentaire sur l’ouvrage de Filangieri paraît en librairie. juin : Mgr Frayssinous est nommé Grand-Maître de l’Université. juillet : Le deuxième tome des Mémoires sur les Cent-Jours paraît en librairie. été : Travail à la quatrième partie du Commentaire sur l’ouvrage de Filangieri, qui comprend un important chapitre sur la religion. 13 novembre : Échec aux élections de la Sarthe. BC se sent découragé, mais aussi libéré d’une lourde charge.

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1823, 6 et 13 février : BC est condamné en appel dans ses procès (affaires Mangin et Carrère) et doit payer 2000 frs d’amendes. mars : Il reprend, dans l’espoir de pouvoir publier enfin son ouvrage, le travail au Polythéisme et rédige des plans pour une publication ainsi que des ébauches de prospectus. Un grand nombre des notes du Repertory est intégré au premier tome. juillet : Publication d’un prospectus qui donne le titre définitif : De la Religion considérée dans sa source, ses formes et ses développements. août : Signature d’un contrat de publication avec Bossange frères et Ponthieu. septembre : Fin de la guerre d’Espagne menée par la France pour la défense de Ferdinand VII et contre laquelle BC s’est élevé dans la presse. décembre : Dissolution de la Chambre. BC se porte candidat a` Paris. 1824, mars : BC est élu député de Paris. à partir de mars : Publication de plusieurs comptes rendus, souvent anonymes, de l’ouvrage De la Religion dans la presse. 30 mars : Dépôt légal du premier tome de De la Religion. avril : Dernier voyage en Suisse à la recherche de papiers relatifs à sa descendance maternelle pour répondre aux contestations quant à sa nationalité française. 29 mai : Le premier tome de De la Religion paraît en librairie. BC rédige à partir du texte publié une «Suite d’idées» très détaillée de l’ouvrage, qui permet une orientation rapide dans le texte. 25 juin : BC publie un article sur le tome Constitutionnel.

I

de De la Religion dans Le

été : BC travaille à la rédaction finale de la quatrième partie de son Commentaire sur l’ouvrage de Filangieri. 16 août : Les parties 2 à 4 du Commentaire paraissent avec un retard considérable. août : BC publie un article sur De la Religion dans la Revue européenne. Cet article avait déjà été publié en anglais dans la European Review le mois précédent.

Chronologie

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16 septembre 1824 : Mort de Louis XVIII et avènement de Charles X. 29 septembre : BC commence son Carnet de notes, un journal de travail qu’il tiendra jusqu’au 4 août 1827. 4 et 6 octobre : Le journaliste Jean-Philibert Damiron publie un compte rendu élogieux de De la Religion dans Le Globe. novembre : BC tombe sérieusement malade. 1825 : BC travaille au tome II de De la Religion, en même temps qu’il remplit sa tâche de député. 25 avril : Il publie dans l’Encyclopédie moderne l’article «Christianisme», repris d’abord dans Le Globe (7, 10 et 12 mai), puis dans les Mélanges de littérature et de politique sous le titre «Des causes humaines qui ont concouru à l’établissement du christianisme». septembre : BC publie un Appel aux nations chrétiennes en faveur des Grecs. 10 octobre : De la Religion, tome II, sort en librairie. 1826 : Activité parlementaire, nombreux discours à la Chambre, articles et travail assidu à la préparation du tome III de De la Religion. janvier-février : Le baron d’Eckstein fait paraître deux grands articles sur les premier et deuxième volumes de De la Religion dans Le Catholique. mars : BC projette de publier une réponse à la réfutation de sa doctrine par le baron d’Eckstein. 26 juin : BC publie dans l’Encyclopédie progressive l’article «Religion», qui sera repris dans les Mélanges de littérature et de politique sous le titre «Du développement progressif des idées religieuses». Cet article sera condamné par le Saint-Office. été-fin de l’année : BC travaille à l’ouvrage sur la religion jusqu’à la réouverture de la Chambre en décembre 1826. 1827, 17 juin : Le tome I de De la Religion est condamné par la Congrégation de l’Index du Saint-Siège. Le «Bando» est affiché le 15 septembre aux portes des églises principales de Rome. juillet : BC publie le premier tome de ses Discours à la Chambre des députés. août : De la Religion, tome

III,

paraît en librairie. Voyage en Alsace.

18

Chronologie

15–17 novembre 1827 : BC est élu à la fois à Paris et dans le Bas-Rhin. Il opte pour l’Alsace. 18 décembre : Il commence son Registre universel, un grand cahier qui nous renseigne sur son travail, sa bibliothèque, sa fortune, ses correspondances et la société qu’il fréquente. 1828, février : Le deuxième tome de ses Discours sort en librairie. septembre : Voyage en Alsace. Il dicte ses Mémoires à Coulmann. 1829, juin : Publication des Mélanges de littérature et de politique. août : Voyage triomphal en Alsace. octobre : BC publie ses «Réflexions sur la tragédie» dans la Revue de Paris, tome VII. 1830, février : Le premier des trois articles «Souvenirs historiques à l’occasion de l’ouvrage de M. Bignon» paraît dans la Revue de Paris. 21 mars : Dissolution de la Chambre. juin : Réélection à la Chambre. juillet : Les deux derniers articles des «Souvenirs historiques à l’occasion de l’ouvrage de M. Bignon» paraissent dans la Revue de Paris. juillet : De la Religion, tome IV, est composé pour la publication, mais le tirage est retardé par les événements politiques. 24 juillet : Publication des quatre ordonnances qui décrètent la suspension de la liberté de la presse, la dissolution de la Chambre, la modification du règlement des élections et la convocation des collèges électoraux pour la mi-septembre. 27–29 juillet : Révolution de Juillet. 29 juillet : La Fayette invite BC, qui se trouve à la campagne, à retourner à Paris. 30 juillet : Il rédige avec Sébastiani une déclaration en faveur de LouisPhilippe. août-octobre : BC prend une part très active (15 discours et interventions) aux délibérations de la Chambre. 27 août : Il est nommé Président de section au Conseil d’E´tat.

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Chronologie

octobre 1830 : Il est élu député de Strasbourg. Échec à l’Académie française. 19 novembre : Dernier discours de BC à la Chambre. novembre : Il corrige les épreuves du tome

V

de De la Religion.

8 décembre : Il meurt à Paris. 12 décembre : Funérailles grandioses. 1831, 6 avril : Parution des tomes

IV

et

V

de De la Religion.

1833, 10 avril : Publication de Du Polythéisme romain, édition établie par Jacques Matter.

Introduction générale au tome

XVII

Ce volume contient le tome I de De la Religion. Nous reproduisons le texte de l’édition de Paris de 1824, avec, dans l’apparat critique, les variantes de la deuxième édition de 1826. Nous ne mentionnons pas les variantes de l’édition de 1830, car elles sont identiques à celles de 1826, les nouveaux éditeurs, Pichon et Didier, utilisant les cahiers de Leroux, Chantpie et Béchet, leurs prédécesseurs de 1826, en se contentant de composer de nouvelles pages de titre. Nous n’avons pas tenu compte des deux éditions parues à Bruxelles en 1825. La première, celle de Mat, est une édition non autorisée ; l’autre, celle de Tarlier, n’a pas été surveillée par Constant, ce qui enlève à ce texte toute autorité pour l’établissement de notre texte. Nous reproduisons le texte de Constant fidèlement, respectant notamment sa façon de rédiger les notes : les noms des auteurs sont imprimés en petites capitales et les titres des ouvrages ne sont pas mis en italique. La longueur des notes de Constant et les développements nécessairement détaillés de nos notes explicatives pour éclaircir une matière fort complexe nous ont parfois empêchés d’ajouter une traduction française aux citations en langue étrangère. Nous croyons pourtant que les contextes respectifs de ces citations fournissent suffisamment d’éléments pour la compréhension des passages en cause. Nous ne possédons pas de manuscrits pour le texte du tome premier. Aucune page qui témoignerait du travail de rédaction, aucune page du manuscrit livré à l’imprimeur ne subsiste. Cela nous empêche d’analyser le travail de rédaction à cet ouvrage qui se montre, pour ainsi dire, tout accompli devant son public. Or, nous savons que le travail de rédaction était la grande affaire de l’année 1823. Mais nous sommes dans l’impossibilité, en l’état actuel de nos connaissances, d’en esquisser les étapes précédentes bien qu’on rencontre des traces de ce travail dans beaucoup de manuscrits conservés. La documentation exhaustive de ce travail sera publiée dans le tome XVI des Œuvres complètes. Les textes complémentaires que nous ajoutons au présent volume permettent de préciser quelques aspects importants du travail de Constant. Le premier document offre la liste des matériaux pour l’ouvrage sur la religion. Il s’agit d’un inventaire précieux et en principe exhaustif des dossiers qu’il a constitués au cours de ses recherches. Il nous permet de nous orienter dans la masse décourageante des manuscrits et des notes de travail et de préciser ainsi un nombre considérable des explications que nous donnons dans les notes au bas des pages. Le second document reproduit des plans de tout

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Introduction générale

l’ouvrage couchés sur papier peu de temps avant la rédaction du tome premier. Le troisième dossier contient les projets du prospectus qui ont survécu et le texte du prospectus publié. Le quatrième document est une espèce de répertoire détaillé du contenu du premier tome. Une fois cet ouvrage imprimé, Constant rédige ce qu’il appelle une «suite d’idées dans le premier volume». Les entrées numérotées de ce manuscrit très soigné devaient sans doute lui servir à faciliter le travail aux volumes suivants et à calmer sa crainte des redites. Le cinquième dossier est consacré aux deux articles que Constant publie en 1824, le premier dans le Constitutionnel, le second dans les périodiques fondés par Alexander Walker, la European Review (en anglais) ainsi que dans la Revue Européenne (en français), en ` cela s’ajoute un texte fragmenréponse aux critiques qu’on lui adresse. A taire, ébauche d’une réponse à une publication critique non identifiée. Les deux derniers documents concernent le travail de rédaction à partir du tome II de De la Religion, établissant ainsi le lien avec les volumes suivants de notre édition. Le Carnet de notes, un document de travail particulièrement difficile à décrypter, nous permet de suivre, parfois jour par jour, les lectures de Constant, les réflexions herméneutiques et méthodologiques qui l’inquiètent, les empêchements dûs aux circonstances de tous les jours, et à son travail de député. Il nous est possible de suivre, comme dans un journal intime, ses rapports avec d’autres gens et d’apprendre les noms de beaucoup de personnes importantes ou, au contraire, entièrement inconnues, qu’il fréquente au cours des dernières années de sa vie. L’ouvrage sur la religion est ainsi replacé, dans une certaine mesure du moins, dans l’existence de celui qui le rédige. Comme tous les volumes des Œuvres complètes de Benjamin Constant, celui-ci est aussi le résultat d’un travail d’équipe. Waltraud Goller-Bertram, Moritz Geisel et Stefan Jux ont dans une large mesure assuré la saisie du texte imprimé, le collationnement et les corrections de l’ouvrage, si nous ne nous en sommes pas chargés nous-mêmes. Laura Wilfinger a surveillé l’uniformité de la rédaction des notes explicatives et élaboré les instruments bibliographiques. Paul Delbouille et Martine Willems ont assuré la relecture du manuscrit du Carnet de travail. Lisa Azorin s’est chargée de la relecture du volume achevé. La révision a été assurée par Giovanni Paoletti (Università di Pisa). Nous avons fait appel pour la rédaction de certaines notes explicatives à nos collègues Ernst August Schmidt, Johannes Brachtendorf, Hans Reinhard Seeliger, Nestor Kavvadas (Universität Tübingen), Wolfgang Wischmeyer (Universität Wien), Klaus Winkler (Universität Bonn), Paul Schubert (Université de Genève) et Li-Yuan Ou, M. A. (National Taiwan University). Que tous trouvent ici l’expression de nos remerciements. Nous exprimons également notre reconnaissance à l’Institute for the Arts and Humanistic Studies de la Pennsylvania State University, ainsi qu’à la Faculté des Lettres de l’Université de Genève. K. K. et M. W.

Sources

La liste qui suit regroupe, en les résumant, les descriptions des sources anciennes de tous les textes contenus dans le tome XVII. Pour les manuscrits, le regroupement se fait par fonds et, à l’intérieur de ceux-ci, les mentions apparaissent dans l’ordre croissant des sigles. Pour les imprimés, la liste est unique et donne les titres dans l’ordre chronologique. Manuscrits A. Bibliothèque nationale de France (BnF) – Paris A1.

NAF 18822, fos 203–213 [E´bauche d’une réponse à un critique non identifié] 11 fiches numérotées 12–21 et 23, 135 × 105 mm, 11 pp. a. Hofmann, Catalogue, IV/114.

A2.

NAF 18823, fos 39ro–40vo Liste générale de tous les matériaux de mon ouvrage sur la religion 1 feuille de grand format, 300 × 200 mm, pliée au milieu pour former deux folios, 3 pp. a. Hofmann, Catalogue, IV/94.

A3.

NAF 18823, fos 41–42 Prospectus 1 feuille de grand format, 340 × 220 mm, pliée au milieu, 4 pp. a. Hofmann, Catalogue, IV/92.

A4.

NAF 18823, fos 43ro–48vo Prospectus 3 feuilles de grand format, 320 × 205 mm, pliées au milieu et emboîtées pour former un cahier de 205 × 160 mm, 3 pp. a. Hofmann, Catalogue, IV/93.

A5.

NAF 18823, fos 41–42 [Carnet de notes depuis le 29 septembre 1824] 1 carnet de 8 cahiers, 170 × 105 mm, 80 fos, 160 pp. a. Hofmann, Catalogue, IV/125.

B. Bibliothèque cantonale et universitaire (BCU) – Lausanne B1.

Co 3268 [Prospectus pour les volumes de De la Religion]

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Sources

8 fos de 300 × 195 mm, 1 p. a., le reste de la main d’un copiste. Hofmann, Catalogue, IV/88. B2.

Co 3269 Suite d’idées dans le premier volume de l’ouvrage sur la religion 1 cahier de 16 fos, 28 pp. a. Hofmann, Catalogue, IV/95.

B3.

Co 3469 De la Religion &ca 1 fo de 190 × 155 mm, 1 p. a. Hofmann, Catalogue, IV/86.

B4.

Co 3485 Ordre de travail pour demain 1 fo de 205 × 160 mm, 1 p. a. Hofmann, Catalogue, IV/105.

B5.

Co 3491 [Petit carnet de notes sur la religion] 14 fos de 155 × 110 mm, 14 p. a. Hofmann, Catalogue, II/31.

B6.

Co 4619 [Liste de noms d’hommes politiques] 1 fo de 200 × 130 mm, 1 p. a. Hofmann, Catalogue, IV/11.

B7.

Co 4722vo Ordre des matières 1 fo de 175 × 125 mm, 1 p. a. Au recto, un morceau de texte d’un livre X de l’ouvrage sur la religion. Hofmann, Catalogue, IV/75.

B8.

Co 4723 et Co 4382 [E´bauche d’une réponse à un critique non identifié] 11 fiches numérotées 2, 4–11, 22 et 24, 135 × 105 mm, 11 pp. a. Hofmann, Catalogue, IV/107 et IV/58.

Imprimés 1.

Juillet 1823. [ligne ondulée] DE LA RELIGION, CONSIDE´ RE´ E DANS SA SOURCE, SES FORMES ET SES DE´VELOPPE MENTS. PAR M. BENJAMIN CONSTANT. [ligne ornementale enflée] PROSPECTUS [ligne ornementale enflée].

Sources

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8o (213 × 134 mm). 4 pp. Courtney, Bibliography, 58. Courtney, Guide, A58. 2.

DE LA RELIGION, CONSIDE´RE´E DANS SA SOURCE, SES FORMES ET SES DE´VELOPPEMENTS. PAR M. BENJAMIN CONSTANT. [deux lignes d’une citation grecque] (PLATON, Timée.) TOME PREMIER. [ligne ornementale enflée] PARIS, BOSSANGE PE`RE, BOSSANGE FRE`RES, TREUTTEL ET WURTZ, REY ET GRAVIER, RENOUARD, PONTHIEU. [petit filet ornemental] 1824. 8o (215 × 135 mm). XLIV – 370 pp. Courtney, Bibliography, 58a(1). Courtney, Guide, A58/1, (1).

3.

«A Monsieur le Rédacteur du Constitutionnel» Le Constitutionnel, no 177, 25 juin 1824, pp. 3b–4b. Courtney, Guide, D365.

4.

«To the Director of the European Review» European Review, July 1824, pp. 322–324. Courtney, Guide, D367.

5.

«A Monsieur le Rédacteur de la Revue Européenne» Revue Européenne, août 1824, pp. 306–308. Courtney, Guide, D368.

6.

DE LA RELIGION, CONSIDE´RE´E DANS SA SOURCE, SES FORMES ET SES DE´VELOPPEMENTS. PAR M. BENJAMIN CONSTANT. [deux lignes d’une citation grecque] (PLATON, Timée.) DEUXIE`ME ÉDITION [tiret] TOME PREMIER. [armes de l’éditeur] PARIS, A. LEROUX ET C. CHANTPIE, ÉDITEURS. BE´CHET AINE´, LIBRAIRE, PALAIS-ROYAL, GALERIE DE BOIS, NOS 263–264. [petit filet ornemental] 1826. 8o (205 × 127 mm). XL – 352 pp. Courtney, Bibliography, 58d(1). Courtney, Guide, A58/4, (1). DE LA RELIGION, CONSIDE´RE´E DANS SA SOURCE, SES FORMES ET SES DE´VELOPPEMENTS. PAR M. BENJAMIN CONSTANT. [deux lignes d’une citation grecque] (PLATON, Timée.) TOME PREMIER. [petite ligne ornementale enflée] PA RIS, CHEZ PICHON ET DIDIER, ÉDITEURS, RUE DES

7.

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Sources

GRANDS-AUGUSTINS, No 47. [petit filet ornemental] 1830. 8o (210 × 131 mm). XL – 352 pp. Courtney, Bibliography, 58e(1). Courtney, Guide, A58/5, (1).

De la Religion, considérée dans sa source, ses formes et ses développements 1824

Introduction1

Au-delà des Lumières et du romantisme : l’impulsion libérale de l’ouvrage de Constant sur la religion Benjamin Constant consacra plus de quarante années de sa vie à son grand ouvrage sur la religion. C’est à partir de 1824 seulement que l’ouvrage parut en cinq volumes sous le titre De la Religion, considérée dans sa source, ses formes et ses développements. Les deux derniers volumes sortirent en avril 1831, presque quatre mois après la mort de l’auteur. Deux volumes sur le polythéisme romain qui devaient former la suite de l’ouvrage parurent en 1833, sous la direction de Jacques Matter2. Ces sept volumes finalement publiés ne forment certes pas, comme le souligne Pierre Deguise, un traité d’histoire des religions3, si l’on entend par ce terme la discipline académique qui s’établit dans le dernier tiers du e XIX siècle, parallèlement à la discipline de l’ethnologie. Pourtant, comme on le verra par la suite, le livre de Constant, s’il reste tributaire de l’histoire anthropologique universaliste du XVIIIe siècle, anticipe a` bien des égards non seulement le comparatisme de la science historique des religions et

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Dans plusieurs sections de la présente Introduction, nous avons repris en les retravaillant des parties de nos deux articles suivants : Markus Winkler, «Théorie et esthétique du sentiment religieux chez Benjamin Constant», Dénouement des Lumières et invention romantique. Actes du Colloque de Genève, textes réunis par Giovanni Bardazzi et Alain Grosrichard, Genève : Droz, 2003 (Histoire des idées et critique littéraire, 407), pp. 353–367 ; «Les fonctions de l’écriture du voyage dans le livre de Constant sur la religion», Il Gruppo di Coppet e il viaggio. Liberalismo e conoscenza dell’Europa tra Sette e Ottocento (Atti del VII Convengo di Coppet, Firenze, 6–9 marzo 2002), a cura di Maurizio Bossi, Anne Hofmann e François Rosset, Firenze : Leo S. Olschki, 2006, pp. 171–184. Voir Courtney, Bibliography, pp. 125–142 (no 58 : De la Religion) et pp. 147–150 (no 63 : Du Polythéisme romain). Pour un résumé de l’histoire de l’ouvrage, voir Étienne Hofmann, «Histoire de l’ouvrage», dans Benjamin Constant, De la Religion. Texte intégral présenté par Tzvetan Todorov et Étienne Hofmann, Arles : Actes Sud, 1999, pp. 1111–1122. Comme le signale Hofmann, les deux volumes posthumes sur le polythéisme romain ne correspondent probablement pas à ce que Constant aurait voulu faire (p. 1121). Voir Pierre Deguise, Introduction au t. II de De la Religion ; OCBC, Œuvres, t. XVIII, p. 29. Sur la naissance de l’histoire des religions en tant que discipline académique, voir Philippe Borgeaud, Aux origines de l’histoire des religions, Paris : Seuil, 2004.

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l’émancipation de cette discipline de la théologie, mais aussi certains de ses courants majeurs, avant tout l’approche ethno-anthropologique évolutionniste et l’approche phénoménologique du fait religieux. Mais avant d’expliquer la méthode, les fondements et tendances scientifiques de l’ouvrage de Constant, resté longtemps méconnu, il convient de faire ressortir l’impulsion libérale qui lui donna naissance et à laquelle obéirent ses modifications successives. Deux autocritiques de l’auteur sont révélatrices à cet égard. La première figure dans Ma vie, autobiographie fragmentaire que Constant rédigea entre 1811 et 1812. Il y constate que les débuts de ses recherches sur la religion remontent à 1785, quand, à l’âge de 18 ans, il conçut le projet d’écrire une histoire du polythéisme : «Je n’avais alors», admet-il, «aucune des Connoissances nécessaires pour écrire quatre lignes raisonnables sur un tel sujet. nourri des principes de la philosophie du 18e siècle et surtout des ouvrages d’Helvétius, je n’avais d’autre pensée que de contribuer pour ma part à la Destruction de ce que j’appelais les préjugés1». Les modifications que subit ce projet initial débutèrent lorsque, durant les étapes de son séjour à Brunswick entre 1788 et 1794, Constant prit connaissance des Lumières allemandes, marquées par l’héritage protestant, et elles se poursuivirent à partir de ses séjours à Weimar en 1804 et à Göttingen entre 1811 et 18132. Or il ne faut pas confondre l’impact incontestable qu’eurent les travaux des théologiens, critiques, historiens et philosophes allemands sur le projet de Constant avec les raisons profondes qui le poussèrent à prendre ses distances par rapport à la philosophie irréligieuse du XVIIIe siècle. C’est ce que révèle la seconde autocritique de Constant qu’il convient de citer ici. Elle figure dans une lettre à Claude Hochet datant de 1811 également. Constant y imagine ce qui serait advenu de son projet, s’il n’en avait pas changé la tendance irréligieuse : «[...] j’en aurais fait ce qu’on aimerait le mieux à présent, un systême d’athéisme pour les gens comme il faut, un manifeste contre les prêtres, et le tout combiné avec l’aveu qu’il faut pour le peuple de certaines fables, aveu qui satisfait à la fois le pouvoir et la vanité3». Cette moquerie vise l’utilisation impie, par Napoléon, de la religion à des fins poli1 2

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OCBC, Œuvres, t. III/1, p. 314. Pour l’interprétation de ce passage, voir Kurt Kloocke, Biographie, p. 21. Sur les changements que subit le projet initial, voir notamment les ouvrages suivants : Pierre Deguise, Benjamin Constant méconnu, Genève : Droz, 1966 ; Patrice Thompson, Les écrits de Benjamin Constant sur la religion. Essai de liste chronologique, préface et révision par Pierre Deguise, avec la collaboration de Boris Anelli, Paris : H. Champion, 1998. Sur BC et les Lumières allemandes, voir Kurt Kloocke, «Le concept de la liberté religieuse de Benjamin Constant», ABC, 10, 1989, pp. 25–39. OCBC, Correspondance générale, t. VIII, p. 372 (Lettre du 11 octobre 1811 à Claude Hochet).

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tiques, mais en même temps, elle vise ceux parmi les ‘philosophes’ du XVIIIe siècle, qui, tout en manifestant des tendances irréligieuses, voire athées, niaient qu’une société d’athées puisse exister, comme Pierre Bayle l’avait affirmé, et insistaient par conséquent sur l’utilité politique de la religion. En effet, mainte page des grands écrivains comme Voltaire, Montesquieu et Rousseau pointe dans cette direction1. Et dans son traite´ De l’homme, Helvétius ne considère-t-il pas la possibilité de réunir les «puissances spirituelle et temporelle [...] dans les mains des magistrats» et de faire des prêtres des fonctionnaires2 ? Constant ne méconnaît nullement l’impulsion libérale à laquelle de tels projets obéissaient aussi longtemps que le pouvoir politique du clergé en tant qu’ordre privilégié de l’Ancien Régime subsistait, et il ne blâme pas – dans le genre du «c’est la faute à Voltaire», «c’est la faute à Rousseau» (pour reprendre les termes du refrain d’une chanson populaire immortalisée par le Gavroche de Victor Hugo dans Les Misérables) – les ‘philosophes’ des abus de leurs idées qui eurent lieu après la chute de l’Ancien Régime. Mais il finit par interpréter ces abus comme la manifestation de ce que, de nos jours, dans le sillage de Horkheimer et Adorno, on a coutume d’appeler la dialectique des Lumières. Dès 1797, dans un pamphlet intitule´ Des réactions politiques, il met en garde contre la possibilité que «les lumières perverties ramèneraient toutes les idées qu’elles-mêmes avaient détruites3». Et vingt-cinq ans plus tard, dans son Commentaire sur l’ouvrage de Filangieri, il observe que les Lumières en tant que processus de sécularisation n’amènent pas nécessairement des structures politiques visant à garantir la liberté de l’individu : «Qu’importe que les prétentions spirituelles [c’est-àdire les privilèges et le pouvoir politique du clergé] aient plié sous l’autorité politique, si cette autorité se fait de la religion un instrument et agit ainsi contre la liberté avec une double force ?4» Ayant été témoin de l’instrumentalisation cynique de la religion par Napoléon, héritier par excellence des ‘philosophes’ irréligieux, Constant procède à une révision pragmatique de leurs idées et de son propre projet de livre sur la religion. Ainsi, en 1824, dans le volume qu’on a sous les yeux, il écrit : «Nous détestons le pouvoir intolérant [c’est-à-dire l’E´glise en tant qu’ordre privilégié], mais nous craignons un peu le pouvoir philosophe5». 1

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Voir Markus Winkler, «Irréligiosité et utilisation de la religion à des fins politiques : deux tendances des Lumières révisées par Benjamin Constant», ABC, 10, 1989, pp. 41–64, ici pp. 44–49. Helvétius, Œuvres complètes, Paris : P. Didot l’aîné, 1795, t. VII, pp. 105–106 (De l’Homme, I, 14). OCBC, Œuvres, t. I, p. 473. OCBC, Œuvres, t. XXVI, p. 125. Rel. I, p. 150 ; voir ci-dessous, p. 171. Voir aussi Rel. I, pp. 113–115 (ci-dessous pp. 150151), la réfutation systématique de l’axiome de l’utilité de la religion.

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Il est évident que cette révision ne le fait passer ni dans le camp des défenseurs plus ou moins réactionnaires du catholicisme, tels La Mennais, de Maistre ou Chateaubriand1, ni dans celui des mythologues romantiques comme Schelling, Creuzer et Görres, qu’il appelle d’ailleurs les ‘nouveaux platoniciens allemands’2, parce qu’ils avaient en commun le but de ramener le polythéisme à un monothéisme primitif, dont le polythéisme ne serait qu’une défiguration (‘Entstellung’) ou expression symbolique3. Constant soupçonne ces penseurs allemands de travailler à leur tour, ne serait-ce qu’involontairement, à la restauration du pouvoir politique de l’E´glise catholique, à savoir d’un régime intolérant4. C’est que dans leur souci de réhabilitation de la mythologie, ils doivent attribuer à celle-ci un symbolisme mystérieux, dont l’institution du sacerdoce aurait de tout temps été le seul dépositaire. Il est donc clair que la mise en garde par Constant contre l’utilisation de la religion à des fins politiques ne concerne pas seulement le machiavélisme de la politique napoléonienne, mais aussi le projet romantique qui consiste à restaurer une vision mythique du monde. Ce projet fut formulé par les romantiques allemands, le mythe étant selon eux un récit religieux collectif qui, contrairement à la science, exprime de manière symbolique et sanctionne la totalité du monde ; d’où leur nostalgie d’une mythologie politique, c’est-à-dire d’une tradition de récits religieux qui garantiraient et sanctionneraient l’ordre social en lui attribuant une origine sacrée. Tout comme les idées que les ‘philosophes’ et leurs héritiers se faisaient de l’utilité de la religion, le projet romantique d’une mythologie politique – ‘nouvelle’ ou non – est dicté par un souci d’unité, voire de totalité sociale5. ` maintes reprises, Constant relève l’alliance secrète de ces deux camps A apparemment opposés. Citons en exemple un passage de son journal intime, qui fait écho à une conversation qui eut lieu à Coppet entre lui-même, 1

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Voir la polémique contre La Mennais dans Rel. I, pp. 45–46, note, et pp. 65–82, note ; cidessous, p. 109 et pp. 125–134. Quant à Chateaubriand, les remarques le concernant qui figurent dans Rel. (I, pp. 114–115, note ; pp. 165–166, note ; voir ci-dessous, pp. 150–151 et 182–183, et Rel. III, p. 355, note) se caractérisent par une certaine retenue ; par contre, le 4 février 1804, dans son journal intime, BC qualifie sans ambages Le Génie du Christianisme d’«absurde» (OCBC, Œuvres, t. VI, p. 60, n. 2). – Pour ce qui est de Joseph de Maistre, voir Rel. IV, pp. 232–234, note ; Rel. V, pp. 195–196, note. Voir les Journaux intimes, OCBC, Œuvres, t. VI, p. 128 (J.I., 17 mai 1804). Voir Rel. I, pp. 135–140 (ci-dessous, pp. 164–165), où BC se réfère à Creuzer et Görres. Sur les théories romantiques de la mythologie et la place qu’y occupe la ‘Entstellung’ en tant que notion tributaire du platonisme, voir M. Winkler, Mythisches Denken zwischen Romantik und Realismus. Zur Erfahrung kultureller Fremdheit im Werk Heinrich Heines, Tübingen : Niemeyer, 1995 (Studien zur deutschen Literatur, 138), pp. 31–35. Voir p. ex. OCBC, Œuvres, t. VI, p. 52 (J.I., 27 janvier 1804), pp. 79–80 (4 mars 1804), p. 87 (15 mars 1804). Voir M. Winkler, «De la fatalité des Anciens aux préjugés sociaux des Modernes. La présence du mythe chez August Wilhelm Schlegel, Madame de Staël et Benjamin Constant», ABC, 15–16, 1994 (Le Groupe de Coppet et l’Europe. Actes du Colloque de Tübingen), pp. 199–216.

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Johannes von Müller et August Wilhelm Schlegel : «Müller est reparti pour Berlin, un peu dégrisé je crois, par les paradoxes que Schlegel nous a débités devant lui pendant son séjour ici, de son commencement d’engouement pour cette nouvelle philosophie allemande, qui, sans s’en apercevoir, professe en politique et en religion tous les infâmes principes de nos Journalistes français, dont elle se croit si différente. Geoffroy ou tel autre Gueux n’auroit pas pu parler autrement que Schlegel sur la liberté et le Catholicisme, il y a quelques jours1». Ainsi, s’inscrivant en faux contre toute utilisation de la religion à des fins politiques, voire contre tout mélange de religion et de politique, Constant met le doigt sur ce que les philosophes des Lumières et les romantiques allemands ont en commun : ils méconnaissent tous deux ce qu’il appelle la liberté des modernes, qui est fondamentalement différente de celle des anciens, dans la mesure où elle repose sur la division de la société civile et de l’E´tat. Cette division découle des «progrès de la civilisation2» et correspond aux différenciations par lesquelles procède la science contrairement au mythe (cette analyse relève évidemment d’une transposition sur le plan politique de la Querelle des anciens et des modernes). Par conséquent, Constant souligne dans ses Principes de politique publiés en 1815 : «Il y a [...] une partie de l’existence humaine qui, de nécessité, reste individuelle et indépendante et qui est de droit hors de toute compétence sociale. La souveraineté n’existe que d’une manière limitée et relative. Au point où commence l’indépendance et l’existence individuelle, s’arrête la juridiction de cette souveraineté3». La religion étant du ressort de l’existence individuelle, Constant compte la liberté religieuse parmi les droits individuels, tout comme la liberté d’opinion et de la presse, la jouissance de la propriéte´ et la liberté d’industrie4. De la sorte, il radicalise l’impulsion libérale des Lumières en établissant un rapport direct entre la liberté religieuse et la liberté individuelle garantie par la liberté politique qui n’est rien d’autre que la souveraineté limitée du peuple. Étant donnée cette division qui caractérise la liberté chez les modernes, Constant dit à l’égard de leur culture intellectuelle : «toute idée collective est toujours une idée 1 2

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OCBC, Œuvres, t. VI, pp. 153–154 (J.I., 27 juin 1804). Julien-Louis Geoffroy (1743–1814) était critique littéraire et dramatique du Journal des Débats. Expression qui revient souvent sous la plume de BC : voir p. ex. les Principes de politique, OCBC, Œuvres, t. V, pp. 617, 619. Sur la définition de la liberté des modernes chez BC et son rapport avec la Querelle des anciens et des modernes, voir M. Winkler, «La distinction entre les anciens et les modernes chez Constant, Schiller et Frédéric Schlegel», Études de Lettres. Bulletin de la Faculté des Lettres de l’Université de Lausanne, série IV, 4, 1981, pp. 59–84. OCBC, Œuvres, t. IX/2, p. 681. Voir OCBC, Œuvres, t. IX/2, p. 686.

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fausse1». L’E´tat, insiste-t-il, ne peut ni ne doit maintenir un corps de doctrine ; son rôle ne peut être défini que de manière négative : «[...] je ne propose que des choses négatives», dit-il dans une note manuscrite2. Tirant de la sorte des conséquences radicales d’un libéralisme qui, ancré dans les Lumières, les dépasse, il n’en reconnaît pas moins, comme le font en Allemagne les théologiens des Lumières et les mythologues romantiques, que la religion découle de besoins irréductibles et indestructibles de l’homme, qu’elle est donc une donnée anthropologique fondamentale. Mais suivant ses propres principes, il doit localiser cette donnée dans la partie individuelle de l’existence humaine. Ainsi, il note dans son journal intime en 1805 qu’il a bien son «coin de religion». Mais, ajoute-t-il, «il est tout en sentiment, en émotions vagues : il ne peut se réduire en systême3». D’où une première difficulté à laquelle sa théorie de la religion doit faire face : étant donnée la division moderne entre l’individuel et le collectif, quel est le lien entre la religion en tant que sentiment intime et la religion en tant que système de croyances et communauté institutionnalisée de croyants, c’est-à-dire église ou religion ‘positive’ ? La deuxième difficulté résulte de la première : comment défendre, contre l’irréligion des ‘philosophes’, le ‘coin de religion’ en tant qu’expérience individuelle irréductible, sans trahir cette expérience, c’est-à-dire sans la présenter comme un sentiment collectif qui fonde une communauté de croyants, en d’autres termes, sans donner dans le piège du mythe dont Constant par ailleurs n’a de cesse de montrer le caractère obsolète4 ? La troisième difficulté tient à la définition politique de l’existence individuelle chez les modernes, existence qui, comme nous l’avons vu, inclut les fondements de l’économie capitaliste libérale. Cette parenté au moins juridique entre le sentiment religieux d’une part et l’appétit du gain d’autre part n’implique-t-elle pas qu’à l’origine, toute religion est dictée par des besoins matériels, ce qu’avaient d’ailleurs suggéré des penseurs irréligieux comme David Hume ou le baron d’Holbach5 ? 1 2 3 4

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OCBC, Œuvres, t. IV, p. 690. Il s’agit d’une «Addition» au ch. VI, 1 du traité Sur la possibilité d’une constitution républicaine dans un grand pays. Principes de politique, OCBC, Œuvres, t. V, p. 830. OCBC, Œuvres, t. VI, p. 330 (J.I., 19 février 1805). Voir M. Winkler, «Décadence actuelle». Benjamin Constants Kritik der französischen Aufklärung, Frankfurt am Main : Peter Lang, 1984, p. 275. Sur le mythe en tant que facteur d’une communauté, voir Ernst Cassirer, Philosophie der symbolischen Formen, t. II : Das mythische Denken, Darmstadt : Wissenschaftliche Buchgesellschaft, 81987, p. 212 ; Manfred Frank, Der kommende Gott. Vorlesungen über die Neue Mythologie. I. Teil, Frankfurt am Main : Suhrkamp, 1981, p. 111. Constant qualifie de «très indigne de la gravité du sujet» (Rel. I, p. 122 ; ci-dessous, p. 155) la théorie de Hume, selon laquelle les idées religieuses devaient leur origine aux «incessant hopes and fears, which actuate the human mind», c’est-à-dire aux «ordinary affections of human life ; the anxious concern for happiness, the dread of future misery, the terror of death, the thirst of revenge, the appetite for food and other necessaries» (David Hume : The

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La méthode et les fondements ‘conjecturaux’ de l’anthropologie religieuse de Constant Soulignons d’abord que pour répondre à ces questions, Constant se sert d’une méthode et d’hypothèses que lui lègue l’histoire anthropologique des Lumières, mais qu’il en fait un usage qui dépasse celle-ci. Par le terme d’histoire anthropologique, on a récemment désigné le projet, essentiel aux Lumières, qui consiste à déduire la nature immuable de l’homme (perspective synchronique) de l’histoire culturelle de l’humanité (perspective diachronique) et vice-versa1. La méthode de l’histoire anthropologique est donc caractérisée par l’union de positions opposées de la Querelle des anciens et des modernes, a` savoir du relativisme historique du parti des anciens et du postulat, formulé par les modernes, de la nature immuable de l’être humain2. Quand Constant tente de définir le type de recherche scientifique auquel son ouvrage appartient, il se rend compte que la méthode qu’il va suivre sera celle de l’histoire anthropologique. Il ne s’agira pas, assure-t-il, d’une histoire des religions, mais de la religion «dans son essence» ; toujours est-il que la théorie de cette essence ne pourra pas faire abstraction de l’histoire : «Il n’y a [...] dans la religion, comme dans l’idée de la Divinité, rien d’historique, quant au fond ; mais tout est historique dans les développements3». D’un point de vue épistémologique, l’histoire anthropologique se fonde sur des hypothèses que l’on peut qualifier de ‘conjectures’4, pour reprendre un concept clé de l’école écossaise des Lumières. Parmi ces conjectures figure en premier lieu l’analogie de l’ontogénèse (du développement de l’individu) et de la phylogénèse (du développement de l’humanité). L’histoire anthropologique établit par conséquent un lien entre les dispositions et facultés ‘naturelles’ de l’être humain d’une part et l’histoire culturelle de l’humanité d’autre part : à l’enfance de l’individu correspondent la perception sensuelle, le fétichisme comme forme de religion primitive et l’état sauvage comme forme de subsistance et d’organisation sociale ; à la jeunesse correspondent l’imagination, la mythologie polythéiste et l’état ‘bar-

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Natural History of Religion and Dialogues Concerning Natural Religion, edited by A. Wayne Colver and John Vladimir Price, Oxford : Clarendon Press, 1976, pp. 31–32). Quant au Système de la nature de d’Holbach, voir le fameux passage dans Rel. I, p. 11 ; ci-dessous, pp. 92–93. Voir Lucas Marco Gisi, Einbildungskraft und Mythologie. Die Verschränkung von Anthropologie und Geschichte im 18. Jahrhundert, Berlin et New York : De Gruyter, 2007 (Komparatistische Studien, 11), p. 4. Voir L. M. Gisi, Einbildungskraft, p. 15. Rel. I, p. 216, note ; voir ci-dessous, p. 213. Voir L. M. Gisi, Einbildungskraft, pp. 5, 321–334, et Werner Petermann, Die Geschichte der Ethnologie, Wuppertal : Peter Hammer, 2004, pp. 236–253.

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bare’ ; et à l’âge adulte sont associés la raison, le monothéisme (ou la philosophie) et l’état civilisé1. L’analogie de l’ontogénèse et de la phylogénèse fournit ainsi un cadre à l’idée, si chère à Constant, de la perfectibilité de l’espèce humaine. Il n’est donc pas étonnant que Constant reprenne cette analogie et quelques-unes de ses implications, p. ex. la correspondance entre l’enfance de l’individu et l’état sauvage de l’humanité («[l]e Sauvage raisonne comme l’enfant», dit-il2) ainsi que la distinction entre l’état sauvage, l’état barbare (qui aux yeux de Constant se manifeste entre autres dans le polythéisme homérique), et l’état civilisé3. Cette distinction fut reprise dans la seconde moitié du XIXe siècle par le courant évolutionniste de l’ethnologie et de l’histoire comparée des religions4. Constant dépasse pourtant, et de loin, l’histoire anthropologique des Lumières en y ajoutant une conjecture qui, à ses yeux, est seule susceptible de rendre compte tant de l’«essence» universelle et atemporelle de la religion que de la pluralité des religions et de leur l’histoire. Il s’agit de la distinction entre le «sentiment religieux», qui est à la fois individuel et universel, et la «forme religieuse», qui est collective et en même temps relative, dans la mesure où chaque forme concrète reflète des données historiques, culturelles et institutionnelles variables. Pour comprendre le sens et la portée de cette distinction, il faut être attentif à la sémantique complexe des concepts de sentiment et de forme. Dans De la Religion, le substantif sentiment signifie la «connaissance intuitive», la «capacite´ de sentir, d’apprécier un ordre de choses, une valeur morale, esthétique, etc.5» et pas seulement, comme c’est le cas aujourd’hui dans l’usage courant, une «tendance affective assez stable et durable, moins violente que l’émotion ou la passion6» ; tout comme la connaissance et l’intuition, l’émotion est incluse dans le concept constantien du sentiment ` cette sémantique complexe correspond la place qu’occupe le religieux. A sentiment religieux dans la réflexion anthropologique de Constant. Il est en effet la condition de possibilité de la distinction entre l’être humain et le reste des êtres vivants : le sentiment religieux, dit Constant, est la «loi fondamentale» de la «nature» de l’homme7. Bien que Constant renvoie à Montesquieu pour expliquer ce qu’il entend ici par «loi», on ne peut méconnaître l’affinité entre sa réflexion sur le sentiment religieux et la réflexion transcendantale de Kant. En effet, le sentiment religieux se distingue par l’autonomie que Kant attribue à la raison pratique pure : comme 1 2 3 4 5 6 7

Voir L. M. Gisi, Einbildungskraft, pp. 8, 438, 445. Rel. I, p. 227 ; voir ci-dessous, p. 220. Voir Rel. I, p. 3 (ci-dessous, p. 87) ; Rel. II, p. 5 (OCBC, Œuvres, t. XVIII, p. 58) ; Rel. pp. 277–281 ; Rel. IV, pp. 346–354, 443 ; Rel. V, p. 181. Voir W. Petermann, Geschichte der Ethnologie, pp. 478, 483–486, 742. Grand Robert, entrée «sentiment». Grand Robert, entrée «sentiment». Rel. I, p. 3 ; voir ci-dessous, p. 87.

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celle-ci chez Kant, le sentiment religieux ne peut selon Constant être ramené ni à d’autres facultés ou dispositions de l’homme, ni à ses besoins matériels, ni aux circonstances matérielles ou climatiques de son existence. Mais contrairement à la raison pratique pure, il est essentiellement intuition individuelle, comme l’affirme également et dès 1799 le théologien et philosophe allemand Schleiermacher dans ses Reden über die Religion (Discours sur la religion)1. Toute individuelle qu’elle soit, cette intuition autonome a une dynamique sublime dans la mesure où elle transcende l’individu pour rejoindre une collectivité idéale et universelle. Mais avant de présenter la manière dont Constant évoque ce sublime du sentiment religieux, il nous faut nous arrêter à la sémantique non moins complexe du concept constantien de «forme» religieuse et au rapport conflictuel entre le sentiment et la forme. Sous la plume de Constant, le substantif forme signifie non seulement l’extérieur, le dehors et l’aspect visible de la religion, mais aussi ses «contours considérés d’un point de vue esthétique2». Ainsi, Constant qualifie la religion des sauvages de «forme la plus grossière que les idées religieuses puissent revêtir» (c’est le titre du Livre II de l’ouvrage3), et il assimile souvent à une ‘épuration’ le perfectionnement progressif que marque la succession ‘naturelle’ des formes religieuses4. L’idée que se fait Constant de l’hétéronomie de la forme contribue également à la complexité sémantique du concept : la forme, soutient-il, dépend à la fois du sentiment ainsi que de deux autres facteurs, l’un pratique, à savoir l’intérêt personnel, l’autre théorique, à savoir l’intelligence, c’est-à-dire le savoir ; tous deux sont étroitement liés aux «progrès de l’état social5». Enfin, l’ambiguïté du statut du concept de forme contribue, elle aussi, à la complexite´ du concept de la forme. Au niveau de la réflexion anthropolo1

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Voir Friedrich Daniel Ernst Schleiermacher, Kritische Gesamtausgabe, Erste Abteilung : Schriften und Entwürfe, t. II : Schriften aus der Berliner Zeit 1796–1799, hrsg. von Günter Meckenstock, Berlin et New York : De Gruyter, 1984, p. 211 : «Ihr Wesen ist weder Denken noch Handeln, sondern Anschauung und Gefühl». Il est étonnant que Constant, si proche de Schleiermacher, ne le cite pas ; voir à ce sujet Kloocke, Biographie, p. 136. On consultera sur cette question très complexe les études suivantes : K. Kloocke, «Transfert d’une culture à l’autre : La pensée religieuse de Jacob Mauvillon et son influence sur Benjamin Constant», Französische Kultur – Aufklärung in Preußen, hrsg. von Martin Fontius und Jean Mondot, Berlin : Berlin Verlag, 2001, pp. 243–252. – «Benjamin Constant et l’Allemagne. Individualité – Religion – Politique», ABC, 27, 2003, pp. 127–171. – «L’idée de l’individualité dans les écrits politiques de Benjamin Constant», ABC, 29, 2005, pp. 143158. – «Benjamin Constant et l’Allemagne», Œuvres et critiques, t. XXXIII/1, 2008, pp. 19– 38. – «Wissenschaft und Wissenschaftstheorie. Constants Blick auf Deutschland», Germaine de Staël und ihr erstes deutsches Publikum, hrsg. von Gerhard R. Kaiser und Olaf Müller, Heidelberg : Winter, 2008, pp. 115–130. Voir aussi ci-dessous, p. 197, n. 1. Grand Robert, entrée «forme». Rel. I, p. 219 ; voir ci-dessous, p. 215. Voir p. ex. Rel. I, pp. 45, 58, 82, 355–356 (ci-dessous, pp. 109, 118, 134, 323–324) ; Rel. IV, pp. 201–207, 346. Voir Rel. IV, p. 345 (voir l’ensemble de ce chapitre, Rel. IV, pp. 345–353) ; voir aussi Rel. I, pp. 245–265 (ci-dessous, pp. 237–255); Rel. V, p. 205.

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gique, la forme, tout comme le sentiment, s’avère être un facteur essentiel (bien qu’hétéronome) de toute religion. Au niveau de la recherche historique et du jugement esthétique par contre, l’usage du pluriel «les formes» renvoie aux religions concrètes (‘positives’) et à leurs modifications successives. La complexité des concepts de sentiment et de forme se manifeste dans la manière dont Constant décrit leur rapport conflictuel. Le sentiment religieux, écrit-il, «naît du besoin que l’homme éprouve de se mettre en communication avec les puissances invisibles», alors que la forme religieuse «naît du besoin qu’il éprouve également de rendre réguliers et permanents les moyens de communication qu’il croit avoir découverts1». Constant admet que, du point de vue empirique, le sentiment «n’existe jamais sans une forme quelconque». Il ajoute néanmoins qu’on peut «le concevoir indépendamment de toute forme, en écartant tout ce qui varie, [...] et en rassemblant tout ce qui reste immuable2». Il faut donc comprendre chaque religion particulière comme la concrétisation de l’opposition entre le sentiment et la forme, qui, quant à eux, relèvent chacun d’un ‘besoin’, c’est-à-dire d’une donnée anthropologique fondamentale. Précisons qu’à ce niveau de réflexion philosophique, qui dépasse celui de l’histoire anthropologique des Lumières en ce qu’il annonce l’approche phénoménologique de la religion, l’opposition entre le sentiment et la forme s’avère être «l’invariant qui demeure identique à travers toutes les variations3». Il s’agit donc, aux yeux de Constant, de l’essence non seulement de toute religion, mais aussi de l’histoire des religions et «institutions religieuses4». La preuve en est que l’histoire des religions traduit l’opposition du sentiment et de la forme. La forme n’obéit pas seulement à l’impulsion du sentiment : elle est également déterminée par l’égoïsme en tant qu’intérêt personnel et par l’intelligence, toujours plus ou moins bornée, relative à une époque de l’histoire culturelle5. Or le sentiment, «cet élan vers l’inconnu, vers l’infini6» ou, pour citer la formule synonyme de Schleiermacher, «intuition de l’universel7», se heurte aux limites que ces deux autres éléments constitutifs de la forme imposent à celle-ci. Par conséquent, le sentiment doit, métaphoriquement parlant, «briser» la forme concrète, plus ou moins ‘grossière’, qu’il a prise à un moment donné de l’histoire religieuse8 ; d’où le ‘développement’ (plus tard, on parlera d’‘évolution’) de la religion, à savoir le triomphe des ‘croyances naissantes’ sur les ‘croyances ancien1 2 3 4 5 6 7 8

Rel. I, p. 40 (ci-dessous, p. 106) et pp. 219–220 (ci-dessous, p. 217). Rel. I, p. 37 ; voir ci-dessous, p. 105. Jean-François Lyotard, La phénoménologie, Paris : PUF, 131999 (Que sais-je, 625), p. 12. Rel. I, p. 25 ; voir ci-dessous, p. 99. Voir Rel. I, pp. 244–267 ; ci-dessous, pp. 237–257. Rel. I, p. 35 ; voir ci-dessous, p. 104. «Anschauen will sie das Universum» (F. Schleiermacher, KGA, I, t. II, p. 211). Rel. I, p. 48 ; voir ci-dessous, p. 111.

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nes’1, malgré la résistance que le côté ‘stationnaire’ et dogmatique de toute forme établie de la religion oppose au changement. Or cette résistance et l’intérêt personnel qui la corrobore sont exploités, dans la plupart des religions, par le sacerdoce, qui, en fixant les croyances et pratiques religieuses et en faisant de la religion un instrument de domination politique, lui imprime «une marche qu’elle n’aurait pas suivie naturellement2». Constant propose donc une typologie binaire des religions : il faut, soutient-il, distinguer entre d’une part les religions sacerdotales, et d’autre part les religions sur lesquelles le sacerdoce, c’est-à-dire la corporation de prêtres, a eu peu d’influence. Le «principe stationnaire», autrement dit, l’esprit de système répressif, «pèse» sur les unes, alors que le «principe de perfectionnement» «préside» aux autres3. Dans les volumes suivants de l’ouvrage, l’hypothèse d’une typologie binaire des religions est vérifiée par l’intermédiaire d’une étude des religions anciennes (pour des raisons qui tiennent aux circonstances de la publication de l’ouvrage, l’espace de temps parcouru par Constant s’arrête au seuil du polythéisme romain4). Appliquée au corpus de ces religions, la typologie binaire revêt la forme d’une opposition fondamentale entre d’une part les religions polythéistes scandinave et orientales (en particulier égyptienne, perse, indienne, et chinoise), toutes dépendantes du sacerdoce, et d’autre part la religion grecque, seul exemple de polythéisme resté libre de la domination du sacerdoce. Contrairement à Montesquieu et à d’autres représentants de l’histoire anthropologique des Lumières, Constant considère le climat comme une ‘cause’ tout au plus secondaire de la différence entre les deux formes de polythéisme5. Selon lui, ce sont plutôt certaines formes de savoir nécessaires a` la subsistance de certains peuples (Constant mentionne en premier lieu l’astronomie, produit de l’astrolâtrie, et les connaissances liées au culte des éléments) qui favorisent la naissance des corporations de prêtres. En effet, celles-ci veillent sur l’acquisition, la conservation et l’augmentation du savoir en question, dont la masse du peuple reste exclue ; de la sorte, le sacerdoce empêche que la forme religieuse se développe librement6. Toutefois, Constant semble en général convaincu que l’influence corruptrice des 1 2 3 4 5

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Rel. I, pp. 95–100 ; voir ci-dessous, pp. 141–143. Rel. I, p. 210 ; voir ci-dessous, p. 210. Rel. I, p. 213 ; voir ci-dessous, p. 211. Voir ci-dessous, pp. 40–41 et p. 55, n. 9, les remarques d’E´tienne Hofmann à ce sujet. Voir Rel. II, pp. 4–24, 132–155 ; OCBC, Œuvres, t. XVIII, pp. 58–68, 126–136. L’argument essentiel est contenu dans l’observation suivante : «Le sacerdoce a été revêtu d’une autorité sans limites dans tous les climats» (Rel. II, p. 14 ; OCBC, Œuvres, t. XVIII, p. 63). Sur la place importante qu’occupe la théorie du climat dans l’histoire anthropologique, voir L. M. Gisi, Einbildungskraft, pp. 85–114 ; W. Petermann, Geschichte der Ethnologie, pp. 188– 196. Voir Rel. II, pp. 25–46 ; OCBC, Œuvres, t. XVIII, pp. 69–80. L’antipathie que BC éprouve pour toutes les ‘castes sacerdotales’ s’exprime tout au long de l’ouvrage et le conduit à pos-

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entraves que le sacerdoce tente d’imposer au perfectionnement de la forme religieuse n’est que passagère1. Dans l’ensemble, la succession des formes religieuses particulières doit être comprise comme une évolution, qui renvoie à la loi de la perfectibilité ou «faculté progressive», autre «loi de la nature de l’homme» dont le sentiment religieux est étroitement solidaire2. «L’espèce humaine», ajoute Constant dans la conclusion de son ouvrage, «n’a aucun principe plus cher et plus précieux à défendre3». Quant aux Grecs, la place privilégiée que Constant leur accorde dans son système – «seuls entre tous les peuples, ils furent libres de la puissance des prêtres4» – reflète sans doute en partie son goût, maintes fois exprimé, pour les études classiques5. Constant ne partage pourtant pas le culte enthousiaste et exclusif que Winckelmann et ses successeurs néo-humanistes vouent à la Grèce classique. Au contraire, il démythifie celle-ci en mettant en lumière le lien entre la perfection de ses productions esthétiques et l’institution de l’esclavage6. C’est ce relativisme qui lui permet non seulement d’élargir l’horizon de ses recherches au-delà de la mythologie classique7, mais aussi d’inclure dans son concept de religion le fétichisme et le totémisme des peuples dits ‘sauvages’. Ainsi, comme nous le verrons plus loin, l’étude des polythéismes est précédée, dans le premier volume de l’ouvrage, par celle de la religion des ‘sauvages’. En outre, ce même relativisme empêche Constant d’insérer dans son livre la partie réservée au polythéisme romain et à sa décadence. La raison en est que la décadence du polythéisme romain entraîna l’avènement du théisme chrétien, sujet dont Constant peut parler sur un ton plutôt évocateur dans le Livre I de son ouvrage8, mais qu’il ne peut plus développer après 1825, sous le règne du roi Charles X, sans risquer de voir son ouvrage saisi. Le point de vue relativiste de Constant n’implique-t-il pas «que le christianisme, s’il est venu à son heure et s’il a

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tuler non seulement le perfectionnement des dogmes religieux, auquel le sacerdoce s’oppose par nécessité, mais aussi la disparition des rites et pratiques, à mesure que l’anthropomorphisme qui leur a donné naissance disparaît lui-même (voir Rel. V, pp. 200–201). Ce postulat présente des traces du courant protestant appelé piétisme, mais il est également motivé par une revendication de justice sociale (voir Rel. V, pp. 196–197). Voir p. ex. Rel. I, p. 139 ; ci-dessous, p. 166. Rel. V, p. 200 ; Rel. I, pp. 84–94 (ci-dessous, pp. 135–140). Rel. V, p. 202. Rel. II, OCBC, Œuvres, t. XVIII, (p. 206, n. 1) : Deguise souligne que la thèse de BC n’est pas infondée : «Il est reconnu aujourd’hui que, dans la société grecque, du moins athénienne, il n’y avait pas de clergé, le culte étant essentiellement local, mais seulement des prêtres attachés à différents sanctuaires, parfois seulement pour un an, et qui n’enseignaient aucun dogme». Voir p. ex. les passages du journal intime de 1804 que Deguise cite dans son Introduction au t. II, OCBC, Œuvres, t. XVIII, p. 34. Voir Rel. IV, pp. 453–454. Constant va donc au-delà du classicisme des recherches sur le mythe qui, comme l’observe Gerhart von Graevenitz (Mythos. Zur Geschichte einer Denkgewohnheit, Stuttgart : Metzler, 1987, pp. X-XI), prédomine encore dans des travaux récents. Voir plus loin, p. 42 de notre Introduction.

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été un progrès manifeste dans l’histoire de l’humanité, n’en reste pas moins qu’une étape, destinée à être remplacée à son tour par une forme encore plus épurée1» ? Revenons maintenant a` la question formulée plus haut : la distinction entre le sentiment et la forme permet-elle d’expliquer le rapport entre l’aspect individuel et l’aspect collectif de la religion ? Sans aucun doute pour autant que Constant interprète ce rapport comme un conflit qui relève de ‘besoins’ opposés à l’intérieur de l’homme et dont l’histoire des religions montre les traces. Or, chaque fois qu’il évoque ce conflit, Constant attribue au sentiment et à la forme des qualités autres que celles qui seraient conformes à l’opposition, d’inspiration libérale, entre l’individuel et le collectif, le personnel et le général (comme nous l’avons vu, cette opposition découle de sa définition de la liberté chez les modernes). Le sentiment religieux, dit-il, «triomphe» de tous les intérêts personnels, car il est la force qui nous pousse à chercher «une correspondance mystérieuse avec un monde et des êtres invisibles2». Il faut en conclure que ce sentiment, s’il est bien individuel, va en même temps à l’encontre de l’individu ; il est la «tendance» qui «nous pousse [...] hors de nous, nous imprime un mouvement qui n’a point notre utilité pour but, et semble nous porter vers un centre inconnu, invisible, sans nulle analogie avec la vie habituelle et les intérêts journaliers3». En d’autres termes, le sentiment religieux vise à l’union intime de l’individu avec une collectivité idéale. Ainsi, il est susceptible de recréer un lien social entre les hommes après que le déchaînement de l’égoïsme par le libéralisme économique a réduit en poussière les liens traditionnels, comme nous l’apprend la «Préface» de De la Religion4. Par contre, la forme religieuse apparemment collective devient, dans les religions sacerdotales, dépositaire d’intérêts personnels, de sentiments égoïstes ; c’est donc une fausse collectivité, un système mensonger5. Ainsi, le discours constantien sur la religion finit par défaire la simple opposition d’inspiration libérale entre l’individuel et le collectif. Que cette opposition ne cadre pas avec celle entre le sentiment religieux et la forme religieuse n’est pourtant pas révélé par son discours théorique sur la religion, mais par une autre forme de discours, également présent dans De la Religion. Il s’agit d’un discours plutôt évocateur, qu’on peut appeler esthétique au sens large et double du 1

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É. Hofmann, «Histoire de l’ouvrage», p. 1116. Voir aussi P. Deguise, BC méconnu, pp. 222226, et, dans l’Introduction au t. II de De la Religion, les remarques de Deguise sur la manière prudente dont BC parle d’un phénomène qui sort du cadre de sa typologie binaire, à savoir le théisme de l’Ancien Testament : OCBC, Œuvres, t. XVIII, pp. 40–42, remarques qui concernent le texte de BC pp. 160–185. Rel. I, pp. 3, 19 ; voir ci-dessous, pp. 88 et 97. Rel. I, p. 32 ; voir ci-dessous, p. 103. ` ce propos, voir M. Winkler, «BenVoir Rel. I, pp. XXXVI-XXXVII (ci-dessous, pp. 80–81). A jamin Constant et la métaphore de la poussière», ABC, 4, 1984, pp. 1–15. Voir Rel. I, pp. 344–347 ; ci-dessous, pp. 316–318.

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terme : se référant aux qualités esthétiques du sentiment religieux qui sont comprises dans son essence intuitive, le discours adopte lui-même des qualités esthétiques. Du récit épique à l’évocation lyrique : l’esthétique du sentiment religieux Tout en critiquant l’anthropomorphisme de l’idée de la révélation progressive1, idée chère à Lessing, Constant, en se référant a` ce qu’il appelle «l’action» du sentiment religieux2, le personnifie et en fait le chef de file de l’humanité en quête de sa liberté. Ce processus de ‘perfectionnement’ progressif revêt, sous la plume de l’auteur, les traits d’une épopée. Ainsi, pour expliquer que «toutes les fois que les religions positives sont entièrement décréditées, l’homme se précipite dans les superstitions les plus effroyables3», Constant évoque, dans le Livre I, la situation qui se présentait à Rome à la veille de l’établissement du christianisme. Renonçant à une mise en perspective historique4, il fait le récit de l’homme irréligieux qui, «sorti vainqueur des combats qu’il a livrés, jette un regard sur le monde dépeuplé de puissances protectrices et demeure étonné de sa victoire5». L’étonnement devient désespoir qui, lui, obéit à une «loi» fondamentale : l’être humain a besoin de religion. De cette loi, Constant fait une présentation épique : «[...] une loi éternelle semble avoir voulu que la terre fût inhabitable, quand toute une génération ne croit plus qu’une puissance sage et bienfaisante veille sur les hommes. Cette terre, séparée du ciel, devient pour ses habitants une prison, et le prisonnier frappe de sa tête les murs du cachot qui le renferme. Le sentiment religieux s’agite avec frénésie sur des formes brisées, parce qu’une forme lui manque que l’intelligence perfectionnée puisse admettre6». C’est, poursuit Constant, l’apparition du christianisme qui remédie à ce manque : «Le sentiment religieux s’empare de cette forme épurée ; sa portion vague, mélancolique et touchante y trouve un asile7». Ce genre de récit (qui, en l’occurrence, s’étend sur plusieurs pages), loin de se présenter comme fiction, est au contraire mythifiant : premièrement, parce qu’il assume la fonction de fonder (et non seulement d’illustrer) la validité de la «loi» en question, loi qui relève de l’anthropologie de la religion, c’est-à-dire d’une forme de savoir scientifique ; et deu1 2 3 4 5 6 7

Voir Rel. I, pp. 130–135 ; ci-dessous, pp. 160–164. Voir p. ex. Rel. I, p. 244 ; ci-dessous p. 237. Voir aussi la remarque sur la «Providence» que BC insère dans la conclusion de son ouvrage (Rel. V, pp. 203–204). Rel. I, p. 50 ; voir ci-dessous, p. 112. Il s’agit là d’un trait caractéristique de toute mythification de phénomènes non-mythiques, comme l’a souligné p. ex. Roland Barthes (Mythologies, Paris : Seuil, 1957, p. 260). Rel. I, p. 56 ; voir ci-dessous, p. 117. Rel. I, p. 57 ; voir ci-dessous, p. 118. Rel. I, p. 58 ; voir ci-dessous, p. 118.

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xièmement, parce qu’il postule un assentiment collectif qui ne se base ni sur des procédures de vérification scientifique, ni sur un débat public, mais sur l’imitation d’un récit collectif. De la sorte, la narration suggère que la collectivité existe déjà, alors qu’en réalité, elle vise à la faire naître grâce à ses propres qualités esthétiques, tels le rythme des phrases, leurs images et leur rhétorique. Pourtant, Constant insiste sur l’opposition progressive du sentiment religieux à toute forme de contrainte sociale, ce qui implique qu’il ne peut être réconcilié avec le mythe, obsolète chez les modernes. Par conséquent, et comme nous l’avons déjà vu, il s’inscrit en faux contre le recours romantique au mythe comme moyen de restaurer la totalité de la collectivité. Le discours mythifiant de Constant sur le sentiment religieux risque donc de trahir son propre objet. Cette aporie reproduit la difficulté que nous avons dégagée plus haut dans le discours théorique de Constant sur le sentiment religieux : comment concevoir le lien entre le sentiment religieux, par définition individuel, libre et autonome, et la forme religieuse, par définition collective, et dont tout croyant a également besoin ? Constant trouve pourtant une réponse convaincante chaque fois que, renonçant au récit quasi épique, il évoque de manière quasi lyrique le sublime du sentiment religieux comme intuition de l’infini. La différence entre les deux tendances, la quasi épique et la quasi lyrique, est illustrée par le contraste entre deux passages déjà cités : l’un fait partie du récit de l’avènement du christianisme, l’autre, en identifiant le sentiment religieux à la «tendance» qui «nous pousse [...] hors de nous», rappelle le sublime au sens kantien du terme (le terme de sublime revient d’ailleurs souvent sous la plume de Constant1). Comme le beau, dit Kant, le sublime plaît «sans intérêt» («ohne alles Interesse») et «sans qu’intervienne le moindre concept d’une finalité» («Begriff von einem Zwecke»), mais à la différence du beau, il plaît «immédiatement par la résistance qu’il oppose à l’intérêt des sens» («gegen das Interesse der Sinne»)2, paradoxe qui renvoie à la nature double de l’homme : quand l’individu contemple des images de l’infini qui évoquent l’échec de ses facultés cognitives ou vitales, telles la mer agitée et menaçante ou l’immensité du ciel, il éprouve une forme de plaisir non-égoïste, parce que cet échec lui fait sentir de manière indirecte qu’il y a en lui une dimension spirituelle et morale qui dépasse les bornes de 1

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Voir (pour ne citer que les deux premiers livres de De la Religion) Rel. I, pp. 73, 100, 132, 175, 191, 301, 312, 343, 366 ; voir ci-dessous, pp. 130, 143, 161, 187, 198, 285, 293, 316, 330. Voir Rel. IV, p. 206 ; Rel. V, pp. 205–206. Immanuel Kant, Kants Werke. Akademie-Textausgabe, Berlin : De Gruyter, 1968, t. V, pp. 267 et 270 (Kritik der Urteilskraft, «Allgemeine Anmerkung zur Exposition der ästhetischen reflectirenden Urtheile»). Édition française : Œuvres philosophiques, Paris : Gallimard, 1985 (Pléiade), t. II, pp. 1039 et 1042.

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` son tour, Constant décrit le sublime comme une «disson individualité1. A position, qui fait de l’homme un être double et énigmatique» et qui est à l’origine des «mouvements» (‘Bewegung’, dit Kant2) qui «enlèvent» l’individu «à toutes les idées particulières et individuelles» ; «elle nous désintéresse de nos intérêts», ajoute-t-il, se servant d’ailleurs des mêmes topoi que Kant pour illustrer ce paradoxe3. Mais c’est surtout quand il passe effectivement la parole au poète que la tendance lyrique (et non pas épique) de son identification du sentiment religieux au sentiment du sublime se fait sentir. Ainsi, sur un ton enthousiaste, Constant introduit la citation d’un extrait du poème de Lord Byron intitulé The Island (1823), poème en cinq chants dans lequel le lyrisme l’emporte sur la narration (basée sur l’histoire de la mutinerie sur la Bounty), quand est peint le paysage des îles de la mer du Sud. Dans l’extrait cité par Constant, Byron parle des phénomènes de la nature qui, en suggérant l’infini, affranchissent l’individu solitaire, comme il les contemple de son individualité même : [...] They woo and clasp us to their spheres, Dissolve this clog and clod of clay before Its hour, and merge our soul in the great shore, Strip off this fond and false identity ! Who thinks of self, when gazing on the sky ?4 Ce passage, nous assure Constant, communique une idée du sentiment religieux parfaitement en accord avec la sienne. Comme les vers de Byron l’illustrent, le paradoxe auquel aboutit la description du sentiment religieux en tant que sentiment du sublime – il nous «désintéresse de nos intérêts» – reflète le conflit qui caractérise ce sentiment lui-même. C’est bien une intuition individuelle, mais celle-ci tend à la négation de l’individu, qui, quant à elle, est la condition de sa fusion dans ce que Constant appelle «un centre inconnu», Byron «the great shore», et Schleiermacher «l’universel». Il s’agit d’un ‘mouvement’ qui vise à l’union intime de l’individu avec une collectivité idéale, ‘mouvement’ qui, tout en étant momentané et individuel, voire solitaire, implique le postulat mais non pas l’existence d’un assentiment collectif. Ce dernier a pour base non pas des conventions, mais une spiritualité en désaccord avec les conventions. Ainsi se résout la troisième des difficultés que nous avons formulées plus haut : malgré sa parenté juridique avec d’autres ‘mouvements’ individuels comme l’appétit du gain, le 1

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Voir I. Kant, Kritik der Urteilskraft, §§ 25–29 (Akademie-Ausgabe, t. V, pp. 248–266). Nous simplifions à l’extrême une pensée fort complexe ; voir Jean-François Lyotard, Leçons sur l’analytique du sublime, Paris : Galilée, 1991. Voir I. Kant, Kritik der Urteilskraft, § 24 (Akademie-Ausgabe, t. V, p. ex. p. 247 ; Œuvres philosophiques, t. II, p. 1013). Rel. I, pp. 33–34, 30, 32 ; voir ci-dessous, pp. 103–104, 102, 103. Rel. I, p. 142, note ; ci-dessous, p. 167.

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sentiment religieux s’en distingue par sa dynamique complexe, voire autocontradictoire. Contre l’eurocentrisme des ethnographes : la théorie de la religion des sauvages (Livre II) Comme nous l’avons vu, héritier de l’histoire anthropologique des Lumières et en même temps phénoménologue avant la lettre, Constant veut démontrer que, pour comprendre la religion ‘dans son essence’, il faut ramener les formes religieuses, c’est-à-dire la pluralité des religions particulières et leur succession, à l’opposition entre le sentiment et la forme. Il vise cette perspective double, à savoir synchronique et diachronique à la fois, quand il souligne qu’il ne veut présenter «que des résultats, appuyés, à la vérité, sur beaucoup de faits1». Ces «faits» concrets doivent témoigner des formes religieuses et de leurs modifications successives. Quand il s’agit d’étudier les religions polythéistes anciennes, Constant les puise dans des sources écrites, parmi lesquelles des textes religieux, poétiques, philosophiques, historiques, théologiques, etc. Pour l’usage et l’interprétation de ces sources, quelle que soit leur origine et appartenance générique, il peut s’appuyer sur une tradition importante de recherche érudite2. Le problème des sources se complique par contre de manière considérable lorsqu’on a affaire à la religion des peuples dits sauvages, car la plupart des ‘faits’ relatifs à cette religion figurent dans des descriptions ethnographiques dont la fiabilité est souvent douteuse. Il s’agit d’un type de littérature du voyage qui trouve son origine dans la découverte des continents et pays extra-européens. En effet, le Livre II de l’ouvrage de Constant abonde de références à cette littérature, dont les auteurs sont des militaires, des hommes d’affaires, des navigateurs, des aventuriers de toutes sortes, mais aussi des scientifiques et des missionnaires. Ne menant pas lui-même de recherches ethnographiques sur le terrain, Constant dépend, quant aux faits, directement ou indirectement (il cite souvent de seconde main) des récits des voyageurs. La fiction ou le préjugé se mêlent souvent aux ‘faits’3, alors même que le récit est présenté comme une histoire au sens ancien de connaissances «reposant sur l’observation et la description des faits4». Tou1 2 3 4

Rel. I, p. 216 (voir ci-dessous, p. 213) et Rel. I, p. 220 (ci-dessous, p. 217). Sur l’érudition de BC, à bien des égards considérable, voir P. Deguise, l’Introduction au t. II de De la Religion (OCBC, Œuvres, t. XVIII, p. 29) et P. Deguise, BC méconnu, p. 263. Voir W. Petermann, Geschichte der Ethnologie, p. ex. pp. 73–78. Grand Robert, entrée «histoire». Bien des ‘histoires’ de ce genre figurent parmi les ouvrages cités par BC : voir les titres des ouvrages de Cavazzi, Charlevoix, Cranz, Du Tertre, Gamilla, Heckewelder, Le Gobien, Léry, Marsden, Proyard, Richard, Rochefort, Roubaud, Schwabe. Le substantif histoire correspond ici à description, relation, Beschreibung, Nachrichten, Account, etc., substantifs qui figurent dans d’autres récits de voyage cités par Constant. Pour la place qu’occupe toute cette littérature de voyage dans l’histoire de l’ethnologie, on se référera avant tout à W. Petermann, Geschichte der Ethnologie.

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jours est-il que le grand corpus des textes ethnographiques cités par Constant – il s’agit d’une centaine – inclut des ouvrages fondateurs de l’ethnologie comparée, dont le sérieux ne fait pas de doute, tel le monumental Mœurs des sauvages amériquains, comparées aux mœurs des premiers temps (1724) du père Joseph-François Lafitau1. Au problème de l’origine hétérogène et de la qualité inégale de ces textes ethnographiques s’ajoute celui de l’interprétation des faits qu’ils rapportent. Dans la perspective de l’histoire anthropologique, la religion des sauvages correspond au premier stade de l’évolution de l’humanité, stade que Constant refuse pourtant de confondre avec un quelconque état primitif de l’espèce humaine, tout comme il refuse la spéculation sur l’existence d’un peuple primitif, hypothèse chère à son époque2. Pour Constant, il s’agit avant tout de montrer que les rites et mythes des sauvages ont bien une qualité religieuse. C’est son hypothèse fondamentale de l’universalité du sentiment religieux qui le pousse à rejeter, dès le premier chapitre du premier livre de son ouvrage, l’idée que les sauvages, ou certaines peuplades sauvages, seraient sans religion3. Il met en doute la crédibilité des écrivains qui soutiennent cette idée en soulignant qu’eux-mêmes ne sont pas entrés en contact avec les sauvages ; leur idée erronée se base donc sur «le témoignage douteux de quelques voyageurs4» et reflète l’identification erronée de la notion de religion à celle de (poly-)théisme. Il est donc non seulement question de démontrer la qualité religieuse des rites et mythes des sauvages, mais aussi de respecter l’altérité culturelle de ces traditions. Constant est étonnamment sensible aux problèmes relatifs à cette altérité, comme l’atteste la note suivante : 1

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Voir W. Petermann, Geschichte der Ethnologie, pp. 180–187 ; Edna Hindie Lemay, «Introduction», dans Joseph-François Lafitau, Mœurs des sauvages américains comparées aux mœurs des premiers temps, introduction, choix des textes et notes par Edna Hindie Lemay, Paris : F. Maspero, 1983, 2 vol., t. I, pp. 5–38, ici p. 21. Voir Rel. I, pp. 153–157, 161 ; ci-dessous, pp. 173–177, 180. Avant BC, c’est surtout Herder qui, dans ses Ideen zur Philosophie der Geschichte der Menschheit, souligne l’universalité de la religion : «Religion endlich, so verschieden ihre Hülle sei ; auch unter dem ärmsten, rohesten Volk am Rande der Erde finden sich ihre Spuren. Der Grönländer und Kamtschadale, der Feuerländer und Papu hat Äußerungen von ihr, wie seine Sagen oder Gebräuche zeigen» (Johann Gottfried Herder, Werke in zehn Bänden, t. VI : Ideen zur Philosophie der Geschichte der Menschheit, hrsg. von Martin Bollacher, Frankfurt am Main : Deutscher Klassiker Verlag, 1989, p. 372). BC était un lecteur critique, par moments aussi enthousiaste, des Ideen de Herder, comme l’attestent son journal intime de 1804 à 1805 (voir OCBC, Œuvres, t. VI, pp. 49, 51–52, 54–62, 142, 299) et les citations de Herder qui figurent dans De la Religion. Voir à ce sujet K. Kloocke, Biographie, pp. 135–136 et «Johann Gottfried Herder et Benjamin Constant», ABC, 29, 2005, pp. 55–72. Rel. I, p. 4 ; voir ci-dessous, p. 88.

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«Chaque jour les tribus sauvages disparaissent de la terre. Les restes des hordes à demi détruites éprouvent, malgré leur répugnance, les effets du voisinage des Européens. Leurs pratiques s’adoucissent, leurs traditions s’effacent, et les voyageurs modernes retrouvent à peine quelques vestiges de ce que leurs prédécesseurs avaient raconté1». Mettons entre parenthèses la mélancolie de ce passage, qui annonce déjà la ‘fin des voyages’ que Lévi-Strauss constate dans ses Tristes tropiques2, et soulignons que l’expression «voisinage des Européens» se réfère à la fois à la colonisation des continents extra-européens et à l’écriture ethnographique : si l’une est la cause matérielle de l’effacement des traditions sauvages, l’autre risque aussi bien de les faire disparaître, dans la mesure où, eurocentrique, elle tend à les doter de significations qui leur sont étrangères. C’est un problème herméneutique qui reste indissociable de toute écriture ethnographique et donc de l’anthropologie à laquelle elle sert de base. De quelle manière Constant tente-t-il de résoudre ce problème et d’aller à l’encontre du «dédain précipité que la civilisation prodigue aux Sauvages3» ? Comme le montre le Livre II, il s’efforce avant tout de mettre en évidence la qualité religieuse sui generis de deux éléments de la religion du sauvage qu’il tend encore à mêler, à savoir le totémisme, c’est-à-dire l’organisation sociale fondée sur un animal considéré comme ancêtre et protecteur d’un clan4, et le fétichisme, notion que Constant emprunte à Charles de Brosses et qui signifie l’adoration d’objets matériels animés ou inanimés5 (depuis la publication en 1871 de la Primitive Religion d’Edward B. 1 2

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Rel. I, p. 222, note ; voir ci-dessous, p. 218. Voir Claude Lévi-Strauss, Tristes Tropiques, Paris : Plon, 1984, Première Partie : «La fin des voyages», p. 36 : «Voyages, coffrets magiques aux promesses rêveuses, vous ne livrerez plus vos trésors intacts. [...] Ce que d’abord vous nous montrez, voyages, c’est notre ordure lancée au visage de l’humanité.» Rel. I, p. 264 ; voir ci-dessous, p. 254. Ne disposant pas encore du terme de totémisme, BC parle de la «vénération du Sauvage pour les animaux» (Rel. I, p. 232 ; voir ci-dessous, p. 226). Voir Charles de Brosses, Du culte des dieux fétiches, ou parallèle de l’ancienne religion de l’E´gypte avec la religion actuelle de Nigritie, Farnborough : Gregg International Publishers, 1972 (Réimpression de l’éd. s.l. : s.éd., 1760), pp. 10–11 : «Je demande que l’on me permette de me servir habituellement de cette expression : & quoique dans la signification propre, elle se rap[p]orte en particulier à la croyance des Négres de l’Afrique, j’avertis d’avance que je compte en faire également usage en parlant de toute autre nation quelconque, chez qui les objets du culte sont des animaux, ou des êtres inanimés que l’on divinise ; même en parlant quelquefois de certains peuples pour qui les objets de cette espèce sont moins des Dieux proprement dits, que des choses douées d’une vertu divine, des oracles, des amulettes, & des talismans préservatifs : car il est assez constant que toutes ces façons de penser n’ont au fond que la même source, & que celle-ci n’est que l’accessoire d’une Religion générale répandue fort au loin sur toute la terre, qui doit être examinée à part, comme faisant une classe particulière parmi les diverses Religions Payennes, toutes assez différentes entr’elles.»

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Tylor, la notion de fétichisme a été absorbée par celle, plus large, d’animisme1). Comme de Brosses, Constant rejette toute tentative de réduire l’altérité culturelle du fétichisme et du totémisme en attribuant aux mythes dans lesquels ils se concrétisent des significations allégoriques. Il cite plusieurs voyageurs à l’appui d’une thèse fort en avance sur son temps : «La préférence que le Sauvage accorde à tel animal, à l’exclusion de tel autre, préférence qu’on a voulu souvent attribuer à des raisons compliquées, tient à des circonstances fortuites, dont la trace disparaît bientôt2». Quand l’«imagination» est ‘frappée’ d’un tel objet, en l’occurrence d’un animal, elle peut en faire un objet sacré. Ainsi, selon le témoignage de missionnaires jésuites, «les Sauvages américains choisissent pour fétiches les objets qui s’offrent à eux en rêves3». L’«utilité», ainsi que nous la concevons, ne compte pas parmi les «motifs de l’adoration» de tels objets4. Constant se rend donc compte que, du point de vue de notre logique ‘civilisée’, les signes porteurs du sacré et les mythes qui s’y réfèrent sont contingents ; le choix de ces signes nous paraît arbitraire5. Mais il indique en même temps que la fonction signifiante spécifique – Ernst Cassirer l’appellera la ‘pensée mythique’ – qui se manifeste dans le choix de ces signes incompréhensibles est, quant à elle, accessible à l’analyse : cette fonction consiste à nommer «l’inconnu» qui fascine ou inspire de la terreur, et à fonder le social, en l’occurrence l’existence d’un clan. La citation suivante, empruntée à un ouvrage du missionnaire piétiste Heckewelder sur les Indiens de la Pennsylvanie et leurs mythes, montre que Constant est attentif à ce qu’on a pris l’habitude d’appeler le totémisme : «‘Il est évident [...] que les Indiens se considéraient, dans les premiers temps, comme alliés en quelque sorte à certains animaux’6». Il s’agit là d’une alliance essentiellement magique, c’est-à-dire pratique, que seule une rupture de la «parenté entre les animaux et les hommes7» pourra changer : «Tant qu’il [le sauvage] ne les a pas dépouillés de leur prestige en les asservissant, ils partagent avec lui la vie et l’empire8». 1

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Voir W. Petermann, Geschichte der Ethnologie, pp. 475–476. BC ne dispose pas encore du terme d’animisme, mais il en décrit le phénomène : voir en particulier Rel. I, pp. 224, 241, 268–270, 298 ; ci-dessous, pp. 219, 235, 258–259, 283. Rel. I, p. 233 ; voir ci-dessous, p. 227. Rel. I, p. 222, n. a ; voir ci-dessous, p. 218. Rel. I, p. 234 ; voir ci-dessous, p. 228. Voir à ce propos Claude Lévi-Strauss, La potière jalouse, Paris : Plon, 1985, p. 225. ` ce sujet, voir E. Cassirer, Philosophie der Rel. I, p. 230, note ; voir ci-dessous, p. 224. A symbolischen Formen, t. II : Das mythische Denken, pp. 217–223. Traduction française : La philosophie des formes symboliques, t. II : La pensée mythique, traduit par Jean Lacoste, Paris : Éditions de minuit, 1972, pp. 215–220. Rel. I, p. 231, note ; voir ci-dessous, p. 224. Rel. I, p. 231 ; voir ci-dessous, p. 224.

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Ainsi, Constant restitue l’autonomie et la qualite´ religieuse de la pensée mythique des sauvages quand il tente une analyse scientifique des matériaux que lui fournissent les voyageurs. Ce faisant, il pratique une méthode comparative répandue dans l’histoire anthropologique (l’ouvrage de Lafitau est à cet égard typique) et encore en vigueur dans l’ethnologie et l’anthropologie religieuses du XXe siècle1 : les traditions sauvages, la mythologie et l’histoire de l’antiquité classique, les récits bibliques et les traditions populaires de l’Europe sont mis en parallèle. Soucieux de montrer que les sauvages ont bien une religion, quoiqu’elle ne soit pas théiste, Constant, tout comme Herder avant lui2, défend ainsi leur appartenance à l’humanité : car sans religion, dit-il, le sauvage «ne serait qu’un animal féroce, plus malheureux que les autres animaux féroces, ses pareils et ses rivaux3». Soit dit en passant, sur la base de cet argument, Schelling affirme vers la même époque la non-appartenance des sauvages à l’humanité. Dans ses leçons sur la Philosophie de la mythologie, le philosophe allemand, qui invoque, lui aussi, le témoignage des voyageurs missionnaires, maintient que toute religion qui mérite ce nom doit être théiste4. Quant à Constant, il trouve des mots sublimes pour évoquer la validité de la religion du sauvage, p. ex. à la fin du Livre II : «Ses communications avec des dieux qu’il [le Sauvage] croit secourables, ses rêves sur l’existence future, son occupation des morts qu’il se flatte de retrouver, les émotions que la religion lui cause, les devoirs qu’elle lui crée, sont pour lui d’inestimables trésors. Il déplace la réalité dont le poids l’accable. Il la transporte dans le monde dont son imagination dispose, et ses travaux, ses douleurs, le froid qui le glace, la faim qui le dévore, la fatigue qui brise ses membres, ne sont que le roulis du vaisseau qui le porte sur une autre rive5». Il est évident que ce passage ne relève plus de la théorie, mais de l’esthétique constantienne de la religion. Le style quasi lyrique ainsi que le contenu du passage en témoignent. Bien qu’il s’agisse ici encore de la religion du sauvage, il n’est plus question de son culte des fétiches «nuisibles, inutiles, monstrueux, ridicules6», mais de ses «communications avec des dieux [...] secourables». Cette ‘épuration’ de «la religion à l’époque la 1

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Voir L. M. Gisi, Einbildungskraft, pp. 114–149 (aux yeux de Gisi, le ‘Kulturvergleich’ compte parmi les ‘conjectures’ fondatrices de l’histoire anthropologique) ; W. Petermann, Geschichte der Ethnologie, pp. 182–187, 230–232, 243, 246–247, 303, 465–470, 475, 591, 644, 803. Voir J. G. Herder, Ideen, pp. 253–256. Rel. I, p. 360 ; voir ci-dessous, p. 327. Voir Friedrich Wilhelm Joseph Schelling, Philosophie der Mythologie, t. I (Einleitung in die Philosophie der Mythologie), Darmstadt : Wissenschaftliche Buchgesellschaft, 1986 (Réimpression de l’éd. de 1856), pp. 40–41, 72, 63, 178. Traduction française : Introduction à la philosophie de la mythologie, Paris : Gallimard, 1998, pp. 58–59, 78–79, 86–87, 180–181. Rel. I, p. 361 ; voir ci-dessous, p. 327. Rel. I, p. 269 ; voir ci-dessous, p. 258.

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plus brute de l’esprit humain1» a lieu grâce au sentiment, qui ‘se débat’ «contre une forme grossière» «pour s’élever à la conception d’un dieu supérieur aux fétiches2», effort qui annonce déjà «la division en deux substances», d’où jaillit la «spiritualité3». Or nous savons que cette division ne germe pas dans la pensée mythique : c’est au contraire «l’absence chez elle de la catégorie de l’idéel» qui la caractérise, comme le souligne p. ex. Cassirer4. Malgré le caractère spirituel de ses objets, la pensée mythique colle aux corps («an den Körpern klebt5»). Constant s’en rend compte, quand il décrit le fétichisme et le totémisme. Qu’est-ce qui le conduit néanmoins à projeter le sublime dans la pensée sauvage ? C’est sans doute le dualisme du matériel et du spirituel que comporte la perspective théologique des voyageurs missionnaires qu’il cite, en l’occurrence le Père Lafitau, dualisme qu’il adapte à sa propre esthétique du sentiment religieux. Toutefois, dans le Livre II, cette esthétique, qui risque de trahir l’altérité culturelle de la religion des sauvages, est contrecarrée par des mises en garde réitérées contre la perspective déformante des missionnaires6 ; de telles mises en garde signalent le passage, dans le discours constantien, au métalangage critique, c’est-à-dire à la prise de conscience d’un conflit des systèmes de signification. Le profil culturel de ce conflit devient particulièrement net quand Constant parle du sacrifice. En lisant les deux premiers livres de De la Religion, on se rend compte que le concept constantien de sacrifice est fondamentalement équivoque. D’une part, Constant ne méconnaît pas la violence qui est inhérente aux rites des sauvages et qui se manifeste en particulier dans les sacrifices humains, pratique ‘barbare’ choquante qui compte parmi les données ethnographiques incontestables que lui fournissent les voyageurs. D’autre part, il tente de projeter sur la pensée sauvage un concept moderne et moralisateur du sacrifice en le présentant comme un «simple hommage rendu à la divinité» («einfache Darbringung an die Gottheit»), un «acte de désintéressement en sa faveur» («Selbstentäußerung zugunsten des Gottes»)7. Ce concept se concilie facilement avec celui, fondamental chez Constant, du sublime du sentiment religieux. Le lien généalogique entre les deux signi1 2 3 4 5 6 7

Rel. I, p. 268 ; voir ci-dessous, p. 258. Rel. I, p. 240 ; voir ci-dessous, pp. 234–235. Rel. I, p. 241 ; voir ci-dessous, p. 235. Voir E. Cassirer, Das mythische Denken, p. 51 ; La pensée mythique, p. 60. E. Cassirer, Das mythische Denken, p. 76 ; La pensée mythique, p. 84. Voir Rel. I, p. 240, note 1, et p. 326 ; ci-dessous, pp. 235, 302. Sigmund Freud, Totem und Tabu, Studienausgabe, hrsg. von Alexander Mitscherlich (et al.), Frankfurt am Main : Fischer, 1969–1975, t. IX, p. 443 ; traduction française par Serge Jankélévitch : S. Freud, Totem et Tabou, Paris : Payot, 2001, p. 210.

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fications, entre la violence et le désintéressement, lien mis en lumière par Freud et, plus récemment, par René Girard et Walter Burkert, échappe encore à Constant, bien qu’il souligne que «[l’]idée du sacrifice est inséparable de toute religion», qu’elle est donc «commune aux tribus sauvages et aux nations policées1». Refusant d’admettre que la violence sacrificielle sauvage pourrait être le fondement même du sublime policé, il est au contraire tenté de présenter la première comme une dégradation superstitieuse d’un culte a priori sublime. Ce faisant, il reste tributaire des voyageurs missionnaires, en particulier de celui qu’il cite le plus souvent, à savoir Lafitau. Celui-ci, après avoir défini le sacrifice d’«Offrande faite à la Divinité», acte inséparable de la religion, tente de minimiser l’importance des sacrifices humains en mettant ces actes de violence collective sur le compte d’une dégradation ‘superstitieuse’ de la religion2, sans pour autant expliquer quelles en étaient les causes. Ainsi, Lafitau cite, sans la commenter, la description détaillée d’une «triste cérémonie» en usage chez des tribus indiennes de Floride : il s’agit du sacrifice des enfants premiers-nés3. Ce conflit de significations à l’intérieur même du concept de sacrifice se reproduit chez Constant. Il est vrai que celui-ci rejette l’hypothèse théologique d’un monothéisme primitif, chère aux mythologues romantiques allemands, car elle contredit l’idée de la perfectibilité4. Cependant il fait sien le concept théologique du sacrifice dans la mesure où il vise, lui aussi, à purger le sacrifice de ses origines violentes. Comment expliquer alors des actes de violence collective comme le sacrifice humain ? Celui-ci, répond Constant, est le produit de deux facteurs : d’une part, d’un élément constitutif de la ‘forme’ religieuse, à savoir l’impulsion de l’intérêt personnel, qui «travestit le sacrifice en trafic, n’admet que des notions positives [c’est-àdire matérielles], et précipite l’adoration dans la sphère étroite et orageuse des intérêts de la terre» ; et d’autre part, de la déformation de l’institution du sacrifice par le sacerdoce naissant, à savoir les «jongleurs» (c’est-à-dire les chamans ou magiciens) dont l’autorité «s’accroît» dans la mesure où ils «distraient» le sauvage de «l’idée du Grand Esprit5». Il n’est donc pas étonnant qu’il rende le polythéisme sacerdotal responsable de maintenir la pratique sauvage des sacrifices humains chez certains peuples, quand bien même ceux-ci sont arrivés au stade de la civilisation : «Nous remarquerons [...], quand nous traiterons des peuples entrés dans la civilisation, que les sacrifices humains tombent toujours en désuétude parmi ceux de ces peu1 2 3 4 5

Rel. I, pp. 250, 253 ; voir ci-dessous, pp. 242, 244. Voir J.-F. Lafitau, Mœurs des sauvages, t. I, pp. 177–179. Voir J.-F. Lafitau, Mœurs des sauvages, t. I, pp. 181–182. Voir ci-dessus dans notre Introduction, pp. 32 et 40 ; voir aussi Rel. I, pp. 311–312 (cidessous, pp. 292–293). Rel. I, p. 344 (ci-dessous, p. 316) et pp. 346–349 (ci-dessous, pp. 317–320), ainsi que la reprise du sujet du sacrifice humain dans Rel. IV, pp. 201–246, 306–343.

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ples qui ne sont pas subjugués par les prêtres, et qu’ils se perpétuent chez toutes les nations qui sont courbées sous leur joug1». Or la tentative, motivée par l’idée de la perfectibilité, d’attribuer l’absurdité et la cruauté de certains rites sacrificiels à des causes extérieures à la religion se heurte aux faits que rapportent les voyageurs. Résumant ce qu’ils nous apprennent au sujet des rites funéraires, Constant doit admettre que la moralité, le besoin d’une «justice distributive2», est absente des idées que les sauvages se font de la vie après la mort, car ils l’imaginent comme une imitation de la vie présente : d’où p. ex. la pratique à première vue absurde qui consiste à placer auprès d’un guerrier mort des armes pour combattre et des vêtements ; d’ou` également des pratiques cruelles, p. ex. celle d’enterrer «des esclaves avec leurs maîtres, des prisonniers avec leurs vainqueurs, des femmes même avec leurs époux» ou celle, en vigueur chez certaines tribus américaines, de tourmenter «leurs captifs en l’honneur de leurs ancêtres» et d’invoquer en même temps «les mânes des héros morts en combattant3». Il est important de noter que, dans ce contexte, Constant ne fait pas remonter la cruauté à l’influence d’un quelconque sacerdoce ou à la déformation a posteriori du ‘sentiment’ par l’intérêt, mais à «l’action combinée de l’intérêt et du sentiment» et au «danger peu remarqué jusqu’ici d’appliquer à l’inconnu des idées connues4». La pensée et la pratique mythiques sont donc caractérisées par l’absence des différenciations qui fondent la Weltanschauung moderne. Constant a l’intuition de ce que Cassirer appellera cent ans plus tard la «loi si particulière de concrescence ou de coïncidence, qui affecte les membres des relations que pose la pensée mythique» («[d]ieses eigentümliche Gesetz der Konkreszenz oder Koinzidenz der Relationsglieder im mythischen Denken»)5. Il finit par admettre que la pensée sauvage obéit à une logique autre que celle, dualiste, qui cherche partout des traces de l’opposition entre le matériel et l’idéel. «Pour habiter un monde pareil au nôtre, il faut que l’âme ressemble au corps», conclut-il6. Comme nous l’avons constaté, le discours de Constant sur la religion, tel qu’il se présente dans le t. I de De la Religion, mais aussi dans les volumes suivants, se caractérise par un certain nombre de tensions et de contradictions internes. Celles-ci, loin d’être les conséquences d’un manque de systématicité, comme le lui reproche Eckstein dans un long compte rendu7, attestent la probité et la prudence intellectuelles de l’auteur. Car au lieu de les supprimer, Constant en fait le moteur de sa réflexion. Ainsi, la version 1 2 3 4 5 6 7

Rel. I, p. 349 ; voir ci-dessous, p. 319. Rel. I, p. 291 (ci-dessous, p. 276). Rel. I, p. 294 (ci-dessous, pp. 278–280). Rel. I, pp. 292–293 et 295 (ci-dessous, pp. 276–278 et 280). Voir aussi Rel. I, p. 307 (cidessous, p. 290). E. Cassirer, Das mythische Denken, p. 82 ; La pensée mythique, p. 89. Rel. I, p. 295 ; voir ci-dessous, p. 281. Voir ci-dessous, p. 55.

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finalement publiée de De la Religion, fruit de recherches menées pendant plus de quarante ans, garde la dynamique d’un ouvrage en devenir («work in progress»). Prenant ses racines dans l’histoire anthropologique conjecturale et universaliste des Lumières et se démarquant, pour des raisons tant scientifiques que politiques, des spéculations monistes et simplificatrices des mythologues romantiques allemands, l’anthropologie constantienne de la religion aboutit à une série de prises de position très en avance sur son temps : tel, dans le t. I, le plaidoyer pour la reconnaissance de l’altérité culturelle de la religion des sauvages et la tentative de décrire celle-ci comme une forme autonome ; telle aussi l’approche phénoménologique des religions, approche qui permet de ramener la pluralité des formes à l’opposition du sentiment et de la forme, ‘essence’ de toute religion, mais non pas origine au sens ontologique du terme. De la Religion marque donc une étape importante sur le chemin qui conduit à l’établissement de l’histoire des religions et de l’ethnologie comme disciplines académiques et sciences non confessionnelles. Et quand par moments la réflexion anthropologique de Constant cède la place au besoin d’évoquer le dynamisme du sentiment religieux, le discours sur la religion adopte le langage de la poésie, car, aux yeux de l’auteur, ce langage est désormais plus proche du sentiment religieux que le langage des confessions établies. Accueil de l’ouvrage Nous avons affirmé que l’anthropologie religieuse de Constant était très en avance sur son temps. Que De la Religion dépasse en effet l’‘horizon d’attente’ du savoir de son époque en matière de théorie de la religion et d’histoire des religions, est attesté par les comptes rendus de l’ouvrage. Ceux du t. I sont au nombre de dix-neuf1. On peut les répartir en quatre groupes : le premier comprend les comptes rendus qui s’attaquent à De la Religion au nom d’un catholicisme foncièrement hostile à l’idée de la perfectibilité de l’espèce humaine2, et le deuxième ceux qui, diamétralement 1

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Voir Christian Viredaz, «Comptes rendus contemporains et réponses aux écrits de Benjamin Constant (1787–1833)», ABC, 6, 1986, pp. 93–128, ici pp. 123–124 (nos 256–274) et p. 125 (no 280). La liste établie par Viredaz inclut la lettre que BC lui-même publia en anglais dans le European Review (1824) et en français dans la Revue Européenne (1824) pour expliquer le plan de son ouvrage et pour répondre aux réactions hostiles que la publication du t. I avait suscitées dans les milieux catholiques. Cette lettre n’est pas un compte rendu de l’ouvrage. Ajoutons que Viredaz reprend en les complétant les listes des comptes rendus établies auparavant par Courtney, Bibliography, p. 130, et Bibliography, A Supplement, p. 18. Nous renvoyons à notre liste, ci-dessous, pp. 66–67, en reprenant les numéros des textes : voir les comptes rendus parus dans L’E´toile, 19 et 24 juin 1824 (no 2) ; L’E´toile, 26 et 29 juin 1824 (no 3) ; Le Drapeau blanc, 21 et 28 juin, 5, 13 et 26 juillet 1824 (no 4 ; compte rendu écrit par Eckstein) ; Gazette de France, 24 juin 1824 (no 5) ; l’«Appendice» au Mémorial catholique, à l’usage des royalistes devenus ou reconnus libéraux, Paris : Pillet aîné, 1824 (Polémique, p. 67) ; Le Catholique, janvier 1826 (no 18 ; également d’Eckstein).

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opposés mais en général non moins négatifs, défendent l’héritage irréligieux et utilitariste des Lumières – en particulier le système de l’intérêt bien entendu – contre la critique à laquelle Constant soumet cet héritage pour y opposer son concept du sentiment religieux1 ; le troisième groupe se compose de comptes rendus plus ou moins bienveillants, mais peu spécifiques : ils portent moins sur le livre de Constant qu’ils ne développent les croyances personnelles de leurs auteurs respectifs2 ; le quatrième groupe, quant à lui, occupe une place à part : il s’agit de deux comptes rendus allemands. L’un est un résumé du livre de Constant qui se base sur la traduction allemande de l’ouvrage3, et l’autre tente de situer De la Religion par rapport aux discussions menées en Allemagne par la philosophie de la religion et la théologie protestante4. L’ensemble de ces comptes rendus forme un débat complexe dont l’analyse reste à faire5. Nous nous limitons ici à en retracer les lignes directrices pour illustrer notre répartition en quatre groupes. En ce qui concerne le premier groupe, l’hostilité à l’idée de perfectibilité se manifeste avant tout par le refus d’accepter le relativisme qui découle de la distinction, phénoménologique avant la lettre, entre le sentiment religieux et la forme religieuse. On reproche donc à Constant son manque de parti pris : «Ce livre est un acte d’accusation contre la philosophie du dernier siècle, et même contre le protestantisme, et un plaidoyer contre la religion catholique. Que veut ` l’incompréhension de la phénoménologie consdonc M. B. Constant6 ?» A

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Voir les trois comptes rendus anglais de Stendhal parus dans The New Monthly Magazine, septembre 1824 (no 10), The London Magazine, novembre 1824 (no 14) et The London Magazine, décembre 1824 (no 15) ; il faut y ajouter ceux de Philibert Damiron parus dans Le Globe, 4 et 6 octobre 1824 (no 12) et celui écrit par A. Jay dans Le Mercure du dixneuvième siècle, 3 juillet 1824 (no 6). Voir les comptes rendus parus dans Le Mercure du dix-neuvième siècle, 10 juillet 1824 (no 8, de la plume de J.-D. Lanjuinais) ; Le Constitutionnel, 30 juillet 1824 (no 9) ; La Semaine, Gazette littéraire, [4 septembre] 1824 (no 11) ; La Revue encyclopédique, novembre 1824 (no 13) ; Bibliothèque universelle des sciences, belles-lettres et arts, mai 1825 et juin 1825 (no 16). Paru dans les Göttingische gelehrte Anzeigen, 25 et 28 juillet 1825 (no 17). Paru dans le Theologisches Literaturblatt. Zur Allgemeinen Kirchenzeitung, 18 mars 1825 (Viredaz no 280). Il est évident que cette analyse devrait tenir compte des réponses de BC ainsi que des comptes rendus des volumes suivants. Dans Le Constitutionnel, no 177, 25 juin 1824 (pp. 3–4), BC publia sous forme de lettre au rédacteur une réponse à ce compte rendu, dans laquelle il défend son relativisme historique. Cette réponse provoqua à son tour deux réponses qui parurent de nouveau dans L’E´toile (voir ci-dessous, p. 65).

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tantienne correspond l’attachement à la vieille doctrine du monothéisme primitif révélé à un peuple primitif. Eckstein (dont le long compte rendu ressemble plutôt à un mémoire aux allures pamphlétaires) parle à ce propos d’«une société primitive, engendrée au sein d’une révélation également primitive, dont les croyances et institutions sociales du genre humain n’offrent que les débris1». La religion et la science révélées primitivement furent, selon lui, enseignées par «les patriarches, ou par des rois à la fois pontifes et législateurs2». De cette révélation et de cette théocratie primitives découlent, au dire d’Eckstein, l’invalidité de la distinction constantienne entre les religions dominées par le sacerdoce et les religions exemptes de cette domination3, ainsi que «l’anéantissement4» de la théorie constantienne de la religion des sauvages : «[...] loin de voir dans ce que M. Benjamin Constant appelle le fétichisme les commencemens du sentiment religieux, encore grossier et inculte, et dans les magiciens et les jongleurs des imposteurs qui exploitèrent ce sentiment pour le soumettre au joug de quelques formes artificielles, nous y trouvons les débris d’anciens systèmes oubliés et d’un sacerdoce dégénéré5». En réalité, toutes les formes de paganisme sont à interpréter comme des formes ‘dégénérées’ ou ‘corrompues’ de la vraie religion primitive qu’Eckstein qualifie de «catholicisme6». Quant au christianisme, dont l’unique dépositaire légitime est l’E´glise catholique, il avait pour mission de restituer la religion primitive : «La religion du Christ a rétabli, dans toute sa pureté, la croyance primitivement révélée au genre humain7». Eckstein n’apporte pas de preuves empiriques à l’appui de cette doctrine, tout en reprochant à Constant un manque de connaissances et d’érudition philologiques8. Cette contradiction montre que son attitude hostile à l’égard de la théorie constantienne est en premier lieu dictée par le souci de faire l’apologie du catholicisme. Il n’est donc pas étonnant que la publication du livre de Constant soit, pour l’auteur d’un autre compte rendu appartenant à ce même groupe, l’occasion de demander le rétablissement de la censure préalable9. En somme, les comptes rendus de ce groupe montrent que la tutelle théologique demeurait un puissant obstacle à l’émancipation du savoir en matière de religion. 1 2 3 4 5 6 7 8 9

Le Catholique, t. I, no 1, janvier 1826, p. 96. Le Catholique, p. 36. ` propos de cette typologie binaire des religions, voir ci-dessus, p. 39. A Le Catholique, t. I, no 1, janvier 1826, p. 92. Le Catholique, p. 108. Voir Le Catholique, pp. 26, 31, 37. Le Catholique, p. 49. Voir Le Catholique, pp. 17–20. Voir le Mémorial catholique, à l’usage des royalistes devenus ou reconnus libéraux, pp. 85– 90 («Appendice»), ici pp. 89–90. Cette demande fournit une preuve impressionnante de la pertinence de la remarque d’E´tienne Hofmann sur le risque que courait BC de voir son ouvrage saisi (voir ci-dessus, pp. 40–41).

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Les comptes rendus du deuxième groupe, à savoir ceux écrits par des défenseurs de l’héritage irréligieux et utilitariste des Lumières, attestent eux aussi la difficulté à laquelle était confronté le public contemporain qui tentait de saisir l’essentiel du livre de Constant. Citons l’exemple des articles anglais de Stendhal : au lieu de soumettre les arguments de Constant à un examen critique, Stendhal dénonce De la Religion comme «the only bad thing he ever did1». Commencé selon lui à l’époque de la liaison de Constant avec Mme de Staël (le critique ne pouvait pas se rendre compte de la fausseté de cette hypothèse), ce livre est marque´ par la «cloudy metaphysics» de la philosophie de l’idéalisme allemand2 ; l’influence de cette philosophie, «the laughing stock of Europe3», se manifeste en particulier dans la futilité de la tentative constantienne de réfuter la philosophie de l’intérêt bien entendu4, à savoir de l’utilitarisme cher au courant sensualiste et matérialiste des Lumières5. Convaincu que sur le plan scientifique De la Religion est sans intérêt, Stendhal entreprend de situer le livre de Constant dans son contexte culturel et historique marqué par une pruderie des mœurs qui présente un contraste frappant avec le libertinage auquel la noblesse s’adonna vers la fin de l’Ancien Régime. De ce point de vue, De la Religion, en particulier la théorie du sentiment religieux, fait de son auteur le chef de file d’une nouvelle secte religieuse dont les membres sont principalement les dames de la haute aristocratie parisienne6. Stendhal finit par soupçonner Constant d’opportunisme : étant donné que la religion est de nouveau en vogue dans les milieux aristocratiques, le but de Constant, en publiant ce livre, est de flatter la noblesse tant ultra que libérale, qui lui a montré du dédain en raison de sa pauvreté7. Comme Stendhal, l’auteur du compte rendu publié dans Le Globe s’inscrit en faux contre la critique constantienne de la philosophie de l’intérêt bien entendu : selon lui, cette critique, tout en étant un «beau morceau de morale et d’éloquence», fait abstraction du ‘bien entendu’ et confond donc la morale incriminée avec «un égoïsme aveugle et bas». Mais, ajoute l’auteur, «il ne fallait pas supposer que, bien entendu, le principe de l’utilité conduisît au crime, il conduirait plutôt à la vertu, puisque tout compte fait, 1 2

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The London Magazine, t. X, no 60, décembre 1824, p. 634. The New Monthly Magazine. Historical Register, t. XII, 1er septembre 1824, p. 415. Le même reproche revient sous la plume d’Antoine Jay, auteur du compte rendu publié le 3 juillet dans le Mercure du XIX e siècle. The London Magazine, t. X, no 59, novembre 1824, p. 488. Voir The London Magazine, p. 488. Stendhal renvoie à ce propos au long passage de la «Préface» (voir ci-dessous, pp. 77–83, Rel. I, pp. XXIII-XLIV) dans lequel BC tente de réfuter cette philosophie. Voir The London Magazine, t. X, no 59, novembre 1824, pp. 486–487. Voir The London Magazine, t. X, no 60, décembre 1824, pp. 634–635.

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rien ne vaut mieux que la vertu aux yeux d’un esprit qui raisonne et calcule1». De plus, la doctrine du sentiment religieux que Constant oppose à l’utilitarisme reste vague dans la mesure où elle reproduit l’ambiguïté du concept de «sentiment» au lieu d’en définir les objets : Constant confond le sentiment comme «émotion» avec le sentiment comme «manière de voir, de juger et de comprendre2». Même la distinction bien fondée du sentiment et de la forme souffre d’un manque de clarté terminologique et d’approfondissement théorique, autrement dit «d’exactitude et de méthode3». Il faudrait d’ailleurs se demander si le sentiment religieux n’est en réalité qu’une manifestation de l’«amour de soi4». Ainsi, tout en se démarquant à juste titre de Chateaubriand et de La Mennais, Constant «n’est que l’interprète élégant d’une opinion commune sur le sentiment religieux5». Son incapacité de fournir des «vérités assez positives et assez claires» – expression qui annonce le positivisme comtien – doit être imputée à la persistance de l’influence du discours de Mme de Staël sur l’enthousiasme6. D’autres, par contre, reprochent à Constant non pas le manque de rigueur scientifique, mais l’excès de celle-ci. Ce reproche est formulé dans plusieurs des comptes rendus plus ou moins bienveillants qui forment le troisième groupe, p. ex. dans celui paru dans Le Constitutionnel : «[l]e sentiment est le contraire de la science, il périt par l’analyse ; remonter à sa source, c’est presque la tarir7». La même objection amène l’auteur du compte rendu paru dans La Revue encyclopédique à conclure que Constant aurait pu se dispenser des moyens qu’il a mis en œuvre pour prouver le sentiment religieux, celui-ci n’ayant «jamais été contesté8». L’auteur refuse toutefois d’admettre que ce sentiment se manifeste dans la religion des sauvages et dans le polythéisme gréco-romain : «[...] on peut affirmer que, dans les beaux siècles même de l’antique Grèce et de l’antique Rome, il ne pouvait pas plus y avoir de sentiment religieux, tel que nous le dépeint M. Benjamin Constant, que dans les cœurs des barbares et des sauvages à fétiches9». Ce refus de l’approche anthropologique du fait religieux relève d’une religiosité qui, bien que différente de celle du parti catholique, s’avère elle aussi peu pertinente dans la mesure où elle pousse ses partisans à substituer des remarques édifiantes sur le sentiment religieux à l’examen critique de la théorie constantienne : «Nous croyons comme lui [à savoir

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Le Globe, no 11, 6 octobre 1824, p. 44. Le Globe, p. 43. Le Globe, p. 44. Le Globe, no 10, 4 octobre 1824, p. 40. Le Globe, no 11, 6 octobre 1824, p. 44. Le Globe, no 11, 6 octobre 1824, p. 44. Le Constitutionnel, no 212, 30 juillet 1824, p. 3. Revue encyclopédique, t. XXIV, no 71, novembre 1824, p. 325. Revue encyclopédique, p. 328.

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Constant] que les sentiments religieux sont à la fois un attribut nécessaire de notre organisation et un don inappréciable du Tout-Puissant1». Comme nous l’avons déjà mentionné, les deux comptes rendus allemands occupent une place à part. C’est qu’ils considèrent la différence entre leur contexte et celui, français, auquel les autres comptes rendus se réfèrent presque exclusivement2. Ainsi, le compte rendu enthousiaste paru dans le Theologisches Literaturblatt porte sur la traduction par Philipp August Petri du t. I de De la Religion, traduction qui, comme l’indique son sous-titre, fut autorisée par Constant3. L’auteur du compte rendu résume chapitre après chapitre les deux livres dont l’ouvrage se compose ; ce faisant, il souligne l’importance et l’originalité de celui-ci ainsi que la très bonne qualité de la traduction. Le public allemand, poursuit-il, s’y intéressera d’autant plus que Constant, excellent connaisseur («ein wahrer Kenner») de la littérature allemande, doit l’essentiel de l’ouvrage («die Idee seines Werkes und die Hauptsache desselben») à des auteurs allemands4. Se référant à l’original français de l’ouvrage, l’auteur du long compte rendu publie´ dans les Göttingische gelehrte Anzeigen souligne en revanche que Constant s’adresse en premier lieu à un public français : abordant son sujet d’un point de vue psychologique, Constant laisse de côté le débat philosophique allemand portant sur les principes du savoir (allusion à la méthode de la philosophie transcendantale inaugurée par Kant et reprise et transformée par ses successeurs, tel Hegel qui, à partir de 1821, donna des lec¸ons sur la philosophie de la religion5). Au lieu de participer à ce débat, Constant établit que la religion fait partie de la nature humaine ; or il fau1 2

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La Semaine, Gazette littéraire, t. I, no 2, [4 septembre] 1824, p. 57. Seul Eckstein fait exception : il renvoie à plusieurs reprises aux philologues allemands (Heyne, Voss, Hermann, et d’autres) : voir Le Catholique, t. I, no 1, janvier 1826, pp. 40, 43–44, 60, 78 ; dans son compte rendu du t. II de De la Religion, il mentionne aussi les frères Schlegel : voir Le Catholique, t. I, no 2, février 1826, p. 213. Die Religion, nach ihrer Quelle, ihren Gestalten und ihren Entwickelungen. Von Benjamin Constant. Mit Vorwissen des Verfassers aus dem Französischen übersetzt, und mit einigen Anmerkungen deutsch herausgegeben von Dr. Philipp August Petri [...], Berlin : Reimer, 1825. Voir Theologisches Literaturblatt zur Allgemeinen Kirchenzeitung, no 11, 18 mars 1825, col. 97. Voir Göttingische gelehrte Anzeigen, 119. Stück, 25 juillet 1825, pp. 1185–1186. Il y a pourtant de nombreux parallèles entre la «Religionsphilosophie» hégélienne et la phénoménologie constantienne de la religion, sujet qui mériterait une étude approfondie, comme le constate déjà Kloocke, Biographie, p. 271, n. 174. – L’auteur du compte rendu des Göttingische gelehrte Anzeigen admet d’ailleurs que les systèmes philosophiques allemands ont eu une influence positive sur Constant, comme en témoigne la critique tout à fait convaincante de la morale de l’intérêt bien entendu (voir Göttingische gelehrte Anzeigen, 119. Stück, 25 juillet 1825, p. 1186). On consultera l’édition de ce compte rendu par Steller (ci-dessous, p. 66, n. 1).

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drait soulever la question de savoir s’il ne s’agit que d’une forme d’autodéception («Selbsttäuschung1»). Quant à l’opposition entre le sentiment religieux et les formes, c’est-à-dire les opinions («Meinungen2»), elle ne correspond pas à la réalité car on ne peut pas concevoir le sentiment religieux sans une forme quelconque. Il faut en déduire que ce sentiment ne relève pas de l’essence de la nature humaine3 (il est évident que c’est l’orientation phénoménologique et non pas psychologique de la théorie constantienne qui échappe ici au critique). En ce qui concerne la distinction entre les religions sacerdotales et les religions ‘libres’, Constant a tort de mettre sur le compte du sacerdoce tous les abus liés aux croyances religieuses ; il y a des formes de superstition pernicieuses qui naissent chez les peuples primitifs («bey rohen Völkern») pour ensuite passer dans les doctrines sacerdotales («Priesterlehren4»). Quant à la succession des formes religieuses, loin d’obéir nécessairement à la loi du perfectionnement progressif, elle peut aussi ramener des formes religieuses déjà obsolètes («die alten Vorstellungsarten5») – mouvement régressif dont Constant admet pourtant la possibilité6. L’auteur de ce compte rendu méconnaît, lui aussi, l’importance du Livre II consacré à la religion des sauvages. Cette méconnaissance est commune à l’ensemble des comptes rendus, à l’exception de celui paru dans le Theologisches Literaturblatt qui, comme nous l’avons déjà constaté, propose au moins un résumé des deux livres dont se compose le t. I de De la Religion. Partout ailleurs, on passe sous silence le Livre II : soit on ne le mentionne qu’en passant, soit on en rejette d’emblée les résultats. On refuse donc d’examiner les arguments que Constant avance pour démontrer que les mythes et rites en apparence absurdes des sauvages constituent en réalité une forme religieuse sui generis dont toutes les formes religieuses développées sont issues. Le dogmatisme des uns et l’eurocentrisme des autres s’opposent au plaidoyer de Constant pour la reconnaissance de l’altérité culturelle de la religion des peuples dits sauvages. Étant donné que ce plaidoyer se base sur une méthode que nous avons qualifiée de phénoménologique avant la lettre, il n’est pas étonnant que celle-ci restât elle aussi en général incomprise, comme les comptes rendus que nous venons de citer l’attestent également. 1 2 3 4 5 6

Göttingische gelehrte Anzeigen, p. 1187. Göttingische gelehrte Anzeigen, p. 1188. Göttingische gelehrte Anzeigen, p. 1188. Göttingische gelehrte Anzeigen, p. 1191. Göttingische gelehrte Anzeigen, p. 1192. Voir p. ex. ci-dessous, pp. 112–118, les réflexions de BC (Rel. I, pp. 50–57). Cette sensibilité se manifeste dès le pamphlet Des réactions politiques, comme nous l’avons déjà souligne´ (voir ci-dessus, p. 31).

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Constant et ses sources : les défis de l’édition critique Notre édition du t. I de De la Religion a dû mettre entre parenthèses la genèse du texte, qui fera l’objet du t. XVI des Œuvres complètes ; d’où notre choix fort limité de sources manuscrites incluses dans le présent volume. Il s’agissait avant tout d’identifier, dans les notes explicatives, les nombreuses sources citées par Constant (sources ethnographiques, historiques, théologiques, philosophiques, poétiques, etc.), de vérifier les citations, et d’indiquer leur fonction, au moins de manière sommaire. Nous avons toutefois tenu compte des notes de lecture manuscrites de Constant, dans la mesure où ces notes fournissent des informations qui concernent directement le travail d’identification et de vérification. Ce travail s’avère d’une difficulté considérable, car la manière dont Constant cite ne correspond que rarement aux critères en vigueur aujourd’hui. Ainsi, il cite parfois de mémoire (c’est le cas notamment quand il cite sans indication de page) ou de manière approximative ; il risque alors soit de se tromper (l’information ne se trouve pas dans l’ouvrage cité), soit de manquer de précision (l’information ne correspond pas au résumé de Constant1), soit de faire dire aux auteurs cités ce qu’ils n’ont pas dit (le sens de l’information est adapte´ au propos de Constant2). Il se peut aussi que Constant cite des sources de seconde main et qu’il copie alors des notes sans indiquer la source érudite qu’il a véritablement consultée3. Si une erreur s’est glissée dans la copie, le texte cité risque de rester introuvable, tant que la véritable source n’aura pas été identifiée (et nous n’avons en effet pas réussi à identifier toutes les sources citées). Constant se rend d’ailleurs compte, du moins en partie, de ces imperfections de la version publiée de son ouvrage4, et il tente parfois d’y remédier, p. ex. en vérifiant dans l’original ce qu’il obtient de seconde main, comme le montrent certains détails du texte publié qui manquent encore dans les notes de lecture manuscrites ou bien, s’ils y figurent, ne sont pas repris dans le texte publié5. Ajoutons que ce n’est pas seulement dans ses nombreuses (et souvent très longues) notes en bas de page, mais aussi dans le texte principal que Constant omet parfois d’indiquer les sources qu’il a véritablement consultées. Ainsi, certaines de ses idées remontent à ses lectures d’auteurs aujourd’hui peu connus ou oubliés, tels Bardili, Heeren, Majer, Meiners, Reinhard, Tiedemann et d’autres. On peut dire que Constant doit à ces auteurs bien plus 1 2 3 4 5

Voir p. ex. les citations de Sale et d’Umfreville, ci-dessous, pp. 95, 251. Voir p. ex. la citation de Levesque, ci-dessous, p. 194. C’est le cas p. ex. de Heeren, Majer et Meiners, mais aussi de Lafitau ; voir ci-dessous, pp. 174, 238, 88, 315. Voir son «Avertissement» dans le t. II de De la Religion : OCBC, Œuvres, t. XVIII, pp. 53–54 (Rel. II, pp. V-VIII). Voir p. ex. notre note explicative à Rel. I, p. 239 (Lafitau, de Brosses) ; ci-dessous, p. 234, n. 2.

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qu’il ne le reconnaît. Mais il ne faut pas oublier qu’à son époque, il n’y a pas encore de véritable code de la propriété intellectuelle. Pour toutes ces raisons, notre identification des sources citées ou enfouies dans le texte de Constant est certainement loin d’être complète. M. W. Historique du texte Le premier volume de De la Religion paraît après le 30 mars 1824 chez «Bossange père, Bossange frères, Treuttel et Wurtz, Rey et Gravier, Renouard, Ponthieu», selon la page de titre1. Il s’agit d’un groupe d’éditeurs dont seulement Treuttel et Würtz avaient déjà publié des ouvrages de Constant2. Les autres n’éditeront rien d’autre de lui. Le grand nombre d’éditeurs réunis annonce, semble-t-il, que cette publication est une affaire risquée, sur le plan commercial aussi bien que sur le plan politique3. La publication se prépare d’ailleurs depuis un certain temps déjà. Elle est annoncée vaguement au cours des lectures sur la religion à l’Athénée royal en 18184. Le travail de rédaction de ce premier volume est stimulé probablement par la publication de plusieurs ouvrages importants sur la religion ou d’ouvrages de théorie politique qui défendent des positions conservatrices. Le plus considérable est sans doute le grand livre que Félicité de La Mennais a fait paraître, à partir de 1818, sous le titre Essai sur l’indifférence en matière de religion, un des plus fulminants succès en librairie. Un autre auteur que Constant lit attentivement est Bonald, adversaire politique redoutable et catholique engagé5. Nous trouvons des traces manifestes de ces lectures, surtout de celle de La Mennais, dans le premier volume6. 1

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La date est celle du dépôt légal. La Bibliographie de la France annonce le volume le 29 mai 1824. Les noms des éditeurs sont cités d’après la page de titre. Voir Courtney, Bibliography, p. 130. Treuttel & Würtz sont les éditeurs des trois premières éditions d’Adolphe en 1816. Ils éditeront en 1825 deux éditions de la brochure Appel aux nations chrétiennes en faveur des Grecs. La preuve en est la lettre de BC adressée le 7 juillet 1823 à Sismondi où il dit : «Je me suis déterminé à tenter la publication [de son ouvrage sur la religion] sous les Jésuites, mais je la publie par livraison, parce que la première, que je ne crois pas allarmante, établira, je l’espère, assez la réputation de l’ouvrage pour qu’on n’ose plus m’arrêter ensuite». Citée d’après P. Thompson, Les écrits de Benjamin Constant sur la religion, p. 126. Voir les textes dans OCBC, Œuvres, t. XI, pp. 37–118, et en particulier p. 44. P. Thompson, Les écrits, renvoie à juste titre à l’ouvrage de La Mennais, dont le premier vol. a paru en 1818. Il mentionne en plus le livre de Joseph de Maistre, Soirées de SaintPétersbourg, paru en 1821. Mais la lecture de l’ouvrage par BC n’est pas attestée. Bonald par contre lui est très familier, et BC savait qu’il s’intéressait à la religion. Voir l’article sur le budget publié dans le Mercure de France, t. II, 12 avril 1817 (OCBC, Œuvres, t. X/1, pp. 543–550, et plus particulièrement p. 547). La lecture très attentive de l’ouvrage de La Mennais est attestée par les notes de BC que l’on trouve dans le Carnet de notes depuis septembre 1824. Voir ci-dessous, pp. 450–455.

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Ce que nous ne pouvons reconstituer, ce sont les différentes étapes du travail de rédaction. Nous ne savons pas quand Constant se lance dans la révision de son texte1. Aucun manuscrit précédant le texte imprimé n’est conservé, aucun brouillon qui pourrait nous renseigner sur le travail n’existe dans les dossiers, de sorte que nous ne pouvons concrétiser les efforts de transformation qui feront du texte de la Copie bleue l’ouvrage que nous lisons. Ce que nous savons pourtant, c’est que Constant prépare soigneusement, presque avec une prudence stratégique, la rédaction définitive de son ouvrage. La preuve en est le répertoire soigné des matériaux qu’il possède. Cette liste est probablement exhaustive et pour nous un document précieux parce qu’elle nous permet d’identifier la plupart des dossiers toujours conservés dans les archives2. En examinant les énormes collections des notes de lecture, les notes du Livre verd, du Registre violet et enfin le gros manuscrit du Repertory commencé peut-être en 1811 ou 1812 et réunissant plus de 1700 notes et ébauches de textes3, nous devons nous rendre à l’évidence que le texte du Grand Quarto bleu, bien qu’il représente un parcours complet à travers la matière, n’est qu’un état provisoire des réflexions de Constant. C’est en 1823 qu’il élague ce texte et qu’il le complète systématiquement par ses anciennes notes, en les relisant et en notant dans les marges quand il les a utilisées pour son travail4. Nous pouvons donc nous faire une idée de la perfection méthodique du travail de Constant, mais le manuscrit qui permettrait une analyse plus en profondeur fait défaut. La seule hypothèse qu’on peut avancer sans trop de risque d’erreur concerne la note excessivement longue sur la doctrine de La Mennais. Le fait qu’elle coure sur plusieurs pages, qu’elle pousse le texte principal provisoirement dans les coulisses, qu’elle dépasse en longueur la plupart des chapitres de ce volume et qu’elle offre une argumentation très dense qui touche les prémisses centrales des réflexions de Constant nous suggère qu’il s’agit là d’un ajout fait peu de temps avant la sortie du livre pour prévenir d’avance une argumentation dont il craint l’attaque5. Constant, pressentant 1

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P. Thompson, Les écrits (p. 125), soutient que la lettre de Béchet aîné à BC, datée du 20 octobre 1821 (BCU, Co 381), parle de l’ouvrage sur la religion. Cette hypothèse est fausse. La question évoquée par Béchet concerne l’édition du Cours de politique constitutionnelle, et la phrase citée (plusieurs erreurs de transcription) ne parle que des aspects financiers des accords proposés par l’éditeur. Voir ci-dessous, pp. 339–343. Les manuscrits cités sont encore inédits : BCU, Co 3260, Co 3261 et Co 3245 (Hofmann, Catalogue, II/91, III/17 et II/106). On trouve dans les marges la mention «empl. en 1823» ou une formule de ce genre. Les notes utilisées sont très souvent barrées d’un trait de plume. Un procédé de travail analogue est attesté par le manuscrit de la seconde partie du Commentaire sur l’ouvrage de Filangieri. Voir OCBC, Œuvres, t. XXVI, pp. 87–90.

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sans doute le succès énorme de ce livre, se décide à le lire encore une fois et le fera avec la plus grande attention à partir du mois de septembre 1824, comme les extraits du Carnet de notes le prouvent. Une série de documents mineurs permet d’apporter quelques précisions relatives à la préparation du volume. Nous possédons trois plans sommaires et relativement rapprochés dans le temps, qui dessinent d’une manière très abrégée les contours du grand ouvrage à faire paraître1. Le premier plan, écrit au dos d’une lettre datée du 16 octobre 1823, a été rédigé après l’achèvement du manuscrit du premier volume, car il ne parle point des deux premiers livres. L’esquisse projette, un peu en tâtonnant, la future structure des livres III à VI, avec une variante pour les livres VI à VIII. Cette structure ne se réalisera pas telle qu’elle est projetée dans ce document. La conclusion s’impose que rien n’est encore décidé définitivement. Le second document datable de 1824 fait état de changements à prévoir pour certaines parties du second volume qui se prépare. Mais même ceux-ci ne se réaliseront pas tous de la manière dont c’est prévu ici. Le troisième plan que nous datons autour de 1823/1824 résume les réflexions de Constant au sujet d’une publication de son ouvrage sur la religion en cinq, ou plus probablement en six volumes. Ce plan, séduisant par la clarté systématique de l’ouvrage, ne sera pas maintenu sans changements. Le troisième plan est confirmé par les projets de prospectus et enfin par le prospectus imprimé, datable du 5 juillet 1823, que nous reproduisons cidessous2. Mais là encore, nous ne lisons que des documents éphémères. L’ouvrage, dont le dernier volume paraîtra en 1831, ne correspond plus du tout aux plans de 1823. Une fois le premier volume publié, Constant se lance sans tarder dans la suite des travaux. Il rédige ce qu’il appelle une «Suite d’idées dans le premier volume de l’ouvrage sur la religion», une espèce de répertoire systématique des arguments exposés dans ce premier volume, pouvant servir de table des matières très détaillée avec renvoi aux pages de l’imprimé3. Il lui importe incontestablement de retrouver, sans feuilleter au hasard le volume, les arguments exposés, ne fût-ce que pour éviter des redites ou des contradictions. Nous considérons ce dossier comme la fin du travail de rédaction à ce premier volume. Les suites immédiates de la publication de l’ouvrage sont les nombreux comptes rendus qu’on lui consacre et les polémiques qu’il provoque. Le 1 2 3

Voir ci-dessous, pp. 355–359. Voir ci-dessous, pp. 369–385. Voir ci-dessous, pp. 391–413.

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dernier document de cette nature est la condamnation de De la Religion par la Congrégation du Saint-Office à Rome, prononcée le 11 juin 1827 et rendue publique par le «Bando» affiche´ aux portes des églises de Rome le 15 septembre de la même année1. Établissement du texte Nous reproduisons dans le présent volume le texte de la première édition du tome premier de De la Religion. Les variantes textuelles de la deuxième édition, réimprimée en 1830, sont répertoriées dans l’apparat critique. Nous n’avons pas tenu compte des deux éditions de Bruxelles, celle de l’éditeur P. J. de Mat étant une édition non autorisée, celle de H. Tarlier et P. J. Voglet, bien qu’autorisée par l’auteur2, n’ayant pas été surveillée par lui. Imprimés : 1. DE LA RELIGION, CONSIDE´RE´E DANS SA SOURCE, SES FORMES ET SES DE´VELOPPEMENTS. PAR M. BENJAMIN CONS TANT. [deux lignes d’une citation grecque] (PLATON, Timée.) TOME PREMIER. [ligne ornementale enflée] PARIS, BOSSANGE PE`RE, BOS SANGE FRE`RES, TREUTTEL ET WURTZ, REY ET GRAVIER, RE NOUARD, PONTHIEU. [petit filet ornemental] 1824. Faux-titre : DE LA RELIGION. [tiret] TOME PREMIER. 215 × 135 mm. Pp. [i] faux-titre, [ii] adresse de Firmin Didot, rue Jacob, no 24, [iii] titre, [iv] blanche, [V]–XLIV Préface, [1]–217 Livre I, [218] blanche, [219]–368 Livre II, [369]–370 Table des chapitres du premier volume. Courtney, Bibliography, 58a(1). Courtney, Guide, A58/1, (1). Nous désignons cette édition par le sigle Rel. I,1. 2. DE LA RELIGION, CONSIDE´RE´E DANS SA SOURCE, SES FORMES ET SES DE´VELOPPEMENTS. PAR M. BENJAMIN CONS TANT. [deux lignes d’une citation grecque] (PLATON, Timée.) TOME PREMIER. [monogramme de l’éditeur] BRUXELLES, P. J. DE MAT, IMPRIMEUR-LIBRAIRE DE L’ACADE´ MIE. [tiret] 1824. Faux-titre : DE LA RELIGION. [tiret] TOME PREMIER. Distribution du texte de l’ouvrage comme ci-dessus, no 1, mais la pagination est différente. 1

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Voir K. Kloocke «Trois écrits de Benjamin Constant mis à l’Index, un quatrième condamné par l’Inquisition espagnole», ABC, 34, 2009, pp. 9–44. L’expertise du censeur Domenico Buttaoni est reproduite pp. 28–30. Voir Courtney, Bibliography, p. 138, la lettre du 31 juillet 1824 de BC à l’éditeur Tarlier qui esquisse un accord pour une publication belge de l’ouvrage.

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Courtney, Bibliography, 58b(1). Courtney, Guide, A58/2. Nous n’avons pas tenu compte de cette édition. 3. DE LA RELIGION, CONSIDE´RE´E DANS SA SOURCE, SES FORMES ET SES DE´VELOPPEMENTS. PAR BENJAMIN CONSTANT. [deux lignes d’une citation grecque] (PLATON, Timée.) TOME PREMIER. [ligne ornementale enflée] BRUXELLES. H. Tarlier, RUE DE L’EM PEREUR. P.-J. VOGLET, RUE DE RUYSBROEK. [ornements typographiques] 1824. Faux-titre : DE LA RELIGION. [tiret] TOME PREMIER. Distribution du texte de l’ouvrage comme ci-dessus, no 1, mais la pagination est différente. Courtney, Bibliography, 58c(1). Courtney, Guide, A58/3. Nous n’avons pas tenu compte de cette édition. 4. DE LA RELIGION, CONSIDE´RE´E DANS SA SOURCE, SES FORMES ET SES DE´VELOPPEMENTS. PAR M. BENJAMIN CONS TANT. [deux lignes d’une citation grecque] (PLATON, Timée.) DEUXIE` ME ÉDITION [tiret] TOME PREMIER. [armes de l’éditeur] PARIS, A. LEROUX ET C. CHANTPIE, ÉDITEURS. BE´CHET AINE´, LIBRAIRE, PALAIS-ROYAL, GALERIE DE BOIS, NOS 263–264. [petit filet ornemental] 1826. Faux-titre : DE LA RELIGION. [petit filet enflé] TOME PREMIER. 205 × 127 mm. Pp. [i] faux-titre, [ii] adresse de Firmin Didot, rue Jacob, No 24, [iii] titre, [iv] blanche, [V]–XI Préface de la première édition, [1]–147 Livre I, [148] blanche, [149]–252 Livre II, [253]–350 Notes, [351]–352 Table des chapitres du premier volume. Courtney, Bibliography, 58d(1). Courtney, Guide, A58/4, (1). Nous désignons cette édition par le sigle Rel. I,2. 5. DE LA RELIGION, CONSIDE´RE´E DANS SA SOURCE, SES FORMES ET SES DE´VELOPPEMENTS. PAR M. BENJAMIN CONS TANT. [deux lignes d’une citation grecque] (PLATON, Timée.) TOME PREMIER. [filet enflé] PARIS, CHEZ PICHON ET DIDIER, E´DI TEURS, RUE DES GRANDS-AUGUSTINS, No 47. [signe typographique ornemental] 1830. Faux-titre : DE LA RELIGION. TOME PREMIER. 210 × 130 mm. Pp. [i] faux-titre, [ii] avertissements, adresse de Amb. Firmin Didot, rue Jacob, No 24, [iii] titre, [iv] blanche, [V]–XI Préface de la première édition, [1]–147 Livre I, [148] blanche, [149]–252 Livre II, [253]350 Notes, [351]–352 Table des chapitres du premier volume.

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Courtney, Bibliography, 58e(1). Courtney, Guide, A58/5, (1). Nous désignons cette édition, identique à la précédente, par le même sigle Rel. I,2. Comptes rendus : 1. F. M., Revue encyclopédique, t. XXII, no 66, mars 1824, pp. 685–686. 2. Anonyme, L’E´toile, nos 1529 et 1534, 19 et 24 juin 1824, pp. 4a-b. 3. Anonyme, L’E´toile, nos 1536 et 1539, 26 et 29 juin 1824, «Réponse» et «deuxième réponse à la lettre de M. Benjamin Constant», pp. 3b–4a et 4a–4b. 4. [Ferdinand] d’E[ckstein], Le Drapeau blanc, nos 173, 180, 187, 195 et 208, 21 et 28 juin, 5, 13, et 26 juillet 1824, pp. 3b–4b, 3b–4b, 4a-b, 3b–4b et 3b–4b. 5. P., Gazette de France, no 176, 24 juin 1824, pp. 3a–4b. 6. A[ntoine] J[ay], Mercure du XIXe siècle, t. 5, no 65, 3 juillet 1824, pp. 575–581, t. 6, no 67, 17 juillet 1824, pp. 55–63. 7. C. C[oquerel], Revue protestante, t. I, 1824, pp. 75–77. 8. [Jean-Denis] Lanjuinais, Mercure du XIXe siècle, t. 6, no 66, 10 juillet 1824, pp. 16–23. 9. Anonyme, Le Constitutionnel, no 212, 30 juillet 1824, pp. 2b–4b. 10. [Stendhal], New Monthly Magazine, Historical Register, London, vol. XII, 1er septembre 1824, pp. 414a–415b. 11. Anonyme, La Semaine, Gazette littéraire, par un comité secret de rédaction, I, [4 septembre 1824], pp. 49–62. 12. P[hilibert Damiron], Le Globe, nos 10 et 11, 4 et 6 octobre 1824, pp. 39b–40b et 43b–44b, signé PH. 13. Xa, Revue encyclopédique, t. XXIV, no 71, novembre 1824, pp. 321–337. 14. [Stendhal], London Magazine, t. X, no 59, novembre 1824, pp. 483a491b. 15. [Stendhal], «L’aristocratie parisienne», London Magazine, t. X, no 60, décembre 1824, pp. 633a–635b. 16. A. P., Bibliothèque universelle des sciences, belles-lettres et arts, série «Littérature», t. XXIX, nos 1 et 2, mai et juin 1825, pp. 3–19 et 107–128. 17. [Friedrich Bouterwek], Göttingische gelehrte Anzeigen unter der Aufsicht der Königl. Gesellschaft der Wissenschaften, 119. Stück, 25 juillet 1825, pp. 1185–1192, 120. Stück, 28 juillet 1825, pp. 1193–11951. 1

Voir, pour le texte et les commentaires, Kurt Kloocke et Ulrich Steller, «Les comptes rendus de De la Religion parus dans les Göttingische gelehrte Anzeigen», ABC, 10, 1989, pp. 133– 160. L’identification de l’auteur de ce compte rendu est possible grâce à l’exemplaire des Göttingische gelehrte Anzeigen ayant appartenu au bibliothécaire universitaire de

Introduction

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18. Ferdinand d’Eckstein, Le Catholique, t. I, janvier 1826, pp. 15–1091. 19. Agric, Theologisches Literaturblatt zur allgemeinen Kirchenzeitung, no 11, 18 mars 1825, pp. 89–982. Polémique : Appendice. Mémorial catholique à l’usage des royalistes devenus ou reconnus Libéraux, Paris : Pillet aîné, 1824, pp. 85–90. Traduction : Die Religion, nach ihrer Quelle, ihren Gestalten und ihren Entwickelungen. Von Benjamin Constant. Mit Vorwissen des Verfassers aus dem Französischen übersetzt, und mit einigen Anmerkungen. Deutsch herausgegeben von Dr. Philipp August Petri, Prediger zu Lüethorst im Königreiche Hannover. [deux lignes de citation grecque, Platon]. Erster Band. Berlin bei G. Reimer. 1824. (Zweiter Band, 1827. Dritter Band, 1829). K.K.

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Göttingen, Jeremias David Reuss (1750–1837) et conservé aujourd’hui à la Bibliothèque universitaire de Tübingen. Reuss a inscrit en tête de tous les articles, publiés anonymement selon les règles de ce périodique, le nom des auteurs. Ajoutons qu’il a fait des études de philologie classique à Tübingen et que son érudition lui a valu d’être nommé professeur d’histoire des études philologiques à Göttingen, plus tard bibliothécaire de la Bibliothèque universitaire de cette ville, poste qu’il occupa jusqu’à la fin de sa vie. D’Eckstein rédigera un c. r. du t. II de De la Religion dans le même périodique, février 1826, pp. 205–242. Ce c. r. concerne la traduction allemande de l’ouvrage.

De la Religion, considérée dans sa source, ses formes et ses développements.

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Par M. Benjamin Constant. Μεμνημε νον ωë ς οë λε γων, υë μειÄς τε οιë κριταιÁ , ϕυ σιν αÆ νθρωπι νην εÍ χομεν.1 (PLATON, Timée) 10

Tome premier.

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Traduction littérale : «nous rappelant que nous – celui qui parle, et vous, les juges – avons une nature humaine [ne sommes que des hommes]». Cette citation extraite du Timée de Platon (29c-d) diffère légèrement du texte original : [...] μεμνημε νους ωë ς οë λε γων εÆ γωÁ , υë μειÄς τε οιë κριταιÁ ϕυ σιν αÆ νθρωπι νην εÍ χομεν «nous rappelant que moi qui parle, et vous qui jugez, nous ne sommes que des hommes» (Platon, Œuvres complètes, t. X : Timée – Critias, texte établi et traduit par Albert Rivaud, Paris : Les Belles Lettres, 1963, p. 142). C’est Timée qui se sert de cet argument afin d’expliquer pourquoi, sur des questions concernant les dieux et l’origine du monde, nous ne pouvons pas atteindre des connaissances exactes, de sorte que nous devons nous contenter d’un «conte vraisemblable» (οë ειÆ κοÁ ς μυÄ θος). – Dans chacun des cinq volumes de De la Religion, la citation extraite de Timée sert d’épigraphe. D’où l’importance de sa fonction : elle indique que De la Religion doit être une anthropologie de la religion et de son histoire (voir notre Introduction, ci-dessus, p. 35).

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Le mode de publication que nous avons adopté pour cet ouvrage, a été l’objet de plusieurs critiques. Ces critiques sont fondées. Un livre de la nature de celui-ci a besoin, pour être jugé, qu’on le présente dans son ensemble. Le morceler, c’est affronter gratuitement beaucoup d’objections, que la suite des développements préviendrait, et qui peuvent sembler victorieuses, faute d’être réfutées à l’instant même. Aussi n’eussions-nous jamais choisi ce mode, si une défiance assez naturelle ne nous eût fait douter de l’attention du public, au milieu des circonstances graves qui enveloppent et agitent toutes les destinées1, et quand il s’agit de recherches qui ne parlent à aucune passion, et ne sauraient alarmer ni servir les intérêts du moment. Rassurés sur ce point, nous eussions volontiers changé de méthode, si des engagements une fois pris ne nous paraissaient obligatoires. Tout ce que Établissement du texte : Imprimés : De la religion, considérée dans sa source, ses formes et ses développements. Par M. Benjamin Constant. Tome I. Paris : Bossange père, Bossange De la frères, Treuttel et Wurtz, Rey et Gravier, Renouard et Ponthieu, 1824. [=Rel. I,1] religion, considérée dans sa source, ses formes et ses développements. Par M. Benjamin Constant. Deuxième édition. Tome I. Paris : A. Leroux et C. Chantpie, éditeurs, Béchet aîné, De la religion, considérée dans sa source, ses formes et ses dévelop1826. [=Rel. I,2 ] pements. Par M. Benjamin Constant. Deuxième édition. Tome I. Paris : Pichon et Didier, 1826. [=Rel. I,3] 1

Allusion à la situation politique en France où les mesures du ministère Villèle et la politique de la majorité ultra de la Chambre, à savoir le renforcement de la censure, les procès contre la charbonnerie et contre la presse qui publie les sténogrammes des interrogatoires et analyse les plaidoiries des partis, les suites de la guerre d’Espagne, l’augmentation de l’influence du clergé dans le domaine de l’éducation et la création d’un ministère des Affaires ecclésiastiques peuvent être citées pour caractériser la lutte acharnée des royalistes contre l’esprit libéral. Nous savons, par la lettre du 7 juillet 1823 à Sismondi, que BC est très découragé : «Je n’écris à personne, [...]. Je ne peux me faire à la lecture de mes lettres par le public, avant qu’elles ne parviennent à mes amis. Et même à présent que j’ai une occasion sûre j’ai tellement pris l’habitude du silence que je ne saurais le rompre sur les affaires hispanoeuropéennes. [...] Je me suis déterminé à tenter la publication de mon livre, sous les jésuites. Mais je le publie par livraisons parce que la 1re, que je ne crois pas alarmante, établira, je l’espère, assez la réputation de l’ouvrage pour qu’on n’ose pas m’arrêter ensuite» (Norman King et Jean-Daniel Candaux, «La correspondance de Benjamin Constant et de Sismondi (1801–1830)», ABC, 1, 1980, p. 152).

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nous avons cru pouvoir nous permettre a été de réunir deux livraisons, et de les publier ensemble. De la sorte, nous espérons traiter assez complètement chaque époque, et nous pensons que ce premier volume donnera déja une idée claire du point de vue sous lequel nous envisageons l’objet important qui nous a occupés. L’inconvénient, toutefois, n’est qu’atténué. Des censeurs impatients se prévaudront peut-être de ce que nous ne pouvons dire chaque chose qu’à sa place. Ainsi, lorsque nous établirons, dans ce premier volume, que la plupart des notions qui constituent le culte des sauvages se retrouvent enregistrées et consolidées dans les religions sacerdotales de l’Egypte, de l’Inde, ou de la Gaule, on nous opposera les connaissances profondes qu’on se plaît à attribuer aux prêtres de Memphis, la philosophie souvent subtile des brames, ou la doctrine sublime des druides ; et l’objection ne sera écartée que lorsque nous aurons, dans une livrai son subséquente, pu traiter de cette philosophie, de ces connaissances, et de cette doctrine. De même, lorsque plus tard, approfondissant le polythéisme grec, nous montrerons que les opinions empruntées des religions sacerdotales, et présentées aux Grecs par les voyageurs, les philosophes et les prêtres euxmêmes, furent constamment repoussées par le génie de cette nation, l’on nous objectera les mystères ; et notre réponse ne sera complète que lorsque, postérieurement encore, nous aurons prouvé que les mystères furent le dépôt des doctrines, des traditions et des cérémonies étrangères, précisément parce qu’il y avait répugnance entre ces choses et la religion publique. Sur ces points et sur bien d’autres, non moins importants pour la marche des opinions, et pour l’histoire des idées religieuses, nous devons réclamer l’équité de nos lecteurs ; et comme les volumes se succèderont rapidement, 27 rapidement, ] dans l’édition de 1826, BC ajoute la note suivante Si, jusqu’à ce jour, nous n’avons pas rempli cette promesse aussi exactement que nous l’eussions désiré, les motifs des retards dont quelques personnes veulent bien se plaindre, sont assez légitimes pour que nous osions compter sur l’indulgence du public. D’une part, investis par la confiance de nos concitoyens de fonctions qui intéressent leurs libertés, leurs droits et leur bien-être, nous devons considérer comme notre premier devoir de consacrer à ces fonctions tous les moments qu’elles réclament de nous. D’une autre part, le mouvement des esprits, dans les pays de l’Europe, dont les uns, soumis encore à des gouvernements absolus, n’ont pas la faculté de s’occuper de questions politiques, et dont les autres, jouissant d’une liberté constitutionnelle, ne sont pas forcés comme nous à défendre sans cesse une conquête récente et mal assurée, est dirigé avec tant d’ardeur vers les questions religieuses, que chaque jour il s’imprime, soit en Allemagne, sur les rites et les doctrines de l’antiquité, soit en Angleterre, sur les cultes de l’Orient et du Midi, des ouvrages qu’il est nécessaire d’étudier pour ne pas rester en arrière de la marche des idées et du progrès des connaissances contemporaines. Souvent l’apparition inattendue d’un seul livre, allemand ou anglais, nous a obligés à de nouvelles recherches qui ont entraîné des délais nouveaux. Ces délais sont une preuve de notre respect pour le public. Il préférera sans

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le délai que nous demandons, pour entourer d’évidence les hypothèses qui seraient contestées, n’excèdera pas une durée assez courte. Nous nous en remettons aussi à cette équité, pour repousser, s’il y a lieu, des inculpations d’un autre genre. Nous éprouverions une peine très-vive, nous en convenons, si nous étions confondus avec cette tourbe d’écrivains qui, pleins d’une violence brutale, ou d’une vanité peu scrupuleuse dans le choix de ses moyens de succès, se précipite sur tous les objets de respect que le genre humain s’est créés. L’évidence des faits nous a contraints cependant à nous exprimer avec une sévérité que nous croyons juste, sur l’influence du sacerdoce chez plusieurs peuples de l’antiquité. Rappeler que nous ne parlons que des nations anciennes et des pontifes du polythéisme, serait nous dérober à l’attaque, au lieu de la repousser. Il nous convient mieux de dire toute notre pensée ; elle ne renferme rien que nous craignions d’avouer, et nous y gagnerons de n’être pas soupçonnés de nous réfugier dans les allusions, genre d’agression toujours un peu timide, et qui réunit à l’inconvénient de dénaturer les faits celui de donner à l’hostilité une fâcheuse empreinte de peur. Parmi nos accusations contre le sacerdoce des anciens, et son action sur la civilisation de cette époque, plusieurs sont totalement inapplicables aux prêtres des religions modernes. En premier lieu, ceux de l’antiquité étaient condamnés à l’imposture par leurs fonctions mêmes. Des communications merveilleuses à entretenir avec les dieux, des prestiges à opérer, des oracles à rendre, leur faisaient de la fraude une nécessité. Nos croyances, plus épurées, ont délivré les prêtres de nos jours de ces obligations corruptrices. Organes de la prière, consolateurs de l’affliction, dépositaires du repentir, ils n’ont, heureusement pour eux, point d’attributions miraculeuses. Tel est le progrès de nos lumières, et le calme que des doctrines moins matérielles ont répandu dans tous les esprits, que le fanatisme lui-même, s’il existe, est forcé de respecter des barrières qu’il était de l’essence du sacerdoce ancien de franchir, et par-delà lesquelles le siège de son influence était placé.

doute qu’un volume paraisse trois mois plus tard, si, à ce prix, l’auteur renferme dans ce volume plus de vérités, ou donne à des vérités déjà connues une évidence plus incontestable. On a souvent répondu avec raison aux écrivains qui s’excusaient sur la rapidité de la composition, que le temps ne faisait rien à l’affaire. Cette réponse semble une présomption favorable pour ceux qui renoncent aux avantages séduisants et faciles de cette rapidité, dans l’espoir d’approcher, autant qu’il est en eux, d’une perfection dont le temps et le travail sont les éléments premiers et indispensables.

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Que si des individus tentent de renverser ces barrières, ces essais partiels, interrompus, réprimés, sont des torts et non des périls, des sujets de blâme et non des moyens d’empire. Secondement, la puissance illimitée des druides ou des mages ne saurait jamais redevenir le partage de nos prêtres. Enclins que nous sommes à concevoir et même à trouver raisonnables et fondées les alarmes de ces raisons prévoyantes qui se plaignent de ce que le sacerdoce tend à se constituer en corps dans l’état, nous croirions néanmoins être par trop ombrageux, si nous supposions que les prérogatives qu’il possède, ou celles que momentanément il usurperait, le mettraient de niveau avec des castes qui dominaient sur la royauté, précipitaient les rois du trône, accaparaient toutes les connaissances, se créaient une langue à part, érigeaient l’écriture en monopole, et, juges, médecins, historiens, poètes, philosophes, fermaient le sanctuaire de la science à tout ce qui ne participait point de leur privilège, c’est-à-dire à l’immense majorité de l’espèce humaine. Contre les tendances individuelles qui aspireraient à la résurrection de ce qu’un intervalle de vingt siècles rend impossible à ressusciter, nous pouvons nous en remettre aux prudences collectives. Il y a dans les corps un instinct qui les avertit de ce qui est infaisable ; et si le calcul permet quelques tentatives hasardées, ce même calcul s’empresse de les désavouer, à la moindre apparence de danger. D’ailleurs, si le pouvoir politique, trompé, selon nous, sur ses intérêts, semble se prêter parfois à étendre outre mesure l’autorité dite spirituelle, les conditions du traité sont patentes et précises. S’il y a des monarques qui désirent que Léon XII excommunie des doctrines politiques, aucun ne voudrait voir entre les mains de Léon XII les foudres que Grégoire VII lançait contre les trônes1 ; et à l’instant où nous écrivons, une corporation, jadis redoutable, et qu’on croyait regrettée, vient d’être éloignée des états d’un prince sur lequel probablement elle avait fondé de grandes espérances2. Ayons confiance au temps, et ne nous exagérons pas l’épaisseur des nuages que deux vents opposés rassemblent et que deux vents opposés doivent disperser. 1

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Léon XII (Annibale della Genga, 1780–1829), pape de 1823–1829. Il réforma les écoles et multiplia les œuvres d’assistance. Il put conclure des concordats avec plusieurs pays en Europe et les anciennes colonies d’Amérique du Sud. – Grégoire VII, pape de 1073 à 1085, déclencha la Querelle des Investitures avec ses décrets de 1074 et 1075. Dans ce conflit entre l’E´glise et les souverains temporels, Grégoire, en s’opposant notamment à l’empereur germanique Henri IV, lutta avec acharnement pour la suprématie de l’E´glise. Allusion à la Compagnie de Jésus. En 1820, elle fut expulsée de Russie sous le tsar Alexandre Ier (1801–1825). Les espérances des jésuites étaient sans doute dues à la politique de tolérance religieuse que le tsar pratiqua au début de son règne.

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Rien de ce que nous avons pu dire du pouvoir immense des corporations théocratiques de l’Inde, de l’Ethiopie, ou de l’Occident, ne peut donc, avec la meilleure intention du monde et le talent le plus exercé d’interprétation, être travesti, par aucun de nos lecteurs, en attaques contre les prêtres des communions auxquelles nous devons du respect comme citoyens, ou des égards comme protestants. Notre censure contre le sacerdoce de quelques polythéismes a été même bien moins amère que le jugement porté contre lui par les pères de l’église ou par les théologiens qui ont marché sur leurs traces. Nous avons quelquefois adouci la rigueur de leurs arrêts ; nous avons indiqué le bien relatif qu’ont pu faire les ministres d’un culte erroné, parce que, en fait de sentiment religieux, l’erreur, à notre avis, vaut mieux que l’absence. Notre disposition à cet égard nous aurait peut-être attiré, il y a un siècle, des reproches d’une nature très-différente. On nous eût probablement fait un crime de trop d’indulgence ; et ce serait, à ce qu’il nous semble, un acte impolitique et irréfléchi, dans les prêtres d’un culte qui règne, que de déclarer qu’ils font cause commune avec les organes d’un culte renversé. Quant aux portions de blâme qui, indépendamment des croyances, des époques, et de la forme des institutions, pourraient rejaillir sur le sacerdoce de toutes les religions, il sera évident à quiconque sait lire et comprendre, que ce blâme ne pourrait aujourd’hui être mérité que par des individus qui méconnaîtraient les attributions de leur ministère. Les brames voudraient verser de l’huile bouillante dans la bouche de tout profane qui ouvre les Vèdes, tant ils redoutent l’instruction du peuple, et ce qu’ils appellent l’indiscipline, résultat de l’instruction ! Certes, en dévoilant cette politique étroite et astucieuse, nous ne blessons en rien un clergé qui réclame l’honneur d’avoir puissamment favorisé la renaissance des lettres ; et s’il existait des individus qui proscrivissent les moyens de répandre les connaissances dans toutes les classes, et d’améliorer les citoyens en les éclairant, ce clergé désavouerait avec nous ces brames ressuscités. Les prêtres de Méroé ôtaient à leurs rois la couronne, ou les mettaient à mort1. En nous élevant contre ces pontifes régicides, nous ne scandaliserions que ceux qui feraient du trône le marche-pied de l’autel. 1

C’est à Arnold Ludwig Hermann Heeren, Ideen über die Politik, den Verkehr und den Handel der vornehmsten Völker der alten Welt (Göttingen : Vandenhoeck und Ruprecht, 2 1804–1805), que BC doit cette information, comme l’indique la note no 158 des notes de lecture que BC prit de cet ouvrage (BCU, Co 3293, no 2 ; voir aussi ci-dessous, pp. 174–176, nos notes aux pp. 155 et 156 de l’original). Dans une section consacrée à l’état de Méroé, section qui figure dans la deuxième partie (Africanische Völker) de son ouvrage, Heeren insère une longue citation en allemand de «Diod. I, p. 177, etc.» (Ideen, t. II, p. 407, n. 8), c’est-à-dire de Diodore de Sicile, qui commente avec étonnement le fait que les prêtres de Méroé envoient, quand bon leur semble, un messager au roi du pays, lui ordonnant de mourir (voir Ideen, t. I, p. 407).

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Les mages déclaraient à Cambyse que ses volontés étaient au-dessus des lois. Notre réprobation de cette alliance du sacerdoce et du despotisme n’atteint point une église au nom de laquelle Fénélon, Massilon, Fléchier, n’ont cessé de répéter aux monarques que les lois étaient le fondement et la limite de leur puissance1. Ces explications nous ont paru nécessaires. Historiens fidèles, nous n’avons dénaturé aucun fait, ni sacrifié à des considérations secondaires aucune vérité. Nous avons tâché d’oublier, en écrivant, le siècle, les circonstances et les opinions contemporaines. C’est à cette détermination, scrupuleusement observée, que nous avons dû le genre de courage qui nous était de tous le plus difficile, celui de nous séparer, sur des questions d’une haute importance, de beaucoup d’hommes dont nous partageons d’ailleurs les principes, et dont nous honorons le noble caractère. Frappés des dangers d’un sentiment qui s’exalte et s’égare, et au nom duquel d’innombrables crimes ont été commis, ces hommes sont en défiance des émotions religieuses, et voudraient leur substituer les calculs exacts, impassibles, invariables, de l’intérêt bien entendu2. Cet intérêt suffit, disent-ils, pour établir l’ordre et faire respecter les lois de la morale. Nous sommes, certes, loin de partager la pieuse exagération qui attribue tous les crimes des époques incrédules à l’absence du sentiment religieux. Ces effets déplorables de passions aveugles, effets indépendants des croyances, sont communs aux siècles irréligieux et aux siècles dévots. Sous Alexandre VI3, la communion précédait et la confession suivait le meurtre. Nous reconnaissons de même que la nécessité du sentiment religieux ne serait pas suffisamment démontrée par les excès des révolutions durant lesquelles des peuples soulevés ont pris plaisir à fouler aux pieds les vé1

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François de Salignac de la Mothe-Fénelon (1651–1715), archevêque de Cambrai, auteur de traités théologiques (Maximes des Saints) et de fables, surtout connu pour les Aventures de Télémaque (1699), truffé de critiques contre la politique de Louis XIV. Ce dernier ouvrage lui valut la disgrâce. – Jean-Baptiste Massillon (1663–1742), prédicateur dont l’éloquence élégante et fine lui permit de rappeler au monarque ses limites : «Dieu seul est grand, mes frères» (Oraison funèbre de Louis XIV). – Esprit Fléchier (1632–1710), évêque de Nîmes connu pour ses sermons et ses Oraisons funèbres. Les deux derniers ont contribué à élever l’éloquence religieuse au rang de prose élégante. Sur BC, critique de la morale de l’intérêt bien entendu, c’est-à-dire de l’utilitarisme comme fondement de la morale et de la politique, doctrine chère aux courants sensualiste et matérialiste des Lumières (BC pense en premier lieu à Helvétius, voir ci-dessous, p. 79, mais aussi aux ‘idéologues’, tels Cabanis et Destutt de Tracy, ainsi qu’à Jeremy Bentham), voir Winkler, Décadence actuelle, pp. 133–135 et 255–263. Alexandre VI (Rodrigo Borgia), pape de 1492 à 1503, père de César et Lucrèce Borgia et d’autres enfants, connu pour sa de´bauche et sa politique au profit de sa famille. La remarque de BC fait penser à l’assassinat de son fils Giovanni (1497), à celui du premier mari de sa fille Lucrèce et aux meurtres commis à l’instigation de son fils César.

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nérations antiques. Les révolutions sont des moments d’orage, où l’homme, forcé de précipiter ses jugements et ses actes, au milieu du choc de toutes les violences déchaînées, sans guides pour le diriger, sans spectateurs pour le contenir, peut se tromper avec des intentions droites, et devenir criminel par les motifs les plus purs. Les révolutions que les convictions religieuses ont causées, n’ont pas été plus exemptes d’actions condamnables et féroces que les bouleversements dont la liberté a été la cause. L’anarchie de la guerre du protestantisme, et ses trente ans de massacres, ont égalé les forfaits et l’anarchie qui ont souillé les pages de la révolution française, et la piété farouche des puritains ne s’est pas montrée moins sanguinaire que l’athéisme effronté de nos démagogues. Mais, après avoir commencé par ces concessions bien étendues, nous serons forcés de demander encore si en repoussant le sentiment religieux, que nous distinguons des formes religieuses, et en se condui sant d’après la règle unique de son intérêt bien entendu, l’espèce humaine ne se dépouille pas de tout ce qui constitue sa suprématie, abdiquant ainsi ses titres les plus beaux, s’écartant de sa destination véritable, se renfermant dans une sphère qui n’est pas la sienne, et se condamnant à un abaissement qui est contre sa nature. L’intérêt bien entendu doit détruire tout ce qui est contraire à l’intérêt bien entendu. Si l’homme, dirigé par ce mobile, triomphe des passions qui l’entraîneraient en sens inverse de cet intérêt, il doit surmonter également toutes les émotions qui l’en distrairaient de même. Si l’intérêt bien entendu est assez puissant pour vaincre le délire des sens, la soif des richesses, les fu reurs de la vengeance, il l’emportera plus facilement encore sur des mouvements de pitié, d’attendrissement, de dévouement, combattus sans cesse par des considérations de prudence, d’égoïsme et de peur. Nous pourrons sans doute, en écoutant les préceptes de l’intérêt bien entendu, renoncer à des jouissances présentes ; mais ce sera pour obtenir des avantages futurs. Nous devrons nous abstenir de tout ce qui nous nuirait d’une manière durable ; et cette règle, la seule morale de l’intérêt bien entendu, devra s’appliquer à nos émotions généreuses et à nos vertus, comme à nos passions personnelles et à nos vices. Il n’y a pas un noble mouvement du cœur contre lequel la logique de l’intérêt bien entendu ne puisse s’armer. Il n’y en a pas un qui, suivant cette logique, ne soit faiblesse ou aveuglement. Il n’y en a pas un que l’intérêt bien entendu ne foudroie de ses calculs exacts et de ses équations victorieuses. Me direz-vous que l’intérêt bien entendu s’oppose lui-même à cette dépravation de notre nature, puisqu’il nous invite à rechercher la satisfaction intérieure que donne, au milieu de l’infortune, l’accomplissement d’un cou-

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rageux devoir ? Mais ne sentez-vous pas que par ces paroles vous en revenez à ces émotions involontaires qui vous transportent dans un autre ordre d’idées ? car, étrangères qu’elles sont à tout calcul, elles déconcertent, par leurs résultats, les doctrines arides de l’intérêt bien entendu. Pour éluder les conséquences du système que vous adoptez, vous faussez ce système indigne de vous ; vous y introduisez un élément qu’il repousse ; vous rendez à l’ame humaine la faculté, car c’en est une, et, de toutes, la plus précieuse, la faculté d’être subjuguée, dominée, exaltée, indépendamment et même en sens contraire de son intérêt. Si cet intérêt triomphait complètement, l’homme n’éprouverait de regret que de s’être trompé sur cet intérêt : il ne ressentirait de satisfaction que d’avoir soigneusement observe´ ses préceptes. Non, la nature n’a point placé notre guide dans notre intérêt bien entendu, mais dans notre sentiment intime. Ce sentiment nous avertit de ce qui est mal ou de ce qui est bien. L’intérêt bien entendu ne nous fait connaître que ce qui est avantageux ou ce qui est nuisible. Si donc vous ne voulez pas détruire l’œuvre de la nature, respectez ce sentiment dans chacune de ses émotions. Vous ne pouvez porter la cognée à aucune des branches de l’arbre qu’aussitôt le tronc ne soit frappé de mort. Si vous traitez de chimère l’émotion indéfinissable qui semble nous révéler un être infini, ame, créateur, essence du monde, (qu’importent les dénominations imparfaites qui nous servent à le désigner ?) votre dialectique ira plus loin, à votre insu et malgré vous-mêmes. Tout ce qui se passe au fond de notre ame est inexplicable ; et si vous exigez toujours des démons trations mathématiques, vous n’obtiendrez jamais que des négations. Si le sentiment religieux est une folie, parce que la preuve n’est pas à côté, l’amour est une folie, l’enthousiasme un délire, la sympathie une faiblesse, le dévouement un acte insensé. S’il faut étouffer le sentiment religieux parce que, dites-vous, il nous égare, il faudra vaincre aussi la pitié, car elle a ses périls, et nous tourmente et nous importune. Il faudra réprimer ce bouillonnement du sang qui nous fait voler au secours de l’opprimé, car il n’est pas de notre intérêt d’appeler sur nos têtes les coups qui ne sont pas destinés à nous atteindre. Il faudra surtout, songez-y bien, renoncer à cette liberté que vous chérissez : car d’une extrémité de la terre à l’autre, le sol que foule la race humaine est jonché des cadavres de ses défenseurs. Cette divinité des ames fières et nobles, ce n’est pas l’intérêt bien entendu qui dressera ses autels. Il attendra qu’érigés par d’autres ils lui présentent un abri solide ; et si les vents im21–22 monde, ... désigner ?) ] monde ... désigner ?), Rel. I,2

35 car ] car, Rel. I,2

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pétueux les ébranlent, vous le verrez, infidèle ou timide, déserter un culte proscrit, et, tout au plus, se faire un mérite d’une honteuse neutralité. Et l’expérience n’a-t-elle pas été faite ? Qu’avons-nous vu dans toute l’Europe depuis vingt années ? L’intérêt bien ententu régnant sans rival. Quel a été le fruit de ce règne ? Encore une fois, nous ne parlons pas des crimes. Nous accordons que l’intérêt bien entendu les condamne, et que ses conseils les eussent réprimés a. Mais cette indifférence, cette servilité, cette persistance dans le calcul, cette versatilité dans les prétextes, qu’était-ce autre chose que l’intérêt bien entendu ? Il a servi à maintenir l’ordre dans des temps désastreux. L’ordre est nécessaire au bien-être : mais il a sacrifié à l’ordre extérieur tous les sentiments dont l’explosion pouvait être hasardeuse. L’ordre est toujours en apparence du côté de la force : l’intérêt bien entendu s’est placé aussi du côté de cette force, sinon pour la seconder, au moins pour lui aplanir les obstacles. Il a plaint les victimes ; mais quand on les traînait au supplice, il a veillé à ce que l’ordre ne fût point troublé. Il a laissé tomber les têtes, et il a garanti les propriétés. Il a empêché le pillage, et facilité le meurtre légal. a

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Nous accordons ici à nos adversaires un point que nous pourrions fort bien contester. Rien n’est moins assuré que la victoire de l’intérêt bien entendu sur les penchants qui contrarient la morale. Cet intérêt, dans l’homme qu’une passion domine, est sans doute d’abord d’étouffer cette passion, s’il le peut. Mais si ce triomphe est au-dessus de ses forces, son intérêt bien entendu est de satisfaire cette passion, pour mettre un terme au tourment qui l’agite ; car ce tourment peut devenir tel que cet homme y succombe. Lorsqu’un accident ou une maladie, étrangère au tempérament d’un malade, mettent sa vie en danger, les médecins cherchent à écarter le péril imminent, sans calculer si les remèdes qu’ils emploient dans ce moment de crise n’ont pas d’inconvénient pour sa santé future. L’intérêt bien entendu de l’homme passionné est de sortir de l’état violent ou` le pré cipite sa passion non satisfaite : quand le présent le détruit, que lui importe un avenir qu’il n’atteindra pas ? Le principal fondateur du système de l’intérêt bien entendu, Helvétius, est beaucoup moins inconséquent que ses successeurs ne l’ont été. Admirateur des passions, il n’exhorte nulle part ses disciples à les vaincre. Il leur dit, au contraire, que s’ils cessent d’être passionnés, ils seront stupides1. Il veut les passions, mais il accorde les jouissances. Il donne l’intérêt pour mobile, mais il ne prétend pas le dénaturer par une épithète, et l’investir d’une sagesse, d’une prévoyance qu’il n’aura jamais. Nous avons néanmoins voulu faire aux partisans de ce système cette concession, parce que, même après cette concession, il nous paraît tout aussi erroné et tout aussi nuisible. BC renvoie ici à De l’Esprit, Discours III, chapitre 8, intitulé : «On devient stupide, dès qu’on cesse d’être passionné.» Voir Claude-Adrien Helvétius, De l’Esprit, Paris : Fayard, 1988 (Corpus des œuvres de philosophie en langue française), p. 283. (Cette édition contient le texte de celle de 1758, qui fut condamnée par le Parlement en 1759). Voir aussi la conclusion du chapitre, p. 289 : «La conclusion générale de ce que j’ai dit sur les passions, c’est que leur force peut seule contrebalancer en nous la force de la paresse et de l’inertie, nous arracher au repos et à la stupidité vers laquelle nous gravitons sans cesse, et nous douer enfin de cette continuité d’attention à laquelle est attachée la supériorité de talent.»

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Il a servi au développement des facultés intellectuelles : oui ; mais en les développant, il les a dégradées. On a été spirituel, mais l’esprit s’est dirigé contre tout sentiment qui n’était pas égoïste. L’abnégation de soi-même est devenue l’objet de la dérision. On a flétri par l’ironie, rabaissé par le dédain la nature humaine, et l’on a dit que c’était une raisonnable appréciation des choses, ou une piquante gaîté. Par cela même qu’on était spirituel, on s’est complu dans une sorte d’opposition. Tant qu’il n’y a pas eu de danger, l’intérêt bien entendu a permis à la vanité de critiquer indifféremment le bien comme le mal. Le péril a paru, et l’intérêt bien entendu a conseillé d’applaudir prudemment au mal comme au bien : de sorte que sous le pouvoir modéré on s’est montré frondeur, et sous le pouvoir violent on s’est montré servile. Les vertus ont subi les mêmes dégradations que les facultés. Elles ont perdu le charme qui atteste leur origine céleste : et en les voyant tellement prudentes, réservées, inquiètes d’en trop faire, on a pu deviner que l’ame n’y était pour rien, et que la véritable source était tarie. On a été charitable, parce que l’intérêt bien entendu dit au riche que le dénûment sans ressource est formidable. Mais la charité a été mise au rabais. On s’est interdit l’aumône qui vient de l’attendrissement et de la pitié ; on a ravi au pauvre sa liberté en échange de sa subsistance ; on s’est cru bienfaisant, quand sous des verrous on lui donnait du pain. Le calcul ne s’est pas même arrêté à ce terme. Importuné d’avance des générations encore en germe, on a reproché à l’indigent ses penchants naturels, et à ses enfants leur existence. On a supputé combien de bras peuvent exécuter les travaux nécessaires. On a proscrit le reste du genre humain comme superflu ; et l’on a transformé la vie en un parc, que ses propriétaires ont droit de clore de murs, et dont l’entrée n’est accordée que sous le bon plaisir de leur tolérance. On a pratiqué des vertus domestiques. Il est plus conforme à l’intérêt bien entendu de vivre en paix chez soi qu’en hostilité, et le scandale trouble la vie. Mais les vertus domestiques ont aussi été rabaissées à hauteur d’appui. L’on a eu de l’égoïsme pour sa famille, comme auparavant pour soi. On a repoussé son ami menacé, de peur d’alarmer une épouse inquiète. On a déserté la cause de la patrie, parce que l’intérêt bien entendu voulait qu’on ne compromît pas la dot d’une fille. On a servi le pouvoir injuste, parce que l’intérêt bien entendu ne voulait pas qu’on entravât la carrière d’un fils. Il n’y avait point de vices dans tout cela ; il y avait prudence, arithmétique morale ; il y avait la partie logique et raisonnable de l’homme, séparée de sa partie noble et élevée ; il y avait, en un mot, l’intérêt bien entendu. Des exceptions honorables consolent nos regards : mais ces exceptions n’étaient-elles pas des inconséquences, des déviations du systême de l’égoïsme, des hommages rendus à la puissance des émotions ?

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Et remarquez-le bien : le tableau que nous venons de tracer suppose la prospérité, le calme, un état de choses où rien ne dérange le calcul ; où l’intérêt bien entendu, tranquille et sans effroi, sait toujours ce qu’il doit vouloir, et parvient toujours à se faire entendre. C’est le beau idéal d’une société gouvernée par cet intérêt bien entendu. Qu’a-t-elle de plus que les rassemblements industrieux des castors, ou les réunions bien ordonnées des abeilles ? Mais que des circonstances plus graves troublent cette société si méthodiquement arrangée, cette collection d’ossements classés avec art et de pétrifications disposées par ordre, le systême aura d’autres conséquences. Son effet naturel est de faire que chaque individu soit son propre centre. Or, quand chacun est son propre centre, tous sont isolés. Quand tous sont isolés, il n’y a que de la poussière. Quand l’orage arrive, la poussière est de la fange1. Amis de la liberté, ce n’est pas avec de tels éléments qu’un peuple l’obtient, la fonde ou la conserve. Des habitudes qui ne tiennent point à votre système, une élévation d’ame que ce système n’a pu détruire, une susceptibilité généreuse qui vous enflamme et vous transporte en dépit de vos doctrines, vous trompent sur l’espèce humaine, et, peut-être, sur vous. Contemplez l’homme domine´ par ses sens, assiégé par ses besoins, amolli par la civilisation, et d’autant plus esclave de ses jouissances, que cette civilisation les lui rend plus faciles. Voyez combien de prises il offre à la corruption. Songez à cette flexibilité du langage qui l’entoure d’excuses, et met la pudeur de l’égoïsme à couvert. N’anéantissez donc pas en lui le seul mobile désintéressé qui lutte contre tant de causes d’avilissement. Tous les systêmes se réduisent à deux. L’un nous assigne l’intérêt pour guide, et le bien-être pour but. L’autre nous propose pour but le perfectionnement, et pour guide le sentiment intime, l’abnégation de nous-mêmes et la faculté du sacrifice. En adoptant le premier, vous ferez de l’homme le plus habile, le plus adroit, le plus sagace des animaux ; mais vous le placerez en vain au sommet de cette hiérarchie matérielle : il n’en restera pas moins au-dessous du dernier échelon de toute hiérarchie morale. Vous le jetterez dans une autre sphère que celle où vous croyez l’appeler ; et quand vous l’aurez circonscrit dans cette sphère de dégradation, vos institutions, vos efforts, vos exhortations seront inutiles ; vous triom pheriez de tous les ennemis extérieurs, que l’ennemi intérieur serait invincible.

1

Sur ce passage en particulier, et sur la métaphore constantienne de la poussière en général, voir l’article de M. Winkler, «BC et la métaphore de la poussière», ABC, 4, 1984, pp. 1–15.

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Les institutions sont de vaines formes, lorsque nul ne veut se sacrifier pour les institutions. Quand c’est l’égoïsme qui renverse la tyrannie, il ne sait que se partager les dépouilles des tyrans. Déja une fois l’espèce humaine semblait plongée dans l’abyme. Alors aussi une longue civilisation l’avait énervée a. L’intelligence qui avait tout analysé, avait semé le doute sur les vérités et sur les erreurs. L’intérêt et le calcul réunissaient sous leur bannière les classes éclairées. Un joug de fer tenait immobiles les classes laborieuses. Aussi que d’efforts inutiles ! que de victimes dans cette minorité déja si peu nombreuse qui se rappelait un passé moins abject, et dont le cœur s’élançait vers un avenir moins misérable ! Tout fut infructueux : les succès même furent stériles. Après Caligula, après Néron, bien plus tard encore, sous les règnes de Galba, de Probus, de Tacite, de généreux citoyens crurent un instant que la liberté pouvait renaître. Mais la liberté frappée de mort voyait ses défenseurs tomber avec elle. Le siècle ne les comprenait pas. L’intérêt bien entendu les abandonnait b. Le monde était peuplé d’esclaves, exploitant la servitude ou

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Les effets de la civilisation sont de deux espèces. D’une part, elle ajoute aux découvertes, et chaque découverte est une puissance. Par-là elle augmente la masse de moyens à l’aide desquels l’espèce humaine se perfectionne. D’une autre part, elle rend les jouissances plus faciles, plus variées, et l’habitude que l’homme contracte de ces jouissances lui en fait un besoin qui le détourne de toutes les pensées élevées et nobles. En conséquence, chaque fois que le genre humain arrive à une civilisation exclusive, il paraît dégradé durant quelques générations. Ensuite il se relève de cette dégradation passagère, et se remettant, pour ainsi dire, en marche, avec les nouvelles découvertes dont il s’est enrichi, il parvient à un plus haut degré de perfectionnement. Ainsi nous sommes, proportion gardée, peut-être aussi corrompus que les Romains du temps de Dioclétien ; mais notre corruption est moins révoltante, nos mœurs plus douces, nos vices plus voilés, parce qu’il y a de moins le polythéisme devenu licencieux, et l’esclavage toujours horrible. En même temps, nous avons fait des découvertes immenses. Des générations plus heureuses que nous profiteront et de la destruction des abus dont nous sommes délivrés, et des avantages que nous avons conquis. Mais pour que ces générations puissent avancer dans la route qui leur est ouverte, il leur faudra ce qui nous manque, et ce qui doit nous manquer, la conviction, l’enthousiasme et la puissance de sacrifier l’intérêt à l’opinion. Il résulte de ceci que ce n’est point la civilisation qu’il faut proscrire, et qu’on ne doit ni ne peut l’arrêter. Ce serait vouloir empêcher l’enfant de croître, parce que la même cause qui le fait croître le fera vieillir. Mais il faut apprécier l’époque où l’on vit, voir ce qui est possible, et, en secondant le bien partiel qui peut encore se faire, travailler surtout à jeter les bases d’un bien à venir, qui rencontrera d’autant moins d’obstacles et sera payé d’autant moins cher qu’il aura mieux été préparé. Il est remarquable qu’à cette époque toute la classe éclairée, sauf les nouveaux platoniciens d’une part, et les chrétiens de l’autre, professait la philosophie épicurienne, qui n’était au fond que la doctrine de l’intérêt bien entendu1.

38 à venir ] avenir Rel. I,1 1

Voir le Repertory, note 847.

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la subissant. Les chrétiens parurent : ils placèrent leur point d’appui hors de l’égoïsme. Ils ne disputèrent point l’univers matériel, que la force matérielle tenait enchaîné. Ils ne tuèrent point, ils moururent, et ce fut en mourant qu’ils triomphèrent. Amis de la liberté, proscrits tour à tour par Marius et par Sylla1, soyez les premiers chrétiens d’un nouveau Bas-Empire. La liberté se nourrit de sacrifices. Rendez la puissance du sacrifice à la race énervée qui l’a perdue. La liberté veut toujours des citoyens, quelquefois des héros. N’éteignez pas les convictions qui servent de base aux vertus des citoyens, et qui créent les héros, en leur donnant la force d’être des martyrs.

1

«[P]roscrits tour à tour par Marius et par Sylla», c’est-à-dire d’abord par le système de Napoléon et ensuite par celui de la monarchie restaurée. Lors des guerres civiles romaines, Caius Marius (157–86 av. J.-C.) et Lucius Cornelius Sulla (138–78 av. J.-C.), généraux et hommes politiques romains, se livrèrent à de sanglantes proscriptions de leurs opposants et se proscrivirent l’un l’autre, le premier étant le représentant du peuple et le second celui de l’aristocratie. C’est sans doute pour échapper à la censure que BC établit ici un rapport typologique entre ces deux hommes politiques romains et les deux systèmes politiques auxquels il s’opposa au cours de sa vie d’homme et d’écrivain politique libéral.

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De la religion, considérée dans sa source, ses formes et ses développements. Livre premier.

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Chapitre premier. Du Sentiment religieux.

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L’auteur de l’Esprit des Lois a dit, avec raison, que tous les êtres avaient leurs lois, la divinité comme le monde, le monde comme les hommes, les hommes comme les autres espèces d’êtres animés a. Ces lois constituent la nature de chaque espèce ; elles sont la cause générale et permanente du mode d’existence de chacune ; et lorsque des causes extérieures apportent quelque changement partiel à ce mode d’existence, le fond résiste et réagit toujours contre les modifications. Il ne faut donc point vouloir assigner de causes à ces lois primordiales : il faut partir de leur existence pour expliquer les phénomènes partiels. Pourquoi telle classe d’animaux vit-elle en troupe, tandis que dans telle autre classe chaque individu vit isolé ? Pourquoi dans celle-ci l’union des sexes est-elle plus ou moins durable, tandis qu’à côté l’instinct sauvage reprend sa force dès que le désir est satisfait ? On ne saurait dire autre chose, sinon que ces espèces sont ainsi. C’est un fait dont la vérité est constatée et dont les explications sont arbitraires. Car les plus faibles parmi ces espèces ne sont pas les plus sociables. En se réunissant, elles ne se prêtent aucune assistance : elles obéissent à leur nature, qui leur a imposé des lois, c’est-à-dire une dispo sition qui les caractérise et qui décide de leur mode d’exister. Si donc il y a dans le cœur de l’homme un sentiment qui soit étranger à tout le reste des êtres vivants, qui se reproduise toujours, quelle que soit la position où l’homme se trouve, n’est-il pas vraisemblable que ce sentiment est une loi fondamentale de sa nature ? Tel est, à notre avis, le sentiment religieux. Les hordes sauvages, les tribus barbares, les nations qui sont dans la force de l’état social, celles qui languissent dans la décrépitude de la civilisation, toutes éprouvent la puissance de ce sentiment indestructible. a

Esprit des lois, liv. I, chap. I1.

10 de ] des Rel. I,2 1

30 lois, ] Lois, Rel. I,2

BC résume le premier alinéa de l’Esprit des lois, simplifiant quelque peu la pensée de Montesquieu ; celui-ci cite, pour donner à ces observations très générales une allure plus noble, un passage de Plutarque (Esprit des lois, p. 232).

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Il triomphe de tous les intérêts. Le sauvage à qui une pêche ou une chasse pénible ne fournissent qu’une subsistance insuffisante, consacre à son fétiche une portion de cette subsistance précaire. La peuplade belliqueuse dépose ses armes pour se réunir au pied des autels. Les nations libres interrompent leurs délibérations pour invoquer les dieux dans les temples. Les despotes accordent à leurs esclaves des jours de relâche. Ainsi que les intérêts, les passions se soumettent. Quand les suppliants embrassent les genoux des statues sacrées, la vengeance se tait, la haine se calme. L’homme impose silence à ses penchants les plus impérieux. Il s’interdit le plaisir, abjure l’amour, se précipite dans les souffrances et dans la mort. Ce sentiment toutefois s’associe à tous nos besoins, à tous nos désirs. Nous demandons aux dieux tout ce que nous ne leur sacrifions pas. Le citoyen les invoque en faveur de sa patrie ; l’amant, séparé de ce qu’il aime, leur confie cet objet chéri. La prière du prisonnier perce les murs du cachot qui le renferme ; et le tyran s’agite sur son trône, importuné des puissances invisibles, et se rassure à peine en les imaginant mercenaires. Opposerons-nous à ces exemples quelques peuplades misérables qu’on nous peint errantes sans idées religieuses aux extrémités du globe ? Leur existence repose sur le témoignage douteux de quelques voyageurs, probablement inexacts1 : car assurément l’on peut soupçonner d’inexactitude des écrivains dont les uns ont affirmé sur parole l’athéisme de peuples qu’ils n’avaient point visités a et dont les autres, méconnaissant la religion a

1

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C’est le cas de la plupart des voyageurs que Ro bertson cite, dans son histoire d’Amérique2, et l’on peut en dire autant de l’auteur d’une description de la Nigritie, qui a paru à Amsterdam en 1789. C’est sur la foi de son maître de langue qu’il a affirmé que les Seraires,

BC s’inspire ici de Christoph Meiners, Allgemeine kritische Geschichte der Religionen, Hannover : Helwingische Hof-Buchhandlung, 1806–1807, 2 vol., t. I, pp. 10–11, comme le montre la première («empl. 1823») des notes de lecture qu’il prit de cet ouvrage (voir BCU, Co 3293, no 2 ; ces notes de lecture de Meiners comptent 25 pages). L’ensemble de cette note de BC est en réalité une traduction d’une note de C. Meiners, Allgemeine kritische Geschichte, t. I, p. 11, note m). Meiners pense ici probablement au «Catalogue of Spanish Books and Manuscripts» que Robertson place à la fin de son ouvrage : voir William Robertson, History of America, London : printed for W. Strahan and T. Cadell, 1777, 3 vol., t. III, pp. 351–363. Comme Robertson l’explique dans sa préface, les volumes publiés de son History of America portent uniquement sur l’Amérique latine colonisée par les Espagnols. Il se propose de continuer et de compléter son ouvrage après la fin de la guerre qui oppose les colonies britanniques d’Amérique du Nord à la Grande-Bretagne (voir History, t. I, pp. V-VI). Ensuite, il explique comment il s’est procuré les livres et manuscrits espagnols dans lesquels il a puisé les informations qu’il communique au

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où elle était, ont conclu de l’absence de telle ou telle forme que le fond n’existait pas a. Serait-ce d’ailleurs une exception imposante que celle que fourniraient des hordes qui se nourrissent de chair humaine, et dont l’état ressemble à celui des brutes ?

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une tribu de Nègres entourée d’autres tribus fétichistes, et qui ont des prêtres et des sorciers, ne rendent pourtant hommage à aucune divinité1. Collins (Account of the english colony in Newwales) prétend que les habitants de la Nouvelle-Hollande n’adorent aucun être visible ou invisible ; et, immédiatement après, il parle des sacrifices qu’ils offrent aux ames des morts, de la crainte qu’elles leur inspirent, de leur confiance dans les sorciers, et des artifices grossiers que ceux-ci emploient pour accroître leur influence2. Or un peuple qui invoque ceux qui ne sont plus, qui recourt à la puissance de la magie, qui croit à des forces surnaturelles, à des rapports entre ces forces et l’homme, et à des moyens de les disposer en sa faveur, professe évidemment une religion quelconque. Il en est de même de l’allemand Beger, dans sa relation de Californie : Les Californiens, ditil, ne reconnaissent ni un dieu unique, ni plusieurs dieux. Mais ils se meurtrissent la tête à coups de pierre aux funérailles de leurs parens : ils leur donnent des souliers pour leur voyage dans un autre monde. Ils ont des jongleurs qui se retirent dans des cavernes pour y conférer solitairement avec des êtres supérieurs. N’est-ce pas là une religion3 ?

14 l’allemand ] l’Allemand Rel. I,2

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16 parens : ] parents : Rel. I,2

public. Les notes de bas de page et le catalogue placé à la fin de l’ouvrage témoignent de son souci d’authenticité : «I have endeavoured to authenticate whatever I relate» (History, p. XV). La remarque de Meiners copiée par BC vise donc à démasquer la naïveté de l’auteur et, ce faisant, à remettre en question la validité de la prétendue authenticité de son ouvrage. Or quelques-unes des sources de Robertson figurent parmi les sources de Meiners et – indirectement – de BC, p. ex. Ulloa : voir C. Meiners, Allgemeine kritische Geschichte, t. I, p. 194, n. q ; t. II, p. 762, n. z, et, pour BC, ci-dessous la liste des Ouvrages cités. Ainsi, eux non plus n’échappent pas au problème de l’authenticité, problème que Meiners soulève également dans la suite de la note traduite par BC. Citation d’un ouvrage d’Antoine Edme Pruneau de Pommegorge, Description de la Nigritie, Amsterdam et Paris : Maradan, 1789. C. Meiners (Allgemeine kritische Geschichte, t. I, p. 11, n. m) et – indirectement – BC font du tort à Pruneau de Pommegorge : celui-ci, après avoir constaté que les Seraires, «naturellement bons», «sont sans la moindre religion, & n’ont aucune connoissance de l’être suprême» (p. 123), raconte comment il tenta d’amener quelques représentants de ce peuple à admettre l’existence d’«un grand être infiniment puissant, qui avoit créé toute chose» (pp. 124–125). Il leur fait une sorte de profession de foi déiste. Mais ses interlocuteurs répondent qu’ils ne connaissent «rien de tout cela». C’est alors que son «maître de langue», c’est-à-dire l’interprète, qui fut présent pendant l’entretien et «qui avait demeuré quelque-temps avec eux, lui confirma que ces peuples n’avoient aucun culte» (p. 125). Voir David Collins, An Account of the English Colony in New South Wales, London : T. Cadell, Jun. & W. Davies, 1798–1802, 2 vol., t. I, pp. 547–549 («Religion») et pp. 594–596 («Superstition») ; ces deux chapitres figurent dans l’«Appendix» du t. I. BC donne un résumé correct des remarques de Collins sur l’absence de religion chez les aborigènes australiens. BC résume de manière correcte des passages qui figurent dans Johann Jakob Baegert, Nachrichten von der Amerikanischen Halbinsel Californien mit einem zweyfachen Anhang falscher Nachrichten, Mannheim : Khurfürstl. Hof- und Akademie Buchdruckerey, 1773, pp. 159–174. Baegert se propose de démontrer que les Californiens n’ont ni de forme de

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Nous pouvons donc considérer ce sentiment comme universel1 : ne serait-il qu’une grande erreur ? Quelques hommes le disent de temps à autre. La peur, l’ignorance, l’autorité, la ruse, telles sont, à les entendre, les premières causes de la religion a ; ainsi des causes toutes passagères, extérieures et accidentelles, auraient changé la nature intérieure et permanente de l’homme et lui auraient donné une autre nature, et, chose bizarre, une nature dont il ne peut se défaire, même lorsque ces causes n’existent plus !

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V. DE´ MOCRIT. ap. Sext. Empir. adv. Mathem. CICER. de nat. Deor. II., 5. Hume, natur. hist. of relig. Boulanger, Antiquité dévoilée, I. 323–367. II. 1332.

6 l’homme ] l’homme, Rel. I,2

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9 nat. Deor. ] Nat. Deor., Rel. I,2

gouvernement ni de religion et qu’ils mènent au contraire une vie bestiale (p. 159). Il mentionne les usages que BC interprète de manière fondamentalement différente. Phrase inspirée par Philipp Christian Reinhard, Abriß einer Geschichte der Entstehung und Ausbildung der religiösen Ideen, Jena : in der akademischen Buchhandlung, 1794, p. VII : «Allgemeinheit der religiösen Ideen als ein Hauptzug der Aehnlichkeit im Charakter der Völker» (titre du ch. 2 de la «Einleitung» de cet ouvrage) ; voir les notes de lecture (deux pages et quelques lignes) de cet ouvrage (BCU, Co 3293, no 1). La première – «Universalite´ de la Religion» – renvoie à la p. VII de Reinhard ; elle porte dans la marge l’indication «empl. en 1823». BC doit à Meiners cette remarque sur les prétendues causes premières de la religion ainsi que les renvois à Démocrite, Cicéron, Hume et Boulanger. Voir C. Meiners, Allgemeine kritische Geschichte, t. I, pp. 16–28 et notes ; voir également dans le manuscrit déjà cité (BCU 3293, no 2), les numéros 6 et 7 des notes de lecture de Meiners, marquées dans la marge comme «empl. 1823». Or, contrairement à BC, Meiners fait sienne l’opinion de ces auteurs : «Die einzige Ursache des Ursprungs von Religionen war der Mangel einer richtigen Kenntniß der Natur, oder die Unfähigkeit roher Menschen, die wahren Ursachen natürlicher Erscheinungen zu erforschen.» (t. I, p. 16 ; voir le développement de cette thèse aux pages suivantes). – Sextus Empiricus, dans Adversus Mathematicos, mentionne Démocrite. Voir Sextus Empiricus with an English Translation by R. G. Bury, t. III : Against the Physicists (=Adversus Mathematicos, Livres IX-X), Cambridge, Mass. : Harvard University Press, London : Heinemann, 1938, pp. 23–25 : «Nor is Democritus to be credited in that he explains the less doubtful by the more doubtful. For nature supplies a great number and variety how men acquired the conception of Gods ; but the notion that «there exist in the circumambient gigantic images of human shape» and, in general, all such fictions as Democritus is pleased to invent for himself, is wholly inadmissible.» – Cicéron, La nature des dieux, traduit et commenté par Clara Auvray-Assayas, Paris : Les Belles Lettres, 2002. – Quant à l’essai de David Hume sur «The Natural History of Religion», il parut en 1757 comme la première des Four Dissertations, London : A. Millar, 1757. Voir ci-dessous les notes 2, p. 155 et 1, p. 295. Nicolas-Antoine Boulanger, L’Antiquité dévoilée par ses usages, édition établie et annotée par Paul Sadrin, Paris : Les Belles Lettres, 1978, 2 vol.

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Car c’est en vain que ses connaissances s’étendent, et qu’en lui expliquant les lois physiques du monde, elles lui apprennent à ne plus leur assigner pour moteurs des êtres qu’il importune de ses adorations ou qu’il fléchisse par ses prières. Les enseignements de l’expérience repoussent la religion sur un autre terrain, mais ne la bannissent pas du cœur de l’homme. A mesure qu’il s’éclaire, le cercle d’où la religion se retire s’agrandit. Elle recule, mais ne disparaît pas. Ce que les mortels croient, et ce qu’ils espèrent, se place toujours, pour ainsi dire, à la circonférence de ce qu’ils savent. L’imposture et l’autorité peuvent abuser de la religion, mais n’auraient pu la créer. Si elle n’était pas d’avance au fond de notre ame, le pouvoir ne s’en serait pas fait un instrument, des castes ambitieuses un métier. Mais si elle est au fond de l’ame de tous, d’où vient l’opposition de quelques-uns à cette conviction générale, à cet assentiment unanime ? Soupçonnerons-nous leurs motifs ou leurs lumières ? Les taxerons-nous d’une ignorance présomptueuse, ou les accuserons-nous d’être intéressés à rejeter une doctrine qui, rassurante pour la vertu, n’est menaçante que pour le vice ? Non, ces hommes sont, à plusieurs épo ques, les plus instruits, les plus éclairés, les plus estimables de leur siècle. Dans leurs rangs se trouvent de généreux défenseurs de la liberté, des citoyens irréprochables, des philosophes dévoués à la recherche de la vérité, d’ardents ennemis de toute puissance arbitraire ou oppressive. La plupart d’entre eux, livrés à des méditations assidues, sont préservés des tentations corruptrices par les jouissances de l’étude et l’habitude de la pensée. Comment la religion, qui n’a rien d’effrayant pour de tels hommes, leur devient-elle un objet de répugnance et d’hostilité ? Son absurdité leur serait-elle donc tellement démontrée ? mais eux-mêmes reconnaissent que le raisonnement ne conduit qu’au doute. Par quel renversement singulier d’idées le recours innocent et naturel d’un être malheureux à des êtres secourables a-t-il quelquefois provoqué leur haine, au lieu d’exciter en eux la sympathie qu’il semble appeler ? Qui oserait, en jetant un regard sur la carrière qui nous est tracée, déclarer ce recours inutile ou superflu ? Les causes de nos douleurs sont nombreuses. L’autorité peut nous poursuivre, le mensonge nous calomnier. Les liens d’une société toute factice nous blessent. La destinée nous frappe dans ce que nous chérissons. La vieillesse s’avance vers nous, époque sombre et solennelle, où les objets s’obscurcissent et semblent se retirer, et où je ne sais quoi de froid et de terne se répand sur tout ce qui nous entoure. Nous cherchons partout des consolations, et presque toutes nos consolations sont religieuses. Lorsque le monde nous abandonne, nous formons une alliance 11 des castes ambitieuses ] les prêtres Rel. I,2

14 ou ] ou` Rel. I,1

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au-delà du monde. Lorsque les hommes nous persécutent, nous nous créons un appel par-delà les hommes. Lorsque nous voyons s’évanouir nos illusions les plus chéries, la justice, la liberté, la patrie, nous nous flattons qu’il existe quelque part un être qui nous saura gré d’avoir été fidèles, malgré notre siècle, à la justice, à la liberté, à la patrie. Quand nous regrettons un objet aimé, nous jetons un pont sur l’abîme et le traversons par la pensée. Enfin, lorsque la vie nous échappe, nous nous élançons vers une autre vie. Ainsi, la religion est la compagne fidèle, l’ingénieuse et infatigable amie de l’infortuné. Celui qui regarde comme des erreurs toutes ses espérances, devrait, ce nous semble, être plus profondément ému que tout autre, de ce concours universel de tous les êtres souffrants, de ces demandes de la douleur, s’élevant vers un ciel d’airain de tous les points de la terre, pour rester sans réponse, et de l’illusion secourable qui nous transmet comme une réponse le bruit confus de tant de prières, répétées au loin dans les airs. Mais on a dénaturé la religion. L’on a poursuivi l’homme dans ce dernier asyle, dans ce sanctuaire intime de son existence. La persécution provoque la révolte. L’autorité, déployant ses rigueurs contre une opinion quelconque, excite à la manifestation de cette opinion tous les esprits qui ont quelque valeur. Il y a en nous un principe qui s’indigne de toute contrainte intellectuelle. Ce principe peut aller jusqu’à la fureur : il peut être la cause de beaucoup de crimes ; mais il tient à tout ce qui est noble dans notre nature. De là, dans tous les siècles où les hommes ont réclamé leur indépendance morale, cette résistance à la religion qui a paru dirigée contre la plus douce des affections, et qui ne l’était en effet que contre la plus oppressive des tyrannies. En plaçant la force du côté de la foi on avait mis le courage du côté du doute. La fureur des croyants avait exalté la vanité des incrédules, et l’homme était arrivé de la sorte à se faire gloire d’une doctrine dont le principal mérite était dans l’audace qu’il y avait à la professer. Je me suis souvent senti frappé de terreur et d’étonnement en lisant le fameux Systême de la nature. Ce long acharnement d’un vieillard à fermer devant lui tout avenir, cette inexplicable soif de la destruction, cet enthousiasme contre une idée douce et consolante me paraissaient un bizarre délire : mais je me l’expliquais bientôt, en me rappelant que l’autorité prêtait à cette idée un appui violent et factice : et d’une sorte de répugnance pour l’écrivain, qui me présentait avec triomphe le néant comme terme de moi-

25 foi ] foi, Rel. I,2

32 consolante ] consolante, Rel. I,2

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même et des objets de mes affections, je passais à quelque estime pour l’antagoniste intrépide d’une arrogante autorité1. Le règne de l’intolérance est passé. Quelques efforts qu’une politique étroite et surannée fasse encore pour le rétablir dans quelques contrées de notre vieille Europe, nous ne le verrons plus reparaître. La civilisation de nos jours le repousse : il est incompatible avec elle. Pour ramener l’espèce humaine à ses lois iniques, il faudrait qu’une nouvelle invasion de peuples barbares entraînât le bouleversement et la destruction de nos sociétés actuelles. Ce péril n’est point à craindre. Aucune partie du globe ne recèle comme autrefois les vainqueurs sauvages des nations policées ; et si les vraisemblances ne sont point trompeuses, l’excès de la civilisation est le seul danger que nous ayons maintenant à redouter. Avec l’empire de l’intolérance doit s’évanouir aussi l’irritation que l’oppression fait naître, et qui s’enorgueillit de lui résister. L’incrédulité a perdu son plus grand charme, celui du danger. Il n’y a plus d’attrait, là où il n’y a plus de péril. Le moment est donc favorable pour nous occuper de ce vaste sujet, sans partialité comme sans haine. Le moment est favorable pour juger la religion 1

Ce paragraphe, qui figure déjà dans le manuscrit de l’Introduction à l’ouvrage sur les religions (BCU, Co 3259 ; voir Patrice Thompson, Deux chapitres inédits de l’Esprit des religions (1803–1804), Genève : Droz, 1970, p. 231), et, jusqu’à «bizarre délire», dans les Principes de Politique de 1806 (OCBC, Œuvres, t. V, pp. 271–272) et de 1815 (voir OCBC, Œuvres, t. IX/2, pp. 824–825), vise le Systême de la nature, ou Des loix du monde physique et du monde moral, par M. Mirabeau [pseud.], Londres : s.éd., 1770, 2 vol., ouvrage de Paul Henri Thiry d’Holbach (1783–1789) dont l’orientation matérialiste et athée fit scandale au moment de sa parution : l’ouvrage fut condamné par le Parlement à être brûlé et suscita de nombreuses réactions de la part des philosophes, parmi lesquels Voltaire. Le matérialisme déterministe qui le caractérise et dont BC s’offusque se manifeste dès les premières lignes du premier chapitre : «L’homme est l’ouvrage de la nature, il existe dans la nature, il est soumis à ses loix, il ne peut s’en affranchir, il ne peut même par la pensée en sortir. [...] Pour un être formé par la nature & circonscrit par elle, il n’existe rien au-delà du grand tout dont il fait partie, & dont il éprouve les influences. [...] Il n’est et il ne peut rien y avoir hors de l’enceinte qui renferme tous les êtres» (t. I, chap. 1, pp. 15–16). Dans la préface de ce premier volume, d’Holbach, qui n’avait pourtant que quarante-sept ans au moment de la publication du Systême, se déclare «prêt à descendre au tombeau, que les années lui creusent depuis longtemps» (p. 13) ; il ne faut donc pas s’étonner, comme l’ont fait plusieurs commentateurs, que BC parle de l’«acharnement d’un vieillard». Goethe, lui aussi, prit au sérieux cette déclaration ; voir le passage sur le Systême de la nature dans Johann Wolfgang Goethe, Aus meinem Leben. Dichtung und Wahrheit, hrsg. von Klaus-Detlef Müller, Frankfurt am Main : Deutscher Klassiker Verlag, 1986 (Goethe, Sämtliche Werke, Briefe, Tagebücher und Gespräche [Frankfurter Ausgabe], t. I/14), pp. 534–536. Sur le sens du jugement de BC sur d’Holbach, voir Markus Winkler, «Irréligiosité et utilisation de la religion à des fins politiques : deux tendances des Lumières révisées par Benjamin Constant», ABC, 10, 1989, pp. 41–64, ici pp. 55–56.

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comme un fait dont on ne saurait contester la réalité, et dont il importe de connaître la nature et les modifications successives. La recherche est immense. Ceux même qui la croient telle ne l’ont pas appréciée dans toute son étendue. Bien qu’on ait beaucoup écrit sur cette matière, la question principale reste encore inaperçue. Un pays peut être long-temps le théâtre de la guerre, et demeurer, sous tous les autres rapports, inconnu aux troupes qui le parcourent. Elles ne voient dans les plaines que des champs de bataille, dans les montagnes que des postes, dans les vallons que des défilés. Ce n’est qu’à la paix qu’on examine le pays pour le pays même. Tel a été le sort de la religion, vaste contrée, attaquée et défendue avec une ténacité, une violence égales ; mais que n’a visitée aucun voyageur désintéressé, pour nous en donner une description fidèle. L’on n’a jusqu’ici envisagé que l’extérieur de la religion. L’histoire du sentiment intérieur reste en entier à concevoir et à faire. Les dogmes, les croyances, les pratiques, les cérémonies, sont des formes que prend le sentiment intérieur et qu’il brise ensuite a. D’a près quelles lois prend-il ces a

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Afin d’éviter qu’on ne s’autorise d’une phrase à laquelle on attacherait un sens qui lui est étranger, pour nous accuser de nier la révélation qui sert de base à la croyance de tous les peuples civilisés de l’Europe, nous devons remarquer qu’en disant que le sentiment intérieur prend une forme et la brise ensuite, nous ne contestons point que cette forme ne puisse lui être présentée d’une manière surnaturelle quand il la reçoit, et qu’il ne puisse de même en être affranchi d’une manière surnaturelle quand il la brise. C’est même ce qui est arrivé d’après le récit littéral et formel de nos livres sacrés. La loi juive était une loi divine, offerte aux Hébreux par la puissance suprême qui les éclairait, et acceptée par le sentiment religieux de cette nation. Cette loi néanmoins n’étant bonne que pour un temps, elle fut remplacée par la loi nouvelle, c’est-à-dire que l’ancienne forme fut brisée par son auteur, que le sentiment religieux fut invité et autorisé à s’en détacher, et qu’une forme nouvelle lui fut substituée. Affirmer que le germe de la religion se trouve dans le cœur de l’homme, ce n’est assurément point assigner à ce don du ciel une origine purement humaine. L’être infini a déposé ce germe dans notre sein, pour nous préparer aux vérités que nous devions connaître. Nous pourrions nous appuyer ici de l’autorité de saint Paul, qui dit que Dieu avait laissé, jusqu’à une certaine époque, les nations le chercher par leurs propres forces1. Plus on est convaincu que la religion nous a été révélée par des voies surnaturelles, plus on doit

12 visitée ] visité Rel. I,1 1

26 loi néanmoins ] loi, néanmoins, Rel. I,2

` partir d’un seul homme il a Voir sur la connaissance de Dieu chez Paul Ac 17, 26–28 : «A créé tous les peuples pour habiter toute la surface de la terre, il a défini des temps fixes et tracé les limites de l’habitat des hommes : c’était pour qu’ils cherchent Dieu ; peut-être pourraient-ils le découvrir en tâtonnant, lui qui en réalité, n’est pas loin de chacun de nous» – «Car c’est en lui que nous avons la vie, le mouvement et l’être, comme l’ont dit certains de vos poètes» ; Rm 1, 19–20 : «Car ce que l’on peut connaître de Dieu est pour eux manifeste : Dieu le leur a manifesté. En effet, depuis la création du monde, ses perfections invisibles, éternelle puissance et divinité, sont visibles dans ses œuvres pour l’intelligence [...].» Voir aussi Ac 14, 16–17 (Traduction œcuménique de la Bible, TOB). – Le Repertory, note 851, présente une ébauche de cette observation.

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formes ? D’après quelles lois en change-t-il ? Ce sont des questions que 15

ad mettre que nous avions en nous la faculté de recevoir ces communications merveilleuses1. C’est cette faculté que nous nommons le sentiment religieux. En partant, dans nos recherches, de l’état le plus grossier de l’espèce humaine, et en montrant comment elle en est sortie, nous n’infirmons point les récits du seul peuple qu’il nous soit prescrit de placer dans une classe particulière. Ces récits, en nous racontant les manifestations célestes qui ont entouré le berceau du monde, nous apprennent aussi que la race des hommes a mal profité de ce bienfait. Les vérités que la puissance suprême lui avait fait connaître se sont rapidement effacées de sa mémoire, et à l’exception d’une tribu spécialement favorisée, elle a été bientôt replongée dans l’ignorance et dans l’erreur. Loin de dire que la religion n’est que la création de la crainte ou l’œuvre de l’imposture, nous avons prouvé que ni l’imposture ni la crainte n’ont suggéré à l’homme ses premières notions religieuses. Nous dirons plus : dans le cours de nos recherches, un fait nous a frappés, un fait qui s’est répété plus d’une fois dans l’histoire. Les religions constituées, travaillées, exploitées par les hommes, ont fait souvent du mal. Toutes les crises religieuses ont fait du bien. Voyez l’Arabe : brigand sans pitié, assassin sans remords, époux impitoyable, père dénaturé, l’Arabe n’était qu’un animal féroce. On peut consulter sur ses anciennes mœurs les observations critiques de Sale, à la tête de sa traduction du Coran2. Les Arabes, avant Mahomet, considéraient les femmes comme une propriété. Ils les traitaient en esclaves. Ils enterraient leurs filles vivantes. Le prophète paraît, et deux siècles d’héroïsme, de générosité, de dévouement, deux siècles, égaux sous plus d’un rapport aux plus belles époques de la Grèce et de Rome, laissent dans les annales du monde une trace brillante. Nous avons à dessein cité l’islamisme, de toutes les religions modernes, la plus stationnaire, et par là même aujourd’hui la plus défectueuse et la plus nuisible. Nous aurions eu trop d’avantages, si nous avions choisi pour exemple la religion chrétienne. Nous pensons donc que l’idée dominante de notre ouvrage n’ébranle aucune des bases de cette religion, au moins telle que la conçoit le protestantisme que nous professons, et que nous avons le droit légal de préférer à toutes les autres communions chrétiennes.

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1 D’après ] d’après Rel. I,2 1

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9 mémoire, et ] mémoire ; et Rel. I,2

23 par là ] par-là Rel. I,2

Remarque inspirée par P. C. Reinhard, Abriß, pp. XI–XII, comme le révèle une des notes de lecture (no 4, «empl. en 1823») que BC prit de cet ouvrage : «car même pour supposer une révélation, il faut supposer que la Divinité ait créé l’home susceptible de recevoir cette Révélation.» (BCU, Co 3293, no 1). Voir P. C. Reinhard, Abriß, p. XII : «Denn Unterricht, er komme von Gott oder von Menschen, setzt in der menschlichen Seele eine Receptivität für die mitzutheilenden Begriffe voraus, so daß diese Receptivität als der lezte – der Unterricht aber als ein von außen hinzukommender veranlassender Grund anzusehen ist.» Voir George Sale, The Koran, Commonly called the Alcoran of Mohammed, translated into English immediately from the original Arabic, with explanatory notes taken from the most approved commentators, to which is prefixed a preliminary discourse by G. Sale, London : J. Wilcox, 1734. Nous n’avons pas pu retrouver, dans le ‘Preliminary Discourse’, les observations que BC attribue à Sale. Celui-ci parle, il est vrai, des «defects and vices» (p. 30) dont faisaient preuve les Arabes avant l’arrivée de Mohammed, mais les cruautés envers les femmes n’y figurent pas. Plus loin (pp. 102–103), Sale souligne que selon Mohammed, les

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personne n’a examinées. L’on a décrit les dehors du labyrinthe : nul n’a percé jusqu’au centre, nul ne le pouvait. Tous cherchaient l’origine de la religion dans des circonstances étrangères à l’homme, les dévots comme les philosophes. Les uns ne voulaient pas que l’homme pût être religieux sans une révélation particulière et locale ; les autres sans l’action des objets extérieurs. De là une erreur première, de là une série de longues erreurs. Oui, sans doute, il y a une révélation, mais cette révélation est universelle, elle est permanente, elle a sa source dans le cœur humain. L’homme n’a besoin que de s’écouter lui-même, il n’a besoin que d’écouter la nature qui lui parle par mille voix, pour être invinciblement porté à la religion. Sans doute aussi, les objets extérieurs influent sur les croyances : mais ils en modifient les formes, ils ne créent pas le sentiment intérieur qui leur sert de base. C’est là cependant ce qu’on s’est obstiné à méconnaître. On nous a montré le sauvage rempli de crainte à l’aspect des phénomènes souvent malfaisants de la nature, et divinisant, dans sa crainte, les pierres, les troncs d’arbres, la peau des bêtes farouches, tous les objets, en un mot, qui s’offraient à ses yeux. On en a conclu que la terreur était la seule source de la religion. Mais en raisonnant de la sorte, on négligeait précisément la question fondamentale. On n’expliquait point d’où venait cette terreur de l’homme à l’idée de puissances cachées qui agissent sur lui. On ne rendait point compte du besoin qu’il éprouve de découvrir et d’adorer ces puissances occultes. Plus on se rapproche des systèmes contraires à toute idée religieuse, plus cette disposition devient difficile à expliquer. Si l’homme ne diffère des animaux que parce qu’il possède à un degré supérieur les facultés dont ils sont doués ; si son intelligence est de même nature que la leur, et seulement plus exercée et plus étendue, tout ce que cette intelligence produit en lui, elle devrait le produire en eux, à un degré inférieur sans doute, mais à un degré quelconque. Si la religion vient de la peur, pourquoi les animaux, dont plusieurs sont plus timides que nous, ne sont-ils pas religieux ? Si elle vient de la reconnaissance, les bienfaits comme les rigueurs de la nature physique étant les

5 autres ] autres, Rel. I,2 ` cet égard, la traduction française du ‘Preliminary femmes ne sont pas exclues du Paradis. A Discourse’ (voir George Sale, Observations historiques et critiques sur le Mahométisme. Ou Traduction du Discours préliminaire Mis a` la tête de la Version Angloise de l’Alcoran, Genève : Barrillot & Fils, 1751, pp. 86 et 282–285) ne diffère pas de l’original.

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mêmes pour tous les êtres vivants, pourquoi la religion n’appartient-elle qu’à l’espèce humaine ? Si l’on indique pour source de la religion l’ignorance des causes, nous sommes obligés de reproduire sans cesse le même raisonnement. L’ignorance des causes existe pour les animaux plus que pour l’homme ; d’où vient que l’homme seul cherche à découvrir les causes inconnues ? D’ailleurs, à l’autre extrême de la civilisation, à une époque où l’ignorance des causes physiques n’existe plus, et où l’homme n’étant plus en épouvante de vant une nature qu’il a subjuguée, n’a plus d’intérêt à diviniser cette nature, ne voyez-vous pas se reproduire le même besoin d’une correspondance mystérieuse avec un monde et des êtres invisibles ? Lorsqu’on attribue la religion a` notre organisation plus parfaite, on méconnaît une distinction très-essentielle. Entendez-vous par organisation l’ensemble de toutes nos facultés, nos organes, notre jugement, notre puissance de réfléchir et de combiner, notre sentiment enfin ? nous sommes d’accord ; mais ce que vous appelez notre organisation n’est autre chose que notre nature, et alors vous reconnaissez que la religion est dans notre nature. Entendez-vous par organisation seulement la supériorité des moyens physiques dont l’homme est investi ? Mais si la supériorité de l’organisation physique décidait de la tendance au sentiment religieux, comme il y a des animaux mieux organisés les uns que les autres, on devrait remarquer en eux quelques symptômes de cette tendance, symptômes qui seraient proportionnés à la perfection plus ou moins grande de leur organisation. Si par une suite de sa prévoyance et de sa mémoire, l’homme combine ses idées et tire des faits qu’il observe les conséquences qui en découlent, les animaux ont aussi de la mémoire, ils ont aussi de la prévoyance : le chien, corrigé par son maître, évite de retomber dans la même faute ; comment se fait-il que non moins exposé que l’homme aux accidents physiques, il ne cherche point à en conjurer les causes, tandis qu’il cherche à éviter ou à désarmer la colère d’un maître offensé ? D’ailleurs, quelle prévoyance vous prêtez au sauvage, de toutes les créatures, même pour ses intérêts présents, la plus oublieuse, la plus insouciante ! L’Esquimau, lorsque ses besoins sont satisfaits, dort dans le creux de ses rochers, ne médite sur rien, n’observe rien ; le Caraïbe n’étend pas ses réflexions jusque sur sa vie du lendemain : et cependant, quand il s’agit de la religion, l’Esquimau devient curieux, le Caraïbe prévoyant : c’est que la religion est pour eux un besoin plus vif et plus impérieux que tous les autres, un besoin qui l’emporte sur tout le reste de leur nature, sur leur indifférence, sur leur apathie, sur leur manque de curiosité. 6 extrême ] extrémité Rel. I,2 Rel. I,2

34 cependant, ] cependant Rel. I,2

37 sur tout ] surtout

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En supposant le sentiment religieux, les espérances religieuses, l’enthousiasme qu’elles inspirent, de vaines illusions, ce seraient encore des illusions particulières à l’homme ; ces illusions le distingueraient du reste des êtres vivants, et il en résulterait pour lui une seconde exception, non moins singulière. Tous les êtres se perfectionnent d’autant plus qu’ils obéissent à leur nature. L’homme se perfectionnerait d’autant plus qu’il s’éloignerait de la sienne. La perfection de tous les êtres est dans la vérité ; celle de l’homme serait dans l’erreur1 ! Nous irons plus loin ; si la religion n’était pas dans la nature de l’homme, la supériorité de son organisation l’en éloignerait au lieu de l’y conduire ; car le résultat de cette organisation supérieure étant qu’il satisfait mieux à ses besoins par les forces qu’il connaît et qu’il est parvenu à employer, il aurait d’autant moins de motifs de supposer ou d’invoquer des forces inconnues. Il se trouve mieux sur la terre : il devrait être d’autant moins porté à lever les yeux vers le ciel. Cette observation s’applique à tous les états de la société humaine. Il n’y en a aucun où, si vous ne reconnaissez la religion pour inhérente à l’homme, elle ne soit un hors-d’œuvre dans son existence. Voyez nos associations civilisées. La culture de la terre subvient à notre nourriture. Nos murs et nos toits nous protégent contre les saisons. Il y a des lois pour nous garantir de la violence. Il y a des gouvernements chargés de maintenir ces lois, et qui, bien ou mal, s’en acquittent. Il y a des supplices pour ceux qui les enfreignent. Il y a du luxe, des raffinements, des plaisirs pour le riche. Il y a des sciences pour nous expliquer les phénomènes qui nous entourent, et pour détourner ceux qui nous menacent. Il y a des médecins pour les maladies. Quant à la mort, c’est un accident inévitable, dont il est superflu de s’occuper. Tout n’est-il pas merveilleusement arrangé pour l’homme ? Quel besoin cet arrangement laisse-t-il sans le satisfaire ? Quelle crainte sans la calmer ? Où donc est la cause extérieure qui nous rend la religion nécessaire ? Elle l’est pourtant, nous le sentons, les uns toujours, les autres par intervalles. C’est que cette cause n’est pas hors de nous : elle est en nous, elle fait partie de nous-mêmes. On n’a jamais voulu reconnaître ce que l’homme était. On a interrogé les objets extérieurs sur les dispositions inhérentes à son être. Il n’est pas étonnant qu’ils n’aient pu répondre. On a recherché l’origine de la religion,

6 nature. L’homme ] nature ; l’homme Rel. I,2

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Voir le Repertory, les notes 1324 et 1326.

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comme on a recherché celle de la société, celle du langage. L’erreur a été la même dans toutes ces recherches. On a commencé par supposer que l’homme avait existe´ sans société, sans langage, sans religion. Mais cette supposition impliquait qu’il pouvait se passer de toutes ces choses, puisqu’il avait pu exister sans elles. En partant de ce principe on devait s’égarer. La société, le langage, la religion sont inhérents à l’homme : les formes varient. On peut demander la cause de ces variétés. On peut s’appliquer à découvrir pourquoi l’homme en société a tel genre de gouvernement ; pourquoi dans telle religion il y a telle pratique ou tel dogme ; pourquoi telle langue a de l’affinité avec telle autre. Mais prétendre remonter plus haut, c’est une tentative chimérique, un moyen sûr de ne parvenir à aucune vérité. Assigner à la religion, à la sociabilité, a` la faculté du langage, d’autres causes que la nature de l’homme, c’est se tromper volontairement. L’homme n’est pas religieux parce qu’il est timide ; il est religieux parce qu’il est homme. Il n’est pas sociable parce qu’il est faible ; il est sociable parce que la sociabilité est dans son essence. Demander pourquoi il est religieux, pourquoi il est sociable, c’est demander la raison de sa structure physique et de ce qui constitue son mode d’exister a. On est tombé dans une seconde erreur. On a cru, parce qu’il s’agissait d’une chose qui a beaucoup d’influence sur les hommes, qu’il fallait ou détruire ou maintenir : et dans les projets de destruction comme dans les projets de conservation, l’on a confondu ce qui était nécessairement passager et périssable avec ce qui était non moins nécessairement éternel et indestructible. Il y a, nous l’avons dit, quelque chose d’indestructible dans la religion. Elle n’est ni une découverte de l’homme éclairé qui soit étrangère à l’homme ignorant, ni une erreur de l’homme ignorant dont l’homme éclairé se puisse affranchir1. Mais il faut distinguer le fond d’avec les formes, et le sentiment religieux d’avec les institutions religieuses : non que nous pré-

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Si l’on croyait voir ici quelque analogie avec le système des idées innées, on se tromperait. L’homme n’a certainement en lui-même aucune idée préexistante sur la religion. Philosophiquement parlant, ses notions religieuses lui viennent de ses sens, comme toutes ses notions. La preuve en est qu’elles sont toujours propor tionnées à sa situation extérieure. Mais il est dans sa disposition naturelle de concevoir toujours des notions religieuses, d’après les impressions qu’il reçoit, et la situation extérieure dans laquelle il se trouve2.

Phrase qui figure presque mot pour mot dans la note no 2 («empl. 1823») des notes de lecture de Reinhard ; voir BCU, Co 3293, no 1, et P. C. Reinhard, Abriß, pp. IX–X. Voir le Repertory, note 251.

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tendions médire ici de ces formes ou de ces institutions. L’on verra, dans notre ouvrage, que le sentiment religieux ne peut s’en passer. On verra plus ; à chaque époque, la forme qui s’établit naturellement est bonne et utile ; elle ne devient funeste que lorsque des individus ou des castes s’en emparent et la pervertissent pour prolonger sa durée. Mais il n’en est pas moins vrai que tandis que le fond est toujours le même, immuable, éternel, la forme est variable et transitoire. Ainsi, de ce que telle forme religieuse est attaquée ; de ce que la philosophie tourne ses raisonnements, l’ironie ses sarcasmes, l’indépendance intellectuelle son indignation, contre cette forme ; de ce qu’en Grèce, par exemple, Evhemère1 détrône les dieux de l’Olympe ; de ce qu’à Rome Lucrèce2 proclame la mortalité de l’ame, et la vanité de nos espérances ; de ce que, plus tard, Lucien3 insulte aux dogmes homériques, ou Voltaire à tels autres dogmes ; enfin, de ce que toute une génération semble applaudir au mépris dont on accable une croyance long-temps respectée, il n’en résulte point que l’homme soit disposé à se passer de la religion. C’est seulement une preuve que la forme ainsi menacée ne convenant plus à l’esprit humain, le sentiment religieux s’en est séparé. Mais, dira-t-on, comment se faire une idée du sentiment religieux, indépendamment des formes qu’il revêt ? Nous ne le trouvons sans doute jamais ainsi dans la réalité ; mais, en descendant au fond de notre ame, il nous sera possible, nous le croyons, de le concevoir tel par la pensée. Lorsqu’on examine l’espèce humaine sous des rapports purement relatifs à la place qu’elle occupe et au but qu’elle paraît destinée à atteindre sur la terre, on est frappé de l’harmonie et de la juste proportion qui existent entre 3 plus ; ] plus : Rel. I,2 21 mais, ] mais Rel. I,2 1

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époque, ] époque Rel. I,2

11 Evhemère ] Evhémère Rel. I,2

Evhémère (Euhemeros) (IVe-IIIe siècle av. J.-C.), auteur d’un roman mythologique perdu, ëΙεραÁ αÆ ναγραϕη (Histoire sacrée). Il contient selon des sources secondaires une théogonie, les dieux étant considérés comme des hommes supérieurs, divinisés par la crainte et l’admiration de leurs contemporains. Lucrèce (Titus Lucretius Carus) (97–55 av. J.-C.), De rerum natura, poème philosophique fournissant une explication matérialiste de l’univers physique et éliminant ainsi la crainte des dieux et de la mort. Lucrèce, Von der Natur : lat.-deutsch, hrsg. und übersetzt von Hermann Diels [1923/24], Düsseldorf et Zürich : Artemis & Winkler, s.d., 2. Aufl. (Sammlung Tusculum), Liber tertius, en particulier 417–424 (animam nativam et mortalem esse). Lucien de Samosate (Lukianos) (v. 120 – v. 180), sophiste et écrivain satirique. Parmi ses nombreuses œuvres, il faut signaler ici Deorum dialogi (79), où Lucien relève le côté grotesque et le caractère saugrenu de la mythologie traditionnelle. Luciani opera recognovit brevique adnotatione critica instruxit M. D. Macleod, Oxford : Oxford University Press, 1987, t. IV, pp. 261–314 ; Lucian with an English Translation by A. M. Harmon et al., London : Heinemann, 1963, t. VII (Dialogues of the Gods).

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ce but, et les moyens que l’homme possède pour y parvenir. Dominer les autres espèces ; en faire servir un grand nombre à son utilité ; détruire ou repousser au loin celles qui lui refusent l’obéissance ; forcer le sol qu’il habite à satisfaire abondamment à ses besoins, et à pourvoir avec variété à ses jouissances ; gravir le sommet des montagnes pour soumettre les rochers à la culture ; creuser les abîmes ; en arracher les métaux et les façonner à son usage ; dompter l’onde et le feu, pour les faire coopérer à ces transformations merveilleuses ; braver le climat par les précautions, et le temps par les édifices ; s’assujettir, en un mot, la nature physique ; se la rendre esclave, et tourner ses forces contre elle-même ; ce ne sont là que les premiers pas de l’homme vers la conquête de l’univers. Bientôt, s’élevant plus haut encore, il dirige contre ses propres passions sa raison éclairée par l’expérience. Il impose un joug uniforme à ces ennemis intérieurs, plus rebelles que tous les obstacles extérieurs qu’il a vaincus. Il obtient de lui-même et de ses semblables des sacrifices qu’on eût dit impossibles. Il parvient à faire respecter la propriété par celui qu’elle exclut, la loi par celui qu’elle condamne. De rares exceptions facilement réprimées ne dérangent en rien l’ordre général. Alors l’homme, considéré toujours sous des rapports purement terrestres, semble être arrivé au comble de son perfectionnement moral et physique. Ses facultés sont admirablement combinées pour le guider vers ce but. Ses sens, plus parfaits que ceux des espèces inférieures, sinon chacun en particulier, du moins tous ensemble, par la réunion et par l’assistance mutuelle qu’ils se prêtent ; sa mémoire, si fidèle, qui lui retrace les objets divers, sans leur permettre de se confondre ; son jugement, qui les classe et les compare ; son esprit qui, chaque jour, lui dévoile en eux de nouveaux rapports ; tout concourt à le conduire rapidement à des découvertes successives et à consolider ainsi son empire. Cependant au milieu de ses succès et de ses triomphes, ni cet univers qu’il a subjugué, ni ces organisations sociales qu’il a établies, ni ces lois qu’il a proclamées, ni ces besoins qu’il a satisfaits, ni ces plaisirs qu’il diversifie, ne suffisent à son ame. Un désir s’élève sans cesse en lui et lui demande autre chose. Il a examiné, parcouru, conquis, décoré la demeure qui le renferme, et son regard cherche une autre sphère. Il est devenu maître de la nature visible et bornée, et il a soif d’une nature invisible et sans bornes. Il a pourvu à des intérêts qui, plus compliqués et plus factices, semblent d’un genre plus relevé. Il a tout connu, tout calculé, et il éprouve de la lassitude à ne s’être occupé que d’intérêts et de calculs. Une voix crie 10 elle-même ; ] elle-même : Rel. I,2 13 ces ] ses Rel. I,2 20 comble ] faîte Rel. I,2 25 jugement, ] jugement Rel. I,2 27 successives ] successives, Rel. I,2

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au fond de lui-même, et lui dit que toutes ces choses ne sont que du mécanisme, plus ou moins ingénieux, plus ou moins parfait, mais qui ne peut servir de terme ni de circonscription à son existence, et que ce qu’il a pris pour un but n’était qu’une série de moyens. Il faut bien que cette disposition soit inhérente à l’homme1, puisqu’il n’est personne qui n’ait, avec plus ou moins de force, été saisi par elle, dans le silence de la nuit, sur les bords de la mer, dans la solitude des campagnes. Il n’est personne qui ne se soit, pour un instant, oublié lui-même, senti comme entraîné dans les flots d’une contemplation vague, et plonge´ dans un océan de pensées nouvelles, désintéressées, sans rapport avec les combinaisons étroites de cette vie. L’homme le plus dominé par des passions actives et personnelles a pourtant, malgré lui, subitement, de ces mouvements qui l’enlèvent à toutes les idées particulières et individuelles. Ils naissent en lui lorsqu’il s’y attend le moins. Tout ce qui au physique tient à la nature, à l’univers, à l’immensité ; tout ce qui au moral excite l’attendrissement et l’enthousiasme ; le spectacle d’une action vertueuse, d’un généreux sacrifice, d’un danger bravé courageusement, de la douleur d’autrui secourue ou soulagée, le mépris du vice, le dévouement au malheur, la résistance à la tyrannie, réveillent et nourrissent dans l’ame de l’homme cette disposition mystérieuse ; et si les habitudes de l’égoïsme le portent à sourire de cette exaltation momentanée, il n’en sourit néanmoins qu’avec une honte secrète qu’il cache sous l’apparence de l’ironie, parce qu’un instinct sourd l’avertit qu’il outrage la partie la plus noble de son être2. Ajoutons qu’en nous étudiant bien dans ces heures si courtes et si peu semblables à tout le reste de notre existence, nous trouverons qu’à l’instant où nous sortons de cette rêverie et nous laissons reprendre par les intérêts qui nous agitent, nous nous sentons comme descendre d’un lieu élevé dans une atmosphère plus dense et moins pure, et nous avons besoin de nous faire violence pour rapprendre ce que nous nommons la réalité. Il existe donc en nous une tendance qui est en contradiction avec notre but apparent et avec toutes les facultés qui nous aident à mar cher vers ce 1

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Autre phrase inspirée par P. C. Reinhard, Abriß ; voir la note no 3 (marquée dans la marge comme «empl. 1823») des notes de lecture prises de ce livre, BCU, Co 3293, no 1. BC renvoie à la p. XI de Reinhard, où celui-ci affirme qu’un besoin commun à l’humanité entière de reconnaître et de vénérer des êtres supérieurs doit avoir son fondement nécessaire dans les particularités de la nature humaine («so muß ein allen Menschen gemeinschaftlicher Trieb nach Anerkennung und Verehrung höherer Wesen in der Beschaffenheit der Menschen Natur seinen nothwendig bestimmenden Grund haben»). Dans ce paragraphe et dans ceux qui suivent, BC évoque ce qu’on peut appeler le sublime du sentiment religieux ; voir à ce propos notre Introduction, ci-dessus, p. 43.

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but. Ces facultés, toutes adaptées à notre usage, correspondent entre elles pour nous servir, se dirigent vers notre plus grande utilité, et nous prennent pour unique centre. La tendance que nous venons de décrire nous pousse au contraire hors de nous, nous imprime un mouvement qui n’a point notre utilité pour but, et semble nous porter vers un centre inconnu, invisible, sans nulle analogie avec la vie habituelle et les intérêts journaliers. Cette tendance jette fréquemment au-dedans de nous un grand désordre ; elle se repaît de ce que notre logique nomme des chimères ; elle se plaît à des émotions dont notre intelligence ne peut nous rendre compte ; elle nous désintéresse de nos intérêts ; elle nous force à croire en dépit de nos doutes, à nous affliger au milieu des fêtes, à gémir au sein du bonheur : et il est remarquable que des traces de cette disposition se trouvent dans toutes nos passions nobles et délicates. Toutes ces passions ont comme elle quelque chose de mystérieux, de contradictoire. La raison commune ne peut en expliquer aucune d’une manière satisfaisante. L’amour, cette préfé rence exclusive, pour un objet dont nous avions pu nous passer long-temps, et auquel tant d’autres ressemblent a ; le besoin de la gloire, cette soif d’une célébrité qui doit se prolonger après nous ; la jouissance que nous trouvons dans le dévouement, jouissance contraire à l’instinct habituel de notre nature ; la mélancolie, cette tristesse sans cause, au sein de laquelle est un plaisir qui se dérobe à l’analyse ; mille autres sensations qu’on ne peut décrire, sont inexplicables pour la rigueur du raisonnement1. Nous ne rechercherons point ici quelle est l’origine de cette disposition, qui fait de l’homme un être double et énigmatique, et le rend quelquefois comme déplacé sur cette terre. Les croyants peuvent y voir le souvenir d’une chûte, les philosophes y reconnaître le germe d’un perfectionnement futur. C’est une question que nous laissons indécise. Mais nous affirmons que si l’on rapproche cette disposition du sentiment universel dont nous avons parlé ci-dessus, de ce sentiment qui porte l’homme à s’adresser à des êtres invisibles, à faire dépendre d’eux sa destinée, à mettre plus d’importance à ses rapports avec le monde qu’ils haa

Traduit devant le tribunal d’une logique sévère, l’amour pourrait fort bien y perdre sa cause. En subsisterait-il moins ? Cesserait-il de faire la destinée des ames les plus délicates et les plus sensibles, pendant la plus belle portion de la vie ? Le sentiment religieux n’est pas comme l’amour un penchant passager. Son influence ne se borne pas à la jeunesse. Il se fortifie au contraire, et s’accroît avec l’âge. En le détruisant, si on pouvait le détruire, on ne priverait pas seulement l’époque des passions de quelques jouissances enthousiastes ; on dépouillerait celle de l’isolement et de la faiblesse, du dernier rayon de lumière, du dernier souffle de chaleur.

26 chûte, ] chute, Rel. I,2 1

36 fortifie ] fortifie, Rel. I,2

Un texte très proche de cet alinéa ainsi que de la note a se trouve dans le Registre violet, p. 87, n. LXVII.

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bitent, qu’aux avantages les plus immédiats du monde actuel, l’on ne pourra nier que ces deux choses ne semblent se tenir étroitement, et que la seconde ne soit, en quelque sorte, l’application pratique de la première. Nous éprouvons un désir confus de quelque chose de meilleur que ce que nous connaissons : le sentiment religieux nous présente quelque chose de meilleur. Nous sommes importunés des bornes qui nous resserrent et qui nous froissent : le sentiment religieux nous annonce une époque où nous franchirons ces bornes : nous sommes fatigués de ces agita tions de la vie, qui, sans se calmer jamais, se ressemblent tellement qu’elles rendent à la fois la satiété inévitable et le repos impossible : le sentiment religieux nous donne l’idée d’un repos ineffable toujours exempt de satiété. En un mot, le sentiment religieux est la réponse à ce cri de l’ame que nul ne fait taire, à cet élan vers l’inconnu, vers l’infini, que nul ne parvient à dompter entièrement, de quelques distractions qu’il s’entoure, avec quelque habileté qu’il s’étourdisse ou qu’il se dégrade. Si l’on accusait cette définition d’être obscure ou vague, nous demanderions comment on définit avec précision ce qui, dans chaque individu, dans chaque pays, à chaque différente époque, se métamorphose et se modifie ? Tous nos sentiments intimes semblent se jouer des efforts du langage : la parole rebelle, par cela seul qu’elle généralise ce qu’elle exprime, sert a` désigner, à distinguer, plutôt qu’à définir. Instrument de l’esprit, elle ne rend bien que les notions de l’esprit. Elle échoue dans tout ce qui tient, d’une part aux sens et de l’autre à l’ame. Définissez l’émotion que vous causent la méditation de la mort, le vent qui gémit à travers des ruines ou sur des tombeaux, l’harmonie des sons ou celle des formes. Définissez la rêverie, ce frémissement intérieur de l’ame, où viennent se rassembler et comme se perdre dans une confusion mystérieuse toutes les jouissances des sens et de la pensée. En plaçant le sentiment religieux à un degré plus haut, mais dans la même catégorie que nos émotions les plus profondes et les plus pures, nous sommes loin de rien prononcer contre la réalité de ce qu’il révèle ou de ce qu’il devine. Pour refuser à ce sentiment une base réelle, il faudrait supposer dans notre nature une inconséquence d’autant plus étrange qu’elle serait la seule de son espèce. Rien ne paraît exister en vain. Tout symptôme indique une cause, toute cause produit son effet. Nos corps sont destinés à périr : aussi contiennent-ils des germes de destruction. Ces germes, combattus quelque temps par le principe vital qui assure notre durée passagère, triomphent néanmoins. Pourquoi la tendance que nous avons décrite et qui 8 bornes : nous ] bornes. Nous Rel. I,2 Rel. I,1

23 sens ] sens, Rel. I,2

30 catégorie ] cathégorie

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peut-être est déterminée par un germe d’immortalité, ne triompherait-elle pas aussi ? Nous sentons nos corps entraînés vers la tombe : la tombe s’ouvre pour eux. Nous sentons une autre partie de nous, une partie plus intime, quoique moins bien connue, attirée vers une autre sphère : qui osera dire que cette sphère n’existe pas, ou nous reste fermée ? Si vous erriez au sein de la nuit, n’ayant que la notion de l’obscurité, et toutefois y trouvant une douleur secrète et amère, et si tout a` coup, dans le lointain, la voûte ténébreuse s’entr’ouvrait par intervalles laissant échapper une splendeur subite qui disparaîtrait aussitôt, ne penseriez-vous pas que derrière cette voûte opaque, est l’univers lumineux dont le désir inexplicable vous dévorait à votre insu ? On peut donc, bien que le sentiment religieux n’existe jamais sans une forme quelconque, le concevoir indépendamment de toute forme, en écartant tout ce qui varie, suivant les situations, les circonstances, les lumières relatives, et en rassemblant tout ce qui reste immuable, dans les situations et les circonstances les plus différentes. Car par cela même que ce sentiment se pro portionne à tous les états, à tous les siècles, à toutes les conceptions, les apparences qu’il revêt sont souvent grossières. Mais en dépit de cette détérioration extérieure, on retrouve toujours en lui des traits qui le caractérisent et le font reconnaître. En s’associant, comme nous l’avons montré, aux intérêts communs, aux calculs vulgaires, il répugne néanmoins à cette alliance ; pareil à un envoyé céleste, qui, pour policer des tribus barbares, se plierait à leurs mœurs et à leur langue imparfaite, mais dont la voix et le regard attesteraient toujours qu’il est d’une race supérieure et a vu le jour dans de plus heureux climats. Quoi de plus ignorant, de plus superstitieux que le sauvage abruti, qui enduit de boue et de sang son informe fétiche ? Mais suivez-le sur le tombeau de ses morts : écoutez les lamentations des guerriers pour leurs chefs, de la mère pour l’enfant qu’elle a perdu. Vous y démêlerez quelque chose qui pénétrera dans votre ame, qui réveillera vos émotions, qui ranimera vos espérances. Le sentiment religieux vous semblera, pour ainsi dire, planer sur sa propre forme1.

7 tout à coup, ] tout-à-coup, Rel. I,2 les ] conceptions. Les Rel. I,2

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Voir le Repertory, note 938.

8 intervalles ] intervalles, Rel. I,2

18 conceptions,

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Chapitre II. De la nécessité de distinguer le sentiment religieux des formes religieuses, pour concevoir la marche des religions.

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La distinction que nous avons tâché d’établir dans le chapitre qu’on vient de lire, a été méconnue jusqu’à présent. Elle est néanmoins la clef d’une foule de problêmes, dont aucun effort n’a pu encore nous donner la solution. Non-seulement l’origine des idées religieuses est inexplicable, si nous n’admettons l’existence du sentiment religieux ; mais il se rencontre, dans la marche de toutes les religions, mille phénomènes dont il nous est impossible également de nous rendre compte, si nous ne distinguons entre le sentiment et la forme. Il faut donc ne rien négliger pour rendre cette vérité manifeste, et pour l’environner d’évidence. Le sentiment religieux naît du besoin que l’homme éprouve de se mettre en communication avec les puissances invisibles. La forme naît du besoin qu’il éprouve également de rendre réguliers et permanents les moyens de communication qu’il croit avoir découverts. La consécration de ces moyens, leur régularité, leur permanence, sont des choses dont il ne peut se passer. Il veut pouvoir compter sur sa croyance ; il faut qu’il la retrouve aujourd’hui ce qu’elle était hier, et qu’elle ne lui semble pas, à chaque instant, prête à s’évanouir et à lui échapper comme un nuage. Il faut, de plus, qu’il la voie appuyée du suffrage de ceux avec lesquels il est en rapport d’intérêt, d’habitude et d’affection : destiné qu’il est à exister avec ses semblables, et à communiquer avec eux, il ne jouit de son propre sentiment que lorsqu’il le rattache au sentiment universel. Il n’aime pas à nourrir des opinions que personne ne partage ; il aspire pour sa pensée, comme pour sa con duite, à l’approbation des autres, et la sanction du dehors est nécessaire à sa satisfaction intérieure a. De là résulte à chaque époque l’établissement d’une forme positive, proportionnée à l’état de cette époque.

a

«De même que le langage donne à l’homme, pour les choses ordinaires de la vie, la certitude qu’il n’est pas le jouet d’un rêve qui l’a transporté dans un monde imaginaire, mais que celui dans lequel il se trouve est bien le monde réel, commun à tous ses semblables, (HE´ RACLITE), de même le culte public lui paraît une espèce d’assurance que le sien n’est

32 un ] le Rel. I,2

33 semblables, ] semblables Rel. I,2

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Mais toute forme positive, quelque satisfaisante qu’elle soit pour le présent, contient un germe d’opposition aux progrès de l’avenir. Elle contracte, par l’effet même de sa durée, un caractère dogmatique et stationnaire qui refuse de suivre l’intelligence dans ses découvertes, et l’ame dans ses émotions que chaque jour rend plus épurées et plus délicates. Forcée, pour faire plus d’impression sur ses sectateurs, d’emprunter des images presque matérielles, la forme religieuse n’offre bientôt plus à l’homme fatigué de ce monde qu’un monde à peu près semblable. Les idées qu’elle suggère deviennent de plus en plus étroites, comme les idées terrestres dont elles ne sont qu’une copie, et l’époque arrive, où elle ne présente plus à l’esprit que des assertions qu’il ne peut admettre ; à l’ame, que des pratiques qui ne la satisfont point. Le sentiment religieux se sépare alors de cette forme pour ainsi dire pétrifiée. Il en réclame une autre qui ne le blesse pas, et il s’agite jusqu’à ce qu’il l’ait trouvée.

pas l’œuvre fantastique de son imagination, mais le moyen véritable de communiquer avec les objets de son adoration religieuse.» (NE´ ANDER, sur le siècle de Julien1.) On pourrait voir dans cette disposition, l’une des causes de l’intolérance, quand elle est unie à la bonne foi. L’homme intolérant persécute les opinions opposées aux siennes, comme si l’existence des premières infirmait les vérités qu’il chérit, de sorte que l’intolérance qu’on attribue à l’orgueil, aurait plutôt pour principe la défiance de soi-même, et une espèce d’humilité.

8 qu’elle suggère ] qu’elle lui suggère Rel. I,2

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Voir August Neander, Ueber den Kayser Julianus und sein Zeitalter. Ein historisches Gemälde, Leipzig : Friedrich Perthes, 1812, p. 19 : «Wie die Sprache ihm [à savoir l’homme] für das Niedere die Gewißheit giebt, daß er ‘nicht wie die Träumenden lebe in seiner eigenen Welt ; sondern in der Allen gemeinschaftlichen’ [note de bas de page : Héraclite] so will er die Gewißheit für diese höhere gemeinschaftliche Welt haben durch eine gemein` noter que BC, s’il traduit bien la première partie schaftliche höhere gegebene Sprache.» A du passage cité, adapte la seconde à ses propres vues : Neander ne parle pas ici de culte public, mais d’une langue commune donnée à la communauté des croyants, et comme la phrase suivante le montre, il considère que cette langue fait partie des traces d’une révélation divine indépendante de l’homme («Spuren einer nicht immer bloß subjektiven, sondern unabhängig von dem Menschen bestehenden göttlichen Offenbarung», p. 19). S’il est bien question un peu plus loin des joies du culte public («Freuden des öffentlichen Cultus», p. 20), celui-ci prend toujours, aux yeux de Neander, ses racines dans la révélation divine. On pourrait dire que BC superpose une perspective anthropologique à la perspective théologique de Neander – BC prit d’ailleurs d’amples notes de lecture du livre de Neander : voir BCU, Co 3293, no 2 (251 notes – 200 selon une seconde numérotation – réparties sur 29 pages). La phrase citée n’y figure pourtant pas. Voir aussi OCBC, Œuvres, t. XVIII, pp. 283284, n. 2.

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Voilà l’histoire de la religion ; on doit voir maintenant que si l’on confond le sentiment et la forme, on ne s’entendra jamais. En effet, comment expliquerez-vous, sans cette distinction, la suite des phénomènes religieux qui frappent nos regards dans les annales des différents peuples ? Pourquoi, par exemple, lorsqu’une forme religieuse est établie, et que la civilisation s’est élevée à un certain degré, l’incrédulité se manifeste-t-elle infailliblement avec une audace toujours croissante ? La Grèce, Rome, l’Europe moderne, nous démontrent ce fait. Vouloir l’expliquer par l’ascendant de quelques individus qui, tout-àcoup, on ne sait pourquoi, se plaisent à sapper dans leur base des dogmes respectés, c’est prendre l’effet pour la cause, et le symptôme pour la maladie. Les écrivains ne sont que les organes des opinions dominantes. Leur accord avec ces opinions, leur fidélité à les exprimer, fondent leur succès. Placez Lucien dans le siècle d’Homère, ou seulement de Pindare, faites naître Voltaire sous Louis IX ou sous Louis XI, Lucien et Voltaire n’essayeront pas même d’ébranler la croyance de leurs contemporains. Ils le tenteraient inutilement. Les applaudissements que de leur temps ils ont obtenus, les éloges qui les ont encouragés, ils en sont redevables moins à leur mérite qu’à la conformité de leurs doctrines avec celles qui commençaient à s’accréditer. Ils ont dit sans ménagement et sans retenue ce que tout le monde pensait. Chacun se reconnaissant en eux, s’est admiré dans son interprète. Ce n’est pas une fantaisie chez les peuples que d’être dévôts ou irréligieux1 ; la logique est un besoin de l’esprit, comme la religion est un besoin de l’ame2. On ne doute point, parce qu’on veut douter, comme on ne croit point, parce qu’on voudrait croire. Il y a des époques où il est impossible de semer le doute, il y en a d’autres où il est impossible de raffermir la conviction. D’où viennent ces impossibilités en sens opposés ? C’est que l’intelligence a fait des progrès, et que la forme étant restée la même, n’est plus, en quelque sorte, qu’une déception. Le sentiment religieux lutte contre cette déception. Il se glisse, quelquefois à l’insu de celui qui l’éprouve, dans les religions positives, mais l’instinct de leurs ministres le découvre et le combat. 10 qui, ] qui Rel. I,2 11 sapper ] saper Rel. I,2 25 dévôts ] dévots Rel. I,2 1 2

17–18 n’essayeront ] n’essaieront Rel. I,2

Voir le Registre violet, p. 110, n. CLIX. La même idée se trouve dans le Registre violet, p. 83, n. XLV.

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Les philosophes de l’antiquité, jusqu’à Épicure exclusivement, n’ont fait, pour la plupart, qu’exprimer cette tendance du sentiment religieux a. Ils n’avaient point d’intentions irréligieuses. Leurs efforts pour épurer la a

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Un auteur moderne semble insinuer que le sentiment religieux n’a existé que depuis l’établissement du christianisme. «Jusques alors, dit-il, Dieu n’avait manifesté que sa puissance... Cette notion... produisait un sentiment de respect et de crainte... Dieu achève de se découvrir... et un amour immense s’empare du cœur de l’homme1.» (Essai sur l’indifférence en mat. de relig., tome II, préf. 87, 88.) Pour démontrer l’inexactitude de cette assertion, il nous suffira d’un passage de Plutarque. On y voit clairement le sentiment religieux se glissant dans le polythéisme que l’intelligence travaillait à épurer. «Aucune fête, aucune cérémonie, aucun spectacle, «dit le philosophe de Chéronée», n’a pour l’homme un charme égal à celui qu’il trouve dans l’adoration des dieux, dans la participation aux danses solennelles, aux sacrifices et aux mystères. Son ame alors n’est pas abattue, triste et découragée comme si elle avait à redouter des puissances malignes et tyranniques. Elle est, au contraire, délivrée de toute crainte, de toute douleur, de toute inquiétude, et s’enivre de joies ineffables. Ces joies sont étrangères à celui qui ne croit pas à la Providence. Car ni la magnificence des ornements, ni la profusion des parfums, ni l’abondance des vins et des mets ne plaisent à l’ame dans les rites sacrés. Ce qui lui plaît, ce qui l’enchante, c’est la persuasion que les dieux assistent au sacrifice, et acceptent avec bonté ce que la piété leur consacre. Pour qui n’a point cette persuasion, le temple est un désert ; la cérémonie, une pompe vaine et lugubre ; les prières, des paroles que la raison désavoue ; le sacrificateur, un vil mercenaire qui égorge un innocent animal.» PLUT. – Non posse suaviter vivi secundum Epicuri decreta, cap. 222. Nous pourrions trouver mille passages où Sénèque se livre, avec des forC’est la première occurrence de l’ouvrage de F. de La Mennais, Essai sur l’indifférence en matière de religion, t. I, Paris : Tournachon-Molin et H. Seguin, 1817, t. II, Paris : Méquinon fils aîné, 1822, t. III et IV, Paris : Librairie Classique-E´lémentaire, 1823. BC le possède dans sa bibliothèque. BC fait un montage de fragments de phrases en utilisant les formulations de La Mennais (t. II, «Préface», pp. LXXXVII-LXXXVIII). Il critique ici déjà la définition du sentiment religieux donnée par La Mennais, qui sera catégoriquement réfutée dans la longue note du chap. III. Voir ci-dessous, pp. 125–134. Cette citation est issue d’un des traités de Plutarque qui composent les Œuvres morales : Non posse suaviter vivi secundum Epicurum (Qu’il est impossible de vivre heureux en suivant les préceptes d’E´picure). Il s’agit vraisemblablement d’un dialogue qui aurait eu lieu à Chaironeia, où Plutarque aurait donné un cours sur un livre de l’épicurien Colotès. Suite à cet exposé, le maître et ses élèves, Aristodème, Zeuxippe et Théon discutant, auraient décidé de suivre l’impulsion de Théon et de tenter de prouver qu’il est impossible de bien vivre et de vivre heureux selon les préceptes d’E´picure. (Voir Klaus-Dieter Zacher, Plutarchs Kritik an der Lustlehre Epikurs. Ein Kommentar zu Non posse suaviter vivi secundum Epicurum : Kap. 1–8, Königstein/Taunus : Hain, 1982, pp. 14–22.) Remarquons que BC ne cite pas correctement le titre de l’ouvrage. Néanmoins, le passage de Plutarque cité par BC correspond dans son contenu au passage qui présente des propos abordant la superstition de la croyance des hommes communs, ordinairement grossiers et ignorants (tels qu’il les présente). Mais Plutarque précise que la croyance et la révérence de ces hommes envers Dieu sont à bien des égards liées à un véritable sentiment religieux. Même si leur confiance dans les dieux contient quelque crainte, la confiance et la joie inspirée par la conscience de la présence de Dieu dominent. Ceci apparaît dans la phrase suivante de la traduction par Messire Jacques Amyot, évêque d’Auxerre, conseiller du roi et grand Aumônier de France, publiée en 1618 : «car notre ame n’est point alors triste, morne, ni melancholique, comme si elle avait affaire à quelques tyrans, ou à quelques cruels bour-

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croyance étaient si peu hostiles, qu’ils défen daient avec conviction l’ensemble dont ils auraient voulu modifier ou plutôt écarter quelques détails. Mais les religions positives ne savent aucun gré de cette espèce de bienveillance. Pour elles, les réformateurs sont des ennemis. On connaît la mort de Socrate, et l’exil d’Anaxagore. Deux mille ans plus tard, l’amour pur de Fénélon, qui n’était autre chose que le sentiment religieux cherchant à se placer sous des dogmes fixes et à se con cilier avec ces dogmes, fut condamné comme une hérésie a.

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mes philosophiques, à l’exaltation du sentiment religieux. L’époque l’y invitait, il vivait sous Néron, et, pressé par la tyrannie, il se réfugiait où la tyrannie ne pouvait l’atteindre. Les traces du même sentiment s’aperçoivent dans les nouveaux platoniciens ; mais ils étaient gênés en deux sens opposés par la tendance aux abstractions, et par le désir de prolonger l’existence des formes anciennes1. Comme il est probable que le public de nos jours a oublié les motifs du bref d’Innocent XII contre l’archevêque de Cambray, et les doctrines qui se trouvèrent frappées de réprobation par l’église romaine, nous rapporterons quelques-unes des propositions qui furent condamnées2. 1re PROPOSITION. – «Il y a un état habituel d’amour de Dieu qui est une charité pure, et sans aucun mélange du motif de l’intérêt propre... Ni la crainte des châtiments, ni le désir des récompenses n’ont plus de part à cet amour.»

reaux, ainsi là où plus elle estime & se persuade que Dieu soit, c’est là où plus elle dechasse arriere de soy tous ennuis, toutes craintes & tous soucis, & se donne à toute rejouissance [...]» (Les œuvres morales et philosophiques de Plutarque, translatées de grec en françois, par Messire Jacques Amyot, Paris : C. Morel, 1618, p. 287). Ce que l’on trouve ici n’est pas mot pour mot la citation de BC, mais s’en rapproche au niveau du sens. Cette remarque critique sur le néo-platonisme vise, semble-t-il, d’un côté le haut degré d’abstraction dû à l’opposition de l’Un, d’où émanent toutes les choses, et du non-être, ˆ me étant conçue surtout comme l’A ˆ me cosmique qui rend marginale l’âme individuelle, l’A seule capable du sentiment religieux, de l’autre côté la tradition d’une vision magique du monde toujours vivante dans la pensée néo-platonicienne. BC cite les deux premières et les deux dernières propositions de la condamnation d’un ouvrage de Fénelon : Condamnation & défense de N. S. P. le Pape Innocent XII du livre imprimé à Paris en 1697 sous ce titre : Explication des maximes des Saints sur la vie intérieure, &c. traduite en François, Paris : François Muguet, 1699. L’ouvrage de Fénelon est le dernier écrit de l’affaire dite la «querelle quiétiste» qui oppose la pensée de Mme Guyon (dont Fénelon apprécie la piété spirituelle) à la doctrine orthodoxe. Une commission était chargée d’examiner la doctrine de Mme Guyon (Le moyen court et facile de faire oraison ; Les torrents spirituels) et exprimait son jugement dans les «Articles d’Issy». Puisque la querelle se prolongeait, en dépit de la soumission de Mme Guyon aux exigences de la commission, Fénelon publiait, en 1697, son Explication des maximes des Saints sur la vie intérieure, condamnée deux ans plus tard par le Saint-Office. Fénelon s’y soumit sans tarder, ce qui mit fin à la querelle, dans laquelle Bossuet jouait, par les critiques qu’il adressait à Mme Guyon, un rôle de premier plan. Rappelons encore que la doctrine de cette dame et ses écrits trouvaient dans les milieux protestants un écho favorable.

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Or la persécution a des effets qui sont infaillibles. Le désir de briser le joug d’une forme qui se montre oppressive et vexatoire devient l’unique objet vers lequel se dirige le travail de la pensée. L’activité de l’imagination, la subtilité du raisonnement, se tournent contre ce que le raisonnement trouvait naguère plausible, contre ce que l’imagination se plaisait à révérer, en un mot le sentiment religieux se sépare de sa forme. Mais comme alors les persécutions redoublent, elles font naître dans les ames révoltées une sorte de fanatisme d’incrédulité qui saisit et enivre les portions éclairées, les classes supérieures de la société, et cette incrédulité attaque bientôt le sentiment religieux lui-même. Étouffé jusqu’alors par la forme matérielle, il rencontre plus de défaveur encore durant le combat que se livrent l’incrédulité et la religion. Comme les révolutions contre le despotisme sont suivies d’ordinaire d’un moment d’anarchie, l’ébranlement des croyances populaires est accompagné d’une haine et d’un mépris effréné contre toutes les idées religieuses : et bien qu’au fond, en dépit de cette impulsion désordonnée, le sentiment religieux conserve ses droits, bien que cet enthousiasme pour la nature, pour le grand tout, que nous remarquons chez les écrivains les plus incrédules et qui, à juste titre, nous paraît bizarre, ne soit que le sentiment religieux se reproduisant sous un autre nom au sein de l’athéisme lui-même, les apparences n’en indiquent pas moins l’incré2e PROPOSITION. – «Dans cet état, on perd tout motif intéressé de crainte et d’espérance.» 22e PROPOSITION. – «Quoique la doctrine du pur amour fût la pure et simple perfection de l’évangile marquée dans toute la tradition, les anciens pasteurs ne proposaient d’ordinaire au commun des justes, que les pratiques de l’amour intéressé.» 23e PROPOSITION. – «Le pur amour fait lui seul toute la vie intérieure, et devient alors le principe unique et l’unique motif de tous les actes désintéressés et méritoires.» Bref d’Innocent XII, contenant condamnation des Maximes des Saints, du 12 mars 1699. On voit que toutes les propositions réprouvées tendent à faire prévaloir le sentiment religieux sur les motifs intéressés. Cette préférence porte nécessairement un grand préjudice à l’autorité sacerdotale. Elle met l’homme en communication directe avec la divinité, et lui rend superflue l’intervention des intermédiaires. Elle doit nuire par-là même, à l’influence de ceux qui sont les organes des demandes qu’il adresse au ciel pour obtenir des faveurs ou pour échapper à des peines. Celui qui aspire à des récompenses, ou qui redoute des châtiments, doit prêter une oreille plus docile aux directions qui lui sont données, que celui qui, trouvant son bonheur dans le sentiment, n’a besoin de personne pour arriver à ce bonheur et pour en jouir, et si ce pur amour, c’est-à-dire le sentiment religieux, fait à lui seul la vie intérieure, le culte extérieur, les rites, la forme en un mot, perdent beaucoup de leur importance. 6 révérer, ] révérer ; Rel. I,2 mot ] mot, Rel. I,2 17 droits, ] droits ; Rel. I,2 19 incrédules ] incrédules, Rel. I,2 31 divinité, ] Divinité, Rel. I,2 32 même, ] même Rel. I,2 37 jouir, ] jouir ; Rel. I,2

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dulité la plus complète, et l’on dirait que l’homme a pour jamais abjuré tout ce qui tient à la religion1. Mais ici se présente un nouveau problème, et c’est encore la distinction entre le senti ment et la forme qui seule peut l’expliquer. Comment se fait-il que toutes les fois que les religions positives sont entièrement décréditées, l’homme se précipite dans les superstitions les plus effroyables ? Voyez les habitants du monde civilisé durant les trois premiers siècles de notre ère. Contemplez-les tels que nous les décrit Plutarque2, honnête écrivain qui aurait désiré être dévot, qui s’imaginait quelquefois l’être, mais que poursuivaient malgré lui l’incrédulité contemporaine et la contagion du scepticisme.

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Voir ci-dessus, pp. 92–94, en particulier la remarque sur le Systême de la nature de d’Holbach. BC pense probablement à l’écrit De superstitione de Plutarque, le plus ancien des sept écrits théologiques qu’on a conservé de l’auteur, ou à un autre écrit sur le culte d’Isis. Dans le premier ouvrage mentionné, Plutarque décrit au premier chapitre les sources de la superstition, qui selon lui comme dans le cas de l’athéisme, proviennent du «manque de connaissance et de jugement à l’égard des dieux». Ensuite, il représente les comportements irrationnels des hommes superstitieux, qui sont habités par «la crainte par superstition» (Plutarque, Œuvres morales, tome II : De la superstition, texte établi et traduit par Jean Defradas, Jean Hani, Robert Klaerr, Paris : Belles Lettres, 1985, pp. 248 et 250). Voir aussi cidessous, p. 116, n. 2. Dans De Iside et Osiride, «la superstition consiste en une observance des rites traditionnels et une lecture des textes sacrés littérales et vétilleuses en une croyance sans nuance à la vérité, historique ou objective, des mythes, en l’absence de toute tentative d’interprétation des traditions du culte». Comme dans De superstitione, l’auteur remarque que la superstition se transforme vite en «crainte des dieux». Il note trois sortes de causes produisant la superstition de même que l’athéisme : «1. Une conception immanentiste et une ‹réification› des dieux issues en particulier de la pratique de l’agriculture et de la confusion qui s’établit entre les produits de la terre et les dieux qui permettent leur renaissance. 2. Les différences qu’on constate, d’un pays à l’autre, entre les privilèges et les noms des dieux. 3. Le caractère très allusif et, lui aussi, variable des symboles et des allusions par lesquels s’expriment les vérités divines : faute d’une interprétation rationnelle et philosophique de ces symboles et de ces allusions, on s’égare, soit vers ‹les marais› de la superstition, soit vers ‹le précipice› de l’athéisme» (Plutarque, Œuvres morales, tome V, 2ème partie : Isis et Osiris, texte établi et traduit par Christian Froidefond, Paris : Belles Lettres, 2003, p. 350). Les prêtres égyptiens semblent échapper à la superstition, comme ils représentent, selon la description de Plutarque, un modèle d’hommes savants s’attachant au savoir et à l’apprentissage, purs de toute superstition : «Isis, on l’a dit plus haut, possède la sagesse et dévoile la connaissance du divin à ceux qui méritent en toute vérité et en toute justice le nom d’‘hiéraphores’ (porteurs des objets sacrés) et d’‘hiérostoles’ (habilleurs sacrés), j’entends ceux qui portent dans la ciste de leur âme, pure de tout formalisme superstitieux, la doctrine sacrée relative aux dieux et la dérobent derrière les symboles tantôt obscurs et sombres, tantôt clairs et lumineux auxquels s’adresse la croyance des fidèles [...]» (pp. 179–180).

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A côté de ce scepticisme, invincible dans ses arguments, péremptoire dans ses dénégations, triomphant dans son ironie, un déluge de superstitions grossières et souvent féroces envahit tout l’univers policé. L’ancien polythéisme est tombé, un autre le remplace, occulte, sombre, bizarre, auquel chacun se livre, et dont chacun rougit. Aux cérémonies régulières des pontifes, succèdent les courses tumultueuses des prêtres isiaques, derniers auxiliaires et alliés suspects d’un culte expirant, tour a` tour repoussés et rappelés par ses ministres, désespérant de leur cause. Mission naires turbulents et méprisés, danseurs indécents, prophètes fanatiques, mendiants importuns, les cheveux épars, le corps déchiré, la poitrine sanglante, privés de leur sexe qu’ils ont abjuré, de leur raison qu’ils ont étourdie, ils promènent les simulacres ou les reliques des divinités dans les bourgs et les villages. Ils remplissent l’air de leurs hurlements ; ils étonnent la foule par des contorsions grotesques ; ils l’effraient par des convulsions hideuses : et cette foule que ne touchaient plus les pompes antiques, sent sa dévotion ranimée par cette irruption de jongleurs sauvages, chez des peuples qu’on croit éclairés a. Les pratiques ordinaires qui ne suffisent plus à la superstition devenue a

PHED. liv. III, fab. 201, APUL. metam. VIII2. PLIN. XXXV, 12. DEN. D’HAL. II, 73. OVID. Fast. IV, 180–3704. TIBULL. I, IV, 6045. BRANCH. de Sist. ap. Græv. VI6. OVID epist. ex Pont. I, 37–407.

7 tour à tour ] tour-à-tour Rel. I,2 1

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14 grotesques ; ] grotesques, Rel. I,2

BC, utilisant huit renvois à des sources tirées d’un auteur non identifié, suggère une solide assise de l’hypothèse soutenue ci-dessus, mais il faut se rendre à l’évidence que les sources citées n’ont pas été utilisées directement. Ainsi la fable de Phèdre mentionnée ici n’existe pas, et le renvoi à Pline n’est pas utile, puisque l’auteur parle d’une autre matière sans rapport avec les rites dont il est question ci-dessus. Voir Apulée, Les métamorphoses, t. III, [...], texte établi par D. S. Robertson et traduit par Paul Valette, Paris : Belles Lettres, 1985, pp. 54–62. Le chap. XXVII parle d’un cortège rituel du culte de Cybèle. Le chap. indiqué parle surtout des mérites de Romulus. L’auteur le loue de ne pas avoir adopté «les absurdités de la mythologie grecque et les rites qui accompagnent certains mythes» et continue : «Quelque corrompues que soient (aujourd’hui) leurs mœurs, on ne voit point chez eux de fanatiques épris d’une fureur divine, ni les transports forcenés des Corybantes, ni les farces des charlatans qui courent le païs, ni les folies des Bacchantes, ni les céremonies secrettes de leurs mysteres, ni les veilles des femmes avec des hommes dans les temples, ni aucune autre extravagance de cette sorte. Tout ce qui concerne les dieux, s’y dit & s’y fait avec plus de circonspection & de pieté que chez les Grecs ou chez les Barbares.» Voir Les Antiquités Romaines de Denys d’Halicarnasse : Traduites en françois ; avec des notes historiques, geographiques, chronologiques et critiques. Par M. *** [François Bellenger], Paris : Chez Philippe-Nicolas Lottin, 1723, 2 vol., et plus particulièrement chap. II, 7, t. I, p. 160. Les vers indiqués ici contiennent une description du cortège qui ouvre la fête de Cybèle. La référence à Tibulle s’explique par l’invocation de Priape. Cette référence prouve que BC a copié ses renvois chez un auteur non identifié. Il faut comprendre : D. Benedicti Bacchini, De Sistris, eorumque figuris. Ce traité, publié pour la

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barbare, sont remplacées par le hideux taurobole, où le suppliant se fait inonder du sang de la victime. De toutes parts pénètrent dans les temples, malgré les efforts des magistrats, les rites révoltants des peuplades les plus dédaignées. Les sacrifices humains se réintroduisent dans la religion et déshonorent sa chute, comme ils avaient souillé sa naissance. Les dieux échangent leurs formes élégantes contre d’effroyables difformités ; ces dieux, empruntés de partout, réunis, entassés, confondus, sont d’autant mieux accueillis que leurs dehors sont plus étranges. C’est leur foule que l’on invoque, c’est de leur foule que l’imagination veut se repaître. Elle a soif de repeupler, n’importe de quels êtres, le ciel qu’elle s’épouvante de trouver muet et désert. Les sectes se multiplient, les inspirés parcourent la terre, l’autorité politique ne sait plus comment conjurer à la fois l’incrédulité qui menace ce qui existe, et les doctrines délirantes qui veulent remplacer ce qui existait. Elle contracte avec les pontifes du culte ébranlé d’impuissantes alliances. Elle s’épuise en exhortations inutiles encore plus que pathétiques. Elle s’arme pour le passé a, mais elle ne réussit qu’à en maintenir la trompeuse apparence, tandis que la raison dispute l’avenir aux erreurs inattendues qui le réclament comme leur conquête. Ces erreurs ne sont point le partage exclusif de la classe ignorante. Le délire envahit tous les rangs de la société. Les Romains les plus efféminés, les femmes les plus délicates, gravissent prosternés les degrés du Capitole, a

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C’est à cette époque que les Romains qui se disaient religieux voulaient qu’on brûlât les livres de Cicéron, comme contraires à la religion de l’état. V. ARNOB. adv. gentes. Arnobe répond : Intercipere scripta et publicatam velle submergere lectionem, non est deos defendere, sed veritatis testificationem timere1. «Supprimer les écrits et vouloir en interdire la lecture, ce n’est pas défendre les dieux, mais craindre la vérité.» première fois en 1691, est reproduit dans le Thesaurus Antiquitatum Romanorum, congestus a Joanni Georgio Grævio, t. VI, Traject[i] ad Rhen[um], Lugd[unum] Batavor[um] : apud Franciscum Halmam Bibliop[olam], Petrum vander AA, 1697, pp. 409–416 (ou Venetiis : Typis Bartholomæ Javarina, 1732, pp. 409–417). Bacchini s’intéresse à une description exacte des différentes formes de cet instrument de musique, le sistre. Le culte de Cybèle ou le culte isiaque ne sont évoqués que pour dire que cet instrument de musique y est utilisé. (Note de la page précédente) Renvoi exact à quatre vers qui parlent de celui «iactantem [...] sistra manu» ou de celui qui sonne la flûte devant Cybèle. BC renvoie aux Arnobii disputationum adversus gentes libri septem, Livre III, 7 de l’écrit apologétique d’Arnobe (Patrologiæ cursus completus. Series prima. Accurante J.-P. Migne, t. V, Paris : Migne, 1844, p. 946). BC a copié cette phrase dans l’ouvrage de Christian Friederich Rößler, Bibliothek der Kirchen-Väter. In Übersetzungen und Auszügen aus ihren führnehmsten, besonders dogmatischen Schriften, sammt dem Original der Hauptstellen und nöthigen Anmerkungen (Leipzig : bey Christian Gottlieb Hertel, 1776–1786, 10 vol., t. III, p. 333), comme il ressort des notes de lecture (BCU, Co 3293, no 2, note 10 ; dans la marge : «empl. 1823»). Voir aussi OCBC, Œuvres, t. XVIII, p. 508.

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et se félicitent d’arriver au faîte les genoux ensanglantés a. Dans le palais des empereurs et dans les appartements des dames romaines, on voit tous a

JUVE´ NAL, Satyr. VI, 523–5251. DION CASS. XLIII, 21, XLVI, 232. Cette superstition remonte plus haut, mais pourtant à une époque où la religion était de fait détruite. TIBULL. 1, 3, 853. On dit que César et Claude s’y soumirent, Senec. de vita beata, 274.

5 vita beata, ] vitâ beatâ, Rel. I,2 1 2

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Juvénal : voir notre commentaire de la note suivante de BC. – Voir le Repertory, note 729. Dans le chapitre XLIII, 21, il est question d’un incident qui se produit au moment où César, après avoir vaincu Scipion et Juba et conquis la Numidie, triomphe à Rome : l’essieu de son char triomphal se brise devant le temple de la Fortune bâti par Lucullus. Ce fut, dit Dion Cassius, un «présage défavorable pour lui» (τε ρας ουÆ κ αÆ γαθοÁ ν αυÆ τω Äì ). Alors César «monta sur les genoux les degrés du Capitole» (τοÁ υς αÆ ναβασμουÁ ς τουÁ ς εÆ ν τω Äì Καπιτωλι ωì τοιÄς γο νασιν αÆ νερÆ ρë ιχη σατο). Nous citons le texte grec et la traduction française d’après l’Histoire romaine de Dion Cassius, traduite en français, avec des notes critiques, historiques, etc., et le texte en regard [...] par Étienne Gros et V. Boissée, Paris : Firmin Didot Frères, 1861, t. V, pp. 162–163. Le second passage auquel BC pense se trouve non pas à l’endroit qu’il indique, mais dans le Livre XLIV, 21, pp. 264–266. Il y est question de la réaction du peuple à la nouvelle de l’assassinat de César. Les meurtriers réussissent à l’apaiser ; cependant, craignant qu’on ne leur tendît un piège, les gens «montèrent au Capitole comme pour adresser des prières aux dieux» (αÆ νηÄ λθον εÆ ς τοÁ Καπιτω λιον, ωë ς καιÁ τοιÄς θεοιÄς προσευξο μενοι). On voit bien que ces deux passages ne correspondent pas à l’assertion qu’ils sont censés illustrer ; dans le premier, il ne s’agit pas d’un des ‘Romains les plus efféminés’, et dans le second, il est bien question de la ‘classe ignorante’. Voir ci-dessus, p. 113, note 5. Cette seconde référence à Tibulle paraît inexplicable. S’agit-il vraiment de l’élégie 1, 3, V. 85 ? «Hæc [l’esclave] tibi fabellas referat, positaque lucerna» –«Qu’elle te raconte des histoires en tirant, près de la lampe, les longs fils de sa quenouille bien garnie» (Tibulle et les auteurs du Corpus Tibullianum, texte établi et traduit par Max Ponchont, Paris : Les Belles Lettres, 1967, p. 27 [V. 85–86]). Ou bien BC pense-t-il au début de l’élégie, où Delia, avant de laisser partir le poète, consulte les dieux et prend des mains d’un garçon les sorts sacrés (voir p. 23) ? Dans le traité De vita beata (vers 58), Sénèque tente de montrer que le vrai bonheur s’identifie avec la vertu et que les adversaires des philosophes ont tort de les accuser d’une contradiction entre leur conduite et leurs maximes. BC pense probablement à la fin du ch. 26, où le sage met en question la crédibilité de ses délateurs en leur reprochant d’être superstitieux : «Cum sistrum aliquis concutiens ex imperio mentitur, cum aliquis secandi lacertos suos artifex brachia atque umeros suspensa manus cruentat, cum aliqua genibus per uiam repens ululat laurumque linteatus senex et medio lucernam die præferens conclamat iratum aliquem deorum concurritis et auditis ac diuinum esse eum inuicem mutuum alentes stuporem, affirmatis.» – «Quand un individu, secouant un sistre, ment par ordre, quand quelque imposteur habile à se taillader les biceps ensanglante ses bras et ses épaules d’une main légère, quand une femme quelconque hurle en rampant sur les genoux dans la rue, quand un vieillard vêtu de lin, brandissant un laurier et en plein jour une lampe, crie que quelqu’un des dieux est irrité, vous accourez en foule et, entretenant à l’envi votre mutuel ébahissement, vous affirmez que c’est un envoyé des dieux.» Nous citons l’original latin et la traduction française d’après l’édition suivante : Sénèque, Dialogues. Tome Second : De la vie heureuse. De la brièveté de la vie, texte établi et traduit par A. Bourgery, septième tirage, Paris : Les Belles Lettres, 1972, pp. 35–36.

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les monstres de l’E´gypte, des simulacres à tête de chien, de loup, d’éper vier, et ces scandaleux symboles montrés autrefois dans les mystères comme emblêmes de la force créatrice, mais devenus les objets à la fois de la dérision et de l’adoration publique, et ces statues panthées, indiquant l’énigmatique assemblage et le mélange de tous les dieux a. Tout cela néanmoins ne satisfait pas l’espèce humaine. Elle retrouve la terreur, mais elle cherche en vain la croyance, et c’est de croyance qu’elle aurait besoin. Le même Plutarque nous peint les hommes de tous les états, riches, pauvres, vieux, jeunes, tantôt saisis, sans cause visible, d’un désespoir frénétique, déchirant leurs vêtements, se roulant dans la fange, criant qu’ils sont maudits des dieux b ; tantôt reprenant en parlant de ces dieux, a

b

Toute la satyre sixième de Juvénal est une peinture frappante de la superstition romaine à cette époque1. PLUT. de Superstit., ch. 32.

12 satyre ] satire Rel. I,2 1

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La sixième satire est dirigée contre les dames de la haute société romaine, c’est-à-dire les épouses des nobles qui, eux, sont attaqués dans les satires 2, 9, et ailleurs. Elle s’ouvre sur une mise en garde adressée à Postumus, qui est sur le point de se marier, projet insensé étant donné que dans la Rome contemporaine, les bases morales du mariage sont détruites. Comme preuve, l’auteur fait suivre un catalogue presque interminable des vices et fautes des matrones romaines. Aux types de débauche correspondent des types féminins. Comme le montre la précédente note de BC, celui-ci s’intéresse plus particulièrement au type de la femme superstitieuse, à laquelle Juvénal réserve un long passage (v. 511–591). Il y évoque les pratiques absurdes auxquelles la superstitieuse se soumet. La pratique à laquelle BC renvoie figure dans le passage suivant : «Hibernum fracta glacie descendet in amnem, / ter matutino Tiberi mergetur et ipsis / uerticibus timidum caput abluet, inde superbi / totum regis agrum nuda ac temibunda cruentis / erepet genibus [...]» – «Au point du jour en plein hiver, notre dévote cassera la glace du Tibre pour s’y plonger trois fois et quoiqu’elle n’aime pas l’eau, elle n’en trempera pas moins sa tête jusqu’au sommet du crâne dans le courant, puis nue et frissonnante elle se traînera tout le long du champ de Tarquin le Superbe sur ses genoux ensanglantés» (v. 522–526). Nous citons l’original et la traduction d’après l’édition suivante : Juvénal, Satires, texte établi et traduit par Pierre de Labriolle et François Villeneuve, Paris : Les Belles Lettres, 1996, p. 80. BC lui-même possédait l’édition bilingue suivante : Satires de Juvénal, traduites en vers français par M. le Baron [Alexandre Edme] Méchin, Paris : P. Didot, 1817 ; voir Pierre Deguise, «Un catalogue de la bibliothèque de Benjamin Constant», Saggi e Ricerche di letteratura francese, t. X, Roma : Bulzoni, 1969, pp. 149–195, ici p. 183 (no 138). – Voir le Repertory, note 728. Dans le chapitre 3 du traité De superstitione auquel renvoie BC, il est d’abord question de la crainte superstitieuse des dieux qui se déploie dans le sommeil des hommes. Plutarque montre que la superstition fait naître la crainte, qui paralyse l’âme et harcèle l’homme ` la suite de cette jusque dans le sommeil avec des visions monstrueuses et terrifiantes. A réflexion, l’auteur décrit le comportement désordonné des hommes superstitieux dans la réalité – passage qui correspond à la description de BC : «[...] ils s’abusent eux-mêmes, s’épuisent en dépenses et en tourments, s’en remettant à des charlatans et des imposteurs qui leur disent : ‘Mais si tu redoutes une vision de tes songes et si tu as reçu la troupe d’Hécate, la déesse infernale, appelle la vieille magicienne avec ses onguents, plonge-toi

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par habitude et par vanité, le ton du persiflage et de l’ironie, puis, consultant dans quelque réduit obscur, des sorciers, des vendeurs d’amulettes et de talismans, parcourant la nuit les cimetières pour y déterrer les restes des morts, égorgeant des enfants ou les faisant périr de faim sur des tombes pour lire le destin dans leurs entrailles : enfin, malgré leur nature énervée, bravant la douleur ainsi que le crime, et soumettant à des macérations incroyables leurs corps fatigués de voluptés, comme pour faire violence à la puissance inconnue qu’ils semblent chercher à tâtons et pour arracher aux enfers ce qu’ils n’espèrent plus obtenir des cieux. D’où vient ce désordre moral, à une époque où la philosophie a étendu partout ses enseignements, et où les lumières semblent avoir dissipé les ténèbres de l’ignorance ? L’homme s’applaudit d’avoir repoussé tous les préjugés, toutes les erreurs, toutes les craintes, et toutes les craintes, tous les préjugés, toutes les erreurs semblent déchaînées. On a proclamé l’empire de la raison, et tout l’univers est frappé de délire ; tous les systêmes se fondent sur le calcul, s’adressent à l’intérêt, permettent le plaisir, recommandent le repos, et jamais les égarements ne furent plus honteux, les agitations plus désordonnées, les douleurs plus poignantes : c’est que dans ses attaques contre la forme qu’il a réduite en poussière, le scepticisme a porté atteinte au sentiment dont l’espèce humaine ne saurait se passer. L’homme, sorti vainqueur des combats qu’il a livrés, jette un regard sur le monde dépeuplé de puissances protectrices et demeure étonné de sa victoire. L’agitation de la lutte, l’idée du danger qu’il aimait à braver, la soif de reconquérir des droits contestés, toutes ces causes d’exaltation ne le soutiennent plus. Son imagination, naguère toute occupée d’un succès qu’on lui disputait encore, maintenant désœuvrée et comme déserte, se retourne sur elle-même. Il se trouve seul sur une terre qui doit l’engloutir. Sur cette terre, les générations se suivent, passagères, fortuites, isolées ; elles paraissent, elles souffrent, elles meurent ; nul lien n’existe entre elles. Aucune voix ne se prolonge des races qui ne sont plus aux races vivantes, et la voix des races vivantes doit s’abîmer bientôt dans le même silence éternel. Que fera l’homme sans souvenir, sans espoir, entre le passé qui l’abandonne et l’avenir fermé devant lui ? Ses invocations ne sont plus écoutées, ses prières restent sans réponse. 1 consultant ] consultant, Rel. I,2 17 permettent ] promettent Rel. I,2 28 terre, ] terre Rel. I,2 Rel. I,2

8 tâtons ] tâtons, Rel. I,2 16 délire ; ] délire, Rel. I,2 23 protectrices ] protectrices, Rel. I,2 26 toute ] tout

dans la mer, puis passe la journée assis sur le sol. ‘O Grecs, c’est vous qui avez inventé des maux dignes de barbares !’ en prescrivant, sous l’effet de la superstition, de se vautrer dans la boue de s’enduire de fange, de célébrer des sabbats, de se jeter face contre terre, de se livrer à de honteuses démonstrations publiques à d’étranges prosternations» (Plutarque, De la superstition, p. 251).

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Il a repoussé tous les appuis dont ses prédécesseurs l’avaient entouré, il s’est réduit à ses propres forces. C’est avec elles qu’il doit affronter la satiété, la vieillesse, le remord, la foule innombrable des maux qui l’assiègent. Dans cet état violent et contre nature, ses actions sont un démenti perpétuel de ses raisonnements, ses terreurs, une constante expiation de ses railleries. On le dirait frappé d’un double vertige, tantôt insultant a` ce qu’il révère, tantôt tremblant devant ce qu’il vient de fouler aux pieds. Une loi éternelle qu’il faut reconnaître, quelque opinion que nous ayons d’ailleurs sur des questions que nous avouons être insolubles, une loi éternelle semble avoir voulu que la terre fût inhabitable, quand toute une génération ne croit plus qu’une puissance sage et bienfaisante veille sur les hommes. Cette terre, séparée du ciel, devient pour ses habitants une prison, et le prisonnier frappe de sa tête les murs du cachot qui le renferme. Le sentiment religieux s’agite avec frénésie sur des formes brisées, parce qu’une forme lui manque que l’intelligence perfectionnée puisse admettre. Que cette forme paraisse, l’opinion l’en toure, la morale s’y rattache, l’autorité, quelque temps rebelle, finit par céder ; tout rentre dans l’ordre, les esprits inquiets, les ames épouvantées retrouvent le repos. C’est en effet ce qui arrive à l’apparition de la religion chrétienne. Le sentiment religieux s’empare de cette forme épurée ; sa portion vague, mélancolique et touchante y trouve un asyle, au moment où l’homme ayant acquis des connaissances sur les lois des choses physiques, la religion existante a perdu l’appui que lui prêtait l’ignorance. Sous l’empire de la forme ancienne, la religion s’était élevée de la terre au ciel ; mais sa base était écroulée. La forme nouvelle, en lui rendant une base, la fait redescendre du ciel sur la terre. L’on peut considérer cette époque comme la résurrection morale du genre humain. Le monde politique reste en proie au chaos ; le monde intellectuel est réorganisé pour plusieurs siècles. Une chose encore est à observer. A cette époque, le sentiment religieux, plein du souvenir de ce qu’il a souffert dans les liens d’une forme positive, craint dans la forme nouvelle tout ce qui ressemble aux entraves que lui imposait celle qu’il vient de briser. Il jouit de toute sa liberté. Heureux d’avoir retrouve´ des axiomes qu’il croit infaillibles, et des vérités qui lui paraissent incontestables, il savoure avec transport les douceurs de croire, mais il repousse des symboles dont il n’éprouve pas le besoin, des pratiques qui sont à ses yeux indifférentes ou superflues, des hiérarchies qui lui retracent le joug matériel qui l’a tant blessé. 5 raisonnements, ] raisonnements ; Rel. I,2 17 l’autorité, ] l’autorité Rel. I,2 l’ordre, ] l’ordre ; Rel. I,2 30 chose encore est ] chose est encore Rel. I,2 35 croire, ] croire ; Rel. I,2

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Il ne veut point de sacerdoce. Nous sommes tous prêtres, dit Tertullien. Nous sommes tous consacrés comme tels devant le Père céleste a. Il dédaigne la magnificence des cérémonies. Il ne s’occupe que de l’Eˆtre infini, universel, invisible, auquel chaque homme doit élever un temple au a

TERTULLIAN. de baptismo. Nonne et laïci sacerdotes sumus ? IDEM, de Castit., cap. 71. Tout chrétien réclamait, dans l’origine, le pouvoir de chasser les démons. GREG. NAZ.2. Carm. 61, ad Nemes. Tout membre de la primitive église, sans distinction de rang ou de sexe, jouissait du droit de remplir la fonction de prophète. MOSHEIM, Diss. ad. Hist. Eccl. pertin. II, 1323.

1–2 Tertullien. Nous ] Tertullien : nous Rel. I,2 1

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5 baptismo. ] Baptismo. Rel. I,2

La phrase «Nonne et laïci sacerdotes sumus ?» figure, comme la référence de BC l’indique, dans le chap. 7, 3 du Liber de exhortatione castitatis. Quant à De baptismo, BC pense peutêtre au ch. 17 de ce traité : Tertullien y dit (nous citons la traduction de Rößler, empruntée par BC à Göttingen) : «Das Recht, die Taufe zu erteilen, hat ordentlicher Weise der Bischof. Hernach die Presbyter und die Diakone, doch, zur Ehre der Kirche, unter dem Aufsehen des Bischofs. Sonst haben auch die gemeinen Christen das Recht darzu. Es seye alles erlaubt, sagt der Apostel, aber es fromme (nütze) nicht alles» (C. F. Rößler, Bibliothek der KirchenVäter, t. III, p. 140). Voir aussi OCBC, Œuvres, t. XI/1, pp. 577–578, n. 1. BC cite, d’après une publication que nous n’avons pu identifier, la référence à une poésie de Grégoire de Nazianze (vers 340 – vers 400) que celui-ci adresse à Némésius d’Emèse (IVe-Ve siècle). Grégoire, évêque de Nazianze et de Constantinople, élevé au patriarcat en 380, préside le deuxième concile œcuménique (Constantinople 381), mais démissionnant de sa charge de patriarche, il retourne en 383 à Nazianze, et se retire peu après dans la solitude pour se consacrer exclusivement à la vie contemplative et à l’écriture. On a de lui des discours de très haute qualité littéraire, des poésies sur des thèmes dogmatiques et sur la vie chrétienne ainsi que des lettres. Le passage visé est celui-ci : «Nec mirum : nam et ego, pars Christi, nomen venerandum Sæpe cum solum pronuntiavi, procul effugit dæmon Stridens, gemens, clamans virtutem Omnipotentis : Sæpe etiam magnæ crucis signum, nequidem in tabula, Sed per medium ærem descripsi, et sola figura erexit trophäum, Ut olim illustris Moysis manibus (contigit in forman crucis compositis)» (poésie no VII, «Ad Nemesium», vv. 80–85, S. Gregorii theol. Carminum liber II. Historica, PG, t. XXXVII, col. 1557–1558 ; BC utilise la numérotation des poésies en chiffres arabes d’une édition ancienne dont se sert aussi Louis-Sébastien Le Nain de Tillemont, Mémoires pour servir à l’histoire ecclésiastique des six premiers siècles, Venise : Pitteri, 1732, t. IX, chap. sur Grégoire de Nazianze). Voir Johann Lorenz von Mosheim, Dissertationum ad historiam ecclesiasticam pertinentium. Editio secunda [...], Altona et Flensburg : Korte, 1743. La citation de BC renvoie au «Proœmium» de la «De prophetis ecclesiæ apostolicæ dissertatio» (t. II, pp. 125–210). Mosheim y parle des dons (dona, munera) du Saint-Esprit que Dieu accorda aux premiers chrétiens. C’est à partir de la p. 134 seulement que le don de la prophétie est mentionné de manière explicite ; or Mosheim, loin de soutenir que chacun «jouissait du droit de remplir la fonction de prophète», affirme au contraire : «Hoc quidem ad unum omnes concedunt, nomine Prophetarum in Novo Foedere certum genus Doctorum designari» (Car tous s’accordent pour dire que dans la Nouvelle Alliance le nom de prophètes désignait un certain genre de docteurs.) (pp. 134–135). – L’ébauche de cette note se trouve dans le Registre violet, p. 78, n. XX.

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fond de son cœur a. Couverts des vêtements les plus humbles, et quelquefois à demi-nus, les chrétiens méprisent les pompes païennes, les décorations des édifices sacrés et les ornements des pontifes, ils ne dressent point d’autels, ils ne révèrent point de simulacres. Tolérant parce qu’il est sincère, le sentiment religieux ouvre avec joie à toutes les nations, à toutes les a

Origène dit que la primitive église proscrivait les temples et les autels1. V. aussi MINUTIUS FE´ LIX2. A cette question : cur nullas aras habent, templa nulla, nulla nota simulacra ? Il répond comme auraient pu le faire les Perses ou les peuples du Nord. Pourquoi bâtir un temple, puisque Dieu habite l’univers entier ? III, 10, 26, 27.

2 demi-nus, ] demi nus, Rel. I,2 1

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3 pontifes, ] pontifes ; Rel. I,2

7 cur ] Cur Rel. I,2

BC se réfère probablement au passage suivant de Contra Celsum, où Origène rectifie l’idée de Celse que les chrétiens proscrivent les temples et les autels (nous citons d’après la traduction française que BC possédait, voir Deguise, «Un catalogue», p. 180) : «Celse dit [...] que nous nous défendons de bâtir des Temples, d’élever des Autels, & de dreßer des simulacres ; parce-que c’est-là, à son avis, la marque dont nous sommes convenus, pour gage de l’union secrette & cachée, que nous entretenons ensemble. Mais il ne voit pas que nos Autels sont le cœur de chaque homme Juste, d’où s’élèvent, des parfums, dont l’odeur toute-spirituëlle, est véritablement une douce odeur. [...] Pour les simulacres, ceux que nous estimons qu’il faut consacrer à Dieu, ce ne sont pas ceux qui sont l’ouvrage de quelque vil Artisan, mais ceux qui sont formez & façonnez, au-dedans de nous, par la Parole de Dieux, savoir les Vertus, par lesquelles nous imitons le Prémier-né de toutes les Créatures, qui nous est un modèle de Justice, de Tempérance, de Fermeté, de Sagesse, de Piété, & de toutes les autres saintes habitudes» (Traité d’Origène contre Celse, ou Défence de la Religion Chrétienne contre les accusations des Païens, traduit du Grec Par Elie Bouhéreau, Amsterdam : Desbordes, 1700, p. 328). – BC prit également des notes de lecture de la traduction du Contra Celsum qu’on trouve dans le t. II de C. F. Rößler, Bibliothek der Kirchen-Väter, mais la phrase en question n’y figure pas ; voir BCU, Co 3293, no 2. Le fragment de phrase cité en latin figure tel quel au ch. X du dialogue «Octavius» de Minucius Felix (voir M. Minuci Felicis Octavius, hrsg. von Bernhard Kytzler, Stuttgart et Leipzig : Teubner, 1992, p. 8). Les pages ne renvoient pourtant pas à une édition de l’original, mais, comme en témoignent des notes de lecture (BCU, Co 3293, no 2 [4 pp.]), à la traduction allemande par Rößler d’un extrait du dialogue : voir Rößler, Bibliothek der ` la p. 10, nous lisons : «Man sieht keine Altäre, keine Kirchen-Väter, t. III, pp. 1–31. A Tempel, keine Bilder – Wo ist denn ihr Gott, den kein Volk, und selbst der religieuse Eyfer der Roemer nicht kennet ?» Et aux pp. 26–27 : «Ihr meynt, wir halten unsern Gottesdienst geheim, weil wir keine Gottesdienste und Altäre haben ? Was soll ich denn Gott für ein Bild geben, da der Mensch eigentlich selbst das Bild Gottes ist ? Was für einen Tempel bauen, da ihn die ganze Welt nicht fassen kann ? Sollen wir ihn nicht vielmehr in unsern Herzen heiligen ? – Den Gott, den wir anbethen, zeigen und sehen wir nicht. Und eben darum halten wir ihn für den wahren Gott. Man sieht z. E. den Wind und die Luft auch nicht, man kann auch in die Sonne nicht sehen, noch seinen eigenen Geist, und diese Dinge sind doch da. Deswegen aber ist Gott nichts verborgen. Denn es ist alles voll von Gott, er ist uns nicht nur allenthalben nahe, sondern er ist uns auch eingegossen.» BC revient à Minucius Felix aussi dans son essai sur l’établissement du christianisme. Voir OCBC, Œuvres, t. XXXIII, p. 415, n. 1.

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prières, à tous les siècles, une large entrée dans les cieux a. Il se plaît à partager son bonheur avec le genre humain tout entier, parce que ce bon-

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«En toute nation, celui qui craint Dieu et qui s’adonne à la justice lui est agréable.» (Act. des Ap. ch. 10, v. 35). «Vous savez» dit saint Pierre (ib. ch. 28)1, et saint Pierre était le moins tolérant des apôtres, «vous savez qu’il n’est pas permis à un Juif d’avoir des liaisons avec un étranger ni d’aller chez lui ; mais Dieu m’a fait voir que je ne devais appeler aucun homme impur.» Cet esprit de tolérance continua long-temps à régner dans l’église primitive. «Les prêtres qui ont gouverné l’église à laquelle tu présides, écrivait saint Irénée au pape Victor, ne rompirent jamais la concorde avec ceux qui arrivaient chez eux, quoiqu’ils fussent membres d’autres églises où l’on observait des coutumes différentes des leurs. Ils leur envoyaient, au contraire, l’eucharistie en signe de paix, immédiatement après leur arrivée.» (EUSEB. HIST. ECCL. LIV. V, ch. 242. – SOCRAT. liv. V, ch. 223. – SOZOM. liv. VII, ch. 194. – PHOT. Bibliot. ch. 120). Le mot d’hérésie se prend quelquefois en bonne part

4–5 «Vous savez» ... «vous savez ] «Vous savez «dit saint Pièrre, ... des apôtres», vous savez Rel. I,1 nous corrigeons la série de fautes de ponctuation en adoptant celle de la seconde édition

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Il faut comprendre : (ib. [c’est-à-dire ch. 10], verset 28). L’extrait apparemment cité par BC de la lettre de saint Irénée au pape Victor est en réalité un résumé de ce qui lui paraît essentiel. Dans l’original, il s’agit d’un long passage, qui figure en effet dans le livre V, ch. 24 d’Eusèbe, et dans lequel il est question de disputes autour de la célébration de Pâques et de la pratique du jeûne ; on peut supposer que le résumé que fait BC de ce passage ne se base pas sur la traduction française d’Eusèbe qu’il aurait pu utiliser (voir Histoire de l’Eglise, traduite par Louis Cousin, t. I/1 : Histoire de l’Eglise. Ecrite par Eusèbe, Evêque de Césarée, Paris : Damien Foucault, 1686, pp. 266267), mais sur l’extrait d’Eusèbe qui figure dans l’ouvrage de C. F. Rößler, Bibliothek der Kirchen-Väter, t. III, pp. 136–137. Dans le Livre V, 22 de Socrate également (ce ch. ne figure d’ailleurs pas dans l’extrait de Rößler), il s’agit de démontrer que la différence des usages (entre autres Pâques et le Jeûne) n’est pas un motif de séparation et encore moins d’excommunication : «Les apôtres n’ont point pensé à ordonner des Fêtes. Ils n’ont eu soin que de la piété.» (Histoire de l’Eglise, traduite par Louis Cousin, t. II : Histoire de l’Eglise. Ecrite par Socrate, Paris : Damien Foucault, 1686, p. 339). «Il y a parmi les peuples une infinité de coûtumes différentes, dont on apporte différentes raisons. Mais parce que l’on ne sauroit produire aucun commandement écrit par lequel elles soient autorisées, il est clair que les Apôtres ont laissé à la liberté des fidéles d’en user, comme ils le trouveroient à propos, & de faire le bien sans crainte, ni sans contrainte» (p. 342). Quant au ch. VII, 19 de l’Histoire de l’E´glise de Sozomène, celui-ci y constate également que la diversité des coutumes concernant Pâques n’est pas un motif de séparation. «Ils [les Evêques d’Occident et ceux d’Asie] crûrent avec raison que ç’aurait été une folie de se séparer pour un fait de discipline, de ceux avec lesquels ils étoient unis avec le lien de la foi.» (Histoire de l’Eglise, traduite par Louis Cousin, t. III : Histoire de l’Eglise. Ecrite par Sozomene, Paris : Damien Foucault, 1686, p. 428.)

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heur est purement spirituel. Un temps viendra où, sous la forme qui déja se prépare, les biens temporels étant de nouveau l’objet du désir, la religion sera prodigue d’exclusions et avare de bienfaits, parce que ses ministres seront avides d’or et de pouvoir. Cette même liberté, le sentiment religieux la revendique pour ce qui regarde les rites et les abstinences. Il proclame

chez les premiers écrivains du christianisme. Le Symbole des apôtres ne parut pour la première fois que dans le quatrième siècle, après les conciles de Rimini et de Constantinople (PEARSON, Comment. in symb. apost.1 – MOSHEIM, de Reb. christ. ant. Const. magn. pag. 88). «Le juste ne diffère point du juste, qu’il ait ou qu’il n’ait point vêcu sous la loi ; ceux qui avant la loi ont bien vêcu sont réputés enfants de la loi, et reconnus pour justes.» (CLE´ MENT D’ALEX. Stromat. VI)2. «Tous les hommes qui ont vêcu ou qui vivent selon la raison, sont véritable ment chrétiens et à l’abri de toute crainte.» (Saint JUST. Apol. II)3. «Gloire, honneur et paix à tous ceux qui ont fait le bien, soit juifs, soit chrétiens.» (Saint

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7–8 Constantinople ] Constantinople. Rel. I,2 10 justes.» ] ju[s]tes.» Rel. I,2

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9 point vêcu ] poin[t] vécu Rel. I,2

BC se réfère à John Pearson (1612–1686), An Exposition of the Creed, paru pour la première fois en 1659, traduction en latin de 1691, et dont il existe de nombreuses éditions jusqu’au XIXe siècle. Voir An Exposition of the Creed, By John, Lord Bishop of Chester. The Tenth Edition. Revised and Corrected, London : Printed by W. Bowyer, for J. Nicholson [...], B. Took [...], and D. Midwinter [...], MDCCXV, pp. 12–14, où Pearson, dans des notes savantes qui citent les sources grecques et latines, retrace la genèse du Credo. Voir Johann Lorenz von Mosheim, De Rebus christianorum ante Constantinum magnum commentarii, Helmstedt : Weygand, 1753, p. 88. BC tire la conclusion d’un passage qui figure sur la page qu’il indique et qui forme le § XIX du chapitre «Sæculum primum historiæ christianæ» : dans ce passage, Mosheim avance des arguments contre l’authenticité du symbole des Apôtres, c’est-à-dire contre la croyance selon laquelle cette «formula credendi» fut en effet composée par les apôtres («ab ipsis Apostolis compositam esse»), croyance répandue à partir du IVe siècle seulement. Un passage qui correspondrait exactement à la citation que donne BC n’a pas pu être retrouvé dans les deux Apologies de Justin. Celui-ci se sert, il est vrai, de l’instrument de la raison (lógos) pour démontrer la vérité de la doctrine chrétienne, et il établit des parallèles entre la philosophie stoïcienne et platonicienne d’une part et la doctrine chrétienne d’autre part (voir Apologie I, ch. 20), ou, plus concrètement, entre le sort de Socrate condamné à mort et le martyre des Chrétiens (Apologie II, ch. 10). Mais il souligne en même temps que la raison, laissée à elle seule, risque d’être dévoyée par les démons (voir Apologie I, ch. 25, 54, 64) et qu’elle manque de puissance de conviction, puissance réservée au seul Christ, qui d’une part est «la raison présente en tout homme» et d’autre part «la puissance du Père ineffable, et non une production de la raison humaine». C’est cette puissance qui permet aux croyants de mépriser «et l’opinion et la crainte de la mort» (Apologie II, ch. 10, texte grec et traduction cités d’après l’édition suivante : Saint Justin, Apologies. Introduction, texte critique, traduction, commentaire et index par André Wartelle, Paris : Études Augustiniennes,

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l’homme affranchi de toutes les obligations factices, nul ne peut lui imposer un devoir imaginaire a. Il ne saurait être souillé par rien d’extérieur, aucun jeûne ne lui est prescrit, aucune nourriture ne lui est interdite b ; tant le

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CHRYS. Homél. 36, 371). Si on examine attentivement toutes les querelles, toutes les persécutions, tous les massacres religieux qui suivirent la conversion de Constantin, on verra que toutes ces choses si affligeantes ont pris naissance dans les efforts de quelques hommes pour donner à la religion nouvelle une forme dogmatique. La confession même n’était pas considérée comme obligatoire. Saint Jean Chrysostome dit formellement (Homel. II, in psalm. 50), qu’il faut se confesser à Dieu, qui sait tout, et qui ne reproche jamais les fautes qu’on lui a révélées : «Je ne veux pas, ajoute-t-il, forcer les hommes à découvrir leurs péchés à d’autres hommes2.» «Le Christ a effacé l’obligation qui était contre nous, laquelle consistait dans les ordonnances.... Que personne donc ne vous condamne au sujet du manger ou du boire, ou pour la distinction d’un jour de fête, ou de nouvelle lune, ou de sabbat ; car ces choses n’étaient que l’ombre de celles qui devaient venir.... Pourquoi donc vous charge-t-on de ces préceptes.... en vous disant ne mangez point de ceci.... préceptes qui sont tous pernicieux par leurs abus, n’étant fondés que sur des ordonnances et des doctrines humaines.» (E´pit. de saint Paul aux Coloss. ch. II, v. 14, 16, 17, 21 et 22)3. Nous pourrions citer encore l’autorité de saint Pierre, autorité plus imposante, parce que saint Pierre était bien plus attaché au judaïsme que saint Paul, et qu’il eut besoin d’une vision miraculeuse pour renoncer aux

1 factices, ] factices ; Rel. I,2 Ne Rel. I,2

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8 Chrysostome ] Chrysostôme Rel. I,2

16 disant ne ] disant :

1987, pp. 210–211). On voit que BC laisse de côté l’aspect spécifiquement chrétien du ‘rationalisme’ de Justin. Sur celui-ci, il dit dans ses notes de lecture de Friederich Tiedemann, Geist der spekulativen Philosophie (Marburg : Neue Akademische Buchhandlung, 1791–1797, 6 vol.) : «on voit clairement dans l’histoire de Justin le Martyr combien les assertions simples courtes et positives de la nouvelle Religion plaisoient davantage aux esprits de cette époque que les discussions et incertitudes philosophiques» (BCU, Co 3293, no 2). Il semble que BC a consulté l’édition suivante : Homélies, Discours et Lettres, choisis de S. Jean Chrysostôme, avec des Extraits tirés de ses ouvrages, sur divers sujets, traduit par M. l’abbé Auger, Paris : chez de Bure, Th. Barrois, A. Jombert, MDCCLXXXV, 4 vol. La citation, cependant, ne se trouve pas aux pages indiquées et n’a pu être localisée. Dans t. II, p. 104, St. Jean Chrysostôme s’exprime ainsi sur la confession : «Je ne vous force pas, dit-il [le Seigneur], de paraître en plein théâtre et de prendre un grand nombre de témoins. Confessez-moi votre faute à moi seul en particulier, afin que je guérisse votre plaie et que je vous délivre de vos douleurs». Le contexte n’est pas une des deux interprétations du psaume 50 (voir PG, t. CXX) mais le Quatrième discours sur le mauvais riche et sur Lazare. Une idée semblable se retrouve dans le Registre violet, p. 79, n. XXII.

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senti ment religieux, à cette époque de sa renaissance, prend soin de se déclarer indépendant des formes, et tant il redoute de ternir sa pureté par des pratiques qui le rapprocheraient des cultes vieillis qu’il a dédaignés.

abstinences de l’ancienne loi (Act. des Ap. ch. X, v. 13, 14 et 15). «Le chrétien, dit Tertullien, ne peut être souillé par rien d’extérieur ; Dieu ne lui a prescrit aucun jeûne, il ne lui a défendu aucun aliment ; ce qu’il lui a interdit, ce sont les actions qui sont mauvaises ; ce qu’il lui a ordonné, ce sont les actions qui sont bonnes.» (de Jej. adv. Psych.)1

7 de ] De Rel. I,2

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Le passage cité par BC n’est pas présent tel quel dans le De ieiunio adversus psychicos (Du jeûne ou contre les psychiques) de Tertullien. Il y a bien un extrait de ce texte qui semble affirmer que l’homme ne peut être souillé par aucune nourriture et qu’il ne lui est donc prescrit aucun jeûne : «On veut enfin que le Seigneur, dans son Evangile, ait répondu en quelques mots à ces scrupules au sujet des aliments : ‘Ce n’est pas ce qui entre dans la bouche qui souille l’homme, mais ce qui en sort.’ D’ailleurs, ne mangeait-il pas ? ne buvait-il pas lui-même jusqu’à faire dire : ‘C’est un homme insatiable et adonné au vin ?’ C’est encore dans ce sens que l’Apôtre disait : ‘Le manger n’est pas ce qui nous rend agréables à Dieu ; car, si nous mangeons, nous n’aurons rien de plus devant lui, ni rien de moins, si nous ne mangeons pas.’» Seulement ces propos ne veulent pas complètement dévaloriser le jeûne. En effet, dans le paragraphe suivant, l’auteur critique les psychiques (catholiques orthodoxes), car, en rejetant le jeûne, ils «encourager[aient] adroitement tous ceux qui se laissent aller aux convoitises du ventre sous prétexte que Dieu leur préfère les œuvres de la justice et de l’innocence» (Tertullien, Œuvres complètes de Tertullien, t. III : Du Jeûne, traduction par Antoine-Eugène Genoud, Paris : Louis Vivès, 1852, pp. 380–381). BC ne semble pas tenir compte du contexte de l’affirmation de Tertullien qui, bien qu’il affirme que le chrétien ne peut être souillé par rien d’extérieur, ne revendique pas une pratique religieuse sans ordonnance. Ce texte ne remet pas en question le jeûne mais a au contraire pour but de défendre les sévères exercices de jeûne montanistes contre les catholiques orthodoxes. BC sélectionne donc deux parties de ce texte et compose une citation nouvelle, qui semble aller quelque peu à l’encontre de l’intention de Tertullien de défendre la pratique du jeûne.

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Chapitre III. Que l’effet moral des mythologies prouve la distinction que nous voulons établir.

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Ce n’est pas seulement pour comprendre la marche générale de la religion qu’il faut distinguer le sentiment religieux d’avec ses formes, il faut aussi reconnaître cette distinction pour résoudre des questions de détail qui ont présenté jusqu’à ce jour d’insurmontables difficultés. Des nations puissantes et policées ont adoré des dieux qui leur donnaient l’exemple de tous les vices. Qui n’eût pensé que ce scandaleux exemple devait corrompre les adorateurs ? Au contraire, ces nations, aussi longtemps qu’elles sont restées fidèles à ce culte, ont offert le spectacle des plus hautes vertus. Ce n’est pas tout. Ces mêmes nations se sont détachées de leur croyance, et c’est alors qu’elles se sont plongées dans tous les abîmes de la corruption. Les Romains, chastes, austères, désintéressés, quand ils encensaient Mars l’impitoyable, Jupiter l’adultère, Vénus l’impudique, ou Mercure le protecteur de la fraude, se sont montrés dépravés dans leurs mœurs, insatiables dans leur avidité, barbares dans leur égoïsme, lorsqu’ils ont délaissé les autels de ces divinités féroces ou licencieuses. D’où vient ce phénomène bizarre ? Les hommes s’amélioreraient-ils en adorant le vice ? Se pervertiraient-ils en cessant de l’adorer ? Non, sans doute ; mais aussi long-temps que le sentiment religieux domine la forme, il exerce sur elle sa force réparatrice. La raison en est simple : le sentiment religieux est une émotion du même genre que toutes nos émotions naturelles ; il est, en conséquence, toujours d’accord avec elles. Il est toujours d’accord avec la sympathie, la pitié, la justice, en un mot, avec toutes les vertus a. Il s’en suit qu’aussi long-temps qu’il reste uni a

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Un écrivain, qui ne manque ni d’habileté ni de talent, a tenté d’obscurcir cette vérité. Il a frappé d’anathème le sentiment religieux. Il l’a peint d’abord comme n’existant pas, ensuite comme précipitant l’homme dans les excès les plus déplorables. Nous avons senti qu’une discussion prolongée romprait tout le fil de nos idées ; et ne voulant pas néanmoins laisser sans réponse des assertions qui, présentées avec un certain art, pourraient produire quelque impression, nous consacrerons cette note à l’examen un peu détaillé du système de M. de la Mennais. Il nous a beaucoup facilité notre tâche ; car on verra que ses contradictions nous fourniront, à elles seules, la plupart des réponses dont nous avons besoin pour le réfuter1. L’auteur de l’Essai sur l’indifférence en matière de religion, demande ce qu’est le Ici commence la longue analyse polémique de l’ouvrage de l’abbé Félicité de La Mennais,

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avec une forme religieuse, les fables de cette reli gion peuvent être scandasentiment religieux : «Aucun dogme, dit-il, n’est écrit dans notre cœur ; et Dieu n’existait pas pour nous avant qu’on nous l’eût nommé (tom. II, pag. 194).» Il pense de la sorte dans son second volume. Voici quelle était sa pensée, lors de la publication du premier : «La religion, disait-il, est si naturelle à l’homme, que peut-être il n’est pas en lui de sentiment plus indestructible. Même lorsque son esprit la repousse, il y a encore dans son cœur quelque chose qui la lui rappelle : et cet instinct religieux qui se retrouve dans tous les hommes est aussi le même dans tous les hommes. Entièrement à l’abri des écarts de l’opinion, rien ne le dénature, rien ne l’altère. Le pauvre sauvage, qui adore le grand esprit, dans les solitudes du nouveau monde, n’a pas sans doute une notion aussi nette et aussi étendue de la divinité que Bossuet : mais il en a le même sentiment (tom. I, pag. 85)1.» «Le sentiment, poursuit-il toutefois, est passif de sa nature : il ne nie rien, il n’affirme rien (tom. II, pag. 183)», et par conséquent ne nous enseigne rien. Mais il cite ensuite avec admiration et assentiment ces mots de Tertullien : «Les témoignages de l’ame sont d’autant plus vrais qu’ils sont plus simples.... d’autant plus communs qu’ils sont plus naturels, d’autant plus naturels qu’ils sont plus divins. Le maître, c’est la nature ; l’ame est le disciple.» ( De Testim. animæ, lib. adv. gentes. cap. 5 et 6, tom. II, pag. 2662.) Qu’est-ce donc que cette nature, si ce n’est celle qui porte l’homme au sentiment religieux ? Qu’est-ce que cette ame, dont les témoignages sont si éclatants, si ce n’est l’ame que le sentiment religieux domine ? M. de la Mennais prétend «que le sentiment du vrai et du faux, du bien et du mal, est changeant et variable (tom. II, pag. 200). Que l’homme fait quelquefois le mal avec complaisance (ibid. pag. 201), et que ceux qui admettent le sentiment comme autorité, ne sauraient distinguer ce qu’est la vertu de ce qu’est le crime (ib. pag. 201, 202)3.» Que pouvons-nous faire de mieux que de nous en remettre à son talent, pour confondre ses sophismes ? Il nous apprendra «que le sentiment de la divinité, celui du juste et de l’injuste,

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2 religieux : ] religieux. Rel. I,2 5 premier : ] premier. Rel. I,2 9 sauvage, ] Sauvage, Rel. I,2 10 esprit, ] Esprit, Rel. I,2 nouveau monde, ] Nouveau-Monde, Rel. I,2 11 divinité ] Divinité Rel. I,2 12 (tom. ] (tome Rel. I,2 pag. ] page Rel. I,2 14 (tom. ] 18 gentes. ] gentes, Rel. I,2 27 divinité, ] Divinité, Rel. I,2 (tome Rel. I,2

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Essai sur l’indifférence en matière de Religion, que BC lit, pour les deux premiers volumes, dans la quatrième édition, les autres dans les volumes qui avaient paru en 1823. Il les possède dans sa bibliothèque. Il les a lus avec soin, soit pour y puiser des renseignements (voir ci-dessous, pp. 450–455), soit pour combattre une doctrine qu’il juge fausse et dangereuse. Elle était dangereuse parce qu’elle accordait une place décisive au clergé, et il la considérait comme fausse parce que La Mennais exposait des théories en contradiction avec les recherches des historiens contemporains. BC s’efforce, dans les raisonnements qui suivent, de montrer les contradictions inhérentes au système de La Mennais et de défendre ainsi sa propre conception du sentiment religieux comme une constante anthropologique. Citation presque littérale. Les changements n’affectent pas le sens de ce passage. La Mennais appuie son opinion par une citation des Tusculanæ disputationes, livre I, 30. BC copie la traduction du texte de Tertullien qu’il trouve chez La Mennais. Celui-ci cite, à la fin de sa note, le passage latin tire´ de De testimonio animæ, écrit autour de 220. Les renvois de La Mennais sont exacts, car il cite des passages des chapitres 5 et 6. BC reproduit les renvois sans se rendre compte qu’ils ne correspondent pas exactement au texte qu’il cite. L’édition utilisée par La Mennais n’est pas identifiée. Montage de plusieurs citations presque littérales.

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leuses, ses dieux peuvent être corrompus, et cette forme néanmoins avoir celui du bien et du mal, se retrouvent chez tous les peuples (tom. II, pag. 119)1 ; que partout, dans tous les temps, l’homme a reconnu la distinction essentielle du bien et du mal, du juste et de l’injuste ; que jamais aucune nation ne confondit les notions opposées du crime et de la vertu (tom. I, pag. 172, 173).» Il nous apprendra «que lorsqu’on dit à l’homme qu’il n’existe ni juste ni injuste, ni crime ni vertu, que rien n’est bon ni mal en soi, que nourrir son vieux père ou l’égorger sont des actions indifférentes, tout l’homme se soulève a` cette seule idée, et que la conscience pousse un cri d’horreur (ib. pag. 87)2.» Il nous apprendra, enfin, «que l’homme ne peut violer les lois du juste ou de l’injuste, qu’en violant sa raison, sa conscience, sa nature toute entière, en renonçant à la paix et au bonheur (ib. pag. 366, 367), et que si nous considérons le monde entier durant tous les siècles, nous verrons un effroyable débordement de vices et de crimes divers, multipliés à l’infini, une continuelle violation des devoirs les plus saints, et en même temps, l’immuable distinction du bien et du mal, perpétuellement reconnue et proclamée par la conscience universelle (tom. III, pag. 487)3.» «Sentez-vous, demande-t-il, qu’à cette vie en succède une autre qui ne finira pas ? Non, répondez-vous (tom. II, pag. 202).» L’auteur se trompe. Nous répondons si peu négativement que nous lui dirons, en empruntant encore ses paroles : «Le genre humain, défendu par une foi puissante et par un sentiment invincible, ne vit jamais dans la mort qu’un changement d’existence (ib. pag. 142). On s’est efforcé de détruire les titres de la grandeur de l’homme. Vaine tentative : ils subsistent ; on les lui montrera. Ils sont écrits dans sa nature. Tous les siècles les y ont lus ; tous, même les plus dépravés (ib. pag. 139)4.» Si la religion, continue-t-il, est une chose de sentiment, tous les hommes devraient alors trouver la vraie religion écrite au fond de leur cœur.... Mais qu’on m’explique, dans ce cas, la diversité des religions (tom. II, pag. 198).» Croirait-on la difficulté insurmontable ? l’auteur lui-même va la surmonter. «Tout ce qu’il y avait de général dans le paganisme, dit-il, était vrai. Tout ce qu’il y avait de faux n’était que des superstitions locales (ib. préf. CIII). Et qu’on n’objecte pas la multitude des cultes divers (tom. II, pag. 178). La diversité des cultes prouve seulement que les hommes peuvent négliger le moyen que Dieu leur a donné pour reconnaître la véritable religion (tom. II, pag. 179).» Et plus loin : «L’idolâtrie n’était pas, à proprement parler, une religion tom. III, pag. 147)5.» Que si, pour concilier de si palpables contradictions, M. de la Mennais prétend qu’en attribuant la conscience, le sentiment, à une révélation divine, il les dépouille de l’influence que nous leur prêtons, pour en faire hommage à Dieu même ; nous répondrons que l’une de ces idées n’est point incompatible avec l’autre. Nous prenons l’homme tel qu’il existe, avec le sentiment qui le guide ; et nos assertions restent les mêmes, soit que ce sentiment ait eu sa première et antique source dans une manifestation surnaturelle, ou qu’il soit tel par sa nature essentielle et intrinsèque.

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10 toute ] tout Rel. I,2 13 temps, ] temps Rel. I,2 16–17 négativement ] négativement, 28 178 ] la source porte 78 erreur que nous corrigeons Rel. I,1 Rel. I,2 1 2 3 4 5

Citation conforme, à quelques détails près sans importance pour le sens. Montage de citations conformes, à l’exception de quelques changements de syntaxe sans importance pour le sens. Montage de deux citations tirées de deux volumes différents, avec quelques changements insignifiants. Montage de plusieurs citations, sans changements importants. Les citations de cet alinéa (quelques arrangements syntaxiques) correspondent au texte de La Mennais.

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un effet heureux pour la morale. Les fables sont l’objet d’une crédulité qui n’exige ni ne provoque la Il y a néanmoins dans M. de la Mennais, nous le reconnaissons, une objection, qu’il n’a pas pris soin de réfuter lui-même. Nous essaierons de le remplacer. Nous voudrions que ce fût avec un égal succès. «Est-ce par sentiment, dit-il, que certains peuples offraient à d’horribles divinités le sang de leurs enfants ou leur sacrifiaient la pudeur de leurs filles ?» (Tom. II, pag. 200.)1 Non, sans doute, ce n’était point par sentiment. M. de la Mennais ignore-t-il un fait que tous les historiens anciens nous attestent ? Chez presque tous les peuples de l’antiquité, il y a eu de certaines corporations qui se sont emparées, à leur profit, du sentiment religieux ; qui ont usurpé le droit de parler au nom des puissances invisibles, et qui, interprètes mensongers de ces puissances, ont ordonné aux hommes, ivres de terreur, des actes barbares que le sentiment repoussait. Non : ce n’était point le sentiment religieux qui engageait les Gaulois à sacrifier à Teutatès2 des victimes humaines ; c’étaient les prêtres de Teutatès. Ce n’était point le sentiment religieux qui enfonçait le couteau des Mexicains dans le sein de leurs enfants en bas âge, devant la statue de Vitzli-Putzli3 ; c’étaient les prêtres de Vitzli-Putzli. Ce n’était point le sentiment religieux qui forçait les Babyloniennes à se prostituer4, ou les filles de l’Inde à former des danses lascives devant le Lingam ; c’étaient les prêtres

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7 pag. 200.) ] p. 208) Rel. I,2 1 2

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Ici commence le passage qui sera repris dans l’article de BC publié dans le Constitutionnel. Voir ci-dessous, p. 425. Teutatès est le principal des dieux gaulois. Les sacrifices humains ne sont attestés que par le livre premier de l’épopée de Lucain, De bello civili (v. 444–446), passage commenté dans les scholies de Berne. Vitzliputzli est une forme popularisée de Huitzilopochtli, nom du dieu aztèque de la guerre et du soleil, dont le culte était particulièrement sanglant ; la manière dont les sacrifices humains furent célébrés en son honneur est amplement décrite dans les récits de la conquête du Mexique (Bernal Diaz del Castillo, Francisco Javier Clavijero, et d’autres), mais aussi dans l’article «Huitzilopochtli» du Allgemeines Mythologisches Lexicon de Friedrich Majer, que BC a utilisé lors de la rédaction de son ouvrage sur la religion (sur l’usage de ce dictionnaire par BC, voir ci-dessous, p. 222, n. 1). – Le nom Vitzliputzli apparaît souvent dans la littérature allemande des XVIIIe et XIXe siècles ; voir à ce sujet les remarques d’Alberto Destro dans son commentaire du poème de Heine intitulé «Vitzliputzli», dans Heinrich Heine, Historisch-kritische Gesamtausgabe der Werke, hrsg. von Manfred Windfuhr, t. III/2 : Romanzero, Gedichte 1853 und 1854, Hamburg : Hoffmann und Campe, 1992, p. 709. Dans l’histoire anthropologique du XVIIIe siècle, la prostitution sacrée à Babylone devint un sujet courant suite à la polémique de Voltaire contre l’opinion, défendue par l’helléniste Pierre-Henri Larcher (1726–1812), que les femmes babyloniennes devaient se prostituer en l’honneur de Vénus une fois en leur vie ; Larcher se réclame du témoignage d’Hérodote. Voir à ce sujet ci-dessous, p. 321, n. 1. – Quant au ‘lingam’ (ou ‘linga’), qui dans la religion hindoue est une représentation du dieu Shiva, il s’agit d’une pierre émergeant d’un disque et reposant sur un socle. On l’a interprétée comme un symbole phallique, car selon la légende, le ‘lingam’ tomba du corps du dieu par l’effet d’une malédiction que des sages lui avaient lancée après qu’il avait affolé d’amour leurs épouses. Il est probable que BC puisa ses informations sur le culte du ‘lingam’ dans Pierre Sonnerat, Voyage aux Indes orientales et à la Chine, Paris : chez l’Auteur, 1782, 2 vol., ouvrage qu’il cite plus loin (voir ci-dessous,

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réflexion. On dirait qu’elles se logent dans une case à part des têtes hude cette obscène divinité. Cela est si vrai, que ces crimes et ces indécences n’ont souillé que passagèrement le culte des nations indépendantes de ces corporations redoutables. La démonstration de cette vérité formera une partie essentielle de nos recherches subséquentes. M. de la Mennais finit par prononcer un anathème formel contre le sentiment religieux. «Si ce sentiment doit être notre guide, dit-il, il n’y a point de désordre qui ne soit justifié (tom. II, pag. 202). Le sentiment religieux n’est que le fanatisme. Il ne tarde pas à révéler à chacun des dogmes différents. S’il se rencontre un enthousiaste, d’un caractère ardent et sombre, il n’y a point de crime qu’il ne puisse commettre, sous prétexte d’inspiration (ib. pag. 207)1.» Nous ne nous arrêterons pas à rappeler à M. de la Mennais qu’il nous assurait naguère, en termes exprès, que «le sentiment religieux était entièrement à l’abri des erreurs de l’opinion, que rien ne le dénaturait, que rien ne l’altérait.» (Vid. supr. et tom. I, pag. 85 de l’Essai sur l’indifférence.) Nous lui opposerons un autre passage, tracé encore de sa propre main : «De quoi les hommes n’abusent-ils pas ? Ils abusent des aliments destinés à les nourrir, des forces qui leur sont données pour agir et se conserver ; ils abusent de la parole, de la pensée, des sciences, de la liberté, de la vie ; ils abusent de Dieu même. Faut-il pour cela dire que ces choses sont pernicieuses ?» (Tom. I, pag. 470)2. Voilà ce que répond M. de la Mennais aux détracteurs du christianisme, et ce que nous répondons aux détracteurs du sentiment religieux. Sans doute des hommes ont abusé de ce sentiment, les uns en se livrant à tous les rêves d’une imagination déréglée ; les autres, plus coupables, en l’employant à créer des formes religieuses abominables, intolérantes, oppressives, sanguinaires. Mais le sentiment n’en est pas moins le guide le plus sûr qui nous soit donné. C’est la lumière intime qui nous éclaire au fond de notre ame. C’est la voix qui réclame, en tous lieux, en tous temps, contre tout ce qui est féroce, ou vil, ou injuste. C’est le juge auquel tous les hommes en appellent en dernier ressort ; car, chose étrange, lorsque l’écrivain que nous réfutons veut prouver les points principaux de son système, qui le croirait ! c’est le sentiment qu’il invoque ; ce sentiment qu’il a repoussé, flétri, représenté comme un guide aveugle, infidèle et trompeur. «Sur ce point décisif» celui de savoir si le genre humain a toujours respecté le sentiment commun et ce qu’il nomme la raison universelle, «sur ce point décisif, dit-il, j’en appelle à la conscience. Je la choisis pour juge, prêt à me soumettre à ses décisions. Que chacun rentre en soi, et s’interroge dans le silence de l’orgueil et des préjugés. Qu’il évite de confondre les sophismes de la raison avec les réponses du sentiment intérieur, que je le somme de consulter... Si un seul homme, dans ces dispositions, se dit au fond de son cœur : Ce qu’on me propose comme des vérités d’expérience est démenti par ce que je sens en moi, et par ce que j’observe dans mes semblables, je passe condamnation, et je me déclare moi-même un rêveur insense´ (tom. II, pag. 47)3.»

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14 Ils ] ils Rel. I,2

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16 Faut-il ] Faut il Rel. I,2

29 décisif» ] décisif,» Rel. I,2

p. 230, n. 4). Dans le t. I, Sonnerat consacre un des chapitres de son abrégé de la mythologie indienne au dieu «Chiven» (à savoir Shiva), et il y présente l’origine légendaire du lingam (voir pp. 175–181). Paragraphe qui n’est pas une citation fidèle, mais restitue la pensée de La Mennais à l’aide de certains de ses termes. Citation conforme. Citation conforme.

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maines, et ne se mêlent point au reste des idées. Comme l’arithmétique est Telle est donc la force de l’évidence. Elle traîne à ses pieds les esprits les plus rebelles, et dans l’instant même où ils s’applaudissent de l’avoir obscurcie, elle leur arrache l’aveu de leur impuissance et de leurs erreurs. Et en effet, si vous rejetez le sentiment, que substituerez-vous à ce moniteur divin placé dans notre cœur ? L’intérêt bien entendu ? Misérable système, fondé sur une absurde équivoque, laissant nécessairement la passion juge de cet intérêt, et mettant sur la même ligne et flétrissant du même nom de calcul le plus étroit égoïsme et le dévouement le plus sublime ! L’autorité ? Mais vous sanctionnez ainsi d’un mot tous ces commandements corrupteurs ou barbares que dans chaque pays, dans les Gaules comme aux Indes, dans la sanguinaire Carthage comme dans la licencieuse Babylone, on disait émanés des dieux. Les dépositaires du pouvoir croyent toujours avoir fait un pacte avec le sort. Ils se rêvent les propriétaires de la force, dont ils sont usufruitiers éphémères. L’autorité, c’est leur devise ; comme si mille exemples ne leur apprenaient pas qu’ils peuvent en devenir les victimes, au lieu d’en rester les possesseurs. Examinons donc cette seconde partie du système de M. de la Mennais. Nous n’aurons pas besoin de longs développements pour en faire justice. Il commence par établir un principe faux pour en tirer des conséquences plus fausses. Ce principe, c’est qu’il faut découvrir une raison qui ne puisse errer, une raison infaillible. «Or, cette raison infaillible, nous dit-il, il faut nécessairement que ce soit ou la raison de chaque homme, ou la raison de tous les hommes, la raison humaine. Ce n’est pas la raison de chaque homme, car les hommes se contredisent les uns les autres, et rien souvent n’est plus divers et plus opposé que leurs opinions : donc c’est la raison de tous (tom. II, pag. 59)1.» On ne conçoit guère comment la raison de chacun ne pouvant le conduire qu’à l’erreur, et c’est ce que l’auteur que nous réfutons cherche à démontrer à chaque page, la collection de tant d’erreurs partielles constituerait la vérité. Mais le vice n’est pas seulement dans ce sophisme : il est dans le premier principe, dans le point de départ de tout le système. Il n’est pas vrai qu’on puisse trouver une raison infaillible : il n’est pas vrai qu’il faille la trouver. Elle peut exister dans l’être infini. Elle n’existe ni dans l’homme ni pour l’homme. Doué d’une intelligence bornée, il applique cette intelli gence à chaque objet qu’il est appelé à juger, dans chaque occasion où il est forcé d’agir, et, si l’on nous permet cette expression, à fur et à mesure qu’il en a besoin. Cette intelligence est progressive et par cela même qu’elle est progressive, il n’y a rien d’immuable, rien d’infaillible dans ce qu’elle découvre, et il n’est nullement nécessaire qu’il s’y trouve quoi que ce soit d’infaillible ou d’immuable. Ce que la nature a senti devoir être immuable, elle l’a placé, non dans notre raison ; mais pour ce qui est physique, dans nos sens ; pour ce qui est moral, dans notre cœur. Nos sensations sont toujours les mêmes, quand les mêmes objets agissent sur nous, dans les mêmes circonstances. Nos sentiments sont toujours les mêmes quand les mêmes questions se présentent. Tout ce qui est du ressort du raisonnement est, au contraire, variable et contestable par son essence. La logique fournit des syllogismes insolubles pour et contre toutes les propositions. Il en est de la raison infaillible du genre humain comme de la souveraineté illimitée du peuple. Les uns ont cru qu’il devait y avoir quelque part une raison infaillible ; ils l’ont placée dans l’autorité. Les autres ont cru qu’il devait y avoir quelque part une souveraineté illimitée ; ils l’ont placée dans le peuple. De là, dans un cas l’intolérance, et toutes les

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12 croyent ] croient Rel. I,2 1

35 raison ; mais ] raison, mais, Rel. I,2

BC cite, en condensant le texte, l’argument de la note 1, pp. 59–60.

45 cas ] cas, Rel. I,2

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aux Indes la même qu’ailleurs, en dépit de la Trimourti indienne1, la mohorreurs des persécutions pour des opinions ; dans l’autre, les lois tyranniques et tous les excès des fureurs populaires. L’autorité religieuse a dit : Ce que je crois est vrai, parce que je le crois : donc tous doivent le croire ; donc ceux qui le nient sont des criminels. Le peuple a dit : Ce que je veux est juste, parce que je le veux : donc tous doivent s’y conformer ; donc j’ai droit de punir ceux qui me résistent. Au nom de la raison infaillible, on a livré les chrétiens aux bêtes, et envoyé les Juifs aux bûchers. Au nom de la souveraineté illimitée, on a creusé des cachots pour l’innocence, et dressé des échafauds pour toutes les vertus. Il n’y a point de raison infaillible ; il n’y a point de souveraineté illimitée. L’autorité peut se tromper comme chaque homme isolé, et quand elle veut imposer ses dogmes de force, elle est aussi coupable que le premier individu sans mission. Le peuple peut errer en masse, comme chaque citoyen en particulier, et quand il fait des lois injustes, sa volonté n’est pas plus légitime que celle du tyran environné de ses satellites, ou du brigand caché dans la forêt. Le principe est donc faux : mais la conséquence qu’on veut en tirer est bien plus absurde. «L’autorité, nous dit-on, est la raison générale, manifestée par le témoignage ou la parole (tom. II, préf. XCIII). L’homme doit s’y soumettre, car sa raison individuelle s’égare, tandis que la raison générale ne saurait errer (ib. pag. 270)2.» Il s’ensuit donc que lorsque le témoignage ou la parole sont produits par le consentement commun, a` l’appui, n’importe de quels rites, de quelles opinions, de quelles pratiques, la raison individuelle doit les admettre et les professer. «Non, réplique-t-on : ces choses sont des erreurs locales, des superstitions particulières (ib. CIII).» Mais pour découvrir que ces choses sont telles, il faut que la raison individuelle examine, c’est-à-dire qu’elle s’isole de la raison générale, qui, en apparence au moins, prend ces choses sous sa protection. Vous le dites vous-même. «L’autorité existe de fait, partout où se trouvent des dogmes quelconques, un culte quelconque, une loi quelconque (tom. I, pag. 179)3.» Vous ajoutez, il est vrai : «La différence n’est jamais que de l’autorité légitime à l’autorité usurpée.» Mais qui distinguera si l’autorité est usurpée, ou si elle est légitime ? Ce ne sera certainement pas la raison générale ; elle ne se manifeste que par le témoignage ou par la parole ; elle ne se manifestera donc sous une religion persécutrice, sous un gouvernement oppresseur, qu’en faveur de cette religion ou de ce gouvernement. Ce ne sera donc que la raison individuelle : mais comment pourra-t-elle se manifester ? En s’isolant encore de la raison générale ; et n’estce-pas ce que vous lui avez interdit formellement ? Ces vérités sont tellement palpables que l’auteur que nous combattons se voit forcé de l’avouer. «Tout homme que des circonstances quelconques mettraient dans l’impossibilité de connaître la société spirituelle, ne serait tenu d’obéir qu’à l’autorité connue de lui, ou à l’autorité du genre humain (tom. II, pag. 283).» Quant à cette dernière, comment la découvrir ? Vous avez accusé Rousseau de vouloir qu’on étudiât sur les lieux toutes les religions du globe, pour distinguer la religion véritable4 ; et en défigurant ainsi sa pensée, vous vous êtes ménagé un facile triomphe. Mais le même pélerinage que vous lui reprochez de pro-

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Dans la religion hindoue, la Trimourti désigne l’unité quasiment consubstantielle des trois fonctions cosmiques : création, conservation et destruction du monde. Montage d’une citation de la «Préface» et de la paraphrase d’un argument du ch. XX de La Mennais. Les citations sont quelque peu arrangées syntaxiquement. BC supprime, peut-être par inadvertance, un mot vers la fin. La Mennais écrit : «une loi morale quelconque». Allusion à un passage du t. II, pp. 242–244, de l’Essai sur l’indifférence. La citation qui précède est littérale.

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rale était à Rome la même qu’ailleurs, en dépit des traditions qui sem blaient l’ébranler. Le peuple qui attribuait son origine aux amours de Mars et d’une vestale, n’en infligeait pas moins à toute vestale séduite un supplice rigoureux1. poser sera nécessaire pour nous assurer de ce que dit la raison universelle ou l’autorité du genre humain. Quant à l’autorité connue de chacun, le Mexicain, en vertu de la seule autorité qu’il connaisse, égorgera des hommes ; le Babylonien livrera son épouse ou ses filles à la prostitution. Si l’un ou l’autre s’y refusent, ne sera-ce pas la raison individuelle, s’isolant de la raison générale, et commettant le crime qui vous semble si odieux, celui de se préférer à l’autorité ? Et n’êtes-vous pas obligé de confesser que l’idolâtrie la plus licencieuse, la plus sanguinaire, a eu son universalité ? «Cette universalité, répondez-vous, est semblable, sous tous les rapports, à l’universalité des vices, qui n’étant jamais des lois, mais la violation d’une loi, n’acquièrent jamais d’autorité en se multipliant (tom. III, pag. 165). Il n’y avait d’universel dans l’idolâtrie que l’oubli du vrai Dieu (ibid.).» Mais si cet oubli était universel, il avait revêtu tous les caractères que vous attribuez à votre prétendue raison générale. Il se manifestait par le témoignage et par la parole. Les prêtres de Moloch avaient leur témoignage : ceux de Cotytto leurs traditions2. Quelle était donc alors la ressource de l’espèce humaine ? La raison individuelle, ou plutôt les sentiments naturels qui réclamaient contre l’imposture en possession de l’autorité. Vous vous agitez vainement dans le cercle vicieux que vous avez choisi pour arène. Vous ajoutez sans fruit, à des sophismes plus ou moins adroits, des arguments tellement puérils qu’on rougit d’y répondre ou même de les transcrire. Quand vous prétendez «que l’homme n’use des aliments qu’en vertu de la croyance, qu’on dit à l’enfant mangez et qu’il mange, sans exiger qu’on lui prouve qu’il mourra, s’il ne mange point (tom. II, p. 125)», ne sentezvous pas qu’à part du ridicule, vous fournissez précisément l’exemple qui démontre le mieux combien votre hypothèse est absurde ? Certes l’enfant ne prend de la nourriture ni parce que des raisonnements l’ont convaincu qu’il devait en prendre, ni parce que la tradition le lui a révélé. Il mange parce qu’il a la sensation de la faim. Nous nous résumons, et en accordant à M. de la Mennais que la religion doit avoir pour base ou le raisonnement, ou le sentiment, ou l’autorité, nous disons que le raisonnement dont la sphère est toute matérielle ne nous conduira qu’au scepticisme sur des objets qui ne sont pas matériels ; que l’autorité nous livrera sans défense à tous les calculs de la tyrannie, de la cupidité et de l’intérêt, et que le sentiment seul, susceptible d’erreur sans doute, comme toutes nos facultés faibles et bornées, conservera néanmoins toujours quelque chose qui réclamera contre ces erreurs, si elles sont funestes. Et remarquez que la plupart du temps, elles ne deviennent redoutables que lorsqu’elles sortent de la sphère du pur sentiment pour revêtir des formes positives qui leur prêtent un

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25 croyance, ] croyance ; Rel. I,2 mangez ] mangez, Rel. I,2 30 mange ] mange, Rel. I,2 32 raisonnement ] raisonnement, Rel. I,2 33 matérielle ] matérielle, Rel. I,2 39 sentiment ] sentiment, Rel. I,2 1

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Allusion à Rhea Silvia, fille de Numitor Silvius, roi d’Alba Longa. Rhea Silvia, faite vestale après la chute de son père, pour qu’elle reste sans enfants, fut séduite par Mars, dont elle eut deux fils, Romulus et Rémus. Le «supplice rigoureux» était évidemment établi avant la séduction de Rhea Silvia. – Voir, pour la suite, le Repertory, note 1527. Moloch est un dieu des Ammonites ; on l’a identifié au dieu Moloch-Baal de Carthage.

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Le caractère moral des dieux n’a pas non plus l’influence qu’on suppose. Quel que soit ce caractère, la relation établie entre les dieux et les hommes est toujours la même. Leurs égarements particuliers demeurent étrangers à cette relation, comme les désordres des rois ne changent rien aux lois contre les désordres des individus. Dans l’armée du fils de Phi lippe, le soldat macédonien, convaincu de meurtre, eût été condamné par Alexandre,

appui légal. Laissé à lui-même, et privé de cet appui, le sentiment, s’il s’égare, est réprimé par les loix humaines. Prenez le crime le plus horrible que le sentiment religieux, dans le délire, ait jamais fait commettre : des insensés ont tué d’innocentes créatures, pour les envoyer dans le ciel et pour y monter purifiés par une pénitence publique et par le supplice. Mais après un seul exemple de cette frénésie, on a pris des mesures contre la répétition d’un pareil attentat, et le désordre s’est arrêté. Qu’a-t-on fait contre les assassins de la Saint-Barthélemy, contre les bourreaux des Dragonnades ? et ne cite-t-on pas la Saint-Barthélemy et les Dragonnades comme des rigueurs peut-être salutaires ? voilà la différence des abus du sentiment religieux, et de ceux des formes dont le pouvoir le revêt souvent pour en profiter1. Que si, moins exagéré dans vos accusations et ne les puisant plus dans un petit nombre de faits heureusement très-rares, vous vous bornez à dire que le sentiment religieux conduit l’homme à ce qu’on nomme des superstitions, nous le reconnaîtrons encore : mais ces superstitions sont-elles donc si funestes ? chose remarquable : ce ne sont pas les superstitions que vous craignez. Vous les accueillez avec bienveillance, quand vous pouvez les enrégimenter. Vous ne les haïssez qu’indisciplinées et indépendantes, et c’est pourtant alors qu’elles sont non-seulement innocentes, mais souvent bienfaisantes et consolatrices. Quoi de plus doux et de plus inoffensif que cette pensée : que les prières des vivants peuvent abréger les peines des morts ? Ce n’est qu’en transformant cette espérance en obligation formelle, qu’on en a fait au XVe siècle une source de corruption pour les croyants, et de persécution pour les incrédules. Abandonnée au sentiment individuel, elle n’aurait été qu’une pieuse correspondance, entre des ames amies qu’un sort rigoureux a séparées. Quoi de plus naturel que le désir de se réfugier dans quelque asyle, pour y échapper au tumulte du monde, éviter les tentations du vice, et se préparer, par une vie sans tache, à une mort sans effroi ? Mais quand vous hérissez de murailles ces religieuses retraites, quand l’autorité oppose ses verroux et ses grilles aux regrets excusables qui voudraient moins de perfection et plus de jouissances, vous transformez ces retraites en cachots. Quoi de plus touchant que le besoin d’avouer ses fautes, de confier à un guide révéré le secret de ses faiblesses, et de solliciter même des pénitences pour les expier ? Mais en imposant le devoir, vous nuisez au mérite : vous forcez ce qui devrait être volontaire, vous ouvrez une porte à des vexations barbares. La confession spontanée consolait le vivant coupable : la confession forcée devient le supplice des agonisants2. Ne vous défiez pas tant de la nature de l’homme. Vous le dites, elle est l’ouvrage de Dieu. Elle a pu décheoir : tant de causes travaillent chaque jour à la dégrader ! Mais elle n’a

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8 loix ] lois Rel. I,2 16 souvent ] souvent, Rel. I,2 28 correspondance, ] correspondance 32 verroux ] verrous Rel. I,2 40 décheoir : ] déchoir : Rel. I,2 Rel. I,2

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On lui sacrifiait des enfants par le feu. Cottyto est une déesse thracienne dont le culte secret connaît des orgies. Exemples récurrents dans les textes de BC. Voir p. ex. OCBC, Œuvres, t. X, pp. 273, 687, 766, 790, 802, 884 ; t. XI, pp. 320 et 334 ; t. XXVI, pp. 159 et 388. Voir une idée proche de celle-ci dans le Repertory, note 1245.

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bien que son juge fût l’assassin de Clitus1. Pareils aux grands de ce monde, les dieux ont un caractère public et un caractère privé. Dans leur caractère public, ils sont les appuis de la morale : dans leur caractère privé, ils n’écoutent que leurs passions ; mais ils n’ont de rapports avec les hommes que dans leur caractère public a. C’est à ce dernier que le sentiment religieux s’attache exclusivement : comme il se plaît à respecter et à estimer ce qu’il adore, il jette un voile sur tout ce qui porterait atteinte à son estime et à son respect. Mais quand il se sépare de la forme qu’il épurait ainsi par son action puissante, bien qu’inaperçue, tout change. Les traditions corruptrices qu’il reléguait dans le lointain, ou qu’il interprétait de manière à en éluder les conséquences, reparaissent et viennent porter l’appui de leur lettre morte à la dépravation, qui dès lors se prévaut de l’exemple ; et l’on dirait que, par une combinaison singulière, moins l’homme croit à ses dieux, plus il les imite.

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pas perdu toutes les traces de sa filiation divine. Le sentiment lui reste. Ne l’étouffez point par des lois minutieuses. Ne le poursuivez pas de foudroyants anathêmes. L’homme n’est pas ce que vous prétendez. Il n’est pas vrai «que le mal lui plaise.» Il n’est pas vrai «que né pour le ciel, il cherche l’enfer, comme un voyageur égaré cherche sa patrie (tome IV, page 37)2.» Faute d’avoir senti cette vérité, l’on s’est trompé sans cesse sur les effets que devait avoir la mythologie licencieuse des peuples anciens. A voir ce qu’on a écrit sur cette mythologie, on dirait que les dieux approuvaient dans les mortels toutes les actions qu’ils commettaient eux-mêmes.

6 plaît ] plait Rel. I,1

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13 dès lors ] dès-lors Rel. I,2

17 anathêmes. ] anathèmes. Rel. I,2

Clitus (aussi Cleitos ou Kleitos), officier macédonien (375–328), très dévoué à Alexandre, mais tué par celui-ci dans un accès de colère lors d’un festin. Alexandre a profondément regretté cet acte de violence commis dans l’ivresse et a failli se tuer lui-même. Il comptait ce meurtre parmi ses plus graves fautes. Citations presque littérales.

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Chapitre IV. Que cette distinction explique seule pourquoi plusieurs formes religieuses paraissent ennemies de la liberté, tandis que le sentiment religieux lui est toujours favorable. Il est un autre problême plus difficile à résoudre encore, et sur lequel néanmoins l’erreur est d’un extrême danger. Prenez à la lettre les préceptes fondamentaux de toutes les religions, vous les trouverez toujours d’accord avec les principes de liberté les plus étendus, on pourrait dire avec des principes de liberté tellement étendus, que, jusqu’à ce jour, l’application en a paru impossible dans nos associations politiques. Mais parcourez l’histoire des religions, vous trouverez souvent l’autorité qu’elles ont créée, travaillant de concert avec les autorités de la terre à l’anéantissement de la liberté. L’Inde, l’E´thiopie, l’E´gypte, nous montrent l’espèce humaine asservie, décimée, et, pour ainsi dire, parquée par les prêtres. Quelques époques de nos temps modernes nous présentent, sous des traits plus doux, un spectacle peu différent ; et naguère le despotisme le plus complet que nous ayons connu, s’était emparé de la religion comme d’un auxiliaire complaisant et zélé. Durant quatorze ans de servitude, la religion n’a plus été cette puissance divine descendant du ciel pour étonner ou réformer la terre : humble dépendante, organe timide, elle s’est prosternée aux genoux du pouvoir, demandant ses ordres, observant ses gestes, offrant la flatterie en échange du mépris ; elle n’osait faire retentir les voûtes antiques des accents du courage et de la conscience ; elle bégayait, au pied de ses autels asservis, des paroles mutilées, et loin d’entretenir les grands de ce monde du dieu sévère qui juge les rois, elle cherchait avec terreur dans les regards hautains de son maître, comment elle devait parler de son dieu ; heureuse encore si elle n’eût été contrainte de commander, au nom d’une doctrine de paix, les invasions et les guerres, de tra vestir ses prédications en manifestes, de souiller la sublimité de ses préceptes par les sophismes de la politique, de bénir le ciel des succès de l’injustice, et de calomnier la volonté divine en l’accusant de complicité. Ces contradictions entre la théorie et la pratique de la plupart des systêmes religieux, ont accrédité deux opinions qui peuvent être singulièrement funestes, et qui sont toutes deux également fausses : la première, c’est que la religion est une alliée naturelle du despotisme ; la seconde, c’est que l’absence du sentiment religieux est favorable à la liberté.

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Notre distinction entre le sentiment et les formes religieuses, peut seule nous délivrer de ce double préjugé. En considérant le sentiment religieux en lui-même, et indépendamment de toutes les formes qu’il peut revêtir, il est évident qu’il ne contient nul principe, nul élément d’esclavage. La liberté, l’égalité, la justice, qui n’est que l’égalité, sont au contraire ses conceptions favorites. Des créatures qui sortent des mains d’un dieu dont la bonté dirige la puissance, étant soumises à la même destinée physique, étant douées des mêmes facultés morales, doivent jouir des mêmes droits. En étudiant toutes les époques où le sentiment religieux a triomphé, l’on voit partout que la liberté fut sa compagne. Au milieu de la servitude universelle, sous des empereurs que l’ivresse du pouvoir absolu avait rabaissés au-dessous même de leurs esclaves, ce qui est beaucoup dire, les premiers chrétiens ressuscitèrent les nobles doctrines de l’égalité et de la fraternité entre tous les hommes a. Rien n’était plus indépendant, nous dirions volontiers plus démocratique, que les Arabes, a

Les païens les traitaient de mauvais citoyens, de sujets rebelles. KORHOLT, Pagan. obtrectator1, page 112, 525. Quibus, dit Vopiscus2 en parlant des chrétiens, præsentia semper tempora cum enormi libertate displicent. Il y a une observation à faire sur cette expression de Vopiscus. Il ajoute le mot semper pour indiquer que c’était par un esprit habituellement frondeur que les chrétiens s’élevaient contre les crimes et le despotisme qui désolaient le monde connu. On présente toujours, sous la tyrannie, les réclamations des ames honnêtes et libres comme l’effet d’un penchant vicieux à censurer ce qui existe ; et il est très-probable que les courtisans de Néron disaient de ceux qui blâmaient l’incendie de Rome, Ce sont des hommes qui ne sont jamais contents.

17–18 obtrectator, ] obtrectat., Rel. I,2 1

2

BC cite ici l’ouvrage du théologien protestant Christian Kortholt, Paganus obtrectator. Sive De calumniis gentilium in veteres christianos libri 3, Kilonii : typis et sumptibus J. Reumanni et Lipsiæ : Richelius, 1698. Aux pages auxquelles BC renvoie, Kortholt parle en effet de ce que les païens reprochaient aux Chrétiens que leur religion nuisait à l’ordre public («reip. noxia», p. 112) ; d’où l’accusation, particulièrement grave, du crime de lèsemajesté («læsæ Majestatis crimen Christianis impingebatur», p. 525). – Voir le Repertory, note 1108. Le fragment de phrase cité par BC figure dans le ch. 7 du portrait que l’historien «Vopiscus», un des prétendus auteurs de l’Historia Augusta, consacre aux quatre tyrans Firmus, Saturninus, Proculus et Bonosus. Vopiscus y parle de manière fort négative des Égyptiens et ajoute : «Nam 〈in〉 eis Christiani, Samaritæ, et quibus præsentia semper tempora cum enormi libertate displiceant.» – «Il y a en effet parmi eux des chrétiens, des Samaritains, et de ces gens qui critiquent sans cesse l’époque actuelle avec une insolence sans bornes» (Histoire Auguste, t. V/2 : Vies de Probus, Firmus, Saturnin, Proculus et Bonose, Carus, Numérien et Carin, texte établi, traduit et commenté par François Paschoud, Paris : Les Belles Lettres, 2001, p. 186). – Sur le caractère largement fictif des biographies de «Vopiscus», voir François Paschoud, «Introduction générale», dans Histoire Auguste, t. V/1 : Vies d’Aurélien et de Tacite, texte établi, traduit et commenté par François Paschoud, Paris : Les Belles Lettres, 2002, pp. IX–LXII, ici p. XXXIX. Voir ci-dessous, p. 587, n. 3.

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tant que l’islamisme fut dans sa ferveur a. Le protestantisme a préservé l’Allemagne, sous Charles-Quint, de la monarchie universelle. L’Angleterre actuelle lui doit sa constitution. L’absence du sentiment religieux favorise au contraire toutes les prétentions de la tyrannie. Si les destinées de l’espèce humaine sont livrées aux chances d’une fatalité matérielle et aveugle, est-il étonnant que, souvent, elles dépendent des plus ineptes, des plus féroces ou des plus vils des humains ? Si les récompenses de la vertu, les châtiments du crime ne sont que les illusions vaines d’imaginations faibles et timides, pourquoi nous plaindre lorsque le crime est récompensé, la vertu proscrite ? Si la vie n’est, au fond, qu’une apparition bizarre, sans avenir comme sans passé, et tellement courte qu’on la croirait à peine réelle, à quoi bon s’immoler à des principes dont l’application est au moins éloignée ? Mieux vaut profiter de chaque heure, incertain qu’on est de l’heure qui suit, s’enivrer de chaque plaisir, tandis que le plaisir est possible, et, fermant les yeux sur l’abîme inévitable, ramper et servir au lieu de combattre, se faire maître si l’on peut, ou, la place étant prise, esclave, délateur pour n’être pas dénoncé, bourreau pour n’être pas victime ? L’époque où le sentiment religieux disparaît de l’ame des hommes est toujours voisine de celle de leur asservissement. Des peuples religieux ont pu être esclaves ; aucun peuple irréligieux n’est demeuré libre. La liberté ne peut s’établir, ne peut se conserver, que par le désintéressement, et toute morale étrangère au sentiment religieux ne saurait se fonder que sur le calcul. Pour défendre la liberté, on doit savoir immoler sa vie, et qu’y a-t-il de plus que la vie, pour qui ne voit au-delà que le néant ? Aussi quand le despotisme se rencontre avec l’absence du sentiment religieux, l’espèce humaine se prosterne dans la poudre, partout où la force se déploie. Les hommes qui se disent éclairés, cherchent dans leur dédain pour tout ce qui a

Mahomet, dans le ch. 9 du Coran, reproche aux chrétiens de se soumettre aux prêtres et aux moines, et d’avoir ainsi d’autres maîtres que Dieu1.

24 vie, ] vie ; Rel. I,2 1

Le passage auquel BC fait allusion est le suivant : «How are they [the Christians] infatuated ? They take their priests and their monks for their lords, besides GOD, and CHRIST the son of MARY ; although they are commanded to worship one God only : there is no GOD but he ; far be that from him, which they associate with him !» (The Koran, Commonly called The Alcoran of Mohammed, p. 153). Le texte de cette note revient littéralement dans le Registre violet, p. 86, no LX, avec la mention «employé en 1823» dans l’angle gauche en haut.

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tient aux idées religieuses, un misérable dédommagement de leur esclavage. L’on dirait que la certitude qu’il n’existe pas d’autre monde, leur est une consolation de leur opprobre dans celui-ci. Ne croyez pas que ce que vous nommez lumières y gagne. Quand le fouet des inquisiteurs se lève, cette tourbe incrédule retourne à genoux aux pieds des autels, et l’athéisme mendie, en sortant des temples, le salaire de l’hypocrisie. État déplorable d’une nation parvenue à ce terme ! Elle ne demande à la puissance que des richesses, à la loi que l’impunité ; elle sépare l’action du discours, le discours de la pensée. Elle se croit libre de trahir son opinion, pourvu qu’elle se vante même aux indifférents de sa propre duplicité ; elle considère la force comme légitimant tout ce qui sert à lui plaire. L’adulation, la calomnie, la bassesse, se prétendent innocentes, en se disant commandées. Chacun se proclamant contraint se regarde comme absous. Le courage, créé par le ciel pour de magnanimes résistances, se constitue l’exécuteur d’indignes arrêts. On risque sa vie, non pour renverser des oppresseurs, mais pour écraser des victimes. On combat avec héroïsme pour des causes que l’on méprise. La parole déshonorée vole de bouche en bouche, bruit oiseux, importun, qui, ne partant d’aucune source réelle, ne portant nulle part la conviction, ne laisse à la vérité et à la justice aucune expression qui ne soit souillée. L’esprit, le plus vil des instruments quand il est séparé de la conscience, l’esprit, fier encore de sa flexibilité misérable, vient se jouer avec élégance au milieu de la dégradation générale. On rit de son propre esclavage et de sa propre corruption, sans être moins esclave, sans être moins corrompu ; et cette plaisanterie, sans discernement comme sans bornes, espèce de vertige d’une race abâtardie, est elle-même le symptôme ridicule d’une incurable dégénération. Lorsqu’une nation a long-temps souffert d’une religion fautive en ellemême, ou défigurée par ses ministres, les amis de la liberté peuvent devenir des incrédules, et ces incrédules sont alors les hommes les plus distingués de cette nation1. Lorsqu’un gouvernement vexatoire a maintenu par la force la superstition qui appuyait ses injustices, les amis de la liberté peuvent devenir des incrédules, et ces incrédules sont alors des héros et des martyrs ; mais leurs vertus mêmes sont des souvenirs d’une autre doctrine. C’est dans leur systême une noble inconséquence, c’est un héritage du sentiment religieux. Ils doivent à cet héritage leur force intérieure. En effet, ce sentiment n’est-il pas l’asyle où se réunissent, au-dessus de l’action du temps et de la portée du vice, les idées qui font le culte des hommes vertueux sur cette terre ? N’est-il pas le centre où se conserve la tradition de ce qui est bon, grand et beau, à travers l’avilissement et l’iniquité des 5 aux pieds ] au pied Rel. I,2 1

Voir le Registre violet, p. 110, note

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et p. 113, note

CLXXIII.

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siècles ? Ne répond-il pas à la vertu dans sa langue, quand le langage de tout ce qui l’environne est celui de la bassesse et de l’abjection ? Aussi quand des amis de la liberté sont privés de ces consolations et de cet espoir, voyez leur ame s’efforcer toujours de ressaisir l’appui qui lui échappe. Cassius, nourri des maximes d’E´picure et rejetant avec lui toute existence après cette vie, invoquait au sein des combats les mânes du grand Pompée, et dans ses derniers entretiens avec Brutus, «Oui, s’écriait-il, il serait beau qu’il y eût des génies qui prissent intérêt aux choses humaines. Il serait beau que nous fussions forts, non-seulement de nos fantassins et de notre flotte, mais aussi du secours des immortels dans une cause si noble et si sainte a».

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Plutarch. in Bruto1.

1

Il est fort probable que BC fasse allusion à la citation suivante que l’on trouve dans la Vie de Brutus chez Plutarque : «Il n’est pas croyable qu’il existe des démons, ou, s’il en existe, qu’ils prennent figure ou voix humaine, ou que leur influence nous atteigne. Pour moi, je voudrais qu’il y en eût, afin que nous puissions compter non seulement sur cette multitude d’armes, de chevaux et de navires, mais encore sur le secours des dieux, nous les chefs de la plus sainte et de la plus belle des entreprises» (Plutarque, Vies, texte établi par Robert Flacelière et Émile Chambry, Paris : Les Belles Lettres, 1978, t. XIV, pp. 132–133). Cassius exprime cela afin de calmer Brutus, qui lui fait part d’une vision qu’il a eue, alors qu’il s’apprêtait à faire passer son armée hors d’Asie pour aller en Europe, au début de l’année 42 av. J.-C., avant la bataille de Philippes. Brutus qui veillait vit un «fantôme» qui se présenta à lui comme son mauvais démon qu’il verrait à Philippes. Suite à cela, Cassius lui répond, selon la théorie de la sensation d’E´picure, que «ce que nous éprouvons et voyons n’est pas toujours vrai, que la sensation est fluctuante et trompeuse, et que notre esprit est encore plus prompt à la mouvoir et à la tourner vers toute sorte de représentations qui ne correspond à aucune réalité.» Cassius et Brutus s’associent en 42 av. J.-C. en Macédoine. Il semble s’agir ` la suite de celui-ci a lieu la bataille de Philippes, au là de l’un de leurs derniers entretiens. A cours de laquelle ils affrontent Marc-Antoine et Octave et Cassius ordonne à son affranchi de lui donner la mort. Le «grand Pompée», dont il est question dans le texte de BC, est le général et homme d’E´tat romain qui a été assassiné en 48 av. J.-C. Cassius invoquait un homme qui s’était couvert de gloire par sa victoire sur les pirates en Méditerranée puis par ses conquêtes en Orient et qui avait conclu avec César et Crassus le premier triumvirat. Les principaux acteurs de ces conflits, après la mort de César (en 44 av. J.-C.), sont Marc-Antoine, Octavien, Lépide, Brutus, Cassius et Sextus Pompée. Marcus Junius Brutus Cæpio, sénateur romain, s’associe à Caius Cassius Longinus, avec lequel il forme la conjuration contre César. En effet, la mort de César crée un vide politique qui entraîne l’intensification des luttes pour le pouvoir.

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Telle est donc la tendance invariable du sentiment religieux. C’est entre lui et la liberté, entre l’absence de ce sentiment et la tyrannie qu’existent la nature identique, le principe homogène. Mais un élément de nature opposée se glisse quelquefois dans les formes religieuses. Un pouvoir spirituel, né du besoin d’établir des communications régulières entre la terre et le ciel, peut se coaliser avec le pouvoir politique : et la religion qui avait proclamé la liberté et l’égalité de tous, devient trop souvent l’auxiliaire de la tyrannie de quelques-uns. Remarquez-le bien toutefois : même alors ce ne sont pas des hommes religieux qui signent ce pacte. Les membres des corporations sacerdotales qui en Égypte tyrannisaient les peuples, ou qui en d’autres pays, en Perse, par exemple, prêtaient leur appui à l’oppression politique, ne regardaient point comme une chose divine le culte dont ils abusaient. Le sentiment religieux n’était pour rien dans cet abus coupable. On ne spécule pas sur les choses que l’on croit divines. Ainsi pour résoudre cette question, comme toutes les autres, c’est encore la distinction entre le sentiment et les formes religieuses qu’il faut reconnaître. Loin d’être l’auteur du mal que certains cultes peuvent faire aux hommes, ce sentiment en est la victime : loin de sanctionner ces formes oppressives, il les rejette, et proteste contre elles.

2 tyrannie ] tyrannie, Rel. I,2

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Chapitre V. Que le triomphe des croyances naissantes sur les croyances anciennes est une preuve de la différence qui existe entre le sentiment religieux et les formes religieuses.

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Enfin, nous le demandons à tout lecteur qui cherche avec bonne foi la vérité, si l’on n’admet pas la différence entre le sentiment et la forme, comment expliquer l’immense avantage des formes nouvelles dans leur lutte contre les formes usées par le temps ? Reportons-nous encore à l’époque qui nous a déjà fourni des exemples. Deux religions se disputent l’univers. L’une est appuyée par l’autorité, elle est forte de dix siècles de durée, ou pour mieux dire, son origine se perd dans la nuit des âges. Les poètes l’ont embellie, les philoso phes l’ont épurée, elle a jeté loin d’elle tout ce qui pouvait effaroucher la raison a. C’est la religion de toutes les nations éclairées : c’est le culte du peuple dominateur. L’autre n’a ni la protection du pouvoir, ni l’appui de traditions antiques. La poésie ne lui a prodigué aucun ornement. Elle n’est point accompagnée du cortège brillant de la philosophie. Elle n’a point contracté d’alliance avec les profondeurs imposantes de la métaphysique. Elle a pris naissance dans une contrée obscure, chez un peuple odieux au reste des hommes, et même dans la fraction la plus dédaignée de ce peuple, objet du mépris universel. Qui ne croirait que la première doit triompher sans peine ? Tous les hommes éclairés le pensent ; tous sourient quand un bruit sourd et confus leur apprend l’existence de quelques fanatiques, épars, inconnus, persécutés. D’où vient que l’événement trompe ces superbes prévoyances ? C’est que le sentiment religieux, séparé de la forme ancienne, s’est réfugié dans la nouvelle, et pourquoi ? Parce que la forme antique, malgré les épurations qu’on voudrait bien lui faire subir, lui rappelle les époques où il l’a rejetée, a

Cette assertion n’est en rien contraire au tableau que nous avons tracé de la superstition romaine lors de la décadence du polythéisme. Cette superstition ne faisait point partie de la religion publique ; elle venait au contraire pour la remplacer. Le polythéisme n’en avait pas moins reçu toutes les améliorations de la philosophie ; et, dans la théorie, il valait incomparablement mieux que la croyance des siècles antérieurs. Mais la conviction n’y était plus ; et, quand il en est ainsi, tous les perfectionnements ne sont que des branches empruntées d’un arbre vivant, et qu’on veut follement enter sur un tronc sans vie.

10 déjà ] déja Rel. I,2

19 cortège ] cortége Rel. I,2

24 sourient ] sourient, Rel. I,2

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impatient qu’il était de ses vices et de ses imperfections. Le nom de ses dieux se rattache à des souvenirs de grossièreté et d’ignorance. Froissée en tout sens par les investigations humaines, elle est dépouillée de son charme, et, pour ainsi dire, profanée. La forme nouvelle, au contraire, est vierge de tout souvenir fâcheux. Le nom de son fondateur et du dieu qu’il enseigne ne retrace aucune époque où elle ait blessé le sentiment religieux. Il s’y voue donc avec enthousiasme : il adopte son étendart, c’est par la bouche de ses sectateurs qu’il parle. Ils lui doivent cette conscience de force et de certitude qui contraste dans leur langage avec la timidité et l’hésitation du langage de leurs adversaires. Les apôtres de la forme nouvelle marchent entourés de miracles, incontestables par cela seul, que ceux qui les affirment sont pleins d’une inébranlable conviction. Les défenseurs de la forme ancienne s’appuient avec embarras sur des prodiges dont eux-mêmes doutent, copies effacées d’inimitables modèles. Les premiers se servent sans crainte et de la raison et de la foi, de la raison contre leurs ennemis, de la foi pour leur propre doctrine : ils ne craignent point de compromettre par la dialectique une cause qui ne saurait être compromise : leur arme offensive est l’examen, leur égide une persuasion intime et profonde. Les seconds balancent entre la raison qui les menace, et un enthousiasme qui pâlit devant l’enthousiasme opposé. Le scepticisme qu’ils veulent diriger contre leurs adversaires réagit contre eux, et précisément parce qu’ils ne sont pas fermes dans leur croyance, ils sont timides dans leurs négations. Leurs plaidoyers plus ou moins habiles sont empreints de condescendances, d’aveux arrachés et rétractés, d’insinuations qui laissent apercevoir que la religion qu’ils recommandent n’est un appui que pour les faibles, et que les forts peuvent s’en passer. Or, ils se mettent au nombre des forts, et l’on est mauvais missionnaire quand on se place au-dessus de sa propre profession de foi. On pourrait croire qu’ils ont plus de zèle parce qu’ils ont un motif de plus. Ils sont excités par leur intérêt, tandis que les martyrs de l’opinion qui s’élève sont loin du moment où sa victoire procurera des avantages personnels à ses partisans. Mais le désintéressement est la première des puissances, et lorsqu’il faut entraîner, persuader, convaincre, l’intérêt affaiblit, au lieu de fortifier. Remarquez comme toutes les notions se groupent autour du sentiment religieux, et dociles à son moindre signe, se modifient et se transforment pour le servir. Dans la croyance ancienne que la philosophie avait subjuguée, l’homme était rabaissé au rang d’atome imperceptible dans l’immen7 étendart, ] étendard ; Rel. I,2 16 doctrine : ] doctrine ; Rel. I,2 22 plaidoyers ] plai23 habiles ] habiles, Rel. I,2 28 zèle ] zèle, Rel. I,2 32 puissances, ] doyers, Rel. I,2 puissances ; Rel. I,2

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sité de cet univers. La forme nouvelle lui rend sa place de centre d’un monde, qui n’a été créé que pour lui : il est à la fois l’œuvre et le but de Dieu. La notion philosophique est peut-être plus vraie : mais combien l’autre est plus pleine de chaleur et de vie ; et, sous un certain point de vue, elle a aussi sa vérité plus haute et plus sublime. Si l’on place la grandeur dans ce qui la constitue réellement, il y a plus de grandeur dans une pensée fière, dans une émotion profonde, dans un acte de dévouement, que dans tout le mécanisme des sphères célestes. Aussi voyez la forme vieillie proposer sans cesse des transactions : mais ces offres n’obtiennent qu’un refus dédaigneux. Chose remarquable ! A n’en croire que les dehors, c’est la force qui transige, et c’est la faiblesse qui veut le combat. C’est que la véritable force est tout entière du côté de la faiblesse apparente. La forme ancienne est morte, elle n’aspire qu’au repos des morts. La forme nouvelle veut lutter et vaincre, parce que, pleine du sentiment religieux, elle a ranimé la vie de l’ame et réveillé la poussière des tombeaux.

4 vie ; ] vie ! Rel. I,2

12 combat. C’est ] combat : c’est Rel. I,2

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Si maintenant nous appliquons les réflexions qu’on vient de lire à la manière dont on a jusqu’ici écrit sur la religion, l’on sera peu surpris que presque tous ceux qui ont voulu aborder ce vaste sujet aient fait fausse route. Trois partis se sont formés qui, faute d’avoir conçu la nature et la marche progressive du sentiment religieux, sont tombés tous les trois dans de graves erreurs a. Le premier, considérant la religion comme inaccessible à l’homme livré à ses propres forces et à ses propres lumières, communiquée à lui par l’Eˆtre suprême d’une manière positive et immuable, ne pouvant que perdre en étant modifiée par l’esprit humain, et devant, lorsque le laps des temps l’a ainsi modifiée, être ramenée le plus qu’il est possible à son premier état et à sa pureté primitive, a dit qu’il fallait raffermir à tout prix les croyances ébranlées. Mais il n’a pas recherché si cette entreprise était au pouvoir d’une autorité quelconque. L’histoire nous montre toutes les précautions inutiles, toutes les sévérités impuissantes. Socrate empoisonné, Aristote fugitif, Diagoras proscrit, n’arrêtèrent pas l’incrédulité d’Athènes1. La philoa

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En plaçant sur la même ligne les trois partis dont nous allons parler, et en qualifiant d’erreur le motif qui a porté le premier à maintenir par la force ce qui s’écroulait, nous avons employé peut-être une expression trop douce. Souvent il n’y a point eu erreur, mais calcul. Les prêtres du polythéisme dans sa décadence savaient très-bien que ce n’était pas au triomphe de la vérité qu’ils travaillaient en envoyant les chrétiens au martyre, sous le prétexte de conserver la religion de leurs pères.

6 formés ] formés, Rel. I,2 1

Les exemples que BC cite ici sont la condamnation à mort de Socrate (399 av. J.-C.), la fuite d’Aristote à Chalcis en Eubée (323 av. J.-C.), la proscription de Diagoras de Mélos, surnommé l’athée (vers 415 av. J.-C), la persécution des philosophes, parmi lesquels Epictète et Dion Chrysostome, sous le règne de l’empereur romain Domitien (81–96) et les luttes que Louis XIV, sous l’influence de Mme de Maintenon, mena contre les dissidents religieux (protestants, jansénistes et autres). Ces exemples doivent tous attester qu’aucune autorité ne peut raffermir des convictions religieuses ébranlées. Ainsi, pour défendre un des principes de son anthropologie historique de la religion, BC met en parallèle des exemples historiques relevant de contextes différents ; ce faisant, il les décontextualise pour leur attribuer une signification identique. Sur cette forme d’argumentation, sa place dans De la Religion et la tradition à laquelle elle se rattache, voir notre Introduction, ci-dessus, p. 49.

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sophie grecque, chassée de Rome, revint bientôt pour y triompher, et l’austérité de Louis XIV dans sa vieillesse ne fit que préparer la France im patiente à l’irréligion la plus manifeste et la plus hardie. Le second parti, justement épouvanté des maux que produisent le fanatisme et l’intolérance, n’a vu dans la religion qu’une erreur, tantôt grossière, tantôt raffinée, tantôt matérielle, tantôt abstraite, mais toujours plus ou moins funeste. Il en a conclu qu’il serait désirable de fonder la morale sur une base purement terrestre, et d’extirper tout sentiment religieux. Mais s’il avait consulté l’expérience, la religion se serait montrée à lui, renaissant toujours, au moment où les lumières s’enorgueillissaient de l’avoir étouffée. Juvénal écrivait que les enfants seuls croyaient à une autre vie1 ; et cependant une secte ignorée se glissait dans l’empire les yeux fixés sur un monde futur, et le monde présent devait être sa conquête. Et en effet, si la religion nous est nécessaire, s’il existe en nous une faculté qui demande à s’exercer, si notre imagination a besoin de sortir des limites qui nous renferment, s’il faut à cette partie souffrante et agitée de nous-mêmes un monde dont elle dispose et qu’elle embellisse à son gré, ce serait bien en vain qu’on reprocherait à la religion ses inconvénients ou ses périls. La nécessité vaincra toujours la prudence. Qui ne peut supporter la terre doit affronter les flots, quelque semée d’écueils que la mer puisse être2. Enfin, le troisième parti, prenant ce qu’il regardait comme un juste milieu entre deux extrêmes, a cru devoir n’admettre qu’une doctrine qu’il nommait la religion naturelle, et qu’il réduisait aux dogmes les plus purs et aux notions les plus simples. Mais ce parti mitoyen n’a différé des deux premiers, des orthodoxes et des incrédules, que dans son but et non dans sa route. Il a supposé comme eux, que l’homme pouvait être mis en possession d’une vérité absolue, et par conséquent toujours la même et toujours stationnaire. Quiconque professait strictement, exclusivement, les dogmes auxquels il s’était restreint, lui a paru posséder cette vérité. Quiconque restait en-deçà par l’athéisme, ou allait au-delà en reconnaissant des révélations miraculeuses, lui a semblé se tromper également. 26 route. Il a supposé ] route ; il a supposé, Rel. I,2

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«Qu’il y ait quelque part des mânes et un royaume souterrain et la gaffe de Charon et des grenouilles noires dans le gouffre du Styx, et qu’une seule barque puisse suffire pour faire passer l’eau à tant de milliers de morts, les enfants même ne le croient pas, excepté ceux qui n’ont pas encore à payer leur bain.» «Esse aliquos manes et subterranea regna / et contum et Stygio ranas in gurgite nigras / atque una transire uadum tot milia cumba / nec pueri credunt, nisi qui nondum ære lauantur» (Juvénal, Satires, p. 20, vv. 149–152). Une note très proche de ce passage se trouve dans le Registre violet, pp. 83–84, n. XLVII.

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De ces trois manières d’envisager la religion, il est résulté, nous osons le dire, que personne encore ne l’a contemplée sous son véritable point de vue. Un coup d’œil rapide sur les écrits religieux ou incrédules de la France, de l’Angleterre et de l’Allemagne, nous fournira d’irrécusables preuves de cette assertion. Avant le commencement du XVIIIe siècle, tous les ouvrages publiés en France par les défenseurs des communions diverses, n’étaient consacrés qu’au triomphe de leur secte. Ils partaient tous d’un point convenu qui leur interdisait les questions fondamentales, ou les dispensait de s’en occuper. Source féconde de disputes, l’hérésie était envisagée par les catholiques comme une erreur volontaire et traitée comme un crime a. Ses partisans, a

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Depuis un assez grand nombre d’années, on pouvait se flatter que cette manière étroite et haineuse de considérer les différences de religion avait fait place à des principes plus tolérants et plus doux1. Durant une longue époque de vexations fort injustes, les prêtres catholiques s’étaient efforcés de nous convaincre que tous les reproches adressés à leur église sur son esprit hostile et persécuteur étaient des calomnies de ses adversaires. Ces ministres d’un culte alors opprimé étaient sans doute de bonne foi ; et nous aimons à penser que rien n’est changé dans leurs conciliatrices et pacifiques doctrines. Mais on ne peut s’em pêcher de gémir en voyant un des membres les plus distingués de cette église reproduire, avec une sorte de fureur dont la France avait heureusement perdu l’habitude, des anathêmes puérils s’ils sont impuissants, et bien condamnables s’ils ont quelque force. On en croit à peine ses yeux, lorsqu’on lit au commencement du XIXe siècle, que ceux qui n’admettent pas tel ou tel dogme sont coupables, parce que, s’il ne dépend pas de la raison de comprendre, il dépend toujours de la volonté de croire ce qui est attesté par un témoignage d’une autorité suffisante (Essai sur l’indifférence en matière de religion, tome I, page 514) ; comme s’il dépendait de notre volonté d’accepter pour suffisant un témoignage qui ne suffirait pas à notre raison, et comme si la difficulté, éloignée d’un degré par ce sophisme, n’en demeurait pas moins insoluble. L’étonnement redouble quand on voit un homme qui ne sort pas du sanctuaire des druides ou des souterrains du saint-office, s’indigner du penchant abject que montra la réforme pour la mémoire de Socrate, d’Aristide ou

21 anathêmes ] anathèmes Rel. I,2 1

BC attaque une nouvelle fois la doctrine de La Mennais, en l’occurence son aspect rigoureusement apologétique et polémique, s’exprimant avec une intransigeance qui ne cesse d’étonner. La cible de cette polémique est la tolérance recherchée et pratiquée de plus en plus généralement par la théologie protestante des Lumières. L’analyse de BC est exposée systématiquement en utilisant un montage de textes choisis dans tous les volumes de l’ouvrage de La Mennais pour démontrer que la doctrine réactionnaire conditionne la pensée de l’auteur. La polémique de BC prend tout son sens dans le contexte politique des années après l’assassinat de Charles, duc de Berry, par un fanatique en 1820. Le gouvernement réactionnaire des ultra-royalistes, surtout du ministère de Villèle, favorise alors l’influence croissante de l’E´glise en France. BC compose son texte avec précaution, en évitant presque toujours des modifications de paroles citées qui risqueraient d’en changer le sens. Les citations subissent naturellement de légères adaptations de la syntaxe par leur intégration dans le discours de BC.

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d’accord avec ses ennemis sur les bases, ne contestaient que quelques conséquences de principes admis par tous. Plus décréditée, bien qu’exposée à moins de persécutions que l’hérésie, l’incrédulité était flétrie en quelque sorte par une opinion qui se composait et du vif intérêt qu’avaient excité les guerres religieuses et du prestige de la cour d’un roi qui avait fait de la croyance une affaire de mode et un moyen de crédit1. de Caton (ib. I, 67) ; proclamer la tolérance un abîme où la religion va se perdre (ib. I, 225) faire un crime à un défenseur éclairé du christianisme2 d’avoir sauvé sans difficulté les déistes de bonne foi, dont la conduite est moralement bonne (ib. I, 223) ; enfin, dans un pays où plusieurs cultes existent simultanément sous la sanction des lois, proclamer qu’aucune religion ne peut subsister qu’en repoussant toutes les autres (ib. I, 225), au risque de rallumer par ce principe les guerres religieuses, et de ramener dans sa patrie les calamités qui firent assassiner deux rois, et coutèrent la vie à des milliers d’hommes. Et que celui qui a tracé ces lignes inconcevables ne s’excuse point en disant qu’en sa qualité de catholique, il ne damne personne (ib. préf. [II,] XLIII) : son indignation contre le ministre protestant qui ne s’ingère point de damner ceux qui ne pensent point comme lui (ib. II, XLIII) ; son courroux à l’idée que, suivant les principes du protestantisme, on ne pourrait exclure du salut, comme hérétiques, ni les juifs, ni les mahométans, ni les païens (ib. I, 231) ; cette soif, en un mot, de distribuer autour de soi des peines éternelles (ib. II, 262), nous paraissent l’atteinte la plus directe portée à un culte de paix et d’amour. Se flatterait-on de servir la religion en disant que Dieu a voué au glaive des nations entières (ib. III, 47) ? Prodiguer à une portion de citoyens que les lois protégent les malédictions et les insultes ; dire que, «tel que ces grands coupables dont parle l’antiquité», un peuple, dont un dixième au moins est aujourd’hui français, «a perdu l’intelligence ; que le crime a troublé sa raison ; qu’au mépris, à l’outrage, il oppose une stupide insensibilité..... qu’il se sent fait pour le châtiment ; que la souffrance et l’ignominie sont devenues sa nature (ib. III, 57) ; que le sang que ses ancêtres ont versé il y a deux cents ans est encore sur lui» ; et, après l’avoir ainsi foulé aux pieds autant que le pouvait la parole, «le renvoyer à son supplice (IV, 202)», voilà, nous n’hésitons pas à le dire, ce qui n’est permis, ni par la religion, ni par la morale, ni par la politique, ni par la décence ; et, dût-on nous prescrire le silence sur les ruines de notre intelligence écroulée (ib. II, 105) ; dût-on nous traiter d’esprits rebelles qui trouveront la loi de supplice, et auront éternellement le crime pour compagnon (ib. IV, 61), nous ne nous en féliciterons que plus sincèrement de professer une croyance qui nous permet d’aimer tous les hommes, et d’espérer le salut de tous.

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5 religieuses ] religieuses, Rel. I,2 14 coutèrent ] coûtèrent Rel. I,2 16 préf. [II,] XLIII ] la 24 l’antiquité», un peuple ] la source porte source omet la tomaison Rel. I,1, Rel. I,2 l’antiquité, un peuple» faute évidente que nous corrigeons Rel. I,1, Rel. I,2 33 IV, 61 ] la source porte III, 60 faute que nous corrigeons Rel. I,1, Rel. I,2 1

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BC évoque le renouveau catholique sous le règne de Louis XIII (1610–1643). Tout l’entourage du roi était catholique. Les activités d’ordres nouveaux ont marqué cette période : l’ordre de la Visitation (François de Sales et Jeanne de Chantal, 1610), l’Oratoire de France (1611), la Confrérie de la Charité (Vincent de Paul, 1617), la Compagnie du SaintSacrement (1629). Allusion à Pierre Jurieu (1637–1713), théologien calviniste français engagé dans une polémique avec J.-B. Bossuet (Préservatif contre le changement de religion, ou idée juste & véritable de la religion Catholique Romaine opposée aux portraits flattés que l’on en fait, &

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Bossuet, lorsqu’il foudroie les païens dans son Histoire, ou poursuit les protestants dans sa Polémique, paraît plutôt un juge qui, du haut de son tribunal, condamne des coupables, qu’un narrateur impartial des évènements, ou un investigateur calme des doctrines ; et quand il dirige ses coups contre les incrédules, ce sont encore des sentences qu’il prononce, sentences accompagnées d’argumentation, mais où l’autorité tient une place beaucoup plus considérable que le raisonnement. Loin de nous de diminuer le mérite d’un grand homme. Si le point de vue, sous lequel Bossuet envisageait la religion, manquait nécessairement d’impartialité et d’étendue, il était admirable par la noblesse et l’élévation. La religion dans sa bouche parlait un langage digne et fier, qu’elle a tristement abjuré depuis. A l’insu même de l’orateur qu’entraînait son génie, les dernières étincelles de la liberté s’étaient réfugiées dans son éloquence. Ce qu’il ne disait point à un monarque absolu au nom des lois et de l’intérêt des peuples, il le disait au nom d’un dieu, devant lequel toutes les créatures rentrent dans leur égalité primitive a. Toutefois en rendant justice à un écrivain que ses panégyristes ne vantent qu’à cause de ce qu’il a eu de violent et d’odieux, nous n’en croyons pas moins pouvoir affirmer que rien de ce que nous a laissé Bossuet, et, à plus forte raison, rien de ce que nous trouvons dans d’autres ouvrages de la même époque ne peut s’appliquer utilement aux questions nouvelles que nous avons présentées, à cette distinction entre le fond et les formes, à cette marche des idées, à cette altération graduelle des croyances, à ces perfectionnements, à ces modifications progressives et irrésistibles, questions alors inaperçues et complètement étrangères aux débats religieux. a

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Rien ne prouve mieux l’alliance naturelle de la religion avec la liberté. Bossuet, par son caractère, était l’homme le plus despotique : toutes ses opinions favorisaient le pouvoir absolu. La politique de l’E´criture-Sainte aurait mérité les honneurs de l’imprimerie impériale de Constantinople ; mais, quand il censure le pouvoir au nom de la religion, on dirait un de ces premiers chrétiens, les plus fermes apôtres de l’égalité, et les plus intrépides adversaires de la tyrannie1.

3–4 évènements, ] événements, Rel. I,2 21 époque ] époque, Rel. I,2 Rel. I,2

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11 religion ] religion, Rel. I,2

bouche ] bouche,

particulièrement a` celui de Monsieur de Condom, s.l. : s éd., [1681]). Il est le chef de l’opposition à Louis XIV, après la révocation de l’édit de Nantes, dont le manifeste le plus connu est le pamphlet Lettres pastorales aux fidèles de France qui gémissent sous la captivité de Babylon, où sont dissipées les illusions que M. de Meaux dans sa lettre pastorale & et autres convertisseurs emploient pour séduire et où l’on trouvera aussi les principaux événemens de la présente persécution, Rotterdam : Abraham Acher, 1668. Voir Œuvres choisies de Bossuet, t. II : Politique tirée des propres paroles de l’E´criture Sainte, Paris : Hachette, 1892, p. 36 : «C’est pourquoi Dieu prend en sa protection tous les gouvernements légitimes en quelque forme qu’ils soient établis : qui entreprend de les renverser, n’est pas seulement ennemi public mais encore ennemi de Dieu». On lit cependant à la p. 3, dans la IIIe proposition du Livre premier : «Tous les hommes sont frères».

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Après Louis XIV, la scène changea. Affranchie de l’autorité d’un vieux monarque et de l’étiquette d’une vieille cour, la France, par un effet naturel d’une compression longue et pesante, se précipita dans la licence. Comme on vit succéder madame de Prie à madame de Maintenon, et les dignités de l’église passer de Bossuet à Dubois, on vit l’incrédulité surgir de la tombe de l’hypocrisie. Nous ne présenterons certainement point les incrédules du siècle dernier comme les héritiers des orgies de la régence. De plus nobles motifs inspirèrent plusieurs d’entre eux. Une réaction lente, mais sûre, se préparait en France de longue main. La Saint-Barthélemy avait révolté toutes les ames. Le meurtre de Henri III, celui de Henri IV avaient soulevé l’opinion contre l’assassinat religieux. Louis XIV, par les cruautés dont il accompagna la révocation de l’édit de Nantes, et en ordonnant les dragonnades, les confiscations, le supplice des pères, l’incarcération des femmes, le rapt des enfants, avait achevé d’armer contre l’oppression sacerdotale tous les sentiments d’humanité. L’indignation des philosophes fut juste et sincère. Mais cette indignation même, les efforts qu’elle leur dicta, l’espèce d’association qu’ils formèrent pour déclarer en commun la guerre aux doctrines qu’ils accusaient de tant de crimes et de tant de maux, toutes ces choses leur in culquèrent un esprit de secte ; et partout où domine cet esprit, il emploie des moyens qui lui sont propres. Voltaire avait dit qu’il valait mieux frapper fort que juste1 ; et tous les imitateurs de Voltaire, race innombrable, active, et qui, des sommités de la littérature, descendait jusque dans ses rangs les plus inférieurs, s’acharnèrent sur la religion avec une fureur presque toujours en raison inverse des connaissances qu’ils avaient acquises, et du talent dont ils étaient doués. L’axiome de Voltaire avait bien son utilité de circonstance. Les persécutions violentes venaient de cesser : les persécutions sourdes restaient à détruire. Tout semblait légitime pour inspirer l’horreur de tous les genres de persécution. Mais c’était désarmer le fanatisme, ce n’était pas apprécier le sentiment religieux. Il en résultait d’ailleurs une manière outrageante et amère de parler d’une chose chère à la grande majorité de l’espèce humaine, et ce style, qui est toujours sûr d’obtenir un succès momentané chez une nation vieille et corrompue, devait inspirer une sorte de dégoût aux ames délicates et sensibles, mino rité inaperçue, mais puissante, qui finit toujours par faire la loi au milieu même de la dégradation générale. 32 humaine, ] humaine ; Rel. I,2 1

Phrase qu’on trouve dans le Cours de littérature de Jean-François de La Harpe à propos du théâtre de Voltaire. Celui-ci «fondait son excuse sur le principe [...] qu’au théâtre il fallait plutôt frapper fort que juste». BC la cite assez souvent. Voir p. ex. ses Lectures sur la religion à l’Athénée royal en 1818 (OCBC, Œuvres, t. XI, p. 53, n. 3) et les Principes de politique (OCBC, Œuvres, t. V, p. 100).

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Les philosophes qui, en attaquant la religion existante, voulaient conserver les principes qui servent de base à toute religion, ne considéraient cependant ces principes que sous leur point de vue le plus ignoble et le plus grossier, comme suppléant aux lois pénales. En lisant leurs écrits, on voit qu’ils veulent que la religion leur serve tout de suite, comme une espèce de gendarmerie, qu’elle garantisse leurs propriétés, assure leur vie, discipline leurs enfants, maintienne l’ordre dans leur ménage. On dirait qu’ils ont, en quelque sorte, peur de croire pour rien a. La reli gion doit leur payer en services ce qu’ils lui concèdent en croyance. Cette manière étroite et incomplète de l’envisager a plus d’un inconvénient. Comme en cherchant dans toutes les beautés de la nature un usage immédiat, une application directe à la vie commune, on flétrit tout le charme de son magnifique ensemble, de même en ne perdant jamais de vue que la religion doit être utile, on dégrade la religion ; en second lieu, l’utilité pratique n’impliquant nullement la vérité de la théorie, l’homme n’en est pas plus religieux parce qu’on lui dit que la religion est utile, car on ne croit pas dans un but ; enfin, l’utilité de la religion sert de prétexte à ceux qui gouvernent pour faire violence aux consciences de ceux qui sont gouvernés, de sorte que d’un trait de plume on donne à des peuples incrédules des maîtres persécuteurs. Ce besoin d’utilité immédiate et pour ainsi dire matérielle est au reste le vice inhérent à notre esprit national b. Il a ses avantages sans doute. Il donne plus de régularité, plus de suite à l’enchaînement des idées. L’on marche plus directement au but, en ne le perdant pas de vue. Mais aussi, lorsqu’on n’examine toutes les questions que dans un but, on court grand risque de ne pas apercevoir tous les côtés des questions. On repousse tous les sentiments, toutes les impressions, toutes les émotions involontaires ; qui sont quela

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On pourrait appliquer à notre caractère moral ce qu’on raconte de la paresse physique des Turcs. On dit que le secrétaire d’un ambassadeur de France à Constantinople se promenait tous les jours pendant quelque temps dans son jardin ; les Turcs voisins de cet ambassadeur le prièrent de pardonner à son secrétaire, et de ne pas lui imposer une pénitence aussi rigoureuse. Ils ne concevaient pas qu’on pût marcher pour rien et sans but1. M. de Châteaubriand lui-même, dont le talent n’est pas contestable, et qui est certainement le premier de nos écrivains, lorsqu’il peint la partie rêveuse et mélancolique du sentiment religieux, a cédé d’une manière plus bizarre que personne à cette manie d’utilité. Il fait valoir celle du christianisme pour la poésie, comme si un peuple cherchait dans sa croyance de quoi procurer une mythologie à ses versificateurs2.

28 involontaires ; ] involontaires, Rel. I,2 1 2

Le texte de cette note se trouve dans le Registre violet, p. 84, sous le no LII (avec quelques variantes). Dans la marge de cette notice on lit : «employé 1823». La première trace de cette appréciation ironique des talents de Chateaubriand et de son ouvrage Génie du christianisme, où l’auteur défend des idées de ce genre en parlant des

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quefois plus propres que les raisonnements rigoureux à jeter un jour nouveau sur les objets des méditations humaines, et qui contiennent peut-être le mot de la plupart des énigmes que nous demandons à la logique seule de nous expliquer. Trois écrivains pourtant se sont élevés parfois au-dessus de cette vue étroite et mesquine. L’un, et nous en avons déja parlé, c’est Fénélon : mais on a vu qu’il fut arrêté dès ses premiers pas par l’autorité de l’église romaine, qui, chose bizarre, lui fit un crime d’avoir cru que l’homme pouvait aimer Dieu sans retour sur lui-même, sans vues égoïstes et sans calculs personnels1. Le second c’est J. J. Rousseau. Quelques-unes de ses phrases sont empreintes d’un sentiment religieux, pur, désintéressé, sans alliage de motifs terrestres. Mais Rousseau, s’agitant au milieu de mille pensées contraires, a rassemblé sur la religion, non moins que sur la politique, de discordantes et confuses hypothèses. Le plus affirmatif des hommes et le plus impatient de l’affirmation des autres, il a tout ébranlé, non qu’il voulût, comme on l’a dit, tout détruire, mais parce que rien ne lui semblait à sa place. Il a, dans sa force prodigieuse, arraché de leurs fondements antiques les colonnes sur lesquelles reposait, tant bien que mal, l’existence humaine ; mais architecte aveugle, il n’a pu, de ces matériaux épars, construire un nouvel édifice. Il n’est résulté de ses efforts que des destructions, de ces destructions qu’un chaos où il a laissé sa puissante empreinte2. M. de Montesquieu, enfin, aurait, par son esprit plus encore que par son ame, pu répandre sur ce qui tient à la religion des lumières nouvelles. Il ne pouvait approcher d’aucun objet sans entrevoir beaucoup de vérités, et comme toutes les vérités se tiennent, remontant des faits qu’il démêlait avec une sagacité admirable à la cause commune de ces effets nombreux, il eût peut-être aperçu le principe général à travers des modifications infiniment variées. Mais outre que le génie même ne devance son siècle que jusqu’à une certaine distance, M. de Montesquieu dans l’Esprit des Lois n’avait à examiner la religion qu’accidentellement : il n’en a dit que ce qu’il était forcé d’en dire. En lisant ce chef-d’œuvre du XVIIIe siècle, on croit voir l’auteur écartant les idées qui se pressent à lui jusqu’à l’importunité, comme Énée repoussait les ombres avec son épée pour se faire jour à travers la foule3. 17 place. ] place, Rel. I,2

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24 vérités, ] vérités ; Rel. I,2

anges, se trouve dans les Principes de politique (texte de 1806). Voir OCBC, Œuvres, t. V, pp. 285–286. Voir aussi le Registre violet, p. 4, note IV. Nouvelle allusion à l’ouvrage Explication des maximes des Saints sur la vie intérieure. Voir ci-dessus, p. 110, n. 2. Sur la doctrine de la religion de Rousseau, voir Kurt Kloocke, «Le sentiment religieux chez Rousseau et Benjamin Constant», Jean-Jacques Rousseau devant Coppet, Genève : Slatkine, 2012, pp. 105–123, et plus particulièrement pp. 106–111. BC s’appuie évidemment sur le livre XXIV, ch. 1, de De l’esprit des lois : «Comme dans

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La révolution française, produite parce que nous avions trop de lumières pour vivre sous l’arbitraire, a dévié de sa route parce que nous n’avions pas assez de lumières pour profiter de la liberté. Elle a déchaîné une mul titude qu’aucune méditation n’avait préparée à cet affranchissement subit. Elle n’a pas tardé à se transformer en une force matérielle, sans frein comme sans règle, dirigée contre toutes les institutions dont les imperfections l’avaient provoquée. La religion a été en butte à la persécution la plus exécrable. Il s’en est suivi ce qu’il devait s’ensuivre ; la réaction a éte´ d’autant plus forte que l’action avait été plus injuste et plus violente. Parmi les écrivains actuels de la France, plusieurs de ceux qui s’intitulent les défenseurs de la religion, hommes non moins ignorants de l’histoire que les démagogues leurs prédécesseurs, et non moins aveuglés sur les conséquences de toutes les mesures tyranniques, proposent, comme une découverte en faveur de la religion, de vieux attentats qui ont échoué sous François Ier, sous Philippe II, sous Marie d’Angleterre et sous Louis XIV. Misérables sophistes, non moins perfides envers les gouvernements qu’envers les peuples1 ! Ainsi la religion a été traitée en France d’une manière toujours partiale et souvent superficielle. Elle a tour à tour été défendue avec une pédanterie virulente et hostile, atta quée avec une animosité sans discernement.

8 qu’il ] qui Rel. I,2 tour-à-tour Rel. I,2

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forte ] forte, Rel. I,2

16 peuples ! ] peuples. Rel. I,2

18 tour à tour ]

cet ouvrage je ne suis point théologien, mais écrivain politique, il pourroit y avoir des choses qui ne seroient entièrement vraies que dans une façon de penser humaine, n’ayant point été considérées dans le rapport avec des vérités plus sublimes.» Et il ajoute : «A l’égard de la vraie religion, il ne faudra que très peu d’équité pour voir que je n’ai jamais prétendu faire céder ses intérêts aux intérêts politiques, mais les unir : or, pour les unir, il faut les connoître» (Pléiade, II, p. 714). BC pense, outre à La Mennais, à Antoine Ferrand, l’auteur de L’Esprit de l’histoire, ou lettres politiques et morales d’un père à son fils, Paris : Vve Nyon, 41805, ou à Louis de Bonald, dont il connaissait les opinions en matière de religion par les discours que ce dernier prononçait devant la Chambre des députés. Les faits historiques évoqués dans ce contexte sont les massacres des Vaudois en Provence (1545), tolérés par François Ier âgé ; les tentatives de Philippe II d’Espagne pour faire triompher la religion catholique dans toute l’Europe et les guerres qui en résultèrent ; la politique intérieure de Marie Ire Tudor (15161558), surnommée «la sanguinaire», épouse de Philippe d’Espagne, qui poursuit, dès avant 1554, une politique anti-protestante en Angleterre en faisant périr plus de 300 personnes sur le bûcher, entre autres Thomas Wyatt (1522–1554), Henry Grey, Ir duc de Suffolk et père de Jane Grey (1536–1554), l’épouse de John Dudley, duc de Northumberland (1504–1553), tous les quatre impliqués dans la rébellion contre Marie Tudor ; et finalement, les massacres de la Saint-Barthélemy.

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A-t-elle trouvé en Angleterre des partisans moins passionnés, ou des ennemis plus équitables1 ? Par une heureuse réunion de circonstances, le protestantisme, bien qu’établi de force sous Henri VIII, s’est, grace aux cruautés de Marie et aux tentatives impuissantes des Stuarts, identifié avec la constitution qui a fait long-temps l’orgueil de l’Angleterre. Mais il en est résulté que là, plus que chez aucune autre nation éclairée, la religion est une chose dogmatique a, inaccessible à toute discussion libre et impartiale. Warburton, Hurd, Tillotson2 ont l’esprit dominateur de Bossuet sans avoir son génie. L’E´glise anglicane est pour eux, ce qu’était pour l’évêque de a

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Cette disposition dogmatique met obstacle même aux recherches qui ont pour objet de connaître les opinions, et d’approfondir les antiquités des autres pays. «Que peut-on attendre», dit avec raison l’un des plus ingénieux critiques de l’Allemagne (M. Rhode, Ueber Alter und Werth einiger morgenlaendischer Urkunden), «que peut-on attendre de recherches dont les auteurs commencent par les mots suivants ? Ou les onze premiers chapitres de la Genèse sont vrais, ou notre religion est fausse. Or notre religion n’est pas fausse, donc les onze premiers chapitres de la Genèse sont vrais.» Sir W. Jones3 Asiat. Research. I, 225. Il est au reste tel incrédule qui s’est servi dans le sens opposé d’arguments tout aussi peu concluants. Le sophisme est de tous les temps et de toutes les sectes. Les passages sur les théologiens anglais des Lumières doivent être rapprochés de la première lecture de BC à l’Athénée royal en 1818, où beaucoup des noms qui seront évoqués par la suite sont déjà cités. BC reprend son texte parfois littéralement. Voir OCBC, Œuvres, t. XI, pp. 55–57. William Warburton (1698–1779), évêque de Gloucester, fut l’auteur de The Divine Legation of Moses (1737–1741), que BC cite plus loin ; voir ci-dessous, p. 200, n. 2. Quant au théologien et critique littéraire Richard Hurd (1720–1808), évêque de Worcester, il fit une édition en sept volumes des œuvres de son ami Warburton (1788), dont il défendait les positions anglicanes. – John Tillotson (1630–1694), archevêque de Canterbury, est connu avant tout pour ses sermons, qui ont fait époque dans l’histoire du protestantisme anglican. Contrairement à ce que suggère la remarque de BC, ses positions théologiques étaient modérées et pragmatiques. BC traduit en l’abrégeant un passage qui figure dans la «Vorrede» (pp. V–XIV) de Johann Gottlieb Rhode, Ueber Alter und Werth einiger morgenländischen Urkunden, in Beziehung auf Religion, Geschichte und Alterthumskunde überhaupt, Breslau : Wilibald August Holäufer, 1817. Après avoir souligné qu’il ne peut pas prendre en considération des historiens qui, à l’instar des théologiens, pensent que l’ensemble de l’histoire ancienne («die ganze ältere Geschichte») peut être trouvée dans le Pentateuque, il pose cette question rhétorique : «Denn was kann die Geschichte von Untersuchungen erwarten, bei denen man, mit dem berühmten W. Jones von dem Grundsatz ausgeht : ‘Entweder sind die elf ersten Kapitel der Genesis wahr, oder unsere National-Religion (die christliche) ist falsch. Nun aber ist das Christenthum nicht falsch, und folglich sind jene Capitel wahr.’» (p. VI). Sur Rhode voir aussi OCBC, Œuvres, t. XVIII, p. 60, n. 1. – La seconde partie de la citation de Rhode est la phrase de William Jones que BC relève à la suite de Rhode. Elle figure bien à l’endroit indiqué : voir William Jones, «On the Gods of Greece, Italy, and India : Written in 1784», Asiatick Researches : or, Transactions of the Society Insituted in Bengal for Inquiring into the History and Antiquities, the Arts, Sciences, and Literature, of Asia, Calcutta et Londres : printed at the Honorable Company’s Press, by Thomas Watley, t. I, 1788, pp. 221–275, ici p. 225. BC a probablement utilisé l’édition Calcutta des Asiatick Researches et non pas la

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Meaux l’E´glise de Rome, avec cette différence qu’en eux l’intolérance est plus absurde, puisque, en contestant à d’autres le droit d’être hérétiques, ils abdiquent celui d’être protestants. Les écrivains d’un ordre inférieur ont en général plus d’érudition classique que nos théologiens, mais leur point de vue n’est pas plus large. Ils ne pénètrent pas mieux dans l’esprit des siècles antiques et des peuples lointains, leur philosophie n’est pas plus libérale, leur logique ne s’agite pas dans un cercle moins vicieux. Les sectaires anglais ont sans doute répandu quelque clarté sur l’histoire des premiers siècles du christianisme. Toute lutte fait toujours jaillir un peu de lumière. Mais ces dissidents, soumis autant que les orthodoxes à l’esprit dogmatique qui caractérise la nation entière, ne sortent point de l’enceinte tracée par le dogme, c’est dans cette enceinte qu’ils s’agitent. Ils combattent pour des interprétations, et ce sont encore là de ces disputes où tous les partis ayant adopté des bases communes, aucun ne s’occupe des vérités primordiales, le sujet de la querelle n’étant qu’une conséquence de plus ou de moins à tirer de ce qu’on a d’avance proclamé comme étant la vérité. Parmi les incrédules, plus mal vus en Angleterre qu’ailleurs, parce que les Anglais se souviennent que l’un des moyens employés par Charles II pour détruire la liberté nationale, était de verser le ridicule sur la religion, parmi les incrédules, disons-nous, Collins, Tindall, Woolston, et plus tard Toulmin n’occupent qu’un rang subalterne1. Nous passons à dessein Hobbes sous silence : la religion lui paraissait un moyen de tyrannie, et il la ménageait sans y croire. Il ne peut être considéré comme son ami, car il la déshonore ; ni comme son ennemi, car il la recommande2. Toland doit tout 19 religion, ] religion ; Rel. I,2

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21 Toulmin ] Toulmin, Rel. I,2

réimpression «verbatim» de Londres, car il écrit «Asiatick», orthographe particulière à l’édition de Calcutta («Asiatic» dans la réimpr. de Londres.) BC a pris des notes de lecture des Asiatic researches et de l’article de Jones en particulier ; voir BCU, Co 3293, nos 3 et 7. Dans cette phrase BC établit d’abord un lien entre la restauration que marque l’avènement du roi Charles II (1660–1685) et l’incrédulité de trois déistes et libre-penseurs anglais : Anthony Collins (1676–1729), auteur entre autres de A Discourse of Free-Thinking (1713), Matthew Tindal (1653?–1733), auteur entre autres de Christianity as Old as the Creation (1730), et Thomas Woolston (1670–1733), auteur entre autres de six discours sur les miracles de Jésus-Christ qui firent scandale. BC mentionne ensuite Joshua Toulmin (17401815), qui était un théologien anglais et un pasteur non-conformiste («dissenter») d’orientation d’abord presbytérienne, puis baptiste. Toulmin sympathisa ouvertement avec les révolutions américaine et française. Thomas Hobbes (1588–1679) subordonne le pouvoir religieux au pouvoir politique dans son célèbre ouvrage Le Léviathan (Leviathan or The Matter, Forme and Power of a Common Wealth Ecclesiasticall and Civil, 1651). Dans ce livre, l’auteur légitime la fondation du pouvoir non plus sur des principes théologiques, mais sur une pure convention. De plus, il prétend que le message biblique n’exige du peuple que deux choses : l’obéissance au souverain, qui décide des questions religieuses, ainsi que la foi dans quelques dogmes simples. Voir aussi OCBC, Œuvres, t. XI, p. 56, n. 3.

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son mérite à Spinosa. Shaftesbury, Bolingbroke, Cherbury et Hume, sont les seuls écrivains de cette classe qui aient une valeur réelle. Mais ils ont aussi tous les défauts des philosophes français, la déclamation, les épigrammes, l’amertume, les insinuations malveillantes, les récits altérés sans scrupule, ou mutilés avec artifice1. Dans son histoire naturelle de la religion, Hume a apporté beaucoup d’esprit, peu de connaissances approfondies, une ironie assez habile par son apparente douceur, une plaisanterie souvent piquante ; mais son ouvrage n’en est pas moins très-indigne de la gravité du sujet2. Gibbon a gâté son érudition immense, ses recherches infatigables, la finesse souvent remarquable de ses aperçus, et l’impartialité qu’il s’impose quand la partialité serait devinée, par une adresse quelquefois perfide, lorsqu’il croit pouvoir l’employer impunément, par une absence complète de sympathie avec l’enthousiasme, condition sans laquelle on est incapable de

2 réelle. Mais ] réelle ; mais Rel. I,2 1

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12 quelquefois ] quelque fois Rel. I,2

Comme nous l’avons dit dans une note pour expliquer un passage des Lectures à l’Athénée royal (OCBC, Œuvres, t. XI, p. 56), les noms qui apparaissent dans ce contexte correspondent à ceux qu’on trouve dans John Leland, A View of the Principal Deistical Writers that Have Appeared in England in the Last and Present Century : with Observations upon Them and Some Account of the Answers that have been Published Against Them. In Several Letters to a Friend. [...] The third Edition, Corrected and Enlarged. With a Large Index to the Three Volumes, London : B. Dod, 1756. Il est très probable que BC ait utilisé une des éditions de ce livre, d’autant plus qu’il possédait une traduction partielle en allemand de cet ouvrage dans sa bibliothèque, Lelands Erweis der Vortheile und Nothwendigkeit der christlichen Offenbarung aus dem Religionszustand der alten heidnischen Völker : in einem deutschen Auszug ; mit einer Vorrede von C. W. F. Walch und eigenen Abhandlungen, herausgegeben von Ludwig Gottlieb Crome, Gotha : Dietrich, 1769. – Anthony Ashley Cooper (1671–1713), 3e comte de Shaftesbury, philosophe, écrivain et homme politique anglais, qui soutint que toutes choses s’inscrivent dans un ordre cosmique harmonieux qui est le signe d’une conception divine. – Henry Saint John Bolingbroke (1678–1751), homme politique et philosophe anglais, fut un précurseur du déisme philosophique. – Edward Herbert of Cherbury (1583–1648), historien, poète et philosophe anglais. Son œuvre la plus connue est le De veritate, prout distinguitur a revelatione, a verisimili, a possibili, et a falso (On truth, as it is Distinguished from Revelation, the Probable, the Possible, and the False, 1624). Comme nous l’avons vu (voir ci-dessus, p. 90, n. 2), BC reproche à Hume son approche empiriste de la religion, dont la première cause serait la «peur», «l’ignorance», etc. Voir Hume, «The Natural History of Religion», dans Hume, Four Dissertations, London : A. Millar, 1757, pp. 1–117. A maintes reprises, Hume souligne le rôle fondamental qui revient à l’ignorance et l’égoïsme de la foule dans la genèse des idées religieuses (voir p. ex. p. 54 et pp. 112–117). On remarquera que la pensée de Hume est plus nuancée que ne le dit BC : Hume admet bien la possibilité d’un théisme philosophique, mais celui-ci est le privilège d’une petite minorité. Plus loin, BC fait d’ailleurs sien un des arguments de Hume (voir cidessous, p. 295, n. 1).

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décrire une religion naissante, et par une révoltante indifférence pour le courage et le malheur1. Thomas Payne n’a fait que reproduire dans un style trivial et souvent grossier, la métaphysique superficielle du baron d’Holbach. Par une erreur trop commune, il a cru voir dans la religion une ennemie de la liberté qu’il chérissait sans la bien comprendre, et comme il exagérait les principes de l’une, il a méconnu la nature de l’autre2. Godwin, bien plus profond et plus ingénieux que Payne dans le développement d’idées politiques, parfois chimériques, ne s’élève guère au-dessus de lui quand il écrit sur la religion. Dominé par les préjugés d’une philosophie vulgaire, on dirait qu’il abdique la pénétration qui lui est habituelle, et, dans ses attaques contre un sentiment qu’on ne peut détruire, il semble ignorer le cœur humain qu’il décrit ailleurs avec une fidélité remarquable3. Le dogme et l’incrédulité brutale ou frivole se partagent donc aujourd’hui encore les esprits en Angleterre ; mais ni le dogme ni l’incrédulité ne parlent à l’ame, et l’essence de la religion ne réside ni dans les subtilités de l’un ni dans les abstractions de l’autre. En examinant attentivement la disposition religieuse des deux pays sur lesquels nous venons de diriger nos regards, on pourrait remarquer une certaine analogie ; mais il faut l’observer de près pour la découvrir : les sectaires anglais sont gênés dans l’agitation reli gieuse qu’ils ressentent par la lettre du dogme dont ils voudraient ne pas s’écarter. La génération qui 6 comprendre, ] comprendre ; Rel. I,2 9 parfois ] la source porte par fois faute évidente que 14 dogme ] dogme, Rel. I,2 frivole ] frivole, Rel. I,2 nous corrigeons Rel. I,1 21 ressentent ] ressentent, Rel. I,2 1

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Edward Gibbon (1737–1794) est un historien britannique dont l’œuvre principale l’Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain (The History of the Decline and Fall of the Roman Empire) contient six volumes, parus entre 1776 et 1788. Notons qu’elle traite principalement des invasions barbares qui ont contribué à la chute de Rome. Gibbon explique cette dernière en affirmant que la foi chrétienne a affaibli la «civilisation» et ainsi a permis le passage à un état barbare. C’est ce lien entre barbarie et religion que la citation de Gibbon, issue du chapitre LXXI de The History of the Decline and Fall of the Roman Empire, résume : «I have described the triumph of barbarism and religion» (t. III, ch. LXXI, p. 1068). BC reproche à Gibbon un certain discours historiographique qu’il adopte dans cette œuvre. En effet, BC ne peut admettre que Gibbon présente la religion comme une superstition et qu’il associe le christianisme au péché. Thomas Payne (1737–1809), homme politique et pamphlétaire américain, est l’un des théoriciens de la Révolution américaine. Il est également l’auteur d’un traité déiste, pamphlet contre le christianisme, The Age of Reason (Le Siècle de la raison), publié en trois parties (1794, 1795 et 1807). BC pense a` W. Godwin, An Enquiry Concerning Political Justice and its Influence on General Virtue and Happiness, Book VI, chap. II, «Of Religious Establishments» et chap. III, «Of the Suppression of Erroneous Opinion in Religion and Government» (OCBC, Œuvres, t. II/1, pp. 675–683). Pour la traduction de BC voir OCBC, Œuvres, t. II/1, pp. 247255 et t. II/2, pp. 1290–1299.

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s’élève en France est arrêtée dans le besoin religieux qu’elle commence à éprouver, d’un côté, par une tradition d’incrédulité qui est devenue une espèce de dogme philosophique dont cette génération n’ose encore s’affranchir, et de l’autre, par l’alliance fâcheuse de la religion et de la politique. Ces causes entravent chez nous et chez nos voisins le développement du sentiment religieux. L’Allemagne protestante nous offre un spectacle plus satisfaisant. Les Allemands ont le grand mérite, ou le grand bonheur, de reconnaître presque tous une vérité fondamentale, sans laquelle on ne découvre rien de vrai, on n’établit rien de bon. Cette vérité, c’est que tout est progressif dans l’homme. Aucune de ses notions ne reste au même point ; elles se développent malgré les résistances, se font jour à travers les obstacles ; et, à la fin de chaque espace de temps un peu long, elles se trouvent avoir subi des modifications, reçu des améliorations essentielles. De toutes les vérités, celle-ci est la plus repoussée en France. Nous avons une certaine satisfaction de nous-mêmes, qui nous fait croire que, précisément à tel moment donné, nous sommes arrivés à la perfection, et que, désormais, il faut que l’espèce humaine s’arrête et nous admire. Les Allemands, moins contents d’eux dans le présent, moins envieux de leurs successeurs dans l’avenir, savent que chaque génération est placée comme un point dans la vaste série des choses humaines, pour profiter de ce qui a été fait, et pour préparer ce qu’il y a à faire. Les formes sociales, politiques, religieuses, leur paraissent ce qu’elles sont, des secours indispensables à l’homme, mais qui doivent se modifier quand lui-même se modifie ; et cela seul est une excellente donnée pour juger de la religion. Une circonstance particulière a contribué depuis cent ans à les confirmer dans cette disposition, et à les faire avancer dans cette route. Le protestantisme était autrefois en Allemagne ce qu’il est encore aujourd’hui en Angleterre, une croyance aussi dogmatique que le catholicisme dont les réformateurs s’étaient séparés. Les ministres des deux com munions dissidentes oubliaient que leurs chefs n’avaient pu justifier leur réforme, qu’en proclamant la liberté des opinions en matière de culte. Par une inconséquence absurde et cruelle, dont au reste leurs premiers modèles leur avaient donné l’exemple, ils s’indignaient des bornes que voulait tracer l’église romaine ; mais ils se prétendaient autorisés à en poser de non moins arbitraires. Ils réclamaient la liberté pour eux et la refusaient à leurs ennemis. Ils déclamaient contre l’injustice et le ridicule de l’intolérance, et ils s’en servaient. Frédéric II monta sur le trône. La littérature de son pays était dans l’enfance. Il accorda toutes ses faveurs à des lettrés français. Ces lettrés, si l’on 7 un ] uu Rel. I,1

28 encore ] eneore Rel. I,1

39 le ] manque Rel. I,2

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excepte Voltaire qui ne put vivre long-temps dans une atmosphère de protection et de dépendance, étaient médiocres et subalternes, comme tous les écrivains qui condescendent à former le cortége du pouvoir. Race vaniteuse et ambitieuse d’effet, ils avaient fondé leur renommée en France sur une incrédulité superficielle et dénuée de cet esprit d’investigation sérieuse qui, suivant qu’on envisage la question, motive ou excuse l’incrédulité. Appelés à une cour étrangère, ils portèrent avec eux, comme des artistes, cette incrédulité, portion obligée de leur bagage, instrument de leurs succès. Le christianisme se vit en butte à des assauts continuels de la part du monarque philosophe, de ses flatteurs dociles et de ses imitateurs empressés. Tous les côtés qui paraissent faibles furent exposés sans ménagement ; toutes les légendes furent livrées au plus amer ridicule1. A ces lettrés français, audacieux par ordre, impies par culte pour le pouvoir, se joignirent quelques littérateurs allemands, bien supérieurs à leurs tristes modèles. De là naquit cette école de Wieland en vers, de Nicolaï en prose, et Lessing lui-même, que nous rougirions de comparer sous le rapport de la bonne foi, de l’érudition et du génie, aux marquis d’Argens et aux Lamettrie, sembla quelquefois s’en rapprocher2. Les vexations de l’autorité 1 Voltaire ] Voltaire, Rel. I,2 1 2

16 prose, ] prose ; Rel. I,2

Frédéric II, tolérant mais peu enclin à la religion, avait rassemblé à sa cour non seulement Voltaire, mais aussi Maupertuis, La Mettrie, tous connus pour leurs pamphlets antireligieux. Christoph Martin Wieland (1733–1813) est un important écrivain et poète de l’Aufklärung en Allemagne et l’auteur de pièces de théâtre et de contes en vers. C’est à cela que doit faire référence «l’école de Wieland en vers» dont parle BC. Notons également que Wieland a vécu une jeunesse piétiste et sentimentale, une période de mutation rationaliste, suite à quoi il a développé une philosophie harmonieuse, tolérante et humaniste. BC le rencontra en 1804 à Weimar. Sur BC et Wieland, voir : OCBC, Œuvres, t. VI, entre autres pp. 41, 71 (J.I., 23 janvier 1804 et 18 février 1804). – Friedrich Nicolai (1733–1811), critique allemand, est un acteur emblématique du déisme rationaliste et populaire typique du siècle des Lumières. Plus qu’à ses écrits, on prêta attention à l’éditeur et animateur de nombreuses revues littéraires, critiques et encyclopédiques, telles que les Lettres littéraires et l’Allgemeine deutsche Bibliothek. Il fut même considéré comme étant le meneur des philosophes éclairés de Berlin. Sur BC et Nicolai, voir OCBC, Œuvres, t. VI, pp. 196–198 (J.I., 25 août 1804). Gotthold Ephraim Lessing (1729–1781), écrivain, critique littéraire et dramaturge allemand rationaliste, fut également au service d’une philosophie des Lumières. Rejetant le modèle de la tragédie française, il chercha à définir une nouvelle conception du théâtre et de l’art. Dans un certain nombre de ses œuvres, il expose un déisme rationaliste. Dans son traité Über die Wirklichkeit der Dinge ausser Gott (Sur la réalité des choses en dehors de Dieu), il apparaît que sa philosophie religieuse doit beaucoup à Spinoza. Sa propre philosophie des religions est exprimée d’une part dans les Gespräche für Freimaurer (Dialogues maçonniques) ainsi que dans Die Erziehung des Menschengeschlechts (L’E´ducation du genre humain). Dans ce dernier ouvrage religieux et philosophique, il décrit la marche de l’humanité, qui s’est effectuée en fonction de révélations successives depuis le polythéisme des premiers temps, qui s’est ensuite développé en monothéisme mosaïque, duquel a émergé la religion du

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dans plusieurs principautés allemandes fournissaient aux adversaires de la religion plus que des prétextes. Des professeurs dénoncés par leurs opinions, des prédicateurs poursuivis pour hétérodoxie, indiquaient le besoin de plus de liberté intellectuelle ; et l’odieux des persécutions rejaillissait sur les idées que les persécuteurs prétendaient venger1. Mais l’esprit allemand, méditatif par nature, trop grave pour être long-temps distrait par des plaisanteries, trop plein de candeur pour sacrifier à des applaudissements ce qui lui semblait vrai, le caractère allemand enclin à l’enthousiasme et ne trouvant de bonheur dans la religion comme dans l’amour, que par l’exaltation et la rêverie, répugnaient l’un et l’autre à des doctrines arides, tranchantes, devenues dogmatiques, et n’alléguant pour preuves que des sarcasmes dont tout homme équitable sentait l’injustice, et des faits que tout homme instruit savait n’être pas exacts. En conséquence, beaucoup de défenseurs de la croyance menacée se présentèrent. Par une suite de la liberté que Frédéric laissait aux écrits, les nouveaux apologistes de la religion plaidèrent sa cause chacun à sa manière. De là, des dissidences essentielles, bien qu’inapperçues, entre ces soldats d’une armée sans chef. Les uns s’attachèrent à l’ancien système et l’appuyèrent, comme ils le purent, sur ses colonnes ordinaires, les miracles et les prophéties. Les autres, renonçant à ces ressources, se restreignirent à la partie purement morale, et jetèrent dans une sorte de lointain obscur, la partie historique, traditionnelle, et surtout miraculeuse2. Ceci néanmoins ne se fit pas tout à coup. Cette marche n’était qu’une retraite honorable, où l’on n’abandonnait les différents postes que successivement, et pour pouvoir mieux garder les autres. Ce qui se nomma plus tard des perfectionnements, semblait alors des sacrifices. 2 par ] pour Rel. I,2 coup. Rel. I,2

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17 qu’inapperçues, ] qu’inaperçues, Rel. I,2

24 tout à coup. ] tout-à-

Christ, qui a ouvert un second état moral de l’humanité. Finalement, les hommes, pleinement conscients de ce qu’ils peuvent, feraient le bien pour lui-même. Sa théorie est très proche de celle de BC. (Voir Kloocke, «Benjamin Constant et l’Allemagne», ABC, 27, 2003, p. 133.) Jean-Baptiste de Boyer, marquis d’Argens (1704–1771), écrivain français, est l’auteur de pamphlets contre le christianisme qu’il publia en Hollande ou` il s’était réfugié, avant de devenir le protégé de Frédéric II. Il est l’auteur de Lettres juives, chinoises, et cabalistiques. Julien Offray de La Mettrie (1709–1751), médecin et philosophe matérialiste, est l’auteur de L’Homme machine (1747), œuvre dans laquelle la théorie cartésienne des animaux-machines est appliquée à l’homme. BC résume ici la position de certains des néologues, notamment celle de Johann August Eberhard, que celui-ci expose dans son ouvrage Neue Apologie des Sokrates, Berlin : Nicolai, 1772–1778. BC parle ici d’une particularité caractéristique des néologues. Voir sur ce groupe important de théologiens l’ouvrage qui fait autorité : Karl Aner, Die Theologie der Lessingzeit, Halle : Niemeyer, 1929.

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Mais Frédéric II étant mort, l’autorité adopta sur la religion un système contraire à celui de ce prince. Elle voulut réunir sous une bannière commune les théologiens épars. Ceux qui refusèrent d’entourer cette bannière furent en butte aux reproches des hommes restés fidèles aux dogmes antiques. On leur fit un crime de leurs transactions, et voila` que leurs sacrifices leur furent imputés comme apostasie1. Les partis exagérés sont en religion comme en politique ; des édits de persécution parurent dictés par des spectres et émanés du fond d’un sérail. Beaucoup d’auxiliaires zélés du christia nisme furent de la sorte déclarés ses ennemis. Ils n’acceptèrent point ce titre, et de leurs efforts pour le repousser, combinés avec l’impossibilité où ils étaient de reprendre les doctrines qu’ils avaient, sinon désavouées, du moins délaissées, se forma un système, dans lequel se trouve, obscur et informe, le germe d’une idée que nous croyons éminemment juste. L’homme, dans ce système, sorti des mains de la suprême puissance, a été guidé par elle dès ses premiers pas. Mais le créateur a proportionné ses secours à la position et aux facultés de ses créatures. La religion juive a conduit les Hébreux jusqu’au moment où elle a réussi à les rendre susceptibles d’une croyance plus épurée. Le christianisme alors a remplacé la loi de Moïse. La réformation a mis le christianisme d’accord avec les lumières d’un siècle postérieur. D’autres améliorations viendront un jour réformer encore la réforme a. Nous laissons de côte´ le surnaturel admis par ce a

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C’est en conséquence de ce système qu’à l’époque dont nous parlons l’Allemagne vit se multiplier les traités sur la condescendance de Dieu envers les hommes, sur la marche graduelle des révélations, sur l’éducation du genre humain2, sur le christianisme enfin adapté aux besoins du temps. Pour donner une idée de la pensée dominante qui présidait à tous ces écrits, nous rapporterons les raisonnements de ces théologiens sur les miracles. «Les miracles, disaient-ils, soit qu’ils aient été des choses surnaturelles ou seulement des phénomènes naturels, mais dont la cause était inconnue aux hommes ignorants qui les

10 titre, ] titre ; Rel. I,2 1

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BC évoque dans ce passage assez énigmatique la querelle provoquée après la mort de Frédéric II par l’édit du ministre d’E´tat Johann Christoph von Wöllner (1732–1800), émis en 1788 pour mettre fin aux pratiques libérales de la théologie protestante des Lumières. Ce qu’on désigne sous le nom de «Wöllnersches Religionsedikt» concernait aussi les publications philosophiques, comme on peut le déduire des précautions employées par Kant au moment où il allait publier son ouvrage Die Religion innerhalb der Grenzen der bloßen Vernunft (Königsberg : Friedrich Nicolovius, 1793). Car l’édit fut renforcé à partir du mois de décembre 1788 par l’installation d’une censure défendant les positions de l’orthodoxie protestante. L’édit de Wöllner fut révoqué en 1797. BC utilise aussi cet exemple dans ses écrits sur la liberté de la presse. La formule choisie par BC («l’éducation du genre humain») est la traduction littérale du titre du dernier écrit de Lessing, Die Erziehung des Menschengeschlechts (Berlin : s.éd., 1780).

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système, surnaturel restreint, qui doit mécontenter les dévots et déplaire aux philosophes. Mais nous pensons qu’il contient, comme nous l’avons contemplaient, les miracles ont été des preuves valables et nécessaires dans le temps où ils ont eu lieu. L’espèce humaine était trop peu éclairée pour être convaincue par des arguments ; il lui fallait des preuves plus frappantes et plus courtes. Il nous en faut aujourd’hui d’un autre genre. C’est par la logique, la morale, le sentiment du beau et de l’honnête qu’on peut nous convaincre. Les miracles ne doivent pas être contestés, mais écartés.» Ils en disaient autant des mystères et des prophéties. Un fait remarquable, c’est que la même idée s’était présentée à un Anglais un siècle plus tôt. Il avait avancé qu’on pouvait calculer la durée d’une religion d’après la diminution graduelle de son analogie avec les opinions et les intérêts contemporains. JOHN CRAIGS, Theologiæ christianæ principia mathematica. Lond. 1689, in–4o, Leip. 17551. Mais l’esprit dogmatique des Anglais avait repoussé, comme impie, cette hypothèse ; elle a pris, au contraire, en Allemagne un caractère éminemment religieux. «Comme établissement extérieur, dit un de ses défenseurs en 1812, le christianisme est soumis avec le temps à des modifications et des changements inévitables, mais le fond de la doctrine n’a rien à redouter de ces changements. Elle en paraîtra au contraire plus sublime et plus divine. Quelque forme qu’elle revête, les idées fondamentales et éternellement vraies de cette religion, seront toujours plus clairement exprimées. Les formes du judaïsme ont survécu à son esprit au bout de deux mille ans. L’esprit du christianisme survivra à ses formes en en

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10 plus tôt. ] plutôt. Rel. I,1 1

19 formes ] formes, Rel. I,2

BC mentionne les deux éditions de l’ouvrage de Craig ; nous citons d’après la seconde. – Dans le but de valider, par l’intermédiaire de calculs mathématiques, certaines vérités chrétiennes contre les agnostiques, Craig se propose d’établir ‘more geometrico’, les règles de la probabilité historique («probabilitas historica») : d’abord celle de toute histoire transmise par voie orale (Caput I), puis celle de toute histoire transmise par voie écrite (Caput II). Le principal argument de Craig est le suivant : étant donné que la probabilité historique de l’histoire écrite est largement supérieure à celle de l’histoire transmise par voie orale, et que la probabilité de celle-ci ne s’évanouit jamais entièrement, la probabilité de celle-là ne s’évanouit pas non plus à un moment déterminé («quia historia scripta maiorem longe probabilitatem habet, quam historia per viuam vocem tradita ; & quia huius probabilitas nunquam euanescit [...], sequitur illius etiam probabilitatem in nullo tempore dato penitus euanescere», Theologiæ christianaæ principia mathematica, Lipsiæ : Apud Hæredes Lankisios [Lankisch], 1755, pp. 53–54). Mais elle diminue de manière continue, jusqu’à finalement devenir minime («perexigua», p. 54). Pour calculer ce moment où la probabilité perceptible disparaît («perit», p. 54), Craig formule des hypothèses mathématiques qu’il applique ensuite à l’E´vangile. Il arrive aux résultats suivants : à présent, la probabilité de l’histoire du Christ est aussi grande que celle qui, du vivant du Christ, se serait présentée à quelqu’un qui aurait reçu cette histoire par voie orale uniquement (c’est-à-dire des 28 disciples du Christ). Mais il est nécessaire que le Christ revienne avant que, à partir de maintenant, 1454 ans ne s’écoulent, car c’est alors que la probabilité de son histoire disparaîtra («illa peribit, elapsis a nostro tempore annis 1454», p. 55). Les hypothèses, les calculs et les résultats de Craig sont purement mathématiques ; nulle part, il ne parle de la religion en général ni de son «analogie avec les opinions et les intérêts contemporains». BC adapte donc l’argument de Craig à sa propre théorie. Un large extrait de l’ouvrage de Craig,

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dit, le germe d’une pensée neuve et importante : nous la développerons tout à l’heure1. Achevons ici de rechercher dans quel état religieux se trouve l’Allemagne. Le système que nous venons d’exposer est consolant et noble. Il n’aurait plus qu’un pas à faire pour écarter de la religion cette tendance étroite et hostile qui suppose la vérité un don du hasard ou du caprice, et condamne à prenant d’appropriées à chaque situation intellectuelle et sociale de l’espèce humaine.» Journ. littér. de IE´ NA, 3 septembre 18122. Ce systême se rapproche sous quelques rapports de la doctrine indienne sur les incarnations successives qui ont lieu toutes les fois que Dieu veut faire connaître aux hommes la vérité. Il est assez remarquable qu’on retrouve une idée analogue dans une hypothèse juive. Les Juifs attribuaient la même ame à Adam, à Abraham et à David, et croyaient que cette ame sera celle du Messie. BARTHOLOCCI, Biblioth. Rabbin3. Ils prétendaient encore qu’il ne fallait point distinguer Élie de Phinès, fils du grand prêtre Éléazar, et que le prophète qui a vécu parmi les hommes, tantôt sous le nom de Phinès, tantôt sous celui d’E´lie, n’était point un homme, mais un ange toujours le même qui s’incarnait pour donner ses conseils au peuple de Dieu. ORIG. TRACT. VII4. – ÆGIDIUS CAMART, De rebus gestis Eliæ5. 13 Bartholocci, Biblioth. Rabbin. ] (Bartholocci, Biblioth. Rabbin.) Rel. I,2 tre ] grand-prêtre Rel. I,2 17 même ] même, Rel. I,2

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14 grand prê-

accompagné d’une traduction anglaise, a été publié dans History and Theory. Studies in the Philosophy of History, Beiheft 4, 1964. C’est une des remarques en partie voilées où BC annonce, d’une manière très discrète, ses rapports avec la théologie et la philosophie allemande des Lumières. Il vise ici surtout les théologiens autour de Semler. Voir ci-dessous, p. 341, n. 11. Voir Jenaische allgemeine Literaturzeitung, année IX, no 176, 3 septembre 1812, p. 373. La traduction par BC du texte allemand, un compte rendu de plusieurs ouvrages théologiques, signé H. H., est parfois assez libre, avec des omissions non indiquées, mais elle rend malgré tout compte de l’essentiel de la prise de position de l’auteur. Renvoi à un ouvrage de référence de Giulio Bartolocci (1613–1687), sans doute copié dans une source que nous ne connaissons pas. Giulio Bartolocci, Bibliotheca magna rabbinica de scriptoribus et scriptis Hebraicis ordine alphabetica Hebraice et Latine digestis, auctore D. Iulio Bartolocci De Celleno Congregationis S. Bernardi Reformat. Ord. Cisterciensis, & S. Sebastiani ad Catacumbas Abbate, Roma : Sacra congr. de propaganda fide, 1675. – Voir l’ébauche de cette note dans le Registre violet, p. 150, note CCCXXIII et dans le Repertory, note 169. Voir le Repertory, note 170. BC renvoie de manière un peu vague à l’ouvrage d’Origène, Tractatus Origenis de libris SS. scripturarum, en l’occurence à un passage du commentaire sur l’évangile selon Saint Jean, livre VI (et non VII), alinéa 83, où l’on trouve : «Indeed concerning a change of name, I do not know for what reason the Hebrews have a tradition as related in the scret teachings that Phinees, the son of Eleazer, who admittedly prolonegd his life under many judges, as we have read in the book of Judges, is himself Elias» (Commentary of the Gospel according to John, Books 1–10, translated by Ronald H. Heine, Washington : The Catholic University of America Press, 1989, pp. 191–192). Origène ne parle pourtant pas d’un ange dans ce contexte. BC renvoie à l’ouvrage de Gilles Camart, Elias Thesbites Sive De Rebus Eliæ Prophetæ Commentarius posthumus Reverendissimi Patris Ægidii Camarti Retheliensis Ordinis Mi-

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des peines éternelles ceux qui, sans leur faute, ont été privés de cette vérité a. Mais indépendamment de l’absence de toutes les preuves historiques, métaphysiques et morales, ce système, empreint de l’anthropomorphisme, qui est l’endroit faible de toutes les croyances, ne saurait satisfaire, ni l’esprit qui exige la démonstration, ni le sentiment qui aime à revêtir l’être qu’il adore d’une bienveillance et d’une bonté sans bornes. Annonce´ comme une révélation, il pourrait triompher des objections et des doutes : et le plus belliqueux des prophètes a proclamé, comme source de sa mission divine, une idée à peu près analogue1. Mais proposé par un homme à d’autres hommes, il doit, ainsi que toutes les conjectures humaines, flotter au hasard dans cet océan de conjectures où elles s’engloutissent, pour reparaître quand l’oubli leur a rendu l’air de la nouveauté. Aussi les Allemands, au bout de quelques années, ont-ils traversé cette hypothèse pour en embrasser une plus vaste, et, sous quelques rapports, plus satisfaisante. Forcés de l’exprimer en peu de mots, pour la rendre sensible, nous demandons aux lecteurs français pardon de l’obscurité qu’ils pourront y trouver au premier coup d’œil. Cette obscurité se dissipera peut-être, et nous espérons qu’ils verront que le nuage renferme une idée. a

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Considérer toutes les religions comme des manifestations de la divinité proportionnées aux lumières et aux mœurs des peuples, c’est établir entre la Providence et les hommes des rapports qui font de toutes les vertus et de toutes les connaissances humaines un sujet de gratitude et d’amour. Les Grecs ont été libres, éclairés, heureux. Les Romains, malgré leur soif de conquêtes, fruit d’abord de la nécessité, puis de l’habitude et de l’amour du pouvoir, et malgré l’atrocité trop fréquente de leur politique extérieure, nous offrent le tableau de l’homme perfectionné, de ses facultés, de son courage, de son patriotisme, de toutes les vertus mâles et grandes, portées au-delà, peut-être, de ce qu’aujourd’hui nous pouvons concevoir. La religion qui avait tant d’influence sur ces deux peuples, et qui par conséquent a dû contri buer à leur perfectionnement, ne peut-elle pas être considérée comme un bienfait de la Providence ? Cette Providence à laquelle on devrait ces révélations successives, toujours plus pures et plus salutaires, ne se montre-t-elle pas à nous sous des traits dignes de sa justice et de sa bonté ? N’est-il pas doux de voir cette bonté et cette justice veiller sur la liberté d’Athènes, sur le patriotisme de Sparte, sur le dévouement de Rome république ; inspirer Socrate ; encourager Timoléon ; appeler à elle Caton d’Utique ; armer Brutus ; soutenir la fermeté de Sénèque ?

21 divinité ] Divinité Rel. I,2

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nimorum nuper Generalis. In Quo De Ipsius Eliæ Origine, Persona, Nomine, Patria, Officio, Israëlitarum religione & alijs, pleraque seitu digna eruuntur, disputantur. Cum Indice Quadruplici, Parisiis : Apud Sebastianum Cramoisy, 1631. BC n’a pas consulté cet ouvrage dont il a trouvé la référence dans l’article «Elie» du dictionnaire de Bayle. Voir le Registre violet, seconde partie, note CXLIV. BC pense évidemment à Mahomet (vers 570–632), non seulement prophète mais aussi homme politique, législateur et chef militaire, qui fonda son message religieux sur des révélations.

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La religion, disent les partisans de ce nouveau système, est la langue universelle de la nature, exprimée par différents signes, différents dogmes, symboles et rites. Tous les peuples, ou du moins chez tous les peuples, la classe éclairée, c’est-à-dire les prêtres, ont parlé cette langue. Les diversités qu’on croit remarquer ne sont que des anomalies passagères, des formes peu importantes, que celui qui veut connaître et juger la religion doit écarter, pour se faire jour jusqu’à l’unité réelle et mystérieuse dans laquelle elles viennent se confondre comme dans un centre. Ce point de vue nouveau, sous lequel l’Allemagne savante considère aujourd’hui la religion, a été d’une immense utilité. On lui doit depuis quelques années d’admirables découvertes sur les rapports des religions entre elles, sur les communications des peuples, sur le lien commun des mythologies. On lui doit de connaître l’antiquité dans sa profondeur et dans son charme. Nos érudits avaient étudié les monuments et les traditions des temps écoulés, comme les couches d’un monde sans vie, ou les squelettes d’espèces détruites. Les Allemands ont retrouvé dans ces traditions et ces monuments la nature de l’homme ; cette nature, toujours la même, bien que diversifiée, et qu’en conséquence il faut prendre pour la base vivante de toutes les recherches et de tous les systêmes. La Grèce et l’Orient dans les écrits de Fréret, de Dupuis, de Sainte-Croix, ressemblent à des momies desséchées1. Sous la plume de Creutzer et de Görres, ces arides momies deviennent d’élégantes et admirables statues, dignes du ciseau de Praxitèle et de Phidias2. 7 jour ] jour, Rel. I,2 1

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Le jugement sévère de BC est quelque peu contredit par les renvois fréquents aux études de Nicolas Fréret, publiées dans les Mémoires de Littérature tirez des Registres de l’Académie des Belles Lettres et Inscriptions, et aux quatre volumes de l’ouvrage de Charles-François Dupuis, Origine de tous les cultes ou Religion universelle, Paris : H. Agasse, an III (1795), ainsi qu’à l’ouvrage de Guilhem de Clermont-Lodève, baron de Sainte-Croix, Recherches historiques et critiques sur les mystères du paganisme, [...], 2e édition revue corrigée par M. le Bon Silvestre de Sacy, Paris : de Bure frères, 1817. On ne peut pas ne pas tenir compte du fait que BC y puise beaucoup d’informations. Constant renvoie à Friedrich Creuzer, Symbolik und Mythologie der alten Völker, besonders der Griechen, in Vorträgen und Entwürfen, Leipzig et Darmstadt : K. W. Leske, 1810–1812, 4 vol. (des éditions augmentées et corrigées parurent en 1819–1821 et 1835–1845), et à Johann Joseph von Görres, Mythengeschichte der asiatischen Welt, Heidelberg : bei Mohr und Zimmer, 1810, 2 t. en 1 vol. Sur BC en tant que lecteur de Creuzer, voir OCBC, Œuvres, t. XVIII, p. 72, n. 1, et p. 214, n. 1, ainsi que Kurt Kloocke, «Benjamin Constant, De la Religion et Georg Friedrich Creuzer, Symbolik und Mythologie der Alten Völker. Une étude épistémologique», Cahiers staëliens, 37, 1985–1986, pp. 107–116. – BC prit un grand nombre de notes de lecture de la Mythengeschichte de Görres (19 pp. et quelques lignes) et de la Symbolik de Creuzer (presque 62 pages se référant à la première éd. qu’il possédait ; voir BCU, Co 3293, no 1, et P. Deguise, «Un catalogue», p. 175 (no 103)). Voir également la lettre de BC à Prosper de Barante du 2 décembre 1811. Cette lettre ainsi que les notes de lecture témoignent de l’intensité avec laquelle BC étudia ces deux auteurs, intensité dont les retombées sont particulièrement nombreuses dans les volumes de De la Religion.

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Tout sert à l’intelligence dans sa marche éternelle. Les systêmes sont des instruments à l’aide desquels l’homme découvre des vérités de détail, tout en se trompant sur l’ensemble ; et quand les systêmes ont passé, les vérités demeurent. Il y a de plus un côté juste dans cette hypothèse, qui, d’ailleurs, au moment où l’incrédulité dogmatique inspire une sorte de fatigue, doit, comme le théisme, et comme le panthéisme, flatter le sentiment religieux chassé de son asyle et cherchant un refuge. Et nous n’hésitons pas à le prédire, nous la verrons bientôt en France, remplacer le systême étroit et aride de Dupuis. Ce sera un triomphe pour l’imagination, et sous quelques rapports un gain pour la science a. Néanmoins les savants qui l’ont adoptée, nous paraissent avoir méconnu une vérité corrélative sans laquelle ce systême a le défaut caractéristique de tous les systêmes. Sans doute, la religion est la langue dans laquelle la nature parle à l’homme ; mais cette langue varie, elle n’a point été la même à toutes les époques, dans la bouche des peuples ou de la classe éclairée qui gouvernait Ce n’est pas sans une satisfaction véritable que nous annonçons que l’ensemble de ce nouveau système allemand sera bientôt mis sous les yeux du public français par un jeune écrivain, qui réunit aux plus vastes connaissances une sagacité rare, une bonne foi plus rare encore, et une impartialité dont notre littérature offre peu d’exemples. M. Guignaud fera bientôt paraître une traduction1 de la Symbolique de Creutzer, ouvrage qui a commandé l’attention de toute l’Europe savante, mais qui a le défaut de manquer, dans l’original, de cette méthode et de cette clarté dont la France seule éprouve le besoin et apprécie le mérite. Le traducteur a remédié à ce grave inconvénient, en refondant ce livre, et en replaçant les idées importantes dont il est semé dans leur ordre naturel. Ce que le plan de notre ouvrage et ses bornes nous interdisaient de développer recevra, par le travail de M. Guignaud, des développements inattendus ; et bien que ses opinions et nos doutes se trouvent quelquefois en opposition, nous pensons que souvent il aura, sans le vouloir, fortifié de preuves incontestables les vérités que nous avons tâché d’établir. Dans tous les cas, le travail de M. Guignaud aura l’immense utilité d’ouvrir aux amis de la pensée et aux admirateurs de l’antiquité une carrière tout-à-fait nouvelle, et d’agrandir la sphère des idées sur les religions anciennes, sphère beaucoup trop rétrécie par les érudits du siècle dernier, et dont le grand travail de Dupuis nous a fait prendre, depuis vingt ans, une petite partie pour le tout.

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17 peuples ] peuples, Rel. I,2 1

Nous savons que BC a encouragé, dès le début du projet de traduction de l’ouvrage de Creuzer, le jeune érudit Joseph-Daniel Guigniaut à s’engager dans ce travail et qu’il lui a prêté des ouvrages de sa bibliothèque. Il en est sorti Religions de l’antiquité considérées principalement dans leurs formes symboliques et mythologiques, ouvrage traduit de l’allemand du Dr. Frédéric Creuzer, refondu en partie, complété et développé par J. D. Guigniaut, Paris : Treuttel et Würtz, 1825–1851. BC a consulté très attentivement les volumes dès leur parution en librairie, comme il ressort du Carnet de notes. Voir ci-dessous, p. 449, n. 3 et l’index sous le nom de Guigniaut. Signalons encore l’article d’Ernest Renan, «Des Reli-

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ces peuples. La religion est soumise, pour cette classe comme pour le vulgaire, à une progression régulière à laquelle les prêtres obéissent aussi bien que les tribus qu’ils dominent. Cette progression est plus mystérieuse dans les doctrines sacerdotales, parce que sous le joug sacerdotal tout est mystérieux. Quelquefois aussi elle est plus lente, parce que les prêtres font tous leurs efforts pour la retarder. Mais elle n’en est pas moins inévitable et déterminée par des lois fixes, qui ont leur origine dans le cœur humain. On s’égare donc, lorsqu’au lieu de regarder la doctrine la plus pure comme le résultat des travaux, des progrès, en un mot, de l’amélioration morale et intellectuelle de l’espèce humaine, on suppose que cette doctrine a précédé, on ne sait comment, toutes les autres doctrines, et lorsqu’on la place à une époque où l’homme était incapable de la concevoir, pour en faire honneur à des colléges de prêtres ; ces prêtres, plus savants, et surtout plus rusés que la masse du peuple, étaient bien éloignés toutefois d’avoir pu s’élever à des conceptions qui ne sauraient être que le résultat lent et graduel d’une série d’efforts assidus, de découvertes accumulées, et de méditations non interrompues. Vouloir faire de la religion une unité immuable et seulement voilée aux regards profanes, se flatter qu’on découvrira cette langue unique, et qu’alors les cultes, les dogmes, les symboles de toutes les nations se révéleront à nos yeux comme une portion de cette langue sacrée, c’est se bercer d’un espoir chimérique. Ce n’est ni dans les symboles, ni dans les doctrines que cette unité peut se trouver. Mais pénétrez dans la nature de l’homme, vous y apercevrez, si vous l’étudiez bien, la source unique de toutes les religions et le germe de toutes les modifications qu’elles subissent.

gions de l’Antiquité et de leurs derniers historiens», Revue des Deux Mondes, seconde série, t. XXXIII/2, 1853, pp. 821–848. Dans cet article, le nom de Benjamin Constant n’est plus mentionné.

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Le tableau que nous venons de tracer des diverses manières dont on a jusqu’ici considéré la religion, nous paraît prouver qu’il existe encore sur ce point important une lacune. Nous avons essayé de la remplir autant que nous l’ont permis nos forces. Nous n’avons déclaré la guerre à aucun dogme : nous n’avons attaqué la divinité d’aucune des croyances qu’entoure la vénération publique. Mais nous avons pensé qu’on pouvait écarter avec respect, car tout ce qui touche à la religion mérite du respect, nous avons pensé, disons-nous, qu’on pouvait écarter avec respect des questions épineuses, et partir d’un fait qui nous semble évident. Ce fait, c’est que le sentiment religieux a est un attribut essentiel, une qualité inhérente à notre nature. Nous avons observé les formes que ce sentiment pouvait revêtir. Nous les avons trouvées proportionnées nécessairement à la situation des individus ou des peuples qui professent une religion. a

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Nous avons tâché de définir le sentiment religieux dans un chapitre précédent. Mais pendant l’impression de cet ouvrage, le premier des poètes anglais en a donné une définition tellement d’accord avec la nôtre, que nous ne pouvons nous empêcher de la rapporter ici. How often we forget all time, when lone, Admiring nature’s universal throne, Her woods, her wilds, her waters, the intense Reply of hers to our intelligence ! Live not the stars and mountains ? Are the waves Without a spirit ? Are the drooping caves Without a feeling in their silent tears ? No, no. They woo and clasp us to their spheres, Dissolve this clog and clod of clay before Its hour, and merge our soul in the great shore, Strip off this fond and false identity ! Who thinks of self, when gazing on the sky ? Lord BYRON’s Island. On nous assure que certains hommes accusent lord Byron d’athéisme et d’impiété. Il y a plus de religion dans ces douze vers que dans les écrits passés, présents et futurs de tous ces dénonciateurs mis ensemble1. BC cite les vers 382–393 du chant II, chapitre XVII du poème de Lord Byron intitulé The Island, or Christian and His Comrades, London : John Hunt, 31823, ici pp. 37–38. Relevons deux inexactitudes de la citation (il s’agit probablement d’erreurs typographiques) : dans le vers 385, «hers» est mis en italique chez Byron, et dans le vers 387, celui-ci écrit «dropping» au lieu de «drooping». – The Island est un poème narratif basé sur l’histoire de la

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N’est-il pas clair, en effet, que le sauvage qui ne subvient à sa subsistance que comme les habitants des forêts, ne saurait avoir les mêmes notions religieuses que l’homme civilisé ? Quand la société est constituée, mais que les lois physiques du monde sont encore ignorées, n’est-il pas simple que les forces physiques soient les objets de l’adoration ? A une époque plus avancée, les lois de la nature physique étant dévoilées, l’adoration se retire sur le terrain de la morale. Plus tard, l’enchaînement des causes et des effets en morale étant découvert, la religion se retranche dans la métaphysique, et la spiritualité. Plus tard encore, lorsque les subtilités de la métaphysique sont abandonnées, comme impuissantes à rien expliquer, c’est dans le sanctuaire de notre ame que la religion trouve heureusement son inexpugnable asyle. Tel a donc été notre premier principe. Nous avons dit : la civilisation étant progressive, les formes religieuses doivent se ressentir de cette progression : et l’histoire nous a con firmés dans ce premier résultat de nos recherches. Nous avons alors examiné quelles étaient les époques de cette progression et nous avons cru remarquer que chaque forme religieuse se divise en trois périodes distinctes. L’homme s’élance d’abord vers une religion, c’est-à-dire, il cherche d’après son instinct et ses lumières, à découvrir les rapports qui existent entre lui et les puissances invisibles. Quand il croit avoir découvert ces rapports, il leur donne une forme régulière et déterminée. Ayant pourvu de la sorte à cette première nécessité de sa nature, il développe et perfectionne ses autres facultés. Mais ses succès mêmes rendent la forme qu’il avait donnée à ses idées religieuses disproportionnée avec ses facultés développées et perfectionnées. Dès ce moment, la destruction de cette forme est inévitable. Le polythéisme de l’Iliade ne convenant plus au siècle de Périclès, Euripide dans ses tragédies se rend l’organe de l’irréligion naissante.

8 métaphysique, ] métaphysique Rel. I,2

17–18 progression ] progression, Rel. I,2

mutinerie de la Bounty. Pourtant le lyrisme l’emporte sur la narration quand le paysage des îles de la mer du Sud est évoqué, comme c’est le cas dans l’extrait cité par BC, où Byron parle des phénomènes de la nature qui, en suggérant l’infini, affranchissent l’individu solitaire qui les admire de son individualité même. Le passage cité est donc censé illustrer le sublime du sentiment religieux ; à ce sujet, voir ci-dessus, Introduction, pp. 43–44, et M. Winkler, «Théorie et esthétique du sentiment religieux chez Benjamin Constant», pp. 353367 (la citation de Byron est analysée au même endroit, pp. 365–366). Voir encore Rel. V, p. 172, note, la citation extraite du Don Juan de Byron.

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Si, comme il est dans la nature des choses, la chute de la croyance vieillie est retardée par des institutions, cette prolongation factice ne produit pour l’espèce humaine qu’une existence de pur mécanisme, durant laquelle tout semble privé de vie. L’enthousiasme et la croyance délaissent la religion. Il n’y a plus que des formules, des pratiques et des prêtres1. Mais cet état forcé a aussi son terme. Une lutte s’élève, non-seulement entre la religion établie et l’intelligence qu’elle blesse, mais entre cette religion et le sentiment qu’elle ne satisfait plus. Cette lutte amène la troisième époque, l’anéantissement de la forme rebelle, et de là les crises d’incrédulité complète, crises désordonnées et quelquefois terribles, mais inévitables, quand l’homme doit être délivré de ce qui ne lui serait désormais qu’une entrave. Ces crises sont toujours suivies d’une forme d’idées religieuses, mieux adaptée aux facultés de l’esprit humain, et la religion sort plus jeune, plus pure et plus belle de ses cendres. Dès l’état le plus brut, l’homme suit cette marche ; mais il rencontre sur sa route des obstacles de différents genres. Parmi ces obs tacles, il y en a d’intérieurs, et il y en a d’extérieurs. Les obstacles intérieurs sont d’abord son ignorance, puis l’empire de ses sens, la domination des objets qui l’entourent, son égoïsme et enfin, sous quelques rapports, une portion de sa raison même. Il y a dans la raison séparée du sentiment une partie matérielle, si l’on peut ainsi parler, qui s’oppose à tous les élans de l’ame a. Nous avons vu plus haut qu’elle ne pouvait rendre compte d’aucune de nos émotions intimes. L’appliquer, dans sa sécheresse et avec ses bornes, à la religion, c’est appliquer l’arithmétique à la poésie. On la dénature et on la fausse, quand on la sort de sa sphère. Elle nous montre bien, dans notre route quotidienne, les rochers qui nous heurteraient, les abymes où nous tomberions : mais a

Les nymphes, dit Callimaque, découvrirent trois pierres mystérieuses qui servaient à dévoiler l’avenir. Elles les présentèrent à Minerve, qui les refusa, en disant qu’elles convenaient mieux à Apollon2.

19 égoïsme ] égoïsme, Rel. I,2 1 2

Voir, pour une ébauche assez développée de cet alinéa, le Repertory, note 1001. L’origine de cette légende des pierres mystérieuses et des nymphes, que BC associe à Callimaque, n’est pas vérifiable. Il semblerait que deux auteurs aient repris cette référence du texte de BC sans non plus en mentionner la source. Il s’agit de Marcello Reghellini de Scio, La maçonnerie, considérée comme le résultat des religions égyptienne, juive et chrétienne, Paris : F. Dondey-Dupré, 1833, t. I, p. 439, n. 1 : «La légende de ces trois pierres a une analogie frappante avec les trois pierres mystérieuses que les nymphes découvrirent, et qui furent par elles présentées à Minerve, Déesse de la Sagesse» ainsi que de l’Abbé Narcisse Cacheux, Essai sur la philosophie du christianisme, considéré dans ses rapports avec la philosophie moderne, Paris : Debécourt, 1841, p. 140.

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tournée vers le ciel, elle n’est plus qu’un flambeau terrestre qui nous dérobe la splendeur des astres a. Les obstacles extérieurs sont les calamités qui, bouleversant l’existence physique de l’homme, retardent les progrès de son existence morale, et les intérêts qui portent d’autres hommes à lui faire prendre de gré ou de force une route opposée. L’homme est ainsi placé entre trois forces contraires, qui se le disputent : on dirait que le ciel l’appelle en haut ; la terre le retient en bas, et il y a des êtres, semblables à lui, qui l’entraînent de côté. Cependant il avance conformément à l’impulsion que sa nature lui imprime, et au milieu des obstacles qu’il doit vaincre. Sa marche est réglée, elle est néces saire. Sa direction peut être contrariée ou suspendue ; mais rien ne peut lui donner pour longtemps une direction contraire. Telle est donc la série d’idées, ou plutôt de faits, que nous nous proposons de prouver. Si nous réussissons, le résultat de cette démonstration nous semble devoir être salutaire. La religion étant inhérente à l’homme et renaissant toujours sous une forme nouvelle quand l’ancienne forme est brisée, et la marche de la relia

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Il y a de certaines idées qui sont justes aussi long-temps qu’elles restent dans la sphère qui leur est propre, parce que l’esprit humain y arrive par les connaissances qu’il acquiert dans cette sphère elle-même. Telles sont les idées du temps, de l’espace, de l’étendue : telle est encore celle de cause et d’effet. Ces idées nous sont suggérées par l’observation des phénomènes, c’est-à-dire, des apparences qui frappent nos sens. Elles sont donc applicables, et indispensables pour diriger notre jugement dans la sphère de ces apparences. Mais le sentiment intérieur semble sortir de cette sphère ; car les résultats de la logique stricte, appliquée au sentiment intime, sont presque toujours en opposition avec ce sentiment, bien que dans certains cas il soit tellement fort, que toute la rigueur du raisonnement ne peut triompher de sa résistance. Par exemple, l’idée de cause et d’effet, pour ce qui tient aux objets extérieurs et à nos relations avec ces objets, est le fondement de toute logique raisonnable. Mais si nous transportons cette idée de cause et d’effet à la nature de l’ame, elle nous conduira directement et irrésistiblement à nier tout libre arbitre, c’est-à-dire qu’elle nous conduira à un résultat que notre sentiment intérieur, malgré tous nos efforts, ne saurait admettre. Or, si d’une manière de raisonner qui, sur certains objets, nous mène à des conclusions évidentes pour notre intelligence, conformes à notre sentiment intérieur, et satisfaisantes pour notre esprit, il resulte, sur d’autres objets, des conséquences qui révoltent notre intelligence, contrarient notre sentiment intime, et loin de satisfaire notre esprit, lui font éprouver la douleur de ne pouvoir réfuter ce qui lui répugne, n’est-il pas clair que cette manière de raisonner, convenable dans le premier cas, ne l’est pas dans le second ? Le caractère distinctif d’un raisonnement juste, c’est de donner à l’homme le repos qui accompagne la conviction. Quand il ne lui procure pas ce repos, ce n’est pas toujours que le raisonnement soit faux en lui-même : ce peut être aussi qu’il est appliqué à des objets auxquels il ne doit pas être appliqué1.

5 hommes ] hommes, Rel. I,2 1

8 bas, ] bas ; Rel. I,2

Voir pour un état précédent de cette note le Petit carnet de notes, notes 19 et 20.

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gion se proportionnant naturellement aux progrès de chaque époque, il s’ensuit, d’un côté, que la philosophie, en travaillant à épurer les idées religieuses, doit renoncer à se mettre en lutte avec le sentiment religieux et à vouloir détruire ce qui n’est pas soumis à la destruction : mais il s’ensuit, d’un autre côté, que l’autorité ne peut ni ne doit tenter d’entraver, de détourner, ni même d’accélérer les améliorations apportées à la religion par les efforts de l’intelligence a. Nous disons qu’elle ne doit pas même les accélérer : car autant les perfectionnements libres et graduels nous semblent désirables, autant nous répugnons à toutes les réformes violentes et prématurées. Nous détestons le pouvoir intolérant, mais nous craignons un peu le pouvoir philosophe. Les persécutions de Louis XIV ont fait beaucoup de mal. Les prétendues lumières de Joseph II en ont fait presque autant. Les décrets imprudents de l’assemblée Constituante n’en ont pas fait moins, si non par leur teneur immédiate, du moins par leurs conséquences assez rapprochées. Que l’autorité soit neutre. L’intelligence de l’homme, cette intelligence dont le ciel l’a doué pour qu’il en fît usage, se chargera du reste. Elle n’est ennemie de la religion que lorsque la religion est persécutrice. Elle s’aca

«Un peuple qui perfectionne ses lois et ses arts, est bien malheureux et bien à plaindre quand il ne peut perfectionner sa religion.» PAW Recherches sur les Égyptiens et les Chinois, I, pag. 1781. – Voy. sur le même sujet HERDER, Phil. de l’Hist., III, 138–1502.

3 religieux ] religieux, Rel. I,2 21 178. ] 170. Rel. I,2 1

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8 accélérer : ] accélérer, Rel. I,2

14 si non ] sinon Rel. I,2

Constant se trompe de titre : la citation figure non pas dans les Recherches philosophiques sur les Egyptiens et les Chinois, Berlin : C. J. Decker, 1773, 2 vol. («nouvelle édition exactement corrigée», Londres : Thomas Johnson ; Lausanne : François Grasset ; Genève : Samuel Cailler, 1774, 2 vol.) de Cornelius de Pauw, mais dans ses Recherches philosophiques sur les Américains, ou mémoires intéressants pour servir à l’histoire de l’espèce humaine. Avec une Dissertation sur l’Amérique & les Américains, par Dom Pernety, Londres : s.éd., 1771, 3 vol., t. I, p. 178. La citation est par ailleurs correcte. BC cite probablement d’après l’édition suivante qu’il possédait (voir P. Deguise, «Un catalogue», p. 155) : Johann Gottfried Herder, Ideen zur Philosophie der Geschichte der Menschheit, Riga et Leipzig : Hartknoch, 1784–1791, 4 vol. Les pages citées figurent dans le Livre XIII, ch. I («Griechenlands Lage und Bevölkerung», t. III, pp. 135–145) et II («Griechenlands Sprache, Mythologie und Dichtkunst», t. III, pp. 145–155). Il y est question des circonstances qui favorisèrent l’essor de la culture grecque ; il n’y a aucun lien direct avec la citation de Cornelius de Pauw qui précède la référence à Herder. Seule la remarque suivante s’y rapporte de manière plus ou moins directe :«Nichts ist der menschlichen Gesundheit schädlicher, als Stockung ihrer Säfte ; in den despotischen Staaten von alter Einrichtung ist diese Stockung unvermeidlich, daher sie meistens auch, falls sie nicht schnell

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quittera d’autant mieux de la mission d’im partialité et d’amélioration qui lui est confiée, qu’elle ne sera pas irritée par des obstacles, troublée par des périls et contrainte à prendre un élan trop fort pour surmonter d’opiniâtres résistances. Cette neutralité du pouvoir servira même à conserver plus long-temps les formes religieuses, auxquelles l’habitude ou la conviction doivent attacher une juste importance. Ces formes sont d’autant plus susceptibles de durée qu’elles résistent moins aux perfectionnements insensibles. C’est d’ordinaire au milieu du combat qu’elles se brisent. Les prêtres d’Athènes rompirent les premiers la bonne intelligence qui subsistait entre la philosophie et le polythéisme, et que la philosophie voulait respecter : et l’inflexibilité de Léon X décida la réforme que Luther lui-même n’avait point en vue, en commençant ses attaques contre les abus de l’église romaine a. a

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Ce ne serait pas la seule utilité de cette manière d’envisager la religion. Elle aurait encore l’avantage de rendre raison de beaucoup d’évènements qui nous paraissent des effets du hasard, ou que nous attribuons à des causes partielles, tandis qu’ils sont le résultat nécessaire d’une marche invariable. Ainsi quand nous verrions Cyrus et Bonaparte dans la même position, conquérants tous deux d’un antique royaume, dont les institutions politiques aussi-bien que religieuses étaient en hostilité contre leur puissance, nous concevrions pourquoi l’un, par un concordat avec les mages, établit la religion de Zoroastre comme une religion de cour, au milieu de la croyance grossière de ses Perses à demi sauvages, et pourquoi l’autre en agit à peu près de même envers le catholicisme, au milieu de l’incrédulité nationale1. Nous retrouverions dans la subite persécution des chrétiens, par le collègue de Galère, dans l’hésitation de cet empereur, dans le zèle de ses courtisans, dans la fureur des prêtres de l’ancien culte, beaucoup de traits caractéristiques de la révocation de l’édit de Nantes. Nous apprendrions que Julien n’est pas resté sans imitateurs. Les temps modernes s’éclaireraient par les temps passés, comme ceux-ci par les temps modernes2.

3 périls ] périls, Rel. I,2

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6 religieuses, ] religieuses Rel. I,2

aufgerieben werden, bei lebendem Leibe ihres langsamen Todes sterben» (pp. 138–139). – Des ébauches de la note de BC se trouvent dans le Registre violet, p. 135, note CCLXXXII et p. 98, note CVIII. BC, en établissant un parallèle entre Cyrus II le Grand, fondateur de l’Empire perse achéménide (env. 550-env. 530), et Napoléon Bonaparte, vise l’utilité d’une politique respectant et intégrant chez Cyrus les divinités des peuples soumis, et chez Bonaparte celle d’une politique mettant à profit des négociations avec l’église catholique (Concordat de 1801 et le sacre par Pie VII). BC revient plusieurs fois dans ses écrits sur les persécutions des chrétiens sous Maximinianus Galerius, ici introduit dans le raisonnement pour pouvoir évoquer celles de l’empereur Maximinien. Il tire ses informations de Gibbon, Histoire du déclin, chap. XVI, pp. 423–426. Voir aussi OCBC, Œuvres, t. XXXIII, p. 425, n. 1.

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Chapitre VIII. Des questions qui seraient une partie nécessaire d’une histoire de la religion, et qui néanmoins sont étrangères à nos recherches. Ayant rendu compte à nos lecteurs de nos intentions et de notre plan, nous devons, avant de terminer cette introduction, leur expliquer pourquoi plusieurs questions, qui, d’ailleurs, entreraient naturellement dans un ouvrage historique, seront écartées de nos recherches, et leur indiquer les précautions que nous aurons à prendre, afin de nous rapprocher du but que nous nous sommes proposé d’atteindre. Pour découvrir comment l’homme s’élève d’une croyance grossière à une croyance plus épurée, nous avons dû remonter à l’état le moins avancé des sociétés humaines, c’est-à-dire, à l’état sauvage. Ici une question semblait se présenter. L’état sauvage a-t-il été l’état primitif de notre espèce ? Les philosophes du XVIIIe siècle se sont décidés pour l’affirmative, avec une grande légèreté. Tous leurs systèmes religieux et politiques partent de l’hypothèse d’une race réduite primitivement à la condition des brutes, errant dans les forêts, et s’y disputant le fruit des chênes et la chair des animaux ; mais si tel était l’état naturel de l’homme, par quels moyens l’homme en serait-il sorti ? Les raisonnements qu’on lui prête pour lui faire adopter l’état social, ne contiennent-ils pas une manifeste pétition de principe ? ne s’agitent-ils pas dans un cercle vicieux ? Ces raisonnements supposent l’état social déja existant. On ne peut connaître ses bienfaits qu’après en avoir joui. La société, dans ce systême, serait le résultat du développement de l’intelligence, tandis que le développement de l’intelligence n’est lui-même que le résultat de la société. Invoquer le hasard, c’est prendre pour une cause un mot vide de sens. Le hasard ne triomphe point de la nature. Le hasard n’a point civilisé des espèces inférieures, qui, dans l’hypothèse de nos philosophes, auraient dû rencontrer aussi des chances heureuses. La civilisation par les étrangers laisse subsister le problême intact. Vous me montrez des maîtres instruisant des élèves ; mais vous ne me dites pas qui a instruit les maîtres : c’est une chaîne suspendue en l’air. Il y a plus ; les sauvages repoussent la civilisation quand on la leur présente. Plus l’homme est voisin de l’état sauvage, plus il est stationnaire. Les hordes errantes que nous avons découvertes, clair-semées aux extrémités du monde connu, n’ont pas fait un seul pas vers la civilisation. Les habitants

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des côtes que Néarque a visitées, sont encore aujourd’hui ce qu’elles étaient il y a deux mille ans. A présent, comme alors, ces hordes arrachent à la mer une subsistance incertaine. A présent, comme alors, leurs richesses se composent d’ossements aquatiques, jetés par les flots sur le rivage. Le besoin ne les a pas instruites ; la misère ne les a pas éclairées ; et les voyageurs modernes les ont retrouvées telles que les observait il y a vingt siècles l’amiral d’Alexandre a. Il en est de même des sauvages décrits dans l’antiquité par Agatharchide b,

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b

Voy. The Periplus of Nearchus, by D. Vincent, Lond. 1798, et la traduction française de cet ouvrage. – NIEBUHR, Descr. de l’Arab. et MARCO POLO1. AGATHARCH. de Rubr. mar. in Geogr. min. Hudson. I, pag. 37 et suiv2.

6 observait ] observait, Rel. I,2 Polo. ] Paolo. Rel. I,2

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siècles ] siècles, Rel. I,2

10 l’Arab. ] l’Arab., Rel. I,2

Comme le montre la note no 93 ( «empl. 1823») des notes de lecture intitulées «Heeren sur l’Asie» (BCU, Co 3293, no 2), BC a copié dans A. Heeren, Ideen über die Politik, den Verkehr und den Handel der vornehmsten Völker der alten Welt, t. I, ces trois références à Néarque, Niebuhr et Marco Polo. Chez Heeren, elles font partie des notes de la première section du volume consacré à l’Asie, section intitulée «Geographisch=statistische Uebersicht des Persischen Reichs nach den Satrapieen». La référence à «The periplus of Nearchus by D. Vincent, Lond. 1798» figure dans une note qui vise à corroborer l’exactitude des descriptions faites par Néarque (Nearchus), amiral d’Alexandre le Grand, qui commanda sa flotte lors d’un périple que celle-ci fit le long des côtes persanes, de Kerman à l’Océan Indien (région dont le nom ancien fut, comme l’explique Heeren, «Gedrosia» ; voir A. Heeren, Ideen, t. I, p. 375). Heeren souligne que c’est l’édition par Vincent du périple de Néarque qui atteste l’exactitude des descriptions de celui-ci (pp. 375–376, n. 2). – Suit une longue citation (en allemand) de ce que Néarque dit des sauvages qui habitaient ces côtes (ces sauvages, explique Heeren, furent appelés «Ichtyophagen», parce qu’ils se nourrissaient presque uniquement de poissons ; voir pp. 377–378). Ce que dit BC au sujet de la «subsistance incertaine» s’inspire de cette citation, et le commentaire qu’il ajoute est essentiellement celui de Heeren, qui lui-même remarque que la manière de vivre de ce peuple pauvre (appelé à présent les «Balluches», p. 379) est aujourd’hui encore la même qu’il y a ` l’appui, Heeren cite «Niebuhrs Beschreibung von Arabien, S. 310» avec deux mille ans. A laquelle il faut comparer, dit-il, «Marco Polo bey Ramusio II. S. 60. der dasselbe von eben diesen Völkern erzählt» (p. 379, n. 4). Tout le paragraphe ainsi que les références données dans les notes s’inspirent également de Heeren, Ideen, t. II, pp. 358–362, passage qui figure dans une section intitulée «Geogra-

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et de nos jours par le chevalier Bruce a. Entourées de nations civilisées, voisines de ce royaume de Méroé si connu par son sacerdoce, égal en pouvoir comme en science au sacerdoce égyptien, ces hordes sont restées dans leur abrutissement : les unes se logent sous les arbres, en se contentant

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BRUCE, Voy. en Abyss. II, 539 ;

III,

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phische Uebersicht der Aethiopischen Völker». BC a pris des notes de lecture (en français) de ce passage, y compris d’une partie des références à Bruce, Agatharchide et Diodore. Ces notes de lecture, intitulées «Heeren sur l’Afrique» (BCU, Co 3293, no 2 ; elles suivent les notes intitulées «Heeren sur l’Asie», voir ci-dessus, et ces deux groupes de notes forment un ensemble de treize pages), comportent dans la marge trois fois l’indication «empl. 1823», ainsi qu’une remarque qui renvoie au texte original : «à relire peut être pour en faire un tableau fort abrégé.» Il semble que le présent paragraphe, ébauché dans le Registre violet, pp. 5–6, note I, soit le fruit de cette relecture du passage de Heeren, où celui-ci, après avoir cité Agatharchide, Diodore et Bruce, constate : «Die Lebensart dieser Völker hat sich seit zweytausend Jahren nicht im mindesten geändert. Sie sind noch die rohen Wilden die sie damals waren, und haben, ob sie gleich cultivirtere Völker um sich hatten, doch nicht den geringsten Schritt zu einer höhern Bildung gethan» (Ideen, t. II, pp. 359–360 ; voir aussi pp. 365 et 367). Suit le tableau des différents «Stämme» – mot que BC traduit par ‘hordes’ – classés selon leur manière de se nourrir, ainsi que la référence à l’observation de Diodore au sujet des conséquences néfastes de l’impureté de leur nourriture. – La référence à «Méroé» s’inspire également de Heeren, qui y consacre la section suivante de son livre («Der Staat von Meroe», Ideen, t. II, pp. 391–419, et les notes de lecture de BC dans le même manuscrit ; voir également ci-dessus, p. 75, n. 1). En ce qui concerne Agatharchide, il s’agit d’un historien et géographe grec, originaire de Cnidus. Il serait né vers 150 av. J.-C. et aurait été secrétaire et lecteur du pharaon Ptolémée. On suppose qu’il est l’auteur du De rubro mari (Le Périple de la mer Erythrée ou Le Périple de la mer Rouge), dont il ne reste que des fragments recueillis par Hudson dans ses Geographi minores (Geographiæ Veteris Scriptores Græci Minores). Dans Histoire d’Hérodote traduite du grec avec des Remarques Historiques et Critiques, Essai sur la Chronologie d’Hérodote et une Table géographique (nouvelle édition, t. VI, Paris : De l’imprimerie de C. Crapelet, 1802), on trouve plusieurs allusions à Agatharchide et au De rubro mari. Cet ouvrage fait mention d’Agatharchide en lien avec les Cynocéphales, peuple imaginaire. Agatharchide observe dans De rubro mari «qu’ils portent leur chevelure très longue, et qu’on les appelle des Barbares sauvages» (d’après Histoire d’Hérodote, p. 370). C’est de nouveau d’après A. Heeren, Ideen (ici t. II, pp. 360, n. 3 et 361, n. 4), que BC cite James Bruce, Voyage aux sources du Nil, en Nubie et en Abyssinie, Pendant les années 1768, 1769, 1770, 1771 & 1772. Traduit de l’Anglois par J. H. Castera [Titre modifié dans les t. II à V], Paris : Hôtel de Thou, rue des Poitevins, 1790–1792, 5 vol. et 1 vol. «Cartes et Figures». La première référence figure dans le Livre IV («Continuation de l’Histoire d’Abyssinie, depuis la mort de Socinios, jusqu’à mon arrivée dans cet Empire»), mais elle ne correspond pas à la thèse avancée par BC, car Bruce tente en fait d’y réfuter l’opinion

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de plier leurs rameaux et de les fixer en terre ; les autres tendent des embûches aux rhinocéros et aux éléphants, dont elles font sécher la chair au soleil ; d’autres poursuivent le vol pesant des autruches ; d’autres, enfin, recueillent les essaims de sauterelles poussées par les vents dans leurs déserts, ou les restes des crocodiles et des chevaux marins que la mort leur livre ; et les maladies que Diodore décrit a comme produites par ces alimens impurs, accablent encore aujourd’hui les descendants de ces races malheureuses, sur la tête desquelles les siècles ont passé, sans amener pour elles ni améliorations, ni progrès, ni découvertes. Nous reconnaissons cette vérité. Aussi ne prenons-nous point l’état sauvage comme celui dans lequel s’est trouvée l’espèce humaine à son origine. Nous ne nous plaçons point au berceau du monde, nous ne voulons point déterminer comment la religion a commencé, mais seulement de quelle manière, lorsqu’elle est dans l’état le

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Diodore, I1.

1 leurs ] leur Rel. I,1

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13 monde, ] monde ; Rel. I,2

selon laquelle «les Abyssiniens [...] vivent sous des tentes, & non pas dans des maisons» : la fausseté de cette opinion découle du fait que ce peuple a bâti la ville d’Axum «dont les ruines sont aussi considérables que celles d’Alexandrie» (t. II, p. 538). Selon Bruce, c’est en temps de guerre seulement que les Abyssiniens «campent sous des tentes pour pouvoir changer de place à leur gré & se mettre à l’abri des chaleurs» (p. 539). L’opinion fautive est probablement due à l’ignorance du langage des Abyssiniens (voir p. 539). On voit donc une fois de plus que BC a tendance à s’approprier les renseignements puisés dans les sources qu’il cite pour en faire son propre argument. – Quant à la seconde référence, elle figure dans le Livre VI, ch. 12 («Religion. – Circoncision. – Excision, etc.», Ideen, t. III, pp. 357–406). Parlant de la «computation & la division du tems», par lesquelles les anciens Égyptiens s’étaient forgé une grande réputation (p. 401), Bruce constate que les calculs des Abyssiniens sont inexacts et ajoute : «Indépendammnt de leur ignorance profonde en arithmétique, de leur paresse excessive, de leur aversion pour l’étude, & d’un nombre infini de combinaisons fantastiques, par lesquelles chaque Moine, chaque Scribe, se distingue particuliérement, plusieurs raisons sensibles prouvent que leur chronologie doit différer de la nôtre» (p. 403). Ces raisons sont détaillées par la suite. Les imprécisions de BC s’expliquent par le fait qu’il cite Bruce d’après Heeren (voir les notes précédentes). BC pense peut-être à l’édition suivante (voir OCBC, Œuvres, t. XVIII, p. 557) : Diodore de Sicile, Histoire universelle de Diodore de Sicile, traduite en françois par Monsieur l’abbé Terrasson, Paris : de Bure l’aîné, 1737–1744, 7 vol. Dans le premier volume, la description des maladies produites par des aliments impurs n’a pas pu être retrouvée. Il se peut que cette impossibilité remonte au fait que BC cite les remarques de Diodore sur Méroé d’après A. Heeren, Ideen, t. II, p. 407 (voir aussi les deux notes précédentes).

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plus grossier qu’on puisse concevoir, elle se relève et parvient graduellement à des notions plus pures. Nous ne disons nullement que cet état grossier ait été le premier ; nous ne nous opposons point à ce qu’on le regarde comme une détérioration, une dégradation, une chute : mais c’est le terme le plus éloigné de la perfection ; c’en est assez pour que nous devions nous y placer, afin de contempler mieux l’es pace que l’homme a franchi pour arriver au terme opposé. On peut nous faire cependant encore une objection. Lorsqu’on remonte jusqu’aux plus obscures des époques historiques, l’on n’aperçoit plus dans la nuit des siècles que quelques masses énormes que les ténèbres rendent à la fois plus confuses et plus imposantes, et qui, séparées entre elles par des abymes, conservent des traits d’une étonnante similitude. En parcourant l’Europe, l’Asie, et ce que nous connaissons de l’Afrique, en partant de la Gaule, ou même de l’Espagne, et en passant par la Germanie, la Scandinavie, la Tartarie, l’Inde, la Perse, l’Arabie, l’E´thiopie et l’E´gypte, nous trouvons partout des usages pareils, des cosmogonies semblables, des corporations, des rites, des sacrifices, des cérémonies, des coutumes et des opinions, ayant entre elles des conformités incontestables ; et ces usages, ces cosmogonies, ces corporations, ces rites, ces sacrifices, ces cérémonies, ces opinions, nous les retrouvons en Amérique, dans le Mexique et dans le Pérou. C’est vainement que l’on voudrait assigner pour cause à ces conformités des dispositions générales inhérentes à l’esprit humain a. Il éclate dans plusieurs détails des ressemblances si exactes sur des points si minutieux b qu’il a b

Fréret, Mém. sur les Gaulois, Acad. des Inscript. XXIV, pag. 3891. A la fête de Bhavani aux Indes, le premier du mois de mai, les Indiens, et principalement les bergers, élèvent des Mais, qu’ils ornent de fleurs. La même cérémonie avait lieu le même jour, par des hommes de la même profession, chez plusieurs nations du Nord et de l’Occident. Le ridicule usage du poisson d’avril se pratique aux Indes comme en Europe, le pre-

15 Gaule, ] Gaule Rel. I,2 Rel. I,1 1

20 corporations, ] corporatious, Rel. I,1

26 Inscript. ] Incript.,

Le raisonnement de BC est assez laconique. Il renvoie au mémoire «Observations sur la religion des Gaulois et sur celle des Germains», Mémoires de Littérature tirez des Registres de l’Académie des Belles Lettres et Inscriptions, t. XXIV, 1756, pp. 389–431 (éd. moderne : Nicolas Fréret, Mémoires académiques, Paris : Fayard, 1996, pp. 247–302). Il s’agit d’écarter par des raisonnements prudents des hypothèses dangereuses développées à partir de matériaux relatifs à des usages «inexplicables» (Repertory, note 1048) dont il est question dans la note b. Fréret ne parle pas d’une manière développée de ce problème lorsqu’il aborde, dans son introduction, des ressemblances, selon lui trompeuses, entre la religion des Grecs et des Romains et celle d’autres nations. «Ils [les Grecs et les Romains] vouloient

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est impossible d’en trouver la raison dans la nature ou dans le hasard : et ce mier avril, aux fêtes nommées Huli. (Rech. asiat. II, 333.)1 Les renards de Samson se retrouvent dans une fête de Carséoles, ville du Latium. (OVID. Fast. IV, 681–712.)2 Il y a beaucoup d’analogie entre la vache rousse des Fordicules et la vache rousse des Hébreux. Il n’y en a guère moins entre les ruses de Vichnou, pour obtenir le breuvage nommé Amrita, qui procurait l’immortalité, et celles d’Odin, pour s’emparer de l’hydromel qui éclaire les sages et inspire les poètes. Cette ressemblance dans les détails s’étend des cérémonies aux traditions. Chez les Germains, Mannus, fils de Tuiston, avait eu trois fils, auteurs des principales nations germaniques. Les Scythes parlaient des trois fils de Targytaüs leur fon7 des cérémonies ] de cérémonies Rel. I,2

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que ces religions fussent au fond la même que la leur, et ils donnoient le nom de leurs dieux aux divinités de toutes les nations barbares» (p. 251 de l’éd. moderne). Et encore : «L’identité prétendue des dieux grecs et des dieux barbares n’a presque jamais aucun fondement réel ; et quand on vient à l’examiner de près, on trouve toujours qu’elle ne peut être admise par ceux qui ne veulent recevoir que des idées exactes» (p. 252). La référence figure dans l’édition anglaise des Asiatick Researches, t. II, 1790, article no XX : «On Two Hindu Festivals, and the Indian Sphinx. By the late Colonel Pearse, May ` la page indiquée par BC, l’auteur de l’article écrit : «I beg leave 12, 1785» (pp. 333–335). A to point out to the Society, that the Sunday before last was the Festival of BHAVA’NI’, which is annually celebrated by the Gopas and all other Hindus, who keep horned cattle for use or profit : on this feast they visit gardens, erect a pole in the fields, and adorn it with pendants and garlands. The Sunday before last was our first of May, on which the same rites are performed by the same class of people in England, where it is well known to be a relique of ancient superstition in that country : it should seem therefore, that the religion of the East and the old religion of Britain had a strong affinity» (p. 333). Par la suite, l’auteur parle encore de la ressemblance entre les rites hindous et ceux observés en Angleterre (voir p. 333). Il ne s’agit donc pas du premier avril, comme le dit BC, mais du premier mai. Une ébauche de cette note se trouve dans le Livre verd, p. 47, n. CXCII, une autre dans le Repertory, n. 1028, une troisième dans le Registre violet, p. 77, n. XVIII. BC fait référence à un épisode relaté dans les Fastes d’Ovide, qui explique d’où vient la tradition, qui persiste à Carseoli, de lancer des renards auxquels on attache des torches enflammées sur le dos, aux fêtes de Cérès. C’est un ami qui lui conte l’histoire d’une fermière économe qui vit à Carseoli, où la terre est impropre à la culture des olives, mais convient aux céréales. Cette fermière, qui s’attelle à différentes tâches comme le tissage, possède avec son mari un petit champ qu’il cultive. Elle a un fils qui attrape un jour un renard qui a pris plusieurs volatiles dans leur basse-cour : «Une fois qu’il l’a attrapé, il l’enveloppe de paille et de foin et y met le feu : le renard s’échappe des mains qui l’ont enflammé ; partout où il fuit, il incendie les champs qui portaient les moissons ; le feu dévastateur était renforcé par le vent. Le fait est passé ; le souvenir demeure. En effet, encore aujourd’hui, une loi de Carseoli interdit de nommer un renard capturé ; et à titre d’expiation, cette race est brûlée aux fêtes de Cérès : elle périt de la même manière qu’elle a fait périr les moissons.» «Captiuam stipula fænoque inuoluit et ignes / Admouet : urentes effugit illa manus ; / Qua fugit, incendit uestitos messibus agros ; / Damnosis uires ignibus aura dabat. / Factum abiit, monimenta manent. Nam dicere captam / Nunc quoque lex uolpem Carseolana uetat, / Vtque luat poenas, gens hæc Cerealibus ardet / Quoque modo segetes perdidit, ipsa perit» (Ovide, Les fastes, texte établi, traduit et commenté par Robert Schilling, tome II, livres IV-VI, Paris : Les Belles Lettres, 1993, p. 29, vv. 705–712).

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que, nous apprenons journellement des antiquités de l’Inde, la manière dont les savants anglais reconnaissent dans les traditions de cette contrée les dates principales de l’histoire juive et les fables de la religion grecque, ro-

dateur. (HE´ ROD. IV, 6 et 10.)1 Polyphème et Galatée avaient donné le jour à Celtus, à Illyricus et à Gallus. Saturne avait eu Jupiter, Neptune et Pluton. Le ciel et la terre avaient engendré Cottus, Briarée et Gygès. On connaît les trois enfants de Noé. Mais ce qui est bien plus remarquable encore, c’est la parfaite conformité de la fable romaine d’Anna Perenna, et des fables indiennes sur la déesse de l’abondance, nommée Anna Purna Devi. Ovide dit qu’on regardait Anna Perenna tantôt comme la lune, et Anna Purna porte un croissant ; tantôt comme Thémis, et Anna Purna est l’épouse du dieu de la justice, Vrichna Iswara ; d’autres fois comme Io, et Anna Purna, est représentée sous la forme d’une vache ; ou comme Amalthée, nourrice de Jupiter, et Anna Purna, assise sur un trône, donne des aliments au jeune Schiven, qui tend la main pour les recevoir. Enfin, la tradition même d’Anna Perenna, vieille femme, nourrissant les Romains sur le mont Sacré, s’applique à l’Anna Purna indienne, qui, suivant les Pouranas, nourrit miraculeusement Viasa Muni et ses dix

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5 Le ciel et la terre ] Le Ciel et la Terre Rel. I,2

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Le mythe des fondateurs des Scythes est mentionné par Hérodote dans le livre IV des Histoires : «Dans leur pays, alors désert, serait né le premier un homme appelé Targitaos ; ce Targitaos, disent-ils, aurait eu comme parents [...] Zeus et une fille du fleuve de Borysthène. Tels étant les parents dont serait né Tagitaos, il aurait eu trois fils, Lipoxaïs, Arpoxaïs, et, le plus jeune des trois, Colaxaïs. [...] De Lipoxaïs seraient issus ceux des Scythes que, d’un nom générique, on appelle Auchates ; du cadet, Arpoxaïs, ceux qu’on appelle Catiares et Traspies ; du plus jeune des frères, du roi, ceux qu’on appelle Paralates. Le nom commun à tous serait Scolotes ; ce sont les Grecs qui les ont appelés Scythes, du nom du roi» (IV, 5–6, pp. 49–50). Dans un second passage, Hérodote parle plus précisément du fils d’Héraclès dont descendraient les rois des Scythes. Héraclès donna des conseils à la mère de celui de ses fils qui serait à l’origine des Scythes. Leur mère devait soumettre ses trois fils, Agathyrsos, Gélonos et Skythès, à une épreuve. De ces fils, deux échouèrent et furent chassés par leur mère : «[...] le plus jeune, Skythès, réussit, et y resta. C’est de ce Skythès, fils d’Héraclès, que descendraient les rois qui se succèdent chez les Scythes ; et ce serait en souvenir de cette phiale que les Scythes, jusque de nos jours, portent des phiales à leurs ceintures. Et la mère se serait arrangée pour que Skythès demeurât. Voilà ce que racontent les Grecs qui habitent le Pont» (Hérodote, Histoires, texte établi et traduit par PhilippeErnest Legrand, livre 4 : Melpomène, Paris : Les Belles Lettres, 1945, IV, 10, pp. 53–54). Mannus, quant à lui, était le fils de Tuiston, aussi appelé Teuton, dieu suprême des Germains, né de la Terre. Mannus «passait parmi les Germains pour un des fondateurs de la nation. Il était honoré comme un dieu.» Le mythe rapporte, de même que BC, qu’il eut «trois fils, dont chacun donna son nom à trois différentes peuplades de Germains, les Ingévones, les Hermiones, et les Istévones» (Dictionnaire de la fable, ou Mythologie Grecque, Latine, Egyptienne, Celtique, Persane, Syriaque, Indienne, Chinoise, Mahométane, Rabbinique, Slavonne, Scandinave, Africaine, Américaine, Iconologique, etc., par François Noël, Paris : Le Normant, 1803, pp. 84 et 714).

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maine et scandinave, l’espèce de concordance qui en résulte pour les annales de ces peuples, toutes ces choses ont redonné, dans ces derniers temps, une vraisemblance presque irrésistible à l’hypothèse d’un peuple primitif, source commune, tige universelle, mais anéantie, de l’espèce humaine1. N’est-ce pas à ce peuple que nous devrions demander le point de départ de la religion, au lieu de le chercher chez quelques misérables hordes, auxquelles nous n’accordons qu’avec peine une nature semblable à la nôtre ? Nous n’affirmons nullement qu’il soit impossible au travail et au génie d’arriver un jour à la connaissance de la grande vérité, du grand fait, du fait

mille pupilles, réduits à la famine par Schiven, irrité de ce que leur maître lui avait préféré Vichnou. (Comp. OVID. fast. III, 657–6742, et PATERSON, Mémoire sur la religion indienne. Rech. asiat. VIII.)3

12 fast. ] Fast. Rel. I,2

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Il est probable que BC pense ici aux travaux des mythologues allemands : ce sont entre autres Johann Arnold Kanne (1773–1824) et Görres (voir ci-dessus, p. 164, n. 2), qui formulent une telle hypothèse. Voir W. Petermann, Geschichte der Ethnologie, pp. 371–379. On trouve, dans les Fastes d’Ovide, texte auquel BC fait référence, une légende qui mentionne une femme, Anna, qui nourrissait des gens dans le besoin. BC semble avoir pensé à cette histoire en comparaison de la légende indienne de Purna. De cette femme, Ovide raconte que certains la prennent pour la Lune, alors que d’autres pensent qu’elle est Thémis ou la vache, fille d’Inachus, ou même une nymphe azanide. C’est à la suite de cela qu’il rapporte l’histoire d’une femme qui a porté des vivres à la plèbe, qui manquait de nourriture, s’étant réfugiée sur le sommet du Mont Sacré : «Il y avait une certaine Anna originaire de Bovillae, un faubourg de Rome : elle était pauvre et âgée mais encore très active ; ses cheveux blancs serrés par un léger turban, elle fabriquait d’une main tremblante des galettes rustiques ; elle avait l’habitude de les distribuer encore fumantes, le matin, parmi les gens.» «Orta suburbanis quædam fuit Anna Bouillis, / Pauper sed multæ sedulitatis anus ; / Illa, leui mitra canos incincta capillos, / Fingebat tremula rustica liba manu / Atque ita per populum fumantia mane solebat / Diuidere» (Ovide, Les fastes, tome I, Livres I-III, p. 89). – Quant à Paterson, il s’agit de l’article intitulé «Of the Origin of the Hindu Religion. By J[ohn] D[avid] Paterson, Esq.», Asiatic Researches, t. VIII, 1808, pp. 44–87. BC en a pris de longues notes de lecture numérotées de 1 à 36 (six pages et demie ; voir BCU, Co 3293, no 1). Le numéro 17, qui se réfère aux pp. 70–73 de l’article et que BC marque dans la marge comme «empl. 1823», contient l’essentiel des remarques sur les ressemblances entre l’Anna Purna Devi des Indiens et l’Anna Perenna des Romains, y compris la référence à Ovide, qui figure également dans l’article de Paterson. L’ébauche de cette partie de la note se trouve dans le Livre verd, p. 89, note CCCLXIII.

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unique, qui doit servir à réunir les fragments épars de la chaîne brisée dont nous soulevons quelques anneaux. Nous aimons à rendre justice aux hommes studieux, aux voyageurs intrépides qui se proposent cette découverte. Nous admirons leur patience infatigable, et ce courage que rien ne rebute et qui brave des difficultés dont l’imagination s’épouvante. Car ce ne peut être qu’en étudiant chaque peuple dans ses plus petits détails, en comparant les usages les plus minutieux et les traditions les plus confuses, en recueillant tous les débris des langues antiques, nous ne parlons pas de celles qui sont anciennes pour nous, mais de celles qui, mortes déja pour les hommes qui nous ont précédés sur cette terre, n’avaient laisse´ chez les nations les plus reculées que des traces vagues et un faible souvenir ; ce ne peut être qu’en voyageant sur tout notre globe et en retournant, pour ainsi dire, les couches nombreuses accumulées l’une sur l’autre par la succession des âges, qu’ils rassembleront les matériaux indispensables au succès dont la noble espérance les soutient dans tous leurs efforts. Mais ce succès, précieux en lui-même, ne fera toutefois que les ramener au point où nous sommes. L’hypothèse d’un peuple primitif impose à ceux qui l’adoptent une difficulté de plus à résoudre. D’une part, reportés par ce système au-delà de l’histoire de l’espèce humaine, ils doivent se jeter dans l’étude de celle des grandes époques de notre globe, pour rendre compte des révolutions physiques par lesquelles ce peuple primitif a été détruit ; et c’est ainsi que toutes les fois qu’on s’occupe à fond d’une question quelconque, on arrive à sentir que pour savoir complètement une chose, il faudrait ne rien ignorer. D’une autre part, la destruction du peuple primitif étant incontestable, plusieurs de ses parties se sont vues forcées de recommencer le grand œuvre de la civilisation. On peut tout au plus supposer dans quelques contrées quelques souvenirs d’une situation antérieure, quelques traditions, quelques usages. Mais ces souvenirs sont confus, ces traditions vagues, ces usages inexplicables par l’oubli de leurs motifs, et l’ensemble des conjectures devra toujours commencer a` cet état de grossièreté et d’ignorance d’où nous avons cru devoir partir1.

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Voir le Registre violet, p. 145, note

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et le Repertory, note 56.

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Chapitre IX. Des précautions que la nature de nos recherches nous oblige de prendre.

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Plusieurs précautions nous seront indispensables pour atteindre le but que nous nous sommes proposé dans cet ouvrage. La première sera de distinguer les époques des diverses religions. Une nation n’a pas, à la fin d’un siècle, la même croyance qu’au commencement ; bien qu’elle adore les mêmes divinités, elle n’en conserve pas long-temps des notions uniformes. En entrant dans la civilisation, les peuples reçoivent une impulsion qui ne s’arrête plus : mais les changements sont imperceptibles. Aucun signe visible ne les indique. L’extérieur d’une religion reste immuable, lors même que la doctrine se modifie. Le nom seul des dieux ne varie pas et c’est une cause nouvelle d’erreur. Dans l’esprit de beaucoup de lecteurs assez instruits, le nom de chaque mythologie retrace un ensemble d’opinions dont ils ne démêlent pas les dates. La religion d’Homère et celle de Pindare leur paraît parfaitement semblable, et retrouvant sur les bords du Tibre les mêmes acteurs célestes que sur les rives du Simoïs, ils s’imaginent encore que le chantre d’Achille et celui d’E´née ont décrit une religion à peu près pareille a. a

Une erreur de ce genre, et même beaucoup plus grave, a diminué le mérite d’un ouvrage qui renferme de grandes beautés. On ne saurait trop regretter que M. de Chateaubriand ait commis, dans ses Martyrs1, un anachronisme d’environ quatre mille ans. Il a présenté comme simultanées deux choses, dont l’une n’existait plus et l’autre pas encore. La première était le polythéisme d’Homère, et la seconde le catholicisme de nos jours. Certes,

9 des ] les Rel. I,2 1

13 pas ] pas, Rel. I,2

22 Chateaubriand ] Châteaubriand Rel. I,2

Ce n’est pas la première fois que BC évoque dans ses écrits l’anachronisme du récit des Martyrs de Chateaubriand. Un passage en partie textuellement identique se trouve dans un article publié dans le Mercure de France du 31 mai 1817 sous le titre «E´loge de Saint-Jérôme» (OCBC, Œuvres, t. X/1, pp. 570–578, en particulier pp. 573–574). Les critiques avancées dans ce chap. IX concernent plusieurs passages du récit autour des futurs martyrs, le jeune chrétien Eudore et la païenne Cymodocée qui, convertie, deviendra son épouse. BC pense surtout au deuxième livre des Martyrs (les récits chantés des deux héros), au troisième livre (description du paradis céleste), au huitième livre (description de l’enfer) ainsi qu’à des passages, comme celui du quatrième livre, dans lequel on prononce l’excommunication d’Eudore. Il esquisse en outre une autre version d’un récit sur ce sujet, historiquement plus défendable.

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Il n’en est rien. Les dieux de l’Iliade, loin d’être ceux des poètes romains, ou des lyriques et tragiques grecs, ne sont pas même exactement ceux de l’Odyssée. Les dieux de la Grèce n’ont en commun avec ceux d’Ovide après Euripide, après Épicure, et presque en présence de Lucien1, les vierges grecques ne demandaient pas au premier jeune homme qu’elles rencontraient : Ne seriez-vous pas un immortel ? Et d’une autre part, il n’y avait encore chez les chrétiens, du temps d’Eudore et de Cymodocée, ni soumission habituelle au pouvoir sacerdotal, ni dogmes fixes, ni rien de ce qui caractérise, en plus d’un endroit, les discours de la vierge et du martyr. L’illustre auteur de ce poëme a de plus été entraîné, par cette erreur, à faire usage d’un genre de merveilleux tout contraire et bien inférieur à celui qui ressortait naturellement de son sujet. Son enfer a tous les défauts de celui de Virgile, parce qu’on sent qu’il est écrit à une époque pareille, lorsque aucun des éléments de la description ne faisait partie d’aucune croyance. Le talent du style ne peut remédier à ce vice de la conception. Le paradis de M. de Châteaubriand, copie de l’Olympe, est également frappé d’une imperfection qui ne lui permet pas de lutter avec son modèle. Il a la diversité des couleurs de moins et la métaphysique de plus. La pureté au sein de la corruption, la certitude en présence des doutes universels, l’indépendance sous la tyrannie, le mépris des richesses au milieu de l’avidité, le respect pour la souffrance lorsqu’on voyait partout l’exemple de la cruauté indifférente et de la férocité dédaigneuse, le détachement d’un monde où le reste des hommes avait concentré tous ses désirs, le dévouement quand tous étaient égoïstes, le courage quand tous étaient lâches, l’exaltation quand tous étaient vils ; tel était le merveilleux qu’on pouvait faire descendre du ciel, et ce merveilleux place´ dans l’ame des premiers fidèles, et renouvelant la face du monde, n’eût pas eu peut-être moins d’intérêt que des anges, pâles héritiers des dieux de l’Iliade, traversant l’empirée comme Vénus blessée par Diomède, ou Junon voulant tromper Jupiter. Si cette critique et une observation placée dans une note antérieure paraissaient des attaques contre l’écrivain qu’elles concernent, nous nous croirions obligés d’expliquer notre pensée. Notre ouvrage prouve assez que nous n’adoptons point les opinions religieuses que M. de Châteaubriand a défendues, et sur bien d’autres questions nous sommes certainement d’avis très-opposés. Mais nous ne le confondons point toutefois avec les hommes qui ont embrassé, plus tard que lui, la cause que le premier il a relevée. Quand il a publié le Génie du Christianisme, la lice était ouverte à ses adversaires ; le pouvoir superbe qui tenait tout l’univers à ses pieds, ne s’appuyait que sur sa force intrinsèque, et permettait la discussion sur tout ce qui ne touchait point à la politique. M. de Châteaubriand affrontait donc la critique dans toute sa liberté, ce qui est toujours la preuve d’un sentiment honorable de sa propre valeur. Ses successeurs arrivent sous d’autres auspices. Lors même qu’ils auraient, comme lui, le mérite du talent, ils n’auraient pas celui de combattre leurs ennemis à armes égales. Que serait-ce si par hasard ils lui étaient immensément inférieurs sous le premier rapport ? s’ils n’avaient pour éloquence que de l’emportement, pour originalité que de la bizarrerie, et pour bravoure que la certitude qu’on ne peut leur rendre les coups qu’ils portent ? Entre eux et M. de Châteaubriand, il y a la même différence qu’entre un chevalier dans un tournois, n’ayant pour lui que son adresse et sa force, et des inquisiteurs du saint-office, ayant avec eux leurs sbires et leurs familiers2.

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24 l’empirée ] l’empyrée Rel. I,2 1 2

27 obligés ] obligé Rel. I,2

Le poète Lucien de Samosate (vers 120 – après 180), auteur de dialogues et de lettres sur les faiblesses de son époque, se moque de la religion et de la philosophie. Voir p. 100, n. 3. Le dernier alinéa de la note vise probablement une fois de plus La Mennais.

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et de Virgile, que le nom et quelques fables dont la signification avait changé. Leur caractère moral, leurs relations avec les hommes à ces deux époques n’ont aucun rapport. Jusqu’ici, l’on a plutôt recueilli qu’apprécié les témoignages. L’on a cité presque indifféremment sur la religion grecque Homère et Virgile, Hésiode et Lucien. L’on a même consulte´ avec confiance, sur les époques les plus reculées de cette croyance, des mythologues tout-à-fait modernes, ou des philosophes dont l’intérêt visible et le but avoué était d’épurer l’ancien polythéisme a. a

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Pour donner une idée de l’excès auquel cette méthode fautive a été portée, nous indiquerons l’auteur de l’Essai sur la religion des Grecs. Quand au milieu d’un grand étalage d’érudition il veut nous parler de l’enfer d’Homère, il nous renvoie à une note, et dans cette note nous trouvons des vers de Virgile ; une autre note nous rapporte des passages de Proclus et de Jamblique. Il est vrai que quelquefois parmi ces autorités nous rencontrons aussi Racine et Boileau. Ce que M. Leclerc de Septchênes a fait pour la religion des Grecs, d’autres écrivains l’ont fait pour celle des Perses1 ; ils ont invoqué, comme des garants dignes de toute confiance, non-seulement Plutarque, mais Porphyre, dont on connaît l’enthousiasme et le dévouement au platonisme nouveau ; Eubule, contemporain de Porphyre, non moins inexact, mais bien moins savant que lui ; Eusèbe, homme érudit, mais d’une crédulité puérile ; Dion Chrysostôme, esprit imbu de toutes les subtilités d’Alexandrie ; Eudème, enfin, dont le siècle même nous est inconnu, et que soupçonnait déja d’imposture le compilateur qui nous en a conservé quelques fragments. (V. Excerpta ex Damascii libro de principiis, pag. 259.)2 Ils n’ont pas considéré que ces hommes écrivaient, pour la plupart, près de six cents ans après la chute de l’empire de Darius, lorsque le polythéisme grec et la philosophie grecque, la théurgie éclectique, le judaïsme et le christianisme, avec toutes les superstitions qu’entraînent à leur suite les bouleversements politiques, le mélange des peuples, l’asservissement, l’épouvante et le malheur, avaient pénétré dans la religion des Perses. Personne, au reste, n’a poussé l’absence de toute critique et la confusion de tous les

3 époques ] époques, Rel. I,2 1

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Voir LeClerc de Sept-Chênes, Essai sur la religion des anciens Grecs, Lausanne : Pott, 1787, 2 vol. L’auteur parle «De l’enfer des anciens» dans le t. I, pp. 143 à 149, et dans les notes correspondant à ces pages dans le t. II, pp. 110 à 117. Le reproche que BC adresse à LeClerc est fondé, mais celui-ci parle en réalité de l’enfer d’Hésiode (et non pas de celui d’Homère) avant de citer Virgile dans les notes. Voir t. I, pp. 143–144 et t. II, pp. 111–114. Une note rapportant des passages de Proclos et de Jamblique n’a pas pu être retrouvée. – Il faut ajouter que, du point de vue de l’analyse structurale des mythes, qui traite de manière homogène toutes les variantes d’un mythe (voir les travaux de Claude Lévi-Strauss), la méthode de LeClerc serait moins absurde que BC ne le pense. – Voir le Repertory, note 99 et le Petit carnet de notes, note 21. BC copie une note d’un auteur non identifié pour renvoyer à l’édition partielle de l’ouvrage du philosophe Damascius établie par Johann Christoph Wolf (Anecdota Græca, sacra et profana, ex codicibus manu exaratis nunc primum in lucem edita, versione latina donata, et notis illustrata a Io. Christophoro Wolfio, Hamburgi : apud Theodorum Christophorum Felginer, 1822–1824, 4 vol.). On y trouve dans le vol. III, pp. 195–262, le chapitre «Excerpta ex Damascio Ms. de Principiis» ; le passage indiqué par BC fait partie du fragment XI, qui évoque le philosophe Eudème. La page indiquée est reprise dans la première édition

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Confondant ainsi les dates et les doctrines, les auteurs de la plupart des systêmes ont mêlé les opinions des siècles divers : ils n’ont point distingué auteurs à un degré plus haut que M. de la Mennais1, dans le troisième volume de son Essai sur l’indifférence en matière de religion. Il cite indistinctement, pour prouver ce qu’il nomme la religion primitive, Pythagore, Épicharme, Thalès, Eschyle, Platon, Sanchoniaton, Diodore, Pausanias, Jamblique, Clément d’Alexandrie, Maxime de Tyr, Cicéron, Plutarque, Anaxagore, Lactance, Archelaüs, Porphyre, Sénèque, Épictète, Proclus, etc. Il saisit au hasard quelques expressions de chacun d’eux, pour en conclure qu’ils ont professé la même doctrine. Le sceptique Euripide, qui fait d’ailleurs, comme tout auteur tragique, dire à ses personnages le pour et le contre, lui paraît un garant non moins respectable que le religieux Sophocle. Le crédule Hérodote est appelé en témoignage avec l’incrédule Lucien. L’auteur se prévaut d’un mot d’Aristote pour le présenter comme ayant professé le théisme et l’immortalité de l’ame à notre manière, tandis que le dieu d’Aristote, dépouillé de toute vertu, de toute qualité, de toute relation avec les hommes, est une abstrac tion dont aucune religion ne peut s’emparer, et que, suivant le même philosophe, l’ame, après la mort, sans mémoire, sans conscience, sans sentiment d’individualité, est une autre abstraction que ne peuvent atteindre ni les châtiments, ni les récompenses. M. de la Mennais en agit de la même manière avec Xénophane, le panthéiste le plus audacieux qui ait existé, et qui, ne reconnaissant qu’une substance unique et immobile, le monde, ne mérite certes pas le nom de théiste pour avoir appelé Dieu cette substance qui, disait-il, avait toujours subsisté et subsisterait toujours dans le même état. Pline l’ancien qui, dès le commencement de son ouvrage, déclare que l’univers seul est dieu, est invoqué pour attester la permanence de la révélation faite à nos premiers pères. Sanchoniaton, nom générique, annexé, on ne sait pourquoi, à des ouvrages évidemment supposés, les vers dorés du prétendu Pythagore, les hymnes si peu antiques du fabuleux Orphée, tout est bon à M. de la Mennais, pourvu qu’on y trouve le mot ΘεοÁ ς, auquel chaque philosophe et chaque poète attachait un sens différent. Il n’y a pas jusqu’à Horace lui-même, Epicuri de grege porcus, parcus deo rum cultor et infrequens, qui ne lui serve à proclamer l’immutabilité, l’antiquité, la pureté du théisme primitif2. Il ne valait vraiment pas la peine de nous dire qu’on avait découvert qu’aujourd’hui

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7 Archelaüs, ] Archélaüs, Rel. I,2

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22 dieu, ] Dieu, Rel. I,2

critique réalisée par J. Kopp (ΔΑΜΑΣΚΙΟΥ ΔΙΑΔΟΧΟΥ ΑΠΟΡΙΑΙ ΚΑΙ ΛΥΣΕΙΣ ΠΕΡΙ ΤΩΝ ΠΡΩΤΩΝ ΑΡΧΩΝ, Damascii Philosophi Platonici quæstiones de primis principiis, Francofurti ad Mœnum : Sumptibus et typis H. L. Brœnneri, 1826), ce qui prouve que l’édition de Wolf faisait autorité. BC ne fait donc que reproduire l’opinion du commentateur inconnu. Ajoutons encore que le philosophe Eudemos n’est pas l’homme obscur dont parle BC mais le disciple bien connu d’Aristote, Eudème de Rhode, né autour de 370. Voir Fritz Wehrli, Die Schule des Aristoteles. Texte und Kommentare, t. VIII : Eudemos von Rhodos, Basel : Schwabe, 1955. Édition moderne : Damascius, Traité de premiers principes, texte établi par Leendert Gerrit Westerink [...] et traduit par Joseph Combès, Paris : Les Belles Lettres, 2002, 3 vol. Cette critique sévère de l’ouvrage de La Mennais renvoie, d’une manière générale, au t. III de L’Essai sur l’indifférence, où l’on trouve, dans le chap. XXV, plusieurs exemples de cette fausse érudition. Il suffit parfois de noter les noms des auteurs cités les uns après les autres pour reconstituer la liste de BC. Le quatrième tome permet d’établir une liste semblable. Contamination de deux citations d’Horace : «Epicuri de grege porcus» («un porc du troupeau d’E´picure»). – C’est ainsi qu’Horace (Epîtres, livre I, ép. IV, v. 16) se désigne pour enchérir ironiquement sur le langage des stoïciens. «Parcus deorum cultor et infrequens» («Adorateur des dieux avare et peu assidu») – c’est le premier vers des Carmina I, 34. Ici

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les dogmes empruntés du dehors des dogmes indigènes, les fables qui avaient toujours composé les croyances na tionales de celles qui s’y étaient introduites successivement, ou y avaient été jetées tout à coup par quelque événement inattendu. Il en est cependant des religions des anciens comme de leur géographie, tout y est progressif. La géographie d’Homère n’est pas celle d’Hésiode, celle d’Hésiode n’est pas celle d’Eschyle, celle d’Eschyle n’est pas celle d’Hérodote. Il faut dans tout ce qui concerne l’antiquité partir de la progression. Mais ce qui redouble la difficulté de ce travail c’est que presque toutes les mythologies ont subi, dans leur arrangement chronologique, une subversion qui a placé dans les temps les plus anciens, les opinions les plus récentes, et qui a représenté les opinions les plus anciennes comme une dégénération d’opinions encore antérieures. Le motif de ce renversement de dates est facile à comprendre, quand une fois on l’a indiqué. Lorsque le progrès des lumières a rompu chez un peuple toute proportion entre les notions religieuses et le reste des idées, mille rafinements, mille explications subtiles s’introduisent dans la religion. Mais les inventeurs de ces rafinements, les auteurs de ces explications ne les présentent point comme des déviations du culte existant. La plupart des novateurs en politique ne disent jamais qu’ils veulent établir un gouvernement nouveau. A les entendre, ils n’aspirent qu’à rendre aux institutions anciennes leur pureté primitive. Il en est de même de la religion. Les philosophes, les esprits éclairés et surtout les prêtres, qui, comme nous le montrerons ailleurs, ont toujours deux impulsions, celle de conserver les opinions existantes, parce que c’est leur intérêt immédiat, et celle d’introduire dans la religion qu’ils regardent comme leur propriété, toutes leurs découvertes successives, parce que c’est l’intérêt durable du sacerdoce, ces hommes réclament pour leurs additions et leurs interprétations plus ou moins ingénieuses, abstraites ou

l’antiquité était peu connue, pour nous présenter comme instruction une compilation qui, s’il n’y avait en France des savants véritables, reporterait la science où elle était avant les premiers efforts de la critique naissante. 3 tout à coup ] tout-à-coup Rel. I,2 8 faut ] faut, Rel. I,2 l’antiquité ] l’antiquité, Rel. I,2 10 travail ] travail, Rel. I,2 19 explications ] explications, Rel. I,2 aussi il est question de l’épicurisme. Comme le mentionne une note dans la traduction de Villeneuve, «E´picure, tout en admettant l’existence des dieux et en s’associant par des offrandes modestes au culte qui leur était rendu, enseignait que, simples spectateurs du monde, ils n’interviennent nullement dans le jeu des forces naturelles ni dans les choses humaines» (Horace, Odes et Epodes, texte établi et traduit par F. Villeneuve, Paris : Les Belles Lettres, 2001, t. I, p. 46).

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recherchées, les honneurs de l’antiquité, la faveur de la tradition a. Pour mieux dominer les générations vivantes, ils empruntent la voix des générations passées b. Dans le Bhaguat-Gîta. c, ouvrage com posé avec l’intention manifeste de substituer à la doctrine des Védes une doctrine plus philosophique, Crishna dit a` son disciple qu’il a révélé jadis à d’autres les vérités sublimes qu’il lui a

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b

c

C’est là ce qui a trompé nos savants. Theologia physica prima veteribus innotuit, dit Villoison. dans Sainte-Croix1, des Mystères, pag. 235, deinde apud solos remansit doctos et philosophos ac mysteriorum antistites. Il y a là une vérité et une erreur. Il est vrai que la théologie physico-mystérieuse prit naissance d’assez bonne heure dans les pays où le sacerdoce exerça beaucoup d’influence ; mais il est faux qu’elle ait d’abord été la religion populaire, et qu’elle soit ensuite devenue une doctrine secrète réservée aux philosophes et aux initiés. Elle a commencé par être secrète, et s’est répandue ensuite peu à peu, malgré les prêtres. Indépendamment même de l’intention, les écrivains qui traitent des époques grossières des religions, sont toujours d’une époque plus avancée ; ce qui fait qu’ils confondent toujours les opinions de leur temps avec celles qu’ils veulent décrire2. Il paraît, dit le traducteur anglais du Bhaguat-Gîta, que le principal but des dialogues qui composent cet ouvrage, fut de réunir tous les cultes existants à l’époque où ces dialogues furent écrits (ils sont supposés l’avoir été il y a environ cinq mille ans), et de renverser les dogmes prescrits par les Védes, en établissant la doctrine de l’unité de Dieu (ceci n’est pas exact ; le Bhaguat-Gîta établit le panthéisme et non le théisme), en opposition avec les sacrifices idolâtres et le culte des images. (Préf. du Bhag.-Gît. pag. 20). Dans ce passage, le traducteur anglais reconnaît clairement une religion antérieure et plus grossière. Cependant, par une suite du préjugé reçu, il dit ailleurs qu’en traduisant le Bhaguat-Gîta, son intention a été moins de faire connaître les superstitions actuelles que la religion primitive des Indiens3.

4 Bhaguat-Gîta ] Bhaguat-Gita Rel. I,2 1

2

3

7–8 Villoison. ] Villoison, Rel. I,2

Le fragment cité par BC figure dans un texte de Jean-Baptiste-Gaspard d’Ansse de Villoison (1750–1805), intitulé De triplici Theologiâ Mysteriisque Veterum, texte que Sainte-Croix insère dans son propre texte (Mémoires pour servir à l’histoire de la religion secrète des anciens peuples ; ou recherches historiques et critiques sur les mystères du paganisme, Paris : Nyon l’aîné, 1784, pp. 221–338). Selon Sainte-Croix, il s’agit d’un «fragment» du «grand Ouvrage» de Villoison «sur la Philosophie ancienne» (p. 220). Voici l’ensemble de la phrase dont BC ne cite que le début : «Hæc est igitur Theologia Physica, quæ prima veteribus innotuit, deinde apud solos remansit doctos & Philosophos, ac mysteriorum Antistites, quæ seponebat fabularum integumenta, quibus subtiliora dogmata & primæ rerum causæ ita involvebantur, ut hæc arcana reducta & in interiore sacrario clausa, non promiscuè omnibus paterent, ut ait Seneca, Quæstion. natural. Liv. VII, Capt. XXXI, sed vulgi profani in vestibulo hærentis oculos falleret tanta majestas in sanctiori recessu delitescens» (p. 235). – Voir le Repertory, note 98. Cette observation herméneutique fut suggérée par Paul Joachim Siegmund Vogel, Versuch über die Religion der alten Aegypter und Griechen, Nürnberg : Frauenholz, 1793 (voir la première des notes de lecture, BCU, Co 3293, no 2) : «les écrivains qui traitent des Epoques grossieres de la Religion sont toujours d’une époque plus avancée, ce qui fait qu’ils confondent toujours les opinions de l’époque à laquelle ils vivent avec celles des époques grossières qu’ils veulent décrire.» Cette note est d’ailleurs décrite dans la marge comme «empl. 1823». Même note dans le Repertory, note 448. BC résume correctement un passage de la préface de Charles Wilkins. Voir The Bha˘gva˘t-

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communique aujourd’hui, mais que le laps des temps les a recouvertes d’un voile1. Comme tous les réformateurs, Crishna met de la sorte l’antiquité en avant. Dans un dialogue faussement attribué au Mercure Égyptien et traduit par Apulée a, ce législateur s’écrie, en s’adressant à l’E´gypte : un temps viendra qu’au lieu d’un culte pur tu n’auras plus que des fables ridicules. C’est le mot d’un philosophe qui, tandis que l’esprit humain s’élève de l’ignorance aux lumières, renverse cette marche pour donner à ses opinions plus d’autorité b. On peut remarquer un travail analogue chez les sages de la Grèce. Empédocle, Héraclite, Platon lui-même c, tachent d’identifier leurs hypothèses avec ce qu’ils nomment la plus ancienne théologie. Ce dernier, par exemple, attribue aux premiers Grecs le culte des astres qui leur fut toujours étranger d, et il ne tient pas à lui qu’on ne les regarde, contre le témoignage de l’histoire, comme ayant commencé par l’astrolâtrie. a b

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c d

Dialogue intitulé Asclépius2. Indépendamment de la marche naturelle des idées, les évènements modifient les religions, et alors les prêtres de ces religions, ne voulant pas reconnaître que leurs doctrines ont cédé a` une force extérieure et purement humaine, attribuent aux modifications qu’elles ont subies une antériorité chimérique. Ainsi, la religion égyptienne se divise évidemment en plusieurs époques. L’ancienne religion de ce pays éprouva plusieurs altérations par l’invasion des Perses sous Cambyse. La religion qui était résultée du mélange de l’ancienne et des opinions persanes, se modifia encore sous Alexandre et ses successeurs, parce que les opinions grecques pénétrèrent alors en Égypte. Les prêtres égyptiens, en mêlant à leur culte les fables et les doctrines de leurs vainqueurs, s’efforcèrent de leur persuader qu’elles étaient originairement venues d’E´gypte. (Brucker, Hist. phil. I, 281, 282.)3 Plat. dans le Cratyle4. Quand nous disons que le culte des astres fut toujours étranger aux Grecs, nous ne préten-

4 un ] Un Rel. I,2

1 2

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16 évènements ] événements Rel. I,2

Geeta˘, or Dialogues of Kre˘e˘shna˘and A˘rjo˘o˘n ; in Eighteen Lectures ; with Notes. Translated by Charles Wilkins, London : C. Nourse, 1785, p. 24 (et non pas p. 20). Le passage où Wilkins, selon BC, déclare que son intention a été de faire connaître la religion primitive des Indiens n’a pas pu être retrouvé. Une ébauche de cette observation se retrouve dans le Livre verd, p. 18, note C, et dans le Repertory, note 895. Il le dit au début de «Lecture IV. Of the Forsaking of Works» (The Bha˘gva˘t-Geeta˘, p. 51). Voir Asclepius, dans Corpus hermeticum, texte établi par A. D. Nock et traduit par A.-J. Festugière, Paris : Les Belles Lettres, 1945, t. II, pp. 257–404. Voir pour la phrase citée p. 327. BC a ajouté dans sa version l’épithète «ridicules». Comme BC l’indique, sa remarque sur les époques de la religion égyptienne est le résumé d’une observation de Johann Jacob Brucker, Iacobi Bruckeri Historia critica philosophiæ a mundi incunabulis ad nostram usque ætatem deducta, Lipsiæ : Weidmann, 1742, t. I, pp. 281–282. Voir le Repertory, note 96. On comprend mal le renvoi au Cratyle, dialogue qui porte uniquement sur la justesse des noms, posant le problème des rapports entre le langage et les choses. Voir pour la divinité des astres Timée, 40 b/c. – Une première version de l’observation ci-dessus se trouve dans le Repertory, note 897.

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Il est évident que tous les rafinements des croyances religieuses sont postérieurs à la crédulité simple ; comme il est évident que la barbarie est antérieure à la civilisation a. Mais un motif naturel a fait placer ces innovations avant les fables populaires, dans la chronologie ostensible des mythologies. Placées ainsi, elles contribuent à rendre la religion respectable : ce sont des fantômes imposants qui ajoutent à la majesté sombre d’un antique édifice. Substituées ouvertement à la doctrine reçue, des innovations pareilles sembleraient des impiétés.

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a

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dons point qu’ils n’aient pas placé les astres parmi les divinités ; mais nous prouverons, 1o que les astres déifiés par les Grecs n’ont occupé qu’un rang subalterne ; et 2o que les divinités qui dirigeaient les astres dans la mythologie grecque avaient un caractère individuel, tout-à-fait distinct des fonctions qui leur étaient attribuées. Montrons, par un seul exemple, comment, à mesure que les écrivains sont plus modernes, ils prêtent un sens plus raffiné à des coutumes et à des rites que les auteurs anciens expliquaient d’une manière fort simple. Hérodote et Plutarque1 racontent tous les deux que les prêtres égyptiens se rasaient le corps. Mais Hérodote assigne a` cet usage une cause naturelle, un but de salubrité, dans un climat très-chaud. Plutarque y voit une idée mystérieuse. «Les Égyptiens agissaient ainsi, dit-il, parce que les cheveux, les crins et la laine sont des produits impurs que l’homme doit rejeter, pour arriver par la pureté à la perfection.» BC résume dans cette note les observations qu’on lit dans l’édition d’Hérodote établie par Pierre-Henri Larcher (Histoire d’Hérodote, traduite du Grec, avec des Remarques Historiques et Critiques, un Essai sur la Chronologie d’Hérodote, et une Table Géographique. Nouvelle édition, revue et considérablement augmentée [...], Paris : C. Crapelet, an XI [1802], 9 vol.). Larcher commente un passage d’Hérodote que l’on trouve dans le deuxième livre des Histoires, intitulé «Euterpe», livre dans lequel Hérodote décrit le pays, les mœurs et le passé des Égyptiens, avant de raconter leur assujettissement par les Perses : «Leurs Prêtres se rasent le corps entier tous les trois jours, afin qu’il ne s’engendre ni vermine, ni aucune autre ordure sur des hommes qui servent les Dieux.» Et il ajoute : «Ils ne portent qu’une robe de lin et des souliers de Byblus» (t. II, p. 31). Dans sa note, BC résume les notes 128 et 129 de Larcher, qui explique le texte d’Hérodote en citant Philon et Plutarque. Philon expose (De Circumcisione) : «les Prêtres Egyptiens se rasent le corps, de crainte qu’il ne s’attache quelque ordure sous les poils ou sous le prépuce, qui puisse nuire à la pureté de leur ministère. Il en étoit de même chez les Juifs ; s’il se trouvoit de la poussière ou de la vermine morte entre l’habit du Prêtre et sa peau, il ne pouvoit s’acquitter des fonctions du sacerdoce.» Et Larcher continue en disant : «Les Prêtres cherchoient moins [...] a` se distinguer du reste de la nation qu’à entretenir la pureté et la propreté du corps, d’où la santé dépendoit dans un climat aussi chaud» (note 128, p. 244). Quant à Plutarque, BC renvoie à De Iside et Osiride, parce que celui-ci parle aussi de la coutume de se raser le corps, plus encore parce que l’habit de lin qu’ils portaient établissait, par sa pureté symbolique, un rapport «mystique» avec la pureté miraculeuse de la divinité. «Le lin sort de la terre immortelle, il porte un fruit bon à manger, et de quoi faire les habits minces et propres, qui ne chargent pas ceux qui les portent, et qui conviennent très-bien aux différentes saisons de l’année» (note 129, pp. 245–246). – L’ébauche de cette note se trouve dans le Registre violet, p. 86, n. LXIII.

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Cette observation se vérifie chez presque toutes les nations anciennes. Nous voyons en Perse1 les opinions mystérieuses et raffinées du vieux empire de Bactriane attribuées aux Perses barbares, et les vestiges de la religion grossière de ces derniers, représentés comme la corruption d’un culte épuré. Si nous prenions à la lettre l’histoire de la mythologie scandinave2, telle qu’on nous la raconte, nous croirions que les peuples du Nord ont commencé par le théisme et l’allégorie et qu’ils ont fini par le fétichisme : la première des divinités scandinaves s’appelle Alfadur, All-Vater, Père de tout, nous dit-on ; puis viennent Odin et ses deux frères. Les Nornes ou Parques sont d’abord au nombre de trois, et président d’une manière générale au passé, au présent et à l’avenir. L’allégorie n’est pas méconnaissable, mais ensuite elle se perd. Il y a autant de Nornes que d’hommes ; les Nornes deviennent les fétiches des individus. Cette progression serait inexplicable, si nous l’acceptions, comme on nous la présente. Mais elle sera facile à concevoir, quand nous aurons montré qu’elle a été racontée ainsi par les prêtres ou drottes, qui chez les Scandinaves s’étaient emparés d’une très-grande puissance. De même dans le polythéisme grec3, les divinités cosmogoniques, Chro-

8 l’allégorie ] l’allégorie, Rel. I,2 1

2

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15 l’acceptions, ] l’acceptions Rel. I,2

BC fait allusion a` la religion de Zoroastre (VIe siècle av. J.-C.). Elle se présente comme une épuration, intégrant tout de même des éléments magiques de l’ancienne religion, sauvegardés par le zoroastrisme ou bien considérés comme influences extérieures ayant corrompu la pureté du culte. Une rédaction identique de ce passage se trouve dans le Livre verd, p. 99, note CDI. – Voir à propos de cette mythologie Rasmus B. Anderson, Mythologie scandinave : légendes des Eddas, trad. de Jules Leclercq, PontAuthou : les Ed. d’Héligoland, 2010. Remarquons que les mythes cosmogoniques, qui forment l’histoire mythologique de la Grèce jusqu’à la victoire définitive de Zeus, précèdent tel que le dit BC les mythes divins, qui concernent les dieux et les déesses de la religion olympienne. Les divinités que mentionne BC apparaissent dans la Théogonie d’Hésiode, dont l’ouvrage est la première évocation de la cosmogonie grecque. Selon la Théogonie a existé avant tout le Chaos, personnification du Vide primordial, duquel naquirent la Terre, Gaïa, Tartaros, l’Enfer (le Tartare) et Eros (le Désir amoureux), puis l’Obscurité, Erèbe, Nyx, la Nuit, qui donna naissance à Aither, l’éther, et à Hemera, le jour. Gaïa engendra ensuite le Ciel, Uranos, les montagnes et la Mer, Pontos, Okeanos. C’est seulement suite à cela qu’apparurent les générations, qui comprenaient de nombreuses personnifications, et représentaient les forces agissantes du cosmos. «Mit Hesiod ist schon jener Übergang von einer «mythischen» zu einer quasi«philosophischen» Erklärung der Welt aus ihrer Entstehung eingeleitet, der sich bis in die vorsokratischen Weltentstehungslehren fortsetzt» (Isabel Toral-Niehoff, «Weltschöpfung», Der Neue Pauly. Enzyklopädie der Antike, hrsg. von Hubert Cancik und Helmut Schneider, Stuttgart et Weimar : Metzler, 2003, t. XII/2, p. 465). Quant à Cronos, il appartiendrait à la première génération divine, étant le plus jeune fils d’Uranos et de Gaïa, de même que Rhéa, sa sœur et épouse, une des Titanides.

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nos ou le Temps, Rhée, le Ciel, l’E´rèbe, la Nuit, l’Océan, la Terre, précèdent en apparence les divinités réelles1. Il est essentiel d’avoir ces observations présentes à l’esprit dans la lecture de cet ouvrage. Sa nature ne nous permettait pas de rapporter tous les faits, d’entrer dans tous les détails indispensables pour démontrer combien est fondée chacune des distinctions que nous avons établies entre les diverses époques des croyances : mais ceux qui nous lisent avec le désir de trouver la vérité, doivent se demander, lorsqu’ils penseront avoir à nous opposer quelque fait particulier, si ce fait n’aurait pas été introduit dans la religion dont il fait partie postérieurement à l’époque a` laquelle on le rapporte, et repoussé ensuite par une adresse usitée, ou par une méprise commune, vers une époque antérieure ; quel est le premier auteur qui a rapporté ce fait ; de quelle date est cet auteur, et s’il n’a pas confondu les opinions de son temps ou ses propres conjectures avec des opinions plus anciennes2. Une seconde précaution que nous aurons à prendre sera d’écarter les explications scientifiques que nous ont offertes sur les anciens cultes plusieurs savants distingués. Les travaux de ces érudits ont été sans doute d’une grande utilité. Ils ont répandu beaucoup de lumières sur des portions peu connues de l’histoire des temps reculés. Ils ont éclairci plusieurs questions essentielles. Ils nous ont offert des conjectures souvent intéressantes, quelquefois probables. Aucune vérité n’est à dédaigner. La solution de plus d’un problême qui semblait minutieux et dont l’investigation paraissait puérile, a jeté un jour inespéré sur des objets de la plus haute importance. La science est toujours salutaire, comme l’ignorance est toujours funeste. Cependant ces érudits, nous oserons le dire, ont commis une erreur grave. La religion n’a été pour les uns que la représentation symbolique de l’agriculture, pour les autres que celle de l’astronomie, pour d’autres encore que des faits historiques défigurés par les traditions, ou des allégories méconnues par l’ignorance. Sous un certain rapport, toutes ces explications ont quelque chose de vrai. Chez toutes les nations de la terre, une classe d’hommes plus ou moins puissante a cherché à faire de la religion le dépôt des connaissances humaines. Mais conclure de là que la religion fut inventée pour renfermer ce sens mystérieux, et que les opinions populaires n’ont été que des déguisements ou des dégradations de cette doctrine, c’est tomber dans une erreur aux conséquences de laquelle il est impossible d’échapper. Les fables religieuses ne sont devenues que par degrés des hiéro11 repoussé ] repoussée Rel. I,1 1 2

Voir le Repertory, note 68. Une première version de cet alinéa se lit dans le Registre violet, p. 4, note V.

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glyphes, à l’aide desquels la classe instruite a enregistré ses calculs, ses observations sur les faits, ou ses hypothèses sur les causes. L’erreur des savants ne vient pas de ce qu’ils ont prêté à la religion un sens scientifique, mais de ce qu’ils ont cru pouvoir le placer avant le sens populaire ou littéral. Au lieu de considérer la religion comme un sentiment, ils l’ont envisagée comme une combinaison : au lieu d’y reconnaître une affection de l’ame, ils l’ont voulu transformer en une œuvre de l’esprit1. Au lieu de voir la nature, ils n’ont vu que l’art. Comme si cette erreur fondamentale ne leur eût pas suffi, chacun a choisi l’une de ces hypothèses pour en faire l’unique source de la religion. De la sorte, un systême déja défectueux par sa base, est devenu chimérique et forcé dans tous ses détails a. L’on a compté pour rien les penchants les plus natu rels de l’homme : a

Ce qui n’était, dit le traducteur de Warburton, que l’origine d’une seule branche de l’idolâtrie2, M. l’abbé Pluche en a voulu faire l’origine de toute idolâtrie3. On peut en dire

1

Voir le Repertory, note 55. BC cite les Dissertations sur l’union de la religion, de la morale, et de la politique : Tirées d’un ouvrage de M. Warburton [à savoir : The Divine Legation of Moses], Londres : chez Guillaume Darrés, 1742, t. I. La préface du traducteur (t. I, pp. 3–25) – il s’agit d’E´tienne de Silhouette (1709–1767) – explique que le but de Warburton consiste à démontrer l’utilité et la «nécessité de la religion, elle seule [peut] remédier par la crainte & l’espérance des peines & récompenses d’une autre vie» aux défauts de la société civile, «suite nécessaire de la dépravation naturelle du cœur humain» (p. 4). La démonstration se veut une réfutation du «fameux paradoxe» de Bayle «qui soutient qu’il pourroit y avoir une république d’athées» (p. 4). Elle soutient en plus que de tout temps, l’autorité politique a pris soin «de cultiver & de conserver la religion» (p. 7), ce qui permet d’établir un lien étroit entre la religion et la morale profane. La formule «une seule branche de l’idolâtrie» évoque l’institution de la religion qui, selon «tous les anciens législateurs», doit son existence «à quelque inspiration divine» (p. 7). Cela permet de connaître la véritable «nature des Dieux du Paganisme, de leurs attributs & du culte qu’on leur rendoit» (p. 7). Voir ci-dessous, p. 200, n. 2. Voir Noël Antoine Pluche, Histoire du ciel considéré selon les idées des poètes, des philosophes et de Moïse, Paris : Chez Pluche, 1739, 2 vol. La «discussion de ce que les hommes d’avant nous ont pensé ou appris de leurs peres sur l’origine du ciel, & sur ses rapports avec la terre» (t. I, p. iii) se veut apologétique : Pluche poursuit le but de justifier la ‘physique’ de Moïse et de la défendre contre la physique scientifique moderne (voir pp. xixii). Selon lui, «l’expérience dément la possibilité du monde Cartésien, & condamne évidemment les opinions des philosophes tant sur l’origine du ciel, que sur la formation des corps qui y roulent ; au lieu que l’expérience la plus sensible est parfaitement & uniquement d’accord avec le récit de Moïse» (pp. xiii-xiv). Il faut pourtant commencer par «renverser les fables» des poètes de l’antiquité, égyptienne et phénicienne, grecque et romaine (p. vii), dont se compose ce que l’auteur appelle le ‘ciel poétique’, objet du Livre I de son ouvrage. Il y explique que les signes de poètes étaient à l’origine des symboles et allégories visant a` instruire le peuple (voir p. ex. t. I, pp. 23–25) et qu’il sont la source unique des religions futures. L’«indifférence & la grossiéreté du peuple, lui firent négliger l’intelligence des signes anciennement établis pour l’instruire» ; l’ignorance finit même par lui faire «convertir les signes du soleil, des saisons, & des fêtes, ou les hommes & les animaux sym-

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l’on a révoqué en doute les témoignages les plus positifs de l’antiquité. L’on a rejeté à la fois ce que l’étude de nous-mêmes nous révèle et ce que l’histoire nous apprend. Ouvrez le Monde primitif1, vous n’y trouverez ni le sentiment de cette piété profonde et mâle, de cette conviction intime et sérieuse qui caractérise les Romains, ni la connaissance des événements qui, en introduisant dans ce culte des fêtes nationales, en avaient fait un principe de patriotisme politique autant que de vénération religieuse. La fuite du roi des sacrifices, fuite évidemment commémorative de l’expulsion des Tarquins a, en même temps

a

autant de presque tous ceux qui ont écrit sur la religion, et de ceux mêmes qui ont relevé ce défaut dans les autres. De la sorte, on a, pour ainsi dire, enté l’erreur sur l’erreur. Toutes les fables des religions sont susceptibles d’interprétations diverses, suivant qu’on les applique à l’histoire, à la cosmogonie, à la physique, ou à la métaphysique. La victoire des dieux sur Typhon était, par exemple, dans la doctrine secrète des prêtres égyptiens, tantôt le symbole de l’expulsion des rois bergers, tantôt celui du dessèchement de la basse Égypte2. Il est tout simple que le sacerdoce recoure à la langue religieuse pour ses récits comme pour ses enseignements et ses hypothèses : les explications coexistent sans se nuire ; elles ont toutes leur genre de vérité ; mais elles sont toutes indifférentes quant à l’influence réelle des cultes3. Lors même qu’on répandrait du doute sur la vérité historique des premiers évènements de l’histoire romaine, il n’en demeurerait pas moins évident que l’impression morale produite

2 nous-mêmes ] nous-même Rel. I,2 Rel. I,2

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10 mêmes ] même Rel. I,2

18 vérité ; ] vérité,

boliques, en autant de dieux dont son imagination peupla le ciel» (p. 395). L’«idolâtrie» naît quand les symboles sont personnifiés (p. 122). La critique de BC vise donc l’hypothèse problématique de la naissance des religions par la corruption inévitable des traditions symboliques. – Une ébauche de cette note se trouve dans le Livre verd, p. 47, note CXC. L’expression «Ouvrez le Monde primitif» fait référence à Antoine Court de Gébelin, écrivain et érudit français du XVIIIe siècle, qui analysa et compara le monde primitif avec le monde moderne. En effet, cette comparaison constitue l’œuvre majeure de Court de Gébelin, Le Monde primitif analysé et comparé avec le monde moderne, publiée entre 1773 et 1782 en neuf volumes. Le «monde primitif» désigne le monde des origines jusqu’au début des temps historiques des Grecs et des Romains au VIIIe siècle avant J.-C. L’auteur tente de remonter à la source des connaissances à travers ce qu’il nomme «les mots» (les langues) et «les choses» (les traditions, les mythes, les textes, les images). Autrement dit, Court de Gébelin tente de comprendre le monde primitif par ce qui est perceptible du monde moderne. «Persuadé que tout est langage et que le monde est lui-même une allégorie, il a cherché à travers les racines des mots et des choses les secrets d’un grand ordre nécessaire et oublié» (Anne-Marie Mercier-Faivre, Un supplément à ‘L’Encyclopédie’ : Le ‘Monde primitif’ d’Antoine Court de Gébelin, Paris : H. Champion, 1999, p. 13). L’identification du monstre Typhon, qui appartient à la mythologie grecque, avec le dieu égyptien Seth, vénéré par les Hyksôs, favorise des textes mythologiques ayant pour objet la victoire définitive des pharaons de la Haute Égypte sur les Rois bergers résidant dans la Basse Égypte, ainsi que la sécheresse périodique de la vallée du Nil. Une première ébauche du texte à partir des mots «Toutes les fables» se lit dans le Registre violet, p. 135, note CCLXXXIII.

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que liée à des traditions sacerdotales empruntées du dehors, devient exclusivement la fuite du soleil au déclin de l’année. Jupiter Stator est le même soleil qui s’arrête. La Fortune des femmes cesse de rappeler l’ambassade de Véturie : l’auteur la transforme d’abord en une fête à la Victoire, sous prétexte qu’elle retraçait une victoire de la piété filiale ; puis cette victoire devient le triomphe remporté par le soleil sur l’hiver. Les Juvénales, que Néron fonda a le jour où, pour la première fois, il se fit couper la barbe pour célébrer cette grande époque, en offrant en spectacle l’empereur du monde comme histrion et comme chanteur b, est un emblême du renouvellement des saisons c. Ainsi, défigurant tout, les érudits sont arrivés, portant chacun son étendart favori d, a` la suite duquel ils traînaient des faits

184 a b c d

par la croyance a dû être en raison de cette croyance, et non du sens mystérieux ou de l’allusion scientifique dont le peuple n’aurait eu aucune connaissance. Si les Romains ont attaché à la commémoration de la chute des Tarquins des idées de dévouement au gouvernement républicain, et de haine pour l’autorité d’un seul, il importe fort peu que quelques érudits ou anti quaires de Rome aient su que cette cérémonie avait aussi une signification astronomique, et que cette signification était la première et la seule réelle dans l’intention des fondateurs. TACIT. Ann. XIV, 15 ; XV, 331. XIPHILIN. 612. Monde primit. IV, 2923. Ce que les érudits ont fait pour les explications scientifiques, les historiens n’ont pas manqué de le faire pour les explications historiques. Lévêque, qui a composé une Histoire de Russie, place dans la Tartarie la source de toutes les religions4. Chacun veut que ce qu’il sait le mieux soit le principe de ce que les autres savent.

11 étendart ] étendard Rel. I,2 1

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4

Voir P. Cornelii Taciti Annalium libri I – XVI ; lib. XIV, cap. 15, lib. XV, cap. 33. Dans les deux passages, Tacite évoque la débauche à l’occasion des fêtes fondées par Néron et l’apparition sur scène de ce dernier. Le passage de l’Histoire romaine de Xiphilin auquel BC fait allusion se trouve dans la section consacrée à l’âge 60 (et non pas 61) ap. J.-C. Voir Histoire romaine. E´crite par Xiphilin, par Zonare, et par Zosime, traduite sur les Originaux Grecs, par Monsieur [Louis] Cousin, Paris : Foucault, 1678, pp. 231–234. Dans un chapitre consacré aux Saturnales, Court de Gébelin mentionne en effet «les ‘juvenales’, ou la Fête des jeunes gens, du renouvellement» (Antoine Court de Gébelin, Monde primitif, analysé et comparé avec le monde moderne, t. IV, sous-titré considéré dans l’histoire civile, religieuse et allégorique du calendrier ou almanach, Paris : L’Auteur, Boudet et al., 1776, p. 294 [et non pas 292]). BC cite Pierre-Charles Levesque, Histoire de Russie. Nouvelle édition corrigée et augmentée par l’Auteur, et conduite jusqu’à la mort de l’Impératrice Catherine II, Hambourg et Brunswick : chez Pierre-François Fauche et Compagnie, 1800, 8 vol. De nouveau, BC se trompe ou cherche à plier l’argument d’un auteur qu’il cite à la tendance de son propre argument (en l’occurrence polémique) : loin de placer «dans la Tartarie la source de toutes les religions», Levesque assure au contraire que les Tatares «n’étaient pas idolâtres ; Rubruquis témoigne qu’ils adoraient un seul Dieu. Ils étaient vraisemblablement de la religion des Chamans, que les Grecs appelaient Samanéens. Cette religion d’abord fondée sur l’adoration d’un grand nombre de divinités, subit ses variations successives, et parvint à l’ado-

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captifs, sous des travestissements bizarres a. L’un a vu partout le déluge où l’autre a reconnu le feu. Celui-ci retrouvait des mois où son successeur démêlait des dynasties b. Nul n’a poussé la subtilité et l’audace en ce genre aussi loin qu’un homme c qui semble néanmoins avoir décidé des a

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Les explications exclusives des savants nous rappellent l’anecdote qu’on raconte sur l’auteur d’Acajou1. Ayant vu des estampes destinées à un livre qu’il ne connaissait pas, il voulut les expliquer, et composa son roman. Il se trouva que ces estampes étaient préparées pour un ouvrage d’un tout autre genre ; mais le roman n’en resta pas moins. Cudworth aperçoit dans Mithra le Dieu unique2. Mosheim, son commentateur, n’y démêle qu’un chasseur avec ses chiens déifiés3. Il suffit de considérer la suite des assertions qui composent le système de Dupuis, tel que lui-même l’expose, pour se convaincre de sa fausseté4. «J’examine», dit-il, «ce qu’ont pensé de la divinité les hommes de tous les siècles et de tous les pays.» Ce n’est donc pas seulement des philosophes et de leurs hypothèses qu’il parle, mais aussi du peuple et de sa ration d’un seul Dieu. Sous cette forme, elle a donné naissance à celle du Tibet. Si les Tatars faisaient subir aux étrangers quelques purifications, c’était par une suite de ce préjugé funeste, qui fait regarder les étrangers comme des profanes : préjugé qui régnait chez les Egyptiens, chez les Juifs, et qu’on retrouve encore chez les Indiens» (t. II, p. 108). L’opinion de Levesque s’accorde donc en réalité avec celle de BC. Voir aussi le chapitre «De la religion des Slaves», t. I, pp. 22–43. – On trouve une ébauche de cette note dans le Registre violet, p. 76, n. XII. BC fait allusion à ce qui est dit dans l’«E´pitre au public», p. VIII, du conte de Charles Duclos, Acajou et Zirphile, paru d’abord en 1744, puis en 1780 (Acajou et Zirphile, conte, par M. Duclos, par ordre de Mgr le Comte d’Artois, Paris : Didot aîné, 1780). – Une première ébauche de cette note se trouve dans le Livre verd, p. 110, note CDXXXV. Voir Ralph Cudworth, The True Intellectual System of the Universe : The First Part ; Wherein, All the Reason and Philosophy of Atheism is Confuted ; and Its Impossibility Demonstrated, London : Printed for Richard Royston, 1768, pp. 286–290, en particulier p. 288 : «And thus Zoroaster and the ancient Magi acknowledged one and the same supreme Deity, under the different names of Mithras and Oromasdes.» Voir Radulphi Cudworthi systema intellectuale huius universi seu de veris naturæ rerum originibus commentarii quibus omnis eorum philosophia, qui Deum esse negant, funditus evertitur. Accedunt reliqua eius opuscula. Joh. Laur. Moshemius [...] reliqua omnia ex anglico latine vertit, recensuit, variisque observationibus et dissertationibus illustravit et auxit, Jenæ : Meyer, 1773, pp. 328–331, en particulier p. 331 : «Iam si illud certum est, quod paullo antedocuimus, ritus mysteriorum mores & res gestas eorum retulisse, ad quorum memoriam conservandam comparata erant, alium non fuisse Mithram, decernendum nobis est, quam robustum hominem & venatorem, qui provinciam Persarum feris bestiis liberavit, vitamque incolarum hoc pacto tutiorem & meliorem reddidit : obquod meritum divinos ipsi honores grata posteritas instituit.» («Si ce que nous avons fait remarquer cidessus est déjà sûr, à savoir que le rite des mystères a conservé les mœurs et les exploits de ceux à la mémoire desquels on les avait composés, il est à constater que Mithras n’était qu’un homme robuste et chasseur qui délivra le pays des Perses de bêtes féroces et rendit ainsi la vie des habitants plus sûre et agréable. Et pour ce mérite, la postérité reconnaissante lui conférait des honneurs divins.») – Voir le Repertory, note 1050. BC s’engage dans une critique développée du grand ouvrage de Charles-François Dupuis, Origines de tous les cultes, ou religion universelle, Paris : H. Agasse, an III, qu’il possède et

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idées en France sur cette matière, et pour qui tous les dieux et tous les héros, croyance. «J’ai prouvé», continue-t-il, «par les témoignages historiques de tous les peuples du monde, par l’inspection de leurs monuments religieux et politiques, par les divisions et distributions de l’ordre sacré et de l’ordre social, enfin par l’autorité des anciens philosophes, que c’est à l’univers et à ses parties que, primitivement et le plus généralement, les hommes ont attribué l’idée de la divinité1.» Comme, chez presque toutes les nations, les prêtres étaient, dans l’origine, les seuls historiens, il n’est pas étonnant que les témoignages historiques aient placé au-dessus ou à côté de la religion vulgaire les doctrines raffinées des prêtres ; et, de cela seul qu’ils ont été forcés de faire mention de cette religion vulgaire pour l’interpréter, il s’ensuit que cette religion vulgaire était pour le peuple la seule religion. Les monuments religieux étant de même construits sous la direction de cette caste, les allégories de la science devaient y occuper une plus grande place que dans le culte public. Quant a` l’autorité des philosophes, il est assez simple que, retrouvant dans les symboles des prêtres des doctrines cosmogoniques analogues aux leurs, ils les aient fait valoir aux dépens des dogmes et des opinions populaires. Il s’ensuit que la métaphysique et la physique sacerdotales sont devenues la métaphysique et la physique philosophiques ; mais nullement que la multitude n’ait reconnu dans les idées religieuses que des abstractions personnifiées. Or, si elle ne les a pas reconnues pour telles, elles n’ont pas été une religion primitive ou générale. «L’histoire des dieux», poursuit Dupuis, «n’est autre chose que celle de la nature ; et, comme elle n’a point d’autres aventures que ses phénomènes, les aventures des dieux seront donc les phénomènes de la nature mis en allégorie.» L’histoire des dieux n’est celle de la nature que pour les hommes qui ont étudié la nature. La foule ne l’étudie pas. L’histoire des dieux est pour cette foule celle des impressions de détail qu’elle reçoit des objets extérieurs, combinées avec son besoin d’adorer quelque chose qui soit au-dessus d’elle ; les motifs qu’elle suppose à l’action de ces objets extérieurs, les passions qu’elle leur prête ont dû donner lieu à des fables sans aucun rapport avec les phénomènes de la nature, mais qu’on a ensuite interprétées de manière à les rattacher à ces phénomènes. «L’ancienne religion du monde», ajoute cet auteur, «est encore la moderne2.» Rien n’est plus faux, si cette assertion s’applique à la partie morale, à l’influence réelle de la religion. On aurait beau prouver mille fois que tous les objets de l’adoration, depuis Osiris jusqu’à Jésus-Christ, n’ont, dans le langage des prêtres, été que le soleil, certes, l’influence qu’avait la religion sur les Égyptiens, et celle qu’a exercée le christianisme dans sa pureté, n’en demeureraient pas moins différentes ; l’espèce humaine n’en aurait pas moins changé de destinée, et fait un pas immense, en passant du polythéisme égyptien, ou même du polythéisme grec qui, comme on le verra, valait beaucoup mieux, à la conception du théisme, et d’un théisme fondé sur la justice et non sur la force, sur la bonté et non sur l’exigeance,

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17 personnifiées. ] perfectionnées. Rel. I,2 l’exigence, Rel. I,2

1 2

35 grec ] grec, Rel. I,2

36 l’exigeance, ]

utilise fréquemment, même s’il rejette sa doctrine. L’auteur anonyme du Mémorial catholique à l’usage des royalistes devenus ou reconnus libéraux (1824, pp. 85–90) repousse les critiques de BC en lui reprochant, a` juste titre, qu’il «ne donne au sentiment le privilège de nous servir de guide que pour le refuser à l’autorité» (p. 86). Il aurait pu citer aussi les attaques de BC contre La Mennais qui reposent sur la même idée. – Une première ébauche de cette note se trouve dans le Repertory, note 1029. Les deux premières citations se trouvent dans la «Préface», pp. vij et x. La citation «L’histoire des dieux ... allégorie» n’est pas littérale. Il est intéressant de lire le texte entre les deux phrases choisies par BC. «... mis en allégories. Cette conclusion, qui me paroît incontestable, m’a conduit naturellement aux principes du systême véritable d’expli-

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depuis Osiris jusqu’à Mahomet, n’ont été que le soleil et les astres. L’agrisur l’amour et non sur la terreur. Dupuis reprend : «La lumière et les ténèbres qui sont dans un éternel contraste avec elle ; la succession des jours et des nuits, l’ordre périodique des saisons, et la marche de l’astre brillant qui en règle le cours ; celle de la lune, sa sœur et sa rivale ; la nuit et les feux innombrables qu’elle allume sur l’azur des cieux ; la révolution des astres, plus ou moins longue sur notre horizon, et la constance de cette durée dans les étoiles fixes, sa variété dans les étoiles errantes ou les planètes ; leur marche directe ou rétrograde, leurs stations momentanées ; les phases de la lune croissante, pleine, décroissante, et dépouillée de toute lumière ; le mouvement progressif du soleil de bas en haut et de haut en bas... l’ordre successif du lever et du coucher des étoiles fixes qui marquent les différents points de la course du soleil, tandis que les faces variées que prend la terre marquent ici-bas les mêmes époques du mouvement annuel du soleil ; la correspondance de celle-ci dans ses formes avec les formes célestes auxquelles s’unit le soleil ; les variations que subit cette même correspondance durant une longue suite de siècles ; la dépendance passive dans laquelle la partie sublunaire du monde se trouve vis-à-vis de la partie supérieure à la lune ; enfin la force éternelle qui agite toute la nature d’un mouvement intérieur semblable à celui qui caractérise la vie... tous ces différents tableaux, exposés aux regards de l’homme, ont formé le grand et magnifique spectacle dont je l’environne au moment où il va se créer des dieux ... Il ne s’est point mépris sur la toute-puissance, sur la variété de ces causes partielles qui composent la cause universelle. Pour le prouver, j’ai ouvert les livres où l’homme a, dès la plus haute antiquité, consigné ses réflexions sur la nature ; et j’ai fait voir qu’aucun de ces tableaux n’a été oublié. Donc, c’est la` ce qu’il a chanté ; c’est là ce qu’il a adoré1.» Nous avons cité ce long passage, parce qu’il met dans toute son évidence l’erreur profonde de Dupuis. L’homme, dans l’enfance de l’état social, et dans l’ignorance où il est alors plongé, remarque sans doute la transition de la lumière aux ténèbres, la succession des jours et des nuits, l’ordre des saisons ; mais assurément il n’a pas démêlé alors les révolutions des astres, leur marche directe ou rétrograde, leurs stations momentanées, la correspondance de la terre dans ses formes avec les formes célestes, et les variations que subit cette correspondance durant une longue suite de siècles. Ce dernier mot décèle toute la fausseté du systême. Dupuis suppose l’homme environné de ce spectacle, éclairé par ces observations, qu’une longue suite de siècles a dû précéder, au moment où il va se créer des dieux ! Ainsi, il serait resté sans idées religieuses durant tous les siècles antérieurs. Cette supposition se réfute d’elle-même par les faits que nous avons sous les yeux. L’Ostiaque et l’Iroquois n’ont pas eu besoin d’être des savants et des astronomes pour se prosterner devant un fétiche ou un manitou2. Dupuis se fonde sur les livres où l’homme

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1-p. 198.1 L’agriculture, ] L’Agriculture, Rel. I,1 11 course du soleil ] marche du soleil, 16 enfin ] enfin, Rel. I,2 17 ces ] les Rel. I,2 Rel. I,2

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cations, qui, malgré ses difficultés, est néanmoins le seul, qu’il soit permis d’admettre, d’après la nature même de l’ancienne Religion du monde, qui est encore la moderne. Car presque rien n’a changé» (pp. x-xi). BC en juge autrement sur la base de ses recherches ethnologiques. La longue citation est tirée de la «Préface», pp. xi-xii. BC y coupe trois passages de plusieurs lignes chacun qui développent la description. Sa critique permet d’apercevoir le fondement philosophique de la théorie de la religion défendue par BC, à rapprocher de l’idéalisme allemand. Voir K. Kloocke, «Le sentiment religieux chez Jean-Jacques Rousseau et Benjamin Constant», Jean-Jacques Rousseau devant Coppet, pp. 105–123, et «La théorie de la religion chez Benjamin Constant», ABC, 39, à paraître. Sur les Ostiaques et Iroquois, voir ci-dessous, p. 223, n. a et p. 463.

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culture, l’astronomie, l’histoire, la mé taphysique, l’allégorie surtout, de quela, dès la plus haute antiquité, consigné ses réflexions. Mais la religion, dans sa forme grossière, a précédé tous les livres. Ces découvertes en astronomie, ces observations du cours des astres, ces triomphes de l’intelligence humaine, c’est bien là ce que l’homme a chanté ; mais ce n’est point là ce que l’homme a adoré primitivement, c’est même ce que l’homme n’a jamais adoré : car ces phénomènes physiques, bien qu’ils aient pu être revêtus d’emblêmes religieux, n’ont jamais été l’objet de l’adoration. L’homme a pu adorer des êtres auteurs de ces phénomènes, mais auxquels il a toujours prêté un caractère individuel, indépendant de leurs rapports avec les phénomènes de la nature. «Cette nature», poursuit Dupuis, «s’est toujours montrée aux hommes comme l’être principe de tout, et qui n’a pas d’autre cause que lui-même1.» La nature ne s’est point montrée à la masse des hommes sous une forme tellement abstraite, tellement inintelligible, même pour des esprits fort exercés : cette notion n’a pénétré dans les têtes humaines qu’après des âges d’étude et de réflexion. «Les hommes ont jugé de ce qui est par ce qu’ils voient et par ce qu’ils sentent2.» Précisément ; et c’est pour cela que leur religion s’est formée de conjectures sur les apparences extérieures, et non de découvertes qu’ils n’avaient point encore faites : elle s’est composée de sentiments naissant au fond de leur ame, et non de rai sonnements, produit de longues méditations. «Les nations qu’il nous plaît d’appeler sauvages en sont restées là. Que de siècles il a fallu aux hommes pour y revenir ; et combien peu sont capables de recevoir cette sublime leçon3 !» Si cette leçon est tellement sublime que si peu d’hommes soient capables de la recevoir, comment se fait-il que les nations sauvages y soient arrivées ? car il a bien fallu y arriver pour y rester. Mais une phrase de Dupuis nous dévoile la source de son erreur. «L’empire des sens», dit-il, «précède celui de la réflexion. Les notions puisées dans l’ordre physique ont existé durant bien plus de siècles, et chez un bien plus grand nombre d’hommes que les abstractions métaphysiques postérieurement imaginées4.» Le vice est dans l’emploi du mot notions, quand il devait y avoir sensations. L’empire des sens est aussi étranger aux notions physiques qu’aux abstractions métaphysiques. Les unes sont de la science aussi bien que les autres ; et la religion précède la science physique aussi bien que les hypothèses métaphysiques. En réfutant l’idée fondamentale du systême de Dupuis, nous croyons avoir réfuté celui de Volney5. La base de ces deux systêmes est identique, et les vices des raisonnements sur lesquels ils reposent sont du même genre. Dupuis et Volney croient l’un et l’autre que l’essentiel est de prouver que telle fable a pris naissance dans une allégorie cosmogonique ou astronomique. La chose peut être bonne à savoir, mais ne nous apprend rien sur l’effet moral de la religion dans laquelle cette fable était ou est encore consacrée. Nous le demandons à nos lecteurs, quand même Volney aurait bien clairement démontré qu’Abraham n’est que le génie personnifié de l’astre Sirius, et que, dans le sacrifice d’Isaac, il devient la planète de Saturne (Nouvelles recherches sur l’Histoire ancienne, tom. I, pag.

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18 qu’il ] qu’ils Rel. I,1 Rel. I,2 1 2 3 4 5

25 d’hommes ] d’hommes, Rel. I,2

38 recherches ] Recherches

Citation conforme, tirée du premier chapitre, p. 1a. Citation conforme, tirée du premier chapitre, p. 1a. Citation conforme, tirée du premier chapitre, p. 1a. Citation qui vient de la «Préface», p. viij. Les changements n’affectent pas le sens. ` partir d’ici, on lit la critique de deux ouvrages non moins célèbres de Constantin-François A Volney, Les ruines, ou méditation sur les révolutions des empires, Paris : Vve Courcier, 5 1817, et Recherches nouvelles sur l’histoire ancienne, Paris : Bossange, 1822. BC possède les ouvrages dans sa bibliothèque.

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que nature qu’elle ait pu être, ont éte´ postérieures à la religion. Elles en sont devenues des par ties, mais n’ont jamais pu en être la base. Elle les a reçues dans son sein, mais ne leur a pas dû son existence. L’on a inséré 155–159)1, cela change-t-il rien aux rapports que la tradition de ce sacrifice établissait entre Jehovah et ses adorateurs ? et, pour juger de l’influence de la religion juive, n’est-ce pas de ces rapports qu’il faut nous occuper ? Quand le même écrivain nous parle du soin de l’auteur de la Genèse pour donner à son récit le caractère historique et moral convenable à son but (ib. pag. 158), il nous met sur la route ; mais comment se fait-il qu’il s’en détourne aussitôt ? N’en est-il pas de même des sept richis ou patriarches indiens (ib. pag. 155) ? Qu’ils soient les génies des sept étoiles de la constellation de l’Ourse, réglant la marche des navigateurs et des laboureurs qui la contemplent, à la bonne heure ; mais ne vaudrait-il pas la peine, pour apprécier la religion des Indes, de rechercher jusqu’à quel point l’exemple des richis, si étonnants par leur pénitence, a pu encourager l’esprit contemplatif des peuples de ces contrées, ou plutôt jusqu’à quel point cet esprit contemplatif, effet du climat, a favorisé l’invention ou l’adoption de fables pareilles ? Enfin, lorsqu’il explique ce qu’il nomme la mythologie d’Adam et d’E`ve par les signes de l’Ourse et du Bouvier ; lorsqu’il attribue au coucher héliaque de ces deux constellations la notion de la chute de l’homme et de la fécondité d’une vierge (Ruines, pag. 219)2, ne laisse-t-il pas de côté la portion la plus importante de ces traditions, celle qui se rattache aux idées d’une mauvaise nature ou d’une dégradation primitive dans la race humaine, et aux notions de pureté et d’impureté, doctrine qui, de temps immémorial, a divisé l’Inde en castes ; qui, plus tard, a peuplé les déserts de la Thébaïde et les couvents de l’Europe ; et qui a fini par scinder le christianisme, et par amener toutes les révolutions que le monde a subies depuis plusieurs siècles ? En critiquant ainsi librement un auteur célèbre, nous ne méconnaissons point son mérite. Il a plus clairement que personne, et d’une manière éminemment ingénieuse, appliqué les calculs astronomiques aux systêmes religieux de l’antiquité. Il a déployé, dans l’examen de plusieurs questions de détail, une sagacité admirable. Il a, par exemple, parfaitement décrit comment l’astrologie naît de l’observation des phénomènes célestes (Rech. nouvel. sur l’hist. anc. I, 172)3 ; et dans l’occasion nous nous aiderons de ses lumières, en prouvant toutefois, à notre tour, que par cela même que l’astronomie a produit l’astrologie, la religion a été toute autre chose que l’astronomie. Il a très-bien démontré encore que les corrections apportées à la première division des temps introduisirent dans les mythologies une complication qui donna lieu à beaucoup de fables uniformes chez les divers peuples (ib. pag. 177). Il a de la sorte dissipe´ de nombreux nuages et semé sur sa route un grand nombre de vérités. Mais quand il termine ses recherches par réclamer pour une seule science le privilége d’avoir servi de base à la doctrine «qui, professée secrètement d’abord dans les mystères d’Isis, de Cérès et de Mithra, a fini par envahir toute la terre (ib. pag. 211)», il ne réfléchit pas que la doctrine qui a envahi toute la terre, c’est la partie morale de la religion. Les traditions scientifiques, allégoriques, cosmogoniques des cultes antérieurs ont pu s’y glisser ; mais ces choses voilées, méconnues, reçues sans examen, transmises sans explication, n’ont modifié en rien son influence sur l’espèce humaine. Quand il prétend que le

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25 Il a ] Il a, Rel. I,2 28–29 Rech. nouvel. sur l’hist. anc. ] Rech. nouv. sur l’Hist. anc., 31 toute ] tout Rel. I,2 33 (ib. ] (ibid. Rel. I,2 Rel. I,2 1 2 3

BC renvoie au chap. XIV, «Du personnage appelé Abraham». Volney ne parle que des rapports mythologiques. BC résume, en leur donnant un aspect plus scientifique, le discours du fantôme dans le chapitre «Christianisme ou le culte allégorique du soleil». La critique est pertinente. Renvoi au chap. XV, «Des personnages antédiluviens», où Volney expose cette hypothèse.

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Dans toutes les religions des systêmes scientifiques ; mais d’un système scientifique l’on n’a point fait une religion a. Ces systêmes, d’ailleurs, admis qu’ils étaient dans le culte, n’ont jamais eu de relation directe avec les effets moraux des croyances. Ils n’ont jamais été, pour ainsi dire, en circulation. La portion la plus allégorique de la religion grecque, celle qui traitait de l’origine du monde, des Titans, de Prométhée, était celle dont le peuple s’occupait le moins. Les divi nités allégoriques ne jouent presque aucun rôle dans la religion nationale. Uranus, l’Océan, Saturne, ne sont des objets ni d’espérance, ni de crainte, ni d’invocation. Hérodote paraît ignorer ce qu’Homère avait entendu par l’Océan, tant les personnifications cosmogoniques étaient peu mêlées aux

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but de toutes les religions a été de tromper, d’égarer, d’asservir les peuples (Ruines, pag. 324 et suiv.)1, il calomnie la religion en haine des prêtres ; et quand il conclut qu’il faut tracer une ligne de démarcation entre les objets vérifiables et ceux qui ne peuvent être vérifiés, séparer d’une barrière inviolable le monde fantastique du monde des réalités, et n’attacher aux opinions religieuses aucune importance (ib. p. 224), il propose ce qui ne s’est jamais fait, ce qui jamais ne pourra se faire, parce que les objets vérifiables seront toujours fort inférieurs aux objets qui ne peuvent être vérifiés, et parce que, le monde des réalités ne nous suffisant pas, notre imagination et notre ame s’élanceront toujours vers le monde qu’on dit fantastique. Warburton (Div. leg. of Moses) assigne à la fable deux origines2. Suivant la première, elle fut une invention des plus anciens sages, pour exprimer symboliquement leur sagesse mystérieuse ; mais cette opinion implique, ou que ces sages sont tombés miraculeusement du ciel au milieu des peuples sauvages, ou qu’il n’a pas existé de religion avant que la civilisation ne fût arrivée à l’époque où elle produit des philosophes. La seconde conjecture, c’est que la fable n’est qu’une corruption de l’histoire ancienne : mais il faut supposer alors que pendant un assez long intervalle l’homme n’a point eu d’idées religieuses ; car, si la religion ne s’est formée que de faits historiques, elle a dû attendre, pour se former, non seulement que ces faits fussent arrivés, mais eussent été défigurés par le laps des temps. Toutes ces hypothèses sont inadmissibles.

16 p. ] pag. Rel. I,2 1 2

ce qui ] cequi Rel. I,1

28–29 non seulement ] non-seulement Rel. I,2

C’est la thèse de la note à la p. 56 de l’ouvrage. L’exemple choisi est l’E´gypte. Soucieux de réfuter le fameux ‘paradoxe’ de Bayle, William Warburton (1698–1779), dans son ouvrage monumental, resté inachevé, The Divine Legation of Moses Demonstrated [...], on the Principles of a Religious Deist, From the Omission of the Doctrine of Future State of Reward and Punishment in the Jewish Dispensation (2 vol. [vol. 2 en deux parties], London : Fletcher Giles, 1738–1741, plusieurs rééditions), se propose de démontrer que la doctrine d’une vie future dans laquelle les bons seront récompensés et les mauvais punis est nécessaire à l’existence de la société civile. Il avance en effet que la mythologie païenne est constituée par cette nécessité : «But not only the Existence, but the Genius of Pagan Religion, both as to the Nature of their Gods, the Attributes assigned to them, and the Mode of Worship in civil use, shews the Magistrate’s Hand in its Support» (t. I, p. 95). Warburton insiste tout de même sur le fait que la religion n’est pas une invention des législateurs, comme les athées le prétendent (voir pp. 415–443). Quant à la «seconde conjecture» que BC trouve dans Warburton, celui-ci dit en effet : «[...] it is not only possible that the Worship of the first Cause of all Things, was prior to any Idol Worship, but in the highest Degree probable ; Idol Worship having none of the Appearances of an original Custom, and

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opinions habituelles a. Jamais il n’est parlé de la colère ou de la protection des êtres de cette classe b. Leurs fêtes sont d’un tout autre genre que celles des divinités régnantes. Ce sont des cérémonies qui n’ont d’autre but qu’une commémoration sans résultat, et qui ne supposent aucune influence réciproque des dieux sur les hommes ou des hommes sur les dieux. Que la mutilation d’Uranus soit une allégorie ; qu’un philosophe, probablement antérieur aux Grecs, ait voulu représenter de la sorte la cessation de la force productrice, cessation qui datait du commencement de l’ordre, parce qu’en soumettant les générations à une repro duction successive, la nature semble renoncer à la création de formes nouvelles ; qu’il ait attribué cette mutilation à Chronos, le temps, parce que l’idée du temps est inséparable de celle d’une succession fixe et régulière ; qu’Hésiode, qui avait recueilli de toutes parts des dogmes sacerdotaux, pour les introduire dans la religion grecque, ait ensuite revêtu cette allégorie de couleurs poétiques, rien de plus vraisema b

HE´ ROD. II, 231. HERMANN, Handbuch der Mythol. I, vers. initium2.

1 colère ] Colère, Rel. I,2 Rel. I,2

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16 Handbuch der Mythol. ] Hand buch. der mythol. Rel. I,1,

all the Circumstances attending a depraved and corrupted Institution» (t. I, p. 432). Et dans le cadre de sa tentative de reconstruire l’idôlatrie primitive, Warburton parle de «those early Mortals (whose uncultivated Reason had not yet gained the Knowledge, or whose degenerate manners had now lost the Tradition of the true God)» (t. I, p. 435). Ceci est exprimé dans le deuxième Livre des Histoires : «Pour celui, au contraire, qui a mis en cause l’Océan, comme il a rejeté ce dont il parle dans le domaine de l’inconnu, son opinion ne peut être prouvée ni réfutée ; je ne connais pas en effet, quant à moi, l’existence d’un fleuve Océan ; Homère, je pense ou quelqu’un des poètes précédents, a inventé ce nom et l’a introduit dans la poésie» (Hérodote, Histoires, t. II, texte établi et traduit par Ph.-E. Legrand, Paris : Les Belles Lettres, 1986, pp. 80–81). Martin Gottfried Hermann, Handbuch der Mythologie, Erster Band : aus Homer und Hesiod, als Grundlage zu einer richtigern Fabellehre des Alterthums mit erläuternden Anmerkungen begleitet von Martin Gottfried Hermann. Nebst einer Vorrede des Herrn Hofrath Heyne, Berlin et Stettin : Friedrich Nicolai, 1787. Dans la première section du premier volume de son ouvrage («Erster Abschnitt. Aelteste Mythologie ohne Local über Theogonie und Cosmogonie», pp. 27–64), Hermann relève à plusieurs reprises le caractère ‘symbolique’ ou ‘allégorique’ de la partie théogonique et cosmogonique de la mythologie grecque (voir p. ex. p. 29, n. 1 ; p. 31, n. 3 ; p. 32, n. 2 et 3 ; pp. 40–41, n. 3 ; p. 47, n. 1 ; pp. 48–50, n. ; p. 57, n. 2 ; p. 63 n. 1). Dans la dissertation qui précède cette section, à savoir la «Allgemeine Abhandlung über die Götter Homers», Hermann souligne : «In den ältesten Zeiten Griechenlandes war Gottheit (θεος, το θειον) nichts mehr, als ein Wesen, das erhabener und stärker als der Mensch war. Dieser Begriff rührte von den ältesten Dichtern her, die geistige Begriffe in Symbolen ausdrückten, physische und ethische Abstrakte in Personen verwandelten, und diese mit dem Namen Gottheit (θεος) belegten ; wobey sie blos den Zweck hatten, diesen allegorischen Wesen, welche weder Menschen noch Thiere seyn konnten, einen Namen und Gestalt zu geben» (pp. 1–2). C’est Homère qui donna aux dieux la forme

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blable. Mais quel effet moral ou politique cette allégorie pouvait-elle avoir sur le peuple de la religion duquel elle faisait partie a ? Il n’est pas douteux que dans la langue astronomique de la religion romaine Pan ne représentât le soleil. Mais si dans le culte public ce dieu n’était qu’une divinité subalterne, maligne dans ses intentions, grotesque dans ses formes, l’objet de la gaîté du peuple, plutôt que de sa crainte ou de son adoration, qui ne sent que le Pan astronomique n’avait aucun rapport avec la religion nationale ? Qu’importe qu’Hercule soit le soleil, et ses douze travaux le zodiaque, que les querelles de Jupiter et de Junon, que les amours de Mars et de Vénus soient des systêmes de physique, si la nation qui rend hommage à ces divinités voit en elles des êtres réels de a

HEYN. de Theogon. Hes. 1401. Com. Soc. Gœt. Les divinités supérieures de toutes les nations ont des rapports incontestables avec l’astronomie. Cette vérité se prouve par le nombre seul de ces divinités, nombre fixé à douze en Grèce et à Rome, aussi bien qu’en Égypte et en Chaldée. L’on verra néanmoins que rien n’est plus différent que les dieux des Grecs et des Romains de ceux de Memphis et de Babylone.

4 Pan ] Pan, Rel. I,2

1

6 gaîté ] gaieté Rel. I,2

9 zodiaque, ] zodiaque ; Rel. I,2

humaine. Cet anthropomorphisme eut pour conséquence que les dieux homériques se caractérisèrent par la perfection physique et l’imperfection morale : «So physisch vollkommen aber nun auch die Götter Homers sind, so metaphysisch und moralisch unvollkommen sind sie auf der andern Seite ; denn Zorn, Haß, Liebe, Herrschsucht, Neid, sind alles Eigenschaften, die man bey ihnen eben so wohl und in eben dem Grade der rohen Ungebundenheit antrifft, als bey den damaligen Helden, die selbst noch nicht wußten, wie die Triebe einzuschränken wären, und die noch keine deutlich aus einander gesetzten moralischen Begriffe hatten» (p. 2). Il semble que la phrase à laquelle BC ajoute la référence (fort vague) à Hermann soit plutôt la conclusion qu’il tire des assertions de celui-ci ; telle quelle, elle ne figure pas dans la première section de l’ouvrage. Une première version de cette assertion se trouve dans le Livre verd, p. 114, note CDXLIX. Le résumé de BC qui correspond au passage de Heyne commence à la p. 196 («Que la mutilation d’Uranus soit une allégorie») et s’étend jusqu’à «couleurs poétiques» ; le reste précédant l’appel de note est la prise de position de BC. Voici la remarque de Heyne que BC résume : «Interponitur inde fabula de Coeli genitalibus exsectis a Crono, ense falcato. Vim generandi sublatam hoc commento declarari, nemo dubitet. Primum illud prodire debuit in cosmogonia aliqua, cum poeta aliquis naturam experientem se in rebus poducendis, donec in ea forma, ad quam nun omnia devenerunt, substitit, delcarare vellet. Ex quo enim ordo rerum semel constitutus eundem tenorem obtinuit, novarum formarum gignendarum vis erepta videri potuit. Bene adeo id facinus Crono, seu tempori, tributum ; quo ab eo demum rerum momento, quo constans et stabilis rerum forma esse coepit, procedere potuit. Reliqua in fabula ad ornatum valent» («De Theogonia Ab Hesiodo Condita. Ad Herodoti Lib. II, c. 52. Commentatio Recitata d. VII. ivn. MDCCLXXIX», Commentationes Societatis Regiæ Scientiarum Gottingensis, t. II, Commentationes historicae et philologicae, Göttingen: Dietrich 1780, pp. 125–154 ; le passage commenté ici et la note qui s’y rattache se trouvent déjà dans le Livre verd, p. 114, notes CDXLVIII et CDXLIX.

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qui dépend sa destinée, et si dans les récits qu’on lui fait de leurs actions elle ne cherche que les moyens de se les rendre propices ? Ce que nous disons ici ne tend nullement, nous le répétons, à déprécier d’utiles travaux. Il est désirable, sans doute, de pénétrer le sens mystérieux des cultes anciens. Mais la découverte de ce sens mystérieux fût-elle assurée, ne suffirait nullement pour nous les faire connaître sous les rapports les plus essentiels. La masse des hommes prend la religion comme elle se présente ; pour elle, la forme est le fond a. C’est dans la lettre des mythologies que se remarquent presque uniquement les progrès de la morale et les modifications successives que les religions subissent. Les allégories et les symboles peuvent rester les mêmes à toutes les époques, parce qu’ils expriment des idées qui ne varient pas. Les fables populaires changent, parce qu’elles expriment des idées qui varient b.

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Je lis dans un poème d’ailleurs très-bien fait et très-ingénieux, mais qui repose sur le systême de Dupuis, le vers suivant, adressé aux Juifs1 : Vous fêtiez le soleil et non pas Jehovah. Certes, si les Hébreux croyaient adorer Jehovah, leur croyance constituait leur religion, et c’était bien réellement Jéhovah qu’ils adoraient. Lors même qu’on ne s’appliquerait qu’à découvrir le sens scientifique des religions anciennes, il serait encore indispensable de distinguer les époques successives des mythologies. Par exemple, des savants qui veulent tout rapporter à l’astronomie, et qui prétendent que le sens astronomique était le sens primitif, ont reconnu dans la fonction de conduire les ames des morts aux enfers, fonction attribuée à Mercure, le Mercure Anubis, qui descend dans les signes inférieurs cachés sous l’hémis phère. (BAYEUX, Trad. des Fast. d’Ovide, V, pag. 616.)2 Mais la fonction de conduire aux enfers les ames des morts n’a été attribuée à Mercure que dans une mythologie postérieure à la mythologie homérique. Il n’y en a pas de trace dans Homère, et probablement Mercure n’est devenu le conducteur des ames qu’après l’introduction en Grèce des dogmes et des fables de l’E´gypte.

14 poème ] poëme Rel. I,2 16 Jehovah. ] Jéhovah. Rel. I,2 17 Jehovah, ] Jéhovah, Rel. I,2 27 trace ] traces Rel. I,2 28 l’E´gypte. ] ajouté (Voyez, pour une explication ou une rectification nécessaire, relativement à l’Hermès conducteur des ombres, la note 2 de la page 408 de notre second volume.). Rel. I,2

1 2

Citation non localisée. Voir Georges-Louis Bayeux, Traduction des Fastes d’Ovide, Avec des Notes & des Recherches de Critique, d’Histoire & de Philosophie, Paris : M. le Barbier l’ainé, M. Gaucher, Barrois l’ainé, 1783–1788, 4 vol., t. III, 1785, p. 616. Le passage figure dans la note kkk (pp. 608–634) au vers «quo didicit culte lungua savente loqui» (p. 400) – «toi dont les leçons apprennent à parler éloquemment» (p. 401, passage qui dans l’original latin commence par «Clare nepos Atlantis»). BC résume de manière correcte l’opinion de Bayeux. – Une première version de la note se lit dans le Repertory, note 930.

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Ainsi, pour choisir un exemple qui soit connu de tous nos lecteurs, la colère d’Apollon contre les Grecs commence par s’appesantir sur les animaux pour frapper ensuite les hommes. Il est clair que le poète veut décrire la marche des ravages de la peste. Ovide a a pu aussi bien qu’Homère, et tout poète moderne, qui ferait usage de la mythologie ancienne, pourrait, aussi bien qu’Ovide, employer cette allégorie pour désigner ce phénomène physique ; mais la fable populaire, c’est-à-dire, celle qui se rapporte au caractère d’Apollon, aux motifs qui le dirigent, est nécessairement subordonnée aux changements qui ont lieu dans la morale de la religion. Si les dieux sont purement égoïstes, comme dans le polythéisme de l’Iliade, la colère du soleil se motivera sur ce qu’on ne lui a pas offert assez de sacrifices, ou sur ce qu’on a offensé l’un de ses prêtres b. Si au contraire la morale fait une partie principale de la religion, ce qui doit arriver dans une a b

Metam. VII, 536–5521. Iliad. liv. I2.

2–3 animaux ] animaux, Rel. I,2 1

2

BC ne cite pas d’après la traduction de Voss qu’il possédait, mais d’après une édition latine en trois volumes qu’il avait dans sa bibliothèque (voir le Catalogue). Dans le livre VII des Métamorphoses d’Ovide, on trouve une description détaillée de la contamination des bêtes par la peste, qui est effectivement l’expression de la colère de la déesse Junon «qui avait pris en haine un pays appelé du nom de sa rivale» (vv. 524–525). Les vers mentionnés dans la note par BC sont les suivants : «Ce furent les chiens, les oiseaux, les moutons, les bœufs, les animaux sauvages qui, en succombant par monceaux, révélèrent les premiers la puissance de cette maladie subite. Le malheureux laboureur s’étonne de voir ses taureaux vigoureux s’affaisser au milieu de leur travail et se coucher dans le sillon inachevé ; les bêtes à laine poussent des bêlements de souffrance ; leur toison tombe toute seule et leur corps dépérit. Le coursier naguère ardent, illustré par ses victoires dans l’arène, devient indigne de ses palmes ; oubliant ses anciens honneurs, il gémit devant son râtelier, en attendant qu’il meure dans la torpeur. Le sanglier ne se souvient plus de ses fureurs, la biche ne se fie plus à sa vitesse, les ours ont cessé d’attaquer les grands troupeaux. Tout languit ; dans les forêts, dans les champs, sur les routes sont étendus des cadavres hideux qui infectent les airs de leur odeur. Chose extraordinaire, ni les chiens, ni les oiseaux de proie, ni les loups au poil gris ne les ont touchés ; ils tombent d’eux-mêmes en poussière, décomposés, et ils exhalent des miasmes funestes, qui portent au loin la contagion» (Ovide, Les métamorphoses, texte établi et traduit par George Lafaye, Paris : Les Belles Lettres, 1995, tome II, VI-X, pp. 47–48, vv. 536–552). Dans l’Iliade, comme le mentionne BC, la colère du dieu qui se venge en envoyant la peste est bien motivée par une offense à un de ses prêtres. En effet, le dieu envoie la peste sur l’armée achéenne car Agamemnon, chef des Achéens, retient prisonnière la fille d’un prêtre troyen d’Apollon, Chryseis. Le devin Calchas révèle la cause du mal et Achille adjure de rendre la prisonnière. L’Iliade s’ouvre sur la dispute et la séparation d’Agamemnon et d’Achille ainsi que sur l’explication de la vengeance d’Apollon.

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civilisation plus avancée, le poète racontera que le dieu était irrité contre l’armée à cause de ses crimes a. Les érudits b ont malheureusement toujours éprouvé je ne sais quel dédain à s’oc cuper de cette portion de la mythologie. Il est bien plus important, dit l’un d’entre eux, de connaître la véritable et seule doctrine des philosophes et des savants sur la divinité, l’univers, l’ame et la nature, que de recueillir les fables stupides du vulgaire et les absurdes amplifications des poètes c. Nous pensons précisément le contraire. La doctrine des philosophes a produit des hypothèses et des systêmes : les fables révérées par le vulgaire ont constitué l’influence des religions. Elles ont décidé de la morale des peuples. Elles ont préparé et amené toutes les luttes, toutes les guerres, toutes les révolutions religieuses. a b

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Odyss. liv. I1. Le reproche que nous adressons aux érudits modernes n’a pas été moins mérité par les anciens. Balbus, dans Cicéron (de Nat. Deor. II, 24), après avoir assigné pour l’une des causes de l’idolâtrie les apothéoses des hommes qui avaient civilisé leurs semblables et fait des découvertes utiles à l’espèce humaine, ajoute, que ce ne fut pas là l’unique source de l’idolâtrie ; mais que la théologie physique ayant dégénéré peu à peu par l’ignorance et le laps de temps, les hommes avaient oublié le sens des choses, adhéré à l’écorce, et pris l’ombre pour la réalité2. Nouveau renversement de l’ordre des idées. L’ignorance déifia les objets physiques. La théologie physique ne vint que beaucoup plus tard. Tous les au teurs païens qui écrivaient lors de la décadence du polythéisme sont tombés dans la même erreur. (Voy. VARRON et SCAEVOLA dans saint August. de Civit. Dei, IV, 27, et voy. aussi DEN. d’Hal. II)3. VILLOISON, ap. Sainte-Croix, 222, 2234. Dans le chant I de l’Odyssée, il n’est pas question des crimes de l’armée. Par contre, il est question de l’irritation de Poséidon contre Ulysse parce que celui-ci a aveuglé Polyphème, un des Cyclopes et fils de Poséidon. «Videtisne igitur, ut a physicis rebus bene atque utiliter inventis tracta ratio sit ad commenticios et fictos deos ? Quæ res genuit falsas opiniones erroresque turbulentos et superstitiones pæne aniles» (De natura deorum, II, 70). («Vous voyez donc comment, de faits naturels observés sainement et utilement, on en est arrivé à des dieux de fable et d’imagerie. Ce fait a engendré des opinions fausses, des erreurs populaires et des superstitions dignes de bonnes femmes.» M[artin] van den Bruwaene (éd.), Cicéron, De Natura deorum, Livre II (Collection Latomus, t. 154), Bruxelles : Latomus, Revue d’E´tudes latines, 1978, p. 100). Voir Augustinus, De civitate Dei libri XXII, Lipsiæ : Teubner, MCMXXVIII, lib. IV, cap 27. Se fondant sur Scævola et Varro, Augustinus présente des images négatives des dieux païens telles que les poètes les ont créées. On n’y trouve rien sur la déification d’objets physiques. Denys d’Halicarnasse, Histoire des origines de Rome, livres I et II. Traduit et commenté par V. Fromentin et J. Schnäbele. Paris : Les Belles Lettres, 1990, t. II, XX, p. 147 : «Mais la grande multitude, qui ne connaît rien à la philosophie, est encline à tourner au pire ce qu’on raconte sur les dieux et tombe dans l’un ou dans l’autre de ces errements». – La même idée revient dans un texte formulé autrement qui se lit dans le Livre verd, p. 53, note CCXIII. Voir le Repertory, note 97. Voir Johannis Baptistæ Casparis d’Ansse de Villoison, De triplici Theologia mysteriisque veterum commentatio, dissertation latine jointe à M. Le Baron de Sainte-Croix, Recherches

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Il n’est d’ailleurs nullement exact de prétendre que la théologie scientifique fût la seule religion des savants et des philosophes. Nous voyons des traces de croyance populaire chez les hommes les plus érudits et chez presque tous les sages de l’antiquité. Si nous traitons un jour de la philosophie grecque, nous montrerons Socrate consultant la Pythie ; Xénophon se conduisant d’après les oracles ; Platon accordant une foi implicite à la divination a. Lors même que les hommes s’écartent à beaucoup d’égards des dogmes professés avant eux et autour d’eux, ces dogmes ne perdent pas tous leurs droits. Ils ressemblent à une armée qui se disperse au lieu de se rendre, et qui prend poste par bandes éparses, dans des endroits différents. La contrée paraît au premier coup d’œil appartenir au vainqueur ; mais les vaincus ont leurs refuges, leurs défilés, leurs places fortes qu’ils défendent, et quelquefois ils font des sorties. Quand la philosophie domine dans la classe instruite, il n’y en a pas moins des fragments de religion vulgaire, mêlés aux opinions de cette classe ; et pour apprécier ces opinions, c’est encore cette religion vulgaire qu’il faut étudier b. Les poètes eux-mêmes, lorsqu’ils inventent, se plient à la croyance reçue, pour donner à leurs in-

a

b

On remarque la même chose dans les Romains éclairés. Voy. pour preuve la foi que Tacite accorde au miracle qui engagea Corbulon à détruire Artaxata, capitale de l’Arménie. (Annal. XVI, ch. 41)1. Nous ne croyons pas avoir besoin de dire qu’il faut éviter aussi l’autre extrême. Le professeur Meiners, de Goëttingue, homme d’ailleurs instruit et judicieux, n’a voulu voir dans

20 41). ] 41.). Rel. I,2

1

historiques et critiques sur les Mystères du Paganisme, seconde édition, Paris : de Bure Frères, 1817, t. II, pp. 1–111 (pagination séparée). On y lit pp. 4–5 : «Naturale, seu physicum, theologiæ genus eò accuratori consideratione dignius est [...] quàm aniles vulgi fabulas, et absurda poëtarum commenta [...]». «Le genre naturel de théologie ou celui des philosophes est plus digne d’une considération plus attentive [...] que les fictions populaires de bonne femme et que les inventions absurdes des poètes»). Voir Taciti Annalium libri, lib. XIII (non pas XVI), cap. 41 : «Adicitur miraculum velut numine oblatum : nam cuncta extra tecta hactenus sole in lustria fuere ; quod moenibus cingebatur, ita repente atra nube coopertum fulgeribusque discretum est, ut quasi infensantibus deis exitio tradi crederetur.» («On ajoute que la volonté du ciel s’était manifestée par un prodige : un soleil brillant éclairait tous les dehors de la ville, lorsqu’en un moment tout ce qu’enfermaient les murailles se couvrit d’un nuage épais et sillonné d’éclairs. On en conclut que les dieux irrités la livraient à sa perte.» J[ean]-L[ouis] Burnouf, Œuvres complètes de Tacite traduites en francais, avec une introduction et des notes, Paris : Hachette, 1859 (Projet louvaniste des Itinera Electronica). – La note est ébauchée dans le Registre violet, p. 5, note VIII.

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ventions une apparence de vérité. Les religions anciennes, comme le plus judicieux des Romains l’observe a, furent pour le peuple, à chaque époque, telles que les poètes les représentaient ; ne considérer que leur sens occulte, c’est vouloir faire l’histoire de l’art dramatique, en décrivant les ressorts et les cordages qui font mouvoir les décorations b. Enfin, on a négligé jusqu’à présent de séparer avec assez de soin, les religions dominées par les prêtres, des religions qui demeurent indépendantes de la direction sacerdotale. Cependant on se convaincra facilement pour peu qu’on réfléchisse, qu’à dater des premiers moments des idées religieuses, la marche de la religion est différente suivant le degré de pouvoir dont le sacerdoce est revêtu.

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la religion que la partie la plus grossière1. Il a poussé jusqu’au ridicule la manie de reconnaître le fétichisme partout. Il cite, pour prouver que tel ou tel peuple est adonné à ce culte, la manière dont il pare les chevaux, les chameaux, et autres bêtes de somme, dont il leur parle, etc. Avec cette logique, les muletiers d’Espagne seraient fétichistes. Cette erreur diminue beaucoup l’utilité et le mérite de ses recherches. VARR. ap. August. de Civ. Dei, VI, 62. Les érudits, en traitant de la religion, n’ont vu ni les prêtres, ni le peuple, mais seulement la science. Les incrédules n’ont vu que les prêtres en tant qu’imposteurs. Les croyants n’ont vu, dans toute autre religion que la leur, que la fourberie ou le diable. Personne n’a voulu voir dans toutes les croyances le cœur humain et la nature de l’homme3.

6 soin, ] soin Rel. I,2

1

2 3

8 facilement ] facilement, Rel. I,2

10 différente ] différente, Rel. I,2

S’appuyant, comme nous l’avons déjà indiqué dans une note (voir ci-dessus, p. 90. n. 2), sur la Natural History of Religion de Hume (voir t. I, pp. 16–17), Meiners affirme que l’adoration de fétiches – terme qu’il emprunte à de Brosses (voir notre Introduction, ci-dessus, pp. 47–48) – est la religion la plus ancienne et la plus répandue : «Der Fetischismus ist daher unläugbar nicht nur der älteste, sondern auch der allgemeinste Götterdienst» (I, 143). BC fait allusion au Zweytes Buch : Geschichte des Fetischismus, Zweyter Abschnit, Geschichte des Thierdienstes, der heiligen, reinen, unreinen und verfluchten Thiere. Il se souvient probablement de passages comme le suivant : «Bevor die Peruaner die Uamas mit den Sachen bepacken, welche diese Thiere tragen sollen, schmücken sie dieselben mit Bändern, unterreden sich mit ihnen, sagen ihnen allerley Schmeicheleyen, und halten ihnen Flaschen von Chicha und Branntewein als Opfer vor» (t. I, p. 194, dans le chap. cité). – Voir aussi la note 112 («empl. 1823» ; BCU, Co 3293, no 2) relative à cette critique de Meiners et la note 948 du Repertory. Voir Augustinus, De civitate Dei libri XXII, t. I, lib. VI, cap. 6, p. 257. Une ébauche de cette observation se trouve dans le Livre verd, p. 52, note CCXI et p. 114, note CDLXV, ainsi que dans le Registre violet, p. 4, note VI.

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Nous n’avons pas à rechercher ici comment il se fait que certains peuples soient soumis aux prêtres dès l’instant de leur réunion en société, tandis que d’autres jouissent long-temps à cet égard d’une indépendance complète, et ne sont même jamais entièrement subjugués. Nous entrerons dans l’examen des faits quand nous traiterons de la religion grecque des temps homériques, et quand nous décrirons la religion égyptienne, telle qu’elle se conserva jusqu’au mélange et à la destruction de tous les cultes de l’antiquité1. Maintenant il nous suffit d’établir la différence qui doit exister entre deux espèces de religion trop souvent confondues. Lorsqu’une corporation sacerdotale s’empare de la religion dès son origine, la religion suit une autre route que lorsque le sacerdoce, s’établissant graduellement, ne parvient que plus tard à se constituer en corporation régulière et reconnue. Le pouvoir des prêtres doit être sans bornes lorsqu’il existe dès la formation des sociétés. Plus une croyance est grossière, plus les ministres de cette croyance ont d’autorité s’ils forment une classe à part. Le peu d’influence que possèdent les jongleurs de plusieurs tribus sauvages, vient de ce que, l’état de ces hordes n’étant pas un état organisé par des règles fixes, tout y est vague, tout y est d’impression momentanée, d’habitude irréfléchie. Rien n’y a force de loi, le sacerdoce pas plus qu’autre chose2. Mais lorsqu’un peuple, par des circonstances que nous chercherons à déterminer ailleurs, voit, comme en Égypte par exemple, s’élever dans son sein une institution sacerdotale, avant qu’il ait aucune institution politique capable de lutter contre cette puissance religieuse ou de la restreindre, il doit subir le joug de cette puissance. Dès lors la religion qui, livrée à elle-même, se compose de tous les sentiments, de toutes les notions, de toutes les conjectures naturelles à l’homme, devient, dans les mains du sacerdoce, l’objet d’un calcul prémédité, d’un arrangement systématique3. Quand l’homme s’occupe de la religion comme d’une chose qui lui appartient en propre4, l’habitude et l’imitation l’engagent sans doute à préférer le culte qu’il voit en usage autour de lui ; voulant se faire entendre des objets de ses invocations, il leur parle la langue indiquée par l’expérience de ses ancêtres et de ses contemporains : mais tout néanmoins dans le culte est individuel. On y ajoute, on en retranche, on y change, sans que personne s’arroge le droit de s’en offenser. On court le risque de déplaire aux dieux, mais non d’être puni par les hommes. Les prières et les sacrifices, soit qu’on 24 Dès lors la religion ] Dès-lors la religion, Rel. I,2 1 2 3 4

BC parlera de ces sujets dans les livres V de De la Religion (OCBC, Œuvres, t. XVIII) et VIII (OCBC, Œuvres, t. XIX, à paraître). Le passage «Lorsqu’une corporation ... chose.» se trouve dans le Registre violet, p. 8, n. XIII. Voir le Repertory, note 503. Ici commence un passage dont on trouve l’ébauche dans le Livre verd, pp. 93–94, note CCCLXXVIII.

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les offre sur des autels domestiques, dans la retraite des bois, au sommet des montagnes, s’élèvent directement jusque dans le monde invisible, traversant le vaste espace des airs, sans avoir à chercher une route privilégiée. Tout est libre entre la terre et le ciel. Au contraire dans les religions sacerdotales le ciel se ferme ; un triple rempart entoure les immortels. Toutes les issues sont gardées par des intermédiaires jaloux. Toutes les conjectures de l’homme, toutes ses craintes, ses pressentiments fugitifs, les hasards qui le frappent, les apparences bizarres qui le surprennent, les fantômes qu’il aperçoit dans l’obscurité, les bruits qu’il entend, les ombres qu’il voit dans ses rêves, toutes ces choses, il les soumet à des hommes, seuls autorisés à les expliquer ; et, de ces éléments fantastiques, ceux-ci composent une législation, une science. Toute victime qui n’est pas immolée par eux est repoussée comme une victime impie. L’encens que leurs mains ne brûlent pas est un encens sacrilége. Pour obtenir l’assistance ou la protection divine, il n’est pas moins nécessaire, à les en croire, de se concilier leur bienveillance que celle des dieux dont ils sont les ministres, et le caractère même de ces dieux subit alors de grands changements. L’homme qui ne demande à la religion que de lui concilier la bienveillance céleste, cherche à découvrir ce que les dieux sont. Le prêtre qui attend de la religion des moyens de gouverner l’espèce humaine, examine comment il doit peindre les êtres au nom desquels il veut gouverner. Il ne faut sans doute pas s’exagérer l’action du sacerdoce. En soumettant suivant ses calculs et suivant ses vues la religion à divers changements, il n’invente rien, il profite seulement de ce qui existe. Son travail n’est pas un travail de création, mais d’arrangement, de forme et d’ordonnance. On n’invente pas les opinions ; elles naissent dans l’esprit des hommes, indépendamment de leur volonté. Les uns les adoptent, les autres s’en servent. Le sacerdoce a trouvé le germe de toutes les notions religieuses dans le cœur de l’homme a, mais il a dirigé ensuite despotiquea

«Rien ne s’établit sans un principe pris dans la nature, même ce qui devient ensuite contre nature», observe avec beaucoup de raison un auteur allemand. (Wagner, Mythologie, pag. 77.)1

5 ferme ; ] ferme, Rel. I,2 1

Johann Jakob Wagner, Ideen zu einer allgemeinen Mythologie der alten Welt, Frankfurt am Main : Andreäische Buchhandlung, 1808. La phrase que BC présente comme une citation de Wagner («Rien ne s’établit sans un principe pris dans la nature, même ce qui devient ensuite contre nature») ne figure pas à la p. 77 de l’ouvrage de celui-ci, mais bien dans l’extrait que BC en a fait (Co 3293, no 1), où elle est précédée d’une question : «11o avonsnous assez parlé de ce qu’il y avoit de naturel dans l’institution des castes héréditaires : Rien ne s’établit sans un principe dans la nature, même ce qui devient ensuite contre nature.» Cette note renvoie à la p. 77 de l’ouvrage de Wagner, et elle est marquée dans la marge comme «empl. 1825». S’agirait-il une fois de plus d’une conclusion que BC tire d’observations que lui fournit l’auteur cité ? En l’occurrence, il s’agit de l’observation

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ment le dé veloppement de ce germe, et de la sorte il a imprimé à la religion une marche qu’elle n’aurait pas suivie naturellement. C’est faute d’avoir distingué ces deux espèces de croyance que l’on a commis tant d’erreurs dans l’histoire des religions. En les confondant, on a essayé de se frayer une route qui conduisît à la fois vers deux extrémités opposées, et l’on s’est consumé en vains efforts dans une tentative chimérique. La distinction entre les religions soumises au sacerdoce et celles qui en sont indépendantes, est la première condition requise pour concevoir des idées justes sur cette matière. On voit combien est vaste la série d’idées qui doit nous occuper. Elle l’est tellement, que l’embrasser dans son ensemble et dans tous ses détails est au-dessus des forces humaines, et peut-être au-dessus de l’attention du public dans les circonstances actuelles. Nous nous sommes donc restreints dans cet ouvrage à indiquer et à démontrer, par le raisonnement et les faits, la vérité fondamentale de laquelle découlent toutes les autres. Nous sommes partis de la forme la plus grossière que les idées religieuses puissent revêtir. Nous avons montré le sentiment religieux créant cette forme, puis luttant contre elle, et parvenant quelquefois par sa merveilleuse et mystérieuse énergie à la rendre noble et touchante en dépit d’elle-même. Nous avons dit ensuite comment cette forme est modifiée, soit par les corporations de prêtres chez les nations soumises au sacerdoce, soit par les progrès de l’esprit humain chez les peuples indépendants de la puissance sacerdotale. Nous avons commencé par les premières1. Sans doute, on ne peut suivre l’esprit humain, dans sa progression naturelle, qu’en étudiant les religions indépendantes. Tous les changements s’opèrent à découvert dans ces religions, tandis que sous l’empire des prêtres, le travail se fait à huis clos, dans l’enceinte mystérieuse des corporations privilégiées. Mais les cultes que les prêtres ont dominés sont historiquement les plus anciens ; et les nations, en très-petit nombre, chez lesquelles le sacerdoce n’a eu que peu de pouvoir,

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suivante : «Fragt man nun, warum die Stände bey ihrer Entstehung sich als erbliche Stände oder Kasten schlossen, so giebt ein Blik auf die ersten Verhältnisse des frühen Menschengeschlechts und die allgemeine Art der Entstehens der Dinge hinreichende Antwort. Es giengen nämlich alle Verhältnisse aus von Familienverhältnissen, und wer eine Kunst erfand oder einführte, erbte sie zunächst in seiner Familie fort» (p. 77). Voir aussi p. 78 : «Dieses jeder Corporation eigene Schließen und Begränzen ihrer Sphäre, verbunden mit der Erblichkeit des geschlossenen Instituts, giebt nun die Kasten [im Orig. gesperrt], deren an sich so natürliche Einrichtung erst drückend werden mußte, als der Volksstamm sich zum zahlreichen Volke erweiterte». Par la suite, il est question des prêtres en tant que caste particulièrement puissante (p. 78). Voir l’ébauche de cet alinéa dans le Registre violet, pp. 8–9, note XIV.

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en ont vraisemblablement été plutôt affranchies que préservées. Il en résulte que la simplicité des religions livrées à elles-mêmes provient surtout de ce que l’esprit humain en retranche successive ment les notions grossières qui appartiennent à l’enfance des croyances, notions que le sacerdoce, au contraire, enregistre et transforme en dogmes, de sorte que, pour bien comprendre les cultes les plus simples, il faut avoir étudié à fond les plus compliqués. On verra, nous l’espérons, que la plupart des reproches qu’on adresse à la religion ne sont mérités que par quelques-uns de ses ministres. Les religions qui ont lutté avec le plus de succès contre leur puissance, ont été les plus douces, les plus humaines, les plus pures. Si la démonstration de cette vérité porte nos lecteurs à l’adoption des conséquences qui nous paraissent en découler, l’admiration routinière pour ces corporations de prêtres persans, égyptiens ou gaulois, sera, nous le pensons, fort diminuée. C’est à cette portion de l’histoire religieuse que nous nous sommes bornés. La vérité fondamentale étant reconnue, il sera facile d’en déduire les conséquences, et de la suivre dans ses innombrables et admirables modifications. Après avoir vu comment se constituent les deux formes que revêt la religion, celle que l’esprit humain se crée et celle que lui ont plus fréquemment imposée les prêtres, on peut deviner le principe de perfectionnement qui préside à l’une, et le principe stationnaire qui pèse sur l’autre. Lorsque ces deux formes s’entre-choquent et se confondent par la communication des peuples, si c’est l’intelligence de l’homme qui remporte la victoire, ses idées sur la nature divine s’améliorent par une heureuse et rapide progression. Mais on aperçoit en même temps les germes de décadence que ses conceptions, même améliorées, renferment, et l’impulsion irrésistible qui le porte à prendre un essor encore plus élevé. La forme religieuse la plus épurée devient à cette époque la seule admissible, le symbole unique, l’impérieux besoin du monde civilisé. Enfin la chute des croyances vieillies et décréditées, montre l’homme affligé de l’œuvre de destruction qu’il a consommée. Il ne reprend quelque courage qu’à l’aide d’une nouvelle croyance. Celle-ci, comme les précédentes, subit aussi des dégradations. Elle semble reculer quelquefois vers des époques d’ignorance, et ressusciter des dogmes barbares ; mais la nature de l’esprit humain étant la même, il réagit comme autrefois contre ces détériorations passagères. Chaque siècle regarde ce qui est proportionné à ce qu’il appelle ses lumières comme le terme immuable du bon et du vrai. Mais un nouveau siècle vient à son tour reculer ce terme. Il pose de nouvelles bornes que les générations qui lui succèdent sont destinées à déplacer, pour les reporter plus loin encore. 10 leur ] leur Rel. I,2 sa Rel. I,1,

31 décréditées, ] décréditées Rel. I,2

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Ce n’est donc point une histoire détaillée de la religion que nous avons entreprise. Retracer les révolutions religieuses de toutes les nations serait faire l’histoire de toutes les nations. La religion se mêle à tout. Comme elle pénètre dans la partie la plus intime de l’homme, tout ce qui agit sur l’homme agit sur la religion. Comme elle modifie tout ce qu’elle touche, elle est aussi modifiée par tout ce qui la touche. Les causes se rencontrent, s’entre-choquent, et se font plier mutuellement. Pour expliquer la marche d’une religion, il faut examiner le climat, le gouvernement, les habitudes présentes et passées du peuple qui la professe : car ce qui existe influe, mais ce qui n’existe plus ne cesse pas toujours d’influer. Les souvenirs sont comme les atomes d’E´picure, des éléments rentrant toujours dans la composition des combinaisons nouvelles1. Conduire le lecteur à travers ces recherches, serait écrire une histoire universelle. Nous avons au contraire tâché d’éviter la forme historique, tant à cause des longueurs qui en sont inséparables qu’à cause des répétitions sans nombre qu’elle eût nécessitées. Car on ne peut faire marcher concuremment l’histoire de toutes les religions. Tous les peuples n’ayant pas avancé de même, à cause des modifications différentes apportées dans leurs opinions par les événements et les circonstances, nous aurions été forcés de reproduire perpétuellement sur chacun des observations déja faites sur les autres. Néanmoins il est impossible de donner à des recherches sur cette matière la forme purement didactique dont M. de Montesquieu a revêtu son travail sur les lois. Les lois sont écrites, et en conséquence leurs révolutions se rattachent à des époques fixes et précises. Mais la religion, existant en grande partie dans le cœur et dans l’esprit de l’homme2, se modifie insensiblement sans qu’on s’en aper çoive a : et quelques-unes de ses modifications ne peuvent être traitées qu’historiquement. a

L’idée, ou plutôt le sentiment de la Divinité, a existé dans tous les temps. Mais sa conception a été subordonnée à tout ce qui coexistait à chaque époque. Plus l’état de l’homme a été

5 Comme ] comme Rel. I,2 13 recherches, ] recherches Rel. I,2 Nous avons au 15–16 nécessitées. Car ] nécessitées ; car contraire ] Nous avons, au contraire, Rel. I,2 Rel. I,2 16 concuremment ] concurremment Rel. I,2 19 événements ] évènements Rel. I,2 1

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Comparaison empruntée à la théorie atomiste d’E´picure selon laquelle les mouvements dans le vide, la pression et la propulsion des atomes, particules insécables, innombrables et éternelles, permettent d’expliquer tout ce qui se passe et existe, leurs combinaisons étant infiniment variables. Passage peut-être inspiré de l’ouvrage de J. J. Wagner (Ideen zu einer allgemeinen Mythologie, pp. 1–25), comme en témoigne la note no 52 des notes de lecture de cet ouvrage

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Nous avons du moins tâché de ne présenter à nos lecteurs que des résultats, appuyés, à la vérité, sur beaucoup de faits. Nous avons réfuté quelques objections. Nous en avons passé d’autres sous silence. D’autres peut-être ne se sont pas offertes à nous. Si nous avions tout développé, l’étendue de cet ouvrage aurait défié toute possibilité d’attention. L’histoire des exceptions serait devenue beaucoup plus longue que celle de la règle générale. La règle est une et simple, les causes des exceptions sont innombrables et compliquées1.

grossier et simple, plus les notions de la Divinité ont été bornées et étroites. L’homme n’avait pas la possibilité d’en concevoir d’autres. A mesure que les temps ont avancé, ses conceptions se sont ennoblies et agrandies. La religion, dans son essence, n’est liée à aucun temps, et ne consiste point en traditions transmises d’âge en âge. En conséquence, elle n’est point assujettie à des bornes fixes, imposées aux générations qui se succèdent, d’une manière littérale et immuable. Elle marche, au contraire, avec le temps et les hommes. Chaque époque a eu ses prophètes et ses inspirés, mais chacun parlait le langage de l’époque. Il n’y a donc dans la religion, comme dans l’idée de la Divinité, rien d’historique, quant au fond ; mais tout est historique dans les développements.

3 objections. Nous ] objections ; nous Rel. I,2 silence. D’autres ] silence : d’autres Rel. I,2 5 d’attention. L’histoire ] d’attention ; l’histoire Rel. I,2 8 compliquées. ] ajouté FIN DU LIVRE PREMIER. Rel. I,2

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(«empl. 1823») : «les uns ont considéré la Religion grossierement, come s’il n’y avoit qu’erreur, et imposture : les autres scientifiquement, come s’il n’y avoit que Science. Nous l’envisageons moralement, c’est-à-dire telle qu’elle a été dans l’esprit de l’homme [...]» (BCU, Co 3293, no 1). Voir le Repertory, note 54. Une première version de cet alinéa se lit dans le Registre violet, p. 5, note VII.

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De la Religion, considérée dans sa source, ses formes et ses développements. Livre II. De la forme la plus grossière que les idées religieuses puissent revêtir.

Chapitre premier. Méthode que nous suivrons dans ce livre.

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Nous avons défini le sentiment religieux, le besoin que l’homme éprouve de se mettre en communication avec la nature qui l’entoure, et les forces inconnues qui lui semblent animer cette nature1. La forme religieuse est le moyen qu’il emploie pour établir cette communication. Il est évident que le choix de ce moyen n’est pas arbitraire. L’homme ne se décide point par un pur caprice pour telle ou telle forme préférablement à d’autres. Il est déterminé dans son choix, et par les sentiments qui sont naturellement au fond de son ame, et par les notions que la réflexion suggère à son intelligence, et par l’exigeance que lui inspire son égoïsme, qu’on a eu tort de considérer comme son mobile unique, mais dont l’action néanmoins est d’autant plus puissante qu’elle est habituelle et indestructible. Pour découvrir le résultat de ces causes diverses, deux modes se présentent : observer et décrire le travail de chacune des facultés de l’homme séparément, et de toutes ces facultés réunies, lorsqu’il se crée une religion ; ou rassembler les faits qui sont le mieux constatés, relativement aux croyances religieuses des peuplades les plus ignorantes, et rechercher ensuite quelle part dans ces croyances doit être attribuée au sentiment, quelle part à l’intelligence, quelle part à l’intérêt. La première méthode nous semble trop métaphysique et trop abstraite. Mieux vaut partir de faits historiques, pour remonter aux causes de ces faits.

12 l’exigeance ] l’exigence Rel. I,2

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BC se prononce dans ce chapitre en faveur d’une méthode inductive qui donne la priorité aux «faits». Sa manière de procéder n’en reflète pas moins les approches systématiques de l’ethnologie et de l’anthropologie de son époque ; voir à ce sujet notre Introduction, pp. 35– 36.

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Chapitre II. De la forme que le sentiment religieux revêt chez les Sauvages a.

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Des tribus sauvages que nous connaissons, plusieurs sont dans un état peu différent de celui des brutes. Les unes ignorent l’usage du feu : les autres ne subviennent à leur subsistance que comme les habitants des forêts, ou, moins industrieuses encore, elles n’em ploient point à se nourrir l’adresse ou la force, mais attendent que la mort leur livre des débris révoltants et insalubres, dont elles repaissent leur faim vorace. Quelques-unes n’ont pour langage que cinq ou six cris à peine articulés. Les hordes qui sont immédiatement au-dessus de celles que nous venons de décrire ont plus ou moins perfectionné leurs moyens d’existence physique. Elles ont inventé quelques instruments de chasse ou de pêche. Elles ont apporté plus de variété dans les sons qui leur servent à exprimer leurs passions ou leurs besoins. Elles ont construit des huttes. Quelques-unes ont apprivoisé des animaux. L’union des sexes a pris une forme plus stable, ou du moins s’est prolongée par-delà le désir et la possession. Les premières ressemblent aux loups et aux renards : les secondes, aux castors et aux abeilles. Dans cet état de grossièreté, le Sauvage naît : il souffre, il pleure : il a faim, il chasse ou il pêche. Le besoin de se reproduire se fait sentir. Il le satisfait. Il vieillit, il meurt, ou ses enfants le tuent. Cependant ce que nous avons nommé le sentiment religieux l’agite : c’est-à-dire, qu’il se voit entouré, dominé, modifié par des forces, dont il ne a

Pour réunir les traits qui devaient composer la peinture des mœurs des Sauvages, nous avons consulté de préférence les voyageurs les plus anciens. Chaque jour les tribus sauvages disparaissent de la terre. Les restes des hordes à demi détruites éprouvent, malgré leur répugnance, les effets du voisinage des Européens. Leurs pratiques s’adoucissent, leurs traditions s’effacent, et les voyageurs modernes retrouvent à peine quelques vestiges de ce que leurs prédécesseurs avaient raconté1.

13 pêche. Elles ] pêche ; elles Rel. I,2 15 besoins. Elles ] besoins ; elles Rel. I,2 20 pleure : ] pleure ; Rel. I,2 21 sentir. Il ] sentir ; il Rel. I,2 1

Remarque qui reflète l’observation des voyageurs de l’époque : voir p. ex. Friedrich Wilhelm Joseph Schelling, Philosophie der Mythologie, t. I, p. 97. Au XXe siècle, Claude LéviStrauss, dans ses Tristes Tropiques, parle de la ‘fin des voyages’. Voir ci-dessus, p. 47, n. 2.

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devine ni l’origine, ni la nature ; et qu’un instinct, particulier à lui seul a entre tous les êtres, semble l’avertir que la puissance qui anime ces forces inconnues n’est pas sans un rapport quelconque avec lui. Il éprouve le besoin de déterminer, d’établir ces rapports d’une manière fixe. Il cherche au hasard cette puissance. Il lui parle, l’invoque, l’adore. Comme nous l’avons démontré, ce n’est pas seulement la crainte qui fait, naître en lui cet instinct. Car les objets de sa crainte ne sont ni les objets uniques, ni les objets principaux de son hommage. Sans doute, il place quelquefois dans ce nombre ceux qui lui ont fait du mal : mais il en adore souvent qui ne lui inspirent aucun effroi par eux-mêmes. Conclure de la terreur qu’il éprouve lorsqu’il les croit remplis de la nature divine, que cette terreur l’a contraint à les adorer, c’est prendre l’effet pour la cause. Ce n’est pas non plus une idée d’intérêt qui crée son premier culte. Il se prosterne devant des objets qui ne peuvent lui être d’aucune utilité. Qu’après les avoir déifiés, il cherche à se les rendre utiles, c’est un autre mouvement de sa nature : mais considérer ce mouvement comme le premier, c’est encore changer en cause ce qui n’est qu’un effet. Le Sauvage adore différents objets, parce qu’il faut qu’il adore quelque chose : mais quels objets adorera-t-il ? Il interroge ce qui l’environne. Rien de ce qui l’environne ne peut l’éclairer. Il se replie sur lui-même : il tire sa réponse de son propre cœur. Cette réponse est proportionnée à la faiblesse de sa raison peu exercée, et à son ignorance profonde. Cette raison n’a encore aucune idée de ce qui constitue la Divinité à une époque plus avancée. Cette ignorance le trompe sur les causes des phénomènes physiques. L’homme, nous l’avons dit b, place tou jours dans l’inconnu ses idées religieuses. Pour le Sauvage, tout est inconnu. Son sentiment religieux s’adresse donc à tout ce qu’il rencontre. Partout où il y a mouvement, il croit qu’il y a vie1. La pierre qui roule lui semble ou le fuir ou le poursuivre : le torrent qui se précipite s’élance sur lui : quelque esprit irrité habite la cataracte écumante : le vent qui mugit est l’expression de la souffrance, ou de la menace : l’écho du rocher prophétise, ou répond ; et quand l’Européen montre au Sauvage l’aiguille aimantée, il y a b

Livre I2. Livre I3.

5 puissance. Il ] puissance ; il Rel. I,2 9 mal : ] mal ; Rel. I,2 Rel. I,2 1

2 3

6 fait, ] fait Rel. I,2

7 instinct. Car ] instinct ; car

Une ébauche de ce passage qui se termine p. 223, ligne 2 se trouve au bas d’une feuille des notes de lecture de Martin Gottfried Hermann, Handbuch der Mythologie, (BCU, Co 3293), ainsi que dans le Registre violet, p. 7, note VII. Voir ci-dessus, en particulier pp. 101–103. Voir ci-dessus, en particulier p. 104.

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voit un être arraché à sa patrie et se tournant avec désir et avec angoisse vers des lieux chéris a. De même que partout où il y a mouvement, le Sauvage suppose la vie, partout où il y a vie, il suppose une action ou une intention qui le concerne. L’homme demeure long-temps avant d’admettre qu’il ne soit pas le centre de toutes choses. L’enfant s’imagine être ce centre vers lequel tout se dirige. Le Sauvage raisonne comme l’enfant1. Entouré de la sorte d’objets puissants, actifs, influant sans cesse sur sa destinée, il adore parmi ces objets celui qui frappe le plus fortement son imagination. Le hasard en décide b. C’est le rocher, c’est la mon tagne, a

b

Un Sauvage qui, pour la première fois, voyait une lettre, et qui était témoin de l’impression produite par la nouvelle qu’elle avait transmise, la regarda comme un être indiscret et perfide qui avait révélé quelque important secret2. On verra tout a` l’heure, et dans ce chapitre même, qu’il y a bien autre chose dans le culte du Sauvage que l’adoration des objets que nous allons indiquer ; mais nous avons dû commencer par cette indication, parce que les hommages rendus à ces objets forment, pour ainsi dire, l’extérieur ou le matériel du culte. Il est donc certain que les Sauvages américains choisissent pour fétiches les objets qui s’offrent à eux en rêves. (CHARLEVOIX, Journ. pag. 2433. Lettr. édif. VI, 1744.) Les Malabares des tribus inférieures se font des dieux au gré du

16 objets ] objets, Rel. I,2 1

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18 rêves. ] rêve. Rel. I,2

Journ. ] Journ., Rel. I,2

Il s’agit ici d’un topos du genre de réflexion anthropologique qui va de pair avec l’expansion coloniale ; ce topos, déjà bien établi au XVIIIe siècle – on le retrouve p. ex. dans Cornelius de Pauw, Recherches philosophiques sur les Américains (voir ci-dessus, p. 171, n. 1), t. I, pp. 82–83 –, est adopté par la philosophie idéaliste de l’histoire (p. ex. dans les Vorlesungen über die Philosophie der Geschichte (Leçons sur la philosophie de l’histoire) de Hegel ; voir Georg Wilhelm Friedrich Hegel, Werke in zwanzig Bänden, Frankfurt am Main : Suhrkamp, 1986, t. XII, p. 120), et il revient au XXe siècle sous la plume d’auteurs aussi différents que Lévy-Bruhl, Spengler, Frobenius, Campbell et Freud ; voir à ce sujet W. Petermann, Die Geschichte der Ethnologie, pp. 200, 232, 507, 626, 715. Cette note est la traduction d’un passage de Christoph Gottfried Bardili, Epochen der Vorzüglichsten Philosophischen Begriffe, Erster Teil, Halle : bey Johann Jacob Gebauer, 1788, comme en témoigne la quatrième des notes de lecture que BC tire de cet ouvrage et qui remplissent deux pages et demie (voir BCU, Co 3293, no 1). Dans la marge de celle en question, BC écrit : «empl. 1823». Voir Bardili, Epochen, p. 7 : «Der Amerikanische Wilde, welcher das erstemal Buchstaben sieht, und erfährt, daß sie etwas bedeuten, hält sie für kleine Verräther, die einem Geheimnisse hinterbringen.» Il est intéressant de noter que BC, en remplaçant le présent de l’original par le passé simple et en dramatisant le contenu de l’assertion de Bardili, transforme celle-ci en anecdote. C’est la première d’une série de citations de François-Xavier de Charlevoix, que BC utilise, tirée de l’Histoire et description générale de la Nouvelle-France, avec le Journal historique d’un voyage fait par ordre du roi dans l’Amérique septentrionale, Paris : P.-F. Giffart, 1744, 3 vol. Comme le montrent les indications de page des passages du Journal cités par BC, celui-ci a bien utilisé cette édition in–4o en trois volumes, dont le troisième est occupé par le Journal, et non pas celle in–12o, qui comprend six volumes et parut également en 1744. – Il existe une édition critique du Journal, qui reproduit le texte de l’édition in–4o et sa pagination : François-Xavier de Charlevoix, Journal d’un voyage fait par ordre du roi dans l’Amérique septentrionale, édition critique par Pierre Berthiaume, Montréal :

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quelquefois une pierre, souvent un animal. caprice du moment : un arbre, le premier animal qu’ils aperçoivent, devient leur divinité. Les Tongouses plantent un piquet où bon leur semble, y étalent la peau d’un renard ou d’une zibeline, et disent : Voilà notre dieu. Les Sauvages du Canada se prosternent devant les dépouilles d’un castor. (PAW, Recherches sur les Américains, I, 1181.) Chez les Nègres de Bissao, chacun invente ou fabrique lui-même sa divinité. (Hist. génér. des voy. II, 104.) Il y a dans les déserts de la Laponie des pierres isolées qui ont une ressemblance grossière avec la forme 228 humaine. Lorsque les Lapons passent à la portée de ces pierres, ils ne manquent jamais, encore aujourd’hui, de sacrifier quelques rennes, dont on trouve les cornes autour de ces pierres. (Voy. d’Acerbi2.)

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Les Presses de l’Université de Montréal, 1994. Par la suite, nous citons d’après cette édition en indiquant d’abord la pagination de l’original, puis celle de l’édition critique. – Quant au passage auquel BC renvoie ici, il ne se trouve pas à la page indiquée ; peut-être pense-t-il à la page 346 qu’il cite plus loin (voir ci-dessous, n. 2 à la p. 243) : «Le Génie tutélaire est toujours la chose, à quoi l’Enfant a le plus souvent rêvé, & dans le vrai cette chose n’est que comme un symbole, ou une figure, sous laquelle l’Esprit se manifeste ; [...] tantôt c’est une tête d’Oiseau, tantôt le pied d’un Animal, ou un morceau de Bois» (p. 346 ; éd. critique, p. 685). Voir aussi les nombreux autres passages du Journal où il est question du rapport entre les rêves des sauvages et leur religion, en particulier pp. 353–359 ; éd. critique, pp. 696–703. (Note de la page précédente.) BC n’a pas consulté l’édition en 18 vol. (1711–1743) des Lettres édifiantes à laquelle renvoie Deguise (OCBC, Œuvres, t. XVIII, p. 557 ; voir aussi p. 62, n. 1 et p. 517) ; car le passage en question ne figure pas dans le t. VI de cette édition, mais bien dans le t. VI de l’édition suivante : Lettres édifiantes et curieuses, écrites des missions étrangères. Nouvelle édition, Paris : J. G. Merigot le jeune, 1780–1783, 26 vol. Ces volumes sont distribués en cinq séries : Mémoires du Levant (vol. 1–5), Mémoires d’Amérique (vol. 6–9), Mémoires des Indes (vol. 10–15), Mémoires de la Chine (vol. 16–24), Mémoires des Indes et de la Chine (vol. 25–26). Quant à l’information à laquelle BC renvoie ici, elle se trouve en effet à l’endroit indiqué, à savoir dans le volume VI (Paris : Merigot le jeune, 1781), p. 174 : «Quand un Sauvage veut se donner un Manitou, le premier animal qui se présente à son imagination durant le sommeil, est d’ordinaire celui sur lequel tombe son choix ; il tue une bête de cette espèce, il met sa peau, ou son plumage, si c’est un oiseau, dans le lieu le plus honorable de sa cabane, il prépare un festin en son honneur, pendant lequel il lui fait sa harangue dans les termes les plus respectueux, après quoi il est reconnu pour son Manitou.» Ce passage figure dans la «Lettre du Pere Sebastien Rasles, Missionnaire de la Compagnie de Jesus dans la Nouvelle France, à Monsieur son frere» (pp. 153–225), lettre datée «A Nanrantsouak, ce 12 Octobre 1723». Voir C. de Pauw, Recherches philosophiques sur les Américains, t. I, p. 118 : «Les Sauvages du Canada prennent la dépouille d’un Castor, la fichent sur un bâton, & disent : voilà notre Manitou, notre Génie suprême ! élevons nos cœurs vers lui.» Voir Giuseppe Acerbi, Voyage au Cap-Nord par la Suède, la Finlande et la Laponie, par Joseph Acerbi. Traduction d’après l’original anglais, revue sous les yeux de l’auteur, par Joseph Lavallée, Paris : Levrault, Schoell et Comp., an XII (1804), 3 vol. et Collection de planches. BC se souvient probablement du Livre III, section XXVI : «Des sacrifices que les Lapons offrent à leurs divinités» (t. III, pp. 257–264). Il y est question des «animaux que les Lapons offraient le plus ordinairement à leurs Dieux» (p. 258) – il s’agit de rennes, de moutons, et de phoques – des rites («cérémonies usitées», p. 258) propres à ces sacrifices, des «Dieux pénates» des Lapons (p. 259), et des «montagnes» et «rochers» qui «étaient regardés comme sacrés, par les Lapons» (p. 260) et qui par conséquent étaient «tous destinés aux sacrifices et au culte religieux» (p. 260). Acerbi explique ce culte en soulignant «que ces rochers et ces montagnes offraient toujours quelque singularité, soit dans leur

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Cette adoration des animaux nous paraît étrange. En y réfléchissant toutefois, nous la trouverons fort naturelle. On s’étonnera peut-être de ce que nous n’assignons pas à l’adoration du soleil et des astres une place à part dans le culte des Sauvages. C’est que, lorsque l’astrolâtrie est le culte dominant d’une tribu, sa religion prend une marche toute différente de celle qui est maintenant l’objet de nos recherches. Nous en traiterons dans le livre suivant, et nous ajournons jusqu’alors tout ce que nous avons à dire sur l’astrolâtrie. Quant aux Sauvages pour qui le soleil et les astres ne sont des objets d’adoration que comme tous ceux qui les frappent, cette adoration ne modifie en rien le caractère de la religion dont elle devient partie. Presque tous les Sauvages américains rendent un culte au soleil (Allgemeine Geschichte der Voelker und Laender von America, I, 61–64)1, mais leur religion n’en est pas moins très-différente de celle des peuples chez qui l’astrolâtrie est en vigueur. Il en est de même du culte du feu. Quand ce culte n’est qu’un hommage isolé, tel que les Sauvages en rendent au premier animal, au premier arbre, rien n’est changé dans la religion. Ainsi, les hordes de la Sibérie et celles de l’Amérique septentrionale adorent le feu, tandis que les peuplades de l’Afrique sont toujours restées étrangères à cette adoration (MEINERS, Crit. gesch. I, 237)2. Cependant

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7 Sauvages ] sauvages Rel. I,2

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16 adoration ] adoration. Rel. I,2

237). ] 237.) Rel. I,2

forme, leur hauteur ou leur figure ; et que sous ce rapport, elles éveillaient sans doute quelqu’idée de crainte et de respect dans les ames de ce peuple brute» (p. 261). Un peu plus loin, il ajoute que la «vénération que les Lapons eurent pour ces montagnes, n’est point encore cessée ; quelques-uns d’eux, tous les ans, les visitent encore, revêtus de leurs plus beaux habits ; et quoiqu’ils n’y fassent point de nouveaux sacrifices, ils portent tant de respect aux os des premières offrandes, qu’ils les y laissent sans oser y toucher» (pp. 261–262). On voit que les renseignements que BC puise chez Acerbi correspondent à peu près à la thèse qu’ils sont censés corroborer. Voir Allgemeine Geschichte der Länder und Völker von America. Erster Theil. Nebst einer Vorrede Siegmund Jacob Baumgartens, Halle : Johann Justinus Gebauer, 1752. La «erste Abtheilung» (t. I, pp. 1–504) de cet ouvrage est, comme le dit Baumgarten à la p. 2 de sa «Vorrede» (non paginée), une traduction de l’ouvrage de J.-F. Lafitau, Mœurs des sauvages amériquains. Le passage sur le culte que les sauvages américains rendent au soleil commence à la p. 62 du premier volume (c’est-à-dire au début du § 3 du «Drittes Hauptstück», intitulé «Von der Religion») et se termine à la p. 65. Voir en particulier p. 63 : «Die Sonne ist die Gottheit der americanischen Völker, keines unter allen uns davon bekanten ausgenommen.» (Le «Drittes Hauptstück, Von der Religion» va de la p. 52 à la p. 209). Il faut ajouter que la phrase qui précède la note et celle-ci sont probablement copiées de l’ouvrage de F. Majer, Allgemeines Mythologisches Lexicon aus Original-Quellen bearbeitet. Erste Abtheilung, welche die nicht altklassischen Mythologien [...] enthält, Weimar : im Verlage des LandesIndustrie-Comptoirs, 1804, 2 vol. ; voir BCU, Co 3293, no 1 (dans la marge : «employé 1823»). Le corpus de ces notes comprend 21 pages. Dans un article sur les Iroquois (nom donné par les Français aux Indiens établis dans les vallées du Saint-Laurent et de la Susquehanna et au nord des lacs Érie, Ontario et Huron), Majer constate en effet que ceux-ci, comme la plupart des peuples d’Amérique, vouent un culte au soleil, qu’ils considèrent comme l’être suprême (voir t. I, p. 82 ; la référence au t. I de l’Allgemeine Geschichte y manque pourtant). BC résume de manière adéquate le passage qui se trouve dans C. Meiners, Allgemeine kritische Geschichte der Religionen, t. I, p. 237 : «Es gehört zu den übrigen Unnatürlich-

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Il y a dans les animaux quelque chose d’inconnu, nous pourrions dire de mystérieux, qui doit disposer le Sauvage à les adorer. L’impossibilité de les juger et de les comprendre, impossibilité qui, du reste, nous est commune avec lui, mais dont l’habitude nous empêche de nous apercevoir, leur instinct plus sûr que notre raison, leurs regards qui expriment avec tant d’énergie et de vivacité ce qui se passe en eux, la variété et la bizarrerie de leurs formes, la rapidité souvent effrayante de leurs mouvements, leur sympathie avec la nature qui leur annonce l’approche des phénomènes physiques que l’homme ne saurait prévoir, enfin la barrière qu’élève à jamais entre eux et lui l’absence du langage, tout en fait des êtres énigmatiques. «Il faudrait,» remarque le judicieux Heeren a, «avoir été soi-même à la place du Sauvage, pour concevoir la relation dans laquelle il croit être avec les animaux.»

a

aucune différence essentielle ne distingue la religion de la Sibérie ou des bords de l’Ohio de celle de la côte de Guinée. Quand le culte du feu tient au contraire à celui des éléments, c’est l’indice d’une tout autre forme religieuse, dont nous ne pourrons nous occuper que plus tard. (A. Heeren, Ideen ueber die Politik, den Verkehr und den Handel der vornehmsten Voelker der alten Welt.)1 Les Iroquois et les Delawares rapportent aux animaux l’espèce de civilisation à laquelle ils sont parvenus. Chacune de leurs tribus se distingue par le nom d’un animal, en mémoire de ce bienfait dont ils parlent encore avec reconnaissance. Les Monseys racontent qu’au commencement ils habitaient dans le sein de la terre, sous un lac. L’un d’eux découvrit une ouverture par laquelle il monta jusqu’à la surface. Un loup qui cherchait une proie tua un daim, que le Monsey prit avec lui dans son habitation souterraine. Charmée de cette nourriture inconnue, la tribu entière quitta sa demeure sombre pour s’établir dans un lieu où la lumière du ciel réjouissait ses regards, et où la chasse subvenait

16 côte ] côté Rel. I,2

1

19 vornehmsten ] vornehmstem Rel. I,2

keiten, von welchen nach einem Ausspruche der Alten, Afrika so reich war, daß die Völker dieses Erdtheils dem Dienste des Feuers weder vormahls ergeben waren, noch auch jetzt ergeben sind.» Voir aussi les notes de lecture relatives à ce passage (dans le corpus des notes que BC prit de l’ouvrage de Meiners, il s’agit des nos 63 et 64, «empl. 1823» ; voir BCU, Co 3293, no 2). La phrase traduite par BC figure dans la partie de l’ouvrage de Heeren qui est réservée à l’E´gypte, deuxième section : «Politischer Zustand des alten Aegyptens» : «Man müßte selbst Wilder werden, um das Verhältniß beurtheilen zu können, in dem der Wilde sich mit dem Thiere fühlt» (Heeren, Ideen über die Politik, den Verkehr und den Handel der vornehmsten Völker der alten Welt, t. II, p. 663). Cette phrase se trouve dans un paragraphe consacré à l’origine du culte voué aux animaux.

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Tant qu’il ne les a pas dépouillés de leur prestige en les asservissant, ils partagent avec lui la vie et l’empire, ils règnent ses égaux dans les forêts : abondamment à sa subsistance. De là la vénération dont le loup est devenu l’objet chez eux, comme chez d’autres le serpent à sonnettes, qu’ils appellent leur grand-père. «Il est évident», ajoute l’auteur auquel nous empruntons ces détails, «que les Indiens se considéraient, dans les premiers temps, comme alliés en quelque sorte à certains animaux. Toute la nature animée, à quelque degré que ce soit, est à leurs yeux un grand tout, dont ils n’ont pas encore essayé de se séparer. Ils n’excluent point les animaux du séjour des esprits, où ils espèrent aller après leur mort.» (Histoire, mœurs et coutumes des nations indiennes qui habitaient autrefois la Pensylvanie et les états voisins , par J. Heckewelder1, missionnaire morave, Paris, 1822, p. 397, 406.) L’opinion qu’il existe une sorte de parenté entre les animaux et les hommes est répandue dans toutes les îles des Indes occidentales et de la Mer du Sud. (HAWKESWORTH, Account of the voyages, etc. III, 7582. Marsden Hist. of Sumatra, 2573.

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5–6 évident», ] évident,» Rel. I,2 1

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12 Mer ] mer Rel. I,2

Voir John Gottlieb Ernestus Heckewelder, Histoire, mœurs et coutumes des nations indiennes qui habitaient autrefois la Pensylvanie et les États voisins ; par le révérend Jean Heckewelder, missionnaire morave, traduit de l’anglais par le Chevalier du Ponceau, Paris : chez L. de Bure, 1822 (titre de l’original, publié en 1819 : An Account of the History, Manners, and Customs of the Indian Nations, Who Once Inhabitated Pennsylvania and the Neighbouring States). Les passages auxquels BC renvoie figurent dans le chapitre XXXIV intitulé «Mythologie des Indiens» (pp. 396–409). C’est un aperçu de ce que, plus tard, on appellera le totémisme. Le mythe «de la tribu des Monseys ou du Loup» est rapporté aux pp. 397–398 et 403. La vénération du serpent à sonnettes considéré comme grand-père des Indiens est mentionnée aux pp. 401–402. La citation qui clôt la référence à Heckewelder est un amalgame de deux passages. La première phrase se trouve à la p. 402, les deuxième et troisième à la p. 406 : «Il est évident [...] que les Indiens se considéraient dans les premiers temps comme alliés en quelque sorte à certains animaux» (p. 402). «[...] toute la nature animée, à quelque degré que ce soit, est a` leurs yeux un grand tout dont ils n’ont pas encore essayé de se séparer. Ils n’excluent point les animaux du séjour des esprits où ils espèrent aller après leur mort» (p. 406). Voir John Hawkesworth, An Account of the Voyages Undertaken by Order of His Present Majesty for Making Discoveries in the Southern Hemisphere, London : W. Strahan, T. Cadell, 1773, 3 vol. Le passage se trouve dans Book III, chapter 14 : «Some Account of the Inhabitants of Batavia, and the adjacent country, their Manners, Customs, and Manner of Life» (t. III, pp. 749–766). C’est à partir de la p. 755 que Hawkesworth parle des pratiques et opinions ‘absurdes’ que les habitants ‘Isalams’ (ce sont des musulmans indiens mélangés aux Hollandais et Portugais, voir p. 751) font dériver de leurs ancêtres païens (voir p. 755). ` titre d’exemple, il mentionne l’idée selon laquelle les femmes, lorsqu’elles accouchent A d’un enfant, accouchent en même temps d’un petit crocodile, qui est le jumeau de l’enfant et auquel celui-ci devra sacrifier des vivres pendant toute sa vie (voir p. 756 ; il s’agit du passage que BC résume à la fin de sa note). Ces crocodiles jumeaux sont appelés ’Sudaras’ (voir pp. 757–759). Hawkesworth mentionne également les rites exécutés en leur honneur (voir p. 759). Il s’agit évidemment d’une manifestation que, plus tard, on appellera ‘totémisme’. William Marsden, The History of Sumatra, London : Thomas Payne and Son, 21784. Le passage auquel BC renvoie figure dans un chapitre (non numéroté) intitulé «Custom of chewing Betel – Emblematic presents – Oratory – Children – Names – Cirumcision – Funerals – Religion» (pp. 242–259) : «Their notions of the creation of the world, and for-

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ils le défient au haut des airs, ou dans la profondeur des ondes. Ils possèdent à un degré supérieur quelques-unes de ses facultés. Ils sont tour à tour ses Valentyn, oud en niew ostindien, II, 139, 4001.) Quelques tribus prétendent que parfois les femmes accouchent de crocodiles qu’on porte aussitôt dans quelque marais voisin, mais qu’on reconnaît toujours, et que les enfans de la famille traitent comme des frères. (HAWKESWORTH, ibid.). 2 tour à tour ] tour-à-tour Rel. I,2

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5 enfans ] enfants Rel. I,2

mation of mankind, had something ridiculously extravagant. They believed that the world at first consisted only of sky and water, and between these two, a Glede ; which weary with flying about, and finding no place to rest, set the water at variance with the sky, which, in order to keep it in bounds, and that it should not get uppermost, loaded the water with a number of islands, in which the Glede might settle and leave them at peace. Mankind, they said, sprung out of a large cane with two joints, that floating about in the water, was at length thrown by the waves against the feet of the Glede, as it stood on the shore, which opened it with its bill, and the man came out of one joint, and the woman out of the other. These were soon after married by consent of their God, Bathala Meycapal, which caused the first trembling of the earth ; and from thence are descended the different nations of the world» (p. 257, note). On voit que cette citation correspond à peine à l’observation qu’elle est censée illustrer. En ce qui concerne Oud en Nieuw Oost-Indien (1724) de François Valentijn, BC ne se réfère probablement pas à cet ouvrage mais au volume suivant, lié à Oud en Niew OostIndien par la cote qu’il a dans la Bibliothèque de Göttingen et qui constitue sa seconde partie («Tweede deel») : François Valentijn, Beschryving van Amboina, Vervattende Een wydluftige Verhandeling van het zelve, en van alle de Eylanden, daar onder behoorende, te weten, van’t groot Eiland Ceram, Boero, Ambonia, Honimoa, Noessa-Laoet, Oma, Manipa, Bonoa, Kelang [...] Tweede Deel, Dordrecht et Amsterdam : Joannes van Braam, Gerhard onder de Linden, 1724. On y trouve, dans le «Derde Boek» (Troisième Livre), «Vierde Hoofdstuk» (Quatrième Section), un chapitre intitulé «Van de Amboineesen» (pp. 138–141), dans lequel il est question des idées superstitieuses que les habitants de l’île d’Amboina ont développées concernant leur descendance. Le passage qui nous intéresse commence à la p. 139 : «Hun gering verstand bespeurt men nog al verder uyt de fabelagtige verhalen, die zy zelf van hun afkomst doen ; alzoo zommige zeggen van Kaymans, andere van stoelen van Bamboesen, of uyt oude holle boomen, of van Aal, en wat dies meer is, gesproten te zyn.» («Leur manque de réflexion se manifeste aussi dans les récits fabuleux qu’ils font de leurs origines. Certains croient descendre de crocodiles, d’autres de racines de bambou, ou de vieux arbres creux, ou d’anguilles, etc.») Après avoir donné des exemples de ces traditions populaires, Valentijn relativise leur apparente étrangeté en établissant des parallèles entre elles et les traditions d’autres peuples : il parle des mythes de descendance analogues dans les mythologies classique, chinoise, égyptienne, etc. Les passages qui nous intéressent sont marqués dans la marge par un crayon qui pourrait être celui de BC. E´tant donné que dans ce volume, subdivisé en trois parties, il n’y a pas de p. 400 (la pagination de la première partie s’arrête à la p. 351, celle de la deuxième à la p. 282, celle de la troisième à la p. 48), on peut supposer une faute typographique ; il faut probablement lire «140». – La faute remonte peut-être à C. Meiners, Allgemeine kritische Geschichte, t. I, p. 194, n. m, chez lequel BC semble avoir copié la référence à Valentijn.

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De la Religion, I

vainqueurs ou sa proie : et l’on comprend que cherchant de tous côtés le siége caché des forces invisibles, il le place parfois dans l’intérieur de ces êtres, dont rien n’explique l’existence, ni ne révèle la destination. La vénération du Sauvage pour les animaux survit même à l’époque où il les dompte et les emploie à son usage. L’acquisition d’un animal domestique produit une révolution tellement importante dans sa vie, qu’il n’en est que plus disposé à prêter à ce nouveau compagnon de ses travaux une nature presque divine a. Les Kamtschadales qui n’ont apprivoisé et soumis qu’une seule espèce, se font après leur mort déchirer par des animaux de cette espèce, dans l’espoir d’aller ainsi rejoindre leurs ancêtres. Le chien fidèle qui partage avec eux les chances de ce monde, devient leur introducteur dans un monde futur b. a b

Herder, Ideen zur Philosophie der Geschichte, I1. Ils donnent leurs morts à dévorer à des chiens. (Steller, Beschreibung vom Kamtschatka, p. 2732). Les Perses avaient une coutume semblable. N’aurait-elle pas dû son origine au même motif, au prix extrême que les aïeux des Perses, avant Cyrus, montagnards presque aussi sauvages que les Kamtschadales, avaient attaché à la possession d’un animal domestique ? Il arrive souvent que les motifs s’effacent, et que les usages se conservent.

9 Kamtschadales ] Kamtschadales, Rel. I,2 1

2

16 p. ] pag. Rel. I,2

Voir J. G. Herder, Ideen zur Philosophie der Geschichte der Menschheit. S’il est bien question, dans le t. I de l’ouvrage de Herder, des analogies et des différences entre le règne animal et le règne humain (voir Livre II, 3, III, 1 et III, 6), Herder n’y parle pourtant pas de la ‘divinisation’ des animaux domestiques par le sauvage. Voici un passage proche de la référence de BC (il figure dans le ch. II, 3) : «Kurz der Mensch trat auf eine bewohnte Erde : alle Elemente, Sümpfe und Ströme, Sand und Luft waren mit Geschöpfen gefüllt oder fülleten sich mit Geschöpfen ; und er mußte sich durch seine Götterkunst oder List und Macht einen Platz seiner Herrschaft auswirken. Wie er dies gethan habe ? Ist die Geschichte seiner Cultur, an der die rohesten Völker Antheil nehmen ; der interessanteste Theil der Geschichte der Menschheit. Hier bemerke ich nur Eins, daß die Menschen, indem sie sich allmälich die Herrschaft über die Thiere erwarben, das meiste von Thieren selbst lernten. Diese waren die lebendigen Funken des göttlichen Verstandes, von denen der Mensch in Absicht auf Speise, Lebensart, Kleidung, Geschicklichkeit, Kunst, Triebe in einem größeren oder kleineren Kreise die Stralen auf sich zusammen lenkte. Je mehr, je heller er dieses that, je klügere Thiere er vor sich fand, je mehr er sie zu sich gewöhnte und im Kriege oder vertraut mit ihnen lebte : desto mehr gewann auch seine Bildung ; und die Geschichte seiner Cultur wird sonach einem großen Theil nach zoologisch und geographisch» (t. I, pp. 81–82). Georg Wilhelm Steller, Beschreibung von dem Lande Kamtschatka dessen Einwohnern, deren Sitten, Nahmen, Lebensart und verschiedenen Gewohnheiten, Frankfurt et Leipzig : J. G. Fleischer, 1774. BC résume de manière adéquate un passage qui figure dans le ch. 24 («Von der Religion derer Itälmenen») de l’ouvrage de Steller : «Das größte und beste Glück so einem Menschen nach seinem Tode wiederfahren kan, ist ihrer Meinung nach dieses : wenn sie von schönen Hunden gefressen werden, denn dadurch würden sie gewisse Besitzer von ihnen in der untern Welt» (p. 273). La remarque sur les Perses que BC ajoute – les «Perses avaient une coutume semblable», dit-il – s’inspire peut-être du ch. 4 («Von Be-

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La préférence que le Sauvage accorde à tel animal, à l’exclusion de tel autre, préférence qu’on a voulu souvent attribuer à des raisons compliquées a, tient à des circonstances fortuites, dont la trace disparaît bientôt. Les Troglodytes dont Pline nous parle, adoraient les tortues qui nageaientjusqu’à eux b. L’éclat des couleurs, le luisant des écailles, la rapidité des mouvements, ont peut-être valu au serpent des respects religieux, dont le souvenir lui a mérité ensuite sa place distinguée dans la plupart des mythologies1 c. a

b c

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Quand nous traiterons de l’adoration des animaux chez les nations civilisées, les Égyptiens par exemple, nous démontrerons la futilité des explications données a` ce culte par la plupart des écrivains anciens et modernes. PLINE, Hist. nat. IX, 122. Indiquer toutes les causes qui fournissent à l’ignorance des objets d’adoration serait un travail fort superflu et sans terme. Les moindres circonstances y concourent, et l’énumération serait infinie. Ceux qui travaillent aux mines, en Irlande, croient à des génies qui travaillent avec eux. Ils les nomment knockers. Ils ne cessent de les entendre que lorsqu’eux-mêmes interrompent leur ouvrage. (Staeudlin, Magazin zur Religions Kunde, I, 518, 519.)3 Il est manifeste que c’est l’écho. Qui doute qu’une peuplade chez laquelle il n’y

8 Égyptiens ] Égyptiens, Rel. I,2

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grabung der Todten und den Grabmälern der Könige von Persien») de Johann Gottlieb Rhode, Ueber Alter und Werth einiger morgenländischen Urkunden, in Beziehung auf Religion, Geschichte und Alterthumskunde überhaupt, Breslau : Wilibald August Holäufer, 1817. Rhode y cite une remarque d’Hérodote : «Von den Magiern wisse er gewiß, daß sie die todten Körper, ehe sie begraben würden, von einem Raubvogel oder Hunde zerfleischen ließen [...]» (p. 132). Une ébauche de ce passage se trouve dans le Livre verd, p. 41, note CLXIII, où BC parle des Kamtchadales, des Perses et de l’idée de Herder. Phrase qui figure presque mot pour mot dans les notes de lecture de l’ouvrage de P. C. Reinhard, Abriß einer Geschichte der Entstehung und Ausbildung der religiösen Ideen (voir ci-dessus, p. 90, n. 1). BC y renvoie à la p. 18 de cet ouvrage, où figure le passage correspondant à la phrase de BC (BCU, Co 3293, no I, note no 6, «empl. en 1823»). «Trogodytæ autem, ad quos adnatant, ut sacras adorant [...]» («quant aux Troglodytes, sur le littoral desquels elles [les tortues] arrivent, ils les adorent comme des animaux sacrés»). Plinius, Naturalis historia, IX, 12. Pline l’ancien, Histoire naturelle. Livre IX (Des Animaux marins), texte établi, traduit et commenté par Eugène de Saint-Denis, Paris : Les Belles Lettres, 1955, p. 50. Le passage auquel renvoie BC figure dans un article intitulé «Uebersicht der zerstreuten Beyträge zur Religionsgeschichte in verschiedenen neuern Schriften» (C. F. Stäudlin, Magazin, t. I, pp. 433–522). Dans ce passage, il s’agit de traditions populaires encore vivantes en Irlande et au pays de Galles : «Auch die Wäliser glauben noch an Feen und halten die Höle Ogo in dem Berge Llanymynech für ihren Sitz. Horcht man am Eingang der Höle, so hört man die Feen zuweilen, obleich immer sehr leise, reden. Die Wäliser Bergleute glauben fest (wobey also wohl eine Naturerscheinung zum Grunde liegt), daß allemal gewisse Wesen, die sie Klopfer (Knockers) nennen, sich hören lassen, wo Erz ist ; so bald man aber auf das Erz kommt, verschwinden sie. Die Klopfer arbeiten, wenn die Bergleute arbeiten, und hören auf, wenn sie einhalten.»

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Mais dans tous les cas, l’idée de l’utilité entre pour si peu dans les motifs de l’adoration, que souvent, lorsque l’idole est vivante, l’adorateur la tue

aurait point de culte institué ne fît de ces knockers ses divinités ? Il en arriverait autant aux montagnards écossais, qui, aujourd’hui encore, rendent une espèce de culte à un bon génie pour qu’il protége leurs troupeaux, et aux animaux carnassiers pour qu’ils les épargnent. (Pennant’s Scotland, p. 97.)1 Les Nègres de Juidah ont fait d’un grand serpent non venimeux et très-facile à apprivoiser leur principal fétiche, parce qu’un de ces serpents s’étant glissé dans leur camp avant leur victoire sur une horde voisine, ils lui ont attribué cette victoire. (Desmarchais, Voy. en Guinée, II, 133.)2 D’après une tradition du même genre, les Delawares rendaient une espèce de culte à la chouette. Dans une guerre qu’ils avaient eue à soutenir contre une nation puissante, ils s’étaient, disaient-ils, endormis dans leur camp, n’appréhendant aucun danger, lorsque la grande sentinelle du genre humain, la chouette, sonna tout à coup l’alarme. Tous les

6 Scotland, p. ] Scotland, pag. Rel. I,2 la source Rel. I,1 porte Scottand tout-à-coup Rel. I,2

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12 tout à coup ]

Le passage auquel renvoie BC se trouve aux pp. 90–91 de [Thomas Pennant], A Tour in Scotland. 1769, Chester : John Monk, 1771. C’est a` propos des restes des traditions populaires qu’on observe encore dans le ‘highland’ écossais que Pennant décrit le «rural sacrifice» (p. 90) que les «herdsmen» offrent le 1er mai, tant au «preserver» présumé qu’au «destroyer» réel de leurs troupeaux. Il est probable que BC cite Pennant d’après C. Meiners, Allgemeine kritische Geschichte, t. I, p. 54, n. m), comme le revèle la note de lecture («empl. 1823») de ce passage ; il s’agit de la onzième des notes de lecture de Meiners (BCU, Co 3293, no 2). Chez Meiners, la coutume observée par Pennant est une des preuves qu’il cite à l’appui d’une observation générale : de nos jours encore, on trouve parmi les chrétiens peu cultivés («unter rohen Christen») du monde entier le mélange d’éléments chrétiens et païens qui eut lieu lors de la christianisation des peuples germains (t. I, p. 54). Titre exact : Voir Jean-Baptiste Labat, Voyage du Chevalier Des Marchais en Guinée, isles voisines, et à Cayenne, Fait en 1725, 1726, & 1727 [...], Amsterdam : Aux dépens de la Compagnie, 1731, 4 vol., t. II, pp. 133–134 : «La principale Divinité du païs est le Serpent, quoiqu’on ne sçache pas dans quel tems on a commencé à le connoître, à lui rendre un culte ; on sçait seulement très sûrement que cette prétenduë Divinité vient du Royaume d’Ardes. Ceux de Juda étant prêts à donner bataille à ceux d’Ardes, un gros Serpent sortit de l’armée ennemie, & vint se rendre à celle de Juda. Mais il parut si doux que bien loin de mordre comme les autres animaux de son espece, il flattoit & caressoit tout de monde ; le grand Sacrificateur se hazarda de le prendre & de l’élever en l’air pour le faire voir à toute l’armée, qui, étonnée de ce prodige, se prosterna devant cet animal débonnaire, & donna sur les ennemis avec tant de courage, qu’ils les défirent à plate couture. Ils n’eurent garde de manquer d’attribuer leur victoire à ce Serpent, ils l’emporterent avec respect, lui bâtirent une maison, lui porterent de quoi vivre, & en peu de tems ce nouveau Dieu éclipsa tous les autres, même les Fetiches qui étoient les premiers & les plus anciens Dieux du païs. Son culte augmenta à mesure qu’on s’imagina qu’on en recevoit des graces & des faveurs.» Ce

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pour la porter partout avec lui a ; et il est encore si vrai que l’inconnu est la sphère où l’adoration se place, qu’à l’époque où l’homme adore presque tous les animaux, il ne rend jamais de culte à ses semblables. L’homme est ce qu’il connaît le mieux, et voilà la source d’une exception qui a frappé beaucoup d’écrivains, sans qu’ils en découvrissent la cause. Ce culte grossier est si naturel à l’homme ignorant, qu’il y retourne dès qu’il est affranchi des liens ou repoussé des avantages de la religion publique. Les Parias de l’Inde, rejetés avec horreur du commerce des autres castes, et n’étant admis ni soumis à aucun culte, ont repris cette croyance. Chacun

a

oiseaux de son espèce répétèrent son cri qui semblait être : Debout ! debout ! Danger ! danger ! Obéissant à cet appel, chacun saisit son arme, et, à leur grande surprise, ils virent que l’ennemi cherchait à les entourer, et qu’ils auraient tous été massacrés pendant leur sommeil, si la chouette ne les eût avertis à temps. (HECKEWELDER, Mœurs des Indiens de Pensylvanie, p. 339.)1 Lettr. édif. VI, 1742.

15 p. ] pag. Rel. I,2

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passage figure dans le chapitre VII du second volume, chapitre intitulé «De la Religion du royaume de Juda» (pp. 127–161). Le royaume de Juda est situé sur la Côte d’or ; voir la carte avant la p. 1, qui comprenait les régions côtières des actuels Bénin et Togo et une portion du Nigéria riverain. Ce royaume devint au XVIIIe siècle un des principaux centres d’embarquement des esclaves vers les Amériques. Citation presque mot pour mot d’un passage qui figure, comme BC l’indique, dans Heckewelder, Histoire, mœurs et coutumes des nations indiennes, p. 339. Cette note se retrouve dans le Livre verd, p. 75, note CCCVII, sous une forme plus développée, avec le renvoi à l’ouvrage de Stäudlin. Voir «Lettre Du Père Sebastien Rasles, Missionaire de la Compagnie de Jésus dans la Nouvelle France, à Monsieur son Frère. A Nanrantsouak, ce 12 Octobre 1723», p. 174 : «Outre ces Manitous communs, chacun a le sien particulier, qui est un ours, ou un castor, ou une outarde, ou quelque bête semblable. Ils portent la peau de cet animal à la guerre, à la chasse, & dans leurs voyages, se persuadant qu’elle les préservera de tout danger, & qu’elle les fera réussir dans leurs entreprises. / Quand un Sauvage veut se donner un Manitou, le premier animal qui se présente à son imagination durant le sommeil, est d’ordinaire celui sur lequel tombe son choix ; il tue une bête de cette espèce, il met sa peau, ou son plumage, si c’est un oiseau, dans le lieu le plus honorable de sa cabane, il prépare un festin en son honneur, pendant lequel il lui fait sa harangue dans les termes les plus respectueux, après quoi il est reconnu pour son Manitou». La lettre se trouve dans Lettres édifiantes et curieuses écrites des missions étrangères. Nouvelle édition, t. VI, 1781, pp. 153–225.

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d’eux, nous disent les voyageurs a, se choisit son propre dieu. C’est tantôt tel ou tel animal, une pierre ou un arbre. a

ROGER1, PYRARD, I, 2762. HAMILTON, New Account of the east Indies, 3103. Sonnerat, I, 474.

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En ce qui concerne «Roger», voir OCBC, Œuvres, t. XVIII, p. 571 : Rogerius, Abraham, Abraham Rogers Offne Thür zu dem verborgenen Heydenthum [...], Aus dem Niederländischen übersetzt, Nürnberg : J. A. Endters, 1663 (La Porte ouverte pour parvenir à la connaissance du paganisme caché [...] Traduite en François par le sieur Thomas La Grue, Amsterdam : J. Schipper, 1670). Un passage qui correspondrait à la remarque de BC n’a pourtant pas pu être retrouvé, à moins que BC ne pense à l’adoration des bœufs (voir p. 175 dans la version française et p. 280 dans la version allemande). Une longue note cite une série d’exemples de l’adoration de bœufs ou de vaches. Il s’agit de François Pyrard, Voyage de François Pyrard, de Laval, contenant sa navigation aux Indes Orientales, Maldives, Moluques, & au Bresil [...], Paris : Louis Billaine, 1679 (la première édition en 2 vol. date de 1615). La référence de BC est fort peu exacte et se base peut-être sur un malentendu : le passage auquel il renvoie figure dans la Première partie, ch. 27 («Suite de la description de Calecut, distinction du peuple, des Bramenis, Naires, Moucois, & autres, & des singularitez du pays», pp. 264–303). Pyrard y parle, à la page indiquée par BC, de la «troisième sorte des habitans de Calecut & Malabar», à savoir «ceux du commun peuple : qui sont par tous ces pays fort mesprisez, vils, & abjects, comme esclaues. On les appelle Moucois, ou Poulia» (p. 276). Ce qu’il dit par la suite de la religion porte pourtant sur la «religion commune à tout ce peuple naturel du pays de Malabar» (p. 278) et ne concerne donc pas seulement les ‘Moucois’ ou ‘Poulia’ : «En leurs temples il y a vne statuë de vache, ou autre figure qu’ils adorent» (p. 278). Il n’est pas question d’une liberté de ‘choisir’ son propre dieu. La «liberté de conscience» (p. 278) dont il est question un peu plus loin est relative à la présence de «Chrestiens ou Mores, ou Mahometans» (p. 278). La citation d’Alexander Hamilton, A New Account of the East Indies, Being the Observations and Remarks of Capt. Alexander Hamilton, Who Spent His Time There from the Year 1688 to 1723 [...], Edinburgh : John Mosman, 1728, 2 t. en un vol., figure dans le t. I, ch. 15 («Observations on the Samorin and his Country, their Religion, Laws an Customs», pp. 305–320), pp. 311–312. Voir en particulier p. 311 : «The inferior Tribes have Liberty of Conscience in Fancying their Deities, and worshipping them. I have seen, at many Muckwas Houses, a square Stake of Wood, with a few Notches cut about it, and that Stake drove into the Ground, about two Foot of it being left above, and that is covered with some Cadjans or Cocoa-nut Tree Leaves, and is a Temple and a God to that Family. Some worship the first Animal they see in the Morning, let it be Cat, Dog or Serpent, and they pay their Adorations to it the whole Day.» Pierre Sonnerat, Voyage aux Indes orientales et à la Chine [...], Paris : l’auteur, 1782, 2 vol. La page indiquée figure dans le Livre I, ch. 5 : «De la Division des Castes» (t. I, pp. 43–63). Il y est question des Parias qui, selon Sonnerat, «ne sont d’aucune secte : exclus des assemblées du peuple, ils ne peuvent jamais entrer dans les temples, & sont exempts de prier & de faire des offrandes» (p. 56). Sonnerat ne parle pourtant pas d’un ‘culte grossier’ qu’ils voueraient aux animaux ; leur rapport à la religion est purement négatif (ils mangent du bœuf p. ex., ce qui est un «attentat contre un animal sacré», p. 57). Il est évident que BC adapte l’information qu’il a pu trouver chez Sonnerat à son propre argument, à savoir la possibilité d’une régression dans le culte primitif des Sauvages.

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A la Chine, où la religion n’est qu’une forme, et où les mandarins sont panthéistes ou athées a, le peuple adore les serpents et leur offre des sacrifices1 b. a

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Nous ne prétendons pas affirmer que, parmi les philosophies religieuses des Chinois, il n’y en ait aucune qui se rapproche du théisme. Une des plus fortes têtes, et l’un des savants les plus distingués que nous ayons en France, M. Abel Rémusat2, paraît avoir découvert un système de platonisme chinois très-remarquable par ses conformités avec celui de la Grèce. N’ayant point une connaissance exacte de son mémoire que nous n’avons pu nous procurer, nous ne saurions décider cette question. Dans l’impossibilité où est l’espèce humaine de rester inactive quand l’incrédulité l’oppresse, et que le scepticisme l’agite, il nous semble assez vraisemblable que, depuis long-temps en Chine, comme dans les dernières époques de la philosophie grecque, on s’est épuisé en tentatives pour remonter vers la croyance au moyen de l’abstraction ; mais nous parlons de l’état constitué, et, pour ainsi dire, ostensible de la religion chinoise. La Chine, avec laquelle l’Europe acquiert chaque jour une ressemblance plus frappante, la Chine, gouvernée par la gazette impériale et par le Bambou, a d’autant moins de conviction qu’elle a plus de formes, et doit avoir d’autant plus de superstition qu’elle a moins de conviction. Triste résultat du despotisme et d’une civilisation excessive, la Chine est, pour les nations européennes, ce qu’étaient les momies dans les festins de l’E´gypte, l’image d’un avenir peut-être inévitable sur lequel on s’étourdit, mais vers lequel on marche à grands pas3. BARROW, Travels in China, p. 5344. Au Tonquin, chaque bourgade adore un génie particulier, qu’elle re présente, comme dans l’ancienne Égypte, sous la forme d’un chien, d’un serpent ou de toute autre bête. (L’abbé RICHARD, Voy. au Tonquin.)5 La théocratie des

8 mémoire ] mémoire, Rel. I,2 1 2

3 4

5

15 Bambou, ] bambou, Rel. I,2

21 p. ] pag. Rel. I,2

Voir le Repertory, note 496. BC renvoie, en utilisant une source que nous ne connaissons pas, a` une étude du sinologue Jean-Pierre Abel Rémusat sur Lao-Tseu, auteur du Livre de la voie et de la vertu, à savoir : Mémoire sur la vie et les opinions de Lao-Tseu, philosophe chinois du VI e siècle avant notre ère, qui a professé les opinions communément attribuées à Pythagore, à Platon et à leurs disciples, Paris : Imprimerie Royale, 1823. L’auteur revient à cette question dans un article intitulé «Extrait d’un mémoire sur Lao-Tseu, philosophe chinois du sixième siècle avant notre ère, qui a professé les opinions attribuées à Platon et Pythagore» (Journal asiatique, t. III, 1823, pp. 3–15), repris dans les Mélanges asiatiques, Paris : Dondey-Dupré père et fils, t. I, 1825, pp. 88–99. Sur la fonction de l’image négative que BC peint ici de la Chine, voir M. Winkler, Décadence actuelle, pp. 246–253. Voir John Barrow, Travels in China, London : T. Cadell and W. Davies, 1804. La référence est exacte. Elle figure dans le ch. IX : «Journey from Tong-choo-foo to the Province of Canton [...]» (pp. 488–590). BC généralise pourtant ce qui dans Barrow n’est que la description d’un phénomène local. – L’observation sur l’adoration des serpents en Chine et la référence à Barrow remontent probablement à C. Meiners, Allgemeine kritische Geschichte, t. I, p. 194, (note 54 («empl. 1823») des notes de lecture, BCU, Co 3293, no 2). Il s’agit de l’ouvrage de Jérôme Richard : Histoire naturelle, civile et politique du Tonquin, Paris : Moutard, 1778, 2 vol. Dans la Première partie, ch. IX («Pratiques religieuses du Tonquin ; secte de Bout ou des Idoles ; secte des Magiciens ; secte des Lettrés, superstitions

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De la Religion, I

Toutefois, l’action du sentiment religieux ne se borne point à la création de cette forme étroite et grossière. Au-dessus des fétiches a, divinités ma-

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Hébreux ne les préserva pas toujours de toute trace de fétichisme. Il serait peut-être hasardé de vouloir reconnaître le culte des pierres dans l’adoration de la pierre Beth-el, consacrée par Jacob. Mais le serpent d’airain, que Moïse fit élever dans le désert, et auquel les Hébreux offraient de l’encens, est un vestige manifeste du culte des animaux. L’ordre ombrageux et sévère des lévites ne semble point s’en être effarouché. Les rois les plus attachés à la loi mosaïque, David, Josaphat, Jonathan, le tolérèrent. Ce ne fut que sous Ézechias qu’il fut interdit1. Nous avons donné le nom de fétiches2 aux divinités des Sauvages, parce que cette dési-

3 fétichisme. ] fétichime. Rel. I,1 Rel. I,2

1

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8 Jonathan, ] Jonatham, Rel. I,2

9 interdit. ] interdit..

particulières», pp. 167–256), l’auteur constate : «Sans préjudicier au culte de Foë, établi par-tout, chaque ville ou bourg se choisit un génie tutélaire, ou patron propre : il y en a d’anciens & de nouveaux ; on en change quand on le juge à propos. Rien de plus ridicule que ces Génies & le culte qu’on leur rend : ce sont des animaux, quelquefois les plus vils, des serpens, des tigres, des chiens, des chats, des bœufs, des poissons» (t. I, p. 204). Les remarques de BC se réfèrent aux passages suivants tirés de l’Ancien Testament : Jacob : Gn 28, 18–19 : «Jacob se leva de bon matin, il prit la pierre dont il avait fait son chevet, l’érigea en stèle et versa de l’huile au sommet. Il appela ce lieu Béthel – c’est-à-dire Maison de Dieu – mais auparavent le nom de la ville était Louz». Moïse : Nb 21, 7–9 : «Le peuple vint trouver Moïse en disant : 〈Nous avons péché en critiquant le Seigneur et en te critiquant ; intercède auprès du Seigneur pour qu’il éloigne de nous les serpents !〉 Moïse intercéda pour le peuple, et le Seigneur lui dit : 〈Fais faire un serpent brûlant et fixe-le à une hampe : quiconque aura été mordu et le regardera aura la vie sauve〉. Moïse fit un serpent d’airain et le fixa à une hampe ; et lorsqu’un serpent mordait un homme, celui-ci regardait le serpent d’airain et il avait la vie sauve». Les Lévites : voir l’exemple de la fonction sacerdotale d’un Lévite qui pratique la divination et dispose d’une «idole» et d’une «image en métal fondu» (Jg 17–18). David : David, persécuté et menacé de mort par le roi Saül, se sauve, prévenu par Mikal, sa femme. Il semble que BC pense à l’idole qui se trouve dans la maison de David : «Mikal fit descendre David par la fenêtre. Il prit la fuite et fut sauvé. Mikal prit l’idole, la plaça sur le lit, mit à son chevet le filet en poil de chèvre et la couvrit d’un vêtement» (1 S 19, 12–13). Josaphat : BC, en citant ce nom, fait-il allusion au passage suivant dans le second livre des Chroniques ? «Josaphat eut beaucoup de richesse et de gloire. Il fut apparenté par mariage avec Akhab. Il descendit au bout de quelques années vers Akhab à Samarie. Akhab immola pour lui du petit et du gros bétail en quantité, ainsi que pour le peuple qui était avec lui, et il le persuada de monter vers Ramoth-de-Galaad» (2 Ch 18, 1–2). – Jonathan : «Ce jour-là, ils battirent les Philistins, depuis Mikmas jusqu’à Ayyalôn. Le peuple, complètement épuisé, se jeta sur le butin. Il prit du petit bétail, des bœufs et des veaux, les égorgea sur le sol et mangea au-dessus le sang. On le rapporta à Saül : 〈Le peuple, lui dit-on, est en train de pécher contre le Seigneur en mangeant audessus du sang !〉» (1 S 14, 31–33). – Ézéchiel : Dans ses visions, le prophète condamne violemment l’idolâtrie. Il prononce un oracle, par ex. dans le chapitre 6 : «Partout où vous habitez, les villes seront ruinées et les hauts lieux dévastés, si bien que vos autels seront ruinés et exécrés, vos idoles brisées, anéanties, vos brûle-parfums cassés et vos ouvrages détruits» (Ez 6, 6). – (Citations d’après la TOB). – Voir une ébauche de cette observation dans le Repertory, note 873. BC emprunte le terme de fétiche à Charles de Brosses, qu’il cite par la suite (voir ci-des-

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térielles, que le besoin du moment enfante, invoque et détruit, plane tou jours une notion plus vague, plus mystérieuse, moins applicable à la vie commune, et qui cependant remplit d’un respect plus profond, d’une émotion plus intime, l’ame de l’adorateur. Chez le Sauvage comme chez l’homme civilisé, la tendance religieuse se dirige vers l’idée de l’infini, de l’immensité. De là ce grand esprit, qui réside au sein des nuages, par-delà les montagnes ou dans l’abîme impénétrable des mers, toujours invisible, rarement imploré, parce qu’il prend peu de part à la destinée des habitants de la terre, mais vers lequel l’ame s’élève pourtant, comme s’essayant à des conceptions plus nobles que celles que l’ignorance fournit à l’homme. Cette tendance est bien impérieuse, puisqu’elle se retrouve chez les hordes les plus abruties. Les Cucis, ou montagnards de Tipra, à l’orient du Bengale, sont les sauvages les plus ignorants et les plus féroces. Ils pensent qu’il y a une divinité dans chaque arbre. Ils n’ont point de lois positives. Le meurtre n’est puni chez eux que par les parents du mort, s’ils ont la force de se venger. La société n’y intervient en rien. Ils coupent la tête aux femmes de leurs ennemis, s’ils les rencontrent sans défense, et lorsqu’ils ont tué une femme enceinte, c’est pour eux un sujet de joie et de gloire. Cependant, ils reconnaissent un grand esprit, différent de toutes les autres divinités qu’ils adorent a et qu’ils n’osent représenter par aucune image b.

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gnation étant la plus habituelle, est par là même la plus intelligible de toutes. Du reste, on sait qu’elle est de l’invention des voyageurs européens, et empruntée d’un mot portugais. Le nom des fétiches varie chez les différentes peuplades qui professent ce culte. L’Ostiaque les appelle ses starryks, l’Iroquois ses manitous, etc. Cette nomenclature nous a paru inutile à conserver, l’idée exprimée différemment étant toujours la même. Asiatic researches, II, 187–1931. Ibid. VII, 1962.

sous, p. 234, n. 2 et notre Introduction, ci-dessus, p. 47). Sur la sémantique du terme, voir Christine Weder, Erschriebene Dinge. Fetisch, Amulett, Talisman um 1800, Freiburg im Breisgau : Rombach, 2007, pp. 17–21. – Les Ostiaks (aussi Ostiaques) sont un peuple de la Sibérie occidentale, installé dans la zone forestière de la moyenne vallée de l’Ob et dont la langue appartient à la famille des langues finno-ougriennes. «Iroquois» est le nom donné par les Français aux Indiens établis dans les vallées du Saint-Laurent et de la Susquehanna et au nord des lacs Érie, Ontario et Huron. Sur les Iroquois, voir ci-dessus, p. 222, n. 1. BC résume ici le début de l’article «On the Manners, Religion, and Laws of the Cucis, or Mountaineers of Tipra. Communicated, in Persian, by John Rawlins, Esq.», Asiatic Researches, t. II, 1807, pp. 187–193. – Voir le Repertory, note 661, qui donne une grande partie du texte principal ci-dessus. La référence figure dans l’article «Account of the Kookies or Lunctas. By John Macrae, Esq. Communicated by J. H. Harington, Esq.», Asiatick Researches, t. VII, 1801, pp. 183-

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Un Sauvage de l’Amérique, qui avait un taureau pour fétiche, déclara un jour au missionnaire qui l’interrogeait, qu’il n’adorait pas le taureau même, mais un manitou des taureaux, caché sous la terre, et vivifiant de son souffle tous les animaux de son espèce. Il ajouta que ceux qui adoraient les ours croyaient de même à un manitou des ours, et quand on lui demanda s’il n’en existait pas un pour les hommes, sa réponse fut affirmative a. généraliser ses C’est évidemment un effort du sauvage pour conceptions ; c’est le sentiment religieux se débattant contre une forme

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Vogel, Versuch ueber die Relig. der Ægypt.und Griech. p. 1011. LAFITEAU, Mœurs des Sauv. I, 3702. Lettr. édif. VI, 171. Culte des dieux Fét. 58–59.

1 Sauvage ] sauvage Rel. I,2

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9 Relig. ] relig. Rel. I,2

198. Après avoir signalé que les Kookies adorent un «Supreme Being», qui s’appelle «Khogein Pootteeang», ainsi qu’une «inferior Deitiy, under the name of SHEEM SAUK», il dit à la p. 198 : «They have no emblem as of Sheem Sauk, to represent the Supreme Being.» Voir P. J. S. Vogel, Versuch über die Religion der alten Aegypter und Griechen. La page à laquelle renvoie BC figure dans le chap. 4. Vogel y déclare que le fétichisme grossier était la religion la plus ancienne («erste Religion», p. 95) des Égyptiens. «Die Gegenstände ihrer Verehrung waren demnach keine andere, als Theile der Natur, und zwar zu allererst solche, die sie in Schrecken setzten und in Furcht erhielten» (p. 95). Parmi ces fétiches, il y a le Nil, des animaux, le soleil, la lune ; l’adoration de ces «Himmelskörper» (p. 99) est une conséquence de la «Veredelung der Empfindungen» qui eut lieu «ohne Zuthun der Priester» (p. 100). Parallèlement ou après eut lieu la «Vermenschlichung der Gottheiten» (p. 100). Celle-ci fut utilisée par les prêtres dans le but de maintenir le prestige («Ansehen», p. 100) de la vieille «Volksreligion» (p. 100). Ainsi, ils achevèrent («vollendeten», p. 101) l’anthropomorphisme en inventant une mythologie de ces déités : «Der Nil- und Sonnengott hieß nun Osiris, die Mondesgöttin Isis, ihr Sohn Orus, und ihr Bruder Typhon. [...] Vielleicht gab die Anthropomorphisierung der Volksgottheiten den Priestern Gelegenheit, das Volk von der Verehrung des Ochsengeschlechts abzuziehen, ohne doch dieselbe aufzuheben» (p. 101). – Voir aussi les notes de lecture que BC a prises du livre de Vogel (Co 3293, no 2, 5 pp.). Voir J.-F. Lafitau, Mœurs des sauvages, t. I, p. 370 (BC écrit souvent «Lafiteau» au lieu de «Lafitau») ; Lettres édifiantes, t. VI, p. 171 (la référence figure dans une lettre du P. Sebastien Rasles, datée du 12 octobre 1723) ; [C. de Brosses], Du culte des dieux fétiches, pp. 58–60 (de Brosses s’y réfère à Lafitau). BC doit probablement ces trois renvois ainsi que le renseignement sur le type de manitou que les sauvages adorent à C. Meiners, Allgemeine kritische Geschichte, t. I, p. 144 et notes a) et c), comme en témoigne la note 33 («empl. 1823») des notes de lecture qu’il prit de cet ouvrage (voir BCU, Co 3293, no 2, et ci-dessus, p. 88, n. 1) ; il est pourtant vraisemblable qu’il vérifia par la suite ces renvois dans les originaux. – Dans la note 33, les manitous correspondant chacun à une espèce d’animaux sont qualifiés de «manitous génériques» ; on parlerait aujourd’hui de totems.

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grossière et méconnaissable sous cette forme qui l’enveloppe et le gêne a. Cet effort du sentiment religieux pour s’élever à la conception d’un dieu supérieur aux fétiches, suggère au sauvage une notion plus abstraite encore, qui, dans les philosophies des époques civilisées, prendra d’immenses développements. Nous voulons parler de la division en deux substances ou de la spiritualité. Cette hypothèse doit occuper dans une partie subséquente de nos recherches une place si vaste, elle est tellement liée à l’histoire et par là même à la lutte que soutiennent tous les systèmes philosophiques contre les religions positives, elle joue en même temps un si grand rôle dans les doctrines occultes de toutes ces religions, que nous ne pouvons ici, où elle n’est encore qu’un germe imperceptible, en dire que très-peu de mots. a

Si nous pouvions ajouter une foi entière aux renseignements du père Labat sur la religion des Nègres, nous aurions une preuve bien frappante de la distance qu’ils mettent entre leurs fétiches et leur Dieu suprême. Il raconte qu’un Nègre auquel un missionnaire demandait comment sa tribu pouvait adorer un reptile nuisible comme le serpent, répondit que cette divinité n’était pas de son choix, mais de l’ordre du Dieu suprême. Le Créateur, connaissant l’orgueil de l’homme, et voulant l’humilier, lui avait ordonné de se prosterner devant le plus vil et le plus rampant des animaux. S’il avait établi un homme comme l’objet de l’adoration de son espèce, celui-ci s’en serait enorgueilli, et la race humaine se serait crue égale à Dieu. L’idée que le serpent était l’objet que Dieu imposait aux hommages des hommes les retenait dans l’humilité, et leur faisait sentir leur dépendance. Il nous paraît difficile d’attribuer à des Sauvages des subtilités aussi détaillées ; et nous soupçonnons le missionnaire qui interrogeait le Nègre, ou d’avoir mal compris les réponses de son néophyte, ou de s’être plu à les embellir1.

1 grossière ] grossière, Rel. I,2 1

10 par là ] par-la` Rel. I,2

19 Créateur, ] créateur, Rel. I,2

Cette note se trouve presque mot pour mot dans les notes de lecture de BC (BCU, Co 3293, no 1, «empl. 1824»). Dans le manuscrit non plus, BC n’indique pas sa source. S’agit-il de l’ouvrage de Jean-Baptiste Labat, Nouveau voyage aux îles de l’Amérique, contenant l’histoire naturelle de ces pays, l’origine, les mœurs, la religion & le gouvernement des habitans anciens & modernes [...]. Nouvelle édition augmentée considérablement [...], Paris : Chez Ch. J. B. Delespine, 1742, 8 vol. (la première édition parut en 1724) ? BC résume de manière correcte un passage qui figure dans un chapitre où le P. Labat, membre de l’ordre des Frères Prêcheurs, rapporte d’abord les circonstances dans lesquelles, à la Martinique, il acheta douze esclaves ‘nègres’, avant d’expliquer en détail la participation française à la traite des Noirs (t. IV, pp. 418–430). Suit l’anecdote résumée par BC et qui fut rapportée au P. Labat par le P. Braguez, qui avait assisté à Juda (c’est-à-dire Ouidah, ville du Bénin [Afrique occidentale]) à une fête pour consulter le serpent (voir pp. 430–434). C’est le P. Barguez qui, après la cérémonie, eut l’entretien avec le prêtre africain qui avait présidé à la cérémonie. Ajoutons que Ouidah était au XVIIIe siècle un des centres de la traite des noirs (voir ci-dessus, pp. 228–229, n. 2). – Voir le Repertory, note 1055.

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Nous ne prétendons assurément point que le sauvage conçoive la division en deux substances ou la spiritualité, de la même manière que les philosophes anciens ou modernes. La facilité avec laquelle il attribue la vie à tous les objets, semble même un obstacle à ce qu’il les divise en animés et inanimés. Cependant, en continuant ses observations sur la nature qui l’environne, il remarque dans tous les phénomènes qui se présentent à ses regards deux apparences, celle du repos et celle du mouvement. Comme la cause du mouvement ne lui est jamais visible, il est bientôt entraîné à la supposer d’une autre nature que l’être auquel le mouvement est communiqué. De là une distinction entre la substance qui imprime le mouvement et celle qui le reçoit. L’élément dans lequel nous existons et qui à la fois nous enveloppe et nous pénètre, est propre à lui seul à nous suggérer l’idée de la spiritualité. L’air invisible, et dans un certain sens impalpable, agit sur nous d’une manière constante et pourtant diversifiée. Tantôt c’est un bienfaiteur inaperçu, qui nous apporte au milieu d’une chaleur étouffante une fraîcheur secourable, et paraît s’occuper même de nos jouissances par les parfums dont il nous entoure ; tantôt c’est un ennemi terrible, qui nous atteint d’un souffle glacé, ou qui, mugissant autour de nous, ébranle la terre, soulève les vagues, et dans sa puissance inexplicable renverse nos murailles, nous poursuit dans nos derniers asiles, et détruit nos habitations les plus solides. Ainsi, l’idée d’êtres actifs, invisibles, impalpables, et que nous sommes tentés de concevoir comme incorporels, s’offre naturellement à notre pensée. Si l’homme, détournant ses regards des objets extérieurs, les reporte sur lui-même, il s’aperçoit d’une lutte manifeste entre le principe actif qui dispose de ses organes, et l’être passif dans lequel ce principe paraît renfermé. L’ame dompte le corps : le corps résiste à l’ame qui gémit ou s’indigne d’être ainsi gênée, et qui accuse toujours de ses fautes son enveloppe grossière, ses organes qui la trompent, ses sens qui l’entraînent et qui la séduisent. Les mêmes plaintes se font entendre chez le sauvage et chez le philosophe, dans les forêts du Nouveau-Monde et sous les platanes de l’Académie. Le vieil Iroquois donne sous ce rapport à son fils les mêmes conseils que Socrate à ses jeunes disciples d’Athènes. Il en résulte que plus l’homme veut concevoir un être parfait, plus il le dégage de la matière. Le sentiment religieux saisit avec ardeur cette distinction pour l’appliquer à la nature divine. Il y trouve un affranchissement de toutes les bornes, une grandeur, une immensité, une pureté qui lui plaisent. Tous les voyageurs qui nous ont transmis les opinions religieuses des Otahitiens attes tent qu’ils distinguent le Dieu suprême, de la matière qu’il a

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mise en œuvre a. La même opinion se retrouve chez plusieurs tribus de la Floride ; et, si nous accordons notre confiance aux assertions de plus d’un observateur attentif, elle n’est pas complètement étrangère aux croyances de quelques hordes de la Sibérie1. Que si leurs conjectures sont vagues, si leurs hypothèses sont confuses, elles n’en prouvent que mieux que, dès les premiers pas de l’espèce humaine, le sentiment devance l’intelligence et devine ce que cette dernière ne peut concevoir, ce qu’elle n’oserait pressentir, ce que même elle combat souvent avec les formes sévères de la logique. Car jusqu’à présent, nous n’avons parlé que de l’action du sentiment dans la création de la forme religieuse. L’homme a en lui d’autres puissances, d’autres facultés, qui concourent également à cette création, et qui ne sauraient y concourir que d’après les règles de leur nature. Si le sentiment se nourrit d’émotions vagues, l’intelligence, plus exigeante, veut des raisonnements dont la justesse la satisfasse. Le besoin intérieur que l’homme éprouve d’adorer des êtres avec lesquels il corresponde et dont les soins protecteurs veillent sur lui, suffit au sentiment pour concevoir des dieux tutélaires. L’intelligence, qui observe avant de juger, tire des phénomènes extérieurs qu’elle compare et qu’elle rapproche des a

COOK, FORSTER, WILSON2.

17 d’adorer ] d’aborder Rel. I,2 1

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Références pas claires ; dans son ouvrage souvent cité par BC, Lafitau parle à plusieurs reprises des Floridiens, mais il ne les mentionne pas de manière explicite dans ses remarques sur les «vestiges» de l’idée d’un «Estre supréme», idée de tout temps et commune aux «Nations policées» et à «toutes les Nations qui passent pour Barbares» (J.-F. Lafitau, Mœurs des sauvages, t. I, p. 124). Quant à la Sibérie, BC pense ici probablement à l’ouvrage, cité plus loin, de Johann Gottlieb Georgi, Bemerkungen einer Reise im Rußischen Reich im Jahre 1772, Sankt Petersburg : Kayserliche Academie der Wissenschaften, 1775, 2 vol. Voir ci-dessous, p. 260, n. 1 et p. 270, n. 3, le passage où Georgi parle des idoles respectivement du dieu suprême des «Buräten», peuple de la Sibérie orientale. BC semble se référer au Dernier Voyage du Capitaine Cook autour du monde, où se trouvent les circonstances de sa mort, publié en allemand par Henri Zimmermann, Témoin oculaire, et traduit avec un abrégé de la vie de ce navigateur célèbre, & des notes, Berne : Nouvelle Société typographique, 1783, p. 82, où, en parlant des insulaires du Pacifique, l’auteur mentionne le culte de la «divinité, ce qu’ils appellent Matou». Il y a en outre «une grande quantité de dieux ou d’idoles». Johann Reinhold Forster est plus précis dans ses Observations Made During a Voyage Round the World, on Physical Geography, Natural History, and Ethic Philosophy. By John Reinhold Forster, London : G. Robinson, 1778, p. 534 : «[...] however they [the inhabitants of the South Sea islands] acknowledge an almighty invisible lord and creator of the universe, who executed the various parts of his creation by various subordinate powerful beings». Une remarque similaire se trouve chez [James ou William Wilson], A Missionary Voyage to the Southern Pacific Ocean Performed in the Years 1796, 1797, 1798 in the Ship Duff, commanded by Captain James Wilson, London : T. Chapman, 1799. Edition moderne : Introduction by Irmgard Moschner,

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conclusions en partie différentes. Si plusieurs de ces phénomènes annoncent une force bienveillante, d’autres indiquent une sorte de haine et d’hostilité. Cette opposition, qui éclate à chaque instant dans chaque détail de la nature physique et morale, est à toutes les époques une énigme insoluble pour les esprits les plus exercés. Qui ne connaît les tentatives multipliées de toutes les écoles de philosophie pour résoudre le problème de l’origine du mal ? L’intelligence moins subtile et moins scrupuleuse du Sauvage tranche la question plus simplement. Il y a dans le monde du mal et du bien. Donc il y a des dieux ennemis et des dieux favorables. Le dualisme, qui joue un si grand rôle dans la religion rafinée de Zoroastre, et qui a failli s’établir en triomphateur dans la croyance chrétienne, remonte en principe jusqu’aux notions religieuses des Sauvages. Les Araucaniens croyaient à un dieu hostile a, et les Iroquois b dans a

b

VIDAURE, Hist. du Chili, pag. 1191. Pour d’autres hordes sauvages, Pyrard, Voy. I, 1322. ; et FORSTER, II, 14, Voy. round the world3. LAFITEAU, Mœurs des Sauvages. Il est probable, au reste, que les missionnaires ont beaucoup développé cette idée chez les Sauvages, en leur parlant sans cesse du diable, MAYER, Myth. Lexic. II, 5454.

17 diable, ] diable. Rel. I,2

1

2

New York, Washington, London : Fr. A. Praeger, 1968, p. 343 : «[...] but they have a great god or gods of a superior order, denominated FWHANOW Po, born of night». Vidaure est une variante du nom de Giovanni Ignazio (Juan Ignacio) Molina, qui publia plusieurs ouvrages sur le Chili, dont le Compendio della storia geografica, naturale, et civile del regno el Chile (Bologna : nella stamperia di S. Tommaso d’Aquino, 1776). Comme l’indique le numéro de la page à laquelle BC renvoie, celui-ci cite d’après la traduction suivante de l’ouvrage : Des Herrn Abts Vidaure kurzgefaßte geographische, natürliche und bürgerliche Geschichte des Königreichs Chile, aus dem Italienischen in Deutsche übersetzt von C. J. J. [i. e. Christian Joseph Jagemann]. Mit einer Charte (dans Neue Sammlung von Reisebeschreibungen. Vierter Theil, Hamburg : bey Carl Ernst Bohn, 1782). Ce volume regroupe deux ouvrages, dont chacun suit une pagination indépendante. Le premier s’intitule Le Gentils Reisen in den indischen Meeren in den Jahren 1761 bis 1771. ` la p. 119 de celle-ci, l’auteur explique : «Die Le second est la traduction de Vidaure. A Religion der Arauker besteht in folgenden Glaubens-Artikeln : 1) daß es ein höchstes Wesen giebt, dem sie den Namen Guenupillan (Seele des Himmels) geben ; 2) daß von diesem höchsten Wesen alle ihre übrigen Gottheiten abhangen. Diese sind, Meulen, (der wohlthätige Gott ;) Huecub, (der böse Geist,) welchem sie alle Uebel dieser Welt zuschreiben [...]». (dans l’original italien pp. 124–125). Ce passage figure dans le «Zweyter Theil», § I : «Von den wilden Völkern, besonders von den Araukern, von ihrer Sprache, Religion, kriegerischen Verfassung, Sitten u. s. w.» (pp. 108–166). Ces observations seront développées plus tard dans le Saggio sulla storia civile del Chili qui paraîtra à Bologne en 1787 (voir pp. 79–83). De cet original, il existe une traduction allemande que BC n’a probablement pas utilisée : Geschichte der Eroberung von Chili durch die Spanier. Nach dem Italienischen des Herrn Abbe J. J. Molina, Leipzig : bey Friedrich Gotthold Jacobäer, 1791. Voir Zweytes Buch, Fünftes Kapitel, p. 69 : «In der ersten Classe der gedachten Untergötter seht [...] ferner der Guencubu, ein böses Wesen, der Urheber alles Bösen». Cette référence figure dans le Voyage de François Pyrard, Première partie, ch. 13 («De la

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leurs harangues s’exhortent réciproquement à ne pas écouter la divinité perverse qui se plaît à les tromper pour les perdre. Mais le sentiment s’élève toujours contre cette conception affligeante ; ne pouvant la détruire, parce qu’elle est conforme aux règles de la logique, il l’adoucit du moins, en établissant la suprématie du bon principe sur le mauvais a. Cette suprématie, que nous ver rons présentée sous des couleurs a

CRANZ, Catéchisme des Groënlandais1. Lindemann Gesch. der Meyn.

III,

1952. Le fait,

1 harangues ] harangues, Rel. I,2

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forme de leurs habits, de leur manière de vivre, de leurs exercices ordinaires, & des autres coustumes particulieres qu’ils observent en leurs déportemens», pp. 120–144). Il s’agit ici d’habitants des Maldives. Pyrard rapporte qu’ils attribuent leur maladie au diable, auquel ils vouent, pour cette raison, un culte (voir p. 132). (Note de la page précédente.) Forster ne mentionne nulle part les Araucaniens. On trouve cependant la distinction entre les dieux ennemis et les dieux favorables dans Book II, ch. VII («The second stay at the Society Islands»). Voir George Forster, A Voyage Round the World [1777]. Edited by Nicholas Thomas and Oliver Berghof, t. I et II, Honolulu : University of Hawai‘i Press, 2000, p. 400. (Note de la page précédente.) Le renseignement que BC attribue à Lafitau figure en réalité dans le passage de F. Majer, Allgemeines Mythologisches Lexicon, auquel BC renvoie dans la même note. Ce passage se trouve dans un article sur les Iroquois («Irokesen», t. II, pp. 498–546) : Majer y cite (p. 506) Georg Heinrich Loskiel qui, dans sa Geschichte der Mission der Evanglischen Brüder unter den Indianern in Nordamerika, Barby : Brüdergemeine et Leipzig : Kummer, 1789, constate : «Außer Gott haben sie von jeher gute und böse Geister geglaubt und sie für Untergottheiten gehalten. Aus den Erzählungen der ältesten Leute erhellet, daß sie schon vor Zeiten einander – sonderlich in Rücksicht auf Krieg und Frieden – ermahnt haben, nicht den bösen, sondern den guten Geistern Gehör zu geben, weil diese immer zum Frieden rathen» (p. 46). Soulignons que cette observation se réfère aux Indiens en général et non aux seuls Iroquois. – Majer ajoute : «Den Begriff vom Teufel aber, als dem Grundwesen des Bösen und dem Fürsten der Finsterniß, haben sie erst in neueren Zeiten durch die Europäer erhalten. Sie halten ihn für einen sehr mächtigen Geist, ` la der nur Böses thun könne, und nennen ihn daher den Bösen» (p. 506 et non pas p. 545). A fin de l’article, Majer donne la liste de ses sources, parmi lesquelles Lafitau ; il y manque Loskiel. Voir David Cranz, Historie von Grönland, enthaltend die Beschreibung des Landes und der Einwohner, etc. insbesondere der Geschichte der dortigen Mission der evangelischen Brüder zu Neu-Herrenhut und Lichtenfels, Zweyte Auflage, Barby : bey H. D. Ebers et Leipzig : Weidmanns Erben und Reich, 1770. Un «catéchisme des Groenlandais» ne figure pas en tant que tel dans le livre de Cranz. Comme l’atteste une note du journal intime du 29 janvier 1804 (OCBC, Œuvres, t. VI, p. 55), BC se souvient en réalité du «kleinen Katechismus ihrer theologischen Naturlehre» que Herder, dans le Livre VIII des Ideen, construit à partir de renseignements qu’il puise dans le Livre III de l’ouvrage de Cranz (J. G. Herder, Ideen, t. II, pp. 171–175 ; Herder renvoie aux Livre III, 5, «Von der Religion oder vielmehr Superstition der Grönländer», pp. 253–277 et III, 6, «Von den Wissenschaften der Grönländer», pp. 277–304). Il ressort en effet du récit de Cranz qu’aux yeux des Groenlandais, le bon esprit est supérieur au mauvais qui, en réalité, n’est pas mauvais au point de pouvoir tourmenter les humains et les rendre malheureux pour toujours (p. 265).

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brillantes et poétiques dans la religion des Perses, est un dogme fondamental dans le culte des tribus sauvages a. Si le sentiment a ses émotions, l’intelligence ses lois, l’intérêt personnel a ses désirs et ses volontés ; il faut que la religion s’y prête. Moins l’homme est éclairé, plus son intérêt personnel est impétueux, et plus en même temps il est resserré dans une sphère étroite et ignoble. Ses passions sont plus violentes, ses idées d’utilité se bornent toutes au moment présent.

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d’ailleurs constaté, que les Sauvages rendent un culte plus assidu au mauvais qu’au bon principe, ne détruit point la vérité de nos assertions. Ils n’en espèrent pas moins qu’en définitive ce dernier sera vainqueur ; et leurs hommages au mauvais principe s’expliqueront dans un chapitre suivant par l’influence que leurs jongleurs exercent sur eux. La seule inspection des épithètes qui accompagnent toujours les invocations au grand esprit prouve la suprématie qui lui est attribuée. Les Lapons l’appellent Ibmel, Jabmal, RadienAtzhié, puissance souveraine, Père de tout. (LEEMS, Relig. des Lapons1.) Les insulaires des Canaries le nomment le Dieu très-grand et très-bon, conservateur des êtres2. Les Quojas, tribu de Nègres, lui reconnaissent un pouvoir sans bornes, l’omni-science et l’omni-présence ; et il est à remarquer que les Nègres, qui recourent à leurs fétiches quand il s’agit de leurs passions, font intervenir le grand esprit, quand la morale est intéressée, toutes les fois, par exemple, qu’ils soupçonnent un meurtre ou un empoisonnement. Nous verrons pourtant tout à l’heure que la morale est naturellement étrangère au fétichisme3. (Note de la page précédente.) Voir Johann Gottlieb Lindemann, Geschichte der Meinungen älterer und neuerer Völker im Stande der Roheit und Cultur, von Gott, Religion und Priesterthum, Stendal : Franzen und Grosse, 1784–1795, 7 vol., t. III, p. 195, où Lindemann affirme en effet que les Groenlandais croient à un bon et à un mauvais dieu, mais qu’ils accordent la suprématie au premier : «Den guten Gott aber schätzen sie höher, und wünschen in seiner Gesellschaft zu seyn.» Voir l’ouvrage de Knud Leem, Knud Leems Professors der Lappischen Sprache Nachrichten von den Lappen in Finmarken, ihrer Sprache, Sitten, Gebräuche, und ehemaligen heidnischen Religion, mit Anmerkungen von J[ohan] E[rnst] Gunner[us], Bischof zu Drontheim. Aus dem Dänischen übersetzt, Leipzig : in der Dyckischen Buchhandlung, 1771. BC se souvient probablement du ch. 19 : «Von den Abgötzen der Lappen» (pp. 210–218). Parmi les noms des dieux qu’il mentionne, seul ‘Radien’ et ‘Jabme’ (et non pas ‘Jabmal’) figurent dans le chapitre. Le premier est le nom du dieu le plus sublime des Lapons ; Leem le caractérise comme le «vornehmste Gott in dem Sternenhimmel» (p. 211), mais non pas comme ‘puissance suprême’ ou ‘Père de tout’. Le nom de ‘Jabme’ renvoie au royaume des morts. Il est évident que Leem met l’accent sur le polythéisme des Lapons. Quant aux traces de monothéisme qu’on trouve chez les Lapons, elles sont selon Leem à mettre sur le compte de la mission (voir p. 224). Selon le Larousse du XIX e siècle, «Quoja» est le nom du royaume de Guinée. Quant à la croyance des habitants de ce pays en un dieu tout-puissant, BC pourrait avoir trouvé ce renseignement dans l’Histoire universelle, depuis le commencement du monde jusqu’à présent. Traduit de l’anglois d’une société de gens de lettres, Amsterdam et Leipzig : Arkstee & Merkus, 1746, t. XXVI, p. 7 : «Les Quojas reconnaissent un Etre suprême, Créateur de tout ce qui existe [...]. Ils l’appellent Kanno. Ils lui attribuent une puissance sans bornes, une connoissance universelle». On trouve l’opinion contraire dans la note 939 du Repertory.

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Aussitôt donc que, pressé par le sentiment religieux, il s’est créé des objets de culte, il est poussé par son intérêt à les employer à son usage. Il entre alors dans une carrière toute nouvelle où l’intérêt travaille à fausser le sentiment religieux. Le sentiment l’avait entraîné vers l’inconnu : l’intérêt le ramène aux choses connues. Le sentiment l’avait élevé au-dessus de lui-même : l’intérêt le rabaisse à son niveau. Nous allons le suivre dans cette nouvelle route. Nous montrerons la religion comme l’intérêt l’a faite, et nous reviendrons ensuite sur la lutte que soutient contre l’intérêt le sentiment religieux. Dès que l’homme croit avoir découvert la puissance cachée qu’il cherchait sans relâche, dès qu’il a devant lui l’objet qu’il suppose doué de forces surnaturelles, il travaille à tourner ces forces à son avantage. Il étudie donc, sous ce point de vue, l’objet qu’il adore. Ce n’est plus le sentiment religieux qui le domine : c’est l’esprit, armé pour l’intérêt, et réfléchissant sur l’objet que lui a présenté le sentiment religieux. Plaire à cet objet, obtenir ses faveurs, l’intéresser à ses entreprises, tel est donc maintenant le but du Sauvage. En l’adorant, ce n’est plus un besoin de l’ame qu’il satisfait : c’est un profit positif qu’il espère. Il n’obéit plus à un sentiment ; il combine un calcul. Pour atteindre son but, il s’efforce de juger de cet objet mystérieux. Or, il n’en peut juger que par l’analogie qu’il lui suppose avec la seule chose dont il ait quelque connaissance, c’est-à-dire, avec lui-même. Comme il s’irrite contre qui l’offense, s’adoucit envers qui l’apaise, devient bienveillant pour qui le sert ou le flatte, ce qui n’est qu’une autre manière de promettre de le servir, il en conclut que l’objet qu’il adore agit ainsi qu’il agirait. Lorsqu’une calamité l’a frappé, il en cherche la cause dans la malveillance de l’idole qu’il a offensée sans le savoir a. Il s’efforce alors de la désarmer par des prières, des hommages, par tous les moyens que sa propre expérience lui suggère, et qui auraient quelque pouvoir sur lui-même, s’il était vis-à-vis d’un autre dans la situation dans laquelle il suppose l’être inconnu vis-à-vis de lui. Il fait bientôt un pas de plus. Après avoir apaisé cet être, il cherche à se le rendre propice : les moyens qu’il a employés pour désarmer sa colère lui servent à conquérir sa faveur. a

Quand les Sauvages de la Sibérie sont malades, ils jettent une poignée de tabac dans le feu, se prosternent, et s’écrient : Tiens, fume, et ne sois plus en colère1.

5 l’inconu : ] l’inconnu ; Rel. I,2 Tiens : fume ; Rel. I,2 1

13 avantage. Il ] avantage ; il Rel. I,2

37 Tiens, fume ]

L’exemple se trouve dans le Registre violet (p. 8, note XI) ainsi que dans la troisième lecture à l’Athénée royal (OCBC, Œuvres, t. XI, p. 98). La source n’est pas élucidée.

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L’idée du sacrifice est inséparable de toute religion. L’on pourrait dire qu’elle est inséparable de toute affection vive et profonde. L’amour se complaît à immoler à l’être qu’il préfe`re tout ce que d’ailleurs il a de plus cher ; il se complaît même, dans son exaltation raffinée, à se consacrer à l’objet aimé, par les souffrances les plus cruelles et les privations les plus pénibles. Les amants turcs se meurtrissent la poitrine, se déchirent les bras, sous les fenêtres de leurs maîtresses. Les cheva liers du moyen âge s’infligeaient des douleurs volontaires ou s’imposaient des épreuves difficiles, en l’honneur des belles dont ils portaient les couleurs a ; et madame Guyon1, dans les extases de sa dévotion tendre et passionnée, cherchait partout des dégoûts à vaincre, des répugnances à surmonter. Ce mouvement, comme tous les mouvements de l’homme, nous le retrouvons chez le Sauvage. A peine a-t-il des dieux que l’idée du sacrifice se présente à lui. Exempte d’abord de tout raffinement, elle le conduit à partager avec ses idoles tout ce qui lui est agréable, à se priver pour elles d’une portion de sa nourriture, de ses vêtements, ou des dépouilles qu’il a conquises par quelque victoire qu’il attribue à une assistance surnaturelle. a

Voyez nommément sur les Gallois, ou pénitents d’amour, SAINTE-PALAYE, Mémoires sur l’ancienne chevalerie, II, 622.

16 elles ] elle Rel. I,1 1

2

BC évoque dans ce contexte la mystique Jeanne-Marie Guyon du Chesnoy, née Bouvier de la Motte, sans renvoyer à un titre précis de ses innombrables écrits. Amie de Fénelon, elle a eu une influence considérable sur des personnages importants de son époque en prêchant un amour de Dieu dégagé de tout alliage terrestre et cherchait l’extase mystique dans l’union directe avec Dieu. Voir Jean-Baptiste de La Curne de Sainte-Palaye, Mémoires sur l’ancienne chevalerie, Considérée comme un établissement politique & militaire. Nouvelle édition, augmentée d’un volume, Paris : Veuve Duchesne, 1781, 3 vol. Le passage auquel BC renvoie est une note expliquant le terme d’«enthousiastes» qui, dans un passage de la Cinquième partie de l’ouvrage de La Curne de Sainte-Palaye, sert à caractériser les «amans de l’âge d’or de la galanterie» (t. II, p. 17). Dans la note, l’auteur souligne que «jamais le fanatisme ne fut porté plus loin que celui des amans répandus dans le Poitou, dont le Chevalier de la Tour nous a conservé l’histoire» (p. 62). Ils «firent entre eux une société qu’on pouvoit appeler la confrérie des pénitens d’amour : notre Auteur les désigne par le nom de Galois & de Galoises ; car les femmes aussi bien que les hommes se disputoient à qui soutiendroit le plus dignement l’honneur de cette religion extravagante, dont l’objet étoit de prouver l’excès de son amour par une opiniâtreté invincible à braver les rigueurs des saisons» (p. 63). Par la suite, l’auteur donne des exemples de cette ‘bravoure’ et dénonce son absurdité (voir pp. 63–65). Voir aussi la note 238 («empl. 1823») des notes de lecture que BC prit de C. Meiners, Allgemeine kritische Geschichte, t. II, p. 173 et n. t) : «Les Vœux des chevaliers pour plaire à leurs Dames pareils aux austérités des Prêtres. Ste Palaye. I. 190–236» (BCU, Co 3293, no 2).

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Mais bientôt la notion du sacrifice devient plus compliquée. Ce ne sont pas seulement des offrandes matérielles que les dieux exi gent ; ils réclament de leurs adorateurs des preuves de soumission, de dévouement, d’abnégation d’eux-mêmes. De là des jeûnes a, des macérations et des austérités spontanées1 b. Les bords de l’Orénoque et les steps de la Tartaa

b

Les Sauvages de l’Amérique observent des jeûnes sévères et plus ou moins longs avant d’aller à la chasse ou à la guerre. Durant les jeûnes, il leur est interdit de boire même une goutte d’eau. Ce que les Sauvages appellent jeûnes, dit Charlevoix, Journal, pag. 1152, c’est ne rien prendre du tout. Quand ils approchent de la puberté, ils jeûnent de même huit jours sans rien prendre. Idem, 346. A la Guyane, les candidats pour la dignité de chef se refusent toute nourriture. BIET, Voy. dans la France équinox. III, ch. 103. Les habitants de la Guyane, de la Floride, et des îles de la Mer du Sud, se mutilaient, se déchiraient le corps, s’arrachaient les doigts ou les dents, précisément comme les dévots indiens. (Sammlung der Reisen, XVI, p. 5044. Dern. voy. de Cook5). Les femmes floridien-

5 steps ] steppes Rel. I,2 1

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12 Mer ] mer Rel. I,2

Observation qui n’est pas seulement puisée dans les sources citées dans la note b), mais aussi (et probablement avant tout) dans C. Meiners, Allgemeine kritische Geschichte, t. II, pp. 161–162, comme le révèlent les notes nos 226 et 227 («empl. 1823») des notes de lecture que BC prit de cet ouvrage (voir BCU, Co 3293, no 2). Le texte de la première citation (qui est presque exacte) figure dans la Lettre VI du Journal ; il concerne les préparatifs de la chasse à l’ours : «[...] ce que les Sauvages appellent jeûner, c’est ne rien prendre du tout» (P.-F.-X. de Charlevoix, Journal, p. 115 ; éd. critique, p. 293). La seconde citation est empruntée à la Lettre XXIV et concerne les «Dispositions requises pour avoir un Génie tutélaire» : «On commence par noircir le Visage de l’Enfant, puis on le fait jeûner pendant huit jours, sans lui donner quoi que ce soit à manger, & il faut que pendant ce tems-là son futur Génie tutélaire se manifeste à lui par des Songes» (p. 346 ; éd. critique, p. 685). Voir Antoine Biet, Voyage de la France équinoxiale en l’Isle de Cayenne, entrepris par les François en l’année M. DC. LXIV. Divisé en trois Livres, Paris : François Clouzier, 1664, pp. 376–380. Dans ce chapitre, Biet observe que parmi les épreuves qu’un candidat à la dignité de chef militaire («Capitaine») doit subir figure un jeûne qui dure six semaines. C’est une coutume qui, selon lui, remonte à l’influence du diable qui, en tant que «singe de Dieu» (p. 377), impose aux «miserables Infideles», à savoir les ‘sauvages’, des épreuves encore «plus rigoureuses» que celles imposées par l’E´glise aux chrétiens. La citation remonte probablement à C. Meiners, Allgemeine kritische Geschichte, t. II, p. 163 et note u), mais BC paraît avoir vérifié la citation dans l’original, qui figure dans [Schwabe, Johann Joachim, traducteur,] Allgemeine Historie der Reisen zu Wasser und zu Lande ; oder Sammlung aller Reisebeschreibungen, Leipzig : bey Arkstee & Merkus, 17471774, 21 vol. Le passage auquel renvoient Meiners et BC figure dans le t. XVI (1758) de cet ouvrage, à savoir dans la Troisième partie, Livre VI, ch. 11 : «Reisen und Niederlassungen in dem nordlichen America», section (Abschnitt) XI : «Sitten und Gebraeuche der alten ` la page indiquée, il est question des rituels accompagnant un Floridianer» (pp. 498–510). A «Bußfest» (p. 503). Dans le Dernier voyage du Capitaine Cook (voir ci-dessus, p. 237, n. 2), il n’y a aucune mention de ce genre de pratiques.

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rie sont le théâtre de pénitences aussi rigoureuses que celles qui étonnèrent jadis les dé serts de la Thébaïde, et le célibat si vanté par nos saints a ses martyrs parmi les sauvages. Les philosophes ne nous paraissent pas avoir suffisamment remarqué cette tendance de l’homme à raffiner toujours sur le sacrifice. Ils ont attribué trop souvent à l’artifice et au calcul ce qui était l’ouvrage de la nature. Ils n’ont vu dans les idées d’impurete´ attachées chez presque tous les peuples à l’union des sexes qu’un caprice de la tyrannie sacerdotale, se plaisant à contrister l’homme par des privations arbitraires. Sans doute des prêtres ont profité de cette notion pour étendre leur pouvoir sur la portion de l’existence humaine qui semblait placée le plus à l’abri de leur despotisme. Mais la notion primitive a des racines bien plus profondes. Si elle n’avait pas ces racines, elle ne serait pas commune aux tribus sauvages et aux nations policées. Partout la nature, avec un art qu’on dirait bizarre, et qu’on reconnaîtra pour admirable, quand on le suivra dans toutes ses conséquences, a réuni à la plus tendre des affections le besoin du secret, le sentiment de la honte. Sur cette combinaison merveilleuse repose tout ce qu’il y a de délicat, de touchant, de pur, dans les relations de l’amour, et nous lui devons encore tout ce qu’il y a de régulier dans notre organisation sociale. C’est en renonçant pour un seul homme à cette réserve mystérieuse dont la règle divine est imprimée dans son cœur, que la femme se voue à cet homme, pour lequel elle suspend, dans un abandon momentané, cette pudeur qui ne la quitte jamais ; pour lequel seul elle écarte des voiles qui sont d’ailleurs son asile et sa parure. De là cette confiance intime dans son époux, résultat d’une relation exclusive, qui ne peut exister qu’entre elle et lui, sans qu’aussitôt elle se sente flétrie : de là dans cet époux la reconnaissance pour un sacrifice, et ce mélange de désir et de respect pour un être qui, même en partageant ses plaisirs, ne semble encore que lui céder. De là enfin mille souvenirs confus qui s’embellissent de leur obscurité même, et se conservent d’autant plus purs, d’autant plus profonds, qu’ils ne peuvent s’exprimer par la parole. nes se frappaient avec des épines ou des fouets, et jetaient leur sang en l’air pour en faire hommage aux dieux. Les chefs n’étaient reconnus par leurs tribus qu’après des épreuves durant lesquelles chaque individu leur donnait un certain nombre de coups qui leur faisaient de profondes blessures. BIET, liv. I, ch. 201. 1

Un tel chapitre ne figure pas dans A. Biet, Voyage de la France équinoxiale. Il s’agit d’une erreur de copie, car la note et le renseignement remontent à C. Meiners, Allgemeine kritische Geschichte, t. II, p. 161 et n. q, qui renvoie à «Biet III c. 20». L’information sur les coups qu’on assène à ceux qui veulent devenir ‘capitaine’ se trouve en effet dans le chapitre III, 10 à la p. 348 (voir ci-dessus, p. 243, n. 3). L’information sur le comportement des femmes floridiennes ne figure évidemment pas dans le livre de Biet (qui porte sur la

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Cet instinct qui attache aux jouissances de l’amour un sentiment de pudeur ou de honte, a pu facilement suggérer à l’homme l’idée d’un certain degré de crime attache´ à ces jouis sances, tandis que l’excès même du plaisir qui les accompagne a fait de leur privation un sacrifice digne d’être offert aux dieux. Cet instinct, comme tous ceux que la civilisation développe et raffine, n’est point l’œuvre de la civilisation, il est empreint aussi dans le cœur du Sauvage. Les Iroquois ont leurs vierges sacrées a ; et parmi les Hurons il en est plusieurs qui prononcent le vœu d’une chasteté perpétuelle. De jeunes nègres et de jeunes négresses s’astreignent, en dépit du climat, à une rigoureuse abstinence des plaisirs des sens b. Le grand nombre, qui, moins impassible, ne peut résister à leur attrait, expie cette faute par des pénitences a

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b

LAFITEAU, Mœurs des Sauvages, I, 174. Il est curieux de lire ce que dit à ce sujet le même auteur quelques pages plus loin ; et le passage est assez important pour que nous croyions devoir le citer en entier. «Ils (les Sauvages) ont une grande opinion de la virginité. Le terme qui signifie une vierge, dans la langue abenaquise, veut dire celle qu’on respecte... Ils attribuent à la virginité et à la chasteté certaines qualités et vertus particulières ; et il est certain que, si la continence leur paraît essentielle pour donner du succès à ce que leurs superstitions leur suggèrent, ils la garderont avec un très-grand scrupule, et n’oseront la violer le moins du monde, de peur que leurs jeûnes, et tout ce qu’ils pourraient faire d’ailleurs ne fût absolument inutile par cette inobservation. Ils sont persuadés que l’amour de cette vertu s’étend jusqu’au sentiment naturel des plantes, de sorte que, parmi elles, il y en a qui ont un sentiment de pudeur, comme si elles étaient animées ; et que, pour opérer dans les remèdes, elles veulent être employées et mises en œuvre par des mains chastes, sans quoi elles n’auraient aucune efficacité. Plusieurs m’ont dit souvent, au sujet de leurs maladies, qu’ils savaient bien des secrets pour les guérir ; mais qu’étant mariés, ils ne pouvaient plus s’en servir.» Ibid. p. 3401. Projart, I, 167–1702.

8 parmi les ] parmiles Rel. I,2

1 2

Guyane). Dans le chapitre III, 14 consacré aux funérailles des sauvages, la description des femmes en deuil correspond en grande partie au résumé de BC (voir Biet, Voyage, p. 391). Dans J.-F. Lafitau, Mœurs des sauvages, ce passage figure dans le t. I, pp. 339–340. La citation est correcte, mis à part quelques omissions et alinéas que BC ne signale pas. L’ouvrage auquel renvoie la note est celui de Liévin Bonaventure Proyart, Histoire de Loango, Kakongo, et autres royaumes d’Afrique, Paris : C.-P. Berton et N. Crapart, 1776 (Reprint : Farnborough : Gregg International Publishers, 1968). Pourtant, comme le montre l’orthographe du nom de l’auteur cité, BC doit probablement à Meiners, Allgemeine kritische Geschichte, la référence à Proyart. Meiners y cite à plusieurs reprises sa propre traduction de l’ouvrage de Proyart, Geschichte von Loango, Kakongo und andern Königreichen in Afrika, aus den Nachrichten der Vorsteher der französischen Mission, verfertiget vom Abbé Proyart. Aus dem Französischen übersetzt, Leipzig : Weygand, 1777. Dans son Allgemeine kritische Geschichte, Meiners écrit toujours «Projart» au lieu de «Proyart». Chez Proyart, le seul passage portant sur la chasteté chez le peuple africain se trouve dans le

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douloureuses, ou la fait expier aux enfants nouveau-nés par des opérations tellement cruelles qu’elles mettent leur vie en danger a. Ainsi, l’homme

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Chez plusieurs peuplades, aussitôt qu’on découvre chez une femme les signes de la grossesse, on la plonge dans la mer pour la purifier ; et, durant la route, les jeunes gens des deux sexes l’insultent et la maltraitent. (BOSSMAN, Voy. en Guinée, p. 2501). C’est, en quelque sorte, la virginité reprochant aux sens ce qu’ils ont d’impur. Chez les Giagues, espèce de tribu ou caste sacerdotale et la plus féroce des hordes nègres, les femmes qui accouchent dans le chilombo (l’enceinte dans laquelle la horde est campée) sont punies de mort. Ailleurs, ce sont les pères qui se soumettent au châtiment qu’ils croient mérité. Les Caraïbes jeûnent et se déchirent les membres après la naissance de leurs enfants. (DUTERTRE, II, 371–3732. LAFITEAU, I, 2563). La même chose a lieu au Paraguay (CHARLEVOIX, I, 1824)

chap. VIII, intitulé «Le caractère du Peuple. Ses vices & ses vertus», pp. 57–85 de la première partie. Proyart écrit, p. 82 : «[...] amorces de volupté [caractéristiques des sociétés européennes] qui toutes sont inconnues aux peuples dont nous parlons. Ils se nourrissent habituellement de racines, de légumes & de fruits : ils boivent de l’eau : ils couchent sur la dure ; & ils sont chastes, comme naturellement, & sans effort de vertu. Ils attachent cependant de l’honneur à la pratique de la chasteté, & de la honte aux vices contraires». Dans la traduction de Meiners, c’est le texte des pp. 73–74 qui correspond à la version originale, et non celui des pp. 167–170 indiquées par BC, contenant des observations sur les idoles. Comme le montre la note a à la p. 260, BC cite Boßmann non pas d’après l’original français, mais d’après la traduction allemande : Wilhelm Boßmann, Reyse nach Guinea, oder ausführliche Beschreibung dasiger Gold-Gruben, Elephanten-Zähn und Sclaven-Handels, nebst derer Einwohner Sitten, Religion, Regiment, Kriegen, Heyrathen und Begräbnissen, auch allen hieselbst befindlichen Thieren, so bishero in Europa unbekandt gewesen. Im Französischen herausgegeben durch Wilhelm Boßmann, gewesenen Rathsherr, OberKauffmann, und Landes Unter-Commandeur von der Holländisch-Ost-Indischen Compagnie. Nun aber ins Hochteutsche übersetzet, und mit Kupffern gezieret, Hamburg : Samuel Heyl und Johann Gottfried Liebezeit, 1708. Le rite de purification auquel BC fait allusion est en effet décrit à la p. 250 : «Sobald sich gnugsame Zeichen ihrer Schwangerschafft finden / wird sie an das Meer gebracht und gewaschen / da ihr längst den Weg eine ungemeine Anzahl junger Leute beyderley Geschlechts folgen / welche sie beunreinigen und allerhand Mist auf zu werffen / so lange bis sie dem Strande genähert / ins Meer getuncket und rein gewaschen ist.» Voir Jean-Baptiste Du Tertre, Histoire générale des Antilles habitées par les François. Divisée en deux tomes, et enrichie de cartes & de figures, Paris : chez Thomas Iolly, 1667–1671, 4 vol, t. II, pp. 373–374 : Du Tertre y décrit les rituels (jeûne, découpage de la peau, saignée, continence) auxquels est soumis le mari de la femme qui a accouché. Ce passage figure dans un chapitre intitulé «De la naissance, de l’éducation & des mariages des enfans des Sauvages». Voir J.-F. Lafitau, Mœurs de sauvages, t. I, pp. 256–259 : Lafitau s’appuie entre autres sur Du Tertre pour décrire les rituels en question et, comme celui-ci, établit un lien entre ces coutumes ‘superstitieuses’ et le péché originel. Cette citation se réfère à Pierre-François-Xavier de Charlevoix, Histoire du Paraguay,

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a toujours été poursuivi de la pensée qu’il n’est point ici-bas seulement pour jouir, et que naître, peupler et s’éteindre ne forment pas sa destination unique.

et à la Guyane, où les pères sont non-seulement fustigés, mais traités comme esclaves pendant un temps plus ou moins long. D’autres se font des blessures aux organes de la génération même avant le mariage (Hist. of the Boucan. I, 241)1 : c’est la punition précédant la faute. Les Salivas de l’Orénoque font à leurs nouveau-nés des incisions tellement graves, que souvent ils en meurent. (GUMILLA, I, 1832.) On connaît la mutilation que les Hottentots font éprouver aux leurs. (Beschryv. van de kaap van goede hope, I, 286. LEVAILLANT, Deux. voy. en Afr. II, 2903.) Le même motif suggère des tortures pour les jeunes filles qui approchent de la puberté. On leur met tout le corps en sang. (BARRE` RE, Descr. de

6 génération ] génération, Rel. I,2

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Paris : Didot, Giffart, Nyon, 1756, 3 vol., ici t. I, pp. 181–182 : «Sitôt qu’une femme étoit accouchée, le Mari observoit pendant quinze jours un jeûne rigoureux, ne chassoit point & n’avoit de commerce avec personne. Ces Indiens étoient convaincus que la vie de l’Enfant dépendoit de leur fidélité à se conformer à cet usage.» La remarque figure dans le Livre IV de l’ouvrage. Joseph Esquemeling, The History of the Boucaniers of America, translated into English (written originally in the Dutch Tongue), London : D. Midwinter et al., 1741, t. I, pp. 241242 : «[...] then [à l’occasion d’une invitation] follow many Songs, Dances, and a thousand Caresses to the Women ; so that sometimes, for a testimony of their Love, they take their darts, and with the Points, pierce and wound their genital Parts. [...] neither only on this occasion do they use this ceremony of piercing their Genitals ; but also when they make love to any Woman, therebey to let them understand the Greatness of their Affection and Constancy.» Voir Joseph Gumilla, Histoire naturelle, civile et géographique de l’Orénoque [...], Avignon et Marseille : Girard, 1758, 3 vol. La page à laquelle renvoie BC figure dans le t. I, ch. 6 : «Origine extravagante que s’attribuent quelques Nations de l’Orénoque. On examine quelle est la véritable» (pp. 167–187). Il n’y est pas question d’incisions quelconques, mais de la circoncision (voir plus loin dans la note de BC) : «La Circoncision, cette marque distinctive du Peuple que Dieu s’étoit reservé, [...] est encore en usage parmi ces Nations Idolâtres. Les Salivas, dans les tems qu’il la pratiquoient, & ceux qui vivent dans les Bois, circoncisoient leurs enfans le huitiéme jour, sans en excepter les filles, & cela d’une maniere si cruelle, qu’il en mouroit plusieurs de l’un & de l’autre sexe» (pp. 183–184). Voir Francois Le Vaillant, Second voyage dans l’intérieur de l’Afrique, par le Cap de Bonne Espérance, dans les années 1783, 84 et 85, Paris : H. J. Jansen, L’an IVe de la République, Une et Indivisible [1796], 2 vol. C’est à deux endroits (pp. 285–286 et 290) que Levaillant parle de la ‘semi-castration’ exclusivement pratiquée chez les Gheyssiquois, qui est selon Levaillant une des nations hottentotes.

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De la Religion, I

Nous verrons plus tard le sacerdoce de plus d’un peuple ancien abuser de ce sentiment indéfinissable, mais indestructible ; nous verrons ce que la nature avait gravé dans le cœur de l’homme pour réunir deux époux par une pudeur commune, et pour qu’aux regards l’un de l’autre ils fussent à part du reste du monde, interprété par les prêtres comme une réprobation de la première loi de cette nature. Une continence absurde, supplice lent, mais terrible, qui révolte les sens, bouleverse l’imagination, jette dans un trouble mêlé de fureur les ames les plus douces, les raisons les plus fortes, les êtres les plus timides, deviendra, dans les religions sacerdotales, le meilleur moyen d’honorer les dieux. Mais en dévoilant cet abus coupable, il faut reconnaître que la notion première a précédé l’abus. L’intérêt cependant ne tarde pas à intervenir dans cette notion puissante du sacrifice, qui, s’emparant de l’homme, le perfectionne et l’égare tour à tour. la Guyane, 1681. LAFITEAU, Mœurs des Sauvages, I, 2912. Thevet, Cosmogr. univers. II, 9133. LERI, Hist. du Brésil, ch. 174. La circoncision, qui a beaucoup d’affinité avec ces usages, ne dériverait-elle pas d’une idée analogue ? Quelquefois les pratiques se sont mo13–14 tour à tour. ] tour-à-tour. Rel. I,2 1

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16 Leri, ] Lert, Rel. I,2

Brésil, ] Brésil. Rel. I,2

Voir Pierre Barrère, Nouvelle relation de la France équinoxiale, contenant La Description des Côtes de la Guiane, de l’Isle de Cayenne, le Commerce de cette Colonie, les divers changemens arrivés dans ce Pays, & les Mœurs et Coûtumes des différens Peuples Sauvages qui l’habitent, Paris : Piget et al., 1743. C’est à la p. 225 que Barrère parle du «cérémonial» auquel sont assujetties «les filles qui ont pour la première fois leurs menstruës» : «On leur fait garder un jeûne très-rigide pendant un certain tems, au bout duquel on leur fait sur le corps plusieurs incisions sanglantes, de la même maniére que nous avons dit ci-dessus [voir p. 224], sans que les parens soient touchés de compassion & sans même que la tendresse des meres soit allarmée de voir leurs enfans ainsi martyrisés.» Ce passage figure dans le chapitre IV de l’ouvrage : Mœurs des Sauvages de la Guiane (pp. 120–233). Voir J.-F. Lafitau, Mœurs des sauvages, pp. 290–292 : Lafitau fait ici un résumé de ce que rapporte Thevet (voir la note suivante) au sujet des rites d’initiation auxquels les «Peuples du Brésil» (p. 290) soumettent les jeunes filles au commencement de leur puberté. Note copiée par BC dans J.-F. Lafitau, Mœurs des sauvages, p. 292. Thevet est l’auteur de La Cosmographie universelle d’André Thevet cosmographe du Roy, Paris : chez Pierre l’Huillier, 1575, 2 vol. La page indiquée figure dans le t. IV, «Description de la quatrieme partie du monde, illustree de nostre temps». Il s’agit de l’Amérique. Le passage sur les tortures infligées aux jeunes filles qui approchent de la puberté se trouve dans le second volume, p. 947a. «Ceste premiere purgation donc s’appelle en leur langue Quioundu-ar, que nous pourrions interpreter, peur escheute ou advenuë, par ce que les filles ont vne grande peur, quãd ce temps approche, encores plus quãd il est venu. Car oultre ce qu’on leur oste leur cheueux auec vne dent de poisson, qui trenche tellement quellement, le plus pres de la teste que faire se peult, (les autres leur bruslent quãd on ne peult recouurer ce beau trenchãt) on les met debout sur vne pierre platte [...] & leur decouppent le cuir auec la moitié d’vne dent de beste, depuis les espaules iusques sus les fesses, en faisant vne croix biaise au long du doz, auec des dechiquetures, aux vnes plus, aux autres moins, selon qu’elles sont robustes ou rebelles & tendres : de façon que le sang en court de toutes parts [...]». Note copiée dans J.-F. Lafitau, Mœurs des sauvages, p. 295. Lafitau y renvoie à Jean de

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Le sentiment voudrait que le sacrifice fût désintérressé. L’intérêt veut qu’il ait pour but une réciprocité de services. Alors la religion n’est plus qu’un trafic. Le culte s’arrête, quand le profit cesse. L’homme passe d’un fétiche à l’autre, cherchant toujours un allié plus fidèle, un protecteur plus puissant, un plus zélé complice. Dirigeant la religion vers ce but ignoble, l’intérêt en écarte toute notion de morale. Le fétiche est un être égoïste et avide, allié d’un être plus faible, égoïste comme lui. Les sacrifices dont il se repaît ne regardent que lui seul. Les devoirs qu’il impose consistent en victimes, en offrandes, en témoignages de soumission, monnaie convenue, signes représentatifs d’offrandes et de victimes futures. C’est un paiement que le fétiche réclame, pour la protection qu’il accorde ; que ce paiement se fasse avec exactitude et libéralité, aucun des deux contractants ne se mêle de ce que fait l’autre vis-à-vis d’un tiers. La religion est alors tellement un trafic que l’homme établit, pour ainsi dire, ses comptes avec son dieu1. Il examine si ce dieu s’est acquitté d’une manière satisfaisante des engagements qu’il est supposé avoir contractés ; et difiées de manière à ne plus rappeler le sens primitif. Ainsi, la coutume qu’avaient les maris, chez certains peuples, de se mettre au lit quand leurs femmes accouchaient, coutume dont on retrouvait encore des traces dans quelques provinces méridionales de France, vers le commencement du XVIIIe siècle (LAFITEAU, Mœurs des Sauvages, p. 50)2, venait probablement de la même source, sans que ceux qui l’observaient s’en souvinssent. Il en est de même de l’usage qui prescrit aux nouveaux mariés, chez plusieurs tribus, de ne consommer le mariage qu’après un intervalle plus ou moins long. «Quoique les époux passent la nuit ensemble, c’est sans préjudice de cet ancien usage : les parents de l’épouse y veillent attentivement de leur part, et ils ont soin d’entretenir un grand feu devant leur hutte, qui éclaire continuellement leur conduite et qui puisse servir de garant qu’il ne se passe rien contre l’ordre prescrit..... Un mari, instruit par des missionnaires, n’ayant pas l’égard qu’il devait avoir pour l’ancienne coutume, voulut se prévaloir de l’exemple des Européens. L’épouse en fut si outrée que, quoique ceux qui avaient fait le mariage eussent assez consulté son inclination, ils ne purent jamais l’obliger à revoir cet époux indiscret. Quelque représentation qu’on pût lui faire, elle ne se rendit point, et l’on fut obligé de les séparer..... Parmi les Abenaquis, une femme qui se trouve enceinte avant la première année révolue, y devient un sujet d’étonnement et de scandale.» LAFITEAU, Mœurs des Sauvages3.

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Léry, Histoire d’un voyage faict en la terre du Bresil, autrement dite Amerique, Genève : Antoine Chuppin, 1580. Le ch. 17 s’intitule «Du mariage, polygamie, & degrez de consanguinité, obseruez par les sauuages : & du traittement de leurs petits enfans» (pp. 262–271). Quant aux tortures infligées aux jeunes filles, voir pp. 270–271 ; la description est une reprise textuelle de celle de Thevet, citée dans la note précédente. Cette réflexion et les exemples qui suivent sont en partie inspirés par C. Meiners, Allgemeine kritische Geschichte, t. I, pp. 177–184, comme le révèlent les notes de lecture nos 43, 48, 49 («empl. 1823») (BCU, Co 3293, no 2). Voir J.-F. Lafitau, Mœurs des sauvages, t. I, pp. 49–50 : La coutume en question «est aujourd’hui dans quelques unes de nos Provinces voisines d’Espagne, où cela s’appelle faire couvade, [...] vers le Japon & dans l’Amerique chez les Caraïbes & les Galibis.» Voir J.-F. Lafitau, Mœurs des sauvages, t. I, pp. 574–575. Citation conforme, mis à part

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si le bilan n’est pas en faveur de l’idole, l’adorateur la quitte ou la punit, la frappe ou la brise, la livre aux flammes ou la jette dans les ondes a. a

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Les Nègres vendent, jettent, brûlent ou noient les fétiches dont ils sont mécontents. (BOSSMANN, Reise nach Guinea, aus dem Franzœsischen uebersetzt, p. 4451). Les Ostiaques, après une chasse malheureuse, les frappent de verges, et se réconcilient avec eux, dans l’espoir que cette punition les aura corrigés. (Voy. au Nord, VIII, 4152). Les habitants du Congo, affligés de la peste, brûlèrent tous les fétiches qu’ils avaient invoqués inutilement. (Projart, Hist. de Loango, etc. 3103). Un voyageur vit un Lapon brûler ses fétiches,

quelques menus détails. Lafitau parle pourtant de la «natte» des nouveaux mariés et non pas de leur «hutte». Renseignement et note copiés chez C. Meiners, Allgemeine kritische Geschichte, t. I, p. 177 et n. l. Dans le passage auquel renvoie BC, l’auteur rapporte qu’un ‘Mohr’, à qui il demanda combien d’idoles («Götzen», Wilhelm Boßmann, Reyse nach Guinea, p. 444) ils avaient, lui répondit que ces idoles étaient innombrables et que c’était le moment qui décidait de leur choix ; quand quelqu’un cherche à entreprendre quelque chose d’important, l’objet sur lequel tombe son regard (un animal p. ex., mais aussi un objet inanimé) peut devenir son idole à laquelle il demande de l’assistance. L’interlocuteur poursuit : «Geschiehet es nun daß es zum guten Ausgang gediehen / da giebet es dann einen neuen Gott / dem er täglich opfert. Findet sich aber das Gegentheil / so verwirfft er ihn als einen undienlichen und untauglichen Gott : folglich können wir fuhr er weiter fort / nach eigenem Belieben Götter an und wieder absetzen / indem wir die eigenen Erfinder und Meister seynd dessen welchem wir opffern.» On voit à quel point BC – en suivant Meiners – dramatise l’information qu’il a pu trouver chez Boßmann afin de la rendre conforme à son tableau des conséquences néfastes de la prédominance de l’intérêt sur le sentiment. Note copiée dans C. Meiners, Allgemeine kritische Geschichte, t. I, p. 178, n. n). Meiners renvoie correctement à la p. 413 (p. 415 chez BC) de Recueil de Voyages au Nord. Contenant divers Mémoires très utiles au Commerce & à la Navigation, Amsterdam : chez Jean Frédéric Bernard, 1727, t. VIII, pp. 373–429, «Les Mœurs et usages des Ostiackes. Et la manière dont ils furent convertis en 1712 à la Religion Chrétienne du rit Grec. Avec plusieurs Remarques curieuses sur le Royaume de Sibérie, & le Détroit de Weygatz ou de Nassau. Par Jean Bernard Muller, Capitaine de Dragons au service de la Suède, pendant sa captivité en Sibérie» (trad. de l’Allemand de Muller). Ch. III «De la Religion & de l’Idolâtrie des Ostiackes» (pp. 409–421). On y lit p. 413 : «Si l’oracle leur enseigne quelque endroit propre à la pêche ou à la chasse, il les trompe ordinairement, & il est rare qu’ils y trouvent ni poisson, ni gibier, ces contretems les animent contre leurs Idoles, qui se ressentent de leurs mauvais succès ; car à leur retour ils les fouettent, & les batent jusqu’à ce qu’ils se croyent sufisamment vangez de la tromperie qu’elles leur ont faite : mais leur colère n’est pas plutot passée, qu’ils cherchent à se réconcilier avec ces divinitez ; & pour cet effet ils leur donnent des habits de lambeaux, bien résolus néanmoins de les leur ôter à la première occasion, où leurs prédictions se trouveront fausses». Note également copiée dans C. Meiners, Allgemeine kritische Geschichte, t. I, p. 178, n. p ; voir ci-dessus, p. 245, n. 3). Meiners renvoie ici à la p. 310 de sa traduction allemande de

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Il serait imprudent de trop se récrier sur l’absurdité d’une telle vengeance. Ces puériles et ridicules scandales ne sont pas sans exemple dans

parce que ses rennes étaient stériles1. (219.) Les habitants de la baie d’Hudson poursuivent leurs idoles à coups de fusil, quand ils croient avoir à s’en plaindre. (Umfreville’s present state of Hudson’s bay2. Les peuples d’Ouéchib, dans les îles Sandwich, supprimèrent leurs

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Proyart pour documenter l’observation suivante : «Bey einer allgemeinen Seuche flehten die Einwohner von Kakongo ihre Fetischen um Hülfe an. Da diese nicht erfolgte, so warfen sie alle ihre Fetischen in’s Feuer» (p. 178). Cependant, la remarque citée par Meiners ne se trouve pas dans sa traduction du livre de Proyart. Meiners n’en a traduit complètement que la première partie et se borne à un «Auszug aus dem zweyten Theile» (pp. 177–222), tout en y ajoutant un compte rendu critique dans un long chapitre de sa plume (pp. 223–352) : «Beurtheilung der gegenwärtigen Geschichte von Loango und Kakongo, wie auch der vorhergehenden Reisebeschreiber und Geographen, in denen sich Nachrichten dieser Afrikanischen Königreiche finden». Dans ce contexte, Meiners cite à la page indiquée (p. 310) le résumé d’un texte de Hieronimus Merolla, capucin et missionnaire au Congo dès 1682, et renvoie à la publication de ce texte dans A Collection of Voyages and Travels, London : Churchill, t. I, MDCCXXXII, pp. 595–686 : «Er [Merolla] lobt es an ihnen [den Negern], daß sie ihre Gözen bey einer allgemeinen Seuche verbrannt hätten, da sie von ihnen diejenige Hülfe nicht erhielten, die sie von ihnen erwartet und erflehet hätten». Note également copiée dans C. Meiners, Allgemeine kritische Geschichte, t. I, p. 178. Meiners remarque : «Auch ein Lappe verbrannte seinen Fetischen, den er vergebens gebeten hatte, eine Seuche von seinen Rennthieren abzuwenden». Il doit cette observation à Pehr Högström, M. Peter Högströms, Missionar und Pastor zu Gelliware, Beschreibung des der Crone Schweden gehörenden Lapplandes. Nebst Arwid Ehrenmalms Reise durch WestNordland nach der Lappmark Asehle und einer bey solcher Gelegenheit entworfnen geographischen Charte, Copenhagen et Leipzig : Gabriel Christian Rothe, 1748, p. 219. Voir Edward Umfreville, The Present State of Hudson’s Bay. Containing a Full Description of that Settlement, and the Adjacent Country ; and Likewise of the Fur Trade, with Hints for its Development, &c., &c. [...], London : Charles Stalker, 1790. La citation de BC est inexacte : il ne s’agit pas de fétiches dont on est mécontent mais du diable dont on a peur. C’est dans un chapitre intitulé «The Manners and Customs of the Indians near the Coasts» (pp. 29–65) qu’Umfreville parle de manière assez sommaire de la religion des Indiens (voir pp. 40–43). Leur caractère étant marqué par une «blind and unconquerable superstition» (p. 40), ils imputent tout ce qui leur arrive à «the capricious will and pleasure of some ` titre d’exemple, il ajoute une anecdote : une fois, le bruit d’un invisible agent» (p. 40). A hibou fut attribué par les Indiens au diable fréquentant leurs tentes. Un des leurs finit par tirer sur lui : «One of them declared that he had fired his gun at him, but unluckily missed him. He described him to be of human shape, going about with cloaths, and taking prodigious strides over the snow. The Indians believed that he came in quest of some of their families, a part of which must be sacrificed to assuage his anger» (p. 41). Umfreville ajoute pourtant que, d’autre part, les sentiments religieux des Indiens sont à bien des égards justes. Ainsi, ils croient en un être bon («good Being») et en un être mauvais («evil Being») (voir p. 42). Il leur arrive de tirer sur le dernier (voir p. 42). Sur la religion des Indiens, voir aussi p. 190 (dans le ch. intitulé «Of the Indians, their Customs, &c.»).

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De la Religion, I

des temps plus éclairés a, et la re ligion la plus épurée n’en a pas toujours

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fêtes religieuses, parce qu’ils étaient en colère contre leurs divinités qui avaient laissé mourir leur roi. (Staeudlin Relig. Magaz1.). Les Chinois, lorsque l’idole qu’ils invoquent n’exauce point leurs prières, fouettent ses statues, brisent ses autels, et la traduisent devant des tribunaux qui la jugent. Si ces tribunaux la condamnent, elle est dégradée, et son culte aboli. Lecomte (Mém. sur les Chin. II, 128, 129) rapporte à ce sujet une anecdote assez remarquable. Un Chinois d’un rang distingué, alarmé pour sa fille dangereusement malade, ne se borna point à consulter tous les médecins qu’il put réunir ; mais il eut recours à tous les bonzes du voisinage, et mit en œuvre tous les moyens qui lui furent indiqués par eux, afin d’obtenir des dieux, et surtout de la divinité locale de son domicile, que la vie de sa fille fût prolongée. Les prêtres de cette divinité lui en donnèrent l’assurance formelle ; mais, en dépit de tous les sacrifices, de toutes les prières et de tous les dons, la malade mourut. Irrité de se voir ainsi trompé dans ses espérances, le père voulut se venger d’une idole implacable ou impuissante. Il porta plainte devant le juge, et, en réparation de ce que cette idole avait accepté tous ses présents sans le secourir, il demanda que ses temples fussent abattus, et ses prêtres condamnés au bannissement. L’affaire parut tellement grave au magistrat du lieu, qu’il crut devoir en référer au gouverneur de la ville, qui s’adressa lui-même au vice-roi. Celui-ci tenta d’abord d’apaiser le plaignant ; mais ce père au désespoir refusa de retirer son accusation, et déclara qu’il s’exposerait plutôt à mourir que de ne pas obtenir la punition d’une divinité méchante et trompeuse. Cette obstination força le vice-roi à faire instruire le procès, et à renvoyer les parties devant le tribunal suprême à Pékin. Cette cour fit comparaître l’accusateur et l’accusé, c’est-à-dire le père et le dieu représenté par ses prêtres, et, après avoir entendu pendant plusieurs jours de longues plaidoiries, ordonna que le dieu serait banni de l’empire, que ses temples seraient rasés, et que ses ministres, les bonzes, subiraient à sa place un sévère châtiment. L’arrêt fut ponctuellement exécuté. Quelquefois aussi les tribunaux prennent l’initiative. Ils fixent un terme fatal durant lequel les dieux protecteurs des villes ou des provinces sont tenus de porter remède à la calamité dont elles souffrent, sous peine de destitution et de destruction de leurs temples. (DUHALDE, Descr. de la Chine, II, 382).

3 Magaz.). ] Maguaz.). Rel. I,1 Pékin. ] de Pekin. Rel. I,2 1

2

5 des ] les Rel. I,2

21 faire ] manque Rel. I,2

22 à

Voir Magazin für Religions- Moral- und Kirchengeschichte, hrsg. von Carl Friedrich Stäudlin, Hannover : Gebrüder Hahn, 1801, t. I, p. 520 : Stäudlin, citant George Vancouver, Entdeckungsreise in den nördlichen Gewässern der Südsee von 1790 bis 1795. Aus dem Engl. von M. C. Sprengel, Halle : Renger, 1799–1800, 2 vol., relate : «Das periodische [...] Tabuh [...] wurde aufgeschoben, weil das Volk auf die Gottheit über den Tod des jetzigen Fürsten zürnte». Toute cette note, ainsi que les renvois à Le Comte et Du Halde, sont dus à C. Meiners, Allgemeine kritische Geschichte, t. I, pp. 182–185. Meiners et BC résument de manière pertinente le contenu de l’anecdote, telle que Le Comte la rapporte dans ses Nouveau memoires sur l’état present de la Chine, Paris : chez Jean Anisson, 21697, 2 vol., t. II, pp. 128–131, mais ils omettent le commentaire théologique que celui-ci ajoute au récit du procès : «Le diable, qui en tous les estats n’a que trop de partisans, n’en manqua pas dans ce Tribunal. Ceux à qui les Bonzes offrirent pour cela de l’argent, trouverent son droit incontestable, & parlerent avec tant de chaleur que l’Idole en personne n’auroit pas mieux plaidé sa cause» (t. II, pp. 130–131). Le Comte met donc l’accent sur la corruption des juges, en laquelle il voit l’œuvre du diable, et sur l’aveuglement de ceux qui n’ont pas la foi : «[...] de

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Livre II, Chapitre II – Sentiment religieux chez les sauvages 263

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pré servé la portion ignorante de ses sectateurs a. a

Les chrétiens du moyen âge, mécontents de l’un de leurs saints, lui annonçaient solennellement qu’ils renonçaient à son culte, le dépouillaient de ses ornements, et le jetaient dans la rivière. Une sécheresse extraordinaire pensa coûter à saint Pierre, vers le milieu du XVIe siècle, sa dignité de saint. (SAINT-FOIX, Essais sur Paris, V, 1031). Frézier, dans un voyage entrepris en 1712, raconte que le capitaine de son vaisseau, ne pouvant obtenir un vent favorable, pendit au grand mât une image de la Vierge, et lui déclara qu’elle y resterait aussi long-temps que le vent serait contraire. (FRE´ ZIER, Relation du voyage de la Mer du Sud dans les années 1712–1714, p. 2482). Qui le croirait ? les Napolitains, en 1793, à l’occasion des victoires des Français, firent condamner saint Janvier, par une espèce de procédure juridique, et ils le traitèrent de même en novembre 1804, pendant une éruption du Vésuve3.

8 Mer ] mer Rel. I,2

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quelque sagesse qu’on se flatte en ce monde, que l’esprit de l’homme est loin de la raison, quand il est éloigné de la foy !» (p. 131). En ce qui concerne l’anecdote rapportée par JeanBaptiste Du Halde (Description géographique, historique, chronologique, politique et physique de l’Empire de la Chine et de la Tartarie chinoise, Paris : P. G. Le Mercier, 1735, 4 vol.), elle figure à l’endroit indiqué, dans un chapitre intitulé «De la forme du gouvernement de la Chine, des différens Tribunaux, des Mandarins, des honneurs qu’on leur rend, de leur pouvoir, & de leurs fonctions» (t. II, pp. 26–51) : il y est question du vice-roi d’une province qui «envoya un petit Mandarin dire de sa part à l’Idole, que s’il n’y avoit pas de pluye à tel jour qu’il désignoit, il la chasseroit de la ville, & feroit raser son Temple» (t. II, p. 38). La menace restant sans effet, le vice-roi «défendit au peuple de porter son offrande à l’Idole» et «ordonna qu’on fermât son Temple, & qu’on en scellât les portes, ce qui fut exécuté sur le champ. Mais la pluye étant venue quelques jours après, la colère de Viceroy s’apaîsa, & il fut permis de l’honorer comme auparavant» (t. II, p. 38). Renseignement et note copiés chez C. Meiners, Allgemeine kritische Geschichte, t. I, p. 181 et n. a). Voir Germain-François Poullain de Saint-Foix, Essais Historiques sur Paris. Cinquième édition, Paris (t. V : Londres, Paris) : Chez la Veuve Duchesne, 1766–1777, 7 vol. C’est aux pp. 103–104 du t. V que l’anecdote à laquelle Meiners et BC renvoient est racontée ; elle sert de preuve à l’appui de l’observation qui la précède : «Certains peuples, quand ils n’obtiennent pas de leurs Idoles ce qu’ils en esperent, les injurient, les fouettent & les traînent dans la boue» (t. V, p. 102). – Voir le Repertory, note 497. Renseignement et note copiés chez C. Meiners, Allgemeine kritische Geschichte, t. I, p. 182 et n. c). Voir Amédée-François Frézier, Relation du voyage de la Mer du Sud, aux côtes du Chili, du Perou et du Bresil Fait pendant les années 1712, 1713 & 1714, Amsterdam : Pierre Humbert, 1717, 2 vol. La référence est exacte ; elle figure dans la deuxième partie de la Relation de Frézier (voir t. I, p. 248). Sur le type de pensée qui se manifeste dans le comportement du capitaine, voir aussi les autres citations contenues dans cette note et chez Pruneau de Pommegorge. BC doit probablement la partie de cette anecdote qui concerne l’éruption du Vésuve à Meiners, Allgemeine kritische Geschichte, t. I, p. 182. Meiners cite comme source «Kotzebue’s Reise nach Rom, u. s. w. I. 327». Il s’agit de l’ouvrage d’August von Kotzebue, Erinnerungen von einer Reise aus Liefland nach Rom und Neapel, Erster Theil, Berlin : bei Heinrich Frölich, 1805. L’anecdote y figure aux pp. 326–327 ; elle fait partie du récit que Kotzebue fait de son passage au Vésuve en novembre 1804. C’est à la p. 327 que Kotzebue ajoute que saint Janvier perdit déjà beaucoup de son prestige auprès des Napolitains à l’occasion de la présence des Français à Naples. Il ne peut s’agir que de l’occupation de la ville par les troupes françaises, qui pourtant eut lieu en 1799 et non pas en 1793.

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De la Religion, I

Quand un Sauvage est en inimitie´ avec un autre Sauvage, son fétiche devient l’ennemi du fétiche de son adversaire a. Plus tard, quand deux nations se combattent, les dieux se divisent, et chaque nation a ses auxiliaires dans le ciel. C’est la même hypothèse adaptée à l’état social de chaque période : chez les peuples policés comme chez les tribus igno rantes, l’assistance s’accorde, non à la justice de la cause, mais à la libéralite´ des adorateurs. Car nous devons encore ici prémunir nos lecteurs contre le dédain précipité que la civilisation prodigue aux Sauvages. Quelle que soit la croyance, la question principale est de voir si le sentiment ou l’intérêt prédomine ; si c’est l’intérêt, la pureté de la doctrine est sans importance. La religion alors n’est que du fétichisme : et dans les ames que l’égoïsme corrompt et qu’aveugle la crainte, ce fétichisme est aussi révoltant que chez l’Ostiaque ou chez l’Iroquois. Assurément, Louis XI se mettait au niveau de ces misérables hordes, lorsque, prosterné devant Notre-Dame de Cléry, il espérait racheter un fratricide en séduisant la sainte par des présents magnifiques b. a b

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BOSSMAN, Voy. en Guinée, p. 1791. Il est très-curieux de lire Brantome sur le fétichisme de Louis XI : et, pour n’être pas soupçonnés de calomnier la royale mémoire du prince, nous rapporterons en original le texte de l’historien. «Entre plusieurs bons tours de dissimulations, feintes, finesses et galanteries que fit ce bon roy en son tems, fut celuy, lors que, par gentille industrie, il fit mourir son frère, le duc de Guyenne, quand il y pensoit le moins, et lui faisoit le plus beau semblant de l’aimer, luy vivant, et le regretter après sa mort : si bien que personne s’en aperçut, qu’il eust fait faire le coup, sinon par le moyen de son fol, qui avoit été audit duc son frère, et il l’avoit retiré avecque luy, car il étoit plaisant. Estant donc un jour en ses bonnes prières et oraisons à Cléry, devant Notre-Dame qu’il appeloit sa bonne patronne, au grand autel, et n’ayant personne auprès de luy, sinon ce fol, qui en estoit un peu éloigné, et duquel il ne se doutoit qu’il fust si fol, fat, sot, qu’il ne pust rien rapporter ; il l’entendit comme il disoit : Ah ! ma bonne dame, ma petite maistresse, ma grande amie, en qui j’ay toujours eu mon réconfort ! je te prie de supplier Dieu qu’il me pardonne la mort de mon frère, que j’ai fait empoisonner par ce méchant abbé de Saint-Jean (notez, encore qu’il l’eust bien servi en cela, il l’appeloit méchant ; aussi faut-il appeler toujours telles gens de ce nom). Je m’en confesse à toi comme à ma bonne patronne et maistresse : mais aussi qu’eussé-je su faire ? Il ne me faisoit que troubler mon royaume : fays-moi doncques pardonner, ma bonne dame, et je say ce que je te donneray (je pense qu’il vouloit entendre

1 Sauvage ] sauvage Rel. I,2 19 Brantome ] Brantôme Rel. I,2 1

Sauvage, ] sauvage, Rel. I,2 22 celuy, ] celuy Rel. I,2

10 voir ] savoir Rel. I,2

Paraphrase inexacte : ni à la p. 179 ni dans son contexte Boßmann ne parle d’analogie entre l’inimitié qui divise les hommes et celle qui divise leurs fétiches. Il commence par expliquer le mot ‘fétiche’ et décrit ensuite la manière dont les ‘Mohren’, par l’intermédiaire de prêtres, se servent de leurs fétiches pour se venger de leurs ennemis, prêter serment, faire la guerre, présager l’avenir, etc., et les sacrifices qu’ils font à ces fétiches (voir Reyse nach Guinea, pp. 179–189). De nouveau, on observe comment BC détourne à son propos l’information qu’il puise dans sa source.

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Dans les grands dangers le Sauvage ne se contente pas de son fétiche habituel, il réclame le secours de tous ceux dont il a quelque connaissance ; leur nombre se monte à plusieurs milliers a. De même, quand leur récolte a été mauvaise, les paysans russes, que le pouvoir absolu pense avoir convertis, empruntent de leurs voisins plus heureux des saints plus efficaces b. Les Athéniens, avant la bataille de Marathon, instituèrent le culte de

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quelques beaux présents, ainsi qu’il étoit coutumier d’en faire tous les ans force grands et beaux à l’église). Le fol n’étoit point si reculé ni dépourvu de sens qu’il n’entendist et ne retinst fort bien le tout : en sorte qu’il le redit en présence de tout le monde à son disner et à d’autres, lui reprochant ladiste affaire, et lui répétant souvent qu’il avoit fait mourir son frère. Qui fust estonné ? ce fust le roy. Il ne fait pas bon se fier à ces fols, qui quelques foys font des traits de sages, et disent tout ce qu’ils savent, ou bien le devinent par quelque instinct divin. Mais il ne le garda guères ; car il passa le pas comme les autres, de peur qu’en réitérant, il eust scandalisé davantage.» BRANTOME, Éloge de Charles VIII1. Rœmers Nachrichten von der Küste Guinea, p. 162. Weber, veraendertes Russland, II, 1983. Les tribus qui habitent les frontières de la Russie ont mis au nombre de leurs dieux saint Nicolas. LE´ VEˆ QUE, Excurs. sur le schamanisme, dans sa traduction de Thucydide, III, 2924.

Voir Œuvres complètes de Pierre de Bourdeilles, abbé et seigneur de Brantôme. Publiées pour la première fois selon le plan de l’auteur, augmentées de nombreuses variantes et de fragments inédits, suivies des œuvres d’André de Bourdeilles, avec une étude sur la vie de Brantôme par M. Prosper Mérimée. Des Notes et une Table générale par M. Louis Lacour. Paris : chez Paguerre, 1859, t. III, Premier Livre : Les Vies des grands Capitaines du siècle dernier, Seconde Partie : Les Vies des grands Capitaines françois du siècle dernier, chapitre II : Le roy Louys XI, pp. 47–49. Note pp. 47–48 : «Dans sa première rédaction, Brantôme n’avait pas réservé à Louis XI une notice spéciale ; mais il avait donné quelques particularités sur lui dans la vie de Charles VIII». Voir Ludewig Ferdinand Römer, Nachrichten von der Küste Guinea, mit einer Vorrede [von] D. Erich Pontoppidan, aus dem Dänischen übersetzt, Kopenhagen et Leipzig : bey Friederich Christian Pelt, 1769. L’observation sur les milliers de fétiches (Römer parle de «Fetissen», p. 61) ne se trouve pas à la p. 16 mais aux pp. 61–62. Elle figure dans un chapitre intitulé «Von der Religion, der Neger überhaupt» (pp. 40–88). Voir pour cette note et la suivante le Repertory, note 60. Voir [Friedrich Christian Weber,] Das veränderte Rußland, in welchem die jetzige Verfassung des Geist- und Weltlichen Regiments [...] vorgestellet werden [...], Neu-Verbesserte Auflage, Frankfurt et Leipzig (t. II et III : Hannover) : Nicolaus Förster, 1739–1744, 3 vol. La coutume rapportée de manière correcte par BC est mentionnée par Weber dans le t. I, p. 310 (de même dans la première édition de 1721). Voir Pierre-Charles Levesque, Histoire de Thucydide, fils d’Olorus, Traduite du Grec, Paris : J.-B. Gail et P.-F. Aubin, 1795, 4 vol. Il s’agit de la «Troisième excursion. Sur l’origine septentrionale des Grecs Prouvée par quelques-unes de leurs opinions et de leurs pratiques religieuses» (t. III, pp. 278–322). Dans le passage auquel renvoie BC, l’adoption de saint Nicolas sert d’exemple du polythéisme pour ainsi dire spontané qui, aux yeux de Levesque,

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De la Religion, I

Pan, qu’ils n’avaient point adoré jusqu’à cette époque a ; et Louis XI, dont nous venons de parler, rassembla près de son lit de mort les reliques de toute la terre b. Une fois entré dans cette route, l’homme est forcé de la suivre jusqu’au bout ; ayant conçu ses dieux semblables à lui par leurs passions, il les conçoit tels par leurs besoins, leurs habitudes et leur destinée. Les déesses des Kamtschadales portent comme les femmes leurs nouveau-nés sur leur dos. Ces enfants divins souffrent et pleurent comme les enfants des homa b

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HE´ RODOTE, VI, 1051. Le pape lui envoya le corporal sur quoy, dit Philippe de Commines, chantoit monseigneur Saint-Pierre. Il fit venir la sainte ampoule de Reims, et on lui apporta de Constantinople beaucoup de choses miraculeuses qui étaient restées entre les mains du Grand Turc. PHIL. DE COMM. Faits et gestes du roi Louis XI2.

6 besoins, ] besoius, Rel. I,1

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est l’apanage du chamanisme qu’il considère comme la plus ancienne et la plus répandue forme de superstition (voir t. III, p. 278) : «Les Chamaniens érigerent donc en autant de Dieux tous les phénomenes de la nature, tout ce qu’ils admiraient, tout ce qui méritait leur reconnaissance, tout ce qui leur faisait peur : le soleil, la lune, le tonnerre, la tempête, les fleuves, les montagnes. [...] Ils eurent des Dieux pour eux-mêmes, ils en eurent pour leurs femmes, pour leurs enfans, pour leurs bestiaux. Ils adopterent quelquefois les dieux révérés par les étrangers ; un peuple chamanien, qui a de fréquentes communications avec les Russes, a mis au nombre de ses Dieux saint Nicolas, et telle a été par-tout l’origine et la marche du polythéisme» (pp. 291–292). C’est dans le Livre VI, intitule´ Erato, des Histoires qu’Hérodote décrit les débuts du culte de Pan : «Alors qu’ils étaient encore dans la ville, les stratèges avaient commencé par envoyer à Sparte, en qualité de héraut, Philippidès ; c’était un citoyen athénien ; c’était aussi un ‹hémérodrome› [porteur de dépêches], et il en faisait profession. Cet homme, d’après ce qu’il raconta lui-même et rapporta aux Athéniens, fit dans la région du mont Parthénion, audessus de Tégée, la rencontre de Pan ; Pan l’appela à haute voix par son nom, Philippidès, et il lui ordonna de demander de sa part aux Athéniens pourquoi ils ne prenaient de lui aucun soin, alors qu’il leur voulait du bien, qu’il leur avait rendu déja` des services en maintes circonstances et leur en rendrait encore. Les Athéniens, quand leurs affaires furent mises sur un bon pied, convaincus de la véracite´ de ce récit, établirent au bas de l’Acropole un sanctuaire de Pan, et, depuis le message qu’ils ont reçu, ils se rendent le dieu propice par des sacrifices annuels et une course aux flambeaux» (tr. Legrand, Paris : Les Belles Lettres, 1963, p. 105). Voir Mémoires de Sire Philippe de Commynes, livre VI, ch. IX dans Historiens et Chroniqueurs du Moyen Âge. Robert de Clari, Villehardouin, Joinville, Froissart, Commynes, édition établie et annotée par Albert Pauphilet, textes nouveaux commentés par Edmond Pognon, Paris : Gallimard, 1952, pp. 1276–1278 (Pléiade). Le passage en question figure pp. 1276–1277 : «Touchant les choses que l’on pensoit nécessaires pour sa santé, de tous les costés du monde luy estoient envoyées. Le pape Sixte, dernier mort, estant informé de sa maladie et que, par dévotion, le roy desiroit avoir le corporal sur quoy chantoit saint Pierre, tantost le luy envoya avec plusieurs autres reliques, qui luy furent renvoyées. La sainte Ampoule, qui est auprès de Reims, qui jamais n’avoit esté remuée de son lieu, luy fut apportée jusques en sa chambre, au Plessis, et estoit sur son buffet à l’heure de sa mort : et avoit intention d’en prendre semblable onction qu’il en avoit pris à son sacre, combien que

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mes : et toutes les nuits, descendant des montagnes, cet Olympe grossier court vers le rivage, aussi ardent à la pêche, mais plus adroit et plus heureux que la race mortelle1 a. a

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Il n’y a pas jusqu’à la mort, à laquelle, entre autres calamités humaines, les Sauvages ne croient leurs fétiches exposés. Les Groenlandais disent que le plus puissant des leurs, Tornarsuk, peut être tué par l’impétuosité du vent, et que l’attouchement d’un chien le ferait mourir. (Egede, Nachrichten von Groenland, 93, 2562). Au reste, nos livres sacrés3 nous montrent Jehovah se prêtant à la faiblesse des hommes, et se soumettant à leurs cérémonies. Lorsqu’il jure l’alliance qu’il conclut avec Abraham, il traverse les victimes immolées et séparées par la moitié, parce que cette formalité symbolique rendait chez les Juifs les serments plus obligatoires. beaucoup de gens cuydoient qu’il s’en voulsist oindre tout le corps, ce qui n’est pas vraysemblable, car ladite sainte Ampoule est fort petite et n’y a pas grand’matière dedans. Je la vis à l’heure dont je parle, et aussi quand ledit seigneur fut mis en terre à Nostre Dame de Cléry. Le Turc, qui règne aujourd’hui, luy envoya un ambassadeur qui vint jusques à Riez en Provence ; mais ledit seigneur ne le voulut point ouyr, ni qu’il vinst plus avant. Ledit ambassadeur luy apportoit un grand rôlle de reliques, lesquelles estoient encores en Constantinoble, entre les mains dudit Turc : lesquelles choses il offroit au roy, avec grande somme d’argent, pourvu que ledit seigneur voulsist bien faire garder le frère dudit Turc, lequel estoit en ce royaume entre les mains de ceux de Rhodes, et à présent est à Rome entre les mains du pape». G. W. Steller, dans le chapitre déja cité (voir ci-dessus, p. 226, n. 2) de sa Beschreibung von dem Lande Kamtschatka, pp. 253–284, donne bien des exemples susceptibles d’illustrer l’anthropomorphisme et le thériomorphisme de la religion des Kamtchadales. On y trouve en effet une remarque sur un esprit des forêts dont la femme porte un enfant adhérent («angewachsen») à son dos, qui ne cesse de pleurer (voir p. 266). Au même endroit, il est question des dieux de la haute montagne («Berg-Götter») qui, la nuit, descendent à la mer pour y pêcher la baleine, dont ils se nourrissent. – Une ébauche de ce passage se trouve dans le Petit carnet de notes, note 8. Cette citation de Paul Egede, Nachrichten von Grönland. Aus einem Tagebuche, geführt von 1721 bis 1788, Kopenhagen : Christian Gottlob Proft, 1790 (texte traduit de l’original danois), ainsi que les renseignements qui la précèdent furent probablement puisés chez C. Meiners, Allgemeine kritische Geschichte, t. I, p. 48, comme le révèle la note de lecture no 10 («empl. 1823») des notes de lecture que BC prit de cet ouvrage (voir BCU, Co 3293, no 2). Il faut constater un malentendu de la part de Meiners et BC : si Egede (p. 96, comme l’indique Meiners, n. g, et non pas p. 93) rapporte bien que, selon certains Groenlandais, Tornarsuk est mortel et peut être tué par un vent, il s’agit bien ici d’une flatulence humaine : «Einige sagen : [...] Ein Wind kann ihn tödten. Desfalls muß, wenn sie hexen, ein jeder sich hüten, daß er nicht die Ursache seines Todes werde» (p. 93). Qu’il s’agit de flatulences est bien relevé par D. Cranz, Historie von Grönland (p. 264 ; passage sur lequel, à ce qu’il semble, se base celui d’Egede). Sur la mortalité de Dieu chez les Groenlandais, voir aussi P. Egede, Nachrichten, p. 126 : «Ein Weib fragte, ob Gott noch lebe ?» – La remarque au sujet de l’«attouchement d’un chien» n’a pas pu être retrouvée. Elle figure pourtant chez Meiners à l’endroit indiqué et dans la note de lecture déjà mentionnée que BC fit de ce passage. Sur les chiens des Groenlandais, voir D. Cranz, Historie von Grönland, p. 100. Voir sur le cérémonial pour conclure une alliance Gn 15, 9–10 : «Il [le Seigneur] lui [à Abram] dit : ‘Procure-moi une génisse de trois ans, une chèvre de trois ans, un bélier de trois ans, une tourterelle et un pigeonneau.’ Abram lui procura tous ces animaux, les partagea par le milieu et plaça chaque partie en face de l’autre ; il ne partagea pas les oiseaux.» Voir aussi Jr 34, 18.

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Chapitre III. Efforts du sentiment religieux pour s’élever au-dessus de cette forme.

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Tel est donc le culte de l’état sauvage a. C’est la religion à l’époque la plus brute de l’esprit humain. Elle est en arrière de toutes les formes que nous aurons bientôt à décrire. Elle ne réunit point ses dieux en un corps, comme le polythéisme des nations policées. Ses vagues notions du grand Esprit ne s’élèvent point à la hauteur du théisme. Elle choisit ses protecteurs dans une sphère bien inférieure. Elle n’a point l’esprit jaloux, mais compact de la théocratie, qui, plaçant son dieu en hostilité perpétuelle avec tous les autres, crée l’esprit national et le patriotisme par l’intolérance. Dans cette conception étroite et informe réside néanmoins le germe des hautes idées qui, par la suite, se déploieront à nos regards. Les objets consacrés par le culte du Sauvage sont nuisibles, inutiles, monstrueux, ridicules : mais n’est-ce pas une preuve évidente du besoin qu’il a d’adorer1 ? Il attribue la vie et l’intelligence à tous les objets. Il pense que tous agissent sur l’homme, lui parlent, le menacent, l’avertissent. Le spiritualiste, qui n’aperçoit rien dans la nature qui ne soit animé de l’esprit divin, le panthéiste, qui conçoit la divinité inhérente à toutes les parties du monde physique, ne font que suivre la route vers laquelle le Sauvage, dans ses notions confuses, dirige ses pas chancelants. Son culte n’est que le sentiment religieux sous sa première forme. C’est l’homme demandant à la nature qu’il ne connaît ni ne peut connaître, où donc est la force, la puissance, la bonté : et ce sentiment religieux, quelque grossier qu’il paraisse encore, est plus noble et plus raisonnable que tous les systèmes qui ne voient dans la vie qu’un phénomène fortuit, dans l’intelligence qu’un accident passager. Nous avons indiqué déja quelques-uns des efforts du sentiment religieux pour épurer sa forme. Nous avons reconnu ces efforts dans le Manitou prototype, dans le grand Esprit des cieux ou des mers. a

Nous n’avons pu présenter ici que les traits principaux et généraux de ce culte. Il y a, comme dans toutes les croyances, plusieurs gradations ; nous ne saurions les détailler toutes. Chaque forme et chaque époque des idées religieuses pourrait être l’objet en diminutif de l’histoire que nous essayons de tracer en grand.

9 compact ] compacte Rel. I,2 1

L’ébauche de cette phrase se lit dans le Registre violet, p. 6, note IV.

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Pour apercevoir clairement la lutte que nous entreprenons de décrire, il suffit de comparer les prières que le Sauvage adresse aux fétiches, et celles qu’il adresse au grand Esprit. Le Koriaque dit à son idole, en lui immolant des chiens et des rennes : Reçois nos dons, mais envoie-nous à ton tour ce que nous attendons de toi. Ici tout est abject, égoïste et avide. L’hymne du combat des Delawares, en l’honneur du grand Manitou de la terre, des mers et des cieux, est empreinte au contraire d’une résignation toute religieuse et toute morale. «Aux armes pour combattre l’ennemi ! Déterrons la hache et prenons la massue. Reverrai-je jamais le toit de mes pères, et la compagne de ma couche, et les jeunes rejetons portés sur son dos et nourris de son lait ! Esprit suprême, grand Esprit d’en-haut, prends pitié de l’épouse que je te confie, veille sur les enfants qu’elle m’a donnés : créature faible et impuissante, à qui n’appartient pas un instant de sa vie, pas un membre de son corps, je vais où le devoir m’appelle pour l’honneur et la liberté de ma nation. Mais que les larmes des miens ne coulent point à cause de moi a.» Le sentiment religieux ne se borne pas à distinguer ainsi l’être infini vers lequel il s’élève, des idoles vulgaires que l’intérêt a créées : il exerce son influence sur ces idoles mêmes qu’il travaille sans relâche à ennoblir et à embellir. Le Sauvage qui, comme nous l’avons vu, n’attribue pas à ses fétiches la figure humaine, les en rapproche cependant autant qu’il le peut, parce que cette figure est pour lui l’idéal de la beauté1. Il les sculpte, les orne, les dé core. Les Lapons, les Caraïbes, les habitants de la Nouvelle-Zélande, ceux des rives du fleuve des Amazones, les Nègres de Loango, les hordes de l’Amérique septentrionale ou méridionale, se font des idoles d’argile, de pierre, de bois ou d’étoffes qu’ils acquièrent par des échanges avec des peuples plus civilisés. Ils tâchent de leur donner une forme humaine. Des a

Cet aveu de son impuissance est d’autant plus remarquable dans le Sauvage, qu’il contraste avec l’esprit sauvage et barbare. V. AJAX dans HOME` RE2.

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Observation peut-être inspirée par C. Meiners, Allgemeine kritische Geschichte, t. I, pp. 159–166, comme le révèle la note no 40 («empl. 1823») que BC prit de cet ouvrage ; voir BCU, Co 3293, no 2. ` quel chant d’‘aveu d’impuissance’ d’Ajax BC pense-t-il ? Au ch. VII de l’Iliade où, le sort A ayant décidé que ce serait lui qui combattrait Hector, il exhorte les Achéens à prier Zeus (voir Iliade, chant VII, vv. 190–205, Homers Werke von Johann Heinrich Voss. Königsberg : Nicolovius, 1802, t. I, pp. 176–177) ? Ou bien au ch. XVI où, lors d’une attaque des Troyens, Ajax se rend compte de l’impuissance des siens face à Zeus (Iliade, ch. XVI, vv. 119–122 ; t. II, p. 96) ? En ce qui concerne la prière que BC attribue aux Koriaks, peuple du kraï

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morceaux de corail ou des cailloux représentent les yeux, des peaux de bête leur servent de vêtements : ils les embellissent enfin de mille manières a.

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Georgi Beschreibung einer Reise durch das Russi[s]che Reich im Jahre 1772, p. 3131. MARION, Voy. à la Mer du Sud, p. 872. DUTERTRE, Hist. gén. des Antilles, II, 369–3703. D’ACUGNA, Relation de la Rivière des Amazones, I, 2164. Pallas Reisen, II, 6835. Hogs-

4 Mer ] mer Rel. I,2

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du Kamtchatka (anciennement Koriakie) en Extrême-Orient russe, habitant au sud du bassin de l’Anadyr, BC l’a probablement trouvée dans Continuations de l’Histoire générale des voyages, t. XIX, Paris : Panckoucke, 1770, p. 351. En ce qui concerne l’hymne des Indiens du Delaware, la source de BC n’est pas identifiée. Voir Johann Gottlieb Georgi, Bemerkungen einer Reise im Rußischen Reich, t. I, pp. 314316, où il est en effet question de la manière anthropomorphisante dont, chez les «Buräten», les idoles («Götzen») sont fabriquées. Citation de l’ouvrage de Nicolas-Thomas Marion-Dufresne, Nouveau voyage à la Mer du Sud, commencé sous les ordres de M. Marion, Chevalier de l’Ordre Royal & Militaire de S. Louis, Capitaine de brûlot [...], Paris : Barrois l’aîné, 1783. L’observation qui correspond à la remarque de BC figure dans un petit chapitre intitulé «Religion des Sauvages de la partie Septentrionale de la Nouvelle Zélande» (pp. 86–88). Voir en particulier le passage suivant : «J’ai dit qu’on trouvoit au centre de tous les villages une figure sculptée, qui paroît être la représentation du dieu tutélaire du village. On trouve dans leurs maisons particulières les mêmes figures sculptées comme de petites idoles, & placées dans des lieux distingués. Plusieurs sauvages portoient au cou de ces mêmes figures sculptées, en jade & en bois.» Par la suite, l’auteur souligne la laideur de ces figures, qui ne paraissent représenter que des démons malfaisants. Voir J.-B. Du Tertre, Histoire générale des Antilles, t. II, pp. 369–370. La référence est correcte. Le passage cité figure dans un chapitre intitulé «De la Religion des Sauvages» (t. II, pp. 364–372). Voir Christóbal d’Acuña, Relation de la riviere des Amazones traduite par feu Mr de Gomberville de l’Académie Françoise [...], Paris : Claude Barbin, 1682, 2 vol. L’information à laquelle BC renvoie figure à la page indiquée : voir t. I, pp. 216–217 (début du chapitre XL consacré à «La Religion de ces Peuples, & la creance qu’ils ont en leurs Idoles ; discours d’un Cacique sur ce sujet.») : «La Religion de tous ces Gentils est presque toute semblable, ils adorent tous des Idoles qu’ils fabriquent de leurs mains ; aux uns ils attribuënt & donnent l’authorité de presider sur les eauës, & luy mettent pour marque de sa puissance un poisson à la main ; ils en élisent d’autres pour les faire les maistres de leurs semailles, d’autres sont choisis pour leur inspirer du courage dans leurs batailles.» Voir Peter Simon Pallas, Reise durch verschiedene Provinzen des Rußischen Reichs, St. Petersburg : Kayserliche Academie der Wissenschaften, 1771–1776, 3 parties en 5 vol. Dans la partie II, 2, Pallas parle de la fabrication de «Hausgötzen» chez les «Katschinzische Tataren» (t. III, pp. 682–683).

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Les Téléoutes et les Tatars de l’Attaï, que les Russes ont asservis sans les civiliser, et qu’ils ont assujettis à quelques pratiques de la religion chrétienne, sans avoir arraché de leur esprit leur penchant pour le fétichisme, ne connaissant pas de plus beaux habits que l’uniforme des dragons russes, croient leurs fétiches habillés comme des officiers de dragons a. Il est

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trœm Beschreib. des schwed. Lapplands. 2011. Lettr. édif. VII, 82. Müller Samml. Russ. Gesch. I, 1503. Voy. au Nord, VII, 337 ; VIII, 4104.

` l’enVoir P. Högström, Beschreibung des der Crone Schweden gehörenden Lapplandes. A droit indiqué par BC, Högström parle des idoles en pierre («die steinernen Götzen») qu’on a coutume de vénérer dans certaines régions de Laponie. Selon l’auteur, ces pierres n’ont ni la forme d’hommes ni celle d’animaux, «sondern sind so gewesen, wie sie die Natur dem Ansehen nach selbst gebildet» (p. 201). Ce passage figure dans le chapitre 11 de l’ouvrage, intitulé «Von der Abgötterey, Zauberey und Aberglauben der Lappen» (pp. 191235). Voir Lettres édifiantes, t. VII, Paris : J. G. Merigot le Jeune, 1781, p. 8 : «Une autre tablette séparée porte plusieurs corbeilles bien peintes, où se conservent leurs Idoles : ce sont des figures d’hommes & de femmes faites de Pierres & de terre cuite, des têtes & des queues de serpens extraordinaires, des hiboux empaillés, des morceaux de cristaux, & des mâchoires de grands poissons.» Ce passage figure dans la «Lettre du Pere le Petit, Missionnaire, au Pere d’Avaugour, Procureur des Missions de l’Amérique Septentrionale», lettre datée «A la Nouvelle Orléans, le 12 juillet 1730» (pp. 5–78). Voir [Gerhard Friedrich Müller], Sammlung Rußischer Geschichte, St. Petersburg : Bey der Kayserl. Akademie der Wißenschafften, 1733, t. I, Zweytes Stück, Teil IV, pp. 141–153, Auszug aus dem Reise-Journal Des Herrn Ober-Kriegs-Commißarii Johann Unkowski von ` der Calmückey. Betreffend einige besondere Traditiones, Ceremonien und Gewohnheiten. A l’endroit indiqué par BC, on trouve une description de l’adoration d’un fétiche, p. 150 : «Den 7. Juni 1723, haben wir gesehen, wie die Götzen=Priester des Contaischa ihr Gebeth verrichten. Der Contaischa selbst nebst seinen Saißans und einer großen Menge Volcks waren dabei zugegen. Ein großer auf Papier gemahlter Götze, eines Fadens hoch und 2 Schritte breit, war mit verschiedenen seidenen Stoffen gezieret, und im freyen Felde mit dem Gesichte gegen Abend ausgestellet. Derselbe stund auf Seulen, welche in die Erde gegraben, und noch überdem mit Stricken festgebunden waren. An denen Stricken aber hiengen noch allerley bunte Zeuge, als wenn solches Fahnen oder Sieges=Zeichen bedeuten sollten [...]» (suivent d’autres détails de la cérémonie). Le passage correspond bien à la remarque de BC qui a peut-être copié le texte dans C. Meiners, Allgemeine kritische Geschichte, t. I, p. 161. Cependant, ni ici ni ailleurs dans ce chapitre ne se trouve une allusion aux uniformes des dragons russes. BC s’inspire peut-être du vague souvenir de la lecture d’un autre texte. Dans «Voyage de Moscou à la Chine par Mr. Everhard Isbrand(t)s Ides, Ambassadeur de Moscovie, traduit du Hollandais» (Recueil de Voyages au Nord, t. VIII, 1727, pp. 1–217), l’auteur remarque sur les idoles des Ostiakes, p. 38 : «Ce peuple [...] se fait des Divinitez de bois & de terre, sous dif[f]erentes figures humaines, qu’il adore.

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difficile de ne pas sourire : mais c’est l’effort du pauvre Sauvage, pour réunir dans l’idée de son dieu tout ce qu’il connaît de plus magnifique, et l’on voit dans cette créature encore si brute le germe de l’enthousiasme qui, sous le ciseau de Phidias, fit éclore le Jupiter Olympien. Nous avons montré que la morale restait étrangère au traité conclu entre l’homme et le fétiche : et en effet il est très-possible pour le raisonnement de concevoir la religion séparée de la morale. Les relations des hommes avec les dieux constituent la religion. Les relations des hommes avec les hommes constituent la morale. Ces deux choses n’ont aucun rapport nécessaire entre elles. Les dieux peuvent ne s’occuper que de la conduite des hommes à leur égard, sans intervenir dans celle des hommes avec leurs semblables. Ceux-ci peuvent n’être responsables envers les premiers que de l’observance des devoirs du culte, et rester pour ceux de la morale dans une indépendance complète. On ne saurait imaginer la religion ne représentant pas ses dieux comme des êtres puissants. Mais on peut sans difficulté la concevoir ne leur donnant d’autres attributs que la puissance. Cela serait surtout naturel, si la terreur était l’unique source de la religion. Les phénomènes physiques ne suggèrent à l’homme que l’idée du pouvoir. Il n’y a aucune affinité entre la foudre qui frappe, le torrent qui entraîne, l’abyme qui engloutit, et le bien ou le mal moral. Après avoir personnifié les acci-

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Chaque habitant a son Dieu dans sa cabane qu’il apelle Saitan, & les principaux d’entre’eux se distinguent, en lui donant des habits de soye, semblables à ceux des Dames Russiennes» (voir aussi p. 192 du même ouvrage). (Note de la page précédente.) Voir Recueil de Voyages au Nord. Contenant divers Mémoires très utiles au Commerce & à la navigation, Amsterdam : chez Jean Frédéric Bernard, 1735, t. VII, partie VI : «Relation du Voyage de Jean Du Plan Carpin, cordelier, Qui fut envoyé en Tartarie par le Pape Innocent IV, l’an 1246», chap. III «De leur Religion & de leurs Ceremonies : de ce qu’ils pensent être peché : de leurs divinations & purgations des pechez» (pp. 337–350). Jean du Plan Carpin remarque sur leurs idoles (p. 337) : «[...] cependant ils ne laissent pas d’avoir des idoles de feutre faites à la ressemblance des hommes : ils les posent de part & d’autre des portes de leurs logis ; & au dessus il y a je ne sai quoi de même étoffe, en forme de mamelle. Ils croyent que c’est ce qui garde leurs troupeaux, & qui leur donne du lait & des petits. Ils font d’autres idoles d’étoffe de soye, & leur rendent de grands honneurs». – Recueil de Voyages au Nord, t. VIII, 1727, pp. 373–429, ch. III, pp. 409–421, «De la Religion & de l’Idolâtrie des Ostiackes». On y lit à la p. 410 sur leurs «Divinitez» : «Les unes sont des figures d’airain assez bien faites, qui représentent des femmes les bras nuds, des Oyes, des Serpens, & autres choses semblables [...] : les autres sont de la façon de ces maladroits mêmes, & ne sont autre chose qu’un morceau de bois, presque sans forme, avec un nœud en haut en guise de tête, qui doit en représenter une humaine ; il y a aussi une avance pour marquer le nes, & une fente au dessous, au lieu de bouche. Chacun se

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dents de la nature, en les attribuant à des êtres intelligents, et avoir établi entre eux et lui un commerce auquel sert de base l’intérêt mutuel des deux parties, l’homme semble avoir bien des pas à faire, avant de leur imposer des fonctions gratuites et des devoirs désintéressés1. Si le sentiment ne venait pas changer l’état de choses ainsi établi par l’intérêt, loin d’être utile à la morale, la religion lui serait infailliblement funeste. L’adorateur d’un dieu mercenaire, comptant sur l’assistance qu’il aurait achetée, foulerait aux pieds la justice avec d’autant plus d’audace qu’il penserait s’être assuré une protection surnaturelle. Heureusement, même dans cet état dé gradé, le sentiment appelle la morale, et par mille routes invisibles la fait pénétrer dans la religion. D’abord en ne la considérant que dans son rapport le plus circonscrit, le traité qu’elle suppose entre l’adorateur et son dieu implique une idée de fidélité aux engagements, par conséquent une notion de morale. En second lieu, même dans l’état sauvage, une espèce d’association existe. Les individus d’une horde sont unis entre eux par un intérêt commun. Cet intérêt commun doit avoir aussi sa divinité tutélaire a. La religion le prend sous sa sauvegarde : elle protège l’association contre ses membres, et les membres de l’association les uns contre les autres. Le grand et difficile problème de la société consiste à découvrir une sanction pour les engagements des hommes entre eux. Le besoin de cette sanction se fait sentir à chaque pas dans les transactions humaines. Nous ne trai tons jamais avec quiconque a des intérêts opposés aux nôtres sans nous efforcer de lire dans ses yeux si ses intentions répondent à ses paroles, et a

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Les peuplades de pêcheurs adorent en commun un dieu de la pêche. Voy. au Nord, VIII, 414, 419–4202. Celles de chasseurs, un dieu de la chasse. Gmelins Reisen, II, 214–2153. fabrique une pareille Idole qu’il révère [...]. Ils ont encore d’autres Idoles composées de morceaux de bois longs & épais sans aucune figure, qui sont couchées par terre, envelopées de toutes sortes de guenilles, avec un morceau de miroir par dessous qui sert à réflechir les rayons du Soleil, quand il done dessus. Ils les placent ordinairement sur de hautes Montagnes». Voir dans le Repertory, note 1649, une idée proche de cet alinéa. Voir Recueil de Voyages au Nord, t. VIII, 1727, «Les Mœurs et usages des Ostiackes», pp. 413–414 : «Tout cela ne doit s’entendre que de leurs Idoles domestiques, qui sont l’ouvrage de leurs mains, & ausquelles ils ne témoigent pas ordinairement grand respect ; car ils ont beaucoup plus de vénération pour leurs Idoles publiques qu’ils ne dépouillent pas, & n’abandonnent pas come les autres ; mais ils les estiment au contraire & les révérent come étant d’ancienne date, & d’une autorité reçue & avérée. Ils ont beaucoup de confiance en elles, surtout quand elles sont d’airains, cela leur donant, à ce qu’ils s’imaginent, une espèce d’immortalité, parcequ’elles ont résisté à la corruption de tems immémorial, & qu’elles ont acquis pendant tant d’années beaucoup de lumières & d’expériences». C. Meiners, dans Allgemeine kritische Geschichte der Religionen, t. I, pp. 168 et 172, se réfère à ce passage. Voir Johann Georg Gmelin, Reise durch Sibirien, Göttingen : Vandenhoeck, 1752–1754, 4 vol., t. II, pp. 213–214. Il s’agit ici des rites sacrificiels d’un des peuples chasseurs, les Toungouses («Tungusen»).

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nous sommes douloureusement avertis par l’expérience de l’impuissance de nos efforts. La voix, le geste, le regard peuvent être complices de l’imposture. La conviction religieuse crée une sauvegarde, le serment : mais cette garantie disparaît avec la conviction religieuse. Trop souvent, au sein de la civilisation, les peuples irréligieux passent d’un serment à l’autre, ne se croyant liés par aucun, et les considérant comme des formules appartenant de droit au pouvoir qui règne, et ne constituant aucun titre en faveur du pouvoir déchu. Leurs chefs, irréligieux en même temps qu’hypocrites, foulent sans remords le matin les promesses de la veille, et promènent au milieu de l’indignation le scandale de la perfidie. Alors tous les liens sont brisés ; le droit n’existe plus ; le devoir disparaît avec le droit ; la force est déchaînée ; le parjure fait de la société un état permanent de guerre et de fraude. Mais dans l’état sauvage, le serment a quelque chose de plus solennel, et il faut ren dre graces à la religion, de ce qu’elle crée, dès l’origine des sociétés, cette garantie ; le Malabre a, le Nègre b, le Calmouc c, l’Osti-

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WOLFF, Reise nach Ceylan, p. 1761. Voyez pour d’autres peuplades de l’Inde, Asiat. Res. III, 302. LOYER, Relation du voy. du roy. d’Issiny, p. 2533. DESMARCHAIS, Voy. en Guinée, I, 1604. PALLAS, Reisen, I, 3325. Ejusd. Mongol. Volkersch.I, 2206.

20 voy. ] Voy. Rel. I,2

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Voir Johann Christoph Wolf, Reise nach Zeilan, Berlin et Stettin : bey Friedrich Nicolai, 1782–1784, 2 vol, t. I, pp. 175–176. La référence de BC est exacte : Wolf décrit la manière dont on prête serment chez les chrétiens, chez les musulmans, chez les Bramins («Der Bramine», p. 176) et chez les Malabares («Malabaren»). Voir John Eliot, «Observations on the Inhabitants of the Garrow Hills, made during a Publick Deputation in the Years 1788 and 1789», Asiatick Researches, t. III, 1792, pp. 17– 37. La description de la manière solennelle de prêter serment se trouve aux pp. 30–31. Voir Godefroy Loyer, Relation du voyage du royaume d’Issyny, Côte d’Or, Païs de Guinée, en Afrique, Paris : Arnoul Seneuze, Jean-Raoul Morel, 1714, pp. 252–253, en particulier p. 252 : «Les nègres sont trés fideles observateurs de leur parole, lorsqu’ils ont juré par leur fétiche». Voir J.-B. Labat, Voyage du Chevalier Des Marchais en Guinée, t. I, pp. 161–162 : il y est question d’une cérémonie que les «Nègres de la côte» (p. 160) exigent du capitaine d’un vaisseau européen avant de faire du commerce avec lui et son équipe, cérémonie qui tient lieu de serment (voir p. 161). Puis, Des Marchais ajoute : «Ils s’en servent eux-mêmes [c’est-àdire du serment en question] quand ils veulent promettre quelque chose, & disent qu’ils perdroient la vûë s’ils faisoient le contraire de ce qu’ils ont promis» (p. 162). Ce

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aque a, prend son fétiche à témoin dans les circonstances solennelles, et soumet de la sorte à un joug invisible sa passion du moment et son humeur changeante. Sans doute l’égoïsme combat cette salutaire influence de la religion ; il se persuade que les dieux qu’il paie ne se déclareront jamais contre lui. Plusieurs tribus fétichistes croient pouvoir se parjurer impunément, quand elles ont à faire avec les étrangers, dont elles supposent impossible que leurs a

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Voy. au Nord, VIII, 4171. Qui pourrait ne pas gémir en réfléchissant que les Européens travaillaient naguère de tout le pouvoir de leur corruption et de leur logique pervertie à saper dans l’ame des Sauvages la sainteté des serments ! Voici ce que raconte un Européen, auteur de la scène hideuse qu’il décrit, et narrateur insouciant et presque satisfait de sa propre infamie. Un Nègre vint trouver ce misérable, alors facteur dans un établissement danois, sur les côtes de Guinée, et lui dit qu’il avait une jeune femme, au père de laquelle il avait juré, en présence d’un puissant fétiche, de ne jamais la vendre. Le marchand d’hommes lui suggéra l’expédient de se faire contraindre par la violence à fausser le serment qu’il avait prêté, ce qui apaiserait le fétiche qu’il avait pris à témoin. Le Nègre alla chercher l’infortunée qu’il voulait livrer, et le facteur Roemer, l’auteur du récit, la fit charger de chaînes. Aussitôt le mari poussa des cris lamentables, et des esclaves tombèrent sur lui à coups de massue. Soit qu’il voulût obtenir du fétiche offensé un pardon plus certain, soit que la conscience eût repris ses droits, il ne consentit à ratifier le marché qu’après avoir reçu des blessures graves. L’Européen lui reprocha cette résistance prolongée. Les fétiches, lui dit-il, ne sont pas si difficiles à satisfaire ; et le sien lui aurait fait grace à bien meilleur

11 auteur de la ] áuteur dans la Rel. I,1

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passage figure dans un chapitre intitulé «Du Cap de Palme. Description de ce Païs, depuis le Cap jusqu’à celui des Trois Pointes» (pp. 157–190). (Note de la page précédente.) Voir Peter Simon Pallas, Reise durch verschiedene Provinzen, t. I, p. 332 : à cette page, il est bien question de la manière dont on prête serment chez les Calmoucs («Eidesversicherungen bey denen Kalmücken»), mais il n’y est pas question des fétiches. (Note de la page précédente.) Voir P. S. Pallas, Sammlung historischer Nachrichten über die mongolischen Völkerschaften, St. Petersburg : Kayserliche Akademie der Wissenschaften, 1776–1801, 2 vol., t. I, pp. 219–220 : Pallas y parle de la manière dont on prête serment chez les «Kalmücken» (p. 219). Voir Recueil de Voyages au Nord, t. VIII, 1727, «Les Mœurs & usages des Ostiackes», p. 417 : «Quand ils ont quelque diférend entr’eux, les deux parties choisissent des arbitres devant lesquels se porte l’afaire en question ; & lorsque quelques circonstances douteuses la rendent dificile à décider, les arbitres font prêter serment à l’une des deux parties, ce qui se fait de la maniére suivante. On conduit celui qui doit jurer devant l’Idole, & après lui avoir représenté l’horreur qu’il doit avoir du parjure, en lui raportant plusieurs exemples des châtimens qui l’ont suivi, on lui done un couteau avec lequel il coupe un morceau du nés de l’Idole, & une hache avec laquelle il la frape en prononçant ces paroles : Si je fais un faux serment, & que je m’écarte en quelque chose de la vérité, puisse ce couteau m’abatre le nés, & cette hache me mettre en pièces de la même manière, puisse un Ours me dévorer dans les bois, & toutes sortes de malheurs m’ariver».

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fétiches embrassent la cause a. Nous verrons cet inconvénient se prolonger chez des peuples civilisés. C’est beaucoup néanmoins d’avoir créé une garantie dans l’intérieur des peuplades. Les notions qui servent de base à cette garantie ne tarderont pas à s’étendre au-delà des bornes étroites d’un territoire particulier. La religion qui exerce son influence de Sauvage à Sauvage, l’exercera plus tard de nation à nation, et déja elle s’y prépare. La croyance des tribus américaines leur faisait un devoir de respecter les envoyés des nations voisines. Ces envoyés, placés sous la protection du grand Esprit, ne pouvaient être maltraités sans crime, et les coupables étaient livrés à une destruction inévitable. Aussi, dit le missionnaire à qui j’emprunte ce fait a, des messagers, chargés d’annoncer une guerre de dévastation, d’extermination et d’incendie, étaient écoutés en silence et reconduits avec scrupule jusqu’à leur sortie du territoire.

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marché. ROEMER, Nachrichten von Guinea1. LINDEMANN, Geschichte der Meinungen, etc. VI, p. 2862. Telles étaient les leçons données par des hommes civilisés aux Sauvages, et par des chrétiens aux infidèles. CAVAZZI, Hist. de l’E´thiopie occidentale, I, 3043. Il est triste de penser que beaucoup plus tard des papes ont raisonné comme raisonnent les Nègres. HECKEWELDER, p. 2834. Le récit de cet événement se trouve dans L. F. Römer, Nachrichten von der Küste Guinea, pp. 76–78. Ajoutons que ce n’est pas Römer lui-même mais son employé (‘Bedienter’) qui encourage le ‘nègre’ à rompre son serment en vendant sa femme. Voir Geschichte der Meinungen älterer und neuerer Völker, im Stande der Roheit und Cultur, von Gott, Religion, und Priesterthum, von Johann Gottlieb Lindemann, Sechster Theil, Stendal : Franzen und Grosse, 1792, p. 268. L’auteur décrit le rôle des «jongleurs» («Zauberer») chez les Abipones, dont la superstition les fait recourir à l’intervention des jongleurs. BC possède cet ouvrage dans sa bibliothèque. Voir Giovanni Antonio Cavazzi da Montecuccolo, Relation historique de l’Ethiopie occidentale [...], Paris : Charles-Jean-Baptiste Delespine le Fils, 1732, 5 vol., t. I, pp. 304–306 : pour découvrir si un accusé est coupable ou non du crime qu’on lui impute, le juge du Congo le fait conduire au «Ganga, ou Ministre des juremens» (t. I, p. 304). Celui-ci «le contraint de conjurer les dieux de le punir severement, s’il n’a pas dit la verité» (t. I, p. 304). Mais parmi les accusés, il y a des «esprits forts, à qui un parjure ne coûte rien» et qui font donc «le serment, & les imprécation les plus horribles» (t. I, 305). Ensuite, afin de se rassurer, ils «vont promptement trouver un autre Ganga nommé Nzi, qui a le pouvoir d’absoudre des faux sermens, & de reconcilier les parjures avec les dieux. Après qu’on a fait son marché avec lui, & qu’on l’a payé, il frotte la langue du parjure avec un fruit de palmier, en prononçant certaines paroles diametralement opposées aux imprécations qui ont été faites, & le renvoie absous à pur & à plein du faux serment qu’il a fait, des imprécations qu’il a prononcé contre lui-même, & tout-à-fait réconcilié avec les dieux.» Ce passage figure dans le chapitre XV : «Des ministres des idoles, Des juremens» (pp. 340–382). – Voir le Repertory, note 956. Voir J. G. E. Heckewelder, Histoire, mœurs et coutumes des nations indiennes, pp. 282–284.

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Dans son état le plus grossier, la religion est donc bienfaisante. Cette utilité directe n’est certes, ni la seule, ni la plus importante, et nous nous sommes élevés contre l’idée de la placer en première ligne. Nous la montrerons tout à l’heure plus salutaire encore par les émotions qu’elle fait naître que par les crimes qu’elle interdit. Mais arrêtons-nous maintenant sur ce premier genre d’utilité, bien que subalterne, et prouvons par les faits qu’elle résulte même du fétichisme. Dans l’île de Nuka-Hiva, dit un voyageur a, toutes les lois et toute la police reposent sur la religion. Ces lois et cette police consistent à déclarer que telle chose est sacrée, c’est-à-dire que le propriétaire seul a droit d’y toucher. Cette consécration se fait par les prêtres. Ils appellent Tabou tout ce qu’ils ont consacré ainsi. Les personnes et les propriétés de tous les insulaires sont Tabou. Personne n’ose dépouiller ces derniers ni attenter à leur vie. Leurs femmes partagent cette garantie, nul n’ose se permettre de violences envers elles. A la naissance de chaque enfant, l’on réserve pour son usage un ou deux arbres de pain, qui sont Tabou pour tout autre, et dont le fruit ne peut être cueilli que par lui. Comme deux de ces arbres suffisent à la nourriture d’un homme pendant toute une année, chacun a de la sorte sa subsistance assurée. Celui qui viole le Tabou est universellement réprouvé, et ne saurait échapper aux châtiments que lui infligent certains esprits invisibles. a

Journal für Land und See Reisen. Cinquième année, juin 18121.

11 prêtres. Ils ] prêtres ; ils Rel. I,2

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13 derniers ] derniers, Rel. I,2

La référence n’est pas exacte : selon Heckewelder, «il est souvent arrivé que des messagers de paix ont été renvoyés avec des messages qui portaient qu’on était déterminé à porter le fer et la flamme dans leur pays, et qu’on ne ferait point de quartier ; cependant les ambassadeurs n’étaient point insultés, mais au contraire, traités avec respect. Ils étaient protégés tout le temps qu’il restaient dans le pays ennemi» (p. 283). BC résume et interprète des passages (le ch. 13) de la suite des «Bemerkungen auf einer Reise um die Welt, in den Jahren 1803 bis 1807, von G. H. von Langsdorff», Journal für die neuesten Land- und Seereisen und das Interessanteste aus der Völker- und Länderkunde zur angenehmen Unterhaltung für gebildete Leser aus allen Ständen, Fünfter Jahrgang, juin 1812, pp. 98–139. Dans cet article, l’auteur – il s’agit de Georg Heinrich von Langsdorff (1774–1852), médecin, naturaliste et explorateur (voir ADB, t. XVII, pp. 689–690 ; NDB, t. XIII, p. 610) – fait entre autres le récit de sa visite de l’île de Nuku Hiva (Iˆles Marquises, Polynésie française ; territoire français depuis 1842). Il souligne qu’il n’y a pas de véritable gouvernement sur cette île et ne dit donc pas, comme BC l’assure, que «toutes les lois et toute la police» de l’île «reposent sur la religion». Mais il souligne que c’est le tabou («Tabhou») qui règle la conduite des habitants. C’est, selon lui, d’un ensemble de croyances et de pratiques superstitieuses que découlent les lois des insulaires et ce qu’on pourrait appeler leur religion («was man bei ihnen Religion nennen könnte», p. 119). BC systématise, simplifie et embellit tout ce que Langsdorff dit du lien entre le tabou et la propriété

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Nous en conviendrons : nous ne pouvons nous défendre d’un attendrissement véritable en voyant la religion, sous sa forme la plus imparfaite, chez les peuples les plus ignorants, s’identifier a` toutes les idées de justice et même de bienfaisance, et, tout enfantine qu’elle est, embrasser les objets que la sagesse des législateurs a toujours garantis, veiller à la vie des citoyens, à la subsistance du pauvre, à la chasteté des femmes. Il est touchant de voir le Sauvage disposer de la sorte de ses notions confuses, et y trouver déja, pour tout ce qui lui est cher, une sauvegarde qu’il ne peut chercher dans des institutions qu’il ne connaît pas. Le sentiment que nous éprouvons deviendra plus vif et plus profond encore, quand nous verrons l’esprit humain avancer dans ses développements, et que nous retrouverons le Tabou de Nuka-Hiva, dans le Jupiter grec, protecteur des faibles et des suppliants. Si l’homme ne tirait ses idées religieuses que de l’action matérielle des objets extérieurs ; si la religion n’était qu’une combinaison de l’esprit, un résultat de l’intérêt, de l’ignorance ou de la crainte, son alliance avec la morale ne serait ni si rapide ni si infaillible. Mais la morale est un sentiment. Elle s’associe au sentiment religieux, parce que tous les sentiments se tiennent. L’adoration des êtres invisibles, et les idées d’équité, se rencontrent et s’unissent dès l’enfance des sociétés. Le fétiche du Sauvage nous semble une chimère informe et ridicule : et cependant il est heureux pour le Sauvage, pour son amélioration morale, pour son perfectionnement futur, qu’il ait un fétiche. On verra dans la suite que nous ne nous déguisons point l’abus qu’on a fait du sentiment religieux, quand on s’en est emparé, quand une classe en a voulu faire un monopole, un instrument de puissance, un objet de calcul, le privilège de quelques-uns dirigé contre tous. Mais plus nous croirons devoir flétrir, d’une réprobation rigoureuse, les atteintes portées à un sentiment si noble, plus nous devons montrer les avantages de la religion livrée à elle-même. 9 des ] les Rel. I,2 d’une part, les liens entre hommes et femmes, parents et enfants, etc. d’autre part. Ainsi, dans le récit de Langsdorff, ce ne sont pas, comme le prétend BC, les seuls «Taua», à savoir les sorciers («Hexenmeister»), qui décident de ce qui est tabou ou ne l’est pas, et Langsdorff est fort réticent à les appeler des prêtres (voir pp. 113 et 119). Il ne dit pas non plus qu’hommes et femmes sont égaux devant le tabou. Celui-ci s’avère au contraire être une source de distinctions et d’interdictions tout à fait arbitraires. Ainsi, la chair humaine est tabou pour les femmes, alors que les hommes mangent celle des ennemis qu’ils ont tués, voire celle de leurs femmes et enfants quand l’île souffre de famine (voir pp. 120 et 123– 126). Il est révélateur que BC passe entièrement sous silence l’anthropophagie des habitants de Nuku Hiva ainsi que leur croyances et pratiques superstitieuses. – Voir le Repertory, notes 757 et 758.

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Chapitre IV. Des idées d’une autre vie dans le culte des Sauvages.

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C’est surtout en considérant avec attention les conjectures des tribus sauvages sur l’état des morts et la vie à venir, que nous démêlerons clairement la lutte du sentiment religieux et de l’intérêt. Si, comme nous pensons l’avoir démontré, c’est toujours dans l’inconnu que la religion se place, le centre de toutes les conjectures religieuses doit être la mort : car la mort est de toutes les choses inconnues la plus imposante. L’homme par sa nature n’est point porté à y croire. Cette idée, lors même que sa raison l’adopte, reste toujours étrangère à son instinct. Il ne conçoit de l’univers que lui, et de lui que la vie. Plus il est près de l’état sauvage, plus son instinct est fort et sa raison faible : plus, en conséquence, son intelligence se refuse à penser que ce qui a vécu puisse mourir. Les Nègres a et plusieurs peuplades de la Sibérie b, attribuent la mort à

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OLDENDORP, Hist. des Missions, I, 299–3011. Dobritzhoffer de Abipon. II, 2402. Georgi Reise durch das Russisch. Reich. 278–312, 6003.

18 Russisch. ] Russich. Rel. I,2

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BC a sans doute utilisé l’édition allemande suivante (voir OCBC, Œuvres, t. XVIII, p. 567) : Christian Georg Andreas Oldendorp, Geschichte der Mission der evangelischen Brüder auf den caraïbischen Inseln S. Thomas, S. Croix und S. Jan, herausgegeben durch Johann Jakob Bossart, Barby et al. : Christian Friedrich Laux, 1777, 2 vol., ici t. I, pp. 299–301. Ce passage figure dans un chapitre intitulé «Von verschiedenen Verbrechen und Strafen unter den Negern». Oldendorp y rapporte l’opinion selon laquelle les nègres rendent le diable, et non pas eux-mêmes, responsable de tout de qui est mal («alles Böse», p. 299). De même, la mort est interprétée comme un effet de sorcellerie : «Es mag aber mit dem Tode eines Menschen auch noch so natürlich zugehen, so wird er doch gemeiniglich von den Negern als eine Wirkung der Zauberey angesehen ; als ob sie den natürlichen Tod für etwas unmögliches hielten.» Il est important de noter que d’un point de vue anthropologique, ces convictions sont des manifestations typiques de la pensée mythique. Les récits de voyage et les récits des missionnaires servent donc à étudier la pensée mythique en tant que fondement d’une religiosité primitive. – Voir le Repertory, note 643. Voir Martin Dobrizhoffer, Historia de Abiponibus equestri, bellicosaque Paraquariæ na-

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la colère céleste ou à la magie1 ; les Sauvages du Paraguay a, chaque fois que l’un d’eux cesse de vivre, cherchent son ame dans les buissons, et, ne la trouvant pas, disent qu’elle s’est perdue ; les Daures portent à leurs morts de la nourriture pendant plusieurs semaines : tant leur paraît extraordinaire, malgré l’expérience, le phénomène si habituel de la destruction ! Cependant la terrible conviction arrive : l’abîme sombre s’entr’ouvre, et nul regard ne peut y plonger. L’homme aussitôt remplit cet abîme par la religion. Le vide immense se peuple ; les ténèbres se colorent ; et la ter reur, si elle ne disparaît pas, se calme et s’adoucit. a

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Lettr. édif.

VIII,

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tione [...], Viennæ : Typis Josephi Nob. De Kurzbek, 1784, 3 vol., t. II, p. 240 : «Dicam paucis : Abiponum plurimi tum denique mortem oppetunt, cum vitæ satietas eos tenet, cum ætate fessi mortem ceu quietem, vitæque miseræ solamen sibi peroptant. Ex quo certe experimento enatus est communis error, ut nunquam omnino morituros se se credant, si Hispani, pæstigiatoresque venefici America abessent, horum enim artificiis, illorum armis quancunque suorum mortem tribuere solent» (t. II, p. 240). Ce passage fait partie du chapitre XXIII («De Morbis, Medicis, & Medicinis Abiponum», pp. 237–249). Traduction française du passage : «Pour le dire en quelques mots : la plupart des Abipons va enfin au-devant de la mort, quand la fatigue de la vie les tient, et quand, fatigués par l’âge, ils aspirent euxmêmes à la mort comme quiétude, comme consolation contre la misère de la vie. De cette expérience est certes née une erreur commune : ils croient qu’ils ne seraient jamais [devenus] mortels, si les Espagnols et des magiciens faiseurs de poisons (venicus : giftmischend) étaient absents de l’Amérique, car c’est aux artifices des derniers et aux armes des premiers qu’ils attribuent leur mort, quelle qu’en soit la nature.» (Note de la page précédente.) Voir J. G. Georgi, Bemerkungen einer Reise im Rußischen ` la p. 278, qui figure dans un chapitre consacré à la peuplade des Reich, t. I, pp. 278–312. A «Tungusen» (pp. 242–294), Georgi constate : «Von der Zukunft fürchten sie nichts böses, denn sie nehmen an, daß jeder Mensch hier so gut sei als er könne, und daß die Götter, ob sie ihn gleich aus Unwillen tödteten, durch seinen Tod versöhnet würden.» Aux pages suivantes (pp. 279–295), il est question du recrutement des chamanes, de leurs vêtements, pratiques rituelles, chants mythiques, etc. (un long mythe est cité en traduction). Les pp. 295–312 figurent dans un chapitre sur les «Bräten» (qui se termine à la p. 323). Ces pages contiennent une description de ladite peuplade, de ses tribus, du tempérament de ses membres, de leur manière de concevoir le temps, de leurs habitations, de leurs vêtements, de leur nourriture, de leur économie (élevage d’animaux, agriculture, chasse), etc., mais pas de leur religion. C’est seulement à partir de la p. 313 (à laquelle BC ne renvoie pas ici) qu’il en est question, plus exactement de leur dieu suprême (‘allgemeiner Gott’), de leurs idoles (‘Götzen’), de leurs rites sacrificiels et d’autres rites. Georgi constate qu’au fond, la religion des «Bräten» ne se distingue pas de celle des «Tungusen» (voir p. 313). – La p. 600, à laquelle BC renvoie également, figure dans un chapitre intitulé «Gebürgreise von Kathrinenburg bis Ufa» (t. II, pp. 551–726). Il y est question d’un rite sacrificiel auquel se livre la peuplade des «Wogulen». Ce n’est pas à la p. 600, mais à la p. 598, que Georgi mentionne leur croyance selon laquelle la mort serait une punition infligée par Thorom, leur dieu unique : «Den Tod halten sie für eine göttliche Strafe». ` noter que BC doit cette observation également à C. Meiners, Allgemeine kritische GeA schichte, t. II, p. 759 (notes de lecture, note 403 («empl. 1823»), BCU, Co 3293, no 2). La référence est exacte : Voir Lettres édifiantes, Paris : J. G. Merigot le jeune, t. VIII, 1781,

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C’est de l’idée de la mort que le sentiment religieux reçoit ses plus vastes et ses plus beaux développements. Si l’homme était pour jamais fixé sur cette terre, il finirait par s’identifier tellement avec elle, que la religion fuirait de son ame. Le calcul aurait trop de temps, la ruse trop d’avantages ; et l’expérience, ou triste ou prospère, viendrait pétrifier dans les cœurs toutes les émotions qui ne tiennent pas à l’égoïsme ou au succès. Mais la mort, qui interrompt ces calculs, qui rend ces succès inutiles ; la mort, qui saisit la puissance pour la précipiter dans le gouffre nue et désarmée, est une éloquente et nécessaire alliée de tous les sentiments qui nous sortent de ce monde, c’est-à-dire de tous les sentiments généreux et nobles. Même dans l’état sauvage, ce que la religion a de plus pur et de plus profond se tire de cette idée de la mort. Quand l’habitant des forêts de l’Amérique montre les ossements de ses pères et refuse de les quitter ; quand le guerrier captif brave en chantant les plus affreuses tortures, inquiet seulement, au sein de l’ago nie, de faire honte aux mânes de ses ancêtres, cet héroïsme est tout entier religieux. Il se compose des souvenirs du passé, des promesses de l’avenir. Il triomphe du présent : il plane sur la vie. Mais la dégradation que nous avons déja remarquée dans les conceptions du Sauvage sur ses dieux, vient aussi souiller ses notions d’une vie future. L’intérêt veut arranger ce monde idéal pour son usage ; l’intelligence veut le décrire ; et comme elle ne peut rien créer, comme elle ne peut que mettre en œuvre les matériaux déja existants, le monde idéal devient une copie de ce monde1. Les habitants du Paraguay pensent qu’on y est exposé à la faim, à la soif, aux intempéries des saisons, aux attaques des bêtes féroces, et que les

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p. 335 : «Ils croyent à l’immortalité de l’ame, mais sans sçavoir ce qu’elle devient pour la suite ; ils s’imaginent qu’au sortir du corps, elle est errante dans les bro[u]ssailles des bois qui sont autour de leurs bourgades ; ils vont la chercher tous les matins ; lassés de la chercher inutilement, ils l’abandonnent.» Ce passage figure dans la «Lettre du Pere Ignace Chomé, Missionnaire de la Compagnie de Jesus, au Pere Vanthiennen, de la même Compagnie», lettre datée «De Tarija, le 3 d’Octobre 1735» (pp. 297–337). Il faut pourtant ajouter que BC doit le renseignement sur les sauvages du Paraguay probablement d’abord à C. Meiners, Allgemeine kritische Geschichte, t. II, p. 758, comme le révèle la note 402 («empl. 1823») des notes qu’il prit de cet ouvrage (voir BCU, Co 3293, no 2). Observation empruntée à C. Meiners, Allgemeine kritische Geschichte, t. II, p. 762, comme le révèle la note de lecture 405 («empl. 1823») des notes de lecture que BC fit de cet ouvrage (voir BCU, Co 3293, no 2). Les références qui suivent dans la note 287 a (Lettr. Edif., Charlev., Ulloa), b (Voy. Au Nord) et c (Dernier voy. de Cook) sont également copiées chez Meiners.

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ombres y sont divisées en pauvres et en riches, en dominateurs et en sujets a. Les Sauvages de la Louisiane refusent de croire qu’on puisse s’y passer a

Lettr. édif. IX, 1011. CHARLEV. Hist. du Paraguay, II, 277, 2782. Ulloa. Voy. dans l’Amér. mérid. II, 1823.

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Note copiée dans le livre de C. Meiners, Allgemeine kritische Geschichte, t. II, p. 762, n. z). Voir Lettres édifiantes, Paris : J. G. Merigot le jeune, t. IX, 1781, pp. 100–101 : «Du reste, c’est un pauvre Paradis que le leur, & les plaisirs qu’on y goûte ne sont guere capables de contenter un esprit tant soit peu raisonnable. Ils disent qu’il y a de fort gros arbres qui distillent une sorte de gomme, dont ces ames subsistent ; que l’on y trouve des singes que l’on prendroit pour des Ethiopiens ; qu’il y a du miel & un peu de poisson ; qu’on y voit voler de toutes parts un grand aigle, sur lequel ils débitent beaucoup de fables ridicules, & si dignes de compassion, qu’on ne peut s’empêcher de déplorer l’aveuglement de ces pauvres peuples.» Ce passage figure dans la «Seconde Lettre Sur les Nouvelles Missions du Paraguay, au même» (pp. 67–155). La première la précède dans le même volume : «Lettre Sur les nouvelles Missions de la Province du Paraguay, tirée d’un Mémoire Espagnol du Pere Jean-Patrice Fernandez, de la Compagnie de Jesus, présenté au Sérénissime Prince des Asturies en l’année 1726, par le Pere Hiérôme Herran, Procureur de cette Province, à M ***» (pp. 5–67). Note copiée chez C. Meiners, Allgemeine kritische Geschichte, t. II, p. 762, n. z) : voir la note 407 («empl. 1823») des notes de lecture que BC prit de cet ouvrage (voir BCU, Co 3293, no 2). Le résumé de BC manque de précision – peut-être, justement, parce qu’il doit les informations qu’il résume non pas à Charlevoix directement, mais à Meiners. – Voici ce que Charlevoix dit aux pages indiquées par Meiners et BC, pages figurant dans le Livre XV de son ouvrage : «Au reste ces Indiens ne font point de leur Paradis un lieu bien charmant. Ils disent qu’on y trouve de fort gros arbres, d’où découle une gomme, qui sert de nourriture aux Ames ; qu’on y voit des Singes tout noirs ; qu’il y a beaucoup de miel, peu de Poissons, un grand Aigle, qui vole de toutes parts, & sur lequel ils débitent quantité de fables fort mal imaginées ; que tous les Dieux y ont leurs appartemens, que celui de la Vierge Mere, c’est ainsi qu’ils s’expriment parlant de la Déesse Quiposi, est le plus riche & le plus commode de tous ; que partout il y a de grands Bois & de grandes allées où l’on va prendre le frais ; que le Poisson n’y manque point pour la table des Dieux ; que les Perroquets y sont communs ; que les Ames y sont séparées en trois classes, que dans l’une sont les Ames de ceux qui se sont noïés, que l’autre est pour ceux qui sont morts dans les Bois, & la troisième pour ceux qui sont morts dans leurs Cabannes. Il n’est point question des Ames de ceux qui ont été tués à la guerre ou dans l’ivresse, & il paroît que la vertu est comptée pour rien, quand il s’agit d’entrer dans ce Paradis» (t. II, pp. 277–278). Note probablement copiée chez C. Meiners, Allgemeine kritische Geschichte, t. II, p. 762, n. z) : «Ulloa’s Nachr. II. 162.» On lit chez Meiners : «[...] daß die Einen reich und mächtig, Andere arm und gering seyn : daß die Einen herrschen, die anderen dienen : endlich daß überhaupt ein jeder fortfahren werde, wie er im Lande der Seelen ankomme». La référence à Ulloa est correcte chez Meiners. Voir Don Antonio de Ulloa, Physikalische und historische Nachrichten vom südlichen und nordöstlichen America. Aus dem Spanischen übersetzt von Johann Andreas Dieze. Mit Zusätzen. Zweyter Theil, Leipzig : bey Weidmanns Erben und Reich, 1781, p. 162, où il s’agit des «Begriffe von einer andern Welt» : «Sie geben auch auf keine Weise zu erkennen, was sie davon denken, und stellen sich vor, daß in dieser Welt so, wie in der anderen Welt, alle Classen der Menschen vollkommen gleich sind (restent les mêmes), und alle einerley Schicksal haben». BC confond la traduction des Noticias Americanas (1772) de Ulloa avec A. de Ulloa, Voyage historique de l’Amérique méridionale, Amsterdam et Leipzig : chez Arkstee & Merkus, 1752 (la même erreur p. 309, n. 2).

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de nourriture a. Les Otahitiens se flattent d’y re trouver leurs femmes et d’en avoir de nouveaux enfants b. Enfin, tel est le penchant de l’homme à a b

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Voy. au Nord, V, p. 3311. Dern. voy. de Cook, II, 164, 1652. La fable d’Orphée et d’Eurydice se retrouve presque mot à mot chez les Sauvages du Canada. Un père ayant perdu son fils, et ne pouvant se consoler de sa mort, résolut d’aller le chercher au pays des ames avec quelques compagnons fidèles. Ils affrontèrent beaucoup de périls et supportèrent beaucoup de fatigues. La troupe aventureuse, réduite aux plus intrépides et aux plus vigoureux, arriva enfin à sa destination. Ils furent d’abord entourés d’une foule d’ombres d’animaux de toute espèce au service de leurs aïeux. Les sapins et les cèdres, dont les branches se renouvelaient sans cesse, étaient parés d’une verdure éternelle ; et le soleil, descendant deux fois par jour sur cette terre, la ranimait de sa chaleur, et l’inondait de son éclat. Mais un géant terrible, roi de cette demeure des morts, menaça d’un prompt châtiment les profanes qui avaient franchi les bornes de son empire. Le père prosterné lui redemanda son fils, en étalant à ses yeux les présents destinés à le séduire. Le géant s’adoucit, et rendit au Sauvage l’ame réclamée avec tant d’instances. Celui-ci la rapportait dans une outre auprès du corps où elle devait rentrer. Une femme, entraînée par une curiosité funeste, ouvrit l’outre fatale, et l’ame retourna dans le pays des ancêtres. LECLERCQ, Relat. de Gaspesie, p. 3123. Note copiée chez C. Meiners, Allgemeine kritische Geschichte, t. II, p. 763, n. b) et c). Voir la note 406 («empl. 1823») des notes de lecture (BCU, Co 3293, no 2). L’observation sur les sauvages de Louisiane semble donc remonter à la lecture de Meiners. La source de la remarque de ce dernier est «Voyage en un pays plus grand que l’Europe, Entre la Mer glaciale & le Nouveau Mexique, par le P. Hennepin», Recueil de Voyages au Nord t. V, 1734, pp. 197–370. On y lit : «Quelques Sauvages disoient, que nous les baptisions pour les rendre nos esclaves dans l’autre monde. D’autres me demondoient, s’il y avait bonne chasse au Païs où je voulais que leurs morts allassent, après avoir été baptisez. Quand on leur répond qu’on n’y boit ni ne mange, je ne veux donc pas y aller, disent-ils, parce que je veux manger. Si on ajoute, qu’ils n’auront pas besoin de se nourrir, ils mettent la main sur la bouche par admiration, & disent, tu es un grand menteur. Est-ce qu’on peut vivre sans manger» (pp. 330–331). – Une ébauche de cette observation se trouve dans le Registre violet, p. 7, note VIII. Remarque empruntée à Meiners. Voir C. Meiners, «Kurze Geschichte der Meynungen roher Völker über die Natur der menschlichen Seelen», Göttingisches historisches Magazin, hrsg. von C. Meiners, L. T. Spittler, Hannover : Helwing, 1788, t. II, XIV, pp. 742–758. On y lit, pp. 755–756, sur les âmes chez les Otahitiens : «Die übrigen Seelen verharren in der Vereinigung mit Gott nur eine Zeitlang, und gelangen nach ihrer Wieder Geburt aus der Gottheit in die Behausungen der Seelen, wo eine ewige Finsterniß oder vielmehr Dämmerung herrsche. Hier hoffen sie, werden sich die Seelen zwar mit den Göttern erquicken, aber übrigens alle ihre ehemaligen Neigungen und Verbindungen beybehalten. Die Seelen von Feinden werden einander Treffen liefern, ungeachtet sie unverwundbar seyen ; und Männer werden ihre Weiber wieder erkennen, und Kinder mit ihnen zeugen, ungeachtet die Seelen uncörperliche Wesen sind». Meiners renvoie à Cooks letzte Reisen (Dernier Voyage du Capitaine Cook autour du monde), t. II, pp. 164–165. Le texte de la n. b résume le récit détaillé contenu dans le ch. XII «De la croïance des Gaspesiens, touchant l’immortalité de l’Ame», pp. 308–328 de Nouvelle Relation de la Gaspesie, qui contient les Mœurs & la Religion des Sauvages Gaspesiens Porte-Croix, adorateurs du Soleil, & d’autres Peuples de l’Amerique Septentrionale, dite le Canada. [...], par le Pere Chrestien Le Clercq, Paris : chez Amable Auroy, 1691. Edition moderne : New Relation of Gaspesia. With the Customs and Religion of the Gaspesian Indians, by

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conclure de ce qu’il est à ce qu’il sera, que les peuples de Guinée, les Groenlandais, les hordes de l’Amérique septentrio nale, craignent pour leurs ames une seconde mort, après laquelle, disent-ils, tout est fini pour l’homme a. Les conjectures se diversifient suivant les climats et les situations, soit locales, soit particulières ; mais elles ne changent point de nature. Celui qui n’a pas quitté le lieu de sa naissance, montre les montagnes qui bordent l’horizon et au-delà desquelles il doit un jour habiter avec ses pères ; c’est là que, porté sur son canot, il fendra la vague agitée et lancera le javelot d’un bras assuré. Celui qui souffre arrache´ à son pays attend le secourable fétiche qui doit le reporter sur l’aile des vents dans cette demeure chérie b. Il hâte a

b

Meiners Geschichte der Meinungen roher Voelker über die Natur der Seele. Gœtt. Magaz. II, 7441. Simple nature to his hope has given, Behind the cloud topt hill, an humbler heaven, Some safer world, in depth of woods embraced Some happier Island in the wat’ry waste. Pope2.

1 peuples de Guinée ] peuples de la Guinée Rel. I,2

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10 pays ] pays, Rel. I,2

father Chrestien Le Clercq, translated and edited, with reprint of the original, by William F. Ganong, Toronto : The Champlain Society, 1910. L’article de Christoph Meiners auquel BC se réfère s’intitule «Kurze Geschichte der Meynungen roher Völker über die Natur der menschlichen Seelen» et parut comme Viertes ` la page indiquée, Stück, XIV dans le Göttingisches Historisches Magazin, pp. 742–758. A Meiners parle de la croyance des Groenlandais selon laquelle l’âme des défunts doit faire un voyage de cinq jours avant d’arriver aux lieux bienheureux (glückliche Oerter) en-dessous de la Terre, voyage au cours duquel elle risque de se faire mal, voire de mourir une seconde fois : «den andern Tod sterben, nach welchem nichts übrig bleibe» (p. 744). Meiners reprend ici ce que rapporte D. Cranz, Historie von Grönland, p. 259. Le passage cité par BC figure dans An Essay on Man d’Alexander Pope (1688–1744), grand poème philosophico-didactique, paru en 1733–1734 et formé de quatre épîtres. Dans la première épître, qui s’intitule «Of the Nature and State of Man, with Respect to the Universe», Pope souligne la perfection de l’ordre de l’univers, où l’homme occupe une place appropriée. Le paragraphe où se trouve le passage que BC cite parle du rapport entre les limites de l’intelligence humaine (en particulier l’ignorance du futur) et l’espoir d’une vie future qui succédera à la vie présente marquée par des privations de toutes sortes. Ainsi, poursuit Pope, l’indigène américain que les colons européens ont privé de son sol natal n’imagine certes pas la vie future comme le fait un Européen instruit par les sciences exactes, mais le contenu de ce qu’il imagine n’en est pas pour autant vide de sens ; au contraire, les images naïves dont il peuple la vie future témoignent du besoin universel d’une justice réparatrice : «Yet simple nature to his hope has giv’n / Behind the cloud-topt hill, an humbler heav’n / Some safer world in depth of woods embrac’d / Some happier island in the wat’ry waste / Where slaves once more their native land behold / No fiends torment, no Christians thirst for gold ! / To Be, contents his natural desire / He asks no Angel’s wing, no seraph’s fire / But thinks, admitted to that equal sky / His faithful dog shall bear him company» (I, vv. 103–112). Nous citons d’après The Twickenham Edition of

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de ses vœux l’heure de son supplice, pour échapper aux monstres d’Europe et retrouver ses plaisirs passés a. Le malheureux né dans la servitude n’a que des espérances plus humbles. Tout ce que l’un de ces infortunés implorait de son idole, c’était, disait-il, de n’être plus l’esclave d’un blanc b. L’anthropomorphisme, dont s’empreignent les idées du Sauvage, a une conséquence fâcheuse. Il écarte la morale de toutes les notions sur l’état des morts ; les tribus même qui reconnaissent une demeure de félicité, une autre de tourments, ne peuplent point la première d’hommes vertueux et la seconde de criminels ; la différence des destinées tient à des circonstances accidentelles. Les habitants des îles Mariannes, tout en admettant un lieu de peines et un lieu de bonheur, ne rattachaient point cette idée a` celle de punitions et de récompenses. Ceux qui meurent d’une mort violente sont les damnés de cette mythologie ; ceux dont la mort est douce en sont les élus c. a b c

LEVAILLANT, Prem. voy. en Afrique1. ROEMERS, Nachricht von der Küste Guinea, 86–872. GOBIEN, Hist. des îles Mar. pp. 65–683.

14 Levaillant, Prem. ] Levaillant, premier Rel. I,2

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the Poems of Alexander Pope, edited by John Butt, London : Methuen & Co., 1939–1969, 12 vol., t. III/1 : An Essay on Man, edited by Maynard Mack, pp. 27–28. Voir François Le Vaillant, Voyage de M. Le Vaillant dans l’Intérieur de l’Afrique, Par le Cap de Bonne-Espérance, Dans les Années, 1780, 81, 82, 83, 84, & 85, Paris : chez Leroy, 1790, 2 vol. Un passage qui correspondrait à la remarque de BC n’a pas pu être retrouvé. Dans l’avant-dernier paragraphe du chapitre consacré au «Voyage au Cap de Bonne-Espérance» (t. I, pp. 1–92), Levaillant affirme qu’il n’a vu «aucune trace de Religion» chez les Hottentots (p. 91). Voir L. F. Römer, Nachrichten von der Küste Guinea, pp. 86–87, en particulier le passage suivant, dans lequel l’esclave répond à une question que lui a adressée un Européen : «Wenn ich sterbe, so will ich Gott bitten, dass er mich nicht in die Welt senden wolle, der Sclave eines Blanken zu werden» (p. 86). Voir Charles Le Gobien, Histoire des isles Mariannes, nouvellement converties à la Religion Chrestienne ; & de la mort glorieuse des premiers Missionnaires qui y ont prêché la Foy, Paris : Nicolas Pepie, 1700, pp. 65–58, en particulier p. 66 : «Au reste ce n’est point selon eux la vertu ou le crime, qui conduit dans ces lieux-là [c’est-à-dire dans l’enfer ou dans le paradis]. Les bonnes œuvres ou les mauvaises actions n’y servent de rien. Tout dépend de la manière dont on sort de ce monde. Si on a le malheur de mourir d’une mort violente, on a l’Enfer pour partage, & l’on est renfermé dans le Zazarraguan [nom de l’enfer]. Si l’on meurt au contraire de mort naturelle, on a le plaisir d’aller en Paradis, & d’y jouïr des arbres & des fruits, qui y sont en abondance.» Il semble toutefois que BC ait puisé les renseignements sur les îles Mariannes et la référence à Le Gobien non pas directement chez celui-ci, mais chez F. Majer, Allgemeines Mythologisches Lexicon, p. 374 (notes de lecture, BCU, Co 3293, no 1, note 81, «empl. 1823»).

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Mais il est à remarquer que toutes les fois que des voyageurs ou des missionnaires se sont prévalus de cette distinction pour en faire la base d’une justice distributive, et ont demandé à des Sauvages si les ames coupables n’étaient pas séparées des ames innocentes, ceux-ci ont adopté cette séparation avec empressement ; et bien que rien ne l’eût annoncé dans leurs récits antérieurs, elle est devenue aussitôt partie de leur croyance. On eût dit que le sentiment n’avait attendu que ce trait de lumière, et qu’il s’emparait de cette espérance, comme appartenant à son domaine. Néanmoins, de cette imitation de la vie après le trépas, résultent pour la religion un certain abaissement et pour l’homme une inquiétude constante. Des pratiques en foule sont destinées à mettre les morts au-dessus des besoins dont la tombe même ne les garantit pas. Les vivants prennent longtemps d’avance des précautions prudentes et pourvoient à leur établissement dans le séjour qui doit tôt ou tard s’ouvrir pour eux. Le chasseur fait placer auprès de lui ses flèches, le pêcheur ses filets. Quand un enfant groenlandais expire, on enterre avec lui le chien le plus fidèle pour qu’il le conduise vers les parents qui l’ont de vancé a. La même victime, immolée au pied de la couche des Hurons malades, doit annoncer leur arrivée aux ombres qui les attendent. Les Iroquois plaçaient autrefois auprès de chaque mort des armes pour combattre, des peaux pour se vêtir, des couleurs pour se peindre b. Quelques-uns, par un raffinement singua c

CRANZ, Hist. du Groënland, liv. III1. LAFITEAU, Mœurs des Sauv. II, 4132.

10 abaissement ] abaissement, Rel. I,2 1

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23 Sauv. ] Sauvag. Rel. I,2

Le passage figure dans un paragraphe du livre III consacré aux funérailles chez les Groenlandais. Cranz rapporte que beaucoup de Groenlandais pensent que dans l’autre monde, l’âme du défunt ou de la défunte continuera à se servir des outils qui lui ont servi de son vivant à se procurer de la nourriture. Et, ajoute Cranz, «solche Leute legen zu eines Kindes Grab einen Hunds-Kopf, damit die Seele des Hundes, die überall zu Hause findet, dem unmündigen Kinde den Weg zu dem Lande der Seelen weise» (Historie von Grönland, p. 301). – BC pourrait avoir puisé cette information chez Majer également (voir Allgemeines Mythologisches Lexicon, t. II, p. 245) ; elle figure parmi les notes de lecture qu’il a prises de l’ouvrage de celui-ci : voir BCU, Co 3293, no 1 (note de lecture no 157 des notes intitulées «Mayers Mythologie» ; la note est classée «empl. 1823»). Voir J.-F. Lafitau, Mœurs des sauvages, t. II, p. 413 : «Les habits dont il [le défunt] est revêtu, quelques petits pains, un peu de sagamité [mets amérindien à base de maïs], sa chaudière, son sac à petun, son calumet, une courge pleine d’huile, quelque peu de porcelaine, un peigne, des armes, des couleurs pour se peindre, & quelques autres bagatelles semblables sont toutes les provisions qu’il emporte dans l’autre monde.»

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lier, ensevelissent avec eux leur fétiche même a. Les Lapons font mettre encore aujourd’hui dans leurs cercueils de l’argent, des pierres et de l’amadou pour s’éclairer sur la route b ; et les insulaires de Carnicobar aux Indes regarderaient comme un larcin sacrilège, de priver celui qui a cessé de vivre, du service à venir des animaux qui lui appartenaient c. a b c

Culte des dieux fétiches, p. 72, trad. all1. Voy. d’Acerbi2. LEEMS, de la Rel. des Lapons3. Asiat. Research. II, 3444. Les Arabes avant Mahomet laissaient mourir de faim sur la tombe de leurs amis un chameau destiné à devenir leur monture. GIBBON, ch. 505.

8 Arabes ] Arabes, Rel. I,2 1

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Mahomet ] Mahomet, Rel. I,2

Voir Joseph-François Lafitau, Neudruck (Facsimile) der 1752 (Erster Theil) und 1753 (Zweiter Theil) in Halle bei Johann Justinus Gebauer erschienenen Allgemeinen Geschichte der Länder und Völker von America. Aus dem Französischen übersetzt von Johann Friedrich Schröter und herausgegeben von Siegmund Jacob Baumgarten. Titre du reprint : Die Sitten der amerikanischen Wilden im Vergleich zu den Sitten der Frühzeit, herausgegeben und kommentiert von Helmut Reim, Leipzig : Edition Leipzig et Weinheim : VCH, 1987. Voir sur le culte des fétiches p. 72 : «Unter diesen Götzenbildern befanden sich symbolische, die von ungeheurer und abscheulicher Gestalt waren, unter denen der Dämon ihrem Vorgeben nach ihnen oftermalen erschienen, und die sie aus Furcht verehreten. Andere waren nur gröblich ausgearbeitet mänliche oder weibliche Bilder. An einigen Orten waren sie nichts anders als kleine ungestalte Puppen von Kattun oder Holz, welche der abergläubige Pöbel mit Ehrerbietung verwarete : oder es waren auch wol gar nur die Gebeine ihrer Oberhäupter oder ihrer Wahrsager, nach dem Zeugnis des Antonius Ruis». Voir G. Acerbi, Voyage au Cap-Nord, t. III, section XXIII : «Cérémonies des funérailles en Laponie» (pp. 235–245). BC se souvient surtout du passage suivant : «[...] il est bon de remarquer qu’à l’instar des anciens Lapons, ceux qui ne sont que faiblement attachés au culte catholique, mettent avec le cadavre une hache, une pierre à fusil et un briquet ; ils donnent pour raison de cet usage, que puisque le mort doit errer dans les lieux obscurs, il a besoin de la lumière que pourra lui procurer la pierre et le briquet, et que pour s’ouvrir une voie à travers les bois où il est enseveli, il lui faudra une hache lorsque viendra pour lui le jour du jugement» (p. 239). C’est seulement plus loin qu’il est question d’argent : il s’agit de l’argent en espèces que les Lapons cachent avec soin de leur vivant, de sorte que leurs héritiers ne peuvent guère compter sur ces «richesses monnayées» (p. 244). Nulle part, il n’est question d’argent que les Lapons mettraient avec les défunts. Voir K. Leem, Nachrichten von den Lappen, p. 245 : ici non plus, il n’est pas question d’argent, mais de la nourriture et des armes que les Lapons mettent dans le cercueil du défunt. L’information figure dans l’article «A short description of Carnicobar, by Mr. G. Hamilton. communicated by Mr. Zoffany», Asiatick Researches, t. II, 1790, pp. 337–344, ici p. 342 (et non pas p. 344) : «When a man dies, all his live stock, cloth, hatchets, fishing lances, and in short every moveable thing he possessed is buried with him, and his death is mourned by the whole village.» Pour donner un exemple de cette coutume, l’auteur fait ensuite le récit des funérailles d’une vielle femme, cérémonie dont il fut témoin. Une ébauche de cette note se lit dans le Livre verd, p. 76, note CCCXIX. Voir Edward Gibbon, The History of the Decline and Fall of the Roman Empire [1776-

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De la Religion, I

Qui ne reconnaît ici l’action combinée de l’intérêt et du sentiment ? Ce que le Sauvage fait pour lui-même n’est que de l’égoïsme : ce qu’il fait pour les morts qu’il a aimés est de la religion. Consolatrice dès cette époque, la religion trompe la douleur. Le père qui ensevelit avec le jeune guerrier son arc et ses javelots se le représente parcourant les forêts d’un autre monde, plein de la vigueur qui flattait naguère l’orgueil maintenant brisé du cœur paternel. Un voyageur s’étant arrêté dans une cabane, trouva deux Sauvages au désespoir de la perte d’un fils âgé de quatre ans. Le père mourut quelques jours après ; aussitôt les pleurs de la mère s’arrêtèrent ; elle parut calme et résignée. Interrogée par le voyageur, l’idée que son enfant en bas âge ne pourrait trouver sa subsistance dans le pays des ames avait, réponditelle, causé ses angoisses ; maintenant que son époux était auprès de lui, elle était tranquille sur sa destinée, et n’aspirait qu’à les rejoindre a. Malheureusement ces opinions et les pratiques qu’elles consacrent, de consolantes qu’el les sont d’abord, ne tardent point à devenir cruelles. En Nigritie b, et chez les Natchez c, et chez les Caraïbes d, on enterrait des esa b c d

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Carver’s travels through north America1. Iserts Reise nach Guinea, 179–1802. DESMARCHAIS, Voy. en Guinée, I, 3153. CHARLEVOIX, Journal, p. 4214. Oldendorp Beschreib. der Caraib. I, 3175. CAVAZZI, Hist. de l’E´thiop. occid. I, 3966. BERNIER, II, 1137.

1788]. The 1996 Project Gutenberg Edition produced by David Reed, 1996, volume V, ch. L, «Description of Arabia and its Inhabitants» – Part II : «A camel was left to perish on the grave, that he might serve his master in another life». – Voir le Repertory, note 586, qui renvoie à une étude des Asiatic Researches. Voir J[onathan] Carver, Travels through the Interior Parts of North America, in the Years 1766, 1767, and 1768, London : J. Walter, S. Crowder, 1778. Le résumé de BC correspond à une anecdote que Carver raconte dans le ch. 15 : «Of the Manner in which they treat their Dead» (pp. 398–407 ; ici pp. 403–404). L’auteur exprime l’attendrissement que la «unaffected tenderness» et «plaintive melancholy» de l’Indienne lui firent éprouver (p. 405). On retrouve ici l’esthétique du sentiment religieux, disposition sentimentale chère à BC. Voir Paul Erdmann Isert, Neue Reise nach Guinea und den Caribäischen Inseln in Amerika, in den Jahren 1783 bis 1787 nebst Nachrichten von dem Negerhandel in Afrika, Berlin et Leipzig : s.éd., 1790, p. 182 : «Sie haben einen dunkeln Begrif von der Auferstehung. Sie glauben, daß der Mensch nach dem Tode nur in eine andere Welt übergeht, in der er in eben der Charge, die er hier bekleidet hat, eingesetzt werde. Hieraus fließet auch der barbarische Gebrauch, wenn ein König oder anderer Großer stirbt, daß sie eine Menge seiner Weiber und Sklaven hinrichten, und mit ihm begraben, damit er sie sogleich in jener Welt gebrauchen könne. Von der Hölle haben sie keine Idee.» Ce passage figure dans le ch. VIII : «Geschichte der Akraer, ihre Religion, Sprache, Kleidung, Gewerbe, Nahrungsmittel und Krankheiten» (pp. 151–205). Voir J.-B. Labat, Voyage du Chevalier Des Marchais en Guinée, t. I, p. 315 : il s’agit de

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claves avec leurs maîtres, des prisonniers avec leurs vainqueurs, des femmes même avec leurs époux. Les Jakutes n’ont renoncé que très-récemment à cet usage. Les tribus américaines tourmentent leurs captifs en l’hon-

1 prisonniers avec leurs ] prisonniers avec les Rel. I,2

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l’enterrement du roi. «Quand le cadavre commence à se corrompre, quatre esclaves l’emportent sans cérémonie, & le vont enterrer dans un bois ; ils ne disent jamais le lieu où ils l’ont placé. Si quelques-unes des femmes du Roi défunt les suivent, ils les tuent & les enterrent avec lui. Ils mettent dans la même fosse ses Fetiches, ses hardes, ses armes, les choses qu’il aimoit le plus quand il vivoit, des vivres & des boissons, & quand ils ont bien couvert la fosse, ils reviennent au Palais, se mettent à genoux à la porte sans rien dire, rendent le col afin qu’on les tuë & qu’ils aillent ainsi servir leur maître en l’autre monde, étant persuadez qu’il les recompensera de leur fidelité, en leur donnant les plus belles charges de ses Etats.» Ce passage figure dans le ch. XII intitulé «Des mœurs & des coutumes des peuples de la côte d’Or» (pp. 277–335). (Note de la page précédente.) La référence manque quelque peu de précision dans la mesure où Charlevoix, à l’endroit indiqué, souligne qu’à la mort du «Chef» ou de la «Femme Chef», non seulement leurs ‘esclaves’, ‘prisonniers’ ou ‘épouses’, mais «tous leurs Alloués sont obligés de les suivre en l’autre monde [...]. Il y a tel Chef, dont la mort coûte la vie à plus de cent personnes, & on m’a assûré qu’il meurt peu de Natchez considérables, à qui quelquesuns de leurs Parens, de leurs Amis, ou de leurs Serviteurs, ne fassent pas cortége dans le Pays des Ames» (Journal, p. 421 ; éd. critique, p. 806). (Note de la page précédente.) Voir C. G. A. Oldendorp, Geschichte der Mission der evangelischen Brüder, t. I, p. 317. La référence de BC est exacte. Le passage figure dans un chapitre intitulé «Von den Kenntnissen der Neger, ihrem Tode und Begräbniß». (Note de la page précédente.) Voir G. A. Cavazzi, Relation historique de l’Ethiopie occidentale, t. I, pp. 395–396 : selon la «coûtume de ces Peuples idolâtres» (p. 395), deux femmes giagues se disputent le droit d’être enterrées avec le cadavre d’un officier dont elles furent les concubines. La reine accorde cette «grace» (p. 396) aux deux. (Note de la page précédente.) Voir François Bernier, Voyages de François Bernier [...] contenant la description des Etats du Grand Mogol, de l’Hindoustan, du royaume de Kachemire [...], Amsterdam : P. Marret, 1699, 2 vol. La référence est exacte, bien qu’il ne s’agisse évidemment pas des Caraïbes : le passage figure dans une «Lettre à Monsieur Chapelain. Touchant les Superstitions, étranges façons de faire, & Doctrine des Indous ou Gentils de l’Hindoustan» (t. II, pp. 97–168). Il s’agit d’une femme indienne qui, croyant à la métempsychose, se brûle sur le bûcher de son mari pour le suivre. L’auteur explique «qu’elle luy avoit promis de ne luy point survivre». Ensuite, cinq femmes, qui sont les esclaves de l’épouse, se précipitent l’une après l’autre dans le feu, par «tendresse envers cette Maitresse» et afin de «la suivre dans sa résolution» (p. 113 ; voir la gravure qui illustre ce passage). – C’est d’ailleurs le sujet d’une célèbre ballade de Goethe : «Der Gott und die Bajadere».

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neur de leurs ancêtres a ; elles invoquent, pendant les tortures de ces malheureux, les mânes des héros morts en combattant b. Dans l’île de Bornéo, les habitants croient que ceux qu’ils tuent deviennent leurs esclaves dans l’autre vie, et cette idée multiplie à l’infini les assassinats c. Chez toutes ces peuplades, le temps se partage en embuscades pour surprendre et en négociations pour acheter des victimes. Tel est le danger peu remarqué jusqu’ici d’appliquer à l’inconnu des idées connues. a b c

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CHARLEVOIX, p. 3521. CHARLEVOIX, p. 2472. Chez les montagnards du nord-est du Bengale, aux funérailles d’un homme distingué, on coupe la tête à un buffle, et on la brûle avec le corps. Le buffle devient la propriété du mort dans la vie future. Aux funérailles d’un Bonneah ou chef, c’est la tête d’un esclave qu’on coupe et qu’on brûle ; et à celles d’un chef du premier rang, ses esclaves font des incursions hors de leurs montagnes, et saisissent quelque Indou de la plaine, qu’ils immolent de la même manière. As. Res. III, 283. ` l’endroit indiqué, Charlevoix parle du Il s’agit ici vraisemblablement d’un malentendu. A «Pays des Ames», et il explique que dans ce pays, il y a un «lieu de souffrances», «où sont tourmentées les Ames des Prisonniers de guerre, qui ont été brûlés, & où elles se rendent le plus tard qu’elles peuvent.» Cette idée, poursuit l’auteur, «est cause qu’après la mort de ces Malheureux, dans la crainte que leurs Ames ne demeurent autour des Cabannes, pour se venger des tourmens, qu’on leur a fait souffrir, on a grand soin de visiter partout, & de donner sans cesse des coups de baguette, en poussant des cris affreux, pour obliger ces Ames à s’éloigner» (P.-F.-X. de Charlevoix, Journal, p. 352 ; éd. critique, p. 694). Charlevoix ne dit donc pas que ces prisonniers étaient torturés en l’honneur des ancêtres des tortionnaires. – La remarque sur les «tribus américaines [qui] tourmentent leurs captifs en l’honneur de leurs ancêtres» se trouve pourtant presque mot pour mot dans les notes de lecture que BC prit de l’ouvrage de C. Meiners, Allgemeine kritische Geschichte ; en l’occurrence, il s’agit de la note no 93 («empl. 1823») qui se réfère au t. I, p. 302 de l’ouvrage de Meiners ; voir BCU, Co 3293, no 2. – Voir le Repertory, notes 587 et 589. ` l’endroit indiqué, Charlevoix parle des captifs destinés à être sacrifiés : «[...] on leur A donne les noms de Fils, de Freres, ou de Neveux, suivant la Personne, dont ils doivent par leur mort appaiser les mânes». Parfois, ajoute-t-il, on leur abandonne même «des Filles, pour leur servir comme de Femmes pendant tout le tems, qu’il leur reste à vivre.» Mais quand une telle femme est avertie «que tout est prêt pour l’exécution», elle se métamorphose en une «Furie» qui «commence par invoquer l’ombre de celui qu’elle veut venger» (Journal, pp. 246–247 ; éd. critique, p. 523). Ensuite, Charlevoix soulève la question de savoir ce qui chez les sauvages produit l’«inhumanité» (p. 247 ; éd. critique, p. 525), dont témoignent ces sacrifices de prisonniers. – L’observation de BC qui appelle le renvoi à Charlevoix est en réalité le fruit de la lecture de C. Meiners, Allgemeine kritische Geschichte, t. II, p. 89, comme le révèle la note 191 des notes de lecture que BC prit de cet ouvrage (voir BCU, Co 3293, no 2). BC résume de manière correcte un passage de J. Eliot, «Observations on the Inhabitants of the Garrow Hills», p. 28. Eliot ne parle pourtant pas de l’idée selon laquelle le buffle devient la propriété du mort dans sa nouvelle vie. C’est BC qui tire cette conclusion du passage cité plus haut. La note est reprise textuellement du Livre verd, p. 56, note CCXXIV. Voir le Repertory, note 585.

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Pour habiter un monde pareil au nôtre, il faut que l’ame ressemble au corps. Les Sauvages la comparent a` l’ombre qui le suit sur la terre, et dont la vue a probablement contribué à leur suggérer cette comparaison a. Plusieurs la croient d’une matière invisible et impalpable b. Le sommeil et les rêves leur donnent l’idée qu’elle peut exister séparée de ses organes. Les Groenlandais disent1 qu’abandonnant alors son enveloppe grossière, elle chasse, danse ou voyage dans des lieux éloignés. Mais elle demeure toujours néanmoins dépendante de ce corps, dont les accidents et les souffrances l’atteignent. Quand il est mutilé, l’ame l’est aussi2 ; elle se ressent de cette mutilation par-delà le trépas, et elle en porte à jamais les traces ; aussi les Nègres redoutent-ils beaucoup moins d’être mis à mort que privés de quelques membres c ; et l’une des facultés dont se targuent le plus les a

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Chez les Patagons, l’ame est l’image transparente de l’homme vivant ; et l’écho qui retentit du creux des rochers n’est autre chose que la réponse des ames quand on les appelle. Les peuples même qui pensent qu’elles passent dans les corps des animaux, se les représentent sous une figure humaine, inconséquence de l’anthropomorphisme, qui en admet bien d’autres3. Meiners, Gesch. der Mein. roher Vœlker ueb. die Natur der Seele. Gœtt. Mag. II, 7464. Roemers Nachr. von der Küste Guinea, p. 425. SNELLGRAVE, Nouv. relat. de la Guinée, 2186.

15 les corps ] le corps Rel. I,2 1

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BC emprunte cette information à C. Meiners, Allgemeine kritische Geschichte, t. II, p. 763 : «Nach Meinung der Grönländer verläßt die Seele selbst den lebenden Leib sehr oft in Verzückungen, und in Träumen, um auf den Tanz, oder auf die Jagd, oder auf nahe und ferne Reisen zu gehen». Il renvoie à D. Cranz, Historie von Grönland, pp. 259–259. Voir la note 395 («empl. 1823») des notes de lecture de BC (BCU, Co 3293, no 2). Réflexion suggérée par C. Meiners, Allgemeine kritische Geschichte, t. II, p. 723 ; voir la note 392 («empl. 1823» ; BCU, Co 3293, no 2). BC doit cette note à C. Meiners, «Kurze Geschichte der Meynungen roher Völker über die Natur der menschlichen Seelen», p. 747 : «Die Patagonier halten die Seelen für Bilder oder Schatten, oder auch für den Wiederhall ; wo sie also diesen hören, da glauben sie, daß die abgeschiedenen Seelen ihnen antworten». Meiners renvoie à Charlevoix, t. II, p. 295 (Histoire du Paraguay). – Une ébauche de cette note se trouve dans le Registre violet, p. 7, note VI. ` la page citée, Meiners fait un résumé des informations sur les croyances des Iroquois, A résumé qu’on retrouvera chez F. Majer (Allgemeines Mythologisches Lexicon, pp. 515–518) et qui, chez les deux auteurs, se base sur Charlevoix. Voir C. Meiners, «Kurze Geschichte der Meynungen roher Völker über die Natur der menschlichen Seelen», p. 746 (avec renvoi à Charlevoix, p. 351). BC tire la conclusion des paroles d’un prêtre noir rapportées par L. F. Römer (Nachrichten von der Küste Guinea, pp. 41–42). Voir William Snelgrave, Nouvelle Relation de quelques endroits de Guinée, et du commerce d’Esclaves qu’on y fait [...], Amsterdam : aux dépens de la Compagnie, 1735, p. 218. (Il s’agit de la traduction française de l’original anglais : A New Account of Some Parts of Guinea, and the Slave Trade, London : s.éd., 1734). Le passage auquel renvoie BC figure

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Angekoks du Groenland et qui les rend particulièrement recommandables aux yeux des fidèles, consiste à guérir, ou, pour parler leur langue, à raccommoder les ames blessées. Chose bizarre ! Cette opinion, qui nous paraît si absurde, et presqu’au dessous de l’enfance de l’état social, se reproduit à l’autre extrême de la civilisation. Lorsque les Mogols eurent conquis la Chine, ils ordonnèrent aux vaincus de se raser la tête à la manière des vainqueurs. Des Chinois en foule préférèrent le dernier supplice, de peur que leurs ames, paraissant chauves devant leurs ancêtres, n’en fussent méconnues et repoussées1 b. On serait tenté de supposer que la notion de la métempsycose est incompatible avec ces idées. Mais l’homme, dans le vague où il s’agite, n’en est pas à cette contradiction près2. La métempsycose est en elle-même une conception fort naturelle. L’instinct des animaux ressemble quelquefois à la raison : et lorsqu’on reconnaît dans leurs actions les motifs qui dirigent les actions humaines, on est tenté de chercher dans leurs corps les ames qui ont disparu. Nous remarquons, en b

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Un passage de l’E´vangile nous donnerait à croire que, parmi ceux des Juifs qui ne rejetaient pas l’immortalité de l’ame, plusieurs supposaient sa résurrection dans l’état du corps. «Il vaut mieux,» y est-il dit, «que tu renaisses à la vie éternelle boiteux, borgne, ou estropié, que si tu allais en enfer avec tous tes membres.» E´vang. selon saint Marc, IX, 43 ; selon saint Mathieu, XVIII, 3–93.

dans le Livre II et fait partie du récit de l’exécution d’un ‘nègre’ fait esclave qui tua un blanc dans le vain espoir de s’évader : «Quand on eut amené le Corps sur le pont, on en sépara la tête, que je fis jetter par-dessus le bord du Navire. Ce que je me proposois en cela, étoit de faire voir à nos Nègres la manière dont nous punissions tous ceux qui se rendoient coupables de pareils crimes ; parce qu’il y a bien des Noirs, qui croient que si on les met à mort, pourvu qu’on ne sépare pas les membres de leurs Corps, ils retourneront dans leur Patrie, après avoir été jettés par-dessus le bord» (p. 218). – Voir le Repertory, note 584. BC exploite Meiners, Allgemeine kritische Geschichte, t. II, p. 736. Voir la note no 399 des notes de lecture (BCU, Co 3293, no 2 ; «empl. 1823») et le Repertory, notes 77 et 959. L’observation sur la contradiction entre la croyance à la métempsychose et des pratiques qui ne s’accordent pas avec cette opinion remontent à C. Meiners, Allgemeine kritische Geschichte, t. I, pp. 293–294, comme le révèle la note no 89 des notes de lecture de BC (BCU, Co 3293, no 2 ; voir aussi dans ce dossier la note no 412, qui se réfère au t. II, p. 789, de l’ouvrage de Meiners. Les deux notes sont marquées comme «empl. 1823»). Ce passage remonte à la note no 16 des notes que BC a classées sous le titre de «Beyträge» (BCU, Co 3293, no 2 ; «empl. 1823»). BC exploite l’article anonyme «Über die jüdische Theologie», Beyträge zur Beförderung des vernünftigen Denkens in der Religion, Heft 5, 1783, pp. 23–52, et plus particulièrement pp. 41–42. Le périodique a été fondé par le néologue Heinrich Corrodi (1752–1798), élève de Johann Salomo Semler de l’université de Halle. Il se peut que l’article soit de la plume de Corrodi qui, craignant la censure de l’orthodoxie, a publié beaucoup de travaux anonymement.

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conséquence, chez presque toutes les tribus Sauvages quelques notions de métempsycose. Mais cette hypothèse ne satisfait aucun des besoins ultérieurs de l’imagination ; en conséquence, dans la religion pratique, elle est ou rapide ment délaissée, ou séparée de toutes les inférences qui en découlent. Bien que les Groenlandais y croient1, et que les pauvres parmi eux s’en servent pour obtenir les bienfaits des riches a, ils enterrent avec leurs enfants des chiens destinés à leur servir de guides. Les Iroquois, chez lesquels, par une conformité singulière, le grain qu’on enfouit dans la terre est le symbole de l’immortalité, comme dans les mystères et dans l’E´vangile, et qui ensevelissent les restes de leurs parents au bord des sentiers, afin que leurs ames soient plus à portée d’animer les corps formés dans le sein des femmes grosses, n’en parlent pas moins d’un autre monde, où les morts recommencent les occupations de celui-ci b. Cependant le sentiment religieux, qui améliore tout ce qui tombe sous son influence, paraît se prévaloir, dès l’état sauvage, de cette notion de la métempsycose, pour y placer un mode d’épuration graduelle et un exercice de la justice divine. Suivant les habitants des montagnes de Rajamahall, le corps des animaux est le séjour des ames dégradées c, et si le vice rapproche l’homme de la brute, la vertu doit le rapprocher de la Divinité. Rien ne ressemble plus aux migrations des ames si célèbres dans la philosophie sacerdotale égyptienne et dans les mystères grecs, où cette philosophie fut transplantée.

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Quand un Groënlandais riche a perdu son fils ou sa fille, les femmes de la classe indigente cherchent à lui persuader que son ame a passé dans le corps d’un de leurs enfants, et l’engagent à en prendre soin2. MAYER, Mythol. Lexicon3. Asiat. Res. IV, 324.

BC puise cette information chez F. Majer, Allgemeines Mythologisches Lexicon, p. 242 (Notes de lecture, «Mayers Mythologie», BCU, Co 3293, no 1, note no 156 «empl. 1823»). C’est à D. Cranz, Historie von Grönland, p. 258, que remonte cette observation. Voir Majer, Allgemeines Mythologisches Lexicon, t. II, pp. 516 et 532 (BC résume correctement) et les notes de lecture «Mayers Mythologie», nos 203 et 204, BCU, Co 3293, no 1. Voir «On the Inhabitants of the Hills near Ra’jamahall, By Lieutenant Thomas Shaw», Asiatick Researches, t. IV, 1795, pp. 45–107. L’information citée par BC se trouve à la p. 46 (et non pas p. 32) : «Their opinions on the metempsychosis, it is probable, have been borrowed from the Hindus, though they profess no particular veneration for the cow, or any other animal ; for they believe it a punishment, when GOD ordains a human soul to transmigrate into any of the brute creation ; and it is also a recieved opinion, that, for certain crimes in this life, souls are condemned to the vegetable world.»

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Après avoir façonné sa demeure à venir plutôt d’après ce qu’il conçoit que d’après ce qu’il désire, le Sauvage voudrait la décorer de couleurs brillantes. Il voudrait qu’elle fût plus riche en plaisirs que son habitation sur la terre. Le Lapon, que tourmente un ciel ennemi, se commande d’espérer un climat plus doux et une meilleure espèce de rennes a. Cependant, malgré l’espoir qu’il s’impose, il est frappé d’une terreur invincible. En dépit de lui-même, il se peint la situation qui lui est réservée comme malheureuse. Le spectacle des derniers moments, les an goisses et les convulsions de l’agonie répandent sur la demeure inconnue dont la route paraît si terrible, une teinte lugubre qui défie tous les efforts de l’imagination pour la dissiper. Les ames se logent, disent les Patagons, dans le corps d’oiseaux aquatiques qu’on distingue à leur vol pénible et à leurs sifflements lamentables. Les aliments dont les morts se nourrissent, suivant les habitants du Chili, sont de saveur amère et de couleur noire1. Ainsi, dans l’enfer homérique, les astres sont plus ternes et les fleurs plus sombres. C’est la conception du Sauvage, revêtue des images de la poésie. Les rêves de l’intérêt, quels qu’ils soient, ne parlant qu’à la partie égoïste de notre nature, ne satisfont point le sentiment religieux, qui seul peut a

Georgi Russ. Vœlker kunde, p. 3832.

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L’ébauche de ces phrases se trouve dans le Livre verd, p. 2, note IX. Voir aussi p. 11, note LX. Voir Johann Gottlieb Georgi, Beschreibung aller Nationen des Rußischen Reichs, ihrer Lebensart, Religion, Gebräuche, Wohnungen, Kleidungen und übrigen Merkwürdigkeiten, St. Petersburg : Carl Wilhelm Müller, 1776–1780, 4 vol. La pagination des quatre volumes est continue. La p. 383 figure dans un chapitre du vol. III (1777), qui a comme sous-titre «Samojedische, mandshurische und ostlichste sibirische Nationen». Ce chapitre s’intitule «Das Schamanische Heidenthum» (pp. 375–396). Il y est bien question des idées superstitieuses que les peuplades païennes de l’empire russe se font de l’au-delà, mais Georgi n’y parle pas des espérances des Lapons que mentionne BC. Sur les Lapons, voir aussi le t. I, pp. 1–14. – L’énigme se résout quand on s’aperçoit que la note ainsi que le renseignement qui la précède furent copiés par BC chez Heeren, dans la partie du livre de celui-ci qui concerne l’Asie : Heeren y dit que les rares habitants de l’extrême Nord de l’Asie, à savoir la Sibérie, appartiennent tous à des peuplades de chasseurs et qu’ils sont d’un grand intérêt pour l’anthropologue («Beobachter der Menschheit»), «weil sie ihm zeigen, daß der Mensch, und wie der Mensch bis zu der Nähe des Nordpols, selbst noch in denjenigen Gegenden lebt, wo auch der rohe Wilde es empfindet, daß sie für seine Natur nicht mehr passen ; und für das was er hier entbehren muß, jenseit des Grabes, in einem Lande wo eine bessere Rennthierjagd ist, Ersatz zu finden hoft [suit la référence à Georgi en bas de page]» (A. Heeren, Ideen, t. I, pp. 70–71). BC résume ce passage et copie la référence à Georgi dans la première des notes de lecture intitulées «Heeren sur l’Asie» (voir BCU, Co 3293, no 2). Cette note est marquée dans la marge comme «empl. 1823».

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l’emporter sur la répugnance physique que l’image de la destruction inspire à tous les êtres vivants. Ce sentiment ne prend aucune part à ces paradis fantastiques qui ne s’adressent qu’aux yeux et aux sens. Mais de temps à autre brille une notion inattendue, qui ressemble à l’éclair sillonnant la nuit. L’idée d’une réunion éternelle avec le grand Esprit apparaît quelquefois subitement parmi les vagues conjectures du Sauvage, et c’est ainsi qu’au sein de la barbarie, plane confuse encore la noble hypothèse qui doit un jour consoler Socrate ; système sublime qui, nourrissant l’homme de la seule espérance propre à contenter son ame, remplit le martyr d’exultation et le mourant de confiance. Toutefois, à l’époque où nous sommes forcés de nous arrêter, les lueurs incertaines qui frappent par intervalles les regards du Sauvage ne suffisent point pour le rassurer. Il cède aux impressions visibles, et ces impressions le découragent et l’épouvantent. Ces morts qu’il voulait placer dans un lieu de plaisirs, il les voit errer tristement autour des habitations qu’ils ont délaissées. La faim, la soif, le froid les tourmentent, et leur souffrance habituelle leur inspire du ressentiment et de la haine contre les hommes1 a. Suivant les Caraïbes2, ils revêtent a

MARINY, Nouvelles des royaumes de Tunquin et de Lao, p. 3953.

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Ce passage expliquant que les âmes des morts sont malfaisantes, qu’il ne faut pas prononcer les noms des morts, etc., s’inspire de C. Meiners, Allgemeine kritische Geschichte, t. I, pp. 299–305 (notes de lecture nos 92 et 94 («empl. 1823») BCU, Co 3293, no 2). Voir la version originale manuscrite de cette remarque et de la note qui suit dans BCU, Co 3293, no 2 (première d’une série de 55 notes qui occupent trois pages). Sur la même feuille, BC renvoie plusieurs fois à F. Majer, Mythologisches Taschenbuch, oder Darstellung und Schilderung der Mythen, religiösen Ideen und Gebräuche aller Völker, Weimar : im Verlage des Landes-Industrie-Comptoirs, 1811–1812, 2 vol. Aurait-il copié les notes sur les Caraïbes dans l’ouvrage de Majer ? Voir Giovanni Filippo de Marini, Relation nouvelle et curieuse des royaumes de Tunquin et de Lao [...], Paris : Gervais Clouzier, 1666. Le passage auquel BC renvoie figure dans le chapitre IV («Des differentes Sectes des Langiens», pp. 376–400) de la partie du livre qui a comme titre «Histoire novvelle et cvrievse des royavmes de Tvnqvin et de Lao [...]». Dans ce passage, l’auteur dénonce la «folie de ceux qui parlent de l’estat de la vie future, & qui disent que les ames apres leur separation & qu’elles sont sorties du corps, se retirent dans vn coin de la maison, & que les heritiers sont punis auec seuerité, s’ils manquent de leur rendre l’honneur qui leur est dû, & conformément à leur qualité, soit a` leur faire vn superbe festin, ou à s’acquiter enuers eux d’autres cérémonies desquelles il ne peuuent pas se dispenser sans violer leurs loüables coustumes ; & qu’au contraire celuy là reçoit de grandes recompenses temporelles, quand en ces occasions il se conforme à la loy, & qu’il donne des marques de sa liberalité» (p. 394). Plus loin, l’auteur ajoute que, quand ils sont malades, «ils implorent incontinent le secours & les suffrages de ces ames, qu’ils pretendent se rendre fauorables par les presens qu’ils leur font de plusieurs mets exquis & delicats : ils les inuitent de manger auec eux : ils s’entretiennent en semble comme si elles estoient presentes, & qu’elles entendissent & qu’elles vissent ce qui se fait & ce qui se voit» (p. 395).

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la forme de venimeux reptiles ou de démons malfaisants a. Les habitants d’Otahiti et de la Nouvelle Hollande, les insulaires d’Amboine, pensent qu’ils se glissent dans les huttes, et s’abreuvent du sang de ceux qu’ils surprennent endormis b. Les Tschérémises entourent les tombeaux, afin que a

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DUTERTRE, Hist. gén. des Antilles, II, 3721. ROCHEF., Hist. nat. et mor. des Antilles, II, ch. 42. DELABORDE, Rel. des Caraïbes, Collection des voy. faits en Afrique et en Amérique, p. 153. FORSTERS’S, Observ. dur. a voy. round the World, 4704. COLLIN’S, Account of New Southwales, I, 594–5965. Note copiée chez F. Majer (voir ci-dessus, p. 285, n. 2). J.-B. Du Tertre parle à l’endroit indiqué (Histoire générale des Antilles, t. II, p. 372) des trois âmes que l’homme a selon les sauvages et dont deux deviennent des esprits malfaisants. Note copiée chez F. Majer (voir ci-dessus, p. 285, n. 2). Voir César de Rochefort, Histoire naturelle et morale des Iles Antilles de l’Amérique, Rotterdam : chez Arnould Leers, 1658. C’est dans le ch. II, 14 («Continuation de ce qu’on peut appeler Religion parmy les Caraïbes : de quelques unes de leurs Traditions : & du sentiment qu’ils ont de l’immortalité de l’ame», pp. 423–433) que Rochefort parle de l’image que se font les habitants des Caraïbes de l’existence qu’ils mèneront après la mort (voir pp. 429–431), mais ni ici ni dans le dernier chapitre, où il est question de leurs rites funéraires (ch. II, 24, pp. 509–514), il ne dit que, selon eux, les morts «revêtent la forme de venimeux reptiles ou de démons malfaisants». Note copiée chez F. Majer (voir ci-dessus, p. 285, n. 2). Il s’agit du «Voyage qui contient une Relation exacte de l’Origine, Mœurs, Coûtumes, Religion, Guerres & Voyages des Caraibes, Sauvages des Isles Antilles de l’Amerique», dans Louis [Lodewyk] Hennepin, Voyage curieux du R. P. Louis Hennepin [...], Leiden : Van der Aa, 1704. La source d’après laquelle BC cite ou pense citer n’a pu être retrouvée. Dans l’édition de la «Relation» qui forme l’annexe du texte de Hennepin (voir ci-dessus), il est bien question de la religion des Caribéens, de leurs bons et mauvais esprits, etc., mais non pas de démons malfaisants dont, selon eux, les morts revêtiraient la forme. Voir J. R. Forster, Observations Made During a Voyage Round the World, p. 543, où Forster rapporte ce que pensent les Tahitiens d’une espèce de démon qu’ils appellent «Tèehee». Il s’agit de l’être qui comprend les différents sens et forme les pensées. Après la mort, il continue à exister indépendamment du corps. Forster ajoute : «[...] they informed us farther, that these Tèehees inhabit chiefly the wooden figures, which are erected near the marais ; and are, according to the sex of the person deceased, either males or females : they are likewise dreaded ; for according to their belief, they creep, during night, into the houses, and eat the heart and entrails of the people sleeping therein, and thus cause their death.» Voir David Collins, An Account of the English Colony in New South Wales, London : T. Cadell, Jun. and W. Davies, 1798–1802, 2 vol., t. I, pp. 594–596. Ces pages figurent dans un chapitre intitulé «Superstition», qui fait partie de l’appendice au t. I. Il y est question entre autres de ce que les indigènes australiens racontent aux colons anglais au sujet des esprits des morts et de la manière dont ceux-ci peuvent prendre possession des vivants qui choisissent de dormir près du tombeau d’une personne défunte : «[...] during that awful sleep the spirit of the deceased would visit them, seize them by the throat, and, opening them, take out their bowels, which they would replace and close up the wound» (p. 595).

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les morts n’en puissent sortir pour dévorer ceux qui leur survivent a. Les Négresses de Matamba se plongent dans la mer pour noyer l’ame de leurs maris qui reviendraient s’acharner sur elles b. Plusieurs tribus n’osent prononcer les noms funestes de ceux qui ne sont plus, et s’irritent contre le téméraire qui, en les prononçant, trouble leur sommeil a. D’autres fena b a

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RYTSCHOW, Orenburgische Topographie1. CAVAZZI, Relation historique de l’Ethiopie occidentale, I, 4052. CHARLEVOIX, Journal3. DUTERTRE, II, 4114. ROCHEFORT, II, ch. 245. LABORDE, 37. LABAT, Voy. III, 1826. Voir Petr Ivanovicˇ Rycˇkov, Orenburgische Topographie oder umständliche Beschreibung des Orenburgischen Gouvernements. Verfasset von Peter Rytschkov. Aus dem Russischen, von Jacob Rodde, Riga : Johann Friedrich Hartknoch, 1772, 2 parties en un vol. Dans la première partie (pp. 141–147), Rycˇkov rapporte l’opinion selon laquelle les Tschéremisses sont idolâtres («Götzendiener», p. 142) et n’ont pas de religion («keine Religion», p. 146). La référence précise à la coutume dont parle BC n’a pas pu être retrouvée. Dans la partie consacrée aux «Wotjäken» (c’est-à-dire aux Oudmourtes, peuple finno-ougrien), il est question de cérémonies de commémoration des morts (voir p. 150), mais pas de celle dont parle BC. Voir G. A. Cavazzi, Relation historique de l’Ethiopie occidentale, t. I, pp. 388–395 (et non pas p. 405) : il est question des rites funéraires des habitants du royaume de Matamba. Ce passage figure dans le ch. XVII intitulé «De la sépulture que l’on donne aux morts, & des pleurs qui l’accompagnent» (pp. 382–418). Plusieurs rites visant à protéger les vivants du retour de l’âme des morts y sont décrits, mais celui mentionné par BC ne figure pas parmi eux. BC l’emprunte à C. Meiners, Allgemeine kritische Geschichte, t. I, p. 304 : «Die Negerinnen in Matamba machen nicht einmahl bey ihren eigenen Gatten eine Ausnahme. Sie werfen die Leichname derselben ins Meer, um mit den Leibern die Seelen zu ersäufen, von welchen sie fürchten, daß sie sonst beunruhigt werden könnten». La note renvoyant à Cavazzi, t. I, p. 405, paraît être erronée. BC pense probablement à un passage où P.-F.-X. de Charlevoix affirme que les sauvages, pour éviter des souvenirs douloureux, s’abstiennent «pendant un certain tems» de prononcer les noms de leurs défunts, & que si quelqu’autre de la Famille le porte, il le quitte pendant tout le tems du deuil» (Journal, p. 374 ; éd. critique, p. 729). Comme le souligne Pierre Berthiaume dans une note explicative (éd. critique, p. 729, n. 11), le texte de Charlevoix n’est ici qu’une adaptation d’un passage analogue qu’on trouve dans J.-F. Lafitau, Mœurs des sauvages, t. II, pp. 434–435. BC, lecteur attentif de Lafitau, n’a pas relevé cette filiation. Voir J.-B. Du Tertre, Histoire générale des Antilles, t. II, p. 411. Cette page figure bien dans un chapitre intitulé «Des maladies, de la mort, & des funerailles des Sauvages», mais il n’y est pas question de l’irritation contre ceux qui prononcent le nom des morts. Dans le passage du ch. II, 24 consacré aux funérailles (voir C. de Rochefort, Histoire naturelle et morale des Iles Antilles, pp. 509–514), il n’est pas question de l’interdiction de prononcer le nom du défunt. Ni dans Relation des voyages de Saugnier, à la côte d’Afrique [...] publiée par Laborde, Paris : chez Lamy, 1799, ni dans les ouvrages du Père Labat (Nouveau voyage aux Isles de l’Amérique, Paris : G. Cavelier et P.-F. Giffard, 1722, 5 vol. ; Nouvelle relation de l’Afrique Occidentale, Paris : P.-F. Giffard, 1728 ; Voyage du Chevalier Des Marchais en Guinée, Amsterdam : Aux dépens de la Compagnie, 1731, 4 vol.) on ne trouve des remarques relatives à cette coutume. Cependant, BC a pu lire chez C. Meiners, Allgemeine kritische Geschichte, t. I, pp. 303–304 : «Sie [les païens cultivant le chamanisme en Sibérie] nennen die Nahmen von Verstorbenen niemahls, aus Furcht, die abgeschiedenen Seelen zu be-

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dent sans bruit la surface des ondes, et pêchent en silence pour que les mânes ne s’irritent pas d’être ré veillés a ; et chez les Abipons, lorsqu’une famille perd un de ses membres, elle brûle ses vêtements et ses armes, quitte sa hutte et change de nom b. Arrêtons-nous un instant pour réfléchir sur ces divers mouvements, incompatibles et contradictoires. D’où viennent à la fois dans l’esprit du Sauvage, quand il s’agit des morts, ce respect, cette horreur et ce calcul ? Ce respect, qu’il satisfait à peine, en accumulant les commémorations, les sacrifices, les hommages de tous genres1 ? Cette horreur qui ne se calme que par l’éloignement, la disparition, l’oubli de l’être qui n’est plus et de tout ce qui se rattache à sa mémoire ? Ce calcul, enfin, qui, transportant l’égoïsme au-delà de la destruction physique, le force à se créer, dans un univers imaginaire, une habitation qu’il décore, qu’il meuble, qu’il fournit de tout ce qui lui fut agréable ou utile ? Nous ne remarquons rien de pareil chez les animaux. Le seul instinct qu’ils tiennent de leur nature, les porte à chercher un lieu solitaire, où ils meurent sans témoins. Ils ne semblent avertis que d’une seule chose : c’est qu’il faut dérober au jour des dépouilles hideuses, et ne pas souiller l’air d’émanations délétères. Du reste, aucune prévoyance, aucune inquiétude de leur propre destinée après le trépas : nul souvenir, nulle commémoration de ceux qui ont vécu par ceux qui survivent. Des exceptions douteuses, proa b

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GOBIEN, Hist. des îles Marian2. DOBRITZHOFFER, Hist. des Abipons3.

unruhigen und gegen sich zu erbittern. [...] Daß die Americanischen Wilden mit den Sibirischen Völkern gleiche Begriffe von der Natur der abgeschiedenen Seelen haben, erhellt allein daher, daß auch sie die Nahmen von Verstorbenen nicht aussprechen». Meiners renvoie à J. G. Georgi, Bemerkungen einer Reise im Rußischen Reich. Voir le Registre violet, p. 8, note IX. Voir C. Le Gobien, Histoire des isles Mariannes, pp. 66–67. Le résumé de BC est correct. Voir pp. 66–67 : «Ces peuples sont persuadez que les esprits reviennent aprés la mort, soit que le Démon les trompe en prenant la figure de leurs parens défunts ; soit que leur imagination échauffée leur represente ce qu’ils entendent dire aux autres. Il est certain qu’ils se plaignent d’estre maltraitez par des spectres, qui les effraïent quelquefois terriblement. C’est pour cela que quand ils ont recours à leur Anitis, c’est-à-dire aux ames des morts, ce n’est pas tant pour en obtenir quelque grace, que pour les empescher de leur faire du mal. C’est par la mesme raison qu’ils gardent un profond silence dans leurs pesches, & qu’ils font de longs jeûnes, de peur que les Anitis ne les maltraitent, ou ne les épouvantent la nuit dans leurs songes, ausquels ils ajoûtent beaucoup de foy.» Le passage auquel renvoie BC se trouve au début du ch. XXVIII («De Luctu, exequiis, funeralibusque Cerimoniis Abiponum») du t. II de l’ouvrage de M. Dobrizhoffer. Voir Historia de Abiponibus, t. II, pp. 300–301.

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duites peut-être par des habitudes que l’homme a données à quelques animaux domestiques, mais plus vraisemblablement exagérées par des observateurs dévoués à une opinion adoptée d’avance, ne changent en rien la règle générale. L’homme, au contraire, repoussé loin des morts par l’instinct physique, se trouve attiré de nouveau près d’eux par un mouvement qui dompte cet instinct. Tout ce qui frappe ses yeux les effraie : tout ce qui arrive jusqu’à ses sens les blesse et les soulève : et néanmoins il revient sans cesse à ces objets chers et redoutés a. Quand la hideuse décompo sition rend la lutte impossible, forcé de se séparer des corps, il s’attache à leurs tombes. Le guerrier les rougit de son sang ; la vierge y dépose sa jeune chevelure ; la mère les arrose de son lait ou les pare de fleurs b. L’amitié se fait un devoir d’y descendre vivante c. L’égoïsme même, sacrifiant le présent à l’avenir, met à part ce qu’il a de meilleur pour le conserver intact au lieu d’en jouir, et pour l’emporter dans un autre monde. a

b c

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Rien n’est plus curieux que de lire à ce sujet la description de la fête des morts chez les Hurons et les Iroquois. Après avoir décrit ce qu’a de repoussant le spectacle de ces morts déterrés ensemble tous les douze ans, et dont les uns sont des squelettes décharnés, d’autres des corps en dissolution récente, le P. Lafiteau continue ainsi : «Je ne sais ce qui doit frapper davantage, ou l’horreur d’un coup d’œil si révoltant, ou la tendre pitié et l’affection de ces pauvres peuples envers leurs parents décédés ; car rien au monde n’est plus digne d’admiration que le soin empressé avec lequel ils s’acquittent de ce triste devoir de leur tendresse, ramassant jusqu’aux moindres ossements, maniant ces cadavres, en séparant les vers, les portant sur leurs épaules pendant plusieurs journées de chemin, sans être rebutés du dégoût qu’inspire une odeur insupportable, et sans laisser paraître d’autre émotion que celle du regret d’avoir perdu des personnes qui leur étaient et qui leur sont encore chères.» II, 4491. LAFITEAU, Mœurs des Sauvages, II, 4332. Chez les Natchez, les chefs ont un certain nombre de personnes qui s’attachent volontairement à eux, et qu’on appelle leurs dévoués. A la mort de ces chefs, ces dévoués accompagnent le corps au lieu des obsèques ; on leur passe une corde autour du cou, et ils commencent une espèce de danse, durant laquelle deux hommes serrent cette corde toujours davantage, jusqu’à ce que les victimes expirent en s’efforçant encore de danser en mesure jusqu’au dernier soupir. (LAFITEAU, Mœurs des Sauvages, II, 411)3.

31 ils ] elles Rel. I,1 1

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Voir J.-F. Lafitau, Mœurs des sauvages, t. II, pp. 448–449. BC cite de manière essentiellement correcte, mais son goût classique le pousse à modifier le passage suivant : «sans être rebuté de leur puanteur insupportable» (t. II, p. 449) devient chez BC «sans être rebutés du dégoût qu’inspire une odeur insupportable». Citation peu précise : Lafitau, dans une section de son ouvrage consacrée au deuil (Mœurs des sauvages, t. II, pp. 435–458), parle bien de la coutume, essentielle tant chez les nations anciennes que chez les ‘sauvages’ de l’Amérique contemporaine, de se couper les cheveux en signe de deuil (pp. 435–441), mais il ne mentionne pas les autres coutumes évoquées par BC. Voir J.-F. Lafitau, Mœurs des sauvages, t. II, pp. 410–412. BC résume de manière correcte

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Et l’on ne reconnaîtrait pas dans l’homme un être tout autre que le reste de la matière animée ! Dès l’enfance de l’état social, lorsque rien encore n’est développé en lui, la mort, qui n’est pour les animaux que le signal d’une dissolution qu’ils subissent sans la prévoir, sans la craindre, sans rien pressentir par-delà ce moment, la mort occupe dans l’ame du Sauvage une place plus grande que la vie elle-même. Il ne vit, pour ainsi dire, que pour se préparer à mourir. Il n’emploie ses facultés ici-bas que pour arranger à sa manière, d’après ses désirs encore enfantins, l’invisible demeure qu’il doit habiter. On dirait un propriétaire qui s’est logé dans une cabane, pour surveiller la construction d’un palais : et cet instinct n’aurait d’autres causes que les vagues imaginations d’une créature ignorante et brute ! Mais qui donc suggère à cette créature brute et ignorante, et à elle seule, ces vagues imaginations ? Pourquoi lui sont-elles si profondément inhérentes, si exclusivement réservées ? La grossièreté apparente des espérances et des craintes du Sauvage n’affaiblit point nos raisonnements. Nous avons déja expliqué comment le sentiment religieux, source première de tous les cultes, n’est cependant point la seule faculté de l’homme qui contribue à leur ordonnance. Ici, comme partout, on aperçoit la trace des diverses impulsions qui se partagent cet être à la fois égoïste, raisonneur et moral. A la logique, aride qu’elle est toujours, et bien peu éclairée qu’elle est encore, appartient tout ce qui est anthropomorphisme, à l’intérêt tout ce qui est calcul, au sentiment tout ce qui est émotion. La raison, guidée par l’analogie et trompée par elle, porte dans le séjour des morts l’imitation de la vie. L’intérêt, combinant ses calculs d’après cette imitation, suggère au maître l’exigeance barbare qui dicte les sacrifices de captifs ou d’esclaves, à l’époux l’affection cruelle qui entraîne son épouse dans sa fosse ou sur son bûcher, au chasseur ou au guerrier le désir moins féroce, mais non moins absurde, d’emporter avec lui son arc et ses flèches, sa lance ou sa massue. Le sentiment enfin, combattant tour à tour, contre une intelligence bornée et contre un intérêt ignoble, relève la religion de ces flétrissures. Les regrets et les hommages qu’il consacre aux morts ennoblissent les conceptions religieuses. Il s’empare des images étroites de l’anthropomorphisme, mais il les épure. Tantôt il enseigne le désintéressement et dompte l’avarice a. Tantôt il s’égare dans la métemp sycose, a

«Tous les travaux, toutes les sueurs, tout le commerce des Sauvages se rapportent presque uniquement à faire honneur aux morts. Ils n’ont rien d’assez précieux pour cet effet. Ils

25 l’exigeance ] l’exigence Rel. I,2

29–30 tour à tour, ] tour-à-tour, Rel. I,2

ce que Lafitau dit à propos de cette coutume, qu’il compare par ailleurs à des coutumes analogues chez les nations anciennes.

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et il y a quelque chose d’affectueux et de tendre dans cet effort du Sauvage, plaignant l’ame qui souffre, séparée du corps, et s’efforçant d’en retrouver un pour cette ame souffrante. D’autres fois, il profite de la notion grossière qui rabaisse le monde futur au niveau de ce monde, pour y placer l’abnégation de soi et le sacrifice. Enfin, en dirigeant vers la Divinité la prière du regret qu’il empreint d’espérance, il purifie les notions vulgaires sur l’essence de cette divinité protectrice, et soulevant, pour ainsi dire, la forme mate´rielle, l’anime d’un esprit où déja l’on peut reconnaître quelque chose de divin.

prodiguent alors les robes de castor, leur blé, leurs haches, leur porcelaine, en telle quantité qu’on croirait qu’ils n’en font aucun cas, quoique ce soient toutes les richesses du pays. On les voit souvent nus pendant les rigueurs de l’hiver, tandis qu’ils ont dans leurs caisses des fourrures et des étoffes qu’ils destinent aux devoirs funéraires, chacun se faisant un point d’honneur ou de religion d’être, dans ces occasions, libéral jusqu’à la prodigalité.» LAFITEAU, Mœurs des Sauvages, II, 4141.

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Voir J.-F. Lafitau, Mœurs des sauvages, t. II, pp. 413–414. Mis à part quelques menus détails, BC cite de manière correcte.

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Chapitre V. Des erreurs dans lesquelles sont tombés plusieurs écrivains, faute d’avoir remarqué la lutte du sentiment religieux contre sa forme à cette époque de la religion.

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Cette lutte du sentiment religieux contre sa forme, dans le culte des hordes sauvages, entraîne des contradictions qui ont donné lieu à beaucoup d’erreurs. Tantôt, de ce que le Sauvage, indépendamment du fétiche qu’il regarde comme son protecteur habituel, reconnaît un grand Esprit, un dieu invisible, auquel il attribue volontiers la création et même la direction générale de cet univers, on en a conclu qu’un théisme pur avait, dès l’origine, été la religion des tribus sauvages1. Les théologiens du XVIIe siècle, et ceux des historiens du XVIIIe qui ne s’étaient pas en rôlés ouvertement sous les étendards de la philosophie, se sont imposé l’adoption de cette hypothèse, comme un devoir sacré. En vain tous les monuments, tous les récits, toutes les annales de l’antiquité se réunissaient pour attester le polythéisme de tous les peuples, à la première époque constatée de leur histoire : les écrivains modernes écartaient ce concert de témoignages avec une aisance et une légèreté admirables. Quand on leur demandait d’où était venu le polythéisme, puisque le théisme seul était la religion naturelle, «Le culte s’est corrompu», disaientils, «les hommes se sont lassés de le voir si simple.» Mais quelle cause subite avait produit cette lassitude ? «C’est qu’il est difficile», répondaientils, «de concevoir qu’un moteur unique imprime à l’universalité des êtres tant d’impulsions contradictoires.» Mais la difficulté n’a pas dû être moindre quand les hommes étaient plus grossiers, et s’ils n’ont pu rester à la hauteur du théisme, ils ont pu moins encore y arriver dès leurs premiers pas. On répliquait à cela «que le polythéisme avait été l’effet du penchant de l’homme à l’adoration de ce qui frappe ses sens a.» Mais ce penchant exisa

V. MALLET, Introduction à l’Histoire du Danemarck, p. 71–722. Nous citons cet ouvrage comme nous pourrions en citer bien d’autres. Les mêmes raisonnements fautifs et vicieux se glissent partout, et les écrivains les plus graves se sont livrés sur cette matière aux suppositions les plus romanesques. Suivant Court de Gébelin, «les hommes du monde primitif ne

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Voir la note 9 du Petit carnet de notes. Voir Paul-Henri Mallet, Introduction à l’histoire de Dannemarc, où l’on traite de la religion, des Loix, des Mœurs & des Usages des anciens Danois, seconde Edition revuë et corrigée, Genève : s.éd., 1763, ch. V : «Idée générale de l’ancienne Religion des peuples du Nord» (pp. 67–110). Mallet y souligne que la «Religion des Scythes étoit simple dans les

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tait de tout temps chez tous les hommes : comment se fait-il qu’ils aient

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sont point ces êtres méprisables ou stupides qui ne vivaient que d’eau et de glands... et prenaient pour des divinités les pierres et les animaux les plus vils... S’ils méconnaissaient les discussions métaphysiques, s’ils n’avaient ni le temps ni le goût nécessaire pour s’y livrer, si la connaissance exacte des vérités les plus importantes leur rendait inutile toute discussion à cet égard, ils n’en admettaient pas moins une création et un seul maître de l’univers... Long-temps toutes les familles se réunirent ainsi au sein de la joie, de la paix, de la vérité, de la vertu. Insensiblement les sages disparurent ; les idées sublimes se brouillèrent, s’affaiblirent ; les hymnes ne furent plus entendus. Les générations moins éclairées se souvinrent qu’on se rassemblait, et elles continuèrent de le faire ; qu’on exaltait les lieux sacrés, et elles les exaltèrent ; mais elles crurent qu’on les exaltait pour eux. Elles crurent y voir une vertu divine, et, bornant leurs idées grossières aux objets extérieurs, l’idolâtrie, la superstition prirent la place de la vérité rayonnante. Ainsi on honora les fontaines, les montagnes, les hauts lieux, ou les bocages, Mars ou le soleil, Diane ou la lune. On ne vit plus que la créature, où tout aurait dû annoncer le créateur.» Nous le demandons à tout homme de bon sens : comment les premiers hommes qui n’avaient ni le temps ni le goût de se livrer à des discussions métaphysiques, sont-ils arrivés à la notion métaphysique d’un seul maître de l’univers ? D’où leur est venue cette connaissance exacte des vérités les plus importantes, qui les dispensait de toute autre recherche ? Remarquez que ce n’est point d’une manifestation surnaturelle de ces vérités que l’auteur entend parler ; car il nous montre des familles vivant long-temps dans la joie, la paix, la vérité, la vertu. Il s’écarte donc des traditions sacrées, et ne peut les invoquer en faveur de son systême. Il n’admet rien de miraculeux dans la manière dont ces vérités sont parvenues à l’homme, et alors nous sommes bien en droit de lui demander comment l’homme les a découvertes ? Les a-t-il reçues des Sages qui ont disparu ? D’où sortaient ces Sages ? qui les avait éclairés ? par quel hasard étaient-ils seuls au-dessus de leur siècle ? qui leur avait donné ce privilège ? Pourquoi enfin ont-ils disparu ? Quand l’homme saisit une vérité, il est dans sa nature de la considérer sous toutes ses faces, de la suivre dans ses conséquences, de s’éclairer sur ce qu’il ignore, en partant de ce qu’il sait. D’où vient que les hommes du monde primitif ont suivi la route opposée ? Étrange hypothèse ! Ils ont eu des Sages avant qu’au4 nécessaire ] nécessaires Rel. I,2 les ] les Rel. I,2

7 toutes ] manque Rel. I,2

au ] dans le Rel. I,2

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premiers tems» et l’interprète selon le modèle néo-platonicien : de la «Divinité suprême étoit émanée une infinité de Divinités subalternes & de Génies, dont châque partie du monde visible étoit le siége & le temple» (p. 71). La dégradation de ce monothéisme primitif se produisit «dans le tems de l’arrivée d’Odin» (p. 73) et prit fin à l’époque de la christianisation. Mallet se pose la question de savoir quelles en étaient les causes et formule deux hypothèses : «Ne faut-il attribuer ce changement qu’à l’inconstance ordinaire des hommes, à leur pente invincible vers tout ce qui est merveilleux & propre à frapper leurs sens ? Faut-il en rejetter la faute sur ce conquérant [à savoir Odin], & supposer avec quelques auteurs qu’il eut un dessein formé de se donner aux peuples du Nord pour une Divinité redoutable, & d’y fonder un nouveau culte qui servit de fondement à sa nouvelle domination ?» Mallet refuse pourtant toute réponse définitive. BC déforme donc sa pensée en lui reprochant d’être partisan de la première hypothèse.

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cessé de le combattre précisément quand leur raison plus développée leur fournissait plus de moyens d’y résister ? On n’en répétait pas moins l’opinion accréditée, et la priorité du théisme avait acquis, pour ainsi dire, force de chose jugée, lorsqu’un petit nombre

cune expérience leur eût fait connaître le monde qu’ils habitaient, les lois de ce monde, l’enchaînement des causes et des effets, enfin quand ils étaient dénués de tout moyen d’acquérir les notions les plus simples ; et lorsque les expériences se sont accumulées, les Sages se sont retirés. La vérité rayonnante s’est éclipsée, au moment où de toutes parts croissait la lumière ; et le culte qu’on trouve trop abject pour l’homme ignorant, est devenu la religion unique des nations civilisées. C’est néanmoins ainsi qu’on a raisonné pendant cent ans. C’est ainsi qu’on s’est enivré de paroles, et qu’on a consacré à des édifices bâtis sur le sable un temps précieux et des recherches d’ailleurs laborieuses. Si nous avions besoin de réfuter sérieusement de pareilles chimères, nous nous servirions d’une comparaison que l’auteur même emploie dans l’un des morceaux que nous venons de citer. «Les arts», dit-il, «sont fondés sur des principes qui échappent à celui qui les exécute en simple manœuvre et par routine, et sans lesquels on ne serait jamais parvenu à les perfectionner.» Sans doute, mais le simple manœuvre a précédé l’artiste. La pratique a existé avant que les principes fussent découverts. On a construit les huttes avant les maisons, et dire que le polythéisme n’est qu’une dégénération du théisme, c’est dire que les cabanes sont une dégénération des palais1.

1

Les citations servent à illustrer la thèse, défendue par Court de Gébelin et d’autres (comme Mallet p. ex.) et considérée comme absurde par BC, selon laquelle le théisme précéda le polythéisme, celui-ci n’étant qu’une «dégénération» du premier. – La première partie de la première citation (jusqu’à «un seul maître de l’univers») figure dans le Monde primitif, t. I/1, p. 68 ; elle fait partie d’un chapitre destiné à expliquer la méthode (la réduction à des allégories) dont l’auteur se servira pour expliquer ce qui, dans l’ancienne mythologie, paraît inintelligible ou absurde. La suite de la première citation n’a pas pu être retrouvée. Toutefois, à l’endroit indiqué, Court de Gébelin évoque bien la dégradation du monothéisme primitif : «L’on voit dans la suite le culte du Soleil & de la Lune se mêler insensiblement avec celui de la Divinité : plus insensiblement encore s’y joindre celui des Planettes & des XII Constellations directrices des mois, & celles-ci former l’assemblée des XII grands Dieux ; d’où résulte le dernier dégré de l’Idolatrie, celle des Grecs & des Romains, qui avoit commencé par le Sabéisme Oriental, seule & unique Idolatrie. Alors toute l’Antiquité tombe dans un cahos effroyable : La langue ancienne est oubliée ; avec elle, le sens de toutes les Formules sacrées & de tous les objets de la Fable : des Etres allégoriques sont métamorphosés en Etres réels : les noms augustes de la Divinité sont regardés comme des noms d’hommes, mis très anciennement au rang des Dieux : tous les Livres anciens sont fermés & inintelligibles, parce qu’il n’y a plus personne qui puisse les entendre : & que ceux mêmes qui y soupçonnent de l’allégorie ne peuvent trouver une clef qui leur en fasse pénétrer le sens» (pp. 68–69). – La seconde citation figure dans le Monde primitif, t. I/2, p. 82. Cette deuxième livraison du t. I est consacrée au «génie allégorique et symbolique des Anciens» (p. 1). Le passage cité figure dans un chapitre dont le titre postule «Que le Culte des Fétiches eut dans l’origine une cause raisonnable» (p. 79).

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d’esprits plus méditatifs et moins disposés à se repaître de phrases sonores, démontrèrent la futilité d’un semblable systême ; mais, comme il arrive toujours dans les temps de partis philosophiques ou politiques, ils traversèrent la vérité pour se précipiter aveuglément dans des erreurs nouvelles. La régularité admirable de cet univers ne saurait, dirent-ils, frapper des intelligences encore dans l’enfance, auxquelles rien ne révèle cette régularité. L’ordre paraît à l’homme ignorant une chose simple. Il n’en recherche point la cause. Ce qui captive son attention, ce sont les convulsions, les bouleversements. L’harmonie des sphères ne dit rien à l’imagination du Sauvage. Mais il prête l’oreille à la foudre qui gronde, ou à l’ouragan qui ébranle la forêt. La science, dans ses méditations sur les forces invisibles, s’occupe de la fixité des règles. L’ignorance est captivée tout entière par le désordre des exceptions. Or, ces exceptions suggèrent à l’esprit des notions toutes contraires à l’unité d’un dieu. Des forces divisées semblent se combattre dans les cieux et sur la terre. La destinée des hommes est exposée à mille influences inat tendues et contradictoires, et l’on est tenté d’attribuer à des effets différents des causes différentes a. Jusque-là tout était vrai dans ces raisonnements : mais aussitôt les philosophes en inférèrent que le genre humain n’avait adoré primitivement que des cailloux, des animaux et des branches d’arbres, et ne les avait adorés que par intérêt et par peur. Voir l’homme prosterné devant ces divinités

a

HUME, Natur. Hist. of Relig1.

1

BC fait ici un résumé de la généalogie du polythéisme qu’on trouve dans l’essai de Hume. Voir The Natural History of Religion, pp. 10–23, en particulier p. 12 : «In short, the conduct of events or what we call the plan of a particular providence, is so full of variety and uncertainty, that, if we suppose it immediately odered by any intelligent beings, we must acknowledge a contrariety in their designs and intentions, a constant combat of opposite powers, and a repentance or change of intention in the same power, from impotence or levity.» Voir aussi pp. 19–20 : «All human life, especially before the institution of order and good government, being subject to fortuitous accidents : it is natural that superstition should prevail every where in barbarous ages, and put men on the most earnest enquiry concerning those invisible powers, who dispose of their happiness or misery. Ignorant of astronomy and the anatomy of plants and animals, and too little curious to observe the admirable adjustment of final causes ; they remain still unacquainted with a first and supreme creator [...]. They suppose their deities, however potent and invisible, to be nothing but a species of human creatures, perhaps raised form among mankind, and retaining all human passions and appetites, along with corporeal limbs and organs.» Soulignons que BC fait ici sienne l’argumentation de Hume.

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abjectes, était un triomphe pour des incrédules ; et nos oreilles, fatiguées durant un siècle d’amplifications dévotes sur la pureté du théisme primitif, et de pieuses lamentations sur sa dégradation déplorable, n’ont pas été moins importunées pendant soixante ans, par des déclamations également monotones et aussi peu fondées sur le fétichisme, dont la conception absurde et honteuse était, disait-on, la source de toutes les idées religieuses. L’erreur n’était pas moins palpable dans un sens que dans l’autre. S’il est certain que l’homme ignorant ne peut s’élever jusqu’au théisme, il l’est également, qu’il y a, même dans le fétichisme, un mouvement qui est fort au-dessus de l’adoration des simples fétiches1. Le Sauvage qui les invoque, les considère bien comme des êtres plus forts que lui : sous ce rapport, ce sont des dieux ; mais lorsqu’il les punit, les brise ou les brûle, ce sont des ennemis qu’il maltraite, ce ne sont plus des dieux qu’il adore. Le grand Esprit, au contraire, le manitou prototype, n’est point exposé à ces vicissitudes de culte et d’outrage. C’est dans cette notion que le Sauvage concentre ses idées de perfection. Il s’en occupe moins, il n’y pense que par intervalles. L’intérêt du moment l’en détourne ou l’en distrait sans cesse. Peutêtre même un instinct sourd l’avertit qu’il ne doit pas faire intervenir dans le conflit vulgaire de passions brutales l’être qu’il respecte a. Mais il y revient toutes les fois que des émotions profondes ou des affections tendres l’agitent. a

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Cette idée paraîtra bien subtile pour des Sauvages. Il est certain cependant que toutes les fois qu’on leur demande s’ils rendent au grand Esprit un culte habituel, ils répondent qu’il est trop au-dessus d’eux et n’a pas besoin de leurs hommages. Il est à remarquer aussi que lorsqu’ils sollicitent des puissances invisibles une assistance ou une indulgence peu conformes aux règles de la justice, ils ne s’adressent point au grand Esprit, mais à leurs fétiches. Louis XI, dans la prière que nous avons rapportée2, invoquait Notre-Dame de Cléry ; il espérait corrompre la sainte : il n’osait élever jusqu’à Dieu même ses moyens de corruption.

1–2 fatiguées durant un siècle ] fatiguées, durant un siècle, Rel. I,2 Rel. I,2 1

2

22 Sauvages. ] sauvages.

Le jugement que BC porte sur le fétichisme est inspiré par la Symbolik de F. Creuzer, comme en témoigne la note no 5 des notes de lecture. Dans cette note («empl. 1823»), BC caractérise le fétichisme comme «le sentiment religieux dans sa 1ere forme», et ajoute que le sentiment religieux, «quelque grossiere que cette forme soit, est plus raisonnable que la Philosophie qui ne considére la vie que come un accident fortuit, passager, et qui auroit pu ` la fin de cette note, BC renvoie au § 5 et aux pp. 7–9 de l’ouvrage de ne pas arriver.» A Creuzer (Symbolik und Mythologie der alten Völker, t. I). Voir aussi la note de lecture no 7 («empl. 1823») : «Tendance de l’homme à regarder tous les objets come animés et semblables à lui dans ce qui les anime.» Voir ci-dessus, pp. 254–255, n. b, le récit de Brantôme.

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On peut donc envisager le culte des Sauvages sous deux points de vue, suivant qu’on s’attache à ce qui vient du sentiment, ou à ce qui est l’œuvre de l’intérêt. Le sentiment éloigne l’objet de son culte pour mieux l’adorer : l’intérêt le rapproche pour mieux s’en servir. De là, d’une part, une certaine tendance vers le théisme, tendance qui doit demeurer long-temps stérile, parce que la divinite´ ainsi conçue est trop subtile pour une intelligence naissante. De là, d’une autre part, des notions grossières qui ne peuvent tarder à être insuffisantes, parce qu’elles sont trop matérielles pour qu’une intelligence qui se développe ne soit pas forcée à les rejeter. N’apercevoir dans la croyance des hordes ignorantes que le fétichisme, c’est méconnaître les élans de l’ame et les premiers essais de l’esprit. Y voir le théisme pur, c’est devancer les progrès du genre humain, et faire honneur à l’homme encore brut des découvertes difficiles et tardives d’une raison long-temps exercée.

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Aussitôt que l’homme a conçu l’idée d’êtres supérieurs à lui avec lesquels il a des moyens de communication, il doit supposer que ces moyens ne sont pas tous également infaillibles. Il lui importe de distinguer entre leurs degrés d’efficacité. S’il n’espère pas découvrir les meilleurs et les plus sûrs par ses propres efforts, il s’adresse naturellement à ceux de ses semblables qu’il croit éclairés par plus d’expérience, ou qui se proclament possesseurs de plus de lumières. Il cherche autour de lui ces mortels privilégiés, favoris, confidents, organes des dieux ; et, dès qu’il les cherche, il les trouve. De là chez les Sauvages, la classe d’hommes que les Tartares appellent schammans ; les Lapons, noaïds ; les Samoyèdes, tadiles, et que les voyageurs désignent plus habituellement sous le nom générique de jongleurs. Ce germe, encore informe, de l’ordre sacerdotal, n’est point un effet de la fraude, de l’ambition ou de l’imposture, comme on l’a souvent répété. Il est inséparable de la religion même. Ce ne sont point les prêtres qui se constituent ; ils sont constitués par la force des choses. Mais à peine le Sauvage s’est-il créé des prêtres, que ces prêtres tendent à former un corps a. Il ne faut point les en accuser, cela aussi est dans la nature. a

V. Sur les associations des prêtres dans l’Amérique septentrionale et méridionale, Carver Travels through north America, p. 2721. CHARLEVOIX, Journal2. DUTERTRE, Hist. génér.

1

J. Carver, Travels through the Interior Parts of North America, chapitre 7 : «On their ` la page indiquée, il est bien question de l’admission rituelle d’un dances» (pp. 398–407). A jeune Indien dans une société «which they denominated Wakon-Kitchewah, that is, the Friendly Society of the Spirit» (271), société composée d’hommes et de femmes à la réputation irréprochable. Il semble pourtant qu’il ne s’agit pas d’une ‘association de prêtres’, mais de «chiefs» (p. 272). Comme le montre le contexte de cette référence à Charlevoix, BC pense probablement à un passage du Journal où il est question de l’‘installation’ des jongleurs. Pour celle-ci, raconte Charlevoix, les candidats se qualifient par des jeûnes ; elle se fait ensuite «dans une espèce de Bacchanale» (Journal, p. 363 ; éd. critique, p. 711). Charlevoix prend pourtant soin d’établir une nette distinction entre les jongleurs des sauvages et leurs prêtres (voir pp. 363–364 ; éd. critique, p. 712), distinction qui repose sur celle entre les pratiques superstitieuses des jongleurs et les cérémonies plus dignes (telles les offrandes faites aux divinités) auxquelles président les prêtres et qui permettent d’affirmer que les sauvages ont bien une «idée de Dieu» (p. 350 ; éd. critique, p. 691). – Soulignons que chez BC et les ethnographes qu’il cite, le mot jongleur (en allemand Gaukler, en anglais juggler) sert à désigner de manière péjorative les prêtres-sorciers (chamans ou magiciens) des ‘sauvages’, c’est-à-dire des peuples indigènes d’Amérique, d’Asie et d’Afrique.

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Donnez à un certain nombre d’hommes un intérêt distinct de l’intérêt général : ces hommes unis entre eux par un lien particulier, seront par-là des Antilles, II, 367, 3681. BIET, voy. dans la France équinoctiale, IV, p. 386, 3872. LAFITEAU, Mœurs des Sauvages, p. 336–3443. Chez beaucoup de hordes nègres, il y a un ordre de prêtres ou une école sacerdotale, désignée sous le nom de Belli. Il faut en être membre, pour exercer des fonctions quelconques. (Hist. gén. de l’Asie, de l’Afrique et de l’Amérique, IV, 6515). M. Court de Gébelin4 a été frappé de l’analogie des initiations établies pour être admis dans cet ordre, avec celles qui se pratiquaient chez les Phéniciens. (Monde primitif, tome VIII.) 3 équinoctiale, ] équinoxiale, Rel. I,2 1

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4 p. ] pag. Rel. I,2

7 Gébelin ] Gebelin Rel. I,2

Voir J.-B. Du Tertre, Histoire générale des Antilles, t. II, pp. 365–366, où Du Tertre dit que les «Boyez» ou «Sorciers» «sont dédiez & comme consacrez dés leur tendre jeunesse à ce detestable ministere» (p. 365). Voir Biet, Voyage de la France équinoxiale, Livre III (et non pas IV), ch. 12 : «De la façon de faire vn Piaye, qui est leur Medecin, & de son Office» (pp. 385–388). Voir J.-F. Lafitau, Mœurs des sauvages amériquains, t. I, pp. 330–354. Il y est question des rites d’initiation auxquels doivent se soumettre les Amérindiens qui aspirent à devenir devins. Conformément à sa méthode comparative, Lafitau établit des parallèles entre ces rites et ceux dont parlent les sources antiques, et attribue les effets surnaturels de ces initiations à l’intervention du diable (à ce propos, voir ce que BC dit ci-dessous, pp. 302– 303, n. b ainsi que la n. 2). Voir [Pierre-Joseph-André Roubaud], Histoire générale de l’Asie, de l’Afrique et de l’Amérique [...], Paris : Des Ventes de la Doué, 1770–1775, 15 vol. Dans le t. IV (Histoire des Indes), il n’y a pas de p. 651. Un passage dont le contenu est proche du résumé de BC se trouve dans le t. XII. Il figure dans un chapitre consacré au «Royaume de Juida» (pp. 344– 377). L’auteur y parle entre autres de la religion des «Negres» qui croient que le gouvernement du monde incombe aux fétiches, en particulier au serpent. Après avoir expliqué de quelle espèce de serpent il s’agit, il ajoute : «Le grand serpent, honoré à quelques milles de la capitale, reçoit sans cesse, par les mains du Béti ou grand sacrificateur, de riches présens ordonnés par la religion ou inspirés par la piété ; & par son pouvoir sur toute la nature, le Grand-Prêtre, seul familier avec lui, balance souvent l’autorité royale. La dignité des Féticheres ou Prêtres est héréditaire. Les Bétas ou Prêtresses exigent tant de soumission de la part de leurs maris, qu’il est rare qu’un homme sensé les épouse. Lorsqu’on a besoin d’en consacrer de nouvelles, les vieilles vont, en courant comme des furies, enlever toutes les filles de dix à douze ans qu’elles rencontrent : il en coûteroit la vie à quiconque oseroit leur résister. Le serpent marque ces jeunes enfans de cruelles empreintes ; on les renvoie ensuite dans leurs familles. Il leur est défendu de révéler les mysteres de leur consécration, sous peine d’être brûlées vives. A l’âge de quatorze ans, leur mariage avec le serpent se célebre dans un caveau du temple ; le fruit de ce mariage, dit Desmarchais, est toujours de l’espece humaine : dès ce jour, elles participent aux offrandes» (t. XII, pp. 374–375). Voir A. Court de Gébelin, Monde primitif, t. VIII, 1781, pp. 118–121 : il s’agit d’un sous-chapitre intitulé «Des initiations en usage sur les Côtes de la Guinée». Il figure dans un «Tableau du Royaume de Juida» ; celui-ci fait partie d’un «Essai d’histoire orientale pour les VIIe et VIe siècles avant J. C. »

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même séparés de tout ce qui n’est pas leur corporation, leur caste. Ils regarderont comme un acte légitime et méritoire de faire tout plier sous l’influence de cette caste. Rassemblez-les autour d’un drapeau, vous aurez des soldats ; autour d’un autel, vous aurez des prêtres. Les jongleurs des Sauvages travaillent donc à se renfermer dans une enceinte impénétrable au vulgaire. Ils ne sont pas moins jaloux de tout ce qui tient à leurs fonctions sacrées que les druides de la Gaule ou les brames de l’Inde. Ils s’irritent contre quiconque va sur leurs brisées sans avoir obtenu leur consentement. Ils imposent aux candidats qui sollicitent leur admission dans la corporation privilégiée, des épreuves et un noviciat a. Le noviciat dure plusieurs années. Les épreuves sont longues, douloureuses et bizarres. Des jeûnes, des macérations, des flagellations, des souffrances, des veilles, sont, dès cette époque, les moyens en usage pour se rapprocher des puissances invisibles b. L’esprit sombre et lugubre des hiérophantes a

b

Les noaïds des Lapons sont instruits méthodiquement dans leur art ou leur métier. Voy. d’Acerbi1. Voy. au Nord, V, p. 122. A la Guyane, l’apprentissage durait dix ans, et le jeûne, c’est-à-dire une diminution de nourriture poussée aussi loin que la force humaine pouvait le supporter, se prolongeait une année. Ce jeûne était accompagné de tortures de tout genre. (LAFITEAU,

13 veilles, ] veilles Rel. I,2 1

2

Voir G. Acerbi, Voyage au Cap-Nord, t. III, section XXVII : «De l’art de la magie usité chez les Lapons ; de leur tambour runique ; de leurs mouches ganiques ; de leur Joigen ou chanson» (pp. 265–274). Acerbi y parle entre autres des «diseurs de bonne aventure ou magiciens privilégiés» appelés «Noaaids» (p. 269), qui «passent pour être régulièrement instruits dans cet art qu’ils pratiquent journellement» (p. 269). Ils «sont regardés comme complettement initiés dans de fréquentes entrevues avec les esprits» (p. 270). On voit de nouveau que l’imprécision du souvenir que garde BC du livre d’Acerbi lui permet d’adapter le renseignement qu’il y puise à son propre argument. Voir «Relation de la Louisianne ou Mississipi. Ecrite à une Dame, par un officier de Marine», Recueil de Voyages au Nord, t. V, 1734, pp. 1–195. L’officier écrit à la p. 22 (non pas à la p. 12, indiquée par BC à la n. b) : «Ils ont parmi eux des Médecins, qui, comme les anciens Egyptiens, ne séparent point la médecine de la Magie. On les appelle Jongleurs. Pour parvenir à ces fonctions sublimes, un Sauvage s’enferme seul dans sa cabanne, pendant neuf jours, sans manger, & avec de l’eau seulement. Il est deffendu à qui que ce soit de le venir troubler. Là, ayant à sa main une espece de gourde remplie de cailloux, dont il fait un bruit continuel, il invoque l’Esprit, le prie de lui parler & de le recevoir Médecin et Magicien ; & cela, avec des cris, des hurlemens, des contorsions & des secousses de corps épouventables, jusqu’à se mettre hors d’haleine, & écumer d’une manière affreuse. Ce manège, qui n’est interrompu que par quelques momens de sommeil auquel il succombe, étant fini au bout de neuf jours, il sort de sa cabanne triomphant, & se vante d’avoir été en conversation avec l’Esprit, & d’avoir reçû de lui le don de guérir les maladies, de chasser les orages & de changer les tems».

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et des mystagogues dirige déja les jongleurs a. Lorsque, dédaignant ce sévère apprentissage, des profanes se déclarent prêtres de leur propre autorité, ce titre leur est refusé par leurs rivaux : c’est magiciens qu’on les appelle, et leurs prestiges, dont la réalité n’est pas ré voquée en doute, sont attribués à des communications coupables avec des génies ennemis des hommes. On aperçoit ici, bien qu’obscurément encore, une distinction qui, par la suite, deviendra d’une extrême importance, la distinction entre la magie et la religion. A proprement parler, la magie n’est que la religion séparée du sentiment religieux, et réduite aux notions que l’intérêt seul suggère. Tous les caractères que l’intérêt prête à la religion se reproduisent dans la magie. La force plus qu’humaine, les secours obtenus de cette force vénale par les invocations et les sacrifices, indépendamment de la morale, et quelquefois en opposition avec ses préceptes, en un mot, l’emploi des puissances inconnues, en faveur des passions et des désirs de l’homme, voilà ce que cherche en tout pays la dévotion égoïste, et voilà ce qu’en tout pays les sorciers promettent.

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Mœurs des Sauv. I, 3301.) BIET. IV, ch. 122. Chez les Abipons, celui qui voulait devenir prêtre se soumettait à une privation absolue d’aliments pendant plusieurs jours. (DOBRIZHOFFER, Hist. des Abipons, II, 515, 5163.) Pour être admis dans l’ordre du Belli, dont nous avons parlé ci-dessus, le récipiendaire se laissait découper le col et les épaules et enlever des lambeaux de chair. Cet instinct est le même partout. Rien de plus semblable à l’admission des candidats à la prêtrise chez les montagnards des Indes, que celle des jongleurs. (ASIAT. RES. VI, 40–464.) Voir J.-F. Lafitau, Mœurs des sauvages, t. I, pp. 330–332 : Lafitau cite ici le livre d’Antoine Biet (voir la note suivante). Comme nous l’avons constaté (voir ci-dessus, p. 299, n. 2), il n’y a pas de ch. IV, 12 dans le livre de Biet, Voyage de la France équinoxiale en l’Isle de Cayenne. C’est dans le chap. III, 12 que Biet rapporte que celui «qui aspire donc à estre Piaye [= ‘médecin’], est premierement mis chez vn ancien, il y demeure fort long-temps pour estre instruit de luy, & pour faire comme son Nouitiat, quelquefois l’espace de dix ans» (p. 385). Suivent des détails sur le jeûne d’un an et les ‘tortures’ qui l’accompagnent (voir pp. 385–386). Erreur d’indication de page (dans aucun des trois volumes de M. Dobrizhoffer, Historia de Abiponibus, il n’y a de pp. 515 et 516) : le passage auquel renvoie BC se trouve dans le tome II, p. 80 : «Qui tamen ad hoc præstigiatorum munus aspirant, dicuntur annosæ salici in Lacum quendam propendenti insidere, continuata per dies aliquot cibi omnis abstientia, dum denique res futuras animo prævidere incipiant.» Ce passage figure dans le chapitre intitulé «De Abiponum Magis, re tamen ipsa præstigatoribus, Veteratoribusque» (t. II, pp. 79–96). Traduction : «Ceux qui aspirent à revêtir la profession des jongleurs, doivent habiter un vieux saule qui se penche sur quelque lit de rivière et, ce faisant, s’abstenir pendant quelques jours de toute nourriture, jusqu’à ce qu’enfin ils commencent à voir, dans leur âme, les choses futures.» Les informations sur l’initiation des prêtres (‘demaunos’) des montagnards des Indes ne se trouvent pas à l’endroit indiqué par BC, mais dans l’article, déjà cité, de T. Shaw, «On the Inhabitants of the Hills near Ra’jamahall», pp. 52–56.

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Les prêtres des hordes sauvages qui ne promettent que les mêmes choses par les mêmes moyens, se distinguent pourtant des sorciers. C’est que la rivalité qui s’élève de prêtre à prêtre les force à chercher des accusations contre leurs adversaires, et qu’il faut que ces accusations ne soient pas de nature à saper la base du pouvoir sacerdotal. Celles qui s’appuient sur l’existence des dieux malfaisants, dont nous avons vu plus haut l’origine, réunissent merveilleusement ce double avantage, car elles fortifient la croyance au lieu de l’ébranler : elles créent deux empires surnaturels, qui s’établissent en face l’un de l’autre, se combattant avec les mêmes armes, trouvant pour appuis les mêmes espérances et les mêmes terreurs, et se renvoyant avec un égal acharnement et des probabilités à peu près pareilles la réprobation et les anathêmes. Les bûchers s’allument donc pour dévorer les sorciers, les flots s’entr’ouvrent pour les engloutir, aux applaudissements des hordes iroquoises a ou indiennes b, comme autre fois à la grande satisfaction de la populace non moins stupide de Paris ou de Madrid. Ce n’est que lorsque les progrès de la raison ont décrédité la magie, que les prêtres se résignent à ne voir dans les magiciens que des imposteurs, et ils retardent ces progrès le plus qu’ils le peuvent. Durant combien de siècles n’a-t-on pas dû croire aux sortiléges sous peine d’impiété c ! a b

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LAFITEAU, Mœurs des Sauv. I, 390–3931. Les sorciers sont également punis de mort chez les Sauvages des montagnes de Rajamahall dans l’Inde. Mais ils peuvent racheter leur vie du consentement de la famille de l’ensorcelé. Asiat. Res. IV, 632. Au Congo, il suffit qu’un prêtre désigne quelqu’un pour sorcier : il est aussitôt tué par les assistants. Dans le royaume d’Issini, ils sont condamnés à être noyés. On peut remarquer encore dans nos missionnaires une grande répugnance à nier le surnaturel des opérations des jongleurs. «Plusieurs de nos Français», dit le P. Leclercq, «ont cru un peu trop facilement que ces jongleries n’étaient que des bagatelles et un jeu d’enfant..... Il est vrai que je n’ai pu y découvrir aucun pacte explicite ou implicite entre les jongleurs et le démon ; mais je ne puis me persuader aussi que le diable ne domine dans leurs tromperies..... Car enfin il est difficile de croire qu’un jongleur fasse naturellement paraître les arbres tout en feu, qui brûlent visiblement sans se consumer, et donne le coup de la mort aux Sauvages, fussent-ils éloignés de quarante à cinquante lieues, lorsqu’il enfonce son couteau ou son épée dans la terre, et qu’il en tire l’un ou l’autre tout plein de sang, disant qu’un tel est mort, qui effectivement meurt et expire dans le même moment qu’il prononce la sentence de mort contre lui... et qu’avec le petit arc dont ils se servent, ils blessent et tuent quelquefois les enfants dans le sein de leurs mères, quand ils décochent leurs flèches dessus la simple figure de ces petits innocents qu’ils crayonnent tout exprès.» LECLERCQ, Voir J.-F. Lafitau, Mœurs des sauvages, t. I, pp. 390–393. Lafitau y fait le résumé d’une légende de sorcellerie qui se termine par la mise à mort (sacrificielle) des prétendus sorciers (en l’occurrence d’une mère et son fils). De nouveau, BC se trompe de numéro de page : voir T. Shaw, «On the Inhabitants of the Hills near Ra’jamahall», pp. 74–75 (et non pas p. 63).

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Nous reviendrons plus tard sur cette matière. Nous montrerons les ministres des cultes déchus proscrits comme magiciens, et les dieux de ces cultes décriés comme génies malfaisants. Les objets de la dévotion légitime du Saxon se transformeront en habitants des enfers dans les Capitulaires de Charlemagne, et les prières du pontife de Rome au Jupiter très-grand et très-bon seront pour les chrétiens des paroles coupables, empreintes d’un pouvoir illicite et ténébreux. Mais nous devons nous borner ici à une indication courte. La différence entre les deux notions n’est pas assez marquée, la ligne tracée entre les deux professions est trop étroite, pour que le Sauvage y prête une attention sérieuse a. Le succès décide, plus que la légalité du caractère, du degré de respect et de confiance. Les jongleurs malheureux dans leurs prestiges sont traités comme les sorciers, dont naguère ils réclamaient le supplice b. Les chefs nègres ou caraïbes les font mettre

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Relat. de la Gaspésie, p. 332, 3351. La même conviction de l’intervention surnaturelle du diable aux initiations des divins caraïbes, perce dans le récit de ces initiations par Lafiteau. Mœurs des Sauvages, p. 3482, et il se montre plein d’indignation contre ceux qui révoqueraient cette intervention en doute. «C’est une industrie des athées», dit-il, p. 3743, «et un effet de cet esprit d’irréligion qui fait aujourd’hui des progrès si sensibles dans le monde, d’avoir détruit en quelque sorte dans l’idée de ceux mêmes qui se piquent d’avoir de la religion, qu’il se trouve des hommes qui aient commerce avec les démons par la voie des enchantements et de la magie. On a attaché à cette opinion une certaine faiblesse d’esprit à la croire... Pour établir cependant cet esprit d’incrédulité, il faut que ces prétendus esprits forts veuillent s’aveugler au milieu de la lumière, qu’ils renversent l’ancien et le nouveau Testament, qu’ils contredisent toute l’antiquité, l’histoire sacrée et la profane.» Ibid. p. 374. Il raconte ensuite plusieurs faits qui lui semblent prouver le pouvoir surnaturel ou infernal des jongleurs. La distinction entre les prêtres et les sorciers est si peu prononcée à cette époque de la religion, que suivant quelques montagnards de l’Inde, les ames de leurs demaunos ou prêtres deviennent de mauvais génies. (As. Res. IV, 714). CRANZ, 274. OLDENDORP, Hist. des missions chez les Caraïbes, I, 3035. Il est remarquable

14 p. ] pag. Rel. I,2 1 2

3

4 5

17 p. ] pag. Rel. I,2

24 p. ] pag. Rel. I,2

BC cite des passages tirés de Nouvelle Relation de la Gaspesie (1691) de Chrétien Le Clercq. Toutes les références sont correctes. Voir J.-F. Lafitau, Mœurs des sauvages, t. I, p. 349 : «Dans ce détail de l’Initiation finale des Caraïbes, les Sçavans peuvent discerner plusieurs traits curieux & singuliers de la Religion des Payens [c’est-à-dire des nations de l’Antiquité]. Ces traits sont les signes de la présence de l’Esprit [c’est-à-dire du ‘Démon’, à savoir le diable]». Voir J.-F. Lafitau, Mœurs des sauvages, t. I, p. 374. Mis à part l’orthographe, BC cite ce passage de manière correcte. Quant à la question de savoir dans quelle mesure le pouvoir des «jongleurs», c’est-à-dire des chamans ou magiciens, est dû à l’intervention du diable, Lafitau adopte une position plutôt nuancée (voir pp. 375–395). De nouveau, BC se trompe de numéro de page : voir T. Shaw, «On the Inhabitants of the Hills near Ra’jamahall», p. 82 (et non pas p. 63). D. Cranz, Historie von Grönland, p. 274, où Cranz fournit, à l’endroit indiqué, des preuves à l’appui de la règle que les jongleurs malheureux sont traités comme des sorciers, mais

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De la Religion, I

à mort indistinc tement, dès qu’ils sont soupçonnés d’imposture ou convaincus d’impuissance a. Prêtres ou magiciens, sorciers ou jongleurs, ont les mêmes fonctions. Leurs opérations mystérieuses concilient au Sauvage la protection de son fétiche, ou le préservent des embûches que des fétiches ennemis lui tendent. S’il est mécontent de son dieu, les jongleurs lui en recommandent ou lui

a

que ce sont presque toujours des femmes et de vieilles femmes qu’on accuse de sorcellerie. KEYSLER, Antiq. sept. 4561. Sparrman, Voyage au cap de Bonne-Espérance, 196–1982. Un roi des Patagons fit massacrer tous les prêtres qu’on put trouver, parce qu’aucun d’eux n’était parvenu à mettre un terme à la petite vérole. (FALKNER, Description of Patagonia, p. 1173).

11 117). ] 117. Rel. I,2

1

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3

ne dit pas que les jongleurs réclamaient naguère le supplice des sorciers. – Quant à C. G. A. Oldendorp, voir Geschichte der Mission der evangelischen Brüder, t. I, p. 303 : Oldendorp rapporte en effet que les ‘nègres’ cherchent à exterminer ceux parmi les jongleurs qu’ils considèrent comme ennemis du genre humain. Voir Johann Georg Keyssler, Antiquitates selectæ septentrionales et celticæ [...], Hannoveræ : sumptibus Nicolai Foersteri, 1720. La citation de BC renvoie à la fin du § LV et au début du § LVI de la «Dissertatio de mvlieribvs fatidicis vetervm celtarvm gentivmque ` la p. 456, septentrionalivm [...]», qui forme la cinquième partie de l’ouvrage de Keyssler. A il est question des noms que les Germains et les Celtes donnaient aux «fœminæ sacerdotesque ejus sexus» et des circonstances dans lesquelles elles furent chassées par Filimer, roi des Goths. Voir Anders Sparrman, Voyage au Cap de Bonne-Espérance, et autour du monde avec le Capitaine Cook, et principalement dans le pays des Hottentots et des Caffres, Paris : Chez Buisson, Libraire, 1787, 3 vol. Dans aucun des trois volumes de l’ouvrage il n’est question de l’usage mentionné, ni aux pages indiquées par BC ni ailleurs. Sparrman souligne que les Hottentots «ont une confiance si ferme en tous les imposteurs, hommes et femmes, qui osent se donner pour magiciens et pour sorciers, qu’ils s’adressent quelquefois à eux, et les sollicitent d’arrêter le tonnerre et la pluie» (t. I, p. 272). Il ne fait pourtant pas état de l’usage de tuer les magiciens «soupçonnés d’imposture ou convaincus d’impuissance». Voir Thomas Falkner, A Description of Patagonia, and the Adjoining Parts of South America, Hereford : Printed by C. Puch ; and sold by T. Lewis, Russell-Street, Covent-Garden, London, 1774, p. 117 : «In cases also of pestilence and epidemic disorders, when great numbers are carried off, the wizards often suffer. On account of the smallpox, which happened after the death of Mayu Pilqui-ya and his people, and almost entirely destroyed the Chechehets, Cangapol ordered all the wizards to be killed, to see if by these means the distemper would cease.» Cette observation fait partie du ch. V : «The Religion, Government, Policy, and Customs, of the Moluches and Puelches» (pp. 114–131). Les Chechehets étaient un des trois groupes principaux de l’ethnie aujourd’hui disparue des Hets, qui peuplaient la zone pampéenne de l’Argentine lors de l’arrivée des Espagnols au XVIe siècle.

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Livre II, Chapitre VI – De l’influence des prêtres

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en fabriquent un autre a. Quand les prières sont insuffisantes, la violence est admise, et les schammans, comme les mages, se vantent de pouvoir contraindre les immortels b. a b

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DES MARCHAIS, E. c. 2961. CHARLEVOIX2 et Lettres édif., passim3. Georgi4, p. 384. CRANZ, 265–2685. CAUCHE, Rel. de l’île de Madagascar6. Voir J.-B. Labat, Voyage du Chevalier Des Marchais en Guinée, t. I, p. 296 : ce que Labat dit ici ne correspond pas exactement au résumé de BC. Il constate d’abord qu’une «Idolâtrie mêlée d’une infinité de superstitions que l’avarice des Marabous entretient, est la religion dominante du païs» et souligne par la suite : «Leur culte», c’est-à-dire le culte des peuples de la Côte d’or, «est tout entier pour les Fetiches, ce sont leurs Dieux, ils les craignent & ne les aiment point, ils les prient pour éviter d’en être maltraitez, car ceux qui ont un peu plus d’esprit que les autres, conviennent qu’ils n’en peuvent attendre aucun bien.» Puis, il souligne l’arbitraire de la forme des fétiches : «Ces Fetiches n’ont aucune forme ou figure déterminée ; c’est un os de poulet, une tête seche d’un singe, une arréte de poisson, un caillou, un noyau de datte, une boulle de suif, dans laquelle on a lardé quelques plumes de perroquet, un bout de corne plein de diverses ordures, & mille autres choses semblables. Ce sont leurs Marabous qui leur vendent ces Dieux ridicules, en l’honneur desquels ils les obligent à certaines observances» (p. 296). Ce passage figure dans le ch. XII intitulé «Des mœurs & des coutumes des peuples de la côte d’Or» (pp. 277–335). Dans l’Histoire du Paraguay de Charlevoix, aucun renseignement qui correspondrait à la remarque de BC n’a pu être retrouvé. BC pense probablement à un passage du Journal où Charlevoix explique pourquoi les sauvages, qui «ne conviennent pas volontiers qu’ils ont tort», changent parfois de génie tutélaire : «[...] à la premiere occasion de se condamner soimême, ou de jetter la faute sur son Génie tutélaire, c’est toujours sur celui-ci, qu’on la jette ; on en cherche un autre sans façon» (p. 347 ; éd. critique, pp. 686–687). Il n’est pas clair à quels passages des Lettres édifiantes (nouvelle édition) BC pense ici. Les missionnaires parlent souvent de l’arbitraire du choix des ‘manitous’ par les ‘barbares’, de l’arbitraire également avec lequel le sauvage attribue tel effet à tel manitou, etc. Voir p. ex. t. VI, pp. 330–332 (passage qui figure dans la «Lettre Du Pere Gabriel Marest, Missionnaire de la Compagnie de Jesus, au Pere Germon, de la même compagnie», lettre datée «Au Cascaskias, village Illinois, autrement dit de l’Immaculée Conception de la sainte Vierge, le 9 novembre 1712» (t. VI, pp. 320–376). Voir J. G. Georgi, Beschreibung aller Nationen des Rußischen Reichs, t. III, pp. 384–385, où Georgi constate que tous les païens qui adhèrent au chamanisme tentent de se concilier la protection des dieux, et où il décrit de manière détaillée la façon dont les chamans fabriquent les fétiches. Voir D. Cranz, Historie von Grönland, pp. 266–271 : la remarque de BC est plutôt une interprétation qu’un résumé de ce que Cranz dit au sujet de la manière dont les «Angekoks» des Groenlandais, c’est-à-dire leurs prêtres-sorciers, évoquent les esprits. Il est évident que Cranz souligne la tromperie (p. 271) dont témoignent ces évocations. Mais il admet en même temps que certains Angekoks possèdent des dons thérapeutiques remarquables qu’ils doivent à une sorte de science de la nature («Natur-Kunde», p. 272) traditionnelle. Voir François Cauche, «Relation du Voyage que François Cauche de Rouen a fait à Madagascar, Isles adjacentes, & coste d’Afrique [...]», Relations Veritables Et Curieuses De ` L’Isle De Madagascar, Et Du Bresil [...], Paris : Augustin Coubré, 1651, pp. 1–115. A aucun endroit la «Relation» de Cauche ne correspond au résumé de BC. On trouve par contre des observations générales sur la religion des peuples de Madagascar (p. 45 et dans l’annexe «De la Religion, Mœvrs, et Façons de faire de ceux de l’Isle de Madagascar, Ensemble des Animaux qui y sont, & aux Isles voisines», pp. 119–120).

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De la Religion, I

Ils procèdent de nuit à ces opérations, avec des hurlements et des contorsions terribles a, qu’accompagne le bruit des tambours b, dans des lieux

a

b

On peut consulter sur les convulsions sacerdotales des schammans, Lévêque, Excurs. sur le schammanisme, pag. 298–3041. Ces convulsions sont tellement violentes et effroyables, que les Européens ne conçoivent pas qu’on puisse les supporter. GME´ LIN, Reise durch Sibirien, II, 3532). CHARLEV. Journ. 361, 3623. LERI, Voy. au Brés. 242–267–2984. CARVER. 2715. GEORGI. Beschr. 320–377, 3786. ISBRAND. Voy. au Nord, VIII, 56, 577. ROEMER, 578. BOSSMANN, Voy. en Guin. 2609. Les demaunos, ou prêtres, chez les montagnards de l’Inde, sucent le sang des victimes et tombent, ou affectent de tomber dans le délire. Asiat. Res. IV, 6910. GEORG. ib. 37811. GME´ L. I, 289 ; II, 4912.

3 schammans, ] schammans Rel. I,2 7 Georgi. ] Georgi, Rel. I,2 Rel. I,2 tombent, ] tombent Rel. I,2 Rel. I,2

1 2 3

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5 Gmélin, ] Gmelin, Rel. I,2 6 Carver. ] Carver, Isbrand. ] Isbrand, Rel. I,2 9 victimes ] victimes, 11 Gmél. ] Gmel. Rel. I,2

Voir P.-C. Levesque, Histoire de Thucydide, t. III, pp. 298–304. C’est surtout aux pp. 299 et 304 que les convulsions des chamans sont évoquées. Voir J. G. Gmelin, Reise durch Sibirien, t. II, pp. 351–357. Gmelin fait ici le récit des «Jongleries» («Gaukeleyen», p. 351) d’un chaman yakoute. Le passage auquel BC renvoie concerne les ‘prestiges’ des jongleurs : «J’ai oui dire à des Personnes, dont je ne pouvois soupçonner, ni la bonne foi, ni la prudence, que lorsque ces Imposteurs s’enferment dans les Etuves pour se faire suer, & c’est-là une de leurs plus ordinaires préparations pour faire leurs prestiges, ils ne différent en rien des Pythonisses, telles que les Poëtes nous les ont représentées sur le Trépied : qu’on les y voit entrer dans des convulsions & des enthousiasmes, prendre des tons de voix, & faire des actions, qui paroissent au-dessus des forces humaines, & qui inspirent aux Spectateurs les plus prévenus contre leurs impostures une horreur & un saisissement, dont ils ne sont pas les maîtres» (Charlevoix, Journal, pp. 361–362 ; éd. critique, p. 709). ` la p. 242, il s’agit d’une Voir J. de Léry, Histoire d’un voyage faict en la terre du Bresil. A célébration religieuse ; les ‘convulsions’ dont il est question sont celles des femmes qui assistent à cette célébration et non pas seulement celles du sacerdoce dont les membres sont ` la p. 267, il ne s’agit pas de ‘convulsions sacerqualifiés par Léry de faux prophètes. A ` la p. 298, il n’est pas dotales’, mais de la nourriture que l’enfant reçoit chez les sauvages. A non plus question de ‘convulsions sacerdotales’, mais du bruit que les sauvages font «autour du pauure patient» ou quand ils se lamentent, lorsqu’il meurt. Voir J. Carver, Travels through the Interior Parts of North America. La page à laquelle renvoie BC figure dans le chapitre, déjà cité (voir ci-dessus, p. 298, n. 1) que Carver consacre aux danses rituelles des Indiens. Les convulsions dont il est question (pp. 274–275) ont lieu lors d’un rituel d’initiation. Voir J. G. Georgi, Beschreibung aller Nationen des Rußischen Reichs, t. III. Le passage indiqué appartient à une série de chapitres sur différentes peuplades. C’est à la p. 376 que Georgi rapporte qu’aux yeux des «schammanischen Heiden», les personnes appartenant au groupe des prêtres ou chamans reçoivent cette distinction des dieux eux-mêmes et que

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écartés, à la clarté d’un feu qui ne répand qu’une lueur sombre a. Ils ne négligent aucun moyen d’inspirer l’effroi, leurs déguisements laissent à peine reconnaître la figure3 humaine b. Tantôt ils marchent sur des chara b

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CRANZ, 2681. BIET. 3872. Voici le portrait d’un jongleur américain, tracé d’après nature par un missionnaire, d’une époque assez peu reculée : «Le jongleur était entièrement couvert d’une ou de plusieurs peaux d’ours extrêmement noires, et si bien cousues ensemble qu’elles cachaient entièrement l’homme ; la tête de l’ours ainsi que les pieds et leurs longues griffes, avaient la même apparence que s’ils avaient appartenu à l’un de ces animaux vivants. Il avait mis sur cette tête une énorme paire de cornes ; une queue extrêmement touffue lui pendait par derrière, et elle faisait, lorsqu’il marchait, des mouvements comme si elle eût été à ressorts. Lorsqu’il marchait à quatre pattes, on l’eût pris pour un ours d’une taille extraordinaire, sans les cornes et la queue. Il avait coupé dans la peau des trous pour pouvoir, au besoin, se servir de ses mains ; mais on ne pouvait les voir, parce qu’elles étaient recouvertes par les

certaines convulsions des enfants en sont les signes. Aux pp. 377–378, il est question des vêtements effrayants des chamans et de leurs tambours. Au sujet des convulsions, voir aussi J. G. Georgi, Bemerkungen einer Reise im Rußischen Reich, t. I, p. 380. (Note de la page précédente.) Voir Adam Brand, Relation du voyage de Mr. Evert Isbrand Envoyé de Sa Majesté Czarienne à l’Empereur de la Chine, en 1692, 93, & 94 [...], Amsterdam : Chez Jean-Louis de Lorme, 1699. pp. 57–57. Il y est bien question d’une «Idole» en bois qu’Evert Ysbrants Ides, commerçant et diplomate au service du tsar Pierre le Grand (voir ADB, t. XIII, pp. 747–749), voit chez trois femmes ostiakes, mais non pas de convulsions sacerdotales, etc. Sur l’idole en question et le culte des Ostiaks, voir A. Brand, pp. 61–63 : quelques détails de ces cérémonies ressemblent bien à des convulsions. (Note de la page précédente.) Voir L. F. Römer, Nachrichten von der Küste Guinea, pp. 57– 58, où Römer décrit les convulsions d’une «Fetisweib». (Note de la page précédente.) Voir W. Boßmann, Reyse nach Guinea. Un passage qui correspond à la remarque de BC n’a pas pu être retrouvé dans l’ouvrage de Boßmann. Dans le chapitre auquel renvoie la page indiquée par BC, il est bien question de rites sacrificiels que les habitants de la Guinée accomplissent quand l’un des leurs est malade ou meurt ; quant aux ‘convulsions’, elles ne sont pas le propre des prêtres, mais des femmes qui viennent de perdre leur mari (voir p. 269). (Note de la page précédente.) De nouveau, BC se trompe de numéro de page : voir T. Shaw, «On the Inhabitants of the Hills near Ra’jamahall», p. 53 (et non pas p. 69). (Note de la page précédente.) Voir J. G. Georgi, Beschreibung aller Nationen des Rußischen Reichs, t. III, p. 378, où il est en effet question des tambours des chamans. (Note de la page précédente.) Voir J. G. Gmelin, Reise durch Sibirien, t. I, p. 289 (il y est question du jeu de tambour de deux «Kame», c’est-à-dire chamans tatares [sur le nom «Kam» voir p. 75]), et t. II, p. 493 (Gmelin y fait le récit de la jonglerie [«Gaukeley»] d’une femme yakoute et mentionne son «Geschrey mit dem Geräusche der Trommel»). Voir D. Cranz, Historie von Grönland, pp. 268–271. Ces pages, qui concernent l’apprentissage des «Angekoks», correspondent partiellement à l’observation de BC. Il s’agit d’un passage qui figure dans le chapitre II, 12, déjà cité, et qui se trouve bien à l’endroit indiqué : «Ils font cette cérémonie dans vn lieu ou` on ne voit goutte ; s’il y a du feu ils l’éteignent» (pp. 386–387).

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bons ardents a, tantôt ils s’enfoncent des épées dans le corps b. L’approche du dieu qu’ils invoquent s’annonce avec un bruit semblable au vent d’orage, et il est probable que, par un art qui sert en Europe à nos amusements, ils font entendre à leurs auditeurs la voix du fétiche invisible qui répond à leurs demandes c. Leurs invocations, rédigées dans un langage inintelligible aux assistants, entourent le monopole sacerdotal d’un secret inviolable. La Nigritie et le Groenland ont comme l’E´gypte leurs hiéroglyphes et comme l’Inde leur langue sacrée d. Les jongleurs tirent adroitement avantage de tout ce qui sort des règles communes, parce que tout ce qui sort des règles communes frappe le Sauvage de surprise et de crainte. L’imbécillité et la démence obtiennent ses

a b c

d

longs poils de l’animal, et il voyait à travers deux autres trous, auxquels il avait adapté des morceaux de verre.» HECKEWELDER, p. 3731. GMELIN, II, 872. Idem, III, 723. Lorsque les angekoks annoncent l’arrivée du dieu, on entend un bruit sourd qui grossit en se r’approchant du lieu de la cérémonie, puis deux voix distinctes, celle de l’angekok et celle du fétiche, à distance l’une de l’autre. CRANZ, 2684. ROEMER, Nachricht. von der Küste Guinea, 805. CRANZ, Hist. du Groenland, pag. 2736. EGEDE, Beschr. v. Groënland, pag. 1227.

14 Heckewelder, ] Heckevelder, Rel. I,1 1

2 3 4 5

6 7

18 r’approchant ] rapprochant Rel. I,2

Voir J. G. E. Heckewelder, Histoire, mœurs et coutumes des nations indiennes. Le passage est tiré du chapitre XXXI («Docteurs ou Jongleurs», pp. 366–389) et figure en réalité aux pp. 374–375. BC ne respecte pas partout l’orthographe et la grammaire du texte, mais à part une petite omission (après «sans les cornes et la queue», il faut insérer «qu’il avait ajoutées à ce grotesque déguisement», p. 374), il reproduit l’ensemble du texte cité. ` l’endroit indique´ par BC, on ne parle pas de jongleurs marchant sur des charbons, mais de A jongleurs faisant semblant d’enfoncer des flèches dans leur corps. C’est ici qu’on trouve mentionnés les jongleurs marchant sur des charbons. Voir D. Cranz, Historie von Grönland, p. 270 : «Man hört deutlich zwo verschiedene Stimmen, eine draussen, eine drinnen.» ` la page indiquée par BC, il n’est pas question de langue sacrée ou d’hiéroglyphes. Voir A p. 82, où il s’agit des réponses obscures d’un fétiche. Voir également p. 16 : «Ihre Gelehrsamkeit [c’est-à-dire la science des noires du Bénin] besteht in vielen Nieroglyphischen Figuren, und steinernen Bildnüssen, durch deren Hülffe sie, so wohl ihre eigene als die ganze Geschichte ihres Landes, erzählen können.» ` la page indiquée, Cranz parle des formules magiques utilisées par les «Angekoks». A Voir P. H. Egede, Nachrichten von Grönland, pp. 122–123 : il y est en effet question de la «beynahe unverständliche Zaubersprache» (p. 122) et de son rapport avec la langue commune du pays.

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hommages. Les cheveux des albinos servent de talismans aux Nègres de Loango a. Les insulaires de la mer du Sud adorent les insensés b. Leurs prêtres se prévalent de cette disposition naturelle. L’épilepsie devient pour eux une faculté et un privilége. C’est sur cette maladie, qui se perpétue dans les familles, qu’ils fondent leurs prétentions à l’hérédité, ou qu’ils motivent la reception des novices c. a b

c

PROIART. 1721. ULLOA, Voy. dans l’Amér. mér. II, 1712. Dernier Voy. de Cook, II, 11 ; III, 1313. On voit des vestiges de cette opinion chez les Turcs, les Persans et les Arabes. Le penchant à supposer qu’il y a quelque chose de surnaturel dans le délire ou le dérangement de l’intelligence, n’est pas aussi étranger à la philosophie qu’on le croirait d’abord. Aristoteles, dit Cicéron (de Divin. I. 37)4, eos qui valetudinis vitio furerent et melancholici dicerentur, censebat habere aliquid in animis præsagium atque divinum. GEORGI Beschreib. 3765. Les angekoks choisissent pour élèves des enfants épileptiques. CRANZ, 268–2706.

6 reception ] réception Rel. I,2 1

2

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7 Proiart. ] Proiart, Rel. I,2

14 Georgi ] Georgi, Rel. I,2

BC se réfère à L. B. Proyart, Geschichte von Loango, Kagongo und anderen Königreichen in Afrika [traduit par Meiners] (1777). Proyart mentionne les albinos parmi les nègres et parle de la vénération particulière dont ils sont l’objet (p. 172). BC indique la bonne page mais se trompe encore une fois sur le titre du livre d’Ulloa. Ce n’est pas dans Voyage dans l’Amérique méridionale (1752), mais dans Physikalische und historische Nachrichten, traduit par Johann Andreas Dieze, Zweyter Theil (1781), qu’on trouve à la p. 171 une remarque sur la vénération des débiles : «Diese Gattung von gebrechlichen Leuten von beyden Geschlechtern wird sehr häufig unter ihnen angetroffen [...]. Sie sehen im Gesichte, Kopfe und Halse äußerst häßlich und fürchterlich aus ; am Halse haben sie Geschwülste oder Kröpfe, die fast so groß als der Kopf selbst sind. Die Indianer schreiben ihnen besondere Eigenschaften zu, unter anderen halten sie sie für Wahrsager, und fragen sie bey verschiedenen Vorfällen um Rath. Sie erweisen ihnen eine Art von Verehrung, und sehen sie als Leute an, die vor andern Menschen viel besonderes voraus haben». BC puise sans doute cette remarque chez C. Meiners, Allgemeine kritische Geschichte, t. I, p. 324 : «Die Bewohner des südlichen Asiens und die Insulaner der Südsee beten Blödsinnige und Wahnsinnige als wirkliche lebende Götter an». Il adopte aussi la référence trouvée chez Meiners. Voir M. Tulli Ciceronis De divinatione libri duo, edited by Arthur Stanley Pease [1920], Darmstadt : Wissenschaftliche Buchgesellschaft, 1963, pp. 242–243, I, 81 : «Aristoteles quidem eos etiam qui valetudinis vitio furerent et melancholici dicerentur censebat habere aliquid in animis præsagiens atque divinum» (Aristote pensait en effet que ceux aussi qui déliraient à cause d’une maladie et qu’on appelait des mélancoliques avaient dans leur âme comme une divine faculté de prescience). La citation de BC est à peu près correcte, sauf «præsagium» au lieu de «præsagiens». Voir J. G. Georgi, Beschreibung aller Nationen des Rußischen Reichs, t. III, p. 376 : «Sie nehmen an, daß Leute dieses Standes von den Göttern selbst ausgezeichnet würden und halten Krämpfe, Zuckungen und andere Zufälle der Kinder für Kennzeichen dieses höhern Berufs.» Voir aussi J. G. Georgi, Bemerkungen einer Reise, t. I, p. 380. – Voir le Repertory, note 642. Voir D. Cranz, Historie von Grönland, pp. 268–271. De nouveau, BC interprète les observations de Cranz sur l’apprentissage des Angekoks. Cranz lui-même ne parle pas d’épilepsie.

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De la Religion, I

Trois choses surtout favorisent leur pouvoir : la crainte ou le souvenir des bouleversements de la nature, la surprise qu’inspirent les rêves à l’homme ignorant, et son désir ardent, son espoir chimérique de connaître l’avenir. Toutes les parties de notre globe ont, à différentes époques, éprouvé de violentes secousses. Partout la terre porte l’empreinte des déchirements qui tant de fois ont interrompu le grand ouvrage de la civilisation. Nous habitons sur des volcans, nous marchons sur des abymes ; la mer nous entoure et nous menace. Pendant que chaque jour la mort choisit à loisir ses victimes au milieu de nous, la nature impatiente prépare silentieusement des des tructions plus vastes, et dans son travail implacable, comme inaperçu, elle voit en mépris nos espérances hardies, nos accumulations précaires et la suite de nos vains efforts. Elle peut en effet, d’un seul mouvement, par une inclinaison du globe, étouffer l’avenir, en effaçant le passé. Le sentiment religieux aime à se plonger dans la contemplation de ces grandes catastrophes, soit que, fort de sa nature immortelle, il se plaise à planer sur les débris du monde, et à braver une destruction qui ne peut l’atteindre, soit qu’il voie, avec un plaisir secret, le renversement de tous les obstacles qui le séparent de l’Eˆtre infini et le signal de sa réunion avec cet être, vers lequel il s’élève, bien qu’enchaîné par la matière morte et rebelle qui l’enveloppe et le circonscrit de toutes parts. Même aujourd’hui que toutes nos habitudes nous détournent des méditations vagues et nous proposent pour but de la vie l’intérêt du jour, nous restons silencieux et absorbés, lorsque nous apprenons de nos physiciens modernes à reconnaître, dans les couches accumulées de ce globe, les dépouilles de mille générations anéanties qui semblent appeler la nôtre et lui tracer la route qu’elle suivra. Le Sauvage, condamné tour à tour à une série d’efforts qui l’épuisent, et à de longs intervalles d’une inaction forcée, durant laquelle son errante imagination succombe à l’ennui, tandis que son corps lutte tour à tour contre les privations ou contre les excès de l’intempérance, médite dans sa hutte et à sa manière, non sur ce qu’il sait, mais sur ce qu’il craint. Chez toutes les hordes, on rencontre des traditions relatives à l’anéantissement du monde a. Les dieux bienfaisants retardent avec peine ce moment affreux. A qui s’adressera le Sauvage, pour encourager ses protecteurs et a

Relation d’un voyage en Sibérie, par M. Chappe d’Autroche1.

3 désir ] desir Rel. I,2 9 silentieusement ] silencieusement Rel. I,2 18 infini ] infini, Rel. I,2 26 tour à tour ] tour-à-tour Rel. I,2 28–29 tour à tour contre les ] aussi tour-à-tour 34 d’Auteroche. ] d’Autroche. Rel. I,1 contres la douleur des Rel. I,2 1

Voir Jean-Baptiste Chappe d’Auteroche, Voyage en Sibérie fait par ordre du roi en 1761 (1768), édition critique par Michel Mervaud, t. II, Oxford : Voltaire Foundation, 2004, p. 516 : «Ce dernier [le dieu Maidiry] doit succéder à Chaque-Dgumeni ; mais la fin du monde arrivera avant son règne ; il annoncera aux hommes cet événement».

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pour désarmer ses ennemis, si ce n’est au jongleur, dont les prières sont efficaces et dont la voix terrible peut contraindre après avoir supplié ? Quand les astres se voilent, quand des éclipses disputent à la lune sa pâle lumière, les hordes, réunies sur la cime des montagnes ou les rives des mers, accompagnent de leurs cris les cris de leurs prêtres, et les cérémonies lugubres, communes à tous les peuples a, ne sont que les terreurs du Sauvage, soumises à un ordre régulier et réduites en système par le sacerdoce. Les rêves n’ont pas sur lui une moindre influence. L’habitude nous familiarise avec les phénomènes les plus étonnants ; et pour peu que l’inexplicable se prolonge, il nous paraît simple. Les songes, ces bizarres parodies de la réalité, ces images fantastiques de la vie, qu’elles traversent en y laissant quelquefois un trouble que notre raison devenue sévère a pourtant peine à dissiper, doivent produire sur les peuples enfants une impression dont il nous est impossible de calculer aujourd’hui toute la profondeur. Les Sauvages de l’Amérique et de la Sibérie n’entreprennent aucune expédition, ne font aucun échange, ne s’engagent par aucun traité, qu’ils n’y soient encouragés par des rêves b. Ces rêves leur tiennent lieu a b

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BOULANGER, Antiquité dévoilée par ses usages1. HENNEPIN, Voy. au Nord, IXe vol2. Voir Nicolas-Antoine Boulanger, L’Antiquité dévoilée par ses usages ou Examen critique des principales Opinions, Céremonies & Institutions religieuses & politiques des différens Peuples de la Terre, Amsterdam : chez Marc Michel Rey, 1766, livre II, ch. IV, intitulé «Des idées Astronomiques des Anciens ; des terreurs causées par les Eclipses, les Cometes, & les autres phénomenes de la nature. De la cause des craintes que les météores excitoient dans les hommes» (pp. 153–192), p. 157 : «Si nous jettons nos regards sur l’Amérique, nous verrons tout le Pérou en allarmes au temps des éclipses. Le peuple poussoit alors des cris lamentables, on n’entendoit que des chansons lugubres soutenues d’un bruit effroyable de trompettes, de cornets & de tambours ; à force de coups de fouets on faisoit aboyer les chiens mêmes ; l’idée générale étoit que le monde alloit finir & que les éclipses annonçoient cet événement». Selon Boulanger, la source est Augustín de Zárate, Histoire de la découverte et de la conquête du Pérou, Paris : par la Compagnie des libraires, 1706, 2 vol. Voir note à la p. 149 dans N.-A. Boulanger, L’Antiquité dévoilée par ses usages, édition établie et annotée par Paul Sadrin, Paris : Les Belles Lettres, 1978. Il y a deux articles du P. Hennepin portant sur l’Amérique Septentrionale, l’un dans le t. V, l’autre dans le t. IX du Recueil des Voyages au Nord. BC les a confondus, les remarques sur ` la p. 275, indiquée correctement, le P. Hennepin décrit les rêves se trouvant dans le t. V. A la fonction des songes chez les sauvages : «Les songes leur tiennent lieu de Prophetie, d’inspiration, de Loix, de commandement & de règles dans leurs entreprises de guerre, de paix, de commerce & de chasse. La foi qu’ils y ont leur impose une espece de necessité, parce qu’ils croient, que c’est un esprit universel qui les leur inspire pour les avertir de ce qu’ils doivent faire. Cela va si loin, que si leur songe leur ordonne de tuer un homme, ou de commettre quelque autre mauvaise action, ils l’exécutent en même tems, & la reparent ensuite par les moyens que nous dirons après. Les parens songent pour leurs enfants, & les Capitaines pour leurs Villages. Ils ont des gens qui se mêlent d’interpréter ces songes, & qui les expliquent selon leurs inclinations».

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d’inspirations, de directions et de prophéties a. Ce qu’ils ont de plus précieux, ce qu’ils défendraient volontiers au prix de leur vie, ils l’abandonnent sur la foi d’un songe. Les femmes kamtschadales se livrent sans résistance à qui dit les avoir possédées dans son sommeil b. Un Iroquois rêve qu’on lui coupe un bras, et il se le coupe c. Un autre qu’il tue son ami, et il le tue d. Des tribus entières se mettent en marche pour conquérir ce dont un de a b

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Voy. au Nord, ibid. 2751. Il en est de même en Amérique. «Un ancien missionnaire m’a conté», dit Lafiteau, Mœurs des Sauvages, I, 3652, «qu’un Sauvage ayant rêvé que le bonheur de sa vie était attaché à la possession d’une femme mariée à l’un des plus considérables du village où il demeurait, il lui proposa de la lui céder. Le mari et la femme vivaient dans une grande union, et s’entr’aimaient beaucoup ; cependant ils n’osèrent refuser. Ils se séparèrent donc. La femme prit un nouvel engagement ; et le mari abandonné ayant été prié de se pourvoir ailleurs, il le fit, par complaisance et pour ôter tout soupçon qu’il pensât encore à sa première épouse. Il la reprit néanmoins après la mort de celui qui les avait désunis, laquelle arriva peu de temps après.» Un Sauvage, ayant rêvé qu’il était fait prisonnier par les ennemis, voulut que ses amis réalisassent le songe, en le surprenant comme un ennemi et en le traitant comme un esclave, et il se laissa brûler long-temps pour éluder la prédiction d’un songe si funeste. Ibid. 3663. Le respect pour les songes a porté plusieurs tribus américaines à célébrer en leur honneur une fête qui ressemble, sous quelques rapports, aux Saturnales des anciens et au carnaval des modernes. Ib. 3674. CHARLEV. Journ. 3545. Ibid6. Voir la p. précédente, n. 2. Dans sa citation, BC omet la comparaison avec une source classique que Lafitau ajoute après la clause «où il demeuroit» : «il lui fit la même proposition, qu’Hortensius eut le courage de faire autrefois lui-même à Caton d’Utique» (J.-F. Lafitau, Mœurs des sauvages, t. I, p. 365). Lafitau note en marge : «Plutarch. in Caton Min.» (p. 365), c’est-à-dire Plutarque, Vie de Caton d’Utique, ch. 25. Il est clair que la suppression de cette comparaison, typique de la méthode de Lafitau, trahit un souci fondamental de BC (qui, comme on l’a vu, partage pourtant le goût classique de ses prédécesseurs) : celui de dépasser le ‘classicisme’ et l’eurocentrisme des ethnographes qui, les premiers, tentèrent de décrire la religion des sauvages. Voir à ce propos notre Introduction, pp. 45 et 59. Voir J.-F. Lafitau, Mœurs des sauvages, t. I, p. 366. BC cite ici le texte de Lafitau en le modernisant légèrement. Voir J.-F. Lafitau, Mœurs des sauvages, t. I, pp. 367–368. En plus des Bacchanales, des Saturnales et du Carnaval, Lafitau mentionne ici «la coûtume ancienne des Orientaux, de se tenter par des énigmes, & par des emblêmes allegoriques» (p. 367). BC exagère le fait rapporte´ par P.-F.-X. de Charlevoix : «un sauvage ayant rêvé qu’on lui coupoit un doigt, il se le fit réellement couper à son réveil» (Journal, p. 354 ; éd. critique, p. 696). Autre exagération encore plus frappante : si, à l’endroit indiqué (P.-F.-X. de Charlevoix, Journal, pp. 355–356 ; éd. critique, pp. 698–699), il est bien question de meurtres inspirés par des rêves, il ne s’agit pas de meurtres entre amis, mais entre personnes dont le lien n’est pas spécifié. Charlevoix rapporte que quelqu’un qui rêve «qu’il casse la tête à un autre» le fera, s’il le peut, et qu’un troisième tuera le premier s’il «s’avise à son tour de songer qu’il venge le Mort.» Mais, ajoute l’auteur, «avec un peu de présence d’esprit, on se tire aisément d’embarras ; il ne faut que sçavoir opposer sur le champ à un tel rêve un autre songe, qui le contredise» ou bien apaiser «le Génie par quelque présent.»

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leurs membres a rêvé la conquête a. On conçoit aisément quelle puissance cette conviction doit conférer aux interprètes des avertissements célestes. Enfin une dernière cause de l’empire de ces hommes, c’est le besoin de lire dans l’avenir. On a remarqué plus d’une fois que l’ignorance des évènements qui nous menacent était le plus grand bienfait que nous dussions à la nature. Le passé rend déja la vie suffisamment difficile à supporter. Nul n’est parvenu jusqu’au tiers de sa carrière sans avoir à gémir sur des liens brisés, sur des illusions détruites, sur des espérances déçues. Que serait-ce, si, le cœur flétri de ces souvenirs funèbres, l’homme était poursuivi d’une déplorable prévoyance ; si, près des tombeaux de ceux qui ne sont plus, il voyait en idée s’entr’ouvrir la fosse qui doit engloutir ce qui lui reste ; si, blessé par l’ingratitude d’un ami perfide, il reconnaissait d’avance le traître dans l’ami qui l’a remplacé ? Le présent, fugitif, imperceptible, serait placé de la sorte entre deux épouvantables fantômes. L’instant qui n’est plus et celui qui n’est pas encore se réuniraient pour empoisonner le moment qui existe. Mais l’homme échappe au passé, parce qu’il l’oublie, et croit posséder l’avenir, parce qu’il l’ignore. Sans cesse néanmoins, il travaille à se priver de cette ignorance salutaire. Aussitôt qu’il croit pouvoir faire servir la religion à son intérêt, il lui demande des moyens de percer l’obscurité bienfaisante qui l’entoure ; et moins ses lumières sont étendues et ses expériences multipliées, plus les promesses qu’il extorque à la religion sont formelles et positives. La connaissance des choses futures est donc au premier rang des attributions qui font le crédit des jongleurs sauvages. La superstition les sollicite, l’ignorance les implore ; et s’ils avouaient leur impuissance, ils abdiqueraient leur autorité. Pour la conserver, ils obéissent à ces importunités de la superstition et de l’ignorance : et leurs révélations manquent d’autant moins le but qu’ils se proposent qu’ils les rattachent aux deux choses qui inspirent aux hommes le plus d’épouvante, à l’apparition des génies malfaisants, et au retour sur la terre des générations qui l’ont quittée. Ce sont les Nitos ou puissances ennemies que les jongleurs consultent dans l’île d’Amboine. Ce sont les a

Ib. 3551.

1

Troisième exagération consécutive : à l’endroit indiqué, il n’est pas question d’un objet de ‘conquête’, mais d’une «chose inanimée» ou bien d’un «Animal» que quelqu’un a désiré en rêvant. Charlevoix poursuit : «Si la chose désirée est de nature à ne pouvoir être fournie par un Particulier, le Public s’en charge ; fallut-il l’aller chercher à cinq cens lieuës, il la faut trouver à quelque prix que ce soit» (P.-F.-X. de Charlevoix, Journal, p. 355 ; éd. critique, p. 698).

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morts qu’ils évoquent chez les Iroquois, ces morts dont le Sauvage se garantit avec tant de soin, ces mânes qu’il imagine transformés en monstres acharnés, en vampires avides. Le Huron crédule entend les ombres de ses ancêtres répondre en gémissant. Le Caraïbe et le Nègre voient leurs cheveux s’agiter au fond du vase qui les renferme, et d’où sortent des sons prophétiques a. D’autres époques de la religion nous rappelleront ces notions lugubres. Ulysse, qui veut percer l’obscurité du sort, descend aux enfers pour y consulter sa mère b. L’homme a toujours conclu, de ce que les morts appartiennent au passé, que l’avenir leur appartenait ; ou plutôt c’est parce qu’au fond de son ame il doute de la mort, qu’il interroge obstinément ceux qu’elle a frappés. Ministres de ces cérémonies redoutables, les jongleurs partagent ou feignent de partager l’effroi qu’elles causent. Ils se défendent de troubler la paix des ombres. Ils craignent que ces ombres irritées ne se vengent de ce qu’on interrompt leur éternel repos. Ils craignent aussi que les dieux dépositaires de la destinée ne punissent le téméraire qui veut leur ravir ses secrets. Il n’est pas indifférent d’observer que, dans tous les cultes, l’acte de a

b

CAVAZZI, Relat. hist. de l’E´thiopie occidentale, II, 222–2341. DOBRIZHOFFER, Hist. des Abipons, II, 842. Au reste, cette crédulité des Sauvages ne doit pas nous paraître surprenante. Les Espagnols eux-mêmes assurent avoir assisté aux apparitions des ombres évoquées. Hispani complures persuasissimum sibi habent manes spectabiles fieri. DOBRIZHOFFER, ibid. Odyss. XI3.

18 Il ] Ils Rel. I,1 1

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19 Relat. ] Rel. Rel. I,2

Voir G. A. Cavazzi, Relation historique de l’Ethiopie occidentale. Dans le chapitre VIII du t. II, intitulé «De l’idolâtrie de Giagues, & de leurs sacrifices» (pp. 158–316), l’auteur accorde une large place à la peur qu’ont les ‘nègres’ giagues des esprits des morts et des moyens ‘barbares’ que les magiciens, en particulier les devins qu’on appelle ‘Singhilés’ ou ‘Singhillas’ (p. 219), mettent en œuvre pour exploiter cette peur : évocations terrifiantes, sacrifices humains, repas anthropophages, etc. (pp. 204–240). La pratique particulière à laquelle BC fait allusion n’y est pourtant pas mentionnée. C’est à la p. 203 qu’est illustrée une superstition qui attribue des pouvoirs maléfiques aux cheveux, mais il ne s’agit pas ici de l’évocation des morts. Voir M. Dobrizhoffer, Historia de Abiponibus, t. II, p. 84. Il y est bien question de l’évocation des ombres des morts, mais pas de la pratique particulière à laquelle BC renvoie (pas non plus chez Cavazzi, également cité ici). La citation en latin abrège l’original : «Hispani quoque complures, qui a pueris ætatem omnem Abipones inter Captivi consumsere, persuasissimum sibi habent, manes præstigiatorum vocatu necromantico spectabiles fieri, ad interrogatiunculas respondere, nihilque fallaciæ hoc in negotio intervenire.» Voir Odyssée, chant XI, vv. 84–89, 152–224 (Homers Odyssee von Johann Heinrich Voss, Stuttgart et Tübingen : in der J. G. Cotta’schen Buchhandlung, 1814, t. III, pp. 228, 231– 234).

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prophétiser est un acte pénible a. Cette idée doit probablement son origine à ce qu’en effet, lorsque l’imagination reçoit une de ces commotions violentes qui semblent l’élever au-dessus de sa sphère habituelle, cette commotion est accompagnée de douleur et de spasme. Mais travaillant dans cette occasion, comme dans toutes, sur les données de la nature, les jongleurs en ont habilement profité pour rehausser le prix de leur dévouement. Aujourd’hui encore, ceux qui s’arrogent le don de prédire affectent des terreurs profondes. C’est à regret, comme affrontant d’immenses dangers, qu’ils se résignent à dévoiler ce que le sort prépare.

a

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On n’a qu’à se rappeler pour preuve Protée, dans l’Odyssée ; la Sibylle et Silène, dans Virgile ; Élie et la Pythonisse, dans l’ancien Testament. Les contorsions de la Pythie étaient parfaitement pareilles à celles des jongleurs. Mém. de l’Ac. des Inscript. XXXV ; 1121. La terreur de l’action du dieu sur elle était si forte, qu’elle essayait quelquefois de s’y dérober. Veritam se credere Phœbo. PHARSALE, liv. V2.

12 Inscript. ] Inscrip. Rel. I,2

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BC cite les noms de devins et devineresses célèbres : Protée (Odyssée, chant 4, 349–569), la Sibylle (Virgile, E´néide, livre VI, 77–101), Silène, c’est-à-dire Faunus (Énéide, livre VII, 81–101), Élie (1 Rois, 21, 17–29), la Pythonisse, c’est-à-dire la nécromancienne d’Ein-Dor (1 Samuel, 28). La Pythie, prêtresse à Delphes, était chargée de transmettre les oracles d’Apollon et, pour ce faire, entrait en transe. Pour la période allant jusqu’à 1850, la Table générale et méthodique des Mémoires contenus dans les recueils de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres et de l’Académie des Sciences morales et politiques par M. Eugène de Rozière et Eugène Chatel, Paris : Auguste Durand, Libraire-E´diteur, 1856, ne cite que «Trois Dissertations sur l’oracle de Delphes» par M. Hardion, publiées en 1712 et 1713 (III, 137 ; 151, 170). Voir le Repertory, note 62. C’est dans J.-F. Lafitau (Mœurs des sauvages, t. I, p. 350) que BC, selon toute probabilité, a puisé cette citation de Lucain – Lafitau lui-même donnant comme référence «Lucan. Phars. Lib. 5». La citation s’étend de «Non rupta trementi» à «veritam se credere Phœbo / Prodiderant» ; BC n’en retient que la conclusion : les signes de la présence du Dieu faisant défaut, il s’avère que la Pythie «avait peur de se livrer au dieu Phébus».

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Chapitre VII. Conséquences de l’influence des jongleurs sur le culte des Sauvages.

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L’apparition d’un sacerdoce, dans le culte des Sauvages, est accompagnée, on le croira sans peine, de conséquences très-importantes. Nous avons peint l’homme combattu, pour tout ce qui tient a` la religion, par deux mouvements contraires. L’un, désintéressé, se nourrit des sacrifices mêmes qu’il s’impose, se complaît dans le dévouement et dans toutes les conceptions hautes et sublimes, répand sur ces conceptions une sorte de rêverie vague, et, dans son essor rapide et inattendu, met quelquefois la croyance de la horde la plus ignorante de pair avec la doctrine la plus épurée. L’autre mouvement, égoïste, ardent, mercenaire, travestit le sacrifice en trafic, n’admet que des notions positives, et précipite l’adoration dans la sphère étroite et orageuse des intérêts de la terre. C’est de celui-ci que les jongleurs doivent s’appliquer d’abord à se rendre maîtres. Leur autorité s’accroît de tout l’appui qu’ils prêtent aux notions suggérées par l’intérêt. Ils tournent donc, le plus exclusivement qu’ils le peuvent, vers cette portion de la religion, l’attention du Sauvage. Ils le distraisent1 de l’idée du grand Esprit, qui, dans son immensité et son éloignement de la race humaine, est trop au-dessus des supplications journalières et des besoins de chaque moment. Ils concentrent les vœux des hordes qui les écoutent, dans leurs relations matérielles avec les fétiches, puissances subalternes, plus au niveau de l’homme, et qui appartiennent au plus offrant. Ils les confirment dans la supposition que les dieux font de leurs faveurs un objet de commerce, et qu’on s’assure leur protection en rassasiant leur faim vorace, ou en flattant leur vanité ombrageuse. Ils s’étendent, avec une exagération calculée, sur l’avidité, la méchan ceté de ces idoles. Les récits des Nègres sur leur dieu Nanni a, et des Kamtschadales a

ROEMER, Nachricht von Guinea, pag. 43 et suiv2.

10 et, ] et Rel. I,2 1 2

20 distraisent ] distraient Rel. I,2

Forme dialectale usitée en Suisse romande et en Savoie. Voir aussi BC, Journaux intimes, 31 mars 1807 (OCBC, Œuvres, t. VI, p. 513, n. 1). Voir L. F. Römer, Nachrichten von der Küste Guinea, pp. 43–47. Ce que Römer rapporte au sujet des mythes de ce «Nanni» est loin d’illustrer «l’idée d’une perversité plus capricieuse que les fictions de l’Iliade», comme le prétend BC. Il s’agit d’un héros espiègle («Eulenspiegel der Schwarzen», p. 43) qui, descendant de la sphère divine, n’est pas un ‘dieu’ au sens strict du terme. – Voir le Repertory, note 1054.

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sur leur dieu Koutko a, donnent l’idée d’une perversité plus capricieuse que les fictions de l’Iliade. La route dans laquelle les jongleurs guident ainsi leurs dociles disciples, semble préparer la victoire infaillible de l’égoïsme sur le sentiment. La résignation dans la souffrance est un effort plus difficile et plus rare que la ferveur dans la dévotion. Le culte qui flatte les désirs immédiats convient mieux à l’exigeance de la passion que l’adoration, qui est inapplicable aux détails de la vie. Mais, après avoir profité de la sorte de la portion grossière des notions religieuses, le sacerdoce s’aperçoit bientôt qu’il peut tirer plus d’avantage encore de leur partie enthousiaste et exaltée. Nous avons parlé de la tendance de l’homme à raffiner sur les sacrifices. Autant les effets de cette tendance sont admirables, quand le sentiment est livré à lui-même, autant ils peuvent devenir terribles quand l’imposture et le calcul s’en font un instrument. De ce que le sacrifice, pour être agréable aux dieux, doit être pénible à celui qui l’offre, il s’ensuit qu’on invente à chaque instant de nouveaux sacrifices, toujours plus pénibles et par là plus méritoires. De ce que les dieux se plaisent aux privations de leurs adorateurs, il en résulte qu’on multiplie le nombre et qu’on raffine sur la nature de ces privations. L’homme se précipite dans une série sans terme d’exagérations, d’erreurs, d’extravagances et de barbaries, exercées par lui tour à tour et sur les autres et sur lui-même. La superstition désorientée s’effraie de ses propres espérances, et veut les expier par des douleurs ou des cruautés nouvelles. Les sacrifices humains ont eu, sans doute, plus d’une cause. La consécration d’une portion des dépouilles enlevées aux ennemis dans une victoire, s’est étendue sur les captifs, dont le vainqueur a cru devoir

a

STELLER, Description du Kamtschatka, pag. 253 et suiv1.

3 leurs ] leur Rel. I,1 7 l’exigeance ] l’exigence Rel. I,2 22 tour à tour ] tour-à-tour Rel. I,2

1

18 par là ] par-là Rel. I,2

Voir G. W. Steller, Beschreibung von dem Lande Kamtschatka, pp. 253–284 : «Von der Religion derer Itälmenen» (chapitre déjà cité : voir ci-dessus, p. 226, n. 2 et p. 257, n. 1). Chez Steller, le nom du dieu en question est «Kutka oder Kutga» (p. 253). Comme le rapporte Steller, c’est le dieu suprême des Kamtchadales (ou Itelmènes), créateur du ciel et de la terre. Étant donné l’état fort imparfait du monde, les Kamtchadales considèrent ce dieu «comme imbécile», ainsi qu’en témoignent les mythes qu’ils racontent à son sujet.

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immoler un nombre proportionné à celui que le sort des armes mettait sous sa puissance a. Nous avons vu la supposition que la vie future ressemble à cette vie, faire enterrer dans les mêmes tombeaux, ou brûler sur les mêmes bûchers, les morts et leurs esclaves ou leurs concubines. Les chefs des hordes ont pensé quelquefois qu’en égorgeant d’autres hommes, ils retarderaient le terme fixé par la nature à leur propre destinée, ou que ces victimes leur serviraient, près des forces invisibles, de messagers, organes de leurs hommages et de leurs prières. Enfin la soif d’arracher à l’avenir les secrets qu’il recèle, et que les dieux ont caché peut-être dans les entrailles humaines, a porté la curiosité féroce à fouiller dans ces entrailles d’une main sanglante. Ces causes diverses ont introduit les sacrifices humains chez un grand nombre de tribus sauvages. Mais le principe du raffinement dans le sa crifice a dû favoriser particulièrement la pratique de ces rites exécrables. L’effusion du sang humain est devenue l’offrande la plus précieuse, parce que la vie est aux yeux de l’homme ce qu’il y a de plus précieux ; et parmi ces horribles offrandes, les plus méritoires ont dû être celles qui frappaient les victimes les plus chères. Rien n’est plus terrible que la logique dans l’absurdite´ b. a b

1

PROIART, Hist. de Loango1. Cette théorie du raffinement dans le sacrifice tourne quelquefois au détriment des prêtres qui en font usage. Les Burattes, dans les dangers pressants, sacrifient des prêtres : ils pensent qu’une victime de cette importance doit être d’une plus grande efficacité. BC se réfère évidemment à C. Meiners, Allgemeine kritische Geschichte, t. II, p. 81 : «Unter manchen Neger-Völkern opfert man bis auf den heutigen Tag viele Hunderte, und selbst Tausende von Gefangenen, weil man wähnt, daß man sich durch solche Opfer der Gnade der Götter und mit dieser, des Sieges über die Feinde am unfehlbarsten versichern könne». Une note (x) renvoie à l’ouvrage de Proyart. Mais les pages indiquées par Meiners ne se trouvent ni dans l’édition française originale de Proyart ni dans la traduction allemande de Meiners. Celui-ci se réfère cependant à sa propre «Beurtheilung der gegenwärtigen Geschichte von Loango und Kagongo [...]» jointe à sa traduction de l’ouvrage de Proyart (pp. 225–352). Se fondant sur Captain William Snelgrave, A New Account of some parts of Guinea, and the Slave Trade, Meiners relate l’immolation de prisonniers : «Er [Snellgrave] fand an dem Orte, wo die Gefangenen geschlachtet werden sollten, vier Gerüste fünf Fuß über der Erde aufgerichtet, die die Niederlagen der abzuschlagenden Köpfe werden sollten. Das erste Schlachtopfer war ein alter Mann zwischen fünfzig und sechzig Jahren, über dessen Haupt ein Fetischier seine Hand legte, und Verfluchungen hermurmelte. Dies dauerte nur einige Minuten, und darauf wurde dem Elenden von einem Henker, der hinter ihm stand, der Kopf mit einem einzigen Streiche vor die Füße gelegt. Auf eben diese Art wurden vier hundert hingerichtet, deren aufgethürmte Leichname sie nachher selbst noch sahen. Die Köpfe dieser Geopferten (sagten die Dahomes) wären für den König : das Blut für die Fetischen : die Leiber aber für das Volk [qui se régale des cadavres]. Sie glaubten, daß sie ohne solche Menschenopfer gar kein Glück im Kriege mehr haben, und sie die Gnade der Götter verlieren würden, die ihnen so viele Siege über ihre Feinde gegeben hatten» (pp. 285–287).

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C’est d’après ce principe que nous retrouvons chez les habitants de la Floride et sur les côtes d’Afrique a, cette abnégation des liens du sang, ces enfants immolés en présence de leurs mères ; coutumes effroyables, que notre enfance avait pris l’habitude d’admirer dans l’obéissance d’Abraham, et qui nous révoltent chez des hordes que nous ne sommes pas façonnés à respecter. Il est vrai que ces pratiques sont l’effet du calcul et de l’autorité des jongleurs, que moins une horde leur est asservie, moins on y rencontre ces rites barbares, et qu’alors ce sont les devins qui les réclament comme une condition indispensable pour la révélation des choses futures b. Nous remarquerons, de plus, quand nous traiterons des peuples entrés dans la civilisation, que les sacrifices humains tombent toujours en désuétude parmi ceux de ces peuples qui ne sont pas subjugués par les prêtres, et qu’ils se perpétuent chez toutes les nations qui sont courbées sous leur joug. a

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Dans plusieurs contrées de l’Afrique, et dans les îles de la mer du Sud, on immole des enfants dont les mères sont contraintes d’assister au sacrifice. (SNELLGRAVE, Relig. of Guinea1. Introd. Cook, dernier voy. I, 351 ; II, 39–43–2032). Voy. aussi LINDEMANN, Gesch. der Meyn. III, 1153. Dans l’île de Célèbes, les pères tuent leurs enfants de leurs propres mains. En Floride, la mère de la victime se place en face du billot fatal, couvrant son visage de ses mains, et déplorant son sort. LAFITEAU, Mœurs des Sauvages, I, 1814. Parallèle des religions, tom. I5. Titre et référence inexacts : il n’existe pas d’ouvrage de W. Snelgrave intitulé Religion of Guinea. BC pense évidemment à la «Relation», déjà citée, de Snelgrave, traduction de son A New Account of some parts of Guinea, and the Slave Trade (1734), et dans le passage duquel BC ne se souvient que vaguement (Nouvelle Relation de quelques endroits de Guinée, pp. 50–52), il est question de sacrifices d’hommes adultes et non pas d’enfants. BC emprunte évidemment cette remarque à C. Meiners, Allgemeine kritische Geschichte, t. II, Sechstes Buch, «Geschichte der Opfer und Gaben», pp. 1–100, ici pp. 81–82 : «In anderen Gegenden von Afrika schlachtet man bald Kinder, bald erwachsene Menschen aus eben dem Grunde [pour s’assurer de la grâce des dieux] [...], und noch jetzt auf den Inseln der Südsee thut : um dadurch die Wiederherstellung kranker Könige, oder eine Verlängerung ihres Lebens zu erhalten». BC copie également la référence trouvée chez Meiners. Voir Johann Gottfried Lindemann, Geschichte der Meinungen, Theil III, 1786, «Religionsgeschichte der Wilden», Zweytes Kapitel «Religion der Apalachiten» (pp. 115–118), p. 115, où sont mentionnés les sacrifices humains exigés par le mauvais génie («böser Geist»). Une remarque à la p. 117 est plus pertinente : «Einige Völker, die nicht weit von den Apalachiten wohnen, haben noch abscheulichere Art von Opfern : sie opfern nämlich der Sonne ihre Erstgeburt. An dem Tage, der zu diesem Opfer bestimmt ist, kniet die Mutter vor dem Prinzen nieder, hält ihre Hände vors Gesicht, heulet und weinet. Eine von den Anverwandtinnen nimmt das Kind, und bringt es dem König ; dann fangen die übrigen Weiber einen Tanz an und singen Lieder. Wenn der Tanz geendet ist, nimmt der Opfernde das Kind, legt es auf den Block, und schlägt das Kind mit der Keule todt». Voir J.-F. Lafitau, Mœurs des sauvages, t. I, pp. 181–182, et la première des deux gravures en face de la p. 181. BC renvoie à l’ouvrage du P. François-Florentin Brunet, Parallèle des religions, Paris : Knapen, 1792, 3 tomes en 5 vol.

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Il en est de même de cette notion de chasteté que nous avons vue l’emportant dans le cœur du Sauvage, sur ses penchants les plus impérieux. Non-seulement, comme nous l’a vons déja observé, le sacerdoce se prévaut de cette notion pour recommander des abstinences cruelles et exagérées, mais il exige bientôt une abnégation d’un genre contraire et bien plus étrange. Dans le royaume de Juidah, les prêtresses enlèvent les filles des familles les plus distinguées, et après des épreuves rigoureuses, les instruisent dans tous les arts de la volupté et les vouent au métier de courtisanes a. Chez d’autres Nègres une corporation de prêtres, ou une confrérie religieuse b, compose des hymnes obscènes qui sont chantés en public aux fêtes solennelles avec d’indécentes attitudes. Ainsi nous pouvons apercevoir, en remontant jusqu’à l’état sauvage, le motif caché de la prostitution des Babyloniennes, et des danses immodestes a b

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Culte des dieux fétiches1. LINDEMANN, Geschichte der Meyn. etc2. Le Belli, dont nous avons parlé plus haut. L’hymne qui est ainsi chanté s’appelle le Bellidong3. BC résume, en le simplifiant et déformant un peu, le récit qu’on trouve chez Charles de Brosses, Du culte des dieux fétiches, ou Parallèle de l’ancienne religion de l’E´gypte avec la religion de Nigritie (s.l. : s.éd., 1760), pp. 39–44. «Pendant un certain tems de l’année, les vieilles Prêtresses [ou Bétas] armées de massues courent le pays depuis le coucher du Soleil jusqu’a` minuit [...]. Toutes les jeunes filles d’environ douze ans qu’elles peuvent surprendre leur appartiennent de droit.» On les instruit «au chant, à la danse, aux rites sacrées», mais elles retournent plus tard, après avoir reçu un tatouage symbolique, dans leurs familles et seront, dès qu’elles sont nubiles, mariées, d’abord symboliquement avec le grand fétiche, représenté par un prêtre, avant de rentrer dans leurs familles. Les autres, qui refusent de se marier, vivent retirées en communauté dans un couvent, où elles font «trafic de leurs faveurs ou de celles de leurs camarades» (pp. 39–44). Le récit de de Brosses ne contredit en rien celui de Lindemann (voir la note suivante). Voir J. G. Lindemann, Geschichte der Meinungen, Theil IV, 1787, «Von den Priestern und Priesterinnen auf Whidah» (pp. 112–114), pp. 113–114 : «Alle Jahre wieder wird eine gewisse Anzahl junger Mädchen ausgelesen, und der Schlange [le chap. précédent porte le titre «Von der Schlange, dem großen Fetisch zu Whidah»] geheiligt. Die alten Priesterinnen bezeichnen sie mit Figuren von Thieren, Blumen und besonders Schlangen, die sie ihnen mit Messern in die Haut schneiden. Diese sieht sehr artig, wie ein feiner schwarzer geblümter Atlas, aus, und ist ein Zeichen, daß sie der Schlange geheiligt sind. Dieses bringt ihnen bey dem Volk Ehrerbietung zuwege. Sodann fordern die Priesterinnen den Eltern die Kosten ab, welche sie für den Aufenthalt ihrer Kinder im Schlangenhaus verlangen, und die sie nach ihrem eigenen Gefallen meistens sehr hoch ansetzen. Die jungen Frauenspersonen bleyben bei ihren Eltern, und gehen von Zeit zu Zeit in das Haus, wo sie eingeweihet sind, um die Tänze und Gesänge, die sie zu Ehren der Schlange gelernt haben zu wiederholen. Jede Priesterin hat ihre besondere Wohnung und eine gewisse Anzahl Mädchen unter ihrer Aufsicht. Hiervon sind sie die Kupplerinnen, und unter dem Vorwande, die Schlange hat es gesagt, müssen sie bald dieser, bald jener Person günstig seyn». Voir pour les Belli, ordre de prêtres dans des tribus africaines, pp. 298–299, n. a et pp. 300301, n. b. On n’a pas trouvé la source de la remarque sur les hymnes.

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des femmes de Memphis, faits niés beaucoup trop légèrement par des écrivains qui en ignoraient la cause a. a

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M. de Voltaire est, de tous nos écrivains, celui qui a combattu le plus obstinément les récits des anciens, relativement aux fêtes licencieuses, et à la prostitution des Babyloniennes1. Il y trouvait l’avantage de rendre ridicule un homme beaucoup moins spirituel que lui, sans doute, et que son irascibilité lui avait fait ranger parmi les ennemis de la philosophie, parce que cet homme avait eu le malheur de contredire ses narrations, quelquefois partiales, et ses assertions un peu hasardées. Mais on ne conçoit pas comment M. de Voltaire, qui avait plus étudié que personne les effets de la superstition, et qui en connaissait toute la puissance, s’est obstiné à considérer comme inadmissibles des égarements que tous les historiens de l’antiquité attestent, et qui certes n’étaient pas plus incroyables que beaucoup d’autres très-constatés. N’avons-nous pas vu, dans des sectes chrétiennes, la promiscuité des femmes, la nudité, les attouchements immodestes, les pratiques les plus obscènes érigées en devoirs religieux ? Était-il plus difficile d’imposer à l’époux le sacrifice de la pudeur d’une épouse, que de forcer le père à poignarder son fils, ou à précipiter sa fille au milieu des flammes ? Un temps viendra sans doute où les auto-da-fés nous paraîtront aussi impossibles que les rites licencieux. Un temps viendra où nul ne voudra croire que les rois des nations civilisées aient assisté en pompe au supplice épouvantable d’enfants, de femmes et de vieillards, et qu’une reine ait pensé plaire au ciel en crevant un œil à son con fesseur qu’on

16 auto-da-fés ] auto-da-fé Rel. I,2 1

Dans la première partie de cette note, BC fait allusion à la polémique de Voltaire contre une observation d’Hérodote, défendue par l’helléniste Larcher (que BC qualifie ici d’«homme beaucoup moins spirituel» que Voltaire) : selon l’historien grec (Hist. I, 199), les femmes babyloniennes devaient se prostituer en l’honneur d’Aphrodite (voir ci-dessus, p. 128, n. 4). Voltaire s’est souvent inscrit en faux contre cette ‘fable’ ; voir l’article «Babel» du Dictionnaire philosophique, la «Philosophie de l’Histoire», qui sert d’introduction à l’Essai sur les mœurs et l’esprit des nations, et La défense de mon oncle, opuscule que Voltaire publia en 1767 en réponse aux attaques que Larcher avait lancées contre lui. L’argument principal que Voltaire oppose à Hérodote (et à ceux qui, comme Larcher, le défendent) est celui de l’incompatibilité d’un usage comme la prostitution sacrée avec une civilisation avancée, comme devait l’être celle de Babylone : «Peut-on croire que dans Babylone, dans la ville la mieux policée de l’Orient, des hommes si jaloux de leurs femmes les aient envoyées toutes se prostituer dans un temple aux plus vils étrangers ? que tous les époux et tous les pères aient étouffé ainsi l’honneur et la jalousie ? que toutes les femmes et toutes les filles aient foulé aux pieds la pudeur si naturelle à leur sexe ? Le faiseur de contes Hérodote a pu amuser les Grecs de cette extravagance, mais nul homme sensé n’a dû le croire» (Voltaire, La défense de mon oncle, ch. II, cité d’après l’édition suivante : Voltaire, Mélanges, préface par Emmanuel Berl, texte établi et annoté par Jacques van den Heuvel, Paris : Gallimard, 1961 [Pléiade], p. 1150). Sur la polémique entre Voltaire et Larcher, voir Reginald McGinnis, «L’histoire prostituée : Voltaire contre Larcher, et contre lui-même», Romanic Review, 88, 2, 1997, pp. 229–240. Les principes de l’historiographie que BC défend ici peuvent être rapprochés du «pragmatisme» des recherches historiques cultivé notamment à l’université de Göttingen à l’époque de BC. Voir Peter Hanns Reill, «Die Geschichtswissenschaft um die Mitte des 18. Jahrhunderts», Wissenschaften im Zeitalter der Aufklärung, herausgegeben von Rudolf Vierhaus, Göttingen : Vandenhoeck & Ruprecht, 1985, pp. 163– 193.

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L’homme dès sa première enfance a cru ne faire jamais assez pour honorer ses dieux. La nature l’invitait au plaisir, il a sacrifié le plaisir pour leur plaire ; la nature lui prescrivait la pudeur, il leur a offert la pudeur en holocauste. Mais c’est au sacerdoce qu’appartient ce dernier raffinement. Il a découvert dans la lutte qui s’élevait entre le sentiment intérieur et des pratiques obscènes le sujet d’un triomphe nouveau pour la religion, triomphe en sens inverse de celui qu’elle avait remporté sur l’attrait des sexes : et après avoir interdit à la jeune vierge les chastes embrassements d’un époux, il l’a traînée devant ses divinités hideuses pour la profaner et la flétrir. Cette vérité deviendra évidente, quand nous montrerons dans les religions soumises aux prêtres et dans ces religions seules a, les fêtes les plus scandaleuses autorisées ou même ordonnées, et le sacerdoce punissant d’un côté par d’affreux supplices la moindre déviation des préceptes de la continence, et d’une autre part frappant d’anathème la répugnance aux obscénités prescrites et aux orgies commandées b.

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menait au bûcher1. Cependant, à moins de contester ce qu’une génération peu antérieure à la nôtre a vu de ses yeux, il faudra bien admettre ces horreurs qu’on aura le bonheur de ne plus comprendre. M. de Voltaire, dans toutes ses recherches sur les temps reculés et les peuples lointains, semble avoir pensé que les hommes étant les mêmes dans toutes les époques et dans tous les pays, ce que la bonne compagnie ne pouvait faire à Paris, elle n’avait pu le faire à Hiéropolis ou à Ecbatane. Ce principe, propre à satisfaire un esprit rapide, impatient de trancher toutes les questions, ne saurait, quand on l’applique dans un sens absolu, conduire qu’à l’erreur. Il faut sans doute adopter pour base des opinions et des actions humaines, les penchants et les dispositions qui appartiennent à notre nature : mais la connaissance de ces dispositions et de ces penchants doit nous conduire à la découverte des causes, à l’explication des motifs, et nullement à la négation des faits, lorsque d’ailleurs ils sont attestés par des autorités respectables. Il est impossible d’assigner des bornes aux extravagances et aux opprobres dans lesquels la superstition entraîne les peuples, et, si combattre avec des épigrammes des témoignages unanimes et irrécusables est une bonne manière d’avoir du succès dans un temps de légèreté et d’ignorance, c’est une manière de raisonner déplorable, et la plus vicieuse de toutes pour arriver à la vérité. Si quelqu’un était tenté de nous opposer les fêtes mystérieuses de la Grèce et de Rome, nous le prierions de suspendre ses objections jusqu’à notre exposé de la composition des cultes sacerdotaux, comparés à la religion grecque et romaine. Nous n’avançons rien sans preuve : mais nous ne pouvons pas tout dire à la fois2. En indiquant ici cette cause morale des cérémonies licencieuses, partie essentielle des cultes de l’E´gypte, de l’Inde, de la Phénicie et de la Syrie, nous sommes loin d’exclure les Il s’agit de Constance d’Arles (morte en 1032), reine de France par son mariage avec Robert II (surnommé le Pieux), et connue pour ses intrigues et sa cruauté : elle aurait ellemême crevé un œil à son confesseur accusé d’hérésie. BC, dans le contexte de ce chap., renvoie à plusieurs reprises au Livre IX (Des religions sacerdotales comparées au polythéisme indépendant), chap. IV de son ouvrage : «D’une

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Ce n’est donc point le sentiment religieux qu’il faut accuser de ces déviations déplorables. Susceptible, sans doute, de s’égarer, comme toutes les émotions de notre ame, il trouve dans ces émotions mêmes un remède assuré contre ses égarements. La pureté, la pitié, la sympathie, cette vertu céleste que dans la langue religieuse on a nommée charité, et qui n’est que l’impossibilité de voir la douleur sans la secourir, sont ses inséparables compagnes. Il est forcé par leur nature commune d’abjurer bientôt les pratiques féroces ou licencieuses qui souillent son berceau ; et nous fournirons, dans le cours de notre ouvrage, de nombreuses et incontestables preuves qu’elles ne se prolongent qu’à la faveur d’une autorité qui n’a rien de commun avec le sentiment religieux. Cette autorité terrible, implacable, enregistre les folies humaines, travestit le délire en doctrine, l’épouvante en système, la barbarie en devoir. Alors apparaissent les résultats funestes qu’on a si souvent attribués à la religion. Elle se complique de mille pratiques cruelles et ridicules. Les dieux, féroces de caractère, sont hideux de forme : le sentiment travaille à les embellir : le sacerdoce les maintient horribles, et le succès de ses tentatives lègue leur figure repoussante à des époques plus civilisées a. A de telles idoles il faut de sanguinaires offrandes, des rites révoltants, d’effroyables holocaustes. Cette désastreuse influence des combinaisons sacerdotales traverse les siècles. Si dans les croyances les plus épurées, nous prenions à la lettre les épithètes qui accompagnent le plus souvent la mention des forces ou des volontés divines, nous penserions que l’homme trouve un plaisir étrange à trembler devant les êtres odieux et barbares auxquels il soumet sa destinée. Tous les maux dont l’espèce humaine est accablée, il en voit l’origine dans la malfaisance de ces persécuteurs acharnés. Tantôt ils sèment les maladies,

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explications scientifiques et cosmogoniques. Mais ces explications, qui se rattachent à des systèmes de philosophie sacerdotale, ne pourront être examinées que plus tard. Il est naturel de reconnaître dans les jongleurs le même calcul que dans les corporations de prêtres, qui occupèrent leur place, puisque l’intérêt de ces corporations était le même que celui des jongleurs ; mais il serait absurde de leur attribuer la même science ou les mêmes erreurs sous les dehors de la science. On verra que tandis que les dieux de la Grèce s’élevèrent à une beauté idéale, ceux de l’E´gypte et de l’Inde restèrent toujours monstrueux.

30 prêtres, ] prêtres Rel. I,2

32 science ] science, Rel. I,2

notion singulière dont on n’aperçoit, dans la religion grecque, que quelques vestiges, mais qu’on trouve développée et réduite en dogme dans les religions sacerdotales». Le chapitre analyse des histoires qui racontent la punition des divinités par les hommes quand leurs espérances sont trompées.

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déchaînent les tempêtes, soulèvent les flots, arment le soleil d’ardeurs dévorantes, ou l’hiver d’insupportables frimas : tantôt conspirant contre le monde qu’ils ont créé, ils brûlent de l’anéantir. Ils l’ébranlent dans ses fondements ; la lune et les astres sont menacés par des monstres a ; l’abyme est prêt à s’entr’ouvrir : ainsi devient plus terrible ce dogme de la destruction de l’univers, dont nous avons parlé ci-dessus, et qui, sous les formes imposantes d’une cosmogonie ténébreuse, occupera bientôt dans les doctrines des prêtres une place éminente. Ces considérations paraissent bien propres à nous faire considérer l’existence des jongleurs comme un fléau pour les hordes sauvages. Mais quelques réflexions doivent nous engager à ne pas prononcer légèrement sur cette question. En premier lieu, l’influence de la caste sacerdotale dans l’état sauvage est assez bornée, en dépit des efforts de cette caste. Le fétiche du Nègre ou le manitou de l’Américain sont des êtres portatifs et disponibles, compagnons fidèles de leurs expéditions de chasse ou de guerre, alliés de leurs haines, confidents de leurs amours. L’adorateur peut non-seulement consulter luimême son idole dans toutes les circonstances ; il peut, ainsi que nous l’avons vu, la quitter pour une autre, ou la punir, quand elle s’est jouée de ses espérances. Cette légèreté, dans ses relations avec son dieu, lui inspire assez peu de vénération pour ses ministres, et la facilité qu’il rencontre à faire avec ce dieu son traité directement, lui rend souvent l’intervention étrangère importune ou superflue.

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LAFITEAU, Mœurs des Sauvages, I, 1011.

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Ce renseignement ne se trouve pas à l’endroit indiqué, mais dans J.-F. Lafitau, Mœurs des sauvages, t. I, pp. 248–252, surtout pp. 249–250 : «Dans l’Astronomie on appelle les nœuds, où se forment le Eclypses du Soleil & de la Lune, la tête & la queuë du Dragon. Seroit-ce ce qui auroit fondé l’opinion ridicule des Indiens, qui croyent qu’un Dragon veut les dévorer, & qui dans cette persuasion font alors & beaucoup de prieres, & un grand bruit de tambours & de chaudrons pour l’appaiser, ou pour l’effrayer ? Les Anciens avoient aussi dans l’idée, que le Soleil & la Lune souffroient pendant ce temps-là ; & pendant que les magiciennes faisoient leurs opérations magiques, ils se persuadoient la secourir avec leurs Cymbales d’airain, qui retentissoient alors de tous côtés.» Voir aussi P.-F.-X. de Charlevoix, Histoire du Paraguay, t. I, p. 181 : «Ils croïoient qu’il y avoit dans le Ciel un Tigre & un grand Chien, qui dévoroient la Lune & le Soleil, quand ces deux Astres s’éclipsoient».

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Dans toute l’Amérique septentrionale, les jongleurs se bornent à indiquer les sacrifices destinés à plaire aux dieux : et les pères de famille ou les plus considérables de chaque cabane président de droit à la cérémonie a. Il en est de même chez les Tschérémisses et plusieurs tribus voisines ou dépendantes de la Russie b. Aussi les jongleurs, quoi qu’ils fassent, n’ont qu’un crédit accidentel et précaire. Ils ne sont guère moins ignorants que le reste de la tribu qu’ils gouvernent : associés par l’esprit de corps, mais rivaux pour le profit de chaque heure, ils se décrient encore plus souvent qu’ils ne se concertent c. Malgré leur résistance, des aventuriers sans mission ceignent

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CHARLEVOIX, Journ. p. 3641. RYTSCHOWS, Journ. pag. 92, 932. GMELIN, II, 359, 3603. Tous les Daures (tribus de Nègres) se prétendent devins. Dans le royaume d’Issini, sur la côte d’Ivoire, il n’y a qu’un seul prêtre, nommé Osnon, qui n’est consulte´ que par le roi. Les particuliers choisissent quelque devin, auquel ils s’adressent, et qu’ils changent à leur gré. Lorsque dans quelque danger pressant ou dans quelque expédition importante, un Sauvage réunit plusieurs jongleurs, qui apportent chacun leurs fétiches, la discorde se glisse d’ordinaire parmi eux, et la conférence se termine par des querelles et des voies de fait. DOBRIZHOFF[ER], Hist. des Abipons, II, 844. DUTERTRE, Hist. gén. des Antilles, II, 3685.

16 leurs fétiches, ] leur fétiche, Rel. I,2

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Référence au passage, déjà mentionné (ci-dessus, p. 298, n. 2), où Charlevoix insiste sur la différence entre les jongleurs et les prêtres (voir Journal, p. 364 ; éd. critique, p. 712). Voir Nikolaj Petrovicˇ Rycˇkov, Herrn Nikolaus Rytschkow kaiserl. rußischen Capitains Tagebuch über seine Reise durch verschiedene Provinzen des rußischen Reichs in den Jahren 1769. 1770. und 1771. Aus dem Rußischen übersetzt von M. Christian Heinrich Hase, Riga : Johann Friedrich Hartknoch, 1774, pp. 92–93. Il s’agit ici de la manière dont les Tchérémisses (ou Maris), peuple essentiellement finno-ougrien, préparent le sacrifice d’un animal. La victime est désignée par le prêtre-sorcier («Zauberer»), mais la cérémonie ellemême est présidée par le staroste. Voir J. G. Gmelin, Reise durch Sibirien, t. II, pp. 359–361. Dans le passage auquel BC renvoie, il est question de rites sacrificiels que, chez les «Jakuten», le chaman exécute au sein de la famille (voir t. II, p. 361). Voir M. Dobrizhoffer, Historia de Abiponibus, t. II, pp. 83–84. Dobrizhoffer rapporte que les jongleuses des Abipons (il s’agit de devineresses que Dobrizhoffer dépeint comme des sorcières qui s’adonnent à l’évocation du diable) sont prêtes à en venir aux mains quand leurs prédictions entrent en conflit les unes avec les autres : «Pugnis, dentibus, unguibus non raro controversia finitur» (p. 84). J.-B. Du Tertre, Histoire générale des Antilles, t. II, p. 368. Selon Du Tertre, ce sont les diables évoqués par les sorciers qui «s’entrebattent si rudement, qu’ils épouvantent de telle sorte ces pauvres Barbares, qu’ils sont contraints de se sauver».

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aussi la tiare et marchent leurs émules a. Leur métier n’est au fond qu’un moyen douteux de gain personnel, diminué par la concurrence b. Leur autorité est à la merci d’une opinion variable et flottante. Créatures de cette opinion, ils parviennent rarement à s’en rendre les maîtres c. Secondement, les inconvénients très-réels et très-graves de l’influence des jongleurs ne forment qu’un côté de la question. Pour l’embrasser dans toute son étendue, il faut considérer que moins un peuple est éclairé, plus le sacerdoce est inséparable de la religion. Il ne s’agit donc point de déplorer un mal inévitable : il faut rechercher si ce mal excède le bien dont il est une conséquence nécessaire. Vaudrait-il mieux que le Sauvage n’eût aucune notion religieuse, et fût, à cette condition, affranchi de ses jongleurs ? Il aurait alors beaucoup moins de sacrifices humains, de privations volontaires, de rites effrayants et de a

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Chez les Lapons, les Américains, les Kamtschadales, quiconque voit son génie lui apparaître devient prêtre. CHARLEVOIX, Journ. p. 3641. Chez les montagnards de Rajamahall, c’est le maungy ou chef politique, qui officie dans les rites religieux. (Asiat. res. IV. 412). Les schammans de la Sibérie sont si mal payés, qu’ils sont obligés de se nourrir de leur propre chasse ou de leur propre pêche. En établissant que le pouvoir des prêtres est ordinairement très-borné chez les hordes sauvages, nous ne prétendons point contester qu’il n’y ait à cette règle des exceptions qui méritent d’être expliquées. Ainsi dans le royaume de Juidah, en Nigritie, les offrandes au fétiche national, qui est un grand serpent, sont remises entre les mains des prêtres, qui ont seuls le droit d’entrer dans le temple, et qui forment une corporation héréditaire, égale en pouvoir au roi de cette horde. (Culte des dieux fétiches, pag. 313). Mais c’est dans le livre suivant, consacré à rechercher les causes de l’autorité illimitée du sacerdoce en plusieurs pays, que nous aurons à nous occuper des exceptions4.

11 fût, ] fut, Rel. I,1 1

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16 maungy ] maungy, Rel. I,2

24 pag. ] p. Rel. I,2

Référence peu précise : dans le passage auquel BC renvoie, Charlevoix parle d’«une espèce de pacte avec les Génies» que les jongleurs contractent (Journal, p. 363 ; éd. critique, p. 711). Mais il souligne en même temps que c’est avant tout en se soumettant à des jeûnes rigoureux qu’ils se qualifient comme jongleurs (voir ci-dessus, p. 298, n. 2). L’ébauche de cette note se lit dans le Livre verd, p. 95, note CCCLXXXV, mais sans le renvoi à la source. De nouveau, erreur de pagination : voir T. Shaw, «On the Inhabitants of the Hills near Ra’jamahall», pp. 54–60 (et non pas p. 41). BC résume quelques pages (pp. 27–31) de l’ouvrage de C. de Brosses, Du culte des dieux fétiches : «il n’est pas surprenant qu’on lui [au grand serpent, le fétiche national] fasse des offrandes considérables [...] ; ses demandes sont [...] proportionnées aux besoins & a` l’avarice des Prêtres, qui se chargent de porter au serpent les adorations du peuple, & de rapporter les réponses de la Divinité ; n’étant pas permis à personne autre qu’aux prêtres, pas même au Roi, d’entrer dans le temple & de voir le serpent» (p. 31). De Brosses parle des corporations héréditaires de prêtres : «Le grand Sacerdoce donne un pouvoir presque égal à l’autorité Royale [...]. Cette dignité est héréditaire dans la même famille. Les Prêtres le sont de même par droit de naissance, & forment un ordre & une tribu à part, comme en Egypte» (p. 39). BC renvoie au Livre III, chap. VI de son ouvrage : «De deux exceptions apparentes» (OCBC,

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macérations douloureuses : mais il n’aurait aussi ni sanction pour sa morale naissante, ni espérance d’une autre vie, ni toutes ces consolations qui allégent le poids de son existence misérable. Il ne serait qu’un animal féroce, plus malheureux que les autres animaux féroces, ses pareils et ses rivaux. Lisez le tableau que nous a tracé des tribus américaines un voyageur connu par son exactitude et son talent d’observation a : voyez ces hor des tourmentées par la souffrance physique, par le besoin toujours renaissant, par la perspective de l’abandon en cas de blessures incurables, de maladies ou de vieillesse, et terminant fréquemment par le suicide cette agonie prolongée. L’homme, jeté dans un tel abyme, peut-il payer trop cher l’espoir qui le ranime ? Ses communications avec des dieux qu’il croit secourables, ses rêves sur l’existence future, son occupation des morts qu’il se flatte de retrouver, les émotions que la religion lui cause, les devoirs qu’elle lui crée, sont pour lui d’inestimables trésors. Il déplace la réalité dont le poids l’accable. Il la transporte dans le monde dont son imagination dispose, et ses travaux, ses douleurs, le froid qui le glace, la faim qui le dévore, la fatigue qui brise ses membres, ne sont que le roulis du vaisseau qui le porte sur une autre rive. L’action des jongleurs le trouble sans doute, même dans ses consolations religieuses ; mais pour se soustraire à cette action fâcheuse, il faudrait qu’il renonçât à ces consolations. Mieux vaut qu’il les possède imparfaites et troublées. D’ailleurs est-il bien sûr que ces jongleurs ne fassent que du mal ? a

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VOLNEY, Voy. aux Etats-Unis1. Œuvres, t. XVIII, pp. 81–84). Voir Constantin-François de Chassebœuf de Volney, Tableau du climat et du sol des EtatsUnis d’Amérique, Paris : Courcier, Dentu, 1803, 2 t. en 1 vol. BC pense aux «Observations générales sur les Indiens ou sauvages de l’Amérique-nord, suivies d’un Vocabulaire de la langue des Miâmis, tribu établie sur l’Ouabache» (t. II, pp. 422–525). Ces observations forment l’article V des «Eclaircissemens» que Volney met à la fin de son ouvrage. Elles se basent sur les impressions tristes, voire choquantes, que Volney eut des Indiens lors de son séjour au Fort Vincennes (aujoud’hui Vincennes dans l’E´tat de l’Indiana), et avant tout sur des entretiens qu’il eut à Philadelphie avec un chef des Indiens et l’interprète qui accompagnait celui-ci. Volney en retient que la vie des tribus indiennes est «anarchique et tracassière» (p. 458), et ce désaveu de l’idée du bon sauvage l’amène à formuler un long réquisitoire contre la manière dont Rousseau interprète l’opposition entre l’homme sauvage et l’homme civilisé. Les vices des peuples civilisés, soutient Volney, ne tiennent pas à la civilisation, comme le pense Rousseau ; ils sont au contraire des vestiges de l’état sauvage (voir pp. 470–471). Quant à la religion des Indiens (voir pp. 510–518), Volney mentionne leur distinction entre un génie ou Manitou supérieur et des génies ou manitous subalternes, leurs magiciens («jongleurs»), et l’idée qu’ils se font de l’autre vie. Il compare ensuite ces ` ses yeux, la idées avec les idées religieuses des Tartares d’Asie et celles des Grecs. A religion des sauvages prouve que Lucrèce avait raison de dire que «c’est la peur qui d’abord peupla de dieux le monde» (p. 512), théorie chère aux philosophes du XVIIIe siècle et que BC ne cesse de combattre (voir ci-dessus, pp. 90, 96, 155, 295). Il n’est donc pas étonnant que, dans les lignes qui suivent la référence à Volney, BC résume quelques-unes des

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De la Religion, I

Sans eux, des peuplades entières périraient d’engourdissement et de misère a. Ils les réveillent de leur apathie et les forcent à l’activité. Les hordes chez lesquelles il n’y a point de prêtres sont de toutes les plus abruties b. Les jongleurs, ignorants ou artificieux, trompeurs ou stupides, conservent pourtant quelques traditions médicinales, dont une partie est surement salutaire c. Ils font un devoir au Sauvage paresseux de ses entreprises de chasse ou de pêche. Ils lui en font un des plaisirs de l’amour, auxquels certains a

b

c

ROGER CURTIS, Nachricht von Labrador, in Forster und Sprengel, Beytræge zur Vœlker kunde, I, 1031. HERDER, Ideen, II, 1102. Les Peschereys, à l’extrémité de l’Amérique méridionale, n’ont point de prêtres, à ce que les voyageurs nous assurent. HERDER, I, 653. Aussi sont-ce les plus reculés et les moins intelligents des Sauvages. HERDER, ibid. 2374. V. HECKEWELDER, Mœurs des Indiens, c. 29 et 315.

5 surement ] sûrement Rel. I,2

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9 Herder, ] Herder Rel. I,1

observations de celui-ci en les adaptant à sa propre esthétique du sentiment religieux (voir M. Winkler, «Théorie et esthétique du sentiment religieux chez Benjamin Constant»). Voir «Herrn Roger Curtis Nachricht von der Küste Labrador. Aus dem 2ten Theile des 64sten Bandes der philosophischen Transactionen aufs Jahr 1774 übersetzt, und mit Anmerkungen begleitet». Second titre : «Umständliche Nachricht von Labrador, aus den Aufsätzen Herren Roger Curtis, Lieutenants der Königlichen Schalup die Otter», Beiträge zur Völker- und Länderkunde, herausgegeben von J. R. Forster und M. E. Sprengel, Erster Theil, Leipzig : Weygandsche Buchhandlung, 1781, pp. 79–118. L’article décrit en détail l’extrême dureté de la vie des Indiens et des Eskimos du Labrador. Mais ni à l’endroit indiqué ni ailleurs dans le texte on ne trouve une allusion à l’activité des «jongleurs». L’auteur dit même à la p. 110 : «Sie [les habitants] scheinen ganz ohne irgend eine Art von Religion zu seyn, so daß sie nicht einmal einen Gegenstand der Verehrung unter sich haben». ` l’endroit indiqué par BC, il n’est pas question des ‘jongleurs’, mais de génétique (‘geneA tische Kraft’). BC aurait-il voulu renvoyer à la p. 210 du même volume ? Il n’y est pas non plus question de ‘jongleurs’, mais du fait que l’homme, dans le développement de ses facultés, dépend d’autrui : «So wenig der Mensch seiner natürlichen Geburt nach aus sich entspringt : so wenig ist er im Gebrauch seiner geistigen Kräfte ein Selbstgebohrner» (livre IX, chap. I, éd. Bollacher, p. 336). Le renvoi à Herder pourrait viser dans le même livre le chap. V, où il est dit «daß nur Religion es gewesen sei, die den Völkern allenthalben die erste Kultur und Wissenschaft brachte. [...] Unter allen wilden Völkern ist noch jetzt ihre wenige Kultur und Wissenschaft mit der Religion verbunden» (éd. Bollacher, p. 374). Cette référence au «Pescherei» se trouve dans le livre IV, chap. IV de l’ouvrage de J. G. Herder, Ideen zur Philosophie der Geschichte der Menschheit (éd. Bollacher), p. 147 et la note p. 983. Il s’agit des Amérindiens de la Terre de Feu. Le nom de «Pescherays» leur fut, semble-t-il, donné par Bougainville ; voir le commentaire de Heinz Stolpe dans Johann Gottfried Herder, Ideen zur Philosophie der Geschichte der Menschheit, Berlin et al. : Aufbau-Verlag, 1965, 2 vol., t. I, p. 459. Herder revient à cette peuplade qu’il désigne comme «vielleicht die niedrigste Gattung der Menschen» (livre VI, chap. VI, Ideen, t. I [1784], p. 237, éd. Bollacher, p. 247). Voir J. G. E. Heckewelder, Histoire, mœurs et coutumes des nations indiennes, ch. XXIX : Remèdes (pp. 357–361) et XXXI : Docteurs ou Jongleurs (pp. 366–379, en particulier p. 367).

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Livre II, Chapitre VII – Conséquences de l’influence des jongleurs 363

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climats le rendraient presque insensible a. Ils l’en tretiennent dans des rêves qui ne sont pas sans quelque douceur. Ils répandent du charme sur une vie déplorable et déshéritée par la nature. Sachons-leur quelque gré d’embellir à leur manière des plages sombres, âpres et stériles, et de placer l’espoir pardelà les montagnes ou sur l’autre rive des mers dont ils habitent les bords glacés. Le mal n’est jamais dans ce qui existe naturellement, mais dans ce qu’on prolonge ou dans ce qu’on rétablit par la ruse ou la force. Le véritable bien, c’est la proportion. La nature la maintient toujours quand on laisse la nature libre. Toute disproportion est pernicieuse. Ce qui est usé, ce qui est hâtif est également funeste. Des institutions beaucoup moins grossières que le sacerdoce des jongleurs, peuvent causer beaucoup plus de maux, lorsqu’elles sont en disparate avec les idées qui ont reçu du progrès des esprits leur inévitable développement. Quand nous aurons à comparer l’action des jongleurs avec celle des corporations sacerdotales si vantées par des écrivains qui se répètent et se copient depuis tant de siècles, nous serons étonnés peut-être de voir la préférence demeurer aux premiers. Ces corporations retardent l’espèce humaine dans tous ses progrès : les jongleurs la poussent à leur insu vers une civilisation imparfaite. On voit en eux un peu de fraude et beaucoup de superstition : on verra plus tard dans les autres tout au plus un peu de superstition, et certainement beaucoup de fraude.

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HERDER, Ideen1. Ceci n’est point en contradiction avec ce que nous avons dit plus haut des privations que le sacerdoce impose. Ces privations ne sauraient être qu’une exception à la règle : sans cela la société périrait, ce qui n’est pas de l’intérêt des jongleurs.

Ce renvoi indéterminé à Herder reste énigmatique, dans la mesure où Herder se prononce contre l’idée exagérée qu’on s’est faite du climat : voir Ideen, t. II (1786), Livre VII et VIII, en particulier pp. 93–104.

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De la Religion, I

Chapitre VIII. Pourquoi nous avons cru devoir décrire en détail le culte des Sauvages.

Les détails dans lesquels nous sommes entrés, en traitant de la religion des hordes sauvages, étaient d’autant plus indispensables que dans cette religion sont contenus les germes de toutes les notions qui composent les croyances postérieures. Cette vérité doit avoir déja frappé nos lecteurs, pour peu qu’ils nous aient accordé quelque attention. Non-seulement l’adoration d’objets matériels, multipliés jusqu’à l’infini, mais des aperçus imprévus du plus pur théisme, la division en deux substances, et, pour ainsi dire, le pressentiment de la spiritualité ; Non-seulement l’idée naturelle que les dieux se plaisent aux sacrifices, mais le besoin de raffiner sur ces sacrifices, et les victimes humaines, et les enfants atteints du fer paternel, et le mérite du célibat, et le prix mystérieux de la virginité, et la sainteté des tortures volontaires, et la décence immolée sur les autels ; Non-seulement la crainte des dieux malfaisants, mais la classification des divinités en deux catégories armées sans cesse l’une contre l’autre, et la distinction des pratiques religieuses en cérémonies licites et en rites pervers ; Non-seulement l’espoir d’une vie nouvelle après le trépas, mais des abstractions sur l’état des ames et sur leur réunion à l’Eˆtre infini ; Non-seulement la métempsycose, mais avec elle les migrations et les purifications des ames ; Toutes les choses, enfin, que nous verrons plus développées, rédigées en termes plus clairs, revêtues d’images plus sublimes, parées de couleurs plus cohérentes, chez les peuples civilisés, l’instinct du Sauvage les devine, les saisit, les agite en tout sens, s’efforce de les ranger dans un ordre tel que le conçoit ou le pressent son intelligence : car nos mépris superbes ont beaucoup trop circonscrit les bornes de cette intelligence. Que l’homme soit sauvage ou policé, il a la même nature, les mêmes facultés primitives, la même tendance à les employer. Les mêmes notions doivent donc s’offrir à lui, seulement moins subtiles ; les mêmes besoins, les mêmes désirs doivent le diriger dans ses conjectures : mais détourné par la lutte qu’il soutient contre un monde physique non encore dompté et contre un état moral dépourvu de garanties, il ne saurait persévérer dans une route uniforme et régulière ; et ses conjectures naissent et s’évaporent, comme les nuages

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Livre II, Chapitre VIII – Pourquoi nous avons décrit le culte des sauvages

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dans les cieux que traverse l’aquilon rapide, ou comme les fantômes de nos rêves, quand notre raison nous abandonne à notre imagination vagabonde. Cependant, aucune ne disparaît sans laisser de traces ; des époques plus avancées les recueillent, les élaborent, leur donnent de la régularité et de la consistance. Il était donc de notre sujet de les décrire avec quelque exactitude ; elles servent de base à nos recherches ultérieures. Nous verrons de quelle manière l’esprit humain travaille sur ces données, comment il les épure, lorsqu’il est livré à lui-même et indépendant de toute influence étrangère, comment alors les plus grossières s’effacent et les plus raisonnables se combinent et se coordonnent, et comment au contraire, lorsqu’il est réduit en servitude, les plus raisonnables se corrompent et se dénaturent, tandis que les plus grossières se conservent dans toute leur absurdité primitive. FIN

DU PREMIER VOLUME.

14 premier volume. ] livre second. Rel. I,2

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Liste générale de tous les matériaux de mon ouvrage sur la religion 1823

Introduction

La «Liste générale de tous les matériaux» de l’ouvrage sur la Religion est un document précieux. Il nous permet d’avoir une idée bien précise des recherches faites par Benjamin Constant au cours des années studieuses à Brunswick, en France, à Weimar et surtout à Göttingen, jusqu’au moment où il se lance dans la rédaction finale de ce grand livre. En fait, il n’y a guère une année de sa vie où il ne travaille pas a` son ouvrage. Quant à la date de cette liste, nous pouvons dire qu’elle a été rédigée après 1818, puisque Constant y porte le manuscrit de ses lectures à l’Athénée royal1 ; elle est peut-être postérieure à 1821, si l’on peut identifier «la copie de 5 livres de mon ouvrage» avec le manuscrit dit copie «en chiffres romains2» ; elle pourrait être placée en 1823, si les «matériaux pour le livre 2 dont la rédaction est commencée» désignent des pièces utilisées pour ce travail3. Nous adoptons cette dernière hypothèse. La liste n’est pas complète, comme il ressort d’une autre liste que l’on trouve dès 1829 dans le Registre universel4. Les lacunes de la première liste s’expliquent peut-être par les circonstances de sa rédaction. Constant a dû se rendre compte en rédigeant la version définitive de son texte qu’il risque de se perdre dans les dédales de ses dossiers, qu’il risque de ne pas tirer profit de tout ce qu’il a noté ou d’utiliser deux fois la même note, ce qui entraînerait évidemment des répétitions fastidieuses. Le répertoire du Registre universel par contre a été établi pour retrouver les documents dans les cartons de ses archives. Constant y ajoute des dossiers qu’il a retrouvés entre-temps, et il tient à détailler des entrées sommaires de la première liste. Il y a aussi des dossiers qui disparaissent pour des raisons qui nous échappent. Nous publions la liste de 1823 avec le texte du premier volume puisqu’elle peut servir à analyser certains aspects du travail de rédaction, en particulier le souci d’exhaustivité, le souci de profondeur par la présentation des aspects multiples des problèmes en cumulant les exemples, le souci de 1 2 3 4

Voir ci-dessous, p. 342, n. 4. Voir ci-dessous, p. 342, n. 9. Voir ci-dessous, p. 342, n. 2. Le texte de ce document a été publié par P. Thompson, Les écrits de Benjamin Constant sur la religion, pp. 159–160 (nombreuses fautes de lecture). Thompson n’entre pas dans une étude de ce texte.

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De la Religion, I – Textes complémentaires

contrôle fiable. La liste est d’ailleurs aussi utile pour la compréhension du Carnet de notes dont le texte prépare la transition aux volumes suivants.

Établissement du texte Manuscrit : Liste générale de tous les matériaux de mon ouvrage sur la religion. BnF, NAF 18823, fos 39–40. 1 grande feuille de 300 × 200 mm, pliée au milieu pour former deux folios. Le texte y occupe 3 pp. a. Date : 1823. Hofmann, Catalogue, IV/94. K. K.

Liste générale de tous les matériaux de mon ouvrage sur la religion

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Copie écrite de ma main, grand in–4o relié en bleu, 45 cahiers y compris l’introduction1. Copie faite littéralement sur le précédente. 45 infol2. Paquet de fragmens & brouillons epars a examiner3. un livre violet rempli de notes4. Extraits des ouvrages suivans : Meiners histoire critique de la religion5 la Bible6 Bardili Epochen der vorzügl. Philos Begriffen7. Eichhorn introduction Vieux Testament8. Buhle Philosophie des Romains9. Établissement du texte : Manuscrit : BnF, NAF 18823, fos 39ro–40ro.

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BCU, Co 3244, Hofmann, Catalogue, II/122. C’est la première version quasiment achevée de l’ouvrage sur la religion, tel que BC le laisse en 1813 à Göttingen. Le ms. ne comprend plus que 22 cahiers. Rudler avait pu consulter le dossier encore intact dans les archives d’Estournelles. BCU, Co 3276, Hofmann, Catalogue, II/128. Il s’agit de la «Copie blanche», une mise au net du «grand quarto bleu», faite à un moment indéterminé, mais avant 1823, par deux copistes. Il est difficile de donner des détails en l’état actuel de nos connaissances. BCU, Co 3261, Hofmann, Catalogue, III/17. Registre violet. Additions et notes de lecture pour l’ouvrage sur les religions. Un grand cahier de 300 × 200 mm, 85 fos, en partie a., en partie par un copiste non identifié. BC a sans doute inscrit ou fait inscrire dans ce cahier des notices sur des feuilles volantes où y a porté des morceaux rédigés soigneusement pour pouvoir s’en servir au moment de la rédaction. De nombreuses notes du genre «employé en 1823» se trouvent dans les marges. Cahier à dater après 1813, mais avant 1823. BCU, Co 3293, Hofmann, Catalogue. Les dossiers avec les extraits d’ouvrages lus attentivement sont une source précieuse pour reconstituer le travail de BC à son ouvrage. La plupart des dossiers remontent à ses années d’études à Göttingen. 72 extraits de la Bible. Nous ignorons quelle traduction française a été consultée par BC. 35 extraits de Christoph Gottfried Bardili, Epochen der vorzüglichsten Philosophischen Begriffe : nebst den noethigsten Beylagen, t. I : Epochen der Ideen von einem Geist, von Gott und der menschlichen Seele. System und Aechtheit der beiden Pythagoreer, Ocellus und Timäus, Halle : Gebauer, 1788. 79 extraits de Johann Gottfried Eichhorn, Einleitung ins Alte Testament, Leipzig : Weidmann & Reich, 1780–1783. 201 extraits de Johann Gottlieb Buhle, Lehrbuch der Geschichte der Philosophie und einer kritischen Literatur derselben. Vierter Theil, Göttingen : Vandenhoeck & Ruprecht, 1799.

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De la Religion, I – Textes complémentaires

Tiedemann Geist der Speculativen Philosophie1. Buhle philosophie des nations sacerdotales2. Schlegel Weisheit der Indier3. Métamorphoses de Wichnou4. Religion des Allemands5. Lucien6. Mexicains7. Reinhard Geschichte der religiösen Ideen8. Stuzman9. Creutzer10. Staudlin histoire de la morale11. Memoires de Patersen sur la religion Indienne12. 1 2

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67 extraits de Dietrich Tiedemann, Geist der spekulativen Philosophie, t. III : Von der neuern Akademie bis auf die Araber, Marburg : Neue Akademische Buchhandlung, 1793. 31 extraits de Johann Gottlieb Buhle, Lehrbuch der Geschichte der Philosophie und einer kritischen Literatur derselben. 1. Theil bis auf Plato, Göttingen : Vandenhoeck & Ruprecht, 1796. 40 extraits de Friedrich Schlegel, Ueber die Sprache und Weisheit der Indier. Ein Beitrag zur Begründung der Alterthumskunde, Heidelberg : Mohr und Zimmer, 1808. BC a lu les livres II et III, dont le premier traite de la philosophie, le second de l’histoire. Cinq extraits de la grande étude de Friedrich Majer, «Die Verkörperungen des Wischnu», publiée dans le périodique Asiatisches Magazin, verf. von einer Gesellschaft Gelehrten und hrsg. von Julius Klaproth, Weimar : Verlag des Landes-Industrie-Comptoirs, 1802. Ouvrage non identifié, si ce n’est le livre de Simon Pelloutier, Histoire des Celtes, et particulièrement des Gaulois et des Germains, Paris : Quillau, 1770–1771, d’où proviennent les 11 extraits. Une traduction allemande a paru à Francfort chez Garbe en 1777, une autre édition en 1784. BC utilise pour ses extraits l’édition faite par les soins de Wieland : Lucians von Samosata sämtliche Werke. Aus dem Griechischen übersetzt und mit Anmerkungen und Erläuterungen versehen von C. M. Wieland, Leipzig : im Verlag der Weidmannischen Buchhandlung, 1788. 55 extraits d’un ouvrage non identifié qui parle de la religion des Mexicains. Clavigero ? Humboldt ? 21 extraits de Philipp Christian Reinhard, Abriß einer Geschichte der Entstehung und Entwicklung der religiösen Ideen, Jena : Akademische Buchhandlung, 1794. 41 extraits de Johann Josua Stutzmann, Philosophie der Geschichte der Menschheit, Nürnberg : Campe, 1808. 871 extraits de Friedrich Creuzer, Symbolik und Mythologie der alten Völker, besonders der Griechen. In Vorträgen und Entwürfen, Leipzig und Darmstadt : Karl Wilhelm Leske, 1810 (t. I), Heyer und Leske, 1811 (t. II), 1812 (t. III et IV). 195 extraits de Karl Friedrich Stäudlin, Geschichte der Sittenlehre Jesu, qui complète l’édition posthume de Johann David Michaelis, Moral. Les quatre vol2. de l’ouvrage de Stäudlin sont annoncés sur la page de titre de cette édition, Dritten Theils welcher die Geschichte der christlichen Sittenlehre von dem Herausgeber enthält. (Göttingen : im Vandenhoe[c]k- und Ruprechtschen Verlage, 1799 ; pour les volumes suivants : 1802 ; 1812 ; 1823). BC possède au moins les deux premiers des quatre volumes dans sa bibliothèque. Voir le Catalogue. Il a utilisé à Göttingen les t. III, 1–3. Plus de 36 extraits de plusieurs mémoires de J. D. Paterson, dont «On the Origin of the Hindu Religion», Asiatic Researches, t. VIII, 1808, pp. 43–88.

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Liste générale

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Wagner1. Dornedden2. Heeren sur l’Inde3. Eichhorn nouveau Testament4. Heeren sur les Grecs5. Görres6. Vogel Religion der Ægyptier7. Neander8. Spangenberg de la religion de l’ancien Latium9 Minutius Felix. Origines10. Beyträge11. 1 2

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140 extraits de Johann Jakob Wagner, Ideen zu einer allgemeinen Mythologie der Alten Welt, Frankfurt a. M. : In der Andreäischen Buchhandlung, 1808. Six extraits de Carl Friedrich Dornedden, Neue Theorie zur Erklärung der Griechischen Mythologie : nebst besonderen zu ihr gehörigen Abhandlungen philos.-antiquarischen Inhalts, Göttingen : Dietrich, 1802. Une feuille de notes qui se rapportent à une des éditions de l’ouvrage d’Arnold Heeren, Ideen über die Politik, den Verkehr und den Handel der vornehmsten Völker der alten Welt, Göttingen : Vandenhoe[c]k und Ruprecht, 11791–1993, 2 vol. ; 21804–1812, 3 vol., 31815, 5 vol. Reste de notes sur l’ouvrage de J. G. Eichhorn, Einleitung in das Neue Testament, paru en 5 parties à Göttingen chez Weidmann entre 1804 et 1827. BC a pu consulter à Göttingen les t. I (Première partie), II et III (deuxième partie), et IV (troisième partie, 1er vol.). Les autres volumes paraîtront en 1814 et 1827., 224 extraits et notes qui se rapportent à l’ouvrage d’A. Heeren, Ideen über die Politik, den Verkehr und den Handel der vornehmsten Völker der alten Welt, t. III/1 : Griechen. 324 notes se rapportant à Joseph Görres, Mythengeschichte der asiatischen Welt, Heidelberg : Mohr und Zimmer, 1810, 2 vol. 71 notes et extraits de Paul Joachim Siegmund Vogel, Versuch über die Religion der alten Ägypter und Griechen, Nürnberg : Frauenholz, 1793. 251 notes et extraits d’August Neander, Über den Kayser Julianus und sein Zeitalter : ein historisches Gemälde, Leipzig : Perthes, 1812. 37 notes et extraits de Ernst Spangenberg, De veteris Latii religionibus domesticis commentatio, Gottingæ : Dietrich, 1806. 23 et 19 notes tirées de Christian Friedrich Rößler, Bibliothek der Kirchen-Väter. In Übersetzungen und Auszügen aus ihren fürnehmsten, besonders dogmatischen Schriften sammt dem Original der Hauptstellen und nöthigen Anmerkungen, Dritter Theil : Lateinische Väter von Minucius Felix bis auf Lactantius, Leipzig : bey Christian Gottlieb Hertel, 1777. La source des 16 notes classées sous le titre Beyträge est l’article anonyme «Über die jüdische Theologie», publie´ dans le périodique dirigé par Heinrich Corrodi, Beyträge zur Beförderung des vernünftigen Denkens in der Religion, Heft 5, 1783, pp. 23–52. Il porte, dans la liste que l’on trouve dans le Registre universel, le titre Beyträge zum vernünftigen Denken (P. Thompson, Les écrits de Benjamin Constant sur la religion, p. 159). Voir aussi OCBC, Œuvres, t. VII, p. 692. BC a emprunté cet ouvrage le 12 novembre 1812. H. Corrodi est un théologien d’origine suisse, élevé dans un esprit piétiste, qui empêchait dans sa prime jeunesse son développement intellectuel. Ses études à Leipzig chez le philosophe Platner et surtout à Halle chez le théologien Johann Salomo Semler ont fait de lui un néologue critique auquel on doit plusieurs ouvrages importants sur le canon des écrits bibliques et la doctrine chiliaste (voir l’article de l’ADB sur cet auteur). Il n’est pas exclu que BC, qui connaissait la théologie des néologues, ait attribé l’article anonyme à Corrodi.

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De la Religion, I – Textes complémentaires

Starke Kirchen Geschichte1 Mayer Mythologisches Lexicon2 o 6 un livre verd rempli de notes3. 7o un grand infolio intitulé Repertory, idem4. 8o Table des matières de tout l’ouvrage5. 9o Bötticher Vorlesungen6. 10o Plan détaillé des X 1ers livres. 5 cahiers folio7. 11o 3 Lectures à l’Athénée8. 12o Copie de 5 Livres de mon ouvrage9. Culte des Sauvages. Mythologie Homérique. Disgression sur les épopées d’Homère. Pouvoir sacerdotal. Théisme des Nations sacerdotales. 13o Morceaux divers rangés dans des Chemises séparées10. Inde. Druides. Homère et Hésiode. Sacerdoce chez les Romains Religion Lamaïque. Spiritualité. 1 2 3 4

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38 extraits de Johann August Starck, Geschichte der christlichen Kirche des ersten Jahrhunderts, Berlin, Leipzig : Decker, 1779–1780, 3 vol. 211 notes tirées de Friedrich Majer, Allgemeines Mythologisches Lexicon : aus OriginalQuellen bearbeitet, Weimar : Landes-Industrie-Comptoir, 1803. Il s’agit du ms. Co 3260, «Additions à l’ouvrage sur les religions», Hofmann, Catalogue, II/91. Repertory. Répertoire de morceaux et de notes détachées, sans destination fixe, dans mon ouvrage. Le ms. Co 3245 (Hofmann, Catalogue, II/106) est un recueil important de matériaux que BC exploite pour la rédaction de son ouvrage. Il s’agit probablement du ms. Co 3282 (Hofmann, Catalogue, II/111) qui donne une table des matières que BC désigne ailleurs par les mots de «classification de tout l’ouvrage». Le ms. est intitulé De la Religion depuis sa forme la plus grossière jusqu’à la plus épurée. Il comprend 121 fos, 231 pp. a. et est datable de 1812 ou 1813. Il s’agit des textes distribués par Böttiger pour ses cours de Dresden. Voir OCBC, Correspondance générale, t. VIII, lettre à Böttiger du 21 septembre 1812, pp. 555–558. La lettre confirme l’importance que BC attachait à ces matériaux. BC désigne ici le ms. Co 3289 (Hofmann, Catalogue, III/55) qui donne un plan détaillé de l’introduction et des dix premiers livres d’une version intermédiaire de De la Religion, entre la Copie bleue et le texte publié. Les cinq cahiers comprennent 107 pp. Les ms de ses lectures sur la religion à l’Athénée royal de Paris étaient, semble-t-il, encore complets. Cette note permet de dater approximativement la liste : après 1818. Les pertes du texte que nous n’avons pu reconstituer entièrement sont donc dues au travail de rédaction de l’ouvrage sur la religion. Pour le texte, voir les OCBC, Œuvres, t. XI, pp. 35–118. Il peut s’agir de la copie dite «à chiffres romains», Co 3285 et BnF, NAF 18823, fos 137bis142 (Hofmann, Catalogue, III/85). Quelques-uns des titres qui suivent pourraient indiquer un autre document. Dossier difficile à analyser. On trouvera par la suite des explications sur les pièces que nous avons réussi à identifier dans les ms de BC.

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Liste générale

Pouvoir sacerdotal. Juifs.

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Mystères. Dieux souffrans. Philosophie Grecque. Nouveaux Platoniciens. Philosophie sacerdotale. Système de théisme allemand Système de l’intérêt bien entendu. Des passions religieuses. Chute du Polythéisme.

Explication scientifique. Grecs. Chine. Egypte. Perses. Parallele des religions. Chrétiens. Scandinaves. Progression de la morale dans Monopole des sciences la religion. par les Prêtres. Morale dépendante de la religion Modification du pouvoir sacerdotal par le climat Rapports de la religion & de la morale et les circonstances. Rapports de l’autorité avec Latium. la religion. Notions sur la destinée. Mahomet. Sainteté de la douleur. Plans divers de l’ouvrage Suicide. Décadence du Polythéisme. Philosophie chez les Romains Sacrifices humains. 14o Introduction achevée en forme du 1er Livre1. 15o Matériaux pour le livre 2 dont la rédaction est commencée2. 16o Matériaux pour le livre 33. 17o Suite des autres Livres copiés en 1ere rédaction, depuis 4 jusqu’à 104.

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Non identifié. Les papiers ne sont pas identifiés. Cette note permet néanmoins de dater la liste de 1823. Non identifiés. Non identifiés.

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[Plans pour la publication de l’ouvrage sur la Religion] 1823–1824

Introduction

Il n’est pas facile de se faire une idée précise des contours de l’ouvrage sur la religion au moment où Constant entre en négociations avec les éditeurs. Le prospectus du mois de juin 1823 et les plans fragmentaires dont nous disposons sont contradictoires, ce qui permet des conjectures assez complexes. Si le prospectus imprimé par Bossange et ses confrères parle d’une structure tripartite en six livraisons qui formeront trois livres, les plans annoncent un projet sans aucun doute plus complexe et de plus grandes dimensions, à la limite un ouvrage en douze parties et six volumes. Une analyse attentive des trois plans qui sont conservés dans les papiers de Constant nous permet d’observer l’évolution de l’ouvrage qui, peu à peu, prend des contours plus nets et annonce un exposé plus réfléchi de la matière. Tous les documents sont postérieurs à l’élaboration du premier volume, dont les structures ne sont même plus mentionnées par aucun des projets ; mais tous sont antérieurs à la publication de ce premier volume, mentionné dans le dernier en date comme à paraître en mai 1824. I

Le premier plan a été rédigé au dos d’une lettre écrite le 16 octobre 1823. Il est probablement postérieur à la rédaction finale, mais sans doute antérieur à la publication du premier volume de De la Religion parce qu’il ne parle point des deux premiers livres de l’ouvrage, ce qui nous amène à dater ce manuscrit de la fin de l’année 1823. Le rapprochement du texte de ce plan avec le prospectus imprimé et la lettre que Constant adresse le 7 juillet 1823 à Sismondi, dans laquelle il utilise le terme de «livraison» pour désigner les parties de l’ouvrage, peut corroborer la datation ainsi que suggérer l’idée que le plan de l’ouvrage n’a pas encore acquis la fermeté de structure qui le distinguera dans le futur. C’est là tout l’intérêt de cette première tentative tâtonnante, y compris la dernière version remaniée et déjà nettement plus ferme, même si la fin de l’ouvrage est esquissée assez vaguement. II

Un changement important de la structure de l’ouvrage est documenté par un autre manuscrit, qui fait état des transformations sans en donner l’explication. Ce manuscrit témoigne d’une refonte des livres IV et V. Il est posté-

348

De la Religion, I – Textes complémentaires

rieur à celui du plan sommaire de 1823, mais antérieur à la rédaction définitive du second tome de De la religion. Effectivement, les titres abrégés des chapitres des livres IV et V correspondent, à l’exception des deux derniers chapitres du livre IV et des chapitres 5 à 9 du livre V, aux titres de la version imprimée. Ce n’est donc que vers la fin de ces livres que quelques hésitations s’annoncent. Cet «Ordre des matières» résume par conséquent les réflexions rédactionnelles de Constant au moment où il travaille à son second volume. On doit en outre signaler un aspect pratique important. Constant, par la décision prise en faveur d’une autre répartition des matières, s’éloignera par la suite du plan arrêté avec les éditeurs. Ceux-ci acceptent la nouvelle disposition de l’ouvrage, bien qu’elle perturbe le calcul du prix de vente. Une trace tangible des négociations qui en résultèrent est un papillon collé sur la quatrième de couverture du tome second, où les éditeurs expliquent pourquoi ils ont dû augmenter le prix de vente. III

Le dernier plan, ou plutôt le fragment qui en subsiste, est d’une autre nature parce qu’il parle de l’ouvrage sur la religion dans sa totalité. Il appartient à la fin de l’année 1823, peut-être faut-il même le placer au début de l’année 1824 ; il résume les réflexions de Constant au sujet d’une publication des études sur la religion dans un grand ouvrage d’au moins cinq ou, plus probablement, de six volumes. Le fait que le folio a été coupé des deux côtés et en bas ne permet pas de se prononcer avec certitude, mais en comparant cette feuille réduite avec d’autres feuilles du même papier, on peut estimer qu’elle mesurait auparavant environ 200 × 320 mm, pouvant donc contenir facilement les quelques lignes dont nous suggérons la présence et qui sont perdues. Le plan correspondrait ainsi à la description de ce projet telle qu’elle est donnée dans les ébauches du prospectus1. La différence importante à noter est que Constant ne parle plus dans ce plan des trois «parties» de l’ouvrage. La structure tripartite exposée dans le prospectus satisfait sans doute les éditeurs, qui acceptent la publication d’un ouvrage qui s’étendra sur plusieurs années. Mais elle ne convient plus à l’auteur. Les dates inscrites dans la marge gauche prévoient la publication du premier volume en 1824, des deux suivants en 1825, et des deux derniers en 1826, projet trop optimiste, comme on sait. Même la distribution des livres dans les volumes à imprimer subira des révisions importantes, avec des retards considérables par rapport au premier projet. Les dates semblent n’être rien d’autre qu’une conjecture pratique de la part de Constant. 1

Voir ci-dessous, p. 366.

Plans pour la publication de l’ouvrage sur la religion – Introduction

349

Ce plan nous permet, et c’est cela son intérêt principal, de nous faire une idée des contours de l’ouvrage autour de 1823/1824. Le premier volume de De la Religion correspond exactement à ce plan, le second volume ne le respecte plus, parce que Constant y placera également le livre V1.

Établissement des textes Nous essayons de reproduire les deux états du plan de 1823 qui est un véritable brouillon, en respectant la disposition des lignes sur la feuille et en séparant clairement les deux documents. En ce qui concerne le second document, nous suivons les mêmes directives. La disposition des lignes imite celle du manuscrit, d’ailleurs parfaitement lisible. Le troisième plan est reproduit selon les mêmes critères. Les restitutions textuelles se trouvent entre crochets. Notre hypothèse selon laquelle il faut prévoir un livre X se justifie par la structure symétrique des grandes accolades. La dernière est coupée juste au milieu. La partie inférieure perdue contenait fort probablement l’esquisse de la dernière partie, donc celle des livres XI et XII. 1. [Plan sommaire des livres III à VIII de De la Religion] BCU, Co 3471. 1 fo, auquel est attaché un papillon, le fo 1bis, 2 pp. a., 290 ×190 mm et 145 × 95 mm. BC utilise le verso de la lettre d’un ancien militaire datée du 16 octobre 1823, ce qui permet de fixer le terminus post quem. Nous pouvons distinguer deux rédactions successives, la seconde se trouvant sur le papillon fixé au bas de la feuille, sur la gauche. Au verso de ce papillon, on lit le fragment d’un texte non identifié. Date proposée : fin de l’année 1823. Hofmann, Catalogue, IV/96.

1

Les plans II et III ont été publiés (avec erreurs de transcription) et commentés par P. Thompson, Les écrits de Benjamin Constant sur la religion, pp. 123–124. Nous croyons que les hypothèses de Thompson ne sont pas tenables. Thompson souligne à juste titre qu’il faut considérer ces deux plans ensemble, pourtant il reste vague sur les relations précises des documents entre eux, sans doute parce qu’il ne s’est aperçu ni des rapports qui existent entre ces plans et la version imprimée ni des rapports du second plan avec le prospectus. On remarque en outre une certaine imprécision en ce qui concerne le statut littéraire des documents. Le second plan expose la marche assez détaillée de deux livres en dessinant la séquence des chapitres, le dernier esquisse les grandes lignes d’un grand ensemble.

350

De la Religion, I – Textes complémentaires

2. Ordre des matières. BCU, Co 4722, fo 40vo. 1 fo, 1 p. a., 175 × 125 mm. Donne le contenu des livres I à V. Pour les livres I à III, les titres des chapitres ne sont pas répertoriés, preuve qu’ils ne posent plus de problème, parce que le t. I est sorti de presse. Les titres des livres IV et V correspondent en grande partie aux titres qu’on trouvera dans le volume II. Au recto de cette feuille se trouve un morceau du texte d’un livre X de l’ouvrage sur la religion. La feuille a donc été récupérée au moment de la rédaction de ce livre. Date proposée : 1824. Hofmann, Catalogue, IV/75. Édition : Patrice Thompson, Les écrits de Benjamin Constant sur la religion, p. 124. 3. De la Religion &ca. BCU, Co 3469. 1 fo, 1 p. a., 190 × 155 mm. Reste d’un folio de grand format, de taille double environ. Il a été coupé en bas et des deux côtés. Les coupures ont emporté partiellement, à gauche, les chiffres des années (1824, 1825, 1826), mutilé à droite quelques lettres et emporté en bas une partie du texte. On devine à peine le mot «Cinquième». La dernière accolade tronquée permet de conjecturer que ce plan prévoyait un ouvrage à publier en X livres et en cinq volumes ; mais on ne peut nullement exclure que Constant ait prévu une publication en XII livres et en six volumes. Date proposée : 1823/1824. Hofmann, Catalogue, IV/86. Édition : Patrice Thompson, Les écrits de Benjamin Constant sur la religion, p. 123. K. K.

[Plan sommaire des livres

fo 1ro

Liv. 3. Pouvoir Sacerdotal Liv. 4. Théisme Sacerdotal

Liv. 5. Composition sacerdotale.

Liv. 6. Pratiques.

III

à

VIII

de De la Religion]

Ch. 1. Cause 2. Astrolatrie & élémens 3. Exceptions. Ch. 1. 2. 3. 4. 5. 6.

hypothèse de ce Théisme. peuples du Nord. Inde. Perses. Juifs. Culte symbolique.

Ch. 1. 2. 3. 4. 5. 6. 7. 8. 9. 10. 11. 12. 13. 14. 15. 16. 17.

combinaison. Exemple Egyptien. figure des Dieux. Leur caractère. leurs châtimens. Dieu suprême. Spiritualité. Dieu médiateur. deux principes. Divinités tentatrices Chute primitive. Destinée. autre vie. métempsycose. Cérémonies funéraires. Demeure des morts. Destruction du monde.

Ch. 1. application du principe du sacrifice dans les religions sacerdotales.

Établissement du texte : Manuscrit : BCU, Co 3471, fo 1ro et 1bisro. 5 Exceptions. ] suit une ligne biffée 4. Grecs [illis.] par les dogmes.

5

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356

De la Religion, I – Textes complémentaires

2. 3. 4. 5. 6.

Sacrifices humains. Privation contre nature. Rites licentieux. Sainteté de la douleur. Sacrifice des facultés intellectuelles.

5

entre le 6 & 7 Lutte des pouvoirs & climats. Livre 7 Résultat.

Ch. 1. Complaisance apparente des religions sacerdotales pour le sentiment religieux. 2. Attachement aux coutumes anciens. 3. haine des étrangers 4. causes d’admiration.

Livre 8. Grecs.

9–10 2. Attachement ... d’amiration. ] à la hauteur de ces lignes, dans la marge gauche, un calcul de calibrage 3. 100 4. 75 5. 220 6. 100 7. 50 545 suit à la fin une ligne m. 255

10

Plan sommaire

357

[Version remaniée du plan]

fo 1bisro

2de Livraison Liv. 3. Causes et étendue du pouvoir sacerdotal − 4. Théisme Sacerdotal − 5. Composition des religions Sacerdotales

Livre 6. −

7.

− − −

8. 9. 10.

3me Livraison. application du principe du Sacrifice dans les religions sacerdotales. des bornes mises à la puissance sacerdotale par le Climat & les circonstances de la formation de la religion Grecque du Polythéisme Grec. des épopées Homériques

150 75 200 425

75 10

75 100 150 50 450

4e Livraison Hésiode, Lyriques, Tragiques, dhistoriens Grecs, eRomains fScandinaves

a a

b

c

50. b25. c50. d30. e100. f100.

5

15

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De la Religion, I – Textes complémentaires

Ordre des matiéres

Livre – – – – – – – – – – – – – – – – – – – – – – –

1. 2. 3. 4.

du Sentiment religieux. du culte des Sauvages. des causes su pouvoir sacerdotal. causes secondaires qui le limitent ou le favorisent. Chap. 1. Enumeration. – 2. Climat. – 3. fertilité ou stérilité. – 4. travaux matériels. – 5. Phénomènes. – 6. Caractère des peuples. – 7. Calamités. – 8. Migrations. – 9. Combinaisons de diverses Causes1. – 10. Luttes2. 5. peuples indépendans. – 1. preuves par les Grecs. – 2. religion sacerdotale antérieure. – 3. fétichisme des Grecs. – 4. Colonies. – 5. dogmes étrangers3. – 6. modifications par le Génie Grec. – 7. Suites de l’indépendance Grecque4. – 8. pourquoi cette vérité a été méconnue. – 9. observations essentielles.

Établissement du texte : Manuscrit : BCU, Co 4722, fo 40vo. 1 2 3 4

Ce chapitre 9 correspond à ce qui est exposé, dans la version imprimée, aux chapitres 9 à 12. BC consacrera dans la version imprimée le chap. 12 à cette matière. Il le fera suivre d’un chap. 13, dans lequel il résumera les résultats du livre IV. La matière des chap. 5 et 6 se retrouvera dans le chap. 5 du livre V de la version imprimée. Les derniers chap. de cette liste correspondent aux chap. 6 et 7 du texte définitif. Il est difficile de se prononcer avec certitude parce que nous ne savons pas si le ms. contient le texte intégral de ce document. Des pertes de texte ne peuvent être exclues.

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Plans pour la publication de l’ouvrage sur la religion

De la Religion &ca

Livre I. [182]4. May.

du Sentiment religieux.

Premier Volume Livre

II.

du Culte des Sauvages.

III.

des causes de l’agrandissement du pouvoir sacerdotal.

IV.

de la composition des religions sacerdotales.

5

[182]5. Février. Second

Livre V. − Novembre.

du premier Polythéisme des Grecs.

Troisième. VI.

Livre

VII.

des progrès & du Perfectionnement du Polythéisme Grec.

20

VIII.

[−] Novembre. Ci[nqu]iè[me]

15

du Polythéisme Scandinave.

[18]26. Février. Quatrième Livre

[

IX.

du Polythéisme Romain. des Perfectionnemens ultérieurs de diverses parties des croyances [religieuses.]

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X.]

[...]1 Établissement du texte : Manuscrit : BCU, Co 3469, fo 1ro. 1

10

Nous pensons que le texte de BC comportait encore la description des livres auraient fait le t. VI de l’ouvrage sur la religion.

XI

et

XII

qui

Prospectus pour De la Religion 1823

Introduction

Commençons par quelques réflexions relatives à la datation des quatre documents dont il sera question. Dès que la publication du premier volume de De la Religion est envisageable, Constant prépare un prospectus à distribuer avant la sortie de l’ouvrage. Le premier tome sortira le 30 mars 1824. La version imprimée du prospectus est disponible à partir du 1er juillet 1823, ce qui permet de dater les trois ébauches manuscrites des premiers mois de 1823, la première peutêtre encore des derniers mois de 1822 ; mais nous optons pour le début de 18231. Le grand souci de Constant avant la publication des volumes est la censure. Le premier document se lit effectivement comme une attaque à peine voilée contre la censure royale telle qu’elle s’exerce en France après le meurtre du duc de Berry. Constant choisit pour sa défense une tactique dangereuse parce qu’il réfute des accusations hypothétiques. On peut effectivement les avancer contre l’ouvrage qu’il publiera ; les aspects politiques de cet écrit ne relèvent pas d’une imagination surexcitée, mais ils sont bien réels. Constant s’en rend probablement compte lui-même ; la fin du manuscrit est malheureusement perdue, nous ne pouvons donc pas prouver qu’il abandonne son texte juste au moment où la présentation littéraire prend l’allure d’une polémique politique. Le second document annonce une autre tactique. Constant reproduit en l’abrégeant le texte de l’introduction pour pouvoir esquisser l’objectif de son ouvrage. C’est l’orientation scientifique qui est soulignée et qui avait déjà fait l’objet de ses lectures à l’Athénée royal en 1818. Il expose ensuite le mode de publication : trois parties thématiques en six volumes, ce qui correspond au plan qu’il avait esquissé en 1823. La crainte d’une intervention de la censure est à peine perceptible. Elle se fait sentir néanmoins, quand il dénonçe presque rudement les idéologues politiques qui défendent, comme les personnages de Stendhal, le christianisme en tant qu’appui so1

Les dates évoquées sont déduites des dates du dépôt légal pour les imprimés. Quant à la date de la première ébauche du prospectus, nous nous sommes décidé pour 1823 pour des raisons que nous avons exposées dans les notes (voir ci-dessous, p. 370, note 2 et p. 371, note 2). Les alternatives à cette datation tardive sont esquissées ci-dessous, p. 369, n. 1.

364

De la Religion, I – Textes complémentaires

lide de la société, bien qu’ils aient adopté pour eux-mêmes une incrédulité farouche ou un pragmatisme cynique. Le texte se termine par quelques indications pratiques et prétend que la première livraison est sous presse. Le troisième texte retrace les lignes de force de l’ouvrage sur la religion et justifie la structure tripartite des démonstrations qui exposent les premières manifestations du sentiment religieux depuis le fétichisme jusqu’à l’avènement du christianisme. Aucune allusion à une intervention possible de la censure n’est perceptible. La date de publication prévue est le 1er septembre, ce qui rapproche cette version de la précédente. Constant ne se doute pas encore que l’ouvrage ne sortira que sept mois plus tard. Le document imprimé et distribué par les libraires réduit encore l’information sur le contenu. On évoque rapidement les trente années de travail dont il a été question dans le premier texte, ainsi que les lectures à l’Athénée royal, et, chose étonnante, Constant parle ouvertement des énormes difficultés rédactionnelles de cet ouvrage. Le plan de l’édition est toujours le même : trois parties séparées, réparties en trois volumes de deux tomes chacun. Ce qui est absolument insolite dans ce prospectus, c’est la publication d’une lettre que Constant avait adressée à ses éditeurs. Cette lettre, dont on ne connaît malheureusement pas le texte intégral – le prospectus ne donne que de larges extraits – retrace d’une manière claire, avec la modestie de celui qui a acquis une connaissance peu commune de la matière et un immense savoir sur la marche des religions au cours des âges, la quintessence de ces recherches. Nous reconnaissons dans ce qu’il dit ici les phrases ironiques du Cahier rouge sur les premières tentatives insuffisantes de ses recherches juvéniles1. Nous y reconnaissons aussi ce que nous avons pu découvrir en scrutant les rapports qui unissent Constant à Jacob Mauvillon, professeur à Brunswick2. Nous voyons apparaître dans cette lettre les innombrables restructurations des matières que nous pouvons suivre partiellement en étudiant attentivement les plans conservés. Nous percevons les douloureux efforts de la rédaction dont nous pouvons nous rendre compte en consultant les fragments de rédactions antérieures et le Carnet3. Il est rare que Constant parle avec autant de clarté, autant de satisfaction et autant de sérénité d’un travail accompli.

1 2

3

Voir OCBC, Œuvres, t. III/2, pp. 314–315. Voir nos études «Benjamin Constant et l’Allemagne», Œuvres et critiques, XXXIII/1, 2008, pp. 19–38, et «Benjamin Constant et l’Allemagne ; Individualité – Religion – Politique», ABC, 27, 2003, pp. 127–171. Voir ci-dessous, pp. 437–622. Les plans et les rédactions abandonnées de l’ouvrage sur la religion seront publiés dans les OCBC, Œuvres, t. XVI.

366

De la Religion, I – Textes complémentaires

Une dernière difficulté se présentera vers la fin de 1823. Une lettre encore inédite de Constant à Firmin Didot, datée du 7 novembre 1823, nous révèle une nouvelle complication quant à la structuration de l’ouvrage1 : «La distribution de mon ouvrage dont je copie le dernier livre me prouve qu’il m’est impossible de ne faire que deux livraisons de cette première partie qui aura plus de 600 pages2. Je suis donc forcé de revenir à l’idée de trois livraisons et je vous prie de ne retirer le prospectus que lorsque je serai à Paris mardi prochain3.» Cette lettre présuppose le dernier plan de publication, datable de la fin de 18234. Seulement, les premiers calculs de calibrage n’étant plus valables, Constant propose de corriger le prospectus en annonçant trois livraisons pour les livres I – III, ce qui entraînerait aussi une modification du prix de vente. Les éditeurs n’adopteront pas cette solution. Ils incorporeront le livre III dans le second tome, qui se vendra plus cher. La preuve en est le papillon collé sur la quatrième de couverture du second volume : «Avis. Le Tome II de la Religion, de Benjamin Constant, ayant plus de 500 pages au lieu de 400, tel qu’on l’avait annoncé, et vu l’augmentation du prix du papier, ce volume se vendra 7 fr. 50 c., au lieu de 7 fr5.»

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Établissement des textes Manuscrits : 1. Prospectus. BnF, NAF 18823, fos 41–42. 1 feuille de grand format, 340 × 220 mm, pliée au milieu pour former une double feuille de 220 × 170 mm. 4 pp. a. Date difficile à établir. Nous adoptons la date de 1823. Hofmann, Catalogue, IV/92. 2. [Prospectus pour les volumes de De la Religion]. BCU, Co 3268. 8 folios de 300 × 195 mm. La première feuille est autographe, le reste de la ` partir du folio 6, des corrections main du copiste du Registre violet. A 1 2

3 4 5

BCU, Lausanne, fonds Constant IS 5676. BC se trompe. Les trois premiers livres comprennent un peu plus de 500 pp. en tout. Il se peut évidemment qu’il ait condensé son texte en travaillant au second volume de De la Religion. La copie dont il est question ici est peut-être plutôt un travail de redistribution d’anciens matériaux. Nous n’avons pu identifier le manuscrit dont parle BC. C’est-à-dire le 11 novembre. Le 7 novembre tombait un vendredi. Voir ci-dessus, p. 348. Collection particulière, édition non reliée.

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Prospectus – Introduction

367

autographes dans les interlignes et les marges. Les versos des folios sont blancs. Date : 1823. Hofmann, Catalogue, IV/88. 3. Projet de prospectus. BnF, NAF 18823, fos 43–48. Un cahier formé de 3 doubles feuilles d’un grand format, 320 × 205 mm, pliées au milieu et emboîtées pour former un cahier de 205 × 160 mm. Le texte se trouve sur les rectos des fos 43, 44, et 45, les versos sont blancs. Les fos 46 et 47 sont blancs des deux côtés, le recto du fo 48 est blanc. Le titre du cahier se trouve sur le verso du folio, écrit de travers, avec, à côté, un numéro d’ordre, no 9, qui renvoie à un inventaire non identifié. Le cahier est en outre plié au milieu, de sorte que le titre était disposé horizontalement, ce qui laisse penser que le document était classé dans une boîte. Brouillon pour un prospectus de De la Religion. Date : 1823. Hofmann, Catalogue, IV/93. Imprimé : Juillet 1823. De la Religion, ... BCU, 1 NED 3056 Rés. VA Prospectus imprimé de l’ouvrage sur la Religion, daté du mois de «Juillet 1823», 1 double feuille, 4 pp., 257 × 213 mm, ou deux folios de 134 × 213 mm. P. [1] [titre :] Juillet 1823. [ligne ondulée] DE LA RELIGION, CONSI ´ VELOPPE DE´ RE´ E DANS SA SOURCE, SES FORMES ET SES DE MENTS. PAR M. BENJAMIN CONSTANT. [ligne ornementale enflée au milieu] PROSPECTUS [ligne ornementale enflée au milieu] texte du prospectus, p. 2 adresses pour la souscription, et, au bas de la p., signature de l’imprimerie Firmin Didot, pp. 3–4 Avertissement des libraires. Courtney, Bibliography, 58. E´dition : Courtney, Bibliography, pp. 125–128. K. K.

Prospectus

fo 41ro

La Censure est depuis deux ans rétablie en France1. Elle n’exerce aujourd’hui son arbitraire que sur les journaux ; mais elle s’étendra, dit-on bientôt sur les livres. Rien n’est plus probable. Quand on a des motifs de craindre la liberté de la Presse, on doit l’étouffer, & trois apostasies2 successives nous éclairent de reste sur le zèle que déployeront pour cette liberté ceux de ses défenseurs qui seuls aujourd’hui pourroient la protéger d’une manière efficace. Établissement du texte : Manuscrit : Bnf, NAF 18823, fos 41ro–42vo. 7 ceux de ses ] 〈certains〉 ceux de ces ces trois derniers mots dans l’interl. 1

2

Cette phrase semble permettre, dans une certaine mesure du moins, de dater le texte. Trois hypothèses sont possibles : la première partirait du fait que la censure, abolie pendant les Cent-Jours, a été rétablie en 1816. En 1818, on discute de la prolongation des lois autorisant la censure. Les observations de Constant concerneraient donc cette période, peut-être même les semaines autour des élections, soit le mois de septembre 1818. Voir sa brochure Des élections de 1818, § VIII, «Censure des journaux», où l’on trouve une phrase très proche de celle qui termine ce fragment : «L’idée de soumettre les journaux à la police, c’est-à-dire, de placer les faits et les opinions au même rang que les vagabonds et les courtisanes, n’est pas une invention du ministère actuel. C’est une portion de l’héritage d’un temps antérieur ; mais cet héritage a été recueilli, cultivé, perfectionné par le ministère.» (OCBC, Œuvres, t. XI, p. 798). P. Thompson, Les écrits de Benjamin Constant sur la religion, p. 109, semble admettre une datation en rapport avec un vague projet de publication de l’ouvrage en 1818. Les prétendues contradictions inhérentes au texte ne sont pas si évidentes qu’il le soutient. La seconde hypothèse pourrait faire état du fait qu’on trouve dans la brochure Des élections prochaines (OCBC, Œuvres, t. X/2, pp. 772–774) une critique de la censure dont le ton et les tournures sont proches du projet de ce prospectus. Les deux ans ramèneraient alors à la loi du 9 novembre 1815, liberticide pour la presse, et souvent citée par les Marchangy et Vatimesnil dans les procès contre les journalistes et les écrivains. La troisième hypothèse serait de rapprocher le prospectus de la publication réelle du premier tome de De la Religion, soit de 1823 environ. Dans ce cas, l’allusion concernerait les mesures prises contre la liberté de la presse au lendemain de l’assassinat du duc de Berry en 1820. Allusion politique difficile à expliquer. Il faut peut-être penser à des ministères qui ont, d’une manière ou d’une autre, renié la liberté de la presse. Cette hypothèse s’accorde le mieux avec la datation précoce du texte. Si l’on se décide pour la datation tardive, les apostasies désigneraient peut-être des personnes dans un premier temps favorables à la liberté de la presse (Villèle) qui changent de cap. Mais ces hypothèses restent vagues et peu satisfaisantes.

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fo 41vo

De la Religion, I – Textes complémentaires

Je ne redirai point ici ce qui a été dit, ce que j’ai dit moi-même contre la censure. Je veux écarter de l’ouvrage que j’annonce tout ce qui tient à la politique : mais chacun sait comment & par qui cette censure s’exerce. L’écrivain qui aura consacré toutes ses facultés & toutes ses veilles à la composition d’un ouvrage important, soit par le sujet, soit pas la nouveauté des idées, sera réduit à implorer l’indugence d’un Censeur pris au hazard dans la classe la plus ignorante, & la moins estimable de ceux qu’on nomme des gens de lettres. Car la censure du régime actuel sera nécessairement fort au dessous de celle qui existoit dans l’ancien régime. Alors, les idées politiques étant peu répandues, l’animadversion publique ne pesoit pas sur le métier de Censeur, & des hommes recommandables pouvaient l’exercer[.] Aujourd’hui la profession est jugée : nul littérateur qui se respecte n’en acceptera la flétrissure. En conséquence, Montesquieu auroit à [soumettre] l’esprit des Loix à quelque feseur de Vaudeville & Buffon verroit ses époques de la nature1 mutilées par le rédacteur de quelque éloge d’un premier commis. Sans être ni Buffon ni Montesquieu, on est excusable, ce me semble, de repousser cette humiliation. Depuis trente années2, je me suis occupé d’une histoire de la marche de l’esprit humain dans ce qui a rapport aux idées religieuses. Je n’ai rien négligé pour porter cet ouvrage au degré quelconque de perfection que mes efforts pouvoient lui donner. Il a fait mon occupation dans les tems paisibles, ma consolation dans les tems orageux, & si j’ai trop souvent interrompu ce travail pour vouer à la cause de la liberté ce que j’ai de facultés & de forces, je n’ai jamais perdu l’espérance de l’achever un jour & de le rendre le moins indigne qu’il me serait possible de l’approbation des hommes éclairés. 7 ceux ] mot ajouté dans l’espace après de 8 gens ] récrit sur un mot illis. 14 auroit à ] suit encore un mot caché sous l’angle replié de la feuille 20 ce qui a rapport aux ] les quatre premiers mots dans la col. gauche aux récrit sur un mot illis. 1

2

BC choisit, outre l’exemple de l’Esprit des lois, l’ouvrage de Georges Louis Le Clerc de Buffon, Les époques de la nature, paru en 1785 à Paris. C’est un livre d’un grand rayonnement parmi les publications des Lumières. Les «trente années» sont une indication précieuse pour la datation du texte. Si on la rapproche du Cahier rouge, où BC indique qu’il a entrepris en 1785 un ouvrage sur la religion, les 30 années nous donneraient 1815 comme date de rédaction de cette ébauche. Ceci est nettement trop tôt, même si cette année est proche de la datation précoce. Si, par contre, on part des premiers manuscrits conservés et de la rencontre avec Jacob Mauvillon à Brunswick, les «trente années» appuyeraient la datation tardive de ce texte. Nous pensons que c’est la solution à favoriser.

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Prospectus – premier texte

fo 42ro

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Mon ouvrage est loin d’être irreligieux. J’y démontre, plus clairement, je le pense, qu’on ne l’avoit démontré jusqu’à ce jour, que la religion est un besoin inhérent à notre nature, qu’à toutes les époques de sa progression sociale, l’homme est dominé par ce besoin, qu’il est plus malheureux, quand les raisonnemens d’une logique exacte en apparence l’empêchent de la satisfaire que lorsqu’il est livré aux plus grossières erreurs, enfin que si toute croyance imposé de force est de la part de l’autorité un débacle & un crime, l’absence de toute croyance est pour les individus une souffrance profonde & amère1. D’après cet exposé de la tendance de mon ouvrage, qui ne le croirait à l’abri d’une Censure instituée, dit-on, pour repousser les doctrines pernicieuses, & pour inculquer l’attachement aux principes religieux ? Malheureusement les faits ne prouvent que trop combien cette espérance seroit peu fondée. Sans doute j’aime & je respecte la religion ; mais je l’aime & je la respecte, pour des motifs très differens de ceux qui déterminent la protection qu’on lui accorde. On veut en faire un appui du Despotisme : je la considère come la noble alliée de la liberté. On veut lui donner l’ignorance pour baze, & je pense que plus l’espèce humaine s’éclaire, plus la religion s’élève & s’annoblit. On veut la constituer supplément de la gendarmerie & de la potence, & ma conviction est qu’on l’avilit, quand on lui demande autre chose que de verser dans notre ame des émotions pures & des sentimens désintéressés. Ainsi, mon respect pour la religion n’est point celui qu’ordonne l’autorité & que professe l’hypocrisie de nos jours : & comme je ne vois que perfidie & profanation dans la direction qu’on lui imprime, ceux qui speculent sur cette direction fausse & dégradente devront crier à l’impiété. Mon ouvrage d’ailleurs n’est point un livre de spéculation ou de théorie. c’est l’histoire du sentiment religieux, histoire fondée sur des faits positifs, approfondis avec attention, pesés avec scrupule, & qui par là même seront présentés sous des points de vue quelquefois nouveaux. Or l’ignorance croirait demeler des allusions dans tous les faits, dont, pour la première fois elle entendrait parler. Naguères un censeur a rayé d’un journal un article sur le Zodiaque de Tentyra2, de peur que la Grèce n’en fut 29 sur ] mot répété par inadvertance en tournant la page 1

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Passage important pour l’analyse de la doctrine de BC. Mais important aussi parce qu’il renvoie implicitement à des lectures sans en indiquer ni les titres ni les auteurs. Il est à supposer que BC pense ici à Herder, à Kant, à Philipp Christian Reinhard et à Schleiermacher, peut-être aussi à Ludwig Heinrich Jakob et à Fichte. Nous ne savons pas de quel article il s’agit. Il est intéressant de noter dans ce contexte que le zodiaque de Denderah, aujourd’hui au musée du Louvre, a fait l’objet d’une controverse scientifique et théologique autour de 1823, qui a ébranlé la chrétienté parce qu’elle mettait en doute la chronologie biblique du monde. BC a peut-être connu l’ouvrage de Jean-Bap-

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ébranlée. Si j’écrivais que, lors de la décadence du Polythéisme, les dévots de cette croyance, qui tombait en ruine, avoient proposé de livrer aux flammes les ecrits de Ciceron, nos censeurs y verraient une allusion coupable aux mandemens de nos evêques1. Comment sauroient-ils que ce fait se trouve dans Arnobe ? Si je rappelois que l’Empereur Commode, qui vouloit faire de l’autel l’appui du trone, assistait à toutes les processions des Isiaques, saisi tout à coup dans une de ces processions d’un moment d’horreur, se servit du simulacre d’Anubis pour assommer un prêtre, Dieu sait quelle autres allusions nos censeurs y apercevroient[.] j’aurais beau les renvoyer à Lampride : son nom même leur est inconnu2. Ne serait-ce pas bien pire encor, si je peignois les Prêtres de Cybèle, missionnaires vagabonds d’un culte déchu, turbulens & méprisés, fripons & enthousiasmés, mendians & prophêtes, pronant leurs reliques, vendant leurs indulgences, la risée tour à tour & l’épouvante de la populace, & mêlant dans leurs prédications insensées leurs convulsions d’enyvremens & leurs prestiges d’escamoteurs ? nos censeurs savent-ils qu’il y a eu des prêtres de Cybèle ? ont-ils lu Lucien3 ? Ils ne se doutent pas que Lucien ait existé. L’ignorance est dans ces sortes de choses plus facheuse encore que la perversité[.] que n’est-ce pas lorsque la perversité & l’ignorance se réunissent ?

10–17 Ne serait-ce ... existé. ] passage ajouté dans la col. gauche

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tiste Biot (1774–1862), physicien et mathématicien français, intitulé Recherches sur plusieurs points de l’astronomie égyptienne, appliquées aux monumens astronomiques trouvés en Égypte, Paris : Firmin Didot, 1823. Allusion à Arnobe l’ancien (vers 300) et son ouvrage Adversus nationes. BC ne cite pas directement l’apologiste chrétien, mais utilise une note de lecture qu’il a prise en consultant l’anthologie commentée de C. F. Rößler, Bibliothek der Kirchen-Väter. Voir le dossier des notes de lecture, dans la section «Extraits de Rößler», no 10 (BCU, Co 3292) : «payens qui désirent qu’on anéantisse les livres de Ciceron comme contraires à la Religion. Arnobe répond : ‘intercipere Scripta, et publicatam velle submergere Lectionem, non est Deos defendere, sed veritatis testificationem timere.’» On trouve, dans la marge, la note : «employé 1823», ce qui renvoie au travail pour le t. I de De la Religion (voir ci-dessus, p. 114, n. a de BC). BC ne semble pas renvoyer directement au texte d’Ælius Lampridius, Vita Commodi, qui fait partie du recueil Historia Augusta, mais résume probablement l’opinion d’un érudit non identifié. Car les phrases sobres, voire sèches, que l’on trouve chez l’auteur latin (IX, 4–6), ne font que nommer le fait cité par BC, mais se passent de toute interprétation. Allusion à l’écrit De dea syria de Lucien de Samosate (vers 120 – vers 180) qui parle du sanctuaire de Hierapolis en Syrie ainsi que des processions qui appartiennent au culte de Cybèle, assimilée à Junon. Puisqu’un certain nombre de détails mentionnés par BC ne se trouvent pas chez Lucien, il est fort probable que BC résume ici ses lectures.

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Si donc, comme on l’annonce & comme je le vois, car on doit juger de ce qui se prépare par ce qui se fait, la Censure Roiale reparait doublée des traditions de la Censure Imperiale, Il faudra rentrer dans la route que l’ancien régime nous avoit tracée, & qui se rouvre devant nous par la resurrection de l’ancien Régime. C’est dans l’étranger que tout [...]

1–3 Si donc, ... Il faudra ] passage ajouté dans la col. gauche pour remplacer les mots 〈Il faut donc〉 5 tout ] la suite du texte perdue

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[Prospectus pour De la Religion]

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De la religion, considérée dans sa source, ses formes & ses développemens. 2 vol. in 8o de quatre à cinq cents pages chacun. L’ouvrage que nous annonçons est le fruit du travail d’un grand nombre d’années. Il en a été lu quelques fragmens à l’Athénée Royal de Paris. ils ont paru mériter une approbation générale. Le moyen le plus simple d’en donner une idée nette nous semble être de présenter quelques morceaux de l’introduction, qui indique le plan de l’ouvrage. «Lorsqu’on examine l’espèce humaine, sous des rapports purement relatifs à la place qu’elle occupe & au but qu’elle paraît destinée à atteindre sur la terre, l’on est frappé de l’harmonie & de la juste proportion qui existent entre ce but & les moyens que l’homme possède pour y parvenir. Dominer les autres espèces, en faire servir un grand nombre à son utilité, détruire ou repousser au loin celles qui lui refusent l’obéissance, forcer le sol qu’il habite à satisfaire abondamment à ses besoins, & à pourvoir avec variété à ses jouïssances, gravir le sommet des montagnes pour soumettre les rochers à la culture, creuser les abymes, en arracher les métaux & les faconner à son usage, dompter l’onde & le feu, pour les faire coopérer à ces transformations merveilleuses, braver le climat par ses précautions & le tems par ses édifices, s’assujettir en un mot la nature physique, se la rendre esclave & tourner ses forces contre elle-même, ce ne sont là que les premiers pas de l’homme vers la conquête de l’Univers. Bientôt, s’élevant plus haut encore, il dirige contre ses propres passions sa raison éclairé par l’expérience. Il impose un joug uniforme à ces ennemies intérieures, plus rebelles que tous les obstacles extérieurs qu’il a vaincus. Il obtient de luimême & de ses semblables des sacrifices qu’on eut dit impossibles. Il parvient à faire respecter sa propriété par celui qu’elle exclut, la loi par celui qu’elle condamne. De rares exceptions, facilement reprimées, ne dérangent en rien l’ordre général. Alors l’homme, considéré toujours sous les rapports purement terrestres, semble être arrivé au faîte de son perfectionnement moral & physique. Ses facultés sont admirablement combinées pour le guider vers ce but. Ses sens Établissement du texte : Manuscrit : BCU, Co 3268, fos 1–8.

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plus parfaits que ceux des espèces inférieures, si non chacun en particulier, du moins dans leur ensemble & par l’assistance mutuelle qu’ils se prêtent, sa mémoire si fidèle qui lui retrace les objets divers, sans leur permettre de se confondre, son jugement qui les classe & les compare, son esprit qui chaque jour lui dévoile en eux de nouveaux rapports, tout concourt à le conduire rapidement de découvertes en découvertes & à consolider ainsi son empire. Cependant, au milieu de ses succès et de ses triomphes ni cet univers qu’il a subjugué, ni ces organisation sociales qu’il a établies ni ces lois qu’il a proclamées, ni ces besoins qu’il a satisfaits ni ces plaisirs qu’il diversifie ne suffisent à son ame, un désir s’élève sans cesse en lui & lui demande autre chose, il a examiné, parcouru, conquis. décoré la demeure qui le renferme & son regard cherche une autre sphère, il est devenu maître de la nature visible & bornée & il a soif d’une nature invisible & sans bornes, il a pourvu a` des intérêts qui, plus compliqués & plus factices semble[nt] d’un genre plus relevé, il a tout connu, tout calculé, & il éprouve de la lassitude à ne s’être occupé que d’interets & de calculs, une voix crie au fond de lui même & lui dit que toutes ces choses ne sont que du méchanisme plus ou moins ingénieux, plus ou moins parfait, & que ce qu’il a pris pour un but n’était qu’une série de moyens. Il existe donc en nous, une tendance qui est en contradiction avec notre but apparent, et avec toutes les facultés qui nous aident à marcher vers ce but, ces facultés, toutes adaptées à notre usage correspondent entr’elles pour nous servir, se dirigent vers notre plus grande utilité & nous prennent pour unique centre. La tendance que nous venons de décrire nous pousse au contraire hors de nous, nous imprime un mouvement qui n’a point notre utilité pour but & semble nous porter vers un centre inconnu, invisible, sans nulle analogie avec la vie habituelle & les intérets journalières. C’est cette tendance que nous nommons le sentiment religieux, il n’existe jamais sans une forme quelconque, mais on peut le concevoir, indépendamment de toute forme, en écartant tout ce qui varie suivant les situations, les circonstances, les lumières relatives, & en rassemblant tout ce qui reste immuale dans les situations & les circonstances les plus différentes. Car par cela même que ce sentiment se proportionne à tous les états, à tous les siècles, à toutes les conceptions, les apparences qu’il révet sont souvent grossières, mais en dépit de cette déterioration extérieure on retrouve toujours en lui des traits qui le caractérisent & le font reconnaître. en s’associant, comme nous l’avons montré aux intérêts communs, aux calculs vulgaires, Il répugne néanmoins à cette alliance, pareil à un envoyé céleste, qui pour policer des tribus barbares se plierait à leurs mœurs & à leur langue imparfaite, mais dont la voix & le regard attesteraient toujours qu’il

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est d’une nature supérieure & a vu le jour dans de plus heureux climats. Quoi de plus superstitieux, de plus ignorant que le sauvage abruti qui enduit de boue & de sang son informe fétiche, mais suivez le sur le tombeau de ses morts, écoutez les lamentations des guerriers pour leurs chefs, de la mère pour l’enfant qu’elle a perdu, vous y démelerez quelque chose qui pénetrera dans votre ame qui réveillera vos émotions, qui ranime vos espérances, le sentiment religieux vous semblera pour ainsi dire planer sur sa propre forme. Faute d’avoir conçu de la sorte le sentiment religieux, deux partis se sont formés, qui dans leur manière d’envisager la religion ont tous les deux fait fausse route. L’un frappé des vices & des désordres qui accompagnent l’ébranlement des croyances religieuses a cru qu’il fallait raffermir à tout prix les croyances ébranlées, mais il n’a pas recherché si cette entreprise était dans les forces d’une autorité quelconque. l’histoire nous montre toutes les séverités impuissantes, Socrate empoisonné, Aristote fugitif, Diagoras proscrit, n’arrétèrent pas l’incrédulité d’Athènes. La philosophie grecque chassée de Rome, y revînt bientôt pour y triompher, & l’austérité de Louis XIV dans sa vieillesse ne fit que préparer la France impatiente à l’irréligion la plus manifeste & la plus hardie. L’autre parti, justement épouvanté des maux que produisent le fanatisme & l’intolérance a pensé qu’il serait désirable de fonder la morale sur une base purement terrestre, & d’extirper tout sentiment religieux, mais s’il avait consulté l’expérience, il aurait vu la religion renaître toujours au moment où les lumières s’enorgueillissaient de l’avoir étouffée. Juvénal écrivait que les enfans seuls croyaient à une autre vie & cependant une secte ignorée se glissait dans l’empire les yeux fixés sur un monde futur et le monde présent devait être sa conquête. Les considérations que nous venons d’exposer nous ont suggéré l’idée d’envisager la religion d’une manière que nous croyons nouvelle & utile. Nous regardons le sentiment religieux comme inhérent à l’homme & les formes que ce sentiment peut revêtir comme nécessairement proportionnées à la situation dans laquelle se trouvent les invidus ou les peuples qui professent une religion, par là même ces formes doivent être progressives & le sont en effet, durant un tems quelconque & jusqu’à un certain point. Chacune d’elles se divise en trois époques : Dans la première l’homme s’élance vers une religion, c’-à-d. il cherche d’après son instinct ou ses lumières à découvrir les rapports qui existent entre lui & les puissances invisibles. ` la seconde époque ayant pourvu à ce premier besoin religieux il déA veloppe & perfectionne ses autres facultés, mais ses succès mêmes rendent

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la forme qu’il avait donnée à ces idées religieuses disproportionnée avec ses faculté développées & perfectionnées. alors il perfectionne & développe cette forme tant qu’elle est susceptible de recevoir des perfectionnemens. Elle subsiste ou se modifie souvent sans aucun signe extérieur de la modification qu’elle éprouve, mais il arrive enfin qu’elle ne saurait être ultérieurement perfectionnée. elle devient stationnaire, & une lutte s’élève entr’elle & le besoin religieux de l’homme qu’elle ne satisfait plus. Cette lutte amène la troisième époque l’anéantissement de cette forme rébelle & de la les crises d’incrédulité complète, crises désordonnées quelquefois terribles, mais indispensables pour délivrer l’homme de ce qui ne lui serait désormais qu’une entrave, ces crises sont toujours suivies d’une forme d’idées religieuses plus proportionnées aux facultés de l’esprit humain et la religion ressort plus jeune, plus pure & plus belle de ses cendres». Notre ouvrage étant destiné à décrire ces trois époques, se divise naturellement en trois parties. Dans la 1ère, l’auteur distingue le sent[timent] rel[igieux] des form[es] rel[igieuses] et recherche quelle est la plus imparfaite de ces formes[.] pour la trouver il remonte à l’état le plus brut de l’espèce humaine. Dès cette époque, il prouve que les religions se divisent en deux classes, les religions indépendantes du sacerdoce, & les religions soumises à la direction sacerdotale, & cette division lui sert de guide dans ses recherches ultérieures. Après avoir à l’aide du témoignage des voyageurs, étudié la forme de la religion dans l’état le plus grossier & montré le sent[iment] rel[igieux] s’élevant au-dessus d’elle, il prouve [...]. il examine ce que la rel[igion] doit devenir tant par les progrès de l’esprit humain laissé à lui même que par le

17–18 l’auteur ... recherche ] 〈nous〉 l’auteur distingue le sent. rel. des form. rel & à partir du mot «l’auteur» dans l’interl. sup. recherch〈ons〉e 18 de ces formes ] de〈s〉 ces formes 〈religieuses〉 19 humaine. ] humaine. 〈Nous choisissons donc l’état sauvage non comme le premier, mais comme le plus grossier.〉 20 il prouve ] 〈nous decouvrons〉 il prouve ces deux derniers mots dans l’interl. sup. 22 lui ] 〈nous〉 lui mot dans l’interl. sup. ses recherches ] 〈toutes nos〉 ses ce dernier mot dans l’interl. sup. recherches 23–26 Après avoir ... doit devenir ] première rédaction Après avoir étudié la forme de la religion dans l’état sauvage & appellé à notre aide le témoignage des voyageurs, nous examinons ce qu’elle doit devenir deuxième rédaction Après avoir ici un signe de renvoi pour régler le déplacement d’une partie de la phrase à l’aide du témoignage des voyageurs, étudié la forme de la religion dans l’état le plus grossier & montré l〈a〉e 〈lutte du〉 sent. rel. 〈contre cette forme〉 s’élevt 〈illis.〉 audessus d’elle, il prouve la 〈trois mots illis.〉. il examine ce que la rel. doit devenir les corrections soit dans la marge gauche «& montré ... 〈trois mots illis.〉», soit dans l’interl. sup. ; les mots & appelle (première rédaction) ne sont pas biffés, oubli évident

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travail du sacerdoce. Ici l’autorité des anciens remplace les récits des modernes, les nations de l’antiquité se separent en deux cathégories distinctes, d’une part les peuples du midi & de l’orient, & une grande partie de ceux du nord, de l’autre les grecs, seuls d’abord, & plus tard, les Romains, lorsque l’esprit grec eut pénétré dans leur religion & eut triomphé de l’esprit sacerdotal des étrusques. La seconde partie expose la marche de la forme religieuse professée par l’antiquité, la lutte du sentim[ent] relig[ieux] contre les imperf[ections] de cette forme, ses développemens successifs, ses perfectionnemens graduels, jusqu’au moment où tout perfectionnement ultérieur devient impossible. Ici, sont indiqués les germes de décadence que renferment les croy[ances] dev[enues] disprop[ortionnées] avec les lumieres & l’impulsion irrésistible qui force l’espèce humaine à prendre un essor encore plus relevé. La troisième partie enfin retrace la chute des croyances vieillies & décréditées, elle montre l’homme étonné de sa victoire s’affligeant sur l’œuvre de destruction qu’il a consommé, incapable de se passer de la relig[ion] & ne reprenant quelque courage qu’à l’aide d’une nouvelle croyance. L’ouvrage paraîtra en trois livraisons, de deux volumes chacune, si son étendue comporte six volumes, ou en deux livraisons de deux volumes & en une dernière d’un seul s’il n’y en a que cinq. la 1ère livraison est maintenant sous presse. elle se compose de l’introduction & de la 1ère partie dont voici le contenu : Introduction, Liv[re] I &

1–2 modernes, les nations ] modernes, 〈& nous voyons〉 les nations 8–9 la lutte ... cette forme ] correction dans la marge gauche, quelques mots abrégés 10–12 Ici, ... lumieres ] Ici, 〈nous〉 sont indiqu〈on〉és les germes de la décadence que 〈cette forme, même améliorée, renferme〉 que renfefrment les croy. dev. disprop. avec les lumières les corrections dans l’interl. sup. 13 relevé. ] relevé. 〈à chercher une relig. plus épurée〉 cette première phrase biffée, corr. a. dans l’interl. sup. pour continuer la phrase précédente 〈Une forme plus épurée devient à cette époque la seule admissible, le symbole unique, l’impérieux besoin du monde civilisé.〉 14 vieillies ] corr. a. d’une faute du secrétaire, illis. 13 étonné ] 〈s’〉étonn〈ant〉é 14 incapable ... religion ] incapable ... reli. corr. a. ajoutée dans la marge 17 croyance. ] croyance. 〈Avant de terminer nous ferons observer à nos lecteurs pour les mettre en garde contre cette classe nombreuse qui, vivant de l’impiété qu’elle dénonce cherche à en découvrir dans les institutions les plus pieuses & les doctrines les plus religieuses que rien n’est plus conforme à notre système que la pensée fondamentale du christianisme. Le Christianisme représente toujours la loi des Juifs comme une loi divine, mais n’étant toutefois bonne que pour un tems & devant faire place à une doctrine plus épurée quand l’espoir humain serait digne de la recevoir & de l’adorer.〉 19–20 & ... d’un seul ] corr. a. ajoutée dans l’interl. sup. 21 la ] 〈On ne souscrit que pour〉 la livraison est ] livraison qui est le mot «qui» n’est pas biffé, faute de corr. évidente 21-p. 380.1 elle se ... & suiv. ] phrase ajoutée dans la marge gauche

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suiv. On ne paye rien d’avance. Le prix de la souscription pour cette 1ere livraison [est] de 12 fr. cette souscription sera fermée le 1er août. Les nonsouscripteurs payeront alors 16 fr. On ne souscrit que pour la 1ere livraison. La 1ère liv. paraîtra le 1er Septembre de cette année. On souscrit chez

1–2 Le prix ... cette souscription ] Le prix de la 〈1ère liv. est〉 souscription 〈pour cette sous〉 pour 〈les souscripteurs〉 cette 1ère livraison [est] ce dernier mot omis par inadvertance de 〈14 fr.〉 12 fr. 〈La〉 cette souscription 3 16 ] le chiffre 6 récrit sur un chiffre illis. On ne ... livraison. ] phrase ajoutée dans la marge gauche

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[Projet de prospectus]

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De la Religion, considérée dans sa source, ses formes & ses developpemens. 2 vol in 8o. de quatre à cinq cents pages. par M. Benjamin Constant

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Cet ouvrage est le résultat d’un travail de beaucoup d’années. Le nom de l’auteur n’est pas inconnu. Un éloge serait ridicule dans un prospectus qu’on doit supposer écrit sous ses yeux. Le Plan de l’ouvrage est un moyen plus simple & plus convenable d’annoncer cette publication.

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L’ouvrage se divise en trois parties. Dans la première l’auteur distingue le sentiment religieux des formes religieuses & recherche quelle est la plus imparfaite de ces formes. Pour la trouver, il remonte à l’état le plus brut de l’espèce humaine. Il prouve que, dès cette époque, les religions se divisent en deux classes, celles qui sont indépendantes de la Direction du Sacerdoce, & celles dont le Sacerdoce s’arroge la direction, & cette division lui sert de guide, dans ses recherches ultérieures. Après avoir, à l’aide du témoignage des voyageurs les plus véridiques étudié la forme de la religion dans l’état le plus grossier, & montré le sentiment religieux s’élevant au dessus d’elle, sans pouvoir encore ni la vaincre, ni la remplacer, il examine ce que la religion doit devenir tant par des progrès de l’esprit humain, livré à lui-même que par le travail de ses ministres. Ici l’autorité des Anciens remplace les vérités des modernes : & les nations de l’antiquité se séparent en deux cathegories distinctes, d’une part, les peuples du Midi & de l’orient, & une grande partie de ceux du Nord, de l’autre les grecs, seuls d’abord, & plus tard les Romains, lorsque l’esprit Grec eut pénétré dans leur religion, & eut triomphé de l’esprit sacerdotal des Etrusques. La seconde partie expose les développemens de la forme religieuse professée par l’antiquité, la lutte du sentiment religieux contre les imperfections de cette forme, & ses améliorations progressives, jusqu’au moment où toute amélioration ultérieure devient impossible. Ici sont indiqués les germes de décadence que renferment les croyances devenues disÉtablissement du texte : Manuscrit : Bnf, NAF 18823, fos 43–48.

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proportionnées avec les lumières, & l’impulsion irrésistible qui force l’espèce humaine à prendre un essor plus élevé. La troisième partie enfin retrace la chûte des croyances vieillies & décréditées. elle montre l’homme étonné de sa victoire, s’affligeant sur l’œuvre de destruction qu’il a consommé, incapable de se passer de la religion, & ne reprenant quelque courage qu’à l’aide d’une nouvelle croyance. L’ouvrage paraîtra en trois livraisons, de deux volumes chaque, si son étendue comporte six volumes ou en deux livraisons de deux volumes, & en une dernière d’un seul, s’il n’y en a que cinq. On ne souscrit que pour la 1ère livraison qui est maintenant sous presse. On ne paye rien d’avance. Le prix pour cette 1ere livraison, est de 14 fr. les non souscripteurs payeront alors 16 fr. La souscription sera fermée le 1er Aoust. la 1ere li vraison paraîtra le 1er septembre. On souscrit chez

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De la Religion, considérée dans sa source, ses formes et ses développements. Par M. Benjamin Constant.

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Prospectus

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L’ouvrage que nous annonçons est le fruit de plus de trente années de recherches. Quelques fragments en ont été lus à l’Athénée royal de Paris, en 18171. Ils ont excité le plus vif intérêt. L’auteur n’a rien négligé pour donner à ce travail de toute sa vie le plus haut degré de perfection auquel il fût capable de la porter. L’ouvrage paraîtra en six livraisons, qui formeront trois volumes in–8o de 400 pages chacun. L’impression est confiée aux presses de M. FIRMIN DIDOT. Le prix de chaque livraison est fixé à 3 fr. 50 cent. pour les personnes qui se feront inscrire avant la publication de la première livraison. Tous les exemplaires seront signés par l’auteur. A partir du 15 octobre prochain, il paraîtra chaque mois une livraison. On ne paie rien d’avance, et on souscrit e BOSSANGE frères, rue de Seine, n o 12. a f PONTHIEU, Palais-Royal, galerie de Bois, A PARIS, chez a g no 252. Et, chez l’AUTEUR, rue d’Anjou-Saint-Honoré, no 15. A LONDRES, chez MARTIN BOSSANGE et CIE, 14 great Marlborough street

Établissement du texte : Imprimé : BCU, NED 3056.

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En fait en 1818. L’erreur s’explique par le fait que les préparations des lectures commencent en 1817.

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Avertissement des Libraires

L’auteur s’étant opposé à tout Prospectus, où l’on aurait prévenu le jugement du public sur son ouvrage, nous croyons pouvoir y suppléer par l’extrait de la lettre qu’il nous a adressée, en nous chargeant de cette publication. «Lorsque, pour la première fois, nous dit-il, je conçus la pensée de cet Ouvrage, je ne possédais que des connaissances très-insuffisantes, et je n’avais point acquis cette maturité de réflexion qui ne vient qu’avec l’âge. Cependant, n’ayant aucun parti pris d’avance, je rejetai successivement tout ce que je découvris n’être que des opinions adoptées sur parole. Il y en a de telles dans toutes les sectes, et la philosophie a les siennes. ... La science aussi n’avait point fait les progrès immenses qu’elle doit aux voyageurs, aux commerçans et même aux guerriers. Nous connaissions mal l’E´gypte, nous ignorions l’Inde. ... J’ai tâché de mettre à profit les découvertes qui se sont succédées dans une progression accélérée. ... Je ne puis pas dire que j’aie fait cet ouvrage : je dirai plutôt qu’il s’est fait lui-même. J’ai examiné les faits, et ils m’ont guidé. ... Aussi mon livre a-t-il plus d’une fois changé de tendance. ... Un fait inattendu, inexplicable dans les hypothèses que j’avais adoptées, m’a parfois contraint à tout recommencer, et à soumettre à un nouvel examen les problèmes qui me semblaient résolus. ... Quel que soit le sort de cette publication, je ne puis que me féliciter d’avoir entrepris ce vaste travail. Je lui dois d’avoir éprouvé que la meilleure partie de notre nature est en dehors des évènemens, et n’a rien à craindre du pouvoir des hommes. ... Je ne suis pas rentré une seule fois dans la série d’idées dans laquelle me replaçaient ces recherches, sans un sentiment de joie. ... Alors même qu’on a pu croire et que moi-même je croyais peut-être que je me séparais à regret des affaires publiques, à peine avais-je un instant promené mes regards sur cette série d’efforts infatigables de l’homme pour ennoblir et améliorer ses conceptions, que ce même sentiment de joie me saisissait de nouveau. ... Une réflexion surtout m’a encouragé. Quand on est dans la force et la présomption de la jeunesse, on peut se complaire à fouler aux pieds des espérances dont on pense n’avoir pas besoin. ... L’âge vient, la société pèse, les hommes se révèlent : on cherche où placer sa confiance, où reposer son estime. ... Alors on voudrait tourner ses regards vers une autre sphère, et se nourrir d’autres espérances. ... Cette

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Plans pour la publication de l’ouvrage sur la religion

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sphère, mon livre, grâce au ciel, n’est pas destiné à la représenter comme chimérique : ces espérances, il n’est pas destiné à les détruire. ...»

Suite d’idées dans le premier volume de l’Ouvrage sur la Religion après mars 1824

Introduction

On trouve dans les papiers laissés par Benjamin Constant plusieurs manuscrits intitulés «Suite d’idées» ou portant un titre qui utilisent cette tournure1. Il s’agit le plus souvent de textes rédigés dans un style sténographique qui arrêtent la disposition des arguments d’un article ou d’un ouvrage à écrire ou à transformer, donc d’un instrument de travail classique. Que des notes plutôt éphémères soient conservées est le plus souvent un effet du hasard. Constant récupérait souvent des papiers dont les versos étaient blancs et pouvaient servir. Parfois, la feuille a été conservée parce que le texte projeté n’a pas été écrit ou a été transporté dans un autre contexte. Souvent, ces épaves sont pour nous la source unique d’un écrit dont nous ne savons rien par ailleurs. Le cahier que nous publions ici n’est pas un document de ce genre. Constant l’a rédigé avec beaucoup de soin après la publication du premier tome de De la Religion, en indiquant d’une manière très détaillée les menues étapes de la démonstration de sa théorie, y compris les notes parfois très développées qui réfutent les systèmes de quelques-uns de ses adversaires. Les entrées numérotées, 551 en tout2, se lisent ainsi comme une analyse détaillée de la marche des arguments de Constant. Le but pratique est évidemment de disposer ainsi d’une espèce de table des matières précise qui permet une orientation rapide, comparable en ceci à un index rerum, même si les entrées ne sont pas présentées alphabétiquement. Le manuscrit autographe est écrit très proprement. Il s’agit probablement de la mise au net d’un canevas perdu. La consultation commode est assurée par la disposition du texte. Constant s’est réservé une petite marge à gauche pour y inscrire les grandes structures de l’ouvrage, livres et chapitres. Les entrées sont numérotées en continu de 1 à 604, sans doute pour pouvoir prendre des notes et pour retrouver facilement les passages que l’on cherche, chose importante pour la rédaction des volumes suivants à partir des innombrables notes de lecture classées dans des fichiers divers. Des répétitions fâcheuses peuvent être évitées à l’aide d’un répertoire de ce genre. Chaque entrée se termine par l’indication de la page (ou par la mention ib., si le renvoi est le même que pour l’entrée précédente) où se 1 2

Voir OCBC, Œuvres, t. X/1, pp. 307–310. Et non pas 604, comme le suggère la numérotation.

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trouve l’idée en question. La numérotation présente deux lacunes sans importance pour l’usage, la première entre les chiffres 293 et 297 (elle s’est introduite en tournant la page), la seconde entre les chiffres 424 et 475 (distraction, Constant ayant confondu 425 et 475).

Établissement du texte Nous reproduisons le manuscrit fidèlement. Pour obtenir une lecture plus commode, les numéros des pages ou la mention ib. sont rejetés à droite. Manuscrit : Suite d’idées dans le premier volume de l’ouvrage sur la religion. BCU, Co 3269. 1 cahier de 16 fos, 28 pp. a. Les deux derniers fos sont blancs. Les notes sont numérotées en continu de 1 à 604, avec deux lacunes dans la numérotation, introduites par inadvertance, mais sans importance pour ` la fin de chaque entrée, on renvoie à la page l’usage de ce registre. A ` respective du volume. A la hauteur du titre, dans l’angle gauche du folio, on trouve la mention «No 10», qui est une espèce de cote pour classer le document. Date : après la sortie du t. I de De la Religion, soit après mars 1824. Hofmann, Catalogue, IV/95. K. K.

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Suite d’idées

Suite d’idées dans le premier volume de l’Ouvrage sur la Religion

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Préface. 1. 2. 3. 4. 5. 6. 7. 8. 9. 10. 11.

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Préface. Inconvéniens du mode de publication. raisons de l’auteur pour l’avoir choisi. ses efforts pour remédier aux inconvéniens. qu’il n’est cependant qu’atténué. objections qui pourront en naître. sur l’identité des notions des sauvages & de celles des religions sacerdotales. sur l’opposition du génie grec aux dogmes sacerdotaux. que nous n’avons voulu faire aucune allusion. différence des prêtres de l’antiquité & de ceux des tems modernes. que les tentatives de quelques individus pour reconquérir l’antique puissance du sacerdoce, ne peuvent réussir. que le pouvoir temporel, même en s’appuyant du sacerdoce, ne consentira point à la resurrection de son ancien pouvoir. qu’au fond nous sommes moins sévéres contre le sacerdoce de l’antiquité, que les Théologiens. que le blame mérité par le sacerdoce de toutes les epoques ne peut aujourd’hui rejaillir que sur quelques individus. Brames sevissant contre les profanes qui lisent les vèdes. Prêtres de Méroé, détronant les Rois. Mages placant la volonté de Cambyse au dessus des lois. que nous sommes séparés des philosophes qui veulent

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Établissement du texte : Manuscrit : BCU, Co 3269, fos 1ro–16vo. 1 Suite ] à la hauteur du titre, dans l’angle de gauche No 10 comme tous les autres, dans un second temps

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3 Préface. ] ce titre ajouté,

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repousser la religion & donner pour baze à la morale l’interet bien entendu. XX. que l’incrédulité n’est pas précisément la cause des crimes. XX. sous alexandre VI, communion précédant, confession suivant le meurtre. ib. que les excés des révolutions ne viennent pas de XXI. l’irreligion. Que les cruautés religieuses ont égalé les irréligieuses. XXII. que néanmoins, en repoussant la religion, l’homme se dégrade. ib. que l’interet bien entendu étouffe les vertus, par la même logique à l’aide de laquelle il réprime XXIII. les vices. qu’en prétendant que l’interet bien entendu ne nous dégrade pas, puisqu’il nous invite à chercher la satisfaction de notre conscience, on revient au systême des émotions, contraire à celui de l’intérêt bien entendu. XXV. que la nature n’a point placé notre guide dans notre intérêt bien entendu, mais dans notre sentiment intime. XXVI. que si on traite la religion de chimère, on traitera de chimère tous les bons sentimens. XXVII. qu’en repoussant le sentiment religieux, il faut renoncer à la liberté, que l’intérêt bien entendu ne saura jamais ni établir ni défendre. XXVIII. XXIX. que l’expérience a été faite. Spectacle qu’offre l’Europe depuis 20 ans. ib. Que rien n’est moins assuré que la victoire de l’intérêt bien entendu sur les penchans qui contrarient la morale. note XXX. que l’interet bien entendu a servi à maintenir l’ordre, mais avec l’oppression. XXXI. qu’en développant les facultés intellectuelles il les a degradées & tournées contre tout ce qui n’étoit pas égoïste. XXXII. que l’opposition n’a été que vaniteuse, & a cessé, dés qu’il y a eu peur. XXXIII. que les vertus mêmes ont été dégradées, y compris la charité. ibid. Systême de Malthus. XXXIV.

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37. que les vertus domestiques n’ont eu pour baze que l’égoisme. XXXV. 38. que ce tableau des effets de l’interet bien entendu suppose le calme et la prospérité. XXXVI. XXXVII. 39. que c’est bien pis quand l’orage arrive. 40. foule de causes qui tendent à corrompre l’homme. XXXVIII. 41. deux systêmes, celui de l’intérêt, celui du perfectionnement. ib. 42. Résultat du premier, l’homme à la tête des animaux. XXXIX. 43. Inutilité des institutions, quand il n’y a pas volonté de sacrifice. XL. 44. effets de la civilisation, de deux espéces. note. ib. 45. Accroissement de découvertes & par là moyen de perfectionnement. ib. XLI. 46. Accroissement de puïssance, cause d’egoisme. 47. l’espèce humaine deja une fois plongée dans cette dégradation. ib. XLII. 48. Efforts inutiles pour reconquerir la liberté. 49. Apparition des Chrétiens, régénération du monde moral. XLIII. 50. Lecon pour les amis de la liberté. XLIV. I. 51. Livre 1. du sentiment religieux. 52. Chap. 1. même titre. ib. 53. que tous les êtres ont leurs loix. ib. 54. que les tendances inhérentes à chaque être sont ces loix. 2. 55. qu’il ne faut pas vouloir assigner de cause à ces loix primordiales. ib. 56. Que s’il y a dans l’homme un sentiment qui ne soit qu’en lui, c’est une de ces loix. 3 57. Tel est le sentiment religieux. ib. 58. Que ce sentiment existe à toutes les epoques de la civilisation. ib. 59. qu’il triomphe de tous les interets. ib. 60. de toutes les passions. ib. 61. qu’il s’associe à tous nos désirs. 4. 62. que les peuplades misérables qu’on nous peint sans religion ne sont pas une objection. ib. 63. Inexactitude & contradiction des voyageurs qui ont cru découvrir de telles peuplades. note. ib. 64. ce sentiment universel ne seroit-il qu’une erreur ? 6.

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65. hommes qui pretendent que la peur, l’autorité, la ruse ont changé la nature de l’homme & lui ont donné un sentiment qu’il n’avoit pas. ib. 66. que la religion existe, même quand ces causes prétendues n’existent plus. ib. 67. d’où vient l’opposition de quelques hommes à un sentiment si général ? 7. 68. Ces hommes à plusieurs époques les plus instruits, les plus éclairés, les plus estimables. 7. 69. coment la religion leur est-elle un objet d’hostilité ? 8. 70. Combien la religion necessaire à l’homme ? ib. 71. mais en rendant la religion dogmatique, on a soulevé contre elle l’indépendance intellectuelle. 10. 72. que le règne de l’intolérance étant passé, le moment est bon pour juger la religion. 11. 73. Immensité de cette recherche. 12. 74. Qu’on n’a jusqu’ici envisagé que l’extérieur de la religion. 13. 75. que les dogmes & les croyances sont des formes que le sentiment revêt & qu’il brise ensuite. ib. 76. que cette assertion n’est pas opposée au protestantisme. note. ib. 77. que Dieu a donné au sentiment religieux la forme Juive & l’a brisée ensuite. 14. 78. dévots & philosophes, cherchant également l’origine de la religion dans des circonstances étrangères à l’homme. 15. 79. qu’il y a une révélation, mais permanente, universelle, ayant sa source dans le coeur humain. 16. 80. que la terreur n’est pas la source de la religion. 17. 81. que sans cela, les animaux plus timides que l’homme auroient quelques symptomes du sentiment religieux. 18. 82. même réponse à l’hypothèse qui attribue la religion à notre organisation plus parfaite. 19. 83. que la supériorité de l’organisation humaine éloigneroit l’homme des idées religieuses, au lieu de l’en rapprocher, si la religion n’étoit dans sa nature. 21. 84. qu’on n’a jamais voulu reconnoître ce que l’homme étoit. 23. 85. que la religion, la sociabilité, le langage sont inhérens

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à l’homme & qu’il n’en faut pas rechercher les causes. Seconde erreur dans laquelle on est tombé. qu’on a cru qu’il falloit en fait de religion détruire ou maintenir. mais qu’on ne peut ni maintenir les formes ni détruire le fonds. quand une forme religieuse est attaquée, ce n’est pas que l’homme soit disposé à se passer de la religion, mais c’est que la forme qu’on attaque ne convient plus à l’esprit humain. Comment distinguer le sentiment religieux d’avec sa forme ? Il n’est jamais sans forme en réalité, mais on peut le concevoir tel par la pensée. Tableau de la conquête de l’univers matériel & de l’organisation de l’univers moral par l’espece humaine. Satiété que l’homme éprouve malgré son triomphe. Oubli de ses interets matériels & tendance vers une autre sphère. qu’il y a donc en nous une tendance en contradiction avec notre but apparent & nos facultés dirigées vers ce but. Cette tendance inexplicable. mais toutes nos passions, dans leur partie exaltée sont inexplicables. que nous ne recherchons point l’origine de cette tendance. Mais elle tient étroitement au sentiment religieux. que la définition de tout sentiment intime peut être accusée d’obscurité. que pour refuser au sentiment religieux une baze réelle il faudrait supposer dans notre nature une inconséquence qui serait la seule. que le sentiment religieux se proportionnant à tous les états de civilisation, ses apparences sont souvent grossières. mais que même alors en l’observant bien, on verra qu’il s’élève au dessus de sa forme. Chap. 2. de la nécessité de distinguer le sentiment

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religieux des formes religieuses, pour concevoir la marche des religions. que l’origine de la religion ne s’explique que par l’existence du sentiment religieux & la marche des religions que par la distinction entre le sentiment & la forme. le sentiment religieux est le besoin de communication avec les êtres invisibles. la forme, le besoin de rendre reguliers les moyens de communication. Nécessité de la permanence de cette forme. Note sur Stéraclite et Néander. toute forme présente opposée aux progrès de l’avenir. en conséquence, arrive une époque où elle ne satisfait plus le sentiment religieux. il s’agite alors pour la briser & en trouver une autre. cette distinction entre le sentiment religieux & la forme est indispensable pour expliquer les phénomènes de l’histoire des religions. pourquoi, lorsqu’une forme religieuse est établie & que la civilisation a fait des progrès, l’incredulité apparait-elle ? Les écrivains ne sont pas une explication. Ils sont toujours les organes de l’opinion dominante. La véritable cause, les progrés de l’intelligence & la disproportion survenue entre ces progrés & la forme religieuse. Exemple : les philosophes de l’Antiquité. Réfutation de La Mennais qui prétend que le sentiment religieux n’a existé que depuis le christianisme. note. autre exemple, Fénelon. Bref d’Innocent XII, contre Fénelon. Note. Pourquoi les Prêtres sont-ils nécessairement ennemis du sentiment religieux. meme note. Persécution resultat de la lutte entre l’intelligence & la forme religieuse. fanatisme d’incrédulité qui en résulte. Traces du sentiment religieux, au sein de ce fanatisme d’incredulité. mais pourquoi alors d’effroyables superstitions

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surviennent-elles ? 50. 127. Tableau du monde, lors de la chute du Polythéisme. ib. 128. C’est que dans ses attaques contre la forme le scepticisme a attaqué le fonds. 55. 129. impossibilité que l’espéce humaine existe avec une incrédulité absolue. 57. 130. A l’apparition d’une forme proportionnée à l’intelligence, tout se réorganise. 58. 131. Exemple, établissement du christianisme. ib. 132. Répugnance du sentiment religieux pour toute entrave dans la forme nouvelle. ib. 133. Independance des 1ers chrétiens relativement aux rites, cérémonies, pratiques. 59. 134. point de Sacerdoce, Tertullien. ib. 135. point de cérémonies, Origène, Minutius félix ib. 136. point d’intolérance. 60. 137. preuves, Actes des Apotres, Lettre de St Irénée, note. ib. histor. Eccles. Clement d’Alex. &ca 138. point d’abstinence. 62. 139. point de confession forcée. ib. 140. preuves, St Jean Chrysost., St Paul, Tertullien. note. ib. 141. Chap. 3. que l’effet moral des mythologies prouve la distinction que nous voulons établir. 64. 142. necessité de notre distinction pour résoudre plusieurs questions de détails. ib. 143. Bon effet moral des religions qui presentoient des Dieux souillés de tous les vices. ib. 144. Corruption, lorsque l’incrédulité a remplacé ces religions. ib. 145. Exemple, Romains. 65. 146. c’est qu’aussi longtemps que le sentiment domine la forme, il repare ses vices. ib. 147. Réfutation de tout le systême de Lamennais. note. ib. 148. le sentiment d’accord avec toutes les vertus. ib. 149. fables, objet d’une crédulité sans conséquence. 68. 150. Exemple. Inde, Rome. 72. 151. Le caractère moral des Dieux n’a pas non plus l’influence qu’on lui suppose. 74. 152. Double caractère des Dieux, public & privé. 79. 153. Dans le caractère public, appuis de la morale. 80. 154. dans leur caractère privé, égarés par leurs passions. 81.

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155. mais quand le sentiment religieux s’est retiré d’une forme, les vices des dieux deviennent corrupteurs. 82. 156. Chap. 4. que cette distinction explique seule pourquoi plusieurs formes religieuses paraissent ennemies de la liberté, tandis que le sentiment religieux lui est toujours favorable. 84. 157. Autre problême insoluble sans cette distinction. 84. 158. Texte littéral de toutes les religions favorables à la liberté & pourtant l’autorité religieuse travaillant souvent à l’anéantissement de toute liberté. ib. 159. C’est que le sentiment religieux ne contient nul principe d’esclavage. 86. 87. 160. preuves, 1ers Chrétiens. 161. accusations contr’eux comme factieux. note. ib. 162. autres preuves. Arabes. ib. 163. Allemagne. 88. 164. Angleterre. ib. 165. l’incrédulité bien plus favorable à la servitude. ib. 166. Tableau d’une race esclave & incrédule. 89. 167. Cependant, lorsque l’oppression s’est exercée au nom de la religion, les amis de la liberté se jettent dans l’incrédulité. 91. 168. mais le sentiment religieux survit dans leur ame malgré eux. 92. 169. Exemple, Cassius, Plutarque. 92. 170. entre le sentiment religieux & la liberté, entre son absence & la tyrannie, là est l’alliance. 93. 171. Mais les formes créent un élément opposé, le pouvoir sacerdotal. ib. 172. alors il peut y avoir pacte entre le despotisme & la religion. ib. 173. mais alors même ce pacte est étranger au sentiment religieux. ib. 174. Chap. 5. Que le triomphe des croyances naissantes sur les croyances anciennes est une preuve de la différence entre le sentiment religieux & les formes religieuses. 95. 175. Exemple de ce triomphe, Lutte du Polythéisme & du Christianisme. ib. 176. Chap. 6. de la maniére dont on a jusqu’ici envisagé la religion. 101.

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177. Trois partis se sont formés sur cette matière. ib. 178. le premier a dit qu’il fallait raffermir à tout prix les croyances ébranlées. 102. 179. Impossibilité dans l’exécution. rigueurs inutiles. ib. 180. le second parti a voulu détruire la religion. 103. 181. même impossibilité. elle renaît toujours. ib. 182. Le troisième parti a voulu prendre un milieu religion naturelle. 104. 183. Même erreur que les deux premiers. religion supposée toujours la même & stationnaire. ib. 184. de la fausse maniére de l’envisager. ib. 185. Coup d’oeuil rapide sur les écrits religieux de la France, de l’Angleterre & de l’Allemagne. ib. 186. Jusqu’au 18e siècle tous les ouvrages francois sur ce sujet n’etoient que des ouvrages de secte. 105. 187. Les hérétiques & les Orthodoxes partaient d’un point convenu. ib. 188. Note sur les violences de l’Abbé de La Mennais. ib. 189. l’incrédulité, poursuivie de moins de haine que l’hérésie, attirait aussi moins d’attention. 107. 190. Dogmatisme de Bossuet. 108. 191. beau langage que la religion parlait dans sa bouche. 109. 192. Bossuet, une preuve qu’il y a toujours des idées de liberté au fond de la religion. note. 109. 193. que les écrivains du siècle de Louis XIV n’ont eu aucune idée de la marche progressive des idées religieuses. 110. 194. Incrédulité effrénée après Louis XIV. ib. 111. 195. Motifs justes & nobles des incredules du 18e siècle. 196. Mot de Voltaire qu’il valoit mieux frapper fort que juste. 112. 197. manière outrageante de parler de la religion, & inconvénient de ce style. ib. 198. Point de vue étroit sous lequel les Théistes mêmes envisageoint la religion, comme suppléant aux loix pénales. 113. 199. Inconvénient de l’idée d’utilité pour les pensées élevées. 114. 200. Comme Chateaubriand a cédé a cette idée d’utilité. note. ib. 201. Trois écrivains qui se sont élevés plus haut. 115.

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Fenelon. Rousseau. Montesquieu. Fâcheux effets de la revolution francaise à cet égard. Persécution execrable de la religion. Réaction qui s’en est nécessairement suivie. ainsi la religion, toujours considérée en france d’une manière partiale & incomplette. Protestantisme identifié avec la liberté de l’Angleterre. Dogmatisme qui en est résulté. Preuves, en note. Lumière partielle repandue par les Sectaires, mais le point de départ toujours convenu. Incrédules Anglais. Collins, Tindall, Woolston, Toulmin. Hobbes. Shaftesbury, Bolingbroke, Cherbury. Hume. Gibbon. Payne. Godwin. que le dogme & l’incrédulité se partagent les esprits en Angleterre. Analogie de la disposition des esprits en Angleterre et en France à cet égard. Spectacle plus satisfesant qu’offre l’Allemagne. l’idée dominante des Allemands, la progression. que cette idée nous est trop étrangère. Circonstance qui a favorisé la marche des idees religieuses en Allemagne. Protestantisme dogmatique en Allemagne il y a cent ans. Incrédulité de fréderic II. Ecole francaise. La religion défendue contre cette incrédulité par des volontaires. Chacun la défendit à sa guise. qu’après la mort de fréderic II, l’autorité voulut ramener de force les Théologiens à l’orthodoxie. Résistance des Théologiens. Systême résultant de cette Résistance.

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234. La religion communiquée à l’homme par l’être suprême, mais proportionnée à l’état de son intelligence & devant s’améliorer progressivement. ib. 235. Ouvrages écrits dans ce tems en allemagne. note. ib. 236. même idée en Angleterre un siècle plutot, mais repoussée comme impie. note. 131. 237. Incarnations indiennes, qui ont lieu toutes les fois que Dieu veut faire connoître aux hommes la vérité. note. 132. 238. Point de vue sous lequel ce systême est consolant & noble. 133. 239. Note à ce sujet. ib. 240. Sa faiblesse sous le rapport des preuves historiques & métaphysiques. 134. 241. Autre hypothèse allemande. 135. 242. La religion, langue symbolique universelle. ib. 243. Combien ce systême, quoique défectueux a servi à rectifier les idées sur les religions anciennes. 136. 244. Note sur l’ouvrage de Guignaud. 137. 245. Objection contre ce systême. 138. 246. que si la religion est la langue universelle, cette langue varie selon les epoques. ib. 247. Plan de l’ouvrage. Chap. 7. 141. 248. Lacune qui existe dans l’histoire du sentiment religieux. ib. 249. respect que nous avons pour toutes les croyances. ib. 250. fait évident : le sentiment religieux un attribut essentiel de notre nature. 142. 251. formes proportionnées à la situation contemporaine. 143. 252. par conséquent ces formes progressives. 144. 253. Trois périodes distinctes. ib. 254. La première, établissement de la forme. ib. 255. La seconde, disproportion de cette forme, par les progrès de l’intelligence. ib. 256. La troisième destruction de cette forme & création d’une forme nouvelle. 145. 257. Obstacles que l’homme rencontre en suivant cette marche. ib. 258. Obstacles intérieurs, l’ignorance, l’empire des sens, & même la raison. 146. 259. bornes & sphères de la raison. ib.

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Ch.9.

De la Religion, I – Textes complémentaires

260. citation de Callimaque. 261. que la raison ne peut être appliquée aux objets qui ne sont pas de sa sphère. 147. 262. que malgré ces obstacles la marche de l’homme est réglée et nécessaire. 263. Utilité de ce systême, pour la tolérance. 264. dangers de toute intervention de l’autorité dans la marche des idées religieuses. 265. Chap. 8. des questions qui seroient une partie nécessaire d’une histoire de la religion & qui néanmoins sont étrangères à nos recherches. 266. l’état sauvage a-t-il été l’état primitif de notre espèce ? 267. légéreté avec laquelle les philosophes du 18e siècle se sont décidés pour l’affirmative. 268. Si l’état sauvage étoit l’état primitif de l’homme, comment l’homme en seroit-il sorti ? 269. ni le raisonnement, ni le hazard, ni la civilisation par les étrangers n’expliquent ce progrès. 270. plus l’homme est près de l’état sauvage, plus il est stationnaire. 271. les hordes sauvages observées il y a 2000 ans le sont encore aujourdhui. 272. qu’en conséquence nous ne prenons point l’état sauvage comme le premier, mais le plus grossier. 273. nous nous placons au terme le plus eloigné de la perfection pour voir comment l’homme s’en rapproche. 274. Autre question. y a-t-il un peuple primitif ? 275. Conformité d’usages, d’opinions & de ceremonies sur tout le globe. 276. Preuves de ces conformités chez tous les peuples. 277. que nous n’affirmons pas qu’il soit impossible de remonter à ce peuple primitif. 278. Mais que nous serons ramenés au point ou nous sommes, puisque, ce peuple ayant été détruit, ses descendans sont retombés dans l’état grossier que nous avons choisi pour point de départ. 279. des Précautions que la nature de nos recherches nous oblige de prendre. 280. La première de ces précautions est de distinguer les epoques des diverses religions.

ib. Note. 148. 149.

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281. qu’une nation modifie sa croyance sans s’en apercevoir & lors même que les formes demeurent immuables. ib. 282. Erreur de beaucoup d’hommes instruits qui prennent pour une seule religion celle de Virgile & celle d’Homère. 165. 283. Note sur les Martyrs de Chateaubriand. ib. 284. Absence de discernement dans le recueil des témoignages, confusion entre Homere & Lucien. 168. 285. Confusion de dogmes etrangers ou indigènes, adoptes progressivement ou introduits subitement. 169. 286. Note sur la confusion des auteurs cités. ib. 287. preuves, Leclerc de Septchènes, & surtout Lamennais. ib. 288. la religion des anciens progressive, comme leur géographie. 170. 289. Subversion que la plupart des mythologies ont subi dans leur arrangement chronologique. 171. 290. les opinions les plus anciennes representées comme des dégénérations d’opinions encore antérieures. 172. 291. Explication de cette subversion : prêtres empruntant les voix des Pères pour dominer les enfans. ib. 292. Preuve, Bhagvat Gita. 174. 293. Autre preuve. Asclepius, Dialogue. 175. 1 note. 175. 297 . modifications de la religion Egyptienne. 298. travail analogue dans les ages de la grèce, Empedocle, Héraclite, Platon. 176. 299. que tous les rafinemens des croyances sont des phases postérieures à la crédulité simple. ibid. 300. Preuve de détail, tirée de l’Egypte & d’une coutume interprétée diversement par Hérodote et par Plutarque. note. 177 301. Preuves des assertions précédentes. 178. 302. Perses. ib. 303. Scandinaves. ib. 304. Grecs. 179. 305. Seconde précaution à prendre. 180.

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En tournant la page, BC saute par inadvertance du numéro 293 au numéro 297.

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306. Explication scientifique. ib. 307. La religion n’ayant été pour les erudits que la representation symbolique soit de l’agriculture, soit de l’astronomie, soit de l’histoire. ib. 308. que toutes ces choses sont entrées dans la religion, mais ne lui ont pas donné naissance. 181. 309. que toutes ces explications n’ont pu et du coexister. 182. 310. Exemple de la fable de Typhon, en Egypte. ib. 311. Erreurs de l’auteur du Monde primitif, sur la religion Romaine. 183. 312. Autres erreurs des Erudits, partisans des systemes exclusifs. 185. 313. Audace de Dupuis dans ce genre. ibid. 314. Réfutation du systême de Dupuis & de Volney. ib. 315. que les systêmes Scientifiques même admis dans les religions n’ont jamais eu de rapports directs avec les effets moraux des croyances. 194. 316. Preuve de cette vérité dans la religion Grecque. 195. 317. Erreur de Warburton, sur l’origine de la fable. ib. 318. Preuve de la même vérité, dans la religion Romaine. 197. 319. que la découverte du sens mystérieux des cultes anciens ne les fait connoître, quant à leur sens populaire. 198. 320. Exemple, tiré de l’Iliade & d’Ovide. 200. 321. que la religion même des philosophes & des savans est empreinte des opinions populaires. 202. 322. preuves, Socrate, Xénophon, Platon. 203. 323. Corbulon dans Tacite. Note. ib. 324. exagération de Meiners dans l’autre sens. 204. 325. troisième précaution à prendre. distinguer les religions sacerdotales & celles qui ne le sont pas. 205. 326. que nous n’avons pas à rechercher ici la cause de l’asservissement de certains peuples au pouvoir sacerdotal, tandis que d’autres en demeurent indépendans. ib. 327. Différence qui doit exister entre les deux espéces de religion. 206. 328. qu’il ne faut pourtant pas s’exagérer l’influence du sacerdoce. 209. 329. Il n’invente rien mais profite de tout. ib. 330. Marche que nous avons suivie dans notre ouvrage. 210.

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331. que nous sommes partis de la forme la plus grossière. 332. qu’ensuite nous avons dit comment cette forme s’est modifiée, soit librement, soit par le sacerdoce. 333. que la plupart des reproches adressés à la religion ne sont remarqués que par quelques uns de ses ministres. 334. que la forme religieuse tend toujours à s’épurer. 335. que nous avons taché d’écarter la forme historique. 336. que cependant la religion ne peut être traitée didactiquement comme les loix. Liv. 2. 337. Livre II. de la forme la plus grossière que les idées religieuses puissent revêtir. Ch. 1. 338. Chap. 1. méthode que nous suivrons dans ce livre. 339. Définition donnée précédemment du sentiment religieux. 340. idem de la forme. 341. Le choix de cette forme par arbitraire. 342. l’homme est déterminé dans son choix par ses sentimens, ses notions & son égoisme. 343. la meilleure méthode nous paraît être de rassembler les faits, relatifs aux croyances des peuplades les plus ignorantes & de rechercher ensuite la part de l’intelligence, du sentiment & de l’intérêt dans ces croyances. Ch. 2. 344. Ch. 2. de la forme que le sentiment religieux revet chez les sauvages. 345. Description de l’état sauvage. 346. Que, malgré la grossiéreté de cet état, le sentiment religieux agite l’homme. 347. qu’il cherche partout la puissance inconnue. 348. Qu’il n’est pas uniquement dominé par la crainte. 349. ni par l’interet. 350. qu’il place toujours la religion dans l’inconnu. 351. que partout où il y a mouvement il croit qu’il y a vie. 352. qu’il attribue à tout mouvement une intention qui le concerne. 353. que le hazard décide des objets de son adoration. 354. Note sur les objets qu’adorent les sauvages. 355. Explication de l’adoration des animaux. 356. Note sur l’alliance que des Tribus Sauvages croient exister entre l’homme & les animaux. 357. que la préférence de tel animal à tel autre tient à des

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De la Religion, I – Textes complémentaires

circonstances fortuites. 233. 358. causes diverses qui donnent lieu à l’adoration de divers objets. 233. 359. que le sauvage n’adore pas son semblable. 235. 360. Tendance de l’homme ignorant à retourner à ce culte grossier. ib. 361. Pavian de l’Inde. ib. 362. adoration des serpens a` la Chine, malgré le panthéisme des Mandarins. Note. ib. 363. note sur un systême de platonisme chinois. 236. 364. Traces de l’adoration des animaux au Tonquin. note. ib. 365. Idem dans la Théocracie Hébraique. 237. note. 366. que même dans le fétichisme, le sentiment religieux s’élève au-dessus de cette forme. ib. 367. Notion du grand Esprit. 238. 368. Cucis ou montagnards de l’Inde, adorant le grand Esprit, tout féroces qu’ils sont. ib. 369. Manitous prototypes des sauvages de l’Amérique. 239. 370. Notion de la division en deux substances ou de la spiritualité, même chez les sauvages. 241. 371. Apparences qui conduisent l’homme à cette notion. ib. 372. l’air donne l’idée d’un être incorporel. 242. 373. la lutte intérieure que l’homme éprouve le porte à croire que son ame & son corps sont deux êtres différens. 243. 374. Opinions de cette nature à Otahiti & dans la floride. ib. 375. Intervention du raisonnement dans la forme religieuse. 244. 376. La raison conclut du mal & du bien qu’il y a dans le monde à la coexistence & à la lutte de Dieux bons & de Dieux méchans. 245. 377. Dualisme chez les Sauvages. 246. 378. que le sentiment religieux aime à supposer la suprématie du bon principe. ibid. 379. Action de l’interet sur la forme religieuse. 247. 380. que l’homme, dès qu’il croit avoir decouvert l’objet ou résident les forces surnaturelles, travaille à tourner ces forces à son avantage. 248. 381. la religion devient alors un calcul. 249. 382. Le sauvage ne peut juger l’objet qu’il adore que d’après lui même. ib. 383. Il employe donc pour l’apaiser ou lui plaire les

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moyens qu’il croit propres à agir sur lui même, s’il étoit dans la situation dans laquelle il suppose l’être inconnu. que l’idée du sacrifice est inséparable de celle de la religion. elle l’est également de l’amour. Exemples. Amans Turcs, chevaliers du Moyen age, Mde Guyon. Cette idée d’abord simple, offrande d’une portion de ce qui est agréable. bientot plus compliquée, & les sacrifices devenant méritoires par la douleur & les privations qu’ils imposent. Jeunes et macérations des Sauvages. Erreur des philosophes qui ont vu dans le sacrifice uniquement l’ouvrage de l’imposture. La source des idées d’impureté attachée à l’union des sexes est dans la nature. Ces idées se retrouvent chez les Sauvages. Preuves en note. Abus que le sacerdoce fait de ces idées. comme l’interet s’empare de la notion de sacrifice. il établit une réciprocité des services entre le fétiche & l’homme. alors toute morale se sépare de la religion. Elle devient un trafic. L’homme établit ses comptes avec son Dieu. Preuves en note. Punitions infligées aux fétiches. les siècles éclairés ne sont pas étrangers a cette notion qui paraît si absurde. Preuves en note. Louis XI. fétiches auxiliaires appelés dans des momens de danger. Paysans Russes, Athéniens, Louis XI. Citation sur Louis XI en note. Imitation des mœurs des hommes par les Dieux. Ch. 3. Efforts du Sentiment religieux pour s’elever au dessus de cette forme. Combien la religion semble grossière à cette époque.

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Ch. 4.

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De la Religion, I – Textes complémentaires

411. que cependant elle contient le germe des idées les plus sublimes. 412. Analogie des idées du sauvage avec celle du spiritualiste & du Panthéiste. 413. différence des prières que le sauvage adresse aux fétiches & de celles qu’il adresse au grand esprit. 414. Manière dont il s’efforce d’embellir ses fétiches. 415. Exemples, Lapons, Caraïbes, Nègres, Tatare &ca. 416. Que la morale peut très naturellement rester étrangère à la religion. 417. Mais que cependant le Sentiment religieux l’y introduit. 418. Traité entre l’adorateur & le Dieu, idée de fidélité, par conséquent de morale. 419. Divinité tutélaire de l’association. 420. garantie du serment. 421. respect des sauvages pour le serment. 422. que l’égoïsme corrompt cette notion, en persuadant à l’homme que les Dieux qu’il paye ne se déclareront jamais contre lui. 423. que cependant l’effet salutaire n’est pas entièrement détruit. 424. La religion bienfaisante, même dans son état le plus grossier. 4751. Exemple de l’Isle de Nukahiva. 476. Ch. 4. des idées d’une autre vie dans le culte des sauvages. 477. que les idées religieuses se placant dans l’inconnu, la mort doit être leur centre. 478. difficulté que l’homme trouve a` croire à la mort. 479. Exemples, chez plusieurs tribus sauvages. 480. que lorsque la conviction arrive, l’homme remplit l’abyme par la religion. 481. que l’idée de la mort contribue plus que toute autre au développement du sentiment religieux. 482. dégradation qu’introduit l’intérêt dans les notions d’une vie future. 483. le monde avenir faconné sur ce moule.

Autre cas d’un saut important dans la numérotation. Le texte est complet.

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Ch. 5.

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484. Exemples, Sauvages. 485. diversité des conjectures suivant les situations. 486. que cet antropomorphisme écarte la morale de toutes les notions sur l’état des morts. 487. Mais que dès que l’idée d’unir la morale à la religion se présente, le sentiment religieux s’en empare. 488. Pratiques qui résultent de la similitude supposée du monde avenir & de ce monde. 489. faits empruntés des sauvages. 490. pratiques cruelles qui résultent de cette similitude. 491. Sacrifices d’esclaves, de prisonniers, de femmes chez les Natches &a. 492. nature de l’ame, suivant les sauvages. 493. l’ame semblable aux corps & exposée aux mêmes accidens. 494. Nègres craignant d’être mutilés. 495. Même idée à l’autre extrême de la civilisation chez les chinois. 496. que la métempsycose s’allie avec cette idée, quoiqu’elle ne paraisse point pouvoir s’y associer. 497. parti que tire le sentiment religieux de la Métempsycose pour y placer des épurations graduelles. 498. Efforts que fait le sauvage pour esperer du bonheur dans le monde futur. 499. Que malgré ces efforts, il croit toujours que les morts sont malheureux. 500. faits empruntés des sauvages. 501. Les morts malfaisans. 502. Réflexions sur ces notions incompatibles & contradictoires. 503. Rien de pareil chez les animaux. 504. L’homme repoussé des morts par l’instinct physique, est attiré vers eux par un mouvement qui dompte cet instinct. 505. Que le sentiment s’empare des images étroites de l’antropomorphisme & les épure. 506. Chap. 5. Des erreurs dans lesquelles sont tombés plusieurs écrivains, faute d’avoir remarqué la lutte du sentiment religieux contre sa forme à cette époque de la religion. 507. première erreur, hypothèse que le Théisme a été la

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De la Religion, I – Textes complémentaires

religion primitive des Tribus Sauvages. 310. 508. Cette erreur, celle des Théologiens du 17e Siècle & ib. des historiens non incrédules du 18e. 509. Sophismes & réponses faibles à l’aide des quelles ils ont cherché à établir cette opinion. 311. 510. Note sur l’histoire du Danemark par Mallet. 312. 511. Opinion contraire également erronée. 314. 512. argumens pour prouver que la 1ère religion a du être le Polythéisme. 315. 513. que jusques là tout étoit vrai dans ces raisonnemens. 316. 514. qu’à coté du fétichisme l’idée du grand esprit pénétre dans les notions du sauvage. ibid. 515. Ainsi le Culte des Sauvages double, le sentiment connoit le grand Esprit, l’intérêt invente les fétiches. 318. 516. ch. 6. de l’influence des prêtres dans l’état sauvage. 320. 517. combien il est naturel aux Sauvages de recourir à des Prêtres des qu’ils ont concu l’idée de Dieux. ibid. 518. Différens noms des Prêtres Sauvages, nom générique Jongleurs. ib. 519. que ce ne sont point les Prêtres qui se constituent, qu’ils sont constitués par la force des choses. 321. 520. qu’aussitôt ils forment un corps. ib. 521. Note sur les associations de Prêtres chez les Sauvages. ib. 522. Efforts des Prêtres pour se conquérir un monopole. 322. 523. que l’esprit sacerdotal qu’on remarque plus tard se developpe des lors. 323. 524. Note sur les epreuves, imitations & macerations chez les Sauvages. ib. 525. Lutte des Prêtres contre ceux qui veulent exercer des fonctions sacerdotales sans initiation. ib. 526. que c’est là l’origine de la magie. 323. 527. que la magie n’est que la religion séparée du sentiment religieux. 324. 528. que la notion de Dieux malfaisans favorise la magie. 325. 529. Punition des Sorciers chez les hordes iroquoises, ib. indiennes &ca. 530. Note sur ces punitions chez d’autres Tribus. ib. 531. Inclination des Missionaires à croire à la magie. note. 326. 532. les ministres des cultes déchus presque toujours considérés comme des magiciens & les Dieux

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de ces cultes come des Démons. Les Prêtres & les Sorciers ont les mêmes fonctions. Terreurs dont ils entourent leurs cérémonies. Deguisemens hideux qu’ils revêtent. le langage de leurs invocations inintelligibles. que tout ce qui est extraordinaire, l’imbécillité, la clémence est l’objet de l’adoration des Sauvages. Trois choses qui favorisent le pouvoir des pretres. d’abord les calamités de la Nature. En second lieu les rêves. Toute puissance des rêves sur les Sauvages. faits en note. besoin de lire dans l’avenir. Parti que tirent les Jongleurs de la crainte des morts & des démons pour rendre leurs révélations de l’avenir importantes. Repugnance que feignent les Jongleurs avant de se prêter à ces evocations. L’acte de prophétiser toujours pénible. Ch. 7. Conséquences de l’influence des Jongleurs sur le culte des Sauvages. Importance de ces conséquences. l’homme combattu, pour ce qui tient à la religion, par deux mouvemens contraires. Le premier désintéressé. Le second égoiste. C’est à ce dernier que les Jongleurs s’adressent d’abord. Ils font de la religion un trafic. Ils représentent les Dieux comme méchans. Preuves, recits des Négres. Ensuite ils cherchent à tirer parti de la partie exaltée du sentiment religieux. Ils rafinent sur la tendance au sacrifice. plus les sacrifices sont pénibles, plus les Jongleurs les représentent comme méritoires. Extravagances & barbaries dans lesquelles cette notion precipite l’homme. Causes diverses des sacrifices humains. Consécration des dépouilles enlevées aux ennemis dans les combats.

411 327. 329. ib. 330. 331. 332. 333. ib. 336. ibid. 337. 338.

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Ch. 8.

De la Religion, I – Textes complémentaires

562. sacrifices d’esclaves ou de femmes pour servir leurs maîtres ou accompagner leur époux dans l’autre vie. 347. 563. Substitution de victimes humaines aux Rois ou chefs menacés de quelques dangers. ib. 564. Espoir de lire dans l’avenir. ib. 565. Mais le principe du rafinement dans le sacrifice le plus favorable à ces rites cruels. ib. 566. L’homme ce qu’il y a de plus précieux, les sacrifices humains les plus agréables. 348. 567. parmi les sacrifices humains, ceux des victimes les plus chères, les plus méritoires. 348. 568. Sacrifice des enfans par les mères en Floride & en Afrique. ib. 569. moins les hordes sont asservies aux jongleurs, moins on y trouve ces rites barbares. 349. 570. Il en est de même des notions de chasteté. ib. 571. Abnégation de la pudeur que le Sacerdoce exige, après celle du plaisir. 350. 572. Preuve, dans le Royaume de Juidah. ib. 573. Ceci explique la prostitution des Babyloniennes &ca. ib. 574. Légéreté de Voltaire en niant ce fait. Note. 351. 575. que ce n’est pas le sentiment religieux qu’il faut accuser de ces égaremens. 354. 576. Qu’en assignant les causes morales des cérémonies licencieuses, nous ne nions pas leurs explications scientifiques & cosmogoniques. Note. ib. 577. Mechanceté des Dieux, d’après les Jongleurs, & cette notion perpétuée dans les religions sacerdotales. 355. 578. cependant les Jongleurs ont aussi leurs avantages. 357. 579. d’abord leur influence est bornée par la force des choses dans le fétichisme. ib. 580. Leur crédit accidentel & précaire. 358. 581. Preuves, en note. ib. 582. Secondement, ils excitent des Tribus paresseuses à l’activité. 362. 583. le mal n’est jamais dans la chose, mais dans la disproportion. 363. 584. Ch. 8. pourquoi nous avons cru devoir décrire en détail le culte des sauvages. 365. 585. dans ce culte sont contenus les germes de toutes les

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notions qui composent les croyances postérieures. l’adoration d’objets matériels, multipliés a l’infini. Les apercus de Théisme. une notion obscure de la spiritualité. l’idée que les Dieux se plaisent aux sacrifices. le besoin de rafiner sur ces sacrifices. Les victimes humaines. le mérite du célibat. les tortures volontaires. Les cérémonies licentieuses. Les Dieux malfaisans. La magie. La vie après la mort. L’état des ames. leur réunion à l’être infini. La métempsycose. Les migrations & purifications des ames. Tout ce qui est vague chez le sauvage, est classé & mis en ordre dans les religions des peuples civilisés. 603. Quand l’homme est livré à lui même les notions grossières s’effacent et les raisonnables se developpent. 604. quand il est asservi par le Sacerdoce, les raisonnables se corrompent & les grossières se conservent dans toute leur absurdité. 586. 587. 588. 589. 590. 591. 592. 593. 594. 595. 596. 597. 598. 599. 600. 601. 602.

413 ib. 365. ib. ib. ib. ib. 366. ib. ib. ib. ib. ib. ib. ib. ib. ib. ib.

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Deux articles relatifs à De la Religion et une réponse adressée à un critique de l’ouvrage sur la religion juin – août 1824

Introduction

Benjamin Constant a publié entre juin et août 1824 deux articles sur son ouvrage De la Religion. Le premier en date répond à un compte rendu anonyme du premier tome publié dans deux numéros du périodique L’E´toile1. Le second esquisse le plan général dans sa totalité, dans l’intention de prévenir des attaques faciles et de présenter les lignes de force de l’ensemble de l’ouvrage. Ce second article, rédigé à la demande du directeur du périodique, a été publie´ en anglais d’abord, en français ensuite respectivement dans le journal The European Review et dans la Revue européenne et s’adresse au public lettré des deux pays2. Nous constatons que Benjamin Constant change de stratégie. C’est, à notre connaissance, la première fois qu’il répond à un compte rendu d’un de ses ouvrages. Nous savons qu’il les a lus attentivement et parfois conservés dans ses papiers, et il lui arrive qu’il réfute l’une ou l’autre des observations critiques qu’on lui adresse dans une note, si l’occasion se présente. Mais jamais auparavant, il n’a publié un article dans lequel il répond directement à un critique pour démontrer les erreurs de celui-ci, pour mettre en relief le but poursuivi dans son ouvrage, pour montrer une nouvelle fois, sur le plan idéologique, la compatibilté de la théorie développée avec la doctrine reçue, en l’occurence avec la religion telle qu’elle est pratiquée dans son temps. Constant n’évite, pour ce faire, ni des observations sagaces sur les présupposés idéologiques des critiques qu’on lui adresse ni des sarcasmes pour épingler les défauts du raisonnement, les négligences de la démonstration, les emprunts inavoués de l’auteur inconnu. Que faut-il conclure de ce procédé ? Benjamin Constant craint-il une intervention de la censure ? C’est fort possible. Les projets du prospectus nous fournissent des arguments pour soutenir cette hypothèse3. La stratégie comprend d’ailleurs le risque de provoquer d’autres polémiques. L’auteur du compte rendu a publié effectivement par la suite deux lettres dans L’E´toile pour répondre à l’article de Constant (26 et 29 juin)4. Le Mémorial 1 2

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L’E´toile, journal du soir, no 1529, 19 juin 1824, p. 4a-b, et no 1534, 26 juin 1824, p. 4a-b. «M. B. Constant’s Work on Religion. To the Director of the European Review», The European Review, t. I, juillet 1824, pp. 322–324. – «De la Religion, par M. Benjamin Constant. A Monsieur le Rédacteur de la Revue Européenne», Revue Européenne, no 2, août 1824, pp. 306–308. Voir ci-dessus, notre Introduction, pp. 363–364, et le premier texte du prospectus projeté, pp. 369–373. «Réponse à la lettre de M. Benjamin Constant», L’E´toile, no 1536, 26 juin 1824, pp. 3–4, et

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catholique en publie à son tour un commentaire (3 juillet)1, et celui-ci fera l’objet de deux autres réponses encore, la première, anonyme, dans L’E´toile (10 août), la seconde, signé par le baron d’Eckstein, dans le Drapeau blanc (31 août)2. Le Constitutionnel publiera le compte rendu annoncé le 30 juillet3. Sans aucun doute, cette liste contient les documents d’une véritable bataille littéraire. Le second article n’a pas eu un écho retentissant4. Nous ne savons pas comment il a été reçu par le public anglais ou français. Il est en tout cas une présentation succincte du programme de l’ouvrage dont les autres volumes sortiront peu à peu après 1824. Ajoutons toutefois que les volumes imprimés ne correspondent que partiellement au plan exposé dans cet article. Le troisième texte, ébauche fragmentaire d’une réponse à une attaque qui peut être un article publié dans la presse ou un ouvrage sur la religion, reste pour nous un texte énigmatique. L’état fragmentaire ne nous permet pas d’identifier l’écrivain auquel Constant répond. Ce qui est évident, c’est que ce texte est un témoignage intéressant des craintes de l’auteur de voir son ouvrage disparaître comme victime de la censure. Même si l’écrit auquel il répond nous est inconnu, nous pouvons dire que la tendance de la critique est très nette : Constant se défend contre les attaques qui sortent du camp catholique, et qui sont formulées peut-être par un collègue de la Chambre des deputés. Le fait que le texte s’adresse à un ami de la liberté pourrait corroborer cette hypothèse5. Les éléments qui permettraient de reconstituer la marche de l’argumentation de Constant ne sont pas très solides. Il est évident que les pertes ne sont pas très importantes au début du texte. Nous pouvons savoir d’une manière générale l’objectif de l’attaque, mais nous ne n’apprenons rien sur la teneur des arguments jusqu’à la fin du texte. Il est pourtant évident que

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«Deuxième réponse à la lettre de M. Benjamin Constant», L’E´toile, no 1539, 29 juin 1824, p. 4. Une troisième réponse annoncée à la fin de la deuxième n’a pas paru. Le Mémorial catholique, Paris : Pillet, 1824, «Appendice», pp. 85–90. Un anonyme, L’E´toile, no 1581, 10 août 1824, pp. 3–4, et [Ferdinand] d’E[ckstein], Le Drapeau blanc, no 244, 31 août 1824, pp. 3b–4b. Mais cette polémique s’éloigne de l’ouvrage de BC. Il s’agit d’un compte rendu anonyme. L’auteur, tout en reconnaissant l’élégance du style et la clarté des structures de l’ouvrage, exprime des objections contre la doctrine de BC. Rappelons toutefois que les recherches sur cette revue ne sont pas très nombreuses. C.P. Courtney a souligné ce fait dans son article «Alexander Walker and Benjamin Constant : A Note on the english Translator of Adolphe», French Studies, t. XXIX, 1975, pp. 136–150. Aucun des comptes rendus que nous avons consultés ne permet le moindre rapprochement. On ne peut exclure qu’il existe un article que nous n’avons pas trouvé et qui a provoqué la réponse que BC ne semble pas avoir publiée non plus. Thompson (Les écrits, p. 127) propose d’identifier le critique avec d’Eckstein, ce qui est une hypothèse sans fondement. Si Constant répond à des attaques formulées par un collègue de la Chambre des Députés, il pourrait s’agir de Jean-Denis Lanjuinais, adversaire de l’ultramontanisme, mais catholique engagé. Nous ne possédons aucun indice permettant de corroborer cette hypothèse.

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l’argument de Constant comprenait une pointe politique que nous retrouvons dans les projets du prospectus. Avouons donc que nous ne savons remettre les fragments dans le contexte qui leur appartient que très approximativement. Mais les craintes de Constant de voir son ouvrage victime de la politique restrictive de l’époque sont réelles, et nous ne devrions pas les négliger. La datation de ce texte est relativement facile à établir (août 1824) grâce à la répétition d’une formule que nous retrouvons dans tous les textes des articles précédents. Constant réfute par cette formule l’accusation d’être à la fois théiste et athée.

E´tablissement du texte Nous reproduisons fidèlement les textes du Constitutionnel en corrigeant quelques fautes évidentes d’imprimerie, le texte de l’European Review ainsi que celui de la Revue Européenne. Manuscrit : [Une réponse adressée à un critique de l’ouvrage sur la religion] BCU, Co 4382, Co 4723 et BnF, NAF 18822, fos 203 à 213. 22 fiches numérotées 2, 4–24. Les ms. de la Bnf comprend les fiches 12 à 21 et 23. Le verso de la fiche 2 porte l’adresse d’une lettre. Hofmann, Catalogue, IV/58, IV/107 et IV/114. Date : 1824. Imprimés : 1. «A M. le rédacteur du Constitutionnel». Le Constitutionnel, Journal du commerce, politique et littéraire, no 177, 25 juin 1824, pp. 3b–4b. Édition : Benjamin Constant, Recueil d’articles, 1820–1824, introduction, notes et commentaires par Éphraïm Harpaz, Genève : Droz, 1981, pp. 342346. 2. «To the Director of the European Review». European Review, t. I, juillet 1824, pp. 322–324. 3. «A Monsieur le Rédacteur de la Revue Européenne» Revue Européenne, no 2, août 1824, pp. 306–308. Édition : C. P. Courtney, «Alexander Walker and Benjamin Constant», French Studies, t. XXIX, 1975, pp. 144–146. K. K.

A M. le rédacteur du Constitutionnel

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Monsieur, Un journal du soir, en rendant compte, dans un de ses derniers numéros, de l’ouvrage dont je viens de publier le premier volume a, présente contre le principe qui sert de base à la doctrine établie dans cet ouvrage, quelques objections que je crois utile de réfuter1. J’ai dit que la civilisation étant progressive, les formes religieuses doivent se ressentir de cette progression. Le journaliste demande ce que c’est que des formes religieuses. Je pensais l’avoir suffisamment énoncé. Je vais essayer de l’énoncer plus clairement encore. Le sentiment religieux est cette faculté, ce besoin de l’âme (faculté et besoin sont synonymes, puisque dès qu’une faculté est donnée à l’homme il éprouve le besoin de l’exercer) ; le sentiment religieux, dis-je, est cette faculté, ce besoin de l’âme, qui la portent ou qui la contraignent à chercher au-delà du monde visible, des êtres avec lesquels elle puisse se mettre en communication. Les formes religieuses sont le résultat des efforts de l’intelligence humaine pour découvrir la nature, le nombre, les volontés de ces êtres dont le sentiment révèle l’existence.

a

De la Religion, de sa source, de ses formes et de ses développemens ; chez Bossange frères, rue de Seine, n. 12, et chez Mongie, boulevard des Italiens, n. 10.

Établissement du texte : Imprimé : Le Constitutionnel, no 177, 25 juin 1824, pp. 3b–4b.

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BC répond au compte rendu anonyme publié les 19 et 24 juin 1824 dans L’E´toile, journal du soir (nos 1529 et 1534). L’article de BC provoquera deux autres contributions du même auteur dans L’E´toile sous le titre «Réponse à la lettre de M. Benjamin Constant» (no 1536, 26 juin 1824, pp. 3–4) et «Deuxième réponse à la lettre de M. Benjamin Constant» (no 1539, 29 juin 1824, p. 4). Voir aussi la lettre du 29 juin 1824 à M. le Rédacteur de L’E´toile, dans laquelle BC demande de donner à son domestique «tous les articles dans lesquels l’E´toile a parlé de [s]on ouvrage, sans aucune exception» (citée d’après C. Viredaz, «Comptes rendus contemporains et réponses aux écrits de Benjamin Constant»). La dispute devient sérieuse, car BC cherche à se protéger des attaques.

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Maintenant, la sphère de l’intelligence étant nécessairement plus ou moins étendue ou circonscrite, suivant l’état des lumières et les progrès de la civilisation, qui peut nier que les formes religieuses ne doivent être proportionnées à cette civilisation et à ces lumières ? Le journaliste prétend découvrir dans cette hypothèse je ne sais quelle teinte de déisme qui scandalise son orthodoxie1. S’il eût bien voulu lire la note que j’avais destinée à prévenir ce scandale, au moins dans ceux qui ne s’en font pas un métier ou un mérite, il se fût apaisé peut-être en voyant que ce que j’affirme est un dogme reconnu par toutes les communautés du christianisme. «Dire que le sentiment intérieur prend une forme et la brise ensuite, ce n’est point contester que cette forme ne puisse lui être présentée d’une manière surnaturelle quand il la reçoit, et qu’il ne puisse de même en être affranchi d’une manière surnaturelle quand il la brise. C’est même ce qui est arrivé, d’après le récit littéral et formel de nos livres sacrés. La loi juive était une loi divine ... cette loi néanmoins n’étant bonne que pour un temps (c’est-à-dire n’étant proportionnée que passagèrement à l’état moral et intellectuel des Hébreux), fut remplacée par une loi nouvelle. L’ancienne forme fut brisée par son auteur ; le sentiment religieux fut invité et autorisé à s’en détacher, et une forme nouvelle lui fut substituée. Affirmer que le germe de la religion se trouve dans le cœur de l’homme, ce n’est assurément point assigner à ce don du ciel une origine purement humaine. Plus on est convaincu que la religion nous a été révélée par des voies surnaturelles, plus on doit admettre que nous avions en nous la faculté de recevoir ces communications merveilleuses. C’est cette faculté que je nomme le sentiment religieux a.» Mais, objecte-t-on, l’excellence de la religion dépend de son accord avec les lumières contemporaines ; toutes les religions sont donc bonnes, tant que cet accord existe, et mauvaises dès qu’il a cessé ; «le polythéisme était donc bon avant Périclès, s’écrie le journaliste ; quelle extravagance !» Le censeur qui me trouve si extravagant oublie que ce qu’il appelle extravagance a été le sentiment des auteurs les plus religieux du siècle de Louis XIV ? N’ont-ils pas tous déploré les progrès de la philosophie épicurienne ? Bossuet lui-même n’a-t-il pas assigné pour cause de la chute de Rome et de la corruption profonde du monde connu, les doctrines irrélia

De la Religion, etc. p. 14–15a.

30 quelle ] la source porte qu’elle 1 2

Il faut savoir que, pour BC, le déisme est une religion sans formes, donc justement une religion qu’il ne cherche pas à intégrer dans sa théorie. BC répète une opinion qui le rapproche de la théorie de Lessing ou d’autres philosophes des Lumières allemandes.

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gieuses et égoïstes de cette philosophie1 ? Or, quel fut, je ne dirai pas le but, car je ne décide pas si légèrement les questions douteuses, mais le résultat du système d’Epicure ? la destruction du polythéisme, tel qu’il avait existé en Grèce, en se modifiant et s’épurant toujours, durant environ sept siècles, et à Rome durant six cents ans. Ces pieux écrivains trouvaient donc que le polythéisme avair eu sa bonté relative ; car on ne déplore pas la chute de ce qui est mauvais sans aucune restriction. Ce qu’il faudrait à ceux qui s’occupent de pareilles matières, ce serait un peu d’instruction ou de mémoire. M. de la Mennais, pour n’avoir jamais appris que la veille ce qu’il voulait enseigner le lendemain, a fait de son 4e volume la compilation la plus indigeste et la plus remplie d’erreurs évidentes2 ; et le journaliste que je réfute a ignoré ou ne s’est pas souvenu que depuis Homère jusqu’à Euripide, le polythéisme grec n’a pas cessé de se perfectionner ; que celui de l’Odyssée est déjà très-différent de celui de l’Iliade ; que les lyriques grecs nous présentent une religion beaucoup plus pure sous le point de vue moral que le chantre du roi d’Ithaque ; qu’on remarque le même progrès chez les historiens, depuis Hérode jusqu’à Xenophon ; qu’il a y très-peu de ressemblance entre le merveilleux d’Eschyle, fondé sur des traditions antiques, confuses, sacerdotales pour la plupart, et souvent étrangères aux opinions grecques, et le merveilleux de Sophocle, presque toujours favorable à la morale, et constamment élégant et noble ; enfin, que la corruption du polythéisme grec, et, par là même, sa décadence commence au temps d’Euripide, qu’on peut regarder sous ce rapport comme le Voltaire de la Grèce, bien que, sous beaucoup d’autres, Voltaire se rapproche de Lucien a. Oui, sans doute, le polythéisme avait sa bonté relative ; non que dogmatiquement il ne fut absurde, mais parce que le sentiment religieux l’annoblissait, lorsque la conviction était dans toute se force, lorsque cette conviction prêtait sa garantie aux sermens, aux trèves, aux asiles ; lorsque, couvrant d’un voile respectueux les imperfections des dieux de l’Olympe, et rejetant dans le lointain les traditions qui les dégradaient, elle présentait aux individus et aux nations des vengeurs de la justice et des protecteurs de la faiblesse. Une seule question pourra décider notre dispute. Qu’auriez-vous substitué au polythéisme, à l’époque où il régissait la Grèce, et où il était la forme unique alors du sentiment religieux ? L’admirable loi des chrétiens ? Elle n’existait pas encore. Le judaïsme ? Où donc les Grecs auraient-ils a

Le tableau de cette marche de la religion grecque sera le sujet d’un des volumes suivans de l’ouvrage sur la Religion.

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C’est une opinion exprimée par Balbulus dans l’ouvrage de Cicéron, De natura deorum. Voir ci-dessus, p. 185, n. 2.

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déterré les Juifs, que recelait un petit pays ignoré du monde ? Restent l’athéisme et l’intérêt bien entendu. Lisez l’histoire grecque depuis le triomphe de ces deux systèmes, et prononcez, si vous l’osez, que le polythéisme de Sophocle ne valait pas mieux que les mœurs contemporaines de l’auteur de l’Âne d’or1. Ici, mettons-nous en garde contre une accusation folle, car il n’y a pas de folie que la mauvaise foi n’appelle à son aide. Est-ce le polythéisme que je regrette ou que je défends ? Mais n’ai-je pas dit que lorsqu’une forme religieuse n’était plus en proportion avec les facultés de l’homme, la chute de cette religion était inévitable ; que si, comme il est dans la nature des choses, elle était retardée par des institutions, cette prolongation factice ne produisait pour l’espèce humaine qu’une existence de pur mécanisme, durant laquelle tout semble privé de vie, que l’enthousiasme et la croyance délaissent la religion, et qu’il n’y avait plus que des formules, des pratiques et des prêtres a ? Ne s’ensuit-il pas que le polythéisme tombé n’est point regrettable, et ne saurait revivre ? D’ailleurs, qu’on relise ce que j’ai écrit sur l’apparition du christianisme, sur l’univers moral réorganisé par cette apparition seule ; et qu’on me montre, n’importe dans quel livre, un hommage plus sincère rendu à cette doctrine divine de paix et d’amour2. «Mais poursuit-on, ce que je nomme le sentiment religieux n’est que le fanatisme ; et tandis que le siècle dernier en a appelé à notre raison, tandis que j’ai moi-même fait un tableau horrible des suites du système et des calculs de philosophes du dernier siècle je viens invoquer le sentiment comme un moniteur divin, et par conséquent infaillible !» J’en conviens, j’ai montré à des philosophes que j’estime, dont le courage me plaît, dont l’esprit m’éclaire à beaucoup d’égards, les résultats fâcheux d’un système qui, s’appuyant sur la raison seule, remplaçait toutes les émotions par de froids et arides calculs. Mais c’est précisément parce que la raison me semble insuffisante pour relever notre misérable espèce si prête à se corrompre, à s’endurcir, à se dégrader ; c’est précisément pour cela que je m’adresse au sentiment in time qui nous améliore et nous annoblit. A quel autre appui pourrais-je recourir ? à l’autorité. J’ai, je le crois, apprécié cette a

De la Religion, etc. pag. 144–145.

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BC cite le seul roman entièrement conservé de l’Antiquité, L’Aˆne d’or d’Apulée, pour évoquer les mœurs corrompues du IIe siècle après J.-C. Cette remarque ne renvoie pas seulement au premier tome de De la Religion, mais annonce déjà des travaux postérieurs. BC publiera un essai fouillé en 1825 intitulé «Des causes humaines qui ont concouru à l’établissement du christianisme» (Encyclopédie moderne, t. VI, 1825, pp. 3–25). Voir OCBC, Œuvres, t. XXXIII, pp. 413–431 et notre introduction à ce chapitre, pp. 114–122.

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nouvelle doctrine à sa juste valeur en réfutant avec détail le système de M. de la Mennais. Je ne saurais ici reproduire mes argumens a, et je renvoie le lecteur à mon ouvrage ; mais je veux répondre, en finissant, a` une objection que le journaliste n’aurait pas faite, s’il eût pris la peine de me lire en entier1. «Le peuple qui sacrifiait ses enfans à Moloch, les anabaptistes, tous les fanatiques enfin, disent aussi qu’un Dieu parle à leur cœur. En vain soutiendrez-vousque le sentiment religieux est altéré en eux. Qu’est-ce qui l’altère ? la persuasion d’être agréable à la divinité ; et d’où leur vient cette persuasion ?» D’où elle leur vient ? je l’ai dit à M. de la Mennais, que mon censeur actuel copie ici presque littéralement. M. de la Mennais avait aussi demandé si c’était par sentiment religieux que certains peuples offraient à d’horribles divinités le sang de leurs enfans, ou leur sacrifiaient la pudeur de leur filles. «Non, sans doute, ce n’était point par sentiment religieux. M. de la Mennais ignore-t-il un fait que tous les historiens anciens nous attestent ? Chez presque tous les peuples de l’antiquité, il y a eu de certaines corporations qui se sont emparées, à leur profit, du sentiment religieux, qui ont usurpé le droit de parler au nom des puissances invisibles, et qui, interprètes mensongers de ces puissances, ont ordonné aux hommes, ivres de terreur, des actes barbares que le sentiment repoussait. Non, ce n’était point ce sentiment religieux qui engageait les Gaulois à sacrifier à Teutatès des victimes humaines ; c’étaient les prêtres de Teutatès. Ce n’était point le sentiment religieux qui enfonçait le couteau des Mexicains dans le sein de leurs enfans en bas-âge, devant la statue de Vitzli-Putzli ; c’étaient les prêtres de Vitzli-Putzli. Ce n’était point le sentiment religieux qui forçait les Babyloniennes à se prostituer, ou les filles de l’Inde à former des danses lascives devant le Lingam ; c’étaient les prêtres de cette obscène divinité. Cela est si vrai, que ces crimes et ces indécences n’ont souillé que passagèrement le culte des nations indépendantes de ces corporations redoutables. La démonstration de cette vérité formera une partie essentielle de nos recherches subséquentes b.» Deux mots encore et j’ai terminé : «Mon livre, affirme le journaliste, n’est qu’une longue profession de déisme, qui n’est, comme dit Bossuet, a b

De la Religion, etc., p. 65–82 ; réponse de M. de la Mennais. De la Religion, etc., pag. 70 et 71.

9 persuasion ] la source porte persuation 1

24 Vitzli-Putzli ] la source porte Vitzi-Putzli

Rappelons une fois de plus que le programme résumé ici rappelle celui défendu par Schleiermacher dans ses Reden, en particulier dans le second de ces discours.

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qu’un athéisme déguisé1.» J’en demande pardon à Bossuet, mais je n’entends rien à son assertion. Platon et Cicéron dans l’antiquité, Shaftesbury et Rousseau, dans les temps modernes, ne me paraissent point des athées. Mais, quoiqu’il en soit, je ne professe point le déisme. Le déisme est le sentiment religieux sans forme positive, et j’ai déclaré que les formes étaient nécessaires, étaient essentielles au sentiment religieux a. Au reste, je dois reconnaître que les inexactitudes et les faux jugemens que je relève ici tiennent en partie au mode de publication que j’ai choisi2. L’histoire des Religions sacerdotales, qui fera le sujet du second volume, et celle du Polythéisme grec, qui remplira le troisième, auraient dû paraître avec le premier. Le lecteur aurait aperçu alors d’un coup d’œil les différences qui caractérisent les deux genres du culte entre lesquels le monde a été partagé, presque dès sa naissance. Je ne puis remédier complètement à l’inconvénient que j’ai encouru. Je m’efforcerai de l’atténuer en hâtant les époques successives des publications. Agréez l’assurance de ma haute considération. Benjamin Constant. P.S. Au moment où je finis cette lettre, je vois dans un autre journal des assertions non moins inexactes, relativement à mon ouvrage3. Si vous voulez bien accueillir une seconde lettre, j’essaierai d’y répondre ; cela m’importe, car on me fait dire ce que je n’ai pas dit ; et l’on m’accuse de penser le contraire de ce que je pense.

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Note du rédacteur. Nous nous proposons d’examiner l’ouvrage de M. Benjamin Constant4. a

ib. Pag. 40 et 41.

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Formule souvent citée de Jacques-Bénigne Bossuet, Histoire des variations des églises protestantes, Paris : impr. de la Vve de S. Mabre-Cramoisy, 1688, 2 vol. Elle se trouve dans le livre V, qui parle de Melanchthon («Les agitations, les regrets, les incertitudes de Melancton»), chap. XXXI («Déchirement de Melancton : il prévoit les suites horribles du renversement de l’autorité de l’Eglise»), où il y a un long passage qui énumère les doutes de Melanchthon, ami de Luther, et à Wittenberg son voisin : «Que seroit-ce s’il avoit vu les autres suites pernicieuses des doutes que la Réforme avoir excités ? tout l’ordre de la discipline renversé, [...] la voie ouverte au Déisme, c’est-à-dire à un Athéisme déguisé, & les livres où seroient écrites ces doctrines prodigieuses sortir du sein de la Réforme» (dans l’édition de Paris : Guillaume Desprez, Jean Desessarts, 1730, p. 230). La formule de Bossuet est plus substantielle que ne le suggère BC. Harpaz, dans son édition de cet article, renvoie aussi au Discours sur l’histoire universelle, troisième partie, chap. V-VII (Recueil d’articles, 1820–1824, p. 346, n. 5). L’argument revient dans l’article suivant. Voir ci-dessous, pp. 427 et 431. BC vise les comptes rendus publiés par Ferdinand d’Eckstein dans le Drapeau blanc à partir du 21 juin 1824. Le compte rendu anonyme a paru dans Le Constitutionnel, no 212, 30 juillet 1824, pp. 2b4a.

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Sir, – You request from me some details of the plan of the work, of which I have just published the first volume. I accede the more readily to this desire, because the mode of publication which I have chosen has, perhaps, the inconvenience of interrupting, for a long time, the course of ideas which I propose to myself to develope. I therefore take this oppotunity of laying a summary of the whole before that public, which appears to have devoted to me me some interest and attention. The perfectibility of religious sentiment appears to me to be a fact as fully demonstrated as its existance. It was already remarked by some writers of the last century ; but its historory has not been written either extensively enough, or with sufficient exactness ; and yet, if I be not deceived, this is the subject most worthly to occupy the profound reflection of man. There is no doubt, that the degree of degeneracy which always accompanies a very corrupt civilazation, may lead man to be contented with those enjoyments wich such a civilazation assures to him. It is then that physical pleasures, and mental amusements, (which latter, when confined to an earthly sphere alone, are scarcely more noble than physical pleasures), engross all his being. But if, in the midst of these pleasures and amusements, there still occur intervals during which the soul rejects what it possesses, and requires other things, is not this one proof that it has other wants, and perheaps othe destination ? Those who have never felt any thing of this sort must reject my whole system ; for it rests entirely on this principle. Those who have felt, if only for once, this satiety of material objects, and this longing after a more elevated sphere, will peruse, at least to satisfy their curiosity, a work which endeavors to explain to them this contradiction and inconsistency of their nature. It is to these last anly that I address myself. I abandon the first to their contentment, which I neither condemn nor envy. If they feel themselves satisfied with the career which fate points out to them ; with the weakness and the inconviniences of their indancy ; with the passions, the sorrows, and the faults of youth ; with the ambitions, the miscalculations, and the indefÉtablissement du texte : Imprimé : European Review, July 1824, pp. 322–324.

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ference of manhood ; and with the infirmities and degradation of childish old age, I congratulate them on that satisfaction ; but there is nothing in common between them, and me. Others perhaps may not believe ; but they have a desire, and that is sufficiant. It has been my aim to show them how this desire, which is at least a probability, is developed and modified at every epoch of society ; how at each epoch our belief is what it ought to be ; and how the worst sensuality contains the germs of the highest purety. I attack no religion ; and the devout, if they be not unjust, ought to feel obliged to me for proving that Heaven, pitying the hordes of savages as well as civilized people, sends them rays of light proportioned to their ignorance, which console, enlighten, and ameliorate them. In the second volume I shall point out the obstacles which habe been opposed to the perfecting of religious notions, almost ever since the origin of society ; and I shall refute the error of those who have taken these very obstacles as a means to accelerate this perfection. It will be shewn, that the great sacerdotal corporations of Ethiopia, of Egypt, and India, have struck the faculties of man with a fatal immobility ; and that the discovereries which these corporations have been enabled to make in some practical sciences, of which they constituted a monopoly, by no means compensated for the blow which was struck at every thing that is noble and elevated within us. The third volume will be devoted to a more satisfacvtory picture of the only nation which has not been subjected to the power of priests, or which has preserved itself from that power by circumstances of which we are ignorant. This nation, emerging from the worst barbarity and the most profound ignorance, raised itself by its own proper means to conceptions, and has left us monuments, which still serve for encouragement and for models. The fourth volume will complete this picture, and will conduct the first form of religion which presented itself to the intelligence of man, to his highest degree of harmony and purity. My work has already been the object of some attacks on the part of men of a gloomy and severe orthodoxy. They think they discover in it Deism, Pantheism, and for aught I know, Atheism ; for even at this day there are writers in France, who benevolently accuse their adversaries of beeing Atheists and Deists at the same time. Good traditions perpetuate themselves, as you see. The philosophers of the infidel school habe treated me with more severity ; that is to say, they are still more displeased with me for not picturing religion as the source of all evils, and the notion of a Deity as a laborious creation of imposture.

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These two species of blame have excited in me neither chagrin nor surprise. At rhe period of parties, religious or political, whoever does not place himself at the head, or suffer himself to be drawn in the suite of a party, will find ennemies, but no defenders. Happily for me, I have little fear from the one, and can easily do without the others. My work will attein its end, if it deserve to atztein one ; and I shall not commit the fault of beeing silent upon a truth, or of bending before an error, in order to disarm those cirtics who direct personnal passions, and who inevitably sink into oblivion. If you make use of this letter, be so kind, Sir, as to publish it entire, and not to omit my signature. Suspected, in general erroneously, of writing in journals which I do not even read, I have adopted the resolution of signing every thing which any motive whatever may induce me to send to a periodical work ; and any thing not acknowledged by me in that manner, ought not to attributed to me. I am, &c. Benjamin Constant.

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A Monsieur le Rédacteur de la Revue Européenne

Monsieur, Vour me demandez quelques détails sur le plan de l’ouvrage, dont je viens de publier le premier volume. J’accède d’autant plus volontiers à cette demande que le mode de publication, que j’ai choisi, a peut-être l’inconvénient d’interrompre durant trop long-temps la suite des idées, que je me suis proposé de développer. Je saisis donc cette occasion d’en exposer l’ensemble au public, qui paraît déjà m’avoir accordé quelqu’intérêt et quelque attention. La perfectibilité du sentiment religieux me semble un fait non moins démontré que son existence, il a déjà été remarqué par quelques écrivains du dernier siècle. Mais l’histoire n’en a ét´e écrite ni avec assez d’étendue, ni avec une exactitude suffisante. C’est pourtant, si je ne me trompe, le fait le plus digne d’occuper les méditations humaines. Sans doute, l’espèce d’abartardissement, qui accompagne toujours une civilisation très-corrompue, peut conduire l’homme à se contenter des jouissances que cette civilisation lui assure : les plaisirs physiques et les amusemens de l’esprit, qui, lorsqu’ils se renferment dans une sphère purement terrestre, ne sont guère plus nobles que les plaisirs physiques, remplissent alors sa vie. Mais, si, au milieu de ces plaisirs et de ces amusemens, il y a toujours des intervalles, durant lesquels notre ame repousse ce qu’elle possède et demande autre chose, n’est-ce pas une preuve qu’elle a d’autres besoins et peut-être une autre destination ? Ceux qui n’ont jamais rien éprouvé de semblable doivent rejeter tout mon système. Car il repose en entier sur ce principe. Ceux qui, ne fût-ce qu’une fois, ont ressenti cette satiété des objets matériels et ce désir d’une sphère plus élevée, doivent parcourir, au moins avec curiosité, l’ouvrage où l’on tente de leur expliquer ce qu’ils pourraient regarder comme une contradiction, une inconséquence de leur nature. C’est à ces derniers seuls que je m’adresse. J’abandonne les premiers à leur contentement, que je ne condamne, ni n’envie ; s’ils se trouvent satisfaits de la carrière que le sort leur trace, de la faiblesse et des gênes de l’enfance, des passions, des douleurs, des fautes de la jeunesse, des ambitions, des mécomptes. du détachement de l’âge mûr, des infirmités et de la Établissement du texte : Imprimé : Revue Européenne, no 2, août 1824, pp. 306–308.

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dégradation de la caducité, je les en félicite : mais il n’y a rien entre eux et moi de commun. Leur montrer comment ce désir, qui est pour le moins une vraisemblance, se développe et se modifie à chaque époque des société, comment, à chacune de ces époques, les croyances sont ce qu’elles doivent être, et comment, dans la plus grossière, sont renfermés les germes de la plus pure, tel a été mon but. Je n’attaque aucune religion, et les dévôts, s’ils ne sont point injustes, doivent me sav oir gré de prouver que le ciel, prenant en pitié les hordes sauvages, comme les peuples civilisés, laisse tomber sur elles des lueurs proportionnées à leur ignorance, et qui les consolent, les éclairent et les améliorent. Dans le second volume, je montrerai l’obstacle qui, presque dès l’origine des sociétés, s’oppose au perfectionnement des notions religieuses, et je réfuterai l’erreur de ceux qui ont pris cet obstacle même, pour un moyen d’accéler ce perfectionnement. On verra que les grandes corporations sacerdotales de l’Ethiopie, de l’Egypte et de l’Inde ont frappé les facultés de l’homme d’une immobilité funeste, et que les découvertes que ces corporations ont pu faire, dans quelques sciences pratiques qu’elles avaient constituées en monopole, ne compensaient nullement l’atteinte portée à tout ce qu’il y a en nous de noble et d’élevé. Le troisième volume sera consacré au tableau plus satisfaisant de la seule nation qui n’ait pas été soumise à ce pouvoir, ou qui s’en soit affranchie par des circonstances que nous ignorons. Cette nation, partie de la barbarie la plus profonde, s’est élevée par ses propres forces à des conceptions et nous a laissé des monumens qui nous servent encore d’encouragemens et de modèles. Le quatrième volume complèrea ce tableau et conduira jusqu’à son plus haut degré d’harmonie et de pureté la première forme forme religieuse qui se soit présentée à l’intelligence humaine. Mon ouvrage a déjà été l’objet de quelques attaques de la part des hommes d’une orthodoxie ombrageuse et sévère. Ils ont cru y voir du déisme, du panthéisme, que sais-je ? de l’athéisme. Car il y a même aujourd’hui en France des écrivains qui accusent bénévolement leurs adversaires d’être à la fois athées et déistes. Les bonnes traditions se perpétuent, comme vous voyez. Les philosophes de l’école incrédule m’ont rendu plus de justice, c’està-dire qu’ils m’ont su plus mauvais gré encore de n’avoir pas peint la religion, comme source de tous les maux, et la notion de la divinité comme une laborieuse création de l’imposture. Ces deux genres de blâme ne m’ont ni chagriné ni surpris. Dans les temps de partis, religieux ou politiques, quiconque ne se met pas à la tête d’un

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parti, ou ne se laisse pas traîner à à sa suite, rencontre des ennemis et point de défenseurs. Heureusement, je crains peu les uns et me passe aisément des autres. Mon ouvrage accomplira sa destinée, s’il mérite d’en accomplir une, et je n’aurai pas le tort de taire une vérité, ou de me courber devant une erreur, pour désarmer des critiques que dirigent des passions personnelles et qu’attend un inévitable oubli. Si vous faites usage de cette lettre, veuillez, Monsieur, la publier en entier, et ne pas omettre ma signature. Soupçonné la plupart du temps à tort, d’écrire dans des journaux que je ne lis pas même, j’ai pris l’invariable résolution de signer ce qu’un motif quelconque m’engage à envoyer à des feuilles périodiques, et ce qui n’est pas de la sorte avoué par moi ne doit pas m’être attribué. Je suis, etc. Benjamin Constant.

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[Une réponse adressée à un critique de l’ouvrage sur la religion]

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[...] Commencons par deux observations générales[.] [...] cette perspective ne m’effraïoit guères & ne m’affligeoit point. aussi j’ai supporté ces attaques avec indifférence. J’ai laissé des hommes qui s’intitulent Théologiens dénaturer les faits, mutiler mes paroles, m’accuser d’ignorance, certains qu’ils étoient de celle de leurs lectures, & dans leur absurde injustice, me qualifier à la fois de Théiste & d’Athée1. J’ai vu, sans en éprouver d’alarmes, se réunir, pour combattre mes doctrines, l’apparence de l’érudition, la solennité d’un langage mystérieux, & cette fatuité pédantesque, caractères d’une secte née en Allemagne il y [a] quarante ans, & qui, victorieuse aujourd’hui, par nos fautes & par nos excès, du mepris qui environnoit son berceau, essaye, au nom des traditions de l’Egypte & de l’Inde, qu’elle amalgame hypocritement avec la révélation Chrétienne, de remettre les Rois sous le joug absolu des Prêtres, & les peuples sous le joug non moins absolu des Rois2. Je n’ai pas pris la peine de démontrer que les organes de cette Secte se prévaloient de ce que j’en avais pu dire encore dans la partie de mon ouvrage que je publiais pour m’attribuer des assertions contre les quelles j’avais protesté d’avance ; & je suis resté insensible également & à leur étalage emphatique de connoissances que tout le monde possède, & à leur dédain superbe & à leur doucereuse impertinence. Mais lorsqu’un écrivain qui, depuis bien des années, defend avec moi des principes qui me paraissent les seuls salutaires, lorsqu’un ami de la liberté politique & religieuse Établissement du texte : Manuscrits : [E´bauche d’une réponse à un critique non identifié], BCU, Co 4382, Co 4723 et BnF, NAF 18822, fos 203 à 213. 1

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Cette accusation revient à plusieurs reprises dans les critiques. BC en parle à son tour. Voir ci-dessus, pp. 421 et 427. La formule «me qualifier à la fois de Théiste et d’Athée» permet de dater le texte d’août 1824. Allusion à la doctrine de Creuzer, dans laquelle BC détecte le renouveau de l’influence du sacerdoce catholique. On devrait peut-être aussi y ajouter Görres, un autre représentant de cette doctrine. Nous savons que BC a lu attentivement les ouvrages de ces auteurs.

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que je chéris pour le moins autant que lui, déclare la guerre, non seulement au systême que je cherche à établir, mais aux intentions qui me dirigent, Lorsque cet écrivain, par une investigation, j’oserai le lui dire, peu philosophique & peu tolérante, demande, non pas quels sont les résultats de mon livre, mais quel a été mon but en le publiant, travestissant ainsi, sans le vouloir peut-être, une discussion abstraite en une inculpation personnelle, lorsqu’il me prête, à son insu, j’aime à le croire, ce que je n’ai point dit pour réfuter plus à son aise ce que je n’ai jamais pensé, lorsqu’il argumente contre moi, par inadvertance sans doute, d’après des suppositions que repoussent mes propres parole, lorsqu’il se proclame le vengeur d’hommes que je n’ai point attaqués & dont sous plus d’un rapport je fus le disciple et suis l’admirateur Lorsqu’enfin il s’efforce de soulever contre moi un sentiment national que je respecte & que je partage, je crois devoir répondre1. Dans les formes de ma réponse, Monsieur, je suivrai l’exemple que vous m’avez donné. Vous m’avez prodigué des éloges auxquels j’étais bien loin de prétendre : je rendrai justice au rang distingué que vous occupez dans la littérature. Je me rappellerai même ce que vous avez paru quelquefois oublier à mon égard, les travaux communs qui nous ont unis, & les services rendus par vous à une noble cause. Mais les ménagemens que vous vous êtes prescrites ne vous ont point empêché, je le trouve tout simple, de mettre dans vos observations l’amertume qui vous a semblé juste & légitime. Si cette amertume se reproduit quelquefois dans mes expressions commandées par les vôtres, vous ne la jugerez pas moins excusables en moi qu’en vous. Je prendrai la liberté de rechercher vos intentions, puisque vous avez recherché les miennes, & tout en désirant conserver toujours des liens d’amitié avec l’auteur de plus d’un écrit utile & courageux, ce désir ne me portera ni à affaiblir une seule pensée ni à me refuser le terme le plus propre pour la rendre claire & intelligible à tous. Vous commencez par examiner quel but je me suis proposé dans la publication de mon dernier ouvrage. J’ai déjà remarqué que cette investigation n’est ni tolérante ni philosophique. Le résultat d’un ouvrage peut être important : le but personnel d’un Auteur est très indifférent au mérite d’un livre. S’enquérir, avant d’apprécier la doctrine ou pour l’apprécier c’est presqu’entreprendre un procès de tendance, & si des loix que je n’ai pas mission de juger ici ont introduit dans notre code ce mode de poursuite, je ne sache pas que l’usage s’en étende encore d’ecrivain à écrivain. [...] 1

L’écrivain auquel s’adresse BC n’est pas identifié. Voir ci-dessus notre Introduction, p. 418.

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Carnet de notes depuis le 29 septembre 1824 29 septembre 1824 – 4 août 1827

Introduction

Les études sur la religion sont, à côté de la politique, la grande affaire de Benjamin Constant. Le nombre considérable de manuscrits, très souvent encore inédits, le prouve, et nous sommes loin de pouvoir rétablir dans leur ensemble, de manière satisfaisante, les différentes étapes de ce travail. L’œuvre, aussi limpide qu’elle paraisse dans sa forme publiée par l’auteur à partir de 1824, reste opaque dès que l’on cherche à en découvrir les bases savantes et critiques. La raison de cette difficulté est évidente. Le travail de Constant repose en grande partie sur des travaux érudits aujourd’hui peu lus, notamment les recherches de savants allemands dont il a étudié avec beaucoup d’assiduité les très nombreuses publications dès qu’il a découvert leur intérêt, guidé par un mentor intelligent, le professeur Jacob Mauvillon, fils d’un émigré huguenot, installé à Brunswick. C’est là que Constant trouve le but de ses recherches. Il va écrire non pas une histoire, mais une théorie de la religion, et il commence à consulter les ouvrages érudits dans cette optique. D’abord à Brunswick (1788–1794, avec des interruptions) ; ensuite à Weimar (décembre 1803-avril 1804) où il découvre l’axiome fondamental de sa théorie : la distinction entre les formes positives des religions, variables au cours des âges, et le sentiment religieux qui est une donnée anthropologique invariable ; à Göttingen enfin où il est installé depuis le mois d’août 1811. Il y profite des trésors d’une bibliothèque moderne et très riche pour mener à bien ses recherches ainsi que la première rédaction intégrale de son ouvrage en 44 livres, le grand manuscrit dit la «Copie bleue». Ce sont les événements politiques qui le détournent de ce travail : il rejoindra, après la bataille de Leipzig, lorsque la chute de l’Empereur s’annoncera comme une perspective réaliste, le Prince Royal de Suède, et les recherches sur la religion cèderont la place aux activités politiques et a` la publication de De l’esprit de conquête et de l’usurpation, le plus beau succès du publiciste politique. Ce n’est qu’au mois de septembre 1821, après le mois de novembre 1822 surtout, qu’il se relancera dans les études sur la religion, décidé cette fois-ci à publier l’ouvrage qui a pris dans son esprit une forme définitive. Les étapes chronologiques de ce travail sont utiles à connaître mais ne sont qu’un aspect de nos recherches. Le but prioritaire reste l’analyse et la reconstitution de la théorie de la religion défendue par Constant. Seul l’examen attentif de ses manuscrits peut nous fournir les renseignements dont nous avons besoin.

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La tâche ainsi désignée est difficile à réaliser, mais promet des résultats substantiels. Nous possédons, en dépit de pertes sans doute assez grandes, une masse exceptionnellement importante de documents dont les plus anciens datent de 1795. Cette documentation comprend des notes de lectures, des ébauches de chapitres, des copies de livres entiers ou mutilés, des textes entièrement rédigés ou esquissés, des plans et des «suites d’idées» (phrases qui forment le squelette d’un texte à écrire), des répertoires de notes numérotées ou classées par thèmes. Les difficultés d’interprétation de ces documents souvent lacunaires ou éparpillés dans les grandes collections de manuscrits sont multiples. Il s’agit de les classer chronologiquement pour pouvoir suivre les étapes de la recherche et de l’élaboration des volumes1. Il s’agit aussi de découvrir à travers ces documents les raisons profondes des hésitations multiples et des changements successifs de rédaction. Ceux-ci ont sans doute leur racine, dans une certaine mesure du moins, dans la masse des matériaux à maîtriser, dans la diversité des sources à étudier, mais plus encore dans les difficultés conceptuelles et herméneutiques d’une théorie à élaborer dans le contexte d’une discussion conditionnée aussi bien par la philosophie et la théologie des Lumières que par l’essor puissant des études sur l’Antiquité. Les grandes découvertes ne sont pas rares et doivent trouver une place dans les raisonnements de Constant. L’exemple le plus probant est peut-être le décryptage des hiéroglyphes par Champollion Jeune, qui permettait enfin une connaissance directe de l’E´gypte. La documentation dont nous disposons nous permet de suivre le parcours de Constant et d’indiquer les raisons pour lesquelles il change si souvent le plan de son ouvrage2. Une importance particulière est à accorder au volumineux ensemble des notes de lecture. Ces dossiers, qu’il appelle ses «extraits», contiennent des résumés d’idées tirées des critiques qu’il a lus, parfois des phrases qu’il copie ou qu’il traduit et dont il veut garder une trace pour pouvoir y revenir le moment venu. Parmi les liasses se trouvent aussi des dossiers constituant un répertoire des sources à exploiter pour appuyer ses hypothèses : arguments à tirer des auteurs de l’Antiquité, des pères de l’E´glise, de la Bible. La fonction de ces «extraits» est donc celle d’un index raisonné qui permettra à Constant de reprendre les textes euxmêmes, qu’il possède très souvent dans sa bibliothèque. Les «extraits», en apparence fragmentés et incohérents, forment, au contraire, un ensemble qui se tient, un système virtuel vers lequel il retournera jusqu’à la fin de son

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On se reportera à P. Thompson, Les Écrits de Benjamin Constant sur la religion. Les dossiers trouveront leur place dans le t. XVI des OCBC.

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travail de rédaction. Ces dossiers sont, pour la critique désireuse de reconstituer la genèse d’une théorie à la fois scientifique et philosophique, une grande chance et une grande difficulté. La chance, c’est la découverte de plus en plus détaillée des fondements érudits de l’ouvrage ; la difficulte´ réside, le déchiffrement matériel mis à part, dans la nécessité de retourner aux ouvrages utilisés par Constant pour apprécier à leur juste valeur ses remarques en les comparant avec les auteurs consultés, de se reporter aux ouvrages rédigés en allemand, en anglais ou en latin, de revenir aux Mémoires de l’Académie des Inscriptions, aux Lettres édifiantes, aux volumes des Asiatic Researches, pour en citer quelques exemples. Il s’agit très précisément de refaire, dans une certaine mesure, le parcours accompli par Constant et d’apprécier ses interprétations à la lumière des recherches modernes. L’ambition de Constant est en effet très grande. On se souvient : il avait entrepris cet ouvrage un peu à la légère, comme il en convient lui-même1. Maintenant, il veut conquérir une place parmi les plus grands érudits de son temps. Il a choisi de se mesurer avec les Creuzer, les Heeren, les Meiners, avec Otfried Müller, avec les grands théologiens des Lumières allemandes, avec des philosophes comme Herder, Schleiermacher ou Kant, avec La Mennais ou un personnage aussi remuant que le baron d’Eckstein, avec des érudits comme de Brosses ou Anquetil. C’est un véritable défi, et peut-être peut-on dire qu’il y a réussi dans une certaine mesure, en dépit de l’oubli qui pèsera bientôt sur son ouvrage2. Le Carnet de notes que nous publions ici comme une cheville entre le premier et le second volume est un document de première importance pour illustrer l’effort de composition. Il nous permet en effet de reconstituer une étape du travail quotidien de l’écriture de l’ouvrage. Rappelons que le premier tome a paru fin mai. Constant n’est libéré des travaux à la Chambre qu’à la fin de l’été. Il reprend ses dossiers sur la religion à partir du mois de septembre et organise son travail journalier à l’aide de ce Carnet. Les notes souvent datées s’échelonnent du 29 septembre 1824 au 4 août 1827. Elles nous permettent par conséquent de retracer dans une certaine mesure le travail quotidien pour la publication des tomes II et III de De la Religion. Ces années ne sont jamais un moment d’entière liberté pour les études. Au contraire, l’avènement de Charles X, la publication du Commentaire sur Filangieri (tome II), une maladie épuisante vers la fin de l’année 1824, la reprise des activités parlementaires au mois de décembre de la 1 2

Voir le Cahier rouge, OCBC, Œuvres, t. III, p. 314. On consultera l’étude d’Ernest Renan, «Les religions de l’Antiquité et leurs derniers historiens», Revue des deux Mondes, seconde série, t. XXXIII/2, 1853, pp. 821–848. Renan ne mentionne même pas BC, bien que celui-ci ait encouragé Guignaut à entreprendre la traduction de l’ouvrage de Creuzer. Voir ci-dessus, p. 165, n. 1.

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même année, requièrent toute l’attention de Constant. Et par la suite, ce seront les grands débats à la Chambre des députés, dont le discours sur le milliard des émigrés, le discours sur le projet de loi relatif au sacrilège1. Avec la fin de la session parlementaire (juin 1825), Constant s’engagera pour la Grèce en publiant son Appel aux nations chrétiennes en faveur des ` cela s’ajoutent les études sur la religion. Les Grecs (septembre 1825). A résultats ne se font pas attendre. Le second volume du grand ouvrage paraîtra le 10 octobre 1825 et Constant enchaîne avec le travail préparatoire en vue de la publication du volume suivant. L’année 1826 s’annonce aussi lourde que la précédente : une vingtaine de discours à la Chambre, de sorte qu’il se sent, à la fin de cette session, plus fatigué que jamais. Un voyage en Suisse, projeté depuis longtemps, ne se réalisera finalement pas à cause d’une maladie de Charlotte, mais les travaux au tome III de De la Religion se poursuivent, et le volume sera prêt pour l’impression au mois de juillet 1827. Le Carnet, et c’est là son intérêt principal, nous permet de suivre d’assez près les études, le travail de rédaction et les lectures. Nous pouvons observer l’examen attentif et systématique d’ouvrages importants, surtout des quatre volumes de La Mennais, L’indifférence en matière de religion, l’étude non moins soignée de la traduction française de la Symbolik de Creuzer, enrichie par une introduction fouillée et fort ingénieuse de Guigniaut, la lecture systématique du manuel de Gruber qui l’occupe pendant sa maladie, ou encore la lecture attentive du Catholique, lancé par le baron d’Eckstein. Ce périodique contiendra un long article critique sur l’ouvrage de Constant, auquel celui-ci se proposera de répondre. Nous pouvons voir aussi qu’il consulte avec soin les dossiers d’extraits de lectures, faits à Göttingen plus de dix ans auparavant. Ces dossiers sont, comme nous venons de le dire, sa mémoire matérialisée, un répertoire de notes, d’idées et de questions qu’il relit et qu’il consulte avec l’intention d’étoffer les notes pour les tomes II et III, de contrôler ce qu’il a écrit dans les rédactions antérieures de son ouvrage, de surveiller très attentivement la cohérence de son argumentation. Le Carnet est en quelque sorte le reflet d’une énorme érudition mais, plus encore, le témoin de sa manière de travailler. Il ne s’arrête guère à exposer la matière elle-même (exception faite des morceaux rédigés lorsqu’il est chez les Davillier), mais surveille surtout sa stratégie de travail. Le but principal est de veiller à la cohérence de la théorie de la religion, d’éviter des contradictions. 1

Les deux discours comptent parmi les plus importants de BC. Nous pouvons voir dans ce Carnet que BC prépare très soigneusement le discours sur le projet de loi relatif au sacrilège. Les députés n’hésiteront pas à manifester leur mécontentement.

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La théorie qu’il s’efforce d’exposer et de justifier comme un système philosophique cohérent de la marche des idées repose sur une connaissance approfondie des sources anciennes, des textes d’auteurs grecs et latins, de travaux d’ethnologues, de descriptions de voyageurs et de missionnaires en Chine ou dans d’autres parties du monde. Mais elle ne se limite pas à cette érudition. Nous voyons, à travers les notes de ce Carnet, que Constant exploite les érudits qu’il lit pour s’approprier sans trop de scrupules le savoir qu’ils possèdent en adoptant les sources qu’ils citent. Il n’entre pas toujours dans la discussion des opinions qu’ils professent. Nous pouvons constater au contraire qu’il efface leur nom des textes qu’il publie pour ne garder que les références. Il y a un nombre considérable de notes dans les volumes de De la Religion qui reproduisent leurs renvois à des sources, y compris leurs erreurs. Ce procédé, qui relève en apparence de la piraterie littéraire, peut-être en raison de règles moins sévères pour le travail érudit que celles que nous observons aujourd’hui, s’explique peut-être aussi par le fait que beaucoup de livres dont il fait état ne sont plus à sa disposition à Paris. Cependant la raison principale est, selon notre conviction, que Constant n’écrit pas une histoire des religions mais une théorie de ce que l’on pourrait appeler la disposition de l’homme à une pensée religieuse, donc un ouvrage de philosophie. Le travail érudit dépend évidemment des conditions extérieures de la vie, surtout du fait que Benjamin Constant poursuit une carrière politique des plus exigeantes. Le Carnet en a conservé des traces manifestes. Un nombre considérable d’entrées évoque la vie au quotidien. Les courses à faire, les lettres à écrire, les personnes à voir nous rappellent que la vie de Constant est celle d’un personnage aux obligations multiples. Même si nous ne pouvons préciser qu’exceptionnellement les raisons pour lesquelles une lettre est à écrire ou une personne à rencontrer, nous comprenons que les affaires quotidiennes prennent la plus grande partie de son temps et que les retours à son ouvrage sur la religion sont parfois de précieux moments de liberté. Ce travail est pour lui une véritable mission : «Je travaille à force au second volume, plus scabreux que le premier. On ne peut prévoir ni calculer aujourd’hui ce qu’il sera permis d’imprimer ou de dire, mais il faut travailler en attendant», écrit-il à Rosalie le 22 septembre 1824. Le Carnet nous permet d’accompagner ce travail à la fois érudit, philosophique et accompli en dépit des énormes obstacles d’une vie active. Il permet aussi de saisir les circonstances dont on parle habituellement dans un journal intime : des difficultés matérielles, une querelle avec Charlotte, les exigences du député qui prépare ses discours à la Chambre, lesquels présupposent des lectures de protocoles de sessions ayant eu lieu une ou deux années plus tôt. Nous pouvons aussi entrevoir quelques-unes des démarches à faire pour l’achat

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de la maison de la rue d’Anjou qu’il habitera jusqu’à la fin de sa vie. BC ne semble plus tenir de journal intime depuis son retour à Paris (26 septembre 1816), mais le Carnet nous fournit des informations que nous ne trouvons nulle part ailleurs. Établissement du texte La transcription du texte se veut fidèle. Une très grande partie des notes a été biffée par Constant par des traits de plume épais, par des traits obliques ou par des croix pour indiquer que la besogne a été faite. Cette pratique rend le décryptage extrêmement difficile, parfois impossible, parce que les mots ou les noms ont été couverts par des traits de la même encre. Notre transcription peut en avoir souffert. La lecture, surtout des noms de personnes, est par conséquent parfois incertaine, à certains endroits impossible. Il faut avoir présent à l’esprit que les biffures ajoutent aux passages en cause un sens supplémentaire que nous nous sommes efforcés de conserver. C’est pourquoi nous reproduisons le texte sans en tenir compte, sauf dans les rares cas où l’on peut voir qu’une biffure est le résultat d’une correction immédiate. Mais nous avons marqué les notes biffées par un astérisque, placé en tête de l’entrée. Le lecteur pourra ainsi toujours identifier celles des entrées qui parlent des choses faites. Les notes ne portant pas ce signe n’ont pas été biffées par Constant, elles ont donc un autre statut sur le plan de l’information. Nous indiquons par des points entre crochets carrés [...] les lettres, le mot ou les mots que nous n’avons pu lire. Nous rétablissons entre crochets carrés les mots ou les lettres qui ont disparu sous des taches d’encre ou qui ont été emportés par une perte de papier (trou, déchirure) sans signaler ces circonstances dans l’apparat. Les notes sont séparées entre elles par un trait dont la première signification est de distinguer les entrées ; il peut aussi, dans certains cas, marquer les jours. Nous reproduisons ces traits, sans essayer de rétablir les dates, bien que ce soit par endroits tout à fait possible. Les notes pour lesquelles Constant utilise des lettres grecques ont été translittérées en se reportant aux règles établies pour le décryptage du Journal Intime1. Manuscrit : [Carnet de notes depuis le 29 septembre 1824]. BnF, NAF 18829. 1 carnet de 8 cahiers, 80 fos, 160 pp. a., 170 × 105 mm. La première page ne porte que la date. Le carnet, fort abîmé, est fabriqué de feuilles pliées au 1

Voir OCBC, Œuvres, t. VII, pp. 5–10.

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milieu, emboîtées et cousues. Le nombre des feuilles est inégal (5 ; 6 ; 5 ; 6 ; 5 ; 6 ; 6 ; 2), les 2e et 5e cahiers ont perdu un folio. Contenu très varié : minutes de lettres, notes de lectures, plans de travail, ébauches de textes, activités politiques, courses et visites à faire, lettres à écrire, comptes, listes de noms de personnes qui ont reçu des publications de Constant. Les notes, assez souvent datées, vont du 29 septembre 1824 au 4 août 1827. Hofmann, Catalogue, IV/125. Transcription : Il existe une transcription partielle dactylographiée du manuscrit par Gustave Rudler. Nous l’avons utilisée pour notre édition. IBC, Archives Rudler, 2, 1. K. K.

[Carnet de notes depuis le 29 septembre 1824]

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29 7bre 1824.

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à consulter, Guénée, lettres de quelques Juifs1. Voltaire Commentaire sur la bible2. Pluquet Dictionnaire des hérésies3. Les martyrs de Chateaubriand.

Lettre aux Bossange4 : – d’après notre réglement vous m’avez tenu compte de 1627 exemplaires. j en ai fait venir 50 depuis. vous en avez remis 129 à M. Bechet. reste 200 dont nous avons à compter. – Établissement du texte : Manuscrit : Carnet de notes depuis le 29 septembre 1824. BnF, NAF 18829 [=C]. 4 Guénée ... Juifs. ] mots biffés 1

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L’abbé Antoine Guenée (1717–1803) a publié les Lettres de quelques Juifs portugais et allemands à M. de Voltaire, avec des réflexions critiques, etc., et un petit commentaire extrait d’un plus grand, Lisbonne [Paris : L. Prault], 1769. BC renvoie ici probablement à ses extraits (BCU, Co 3293). BC possédait probablement l’édition suivante : Œuvres complètes de Voltaire, Paris : A.-A. Renouard, 1819–1825, 66 vol. Voir le Catalogue. BC note ici l’ouvrage de François-André Adrien Pluquet, Mémoires pour servir à l’histoire des égaremens de l’esprit humain par rapport à la religion chrétienne, ou dictionnaire des hérésies, des erreurs et des schismes : précédé d’un discours dans lequel on recherche quelle a été la religion primitive des hommes ; les changemens qu’elle a soufferts jusqu’à la naissance de Christianisme ; les causes générales, les liaisons et les effets des Hérésies qui ont divisé les Chrétiens, Paris : Nyon, Barrois, Didot, 1762–1764, 2 vol. BC désigne ainsi deux des éditeurs du premier tome de De la Religion, Bossange père et Bossange frères, co-éditeurs avec Treuttel et Wurtz, Rey et Gravier, Renouard et Ponthieu. Béchet n’interviendra que pour les t. II et III de cet ouvrage. La lettre dont nous avons ici la minute est conservée mais pas localisée. Voir Jean-Daniel Candaux, «Revue des autographes du Groupe de Coppet vendus en 1970, 1971, 1972, 1973, 1974 et 1975», Cahiers staëliens, 20, juin 1976, p. 36.

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De la Religion, I – Textes complémentaires

– dans une lettre antérieure vous posiez en principe que j’etais obligé de fournir aux libraires qui ont pris du 1er vol. pareil nombre du 2d. d’ou il suivait qu’ils étoient tenus de prendre même nombre, & ne pouvoient en exiger un plus grand. M. Bechet croit que vous prétendez qu’ils ne sont tenus a aucun nombre mais peuvent en prendre aussi peu & en exiger autant qu’ils veulent, au même rabais. votre lettre dit le contraire. – Il croit aussi que vous vous réservez de me rendre les exemplaires qui vous seroient renvoyés. mais vous savez que je n’en ai point donnés en commission. Les renvois faits par les libraires acheteurs sont à leur compte. Les seuls à reprendre par moi s’ils ne se vendent pas sont les 200 qui vous restent & pour lesquels je n’ai rien recu1.

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* 29 7bre. dépensé Voitures 6. Poissardes 5. Guinand. 3002

* C. Perrier3. Morrisson4. Varaigne5. Chevassut6. Bossange.

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Le dernier alinéa prouve que le premier tome de De la Religion est sur le point d’être épuisé vers la fin de l’année 1824 et qu’une seconde édition s’impose. Celle-ci paraît le 8 avril 1826. Une édition belge (H. Tarlier et P.-J. Voglet) a paru à Bruxelles en 1824, une autre non autorisée avant octobre 1824. Les dépenses notées ici sont reportées dans le Livre des dépenses, OCBC, Œuvres, t. VII, p. 461. BC payera du mois de décembre 1823 jusqu’à sa mort une rente viagère de 300 frs. aux frères Guinand, liée à l’achat de sa maison rue d’Anjou. Voir dans le même tome p. 454, n. 1. Casimir Perrier ou Périer (1777–1832), banquier et depuis 1817 plusieurs fois député libéral. Il est un des membres les plus en vue de l’opposition libérale et un ami de BC. Il est souvent mentionné dans ce Carnet et dans le Livre des dépenses. Les Constant font aussi appel à ses services pour des affaires d’argent. Son nom figure sur la liste des «Personnes à inviter» (Registre universel, fo 27vo). On peut probablement exclure James Morrison (1789–1857), un riche commerçant, amateur d’art, collectionneur, avec des penchants pour la littérature, proche des libéraux, membre de la Chambre des communes en 1830, bien qu’il ait été engagé dans le Comité grec de Londres. Son «Grand Tour» en Europe le conduira seulement entre juillet 1826 et fin juin 1827 en Allemagne, en Suisse, en Italie et en France. Il passera une quinzaine de jours à Paris entre les 30 mai et 14 juin 1827 sans prendre contact avec BC. Il s’agit peut-être du sinologue anglais Robert Morrison (1782–1834), un des grands connaisseurs de la langue chinoise et à plusieurs reprises interprète d’hommes politiques anglais en mission en Chine. Seule occurrence de ce nom. Il s’agit d’un collaborateur de la Revue encyclopédique où il a publié par exemple un article intitulé «Précis historique sur l’état actuel de la République Argentine» (t. XXXV, 1827, pp. 5–17 et 553–567). Il est mentionné onze fois dans ce Carnet. Il s’agit d’Alexandre Chevassu (ou Chevassut), «l’homme à tout faire» de Mme de Staël en 1795, lorsqu’elle était en relation avec Narbonne. On sait qu’il était d’origine modeste, avait su acquérir un certain capital et était l’un des fondateurs du Constitutionnel. Il possédait

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Carnet de notes – septembre 1824

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* Revoir dans le livre 43 une observation sur Dupuis1 & les Mithriaques2

Livres prétés à M. Guigniaud3. Wagner. Boetticher. Lamennais, un volume4.

Néron jadis fit mettre à mort son frère,

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4 Wagner. ] biffé

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5 Boetticher. ] biffé

deux actions de ce journal dont il céda une avec un très gros profit à Adolphe Thiers en 1824. BC semble avoir éte´ en bons termes avec lui (il est mentionné quatre fois dans ce Carnet), car il lui envoie un exemplaire de son discours. On le retrouve à plusieurs reprises dans le Livre des dépenses où l’on peut voir que BC règle avec lui des questions d’argent (voir OCBC, Œuvres, t. VII, pp. 352, 356, 372, 381). Voir Paul Delbouille, «Chevassut», ABC, 34, 2009, pp. 147–149. Charles-François Dupuis (1742–1806), auteur de l’ouvrage Origine de tous les cultes ou Religion universelle, Paris : H. Agasse, an III (1795), 4 vol. Voir la note suivante. BC compte vérifier dans le livre 43 de la «Copie bleue» de son ouvrage sur la religion une observation que nous ne pouvons plus contrôler. Chez C.-F. Dupuis, Origine de tous les cultes, on trouve un exposé détaillé sur les cultes de dieux vénérés sous forme de taureaux dans le t. II, pp. 111–136 et sur le culte mithriaque t. III, pp. 42–45 (et la planche 17, t. IV). Voir aussi la «Table générale et analytique» de cet ouvrage, sous «Mithra». Joseph-Daniel Guigniaut travaille à la traduction française de la Symbolik de Creuzer : Religions de l’antiquité considérées principalement dans leurs formes symboliques et mythologiques, ouvrage traduit de l’allemand du Dr Frédéric Creuzer, refondu en partie, complété et développé par J. D. Guigniaut, Paris : Treuttel et Würtz, 1825–1851. BC a surtout exploité le premier volume. Guigniaut figure sur la liste des «Personnes à inviter» (Registre universel, fo 27ro). Le Catalogue de la bibliothèque de BC nous permet de préciser cette note. Il prête à Guigniaut : J. J. Wagner, Ideen zu einer allgemeinen Mythologie der alten Welt ; Karl August Böttiger, Kunst-Mythologie, Skizzen zu Vorlesungen im Winter 1809–1810, Dresden : Hofbuchdruckerei, 1809–1810 ; et peut-être l’ouvrage C. A. Boettiger’s Skizzen zu Vorlesungen über Mythologie, Dresden : s.éd., s.d. [1808 ou 1810] ; enfin un des volumes (sauf le premier qu’il étudie lui-même) de F. de La Mennais, Essai sur l’indifférence en matière de Religion. Notons au passage que le titre ainsi que le programme de l’ouvrage monumental de La Mennais rappellent celui des Reden de F. Schleiermacher, Über die Religion. Reden an die Gebildeten unter ihren Verächtern, Berlin : Unger, 1799.

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De la Religion, I – Textes complémentaires

De ce début le peuple s’indigna. Bientôt après il égorgea sa mère, A murmurer le peuple s’obstina. Essayons mieux & brûlons Rome entiére, Dit l’Empereur : Il le fit & pourtant Le peuple encor témoigna sa colère. Vraiment, dit-il, je ne sais plus qu’y faire ; Ce peuple là n’est donc jamais content1.

Lamennais. Indiffér2. V. I. une nuée de sophistes3. p. 248. Leibnitz. 250. des religions arbitraires4. p. 278. Epicure & Zénon5. 286 Nécessité politique. 326. souveraineté du peuple. jurieux 3406. Liberté des Grecs. 346. Cupidité des Gouvernemens7 &ca. 358–359. Par la raison seule la philosophie ne peut établir que le crime8. 370. 1

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L’idée de ces vers, probablement de la plume de BC, trouve un écho intéressant dans une note qu’on lit dans le Livre I, chap. 4, de De la Religion (voir ci-dessus, p. 136, n. a). BC y attribue le dernier vers de cette pièce aux courtisans de Néron. BC commence une lecture attentive de l’ouvrage de F. de La Mennais, Essai sur l’indifférence en matière de Religion. Cette lecture sera achevée avant le 1er octobre 1824. Les catalogues de la bibliothèque de BC mentionnent l’édition en 4 vol. Citation littérale de l’ouvrage de La Mennais, à la page indiquée. Citation conforme, à la page indiquée. BC renvoie à la phrase suivante : «Toutes les théories philosophiques du bonheur se réduisent aux systèmes d’Epicure et de Zénon.» BC veut retrouver dans l’ouvrage de La Mennais le passage où celui-ci parle de la «souveraineté primitive» de l’homme et du contrat social. Dans ce contexte, il relève une citation de Jurieux : «L’on n’attribue au peuple le pouvoir souverain, parce qu’il possède la plus grande force physique ; et cette force est si bien l’unique droit, que le peuple, dit Jurieux, n’a pas besoin de raison pour valider ses actes, ou, comme s’exprime Rousseau, que la volonté générale (ou la volonté du peuple) est toujours droite» (pp. 340–341) (Du Contrat social, II, 3). Pierre Jurieux (1637–1713), théologien controversiste protestant. Il a quitté la France avant la révocation de l’E´dit de Nantes. On connaît de lui de nombreux pamphlets très répandus. La citation choisie par La Mennais n’est pas localisée. «Une cupidité sans frein s’est emparée des Gouvernemens». «Certes, la philosophie devrait parler avec moins de hauteur de la raison, quand par la raison seule elle ne peut établir que le crime.» Phrase étonnante dont l’idée sera développée par Adorno et Horkheimer dans Dialektik der Aufklärung. Philosophische Fragmente, Frankfurt am Main : S. Fischer Verlag, 1969. On consultera en particulier le chapitre intitulé «Juliette oder Aufklärung und Moral».

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(Dieu nous auroit donc donné d’un coté des sens pour nous séduire & de l’autre une raison pour nous égarer.) L’Athéisme n’est autre chose qu’un Déisme rigoureux1. 273. Tableau de la corruption. 376–378. Ils ne pardonnèrent pas à la naissance parce qu’ils étoient sortis de la boue2. 397. Le Culte sacré du pouvoir3. 417. Le Royaume de france fait par des Evêques4. 421. Intérêt bien entendu5. 439–440. Institution de charité politique6. 465. Eucharistie 507. Vol. II : «Aristote ne parle qu’en doutant de l’immortalité de l’âme & de la providence» & ailleurs il cite la conviction d’Aristote en preuve de la reconnaissance unanime de l’existence de Dieu7. Vol. III. Chinois battant leurs fetiches8. 88. Sybilles à relire. Notes & St Irénée9. 228. 1 2 3

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On lit chez La Mennais «jusqu’à l’athéisme qui n’est qu’un déisme rigoureux.» Citation presque littérale. BC a simplifié la syntaxe. «Ainsi s’établit et se conserve, pour le bonheur des hommes et la tranquillité des Etats, le culte sacré du pouvoir, que, dans son langage énergique, Tertullien appelle la Religion de seconde majesté.» «Ce royaume, fait par des évêques, selon la remarque de Gibbon». C’est la formule de Joseph de Maistre (Du Pape, Lyon : Rusand & Beaucé-Rusand, 1819, Discours préliminaire ; dans l’édition de Louvain : Vanlinthout et Vandenzande, 1821, p. XX) qu’on retrouvera plus tard dans les ouvrages des historiens. Il résume un passage de Gibbon dans le chapitre sur Clovis : «Sous l’empire des Romains, l’opulence et la juridiction des évêques, leur caractère sacré, leur office inamovible, leurs nombreux subordonnés, leur éloquence populaire et leurs assemblées provinciales, les rendaient toujours très-considérables et souvent dangereux. Les progrès de la superstition augmentèrent leur influence, et l’on peut attribuer en quelque façon l’établissement de la monarchie française à l’alliance de cent prélats qui commandaient dans les villes révoltées ou indépendantes de la Gaule» (Edward Gibbon, Histoire du déclin et de la chute de l’empire romain, Paris : Robert Laffont, t. I, chap. XXXVIII, p. 1117a). Renvoi à la note sur l’intérêt bien-entendu, qui commence avec une citation de d’Alembert. Cette remarque résume une réflexion de La Mennais sur les fonctions des prêtres. Citation tirée de la note qui commence p. 157 de l’édition de 1820 ; la phrase citée se lit à la p. 158. Dans l’édition de 1822, celle que BC utilise, elle se trouve p. 223. Le terme «ailleurs» renvoie sommairement au chapitre XIV intitulé «De l’existence de Dieu». Notons que BC ne s’arrête pas à ce t. II de l’ouvrage de La Mennais. La phrase est une citation tirée de la note 2 de la page indiquée. La Mennais renvoie dans ce contexte à une étude du P. Louis Le Comte, Éclaircissement sur la dénonciation faite à N. S. P. le Pape, des nouveaux mémoires de la Chine, composez par le père Louis le Comte, s.l. : s.éd., 1700, p. 102. BC s’intéresse à la longue note (pp. 224–227, n. 1). On y trouve un passage sur les Sybilles (p. 225) tiré de Sixte de Sienne (Bibliotheca sancta, Coloniæ : Maternus Cholinus, 1576, lib. VI, annotat. LI, p. 490), avec d’autres renvois à St. Thomas et Bède. Les prophéties des Sybilles, bien que tardives et souvent apocryphes, jouent un rôle important dans les premiers siècles de l’ère chrétienne, où elles sont citées comme annonçant la venue du Christ. – St. Irénée est mentionné dans cette note aux pp. 226–227, en citant son écrit Contra omnes Hæreses (lib. IV, cap. XXII, p. 259, éd. Benedictine. Lammenais consulte donc Sancti Irenæi

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De la Religion, I – Textes complémentaires

histoire de Cormac o’quin pour la marche vers le Théisme1. 306. Indes2. 321. Adoration d’un seul Dieu dans le fétichisme3. 338. L’Hadés des Grecs pas un lieu de supplice4. 366. L’enfer de Virgile5. 384. Idée universelle de la chute de l’homme6. 400. Dieu médiateur7. 408. Dieu naissant d’une vierge8. 427.

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episcopi Lugdunensis et martyris detectionis et eversionis falso cognominatæ agnitionis seu Contra hæreses libri quinque, post Francisci Feuardentii et Joannis Ernesti Grabe recensionem castigati [...] labore Domni Renati Massuet [...], Parisiis : Sumptibus J. B. Coignard, 1710). Ce chapitre sur les prophètes qui annonçaient le Christ («Quid est, Plus quam templum, &, Plus quam Salomon hic») se lit dans l’édition de Grabe (Oxoniæ : e Theatro Sheldoniano, 1702) que nous avons consultée, pp. 307–308. Il s’agit de Cormac O’Quin, dont il est question p. 307. Celui-ci a rejoint l’ordre éclairé nommé Fileas qui luttait contre les Druides. «Cormac O’Quin se joignit à eux pour attaquer cet ordre de prêtres. Il se déclara publiquement contre le polythéisme, et pour l’adoration d’un Dieu unique, tout-puissant, miséricordieux, créateur du ciel et de la terre. L’exemple de ce monarque et les instructions des Fileas préparèrent les esprits à la réception de l’Evangile, qui fit de bonne heure en Irlande des progrès très-rapides» (p. 306, y compris la n. 1, pp. 307–308, qui donne la source : Alban Butler, The Lives of the Fathers, Martyrs and Other Principal Saints, t. VII : July VI, S. Palladius, London : J. Murphy, 1812, p. 55). BC note que les Indiens reconnaissent un esprit qui a tout créé, conserve tout, est sage, puissant et bon. La Mennais mentionne aussi leurs prières pieuses. La note 2 de cette page renvoie à Asiatick Researches, t. IV, p. 183, article de William Jones. Le même article est cité encore une fois, en traduction française, ci-dessous, p. 462, n. 4. La Mennais dit, à propos du fétichisme des Africains : «Les nègres de la côte de Guinée et de la côte d’Or savent qu’il y a un Dieu, créateur du ciel et de la terre, qui est bon et qui comble de biens ceux qui l’adorent. Ils n’aiment point leurs fétiches, ils les craignent» (pp. 338–339). Il renvoie à Thomas Salmon, Histoire moderne, ou l’état présent de tous les peuples du monde (Amsterdam : Tirion, 1730) et J.-B. Labat, Voyage du chevalier Des Marchais en Guinée, p. 66. La Mennais précise que l’Hadès des Grecs, comme le séjour éternel chez les Égyptiens, n’est pas un lieu de supplice et renvoie aux Mémoires de Littérature tirez des Registres de l’Académie Royale des Inscriptions et Belles Lettres, t. II, 1736, pp. 6–7. Le passage cité se trouve dans le mémoire «Parallèle d’Homère & de Platon» de l’abbé Massieu (pp. 1–16), qui évoque vaguement cette idée. BC note cet endroit parce qu’il donne, p. 384, n. 1, le passage de Virgile, Énéide, VI, vv. 739–746. La Mennais cite, pour appuyer cette affirmation, Voltaire, Histoire générale (Genève : Cramer), p. 17 de l’édition de 1763. BC note ce passage qui offre une longue citation tirée de l’abbé Mignot, Mémoires de Littérature tirez des Registres de l’Académie Royale des Inscriptions et Belles Lettres, t. XXXVI, 1774, pp. 4–5. Le mot de «médiateur» y est employé. Le renvoi de La Mennais est faux mais n’a pu être corrigé. La Mennais parle d’un Dieu-Homme, naissant d’une Vierge-Mère, comme d’une croyance universelle et renvoie à Antonio Giorgi, Alphabetum tibetanum, missionum apostolicarum commodo editum (Romæ : typis Sacræ Congregationis de propaganda fide, 1762), t. I, pp. 56–57, et a` Pierre-Daniel Huet, Alnetanæ Quæstiones, livre II, chap. XV, pp. 237 et sv. (dans l’édition que nous avons consultée, Petri Danielis Huetii, Alnetanæ quæstiones de

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Remusat, relire1. 435. consulter Goguet II. 451–4522. V. IV. Le culte des pélages s’étoit conservé jusqu’à l’adoption des Divinités Egyptiennes, & il cite Herodote3. 26. «Il est impossible d’expliquer le passage de l’Idolatrie au Théisme.» Il l’est bien plus d’expliquer le passage du Théisme à l’idolatrie4. 30. Le Théisme a été la religion primitive du genre humain, Ste Croix observ. prélimin. à l’Ezourvedam I. 13 & 14. & il cite la marche progressive du Polythéisme ! Lamen. IV5. 32.

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concordia rationis et fidei, Venetiis : excudebat Nicolaus Pezzana, 1761. Ce chapitre porte le titre «De Christo nato ex virgine». Huet parle longuement dans ce contexte de la mythologie grecque). BC trouve chez La Mennais une longue citation tirée de Jean-Pierre-Abel Rémusat, L’invariable milieu (Paris : de l’imprimerie royale, 1817), pp. 144–145. Il y a au centre un texte chinois d’inspiration islamique sur la question de savoir ce que c’est qu’un saint homme. Nous ne pouvons préciser. Aux pages indiquées ici, on trouve une citation de l’ouvrage posthume de N.-A. Boulanger, Recherches sur l’origine du despotisme oriental et des superstitions, ouvrage posthume de M. B.I.D.P.E.C., s.l. : s.éd., 1775, pp. 116–117, et un renvoi à Boulanger, L’Antiquité dévoilée par ses usages, ou Examen critique des principales opinions, cérémonies & institutions religieuses & politiques des différens peuples de la terre, Amsterdam : Marc Michel Rey, 1766, t. II, pp. 369 et sv. BC, désirant sans doute vérifier les thèses de Boulanger citées par La Mennais, pense consulter l’ouvrage d’Antoine-Yves Goguet, De l’origine des loix, des arts, et des sciences ; et de leurs progrès chez ` en juger d’après le les anciens peuples, La Haye : Pierre Gosse junior, 1758, 3 vol. A contenu du second volume, c’est à cette édition que BC renvoie ici. L’ouvrage a connu deux autres éditions parisiennes, en 6 vol. (Knapen, 1758, et Desaint & Saillant, 1759), très proches l’une de l’autre. L’ouvrage n’est pas mentionné chez La Mennais à l’endroit indiqué. La Mennais dit que les Pélages, comme d’autres peuples grecs, n’avaient à l’origine qu’un seul dieu mais qu’ils «adoptèrent plus tard le culte des divinités égyptiennes» (opinion appuyée par un renvoi au mémoire de Nicolas Fréret, «Observations sur la religion des Gaulois et sur celle des Germains», Mémoires de Littérature tirez des Registres de l’Académie Royale des Inscriptions et Belles Lettres, t. XXIV, 1756, p. 416) «comme nous l’apprenons d’Hérodote (lib. II, no 9)». Voir Pierre-Henri Larcher, Histoire d’Hérodote, traduite du grec, avec des remarques historiques et critiques, un essai sur la chronologie d’Hérodote et une table géographique, Paris : Musier, 1786, 7 vol. Il y a une «Nouvelle édition, revue, corrigée et considérablement augmentée» en 9 vol., Paris : Crapelet, an XI (1802). C’est cette édition que BC semble utiliser (voir De la Religion, t. IV, p. 196, n. 2, où BC précise, en citant Larcher, «dern. édition»). Sur les Pélages, voir t. II, pp. 45 et sv. La Mennais : «Or, l’histoire prouve qu’aucun peuple ne passe jamais de lui-même, et sans un secours étranger, de l’idolatrie au culte d’un seul Dieu.» La phrase transcrite par BC est tirée de Guillaume-Emmanuel-Joseph Guilhem de Clermont-Lodève, baron de Sainte-Croix, L’E´zour-Védam ou ancien commentaire du Védam, Yverdon : de l’imprimerie de M. de Felice, 1778, Observations préliminaires, t. I, pp. 13–14 (La Mennais, p. 32, n. 1). C’est bien Sainte-Croix qui parle de «la marche progressive du polythéisme».

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De la Religion, I – Textes complémentaires

«Est-ce par la seule force de son génie que Cicéron s’est élevé à cette sublime doctrine ? non certes : de qui la tenoit-il donc ? de la tradition1». 50. respect des anciens pour la tradition2. 68. Chinois rejetant le Christianisme par respect pour l’antiquité3. 72. Aristote parlant du bonheur de l’autre vie4. 90. motifs du Prince Jean : lettr. edif. XX5. 363–367. Loi sur les dépots donnée par Dieu en créant l’homme6. 103. trois révélations ne forment pas trois religions, mais une même religion plus parfaite à mesure qu’elle est plus développée7. 123. de la confession chez plusieurs peuples8. 147. 1 2 3

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La sublime doctrine mentionnée dans la citation de La Mennais est la justice comme idée innée au genre humain. Il renvoie à De legibus, lib. II, cap. IV et V et transcrit le passage. BC résume les pp. 67–68 du livre de La Mennais où celui-ci expose le respect des Grecs et des Romains pour les formes anciennes de la religion. BC s’intéresse à la citation (pp. 73–74) tirée des Lettres édifiantes, t. XX, p. 132 (Toulouse : Noel-Etienne Sens et Auguste Gaude, 1811) dans laquelle on raconte un épisode qui prouve le fait. Des «mandarins, chargés [...] de juger un prince de [la famille impériale], qui avait embrassé le christianisme», lui reprochaient ceci : «Vous prétendez qu’il y a plus de dix-sept cents ans que le Seigneur du ciel a pris naissance parmi les hommes pour leur salut : mais bien avant ce temps-là, sous le règne de Yao et de Chun, la loi d’Europe n’existoit pas, et cependant le culte du ciel subsistoit : le nieriez-vous ? vous seriez le seul. Que prétendezvous donc, lorsque vous vous attachez avec tant d’opiniâtreté à la loi des Européens ? Voudriez-vous dire que la doctrine de nos anciens sages est fausse, et que celle d’Europe est la seule véritable ?» On lit chez La Mennais, p. 91 : «Aristote, cité par Plutarque, parle du bonheur de l’autre vie, comme d’une croyance ancienne», et il renvoie à Plutarque, De consolatione ad Apollonium, Opera, t. II, p. 115. BC reprend La Mennais qui avait utilisé le texte suivant : «Motifs du Prince Jean pour embrasser la Religion chrétienne» (Lettres édifiantes, Nouvelle édition, t. XX, 1781, pp. 428–458). Dans le même tome des Lettres édifiantes, on trouve la «Lettre du Père Parennin, Missionnaire de la Compagnie de Jésus, au Père Duhalde, de la même compagnie» (pp. 239–266). Cette lettre parle de la mort chrétienne du Prince Jean Lou, «l’héroïque fermeté des Princes du sang Impérial de la Chine, dont la foi n’a pu être ébranlée, ni par la dégradation de leur rang, ni par la confiscation de tous leurs biens, ni par les rigueurs d’une dure prison, ni par les menaces d’une mort infâme & cruelle» (p. 239). BC note ce passage où La Mennais parle de la première loi donnée par Dieu à l’homme. Celle-ci se prolonge et se développe dans l’E´vangile. Les sources indiquées sont Saint Irénée, Contra omnes Hæreses, lib. IV, chap. XIII, p. 242 (éd. Benedictine) et Saint Jean Chrysostome, Homilia ad populum Antiochenum XII, Sancti patris nostri Joannis Chrysostomi, [...] Opera omnia quæ exstant, vel quæ ejus nomine circumferuntur [...], Parisiis : sumptibus L. Guérin, et al., 1718, t. II, pp. 127–130. Citation conforme. BC renvoie à la longue note 1, p. 147, qui donne les sources de cette idée, entre autres Maimonides, Plutarque, De superstitione, W. Jones, Lois de Menu, A. A. Giorgi, Alphabetum tibetanum, P. D. Huet, Alnetanæ Quætiones. Plutarque, De superstitione, 166A, donne des exemples de pratiques purificatrices. – Voir Institutes of Hindu Law ; or the Ordinances of Menu, According to the Gloss of Cullúca, Comprising the Indian System of Duties, Religious and Civil : Verbally Translated from the Original Sanscrit, Published by the Order of Government, Calcutta : s.éd., 1794. Le chapitre 13 «On Penance and Expia-

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Les Payens avouent les miracles du christ : Porphyre1. 346. guérir toutes les maladies en prononçant quelques paroles, ou par un simple acte de la volonté, multi plier un petit nombre de pains pour nourrir toute une multitude, marcher sur la mer, ressusciter des morts, voilà les principaux miracles2. 351. principe d’obéïssance dans le christianisme3. 418. Les peuples non chrétiens sauvés4. 496. * revoir dans la copie nouvelle de mon 3e livre si j’ai fait usage dans les notes d’un passage tiré de Volney recherches sur l’histoire ancienne, & copié dans le livre qui precede celui-ci5. Ce n’est guères que vers le milieu du 3e siècle que l’autorité des evêques se consolida, & encore St Cyprien qui contribua plus que personne à l’affermir maintenait-il l’égalité entre les évêques.

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Les premiers Anachorêtes vers la fin du 3e siècle seulement – sentiment religieux repoussant l’exagération. O la vile créature que l’homme, s’il ne se sent soulever par quelque chose de céleste ! Montaigne6

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tion» (pp. 307–343) donne 266 règles. – P. D. Huet, Alnetanæ Quæstiones, livre II, chap. XX, sous «De confessione», p. 161, aborde la même question. BC renvoie à l’exposé de La Mennais, pp. 345–346. Celui-ci mentionne, pour ce qui est de Porphyre, Jean-Baptiste Bullet, Histoire de l’établissement du christianisme, Paris : Humblot, 1764, p. 107. Citation conforme, sauf quelques simplifications insignifiantes. La Mennais donne une explication théologique de la doctrine évoquée ici. La Mennais expose (pp. 496–498) la doctrine mentionnée par BC et s’engage dans une polémique contre J.-J. Rousseau, Émile, livre IV. C’est la première note qui se rapporte explicitement au t. II de De la Religion auquel BC travaille. BC pense à la longue note truffée de citations choisies dans les Recherches nouvelles sur l’histoire ancienne de Volney qu’on trouve dans le chap. IV du livre III (OCBC, Œuvres, t. XVIII, p. 72, n. a). Le même passage est cité non pas dans le livre II mais dans le livre I, chap. IX, n. c ; voir ci-dessus, pp. 198–200. BC cite M. de Montaigne, Essais, livre II, chap. 12, «Apologie de Raimond Sebond» (texte établi et annoté par Albert Thibaudet, Paris : Gallimard, 1950 [Pléiade], p. 682) mais ne consulte pas le texte original qui, après une longue citation de Plutarque tirée du traite´ Que signifie le mot ει gravé sur la porte du temple de Delphes, continue : «A cette conclusion si religieuse d’un homme payen, je veux joindre seulement ce mot d’un tesmoing de mesme condition pour la fin de ce long et ennuyeux discours qui me fourniroit de matière sans fin :

20

456 fo 4 vo

De la Religion, I – Textes complémentaires

* à faire demain, 1er octobre.écrire à Chevassut, à Aumont1, à Cottenet2, à St Albin3 pour l’adresse de Parnat4, à (?) [...] en même tems à la Chambre[.] faire le supplément Walker5 – écrire à Varaigne – Gailland6 5

* courses. 1o Varaigne. 2o Chambre. 3o Mackintosh7.

* Mr de Parnat rue St Croix d’Antin no. 9

* Apollon a mis tout en usage pour détourner de Crésus le malheur de Sardes : mais il ne lui a pas été possible de fléchir les parques... tout ce qu’elles ont accordé à ses prières, il en a gratifié ce prince, il a reculé de 3 ans la prise de Sardes. que Crésus sache donc qu’il a été fait prisonnier trois ans plus tard qu’il n’étoit porté par les destins. Herodot. Liv. [premier] Ch. 918.

3 Parnat ... en même tems ] Parnat, à lecture incertaine de ce dernier mot ; le mot suivant illis., peut être un nom en même tems 14 premier ] manque dans le ms

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O la vile chose, dict-il, et abjecte, que l’homme, s’il ne s’eslève au dessus de l’humanité !» L’aphorisme attribué à Montaigne appartient en réalité à Sénèque, Naturales quæstiones, livre Ier, Præfatio, § 5 : «O quam contempta res est homo, nisi supra humana surrexerit» (Ah ! combien l’homme est chose méprisable, s’il ne s’élève pas au-dessus de ce qui est humain ! [Sénèque, Questions naturelles, texte établi et traduit par Paul Oltramare, Paris : Les Belles Lettres, 1929, t. I, pp. 7–8]). Première mention de Michel Aumont, un notaire. BC fait assez souvent appel à ses services. Voir le Livre des dépenses, OCBC, Œuvres, t. VII, p. 410 et passim. Pierre-Eugène de Cottenet, un notaire auquel BC s’adresse assez souvent. Il revient neuf fois dans ce Carnet. Voir aussi le Livre des dépenses (OCBC, Œuvres, t. VII, sous ce nom). BC a passé devant lui le contrat pour l’achat de sa maison 24, rue Saint-André-des-Arts. Alexandre-Charles-Omer Rousselin de Corbeau de Saint-Albin (1773–1847), ami de BC, collaborateur de la Minerve française. Non identifié. M. de Parnat est mentionné cinq fois dans le Carnet. La lettre à St. Albin est conservée, mais pas localisée. Voir J.-D. Candaux, «Revue des autographes», p. 36. Sans doute Alexandre Walker, le traducteur d’Adolphe. Il revient une seconde fois dans ce Carnet. Voir ci-dessous, p. 476. Non identifié. Ce nom apparaît encore une fois ci-dessous, p. 474. James Mackintosh (1765–1832), ami de BC qu’il a connu à Edimbourg. Il est à Paris au mois de septembre 1824 (voir OCBC, Œuvres, t. VII, p. 461). BC cite littéralement la traduction de Larcher, avec une petite coupure insignifiante (Histoire d’Hérodote, t. I, p. 75).

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Carnet de notes – septembre 1824

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Herder, Persepolitanische Briefe1, Dans le 1er vol. de ses œuvres p. 3 & suivans

* Alexandre, dès qu’il eut passé l’Euphrate, offrit des sacrifices au soleil à la lune & à la terre (Arrien, III. 7.) & en Hyrcanie, il en offrit aux Dieux du pays d’après les rites du pays. ib. III. 252.

fo 5ro

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La langue Perse fut introduite par Cyrus lors de sa conquête de la Médie, & le Pehlvi3 la langue en usage sous les Rois Mèdes fut supplantée. 10

consulter Mosheim & Tillemont4.

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BC ne possédait pas cet écrit (en tout cas, il n’est pas répertorie´ dans le Catalogue) qui avait paru, par les soins de Johannes von Müller, dans Johann Gottfried von Herder’s sämmtliche Werke, [zweite Abteilung :] Zur Philosophie und Geschichte, Erster Theil : Die Vorwelt, herausgegeben durch Johann von Müller, Tübingen : in der Cotta’schen Buchhandlung, 1805, pp. 111–312. Ces lettres, adressées aux érudits les plus connus de son temps (Niebuhr, Tychsen, Heyne, Heeren, etc.), parlent des découvertes faites à Persépolis, importantes aussi pour les religions. La page indiquée par BC n’est pas la bonne. L’erreur s’explique peut-être par une faute de lecture ; le chiffre 111 peut être pris pour le chiffre romain III en consultant la table des matières. BC fait référence à deux passages de Flave Arrien, Histoire des expéditions d’Alexandre. Le premier épisode se lit dans le livre III, chap. 4, § 2. Le second (livre III, chap. 8, § 3) se déroule à Zadrakarte, chef-lieu de l’Hyrcanie, où Alexandre s’arrête quinze jours «qu’il emploie aux sacrifices, aux jeux gymnastiques». Flave ne dit rien sur «les rites du pays». La note de BC ne s’accorde pas avec les connaissances modernes. Chez les historiens modernes, le pehlvi est la langue qui se répand avec les rois Achéménides, dont Cyrus. L’état précédent, l’ancien Perse, dont le Mède, disparaît avec l’avènement de cette dynastie. Voir ci-dessous, p. 537, n. 4. BC se propose de lire Johann Lorenz von Mosheim, De rebus christianorum. De même l’ouvrage monumental de S. Le Nain de Tillemont, Histoire des Empereurs, et d’autres princes qui ont régné durant les six premiers siècles de l’E´glise, de leurs guerres contre les Juifs, des écrivains profanes et des personnes les plus illustres de leur temps, Paris : C. Robustel, 1720–1738, 6 vol. (première édition, chez le même éditeur, depuis 1697 ; l’édition vénitienne revue, chez Bizaut, entre 1732 et 1739) ; ou l’autre ouvrage non moins monumental Mémoires pour servir à l’histoire ecclésiastique des six premiers siècles, justifiés par des citations d’auteurs originaux avec une chronologie où l’on a fait un abrégé de l’histoire ecclésiastique et avec des notes pour éclaircir des faits et la chronologie, Paris : Robustel, 1693 (édition vénétienne : Pitteri, 1732, 15 vol.). Ces ouvrages donnent dans les marges d’innombrables sources d’auteurs anciens et ajoutent, à la fin des volumes, des notes érudites et un index des noms propres fort bien rédigé. Ils appartiennent sans doute aux sources où BC puise ses informations.

458

De la Religion, I – Textes complémentaires

* voir sur les enfers des anciens Bayle réponse aux questions d’un provincial1.

Origène Livre VIII sur la desertion des soldats. reproches faits aux chrétiens de leur éloignement des affaires, de leurs provocations à la désertion. Gibb., III. 80 & suiv2.

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* Transactions of the litterary Society of Bombay vol. II. a paper on the caves by W. Erskine3. Silvestre de Sacy, Journal des Savans4. 10

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BC pense probablement au chapitre LXXXVII de la seconde partie de la Réponse aux questions d’un provincial, où ce sujet est abordé, mais surtout dans une optique chrétienne. Voir Œuvres diverses de M r Pierre Bayle, [...], Tome troisième, Seconde partie, La Haye : P. Husson [et al.], 1727, pp. 671–674. BC fait référence à la note de Guizot apposée à la n. 2 de Gibbon, où celui-ci cite Tertullien, De corona militis, chap. 11, pour soutenir que Tertullien suggère aux chrétiens la désertion. Guizot corrige dans sa note la thèse de Gibbon, tout en admettant qu’on trouve chez Origène, Contra Celsum (I.VIII), une suggestion pareille. Les reproches qu’on fait aux chrétiens et dont parle BC dans l’autre phrase de sa note proviennent du texte de Gibbon. Voir le chapitre XVI, «Conduite du gouvernement romain envers les chrétiens, depuis le règne de Néron jusqu’à celui de Constantin» dans l’ouvrage Histoire du déclin et de la chute de l’empire romain, traduction de Guizot, Paris : Lefèvre, 1819, t. III, à la page indiquée par BC. C’est cette édition qu’il a utilisée. (Dans l’édition de Paris : Robert Laffont, 1987, le passage en cause se trouve dans le t. I, p. 415). Le renvoi donné par BC est faux. C’est dans le t. I du périodique que se trouve l’article de William Erskine, «Account of the Cave-Temple of Elephante, with a Plan and Drawings of the Principal Figures», Transactions of the Literary Society of Bombay, London : printed for Longman, Hurst, Rees, Orme and Brown, Paternoster Row ; and John Murray, Albermarle Street, 1819, t. I, pp. 198–250. Le t. II contient, ce qui explique peut-être l’erreur, un autre article de F. Dangerfield, «Some Account of the Caves Near Baug Called the Panch Pandoo» (1820, pp. 194–201), avec une note signée par Erskine (pp. 201–202) et encore une lettre de Dangerfield à J. Malcolm (pp. 202–204) qui fournit des informations complémentaires. Silvestre de Sacy (1758–1838) écrit régulièrement dans le Journal des savans des articles et comptes rendus très fouillés d’ouvrages érudits, notamment sur des livres concernant sa spécialité, les études arabes. Il est impossible de savoir ce que BC veut consulter en particulier. S’il s’agit ici d’un numéro de l’année 1824 de ce périodique, il est possible qu’il pense au compte rendu de l’ouvrage de Jean-Antoine Letronne, «Observations critiques et archéologiques sur l’objet des représentations zodiacales qui nous restent de l’antiquité, à l’occasion d’un zodiaque égyptien peint dans une caisse de momie qui porte une inscription grecque du temps de Trajan : par M. Letronne, membre de l’Institut (Académie royale des inscriptions et belles-lettres), &c. ; lues à l’Académie dans les séances des 16 et 30 janvier 1824. Paris, 1824» (Journal des savans, juillet 1824, pp. 398–406). Une autre possibilité serait que BC note ici le c. r. de James Mill, The History of British India, London : Baldwin, Cradock and Joy, 1817, 3 vol., publié par de Sacy en mars 1819 dans le même journal.

Carnet de notes – septembre 1824

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Les peuples les plus anciens sont précisément ceux que nous rencontrons le plus tard dans notre histoire religieuse, parce que plus un peuple est ancien, plus nous le connoissons à une époque avancée de la civilisation, & plus nous ignorons les époques précédentes. 5

fo 5vo

Il est essentiel de prouver dans le 3e livre que les Grecs n’ont pas adoré les astres. Repert. 6931

Culte des dieux fétiches. Trad. allem2. Fétichistes qui ont peur de voir leurs fétiches3. p. 13. idée naturelle au sentiment religieux. Dieux voilés. arche donnant la mort quand on la touche4. Moyens que les peuples enfans prennent pour savoir à quelle Divinité ils doivent vouer leurs enfans5. p. 31. Puissance des Prêtres de Juidah6. p. 30 & antérieures 1

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Le Repertory est un grand manuscrit (BCU, Co 3245) qui contient des notes numérotées dont BC se sert pour son travail de rédaction. Il est mentionné à plusieurs reprises dans ce Carnet. La note citée ici parle d’un «passage très remarquable d’Aristophane, et qui n’a pas encore été remarqué, que je sache». Suit alors le résume´ d’une scène de La paix (acte II, scène 3) que BC reproduira en 1824 dans une note attachée au chap. premier du livre V (OCBC, Œuvres, t. XVIII, n. c, pp. 205–206) pour prouver la thèse exprimée dans la note ci-dessus ; il ne reproduit pas la dernière phrase de la note du Repertory qui contient son commentaire : «Voilà la différence du Culte grec et de l’astrologie bien clairement exprimée». [Charles de Brosses], Du culte des dieux fétiches. BC possède la traduction de l’ouvrage de Charles de Brosses : Über den Dienst der Fetischengötter, oder Vergleichung der alten Religion Egyptens mit der heutigen Religion Nigritiens. Aus dem Französischen übersetzt. Mit einem Einleitungsversuch über Aberglauben, Zauberey und Abgötterey ; und anderen Zusätzen, Berlin et Stralsund : Gottlieb August Lange, 1785. La traduction est due à Hermann Andreas Pistorius. BC renvoie à la traduction de la phrase suivante : «Il y en a parmi eux qui par respect & par crainte s’abstiennent de voir jamais leurs Fétiches» (de Brosses, Du culte des dieux fétiches, p. 21). Commentaire de BC sur ce qu’il cite au début. La dernière phrase évoque un exemple de l’Ancien Testament (II Sm 6,6–7 et I Chron 13,7–10) que BC utilise à plusieurs reprises. Il s’agit de Oza (Ouzza en français) qui tombe mort iuxta arcam lorsqu’il la touche involontairement avec sa main. Voir OCBC, Œuvres, t. XI, p. 106, n. 2 et t. XVIII, p. 103. Voir C. de Brosses, Du culte des dieux fétiches, pp. 46–47, où l’auteur raconte de quelle manière on peut découvrir le ou les dieu(x) protecteur(s) d’un nouveau-né. BC renvoie à un passage assez développé (C. de Brosses, Du culte des dieux fétiches, pp. 38–44) qui expose des détails sur la caste des prêtres et des prêtresses de cette région africaine. «Le grand Sacerdoce donne un pouvoir presque égal à l’autorité Royale, dans l’opinion où l’on est que le Pontife converse familièrement avec le grand Fétiche. Cette dignité est héréditaire dans la même famille» (p. 38).

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De la Religion, I – Textes complémentaires

Fétichistes, adorent beaucoup plus leurs fétiches que le grand Esprit. erreur. prêtres. circonstances accidentelles qui donnent aux prêtres un grand pouvoir. bataille de Juidah1. 20. Etat sauvage des Egyptiens. 48–52 Egyptiens antropophages2. 48. Enumération des fétiches provinciaux des Egyptiens3. 58. Moyse distingue parfaitement les 3 objets du culte des Egyptiens 1o les idoles ; 2o les animaux quadrupèdes, oiseaux, serpens & poissons. 3o. les astres4. 70. fétiches enterrés avec leurs adorateurs. 72. Idem en Egypte5. 72. fétichisme chez les Arabes6. 81 Bétyles, pierres animées ou plutôt pierres frottées de graisse7. 84. Détails curieux sur l’adoration de la pierre Béthel par Jacob. bon pour les juifs8. 99. les Hébreux l’abolissent9. 100. adoration des pierres meme du tems d’Abraham (d’Arnobe) & par lui10. 102. La religion Persane moins empreinte de fétichisme qu’aucune autre11. 109–

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Se rapporte à la relation de de Brosses qui résume des ouvrages d’Atkins, de Bosman et de Desmarchais (Du culte des dieux fétiches, pp. 27–32). BC renvoie à la traduction de la section II de de Brosses : «Fétichisme des anciens peuples comparé à celui des modernes», où est cité un long passage de Diodore (Du culte des dieux fétiches, pp. 66–74). C’est Ménès qui mit fin à l’anthropophagie. Voir C. de Brosses, Du culte des dieux fétiches, pp. 81–85. Renvoi à la traduction de ce passage : «Il distingue nettement les trois genres de culte dont l’Egyptianisme était mélangé ; savoir les idoles, les animaux quadrupèdes, oiseaux, reptiles, poissons, & les astres» (Du culte des dieux fétiches, p. 97). C. de Brosses, Du culte des dieux fétiches, p. 99 : «La coutume parmi les Nègres est de mettre dans la sépulture d’un homme le Fétiche qu’il a le plus révéré. On trouve de même avec les Momies dans les tombeaux Egyptiens, des chats, des oiseaux, ou d’autres squelettes d’animaux embaumés avec autant de soin que les cadavres humains». C. de Brosses, Du culte des dieux fétiches, pp. 110–112. C. de Brosses, Du culte des dieux fétiches, p. 116, la fin d’une citation tirée de Sanchoniathon, écrivain phénicien cité par Eusèbe : «Ouranos trouva les Boetyles & a fabriqué les pierres animées, ou plutot, selon la juste correction de Bochart, les pierres graissées, lapides unctos». C. de Brosses, Du culte des dieux fétiches, p. 135, qui commente un passage de l’Ancien Testament (Gen 21, 33). ` savoir le culte de la pierre Béthel (Du culte des dieux fétiches, p. 136). A C. de Brosses, Du culte des dieux fétiches, pp. 138–139, donne effectivement le nom d’Arnobe. BC rectifie cette indication en proposant le nom d’Abraham. Se rapporte à la phrase suivante : «car toute sa [= de Zerdusht] législation paroit très éloignée du Fétichisme» (Du culte des dieux fétiches, p. 147).

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Carnet de notes – septembre 1824

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110. parceque refondue par Zoroastre à une époque rafinée. Ancienne religion de la Grèce1. 111–112 Dieux des Grecs anonymes, suivant Hérodote2. preuve de l’état sauvage des Grecs. car fétiches anonymes. (Les fétiches n’ont d’ordinaire point de noms particuliers. Chaque adorateur, ayant son idole, n’a pas besoin pour elle d’une appellation distinctive. Ce n’est qu’aprés la réunion des Dieux en un corps que des noms propres deviennent nécessaires, pour différencier chacun d’eux. il parait d’ailleurs qu’il y [a] dans le sentiment religieux quelque forme qu’il prenne, une disposition a ne pas désigner directement l’objet adoré. En Sibérie, les adorateurs des ours n’osent pas nommer les ours (Georgi3 Beschr. Russl. p. 21.) & les habitans de Sumatra, dont les fétiches sont des crocodiles, ne les appellent jamais par leurs noms. (Marsden, hist.

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Cette note et les suivantes se rapportent à C. de Brosses, Du culte des dieux fétiches, pp. 149–158. Tout ce qui est dit entre parenthèses est un commentaire de BC qui développe les raisons de l’anonymat des fétiches dont parle de Brosses en introduisant encore d’autres références : Johann Gottlieb Georgi, Geographisch-physikalische und naturhistorische Beschreibung des Russischen Reichs zur Übersicht bisheriger Kenntnisse von demselben, Königsberg : Friedrich Nicolovius, 1797–1800, William Marsden, The History of Sumatra, containing an Account of the Government, Laws, Customs and Manners of the native Inhabitants, with a Description of the natural Productions and a Relation of the ancient political State of that Island, London : Longman, Hurst, Rees, Orme, and Brown, 31811, et C. Meiners, Allgemeine kritische Geschichte. Avec Eusèbe, BC revient au texte de de Brosses. L’anecdote sur Helenus est rapportée chez de Brosses qui cite la même source, Du culte des dieux fétiches, p. 155 ; il emploie l’expression «son Fétiche favori». Pour ce qui est des pierres informes adorées par les Grecs, de Brosses, pp. 157–158 : «Aussi Pausanias continue-t-il de nous apprendre, que, quoiqu’on eût érigé des statues aux Dieux, les pierres brutes qui en portoient les noms ne restèrent pas moins en possession du vieux respect dû à leur antiquité ; tellement, dit-il, que les plus grossières sont les plus respectables, comme étant les plus anciennes». Hérodote ne dit jamais explicitement que, dans les premiers temps, les dieux de la Grèce n’avaient pas de nom. Mais de Brosses (ou BC) peuvent penser à deux passages du livre II : P.-H. Larcher, Histoire d’Hérodote, au chap. L, p. 44, et chap. LIII, pp. 46–47 : «Ils ne parvinrent ensuite à connoître que fort tard les noms des Dieux, lorsqu’on les eut apportés d’E´gypte». Il est impossible de savoir quelle édition de l’ouvrage de Georgi BC a consultée. Les deux éditions que nous avons vues sont identiques en ce qui concerne le texte. Celle de St. Petersburg contient de magnifiques illustrations en couleurs. Voir Johann Gottlieb Georgi, Beschreibung aller Nationen des Rußischen Reichs, ihrer Lebensart, Religion, Gebräuche, Wohnungen, Kleidungen und der übrigen Merkwürdigkeiten, St. Petersburg : Carl Wilhelm Müller, 1776–1780, 4 vol., ou Rußland. Beschreibung aller Nationen des rußischen Reiches, ihrer Lebensart, Religion, Gebräuche, Wohnungen, Kleidungen und übrigen Merkwürdigkeiten, Leipzig : im Verlage der Dykischen Buchhandlung, 1783, 2 vol. Georgi parle en effet de l’ours à la p. 21 mais la crainte de le nommer est rapportée p. 57 comme une particularité des Wotjakes, une peuplade de la Finlande russe.

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De la Religion, I – Textes complémentaires

of Sumatra 225.) Mein, C. G. I.100, ou 1901.) 113 Eusèbe prétend que les Grecs avant Cadmus n’avoient aucune idée de ce que c’étoient que des Dieux. Les devots ont toujours peint comme athées ceux qui n’ont pas la même foi qu’eux. par le motif oppose les incrédules de même. 113. Hélénus portoit avec lui une pierre miraculeuse. Orph. de lapid2. c’étoit un talisman. Debrosses l’appelle un fétiche. abus d’expression. 115. Pierres adorées en Grèce come des Dieux. les plus informes les plus respectées, parce que réputées les plus anciennes3. (Pausan.) 117.

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Voir pour la tradition sur le peuple primitif dans le Dabistan, les notes de Langlès sur les essais de Jones Recherches asiat. Trad. francaise I. Görres, 1. 40–414.

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BC copie d’anciennes notes qu’il a prises lors de ses lectures, comme le prouve l’hésitation entre une p. 100 ou une p. 190 de l’ouvrage de C. Meiners, Allgemeine kritische Geschichte (chez BC toujours : C. G.). En fait, il s’agit de la p. 190 du premier volume, où Meiners parle des habitants de Sumatra dont il dit : «[Sie] ehren vorzüglich die Krokodile und Alligators, die Tiger und Hayfische. Man wagt nicht, diese Ungeheuer bey ihrem Namen zu nennen, sondern nennt sie Großväter oder alte Leute». (Ils vénèrent tout particulièrement les crocodiles et les alligators, les tigres et les requins. Comme on n’ose pas appeler les monstres par leur nom, on les désigne par les termes «grand-père» ou «anciens»). C’est chez Meiners que BC a trouvé la référence à W. Marsden, The History of Sumatra. Meiners cite l’édition de 1783 et renvoie à la p. 255 (BC écrit bien 225, autre preuve qu’il recopie une fiche). Dans la 3e éd. de 1811, le passage en cause se trouve pp. 292–293. Renvoi à Pseudo-Orphée, ΠεριÁ λιθω Ä ν, De Lapidibus poema Orpheo a quibusdam adscriptum, græce et latine, de editione Jo. Matthiæ Gesneri, recensuit notasque adjecit Thomas Tyrwhitt, simul prodit auctarium dissertationis de Babrio, Londoni : typis J. Nichols, 1781. Pausanias, ou voyage historique, pittoresque et philosophique de la Grèce, traduit du grec en français par M. l’abbé Gedoyn, [...], nouvelle édition, revue et corrigée d’après le texte original et les meilleurs commentateurs ; augmentée du Voyage autour du monde par Seylax, traduit du grec en français, par J. Ch. Poncelin et enrichie de notes [...] du chevalier Follart. [...], Paris : Deborde, 1797. Renvoi à la fois à ses «Notes de lecture» (BCU, Co 3293, no 34) et à J. Görres, Mythengeschichte der asiatischen Welt, où Görres parle, à la page indiquée, de la tradition en cause : «Die Secte der Sepacy, die Anhänger des altes Gesetzes, gegründet auf ein von Gott selbst dem Mahabad offenbartes Buch in Himmelssprache, arabisch decatyr genannt, von Zoroaster verdrängt und später sich nach Indien flüchtend, hat diese Tradition aufbewahrt, und Mahommed Mohsen al Fani hat in seinem Dabistan sie gesammelt.» (La secte des Sepacy, partisane de l’ancienne loi, a perpétué cette tradition. Mahommed Mohsen al Fani l’a consignée dans son Dabistan. Révélée à Mahabad par Dieu lui-même dans un livre en langage céleste, nommé decatyr en arabe, elle a été rejetée par Zoroastre, avant de trouver refuge en Inde.) Dans une note accrochée à cette phrase, Görres cite les remarques ajoutées par Langlès au texte de William Jones dans le t. I des Asiatic Researches. Bel exemple de la façon de travailler de BC.

Carnet de notes – septembre 1824 fo 7ro

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Il résulte de l’existence & de la destruction d’une religion Sacerdotale en Grèce, antérieurement au polythéisme Homérique, & de la part que les premières colonies prirent à la formation du Polythéisme, que ces deux causes doivent être considérées plutôt comme ayant déposé dans l’esprit des Grecs certains souvenirs, certaines notions vagues que comme ayant influé d’une manière marquée sur la Culte national. Mais par cela même il dut arriver que les pratiques & les opinions Sacerdotales ne parurent point aux Grecs des choses complettement nouvelles, lorsqu’elles pénétrent chez eux par leurs communications avec les barbares. à placer dans le livre 3.

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Esprit sauvage des Samoyèdes. «lorsque le hazard ou la beauté du sol rapproche quelques cabanes, l’amour de la solitude & le gout de l’isolement éloignent ceux qui les habitent. Ils ne se témoignent ni amitié ni haine ; lorsqu’ils se rencontrent, ils prennent des circuits pour s’éviter.» 15

fo 7vo

Voir sur l’impureté des désirs Wagner 1921

Les Samoyèdes reconnaissent un Dieu tellement bon qu’il est inutile de le prier, & tellement au dessus des hommes que leurs prières ne sauroient arriver jusqu’à lui. Toutes leurs prières s’adressent à un autre Dieux subordonné au 1er, mais enclin a` faire du mal.

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On met auprès des morts chez les Samoyèdes une pièce de monnoye un arc & des flèches. 25

Les Dieux des Ostiaques sont divisés en Dieux nationaux & en Dieux de famille. Les uns & les autres sont des idoles de bois. Les premières sont de la main des Prêtres : les 2des sont faites par les pères de famille.

1

Dans le chapitre où Wagner parle de la mythologie du Tibet, il résume l’histoire de la naissance du genre humain. Celle-ci développe en effet une naissance graduelle du désir sexuel, suggéré aux hommes par les singes, incarnation des dieux Prasrinpo et Prasrinmo. J. J. Wagner, Ideen zu einer allgemeinen Mythologie, pp. 191–193.

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De la Religion, I – Textes complémentaires

* Les écrivains qu’un siècle regarde comme impies, le siècle suivant les regarde comme religieux. On cite aujourd’hui Montesquieu en faveur du Christianisme.

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* Les feux de la St Jean un reste de l’adoration du feu.

5

à faire demain 4 8bre à Paris * Méchin1 & Varaigne pour [...] Constant2, Aumont – Bossange. – Cazin3 – renvoyer à Varaigne la feuille imprimée. 10

fo 8vo

La plupart des calamités humaines viennent de l’ignorance de la loi de progression qui gouverne la nature. On prend sans cesse l’instrument pour le moteur. Se précipiter paraît conduire & descendre emporté par l’irrésistible cours du fleuve, passe aux yeux des spectateurs trompés pour la navigation triomphante d’un pilote habile. ... La part des homes dans les révolutions de l’espèce est immense sans doute, si on les considère comme instrumens : elle est nulle, si on les considère comme volonté : c’est à dire qu’ils ne peuvent vouloir que ce qu’ils veulent, d’après l’impulsion des idées du siècle. Aucun homme n’a pu faire que ce qu’il a fait, & ce qu’un homme a fait, s’il ne l’eut pas effectué, l’eut été indubitablement par un autre. ... Le souffle qui, en ébranlant l’arbre, en fait tomber le fruit parvenu à sa maturité, est bien la cause immédiate de sa chute. mais la cause réelle c’est le tems, c’est le soleil qui l’ont fait mûrir, & une pierre lancée contre 9 pour ... Constant ] lecture incertaine ; entre ces mots encore deux mots biffés, illis. lecture incertaine

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2 3

Cazin ]

Il s’agit d’Alexandre-Edme, baron Méchin (1762–1849). BC a fait sa connaissance en 1795 probablement, comme il ressort de ses Mémoires inédits dictés à Coulmann en 1828. Il le fréquente en 1824 et 1825, comme on peut le voir ici. Nous ignorons tout sur la nature de cette relation mais savons que le nom de Méchin figure sur la liste des «Personnes à inviter à mes soirées» (Registre universel, fo 27vo). Probablement Jean-Victor de Constant. BC note qu’il doit lui écrire, comme il dit l’avoir fait dans sa lettre à Rosalie du 9 décembre 1824. Voir ci-dessous, p. 495, n. 2. Cazin, nommé une cinquantaine de fois dans ce Carnet, apparaît deux fois, à partir du mois d’août 1824, dans le Livre des dépenses de BC (voir OCBC, Œuvres, t. VII, pp. 461 et 493). Il n’est pas identifié. Il pourrait s’agir d’un homme d’affaires ou, peut-être, d’un libraire ; car on connaît Hubert-Martin Cazin (1724–1795), célèbre libraire-éditeur. Le Cazin nommé ici serait donc, si l’hypothèse est exacte, un descendant ou un parent de cet homme.

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20

466

De la Religion, I – Textes complémentaires

l’arbre, le pied du voyageur heurtant sa racine, tout, puisque le fruit étoit mur, l’aurait fait tomber. ...

* rappeler à M Aumont qu’il a les deux quittances de la caisse des consignations, les seules qu’il y ait.

fo 9ro

* Il ne faut prendre les révélations ni à la lettre, ni allégoriquement, mais comme un sentiment jeté par la Divinité dans l’ame de l’homme, & qu’il est ensuite laissé à l’homme de travailler de faconner à sa guise. c’est une lumière, un éclair qui vient d’en haut mais qui n’empêche que les ténébres ne regnent après une interruption rapide & que dans ces ténébres le voyageur ne fasse des faux pas. C’est parce qu’on a cru que la Divinité dirigeait l’homme qu’on s’est vu obligé de justifier mille visions & de sanctifier mille erreurs. Si l’on avait reconnu que Dieux ne fesoit que l’éclairer en le laissant libre d’user de ses lumières, d’en abuser, de les étouffer, on ne se seroit pas trouvé réduit à des apologies qui fesoient la condamnation des Religions qu’on justifioit ainsi.

Revoir dans Staüdlin, 1er vol. p. 330 le morceau sur l’inspiration universelle d’Isaye1 & 332.

Tous les hommes qui se vouent à la recherche de la vérité, ont, suivant Clément d’Alexandrie, quelque chose de divin. Le logos a parlé par Moyse, 1

Carl Friedrich Stäudlin, Geschichte der Sittenlehre Jesu, Göttingen : im Vandenhoe[c]kund Ruprechtschen Verlage, 1799–1802, 2 vol. On trouve dans le t. I, à la page indiquée, cette remarque qui ne se rapporte pas à Isaïe mais à Joël (les réflexions sur l’inspiration universelle annoncée par Isaïe se trouvent dans le même contexte à partir de la p. 329) : «Am merkwürdigsten aber ist es, daß Joel [...] seinem Vaterlande eine Zukunft verspricht, wo der Geist Gottes nicht mehr blos Propheten und Priestern, sondern allem Israeliten von jedem Alter, Stande und Geschlechte werde mitgetheilt werden, wo also keine besondere Priester und Propheten mehr werden erforderlich seyn». (Le plus étrange cependant est que Joël ait prédit l’avenir de sa patrie alors même que l’esprit divin ne serait plus dorénavant transmis exclusivement aux prêtres et aux prophètes, mais à tous les israélites, quels que soient leur âge, leur statut ou leur sexe, rendant ainsi inutile l’entremise des prêtres et des ` la page 332, Stäudlin cite un passage du prophète Jérémie (31.31 à 33.9) qui prophètes.) A exprime le même idéal d’une manière encore plus pure («fast noch reiner und edler dargestellt»). BC copie dans son carnet la note no 19 de ses extraits de Stäudlin (BCU, Co 3293).

5

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467

Carnet de notes – octobre 1824

& par les prophêtes, il a parlé par les philosophes Grecs, il a enfin & plus clairement parlé par J. Ch. Staüdlin vol. II. p. 1751.

fo 9vo

Un avantage dont il faudra parle[r] c’est qu’en prouvant qu’en fait de religion l’homme va toujours accéder à une plus épurée, nous détruisons l’hypothèse d’un flux & reflux perpétuel du Polythéisme au théisme & du théisme au Polythéisme, idée affligeante comme montrant l’homme parcourant un cercle & ne se perfectionnant jamais. * Mémoires sur les Mœurs des siècles héroïques. Ac. Inscr.

IX2.

5

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* aller d’ivry chez Aumont, & de là chez Mde Jansenne3. * Les Chiquites en Paraguay détruisirent une fois tous leurs Prêtres en disant qu’ils fesoient plus de bien que de mal. Impat[ience] contre les prêtres. Lettres Edif. [VIII] 339–345. nouvelle édition4. Les Calmoucs & les 5 accéder ] lecture incertaine 1

2

3 4

C. F. Stäudlin, Geschichte der Sittenlehre Jesu, t. II, p. 175, où l’on lit, dans le chapitre consacré à Clément d’Alexandrie, ces phrases : «Jedem Menschen, am meisten denjenigen, welche sich mit den Wissenschaften beschäftigen, war seiner Vorstellung nach etwas Göttliches eingeflößt. Der Logos war ihm der Lehrer aller vernünftigen Geschöpfe. Er lehrte durch Moses und die Propheten, durch die griechische Weltweise am meisten aber durch Jesum». (Tout homme, à plus forte raison celui qui s’intéressait aux sciences, était selon lui influencé par quelque chose de divin. Le logos était le guide de toute créature, il enseignait par Moïse et les prophètes, par les philosophes grecs, mais surtout par Jésus.) BC les traduit presque littéralement. Le même passage se retrouve dans les extraits (BCU, Co 3293) sous le no 124. BC l’a recopié ici. BC se trompe car il n’y a pas d’étude dans ce t. IX dont le titre corresponde approximativement à cette note. Par contre, on trouve dans le t. XXXVI, 1774, pp. 396–481, une étude en trois parties intitulée «Mémoires sur les mœurs des siècles héroïques» de l’helléniste Guillaume Dubois de Rochefort (1731–1788), qui est probablement le texte que BC se propose de lire. Les Mémoires ont été présentés en 1768 et 1769. Non identifiée. Il y a une faute de copie dans le texte. Nous devons lire «plus de mal que de bien», comme il ressort du livre III, chap. 3 de De la Religion, où cette note a été utilisée (voir OCBC, Œuvres, t. XVIII, p. 62). BC a lu : «E´tat des missions des Pères Jésuites de la Province du Paraguay, parmi les Indiens de l’Amérique méridionale appelés Chiquites, & celles qu’ils ont établis sur les rivières du Parana & Uruguay dans le même continent. Tiré d’un Mémoire Espagnol envoyé à Sa Majesté Catholique par le père François Burges, de la Compagnie de Jésus, Procureur Général de la Province de Paraguay», Lettres édifiantes, nouvelle édition, t. VIII, 1781, pp. 337–373. La remarque de BC se rapporte à la phrase suivante : «Ainsi ils vivent comme des bêtes, sans nulle connoissance d’une autre vie, n’ayant

15

468

De la Religion, I – Textes complémentaires

Lappons ont la même opinion sur leurs Schammans. Pall. Voy. [Geo]rgi Beschr. I 32. Hœgstrœm p. 153. [...]tte.

fo 10ro

I

3591

* Ce qu’il y a de plus grossier chez les sauvages se retrouve chez les peuples barbares. nous apercevons des vestiges de la pratique de punir les fétiches dans [Théo]crite. «si tu m’accordes», dit-il au Dieux Pan, «la faveur que je te demande, puissent les enfans de l’Arcadie ne plus te déchirer les flancs & le dos à coups de squille[s].» Idyll. II. 1064. & l’auteur de la Théogonie indique come punition des D[ieu]x q[u]i manquent à leurs ser-

2 [...]tte. ] lecture incertaine ; perte de quelques lettres à cause d’une déchirure ... [la profana]tion ] restitutions hypothétiques

1

2

3

4

9 D[ieu]x

d’autre Dieu que leur ventre, & bornant toute leur félicité aux satisfactions de la vie présente. C’est ce qui les a portés à détruire tout-à-fait les Sorciers qu’ils regardoient comme les plus grands ennemis de la vie, & même à présent il suffiroit qu’un homme eût rêvé en dormant que son voisin est sorcier, pour qu’il se portât à lui ôter la vie, s’il le pouvoit» (p. 345). Dans ce qui précède, il est question de ce que les Chiquites tuent les femmes qu’ils soupçonnent d’être la cause d’un malheur ou d’une maladie. P. S. Pallas, Reise durch verschiedene Provinzen des rußischen Reichs. BC a lu l’édition allemande de l’ouvrage. La traduction française du passage indiqué est la suivante : «Les Kalmouks ont aussi des magiciens ou schamanes. Il ne faut cependant pas les classer avec les ecclésiastiques ou personnes religieuses, puisqu’ils sont méprisés ; on les punit même quand on les surprend dans l’exercice de leur art illicite» (Voyages du professeur Pallas, dans plusieurs provinces de l’Empire de Russie et dans l’Asie septentrionale, traduits de l’allemand par le C. Gauthier de la Peyronie, nouvelle édition, Paris : Maradan, an II, t. II, p. 239). ` la p. 377, on Johann Gottlieb Georgi, Beschreibung aller Nationen des Rußischen Reichs. A trouve la phrase suivante : «Weil die Priester allein im Besitz der Lehre sind, so werden sie als Mittler zwischen dem Volke und den Göttern, die die letztern zu versöhnen wissen, gefürchtet und geehrt, aber auch wegen des beschuldigten Mißbrauches ihres Amtes nicht selten gehasset.» (Les prêtres, parce que seuls dépositaires de la doctrine, médiateurs entre le peuple et les dieux et sachant amadouer ces derniers, sont craints, vénérés mais parfois aussi détestés en raison de l’usage abusif qu’ils font de leur position.) Ou, à la p. 386, on lit : «Gescholtene Götzen im Schamanischen Heidentum werden auf die Erde geworfen oder ertränkt, verprügelt.» (En guise de réprimande, des idoles du paganisme chamane ont été jetées à terre, noyées ou encore rouées de coups.) Bien que la référence donnée par BC soit fausse, nous supposons qu’il a consulté ce magnifique ouvrage ethnographique, qui donne aussi des planches en couleurs représentant des chamans (planches 59, 63, 68 et 86). Pehr Högström, Beschreibung des der Crone Schwedens gehörigen Lapplandes. Il est difficile de savoir comment BC a obtenu ce renseignement. L’ouvrage de Hœgstrœm ne contient rien de ce genre. Il raconte par contre comment un Lapon détruit un fétiche impuissant (pp. 217–218, note). BC cite les vers 106 et 107 de l’idylle Les Thalysies. Voir Bucoliques Grecs, t. I : Théocrite,

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Carnet de notes – octobre 1824

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mens [la profana]tion de leurs temples, de leurs autels & de leurs statues1. (Hés. Théog. 793 & suiv.) On voit cette opinion s’affirmer progressivement. «Je me vengerois de toi,» dit Achille, «si j’en avois la force.» Il2.

* rechercher dans Görres, I. 261 des détails sur la pierre précieuse appelée Tetya ou Tutya dont je parle dans le 1er ch. du livre 33.

* Voir dans les Mém. de l’ac. des Insc. XXIV. 359–360, si c’est bien des Indiens qu’il est parlé comme ayant fai[t co]nnoître aux Gaulois l’usage des sta[tues] comme je le dis liv. 3. ch. 1. [...]4

fo 10vo

* voir pour mon ouvrage sur la religion Filangieri. II. 3385.

10 1. [...] ] 1. un mot emporté par la perte de papier

1

2 3

4

5

texte établi et traduit par Philippe-Ernest Legrand, 4e édition revue et corrigée, Paris : Les Belles Lettres, 1953, pp. 12–13. ` l’endroit indiqué, le poète parle Le renvoi à la Théogonie d’Hésiode est approximatif. A bien de la punition des dieux parjures. Rappelons que le texte que nous proposons est en partie hypothétique, à cause des pertes de mots ou de parties de mots. Hésiode ne parle pas de la profanation des temples ou des statues. Le dieu parjure est puni d’une suspension du service d’un an et d’un exil de neuf ans durant lequel il est exclu de la communauté des dieux et de leurs festins. Il ne retourne que dix ans plus tard dans la communauté olympienne. Voir Théogonie, vv. 793–806. Le mot d’Achille semble faire allusion à un passage de l’Iliade (I, 292–303) où le héros rêve de se venger d’une injure d’Agamemnon. BC avait noté ceci dans ses «Notes de lecture» (BCU, Co 3293, Görres, no 139) : «Lors de la destruction de Persépolis par les Mahométans, on trouva dans les fondemens d’un des principaux temples de cette ville une pierre précieuse des Indes nommée Tutya, sans savoir coment elle y était venue. 261» et dans la marge «empl. 1825». Cette note résume une phrase de Görres (à la page indiquée) ; elle revient littéralement dans De la Religion, livre III, chap. 3, n. a (OCBC, Œuvres, t. XVIII, p. 67). BC veut relire l’étude de l’abbé Fenel, «Plan systématique de la religion & des dogmes des anciens Gaulois, avec des réflexions sur le changement de religion arrivé dans les Gaules, & ensuite dans la Germanie, entre le temps de Jules César & celui de Tacite», Mémoires de Littérature tirez des Registres de l’Académie Royale des Inscriptions et Belles Lettres, ` l’endroit indiqué ici, il n’est pas question des Indiens. La t. XXIV, 1756, pp. 345–388. A recherche relative à ce détail sera achevée le 3 février 1825. Voir ci-dessous, p. 506. Le chapitre 7 du livre III deviendra dans l’édition le chapitre 2 du livre IX (voir le passage en cause dans De la Religion, t. IV, p. 4). BC se propose de relire un passage de la Science de la législation, qui parle de la pratique du jugement de Dieu en général et de l’Antiquité grecque en particulier (livre III, chap. 11). Filangieri donne beaucoup d’exemples.

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De la Religion, I – Textes complémentaires

* Il existe une différence entre [le] fétichisme des Grecs & celui des sau[va]ges. Les fétiches Grecs sont presque to[us] des fétiches nationaux. c’est que les renseignemens que nous avons sur le culte des Pélages, datant d’une époque ou` les Grecs formoient déjà des Sociétés, les fétiches des associations remplaçoient ceux des individus : mais [ils] n’étoient pas entièrement supplantés. Les Grecs portaient sur eux de petits Dieux pygmées enveloppés de bandelettes & qu’ils invoquoient à toute occasion a.

o

o

f 11r

* Il y a plusieures choses à examiner dans ce que je dis sur Psamméticus 49lxxxviii. ailleurs j’ai dit que ce fut lui qui pour supplanter ses onze [col]lègues se remit sous le joug des Prêtres. Ici je parle de son intention de gréciser l’Egypte. Cela seroit contradictoire, à moins qu’après avoir parlé devant les Prêtres pour régner seul, il n’eut voulu gréciser l’Egypte pour résister aux prêtres. vérifier d’abord si c’est bien Psamméticus & non pas Darius. v. Herodote1

5

10

15

* Je dis dans un endroit que Dodone étoit situé en Thesprot[ie] & dans l’autre en Epire2. 20

«Ainsi lorsque nous étions encore enfans, nous étions assujettis aux premieres & plus grossieres instructions que Dieu a données au monde». S. Paul. Epitre aux Galathes ch. 4. v. 3. toute l’épitre est curieuse. il a aboli la loi. Ep. aux Ephes. II. 15. 25

a

Pausan. II.II. Les Cabires Divinités des mystères conservèrent longtems la figure de ces Dieux Pygmées.

24 toute ] lecture incertaine 1

2

25 Ephes. ] 〈Galat〉 Ephes.

Hérodote raconte l’arrivée de Psammeticus au pouvoir dans le livre II, chap. CLII-CLIV (P.-H. Larcher, Histoire d’Hérodote, pp. 128–130). Il n’y est pas question de prêtres mais de l’oracle de Latone qui annonce à Psammeticus les victoires sur ses rivaux à l’aide d’«hommes d’airain, sortis de la mer». Ce seront les Ioniens et les Cariens, armés de la sorte et descendus en E´gypte, qui aideront Psammeticus à reconquérir le pouvoir. Le roi les récompensera en les établissant en E´gypte, où ils enseigneront le grec à de jeunes Égyptiens, les futurs interprètes. On trouve dans le «Livre verd» (BCU, Co 3260), sous le numéro CCXLIX, une addition prévue pour un chap. 5 : «Dodone en Epire dans la Thesprotie. Pausan. Attic. 13.»

Carnet de notes – octobre 1824

471

J’ai l’air, dans le ch. sur le théisme des Perses de placer la dynastie des Arsacides1, tantot avant, tantot après Alexandre.

* Traces de fétichisme : les Négres Mahométans consacrant la pratique du Simulacre du Mumbo-Jumbo. Terrible aux femmes rebelles. – P. R2. I. [759]

fo 11vo

* Paymens faits à Charles3 & Louïse4 pr 18[2]4 Charles 1er mai, 100 15 mai, 300 Louïse 15 mai 360 Je ne dois plus à Charles que 200 frs. pr 9bre lui ayant payé en may 400 au lieu de 300.

* Écrire à Aumont – aux Doxat5 – aux Boss[ange]s – envoyer chez le fumiste. – Koreff6 –

5

10

15

* [...] Perrier Chambres lettres

* aller d’ici chez Aumont avant [...] 20

5 P. R. I [759] ] manque un chiffre, emporté par la déchirure du coin ; nous le rétablissons d’après l’ouvrage 14 Aumont ] lecture incertaine 17 Chambres ] lecture incertaine ; avant et après ce mot, des mots biffés, illis. 19 avant ] encore un mot biffé, illis. 1 2

3 4

5 6

Dynastie parthe, fondée par Arsace en 256 av. J.-C. Elle s’éteint en 226 av. J.-C. avec le roi Artaban IV, qui périt dans une guerre contre les Romains. P. R. : Abréviation pour Parallèle des religions, ouvrage publié par le P. François-Florentin Brunet (Paris : Knapen, 1792, 5 vol.). Le simulacre du Mumbo-Jumbo est une «machine, qu’un homme fait mouvoir» et qui agit uniquement la nuit, avec beaucoup de bruit, pour effrayer les femmes. Le fouet est employé pour punir les femmes rebelles qui refusent d’obéir aux caprices de leur mari. Voir l’ouvrage de Brunet, t. I, pp. 759–760. Charles Constant de Rebecque, demi-frère de BC. Louise-Marie-Anne de Constant, demi-sœur de BC. Rappelons que le même calcul revient dans le Livre des dépenses aux dates des 7 et 20 mai 1824 et enfin à celle du 23 octobre (OCBC, Œuvres, t. VII, pp. 456–457 et 462). Banquiers à Londres. David Ferdinand Koreff (1783–1851), ami de BC et de Mme de Staël, médecin de Charlotte. Koreff est établi à Berlin, dans l’entourage de Hardenberg.

472

De la Religion, I – Textes complémentaires

* revoir à Ivry si j’ai le 3e livre copié

* Buddha apotheoses 30 hommes déifies. Brama Incarnations. 5

fo 12ro

Ordre de travail 1o. Achever la copie du 5e livre. 2o. relire cette partie & faire une suite d’idées bien développée en notant les lacunes à remplir. 3o. relire toutes les notes éparses, livres de notes repertorys extraits &ca. 4o. revoir rapidement tout l’ouvrage. Copie bleue, pour juger des additions nécessaires. 5o. refaire avec toutes ces additions une redaction définitive. 6o. donner à l’impression.

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* rechercher dans le 3, 4 & 5e livre où je dis que les Egyptiens s’adaptoient des têtes d’animaux &ca. Liv. 5. no 153

Il faudra soigneusement relire & comparer tout le vol. imprimé avec les livres 3, 4 & 5. & ces livres entreux pour éviter toute contradiction & repetition.

Livre 3. des causes qui favorisent l’accroissement du pouvoir Sacerdotal. – 4. du prétendu Théisme des peuples soumis aux Pretres. – 5. des religions Sacerdotales de l’antiquité comparées aux religions indépendantes de la direction du Sacerdoce. – 6. digression nécessaire sur les poèmes qui portent le nom d’Homère. – 7. comparaison des effets du Polythéisme Sacerdotal avec ceux du Polythéisme indépendant, à cette seconde époque de la religion.

20

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30

1 revoir ... copié ] lecture difficile et conjecturale ; nous adoptons une proposition de Rudler 24 aux Pretres. ] aux le signe du pluriel ajouté après-coup 〈Sacerdoce〉 Pretres.

Carnet de notes – octobre 1824 fo 12vo

473

faire remarquer dans le livre 7 qu’en comparant les Religions Sacerdotales avec le polythéisme Homérique, je donne un grand avantage aux premières, vu que je les compare avec l’état le plus imparfait du Polythéisme indépendant1. 5

* à prendre avec moi demain de Paris le cah. sur la mythologie Homèrique2. * écrire demain 10 8bre. à Auguste Constant3, & à Barthe4 – Vincent5 & M. de Bordigné6 – Koreff.

10

* 11 8bre chez Davilliers7 voir s’il n’y a point de lettres pour moi – aller ensuite à la poste – A. Constant écrire à Barthe – aller chez Aumont – à Varaigne – 15

10 M. de Bordigné ] peut-être faut-il lire Mde Bordignée lettres agglutinées à la poste ] lecture très incertaine 1 2

3 4

5

6 7

13 aller ensuite

BC aborde cette question dans le livre IX de De la Religion, où il insiste sur l’imperfection des divinités homériques. BC se rend probablement chez les Davillier, comme il ressort de la note du 11 octobre. Le Livre des dépenses ne parle pas de ce déplacement : lacune de dix jours. Voir OCBC, Œuvres, t. VII, p. 462. Le «cahier sur la mythologie homérique» désigne probablement un des cahiers de la Copie bleue, peut-être le quatrième : «Des progrès du polythéisme grec depuis l’Iliade jusqu’à l’Odyssée». Auguste Constant d’Hermenches (1777–1862), cousin de BC. Il s’agit de Félix Barthe (1795–1863), jurisconsulte originaire de Narbonne, qui s’est installe´ à Paris en 1817 où il ne tarde pas à prendre place parmi les hommes les plus illustres du barreau. Esprit libéral, sympathisant des Carbonari, il défendra brillamment des accusés politiques (il plaidera dans l’affaire Caron, dans celle du député Jacques Koechlin, celle du Journal de Commerce, etc.), s’engagera en 1830 dans la Révolution de Juillet, sera élu député libéral de la Seine en 1830 et nommé ministre de l’Instruction publique et des Cultes (1830). Nous ne savons pas pourquoi BC lui rend visite. Son nom apparaît dans la liste des «Personnes à inviter à mes soirées» (Registre universel, fo 27vo). Il s’agit probablement du vitrier que nous retrouvons encore à deux reprises dans ce Carnet (ci-dessous, pp. 543 et 566) et dans le Livre des dépenses (OCBC, Œuvres, t. VII, pp. 486 et 516). Il s’agit probablement de Pierre-Alexandre-Marie Thiebaudin de Bordigné (1783–1849), publiciste et chef de cohorte de la garde nationale de la Sarthe. Jean-Charles-Joachim, baron Davillier (1758–1846), banquier, fondateur de la Caisse d’E´pargne et ami de BC, qui lui rendit fréquemment visite dans sa campagne. Son nom figure sur la liste des «Personnes à inviter» (Registre universel, fo 27vo).

474

De la Religion, I – Textes complémentaires

* 12 Chez Méchin. Jeudi 21 8bre chez M. Fourchy1 Quai Malaquai no. 5.

* Samedi 23 chez M. Fourchy à 2 h quai Malaquai no 5. 5

fo 13ro

* aujourd’hui 22 8bre, Cazin – Barthe – Méchin – Bossange – Rue St Denis no 31

* écrire à Aumont – Varaigne, Méchin – Béchet – Louïse – art. sur le christianisme2 – Barthe – Castelbajac3 – Cazin – Peyronet4 – Leballeur5 – Gailland, Ouvr. sur la rel6 – Scherer7 – Desvattiers8 – Jay9 pour le Mercure –

* affaires remises à Desvattiers 27 8bre 1 Barthe. 2 Cazin. 3. Méchin. 4. Chouvet10.

10

15

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1 2 3 4

5 6 7 8 9

10

Probablement le notaire parisien Antoine-Jules Fourchy (1789–1875). Nous savons que BC est de retour à Paris (Livre des dépenses, OCBC, Œuvres, t. VII, p. 462). C’est la première trace de l’article «Des causes humaines qui ont concouru à l’établissement du christianisme», paru en 1825 dans L’Encyclopédie moderne. Marie-Barthélémy, vicomte de Castelbajac (1776–1868), député à la Chambre, proche des ultra-royalistes. Il s’est engagé par exemple dans les discussions autour des lois d’élection. Il s’agit de Charles-Ignace, comte de Peyronnet ou Peyronet (1778–1854), ministre de la Justice à partir de 1821. Proche de Villèle et des ultras. Il fit voter les lois contre la liberté de la presse (1822) et la loi du sacrilège (1825). Peut-être Jean-Charles Leballeur, notaire. Non identifié. Il serait téméraire de voir en lui l’auteur d’un ouvrage sur la religion. Il s’agit d’un sellier qui apparaît aussi dans le Livre des dépenses (OCBC, Œuvres, t. VII, p. 458). Non identifié. Antoine Jay (1770–1854), esprit libéral, après la Restauration directeur de plusieurs journaux et collaborateur de La Minerve française. Nous ignorons pourquoi BC revient ici sur une question non élucidée relative au Mercure. Non identifié, peut-être un homme d’affaires ou un notaire. Il revient cinq fois dans ce Carnet, entre les 27 octobre et 21 novembre 1824.

Carnet de notes – novembre 1824

475

* Savoir si M. Lebrun1 est de retour chez M. Ternaux2 place des victoires * Mr. Koreff – Parnat rue St Croix d’Antin no 9 – Chambre – Guizot3 – Ecrire à Plutarque4 – rendre lammermoor5 & le Pilote6 – écrire à [...] & au gde des sceaux7 –

fo 13vo

5

* à Desvattiers, – à Koreff – à Aumont – à Cachin8 – Pantin9 – Guigniaud – * 1er 9bre Parnat – Desvattiers – Davilliers – Aumont – Chambre – Pilote – 10

* 2. 9bre Guigniaud – Aumont – Lebrun – Peyronet –

4 Plutarque ] lecture hypothétique hypothétique 1

2

3

4 5 6

7 8

9

écrire à ] suit un nom illisible biffe´

7 Pantin ] lecture

Non identifié. Il apparaît à trois reprises dans ce Carnet. Nous ne savons pas pourquoi BC veut le rencontrer, ce qu’il a d’ailleurs réussi à faire entre les 6 et 21 novembre, comme il ressort de la dernière mention de ce nom ci-dessous, p. 476. Guillaume-Louis Ternaux (1765–1833), manufacturier et député libéral à la Chambre (1818–1822 ; 1827–1830). Il apparaît, avec sa femme, dans le Livre des dépenses (OCBC, Œuvres, t. VII, p. 477) et est mentionné dans la liste des «Personnes à inviter» (Registre universel, fo 27vo). François-Pierre-Guillaume Guizot (1787–1874), homme politique et historien. Il soutint jusqu’à la Révolution de 1830 une position plutôt libérale mais défendit ensuite une politique nettement conservatrice. Traducteur de Gibbon. S’il faut lire Plutarque, il s’agit de son ami Claude Hochet. Walter Scott, The Bride of Lammermoor (La fiancée de Lammermoor). Le roman a paru en 1819. Note à mettre en rapport avec l’affaire Carrère (voir ci-dessous, p. 523, n. 2). Le Pilote, périodique de tendance libérale, faisait partie des journaux impliqués dans les procès politiques autour du général Berton et des Carbonari français, un de ceux qui ont fait appel du premier jugement, enfin un des journaux qui ont publié un compte rendu de la séance de la Cour Royale du 13 février 1823. Voir Le Pilote, no 430, 14 février 1823, pp. 3a–4b, où l’on trouve le texte du plaidoyer de BC ainsi que celui de son improvisation à la fin de la séance. On peut penser que BC s’était procuré ce journal pour compléter ses dossiers. Pierre-Denis, comte de Peyronnet, ministre de la Justice et Garde des Sceaux depuis 1821. Domestique de BC qui apparaît dans le J.I. depuis le 24 juillet 1816 et dans le Livre des dépenses, jusqu’au 22 décembre 1824, jour où il est renvoyé (OCBC, Œuvres, t. VII, index, à ce nom). Non identifié. Nous excluons qu’il s’agit d’un nom de lieu.

476

De la Religion, I – Textes complémentaires

* 6. 9bre Perrier – Cazin – Walker –

* Lebrun – Cottenet – Vatry1 5

* 21 9bre avoir les affiches Parisiennes du 26 Juin 18242 – écrire à Aumont – à Desvattiers. * 2 Déc. Me˙ Laberge3 – Barthe – Mallets4 – Paschoud5 – Perrier – Guigniaud – Cazin – Dupuy6. envoyer à Boissier7 à Nimes mon ouvrage sur la religion. –

fo 14ro

F[...]8 Fevrier9

1.800 15.000.

Aumont Charl[es]

5.000 2.000

2.000 2.000

15 F[...] ... 1.800 ] entrée biffée 1

2 3 4 5 6 7

8

9

Il peut s’agir de Marc-Antoine Bourdon de Vatry (1761–1828), ministre de la Marine en 1799, mais sans fonction politique pendant la Deuxième Restauration. Le fils de celui-ci, Alphée Bourdon de Vatry (1793–1871), officier et homme politique sous la monarchie des Orléans, ne peut guère être pris en considération. Nous n’avons pu consulter ce numéro des Affiches Parisiennes. Le même périodique revient une nouvelle fois dans ce Carnet (voir ci-dessous, p. 535). Sans doute un jurisconsulte ou un avocat non identifié. Son nom figure sur la liste des «Personnes à inviter à mes soirées» (Registre universel, fo 27vo). Les Mallet sont des banquiers auxquels BC s’adresse souvent. J.-J. Paschoud, éditeur genevois. Il avait une librairie à Paris. Peut-être le magistrat Dupuy qu’on retrouve dans le contexte de l’affaire Talleyrand (OCBC, Œuvres, t. VII, p. 563, n. 2). On trouve deux personnages qui pourraient convenir : Jean-Jacques-Maurice-Marc-Antoine Boissier (1774–1835) ou Jean-François-Maxime-Sevrin-Achille Boissier (1795–1834), notaires à Nîmes. BC utilise pour cette note des lettres grecques et le même système de translittération dont il s’est servi pour son J.I. (voir la clef OCBC, Œuvres, t. VII, pp. 5–10). Peut-être faut-il distinguer deux sortes d’entrées : celles de la colonne de gauche qui ne mentionnent qu’un chiffre, à savoir les sommes qu’on lui doit ; et celles des deux colonnes de droite qui font état de ce que BC doit à des créanciers divers. La deuxième colonne à droite donne le montant qui reste à payer, la différence correspondant à ce qu’il a déjà payé. Dès qu’une dette est payée intégralement ou qu’une créance est perçue, BC biffe la ligne (voir les variantes), ce qui rend le décryptage impossible dans certains cas. Louis-Dominique Février est un notaire avec lequel BC devait traiter lors de la vente d’une

10

15

477

Carnet de notes – décembre 1824

Louïse Perrier Paschoud

1.150 490 336

Davil[liers] Lerendu Lescale1 Lafit[te] Brévans [...] Thiars2 Very3

1.545 430 [...] 3.900 400 600 240 700

545 430 [...] 1.900 400 600 240 300

5

* voir dans le no 1. papiers relatifs au courrier & à la renommée4.

10

Rev. Loys5. Rente. St André. St Denis.

15

2300. 600 2500 3000

3 Lescale ] lecture hypothétique ; on peut lire L[....] biffée, le nom illis.

1

2

3

4 5

8400.

6 [...] ... 600 ] entrée entièrement

de ses maisons. Il s’agit de celle de la rue Neuve-de-Berry no 6 que BC avait acquise en 1814 avec l’intention de s’y installer. Il finit par la louer à John Elye Manning, un homme d’affaires établi pour un certain temps à Paris. BC fait à ce dernier une promesse de vente au moment où il décide d’en acheter une autre pour s’y installer, à financer partiellement par le prix qu’il espérait tirer de l’immeuble de la rue Neuve-de-Berry. C’est le notaire Février qui remplacera Manning dans la promesse de vente. Cette opération aura des conséquences fâcheuses pour BC. Les difficultés qui résulteront de cette transaction seront en partie exposées par lui dans un écrit contre Février (voir OCBC, Œuvres, t. VII, pp. 547– 555). La somme mentionnée sous Février est probablement le solde de la vente de sa maison. La lecture hypothétique du nom de «Lescale» (on reconnaît seulement l’initiale) repose surtout sur les entrées du Livre des dépenses. BC y note à plusieurs reprises des versements importants à ce personnage, ce qui expliquerait pourquoi il peut figurer dans cette liste qui fait état de dettes et versements parfois considérables. Les sommes qui accompagnaient ce nom comprenaient probablement quatre chiffres. Il s’agit probablement du marchand de vin ou du viticulteur, un M. de Thiars, auquel BC s’adresse régulièrement pour lui acheter du vin. Il apparaît dans le Livre des dépenses à plusieurs reprises ; BC note lui avoir payé entre 200 et 240 frs. On le retrouve aussi sur une feuille du dossier Co 3293, qui organise les visites de BC pour un 8 avril. Il s’agit de Véry, propriétaire à Montmorency auquel BC paye de temps à autre le loyer pour sa campagne. La somme indiquée dans la première colonne correspond probablement au loyer annuel. Voir le Livre des dépenses (OCBC, Œuvres, t. VII, pp. 452, 455 et 466). Nous savons que BC rangeait ses documents dans des liasses numérotées. Voir ci-dessous, pp. 614–615, un autre exemple. Calcul approximatif du revenu que BC attend en 1825. Les sommes sont arrondies.

478

De la Religion, I – Textes complémentaires

Charg. Louïse Laffitte1 impositions Rentes sur mes maisons Revenu net sans la maison d’anjou

fo 14vo

1200 1000 1200 1800

5000. 3400.

5

* La haine inculquée par les prêtres indiens & Egyptiens pour la mer tenoit au désir inhérent au Sacerdoce d’isoler les peuples qu’il gouvernoit.

* Ordre de travail 8 Déc. achever la suite d’idées2. classer tous les extraits y relatifs dans tous les matériaux, y compris les 45 livres bleues. consulter ensuite Mém. de l’Ac. Insc3. Guigniaud. Guenée, Rolle4 & les livres que j’ai. puis donner à imprimer ce 3e livre, par placards, & travailler au 4e. –

10

15

* Mallets – Paschoud – Perrier –

fo 15ro

voir sur les premières images des Divinités chez les Grecs & sur les Hermès Winkelman, histoire de l’art. trad. fr. 7–105.

1

2

3

4

5

Jacques Laffitte (1767–1844), banquier et homme politique, député à la Chambre à partir de 1816, il joua un rôle assez important pendant la Révolution de 1830. BC a très souvent recours à ses services. Son nom figure sur la liste des «Personnes à inviter» (Registre universel, fo 27vo). Sur cette même liste apparaît un Martin Lafitte (écrit avec un seul f). Important pour analyser la stratégie de travail : après la suite d’idées, disposer les matériaux et les anciens manuscrits dans un ordre convenable, puis entamer de nouvelles recherches, puis la rédaction et enfin l’impression. BC ne renvoie pas à un texte précis mais à la série des Mémoires de Littérature tirez des Registres de l’Académie Royale des Inscriptions et Belles Lettres qu’il consulte souvent. Il est probable qu’il se reportera aux volumes des tables (t. XI, XXII, XXXIII, etc.) qui donnent une analyse fort détaillée des sujets abordés dans les volumes précédents. Pierre-Nicolas Rolle, Recherches sur le culte de Bacchus, symbole de la force reproductive de la nature, considéré sous ses rapports généraux dans les mystères d’Eleusis, et sous ses rapports particuliers dans les dionysiaques et les triétériques, Paris : J. P. Merlin, 1824, 3 vol. BC renvoie à l’ouvrage Histoire de l’art chez les anciens, par M. Winckelmann, [...] ouvrage traduit de l’Allemand, Paris : Saillant, 1766, t. I. Aux pages indiquées, on trouve ceci : «Dans la suite des temps on mit des têtes sur les pierres dont on vient de parler. [...] On voit

20

Carnet de notes – décembre 1824

479

Crichna Wichnou dans sa 8e incarnation.

* Le monde visible est suspendu à moi commes les perles d’un collier au fil qui les retient. Crichna bag. gita. chaine d’or de Jupiter dans Homère.

5

* passage important pr l’introduction des dogmes Sacerdotaux dans la religion grecque : «toutes les fois que la mythologie des grecs ..... par la main de Cronos son fils.» Guign. intr. 491 10

* id. sur la fig. des Dieux : «l’image de la Divinité .... le sens en était saint & sacré.» ib. 72–742 & 763.

1

2

donc dans les premières Figures des Grecs une invention originale, & la première esquisse de la forme humaine. [...] On sait que chez les Grecs on appelait ces pierres quarrées surmontées d’une tête ÏΕρμαι, c’est-à-dire grandes pierres, noms adoptés par les artistes.» La source principale de Winckelmann pour ces informations est Pausanias, Description de la Grèce. ` l’endroit indiqué, on trouve ceci : «De même, toutes les fois que la mythologie des Grecs A s’attachait plus au sens religieux ou philosophique qu’à la beauté des formes, elle enfantait des monstres semblables [i. e. aux monstres des mythes orientaux]. Aux incarnations du Vichnou indien, on peut opposer les mythes orphiques, surtout ceux qui se rapportent à la cosmogonie ; les symboles philosophiques de l’ancien Phérécyde, tout-à-fait dans le goût de l’Orient ; enfin chez Hésiode lui-même, dans la Théogonie, cette grande et terrible fiction du vieux Uranus, privé du pouvoir d’engendrer par la main de Cronus son fils.» Long passage sur la figure des dieux : «[...] l’image de la divinite´ devait exprimer à la fois toutes les idées qu’ils s’en faisaient [i.e. les peuples de l’Orient], tous les rapports, tous les points de vue sous lesquels pouvait la représenter une théologie riche et féconde. De là ces dieux de l’Inde à plusieurs têtes et à plusieurs bras, la Diane d’E´phèse avec ses nombreuses mamelles, le Janus de la moyenne Italie à quadruple et, plus souvent, à double face, et les plus anciennes statues des divinités grecques elles-mêmes, telles que le Jupiter Patoüs à Larisse, dont le triple œil manifestait la triple surveillance sur le ciel, sur la terre et sur la mer. Ce même besoin de tout exprimer multiplia les attributs jusqu’à l’infini, et c’est là encore un des traits caractéristiques de la haute antiquité. Porphyre nous en a transmis un exemple frappant, dans la description que Bardesanas avait donnée d’une image de Brahmâ. Le Dieu créateur, sous la figure d’un hermaphrodite, avait à sa droite le soleil, à sa gauche, la lune ; sur ses deux bras étendus en croix, on voyait une multitude d’anges (ou de génies), et les différentes parties du monde, le ciel, les montagnes, la mer, le fleuve (Gange), l’Océan, les plantes, les animaux, la nature entière. C’est que les statues des dieux, chez ces nations primitives, n’étaient, en quelque sorte, qu’un appel à la méditation de l’infini, seul digne objet des pensées religieuses : entassant signes sur signes et symboles sur symboles, pour atteindre à la plénitude sublime de la Divinité, elles semblaient, dans le désir et à la fois dans l’impuissance de la représenter toute entière, avertir le croyant qu’on ne saurait

480

De la Religion, I – Textes complémentaires

dans les mysteres grecs le beau sacrifié au mystique. ib. 74. aussi dogmes & not. étrangères.

fo 15vo

à Parnat 5

* revoir l’explication du festin de Jupiter chez les Ethiopiens. Guigniaud. Introd. p. 461.

* dans le midi les femmes exclues du Sacerdoce. Dans le nord les femmes des prêtres partageoient les fonctions de leurs maris. Pellout. hist des Celtes V. 3062. Climat.

6 les Ethiopiens ] les 〈illis. Égyptiens (?)〉 Ethiopiens

3

1

2

épuiser par-là ces inépuisables profondeurs où la pure intelligence a seule droit de se plonger. Cette accusation d’images qui voudraient embrasser l’infini, se retrouve dans les invocations aux dieux, chez les Hindous et chez les Grecs. Les hymnes orphiques de ces derniers, en nous offrant l’unité divine sous l’emblême d’un tout corporel, témoignent des mêmes efforts pour exprimer, par la parole, dans un amas de noms et de surnoms, ce que l’idole surchargé d’attributs, cherchait, non moins vainement, à rendre par des signes symboliques. En général, le peu que nous savons du culte secret des Grecs, des rites, des cérémonies, des symboles qui s’y rattachaient, suffit pour nous prouver que la substance y était tout, la forme rien, et le beau, par conséquent, sacrifié au mystique. Qu’il nous suffise de rappeler ici le fameux Phallus, combien était répandu, dans l’antiquité, l’emploi religieux de cette image grossière, qu’on peut à peine appeler un symbole ; et combien pourtant le sens en était saint et sacré.» (Note de la page précédente.) BC renvoie ici à la conclusion où Guigniaut explique que l’art finit par primer sur le mystique. La note suivante résume ce qui est dit dans le long passage cité ci-dessus. Guigniaut cite d’abord le passage de l’Iliade en cause (I, 423–425), renvoie à Iliade, XXIII, 205 et Odyssée, I, 23, puis ajoute ceci : «Quelque interprétation qu’on donne à ce passage et aux deux autres qui lui sont analogues, tant de fois commentés par les anciens et par les modernes, il est difficile d’y voir autre chose que la courte et simple description d’un tableau hiéroglyphique ou symbolique, d’un zodiaque, par exemple, ou de la nacelle sacrée voguant sur le Nil avec les images des dieux» (Religions de l’Antiquité, pp. 46–47). BC utilise l’édition suivante : Simon Pelloutier, Histoire des Celtes, et particulièrement des Gaulois et des Germains depuis les tems fabuleux, jusqu’à la prise de Rome par les Gaulois, Paris : Quillau, 1770–1771, 8 vol. Le renvoi, erronné ici, est donné correctement ci-dessous : il faut lire VII, p. 306 (voir p. 594, n. 8).

10

Carnet de notes – décembre 1824

481

* Si je trouve quelque chose sur la Chine dans le 3e livre il faudra consulter le Repertory no 477. 607. 608. 647. 946. 9501.

* Chaque fait a toujours plusieures causes de détail. Rep. 5052. 5 o

f 16r

o

Juin 1824. Juillet Extra Aoust. Septembre Octobre. Novembre Decembre

W. 20. 20. 2. 20. 20. 20 20. 20.

R. 20 20

30 40.

= = Redu. 2 Redu 22 Redu 12 Je redois 8. Redu 12 Redu 323

10

15

fo 15vo fo 16vo

* Manière dont les Prêtres s’attribuaient, ainsi que l’établissement des Sociétés, la destruction des bêtes feroces. Un monstre nommé Voltax devastoit le territoire de Volsinium. les Prêtres firent descendre un éclair qui le tua. Plin. hist. nat. II. 53–544 20

4 détail. ] lecture incertaine 1

2

3

4

Les six notes du Repertory contiennent surtout des renvois à des ouvrages de Görres et de Meiners dans lesquels BC trouvera des détails sur la religion des Chinois. J. Görres, Mythengeschichte der asiatischen Welt, t. I, pp. 44, 59 et sv., 65, ainsi qu’une observation non précisée. Les deux dernières notes concernent C. Meiners, Allgemeine kritische Geschichte, t. I, pp. 306–307 et 481–482. La note 477 est une indication d’ordre thématique et heuristique : «Rendre homage à l’Esprit de liberté des chrétiens et relire quelques uns des apologistes de la religion chrétienne». La note du Repertory parle de deux choses, à savoir de l’astrologie égyptienne et du triomphe du pouvoir sacerdotal chez les Étrusques. BC utilise cette note dans le livre IV, chap. 5 de son ouvrage (OCBC, Œuvres, t. XVIII, pp. 141–142). Les calculs notés ici ont été inscrits par BC sur le ro du fo 16, sans doute avant que les notes de travail aient atteint le fo 15vo. Arrivé à cet endroit, il continue sa note relative à Voltax au fo 16vo, laissant plus de la moitié du fo 16ro blanc. La signification du calcul (versements, retraits, restes) nous échappe. Pour ne pas couper l’entrée suivante en deux parties sans rapport évident, nous avons placé ces calculs avant la note relative au monstre Voltax. La légende se trouve dans le livre II, chap. 54 de l’Histoire naturelle de Pline l’Ancien : «Vetus fama Etruriæ est, impetratum Volsinios urbem depopulatis agris subeunte monstro, quod vocavere Voltam, evocatum a Porsina sua rege.» («D’après une vieille tradition étrusque, elle [la foudre] fut ainsi obtenue lorsqu’un monstre appelé Volta menaçait la ville de Volsiniès, après avoir ravagé la campagne : elle avait répondu aux invocations de son roi

482

De la Religion, I – Textes complémentaires

* 957. 1007. 1060. 1078. 1192 1560. 1589. 1593. 1702 & bis 17051.

Il faudra jeter les yeux sur Creutzer II. 133–1352. Rep. 1063 5

* Achille epouse Médée dans les enfers. Apollon., Argon. Hélène suivant Philostrate. Gruber M. d. art. Achille4

IV.

8103. ou

* Description d’Achlys dans Hesiode, tristesse d’Hésiode. Grub. A. Achlys5.

1 2

3 4

5

Persenna».) Il n’y est pas question de prêtres. Pline l’Ancien, Histoire naturelle. Livre II, texte établi, traduit et commenté par Jean Beaujeu, Paris : Les Belles Lettres, 1950, p. 61. Série de notes du Repertory qui se rapportent toutes à la Chine, à l’exception du numéro 1589 (oracle de Delphes) et du numéro 1078 (peuples barbares). Friedrich Creuzer (1771–1858), le philosophe et spécialiste de la religion des peuples de l’Antiquité, auteur de l’ouvrage Symbolik und Mythologie der alten Völker, besonders der Griechen, in Vorträgen und Entwürfen, Leipzig et Darmstadt : Karl Wilhelm Leske, 18101812. C’est cette première édition que BC possède dans sa bibliothèque (voir le Catalogue). Il indique ici un passage sur Apollon auquel il reviendra par la suite. Voir ci-dessous, p. 596, n. 2, pour les détails. La note du Repertory donne la même référence. Prédiction faite dans un discours que Héra tient à Thetis, la mère d’Achille. Il faut comprendre : «Gruber, Mythologie, dans l’article Achille». – Ici commence la longue série de notes prises par BC en consultant Johann Gottfried Gruber, Wörterbuch der altklassischen Mythologie und Religion, Weimar : im Verlage des Landes-Industrie-Comptoirs, 1810–1815, 3 vol. BC possédait cette édition, comme il ressort du troisième des catalogues de sa bibliothèque. Cela explique le laconisme des notes. Pour cette note, BC renvoie à l’article «Achilleus» (J. G. Gruber, Wörterbuch, t. I, pp. 30–51), plus particulièrement à la p. 49 où le sort d’Achille, raconté dans les Argonautiques d’Apollonios de Rhodes (livre IV, vv. 810–815), est mentionné par Gruber, qui cite pour preuve dans la note 3 les sources : «Ibycus und Simonides beim Schol. d. Apollon. IV, 810» et «Philostr.», c’est-à-dire, le mythe se trouve déjà chez les lyriques grecs Ibykos (6e siècle av. J.-C.) et Simonides (6e–5e siècle av. J.-C.) ainsi que chez Flavius Philostratos (2e siècle av. J.-C.), ëΗρωικο ς, chap. 19. Dans l’article sur Achlys, la personnification de l’obscurité de la nuit et de la tristesse (J. G. Gruber, Wörterbuch, t. I, p. 51), BC a trouvé la très belle traduction de Voss du passage de l’œuvre «Scutum Heraclis» (vv. 260–266) attribuée à Hésiode dont il est question dans cette note : «Auch die Düstre de Todes begleitete traurig und furchtbar, Bleichgelb ganz, und verdorrt, und matt einsinkend vor Hunger, Schwellendes Knies, an den Händen die lang vorragenden Nägel : [...] und unnahbar grinzend im Antlitz, Stand sie, da häufiger Staub ihr rings umhüllte die Schultern, Thränenbenetzt».

10

Carnet de notes – décembre 1824

483

Venus surnommée l’injuste & adorée avec cette epithète dans un temple de Lybie. Hesychius1

consulter Meursii Graecia feriata2 5

* consulter l’art. adonis dans Gruber pour les fêtes licentieuses les lamentations, le Dieu mort & ressuscité ib3.

fo 17ro

* fête d’adonis à athènes avec toutes les ceremonies sacerdotales malgré l’esprit grec. Gruber adonis4

10

* même fête à Rome. Ovid. de arte amandi. 1.755. * le culte d’adonis venu en Grèce de Syrie & de Phénicie. Grub. adonis6. 15

* Les Grecs s’efforcaient de persuader aux Phéniciens que le culte d’adonis étoit d’origine de Grèce. ib7.

4 Consulter ... feriata ] lecture douteuse 1

2

3 4 5 6 7

BC résume l’article «Adikos» (J. G. Gruber, Wörterbuch, t. I, p. 52) en traduisant le qualificatif grec. Hésychius d’Alexandrie (5e siècle apr. J.-C.), est l’auteur d’un lexique de mots rares grecs. BC semble avoir trouvé cette piste en consultant Gruber qui cite souvent l’ouvrage de Jan van Meurs ou Meursius (Joannis Meursii Græcia feriata. De festis græcorum libri VI, Lugduni Batavorum : ex officina Elzeviriana, anno 1619). Dans le livre possédant un répertoire alphabétique se trouve en effet un article «Αϕροδισια» (pp. 53–54) qui fait aussi état de l’historien byzantin Hesychius, sans pour autant confirmer ce qui est dit dans la note précédente de BC. J. G. Gruber, Wörterbuch, t. I, pp. 54–76. Les passages en cause se trouvent dans la première partie de l’article. Renvoi trouvé chez Gruber, même article, p. 60, n. 5. J. G. Gruber, Wörterbuch, t. I, même article, pp. 58–59. BC extrait de l’article de Gruber une opinion qu’il faut attribuer à Manso : «Die Griechen benutzten freilich alles, wie Manso bemerkt, was fähig war, die Phönizier zu überreden, den umgestalteten Mythus für einen in Griechenland einheimischen und von da ausgegangenen anzusehen». (Comme le remarque Manso, les Grecs utilisaient tout ce qui pouvait leur permettre de convaincre les Phéniciens de considérer le mythe transformé comme trouvant son origine en Grèce.) Voir l’article «Adonis», p. 64.

484

De la Religion, I – Textes complémentaires

Huet croit voir Moyse dans adonis. Le Clerc y reconnoit Osiris1.

Banier hist du culte d’adonis Mém. ac. inscr. Tom. III2

adonis le grain de blé qui meurt & revit3.

5

adonis un fleuve prés de Byblos dont les eaux deviennent rouges à cause du limon qu elles entrainent à de certaines époques4.

adonis, ce soleil, Dupuis

III, IV.

&

V5.

Meziriac sur Ovide. Manso. Vers. üb. myth. gegenst. Abh. üb. die Venus. Maurer Diss. de adonid6.

1

2

3 4 5

6

L’opinion de Pierre-Daniel Huet est citée chez J. G. Gruber (Wörterbuch, t. I, p. 65) mais avec beaucoup de réserve. Gruber renvoie à l’ouvrage Petri Danielis Huetii Demonstratio evangelica, Parisiis : apud S. Michallet, 1679 (plusieurs rééditions dont deux à Leipzig en 1694 et 1703 qui comprennent les additions manuscrites de l’auteur), Propos. IV, III, § 3, p. 117. Le renvoi à la Bibliothèque universelle et historique de Jean Leclerc vise l’article anonyme «Preuves de l’explication de la fable d’Adonis», composé de notes numérotées, paru dans le t. III, 1686, pp. 17–38, et plus particulièrement les réflexions de la note 14, pp. 27–28. Sur cet érudit genevois, voir OCBC, Œuvres, t. XVIII, p. 529. BC se propose de consulter l’étude lue par l’abbé Antoine Banier en 1717 et intitulée «Histoire du culte d’Adonis», Mémoires de Littérature tirez des Registres de l’Académie Royale des Inscriptions et Belles Lettres, t. III, 1746, pp. 98–116. Le renvoi à cette étude se trouve chez J. G. Gruber, Wörterbuch, t. I, article «Adonis», p. 66, note c. J. G. Gruber, Wörterbuch, t. I, même article, p. 67. J. G. Gruber, Wörterbuch, t. I, même article, pp. 67–68. Charles-François Dupuis, Origine de tous les cultes. Les renvois qu’on trouve chez BC proviennent de J. G. Gruber, Wörterbuch, t. I, article «Adonis», p. 68, n. f. Gruber ajoute, pour le t. III de l’ouvrage de Dupuis, les pp. 471–492 et 682, et pour le t. V, les pp. 206 et sv. J. G. Gruber, Wörterbuch, t. I, même article, p. 76. Les ouvrages cités fort en abrégé sont : Claude-Gaspar Bachet, sieur de Mésiriac, Les Épistres d’Ovide traduites en vers françois avec des commentaires fort curieux, par Claude Gaspar Bachet, S. de Méziriac, Bourg en

10

Carnet de notes – décembre 1824 fo 17vo

485

* Auson. Epigr. 29. dit positivement que le même Dieu est nommé Adoneus chez les Arabes, Bacchus en Ogygie, Osiris en Egypte, Phanaces par les Mysiyens, Dionysos aux Indes, Liber à Rome, Pantheos en Lucanie1.

Tandis que dans l’Enfer Homérique les crimes d’home à home ne sont point punis, Platon fait dire à Jupiter que pour que les morts soient jugés avec justice, il a nommé trois de ses fils deux d’Asie Minos & Rhadamanthe, & un d’Europe, Æaque. ces juges se rassemblent à l’endroit où deux chemins se partagent, l’un conduisant à l’isle des bienheureux, l’autre au Tartare. Rhadamanthe juge ceux qui viennent d’Asie, Æaque ceux d’Europe & Minos décide. Plat. Gorgias2.

9 à l’isle ] à l’〈Elysée & l’〉 isle

1

2

Bresse : J. Teinturier, 1626. Une nouvelle édition augmentée en 2 vol. a paru en 1716 à La Haye : H. Du Sauret. Johann Caspar Friedrich Manso, Versuch ueber einige Gegenstaende aus der Mythologie der Griechen und Roemer, Leipzig : in der Dyckischen Buchhandlung, 1794. La suite, Abh. über die Venus, cite un chapitre de cet ouvrage. Maurer, Johann, De Adonide ejusque cultu religioso dissertatio antiquaria, cujus sectionem primam, moderante [...] Gottl. Christophero Harles, [...] d. 8 april. 1782 examini eruditorum subjiciet auctor et defendens Johannes Maurer, Erlangæ : Litteris Ellrodtianis, s.d. [1782]. BC avait le premier ouvrage dans sa bibliothèque. Voir le Catalogue. Voici le texte auquel se réfère BC : «Ogygia me Bacchum vocat, Osirin Ægyptos putat ; Mysi Phanacen nominant, Dionyson Indi existimant ; Romana sacra Liberum, Arabica gens Adoneum, Lucaniacus Pantheum» (Ausonius, Epigrammata, no 32). Nous citons le texte de cette épigramme d’après l’édition de Green, The works of Ausonius, edited with Introduction and Commentary by R. P. H. Green, Oxford : Clarendon Press, 1991, p. 75. Suit, dans cette édition, une pièce du même contenu en grec. Texte légèrement différent (les deux premiers vers) dans Ausonius, with an english translation by Hugh G. Evelyn White, Cambridge, Mass. et London : Harvard University Press et William Heinemann, 31985, 2 vol. (t. II, p. 186). BC a trouvé cette poésie citée en résumé par J. G. Gruber, Wörterbuch, t. I, l’article «Adoneus», p. 54 et dans l’article «Adonis» à la p. 62. BC résume les mots de Socrate vers la fin du Gorgias (523a–524a), où Platon raconte l’institution du jugement des morts par Zeus. BC ne retient presque rien de la fable (elle utilise Homère et les textes orphiques, mais est en grande partie une invention de Platon), faisant seulement référence à la fin du texte qui parle des rôles des trois juges.

5

10

486 fo 18ro

De la Religion, I – Textes complémentaires

Les Thébains, (v. Pausan. IX. 8.) s’étant enyvrés à un sacrifice qu’ils offroient à Bacchus tuèrent un de ses prêtres. Le Dieu, pour les punir, leur envoya la peste. l’Oracle de Delphes leur ordonna d’offrir en expiation un jeune garcon. après quelques années le Dieu consentit à ce qu’on substituat une chèvre à cette victime. ad. des Sacr. hum1.

5

* Passage de Moyse qui prouve que le Culte des animaux & celui des astres étoient déjà de son tems combinés en Egypte. Grub. art. Ägypten2.

* Relire l’art. Ägypten dans Gruber quand j’en serais au ch. du liv. 5 sur la religion Egyptienne3.

10

Abolition des sacrifices humains à Aroé en Achaïe. Gruber. art. Æsymnétès4. 15

* festin des Dieux chez les Ethiopiens. Grub. art. Äthiopen5.

1 Thébains ] blanc dans le texte ; conjecture d’après Pausanias 〈mot illis.〉 l’art. 1

2 3 4

5

10 Relire l’art. ] Relire

L’épisode sur la colère de Bacchus à l’égard des Potniens (non des Thébains, comme le dit BC) est rapporté par Pausanias à l’endroit indiqué par BC (Pausanias, ou voyage historique, pitoresque et philosophique de la Grèce, traduit du grec en français, par M. l’abbé Gédoyn, nouvelle édition, Paris : Debarle, 1797, t. IV, p. 28). Il est utilisé, d’une manière très réduite, mais en renvoyant à la Description de la Grèce de Pausanias, dans le chapitre 2 du livre XI de De la Religion (t. IV, pp. 225–226). J. G. Gruber, Wörterbuch, t. I, pp. 97–147. Le passage en cause est Moïse, livre 5, chap. 4, 16–19. BC travaille au t. II de De la Religion. Nous apprenons ici que le livre V comprenait encore des matériaux qui passeront au livre VI (t. III) de la version définitive. J. G. Gruber, Wörterbuch, t. I, pp. 162–164. La légende de l’abolition des sacrifices humains est racontée par Gruber d’après Pausanias et Diodore (VII, 19–20). Euryple, revenant fou de la guerre de Troie, puisqu’il s’était emparé d’un coffre renfermant une statue de Bacchus, recouvre la raison, selon les prédictions de l’oracle de Delphes, à Aroé. Les habitants de cette ville avaient coutume de sacrifier des hommes au temple de Diane mais attendaient d’être délivrés de cette obligation par l’arrivée d’un prince qui apporterait une divinité étrangère. Voir Pausanias, ou voyage historique de la Grèce, t. VII, chap. 19 (t. III, pp. 201–203). J. G. Gruber, Wörterbuch, t. I, pp. 167–172. L’auteur commente deux passages d’Homère (Iliade, I, 422–424 et Odyssée, I, 23–24) qu’il cite d’après la traduction de Johann Heinrich Voss.

Carnet de notes – décembre 1824

487

* La Cérès Africaine, servie par des Prêtresses qui fesoient vœu de chasteté perpétuelle1.

* Agdistis pour les Religions Sacerdotales. Gruber2. 5 o

f 18v

o

Sacrifice volontaire d’Aglaure. Gruber. art. Agraulos3

singulier reste de Superstition dans le malheur. Alestor passoit pour un mauvais génie qui tourmentoit les hommes. Cicéron poursuivi par Auguste, connut le désir de se tuer devant l’autel d’Alestor, pour que ce mauvais génie s’acharnât après sa mort sur son persécuteur. Plutarch, vit. Cicer. 34. Gruber Alastor4

Alastor surnom de Jupiter punissant le mal5. 326

1 2

3

4

5 6

BC cite ici l’article «Africana» (J. G. Gruber, Wörterbuch, t. I, pp. 175–176) qui donne cette explication en renvoyant à Tertullien, Ad uxorem, vol. 2. Note pour retenir que l’article «Agdistis» (J. G. Gruber, Wörterbuch, t. I, pp. 190–191) contient des idées utilisables pour ce sujet. L’article résume les traditions multiples autour de ce curieux personnage et le met en rapport avec l’histoire de la religion de la Phrygie, marquée surtout par le culte de Cybèle. J. G. Gruber, Wörterbuch, t. I, pp. 199–201. Gruber donne plusieurs versions de la légende d’Agraulos, fille du roi athénien Actée ; elle se sacrifie volontairement après avoir pris connaissance de l’oracle qui annonce aux Athéniens qu’ils seront délivrés des fléaux d’une guerre dès qu’un homme se sacrifiera pour la ville. Voir l’article «Alastor» (J. G. Gruber, Wörterbuch, t. I, p. 227) d’où est tirée cette information. Précisons encore que Plutarque («Cicéron», chap. 47) ne nomme pas le mauvais esprit Alastor, connu surtout par les tragiques grecs, mais dit seulement que Cicéron songea, dans sa crainte de tomber aux mains de ses persécuteurs, à se tuer dans la maison d’Auguste (alors encore César) devant l’autel pour provoquer la vengeance du mauvais esprit. BC reviendra plus tard à cette croyance. La preuve en est une fiche (BCU, Co 3293) qui dit : «Gruber Alestor pr le ch. de l’infl. des Calam. dans la religion». Il continue avec l’ébauche d’un argument historique : «Aussi le sacerd. est il a l’affut des calamités qui ramenent les p[eu]ples au pied des autels. la propriété la richesse, peut être un commencement de lumières avoit a Carthage diminué l’empire des pretres. mais Carthage est assiégée par Agatocle. les Pretres reprennent toute leur autorité, & les enfans des plus illustres familles sont trainés dans les temples pr etre offerts en expiation & en sacrifice». J. G. Gruber, Wörterbuch, t. I, p. 227, article «Alastor». L’épithète de Zeus est la première signification de ce nom. C’est le premier d’une série de 29 numéros particulièrement grands (série montante ; le dernier numéro est 143) qu’on trouve dans ce Carnet. Ils ont été inscrits sans doute après

10

15

488

De la Religion, I – Textes complémentaires

Alectryomanteia. Divination. Gruber. ib1.

* délire saisissant les filles d’Athènes. Sacrifice pour y remédier. petites figures de terre adoucissemens. ce délire venu du Culte de Bacchus. tout ce qui avoit rapport a ce Culte oppose au culte & à l’esprit grec. Grub. Alètis2.

5

* Aleuromantis. Divination. Gruber. ib3.

Othus & Ephialte punis dans les Enfers pour avoir outragé Diane. Gr. Aloeus4.

fo 19ro

* La fable représentoit les amazones comme ayant sacrifié à leur amour pour la guerre un de leurs plus grands charmes. mais le penchant des Grecs pour la beauté ne permet point à leurs artistes de rester fidèles à cette tradition, le sein des amazones n’est point soumis dans leurs représentations à une mutilation hideuse. Grub. art. Amazonen & les citat. p. 2665.

1

2 3 4

5

coup dans l’espace vide. La signification de ces numéros nous échappe. Nous les reproduisons en caractères gras à la fin de la note où ils sont placés. J. G. Gruber, Wörterbuch, t. I, p. 231, article «Alektryomanteia». L’article contient la description de cette forme de divination d’après Johannes Praetorius, Alectryomantia : seu divinatio magica cum gallis et gallinaceis peracta heic secundum varias suas species producta [...], Francofurto et Lipsiæ : Wohlfarth, 1680. J. G. Gruber, Wörterbuch, t. I, pp. 233–234, surtout p. 233, n. 4. J. G. Gruber, Wörterbuch, t. I, p. 234. Autre exemple d’une pratique de divination : jeter de la farine dans le feu des sacrifices. d’où l’épithète d’Apollon «Aleuromante». J. G. Gruber, Wörterbuch, t. I, pp. 249–252, raconte l’histoire de ces deux géants d’après Homère (Odyssée, XI, 305–320) et les scoliastes. BC souligne les outrages de Diane, détail qui n’est pas rapporté dans l’Odyssée. J. G. Gruber, Wörterbuch, t. I, pp. 262–266. BC résume le dernier alinéa de l’article. Les citations dont il parle désignent des renvois à plusieurs études érudites dont les titres sont mentionnés p. 266, n. 2, à savoir : Petrus Petitus, De Amazonibus dissertatio qua an vere exstiterint, necne variis ultro citroque conjecturis et argumentis disputatur, Luteciæ Parisiorum : Cramoisy, 1685. Nicolas Fréret, «Observations sur l’histoire des Amazones», Mémoires de Littérature tirez des Registres de l’Académie Royale des Inscriptions et Belles Lettres, t. XXI, 1754, pp. 106–119. Claude-Marie Guyon, Geschichte derer Amazonen, Berlin, Stettin et Leypzig : bei Johann Heinrich Rüdiger, 1763. Guillaume-Emmanuel-Joseph Guilhem de Clermont-Lodève, baron de Sainte-Croix, Examen critique des historiens d’Alexandre-le-Grand, Paris : Dessain junior, 1775, p. 288. James Renell, The Geographical System of Herodotus, London : printed for W. Bulmer & Co, 1800, p. 91. Karl August

10

15

Carnet de notes – décembre 1824

489

* Une des plus anciennes Statues d’Apollon, d’Amyclée, dans la Laconie, n’avoit que le visage les pieds & les mains d’un homme. le reste du corps étoit une colonne d’airain. Gr. Amyclæos1.

femmes obligées de se prostituer, en l’honneur d’Anais ou Anaitis. Strabon. Grub. Anais2.

Homere Hymne à Vénus. comme l’amour & la pudeur peintes de couleurs rafinées. ceci bon dans la digression sur les poèmes Homériques. Grub. Anchises3.

5

10

Anna Perenna. Les Romains tout en l’adorant ne savoient pas quelle Divinité c’étoit. Ovid. Grub. ib4.

* Anubis, Gruber5.

15

* Venus Aphakitis en Syrie, paraissant quelquefois sur un lac près de son temple à Aphaka, sous la forme d’une flamme bleue. Grub. art. Aphakitis & cit6. 20

1 2

3 4

5 6

Böttiger, «Zwölftes Vasengemälde. Herkules mit der Amazone», Griechische Vasengemälde, Ersten Bandes Dritter Heft, 1800, pp. 163–202. Aubin-Louis Millin de Grandmaison, Monuments antiques inédits ou nouvellement expliqués, t. I, no 6, pp. 335–377, t. II, no 2, pp. 69–84. J. G. Gruber, Wörterbuch, t. I, pp. 286–289. La description de la statue suit Pausanias (Pausanias, ou voyage historique, t. III, chap. 19 [t. II, pp. 101–102]). J. G. Gruber, Wörterbuch, t. I, p. 293. Le passage de la Géographie de Strabon qui parle de la prostitution obligatoire de toutes les jeunes filles, même celles des familles distinguées, dans le temple d’Anais à Akilesene est précisé chez Gruber : livres XI et XII. J. G. Gruber, Wörterbuch, t. I, pp. 298–300. Gruber résume l’anecdote en citant des passages de l’hymne homérique à Aphrodite. Voir J. G. Gruber, Wörterbuch, t. I, pp. 310–312, l’article sur cette divinité. Anna Perenna est la sœur de Dido, d’après Ovide. Gruber renvoie à un passage des Fastes (3, 523–710) qui raconte son histoire et explique son nom. BC note le titre d’un long article sur ce dieu (J. G. Gruber, Wörterbuch, t. I, pp. 329–335). J. G. Gruber, Wörterbuch, t. I, pp. 336–337. Gruber renvoie à Sénèque, Quæstiones naturales, 3, 26 et Zosime, Histoire nouvelle, I, 58. BC reviendra à cet article, comme le prouve une fiche (BCU, Co 3293) : «Venus Aphakitis pr le ch. de l’infl. des phenomenes. Gruber».

490 fo 19vo

De la Religion, I – Textes complémentaires

* Le grand hymne homérique à Apollon est manifestement composé de deux hymnes, le 1er qui s’étend jusqu’au v. 178. & est adressé à l’Apollon Délien, & le second qui va du 178e à la fin & est adressé à l’Apollon Pythien. quoique Thucidide attribue cet hymne à Homère son origine postérieure est demontrée par un seul fait, c’est que dans ses poèmes Homere parle à peine de Délos et pas du tout de la naissance d’apollon ni des jeux célébrés en son hon[n]eur1.

Il est à remarquer que chez les Grecs les Dieux qui rendoient des oracles ne les rendoient que dans tel ou tel lieu particulier. Jupiter à Dodone, Apollon à Delphes &ca. ailleurs ils ne savent point l’avenir & ne le prédisent pas. Jupiter ne prévoit point que Junon va le tromper que Neptune agira contre son plan &ca2.

tacher d’avoir Voss Mythologische Briefe3

5

10

15

Apollon n’est devenu un avec le soleil qu’à une époque tardive de la religion grecque4.

* Homère Il. XV. 514. connaît si peu la naissance d’apollon à Délos qu’il le fait naître en Lycie5. Λυκηγενησ fo 20ro

20

Apollon parait pourtant avoir possédé plus spécialement le don de lire dans l’avenir. Aussi a-t-il un nombre infini d’oracles6 25

1

2 3

4 5 6

J. G. Gruber, Wörterbuch, t. I, pp. 341–372, article «Apollon». BC traduit ici une note de Gruber (p. 341, n. 1) qui exploite le chap. V des «prolegomena» de l’ouvrage d’August Matthiae, Animadversiones in Hymnos Homericos cum prolegomenis de cuiusque consilio, partibus, ætate (Lipsiæ : Libraria Weidmannia, 1800), pp. 15–17. «carmen hoc, quod in scriptis editisque libris unum sit, in binos hymnos dividendum esse, quorum alter 178 versus priores, reliquos alter complectatur» (p. 15). BC résume une observation de Gruber qui se trouve dans l’article «Apollon», p. 350. Johann Heinrich Voss, Mythologische Briefe, Königsberg : Nicolovius, 1794, 2 vol., ouvrage fréquemment cité par Gruber. BC finira par l’incorporer à sa bibliothèque. Voir le Catalogue. J. G. Gruber, Wörterbuch, t. I, pp. 353–354, article «Apollon». J. G. Gruber, Wörterbuch, t. I, p. 363. BC trouve à cet endroit le terme grec, né dans la Lycie. BC résume les réflexions de J. G. Gruber, Wörterbuch, t. I, pp. 369–370.

Carnet de notes – décembre 1824

491

Idées Indiennes ou Sacerdotales empruntées de l’etranger dans les Poèmes d’Homère. Guigniaud. intr. 491.

Symboles de Phérécyde Semblables à ceux de l’Orient2. ibid. 5

figure des Dieux. ibid. p. 72–733.

* amélioration du Caractère de Mars. comparer Homère & l’hymne Homérique à Mars Gruber art. Arés. p. 380 très important4. 10

Le Dieu de la guerre adoré primitivement chez les Romains sous la forme d’une lame. Grub. art. Arés. p. 381. Varron5

* peu de temples à Mars en Grèce. ce Dieu toujours empreint de notions barbares & moins Grec que les autres. Mars enchainé à Sparte. on lui offrait anciennement des victimes humaines. Gr. ares. 3846.

1

2 3 4

5

6

BC revient aux passages déjà cités ci-dessus, p. 479, n. 1, en renvoyant approximativement à l’endroit où Guigniaut clôt ses réflexions sur les emprunts d’Homère à la mythologie indienne. L’exemple le plus frappant serait la chaîne d’or de Jupiter, qu’il attache à l’Olympe pour y suspendre l’univers (Iliade, VIII, 18 et sv.). Cette chaîne rappelle celle de CrichnaBhagaven : «ce monde visible est suspendu à moi, comme les perles d’un collier au fil qui les retient» (pp. 47–49). Passage déjà cité ci-dessus, p. 479, n. 1. BC renvoie à nouveau à un passage déjà cité ci-dessus. J. G. Gruber, Wörterbuch, t. I, pp. 377–386, article «Ares». Gruber expose l’idée qu’Arès ou Mars s’est transformé au cours des âges. D’abord perçu comme un dieu farouche, il l’est ensuite comme un personnage qui venge l’innocence, protège les mortels ou donne une jeunesse pleine de force et de puissance. BC résume un passage (p. 381) de l’article «Ares» : «Die kriegerische Nation der Römer verehrte, nach Varro’s Bericht, ehe die Künstler ihnen die Götter in menschliche Gestalt kleideten, nach Art der Wilden, den Kriegsgott unter dem Bilde eines Speers». (La nation guerrière des Romains vénérait, d’après ce qu’en rapporte Varro, avant que les artistes représentent les dieux sous des traits humains, comme les sauvages, le dieu de la guerre sous la forme d’un javelot.) BC résume en traduisant certaines tournures un passage de l’article «Ares» (J. G. Gruber, Wörterbuch, t. I, p. 384) : «In Sparta, wo man ihm anfänglich Menschen opferte (Apollod. Fragm., p. 396), war er an Ketten gefesselt, damit er das Kriegsglück an Sparta fesseln möge (Pausan. 3, 15)» («A Sparte, où l’on fit pour lui dans les premiers temps des sacrifices humains, il était représenté attaché à une chaîne, afin d’amener avec lui la victoire dans la

15

492

De la Religion, I – Textes complémentaires

* explications astronomiques de Mars. ibid1.

fo 20vo

* Mopsus, divin & guerrier chez les Argonautes2.

Pindar Ol. 8, 39. dit que Pélée fut après sa mort, mis au rang des Juges des enfers avec Saturne, Cadmus & Achille3

* Hecate, femme d’Aitos Roi de Colchide père de Médée, cette Hécate a beaucoup de ressemblance avec la Déesse de ce nom c’est une empoisonneuse, une magicienne, passionnée pour la chasse, & sacrifiant à Diane les étrangers qui arrivent. Grub. Argonauten. p. 4354

5

10

* Les Argonautes initiés aux mystères de Samothrace – Gr. Argon. p. 4395.

* des géans à six mains, fable Sacerdotale insérée dans les Argonautes. ib. ib6.

1 2

3

4 5 6

guerre»). Les informations de Gruber sont donc plus complètes. Il cite un fragment d’ApolÄ ν, et renvoie à Pausanias, Description de la Grèce, livre II, chap. 15, 6. lodore, ΠεριÁ θεω J. G. Gruber, Wörterbuch, t. I, pp. 385–386, article «Ares». Ce passage exploite un nombre considérable de sources antiques. J. G. Gruber, Wörterbuch, t. I, pp. 390–453 et plus particulièrement pp. 417–418. Dans ce passage, Gruber exploite une série de traditions éparses (pseudo-Hésiode, Scutum Herculis [Le bouclier d’Hercule], 178 ; Gaius Julius Hyginus, Fabulæ, 173 ; Pindare, Odes Pythiques, 4, 337 ; Apollonios de Rhodes, Argonautiques, IV, v. 1502 ; Lycophron, Alexandra, 881 ; Apuleius, De deo Socratis). BC (en citant la huitième ode olympique) reprend un détail sur Pélée qu’il a trouvé chez Gruber, article «Argonauten» (J. G. Gruber, Wörterbuch, t. I, p. 424) et note incomplètement les sources exploitées par le lexicographe (Schol. Pind. Ol[ympica], 8, 39 ; Schol. Lycophr[on], 175 ; [Henricus] Verheyk ad Antonini Liberalis Transformationum congeries], [Lugduni Batavorum : Luchtmans, 1774], p. 254). Mais le renvoi de BC est faux. Il aurait duˆ citer de Pindare l’ode olympique 2, vers 78, où il est question de Pélée, Cadme et Achille non comme juges des enfers mais habitants des îles des heureux. Exemple révélateur de la méthode de travail de BC. Il note des références de seconde main et ne les vérifie pas toujours avant de les utiliser. BC résume, en traduisant des tournures, un passage de l’article sur les Argonautes de J. G. Gruber, Wörterbuch, t. I, à la page indiquée. Gruber renvoie à Apollonios de Rhodes, Argonautiques, I, v. 924. Il aurait dû citer plutôt les vers 915–918, où le poète raconte ce qui est résumé ici. J. G. Gruber, Wörterbuch, t. I, p. 439. Il renvoie à Apollonios de Rhodes, Argonautiques, I, v. 953 (dans les éditions modernes, les vers 944–1010).

15

Carnet de notes – janvier 1825

493

* La Diane ou Artemis de Colchide, gardant la toison d’or contre les Argonautes. ib. 4421.

fo 21ro

Changemens faits par Pisistrate aux poèmes qu’il recueilloit. il fit rassembler les poèmes d’Hésiode comme ceux d’Homere pour les faire chanter par des Rhapsodes aux Panathénées. dans un de ses poèmes il y avoit un vers dans lequel Hésiode disoit que Thésée, amoureux de la belle Aglée avoit abandonné Ariane sa libératrice. Pisistrate, voulant effacer cette tache de la vie du héros d’Athènes fit retrancher ce vers. Plut. Thés. c. 19. Gr. Ariadne. 4562

5

10

Artémis, Aricine, Gr. art. Aricine3 * Camet4 – Mallets – Aumont – Guérin5 – Cazin – 7 Janvr 1825. 15

La Religion Perse attribuoit à la prière le pouvoir de contraindre les Dieux. Guigniaud 81 ou 826.

12 Artémis, ] Artémis, 〈illis.〉 Religion 1 2 3

4

5

6

16 La Religion ] 〈impuissances.〉 (?) ou 〈impositions (?) La

Gruber résume (pp. 442–443) un long passage des Argonautiques d’Apollonios de Rhodes (livre IV, vv. 66–123). BC résume un long développement de J. G. Gruber (Wörterbuch, t. I, article «Ariadne», pp. 454–459, et plus particulièrement pp. 456–457) sur les stratégies poétiques de Pisistrate. J. G. Gruber, Wörterbuch, t. I, p. 459, article «Arikine». Gruber précise qu’Aricina était un des noms donnés à Artémis, dérivé du nom «Aricinum» (bosquet) de la ville d’Aricia, située sur la Via Appia, et il raconte des détails relatifs au culte célébré à cet endroit. C’est le dernier des extraits de Gruber qu’on trouve dans le Carnet. Un officier de cavalerie en demi-solde de ce nom est cité dans La Minerve (t. V, 1819, pp. 412 et 519) pour avoir donné deux fois de l’argent réuni pour le «Champ d’asile», une colonie française éphémère fondée au Texas en 1819. Mais on pourrait plutôt supposer qu’il s’agit d’un notaire puisque BC cherche à le rencontrer pour régler une affaire d’argent relative à sa maison de la rue Saint-André-des-Arts. Voir ci-dessous, p. 496, ligne 5. Le personnage est mentionné quatre fois dans ce Carnet. Il s’agit d’un avoué. Le même nom est mentionné dans le Livre des dépenses (OCBC, Œuvres, t. VII, pp. 435, 438 et 452). On connaît une lettre de BC du 2 novembre 1822 à cet homme (BnF, NAF 13627, fos 52–53). BC cite de mémoire une remarque de J.-D. Guigniaut, Religions de l’Antiquité, qu’on lit à la page 83 : «De la doctrine des mages sortit cette croyance superstitieuse qui donne à la prière le pouvoir de contraindre, de lier, en quelque sorte, les dieux et les esprits». Les réflexions sur cette matière commencent chez Guigniaut à la page précédente.

494

De la Religion, I – Textes complémentaires

avec les progrès de la morale s’épura la doctrine de la prière1. ib.

* Culte de la nature chez les anciens peuples de l’Italie2. ib.

* Dans ce que je dis sur le peu d’influence des prêtres chez les grecs j’ai oublié de parler des familles Sacerdotales. il faut en parler

5

* l’oracle de Delphes avait appartenu à la terre avant d’être sous l’empire d’Apollon. trace peut être d’une religion Sacerdotale. Guigniaud 913. 10

fo 21vo

fo 22ro

* parler dans le ch. sur le peu d’influence du Sacerdoce grec de l’union des prêtres grecs avec les prêtres étrangers. Calchas & Chryses4. Correspondance des oracles Grecs & Egyptiens. * Ordre de travail : copier la totalité du liv. 3 avec les additions deja classées. Donner à l’impression. pendant cette impression, refaire une nouvelle suite d’idées & classer de nouvelles additions tirées de mes notes. après la réception des 1eres epreuves y insérer la nouvelle rédaction & la redemander une 2de fois en placards. pendant cette seconde impression, continuer avec une 3e suite d’idées la classification de nouvelles additions. après reception des 2des epreuves y insérer la nouvelle rédaction & laisser mettre en feuilles. pendant cette 3e impression, continuer les corrections & additions & redemander de 2des epreuves en feuilles, pendant cette dernière impression, commencer la suite d’idées du 4e livre5.

15

20

25

8 avait appartenu ] lecture incertaine 1 2 3

4

5

23–24 en feuilles .... livre. ] passage non biffé

BC cite, en l’abrégeant, une phrase qu’on trouve chez J.-D. Guigniaut, Religions de l’Antiquité, pp. 84–85. Citation abrégée d’une phrase de J.-D. Guigniaut, Religions de l’Antiquité, p. 85. BC cite un passage de J.-D. Guigniaut, Religions de l’Antiquité, qui se trouve à la page 98. Guigniaut y renvoie à sa note 12 (t. I/2, pp. 560–562) qui appuie cette opinion par un long extrait de A. Heeren, Ideen über die Politik und den Handel der Alten Welt, t. III/1, pp. 97106. Calchas, devin grec qui accompagna les Grecs devant Troie. Il avait prédit que le siège durerait dix ans. Chryses, prêtre d’Apollon et roi de Chrysé, père de la belle Chryseis, prise par Achille, Iliade, I. On voit comment BC travaille. L’état imprimé du texte, même s’il est provisoire, est important pour la composition de l’ouvrage. L’impression sur placards, c’est-à-dire sur de

Carnet de notes – janvier 1825

495

* retrouver le no 9 des chemises des papiers d’affaires citer impositions de 1824.

* courses 6 janvier. 1o Séguin1. 2o Camet rue Grenelle St. Honoré. 3o Chambre.

5

* réponses à attendre. 1o Aumont. 2o Barthe 3o Guérin 4o Camet 5o Mallets 6o Cazin 7o Sautelet 8o Varaigne

* courses 9 janvier. Constant2, Caumartin 30. Cazin. Coste3 chantereine4 10. Broglie5

* Goerres 1. 261. pr la pierre Tutya6 –

8 Sautelet ] lecture hypothétique

1

2 3

4 5

6

grandes feuilles tirées côté recto seulement, sans la mise en page définitive, donc sans pagination, mais avec de larges marges pour pouvoir y introduire des corrections, permet une meilleure surveillance de la composition du livre. Notons au passage que cette notice de BC permet de corriger la datation trop tardive (1828) de la première attestation de ce mot proposée dans le dictionnaire Robert. S’agit-il d’Armand Séguin (1768–1835), auteur de Considérations sur les systèmes suivis en France dans l’administration des finances (Paris : Guiraudet, 1824–1825) ? Il est cité cinq fois dans ce Carnet. Ce même personnage est mentionné dans le Livre des dépenses (OCBC, Œuvres, t. VII, p. 427) où il n’est pas identifié. Jean-Victor de Constant (1773–1850), demi-frère de Rosalie de Constant, en visite à Paris. Voir la lettre de BC à Rosalie du 9 décembre 1824 (Corr. Rosalie, p. 260). Il peut s’agir du journaliste Jacques Coste (1799–1858). BC lui écrit assez souvent et lui donne aussi des tirés à part de ses publications. Il est nommé dix-sept fois dans ce Carnet, Le même nom désignant un autre personnage apparaît à plusieurs reprises dans le Livre des dépenses (OCBC, Œuvres, t. VII, p. 420 et passim), où il s’agit peut-être d’un domestique ou d’un copiste. Probablement Victor Avoyne de Chantereine (1762–1834), magistrat et député du département de la Manche, siégeant à droite. Première mention de Victor de Broglie (1785–1870) dans ce Carnet. Pair de France dès 1814, il épousera Albertine de Staël le 20 février 1816. BC l’a consulté assez souvent pour des questions politiques. On en trouve un exemple impressionnant dans le Commentaire sur l’ouvrage de Filangieri (OCBC, Œuvres, t. XXVI, pp. 195–204). Voir ci-dessus, p. 469, n. 3.

10

496

De la Religion, I – Textes complémentaires

* Doxat. huile d’aix. reglisses. Il faut faire une énumération plus complette des castes. Ethiopiens, Indiens, Egyptiens, Mexicains –

avoir la quittance des 635 f payes a camet pour la rue St Denis & savoir si en effet je dois 271 f. pr celle St Andre des arts

fo 22vo

5

* rendez vous chez Me Barthe de 8 à 9 h jeudi 13 janvier.

* Dans un endroit j’établis qu’en Egypte on tuoit les hommes roux & ailleurs que les hommes rouges tuoient les hommes noirs.

10

* 13 Janver. C. Perrier. Sallon. Broval1. Béchet. Barthe

* Les Prêtres Egyptiens portoient un sceptre comme les Rois. Diod. IV2

8 rendez vous ... Me ] lecture hypothétique, toute cette note étant fortement caviardée

1

2

Il s’agit de Nicolas-Thomas-François Manche Broval, dit le chevalier de Broval, secrétaire de Louis-Philippe. Gustave Rudler a publié les lettres de Broval à BC («Comment un règne se prépare : Benjamin Constant et le Palais-Royal», Mélanges de littérature, d’histoire et de philologie offerts à Paul Laumonier, Paris : Droz, 1935, pp. 507–514). La lettre de BC à Broval de ce jour est probablement une excuse de devoir décliner une invitation au PalaisRoyal pour des raisons de santé, comme il ressort du premier billet conservé que Broval adresse le lendemain à Constant (voir Rudler, p. 508). BC lui adressera plusieurs de ses publications. Diodore de Sicile, Histoire universelle de Diodore de Sicile, traduite en françois par Monsieur l’abbé Terrasson, de l’Académie Françoise, Paris : de Bure, 1787, t. I, livre I, section II, p. 97 : «Les Prêtres disent qu’Hermès a été l’inventeur de toutes les disciplines & de tous les arts, comme leurs Rois l’ont été de tout ce qui concerne les besoins de la vie. C’est pour cela qu’autrefois le sceptre ne passoit pas en Egypte aux descendans du feu Roi, mais il était donné à ceux qui s’étoient rendus recommandables par leurs bienfaits ; soit que les peuples voulussent assurer le bonheur public par cette coutume ; soit qu’ils eussent trouvé cette loi dans les livres sacrés.» Le renvoi à un livre ou un chapitre IV est erronné. Voir ci-dessous, p. 621, une autre citation de Diodore. Le renvoi donné par BC à cet endroit est probablement également fautif, à moins que BC ne cite le chapitre.

15

Carnet de notes – janvier 1825

497

* relire l’art. Bramines dans le dictionnaire de Mayer p. 283 & suiv. T. I1.

* rechercher dans mes copies d’où est tiré le passage latin2 cité note 3, p. 76. Eos solos &ca. 5

* V. ds Bayle l’art. Stilpon pour des Citations3

* rechercher dans mes copies d’où est tiré le passage latin cité note 3 p. 854. silentium &ca. 10

fo 23ro

* Visites à faire. Manuel5 Louïse.

11 Louïse ] lecture incertaine ; suit encore un mot biffé, illis.

1

2

3

4

5

BC consultera F. Majer, Allgemeines Mythologisches Lexicon. L’article en cause, «Brahmanen», se trouve dans le t. I, pp. 283–312. BC reprend ici une note de ses extraits (BCU, Co 3293). Il s’agit de la phrase suivante utilisée dans le livre III, chap. 10 de De la Religion (OCBC, Œuvres, t. XVIII, p. 104, n. d) : «Eos solos (les Brachmanes), esse inter Indos divinandi peritos, neque cuiquam divinationem permitti, nisi sapienti viro». Elle est tirée d’Arrien, Historiæ indicæ Liber, cap. XI (Arriani Nicomedensis Expeditionis Alexandri libri septem et Historia indica, græc. et lat. cum annotationibus et indice græco locuplentissimo Georgii Raphelii, Amstelædami : Apud Wetstenium, MDCCLVII, p. 572). La citation n’est pas littérale : «Sunt vero etiam hi soli [i.e. sophistæ, honore et gloriaˆ præstantissimi] inter Indos divinandi periti, neque cuiquam divinatio permittitur, nisi sapienti viro.» Stilpon, philosophe grec de Mégara, très réputé, de l’école d’Euclide. BC se propose de retourner à l’article de Pierre Bayle dans le Dictionnaire historique et critique, Rotterdam : M. Bohm, 1720, t. III, pp. 2656–2659 (éd. de 1820–1824, t. XIII, pp. 498–507). Les notes de Bayle sont pleines de renvois à des auteurs classiques. Le passage latin en cause est probablement la phrase tirée de Tacite, De origine et situ Germanorum, 7, qui est utilisée dans le livre III, chap. 10 de De la Religion (OCBC, Œuvres, t. XVIII, p. 109, n. c : «Silentium (dans les assemblées) per sacerdotes quibus et coercendi jus est, imperatur... Neque animadvertere, neque vincire, neque verberare, nisi sacerdotibus est permissum, non quasi in pœnam, sed velut Deo imperante, quem adesse bellatoribus credunt.») Jacques-Antoine Manuel (1775–1827), homme politique, député libéral à la Chambre, un des collègues de BC.

498

De la Religion, I – Textes complémentaires

* parcourir l’histoire de la législation par Pastoret1.

voir dans la bible ou il est dit que Jacob à l’exemple d’Hermès divisa les arts les fonctions & les terres entre les Tribus, & consulter Michaelis Mos. Recht2 sur la division en castes chez les Hebreux.

5

Les Juifs croyant que Moyse a disparu disent à Aaron : leve-toi, fais nous des Dieux.

* Je vous ai séparés de toutes les nations de la terre. Levit. XX.

10

* que la mythologie homérique fait disparaître chez les Grecs tous les souvenirs. Guign. intr. 1013.

* Ce n’est plus la contemplation ib. 1024.

1

2

3

4

Claude-Emmanuel-Joseph Pierre, comte d’Empire, puis marquis de Pastoret en 1816 (17561840), homme politique pendant la Révolution, professeur de droit des gens au Collège de France en 1804 et de philosophie en 1809 à la Sorbonne, pair de France depuis 1814. BC se propose de lire de lui Histoire de la législation, dont le premier volume a paru en 1817 (Paris : Imprimerie royale). Il s’agit de Johann David Michaelis, Mosaisches Recht, Frankfurt am Mayn : bey Johann Gottlieb Garbe, 1770–1775. BC, qui possédait les six volumes de cet ouvrage (voir le Catalogue), ne semble pas encore l’avoir consulté au moment où il prend cette note. Michaelis ne s’attarde guère sur cet aspect. On pourrait citer un passage du t. I, § 38, pp. 198202. «La Grèce, avec ses familles de dieux qui, par les héros et les héroïnes, viennent se perdre dans l’humanité, avec toutes ses légendes divines et héroïques, est la véritable mère des mythes, mère féconde, dont Homère peut être regardé comme le plus digne fils. Et maintenant, la nation toute entière, subjuguée par le génie de ce grand poëte, oublie, à la vue de son nouvel et brillant Olympe, les leçons sublimes mais à demi voilées qu’elle reçut jadis des prêtres de l’Orient : croyances, poésie, sculpture, tout se règle sur ce modèle désormais national ; toute autre lumière pâlit devant la sienne» (Religions de l’antiquité, p. 101). «Ce n’est plus l’antique quiétude, ce n’est plus la contemplation, qui fait le point dominant de la religion des Grecs ; c’est l’action, l’action toute sensible et toute humaine, et le mythe éloquent succédant au muet symbole, cette religion devient purement extérieure ; tout est sacrifié aux plaisirs de l’imagination et du goût, à la beauté des formes ; le fond ni les sens ne sont plus rien» (p. 102).

15

Carnet de notes – janvier 1825

499

* Creutzer attribue tout au génie d’Homere1. ib.

* Religion orphique Prêtres Rois ibid. 1032.

* Canif – Tabatière – Stapfer3 rue des jeuneurs 4 – remis les Papiers [...] – coupoir – Béchet – Méchin4 –

fo 23vo

5

* Témoinage de Pausanias sur l’aspect extraordinaire des animaux dans l’Inde. Arcad. 29 au liv. VIII4. 10

* en dépit de toutes les révolutions ce peuple (les Indiens) s’est maintenu dans le pays sans rien perdre de son originalité & les Hindous sont encore aujourd’hui, à bien des égards, ce qu’ils étoient il y a 20 siècles. Guign.1375. 15 er

er

Brama le 1 mâle mais aussi le 1 hermaphrodite, ibid. 1566. & Introduction p. 73.

Pouléar, le Dieu du mariage astreint lui même au celibat. ib. 1667. 20

5–6 remis ... coupoir ] remis les papiers restitution hypothétique des trois premiers mots ; suivent encore un ou deux mots illis., dont peut-être Barthe – la ligne suivante, qui commence par le mot coupoir bien qu’également biffée, est parfaitement lisible 7 de Pausanias ] de 〈Dio...〉 Pausanias 16 Brama ] 〈illis.〉 Brama 1 2 3 4

5 6 7

Cette note résume un passage qui suit immédiatement la citation précédente. L’opinion de Creuzer citée par Guigniaut se trouve exprimée dans sa Symbolik, t. I, p. 207. Résume les réflexions sur l’influence renouvelée des religions orphiques venues de l’Asie, pp. 103–105. Philipp Albert Stapfer (1766–1840), homme d’E´tat suisse et littérateur, ami de BC. Comme le prouve un autre renvoi à Pausanias un peu plus loin (voir ci-dessous, p. 500), BC lit l’Itinéraire de la Grèce d’après la traduction de l’abbe´ Gédoyn. Le passage sur les animaux de l’Inde se lit dans Pausanias, ou voyage historique, IX, chap. 21 (t. IV, pp. 70– 71). Citation littérale. Citation abrégée d’une observation de J.-D. Guigniaut, dont il est aussi question à la p. 73 de l’ouvrage. Résumé d’un alinéa de l’ouvrage de J.-D. Guigniaut, Religions de l’Antiquité.

500

De la Religion, I – Textes complémentaires

* il faudra nécessairement dans le 4e livre un morceau sur le beau coté de la religion Indienne, & ib. quelque chose sur la pureté de la religion de Zoroastre.

* il faut placer ce que nous avons à dire sur le despotisme des druides dans le livre des résultats 42

fo 24ro

* ordre de travail, 25 Janvier1. 1o. achever la copie du ch. 10. 2o. idem celle de la suite d’idées jusqu’au ch. 10. 3o. revoir cette suite, d’après la nouvelle copie infolio. 4o remettre cette copie à Didot2.

5

10

* retrouver un passage sur les migrations des Mexicains.

* «S’il est vrai, dit Pausanias, que le soleil, en echauffant la terre encore toute pénétrée de l’humidité primitive eût produit les 1ers hommes, quelle contrée a du les voir naître plutôt ou les porter plus grands que l’Inde qui de nos jours encore nourrit des animaux d’un aspect si extraordinaire & d’une si monstrueuse grandeur ?» Pausan. Arcad. 29

15

20

* à faire. 1o. achever la copie du ch. 10. 2o. faire la suite d’idées du même ch. 3o. faire & copier les ch. 11, 12 & 13. 27 Janvier. * deux lettres de Champollion jeune l’une dans le Moniteur après le 30 8bre L autre ibid. après le 6 9bre 18243

1

2

3

Les indications sur des travaux à faire, assez fréquentes dans ce Carnet (plus de cinquante cas), permettent souvent de dater les notes en question. En l’occurrence, du 24 janvier, comme le suggère la date inscrite à la fin d’une note ci-dessous (p. 501, ligne 7). Dans ce Carnet, BC ne distingue pas entre Firmin Didot (1764–1836) et son fils aîné Ambroise-Firmin Didot (1790–1876), qui géraient la maison d’édition parisienne. Le nom figure sur la liste des «Personnes à inviter» (Registre universel, fo 27vo). BC renvoie au Moniteur, qu’il n’a pas encore consulté lorsqu’il rédige sa note. On trouve les deux lettres dans le no 360, 25 décembre 1824, pp. 1653b–1654a. Il s’agit, d’après le compte rendu sommaire paru dans le Moniteur, no 344, 9 décembre 1824, pp. 1587c–1588a, d’un extrait de l’ouvrage de Jean-François Champollion, Lettres à M r le duc Blacas d’Aulps relatives au Musée royal égyptien de Turin ; première Lettre, Monuments historiques, Pa-

25

Carnet de notes – janvier 1825

fo 24vo

501

* phrase du même. «D’autres peintures m’ont surpris par leur obscénité, & ont ébranlé ma croyance sur la haute sagesse Egyptienne, à moins qu’on ne suppose que ces peintures aient été saisies par autorité de justice». lettre du 6 Novembre1. 5

* à faire. 1o additions pour le ch. XI. consulter le livre rouge2 dito le Repertory. copier le ch. XI. 24 Janvier.

* voir à la Bibliothèque de la Chambre3 Mémoires sur les chinois vol. XII. à propos du kili[n] animal fabuleux4 & Duhalde5 ou toute autre vie de Confucius.

1

2

3 4

5

ris : Firmin Didot, 1824. Il est fort probable que BC ait lu le texte des lettres de Champollion dans le Bulletin des Sciences historiques, Antiquités, Philologie, qui forme la septième section du Bulletin universel des sciences et de l’industrie, t. II, 1824, pp. 297–303. BC cite une phrase de la seconde lettre de Champollion Jeune datée du 6 novembre 1824 qu’il a trouvée dans le Bulletin universel, septième section, t. II, p. 303. La citation n’est pas littérale mais les petits changements de syntaxe n’affectent pas le sens. Ce «Livre rouge» est attesté par plusieurs cahiers de notes ou fiches (voir P. Thompson, Les écrits de Benjamin Constant sur la religion, p. 162) mais le manuscrit ne semble pas avoir été conservé. Nous savons pourtant, grâce à une table des matières qui se trouve dans les notes de lecture de BC (BCU, Co 3293, liasse 14) qu’il comprenait au moins 151 pages et contenait des notes de lecture qui n’étaient pas arrangées systématiquement, de sorte que BC avait besoin d’un petit répertoire pour s’y retrouver. On peut penser que ce cahier a disparu ou qu’il a été découpé et réutilisé sous une autre forme n’en permettant plus l’identification. BC se rendra souvent dans cette bibliothèque, comme il ressort des notes de ce Carnet. BC se propose de consulter le t. XII des Mémoires concernant l’Histoire, les Sciences, les Arts, les Mœurs, les Usages, &c. des Chinois ; par les missionnaires de Pékin, Paris : Nyon, 1786, et en particulier l’étude du P. Joseph-Marie Amiot, «Vie de Koung-Tsée, appelé vulgairement Confucius, le plus célèbre d’entre les philosophes chinois, et le restaurateur de l’ancienne doctrine», pp. 1–508. La légende autour du Kilin est racontée p. 13, récit accompagné d’une planche. Celle-ci est expliquée p. 437. Le Kilin est mentionné dans une note au Livre IV, chap. 12 de De la Religion (OCBC, Œuvres, t. XVIII, p. 191, n. c). Dans la même note c, BC cite Engelbert Kaempfer et son Histoire naturelle, civile, et ecclésiastique de l’Empire du Japon, dont la traduction française avait paru en 1729. Il y a eu plusieurs éditions allemandes, p. ex. Engelbert Kaempfers Geschichte und Beschreibung von Japan. Aus den Originalhandschriften des Verfassers herausgegeben von Christian Wilhelm Dohm, Lemgo : Meyer, 1777–1779, 2 vol. Le P. J.-B. Du Halde, Description géographique, historique, chronologique, politique et physique de l’Empire de la Chine et de la Tartarie chinoise. Dans le t. II, p. 168b, vers la fin d’un chapitre sur la «Monnoye qui en différens tems a eu cours à la Chine», Du Halde décrit l’effigie de cet animal fabuleux : «Le Kilin est un animal, selon eux, qui est composé de différentes parties de plusieurs animaux. Il est de la hauteur d’un bœuf & en a l’encolure ; son corps est couvert de larges & de dures écailles ; il a une corne au milieu du front, des

10

502

De la Religion, I – Textes complémentaires

Voir Buhle I. 106–107. sur la religion Chinoise1.

* lire Mayer art. Fo & Fohi & l’art Jog2.

Constant – A[...] – Dupont3 – Coste – Cartulat4 – A[...] – Cazin

* à faire. 1o. finir les additions sur le Japon en consultant mon Ch. sur le Sacerdoce dans le commentaire de Filangieri5. 2o. revoir dans toutes les 5 Constant ... Cazin ] deux lignes biffées presque illis.

1

2

3

4 5

yeux & des moustaches semblables aux yeux & aux moustaches du Dragon Chinois.» Du Halde revient encore à deux reprises et très occasionnellement sur cet animal fabuleux. Il est d’ailleurs possible que BC ait consulté la traduction allemande de cet ouvrage : Ausführliche Beschreibung des Chinesischen Reichs und der grossen Tartarey, Rostock : Johann Christian Koppe, 1749, 4 vol. Les extraits donnent cette phrase, qui résume un passage de l’ouvrage de Johann Gottlieb Buhle, Geschichte der neuern Philosophie seit der Epoche der Wiederherstellung der Wissenschaften, Göttingen : J. G. Rosenbusch’s Witwe (und J. F. Röwer), 1800–1805, (Philosophie des nations sacerdotales) : «Chinois. la religion vulgaire repose sur le culte des Astres et des Elemens» (BCU, Co 3293, extraits de Buhle no 13, avec la mention «empl. 1825»). BC se propose la lecture de trois articles. Le premier, assez développé, sur le fondateur d’une religion, Fo ou Foe, répandue en Chine (t. II, pp. 94–105) ; le second sur Fo-hi, roi légendaire des premiers temps de l’empire chinois (t. II, pp. 115–119) ; le troisième sur les «Jogis», les érémites des Brahmes (t. II, pp. 448–452). L’abréviation du dernier nom s’explique par la forme du titre courant qu’on trouve chez Majer («Jog»). Il se peut aussi que BC se propose la lecture de l’article «Jogs», nom indien donné aux époques du monde dans la mythologie hindoue. Il s’agit peut-être de Jacques-Charles Dupont, dit Dupont de l’Eure (1767–1855), esprit indépendant, élu député en 1817. Il se rallie à l’opposition constitutionnelle, vote pour le jury à prévoir dans les procès des délits de presse et combat la proposition Barthélemy. On le trouve toujours au premier rang des députés libéraux. Il est mentionné à plusieurs reprises dans ce Carnet. On trouve également son nom dans la liste des «Personnes à inviter à mes soirées» (Registre universel, fo 27vo). Rappelons encore que BC s’adresse, dans un billet datable du 10 décembre 1825, à un homme d’affaires de ce nom pour lui rappeler qu’il cherche une maison et qu’il dispose d’une somme d’environ 60.000 frs. pour cela (BCU, Ms. 293). Est-ce le même ? On peut enfin penser aussi à Ambroise Dupont, l’éditeur des Discours de BC. Nous le retrouvons ci-dessous, p. 612, n. 3. Il s’agit du tapissier Cartulat, mentionné dans le Livre des dépenses (OCBC, Œuvres, t. VII, p. 470). C’est-à-dire le chap. 4 de la quatrième partie (Commentaire sur l’ouvrage de Filangieri, Paris : Dufart, 1822, pp. 261–271, OCBC, Œuvres, t. XXVI, pp. 369–378).

5

Carnet de notes – janvier 1825

503

feuilles fol. s’il y a d’autres additions nécessaires. 3o. les placer & 4o. copier le ch. XI.

* lire pr le ch. 11 du liv. 3. Wagner p. 144–1451. 5

* revoir le livre sur la spiritualité pour le ch. 11 du livre 3.

fo 25ro

* à faire 30 janvier. 1o. classer dans la petite copie les additions du chapitre XII. 2o. copier le chap. XII. relire les notes dans ce livre ci. 10

* Matériaux inutiles à revoir pour le livre plein. 3o livre violet3.

III.

1o Repertory. 2o. livre verd2,

* placer 2 observations dans les additions au ch. XI, notées, 240 & F. 15

12 plein. ] lecture incertaine 1

2

3

BC travaille avec ses «Notes de lecture» à côté, en l’occurrence les notes se rapportant à l’ouvrage de J. J. Wagner, Ideen zu einer allgemeinen Mythologie der alten Welt (BCU, Co ` la destruction du 2d age du monde, Dieu ordonna à Schiva 3293, Wagner, nos 24 et 25) : «A d’epargner quelques individus pour recommencer la race humaine pour le 3me age : mais il voulut que la race entière des cuttenies, ou guerriers, d’ou` les rois étoient tirés, fut détruite, parce que c’étoit le mauvais gouvernement des rois qui avoit corrompu le monde. tradition sacerdotale contre l’autorité politique. 144». Et encore : «dans le 3me age, la race des cutteries ayant été détruite, et une race nouvelle de guerriers et de Princes étant nécessaire, Dieu pour qu’elle fut plus pure, voulut qu’elle fut tirée de la race des Bramines. tradition ut supra § 24. 145». Les deux notes sont accompagnées de la mention «empl. 1825». Voir OCBC, Œuvres, t. XVIII, p. 150, n. b, où les notes ci-dessus sont employées, mais sans identification de la source de l’information. Le «Livre verd» (BCU, Co 3260) est un recueil de notes et d’additions pour l’ouvrage sur la religion. Les différentes notes sont numérotées en chiffres romains placés dans la marge gauche, à côté des chapitres concernés. BC note dans ce recueil s’il a employé les notes, et en quelle année. Le «Livre violet», un recueil d’additions et de notes que BC désigne aussi sous le titre de «Registre violet» (BCU, Co 3261), contient, de la main d’un secrétaire, des notes, 330 en tout, numérotées en chiffres romains. BC les biffe quand il les a employées. BC s’est réservé de la place pour pouvoir ajouter à la note ci-dessus environ trois ou quatre lignes.

504

De la Religion, I – Textes complémentaires

* reprendre pour la Grèce les observations infolio sur le climat.

* Sebastiani1 – Méchin –

fo 25vo

* relire le livre 7 de l’ancienne copie sur les causes locales & accidentelles

5

malgré tout le blâme que mérite le Polythéisme sacerdotal, ne vaut-il pas mieux que l’absence de toute croyance ? Questions un culte fixe n’est-il pas un besoin de l’homme ? comment l’organiser ? au dessus du Gt. Théocracie. au dessous avilissement de la religion. à côté lutte.

10

* l’homme n’est raisonnable, conséquent, vertueux qu’autant que le moral l’emporte sur le Physique. Or cette victoire est beaucoup plus difficile dans les Climats chauds que dans les autres comme il faut plus de Chasteté pour y être chaste, il faut plus de raison pour y être raisonnable.

* à faire, 31 Janvier. 1o reprendre pour la Grèce mes observations sur le Climat folio, relire le livre 9 de l’ancienne copie fénié2, et le livre 7 sur la spiritualité, plus celui-ci, refondre le tout & copier le ch. 12.

16–17 dans les Climats ] la source porte dans Climats

1

2

Le général Horace-François-Bastien Sébastiani est un personnage que BC fréquente beaucoup. Rappelons que c’est lui qui a joué un rôle de première importance dans la décision de BC de s’engager pour l’Empire libéral pendant les Cent-Jours (voir le J.I. et les Mémoires sur les Cent-Jours, OCBC, Œuvres, t. VII et XIV). Son nom figure aussi sur une des listes des «Personnes à inviter à mes soirées» (Registre universel, fo 27vo). Fénié est un copiste de BC. Il fait appel à ses services entre le 21 mars 1818 et le 19 octobre 1821, comme il ressort du Livre des dépenses (OCBC, Œuvres, t. VII, pp. 382–431 ; y corriger partout le nom écrit mal orthographié «Sénié»).

15

20

Carnet de notes – février 1825

505

Vol. de la Collection1 à consulter : 3. 9. 23.

* Relire pour le 13e ch. le 16e livre sur l’introduction des dogmes sacerdotaux en Grèce. 5

* Le deisme une théocracie d’Athées.

voir sur l’ancien culte des Etrusques Aul. Gell. N. A. II. 282.

* consulter Münter Religion der Carthager pr le 6e livre3

10

* à faire 1er février. 1o relire le ch. 12 tel qu’il est avec les additions. 2o copier ce ch. 3o. completer d’après la copie folio la suite des idées jusqu’au ch. 9. 15

6 Le deisme ] lecture incertaine 1

2

3

Le terme «Collection» se rapporte au premier catalogue de la bibliothèque de BC, qui classe les ouvrages qu’il possède soit par nom d’auteur, soit sous la rubrique «Collection». Celleci compred 67 unités en tout, dont chacune peut contenir plusieurs ouvrages ou brochures. En l’occurrence, le no 3 ne contient qu’un ouvrage, Pensées de Platon sur la religion, la morale, la politique, recueillies et traduites par M. Jos. Vict. le Clère, 2e édition augmentée [...] d’une histoire abrégée de Platonisme, et de notes sur le texte, Paris : Auguste Delalain, 1824. Le no 9, qui comprend sept titres en tout, contient les Recherches sur Buddha, une biographie de Kant et des brochures politiques, les quatorze titres du no 23 désignent des ouvrages politiques, dont une brochure de F.-R. de Chateaubriand, Du sacerdoce, ou Fragment d’un ouvrage publié à Londres, Paris : Laurent-Beaupré, 1814. Voir encore ci-dessous, p. 506, n. 1. BC cite Aulus Gellius, Noctes atticæ, sans que l’on puisse préciser où il a trouvé la référence. Voir Nuits attiques, texte établi et traduit par René Marache, Paris : Les Belles Lettres, 1967, t. I, pp. 136–137, si la référence de BC est exacte. Il est question à cet endroit du souci des Romains de veiller sur les prescriptions religieuses et de vénérer les dieux. Il y est dit en plus qu’ils prévoyaient des fêtes religieuses dès qu’un tremblement de terre était à craindre. BC va consulter Friedrich Christian Carl Heinrich Muenter, Die Religion der Karthager, Kopenhagen : J. H. Schubothe, 1816, ouvrage qu’il achètera pour sa bibliothèque (voir le Catalogue).

506

De la Religion, I – Textes complémentaires

* revoir dans la collection vol. 18 Chateaubriand sur les élections pr la Chambre1.

fo 26ro

* fait pour la suite d’idées les ch. 1 & 2. 5

v. sur Dodone Pausan. Attic. 13 & sur son oracle Larcher not. sur Herod. II. 291. Lib. VI. ch. 82.

* Le sacerdoce n’a de patrie que l’ordre Sacerdotal. 10

* à faire 2 février 1o. achever la copie du 12 ch. 2o. faire la suite d’idées du ch. 3 au ch. 9. * à faire 3 février. 1o. faire la suite d’idées du ch. 5 au ch. 9. classer les additions pour le ch. 13.

15

* Courses. Varaigne. Jullien3.

Il n’est pas question des Indiens au sujet des gaulois dans les Mem. des Inscr. XXIV 359–360. retrancher le mot des Indiens4. Quotidienne du 1er fevrier sur les vœux perpétuels5. «il est un fait constant, c’est que dans les monastères, l’habitude des vœux perpétuels s’est géné4 les ch. ] 〈illis.〉 les ch. 1

2 3 4 5

6 sur Dodone ] sur 〈l’oracle de〉 Dodone

BC veut consulter la brochure Proposition faite à la Chambre des pairs, par M. le vicomte de Chateaubriand, dans la séance du 23 novembre dernier, et tendant à ce que le Roi soit humblement supplié de faire examiner ce qui s’est passé aux dernières élections afin d’en ordonner ensuite selon sa justice ; suivie de pièces justificatives annoncées dans la proposition, Paris : J.-G. Dentu, 1816. Voir le Catalogue. P.-H. Larcher, Histoire d’Hérodote, parle de l’oracle de Dodone t. II, pp. 46–49. Les notes se trouvent pp. 288–291. L’indication «Liv. VI, chap. 8» n’est pas élucidée. Marc-Antoine Jullien (1775–1848), publiciste libéral. Voir ci-dessus, p. 469, n. 4. BC copie une partie de l’article anonyme de la Quotidienne, no 32, 1er février 1825, p. 3a.

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Carnet de notes – février 1825

fo 26vo

ralement établie. Pour les ames pieuses les conseils, les commandemens de la religion sont trop puissans pour que les loix humaines puissent arrêter la novice prête à prononcer ses vœux ; de là résulte donc qu’on la place dans l’obligation toujours malheureuse de violer les loix de son pays & désobéir par conscience à la loi de son prince. ... La tranquillité des familles, la stabilité de leurs fortunes, semble aussi exiger la perpétuité des vœux monastiques. Les vœux sont un changement d’état. Un changement d’état ayant toujours des effets qui lui sont propres, doit être perpétuel. S’il pouvoit être permis d’entrer & de sortir capricieusement des familles, les familles seroient sans cesse troublées, aucun de leurs rapports, aucun de leurs droits ne seraient perpétuels. Les Vœux sont un mariage mystique ...

5

10

48

fo 27ro

Datum negotium Ædilibus, ut animadverterent ne qui, nisi Romani Dii, neque alio more quam patrio, colerentur. Tit. liv. IX. no 301

Incusati graviter ab Senatu Ædiles Triumviri que capitales, quod non prohiberent.... Marco Attilio Prætori urbis negotium ab Senatu datum est. id. XXIX. no 1. L’an 592 de Rome. id. l’an 5362.

innumerabilia Decreta Pontificum Senatus consulta.

1 2

3

XXXIX.

no 163.

Cet article répond à une attaque du Courrier de la veille, dans laquelle la Quotidienne est qualifiée de «journal monastique». La copie de BC est conforme au texte, exception faite des huit lignes supprimées mais signalées dans le texte, des italiques qui appartiennent à BC, et des mots «la perpétuité des vœux monastiques», qu’il ajoute sans altérer le sens de la phrase. Le renvoi de BC n’est pas correct ; il faut lire Tite Live, Ab urbe condita, livre IV, chap. 30, 11. Citation conforme, à l’exception d’une coupure sans importance. Il faudrait corriger le renvoi (Tite Live, Ab urbe condita, livre XXIV, chap. 1, 10–11) et le nom du préteur qui s’appelle Marcus Æmilius. La phrase tronquée de BC ne tient pas compte des circonstances historiques du moment, à savoir des troubles publics qui apparaissent à Rome après avoir laissé s’établir beaucoup de religions étrangères. Tite Live, Ab urbe condita, livre XXXIX, chap. 16, 7. BC ne tient pas compte d’un détail important du passage : «Ubi deorum numen prætenditur sceleribus, subit animum timor, ne fraudibus humanis vindicandis divini iuris aliquid immixtum violemus. Hac vos religione innumerabilia decreta pontificum, senatus consulta haruspicum denique responsa liberant.»

15

20

508

De la Religion, I – Textes complémentaires

Le Culte de Jupiter Sabasius proscrit l’an 6231.

* à faire. 4 février. 1o la suite d’idées du ch. 9 au chap. 13. 2o. le classement des additions contenues dans les feuilles folio, dans les livres 10 & de o e l’anciene copie, & dans le livre rouge. 3 . copier le 13 ch.

5

pâte de lichen rue Vivienne no 16

* Magnus ab integro Saeclorum nascitur ordo ...... Jam nova progenies caelo demittitur alto. Verg. Ecl. IV2.

* Union incestueuse de Brama & de Saraswaty sa fille. Guign. 1253 Création des castes. ib.

fo 27vo

10

15

Brama s’irrite de ce que Brahman qu’il avoit créé pour la méditation, vouloit avoir une femme, & lui en donne une de la race des Démons. impureté de l’union des Sexes. ib. après p. 2254. 20

3 la suite ... chap. 13. ] lecture incertaine

1

2 3 4

4 10 &

de ] le second chiffre n’est pas indiqué

BC ne se trompe pas en parlant d’un Jupiter Sabasius. Georg Wissowa connaît cette tradition qui identifie le dieu thracien et phrygien Savazios chez les Grecs avec Dionysos, chez les Romains avec Jupiter (Religion und Kultus der Römer, reprint de l’édition de 1912, München : C. H. Beck, 1971, pp. 375–376). On sait en outre que le préteur Cn. Cornelius Hispanus chassa en 139 av. J.-C. les Chaldéens d’Italie. Cette proscription frappa aussi les Juifs, adorateurs du Jupiter Sabazius, avec un rapprochement possible à «Sabaoth». L’année 139 correspond à l’année 615 ab urbe condita (Kurt Latte, Römische Religionsgeschichte, München, 1960, p. 275). La source de BC, qui contenait probablement la fausse date, n’est pas identifiée. Les vers 5 et 7 de la 4e Églogue des Bucoliques de Virgile. Résume deux pages (226–227) des Religions de l’Antiquité qui racontent la création d’êtres célestes et des hommes, y compris les quatre castes principales de l’Inde. Résume un alinéa qui se trouve pp. 227–228.

Carnet de notes – février 1825

509

* Chute de Brama. Chute d’un Dieu au lieu de la chute de l’homme. ib1.

2de Incarnation de Brama en Paria assassin. ib2. 50 5

relire attentivement Guigniaud sur l’Inde, pour achever la rédaction de mon ch. sur le Théisme de l’Inde3.

* voir des explications sur la fable d’Hercule de Jupiter Ammon & du belier dans Heeren Griech. 754.

10

* cons. pr l’époque où le culte d’adonis fut introduit à Athènes & pour les ceremonies de ce culte Ac. Inscr. III5. Meurs. Graec. fer6.

* v. dans Bayle l’art. Borée où il y a des détails sur les sacrifices des Thuriens, des Mégalopolitains & des Athéniens aux vents7.

1 2 3

4

5 6

7

Résume l’histoire de Brahma, J.-D. Guigniaut, Religions de l’Antiquité, pp. 229–230. Résume un épisode de la vie de Brahma, J.-D. Guigniaut, Religions de l’Antiquité, pp. 231233. Cette note prévoit une relecture du Livre premier, consacré à la religion de l’Inde (Religions de l’Antiquité, t. I/1, pp. 133–307), et des notes fort longues ajoutées à ce Livre premier (t. I/2, pp. 568–665). Voir ci-dessous, p. 535, n. 6. BC veut relire A. Heeren, Ideen über die Politik, den Verkehr und den Handel der vornehmsten Völker der alten Welt, Dritter Theil, Europäische Völker, Erste Abtheilung, Griechen, Göttingen : Vandenhoe[c]k und Ruprecht, 1821, Dritter Abschnitt, «Mittel der ersten Ausbildung». Autour de la page 75, il est question des sujets mentionnés dans cette note. Voir ci-dessus, p. 484, n. 1. BC n’aurait rien trouvé sur la date de l’introduction de ce culte en Grèce dans l’article «Αδωνια» (J. van Meurs, Græcia feriata, pp. 3–7 de l’édition que nous avons consultée). Par contre, on y trouve plusieurs indications relatives aux cérémonies de ce culte, entre autres qu’il est fêté en même temps que celui de Vénus, donnant lieu à une double célébration : «Duplex autem festus erat ; nam quia Adonis, bipartitis anni tempore, semestre unum in complexibus Proserpinæ, alterum in Veneris agere fingebatur ; in adventu a Proserpina lætitiæ festum, in recessu istud luctus [...] celebratur» (pp. 6–7). BC reparlera de cette tradition ci-dessous, p. 597. BC renvoie au Dictionnaire historique et critique, éd. de 1720, t. I, pp. 604–608, et plus particulièrement à la note C où Bayle cite ses sources.

15

510 fo 28ro

De la Religion, I – Textes complémentaires

* cons. Heeren sur l’oracle de Dodone

III.

110. & II. 459–4601.

* retrouver dans le liv. sur les ep. Hom. le passage de Volney. sur la ressembl. des Miamis & des Grecs2 5

* écrire aujourd’hui 9 février à Pinard3 à Cazin & à Aumont.

* voir si dans le Chap. 13 je ne me contredis pas. je dis que la religion Egyptienne etant double le peuple ne connoissoit que le fétichisme & que les émigrans étoient tirées du peuple & ne connoissoient que la partie grossiere de leur religion. puis je dis que les Pélages etant fétichistes, les emigrans n’avoient pu reculer jusqu’au fétichisme. Modifier mes expressions.

10

* reunir dans une seule note deux ou je reviens sur les guerres religieuses. 15

9 ne connoissoit ] ne 〈profes〉 connoissoit

1

2

3

BC fait référence à A. Heeren, Ideen über die Politik, den Verkehr und den Handel der vornehmsten Völker der alten Welt. Aux endroits indiqués, Heeren établit que les mots d’Hérodote (Théogonie, II, 54) sur Dodone contiennent une vérité historique plausible, à savoir l’origine égyptienne ou pélasgienne de cet oracle. L’autre passage renvoie à une longue note sur le même sujet (t. II, pp. 459–462) qui reprend le texte d’Hérodote pour y trouver l’influence des colonies égyptiennes en Grèce. BC veut retrouver le passage qu’il reproduira dans une note du Livre VIII, chap. 3 de De la Religion, t. III, pp. 462–464 (n. 1). Volney fait le rapprochement entre les Indiens de l’Amérique du Nord et les Grecs de l’Iliade dans le t. II de son Tableau du climat et du sol des E´tats-Unis d’Amérique, suivi d’éclaircissemens sur la Floride, sur la colonie Française au Scioto, sur quelques colonies Canadiennes et sur les Sauvages, Paris : Courcier, Dentu, an XII (1803). On pourrait citer plusieurs endroits. Le passage utilisé par BC se lit à partir de la p. 502. Les considérations de Volney sur les rapprochements à faire entre la tribu des Miamis (Volney étudie leur langue et donne dans son ouvrage un vocabulaire élémentaire) et les Grecs se poursuivent presque jusqu’à la fin de l’ouvrage (p. 515). L’imprimeur J. Pinard. Il sera chargé de l’impression des Discours de BC qui paraîtront en 1828. Cette note est peut-être la première trace de l’article «Du développement progressif des idées religieuses» qui paraîtra en 1826 dans l’Encyclopédie progressive. Voir OCBC, Œuvres, t. XXXIII, pp. 221–238.

Carnet de notes – février 1825

511

remettre dans le livre sur la composition des religions Sacerdotales le morceau sur le systême Symbolique.

* progression de la rel. Indienne. deja les idées s’épurent. G. 1781 5

fo 28vo

les 3 1eres incarnations de Wichnou se rapportent à des destructions du monde 1822

Œuf cosmogonique chez les Indiens p. 1783 10

* Chaque Yog ou Yougha se termine par un déluge, chaque Manvantara par un embrasement universel. 1814.

Lachmi s’elevant au sein des eaux comme Vénus5. 185. 15

Allégorisation des incarnations p. 1866

* Lutte des guerriers & des Brami[nes] dans une incarnation de Wichnou 1887 20

1 2 3 4

5 6

7

Cette entrée, comme les huit suivantes, résume des observations de Guigniaut proches des idées de BC. Résume un long passage de J.-D. Guigniaut qui raconte (Religions de l’Antiquité, pp. 182186) quatre incarnations de Vichnou ayant un rapport avec la destruction du monde. Mentionne un passage sur ce sujet, J.-D. Guigniaut, Religions de l’Antiquité, pp. 178–179. BC résume les développements de J.-D. Guigniaut sur les quatre âges (youga) du monde qui se terminent par «un déluge universel» (Religions de l’Antiquité, p. 181), comme les âges divins se terminent «chacun par un embrasement général». Citation d’une phrase de J.-D. Guigniaut, Religions de l’Antiquité. Mais Guigniaut ne fait pas le rapprochement avec Vénus. Résume les réflexions de J.-D. Guigniaut sur les récits des quatre incarnations qui nous offrent «les grands traits d’une histoire primitive et toute mythique de la nature du monde» (Religions de l’Antiquité, p. 186). Le terme «allégorisation» appartient à BC. Résume le récit que J.-D. Guigniaut, Religions de l’Antiquité, fait de cette histoire.

512

De la Religion, I – Textes complémentaires

* Destruction du monde. 1901. * Le Garoura, oiseau fantastique p. 1942 * Les hymnes orphiques traduits par Voss chez Koreff3.

fo 29ro

5

retrouver un endroit où je cite un mot d’Hercule sur les fêtes d’adonis4 * ordre de travail. 12 février. copier le reste du livre 3. achever le classement de la suite d’idées du ch. 13. relire la nouvelle copie & la corriger. donner ce livre à l’impression.

10

* lire avant de finir mon chap. sur le Théisme des Perses Pastoret5 comparer Zoroastre & Mahomet & foucher Mém. de l’acad. des inscript. XXVII6. 15

* Berger7 – Barante8 – Coste

13 comparer ] 〈illis.〉 comparer lecture incertaine rait lire Boyer 1 2 3

4

5 6

7 8

16 Berger ] lecture incertaine ; on pour-

Se rapporte au récit de la deuxième incarnation de Vichnou. Guigniaut décrit cet oiseau, monture de Vichnou. Ce n’est pas le seul ouvrage que BC emprunte à Koreff. Voir ci-dessous, p. 598, n. 4. La note de BC n’est pas tout-à-fait claire. Il existe une traduction d’un hymne orphique par Johann Heinrich Voss, mais le livre a été publié en 1826 seulement : ΥΜΝΟΣ ΕΙΣ ΤΗΝ ΔΗΜΗΤΡΑΝ. Hymne an Demeter, übersetzt und erläutert von Johann Heinrich Voss, Heidelberg : Winter, 1826. Il pourrait s’agir d’une publication non identifiée dans un périodique. BC cite d’après Creuzer dans De la Religion, t. II, un passage du scoliaste de Théocrite dans lequel est attesté le mot d’Hercule : «Je ne connais ni un pareil culte [à savoir la fête d’Adonis], ni un Adonis parmi les dieux» (OCBC, Œuvres, t. XVIII, pp. 278–279, n. e). Voir ci-dessus, p. 498, n. 1. BC veut reprendre une partie du volumineux Traité historique de la religion des Perses de l’abbé Paul Foucher. Cet ouvrage a paru sous forme d’une série d’articles (onze en tout) dans les Mémoires de Littérature tirez des Registres de l’Académie Royale des Inscriptions et Belles Lettres (t. XXV, XXVII, XXIX, XXXI, XXXIX). Les textes publiés dans le t. XXVII, 1761, pp. 253–394, sont exclusivement consacrés à Zoroastre et sa philosophie. S’il faut bien lire «Berger», il s’agit d’un avocat. Ce personnage figure dans une des listes des «Personnes à inviter à mes soirées» (Registre universel, fo 27vo). Première mention de Prosper de Barante dans ce Carnet.

Carnet de notes – février 1825

longueur présumée des 2e & 3e vol. Livre 3. 150 p. – 4. 100. – 5. 380. – 6. 60. – 7. 170. 860

513

Longueur réelle Liv. – – – –

3 4 5 6 7

5

53 10

* prêté à Norvins1 les 4 Concordats

* à faire, Chambre, Cazin, Aumont, Norvins, Koreff. L’advocat2.

* ordre de travail. 16 fev relire le texte sans les notes du 3e livre copié puis le même livre avec les notes, & doner à l’impression le 21

fo 29vo

* il faudra vérifier si la phrase suivante : voir leurs sentimens partagés leur est une jouïssance. Ch. 2 du Liv. 3. ne se trouve pas déjà dans une note du 1er volume sur Néander3

1

2 3

Il s’agit de l’historien Jacques Marquet, baron de Montbreton de Norvins (1769–1854). Il a rempli plusieurs fonctions politiques mineures sous l’Empire puis s’est consacré, à partir de 1815, à des ouvrages d’histoire. On lui doit, entre autres, une Histoire de Napoléon (18281829). BC semble le connaître depuis 1815 (voir OCBC, Œuvres, t. VII, p. 247, à la date du 20 septembre). Comme journaliste, il a fourni quelques articles au Mercure de France et à La Minerve française. Il reviendra à plusieurs reprises dans ce Carnet. BC lui prête l’ouvrage de Dominique-Georges-Frédéric de Riom de Prolhiac de Fourt de Pradt, Les quatre Concordats, suivis de considérations sur le gouvernement de l’église en général, et sur l’église de France en particulier, depuis 1515, Paris : Béchet, 1818, 4 vol. (voir le Catalogue de sa bibliothèque). Sans doute l’éditeur Ladvocat. La phrase en cause n’apparaît pas dans le premier volume de De la Religion. Elle aurait pu être employée ci-dessus, pp. 106–107, n. a, où il est question de J. A. Neander, Ueber den Kaiser Julianus und sein Zeitalter. Mais elle est utilisée exclusivement à l’endroit indiqué ici (OCBC, Œuvres, t. XVIII, p. 59, lignes 7–8).

15

20

514

De la Religion, I – Textes complémentaires

* replacer p. 66 une note extraite de Schmid1

* ordre de travail. relire depuis le 8e Ch. inclus. avec les notes puis donner à l’impression 5

* ordre de travail. 17 fevrier. relire depuis le 12e ch. inclus. p. 140 avec les notes, puis donner à l’impression.

* ordre de travail. 18 fév. relire depuis le 13e ch. incl. p. 156 avec les notes, puis donner à l’impression

10

* Chambre – Aumont – écrire à Ricard2.

écrire à Sébastiani, à Lefebvre3 – à Ricard – 15

écrire en me levant à Didot.

* Laffitte – Coste – Chambre – fo 30ro

envois de mon discours4

1

2 3

4

S’il faut bien lire «Schmid», BC pense à Friedrich Samuel von Schmidt, Dissertatio de Sacerdotibus et sacrificiis Ægyptiorum quam [...] Acad. [...] inscr. et lib. artium Lutetiæ Paris. præmio dignam judicavit a. 1764, Tubingæ : apud J. G. Cottam, 1768. L’ouvrage est cité à plusieurs reprises dans le t. II de De la Religion. Voir OCBC, Œuvres, t. XVIII (index). Peut-être François-Louis-Charles de Ricard (1761–1832), député de la Haute-Garonne, appartenant à la majorité ministérielle. Il est mentionné cinq fois dans ce Carnet. Il s’agit probablement du menuisier Lefebvre que l’on retrouve souvent à partir du 7 décembre 1824 dans le Livre des dépenses. Il est mentionné deux fois dans ce Carnet. BC organise des travaux qui dureront assez longtemps. Il s’agit du discours du 23 février 1825 sur la «loi d’indemnité pour les émigrés» (Discours et opinions imprimés sans ordre, Session de 1825), paru le 26 février, ce qui date du coup cette entrée. BC le republiera dans le t. II de ses Discours (Paris : Ambroise Dupont, J. Pi-

20

Carnet de notes – février 1825

Ferron1. 10. Sablet. 5. Mahul3. 1. Gudfend. 1. Gallois7. 1. Lameth9. 1. Girardin. 1. Dupont10. 1.

D’hivert. 10 Dablin. 5. Bourgeois4. 1. Dalberg6. 1. Koechlin8. 1. Bupal. Méchin. 1. Pagés11. 1.

515

Marquet2 10. Maynon. 10. Remuzat5. 1. Bartanèche. 4. Laffitte. 1. Compère. 1. Perrier. 1. Martignac12. 1.

2 Ferron ] la graphie du nom n’est pas univoque ; il y a des pages où l’on peut lire Terron

1 2 3

4 5 6 7 8

9

10 11 12

nard, 1828, pp. 309–336). Il se peut d’ailleurs que cette liste donne les noms des personnes qui reçoivent régulièrement des tirés-a-part : amis personnels ou sympathisants politiques de BC. Beaucoup de personnes ne sont pas identifiées. Nous ne le mentionnons pas à chaque fois. Les chiffres qui suivent les noms indiquent le nombre d’exemplaires que ces personnes reçoivent. Il existe à Lausanne une feuille (BCU, Co 4619) qui contient 21 noms de personnes, dont 20 noms réapparaissent dans la liste ci-dessus. Cette liste permet de mieux décrypter ces pages. Serait-ce Pierre-Louis-Auguste Ferron de La Ferronays (1777–1842) ? Ferron est mentionné dix fois dans ce Carnet. BC l’appelle normalement Norvins. Voir ci-dessus, p. 513, n. 1. L’avocat Alphonse-Jacques Mahul (1795–1871), ami de Félix Barthe, est, comme celui-ci, membre de la Charbonnerie française. Proche des libéraux, dont il soutient les idées par ses brochures, rédacteur très actif de la Revue encyclopédique et des Tablettes universelles. BC possède la collection intégrale des Tablettes universelles et quelques volumes de la Revue encyclopédique dans sa bibliothèque. La carrière politique de Mahul commence seulement après 1829. Son nom figure sur la liste des «Personnes à inviter» (Registre universel, fo 27ro). Non identifié. Son nom figure sur la liste des «Personnes à inviter» (Registre universel, fo 27ro). Il s’agit probablement du sinologue Jean-Pierre-Abel Rémusat (1788–1832), membre de l’Académie des Inscriptions. Emmerich Joseph duc de Dalberg (1773–1833), diplomate et ministre d’E´tat. Peut-être le tribun Jean-Antoine Gauvin, dit Gallois (1766–1828), traducteur de Filangieri. Il est mentionné sept fois dans ce Carnet. Il s’agit du député libéral Jacques Koechlin (1776–1834), appartenant à la grande famille d’industriels (coton) de Mulhouse. Il fut maire de Mulhouse et député libéral de 1820 à 1827. Koechlin fut impliqué, avec La Fayette, d’Argenson et Carrel dans la conspiration militaire de Belfort en 1822. Barthe a plaidé sa cause. Alexandre-Théodore-Victor de Lameth (1760–1829), préfet de plusieurs départements sous l’Empire, il se rallie à Louis XVIII après la Restauration ; député de la Seine-Inférieure en 1820. Son nom figure sur la liste des «Personnes à inviter» (Registre universel, fo 27vo). Il s’agit du député libéral Jacques-Charles Dupont de l’Eure. Voir ci-dessus, p. 502, n. 3. Jean-Pierre Pagès (1784–1866), journaliste libéral. Il a publié, à partir de 1818, de nombreux articles dans la Minerve française. Jean-Baptiste Silvère Gaye, vicomte de Martignac (1778–1832), ministre de l’Intérieur en 1828. Il poursuit une politique parfois libérale en s’engageant p. ex. pour la liberté de la presse ou contre la loi du sacrilège. En 1824, il appuie l’admission de BC à la Chambre des députés.

5

516

De la Religion, I – Textes complémentaires

Desbassayns1. 1. Chorier3. 1. Louise. 1. Mestadier7. 2. Jouy9. 1. Vandœuvre12. 1. Argenson14. 1.

Salaberry2. 1. Delessert4. 1. Talleyrand5. 1. Tardif8 1. Etienne10. 1. Broglie. 1. Séguier15. 1.

4 Tardif ] lecture douteuse

5 Bonnet ] lecture incertaine

1

2

3 4 5 6 7

8 9

10

11 12

13 14

15 16

Ternaux. 1. Bourdeau6. 1. Davilliers. 1. Bonnet11. 1. Ségur13. 1. Schonen16. 1.

Nous ne savons pas comment BC a fait la connaissance du comte Philippe Panon DesBassyns de Richemont (1774–1840) et de sa femme. Celle-ci est mentionnée dans son J.I. à la date du 11 juillet 1814. DesBassyns était le beau-frère de Villèle qui avait épousé sa sœur et a été député de la Meuse en 1824. Il s’agit du marquis Charles-Marie Salaberry d’Irumberg (1766–1847), membre de la Chambre des députés entre 1815 et 1830. Il vote toujours avec l’extrême droite, soutient toutes les mesures d’exception, combat la presse. On s’étonne de le trouver sur cette liste. Probablement Antoine-Laurent Chorier (1758–1832), député libéral en 1824. Sans doute le député libéral Benjamin Delessert. Probablement Archambaud-Joseph de Talleyrand-Périgord, le frère du prince de Talleyrand. Pour le premier, voir OCBC, Œuvres, t. VII, pp. 559–566. Peut-être Pierre-Alpinien-Bertrand Bourdeau (1770–1845), député royaliste, adversaire de Villèle, ministre de la Justice en 1829. Il s’agit de Jacques Mestadier (1771–1856), homme de loi, d’abord à Limoges, plus tard à Paris et à partir de 1817 plusieurs fois député à la Chambre, centre droit, engagé pour le respect de la Constitution. On a de lui Opinion de Mestadier [...] sur le projet de loi relatif à la liberté de la presse, Paris : J. G. Dentu, s.d. [1818]. Guillaume Tardif, littérateur. BC l’invite à ses soirées (voir le Registre universel, fo 27vo). Victor-Joseph Etienne, dit de Jouy (1764–1846), littérateur fécond, collaborateur de la Biographie universelle des contemporains et de plusieurs journaux, entre autres de La Minerve française. Son nom figure sur la liste des «Personnes à inviter» (Registre universel, fo 27vo). Charles-Guillaume Etienne (1777–1845), auteur et journaliste qui publie aussi dans la Minerve française. Son nom figure sur la liste des «Personnes à inviter» (Registre universel, fo 27ro). Il s’agit peut-être du juriste et futur député Louis-Ferdinand Bonnet (1760–1839) ; comme député, il soutient le ministère Villèle. Il s’agit de Guillaume-Gabriel Pavée, baron de Vandœuvre (1779–1870), homme politique, membre du Conseil d’E´tat sous l’Empire, fréquemment député à la Chambre à partir de 1820. Il siégera dans l’opposition constitutionnelle et signera l’adresse des 221. Membre de la Chambre des pairs entre 1837 et 1840, puis retiré de la vie politique. BC l’invite à ses soirées (voir le Registre universel, fo 27vo). Peut-être le diplomate et historien Louis-Philippe de Ségur (1753–1830), auteur de l’Histoire ancienne. Marc-René de Voyer d’Argenson (1771–1842), qui fut favorable à la Révolution, pour un certain temps au service de La Fayette, préfet sous l’Empire ; il était hostile aux Bourbons. Il fut impliqué dans la conjuration de Belfort et soutint la Révolution de Juillet. Son nom figure sur la liste des «Personnes à inviter» (Registre universel, fo 27vo). Antoine-Jean-Mathieu, baron Séguier (1768–1948), magistrat, président de la cour de Paris, pair de France à partir de 1815. Il fut chargé d’instruire le procès contre le maréchal Ney. Auguste-Jean-Marie, baron de Schonen (1782–1849), jurisconsulte brillant, conseiller à la

5

Carnet de notes – février 1825

fo 30vo

Guizot. 1. Odillon-Barrot3. 1. Benoist4. 1.

Mauguin1. 1. Barante. 1. Ravez. 1.

Merilhou2. 1.

Thiers. 1. Bossange Père6. 1. Manuel [Ville]main8. 1. [Royer]-Collard11. 1. Devaux14. 1.

Coste. 1. Bossange frères. 2. Berenger7. 1. Pasquier9. 1. Chabaud-Latour12. 1. Koreff. 1.

Norvins. 1.

517

Coulman5. 1.

Cuignes. 3. Siméon10. 1. Huet13. 1. Fénié. 1.

8 Villemain ] restitution hypothétique

1

2

3

4 5

6

7

8 9 10

11 12 13 14

Cour royale, esprit libéral, apprécié du parti constitutionnel. Député indépendant à partir de 1827. Son nom figure sur la liste des «Personnes à inviter» (Registre universel, fo 27vo). François Mauguin (1785–1854), avocat brillant, une des sommités du Palais. Il a défendu Labédoyère en 1815. Esprit libéral, député à partir de 1827. Son nom figure sur la liste des «Personnes à inviter» (Registre universel, fo 27ro). Joseph Merilhou (1788–1856), magistrat brillant engagé dans les luttes de l’opposition libérale depuis la Seconde Restauration (procès du Censeur, 1817, du Courrier français, 1825 et 1829), un des fondateurs de la Société des amis de la liberté de la presse, membre aussi de la Charbonnerie française. Il jouera un rôle important pendant la Révolution de Juillet. Il s’agit d’Odillon Barrot (1791–1873), avocat et homme politique. Il s’engage, avec BC, dans le procès de Wilfrid Regnault (OCBC, Œuvres, t. XI). Son nom figure sur la liste des «Personnes à inviter» (Registre universel, fo 27ro). Pierre-Vincent Benoist (1758–1834), député royaliste à la Chambre. Jean-Jacques Coulmann (1796–1870), ami de BC. Il figure sur la liste des «Personnes à inviter» (Registre universel, fo 27vo). Disons encore que Coulmann avait épousé en 1829 Mathilde Davillier (1810–1879), fille de Jean-Charles-Joachim Davillier, l’ami de BC. Les deux noms de «Bossange» Père et de «Manuel» se trouvent sur un petit bout de papier détaché du fo 30 et collé par erreur par le restaurateur du manuscrit de la BnF au fo 31, a` l’endroit correspondant. Probablement le chansonnier Pierre-Jean de Béranger (1780–1857), si ce n’est le magistrat Alphonse-Marie-Marcellin-Thomas Bérenger (1785–1866), membre de la Chambre des représentants en 1815. Abel-François Villemain (1790–1870), brillant professeur de littérature, esprit libéral. Étienne-Denis, baron Pasquier (1767–1862), plusieurs fois ministre sous la Restauration, appelé à la Chambre des pairs en 1821. Probablement Joseph-Jérôme, comte Siméon (1749–1842), conseiller d’E´tat, ministre de l’Intérieur sous Richelieu, depuis 1821 pair de France. Il soutient des positions contraires aux opinions de BC. Il est mentionnée trois fois dans ce Carnet. Il s’agit de Pierre-Paul Royer-Collard (1763–1845), partisan de la monarchie constitutionnelle, député et président de la Chambre. Il soutiendra la Révolution de 1830. Antoine-Georges-François, baron de Chabaud-Latour (1769–1832), membre du Tribunat, député à la Chambre sous la Restauration. Il pourrait s’agir de Huet de Coetlisan (1769–1828), avocat et journaliste au Journal du Commerce, adversaire de Villèle. Il s’agit probablement d’Augustin-Marie Devaux (1769–1838), depuis 1819 député du Cher à la Chambre, siégeant à gauche. Il soutient souvent des positions proches de celles de BC.

5

10

518 Lefort. 1. Dessolles2. 1. Truguet. 1. Depradt4. 1. Lebort. 1. Humboldt10. Boissy d’Anglas12. 1 2

3 4

5

6 7 8

9

10

11 12

De la Religion, I – Textes complémentaires

Gassicourt1. 1. Dabignon. 1. St Albin. 1. Kératry5. 1. Hochet7. 1. Bellanger. M. Berr13.

Bidaud. 1. Laréche. 1. Deperrey3. 1. Pradel6. 4. Artaud8. 1. Lagarde9. 1. 11 Pontécoulant . Buchon14

Charles-Louis Cadet de Gassicourt (1769–1821), pharmacien célèbre sous l’Empire. Sous la Restauration, sympathisant des amis de la liberté. Jean-Joseph-Paul-Augustin, marquis Dessole (1767–1828), général, pair de France depuis le retour des Bourbons, en 1818 ministre des Affaires étrangères et président du Conseil jusqu’en 1819. Il vote la mort du général Ney. Monarchiste libéral. Il s’agit sans doute du secrétaire de Talleyrand qui est nommé une fois dans le J.I. de BC à la date du 12 mars 1815 (OCBC, Œuvres, t. VII, p. 215). BC a dîné avec lui ce jour-là. Dominique-Georges-Frédéric de Riom de Prolhiac de Fourt de Pradt (1759–1837), archevêque de Malines (nommé par Napoléon mais non par le Pape qui lui défend de retourner à Malines en 1824) et auteur de l’ouvrage Les quatre Concordats (voir ci-dessus, p. 513, n. 1). Son nom figure sur la liste des «Personnes à inviter» (Registre universel, fo 27vo). De Pradt sera élu député du Puy-de-Dôme en 1827 et siégera dans l’opposition libérale. Auguste-Hilarion, comte de Kératry (1769–1859), homme politique, après la Restauration plusieurs fois député à la Chambre. Il appartient au camp des libéraux. Son nom figure sur la liste des «Personnes à inviter» (Registre universel, fo 27vo). Ce même Pradel, un improvisateur, est mentionné dans le Livre des dépenses à la date du 23 mars 1823 (OCBC, Œuvres, t. VII, p. 446). Claude Hochet (1772–1857), secrétaire général du Conseil d’E´tat à partir de 1815, ami de Mme de Staël et de BC. Nicolas-Louis-Marie Artaud (1794–1861), ancien élève de l’E´cole normale, jusqu’en 1824 professeur dans plusieurs collèges de la capitale, entre autres au collège Louis-le-Grand, connu aussi comme journaliste au Courrier français où il a publié des articles d’inspiration libérale. On lui doit un compte rendu de la première partie du Commentaire de l’ouvrage de Filangieri, publié en 1823 dans la Revue encyclopédique. Ses manifestes libéraux lui ont valu la suspension de ses fonctions sous le ministère de Villèle. Il est aussi connu comme helléniste et traducteur des tragiques grecs et d’Aristophane. La Révolution de Juillet le rétablit dans les fonctions publiques et il finira comme Vice-recteur de l’Académie de Paris. Probablement Pierre-François-Marie-Denis de Lagarde (1768–1848), journaliste et collaborateur du Publiciste. Pendant les Cent-Jours préfet de la Sarthe, Conseiller d’E´tat sous la Restauration. Son nom figure sur la liste des «Personnes a` inviter» (Registre universel, fo 27ro). Il s’agit probablement d’Alexander von Humboldt, qui travaille à ce moment-là à l’édition française de son monumental Voyage aux régions équinoxiales du nouveau continent, Paris : Librairie grecque-latine-allemande, 1816–1831. Il retournera à Berlin en 1827. Louis-Gustave Le Doulcet, comte de Pontécoulant (1764–1853), homme politique, membre du gouvernement et pair de France en 1814. BC l’a rencontré pendant les Cent-Jours. François-Antoine, comte Boissy d’Anglas (1756–1826), issu d’une famille protestante. Avocat, homme politique, membre du Tribunat. Pair de France à partir de 1814, il défend les droits individuels, vote pour le jugement par jurés dans les affaires de la presse et contre la loi du nouveau mode d’élection.

5

Carnet de notes – février 1825

Billot1. Barthe. Comdier. Chevassut. Doré. Desniés. Denon8. Delaplanche.

13

14

1 2 3

4

5

6 7 8

9

10 11 12

Battereau. Comdemanche. Caquelard2. Cauchois Lemaire4. Delagrange. Delacroix. Dupin9. Lambardière12.

Bonvattiers. Coche. Chauvin3. Colchen5. Dessuelle6. Frainelle. Dupaty10.

519

5

Dubois7. Dupuis11.

(Note de la page précédente.) Michel Berr de Turique (1780–1843), le premier avocat israélite admis en France selon Pierre Larousse. Il a publié un Éloge de Benjamin Constant, prononcé le 12 juin 1833 à la chaire de l’Athénée Royal de Paris, (Paris : Treuttel et Wurtz, 1836). (Note de la page précédente.) Jean-Alexandre Buchon (1791–1846), littérateur et historien, proche du parti libéral. Il a collaboré au Censeur Européen et au Constitutionnel. Son nom figure sur la liste des «Personnes à inviter» (Registre universel, fo 27ro). Non identifié. Ce nom se trouve sept fois dans le Carnet. Il pourrait s’agir d’un homme d’affaires. Ce personnage non identifié, peut-être un homme d’affaires ou un copiste, apparaît dix-neuf fois dans ce Carnet et deux fois dans le Livre des dépenses (OCBC, Œuvres, t. VII, pp. 471 et 474). L’adresse est rue Gît-le-cœur 9, plus tard rue Montorgueil 48. Sur le journaliste et archiviste Louis-François-Auguste Cauchois-Lemaire (1789–1861), voir le Livre des dépenses, OCBC, Œuvres, t. VII, p. 503, n. 2. BC possédait plusieurs de ses ouvrages. Voir le Catalogue. Son nom figure sur la liste des «Personnes à inviter» (Registre universel, fo 27ro). BC lui enverra le t. II de De la Religion (voir ci-dessous, p. 552) et lui adressera encore le premier tome, comme il ressort d’un billet du 20 octobre 1825 (Jean Senelier, «Benjamin Constant et Eusèbe de Salverte», Studi francesi, t. XIII, 1969, p. 270). Jean-Victor, comte Colchen (1751–1830), homme politique qui a connu dès le Directoire une belle carrière comme ministre des Relations étrangères. Préfet de la Moselle en 1800 (an VIII), Commissaire extraordinaire de la division militaire de Nancy en 1813, il est fait pair de France sous la Restauration (avec une éclipse de cinq ans en raison de son ralliement à Napoléon pendant les Cent-Jours). Il vote toujours avec les libéraux à la Chambre haute. Non identifié. Ce nom figure sur la liste des «Personnes a` inviter» (Registre universel, fo 27ro). Paul-François Dubois, dit Dubois de la Loire inférieure (1793–1874), fondateur, avec Leroux, du Globe. Peut-être Dominique-Vivant Denon (1747–1825), auteur d’un petit récit libertin, Point de lendemain (1777), des Voyages dans la Basse et la Haute Égypte pendant les campagnes de Bonaparte, en 1798 et 1799 (1817) et directeur du Louvre sous Napoléon. Sans doute Charles Dupin, membre de l’Institut et collaborateur de la Revue encyclopédiste. On y trouve de sa plume p. ex. un article «Forces productives et commerciales du midi de la France : Exposition des produits de l’industrie du Languedoc à Toulouse» (t. XXXV, 1827, pp. 273–289 et t. XXXVI, 1827, pp. 562–575). Son nom figure deux fois (Dupin et Charles Dupin) sur la liste des «Personnes à inviter» (Registre universel, fo 27vo). Probablement Louis-Emmanuel-Félicité-Charles Mercier Dupaty (1775–1851), littérateur qui a collaboré à La Minerve. Non identifié. Non identifié.

520

De la Religion, I – Textes complémentaires

Legonidec1. Foy2. Daru4.

Boucher. Alex. Noailles3 Mima5.

Darrieux Delaigle Lanjuinais6.

56 5 o

o

f 31r

*

Février7,

Cazin, Pagèsplusieurs

* Tableau des locations. rue J. J. Rousseau no 16. * Cazin. Véry8. Locations.

10

* ordre de travail, 3 mars, classer les additions du 3me livre les négriers ne sont pas aussi coupables que ces francais armés pour la cause des colonies révoltées : Les négriers protestent contre un bill anglais : les autres protestent contre le principe anglais. Gazette de France du 3 Mars 18259.

1 Darrieux ] lecture hypothétique 2 Delaigle ] lecture incertaine 3 Mima ] lecture très incertaine 14 pour la cause des colonies ] 〈contre〉 pour ce dernier mot dans l’interl. sup. la cause de〈la〉s 〈légitimité〉 colonies 1 2 3 4

5 6

7

8 9

Le celtisant Jean-François-Marie-Maurice-Agathe Le Gonidec (1775–1838). Il s’agit de Maximilien-Sébastian Foy (1775–1825), général français qui s’est distingué lors de la retraite d’Espagne, blessé à Waterloo. Député libéral en 1819 et 1824, proche de BC. Louis-Joseph-Alexis de Noailles (1783–1835), homme politique royaliste, proche de Louis XVIII, plénipotentiaire au congrès de Vienne. Pierre-Antoine-Noël-Mathieu Bruno, comte Daru (1767–1829), homme politique et littérateur, membre du Tribunat, avec une belle carrière sous l’Empire comme intendant de la Grande Armée, membre de la Chambre des pairs dès 1819, il y prend souvent la parole pour défendre des principes libéraux. Non identifié. Jean-Denis, comte de Lanjuinais (1753–1827), homme politique et jurisconsulte. Il vota contre le Consulat à vie. Membre de la Chambre des pairs depuis la Restauration, où il prend position contre les ultras et refuse de voter lors du procès du maréchal Ney. Il est un des fondateurs de la Revue encyclopédique. Il s’agit du notaire Louis-Dominique Février, adversaire de BC dans un litige financier lié à la vente de sa maison rue Neuve-de-Berri. Voir le mémoire adressé a` Février dans OCBC, Œuvres, t. VII, pp. 545–555. Sur Véry, voir ci-dessus, p. 477, n. 3. Extrait d’un article signé «B.». Citation conforme, à l’exception de quelques petits détails

15

Carnet de notes – mars 1825

521

* Il faut écrire à Varaigne – Prangins1 hotel d’Italie, place des Italiens – Aumont

* Ordre de travail 9 Mars. relire la classification & consulter les ouvrages que j’y cite & que j’ai sous la main.

5

* Cazin écrit le 19 mars à Bonnin de Marseille2 –

fo 31vo

* Ordre de travail 10 Mars. 1o classer le reste des extraits de Creutz. 2o. les extraits de Görres & Stutzm.3 3o. faire la suite des idées du 4e livre. 4o. classer tous les [m]atériaux relatifs au 4e livre. 5o. corriger les épreuves du 3e livre. & y repartir les additions tirées des extraits classées pour ce livre là. 6o. Copier en 1ère rédaction le 4e livre. &ca

* Sita se soumettant a l’épreuve du feu pour prouver a Wichnou incarné sous le nom de [Hanouman] la pureté conjugale. Guig. 2044.

7 Cazin ] lecture incertaine 20 Hanouman ] nom laissé en blanc chez BC ; nous le rétablissons d’après l’ouvrage de Guigniaut

1

2

3

4

qui n’affectent pas le sens et du dernier mot. Le journal écrit «contre le principe de la légitimité» (Gazette de France, no 62, 3 mars 1825, p. 2a). Rappelons que BC a prononcé plusieurs discours sur ce triste sujet à la Chambre des députés et qu’il traite la question dans son Commentaire sur l’ouvrage de Filangieri (OCBC, Œuvres, t. XXVI, pp. 193–204). Il s’agit probablement du général et homme politique suisse Charles-Jules Guiguer de Prangins (1780–1840), fils de Louis-François Guiger de Prangins (1741–1786), un ami de Mme de Staël. Il est mentionné quatre fois dans ce Carnet. Déchirure et perte de papier. Il est difficile de restituer le nom. Il peut s’agir du même personnage, habitant à Marseille, rue Dominicaine 31, mentionné au verso d’une des fiches du manuscrit Co 3293, liasse 8. Le nom est cité une deuxième fois ci-dessous, p. 568. Johann Josua Stutzmann, Philosophie der Geschichte der Menschheit, Nürnberg : Friedrich Campe, 1808. Les extraits de Stutzmann (BCU, Co 3293) comprennent 41 nos et montrent que BC a lu jusqu’à la p. 433 (sur 531 pp. en tout). Les extraits se trouvent dans le manuscrit BCU, Co 3293, 41 notes en tout. BC cite, en ajoutant le nom de Wichnou, une phrase des Religions de l’Antiquité, p. 203. Le récit de cette légende se trouve aux pp. suivantes.

10

15

20

522

De la Religion, I – Textes complémentaires

* Wichnou, Dieu médiateur. ib. 2141.

* Chose assez singulière. Le Schivaïsme est au Wichnouisme, à peu près ce qu’est le christianisme à la Religion Juive. ib. p. 2152. 5

fo 32ro

* il faudra bien marquer la progression de la religion Indienne de Schiven à Wichnou dans mon chap. du Théisme des Indiens Liv. 4. ib. 216.

idée de la génération fesant place à celle de l’émanation &ca ib3. 10

* «on ne peut s’empêcher de reconnaître dans la religion de Wichnou un haut developpement tout à la fois poétique & moral, qui dût être le long enfantement des siècles & le résultat d’un notable progrès dans la civilisation des peuples.» p. 2184. 15

1

2

3

4

«Ainsi Vichnou, fils de l’éternel et sa seconde révélation, lien visible du monde avec son invisible autour, porte, dans ses incarnations, le caractère d’un médiateur divin qui se dévoue pour le salut des créatures, et répare incessamment les atteintes dont une cause destructrice mine incessamment l’univers» (p. 214). «Le sivaïsme a, dans sa simplicité pleine de grandeur, quelque chose de singulièrement barbare, qui dénote une haute antiquité. [...] Le sivaïsme possède en lui-même tout ce qui constitue une religion. [...] on concevra qu’un tel dieu, dans le développement ultérieur de la civilisation, devait nécessairement ou modifier son caractère, ou, cédant la place à un dieu plus digne de ce nom, prendre à son égard un rôle hostile et subalterne. C’est ce qui est arrivé. Siva n’a pas cessé d’être, pour ses adorateurs, le premier des dieux, le père des générations, dispensateur des biens terrestres ; les idées et le culte des sivaïtes se sont agrandis, épurés, tout en conservant des traces nombreuses de l’antique barbarie, [...]. D’un autre côté, Vichnou, élevant autel contre autel, et montrant la divinité sous un aspect à la fois plus auguste et plus aimable, a donné naissance à une secte importante qui le révère comme l’Eternel lui-même se manifestant dans la puissance unie à la bonté. L’une et l’autre secte a fini par accueillir le Dieu rival, [...]» (pp. 214–216). Citation d’une phrase tirée d’une réflexion sur la lutte prolongée de deux religions. «C’est au milieu de ces débats où viennent encore se mêler [...] les souvenirs à demi effacés de longues discussions entre les deux castes supérieures, qu’on croit voir dans le vichnouïsme prendre un essor de plus en plus rapide, et [...] aspirer à la domination par un moyen nouveau, la tolérance. L’idée de la génération fait insensiblement place à celle de l’émanation ; les métamorphoses capricieuses et bizarres aux incarnations plus régulières et plus naturelles ; les artifices impurs de la magie aux miracles sacrés de l’intervention divine ; tout s’épure et s’ordonne et s’élève en même temps» (p. 217). Citation conforme.

Carnet de notes – mars 1825

523

* Aumont – lunettes – Guénée à [la] Chambre Prangins – Discours pr Mestadier – Budget de 1817 – consulter à la chambre Ælian voir Hist. animaux VII. 281 – varaigne

* demain revoir les papiers pour le Conseil – envoyer à Aumont les papiers qu’il attend – aller voir le Budget chez M. Laffitte. écrire à C. Perrier.

5

* ordre de travail. 11 Mars. finir de classer les extraits. 10

* Perrier – Laffitte – Février – Aumont –

Cabani presse portative en parler à Coche rue neuve des petits champs no 1.

Courrier Fevrier Aumont –

fo 32vo

* rechercher dans le Moniteur postérieur au 13 fevrier 1823 le jugement de la Cour Royale contre les Journalistes constitutionnels2. [...] 1 à la Chambre ] la source porte à Chambre 2 voir ] lecture douteuse 13 presse portative ] lecture incertaine 15 Fevrier ] lecture incertaine 18 constitutionnels ] après ce mot un espace assez important et puis un ou deux mots illis. biffés 1

2

BC va consulter l’Histoire des animaux de Claudius Ælianus. Il cite le passage dont il est question ici dans le Livre V, chap. 3, consacré au fétichisme grec, de De la Religion (OCBC, Œuvres, t. XVIII, p. 228, n. a) pour documenter la vénération d’un chien fidèle par les Athéniens. Il s’agit du procès contre BC et quatre journaux (Le Constitutionnel, Le Courrier français, Le Journal du Commerce et Le Pilote) qui ont publié la «Lettre à M. de Carrère», souspréfet de Saumur, par laquelle BC protestait contre les diffamations de ce dernier qui avaient pour but de l’impliquer dans la conjuration de Berton, un des carbonari français, à Saumur. BC fut condamné, lors du premier procès, à six mois de prison et 100 frs d’amende. Il a fait appel de ce jugement, avec deux des éditeurs responsables, Cassano (Le Pilote) et Legracieux (Le Courrier français) et fut condamné le 13 février 1823 à 1.000 frs d’amende et aux frais de justice. Le Moniteur du 15 février 1823 (no 46) imprime le dossier (pp. 181a–182c) qui contient le texte du plaidoyer de BC pour sa propre cause et celui de Me Berville, avocat des deux journaux. Le même dossier avait paru le jour précédent dans Le Pilote, no 430, 14 février 1823, pp. 3a–4b. Voir pour plus de détails l’article en cause

15

524

De la Religion, I – Textes complémentaires

1o. Ferron. 2o. Aumont 3o. Odillon-Barrot 4o. depenses. 5o. Chambre 6o. diner – 7o. Sallon Mestadier Human1 journaux lettres * 1o. Constitutionnel. 2o. Ferron. 3o. Aumont. 4o. Sauvage. 5o. Broval. 6o. Odillon-Barrot. 7o. Chambre. recherche[r] dans le Moniteur le jugement du 13 février 18232 Mestadier Human. lettres Devaux. pétition Masson3 à faire demain 18 mars. 1o. Méchin p[...] Beaumont4 rue neuve [...]aine, no 4. 2o. lettre à Cottenet. 3o. chercher la pièce de Masson 4o. continuer le classement des extraits. 5o. corriger les épreuves de l’art. de l’encyclopédie5. Changemens au plan. Liv. 3. Tel qu’il est, sauf les additions – 4. Théisme Sacerdotal. idem. – 5. Religions Sacerdotales, en y ajoutant un ch. sur la vie contemplative 3 Human journaux ] lecture incertaine 9 Human. ] lecture douteuse ; suit encore un mot biffé, illis. 12 Méchin ] lecture hypothétique du nom ; il est suivi d’un mot illis. biffé 13 Cottenet ] lecture douteuse ; suit encore un mot biffé, illis.

1 2 3

4

5

dans Harpaz, Recueil d’articles, 1820–1824, pp. 176–178 et le Commentaire sur l’ouvrage de Filangieri, OCBC, Œuvres, t. XXVI, p. 332, n. 1. Personnage non identifié. La lecture du nom est douteuse. Il est nommé deux fois dans ce Carnet. Voir ci-dessus, p. 523, n. 2. Il s’agit de la pétition du sieur Masson, charron à Ponchard, dans laquelle celui-ci demande à la Chambre de lui fournir le moyen de se faire rendre justice contre le maire de sa commune. BC semble vouloir se préparer à intervenir dans cette affaire, qui est pour la seconde fois à l’ordre du jour, et il le fait effectivement lors de la séance de la Chambre du 26 mars 1825. La pétition est présentée par le rapporteur Berbis, mais d’une manière tellement déformée qu’elle risque d’échouer une seconde fois. BC rétablit les faits scandaleux (abus de pouvoir du maire de Ponchard pour son intérêt propre) et réussit à faire adopter par la Chambre le retour de la pétition au Ministre de l’Intérieur. Voir le Moniteur, no 86, 27 mars 1825, p. 455b. S’agit-il du vicomte Christophe-Armand-Paul-Alexandre Beaumont (1770–1841), député royaliste, néanmoins apprécié par les libéraux ? Il est mentionné deux fois dans ce Carnet. Voir ci-dessous, p. 525. Il s’agit de l’article «Assemblées représentatives», Encyclopédie moderne, ou Dictionnaire abrégé des sciences, des lettres et des arts (Paris : bureau de l’Encyclopédie), t. III, 1824, pp. 448–462.

5

10

15

20

Carnet de notes – mars 1825 fo 33ro

525

&ca & retranchant ce qui a rapport aux Grecs, sauf ce qui sera nécessaire pour prouver la non existence chez les Grecs des dogmes & usages Sacerdotaux. 6. Polythéisme Homérique. 7. Epopées Homériques. 8. Résultat.

5

* faire faire une 2de copie du 3me livre dès que Didot me l’aura rendu.

* demander à Didot une double épreuve des placards pour en garder une1

10

* 14 mars. 1o. chercher la pièce de Masson. 2o. corriger les épreuves de l’encyclopédie. 3o. continuer le classement des extraits.

15

* aller chez Beaumont, chez Barthe2, chez Chevassut, à la Chambre.

* 1[o] me racomoder. 2o retirer certains papiers. 3o faire desormais tout ce qu’il me plaira3.

20

* rue Beaurepaire no. 24 pr Corbier. Blan[...]ée – Pagès – Bossange Reynaud4 – 61

19 1[o] me racomoder ... plaira. ] translittération grecque, les mots sont écrits à rebours 22 Corbier ] lecture incertaine 1 2 3 4

Voir les placards dans OCBC, Œuvres, t. XVIII, pp. 459–499. Voir ci-dessus, p. 473, n. 4. Cette note, écrite en lettres grecques et à rebours, est sans doute la trace d’une querelle avec Charlotte qu’il est impossible d’élucider. Le journaliste de la Bibliothèque historique ?

25

Carnet de notes – mars 1825 fo 33vo

527

* consulter sur les Epopées Homeriques mes extraits de Creutzer1 § 751. 62.

* à ajouter dans l’art. : christianisme multi omnis aetatis, omnis ordinis utriusque sexus. Pline lettre à Trajan sur les Chrétiens2.

5

* ecrire à Reynaud, à Ricard –

* nouveau projet relativement à mon ouvrage. faire un livre particulier des notes étendues, & les placer après le livre 3.

10

* Bureau – Papier Timbré – Aumont

* Lectures, Clavier3, Heeren, Champollion[,] Guigniaud 15

* lu de Guigniaud jusqu’à la p. 260. dernier mot orient4. 25 mars

1

2

3 4

BC a noté en lisant la Symbolik de F. Creuzer (BCU, Co 3293) : «come Homère change le sens des fables, et les réduit à sa mythologie littérale et Populaire. Hésiode parle du mariage de Jasion avec Céres come ayant produit l’abondance Théog. 961. et l’E´légiaque Romain dit alors la Crète fut heureuse et les moissons couvrirent ses champs fertiles. Homère Od. V 123 qui fait allusion à la même fable n’y voit ni l’abondance ni les moissons come résultat, mais la colère de Jupiter qui foudroye Jasion II. 13 cet exemple à ajouter a celui de Calypso, come preuve que les Dieux dans l’Odyssée desapprouvoient les mariages des Déesses avec les mortels» (F. Creuzer, Symbolik, t. IV, pp. 11–12). L’E´légiaque Romain est Ovide (Amores, III, 10, 37–38). Dans la version imprimée (De la Religion, t. III, livre VIII, chap. 3, p. 465, n. 1), BC parle dans une note de Calypso, mais n’utilise pas l’histoire de Jasion. Cette phrase sera effectivement citée dans l’article, sans donner la référence. Voir Pline (le Jeune), Epistularum libri decem, Liv. X, lettre 96, Pline à Trajan : «multi enim omnis ætatis, omnis ordinis, utriusque sexus etiam, vocantur in periculum et vocabantur.» (Car beaucoup, de tout âge, de tout état, aussi des deux sexes, sont en danger et seront en danger dans le futur). Il s’agit d’E´tienne Clavier (1762–1817), auteur de plusieurs ouvrages consultés par BC. C’est le dernier mot d’un alinéa du livre I, chap. 4 sur Brahmâ. BC a pu lire, depuis le début du mois de février, une bonne partie des pages de J.-D. Guigniaut, Religions de l’Antiquité. Voir ci-dessus, p. 509, n. 3.

528

De la Religion, I – Textes complémentaires

* diviser le livre 3 en 2 livres, &, entrer dans tous les détails nécessaires sur les questions relatives à la religion primitive de la Grèce.

fo 34ro

* fonds baissant à cause de l’affaire de la Pologne1. 5

* Courrier 27 mars 18252. Laffitte – Pagès – Roederer3

Articles4. 1. Guizot. 4. Deperrey. 7. Remuzat. 10. Degerando6 13. Sébastiani

2. 5. 8. 11. 14.

Broglie. Coste Royer Collard. Stapfer Coquerel7.

3. 6. 9. 12. 15.

Barante. Boissy d’Anglas5. Guigniaud. Artaud Bossanges

2 relatives ] la source porte relatifs 1

2

3

4 5 6 7

Allusion à la proclamation d’articles additionnels à la Constitution de la Pologne, publiés le 13 février 1825 qui détruisirent la liberté de la presse et la publicité des délibérations des Chambres (Moniteur, no 85, 26 mars 1825, pp. 444c–445a) et aux conséquences de ces mesures pour les rentes. On consultera Pierre-Cyrille Hautcœur, Le marché financier français au XIX e siècle, t. I : Récit, Paris : Publications de la Sorbonne, 2007, pp. 170–193. La baisse des rentes dont parle BC n’est pas évoquée dans cet ouvrage consacré surtout aux structures du marché financier. Ce numéro contient le compte rendu d’une séance orageuse à la Chambre (séance du 26 mars). Le tumulte éclate à cause du rapport sur les pétitions. BC prend plusieurs fois la parole mais n’arrive finalement pas à se faire écouter (Courrier français, no 86, 27 mars 1825, pp. 1a–2b). ` ses débuts, Pierre-Louis comte Rœderer (1754–1835), que BC voit de temps à autre. A après une courte carrière d’avocat, il se consacre, passé Thermidor, au journalisme politique (pour le Journal de Paris), avant de passer au service de Bonaparte qui l’observe pourtant avec une certaine méfiance. Après le retour des Bourbons, surtout après les Cent-Jours, il quitte toute fonction publique, tout en restant en bons termes avec le duc d’Orléans. Il finira par accéder à la pairie sous la monarchie de Juillet. Il s’agit de l’article à paraître le 25 avril 1825 dans l’Encyclopédie moderne. La liste contient donc les noms des personnes auxquelles BC destine un tiré à part. Sur Boissy d’Anglas, voir ci-dessus, p. 518, n. 12. Joseph-Marie de Gérando ou Degérando (1772–1842), philosophe et professeur de droit à la Faculté de droit de Paris, ami de BC et de Mme de Staël. Charles-Augustin Coquerel (1797–1851), théologien protestant établi à Paris. Il est un des fondateurs de la Revue britannique ainsi que de la Revue protestante. Il existe un billet de BC à Coquerel, daté du 13 octobre 1825, dans lequel BC promet vaguement de fournir des articles à la Revue protestante. Voir Marie-Jeanne Durry, Autographes de Mariemont, Paris : Librairie Nizet, 1959, t. II, pp. 435–436. BC lui offrira un exemplaire du second volume de son ouvrage sur la religion (voir ci-dessous, p. 557).

10

Carnet de notes – mars 1825

16. M. Berr. 19. Koreff. 22. 25. 28. 31. 34. 37. 40. 43. 44. 47

fo 34vo

17. Norvins. 20.

529

18. Daru 21. 63

* Davilliers – Sallon – Laffitte Roederer – Pagès – Laffitte Babey1 Chambre – Coste –

Mon nouveau 2d vol2. Livre 3. cause du pouvoir sacerdotal 4. prétendu Théisme Sacerdotal. 5. Composition des religions sacerdotales. – 3e vol. 6. peu de pouvoir du Sacerdoce chez les peuples qui n’ont adoré ni les astres ni les élémens. 7. premier polythéisme des Grecs. 8. Epopées homériques.

Ordre de travail 1o. Mettre de coté tout ce qui a rapport aux Grecs. 2o. Commencer la classification des matériaux relatifs au 4e livre. 12 47 ] BC finit cette entrée, comme toujours par un trait horizontal ; il commence à la ligne suivante, la dernière du f o, une nouvelle note avec un mot abrégré illis., dav (?) qu’il abandonne pour la continuer à la p. suivante 1 2

Il s’agit de Marie-François-Vincent-Michel Babey (1744–1849), députe´ à la Chambre. BC n’adoptera pas ce plan, comme on peut le voir en consultant les deuxième et troisième volumes de l’ouvrage. Notons encore que les changements importants qui aboutissent au résultat définitif se font très vite parce que le second volume paraît sous la date de 1825. Il est mis en vente le 10 octobre.

5

10

15

20

25

530

De la Religion, I – Textes complémentaires

3o. Corriger les placards du 3e livre & faire les additions. 4o. copier la classification des matériaux du 4e livre. rediger & copier. 5o. idem pour le 5e en retranchant de la rédaction tout ce qui a rapport aux Grecs. 6o. idem pour le 6e. 7o. idem pour la 7e en prouvant que tous les caractères des religions Sacerdotales sont étrangers au Polythéisme Grec des tems héroïques. 8o. id. pour le 8e. 29 Mars 1825

fo 35ro

lire Munter Religion der Carthager1

5

10

C’est à l’endroit du chap. sur les causes secondaires, climat &ca que je pourrai placer plus de considérations sur la beauté du climat & la pureté comparative de la religion de l’Inde. idem de Zoroastre. 15

* Nouvel ordre de travail 1o. copier tout le livre sur le Théisme Sacerdotal. 2o. faire la nouvelle rédaction du 3e livre, divisé en 2. 1o. causes de l’aggrandissement du pouvoir du sacerdoce. 2o. peu de pouvoir du Sacerdoce là ou ces causes n’ont pas existé. o 3 . classer les matériaux à ajouter au livre sur le Théisme Sacerdotal. 4o. corriger pour la dernière fois le 3e livre divisé en 2. 5o. faire la rédaction du livre sur le Théisme Sacerdotal. er 1 avril

20

25

65

fo 35vo

* relire tout le livre 4o sur les resultats du Polythéisme Sacerdotal & reporter plusieurs choses dans le liv. 3 actuel. 30

1

Même note ci-dessus, p. 505.

Carnet de notes – avril 1825

531

Courses. 6 avril. Perrier. Cazin. Renaud. Bossange. Chambre. y relire la discussion sur le sacrilege en 18241. rendre au Duc de Broglie ses notes2.

1. 3. 5. 7.

Perrier. 2. Cazin. Renaud. 4. Bossange. Jourdan. rue Bourbon no 523 6. Broglie. Chambre.

* Deslinay – Aumont – Chambre – Broglie – 13 avril. Cottenet. Chambre.

* rapprocher la recomposition des livres Juifs par Esdras & ses 5 Scribes des Vèdes[,] ch. 3 du livre 44.

7 Deslinay ] lecture incertaine 1

2

3 4

10 des Vèdes ] la source porte & des Vèdes

BC prépare son discours «Sur le projet de loi relatif au sacrilège» qu’il prononcera le 14 avril 1825. Notons que la Chambre des pairs a entendu le «Rapport de la commission chargée d’examiner le Projet de loi relatif à la répression des crimes et délits qui se commettent dans les églises», suivi d’une discussion les 30 avril et 1er mai 1824 qui se conclut par l’adoption du projet (136 voix contre 11). Le prétexte à la présentation du projet de loi est le vol de vases sacrés, vides ou contenant des hosties, qui prévoit la peine capitale, comme pour les parricides sous l’Ancien Régime. La Chambre des députés prend acte du retrait du projet de loi le 7 mai 1824. Il reviendra à l’ordre du jour en février 1825 devant la Chambre des pairs puis en avril devant la Chambre élective et sera adoptée par la Chambre des députés le 15 avril (210 voix contre 95). Voir A. de Vaulabelle, Histoire des deux Restaurations, Paris : Perrotin, 1860, t. VII, pp. 58–60, 99–105 et 127–131 ; G. de Bertier de Sauvigny, La Restauration, Paris : Flammarion, 1955, pp. 377–379 ; E. de Waresquiel et B. Yvert, Histoire de la Restauration, 1814–1830, Paris : Perrin, 1996, pp. 377–379. Nous ne connaissons pas le contenu des notes que BC veut rendre au duc de Broglie. Vu le contexte, il est probable qu’il s’agisse des notes pour le discours du 10 février 1825, Opinion sur le projet de loi relatif au sacrilège (Chambre des pairs, Impressions diverses, t. II, no 43), pour combattre cette loi. Disons encore que BC possède la brochure de Félicité de La Mennais, Du projet de loi sur le sacrilège, présenté à la Chambre des pairs le 4 janvier 1825, Paris : au bureau du Mémorial catholique, 1825 (voir le Catalogue). Un signe de renvoi (une croix ajoutée au nom et une autre précédant l’adresse) précise que l’adresse est celle de Jourdan. Nous avons remonté cette demi-ligne. Allusion au livre IV d’Ezra (livre apocryphe), chap. 14, 23–24 : «Et respondet ad me et dixit : Vadens congrega populum et dices ad eos, ut non te quæt diebus quadraginta. Tu autem præa tibi buxos multos et accipe tecum Saream, Dabriam, Selemiam, Ethanum et Asihel, quinque hos qui parati sunt ad scribendum velociter.» Le rapprochement projeté entre le texte biblique et les (trois premiers ?) Vèdes ne joue aucun rôle dans le t. II de De la Religion.

5

10

532

De la Religion, I – Textes complémentaires

* Cazin – Pictet1 – Prangins – Lelong2 – Broglie

fo 36ro

* Aumont. Cazin. Ricard. Bossange. Broglie. Pictet. Prangins. Chambre. Lelong. 18 avril 3 1 6 3 1 2 2 2 1 1 1 1 2 2 2 1

pes de bas de filozelle –– de laine noir –––– blanc –– de soye noire ––– de – blanche culottes blanche[s] –– noires pantalons habit bleu habit noir vieille redingote –––– neuve gilets blancs – – – – noirs pes de chaussons chapeau3

* 20 avril. Lecourt4. Lelong. Guigniaud. Chambre. Peyronnet. Montoue5. rue neuve du Luxembourg no 21. Acad. des Inscript. Mignot. XXXI. p. 1146. XXXIV7. 56. Bossange

1

2 3 4 5 6

Sans doute un membre de la famille Pictet-Diodati. BC veut-il rendre visite à cette personne ? Ou lui écrire à l’occasion du décès du savant Marc-Auguste Pictet de Genève (1752–1825), décédé le 19 avril 1825 ? Le libraire Le Long. Il apparaît aussi dans le Livre des dépenses (OCBC, Œuvres, t. VII, p. 469). Liste des vêtements qu’il donne au blanchissage. Il paye 15 frs. Voir le Livre des dépenses à la date du 19 avril 1825, OCBC, Œuvres, t. VII, p. 467. Non identifié. Il y a un avocat de ce nom mentionné dans La Minerve (t. VII, 1819, p. 161). Non identifié. Il n’est nommé qu’une seule fois dans le Carnet. Le t. XXXI, 1768, des Mémoires de Littérature tirez des Registres de l’Académie Royale des Inscriptions et Belles Lettres contient une série de cinq articles de l’abbe´ Étienne Mignot sur la philosophie de l’Inde : «Premier [Second-Cinquième] Mémoire sur les anciens philosophes de l’Inde» [chaque titre est complété par un sous-titre] (pp. 81–113 ; 114–152 ; 153211 ; 212–262 et 263–338). Ces mémoires ont été présentés à l’Académie entre février 1761 et décembre 1762. BC consultera le second mémoire qui a pour sous-titre : «Ces philoso-

5

10

15

20

25

533

Carnet de notes – avril 1825

relire les mémoires sur la philosophie Indienne ac. Inscript 5e livre1.

fo 36vo

XXXIV.

pour le

* consulter à la Bibliothèque sur les Druides St Chrysos. or. 49, & Keysler2, Antiq. Sept. p. 24.

5

* travail pour demain, 25 avril relire dans ce livre ci toutes mes notes sur les livres à consulter avant de finir la rédaction du livre 3. 10

* Cottenet – Cazin – Leroy3 – Ricard – fadatte de St georges – Aumont – Louïse – Méan4 – Adelaïde5

11–12 Cottenet ... Adélaïde ] lecture incertaine, les 9 noms mentionnés dans cette note étant tous biffés, sauf Aumont

7

1 2

3 4 5

phes sont-ils redevables à l’E´gypte de leur doctrine et de leurs pratiques ?» (Note de la page précédente.) BC note ici le début d’une série de 24 mémoires intitulés «Mémoires sur les Phéniciens» que l’abbé Étienne Mignot a lus entre 1763 et 1775 à l’Académie des Inscriptions et Belles Lettres et qui ont été publiés dans les t. XXXIV, XXXVI, XXXVIII, XL et XLII des Mémoires de Littérature tirez des Registres de l’Académie Royale des Inscriptions et Belles Lettres. BC se trompe. Il aurait dû citer ici le t. XXXI. ` la page indiquée Johann Georg Keyssler, Antiquitates selectæ septentrionales et celticæ. A commence un chapitre intitulé «Artes & technæ Druidum», où Keyssler cite au début le passage de St. Chrisostome mentionné par BC, ce qui nous permet de comprendre qu’il s’agit dans ce Carnet d’une note prise lors de la lecture du texte d’un tiers non identifié : «Secreta institutio discipulorum, qui lecti e nobilissimis regionis per viginti interdum annos artibus & technis eorum assuefiebant, reliqua multitudine ignorantiæ tenebris immersa ; immunitas a bello ; juris non modo dicendi, sed & exsequendi auctoritas ; pœnarum irrogatio nemini nisi Druidibus permissa ; sacrorum interdictio, pœna gravissima a majoribus nostris habita, sortium auguriorum interpretatio, & alia multa, quid nisi summum Imperium in sacerdotes poterat transferre ? ut plane fides adhibenda Dioni Chrysostomo Orat. 49 scribenti : Absque Druidibus nihil fas erat Regibus exsequi, ac ne consultare quidem, adeo, ut re ipsa regnarent Druidæ, Reges autem essent quasi ipsorum adparitores & ministri in exsequendis decretis». Il peut s’agir de Pierre-Joseph-Jean-Baptiste-Onésime Leroy (1788–1875), littérateur et collaborateur de la Biographie Michaud (OCBC, Œuvres, t. VII, passim). Un copiste de BC, mentionné aussi dans le Livre des dépenses (OCBC, Œuvres, t. VII, pp. 431 et 463). Peut-être Adélaïde de Hardenberg, l’épouse du comte de Fürstenstein.

534

De la Religion, I – Textes complémentaires

L’Egypte sous les Pharaons par Champollion jeune. bure1

I

&

II

vol. chez De-

Recherches pour servir à l’histoire de l’Egypte par Letronne2. chez Bouland Tardieu.

5

* Desbassayns – lunettes – Chambre

voir sur les variations de l’idée du mauvais principe chez les Grecs Moser, ad nonni. Dionys. VIII. 2723

10

68

fo 37ro

Réponse du ministre de l’intérieur sur les questions relatives aux élections Q. Lorsque la nue propriété est dans une main, & l’usufruit dans l’autre, est-ce à l’usufruitier qu’on doit compter la contribution ? R. c’est à l’usufruitier, puisque c’est lui qui la paye, & que d’ailleurs suivant l’art. 598 du Code Civil il jouït generalement de tous les droits dont le propriétaire peut jouïr & qu’il en jouït comme le propriétaire lui même. Mon. de 1817. 23 avril4

1

2

3

4

Jean-François Champollion, L’E´gypte sous les Pharaons, ou Recherches sur la géographie, la religion, la langue, les écritures et l’histoire de l’E´gypte avant l’invasion de Cambyse, Paris : De Bure frères, 1814, 2 vol. Un des frères De Bure, le libraire Guillaume-François De Bure, est mentionné dans le Livre des dépenses (OCBC, Œuvres, t. VII, p. 475). BC pense à l’ouvrage de Jean-Antoine Letronne (1787–1848), Recherches pour servir à l’histoire de l’E´gypte pendant la domination des Grecs et des Romains, tirées des inscriptions grecques et latines, Paris : Boulland-Tardieu, 1823. Letronne (1787–1848) était un archéologue réputé, professeur au Collège de France, qui a publié un nombre considérable de mémoires et d’ouvrages d’histoire et d’archéologie. Georg Friedrich Moser, Nonni Dionysiacorum Libri Sex : Ab octavo ad decimum tertium, res Bacchicas ante expeditionem indicam complectentes, emendavit omnium Nonni Librorum Argumenta et notas mythologicas adjecit Georgius Henricus Moser, præfatus est Fridericus Creuzer, Heidelbergæ : Mohr et Zimmer, 1809. Le passage cité par BC se trouve pp. 181–185 ; il s’agit d’une note qui explique l’histoire de Typhon. BC a trouvé cette source probablement en lisant la Symbolik de Creuzer. Voir cet ouvrage, t. III, pp. 100–101. Nonnos Panopolitanus est un poète épique du Ve siècle apr. J.-C. Le chant VIII de sa Dionysiaca raconte la naissance de Bacchus. La citation se trouve dans le Moniteur, no 113, 23 avril 1817, p. 440a-c. La date indiquée est

15

20

Carnet de notes – mai 1825

* 4 may. 1. 3. 2. 4. 5. 6. 7. 8.

535

Mallets. rue du Montblanc. 131. Locations. rue J. J. Rousseau. 16 Galignani2. rue Vivienne. 18. Affiches3. rue Grenelle St. Hé 55. Guigniaud. rue d’Enfer. 55. Chambre. Palais bourbon. Lamb4. Nugent5.

* 12 mai. ordre de travail pour le 3e livre. 1o achever les extraits de Guigniaud6 2o donner à l’impression en feuilles. 3o recherches pour l’adoration des astres & des elemens chez les peuples du nord.

fo 37vo

* 18 May. Plan définitif du second volume. le reduire aux deux livres 3e & 4e7. après la lecture de Guigniaud achever les premières corrections du 3e livre, & fondre les idées & les faits qui se trouvent dans le livre des résultats. donner à réimprimer cela en placard. Pendant le tems de la réimpression faire des additions sur les peuples du nord &ca pour le meme 3me livre & cela fait donner à tirer en épreuves en feuilles. idem du 4e livre en prenant

1 2

3 4 5

6

7

celle de la note : 23 avril 1825. BC cite correctement le texte de la 9e question de l’article intitulé «Ministère de l’Intérieur. Éclaircissements sur quelques difficultés soumises au ministre secrétaire d’E´tat de l’Intérieur, relativement au registre et à la liste des électeurs, dont la formation a été préscrite par la loi du 6 février 1817». L’article est signé par Lainé. Les numéros d’ordre placés en tête des lignes indiquent l’itinéraire de BC. La librairie Galignani est la plus ancienne librairie étrangère établie à Paris. L’adresse indiquée est celle de la librairie. Voir le Livre des dépenses (OCBC, Œuvres, t. VII, p. 370, n. 2). Les Affiches parisiennes, déjà citées ci-dessus, p. 476. Sans doute faut-il lire Lamberdière ou Lambardiere. S’agit-il du feld-maréchal Laval Nugent de Westmeath (1777–1862) qui, dans ce cas-là, se trouverait à Paris ? Ou de lord Nugent, George Temple-Grenville (1783–1850), libéral anglais ? Faut-il entendre que les notes du cahier devaient aboutir à un recueil d’extraits de l’ouvrage de Guigniaut ? C’est possible. Il existe dans le volumineux dossier des notes de lecture (Co 3293) une page avec quatorze notes numérotées qui se rapportent à Guigniaut. Mais ces notes sont plutôt une suite d’idées dont la signification reste à établir. D’autres pages éparses, de la main d’un copiste, avec des textes sur la religion indienne, pourraient éventuellement appartenir à ce travail de classement. Voir p. 536, la note du 2 juin. Même ce «plan définitif» sera remanié pour la publication du second volume. La raison des changements ultérieurs est peut-être indiquée dans la dernière phrase de cette note.

5

10

15

536

De la Religion, I – Textes complémentaires

mes mesures pour que le volume ne soit pas au dessous de 25 ni au dessus de 30 feuilles.

* 20 May. courses. Bossange. Tourin1. Cartulat. 21 May. Didot Leroy. Gds Aug. 21. Broglie. Chambre

fo 38ro

Le cœur est une faculté dont nous nous dépouillons chaque jour, faute d’exercice, tandis que l’esprit s’aiguise & s’affile. Chacun court après l’esprit. ... l’esprit uni au cœur constitue l’héroïsme, le génie, le sublime ; mais par l’extinction des facultés qui dérivent du cœur, ce royaume périra, je le prédis. On n’a plus d’amis, on n’aime plus sa maitresse : comment aimeraiton sa patrie. D’Argenson2. 417. & la suite.

Creutzer. 133. 135. Rep. 10633

* 2 Juin. 2d vol. 3 Livres4. 1o. des causes du pouvoir Sacerdotal. 2o. de l’influence des causes secondaires. 3o. des peuples indépendans du pouvoir Sacerdotal. plan de travail. achever de classer les notes annexées à la suite d’idées. donner à chaque renvoi d’épreuves une feuille bonne à tirer. aprés la classification des additions annexées à la suite d’idées, prendre celles contenues dans les deux extraits de Guigniaud5, puis celles renfermées dans les notes eparses sur la table ronde. puis relire les livres bleus. puis tous les autres matériaux

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25

1 2

3

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Le nom de ce notaire revient dans le Livre des dépenses (OCBC, Œuvres, t. VII, p. 467). René-Louis de Voyer, marquis d’Argenson (1694–1757), intendant et homme politique peu capable, mais écrivain distingué. BC cite un passage des Mémoires du Marquis d’Argenson, ministre sous Louis XV, avec une notice sur la vie et les ouvrages de l’auteur, publiés par René d’Argenson, Paris : Baudouin frères, 1825. Citation conforme, avec coupure d’une phrase. BC possède ce livre dans sa bibliothèque et utilise cette édition, comme il ressort de la page indiquée. BC renvoie ici, comme il l’a fait dans une autre note ci-dessus (voir p. 482, n. 2), aux pages du t. II de l’ouvrage de Creuzer. La note du Repertory concerne le même passage. Elle sera reprise une troisième fois ci-dessous, p. 596. Note précieuse, puisqu’elle est datée. C’est à partir de ce jour-là que BC a arrêté le plan qui sera celui du volume à paraître en octobre 1825. Voir ci-dessus, p. 535, n. 6 sur les extraits tirés de J.-D. Guigniaut, Religions de l’Antiquité.

Carnet de notes – juin 1825

537

à rechercher à la Bibliothèque. Ausone epigr. 29 sur Bacchus1. Justin. XVIII. sur Cartalon fils de Malchus pr le Sacerdoce Carthaginois2 Aulugelle, sur les Etrusques3. Gibbon. tr. de Guiz. ed. de 1819. II. p. 74. 5

fo 38vo

Ogygia me Bacchum vocat, Osirin egyptus putat, Mystica Phanacen nominant, Dionysos Indi existimant, Romana Sacra Liberum : Arabica gens adoneum Lucaniacus Pantheum. 29 en grec ep. 30. Cartalo, envoyé par les Carthaginois à Tyr pour y porter à Hercule la dime des depouilles qu’ils avoient conquises en Sicile, orné de la pourpre & des insignes Sacerdotaux mis a mort par son pere Malchus. Justin VIII. 7. 7–9–15. * 13 Juin. Courses. 1o. Chambre. 2o. Didot. 3o. Cazin 4o. Perrier. 5o. Mathias5.

1

2

3

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5

BC copiera dans une édition non identifiée l’épigramme (voir la note suivante) dont nous avons cité le texte ci-dessus, p. 485, n. 1. Il constate aussi que l’épigramme suivante (no 30, numérotation de BC), est une variation en grec sur le même sujet. BC renvoie à l’extrait des Historiæ Philippicæ de Pompeius Trogus (1er siècle av. J.-C.) conservé par Marcus Junianus Justinus dans son ouvrage Historiarum ex Trogo Pompeio libri XLIV, qu’il a peut-être lu dans l’édition de Tho. Hearne, Oxonii : E Theatro Sheldoniano, 1705, ou trouvé cité quelquepart. Le passage recherché par BC est résumé quelques lignes plus bas, avec un renvoi à la source consultée : Liber XVIII, cap. VII, pp. 149–150 de l’édition d’Oxford. Il y a problème. Ou bien la note de BC reprend ce qui est dit ci-dessus (p. 505, n. 2), ou bien elle évoque un autre passage : Aulus Gellius, Noctes atticæ, livre IV, chap. 5, «Histoire sur la perfidie d’haruspices étrusques» (t. I, pp. 198–199). La lacune après le nom d’Aulu-Gelle, prévue pour y inscrire la référence, se trouve dans le manuscrit. BC renvoie à l’Histoire de la décadence et de la chute de l’empire romain. Nouvelle édition entièrement revue et corrigée, précédée d’une notice sur la vie et le caractère de Gibbon, et ` l’endroit accompagnée de notes critiques par F. Guizot, Paris : Lefèvre, 1819, 13 vol. A indiqué (vol. II, chap. VIII, «De l’état de la Perse après le rétablissement de cette monarchie par Artaxercès»), on trouve une longue note de Guizot sur la langue pehlvi (pp. 7–9) qui parle du problème évoqué déjà ci-dessus, p. 457, n. 3. Non identifié.

10

15

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538

De la Religion, I – Textes complémentaires

Cartons peut être nécessaires dans le 2e vol. Io. p. 41. à cause du faux renvoi de la note1.

* Courses. 1o. Gay2 2o Peyronnet 3o Didot. 4o Chambre. une hist. des Juifs, une bible. relire

5

* Courses. 1o. Cotta3. 2o. Hardenberg4. 3o. rue du Dragon no 13. chez Molin. 4o. Didot. 5o. Recamier.

fo 39ro

Livre 3. donné à l’impression5 Ch. 1. p. 1.+ / Ch. 2. p. 4.+ / Ch. 3. p. 12.+ / Ch. 4. p. 25.+ / Ch. 5. p. 34.+ / Ch. 6. p. 47.+ / Ch. 7. p. 54.+ / Ch. 8. p. 55.+ / Ch. 9. p. 81 / Ch. 10. p. 86. Les ch. marqués + bons à tirer. tiré

Livre 4 donné à l’impression Ch. 1. p. 129. / Ch. 2. p. 132. / Ch. 3. p. 156. Ch. 4 p. 159 / Ch. 5. p. / Ch. 6. p. / Ch. 7. p. / Ch. 8. p. / Ch. 9. p. / Ch. 10. p. / Ch. 11. p. / 73

1 2

3 4 5

BC pense à la note 1 de cette page (OCBC, Œuvres, t. XVIII, p. 78, n. a). Il aurait dû renvoyer au chap. 12 du livre IV. Probablement Marie-Françoise-Sophie Michault de Lavalette, dame Gay (1776–1852), romancière et amie des Constant. BC la voyait souvent, comme il ressort de son journal intime. L’éditeur allemand Cotta ? Probablement le même qui est mentionné dans le Livre des dépenses (OCBC, Œuvres, t. VII, pp. 468 et 477) et qui est probablement un parent de Charlotte. Les deux notes de BC qui se suivent sont une documentation précieuse des progrès de l’impression du t. II de De la Religion. Les chiffres qui apparaissent après les chapitres correspondent à la pagination du volume. Nous pouvons donc constater qu’à cette date (mijuin) l’impression est partiellement accomplie, mais qu’il reste des épreuves à corriger (livre III, chap. 9-livre IV, chap. 4). Soulignons encore que BC s’est réservé une demi-page pour continuer ses notes sur la progression de l’impression, ce qu’il n’a pas fait. Il a par contre inscrit dans cet espace le chiffre «73» en gros, ce qui nous permet d’affirmer que cette série de chiffres est venue s’ajouter aux notes du Carnet après-coup et qu’ils n’ont peut-être pas de rapport avec le travail documenté ici.

10

15

Carnet de notes – juillet 1825 fo 39vo

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* 11 Juin1. courses. Didot rue Jacob, 24. Chauvin rue Gillescœurs, 9. Leroy, rue des grands Augustins, 21. Chambre. Cazin

* Ordre de travail. 27 Juin. faire le chap. sur la lutte des pouvoirs, en ajoutant les notes, faits & raisonnemens, & laissant de coté les réflexions sur la destruction du Sacerdoce pour les replacer dans le livre 5. dernier chap.

* Perrier. Chabrol2. Cazin. Aumont. impositions. lettres à la poste. Marchangy3. Alibert4.

2 Juillet. ordre de travail. 1o. revoir & préparer les trois épreuves en feuilles pour les envoyer lundi à l’imprimeur. achever les notes du ch. 10. pour pouvoir le donner à l’impression. faire les ch. 11 & 12. faire ensuite le dernier ch. du liv. 5. puis reprendre le commencement de ce livre, & achever la redaction.

5

10

15

* 3. Broval. Poste. Seguin. Hochet relieur.

fo 40ro

* 4 Juillet relire le morceau en petites tailles sur les Hébreux puis le 2d morceau destiné auparavant au 4e livre. Morceau de la préface. Nous devons aussi prevenir nos lecteurs que détournés par des occupations impérieuses 23 Nous devons ... impérieuses ] la phrase reste inachevée 1 2

3

4

La date est sans doute fausse. Il faut probablement lire : 21 juin. Deux identifications sont possibles : André-Jean, comte de Chabrol de Croussol (17711836), homme politique qui remplit d’importantes fonctions sous l’Empire et la Restauration, entre autres celle de Ministre de la Marine à partir de 1824. Ou Gilbert-Joseph-Gaspard, comte de Chabrol de Volvic (1773–1843), qui participa à l’expédition d’E´gypte et fut préfet de la Seine sous la Restauration. Louis-François-Antoine de Marchangy (1782–1826), avocat et procureur royal sous la Restauration. BC a publié, en 1818, un long et mordant article dans les Annales de la session de 1817 à 1818 intitulé «Du discours de M. de Marchangy, avocat du Roi, devant le tribunal de police correctionnelle, dans la cause de M. Fiévée». Voir OCBC, Œuvres, t. XI, pp. 191–215. Jean-Louis Alibert (1766–1837), médecin réputé, spécialiste des maladies de la peau.

20

540

De la Religion, I – Textes complémentaires

tantot Azarias & tantot Osias tantot Samuel & tantot les Rois tantot les chroniques & tantot les Paralipomènes. La Bible écrite en différentes langues Ozza au lieu d’Osa1 5

4. faire le 10 & le 11 chap. Sur les Hébreux & sur le triomphe du pouvoir sacerdotal.

* Meiners Verfall. 1. 53. sur la chute des lettres avec celle du sacerdoce2 10

* Je dis que les Juifs consultoient Jehovah par l’entremise des Lévites p. 973. cela n’est pas[.] la tribu de Lévi étoit la seule de laquelle les prêtres pussent être tirés, mais tous les lévites n’étoient pas prêtres. Nombr. ch. 18. Je dis que le Sanctuaire étoit fermé à tout autre, qu’aux lévites. Il l’étoit aux Levites, comme a tous les autres, cela est dit formellement Nombr. ch. 18. 3.

* 5 Juillet 1 Moureaux4. 2 Didot. 3 Aubert5. 4 Chauvin. 5 relieur.

18 Moureaux ... relieur. ] au-dessus des noms, et certainement inscrits postérieurement, les chiffres 1 à 5, pour organiser le parcours ; nous les plaçons avant les noms 1 2

3

4 5

Ébauche de quelques phrases de la préface. Les excuses esquissées ici ne s’y retrouveront pas. Christoph Gottlob Meiners, Geschichte des Ursprungs, Fortgangs und Verfalls der Wissenschaften in Griechenland und Rom, Lemgo : Meyer, 1781–1782, 2 vol. BC possède cet ` la page indiquée, Meiners parle de la coutume des Grecs de ouvrage (voir le Catalogue). A la plus ancienne période de leur civilisation de déposer leurs œuvres dans les temples pour les placer sous la protection des dieux. La décadence des lettres est évoquée à la fin du premier livre. Mais il faut dire que Meiners ne soutient pas l’hypothèse évoquée par BC. BC note ici des corrections à faire qui se rapportent au t. II de De la Religion, p. 97. Le manuscrit porte effectivement «par l’entremise des lévites», ce qui sera corrigé dans l’édition définitive qui écrit «par l’entremise du grand-prêtre» (OCBC, Œuvres, t. XVIII, p. 107). Le variante n’y est pas répertoriée. La seconde partie du passage sur le sanctuaire des juifs ne se trouve pas dans le texte. Peut-être Agricole Mourau (1766–1842), avocat et juge de paix à Paris. Il s’agit probablement d’une des dames Aubert, lingères, mentionnées dans le Livre des dépenses (OCBC, Œuvres, t. VII, p. 469). Ajoutons que les activités de BC de ce jour-là sont plus étendues encore. Il existe une lettre inédite de BC au baron Méchin, député à la Chambre, datée du 5 juillet 1825 (Lâon, Bibliothèque Municipale) dans laquelle il promet de lui envoyer des papiers.

15

Carnet de notes – juillet 1825 fo 40vo

541

* travail de demain 8 juillet. relire le ch. 9 sur la lutte & corriger & completter surtout le morceau sur les Hébreux. donner à copier le ch. 10 sur la révélation de Moyse commencer le ch. 11 sur la victoire ordinaire du sacerdoce. &ca 5

* chercher demain Salvador1

* 13 juillet, courses. Poste. Relieur. Didot. Coste. Sebastiani

* revoir Bossuet2 sur les Castes, dans Salvador. p. 67

fo 41ro

Paquets de mon ouvrage3. Ch. 9 sur la lutte &ca. copie folio, gardée pour revoir avec les épreuves. A – 10. Continuation &ca. copie en cartes pour idem B – 11. explication. id. id. C – 12. Victoire du Sacerdoce copie ancienne sur cartes id. id. D – morceaux épars E – Autre copie infolio du ch. 9 inutile F – Dernier ch. du liv. 5. à achever. G – Placards. jusqu’au commencement du liv. 5. H – Placards redigés du livre V. I – Bonnes feuilles tirées. K – Placards découpés du livre 6. L – Feuilles données bonnes à tirer. M – Epreuves doubles inutiles a garder jusqu’à la fin N. – Ch. 12 & 13 du 4e livre. O. 8 Poste ] lecture incertaine 15 explication ] 〈illis.〉 explication ce dernier mot dans l’interl. inf. 16 12. ... D ] texte biffé, lecture du mot ancienne incertaine 18 Autre ... F ] ligne biffée 20 jusqu’au ... 5. ] 〈10. 12. 13. 15. 18. 26.〉 jusqu’au ... 5. dans l’interl. sup. 21 Placards ... I ] ligne biffée 1 2

3

BC cherche à se procurer Joseph Salvador, Lois de Moïse, ou système religieux et politique des Hébreux, Paris : Ridan, 1822. Il se trouve dans sa bibliothèque (voir le Catalogue). Salvador cite, dans une note (p. 68), le Discours sur l’histoire universelle, part. III, § 3 de Bossuet, où l’évêque de Meaux parle effectivement des castes de l’E´gypte comme d’une structure inaltérable de la société pharaonique. BC range ses papiers dans des cartons ou des chemises qu’il désigne par des lettres. Nous les avons fait ressortir en les imprimant en gras.

10

15

20

25

542

De la Religion, I – Textes complémentaires

– Placards du Livre 51. P. bons. – Placards du même à revoir Q – Placards du livre 5. sans notes R. 77. 5

fo 41vo

* 14 juillet. Poste. Relieur. 15 Didot. feuille 10. à revoir2. Stapfer3. Coste * 21 Juillet. 3 Bains 4 Didot 5 Contributions. Quai des Augustins no. 55 6 Paschoud rue de Seine 48. 7. Morale Chrétienne4 1. Sébastiani 2. Exelmans5. 5bis Béchet. 2bis Relieur6. * 22 Juillet. ordre de travail. 1o. ranger les feuilles copiées du ch. 12, & les relire. 2o. lire le livre des Arabes dans le parallèle des religions7. 3o. commencer à classer les matériaux du liv. 5.

3 sans notes ... 77. ] BC s’est réserve´ après la dernière entrée de son classement des dossiers plus d’une demi-page pour continuer sa liste ; elle est restée blanche. Il a inscrit plus tard dans cet espace le chiffre 77. griffonnages d’un enfant en tête bêche 1 2 3

4

5 6 7

Voir OCBC, Œuvres, t. XVIII, pp. 459–499. La feuille 10 du t. II comprend les pp. 145–162. Cette entrée est à mettre en rapport avec la lettre de Stapfer à BC du 19 juillet 1825, dans laquelle Stapfer lui communique plusieurs titres d’ouvrages utiles pour la rédaction de De la Religion (Heyne, Vater, Pictet Jeune). Voir G. Rudler, «Benjamin Constant et PhilippeAlbert Stapfer», Mélanges de philologie, d’histoire et de littérature offerts à Joseph Vianey, Paris : Les Presses françaises, 1934, pp. 322–331, ici pp. 328–329. Dans un billet du jour suivant, Stapfer parle du compte rendu du t. Ier de De la Religion, signé A. P., publié dans la Bibliothèque universelle des sciences, belles-lettres et arts, série ‘Littérature’, t. XIX, maijuin 1825, pp. 3–19 et 107–128. Première mention de cette institution dans le Carnet. BC y passera à plusieurs reprises et offrira à cette institution le t. II de De la religion. Voir ci-dessous, pp. 543, 548–549, 551–552, 556. Le général Rémi-Joseph-Isidore, baron Exelmans. BC a rédigé pour lui le texte de sa défense dans son procès militaire. Voir OCBC, Œuvres, t. IX/1 , pp. 377–404. On notera que les numéros d’ordre ont été ajoutés après-coup. BC s’était réservé la place nécessaire. BC fait référence à F.-F. Brunet, Parallèle des Religions, t. I, seconde partie, chap. 6, «Religion des Arabes», pp. 130–155. Ce chapitre parle de l’Arabie moderne, où subsistent encore d’autres religions que la religion musulmane. Brunet se sert surtout du récit de voyage de Carsten Niebuhr, Beschreibung von Arabien. Aus eigenen Beobachtungen und im Lande selbst gesammelten Nachrichten, Kopenhagen : Nicolaus Möller, 1772 (voir ci-des-

10

15

Carnet de notes – juillet 1825

543

* 23. rép. pr Vincent. écr. à Aumont. à Chauvin. à Cazin. note pr d’Eckstein1. Niebuhr sur l’Arabie2. livre de Buhle. courses. Aumont, Cazin, d’Arlens3 5

Quand j’aurai à travailler sur la Religion Romaine, Il faudra réemprunter Schlegel sur Niebuhr4

* Courses. 27. 2. Chauvin. 1. Impositions 3. Didot. 5. Morale Chrétienne. 4. Chambre. * rechercher Herder I. d. l’H. pr la citat. p. 2255. revoir Bayle art. apion pr la citat. p. 2276

3 Buhle ] lecture incertaine

1

2 3 4

5 6

sous, p. 174, n. 1 et ci-dessous, p. 543, n. 2). BC possédait l’ouvrage de Brunet dans sa bibliothèque (Catalogue). Ferdinand, baron d’Eckstein (1790–1861), fondateur du Catholique. Ce périodique, dont le premier numéro a paru en 1826, a publié deux articles importants sur De la Religion de BC (fasc. I, pp. 15–205 et fasc. VIII, pp. 56–112) qui ont provoqué une polémique entre BC et le baron. Nous trouvons dans ce Carnet des traces de la préparation d’une réponse («Lettre à d’Eckstein») qui ne sera pas publiée séparément mais figurera dans le t. III de l’ouvrage de BC. Victor Glachant, Benjamin Constant sous l’œil du guet, Paris : Plon, 1906, p. 188, mentionne une lettre de BC à d’Eckstein dans laquelle il invite le baron, «qu’il met au premier rang de ceux qu’il reconnaît comme juges», à faire un compte rendu de son ouvrage. Le voyageur Carsten Niebuhr (1733–1815). BC consultera Beschreibung von Arabien. BC utilise, d’après Deguise, l’édition française (Amsterdam : S. J. Balde, 1776–1780). Un membre de la famille Cazenove d’Arlens, alliée aux Constant. BC projette de relire le compte rendu de l’ouvrage de Barthold Georg Niebuhr, Römische Geschichte (Berlin : In der Realschulbuchhandlung, 1811–1812, 2 vol.) par August Wilhelm Schlegel, paru dans les Heidelbergische Jahrbücher der Litteratur, t. IX, cahiers 5357, 1816, pp. 833–906 (E´dition moderne : August Wilhelm von Schlegel’s sämmtliche Werke, hrsg. von Eduard Böcking, t. XII, Leipzig : Weidmann, 1847, pp. 444–512). Voir OCBC, Œuvres, t. XVIII, p. 173, lignes 19–20. Les deux vérifications sont bien entrées dans les notes respectives. Voir OCBC, Œuvres, t. XVIII, pp. 173–174, n. h et n. b. Mais Constant n’y renvoie pas à l’article de Bayle sur Apion, Dictionnaire historique et critique, Rotterdam : M. Bohm, 1720, t. I, pp. 260–261. Cet article est cité par contre dans un texte intitulé «Addition sur la religion judaïque» (De la religion, t. II, OCBC, Œuvres, t. XVIII, p. 369, n. a) et repris dans un chapitre 5, «Du Théisme des Hébreux» (pp. 386–388, n. c). Le même article est encore cité dans la n. b, même chapitre (p. 378).

10

544 fo 42ro

De la Religion, I – Textes complémentaires

* Dodone. Dissert. de Desbrosses Ac. Inscr.

XXXV.

891.

voir dans Plutarque2 au 1er 8bre 1825. f. 95,370 : 30c. 5

* vr pr la note sur le Sacerdoce en Grèce Bayle art. Agésipolis3

* à consulter sur l’état sauvage des Grecs, Goguet, Part. I liv. I. p. 594.

* Courses 4 Aoust. courrier. Fould5 rue Bergère no 10 médaille. Chambre. Didot.

* 5 Aoust. ordre de travail. 1o. achever la mise en ordre des chap. non encore rédigés du livre 5, après avoir relu ceux rédigés à partir du 3e. classer dans ces chapitres les additions préparées. descendre Gruber.

10 Bergère ] lecture incertaine, on pourrait lire poupée 14 classer ] 〈illis.〉 classer 1

2

3

4

5

13 achever la ] achever 〈surtout〉 la

«Mémoire sur l’oracle de Dodone», par M. le président De Brosses, lu le 27 mai 1766 (Mémoires de Littérature tirez des Registres de l’Académie Royale des Inscriptions et Belles Lettres, t. XXXV, 1770, pp. 89–132). Rappelons que BC a beaucoup apprécié les théories de Charles de Brosses, dont il possédait le traité Du culte des dieux fétiches en traduction allemande. Voir ci-dessus, p. 459, n. 2. La première ligne de cette note se rapporte aux recherches sur la religion. Mais nous ne ` la ligne suivante, la date, combinée avec une somme pouvons préciser de quoi il s’agit. A importante, suggère que la note fait état d’une affaire d’argent non expliquée. L’article sur Agésipolis Ier, roi de Lacédémone, se trouve dans le Dictionnaire historique et critique, éd. de 1720, t. I, pp. 94–96. BC pense probablement surtout à la note A qui traite des oracles. Il s’agit de l’ouvrage d’Antoine-Yves Goguet, De l’origine des loix, des arts et des sciences, et de leurs progrès chez les anciens peuples, Paris : Desaint et Saillant, 1758, 3 vol. BC ` l’endroit indiqué commence le récit sur les premiers Grecs, dans le utilise cette édition. A chapitre intitulé «Des lois et du gouvernement dans la Grèce». Il s’agit probalement du banquier parisien Fould, père d’Achille Fould, homme politique qui sera ministre des Finances à la fin des années 1840.

10

15

Carnet de notes – août 1825

545

Plan de travail pour le 3e volume 1o. Copie sur des cartes de tout ce qui doit composer ce vol. c. à. d. tout ce qui regarde les religions sacerdotales. puis emploi de tous mes matériaux manuscrits. puis lectures. 5

fo 42vo

* Ordre de travail demain 12 Aoust. 1o. Achever de classer & de ranger les Morceaux employés dans les cartons, & travailler au dernier chap. du livre 5.

* Morceaux non effacés des placards du 5e livre1. 14. Tout effacé. 15. Tout. do 16. Notes. 1o. sur Herodote 2o. sur Dupuis 3o. sur l’origine du peuple Grec. 4o. Heeren sur l’indépendance du pouvoir Sacerdotal. 5o. Théisme des 1ers Grecs. Texte 1o. sur l’indépendance &ca 2o. sur l’antériorité d’une religion Sacerdotale. 17. Tout. do. 18. Tout. do. 19. Tout. do. 20. Tout. do. 21. Tout. do. 22. Tout. do. 23. Tout. do. 24. Note. un mot sur Apulée 25 Tout effacé 26 Tout do. 80

13–19 1o sur Herodote ... Sacerdotale. ] ces lignes, biffées à gros traits de plume, sont à peine lisibles

1

Les placards mentionnés dans cette entrée sont en partie conservés. Voir OCBC, Œuvres, t. XVIII, pp. 461–499.

10

15

20

25

30

546 fo 43ro

De la Religion, I – Textes complémentaires

* 13 Aoust. faire le reste de la suite des idées du dernier ch. du liv. 5. puis classer les additions.

* 14 Aoust. faire le chap. dernier du liv. 5, en l’abrégeant beaucoup. 5

* 15 Aoust. classer les extraits de Gruber dans les chap. 3–8 du livre. achever la redaction du ch. 9 avec les additions de Voss.

* à faire. Huber1. Cazin. Didot. Exelmans Chambre additions des ch. 3–8. extraire Mills2 faire le [...]. Sebastiani

10

* 16 Aoust. finir le chap. 8. relire mes nouveaux extraits qui sont sur ma table pour la continuation des chap 3–8. relire l’Antisymbolik de Voss3.

* penser aux 2 appendices de Mills4 & d’Eichhorn5

15

Distribution de l’ouvrage 1er. vol. Sentiment religieux 2. Sauvages. 2d vol. Pouvoir Sacerdotal.

20

12 relire mes .... relire ] la phrase, comme toute cette note, biffée à forts traits de plume, est à peine lisible 15 penser ] peut-être faut-il lire avec Rudler puiser 1 2

3

4 5

Non identifié. Il est mentionné trois fois dans ce Carnet. Il s’agit probablement de James Mill, The History of British India, London : Baldwin, Cradock and Joy, 1817–1818, 3 vol. Nous possédons des extraits de cet ouvrage (BCU, Co 3293). Il y a un compte rendu de cet ouvrage par Silvestre de Sacy dans le Journal des savans, mars 1819, pp. 131–139. BC a probablement lu ce texte. BC se propose de relire l’ouvrage polémique de Johann Heinrich Voss, Antisymbolik (Stuttgart : Metzler, 1824), qui attaque Heyne et Creuzer. Le Catalogue de sa bibliothèque ne le mentionne pas. BC renvoie à J. Mill, The History of British India. Il le cite dans le Livre V, chap. 7 (OCBC, Œuvres, t. XVIII, p. 296). Nous possédons des extraits (Co 3293). Johann Gottfried Eichhorn (1752–1827), auteur de deux ouvrages sur la Bible : Einleitung in das Alte Testament, Leipzig : Weidmann, 1780–1783, 3 vol., et Einleitung in das Neue Testament, Leipzig : Weidmann, 1804–1827, 5 vol. BC possède le premier. Pour les extraits, voir BCU, Co 3293.

547

Carnet de notes – août 1825

Causes secondaires. Absence du pouvoir Sacerdotal. 3e vol. Religions Sacerdotales. 4e vol. Polythéisme Homérique. Epopées Homériques. Resultat.

fo 43vo

fo 44ro

5

Chapitres revus pour lesquels il ne faut pas de cartons1. Liv. III. Ch. 1. 2. 3. 4. 5. 6. (Un carton au titre de ce ch. oter apparentes ou réelles) 7. 8. 9. 10. (cinq cartons. 1. p. 89. à tout autre qu’aux lévites – aux prêtres. 2. page 97. l’entremise des Lévites, du grand prêtre ou des prêtres. p. 101. l’administration de la justice en Egypte ne pouvait être en Egypte dans les mains − que dans les mains. p. 106 de fables que prouve – qui prouve. p. 125. Dans le Sacerdoce lui meme. – oter lui même) Livre IV. ch. 1. (un carton p. 151. dans la note : il imite le c. trancher il) 2. 3. 4. 5. 6. 7. 8. 9. 10. 11. 12. 13. (un carton p. 252 du premier – de ce dernier) liv. V. Ch. 1 (un carton – Au philologue, Bayle &ca p. 293 Cicer. de Divin. I. 11.) 2. 3. 4. (un carton p. 339. dans aucune preuve historique, oter dans) : p. 359. Note. nous aurions eu en l’honneur du symbole un panthéisme &ca. après Symbole, ajout. pour doctrine p. 365. ce rapporte, se) 5. (un Carton p. 383 divines divinités. oter divines p. 387. Elles oter l’s. p. 430. Note. Hydus – Lydus. carton indispensable à la p. 2522.

* Courses. Bibliothéque de la Chambre Impositions. Cazin à 2 h. voir à la Bibliothéque Bossuet variations3. Belisaire4 Sorbonne 15 (un carton ... il) phrase biffée dans) phrase biffée 1

2

3 4

16 (un carton ] 〈Livre V〉 (un carton

18 (un carton ...

Les corrections et changements signalés dans cette note ont été exécutés, sauf une correction. Dans l’exemplaire que nous avons consulté, ou bien il y a des cartons à l’endroit indiqué, ou bien les corrections sont répertoriées dans les errata. La correction prévue pour la p. 339 (OCBC, Œuvres, t. XVIII, p. 231, ligne 8) n’a pas été retenue et la faute est répétée dans notre édition. Pour les autres, voir OCBC, Œuvres, t. XVIII aux endroits indiqués ici. Rappelons que le Livre des dépenses comporte à la date du 29 septembre 1825 une entrée «Cartons» et la somme de 36 frs. Il faut sans doute en conclure que BC a dû payer ces corrections (OCBC, Œuvres, t. VII, p. 471). BC consultera une des nombreuses éditions de Jacques-Bénigne Bossuet, Histoire des variations des églises protestantes, parue pour la première fois en 1688. BC pense-t-il au général byzantin de ce nom (vers 494–565), à la pièce de Rotrou ou encore à l’opéra de Philidor ?

10

15

20

25

548

De la Religion, I – Textes complémentaires

union de la royauté & de la prêtrise dans Bayle art. Amphiloque1 Lettre d’Estournelles2 * travail pr demain 24. corriger les épreuves de la feuille 24. Puis la note de Freyssinous Amphiloque & Le Caystre3.

5

* Courses. 1o. Chambre. 2o. Didot. 3o. Société de la morale Chrétienne. à la Chambre voir Amphiloque & Ephese ou Caystre. Aumont

* Amphiloque, Roi d’Argos. Cicer. de Divin. I. 11.

10

* Substituer à la citation de Bayle sur Amphiloque Cicer. de Divin. I. 114. * Travail de demain 27 aoust. corriger la feuille envoyée. écrire à Mde de Loys5. faire le travail sur les Grecs6. récrire à Aumont.

* Aumont. Didot, les 3 feuilles 25, 26, 27 Société7.

1

2 3

4 5 6

7

P. Bayle, Dictionnaire historique et critique, éd. de 1720, t. I, pp. 195–197. BC remplacera cette source par un renvoi à Cicéron, De divinatione. Il peut avoir trouvé cette indication chez Bayle. On lit chez Cicéron : «Amphilochus et Mopsus Argivorum reges fuerunt, sed iidem augures, iique urbis in ora marituma Ciliciæ Græcas condiderunt» (De divinatione, I, 88 ; cité d’après l’édition de Christoph Schäublin, Düsseldorf, Zürich : Artemis und Winkler, 2002, pp. 88–90). Cette lettre peut venir de Louise d’Estournelles ou de son mari. BC se propose de rédiger trois notes assez complexes. La première concerne Denis-Antoine-Luc, duc de Frayssinous, aumônier de Louis XVIII. On trouve le texte de la note dans le livre V, chap. 7 du second volume de De la Religion (OCBC, Œuvres, t. XVIII, p. 301). La seconde note parle des devins grecs, livre V, chap. 1 (p. 210), la troisième concerne Caistre, fils de Penthésilée, mentionné dans le livre V, chap. 5 (pp. 250 et 263). Ce qui a été fait ; voir De la Religion, t. II, OCBC, Œuvres, t. XVIII, p. 208, n. i. Les renvois de BC se rapportent à une édition non identifiée. Antoinette-Pauline de Loys (1760–1840), tante maternelle de BC. Première mention de la brochure projetée, Appel aux nations chrétiennes en faveur des Grecs, rédigé par M. Benjamin Constant ; et adopté par le Comité des Grecs de la Société de la Morale chrétienne, Paris : Treuttel et Würtz, 1825. La Société de la Morale chrétienne.

15

Carnet de notes – septembre 1825 fo 44vo

549

* à faire 2ème Sept. faire la portion du dernier chapitre relative à la tristesse des religions Sacerdotales. corriger l’appel aux nations chrétiennes, écrire à Béchet pour avoir le livre sorti chez Remond & intitulé Chronologie Universelle fesant partie de la Bibliothéque du 19e siècle. ce volume paraissoit depuis sept mois1.

5

* à faire 4 7bre. corriger l’appel aux nations chrétiennes2. effacer de la nouvelle copie du 3e volume ce qui a été employé dans le 2d. * 6 7bre C. Perrier. May3, rue Castiglione no 12. Didot. Février.

10

* 6. 7bre 139.6.199.5.138.

* Destournelles. correction des epreuves[.] Février. Cazin. 15

* Cazin. Cottenet. Perrier. Chambre. Koreff. écrire à Kératry. à Méan. Globe, Chauvin

fo 45ro

* Cottenet. – Jones4. – Orléans5 – Chambre. 20

3 sorti ] la source porte saisi 1

2

3 4 5

14 Destournelles ] lecture douteuse

Il s’agit de l’ouvrage d’Adolphe Loève-Veimars, Chronologie Universelle, Paris : chez Raymond éditeur, 1825 (Bibliothèque du dix-neuvième siècle, t. C). BC cherche à l’avoir parce qu’il contient une chronologie du monde depuis les «temps fabuleux» jusqu’à l’époque moderne (pp. 124–466). Il n’est pas répertorié dans les catalogues de sa bibliothèque. BC semble avoir envisagé la rédaction de cette brochure au cours d’une séance à la Société de la Morale chrétienne le 24 août. Il se met au travail le 27 de ce mois et en prépare l’impression ou corrige déjà les épreuves le 4 septembre. La brochure sort le 10 septembre 1825 et connaîtra une nouvelle édition la même année. S’agit-il de Nathaniel May (1761–1830), l’ancien précepteur de BC ? William Jones, auteur d’une étude sur les Indiens. Louis-Philippe d’Orléans est mentionne´ cinq fois dans ce Carnet. On remarquera que l’hypothèse de Rudler qui suggère un rapprochement prudent de BC avec Louis-Philippe («Comment un règne se prépare») est appuyée par les notes. Le secrétaire de Louis-Philippe, Broval, est mentionné sept fois dans le Carnet.

550

De la Religion, I – Textes complémentaires

* Cottenet – Chambre –

Pjt.

5500 11000 4000 6100 26.600 p. 4. Q. R.

15370 2000

17370 9230

5

10

16 Sept. Cottenet Epreuves à renvoyer. voir pour mon poè[me]1

a. P.

5500 11000 21000 4000 6000 47500 fLf D. fsn.

25.370 1500 12000

* écrire à Cazin à Aum[on]t à Callet2 à Paschoud corriger l’épreuve, ajouter à la préface un mot sur Eckstein3.

2

3

20

38870 N. 86300

85

1

15

C’est la première mention de Florestan dans ce Carnet. Il en sera question une nouvelle fois quelques jours plus tard. Voir ci-dessous, p. 562, n. 4. Ce même personnage, un homme d’affaires, est mentionné dans le Livre des dépenses à la date du 1er février 1830 (OCBC, Œuvres, t. VII, p. 520). Son nom figure aussi sur une fiche isolée (Co 3293) où il est question d’une maison. Cette note, à dater entre les 16 et 19 septembre 1825, doit se rapporter au volume II de De la Religion. Or, dans ce volume, il n’y a, dans la préface, aucune allusion à d’Eckstein, ce qui signifie que BC a renoncé à le mentionner dans ce contexte. On le retrouvera néanmoins dans le corps du volume.

25

Carnet de notes – septembre 1825 fo 45vo

551

Ordre de travail pour le 3e vol1. 1o. Copier tous les chapitres contenus dans le 9e, 10e, 11e, 12e, 13e, 14e, livre de la copie 4o bleue. 2o. classer les extraits de tous mes matériaux manuscrits sans exception. 3o. Lire & extraire le livre supprimé sur le Théisme prétendu des Nations Sacerdotales. 4o. parcourir & extraire tous les livres contenus dans [ma] bibliothéque. 5o. refondre le tout [&] en faire une rédaction suivie. 6o. revoir ensuite quelles recherches j’aurois e[nc]ore à faire. 7o. donner à l[’im]pression en placards. Tems présumé : 1o. 1er nov. 1825 2o. 1er janvier 1826 3o. 8 do 4o. 1er mars. 5o. 1er avril. 6o. 1er may. 7o. 1er 8bre. 1826

fo 46ro

5

10

15

* 19 7bre Bechet – Didot – rue Taranne2 – Cazin. –

20

* 20 7bre Chauvin – rue Taranne – Didot – Béchet – 25 o

o

* à écrire. 1 . Bossange. 2 . Chauvin.

Personnes à qui donner mon livre 1. 2.

1

2

Siméon – Koreff –

Humboldt – Coste –

Gallois – Barante –

La date du dépôt légal du t. II de De la Religion est le 18 octobre 1825. BC commence, dès qu’il sait que l’impression est lancée, la planification du volume suivant. Cela signifie que nous accompagnerons, à partir de cette note, le travail au t. III de l’ouvrage. Rappelons que le bureau de la Société de la Morale chrétienne se trouve rue Taranne no 12.

30

552 3. 4. 5. 6. 7. 8. 9. 10. 11. 12. 13. 14. 15. 16.

1

2 3 4

5

6 7 8 9 10 11 12 13

14

De la Religion, I – Textes complémentaires

Pagès – Chauvin – Stapfer – Cousin1 – Guizot – Michel3 – Vanpraet5 – Talleyrand – Sebastiani – Linon9 – A. Remuzat – Degerando – Séguier – Ségur – Jacquinot de Pampelune14

Berenger – Laffitte – Artaud – Royer-Collard – Broglie – Chateaubriand4 – L’institut – Tissot6 – Cauchois lemaire – Barthe – Orléans – Norvins – Chatelain11 – Michelet12 prof. à St Barbe rue des postes no 34 –

Jouy – Perrier – Guigniaud – Sanpayo2 – Hochet – Peyronnet – La Chambre – Bertin de Vaux7 – Furstenstein8 Jullien – Broval – Foi10 Morale Chrét. Feuillet13 bibliothécaire de l’institut rue de la ve Estrapade 11.

Victor Cousin (1792–1867), le philosophe. BC lui adressera le 11 octobre 1825 le second volume de son ouvrage sur la religion (voir J. Barthélemy-Saint-Hilaire, M. Victor Cousin, sa vie et sa correspondance, Paris : F. Alcan, 1895, t. II, p. 270 ; nous corrigeons la fausse date). Sanpayo, personnage non identifié. Il revient à trois reprises dans ce Carnet. BC lui offre un exemplaire de son ouvrage sur la religion. Peut-être le clerc du notaire Guérin nom qui est mentionné dans le Livre des dépenses (OCBC, Œuvres, t. VII, pp. 435 et 447–449). On connaît la lettre du 31 mai 1824 qui accompagnait ce livre : Armand Lods, «Une lettre de Benjamin Constant à Chateaubriand», Intermédiaire des chercheurs et curieux, t. XCII, 1930, col. 423–424. Bernard van Praet (1754–1837), conservateur à la Bibliothèque royale. BC lui offrira, comme il ressort d’un billet qu’il lui adresse le 10 octobre 1825, le t. II de son ouvrage sur la religion (voir V. Glachant, Benjamin Constant sous l’œil du guet, p. 204, n. 2). Voir cidessous, pp. 554 et 556. Probablement Pierre-François Tissot (1768–1854), littérateur, latiniste et surtout journaliste (Le Constitutionnel, La Minerve, Le Pilote). Louis-François Bertin de Vaux (1771–1842), un des directeurs du Journal des Débats. BC lui avait vendu en 1802 son domaine d’Hérivaux. Probablement le fils de Pierre-Alexandre Le Camus, comte de Fürstenstein (mort en 1824) et d’Adélaïde de Hardenberg. Petit nom de Charlotte. Probablement le maréchal, bien que BC écrive normalement Foy. Le maréchal mourra au mois de novembre 1825 (voir ci-dessous, p. 557, n. 11). René-Théophile Chatelain (1790–1838), militaire et jurisconsulte libéral. Jules Michelet (1798–1874), proche des libéraux, auteur de l’Histoire de France. Laurent-François Feuillet (1771–1843), bibliothécaire de l’Institut et secrétaire de l’Athénée royal. BC a fait sa connaissance au plus tard en 1818, au moment où il donnait ses leçons sur l’histoire des religions anciennes à l’Athénée. Voir OCBC, Œuvres, t. XI, pp. 37 et 44. Claude-François-Joseph Cathérine Jacquinot de Pampelune (1771–1835), homme de loi,

5

10

15

Carnet de notes – octobre 1825 fo 46vo

553

* 8 8bre à faire Devaux rue de Richelieu no 32 Wenzel1 rue de Richelieu no 38 Chauvin rue montorgueil no 48. Béchet quai des augustins no 47 annonces dans le Constitutionnel le Courrier & le journal du Comerce2. Cazin rue Traversière St Honoré no 20. lettre à Rosalie3. Relieur. Chap. à faire avant de classer les matériaux du 3e vol. Liv. 7. Ch. 7. 8. 9. 10. 6 Chap4. Liv. 8. Ch. 1. 2. 3.

5

10

}

fo 47ro

Division probable des volumes suivans. 3e vol. Liv. 6. élémens constitutifs du Polythéisme Sacerdotal. Liv. 7. comparaison du poythéisme homérique & des religions Sacerdotales. Liv. 8. Digression nécessaire sur les poèmes attribués à Homère. Liv. 9. des dogmes particuliers aux religions Sacerdotales. 4e vol. Liv. 10. Du principe fondamental des religions Sacerdotales. Liv. 11. des perfectionnemens progres sifs du Polythéisme grec. Liv. 12. du Polythéisme Romain. Liv. 13. du Polythéisme Scandinave. 3 Devaux ] lecture incertaine 12 Ch. 7. ] le chiffre est biffé, probablement après la rédaction de ce chapitre 6 Chap. ] le chiffre 6 récrit sur 7

1 2

3 4

procureur du Roi près du tribunal de la Seine pendant la Seconde Restauration, député à la Chambre en 1816, Conseiller d’E´tat à partir de 1821. Il quitte ses fonctions publiques en 1830. BC et Foy ont combattu certaines de ses positions sur la liberté de la presse en 1821. Peut-être l’oculiste Michel-Jean-Baptiste Wenzel, mentionné dans le J.I. et dans le Livre des dépenses (OCBC, Œuvres, t. VII, p. 490, n. 3). On trouve dans le Courrier Français no 288 du 15 octobre 1825, pp. 3b–4b, un article non signé mais sans doute de la plume de BC, qui annonce un compte rendu détaillé et donne des extraits du t. II de De la Religion. Ces derniers soulignent les aspects politiques de l’ouvrage en mettant en relief les conflits possibles entre les pouvoirs politique et sacerdotal. Les deux autres journaux ne semblent pas avoir donné suite à la demande de BC. Le compte rendu annoncé n’a pas paru. Cette lettre, qui annonçait sans doute à Rosalie la sortie du second tome de De la Religion, n’est pas conservée. Nous connaissons la réponse (Corr. Rosalie, pp. 269–271). Il faut comprendre que BC est en train de ranger ses matériaux. Les corrections de la note permettent de connaître l’avancement du travail. De sept chapitres à faire il passe à six, comme il ressort des variantes.

15

20

554

De la Religion, I – Textes complémentaires

5e vol. Liv. 14. Modifications ultérieures. Liv. 15. Resultat. * 10 8bre. travailler jusqu’à trois heures. écrire à Chauvin si je n’ai pas de nouvelles de lui. aller au Courrier au Constitutionnel & au Jal du Commerce. Distribution1. Chauvin, Montorgeuil 48. Peyronnet, Pl. Vendome2. Broval, Palais Royal. Pagés, rue nve St. Jean 24. Koreff, Monthabor. 223. Vanpraet4, Chambre, Palais Bourbon.

5

10

* 11 8bre Koreff. Béchet. Courrier. Cercle.

15

* 12 8bre prendre avec moi au Comité Grec des ex. pr Guizot, & Artaud, & en passant pr Humboldt. aller d’ici chez Cazin de là quai de l’école no 8, de là rue Taranne no 12. en revenant porter ma lettre au Globe rue Benoist, no 10 & passer chez Cazin5

20

* 13. envoi à Fiévée6. Barthe. Michelet. Feuillet. l’Athénée. Tissot. Furstenstein. A. Remuzat.

1 2

3 4 5

6

Le 10 octobre est le jour du dépôt légal. Rappelons, comme nous l’apprenons par la lettre de Peyronnet adressée le 31 mai 1824 à BC, que celui-ci lui avait déjà offert le premier tome de son ouvrage (Fonds Constant II, Co 1101). Koreff, installé à Paris depuis 1822, habite Rue du Mont Tabor 22. L’adresse, la Bibliothèque royale, dont Van Praet est le conservateur des imprimés, n’est pas donnée ici. BC organise son itinéraire. C’est ainsi que nous apprenons que Guizot et Artaud étaient membres du Comité Grec de Paris ; que Humboldt habite pendant son séjour parisien quai de l’E´cole 8 ; que le bureau de la Société de la Morale chrétienne (rue Taranne) sert aussi de lieu où l’on peut laisser des documents à transmettre ; que le bureau du Globe se trouve rue Benoit 10, où BC se rend pour porter son livre et assurer la publication d’un compte rendu qui paraîtra effectivement les 5 et 19 novembre 1825, signé, comme celui du premier volume (4 et 6 octobre 1824,) par P. H., c’est-à-dire Philibert Damiron. Joseph Fiévée (1767–1839), écrivain et journaliste de tendance conservatrice ou, depuis la Restauration, royaliste.

Carnet de notes – octobre 1825

555

* chez Béchet. à la Chambre – Barthe

* 15 8bre C. Perrier – Chambre – relieur pr Ondine1 – Wenzel – Quotidienne2

fo 47vo

* Davilliers – Courtin3 – Chauvin – Bechet – D’eckstein –

Pagès, bois4, Fiévée, Chauvin, Schubart5, Aumont, Berr, Marquet6, Pasquier, Viguier7, Remuzat, Dupaty, Paschoud, Maltebrun8, Barbier9, Dupuis, Pardessus10, Martignac, Koreff, Gall11, Eggers12, Huber, Jay. Treuttel & Wurz13.

* 26 8bre. 1 Sanpayo rue St Lazare no 54. 2 Gallois rue du petit Carreau no 39 Courrier. rue Tiquetonne no 14.

12 Gallois ] on pourrait lire peut-être Galbois BC écrit partout ailleurs Gallois 1 2 3

4 5 6 7 8

9 10 11 12 13

Le roman de Friedrich de La Motte Fouqué, dont la traduction française avait paru en 1817. BC continue sa visite aux bureaux des journaux pour faire annoncer son ouvrage. La Quotidienne n’en parlera pas. Il peut s’agir d’Eustache-Marie-Pierre-Marc-Antoine Courtin (1768–1839), magistrat, secrétaire à la Convention, avocat général à la cour de Paris en 1811, préfet de police pendant les Cent-Jours. Il a édité, à partir de 1824, l’Encyclopédie moderne dans laquelle BC a publié un important article, «Assemblées représentatives» (t. III, pp. 458–472). Ou bien BC veut rencontrer le peintre de ce nom, mentionné plusieurs fois dans le Livre des dépenses (OCBC, Œuvres, t. VII, p. 466 et passim). La lecture de ce mot ne fait pas de doute. L’éditeur parisien ? BC l’appelle normalement Norvins. Voir ci-dessus, p. 515, n. 3. Non identifié. Conrad Malte-Brun (1775–1826), publiciste d’origine danoise. Il a publié de nombreux travaux de géographie et des articles de journaux, ces derniers dans le Journal des Débats. On a de sa plume des comptes rendus très critiques des leçons de BC sur la religion à l’Athénée royal en 1818. Voir OCBC, Œuvres, t. XI, pp. 42–43. Antoine-Alexandre Barbier (1765–1825), bibliothécaire du Conseil d’E´tat. Jean-Derré Pardessus (1772–1853), jurisconsulte, membre du corps législatif, professeur de droit, spécialiste du droit commercial. Le phrénologue Franz Joseph Gall (1758–1828), un ami des Constant. Il s’agit peut-être de Heinrich Peter von Eggers (1751–1836), célèbre géographe danois. Les éditeurs parisiens. Ils ont publié plusieurs ouvrages de BC, entre autres le premier tome de De la Religion (1824) et l’Appel aux nations chrétiennes en faveur des Grecs (1825).

5

10

556

De la Religion, I – Textes complémentaires

* écrire aux Bossange – à Aumont – à Schubart – à d’Eckstein – à Mde Recamier1 – à Dupaty – à Petri – à Béchet – Peyronnet – à Castelbajac – Kératry – F[...]

* 28 8bre Chambre – Béchet – Guizot – Aumont – Pagés –

5

Personnes à qui j’ai donné le livre2

fo 48ro

1 4 7 10 13

+ Pagés – + Broval – Gallois – + Laffitte – + Hochet –

15 18 21 24 27 30

+ +

33 35

+

1 2

3

4

5

+

+ + + + +

Koreff – Peyronnet Orléans – + Vanpraet – Coste – + Jouy – Perrier – + Stapfer – Cauchois lemaire – Linon – Foi – Morale Chrétienne – Chauvin – + Michel – + Mignet3 – Cousin – Royer Collard – + Jullien – 4 Séguier – Chateaubriand – Gérando – Broglie – + d’Eckstein – Ségur – Jacquinot Pampe+ Sébastiani – lune Bertin de Vaux – Humboldt – Artaud – + Guizot – Beugnot5 –

La lettre n’est pas conservée. Les personnes qui apparaissent dans ce tableau sont celles auxquelles BC va donner le t. II de son ouvrage sur la religion. Il inscrit au-dessus du premier nom de chaque ligne un chiffre (en fait, un nombre ordinal : le premier, le 4e exemplaire) pour se rappeler le nombre d’exemplaires qu’il a déjà donnés ou va distribuer ; nous donnons ce chiffre en tête de la ligne. Certains noms sont marqués d’une croix (dans notre transcription, rendue par le signe + avant les noms en cause) ; ce sont les noms de ceux qui ont déjà reçu l’ouvrage. Retenons encore que BC se trompe en comptant les exemplaires mais se ravise en cours de route, de sorte que le total est exact. François-Auguste-Marie Mignet (1796–1886), écrivain et historien, auteur d’une Histoire de la Révolution française de 1789 à 1814. La traduction italienne de cet ouvrage a été condamnée lors de la séance du 5 septembre de la Congrégation de l’Index et portée à l’Index des livres défendus. BC lui promet dans un billet daté du 16 février 1825 de lui envoyer le second volume de De la Religion, dont la parution était prévue au printemps 1825, avec le troisième. Voir Gustave Rudler, «Lettres de B. Constant à M. et Mme Degérando», Bibliothèque universelle et revue suisse, 69, 1913, pp. 449–485, et plus particulièrement p. 485. Jean-Claude, comte Beugnot (1761–1835). BC, qui l’a vu assez régulièrement pendant la Première Restauration, est resté en contact avec lui.

10

15

20

Carnet de notes – octobre 1825

fo 48vo

38 41 44 47 50 53 55 59 61 64 67 70 72

+ Sanpayo – Barthe – + Institut – + Remuzat – Schubart – Guigniaud – + Dupaty – Pardessus – + Norvins – + Montémont3 – + Furstenstein – + Hardenberg – Barante –

+ + + +

74 76

Producteur7 – + Ternaux –

+ +

+ +

+ +

Siméon – Chambre – Feuillet – Deperrey – Klaproth1 – Pasquier – Gall – Maltebrun – Huber – Louis4 – Boudart – Tissot – fournier verneuil6 – Castelbajac – Chaulin8 –

557

+ Coquerel – + Michelet – Athénée – + Berr – Etienne + Lafayette2 – + Egger – + Dupuis – + Martignac – Jay – + Roche5 – Kératry –

2

3 4 5 6 7 8 9 10

11 12 13

10

15

+ d’Aigremont9

* 8 Déc10. Mde Foy11 – Girardin – Chambre – Juvelle12, rue de la Pépinière 52bis. – Guigniaud – Cousin – Guizot – 21 Déc. 24. Casimir Perrier. Chambre. Beugnot. Coste. 23. Guizot. Jounné13. Rue de Sevres no 42. Furstenstein. – Chambre. Beugnot.

1

5

Julius von Klaproth (1783–1835), un des grands orientalistes de son temps, professeur de langues et de littératures de l’Asie. Il avait l’autorisation du roi de Prusse de rester à Paris. Le général La Fayette (1757–1834), ami de BC. Ils se verront souvent à La Grange, propriété de La Fayette. Voir OCBC, Œuvres, t. VII, passim. La Fayette figure sur la liste des «personnes à inviter» (Registre universel, fo 27vo). Peut-être Albert Montémont (1788–1862), littérateur et traducteur des œuvres de Walter Scott. Non identifié. Le journaliste et écrivain Achille Roche (1801–1834), pour quelques mois en 1823 copiste de BC. Voir OCBC, Œuvres, t. VII, p. 444, n. 3. Non identifié. Le journal. Pierre Chaulin, notaire à Paris en 1825. Jean-Baptiste d’Aigrement de St. Mauvien, maire de Caen 1800–1806 et députe´ du Calvados 1805–1827, mort en 1837. Les dates de cette entrée sont assez éloignées l’une de l’autre et notées négligemment : 8 décembre, 21, 23 et 24 décembre. BC y porte plusieurs noms non marqués d’une croix dans la note précédente. Sans aucun doute une visite de condoléances. Le maréchal est mort le 27 novembre 1825. Non identifié. Non identifié.

20

558

De la Religion, I – Textes complémentaires

Didot. Fiévée Rue de Verneuil no 43. Chambre. Talbot1 – Hardy2 – 92

fo 49ro

voir dans le 7e livre de l’Odyssée à la bibliothéque de la Chambre le discours dans lequel Minos décrit les Phéaciens à Ulysse3.

5

Barante – Sallon – Tissot – Tessor4 – 93 * 31 8bre Aumont – Béchet – fournier verneuil – Barante

10

* 2 Nov. envoi de la lettre & du livre de Chauvin à Peyronnet – écrire à Laffitte après la réponse d’Aumont – Casimir Perrier – Mallets * 2 Nov. Poste. C. Perrier. Peyronnet. Mallets. Chauvin.

15

* Arrangement de mes papiers 1er carton. Courrier & Renommée5. * 3 Nov. Allen6. Béchet. Chambre. 20

* 5 Nov. écrire à Koreff, à Chauvin – à Cauchois Lemaire – à Mignet –

12 2 Nov. ] la date précédée d’un mot biffé, illis. 1 2 3

4 5

6

Non identifié. Il n’est nommé qu’une seule fois. Visiteur anglais ? Non identifié. Il est mentionné trois fois dans ce Carnet. Un Anglais ? Tout est faux dans cette note. BC a résumé une note qu’il a trouvée dans un ouvrage non identifié. Dans le septième chant de l’Odyssée, c’est Athéna qui donne à Ulysse quelques renseignements sur les Phéaciens. Non identifié. Il n’est nommé qu’une seule fois. Visiteur anglais ? BC est souvent occupé de l’arrangement de ses archives personnelles. Le dossier mentionné ici passera dans l’arrangement (partiel) décrit dans le Registre universel (fo 7vo) au no 226, si l’on veut admettre l’hypothèse qu’il s’agisse des mêmes papiers. Non identifié.

Carnet de notes – décembre 1825

559

* 7. Béchet. Richard1 rue Montorgueil. Michel

9. Pagès – Cazin – Allen –

fo 49vo

* Aumont – Ferron – Leroy – Hardy – Foi – Girardin – Cazin – Lefebvre – Bossanges

5

* 11 9bre Aumont – Chambre – Leroy – Schubart – Bechet

* 12. écrire à Leroy – à Chauvin – à Aumont – à Marquet – à Louise –

10

* 21 9bre à Marquet – à Aumont – à Cauchois Lemaire – à Jay – à Jouy – à Cazin – à Ternaux – à chatelain –

* Béchet – Courrier – Méchin – Davilliers – Michel – Hardenberg – Hardy – Allen – Coste –

15

* 4 Xbre – Mignet – Guigniaud – Aumont – Cazin – Artaud – Mahul Michel – Coste – Sebastiani – Béchet – 20

6 févr. Cazin. Soubarbielle2.

fo 50ro

* 5 Xbre Rue nve St Augustin no 8. Mignet Courrier – bequilles3 – montre – fould – Guigniaud – Cousin – Chambre 25

21 Soubarbielle ] lecture incertaine 1 2 3

Non identifié. Non identifié, s’il ne s’agit pas du médecin Joseph Souberbielle (1754–1846). Charlotte a eu un accident et ne peut marcher pour un certain temps qu’avec des béquilles. Voir le Livre des dépenses (OCBC, Œuvres, t. VII, p. 474, n. 1). Rappelons toutefois que BC se sert lui aussi de béquilles pour se déplacer.

560

De la Religion, I – Textes complémentaires

* Poste – Chambre – bequilles – fould – Guigniaud – Jullien1 – Ferron

* Envois. Ferron. Leroy. Bellot2. Battereau. Caquelard. Doré. Dablin Dhubert. Grondart. Loune. Lecourt. Levant. Didot. Maynon. Maurice Sablet. Bellanger. Bonvattiers. Dessuelles. Fréznest. Pertrand. Grizet3. Marechal Marquet [...]

5

NB. dans les 2 1ères feuilles de la 2de édition les renvois des notes sont au nombre de 7. La 8e est a` la p. 43 de la 1ere édition. 10

* 1er fevrier Laffitte, Aumont Cazin, Didot, Chambre. 7600 200 3280 11500 4000 2000 285804

7 fév. Albertine5 – Aumont – rue d’argenteuil no 37 – Callet6 pr la gouttière & la crevasse – Laffitte – Didot

4 Maynon ] lecture incertaine 6 Marquet ] lecture hypothétique de ce nom ; suit encore un autre qui est illis. 8 1ères ] dans l’interl. sup.

1

2 3 4 5 6

Nous proposons de dater cette note du 26 janvier 1826. Ce jour-là BC adresse à Jullien une lettre inédite relative à son article «De M. Dunoyer, et de quelques-uns de ces ouvrages» à paraître dans la Revue encyclopédique (Chambéry, Bibliothèque Municipale). Voir OCBC, Œuvres, t. XXXIII, pp. 239–261. Il s’agit probablement de Pierre Bellot (1776–1826), avocat à Genève. On retrouve son nom parmi les correspondants de BC (OCBC, Correspondance générale, t. VIII). Non identifié. La signification de cette addition nous échappe. Albertine de Staël, mariée depuis 1816 à Victor de Broglie. BC lui porte son ouvrage. Sur Callet, voir ci-dessus, p. 550, n. 2.

15

20

Carnet de notes – mars 1826 fo 50vo

561

* 13 février Mde Lasagette, M. de Tracy1, M. Borgues2 Dupont.

* 15 fév. Didot. Broglie. Perrier. André Cottier3 rue des petites écuries, no 46. impositions quai des augustins no 55. lettre du prefet rue Monthabor 10.

5

* 16 fév. Villemain, hotel de l’univers, rue St Thomas du louvre. Didot. Chambre. Cazin. Fiévée. 10

Il est d’usage immémorial en Dauphiné pendant la nuit du 1er 9bre de servir sur la table un mets composé d’œufs & de farine boullie. On dispose autant de couverts qu’il y a eu de personnes mortes dans la maison depuis quelques années. 15

* carte pr la Chambre à envoyer à M. Rivoire4 rue des grès St Michel no 16 * 4 Mars Cazin. Maurice rue St Denis no 352 Laffitte * 5. écrire à Thiars à Coste à Emilie – faire acheter le Mémorial Catholique5 dernier no – Didot. la Chambre. Cazin 2 Lasagette ] lecture hypothétique 1

2 3

4 5

Il peut s’agir d’Antoine-Louis-Charles Destutt de Tracy (1751–1836) ou de son fils Antoine-César-Victor-Charles Destutt de Tracy (1781–1864). Ce nom figure sur la liste des «Personnes à inviter» (Registre universel, fo 27vo). Ce personnage figure dans la seconde liste des «Personnes à inviter à mes soirées» (Registre universel, fo 27 vo). Il s’agit du banquier André Cottier, qui gère, avec son frère François Cottier, la banque parisienne André & Cottier et reçoit, d’après une lettre d’Harcourt datée du 23 octobre 1826 et adressée au Comité grec de Paris, les sommes destinées au gouvernement grec (Der Kaiserlich Königlich privilegierte Bothe von und für Tyrol und für Vorarlberg, no 91, 13 novembre 1826, pp. 361–362). Non identifié. Le Mémorial catholique, ouvrage périodique, Paris : Bureau du Mémorial catholique. BC fait ou a fait acheter le numéro du mois de février 1826 qui contient un article signé X portant comme titre «Réponse à une assertion de la Revue protestante» (pp. 119–124). Cet article, en fait une polémique contre l’idée du libre examen et de l’indépendance de la raison en matière religieuse, idée professée par la Revue protestante, cite, pour soutenir la

20

562

De la Religion, I – Textes complémentaires

– Maurice – C. Perrier pour Béchet – Furstenstein – traite des negres1

fo 51ro

6 Mars. 1. Perrier pr le billet de Béchet. 2. Chambre. 3. rue Taranne pr la traite des négres. 4. Mémorial Catholique. 5 Didot 5bis Béchet. 6. Sautelet2 pr Eckstein & Leclerc. 7. Wilberforth3 billet de la Chambre & hotel bourbon * Juge de paix rue Dantin 4. C. Perrier.

4 5 Didot ] dans l’interl. sup.

1

2

3

thèse selon laquelle cette théorie implique «l’indépendance absolue» (p. 120) de la raison, des passages de l’article incriminé. La question sera examinée par la suite à la lumière du «code imposé», à savoir de l’inspiration verbale de la révélation, et l’auteur finit par parler d’un passage du t. II de De la Religion (p. 242) où BC démontre que la recomposition des livres d’histoire de l’Ancien Testament par Esdras témoigne d’un esprit sacerdotal. La mention d’actes de violence tirés de l’histoire de l’E´glise (persécution des Albigeois ; la Saint Barthélemy) suggère un parallèle incommode. L’auteur de l’article finira par conclure que le protestantisme est une espèce de philosophie professant l’indépendance absolue de la raison. Rappelons que BC figure sur les pages de titre de la Revue protestante comme «collaborateur» à partir de la 4e livraison du t. II, 1825, ce qui explique, du moins en partie, les attaques contre l’ouvrage sur la religion. Signalons encore que la Revue protestante avait publié un compte rendu du t. I de De la Religion (t. I, 2e livraison, 1824, pp. 75–77, signé C. C[oquerel]). Les publications sur ce triste sujet sont nombreuses. Vu la date de la note, BC se procure probablement le texte de deux ou trois pétitions adressées aux Chambres dont il sera question à la page suivante : Pétition pour l’abolition de la traite des noirs, adressée aux Chambres, par un grand nombre de négocians et de notables de la ville de Paris (13 février 1826), Paris : Crapelet, s.d. [février 1826]. Un des signataires de cette pétition pourrait être le général La Fayette. Pétition pour l’abolition de la traite des noirs, adressée aux Chambres, par soixante négociants du port du Havre, (17 février 1826) Paris : Crapelet, s.d. [février 1826]. – Pétition pour l’abolition de la traite des noirs, adressée aux deux Chambres, par 36 négociants de la ville de Marseille, (1er mars 1826), Paris : Crapelet, s.d. [mars 1826]. Une autre brochure à mentionner est celle-ci : [Auguste de Staël], Société de la Morale chrétienne. Comité pour l’abolition de la traite des noirs. Faits relatifs à la traite des noirs, Paris : Crapelet, 1826. Pour l’attribution de cette brochure à Auguste de Staël, voir le catalogue de la BnF. BC se rendra le lendemain au bureau de la Société de la Morale chrétienne, rue Taranne, no 12. Il s’agit du libraire A. Sautelet, éditeur des ouvrages d’Eckstein. BC entame une négociation avec lui autour du 15 août 1826 (J.-D. Candaux, «Revue des autographes», p. 37) pour un projet de publication non identifié. Il s’agit de William Wilberforce (1759–1833), connu pour sa lutte tenace contre la traite des nègres. Il est à Paris au moment où la Chambre s’engage à nouveau dans des discussions du même genre. Voir le Moniteur, no 85, 26 mars 1826. BC cite un de ses discours dans le Commentaire sur l’ouvrage de Filangieri (OCBC, Œuvres, t. XXVI, p. 202). Il lui procure un billet pour une séance de la Chambre et une visite du Palais Bourbon, qui était alors encore la propriété du prince de Condé et ne passera dans le domaine public qu’en 1827.

5

Carnet de notes – avril 1826

563

18 Mars Changemens au poème1. Placer à la fin du liv. 3. tout ce qui a rapport à florestan jusqu’à son départ avec Anaïs. Commencer le liv. 8 par le chant des ombres. puis y reporter les détails sur Almanzor, dont le nom est à changer lesquels détails se trouvent dans le 4e, puis la description de son palais & des démons qui se pressent. puis apparition d’Anaïs, & son combat contre Elga. florestan brisant son sceptre. Almanzor abandonnant Elga &ca.

fo 51vo

21 Mars. chaque période de la culture humaine a eu dans [un] certain sens un Christianisme nouveau. Woltmann2

5

10

* 25. Broglie. fers. Rillet. D’Arlens. Deperrey. Mahul. petition de Lafayette3. Brochure sur la traite des négres4. feuilletons. Fould. Doxat. 15

* 27. Deperrey. Mahul. Rillet D’Arlens Guigniaud. Sautelet Artaud. Emilie. Wilb[er]forth. Koreff. * Perrier. Cazin. Fould. Chambre. Didot. Jullien. Louïse. Rosalie pr Loys5. 20

* 286 Fould. Chambre. Cazin.

19 avril L[ettr]e à Mr le Bon d’Eckstein sur une Scie[nc]e une langue & une religion 1 2 3

4 5 6

Pour l’explication de cette note, on se reportera à l’introduction à Florestan, OCBC, Œuvres, t. VIII/1, pp. 75–76 et à la p. 383 du même volume. BC résume un aphorisme de l’historien Karl Ludwig von Woltmann. Nous n’avons pas identifié la source de BC. BC note ici son intervention à la Chambre, séance du 25 mars 1826, en faveur de deux pétitions au sujet de la traite des noirs mentionnées ci-dessus, p. 562, n. 1. Le rapport de Jean-E´lie Gautier (1781–1858) au nom de la commission des pétitions est suivi d’une longue discussion comprenant deux discours de Sébastiani, une réponse du ministre et une improvisation de BC. Les pétitions seront transmises au ministre de l’Intérieur. Voir le Moniteur, no 85, 26 mars 1826, pp. 386a–388c. Il s’agit probablement de la brochure d’Auguste de Staël, mentionnée ci-dessus, p. 562, n. 1. Lettre non conservée, si elle a été envoyée. La date a peut-être été inscrite après-coup.

564

De la Religion, I – Textes complémentaires

primitive chez F. Didot1.

fo 52ro

* Loi des Comptes Séance du 7 Juin 1824, rapport de S[ir]ièys, sur le règlement définitif2. Budget de 1822 Séance du 21 Juin, rapport de Martignac sur le projet de loi relatif à l’ouverture des crédits supplémentaires3 &a. Séance du 18 avril 1825, rapport de Fadate de St Georges sur le règlement du Budget de 18234. Séance du 20, rapport de Rougé sur les crédits supplémentaires5. Voir les discussions a ces deux epoques 1826 Séance du rapport de Fadate de St G. sur le règlement du Budget de 18246. 25 avril. chercher les papiers du protégé de Destournelles & les remettre à Castelbajac – écrire à Cazin – à Callet – à Pagès – au notaire vendeur de ma 17-p. 565.2 chercher ... Chantpie ] certains mots ou noms sont biffés dans cette note, à savoir à Callet, à Pagès ... maison, à Mee de Broglie ... Chantpie 1

2

3 4

5

6

BC cherche à se procurer la brochure de Nicolas Massias, Lettre à M. le baron d’Eckstein sur l’existence d’une langue, d’une science et d’une religion primitives, avec des observations sur quelques passages du premier numéro du «Catholique». Cette brochure n’est connue que dans une édition parue en 1828 (Paris : Johanneau, F. Didot). Mais il existe une Seconde et une Troisième Lettre à M. d’Eckstein publiées en 1826, dont la seconde mentionne dans son titre le «second numéro du Catholique». On peut donc conclure que la [première] Lettre à M. le baron d’Eckstein a dû connaître une édition en 1826. BC appréciait les écrits du baron Massias (1764–1848), dont il ne possédait pas seulement ces trois Lettres mais encore deux autres traités philosophiques dans sa bibliothèque. «Rapport fait au nom de la commission des comptes, par M. Siriyes de Mayrinhac, député du département du Lot, sur le projet de loi relatif au règlement définitif du budget de 1822», 1er et 2d Suppléments au Moniteur du 8 juin 1824, no 160, pp. 761a–766c. Il s’agit de la présentation du projet de loi sur le budget de Jean-Baptiste Sylvère Gaye, vicomte de Martignac, Moniteur, no 174, 22 juin 1824, pp. 839c–842b. «Rapport fait au nom d’une commission centrale sur le projet de loi portant règlement des crédits et dépenses de l’exercice 1823, par M. de Fadate de Saint-Georges, député de l’Aube», Moniteur, no 110, 20 avril 1825, pp. 597b–599b. Rapport d’Adrien-Gabriel-Victurnien, comte de Rougé au nom de la commission «chargée d’examiner le projet de loi concernant des crédits supplémentaires pour 1824», lu à la Chambre des députés, séance du 20 avril 1825. Voir le Moniteur, no 112, 22 avril 1825, pp. 613a–614a. «Rapport fait le 18 avril par M. Fadate de Saint-Georges, au nom de la commission chargée de l’examen du projet de loi relatif au réglement définitif du budget de 1824», Moniteur, no 114, 24 avril 1826, pp. 584a–586c.

5

10

15

Carnet de notes – mai 1826

565

maison à Encelain1 pour l’affaire en général & pour l’adresse du Juge de paix en particulier – à Mde de Broglie – à Perrier à Constant Chantpie2 –

fo 52vo

Beugnot. Coste. Talleyrand. Laffitte. Brogli[e.] Choiseul3. Pasquier. Lafayette. Gallois

5

* ce 10 may. visites [à] faire. [Ar]lens, rue du M[...]l no. 1 [...] Cazin. Paccini. Sismondi4 [...] Constitutionnel. lettres à écrir[e]. [...] procureur du Roi a Vervins 10

* 14 may. Maurice – Courrier – Constitutionnel – Ferron – Sallon – Paccini –

15. 5 Fiévée 7 Stael Broglie 8 Chambre. 4 Sautelet6.

6. Mahul 3 Broval. 2 Nodier5 1 Seguin

15

20

5 à faire. Arlens ] le premier mot emporté par une déchirure, ainsi qu’une partie du nom qui suit le mot faire la lecture du nom est hypothétique 5–6 Sismondi ... Constitutionnel ] 〈mot biffé, illis.〉 Sismondi ce nom dans l’interl. inf. 〈un ou deux mots biffés, illis.〉 Constitutionnel ce mot biffé 6 procureur ] 〈illis.〉 (fevrier ?) procureur 1

2

3

4 5 6

BC écrit parfois ce nom, et plus correctement, «Ancelain» pour désigner un avoué auquel il s’adresse pour gérer entre autres l’achat d’une maison (BCU, Ms 285, un billet daté du 1er novembre 1826). On le retrouve aussi dans le Livre des dépenses (OCBC, Œuvres, t. VII). Constant Chantpie est un imprimeur-éditeur dont le nom apparaît en 1826 sur le t. I (deuxième éd.) de De la Religion, sorti le 5 avril 1826 (dépôt légal). BC avait publié chez lui en 1822 sa brochure contre Mangin, la Lettre à M. le procureur-général de la Cour royale de Poitiers. Il s’agit de Charles-Raynard-Laure-Félix, duc de Choiseul-Praslins (1778–1841), attaché à Napoléon depuis 1805, comte de l’Empire, mais qui a bien accueilli le retour des Bourbons. Pair de France à partir de 1814, pair des Cent-Jours, à nouveau pair de France, il soutenait tous les régimes. Jean-Charles-Léonard Simonde de Sismondi (1773–1842), historien et économiste, ami de BC. Charles Nodier (1780–1844), auteur de contes, journaliste et critique à La Quotidienne et au Journal des Débats. Voir la liste des «Personnes à inviter» (Registre universel, fo 27ro). Les chiffres placés avant les noms indiquent l’ordre d’après lequel BC organise son trajet.

566

De la Religion, I – Textes complémentaires

7 Juin. Poste. Perrier. Cazin. Franchet

100

fo 53ro

envoyé à M. Callet pour règlement [d’]un cte de Mozzanino1 & un de Vincent vitrier2

N B. je n’ai vendu à Béchet que ma propriété de la première édition des lettres sur les cent jours. v. le traité du 18 Xbre 18183. id. de l’éloge de Romilly.

5

10

Avoir de Bechet copie de la quittance que j’ai signée des 1500 fr. pour la 2de éd. du 1er vol.

Librairie de Sauerlander4 à Arau

15

* Magistrat – Préfecture de Police – hotel de Toulouse5 – Mr. Alexandre6 – Guigniaud

* 22 Juin 1826. Rihouet7. Courrier. Constitutionnel. André cottier.

20 Rihouet ] lecture incertaine 1 2 3

4 5 6 7

Seule occurrence de ce nom. Personnage non identifié. Ce même vitrier est mentionné dans le Livre des dépenses aux dates du 22 décembre 1826 et du 25 juillet 1829 (OCBC, Œuvres, t. VII, pp. 486 et 516). Voir le texte de ce traité dans OCBC, Œuvres, t. XIV, pp. 582–583. Le contrat pour l’édition de l’Éloge de Sir Samuel Romilly, parue le 23 janvier 1819, a été publié dans Courtney, Bibliography, p. 94. Une des anciennes librairies de la Suisse, devenue au XIXe siècle une maison d’édition qui existe toujours. L’hôtel de Toulouse est mentionné deux fois dans ce Carnet. Nous ne savons pas pourquoi BC se rend dans cet hôtel, alors déjà siège de la Banque de France. Non identifié. Il revient p. 568. Homme de confiance de Talleyrand (voir OCBC, Œuvres, t. VII, pp. 559–566). Ce personnage est mentionné encore une fois ci-dessous, p. 570.

20

Carnet de notes – juin 1826

567

23. 11 Murphy1. 3 Cousin. 2 Jullien. 4 Toulouse. 5 Chambre. 7 Billet Wilb2 6 Questeurs. 8 Hottinguer3. 9 Petite poste. 1 Duperret. 10 Mahul.

fo 53vo

Papiers4 à Göttingue chez Artaud5. à Lausanne chez Mde de Loys6. à Bruxelles chez Schumacher. à Londres chez les Doxat. à Genève chez Charles Constant7.

Ordre de travail. 1o. Copier les chap. composant le livre X. 2o. relire tout le 3e vol. ainsi rédigé & faire une suite exacte d’idées. 3o. Classer dans ce 3e vol. tout ce qui s’y rapporte dans mes matériaux. commencé le 25 Juin 1826

5

10

15

1 2 3 4

5

6 7

Les numéros d’ordre qui précèdent les différentes entrées de cette note ont été apposés par BC au-dessus des mots respectifs pour régler l’ordre du parcours. Il faut lire : Wilberforce, comme ci-dessus, p. 562. Peut-être le banquier Jean-Henry Hottinguer (1803–1866). BC avait déposé des papiers à différents endroits, lorsqu’il n’avait pas les moyens de les emporter ou craignait de les transporter avec lui. Nous savons qu’il s’efforçait de les récupérer. Ainsi, il s’est fait expédier une «grosse caisse» de Göttingen en Suisse, parce qu’il croyait pouvoir y aller, à l’été 1826. Cette caisse sera déposée provisoirement chez Rosalie (voir Corr. Rosalie, pp. 288–291). Les papiers déposés chez l’industriel et banquier Schumacher à Bruxelles reviendront à Charlotte après la mort de BC (voir OCBC, Œuvres, t. VII, le «Répertoire» à ce nom). Il s’agit de François-Solange d’Artaud (1769–1837), émigré en 1791, lecteur de français («Sprachmeister») à l’université de Göttingen à partir de 1799, nommé professeur en 1803. Il a également exercé la fonction d’assesseur («Assessor») à l’Académie de Göttingen. Cette dernière fonction a été créée à la demande de Heyne en 1803 pour d’Artaud, en particulier pour assurer les bonnes relations entre l’occupant français que l’on attendait et l’académie : «Sollten die Franzosen kommen, so würde uns Herr d’Artaud sehr wichtig werden können, da doch manches mit denselben französisch zu verhandeln seyn und durch ihn schriftlich und mündlich besorget werden könnte.» (Si les Français devaient occuper le territoire, M. d’Artaud nous serait d’un grand secours. Nous pourrions en effet être amenés à traiter avec eux un certain nombre d’affaires, tant à l’oral qu’à l’écrit, dont il pourrait se charger.) (Lettre de Heyne aux Membres de l’Académie du 25 mai 1803 ; Archiv Akad. d. Wissenschaften, Göttingen, Pers. 18, Nr. 12). La même lettre nous apprend que les rapports sur l’Académie de Göttingen parus aux cours des années dans la Revue encyclopédique sont de la plume de ce même d’Artaud. Voir ci-dessus, p. 548, n. 5. Il s’agit de Charles Constant, dit Charles le Chinois, cousin germain de BC.

568

De la Religion, I – Textes complémentaires

29 juin Alexandre – Perrier – Pierre – Koreff – Sallon 102

fo 54ro

Stapfer – Ferron – Caquelard – rue des Bourdonnais no 2 – Maurer rue du Sentier no 3. – Bechet rue de l’hirondelle no 22 – Chambre au Sall[o]n –

5

Diné chez [...] Lundi 3 Juillet

5 Juillet. 1. 31 Castiglione. 2. Robert. 3. bains chinois. 4. Lemandelet.

10

12 Juillet. Poste, Perrier, Girardin,

fo 54vo

17. Encelain, Gallois, Patinot, Bourdon, Beauclair, Ferron, Pedillot, Tucelle – Séguin, Moysson, Lefort, Boullay1 – Bonnin2 hotel de l’intérieur rue Montmartre

15

31. juillet. ordre de travail à dater de demain chercher dans les cartons, tout ce qui se rapporte au Livre. Carton 1, 2, 3, 4, 5, 6 ; 7, 8. prendre ensuit[e] les livres 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14. de la copie bleue & y rechercher idem. classer ensuite & faire une 1ere redaction du livre 6.

20

Extraits de livres &ca employés. Paterson3, Mém. sur la rel. Ind. 1. Schlegel4, Weish. der Indier. 2.

25

1 2 3

4

Il s’agit sans doute d’Antoine-Jacques-Claude-Joseph Boulay de la Meurthe (1761–1840), avocat et homme politique. Voir ci-dessus, p. 521, n. 2. Renvoi à John David Paterson, «Of the Origin of the Hindu Religion» (titre qui devient chez BC dans ses extraits «Mémoires sur la Religion Indienne»). Nous possédons les extraits (BCU, Co 3293, 8 fos de notes). F. Schlegel, Über die Sprache und Weisheit der Indier. BC possédait ce livre (voir le Catalogue). Les extraits qu’il en a pris se trouvent dans le dossier BCU, Co 3293, 8 pp. de notes.

Carnet de notes – août 1826

569

Buhle1, Phil. des Nations Sacerd. 3. Tiedeman2, Geist der spec. Phil. 4.

suspendre ma classification jusqu’à ce que j’ai fait une copie des 5 livres. arretée au no 27 des Extraits de Vogel3. no 6. 2 Aoust

3 Aout. Ordre définitif de travail. 1o. Copier comme pour l’impression les six livres formant le 3e vol. 2o. insérer dans cette copie tout ce qui s’y rapporte dans mes matériaux. 3o. Relire pour le même usage la Copie bleue 4o. Consulter tous les ouvrages en ma possession 5o. Consulter les ouvrages à emprunter dont je me serai trouvé avoir besoin. 6o. faire une rédaction définitive. 104

fo 55ro

5

10

15

Chapitres du 6e Livr.

des élémens constitutifs du Polythéisme Sacerdotal. – 1. de la combinaison du culte des élémens & des astres avec celui des fétiches. 1–13 2. Exemple de cette combinaison chez les Egyptiens. 14–35. 3. Erreur expliquée par cette combinaison. 36–37. 4. Des peuples auxquels on a le plus généralement attribué le Théisme. 38–40 5. Du prétendu Théisme des Indiens. 41–62. 6. Du prétendu Théisme des Perses. 63–70. 7. encore un mot sur le théisme hébraique. 76–83

7 six ] dans l’interl. sup., au-dessus de 〈cinq〉 26 encore ... hébraique ] dans l’interl. inf. en dessous de 〈Résultat des considérations ci-dessus〉 1

2

3

Il y a trois dossiers d’extraits de Johann Gottlieb Buhle réunis par BC (BCU, Co 3293). Celui intitulé «Philosophie des nations sacerdotales» contient des citations et résumés tirés de l’ouvrage Lehrbuch der Geschichte der Philosophie. Dietrich Tiedemann, Geist der spekulativen Philosophie von Thales bis Sokrates, Marburg : Neue Akademische Buchhandlung, 1791–1797, 6 vol. BC ne possède pas cet ouvrage. Ses extraits se trouvent dans le dossier BCU, Co 3293 ; il comprend 5 pp. P. J. S. Vogel (1753–1834), théologien, auteur de Versuch über die Religion der alten Aegypter und Griechen. BC possède cet ouvrage (voir le Catalogue).

20

25

570

De la Religion, I – Textes complémentaires

8. Résultat des considérations ci-dessus 84–88.

10 aout. courses. M. Jacques. rue du haut Moulin no. 10. par le quay aux fleurs. Rihouet rue de cluny no. 9. Sautelet. Constant hotel d’Italie1.

fo 55vo

* Dans la nouvelle rédaction du Liv. 7 ch. du carac[tè]re [des] Dieux du polythéisme Sacerdotal, il faut a[près] avoir indiqué toutes les ressemblances avec l’Homérique, indiquer que ces ressemblances, qui consistent dans les imperfections & les vices des Dieux, ont lieu malgré les prêtres, qui n’en donnent pas moins aux Dieux des épithètes de perfec tion absolue, les citer, faire ressortir la contradiction, puiser plus d’exemples dans l’Inde & l’Egypte, & relire le livre bleu 4o sur les Scandinaves, surtout pour les contradictions des épithètes données à Odin, enfin parler du sens Scientifique.

Changem[en]t fondamental. il faut en traitant de la composition du polythéisme Sacerdotal, parler de la doctrine secrète toujours associée & placée derrière la religion populaire, & de même dire quelque chose de la doctrine secrète à l’aide de laquelle on a interprété le polythéisme Homérique, en faisant remarquer qu’au tems où l’Iliade fut composée, cette doctrine secrète étoit ignorée des Grecs. Pour cela relire toute la copie 4o bleu & l’extraire –

5

10

15

20

25

fo 56ro

Chap. du 7e livre

e a Des élémens constitutifs du a Polythéisme indépendant de la f a direction Sacerdotale, comparés a g à ceux des Religions soumises au Sacerdoce. 1. que la combinaison décrite dans le livre précédent est étrangère au polythéisme qui n’est pas soumis aux prêtres. 90–93. 2. de l’état des Grecs, après leur entrée dans la civilisation, par l’action des 6 Italie ] lecture douteuse 1

Auguste Constant d’Hermenches, qui est en visite à Paris. Voir la lettre de Rosalie à BC du 22 août 1826 (Corr. Rosalie, p. 289).

30

Carnet de notes – août 1826

571

Colonies. 94–95 3. que la figure des Dieux s’embellit dans le polythéisme Homérique. 96– 97. 4. que la figure des Dieux dans le polythéisme Sacerdotal, reste stationnaire. 98–115. 5. du caractère des Dieux homériques. 116–137. 6. des efforts du sentiment religieux pour s’élever au dessus de la forme qui constitue la croyance des tems héroïques. 138–146. 7. du caractère des Dieux du Polythéisme Sacerdotal. 147– 8. d’une notion tirée [...] &ca NB. retrancher dans le ch. 6 tout ce qui a rapport à la destinée, aux oracles & à l’autre vie pour être replace´ dans le Liv. 8 intitulé. des notions Grecques & Sacerdotales sur la destinée & l’autre vie. Livre. 9. Digression sur les poèmes d’Homère1.

5

10

15

fo 56vo

Chap. du 8 livre. des notions Grecques & Sacerdotales sur la destinée. Ch. 1. des notions Grecques sur la destinée 163–168 2. des moyens employés par les nations indépendantes des prêtres pour pénétrer dans les secrets de la destinée. 169–175. 3 des notions Sacerdotales sur la destinée. 176–180 4. des moyens de communications des Prêtres avec leurs Dieux dans les religions Sacerdotales. 181–190. 5. des notions Grecques sur l’autre vie. 191–204. 6. des notions sur l’autre vie dans les Religions dominées par les prêtres. 205–220. 7. de la métempsycose. 221–227. 8. des demeures des morts & de la description des supplices infernaux dans les religions sacerdotales. 228–236.

20

25

108. 30

10 d’une notion tirée [...] &ca ] ces mots et un autre illis. dans l’interl. sup. au-dessus de 〈que le sentiment religieux ne peut rien contre les vices de cette forme〉. 25 220 ] dans l’interl. sup. au-dessus de 〈214〉5 corr. à la suite de la suppression de 〈7. des cérémonies funéraires dans ces mêmes religions. 215 – 219〉 26 7 ] récrit sur 8 et le chiffre 1 de 221 sur un 0

1

Le plan que nous lisons ici ne correspond que partiellement à la disposition des matières dans la version imprimée. Cela nous empêche de décrypter avec certitude le titre du chap. 8.

572 fo 57ro

De la Religion, I – Textes complémentaires

il faut ajouter au ch. sur le caractère des Dieux dans le Polythéisme Sacerdotal, l’observation que, dans ce Polythéisme les prêtres font le même travail que le sentiment religieux dans le Polythéisme indépendant. malgré les vices de leurs Dieux, ils veulent qu’ils soient parfaits malgré leur faiblesse tout puissants &ca. Commencement du 9e livre. Avant de continuer nos recherches sur les religions Sacerdotales, une digression est indispensable. Nous avons emprunté à l’Iliade les traits principaux du Polythéisme homérique. Plusieurs de ces traits ne conviennent point à l’Odyssée de la pourront naître naturellement de graves objections qu il est utile de prévenir. Nous commencerons par indiquer les différences qui existent entre les 2 poèmes qui portent le nom d’Homère. nous montrerons que ces différences s’étendent à toutes les parties de l’état Social. nous établirons ensuite que la religion se ressent essentiellement de ces différences : Nous expliquerons enfin pourquoi elles existent, & l’on verra que loin d’infirmer notre systême, elle le confirment1. 6e livre2. 7e – 8e – 9e – 10e – 11e –

fo 57vo

1–89 90–162 163–236 237–287 288–

– – – –

89 73 73 51

il faut dans le ch. de l’enfer grec & du travail inutile reparler d’Ochnus. v T. 2. p. 4513.

17–18 notre ... confirment. ] ces mots sur la p. précédente, en regard du texte sur Homère ; un signe de renvoi assure la bonne position 1

2 3

` l’excepÉbauche du premier chap. du livre VIII (état définitif) sur les poèmes d’Homère. A tion de quelques mots de la première phrase, aucune des formules ne passera dans l’état définitif du texte. Il s’agit d’un calcul de calibrage. BC fait référence à la n. 1 du t. II de De la Religion (OCBC, Œuvres, t. XVIII, p. 285, n. c) qui contient la source de l’histoire du cordier Ochnus (Diodore, Histoire universelle de Diodore de Sicile, traduite en françois par Monsieur l’abbé Terrasson, Paris : de Bure, 1737–1744, 7 vol., t. I, p. 36). Il s’agit d’un cordier qui s’efforce de refaire une corde constamment détruite par des gens qui se sont saisis de l’autre bout.

5

10

15

20

25

Carnet de notes – août 1826

573

à faire demain 7. 7bre revoir mes papiers. écrire à Charles. à copier & mettre en ordre pour finir l’esquisse du vol. 3, 22 pages de la copie bleue. 8 7bre

fo 58ro

Il faudra dire que dans le Polythéisme Sacerdotal, la morale n’est pas séparée de la Religion, come dans le Polythéisme indépendant : mais c’est une morale factice, tendant surtout à accroître le pouvoir des Prêtres.

5

Ouvrage de Vico, traduit par Michelet annoncé dans le Courrier1. 10

* Enfer des nations Sacerdotales. Un auteur anglois, Sumner, avoit dit que le Christianisme repoussoit les peintures horribles des tortures infernales. Un catholique francais lui répond : ces pailles que le fils de l’étérnel brulera d’un feu inextinguible, cette gène du feu dont se rend coupable celui qui outrage son frère, cette ivraïe qui est vouée au feu à la fin des siècles, ces anges qui rassemblent les coupables des quatre coins du monde & qui les jettent dans une fournaise ardente, ces pleurs, ces grincemens de dents, ces maudits, qui seront à la gauche de Dieux & qu’il précipitera dans le feu éternel, ce feu éternel, qui a été préparé pour le Diable & ses anges, tout cela est dans l’évangile &ca Gaz. de France. 18 aout 18262.

1

2

On trouve dans le Courrier français, no 224 du 12 août 1826, p. 3a, une lettre signée Allier, qui réclame la priorité pour la traduction de la Scienza nuova de Giambattista Vico. En fait, la traduction française paraîtra l’année suivante : Principes de la philosophie et de l’histoire, traduits de la «Scienza nuova» de J. B. Vico, et précédés d’un Discours sur le système et la vie de l’auteur, par Jules Michelet, Paris : Renouard, 1827. BC commente le compte rendu anonyme de la traduction française du livre de John Bird Sumner, The Evidence of Christianity Derived from Its Nature and Reception, London : John Hatchard, 1824 (Vérité du Christianisme, prouvée par la nature même de cette religion, et par le fait de son établissement, par le vicomte de Lanjuinais, Paris : Baudouin frères, 1826). Il a paru dans la Gazette de France, no 230, 18 août 1826, pp. 3b–4b. La citation est conforme à un mot près («embrasée» au lieu d’«ardente»). Sumner donne dans son ouvrage un tableau des peines de l’enfer décrites par le Coran. L’auteur du compte rendu, très critique à l’égard de la doctrine exposée par le théologien anglican Sumner, argumente comme un rapporteur du Saint-Office.

15

20

574 fo 58vo

De la Religion, I – Textes complémentaires

* Il faut une légére refonte dans les ch. 8 & suivans du livre 8. intitulés des notions Sacerdotales sur l’autre vie &ca. après avoir parlé de l’importance que le Sacerdoce met à ce dogme, il faut dire que l’anthropomorphisme le force à en faire, comme dans le polythéisme homérique une imitation de cette vie, & citer des faits à l’appui. ensuite viennent les cérémonies funeraires pour la métempsycose &ca. Liv. 11 digression nécessaire sur les poèmes qui portent le nom d’Homère. Ch. 1 nécessité de cette digression. 237. – 2. que l’Odyssée nous présente un autre état social que l’Iliade. 238– 249. – 3. qu’il en resulte une forme plus perfectionnée de la religion. 250–255. – 4. que la différence qui distingue l’Iliade de l’Odyssée s’étend au mérite littéraire. 256–261. – 5. question qui resulte des vérités ci dessus. 262–263. – 6. que la composition de l’Odyssée & par conséquent sa mythologie sont d’une époque postérieure à celle de l’Iliade. 264–

fo 59ro

23 aoust. avoir copié les liv. 9, 10 & à copier 780 feuillets. par jour 98. copié le 24 78. reste 702. p. j. –– 25. 82. – 620. p. j. –– 26. 112. – 508. p. j.

10

15

11, avant le 31. c a d. en 8 jours. 20

101. 104 102.

Nouvelle distribution possible 6o. Elemens constitutifs du Polythéisme Sacerdotal. 7o. Polythéisme indépendant composé. 8o. Autre vie & destinée. 9o. dogmes particuliers au polythéisme Sacerdotal. 10o. principe fondamental des religions Sacerdotales. 11o. Digression nécessaire sur les poèmes homériques. Je crois que la 1ere vaut mieux1 26 Aoust –

8 11 ] récrit sur 9 13 que ] 〈question qui resulte des vérités ci-dessus 256〉 que 13–14 mérite ] une lecture possible monde nous adoptons la leçon mérite proposée par Rudler 32 Je crois ... mieux ] biffé 1

5

Ce commentaire, écrit probablement à la date indiquée en dessous, signifie que BC revient au plan qu’il pensait pouvoir améliorer.

25

30

Carnet de notes – août 1826 fo 59vo

575

Livre 9. des dogmes particuliers au Polythéisme Sacerdotal. Ch. 1. Objet de ce livre. 237. – 2. pourquoi la suprématie d’un Dieu sur les autres est beaucoup mieux établie dans le Polythéisme Sacerdotal que dans le Polythéisme indépendant ; 238–242 – 3. du caractère du Dieu suprême dans le polythéisme Sacerdotal 243– 246. – 4. des Dieux inférieurs ou de la démonologie Sacerdotale. 247–253. – 5. des Divinités malfaisantes. 254–265 – 6. des Divinités qui s’appliquent à séduire l’homme. 266–267. – 7. de la notion d’une chute primitive ou d’un péché originel. 268–271. – 8. d’un dieu médiateur. 272–274. – 9. des Divinités triples ou ternaires. 275–277. – 10. de la destruction du monde. 278–

5

10

15

fo 60ro

e

Il est absolument nécessaire de bien revoir le 9 livre sur les dogmes particuliers au polythéisme Sacerdotal, afin de montrer l’intérêt des prêtres à ces dogmes, la manière dont les dogmes se ressentent de leur philosophie Sacerdotale &ca en général il faudra entrer davantage dans l’exposé des dogmes & relire dans la copie bleue avec attention le livre sur les philosophies sacerdotales & celui sur les mystères. a mettre dans le Ch. 8 du liv. 8 sur les supplices infernaux. un effort du sentiment religieux est ici remarquable. ne pouvant supporter une éternelle séparation d’avec la Divinité, il s’est toujours élancé vers une époque qui verroit l’homme se réunir à cette divinité appaisée. Il a force´ les prêtres à des concessions. si les Debtahs coupables, pend

20

25

115

fo 60vo

* Chez les Birmans les Dieux revêtent d’abord des corps à forme humaine, mais légers, diaphanes & purs. Par degrés ils prennent l’amour de l’individualité, leurs corps s’obscurcissent & s’alourdissent, ils deviennent tout à fait des hommes & ils se corrompent toujours davantage. As. Res. VI. 2461

5 242 ] 〈illis.〉 242 27 Debtahs ... pend ] le premier mot : leçon proposée avec une certaine hésitation par Rudler la phrase n’est pas achevée 1

BC renvoie à une étude de Francis Buchanan, «On the Religion and Literature of the Burmas», Asiatic Researches, or transactions of the Society instituted in Bengal, for in-

30

576

De la Religion, I – Textes complémentaires

rechercher le passage où nous parlons des Dieux s’infligeant des tortures & mourans. 10 7bre.

une lettre d’aldégore, archevêque de Magdebourg aux évêques de Saxe de Lorraine & de France prouve que les Germains offroient au Phallus des victimes humaines. Ampliss. Collect. Vet. Script. I. 625–6261. on trouve la réunion des pratiques licentieuses & des rites sanguinaires dans le Culte de Dourga aux Indes. Schleg. 1192.

1. 2. 3. 4. 5. 6. 7. 8.

1

2

3

0. . . . . . . . . . . Sept. 15 Sept. 13 Oct. 8. – Oct. 31 15. 72 Nov. 28 4. 72 Nov. 15. 15. 03

28 6 – 21 – 25 8 – 28

quiring into the history and antiquities, the arts, sciences, and literature, of Asia, London : Vernor, Hood, [...] and J. Murray, t. VI, 1807, pp. 163–308. Cette étude commente et reproduit le texte d’un livre intitulé Of the Universe. La note de BC résume, en utilisant des tournures du texte, un passage du chapitre XXXVIII (appartenant à la section intitulée «Of the destruction and reproduction of Worlds») de la narration cosmogonique traduite par un missionnaire. BC copie quasi littéralement cette indication qu’il a trouvée dans une note de l’ouvrage de Jacques-Antoine Dulaure, Des divinités génératrices, ou du culte du Phallus chez les anciens et les modernes. Des cultes du dieu de Lampsaque, de Pan, de Vénus [...], Paris : Dentu, 1805, p. 216, qui cite Edmundus Materne, Ursinus Durand, Veterum scriptorum et monumentorum historicorum, dogmaticorum, moralium amplissima collectio, Parisiis : Apud Montalant, 1724, t. I, pp. 625–627, où l’on lit effectivement la lettre de cet évêque de Magdeburg, Aldegorus. Dans la liste des pontifes de cette ville, son nom est Adalgod von Osterburg, évêque de 1107 à 1119. Bel exemple de la manière de travailler de BC. Il n’apprécie pas Dulaure et n’a sans doute pas l’intention de le citer, même s’il profite de son ouvrage. BC fait référence à ses extraits de F. Schlegel, Weisheit der Indier, pp. 118–119, où il a résumé les réflexions de l’auteur : «26. Cruautés et cérémonies licencieuses dans le Culte de Schiven et de Dourga» (BCU, Co 3293, avec la mention «empl. 1826». Voir p. ex. De la Religion, Livre XI, chap. 2, t. IV, p. 231, n. 1). La signification de ce tableau n’est pas élucidée.

5

10

15

Carnet de notes – septembre 1826 fo 61ro

577

[...] 1o écrire [...] Dernière fois 3–4 7bre

* commencer par rediger les chap. sur le Phallus &ca du livre 9 & sur les rites licentieux du livre 10. 13 7bre

5

* 16 7bre 1 Perrier1 – 3 Constitutionnel – 2 Desjardins2 – 5 Sismondi – 6 Coste – 4 Lerebours3 – 10

Ne pas oublier que j’ai payé deja sur 9bre une traite de 100 fr. à Charles4

travail à faire Copier le ch. sur la sainteté de la douleur. Classer les matériaux. Classification faite, refaire la rédaction. rédaction faite, lire ce que j’ai dans ma bibliothèque cela lu, refaire la rédaction. rédaction faite, emprunter ce dont j’ai besoin & l’extraire, en classant. 7. classification faite, refaire la rédaction. 8. donner à l’impression. 1. 2. 3. 4. 5. 6.

fait5

2–3 1o écrire ... Dernière ] 〈deux lignes de notes, partiellement en translittération grecque, couvertes par une très grosse tache d’encre, illis., sauf les mots 1o ecrire〉 Dernière Rudler croyait pouvoir lire ρησ νοιτυλοσερ [...]αλσ ρε τουθα 1o écrire à tous mes ouvriers pour avoir Dernière il faudrait lire les mots en caractères grecs à rebours, ce qui donne pour le second resolution les autres lettres ne signifient rien d’intelligible 1 2 3

4 5

BC indique par des chiffres écrits au-dessus des noms l’ordre dans lequel il veut s’occuper des affaires notées ici. Non identifié. Probablement Jean-Noël Lerebours (1762–1840) ou son fils adoptif Noël (Nicolas)-Marie Paymal Lerebours (1807–1873), opticiens. Ce dernier est un des opticiens les plus renommés de son époque. Voir ci-dessus, p. 471. Ce mot pourrait se rapporter ou bien à la première entrée seule, ou bien à toutes les entrées de cette note.

15

20

578 fo 61vo

De la Religion, I – Textes complémentaires

Depense. 16. pêches. Byron1 ma fe pr. son blanch. ma fe[m]me. 23 ma feme pension 24 à Byron en tout 100 25 aux gens de la Grange.

3.50 15. 100. 6. 4. 50. 75. 402

5

10

Il faut dire plus clairement que la doctrine Secrète des Corporations Sacerdotales étoit en définitive L’Athéisme & le Panthéisme.

28 Sept. Ordre de travail 1o. copier en feuilles les idées du 2o ch. liv. 6 pour rejoindre le ch. 8. 2o comparer le ch. 3 tel qu’il est dans la copie p. 35 & finir celui que j’ai fait hier. 3o. copier ce ch. corrigé des deux réunis. 4o. comparer les feuilles eparses & la copie du liv. 10e. 5o. relire & classer les idées contenues dans le livre des mystères cop. bleue & en faire un livre à part apres celui de la Ste de la douleur[.] 6o achever la classification des 3 liv. cop. bleue que j’ai avec moi.

fo 62ro

* the Spirit of modern religion is exclusive implying a disbelief of all other gods & all other tenets recognized by different religions. the Polytheism of

15–16 copier ... ch. 8. ] lecture part. incertaine de cette phrase biffée copier ... feuilles 〈deux mots illis., le second dans l’interl. sup.〉 les ... ch. 8 17 finir ] finir 〈le〉 copier ... 4o. ] ces mots dans l’interl. sup. ajoutés après avoir rédigé toute la note 18 du liv. 10e. 5o ] du récrit sur des 〈ch. de la Ste de la douleur.〉 liv. 10e dans l’interl. sup. 5o récrit sur 4o corr. qui confirment que les changements ont été faits après la première rédaction de la note 20 6o ] ajouté après-coup 23 a ] dans l’interl. sup.

1 2

C’est le secrétaire de BC à cette époque. Il a copié, comme il ressort du Livre des dépenses, le dernier manuscrit de Florestan. Voir le Livre des dépenses (OCBC, Œuvres, t. VII, p. 482), où les dépenses pour le blanchissage, les meubles de son salon, le copiste Byron et les domestiques de La Grange sont reportées avec des variantes insignifiantes.

15

20

579

Carnet de notes – septembre 1826

ancient Greece, on the contrary included no rejection of the doctrines of any other religion not in itself exclusive, & admitted without reserve the pretensions & agency of any newly announced divinity1.

me procurer Mitford hist. of Greece2.

5

exactly, correctly, litteraly, heresy signifies choice. the crime of heresy was the crime of making a choice3.

j’ai eu tort de représenter Woolston4 comme un incrédule. Il avoit adopté les opinions d’Origène & expliquoit allégoriquement les miracles.

me procurer. la Chine, par de Malpière. Revue encycl.

1

2

3

4

5

XXX.

8275. 21 7bre.

Extrait d’un compte rendu anonyme de Henry Fynes Clinton, Fasti Hellenici. The Civil and Literary Chronology of Greece, from the 55 th to the 124 th Olympiad, Oxford : University Press, 1824, paru dans The Westminster Review, t. V, January-April 1826, pp. 269–321. Le passage se trouve p. 278. William Mitford, The History of Greece, London : J. Murray, 1794–1796, 2 vol. ou London : T. Cadell, 1795–1797, 10 vol. L’auteur (1744–1827), connu pour des ouvrages sur la langue et l’art militaire, pour son Histoire de la Grèce, siégea à la Chambre des communes de 1785 à sa mort. Phrase tirée de l’article anonyme «Ecclesiastical Establishments» publié dans The Westminster Review, t. V, January-April 1826, pp. 504–548. Le passage se trouve pp. 509–510. L’article est un long compte rendu de deux ouvrages : Charles Butler, Vindication of «The Book of the Roman Catholic Church» against the Reverend George Townsend’s «Accusations of History against the Church of Rome», London : J. Murray, 1826, et R. Southey, Vindiciæ Ecclesiæ Anglicanæ. Letters to C. Butler, Esq., comprising Essays on the Romish Religion and Vindicating the Book of the Church, London : J. Murray, 1826. BC corrige ici une observation qu’il avait placée dans le chapitre VI du premier livre de De la Religion, où il dit : «parmi les incrédules, disons-nous, Collins, Tindall, Woolston, et plus tard Toulmin n’occupent qu’un rang subalterne» (voir ci-dessus, p. 154). Il s’agit de Thomas Woolston (1670–1733), qui a publié six discours sur les miracles de Jésus qui firent scandale. Le même jugement se retrouve dans la première lecture sur la religion prononcée à l’Athénée royal le 6 février 1818 (OCBC, Œuvres, t. XI, p. 56, n. 2). BC lit, semble-t-il, la Revue encyclopédique. La note se rapporte à une annonce insérée dans ce périodique à l’endroit indiqué : La Chine. Mœurs, usages, costumes, arts et métiers, peines civiles et militaires, cérémonies religieuses, monumens et paysages, par MM. Deveria, Regnier, Schaal, Schmit, Vital, et autres artistes connus, avec des notices explicatives et une introduction, par M. D. B** de Malpière. Cinquième livraison, Paris : l’éditeur, rue St. Denis no 180 et al., 1825–1827, 2 vol. Un grand in–8o. Les livraisons précédentes sont également annoncées dans la Revue encyclopédique.

10

580

De la Religion, I – Textes complémentaires

Il faudra voir si je dois placer dans le livre des mystères inséré dans le 3e vol. mes considérations sur les philosophes grecs a la fin du Liv. 31. copie bleue.

La traite défendue par le Quarterly review de Juin. 18261.

5

25 7bre 6 Paquets de papier & 5 Livres.

fo 62vo

* 26 7bre poste – Naillet2 – Bossange – Béchet – Chambre –

10

* 4 Paquets, Six livres, une brochure

* Naillet – Ancelain – Cazin – Lescale3 – Bossange4. 15

1

2 3 4

BC fait référence à un long compte rendu de l’ouvrage de John Anderson, Mission to the East Coast of Sumatra in 1823, under the Direction of the Government of Prince of Wales’s Island, Edinburgh : Blackwood et London : Cadell, 1826 (The Quarterly Review, t. XXXIV, pp. 99–110). L’auteur anonyme y résume (p. 105) l’opinion d’Anderson qui justifie effectivement par des raisons économiques et démographiques la traite des esclaves. Le numéro suivant du périodique (septembre 1826) contiendra d’ailleurs un long article consacré à la traite (pp. 579–608). Non identifié. Ce personnage est mentionné trois fois dans le Carnet. Ce même Lescale apparaît dans le Livre des dépenses. BC lui paie plusieurs fois des sommes assez importantes jusqu’en 1829. Nous constatons ici une incohérence dans les dates. Les notes du 26 septembre sont suivies d’une autre datée du 16 octobre, elle-même suivie de trois notes datées des 17, 18 et 20 octobre. Les notes inscrites entre les 2 et 14 octobre se trouvent au fo 66ro, deux autres, datées des 19 et 27 octobre, sont inscrites au fo 66vo. Les fos 63ro–65vo contiennent des ébauches de textes assez importantes et rédigées avec soin. Il est probable que BC les ait fait commencer en belle page, probablement fin septembre ou début octobre. Il a continué ses notes datées au fo qui suit ces ébauches, laissant d’abord le reste du fo 62vo blanc. C’est seulement après le 14 de ce mois, lorsqu’il est arrivé au bas de la page, qu’il a continue´ ses notes, peut-être par distraction, au fo 62vo. Cet ordre sera à nouveau perturbé le 20, jour où il rédige son «ordre de travail» (voir ci-dessous, p. 581, n. 2), qu’il inscrit pour des raisons qui nous échappent sur le plat arrière du «Livre verd». Les notes reprennent leur régularité avec celle du 27 octobre, inscrite au fo 66vo, après celle du 19.

Carnet de notes – octobre 1826

581

* 16 8bre – Perrier – Naillet – Duveau1 – Lescale – Encelain – Furstenstein Aumont –

* 17. a prendre avec moi demain. 1o. mon manuscrit. 2o. le Catholique2. 3o. Dubois3 sur l’Inde. 4o. Poésie de Mde Amable Tastu4

* 18. pris Mon Mct5. un paquet des livres ci dessus le livre verd & le violet6

* 20 8bre ordre de travail classer7 1

2

3

4

5 6 7

Non identifié, s’il ne s’agit pas de l’agent immobilier qui apparaît dans le Livre des dépenses sous le nom de Duvau (OCBC, Œuvres, t. VII, pp. 515–519). Ou serait-ce le littérateur Auguste Duvau (1771–1831), collaborateur à la Biographie Michaud et traducteur de Wieland ? Première mention de ce périodique important dans le Carnet de BC. Le Catholique, ouvrage périodique dans lequel on traite de l’universalité des connaissances humaines sous le point de vue de l’unité de doctrine, publié sous la direction de M. le baron d’Eckstein, Paris : A. Sautelet et Cie, 1826–1829. Il se procurera les neuf premiers numéros (janvier-septembre 1826), c’est-à-dire trois gros volumes pour les emporter à La Grange. Il y trouve, entre autres, une étude sur les doctrines philosophiques de l’Inde (no IX) et des essais sur des sujets qui lui sont chers, comme des articles sur l’influence des doctrines matérielles sur la civilisation moderne (no VIII), des polémiques politiques ou des textes sur les écrits de Montlosier, etc. L’abbé Jean-Antoine Dubois, Mœurs, institutions et cérémonies des peuples de l’Inde, Paris : Imprimerie royale, 1825, 2 vol. La lecture sera achevée après le 26 novembre 1826. Voir ci-dessous, p. 610. Amable Tastu, Poésies, Paris : s.éd., 1826. Les vers et les traductions de Mme Tastu jouissaient d’un certain succès à son époque. BC observe avec attention l’évolution des modes littéraires, comme on peut le voir avec cet exemple. Abréviation pour «manuscrit». Voir ci-dessus, p. 339, n. 4 et p. 342, n. 3. Cette note est restée incomplète dans le Carnet. Mais nous pouvons la compléter parce que BC a inscrit, sur le plat arrière du «Livre verd» (BCU, Co 3260), ce qu’il voulait noter d’abord dans son Carnet. La date de cette note «Ordre de travail, 20 8bre 1826» en est la preuve. Nous la reproduisons donc ici entre crochets carrés. Cette note est un plan de travail précis, comme les dates et le nombre de jours à prévoir l’indiquent. BC le développe une année après la sortie du deuxième volume de De la Religion (dépôt légal : 10 octobre 1825).

5

10

15

582

De la Religion, I – Textes complémentaires

[1o classer le livre verd 2o id. livre violet Repertory 3o id. 4o id. extraits de Göttingue notes dans les sacs 5o id. o 6 id. papiers épars 9 livres bleus. ici. 7o id. 40 autres livres bleux. 8o id. 9o id. reste des matériaux. 10o à lire rapidement toute la rédaction & noter les lacunes ou changemens. 11o lire le Catholique et l’extraire. 12o id. Dubois 13o id. Otfr. Müller 14o id. Hug 15o corriger la redaction. 16o donner à l’impression 17o pendant l’impression employer les livres de ma bibliothèque. 18o placer les changemens en résultant en placards Octobre. Nov. Dec. Janvr

23 8bre 26 – 31 – 8 9e 9– 12 – 14 – 22 – 25

1. 2. 3. 4. 5. 6. 7. 8. 9.

3. 3. 5. 8. 1. 3. 2. 8. 3.

5

10

27 – 30 – 3 Xbre 6– 10 – 14 – 15 Xbre

10. 11. 12. 13. 14. 15. 16.

2. 4. 3. 3. 3. 4. 1.

15

17. 15. 20

18. 25. 96

12. 30. 31 23 96]

25

120. 30

fo 63ro

ordre des idées du chap. 3. du 6e livre sur la doctrine secrète des corporations Sacerdotales de l’antiquité. 1o. que cette doctrine etant plutot une science qu’une religion, nous pourrions nous dispenser d’en parler, mais que plusieurs motifs nous engagent à en dire quelques mots. D’abord, bien que cette doctrine n’eût été chez aucun peuple la religion populaire, & n’ait jamais eu sur cette dernière que très peu d’influence, néanmoins, elle y a introduit des rites, des pratiques, des locutions & même

35

Carnet de notes – octobre 1826

fo 63vo

fo 64ro

583

des dogmes, & pour motiver ces dogmes aux yeux des profanes des fables qu’il est difficile de comprendre entièrement si l’on ne remontoit à la doctrine dans [la]quelle se trouve leur germe. Deja nos lecteurs peuvent avoir apercu cette difficulté dans les 2 ch. qui précedent celui-ci. En second lieu, la plupart des modernes ayant commis l’erreur infiniment grave de s’obstiner à croire contre l’évidence que la religion populaire des nations Sacerdotales dependoit essentiellement de la doctrine secrète de leur Sacerdoce, & n’étoit qu’une representation matérielle ou un voile plus ou moins transparent de cette doctrine, il y a beaucoup d’esprits auxquels nous ne parviendrions pas à persuader que notre exposé des notions religieuses de ces peuples est complet, ni nous ne placions a` côté de cet expose´ celui de la doctrine des prêtres. Enfin il y aura utilité à faire connoitre ce qu’étoit réellement cette doctrine, a laquelle le mystère qui l’enveloppoit a valu jusqu’ici tant d’hommages absurdes & de louanges non méritées. Cette utilité sera même de plus d’un genre. nous apprendrons à quels résultats aboutissent les méditations du Sacerdoce, quand ces méditations se font à huis clos, dans la nuit du Sanctuaire a` l’abri de toute contradiction, hors de la portée de la concurrence & de la publicité. Pour atteindre le but que nous avons en vue, il faut commencer par nous pénétrer de la position dans laquelle se trouvoit le Sacerdoce de ces tems antiques, au moment où il jeta les bases de sa doctrine secrète en s’emparant du monopole des connoissances astronomiques & physiques qu’il avoit acquises. Comme en dirigeant nos regards sur une nation en particulier nos assertions seront plus nettes & nos preuves plus claires, prenons l’Egypte pour exemple. ce que nous en dirons pourra s’appliquer aux autres peuples soumis aux prêtres, avec les modifications exigées par la difference des lieux, des climats, des circonstances coexistantes. 2o. la nécessité formant dès l’origine en Egypte une classe d’astronomes. ces astronomes prêtres. les connoissances acquises par eux comme astronomes, leur doctrine secrète come prêtres. ainsi l’astronomie la 1ere doctrine secrête des prêtres Egyptiens. 3o. mais l’astr[ono]mie liée à la religion populaire par la division des dieux en 2 classes, les Dieux animaux & les astres : & bien que les Dieux

2 difficile ] 〈impossible〉 difficile ce dernier mot dans l’interl. sup. 18 contradiction ] la source porte contradictio 26 nettes ] 〈claires〉 nettes ce dernier mot dans l’interl. sup.

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10

15

20

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584

o

o

f 64v

fo 65ro

De la Religion, I – Textes complémentaires

animaux fussent plus particulièrement les objets de l’adoration du peuple, les astres participent pourtant de la nature des Dieux populaires en ce qu’objets de prières, d’invocations, d’hommages, & censés par conséquent capables d’accorder quelque chose en échange de ces hom[m]ages & de ces prières, & susceptibles par cela même de changemens dans leur volonté. Dans la doctrine secrette au contraire les astres perdent cette flexibilite´ indispensable à des Dieux que les hommes adorent pour les desarmer ou les attendrir, & deviennent des êtres impassibles, inexorables par l’effet naturel & nécessaire de la regularité immuable de leur course, marquée d’avance & dont ils ne sauroient jamais s’écarter. Ainsi le premier pas & le pas inévitable de la doctrine secrète est de concevoir les êtres qu’elle a proclamés les Dieux supérieurs de telle sorte qu’il est impossible à aucune religion d’en tirer parti. 4o. On demandera comment il est possible que les Prêtres admettent un tel syst[êm]e, eux dont toute la puissance repose[ra s]ur l’idée qu’ils sont ces intermédiaires efficaces entre les Dieux & les hommes, & que par conséquent leur intervention en faveur des hommes peut fléchir les Dieux. A cette objection, nous avons deux reponses. 5o. En 1er lieu nous croyons l’avoir deja observé, il ne dépend pas de l’homme de ne pas suivre la chaine du raisonnement – la logique l’entraine malgré, & le force, quand il a reconnu un principe a subir les conséquences qui en résultent. quand il a intérêt à les cacher, il les taît ou les nie mais au fond de sa conviction intime il les admet tout en les taisant. Secondement les membres des corporations Sacerdotales s’étant fait des l’origine de la religion un instrument, durent aussi des l’origine être de tous les hommes les moins religieux.

En conséquence, nous nous déterminons à traiter un peu en détail de cette matière bien que nous ne nous déguisions pas qu’il résulte de notre résolution quelques inconvéniens. elle nous oblige à porter nos recherches sur la doctrine Sacerdotale fort au delà de l’epoque à laquelle nous sommes parvenus.

2 participent ] la source porte participant en ce ] ces mots agglutinés 6 doctrine secrette ] 〈religion astronomique〉 doctrine secrette ces deux derniers mots dans l’interl. sup. 28 En conséquence ] note précédée d’un signe de renvoi qui n’a pu être attribué à un endroit précis

5

10

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25

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Carnet de notes – octobre 1826

Croisade prechee par Innocent Thierry1. 4. 167.

III

585

contre la civilisation des albigeois. relire 125

fo 65vo

Il ne faut pas prendre pour le ch. ci dessus la totalité de la doctrine secrète des prêtres, ce qui nous forcerait à anticiper sur beaucoup de choses qui ne pourront être dites avec des développemens que longtems après. Il faut intituler ce chap. de la doctrine secrète des corporations Sacerdotales, à cette époque du polythéisme, indiquer pour baze de cette doctrine l’astronomie & la physique, avec l’astrologie d’un coté, & la divination par les elémens de l’autre, dire qu’en suite à ce premier noyau de doctrine se joignent toutes les connoissances graduellement acquises & les hypothèses graduellement formées, parce que les prêtres accueilloient tout pour le déposer dans le sanctuaire, & indiquer que lorsque nous traiterons de la philosophie Sacerdotale, nous verrons pénétrer ainsi dans la doctrine secrète les notions de Théisme, de Panthéisme & même d’athéisme.

dès qu’un homme croit, comme les lois le lui enseignent, qu’il y a des Dieux, jamais il ne se portera volontairement à commettre aucune action impie, ni à tenir aucun discours contre la religion. mais ce désordre ne peut venir que d’une de ces 3 causes ; ou de ce qu’on ne croit pas, comme je viens de le dire, que les Dieux existent, ou s’ils existent qu’ils ne se mêlent pas des affaires humaines, ou enfin qu’il est aisé de les apaiser & de les gagner par des Sacrifices & des prières. Platon in Menone2.

fo 66ro

2 8bre Il faudra, dans le 4e vol. traiter des rapports de la morale avec le Polythéisme indépendant & avec les religions sacerdotales, & alors prouver que la morale des mystères, comme leurs dogmes & leurs rites fut empruntée 11 de doctrine ] le premier mot récrit peut-être sur de la doctrine 1

2

Cette note comprend deux choses. Elle commence par rappeler la croisade contre les Albigeois préchée par Innocent III (Lothaire Conti, 1161–1216, pape depuis 1198) dès 1208, qui dévasta le Midi de la France au cours d’une guerre cruelle terminée seulement en 1229. Elle parle ensuite probablement des Lettres sur l’histoire de France d’Augustin Thierry dont les dix premières avaient paru dans le Courrier français de 1820 (édition en librairie en 1827), sans rapport avec ce sujet. La signification des chiffres à la fin n’est pas élucidée. BC se trompe. Le passage cité est une traduction littérale d’un passage des Nomoi (Les Lois), livre X, qui traite des crimes contre les dieux (885b-c).

5

10

15

20

25

30

586

De la Religion, I – Textes complémentaires

des religions soumises aux prêtres.

3 8bre Il faudra relire attentivement le livre des mystères 6 8bre avoir les voyages de Cyrus par Ramsay1 ne edit. in 12. par Philippon de la Madeleine 2 fr. 50 c. chez Ferro jeune libe. rue des grands augins, no 23.

5

* 5 paquets, 4 livres, une petite brochure * 12 8bre les 9 nos du Catholique.

10

* 14 8bre. Lescale. Ancelain. Perrier. Impositions. travail. suite d’idées du livre sur les mystères. classification des livres verds & violets. livres à avoir Dubois sur l’Inde. le Catholique Ramsay 3 paquets de papier 1 de ficelle, de canifs &ca. 1 de linge Pantoufles

fo 66vo

* 19 8bre 1826 Depense2. à Ozouer. à ma femme pr blanchissage. a` la même pr la pension

2

20

25

3. f. 5 f. 30 ret. 20 pr Lise

1 3 8bre ... mystères ] biffé 1

15

Andrew Michael Ramsay, Voyages de Cyrus, suivis d’un discours sur la mythologie par M. Ramsay. Nouvelle édition revue, augmentée de notes géographiques, historiques, mythologiques par L. Philipon de la Madeleine, Paris : Ferra jeune, 1826. Cet ouvrage se trouve dans la bibliothèque de BC (voir le Catalogue). BC a reporté cette note dans son Livre des dépenses après son retour de La Grange (voir OCBC, Œuvres, t. VII, p. 483, n. 1). Rappelons que Lise est une servante, Louis (mentionné p. 606) un domestique des Constant.

Carnet de notes – octobre 1826

à la même pr les meubles du Sallon en tout 450 27 8bre ma femme. pr sa pension le reste à payer à Lise. à Louïs Solde. à Byron. à compte. à Ozouer. pour du thé noir fiacres. au Portier son mois

587

50

5

25 16. 70 100. 1 6. 50 1.60 50

10

relire pr ma refutation d’Eckstein mes extraits de Néander1. 15

unus deus nullus est, disoit Adrien2. Vopisc3. le Déisme n’est qu’un athéisme déguisé disent les Catholiques4.

1 2

3

4

J. A. Neander, Ueber den Kaiser Julianus und sein Zeitalter. Pour les extraits, voir BCU, Co 3293, 251 notes en tout. Pour comprendre la remarque de BC, il faut avoir présentes à l’esprit deux choses : premièrement, les arguments théologiques contre le déisme ; deuxièmement le texte correct de la phrase citée. Nous ne savons pas quelle est l’édition utilisée par BC. Il prend en tout cas la phrase pour une défense du polythéisme traditionnel, ce qui ressort clairement par la suite, avec la reproduction d’un argument contre le déisme des théologiens et philosophes du XVIIe siècle anglais ou des Lumières du XVIIIe. Le texte latin, une citation qui vient d’une lettre (apocryphe ?) d’Hadrien à son gendre Servianus, suggère plutôt une observation cynique. Après avoir constaté que même les malades de la goutte, les aveugles et les autres travaillent pour gagner de l’argent, il ajoute : «Unus illis Deus nullus est, hunc Christiani, hunc Judæi, hunc omnes venerantur & gentes» (Flavius Vopiscus, Saturnius, cap. VIII ; Historiæ Augustæ scriptores sex : Ælius Spartianus, Julius Capitolinus, Ælius Lampridius, Vulcatius Gallicanus, Trebellius Pollio, Flavius Vopiscus, ad optimas editiones collati studiis societatis Bipontinæ, Biponti : Typographia Societatis, 1787, t. II, p. 234). La phrase est fausse. BC la cite d’après une édition fautive qui ignorait l’amendement de Gerard John Vossius (1577–1649) acceptée par les éditeurs modernes. Vossius lit «nummus», et non pas «nullus». Voir l’édition critique qui fait autorité, Scriptores Historiæ Augustæ edidit Ernestus Hohl. Editio stereotypa correctior. Addenda et corrigenda adiecerunt Ch. Sandberger et W. Seyfahrt, Leipzig : Teubner, 1965, t. II, chap. VIII, § 6. Le sens de la phrase d’Hadrien est donc : «Leur seul dieu, c’est l’argent». C’est la faute du texte qui a suggéré à BC son argument théologique contre l’orthodoxie. BC utilise son ouvrage. Flavius Vopiscus, historien latin du Ve siècle. Auteur (fictif ?) d’une partie ou, comme on croit aujourd’hui, de tout le texte de l’Histoire d’Auguste. Il critique assez sévèrement les chrétiens, les traitant de citoyens rebelles (voir ci-dessus, p. 136, n. 2). Cette dernière remarque repose sur la lecture du compte rendu anonyme publié dans L’E´toi-

588

De la Religion, I – Textes complémentaires

les bergers se purifiaient en Etrurie en traversant le feu. Spangenb. de V. L. D. R. p. 161 128

fo 67ro

Chose essentielle à vérifier J’ai dit dans les livres bleus que j’aurois pu prendre Homère pour type de la religion grecque &ca & aussi que la mythologie d’orphée & de Musée étoit beaucoup plus grossière que l’Homérique. si ces passages ne se trouvent pas dans les 2 vol. imprimés, il faut les rétablir, mut. mut. dans celui ci2. il y en a un dans le livre violet. add. au liv. 2. no. XXV.

à relire dans Staüdlin Rel. Mag. I. 459–4633. un morceau sur la religion Juive, le christianisme, la religion grecque.

1

2

3

le, auquel BC répond par son article qui a paru dans Le Constitutionnel du 25 juin 1824 (voir ci-dessus, pp. 421–426). La phrase est attribuée à Bossuet par La Mennais. BC renvoie à ses extraits d’Ernst Spangenberg, De veteris Latii Religionibus domesticis commentatio, Gottingæ : Typis Henrici Dieterich, s.d. (BCU, Co 3293), où l’on trouve la même note. Dans cet ouvrage (chap. III, sectio 2a, p. 16, «De purgationibus»), Spangenberg écrit ceci : «Parilia autem hoc æuo iam extitisse, verisimile, quo pastores die ignem (summum profecto purgatorem !) e frumenti stipulis incensis coaceruatum transiliebant». BC a effectivement introduit cette distinction dans une note au chap. 3 du Livre III de De la Religion. Voir OCBC, Œuvres, t. XVIII, pp. 224–225, note a, et les notes critiques de l’éditeur à ce sujet. BC revient ailleurs à ce passage cité ici sommairement. Dans une note sur une fiche, découpée sans doute d’un ensemble plus important, on lit : «Staudlin Mag. I. 459–463 a consulter. La religion devrait n’être jamais qu’une chose relative. absolue elle devient funeste. par religion relative j’entends la croyance qui fait qu’on se dit : Dieux tel pr moi ; par absolue Dieu est tel pour tous» (BCU, Co 3293). Cette note résume un passage tiré d’un long article de Stäudlin intitulé «Übersicht der zerstreuten Beyträge zur Religionsgeschichte in verschiedenen neuern Schriften» (Magazin für Religions-, Moral- und Kirchengeschichte, t. I, pp. 433–522). Les pages indiquées par BC concernent plusieurs ouvrages : Carl Heinrich Georg Venturini, Lehrbuch der Geschichtskunde älterer Zeiten, von der Weltschöpfung bis auf die große Völkerwanderung, Copenhagen et Leipzig : bey Johann Heinrich Schubothe, 1799 ; August Ferdinand Lueder, Geschichte der vornehmsten Völker der alten Welt im Grundrisse, Braunschweig : Reichard, 1800 ; Johann Ernst Christian Schmid, Allgemeine Bibliothek der neuesten theologischen Literatur, Giessen : Heyer, 1801, tome V. Ce dernier ouvrage développe le sujet du parallèle des religions. La note de BC est surtout d’ordre bibliographique.

5

10

589

Carnet de notes – octobre 1826

ib. p : 480. ambassade au Thibet & au Boutan contenant des détails très curieux. & jugement sur l’ouvrage de Steger & les developpemens sur la mythologie Grecque1. entre l’impression du 3e & du 4e vol. relire les œuvres de Winkelmann, come prouvant d’une manière frappante comment les mœurs & les idées ont modifié les formes des idées religieuses

Hierogrammatisme. Rel. Mag. II. 1292.

révélation

1 Boutan ] lecture incertaine 1

2

écrite.

corps

de

doctrine.

5

Staudl. 10

9 Hierogrammatisme. ] 〈Liv. dernier〉 Hierogrammatisme.

Même article que celui cité dans la note précédente. L’ouvrage indiqué est Johann Andreas Friedrich Steger, Mythologie der Griechen und Römer, auf einen allgemeinen Grundsatz zurückgeführt, Berlin : Heinrich Frölich, 1800. Stäudlin a publié dans le même volume un compte rendu de ce livre (pp. 227–240) et il y revient (pp. 481–490) en résumant des comptes rendus d’auteurs divers. Ce sont ces commentaires critiques qui ont retenu l’attention de BC. La première partie de la phrase se rapporte probablement à l’ouvrage de Samuel Turner, Ambassade au Tibet et au Bhoutan contenant des détails très curieux sur les mœurs, la religion, la production et le commerce du Tibet, du Bhoutan et des états voisins traduit de l’anglais par J. Costard, Paris : Buisson, an X (1800). Disons encore que le numéro du périodique consulté par BC contient un article en deux parties, «Über die Lamaische Religion» et «Über die Lamaische Religion unter den Kalmücken» (pp. 88–153 et 313–432), qui parle de cette matière en partant des récits de Michael Symes (An account of an embassy to the kingdom of Ava, sent by the general governor of India, in the year 1795, London : W. Bulmer & Co, 1800), Alexander Dalrymple (Oriental Repertory, London : printed for George Biggs, 1793, t. I, plusieurs articles) et Samuel Turner (Asiatic Researches, t. I). Cette dernière information renvoie à l’article «An Account of an interview with Teeshoo Lama», Asia Major, 1801, pp. 196–220. La note fait référence à un passage de l’article «Zweyte Übersicht der zerstreuten Beyträge», Magazin für Religions-, Moral- und Kirchengeschichte, t. II, pp. 99–254. La page indiquée concerne un livre de Daniel Jenisch (1762–1804), Universalhistorischer Überblick der Entwickelung des Menschengeschlechts als eines sich fortbildenden Ganzen, Eine Philosophie der Culturgeschichte, Berlin : Voss, 1801, 2 vol. La doctrine dont il est question dans la note est développée dans le second vol., p. 292. Stäudlin dit ceci : «Urkunden heften jenen sonst vergänglichen Glauben an unmittelbare Eingebung, und ein solches Buch ist ein Wunder mehr zu den zahllosen andern, welche die Vernunft in dieser geheimnisvollen Schöpfung als Thatsache anerkennen muß. Ja sie leitet aus dessen Unbegreiflichkeit selbst einen Grund mehr für die Göttlichkeit der Urkunde.» (Ces documents rattachent ces croyances du passé à une inspiration immédiate. Un tel livre est un miracle de plus qui s’ajoute à tant d’autres que la raison doit reconnaître comme un fait dans cette création pleine de secrets. Elle voit dans cette chose incompréhensible une preuve supplémentaire de l’origine divine de ce document.)

590

De la Religion, I – Textes complémentaires

lire l’art. Takiddin dans Bayle1.

fo 67vo

Opinion populaire chez les Grecs que les Dieux étoient souillés par la vue d’un mort. Diane, à cause de cela détournoit les yeux de dessus Hippolyte mourant. Eurip. hipp. 1437–14382. ×

5

Religion enseignée par les prêtres – l[’a]ction les rites des prêtres ont prolongé & diversifié les erreurs des hommes. Suite de l’institution d’une révélation écrite & d’un corps de doctrine. Staudl. Mag. [I]I. 127–1293. 10

Herder P. d. l’h. III. 50–51 sur l’etat stationnaire des indes, de la chine4 &ca. × Apollon s’éloigne de la maison d’admète pour n’être pas souillé par la vue d’un mort. Eur. Alcest5. 15

5 1438. × ] la croix qui suit le chiffre est un signe de renvoi, qui réapparaîtra ci-dessous, ligne 13, en tête de la note 9 II ] la source porte I

1

2

3 4

5

Takiddin, «auteur mahométan». Bayle ne relève qu’une chose, à savoir que celui-ci a dit que le calife Almamon serait puni par Dieu pour avoir encouragé l’étude de la philosophie (P. Bayle, Dictionnaire historique et critique, éd. de 1720, t. IV, p. 1688). La plus grande partie de l’article consiste en rapprochements avec les temps modernes, où l’on reproche aux philosophes d’être à l’origine du mépris croissant pour la dévotion. BC renvoie aux dernières paroles d’Artémis à Hippolyte mourant : «Adieu donc. Il ne m’est pas permis de voir des trépassés, ou de souiller mon œil au souffle des mourants. Or je te vois déjà près de l’instant fatal» (Euripide, tome II : Hippolyte, Andromaque, Hécube, texte établi et traduit par Louis Méridier, Paris : Les Belles Lettres, 1989, p. 84). Se rapporte au même article cité ci-dessus, p. 589, n. 2. Stäudlin résume les opinions de Jenisch. BC se propose de relire J. G. Herder, Ideen zur Philosophie der Geschichte der Menschheit, troisième partie, livre XI (Johann Gottfried Herder, Werke, t. VI, Frankfurt am Main : Deutscher Klassiker Verlag, 1989, pp. 425–465. Le passage indiqué se trouve p. 461). Cette note est considérée par BC comme la suite de la note ci-dessus, lignes 3–5. Elle renvoie à Euripide, Alceste, v. 18–23 : «A présent, dans la maison ses bras [Admète] la soutiennent, expirante, car voici le jour fatal où il lui faut mourir et quitter la vie. Et moi [Apollon], de peur qu’une souillure ne m’atteigne dans la demeure, j’abandonne ce palais dont le toit m’est si cher» (Euripide, tome I : Le Cyclope, Alceste, Médée, Les Héraclides,

Carnet de notes – octobre 1826

591

St Augustin dit que le repentir de Dieu est une peine qui n’a rien de douloureux & sa colère une colère tranquille1

Soin avec lequel les anciens évitoient les expressions de mauvais augure. 5

fo 68ro

relire Berger2 sur Bérose, p. 28–34.

Diod. I. 97, dit que la fable de Saturne & des Titans ainsi que plusieurs autres du même genre avoit été apportée d’Egypte en Grèce par Mélampodès3.

1

2

3

texte établi et traduit par Louis Méridier, Paris : Les Belles Lettres, 1925, pp. 57–58). Nous pouvons conclure, en tenant compte du parallèle évident, que BC est en train de relire des œuvres d’Euripide. Le style télégraphique est à l’origine des négligences. Pour le contenu de la note, voir Augustin, Confessiones, livre I, chap. 4 : «Amas nec æstuas, zelas et securus es, pænitet te et non doles, irasceris et tranquillus es, opera mutas, nec mutas consilium». Nous ne savons pas si BC consulte le texte ou s’il a trouvé la citation dans une de ses lectures. Il possède une édition des œuvres du père de l’E´glise dans sa bibliothèque (voir le Catalogue). Johann Gottfried Immanuel Berger, Geschichte der Religionsphilosophie oder Lehren und Meinungen der originellsten Denker aller Zeiten über Gott und Religion, historisch dargestellt, Berlin : im Verlage der Langischen Buchhandlung, 1800. BC possède cet ouvrage dans sa bibliothèque (voir le Catalogue) et le consulte avec attention, comme on peut le voir en lisant ses notes de lecture. Le renvoi vise ici le livre I, chap. 2, «Chaldäer», pp. 26–36, où il est question d’un des prêtres des Chaldéens, Bérose de Babylone, contemporain d’Alexandre, historien, astronome et astrologue, auteur d’une histoire de ce peuple. Des fragments de cet ouvrage (que Berger tient pour peu fiable et qui exploite les livres mosaïques ainsi que les fables et la philosophie grecques) sont cités par Flavius Josèphe et Eusèbe. BC s’intéresse probablement à la cosmogonie fabuleuse de Bérose et, entièrement différent de celle-ci, à ce qui est rapporté par Diodore. L’auteur sicilien parle de l’astrologie des Chaldéens qui est à l’origine d’une caste de prêtres puissants. Voir Berger, pp. 33–34. BC parle de Berger également dans le Registre violet, pp. 130 et 132, notes CCLXIV et CCLXXII, en soulignant l’incertitude des traditions et en citant les mêmes points que nous avons relevés. La note CCLXXII porte la mention «empl. 1826», ce qui renvoie directement au passage du Carnet de notes. BC cite Diodore de Sicile, Histoire universelle, traduction française de l’abbé Terrasson, t. I, livre I, section II, chap. 97, p. 206 : «On dit que c’est Mélampe qui a apporte´ d’Egypte les fêtes de Bacchus en Grèce, la fable de Saturne, le combat des Titans, les périls et les malheurs des Dieux.» Cela explique peut-être pourquoi BC utilise les noms latins au lieu de parler de Dionysos ou de Cronos, mentionnés par Diodore.

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De la Religion, I – Textes complémentaires

morceaux de Brucker à revoir vol. 11. philosophie d’Abraham, 71–102 Chaldæorum. toute magie 180–189. Sanchuniaton. 236–240. Mercurius Ægyptianus. 252–264. Horus Apollo 271 Mystères des Egyptiens. 284–289. Trinité Egyptienne 292–296. 5

contraste de la religion des otaheitiens avec tout le reste de leur existence. Staüdl. Mag. I2

différence des mythologies Sacerdotales & des indépendantes. les Sacerdotales se composent plus de simulacres matériels & mystérieux, qui expriment tout à la fois plusieurs idées. les indépendantes de récits détaillés, & quand les simulacres des Sacerdotales y pénètrent, l’esprit des indépendantes y ajoute des récits, souvent incohérens avec les objets matériels ainsi expliqués. Creutz. I. 122–1233.

10

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fo 68vo

exemple des artifices & tours de Gobelets des Prêtres relativement à la statue de Memnon Böttigers Andeutungen. p. 224.

1

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3 4

Johann Jakob Brucker, Historia critica philosophiæ mundi incunabulis usque ad nostram ætatem deducta, Lipsiæ : Weidmann, 1742–1767, 6 vol. BC cite dans le Livre I, chap. 9, un passage de l’ouvrage monumental de Brucker (t. I, pp. 281–282). Voir ci-dessus, p. 188, n. b. Il en reparlera dans le Livre III, chap. 10 (OCBC, Œuvres, t. XVIII, p. 115, n. b). BC a lu l’article de Stäudlin, «Von der Religion der Tahitier» (Magazin für Religions-, Moral- und Kirchengeschichte, t. I, pp. 1–78), qui parle (pp. 51–53) du cannibalisme des Tahitiens, dont la cruauté est à l’opposé du caractère doux et xénophile de ce peuple. ` l’endroit indiqué, Creuzer expose la transformation des récits myCreuzer, Symbolik. A thologiques au cours des âges. Mais il faudrait plutôt lire tout le passage, pp. 115–123. BC fait ici référence à un passage de l’ouvrage de Karl August Böttiger, Andeutungen zu vier und zwanzig Vorträgen über die Archaeologie im Winter 1806. Erste Abtheilung. Allgemeine Übersichten und Geschichte der Plastik bei den Griechen, Dresden : In der Arnoldischen Buch- und Kunsthandlung, 1806. Dans un chapitre consacré aux statues colossales de l’E´gypte qui sont considérées comme les gardiennes des lieux saints, Böttiger en distingue trois types, dont les «statues assises» placées dans une niche du temple ou sur un trône devant les édifices. Il dit de ces dernières, et c’est cette phrase qui retient l’attention de BC : «Hierher gehören die colossalen Phamenophis- oder Memnonsbilder, nach Jablonski, Veltheim, Langlès zu Norden t. II, p. 159–256. Abbildung in Denon, pl. 44. Einer der thebanischen Hohenpriester ließ sich in der Stellung seiner Würde vor dem Haupt-Tempel bilden und begrüßte (durch eine innen angebrachte Gaukelei) im Bilde noch die aufgehende Sonne, wie ers im Leben gethan hatte. Griechische Zusätze und Deuteleien» (pp. 21–22). (On doit citer ici les colosses de Phanenophis ou de Memnon d’après Jablonski, Veltheim, Langlès et Norden (t. II, pp. 159–256 ; illustration chez Denon, planche 44). Un des grandsprêtres thébains s’est fait représenter dans toute sa dignité devant le temple principal,

Carnet de notes – octobre 1826

593

Dire que nous prenons le Polythéisme Homérique en masse sans distinction de localités. ce n’est que plutard que les nuances se prononcent. alors seulement nous établirons les différences entre la religion à Sparte & à Athènes. &ca. 5

* Conformités des religions Sacerdotales1 Repert. 346. 347. 352. 355. 360. 364. 365. 372. 376. 394. 520. 557. 605. 609. 700. 706. 716. 901. 908. 972. 980. 987. 990. 999. 1004. 1008. 1009. 1012. 1017. 1019. 1026. 1028. 1029. 1069. 1070. 1180. 1216. 1217. 1301. 1302. 1303. 1304. 1314. 1527. 1561. 1570. [...]. #

* enumération des Incarnations Indiennes, Japonaises & ca. Mein. C. G. I. 339–3422.

6 Sacerdotales Repert. ] suit une série de 48 chiffres biffés, parfois illis., la série se termine par un signe de renvoi # et est se poursuit dans la dernière note de cette page 7 394. ] peut-être faut-il lire 396. 609. ] peut-être faut-il lire 667.

1

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saluant le soleil levant (à l’aide d’une mécanique cachée à l’intérieur) comme il l’avait fait toute sa vie. Rajouts et interprétations grecs.) Nous savons que BC utilise l’ouvrage de Jablonski. Qu’il ait connu Veltheim n’est pas certain. Il est possible pourtant que BC compte consulter l’édition monumentale de l’ouvrage de Frédéric-Louis Norden, Voyage d’E´gypte et de Nubie, nouvelle édition, soigneusement conférée sur l’originale, avec des notes et des additions tirées des auteurs anciens et modernes, et des géographes arabes, par L. Langlès, Paris : Pierre Didot l’aîné, l’an II–VI de la République, 1795–1802. Cette édition comprend la «Dissertation sur la statue parlante de Memnon» (t. II, pp. 159–256 et les planches CX et CXI) de Louis-Mathieu Langlès, dont il est question dans la note de Böttiger. Cette note est consacrée à une série de vérifications à faire dans le Repertory. Elle se poursuit, comme l’indique un signe de renvoi, au bas du même fo (voir ci-dessous, p. 594, ligne 4), avec une série de chiffres qui indiquent des passages dans l’ouvrage de Schlegel, Weisheit der Indier, dans Buhle et Creuzer ; cette deuxième note se poursuit quelques fos plus loin, un autre signe de renvoi assure la bonne lecture. C. Meiners, Allgemeine kritische Geschichte. Meiners résume les incarnations de Wischnou sous différents noms et formes chez les Indiens, les Tibétains, les Japonais, les Chinois, les gens du Tonkin, de Siam, de Pegu et du Laos.

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De la Religion, I – Textes complémentaires

Les Israèlites ont souvent dit Meiners1 sacrifié au Seigneur leurs fils & leurs filles. C. G. 79. Psaumes 106. Rois. II. 3. Liv. de la Sag. 14. Michaelis nie les sacrifices humains des Hebreux. p. 852.

# 16923. Schleg. W. d. Ind4. p. 117 Buhle5 I 12, 15, 18 Creutz. I 235 (ou 286). 328–330. II 76, 77, 97, 274, 439, 456 (ou 466) III 324. IV 53, 55. 81, 82 Φ Φ Φ6

fo 69ro

Chez tous les peuples, excepté ceux du Nord & les Grecs & les Romains, les femmes passoient pour impures. Mein. C. G. 103–105 vol. II7. Mépris des peuples du midi pour les femmes pendant la grossesse, la menstruation. elles étoient exclues des temples. on trouve chez les Romains & les Grecs des traces de cette impureté. en général des purifications. Mein. ib. 104 & suiv. au contraire chez les Celtes les femmes partageoient les fonctions de leurs maris. Pellout. VII. 3068.

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BC résume un passage de C. Meiners, Allgemeine kritische Geschichte, t. II, p. 79. Les renvois à l’Ancien Testament se trouvent chez Meiners, n. q). La doctrine de Michaelis est plus nuancée. D’une part, il dit que les sacrifices humains étaient défendus par Moïse (Mosaisches Recht, t. III, § 145, p. 17 ; t. IV, § 187, p. 44 ; t. V, § 247, p. 137) ; d’autre part, il admet que la pratique s’était répandue sous l’influence des Cananéens (Mosaisches Recht, t. V, § 247, pp. 123 et 134). C’est le dernier chiffre de la série du Repertory. Voir ci-dessus, p. 593, ligne 10. ` la page indiquée, Schlegel parle d’un BC renvoie à F. Schlegel, Weisheit der Indier. A «matérialisme» asiatique, d’une explication non-religieuse de l’existence du monde. BC renvoie au t. I de J. G. Buhle, Geschichte der neuern Philosophie. Il s’agit d’un signe de renvoi. La note sera continuée au fo 75ro. Voir ci-dessous, p. 606, ligne 20. ` l’endroit indiqué, Meiners ne soutient pas C. Meiners, Allgemeine kritische Geschichte. A exactement ce que BC résume ici : «Unter allen Völkern der Erde waren [...] die alt-europäischen Nationen, mit Ausschluß der Griechen und Römer, die einzigen, welche die Weiber nicht als unreine Geschöpfe gering schätzten, und sie selbst nicht in den Zeiten der Reinigung und der Niederkunft von ihrer Seite, oder von ihren Tischen, und aus ihren Häusern verstießen» (De tous les peuples de cette terre, ceux de la vieille Europe – à l’exception des Grecs et des Romains – sont les seuls à ne pas mépriser les femmes comme des créatures impures, ne les bannissant ni de leur foyer ni de leur table, même en période de purification ou au moment de l’accouchement.) (p. 103). BC renvoie à S. Pelloutier, Histoire des Celtes, t. VII, p. 306, ou` commence le § XVIII du chap. IV ; les mots utilisés par BC sont ceux de Pelloutier.

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Carnet de notes – octobre 1826

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Porphyre, de abst. IV. 10. nous cite la prière adressée aux Dieux par les Egyptiens au nom des morts. Soleil, disoient-ils, maître de tout, & vous Dieux de l’univers, dispensateurs de la vie, recevez-nous & rendez-nous les compagnons des Dieux étérnels1. 5

relire pour le liv. des Myst. Rep. 594–601. pour le culte de Bacchus2.

Il y a toujours dans toutes les religions 2 inversemens, l’un de l’home déifié, l’autre de Dieu humanisé[.] Herd. Phil. de l’hist. I. 238–2583. c’est à dire la religion indépendante élève l’homme jusqu’à Dieu. la religion Sacerdotale rabaisse Dieu jusqu’à l’home.

10

Il faudra peut-être réunir dans un seul ch. après celui de la Sainteté de la douleur ce qui tient a` la virginité, à la mort & aux souffrances des Dieux. 15

fo 69vo

r

* à revoir p ma lettre à d’Eckstein Rep. 942–9454.

8 inversemens ] lecture incertaine 9 dire la ] dire 〈dans〉 la 10 jusqu’à Dieu. ] partiellement récrit sur jusqu’〈il soit〉 à Dieu ce dernier mot dans l’interl. sup. 1

2

3

4

` l’endroit Porphyre (2e moitié du IIIe siècle apr. J.-C.), De abstinentia ab esu animalium. A indiqué par BC, on trouve le texte de la prière qu’un des embaumeurs adresse au soleil : «Souverain Soleil et vous tous, dieux qui donnez la vie aux hommes, accueillez-moi et introduisez-moi dans la compagnie des dieux éternels». Suit une excuse pour des méfaits involontaires commis parce que le mort aurait pu manger des aliments défendus. Porphyre, De l’abstinence, texte établi, traduit et annoté par Michel Patillon et Alain Ph. Segonds avec le concours de Luc Brisson, Paris : Les Belles Lettres, 1977–1995, 3 vol., t. III, pp. 16–17. Les notes du Repertory contiennent des renvois à C. Meiners, Allgemeine kritische Geschichte, t. I, pp. 206–207, à un passage de Porphyre et cinq citations tirées d’un ouvrage allemand non identifié. BC renvoie à J. G. Herder, Ideen zur Philosophie der Geschichte der Menschheit, Première partie, livre IV, chap. 6, «Zur Humanität und Religion ist der Mensch gebildet». Voir J. G. Herder, Werke, t. VI, pp. 154–164, et plus particulièrement pp. 162–163. Le raisonnement de BC ne correspond pas tout-à-fait à ce que dit Herder dans ce chapitre ni dans le chap. 6 (Deuxième partie, livre IX, pp. 372–379), où BC a peut-être trouvé des éléments appuyant sa théorie du sentiment religieux. Quatre notes qui contiennent des idées sur la tendance des hommes à transporter toujours aux colonies éloignées la civilisation de laquelle ils viennent ; sur le penchant des Romains de l’époque de l’incrédulité, à se rapprocher de la religion juive ; sur le danger de l’ivresse des mots ; enfin, une longue citation non identifiée, extraite d’un ouvrage allemand, sur le fait que la Bible ne connaît pas l’âge obscur qui précède dans toutes les autres traditions celui des mythes.

596

De la Religion, I – Textes complémentaires

Singulière idée indienne. Les Dieux, quand ils se sont incarnés, ne le savent pas toujours eux-mêmes. Wishnou incarné comme Balaramen, ne se doutait pas qu’il fut sa propre incarnation. Bagavadam1

Troubadours de la religion, la chantant aux banquets des Rois come un moyen de servitude.

Culte populaire & culte Sacerdotal en Lycie. Wir sind nicht der Meynung – dieser Asiatischen Religionen wohl bekannt. Creutzer. II 133–1352.

5

10

Sanchoniaton ou Sanchuniaton vivoit, dit Creutzer, II. 8., 1250 ans avant J. C. il parâit donc qu’il le regarde come un être réel. doutes sur l’authenticité de sa doctrine. ib. 8–93. 15

1

2

3

BC a consulté l’ouvrage de Foucher d’Obsonville, Bagavadam ou doctrine divine. Ouvrage indien, canonique sur l’être suprême, les dieux, les géans, les hommes, les diverses parties de l’univers, publié par Foucher d’Obsonville, Paris : Tilliard & Clousier, 1788. La même entrée revient littéralement ci-dessous, p. 608. Note identique à celle des extraits de F. Creuzer, Symbolik (BCU, Co 3293, no 231), sauf l’ordre un peu différent des mots de la première phrase et la coupure de la deuxième : «Creutzer en convient». Le passage indiqué par BC se trouve dans la première édition de l’ouvrage de Creuzer, t. II, p. 133, dans la seconde t. II, pp. 140–142. Creuzer distingue clairement la croyance populaire de celle des prêtres : «Jener Priester, der aus dem hohen Morgenland jenen Dienst zuerst nach Lycien verpflanzt hatte, und die Nachfolger in seinem Lehramt so wie Olen, der nun als neuer Pflanzer nach Delos gieng, diese wussten ein Mehreres von dem Ursprunge und dem Inhalte dieser alten Lichtreligion. Jene Attribute, dem Gemeinsten vom Volke aus seinem Kreise erklärbar, hatten für sie einen höheren Sinn» (p. 133). BC copie la note de ses extraits de F. Creuzer, Symbolik (BCU, Co 3293, no 160), mais ajoute un commentaire. Le doute au sujet de Sanchoniathon, auteur phénicien, exprime´ ici par BC qui le tient pour une mystification de Philon, n’est plus partage´ aujourd’hui par les savants. La découverte des tablettes d’Ougarite (Ras Schamra) a plutôt accrédité les affirmations de Philon (et le jugement de Creuzer).

Carnet de notes – octobre 1826

597

l’Eros androgyne dans la Cosmogonie de l’auteur des Argonautiques. Wagn. p. 3451.

tacher de me procurer Staudlin ueber den ursprung der idee eines leidenden, büssenden und sterbenden Messias in der Götting. biblioth. der Theolog. Litterat. Bd I. p. 2372.

fo 70ro

Reste de la discipline Druïdique, en Irlande. le devoir d’un bon Roi selon d’anciennes maximes politiques, étoit d’honorer les Bardes & de se conformer aux loix. Spenser’s State of Ireland. p. 11. Campion’s history of Ireland. p. 203.

Il est certain qu’adonis, amant de Proserpine & de Vénus & obligé de se partager entr’elles, & aidoneus, (Ahton) époux de proserpine, qui passe six mois avec lui & six mois avec sa mère, sont le même Dieu transporté en Grèce4.

1 dans la Cosmogonie ] dans 〈l’auteur de〉 la Cosmogonie 1

2

3

4

BC reprend ici une note de ses extraits de l’ouvrage de J. J. Wagner, Ideen zu einer allgemeinen Mythologie (extrait no 88, dans la marge «empl. 1826»). Cet extrait concerne deux passages chez Wagner, à savoir : une légende sur Agdistis, enfant androgyne de Zeus, et le rocher Agdus, rapporté, selon Wagner (p. 229), par Arnobius dans son ouvrage Adversus nationes. L’autre passage (Wagner, p. 347) résume le 5o hymne homérique. BC veut se procurer une importante étude historique, philosophique et «systématique» (c’est-à-dire dogmatique) de Carl Friedrich Stäudlin, «Über den Zweck und die Wirkungen des Tods Jesu», Göttingische Bibliothek der neuesten theologischen Literatur, herausgegeben von Johann Friedrich Schleusner und Carl Friedrich Stäudlin, Göttingen : Im Vandenhoe[c]k- und Ruprechtschen Verlag, t. I, 1795. Cette étude est divisée en cinq parties, dont la première éveille la curiosité de BC. Elle porte le sous-titre «Über den Ursprung der Idee eines leidenden, büssenden und sterbenden Messias». BC a pu y trouver des réflexions sur la religion juive et en particulier la secte des Esséniens. Voir les extraits de Stäudlin, no 42 (BCU, Co 3293). BC a copié sa note. La page indiquée est celle où commence la première partie. Signe manifeste que BC a utilisé pour sa note l’ouvrage en cause. BC consulte une édition récente de ces deux textes anciens : Ancient Irish Histories. The Works of Spencer, Campion, Hanmer and Merleburrough, in two volumes, Dublin : Society of Stationeers, 1809. C’est le premier des deux tomes qui contient le texte d’Edmund Spenser (A View of the State of Ireland, Written Dialogue-Wise, between Eudoxus and Irenæus, by Edmund Spenser, esq., in the Year 1596) et d’Edmund Campion (A History of Ireland Written in the Year 1571, by Edmund Campion). Aux pages indiquées par BC, on trouve ce qu’il mentionne dans sa note. Les bardes, par contre, ne sont mentionnés dans le texte de Spenser qu’aux pp. 100 et 103. Cette note semble résumer ce que BC a lu chez Meursius. Voir ci-dessus, p. 483, n. 2.

5

10

15

598

De la Religion, I – Textes complémentaires

retrouver pour le passage rélatif à l’Elide1 p. 144 du mscrt. un no du Repy. à retrouver pour l’echelle à 7 Portes le no 1569 du Repert2. No. 1652. du Rep. pr ma lettre à d’Eckstein3

5

28 Octobre. 5 paquets attachés, contenant mes papiers & 3 livres plus le paquet de canif, tailleplume &ca. plus celui des brosses &ca. 135 10

fo 70vo

r

* Koreff p Schlegel Weis. der Ind4. Bulletin d’Hanovre. Thé noir Brosse à dents Contameau5 Philles.6 Encelain7. Aumont. 1

2

3

4

5 6 7

BC est en train de retravailler des chapitres du futur t. III de De la Religion. Il a perdu la trace d’un passage de la Γεωγραϕι α de Strabon qu’il y citera (livre VII, chap. 10, p. 405, n. 1). La note du Repertory contient une observation en langue allemande sur un passage de l’Ancien Testament qui raconte le rêve de Jacob (Mos., livre I, 28). BC n’en a pas indiqué la provenance. BC esquisse une idée importante qui prouve, s’il en faut encore des preuves, que l’ouvrage sur la religion n’est pas une histoire mais une théorie de la religion : «Si l’on veut expliquer les événemens et les phénomènes qui excitent notre étonnement dans l’histoire de l’homme, il faut prendre en considération sa nature intérieure, au moins autant que les circonstances extérieures et accidentelles. on aura beau rassembler, enumérer une multitude de causes pour chaque fait, on ne remontera jamais jusqu’au dernier anneau de cette chaine, on ne comprendra jamais l’accord des peuples les plus différens sur les points les plus essentiels, si l’on ne parvient, d’explication en explication jusqu’à la dernière cause, la nature intérieure de l’ame humaine». Voilà explicité ce qui est au centre du travail de BC sur la religion depuis sa rencontre avec Jacob Mauvillon en 1788 à Brunswick. Dans cette liste de courses à faire, la plupart des entrées (à l’exception de Philles, Sismondi, Tracy et Stapfer) sont marquées par une croix dont la signification nous échappe. Presque toutes les entrées sont biffées (sauf les noms de Philles, Encelain, Aumont, Laffitte, Tracy, Stapfer et Cannois). Nous apprenons par cette liste que BC cherche à se procurer l’ouvrage de F. Schlegel, Weisheit der Indier, en s’adressant à Koreff. Il finira par l’acheter. Non identifié. Personnage non identifié, s’il s’agit du nom d’une personne. Rappelons qu’Ancellain est l’avoué auquel BC adresse un billet le 1er novembre 1826

15

Carnet de notes – octobre 1826

fo 71ro

599

Laffitte. Perrier Davilliers Sismondi. Tracy. Thierry rue des gds Augustins Stapfer. Sebastiani. Ramsay. Cannois Mallets. Laine. Bande de toile [...] percale [...] du thé Bossange Bague Brosses à dents

5

10

15

pris avec moi le 5 9bre pr Lagrange 1o. 3 paquets de papiers. gros. 2o. 3 vol. du Catholique. 3o. l’Evian 4o. la petite Urne1 5o. une petite2 6o. un paquet de linge. 7o. les pantoufles.

20

25

137

fo 71vo

Il faudra après le ch. de la sainteté de la douleur un ch. destiné à montrer comme toutes les diverses idées & les divers dogmes précédemment indiqués se confondoient & se combinoient.

15 percale ] le mot qui précède est illis.

1 2

16 du thé ] le mot qui précède est illis.

relatif à ses affaires d’immeuble à acheter (BCU, Ms 285), ce qui s’accorde avec la date de cette liste (28 ou 29 octobre probablement). La petite urne : on ne sait pas de quoi il s’agit. D’un médicament ? La même urne est mentionnée une fois encore plus loin (voir ci-dessous, p. 605). Manque un mot ?

30

600

De la Religion, I – Textes complémentaires

relire pr ma lettre à d’Eckstein le no. I de mes extraits de Staudlin hist. de la morale1.

placer dans le [chap.] caractère des Dieux du Pol. Sac. l’idée que par des enchantemens on peut leur faire violence. v. dans Reinhard2 les cit. de Diod. II. & d’Eusèbe, præp. ev. IV.1 V.10

5

courses. 30 8bre Doxat rue N. D. des victoires. Contameau rue de tournon no. 16. Stapfer rue de Nemours. 8. 10

fo 72ro

Le ch. Lisan 9 du Caluapuran n’est pas tiré des Vèdes mais des Pouranas comme le titre le prouve.

relire pr ma lettre à d’Eckstein les nos 17 & 18 de mes extraits de Schlegel3

4 le [chap.] caractère des Dieux ] la [chap.] conjecture, trou dans le papier 〈deux ou trois mots illis.〉 caractère des Dieux ces trois derniers mots dans l’interl. sup. 6 Eusèbe ... 10 ] perte d’une partie du texte, lecture incertaine 8 Doxat ] lecture hypothétique 11–12 Le ch. ... prouve. ] note sur un papillon collé dans le cahier avec de la cire 1

2

3

BC renvoie à une «Suite d’idées pour les Hébreux» (BCU, Co 3293) qui est de lui-même. Elle esquisse une des idées fondamentales de son ouvrage, à savoir l’évolution graduelle de la religion à partir du fétichisme. Nous supposons qu’il l’a rédigée en lisant C. F. Stäudlin, Geschichte der philosophischen, ebräischen und christlichen Moral im Grundrisse, Hannover : Hahn, 1806. BC renvoie ici à ses extraits, ou plutôt copie une note de ses extraits de l’ouvrage de P. C. Reinhard, Abriß, sans doute pour pouvoir utiliser dans son ouvrage les citations de sources anciennes qu’il a trouvé utile d’exploiter. L’ouvrage de Reinhard figure dans la bibliothèque de BC ; voir le Catalogue. Les citations en cause sont à choisir dans Diodore de Sicile, Histoire universelle, et Eusèbe, Præparatio evangelica. BC se pose des questions qui touchent aux principes de ses recherches : «Expliquer l’idée de Dieu et de l’immortalité par les simples progrès de l’esprit humain, n’est-ce pas une pétition de principes ? mais si l’on suppose l’existence de Dieu et le monde sorti de ses mains, ne doit on pas admettre qu’en le créant, il s’est révélé à l’homme ? qu’il ait mis dans son cœur le sentiment de son existence à lui Dieu, n’est-ce pas une révélation, et une révélation surnaturelle, car c’est mettre dans le cœur de l’homme un sentiment que les causes naturelles n’y auroient pas fait naître ? Ce n’est pas une contradiction que de dire ceci et pourtant d’être parti de l’état sauvage pour trouver l’origine des idées religieuses[.] nous n’avons pas doné l’état sauvage pour l’état primitif, mais pour un état dans lequel

Carnet de notes – octobre 1826

601

relire dans Creutz le[s] 2 passages, nach dieser meiner Vorstellung – altester Priesterlehre. II. 155. & Das alte Morgenland – aufs neue wieder. ib. 1571

dans ma lettre à d’Ecks[te]in Extraits de Creutz. 280–2812 5

1

2

l’homme était tombé» (extrait no 17). «peut-être faudroit-il changer quelque chose au commencement de mon ouvrage. dire 1o que nous ne cherchons pas à découvrir l’origine de la religion, mais ses progrès, à partir de son état le plus grossier. 2o que peut-être il y a un intervalle immense entre l’home sauvage, sans aucune religion, tel que nous pouvons l’imaginer car nous ne le trouvons nullement ainsi dans l’histoire ou sur le globe, et l’homme sauvage ayant la première étincelle du sentiment religieux, sous sa forme la plus grossière, le fétichisme. 3o que nous essayons ailleurs de découvrir comment l’home a franchi ce pas. 4o ici nous le prenons l’aiant franchi, et nous le suivons depuis ce pas fait, jusqu’à tous les autres» (extrait no 18). BCU, Co 3293. BC copie deux extraits de F. Creuzer, Symbolik (BCU, Co 3293, nos 248 et 249). Ces passages ont été employés en 1826. Le premier passage indiqué (t. II, 155, 2e éd. t. II, 166) dit ceci : «Nach dieser meiner Vorstellung der Apollinischen Religionen betrachte ich nun auch die ganze Dogmenreihe der Philosophen und anderer Schriftsteller nach Homerus von Pherecydes und Heracleitos an bis zum Kaiser Julianus und noch weiter herab, nicht als neue Vereinigungsversuche, um die Ideen Apollon, Artemis und Sonne und Mond in Einklang zu bringen, sondern als wirkliche Wiederherstellung ältester Priesterlehre». (Ma conception de la religion apolinienne me fait considérer également cette longue série de dogmes, formulés par les philosophes et d’autres écrivains après Homère et depuis Pherecydes, Heracleitos jusqu’à l’empereur Julien et d’autres encore après eux, non comme de nouvelles tentatives de concilier les idées d’Apollon, d’Artémis, du Soleil et de la Lune, mais comme une véritable restauration des anciennes doctrines des prêtres.) L’autre passage (t. II, 157, 2e éd. t. II, 167) affirme : «Das alte Morgenland und Ägypten lösete, im religiösen Denken, von Einer Hauptgottheit verschiedene Eigenschaften los, personificirte sie bald besonders und gab ihnen als eigenen Göttern ihre eigenen Mythen, bald legte es das Abgesonderte wieder in das Grundwesen zurück und vereinigte was zuvor als getrennt betrachtet war, aufs Neue wieder». (Le vieux Levant et l’E´gypte ont détaché d’une divinité principale des attributs divers, soit pour les personnifier séparément et attribuer à ces nouveaux dieux leurs propres mythes, soit pour les rattacher à nouveau à la divinité première, restituant ainsi ce qui était considéré auparavant comme distinct.) BC utilise pour ce renvoi la numérotation des extraits de ses dossiers (BCU, Co 3293). Les deux extraits cités ici appartiennent à une série plus importante qui résume une partie du t. II de la Symbolik et parle du culte mithriaque (symbole du taureau ; épreuves d’initiation ; baptême, etc.).

602

De la Religion, I – Textes complémentaires

avoir s’il est possible – Heyne de auctoribus formarum1.

à relire dans Creutzer. II. 381–382, Zeus dans le systême des Prêt[r]es2. Idées de Creutzer, en général, sur la religion Etrusque. II. 491–4933. 139

fo 72vo

5

* Ecoles orphiques. Cr. III. 158. plusieurs systêmes orphiques. ib. 161. correspondant au Culte de Wichnou. ib. 1654.

Canne5 trouve dans Orphée l’anesse de Balaam. (lettre à d’Eckst.) Cr. III. 2266.

pr ma lettre à d’Eckstein extr. de Creutz. 6587.

4 Idées ... 493. ] note sur un papillon collé dans le cahier avec de la cire ; au v o de ce bout de papier à M. Lafitte. 95500 / – Clavier. 12000 – / Gaudart 24000 – et quelques mots illis., parce que cachés par la cire 1

2 3 4

5

6

7

Christian Gottlob Heyne, «De auctoribus formarum quibus dii in priscæ artis operibus efficti sunt», Commentationes Societatis Regiæ Scientiarum Gottingensis, t. VIII, 1787, pp. XVI-XXX. BC renvoie à des notes de la Symbolik, dans la 2e éd., pp. 483–497. BC copie la note de ses extraits de F. Creuzer, Symbolik (BCU, Co 3293, no 480). Voir Symbolik, à l’endroit indiqué, et la 2e éd., pp. 836–843. L’expression «écoles orphiques» est empruntée à Creuzer. Aux endroits indiqués ici, Creuzer parle longuement du mythe orphique. BC copie ou résume trois notes des extraits de F. Creuzer, Symbolik (BCU, Co 3293, nos 557, 558 et 562). La dernière est plus développée : «Creutzer écrit que la doctrine orphique, qui était primitivement le Culte d’Apollon (astrolatrie, dogme sacerdotal) correspond à la 3e periode de la Religion Indienne, au Culte de Wichnou. à relire.» Ces notes ont été employées en 1826. Il s’agit de Johann Arnold Kanne (1773–1824), auteur de Neue Darstellung der Mythologie der Griechen und Römer, Leipzig : Breitkopf und Härtel, 1805 (il n’existe que la première partie : Mythologie der Griechen, Erster Theil). BC possède cet ouvrage (voir le Catalogue). BC copie son extrait de F. Creuzer, Symbolik (BCU, Co 3293, no 592), mais précise ici l’emploi qu’il compte en faire. La note des extraits sera employée en 1826. Le passage indiqué de la Symbolik (pp. 225–226) résume la théorie de Kanne. Se rapporte à F. Creuzer, Symbolik, t. III, p. 376 : «Plaintes des Pères de l’Eglise sur leur indécence» (BCU, Co 3293). Creuzer y cite Clément d’Alexandrie.

10

603

Carnet de notes – octobre 1826

Il faudra peut-être retrancher mes ch. du liv. 6. sur le Théisme des Indiens, des Perses, des peuples du nord & des Hebreux, faire un ch. sur la composition du Polythéisme Sacerdotal dans l’Inde après celui sur id. en Egypte, placer ce qui a trait aux Perses dans le ch. sur la suprematie d’un Dieu sur les autres. Liv. 9. retrancher le ch. sur les peuples du nord qui est faible, & résumer ce qui se rapporte aux Hebreux pour une 2de édition du 2d vol.

Livres rituels sur les mystères Cr.

5

IV. 81. 10

v. pr d’Eckstein Görres sur tous les prophêtes de bonne foi.

fo 73ro

Ordre définitif de travail pour le 3e volume – 1. classer le livre verd. 23 8bre – 21 gagné 2. – violet. 26 – 22 – 3. – repertory. 31 – 27 – 10. perdu 4. – extraits de Gottingue. 8 9bre – 5. – 45 vol. de la copie bleue. 17 – 25. perdu 6. – notes dans les sacs. 20 – 7. – papiers epars. 25 – 8. reste des matériaux 29 – 9. lire le Catholique3. 1er Déc. – 10 – Dubois 4. – 11 – Ottfried Mueller. 7 – 1

2

3

2 4 4 2 8

II

652–6532.

jours – – – – –

Cette note est identique à celle qui se trouve dans les extraits de Creuzer (BCU, Co 3293, no 748). Le passage cité de la Symbolik offre une énumération de livres rituels attestés ou connus. ` l’enBC renvoie ici au t. II de la Mythengeschichte, sous-titre´ Vorderasiatische Mythen. A droit indiqué, Görres écrit ceci : «Alle Religion hat mit Kinderunschuld angefangen, fern von Lug und Trug abgewendet ; wenn der Betrug gekommen, war sie längst von hinnen schon gegangen. Keiner jener alten ehrwürdigen Weisen und Propheten war Betrüger, sie waren Priester im edelsten Sinn des Wortes, Pfaffen sind immer zuletzt als Ungeziefer aus irdischer Verwesung erst hervorgekrochen.» (Toute religion a débuté dans une innocence enfantine, loin du mensonge et de l’escroquerie. Lorsque la supercherie s’est installée, elle avait déjà disparu. Aucun de ces anciens et vénérables mages et prophètes n’était un escroc, c’étaient des prêtres au sens le plus noble du terme. Mais la prêtraille est sortie seulement la dernière, comme les parasites de la putréfaction.) Pour le sérieux avec lequel BC s’occupe du Catholique, voir ci-dessus, p. 604, n. 2. Les numéros qu’il a pu recevoir entre-temps traitent des mêmes sujets que ceux dont nous avons parlé dans cette note.

15

20

604

De la Religion, I – Textes complémentaires

12 – Hug1 – 10 – 13. revoir la redaction. 3. – 14. relire le livre rouge. 4 Janvr – 15. donner à l’impression. 8 – 16. reconsulter les livres de ma bibliothèque, pendant l’impression qui durera jusqu’au 2 fevr. – 17. Corrections 17 – 18 Mise en vente 1er Mars. –

5

10

Le Judaïsme applique à la morale tous les événemens le déluge, la chute, &ca que les mythologies Sacerdotales appliquent à la cosmogonie. Görres. II. 6312. 15

Distribution du 3e vol. 1o. Composition du Polythéisme Sacerdotal. 2o. Polythéisme Homérique. 3o. Destinée & autre vie.

fo 73vo

4o. Dogmes particuliers au Polythéisme Sacerdotal. 5o. Principe fondamental de ce polythéisme. o 6 . Mystères Grecs. 7o. Epopées Homeriques.

* à faire demain 5 Nov. 1o. chercher la note de Sismondi3 & faire prendre le volume chez Gallois4. 2o. envoyer chez Lafayette. 3o. écrire un mot à Cazin. 1

2

3 4

BC renvoie à Johann Leonard Hug, Untersuchungen über den Mythos der berühmtern Völker der alten Welt, vorzüglich der Griechen, [...] von J. L. Hug, Freiburg und Konstanz : Herder, 1812. Résume avec force une observation de Görres qui fait à l’endroit indiqué la distinction entre l’interprétation morale de la chute et de la tour de Babel par la tradition des livres mosaïques et l’interprétation cosmogonique dans les traditions de la Perse ou du Japon. Il s’agit probablement de l’extrait relatif a` saint Dominique retranscrit ci-dessous (voir p. 605, le texte et la n. 1). Gallois : non identifié. Peut-être un libraire, si ce n’est le tribun et traducteur de Filangieri Jean-Antoine Gauvin, dit Gallois, auquel BC s’adresse pour avoir l’ouvrage de son ami. Histoire des républiques italiennes du Moyen-Aˆge, paru d’abord en 16 vol. chez différents éditeurs à Zurich et Paris entre 1807 et 1818. Une troisième édition venait de paraître, également en 16 vol., à Paris, chez Treuttel et Würtz, 1825–1826.

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25

Carnet de notes – novembre 1826

605

4o. 5o. 6o. 7o.

mettre en place les extraits non encore placés de Creutzer. prendre avec moi les 45 livres bleus & le Catholique. plus mon manuscrit de travail habituel. remettre en ordre tous les matériaux de mon ouvrage dans les cartons auxquels il appartiennent. o 8 . mettre en ordre mes papiers d’affaires courantes. 9o. emporter les extraits non encore classés, Görres, Mayer, Heeren sur les Grecs & Wagner. 10o. Prendre la petite Urne de Rosalie.

5

10

fo 74ro

fo 74vo

St Dominique traversoit seul un pays habité par [l]es hérétiques, & où il avoit déjà répandu beaucoup de sang. Tout à coup les Sectaires l’entourent & se jettent sur lui. N’as-tu donc point [peu]r de la mort, lui dirent-ils ? Que feras-tu [si no]us nous saisissons de toi ? Alors, l’athlète de Christ, enflammé d’ardeur pour le martyre, leur répondit, c’est le récit de Béat Jordan, son compagnon qui a écrit sa vie ; al[or]s, je vous prierais de ne poin[t ter]miner [m]on supplice par une mort prompte, [de n]e p[oin]t m’achever immédiateme[n]t sous [v]os coups, mais peu à peu & succesi[vem]ent, de mutiler chacun de mes membres & de les montrer à mes yeux ; Je vous prierais encore d’arracher [m]es yeux de leur orbite, & de permettre qu’alors mon corps ainsi tronqué, se roulât dans son sang, jusqu’à ce que le moment vînt ou il vous plairait de me tuer. Vita S. [Do]minici à B. Jordano. I. 8. Raynald. ao. 1209. §. 3. p. 132. Vit. Pap. Bern. Guidon ap. Script rer. Ital. 482. Petr. Valliserniens. hist. Albig. dans Duchesne T. V. 598. Telle étoit la religion de S. Dominique. Il croï[oit] que la souffrance des créatures étoit le culte que desiroit la Divinité. Sism. hist des rep. It. du moyen age. II. 344–3451.

1

BC copie le passage sur saint Dominique dans le chapitre XIII, «Le pontificat d’Innocent III», de l’Histoire des républiques italiennes du Moyen-Aˆge, de Simonde de Sismondi, parue à Zürich, chez Gessner, en 1807 et à Paris, chez Treuttel et Würtz, en 1809. La citation est conforme, quelques détails insignifiants exceptés. Les sources indiquées par Sismondi en plusieurs notes ont été intégrées en abrégé par BC dans la citation, d’où la fausse impression de désordre. Il s’agit des ouvrages suivants : Vita S. Dominici a` Beato Jordani, L. I, c. 8. Odorico Raynald (Rinaldi), Annales ecclesiastici ad annum 1209, § 3, p. 152. Bernardo Guidoni, «Vita Innocenti Papæ III», Rerum Italicarum Scriptores, t. III, p. 482. «Petri Monœci Vallium Cernaii seu Vallisernensis historia Albigensium», dans An– dré Duchesne, Historiæ Francorum Scriptores, Lutetiæ Parisiorum : sumptibus Sebastiani Cramoisy et Gabrielis Cramoisy, 1649, t. V, c. 52, p. 598.

15

20

25

606

De la Religion, I – Textes complémentaires

* Dépense1 depuis [Par]is le [5 9]bre 1826 f 6 9bre Auberge à Ozouer 7 – à ma femme pension de 2 semaines à la même, meubles du sallon, en tout 500 fr 12. à la blanchisseuse 14. à Byron a compte 15. à ma femme pension 18. à un pauvre 20. à Louïs [solde y compris] 16 frs 16 fr. pr [moutarde] 20. à ma fe[mme] (l’autre a Lise) 21. à Ozouer 22. à Lise Voitures

fo 75ro

ϕ 9 30 100 50 5. 30 50 2

1–17 Dépense ... Voitures ] perte de texte, une déchirure a emporté le coin droit, en bas de la feuille ; nous n’avons pu que partiellement rétablir les mots perdus 21 Guiz. tr. ] lecture hypothétique ; suivent trois ou quatre mots illis. ; une autre lecture possible serait Guid. tr. [...]

2 3

4

10

35

* Φ Φ Φ2 conformités des religions Sacerdotales3. Görres. Pref. XXVIIXXVIII. I. 50. Guiz. tr. [...] Görr. II 436. 442. 546. 603. 607. 609. 638–641. Mayer Myth. Lex. art. Dschaeschik. id. Art. Dschakdscha-muni. vr. dans les xtr. de Mayer. le no 1514.

1

5

La note est incomplète à cause d’une déchirure. Pour retrouver les détails qui manquent ici, on se reportera au Livre des dépenses (OCBC, Œuvres, t. VII, pp. 484–485). C’est la suite de la note commencée au fo 68vo, voir ci-dessus, p. 594. BC se sert une fois de plus de ses extraits pour préparer des lectures ou des développements. Les renvois à Görres concernent l’«analogie des Mythes Indiens et Egyptiens» ou la «marche du peuple primitif dans ses migrations». Les sujets du t. II sont les mêmes (BCU, Co 3293). BC projette de formuler une hypothèse dont il trouve des éléments importants chez J. Görres, Mythengeschichte der asiatischen Welt, dans un ouvrage non identifié et chez F. Majer, Allgemeines Mythologisches Lexicon, qu’il possède dans sa bibliothèque. BC consulte à la fois l’ouvrage de Majer et les extraits qu’il en a pris. L’extrait dont il est question ici parle des rapprochements entre la religion scandinave et celle de Zoroastre : «Les trois

15

20

Carnet de notes – novembre 1826

607

Ordre de travail de demain 18. 1o. rediger les notes prises sur les Cosmogonies. 2o. feuilleter Mos1, Mallet2 & le Parallele des religions. 3o. les fragmens roules 4o. les fragmens dans les sacs epars & 1ers livres.

5

143

fo 75vo

la religion de Zoroastre est un lien entre l’Orient & l’Occident. très bien caractérisée par Görres Der persische Zoroaster – Seine gymnastik gesetzt. Görres I. 323–3243. voir les extraits de Sarcontala dans l’Art. Bramines. May. M. L. rendre justice à la douceur des mœurs Indiennes4.

3 Mos, ] lecture incertaine

1 2

3 4

premiers principes de la mythologie Scandinave ont assez de rapport avec le systême de Zoroastre. Grimung Gayap l’espace vide et sans bornes ressemble à Zervan. Akérène, le tems sans bornes. Nifleim, le froid et les tenebres, Muspelheim la lumière et la chaleur, rappellent Animane et romaze, ensuite les deux Mythologies se séparent. les Dieux ne sont pas, selon l’Edda dans le Muspelheim dont les habitans vienent au contraire detruire les Dieux et le Monde. Nifleim est pourtant une espece de Cartare, assez semblable au Royaume d’Asimae. ces premieres ressemblances indiquent peutêtre une origine comune avec des modifications postérieures dissemblables.» BC ajoute dans la marge : «empl. 1827». Cette note n’est pas littéralement entrée dans le livre sur la religion scandinave (De la Religion, t. V). Voir pourtant p. 133, n. 1 de ce volume. Quant aux deux articles de Majer, le premier (t. I, pp. 518–529) raconte la légende du dieu Dschaeschik, protecteur de l’humanité, adversaire des mauvais esprits, guide des âmes justes dans les demeures heureuses qui leur sont destinées, qui libère les âmes pénitentes du purgatoire et reparaîtra à la fin de l’univers pour rassembler toutes les âmes autour de sa personne. Le second article (t. I, pp. 529–547) contient des informations sur le grand maître de l’humanité Dschakdschamuni, émanation d’un dieu parmi les hommes, se préparant pour la propagation de sa doctrine dans la solitude avant de commencer son œuvre de conversion. On lui attribue une doctrine morale sous la forme de dix commandements. Si notre lecture est exacte, il s’agit probablement d’une abréviation pour Mosheim. Voir cidessus, p. 457, n. 4. Voir Paul-Henri Mallet, Introduction à l’histoire du Dannemarc, où l’on traite de la religion, des lois, des mœurs et des usages des anciens Danois, par Mr Mallet, Copenhague : imp. des héritiers Berling, 1755. J. Görres, Mythengeschichte der asiatischen Welt, t. I. Le passage indiqué par BC comprend les dernières phrases de la conclusion du premier tome. BC reprend presque littéralement ce qu’il avait noté dans ses extraits de F. Majer, Allgemeines Mythologisches Lexicon. Voir BCU, Co 3293, extraits de Majer, nos 55 et 56. Il pense à l’article «Brahmanen oder Brahminen» (t. I, pp. 283–312, en particulier aux extraits de Sarkontala, pp. 287–300). Voir ci-dessus, p. 497, où il parle du même article.

10

608

De la Religion, I – Textes complémentaires

Singulière idée Indienne. les Dieux quand ils se sont incarnés, ne le savent pas toujours eux mêmes. Wichnou, incarné comme Balarumen, ne se doutait pas qu’il fut sa propre incarnation. Bagavadam1.

revoir aussi ce qui est écrit sur les sacrifices humains au mexique les nos 170, 171, 172, 173 de [Ma]yer. & 1882.

5

à relire le ch. sur le culte symbolique de l’antiquité, le dernier du 8e liv. de la cop. bleue 4o. (après la rédaction) 10

fo 76ro

peut-être faudra-t-il mettre les ch. du Dieu médiateur & rédempteur, des Dieux mourans & [d]es Dieux nés d’une Vierge après ce[lu]i de la Sainteté de la douleur parce que ces dogmes sont le résultat de plusieures notions Sacerdotales qui auront été expliquées dans ce qui aura précédé 15

Prêtres prenant le Costume de leurs Dieux. Prêtres Etrusques armés de flambeaux & de serpens, come on representoit les furies. Tit. Liv. VII. II

Il faut ajouter après le chap. de la Sainteté de la douleur ou après celui des Dieux médiateurs & rédempteurs, des Dieux mourans & des Dieux nés d’une Vierge un chap. intitulé : que la demonstration la pl[us] évidente de la différence des 2 cultes se trouve dans la composition de la religion Romaine, & réunir là tout ce qui a trai[t] à la fusion du culte Etrusque & du culte grec à Rome, y compris le morceau des gladiateurs. –

20

25

16 Prêtres ... Liv. VII. II ] note écrite sur un papillon collé avec de la cire

1 2

Texte déjà copié ci-dessus, p. 586. BC se reporte une nouvelle fois à ses extraits de Majer, qui ont peut-être pour source, cette fois-ci, le Mythologisches Taschenbuch, t. II, où se trouve une étude intitulée «Die Religion der Mexikaner» (pp. 51–288) et plus particulièrement au chapitre 5, «Von den religiösen Gebräuchen» (pp. 203–228), qui propose un tableau détaillé des sacrifices humains chez les Mexicains. Les extraits dont il est question ici résument des détails de ces sacrifices mais renvoient à une autre source non identifiée.

Carnet de notes – novembre 1826 fo 76vo

609

Lorsque nous serons à la rédaction du dernier ch. du livre 10, il faudra relire très rapidement les livres bleus pour y retrouver ce que j’aurois omis dans la nouvelle copie sur le Polythéisme Romain.

me procurer Mallet, hist du Dan. pr le Théisme des peuples du nord

une note quand je parlerai des Scandinaves come d’un peuple Sacerdotal, portant que je cite les Scandinaves bien qu’ils n’ayent pas toujours été soumis aux prêtres, parce qu’après la revolution qui les a mis sous ce joug, leurs traditions antérieures & leurs notions sur le caractère des Dieux &ca se sont conservées.

o

f 77r

o

Idée à insérer. la pureté attachée aux plaisirs de l’amour n’est pas une invention Sacerdotale. mais après en avoir profité le Sacerdoce a pu y voir un moyen d’avoir une armée d’autant plus devouée que le Célibat l’isoloit de la société.

il faudra, en traitant de la doctrine secrette des prêtres, reprendre dans le livre sur les Scandinaves, leur Cosmogonie. consulter aussi le livre 26 sur l’allégorie & les ch. sur les allégories Sacerdotales, où il peut y avoir des choses à repr[e]ndre pour la doctrine secrète

20 9bre. à faire à paris. 1o. Aumont. 2o. Encelain. 3o. chez moi pour Destournelles. 4o. Mallets. 5o. Perrier. 6o. Guizot. 7o. Jouy. 8o. Guigniaud. 9o. Mallet Danemarc 10o. Impositions

5

10

15

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25

* 27 9bre. 1o. Impositions. A. quai des Augustins no. 55. B. Rue des 2 Ecus no 36. 2o. Mallets. 3o. Laffitte. 30

15 invention ] 〈idée〉 invention ce mot dans l’interl. sup.

610

De la Religion, I – Textes complémentaires

2 Janvier Ternaux. Lamberdiere. Martignac Montebello Ferron Laberge Colchen

fo 77vo

* 6 1 1 1 2

Paquets pris avec moi de la Grange le 24 9bre 1826 : Paquets de papiers – de toilette & canifs &ca – de moutarde – de linge – de livres –

5

10

pr ma lettre à d’Eckstein Sac, intitulé modifications du Théisme1. verso.

fo 78ro

Ordre de travail. 26. 9bre. 1826 1o. Classer entre les 7 Livres les Papiers non encore revus. 2o. faire la Rédaction du 6e Livre 3o. insérer dans la Rédaction ainsi faite les additions nouvelles tirées des papiers non revus. 4o. id. du 7 Livre & des Suivans. 5o. Achever la lecture de Dubois, Mallet, d’Eckstein, & Otfried Müller. 6o. quand 200 p. d[e] ré[d]action faites doner à l’impression en placards / société de géographie à l’[hô]tel de ville –

15

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* Encelain [...] Bechet L[...] Guizot 25 bre

30 9 1826. [Pa]qu[ets] pour la Grange 2 [de pa]pi[er] 2 livres 2 [de] livres

1 Martignac ] lecture incertaine 8 linge ] à la fin de la même ligne, séparés du reste par une espace, deux mots biffés, illis. 21 société ... ville ] phrase biffée 23 Encelain ] suivent 4 ou 5 mots biffés, illis. 24 Bechet ] suit un nom biffé, illis.

1

BC semble renvoyer ici à un dossier (peut-être encore à trier) que nous ne pouvons identifier. Il contient des notes relatives à l’évolution du théisme.

Carnet de notes – décembre 1826

611

1 de [t]oilette 1 de l[i]nge les p[an]touffles.

avoir des [M]allets la quittance de Bidault1

5

depensé2 30 9bre Ozouer 10,50 ma fem[m]e 46 pension 45 blanchisseuse 5 Pommes 10 6 à Byron dt il ctra 100 à ma femme pr meubles 30 à la poste a Rosoy. 28,90 aux gens de la Grange 60 auberge à Ozouer. 23,40 7. poste 1 8. femme 25 9. Guinand3 150

fo 78vo

* Paquets pr Paris le 6 Xbre 3 de papiers 2 de livres 4 de toilette &ca pistolet bouteilles

10

15

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25

30

Tracy – Callets – Aumont rue St Denis no 33. – Guigniaud – fa[u]riel4

1 2 3 4

Il s’agit probablement du menuisier Bidault dont il est question à plusieurs reprises dans le Livre des dépenses. Notes reportées dans le Livre des dépenses (OCBC, Œuvres, t. VII, pp. 485–486). Ce même Guinand est déjà mentionné à la date du 27 septembre 1824 (ci-dessus, p. 448). ˆ ge, en particulier de la Claude Fauriel (1772–1844), spécialiste de la littérature du Moyen A littérature provençale, grand ami de BC.

612

De la Religion, I – Textes complémentaires

Ceintures anti-rhumatismales, Angar1, boulevd des Italiens, no [...]

29 Déc. à écrire à Perrier à Juliette – 1er Janvier. deux choses à faire pour le ch. Egyptien, consulter Vogel à l’endroit cité, retrouver une note qui est à la fin de l’ancien ch.

2 Jvr. ordre de travail. achever l’Inde le dernier chap. Pendant l’impression en placards relire 1o, les 6 ch. y ajouter ce qui doit y être ajouté. 2o. relire les 2 1ers vol. de peur des doubles emplois. 3o. faire les 1ers chap. du livre 7.

5

10

Reprendre à la Séance du 30 Mars 18202

fo 79ro

Lettres à écrire Courrier + Dupont3. Pinard4. + Constant5. Recamier. Bertin de Vaux. + Broglie. Talleyrand. Tissot. + Caquelard. Ponteuil. Petou6. 1 Angar ] lecture incertaine ; le numéro de la maison est fortement caviardé Juliette ] texte biffé 1 2

3 4 5 6

15

20

25

3 29 ...

Non identifié. BC se propose de continuer la lecture de papiers relatifs au travail de la Chambre avec le compte rendu de la séance du 20 mars 1820. BC y avait fait un rapport sur l’amendement du règlement du mode de scrutin. Il travaille à l’édition de ses discours. Il s’agit de l’éditeur Ambroise Dupont, qui publiera, en 1828, ensemble avec J. Pinard, les Discours de BC. BC écrit à J. Pinard pour entamer des négociations relatives à l’édition de ses discours. Peut-être Auguste Constant d’Hermenches. Le député royaliste (Seine-Inférieure) Georges-Paul Petou (1772–1828).

Carnet de notes – mars 1827

613

Hyde de Neuville1. + Orléans. Laffitte. + Ternaux. + Coudon. + Archusa[...]2. Murphy. Coulman. Ponteuil pr savoir le nom du souscripteur qui vouloit 30 exemplaires aux Mallets Reglement pourvu avec Dupont – Bedoch3 pr Casimir Perrier écrire foi – Mallets – Billot

fo 79vo

* XV. XI. I. XIII. X. XI. XI. VI. XVII. V. XIX. XIV. XX. XVII. XIII. V. I. XV. I. VII. IX. XVIII. XI. XIX. XVII. IX. XXV. V. XI. V. XVII. XX. IX. XIII. XXVV. V. IX. V. XXI. I. IX. XVIII. III. VIII. V. XXVI. XV. V. XVII. XVII. IX. V. XVII. Corrigé en 1eres epreuves liv. 6. ch. 1. 2. 3. 4. en feuilles. 1. 2. 3. 4. 5. 6.

5

10

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* 15 mars 1827 affaires. 1. impositions. 2. Cuzon. 3. Hardenberg. 4. Séguin

* 4 mars 1827. Caquelard. Dupin. Pinard. d’Oille[...]ron

* Perrier – Pinard – Institut – impositions – rue des 2 ecus no 36 –

6 Archusa[...] ] lecture hypothétique 1

2 3

13 écrire ] lecture douteuse

Jean-Guillaume, baron Hyde de Neuville (1776–1857), homme politique et diplomate qui a passé une grande partie de sa vie aux États-Unis. De retour en France après 1814, il sera ministre de France en Amérique et député à la Chambre après 1822. Non identifié. Peut-être le député Pierre-Joseph Bedoch (1761–1837).

25

614

De la Religion, I – Textes complémentaires

* 25 juin – Perrier – Sebastani – Chambre – Institut – Pinard – Raoul –

24 juillet. Courses. 1o. Perrier 2o. à la maison. 3o. Duveau. 4o. Dupont. 5o. Orléans. 6o. Caquelard. 5

fo 80ro

M. Peysson1 avocat, rue St Anne no 63

* Sept paquets de mon ouvrage.

a faire demain 4 Aoust2 7 Viser mon passeport aux affs étres 5 le signer à la police 6 prendre l’argent chez les Mallets 1. Cazin à dix h. lui écrire pr demain 3 Béchet. 4 Institut. mes bandages 8 Ponteuil & la griffe. 2 Caquelard à 11 h.

10

15

20

64. 65. 66. 67.

Bellart3 sur Juin4 Bellart sur Juin salons dans le no. 241 Affaire Cuphignon Souscriptions pour mes discours.

1 Raoul ] lecture incertaine 1 2

3

4

23 Cuphignon ] lecture incertaine

Probablement Joseph Peysson, avocat et auteur de Barbarie et Civilisation, ou plaidoyer pour les Grecs, Paris : Librairie universelle, 1827, vendu au profit des Grecs. BC prépare un grand voyage qui le mènera en Alsace et aux eaux de Baden-Baden. Il passera aussi à Brevans, mais son intention d’aller à Lausanne ne se réalisera pas. La dissolution de la Chambre le forcera à regagner rapidement la capitale. Il s’agit probablement de Nicolas-François Bellart, un avocat qui a joué un rôle important au moment de la Première Restauration. Nous ignorons ce qui pousse BC à désigner deux dossiers de ses archives de son nom. L’ébauche de cet inventaire des archives de BC sera reprise dans le «Registre universel». Les dossiers mentionnés ici seront distribués autrement dans le classement de 1830.

Carnet de notes – août 1827 fo 80vo

v. 103

v. 150 v. 99.

615

68 impositions de 1827 69 comptes domestiques depuis 1827 70 Quittances de 1827 71 Brevans 1827 72 Lettres & pièces à conserver 73. fragmens littéraires 74. fragmens littéraires 75. fragmens littéraires 76. fragmens littéraires 77. Stael. 78. Stael. 79. Stael. bis79 Stael 80. Stael. 81. Stael. 82. Stael. 83. impositions de 1826 84. quittances de 1826 à conserver 85. Réclamations de [...] 86. Anciens titres de la maison rue d’anjou. 87. Isambert1 & choses relatives. 88. Comptes courans non payés. 89. paiemens faits par Isabey rue Saint Denis 90. Inscriptions hypothécaires 91. anciennes affaires en suisse 92. comptes non payés des ouvriers de ma maison rue d’Anjou

23 Isabey ] lecture incertaine

1

François-André Isambert (1792–1857), avocat au Conseil d’E´tat et principal signataire de la consultation sur la nationalité de BC présentée à la Chambre en 1824. Le dossier classé sous ce numéro concerne probablement cette question.

5

10

15

20

25

Ordre de travail pour demain après février 1825

Introduction

Cette fiche est le seul vestige d’un travail de rédaction préparé à partir du Carnet de notes. Elle reprend, le plus souvent mot pour mot, parfois avec de légères variations, neuf entrées de ce Carnet, datables entre octobre 1824 et février 1825. Le terminus post quem ainsi établi et mis en rapport avec le fait qu’une partie de ces notes pourrait concerner le tome II de De la Religion permet d’attribuer cette feuille à l’année 1825. Nous voyons comment Constant travaille. Il reprend les anciennes notices de son Carnet qui semblent être le résultat d’un travail de restructuration de textes déjà existants, et les utilise au fur et à mesure des progrès de la nouvelle rédaction qu’il prépare. Notons au passage que les volumineux dossiers de ses notes de lecture, dont nous savons qu’il les a consultés constamment, apparaissent dans cette notice comme des sources à relire, à extraire et à classer en fonction de la nouvelle structure des textes. Nous apprenons aussi qu’il complète ses lectures, dans un souci d’actualisation sans doute. Les titres cités d’ouvrages de Champollion Jeune en sont la preuve. Aucun de ces titres n’est répertorié dans les catalogues de sa bibliothèque. Nous savons pourtant qu’il les a utilisés. Il est difficile de dire si le texte est complet. Le numéro d’ordre attribué à la première entrée pourrait suggérer que d’autres encore étaient prévues. Mais n’insistons pas trop sur cette hypothèse. La feuille a été conservée seulement parce que Constant l’a récupérée pour utiliser le verso resté blanc lors de la rédaction de l’index d’un autre ouvrage. Il a divisé la feuille en deux colonnes en la pliant dans le sens de la longueur. Elle devait recevoir des entrées à classer sous la lettre «D» mais ne contient aucune phrase.

Établissement du texte Manuscrit : Ordre de travail pour demain. BCU, Co 3485. 1 fo, 1 p. a., 205 × 160 mm. Le recto porte, en haut, deux fois la lettre «D», au milieu des deux colonnes obtenues en pliant la feuille dans le sens de la longueur.

620

De la Religion, I – Textes complémentaires

Date : après février 1825. De nombreux recoupements avec des entrées du Carnet de notes. Hofmann, Catalogue, IV/105. K. K.

621

Ordre de travail pour demain

fo 1ro

Ordre de travail pour demain 1o Chercher dans les extraits de Wagner & de Mayer, dans Herder, Heeren, & Guigniaud, ce qui a rapport à la beaute du climat de l’Inde & à la pureté de la religion de Zoroastre. relire, extraire & classer1. Lutte des guerriers & des Bramines dans une incarnation de Wichnou. Guign. p. 1882[.] Création des Castes. Guign. p. 1253. Lettre de Champollion jeune Moniteur après le 30 8bre après le 6 9bre4. Les Prêtres Egyptiens portaient un Sceptre come les Rois. Diod. IV5[.] manière dont les Prêtres, dans les religions sacerdotales s’attribuent la destruction des bêtes féroces, aussi bien que l’établissement de l’ordre social. Un monstre, nommé Volta devastoit le territoire de Volsinium. les Pretres Etrusques firent descendre du Ciel un eclair qui le tua. Pl., H. N. II. 53–546. dans le midi les femmes exclues du sacerdoce dans le nord les femmes des prêtres partageant les fonctions de leurs maris. Pell. hist. d. Celt. V 3067. v. Filangieri II, 3388. Lettre a M Dacier par Champollion jeune Didot9[.] Établissement du texte : Manuscrit : Ordre de travail pour demain, BCU, Co 3485. 1

2 3 4 5 6 7 8 9

Notice synthétique. Tous les noms cités et tous les faits mentionnés dans cette phrase sont mentionnés dans le Carnet de notes, mais à différents endroits, repérables à l’aide de l’Index des noms de personnes. Voir ci-dessus, p. 511. Voir ci-dessus, p. 508. Voir ci-dessus, pp. 500–501. Voir ci-dessus, p. 496, n. 2. Voir ci-dessus, p. 481. Voir ci-dessus, p. 594. Voir ci-dessus, p. 469. Jean-François Champollion, Lettre à M. Dacier, secrétaire perpétuel de l’Académie Royale des Inscriptions et Belles-Lettres, relative à l’alphabet des hiéroglyphes phonétiques employés par les Égyptiens pour inscrire sur leurs monuments les titres, les noms et les surnoms des souverains grecs et romains, Paris : Firmin Didot père et fils, 1822. Ce titre n’est pas mentionné dans le Carnet de notes.

5

10

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De la Religion, I – Textes complémentaires

Précis du système hiéroglyphique des Egyptiens par le même Treuttel & Wurz. Panthéon Egyptien par le même. Didot1.

1 Précis ... Wurz. ] biffé dans le ms.

1

BC veut consulter les ouvrages suivants : Jean-François Champollion, Précis du système hiéroglyphique des anciens Égyptiens, ou recherches sur les élémens premiers de cette écriture sacrée, sur leurs diverses combinaisons, et sur les rapports de ce système avec les autres méthodes graphiques égyptiennes, Paris : Treuttel et Würtz, 1824, 2 vol. Du même : Panthéon égyptien. Collection des personnages mythologiques de l’Ancienne Égypte d’après les monuments, Paris : Firmin Didot, 1823.

Instruments bibliographiques

Abréviations

ABC : Annales Benjamin Constant, 1, 1980 (se continue). ADB : Allgemeine Deutsche Biographie. Corr. Rosalie : Benjamin et Rosalie de CONSTANT, Correspondance, 1786– 1830, publiée avec une introduction et des notes par Alfred et Suzanne Roulin, Paris : Gallimard, 1955. Courtney, Bibliography : Cecil Patrick COURTNEY, A Bibliography of Editions of the Writings of Benjamin Constant to 1833, London : Modern Humanities Research Association, 1981. Courtney, Bibliogaphy, Supplement : Cecil Patrick COURTNEY, A Bibliography of Editions of the Writings of Benjamin Constant to 1833, A Supplement, second Edition revised, Cambridge : privatly printed, 1985. Courtney, Guide : Cecil Patrick COURTNEY, A Guide to the Published Works of Benjamin Constant, Oxford : Voltaire Foundation, 1980. Grand Robert : Le Grand Robert de la langue française, Paris : Dictionnaires Le Robert, 2001. Guigniaut, Religions de l’Antiquité : Friedrich CREUZER, Religions de l’Antiquité, considérées principalement dans leurs formes symboliques et mythologiques ; ouvrage traduit de l’allemand du Dr Frédéric Creuzer, refondu en partie, complété et développé par J. D. Guigniaut, ancien professeur d’histoire et maître de conférences à l’E´cole Normale, Membre de la Société asiatique de Paris, Paris : Treuttel et Würtz, t. I/1 et I/2, 1825. Harpaz, Recueil d’articles, 1820–1824 : Benjamin CONSTANT, Recueil d’articles, 1820–1824, introduction, notes et commentaire par Ephraïm Harpaz, Genève : Droz, 1981. Hofmann, Catalogue : Étienne HOFMANN, Catalogue raisonné de l’œuvre manuscrite de Benjamin Constant, établi à partir des originaux avec une préface, une introduction et des index, Genève : Slatkine, 1992. Hofmann, Genèse : E´tienne HOFMANN, Les «Principes de politique» de Benjamin Constant. La genèse d’une œuvre et l’évolution de la pensée de leur auteur (1789–1806), Genève : Droz, 1980, 2 vol. Hofmann, Supplément : Étienne HOFMANN, Supplément au Catalogue raisonné des œuvres manuscrites de Benjamin Constant. Consultable sur le site de l’Institut Benjamin Constant. Kloocke, Biographie : Kurt KLOOCKE, Benjamin Constant : une biographie intellectuelle, Genève : Droz, 1984.

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Instruments bibliographiques

Larousse du XIX e siècle : LAROUSSE, Pierre, Grand dictionnaire universel du XIX e siècle, Paris : Administration du grand dictionnaire universel, 1866–1890. NDB : Neue deutsche Biographie, hrsg. von der Historischen Kommission bei der Bayerischen Akademie der Wissenschaften, Berlin : Duncker und Humblot, 1953 (se continue). OCBC : Benjamin CONSTANT, Œuvres complètes, Tübingen : Max Niemeyer Verlag, puis Berlin : De Gruyter, 1993 (se continue). PG : Patrologiæ cursus completus : sive bibliotheca universalis, integra, omnium ss. patrum, doctorum, scriptorumque ecclesiasticorum, sive Latinorum, sive Græcorum [...] Series Græca : in qua prodeunt patres, doctores, scriptoresque ecclesiæ Græcæ a S. Barnaba ad Bessarione, Lutetiæ Parisiorum : Migne, 1857–1866, 165 vol. PL : Patrologiæ cursus completus sive bibliotheca universalis, integra, uniformis, commoda, oeconomica, omnium ss. patrum, doctorum scriptorum que ecclesiasticorum qui ab ævo apostolico ad usque Innocentii III tempora floruerunt [...] Series Latina : in qua prodeunt patres, doctores scriptoresque ecclesiæ Latinæ a Tertulliano ad Innocentium III, Lutetiæ Parisiorum : Migne, 1844–1865, 221 vol. TOB : Traduction œcuménique de la Bible, seconde édition, Paris : Alliance biblique universelle-Le Cerf, 1985.

Bibliographie

Sous les noms des auteurs, cités dans l’ordre alphabétique, les publications, volumes d’abord, articles de revues et contributions à des collectifs ensuite, sont classées dans l’ordre chronologique de leur parution ; les différentes éditions d’un même texte sont regroupées sous la première d’entre elles.

ADORNO, Francesco, «Brucker ed Hegel storici del pensiero antico», Atti e memorie dell’accademia toscana di scienze e lettere «La Colombaria», 31, 1966, pp. 251–281. Allgemeine deutsche Bibliothek, Berlin et Stettin : F. Nicolai, 1765–1796, 139 vol. ANDERSON, Rasmus Björn, Mythologie scandinave : légendes des Eddas, traduction de Jules Leclercq, préface de Pierre Bagnuls, Pont-Authou : les Éditions d’Héligoland, 2010. ANER, Karl, Die Theologie der Lessingzeit, Halle : Max Niemeyer, 1929. ANONYME, [C. r. de] Benjamin Constant, «De la Religion, tome I», L’E´toile, journal du soir, no 1529, 19 juin 1824, p. 4a-b, et no 1534, 24 juin 1824, p. 4a-b. – «Réponse à la lettre de M. Benjamin Constant», L’E´toile, journal du soir, no 1536, 26 juin 1824, pp. 3–4. – «Deuxième réponse à la lettre de M. Benjamin Constant», L’E´toile, journal du soir, no 1539, 29 juin 1824, p. 4. – «[Commentaire à la lettre de Benjamin Constant dans L’E´toile du 26 juin 1824]», Le Mémorial catholique, Paris : Pillet, 1824, «Appendice», pp. 85–90. – «[Réponse au commentaire du 3 juillet 1824 dans le Mémorial catholique]», L’E´toile, journal du soir, no 1581, 10 août 1824, pp. 3–4. ANTONINUS LIBERALIS, Antonini Liberalis Transformationum congeries, interprete G. Xylandro, cum Thom. Munckeri et Henr. Verheyk notis. Quibus suas adjecit Henricus Verheyk, Lugduni Batavorum : Luchtmans, 1774. APOLLONIOS DE RHODES, Argonautiques – ’Αργοναυτικα . APULE´ E, Le démon de Socrate – De deo Socratis. ARGENS, Jean-Baptiste de Boyer d’, Lettres juives, chinoises et cabalistiques (1738–1769).

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Instruments bibliographiques

AULU-GELLE, Les nuits attiques, texte établi et traduit par René Marache, Paris : Les Belles Lettres, 1967. AUSONIUS, Ausonius, with an English Translation by Hugh G. Evelyn White, Cambridge, Mass. et London : Harvard University Press et William Heinemann, 31985, 2 vol. – The Works of Ausonius, edited with Introduction and Commentary by R. P. H. Green, Oxford : Clarendon Press, 1991. BARTHE´ LEMY-SAINT-HILAIRE, Jules, M. Victor Cousin, sa vie et sa correspondance, Paris : F. Alcan, 1895, 3 vol. BARTHES, Roland, Mythologies, Paris : Seuil, 1957. BAYLE, Pierre, Œuvres diverses de M r Pierre Bayle, professeur en philosophie et en histoire, à Rotterdam, contenant tout ce que l’auteur a publié sur des matières de théologie, de philosophie, de critique, d’histoire, & de littérature, excepté son Dictionnaire historique et critique, tome troisième, seconde partie, La Haye : P. Husson, et al., 1727. – Dictionnaire historique et critique, Nouvelle édition, augmentée de notes extraites de Chaufepié, Joly, La Monnoie, Leduchat, L.-J. Leclerc, Prosper Marchand, etc., publiée par A-J.-Q., Paris : Desoer, 1820–1824, 16 vol. – «Apion», dans Dictionnaire historique et critique, Rotterdam : M. Bohm, t. I, 1720, pp. 260–261. BERR, Michel, Éloge de Benjamin-Constant, prononcé le 12 juin 1833, dans la chaire de l’Athénée royal de Paris, par Michel Berr, Paris : Treuttel et Würtz, 1836. BERTIER DE SAUVIGNY, Guillaume de, La Restauration, Paris : Flammarion, 1990 (Collection Champs, 237). Bible : Traduction œcuménique de la Bible, seconde édition, Paris : Alliance biblique universelle-Le Cerf, 1985. Bibliographie de la France, ou Journal général de l’imprimerie et de la librairie, Paris : Pillet, 1814–1971. Biographie universelle et portative des contemporains, ou Dictionnaire historique des hommes vivants et des hommes morts, depuis 1788 jusqu’à nos jours, publié sous la direction de MM. Rabbe, Vieilh de Boisjolin et Sainte-Preuve, Paris : F.-G. Levrault, 1834, 5 vol. BIOT, Jean-Baptiste, Recherches sur plusieurs points de l’astronomie égyptienne, appliquées aux monuments astronomiques trouvés en Égypte, Paris : F. Didot, 1823. BOSSMANN, Wilhelm, Reyse nach Guinea, oder ausführliche Beschreibung dasiger Gold-Gruben, Elephanten-Zähn und Sclaven-Handels, nebst derer Einwohner Sitten, Religion, Regiment, Kriegen, Heyrathen und Begräbnissen, auch allen hieselbst befindlichen Thieren, so bishero in Europa unbekannt gewesen. Im Französischen herausgegeben durch Wilhelm Boßmann, gewesener Rathsherr, Ober-Kauffmann, und Landes Unter-Commandeur von der Holländisch-Ost-Indischen Compagnie. Nun aber ins Hochteutsche übersetzet, und mit Kupffern gezieret, Hamburg : Samuel Heyl und Johann Gottfried Liebezeit, 1708.

Bibliographie

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BOSSUET, Jacques-Bénigne, Œuvres choisies de Bossuet, t. II : Politique tirée des propres paroles de l’E´criture Sainte, Paris : Hachette, 1892. BOULANGER, Nicolas-Antoine, L’Antiquité dévoilée par ses usages, ou Examen critique des principales opinions, cérémonies & institutions religieuses & politiques des différens peuples de la terre, Amsterdam : chez Marc Michel Rey, 1766, 3 vol. – Recherches sur l’origine du despotisme oriental et des superstitions, ouvrage posthume de M. B.I.D.P.E.C., s.l. : s.éd., 1775. – L’Antiquité dévoilée par ses usages, édition établie et annotée par Paul Sadrin, Paris : Les Belles Lettres, 1978, 2 vol. BORGEAUD, Philippe, Aux origines de l’histoire des religions, Paris : Seuil, 2004. BRAND, Adam, Relation du voyage de Mr. Evert Isbrand Envoyé de Sa Majesté Czarienne à l’Empereur de la Chine, en 1692, 93, & 94. Avec une Lettre de Monsieur ***, sur l’Etat Présent de la Moscovie, Amsterdam : chez Jean-Louis de Lorme, 1699. BRANTOˆ ME, Pierre de Bourdeille, seigneur de, Œuvres complètes de Pierre de Bourdeille, abbé et seigneur de Brantôme. Publiées pour la première fois selon le plan de l’auteur, augmentées de nombreuses variantes et de fragments inédits, suivies des œuvres d’André de Bourdeilles, avec une étude sur la vie de Brantôme par M. Prosper Mérimée. Des Notes et une Table générale par M. Louis Lacour, Paris : P. Jannet, 1858–1895, 10 vol. [BROSSES, Charles de], Du culte des dieux fétiches, ou parallèle de l’ancienne religion d’E´gypte avec la religion actuelle de Nigritie, Farnborough : Gregg International Publishers, 1972 (Réimpression de l’édition s.l. : s.éd., 1760). – Über den Dienst der Fetischengötter, oder Vergleichung der alten Religion Egyptens mit der heutigen Religion Nigritiens. Aus dem Französischen übersetzt. Mit einem Einleitungsversuch über Aberglauben, Zauberey und Abgötterey ; und anderen Zusätzen, Berlin et Stralsund : Gottlieb August Lange, 1785. BROGLIE, Victor de, Chambre des Pairs de France. Session de 1825. Séance du jeudi 10 février 1825. Opinion de M. le duc de Broglie sur le projet de loi relatif au sacrilège, s.l.n.d. [1825] (Chambre des pairs, Impressions diverses, t. II, no 43). Bucoliques Grecs, t. I : Théocrite, texte établi et traduit par Philippe-Ernest Legrand, 4e édition revue et corrigée, Paris : Les Belles Lettres, 1953. BURNOUF, J[ean]-L[ouis], Œuvres complètes de Tacite traduites en français, avec une introduction et des notes, Paris : Hachette, 1859 (Projet louvaniste des Itinera Electronica). BYRON, George Gordon, dit Lord Byron, The Island, or Christian and His Comrades, troisième édition, London : John Hunt, 1823. – Don Juan (1819–1824). CACHEUX, Narcisse, Essai sur la philosophie du christianisme, considéré dans ses rapports avec la philosophie moderne, Paris : Debécourt, 1841.

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Instruments bibliographiques

CANDAUX, Jean-Daniel, «Revue des autographes du Groupe de Coppet vendus en 1970, 1971, 1972, 1973, 1974 et 1975», Cahiers staëliens, 20, juin 1976, pp. 27–70. – voir KING, Norman. CASSIRER, Ernst, La philosophie des formes symboliques, t. II : La pensée mythique, traduction par Jean Lacoste, Paris : Editions de minuit, 1972. – Philosophie der symbolischen Formen, t. II : Das mythische Denken, Darmstadt : Wissenschaftliche Buchgesellschaft, 81987. CHAMPOLLION, Jean-François, Lettre à M. Dacier, [...] relative à l’alphabet des hiéroglyphes phonétiques employés par les Égyptiens pour inscrire sur leurs monuments les titres, les noms et les surnoms des souverains grecs et romains, Paris : Firmin Didot père et fils, 1822 (Nouvelle édition par Jean-Claude Goyon, s.l. : Fata Morgana, 1989). CHAPPE D’AUTEROCHE, Jean-Baptiste, Voyage en Sibérie fait par ordre du roi en 1761 [1768], édition critique par Michel Mervaud, Oxford : Voltaire Foundation, 2004, 2 vol. – Reise nach Mexiko, voir : LE GENTIL CHARLEVOIX, Pierre-François-Xavier de, Journal d’un voyage fait par ordre du roi dans l’Amérique septentrionale, édition critique par Pierre Berthiaume, Montréal : Les Presses de l’Université de Montréal, 1994. CHATEAUBRIAND, François-René de, Du sacerdoce, ou Fragment d’un ouvrage publié à Londres, Paris : Laurent-Beaupré, 1814. CHATEL, Eugène, voir ROZIE` RE, Eugène de. CHERBURY, Edward Herbert of, De veritate, prout distinguitur a revelatione, a verisimili, a possibili, et a falso, [London?], 1656. CICE´ RON, M. Tulli Ciceronis De divinatione libri duo, edited by Arthur Stanley Pease [1920], Darmstadt : Wissenschaftliche Buchgesellschaft, 1963. – Vom Wesen der Götter (De natura deorum) : lateinisch – deutsch, herausgegeben, übersetzt und kommentiert von Olof Gigon u. Laila StraumeZimmermann, Zürich : Artemis und Winkler, 1996. – La nature des dieux, traduit et commenté par Clara Auvray-Assayas, Paris : Les Belles Lettres, 2002. – Über die Wahrsagung : lateinisch – deutsch, herausgegeben, übersetzt und erläutert von Christoph Schäublin, Düsseldorf et Zürich : Artemis und Winkler, 2002. – Tusculanes – Tusculanæ disputationes. COLLINS, Anthony, A Discourse of Free-Thinking (1713). COMMYNES, Philippe de, Mémoires de Sire Philippe de Commynes, dans Historiens et Chroniqueurs du Moyen Âge. Robert de Clari, Villehardouin, Joinville, Froissart, Commynes, édition établie et annotée par Albert Pauphilet, textes nouveaux commentés par Edmond Pognon, Paris : Gallimard, 1952 (Pléiade). CONSTANT, Benjamin, Adolphe, anecdote trouvée dans les papiers d’un inconnu, London : Colburn et Paris : Treuttel et Würtz, 1816.

Bibliographie

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– Lettre à M. le procureur général de la cour royale de Poitiers, Paris : Marchands de nouveautés, 1822. – Appel aux nations chrétiennes en faveur des Grecs, rédigé par M. Benjamin Constant ; et adopté par le Comité des Grecs de la Société de la Morale chrétienne, Paris : Treuttel et Würtz, 1825. – Die Religion, nach ihrer Quelle, ihren Gestalten und ihren Entwickelungen. Von Benjamin Constant. Mit Vorwissen des Verfassers aus dem Französischen übersetzt, und mit einigen Anmerkungen deutsch herausgegeben von Dr. Philipp August Petri [...], Berlin : Reimer, 1825. – Discours de Benjamin Constant à la Chambre des députés, Paris : Dupont et Cie, J. Pinard, 1827–1828, 2 vol. – Recueil d’articles, 1820–1824, introduction, notes et commentaire par Ephraïm Harpaz, Genève : Droz, 1981. – Œuvres complètes, Mémoires sur les Cent-Jours, volume dirigé et texte établi par Kurt Kloocke, introduction et notes par André Cabanis, OCBC, Œuvres, t. XIV, Tübingen : Max Niemeyer Verlag, 1993. – De la Religion. Texte intégral présenté par Tzvetan Todorov et Étienne Hofmann, Arles : Actes Sud, 1999. – Œuvres complètes, De la Religion, considérée dans sa source, ses formes ses développements, Tome II, volume dirigé par Pierre Deguise, texte établi avec la collaboration de Kurt Kloocke, OCBC, Œuvres, t. XVIII, Tübingen : Max Niemeyer Verlag, 1999. – Œuvres complètes, Principes de politique et autres écrits (juin 1814 – juillet 1815). Liberté de la presse, Responsabilité des ministres, Mémoires de Juliette, Acte additionnel, etc., volumes dirigés par Olivier Devaux et, établissement des textes, introductions, notes et notices par André Cabanis, Olivier Devaux, Lucien Jaume, Kurt Kloocke et Claude Reymond, OCBC, Œuvres, t. IX, Tübingen : Max Niemeyer Verlag, 2001, 2 vol. – Œuvres complètes, Journaux intimes (1804–1807) suivis de Affaire de mon père, volume dirigé par Paul Delbouille et Kurt Kloocke, textes établis et annotés par Paul Delbouille avec la collaboration de Simone Balayé, Axel Blaeschke, Kurt Kloocke, Pascale de Mulinen, Jean-Pierre Perchellet, Claude Reymond et Martine Willems, OCBC, Œuvres, t. VI, Tübingen : Max Niemeyer Verlag, 2002. – Œuvres complètes, Discours au Tribunat. De la possibilité d’une constitution républicaine dans un grand pays (1799–1803), volume dirigé par María Luisa Sánchez-Mejía et Kurt Kloocke, établissement des textes, introductions, notes et notices par Ana Portuondo, María Luisa SánchezMejía, Roswitha Schatzer, Boris Anelli, Paul Delbouille, Anne Hofmann, Kurt Kloocke et Alain Laquièze, OCBC, Œuvres, t. IV, Tübingen : Max Niemeyer Verlag, 2005.

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Instruments bibliographiques

– Œuvres complètes, Florestan, De l’esprit de conquête et de l’usurpation, Réflexions sur les constitutions (1813–1814), volumes dirigés par Kurt Kloocke et Béatrice Fink, établissement des textes, introductions, notes et notices par André Cabanis, Béatrice Fink, Moritz Geisel, Kurt Kloocke, Alain Laquièze et Jean-Marie Roulin, OCBC, Œuvres, t. VIII, Tübingen : Max Niemeyer Verlag, 2005, 2 vol. – Œuvres complètes, Journal intime (1811–1816), Carnet, Livre de dépenses, volume dirigé par Paul Delbouille et Kurt Kloocke, textes établis et annotés par Paul Delbouille et Kurt Kloocke, avec la collaboration d’Axel Blaeschke, Hermann Krapoth, Pol Libion, Jean-Pierre Perchellet et Martine Willems, OCBC, Œuvres, t. VII, Tübingen : Max Niemeyer Verlag, 2005. – Œuvres complètes, Correspondance 1810–1812, textes établis et annotés par Paul Delbouille et Robert Leroy, avec la collaboration d’Eckart Pastor et Martine Willems, OCBC, Correspondance générale, t. VIII, Berlin : De Gruyter, 2010. – Œuvres complètes, Textes politiques de 1815 à 1817, Articles du «Mercure de France», Annales de la session de 1817 à 1818, volumes dirigés par Kurt Kloocke, établissement des textes, introductions, notes et notices par Francis Balace, André Cabanis, Paul Delbouille, Olivier Devaux, Roger Francillon, Lucien Jaume, Kurt Kloocke, Catherine Lanneau, Michel Lutfalla, Jean-Pierre Perchellet, Claude Reymond et Laura Wilfinger, OCBC, Œuvres, t. X, Berlin : De Gruyter, 2010, 2 vol. – Œuvres complètes, Textes de 1818, volume dirigé par Étienne Hofmann, établissement des textes, introductions et notes par Léonard Burnand, André Cabanis, Étienne Hofmann, Frédéric Jaunin, Kurt Kloocke, OCBC, Œuvres, t. XI, Berlin : De Gruyter, 2011. – Œuvres complètes, Commentaire sur l’ouvrage de Filangieri, volume dirigé par Kurt Kloocke et Antonio Trampus, établissement des textes, introductions et notes par Kurt Kloocke, Michel Lutfalla, Franco Motta, Antonio Trampus et Laura Wilfinger, OCBC, Œuvres, t. XXVI, Berlin : De Gruyter, 2012. – Œuvres complètes, Mélanges de littérature et de politique, volume dirigé par François Rosset, établissement du texte par Étienne Hofmann, Kurt Kloocke et François Rosset, introductions et notes par Léonard Burnand, Paul Delbouille, Michel Duchein, Anne Hofmann, Étienne Hofmann, Kurt Kloocke, Florence Lotterie, Giovanni Paoletti, Jean-Pierre Perchellet, Paul Rowe, François Rosset et Philippe Steiner, OCBC, Œuvres, t. XXXIII, Berlin : De Gruyter, 2012. – «Assemblées représentatives», Encyclopédie moderne, ou dictionnaire abrégé des sciences, des lettres et des arts, avec l’indication des ouvrages

Bibliographie

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où les divers sujets sont développés et approfondis, par M. Courtin, ancien magistrat, et par une société de gens de lettres, Paris : Mongie aîné, Bureau de l’Encyclopédie, t. III, 1824, pp. 458–472. – «Des causes humaines qui ont concouru à l’établissement du christianisme», Encyclopédie moderne, ou dictionnaire abrégé des sciences, des lettres et des arts, avec l’indication des ouvrages ou` les divers sujets sont développés et approfondis, par M. Courtin, ancien magistrat, et par une société de gens de lettres, Paris : Mongie aîné, Bureau de l’Encyclopédie, t. VI, 1825, pp. 3–25. – «Religion. Du développement progressif des idées religieuses», Encyclopédie progressive, t. I, 1826, pp. 193–215. – «Memoires inédits de B. Constant», dans Jean-Jacques COULMANN, Reminiscences, t. III, Paris : M. Lévy, 1869, pp. 44–56. CONSTANT, Benjamin et CONSTANT, Rosalie de, Correspondance, 1786– 1830, publiée avec une introduction et des notes par Alfred et Suzanne Roulin, Paris : Gallimard, 1955. Continuation de l’Histoire générale des voyages ou Collection nouvelle des relations de voyages par mer, t. XIX, Paris : chez Panckoucke, 1770. [COQUEREL], Charles-Augustin, [C. r. de] Benjamin Constant, «De la Religion, tome I», Revue protestante, t. I, 2e livraison, 1824, pp. 75–77. COULMANN, Jean-Jacques, Reminiscences, Paris : M. Lévy, 1862–1869, 3 vol. COURT DE GE´ BELIN, Antoine, Monde primitif analysé et comparé avec le monde moderne, Paris : L’Auteur, Boudet et al., 1773–1782, 9 vol. COURTNEY, Cecil Patrick, A Guide to the Published Works of Benjamin Constant, Oxford : Voltaire Foundation, 1980. – A Bibliography of Editions of the Writings of Benjamin Constant to 1833, London : Modern Humanities Research Association, 1981. – A Bibliography of Editions of the Writings of Benjamin Constant to 1833, A Supplement, Second Edition revised, Cambridge : privatly printed, 1985. – «Alexander Walker and Benjamin Constant : A Note on the English Translator of Adolphe», French Studies, t. XXIX, 1975, pp. 136–150. CRANZ, David, Historie von Grönland enthaltend die Beschreibung des Landes und der Einwohner, etc. insbesondere der Geschichte der dortigen Mission der evangelischen Brüder zu Neu-Herrenhut und Lichtenfels, Barby : Heinrich Detlef Ebers et Leipzig : Weidmanns Erben und Reich, Zweyte Auflage, 1770. CREUZER, Friedrich, Symbolik und Mythologie der alten Völker, besonders der Griechen, in Vorträgen und Entwürfen, Leipzig et Darmstadt : Karl Wilhelm Leske, 1810–1812, 4 vol. («Zweite völlig umgearbeitete Ausgabe», Leipzig et Darmstadt : Bei Heyer und Leske, 1819–1820, 6 vol.). DALRYMPLE, Alexander, Oriental Repertory, London : printed for George Biggs, 1793, 2 vol.

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Instruments bibliographiques

DAMASCIUS, Traité de premiers principes, texte établi par Leendert Gerrit Westerink [...] et traduit par Joseph Combès, Paris : Les Belles Lettres, 2002, 3 vol. DANGERFIELD, F., «Some Account of the Caves Near Baug Called the Panch Pandoo», Transactions of the Literary Society of Bombay, London : printed for Longman, Hurst, Rees, Orme and Brown, Paternoster Row ; and John Murray, Albermarle Street, t. II, 1820, pp. 194–201. DEGUISE, Pierre, Benjamin Constant méconnu. Le livre De la Religion, Genève : Droz, 1966. – «Un catalogue de la bibliothèque de Benjamin Constant», Saggi e Ricerche di letteratura francese, Roma : Bulzoni, t. X, 1969, pp. 149–195. DELBOUILLE, Paul, «Chevassut», ABC, 34, 2009, pp. 147–149. DENYS D’HALICARNASSE, Les Antiquités Romaines de Denys D’Halicarnasse : Traduites en François ; avec des notes historiques, geographiques, chronologiques et critiques. Par M. *** [François Bellenger], Paris : chez Philippe-Nicolas Lottin, ruë Saint Jacques, proche Saint Ives, à la Verité, 1723, 2 vol. – Histoire des origines de Rome, livres I et II, traduit et commenté par V. Fromentin et J. Schnäbele, Paris : Les Belles Lettres, 1990. DENON, Dominique-Vivant, Point de lendemain (1777). – Voyages dans la Basse et la Haute Égypte pendant les campagnes de Bonaparte, en 1798 et 1799 (1817). Dictionnaire de la fable, ou Mythologie Grecque, Latine, Egyptienne, Celtique, Persane, Syriaque, Indienne, Chinoise, Mahométane, Rabbinique, Slavonne, Scandinave, Africaine, Américaine, Iconologique, etc., par François Noël, Paris : Le Normant, 1803. Dictionnaire universel d’histoire et de géographie, par M.-N. Bouillet, nouvelle édition, Paris : L. Hachette et cie, 261878. DION CASSIUS, Histoire romaine de Dion Cassius, traduite en français, avec des notes critiques, historiques, etc., et le texte en regard [...], par Étienne Gros et V. Boissée, Paris : Firmin Didot Frères, 1845–1870, 10 vol. DU HALDE, Jean-Baptiste, Ausführliche Beschreibung des Chinesischen Reichs und der grossen Tartarey, Rostock : Johann Christian Koppe, 1749, 4 vol. DUCHESNE, André, Historiæ Francorum Scriptores, Lutetiæ Parisiorum : sumptibus Sebastiani Cramoisy et Gabrielis Cramoisy, 1636–1649, 5 vol. DUPIN, Charles, «Forces productives et commerciales du midi de la France : Exposition des produits de l’industrie du Languedoc à Toulouse», Revue encyclopédiste, t. XXXV, 1827, pp. 273–289, et t. XXXVI, 1827, pp. 562– 575. DURRY, Marie-Jeanne, Autographes de Mariemont, Paris : Librairie Nizet, 1955–1959, 2 vol.

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[ECKSTEIN, Ferdinand d’], «[Réponse au commentaire du 3 juillet dans le Mémorial catholique]», Le Drapeau blanc, no 244, 31 août 1824, pp. 3b4b. Encyclopédie progressive, ou Collection de traités sur l’histoire, l’état actuel et les progrès des connaissances humaines, Paris : bureau de l’Encyclopédie progressive, 1826. ESQUELMELING, Joseph, The History of the Boucaniers of America, translated into English (written originally in the Dutch Tongue), London : D. Midwinter et al., 1741. EURIPIDE, Œuvres complètes, t. I : Le Cyclope, Alceste, Médée, Les Héraclides, texte établi et traduit par Louis Méridier, Paris : Les Belles Lettres, 1925. – Œuvres complètes, t. II : Hippolyte, Andromaque, Hécube, texte établi et traduit par Louis Méridier, Paris : Les Belles Lettres, 1989. EUSE` BE, Histoire de l’Eglise. Ecrite par Eusèbe, Evêque de Césarée, traduite par Louis Cousin, Paris : Damien Foucault, 1686 (Histoire de l’E´glise, t. I/1). FLE´ CHIER, Esprit, Oraisons funèbres. FORSTER, George, A Voyage Round the World [1777], edited by Nicholas Thomas and Oliver Berghof, Honolulu : University of Hawai’i Press, 2000, 2 vol. FRANK, Manfred, Der kommende Gott. Vorlesungen über die Neue Mythologie. I. Teil, Frankfurt am Main : Suhrkamp, 1981. FRE´ RET, Nicolas, Mémoires académiques, Paris : Fayard, 1996. FREUD, Sigmund, Totem und Tabu, Studienausgabe, hrsg. von Alexander Mitscherlich [et al.], Frankfurt am Main : Fischer, 1969–1975, 11 vol., t. IX. – Totem et Tabou, traduction par Serge Jankélévitch, Paris : Payot, 2001. GIBBON, Edward, Histoire du déclin et de la chute de l’Empire romain, traduit de l’anglais par M. F. Guizot, chronologie et bibliographie établies par Michel Baridon, Paris : Robert Laffont, 1983 (Bouquins). – The History of the Decline and Fall of the Roman Empire [1776–1788]. The 1996 Project Gutenberg Edition produced by David Reed and David Widger, 1996. GISI, Lucas Marco, Einbildungskraft und Mythologie. Die Verschränkung von Anthropologie und Geschichte im 18. Jahrhundert, Berlin et New York : De Gruyter, 2007 (Komparatistische Studien, 11). GLACHANT, Victor, Benjamin Constant sous l’œil du guet, Paris : Plon, 1906. GOETHE, Johann Wolfgang, Sämtliche Werke, Briefe, Tagebücher und Gespräche [Frankfurter Ausgabe], t. I/14 : Aus meinem Leben. Dichtung und Wahrheit, hrsg. von Klaus-Detlef Müller, Frankfurt am Main : Deutscher Klassiker Verlag, 1986.

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Journal des débats politiques et littéraires. JURIEU, Pierre, Préservatif contre le changement de religion, ou idée juste & véritable de la religion Catholique Romaine opposée aux portraits flattés que l’on en fait, & particulièrement à celui de Monsieur de Con- dom, s.l. : s.éd., [1681]. – Lettres pastorales aux fidèles de France qui gémissent sous la captivité de Babylon, où sont dissipées les illusions que M. de Meaux dans sa lettre pastorale & et autres convertisseurs emploient pour séduire et où l’on trouvera aussi les principaux événemens de la présente persécution, Rotterdam : Abraham Acher, 1668. JUSTIN, saint, Apologies, introduction, texte critique, traduction, commentaire et index par André Wartelle, Paris : Études Augustiniennes, 1987. JUVE´ NAL, Satires, texte établi et traduit par Pierre de Labriolle et François Villeneuve, quatorzième tirage, Paris : Les Belles Lettres, 1996. KAEMPFER, Engelbert, Engelbert Kaempfers Geschichte und Beschreibung von Japan. Aus den Originalhandschriften des Verfassers herausgegeben von Christian Wilhelm Dohm, Lemgo : Meyer, 1777–1779, 2 vol. Der Kaiserlich Königlich privilegierte Bothe von und für Tyrol und für Vorarlberg, no 91, 13 novembre 1826, pp. 361–362. KANT, Immanuel, Die Religion innerhalb der Grenzen der bloßen Vernunft, Königsberg : Friedrich Nicolovius, 1793. – Kants Werke. Akademie-Textausgabe, t. V : Kritik der praktischen Vernunft. Kritik der Urteilskraft, Berlin : De Gruyter, 1968. – Œuvres philosophiques, t. II : Des Prolégomènes aux écrits de 1791, Paris : Gallimard, 1985 (Pléiade). KING, Norman et CANDAUX, Jean-Daniel, «La correspondance de Benjamin Constant et de Sismondi (1801–1830)», ABC, 1, 1980, pp. 81–172. KLOOCKE, Kurt, Benjamin Constant. Une biographie intellectuelle, Genève : Droz, 1984. – «Benjamin Constant, De la Religion et Georg Friedrich Creuzer, Symbolik und Mythologie der Alten Völker. Une étude épistémologique», Cahiers staëliens, 37, 1985–1986, pp. 107–116. – «Le concept de la liberté religieuse de Benjamin Constant», ABC, 10, 1989, pp. 25–39. – «Transfert d’une culture à l’autre : La pensée religieuse de Jacob Mauvillon et son influence sur Benjamin Constant», Französische Kultur – Aufklärung in Preußen, hrsg. von Martin Fontius und Jean Mondot, Berlin : Berlin Verlag, 2001, pp. 243–252. – «Benjamin Constant et l’Allemagne. Individualité – Religion – Politique», ABC, 27, 2003, pp. 127–171. – «L’idée de l’individualité dans les écrits politiques de Benjamin Constant», ABC, 29, 2005, pp. 143–158. – «Johann Gottfried Herder et Benjamin Constant», ABC, 29, 2005, pp. 55– 72.

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– «Benjamin Constant et l’Allemagne», Œuvres & Critiques, 33, 2008, 1, pp. 19–38. – «Wissenschaft und Wissenschaftstheorie. Constants Blick auf Deutschland», Germaine de Staël und ihr erstes deutsches Publikum, hrsg. von Gerhard R. Kaiser und Olaf Müller, Heidelberg : Winter, 2008, pp. 115–130. – «Trois écrits de Benjamin Constant mis à l’index, un quatrième condamné par l’Inquisition espagnole», ABC, 34, 2009, pp. 9–44. – «Le sentiment religieux chez Rousseau et Benjamin Constant», JeanJacques Rousseau devant Coppet, sous la direction de Florence Lotterie et Guillaume Poisson, Genève : Slatkine, 2012, pp. 105–123. – «La théorie de la religion chez Benjamin Constant», ABC, 39, à paraître. – et STELLER, Ulrich, «Les comptes rendus de De la Religion parus dans les Göttingische gelehrte Anzeigen», ABC, 10, 1989, pp. 133–160. LA HARPE, Jean-François de, Lycée ou cours de littérature ancienne et moderne (1799–1805). LA MENNAIS, Félicité de, Du projet de loi sur le sacrilège, présenté à la Chambre des pairs le 4 janvier 1825, par M. l’abbé F. de Lamennais, Paris : au bureau du Mémorial catholique, 1825. LABAT, Jean-Baptiste, Nouveau voyage aux Isles de l’Amerique, contenant l’histoire naturelle de ces pays, l’origine, les mœurs, la religion & le gouvernement des habitans anciens & modernes ; les guerres & les evenemens singuliers qui y sont arrivez pendant le séjour que l’Auteur y a fait, Paris : G. Cavelier et P.-F. Giffard, 1722. – Nouvelle relation de l’Afrique Occidentale. Contenant une description exacte du Senegal & des Païs situés entre le Cap-Blanc & la Rivière de Serrelionne, jusqu’à plus de 300 lieuës en avant dans les Terres. L’histoire naturelle de ces païs, les differentes nations qui y sont répandues, leurs religions & leurs mœurs. Avec l’etat ancien et present des compagnies qui y font le commerce. Ouvrage enrichi de quantité de cartes, de plans, & de figures en taille-douce. Par le Pere Jean-Baptiste Labat, de l’Ordre des Freres-Prêcheurs, Paris : Pierre-François Giffart, 1728, 5 vol. – Voyage du Chevalier Des Marchais en Guinée, isles voisines, et à Cayenne, Fait en 1725, 1726 et 1727, Contenant une Description très exacte & très étendue de ces Païs & du Commerce qui s’y fait, Enrichi d’un grand nombre de Cartes & de Figures en Tailles douces, Par le R. P. Labat, Amsterdam : Aux dépens de la Compagnie, 1731, 4 vol. LAFITAU, Joseph-François, Mœurs des sauvages amériquains, comparées aux mœurs des premiers temps, Paris : Saugrain l’aîné et Charles Estienne Hocherau, 1724, 2 vol. – Mœurs des sauvages américains comparées aux mœurs des premiers temps, introduction, choix des textes et notes par Edna Hindie Lemay, Paris : F. Maspero, 1983, 2 vol. – Die Sitten der amerikanischen Wilden im Vergleich zu den Sitten der Frühzeit, herausgegeben und kommentiert von Helmut Reim, Leipzig : Edition Leipzig et Weinheim : VCH, 1987.

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Instruments bibliographiques

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Bibliographie

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TERTULLIEN, Œuvres complètes de Tertullien, t. III : Du Jeûne, traduction par Antoine-Eugène Genoud, Paris : Louis Vivès, 1852. – Témoignage de l’âme – De testimonio animæ. THOMPSON, Patrice, Deux chapitres inédits de L’esprit des religions (1803– 1804). Des rapports de la morale avec les croyances religieuses et De l’intervention de l’autorité dans ce qui a rapport à la religion, publiés par Patrice Thompson, Genève : Droz, 1970. – Les E´crits de Benjamin Constant sur la religion. Essai de liste chronologique, préface et révision de Pierre Deguise, avec la collaboration de Boris Anelli, Paris : H. Champion, 1998 (Travaux et recherches de l’Institut Benjamin Constant, 4). TIBULLE, Tibulle et les auteurs du Corpus Tibullianum, texte établi et traduit par Max Ponchont, Paris : Les Belles Lettres, 1967. TINDAL, Matthew, Christianity as Old as the Creation (1730). TORAL-NIEHOFF, Isabel, «Weltschöpfung», Der Neue Pauly. Enzyklopädie der Antike, t. XII/2, hrsg. von Hubert Cancik und Helmut Schneider, Stuttgart et Weimar : Metzler, 2003. TURNER, Samuel, «An Account of an interview with Teeshoo Lama and an Account of a Journey to Tibet», Asia Major, 1801, pp. 196–220. ULLOA, Antonio de, Voyage historique de l’Amérique méridionale, Amsterdam et Leipzig : chez Arkstee & Merkus, 1752. – Noticias Americanas (1772). VARAIGNE, «Précis historique sur l’état actuel de la République Argentine (Buenos Ayres)», Revue encyclopédique, t. XXXV, 1827, pp. 5–17 et 553– 567. VAULABELLE, Achille de, Histoire des deux Restaurations jusqu’à l’avènement de Louis-Philippe, t. VII, Paris : Perrotin, 1860. VICO, Giambattista, Principes de la philosophie et de l’histoire, traduits de la «Scienza nuova» de J. B. Vico, et précédés d’un Discours sur le système et la vie de l’auteur, par Jules Michelet, Paris : Renouard, 1827. VIREDAZ, Christian, «Comptes rendus contemporains et réponses aux écrits de Benjamin Constant (1787–1833)», ABC, 6, 1986, pp. 93–128. VOLTAIRE, Essai sur l’histoire générale, et sur les mœurs et l’esprit des nations (1756). – Dictionnaire philosophique (1764). – La Défense de mon oncle (1767). – Mélanges, préface par Emmanuel Berl, texte établi et annoté par Jacques van den Heuvel, Paris : Gallimard, 1961 (Pléiade). WARESQUIEL, Emmanuel de et YVERT, Benoît, Histoire de la Restauration, 1814–1830, Naissance de la France moderne, Paris : Perrin, 1996 (Réédition : Paris : Tempus, 2002).

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WEDER, Christine, Erschriebene Dinge. Fetisch, Amulett, Talisman um 1800, Freiburg im Breisgau : Rombach, 2007. WEHRLI, Fritz, Die Schule des Aristoteles. Texte und Kommentare, t. VIII : Eudemos von Rhodos, Basel : Schwabe, 1955. WINKLER, Markus, «Décadence actuelle». Benjamin Constants Kritik der französischen Aufklärung, Frankfurt am Main, Bern et al. : Peter Lang, 1984. – Mythisches Denken zwischen Romantik und Realismus. Zur Erfahrung kultureller Fremdheit im Werk Heinrich Heines, Tübingen : Max Niemeyer Verlag, 1995 (Studien zur deutschen Literatur, 138). – «La distinction entre les anciens et les modernes chez Constant, Schiller et Frédéric Schlegel», Études de Lettres. Bulletin de la Faculté des Lettres de l’Université de Lausanne, série IV, 4, 1981, pp. 59–84. – «Benjamin Constant et la métaphore de la poussière», ABC, 4, 1984, pp. 1–15. – «Irréligiosité et utilisation de la religion à des fins politiques : deux tendances des Lumières révisées par Benjamin Constant», ABC, 10, 1989, pp. 41–64. – «De la fatalité des Anciens aux préjugés sociaux des Modernes. La présence du mythe chez August Wilhelm Schlegel, Madame de Staël et Benjamin Constant», ABC, 15–16, 1994 (Le Groupe de Coppet et l’Europe. Actes du Colloque de Tübingen), pp. 199–216. – «Théorie et esthétique du sentiment religieux chez Benjamin Constant», Dénouement des Lumières et invention romantique. Actes du Colloque de Genève, textes réunis par Giovanni Bardazzi et Alain Grosrichard, Genève : Droz 2003, pp. 353–367 (Histoire des idées et critique littéraire, 407). – «Les fonctions de l’écriture du voyage dans le livre de Constant sur la religion», Il Gruppo di Coppet e il viaggio. Liberalismo e conoscenza dell’Europa tra Sette e Ottocento (Atti del VII Convengo di Coppet, Firenze, 6–9 marzo 2002), a cura di Maurizio Bossi, Anne Hofmann e François Rosset, Milano : Leo S. Olschki, 2006, pp. 171–184. WISSOWA, Georg, Religion und Kultus der Römer, München : Beck, 1912 (Reprint : 1971 ; Handbuch der klassischen Altertums-Wissenschaft in systematischer Darstellung, Bd. 5, Abt. 4). ZACHER, Klaus-Dieter, Plutarchs Kritik an der Lustlehre Epikurs. Ein Kommentar zu Non posse suaviter vivi secundum Epicurum : Kap. 1–8, Königstein/Taunus : Hain, 1982. ZA´ RATE, Augustín de, Histoire de la découverte et de la conquête du Pérou, traduite de l’espagnol d’Augustin de Zarate, par S. D. C., Paris : par la Compagnie des libraires, 1706, 2 vol. (Première édition : Amsterdam : chez J. L. de Lorme, 1700).

Ouvrages cités par Constant

Pour identifier ceux de ces ouvrages que BC emprunta à la bibliothèque de Göttingen, on se référera à l’inventaire «Ouvrages empruntés par Benjamin Constant à la bibliothèque de Göttingen», OCBC, Œuvres, t. VII, pp. 691–706. ACERBI, Giuseppe, Voyage au Cap-Nord par la Suède, la Finlande et la Laponie, par Joseph Acerbi, traduction d’après l’original anglais, revue sous les yeux de l’auteur, par Joseph Lavallée, Paris : Levrault, Schoell et Comp., an XII (1804), 3 vol. et Collection de planches. ACUN˜ A, Christóbal d’, Relation de la rivière des Amazones, traduite par feu Mr de Gomberville de l’Académie Françoise, sur l’Original Espagnol du P. Christophe d’Acuña Jesuite, avec une Dissertation sur la Rivière des Amazones pour servir de Préface, Paris : Claude Barbin, 1682, 2 vol. Affiches Parisiennes et départementales, 26 juin 1824. AGATHARCHIDE, Le Périple de la mer Erythrée ou Le Périple de la mer Rouge – De rubro mari. Allgemeine Historie der Reisen zu Wasser und zu Lande, oder Sammlung aller Reisebeschreibungen, welche bis itzo in verschiedenen Sprachen von allen Völkern herausgegeben worden, und einen vollständigen Begriff von der neuern Erdbeschreibung und Geschichte machen ; [...] Mit nöthigen Landkarten nach den neuesten und richtigsten astronomischen Wahrnehmungen, und mancherley Abbildungen der Städte, Küsten, Aussichten, Thiere, Gewächse, Kleidungen, und anderer dergleichen Merkwürdigkeiten, versehen ; Durch eine Gesellschaft gelehrter Männer im Englischen zusammen getragen und aus demselben und dem Französischen ins Deutsche übersetzt, Leipzig : bey Arkstee und Merkus, 1747– 1774, 21 vol. ANONYME, «Preuves de l’explication de la fable d’Adonis», Bibliothèque universelle et historique, t. III, 1686, pp. 17–38. – «Agésipolis», Dictionnaire historique et critique, Rotterdam : M. Bohm, t. I, 1720, pp. 94–96. – «Relation de la Louisianne ou Mississipi. Ecrite à une Dame, par un officier de Marine», Recueil de Voyages au Nord. Contenant divers Mémoires très utiles au Commerce & à la navigation, Amsterdam : chez Jean Frédéric Bernard, t. V, 1734, pp. 1–195. – «E´tat des missions des Pères Jésuites de la Province du Paraguay, parmi les Indiens de l’Amérique méridionale appelés Chiquites, & celles qu’ils

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Instruments bibliographiques

ont établis sur les rivières du Parana & Uruguay dans le même continent. Tiré d’un Mémoire Espagnol envoyé à Sa Majesté Catholique par le père François Burges, de la Compagnie de Jésus, Procureur Général de la Province de Paraguay», Lettres édifiantes et curieuses, écrites des missions étrangères, Nouvelle édition, Paris : J. G. Mérigot, t. VIII, 1781, pp. 337–373. – «Lettre du Père Parennin, Missionnaire de la Compagnie de Jésus, au Père Duhalde, de la même compagnie», (26 Septembre 1727), Lettres édifiantes et curieuses, écrites des missions étrangères, Nouvelle édition, Paris : J. G. Mérigot, t. XX, 1781, pp. 239–266 (aussi : Toulouse : NoelEtienne Sens et Auguste Gaude, 1811, pp. 87–192). – «Motifs du Prince Jean pour embrasser la Religion chrétienne», Lettres édifiantes et curieuses, écrites des missions étrangères, Nouvelle édition, Paris : J. G. Mérigot, t. XX, 1781, pp. 428–458. – «Über die jüdische Theologie», Beyträge zur Beförderung des vernünftigen Denkens in der Religion, Heft 5, 1783, pp. 23–52. – «Réponse à la lettre de M. Benjamin Constant», L’E´toile, journal du soir, no 1536, 26 juin 1824, pp. 3–4. – «Deuxième réponse à la lettre de M. Benjamin Constant», L’E´toile, journal du soir, no 1539, 29 juin 1824, p. 4. – [C. r. de] Benjamin Constant, «De la Religion, tome I», L’E´toile, journal du soir, no 1529, 19 juin 1824, p. 4a-b et no 1534, 24 juin 1824, p. 4a-b. – [C. r. de] Benjamin Constant, «De la Religion, tome I», Le Constitutionnel, no 212, 30 juillet 1824, pp. 2b–4a. – «[Réponse au commentaire du 3 juillet 1824 dans le Mémorial catholique]», L’E´toile, journal du soir, no 1581, 10 août 1824, pp. 3–4. – «[Article anonyme]», La Quotidienne, no 32, 1er février 1825, p. 3a. – [C. r. de] Henry Fynes Clinton, «Fasti Hellenici. The Civil and Literary Chronology of Greece, from the 55th to the 124th Olympiad, Oxford : University Press, 1824», The Westminster Review, t. V, January-April 1826, pp. 269–321. – «Ecclesiastical Establishments», The Westminster Review, t. V, JanuaryApril 1826, pp. 504–548 (C. r. de Charles Butler, Vindication of «The Book of the Roman Catholic Church» against the Reverend George Townsend’s «Accusations of History against the Church of Rome», London : Murray, 1826, et R. Southey, Vindiciæ Ecclesiæ Anglicanæ. Letters to C. Butler, Esq., comprising Essays on the Romish Religion and Vindicating the Book of the Church, London : Murray, 1826). – Pétition pour l’abolition de la traite des noirs, adressée aux Chambres, par un grand nombre de négocians et de notables de la ville de Paris, (13 février 1826), Paris : Crapelet, s.d. [février 1826]. – Pétition pour l’abolition de la traite des noirs, adresse´e aux Chambres, par soixante négociants du port du Havre, (17 février 1826), Paris : Crapelet, s.d. [février 1826].

Ouvrages cités par Constant

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– Pétition pour l’abolition de la traite des noirs, adressée aux deux Chambres, par 36 négociants de la ville de Marseille, (1er mars 1826), Paris : Crapelet, s.d. [mars 1826]. – [C. r. de] John Anderson, «Mission to the East Coast of Sumatra in 1823, under the Direction of the Government of Prince of Wales’s Island, Edinburgh and London, 1826», The Quarterly Review, t. XXXIV, June and September 1826, pp. 99–110. – [C. r. de] John Bird Sumner, «Vérité du Christianisme, prouvé par la nature même de cette religion, et par le fait de son établissement, par le vicomte de Lanjuinais, Paris : Baudouin frères, 1826», Gazette de France, no 230, 18 août 1826, pp. 3b–4b. ANSSE DE VILLOISON, Jean-Baptiste-Gaspard d’, De triplici Theologiâ Mysteriisque Veterum commentatio, dissertation latine jointe à M. Le Baron de Sainte-Croix, Recherches historiques et critiques sur les Mystères du Paganisme, seconde édition, Paris : chez de Bure Frères, 1817. APOLLONIOS DE RHODES, Argonautiques – ’Αργοναυτικα . APULE´ E, Asclepius, dans Corpus hermeticum, texte établi par A. D. Nock et traduit par A.-J. Festugière, Paris : Les Belles Lettres, t. II, 1945, pp. 257404. – L’Aˆne d’or. ARGENSON, Marc-René-Marie Voyer d’, Mémoires du Marquis d’Argenson, ministre sous Louis XV, avec une notice sur la vie et les ouvrages de l’auteur, publiés par René d’Argenson, Paris : Baudouin frères, 1825. ARISTOPHANE, La Paix – Ειρη νη. ARNOBE L’ANCIEN, Arnobii disputationum adversus gentes libri septem. ARRIEN, Arriani Nicomedensis Expeditionis Alexandri libri septem et Historia indica, græc. et lat. cum annotationibus et indice græco locuplentissimo Georgii Raphelii, Amstelædami : Apud Wetstenium, MDCCLVII. Asiatick Researches : or, Transactions of the Society instituted in Bengal for Inquiring into the History and Antiquities, the Arts, Sciences, and Literature, of Asia, Calcutta : printed at the Honorable Company’s Press, by Thomas Watley. And sold at London by P. Elmsly, 1788–1839, 20 vol. (Reprint : Asiatic Researches [. . .] London : Vernor and Hood et al., 1799–1839). AUGUSTIN, De civitate Dei libri XXII, Lipsiæ : Teubner, MCMXXVIII. – Les Confessions – Confessiones. AULU-GELLE, Les Nuits attiques – Noctes atticæ. AUSONIUS, Decimus Magnus, Épigrammes – Epigrammata. B., «[Article anonyme]», Gazette de France, no 62, 3 mars 1825, p. 2a. BACCHINI, Benedetto, D. Benedicti Bacchini, De Sistris, eorumque figuris, dans Thesaurus Antiquitatum Romanarum, congestus a Joanne Georgio Grævio, Lugdunum Batavorum : apud Franciscum Halmam Bibliop., t. VI, 1697, pp. 409–416.

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Instruments bibliographiques

BACHET, Claude-Gaspar, Les épistres d’Ovide traduites en vers françois avec des commentaires fort curieux, par Claude Gaspar Bachet, S. de Méziriac, Bourg en Bresse : J. Teinturier, 1626 (Nouvelle édition augmentée : La Haye : H. Du Sauret, 1716, 2 vol.). [BAEGERT, Johann Jakob], Nachrichten von der Amerikanischen Halbinsel Califor- nien : mit einem zweyfachen Anhang falscher Nachrichten, geschrieben von einem Priester der Gesellschaft Jesu, welcher lang darinn diese letz- tere Jahr gelebt hat, Mannheim : Churfürstl. Hof- u. Academie-Buch- druckerey, 1772. Bagavadam ou doctrine divine. Ouvrage indien, canonique sur l’Eˆtre suprême, les dieux, les géans, les hommes, les diverses parties de l’univers, publié par M. Foucher d’Obsonville, Paris : Tilliard & Clousier, 1788. BANIER, Antoine, «Histoire du culte d’Adonis», Mémoires de Littérature tirez des Registres de l’Académie Royale des Inscriptions et Belles Lettres, t. III, 1746, pp. 98–116. BARDILI, Christoph Gottfried, Epochen der vorzüglichsten Philosophischen Begriffe, nebst den nöthigsten Beylagen, t. I : Erster Theil. Epochen der Ideen von einem Geist, von Gott und der menschlichen Seele. System und Aechtheit der beiden Pythagoreer, Ocellus und Timäus, Halle : bey Johann Jacob Gebauer, 1788. BARRE` RE, Pierre, Nouvelle relation de la France équinoxiale, contenant la Description des Côtes de la Guiane ; de l’Isle de Cayenne, le Commerce de cette Colonie, les divers changemens arrivés dans ce Pays, & les Mœurs et Coûtumes des différens Peuples Sauvages qui l’habitent, Paris : Piget, Dammonneville, Durand, 1743. BARROW, John, Travels in China, Containing Observations, and Comparisons, Made and Collected in the Course of a Short Residence at the Imperial Palace of Yuen-Min-Yuen, And on a Subsequent Journey Through the country from Pekin to Canton [...], London : T. Cadell and W. Davies, 1804. BARTOLOCCI, Giulio, Bibliotheca magna rabbinica de scriptoribus et scriptis Hebraicis ordine alphabetica Hebraice et Latine digestis, auctore D. Iulio Bartolocci De Celleno Congregationis S. Bernardi Reformat. Ord. Cisterciensis, & S. Sebastiani ad Catacumbas Abbate, Roma : Sacra congr. de propaganda fide, 1675. BAYEUX, Georges-Louis, Traduction des Fastes d’Ovide, Avec des Notes & des Recherches de Critique, d’Histoire & de Philosophie, tant sur les différens objets du Systême allégorique de la Religion Romaine, que sur les détails de son culte & les Monuments qui y ont rapport, Paris : M. le Barbier l’ainé, M. Gaucher, Barrois l’ainé, 1783–1788, 4 vol.

Ouvrages cités par Constant

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BAYLE, Pierre, Dictionnaire historique et critique, Rotterdam : M. Bohm, 1720, 4 vol. – Réponse aux questions d’un provincial, dans Œuvres diverses de Mr Pierre Bayle, [...], Tome troisième, Seconde partie, La Haye : P. Husson et al., 1727, pp. 671–674. BERGER, Johann Gottfried Immanuel, Geschichte der Religionsphilosophie oder Lehren und Meinungen der originellsten Denker aller Zeiten über Gott und Religion, historisch dargestellt, Berlin : im Verlage der Langischen Buchhandlung, 1800. BERNIER, François, Voyages De François Bernier Docteur en Medecine de la Faculté de Montpellier Contenant la Description des Etats du Grand Mogol, De l’Hindoustan, du Royaume de Kachemire, &c. Où il est traitté des Richesses, des Forces, de la Justice & des causes principales de la decadence des Etats de l’Asie, & de plusieurs évenemens considerables. Et où l’on voit comment l’or & l’argent après avoir circulé dans le monde passent dans l’Hindoustan, d’ou ils ne reviennent plus. Le tout enrichi de Cartes et de Figures, Amsterdam : Marret, 1699, 2 vol. The Bha˘gva˘t-Geeta˘, or Dialogues of Kre˘e˘shna˘and A˘rjo˘o˘n ; in Eighteen Lectures ; with notes ; translated from the original, in the Sanskreet, or ancient language of the Brahmans, by Charles Wilkins, London : C. Nourse, 1785. BIET, Antoine, Voyage de la France équinoxiale en l’Isle de Cayenne, entrepris par les François en l’année M.DC.LXIV. Divisé en trois Livres, Paris : François Clouzier, 1664. BOSSMANN, Wilhelm, Reyse nach Guinea, oder ausführliche Beschreibung dasiger Gold-Gruben, Elephanten-Zähn und Sclaven-Handels, nebst derer Einwohner Sitten, Religion, Regiment, Kriegen, Heyrathen und Begräbnissen, auch allen hieselbst befindlichen Thieren, so bishero in Europa unbekandt gewesen. Im Französischen herausgegeben durch Wilhelm Boßmann, gewesenen Rathsherr, Ober-Kauffmann, und Landes Unter-Commandeur von der Holländisch-Ost-Indischen Compagnie. Nun aber ins Hochteutsche übersetzet, und mit Kupffern gezieret, Hamburg : Samuel Heyl und Johann Gottfried Liebezeit, 1708. BOSSUET, Jacques-Bénigne, Discours sur l’histoire universelle à Monseigneur le Dauphin pour expliquer la suite de la religion et les changemens des empires, Paris : S. Mabre-Cramoisy, 1681. – Histoire des variations des églises protestantes, par messire Jacques-Bénigne Bossuet, Paris : S. Mabre-Cramoisy, 1688, 2 vol. BÖTTIGER, Karl August, Andeutungen zu vier und zwanzig Vorträgen über die Archaeologie im Winter 1806. Erste Abtheilung. Allgemeine Übersichten und Geschichte der Plastik bei den Griechen, Dresden : in der Arnoldischen Buch- und Kunsthandlung, 1806.

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– C. A. Boettiger’s Skizzen zu Vorlesungen über Mythologie, Dresden : s.éd., s.d. [1808 ou 1810]. – Kunst-Mythologie, Skizzen zu Vorlesungen im Winter 1809–1810, Dresden : Hofbuchdruckerei, 1809–1810. – «Zwölftes Vasengemälde. Herkules mit der Amazone», Griechische Vasengemälde. Mit archäologischen und artistischen Erläuterungen der Originalkupfer, herausgegeben von Carl August Böttiger, Ersten Bandes Dritter Heft, Magdeburg : bei Georg Christ. Keil, 1800, pp. 163–202. BOULANGER, Nicolas-Antoine, L’Antiquité dévoilée par ses usages, ou Examen critique des principales opinions, cérémonies & institutions religieuses & politiques des différens peuples de la terre, Amsterdam : chez Marc Michel Rey, 1766, 3 vol. BRAND, Adam, Relation du voyage de Mr. Evert Isbrand Envoyé de Sa Majesté Czarienne à l’Empereur de la Chine, en 1692, 93, & 94. Avec une Lettre de Monsieur ***, sur l’Etat Présent de la Moscovie, Amsterdam : chez Jean-Louis de Lorme, 1699. [BROSSES, Charles de], Du culte des dieux fétiches, ou Parallèle de l’ancienne Religion d’E´gypte avec la Religion actuelle de Nigritie, s.l. : s.éd., 1769. – Über den Dienst der Fetischengötter, oder Vergleichung der alten Religion Egyptens mit der heutigen Religion Nigritiens. Aus dem Französischen übersetzt. Mit einem Einleitungsversuch über Aberglauben, Zauberey und Abgötterey ; und anderen Zusätzen, Berlin et Stralsund : Gottlieb August Lange, 1785. – «Mémoire sur l’oracle de Dodone», Mémoires de Littérature tirez des Registres de l’Académie Royale des Inscriptions et Belles Lettres, t. XXXV, 1770, pp. 89–132. BRUCE, James, Voyage aux sources du Nil, en Nubie et en Abyssinie, Pendant les années 1768, 1769, 1770, 1771 & 1772. Par M. James Bruce. Traduit de l’Anglois par J. H. Castera, Paris : Hôtel de Thou, rue des Poitevins, 1790–1792, 5 vol. et 1 vol. «Cartes et Figures du Voyage en Nubie et en Abyssinie» (Titre modifié dans les t. II à V : Voyage en Nubie et en Abyssinie, entrepris pour découvrir les sources du Nil, Pendant les années 1768, 1769, 1770, 1771, 1772, & 1773). BRUCKER, Johann Jakob, Iacobi Bruckeri Historia critica philosophiæ a mundi incunabulis usque ad nostram ætatem deducta, Lipsiæ : Weidmann, 1742–1767, 6 vol. BRUNET, François-Florentin, Parallèle des religions, ouvrage publié par le P. François-Florentin Brunet, Paris : Knapen, 1792, 3 tomes en 5 vol. BUCHANAN, Francis, «On the Religion and Literature of the Burmas», Asiatic Researches, London : Vernor, Hood, [...] and J. Murray, t. VI, 1807, pp. 163–308.

Ouvrages cités par Constant

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BUHLE, Johann Gottlieb, Lehrbuch der Geschichte der Philosophie und einer kritischen Literatur derselben, Göttingen : Vandenhoeck und Ruprecht, 1796–1804, 8 vol. – Geschichte der neuern Philosophie seit der Epoche der Wiederherstellung der Wissenschaften, Göttingen : J. G. Rosenbusch’s Wittwe (und J. F. Röwer), 1800–1805, 6 tomes en 7 vol. BULLET, Jean-Baptiste, Histoire de l’établissement du christianisme, Paris : Humblot, 1764. BUTLER, Alban, The Lives of the Fathers, Martyrs and Other Principal Saints, t. VII : July VI, S. Palladius, London : J. Murphy, 1812. BYRON, George Gordon, dit Lord Byron, The Island, or Christian and His Comrades, Third Edition, London : John Hunt, 1823. CAMART, Gilles, Elias Thesbites Sive De Rebus Eliæ Prophetæ Commentarius posthumus Reverendissimi Patris Ægidii Camarti Retheliensis Ordinis Minorum nuper Generalis. In Quo De Ipsius Eliæ Origine, Persona, Nomine, patria, officio, Israëlitarum religione & alijis, pleraque seitu digna eruuntur, disputantur. Cum Indice Quadruplici, Parisiis : Apud Sebastianum Cramoisy, 1631. CAMPION, Edmund, voir SPENSER, Edmund. CARVER, Jonathan, Travels through the Interior Parts of North America, in the Years 1766, 1767, and 1768, London : J. Walter, S. Crowder, 1778. Le Catholique, ouvrage périodique dans lequel on traite de l’universalité des connaissances humaines sous le point de vue de l’unite´ de doctrine, publié sous la direction de M. le baron d’Eckstein, Paris : A. Sautelet et Cie, 1826–1830. CAUCHE, François, «Relation du Voyage que François Cauche de Rouen a fait à Madagascar, Isles adjacentes, & costes d’Afrique. Recueilly par le Sieur Morisot, Avec des Notes en marge», Relations Veritables Et Curieuses De L’Isle De Madagascar, Et Du Bresil : Avec l’Histoire de la derniere Guerre faite au Bresil, entre les Portugais & les Hollandois. Trois Relations D’Egypte, & une du Royaume de Perse, Paris : Augustin Coubré, 1651, pp. 1–115. CAVAZZI DA MONTECUCCOLO, Giovanni Antonio, Relation historique de l’Ethiopie occidentale : Contenant la Description des Royaumes de Congo, Angolle, & Matamba, traduite de l’Italien du P. Cavazzi, & augmentée de plusieurs Relations Portugaises des meilleurs Auteurs, avec des Notes, des Cartes Géographiques, & un grand nombre de Figures en Taille-douce. Par le R. P. J[ean]-B[aptiste] Labat de l’Ordre des Freres Précheurs, Paris : Charles-Jean-Baptiste Delespine le Fils, 1732, 5 vol. CHAMPOLLION, Jean-François, L’E´gypte sous les Pharaons, ou Recherches sur la géographie, la religion, la langue, les écritures et l’histoire de

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Instruments bibliographiques

l’E´gypte avant l’invasion de Cambyse, Paris : De Bure frères, 1814, 2 vol. – Panthéon égyptien. Collection des personnages mythologiques de l’Ancienne E´gypte d’après les monuments, Paris : Firmin Didot, 1823. – Lettres à M. le Duc de Blacas d’Aulps, relatives au Musée royal égyptien de Turin, par M. Champollion le jeune, suivi d’une notice chronologique des dynasties égyptiennes de Manéthon (par J.-J. Champollion-Figeac), Paris : F. Didot, 1824, 2 vol. – Précis du système hiéroglyphique des anciens Égyptiens, ou recherches sur les élémens premiers de cette écriture sacrée, sur leurs diverses combinaisons, et sur les rapports de ce système avec les autres méthodes graphiques égyptiennes, Paris : Treuttel et Würtz, 1824, 2 vol. – «Papyrus égyptiens – Extrait des lettres de M. Champollion jeune», Bulletin des Sciences historiques, Antiquités, Philologie, septième section du Bulletin universel des sciences et de l’industrie, t. II, 1824, pp. 297–303. CHARLEVOIX, Pierre-François-Xavier de, Histoire et description générale de la Nouvelle-France, avec le Journal historique d’un voyage fait par ordre du roi dans l’Amérique septentrionale, Paris : Giffart, 1744, 3 vol. – Histoire du Paraguay, Paris : Didot, Giffart, Nyon, 1756, 3 vol. CHATEAUBRIAND, François-René de, Proposition faite à la Chambre des pairs, par M. le vicomte de Chateaubriand, dans la séance du 23 novembre dernier, et tendante à ce que le Roi soit humblement supplié de faire examiner ce qui s’est passé aux dernières élections afin d’en ordonner ensuite selon sa justice ; suivie de pièces justificatives annoncées dans la proposition, Paris : J.-G. Dentu, 1816. – Génie du Christianisme (1802). – Les Martyrs (1809). La Chine. Mœurs, usages, costumes, arts et métiers, peines civiles et militaires, cérémonies religieuses, monumens et paysages, par MM. Deveria, Regnier, Schaal, Schmit, Vital, et autres artistes connus, avec des notices explicatives et une introduction, par M. D. B** de Malpière. Cinquième livraison, Paris : l’éditeur, rue St. Denis no 180, Goujon et Firmin Didot, 1825–1827, 2 vol. CHRYSOSTOME, Jean, saint, Homélies, Discours et Lettres, choisis de S. Jean Chrysostôme, avec des Extraits tirés de ses ouvrages, sur divers sujets, traduit par M. l’abbé Auger, Paris : chez de Bure, Th. Barrois, A. Jombert, MDCCLXXXV, 4 vol. – Homilia ad populum antiochenum XII, dans Sancti patris nostri Joannis Chrysostomi Opera omnia quæ exstant, vel quæ ejus nomine circumferuntur, necnon ad Savilianam et Frontonianam editiones castigata, innumeris aucta, nova interpretatione, ubi opus erat, præfationibus, monitis,

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notis, variis lectionibus illustrata, nova sancti doctoris vita, appendicibus, onomastico et copiosissimis indicibus locupletata, opera [...] D. Bernardi de Montfaucon, [...], Parisiis : sumptibus L. Guérin et al., t. II, 1817, pp. 123–132. CICE´ RON, De la divination – De divinatione. – De la nature des dieux – De natura deorum. CLERMONT-LODE` VE, Guillaume-Emmanuel-Joseph Guilhem de, baron de Sainte-Croix, Examen critique des historiens d’Alexandre-le-Grand, Paris : Dessain junior, 1775. – Recherches historiques et critiques sur les mystères du paganisme, [...], 2e édition revue corrigée par M. le Bon Silvestre de Sacy, Paris : de Bure frères, 1817. – voir L’E´zour-Védam ou ancien commentaire du Védam. COLLINS, David, An Account of the English Colony in New South Wales, t. I, With Remarks on the Dispositions, Customs, Manners, etc. of the Native Inhabitants of that Country. To Which Are Added, Some Particulars of New Zealand ; Compiled, by Permission, from the Mss. of LieutenantGovernor King ; t. II, From Its First Settlement in 1788, to August 1801 : With Remarks on the Dispositions, Customs, Manners, etc. of the Native Inhabitants of that Country. To Which Are Added, Some Particulars of New Zealand ; Compiled, by Permission, from the Mss. of LieutenantGovernor King ; and an Account of The Voyage Performed by Captain Flinders and Mr. Bass, London : T. Cadell, Jun. and W. Davies, 1798– 1802, 2 vol. CONSTANT, Benjamin, Éloge de Sir Samuel Romilly, prononcé à l’Athénée royal de Paris, le 26 décembre 1818, par M. Benjamin Constant, Paris : F. Béchet aîné, 1819. – Commentaire sur l’ouvrage de Filangieri, Paris : P. Dufart, 1822. – Appel aux nations chrétiennes en faveur des Grecs, rédigé par M. Benjamin Constant ; et adopté par le Comité des Grecs de la Société de la Morale chrétienne, Paris : chez tous les marchands de nouveautés ; chez Treuttel et Würtz, libraires, rue de Bourbon, no 17 ; et à l’agence du Comité, Rue Taranne, no 12, 1825. – «Assemblées représentatives», Encyclopédie moderne, ou dictionnaire abrégé des sciences, des lettres et des arts, avec l’indication des ouvrages où les divers sujets sont développés et approfondis, par M. Courtin, ancien magistrat, et par une société de gens de lettres, Paris : Mongie ainé, Bureau de l’Encyclopédie, t. III, 1824, pp. 458–472. – «Du Christianisme», Encyclopédie moderne, ou dictionnaire abrégé des sciences, des lettres et des arts, avec l’indication des ouvrages où les divers sujets sont développés et approfondis, par M. Courtin, ancien ma-

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gistrat, et par une société de gens de lettres, Paris : Mongie ainé, Bureau de l’Encyclopédie, t. VII, 1825, pp. 30–52. – «[Article non signé]», Courrier Français no 288 du 15 octobre 1825, pp. 3b–4b. – «[Intervention à la Chambre, dans séance du 25 mars 1826, en faveur de deux pétitions au sujet de la traite des noirs]», Moniteur, no 85, 26 mars 1826, pp. 386a–388c. – «[Discours du 23 février 1825 sur la loi d’indemnité pour les émigrés]», Discours et opinions imprimés sans ordre, Session de 1825, 26 février 1825. – «[Plaidoyer]», Moniteur, no 46, 15 février 1823, pp. 181a–182c. – «[Plaidoyer]», Le Pilote, no 430, 14 février 1823, pp. 3a–4b. Le Courrier français, années 1825 et 1826. COURT DE GE´ BELIN, Antoine, Monde primitif analysé et comparé avec le monde moderne, Paris : L’Auteur, Boudet et al., 1773–1782, 9 vol. CRAIG, John, Theologiæ christianæ principia mathematica. Autore Johanne Craig, Londini : Child, 1699. – Ioannis Craig Theologiæ christianæ principia mathematica edidit atque de scriptis autoris nunnulla præfatus est Io. Daniel Titius [Johann Daniel Tietz], Lipsiæ : Apud Hæredes Lankisios [Lankisch], 1755. – «Craig’s rules of historical evidence : from Joannis Craig, Theologiæ Christianæ principia mathematica», History and Theory. Studies in the Philosophy of History, Beiheft 4, 1964. CRANZ, David, Historie von Grönland enthaltend die Beschreibung des Landes und der Einwohner, etc. insbesondere der Geschichte der dortigen Mission der evangelischen Brüder zu Neu-Herrenhut und Lichtenfels, Barby : Heinrich Detlef Ebers et Leipzig : Weidmanns Erben und Reich, Zweyte Auflage, 1770. CREUZER, Friedrich, Symbolik und Mythologie der alten Völker, besonders der Griechen, in Vorträgen und Entwürfen, Leipzig und Darmstadt : Karl Wilhelm Leske, 1810–1812, 4 vol. – Religions de l’antiquité, considérées principalement dans leurs formes symboliques et mythologiques ; ouvrage traduit de l’allemand du Dr Frédéric Creuzer, refondu en partie, complété et développé par J. D. Guigniaut, Paris : Treuttel et Würtz : [puis] J.-J. Kossbühl : [puis] FirminDidot frères, 1825–1851, 4 tomes en 10 vol. CUDWORTH, Ralph, The True Intellectual System of the Universe : The First Part, Wherein, All the Reason and Philosophy of Atheism is Confuted ; and Its Impossibility Demonstrated, London : Printed for Richard Royston, 1768.

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– Radulphi Cudworthi systema intellectuale huius universi seu de veris naturæ rerum originibus commentarii quibus omnis eorum philosophia, qui Deum esse negant, funditus evertitur. Accedunt reliqua eius opuscula. Joh. Laur. Moshemius [...] reliqua omnia ex anglico latine vertit, recensuit, variisque observationibus et dissertationibus illustravit et auxit, Jenæ : Meyer, 1773. CURTIS, Roger, «Herrn Roger Curtis Nachricht von der Küste Labrador. Aus dem 2ten Theile des 64sten Bandes der philosophischen Transactionen aufs Jahr 1774 übersetzt, und mit Anmerkungen begleitet», Beiträge zur Völker- und Länderkunde, herausgegeben von J. R. Forster und M. E Sprengel, Erster Theil, Leipzig : Weygandsche Buchhandlung, 1781, pp. 79–118. DAMASCIUS, ΔΑΜΑΣΚΙΟΥ ΔΙΑΔΟΧΟΥ ΑΠΟΡΙΑΙ ΚΑΙ ΛΥΣΕΙΣ ΠΕΡΙ ΤΩΝ ΠΡΩΤΩΝ ΑΡΧΩΝ, Damascii Philosophi Platonici quæstiones de primis principiis, Francofurti ad Mœnum : sumptibus et typis H. L. Brœnneri, 1826. DE LA BORDE, Sieur, «Voyage qui contient une relation exacte de l’origine, mœurs, coûtumes, réligion, guerres & voyages des Caraibes, sauvages des Isles Antilles de l’Amerique», dans Louis [Lodewyk] HENNEPIN, Voyage curieux du R. P. Louis Hennepin, Missionnaire Recollect, & Notaire Apostolique, qui contient une nouvelle découverte, d’un très-grand pays, situé dans l’Amerique, entre le Nouveau Mexique, & la Mer Glaciale ; avec toutes les particularités de ce pays, & les avantages qu’on en peut tirer par l’établissement des Colonies, enrichi de cartes & augmenté de quelques figures en taille douce necessaires, Leide : Van der Aa, 1704. DE PAUW, Cornélius, Recherches philosophiques sur les Américains, ou Mémoires intéressantes pour servir à l’histoire de l’espèce humaine, augmentée d’une Dissertation critique, par dom Pernety et de la Défense de l’auteur des Recherches contre cette Dissertation, Berlin : s.éd., 1771, 3 vol. – Recherches philosophiques sur les Égyptiens et les Chinois, Berlin : G. J. Decker, 1773, 2 vol. («Nouvelle édition exactement corrigée», Londres : Thomas Johnson, Lausanne : François Grasset et Genève : Samuel Cailler, 1774, 2 vol.). DENYS D’HALICARNASSE, Les Antiquités romaines – Antiquitates Romanæ. DIODORE DE SICILE, Histoire universelle de Diodore de Sicile, traduite en françois par Monsieur l’abbé Terrasson, de l’Académie Françoise, Paris : De Bure l’aîné, 1737–1744, 7 vol. DION CASSIUS, Histoire romaine – ëΡωμαιÈκηÁ ιë στοριÂ α – Historiae romanae. DOBRIZHOFFER, Martin, Historia de Abiponibus equestri, bellicosaque Paraquariæ natione [...], Viennæ : Typis Josephi Nob. De Kurzbek, 1784, 3 vol.

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Ouvrages cités par Constant

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FILANGIERI, Gaetano, La science de la législation, par M. le chevalier Gaetano Filangieri, ouvrage traduit de l’Italien d’après l’édition de Naples, de 1784, Paris : Cuchet, 1786–1791, 7 vol. FORSTER, Johann Reinhold, Observations Made During a Voyage Round the World, on Physical Geography, Natural History and Ethic Philosophy, London : G. Robinson, 1778. FOUCHER D’OBSONVILLE, voir Bagavadam ou doctrine divine. FOUCHER, Paul, «Traité historique de la religion des Perses», Mémoires de Littérature tirez des Registres de l’Académie Royale des Inscriptions et Belles Lettres, t. XXV, 1759, pp. 99–148, t. XXVII, 1761, pp. 253–394, t. XXIX, 1764, pp. 87–227, t. XXXI, 1768, pp. 443–479, t. XXXIX, 1770, pp. 689 et sv. FOUQUE´ , Friedrich Heinrich Karl de La Motte, Undine (1811, première traduction française par Isabelle de Montolieu : 1817). FRE´ RET, Nicolas, «Observations sur l’histoire des Amazones», Mémoires de Littérature tirez des Registres de l’Académie Royale des Inscriptions et Belles Lettres, t. XXI, 1754, pp. 106–119. – «Observations sur la religion des Gaulois et sur celle des Germains», Mémoires de Littérature tirez des Registres de l’Académie Royale des Inscriptions et Belles Lettres, t. XXIV, 1756, pp. 389–431. FRE´ ZIER, Amédée-François, Relation du voyage de la Mer du Sud, aux côtes du Chili, du Perou et du Bresil Fait pendant les années 1712, 1713 & 1714, Amsterdam : Pierre Humbert, 1717, 2 vol. GEORGI, Johann Gottlieb, Bemerkungen einer Reise im Rußischen Reich im Jahre 1772, St. Petersburg : Kayserliche Academie der Wissenschaften, 1775, 2 vol. – Beschreibung aller Nationen des Rußischen Reichs, ihrer Lebensart, Religion, Gebräuche, Wohnungen, Kleidungen und der übrigen Merkwürdigkeiten, St. Petersburg : Carl Wilhelm Müller, 1776–1780, 4 vol. – Geographisch-physikalische Beschreibung des Russischen Reiches zur Übersicht bisheriger Kenntnisse von demselben, Königsberg : Friedrich Nicolovius, 1797–1802, 4 vol. – Rußland. Beschreibung aller Nationen des Rußischen Reiches, ihrer Lebensart, Religion, Gebräuche, Wohnungen, Kleidungen und übrigen Merkwürdigkeiten, Leipzig : im Verlage der Dykischen Buchhandlung, 1783, 2 vol. GIBBON, Edward, The History of the Decline and Fall of the Roman Empire, London : Strahan and Cadell, 1776–1788, 6 vol. – Histoire de la décadence et de la chute de l’empire romain. Nouvelle édition entièrement revue et corrigée, précédée d’une notice sur la vie et le caractère de Gibbon, et accompagnée de notes critiques par F. Guizot, Paris : Lefèvre, 1819, 13 vol.

Ouvrages cités par Constant

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GIORGI, Agostino Antonio, Alphabetum tibetanum, missionum apostolicarum commodo editum. Præmissa est disquisitio qua de vario litterarum ac regionis nomine, gentis origine, moribus, superstitione, ac manichæismo fuse disseritur, Beausobrii calumniæ in sanctum Augustinum aliosque Ecclesiæ patres refutantur. Studio et labore fr. Augustini Antonii Georgii, Romæ : typis Sacæ Congregationis de propaganda fide, 1762. GMELIN, Johann Georg, D. Johann Georg Gmelins, der Chemie und Kräuterwissenschaft auf der hohen Schule zu Tübingen öffentlichen Lehrers, Reise durch Sibirien von dem Jahr 1733 bis 1743, Göttingen : Vandenhoeck, 1751–1752, 4 vol. (Sammlung neuer und merkwürdiger Reisen zu Wasser und zu Lande, t. IV à VII). GODWIN, William, An Enquiry concerning Political Justice and its Influence on general Virtue and Happiness, by William Godwin, London : G. G. J. and J. Robinson, 1793. GOGUET, Antoine-Yves, De l’origine des loix, des arts, et des sciences ; et de leurs progrès chez les anciens peuples, La Haye : Pierre Gosse junior, 1758, 3 vol. (Deux autres éditions parisiennes, en 6 vol. : Knapen, 1758, et Desaint & Saillant, 1759). GÖRRES, Joseph, Mythengeschichte der asiatischen Welt, Heidelberg : Mohr und Zimmer, 1810, 2 tomes en 1 vol. GRE´ GOIRE DE NAZIANZE, Ad Nemesium ; Sancti Patris Nostri Gregorii Theologi [...] Opera quæ extant omnia, t. III, PG, t. XXXVII, 1862, col. 1531–1575. GRUBER, Johann Gottfried, Wörterbuch der altklassischen Mythologie und Religion, Weimar : im Verlage des Landes-Industrie-Comptoirs, 1810– 1815, 3 vol. GUE´ NE´ E, Antoine, Lettres de quelques Juifs portugais et allemands à M. de Voltaire, avec des réflexions critiques, etc., et un petit commentaire extrait d’un plus grand, Lisbone [Paris : L. Prault], 1769. GUIGNIAUT, J.-D. voir CREUZER, Friedrich. GUMILLA, Joseph, Histoire naturelle, civile et géographique de l’Orénoque. Et des principales Riviéres qui s’y jettent. Dans laquelle on traite du Gouvernement, des usages & des coûtumes des Indiens qui l’habitent, des animaux, des arbres des fruits, des résines, des herbes & des racines médicinales qui naissent dans le Païs. On y a joint le détail de plusieurs Conversions remarquables & édifiantes. Par le Pere Joseph Gumilla, de la Compagnie de Jesus, Supérieur des Missions de l’Orenoque. Traduite de l’Espagnol sur la seconde Edition, par M. Eidous ci devant Ingenieur des Armées de S. M. C., Avignon : F. Girard et Marseille : D. Sibié & Jean Mossi, 1778, 3 vol.

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Ouvrages cités par Constant

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tern der Griechen, Dritter Band : enthaltend die astronomischen Mythen der Griechen, mit erläuternden Anmerkungen begleitet, nebst einer Vorrede des Herrn Hofrath Heyne, Berlin et Stettin : Friedrich Nicolai, 1787– 1795, 3 vol. HE´ RODOTE, Histoires – ëΙστορι αι. HE´ SIODE, Théogonie – Θεογονι α. HEYNE, Christian Gottlieb, «De Theogonia Ab Hesiodo Condita. Ad Herodoti Lib. II, c. 52. Commentatio Recitata d. VII. ivn. MDCCLXXIX», Commentationes Societatis Regiæ Scientiarum Gottingensis, t. II, Commentationes historicae et philologicae, Göttingen : Dietrich 1780, pp. 125–154. – «De auctoribus formarum quibus dii in priscæ artis operibus efficti sunt», Commentationes Societatis Regiæ Scientiarum Gottingensis, t. VIII, 1787, pp. XVI-XXX. Histoire universelle, depuis le commencement du monde jusqu’à présent. Traduit de l’anglois d’une société de gens de lettres, Amsterdam et Leipzig : Arkstee & Merkus, 1742–1802, 46 vol. Historiæ Augustæ scriptores sex : Ælius Spartianus, Julius Capitolinus, Ælius Lampridius, Vulcatius Gallicanus, Trebellius Pollio, Flavius Vopiscus, ad optimas editiones collati studiis societatis Bipontinæ, Biponti : Typographia Societatis, 1787, 2 vol. HÖGSTRÖM, Pehr, M. Peter Högströms, Missionar und Pastor zu Gelliware, Beschreibung des der Crone Schwedens gehörigen Lapplandes. Nebst Arwid Ehrenmalms Reise durch West-Nordland nach der Lappmark Asehle und einer bey solcher Gelegenheit entworfnen geographischen Charte, aus dem Schwedischen übersetzt, Copenhagen et Leipzig : Gabriel Christian Rothe, 1748. [HOLBACH, Paul-Henri-Thiry d’], Système de la nature ou des lois du monde physique et du monde moral, par M. Mirabaud, Londres : s.éd., 1770, 2 vol. HOME` RE, Homers Odyssee von Johann Heinrich Voss, Stuttgart et Tübingen : in der J. G. Cotta’schen Buchhandlung, 1814, 3 vol. – Iliade – ’Ιλια ς. HORACE, Épîtres – Epistulæ. – Odes – Carmina. HUDSON, John, Geographiæ veteris scriptores græci minores : cum interpretatione latina, dissertationibus, ac annotationibus, Oxoniæ : e Theatro Sheldoniano, 1698, 4 vol. HUET, Pierre-Daniel, Petri Danielis Huetii Demonstratio evangelica ad serenissimum delphinum, Parisiis : apud Stephanum Michallet, MDCLXXIX (1679). – Alnetanæ Quæstiones de concordia, rationis et fidei, Lutetiæ Parisiorum : apud Thomam Moette, MDCXC (1690).

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Instruments bibliographiques

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Ouvrages cités par Constant

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theologiæ ethnicæ celtarum gentiumque septentrionalium cum moribus et institutis maiorum nostrorum circa idola, aras, oracula, templa, lucos, sacerdotes, regum electiones, comitia et monumenta sepulchralia una cum reliquiis gentilismi in coetibus christianorum ex monumentis potissimum hactenus ineditis fuse perquiruntur, Hannoveræ : sumptibus N. Foersteri, 1720. The Koran, Commonly called the Alcoran of Mohammed, translated into English immediately from the original Arabic, with explanatory notes taken from the most approved commentators, to which is prefixed a preliminary discourse by G. Sale, London : J. Wilcox, 1734. KORTHOLT, Christian, Christiani Kortholti Paganus obtrectator. Sive De calumniis gentilium in veteres christianos libri 3. Vivente b. auctore prelo jam subjecti, maximamque partem expressi, post fata vero ejusdem ab hæredibus publicati, Kilonii : Reumann et Lipsiæ : Richelius, 1698. KOTZEBUE, August von, Erinnerungen von einer Reise aus Liefland nach Rom und Neapel, Erster Theil, Berlin : bei Heinrich Frölich, 1805. LA MENNAIS, Félicité de, Essai sur l’indifférence en matière de religion, t. I, Paris : Tournachon-Molin et H. Seguin, 1817, t. II, Paris : Méquinon fils aîné, 1822, t. III et IV, Paris : Librairie Classique-E´lémentaire, 1823. LABAT, Jean-Baptiste, Voyage du Chevalier Des Marchais en Guinée, isles voisines, et à Cayenne, Fait en 1725, 1726 et 1727, Contenant une Description très exacte & très étendue de ces Païs & du Commerce qui s’y fait, Enrichi d’un grand nombre de Cartes & de Figures en Tailles douces, Par le R. P. Labat, Amsterdam : aux dépens de la Compagnie, 1731, 4 vol. – Nouveau voyage aux Isles de l’Amerique, contenant l’histoire naturelle de ces pays, l’origine, les mœurs, la religion & le gouvernement des habitans anciens & modernes ; les guerres & les evenemens singuliers qui y sont arrivez pendant le séjour que l’Auteur y a fait. Nouvelle édition augmentée considérablement [...], Paris : chez Ch.-J.-B. Delespine, 1742, 8 vol. (Première édition : Paris : G. Cavelier et P.-F. Giffard, 1722). LA CURNE DE SAINTE-PALAYE, Jean-Baptiste de, Mémoires sur l’ancienne chevalerie, Considérée comme un établissement politique & militaire. Nouvelle édition, augmentée d’un volume, Paris : Veuve Duchesne, 1781, 3 vol. LAFITAU, Joseph-François, Mœurs des sauvages ameriquains, comparées aux mœurs des premiers temps, Paris : Saugrain l’aîné et Charles Estienne Hocherau, 1724, 2 vol. – Allgemeine Geschichte der Länder und Völker von America. Aus dem Französischen übersetzt von Johann Friedrich Schröter und herausgegeben von Siegmund Jacob Baumgarten, Halle : Johann Justinus Gebauer, 1752–1753, 2 vol.

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LAINE´ , Joseph-Henri-Joachim, «Ministère de l’Intérieur. éclaircissements sur quelques difficultés soumises au ministre secrétaire d’état de l’Intérieur, relativement au registre et à la liste des électeurs, dont la formation a été préscrite par la loi du 6 février 1817», Moniteur, no 113, 23 avril 1817, p. 440a-c. LANGSDORFF, Georg Heinrich von, «Bemerkungen auf einer Reise um die Welt, in den Jahren 1803 bis 1807», Journal für die neuesten Land- und Seereisen und das Interessanteste aus der Völker- und Länderkunde zur angenehmen Unterhaltung für gebildete Leser aus allen Ständen, Fünfter Jahrgang, juin 1812, pp. 98–139. LARCHER, Pierre-Henri, Histoire d’Hérodote, traduite du grec, avec des remarques historiques et critiques, un essai sur la chronologie d’Hérodote et une table géographique, Paris : Musier, 1786, 7 vol. («Nouvelle édition, revue, corrigée et considérablement augmentée», Paris : Crapelet, an XI [1802], 9 vol.). LE CLERQ, Chrestien, Nouvelle Relation de la Gaspesie, qui contient les Mœurs & la Religion des Sauvages Gaspesiens Porte-Croix, adorateurs du Soleil, & d’autres Peuples de l’Amerique Septentrionale, dite le Canada. [...] Par le Pere Chrestien Le Clercq, Paris : chez Amable Auroy, 1691. LE COMTE, Louis, Nouveaux memoires sur l’état present de la Chine, seconde édition, Paris : chez Jean Anisson, 1697, 2 vol. – Éclaircissement sur la dénonciation faite à N. S. P. le Pape, des nouveaux mémoires de la Chine, composez par le père Louis le Comte, s.l. : s.éd., 1700. LE GOBIEN, Charles, Histoire des isles Mariannes, nouvellement converties à la Religion Chrestienne ; & de la mort glorieuse des premiers Missionnaires qui y ont prêché la Foy, Paris : Nicolas Pepie, 1700. LE NAIN DE TILLEMONT, Louis-Sébastien, Histoire des Empereurs, et d’autres princes qui ont régné durant les six premiers siècles de l’église, de leurs guerres contre les Juifs, des écrivains profanes et des personnes les plus illustres de leur temps, Paris : C. Robustel, 1720–1738, 6 vol. (Première édition : 1697). LE VAILLANT, François, Voyage de M. Le Vaillant dans l’Intérieur de l’Afrique, Par le Cap de Bonne-Espérance, Dans les Années, 1780, 81, 82, 83, 84, & 85, Paris : chez Leroy, 1790, 2 vol. – Second voyage dans l’intérieur de l’Afrique, par le Cap de Bonne Espérance, dans les années 1783, 84 et 85, Paris : H. J. Jansen, L’an IVe de la République, Une et Indivisible [1796], 2 vol. LECLERC DE BUFFON, Georges-Louis, Les époques de la nature (1785).

Ouvrages cités par Constant

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LECLERC DE SEPT-CHEˆ NES, Essai sur la religion des anciens Grecs, Lausanne : Henri Pott, 1787, 2 vol. LEEM, Knud, Knud Leems Professors der Lappischen Sprache Nachrichten von den Lappen in Finmarken, ihrer Sprache, Sitten, Gebräuche, und ehemaligen heidnischen Religion, mit Anmerkungen von J[ohan] E[rnst] Gunner[us], Bischof zu Drontheim. Aus dem Dänischen übersetzt [traducteur : Johann Jacob Volkmann], Leipzig : in der Dyckischen Buchhandlung, 1771. LE´ RY, Jean de, Histoire d’un voyage faict en la terre du Bresil, autrement dite Amerique. Contenant la navigation, et choses remarquables, veuës sur mer par l’aucteur. Le comportement de Villegagnon en ce pays-là. Les mœurs et façons de vivre estranges des Sauvages Ameriquains : avec un colloque de leur langage. Ensemble la description de plusieurs Animaux, Arbres, Herbes, et autres choses singulieres, et du tout inconnues par deçà : dont on verra les sommaires des chapitres au commencement du livre. Revue, corrigée, et bien augmentée en ceste seconde Edition, tant de figures, qu’autres choses notables sur le sujet de l’auteur. Le tout recueilli sur les lieux par Jean De Lery, natif de la Margelle, terre de sainct Sene, au Duché de Bourgogne, Genève : Antoine Chuppin, 1580. LESSING, Gotthold Ephraim, Die Erziehung des Menschengeschlechts, Berlin : s.éd., 1780. LETRONNE, Antoine-Jean, Recherches pour servir à l’histoire de l’E´gypte pendant la domination des Grecs et des Romains, tirées des inscriptions grecques et latines, Paris : Boulland-Tardieu, 1823. Lettres édifiantes et curieuses, écrites des missions étrangères. Nouvelle édition, Paris : J. G. Merigot le jeune, 1780–1783, 26 vol. LEVESQUE, Pierre-Charles, Histoire de Thucydide, fils d’Olorus, traduite du Grec, Paris : J. B. Gail et P. F. Aubin, 1795, 4 vol. – Histoire de Russie. Nouvelle édition corrigée et augmentée par l’Auteur, et conduite jusqu’à la mort de l’Impératrice Catherine II, Hambourg et Brunswick : chez Pierre-François Fauche et Compagnie, 1800, 8 vol. LINDEMANN, Johann Gottlieb, Geschichte der Meinungen älterer und neuerer Völker im Stande der Roheit und Cultur, von Gott, Religion und Priesterthum, nebst einer besonderen Religionsgeschichte der Aegypter, Perser, Chaldäer, Chinesen, Indianer, Phönicier, Griechen und Römer &c. wie auch von der Religion der wilden Völker, als Brasilianer, Me- xicaner, Peruaner &c, Stendal : Franzen und Grosse, 1784–1795, 7 vol. LOE` VE-VEIMARS, Adolphe, Chronologie Universelle, Paris : chez Raymond éditeur, 1825 (Bibliothèque du dix-neuvième siècle, t. C). LOYER, Godefroy, Relation du voyage du royaume d’Issyny, Côte d’Or, Païs de Guinée, en Afrique, La description du païs, les inclinations, les

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mœurs, & la religion des habitans : avec ce qui s’y est passé de plus remarquable dans l’établissement que les François y ont fait. Le tout exactement recueilli sur les lieux par le R. Père Godefroy Loyer ... Enrichie de figures en taille douce, Paris : Arnoul Seneuze, Jean-Raoul Morel, 1714. LUCIEN, Lucians von Samosata sämtliche Werke. Aus dem Griechischen übersetzt und mit Anmerkungen und Erläuterungen versehen von C. M. Wieland, Leipzig : im Verlag der Weidmannischen Buchhandlung, 1788. – La Déesse syrienne – De Dea syria. – Dialogues des Dieux – Deorum dialogi. LUCAIN, La Pharsale – Marci Annæi Lucani de bello civili libri decem. LUCRE` CE, De la nature des choses – De rerum natura. LUEDER, August Ferdinand, Geschichte der vornehmsten Völker der alten Welt im Grundrisse, Braunschweig : Karl Reichard, 1800. MACRAE, John, «Account of the Kookies or Lunctas. By John Macrae, Esq. Communicated by J. H. Harington, Esq.», Asiatick Researches, t. VII, 1801, pp. 183–198. MAISTRE, Joseph de, Du Pape, Lyon : Rusand & Beaucé-Rusand, 1819, Louvain : Vanlinthout et Vandenzande, 1821. MAJER, Friedrich, Allgemeines Mythologisches Lexicon, aus Originalquellen bearbeitet, Weimar : Verlag des Landes-Industrie-Comptoirs, 1803– 1804, 2 vol. – Mythologisches Taschenbuch, oder Darstellung und Schilderung der Mythen, religiösen Ideen und Gebräuche aller Völker, Weimar : Verlag des Landes-Industrie-Comptoirs, 1811–1812, 2 vol. – «Die Verkörperungen des Wischnu», Asiatisches Magazin, verf. von einer Gesellschaft Gelehrten und hrsg. von Julius Klaproth, Weimar : Verlag des Landes-Industrie-Comptoirs, 1802, pp. 221–244. MALLET, Paul-Henri, Introduction à l’histoire du Dannemarc, où l’on traite de la religion, des Loix, des Mœurs & des Usages des anciens Danois, par Mr Mallet, Copenhague : imp. des héritiers Berling, 1755 («Seconde Edition revuë et corrigée» : Genève : s.éd., 1763). MANSO, Johann Caspar Friedrich, Versuche ueber einige Gegenstaende aus der Mythologie der Griechen und Roemer, Leipzig : in der Dyckischen Buchhandlung, 1794. MARINI, Giovanni Filippo de, Relation nouvelle et curieuse des royaumes de Tunquin et de Lao contenant une description exacte de leur Origine, Grandeur, Estenduë, de leurs Richesses, & de leurs Forces ; des Mœurs, & du naturel de leurs Habitans ; de la fertilité, & des Rivieres qui les arrosent de tous costez, & de plusieurs autres particularitez utiles & ne-

Ouvrages cités par Constant

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cessaires pour l’Histoire, & la Géographie. Ensemble la Magnificence de la Cour des Roys de Tunquin, & des Ceremonies qu’on observe à leurs Enterremens. Traduite de l’Italien du P. Mariny Romain. Par L. P. L. C. C., Paris : Gervais Clouzier, 1666. MARION-DUFRESNE, Nicolas-Thomas, Nouveau voyage à la Mer du Sud, commencé sous les ordres de M. Marion, Chevalier de l’Ordre Royal & Militaire de S. Louis, Capitaine de brûlot, & achevé, après la mort de cet Officier, sous ceux de M. le Chevalier Duclesmeur, Garde de la Marine. Cette relation a été rédigée d’après les plans & journaux de M. Crozet. On a joint a ce voyage un extrait de celui de M. de Surville dans les mêmes Parages, Paris : Barrois l’aîné, 1783. MARLEBURROUGH, Henry, voir SPENSER, Edmund. MARTIGNAC, Jean-Baptiste Sylvère Gaye de, «[Présentation du projet de loi sur le budget]», Moniteur, no 174, 22 juin 1824, pp. 839c–842b. MARSDEN, William, The History of Sumatra, containing an Account of the Government, Laws, Customs and Manners of the native Inhabitants, with a Description of the natural Productions and a Relation of the ancient political State of that Island, London : Printed for the Author, and Sold by Thomas Payne and Son, Mew’s-Gate, 1783 (Second Edition : 1784, Third Edition : London : Longman, Hurst, Rees, Orme, and Brown, 1811). MASSIAS, Nicolas, Lettre à M. le baron d’Eckstein, sur l’existence d’une langue, d’une science et d’une religion primitives, avec des observations sur quelques passages du premier numéro du «Catholique», par M. N. M..., Paris : Johanneau, F. Didot, 1828. MASSIEU, Guillaume, «Parallèle d’Homère & de Platon», Mémoires de Littérature tirez des Registres de l’Académie Royale des Inscriptions et Belles Lettres, t. II, 1736, pp. 1–16. MASSON, Jean-Baptiste-E´tienne, «[Pétition du sieur Masson]», Moniteur, no 86, 27 mars 1825, p. 455b. MATERNE, Edmundus et DURAND, Ursinus, Veterum scriptorum et monumentorum historicorum, dogmaticorum, moralium amplissima collectio, Parisiis : Apud Montalant, 1724–1733, 9 vol. MATTHIAE, August Heinrich, Animadversiones in Hymnos Homericos cum prolegomenis de cuiusque consilio, partibus, ætate, Lipsiæ : Libraria Weidmannia, 1800. MAURER, Johann, De Adonide ejusque cultu religioso dissertatio antiquaria, cujus sectionem primam, moderante [...] Gottl. Christophero Harles, [...] d. 8 april. 1782 examini eruditorum subjiciet auctor et defendens Johannes Maurer, Erlangæ : Litteris Ellrodtianis, s.d. [1782].

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Ouvrages cités par Constant

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PLINE LE JEUNE, Correspondance – Epistulæ. [PLUCHE, Noël Antoine], Histoire du ciel considéré selon les idées des Poëtes, des Philosophes, et de Moïse. Où l’on fait voir 1o. L’origine du Ciel Poëtique. 2o. La méprise des Philosophes sur la fabrique du Ciel & de la Terre. 3o. La conformité de l’expérience avec la seule Physique de Moïse, Paris : Veuve Estienne, 1739, 2 vol. PLUQUET, François-André-Adrien, Mémoires pour servir à l’histoire des égaremens de l’esprit humain par rapport à la religion chrétienne, ou dictionnaire des hérésies, des erreurs et des schismes : précédé d’un discours dans lequel on recherche quelle a été la religion primitive des hommes ; les changemens qu’elle a soufferts jusqu’a` la naissance de Christianisme ; les causes générales, les liaisons et les effets des Hérésies qui ont divisé les Chrétiens, Paris : Nyon, Barrois, Didot, 1762–1764, 2 vol. PLUTARQUE, Consolation à Apollonios – De consolatio ad Apollonium. – De la superstition – De superstitione. – Qu’il est impossible de vivre heureux en suivant les préceptes d’E´picure – Non posse suaviter vivi secundum Epicurum. POPE, Alexander, An Essay on Man (1734). PORPHYRE, De l’abstinence – De abstinentia ab esu animalium. PRADT, Dominique Dufour de, Les quatre Concordats, suivis de considérations sur le gouvernement de l’église en général, et sur l’église de France en particulier, depuis 1515, Paris : Béchet, 1818, 4 vol. PRAETORIUS, Johannes, Alectryomantia : seu divinatio magica cum gallis et gallinaceis peracta heic secundum varias suas species producta [...], Francofurto et Lipsiæ : Wohlfarth, 1680. PROYART, Liévin Bonaventure, Histoire de Loango, Kakongo, et autres royaumes d’Afrique, rédigée d’après les mémoires des préfets apostoliques de la mission française, [...] par M. l’abbé Proyart, Paris : C. P. Berton et N. Crapart, 1776. – Geschichte von Loango, Kakongo und andern Königreichen in Afrika, aus den Nachrichten der Vorsteher der französischen Mission, verfertiget vom Abbé Proyart. Aus dem Französischen übersetzt, Leipzig : Weygand, 1777. [PRUNEAU DE POMMEGORGE, Antoine Edme], Description de la Nigritie. Par M. P. D. P. Ancien Conseiller au Conseil Souverain du Sénégal, & ensuite Commandant du Fort Saint-Louis de Gregoy, au royaume de Juda, & de présent Gouverneur pour le Roi de la Ville Saint-Dié-surLoire. Enrichie de Cartes, Amsterdam [Paris] : Maradan, 1789. Ä ν. De Lapidibus poema Orpheo a quibusdam PSEUDO-ORPHE´ E, ΠεριÁ λιθω adscriptum, græce et latine, de editione Jo. Matthiæ Gesneri, recensuit notasque adjecit Thomas Tyrwhitt, simul prodit auctarium dissertationis de Babrio, Londini : typis J. Nichols, 1781.

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PYRARD, François, Voyage de François Pyrard, de Laval, contenant sa navigation aux Indes Orientales, Maldives, Moluques, & au Bresil : & les divers accidens qui luy sont arrivez en ce Voyage pendant son sejour de dix ans dans ces Païs [...], Paris : Louis Billaine, 1679. RACINE, Jean, Phèdre (1677). RAMSAY, Andrew Michael, Voyages de Cyrus, suivis d’un Discours sur la mythologie, par M. Ramsay. Nouvelle édition, revue, augmentée de notes géographiques, historiques, mythologiques, par L. Philipon de La Madeleine, Paris : Ferra jeune, 1826. RASLES, Sébastien, «Lettre du Père Sébastien Rasles, Missionnaire de la Compagnie de Jésus dans la Nouvelle France, à Monsieur son Frère. A Nanrantsouak, ce 12 Octobre, 1723», Lettres édifiantes et curieuses écrites des missions étrangères. Nouvelle édition. Mémoires d’Amérique, Paris : chez J. G. Merigot le jeune, t.VI, 1781, pp. 153–225. RAWLINS, John, «On the Manners, Religion, and Laws of the Cucis, or Mountaineers of Tipra. Communicated, in Persian, by John Rawlins, Esq.», Asiatic Researches, London : Vernor, Hood, [...] and J. Murray, t. II, 1807, pp. 187–193. REINHARD, Philipp Christian, Abriß einer Geschichte der Entstehung und Ausbildung der religiösen Ideen, Jena : in der Akademischen Buchhandlung, 1794. RE´ MUSAT, Jean-Pierre-Abel, L’invariable milieu, ouvrage moral de Tsèussê, en chinois et en mandchou, avec une version littérale latine, une traduction françoise et des notes, précédé d’une notice sur les quatre livres moraux communément attribués à Confucius, par M. Abel-Rémusat, Paris : de l’imprimerie royale, 1817. – Mémoire sur la vie et les opinions de Lao-Tseu, philosophe chinois du VIe siècle avant notre ère, qui a professé les opinions communément attribuées à Pythagore, à Platon et à leurs disciples, Paris : Imprimerie Royale, 1823. – «Extrait d’un mémoire sur Lao-Tseu, philosophe chinois du sixième siècle avant notre ère, qui a professé les opinions attribuées à Platon et Pythagore», Journal asiatique, t. III, 1823, pp. 3–15, repris dans les Mélanges asiatiques, Paris : Dondey-Dupré père et fils, t. I, 1825, pp. 88–99. RENELL, James, The Geographical System of Herodotus, London : printed for W. Bulmer & Co, 1800. Revue encyclopédique, ou Analyse raisonnée des productions les plus remarquables dans la littérature, les sciences et les arts, par une réunion de membres de l’Institut et d’autres hommes de lettres, Paris : Baudouin frères, 1819–1835, 61 vol.

Ouvrages cités par Constant

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RHODE, Johann Gottlieb, Ueber Alter und Werth einiger morgenländischen Urkunden, in Beziehung auf Religion, Geschichte und Alterthumskunde überhaupt, Breslau : Wilibald August Holäufer, 1817. RICHARD, Jérôme, Histoire naturelle, civile et politique du Tonquin, Paris : Moutard, 1778, 2 vol. ROBERTSON, William, The History of America, London : printed for W. Strahan and T. Cadell, 1777, 2 vol. ROCHEFORT, César de, Histoire naturelle et morale des Iles Antilles de l’Amérique. Enrichie de plusieurs belles figures des Raretez les plus considerables qui y sont d’écrites. Avec un Vocabulaire Caraïbe, A Roterdam : chez Arnould Leers, 1658. ROGERIUS, Abraham, Abraham Rogers Offne Thür zu dem verborgenen Heydenthum [...], Aus dem Niederländischen übersetzt, Nürnberg : J. A. Endters, 1663. – La Porte ouverte pour parvenir à la connaissance du paganisme caché [...], traduite en François par le sieur Thomas La Grue, Amsterdam : J. Schipper, 1670. ROLLE, Pierre-Nicolas, Recherches sur le culte de Bacchus, symbole de la force reproductive de la nature, considéré sous ses rapports généraux dans les mystères d’Eleusis, et sous ses rapports particuliers dans les dionysiaques et les triétériques, Paris : J. P. Merlin, 1824, 3 vol. RÖMER, Ludewig Ferdinand, Nachrichten von der Küste Guinea, mit einer Vorrede [von] D. Erich Pontoppidan, aus dem Dänischen übersetzt. Mit Kupfern, Kopenhagen und Leipzig : bey Friederich Christian Pelt, 1769. RÖSSLER, Christian Friedrich, Bibliothek der Kirchen-Väter. In Übersetzungen und Auszügen aus ihren fürnehmsten, besonders dogmatischen Schriften, sammt dem Original der Hauptstellen und nöthigen Anmerkungen, Leipzig : bey Christian Gottlieb Hertel, 1776–1786, 10 vol. ROUBAUD, Pierre-Joseph-André, Histoire générale de l’Asie, de l’Afrique et de l’Amérique, Contenant des Discours sur l’Histoire Ancienne des Peuples de ces Contrées, leur Histoire Moderne & la Description des Lieux, avec des Remarques sur leur Histoire Naturelle, & des Observations sur les Religions, les Gouvernemens, les Sciences, les Arts, le Commerce, les Coutumes, les Mœurs, les Caracteres, &c. des Nations, Paris : Des Ventes de la Doué, 1770–1775, 15 vol. ROUGE´ , Adrien-Gabriel-Victurnien de, «[Rapport d’Adrien, comte de Rougé, au nom de la commission chargée d’examiner le projet de loi concernant des crédits supplémentaires pour 1824, lu a` la Chambre des députés, séance du 20 avril 1825]», Moniteur, no 112, 22 avril 1825, pp. 613a614a.

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ROUSSEAU, Jean-Jacques, Du contrat social (1762). RYC˘ KOV, Nikolaj Petrovic˘, Herrn Nikolaus Rytschkow kaiserl. rußischen Capitains Tagebuch über seine Reise durch verschiedene Provinzen des rußischen Reichs in den Jahren 1769. 1770. und 1771. Aus dem Rußischen übersetzt von M. Christian Heinrich Hase, Riga : Johann Friedrich Hartknoch, 1774. RYC˘ KOV, Petr Ivanovic˘, Orenburgische Topographie oder umständliche Beschreibung des Orenburgischen Gouvernements. Verfasset von Peter Rytschkov. Aus dem Russischen, von Jacob Rodde, Riga : Johann Friedrich Hartknoch, 1772, 2 parties en un vol. SAINT-FOIX, Germain-François Poullain de, Essais Historiques sur Paris. Cinquième édition, Paris (t. V : Londres, Paris) : Chez la Veuve Duchesne, 1776–1777, 7 vol. SALE, George, Observations historiques et critiques sur le Mahométisme. Ou Traduction du Discours préliminaire Mis à la tête de la Version Angloise de l’Alcoran, Publiée par George Sale, Genève : Barrillot & Fils, 1751. – voir The Koran. SALIGNAC DE LA MOTHE FE´ NELON, François de, Condamnation & défense de N. S. P. le Pape Innocent XII du livre imprimé à Paris en 1697 sous ce titre : Explication des maximes des Saints sur la vie intérieure, &c., traduite en François, Paris : François Muguet, 1699. SALMON, Thomas, Histoire moderne ou l’état présent de tous les peuples du monde, traduit de l’anglois de M. Salmon, Amsterdam : Isaac Tirion, 1730, 2 vol. SALVADOR, Joseph, Loi de Moïse, ou Système religieux et politique des Hébreux, Paris : Ridan, 1822. SCHLEGEL, August Wilhelm, [C. r. de] Barthold Georg Niebuhr, «Römische Geschichte, Berlin : In der Realschulbuchhandlung, 1811–1812, 2 vol.», Heidelbergische Jahrbücher der Litteratur, t. IX, 53–57, 1816, pp. 833– 906. SCHLEGEL, Friedrich, Ueber die Sprache und Weisheit der Indier. Ein Beitrag zur Begründung der Alterthumskunde, von Friedrich Schlegel, nebst metrischer Übersetzung indischer Gedichte, Heidelberg : Mohr und Zimmer, 1808. SCHMID, Johann Ernst Christian, Allgemeine Bibliothek der neuesten theologischen Literatur, Giessen : Heyer, 1798–1803, 8 vol. SCHMIDT, Friedrich Samuel von, Dissertatio de Sacerdotibus et sacrificiis Ægyptiorum quam illustriss. acad. reg. inscr. et lib. artium Lutetiæ Paris. præmio dignam judicavit a. 1764, Tubingæ : apud J. G. Cottam, 1768.

Ouvrages cités par Constant

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[SCHRÖTER, Johann Friedrich], Allgemeine Geschichte der Länder und Völker von America. Erster Theil, nebst einer Vorrede Siegmund Jacob Baumgartens, Halle : Johann Justinus Gebauer, 1752 (Zweiter Theil : Halle : Johann Justinus Gebauer, 1753). SCHWABE, Johann Joachim [traducteur], voir Allgemeine Historie der Reisen zu Wasser und zu Lande. SCOTT, Walter, The Bride of Lammermoor (1819). SE´ NE` QUE, Questions naturelles – Naturales quæstiones. – La vie heureuse – De vita beata. SEXTUS EMPIRICUS, Sextus Empiricus with an English Translation by R. G. Bury, Cambridge, Mass. : Harvard University Press, London : Heinemann 1938, 4 vol. SHAW, Thomas, «On the Inhabitants of the Hills near Ra’jamahall, By Lieutenant Thomas Shaw», Asiatick Researches, t. IV, 1795, pp. 45–107. SIMONDE DE SISMONDI, Jean-Charles-Léonard, Histoire des républiques italiennes du Moyen Age, Zürich : Gessner, 1807 et Paris : Treuttel et Würtz, 1809 et 1825–26, 16 vol. SIRIEYS DE MAYRINHAC, Jean-Jacques-Félix, «Rapport fait au nom de la commission des comptes, par M. Siriyes de Mayrinhac, député du département du Lot, sur le projet de loi relatif au règlement définitif du budget de 1822», Moniteur, no 160, 1er et 2d supplément, 8 juin 1824, pp. 761a–766c. SIXTE DE SIENNE, Bibliotheca sancta, 2a editio, novis ex postrema veneta editione accessionibus illustrata et nova chronographica tabula secundum temporum collationem locupletata, Coloniæ : Maternus Cholinus, 1576. SNELGRAVE, William, Nouvelle Relation de quelques endroits de Guinée, et du commerce d’Esclaves qu’on y fait. Contenant I. L’Histoire de la dernière Conquête du Roïaume de Juda, par le Roi de Dahomè. Le Voïage de l’Auteur au Camp de ce Conquérant, où il fit sacrifier plusieurs Esclaves, &c. II. La manière dont les Nègres deviennent Esclaves. Le nombre que l’on en transporte tous les ans de Guinée en Amérique. Les raisons qui prouvent que ce Commerce n’a rien d’illicite. Les Soulèvemens de ces Esclaves à bord des Vaisseaux où étoit l’Auteur. &c. III. La Relation de tout ce qui est arrivé à l’Auteur lorsqu’il fut pris par les Pirates, & de plusieurs autres dangers auxquels il s’est vu exposé. Traduite de l’Anglois du Capitaine Guillaume Snelgrave, par Mr. A. Fr. D. de Coulange, Amsterdam : aux dépens de la Compagnie, 1735. SOCRATE LE SCHOLASTIQUE, Histoire ecclésiastique – ÆΕκκλησιαστικηÁ ëΙστορι α. SONNERAT, Pierre, Voyage aux Indes orientales et à la Chine, fait par ordre du Roi, depuis 1774 jusqu’en 1781, dans lequel on traite des mœurs, de la

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religion, des sciences et des arts des Indiens, des Chinois, des Pégouins et des Madégasses, suivi d’Observations sur le Cap de Bonne-Espérance, les isles de France et de Bourbon, les Maldives, Ceylan, Malacca, les Philippines et les Moluques, et de recherches sur l’histoire naturelle de ces pays, par M. Sonnerat, Paris : chez l’Auteur, Froule, Nyon, Barrois, le jeune, 1782, 2 vol. SOZOME` NE, Histoire ecclésiastique – ÆΕκκλησιαστικηÁ ëΙστορι α. SPANGENBERG, Ernst, De veteris Latii Religionibus domesticis commentatio, Gottingæ : Typis Henrici Dieterich, s.d. SPARRMAN, Anders, Voyage au Cap de Bonne-Espérance, et autour du monde avec le Capitaine Cook, et principalement dans le pays des Hottentots et des Caffres, traduit par M. Le Tourneur, Paris : chez Buisson, Libraire, 1787, 3 vol. SPENSER, Edmund, CAMPION, Edmund, HANMER, Meredith et MARLEBURROUGH, Henry, Ancient Irish Histories. The Works of Spencer, Campion, Hanmer and Marleburrough, in two volumes, Dublin : Society of Stationers, 1809, 2 vol. (T. I contient : A View of the State of Ireland, Written Dialogue-Wise, between Eudoxus and Irenæus, by Edmund Spenser, esq., in the Year 1596, et Edmund Campion, A History of Ireland Written in the Year 1571, by Edmund Campion). STARCK, Johann August, Geschichte der christlichen Kirche des ersten Jahrhunderts, Berlin, Leipzig : Decker, 1779–1780, 3 vol. STÄUDLIN, Carl Friedrich, Geschichte der Sittenlehre Jesu, Göttingen : im Vandenhoeck-Ruprechtischen Verlage, 1799–1802, 2 vol. – Geschichte der philosophischen, ebräischen und christlichen Moral im Grundrisse, Hannover : Hahn, 1806. – «Über den Zweck und die Wirkungen des Tods Jesu», Göttingische Bibliothek der neuesten theologischen Literatur, herausgegeben von Johann Friedrich Schleusner und Carl Friedrich Stäudlin, Göttingen : Im Vandenhoeck- und Ruprechtschen Verlag, t. I, 1795. – «Über die Lamaische Religion» et «Über die Lamaische Religion unter den Kalmücken», Magazin für Religions-, Moral- und Kirchengeschichte, t. I, 1801, pp. 88–153 et 313–432. – «Übersicht der zerstreuten Beyträge zur Religionsgeschichte in verschiedenen neuern Schriften», Magazin für Religions-, Moral- und Kirchengeschichte, t. I, 1801, pp. 433–522. – «Von der Religion der Taheitier», Magazin für Religions-, Moral- und Kirchengeschichte, t. I, 1801, pp. 1–78. – «Zweyte Übersicht der zerstreuten Beyträge [...]», Magazin für Religions-, Moral- und Kirchengeschichte, t. II, pp. 99–254.

Ouvrages cités par Constant

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STEGER, Johann Andreas Friedrich, Mythologie der Griechen und Römer, auf einen allgemeinen Grundsatz zurückgeführt. Zum Gebrauche für Vorlesungen, von D. J. A. Steger, Lehrer am Katharinäum zu Braunschweig, der Königl. Litterar. Gesellschaft zu Halberstadt auswärtigem Mitgliede, Berlin : Frölich, 1800. STELLER, Georg Wilhelm, Beschreibung von dem Lande Kamtschatka dessen Einwohnern, deren Sitten, Nahmen, Lebensart und verschiedenen Gewohnheiten, Frankfurt et Leipzig : J. G. Fleischer, 1774. STRABON, Géographie – Γεωγραϕικα . STUTZMANN, Johann Josua, Philosophie der Geschichte der Menschheit, Nürnberg : Campe, 1808. TACITE, Annales – Annalium libri I-XVI. – La Germanie – De origine et situ Germanorum. TASTU, Amable (Sabine-Casimire-Amable Voïart), Poésies, Paris : s.éd., 1826. TERTULLIEN, À son épouse – Ad uxorem. – Le Baptême – De baptismo. – Exhortation à la chasteté – De exhortatione castitatis. – Du jeûne ou contre les psychiques – De ieiunio adversus psychicos. THE´ OCRITE, Les Thalysies – Θαλυ σια (Idylles VII). THEVET, André, La Cosmographie universelle d’André Thevet, cosmographe du Roy, illustrée de diverses figures des choses plus remarquables veues par l’auteur, & incogneuës de noz anciens & modernes, Paris : chez Pierre l’Huillier, 1575, 4 tomes en 2 vol. THIERRY, Augustin, Lettres sur l’histoire de France, pour servir d’introduction à l’étude de cette histoire, par Augustin Thierry, Paris : Sautelet, 1827. TIBULLE, Elégies – Carmina. TIEDEMANN, Dietrich, Geist der spekulativen Philosophie von Thales bis Sokrates, Marburg : Akademische Buchhandlung, 1791–1797, 6 vol. TITE-LIVE, Histoire romaine – Ab urbe condita. TURNER, Samuel, Ambassade au Tibet et au Bhoutan contenant des détails très curieux sur les mœurs, la religion, la production et le commerce du Tibet, du Boutan et des états voisins, et une notice sur les événements qui s’y sont passés jusqu’en 1793 par M. Samuel Turner, [...], Traduit de l’anglais [...] par J. Castéra [...], avec une collection de quinze planches, dessinées sur les lieux, et gravées en taille-douce par Tardieu l’aîné, Paris : Buisson, an X (1800), 2 tomes en 1 vol. – «An Account of an Interview with Teeshoo Lama and an Account of a Journey to Tibet», Asia Major, 1801, pp. 196–220.

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ULLOA, Antonio de, Physikalische und historische Nachrichten vom südlichen und nordöstlichen America. Aus dem Spanischen übersetzt von Johann Andreas Dieze. Mit Zusätzen. Zweyter Theil, Leipzig : bey Weidmanns Erben und Reich, 1781. UMFREVILLE, Edward, The Present State of Hudson’s Bay. Containing a Full Description of that Settlement, and the Adjacent Country ; and Likewise of the Fur Trade, with Hints for its Development, &c., &c. To which Are Added, Remarks and Observations Made in the Inland Parts, During a Residence of Near Four Years ; a Specimen of Five Indian Languages ; and a Journal of a Journey From Montreal to New-York, London : Printed for Charles Stalker, 1790. UNKOWSKI, Johann, Auszug aus dem Reise-Journal Des Herrn OberKriegs-Commißarii Johann Unkowski von der Calmückey. Betreffend einige besondere Traditiones, Ceremonien und Gewohnheiten, dans [Gerhard Friedrich MÜLLER], Sammlung Rußischer Geschichte, t. I, St. Petersburg : bey der Kayserl. Academie der Wißenschafften, 1733, pp. 141– 153. VALENTIJN, François, Oud en Nieuw Oost-Indien, Vervattende Een Naaukeurige en Uitvoerige Verhandelinge van Nederlands Mogentheyd In die Gewesten, benevens Eene vydluftige Beschryvinge der Moluccos, Amboina, Banda, Timor, en Solor, Java, en alle de Eylanden onder dezelve Landbestieringen behoorende ; [...], Dordrecht et Amsterdam : Joannes van Braam, Gerard onder de Linden, 1724–1726, 5 tomes en 8 vol. – Beschryving van Amboina, Vervattende Een wydluftige Verhandeling van het zelve, en van alle de Eylanden, daar onder behoorende, te weten, van’t groot Eiland Ceram, Boero, Ambonia, Honimoa, Noessa-Laoet, Oma, Manipa, Bonoa, Kelang [...] Tweede Deel, Dordrecht et Amsterdam : Joannes van Braam, Gerhard onder de Linden, 1724. VANCOUVER, George, Entdeckungsreise in den nördlichen Gewässern der Südsee von 1790 bis 1795. Aus dem Engl. von M. C. Sprengel, Halle : Renger, 1799–1800, 2 vol. VENTURINI, Carl Heinrich Georg, Lehrbuch der Geschichtskunde älterer Zeiten, von der Weltschöpfung bis auf die große Völkerwanderung, Copenhagen et Leipzig : bey Johann Heinrich Schubothe, 1799. VIRGILE, Bucoliques – Bucolica. – Énéide – Æneis. VOGEL, Paul Joachim Siegmund, Versuch über die Religion der alten Aegypter und Griechen, Nürnberg : Frauenholz, 1793. VOLNEY, Constantin-François de Chassebœuf, Les ruines, ou Méditation sur les révolutions des empires, Paris : Vve Courcier, 51817.

Ouvrages cités par Constant

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– Tableau du climat et du sol des États-Unis d’Amérique. Suivi d’éclaircissemens sur la Floride, sur la colonie Française au Scioto, sur quelques colonies Canadiennes et sur les Sauvages. Enrichi de quatre planches gravées, dont deux Cartes Géographiques et une coupe figurée de la chûte de Niagara, Paris : Courcier et Dentu, an XII (1803), 2 tomes en 1 vol. – Recherches nouvelles sur l’histoire ancienne, Paris : Bossange, 1822. VOLTAIRE, Essai sur l’histoire générale, et sur les mœurs et l’esprit des nations, depuis Charlemagne jusqu’à nos jours. Nouvelle édition, revuë, corrigée, & considérablement augmentée, [Genève : Cramer], 1761–1763, 8 tomes en 4 vol. – Dictionnaire philosophique (1764). – La Défense de mon oncle (1767). – Œuvres complètes de Voltaire, Paris : A.-A. Renouard, 1819–1825, 66 vol. VOSS, Johann Heinrich, Mythologische Briefe, Königsberg : Friedrich Nicolovius, 1794, 2 vol. – Antisymbolik, Stuttgart : Metzler, 1824–1826, 2 vol. WAGNER, Johann Jakob, Ideen zu einer allgemeinen Mythologie der alten Welt, Frankfurt am Main : in der Andreäischen Buchhandlung, 1808. WARBURTON, William, The Divine Legation of Moses Demonstrated [...], on the Principles of a Religious Deist, From the Omission of the Doctrine of Future State of Reward and Punishment in the Jewish Dispensation, London : Fletcher Giles, 1738–1741, 2 vol. – Dissertations sur l’union de la religion, de la morale, et de la politique, Tirées d’un ouvrage de M. Warburton, Londres : chez Guillaume Darrés, 1742, 2 vol. [WEBER, Friedrich Christian], Das veränderte Rußland, in welchem die jetzige Verfassung des Geist- und Weltlichen Regiments, der Krieges-Staat zu Lande und zu Wasser, der wahre Zustand der Rußischen Finantzen, die geöffneten Berg-Wercke, die eingeführte Academien, Künste, Manufacturen, ergangene Verordnungen, Geschäfte mit denen Asiatischen Nachbahren und Vasallen, nebst der allerneuesten Nachricht von diesen Völckern. [...], Neu-Verbesserte Auflage, Franckfurth et Leipzig : Nicolai Förster, 1739–1744 (Des veränderten Rußlands zweyter Theil, worinnen die Folge derjenigen wichtigen Veränderungen, welche der Rußische Kayser Petrus der Erste zur Aufnahme seines Reichs in allen Ständen vorgenommen, auch die seit Anno 1721 bis an seinen Tod vorgefallenen Merckwürdigsten Begebenheiten, nebst einer gründlichen Nachricht seines in Persien vorgenommenen Feldzuges und aller dahin gehörigen Orientalischen geheimen Staats-Geschäffte, enthalten ist, durch den Verfasser des

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Ersten Theils, Hannover : Nicolai Förster, 1739, et Des veränderten Rußlands dritter Theil : Die Regierung der Kayserin Catharina und des Kaysers Petri Secundi, und sonst alle vorgefallenen Merkwürdigkeiten in sich haltend. Mit ... nöthigen Registern über den zweyten und dritten Theil herausgegeben durch den Verfasser des Ersten Theils, Hannover : Nicolai Förster, 1740). WILFORD, Francis, «On the Chronology of the Hindus», Asiatick Researches, t. V, 1807, pp. 241–295. [WILSON, James ou William], A Missionary Voyage to the Southern Pacific Ocean Performed in the Years 1796, 1797, 1798 in the Ship Duff, commanded by Captain James Wilson, London : T. Chapman, 1799 (E´dition moderne : «Introduction by Irmgard Moschner», New York, Washington, London : Fr. A. Praeger, 1968). WILKINS, Charles, voir The Bhagvat-Geeta, or Dialogues of Kreeshna and Arjoon. WINCKELMANN, Johann Joachim, Histoire de l’art chez les anciens, par M. Winckelmann, [...] ouvrage traduit de l’Allemand, Paris : Saillant, 1766, 2 vol. WOLF, Johann Christoph, Reise nach Zeilan, Berlin et Stettin : bey Friedrich Nicolai, 1782–1784, 2 vol. – Anecdota Græca, sacra et profana, ex codicibus manu exaratis nunc primum in lucem edita, versione latina donata, et notis illustrata a Io. Christophoro Wolfio, Hamburgi : apud Theodorum Christophorum Felginer, 1822–1824, 4 vol. X, «Réponse à une assertion de la Revue protestante», Le Mémorial catholique, Paris : Bureau du Mémorial catholique, février 1826, pp. 119–124. XIPHILIN, Jean et al., Histoire romaine. Ecrite par Xiphilin, par Zonare, et par Zosime. Traduite sur les Originaux Grecs, par Monsieur [Louis] Cousin, Paris : Foucault, 1678. ZIMMERMANN, Heinrich, Dernier Voyage du Capitaine Cook autour du monde, où se trouvent les circonstances de sa mort, publié en allemand par Henri Zimmermann, Témoin oculaire, et traduit avec un abrégé de la vie de ce navigateur célebre, & des notes, Berne : Nouvelle Société typographique, 1783. ZOSIME, Histoire nouvelle – ëΙστορι α νε α.

Index des noms de personnes

Index des noms de personnes Cet index contient les noms des personnes re´elles ou fictives mentionne´es dans les textes et dans les notes, a` l’exclusion de ceux des critiques modernes et de celui de Benjamin Constant lui-meˆme. Les graphies ont e´te´ uniformise´es, en principe sous la forme franc¸aise la plus usite´e aujourd’hui. Les noms ne sont suivis de la profession ou de la fonction que lorsqu’il faut distinguer des homonymes ou pre´ciser une identification. L’absence de toute pre´cision signifie, soit que la personne est parfaitement connue, soit au contraire qu’elle n’a pu eˆtre identifie´e.

Aaron, fre`re aıˆne´ de Moı¨se 498 Abel-Re´musat, Jean-Pierre 231 Abraham 162, 198, 257, 319, 460, 592 Acerbi, Giuseppe 221, 277, 300 Achille 182, 204, 469, 482, 492, 494 Achlys, personnification de la nuit et de l’obscurite´ 482 Acte´e, roi d’Athe`nes 487 Acun˜a, Cristo´bal d’ 260 Adalgod von Osterburg 576 Adam 162, 199 Adme`te, roi de Phe`res, un des Argonautes 590 Adonis 483–484, 509, 512, 597 Ælian, Claudius Ælianus 523 Æmilius, Marcus 507 Agamemnon 204, 469 Agatharchide, grammairien et ge´ographe 174–175 Agathocle, tyran de Syracuse 487 Agathyrsos, fils d’He´racle`s 179 Agdistis, hermaphrodite 487, 597 Age´sipolis, roi de Sparte 544 Aglaure (ou Agraulos), fille du roi Acte´e 487 Agle´e, Charite 493 Agric (pseudonyme), journaliste 67 Ahton (ou Aidoneus), e´poux de Proserpine 597 Aigremont, Jean-Baptiste d’Aigremont de St. Mauvien 557 Aither 190 Aitos, roi de Colchide 492 Ajax 259 Akhab, roi d’Israe¨l 232 Alastor, mauvais esprit 487 Aldegorus, voir Adalgod Alembert, Jean le Rond d’ 451 Alexandre Ier, tsar de Russie 74 Alexandre le Grand 133–134, 174, 188, 457, 471, 591

Alexandre VI (Rodrigo Borgia), pape 76, 392 Alexandre 566, 568 Alfadur (ou All-Vater) 190 Alibert, Jean-Louis 539 Allen 558–559 Allier 573 Almamon, calife 590 Almanzor, personnage de Florestan 563 Amalthe´e 179 Amiot, Joseph-Marie, SJ, le P. 501 Amphiloque, devin grec 548 Amyot, Jacques 109 Anaı¨s (ou Anaitis) 489, 563 Anaxagore 110, 185 Ancelain (ou Encelain), avoue´ 565, 568, 580–581, 586, 598, 609–610 Anderson, John 580 Angar 612 Anna Perenna, sœur de Dido 179, 489 Anna Purna Devi, de´esse indienne de l’abondance 179 Anquetil-Duperron, Abraham-Hyacinthe 441 Ansse de Villoison, Jean-Baptiste-Gaspard d’ 187, 205 Anubis, dieu e´gyptien a` teˆte de chien 372, 489 A. P., journaliste 66 Aphrodite, voir Ve´nus Apion, grammairien et historien d’Alexandrie 543 Apollon 169, 204, 456, 482, 488–490, 494, 590, 602 Apollonios de Rhodes 482, 492–493 Apule´e 113, 188, 424, 492, 545 Archelaüs, fils aıˆne´ d’He´rode 185 Archusa[...] 613 Are`s, dieu grec de la guerre 491 Argens, Jean-Baptiste de Boyer, marquis d’ 158–159

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De la Religion, I

Argenson, Rene´-Louis, marquis d’ 536 Argenson, Marc-Rene´ de Voyer d’ 515–516, 536 Argonautes 492–493 Ariane 493 Aricine, voir Arte´mis Aristide 146 Aristodemus 109 Aristophane 459, 518 Aristote 144, 185, 309, 377, 451, 454 Arnobe, rhe´teur 114, 372, 460, 597 Arpoxaı¨s, fils de Targitaos 179 Arrien, Flavius Arianus, homme politique de Cappadoce 457, 497 Arsace, roi parthe 471 Arsacides, dynastie parthe 471 Artaban IV, roi parthe 471 Artaud, Nicolas-Louis-Marie 518, 528, 552, 554, 556, 559, 563 Artaud, Franc¸ois-Solange, d’ 567 Artaxerce`s 537 Arte´mis 493, 590 Asclepius, dieu grec de la me´decine 403 Asihel, scribe du livre apocryphe Ezra 531 Athe´na 558 Aubert 540 Auguste, empereur romain 487 Augustin, saint 205, 207, 591 Aulu-Gelle, Aulus Gellius, grammairien latin 505, 537 Aumont, Michel 456, 464, 466–467, 471, 473–476, 493, 495, 510, 513–514, 521, 523–524, 527, 531–533, 539, 543, 548, 550, 555–556, 558–560, 581, 598, 609, 611 Ausone, poe`te de langue latine 485, 537 Avoyne de Chantereine, Victor 495 Azarias, voir Osias Babey, Marie-Franc¸ois-Vincent-Michel 529 Bacchini, Benedetto 113–114 Bacchus 486, 488, 508, 534, 591, 595 Baegert, Johann Jakob, missionnaire je´suite 89 Balaam, prophe`te 602 Balaramen, incarnation de Wishnou 596, 608 Balbulus, personnage de Ciceron, De natura deorum 205, 423 Balbus, voir Balbulus Banier, l’abbe´ Antoine 484 Barante, Prosper de 164, 512, 517, 528, 551, 557–558

Barbier, Antoine-Alexandre 555 Bardesane (ou Bardesanas) 479 Bardili, Christoph Gottfried 60, 220 Barre`re, Pierre 247–248 Barrot, Odilon 517, 524 Barrow, John 231 Bartane`che 515 Barthe, Fe´lix 473–474, 476, 495–496, 515, 519, 525, 552, 554–555, 557 Barthe´lemy, Balthazar-Franc¸ois, marquis de 502 Bartolocci, Giulio 162 Battereau 519, 560 Baumgarten, Siegmund Jacob, the´ologien luthe´rien 277 Bayeux, Georges-Louis 203 Bayle, Pierre 31, 163, 192, 200, 458, 497, 509, 543–544, 547–548, 590 Beauclair 568 Beaumont, Christophe-Armand-Paul-Alexandre de 524–525 Be´chet aıˆne´ 62 Be´chet, e´diteur 21, 447–448, 474, 496, 499, 542, 549, 551, 553–556, 558–559, 562, 566, 568, 580, 610, 614 Be`de le Ve´ne´rable, saint 451 Bedoch, Pierre-Joseph 613 Beger, voir Baegert Belisaire, ge´ne´ral byzantin 547 Bellanger 518, 560 Bellenger, Franc¸ois 113 Bellart, Nicolas-Franc¸ois 614 Bellot, Pierre 560 Benoist, Pierre-Vincent 517 Bentham, Je´re´my 76 Be´ranger, Pierre-Jean de 517 Berbis, Henri-Jules, chevalier de 524 Be´renger, Alphonse-Marie-Marcellin-Thomas 517, 552 Berger, Johann Gottfried Immanuel 512, 591 Be´rose de Babylone, preˆtre chalde´en 591 Bernier, Franc¸ois 278 Berr de Turique, Michel 518–519, 529, 555, 557 Berry, Charles-Ferdinand de Bourbon, duc de 146, 363, 369 Bertin de Vaux, Louis-Franc¸ois 552, 556, 612 Berton, Jean-Baptiste Breton, dit 523 Berville, avocat 523 Beugnot, Jean-Claude, comte 556–557, 565 Bidaud 518 Bidault, menuisier 611

Index des noms de personnes Biet, Antoine 243–244, 299, 301, 307 Billot 519, 613 Biot, Jean-Baptiste 371 Blan[...]e´e 525 Bochart, Samuel 460 Boileau, Nicolas, dit Boileau-Despre´aux 184 Boissier, Jean-Franc¸ois-Maxime-SevrinAchille 476 Boissier, Jean-Jacques-Maurice-Marc-Antoine 476 Boissy d’Anglas, Franc¸ois-Antoine, comte de 518, 528 Bolingbroke, Henry Saint-John, vicomte de 155, 400 Bonald, Louis-Gabriel-Ambroise, vicomte de 61, 152 Bonaparte, voir Napole´on Ier Bonnet, Louis-Ferdinand 516 Bonnin de Marseille 521, 568 Bonosus, usurpateur romain 136 Bonvattiers 519, 560 Bordigne´, Pierre-Alexandre-Marie Thiebaudin de 473 Bore´e, personnification du vent du Nord 509 Borgia, Lucre`ce 76 Borgues 561 Bossange fre`res 61, 447, 471, 517, 528, 559 Bossange pe`re 61, 447, 517 Bossange, e´diteur 347, 447–448, 464, 474, 525, 531–532, 536, 551, 556, 580, 599 Bossmann (ou Boßmann), Wilhelm 246, 250, 254, 306–307 Bossuet, Jacques-Be´nigne 126, 147–149, 153–154, 399, 422, 425–426, 541, 547, 587 Böttiger, Karl August 342, 449, 488, 592 Boucher 519 Boudart 557 Bouddha 472 Boulland-Tardieu, e´diteur 534 Boulanger, Nicolas-Antoine 90, 311, 453 Boulay de la Meurthe, Antoine-JacquesClaude-Joseph, comte 568 Bourbons, famille des 516, 518, 528, 565 Bourdeau, Pierre-Alpinien-Bertrand 516 Bourdon de Vatry, Alphe´e 476 Bourdon de Vatry, Marc-Antoine 476, 568 Bourgeois 515 Bouterwek, Friedrich 66 Brahma, dieu supreˆme de l’hindouisme 472, 479, 499, 508–509, 527 Brahman, fils de Brahma 508 Brand, Adam 307

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Brantoˆme, Pierre de Bourdeille 254–255, 296 Briare´e, ge´ant, un des trois He´catonchires 179 Broglie, Victor de 495, 516, 528, 531–532, 536, 552, 556, 560–561, 563, 612 Broglie, Mde de 565 Brosses, Charles de 47–48, 60, 207, 232, 320, 326, 441, 459, 461–462, 544 Broval, Nicolas-Thomas-Franc¸ois Manche de 496, 524, 539, 549, 552, 554, 556, 565 Bruce, James 174–176 Brucker, Johann Jacob 188, 592 Brunet, Franc¸ois-Florentin, le P. 319, 471, 542–543 Brutus 139, 163 Buchanan, Francis 575 Buchon, Jean-Alexandre 518–519 Buffon, Georges-Louis Leclerc, comte de 370 Buhle, Johann Gottlieb 502, 543, 569, 593– 594 Bullet, Jean-Baptiste 455 Bupal 515 Burges, Franc¸ois 467 Butler, Alban 452 Buttaoni, Domenico, rapporteur de l’Inquisition romaine 64 Byron, George Gordon, Lord 44, 167, 578, 587, 606, 611 Cabani 523 Cabanis, Pierre-Jean-Georges 76 Cachin, domestique de BC 475 Cadet de Gassicourt, Charles-Louis 518 Cadmus, fondateur de The`bes 462, 492 Caistre, fils de Penthe´sile´e 548 Calchas 204, 494 Caligula 82 Callet, homme d’affaires 550, 560, 564, 566, 611 Callimaque 169, 402 Calypso, nymphe 527 Camart, Gilles 162 Cambyse II, roi des Perses 76, 188, 391 Camet, homme d’affaires 493, 495–496 Camet, officier en demi-solde 493 Campion, Edmund 597 Cannois 599 Caquelard, homme d’affaires 519, 560, 568, 612–614 Caron 473 Carrel, Armand, conspirateur de Belfort 515

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De la Religion, I

Carre`re, Joseph-Antoine de, sous-pre´fet de Saumur 475, 523 Cartalon, fils de Malchus 537 Cartulat, tapissier 502, 536 Carver, Jonathan 278, 298, 306 Cassano, e´diteur du Pilote 523 Cassius 139, 398 Castelbajac, Marie-Barthe´le´my, vicomte de 474, 556–557, 564 Castillo, Bernal Dı´az del 128 Caton d’Utique (ou Caton le Jeune) 163 Caton (les deux Caton) 147 Cauche, Franc¸ois 305 Cauchois-Lemaire, Louis-Franc¸ois-Auguste 519, 552, 556, 558–559 Cavazzi da Montecuccolo, Giovanni Antonio 45, 266, 278, 287, 314 Cazenove d’Arlens, membre de la famille 543, 563, 565 Cazin, Hubert-Martin 464, 474, 476, 493, 495, 502, 510, 513, 520–521, 531–533, 537, 539, 543, 546–547, 549–551, 553– 554, 559–561, 563–566, 580, 604, 614 Celse 120 Celtus 179 Ce´re`s 178, 199, 527 Ce´sar 76, 115, 139 Chabaud-Latour, Antoine-Georges-Franc¸ois, baron de 517 Chabrol de Croussol, Andre´-Jean, comte de 539 Chabrol de Volvic, Gilbert-Joseph-Gaspard, comte de 539 Champollion, Jean-Franc¸ois, dit Champollion jeune 440, 500–501, 527, 534, 619, 621 Chantpie, Constant, e´diteur 21, 565 Chappe d’Auteroche, Jean-Baptiste 310 Charles II, roi d’Angleterre 154 Charles VIII, roi de France 255 Charles X, roi de France 40, 441 Charles-Quint 137 Charlevoix, Pierre-Franc¸ois-Xavier de 45, 220, 243, 246, 272, 278–281, 287, 298, 305–306, 312–313, 325–326 Chateaubriand, Franc¸ois-Rene´, vicomte de 32, 57, 150, 182–183, 399, 403, 447, 505– 506, 552, 556 Chatelain, Rene´-The´ophile 552, 559 Chaulin, Pierre, notaire 557 Chauvin, un homme d’affaires ou un copiste 519, 539–540, 543, 549, 551–556, 558– 559 Cherbury, voir Herbert, Edward

Chevassu (ou Chevassut), Alexandre 448, 456, 519, 525 Choiseul-Praslins, Charles-Raynard-LaureFe´lix, duc de 565 Chorier, Antoine-Laurent 516 Chouvet, un homme d’affaires ou un notaire 474 Chronos 190–191, 201 Chryseis, fille de Chryse`s, preˆtre d’Apollon 204, 494 Cice´ron, Marcus Tullius 90, 114, 185, 205, 309, 372, 423, 426, 487, 547–548 Claude, empereur romain 115 Clavier, E´tienne 527, 602 Clavijero, Francisco Javier 128 Cle´ment d’Alexandrie 122, 185, 397, 466– 467, 602 Clitus (ou Cleitos, Kleitos) 134 Clovis, roi des Francs 451 Cn. Cornelius Hispanus, pre´teur 508 Coche 519, 523 Colaxaı¨s, fils de Targitaos 179 Colchen, Jean-Victor, comte 519, 610 Collins, Anthony 89, 154–155, 400, 579 Collins, David 89, 286 Comdemanche 519 Comdier 519 Commode, empereur romain 372 Compe`re 515 Conde´, Louis-Henri-Joseph, duc de Bourbon, prince de 562 Confucius 501 Constance d’Arles, reine de France 322 Constant d’Hermenches, Auguste 473, 570, 612 Constant de Rebecque, Charles, dit le Chinois 567 Constant de Rebecque, Charles, fre`re de Louise 471, 476, 573, 577 Constant de Rebecque, Louise-Marie-Anne 471, 474, 477–478, 497, 516, 533, 548– 549, 559, 563 Constant de Rebecque, Marie-E´milie voir Pillot Constant, Charlotte, ne´e von Hardenberg 442–443, 471, 525, 538, 552, 556, 559, 567, 586–587, 606, 611 Constant, Jean-Victor de 464, 495 Constant, Rosalie de 443, 495, 553, 563, 567, 605 Constantin, empereur romain 123 Contameau 598, 600 Conti, Lothaire, voir Innocent III

Index des noms de personnes Cook, James 237, 243, 273, 309, 319 Coquerel, Charles-Augustin 66, 528, 557 Corbier 525 Corbulon, ge´ne´ral romain 206, 404 Cormac O’Quin, roi de l’Irlande 452 Corrodi, Heinrich 282, 341 Coste, Jacques, journaliste 495, 502, 512, 514, 517, 528–529, 541–542, 551, 556– 557, 559, 561, 565, 577 Cotta, e´diteur 538 Cottenet, Pierre-Euge`ne de 456, 476, 524, 531, 533, 549–550 Cottier, Andre´ 561, 566 Cottier, Franc¸ois 561 Cottos ou Cottus, ge´ant, un des trois He´catonchires 179 Cotytto, de´esse thracienne 132 Coudon 613 Coulmann, Jean-Jacques 464, 517, 613 Court de Ge´belin, Antoine 193–194, 292, 294, 299 Courtin, Eustache-Marie-Pierre-Marc-Antoine 555 Cousin, Victor 552, 556–557, 559, 567 Craig, John 161–162 Cranz, David 45, 239, 276, 281, 303, 305, 307–309 Crassus, Marcus Licinius, ge´ne´ral romain 139 Cre´sus, roi de Lydie 456 Creuzer, Friedrich 32, 164–165, 296, 435, 441–442, 482, 499, 512, 521, 527, 534, 536, 546, 592–594, 596, 601–603, 605 Crishna, dieu hindou 187–188, 479, 491 Cronos 479, 591 Cudworth, Ralph 195 Cuignes 517 Cuphignon 614 Curtis, Roger 328 Cuzon 613 Cybe`le 113–114, 372, 487 Cymodoce´e, personnage des Martyres 182– 183 Cyprien, saint 455 Cyrus II, empereur des Perses 172, 226, 457, 586 Dabignon 518 Dablin 515, 560 Dabriam 531 Dacier, Andre´ 621 Dalberg, Emmerich Joseph, duc de 515 Damiron, Philibert, journaliste 66, 554

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Dangerfield, F. 458 Darius, roi des Perses 184, 470 Darrieux 520 Daru, Pierre-Antoine-Noe¨l-Mathieu Bruno, comte 520, 529 David, roi d’Israe¨l 162, 232 Davillier, Jean-Charles-Joachim, baron 442, 473, 475, 477, 516–517, 529, 555, 559, 599 Davillier, Mathilde 517 De Bure, Guillaume-Franc¸ois 534 Delacroix 519 Delagrange 519 Delaigle 520 Delaplanche 519 Delessert, Benjamin 516 De´mocrite 90 Denon, Dominique-Vivant 519, 592 Deperrey 518, 528, 557, 563 DesBassyns de Richemont, Philippe Paon, comte 516, 534 Desjardins 577 Deslinay 531 Desmarchais, Reynaud, chevalier 228, 264, 278, 305 Desnie´s 519 Dessole, Jean-Joseph-Paul-Augustin, marquis 518 Dessuelle (ou Dessuelles) 519, 560 Destutt de Tracy, Antoine-Ce´sar-VictorCharles, fils du suivant 561 Destutt de Tracy, Antoine-Louis-Charles 76, 561, 599, 611 Desvattiers, homme d’affaires 474–476 Devaux, Augustin-Marie 517, 524, 553 Dhubert 560 Diagoras de Me´los 144, 377 Diane 488, 492–493, 590 Didier, e´diteur 21 Dido 489 Didot, Ambroise-Firmin 500 Didot, Firmin 366, 500, 514, 525, 536–544, 546, 548–549, 551, 558, 560–564, 621 Dieu 123, 137, 143, 162, 296 Dieze, Johann Andreas 272, 309 Diocle´tien, empereur romain 82 Diodore de Sicile 75, 174–176, 185, 460, 486, 496, 572, 591, 600, 621 Diome`de, roi fabuleux de Thrace 183 Dion Cassius, historien 115 Dion Chrysostome, rhe´teur grec 144, 184 Dionysos voir Bacchus Dobrizhoffer, Martin 269, 288, 301, 314, 325

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De la Religion, I

Dominique, saint 604–605 Domitien, empereur romain 144 Dore´ 519, 560 Doxat, banquiers 471, 496, 563, 567 Dschaeschik, divinite´ hindoue 607 Dschakdscha-muni, divinite´ hindoue 607 Dubois, l’abbe´ Jean-Antoine 581 Dubois, Paul-Franc¸ois 149, 519, 581–582, 586, 603, 610 Duchesne, Andre´ 605 Duclos, Charles 195 Dudley, John, duc de Northumberland 152 Du Halde, Jean-Baptiste 252, 501 Dulaure, Jacques-Antoine 576 Dunoyer, Charles-Barthe´lemy 560 Dupaty, Louis-Emmanuel-Fe´licite´-Charles Mercier 519, 555–557 Duperret 567 Dupin, Charles 519, 613 Dupont, Ambroise 502, 612 Dupont, Jacques-Charles, dit Dupont de l’Eure 502, 515, 561, 612–614 Dupuis, Charles-Franc¸ois 164–165, 195–198, 203,404, 449, 484, 519, 545, 555, 557 Dupuy, magistrat 476 Dutertre (ou Du Tertre), Jean-Baptiste 45, 246, 260, 286–287, 298, 325 Duveau ou Duvau, Auguste, agent immobilier 581, 614 E´aque, fils de Zeus 485 Eberhard, Johann August 159 Eckstein, Ferdinand d’ 55, 58, 66–67, 418, 426, 441–442, 543, 550, 555–556, 562– 563, 587, 595, 598, 600–603, 610 Egede, Paul 257, 308 Egger 557 Eggers, Heinrich Peter von 555 Eichhorn, Johann Gottfried 546 E´le´azar 162 Elga, personnage de Florestan 563 E´lie 162, 315 Eliot, John, missionnaire 280 Empe´docle 188, 403 Encelain, voir Ancelain E´ne´e 151, 182 E´phialtes, ge´ant 488 E´picharme 185 E´picte`te 144, 185 E´picure 109, 139, 183, 212, 423, 450 E´re`be 190–191 E´ros 190 Erskine, William 458

Eschyle 185–186, 423 Esdras 531, 561 Esquelmeling, Joseph 247 Estournelles, Claude-Louis-Franc¸ois-Marie Balluet d’ 548–549, 564, 609 Ethanum, scribe, nomme´ dans le livre apocryphe d’Ezra 531 Etienne, Charles-Guillaume 516, 557 Eubule 184 Euclide 497 Eude`me de Rhode 184–185 Eudore 182–183 Euripide 168, 183, 185, 423, 590–591 Eurydice 273 Eurypylos (Euryple), he´ros grec combattant devant Troie 486 Euse`be 121, 184, 460–462, 591, 600 E`ve 199 Evhe´me`re, Euhemeros 100 Exelmans, Re´mi-Joseph-Isidore, baron 542, 546 E´zechias, roi de Juda 232 E´ze´chiel 232 Fadate de St Georges 533, 564 Falkner, Thomas, missionnaire je´suite 304 Fauriel, Claude 611 Fenel, abbe´ 469 Fe´nelon, Franc¸ois de Salignac de la MotheFe´nelon 76, 110, 151, 242, 396, 400 Fe´nie´, secre´taire de BC 504, 517 Ferrand, Antoine 152 Ferro jeune, libraire 586 Ferron de La Ferronays, Pierre-Louis-Auguste, comte 515, 524, 559–560, 565, 568, 610 Feuillet, Laurent-Franc¸ois 552, 554, 557 Fe´vrier, Louis-Dominique 476, 520, 523, 549 Fichte, Johann Gottlieb 371 Fie´ve´e, Joseph 554–555, 558, 561, 565 Filangieri, Gaetano 31, 469, 502, 515, 621 Filimer, roi des Goths 304 Firmus 136 Fle´chier, Esprit 76 Florestan, personnage principal du poe`me de ce nom 562 F. M., journaliste 66 Fo (ou Foe), secte chinoise 502 Fo-Hi, souverain mythique de la Chine, divinite´ chinoise 502 Forster, Johann Reinhold 237–238, 286, 328 Fortune 194

Index des noms de personnes Foucher d’Obsonville, Paul, abbe´ 512, 596 Fould, Achille 544, 559–560, 563 Fourchy, Antoine-Jules 474 Fournier-Verneuil 557–558 Foy, Maximilien-Se´bastian 520, 552, 556, 559, 613 Foy, Mme, e´pouse du pre´ce´dent 557 Frainelle 519 Franchet 566 Franc¸ois de Sales 147 Franc¸ois Ier, roi de France 152 Frayssinous, Denis-Antoine-Luc, duc de 548 Fre´de´ric II, roi de Prusse 157, 159–160, 400 Fre´ret, Nicolas 164, 177, 453, 488 Fre´zier, Ame´de´e-Franc¸ois 253 Fre´znest 560 Gaı¨a 190 Gailland 456, 474 Galate´e 179 Galba, empereur romain 82 Gale`re, Maximinianus Galerius 172 Galignani 535 Gall, Franz Joseph 555, 557 Gallus 179 Gamilla 45 Ganong, William F. 273 Garoura 512 Gassicourt 518 Gaudart 602 Gautier, Jean-E´lie 563 Gauvin, dit Gallois, Jean-Antoine 515, 551, 555–556, 565, 568, 604 Gay, Marie-Franc¸oise-Sophie Michault de Lavalette, dame 538 Ge´doyn, l’abbe´ 499 Ge´lonos, fils d’He´racle`s 179 Geoffroy, Julien-Louis 33 Georgi, Johann Gottlieb 237, 260, 269, 284, 288, 305–306, 309, 461, 468 Ge´rando, Joseph-Marie de 528, 552, 556 Gibbon, Edward 155, 172, 277, 400, 458, 475, 537 Giovanni, fils d’Alexandre VI 76 Girardin 515, 557, 559, 568 Gmelin, Johann Georg 263, 306, 308, 325 Godwin, William 156, 400 Goethe, Johann Wolfgang 93 Goguet, Antoine-Yves 453, 544 Görres, Johann Joseph von 32, 164, 435, 462, 469, 481, 495, 521, 603–607 Grabe, Johann Ernst 452 Grævius, Johann Georg 113–114

693

Gravier 61, 447 Gre´goire de Nazianze 119 Gre´goire VII (Ildebrando Aldobrandeschi de Saona ou Hildebrand), pape 74 Grey, Ir duc de Suffolk, Henry 152 Grey, Jane 152 Grizet 560 Grondart 560 Gruber, Johann Gottfried 442, 482–483, 486–493, 544, 546 Gudfend 515 Guene´e, abbe´ Antoine 447, 478, 523 Gue´rin, notaire 493, 495, 552 Guidon, Bern. 605 Guiguer de Prangins, Charles-Jules 521, 523, 532 Guiguer de Prangins, Louis-Franc¸ois 521, 523. 532 Guigniaut, Joseph-Daniel 165, 401, 441–442, 449, 475–476, 478–480, 491, 493–494, 498–499, 508–509, 511, 521, 527–528, 532, 535–536, 552, 557, 559–560, 563, 566, 609, 611, 621 Guinand 448, 611 Guizot, Franc¸ois-Pierre-Guillaume 458, 475, 517, 528, 537, 552, 554, 556–557, 609– 610 Gumilla, Joseph 247 Guyon du Chesnoy, Jeannne-Marie 110, 242, 407 Guyon, Claude-Marie 488 Gyge`s, ge´ant, un des trois He´catonchires 179 Hadrien, empereur romain 587 Halicarnasse, Denis d’ 113, 205 Hamilton, Alexander 230 Hanouman, divinite´ hindoue 521 Harcourt 561 Hardenberg, Ade´laı¨de de 533, 552 Hardenberg, Charlotte de voir Constant, Charlotte de Hardenberg, parent de Charlotte 538, 557, 559, 613 Hardenberg, Karl August, prince de 471 Hardion 315 Hardy 558–559 Hawkesworth, John 224–225 He´cate 492 Heckewelder, John Gottlieb Ernestus 45, 48, 224, 229, 266, 308, 328 Heeren, Arnold Herrmann Ludwig 60, 75, 174–176, 284, 441, 457, 494, 509–510, 527, 545, 605, 621

694

De la Religion, I

Hegel, Georg Wilhelm Friedrich 58, 220 He´le`ne 482 He´le´nus, fils de Priam 461–462 Helve´tius, Claude-Adrien 30–31, 76, 79 Hemera 190 Hennepin, le P. Louis 311 Henri III, roi de France 149 Henri IV, roi de France 74, 149 Henri VIII, roi d’Angleterre 153 He´ra 482 He´racle`s 179 He´raclite 106–107, 188, 403 Herbert, Edward, 1st baron Herbert of Cherbury 155, 400 Hercule 202, 509, 512, 537 Herder, Johann Gottfried 46, 49, 171, 226, 328–329, 371, 441, 457, 543, 590, 595, 621 Hermann, Martin Gottfried 58, 201, 219 Herme`s 125, 188, 203, 496, 498, 592 He´rode 423 He´rodote 128, 179, 185–186, 189, 200–201, 256, 321, 403, 453, 456, 461, 470, 506, 510, 545 He´siode 184, 186, 201, 469, 479, 482, 493, 527 He´sychius d’Alexandrie 483 Heyne, Christian Gottlob 58, 202, 457, 546, 567, 602 Hieronimus Merolla 251 Hippolyte 590 Hivert, d’ 515 Hobbes, Thomas 154, 400 Hochet, Claude 30, 475, 518, 539, 552, 556 Hœgstrœm, Pehr 251, 261, 468 Holbach, Paul Henri Thiry, baron d’ 34–35, 93, 112, 156 Home`re 108, 182, 184, 186, 200, 203–204, 259, 403, 423, 472, 479, 485–486, 488– 491, 493, 498–499, 527, 553, 572, 588 Horace 185 Horus 234 Horus Apollo 592 Hottinguer, Jean-Henry 567 Huber 546, 555, 557 Huet de Coetlisan, avocat 517 Huet, Pierre-Daniel 452, 484 Hug, Johann Leonard 582, 604 Hugo, Victor 31 Huitzilopochtli, divinite´ azte`que 128, 425 Human 524 Humboldt, Alexander von 518, 551, 554, 556 Hume, David 34, 90, 155, 295, 400

Hurd, Richard, e´veˆque de Worcester 153 Hyde de Neuville, Jean-Guillaume, baron 613 Hyginus, Gaius Julius 492 Ibmel (ou Jabmal), puissance souveraine dans la religion des Lapons 240 Ibykos, poe`te lyrique grec 482 Illyricus 179 Innocent III (Lothaire Conti), pape 584–585 Innocent IV (Sinibaldo Fieschi), pape 262 Innocent XII (Antonio Pignatelli), pape 110– 111, 396 Io 179 Ire´ne´e, e´veˆque de Lyon 121, 397, 451, 454 Isaac 198 Isabey 615 Isaı¨e 466 Isambert, Franc¸ois-Andre´ 615 Isbrand, Evert 306 Isert, Paul Erdmann 278 Isis 199, 234 Jablonski, Pawel Ernst 592 Jabmal voir Ibmel Jacob 232, 460, 498, 598 Jacques, M. 570 Jacquinot de Pampelune, Claude-Franc¸oisJoseph-Catherine 552, 556 Jakob, Ludwig Heinrich 371 Jamblique 184–185 Jansenne, Mde 467 Jasion 527 Jay, Antoine 54, 56, 66, 474, 555, 557, 559 Jean Chrysostome, saint 123, 397, 454, 533 Jean Lou, prince chinois 454 Jeanne de Chantal 147 Je´hovah 199, 203, 257, 540 Jenisch, Daniel 589–590 Je´re´mie 466 Je´sus-Christ 123, 196, 452, 467, 579, 596 Joe¨l 466 Jonathan 232 Jones, William 153, 452, 454, 462, 549 Jordan, Be´at 605 Josaphat 232 Joseph II, empereur germanique 171 Jose`phe, Flavius 591 Jounne´ 557 Jourdan 531 Jouy, Victor-Joseph Etienne, dit de 516, 552, 556, 559, 609 Juba 115

Index des noms de personnes Julien 107, 172 Jullien, Marc-Antoine 506, 552, 556, 560, 563, 567 Junon 183, 202, 204, 372, 490 Jupiter 125, 179, 183, 202, 262, 268, 303, 479–480, 485, 487, 490–491, 527 (voir aussi Zeus) Jupiter Ammon 509 Jupiter Sabasius 508 Jupiter Stator 194 Jurieu, Pierre 147, 450 Justin, saint 122 Juvelle 557 Juve´nal 115–116, 145, 377 Kaempfer, Engelbert 501 Kanne, Johann Arnold 602 Kant, Immanuel 36–37, 43–44, 58, 160, 371, 441 Ke´ratry, Auguste-Hilarion, comte de 518, 549, 556–557 Keyssler, Johann Georg 304, 533 Khogei-Pootteeang, divinite´ supreˆme des Kookies 234 Kilin, animal fabuleux de la mythologie chinoise 501 Klaproth, Julius von 557 Koechlin, Jacques 473, 515 Kolotes, philosophe, e´le`ve d’E´picure 109 Koreff, David Ferdinand 471, 473, 475, 512– 513, 517, 529, 549, 551, 554–556, 558, 563, 568, 598 Kortholt, Christian 136 Kotzebue, August Heinrich 253 Labat, le P. Jean-Baptiste 228, 235, 287, 305 Labe´doye`re, Charles de 517 Laberge, M.e 476, 610 Laborde, Le´on de, voyageur 286–287 Lachmi 511 Lactance 185 La Curne de Sainte-Palaye, Jean-Baptiste de 242 Lafayette 515–516, 557, 562–563, 565, 604 Laffitte, Jacques 478, 514–515, 523, 528– 529, 552, 556, 558, 560–561, 565, 599, 602, 609, 613 Lafitau, le P. Joseph Franc¸ois 46, 49, 50–51, 60, 222, 234, 237–238, 245–246, 248–249, 276–277, 287, 289, 291, 299–300, 302– 303, 312, 315, 319, 324 Lafitte, Martin 478 Lagarde, Pierre-Franc¸ois-Marie-Denis de 518

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La Harpe, Jean-Franc¸ois de 149 Laine´, Joseph-Henri-Joachim, vicomte 535, 599 Lambardie`re 519, 535, 610 La Mennais, Fe´licite´ de 32, 57, 61–62, 109, 125–130, 132, 146, 152, 183, 185, 196, 396–397, 399, 403, 423, 425, 441–442, 449–455, 531, 587 Lameth, Alexandre-The´odore-Victor de 515 La Mettrie, Julien Offroy de 158–159 La Motte Fouque´, Friedrich de 555 Lampride (Lampridius, Ælius) 372 Langle`s, Louis-Mathieu 462, 592–593 Langsdorff, Georg Heinrich von 267 Lanjuinais, Jean-Denis, comte de 54, 66, 436, 520, 573 Lao-Tseu 231 Larcher, Pierre-Henri 128, 189, 321, 453, 456, 506 Lare´che 518 Larousse, Pierre 519 Lasagette, Mme 561 Leballeur, Jean-Charles 474 Lebort 518 Lebrun, un jurisconsulte ou un homme d’affaires 475–476 Le Camus, Pierre-Alexandre, comte de Fürstenstein 533, 552, 554, 557, 562, 581 Leclerc de Sept-Cheˆnes 184, 403 Leclerc, Jean 484 Leclerc 562 Le Clercq, le P. Chrestien 273, 302–303 Le Comte, le P. Louis 252, 451 Lecourt 532, 560 Leem, Knud 240, 277 Lefebvre, menuisier 514, 559 Lefort 518, 568 Le Gobien, Charles 45, 275, 288 Le Gonidec, Jean-Franc¸ois-Marie-MauriceAgathe 519 Legracieux 523 Leibniz, Gottfried Wilhelm 450 Le Long, libraire 532 Lemandelet 568 Le´on X (Giovanni de Medicis), pape 172 Le´on XII (Annibale della Genga), pape 74 Le´pide 139 Lerebours, Jean-Noe¨l 577 Lerendu 477 Leroux, e´diteur 21, 519 Leroy, Pierre-Joseph-Jean-Baptiste-One´sime 533, 536, 539, 559–560 Le´ry, Jean de 45, 248, 306

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De la Religion, I

Lescale 580–581, 586 Lessing, Gotthold Ephraim 42, 158, 160, 422 Letronne, Jean-Antoine 458, 534 Levaillant, Franc¸ois 247, 275 Levant 560 Levesque, Pierre-Charles 60, 194, 255 Le´vi 540 Lindemann, Johann Gottlieb 239, 266, 319– 320 Lipoxaı¨s, fils de Targitaos 179 Lise, domestique de BC 586–587, 606 Loe`ve-Veimars, Adolphe 549 Loskiel, Georg Heinrich 239 Louis IX, roi de France 108 Louis XI, roi de France 108, 254, 256, 296, 407 Louis XIII, roi de France 147 Louis XIV, roi de France 76, 144–145, 148– 149, 152, 171, 377, 399, 422 Louis XVIII, roi de France 515, 520, 548 Louis-Philippe d’Orle´ans, roi des Franc¸ais 496, 549, 552, 556, 613–614 Louis 557 Louı¨s, domestique de BC 587, 606 Loune 560 Loyer, Godefroy 264 Loys, Antoinette-Pauline de 548, 563, 567 Lucain 128, 315 Lucien, Lukianos 100, 108, 183–185, 372, 403, 423 Lucre`ce (Titus Lucretius Carus) 100 Lucullus 115 Lueder, August Ferdinand 588 Luther 172, 426 Lycophron, poe`te grec 492 Mackintosh, James 456 Mahabad, roi assyrien 462 Mahomet 95, 137, 197, 512 Mahommed Mohsen al Fani 462 Mahul, Alphonse-Jacques 515, 559, 563, 565, 567 Maimonides, Moı¨se 454 Maintenon, Franc¸oise d’Aubigne´, marquise de 144, 149 Maistre, Joseph de 32, 61, 451 Majer, Friedrich 60, 128, 238, 276, 283, 497, 502, 605–608, 621 Malchus, pe`re de Cartalon 537 Malcolm, J. 458 Mallet, Paul-Henri 292, 294, 410, 607, 610 Mallets, banquiers 476, 478, 493, 495, 535, 558, 599, 609, 611, 613–614

Malpie`re, de 579 Malte-Brun, Conrad 555, 557 Malthus 392 Mangin 565 Manning, John Elye 477 Mannus, fils de Tuisten (ou Teuton) 178–179 Manso, Johann Caspar Friedrich 483–484 Manuel, Jacques-Antoine 497, 517 Marc-Antoine 139 Marc, saint 282 Marchangy, Louis-Franc¸ois-Antoine de 369, 539 Marie Ie Tudor 152–153 Marie, me`re de Je´sus 296 Mariny, Giovanni Filippo de 285 Marion-Dufresne, Nicolas-Thomas 260 Marius, Caius 83 Marquet, voir Norvins Mars 125, 132, 202, 491–492 Marsden, William 45, 224, 461–462 Martignac, Jean-Baptiste Sylve`re Gaye, vicomte de 515, 555, 557, 564, 610 Massias, Nicolas 564 Massieu, abbe´ 452 Massillon, Jean-Baptiste 76 Masson 524–525 Mat, P. J., e´diteur belge 21, 64 Mathias 537 Mathieu, saint 282 Matter, Jacques 29 Matthiae, August 490 Mauguin, Franc¸ois 517 Maupertuis, J.-B. de Boyer, marquis d’Argens, J. 158 Maurer 484, 568 Maurice 560–562, 565 Mauvillon, Jacob 364, 370, 439, 598 Maxime de Tyr 185 Maximinien, Maximinianus Galerius 172 May, Nathaniel 549 Maynon 515, 560 Me´an 533, 549 Me´chin, Alexandre-Edme, baron 464, 474, 499, 504, 515, 559 Me´de´e 482, 492 Meiners, Christoph 60, 88–90, 206–207, 222, 252–253, 257, 270–274, 280–281, 287, 309, 318–319, 404, 441, 461–462, 481, 540, 593–595 Me´lampode`s (ou Me´lampe, Me´lampus), devin grec 591 Melanchton, Philipp 426 Memnon 592

Index des noms de personnes Me´ne`s, pharaon de la Ire dynastie 460 Mercure voir Herme`s Merilhou, Joseph 517 Me´rime´e, Prosper 255 Mervaud, Michel 310 Mestadier, Jacques 516, 523–524 Meurs, Jan van, ou Meursius 483, 509, 597 Meziriac 484 Michaelis, Johann David 340, 498, 594 Michel 552, 556, 559 Michelet, Jules 552, 554, 557, 573 Mignet, Franc¸ois-Auguste-Marie 556, 558– 559 Mignot, E´tienne, l’abbe´ 452, 532–533 Mikal, femme du roi David 232 Mill, James 458, 546 Millin de Grandmaison, Aubin-Louis 489 Mima 520 Minerve 169 Minos 485, 558 Minucius Fe´lix 120, 397 Mitford, William 579 Mithras 195, 199 Moı¨se 160, 232, 460, 466, 484, 498, 541, 594 Molin 538 Molina, Giovanni Ignazio 238 Moloch 132, 425 Montaigne, Michel de 455 Montebello 610 Monte´mont, Albert 557 Montesquieu, Charles de Secondat, baron de 31, 36, 39, 87, 151, 212, 370, 400, 464 Montlosier, Franc¸ois-Dominique de Reynaud, comte de 581 Montoue 532 Mopsus, devin 492, 548 Morrison, James 448 Morrison, Robert 448 Moser, Georg Friedrich 534 Mosheim, Johannes Laurentius 119, 122, 195, 457, 607 Mourau, Agricole 540 Moysson 568 Mozzanino 566 Muenter, Friedrich Christian Carl Heinrich 505, 530 Müller, Johannes von 33, 457 Müller, Otfried 441, 582, 603, 610 Müller, Gerhard Friedrich 261 Murphy 567, 613 Muse´e, (Mousaios) musicien et poe`te grec 588

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Naillet 580–581 Napole´on Ier 30–31, 83, 172, 439, 518–519, 528, 565 Narbonne-Lara, Louis de 448 Neander, Johann August 107, 341, 396, 513, 587 Ne´arque, amiral d’Alexandre de Grand 174 Ne´me´sius d’Eme`se 119 Neptune (voir aussi Poseidon) 179, 490 Ne´ron, empereur romain 82, 110, 136, 194, 449–450 Ney, Michel, duc d’Elchingen, prince de la Moskova 516, 518, 520 Nicolai, Friedrich 158 Nicolas, e´veˆque 255 Niebuhr, Barthold Georg 543 Niebuhr, Carsten 174, 457, 542–543 Noailles, Louis-Joseph-Alexis de 520 Nodier, Charles 565 Noe´ 179 Nonnos Panopolitanus, poe`te e´pique byzantin 534 Norden, Fre´de´ric-Louis 592–593 Nornes, divinite´s scandinaves 190 Norvins, Jacques Marquet, baron de Montbreton de 513, 515, 517, 529, 552, 555, 557, 559 Nugent de Westmeath, Laval 535 Numitor Silvius, roi d’Alba Longa 132 Nyx (ou la Nuit) 190–191 Ochnus, cordier mythique 572 Octavien 139 Odin 178, 190, 570 Oille[...]ron, d’ 613 Okeanos 190–191, 200 Oldendorp, Christian Georg Andreas 269, 278, 303–304 Orige`ne 120, 162, 397, 458, 579 Oromasdes 195 Orphe´e 185, 273, 462, 588, 602 Osias, roi de Juda 540 Osiris 196–197, 234, 484 Othus, ge´ant 488 Ouranos 460 Ovide 113–114, 178–180, 183, 203–204, 404, 483–484, 489, 527 Oza (ou Ouza, Ouzza) 459, 540 P., journaliste 66 Paccini 565 Page`s, Jean-Pierre 515, 520, 525, 528–529, 552, 554–556, 559, 564

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De la Religion, I

Pallas, Peter Simon 260, 264–265, 468 Pan 202, 256 Pantin 475 Pardessus, Jean-Derre´ 555, 557 Parnat, de 456, 475, 480 Parques 190 Paschoud, Jean-Jacques, e´diteur genevois 476–478, 542, 550, 555 Pasquier, E´tienne-Denis, baron 517, 555, 557, 565 Pastoret, Claude-Emmanuel-Joseph, marquis 498, 512 Patterson, John David 180, 568 Patinot 568 Paul, apoˆtre 94, 123, 397, 470 Pausanias 185, 461–462, 470, 479, 486, 489, 492, 499–500, 506 Pauw, Cornelius de 171, 220–221 Paymal Lerebours, Noe¨l, Nicolas-Marie 577 Payne, Thomas 156, 400 Pearson, John 122 Pedillot 568 Pe´le´e 492 Pelloutier, Simon 340, 480, 594, 621 Pennant, Thomas 228 Penthe´sile´e 548 Pe´ricle`s 168, 422 Perrier, Casimir 448, 471, 476–478, 496, 515, 523, 531, 537, 539, 549, 552, 555– 558, 561–563, 565–566, 568, 577, 581, 586, 599, 609, 612–614 Persenna, roi de Volta 482 Pertrand 560 Petitus, Petrus 488 Petou, Georges-Paul 612 Petrus Valliserniensis 605 Petri, Philipp August 58 Petri 556 Peyronnet, Charles-Ignace, comte de 474– 475, 532, 538, 552, 554, 556, 558 Peysson, Joseph 614 Phe`dre, fabuliste latin 113 Phe´re´cyde 479, 491 Philippe 133 Phidias 164, 262 Philidor 547 Philippe de Commines 256 Philippe II, roi d’Espagne 152 Philippon de la Madeleine 586 Philles 598 Philon d’Alexandrie 596 Philostrate (Flavius Philostratus) 482 Phine`s, fils du preˆtre E´le´azar 162

Photius, patriarche de Constantinople 121 Pichon, e´diteur 21 Pictet 532 Pie VII (Barnaba Luigi Gregorio Chiaramonti), pape 172 Pierre, apoˆtre 121, 123 Pierre 568 Pillot, Marie-E´milie, future e´pouse de Charles Constant de Rebecque 561, 563 Pinard, J., imprimeur 510, 612–614 Pindare 108, 182, 492 Pisistrate 493 Pistorius, Hermann Andreas 459 Plan Carpin, Jean du (Giovanni dal Pieno dei Campi) 262 Platner, Ernst 341 Platon 69, 185, 188, 206, 403–404, 426, 485, 585 Pline l’ancien 185, 227, 481, 621 Pline le jeune 113, 527 Pluche, Noe¨l Antoine 192 Pluquet, Franc¸ois-Andre´ 447 Plutarque 87, 109, 112, 116, 139, 184–185, 189, 398, 403, 454–455, 487, 493, 544 Pluton 179 Polo, Marco 174 Polyphe`me 179, 205 Pompe´e, le grand Pompe´e 139 Ponte´coulant, Louis-Gustave Le Doulcet, comte de 518 Ponteuil 612–614 Ponthieu, e´diteur 61, 447 Pontos 190 Pope, Alexander 274 Porphyre 184–185, 455, 479, 595 Pose´idon (voir aussi Neptune) 205 Postumus 116 Poule´ar 499 Pradel, Pierre-Marie-Michel-Euge`ne Courtray de 518 Pradt, Dominique-Georges-Fre´de´ric de Riom de Prolhiac de Fourt de 513, 518 Praet, Bernard van 552, 554, 556 Praetorius, Johannes 488 Prasrinmo, divinite´ du Tibet 463 Prasrinpo, divinite´ du Tibet 463 Praxite`le 164 Prie, Mme de 149 Probus, empereur romain 82 Proclos 184–185 Proculus, tyran 136 Prome´the´e 200 Proserpine 509, 597

Index des noms de personnes Prote´e 315 Proyart, Lie´vin Bonaventure 45, 245, 250– 251, 309, 318 Pruneau de Pommegorge, Antoine-Edme 89, 139 Psamme´ticus, pharaon e´gyptien 470 Pseudo-He´siode 482 Ptole´me´e, pharaon 175 Pyrard, Franc¸ois 230, 238–239 Pythagore 185 Pythie, preˆtresse a` Delphes 206, 315 Pythonisse, sorcie`re d’Endor 315 Rœderer, Pierre-Louis comte 528 Rœmer, Ludewig Ferdinand 255, 265–266, 275, 281, 306, 308, 316 Racine, Jean 184 Radien-Atzhie´, voir Ibmel Ramsay, Andrew Michael 586, 599 Raoul 614 Rasles, le P. Sebastien 234 Ravez, Auguste-Simon-Hubert-Marie 517 Raynald (ou Rinaldi), Odorico 605 Re´camier, Juliette 538, 556, 612 Regnault, Wilfrid 517 Reim, Helmut 277 Reinhard, Philipp Christian 60, 90, 95, 99, 102, 227, 371, 600 Remond 549 Remus 132 Re´musat, Jean-Pierre-Abel 231, 453, 515, 528, 552, 554–555, 557 Renan, Ernest 165, 441 Renaud 531 Renell, James 488 Renouard, e´diteur 61, 447 Reuss, Jeremias David 67 Rey, e´diteur 61, 447 Reynaud 525, 527 Rhadamanthe 485 Rhea Silvia 132 Rhe´e 191 Rhode, Johann Gottlieb 153 Ricard, Franc¸ois-Louis-Charles de 514, 527, 532–533 Richard 559 Richard, Je´roˆme 45, 231 Richelieu, Armand-Emmanuel, duc de 517 Rihouet 566, 570 Rillet 563 Rivoire, M. 561 Robert II, roi de France 322 Robert 568

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Robertson, William 88 Roche, Achille 557 Rochefort, Guillaume Dubois de 45, 286– 287, 467 Roederer, Pierre-Louis, comte 528–529 Rogerius, Abraham 230 Rolle, Pierre-Nicolas 478 Romilly, sir Samuel 566 Romulus 113, 132 Rößler, Christian Friedrich 114, 341, 372 Rotrou, Jean de 547 Roubaud, Pierre-Joseph-Andre´ 45, 299 Rouge´, Adrien-Gabriel-Victurnien, comte de 564 Rousseau, Jean-Jacques 31, 131, 151, 400, 426, 450, 455 Rousselin de Corbeau de Saint-Albin, Alexandre-Charles-Omer 456, 518 Royer-Collard, Pierre-Paul 517, 528, 552, 556 Rubruquis, Guillaume de 194 Ruis, Antonius 277 Rycˇkov, Nikolaj Petrovicˇ 325 Rycˇkov, Petr Ivanovicˇ 287 Sablet 515, 560 Sacy, Antoine-Isaac, baron Silvestre de 458, 546 Saint-Foix, Germain-Franc¸ois Poullain de 253 Sainte-Croix, Guillaume-Emmanuel-Joseph Guilhem de Clermont-Lode`ve, baron de 164, 187, 205, 453, 488 Salaberry d’Irumberg, Charles-Marie, marquis 516 Sale, George 60, 95–96, 137 Salvador, Joseph 541 Samson 178 Samuel 540 Sanchoniaton, e´crivain phe´nicien 185, 460, 592, 596 Sanpayo 552, 555, 557 Saraswaty, fille de Brama 508 Saream 531 Saturne 179, 200, 492, 591 Saturninus, tyran 136 Sauerländer, e´diteur 566 Saül 232 Sautelet, A., e´diteur 562–563, 565, 570 Savazios 508 Scaevola 205 Schelling, Friedrich Wilhelm Joseph 32, 49 Scherer, sellier 474

700

De la Religion, I

Schiller, Friedrich 33 Schiven (ou Shiva, Siva), divinite´ hindoue 128, 179–180, 522 Schlegel, August Wilhelm 32–33, 58, 543 Schlegel, Friedrich 33, 58, 568, 576, 593– 594, 598, 600 Schleiermacher, Friedrich Daniel Ernst 37– 38, 44, 371, 425, 441, 449 Schleusner, Johann Friedrich 597 Schmid, Johann Ernst Christian 588 Schmidt, Friedrich Samuel von 514 Schonen, Auguste-Jean-Marie, baron de 516 Schröter, Johann Friedrich 277 Schubart 555–557, 559 Schumacher, banquier 567 Schwabe 45 Scipion 115 Scott, Walter 475, 557 Se´bastiani, Horace-Franc¸ois-Bastien 504, 514, 528, 542, 541, 546, 552, 556, 559, 563, 599, 614 Sebond, Raimond 455 Se´guier, Antoine-Jean-Mathieu, baron 516, 552, 556 Se´guin, Armand 495, 539, 565, 568, 613 Se´gur, Louis-Philippe de 516, 552, 556 Selemiam 531 Semler, Johann Salomo 162, 282, 341 Se´ne`que 109, 115, 163, 185, 456, 489 Servianus 587 Sextus Empiricus 90 Sextus Pompe´e. 139 Shaftesbury, Antony Ashley Cooper, comte de 155, 400, 426 Sheem Sauk, divinite´ des Kookies 234 Sibylle 315 Sile`ne 315 Silhouette, E´tienne de 192 Sime´on, Joseph-Je´roˆme, comte 517, 551, 557 Simonides, poe`te grec 482 Sirieys de Mayrinhac, Jean-Jacques 564 Sismondi, Jean-Charles-Le´onard Simonde de 61, 71, 347, 565, 577, 599, 604–605 Sita 521 Sixte de Sienne 451 Sixte IV (Francesco della Rovere), pape 256 Skythe`s, fils d’He´racle`s 179 Snellgrave, William, 281, 318–319 Socrate 110, 121–122, 144, 146, 163, 206, 236, 285, 377, 404, 485 Sonnerat, Pierre 128, 230 Sophocle 185, 423–424

Souberbielle, Joseph 559 Sozome`ne (Salaminios Hermias Sozomenos), rhe´teur et historien chre´tien 121 Spangenberg, Ernst 341, 588 Sparrman, Anders 304 Spenser, Edmund 597 Spinoza, Baruch 155, 158 Spittler, Ludwig Timotheus 273 Sprengel, M. E. 328 Stae¨l, Albertine de 495, 560 Stae¨l, Auguste de 562–563, 565 Stae¨l, Germaine de 32, 56–57, 448, 471, 518, 521, 528, 615 Stapfer, Philipp Albert 499, 528, 542, 552, 556, 568, 599–600 Starck, Johann August 342 Stäudlin, Carl Friedrich 227, 229, 252, 340, 466, 588–590, 592, 597, 600 Steger, Johann Andreas Friedrich 589 Steller, Georg Wilhelm 226, 257, 317 Stendhal, Henry Beyle, dit 54, 56, 66, 363 Ste´raclite 396 Stilpon, philosophe grec 497 Strabon 489, 598 Stuarts, famille des 153 Stutzmann, Johann Josua 521 Sumner, John Bird 573 Sylla (ou Sulla), Lucius Cornelius 83 Symes, Michael 589 Tacite 82, 194, 206, 404, 497 Takiddin 590 Talbot 558 Talleyrand-Pe´rigord, Archambaud-Joseph de 516 Talleyrand-Pe´rigord, Charles-Maurice de 476, 516, 518, 552, 565–566, 612 Tallier, H., e´diteur 64 Tardif, Guillaume 516 Targytaos, fils de Zeus et de Borythe`re 178– 179 Tarlier, H., e´diteur belge 21, 63, 65, 448 Tarquins 193 Tartaros 190 Tastu, Amable 581 Temple-Grenville, George, lord Nugent 535 Temps 191 Ternaux, Guillaume-Louis 475, 516, 557, 559, 610, 613 Terrasson, abbe´ 591 Tertullien 119, 124, 126, 397, 451, 458, 487 Tessor 558 Teutate`s 128, 425

Index des noms de personnes

701

Teuton (ou Tuiston) 178–179 Thale`s 185 The´mis 179 The´ocrite 468, 512 Theon, e´le`ve de Kolates 109 The´se´e 493 The´tis 482 Thevet, Andre´ 248 Thiars, marchand de vin 477, 561 Thierry, Augustin 585, 599 Thiers, Adolphe 449, 517 Thomas d’Aquin 451 Thucydide 255, 490 Tibulle 113, 115 Tiedemann, Dietrich 60, 569 Tillemont, Louis-Se´bastien Lenain de 119, 457 Tillotson, John, archeveˆque de Canterbury 153 Timole´on 163 Tindal, Matthew 154–155, 400, 579 Tissot, Pierre-Franc¸ois 552, 554, 557–558, 612 Titans 200, 591 Tite-Live 507, 608 Toland, John 154 Toulmin, Joshua 154, 400, 579 Tourin, notaire 536 Trajan 527 Treuttel, e´diteur 61, 447, 555, 622 Trogus, Pompeius 537 Truguet 518 Tucelle 568 Tuiston voir Teuton Turner, Samuel 589 Tychsen, Thomas Christian 457 Typhon 193, 234, 404, 534

Ve´nus 125, 128, 183, 202, 321, 483, 489, 509, 511, 597 Vervins 565 Ve´ry, proprie´taire a` Montmorency 477, 520 Ve´turie, matrone romaine 194 Viasa Muni (ou Vyasa), sage indien le´gendaire, auteur du Mahaˆbhaˆrata 179 Vichnou, dieu hindou 178, 180, 479, 511– 512, 521–522, 593, 596, 602, 608, 621 Vico, Giovanni Battista 573 Victoire 194 Victor Ier, pape 121 Vidaure voir Molina Viguier 555 Ville`le, Joseph, comte de 71, 146, 369, 474, 516–518 Villemain, Abel-Franc¸ois 517, 561 Vincent, William D. D. 174 Vincent, vitrier 473, 543, 566 Vincent de Paul, saint 147 Virgile 183–184, 315, 403, 452, 508 Vitzli-Putzli voir Huitzilopochtli Vogel, Paul Joachim Siegmund 187, 234, 569, 612 Voglet, P.-J., e´diteur belge 64, 448 Volney, Constantin-Franc¸ois de Chassebœuf, comte de 198, 327, 404, 455, 510 Volta 621 Voltaire, Franc¸ois-Marie Arouet, dit 31, 93, 100, 108, 128, 149, 158, 321–322, 399, 412, 423, 447, 452 Voltax 481 Vopiscus, Flavius 136, 587 Voss, Johann Heinrich 58, 204, 482, 486, 490, 512, 546 Vossius, Gerard John 587 Vrichna Iswara 179

Ulloa, Antonio de 272, 309 Ulysse 314, 423, 558 Umfreville, Edward 60, 251 Unkowski, Johann 261 Uranus 190, 200–201, 479

Wagner, Johann Jakob 209, 449, 463, 503, 597, 605, 621 Walker, Alexander 21, 456, 476 Warburton, William 153, 192, 200, 404 Weber, Friedrich Christian 255 Wenzel, Michel-Jean-Baptiste 553, 555 Wichnou, voir Vichnou Wieland, Christoph Martin 158, 581 Wilberforce, William 562–563, 567 Wilkins, Charles 187 Wilson, James 237 Wilson, William 237 Winckelmann, Johann Joachim 40, 478–479, 589 Wolf, Johann Christoph 184, 264

Valentijn, Franc¸ois 225 Vandœuvre, Guillaume-Gabriel Pave´e, baron de 516 Varaigne 448, 456, 464, 473–474, 495, 506, 521, 523 Varron 205, 207, 491 Vatimesnil 369 Veltheim 592 Venturini, Carl Heinrich Georg 588

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De la Religion, I

Wöllner, Johann Christoph von 160 Woltmann, Karl Ludwig von 563 Woolston, Thomas 154–155, 400, 579 Wurtz (ou Würtz), e´diteur 61, 447, 555, 622 Wyatt, Thomas 152 xa, journaliste 66 Xe´nophane 185 Xe´nophon 206, 404, 423 Xiphilin 194

Za´rate, Augustı´n de, historien 311 Ze´non 450 Zerdusht, divinite´ perse 460 Zeus 190, 259, 485, 487, 597, 602 (voir aussi Jupiter) Zeuxippus, e´le`ve de Kolotes 109 Zimmermann, Henri 237 Zoroastre 172, 190, 195, 238, 461–462, 500, 512, 606, 621 Zosime, historien grec 489