Sous couleur de jouer : La métaphore ludique [J.Corti Ess. ed.] 2714303250, 9782714303257

Sous couleur de jouer : la formule de Claude Lévi-Strauss. Elle donne à croire que la conduite ludique dissimule sa véri

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French Pages 319 [165] Year 1989

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Sous couleur de jouer : La métaphore ludique [J.Corti Ess. ed.]
 2714303250, 9782714303257

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JACQ E HE RIOT

sous couleur de jouer la métaphore ludique

JOSÉ CORTI

1989

sous couleur de jouer

JACQUES HENRIOT

sous couleur de jouer la métaphore ludique

JOSÉ CORTI

1989

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1989 P R L'IMPRIMERIE

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PREMIÈRE PARTIE DÉCOUVERTE DU JEU

© Librairie'José Corti, 1989 Tous droit de reproduction, même panielle, ou quelque forme Que ce soit, y compri la photographie, photocopie, microfilm, bande magn~tique, di que ou autre, r~erv~ pour tou pays, TOute reproduction, même fragmentaIre, non expr ément autorisée, constitue une contrefaçon pas ibJe de anction pr~vue par la loi Sur la protection des droit d'auteur (II mar 1957)

N° d'édition: 1011 ISBN 2-7143-0325_0

Chapitre Premier LE JEU TEL QU'ON LE PARLE Soit un jeu Soit un jeu: jouer à dire ce que c'est que jouer. Voilà quel sera mon jeu tout au long de ces pages. Pourquoi pas ce jeu-là ? J'entends le murmure des inquiets, des scrupuleux: pour parler de jeu, ne faut-il pas déjà savoir ce que c'est? Qu'est-il besoin d'aller plus loin? Sous des dehors neutres, ce livre, en certains endroits (et même, à la réflexion, dans son ensemble), risquera de paraître ironique, bravant le sérieux que requiert un tel sujet. Du fait de cette pétition de principe qui veut que l'on ne prenne la décision de jouer qu'à la condition de savoir ce qu'il faut entendre par là, on percevra toujours, entre les lignes, comme le reflet d'un sourire. Ainsi j'emploierai le verbe jouer, le substantif jeu, à chacune de mes pages, à peu près dix fois par page, ce qui fera au total environ trois mille occurrences - et cela sans savoir, avant l'ultime phrase, quelle véritable définition il convient d'en donner. Que faire d'autre? Là commence le jeu: dès les premiers mots. Il faut tenter l'aventure. Personne ne semble y songer. A moi de m'y hasarder. Le jeu est comme le temps, dont saint Augustin disait: « Si personne ne me demande ce que c'est, je le sais; mais si on me le demande et que je veuille l'expliquer, je ne le sais plus. » Un tel rapprochement n'a rien qui doive surprendre. Le jeu a partie liée avec le temps, le temps avec le jeu. De la même manière on peut dire: « Jouer, si personne ne me demande ce que c'est, je le sais; mais si on me le demande et que je veuille l'expliquer, je ne le sais plus ». Jeu et temps appartiennent l'un comme J'autre au domaine des réalités essentielles, pres-

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que insaI 1 ables, qui forment le ti u vivant de notre exi tence, l'êtreté de notre être. ous le entons, nou le éprouvons, nous les « exis. ton » ans y réfléchir, sans le co~cevoir. Pour peu que nous tentions de le ai ir par la pen ée, les notlOns confu e que nou formons à leur propo ne font que brouiller la claire con cience que nous en avions jusque là. Il faut pourtant partir de ce donné premier, de cette réalité dont tous le dé eloppements sincère ont un caractère d'ambiguïté. Les lecteur de Stendhal auront reconnu la formule ; je la traves. tis seulement un peu. Stendhal parle de l'amour. Il demande encore que l'on imagine « une figure de géométrie as ez compliquée, tracée avec du crayon blanc sur une grande ~rdoi e ?>. Eh bien ~ dit-il, « je vais expliquer cette figure de géométne ; maIS une condition nécessaire, c'est qu'il faut qu'elle existe déja sur l'ardoise; je ne puis la tracer moi-même. Cette impossibilité e t ce qui rend si difficile de faire sur l'amour un livre qui ne oit pas un roman» (STENDHAL, D.A., 318). Il est également difficile, pour la même raison, de faire Sur le jeu un li re qui ne soit pas un roman. Il me semble ain i que, POur que l'on puisse parler de jeu, jouer à dire ce que c'est que Jouer, il faut que quelque chose comme le jeu existe déja. Comme l'amour. Comme le temps. Jouer semble aller de soi, comme boire ou manger. Quand on y réfléchit, les choses sont pourtant moins simples. Il est vrai que l'on peut se contenter d'une réflexion en surface. C'est ce que font la plupart des gens. Mieux vaut, à leur avis, passer son temps à jouer que de le perdre à se demander ce que jouer veut dire. Je laisserai donc jouer ceux qui jouent à croire que le jeu va de soi, ceux qui croient que les enfants jouent, que le lionceau joue avec sa mère, que le violoniste joue du violon et que le bois joue quand il travaille. Pourquoi déranger le calme édifice des pensées familières, des vérités toutes faites ? L'attitude que j'adopte participe, je l'avoue, de ce qu'on nomme couramment le jeu. Comment parler de jeu sans jouer ? Peut-on rester grave et compassé devant \1n sujet dont le moins qu'on puisse dire est qu'il prête à jouer, non seulement avec les mots que l'on emploie mais aussi et plus profondément avec le sens même d'une réalité fuyante, rebelle, ne se dévoilant et ne se laissant entrevoir que pour e dérober aussitôt? Qui parlerait de jeu sans jouer plus ou moins ne jouerait pas le jeu. Mais le théoricien qui parlerait de jeu en jouant ne ~ait rien que l'on puisse prendre au pied de la lettre, poser comme vraI. Il va falloir e tenir dans l'entre-deux d'une réflexion souriante,

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engagée mais jamais tout à fait dupe, éviter tout dogmatisme et pourtant mettre en œuvre un esprit d'analyse, avec la volonté d'y voir clair. Je suis joueur, mais je joue peu. Le moins possible. On dira que je ne suis pas joueur. Comment l'être? Celui qui joue se met dans une position intenable. Certes, il est indispensable de savoir, par le dedans, ce dont on s'apprête à parler. Mais à trop jouer on perd l'envie et probablement les moyens de le dire. La réflexion paralyse l'action. L'action tue la réflexion. Il est suffisamment acrobatique de prendre et de garder le contact avec la chose dont on parle, de la mettre en lumière, de l'éprouver, de la saisir au vol comme un poisson vif et luisant qui saute et s'échappe: s'il fallait faire corps avec elle, s'identifier à elle, se fondre ne fOt-ce qu'un instant dans son inaccessible et cependant toute proche matérialité, le diseur de jeu se perdrait dans son jeu, s'absenterait, ne serait plus là pour concevoir et formuler le contenu de son frêle discours. Qui joue se laisse prendre. Qui veut parIer de jeu doit conserver à tout moment le pouvoir de s'en déprendre. Point n'est besoin d'être fou pour devenir psychiatre. L'amour, comme le temps, exigent que l'on garde ses distances par rapport à ce que l'on éprouve afin d'en pouvoir parler. On s'est peut-être un peu trop moqué des sociologues en chambre qui décrivaient et analysaient de loin les mœurs et les façons de penser des aborigènes australiens. Le réel a ses vertus, mais la méthode n'est peut-être pas mauvaise qui consiste à voir les choses de loin, afin d'essayer de mieux les comprendre et les concevoir. La pratique du jeu, qui se résume en général dans celle de quelques jeux, ne suffit pas toujours à rendre le joueur capable d'en construire la théorie. D'une certaine manière, le théoricien qui joue le moins est le mieux placé pour dire ce que c'est que jouer. Qu'il joue en le disant, c'est son affaire: aussi avouerai-je que je prends quelque plaisir à insister sur ce que l'obligation a de paradoxal. On me pardonnera, je l'espère, cette façon de répondre que Montaigne dirait « enquêteuse, non résolutive. » Le jeu est chose dont chacun parle, que tous considèrent comme évidente et que personné ne parvient à définir. Je pars de cette constatation afin de chercher pourquoi se présente une si étrange difficulté. Comment se fait-il que cette chose simple, non seulement ne fasse pas l'objet d'une connaissance claire de la part de ceux qui l'expérimentent, mais de surcroît soit appréhendée par l'ensemble des théoriciens comme une réalité dont l'évidence ne saurait faire de doute? Réfléchir sur le jeu, essayer de dire

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ce que c'est, cela suppo e que l'on donne forme à la que tion qui n'est pre que nulle part po ée : comment .cett~ chose que l'on nomme jeu accède-t-elle à la conscience de celUI qUI en parle? Le jeu est une chose dont on parle. Il faudrait préci er : le jeu e t d'abord une chose dont on parle. En posant cette affirmatio d'entrée de jeu, dè la première ligne, je ne di imule pa mon inten~ tion de prendre à rebrou e-poiJ le évidences ur lesquelles repo ent (et e repo ent) la plupart de di cours que l'on tient ur le jeu. On e refuse en général à voir qu'une telle façon de procéder constitue a ant tout le jeu comme objet de parole, chose dite. Loin de l'appré. hender ous l'aspect d'une réalité concrète, immédiatement vécue, d'un fait d'expérience, sans doute faut-il que le point de départ et l'objet d'une réflexion sur le jeu soit le mot dont on e sert pour le dire. Le fait premier, qui seul peut faire l'objet d'un repérage et d'une analyse, n'est pas la chose telle qu'elle est vécue, mais telle qu'elle se trouve conçue et e primée sur le plan du langage. Quand on dit que le petit enfant qu'on voit courir, sauter, se rouler par terre e t en train de « jouer », le fait n'est pas qu'il joue, mais que l'on dise qu'il joue. Quand je vois ma chatte qui court et saute et se roule par terre à côté de moi, comme si elle voulait par cette gesticulation manifester le bonheur qu'elle éprouve de me savoir près d'elle, et quand je dis qu'elle est en train de « jouer », le fait n'est pa qu'elle joue, mai que je dise qu'elle joue. Le jeu est d'abord un fait de langage. Le eul moyen d'aborder la question du jeu de façon objective est de le prendre tel qu'il se donne: sur le plan du langage et par con équent de la pensée. Le jeu, c'est d'abord la pensée du jeu. Aucun psychologue, aucun philosophe ne semble l'avoir envisagé sous cet angle. Heidegger, à cet égard, n'en dit pas plus long que Freud ou Piaget. Faute de s'être, préalablement à toute analyse, posé la question de la réalité du jeu et de la façon dont il se présente à la conscience de celui qui en parle, les théories du jeu n'ont jamais dépassé le niveau du sens commun. Elles décrivent des jeux, disent à quoi sert le jeu ou ce qu'il signifie, sans aller jusqu'à se demander s'il correspond à quelque chose d'effectif, s'il y a réellement jeu de la part des êtres dont on dit qu'ils jouent - et en quoi consiste ce jeu, en admettant qu'il soit possible. Quand on en vient à se demander ce que c'est que jouer, il importe de comprendre que la question porte essentiellement sur ce que veut dire le mot. Si le propre du mot est de vouloir dire, que veut dire celui-là? Pour qui s'attache, en toute (fausse) naïveté à l'élucidation des choses telles qu'elles sont, le donné initial n'est pas la réalité prise dans son

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hypothétique nudité, mais l'objet de ~~nsée, la chose dite. Je ~~ partirai de l'idée qu'il y a de hommes qUI jouent, des enfants qUI jouent, eut-être aussi des animaux qui jouent, qu'à la condition d'insister sur fait qu'il s'agit là, avant tout, d'une idée. Idée qui a cours, se développe et se transforme dans la société où je vis, idée que partagent ceux qui composent cette société et qui leur paraît si évidente qu'ils ne voient même plus qu'elle s'interpose entre eux qui pensent et la réalité sur laquelle porte leur pensée. Que l'on n'attende pas de moi, ~our commencer, une défi~it~on. Si je pouvais, dès à présent, en trois hgnes, comme le font les dIctionnaires dire ce que c'est, je n'aurais nulle raison de poursuivre ce travail et'je tomberais d'accord avec tout le monde pour voir dans le jeu un amusement, un divertissement, une activité agréable, etc. Ce n'est pas en lisant l'article « Jeu» d'un dictionnaire que l'on apprendra, si on ne le sait déjà, ce que c'est que jouer. Dans des textes de ce genre, le Jeu semble toujour dire au lecteur qui tente de s'instruire: « Tu ne me chercherais pas si tu ne m'avais trouvé ». Je vais donc devoir me résigner à parler de quelque chose que je forme le projet de définir, sans dire d'abord de quoi il s'agit, ou plutôt en faisant comme si je le savais et comme si le lecteur le savait aussi : nous allons procéder par allusion (le terme convIent à merveille). Après tout, n'est-ce pas ainsi que l'on procède dans la vie de tous les jours? Chacun sait ce que veut dire vivre, mourir, aimer, travailler. Quand un pense~r s'engage dans la voie d'une réflexion sur le bien et le mal, le drOIt, la liberté, il n'éprouve pas le besoin de dire pour commencer ce qu'il faut entendre par là. Il fait comme si tout le monde le savait. Le procédé n'est peut-être pas rigoureux sur le plan scientifique mais il a le mérite de s'accorder avec la manière dont les choses elles-mêmes se présentent, à savoir comme des mots, dans une langue, à une certaine époque, au sein d'un groupe social déterminé. Le texte de l'histoire et de la vie en société compose un réseau de communication commode dont on ne sait jamais, pour finir, s'il n'est autre qu'une toile légère où se prennent des idées. Cette question du rapport au « réel », de la « réalité» effective de la chose dont on parle va nous accompagner tout au long de cette étude. Je ne cesserai de me demander si le jeu dont on parle existe réellement, c'est-à-dire comme chose autre que simplement verbale ou mentale: s'il y a réellement jeu dans l'homme et dans le monde tels que nous les percevons. Si je parviens à dire ce que c'est que jouer, ce sera seulement à la fin du périple, après avoir suivi les méandres de l'opinion commune, de la littérature et après avoir

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enregi tré pour les critiquer, quelque -un de clichés qui m'au , .' . ront paru les plus slgmficatlf . Pour commencer, parlant de ce dont 1 monde parle, je ferai ~omme tout le monde. Je partirai de la consta~ tation la plus banale: Il y a quelque chose que tout le monde s'acco d à designer par un mot (dont les différentes langues fournis ent des é r .e . . 1 d' d' qUIalents, puisqu'on crOit pouvOIr e tra Ulre une langue à l'autre) . nou i ons dans un monde - ce monde où vit « tout le mond • . . d' e» _ où il est à ch~que. Instant qu.estlon e Jeu - ans d'ailleurs qUe le jeu lui-même SOit ml en questIOn. On le prend pour quelque cho qui va de SOI. et dont l'é VI'd ence ne sou l'eve aucun problème. L'une dse mes préoccupations sera de savoir pourquoi, dans ce monde où il e . d' l' est de plus en plus fr équemment questIOn e Jeu, e Jeu lui-même Cont'nue de ne faire l'objet d'aucun véritable questionnement. 1 L'idée sur laquelle je vais prendre appui pour parler de jeu ser nécessairement en relation, d'une manière ou d'une autre, avec cell: que l'on a dans le monde où je vis. Cette idée qui m'anime et prend corps en moi quand j'entends, quand je dis, quand j'écri le mot jeu je ne l'invente pas. Elle me vient d'ailleurs: de mon entourage, d~ mes lectures, de mon enfance. Aussi loin que je puisse remonter dans mon passé, j'ente~ds ce mot a~q~el s'att~che une signification apparemment toute claIre. On me diSait : « va Jouer » et j'allais jouer sai. sissant au vol, sans la moindre hésitation, le sens que l'on donn~it à ce verbe. On me disait: « cesse de jouer; l'heure est venue de faire tes devoirs » et je ra'ngeais mes jouets, je sortais de mon cartable livres et ~iers. C'est ainsi que j'ai appris, comme si je l'avais toujours su ~u'I1 y a des choses qui sont de l'ordre du jouer et d'autres qui appar: tiennent à un domaine tout à fait différent, marqué du sceau du sérieux Dichotomie première, fondamentale, dont se font écho les vocabulai~ res : « Jeu chez l'enfant. Activité agréable s'opposant au travail » (PIERO~, V.P., 210). Quand je parle de jeu, ce n'est donc pas moi seul qw p~le" m~s tous ceux qui parlent comme moi, qui pensent ~omm~ mOl. J arrIve avec un passé, des souvenirs, une langue, une éducat1o~, une cul~ur~ .dont je.ne saurais me défaire. Je suis toujours p~us que Je ne seraiS SI Je n'étaiS que moi. Je ne fais, malgré moi, que dire,ce ~~e d'autres disent, que penser ce que d'autres pensent. Ainsi la defirutlon que je proposerai ne sera en aucune façon la simple mise en forme d'une idée personnelle: elle sera porteuse du savoir et de la culture dont je suis détenteur. Le je qui ne cesse et ne cessera dorén~vant de p~ler ne sera, d'une certaine manière, que le porte-parole d un on ommprésent : à la fois tout le monde et n'importe qui.

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Le on qui fait ici son apparition, renvoie, c'est certain, à une forme de ociété déterminée, prise à un moment donné d'une histoire. Ce que l'on entend aujourd'hui par jeu, dans la ociété qui est la mienne, avait peut-être un contenu différent dans cette même société au cour de siècles passé , a peut-être une autre signification dans de groupes sociaux différents à l'époque où je vis et sera peut-être incompri des siècles futurs. Car le chose changent. Leur variation est à e timer en fonction de deux coordonnées: le temps et l'espace. La cho e que j'appelle jeu en ce moment, dans le monde où je vis, a pu être différente hier, sera peut-être différente demain. Elle est probablement différente ailleurs. Où 'arrête le sens? Aux limites de la Terre? Aux frontières d'une civilisation? Aux portes de la ville? Lecteur, comprends-tu la même chose que moi sous le terme que j'emploie? Le je qui parle à ma place quand je parle de jeu n'est que l'un de je possibles qui 'expriment au sein du groupe social auquel j'appartiens, à ce moment de on histoire. Sa compétence ne va pas au-delà. S'il aboutit à formuler une définition, celle-ci ne vaudra certainement pas d'une manière absolue et universelle. Elle n'exprimera qu'un point de vue, qu'une approche parmi d'autres en direction de quelque chose qui ne prend sens qu'à l'intérieur d'un monde situé dans le temps et dans l'espace. Cette relation, dont le principe s'impose, relativise la problématique et interdit de voir dans le jeu une chose qui serait toujours et partout la même, identique à travers toutes les époques et tous les lieux. En vérité, si l'on accorde au jeu le statut d'idée, il conviendrait de se demander s'il n'est pas possible d'envisager l'hypothèse d'une sorte de signification transcendante de cette idée, qui ferait que l'on pût parler de jeu en dépassant les limites du relativisme historique et sociologique. N'est-ce pas ainsi que l'on pense quand on parle de Droit, de Liberté, de Vérité? Si le Jeu lui aussi est idée, ne faut-il pas chercher à savoir à quelles conditions une théorie du Jeu peut valoir pour tous les mondes possibles - autrement dit s'il est possible de parler de Jeu sans se référer à une langue, à une civilisation, à une époque, à un monde? Avant d'en arriver là, il convient que je prenne pour objet d'étude ce quelque chose: le jeu, dont on parle dans le monde ou je vis. Ce sera prendre au mot le jeu. Quand le jeu fait son apparition, affleure à une conscience, c'est sous cette forme. Dire à un enfant: « va jouer », « cesse de jouer », c'est faire appel à un mot porteur de sens, mettre en œuvre une idée, ou plutôt un ensemble plus ou moins cohérent, plus ou moins systé-

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DÉCOUVERT

DU JEU LE JEU TEL QU'ON LE PARLE

matique d'idée (une idéologie ~~ut-être). Il e t, urp~enant de con ta. ter que le plus célèbre théoncle? de la phenomenologie, au lieu d'aller « à la cho e elle-même » dite et pen ée, lor qu'il entrepren. nent de parler de jeu, admettent an le momdre examen le po tul elon lequel le jeu erait manière d'être et de faire Immédiatement vi ~~ l ble , comportement qui, de oi, parlerait. . , . Heidegger, POur qui toUt e notion couramment admi e, toute mstltutlOn mentale requiert une mis 'ç • d e en question, loin de po er ne f ut-ce qu une lOIS an on œuvre la ques. tion du Jeu, prend au contraire le Jeu comme le plu deci if élément de réponse. Il y a loin de e ige~ce première de la phénoménologie, telles qu'elles s'expriment dan Etre et temps au ultime péculations sur le « Jeu de miroir du Monde ». A ce qu'il emble, Heidegger néglige ce qui se donne à voir: que le jeu n'apparaît que sous la forme d'une idée. Le jeu, c'est l'idée du jeu. Dire qu'il y a jeu quelque part, dans le monde, en quelqu'un, ce n'est pas effectuer le con tat de la pré. sence effective d'une réalité qui serait ob ervable et dont le ens tom. berait sous le sens: c'est émettre une hypothèse, porter un jugement, appüquer au donné de J'expérience vécue une catégorie qui provient de la société où l'on vit et que véhicule la langue dont cette société fait l'instrument de sa culture. Ainsi compris, le on que je sui ne con titue pa l'origine, le point de jaillissement ni même de prise de conscience de l'idée (pui qu'il n'est pas une conscience, même collective), mais plutôt une orle de lieu, d'espace - on serait tenté de dire: un e pace de jeu où e développe un discours à la fois vague et puissant, confus et charpenté, qui est celui du groupe et dont ne peut en aucun cas s'ab traire la conscience individuelle. Bon gré, mal gré, on finit par s'inscrire et prendre place dans une histoire qui est celle de tous : on est on. Ce on dont je parle n'est pas moi, bien que d'une certaine manière je le sois, puisque j'en fais partie et que ceux qui me liront m'y inclu. ront sans autre forme de procès. Alors, autant prendre les devants: je suis on comme tout le monde, ni plus ni moins. Ma parole s'insère dans le texte immense et lacunaire qu'auront à déchiffrer les histo. riens de demain. Pour eux, j'aurai dit (je m'exprime au futur anté. rieur) ce que l'on pensait du jeu à J'époque où je vis, quelque part dans le monde qui est le mien. S'il m'arrive de dire « je », ce n'est donc pas pour revendiquer une quelconque originalité, mais seulement pour souligner que j'existe, persiste et signe. En ce sens, le travail que j'entreprends fournit la démonstration du théorème sur lequel il s'appuie: mon discours ur le jeu, la définition que je proposerai pour A

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onstituent de indications concernant certains a pect de ce que f" lOIr pen c e aUJourd'hui, en cette f'10 d e vmgtl ' 'è me slec " 1e, d ans un com ' l'on de l'Europe, à propo du jeu. La recherche ne saur,alt échapper à cette é uence à la fois ironique et parfaitement logique, selon laquelle '1 . II Il cons q les résultats qu'elle peut obtemr, les conc uSions auxque es ~ e par, t dans le meilleur de cas prennent place à leur tour dans 1 ensemvien . Eli fi " bl théorique qui leur aura servi de pomt de départ. e con Irme am 1 l e J'dité de son hypothèse. Dire que l'objet sur lequel il convient de aval él" on' h ypoth"etique raite traval'11er n'est pa le J'eu lui-même, pns , dans , d hose naturelle, mais J'idée que 1 on s en fait quand on en parle, c,eesCt encore et toujours s'en faire une idée. Il convient par con équent. d" sister sur la nécessité de renoncer à toute approche de type empl,10 pour mettre en œuvre une recherche inspirée des méthodes de nque, . 1 h Il l'anthropologie sociale et culturelle. Tel sera, ~Ulsque. a c ,ose. e eAme m'impose l'obligation de la prendre ainSI, le chOiX qUI gUidera me démarche : porter, sur une mamère . ' qUi. se préma d 'Aetre et d e faire regard sen te dès l'abord comme la plus familière. et la" plus banale, un . A . revendique le droit de s'étonner et qUI crOit aVOIr compns. parqUi . 1 . d t , du moment où se dépose sur le vif des sensations e verms es mots, Ir choses cessent d'être ce qu'elles sont pour devemr . ce que l' on d'It les qu'elles sont. Une fois comprises, elles entrent dans le système de pensée et de parole, dans le logos que les hommes inventent au long des siècles avec l'espoir de s'entendre.

Le jeu à point nommé Les choses viennent à l'esprit par la médiation des mots. On dit « il neige », « le rossignol chante », « la foudre est tombée sur le clocher de l'église ». Aussi longtemps que les choses ne sont ~as nommées on demeure incapable de leur assigner place et fonction dans l'ens;mble confus et bigarré de l'expérience. Ainsi se fait chez l'enfant la découverte du monde. A plus forte raison en est-il de même pour son orientation dans le monde des choses mentales, c'est-à-dire des idées. Elles ne peuvent s'annoncer, prendre forme qu'à partir du moment où il peut avoir recours aux mots pour les désigner.. Les poètes ont souvent observé qu'un sentiment n'a d'être que lorsqu'on peut le concevoir et le nommer : ~ign~r,

Et je dirais qu~ j~ vous aime, si j~ savais ce qu~ c'est que d'aim~r.

Les humains se sont aimés, sans doute, avant de savoir ce qu'était

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ERT DU J U

l'amour. Le mot ne fait rien à la cho e. Mais celle-ci ne aurait exi t , à titre d'objet de pen ee, u ceptl'bl e d' entrer d an un dl. COur u er . que 1e mot Olt . là POur l'indi. ' ne déclaration, un poème, qu '1 à a cond'Itlon quer. Seul peu ent dire ce~ qui détie~n~nt ~e. clé d'un langage: Voi che apete... D'un écu mten e, mal 10 al Issable, intran mi si. ble, le mot fait une réalité mentale u ceptible d'être exprimée. C qu'on res ent, on le communique, en e donnant l'illu ion de e faire comprendre. In ersement, on reçoit de autre l'in trument qui per~ met d'identifier ce que l'on éprouve et l'on apprend par cela même que l'on n'e t pa le premier à l'avoir éprouvé. Sur le trottoir, devant une pâùs erie, le tout-petit pleurniche, trépigne. Sa mère: « Si tu con. tinues de faire de caprice, tu n'aura pa de gâteau ». Voilà donc ce qu'il faisait: de caprices. Cela 'appelle ainsi. Il e t bon de le avoir : un tel savoir peut ervir. Il permet de me urer les effet et le limite d'une façon de faire connue déjà de adulte. Par de semblable voie, l'enfant apprend que ce qu'il fait, dans certains cas, se nomme jouer. Il découvre ainsi que on activité la moins réfléchie, ses gestes les plus « naturels », souvent le plus imprévisibles, se trouvent inscrits, répertoriés dan un catalogue, rangés dans les cases toutes prêtes d'un vocabulaire. Le premier sourire, la main qui se tend, on sait déjà ce que cela veut dire: il joue. A son tour il se découvre jouant dans un monde où chacun ait ce que jouer veu~ dire. Lui seul ne le savait pas. Sai issant au vol un rayon de soleil qui traverse la pièce, la petite fille l'offre en disant: « un peu de lumière ». L'adulte voit là « un jeu» (PIAGET, F.S., 127). Rien n'atteste que l'enfant l'identifie comme tel. L'idée de Jeu appartient à un ystème mental dans lequel il se voit introduit, où sa place est à l'avance réser· vée. Avec elle, viendra le reste: il apprendra qu'une rigide et pesante clôture sépare le domaine du jeu de celui des chose sérieu e . Son propre jeu va rapidement s'insérer dans un contexte social imprégné de moralisme, à l'emplacement précis que découpe et délimite une cul· ture. Il y a des lieux où l'on a le droit de jouer, d'autres où c'est défendu. Il y a aussi de moments pour jouer, d'autre où ce serait déplacé, indécent, voire scandaleux. Ces choses-là ne s'inventent pas, eUes s'apprennent. L'enfant les apprend vite. Sa conduite obéit à des règles, comme si son jeu prenait place dans un jeu plus vaste dont il reprend assez facilement le principe à son compte, devenant bientôt capable de répondre: « Je joue» quand on lui pose la question: « Que fais-tu? » Alors le tour est joué.

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Même si l'on suppose (comme tout le monde) que le jeu, pris en t qu'activité spontanée du jeune enfant, est une pulsion qui protan ' reconnaltre que 1a consanmoms . t du dedans de on etre, Il f aut né vien . d' un d ressage . nce qu'il en peut prendre résu 1te d' un apprentIssage, cie . dè 1 .è . de r uistique auquel il se trouve soumis s es preml res semames JO~ existence. Le Jeu est une idée qu'il reçoit, à laquelle il s'habitue ~ qu'il fait sienne. Ayant appris et compris ce que signifie jouer, il en vient à jouer sciemment, en achant ce qu'il fait. On pourra dès ~ors définir son jeu par la volonté, la conscience qu'il a de jouer, c'està-dire de faire ce que l'on nomme ainsI dans le monde où il vit. Quand on aborde la question sous cet angle, on découvre vite qu'il faudrait pouvoir construire, non eulement une histoire des jeux, mais une histoire du Jeu pris en tant qu'idée, chose mentale dont ce mot constitue le vecteur. La base d'une telle étude, à peine entreprise, devrait être l'analyse du phénomène vocabulaire. Il est à peu près évident, par exemple, que l'idée que pouvaient se faire, de ce que nous appelons le jeu, les Grecs de l'époque de Platon ou d'Aristote n'était pas exactement la même que celle qui a cours aujourd'hui dans le monde occidental. Nous parlons en français de « jeu ». Le mot vient du latinjocus, qui signifiait, à ce que disent les dictionnaires, plaisanterie, badinage. Le grec disait paidia, désignant par ce terme l'activité propre de l'enfant (pais). Quand nous traduisons paidia par jeu, nous recouvrons la signification première d'une couche de significations secondes, un peu comme l'on dissimulait jadis certaines fresques sous des enduits variés. Nous laissons échapper la spécificité de la désignation au profit d'une idée probablement différente et en tout cas plus générale. Par ailleurs, lorsqu'ils s'attachaient à caractériser ces formes d'activité que nous nommons des jeux, les Grecs utilisaient des termes techniques précis, dont aucun n'impliquait l'idée de jeu dans le sens où nous l'entendons. Ces occupations diverses, que nul concept ne rassemblait et dont l'unité n'était nullement exprimée dans la langue, se partageaient pour eux en deux catégories principales : la kubeia et la petteia. La première groupait diverses manières de faire consistant essentiellement à jeter des instruments ou des objets (dés, osselets) qui retombaient de façon imprévisible (on n'ose dire: au hasard, car le mot n'est pas grec, lui non plus, et la question de savoir quelle idée les Grecs pouvaient se faire du « hasard » est du même ordre que celle que l'on soulève à propos du « jeu »). La seconde famille comprenait plusieurs techniques où le geste essentiel était celui de poser. disposer. mettre en place des pions sur un tablier fait de lignes A



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de ca es afin d'organi er de tratégies ayant pour but la pri e 0 ou, . . d' 1· . u l'encerclement des pion ad er . Ainsi, une part, a pOId,a ne recou_ vre qu'une partie de ce que nou met~on dan l''i~ée de jeu Oe jeu des enfant) ; d'autre part, le. oc upatl~n ou actl~l.tés que nous rangeons dans la catégone de « Jeux».- Jeux de oCleté, de hasard, de réfle ion de stratégie - ne 'appelaIent pa , chez le Grecs, de jeux puisqu'a~cun mot ne pouv~t ervir à le dé 19ne~ comme tels. L~ kubeutès n'était pas un « Joueur» de kubelO, ni le petteutès Un « joueur» depetteia, à la dif~érence d: no joueur de dés ou d'échecs. Il 'agi ait là de termes techruqu désignant de opérateur d'Un genre particulier qui e erçaient de acti ités parfaitement définie, on erait presque tenté de dire des « pécialit » ou même de profe ion. Force est donc d'admettre que, n'ayant pas de mot pour dire ce que nous appelons le jeu, les Grecs de l'Antiquité n'avaient pa non plu d'idée pour le penser - ou du moin que l'idée qu'il en pouvaient avoir était bien différente de la nôtre, au point d'être pour nou pratiquement insaisissable. Ce que nou appelon jeux Olympique était simplement pour eux concour , compétition, combat : agônes. Quant au: « jeux du cirque» (Iudi circenses), ce sont là cho es romaines. La question se pose également sur d'autre plan. Quand nous parlons de « religion» nous prenon appui ur un mot qui vient du latin. QueUe peut-être la portée, la valeur de no péculations sur une hypothétique « religion» des Égyptiens ou de Grec d'autrefois? Dans ces conditions, il serait hasardeux de dire que, pour les Grecs , l'idée de « Jeu » n'avait de sens qu'en relation avec celle d'Enfance, car ce n'est pas vraiment ainsi que les choses e présentent. Certes, lorsqu'on lit Aristote, on se trouve amené à conclure que, pour lui, le « jeu» étant le propre de l'enfant, il ne aurait constituer l'activité normale d'un adulte et, à plus forte raison, d'un citoyen. En aucun cas, la paidia ne saurait être posée comme idéal de vie, ni procurer • l'homme le bonheur auquel il aspire. Mais s'agit-il de « jeu» ? Impossible de savoir si Aristote parle vraiment de ce que nous appe· Ions ainsi: s'il parle, en disant paidia, de la même chose que nous, et, • l'inverse, si nous parlons de la même chose que lui lorsque nous disons « jeu ». Avancer que les Grecs se faisaient du jeu une idée dif· férente de la nôtre n'est donc pas suffisant. Ce serait postuler, en effet, une réalité idéale, une essence qui serait toujours et partout la même, bien qu'appréhendée de divers points de vue et formulée de manière différente selon les temps et les lieux - un peu comme une montagne que l'on peut voir d'ici ou de là, dont la silhouette change selon qu'on

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la contemple de telle ou telle vallée ou de tel autre sommet, mais qui re te en elle-même éternellement ce qu'elle est. Le problème n'e t pas aus i impie. Il consi te avant tout à se demander s'il y a un Mont Blanc. Il ne suffit pas de dire que les anciens Grecs ou que les Égyptiens e faisaient du Jeu une idée différente de la nôtre; il faut encore chercher à savoir - mais par quels moyens? - s'ils en avaient l'idée. Notre idée de Jeu e t un outil: peut-être un instrument dangereux, à double tranchant, s'il nous conduit à mesurer la pensée des autres (et de Anciens en particulier) à l'aune de notre propre pensée. Il en est du Jeu comme de l'Amour, de la Liberté, du Droit, de la Justice, de cent autre concept qui, loin de former de éléments de jonction entre des cultures diverses et de permettre une authentique communication, s'interposent, font écran entre des pensées presque complètement étrangère les une aux autres. On conçoit dès lors la difficulté peut-être insurmontable à laquelle e heurte le projet d'une histoire du Jeu.

Petite contribution à l'histoire du Jeu Le temps semble pourtant venu de procéder à l'égard du Jeu comme le font historiens et sociologues à l'égard d'autres idées comme celles d'Amour, d'Enfance et de Mort. Tout en se pré entant comme des réalités d'ordre naturel- des faits -l'Amour, l'Enfance, la Mort apparaissent aussi, d'un autre point de vue, comme des représentations qui se sont formées et tran formées au cours de siècles. Vu ous le même angle, le Jeu peut trouver sa place dans une histoire des mentalités. N'est-il pas, à lui seul, une « mentalité» : une façon particulière de concevoir le monde ? Je voudrais tracer rapidement les lignes d'une telle entreprise, afin de mettre en lumière les traits spécifiques de la nouvelle problématique du Jeu, ce qui la rapproche et ce qui la distingue des problématiques analogues élaborées par l'histoire des mentalités . L'histoire du sentiment de l'Amour (ROUGEMONT, A.O.) met en relief la dissociation et l'étroite imbrication du fait et de l'idée. Même si l'amour entre humains suppose à l'évidence un substrat physique et physiologique, une sensibilité, des conditions particulières d'éclosion et de développement, il ne serait pas ce que l'on nomme l'amour s'il n'était que la manifestation pure et simple d'une sexualité. La manière dont il se présente et dont il se vit, ses multiples manifestations, l'importance qu'il revêt sur le plan social et culturel prouvent

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qu'il e t en relation a ec de mani~re de dire .et de pen er que l'on ne peut ab traire.et i oler de ~?deles pro~o e par ,la poé ie, l'an, la littérature, le mema, etc. L hl t?lfe de 1 ~mour net pa un cha. pitre de l'hi toire naturelle de l'e pece humame : elle e t l'hi toire ct e l'idée de l'Amour, telle qu'elle s'e t peu à peu con tituée au lon d'une tradition et telle qu'elle e diversifie à traver des civili ation~ différentes. ou le nom d'Enfance, on découvre également quelque chos une réalite qui e t de l'ordre du fait: le être humain, elon la fo~: mule de De carte, ont tou « enfant avant que d'être homme » Il partagent a e certain animau la. néce sité et le privilège d'avoi; à pas er, a ant d'atteindre leur maturité, par un tade de dépendance et d'apprentissage. Comme l'amour, l'enfance a de base biologiques. A ce titre, elle ne relè e pa d'une hi toire, à moin d'envisager une hypothétique recon titution de style évolutionni te. Mai , ce que reven. dique l'hi torien, c'e t, en revanche, le y tème de repré entation que les différents groupe ociau ont pu e faire de cette période caracté. ristique de la vie. L'Enfant est un être dont on parle. Dan la mesure où l'on en parle, en lui donnant en et valeur (que cette valorisation soit positive ou négative), on l'édifie, on l'institue comme per onnage auquel on attribue un rôle. La dimen ion culturelle (ARIE , E. V.) prend le pas ur les aspect trictement biologique du phénomène. Le statut social de l'Enfance relève d'une étude spécifique - qu'il s'agisse des sociétés antiques (passage de l'état d'infans à celui de puer dans la Rome classique), des société médiévale ou des société moder. nes. De nos jours, par exemple, on voit e développer la notion floue de « jeunesse », qui tend à englober et à supplanter celle d' « enfance » et d'« adolescence ». Ces idées mouvante, vivante, où l'on voit trans, paraJ"tre et interférer des axes de coordonnée empruntés aux registres distincts du biologique et du social, ont de contenu variables d'un groupe à l'autre et se transforment dans le temp . Chaque société porte en eUe sa propre image de l'Enfance, de la Jeunesse, qui s'exprime au moyen d'un vocabulaire déterminé et se traduit dans les comporte· ments, les textes, les productions artistiques, le institutions. Ce qui se passe à propos de l'idée de Jeu se retrouve à propos de l'idée d'Enfance. L'idée d'Enfance est une idée d'adulte. Peut-être faut-il voir en eUe, avec Vladimir Jankélévitch, « un mythe de l'âge mûr» (JANKÉLI:VITCH, T. V., III, 1196). Ainsi, lorsque l'historien plaide « pour une histoire de l'enfant dans l'Antiquité» (MANSON, H.E.), il ne met pas en question l'his-

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. d l'enfant comme être naturel et biologique, mais celle d'une tOire e . . t'on d'une réalité culturelle: « 1,.Image dl' e en f ant d ans 1a l'1t ln tltu l , d é . t e latine ». On doit comprendre en ce ens le titre que s est onn tera ur . dEd . 0

l'International Annual for the H,story of Early Chlldhoo (Budapest) : Historia infantiae.

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ucatlOn .

La Mort entre dans la danse. Depuis quelques années elle fait l' b' t de remarquables études historiques (VOYELLE, M.A., M.O. ; A~I~e, H.M.). L'objet dont il . 'agit n'est évid~mment p~s l'év~nerepresentatlOns t le fait physique que constitue la mort, mal'è le men, 1 1 . , t pu 'en faire le homme au cours des SI c es, es sentiments qu on . 0" • , lle leur a insplfés, le Images qu Ils en ont donnees. Dans un qu e . d e 1a fi0 l'le .a, domaine voisin, Michel Foucault présente une H'IstOlre ,A e classique (FOUCAULT) qui ne porte pas sur le trouble mentallUlag e mais sur l'idée que les hommes s'en sont rorm ée. L'HoIstolfe . mem, ' des maladies mentales de Michel Collée et Claude Quétel est é: ration de deu otage et le maintien en apti ité de autre, e trouve rapportée a un référent qui e t le jeu - en 1'0 currence le jeu d poker. Mai le jeu de poker lui-même, a la fa on du jeu d'é he ,du jeu de bridge ou de tout autre jeu, a pour réf"rent une réalité on. crète, elle de rapport humain fondé ur la négociation, la ru , le marchandage et, plu largement, ur le onnit, la gu ne dont il donne ou ertement pour le ymbole. L jeu joue la ie: rien d'éton, nant à ce que, dan ertaine ir on t nce et d'un ertain poim de vue, la ie joue le jeu. La ré er ibilité touj ur po ibl du commt si tient à l'homologie de tru ture qui e i te (et qu l'on doit POUVOll objectivement analy er) entre la form d nduite our mment qua. lifiée de ludique et l'autre. La « terrible import n e de l' njeu » n'inter vient pa ur ce plan: pour un joueur, qu 1que oit l' njeu, il e ttoujour important de perdre. La que tion n'a TI n ir ave la forme de l'opération dont il e fait l'a teur. eul, l'h m logi de tructure permet de comprendre le ara t re e nti Ilement r ver ible de la métaphore. Clau ewitz compare la guerre un j u d dans un tel rai onnement, l'élément de réf r nce, 1 mod le ? La guerre est comparée à un jeu: c'e t don le jeu qui ert de modèle. Mai OD sait que le jeu imule de façon de faire et de ituation parfallement « réelles », à commencer par la guerre. Même 'il n' ercequ WIC violence symbolique, il e t mimesis de la violence et de la mon (voir JEU Bernard). Le jeu dit de trat gie tran po ent l'affrontement guerrier. Par conséquent, la réalité ef~ tive du conflit, du com-

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'elle implique de risque et de ru e, voila le modele, bal avec tout ce qu L eul moyen de comprendre comment la l'élément de référence. e . dan le deux sen a la foi e t de . alogIque peut operer machtne• an que la tructure e t la même dan le deux ca., ituatlon , recon naJtre . ' élie» ont cornpo ée l'une et 1 autre d un et ItuatlOn « r e l « fIctIve» t formellement identique et font appel, pour a ystème de :ap~~~leme qu'elle po ent, à des proce u mentau. de utlOn ré.ol d fette fillette le voit bien, qui dit, en regardant le ouvner meme nat'::t t le élément de la mai on en boi commandée par e qUI a em e~ t comme un jeu» (Antenne 2, 6 décembre 1987). e , " Il t .eu . Parent . . « c UI, n 'hé ite pa a dire que cet " ree emen . un J . L'architecte, l' l' Chitecture e t un jeu magnifique» (theme dune e .po. Itlon orga«. Centre Beaubourg en 19 5). Quand on parle am l, on d~nne ni e abu -t on en le plu fort ignifiant par là que de relatIOn au ver e e reet opératoire d'ordre' é mental 'ta bl'1 ent et d emeu rent structura le '1 l' l' h' · de con truction enfantin et le traval accomp 1 par ar Jentre 1e Jeu . . '1 t ' ent , n et l'autre font une cho e IdentIque: 1 on rUI . tecte. L u . t 'ant L'enfant et l'architecte con tmi ent en Jouant: Jouen,t en c?n rUI , on truction en elle-même e t un Jeu. Pn e a titre de paraC la parce que _ " d' · l'idée de jeu apparalt comme le moyen d e pre Ion une dIgme, 1 d d 't de forme e entielle qui tructure tel ou te type e con UI e ou ituation. Cette exten ion du concept de jeu, dont n~u ?mme de plu e~ lu fréquemment le témoin , à de type de Ituatlon et de condUl~e qui n'ont rien de né e airement futile ~i d'en .antin (le commerce, l'économie, la politique, 1 guerre, la « vIe ) pn e dan on en m· ble), ain i que le développem nt corrélatif de la dl tribut ion ~u mot « jeu» dan le vocabulaire contemporain, r ultent up ur de la découverte que chacun peut faire d'une imilitude entre la forme de ces ituation et celle qui ert de ba la pratique de tout jeu. orque le élu de l'oppo ition accu ent le pr ident itterrand de modi· fier 1 « r gle du jeu» avant 1 1 tion légi lati e d 19 6, en' t point là eulement une comparai on. La compar i on n'e t que le plu bas degré de la métaphore. Il 'agit r Ilem nt d'une métaphore, c'e tà-dire d'une tran po ition qui t par enc r er ible. La m taphore opère dan les deu en. n un premier temp , on pr nte le jeu comme une mani re d'agir qui mime ou imule quelque cho e de cc rœl » : pui l'on en vient à pen er que le réellui-m~me doit comprendre à partir de l'idée que l'on fait de c que c'e t que jouer. Le jeu t alor pri pour modèle. ux tat -Uni ,ou 1 offr publio

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que d'achat (O.P. .) ont de enue « un jeu capitali te quot'd' lIen. nement accepté », le ravage provoqué en Bour e par le raide. . ,SOnt ondUit à la ml e au pomt de dlver y terne de defen e 'un d' . eux la Défen e Pac-Man, emprunte on nom a un Jeu vidéo (Le p , . 02 l' . l ' Olnl, n° 742, -14 de embre 1986, p. J ; artlC e ou figure cette lne r mation e t mtltulé . OPA-OPE : jeux de société. ). Réel et fictif e ro • , . en· oient à ce pomt leur Ima g: que l on .ne pa~vlent. plu a avoir lequel d deux Joue le rôle de modele pour le Jeu qUi e de~eloppe : « D'apres le témoignage d'un re capé de la guerre de Maloume, le marin d de troyer bntanmque qui allait être coulé par le fameu Exocet argent U • • 10 avaient l'impre ion étrange, le regard rive ur leur écran de Contrôle de faire une partie de vidéo-game. in i la guerre imite-t-elle le imu: lacre électronique de la guerre. La technologie de pointe aurait-elle pour effet de gommer la différence entre le fau et le vrai, la copie et ('original?» ( atherine Da Id, Le ouvel Ob ervateur, 3-9 julO 1986, p, 28), Le même effet de miroir e produi ait, en en inver e, bien avant qu'apparût une « technologie de pointe ». 'automate imite l'homme, mai il y eut toujour de imitateur humain pour jouer le automa. te . Qui n'en a vu e déplacer lentement, avec de ge tes accadé, le regard fixe, ur le trottoir d'une ville, dan la itrine d'un grand maga. in ? On e urprend à guetter leur moindre battement de paupier et, parce que l'on ait que ce ont de homme, ou 'émerveille de le voir faire comme 'il étaient de machine. Le probleme ne e po e pa en terme de vrai ou de fau . La imu. lation e t tout au i vraie que la cho e imul e. Le effet n'en am peut-être pa le mêm ,mai la forme de conduite et le attitude men. tale qu'elle met en œuvre ont la même effectivité que celle qu'impli. que la ituation à laquelle on accorde le tatut de réalité originale. N'est. il pa remarquable que la technique policière du p rtrait-robot, ml au point à partir d'un impie jeu d'identifi ation, fonctionne ur le même schéma? Un imulateur de tir, que l'on utili e pour e ercer 1 tirer ur de cibles oldat qui, en temp de guerre, eraient appel réelle, opère exactement comme un canon, mai au i comme un ins. trument de jeu. Ce que fait le contrôleur aérien quand il manipule appareil n'e t pa ,dan on e ence, différent de ce qu'il ferait 'il jouait. Certe , la différence e t capitale: à la moindre erreur de part, une catastrophe peut e produire. Mai ce n'e t pa une différence d'ordre structural. Le ge te ,le procédure, le déci ion, la façon de penser et d'agir de l'opérateur ont identique dan les deux

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't tenir le même rai onnem nt ur le imulat ur d On pourrai . d' f cas., l' d de quel le candidat au p Tml de con Ulr ont condUite à al e ti age dan le auto-école. leur apprfen t'que permet la générali ation du procédé. On fabrJL'm orma 1 1 'l'un nombre croi ant de imulateur de plus en pu p rue on uU 1 e . d d . . q ~ é' seulement de imulateur de tir ou e con ulte, m 1 fecu?nn nO~ateur de vol pour la formation de pilote d'avion, auS 1 de Imu d' . 1 de centrale nucléaire permettant e cre r art! !Cle des Imu Iateur . 1 anne tou le incident technIque ,toute e Itualement toute le P , .' . 1 1 dé hique po ible et Imagmable . , afm de paer CIuon cata t rop ,e robleme qu'il auraient à re oudre « en vraie grandeur en f ace de P . ' . . ff ituatlOn venaient à e prodUire de mam re e edeur» 1 de teIle ., d é l' . d' . L' d trie de la imulation, qUI aboutit e rai atlOn une live. ID u . l' d l ' vérité hallucmante, e t en pa e de dev~mr u~e éel p u ~ro ~er~ . le machine recréent la réahté. Du Jeu ectromque e p U « Partou t , . 1 impie à la cabine d'entraînement de la nav~ttel p'atla e'CLn?Eu omlain-pied dan l'ère de la Imu atlOn )) xpre, me en tré de P . d'h' novembre-décembre J987, p. 64). « Il eXI te aUJour UI, par e emogramme pour micro-ordinateur ur le quel un enfant pr p1e, de '1 d' ., d 10 an peut 'initier véritablement au pl otage un petit aVion, d~une Formule 1 ou d'un bateau. Ou 'arrête le jeu, ou commencent le cho e érieu e ? ) ) (Ibid., p. 66). La tran po ition n'e t po ible que parce que le deu type de ituation, ain i que le forme de conduite qui y corre pondent ont même tructure. Ce qui change, en premier approximation...c'e t la ~aleur de l'enjeu. Mai la valeur de l'enjeu dépend de la.décl Ion que 1 ?n pr~nd de considérer ou non l'op ration comme un Jeu. n d Imtlve, e t eulement l'attitude mentale qui commande et qui donne en - et l'attitude mentale à on tour e t fonction de l'id e que l'on a de ce que c'est que jouer. Au commencement, il a l'Idée. On met en uite provi oirement entre parenth e, ur la b e d'un n emble de conventions, la qu tlon de la valeur de l'enjeu, qui n' t, en fin de compte, que secondaire. Lor que de citoyen ont appel à jouer le role d juré dan une Cour d'as i es, leur ituation n' t videmment p la même que s'ils se trouvaient invit ,en tant que pectateur ayant pouvoir de décision, à un simulacre de jugement organi é à l'i ue d'une représentation théâtrale. Il avent tr bien que, dan ce dernier cas, il ne s'agit que d'un jeu, lequel ne modifiera en rien le ort du malheureu

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qUI a pu être condamné jadi (Le urque ,dan l'affaire d C de Lyon, ml e en cène par Robert Ho ein); dan l'autre ~' OUff/er IOn dont va ré ulter pour l'accu é, oit l'acquittement' un edéct , , Olt la co damnatIon à une lourde peme Mal quant à a tructure l ' n, e t pourtant la même Abstraction faite de l'enjeu le 'maas~tuallon . et, dan certain ' n tca e rl e d·' pen er et d , op érer, 1e attltu d e '10 d ulte tion affective, le entiment ne different pa , qu'il 'agi e 'd,:;~ac. ou d'un fau tribunal raJ L'as imilation que l'on voit e développer 'e t faite d'abo d " d'Iver Iflée . , à propo drentre · 1a guerre et 1e Jeu; eIel ' e t pour UlVle, merce, de l'économIe politique; elle 'acheve et 'épanouit u Corn. nos yeux dan l'interprétatIOn de pratique le plu quotidienn . ..: th ricien de jeux de tratégie nous ont habitué à con idérer éocel 'é ang1e de réalIt qu' auparavant nu l" n auratt ongé à envi ageou d' r tel point de vue, à moin de procéder par impIe comparai on L un ~ de l' 1'dée de Jeu a changé. Le per pe tive e ont ' d' e con, tenu Meme 1 . d d é ' ep a· é Le ysteme e ~oor o~n ~ en fonc~lOn de quelle 'accompli ce, . ent le repérage et Ildenttflcatlon du phenomene ludique n'e t 1 le même. Aux ~~nnotati~n banale., mai jU~ée igmficative, d'~~. ement, de futthté (quI n ontp~ dl paru, 1010 de là, ce qui complique le problème), sont venue e JOlOdre, et dan certain ca e ub tituer pr~ que.complètem~nt, celle de calcul, de rai onnement, d'opéralion me~hodlque, combmée ave celle de ri que, d'entrepri e plu ou mo~ns av~nt,ur~u. e, dont l'enjeu n'a pa né e airement un caraetere ~ct1f ou 10 Ig~lflan~. On peut trè bien jouer ur la ba e d'un enjeu Important, voue meme vital. Il ne uffit donc pa de con tater que ~ans le ~ond~,contemporain le jeu prend de plu en plu de place: ~ faut due qu Il y révèle an doute a véritable igmfication - qw tient à on caractère pécifiquement humain. Le jeu a partie liée avec l'humanité dan l'homme . . e'e t .ain i que nou omme en train de découvrir que, dan la SOCIété qUI est la nôtre, 'il continue d'y avoir une oppo ition mar, quée ent~e les deux idée de Jeu et de Travail, cette oppo ition n'est plus ausSI nettement tranchée, ne paraît plu au i radicalement insur. montable qu'elle pouvait l'être au iècle dernier, par exemple. On. vécu pendant des millénaire ur une véritable antinomie plaçant d'un ~ôté le Travail - activité pénible et noble, méritoire par e cellenœ, Imposée à l'homme par la contrainte, vécue par lui tantôt comme une sorte de fatalité, tantôt comme un moyen de rédemption - de l'autre le Jeu - occupation plaisante, dépourvue de con équence et presque

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ie but de l'exi tence et bonne, tout au apable de former , d déten de valeur, mc . . A ' t te a permettre au travaJ1leur e e plu, comme le dl aIt Cl f;c~ pour mieux travailler. On découvre dre et de reprendre ~e . n'e t pas aus i tranchée. Le contenu de mle . dé p 1acee • dan aujour d'h ui que l'antmO é Ell e ont pour ain i dIre, idées s'est transform. Ile t' 'un peu comme le étoile d'une ia pen ée co ec Ive ., le champ de d le ciel On dit ain i volontter qu une 11 t'on se déplacent a n · d t con te al, ravail intervient dan le jeu. A l'inver e, on a me part es enuelle de, t d . dan tout travail parce que tout auteur et "1 'e y aVOIr .u Jeu 1 onque (ne erait-ce ' 1 qu 1 pUI que planter un c ou d' ne entrepCl e que c '1 acteur u à a maniere dan une aventure dont 1 e l, n mur) 'engage, ' . d' dan u. . able de me urer objectivement le Cl que et e ~~ep~ pnnclpe, ~nctP é ultat. Aventure dont il a ume la re pon ablhté vOIr à coup du\e;e façon lumineu e la formule qui lui vient ponta_ ce que tra UI " nément à l'e prit: « à mOI de Jouer ».

Jeu et apprentissage Cela e plique an doute, non eulement que l'~n p~i e compr~n. de jeu le en de Ituatlon dont nen. éd 'Iation du concept dre par 1a m , n'indique, en apparen e, qu'elle oient de nature ludIque ~ m~ au 1 que l,on as i te de plu en plu fréquemment à de tentative , d .OUVeTturepratiquées, en partant de ce oncept, à J'éga!d de d,omam JU quelà fermé, ou du moin ré ervé et plu ou mom lOI onn, '. omm l'école. On n'a certe pa attendu l'époque a tuelle pour 10 1 ter ur l'importance du jeu dan la vie de l'enfant, l'influen e qu'il e er sur on développement en ori-moteur et intell u l, l' ppon que peut représenter l'introduction d pratiqu ludiqu dan 1 di e pprentissages scolaire. On ait que le jeu ne peut plu etre uniqu ment ntonné, comme moyen de « récréation », dan le intervall 1 i vacants par l'emploi du temp de l'olier. Mai Il faudr it peut- tre en verur à demander pourquoi le jeu lui-même peut avoir une aleur éducative et formatrice, pourquoi il repr nte un moyen d'action par essence pidQgog;qu~. A ce ujet, il emble permi de 'tonner qu ~ogu et psychologu ,avec une parfaite unanimit ,aillent répétant que le jeu ne peut 'e pliquer que « par la trueture de la pen de l'enfant» (PtAGET, F.S., 169), mai con id rent en m me t mps qu'il est le meiUeur moyen de permettre à l'enfant de nir de n état d'enfance et d'accéder au niveau de la pe adulte. i le jeu n'~t qu'un mode de pe r et d'agir pécifiquement enfanun, oire

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L infantile on ne comprendrait pas qu'il fût po ible d'en fa' , . , Ire Un pédagogique. La pédagogie n a pa pour but de faire dan l' ~ que coute ~ l' en f ance qui règne er 1.enfil: ur place, de pr é$erver coute , ~ en UI con 1 te avant tout (ou 1 l on veut : en meme temp ) à f un homme, c'e t-à-dire queJque cho e d'autre qu'un enfan~rse,del ~ e ,c ' e t parce qu "J1 met en m ' Ile peut etre apprenti age d e i a VI ~ ouvern . de re ort du meme ordre que ceu au quel font appelles . • ou « réelle » que l' on ra em b le ou le nom un p aCl1vtt concrete " de Vie, Piaget - don t l' œuvre Import ante ' retiendra plu lOIeu va attention - caractéri e le mode de pen er et d'agir qu'e t le n nOlr~ , dl' "1 a t Ion» et 1e d ' ' .1 de l'acte d"Jeu PêI le « pnmat e a Iml 1 tmgue am · é 1 'l'b 1 è gence qUI, d'apr ut, raI e « un qUI 1 re entre l'as imilatInte l'accommodation» (PIAGET, F ,92). N'e t-ce pa aboutir Il ' n'a pas place Ce\lt . urprenante que Je Jeu con équence pour 1e mom les actes d'intelligence? Tout embJe 'in crire en fau COntre un~ conclusion, qui n'e t évidemment pa celle de Piaget, mai qui 1 pourtant logiquement de prémi de a thé rie. i le jeu peut ap ult dre quelque cho e à l'enfant et l'élever - c'e t- -dire l'aider de son enfance, ce qui corre pond au but de toute pédagogie _ !IJI ne peut être que parce qu'il l'exerce à travailler ur de trueturesqct sont les mêmes que celle de ituation ur Je queUe II aura plu tar~ à réfléchir et à travailler. A condition d' acc pter le cho e SOUS ca angle, on verrait un peu plu clair en ce qui con rne la traditionnclk et délicate que tion de rapport du Jeu et de J' cole. eule, l'hypothèse d'une imilitude fondant toute imulation et celle d'une holl1(). logie de structure entre le jeu et la ituation dont iJ e pré ente COll1Jlle le modèle réduit peuvent expliquer que c He forme particulière d'ICIJ. vité, dont on attribue un peu vite l'e clu ivit l'enfant, pui IVOI! valeur formatrice. La manière la plu courante de lire la m taphore e t de la pmidre comme elle se donne : image ou impie comparai on. Parler de 1'« échiquier politique international », dire que (C' tune partiedif. ~cile ~ui. e joue », ~u bien encore aller comme ce journal mexiœl JUSQu. à tJtrer en prerruère page : « Argentin 1. Angleterre 0 »au lmd~maJD d'un (provi oire) succ militaire de J' rgentine dans le COlIfin des Malouines (Antenne 2, 16 avnl 1982), c'e t évidemment~ céd~~ de façon métaphorique; c'e t appliquer au domaine de l'IdiOI pohtJque et de la guerre un langage, un tyle de pen ée propr CCIII du sport, et du jeu en général. La métaphore tran -pose. En uriut, car elle sait qu'elle joue. Cela uppo e une entente, une sorte de

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. avec le lecteur. La comparai on emble n'aller que dan un ntvence , 1e. M' . ou e t l" Image.? d la réalité à l'Image qUI. la Imu al en faIt, en , t ~a reahté ? Quand on fait appel a la métaphore du jeu d'échecs Oue re qu'en Afghani tan 1e oVletlque .. ' avancent 1eur T our, a1or b ,. 1 F pour d 1 , Liban il 'efforcent de placer en onne po Itlon eur ou, on qu au our paradigme le Jeu . d" ec hec, d ont on pen e qu "11 peut, d e P pren d Imagée, . Mal' an l a' rea l'Ite. aider à comprendre ce qUI. e pa se d façon " . '1 l" . . une tran po Itlon 1e Jeu d'échec lui·même n etaIt-! pa da ongme d l ' l" . ym bohque de la guerre? Le jeu pren mo e e ur une rea Ile qUI, le prend pour modele à on tour , pour mieux e faire comprendre, . gran d eur au mo d e le re'd' rie on langage. Du modele en vraIe ult, et pa . , . 0 f' , de la cho e l'image 'acc~mph.t un mce . a~t va-et-v:ent: ~ mit par lu avoir ce qui e t Imule et ce qUI Imule. L operatIOn opere ne p ie deu en. Le jeu effe tue la tran po .. é 1 au f'ICtl'f Itlon d ure dan . '1 en vIent . (t ut en e montrant lui· même profondement r e1); le ree a°e dé hiffrer, à e pen er, a 'imaginer .l'aide d'une,grille de lecture offerte par le jeu. Dan cette per pecllve econde, Il e pré ente omme une tran po ition du jeu lUI-même, comme une métaphore du ~eu au point que l'on e demande parfoi 'il ne 'agit p réellement ~'u~ jeu. Le jeu imule la réalité; la r alité imule le jeu. L'homologie de tructure ntre ce forme différen~e. ~e i~uation , de con~ui­ te et même d'objet, fond eule la po Iblhté d un tran fert et d un retour du en ur lui·mêm . ette petite ann nce d'un journal humori tique en donne la probante iIIu tration : « Farc et aUrape . Véritable revolver. Imitation parfaite d'un jouet inoffen if (effet impo ible dé rire), 175 .» (DA , 34). reud pro ede de fa on m taphorique lor qu'il dit que « chaque enfant qui joue e omporte en p te (wle em Dichterj )). Il e croit autori é à le dire parc qu'II dé ouvre une par alte imihtude entre le jeu de l'enfant et l'a tivité p i Ique du po te : l'un et l'autre agi ent de la même maniere ( R UD, .L., trad. éron, 34; cf. trad. Bonaparte, 70). Mai le « omme» e t a l'évidenc ré er ible: i l'enfant qui joue e comporte comme un poete, l'in er e, le poete, le cr ateur d'œuvre littéraire (Dichter e t à prendre au en large), e comporte de on côt « comme l'enfant qui joue) (wle dos plelende Kind) (FR UD, .L., trad. Bonaparte, 70 ; cf. trad. Féron, 34). Au « Jouer » (Spielen) de l'enfant répond le « fant ier» (Phantasiertn) du poète. Plu e actemcnt : il y a du « jouer» dan le « fantasier » du poète; il ya du « fanta ier » dan le « jouer» de l'enfant.

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l nt plu 1010: « Jouer» et « fanta ier » relevent d'une al n a .f . eule operation mentale dont le mant e tatlon varient elon q meme D' l'h h' Uel a affaire au poète ou à l'enfant ou. ypot e e freudienne l'ac: 'te' propre du poete (die DlchlUng) dOIt e comprendre comm 1 f . d' e «b continuation et le ub tltUt du Jeu en antm autrefol» (FRE~D C.L., trad. Feron, 44 ; cf. trad. Bonaparte, 79). ~a decouverte d'u~ homologie de tructure entre de forme de pratique, de oPéraI' , l' une à.l'.a.utre, ce1,le de l'enfanlq 10 mentale apparemment etrangere Joue et ceHe du poète, fonde eule la .po lbJ1~té ~u depl~cement mtlf. phorique qui con 1 te à VOir, d~n le Jouer IU1-~eme, pn comme a Ité poétique, une fonction d ordre métaphonque L'e entiel - qUI e t proprement fondamental, PUI qu'il fond la po ibihté du déplacem~nt, et du t.r an. ~ert de en - tient a l'ide tlté du ignifié, dont le dlfferent Igmflant ne ont que le e pt ' ion dan de regl tre vané. voquant. la dé i ion pri e par le pt dent Mitterrand de nommer Robert Badmter, alor arde de ea et Mini tre de la Ju tlce, à la pré iden e du on eil con titutionne un journali te file la métaphore du jeu d' he : « r nçoi MUler. rand, décidément, e t un habile connai eur d' he : en roquant le garde de Sceau de la Place endôme au Palai ·Royal, il dépl et renforce tout on di po itif de ohabitation» ( n vue de la pénod qui doit uivre le élection légi lative de 19 6) (Le POint, nO 01 24 février 1986, p. 51). On peut prendre cett m taphore pour une pie image. Mai i elle parle, 'e t dan la me ure ou le jeu, pn tant que jeu, con titue déjà la tran po ition ymbolique d'une nua tion réelle. L'appel au jeu n'e t don qu'un pret p ur un rendu. Out oulon5-nou dire quand nou di on que 1 boi « joue» ? QUaIli1 nou parion ain i, nou avon en tête une idé. 'e t cette idée q importe: elle etau fondement de c qui fait que nou pen on p0uvoir dire que le boi « joue », mai au i d e qui nou pou àcrolll que certaine de no onduite ont des fa on de jou r. v le pnDcipe de l'identité du igniflé, on tient peut-être l'une de cl du pro. bleme. Lor qu'un journali te évoque 1 « Jeu» de l' gli e polonauc, lor qu'un autre écrit: « Pompidou jou et ga ne ), il emploient, tes, de tournure m taphorique , m i ce tournur ne ont JlOSII' bles (logiquement et p ychologiquem nt) qu pre qu'il y a, dans l'III et l'autre cas, quelque cho e du jeu. La Commi ion de ommunauté europ nne propose un (édité par le Bureau de Pre e et d'Information pour la Belgique, Bru eHe ) qui 'intitule Le Jeu de in titution . Il 'agit d'un« jeu A

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dan le sen banal et t~adi~io~nel, de tin~ à faire mieux comprendre le fonctIOnnement de JO t1tutlon europeenne. Quand on y regarde de prè ,on 'aperçoit qu'en cert~in ~nd~oit. du texte de présentation, 1 e t que tion également du « Jeu 10 tltutlOnnel de ommunauté ~uropéenne» e dont il 'agit là, ce n'e t plu le jeu-amu cment mi au pOInt à l'u age de enfant et de adolescent , afin de leur permettre de e familiari er avec l'organi ation et le fonctionnement de in titutlOn. e ont le in titution eHe -même et la maniere dont elle Jouent. De orte que l'e pre ion qui fait le titre: Le Jeu de institutIOns e révele porteu e d'un double en . Ambiguité tout a fait remarquable, qui traduit celle de la cho e ain i dé ignée. Ile exprime, en effet, d'un eul et même mot, la maniere dont 'organi ent et fonctionnent le in titution , et le « jeu » que l'on a con truit pour imu1er cette organi ation et ce fonctionnement, afin d'aider à le comprendre 1 le jeu, au en mineur du terme, e t concevable et « jouable », c'e t parce que l'autre, le vrai, e i te déjà, qui lui ert de modèle.

Limite a l'exten Ion du concept. Que l'on VI e dan un monde où il e t de plu en plu ouvent que tion de jeu - ou 'élargit chaque jour davantage le cer le qui marque l'exten ion du on ept - cela ne ignifie pa p ur autant que l'on oit prêt à tout en i ager ou l'angle du jeu. ertain th ori ien ont outenu, dan l'ab trait, que toute activité humaine, toute in titution, tout entrepri e, toute forme de penée appartiennent l'ordre du jeu. an di uter i i le bien-fondé d'une emblable thè e, je me nt nter i d'ob erv r qu le moin que l'on pui e dire e t qu' He ne 'a corde pave la fa on dont on 'e prime en général. Le jeu ontinue d'app raitre et d e d ta her ur fond de non·jeu. Il y a, c rte, de plu en plu de cho au quelle on e déclare prêt attribuer 1 tatut de j u ; mai il en e i te en ore beauprendre pour tell . On n'en e t pa coup d'autre que l'on e refu encore parler de jeu propo d'une gr ve de la faim qui e prolonge. Cela viendra peut-êtr . D'une maniére g n rai, l'opinion continue de faire pla e de dom ine qUI lui par i ent e lure omme cho· quant, candaleu ou mArne cril ge - tout re our l'int rpr ta· lion par le jeu. La moralité, la religion ontinuent de dre er de barrages, hén ent leur mur de barbel qu'il ne fait pa bon rran hir. Étendre l'emploi du con ept de jeu u-del de c limite rel ve du mauvai gOÛl, de la d invoiture, de l'ind ence et n'e t p loin, dan

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certam a, ~e fn er la provocation. De .~n, i~pertinence, le e mena e l'edlfl e de aleur établie La oClete en defend , 1e lIenl Ju à l'art ou cherche à le dame tiquer. e danger que repré ent , elle la génerali atlOn d' une pen é ed u 'Jeu, nou auron a faire e POUr ff pour le omprendre, i l'on part, en effet, de la conception be on -f . d 1 anale populaire, attendri ante, qUI ait u Jeu e propre de l'enfant . , d 1 d' Inno. cent et pur' on Olt. mal omment l attltu e u Ique, le plal ir de'jOuer peut re êlir de forme demoOiaque et tran former l'homme , ' aInsI qu'on le de ouvre par e emple hez letz" che, en un Joyeu fo 0 yeUr de dieu mort, aturel et ras urant, mal en meme temp redout ble par on caractere fuyant, impre 1 Ible, n e e ailleur et aU.d:là toujour prêt à urglr 1 où on ne l'attend pa et à di paraître qUa d on croit le temr, le jeu e t cha e e entieHement déroutante, qUI f~, cine et, dan une certame mesure, lOqUiete. On ne aurait donc admeUr an reticence qu'il fût po Ible et légitime de j uer de tout. lm le citation, pn e au vol dan un hebdomadaire pari len, qui emble re~e~ ter la per i tance de ette orte de «bon en » p pulaire (ave ce qu cela comporte de frileu et de ramtit) ou le verni d'un intelleclu e qUi e eut libre et pourtant engagé: « L'oppo ition a e regle an doute, ce ont le r gle d'un jeu, et il e t de bonne guerre qu'elle Oil de mauvai e foi. Mai Il e t de thème qui devraient p ut-être échapper au jeu » (Jean D 1 L, Le ouvelOb ervaleur, 12 a tobre 1984 p, 35), Parmi ce theme ,d'aprè l'auteur, elui de 1 pauvreté. Repr~ che e t fait à l'oppo ilion (de droite) d'e ploiter p litiquement le theme de la pauvreté: ce n'e t pa de jeu, Il y a de cha e qui doivent re 1er à l'écart du jeu - on a pre que en ie de dire: à l'abri du jeu. AUlre. ment dit: le jeu n'e t pa tout; tout n'e t pa jeu. La faim, la mala, die, le chômage, la mi ère, la mort appartiennent un regi tre ou le recours à l'idée de Jeu 'avère pour le main d pla '. La pen du je~ n'e t ~ a place q~e dan un monde prat g ,ou le be oin le plu élementalre ont satl fait, le problème le plu urgent r olu, Elle apparaît comme un lu e, L'immen e majorité de no contemporam continue ~'a~mettre qu'il y a de valeur - et plu g néralement d choses qUI eXigent de n'être point envi agé ou l'angle du jeu et à propa de qu~lle la notion de« érieu » con erve a ignificatioD et tout on pOid , Si le principe ur le quel e fond le jeu ne onl que ~e, rè~I,e arbitraire,' u, ceptible d'être modifiée au gré de la fantal le, n Im~orte ~UOl deVient po ible et tau le jeu ont équiva, lents. A ce cym me etabli en doctrine, même le plu cynique oppoent de convictions qui leur parai ent fond e et au quelle il tien,

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u eur patenté, blagueur et arcastique qui animent le uim nent.1 dPI ' aime F (Pay age lntellectue1 rançal) et que l e public gno uer' dan 10U le lieux ou il e produi ent, comédien, chanà relro uv , " , han onmer ne vont Jamal JU qu à porter leur attaque dan leur et cde leur ami (