Revue de linguistique romane [78]

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REVUE DE

LINGUISTIQUE ROMANE PUBLIÉE PAR LA

SOCIÉTÉ DE LINGUISTIQUE ROMANE

Razze latine non esistono : ..... esiste la latinità

Tome 78

S TRASBOURG

2014

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Vers une seconde mort du dalmate ? Note critique (du point de vue de la grammaire comparée) sur « un mythe de la linguistique romane »

1. Une récente mise au point Sous le titre « Le dalmate : panorama des idées sur un mythe de la linguistique romane », Nikola Vuletić (2013) vient de donner une mise au point critique portant notamment sur le sens que les deux linguistes dalmatistes les plus illustres, Matteo Bartoli et Žarko Muljačić, ont donné au « terme scientifique dalmate ». Vuletić (2013, 49), dont l’engagement est clairement anti-bartolien 1 et non moins clairement favorable aux idées de Muljačić 2, montre sans peine que « le dalmate de Bartoli et le dalmate de Muljačić sont deux choses assez différentes » (les lecteurs de Bartoli et du dernier Muljačić s’en doutaient peut-être déjà, à vrai dire).

2. Dalmate : un terme qui reste à interroger Les deux conceptions possèdent néanmoins un point commun : celui-ci consiste précisément dans l’emploi du terme dalmate (substantif et adjectif), terme également usité par tous les représentants les plus qualifiés de la linguistique romane. Or cet usage échappe à l’examen de Vuletić 3. C’est là, en quelque sorte, le point aveugle (l’impensé) de son analyse critique. Cet invariant terminologique – le signifiant dalmate et le signifié (plus ou moins extensif) qui lui est associé – doit pourtant être lu, selon nous, comme le symptôme du ‘vrai’ mythe dalmate, en tout cas du principal.

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Certains des soupçons formulés dans la ligne de Muljačić (2006, 319-324) à l’encontre de Bartoli (Vuletić 2013, 58-59) nous ont paru outrés et n’apporter que peu de chose à l’histoire des idées sur le dalmate. Quant à l’histoire de la recherche et à ses arrière-plans politiques (souvent implicites, mais non négligeables), voir Holtus/Kramer (1987, 45-48) et Bernoth (2008, 2731). Lorsque celui-ci s’exprime pour son propre compte, il use sans réticence de ce terme en tant que désignation d’un « idiome » dont il pose d’entrée de jeu « l’existence » et l’« autonomie » (Vuletić 2013, 46).

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3. Une première raison de ne plus parler de dalmate Il peut sembler qu’il n’y a rien à redire en principe à la définition du dalmate donnée par Bartoli (1906) : « das in Dalmatien entstandene Romanisch » (Bartoli 1906, I, 3 = 2000, 4), ou par Muljačić (2000 [1987], 317) : « Das Glottonym das Dalmatische bezeichnet alle romanischen Idiome, die in einigen (mindestens zwölf) dalmatinischen Städten das lokale Latein fortsetzen. Gemeint ist Dalmatien vor der administrativen Reform von 293 n. Chr. » 4. Il est en effet toujours loisible de décider d’appeler x l’ensemble des idiomes romans pratiqués dans un espace géographique X quelconque donné de l’extérieur, par exemple une province ou une autre entité administrative de l’Empire romain. Un tel acte de baptême, qui croise la notion générale de ‘roman’ avec une notion géographique, est néanmoins, à l’évidence, une opération sans réelle portée produisant une étiquette purement descriptive privée de tout contenu particulier au plan proprement linguistique 5. Il en va évidemment de même des termes langues dalmates ou langues dalmato-romanes employés par le dernier Muljačić (voir ci-dessous § 8.2.). La géographie prend ici le pas sur la linguistique et, en forçant à peine le trait, on peut dire que dalmate ou langues dalmates possèdent à peu près la même pertinence linguistique que des expressions dont le contenu est purement géographique, comme, par exemple, langues de France ou langues africaines. Personne ne pense que l’appartenance à une même unité géographique du passé ou du présent autorise à grouper valablement des idiomes quelconques en un ensemble linguistiquement bien-fondé, à quelque point de vue que ce soit 6. Il y a donc dans une telle procédure définitionnelle à base fondamentalement géographique et produisant une notion qui n’a aucune raison de pos4



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Cf. aussi, par exemple, Tagliavini (1972, 374) : « Col nome di Dalmatico intendiamo l’idioma neolatino preveneto, oggi estinto, formatosi lungo la costa dalmata, dalla spontanea e diretta continuazione del Latino » ; Lausberg (1970, 84), sous « dalmático » : « El románico de la provincia de Dalmacia » ; Sánchez-Miret (2001, 121) « Se conoce como dalmático a las variedades romances habladas en la Edad Media en algunas ciutades de Dalmacia ». Les romanistes ne se sont d’ailleurs pas privés d’user de ce procédé en créant de nombreuses étiquettes telles que Südostromania, balkanoroman, albanoroman, italoroman, rhétoroman, Alpenromanisch, galloroman, ibéroroman, pour exprimer des groupements d’idiomes non démontrés ou même à l’évidence faux (rhétoroman ou italoroman incluant parfois... le sarde ; cf. Meillet 1970 [1925], 16 : « il n’y a pas eu de ‘gallo-roman’ commun »). Si, en particulier, les provinces ou autres divisions administratives romaines avaient constamment engendré des groupements d’idiomes romans pertinents du point de vue de la linguistique historique, cela se saurait.

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séder un contenu linguistiquement pertinent, une première et simple raison qui recommande d’abandonner en linguistique (romane) l’usage du terme de dalmate (et composés).

4. Une seconde raison de ne plus parler de dalmate De plus, bien qu’il ne s’applique de jure, tel que Bartoli ou Muljačić le définissent (ci-dessus § 3), qu’à un ensemble géographique d’idiomes romans, le terme dalmate est, dans son usage réel, employé et compris dans un autre sens. Il sert en effet, de manière subreptice mais constante chez Bartoli, chez Muljačić et partout ailleurs (notamment depuis Meyer-Lübke 1914 [1909], 46), à exprimer l’existence (posée explicitement ou seulement suggérée) d’un sous-apparentement particulier à l’intérieur de la branche romane, à savoir une sous-branche comprenant (au moins) le végliote et l’ancien ragusain 7. Il en va évidemment de même des termes muljačićiens de langues dalmates ou langues dalmato-romanes. Ce glissement vers une acception génétique, tel qu’il se produit et se perpétue dans le discours scientifique ordinaire, ne peut être entériné, car il est manifeste que la démonstration de la cohérence génétique interne du dalmate, menée selon les règles du subgrouping dans le cadre de la grammaire comparée - reconstruction, n’a jamais été produite 8.

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Mutatis mutandis, on pourrait définir le rhône-alpin comme ce qui reste de la romanité pré-française de la région Rhône-Alpes, le haut-savoyard comme ce qui reste de la romanité pré-française du département de la Haute-Savoie et l’ardéchois comme ce qui reste de la romanité pré-française du département de l’Ardèche. Puis en ‘oubliant’ le contenu géographique de ces notions, présenter le haut-savoyard et l’ardéchois comme des dialectes du rhône-alpin. La méthode de construction de groupes (établissant une hiérarchie végliote et ragusain ∈ dalmate ∈ illyro-roman ∈ roman apennino-balkanique) employée par Bartoli (2000 [1906], 182-215) nous semble particulièrement confuse. La position assignée au dalmate par Hall (1974, 14) dans le « family-tree of the Romance languages » (embranchement du « Proto-Central Romance » au même titre que le « Proto-ItaloRomance », lui-même ancêtre des «Italian dialects ») est, comme tout le stemma, entièrement hypothétique et non démontrée. Selon l’auteur lui-même (op. cit., 16), ce stemma ne constituait qu’une « first aproximation ». Ajoutons que Spore a avancé l’idée selon laquelle le dalmate méridional (dont ancien ragusain) se serait séparé du reste de la Romania avec le sarde, tandis que le dalmate septentrional (dont végliote) se serait séparé peu après (Spore 1972, 112-113, 117, 254). Ces deux séparations très précoces, qui ont des conséquences catastrophiques (« Le dalmate s’est écarté du monde latin de trop bonne heure pour pouvoir participer à la [première] diphtongaison romane », écrit Spore 1972, 259), ne reposent que sur deux traits de conservation (la conservation des consonnes vélaires devant voyelles antérieures, respectivement conservation générale ou partielle seulement) et non sur des innovations.

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Il y a là une seconde et simple raison qui recommande d’abandonner, ne serait-ce que par prudence et provisoirement, en linguistique historique et en particulier en linguistique romane (une linguistique de branche, historique par nature), le terme dalmate (et composés) ainsi que la notion de sousapparentement particulier qu’ils véhiculent subrepticement.

5. Une sous-parenté admise sans discussion, mais qui reste à démontrer 5.1. On ne peut guère s’étonner du fait que la démonstration en règle d’une sous-parenté (correspondances phoniques régulières – ou, le cas échéant, aussi développements morphologiques – supposant des innovations anciennes, communes et propres aux membres du sous-groupement à tester, et par conséquent une protolangue de niveau intermédiaire) 9 apte à justifier au plan linguistique, et non au plan géographique, l’emploi de dalmate n’ait pas été produite. Il existe en premier lieu une raison de méthode à cette lacune : dans leur écrasante majorité, les linguistes romanistes ne manifestent aucun intérêt pour la question du sous-groupement des parlers romans selon les méthodes de la grammaire comparée - reconstruction, pour la simple raison qu’ils ne pratiquent pas cette approche, quand ils ne la répudient pas explicitement (cf. Chambon 2007 et 2014). 5.2. Il existe aussi une raison de fait à cette lacune : elle tient à la nature particulière de la documentation linguistique concernant les variétés romanes pratiquées autrefois dans l’ancienne province romaine de Dalmatie. La seule variété sur laquelle on dispose d’une documentation relativement étendue et recueillie dans des conditions épistémologiquement satisfaisantes (enquêteur linguiste, enquête directe auprès d’informateurs, matériaux publiés en notation phonétique étroite, corpus de textes oraux), documentation due pour l’essentiel à l’enquête sur le terrain de Bartoli 10, est le végliote, éteint en 1898 (?) dans l’île de Krk (aujourd’hui en Croatie) 11, et plus particulièrement l’idiolecte de Tuone Udaina, le seul informateur de Bartoli encore capable de parler le végliote à la fin du XIXe siècle.

Fox (1995, 217-236, 244-246). Pour l’appréciation du Standardwerk de Bartoli, voir Holtus/Kramer (1987, 45). 11 Vuletić (2013, 52) indique que, selon l’historien Petar Strčić (1998), certains habitants de Veglia auraient « continué à se servir du dalmate dans la première moitié du XXe siècle ». 9

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Le végliote mis à part, un seul autre idiome roman (éteint depuis le XVe siècle) de l’ancienne Dalmatie est documenté de manière directe, mais dans des conditions bien différentes de celles du végliote : l’ancien ragusain. Celuici est connu, comme on le sait, grâce au témoignage (1434-1440) d’un lettré italien de Lucques, Filippo de Diversis. Ce témoignage, de type métalinguistique, consiste en une liste de mots isolés. Ce métacorpus ne comporte, hélas, que quatre items : « panem vocant pen, patrem dicunt teta, domus dicitur chesa, facere fachir et sic de ceteris» (Bartoli 1906, I, 208). Ne pouvant être considéré comme une Kleinkorpussprache ni même comme une langue de microcorpus (il n’existe pas de corpus au sens strict du terme : recueil d’énoncés représentatifs), l’ancien ragusain ne peut être appréhendé en tant que système linguistique observable sur des productions langagières primaires. 5.3. Du fait de cette pénurie documentaire, il s’avère difficile de démontrer dans des conditions de sécurité convenables, sur la base de l’existence ou non d’innovations à la fois communes et spécifiques aux deux idiomes, l’existence ou non d’une sous-parenté particulière entre l’ancien ragusain et le végliote. On constate néanmoins que, parmi les caractéristiques phoniques diachroniques de l’ancien ragusain observées ou, le plus souvent, restituées par Muljačić (1971, 410-412 = 2000, 204-207) à partir de l’analyse de sources indirectes, les innovations 12 partagées avec le végliote – à savoir la première diphtongaison romane (2) 13, la « seconde diphtongaison “spontanée” romane » (3), la « chute presque complète des voyelles finales (à l’exception de -a et des morphèmes du pluriel) » (9), la dégémination (6, 11), l’« apparition des phonèmes /ts/ ( av » (1, 8), l’arrêt de la diphtongaison croissante (4) et le changement *[a] > [ä] en syllabe ouverte (5, 7, 8) – ne sont justement pas partagées par le végliote. On peut ajouter que la fusion qui s’était produite en ancien ragusain (selon Muljačić 2000 [1969], 186-187) entre les issues de *[nn] et *[ny], d’une part, et de *[ll] et *[l(l)y], d’autre part, est inconnue du végliote (cf. Muljačić 2000 [1969], 189) 17. L’examen semble donc conduire à une conclusion nettement négative : l’ancien ragusain n’est pas, malgré l’expression de Muljačić (2001, 278), le frère (« ‘fratello’ ») du végliote en dalmaticité. Le degré de parenté des deux idiomes à l’intérieur de la branche romane reste à déterminer, mais il n’est pas exclusif.

6. « Due rami o dialetti del Dalmatico » ? Le terme dalmate ne pouvant dès lors s’appliquer à un nœud dominant le végliote et l’ancien ragusain dans le stemma phylogénétique de la branche romane, il est impossible de parler, malgré l’unanimité de la tradition de la linguistique romane 18, de dialectes de ou de branches de pour mettre en rela Bartoli (2000 [1906], 183) ajoute : « Dalmatico comune è anche lo spostamento di L in sablon- » (dans végl. salbaun et dans le nom de lieu ragusain Salbunara), mais il s’agit là d’un changement sporadique, limité à un seule famille lexicale, qui ne fonde aucune correspondance phonique régulière. 17 On remarque aussi, au plan morphologique, qu’au type */ˈɸakere/ de l’ancien ragusain (fachir, avec changement de classe flexionnelle), le végliote répond par le type différent et plus récent */ˈɸare/ > [ˈfur] (voir Buchi dans DÉRom s. v. */ˈɸak-e-/). 18 Voir, par exemple, Tagliavini (1972, 375) : « due rami o dialetti del Dalmatico » ; Iordan/Manoliu (1972, 1, 82) : « dos dialectos dalmáticos » ; Muljačić (1971, 402 = 2000,

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tion le végliote et l’ancien ragusain avec un « dalmate » superordonné, au sens où l’on dit à juste titre que le dacoroumain, l’aroumain, le méglénoroumain et l’istroroumain sont des dialectes du roumain, c’est-à-dire des formes diversement évoluées du protoroumain. Tout comme le terme de dalmate lui-même, ceux de dialecte/branche du dalmate ne peuvent avoir de signification qu’au plan strictement géographique (ou, si l’on préfère, ne possèdent aucune signification proprement linguistique) 19.

7. Bilan Au total, dans l’état actuel des connaissances, le végliote doit être réputé constituer à lui seul et sous cette dénomination 20 un embranchement terminal à l’intérieur de la branche romane (la littérature romanistique emploie souvent le terme de langue romane pour référer à ce niveau stemmatique). On doit dire parallèlement, en toute rigueur mais avec les réserves qu’impose la pénurie de documentation philologique directe, que l’ancien ragusain constitue également à lui seul un embranchement terminal à l’intérieur de la branche romane (dans la terminologie courante : une langue romane autonome). Il va par conséquent de soi que non seulement le végliote ne doit ni ne peut « identificarsi con l’intero dalmatico » (Muljačić 1995, 32 = 2000, 395396), mais qu’il ne peut pas servir non plus à illustrer le « dalmate » et qu’il n’y a pas lieu (malgré Hall 1966 [1950], 313) de poser l’existence d’un protodalmate 21. Minime corollaire pour la lexicographie : on ne peut pas, contrairement à DÉRom (Delorme s. v. */ˈpan-e/), illustrer le « dalm[ate] » par une 197) : «les dialectes dalmates les plus importants » ; Bossong (2008, 29) : « Zwei Dialekte sind bekannt » ; Vuletić (2013, 47) : « [l]es deux branches du dalmate » ; etc. On notera que, dans le cadre de la théorie de Spore (voir ci-dessus n. 8), le dalmate méridional et le dalmate septentrional n’ont que le « latin vulgaire » comme ancêtre commun, et qu’il n’y a donc pas lieu de parler de dalmate tout court. 19 Après avoir défini le rhône-alpin comme l’ensemble des idiomes romans s’étant développés sur le territoire de la région Rhône-Alpes, il serait certes loisible de dire que le haut-savoyard de Haute-Savoie et l’ardéchois de l’Ardèche sont deux dialectes du rhône-alpin, mais qui s’y risquerait ? 20 Il convient évidemment d’éviter l’adjectif krkdalmatisch (Muljačić 2000 [1976], 222 n. 3) et la lexie nominale complexe dalmate de Krk (Vuletić 2013, 47), qui s’appliquent certes univoquement au végliote, mais qui ont pour noyaux dalmatisch et dalmate. 21 Le « P[roto]Dalm » de Hall domine le végliote et une non-langue (« Alb[anian] borrowings »). Dans Hall (1974, 14), les « Rom. borrowings in Albanian » ont changé de position dans le stemma et le dalmate est devenu une branche terminale, au même titre que l’istroroumain.

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donnée végliote contemporaine, puis chronologiser cette donnée, en tant que première attestation de « dalm[ate] », à l’aide d’une forme d’ancien ragusain. De manière générale, dans la métalangue de DÉRom, le label « dalm[ate] » est trop large (et, à notre avis, sans contenu linguistique), alors que l’ancien ragusain est adéquatement étiqueté « aragus. ».

8. La multiplication des entités langagières dalmatoïdes (les vues du dernier Muljačić) 8.1. Quant aux autres variétés romanes qui furent à coup sûr pratiquées dans le territoire de la Dalmatie romaine 22, elles n’ont pas du tout la même consistance que le végliote ou même que l’ancien ragusain. Elles ne sont en effet connues que « da fonti indirette ossia da riflessi potenzialmente dalmatici nelle lingue di vari astratti » (Muljačić 1997, 64 = 2000, 423) 23 et/ou supposées à partir de données de linguistique externe 24. On a donc affaire à des idiomes romans par conjecture 25 et sans corpus, auxquels on ne saurait accorder le statut qu’on donne aux langues ordinairement manipulées par la linguistique, c’est-à-dire celui de systèmes cohérents observables sur des productions langagières primaires. À titre d’expérience de pensée, on peut se demander, mutatis mutandis, ce que l’on connaîtrait, disons, du gascon si l’on était réduit à le restituer à partir du français et du latin médiéval pratiqués dans son domaine 

Sur le maintien et l’extinction des isolats romanophones médiévaux de l’ancienne Dalmatie, voir Foretić (1987). 23 C’est ainsi que sur la seule base de la « distribution des différents reflets d’un ichtyonyme latin [thunnus] en croate », Muljačić (1971, 403-404 = 2000, 198-199) pense « découvr[ir] la fragmentation dialectale romane, et en premier lieu dalmate », en cinq zones (Nord, Rab, Zadar, Dalmatie centrale, Bouches de Kotor) ; traitement détaillé dans Muljačić 2000 [1974], 237-245. 24 « Nach Meinung der älteren Dalmatistik gab es zwei dalmatische (Groß-)Dialeckte [...]. Die neuere Forschung (Muljačić 1967 [= 2000, 155-172]) vermutet die Existenz eines profiliertes dalmatische Kleindialekt in jeder dalmatophonen Stadt – also mindestens zwölf [...]. Das Dalmatische wurde bis zu seinem Aussterben – in den einzelnen Städten zu verschiedenen Zeiten – von der alteinheimischen Bevölkerung und eventuell auch von den dalmatisierte Zuwanderer in folgenden Städten gesprochen : Krk, Osor, Rab, Zadar, Trogir, Split, Dubrovnik, Kotor, Budva, Bar, Ulcinj, Lesh » (Muljačić 2000 [1992], 363 ; cf. 2000 [1985-1990], 326). 25 Muljačić emploiera, pour certains de ces idiomes conjecturels (au second degré), le terme très juste de lingue ipotetiche (voir ci-dessous § 8.2.). « Aus Zadar, Split und Dubrovnik ist uns das Dalmatische lediglich in Spuren bekannt. Für Osor, Rab, Trogir und Kotor sind auch solche Materialen äußerst dürftig » (Muljačić 2000 [1992], 364). Cf. encore, à propos du labéatique : « notizie concrete su tale idioma sono rare e inconcludenti » (Muljačić 2000 [1985-1990], 327). 22

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traditionnel d’usage 26. Dans ces conditions, le nombre des microdialectes dalmates observables ou, presque toujours, présumés est monté jusqu’à douze, au minimum (Muljačić 2000 [1992], 363 cité ici n. 24). 8.2. Dans le dernier état de sa réflexion, Muljačić (1997, 64 = 2000, 423) était parvenu à une Gliederung particulièrement sophistiquée du dalmate 27. « Sono arrivato [dans Muljačić 2000 [1990], 326] alla conclusione che fino alla fine del Quattrocento esistevano due lingue dalmatiche (o dalmatoromanze) » : le dalmate ou « dalmatico (senza aggettivi) » et le ragusain. Le dalmate sans adjectif « avrebbe abbracciato due macrodialetti » : le dalmate septentrional et le dalmate méridional ou labéatique. Le dalmate septentrional se serait articulé en sept Kleindialekte (terme qui n’est pas employé ici par Muljačić) : le végliote, l’ossérin, l’arbesan, le jadertin, le traurin et le spalatin. Quant au labéatique, « si sarebbe [...] parlato in una mezza dozzina di città situate a nord-ovest e a sud-est del confine fra Jugoslavia e Albania », à savoir Kotor, Budva (parlata/parler éteint « nel IX secolo dopo invasione sarecena »), Bar, Ulcinj, Lesh, mais aussi Shkodër et Drisht (Muljačić 2000 [1985-1990], 326), soit sept parlers ou microdialectes. Dans Muljačić 1997 (65 = 2000, 424), la position du labéatique était cependant revue et cet idiome était considéré comme une troisième langue dalmatoromane 28. Cette question délicate, restée pendante en 1985-1990 (= Muljačić 2000, 326), est clairement résolue dans le sens de l’autonomie du labéatique lorsque Muljačić (2001, 278) distingue « (almeno) tre lingue dalmatoromanze, ossia il jadertino (con sede a Zara/Zadar), il raguseo e il labeatico (con sede a Antivari/Bar) ». Muljačić (1997, 69 = 2000, 429) intégrait lesdites « langues dalmates » dans un ensemble plus vaste, « il gruppo linguistico illiro-romanzo » 29, et distinguait alors, en se plaçant à une date plus reculée (« intorno al 1100 ») et en adoptant un autre point de vue (sociolinguistique « relativiste »), « quattro lingue medie En réalité, les conditions de travail du dalmatiste sont bien plus difficiles : « Bisogna eliminare dal corpus degli imprestiti antichi di sapore romanzo del croato e dal corpus delle forme ricorrenti nei documenti scritti in latino [...] tutto ciò che non è di origine dalmatica ma, per esempio, greca, italiana (veneziana, abbruzzese-molisana, pugliese, toscana ecc.), rumena, albanese, latina medievale ecc. » (Muljačić 2000 [1983], 293-294). On imagine combien la tâche est ardue, et qu’elle exige des travailleurs dominant un ensemble peu commun de connaissances, mais surtout maîtrisant jusqu’au bout des ongles les principes, les méthodes et les techniques de la lexicologie historique. 27 Présentation de l’état de la question dans Bernoth (2008, 2731-2732). 28 C’est ce que comprend aussi Bernoth (2008, 2731). 29 Pour l’« illyro-roman », cf. déjà Muljačić (1971, 397, 399 = 2000, 193, 194) et déjà Bartoli (2000 [1906], 181, 185 sqq.). 26

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illiro-romanze : il polesano [= istriote/istroroman], il jadertino, il raguseo e il labeatico, e tre lingue ipotetiche (il capodistriano, l’arbesano e il durazzino) », avec « le rispettive lingue basse », étant entendu que le végliote aurait été une « lingua bassa » du jadertin. 8.3. À ce stade évolutif, on entre à l’évidence dans « une nouvelle vision épistémologique de la linguistique historique » (Vuletić 2013, 61) 30, c’est-àdire dans un monde dont le rapport avec celui de la linguistique historique classique devient ténu. En tout cas, plus le « dalmate », les « dialectes dalmates », puis les « langues dalmates » ou « dalmatoromanes », les microdialectes du dalmate septentrional, les parlers du labéatique et, pour finir, les langues « illyro-romanes » augmentaient en nombre sous la féconde impulsion de Muljačić (mais cf. déjà Rosenkranz 1955) 31, plus la question de la validité génétique de tels groupements (et des membres de ces groupements) tendait à perdre son sens du point de vue de la linguistique historique classique, jusqu’à devenir vaine, faute de prise. Il est difficile de discuter factuellement le statut de fantômes.

9. Conclusion 9.1. Les termes traditionnels de dalmate, dialectes du dalmate, branches du dalmate, dalmate septentrional etc. véhiculent des notions à présupposé géographique investies de facto d’un contenu diachronique (plus précisément génétique) par une sorte de coup de force silencieux (projection indue de la géographie sur l’histoire des langues). Du point de vue de la grammaire comparée et même, nous semble-t-il, du point de vue de la linguistique romane courante (sans grammaire comparée), ces notions pré-théoriques sont mal formées et ne peuvent être tenues pour des concepts opératoires. Il en va a fortiori de même des termes et notions muljačićiens plus récents (langues dalmates etc.). En outre, au plan empirique, aucun argument n’est propre à fonder l’hypothèse d’un sous-apparentement reliant de manière exclusive le végliote et l’ancien ragusain. 9.2. Il est par conséquent recommandé de renoncer, en particulier si l’on se place du point de vue de la grammaire comparée, à la notion de ‘dalmate’ : Cf. Muljačić (2001, 283) : « Non ho potuto rispettare i noti principi filosofici formulati da Occam in due varianti raccomandanti la massima semplicità (Entia non sunt multiplicanda praeter necessitatem ; Mala fit per plura quod fieri potest per pauciora). [...] Extra sociolinguisticam nulla salus ». 31 Qui distinguait (Rosenkranz 1955, 278) « drei Dialektgebiete » (dalmate septentrional, dalmate central, dalmate méridional). 30

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on se contentera de parler de ‘végliote’ (langue formant à elle seule une sousbranche romane terminale) et d’‘ancien ragusain’ (langue indépendante du végliote et sous-branche terminale romane à elle seule, sous réserve de l’indigence de la documentation directe). 9.3. La grammaire comparée et la protolinguistique des parlers romans, qui connaissent actuellement grâce à DÉRom un regain d’intérêt et de faveur inattendu, ne peuvent prendre pour argent comptant – cela va de soi – les oripeaux de l’ancêtre commun que leur présente la tradition romaniste, mais pas davantage les divers sous-groupements de tous niveaux concoctés par la même tradition. C’est à elles qu’il revient, en se plaçant de leur propre point de vue et selon leurs propres méthodes, de (dé)construire de manière critique les sous-parentés et de reconstruire les protolangues intermédiaires à l’intérieur de la branche romane 32. Université de Paris-Sorbonne



Jean-Pierre CHAMBON

10. Références bibliographiques Bartoli, Matteo, 1906. Das Dalmatische. Altromanische Sprachreste von Veglia bis Ragusa und ihre Stellung in der apennino-balkanischen Romania, 2 vol., Vienne, Hölder. Bartoli, Matteo, 2000. Il Dalmatico. Resti di un’antica lingua romanza parlata da Veglia a Ragusa e sua collocazione nella Romània appennino-balcanica, Rome, Istituto dell’Enciclopedia Italiana (traduction de Bartoli 1906). Bernoth, Anja, 2008. « Interne Sprachgeschichte des Dalmatischen », in : Ernst, Gerhard / Gleßgen, Martin-Dietrich / Schweickard, Wolfgang (ed.), Romanische ��������� Sprachgeschichte / Histoire linguistique de la Romania. Ein internationales Handbuch zur Geschichte der romanischen Sprachen / Manuel international d’histoire linguistique de la Romania, t. III, Berlin/New York, Walter de Gruyter, 2731-2749. Bossong, Georg, 2008. Die romanischen Sprachen. Eine vergleichende Einführung, Hambourg, Buske. Bourciez, Édouard, 1967. Éléments de linguistique romane, 5e éd., Paris, Klincksieck. Chambon, Jean-Pierre, 2007. « Remarques sur la grammaire comparée-reconstruction en linguistique romane (situation, perspectives) », Mémoires de la Société de linguistique de Paris, n. s., 15 (Tradition et rupture dans les grammaires comparées de différentes familles de langues), Louvain, Peeters, 57-72. Hall n’échappe pas à la critique quand il reprend à son compte, sans les soumettre à un examen critique, nombre d’éléments issus de la tradition romaniste : il en va ainsi de la notion de dalmate (cf. Hall 1974, 34).

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JEAN-PIERRE CHAMBON

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Le prétérit sarde de éssere : fit – fut (3), fimus – fumus (4) etc. En latin, esse est le plus fréquent et le plus irrégulier des verbes et ses descendants romans n’ont en rien changé cet état de choses qui est aussi celui de beaucoup d’autres langues. Au cours des siècles, le latin et ses descendants appelés romans ont créé une telle pléthore de formes qu’on éprouve des difficultés à les réunir toutes, et encore davantage à les expliquer. On comprend donc qu’un grand nombre d’études ait été consacré à des problèmes particuliers et que l’auteur d’une monographie de 330 pages a limité ses recherches à deux phénomènes morphologiques, à savoir la tendance à l’analogie à l’intérieur du paradigme du verbe être et celle consistant à rapprocher ce verbe des conjugaisons dites régulières 1. Ici, il va être question seulement des formes du passé qui sont censées remonter au latin fui, cataloguées comme ‘parfait’ (it. perfetto) par M.L. Wagner, probablement pour des raisons historiques, mais généralement comme ‘imparfait’ (it. imperfetto) pour des raisons sémantiques, vu que ce paradigme a pris cette fonction en se substituant au type eram qui dans l’ancienne langue n’avait laissé que de pauvres restes 2, contrairement à ce que l’on peut constater pour l’ancien français et les autres langues romanes. Ce glissement de fonction m’a amené à préférer le terme ‘prétérit’ ici à l’instar d’E. Blasco 3. Au point de vue formel, il s’agit des continuateurs du parfait latin (fui, fuisti, fuit, fuimus, fuistis, fuerunt) qui se retrouvent dans toutes les langues romanes 4. Pour illustrer ce fait, je donnerai la troisième personne du singulier

1



2



3



4

Wolfgang Roth, Beiträge zur Formenbildung von lat. ‘esse’ im Romanischen, Bonn 1965 (= RVV 17), 6. Wagner 1939, 6 (§ 117), ne cite que erant du CSMB, mais il y a aussi erat une douzaine de fois, alors que ces formes semblent manquer ailleurs (CSPS, CSNT, CSLB). Blasco Ferrer 1986, 128 (§ 87) et 213 n. 72 (preterito). Pour tous les autres verbes, Blasco emploie imperfetto selon un usage qui est quasi général. Meyer-Lübke 1894 (RG II), 340 (§ 292), donne les formes de sept langues seulement (en plus du dalmate, manquent le catalan et le sarde) ; pourtant il a dû prendre note

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du représentant de esse dans les langues mentionnées dans les ouvrages cités (cf. note 5) : roumain

fu

port.

foi

prov.

fo

frioulan

fo

sarde

fudi

catalan

fou

fo/füt

français

fut

a.esp.

fo

fu

frprov.

fu

esp.

fue

engad. it.

On voit que presque toutes ces formes remontent à *fut (< fuit) 5. Une forme en fi(-) n’est mentionnée nulle part, mais Iliescu/Mourin signalent le paradigme dont fit fait partie lors de l’étude de l’imparfait en tant que « radical supplétif » 6. Ce paradigme est celui que Pittau avait donné pour Nuoro 7 et que l’on retrouve dans les différentes grammaires de Blasco indiqué comme logoudorien 8 : fippo, fis, fit, fimus, fizis, fin.

7 8 5 6

du parfait sarde vu qu’il voit dans les imparfaits “log. fia, campid. femu” (295) des formations à partir du parfait ; Lausberg 1972, 262 sqq. (§ 905), mentionne onze langues (dont le sursilvan et l’engadinois, l’espagnol ancien et moderne), le sarde avec la série fúi, fústi, fúdi, fúmus, fúghis, fúni, donc avec 5. fúghis, forme que je ne connais pas ; Iliescu/Mourin (359) qui se basent sur douze idiomes, entre autres le gascon à côté de l’occitan (languedocien), le francoprovençal, le “romanche” (engadinois) et le frioulan comme représentants du “rhéto-roman”, et aussi le lucanien – mais pas le sarde, malgré la mention du paradigme fippo, fis, fit etc. (220) libellé “imparfait”, sans doute d’après Pittau 1972, 105 (§ 158). Si les auteurs prétendent, à l’occasion du parfait, que « [l]e radical supplétif de ESSE est – sauf en gascon – […] en f- plus voyelle vélaire ou labio-palatale » (359), cette bévue est due au choix – peu compréhensible – de l’ouvrage de référence : R. Cardaillac Kelly, A Descriptive Analysis of Gascon, The Hague/Paris 1973, description non du gascon, mais d’un seul dialecte plutôt mixte (Donzac, dépt. 82) qui ne comprend que 5 % des traits gascons à l’intérieur des “Limites Linguistiques en Gascogne” indiquées par G. Rohlfs, Le Gascon, Tübingen 31977 (Beih. ZrP 85), carte I, cf. le c.r. de l’ouvrage peu recommendable de Cardaillac Kelly, RF 86 (1974), 157-160. C’est donc là que Iliescu/Mourin avaient repéré pour le parfait un “type est˗ � prétonique” (359, d’après Cardaillac-K., 108 : est. έr.i etc.). Mais pour trouver les formes du parfait de être en gascon, il aurait suffi, p.ex., de se référer à A. Zauner, « Die Konjugation im Béarnischen », ZrP 20 (1896), 433-470, qui donne, en plus du béarnais hui, hus, hu… et du bordelais fui, fores, fo…, aussi l’ancien gascon fu, fust, fo(o)…, etc. (447) ; cf. aussi Roth, 151 (vieux gascon). Il ne me paraît pas indiqué d’expliquer ici l’esp. fue ou le pg. foi. Iliescu/Mourin, 220. Pittau 1972, 104 (§ 158). Blasco 1986, 128 (§ 87), 1988a, 843 (§ 2.7.1.2.) ; 1994, 155 (§ 57) ; 1998, 84 (§ 25).

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Pittau lui-même, à la place de fippo, donne fui comme forme log. et fimis à côté de fimus, et aussi des formes en fu-, de sorte qu’il fournit deux paradigmes : – , fis, fit, fimus/fimis, fizis, fint et fui, fusti, fuit, – , fustis, fuint 9,

mais on s’aperçoit qu’il n’a fait que copier en 1991 les listes que le chanoine Spano avait données en 1840 10, sans prendre en considération celles de Wagner de 1939, bien plus détaillées 11. Malheureusement, on ne sait rien de la répartition des formes en fi- et en fu-. Ceux qui affirment que fi- est logoudorien ont raison, dans ce sens que l’aire en question comprend tout le nord jusqu’à la Planargia, puis Macomer, Sarule, Oliena et Dorgali à l’est, alors que fu- se trouve au sud de cette ligne ; plus au sud encore, apparaît surtout un paradigme fia-, à savoir fia, fiast, fiat, fiaus, fiais, fiant, parfois aussi fu- aux troisièmes personnes (fut, furint) 12. Il va sans dire que la carte que je donne est approximative 13 et qu’elle se nourrit de plusieurs sources 14. Comme dans la plupart des langues romanes, les formes sardes se laissent donc ramener assez facilement au parfait latin si l’on suppose que déjà en latin parlé les formes de la deuxième personne fuísti (sg.) et fuístis (pl.) ont déplacé l’accent de la désinence sur la racine, conformément au modèle des autres personnes 15 avec le résultat 9



10



11

12





13 14



15

Pittau 1991, 105 (§ 104). J’ai changé la disposition des formes : Pittau n’avait pas fait la distinction entre les deux séries. Spano 1840, II, 90. Il y manque fint par rapport à la liste Pittau. Wagner 1938/39, 17-19 (§§ 134-138), ouvrage cité par Pittau (XV, « Bibliografia essenziale »). Sont mentionnés, entre autres, fippo/fippi (1), fisti (2), fistis (5) de la série en fi-, et fusi (2), fumus/fumis (4), fudzis/udʒis (5), funi (6) de la série en fu-. Cf. Blasco, loc.cit. n. 8 ; en plus, il fournit fiu (1), femus (4) et festis (5) où e s’est substitué à u de fumus et fustis. Le paradigme en fu réapparaît dans le Sulcis qui par là « rappresenta un tratto distintivo del sulcitano, all’interno delle parlate campidanesi » (Piras 257). Ceci est valable surtout pour le sud, où l’isoglosse fudi/fíada est assez vague. Il s’agit de Wagner 1938/39 ; l’AIS ne fournit, à côté de quelques formes isolées, que la carte (IV) 671 ‘era tutta nuda’ ; Blasco 1988, 843, et 1988a, 127 (§ 34) ; les monographies de Calia, Mercurio, Nieddu, Pastonesi et Piras ; des relevés personnels en Barbagia (1 Oliena, 2 Orgosolo, 3 Mamoiada, 4 Lodine, 5 Fonni, 6 Ovodda, 7 Olzai, 8 Ollolai, 9 Gavoi) et en Ogliastra (Loceri, Osini, Perdasdefogu, Triei) et ceux de Moritz Burgmann (Ardali et Lotzorai) ; et surtout des lettres d’enfants aux Rois Mages, ed. Diego Corraine et al., Literas a sos Tres Res, I-XI, Nuoro 1993-2003. Lausberg, loc.cit. (n. 4) y voit le résultat d’une élision.

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fui, fusti, fut, fumus, fustis, furunt 16,

paradigme qu’on peut retrouver, à une exception près, en sarde : fui, fusti, fut, fumus, fustis, furint,

en particulier (formes divergentes) : (1) fui : barb. ui (4, 7, 9), hui (6) 17, formes régulières, et aussi uo (2, 3, 8), u(v)o (5), uppo (2), usto (3, 4), fuo (Baunei, Paulilatino) (2) fusti : barb. husti (6), ustis (2, 3, 4, 8, 9), us(s)i (5, 7, 8) ; fusta (Sulcis) (3) fut/fudi : barb. udi (3, 4, 5, 7, 8, 9), hudi (6), udu (2), fudu (Sennori), fuidi (Ghilarza, Paulilatino) 18, fura (Sulcis) (4) fumus : barb. umus (2, 5), umis (3, 4, 7, 8, 9), huremus (6), fumis (Nulvi), furimus (Baunei, Talana), fustis (Sulcis et Ogliastra : Ardali, Baunei, Lotzorai, Osini, Perdasdefogu, Talana, Tortolì, Triei, Urzulei, Villagrande Str., aussi Laconi) 19, furreus (Perdasdefogu) (5) fustis : barb. udzis (3, 4, 7, 8, 9), udzes (2), udʒis (5), huredzis (6) (6) furint : Barbagia úrini (2, 3, 4, 7, 8), húrini (6), údini (3, 9), únini (5, 8), funta (Sulcis), fúrinti (Ogliastra : Baunei, Gadoni, Loceri, Lotzorai, Villagrande, avec Esterzili, Laconi, Meana), fúdinti (Perdasdefogu, Tortolì)

Je n’entends pas expliquer toutes ces formes en détail ; je noterai cependant : (i) La perte du f- initial en Barbagia (et en Baronia) 20 ou son passage à h- à Ovodda 21. (ii) Le -p(p)- de la première personne du singulier, dû, paraît-il, à l’analogie avec appo/ appu < habeo 22. (iii) L e -o de la pers. 1 résulte de l’analogie évidente d’après la désinence de tous les autres verbes au présent de l’indicatif. (iv) L’s de la pers. 2 est également dû à la désinence du présent de tous les autres verbes. (v) Le -dz- /-dʒ de la pers. 5 devrait continuer un -lj- latin et reste inexpliqué.

Ainsi Roth, 133. On doit noter que les formes ne sont pas attestées. Certains chiffres renvoient aux différents dialectes énumérés ici n. 14. 18 Il est peu probable que -ui- continue le latin fuit ; on doit plutôt penser à une analogie avec fui. 19 Cette identité des personnes 4 et 5 n’existe que dans le prétérit de ce verbe. 20 Cf. Wagner 1984, 154-161 (§§ 141-148), pour f- surtout 156s. (§§ 143s.). Depuis, les choses ont quelque peu évolué si l’on s’en tient à Contini 1987, I, 217 (II – 5.3.1.), et II, carte 44. 21 Ib., et surtout Wolf 1983 (= it. Wolf 1992, 15-26). 22 Wagner 1939, 18 (§ 135) à propos de fippo. Ce -po apparaît aussi dans la pers. 1 du subjonctif de l’imparfait -a-/-e-/-irepo ; Wagner ne donne que les formes les plus répandues : aéreppo et esséreppo (10, § 124). 16 17

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LE PRÉTÉRIT SARDE DE ÉSSERE

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Ce sont pourtant les formes en fi- dont il y a lieu qu’on s’occupe de plus près. Je les donne selon les listes de Blasco, en signalant, comme pour la série en fu-, les formes divergentes : (1) fippo : barb., baron. ippo (Bitti, Galtellì, Irgoli, Loculi, Lula, Oliena, Onifai, Oniferi, Orosei, Ottana), ippi (Dorgali) (2) fis(i) : isi (Irgoli, Onifai, Orosei, Ottana), isti (Dorgali, Oliena) (3) fiti/fidi : barb., baron. iti/idi (Bitti, Dorgali, Galtellì, Irgoli, Lula, Oliena, Onifai, Oniferi, Orosei, Orune, Ottana, Siniscola) (4) fimus : barb., baron. imus (Bitti, Irgoli, Lula, Onifai, Oniferi, Orosei, Ottana), imos (Oliena), fimis (Siligo) (5) fidzis : barb., baron. idzis (Bitti, Irgoli, Onifai, Orosei, Orune), istis (Dorgali, Oliena), idis (Oniferi, Orotelli, Ottana) (6) fin(i) : barb., baron. ini (Bitti, Galtellì, Irgoli, Lula, Oliena, Onifai, Orani, Orosei, Orune)

Les faits sont évidents : nous sommes en présence de deux paradigmes bien distincts, l’un commençant par (f)u-, l’autre par (f)i-. Le parallélisme est parfait pour (3) (f)udi- (f)idi et (4) (f)umus – (f)imus, beaucoup moins pour (5) udzis (type assez rare, probablement dans seulement sept dialectes, jamais fu-) – (f)idzis, moins encore pour (2) quand, à côté des fusti en Ogliastra, husti à Ovodda et cinq ustis en Barbagia il n’y a que deux isti (Dorgali et Oliena). Ces deux derniers sont aussi les seuls à présenter istis à côté des fustis en Ogliastra et dans le Sulcis. Pour (1) ippo – fui etc. et (6) (f)ini – furinti cependant, les correspondances semblent faire défaut. Pour la paire fidi – fudi, Wagner avait donné l’explication suivante : « fuit […] viene contratt[o] in fut (fudi) o fit (fidi) », de même fimus et fumus 23, sans parler d’une généralisation des deux variantes jusqu’à la création de deux paradigmes. Il semblait donc logique de voir l’origine de ce phénomène dans l’accentuation différente à l’intérieur du paradigme latin même qui nous donne fúi, fúit, fúimus et fúerunt (< fuérunt) d’un côté et fuísti et fuístis de l’autre 24. ������������������������������������������������������������������ Blasco déclare que « bisogna de accennare a un fatto passato inavvertito finora : l’alternanza tra f ūī et f ŭī » en suivant une idée de Roth 25, et de poursuivre : « Mentre nel Logudoro centrale vige la forma fí-, derivante da una evoluzione che presuppone l’accentazione classica, in tutto il C[ampidano] e nelle zone laterali del L[ogudoro] si hanno continuatori di fú-, che postulano une base volgare *1 f ŭī, 3 f ūī […] » 26. Jusqu’à présent, on ne savait rien des 25 26 23

24

Wagner 1939, 18 (§ 137). Cf. Lausberg 1972, 262 (§ 905). Roth, 134. Blasco 1988a, 843 (§ 2.7.1.2.).

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deux séries du parfait latin, l’une classique (fi-) et l’autre ‘parlée’ (fu-), et il faudrait alléguer des preuves avant de continuer dans cette voie. De toute façon, la répartition géographique des deux séries ne suffit pas à elle seule pour postuler une priorité quelconque de l’une d’elles. Il n’y pas de doute que celle en fu- s’explique bien, comme tous les autres paradigmes romans, par l’équivalent latin, « avec une réduction qui est sans doute partie de fūī : *fūsti, *fūt, *fūmus, *fustis […], fūrent » 27, ou bien en partant de fŭi, avec un u bref 28. Alors qu’il y a de forts indices qu’il faut, pour les langues romanes, présupposer la survie d’une série commençant par fu- après la suppression de l’i qui aurait perdu l’accent par analogie dans les deuxièmes personnes, le paradigme sarde en fi- requiert une explication toute différente de celle qui postulerait, par le jeu d’une autre accentuation (et de surplus plus ancienne), la chute de l’u dans toutes les personnes. Qu’on en juge : on pourrait concevoir les séries fúit > f(u)ít > fit/fidi et fúimus > f(u)ímus > fimus, mais pour fuísti > *fisti et fuístis > *fistis, on ne trouve que les isti et istis de Dorgali et Oliena contre les (f)isi et (f)idzis/fidʒis bien plus fréquents, mais surtout idis, et s’il est possible de faire remonter les furin(t)i à fuerunt, il n’en est pas de même pour (f)ini, à côté duquel on ne rencontre aucune forme avec r, p.ex. *(f)írini. Si l’on devait reconstruire un paradigme latin à partir des formes sardes – en substituant la forme avec -p- analogique (1) fippo par fio – le résultat serait probablement : fio, fis, fit, fimus, fitis, fint.

C’est là – ô surprise ! – un paradigme bien connu en latin – si toutefois on change en fint la forme classique fiunt. Il s’agit là de l’indicatif présent du verbe fieri ‘devenir’ dont le -i- – hormis les troisièmes personnes fit et fiunt – est toujours long (ce qui, pour le sarde, est sans importance). On sait que les formes de fieri sont étymologiquement proches de celles de esse et que certaines d’entre elles semblent s’entremêler. Bien qu’on qualifie souvent le verbe fieri de défectif en tant que passif de facere et presque limité au présent, le grammairien Diomède parle du parfait « factus sum et fui » et du plus-queparfait « factus eram et fueram » etc., se servant donc de formes connues du paradigme de esse. Pour le présent, il donne, comme d’autres : fio, fis, fit, fimus, fitis, fiunt 29.

Väänänen, 143 (§ 337). Roth, 133. 29 Keil, GL I, 358, cf. aussi Charisius, GL I, 250. 27

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On sait que le verbe être est resté panroman 30, mais il y a aussi des restes de fieri 31. À côté des formes it. comme (3) fia/fie/firà du futur à la place de sarà 32, il y a surtout (1) fio, (2), (3), (6) fi, aussi (6) fin et l’inf. fir etc. des anciens dialectes gallo-italiens dans la formation du passif 33, partout des formes de fieri donc qui se sont substituées à celles de esse. L’exemple le plus connu nous est fourni par le roumain avec l’infinitif (a) fi ‘être’ et tout le présent du subjonctif de ce verbe : fiu, fii, fie, fim, fiţi, fie 34.

Voici donc le paradigme latin avec ses descendants sardes et roumains : latin (prés. ind.)

sarde (parf. ind.)

roumain (prés. subj.)

(1) fio

fippo

fiu

(2) fis

fis(i)

fii

(3) fit

fit/fid(i)

fie

(4) fimus

fimus

fim

(5) fitis

(f)idis

fiţi

(6) *fint (< fiunt)

fin(i)

fie

Ce subjonctif roumain est parfois ramené au paradigme latin correspondant (fia, fias …) 35, ce que l’on doit admettre pour fie des troisièmes personnes,

REW 2917, où l’omission du roumain est due à l’absence de l’infinitif, auquel s’est substitué précisément fieri. 31 REW 3288. Le sarde s’y trouve avec “alog. fire” – forme que je n’ai pu repérer nulle part – , mais il manquait ThLL VI, 85 ; Meyer-Lübke avait déclaré ailleurs (1903, 52, § 64) : « […] bisher ist fieri im Sardinischen nicht nachgewiesen worden ». 32 Cf. Rohlfs, HGI II, 316 (§ 540) = GSI II, 272. 33 Ib., HGI II, 577s. (§ 737) = GSI III, 129s. 34 Cf., p.ex., le paradigme détaillé dans la grammaire de l’Académie, GLR, I, 281. – Firi, la forme intacte de l’infinitif roumain, a été conservée surtout après avoir été substantivée avec la signification ‘nature’, cf. Pop 1948, 272. Quant à la forme exacte de l’étymon, Lombard renvoie à la RG (II, § 206) de Meyer-Lübke (et nombreux successeurs) en acceptant *fīre, « l’étage intermédiaire [après fieri] fiĕre est attesté. » (732). Il aurait pu citer Priscien qui croit en la priorité de cette forme : « fiĕri pro ‘fīri’ vel ‘fīre’ » (Keil, GL II, 127, 1 et III, 112, 15). L’astérisque, présent dans les dictionnaires (DLR II, 113 ; MDA II, 410, etc.) est donc superflu. 35 Cf. Rothe 1957, 114 (§ 230). 30

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mais il est inconcevable, comme le veut Lausberg 36, de les supposer comme bases d’une analogie qui aurait mené à fiu, fii, fim, fiţi 37. Cet état des faits en roumain ne peut que rappeler qu’en sarde campidanien ce sont les formes fíada et fíanta (3 et 6) qui jouissent d’une certaine faveur dans une aire qui reste à délimiter, à la place de fudi et furinti etc. Toujours est-il que Spano avait noté jadis pour le campidanien femmu, fiasta, fiat, femus, festis, fiant 38 que l’on est en droit de faire remonter au latin fiat et fiant et aussi fiasta (avec désinence analogique). De son côté, Blasco fournit un prétérit camp. qui respecte, dans tous les détails 39, son origine latine : fiat, fiast, fiat, fiaus, fiais, fiant 40.

Il semble donc que le verbe latin fieri, dans l’acception de “être”, ait joué un rôle non négligeable pour le sarde et l’on doit s’étonner que personne ne s’en soit aperçu. On doit admettre que du côté sémantique, le manque de continuité peut être intrigant. Mais il y a suffisamment d’exemples qui montrent que les formes des temps et des modes sont susceptibles de changer lors du passage du latin aux langues romanes. On sait, p.ex., que le plus-que-parfait du subjonctif latin est devenu l’imparfait du subjonctif en roman – sauf en sarde qui a perpétué celui du latin, et en roumain où il a pris la fonction de l’indicatif 41. Pour l’évolution du latin esse, Roth a recueilli nombre de rapports entre les formes qui désignaient certains modes ou temps en tentant de donner des explications 42. L’explication pour « Les formes du type fi- » donnée par Lombard est la suivante : « Si le verbe latin dont l’infinitif était fĭĕri, […] et qui signifiait “devenir”, est venu mêler sa flexion à celle de esse […], c’est à cause de l’affinité sémantique des deux verbes et de la ressemblance phonétique de fieri et de ses formes avec le parfait fui » 43.

Lausberg 1972, 252 (§ 883). Cf. Lombard 1954, (II) 728, qui est incertain pour fii, « mais il est phonétiquement impossible de supposer que fīam, fīāmus, fīātis, que Bourciez […] et M. Rosetti (ILR I 140) ont adopté comme étyma de fiu, fim, fiţi, aient donné un tel résultat, […] ». 38 Spano 1840, I, 90. 39 Seul le -t dans 2 fiast n’est pas étymologique. 40 Blasco 1986, 128 (§ 87) ; 1994, 155 (§ 57), chaque fois à côté de femu (1), et, comme variante, fut, femus, festis, furint (3-6) ; 1998, 84 (§ 25), par contre, est réduit au paradigme de Spano 1840. 41 Cf. Lausberg 1972, 221s. (§ 830). 42 Roth, 178-187. 43 Lombard, 727. 36 37

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Il n’empêche que l’on peut qualifier d’extravagant le fait que le présent de ce verbe (fio, fis) ait pris la place de l’imparfait (fiebam, fiebas) et même le subjonctif (fiam, fias) la place de l’indicatif. Cependant, ce phénomène hors du commun n’est pas isolé. À part le fait qu’en italien la désinence de l’indicatif (4) -iamo, généralisée dans toutes les conjugaisons, n’est autre que celle du subjonctif, Rohlfs signale, pour essere, « l’intrusion du subjonctif dans l’indicatif » 44. C’est donc le présent du latin fieri qui en sarde vaguement ‘logoudorien’ s’est substitué au prétérit (parfait, imparfait) du verbe esse. La pers. (1) a élargi son corps phonétique assez réduit *(f)io partout en (f)ippo à l’image de appo (< habeo), et la (5) n’a conservé que peu d’exemples de fitis sous la forme de idis à Oniferi, Orotelli et Ottana, les autres ayant pris la désinence -dzis de tous les autres verbes en logoudorien. On comprend donc pourquoi plus au sud, de l’autre côté de l’isoglosse fi- /fu-, on rencontre -dz- dans udzis [Barbagia 3, 4, 7, 8, 9], udzes [2], udʒis [5], alors qu’en ‘campidanien’ cette désinence n’existe pas, où la forme prépondérante est fustis (< fuistis) qui, de son côté, est responsable de istis de l’autre côté de l’isoglosse (Dorgali, Oliena). Le contraire s’est produit lorsque la forme correspondante de fusti (Ovodda : husti) n’est pas *usti [ustis 2, 3, 4, 8, 9], mais usi [7, 8]/ussi [5] d’après isi (< fis) – tous les dialectes confinant l’isoglosse (cf. la carte). Et comme istis, Dorgali et Oliena, du côté opposé, ont isti à la place de isi. Finalement, on peut signaler au sud de la ligne, uo [2, 3, 8]/uvo [5] au lieu de ui [4, 7, 9], hui [6] ou fui (Ogliastra etc.) selon *fio remplacé au nord par (f)ippo qui de son côté a amené uppo (Orgosolo) 45. On voit donc bien l’interpénétration de esse (fui etc.) et fieri (fio etc.) ou plutôt de leurs descendants populaires en sarde. Mais quelle que soit l’origine de la série en fi-, elle doit remonter au latin et de ce fait pourrait avoir laissé des traces en ancien sarde. Là, on trouve 46 fui (1 CSLB), fuit (CSPS passim, 3 CSNT, 3 CSLB, CSMB passim, avec futi, fut, fudi, fuid, fu 47), furun (CSPS passim, et 2 furu, 6 CSNT et 4 furunt 48, 4 CSMB et furunt, passim),

Rohlfs, HGI II, 330 (§ 540) : « Es zeigt sich hier ein Eindringen des Konjunktivs in den Indikativ » ; dans la traduction italienne de T. Franceschi, à la suite d’une modification du texte à partir de cette phrase, celle-ci ne s’y trouve plus (GSI II, 268). 45 Dorgali, par contre, a pris l’-i de l’Ogliastra avoisinante (fui) en changeant ippo en ippi. 46 Wagner 1939, 17 (§ 134), cite alog. fui, fuit, furun(t). 47 Cf. CSMB, 212s. 48 Cf. CSNT, 206. 44

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mais point de formes en fi- 49. La raison pourrait être une sorte de scripta logoudorienne dont le centre – peut-être Sassari – comme Cagliari pour le campidanien 50 – avait pour base un dialecte ayant conservé le parfait en fu-. Toujours est-il qu’on ne peut, avec Blasco, qualifier celui-ci (fu-) de typique d’une « zona campidanese ed innovativa logudorese » en face de la fameuse région « fra Barbagia e zona arcaica log. » qui aurait continué « l’accentazione classica » 51 (fi-). Au contraire, on peut concevoir que le paradigme en fi- est venu s’installer après celui en fu-, omniprésent en territoire roman. En effet, les formes en fi- se retrouvent en roumain – avec une acception différente il est vrai – où elles n’ont pu arriver qu’après le IIe s., alors qu’en Sardaigne, la romanisation a commencé plus de 350 ans auparavant. Quant à une généralisation de -ui- > -i- au lieu de -u-, il sera difficile d’en alléguer des parallèles ; il y a surtout la série des démonstratifs latins renforcés par eccu (+ istu, illu, ipsu) et perpétués en roman : eccu – istu / iste : apg., aesp. aqueste, cat., prov. aquest, romanche quest, it. questo, roum. acest ; eccu – illu : pg. aquele, esp., prov. aquel, cat. aquell, romanche quel, it. quello, roum. acel ; eccu – ipse : apg. aquesse, aesp. aquese, cat. aqueix qui en sarde sont custu, cuddu, cussu (mais aussi piémontais kust – kul et vegliote kost – kol 52).

En sarde, un déplacement d’accent s’effectue souvent vers le début du mot, p.ex. cena pura > kenápura 53, barb., ogl. kámpana (< campāna), log. kígula (< *cicāla < cicāda), jusqu’à Ovodda frómmiˀa (< formīca) 54. Le CSMB contient 10 fiat et 6 fiant à côté de 27 siat, toujours en tant que présent du subjonctif dans le sens de ‘soit’, cf. p. 212 sqq. et 220. – Dans le contexte de l’ancien 6 furun, la forme fuin, présente 133 fois dans Ioan Mattheu Garipa, Legendariv de Santas Virgines et Martires de lesu Crhistu, Roma 1627, éd. Diegu Corraine, Nugoro 1998, 325 (Paraulas e númenes), revêt une certaine importance. En effet, natif d’Orgosolo et prêtre à Baunei et Triei pendant probablement dix ans (cf. Pascale Zucca, « Sa bida, s’òpera e sos tempos de Zuanne Matèu Garipa », ib., 29-45, 29 sqq.), Garipa écrit dans un logoudorien teinté légèrement de ces dialectes qui aujourd’hui ont úrini (Orgosolo) et fúrinti (Baunei) (cf. H.J. Wolf, « Sa limba sarda de Zuanne Matèu Garipa », ib., 7-28), alors que fuin tend plutôt vers (f)ini, attesté plus au nord. 50 Les CV en acamp. n’ont transmis que 3 fudi et 6 furunt, cf. Guarnerio 1906, 227 (§ 98). 51 Blasco 1988a, 843 (2.7.1.2.). 52 Cf. Wolf 1979 (fort détaillé pour ces derniers). 53 Il est inutile de mettre ce déplacement d’accent, comme le veut Wagner (HLS 2, 21 ; DES I, 328), au compte d’un ā de l’ablatif cēnā (pūrā). 54 Cf. les nombreux exemples HLS 2, 15-28 (« Accentazione », §§ 1-13) en particulier 15-18. 49

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Bref, comme en Roumanie (et un peu en Italie), fieri a continué une tendance déjà latine pour survivre en s’infiltrant dans les formes du verbe le plus fréquent de la langue. Dans une grande partie du nord de la Sardaigne, le présent de fieri s’est ainsi substitué au prétérit de esse. Universität Bonn

Heinz Jürgen WOLF

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Les phrases clivées en ancien français : un modèle pour l’anglais ?

1. Introduction Il est bien connu que dans une situation de contact étroit entre deux langues les emprunts sont monnaie courante. Le phénomène est particulièrement bien visible au niveau du lexique, et pendant longtemps la majorité des études linguistiques insistaient sur le fait que les structures linguistiques, relativement stables à l’échelle diachronique, n’étaient pas touchées par les emprunts. Ainsi, par rapport à la grammaticalisation des formes du parfait, Meillet évoque la possibilité d’une « imitation d’une manière de dire latine qui semblait frappante et commode », mais il se garde d’en conclure « que le germanique a emprunté au latin une forme grammaticale : les formes grammaticales ne semblent guère s’emprunter » (Meillet 1921, 142). Aujourd’hui, presqu’un siècle plus tard, ce phénomène est mieux exploré, et nombreux sont les travaux empiriques et théoriques concernant d’autres domaines linguistiques comme la phonologie, la morphologie et même la syntaxe, cf. par exemple les monographies de Appel & Muysken (1987), Heine & Kuteva (2005), Matras (2009) ainsi que, dans une perspective historique et sociolinguistique, Weinreich (1953) ou Thomason & Kaufman (1988). Or, il est peut-être moins surprenant que les emprunts ont été observés au niveau pragmatique. Prince (1988) défend dans son étude sur les emprunts pragmatiques du Yiddish la thèse selon laquelle ce niveau constitue un type d’emprunt supplémentaire dans les situations de contact. Plus précisément, il s’agit de la situation où (i) une forme syntaxique S2 d’une langue L2 (la langue « recevante », ricipient language) est construite par les locuteurs comme analogue à une forme syntaxique S1 de la langue L1 (la langue source, source language), et où (ii) la fonction discursive de S1 est empruntée par L2 et associée avec S2 (Prince 1988, 505). Ce type d’emprunt est aujourd’hui visible dans l’anglais de Guernesey, influencé par le dialecte français (le Guernésiais) : (1) a. It was always by the bus we went. ‘c’est toujours par le bus que nous [y] allions’ (Ramisch 1989 ; notre traduction) b. I’m always starving, me. ‘J’ai terjous fôim, mé’ (Barbé 1995, 704 ; cité d’après Jones 2002, 151)

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ACHIM  STEIN / CAROLA  TRIPS

Les constructions ressemblent à des constructions françaises fréquentes, au moins dans le discours parlé : la mise-en-relief dans (1a) et la dislocation dans (1b). Elles sont plus ou moins courantes dans les variétés de l’anglais, mais il est certain qu’on les retrouve avec une fréquence exceptionnelle dans l’anglais des îles de la Manche, qui, selon les études de Ramisch (1989) et de Jones (2000 ; 2002) est clairement influencé par le Guernésiais, le dialecte normand qui avait prédominé sur l’île de Guernesey pendant des siècles. L’exemple montre aussi que l’emprunt pragmatique ne présuppose pas l’emprunt d’une structure nouvelle dans la langue « recevante » : il suffit qu’une structure existante reçoive une interprétation nouvelle, dans ce cas une fonction discursive, suite au contact linguistique. En anglais moderne, la construction clivée (ou mise-en-relief) est moins courante qu’en français. Elle est composée d’une phrase principale, ellemême composée d’un pronom explétif (it impersonnel), de la copule be ‘être’ et du sujet (ici the knight), suivie d’une phrase subordonnée qui est structurée comme une phrase relative déterminative. (2) a. It was the KNIGHT that slew the king. The knight slew the king. (paraphrase mono-propositionnelle) (clivée, opposant le chevalier à d’autres personnes) b. It was the knight who slew the king. # The knight slew the king. (relative restrictive, distingue ce chevalier des autres chevaliers)

Un critère qui délimite les constructions clivées (CC) des constructions relatives est le fait que la CC correspond à une proposition simple, comme le montre la paraphrase dans (2a). Cette différence est déclenchée par le fait que le sujet de la principale (the knight) est marqué comme un focus. Cette marque, invisible sur le plan syntaxique, est obligatoire dans la réalisation prosodique : l’interprétation du focus dépend d’un accent H*L, indiqué par les majuscules dans l’exemple. L’absence de cette marque déclenche automatiquement l’interprétation d’une relative restrictive tout en interdisant la paraphrase mono-propositionnelle : c’est le cas dans (2b) où l’accent frappe king plutôt que knight. L’anglais partage ces propriétés avec le français, cf. la description prosodique des clivées dans Marandin (2004). Pour différentes définitions des CCs cf. Collins (1991), Ball (1994), Lambrecht (2001) et Patten (2012). Nous ne nous lancerons pas non plus dans une définition de la notion de focus (ou de rhème) ici : nous renvoyons au résumé des différents types de focus par Krifka (2007, 30 sqq.) et à l’idée que le focus distingue un élément en l’opposant à un « paradigme ouvert », développée par Blumenthal (1980) et, dans le cadre plus formel de alternative semantics, par Rooth (1985).

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LES PHRASES CLIVÉES EN ANCIEN FRANÇAIS

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L’exemple de l’anglais de Guernesey donné ci-dessus montre non seulement qu’une situation de contact étroit peut entraîner des emprunts structuraux (cette corrélation entre l’intensité du contact et le type des structures empruntées est soulignée par Thomason & Kaufman 1988), mais aussi que ce type de transfert peut en principe concerner une langue germanique qui est en contact avec une langue romane. Il peut aussi servir à pronostiquer quels types d’emprunts pourraient avoir eu lieu dans une situation de contact historique. La situation historique que nous analyserons dans cette contribution est celle du contact entre l’ancien français (ou l’anglo-français, si on se réfère aux variétés de l’ancien français qui étaient pertinentes pour l’Angleterre) et le moyen anglais en Angleterre. Moyennant une analyse de corpus, nous vérifierons en quelle mesure il est justifié de parler d’emprunt pragmatique dans le contexte de la CC. Dans la deuxième partie nous expliquerons brièvement la situation de contact entre le français et l’anglais dans l’Angleterre médiévale. Dans la troisième partie nous analyserons les phénomènes de contact et nous montrerons comment certains cas potentiels d’emprunt pragmatique sont liés à l’ambiguïté des structures françaises. La quatrième partie résume.

2. Le contact linguistique dans l’Angleterre médiévale La situation exemplifiée par l’anglais de Guernesey et la situation en Angleterre médiévale ont été suscitées toutes les deux par le même événement : la conquête de l’Angleterre par le duc Guillaume de Normandie, « le conquérant », en 1066. Après la perte par Jean sans Terre de la Normandie au profit des Français en 1205, les îles de la Manche sont restées attachées à l’Angleterre, et les locuteurs des îles ont conservé le dialecte normand pendant des siècles, influencés de plus en plus par l’anglais, qui l’a emporté surtout en raison des migrations causées par la Deuxième Guerre mondiale. La situation sur l’île britannique principale a été différente, car la coprésence des deux langues se limite à la période qui va de 1066 à 1500, au plus tard (cf. Rothwell 1968 ; 1975 ; 1993 ; 2001), puisque la situation diglossique était due à la domination des Français, plutôt qu’à la proximité géographique de la France comme dans le cas des îles de la Manche. L’apogée de la domination française passée, l’influence du français a diminué graduellement. Pendant la période diglossique, l’anglo-français fut d’abord la langue parlée, puis la langue écrite par la nouvelle classe dirigeante. Il prit ainsi la place de l’anglo-latin, tandis que les variétés du moyen anglais étaient restreintes à l’usage oral, et ne regagnèrent leur importance que dans la mesure où l’anglo-français perdait son influence.

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Au 15e siècle, l’anglais était redevenu la langue nationale à l’oral comme à l’écrit. Un nombre considérable de textes divers témoignent de cette situation multilingue : les gloses dans les dictionnaires, les textes didactiques (Hunt 1991), les ouvrages poétiques par des auteurs comme Chaucer et Langland, les lois, les testaments et les livres de comptes (cf. Trotter 2000 ; Ingham 2010). Ils montrent non seulement les emprunts lexicaux, mais aussi des exemples de changement de code (code switching, suivant les définitions données par Poplack 1980, Sankoff & Poplack 1981 et Myers-Scotton 1993). Dans les dernières années, un certain nombre de travaux ont décrit cette situation multilingue de l’Angleterre médiévale, par exemple Trotter (2000), Schendl & Wright (2011), Sebba et al. (2012), Jefferson & Putter (2013). Ingham (2009) décrit la situation ainsi : Although a belief in the adversarial nature of language choices–with French a language identified with Norman masters and English identified with the oppressed classes–has long been a staple of English language history, it is becoming clear that the relationship between French and English in the later medieval period was more a matter of complementarity. The two languages represented not differing communities with opposed interests, but choices available to those who possessed bilingual competence. (Ingham 2009, 107) Thus, if English and French were both spoken languages in later medieval England, bilinguals having command of both might reasonably be supposed to have mixed the two, to some extent (ibid, 113)

Les exemples suivants présentent deux instances de changement de code et illustrent la compétence multilingue des auteurs (locuteurs) de l’époque. 1 Le premier montre le changement entre moyen anglais et latin, le deuxième entre moyen anglais et français : (3) a. þou most supplante and forsake al maner vices, non ore set corde. ‘You must supplant and forsake every kind of vice, not just by word but in the heart.’ (sermon De celo querebant, I.375-376, MS Bodley 649, Halmari and Regetz 2011, 133) b. « O Thomas, je vous dy, Thomas ! Thomas ! This maketh the feend ; this moste ben amended. » ‘Oh Thomas, I tell you, Thomas ! Thomas ! The fiend is doing this, that must be changed’ (Canterbury Tales III.1832-1833, Putter 2011, 290)

Dans la partie qui va suivre nous analyserons plus en profondeur dans quelle mesure on peut postuler un lien entre l’intensité du contact linguis1



Pour faciliter la comparaison diachronique nous donnons des traductions ou des gloses an anglais moderne dans les exemples en ancien anglais ou en moyen anglais.

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tique, indéniable, et les emprunts pragmatiques que la présence de certaines structures en moyen anglais peut induire. Pour ce faire nous regarderons d’abord les types de CCs présents en français moderne et les travaux traitant de leur évolution, avant de présenter les données extraites des corpus d’ancien français, d’ancien et de moyen anglais.

3. Les constructions clivées en français et en anglais 3.1. Le développement des constructions clivée en français En français écrit, les CCs sont parfaitement ambiguës, tout comme en anglais, cf. infra. Prévost (2009, 3) donne les exemples suivants : (4) C’est Paul qui est tombé ? Non, c’est LUC qui est tombé. (5) Qu’est-ce qui se passe ? C’est Luc qui est tombé.

Seul (4) est une structure à focus : Luc évoque les alternatives potentielles, suivant la définition de Rooth (1985), d’où l’interprétation contrastive, et Luc est marqué prosodiquement par un accent H*L. En revanche, l’exemple (5) est une tournure présentative introduisant Luc comme un topique (ou thème). Si l’interprétation peut être problématique en français contemporain, elle l’est d’autant plus en français médiéval à cause de nos connaissances insuffisantes sur la structure prosodique et la conventionnalité des marqueurs informationnels à cette époque. L’ambiguïté est non seulement un phénomène crucial dans certaines théories du changement structural, elle explique aussi en partie les opinions divergentes sur l’évolution des CCs : si certains auteurs soutiennent qu’elles se sont développées au 13e siècle (Marchello-Nizia 1999, Combettes 1999), favorisées probablement par la perte du verbe en seconde position, d’autres (Bouchard et al. 2007, 4 sqq.) montrent qu’elles apparaissent plus tôt, tout en insistant sur le fait que ce était alors plus souvent attribut que sujet. Cette ambiguïté semble remonter au latin : Löfstedt (1966, 263) suggère que les expressions « déterminatives » (avec pronom anaphorique, réalisé ou omis) sont à l’origine des CCs, et que bon nombre des constructions latines étaient également ambiguës. Il cite l’exemple (6) et deux traductions françaises : (6) non ego sum, qui te dudum conduxi (Plaut. Merc. 758, d’après Löfstedt 1966, 263) a. ‘Je ne suis pas celui qui t’a engagé, tout à l’heure’ b. ‘Ce n’est pas moi qui t’ai engagé, tout à l’heure’

Le fait que le latin construit souvent les CCs avec des pronoms démonstratifs (Hic ist, qui fecit) et interrogatifs (quis est, qui fecit ?) corrobore cette hypothèse (Löfstedt 1966, 262). La mise en relief de ces pronoms était plus

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fréquente que la mise en relief des groupes nominaux, mais dans les variétés populaires (Löfstedt cite Petronius ; ibid, 267 sq.) la mise-en-relief des groupes nominaux était plus courante. Löfstedt ajoute (ibid, note 26) qu’en ancien français la grammaticalisation de la construction était moins avancée que dans les périodes suivantes. Néanmoins, même dans les textes les plus anciens, on rencontre des exemples qui permettent d’y voir une structure bipartite permettant la paraphrase mono-propositionnelle. L’exemple relevé par Lerch (1934, 228) dans la Vie de Saint Alexis (ço fut granz duel qued il en demenerent) est cité par Löfstedt (1966, 258) et dans presque tous les autres travaux pertinents. Les analyses détaillées de Rouquier (2007 ; 2012) et de Wehr (2005 ; 2012) confirment l’existence des CCs en ancien français, et les deux auteurs insistent sur les problèmes méthodiques concernant leur identification dans les textes historiques. Par ailleurs, Wehr suppose que les sources écrites ne pourraient refléter qu’une partie de l’importance qu’avait cette structure dans le discours oral, puisqu’elle apparaît souvent dans le discours direct, « c’est-à-dire dans une fiction de la langue parlée » (Wehr 2012, 312).

3.2. Types de constructions clivées en ancien et en moyen français Nous avons analysé les CCs dans les dix-neuf textes français (ancien et moyen) contenus dans le corpus Modéliser le changement : les voies du français (MCVF, Martineau 2009). Ce corpus est annoté syntaxiquement sur la base du modèle à constituants utilisé pour les corpus de l’ancien et du moyen anglais publiés par l’université de Pennsylvania (Penn Treebanks) que nous utiliserons dans notre analyse de l’anglais. L’annotation syntaxique du MCVF contient une étiquette CP-CLF pour les CC, et dans nos premières requêtes nous nous sommes appuyés sur cette annotation. Nous avons d’abord vérifié si les ambiguïtés mentionnées dans la partie précédente existaient aussi dans les périodes antérieures du français. Nous avons adopté la classification qui est acceptée dans la plupart des travaux sur ce sujet : le type de clivée « prototypique » est ce que Prince (1978) appelle le stressed-focus cleft. Collins (1991, 111) l’appelle simplement « type 1 » et le distingue des types 2 et 3 dont le statut plus controversé est dû aux variations de la forme (p.ex. pronoms autres que le ce français ou le it anglais) ou du statut informationnel (p.ex. l’élément clivé n’est pas le focus, ou bien un autre type de focus). Pour le type 1, Collins cite l’exemple suivant : (7) Thankfully, it is not the politicians who can lay claim to the distinction of having caused the greater loss of life. It is the earthquake that merits this dubious honour. (Collins 1991, 113)

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L’exemple (7) est clairement un exemple de focus contrastif, puisqu’il oppose les hommes politiques (the politicians) au tremblement de terre (earthquake). Pour l’ancien français, il ne s’agira pas de redresser l’inventaire complet des possibilités (celui de Wehr 2012 nous semble assez complet), mais de donner des exemples pour les types distingués par Prince et les autres auteurs. En ancien français, le focus des constructions du type 1 peut être sur le sujet (8), l’adverbe (9), ou l’objet (10). Dans (8) le dialogue se tient sur un cimetière, et le fait que le père gît dans la tombe peut être considéré comme étant focalisé. Tout comme en français moderne, le pronom est le démonstratif ce (d’autres formes sont possibles, p.ex. ço, cf. Wehr 2012). (8) « Beaus fiz, fet ele, avez oï / Cum Deus nus ad menez ici ? / C’est vostre pere ki ci gist / Que cist villarz a tort ocist » (MVF, MARIEF_LAIS, 2411-2)

Dans (9), le circonstant par poor de mort est focalisé : la raison de la fuite est soulignée, et une interprétation anaphorique du pronom n’est pas encouragée par le contexte. Nous n’insisterons pas sur le statut grammatical de la subordonnée dans ce cas, qui pourrait être soit une subordonnée adverbiale soit une relative modifiant ce (cf. Muller 2003). (9) Par Dieu, fait ele, ce fu par poor de mort que je m’ en afoï ça (MCVF, QUESTE, 80.2824)

L’exemple (10) est du moyen français, tiré des Cent Nouvelles Nouvelles (environ 1450). Il met en relief l’objet indirect pronominal a toy en lui attribuant un focus contrastif : (10) Ce n’est pas a toy, dit elle aussi, que de prinsault ce doulx message s’ adresse, combien qu’il te touche beaucoup. (MCVF, CNN, 99.2004)

Dans le corpus MCVF, 31% des structures annotées CP-CLF étaient des focus, suivant notre analyse contextuelle. Les sujets et adverbiaux se rencontrent dès le 12e siècle, les objets directs et indirects ne sont mis en relief qu’à partir des Cent Nouvelles Nouvelles. Le type 2 défini par Collins correspond au informative-presupposition cleft de Prince (1978). L’élément clivé est un topique et la phrase subordonnée ajoute le propos, qui est normalement nouveau dans le contexte. Souvent les clivées du type 2 mettent en jeu des adverbiaux (C’est la semaine dernière que…). Collins cite l’exemple suivant : (11) Another city to suffer the terrible vicissitudes of fortune in 1985 was Mexico City. It was here that an earthquake of unrivalled intensity struck during the month of September (Collins 1991, 114)

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Notre exemple de l’ancien français montre que les argument peuvent également figurer dans les clivées du type 2 : (12) Ces nouvelles vinrent a la roine et a messire Jehan de Hainnau que li rois et li Espensiers estoient pris, et que ce estoient chil qui waucroient par mer en la barge. (MCVF, FROISSART, 89.1085)

Finalement, le type 3 de Collins combine la clivée focalisée avec une subordonnée exprimant du contenu nouveau, il est parfois appelé « tout focus » ou « thétique ». Ce type n’est pas particulièrement important pour notre discussion, et il est parfois difficile de le distinguer du type 2. L’exemple cité par Collins est reproduit dans (13). L’exemple (14), extrait de la Quête du Graal, est proche du type 3, mais il n’est pas tout à fait certain que l’adverbial celui jor meismes soit focalisé. (13) It was in mid-September that a natural disaster of unrivalled intensity struck the capital city of Mexico. Thousands of people were killed and large sections of the city reduced to rubble. (Collins 1991, 114) (14) Si acoillirent leur chemin tuit troi ensemble, si ont tant chevauchié qu’il vindrent vers le chastel as puceles, et ce fu celui jor meïsmes que li chastiaux fu conquis (MCVF, QUESTE, 53.1893)

Dans le corpus MCVF, les constructions des types 2 et 3 ne sont en général pas annotées comme des clivées (c’est-à-dire que les subordonnées n’ont pas l’étiquette CP-CLF, mais sont en général annotées comme une phrase relative, CP-REL), mais il y a des exceptions. Le critère de l’attribution de cette étiquette pourrait être celui de l’anaphoricité appliqué par Prince, Collins et d’autres, mais le guide du corpus de fournit pas de critères clairs. Retenons en tout cas que la condition de mono-propositionalité posée par la définition de Lambrecht (2001, 467) est satisfaite pour les trois types distingués par Collins 2. Dans un deuxième temps, nous comparons nos résultats à ceux fournis par l’analyse de Dufter (2008). Nos données indiquent une fréquence décroissante des CCs entre 1100 et 1400, et une augmentation au 15e siècle. Ces fréquences diffèrent de celles de Dufter qui, ne disposant pas de corpus syntaxiquement annotés, a utilisé des requêtes portant sur des structures de surface, par exemple « démonstratif + formes de être + XP + pronom relatif ». Il distingue également entre les différents types de CCs et soutient que le 2



Il y a lieu de remarquer que toutes les CC françaises ne satisfont pas le critère de la mono-propositionalité, cf. par exemple c’est pour cela que et d’autres structures de ce type citées par Blanche-Benveniste (2006). Nous pensons cependant que ces cas concernent un nombre limité de structures d’une fréquence élevée et qui sont relativement figées.

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type 2 n’apparaît pas avant 1550 (nous avons pourtant trouvés des occurrences antérieures, comme (12)), et que les structures du type 2 sont à l’origine de l’augmentation des clivées dans les époques plus récentes. De cette manière il argumente contre l’« hypothèse de compensation » avancée par Kroch (1989), en soulignant que le véritable essor des clivées n’a lieu que relativement tard, entre 1500 et 1900, longtemps après la disparition du verbe en deuxième position, du sujet vide et de l’accent lexical. Période

Fréquence abs.

12

e

21

0,001247

16841

13e

11

0,000913

12047

14e

12

0,000485

24764

40

0,002197

18203

84

0,001169

71855

15

e

Total

Fréquence rel.

Phrases

Tableau 1 : Fréquences des constructions clivées (CP-CLF) en ancien et en moyen français, dans MCVF.

Une des raisons pour laquelle les fréquences relevées par Dufter sont assez différentes des nôtres entre le 13e et le 15e siècle pourrait être l’annotation du corpus MCVF. Nous avons déjà fait allusion au problème méthodologique de l’annotation syntaxique qui fait que l’étiquette CP-CLF, sur laquelle nous avons appuyé nos premières requêtes, traduit une interprétation contextuelle qui n’est pas toujours fiable (et qui à notre avis ne peut jamais l’être dans un texte historique). Dans la partie suivante nous analyserons de plus près les pratiques d’annotation concernant les CCs de plus près. Nous n’espérons pas ajouter des éléments nouveaux aux analyses historiques détaillées fournies dans les travaux de Rouquier et de Wehr ; il s’agira plutôt de présenter les problèmes méthodologiques d’une telle annotation syntaxique.

3.3 Phrases clivées et annotation syntaxique des corpus Le problème de l’annotation des CCs dans les corpus est évident, car il s’agit d’une structure qui est déterminée au niveau de la structure informationnelle (SI). Son interprétation dépend donc de la classification d’un élément (topique ou focus) par rapport au contexte (propos ou arrière-plan). Les CCs se greffent sur la structure syntaxique esquissée dans l’introduction en y ajoutant des marques prosodiques. Celles-ci ne sont pas présentes à l’écrit, mais elles sont récupérables en interprétant le contexte et en en inférant les connaissances du locuteur. Dans un texte médiéval, l’interprétation dépend

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de nos connaissances de cette langue (en général bonnes) et des faits décrits (variables, en général lacunaires), mais aussi de la façon de penser des lecteurs. Nous avons dit que la phrase clivée à focus accentué évoque un paradigme (ou des alternatives). Ce processus d’évocation fonctionne suivant le modèle de l’implicature conventionnelle (Karttunen & Peters 1979, 13 et 40). Or, il est extrêmement difficile de spéculer sur les implicatures qui pourraient avoir été déclenchées conventionnellement à une époque antérieure. L’affinement des propriétés traditionnelles ‘ancien’ et ‘nouveau’ par Prince ne peut résoudre ce problème, mais c’est un pas dans la bonne direction : elle définit le concept des informations données (givenness) dans la perspective du locuteur et de l’auditeur (Prince 1981, 226-231) et développe la distinction entre ‘ancien/nouveau dans le discours’ et ‘ancien/nouveau pour l’auditeur’ (discourse-old/discourse-new and hearer-old/hearer-new, Prince 1992, 302 sqq.). Elle permet en tout cas de mieux catégoriser les relations pertinentes pour la définition de la valeur informative, et ces catégories sont en effet appliquées à des corpus historiques des langues germaniques et romanes dans le cadre du projet ISWOC 3. Le but du projet MCVF n’était pas de fournir une annotation au niveau de l’IS. Mais le modèle grammatical est inspiré de la grammaire générative, où l’IS est considérée comme partie intégrante de la syntaxe, projetant des positions pour le topique et le focus dans la périphérie gauche de la phrase. En plus des problèmes de catégorisation de la phrase subordonnée dans les CCs, cette affinité est peut-être à l’origine de la présence d’une catégorie CP-CLF dans les corpus historiques, anglais et français, annotés suivant le modèle de l’UPenn. Avant de poursuivre notre analyse des emprunts possibles nous allons donc regarder de plus près la différence entre les deux annotations de la subordonnée, partie d’une CC (CP-CLF) ou relative « normale » (CP-REL). Nous limitons cette analyse aux textes d’ancien français du MCVF, couvrant la période de la Chanson de Roland (fin du 11e siècle) jusqu’aux Mémoires de Joinville (début du 14e siècle). Ils contiennent 361283 mots ou 23558 phrases. Dans les structures à constituants du MCVF, les candidats potentiels d’une CC non annotée CP-CLF sont les constructions attributives, c’est-à-dire copule plus NP-PRD suivi d’une subordonnée. La subordonnée est normalement enchâssée sous le groupe nominal (162 occurrences) ou, dans le cas des groupes nominaux discontinus sous le nœud phrasal (85 occurrences). Dans les deux exemples suivants, il ne s’agit clairement pas de constructions clivées : dans (15) la subordonnée est annotée CP-REL et coïndexée avec une tête 3



Information Structure and Word Order Change in Germanic and Romance Languages, cf. ‹ http ://www.hf.uio.no/ilos/english/research/projects/iswoc/ › (8.4.2014).

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nominale vide, tandis que dans (16) elles est analysée comme une complétive (CP-THT) et coïndexée avec le pronom démonstratif. (15) C’ [ ] i fantosmes [CP-REL vos dites] i (16) que [ce] i est [NP-PRD reisons de justise] [CP-THT que cil qui autrui juge a tort doit de celui meïsmes mort morir que il li a jugiee] i

Dans (17), par contre, le contexte prouve qu’il s’agit d’une CC qui marque le focus contrastif (fame vs anemis), et dans (18) la construction clivée oppose anemi à tous les autres qui auraient pu amener Perceval à cet endroit : (17) et il cuide bien que ce soit fame a qui il parole, mes non est, ainz est li anemis qui le bee a decevoir… (MCVF, QUESTE, 91.3240-3) (18) Et quant Perceval voit ceste aventure si s’aperçoit bien tantost que ce est l’anemi qui ça l’avoit aporté por lui decevoir et por metre a perdicion de cors et d’ ame . (MCVF, QUESTE, 92.3281)

Cette interprétation de (18) coïncide d’ailleurs avec la traduction fournie dans l’édition de la BFM 4 : « il comprend aussitôt que c’est L’Ennemi qui l’a mené jusque là pour le tromper et pour le perdre ». Mis à part ces exemples « faciles » il y a un certain nombre de constructions où nous favoriserions l’interprétation d’une CC, mais où un doute persiste. Il en est ainsi de (19) : dans un contexte où une grande fête commence et où tout le monde rend honneur au chevalier, ce soit cil par qui peut être interprété comme un focus exhaustif (‘seul Galaad’) ou contrastif (Galaad par opposition aux autres chevaliers). Une lecture contrastive est également défendable pour ce estoit cil dans (20). Les subordonnées dans les deux phrases sont annotées CP-REL dans le corpus MCVF. (19) … car bien pensent que ce soit cil par qui les merveilles dou saint Graal doivent faillir (MCVF, QUESTE,9.309) (20) Et Lancelot qui mout volentiers le resgardoit por la merveille qu’il en a conoist que ce estoit cil que il a hui fet chevalier novel.

Nous ne reverrons pas en détail l’interprétation des structures qui sont des CCs potentielles, mais nous insistons sur le problème de leur identification dans les textes historiques. La tentative de désambiguïser ces structures a ses mérites, mais le modèle grammatical du corpus MCVF place les CP-CLF au même niveau de son ontologie que les autres types de subordonnées, c’està-dire les relatives (CP-REL) ou les complétives (CP-THT). À notre avis, l’information concernant la valeur informationnelle se situe à un niveau diffé ‹  http ://txm.ish-lyon.cnrs.fr/bfm/ › (9.4.2014) ; Quête du Graal, éd. publiée par Christiane Marchello-Nizia.

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rent de l’annotation syntaxique ; elle devrait par conséquent être représentée différemment. Puisque nous voulons vérifier l’hypothèse de l’emprunt pragmatique, c’est-à-dire la possibilité d’une réinterprétation pragmatique d’une structure existante dans une situation de contact, il y a lieu de faire abstraction de cette opposition. D’un point de vue pratique (concernant les requêtes) nous devrons donc généraliser nos requêtes et y inclure les constructions prédicatives mettant en jeu un attribut et une subordonnée relative, le pronom de la phrase principale pouvant être exprimé ou non. Nous utiliserons l’abréviation PRED+REL pour cette construction et donnons quelques exemples. 5 Dans (21) la relative détermine l’attribut. Dans (22), la relative est extraite de sa position sous le pronom démonstratif, laissant une trace annotée par *ICH*. Les deux structures se rencontrent également avec des sujets vides. (21) Ço ert [NP-PRD uns reis [CP-REL qu’il ocist en Denemarche]]. (MCVF, ROLAND,114.1500) (22) [Cil [*ICH*-1]] sunt vassal [CP-REL-1 ki les oz ajusterent]. (ROLAND,258.3549)

Ces constructions PRED+REL ont ajouté 141 occurrences aux 84 occurrences étiquetés CP-CLF. Elles ont exactement la même structure de surface, mais elles n’ont pas été interprétées comme des clivées par les annotateurs du corpus MCVF. Nous sommes persuadés que les structures PRED+REL sont tout aussi pertinentes pour notre analyse, et nous y reviendrons dans l’interprétation de nos résultats dans la partie 3.5.

3.4. Le informative-presupposition cleft en ancien anglais Dans cette partie, nous allons présenter les CCs dans les époques antérieures de l’anglais pour répondre à la question de savoir si ces structures pourraient avoir été empruntées au français médiéval, à une période de contact linguistique intense. Nous rappelons que d’une manière générale, nous pouvons supposer que les emprunts grammaticaux (dans le sens de Appel & Muyskens 1987, cf. aussi les autres références dans l’introduction) étaient la conséquence possible d’une telle situation. Il s’agira ici de vérifier si des emprunts pragmatiques avancés par Prince (1988) ont également pu avoir lieu. Nous présenterons les données de l’ancien français et du moyen anglais et nous analyserons deux types de CC qui pourraient être des candidats pour les emprunts pragmatiques. Le premier est le it cleft du type 2 (infomative

5

La requête précise mise en oeuvre dans CorpusSearch est la suivante : (IP* idoms NP-SBJ) AND (NP-SBJ idoms PRO) AND (PRO idoms [CcÇçZz][eio]|[CcÇçZz] [eio].) AND (IP* idoms NP-PRD*) AND (IP* idoms ! CP-CLF*) AND (NP-PRD* idoms CP-REL*).

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presupposition), le deuxième est le it cleft pronominal (qui n’est pas associé à un type particulier). Les exemples de l’ancien anglais ont été extraits du York-Helsinki Parsed Corpus of Old English Prose (Taylor et al. 2003), un corpus composé d’un échantillon représentatif de 100 textes en prose (environ 1,5 millions de mots), basé sur la partie diachronique du Helsinki Corpus of English texts. Pour faciliter les comparaisons nous avons cherché d’abord les structures étiquetées CP-CLF (85 occurrences). Il est surprenant que 47 occurrences proviennent de la Ecclesiastical History of the English People par Bède (terminée environ en 731). Bède s’appuyait sur un certain nombre de sources latines, comme par exemple Adversus Paganus de Orosius. L’influence exercée sur l’ancien anglais par le latin a été discutée entre autres par Löfstedt (1966), Ball (1994) et Filppula (2009), et elle est corroborée par nos données. Le deuxième texte par rapport à la fréquence des CCs est la Cura Pastoralis, traduite par Alfred le Grand en ancien anglais. La construction que Bède utilise abondamment est la clivée « informativeprésuppositionnelle » (type 2) avec it, parfois appelée « clivée temporelle » à cause de son association étroite avec les adverbiaux de temps : (23) þa wæs fram Cristes hidercyme hundteontig & fiftig & six gear, þæt Marcus, oþre naman Antonius, se who wæs was feowerteoþa fourteenth fram from Agusto Augustus þam casere, emperor se he onfeng received Romwara Roman rice empire mid with Aurelia Aurelius his his breðer.

‘then was from Christ’s advent hundred and fifty and six year that Marcus further name Antonius who was fourteenth from Augustus the emperor he received Roman empire with Aurelius his brother’ (Bède_1 :4.32.1.248)

La phrase est introduite par l’adverbe þa ‘alors’, le sujet est omis, le prétérit waes du verbe beon est suivi de l’adverbial temporel « lourd » ‘de l’arrivée du Christ 156 années’, suivi par le relateur (conjonction ou pronom relatif) þæt, le sujet Marcus, et le reste de la phrase. L’adverbial spécifie l’arrière-plan temporel de l’événement exprimé par la subordonnée, dont l’information est nouvelle pour le lecteur. Cette structure ressemble au type 2 de la classification de Collins, cf. exemple (13). Nous citons un deuxième exemple de ce type dans la Cura Pastoralis, avec sa version latine : (24) For ðæm wæs eac ðætte Sanctus Petrus ærest towearp ðæt ðæt he eft timbrede. lat. : hinc est quod Petrus prius evertit, ut postmodum construat (CP :58.443.2.3158)

Une fois de plus, le sujet est omis, ce qui peut être favorisé par l’original latin. La phrase est introduite par le groupe prépositionnel for ðæm ‘pour cela’, suivi par le prétérit de beon ‘être’, suivi par l’adverbe eac ‘avant’. Le rela-

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teur ðætte est suivi du sujet Sanctus Petrus. Tout comme dans (23), le groupe prépositionnel donne l’arrière-plan, qui indique ici la cause de l’événement décrit par la subordonnée, également nouvelle pour le lecteur. Le tableau 2 indique les structures principales des CCs de l’ancien anglais, suivant le corpus YCOE. Construction (hit) + beon + Adv-Temp + þæt

Occ. 59

(hit) + beon + GP + þæt

9

(hit) + beon + GN + þæt

11

(hit) + beon + élément wh + þæt Total

6 85

Tableau 2 : Types de constructions clivées en ancien anglais (YCOE)

3.4. La construction clivée avec it en moyen anglais Le deuxième type de construction qui pourrait être considéré comme emprunt pragmatique se rencontre dans les textes du moyen anglais. Le PennHelsinki Parsed Corpus of Middle English 2 (Kroch & Taylor 2000) est composé de 55 extraits de textes avec environ 1,2 millions de mots, pris du Helsinki Corpus of English texts. Nous avons repris les quatre périodes distinguées par les éditeurs du corpus : M1 (1150-1250), M2 (1250-1350), M3 (1350-1420) et M4 (1420-1500). Tout comme dans le YCOE, nous nous sommes servis de l’annotation CP-CLF pour récupérer les CCs. Nous en avons trouvé 92 occurrences en tout, ce qui représente une légère augmentation par rapport à l’ancien anglais. Mais ce qui importe davantage est le fait que les fréquences des différents types de construction sont différentes : contrairement au YCOE, le PPCME2 contient des occurrences de CC pronominales (pronoun it clefts). Leur fréquence augmente au cours du moyen anglais, et elles représentent un taux de 26% de toutes les CCs dans les périodes M3 et M4 (cf. aussi Ball 1991 et 1994). 6 L’exemple (25) est tiré de la Morte Darthur de Malory : 7 (25) ‘Hit was I,’ seyde Balyn, ‘that slew this knyght in my defendaunte ;’ « ‘It was I’, said B., ‘that slew this knight in my defense.’ » (MALORY, 53.1762) 6



7



La différence entre l’ancien anglais et le moyen anglais est nette, mais elle n’est pas absolue, comme nos résultats semblent le suggérer, puisque Ball (1994) cite trois exemples de pronoun it cleft en ancien anglais qui ne sont pas répertoriés dans le YCOE. Tous les exemples du moyen anglais sont cités d’après le corpus PPCME2.

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La phrase est introduite par le pronom explétif hit (it en anglais moderne) suivi par le prétérit du verbe to be. Puisque Balyn répond à la question Which of two knyghtes have done this dede ? (Lequel des deux chevaliers a commis ce fait ?), le contexte indique que le pronom personnel I est focalisé (focus partiel ou contrastif), et par conséquent la subordonnée qui suit indique l’information connue (background). Le deuxième exemple (26) est tiré du New Testament d’après la version de John Wycliffe : (26) and he it is, that spekith with thee. « and he it is that speaks with you » (NTEST, 9,20J.940)

Il montre que le pronom sujet he peut se placer également en position initiale, avant le pronom explétif it et la forme fléchie de la copule be. Le statut informationnel est moins clair que dans l’exemple précédent. Une fois de plus, la CC répond à une question (Who is he, that Y bileue in hym ? « Qui estil, que Y croit en lui ? »), mais elle ne focalise pas sur un choix à l’intérieur d’un paradigme de référents potentiels, mais sur la surprise exprimée par le locuteur. L’interprétation est donc plutôt celle d’une CC type 2 (informative presupposition cleft). Selon Ball (1994, 618 sqq.) l’exemple (26) représente la période initiale du développement de la clivée pronominale. À cause de la perte des clitiques d’objet, l’ordre pronom+it+be a cédé sa place à l’ordre it+be+pronom, la clivée pronominale. Ball note qu’elle se rencontre dans les traductions de textes français vers l’époque tardive du moyen anglais. Ce qui est important pour notre argumentation, c’est que ce type de clivée semblerait être une innovation en moyen anglais, non seulement concernant le pronom en position focalisée, mais aussi par rapport au topique qui pouvait visiblement être exprimé dans cette position. Ce fait sera pertinent pour l’interprétation globale de nos résultats plus bas. Le tableau suivant indique les constructions principales des CCs en moyen anglais : Construction (h)it + ben + Adv-Temp + that (h)it + ben + élément wh + that (hit) + ben + GN + that (hit) + ben + pronom + that Total

Occ.

Occ.

Occ.

Occ.

Total

5 13 4 1 23

0 6 2 0 8

7 3 11 14 35

4 3 9 10 26

16 25 26 25 92

Tableau 3 : Types de constructions clivées en moyen anglais (PPCME2)

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Si l’augmentation des fréquences de ce type de CC était la manifestation d’un emprunt pragmatique, nous nous attendrions à trouver des indicateurs de son origine étrangère, comme par exemple une corrélation entre les fréquences et l’origine, française ou latine, de certains textes. Le tableau 4 liste les textes des périodes cruciales M3 et M4 qui montrent cette construction et fournit des informations à propos de leur origine, dans la mesure où elle est connue. On voit aisément que presque tous ces textes sont d’origine française ou latine. Nous nous sommes basés sur les descriptions des textes dans le corpus d’Helsinki, le PPCME2, et le corpus eLALME (McIntosh et al. 2013). Texte

Occ.

Origine

10

 ?

Wycliffe : New Testament

2

latine

Purvey : General Prologue to the Bible

1

latine

English Wycliffite sermons

1

latine

Aelred of Rivaulx : De Institutione Inclusarum

2

française

Capgrave : Chronicle

2

latine

Malory : Morte Darthur

6

française

Période M3 (1350-1420) Julian of Norwich : Revelations of Divine Love1

Période M4 (1420-1500)

Tableau 4 : pronoun it clefts en moyen anglais et orgine des textes

Dans la partie 3.2, nous avons remarqué que ce en ancien français, dont le it explétif anglais serait alors l’équivalent, a une valeur potentiellement anaphorique, qui se réalise dans les CCs des types 2 et 3, et que cette ambiguïté ne peut que difficilement être exclue. Nous avons également fait allusion aux limites que cette ambiguïté impose à l’annotation des clivées, pratiquée dans les corpus historiques de l’université de Pennsylvania. C’est pourquoi nous nous sommes décidés à ne pas nous fier entièrement aux constructions annotées CP-CLF, mais à inclure dans nos requêtes les constructions attributives, avec sujet réalisé ou omis, suivies d’une subordonnée relative, donc : « (sujet)-copule-attribut-relative » (nous abrévions « PRED+REL »). Dans la figure 1 nous opposons les fréquences des CCs annotées CP-CLF (courbe d’en bas, dans la légende : CLF-tags) à celles des constructions PRED+REL 8 Cf. aussi les remarques de Patten (2012, 191) à propos du texte de Julian de Norwich.

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(courbe d’en haut, dans la légende : predicatives). On voit que les constructions PRED+REL atteignent leur maximum dans la première période M1 du moyen anglais, puis leur fréquence baisse de M2 à M4. Or, si nous comparons les fréquences relatives des constructions PRED+REL en moyen anglais à celles de l’ancien français, il s’avère que la fréquence relative ainsi que l’écart type sont plus élevés en moyen anglais. Comment interpréter ces données ? Nous observons d’abord que dans les deux langues, ancien français et ancien/moyen anglais, les structures PRED+REL étaient fréquentes, indépendamment de leur structure informationnelle. Les pointes des fréquences relatives en moyen anglais sont dues à un nombre limité de textes, comme par exemple Ayenbite of Inwyt, une traduction directe de La somme le roi (Gradon 1965). La figure 2 montre que les textes présentant les fréquences PRED+REL les plus élevées sont tous des textes influencés par le français ou le latin, voire des traductions. Le texte St. Juliana (période M1) est basé sur un original latin et montre une fréquence de PRED+REL de 0,032. Le Ayenbite of Inwyt (période M2) est traduit du français et montre une fréquence relative de 0,035. Le Sermon de Dan Jon Gaytryge (période M3) est copié d’un original latin et montre une fréquence relative de 0,05. Et le Book of Vices and Virtues de la même période est basé sur un original français et montre une fréquence relative de 0,041.

Figure 1 : Fréquences relatives des constructions PRED+REL et CP-CLF en moyen anglais

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Figure 2 : Fréquences relatives des structures PRED+REL dans le PPCME2

Deux exemples extraits du Ayenbite of Inwyt pourront démontrer la nature ambiguë de ces constructions. Dans (27a) nous voyons le moyen anglais, dans (27b) l’original en ancien français, selon l’édition de Frère Laurent (2008) 9. (27) a. þet oþer heaued of þe kueade beste : is enuie. þet is þe eddre / þet al / nuenymeþ. (AYENBI, 26.408) « The second head of the evil beast is envy. That is the adder that all poisons. »

b.Li seconz chiés de la beste d’enfer est envie : c’est li serpenz qui envenime tout. (SOMME, ch33-par2)

(28) a. þanne he becomþ ribaud. holyer. and þyef and þanne me hine anhongeþ. þis is þet scot : þet me ofte payþ. (AYENBI, 51.907-9) « Then he became bawdy and lecherous and a thief and then man him crucified. This is that price that man often pays. » b. puis devient ribauz et houliers et lerres, et puis le pent on. C’est l’escot que il en paie sovent. (SOMME, ch38-par28)

Il s’agit d’un traité de la morale chrétienne, les différents vices et vertus sont décrits l’un(e) après l’autre. Dans (27) la nature de l’envie est le topique, introduit dans la première phrase. Dans la deuxième phrase, þet et ce sont anaphoriques, renvoyant à enuie et envie, respectivement, et introduisent le

9

Pour une comparaison des versions française et anglaise, cf. aussi Carruthers (1986).

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nouvel attribut edder/serpenz. Le statut du topique est corroboré par l’article défini. (28) est construit de manière analogue, les clivées sont introduites par þis et ce. La construction ressemble au type 2 des CCs. Un autre indice du fait que cette construction a été introduite par les textes français est la traduction partielle du Roman de la rose par Chaucer. L’œuvre anglaise est un poème sous forme d’une vision allégorique qui enseigne au lecteur l’art de l’amour. Dans notre extrait (Figure 3), la colonne de gauche contient le texte original, la colonne de droite la traduction de Chaucer en moyen anglais, d’après l’édition de Kaluza (1891). Dans la première ligne de cet extrait, covetise est introduite. Les lignes suivantes se réfèrent à ce vice en utilisant de manière stéréotypique la construction And it is she that… correspondant à C’est cele qui… dans l’original français. Nous sommes donc à nouveau en présence d’une CC du type 2, puisque la structure introduit le pronom comme topique, la subordonnée apportant l’information nouvelle.

Après fu painte Coveitise : C’est cele qui les gens atise De prendre et de noient donner, Et les grans avoirs aüner. C’est cele qui fait à usure Prester mains por la grant ardure D’avoir conquerre et assembler. C’est cele qui semont d’embler Les larrons et les ribaudiaus ; Si est grans péchiés et grans diaus, Qu’en la fin en estuet mains pendre. C’est cele qui fait l’autrui prendre, Rober, tolir et bareter, Et bescochier et mesconter ; C’est cele qui les trichéors Fait tous et les faus pledéors, Qui maintes fois par lor faveles Ont as valés et as puceles Lor droites herités tolues.

And next was painted Covetise, That eggeth folke in many a gise, To take and yeve right nought againe, And great treasoures up to laine. And that is she, that for usure Leneth to many a creature The lasse for the more winning, So covetous is her brenning, And that is she for pennies fele, That teacheth for to robbe and stele These theeves, and these smale harlotes, And that is routhe, for by hir throtes, She maketh folke compasse and cast To taken other folkes thing, Through robberie, or miscoveting. And that is she that maketh treachours, And she maketh false pleadours, That with hir termes and hir domes, Done maidens, children, and eke gromes, Her heritage to forgo :

Figure 3 : Extrait du Roman de la rose et sa traduction en anglais par Chaucer

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4. Conclusion Dans cet article nous avons présenté notre recherche d’indices en faveur de l’hypothèse que dans une situation de contact linguistique intense, les emprunts pragmatiques peuvent se manifester. Nous avons appliqué cette idée à une situation de contact historique et à une structure particulière, la construction clivée (CC), en nous appuyant sur des corpus de l’ancien français, de l’ancien et du moyen anglais. Nous avons constaté que dans ce cas particulier il ne suffisait pas de s’appuyer sur la distinction entre subordonnée d’une construction clivée et phrase relative « normale », pratiquée dans l’annotation syntaxique des corpus. En revanche, en évaluant les constructions non marquées comme des clivées, c’est-à-dire les constructions attributives modifiées par une subordonnée relative (abréviées PRED+REL) nous avons pu identifier le type 2 des CC, avec pronom anaphorique, qui n’apparaît qu’en moyen anglais. Le résultat le plus saillant était une forte augmentation au début de l’époque du moyen anglais que nous avons associée avec l’essor des CCs du type 2 et le fait que les CCs prévalent dans les textes d’influence ou d’origine latine ou française. En effet, il semblerait que les traducteurs copiaient la structure PRED+REL des textes français. Nous pensons que nos données se marient bien avec la notion de l’emprunt pragmatique définie par Prince (1988). En appliquant sa définition à l’essor des CCs en général et du type 2 pronominal en particulier, nous arrivons à la conclusion suivante : il est possible que la forme syntaxique du it cleft pronominal en ancien français ait été construite par les locuteurs anglais de manière analogue à leurs constructions natives, et que les fonctions discursives de la construction aient été empruntées au français et associées avec le it cleft pronominal en moyen anglais. La prédomination de la construction PRED+REL peut être considérée comme un facteur qui a accéléré ce processus de changement induit par le contact linguistique. Université de Stuttgart Université de Mannheim

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Le rôle de l’italien dans la formation de la terminologie cambiale française

1. Où en sont les études sur l’histoire de la terminologie cambiale L’histoire du langage commercial n’est pas une page entièrement blanche de l’histoire du français, mais peu s’en faut (cf. Rainer 2006). Dans la présente étude, je me pencherai sur l’origine de la terminologie cambiale, c’est-à-dire celle des lettres de change, qui compte parmi les plus anciennes parcelles du langage commercial à avoir atteint le statut de langue de spécialité, avec une terminologie propre plus ou moins impénétrable aux non-initiés. Cotrugli l’avait déjà écrit avec raison en 1458 : « lo cambio […] è dificile ali ignoranti » (p. 200). Et même un théologien et juriste de la taille de Hernando de Soto admettait qu’en matière de change « praeter negotiatores rari sumus, etiam inter scholasticos, qui facta ipsa intelligamus » (Soto 1558, 445). La seule étude d’une certaine envergure qui ait été dédiée à ce sujet est le livre de Kuhn de 1931, une thèse sur le langage commercial français du 17e siècle écrite à Leipzig sous la direction de Walther von Wartburg. Les résultats de ce travail méritoire ont été exploités par le FEW de Wartburg, ainsi que par le TLF et le DHLF, qui reprennent une bonne partie des datations de Kuhn, comme on peut le voir dans le tableau 2. Le travail de Kuhn se base pour l’essentiel sur les ordonnances de 1673, sur le Parfait negociant de Savary (1675, 2e éd. 1679), ainsi que sur la correspondance de Colbert. Pour la période antérieure, Kuhn s’est basé sur le témoignage des dictionnaires. Le travail donne donc une image représentative de la terminologie cambiale de la deuxième moitié du 17e siècle, mais ne peut aucunement servir de base pour une histoire de cette terminologie depuis ses origines. C’est ce qui ressort très clairement des données du tableau 1, qui divise les termes du tableau 2 en sept strates chronologiques et fait voir le nombre de termes attribuables à chaque strate selon Kuhn et selon mes propres dépouillements.

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FRANZ RAINER

Kuhn (1931) −1399 1400−1449 1450−1499 1500−1549 1550−1599 1600−1649 1650− Σ

3 12 29 44

Dépouillements propres 1 5 4 11 33 18 15 87

Tableau 1 : Premières datations selon Kuhn et moi-même

Si la moitié des termes de Kuhn est datée de la seconde moitié du 17e siècle, cela reflète évidemment le corpus sur lequel il a travaillé. Pour pallier les limitations de ce corpus, j’ai dépouillé en plus les traités de change les plus importants publiés depuis 1543 et, pour les époques plus reculées, des ordonnances concernant les changes et des documents d’archives pertinents publiés par les historiens du commerce. Si le gros de mes premières datations se concentre sur le 16e siècle, cela est dû au fait que c’est à cette époque que commencent à se publier en langue française les premiers traités de change ou, plus généralement, sur le commerce. Mes premières attestations reflètent donc en premier lieu une réalité éditoriale : plusieurs des termes attestés pour la première fois au 16e siècle avaient certainement été en usage dans les milieux d’affaires avant, mais n’ont pas eu l’opportunité d’être transmis par écrit, ni dans des manuels pour marchands, ni dans des documents commerciaux ou juridiques, les seuls types de texte où une terminologie aussi spécialisée avait des chances d’être utilisée à l’écrit. Malgré ces limitations, mes dépouillements donnent une image raisonnablement fidèle de l’histoire de la terminologie cambiale en français. La lettre de change s’est développée vers 1300 en Italie et de là s’est diffusée dans les siècles suivants dans l’Europe entière 1. En ce qui concerne la France, les foires de Champagne auront servi comme première occasion de contact avec cette nouvelle technique commerciale : le premier exemple de change au sens de

1

La bibliographie sur l’histoire de la lettre de change est très longue. Je me limite ici à signaler les ouvrages fondateurs de Levy-Bruhl (1933) et De Roover (1953), ainsi que Hilaire (1986) et Denzel (1994). Sur les foires de Champagne, cf. Bourquelot (1865), sur celles de Genève, Borel (1892, 136-142), et sur les foires de Lyon, Vigne (1903) et Brésard (1914). Sur l’histoire de la terminologie cambiale espagnole, cf. Rainer (2003).

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LE RÔLE DE L’ITALIEN DANS LA TERMINOLOGIE CAMBIALE FRANÇAISE

“négoce des lettres de change” se trouve en effet dans les Privileges de Foires de Brie, et Champagne, du 6 août 1349, celui de lettre de change en 1400–1401. À partir de 1420, les foires de Lyon, qui au 16e siècle feront office de chambre de compensation pour la haute finance européenne, prennent la relève. Au 16e siècle, Anvers devient l’autre centre du commerce international où la langue française était la langue des affaires la plus importante (cf. Rainer 2007, où j’ai montré que l’italien bilancio est entré par deux portes en français, sous la forme de bilan à Lyon et sous celle de balance à Anvers). Sur toutes ces places, les marchands et banquiers italiens étaient bien représentés, contribuant ainsi à la diffusion de la technique et de la terminologie cambiales. Nous reviendrons sur l’influence linguistique des Italiens dans les sections 2 et 3 de ce travail. Terme cambial acceptant acceptation accepter accepteur arbitrage argent de change argent (mis) en banque arrière-change avantage bailleur bénéfice bilan billet de change cambiste certain change(s)1 change2 “prix du change, intérêts” change3 “place du change” change, bailler à/en ~ change, faire (le) ~ change, prendre à/au/ sur le ~ change sec 2

ici 1673 1561 1561 1675 1675 1604 1573 1463 1561 1543 1619 1567 1617 1675 1619 1349

Kuhn 1664 1630 1679 1673 1675 — — 1684 s.d. — 1690 1636 1673 1675 — s.d.

FEW 1723 1679 1679 1679 1700 — — 1675 — — — — 1690 1675 1834 1538

TLF — 1694 — 1751 1704 — — — — — 1690 — 1675 — —

DHLF 1723 1679 1679 1751 déb. 18e — — — — — — — 1680 1675 1738 s.d.

DMF — — — — — — — 14622 — — — — — — — 1462

1463

1653

16 e







1625 1419 1419

1563 — —

1690 — —

— — —

— — —

— — —

1543

1679









1543











S.v. change.

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60 Terme cambial changer changes, tenir sur les ~ compte1 “date du commencement des Payements” compte2 “prix du change” contre-change cours du change courtier de change dénégation déposant déposit déposite déposito dépôt discompte discompter donneur d’ordre endossement endosser endosseur étroit étroitesse incertain large lettre d’avis lettre de change lettre de remise lettre faite lettre vue mandant mandataire monnaie de change ordre pair pari pary per payement(s) porteur

FRANZ RAINER

ici 1561 1573

Kuhn — —

FEW — —

TLF — —

DHLF — —

DMF — —

1604











1561 1543 1561 1602 1673 1575 1619 1551 1604 1547 1656 1656 1675 1673 1673 1673 1551 1544 1619 1544 1543 1400-01 1630 1561 1561 1625 1625 1561 1656 1576 1561 1565 1561 1551 1537

— — 1679 1679 — — — 1555 — 1595 1671 1723 1675 1636 — 1664 — — — — 1679 1563 — — — — 1667 — 1664 1662 — — — 1667 1630

— — — — — — — — — — 1671 1723 — 1636 1636 1675 — — 1753 — 1690 1671 — — — — — — 1679 1578 1723 — — 1667 1679

— — — s.d. — s.d. — — — s.d. — — — 1611 1600 1664 — — — — 1798 1690 — — — — — — 1675 1578 — — — — 1675

— — — — — s.d. — — — — — — — 1611 1600 1664 — — — — s.d. 1671 — — — — — — 1675 1578 — ­— — — 1675

— — — — — — — — — ? — — — ? — — — — — — — 1400-01 — — — — — — — — — — — — —

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LE RÔLE DE L’ITALIEN DANS LA TERMINOLOGIE CAMBIALE FRANÇAISE

Terme cambial preneur présentation présenter prix du change protestation protester protêt provision1 “intérêt” provision 2 “provision” provision 3 “commission”

ici 1543 1625 1604 1543 1463 1604 1419 1547 1673 1561

Kuhn — — 1630 1673 1630 1630 1630 — 1643 1679

FEW — 1690 1630 — 1462 1611 1630 — 1643 1679

rechange

1419

1620

1620

rechanger refus refuser remettre remise retour sous protêt sur protêt, surprotêt tirer tireur traite us uso usance valeur voir la lettre

1561 1561 1561 1463 1551 1561 1604 1561 1565 1664 1581 1678 1565 1543 1561 1604

— — — s.d. 1653 1669 — — 1630 1664 1653 — — 1655 1673 —

— — — 1679 1723 — — — 1630 1664 1679 — — 1655 1549 —

TLF — — — — 1462 1611 1630 — 1643 — 160508 — — — — — 1679 — — 1630 1664 1675 — — 1653 — —

DHLF — — — — 1462 1611 1630 1679 1643 1679 déb. 17e — — — — — — — — 1636 1663 1679 — — 1655 — —

DMF — — — — — — — — — — — — — — — — — — — — — — — — — — —

Tableau 2 : Dates de première attestation

2. La terminologie cambiale Dans ce qui suit, je ne fournirai une documentation explicite que pour les termes que je n’ai pas déjà traités pour le TLF-étym. Dans ce dernier cas, un renvoi à ce site de l’ATILF sera suffisant, étant donné que les entrées du TLF-étym sont facilement accessibles pour tout le monde par internet 3. Cette 3



Cf. ‹ http ://www.atilf.fr/tlf-etym ›.

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FRANZ RAINER

façon de procéder permet de réduire au minimum les redondances. Pour plus d’information sur les termes français marqués dans le texte d’un astérisque, le lecteur est prié de consulter le glossaire à la fin du travail. Pour ne pas alourdir inutilement cet article, les citations seront réduites à l’essentiel, tant dans le texte même que dans le glossaire. L’activité dont il est question ici, c’est-à-dire le négoce des lettres de change, était normalement appelée tout simplement change*, terme utilisé aussi souvent au pluriel. Ce mot hautement polysémique avait d’abord signifié, en ancien et moyen français, “échange, troc” 4, et plus spécialement “échange d’un type de pièces de monnaie contre d’autres”, avant d’être resémantisé pour désigner le fait de transférer de l’argent d’une place financière à une autre par lettre de change. Le FEW II/1, 122a date ce changement sémantique de 1538, ce qui est décidément trop tard, même si la date exacte n’est pas facile à fixer à cause du flou de plusieurs contextes. Selon la documentation du glossaire, l’acception cambiale est déjà présente en 1349 dans une ordonnance concernant les foires de Champagne. Comme le négoce des lettres de change s’est diffusé à partir de 1300 environ à partir de l’Italie, il est logique d’assumer que ce changement de sens, qu’on rencontre aussi vers la même époque ou un peu plus tard en latin médiéval et dans les autres langues européennes, ait été calqué de l’italien cambio. Le verbe changer* a subi une resémantisation analogue (“transférer par lettre de change”). Sa syntaxe (changer une certaine somme par ou pour une place) a aussi été calquée de l’italien : « per Ispagna si cambia a maravedis » (Davanzati 1804 [1560], 56). C’est aussi le cas de la locution verbale faire (le) change* “exercer le métier de cambiste” : « far li cambi » (Manenti 1534, s.p. ; se réfère aux Payements des foires de Lyon) ; « li nuovi modi di fare i Cambi » (Buoninsegni 1573, 4v) ; « vogliono fare il cambio con mandare le lettere » (Palescandolo [fin 16e s.], 131) 5. L’effet de commerce qui permettait ce transfert d’argent d’une place à une autre était appelé lettre de change*, terme attesté d’abord en 1400–1401 et lui-aussi un calque évident de l’italien, à savoir de lettera di cambio (cf. TLF-étym) 6. Il convient de rappeler qu’à l’époque qui nous occupe la lettre de 4



5



6



Cette acception originale est encore attestée dans Ympyn (1543 : 11r) : « La tierce [sc. modalité de paiement] en baillant biens pour biens, que on appelle communement change, et en Itallian barratto. » Bien qu’absentes du glossaire d’Edler (1934), ces locutions italiennes remontent certainement au Moyen Âge. Leur équivalent latin est attesté en 1499 dans les écrits du cardinal Cajétan : « usurarium est igitur haec cambia facere » (Vio 1593 : 119). En italien moderne on dit cambiale, mais c’est une innovation terminologique du 18e siècle (cf. Rainer 2000a). À côté de la lettre de change il y avait encore le billet de

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change devait impliquer obligatoirement deux monnaies différentes, et donc une opération de change – d’où son nom −, contrairement à la lettre de change moderne. Pour faciliter au lecteur la compréhension du fonctionnement d’une lettre de change au Moyen Âge et au début des temps modernes, je vais me servir ici d’une représentation schématique d’une opération de change typique, inspirée par une visualisation analogue employée par Davanzati (1804 [1560], 63).

Schéma 1 : Fonctionnement d’une lettre de change au Moyen Âge

Le but d’une opération de change était dans le cas prototypique de transférer de l’argent d’une place à une autre sans devoir envoyer de l’argent comptant. Dans notre schéma, A voulait envoyer à D une certaine somme d’argent. Ce transfert était appelé remise*, substantif correspondant au verbe remettre*. Ces deux termes viennent respectivement de l’italien rimessa et rimettere, attestés dans Edler (1934, 245) depuis 1401. Pour effectuer ce transfert, A s’adressait à B et lui donnait la somme à transférer. Dans les lettres de change on parlait plus génériquement de valeur* (calque de l’italien valuta) parce que cette valeur pouvait aussi être constituée de marchandises ou d’autre chose : Ihesus. — Adi XII de aprili 1494 A uso della proxima fiera de augusto pagate per questa prima de cambio ad Bernardo rede de Bartholomeo Nasi et compagni valuta de marche sette de oro per la valuta cqui da Zenobi et Ieronimo Gadi et compagni ; et ponite como per la daviso. Che Dio ve guarde. (lettre de change ds Cassandro 1955-56, 49) change*, qui représentait un engagement soit à fournir une lettre de change pour la valeur reçue, soit à fournir la valeur pour une lettre reçue. Les lettres de remise*, par contre, étaient une forme spéciale de lettre de change.

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B à son tour sommait par le moyen d’une lettre de change son correspondant C de payer une somme équivalente en monnaie étrangère à D. Pour B, cette opération était en même temps une possibilité de rapatrier de l’argent que lui devait C. Ce rapatriement de fonds était appelé en italien tratta, nom d’action correspondant au verbe trarre. Le verbe est attesté dans Edler (1934, 304) depuis 1384, le substantif seulement depuis 1520, mais il a certainement été en usage avant. L’objet direct de trarre était constitué par la somme d’argent rapatriée, comme dans l’exemple suivant : « Capitolo XLVII : Regole da tenersi nel rimettere, o trar danari » (Uzzano 1766 [1442], 152). La même observation vaut pour le substantif tratta : « Pietro mi fà da Milano una tratta di scudi 3000 » (Giustiniano 1619, 42), phrase qui pourrait se traduire comme “Pierre me fait de Milan un prélèvement de 3000 écus”. Le terme français correspondant à tratta était traite*, à interpréter encore, à l’époque qui nous occupe, comme nom d’action et non pas comme synonyme de “lettre de change” 7. La traduction de trarre était moins simple, puisque son équivalent étymologique traire avait été remplacé dans la plupart de ses emplois par tirer au cours du moyen français (cf. FEW XXX, 184a–186a). Et c’est effectivement ce dernier verbe que nous trouvons déjà dans la première attestation en 1567 de tirer* dans l’acception cambiale : Item du 12 de Ianuier i’ay receu argent de Bernard de Gollon pour le faire payer a Lyon en vertu d’vne lettre de change que ie luy ay faicte, dont la partie est escrite au Memorial a F 9, et portée sur le Iournal a F 9, pour bailler compte audit Goullon sur le Grand Liure a F 25, en credit : et sa rencontre en debit au compte de la Casse a F 18. […] Item le 3 de Feburier payé pour Iehan Sattes vne lettre de change qu’il m’a tirée de Lyon : sa partie escrite sur le Memorial a F 9, et sur le Iournal a F 10, pour la porter sur le Grand Liure en Debit au compte courant de Iehan Sattes a F 30 : et sa rencontre en Credict au compte de la Casse a F 18. (Savonne 1567, s. p. [p. 8 du texte])

Comme on le voit, l’objet direct dans ce premier exemple ne désigne pas la somme prélevée/rapatriée, mais la lettre de change, comme dans l’emploi moderne du verbe. Toutefois, la construction originale avec l’argent en position d’objet direct était aussi encore en usage à l’époque : « Un Marchant tire argent sur son Facteur » (Renterghem 1592, 12). Comme je l’ai montré en détail dans Rainer (à paraître), la construction moderne est née – en français ! – en tant que résultat d’un changement métonymique qui a mis l’instrument du transfert (la lettre de change) à la place de l’objet du transfert (l’argent). De 7



La traduction comme “draft, bill of exchange” que fournit Edler (1934) de son exemple de tratta de 1520 est incorrecte. L’acception “lettre de change” du français traite ne sera pas traitée ici puisqu’elle est une innovation du 18 e siècle (cf. Rainer, à paraître).

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cette manière la locution est devenue opaque, ce qui aura aussi facilité le changement du régime prépositionnel de a (e.g., Pietro trae una somma a Paolo) en italien à sur en français, probablement sur le modèle des verbes du type lever (un impôt) sur. Le jeu des traites et des remises constituait donc le noyau du négoce des lettres de change, mais c’étaient deux opérations abstraites qui se traduisaient par une série d’opérations plus concrètes que nous allons maintenant décrire en suivant pas à pas l’opération de change de notre schéma. L’opération est déclenchée, comme nous l’avons déjà vu, par la nécessité dans laquelle se trouve A de remettre une certaine somme d’argent à D. Pour ce faire, A se rend chez B 8 et lui donne cette somme, la lui baille à ou en change*, comme on disait. A était par conséquent aussi appelé bailleur* 9, tandis que B était le preneur*, celui qui prenait l’argent à, au ou sur le change*. Toute cette terminologie est d’origine italienne : « quello, il quale da à Cambio » (Buoninsegni 1573, 11r), « quello, il quale piglia a cambio » (ibid., 9r), « chi dà e piglia a cambio […] pigliatori […] datori » (Palescandolo [fin 16e s.], 131), « colui che prese a cambio » (ibid., 154). Edler (1934) fournit des exemples de « dare e prendere » de 1401 (p. 120, s.v. fermezza) et de « prenditori e datori » de 1375 (p. 222, s.v. prenditore), mais ces termes sont glosés de façon incorrecte : dare (p. 98) comme “to draw up (a bill of exchange)”, datore (p. 99) comme “drawer (of a bill of exchange)”, et prenditore (p. 222) comme “taker, purchaser (of a bill of exchange)”. De Roover (1948, 53) – époux de Florence Edler depuis 1936 ! − a très bien expliqué le sens de ces termes, ainsi que l’origine de la confusion : A typical exchange contract involved four parties : […] (1) the deliverer (It. datore, Fr. donneur, and Fl. gever) who furnished the value of the bill ; (2) the taker (It. prenditore, Fr. preneur, and Fl. nemer) who took up the money supplied by the deliverer and made out the bill to the person or the firm designated by the latter ; […]. The terms datore and prenditore are likely to create confusion, especially prenditore or preneur, as this word has changed its meaning in both French and Italian. Since the middle of the seventeenth century 10, the terms preneur, nemer, or prenditore, refer to the person to whose order a bill is payable and not to the drawer or maker. In mediaeval sources, however, prenditore and datore have always the meaning given above.

A ne s’est pas rendu forcément chez B en personne. Il était normal, surtout sur les grandes places d’affaires, que des courtiers de change* se chargent de ce travail d’intermédiation contre une provision 3*. Ce dernier terme, aujourd’hui remplacé par commission, correspond à l’italien provigione ou provisione (depuis 1389 ds Edler 1934, 227). 9 Plus tard, donneur : « Donneurs de valeur » (Dupuis de la Serra 1693, titre) ; « le nom du Donneur de la valeur » (Blainville 1729, II, 52). 10 Selon Denzel (1994, 93, n. 27), par contre, ce changement sémantique devrait se situer au 19e siècle. 8

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L’exemple de preneur de 1828 dans FEW IX, 243b représente déjà le sens moderne du mot, comme le montre la glose “celui qui prend une lettre de change”. En échange de la valeur fournie par le bailleur/donneur, le preneur donnait à celui-ci une lettre de change sommant son correspondant C de payer une somme équivalente en monnaie étrangère à D. Dans ce deuxième rôle, B est appelé tireur* depuis le temps de Colbert, nom d’agent de formation française dérivé de tirer* au sens de “tirer une lettre de change”. Chez Mareschal (1625) nous ne trouvons pas encore ce terme : il se réfère à la figure du tireur soit avec la paraphrase « celuy qui a faict et escrit la Lettre de change » (p. 14), soit avec le terme juridique général de mandant*, opposé au mandataire*, c’est-à-dire le tiré (C), dans la terminologie moderne. B était normalement un professionnel du métier, un banquier. Pour le distinguer du simple changeur de monnaies sur la place, on a commencé à l’appeler cambiste* à l’époque de Colbert. Ce terme est bien sûr un calque de l’italien cambista (cf. TLFétym, s.v.). L’argent inscrit sur une lettre de change était appelé monnaie de change*, par opposition à l’argent comptant. Au moment où il donnait la lettre de change à A, B envoyait aussi à C une lettre d’avis* pour le prévenir qu’il serait dans un proche avenir exhorté par D à payer la somme indiquée dans la lettre de change tirée sur lui. Lettre d’avis est un calque de l’italien lettera d’avviso (cf. TLF-étym, s.v.). A maintenant envoie à son tour les lettres de change 11 reçues de B à D, qui se rend chez C pour lui présenter* la lettre. Cette acception cambiale de présenter est un calque de l’italien presentare, attesté depuis 1375 selon Edler (1934, 223). Garcia i Sanz & Ferrer i Mallol (1983, II, 342) fournissent déjà une attestation latine de 1317 : « ad quattuor dies postquam littera pagamenti presentata fuerit dicto Bernardo ». Le nom d’action latin correspondant, presentatio, est attesté cette même année dans les statuts d’Avignon dans un contexte cambial : « post presentationem protesti » (Usher 1943, 83). Le sub­stantif italien presentazione n’est pas enregistré dans Edler (1934), mais il était bien sûr aussi en usage : « dieci giorni dopo la presentazione della let���� tera » (Buoninsegni 1571, 22v). Dans un cas comme celui-ci, il n’est pas facile de décider si l’antécédent immédiat des termes français était latin ou italien, surtout si on tient compte du fait que présenter et présentation n’étaient pas limités en moyen français à l’usage cambial mais s’employaient à propos de toute sorte de documents (respectivement depuis 1340 et 1400–1410 dans le DMF). Après la présentation, il y avait trois scénarios possibles. 11

B fournissait en effet à A plusieurs exemplaires, appelés première, seconde, etc. lettre de change, au cas où l’un des exemplaires se perdrait en chemin. Ces lettres de change étaient écrites sur une seule feuille, l’une en dessous de l’autre, et la feuille était ensuite coupée, d’où la forme allongée des lettres de change.

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Dans le scénario positif, C accepte* la lettre, s’engageant de cette manière à l’honorer, c’est-à-dire à payer la somme indiquée dans la lettre. L’acception cambiale de ce verbe est attestée d’abord en latin en 1317 dans les statuts d’Avignon : « De litteris cambii Item statuimus quod omnis debitor ratione chambii, sive […], sive ipse debitor illam ab alio mercatore vel alia persona missam acceptaverit […] » (Usher 1943, 83). De Roover (1963, 138) cite une lettre de change italienne sur laquelle se trouve la mention « Acceptata a dì 6 di giugno 1438 ». Le verbe est donc à considérer comme italianisme, tout comme acceptation*, le nom d’action correspondant : « l’accettationi delle lettere » (Giustiniano 1619, 80). Pour les noms d’agent correspondants, acceptant* et accepteur* 12, qui n’apparaissent qu’à l’époque de Colbert, je ne connais pas de modèles italiens antérieurs aux exemples français du glossaire. Si C acceptait la lettre, il ne devait normalement pas la payer 13 immédiatement, mais à l’usance*, c’est-à-dire après un délai usuel sur la place. Ce terme était une adaptation de l’italien usanza (cf. TLF-étym, s.v.). On disait aussi en italien uso, mais en français uso* et us*, bien qu’attestés, sont restés rares. Ce délai commençait à courir soit à partir du moment où la lettre avait été faite, soit à partir du moment de l’acceptation. Dans le premier cas, on utilisait la formule lettre faite*, dans le second, lettre vue*. Ces ����������������������������� formules avaient été calquées sur l’italien : « dì 3 vista la lettera », « 2 dì vista », « dì 30 alla fatta », « 45. fatta » (Uzzano 1766 [1442], 100), « l’uso de le littere de cambio e mesi due dapoi fatta la littera », « l’uso de le littere de cambio e giorni dieci dapoi vista la littera » (Manenti 1534 ; s.p.). Dans le scénario négatif, C demandait soit un sursis d’un ou deux jour(s) avant de prendre une décision définitive en notant voir la lettre* sur la lettre de change, soit il refusait* 14 carrément la lettre, la protestait* en écrivant S. P. – sous protêt* − sur la lettre. (L’une des raison pour un refus* d’accepter une lettre de change – on parlait aussi de dénégation* − était le manque de provision 2*, c’est-à-dire d’argent de B en possession de C ou de dette de C envers B.) Cette protestation* consistait à faire dresser un protêt* devant notaire et, s’il ne se trouvait personne disposé à payer la lettre sur protêt*, de renvoyer ce protêt à A, qui pouvait ainsi contraindre B à lui rendre non seulement la valeur qu’il lui avait fournie mais encore les frais de notaire ainsi que le coût du change et du rechange. Les protêts, comme documents notariaux, furent La variante acceptateur est attestée pour 1759 dans FEW XXIV, 71b. Dans ce rôle, C était aussi appelé payeur : « Tireurs, Donneurs de valeur, Endosseurs, Porteurs, Accepteurs, et Payeurs de Lettres de Change » (Dupuis de la Serra 1693, titre). 14 En italien, on disait ricusare : « le lettere […] ivi sono, ò pagate, ò ricusate » (Giustiniano 1619, 103). 12 13

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pendant longtemps rédigés en latin, et le mot même est d’abord attesté en latin comme protestum en 1317 (cf. TLF-étym, s.v. protêt). Bien que l’italien protesto soit aussi attesté à partir de 1461, il est peut-être plus indiqué dans ce cas de donner la préférence à l’origine latine pour la raison invoquée. Les précurseurs de protester et protestation sont aussi attestés d’abord en latin : « cedulam papiream requisicionis et protestacionis […] protestor […] contra vos et bona vostra » (1374, à Barcelone, dans un protêt ; ds Garcia i Sanz & Ferrer i Mallol 1983, II, 381–382). L’italien protestare est attesté depuis 1387 dans Edler (1934, 226–227). Les formules sous protêt et sur protêt avaient des équivalents directs en italien : « dicitur constare […] fuisse confectas litteras spatii, et factam tractam Bisuntii iuxta priorem acceptationem, sotto protesto […] acceptaverunt has litteras non quidem simpliciter, sed ut vulgo dicitur, sopra protesto » (décision de 1586 ; Séraphin 1614, 412). La procédure de l’acceptation des lettres de change et du paiement adoptait des formes spéciales sur la place de Lyon, décrites de façon détaillée par Rubys (1604, 497–499). Depuis 1463 Lyon organisait quatre fois par an des foires qui ne servaient pas seulement à l’échange de marchandises mais aussi, et plus tard même de façon prioritaire, comme « foires de change » où la haute finance européenne se rencontrait pour régler ses dettes et créances mutuelles. Les banquiers apportaient à la foire un état de leurs dettes et créances appelé bilan*, adaptation de l’italien bilancio (cf. Rainer 2007 et TLF-étym, s.v.). Pendant la période des Payements*, un terme déjà en usage depuis les foires de Champagne, ils se rencontraient sur le change 3*, c’est-à-dire sur la Place du Change, pour procéder d’abord à l’acceptation des lettres de change et ensuite compenser leurs dettes et créances par « virement de parties », c’est-à-dire un simple jeu d’écritures. À la fin des Payements, un groupe sélect de banquiers se réunissait pour fixer le compte1*, c’est-à-dire le jour où commenceraient les prochains Payements. Cet emploi très spécial du mot compte était un calque de l’italien conto : « Et con vostro aviso, mi parrebe, che le acettationi si dovessino fare al primo di Giugno proximo, et il conto di Cambio alli .3. del detto » (Rubys 1604, 498). Par la même occasion, on fixait aussi le cours du change*, prix du change* ou tout simplement change 2* pour toutes les places, termes qui sont aussi de provenance italienne (pour cours du change cf. TLFétym, s.v.) : « gli altri precij del cambio » (Tartaglia 1556, I, 224), « Intorno alla pari si raggirano i prezzi del cambio » (Davanzati 1804 [1581], 68) 15. Dans C’est seulement chez Trenchant que j’ai trouvé employé le terme compte 2* pour désigner le cours du change. Cet emploi est aussi attesté en italien : « Usano i Cambisti non solo nelle Fere al suo tempo, mà in molte altre Città ogni settimana, stabilir un prezzo determinato, al quale debbano tutt’i contrattanti Cambiare per l’altre piazze. […] e questo chiamano, mettere il conto » (Giustiniano 1619, 170).

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cette fixation du taux de change, Lyon donnait le certain* à toutes les places sauf Plaisance, c’est-à-dire que les monnaies étrangères étaient évaluées en monnaie lyonnaise, égale à 1 ou 100. Cet emploi de certain et de son antonyme, incertain*, pour dire “fixe” et “variable”, est attesté depuis le début du 17e siècle dans un contexte cambiaire et semble avoir été une extension de sens française sur la base de l’emploi antérieur de ces mots dans la langue des mathématiciens (cf. Rainer 2000b). Dans une source italienne de la même époque, Zuchetta (1600, 381), je trouve employés pour la même réalité les adjectifs/substantifs intiero et spezzato. Vers la fin de la période prise en compte ici, c’est-à-dire aux 16 e et 17e siècles, surgissent ou se répandent des innovations en matière de lettres de change qui ont rendu leur usage plus flexible. D’un côté, au lieu de mentionner dans la lettre seulement le nom du bénéficiaire (D), on y ajoutait ou à son ordre*, ce qui permettait à celui-ci de transférer la somme à une personne de son choix, ou bien on écrivait au porteur*. La clause au porteur semble avoir été une innovation anversoise 16 : [L]a mention au porteur […] entraînait la transmissibilité du document par voie d’endossement. Cette transmissibilité était incontestée dès le premier quart du xvie siècle1. La transmission se pratiquait par un transfert par devant notaire ou par la simple remise de l’effet. 1 Dans l’ordonnance du 7 mars 1537 (Recueil des ordonnances, s. II, t. IV, p. 16), il est dit que la clause au porteur est acceptable en justice. (Goris 1925, 338)

La pratique de l’endossement* (cf. Denzel 1994, 100–110), d’endosser* les lettres de change, c’est-à-dire de les transférer en écrivant le nom du nouveau détenteur sur le dos de la lettre, est déjà occasionnellement documentée en Italie au Moyen Âge, mais n’est devenue usuelle qu’à partir du 16e siècle, d’abord à Anvers et, dans les deux siècles suivants, dans le reste de l’Europe. En Italie, l’endossement était encore proscrit au début du 18e siècle. C’est ce qui explique pourquoi toute cette terminologie est d’origine française, et non pas italienne. (Rappelons que le français était la langue commerciale la plus importante à Anvers à l’époque.) Mais même si la pratique semble s’être diffusée dès le 16e siècle, les termes mêmes n’apparaissent qu’à l’époque de Colbert 17. Dans le sens plus général d’“écrire qch. sur le dos d’un contrat ou autre document”, les termes étaient déjà courants au 16e siècle. Dans un sens plus général, porteur était déjà employé avant ; cf. tout spécialement l’exemple de 1389-1392 du DMF, sous C [effet de commerce]. 17 Kuhn dit avoir trouvé endossement chez Monet 1636, mais en réalité Monet (s.v. andosser) n’enregistre que le sens général de « écrire sur le dos d’un papier » (p.ex. écrire sur une obligation qu’une somme a été payée), et non pas le sens spécifiquement cambial. 16

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Une autre pratique qui rendait la lettre de change plus flexible était l’escompte, c’est-à-dire le fait de payer une lettre avant l’échéance en faisant une petite retenue sur le montant à payer. Les termes escompte et escompter, toutefois, n’étaient pas limités au négoce des lettres de change, l’escompte se pratiquant aussi dans le commerce de marchandises. Selon Kuhn (1931, 108), escompte est attesté depuis 1597, escompter depuis 1675, escompteur depuis 1548. Du « Wechseldiskont » il dit : « Er scheint im 17. Jh. noch nicht sehr ausgeprägt zu sein, denn seine Beschreibung begegnet nicht in Texten. » Cette constatation est étayée ex silentio par ma documentation. Celle-ci permet seulement d’antédater de quelques décennies les synonymes discompter* et discompte*, eux aussi d’origine italienne, mais qui ont cédé le pas à escompter et escompte en français, tandis que le reste de l’Europe donnera la préférence au préfixe dis- (cf. angl. discount, all. Diskont, etc. ; Bruijn-van der Helm 1988). Le négoce des changes était hautement spéculatif. Pour faire un profit, appelé souvent dans les sources de l’époque, en plus de profit, avantage* ou bénéfice* 18, il fallait prendre à change sur une place où l’argent était abondant et remettre sur une place où il était rare. Le fait d’exploiter les différences des cours de change résultant du jeu de l’offre et de la demande était appelé depuis Savary arbitrage*, après qu’on eut parlé d’arbitre depuis le 16e siècle, calque de l’italien arbitrio (cf. Rainer 2002, TLF-étym, s.v. arbitrage). Quand l’argent était abondant, on disait que la place était large*, quand il était rare, qu’elle était étroite*. Ces deux termes correspondent aux adjectifs italiens largo et stretto : « per Parigi non v’è strettezza, ma più tosto larghezza […] i denari restringono qualche poco […] vi si allargano » (Uzzano 1766 [1442], 156) ; « Quando si dice la piazza restringere o allargare, s’intende esser pochi o molti danari ne’ mercanti da cambiarsi ; […] e chiamasi larghezza e strettezza con parlare figurato e bello, per vocaboli trasportati gentilmente da quello stringere o allargar la mano » (Davanzati 1804 [1560], 56). Quand il y avait équilibre entre les deux places, le change était au pair*, c’est-à-dire la valeur intrinsèque de l’or ou de l’argent de la somme donnée et celle de la somme reçue sur l’autre place étaient identiques. Ce terme de pair ou per*, qui apparaît aussi sous les formes non assimilées pari* et pary*, est un calque de l’italien pari (cf. TLF-étym, s.v. change au pair). Une lettre de change impliquait en même temps une opération de change (monnaie nationale contre monnaie étrangère) et une opération de crédit (entre les deux paiements s’écoulait forcément un laps de temps plus ou moins long). La lettre de change se prêtait donc parfaitement à camoufler un prêt à 18

Dans un sens plus général, non-cambial, ces termes sont évidemment plus anciens. Ils s’employaient aussi parfois comme euphémismes pour dire “intérêt”.

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intérêt, interdit par l’Église jusqu’à la Révolution française et, à sa suite, par certains États, dont la France. Les théologiens moraux n’étaient pas dupes et ont essayé très tôt de démêler les changes licites des changes illicites (cf. Dalle Molle 1954). Depuis Saint Antonin (1389–1459) les sommistes du Moyen Âge et du 16e siècle ont produit un grand nombre de classifications des opérations de change, divisées majoritairement en trois catégories qu’ils appelaient en latin cambium minutum ou manuale, cambium per litteras, et cambium siccum. Les deux premiers, considérés comme licites, étaient aussi souvent appelés cambia realia, mais parfois l’adjectif reale était aussi utilisé dans un sens plus restreint comme synonyme de per litteras. Certains distinguaient encore, parmi les changes illicites, le cambium siccum du cambium fictum. La différence entre ces deux types de change a été expliquée par De Roover (1948, 81) : In the case of dry exchange, a bill was actually sent to a correspondent abroad, but he redrew at the prevailing rate as soon as the bill in question fell due. The banker’s profit (or loss) was still uncertain, since it depended upon the price of the redraft. Fictitious exchange was based either upon fictitious bills or upon fictitious rates, that is, rates other than market prices. In the first instance, the contracting parties did not even bother to send bills abroad but made them out pro forma to be used only in case of litigation. In the second instance, all speculative risks were eliminated by stipulating in advance the rate at which returns would be made, that is, the price of the recambium or redraft. By so doing the profit of the lender became certain, since it ceased to depend upon the unpredictable swing of the exchange rates.

Ce n’est pas ici le lieu pour se perdre dans les subtilités des argumentations théologiques. Il suffira de dire que ces classifications ont été reprises par beaucoup de marchands et juristes qui ont écrit sur les changes à partir du 16 e siècle. Le tableau 3 fournit un synopsis de la terminologie qu’on trouve chez plusieurs auteurs du 16e siècle : minutum Ympyn 1543 : 22v Molin 1547 : 39r

minuto, petit

per litteras

siccum

fictum

realle, royal

sicco, secq ficticio, faict, fictice

real

sec

fict

Tartaglia 1556 : 219-224 minuto, comune reale

secco

fittizio

Trenchant 1561 : 269

sec

fict

menu, commun real

Tableau 3 : Typologies des changes

Du point de vue étymologique, la solution la plus adéquate est certainement de considérer les termes vernaculaires comme des calques du latin des

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théologiens, même si on ne peut pas exclure que la source immédiate pour certains marchands ait été italienne, par exemple dans le cas d’Ympyn. La plupart de ces adjectifs sont auto-explicatifs, sauf sec, qui a déjà stimulé l’imagination parétymologique des sommistes et des marchands. Voici ���������� d’abord un certain nombre de ces essais d’explication : Secco, interpreta lo stesso autore [sc. Angelo da Chivasso, Summa Angelica, 1486], perché privo di carità verso il prossimo e perché toglie, “secca”, l’anima della grazia di Dio. (Dalle Molle 1954, 51) siccum […] ad instar arboris carentis humore vitali (Mazzolini 1518, 470r) Et dicitur siccum, id est sterile, et humore carens ad fructificandum […] Dicitur etiam siccum, quia merum est ac nudum […] (Soto 1558, 440) […] cambi secchi, e chiamansi così a somiglianza dell’albero secco, il quale non ha humore, ne foglia nè frutto […] E per questo mi pare che sara meglio chiamargli cambi secchi percioche seccano la borsa, e la vita di quelli che gli piglia a cambio e seccano la gratia di colui che gli dà (Sarava 1561, 117r, v) Cambio chiamato secco […] giustamente detto secco, perche non ha in se, ne spirito, ne humore, ne verità di giustizia, ma è arido, finto, et palliato. (Buoninsegni 1573, 11r) […] dell’otto membra del cambio, cinque, C D E F e la piazza di Lione in questo tale non si sarian agitate, e resterian morte e secche, non vi correndo punto di sangue dell’universal benefizio risultante dal molto commercio e intrecciamento de’ trafficanti, e però sì fatti cambj molto a proposito son chiamati secchi (Davanzati 1804 [1581], 67) Et faut noter qu’en ceste remise et traicte il ne s’est point compté argent, ains tant seulement a esté faicte par despesche et par lettres, tellement que ces traictes et remises se nomment changes secs. (Savonne 1581, 21)

Les historiens des changes et du droit cambial favoriseront plus tard une autre explication. Ces changes auraient été appelés secs par opposition aux changes accompagnant le transport maritime : les changes secs auraient été des changes “terrestres”. Cette explication a encore eu la faveur de Sayous (1927, 1428) : « Si, dans les relations par mer, la légitimité de l’emploi de la nouvelle lettre de change comme instrument de crédit fut assez vite admise, il n’en fut pas de même dans les relations par terre, ‹ à sec › ; et c’est de là que vient le terme de ‹ change sec ›, qui désignait l’ensemble des opérations de change violant l’interdiction du prêt à intérêt sans aucune excuse d’ordre pratique. » Déjà en 1916, toutefois, Ewald E. J. Messing avait rejeté cette explication et proposé d’établir un rapport entre l’emploi de l’adjectif siccus dans cambium siccum et son emploi antérieur dans les expressions argentum siccum, pecunia sicca “argent métallique” (en français, argent sec est attesté depuis 1260). Même

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si la nature exacte du changement sémantique reste un peu dans l’ombre, la solution de Messing me semble être la plus acceptable. Les changes secs, comme on vient de le voir, combinaient l’envoi de la lettre avec son retour*, calque de l’italien ritorno : « alle rimesse e tratte e alli ritorni » (Manenti 1534, Ai r) ; « se si cambiasse sempre alla pari e a un pregio, li ritorni non potrebbono esser con utile » (Davanzati 1804 [1581], 69). 19 Le rechange (recambium, en latin) a donc été scruté extensivement par les sommistes (cf. Mazzolini 1518, 471r–472v). Les termes français rechange (cf. TLF-étym, s.v.) et rechanger* sont des calques, soit du latin soit de l’italien : « Cuiusquidem cambii pretextu fuit protestatum et recambiatum cum instrumento recepto per notarium curie Consulatus Maris Barchinone » (document de 1475, ds Garcia i Sanz & Ferrer i Mallol 1983, II, 604), « molte volte non mandano le lettere, e solo al ritorno di Fera notando il debito, e il credito sul Libro, insieme con l’interesse, tornano a Ricambiare » (Giustiniano 1619, 18). 20 Au lieu de recambium, on trouve aussi occasionellement retrocambium : « protestatus fuit de retrocambio et de omnibus et singulis missionibus, sumptibus, damnis et interesse » (document de 1451, ds Garcia i Sanz & Ferrer i Mallol 1983, II, 531). L’équivalent français était arrière-change*. Pour contrechange*, l’équivalent latin contracambium est aussi attesté : « de accipiendo pecuniam ad interesse ad cambium, recambium et contracambium » (document du 16e siècle, ds Day 1984, 398). Pour terminer, il nous reste à mentionner, dans le domaine de l’usage usuraire des changes, une pratique typiquement lyonnaise qui était appelée dépôt*, ou aussi, avec des formes moins assimilées, deposito*, déposit* ou déposite*. Le dépôt consistait dans le fait qu’un déposant (cf. TLF-étym, s.v.) plaçait son argent à intérêt fixe chez un banquier lyonnais entre deux ou plusieurs foires. L’intérêt était affublé d’euphémismes comme provision1*, grâce, dépôt, change 2*, etc. : « ce prest, qu’ilz appellent provision, ou grace, et depost, ou change » (Molin 1547, 35v). Le fait de ‘faire travailler son argent’, comme on dirait aujourd’hui, était exprimé par la locution tenir de l’argent sur les changes*. Encore une fois, l’origine italienne ne fait pas de doute : « tenere i suoi danari di continuo sui cambi » (Buoninsegni 1573, 7r) ; « Diedi ∇ 1000. a tenere sopra i cambi » (Zuchetta 1600, 98) ; cf. aussi l’exemple de 1367 ds Edler (1934, 57). Ritorno est le nom d’action correspondant à ritornare : « Voi avete danari e li volete cambiare per Lione, perchè vi ritornino con guadagno » (Davanzati 1804 [1560], 58). 20 En catalan, recambiar est déjà attesté en 1460 dans Garcia i Sanz & Ferrer i Mallol (1983, II, 584). 19

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3. Les trois sources de la terminologie cambiale française La discussion de la section 2 a déjà montré clairement que la plus grande partie de la terminologie cambiale française est d’origine italienne. Ceci n’est certainement pas surprenant sur le fond de l’histoire de la lettre de change. Comme le disait déjà Savary (1675, 65) : « C’est des Italiens que nous avons appris les changes, et les traites et remises ». Il ne sera pourtant pas inutile de dûment mettre en relief ce fait si l’on sait que même la monographie de Hope (1971) sur les italianismes en français n’a enregistré comme italianismes que deux des termes du tableau 2, à savoir, bilan (et encore dans un autre sens que celui pertinent ici) et discompte. Les listes d’emprunts de Kuhn (1931, 231–232) contiennent bilan, cambiste, discompte, au pair, tirer, traite et remise, et uso. Cette négligence est due d’un côté au fait que la terminologie cambiale n’a été prise en considération que de façon très lacunaire par la lexicographie française, et que d’autre part même les termes qui ont fait leur chemin dans les dictionnaires ont rarement été reconnus comme italianismes. Et il est vrai que la plupart des italianismes se sont bien déguisés sous une apparence française. Les emprunts crus sont restés très rares : au fond, il n’y a que bilan qui a survécu, et encore sous une forme phonologiquement adaptée et dans un sens différent de celui d’“état des dettes et créances emporté par les banquiers aux Foires de Lyon” qui est pertinent dans notre contexte. Discompte et discompter ont cédé devant escompte et escompter, deux autres italianismes. Cambiste est resté en usage, mais le suffixe a été francisé, d’ailleurs dès le début. Dans le cas des séries deposito / déposite / déposit / dépôt, pari / pary / per / pair et uso / usance / us, c’est la forme assimilée qui a éliminé les emprunts crus après une période initiale de concurrence. Cette préférence très nette pour le calque est une caractéristique générale du français. Pourtant, la langue italienne n’a pas été la seule à influencer la terminologie cambiale française. Le change était une activité qui impliquait aussi des acteurs qui avaient coutume de se servir du latin dans leurs écrits, les notaires et les théologiens. 21 À leur début, les lettres de change avaient encore souvent été écrites en latin, mais ce n’est pas de cette époque reculée que date 21

Plus tard, à une époque qui ne nous concerne plus, le latin s’est fait sentir encore par le moyen d’une autre catégorie professionnelle, les juristes des temps modernes qui ont essayé d’intégrer le droit commercial au droit romain. L’adjectif cambial, par exemple, dans droit cambial, est un calque du latin cambialis, comme dans ius cambiale (cf. TLF-étym, s.v.). Dans Rainer (2000a) j’ai montré que l’italien (lettera) cambiale “lettre de change” est un calque du 18e siècle sur littera cambialis dû à des juristes qui donnaient la préférence au latinisme par rapport à l’expression courante lettera di cambio.

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l’influence du latin sur la terminologie cambiale. Même après que les lettres de change eurent commencé à s’écrire en langue vernaculaire, le protêt restait un document juridique qui devait se dresser devant notaire et donc pour longtemps encore en latin. L’origine de protester, protestation et protêt est donc probablement latine, même si l’italien peut avoir fait office d’intermédiaire. Le deuxième domaine où l’on peut, avec une certaine probabilité, faire l’hypothèse d’une origine latine est celui de la classification des changes en change menu, réel, sec et « fict ». Ces catégories ont été établies par les théologiens qui se proposaient de démêler changes licites et illicites (c’est-à-dire prêts à intérêt camouflés). Et comme la langue des théologiens était le latin, ces termes apparaissent d’abord dans les sources en latin, sous les formes cambium minutum, reale, siccum et fictum. Recambium, le terme pour le rechange moralement suspect, apparaît aussi d’abord en latin dans les écrits des théologiens. Arrière-change et contre-change sont également peut-être des latinismes ayant pour modèles retrocambium et contracambium, mais les exemples sont trop rares pour pouvoir dire quelque chose de définitif à ce sujet. Purement passif au début, le français commence à son tour à innover en matière de terminologie cambiale à partir du 16e siècle. Les lettres au porteur, la clause à ordre et l’endossement passent pour des spécialités anversoises au 16e siècle. Comme la terminologie correspondante n’est pas attestée avec antériorité en italien, il y a fort à parier que les termes soient nés français. Porteur, ordre ainsi qu’endosser et endossement existaient bien sûr avant en français, mais ont reçu au 16e et 17e siècle une nouvelle acception cambiale. Donneur d’ordre et endosseur sont aussi des formations autochtones. D’autres innovations françaises sont constituées par l’expression tirer une lettre de change sur qn., son dérivé tireur, et par les expressions donner le certain / l’incertain. Certains substantifs complexes comme billet de change, courtier de change, monnaie de change ou lettre de remise semblent également avoir été des créations françaises. Cela vaut aussi pour l’emploi locatif de change pour se référer à la place du Change à Lyon. Les fameux Payements des foires de Lyon, par contre, ne font que continuer un mot déjà en usage aux foires de Champagne. Wirtschaftsuniversität (Vienne)

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Giustiniano, Bernardo, 1619. Breve trattato delle continuationi de’ cambi, Gênes, Pavoni. Goris, Jan-Albert, 1925. Étude sur les colonies marchandes méridionales (Portugais, Espagnols, Italiens) à Anvers de 1488 à 1567, Louvain, Librairie Universitaire. Guichardin, Louis, 1567. Description de tout le Païs-Bas, Anvers, Silvius. Hilaire, Jean, 1986. Introduction historique au droit commercial, Paris, Presses Universitaires de France. Hope, T. E., 1971. Lexical Borrowing in the Romance Languages. A critical study of Italianisms in French and Gallicisms in Italian from 1100 to 1900, 2 vols., Oxford, Blackwell. Irson, Claude, 1678. Methode pour bien dresser toutes sortes de comptes a parties doubles par debit et credit et par recette, depense, et reprise, Paris, Cusson. Kuhn, Alwin, 1931. Die französische Handelssprache im 17. Jahrhundert, EngelsdorfLeipzig, Vogel. Levy-Bruhl, Henri, 1933. Histoire de la lettre de change en France aux XVIIe et XVIIIe siècles, Paris, Recueil Sirey. Manenti, Juan, 1534. Tariffa de cambi e altro, Venise, Nicolini. Mareschal, Mathias, 1625. Traicté des changes et rechanges licites et illicites et moyens de pourvoir aux fraudes des banqueroutes. Plus un traicté de la jurisdiction des jugesconsuls, Paris, Buon. Mazzolini, Silvestro, 1518. Summa summarum quae silvestrina dicitur, Strasbourg, ����������������� Grieninger. Mennher, Valentin, 1561. Livre d’arithmeticque, Anvers, Diest. Mennher, Valentin, 1565. Praticque pour brievement apprendre à Ciffrer, et tenir Livre de comptes, Anvers, Diest. Messing, Ewald E. J., 1932 [1916]. « Vom ‹trockenen Wechsel› », in : Messing, Ewald E. J. (ed.), Zur Wirtschafts-Linguistik, Rotterdam, Nijgh & Van Ditmar, 48-53 (réimpression d’un article publié d’abord dans Zeitschrift für Handelswissenschaft und Handelspraxis, Beiblatt : Der Kaufmann und das Leben, octobre 1916). Molin, Carolus du, 1547. Summaire du analytique des contractz, rentes constituées, interestz, et monoyes, Paris, Dupuys. Monet, Philibert, 1636. Invantaire des deux langues françoise et latine, Lyon, Rigaud et Borde. Nicolay, Nicolas de, 1881 [1573]. Description générale de la ville de Lyon, 1573, éd. V. Advielle, Lyon, Société de topographie historique de Lyon-Imprimerie de Mougin-Rusand. Ordonnances de Louis XIV. Roy de France et de Navarre données à Saint Germain en Laye au mois de Mars 1673. Paris : Associez choisis par ordre de sa Majesté pour l’impression de ses nouvelles ordonnances. Palescandolo cf. Cassandro (1962). Privileges des Foires de Lyon, octroyez par les Roys Tres-Chrestiens aux Marchands François et Estrangers y negocians sous lesdits Privilèges ou residens en ladite Ville, Lyon, Barbier 1649.

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Rainer, Franz, 2000a. « Juristenlatein und Handelssprache : it. Cambiale », ZrP 116, 591593. Rainer, Franz, 2000b. « Dare il certo / l’incerto », LN 61, 94−96. Rainer, Franz, 2002. «  Nota storico-etimologica su arbitraggio “speculazione sui cambi” », LN 63, 89−94. Rainer, Franz, 2003. « La terminología cambiaria castellana en la primera mitad del siglo XVI », in : Sánchez Miret, Fernando (ed.), Actas del XXIII Congreso Internacional de Lingüística y Filología Románica (Salamanca, 24-30 septiembre 2001), vol. 3, Tübingen, Niemeyer, 393-409. Rainer, Franz, 2005. « Esp. agio : ¿italianismo o galicismo? », RFE 85, 113-131. Rainer, Franz, 2006. « Geschichte der Sprache der Wirtschaft in der Romania », in : Ernst, Gerhard / Glessgen, Martin-Dietrich / Schmitt, Christian / Schweickard, Wolfgang (ed.), Romanische Sprachgeschichte. Ein internationales Handbuch zur Geschichte der romanischen Sprachen, 2. Teilband, Berlin/New York, de Gruyter, 2148-2161. Rainer, Franz, 2007. « Les termes comptables balance, bilan et inventaire aux XVIe et XVIIe siècles », in : Bertrand, Olivier / Gerner, Hiltrud / Stumpf, Béatrice (ed.), Lexiques scientifiques et techniques. Constitution et approche historique, Palaiseau, Les Éditions de l’École Polytechnique, 183-198. Rainer, Franz, à paraître. « Was zieht man, wenn man einen Wechsel zieht ? Zum Ursprung von frz. tirer une lettre de change sur qqn », ZrP. Renterghem, Barthélemy, 1592. Instruction nouvelle povr tenir le livre de compte, ou de raison, selon la façon & manière d’Italie, recueillie & mise en ordre convenable, Anvers, Janssens. Rubys, Claude de, 1604. Histoire véritable de la ville de Lyon, Lyon, Nugo. Sarava, dott., 1561. Institutione de’ mercanti. Nuovamente tradotta di lingua spagnuola dal S. Alfonso d’Ulloa, Venise, Zaltieri. Savary, Jacques, 1675. Le parfait negociant, Paris, Guignard. Savonne, Pierre, 1567. Instruction et manière de tenir livres de raison ou de comptes par parties doubles, Paris, Au Compas d’Or, Rue Sainct Iacques. Savonne, Pierre, 1581. Instruction et manière de tenir livres de compte par parties doubles, seconde édition, Lyon, de Tournes. Sayous, André-E., 1927. « Les changes de l’Espagne sur l’Amérique au XVIe siècle », Revue d’économie politique 41, 1417-1443. Séraphin, Olivier, 1614. Aureae decisiones Seraphini Oliuarij Razzalij Sacræ Rotæ decani, pars prima, Rome, ex typographia Camerae Apostolocae. Soto, Domingo de, 1558. Libri X de iustitia et jure, Lyon, haeredes Jac. Junctae. Tartaglia, Nicolò, 1556. General trattato di numeri, et misure, 2 vols., Venise, Navò. Tartaglia, Nicolas, 1578. L’Arithmetique. Recueillie et traduite d’italien en françois par Guillaume Gosselin de Caen, Paris, Beys. Trenchant, Ian, 1561. L’Aritmetiqve departie en trois livres, Ensemble un petit discours des changes, Lyon, Iove.

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5. Glossaire acceptant — « le Protest fait par l’acceptant, pourra estre poursuivi » (Ordonnances de Louis XIV, 1673, Table). acceptation — « Ce dit iour de changes (qui ensuit deux ou troys iours apres celuy des acceptations, c’est-à-dire, que les marchans ont accepté diverses parties et commissions les uns des autres) ilz s’assemblent pour accorder certains points principaux. » (Trenchant 1561, 288) ; « Accepter est un terme, qui dans le Commerce a une signification fort differente de l’usage ordinaire ; car on s’en sert le plus souvent pour dire agréer, et dans ce sens là son substantif est acception, qui veut dire préference. Mais dans le Commerce, accepter, veut dire s’engager à payer une Lettre de Change, et son substantif est acceptation. » (Irson 1678, ch. X). accepter — « Si d’aventure le banquier de Venise n’acceptoit la lettre de change » (Trenchant 1561, 286). accepteur — « tout accepteur se constituë debiteur envers les porteurs de lettres » (Savary 1675, 188). Arbitrage — Cf. TLF-étym, s.v. Argent de change — « encores qu’en ce celebre Concile tenu à Lyon, […] les usures, et le Deposito, que nous appellons argent de change, ou mis en banque, eussent estez tres expressement deffendus » (Rubys 1604, 289). Argent (mis) en banque— « Et s’il [sc. un homme] leur [sc. aux banquiers étrangers] en [sc. des deniers] baille pour les faire profiter et avoir (comme on dict) argent en banque après qu’ils ont faict lever de grands sommes de deniers, ils s’en vont en Espaigne ou en Angleterre, en Sicile ou à Constantinople, et ailleurs : puis allez les chercher, ou attendez en bien des nouvelles iusques à leur retour qui sera aux Calendes Grecques, ou à nostre dame de May. » (Verdier 1573, 491) ; « encores qu’en

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ce celebre Concile tenu à Lyon, […] les usures, et le Deposito, que nous appellons argent de change, ou mis en banque, eussent estez tres expressement deffendus » (Rubys 1604, 289). Arrière-change — « en foires les marchands ont accoustumé user de changes, arrièrechanges et interests » (Lettres patentes de Louis XI du 8 mars 1463, ds Vigne 1903, 68). Cf. aussi Rierechange. Avantage — « Payez a usance par cete premiere de change a tel et ses associez, la somme de tant d’ecuz, a tant de carlins pour ecu, en or ou argent contant et hors banque, et un carlin pour once d’avantage : pour la valeur receuë de tel etc. » (Trenchant 1561, 283). Dans Boyer (1619, 105) avantage et aage, c’est-à-dire “agio”, sont utilisés comme des synonymes dans la description d’une opération de change. Pour agio, cf. Rainer (2005) et TLF-étym, s.v. Bailleur — « le bailleur se fie de bailler son argent sur le mot et lettre du prendeur » (Ympyn 1543, 24v). Bénéfice — Boyer (1619, passim) ; « Avec lequel Banquier il traite en personne, ou par le ministere d’un Sensal Courratier. Premierement du Benefice, c’est-à-dire du Change ou de l’usure qu’il luy baillera pour deux mille livres delivrées à Bourdeaux, afin que semblable somme de deux mille livres soit remise ou delivrée à son Commissionnaire à Paris. » (Cleirac 1656, 28). Bilan — Cf. TLF-étym, s.v. Billet de change — « Apprenez, que donner un soufflet à un Bas-normand, ou lui faire un billet de change de mille écus, c’est la même chose. » (Le Théâtre italien de Gherardi. Tome IV. Paris : Vitte 1617, 434) ; « Aucun billet ne sera reputé Billet de Change, si ce n’est pour Lettres de Change qui auront esté fournies, ou qui le devront estre. » (Ordonnances de Louis XIV, 1673, 41). Cambiste — Cf. TLF-étym, s.v. Certain, donner le ~ — « Certain n’est autre chose sinon que donner un prix ferme qui n’aye point de varieté, comme seroit Lyon ou Plaisance qui donnent ∇ 100 ou ∇ .1. pour avoir à Naples ducats 130 ou plus ou moins, ou en Anvers gros 117, plus ou moins. Et parce que tels prix de donner ∇ 100, ou duc. 100, ou bien ∇ 1, ou un ducat est ferme et iamais ne varie, pour telle raison est appelé certain. » (Boyer 1619, 91) ; « Lyon donne le certain ausdites deux places de Naples et de Rome » (Boyer 1619, 92). Change1 “négoce des lettres de change” — « Et ce nous entendons de gain qui se prend de Foire en Foire, pour prest, ou pour change, ou pour autre maniere de contract semblable, sous quelque couleur que ce soit. » (Privileges de Foires de Brie, et Champagne, du 6 août 1349, ds Privileges des Foires de Lyon, 10) ; « Et veullent, consentent et ouctroient li diz debteours, ou cas que il deffauldroient de paiement à chacun des diz termes, que ledit Guiot puisse faire change sur eulx d’un chascun paiement de son dit debte à quelcunque personne marchand qu’il li plaira en la meniere acostumé à faire en fait de change, et lequel change, ensemble le dit debte, frais et missions par ce encourruz, il promettent paier et en obligent eux, lour hers, et touz leur biens et chatelx, etc. » (document dijonnais du 30 novembre 1383, ds Gauthier 1907, 275) ; « Et repondons quant à ce premier article des changes que […] Et n’a cause de laisser a change pour cela comme ilz dient » (Memoyres faictes par les marchans de la

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ville de Lyon …, de 1551, ds Brésard 1914, 357) ; « il ne s’y parle plus que bien peu de bancque, ny de faict de change » (Rubys 1604, 343). Change2 “prix du change, intérêt” — « […] en foires les marchands ont accoustumé user de changes, arrière-changes et interests […] » (Lettres patentes de Louis XI du 8  mars 1463, ds Vigne 1903, 68) ; « Et si voyés que ladite somme par impost ne se peut promptement recouvrer sur les habitans de ladite ville, trouvez moyens […] à icelle advancer ou faire delivrer à change et perte dès maintenant à ladite foyre d’Apparition » (Lettres Louis XI, V., t.9, 1481, 110 ; DMF) ; « scavoir combien le change valloit en tel ou tel temps » (Ympyn 1543, 26r) ; « plusieurs sommes de deniers qu’ils tenoyent desia lors à change et interests de leurs concitoyens » (Rubys 1604, 483) ; « l’advis qui se donne du change » (c’est-à-dire, du cours du change ; Boyer 1619, 87) ; « Sur ce le Banquier et le Bourgeois conviennent d’accord du prix qu’ils nomment Change, ou Benefice, ensemble du delay de la remise » (Cleirac 1656, 30). Change3 “place du Change 22 (à Lyon)” — « en la Cour du Palais […] ou depuis les Troubles de la Ligue, les Traffiqueurs d’argent s’assemblent de dix heures iusques à midy, comme les Marchans font sur le Change à Lyon, et à la Bourse d’Anvers » (Mareschal 1625, 194). Change, bailler à/en ~ — « argent ainsi baillié en change ne doit point estre alloué jusques a ce que cellui qui l’a baillié soit restitué » (lettre de change du 8 mai 1419, ds Fagniez 1900, 212) ; « s’informer par les banques à quel pris les uns, ou les autres, veulent prendre ou bailler argent en change par un tel lieu » (Trenchant 1561, 279) ; « bailler à change » (Boyer 1619, 83). Change, faire (le) ~, faire les changes — « Clement son facteur […] fist change de x ou xii liv. au prouffit dudict Rivaut » (lettre de change du 8 mai 1419, ds Fagniez 1900, 211) ; « ilz ont laissé la pluspart le trafficq de la marchandise pour faire le change » (Memoyres faictes par les marchans de la ville de Lyon …, de 1551, ds Brésard 1914, 360) ; « Celuy qui prent argent en une ville […] pour rendre sa valeur en une autre : c’est celuy proprement qui fet change » (Trenchant 1561, 276) ; « methode pour faire les changes » (Boyer 1619, 38). Change, prendre à/au/sur le ~ — « prent argent a change » (Ympyn 1543, 24v) ; « prendre l’argent au change » (Ympyn 1543, 24v) ; « sil eust prins ledit argent sur le change » (Ympyn 1543, 24v) ; « l’argent pris à Change » (Rubys 1604, 498) ; « En Italie tous les Ordres [sc. de marchands] peuvent prendre argent au change, mais non pas en donner » (Cleirac 1656, 14). Changer “envoyer des/par lettres de change” — « Crestofle Didier vient à presenter mille ecuz à Alexandre David pour les changer par Genes » (Trenchant 1561, 286) ; « Lyon change pour Rome » (Boyer 1619, 71). Changes, tenir sur les ~ — « celluy qui preste tiendra sur les changes ce qu’il ha presté iusqu’à ce qu’il soit remboursé » (Nicolay 1573, ds Brésard 1914, 276). Change sec — « [Le change] advient en quatre manieres, comme il y a quatre natures de change, Dequoy la premiere est, Cambio minuto vel commune. Et ce est le petit change et commun. Le second, est Cambio realle. Et cestuy est le change honnorable Cf. « la place du change de Lyon » (Boyer 1619, Au lecteur) ; mais Rubys (1604 : 496) écrit « la place ou negotient les marchands à Lyon, a esté appellee place des Changes ».

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et royal. Et le troisiesme est Cambio sicco. Et est le change secq. Le quatriesme est Cambio ficticio, et ce est le change faict et fictice. » (Ympyn 1543, 22v). Compte1 “date du commencement des Payements” — « il est question d’arrester le iour que se devront faire les Payements de la Foyre prochaine […], et d’arrester le conte et le prix de l’argent pris à Change durant ces Payements […] Et ainsi sur leur advis s’arreste le iour que se commenceront les payements de la prochaine Foyre […] Chascune de ces trois nations faict le Compte des Changes, et arreste le prix que vaudra l’argent pris à Change en ces payements là » (Rubys 1604, 498). Compte2 “cours du change” — « ilz […] font les contes, c’est-à-dire, le pris des changes qui sont à fére entre crediteurs et debiteurs par chacune des autres villes au respect dudit Lyon » (Trenchant 1561, 289). Contrechange — « a ce sapplicque le dommaige de change, et contrechange » (Ympyn 1543, 25r) ; « Aucuns pallient leurs exces, soubz umbre qu’ilz se dyent prendre l’argent d’autruy à interest, Parquoy leur en fault davantage, et l’appellent contrechange, mais ilz l’appelleroient mieulx seconde usure, qui est encore pis qu’usure d’usure. » (Molin 1547, 38v). Cours du change — Cf. TLF-étym, s.v. Courtier de change — « Pierre de Bosquelle soy disant Courtier de Change en ceste ditte ville » (arrêt du Parlement de Rouen du 5 décembre 1602, ds Mareschal 1625, 291) ; « les Courretiers, et Proxenettes » (Mareschal 1625, 135) ; « des Sensals, ou Courratiers du Change » (Cleirac 1656, 26). Dénégation — « Les tireurs ou endosseurs des Lettres seront tenus de prouver en cas de denegation, que ceux sur qui elles estoient tirées, leur estoient redevables » (Ordonnances de Louis XIV, 1673, 35). Déposant — Cf. TLF-étym, s.v. deposit — « Un marchand distrait de son fonds ₤ 7450 pour les faire profiter sur la place de Lyon selon le deposit du change » (Boyer 1619, 44). déposite — « Les banquiers étrangers qui ne font que change et déposite » (Memoyres faictes par les marchans de la ville de Lyon …, de 1551, ds Brésard 1914, 357). déposito — « on à excluz ces mots d’interests, d’usure, et de Deposito, comme mots qui attirent ie ne sçay quoy d’odieux apres eux » (Rubys 1604, 496). Dépôt “change de foire en foire” — « ce prest, qu’ilz appellent provision, ou grace, et depost, ou change » (Molin 1547, 35v) ; « Depost appellent aujourd’huy les marchans (pour colorer un faict odieux par parolles honnestes) de donner une somme d’argent, à quelqu’un pour quelque temps, a un pris et interest ferme, et determiné » (Guichardin 1567, 157). Discompte, discompter — « 7. Payer au Discompte. Les Marchands de Lyon pratiquent en leur commerce une sorte de payement qu’ils nomment l’escompte ou discompte, lors qu’ils prestent argent, ou qu’ils vendent marchandises à credit, le prix payable à certain terme, par exemple d’un an, d’une, de deux, ou de trois foires, qui font 4. chaque annèe audit lieu. Le debiteur ou l’achepteur à terme, peuvent dans le delay anticiper ou payer, et ce faisant defalquer ou discompter sur le deu le change. C’està-dire, l’usure ou l’interest (qui est communement au denier dix) pour le temps qui reste à courir iusques au terme. Car ils estiment avec grand raison, que le temps du delay fait partie du prix ou du dette. » (Cleirac 1656, 153).

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Donneur d’ordre — « pour avoir son recours contre le tireur, ou les donneurs d’ordres, il faut necessairement protester au reffus qu’il y auroit d’accepter ou de payer la lettre » (Savary 1675, 155). Endossement, endosser — « ARTICLE XXV. Au cas que l’endossement ne soit pas dans les formes cy-dessus, les Lettres seront reputées appartenir à celuy qui les aura endossées ; et pourront estre saisies par ses creanciers, et compensées par ses redevables. » (Ordonnances de Louis XIV, 1673, 40). endosseur — « Apres les delais cy-dessus les porteurs des Lettres seront non-recevables dans leur action en garantie, et toute autre demande contre les tireurs et endosseurs. » (Ordonnances de Louis XIV, 1673, 35). Étroit — « tenir la place estroicte d’argent » (Memoyres faictes par les marchans de la ville de Lyon …, de 1551, ds Brésard 1914, 359) ; « la Bourse d’Anvers est si étroite et tellement tant bas de change » (document de 1562, ds Goris 1925, 377). Etroitesse — « la grande disaytes [sc. disette] et l’éctroictesse d’argent » (document d’Anvers de 1544, ds Goris 1925, 376). Incertain — « Incertain est un prix lequel n’est point stable, et qui peut avoir variation, comme seroit quand la place qui change donne un nombre des escus, de ducats, de sols, ou d’autre monnoye qui ne vient pas à 100, ou bien le surpasse. Et pour ceste raison n’estant tels prix fermes et stables, se nomment incertains, puis qu’ils peuvent varier, tantost plus, tantost moins. » (Boyer 1619, 91) ; « la place en laquelle se doit effectuer la commission donne aux places qu’elle doit remettre et tirer, à toutes deux l’incertain » (Boyer 1619, 91). Large — « ils ont tousiours faict abonder et tenu large la place et bourse d’Anvers de deniers et argent » (document d’Anvers de 1544, ds Goris 1925, 376) ; « selon […] que l’argent est large ou estroit » (Mennher 1561, 39) ; « selon que la place est large ou estroicte d’argent, comme ils parlent » (Rubys 1604, 498). Lettre d’avis — Cf. TLF-étym, s.v. Lettre de change — Cf. TLF-étym, s.v. Lettre de remise — « Qu’il y auroit encore une autre troisiesme espece de lettres de change, qui avoient leur nom special de lettres de remise, avec une faveur et recommendation plus grande que les premieres, à cause de la necessité, par le moyen desquelles, ceux qui avoient affaire d’argent en un lieu esloigné, le recouvroient, en le fournissant au lieu ou ils estoient. » (Bouchel & Joly 1630, 37) ; « L’exercice et lucre du Change, tant menu que par Lettres de remise, n’est licite qu’aux seuls Changeurs publics » (Cleirac 1656, 2). Lettre faite — « Aussi quelquesfoys lon dit a l’usance, car entre plusieurs villes il y a un terme ferme et usité qu’on a de coutume payer les lettres de change : en contant ou depuys que la lettre est féte, ou depuys qu’elle est veuë de celuy a qui elle s’adresse, si autrement on n’a convenu et limité le terme. » (Trenchant 1561, 284) ; « 20 iours apres lettre féte » (Trenchant 1561, 285). Lettre vue — « 14 iours apres lettre veuë de celuy qui doit payer » (Trenchant 1561, 284) ; « De Venize à Rome, y a temps de 10 iours, apres la lettre veuë et autant de Rome à Venize. » (Tartaglia 1578, 80v) ; « le Commissionnaire (s’il est acredité) peut prendre d’un autre Banquier autre Lettre de Change pour semblable somme de deux mil

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livres tirée sur le Banquier de Bourdeaux à Lettre veuë sans autre delay » (Cleirac 1656, 56). Mandant — « […] sçavoir à quel peril seroit ladite faillite, ou du mandant, ou du mandataire » (Mareschal 1625, 15). Mandataire — « il faut soigneusement observer lors de la presentation, la forme de l’acceptation, pour en rendre Debiteur le mandataire, c’est-à-dire, celuy sur lequel elle est tirée, et addressée » (Mareschal 1625, 13). Monnaie de change — « Fere le per, est aparier et egaler la valeur de la monnoye de change d’un lieu, à celle d’un autre » (Trenchant 1561, 277) ; « Et sur le payement qui se fait des marchandises, il se rabat un sols Imperial pour chacun ducaton, et pour reduire le payement en monnoye de change. 23 » (Boyer 1619, 18). Ordre — « la somme sera remise ou payée à Paris au Commissionnaire nommé en la Lettre, ou à son ordre au terme stipulé ou promis par la Lettre » (Cleirac 1656, 49) ; « Il a été dit cy-devant que le tireur d’une lettre de change, et tous ceux qui ont passé leurs ordres sur icelle sont tous responsables solidairement envers le porteur de la lettre, au profit duquel est passé le dernier ordre. » (Savary 1675, 168). Pair (per, pary) — Cf. TLF-étym, s.v. change au pair. Payement(s) — « au payement de chacune foyre » (Memoyres faictes par les marchans de la ville de Lyon …, de 1551, ds Brésard 1914, 358) ; « les Payements se font quatre foys l’annee » (Rubys 1604, 497). Porteur — « se admettent et pour bons se adjugent transportz privéz de main à main voires que pis est soubz clause de pourteurs de lettres laquelle est prétext notoirement de infinies simulations et collusions » (document anversois de 1565, ds Goris 1925, 339) ; « Le change reel est tel, que baillant une somme à Paris, Lyon, ou autre ville, elle soit renduë en vertu d’une simple Lettre dicte de change, qui est escrite, soubscrite, et baillée par celuy qui reçoit l’argent, à celuy qui est porteur de la dite lettre » (Mareschal 1625, 6). Preneur (prendeur) — « le bailleur se fie de bailler son argent sur le mot et lettre du prendeur » (Ympyn 1543, 24v). Présentation — « la Presentation de la lettre » (Mareschal 1625, 14). Présenter — « est le premier à accepter les lettres de Change qui luy sont presentees » (Rubys 1604, 497). Prix du change — « de tel change ne cesse iamais le pris, mais monte et descent en tous lieux » (Ympyn 1543, 23v) ; « la place de Lyon faict la Loy, et donne le prix du Change » (Rubys 1604, 498) ; « Le prix du Change sera reglé, suivant le cours du lieu où la Lettre sera tirée, eu égard à celuy où la remise sera faite. » (Ordonnance de Louis XIV, 1673, 46). Protester, protestation — « lequel argent ne seroit payé selon lesdictes lectres (en faisant aucune protestation, ainsi qu’ont accoustumé faire marchands frequentans foires, tant à nostre royaume qu’ailleurs) » (Lettres patentes de Louis XI du 8 mars 1463, ds Vigne 1903, 68) ; « celuy à qui elle [sc. la lettre de change] est presentee, la proteste et refuse la recevoir » (Rubys 1604, 497). 23

Opposée dans le texte à « monnoye courante ».

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LE RÔLE DE L’ITALIEN DANS LA TERMINOLOGIE CAMBIALE FRANÇAISE

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Protêt — Cf. TLF-étym, s.v. Provision1 “intérêt” — « Et me souvient en avoir veu une missive […] datée de l’an .1538. par laquelle certain marchand Tolosain, qui requeroit ce prest, qu’ilz appellent provision, ou grace, et depost, ou change, à un bancquier de Lyon, reputoit grace que ledict banquier se contentast de quatre et ung quart pour foyre, qui reviennent à dixsept pour cent par an » (Molin 1547, 35v) ; « celuy qui tient argent ayant charge de le bailler en depos, prent sa provision de tant pour 100 » (Trenchant 1561, 289) ; Provision2 “provision” — « Les tireurs ou endosseurs des Lettres seront tenus de prouver en cas de denegation, que ceux sur qui elles estoient tirées, leur estoient redevables, ou avoient provision au temps qu’elles ont deu estre protestées » (Ordonnances de Louis XIV, 1673, 36). Provision3 “commission” — « banquiers […] se font reciproquement service, moyennant certaine provision qu’une banque prent sur l’autre » (Trenchant 1561, 270) ; « Provision, ce terme a deux significations dans le Commerce : Dans l’une il signifie le fonds destiné pour le payement de quelque Lettre de Change : Dans l’autre il marque la recompense que l’on donne à un Commissionnaire, pour faire des affaires » (Irson 1678, ch. X). Rechange — Cf. TLF-étym, s.v. Rechanger — « Un Marchant en Anvers donne argent en change par Espaigne […] et de la il le rechange par Anvers » (Mennher 1561, 43). Refus, refuser — « ledit Fortia […] la [sc. lettre de change] refusera […] et lors faudra que ledit Didier face un protest du refuz que ledit Fortia luy auroit fét de fére ledit payement » (Trenchant 1561, 287) ; « Toutes Lettres de Change seront acceptées par écrit purement et simplement. Abrogeons l’usage de les accepter verbalement, ou par ces mots : Veu sans accepter ; ou, Accepté pour répondre à temps ; et toutes autres acceptations sous condition, lesquelles passeront pour refus : et pourront les Lettres estre protestées. » (Ordonnances de Louis XIV, 1673, 29). Remettre — « octroyons que, durant lesdictes foires, toutes gens […] puissent bailler, prendre et remectre leur argent par lectres de change » (Lettres patentes de Louis XI du 8 mars 1463, ds Vigne 1903, 68) ; « ceulx qui voudroient remectre et donner à change pour Lyon » (Memoyres faictes par les marchans de la ville de Lyon …, de 1551, ds Brésard 1914, 358). Remise — « au payement de chacune foyre de ceste ville il y vient une grande quantité de remise par lettre de change de pays estrangers » (Memoyres faictes par les marchans de la ville de Lyon…, de 1551, ds Brésard 1914, 359) ; « la remise d’argent de lieu, pays, et royaume à autre » (Mareschal 1625, 7). Retour — « Change sec en aparence semble real, car les lettres de change se font semblables. […] Et pour ce celuy qui a affére d’argent est content de luy fére une lettre de change, faignant luy fére tenir la valeur de son argent par dela, puys luy restituer icy son argent selon le retour du change de tel lieu. » (Trenchant 1561, 293) ; « Ne sera deu aucun Rechange pour le retour des Lettres, s’il n’est justifié par pieces valables, qu’il a esté pris de l’argent dans le lieu auquel la Lettre aura esté tirée » (Ordonnances de Louis XIV, 1673, 46). Rierechange — « changes et rierechanges » (document de 1551, ds Brésard 1914, 272). Cf. aussi Arrierechange.

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Sous protêt — « celuy à qui elle [sc. la lettre de change] est presentee, la proteste et refuse la recevoir […]. Et lors on met sur la lettre un S. et un P. qui signifie soubs Proteste » (Rubys 1604, 497). Sur protêt, surprotêt — « Et si en faisant ledit protest il se trouve aucun qui pour fére honneur a la lattre [sic] dudit David il la veuille payer, encores qu’il n’aye point de cognoissance dudit Iuliani, il le fera sur le protest : et payer sur le protest, s’entend que quand ledit Iuliani, pour le conte duquel est féte la lattre ne voudroit rembourser ou allouer le payement fét en son nom, iceluy auroit tousiours son recours à l’encontre dudit David : lequel David retireroit le surprotest et sa lettre, pour s’en servir contre ledit Iuliani. » (Trenchant 1561, 288) ; « Si le protest faute de payement est fait dans les trois iours apres le terme escheu, ou dans dix iours à Paris, et que la Lettre retourne à Protest, lors le Commissionnaire (s’il est acredité) peut prendre d’un autre Banquier autre Lettre de Change pour semblable somme de deux mil livres tirée sur le Banquier de Bourdeaux à Lettre veuë sans autre delay et à tel change qu’il trouvera de quatre, cinq, six, ou plus pour cent, laquelle Lettre est nommée Lettre de surprotest, et l’usure ou le gros Change d’icelle est nommé Rechange ou Perte. » (Cleirac 1656, 56). Tirer — Cf. Rainer (à paraître). Tireur — Kuhn (1931, 137). Traite —Cf. TLF-étym, s.v. Usance — Cf. TLF-étym, s.v. Us — Cf. usance. Uso — « Item d’Anvers à Venize on change […], à uso qui est .2. mois pour la, et .2. mois pour ça, apres que la lettre de change est faicte. » (Mennher 1565, première partie, p. 171) Valeur — « Le xxvl d’aoust prochain payez par ceste premiere lettre de change à tel [telle somme d’argent] pour la valeur que i’ay receue de tel, et mettez sur mon conte. » (Trenchant 1561, 281) ; « Les Lettres de Change contiendront sommairement le nom de ceux auxquels le contenu devra estre payé, le temps du payement, le nom de celuy qui en a donné la valeur » (Ordonnances de Louis XIV, 1673, 28). Voir la lettre — « Ou bien celuy auquel elle [sc. la lettre de change] a esté presentee est en doute s’il la doit accepter ou non, et demande temps d’en deliberer, qui ne peut estre plus que d’un iour, ou de deux, et lors ont [sic] met sur la lettre un V. qui signifie, voir la lettre » (Rubys 1604, 497).

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Lessico e tassonomia nell’organizzazione del Dictionnaire de Termes Médico-botaniques de l’Ancien Occitan (DiTMAO)

1. Introduzione al DiTMAO La realizzazione del DiTMAO (Dictionnaire de Termes Médico-botaniques de l’Ancien Occitan, a cura di Bos, Corradini, Mensching) è lo sbocco naturale di una ricca produzione critico-editoriale e di saggi scientifici dedicati alle fonti manoscritte in occitano medievale che trattano argomenti medico-farmaceutici e botanici 1. Il materiale in esse contenuto è determinante sia per evidenziare i caratteri delle differenti scriptae in lingua d’oc, sia per conoscere nel dettaglio il lessico tecnico volgare che nell’area occitanica fu particolarmente sviluppato, grazie soprattutto alle influenti scuole di medicina di Montpellier e di Tolosa. Nonostante ciò, la ‘Fachliteratur’ medievale utilizzata come materiale di spoglio per lavori di carattere lessicografico era di scarsa entità quando ne ho evidenziato il limite nel colloquio A.I.E.O. di Wegimont (Corradini 1990). In quell’occasione attribuivo grande importanza alla produzione di un inventario aggiornato dei manoscritti di ambito medico-farmaceutico, all’edizione dei testi inediti (o alle eventuali riedizioni a partire da nuove accezioni) e alla conseguente creazione di un indice lessicale della terminologia scientifica 2. 1



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Cfr. Corradini 1991; Corradini 1997; Bos / Mensching 2000; Bos/Mensching 2001; Corradini 2001; Corradini 2002; Corradini 2006; Bos/Mensching 2005; �������� Bos/Hussein/Mensching/Savelsberg 2011; Bos/Hussein/Mensching/Savelsberg (in preparazione). Dopo la documentazione che dobbiamo a Raynouard (che nel Lexique prese in considerazione le fonti manoscritte de La chirurgie d’Albucasis e dell’Elucidari de las proprietatz de totas res naturals), e ai lavori di Thomas (1881) e di Teulié (1900), fino agli anni ’90 del secolo scorso la produzione editoriale, non adeguata dal punto di vista quantitativo, non è stata in grado di rendere conto soprattutto della molteplicità degli aspetti inerenti il lessico medico-botanico occitanico, quali la sua formazione, le variazione formali e semantiche, l’identificazione delle entità botaniche citate nei testi. Proprio la Provenza, di contro, anche a causa delle condizioni ambientali

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Seguendo questo logica, e sulla base di una più che sufficiente quantità e qualità dei materiali raccolti 3, il progetto DiTMAO è stato avviato grazie alla collaborazione fra le Università di Colonia, Gottinga e Pisa 4. Le fonti in alfabeto latino sono costituite da testi di genere e di contenuto differenti (per es. erbari, ricettari, operette monografiche) e, più in particolare, dal materiale lessicale che da essi si può estrarre ed organizzare in indici; quelle in alfabeto ebraico 5 sono rappresentate da liste di termini accompagnati dalle corrispondenti realizzazioni in ebraico e in arabo, le quali sono state prodotte come ausilio delle pratiche di bi- e trilinguismo, frequenti in area occitanica nel periodo medievale 6. Il dizionario dovrà essere prodotto in due forme diverse al fine di consentire approcci differenti di consultazione: quella su volumi a stampa e quella mediante accesso ad un sito Web. Per questa ragione le informazioni lessico-



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favorevoli allo sviluppo di una flora spontanea estremamente varia e ricca, nel corso del tempo ha dato i natali ad insigni botanisti di portata europea. Per citare solo alcuni fra quelli antecedenti ai numerosi che operarono nel XIX secolo: NicolasClaude Peyresc (nato nel 1580); Joseph-Pitton de Tournefort (n. 1656), il quale ha pubblicato una delle prime classificazioni metodiche della flora nel 1694, e il suo allievo Garidel (nato nel 1659), autore della Histoire des plantes qui naissent aux environs d’Aix; Michel Adanson (nato nel 1727), che pubblicò una classificazione delle piante contrapposta a quella di Linneo. Un altro nome di illustre botanico del periodo è Augustin Pyrame De Candolle, nato nel 1778, ginevrino, ma appartenente ad una antica famiglia originaria della Provenza, divenuto professore di botanica presso la facoltà di medicina dell’Università di Montpellier, che propose una tassonomia in opposizione a quella di Linneo (De Candolle 1819 2); i suoi lavori sono alla base della monumentale opera botanica di Rolland (Roll). Cfr. la nostra presentazione nei congressi CILPR (Innsbruck 2007, Valencia 2010, Nancy 2013), per i quali si vedano Corradini/Mensching 2010, Corradini/Mensching 2013, Bozzi/Luzzi (in corso di stampa), Corradini (in corso di stampa) e Roth/Weingart/Zwink (in corso di stampa). Progetto ‘An XML-based Information System for Old Occitan Medical Therminology’. Il sostegno finanziario, almeno in questa prima fase cruciale del lavoro, è assicurato dalla DFG (Deutsche Forschungsgemeinschaft). Il lavoro è sviluppato da tre gruppi: Università di Colonia (Gerrit Bos, Veronica Roth); Università Georg August di Gottinga (Guido Mensching, Julia Zwink, Anja Weingart, Danielle Friedrich); Università di Pisa (M. Sofia Corradini, Margherita Tagliavia, Erminio Maraia) con la collaborazione tecnica dell’Istituto di Linguistica Computazionale del CNR (Andrea Bozzi, Emiliano Giovannetti). Si precisa che nel DiTMAO i termini tratti dalle fonti in alfabeto ebraico compaiono in tre modalità: a. in caratteri ebraici; b. nella trascrizione basata sui caratteri latini maiuscoli ed eseguita secondo gli standard dell’Encyclopaedia judaica (E.J.); c. nella trascrizione vocalizzata in caratteri latini che interpreta la forma grafica di b. Nel presente lavoro è stata utilizzata solamente quest’ultima. Nella bibliografia in calce sono elencate esclusivamente le fonti (nei due alfabeti) relative alle voci qui considerate.

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grafiche sono state strutturate e codificate in modo tale che, da un lato, permettano di creare un documento elettronico predisposto per le successive fasi di stampa a cura della casa editrice e, dall’altro, risultino compatibili con i più diffusi sistemi di navigazione in rete. Ciò significa che ogni singola voce del dizionario mantiene il tradizionale ruolo e posizione nell’ordinamento alfabetico ai fini della consultazione dell’archivio testuale, forma che costituirà la base del vocabolario prodotto a stampa; le entrate, tuttavia, sono semanticamente strutturate anche secondo una modalità innovativa, affinché sia possibile interrogare i dati lessicali e testuali, resi disponibili in rete dal progetto, secondo un’ulteriore ed utile chiave di accesso. Non è oggetto del presente contributo la descrizione particolareggiata degli aspetti tecnici relativi al sistema lessicografico adottato; occorre, tuttavia, spendere alcune parole per illustrare la scelta dei criteri che sono stati ritenuti più adatti ad organizzare e a rendere interrogabili tutti gli elementi del patrimonio lessicale in oggetto, sia quelli relativi al significante (variazione grafica, fonetica, morfologica, etc.), sia quelli collegati al senso. Ai fini, soprattutto, della consultazione in rete, lo studio puntuale della terminologia medico-farmaceutica medievale in antico occitano necessita di strumenti di analisi più specifici di quelli offerti da semplici indici di parole-forma o di lemmi presenti nelle fonti, con eventuali concordanze. Oltre ad essi, che mantengono comunque una indiscutibile validità, appare sempre più funzionale interrogare la base dei dati terminologica o gli stessi testi utilizzando, come chiave di accesso, un concetto o un tema generico. Grazie a questo metodo possiamo superare i limiti che sovente si verificano in situzioni analoghe alla nostra, in particolare quando: - una delle fonti del corpus testuale (o chi effettua una ricerca) denoti uno stesso tema con parole diverse da quelle utilizzate da un’altra fonte; - quando, in fase di ricerca, venga usata una chiave di accesso diversa da quella, pur semanticamente identica, che è attestata. Ciò provoca un’evidente impossibilità di recuperare le informazioni che, invece, sono presenti, sia pure in altra veste. Per ovviare a ciò abbiamo ritenuto vantaggioso predisporre una classificazione onomasiologica (ovvero, più precisamente, ‘ontologica’, per coerenza con il termine tecnico adoperato dal personale esperto in informatica che segue la realizzazione delle componenti tecniche del progetto), che consenta di classificare tutta la terminologia medico-farmaceutica su base concettuale. Un esempio che può chiarire bene la funzione di tale scelta metodologica è rappresentato dalle numerose voci che si riferiscono ai rimedi ottenuti tramite unguenti (oignement, onguent, con tutti gli eventuali sinonimi), dei quali

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fanno parte anche la dura confeccio o l’apostolico, che ne rappresentano particolari tipologie. Con l’attribuzione del valore concettuale “unguento”, tutti questi lemmi sono unificati su base semantica e concettuale ed essi, pertanto, potranno essere elencati come risultato di una ricerca che sia stata sottoposta al sistema informatico selezionando la voce “unguento” nello schema onomasiologico predisposto. Oltre a ciò, lo stesso sistema di navigazione fra i dati permette di prendere visione di tutti i contesti nei quali quelle voci ricorrono nelle opere del corpus. In quest’ottica, dunque, sono stati considerati particolarmente significativi i legami logici che intercorrono fra i significati di ciascuna entità e la natura di tali legami. Ciò ha consentito anche di classificare la relazione esistente fra alcune erbe e la cura di certe malattie, o la relazione fra malattie e parti del corpo da esse colpite, o ancora la relazione fra funzioni vitali e parti anatomiche correlate. A questo aspetto se ne correla un altro che, nel nostro caso, assume un’importanza determinante per la ricchezza e la validità dei risultati che si potranno ottenere in seguito alla consultazione della base di dati terminologica: il sistema progettato deve consentire la predisposizione di relazioni fra le espressioni medievali e le corrispondenti espressioni contemporanee. Le voci sono redatte, dunque, secondo un duplice sistema di classificazione logico-semantica: quello aderente al periodo medievale nel quale esse furono impiegate e quello coerente con l’uso che esse hanno assunto attualmente 7. Se, infatti, per es., non si rilevano divergenze terminologiche e concettuali fra le espressioni a. occit. esclerotiqua (sclirotiqua), retina (rathina), cornea, coniuntive (Anric de Mondavilla, ms. Firenze, BML, Ashb. 104, cap. 3) e quelle attuali corrispondenti, lo stesso non si può dire dell’a. occit. secundina (segondina), oggi identificata con coroïda, o di aranea (arenea), denominazione di un’entità semanticamente assorbita da retina. La struttura logica che sottende alla redazione delle voci così concepita, soprattutto in vista della consultazione in rete, permette di avere un quadro molto dettagliato del dominio di conoscenze espresse dalla medicina e dalla farmacopea occitaniche nel periodo medievale, che sarebbe difficilmente rag7



E’ noto, infatti, che nel campo medico-botanico si corre il rischio di anacronismo, proiettando valori o concetti attuali nella scienza antica e modernizzandone il contenuto. Termini anatomici come venae ed arteriae, per es., hanno subito nel corso del tempo un notevole cambiamento di significato. Le due parole, infatti, non indicavano i vasi che, rispettivamente, escono da un organo e giungono ad esso, ma le prime erano quelli che nutrivano un organo, dove il sangue si muoveva nelle due direzioni, mentre le seconde erano tali solo quando conducevano l’aer – o pneuma -, proprietà ricevuta dall’aria per mezzo dei polmoni (Corradini 2007).

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giungibile mediante il solo repertorio lessicale a stampa. Se nel progetto complessivo quest’ultimo rappresenta una componente indispensabile, esso viene, tuttavia, arricchito dalle potenzialità di ricerca e, soprattutto, dal continuo aggiornamento per l’inserimento di eventuali nuovi dati nell’archivio informatizzato, possibili grazie allo strumento computazionale. Parallelamente, per quanto riguarda il versante grammaticale, è stata concepita una seconda struttura basata su una classificazione tassonomica dei ruoli che le forme linguistiche afferenti a ciascuna entrata lessicale ricoprono 8. Grazie ad essa è possibile catalogare lemmi, sottolemmi, sinonimi e varianti (morfologiche, grafico-fonetiche, etc.), indicando l’alfabeto, la categoria grammaticale, il numero, il significato, la lingua, il nome scientifico, l’eventuale corrispettivo in un’altra lingua antica, il periodo nel quale ogni singola voce (lemma, sottolemma e/o variante) era in uso e in quali documenti è attestata. Il lavoro di organizzazione dei dati in tal senso implica un notevole sforzo che, tuttavia, è ampiamente ricompensato nel momento in cui la consultazione del dizionario nella forma elettronica in rete dispiega una ricca messe di dati lessicali selezionati ed un rapido accesso ai testi del corpus sulla base dei quali la redazione delle voci è stata eseguita.

2. Aspetti di ambito semantico: rapporti di sinonimia e di polisemia Ai fini della realizzazione del dizionario è stata condotta una puntuale disamina della terminologia scientifica offerta dal corpus, seguendo due direttive complementari. La prima è l’analisi dei segmenti testuali che contengono gli elementi lessicali in oggetto e che appartengono alle opere in alfabeto latino; particolare riguardo è stato rivolto alle forme documentate da più redazioni, sovente provenienti da aree geografiche differenti e, dunque, atte a rendere conto della variazione diatopica della lingua. La seconda è la comparazione fra elementi occitanici analoghi tratti dalle due tipologie testuali che si diversificano per l’impiego di alfabeti differenti, la quale ha condotto a formulare valutazioni indubbiamente più approfondite ed articolate di quanto sarebbe avvenuto se ci si fosse limitati al lessico veicolato da uno solo di essi. Tale modo di procedere ha consentito di raccogliere elementi funzionali alla strutturazione delle entrate del DiTMAO, ma ha anche fornito l’occasione per

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Tali aspetti sono descritti in dettaglio in due comunicazioni presentate nel corso del XXVII congresso CILPR da Corradini (in corso di stampa) e da Bozzi / Luzzi (in corso di stampa). Una descrizione del progetto è in Roth/ Weingart / Zwink (in corso di stampa).

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sollecitare alcune riflessioni di ambito sia semantico che formale in relazione al linguaggio medico-botanico dell’occitano medievale. Uno dei fenomeni che caratterizza in modo evidente il lessico medicobotanico isolato nel corpus preso in esame è quello della sinonimia. Ciò è dovuto al particolare processo di formazione della terminologia scientifica in lingua volgare - non esclusivamente in quella d’oc - la quale, pur a partire da fonti classiche (latine, greche, arabe), ma nondimeno nell’intento di affrancarsi dalla loro supremazia, si è costituita mediante una pluralità di strategie, con la conseguente creazione di un sistema che risulta sovente ridondante. In complesso, il vocabolario medico-botanico utilizzato nei testi medievali redatti in occitano è composto da: – termini latini (e, in misura minore, greci ed arabi) tratti direttamente dalle fonti cui i testi in volgare sono debitori, attestati frequentemente anche in forma scorretta; – termini volgari che rappresentano l’evoluzione diacronica delle forme patrimoniali; – formazioni originali, talvolta create al fine di esplicitare i nuovi concetti legati all’avanzamento delle conoscenze.

Occorre considerare anche alcuni fattori specifici che sono responsabili della coesistenza, non solo di varianti grafico-fonetiche, ma di una molteplicità di lemmi denotanti una medesima entità: – la differenziazione dialettale dell’antico occitano, che ha portato alla nascita di volgarismi peculiari dei sistemi linguistici delle diverse zone; – l’influenza di idiomi alloglotti relativamente ad alcune aree e in determinati segmenti temporali, come il catalano a sud-ovest e il francese soprattutto a nord-est 9 ; – la presenza di medici e/o di studiosi ebrei che, provenendo per la maggior parte dalla penisola iberica, in particolare dall’area catalana, hanno esportato da lì termini volgari, integrandoli nel sistema lessicale occitanico; – l’esistenza di liste di corrispondenze (denominate ‘sinonimari’) in differenti lingue, utilizzate nell’ambiente medico medievale.

E’ da aggiungere a tutto ciò, da un lato, la particolare veste linguistica che caratterizza la maggior parte dei codici latori dei testi, riconducibile alla sovrapposizione di più scriptae e all’inserzione di glosse esplicative di registro differente avvenuta nel corso del processo di volgarizzamento; dall’altro, la vitalità di sinonimi già nelle lingue di partenza, mantenutasi poi nei testi in lingua d’oc. In tal modo nell’antico occitano si è venuto a creare un sistema 9



Relativamente alla variazione diacronica della lingua scientifica dell’area della Provenza che appare dall’analisi dei codici datati dal XIII al XV secolo e per la quale si può postulare una successione di fasi con caratteri differenti, si veda Corradini 2003, Corradini 2012 e gli studi di Brun 1923 e di Pansier 1924-27.

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lessicale complesso, documentato dal corpus testuale considerato nel suo insieme, ma che non di rado può caratterizzare anche un singolo testo. Talvolta è difficile stabilire se ci si trovi di fronte ad un vero e proprio rapporto di sinonimia o a parole connotanti entità differenti, sebbene reciprocamente molto prossime. Alcune osservazioni relative all’ambito anatomico sono già state condotte in contributi precedenti a questo 10. Qui conviene solo ribadire che il sistema del lessico anatomico, per quanto linguisticamente eterogeneo tanto da arrivare, talvolta, ad essere incongruente, dal punto di vista funzionale è stato indubbiamente in grado di ottemperare a due esigenze contrapposte avvertite nell’epoca medievale: rispondere al desiderio di precisione e piegarsi a necessità divulgative e di comprensione. Per esempio, per connotare il ‘peritoneo’ o ‘piccolo omento’, cioè la membrana sottililissima e dura che, nell’addome, aderisce a tutti i visceri che vi sono contenuti, sono impiegati: (a) il termine sifac, il quale rimanda direttamente all’arabismo siphac, già presente nelle fonti latine; (b) forme quali hyposantauaria e yposantaryo, corruzioni di calchi dal greco, anch’essi attestati nella lingua latina 11; (c) un’espressione come pel del cors la quale, pur rappresentando una banalizzazione, risulta più comprensibile dei termini tecnici.

Un altro esempio significativo è la compresenza di differenti denominazioni della ‘trachea’: i latinismi trachea arteria e canna pulmonis, le formazioni tracha, trache, cana, che prendono avvio dalle basi latine, le neoformazioni come gargamela. Un ulteriore aspetto tipico della terminologia scientifica occitana, in particolare quella di ambito botanico, è la polisemia. Non è infrequente, infatti, che la denominazione di una pianta, originariamente univoca, abbia assunto nel corso del tempo un significato generico e, dunque, sia stata in seguito impiegata per connotare specie diverse. Talvolta, invece, è la confusione fra due piante differenti ad aver provocato un’associazione sul piano semantico, con conseguente neutralizzazione delle forme linguistiche che le denotavano. In tali situazioni, ed in particolare quando rapporti di sinonimia e di polisemia si intersecano nel corso del processo di volgarizzamento delle fonti antiche, la comprensione della natura dei rapporti che legano reciprocamente

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Si vedano, in particolare, Corradini 2006, 2009, 2012 e Corradini / Mensching 2013. Cfr. Corradini 2006. Si tratta delle forme hypotaurium e hypotaurus attestate da Vegezio e dalla Mulomedicina Chironis (André 1991, 232-233).

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le entità botaniche e l’attribuzione a ciascun lemma del corretto significato costituiscono un esercizio particolarmente complesso. Sono da considerare, in particolare, le difficoltà legate al problema dell’identificazione. Se è vero che una lunga tradizione, che affonda le proprie radici nella Materia medica di Dioscoride, ha organizzato gli erbari come repertori di vegetali, accompagnati o meno da illustrazioni e dalla descrizione di caratteristiche fisiche e proprietà curative, tuttavia l’incapacità di associare l’esatta denominazione alle differenti specie di piante era un aspetto di cui già gli antichi si rendevano conto. Lo provano, oltre che la confusione nella nomenclatura dei fitonimi, anche le stesse descrizioni testuali e iconografiche che ci sono offerte dai codici antichi. Le illustrazioni, secondo quanto fondatamente afferma Pierre Lieutaghi 12, si ripartiscono in diverse categorie: figure semirealistiche, figure in cui la stilizzazione ha il sopravvento, disegni immaginari. Solo le prime sono in grado di rappresentare entità botaniche riconoscibili, in genere coincidenti con piante comuni e ben note; le altre sono schemi, spesso arbitrari, che testimoniano l’impossibilità di proporre valutazioni dotate di fondamento. Nel contesto attuale, ai fini della realizzazione del DiTMAO, si è ritenuto opportuno raccogliere la maggior quantità di informazioni possibili, conducendo le analisi in direzioni differenti: (a) comparazione interna fra fitonimi di significato uguale o comparabile. Sono state considerate le descrizioni di ciascuna pianta, quando presenti, e le proprietà curative, al fine di individuare l’esistenza di rapporti di sinonimia e di polisemia fra i lemmi e di documentarne tutta la variazione espressa dalle differenti forme; (b) confronto con i dati corrispondenti ricavabili dalle fonti cui i testi del corpus sono debitori, fra cui il Thesaurus pauperum (TH e THAdd) e il De febribus (FEBR) di Pietro Ispano, l’Antidotarium Nicolai (AntNic Jens) il De viribus herbarum di Macer; (c) in mancanza di fonti dirette e, in ogni caso, allo scopo di ampliare la documentazione, comparazione estesa ad altre opere appartenenti al medesimo ambito tematico. Ci si riferisce, per esempio, a: Pandectae di Matteo Silvatico (Pand); Flos Medicinae (FlosMed De Renzi); Alphita (Alph De Renzi, Alph Gonz, Alph Mow); Circa Instans (CircaInst), compresi i rispettivi volgarizzamenti prodotti in differenti idiomi romanzi. È il caso della redazione fiorentina dell’Antidotarium Nicolai (AntNic Font), di quella castigliana dell’Alphita (Sin), di quelle anglo-normanne della Lettera di Ippocrate (PopulMed) e delle numerose rielaborazioni in lingua d’oïl che sono state eseguite sulla base del Circa Instans, come il Grant Herbier del codice estense (CircaInst), o Le livre des simples médecines, del quale i manoscritti Paris, Bibl. Sainte Genèv, fr. 3113 (SimplMéd Dorv) e Paris, BnF fr. 12322 (SimplMéd Avril, ErbeMed) costituiscono due testimoni 13. In alcuni casi anche la comparazione ErbeMed, 289. In tale ottica sono stati presi in considerazione anche repertori lessicali e studi di ambiti diversi da quello dell’a.occit. (anglo-normanno, spagnolo, catalano, italiano, sardo).

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con i dati tratti da compilazioni più antiche come quelle di Dioscoride (Diosc) o di Plinio (Plinius) hanno fornito elementi utili all’identificazione delle piante considerate nel corpus; (d) quando possibile, comparazione fra le denominazioni dell’ a.occit. con quelle corrispondenti della lingua moderna registrate da lessici di area (per es. Palun 1867, Noulet 1855, Seguy 1953), anche al fine di mettere in evidenza le variazioni diatopiche dei termini analizzati; (e) identificazione delle entità botaniche denominate nel corpus con la classificazione di Linneo, aggiornata secondo la tassonomia dell’ITIS (Integrated Taxonomic Information System).

Le considerazioni che seguono sono vòlte ad esemplificare alcune tipologie dei rapporti che legano reciprocamente i fitonimi che compaiono nel corpus sul quale si fonda il DiTMAO. In seguito al confronto con i dati tratti dalle fonti indicate sopra si è potuta estendere all’occitano la documentazione dell’esistenza di alcuni legami semantici che intercorrono fra differenti termini, già rilevata in altri ambiti linguistici antichi e/o medievali, oppure ����� attestare la presenza di accezioni particolari, anche in relazione alle differenti aree geografiche dell’area del Midi.

2.1. Indivia e cicoria 1. Andivia (Thes XXXV 1, 3, 3; Thes LII 2). Cardel(h)s (ShS1 Ayin 7, ms. P), cardel(h)as (ShS1 Ayin 7, mss. O, V). 2. Solsegia (Ric2 f. 144r, ms. T), solsegina (Ric2 38, ms. A), solcegita (Let2 129, ms. P). Cardel(h)s salvajes (ShS1 Ayin 8, ms. P), cardel(h)as salvajes (ShS1 Ayin 8, mss. O, V).

Nei testi in lingua d’oc ci si riferisce a due specie del genere Cichorium (famiglia delle Asteraceae o Compositae). La prima è la pianta che il Thesaur de pauvres del codice di Chantilly denomina andivia, identificabile o con la Cichorium endivia L., cioè l’indivia, conosciuta comunemente anche come ‘cicoria scarola’, oppure con una varietà coltivata della cicoria selvatica, la Cichorium intybus subsp. foliosum Hegi (voce al punto 1.). La seconda specie è la Cichorium intybus L. 14, la cicoria, chiamata anche ‘cicoria ���� selvatica’ in opposizione all’altra, che i manoscritti di Cambridge, di Auch e di Princeton (voci al punto 2.) registrano come solsegia e varianti diminutive, 14

L’ITIS riconosce le uniche due specie della Cichorium endivia L. (ITIS 501522) e della Cichorium intybus L. (ITIS 36763); la varietà foliosum di quest’ultima è citata solamente come sinonimo e non è accettata come denominazione scientifica, al contrario di ciò che avviene in altre classificazioni botaniche. Ulteriori nomenclature per la ‘cicoria selvatica’, già conosciuta come Intubum sylvestre prima di Linneo, sono Cichorium endivia subsp. pumilum (Jacq.) Hegi e Cichorium intybus subsp. divaricatum Schousb.

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volgarismi strettamente legati a lt. solsequium, a sua volta calco della voce greca ἡliotropiόn (Alph Gonz, 453). Le denominazioni occitaniche delle due piante compaiono in FEW (4, 784b e 2, 665a) e in DAO (821, 1-1; 819, 1-1 e 1-3) dove, tuttavia, non è indicata la forma solsegia e varianti; l’opposizione fra le voci endebio, scarolo per le specie della Cichorium endivia L. e chicouréo salbatjo per la la Cichorium intybus L. è oggi viva, in particolare, nel tolosano (Tournon 1811, 334 e Noulet 1855, 91). Che anche nell’epoca medievale ci fosse la consapevolezza dell’esistenza di due specie distinte di Cichorium, non solo nei territori di lingua d’oc, è indubbiamente provato dal Circa Instans e da alcuni volgarizzamenti che da esso prendono avvio. Il Livre des simples médecines, per esempio, tratta separatamente della cicoria coltivata e della cicoria selvatica, e ne descrive le rispettive caratteristiche e proprietà curative 15. Il testo del Circa instans, come acutamente osserva Camus (CircaInst, 17) è di importanza fondamentale per le denominazioni e le descrizioni botaniche prima dell’avvento della classificazione scientifica basata sul binomio condotta da Linneo, perchè «l’autore offre una nomenclatura binaria talmente ricca che si potrebbe considerarlo come l’inventore di tale sistema di denominazione, se non fosse stato dimostrato da un valente erudito (Dott. Saint-Lager, Quel est l’inventeur de la Nomenclature binaire?, Paris, 1883) che questa invenzione non appartiene esclusivamente a nessuno, e che vari esempi di simile nomenclatura si rilevano già negli autori greci e latini». In relazione alla cicoria, i determinativi ‘coltivata’ e ‘selvatica’ che accompagnano il sostantivo connotano univocamente le due specie e, di fatto, mettono ordine nella sinonimia confusa che caratterizza la maggior parte degli inventari botanici pre-linneiani 16. Anche dalla lettura delle Pandectae di Matteo Silvatico si può ricavare l’informazione che della pianta erano conosciute due varietà: il testo che la descrive, infatti, riferisce di una «a foglie larghe come lattuga» e di un’altra «a foglie strette», per quanto nella lista delle entrate lessicali esse siano presentate assieme sotto le denominazioni apparentemente equivalenti di cicorea, endivia, sponsa solis, solissequia (Pand, 80) 17.

SimplMed Avril, 178 e 212, dove compaiono, rispettivamente, le descrizioni della ‘indivia’ o ‘cicoria coltivata’ e della ‘sponsa solis’ o ‘cicoria selvatica’, elencate nel codice BnF fr. 12322 (f. 177 e f.185); nel glossario in appendice al testo (SimplMed Avril, 323) Ghislaine Malandin e Pierre Lieutaghi ne propongono le identificazioni. Anche il DETEMA, 601b, riferisce delle due specie s.v. endibia: planta conocida de la que existen dos especies, hortense y salvaje. 16 Cfr., per es., il Grant Herbier in CircaInst, 212: Sponsa solis, cichorée sauvage. 17 Si rimanda anche a Roll 7, 211 e ad André 1985, 94 e 131. 15

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Completamente differenti sono le informazioni offerte da altre opere quali il Flos medicinae, l’Alphita, l’Antidotarium Nicolai e dai volgarizzamenti che ne derivano. In esse, infatti, tutte le denominazioni sono presentate come sinonimi di un’unica specie e non si ravvisano elementi che lascino intendere una percezione della distinzione fra le due piante 18. Così si legge, rispettivamente, nei passi tratti dalle tre opere indicate: Intuba, salsequium, cycorea, sponsaque solis (FlosMed De Renzi, 1, 459). Intuba, salsequium, cicorea, sponsa solis, idem eliotropia (Alph De Renzi, 3, 295). Intiba, solsequium, cicorea, sponsaque solis idem, eliotropia, cuius flos est dionisia, eadem dicitur (Alph Gonz, 230). Intiba, i. solsequiun, i. çicorea, i. esponsa solis (Sin, 120). Eleotripia: sponsa solis: solsequia: cicorea: intiba: idem est (AntNic-Sin Jens, 51). Cicorea id est intuba vel sponsasolis (AntNic-Sin Font, 74). Erintropia, solsequa, sponsasolis id est mirasolis sive cicorea vel peto porcina (AntNic-Sin Font, 75) 19.

Il valore che pare scaturire dall’abbondanza della documentazione in tal senso va, tuttavia, notevolmente ridimensionato se si presta fede all’affermazione di De Renzi, secondo il quale la voce intuba dell’Alphita ricalcherebbe quella analoga tratta dal Flos medicinae 20 dove, appunto, le forme salsequium, cycorea, sponsaque solis sono indicate come sinonimi di intuba (Cichorium intybus L.), con il conseguente annullamento della distinzione fra le due specie del genere Cichorium. Paragonando le descrizioni delle proprietà terapeutiche delle due piante che compaiono nel Circa instans con gli usi prescritti nei testi del corpus occitanico, si constata un’evidente congruenza che fa apparire ben fondata la reciproca differenza fra le voci occitaniche andivia e solsegia. L’impiego della seconda, per esempio, è documentato nei ricettari di Princeton, di Cambridge, di Auch per diminuire gli ardori causati dalla lussuria, mentre l’indivia è utilizzata nel Thesaur de pauvres contro la febbre terzana; entrambi gli usi La medesima situazione si riscontra nel Tractatus de herbis del Ps. Bartholomaeus Mini de Senis, per quanto legato alla tradizione del Circa Instans: Eliotropion herba est, quod alio nomine dicitur sponsa solis, alii cicorea, alii solsequium, alii intiba […] (BarthMin, 430). 19 Come si evince dai passi proposti, in ambito testuale latino il rapporto sinonimico si estende ad ulteriori termini: sponsa solis, erintropia, mirasolis, peto porcina. E’ attestata anche la confusione con le denominazioni della ‘calendula’, la Calendula officinalis L. (ITIS 36910) (FEW 12, 74a; DAO 975, 1-1 e 2-2). Quanto alla forma peto porcina, essa è la base di alcuni volgarismi presenti in sardo segnalati da Paulis 1992, 58. 20 Si vedano, rispettivamente, Alph De Renzi 3, 295 e FlosMed De Renzi, 1, 459. 18

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terapeutici hanno un riscontro nella compilazione latina. L’indivia era raccomandata, inoltre, per curare l’ostruzione del fegato dovuta a causa fredda: è vero che nel volgarizzamento occitanico dell’opera di Pietro Ispano essa costituisce un componente di un rimedio per curare una malattia del fegato dovuta a causa calda, ma da un confronto immediato con il testo della fonte latina si evince che là la ricetta in questione compariva nel capitolo dedicato a malattie connesse a frigida causa. In tal caso si tratta di un fraintendimento legato al processo di trasmissione del testo, già in parte documentato dalla tradizione testimoniale dell’opera latina 21. Il riferimento alle due piante è presente anche nella lista in alfabeto ebraico dove, peraltro, si attesta una nomenclatura non contemplata altrove nei testi in lingua d’oc, che si pone in rapporto sinonimico con le voci indicate sopra. Si tratta di forme plurali di cardel (o cardelh), che compaiono da sole o accompagnate dall’elemento diacritico salvajes in corrispondenza delle parole ebraiche ed arabe indicanti, da un lato, l’indivia e, dall’altro, la cicoria. Il termine cardus 22 in effetti, benché in origine di pertinenza del Cynara cardunculus L. (ITIS 37221), fin dall’antichità è stato esteso anche ad altre piante, tutte appartenenti alla medesima famiglia delle Compositae, quando accomunate o dall’essere spinescenti, o dal carattere edule dei germogli e delle foglie più tenere (Paulis 1992, 66-68; in LEI XII-1, 70, l’accezione di “pianta commestibile”): è per questo motivo che è legittimata la presenza nella tradizione manoscritta del ShS1 di forme legate a cardus al fine di denominare piante del genere Cichorium (ShS1, 382). Se si tiene conto, tuttavia, di alcuni aspetti legati a fenomeni di traslazione semantica, si può intravvedere in tale uso una motivazione più articolata. Si tengano presenti le seguenti considerazioni: (i) secondo la terminologia latina di uso medievale, la Cichorium endivia L. era denominata anche cicirbita alba, mentre la Cichorium intybus L. era associata all’espressione cicirbita agrestis (André 1985, 66), sinonimo del termine solsequium indicato sopra; inversamente, le specie di un’altra famiglia delle Compositae, sottofamiglia delle Cichorioideae, cioè quelle del Sonchus, erano genericamente indicate come cicirbite; (ii) l’uso della forma diminutiva cardello è documentato nel catalogo delle piante «qui croissant spontanément dans le territoire d’Avignon et dans les lieux circonvoisins» di Maurice Palun (1867, 89) per indicare, in particolare, due specie del genere Sonchus, e cioè il Sonchus oleraceus L. 21

Cfr. Thes, 289 e TH De opilatione epatis, 209. FEW 2-1, 368a-373a ; DAO 820, 1-1 ; 868, 1-1 e 1-3 e l’articolata voce in LEI 12-1, 61-89.

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(ITIS 38427), il “grespino comune” o “cicerbita”, e il Sonchus arvensis  L. (ITIS 38421), il “grespino dei campi” o “cicerbita crespina”. Tale denominazione trova riscontro nel risultato delle analisi condotte da Paulis 1992 sulla terminologia botanica sarda, per alcuni versi ������� coincidente con quella del Sud della Francia a causa del comune debito verso il patrimonio lessicale catalano, che attesta per le piante del genere Sonchus, oltre alle forme gárdu, báldu “cardo” (si veda anche cast. cardo molar in Font Quer 199213, 870), anche quella di cardeddu 23. L’uso del diminutivo è atto a marcare la differenza fra le specie dei cardi e quelle delle cicerbite, le quali utilizzano la denominazione che pertiene in toto alle prime solamente perché ne condividono una delle caratteristiche, e cioè quella di essere anch’esse provviste di foglie dentato-spinose (Paulis 1992, 59); (iii) la nomenclatura volgare dell’inventario di Palun è sì tratta dal dialetto di Avignone, com’è indicato nel titolo dell’opera, ma anche, secondo quanto specificato nell’«Avis au lecteur», dall’idioma parlato sull’opposta riva della Durance, a causa di numerose integrazioni lessicali apportate da Frédéric Mistral. Le denominazioni delle piante, dunque, sono pertinenti anche all’area di Marsiglia, la medesima nella quale Tov ben Isaac di ���� Tortosa compilò il proprio sinonimario 24. Facendo tesoro delle considerazioni espresse da Jean Seguy il quale, a partire dalla documentazione raccolta sulla formazione dei fitonimi nell’area pirenaica, sottolinea l’importanza del ruolo che la confusione, sia formale che semantica, detiene nell’ambito dei «mouvements du vocabulaire botanique» 25, si può verosimilmente desumere che il termine volgare cardello, che era legato, nel sud della Francia, ed in particolare nell’area di Marsiglia, ad alcune specie del genere Sonchus, si fosse esteso anche alle piante del genere Cichorium. Ciò è da attribuirsi alla condivisione di aspetti linguistici e di caratteristiche naturali: la medesima denominazione cicirbita, infatti, poteva indicare le specie del genere Sonchus, ma anche quelle del genere Cichorium, e le piante appartenenti alle due varietà erano accomunate dalla proprietà di contenere Cfr. anche LEI XII-1, 79 che attesta, fra altre forme analoghe per significato, a.sic. cardella “Sonchus oleraceus, Sonchus tenerrimus”. In DAO 820 (suppl), 1-1, la forma cardellou è tradotta, invece, genericamente “laiteron”. 24 Per il contesto storico nel quale operò Shem Tov ben Isaac e per l’analisi dei tre testimoni P, V, O che tramandano la lista di sinonimi si rimanda all’introduzione del ShS1 (in particolare, 10-16 e 52-64). 25 Come afferma Seguy 1953, 286, la nascita di fitonimi creati sulla base di errori di giudizio di differente tipologia può condurre a classificazioni popolari che si discostano totalmente da quelle scientifiche. 23

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un lattice che, secondo l’opinione comune, era in grado di accrescere la produzione di latte nelle scrofe e nelle nutrici 26. Da quanto si è venuto fin qui esponendo è verosimile affermare che, nel redigere la propria lista, Tov ben Isaac, al fine di denominare le differenti entità del genere Cichorium, abbia adottato varianti del termine cardello le quali, nell’area di composizione del sinonimario, erano utilizzate indifferentemente per le piante dei generi Sonchus e Cichorium. Al di là di tale confusione, la distinzione fra le specie è ottenuta tramite il mantenimento, in una delle denominazioni, di un elemento diacritico già presente in latino, e cioè dell’aggettivo ‘selvatico’, con la creazione delle opposizioni cardel(h)s, cardel(h)as di contro a cardel(h)s salvajes, cardel(h)as salvajes. Si mostra con evidenza, qui, un altro processo sovente utilizzato dalla lingua nella formazione dei fitonimi, secondo cui, per creare un’opposizione fra specie o generi, vengono accostati al termine generico altrettanti determinativi, oppure ne viene impiegato solamente uno 27: è il caso dell’aggettivo ‘selvatico’, utilizzato per distinguere le specie non coltivate dalle altre.

2.2. Senecione fra cardi e nasturzi 1. Cardo (ShS1 Ayin 6, mss. P, V; ShS1 Ayin 12, ms. P); cardo(u)n (ShS1 Ayin 6, ms. O). 2. Cardon petit (Ashb. f. 12r, 14r). 3. Causida (Ric1 41, ms. A), caussida (Ric f. 158v, ms. B). 4. Cart benezeg (AgThes III 36), quaut benezeyt (AgThes I 32). Senissio (AgThes I 32). 5. Cayb a Maria (Febr V 46). 6. Espoza trist (Ric 92, ms. P.) 7. Senisson (Ric f. 163r, ms. B). Crison (Let1 62, ms. P). Creyssas (Erb indice, ms. A; Erb arg28, ms. A); creysses (Erb 166, ms. A). 8. Nassitort (Erb indice, ms. A; Erb 90, 96, ms. A; Ric1 37, ms. A; Ric2 35, 71, 96, ms. A); nasitort (Erb 91, ms. A). Naustor (Ric 102, ms. P). Morretort (Thes LI 6); morretot (AgThes I 14); meritort (Thes III 2). Per il beneficio che le madri in periodo di allattamento potevano trarre dall’assunzione del lattice del Sonchus oleraceus, del ‘soffione’ e della ‘cicoria selvatica’ cfr. Paulis 1992, 60-61, il quale riporta testimonianze di Plinio. 27 La medesima situazione si riscontra altrove come, per esempio, nella connotazione delle differenti specie del prunus (cfr. infra, 2.5.). L’argomento dell’utilizzo di termini diacritici nella formazione dei nomi di piante è affrontato da Seguy 1953, 281-282. 26

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Nella denominazione di alcune specie di cardi (famiglia delle Asteraceae o Compositae) e di nasturzi (famiglia delle Brassicaceae) sono utilizzate nei testi occitanici varie espressioni, le quali forniscono elementi utili alla documentazione degli usi lessicali relativi alle differenti aree. Ai punti 1. e 2. sono indicati i termini attestati per due varietà di ‘carciofo’. Si tratta, innanzitutto, di cardo e cardo(u)n, forme entrambe presenti nella tradizione testuale del ShS1, che sono assimilabili a cardon, registrata da Farenc (1973, 55) per il Tarn e che verosimilmente rappresenta un’importazione catalana (cfr. cat. cardó, FEW 2-1, 372a). La comparazione con le corri������ spondenti voci registrate per l’ebraico e per l’arabo in ShS1 Ayin 12 (380-381) conduce ad esprimersi in favore dell’identificazione col Cynara Scolymus L. (ITIS 37222), il ‘carciofo’, mentre la disanima della sinonimia presentata in ShS1 Ayin 6 (385-386) non consente di raccogliere elementi che permettano di propendere con sicurezza per il Cynara scolymus L. anzichè per il Cynara cardunculus scolymus L. (Hegi). L’espressione in alfabeto latino cardon petit indica, invece, una varietà selvatica del carciofo, il Cynara cardunculis silvestris Lamb., ed è comparabile all’italiano “piccolo cardo” 28. Per la denominazione del cardo, il Cynara cardunculus L. (ITIS 37221), i ricettari contenuti, rispettivamente, nel codice di Auch e in quello di Basilea 29, documentano il termine caus(s)ida (punto 3.), che trova riscontro nell’uso del bacino sud-pirenaico, così come anche Noulet (1837, 356) registra nella sua compilazione; a Tolosa e nel Quercy tale denominazione, in particolare, ne indica il germoglio, mentre nel Rouergue e nell’Aude è associata ad “una specie di cardo campestre”, il Cirsium arvense (L.) Scop. (ITIS 36335). Le espressioni composte dalle varianti cart/quaut e dal determinante benezeg/ benezeyt (punto 4.) richiamano l’attenzione sulle virtù medicinali della pianta nella cura di fistole e pustole e non si discostano da quelle equivalenti presenti in altri idiomi: si tratta del Cnicus benedictus L. (= Centaurea benedicta L. ITIS 510524) o del Senecio vulgaris L. (ITIS 36194), entità che appaiono assimilate fin dall’antichità nella categorizzazione del mondo vegetale (André 1985, 235 e Alph Mow, 537), tanto che le denominazioni ad esse riferite erano considerate sinonimi. Si veda, per es., il Grant Herbier: Senechon est une herbe que aucuns appellent selechion; l’en l’appelle aussi le chardon benoit (CircaInst, 116). Cfr. anche DAO, 868 1-1: cardon petit, cardon “variétés d’artichauts”. Relativamente alla localizzazione del codice di Auch, che presenta una lingua di base coincidente con quella in uso a Moissac e, nel primo ricettario, una seconda mano plausibilmente dovuta ad uno scriba che denuncia un colorito catalano, cfr. Corradini 1997, 97-100. Per il ricettario del manoscritto di Basilea cfr. Corradini 2001, 157-165, in particolare il rimedio Contra avalida, 162.

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Anche il volgarizzamento occitanico del TH attesta l’esistenza del sinonimo senissio “senecione” per “cardo benedetto o santo”, che trova riscontro in forme quali sénaoussou per il Tarn e saniçou per l’Aude, registrate da Roll 7, 21 30. Un’altra specie presente nel corpus occitanico è il “cardo mariano”, il Silybum marianum (L.) Gaertn. ITIS 38413 (o Carduus marianum L.), che compare come cayb a Maria in un antidoto alla febbre quartana del volgarizzamento del De febribus (punto 5.) 31. Una denominazione originale di una pianta appartenente alla tribù dei cardi è espoza trist (punto 6.). Alcune considerazioni di ordine sia filologico che linguistico inducono a considerare questa espressione, un hapax all’interno del corpus occitanico, come un ulteriore nome di una delle due specie registrate ai punti 4. e 5., cioè del Cnicus benedictus L. o del Silybum marianum (L.) Gaertn.; essa rappresenterebbe, dunque, un sinonimo per connotare o il cart/quaut benezeg/ benezeyt o il cayb a Maria. La forma espoza trist, infatti, è utilizzata in uno dei rimedi attestati nel manoscritto di Princeton che il codice trasmette inframmezzandoli a quelli che appartengono ad una delle redazioni in lingua d’oc dell’operetta conosciuta come Lettera di Ippocrate a Cesare. Nei testi antologici di argomento medico-botanico, tuttavia, «è difficile tracciare con esattezza la linea di demarcazione precisa fra i diversi nuclei preesistenti utilizzati per la compilazione» perché di frequente le ricette formano attorno ai nuclei principali «une sorte de tissu conjectif»�: non si può escludere, di conseguenza, che anche il rimedio che contiene l’espressione espoza trist faccia parte del novero di quelli trasmessi dalla tradizione testuale della Lettera di Ippocrate. Di questa, giudicata di provenienza anglonormanna da Claude De Tovar (JeanS1, 129) e da Tony Hunt (PopulMed, 100-141), non possediamo il testo di partenza, bensì redazioni in differenti idiomi che, a buon diritto, si ipotizza possano contenere travisamenti della terminologia botanica originaria. Un esempio è fornito dal Ricettario in lingua d’oïl di Jean Sauvage 32, fondato su compilazioni medico-botaniche diverse, fra le quali, appunto, la Lettera di Ippocrate, dove l’autore dimostra di non comprendere affatto i nomi di molte piante: è il caso di docke ‘lapazio’, che egli trasmette nella forma dosse 33. Avviene di frequente, inoltre, che nei testi scientifici di ambito anglo-normanno sia inserito come glossa l’equivalente inglese di un termine di botanica oitanico e che esso, poi, diventi parte 32 33 30 31

Cfr. anche Font Quer 199213, 829 e 857. Per le due specie del cardo benedetto e del cardo mariano cfr. anche LEI XII-1, 64. L’opera è edita e commentata da Claude De Tovar (JeanS1 e JeanS2). JeanS, 187, relativamente al ms. BnF fr. 1319. Il termine compare anche, per es., nella forma doccae, nel ms. London, B.L. Cotton Vitellius C III, fol. 26r (OldEngl, 49); cfr. anche AND s.v. docke (doche, doke, dauke).

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della compilazione, tanto da essere inglobato nelle rielaborazioni testuali successive, anche in volgari differenti. In base a queste considerazioni, appare verosimile che la forma espoza trist sia riconducibile a spotted thistle, termine che in inglese denomina il “cardo benedetto” (PopulMed, 68) e della quale pare rappresentare un adattamento romanzo; l’ipotesi è rafforzata dalla coincidenza dell’uso terapeutico raccomandato per entrambe le piante, e cioè la cura delle fistole. Non è da escludere una confusione con la varietà del “cardo mariano”, denominato in inglese lady’s thistle, dove la prima parte ������� dell’espressione (lady) potrebbe aver giocato un ruolo determinante nel passaggio spotted > espoza, anche in considerazione della morfologia della pianta, che presenta capolini isolati e nudi 34. In un rimedio del ricettario del codice B compare la forma senisson: essa non si riferirisce, come nei luoghi indicati sopra, al Senecio vulgaris L. o al Cnicus benedictus L., ma ad una pianta differente, il Nasturtium officinale W.T. Aiton, ITIS 23255 (o Sisymbrium Nasturtium aquaticum L.), il “nasturzio acquatico” o “crescione d’acqua” (voci indicate al punto 7.) 35. Tale associazione, che evidenzia il carattere polisemico assunto dal termine occitanico senissio, senisson, è supportata da due dati: a. che già in ambito latino si era operata una confusione fra le voci senecio “cardo benedetto” e senacio “crescione d’acqua”, e talvolta la prima era impiegata anche per designare l’entità associata alla seconda 36 ; b. che in corrispondenza del citato passo della Lettera di Ippocrate a Cesare, sia l’altro testimone in lingua d’oc, relato dal codice P, sia le versioni in anglo-normanno e in latino presentano effettivamente forme che designano il “crescione d’acqua” e cioè, rispettivamente, A tal proposito si può prendere in considerazione una denominazione italiana per ‘cardo mariano’, cioè “cardo triste”. Hunt (1989, XXXI e 6) considera il termine Our Lady thystel attestato nel ms. London, B.L. Add. 27582, come un volgarismo per Cnicus Benedictus L. 35 Per la sinonimia fra nasturtium aquaticum e senation si vedano, per es., CircaInst, 116: Senaciones…idem est quot nasturcium aquaticum; alii vocant crescionum e Pand, 129: Apium aque. Nasturtium aquaticum. Cardamus agrestis. Senation. Cfr. anche SimplMéd Dorv, 137: Nesturte […]. C’est la semence de cresson. Quant l’en troeve en aucune recepte Nesturte, si devez entendre la semence, no[n] mie l’erbe. 36 La coscienza della differenza fra i due termini senecio e senacio è ben documentata nell’Alphita (cfr. Alph Gonz, 290: Senecio, cardus benedictus idem; sed senacio est nasturcium aquaticum quod alio nomine dicitur cresso, cressonis) e dal volgarizzamento del Circa Instans (cfr. CircaInst, 206: Senacions c’est cresson, et saches que quant l’en treuve en recepte que l’en prengne senacions en plurier nombre, c’est a dire cresson et, quant treuve sesson en singulier, c’est une autre herbe dont il sera dit apres. Et saiche aussi qu’il est .ii. manieres de cresson, c’est cellui de jardin et celui de eaue, et se appellent tous .ii. nasturcium). Per la confusione fra le due forme si veda il glossario in Alph Gonz, 537-538 e Mensching 1993. 34

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crison (Let1 62, ms. P), nasturcii ortolani e kersun (PopulMed, 130 e 119) 37. Il valore del lemma occitanico si mostra qui, dunque, in linea con la tradizione lessicale classica. Le varianti creyssas, creysses attestate dal codice di Auch mostrano un colorito catalano 38. Un’altra specie di nasturzio è il Lepidium sativum L. (ITIS 22978), il “crescione dei giardini” 39, che è presente nel corpus con le denominazioni sinonimiche di naustor, nasitort e morretort (punto 8.). Le prime rimandano alle voci a. occit. nazitort (si veda, per esempio, per il Tarn, Farenc 1973, 27) e nastor, che è documentata a Nîmes nel XV secolo (FEW 7, 29b); l’ultima richiama il termine catalano morritort 40 .

2.3. Acoro 1. Acorus (Thes XL 1). Glaol (Ric2 92, ms. A); glagol (Herb 19). 2. Accorus (Herb 19). 3. Acori (Thes XXVIII 8). Iri (Thes XXVIII 8); yris (Ashb f. 11v). 4. Glaujol (Ashb f. 12r; 14r); glaujols (Ashb f. 94v). Barbairol (Ashb f. 12r); barbayrol (Ashb f. 9v). 5. Achorin (Thes XLI 4); achori (Ashb f. 11v).

Nelle compilazioni medievali di botanica il termine lt. acorus ‘acoro’ è impiegato non solo in scritti latini, ma anche in contesti volgari, spesso in una pluralità di varianti che ripropongono morfemi della lingua di Roma, ormai svuotati del loro valore originario. Al di là della variabilità delle forme, la voce, che originariamente indicava il calamo aromatico, cioè il rizoma dell’Acorus calamus L. (ITIS 564989), erba della famiglia delle Araceae 41, poteva essere

Le forme per ‘crescione’ in lingua d’oïl e in lingua d’oc sono registrate da Roll 1, 228235; cfr. anche AND, rispettivamente s.v. nasturcii e kersun. 38 Cfr. créixens (Albertí, 771) e cat. créixens, créixems, créixecs (Font Quer 199213, 273). La forma creixen è presente anche in sardo (Paulis 1992, 348). 39 Le due specie di nasturzio sono ben conosciute nell’ambito medico-botanico medievale come attesta, per esempio, il Sinonima Bartholomei, il quale registra anche i rispettivi sinonimi: Nasturcii duplex est maneries, est enim nasturcium aquaticum et est ortolanum, sed quando simpliciter ortolanum intelligitur, aquaticum vero dicitur cresso ovis, senacio ovis (SinonBarth, 31); le due varietà di crescione sono descritte in SimplMéd Avril, 205. Si veda anche DAO 824, 1-3 e 2-1. 40 Albertí, 996; Font Quer 199213, 268. 41 Nel Libro I di Dioscoride l’acorum (Diosc, cap. 2) è tenuto distinto dalle specie dell’iris pseudacorus, germanica, pallida (Diosc, cap. 1). 37

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riferita a specie differenti del genere Iris (famiglia delle Iridaceae), così come documenta l’Alphita, che trae le descrizioni dal Flos Medicinae: Acorus, gladiolus idem. Quatuor sunt herbe valde similes in forma, scilicet, acorus qui discernitur in flore citrino et radice rubea; spatula fetida que discernitur malo odore et nullum fert florem; yris que habet purpureum florem et yreos que habet album (Alph Gonz, 147) 42.

Tutte quattro le specie erano accomunate al ‘gladiolo’ 43, il Gladiolus italicus Miller, ITIS 502782, (o Gladiolus segetum Gawler), della medesima famiglia delle Iridaceae, tanto che il relativo fitonimo gladiolus fu impiegato come sinonimo dei termini denotanti le differenti varietà dell’iris. La prima accezione indica l’Iris pseudacorus L. (ITIS 43194), il “giglio giallo” o “acoro falso”, denominazione che trae origine dal fatto che, essendo questa pianta conosciuta dagli speziali solo in forma essiccata, veniva scambiata con quella dell’acoro vero. Entrambi i termini acorus e gladiolus erano usati anche per connotare la radice della pianta. Si vedano, per esempio, il glossario di Raimon de Castelnou e il volgarizzamento dell’Alphita in a. sp.: Acorus i. gladiolus vel eius radix (RaimCast, 139). Acorus, rradis gladioly, todo es uno (Sin, 64).

Poichè, inoltre, l’Iris pseudacorus L. era confuso con l’ Acorus calamus L., anche il rizoma di quest’ultimo, chiamato calamus aromaticus 44, veniva talvolta indicato come “radice del gladiolo”, come documenta SimpMéd Dorv, 8: Calamus aromaticus. C’est la racine de jaglueil.

La seconda specie di acorus indicata dall’Alphita è quella di spatula fetida (Iris foetidissima L., ITIS 503196), la terza e la quarta, yris e yreos, sono due tipi di “giglio”, rispettivamente, Iris germanica L. (ITIS 43207) e Iris Si veda anche il commento dell’editore alla voce Acorus (332-334), che fornisce precise indicazioni sull’identificazione delle differenti specie. 43 Cfr. AntNic Dorv, 5 e 69 e CircaInst-Sin, 132: Acorus dixinia i. gladiolus. Per l’equivalenza fra l’ultima specie indicata e il gladiolo cfr. AntNic-Sin Jens,59: Gladiolus .i. yreos. 44 Come afferma Dorveaux (AntNic Dorv, 50-51), «calamus aromaticus des anciens était la tige odorante et amère d’une plante des Indes, de la famille des Gentianées, le Swertia chirata Ham. (Ophelia chirata Griseb, Agathotes chirata Don., Gentiana chirayta Roxb.). Cette substance, célèbre dans l’antiquitè, est devenue tellement rare, dans les temps modernes, qu’on s’est accordé, depuis très longtemps, à la remplacer par la racine d’Acore vrai». Si tratta della Swertia perennis L. (ITIS 30118). 42

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florentina L. (ITIS 515195) 45, che si oppongono per il colore del fiore, come attesta anche SimplMéd Dorv, 98: Iris […] est semblable e ireos […]. Mès iris porte roge flor et ireos blanche 46 .

Il valore polisemico dei termini acorus 47 e glagol (e varianti) è documentato anche dal corpus occitanico, ed è accentuato dall’esistenza di sinonimi atti a connotare le diverse entità. Al punto 1. sono indicate le forme che, dalla lettura dei relativi contesti, appaiono senz’altro riferirsi non alla radice dell’acoro ma alla pianta, verosimilmente all’Iris pseudacorus L., e cioè: erbas […] qual acorus (Thes XL 1); suc de glagol (Ric 2, 92, ms. A); prin lo graujol que nais sus en las teulas de las maios (Ric T Brun, f. 160r) 48.

La forma accorus registrata al punto 2., invece, ha il significato di “radice dell’acoro”; il contesto fornisce anche un’ulteriore testimonianza dell’impiego della forma glagol per nominare la pianta: Accorus es caut e sec al .ij. gra. E es razis de glagol [...].(Herb 19).

L’associazione univoca dei termini accorus e glagol al fine di denotare, rispettivamente, la radice e la pianta, richiama il medesimo utilizzo che si ������� riscontra in testi di ambito oitanico come, per es., Le livre des simples médecines: Acorus [...]. C’est la racine de la fleur nommée glaïeul des marais (SimplMéd, Avril, 12).

E’ verosimile ritenere che tale specializzazione semantica sia avvenuta in seguito alla perdita della valenza sinonimica delle due voci, impiegate, poi, per rendere conto dell’opposizione fra le due differenti entità. Al punto 3. compaiono le forme per l’Iris foetidissima L., la spatula fetida dell’Alphita, la quale nullum fert florem 49 : 47 48

L’ITIS considera i due nomi come sinonimi della medesima specie Iris germanica L. Il contesto compare anche in DEAF s.v. iris. Si veda LEI, 1, 451sg. e lo studio tematico di Glessgen 1992. Nel glossario che accompagna l’edizione del ricettario, Brunel (Ric T Brun, 178) giustamente attribuisce a questa occorrenza di graujol il significato di “iris”, affermando che il gladiolo nasce solamente in ambienti umidi, situazione che in tale contesto non si verifica. 49 E’ questa una credenza degli antichi mantenutasi fino al Rinascimento (ErbeMed Avril, 331). 45

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Acori, so es l’iri que non fa flor (Thes XXVIII 8).

Le entità dell’Iris pseudacorus L. e dell’Iris foetidissima L. sono assimilate, nel tolosano, nella forma lirgo (Tournon 1811, 315) 50. Il testo del codice di Ashburnam (punto 4.) documenta anche un sinonimo per la terza specie 51 indicata dall’Alphita: la forma barbairol, infatti, si riferisce all’Iris germanica L., denominata anche Iris barbata L. (Lemery 1759, 301), che era espressamente coltivata a causa delle sue riconosciute proprietà medicinali: Recipe […] glaujol, so es barbairol (Ashb f. 12r).

Quanto alle occorrenze registrate al punto 5, achorin e achori, i rispettivi contesti non forniscono elementi atti ad associarle con sicurezza alla denominazione della pianta piuttosto che a quella della radice.

2.4. Balsamo: albero e olio 1. Balsamus (Herb 54); balsamj (Ashb f. 94r). 2.  Balsami (ShS1 Shin 8, ms. O); balsan (Thes XLVI 5); basme (Ric1 f. 129r, ms. T; Ric f. 157r, ms. B; Eluc f. 103a; ShS1 Shin 8, mss. P e V). 3.  Carpobalsamon (Ric 65, ms. P); carpobalsami (Ashb, f. 13r) carpobalsamum (ShS1 Gimel 4). 4. Sirobalsamon (Ric 65, ms. P); xylobalsami (ShS1 387, Ashb, f. 13r).

In epoca antica le due entità della pianta del balsamo, Commiphora opobalsamum (L.) Engl. 52, famiglia Burseraceae, e della sostanza resinosa e aromatica che se ne ricava, condividevano la medesima denominazione di balsamum 53. Se alcuni testi di ambito oitanico quali, per es., i volgarizzamenti dell’Antidotarium Nicolai, attuano una differenziazione, utilizzando per il primo significato le forme basmer (AntNic Dorv 2, 3) e basmier (AntNic Dorv 23, 30), e per il secondo la forma basme (AntNic Dorv 6, 10, 15), sinonimo di opobalsam, nella lingua d’oc la voce basme, che affianca quella latina, e della Cfr. anche DAO, 1121, 3-1, che registra la forma lirga per Montpellier (XIV secolo). Per l’iris e il gladiolo cfr. anche DAO, rispettivamente, 1120 (1-1 e 1-2) e 1121 (1-1, 1-2, 2-1, 2-2). 51 In FEW 4, 143a e 24, 110a, in relazione ad acorus vengono menzionate solamente le accezioni relative all’Iris pseudacorus L. e alla sua radice. 52 Nell’ITIS la denominazione è considerata sinonimo .di Commiphora gileadensis L. (ITIS 896045). 53 Cfr. André 1985, 33; DAO 570, 1-1; LEI 4, 954. 50

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quale si registrano anche varianti caratterizzate dal mantenimento del morfema del genitivo, mostra la propria connotazione polisemica 54. Le forme indicate al punto 2., documentate dal ShS1, significano, così come le altre occorrenze dei testi in alfabeto latino, “olio dell’albero di balsamo” 55, cioè l’opobalsamum. Tale interpretazione si ricava dalla comparazione fra la forma occitanica e i corrispondenti termini ebraico e arabo registrati nella lista di Shem Tov ben Isaac di Tortosa 56 e trova riscontro nei passi tratti dal corpus testuale in alfabeto latino: (Ric1 f. 129r, ms. T): e si podia aver .j. pauc de basme; (Thes XLVI 5, ms. salsan per TH XLII 7 balsamo): Item lo caps de las tetinas sian unta ambe balsan; (Eluc f. 103a): contra el valo [...] basme.

Il termine ‘balsamo’, tuttavia, è utilizzato anche per indicare la pianta stessa, dalla quale si estrae per incisione la sostanza odorosa. I seguenti passi, relativi alle forme indicate al punto 1., confermano inequivocabilmente che tale significato è pertinente anche quando il termine è utilizzato nei testi medici in lingua d’oc: (Ashb f. 94r): pren terra sigillata que si pren sotz l’albre que es apellat balsamj; (Herb 54): Balsamus es arbre caut e sec al .ij. gra. E creis en Babilonia en .j. vergier on ha .vij. fons 57.

All’unità lessicale principale sono collegati i termini documentati, rispettivamente, per “carpobalsamo”, cioè il frutto del balsamo e il succo che se ne estrae (si veda, per es., AntNic-Sin Jens, 55: carpobalsamum .i. semen balsami) e per “xilobalsamo”, il legno dell’albero di balsamo e il succo che se ne  estrae, attestati in forma latina, talvolta con mantenimento del morfema del genitivo 58, e greca (voci registrate ai punti 3. e 4.).

La medesima situazione si riscontra per lo spagnolo antico: cfr. DETEMA 1, 195b. 55 Occorre tener presente, tuttavia, che il termine baume era impiegato anche per connotare la specie domestica della menta (Roll, 9, 38; FEW 1, 226a; Lemery 1759, 563564) (cfr. infra, 2.7.). 56 Cfr. ShS1, 500. 57 Per quanto l’associazione del termine balsamus con la pianta sia esplicitata dal testo stesso dell’erbario, inspiegabilmente nel glossario che precede l’edizione l’editore gli attribuisce solamente il significato di “secrezione resinosa e fortemente aromatica di alcune piante” (Herb, 118). 58 Già in AntNic Dorv (2 e 51) è attestata la forma carpobalsami. 54

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2.5. Acacia, prugnolo e rovo 1. Acassia (ShS1 Alef 22). Goma arabica (Ric3 3, ms. C; ShS1 Qof 7, ms.O; Ashb f.15v, f.16r); goma arabiqua (Thes XXVI 3), gumi arabicum (ShS1 Qof 7, ms. P). Clasa (Thes XXIX 13). 2. Goma del pressegue (Thes XXIV 3); goma de presseguier (Thes XXIX 24). Goma de seririer (Thes XXXVII 5). Goma de peyrier (Thes XL 10). Goma de prunier (Thes XL 13). 3. Acassia (Ashb f. 95r; Alb 147; ShS1 Alef 19); acasia (Herb 14); acacia (Ashb f. 97r; Alb 218, 226); ahacatia (Alb 137); acatra (Alb 74); acrassia (Alb 247); gacia (Ric1 f. 129v, ms. T). Suc pru agre (Herb 14). Suc d’aranhons (Thes XXIX 42), suc de ranhons (Thes XVII 7), aunhons (Thes XXXII 9), agrenas (ShS2 Ox.Add.22 Alef 10). Suc d’armiges (Thes XXXIII 5). 4. Pruna silvatica (ShS1 Alef 19, ms. V), purna silvatica (ShS1 Alef 19, ms. O), pruna *salvadja (ShS1 Alef 19, ms. P) 59. Prunier negre (Let2 91, ms. P; Let2 76, ms. A); pruner negre (Let2 123, ms. P). 5. Prunelhas del boys (Let1 51, ms. A). 6. Roize (Thes VI 8). 7. *Spina Aegyptiaca (ShS1 Alef 19, ms. V).

Il termine ‘acacia’ (lt. acacia, acatia), caratterizzato fin dall’antichità da un valore polisemico 60, nel corso del processo di volgarizzamento ha subito anche mutamenti di significato ed è divenuto parte di un’articolata rete di rapporti sinonimici; i testi in lingua d’oc documentano alcune tappe fondamentali di tale evoluzione. In origine la parola identificava tre entità differenti: a. la “acacia” (o “acacia d’Egitto”), albero spinoso con fiori bianchi, conosciuta come Acacia arabica (Lam.) Willd., o Acacia nilotica (L.) Willd., o Mimosa nilotica L. 61; b. la “gomma arabica”, cioè la sostanza gommosa che fuoriesce dal legno di varie specie di acacia; c. il succo dalle proprietà astringenti estratto dai frutti acerbi dell’albero. L’accezione di “gomma arabica” per ‘acacia’ è documentata anche dai testi medievali 62. Un esempio che si deduce dalle corrispondenze con i rispettivi *Salvadja e *Spina (punto 7.) sono letture ipotizzate in ShS1, 106-107. Per questo aspetto si veda LEI, 1, 227, e il commento semantico in Glessgen 1996, 698sg. s.v. acacia. 61 L’ITIS indica tali nomi come sinonimi di Vachellia nilotica L. (819931). 62 Cfr., per es., DEAF s.v. gome1. Il significato di ‘gomma arabica’ per acassia è attestato dal ShS1; nel DOM, pertanto, dove tale sinonimario non è preso in considerazione, 59

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termini ebraico ed arabo è rappresentato dalla forma volgare acassia contenuta in ShS1 Alef 22, mentre la più comune espressione goma arabica (e varianti) è utilizzata ancora in ShS1 (Qof 7, mss. O e P) e nei ricettari dei codici Chantilly e Ashburnam (si vedano, sopra, le voci relative al punto 1.). Nel volgarizzamento occitanico del TH compare il sinonimo clasa, termine di ambito catalano che in origine significava “pezzi di scorza di cedro” 63. Quando in Occidente la sostanza gommosa divenne rara, essa fu affiancata, ed in seguito sostituita, dalle secrezioni provenienti da altri arbusti, per lo più appartenenti alla famiglia delle Rosaceae, benché esse possedessero caratteristiche differenti fra cui, per esempio, il fatto di non essere completamente solubili in acqua. Coerentemente con la sostituzione del prodotto, anche gli usi lessicali mutarono: accanto all’eloquente espressione di area francese gomme de pays (FEW 4, 324a: “résine de prunier, cerisier, etc. recueilli par les paysans”), fu impiegata una puntuale terminologia, come ci attesta il Thesaur: goma del pressegue/de presseguier, goma de seririer, goma de peyrier, goma de prunier (forme al punto 2.). Negli idiomi volgari la parola ‘acacia’, tuttavia, non scomparve, ma fu impiegata con un’accezione che prese avvio dal terzo significato originario, quello di “succo estratto dai frutti acerbi dell’acacia” (si vedano le forme indicate al punto 3.) 64. Nel periodo medievale, infatti, quando anche questo prodotto, così come già osservato per la gomma arabica, divenne raro, esso fu sostituito dal succo estratto dai frutti di altre piante, fra le quali spiccano il prugnolo (Prunus spinosa L., ITIS 24802) e il rovo (Rubus fruticosus L.) 65. Al contrario, però, di quanto documentato per l’altra sostanza, non ci fu un adeguamento lessicale, e la denominazione di ‘acacia’ fu impiegata per connotare tali succhi, in particolare quello delle prugnole acerbe. Si vedano i seguenti passi tratti, rispettivamente, dall’Alphita e dal glossario di Raimon de Castelnou che ad esso è debitore, dalle Pandectae, dal Circa Instans e da Le livre des simples médecines: Acatia, succus prunellarum immaturarum (Alph Gonz, 40). Acacia i. succus prunellarum immaturarum (RaimCast, 139). Acacia. Acacia di Germania. […]. Il succo delle prugnole selvatiche acerbe […] (Pand, 79 e 315). s.v. acassia è registrato solamente il significato di “substance médicinale astringente tirée de l’acacia [d’ Égipte] ou de la prunelle verte”. 63 FEW 21, 73b col medesimo significato di “gomme arabique” registra le forme glassa (Cantal 1380), classa (Montpellier XV secolo) e a.cat. classa. 64 Cfr., per es., DAO 725a, 1-1. 65 La denominazione è considerata sinonimo del Rubus plicatus Weihe & Nees (ITIS 504851).

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Acacia […] Est autem acacia succus prunellarum immaturarum agrestium (CircaInst, 4). Acatie est le jus de pruneles (SimplMéd Dorv, 4).

Per l’idioma occitanico l’equivalenza sinonimica fra le due espressioni è fornita da Herb 14: Acasia es fri et sic .j.° gra. E es suc pru agre 66 . Dal punto di vista formale i testi documentano le varianti acasia, acassia, gacia (con aferesi della vocale iniziale) 67 e la forma acacia, tratta direttamente dal latino. Nelle opere che presentano una scripta caratterizzata da marcati tratti sudoccidentali, così come la versione in lingua d’oc del trattato di Pietro Ispano, il termine non viene utilizzato, e in corrispondenza di lt. acacia della fonte compaiono solo i volgarismi suc d’aranhons (“succo delle prugnole acerbe”) e suc d’armiges, (“succo dei frutti del rovo”) 68. La prima espressione trova riscontro nelle denominazioni offerte per il frutto del Prunus spinosa L. da Tournon (1811, 306): aragnou, agnérou, e da Seguy (1953, 51): /araɲū/ (S.te Marie de Campan, Htes.-Pyr.), /araɲūṅ/ (Ourde, Htes.-Pyr.), /araɲūs/ (Canejan, Val d’Aran). La base /araɲu/ di tali formazioni, caratteristica dell’area pirenaica, corrisponde al linguadociano /agraɲu/ (Seguy 1953, 219): nel lessico botanico di Francis Escudier relativo alla Linguadoca, il Prunus spinosa L. è registrato, infatti, come agrenièr (Escudier n° 206), a Murat (Tarn) è agrunelièr (oltre che prunelhè) (Farenc 1973, 19). È a queste forme che si collega la variante agrenas attestata dal ShS2 (ShS2 ms. Ox add 22, Alef 10). Il secondo volgarismo che compare nel Thesaur de pauvres, cioè suc d’armiges, è da mettere in relazione con /aramigèro/, documentato a Gèdre, Htes.-Pyr. (Seguy 1953, 53) per le specie del rovo (Rubus fruticosus L.), di fronte al termine più comune roize 69 (punto 6.). La documentazione relativa all’impiego del succo dei frutti di rovo conferma il fatto che quello del prugnolo non era l’esclusivo surrogato dell’originario succo d’acacia. Nel dominio spagnolo, d’altronde, acacia indicava soprattutto il prodotto estratto dalle ciliegie (DETEMA, 14b). Fornendo la documentazione della preparazione della ‘acacia’ a partire dal Prunus spinosa L. (si veda la traduzione offerta dagli editori di ShS1, 106: «from its plant acacia is prepared in the land of Egypt»), la lista in alfabeto ebraico ci attesta anche varianti della denominazione occitanica della pianta stessa (si veda sopra, il punto 4.), e cioè pruna silvatica, purna selvatica, pruna E’ da notare, tuttavia, che l’editore dell’erbario per il significato di “acacia” nel glossario indica erroneamente l’albero e non il “succo delle prugnole acerbe”, come invece il passo indicato ben documenta. 67 Forme quali gazia (emil.) e gasia (pav.) sono registrate anche da LEI, 1, 228. 68 Si veda anche DAO 725 1-1. 69 Roll 5, 393 e 170. 66

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*salvadja. Tali forme richiamano un’altra testimonianza offerta da Seguy (1953, 51) per il prugnolo, cioè /prŭèra saṷbad’ya/, proveniente da Melles (H.te Garonne). In una ricetta per la cura del ventre e del petto, la Lettera di Ippocrate a Cesare, dal canto suo, denomina i frutti dell’albero prunelhas del boys (punto 5.) 70, espressione che trova un corrispettivo in quelle utilizzate nelle redazioni anglo-normanne 71 dell’operetta, per le quali si veda PopulMed (rispettivamente, 292; 112 e 116; 248): (ms. London, BL Sloane 146): pruneles dé boys; (ms. London, BL Harley 978): purneles dé bois; (ms. London, BL Add. 15236): purnelys dé boys.

In alcune ricette della redazione occitanica della Lettera di Ippocrate a Cesare compare il sintagma prun(i)er negre, il quale non trova riscontro nelle versioni anglo-normanne, poiché in queste mancano le porzioni di testo corrispondenti. Si può verosimilmente avanzare l’ipotesi, tuttavia, che esso rappresenti un’altra denominazione per il Prunus spinosa L., se si tiene conto delle seguenti considerazioni: (a) la documentazione dell’equivalenza sinonimica fra /araɲwé/ e /éspiṅ neré/ registrata da Seguy (1953, 51) a Générest (Htes.-Pyr.) per la pianta in questione 72, parallela a quella fra le forme agrenièr e espin negre documentata da Escudier (n° 206) per l’idioma linguadociano e fra prunellier ed espine noire fornita da Bosc (1997, 25), oltre alla denominazione bouisson negre attestata nel tolosano da Tournon (1811, 306) e boisson negre registrata nel Tarn da Farenc (1973 73, 19) e in un’area più vasta da Roll (5, 397) 74 ; (b) le espressioni sucus prunellae ex nigra spina e sucus de prunellis nigris documentate nel Thesaurus di Georg Goetz per acacia (Goetz 1899, 1, 11); (c) l’esistenza della voce pruner blanc per Prunus domestica L. (ITIS 24774) in testi di area anglo-normanna (per es. PopulMed, 317, ms. Oxford, Bodleian Library, Digby 69): Accipe […] de blanc pruner manipulum 75. FEW 9, 494b. All’interno del corpus medico-farmaceutico occitanico non è un caso che l’unica attestazione di prunelhas del boys compaia nella Lettera di Ippocrate a Cesare, operetta per la quale è stata proposta un’origine anglo-normanna (cfr. supra, 2.2), le cui redazioni in tale idioma ci forniscono un’ampia documentazione del termine in questione. 72 Cfr. anche cast. arañón, arañonero, espino negro o negral e cat. aranyó, aranyoner, espí negre (Font Quer 199213, 342). 73 Oltre alla forma agrunelièr indicata sopra. 74 Per le forme dell’a.occit. boison, boisson, boicho, boysho, boiso, boisso si veda Pfister 1963. 75 Cfr. anche il glossario (PopulMed, 448: pruner blanc: “plum tree” (Prunus domestica). Nell’AND pruner blanc è inspiegabilmente tradotto “black thorn” anziché 70 71

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È evidente come le forme a. occit. prun(i)er negre, espin ne(g)re e anglonorm. pruner blanc siano da ascrivere al noto processo messo sovente in atto nella formazione dei fitonimi secondo il quale vengono utilizzati termini diacritici con la volontà di esprimere al meglio la contrapposizione fra due differenti specie di una pianta; talvolta uno dei due termini può non avere alcun valore descrittivo ed essere impiegato solamente per creare un’opposizione col primo 76. Nel caso delle due differenti specie del Prunus (Spinosa e domestica), è indubbio che esse sono univocamente identificate tramite l’utilizzo di due aggettivi contrapposti, cioè nero vs bianco, dove solo il secondo possiede un reale valore descrittivo, riferito al colore dei fiori. Per l’ambito occitanico sono attestate solamente varianti della denominazione della prima specie (prun(i)er negre). Al contrario di quanto abbiamo osservato essere avvenuto per i prodotti provenienti dall’albero dell’acacia, che nel corso del tempo ne hanno assunto il nome, l’uso del termine per nominare la pianta non è mai documentato nel corpus preso in considerazione. Il ms. V del testo del ShS1 (Alef 19), tuttavia, ce ne fornisce un’altra denominazione, spina Aegyptiaca (si veda sopra, il punto 7.). Tale forma - affermano i curatori dell’edizione (ShS1, 107) - non è documentata altrove né in lingua d’oc né in catalano, ma può essere messa in relazione con l’a.sp. espina egipciaca (detema 1, 670c). In questo lessico di area spagnola, tuttavia, per l’espressione in questione non è esplicitato il riferimeno all’acacia. Una spiegazione palese dell’impiego nella lista in alfabeto ebraico dell’espressione spina Aegyptiaca col significato di “acacia” ci viene fornita, invece, da un passo del libro I, cap. 113, del Dioscoride volgare (Diosc, 86), dove si legge: La Acacia nace en Egypto, y es como un arbolillo espinoso […]. Produze blanca la flor, y el fructo semejante à los altramuzes, encerrado en ciertos hollejos, del qual se esprime el liquor […]. Mana tambien de aquesta espina una goma.

La voce è seguita da una annotazione di Laguna (Diosc, 87): Al arbol que produze aquel çumo llamado Acacia, llama todos Espina Egyptia y Arabica, porque nace en aquellas partes y fino es el trunco esta todo llena de espinas.

D’altronde, la traduzione inglese per la Acacia arabica L. fornita da Ahmed Issa nel Dictionnaire des plantes è “Egyptian thorn” (Issa 1926, 2).

“plum tree” e, inoltre, la forma prunier (Prunus spinosa) compare come variante della voce pruner. 76 Si vedano a questo proposito le puntuali osservazioni che Seguy 1953, 268-292, dedica alle formazioni secondarie dei nomi delle piante.

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2.6. Le varietà della malva 1. Altee (Febr I 3). Amalvi (Erb b arg. 17, 203, 206, 207, 212, 214, 215, ms. C); amalvy (Erb b 228, ms. C); amalvisch (Thes XXX 21); amalvis (Ric2 34, ms. A); amaviscle (A indice, Erb arg. 3, ms. A); amalviscle (Erb 53, ms. A); malvi (Erb b 205, ms. C); malvich (Thes XXVII 3, XLIX 4, LI 39; AgThes III 11); melvich (Thes XLV 3); malviscle (Ric2 23, ms. A; Erb a arg. 15, arg. 15, 143, ms. C; ShS1 Het 9). Bismalva (Ric 83, ms. P). 2. Malva (Ric 9, ms. P; Thes I 4, XXVII 4, XLV 3; ShS1 He 1); malvas (Ric 85, 85, 85, ms. P; Let2 89, ms. P; Ric2 27, 72, ms. A; Thes I 3, XXX 24, XLVI 9); malve (AgThes X 8); malves (Ric 83, ms. P). Malme (Thes XXVII 1). Meneula (Ric1 8, 17, ms. C). 3. Malva d’oltramar (ShS1 Lamed 7 e 8).

Nell’antichità si distinguevano varie specie di malva, fra le quali le più utilizzate in medicina erano la ortensis e la agrestis minor, cioè la ‘domestica’ e la ‘selvatica’, così come afferma, per es., l’Alphita (Alph Gonz 244). Il corpus occitanico le presenta entrambe, documentando per ciascuna anche differenti denominazioni sinonimiche, declinate in numerose varianti grafico-fonetiche. Al punto 1. sono riportate le voci che connotano le specie selvatiche del genere Malva della famiglia delle Malvaceae (Roll 3, 85 e sgg; FEW 4, 422b; DOM 1107, 2-3; LEI 2, 329) che, da quanto anche l’analisi degli usi terapeutici conferma, sono legate da un rapporto sinonimico. Altea è la Althaea officinalis L. (ITIS 21610), mentre le varianti della serie di amalvi sono da ricondurre a lt. malva hibiscus (Hibiscus palustris L.) 77 (LEI, 2, 330); la forma melvich, in particolare, è da comparare alle voci malbit, attestata in guascone, nel tolosano e nell’Aude (Noulet 1837, 115; Tournon 1811, 343) e malvi, presente nel Tarn (Farenc 1973, 33), e per la quale si veda anche cat. malvi (Font ��� Quer 199213, 405)  78 . Già il Flos Medicinae rendeva conto dell’equivalenza fra ‘malva’ e ‘altea’: Alteam malvae speciem nullus negat esse (FlosMed, 461, v. 519), verso che ricalca il primo del cap. IX che il De viribus Herbarum di Macer dedica a questa pianta (Macer 43, vv. 366-370): Althaeam malvae speciem nullus negat esse, Althaeamque vocant illam, quod crescat in altum. Hanc ipsam dicunt Eviscum, quod quasi visco In ITIS è sinonimo per Hibiscus moscheutos L. (21614). Rolland (3, 85-86 e 90) registra altea e bismalva come antiche denominazioni, utilizzate accanto al volgarismo amalvi e alla forma cat. malvi.

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Illius dadix contrita madere videtur, Agrestisque solet a multis malva vocari.

Parimenti, l’Antidotarium Nicolai, il Circa Instans 79 e il volgarizzamento oitanico indicano, per la specie selvatica, i sinonimi di “malvavischio” e di “bismalva”: Eviscus .i. bismalva: vel malvaviscus (AntNic-Sin Jens, 57). Malva […] cujus duplex est maneries, domestica… et silvestris. Que malvaviscus dicitur et bismalva eciam dicitur. Malvaviscus […] alio nomine dicitur bismalva; alii altea (CircaInst, 88). Mauve: la sauvage que l’en claime guimauve et bismauve (SimplMéd Dorv, 115).

La specie coltivata della pianta, la Malva sylvestris L. (ITIS 21840) o la Malva rotundifolia L., (FEW 6, 129a; DOM 1123, 1-1, 1-2) è denominata semplicemente malva 80, e anche malme, forma che richiama malmés ����� attestata nel Tarn-et-Garonne (Lagrèze-Fossat 1847, 62). Relativamente alla voce meneula, attestata nel primo ricettario del codice di Chantilly, si può verosimilmente ipotizzare 81 che tale denominazione si riferisca alla “piccola malva”, cioè alla Malva rotundifolia L. (voci al punto 2.). La malva d’oltramar (punto 3.) infine, è da identificarsi con la Althaea Rosea (L.) Cav. (ITIS 181986), la “rosa ultramarina” citata, fra gli altri, nell’antica nomenclatura di Rosenberg (1631, 170), la quale deriva la propria denominazione dall’essere una specie di origine straniera 82.

2.7. Le varietà della menta 1. Sisambra (Thes IV 1), simbra (AgThes IV 18). 2. Mentastra (Thes V 4), mentastre (Let1 3, ms. P; Ric2 f. 144v, f. 152r, ms. T ; ShS1 Yod 5, mss. P, O), mentrastre (Let1 39, ms. A; Ric2 28, 29, ms. A). Suc de menta verda (Thes XXXII 10). Al quale si aggiunge BarthMin, 259: Alteam erba est, quod alio nomine dicitur evisco vel ibiscum […] alii mlvaeviscus. 80 Si veda anche il glossario in Alph Gonz, 474, dove sono indicate le due varietà: «la cultivada u hortense […], la malvácea Malva neglecta Wallr. o Malva Silvestris L., y las malvas silvestris […]». Si noti che l’attributo ‘silvestre’ vale come ‘coltivato, domestico’, differentemente da quanto in uso nella terminologia scientifica. Cfr. anche FlosMed, 458. 81 Roll 3, 109 afferma che nel Rinascimento per Malva sylvestris L. si intendeva la “piccola malva”, cioè la Malva rotundifolia l.; nell’Oise è documentata la forma meule. 82 Cfr. Roll. 3, 82: «Il arrive fréquemment qu’un végétal ou un animal est dit de mer ou d’outremer pour signifier simplement qu’il est d’origine étrangère». Cfr. anche cat. malva marina (mejor: ultramarina?) in Font Quer 199213, 406. 79

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3. Nepta (AgThes IV 18). 4. Calamen (Indice, ms.A) calament (Thes XVI 3; Febr V 27; Eluc f. 203; Shs1 Yod 5, mss. P, O), caudament (Thes XXXVI 1; Erb a 146, ms. C). 5. Menta (Let1 22, 30, ms.P; Indice, ms.A; Erb arg. 56, 286, ms.A; Let1 24, ms. A; Thes XXX 10, XLVI 3, 13; Erb a 128, ms. C; Erb b, arg.5, arg.5, 43, 45, 50, ms. C; Ric3 11, 25; Ric2 f. 151v; Eluc f. 203); suc de (la) menta (Let1 30, ms. P; Let1 27, 38, ms. A; Erb b 49, 181, ms. C; Ric2 f. 151v, ms. T), suc de mante (Thes IX 6). 6.Balsamita (Alb 207; ShS1 Alef 6). 7. Polieg rial (Let1 24, ms. P; ShS1 Yod 18). Polieg (Ric2 f. 145r, f. 149r, f. 152r, f. 156v, ms. T; ShS1 Yod 17), bolieg (Let1 32, ms. A; Ric2 82, 84, ms. A), boliegz (Let1 14, ms. A), boleyum (Ric3 3, ms. C); piligo (Thes XVII 12); suc de polieg (Ric2 f. 144v, ms. T). Poliol (Let1 1, 5, 14, ms. P; Let1 1, 1, 6, 34, ms. A; Thes LI 14); puliol (Let1 1, 26, ms. P; Let2 117, ms. P; Thes XXXVIII 9); pulios (Febr V 27); poriol (AgThes VIII 2). 8.Pol(i)eg monta(n) (Shs1 Yod 5, mss. P, O). Pulecy (Thes XVI 3). Canicha (AgThes III 36).

Il corpus testuale occitanico fornisce un’abbondante documentazione delle denominazioni medievali di piante appartenenti alla famiglia delle Lamiaceae che, tuttavia, non sempre è possibile ricondurre con precisione a generi e specie contemplati dalla moderna terminologia scientifica. Già in contesti latini alcuni termini quali sisimbrium, calamentum, menta, polium, designanti differenti varietà della ‘menta’, avevano assunto, di fatto, un valore sinonimico 83 e il determinante che talvolta li accompagnava era finalizzato unicamente alla distinzione fra le specie acquatiche e le specie montane. A giudicare dalla corrispondenza con il termine sisimbrium presente nella fonte latina, parrebbe lecito attribuire alle forme volgari sisambra, simbra (punto 1.) attestate dal Thesaur il significato di ‘sisimbrio, erismo’ o ‘crescione d’acqua’, il Sisymbrium officinale L., Scop. (ITIS 23316) o Sisymbrium nasturtium aquaticum L. della famiglia delle Brassicaceae (o Cruciferae). È in questo senso, infatti, che Rocha Pereira interpreta le forme del Thesaurus latino (TH, IV,1 e THadd De scabie malo morbo, 343), traducendole in portoghese “agrião”, cioè “crescione d’acqua” 84. Occorre tener presente, invece, Il valore sinonimico che alcuni termini acquisiscono (si veda il caso delle varietà della menta: Pro Calamento: menta aquatica, AntNic-Qpq, Jens, 47) è tavolta la conseguenza dell’uso intercambiabile delle differenti entità cui essi si riferiscono come è suggerito nei trattatelli noti come Quid pro quo. Essi compaiono in appendice ad operette medico-farmaceutiche quali il Circa Instans o l’Antidotarium Nicolai al fine di fornire indicazioni alternative in caso di difficile o impossibile reperimento degli ingredienti previsti nel ricettario. Ciò poteva avvenire per ragioni legate a diverse tipologie di cambiamenti (ambientali, temporali, economici, culturali, etc.). 84 Per questa pianta cfr. supra, 2.2. 83

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che nell’antichità il sisimbrium era assimilato a specie o ibridi della famiglia delle Lamiaceae, sia acquatiche che montane, e tale confusione ha prodotto un’articolata rete di legami sinonimici, in parte documentati anche dalla tradizione testuale in lingua d’oc. In relazione alla specie acquatica si rimanda, per esempio, ad Alph Gonz, 287: Sisimbrium, mentastrum idem, dove il secondo termine è da identificarsi o con una delle due piante molto simili fra loro, le quali sovente si ibridano, e cioè la Mentha aquatica L. (ITIS 32268) 85 e la Mentha spicata o viridis L. (ITIS 32272), oppure con la Mentha rotundifolia L. 86 La specie acquatica è presente nei testi occitanici come mentastra, mentastre, mentrastre 87, menta verda (si vedano le forme indicate sopra al punto 2.). D’altro canto, nel Circa Instans è posta l’equivalenza fra la specie montana e il ‘calamento’: Cum invenitur recepcio sisimbrium silvestre, calamentum debet poni, teste Constantino (CircaInst, 118), così come a tal proposito annota Camus (CircaInst,150): «Selon Constantin, dans les recettes, ‘mettre du sisymbrium sauvage’ signifie mettre du calament». Il ‘calamento’ è indicato altrove anche come sinonimo di “nepta”, per es. nell’Antidotarium Nicolai: Calamentis .i. nepita (AntNic-Sin Jens, 56), nell’Alphita: Calamentum sive calamentis, nepita idem (Alph Gonz, 181) e nei codici del volgarizzamento del Circa Instans: Calament […]. C’est une herbe, et la claime l’en par autre non ‘nete’ (SimplMéd Dorv, 45) e Calament […]. C’est une herbe que l’on appelle aussi nepita (CircaInst, 46). Nell’Antidotarium Nicolai anche ‘menta’ è indicata come sinonimo di ‘nepta’: Minthi .i. nepita (AntNic-Sin Jens, 62). Il legame con la specie montana richiama un’ulteriore documentazione presente nei testi occitanici, dove ad una delle due forme attestate nell’opera di Pietro Ispano, simbra, il volgarizzatore stesso ha affiancato il sinonimo di nepta “nepitella” (AgThes IV 18: Item soient piquées simbra, que es nepta […], forma al punto 3.) 88, termine comunemente utilizzato per la Calamintha nepeta (L.) Savi 89. In tal caso il testo occitanico documenta il legame sinonimico della forma simbra, in corrispondenza di lt. sisimbrium della fonte, con Si veda anche FEW 11, 660b e Roll 9, 44, che porta la testimonianza di Simone da Genova in relazione alla denominazione di lt. sisymbrium per la Mentha aquatica L. 86 Denominazione considerata sinonimo di Mentha suaveolens Ehrh, ITIS 503753. 87 Il termine mentastra (e varianti) per Mentha rotundfolia L. è attestato in a.occit. in differenti aree: cfr. Noulet 1837, 50 (per l’ambito guascone), Lagrèze-Fossat 1847, 288 (per il Tarn-et-Garonne), Farenc 1973, (per il Tarn), Palun 1867, 110 (per la zona di Avignone). 88 Cfr. DOM 1079, 1-1: a.occit. nepita, a.guasc. nepta. 89 Nell’ ITIS (511166) la denominazione è considerata sinonimo di Clinopodium nepeta (L.) Kuntze. 85

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la specie montana delle Lamiaceae, in accordo con la tradizione latina. Non esistono elementi sufficienti, invece, per affermare che anche l’altra variante della voce documentata dal Thesaur, cioè sisambra, sia sinonimo di nepta, piuttosto che del termine che denota la specie acquatica (mentastre). Occorre aggiungere una precisazione relativamente al ‘calamento’. Analogamente a ciò che è documentato per lt. sisimbrium e relativi volgarismi, oltreché per menta 90 (si vedano le forme attestate nel corpus al punto 5.), anche questo termine possedeva un valore polisemico perché poteva indicare sia la specie acquatica che quella montana. Ciò ci è dato conoscere da una testimonianza di Piero de Crescenzi, che esplicita l’associazione fra il calamento e il mentastro da un lato, e il calamento e la nepitella dall’altro: «Il calamento è di due facte. L’aquaticho s’apella mentastro, quello delle montagnie si chiama nipitella» 91 . A partire dalla testimonianza sopra indicata dell’Alphita (Calamentum sive calamentis, nepita idem) parrebbe lecito, invece, considerare le forme calamen, calament, caudamen presenti nel corpus occitanico (punto 4.) solo come sinonimi di nepta e, dunque, attribuire anche ad esse il significato di Calamintha nepeta (L.) Savi. D’altronde, alla forma calament registrata da Thes XVI 3 è accostato il sinonimo pulecy, una varietà di ‘poliolo montano’ (forma indicata al punto 7.). Un’altra voce che entra nel gioco delle corrispondenze fin qui analizzate è balsamita, attestata nel ShS1 (punto 6.) 92, che designava nel medioevo la Mentha aquatica L. 93 L’associazione del termine sisimbrium alle specie della menta ha fatto sì che esso ne acquisisse anche le corrispondenze sinonimiche, così come ci rende conto Alph Gonz 316: Xisimbrium, id est balsamita 94. Pare che balsamita si riferisse più in particolare alle specie acquatiche, Cfr. Roll 9, 37 e sgg.; DAO 1071, 1-1 ed anche FlosMed 466, v. 651, dove De Renzi associa al termine mentha più specie differenti (Mentha crispa, viridis, sativa, etc.). 91 La citazione è tratta dal corpus dell’OVI, s.v. calamento, dove si rimanda a Piero de’ Crescenzi, Trattato della Agricoltura, Firenze, 1478, testo ridotto a migliore lezione da B. Sorio, Verona, Vicentini e Franchini, 1851-53; si veda anche LEI XI-1, 767. Per l’equivalenza di calamintha montana con nepeta montana cfr. anche Lemery 1759, 161 e Genaust 1976, 85: Calamintha ‘Steinquendel, Bergminze’. 92 Come osservano gli editori del ShS1 (95-96), a causa dell’erronea interpretazione dell’arabo sisanbar con lt. sisymbrium, il termine balsamita compare come sinonimo delle forme ebraica e araba indicanti l’iris (Iris pallida L., ITIS 43223). 93 Il medesimo significato di ‘menta acquatica’ è registrato da LEI 4, 953 per le forme a.pad. balsamita e it.sett. balsemita; questo lessico indica per la voce anche il significato di “menta romana” o “erba di Santa Maria” il Chrysanthemum balsamita L., che in ITIS è considerato sinonimo di Tanacetum balsamita L. (510892). 94 Cfr. anche Roll 9, 40 (citazione da L. Duchesne, In Ruellium de stirpibus epitome, Parisiis, 1544): sisymbrium hortense, balsamita, siliquastrum, costus, piperitis. 90

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come attestano ancora Alph Gonz 171: Balsamita, menta aquatica. Du Cange (VII, 497b), del resto, riporta un’affermazione di Simone da Genova: «Multi balsamitam vocant, alii mentam aquaticam». La documentazione di ambito occitanico proviene dall’area pirenaica, dove Seguy (1953, 97) registra per ‘calamento’ la voce /méntrástés/ (che ci riconduce, dunque, alla specie acquatica) e il sinonimo /baimés/. Altrove sono attestate varianti che denunciano confusione col termine baume “balsamo” 95 : per la zona di Avignone, Palun (1867, 110) indica per la ‘menta acquatica’ il termine volgare baume de font e, per il tolosano, Tournon (1811, 343 e 337) registra beaume (de foun). Ciò corrisponde a quanto rilevano, per l’ambito occitanico, Roll (9, 37), che indica in balsamum l’antico nome della menta acquatica e, per l’ambito oitanico, Nicolaus Lemery e Godefroy 96. Una coppia di piante del genere Teucrium, cioè il “poliolo reale” e il “poliolo montano”, sono sovente associate, rispettivamente, alle specie della menta acquatica e di quella montana; ai punti 7. e 8. sono indicate le relative realizzazioni occitaniche. Le forme polieg e varianti, accompagnate o meno dal determinativo rial, sono da ricondurre al Teucrium creticum L., una sorta di menta acquatica 97. Tale specie è comunemente considerata una variante del Teucrium montanum L. (o Polium montanum L., o Teucrium polium L., o Mentha pulegium L. ITIS 32270) 98, il “poliolo montano”, come si deduce anche dalla lista del ShS1 Yod 5 che, riferendo di sei varietà di poliolo montano e associandole alle specie della menta, denomina mentastre quella acquatica e calamen quella montana 99. Il volgarizzamento del TH registra per questa pianta anche il sinonimo canicha, che probabilmente rappresenta una lettura erronea: si veda, a questo proposito, clicon .i. pulegium in AntNic-Sin Jens, 56.

2.8. Cetriolo selvatico e coltivato 1. Cocombre (Thes XXII 6); cogombre ( Febr I 6); cocombres (Thes XXXV 3; XLI 9). Cogomerassa (Ric 19, ms. P). 2. Cucumer domestic (Herb 94). Citrulli (Herb 97). 3. Cocombre amar (Thes III 5, XX 6, XXX 6, XXXVI 2, 5); cocombre amaras (Thes XXVIII 6); cogombre amar (Ric 63, ms. P; ShS1 Yod 1, Qof 2). Si veda supra, 2.4. Cfr. Lemery 1759, 563: «Mente est une plante dont il y a deux sortes; une domestique qu’on nomme Baume, et l’autre sauvage qu’on appelle Mente». 97 FEW 9, 521a, che la denomina “menta puleggio”. 98 Cfr. anche FlosMed 1, 468. 99 Si veda. ShS1, 251-253; Alph Gonz,516; André 1985, 203; Roll 8,168-174. 95

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Cocumbres aigres (Ashb f. 39v). Cogombre salvage (AgThes V 4; Ric3 5, 5, ms. C); cogobre salvage (Thes LIII 6); coucombre salvage (Thes VIII 1); cocombre salvatge (Herb 138).

Nel corpus testuale occitanico entrambe le specie del ‘cetriolo’, sia quella coltivata che quella selvatica, sono denominate indistintamente cocombre (e varianti) o cogomerassa 100 ; talvolta, invece, viene utilizzata una nomenclatura più specifica, creata mediante l’impiego di un determinativo. Gli aggettivi amar, salva(t)ge, aigre, attestati in corrispondenza di lt. cucumeris agrestis della fonte, sono tutti utilizzati per denominare l’Ecballium elaterium (L.) A. Rich. (ITIS 502196), cioè il “cocomero asinino, cetriolo selvatico” (DEI 2, 997; FEW 2-2 1457b) 101. Il “cetriolo coltivato”, il Cucumis sativus L. (ITIS 22364) compare nel corpus come cucumer domestic e citrulli 102 .

2.9. Fiore del melograno 1. Balaustia (Thes XXIX 42; Alb 219; Eluc f. 85d; Herb 56; ShS1 Nun 4, ms. P), balaustias (Ric1 f. 129v, ms. T; ShS1 Nun 4, ms. O); balaustra (Alb 71); balaustre (Thes LIII 8); blaustra (Thes VII 30); ebalustra (Thes XVII 2). Flor de milgrana (Thes VII 30; XVII 2; LIII 8). 2. Escorsa de milgrana (Thes XXXI 3; XXXII 9; Eluc f. 85d), escorsia de milgrana (Erb a 122, ms. C; Erb b 174, ms. A).

Il rapporto sinonimico fra i termini balaustia e flor de milgrana, “fiore del melograno”, il Punica granatum L. (ITIS 27278), è indicato esplicitamente in tutti i luoghi del Thesaur (tranne che in XXIX 42) e dell’erbario palatino. Relativamente a tale significato di balaustia, tuttavia, occorre esprimere alcune considerazioni. La prima riguarda il fatto che nell’ambito della farmacopea antica con balaustia ci si riferiva solamente al fiore di una particolare varietà selvatica non fertile che produce frutti agri, non contemplata dalla moderna classificazione botanica, così come ci informa Lemery 1759, 72: «Pomum Granatum Sylvestre, cuius flores Balaustae» 103 . Un’altra osservazione riguarda il rapporto fra la denominazione del fiore del melograno e quella del frutto, associata al termine pomum punicum o mala Cfr. DAO 858 1-1. La polisemia della forma cocombre è attestata, per l’area di Avignone, da Palun 1867, 48. 101 Cfr. anche cat. cogombre amarg, cogombre salvatge (Font Quer 199213, 768). 102 Si veda anche BarthMin, 363: Cucumeris genus sunt citroli. 103 Si veda anche il glossario in AntNic Dorv, 45. 100

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granata, che trova riscontro negli idiomi volgari medievali come ci indica, per es., la forma oitanica poume guernet contenuta nell’AntNic Dorv, 22. Frutto e fiore del Punica granatum L., dunque, possedevano ciascuno un nome specifico, così come afferma SimplMéd Dorv, 125: Males grenates est fruiz […]. La flor de cest fruit claime l’en balaustes.

Nell’area occitanica la distinzione nella denominazione delle due entità è ben attestata; lo dimostrano, oltre che le forme del corpus indicate al punto 1., anche le varianti quali bala(o)usto (LEI, 4, 577), per la designazione del fiore, e migrano (Roll 5, 5-8) per quella del frutto. Nei lessici di ambito occitanico, tuttavia, il termine balaustia appare talvolta associato sia al fiore che al frutto, come si deduce, per esempio, dalla traduzione che di esso propone Raynouard (Ray, 2, 172b): Balaustia: “flor et fruit du melogran”. Tale significato trova riscontro in quello analogo ����� registrato per la voce balaustii (questa volta al plurale) nel Ricettario fiorentino del 1499 o, addirittura, solamente nel significato di ‘frutti del melograno’ per la forma balaustre dell’a.it. (LEI 4, 577). Una spiegazione di tale assimilazione semantica potrebbe essere fornita dall’influenza del corrispondente termine arabo, il quale designa indistintamente sia il fiore che il frutto del melograno (ShS1 Nun 4). Collegata all’unità principale è l’espressione escorsa de milgrana (e varianti), la quale richiama la corrispondente escorce de granade attestata per il XVI secolo da Roll 5, 81 104.

2.10. Abrotano 1. Abrotanum (ShS1 Shin 3, ms. V), abrotani (Agthes III 22), *abrontanum 105 (ShS1 Shin 3, ms. P), abrotonum (Febr IV 5; ShS1 Shin 3, ms. O). 2. Alambroze (Erb arg.2, arg.2, 10, 10, 12, ms. P), *alamboroya (ShS1 Shin 3, ms. O). 3. Brona (Erb a arg.3, arg.3, 9, ms. C), broina (Erb b arg.8, arg.8, 65, ms. C). 4. Veroina (Let1 3, 6, ms. P; Let1 3, 7, ms. A), veronla (Let2 95, ms. A).

Le quattro serie di termini rappresentano tutte la Artemisia abrotanum L. (ITIS 35444) 106 ; quelle volgari, essendo associate in maniera univoca a testi Roll 5, 81, trae la citazione da L. Duchesne, In Ruellium de stirpibus epitome, Parisiis, 1544. 105 *abrontanum e *alamboroya (punto 2.) sono letture ipotizzate in ShS1: la prima compare a p. 497; la seconda, attestata nel ms. O, non è stata inserita nell’edizione a stampa. 106 FEW 24, 48a; 25, 360b. 104

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che provengono da aree differenti fra loro, ci documentano la variazione diatopica del lemma. Alambroze e *alamboroya (punto 2.) sono forme relative alla zona sudorientale del dominio occitanico. La prima, infatti, (si veda anche DAO 1067, 1-1 e 1-4) compare nella redazione dell’erbario di Odo di Meudon contenuta nel manoscritto di Princeton, la cui stesura finale rimanda all’area compresa fra la Linguadoca orientale e la Provenza, della quale mostra tratti e usi lessicali specifici come, per esempio, l’impiego delle forme avals, avalses per “querce spinose” 107. La seconda, per la quale nell’edizione del ShS1 (497) si avanza l’ipotesi di un incrocio fra a. occit. alambroze e cat. broyda, è attestata come sinonimo di abrotonum nel codice Oxford, prodotto a Trets (Aix-enProvence) (ShS1, 58). Brona, assieme alla variante broina (forme al punto 3.), compare ancora nel volgarizzamento dell’erbario di Odo di Meudon ricordato sopra, ma in questo caso nelle due redazioni, una in prosa e una in versi, contenute nel manoscritto di Chantilly, che presentano tratti linguistici del sud della Haute Garonne (Corradini 1997, 78-89). È precisamente in tale area che sono documentate le forme brona, broina (Roll 3, 170; FEW 1, 9a e 24, 48a), alle quali è da accostare anche la variante abrone attestata da Du Cange (1, 30b) a fianco dell’altro volgarismo aurone per la denominazione gallo-romanza di lt. abrotanum. Veroina, veronla (punto 4.) 108 sono termini presenti solamente nella Lettera di Ippocrate a Cesare in corrispondenza di forme quali averaig[n]e, averoyne, averoygne, averoigne, averonie contenute nelle versioni anglo-normanne dell’operetta (Hunt 1990, rispettivamente 137; 273 e 284; 271; 285 e 287; 293), alle quali la redazione occitanica pare rimandare 109 ; la forma abrotanum è attestata dalle redazioni latine. Si metta a confronto, per esempio, il testo di un rimedio per il mal di testa che ci è tramandato in occitano dal ms. P (Corradini 1997, 165), in anglo-normanno dal ms. London, B.L. Sloane 146, in latino dal ms. London, B.L. Sloane 3550 (Hunt 1990, rispettivamente 271 e 124): A dolor de cap prin veroina et salvia e trefle e elre terrestre e destempratz o ab aiga e dona o beure al malaute. Destemprez ensemble averoygne e sauge e iere (de) terrestre en ewe. Si donez le malade a beivre. Cfr. FEW 1, 64, che attesta il termine per l’area di Montpellier. Cfr. FEW 24, 48a fr. averonie. 109 Si vedano, a questo proposito, le considerazioni espresse supra (2.2.), in relazione alla forma espoza trist. 107

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Item abrotanum, salvia, trifolium, edera terrestris distemperetur cum aqua et bibatur.

La variante latina abrotanum, assieme alla forma che mantiene il morfema del genitivo, e ad abrotonum, che ricalca più da vicino l’originario termine greco (forme al punto 1.) compare in testi che, talvolta, presentano latinismi in alternativa alle corrispondenti realizzazioni romanze, così come il ShS1 e i volgarizzamenti dei trattati di Pietro Ispano. Università di Pisa

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11. Riferimenti bibliografici 11.1. Fonti del corpus del DiTMAO citati nel presente lavoro: manoscritti, testi, edizioni Bos, Gerrit / Hussein, Martina / Mensching, Guido/Savelsberg, Frank, 2011. Medical synonym lists from Medieval Provence: Shem Tov ben Isaac of Tortosa, Sefer haShimmush, Book 29. Part 1: Edition and Commentary of List 1, Leiden/Boston, Brill: Ms. O = Oxford, Hunt Donat 2 Ms. P = Paris, BnF héb 1163 Ms. V = Vatican, Ebr. 550 ShS1 = Sefer ha-Shimush, book 29, list 1. Bos, Gerrit / Hussein, Martina / Mensching, Guido / Savelsberg, Frank, (in preparazione). Medical synonym lists from Medieval Provence: Shem Tov ben Isaac of Tortosa, Sefer ha-Shimmush, Book 29. Part 2: Edition and Commentary of List 2, Leiden/Boston, Brill: Ms. Ox.Add. 22 = Oxford, Bodl. Mich Add. 22 ShS2 = Sefer ha-Shimush, book 29, list 2. Corradini, Maria Sofia, 1991. «Sulle tracce del volgarizzamento occitanico di un erbario latino», Studi Mediolatini e Volgari 37, 31-132. Corradini, Maria Sofia, 1997. Ricettari medico-farmaceutici medievali nella Francia meridionale, I, Firenze, Olschki: A indice = Indice del ms. A AgThes = Aggiunte al Thesaur de pauvres del ms. C Erb, ms. A = Erbario del ms. A Erb, ms. P = Erbario del ms. P Erb a, ms. C = Erbario (redazione in versi) del ms. C Erb b, ms. C = Erbario (redazione in prosa) del ms. C Febr = Rimedi per le febbri del ms. C. Let1, ms. A = Lettera di Ippocrate a Cesare del ms. A (parte 1°) Let2, ms. A = Lettera di Ippocrate a Cesare del ms. A (parte 2°)

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Let1, ms. P = Lettera di Ippocrate a Cesare (parte 1°) del ms. P Let2, ms. P = Lettera di Ippocrate a Cesare (parte 2°) del ms. P Ms. A = Auch, Arch. Département du Gers I 4066 Ms. C = Chantilly, Musée Condé 330 Ms. P = Princeton, University Library, Garrett 80 Ric, ms.P = Ricettario del ms. P Ric1, ms. A = Primo Ricettario del ms. A Ric2, ms. A = Secondo Ricettario del ms. A Ric1, ms. C = Primo Ricettario del ms. C Ric2, ms. C = Secondo Ricettario del ms. C Ric3, ms. C = Terzo Ricettario del ms. C Ric4, ms. C = Quarto Ricettario del ms. C Thes = Thesaur de pauvres del ms. C. Corradini, Maria Sofia, 2001. «Per l’edizione del corpus delle opere mediche in occitanico e in catalano: nuovo bilancio della tradizione manoscritta e analisi linguistica dei testi», Rivista di Studi Testuali 3, 127-195: Ms. B = Bâle, Bibliothèque de l’Université, D II 11 Ms. T = Cambridge, Trinity College, 903 Ric, ms. B = Ricettario del ms. B Ric1, ms. T = Primo Ricettario del ms.T Ric2, ms. T = Secondo Ricettario del ms. T. Corradini, Maria Sofia, 2002. «Il ms. 215 della Biblioteca Classense di Ravenna: tradizione latina e testi volgari di materia medica», Studi Mediolatini e Volgari 48, 1-15. Corradini, Maria Sofia, 2006. «Due testimoni occitanici della Anatomia porci attribuita a Cofone salernitano», in: Beltrami, Pietro / Capusso, Maria Grazia / Cigni, Fabrizio / Vatteroni, Sergio (ed.), Studi di Filologia romanza offerti a Valeria Bertolucci Pizzorusso, Pisa, Pacini, 463-492. Corradini, Maria Sofia, in preparazione. Ms. Ashb = Firenze, BML, Libri, Ashburnam 105 a,b 110. Grimaud, Jean / Lafont, Robert, 1985. La Chirurgie d’Albucasis, Montpellier, Centre d’études occitanes: Alb = La Chirurgie d’Albucasis. Milani, Matteo, 2007. «Appunti lessicali su un erbario occitano (Firenze, Biblioteca Nazionale Centrale, Palatino 586», in: Corradini, Maria Sofia / Periñán, Blanca (ed.), Giornate di studio di lessicografia romanza, Pisa, ETS, 109-141: Herb = Erbario del ms. Firenze, BNCF, Palatino 586. Scinicariello, Sharon Guinn, 1982. A critical edition of books 1-7 of the Elucidari de las proprietatz de totas res naturals, Chapel Hill, dissertation, University of North Carolina: Eluc = Elucidari de las proprietatz de totas res naturals.

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I termini tecnici sono tratti dalla lettura diretta del codice in vista di una nuova edizione del ricettario (Corradini, in preparazione).

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Appendice: Elenco delle piante citate secondo la denominazione scientifica Acacia arabica (Lam.) Willd. (2.5.) Acacia nilotica (L.) Willd. (2.5.) Acorus calamus L. (ITIS 564989) (2.3.) Althaea officinalis L. (ITIS 21610) (2.6.) Althaea Rosea (L.) Cav. (ITIS 181986) (2.6.) Artemisia abrotanum L. (ITIS 35444) (2.10.) Calamintha nepeta (L.) Savi (2.7.) Calendula officinalis L. (ITIS 36910) (2.1.) Carduus marianum L. (2.2.) Centaurea benedicta L. (ITIS 510524) (2.2.) Chrysanthemum balsamita L. (2.7.) Cichorium endivia L. (ITIS 501522) (2.1.) Cichorium endivia subsp. pumilum (Jacq) Hegi (2.1.) Cichorium intybus L. (ITIS 36763) (2.1.) Cichorium intybus subsp. divaricatum Schousb. (2.1.) Cichorium intybus subsp. foliosum Hegi (2.1.) Cirsium arvense (L.) Scop. (ITIS 36335) (2.2.) Clinopodium nepeta (L.) Kuntze (ITIS 511166) (2.7.) Cnicus benedictus L. (2.2.) Commiphora gileadensis L. (ITIS 896045) (2.4.) Commiphora opobalsamum (L.) Engl. (2.4.) Cucumis sativus L. (ITIS 22364) (2.8.) Cynara cardunculis silvestris Lamb. (2.2.) Cynara cardunculus L. (ITIS 37221) (2.1.; 2.2) Cynara cardunculus scolymus (L.) Hegi (2.2.) Cynara Scolymus L. (ITIS 37222) (2.2.) Ecballium elaterium (L.) A.Rich (ITIS 502196) (2.8.) Gladiolus italicus Miller (ITIS 502782) (2.3.) Gladiolus segetum Gawler (2.3.) Hibiscus moscheutos L. (IT IS 21614) (2.6.) Hibiscus palustris L. (2.6.) Iris barbata L. (2.3.) Iris florentina L. (ITIS 515195) (2.3.) Iris foetidissima L. (ITIS 503196) (2.3.) Iris germanica L. (ITIS 43207) (2.3.) Iris pallida L. (ITIS 43223) (2.7.) Iris pseudacorus L. (ITIS 43194) (2.3.) Lepidium sativum L. (ITIS 22978) (2.2.) Malva rotundifolia L. (2.6.)

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Malva sylvestris L. (ITIS 21840) (2.6.) Mentha aquatica L. (ITIS 32268) (2.7.) Mentha pulegium L. (ITIS 32270) (2.7.) Mentha rotundifolia L. (2.7.) Mentha spicata o viridis L. (ITIS 32272) (2.7.) Mentha suaveolens Ehrh (ITIS 503753) (2.7.) Mimosa nilotica L. (2.5.) Nasturtium officinale W.T. Aiton (ITIS 23255) (2.2.) Polium montanum L. (2.7.) Prunus domestica L. (ITIS 24774) (2.5.) Prunus spinosa L. ( ITIS 24802) (2.5.) Punica granatum L. (ITIS 27278) (2.9.) Rubus fruticosus L. (2.5.) Rubus plicatus Weihe & Nees (ITIS 504851) (2.5.) Senecio vulgaris L. (ITIS 36194) (2.2.) Silybum marianum (L.) Gaertn. (ITIS 38413) (2.2.) Sisymbrium Nasturtium aquaticum L. (2.2; 2.7.) Sisymbrium officinale L., Scop. (ITIS 23316) (2.7.) Sonchus arvensis L. (ITIS 38421) (2.1.) Sonchus oleraceus L. (ITIS 38427) (2.1.) Swertia perennis L. (ITIS 30118) (2.3) Teucrium creticum L. (2.7.) Teucrium montanum L. (2.7.) Teucrium polium L. (2.7.) Vachellia nilotica L. (819931) (2.5.)

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Étymologie et cognition : français grèbe Wolf-Dieter Stempel octogesimumquintum annum feliciter peragenti haec symbola cum omnibus faustis offert Christianos Siderourgos

1. Remarques préliminaires Avec les recherches réalisées autour du FEW, de l’Etymologisches Wörterbuch der französischen Sprache (Gamillscheg 1969 2) et du TLF, auxquelles plusieurs générations de romanistes ont substantiellement contribué, l’étymologie française a atteint, tout spécialement dans le cadre des langues romanes, une position respectable et un niveau exemplaire que maintes philologies modernes trouvent dignes d’admiration et souhaitables pour l’état de leurs propres investigations. Dans l’histoire de la langue française et à l’intérieur de la philologie galloromane, l’étymologie a toujours connu une place privilégiée (Pfister / Lupis 2001), spécialement dans les dictionnaires de langue (Roques 1989), et c’est avant tout le vocabulaire hérité du latin qui a attiré l’intérêt des chercheurs depuis Friedrich Diez et Wilhelm Meyer-Lübke, les mots dus aux superstrats restant, en quelque sorte, la pomme de discorde entre la philologie française et la romanistique allemande ; ces disputes – souvent des discussions idéologiques – ont même contribué à une continuation de la Première Guerre Mondiale, cette fois réalisée dans les tranchées que constituaient les différentes conceptions étymologiques (Bascoul 1919). Entretemps, fort heureusement, la recherche en étymologie française et romane ne se fait plus avec la même violence ou véhémence, on peut même dire qu’elle a perdu la virulence d’antan, et il est même licite de se poser la question de savoir si elle est encore poursuivie avec l’engagement nécessaire (Gardette 1983). Bien des ‘lois étymologiques’ ont été oubliées, les philologues ne se soucient guère de trouver les racines des mots, convaincus qu’ils sont que ce terrain n’est plus propice. L’ALF avait permis la rigidité méthodologique des néogrammairiens auxquels nous devons, sans aucun doute, non seulement l’analyse systématique tant des mots nationaux que des humbles

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mots régionaux, mais aussi la plupart des étymologies de nos dictionnaires (Iordan ²1962). Pour bien des chercheurs ceci signifiait que l’ère de l’artisanat proprement étymologique était terminée, d’autant plus que de nouvelles orientations étaient proposées : « Depuis soixante ans le mot est arraché à son isolement. Il se trouve au milieu d’un réseau complexe de relations, sur deux plans très différents : sur le plan linguistique et sur le plan humain. Sur le plan linguistique, une orientation structurale au sens le plus large en est la conséquence. Sur le plan humain, il s’agit de retrouver le trait d’union entre l’histoire du mot et l’histoire de l’homme en tant qu’être historique, social et culturel », a souligné Baldinger (1977, 246), et, en effet, bien des romanistes ont abandonné l’étymologie-origine à la suite de la revendication de l’étymologie-histoire du mot. L’admiration pour la fabrication étymologique artisanale fait trop souvent oublier le fait indéniable que les meilleures étymologies, ou celles dont on admire encore aujourd’hui l’ingéniosité, sont dues à un groupe de chercheurs moins rigoristes qui restent plus ou moins attachés à l’école de ‘Wörter und Sachen’ (cf. Schmitt 2001), absente, p.ex., dans la contribution au titre général étymologie et histoire du lexique publiée dans le LRL (Holtus 1990 ; Roques 1990) ; mais leur contribution à la compréhension du vocabulaire est loin d’être marginale : ce sont eux qui ont compris qu’en matière d’étymologie la triade de l’homme être historique, social et culturel ne suffit pas et qu’il faut inclure dans l’acte de dénomination l’homme en tant qu’être cognitif donnant des noms selon sa propre vue des choses et responsable, par conséquent, de la motivation souvent cryptique des signes linguistiques (cf. aussi Abaev 1977 ; Wierzbicka 1985 ; Baldinger 1990).

2. La linguistique cognitive et l’étymologie Telle qu’elle a été développée par les psychologues américains et les linguistes, la linguistique cognitive est, avant tout, une science servant à l’explication synchronique des signes motivés ; et dans ce cadre, elle cherche avant tout à expliquer la représentation figurée. Un nom de champignon comme pied-de-mouton nous donne bien des informations sur la forme de ce végétal offert sur de nombreux marchés en France ; pour son nom scientifique, hydne sinué, ce n’est plus le cas : il est, dans la terminologie saussurienne, un signe arbitraire que le locuteur apprendra avec plus ou moins de difficulté vu son isolement dans l’ensemble du vocabulaire français ; il en est de même pour pied-de-cheval « grande huître commune (gryphée) » : le nom nous explique la cognition de l’homme créateur de désignations, nous donne accès à sa

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ÉTYMOLOGIE ET COGNITION : FRANÇAIS GRÈBE

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mémoire sémantique, laquelle contient « alle diejenigen Inhalte, die von den einzelnen Erfahrungen losgelöst sind » (Wettler 1980, 12). Ce principe vaut également pour les noms d’animaux ou de plantes : on peut, sans grande connaissance de la faune, partir de l’idée que pour ceux qui ont donné ce nom à l’oiseau, rouge-gorge est un oiseau dont la gorge et la poitrine sont d’un roux vif, et rouge-queue un oiseau passereau « appelé communément rossignol des murailles, à gorge noire, de petite taille, caractérisé par la teinte rousse de la queue » (NPRob, s.v.). Les critères saillants existent dans la mémoire collective qui, elle, est sujette à l’évolution. S’il est vrai que tout francophone caractérisera les deux oiseaux à partir de leur couleur, rares devraient être aujourd’hui ceux qui savent que le rouge-gorge couve dans les trous et enfoncements naturels des murailles : la mémoire change et les noms changent avec elle ou ils perdent leur motivation. Qui, de nos jours, sait encore que le bec d’oie « sorte de pomme » avait un nom motivé par la couleur, car le nom porté par ce fruit « lui vient sans doute de la teinte rouge-brique, assez semblable à celle d’un bec d’oie » (Leroy 1867-73, 3, 100) comme, entre autres, le boucherot « pomme à cidre » (FEW 1, 587a), la cardinale, pomme « presque entièrement lavée et striée de rouge foncé » (Leroy 1867-73, 3, 203), le corail, pomme « colorée de rouge-brun à l’insolation et faiblement ponctuée de gris dans le voisinage de l’œil » (Leroy 1867-73, 3, 325 ; cf. aussi FEW 2, II 1178b), l’écarlate « espèce de pomme rouge » (Olivier de Serres), l’écarlate « espèce de fraise » (FEW 19, 150a) et l’escarlatin « variété de pomme (à cidre) » (FEW 19, 150a) ; les problèmes étymologiques s’avèrent moins difficiles pour rouge + x « variété de pomme » (comme rouge de villeneuve, rouge-mulot, rouge de dalnis, etc.) ou pour les dérivés rouget, rougette, rousseau, etc. (FEW 10, 588b ; Schmitt 2010). L’homme doué de perception est capable de saisir l’essentiel et, avant tout, les traits caractéristiques de ces végétaux et, par la suite, de comprendre la force créatrice que contiennent bien des noms de champignons, poires ou pommes (Heyen 2004) : « […] l’hypothèse […] des théoriciens des sciences cognitives, qui pensaient pouvoir traduire facilement la pensée humaine, sous forme de règles logiques, a buté sur de rudes obstacles. Les stratégies mentales ne sont qu’en partie réductibles à un ensemble de procédures logiques. Les ressources dont dispose la pensée humaine pour penser sont multiples : le raisonnement logique, certes, mais aussi l’analogie, la pertinence, la présomption, l’induction, les routines mentales » (Dortier 1999, 9).

Voici tout un programme pour l’étymologiste du XXIe siècle. S’il est vrai que la ‘Dame phonétique’ a été trop courtisée dans le passé et encore, vers la fin du XXe siècle par l’école de Bonn (Meier 1986) et que la ‘Dame sémantique’ n’a pas trouvé la même attention, il faut dire que la cognition humaine est restée la cendrillon des étymologistes, et ceci malgré les connaissances

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d’un Belon du Mans qui avait observé que « les fauconniers, qui traitent diverses especes d’Esperviers, les nomment diversement selon divers accidents » (1555, 21) et que le milan royal porte son nom de bon aloi : « Ce Royal est ainsi appellé, pource qu’on en fait un moult plaisant vol pour le Sacre » (1555, 129). S’il est facile d’expliquer le nom du gorge rouge « rouge-gorge » à partir des accidents (Schmitt 2004) il faut cependant admettre que Belon a également compris les principes sous-jacents de la dénomination : « C’est mal fait de la nommer Gorge rouge : car ce que nous luy pensons rouge en la poitrine, est orengee couleur, qui luy prend depuis les deux costez du dessous de son bec, […] et par le dessous des deux cantons des yeux, luy respond par le dessous de la gorge, iusques à l’estomach » (1555, 348).

Il faut donc retourner aux questions essentielles qu’a déjà posées le XVIe siècle, et, plus clairement, le XVIIIe (Schmitt 2000b) et inclure dans les réflexions l’homme créateur de noms ; comme l’a formulé Foucault : « Dans son être brut et historique du XVIe siècle, le langage n’est pas un système arbitraire ; il est déposé dans le monde et il en fait partie à la fois parce que les choses elles-mêmes cachent et manifestent leur énigme comme un langage, et parce que les mots se proposent aux hommes comme des choses à déchiffrer. » (1966, 49sq.).

La redécouverte de la cognition humaine peut ainsi se transformer en passe-partout pour l’explication de nombreuses origines de mots à condition de ne pas être manipulée de force et de reposer sur de vraies connaissances populaires (cf. Schröpfer 1975 ; Rosch et. al. 1976 ; Kleiber 1993).

3. Français grèbe : histoire d’une péripétie étymologique Comme de nombreux régionalismes ou encore des mots d’origine dialectale du français, grèbe « oiseau aquatique palmipède » n’a toujours pas trouvé d’explication étymologique convaincante. Pour le NPRob (s.v.), son origine est inconnue ; quant au FEW, il le range dans les matériaux d’origine douteuse ou inconnue : « Mfr. grèbe m. ‘mouette cendrée tachetée’ (1557–Cotgr 1611, Belon ; ‘en Savoie’ Gesn), griaibe (1557–Cotgr 1611, Belon ; ‘en Savoie’ Belon) ; nfr. grèbe ‘podiceps’ (seit Enc 1757), bess. guerbe ‘plongeur’, Lyon grèpe ‘podiceps’ (‘vieilli’), hdauph. glēbe ‘oiseau aquatique’. – Ablt. Schweiz greboz m. ‘grand grèbe’ ; grebion ‘petit grèbe’ ; grebolan. Vgl. Gam. *WEBRA ; Alessio RLiR 17, 178 spätlt. CAPREA, kelt.-lig. *GABRO-. Wohl dasselbe wort wie lübeck. greber ‘id’, gref (Grimm ; Suolahti 446). Doch bleibt die art der beziehungen zwischen dem ndd. und dem gallorom. wort dunkel. Gam stellt eine grundforn *webra auf, deren rechtfertigung aber zweifelhaft bleibt. Auf

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ÉTYMOLOGIE ET COGNITION : FRANÇAIS GRÈBE

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grund der it. benennungen des vogels, wie istr. capria, ven. cavriola, versucht Alessio RLiR 17, 178 eine verbindung mit spätlt. caprea ‘wilde Ziege’ herzustellen ; das g- wäre dann auf ligur. einfluss zurückzuführen. Doch hätte dieses g-, wenn es sich überhaupt rechtfertigen liesse, zu j- werden müssen » (XXI, 246).

Les explications du TLF ne sont pas plus précises pour l’étymologiste ; les attestations montrent que le mot est employé par plusieurs écrivains, qui savent que l’oiseau a un plumage argenté et une touffe caractéristique : « ORNITH. Oiseau aquatique migrateur, palmipède, au plumage d’un blanc argenté et au bec fin. Grèbe huppée, grèbe à cou noir. Les oiseaux dans lesquels les pieds sont trop en arrière du corps, comme les grèbes et les pingouins, sont obligés de se tenir presque verticalement (CUVIER, Anat. comp., t. I, 1805, p. 480). – P. méton. MODE. Plumes de cet oiseau. L’hermine restera toujours dans l’empire de la mode, mais le grèbe semble prendre une ère nouvelle : le grèbe, aussi brillant que l’argent, et ayant par intervalles des teintes d’un gris doré (Le Moniteur de la mode, 1844, 10 nov. ds QUEM. DDL t. 16). Enfant sans ceinture à boucle de diamant, sans guêtre en peau de requin, sans toque de grèbe (GIRAUDOUX, Simon, 1926, p. 125) : … dans l’emmitouflement de son manteau fourré de grèbe, aussi duveteux que les blanches fourrures qui tapissaient ce salon … PROUST, J. filles en fleurs, 1918, p. 601. ♦♦ Prononc. et Orth. : [gRɛb]. Ds Ac. 1762-1932. Étymol. et Hist. 1557 (BELON, Portr. d’oys., f° 35 r° ds GDF. : Mouette cendree, gavian, glammet, en Savoye elle est nommee grebe, ou griaibe, begue, heyson). Mot savoyard (d’apr. P. Belon) d’orig. inc. (V. FEW, t. XXI, p. 246). Fréq. abs. littér. : 13 » (tome IX, 462).

Le nom est certainement d’origine savoyarde et sa première attestation est due à Belon ; il ne se trouve pas encore dans L’Histoire de la nature des oyseaux de 1555, mais dans ses Portraits d’oyseaux, animaux, serpents de 1557 où il est question des deux formes régionales grèbe, ou griaibe (à côté de begue et heyson). Les autres dictionnaires contribuent peu à l’explication de l’ornithonyme ou aux attestations dans les textes médiévaux ou modernes : – Gdf parle de grèbe s.f. « sorte de mouette » (4, 353b) et renvoie à Belon, le TL (4, 603a) connaît un lemme grebe, grebbe, mais il les range sous creche, grebe « Krippe » (2, 1023a) ou « Stall ». – Dauzat / Dubois / Mitterand (19712, 352) ne donnent aucune explication étymologique, Matthieu-Rosay (1985, 250) parle d’un nom d’oiseau « d’origine inconnue », Baumgartner / Ménard (1996, 368) ont oublié cette entrée tout comme Picoche (1994 [2002], 273a) ; Bloch / Wartburg (19685) renvoient à Belon : « ‹ En Savoye elle est nommée grebe ou griaibe › : ce mot est d’origine inconnue » (303b), et Gamillscheg (EWFS 1969 2, 494b) risque une explication purement chimérique :

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« grèbe ‘Steißfuß’ (Wasservogel) 16. Jh. auch graibe, stammt aus dem Südosten, vgl. lyon. grèpe, frz. Schweiz gréboz, sav. graibioz, vgl. dazu für den nächstverwandten ‘kleinen Taucher’ (podiceps minor), frz. Schweiz grebion, grebolan, ferner für den ‘Taucher’ (mergus merganser) norm. viard gièvre u.ä., s. Roll. F. 2, 403 sqq. ; die Formen führen auf eine Grundform *w ĕ b r a , die mit Ausnahme der germanisch-romanischen Grenzmundarten zu grom. *guebra wurde ; H. u. Zu gall. *gabro ‘Ziege’, Alessio, RLiR 17, 178 ist lautlich und begrifflich ������� unwahrscheinlich ».

Von Wartburg rejette cette étymologie avec des arguments valables (FEW 21, 246). La suggestion de Guiraud reste peu convaincante (1982, 346) : « Grèbe, 1557, P. Belon qui dit : ‹ En Savōye elle est nommée grebe ou griaibe › ; ce mot est d’origine inconnue (B.W.). Peut-être d’après le lat. crepare ‘craquer, faire entendre un cliquetis’ ?, ou d’après grabber « fouiller en grattant » ? »

Cette suggestion a été reprise par le Robert Historique (I, 916), sans aucune précision supplémentaire. Nous voilà donc, après cent années d’efforts continus, au même état des recherches que Clédat (1912, 315) : « Grèbe, origine inconnue ».

4. Le grèbe : étude cognitive et linguistique Nous savons qu’il existe, en France et en Europe (Desfayes 1998, I, 248 sqq.) plusieurs variétés : le grèbe castagneux, le grèbe au cou noir, le grèbe jongris, le grèbe esclavon et le grèbe huppé (Chantelat 19974, 212 sqq., 259 sqq. ; Peterson / Mountfort / Hollom / Gerondet 199412 : 164 sqq., avec la sous-variante grèbe à bec cerclé) ; ces oiseaux plongeurs se caractérisent par la position de leurs pattes, loin en arrière, facilitant la propulsion et entravant la marche à terre. Il y a deux espèces qui vivent et couvent en France : le grèbe castagneux et le grèbe huppé (cf. les cartes dans Svensson / Mullarney / Zetterström / Grant 2000, 16 et 18) : le grèbe huppé « se reproduit assez communément (environ 3000 couples), sur les plans d’eau douce bordés de roselières », précise le guide vert qui rappelle en même temps que le grèbe castagneux « fréquente tout plan d’eau douce, même de faible surface, les rivières au cours lent, envahis et ceinturés ou bordés par la végétation » (Chantelat 19974, 212). L’identification des deux espèces françaises s’avère facile : le grèbe castagneux, le plus petit des grèbes « a le dos et la culotte brun noir, les joues brun rouge, le dessous roussâtre, l’iris rouge, le bec noir à pointe blanche. Sa tête est dépourvue de tout ornement ; seule une tache jaune vif marque la commissure

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du bec » alors que le grèbe huppé, le plus grand des grèbes qui se reproduisent en France est « de la taille du colvert, mais beaucoup plus élancé, il a un plumage brun noir dessus, les flancs roux, le dessous blanc satiné, les joues et le cou blancs, le bec pointu rosâtre. Sa tête est ornée de larges “oreilles” roux et brun noir (particulièrement développées lors des parades printanières) » (Chantelat 19974, 212 sqq.). Le dessin de Belon (1555, 177) montre sans doute la variété la plus répandue, le grèbe castagneux (sans indiquer son nom populaire) : Ce dessin peut induire en erreur et faire comprendre que l’arrangement et les couleurs de l’oiseau forment l’élément saillant pour la cognition humaine. À partir de ce critère on dira donc (Schmitt 2000a, 86) : « Der Name des Tauchers (auch Steißfuß, Sachs-Villatte 1896, 326a) lautet nach Buffon le grèbe (dt. deucchel, it. “a Venise” fisanelle ; 26, 47) ; für Belon ist dieses Wort auf Savoyen begrenzt (Bloch – Wartburg 19685 : « P. Belon dit : ‹ En Savoye elle est nommée grebe ou griaibe › ; ce mot est d’origine inconnue », p. 303b) ; auch im FEW XXI, 246a werden mfr. grèbe “mouette cendrée tachetée” (1557-Cotgr 1611) und nfr. grèbe “podiceps” (seit Enc 1757) unter den Materialien unbekannter Herkunft aufgeführt. Ein Anknüpfungspunkt scheint mir mit lt. cribellum “Sieb” (FEW II, 2, 1332a) gegeben, cf. Bress. guérbélè “cribler de petits points de couleur”, Bress. guérbélaize “le fait de tacheter”, gréblère “coccinelle”, Fraize degrébelè “bigarré (du pelage)”, Fraize, Waldersbach grébi “bœuf au pelage bigarré”, grébat “vache au pelage bigarré”, Belm. bress id. (FEW II, 1333a). Da bereits für Belon das gefleckte Gefieder (mouette cendrée tachetée) das markanteste Charakteristikum des Vogels bildet, gibt es weder semantische noch lauthistorische oder sprachgeographische Einwände gegen diesen Vorschlag. Die von v. Wartburg wohl nur aus wissenschaftshistorischen Gründen erwähnten Ansätze von Gamillscheg und Alessio (FEW XXI, 246a/b) bleiben spekulativ und sind lauthistorisch wie semantisch nicht zu rechtfertigen. Dieser etymologische Vorschlag wird ferner durch die bereits im FEW II, 1, 466a gebotene Erklärung eines Namens für den Kleinen Steinfuß, castagneux “petit grèbe”, unterstützt : mfr. nfr. castagneux “colymbus minor (petit grèbe)” (seit 1555) wird so genannt, weil er kastanienbraunes Gefieder hat ; andere Ableitungen von castaneus beziehen sich auf das braungefleckte Fell von Kühen oder die bräunliche Haut von Fischen. Merkwürdigerweise fehlt FEW XXI, 246a petit grèbe, obwohl es sich FEW II, 1, 466a in der Definition von castagneux befindet. Weitere Unterarten sind le grèbe huppé (26, 51 f.), le grèbe cornu (26, 53 f.) und le petit grèbe cornu (26, 54 f.), sowie le grèbe de rivière (26, 58)».

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S’il est justifié d’expliquer l’épithète « castagneux » à partir du plumage brun roux, il me semble que cribellum, acceptable aux niveaux phonétique et sémantique, ne peut pas être défendu pour des raisons cognitives. Sur le lac de Genève, lors d’une enquête linguistique, de jeunes garçons m’ont expliqué comment identifier un grèbe : cet oiseau se caractérise par sa « touque », les autres grèbes, pour eux, n’étant que de « simples plongeons ». C’est, en effet, ce qu’a remarqué le Larousse du XXe siècle en six volumes, édité par Paul Augé ; cet ouvrage formule une série de remarques encyclopédiques (« Ces grèbes ont le cou long, le bec pointu, la tête ornée, chez les mâles, d’une sorte de coiffe, épanouie en collerette ou en cornes ; leur duvet est très estimé […]. Le grèbe huppé atteint 50 cm de long ; le grèbe castagneux n’a que 25 cm ; ce sont les deux espèces les plus communes en France », tome III, 866) et nous donne après le croquis suivant : Ce croquis représente le grèbe prototypique pour les personnes qui vivent dans la proximité des plans d’eau et c’est la variété typique pour mes témoins ; pour eux ce n’est pas la couleur des plumes mais la « touque » qui caractérise les grèbes. Dans un manuscrit du XIIIe siècle (Bibliothèque nationale, fonds hébreu n° 302 : glossaire hébreu-français du XIIIe siècle), composé de 177 familles (cf. Dar���� mesteter, Romania 1, 146-176) on trouve une attestation non retenue par le FEW (cf. aussi A.B. Edzard 2009, 297 qui traite, cependant, un autre champ conceptuel) : é le grébe (« Haarmasse », 58/59) « masse de cheveux » (Lambert / Brandin 1905 [1977]) Il y aurait donc une dénomination de l’oiseau par le nom de l’élément le plus saillant, critère constitutif pour la description du grèbe. Encore faut-il savoir comment expliquer afr. grèbe « Haarmasse / touffe de cheveux » qui n’est même pas retenu par les dictionnaires de l’ancien français et fait défaut, par conséquent, dans Gdf et TL (Edzard 2009, 297) 1.

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Le DEAF formule un renvoi à creche.

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Je suis convaincu que *krippia (altfrk.) « Krippe (crèche) » offre la base pour l’explication de grèbe « Haarschopf » et « Steißfuß », donc pour l’oiseau aquatique et sa « touque » caractéristique. Pour *krippia qui a remplacé praesepe « crèche » dans le domaine galloroman, il existe des formes avec sonorisation du [k] initial, comparable à lt. crassus / grassus (Figge 1966). Le Gdf connaît un lemme grebbe « crèche », séparé de grebe « sorte de mouette » (4, 353b), le TL a également enregistré grebe, grebbe (sans définition) avec renvoi à creche (II, 1023), où se trouvent crebbe « praesepe » et, avec un sens métaphorique, creiche : s’ils te tiennent en leur creiche (wenn deine falschen Ratgeber dich unter ihrem Einfluss behalten), Jub. NRec. II, 87 ; crache est encore attesté dans le sens de « Stall (étable) », mais rien ne fait supposer l’existence de crebe / grebe « oiseau aquatique ». Le FEW 16, 390-392 enregistre également quelques attestations avec [g] initial sonorisé qui possèdent la valeur sémantique « mangeoire pour les bestiaux » ou « auge, crèche » ; il atteste l’extension sémantique à nfr. « asile pour les enfants trouvés », due au christianisme, « logement », « théâtre », « esp. d’éperon bordé d’une file de pieux et rempli de maçonnerie devant et derrière les avant-becs de la pile d’un pont de pierre » (1347), « étoile nébuleuse audessus du cancer » et « établi où se trouvent fixés, dans une corderie, les divers peignes ». Le dérivé Grandpré kręšęt désigne le fruit de l’églantier et crechon le toit à porcs ; l’attestation judéo-française grebe « touque, masse de cheveux » manque, mais elle reste compatible avec l’évolution sémantique attestée pour *krippia « crèche » dans le FEW : greb(b)e et creb(b)e / crèche pouvaient donc adopter le sens de « masse de cheveux (sur la tête d’un animal) », les cheveux ressemblant à des brins de foin jetés dans une mangeoire pour les bestiaux. Le croquis du Larousse du XXe siècle (Augé III, 866) nous fait comprendre quelle a été la motivation cognitive pour le nom du grèbe : la marque caractéristique du grèbe (huppé), prototype des grèbes à habitat en France, est cette touffe érectile de plumes à l’extrémité de la tête, haut placée lorsque l’oiseau nage dans l’eau ou quand il couve les œufs. C’est ainsi que le voient les hommes car il est rarement hors de l’eau, sur terre, et il ne vole que peu souvent. Ce qui a été décisif pour la création du nom n’est donc rien d’autre que la cognition de l’homme dans l’acte de dénomination, qui part de ce qu’il croit être caractéristique : pour le rouge-gorge c’est le roux vif de la gorge et de la poitrine et pour le grèbe la touffe magnifique que le mâle porte à l’âge nuptial.

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5. Résultats et perspectives Notre étude a montré qu’une étymologie limitée à la phonétique historique et aux régularités sémantiques ne peut pas toujours satisfaire et mène souvent à des résultats aberrants (Stefenelli 1981). Dans bien des cas, l’étymologiste doit essayer de trouver la motivation pour l’acte dénotatif et tenter de restituer la situation cognitive qui a précédé la désignation. Dans bien des cas, en ce qui concerne l’ornithonymie, la compréhension de ce qui est subjectivement caractéristique, de ce qui saute à l’œil, mène à des signes linguistiques transparents, au moins au moment de la création lexicale (Schmitt 1981 ; 1999a ; 2000a ; 2000c ; 2002 ; 2003), car il n’est pas exclu que la transparence des mots diminue, voire que cette qualité se perde complètement, surtout à l’époque actuelle qui ne connaît guère les noms populaires des oiseaux aquatiques (Schmitt 2000a). Schuchardt (1912 ; 1922) et Meringer (1909 ; 1911) ont reconnu la valeur de ces principes ; ils surent les appliquer et les intégrer dans leur concept étymologique et compléter les éléments cognitifs avec la Wortkultur et la Sachkultur, et ceci au profit de la science ; leurs principes continuent à être essentiels comme le documente, p.ex., l’anthropomorphisation systématique dans le domaine des parties matérielles et des capacités attribuées aux ordinateurs (Schmitt 1993). Université de Bonn

Christian SCHMITT

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Contributions à la toponymie de la Lozère, principalement d’après les sources médiévales La toponymie de la Lozère a été étudiée de manière particulièrement intense, notamment grâce aux travaux de Hallig, Flutre, Soutou, Camproux et Dufort (voir aussi Chambon 1975, 2006, 2008, 2009a). Les notes suivantes cherchent à faire progresser nos connaissances en prenant principalement appui sur la documentation médiévale. Nous nous efforcerons aussi, pour valider ou invalider les hypothèses étymologiques, de tenir compte des particularités diachroniques du phonétisme de l’occitan régional. Au plan de l’établissement des données, nous proposons, précisons ou rectifions ci-dessous de nombreuses identifications, et redressons plusieurs fausses lectures ou créations de noms de lieux fantômes par les éditeurs de textes, en particulier dans les Feuda Gabalorum (Boullier de Branche 19381949 ; ci-dessous FG), les documents du Monastier-Chirac (Belmon 1994) et le testament de l’évêque Aldebert II (Brunel 1926, n° 13). Au plan de l’interprétation étymologique, plusieurs des solutions proposées intéressent la lexicologie historique. Nous mettons ainsi en évidence l’existence de lexèmes ayant appartenu au fonds primitif, car fixés en toponymie sans précession de l’article défini (avant ca 700), mais ayant ensuite disparu du lexique à l’époque littéraire : canalĭc(u)la / canalīc(u)la “petit canal” (§ 9) fen īle et *fenarIīle “grenier à foin” (§ 25) fig(u)līna “atelier de potier” (§ 21) lūcu “bois (sacré)” (§ 22) torc(u)l āre “lieu où se trouve un pressoir” (§ 48).

Nous dégageons aussi quelques dérivés et un composé toponymiques probablement ad hoc, de formation ancienne, relevant des types : arbore + ‑ ōsu (§ 3) arbore + sōlu (§ 4) n ībulu + ‑ētu, + ‑āriu, + ‑ ōsu (§ 39).

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JEAN-PIERRE CHAMBON

Deux autres lexèmes disparus ont fourni plus tardivement (probablement vers la fin du haut Moyen Âge) des toponymes munis de l’article : aocc. *castandel “petite châtaigneraie” (§ 12) et aocc. *fesc “exploitation agricole appartenant au fisc” (§ 24). D’autres unités lexicales ou sens peuvent être mis en évidence qui ont appartenu à l’occitan gévaudanais médiéval, bien qu’ils ne soient pas connus jusqu’à présent en dehors de leur emploi en toponymie : aocc. (agév.) *bachalaria “terre en culture exploitée directement par le propriétaire” (§ 49) *balador “zone plane (replat, sommet)” (§ 50) *canairil “lieu où poussent les roseaux” (§ 8) corona *“escarpement rocheux qui forme le rebord d’un causse” (§ 20) *clapairet “petit tas de pierres” (§ 14) *coltieu “terre en culture” (§ 15) combatut *“qui a fait l’objet d’une contestation en justice” (§ 10) *ermitania “ermitage” (§ 32) *gazi “bien foncier remis en gage” (§ 28) *marsenquier “(terre) où pousse le blé d’été” (§ 34) *merdaric “ruisseau sale” (§ 36) prion *“resserré entre des versants escarpés (d’un lieu)” (§ 43) ronhos *“qui présente des inégalités (d’un terrain)” (§ 18) *segairil “champ qui produit du seigle” (§ 45) *tieure “tuf” (§ 47).

En dehors des formations délexicales, on peut relever un délocutif (Ieis Foras, § 30) et, parmi les formations détoponymiques, deux dérivés en ‑és ayant désigné originellement de petits territoires (Fraycendés, § 26 ; Gavolés, § 27) ainsi que quelques paires morphologiques associant un nom de lieu simple et un nom de lieu dérivé suffisamment ancien pour avoir subi une syncope à l’intertonique : (le) Castanet et (le) Castandel (§ 12) Fraissinet et Fraycendés (§ 26) Macello et (le) Meylet (§ 37) Farella et Pharelta (§ 42).

Parmi les formations déanthroponymiques apparaissent surtout des dérivés originellement adjectivaux en ‑esc (§ 1, 6, 16, 19, 23, 33, 35) et en ‑enc (§ 5) ainsi qu’un sobriquet employé absolument en toponymie, antérieurement à ca 1110 (Noubloux, § 40).

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CONTRIBUTIONS À LA TOPONYMIE DE LA LOZÈRE

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Lorsque la documentation recueillie le permet, nous nous sommes efforcé de ne pas laisser dans l’ombre, une fois l’étymologie-origine établie, le développement historique des noms de lieux traités, tant en occitan qu’en français (étymologie-histoire du mot). À cet égard, quelques cas de captations lexicales (§ 10, 17, 50) ou suffixale (§ 4) ou encore plusieurs fausses régressions hypercorrectives survenues en français (§ 31, 49, 50, 51) peuvent être signalées.

1. L’Almondès (Saint-Denis-en-Margeride) 1.1. Vers 1109, l’évêque de Mende, Aldebert II, donna à Saint-Privat de Mende 1 « uno maso el Almundesc l’alod » (Brunel 1926, n° 13, 28) 2. Brunel (1926, 348) a pensé qu’aocc. Almundesc était un choronyme désignant le « pays d’Aumont (Lozère) ». Mais, dans la donation d’Aldebert II, tous les manses dépourvus de noms propres sont toujours situés dans la localité à laquelle ils appartiennent au moyen de syntagmes prépositionnels, généralement introduits par la préposition en/in ou, exceptionnellement, par la préposition de 3, et non pas situés dans un « pays ». 1.2. Or, il n’y a pas de difficulté à identifier l’Almundesc avec un nom de localité, à savoir l’Almondès, nom d’un hameau, commune de Saint-Denisen-Margeride (IGN 1:25 000, 2637 E). Les autres formes anciennes que nous connaissons de ce toponyme sont les suivantes : aocc. Almondés et l‑Almondés 1307 (en contextes latins) « in manso d’Almondes » (FG 1, 125 et n. 1) 4,

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Brunel imprime « sancto Privato » et enregistre « Privatus (sanctus) » à l’index (Brunel 1926, 420) comme s’il s’agissait d’un nom de personne. Il ne peut s’agir que du nom propre d’une église, à éditer « Sancto Privato », et, selon toute probabilité, de celui de l’église cathédrale de Mende, « dont la dédicace à saint Privat est attestée au XIe siècle » (Prévot/Barral i Altet 1989, 84). Il s’agit indubitablement de la préposition e(n) suivie de l’article défini. Brunel édite « el Almundesc », mais, plus loin, « e l’Estival » (n° 13, 34). Cf. « uno maso in Nicolangas [l. Niçolangas] » (4), « uno maso de alod in ipsa vila [l. vila] » (5-6), « quinque masos d’alod in ipsa vila » (5-6), « uno maso en Cumbetas » (9), « uno maso d’alod en Camarillas » (13), « uno maso d’alod in ipsa vila » (14), « uno maso in Bufeiras » (15), « uno maso el Brolio » (17-18), « uno maso el Munt » (27), « en Mala Vetula lo mas que fu de Austorg » (28), « uno maso e l’Estival » (34) ; « uno maso de Remeisenc del riu » (11 ; plutôt « del Riu », comme constituant d’un toponyme complexe). L’éditeur des FG, Boullier de Branche, parle d’un « manuscrit original » (FG 1, 9) ou « considéré comme l’original » (2/1, 292), conservé aux Archives départementales de la Lozère (G 757), sur lequel il a établi le texte en s’aidant des « autres copies » (2/2, 9). Ces « copies contemporaines ou postérieures » (G 759, 761, 763) lui « ont permis dans certains cas de corriger des fautes de copistes et en particulier de rétablir une forme plus exacte des noms propres qui, en dépit de nombreuses corrections, sont

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« terris mansorum de Lalmondes [= l-Almondés] et de Roquos » (FG 1, 128), frm. Lalmondès ca 1762-168 (Bardet 1982, 65), l’Almondès et Lalmondès 1852 (Bouret 1852, 10, 187), La Mondès (« actuellement », Flutre 1957a, 261). Sur le plan topographique, la situation de l’Almondès est tout à fait compatible avec celle des autres biens localisables légués par Aldebert II à Saint-Privat – l’église et le mas major du Buisson, l’église de Javols et la vila de Prinsuéjols 5 – comme avec l’ensemble de ses legs. 1.3. Flutre (1957a, 261) n’a fait que citer en passant l’Almondès, sans connaître l’attestation de Brunel et sans proposer d’étymologie. Aocc. l’Almundesc est un dérivé en ‑esc sur la forme vernaculaire du nom d’homme mlt. Adalmundus/Almundus (7e –12e s., Morlet 1971, 17), sans doute par ellipse de *lo mas Almondesc 6. On a affaire à une désignation intrinsèque d’habitat (manse médiéval).

2. *Alsort (nom de lieu fantôme) Enregistré à l’index des FG (2/2, 468), Alsort, qu’on trouve dans « quendam ortum vocatum Alsort » (FG 2/1, 204), est une forme fantôme pour als Ort, nom d’un terroir plusieurs fois mentionné dans les FG, par exemple « in territorio dels Ortz, parrochie Sancti Petri de Nogaret (FG 2/1, 77), à identifier

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souvent très déformés » (2/1, 292). Les titres produits lors de l’enquête de 1307 sont tirés d’« un volumineux registre intitulé Radulphe, coté G 157 » (2/2, 9), qu’« on peut considérer » comme légèrement postérieur à 1307 (2/2, 10). Au total, il est difficile de se faire une idée tout à fait exacte de la situation du texte édité. Dans le texte tel qu’il est édité, les formes toponymiques – tacitement corrigées ou non – sont si souvent fautives qu’il paraît assez difficile de penser que G 757 est un original. Quant à Mala Vetula (écrit « Malavetula » à l’index, Brunel 1926, 400), qui est cité immédiatement après l’Almundesc, il pourrait s’agir de Malavieille, village de SaintAmans (IGN 1:25 000, 2637 E), à quelques kilomètres au sud de Saint-Denis-enMargeride. Boullier de Branche (FG 1, 175 ; 2/2, 506) fait cependant connaître trois manses médiévaux qui pourraient être aussi des candidats convenables : Malavielha  = Malavieille, terroir de Saint-Laurent-de-Muret (FG 1, 20 et n. 4) ; Mala Vetula = Malevieille, village de Chanac (FG 2/1, 133 et n. 3) ; Malavetula = « Mallevieilleu [sic] », terroir de Saint-Germain-du-Teil (FG 2/1, 96 et n. 3). Un assez grand nombre de noms de lieux gévaudanais est dérivé d’un nom de personne médiéval au moyen du suffixe ‑esc > ‑és (francisé en ‑ès) < ‑iscu (Adams 1913, 186-188, 310-311 ; Ronjat 1930-1941, 3, 382) ou de sa forme féminine (pour le féminin en toponymie, cf. Wolf 1985a). Ces formations déanthroponymiques ont été brièvement évoquées par Flutre (1957a, 255, 260, 258, 261, 263, 264, 265, 266, 267) et par Soutou (1961, 53-55). Il va sans dire que, malgré Flutre, de telles formations sont occitanes et n’ont de « germanique » que l’origine de la plupart des anthroponymes qu’elles impliquent (confusion entre étymologie du nom de lieu et étymologie de sa base anthroponymique).

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avec les Orts, pâture, commune et section de Saint-Pierre-de-Nogaret (FG 2/1, 52 n. 6). Ce nom de terroir est issu de la toponymisation d’aocc. ort s. m. “jardin potager” (FEW 4, 489a, ortus ; Rn 4, 387-388 ; DAOA 856). Il était encore objectivement motivé en 1307 (« quendam ortum vocatum Alsort »).

3. Arbouroux (Ribennes) 3.1. Frm. Arbouroux est le nom d’un village de la commune de Ribennes, à la limite de Javols (IGN 1:25 000, 2637 O). Nous connaissons les attestations anciennes suivantes : aocc. (en contexte latin) Alboros 1307 (nom d’un manse, FG 2/2, 159) 7, frm. Arbouroux ca 1762-1768 (Bardet 1982, 62), Arbourous 1852 (Bouret 1852, 16). Ce toponyme a été expliqué par Hallig (1958, 333) comme un dérivé de albaru “peuplier blanc” (REW 318 ; FEW 24, 286-297, albarus ; DAO 509, 2-3) formé à l’aide du suffixe collectif ‑ ōsu. Hallig (1958, 333 n. 26) justifiait son interprétation par la remarque suivante : « Vortoniges a‑ kann werden zu o‑ ; vgl. Brunel, Doc. S. 261 ; Ronjat 1, S. 291 ». 3.2. L’explication de Hallig ne peut pas être maintenue. D’une part, le changement de a prétonique en o n’est documenté de manière sûre, en Gévaudan, que depuis l’extrême fin du 15e siècle (Brunel 1916, 261-262 : bien attesté en 1499, un exemple isolé en 1332 qui pourrait être « une distraction de scribe » ; Ronjat 1930-1941, 1, 291). D’autre part, contrairement aux anciens o prétoniques, les nouveaux o prétoniques issus de a ne sont pas passés à [u], comme ce serait le cas, à en croire Hallig, dans Arbouroux (cf. Ronjat 19301941, 1, 298 : un seul exemple d’un tel changement, dans un ethnique du Lot). Enfin, de toute manière, Ribenne est situé en dehors de la zone caussenarde de la Lozère dans laquelle « a prétonique initial ou intertonique se ferme en o » (Camproux 1962, 1, 56-57, cf. encore 1, 54 ; Camproux s. d., cartes 8-10). 3.3. Il convient donc d’expliquer Arbouroux comme un dérivé en - ōsu 8 de lat. arbore s. f. (devenu m.) “arbre” (REW 606 ; FEW 25, 88a, arbor). La forme Alboros (1307) manifeste l’alternance connue dans aocc. arbre ~ albre s. m. “arbre” (DAO 449, 1-1). L’absence d’article, qui se constate également dans la très grande majorité des toponymes lozériens en - ōsu formés sur des noms de plantes, incite à placer vers 700 le terminus post quem non de cette série dérivationnelle et par conséquent celui de Arbouroux (cf. Chambon 7



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Le toponyme est déjà mentionné dans un acte de 1292 reproduit dans les FG, mais que Boullier de Branche n’édite pas (FG 2/2, 162). Pour un panorama du développement de ce suffixe dans les langues romanes, voir Bastardas i Rufat (1994, 205-208) ; cf. aussi Wolf (1996, 396) et Hallig (1958, 325).

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2005). Par ailleurs, la formation est suffisamment précoce pour que la base ait échappé à la syncope 9 (une formation plus récente sur une forme syncopée comme aocc. arbre aurait conduit à *Arbroux) ; il en va de même dans un dérivé collectif, sans doute plus ancien (< lat. arbor ētu), à savoir le Bour(r)et (Crandelles, Cantal) l’Auselenc. 5.3. Aocc. Richardenc a été formé selon le même procédé sur le nom de personne aocc. Richard (Brunel 1926, 427-428 : Richard et Richart ; FG 1, 113 11

Hallig connaît le même toponyme à Florac et à Meyrueis. Nous n’avons pu retrouver sa source (ø Bouret 1852 ; ø Anon. s. d.).

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et 2/1, 225 : Richart). La dérivation est probablement antérieure au dévoisement des consonnes sonores finales (11e /12e siècle ; Grafström 1958, 215-218 ; Pensado 2000, 45 ; Chambon 2003, 75 n. 47). Comme dans Ausselenc/Lausselincq et dans toute cette série suffixale, on a affaire à des désignations intrinsèques d’habitats (manses médiévaux). 5.4. Dans les FG les noms de manses sont généralement construits à l’aide de la préposition de, par exemple : mansus de las Boissonadas, mansus de Capra, mansus de la Colombeira, mansus de la Robertaria (FG 2/1, 79). Au contraire, les dérivés en -enc sont généralement construits comme des adjectifs déterminant mansus : par exemple, mansus Bernardenc, mansus Gaufrezenc, mansus Guilharmenc, mansus Ublonenc (FG 2/1, 79 et 80). C’est pourquoi on peut penser que le tour mansus vocatus Richardenc (FG 1, 45) signale que Richardenc s’était autonomisé comme toponyme.

6. Bertrèzes (Saint-Amans) 6.1. Frm. Bertrèzes est le nom d’un hameau de la commune de SaintAmans, sur le plateau de la Margeride. Ce toponyme a été interprété par Flutre (1956-1957, 276). Sans mentionner de formes anciennes, celui-ci a enrôlé « Bertrèzes, -trezès, -trezet (Cne de Saint-Amans) » parmi les « toponymes lozériens d’origine gauloise », en le plaçant sous *barros “touffe”. Il y voyait un « dérivé *barra‑t‑/*barri‑t‑, d’où a. pr. barta “buisson” [...] etc., avec alternance bart‑/bert‑ » et « r parasite qui se présente assez fréquemment dans les parlers gévaudanais ». S’il gardait un prudent silence sur le curieux tronçon ‑èzes/‑ezès/‑ezet, Flutre en disait assez sur Bertr‑ pour rendre son explication plus que difficilement recevable. 6.2. Voici la documentation dont nous disposons : (1) mlt. Bertradesco ca 1110-ca 1120 « In Bertradesco mas i d’alod quem dedit Eustorgia supradicta » (Belmon 1994, 42 et 78) ; (2) aocc. Bertrazés 1307 (en contexte latin, comme toutes les attestations d’ancien occitan suivantes) « deinde usque ad peyronum Sancti Amancii et deinde usque ad terras et cum terris de Bertrazes » (FG 1, 96) ; (3) Bertrazés 1307 « in manso de Bertrazes, parrochie Sancti Amancii » (FG 2/2, 166) ; (4) Bertrazés 1307 « in manso de Bertrazes, sito un parrochia Sancti Amancii » (FG 2/2, 321) ; (5) Betrazés 1307 « Item, mansus Sancti Amancii confrontatus ex diversis suis partibus cum terris seu territoriis mansorum de Gontayres et de Ranco et de Betrazes et de Fabricis et de Calmeta et de Granolhaco » (FG 1, 99) ; (6) Bertrarés 1307 « Item, mansus seu villa de Salhens confrontatus ex diversis suis partibus circumcirca cum terris de Fonte Berlierre et cum terris de Chantaduc et cum

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terris mansi de Bertrares et cum terris del Mont et cum terris de Orbas et cum terris de la Costa et de Cuminals » (FG 1, 107) ; (7) Bertrayrés 1307 « in manso de Ranco, parrochie Sancti Amancii, confrontato ex diversis suis partibus cum terris seu territoriis mansorum de Muelhapa et de Gontayres et Sancti Amancii et Folhosa et de Bertrayres » (FG 1, 120) ; (8) Bertrayrés 1307 « mansum de Bertrayrés, parrochie Sancti Amancii, et quicquid habet in villa de Sancto Gallo » (FG 2/2, 259) ; (9) frm. Bertrezès ca 1762-1768 (Bardet 1982, 65) ; (10) Bertrezes 1779-1780 (Cassini, feuille 54) ; (11) Bertrézets 1852 (Bouret 1852, 46) ; (12) Bertrezès 1939 et 1949 (FG 1, 96 n. 10 ; 2/2, 166 n. 11) ; (13) Bertrèzes, (13 bis) -trezès, (13 ter) ‑trezet 1956 (Flutre 1956-1957, 276) ; (14) Berthrezets 1985 (Buffière 1985, 2, 1420) ; (15) Bertrèzes 1985 (IGN 1:25 000, 2637 E) ; (16) Bertrèzes 1994 (Belmon 1994, 78).

Sur la carte au 1:25 000 de l’IGN (consultée sur le site Géoportail en 2011), on lit toujours Bertrèzes ; au cadastre actuel (consulté sur le même site de l’IGN), on a Bertrezés (accent aigu peu net). 6.3. L’attestation la plus ancienne (1) ainsi que la forme la plus fréquente dans les FG (2, 3, 4) permettent d’établir qu’on a affaire à une issue de *Bertradesc, dérivé en ‑esc construit sur la forme vernaculaire de mlt. Bertradus, nom de personne bien attesté en Gaule par Morlet (1971, 55), avec le féminin Bertrada, essentiellement du 8e au 10 e siècle. Le traitement de ‑d‑ dans le nom de personne emprunté au francique est identique à celui de ‑d‑ intervocalique latin (Ronjat 1930-1941, 2, § 275). Pour représentant en (1) le stade archaïque [ð], voir Brunel (1916, 265-266), Grafström (1958, 128 sqq.) et Kalman (1974, 58-59) ; le stade [z] est atteint dans les attestations de 1307. Le même point de départ explique frm. Bertrazès, nom d’un hameau de Tauriac-de-Naucelle (Aveyron ; IGN 1:25 000, 2340 E ; Dardé 1868, 28), Bertrazes 1777-1778 (Cassini, feuille 17). On a affaire à des désignations intrinsèques d’habitats (manses médiévaux). 6.4. En ce qui concerne les variantes médiévales dans les FG (5-8), il convient de garder à l’esprit le fait que, dans ce document, « [l]es noms propres [...], en dépit de nombreuses corrections, sont souvent très déformés » (FG 2/1, 292). Betrazés (5) s’explique par une dissimilation occasionnelle, sans doute purement graphique ; la forme (6) semble constituer un exemple sans lendemain d’échange entre [z] et [r] à l’intervocalique (cf. Ronjat 1930-1941, 2, 142) ; les formes en ‑ayrés (7, 8), qui s’appliquent certainement au même manse que

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les précédentes et que Bertrazés (2-5), restent difficiles à expliquer (cacographies ? ou contamination par Gontayrés [5, 7] ?). 6.5. Plus tard, [a] intertonique de Bertrazés a été adapté en schwa par le français (9, 19, 12, 13 bis, ter), selon la règle de conversion occ. ornament = fr. ornement, sauf en (12), isolé, qui laisse supposer [e] (cf. Costéboulès ca 17621768, ci-dessous § 16.1.). Les formes récentes en ‑et(s) (11, 13 ter, 14) représentent une captation graphique de la finale par le suffixe diminutif ‑et 12. Quant à la forme Bertrèzes, relevée dans la seconde moitié du 20e siècle (13 bis), elle est probablement le fruit d’une négligence graphique que la carte de l’IGN (15) a officialisée, peut-être à partir d’une forme sans accent graphique, comme celle qui figure, par exemple, sur la carte de Cassini (10). La nouvelle graphie impliquerait le déplacement de l’accent, ce qui équivaudrait à une amputation du suffixe originel du mot : nous ignorons ce qu’il en est dans l’usage oral réel sur place. On remarque cependant que, dans les parages de Saint-Amans (même feuille 2637 E de la carte au 1:25 000 de l’IGN), d’autres noms de lieux ont, comme Bertrèzes, perdu leur accent grave traditionnel : Altès (commune des Laubies), le Choizinès (Saint-Gal), le Giraldès (Les Laubies), Truc de Malbertès (Saint-Denis-en-Margeride) et Fontaine de Malbertès ont été respectivement transformés en Altes, le Choizines, le Giraldes et Truc de Malbertes et Fontaine de Malbertes 13, d’une manière qui peut sembler délibérée (cf. encore ci-dessous § 19.4.). Faut-il songer à une action concertée émanant de quelque commission de toponymistes experts réunie sous la houlette de l’IGN ?

7. Bonalbert (Saint-Laurent-de-Muret) Frm. Bonalbert, nom d’un écart de Saint-Laurent-de-Muret (IGN 1:25 000, 2538 E), a été classé par Flutre (1957a, 260), sans autre forme de procès, sous le nom de personne Albert. Or, Bonalbert est à identifier, presque à coup sûr, à mlt. Bonalberco (abl.) en 1246 (copie Doat ; DocAubrac 1, 67) et à aocc. Bonnauberc en 1298 (« la faissa de Bonnauberc » ; op. cit., 1, 356). On préfèrera donc comme point de départ un composé d’aocc. bon adj. “de bonne qualité ; agréable” (FEW 1, 433b, bonus ; Rn 2, 235 ; Lv 1, 154 ; DAOA 165) + aocc. alberc s. m. “logis, demeure, maison ; hébergement” (FEW 16, 158a, *haribergôn ; Rn 2, 50 ; Brunel 1926, 451, 452 ; Brunel 1952, 229). Il est dès Cf. Lestèvenès (Le Luc ; IGN 1:25 000, 2737 O), qui est l’Estevenets chez Bouret (1852, 12), et Choisinès (Saint-Gal ; FG 1, 120 n. 3), qui est Choisinets chez le même auteur (Bouret 1852, 101). 13 Le lieu-dit Malbertès (même commune) a toutefois conservé son accent. 12

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lors probable qu’aocc. Bonalbert (FG 2/1, 122, 235) et mlt. Bonum Albertum (FG 2/1, 248) sont fautifs pour Bonalberc, Bonum Albercum. On a affaire à une désignation intrinsèque d’habitat.

8. Los Canairils (vers Hures-la-Parade) En 1307, aocc. los Canairils était le nom d’un manse situé dans les parages des Hérans, commune d’Hures-la-Parade. Ce toponyme n’a pas été identifié par Boullier de Branche (FG 2/1, 250). Il s’agit de la toponymisation d’un aocc. *canairil s. m. “lieu où poussent les roseaux”, dérivé en ‑airil (Ronjat 1930-1941, 3, 339) sur aocc. cana s. f. “roseau” (FEW 2, 199a, canna ; DAO 1166, 2-1). Le suffixe ‑airil est relativement peu productif en occitan (ø Adams 1913 ; Ronjat 1930-1941, 339) ; cf. néanmoins arouerg. canabayril s. m. “chenevière” (1334, Chambon 1978, 220-221, 225), femorairial “tas de fumier” (1351, Thomas 1910, 226-228 ; FEW 3, 546b, fimus), aauv. femorayriel et var. “id.” (15e s., DAOA 572), arouerg. palhairil “construction où l’on met la paille” (1267, DocAubrac 1, 175), arouerg. ribairil “terrain situé près d’un cours d’eau” (Chambon 1978, 221). Voir ci-dessous, § 25.2. et 45. On a affaire à un nom de terroir secondairement promu en nom d’habitat (manse médiéval).

9. Canalelas/Chanalelhas (Saint-Bonnet-de-Chirac), Canarilles (Saint-Privat-de-Vallongue) 9.1. Un manse nommé Chanalelhas est abondamment cité, avec de nombreuses variantes, dans les FG (1307) : voir FG 1, 23 et 2/2, 485 (index). Boullier de Branche a identifié ce toponyme avec les Chanavières, « terroir à Chirac, section des Violles » (FG 1, 23 n. 3 ; 2/1, 62 n. 3). La phonétique s’oppose absolument à cette identification, et de même les données du texte : Chanalelhas est en effet explicitement situé dans la paroisse de Saint-Bonnetde-Chirac (« in parrochia Sancti Boniti » FG 2/2, 207 et 266 ; aussi 2/2, 376, dans un document inséré datant de 1292). D’autre part, le manse de Chanalelhas jouxtait celui de Ras, commune de Chirac (FG 2/1, 119 ; cf. 2/1, 170, 243), ce qui implique qu’il était situé dans la partie septentrionale de l’actuelle commune de Saint-Bonnet-de-Chirac. Chanalelhas a disparu de la toponymie majeure. 9.2. Par ailleurs, les plus anciens documents concernant le prieuré de Chirac font usage à plusieurs reprises, comme nom d’une villa, d’aocc. Canalelas 1098-1106, 1098-1109, 1098-1112 et 1098-1118 (Belmon 1994, 46, 53, 54, 54, 61) et Canalelas/Canalil(l)as ca 1110-1120 (Belmon 1994, 34, 35 [2]). Il

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s’agit vraisemblablement du même toponyme que le Chanalelhas des FG. Belmon (1994, 79) propose « La Chanavière, cant. Marvejols, comm. SaintBonnet-de-Chirac, l.-d. disparu », ce qui ne convient pas davantage que les Chanavières de Boullier de Branche. 9.3. Aocc. Canalelas/Chanalelhas remonte à lat. canalĭcula s. f. “petit conduit, petit canal” (TLL, 3, 223 ; REW 1567), non continué dans le lexique, mais cristallisé à plusieurs reprises dans la toponymie méridionale (Alpes-deHaute-Provence, Haute-Loire, Loire, Puy-de-Dôme, Creuse). Voir Thomas (1877, 264 et N. 2), Gröhler (1913-1933, 2, 229), Vincent 1937 (§ 113, 543), Rostaing (1950, 134-135), Nauton (1951, 14), DNLF (185) et TGF (§ 2020820209 : cinq exemplaires, tous sans article, que Nègre interprète, contre toute évidence, comme des dérivés formés en occitan). 9.4. D’autre part, frm. Canarilles, nom d’un écart de Saint-Privat-deVallongue (Bouret 1852, 68), aujourd’hui disparu, semble-t-il (cf. cependant Ravin de Canarilles, IGN 1:25 000, 2740 ET), continue la variante canalīcula (avec dissimilation entre latérales). Aocc. Canalelas 12e s. cité par Flutre (1957b, 80) correspond, d’après la cote citée (Arch. Aveyron, D 250), aux attestations fin 11e s.-déb. 12e s. mentionnées supra (§ 9.2.) et ne concerne donc pas Canarilles. Un « télescopage » entre pré-i.-e. *kan‑al- (sans existence) et lat. canalis, envisagé par Flutre (1957b, 80), est, cela va sans dire, à exclure. 9.5. Dépourvus d’article, Canalelas/Chanalelhas et Canarilles ont été formés avant ca 700 (cf. Chambon 2005). Dans les deux cas, on a affaire à des noms de terroirs secondairement promus en noms d’habitats (manses médiévaux).

10. Cap Combattut (Marchastel) Frm. Cap Combattut, nom d’un écart, commune de Marchastel (IGN 1:25 000, 2538 E), Cap-Combattu 1852 (Bouret 1852, 72), est attesté en 14151416 : aocc. Gua Combatut « La teguda de Gua Combatut fon venduda, a Pradas » (DocAubrac 2, 760). Il s’agit d’un composé d’aocc. g(u)a s. m. “gué” (FEW 17, 438b ; Rn 3, 412 ; Brunel 1952, 244) + aocc. combatut part. passé-adj. de combatre, dans le sens de *“qui a fait l’objet d’une contestation en justice” (appuyé par aocc. combatre “attaquer en justice”, Gévaudan ca 1109, FEW 2, 936a = Brunel 1926, n° 13, 20, 41). Ce composé a dû s’appliquer à l’origine à un gué contesté sur le ruisseau de Cap Combattut ou sur le ruisseau des Plèches (il s’agit donc d’un nom de terroir secondairement promu en nom d’habitat). Le premier terme a été capté ensuite par occ. cap s. m. “tête ; sommet” (FEW

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2, 334a, caput ; DAO 174, 4-1). La même captation se retrouve dans Ga Francesc ca 1190 (Brunel 1926, n° 254) devenu Gap Français, lieu détruit, commune de Pont-de-Montvert (Flutre 1957a, 259 ; Soutou 1961, 54), puis Cap Français sur la carte IGN au 1:25 000 (2739 OT).

11. Lo *Capinas (nom de lieu fantôme) Dans un passage des FG, Boullier de Branche a lu « cum lo Capinas de Sem-Peyre » (FG 1, 43 avec n. 6 : « ? »). L’éditeur a ensuite enregistré ce nom de lieu à l’index (1, 166). Il s’agit d’un fantôme : « lo Capinas » est une erreur de lecture manifeste pour « lo capmas de Sem-Peyre ». Agév. capmas s. m. “habitation principale d’un domaine” (1307) est donc à ajouter aux données du FEW (2, 343b, caput). Sem-Peyre désigne manifestement, d’après le contexte, Saint-Pierre-des-Tripiers.

12. Le type (le) Castandel (Gard et Lozère) : le Castandel (SaintMartin-de-Boubaux ; Bassurels), Castandel (Saint-ÉtienneVallée-Française ; Saint-Germain-de-Calberte) Sauf erreur de notre part, ce type cévenol a retenu seulement l’attention de Fabre (1980, 348). 12.1. Deux représentants de ce type sont des dérivés détoponymiques. 12.1.1. Dans le Gard cévenol, frm. Castandel désigne un terroir de Sumène (IGN 1:25 000, 2741 ET). À trois kilomètres plus au nord, dans la même commune et sur la même crête séparant les vallées du Rieutord et de l’Hérault, se trouve un hameau nommé le Castanet (IGN 1:25 000, 2741 ET), mlt. Castaneto 1513 (Germer-Durand 1868, 49), frm. Castanet 1777-1778 (Cassini, feuille 56). Castandel continue par conséquent un dérivé détoponymique diminutif du type *Castanetellu (sur *Castan ētu), dénotant un dédoublement d’habitat. Ce dérivé est de formation suffisamment ancienne pour avoir subi la syncope de [e] intertonique et remonte par conséquent à l’époque prélittéraire (cf. ici n. 9). L’article semble être une acquisition récente dans le simple et son absence dans le dérivé est attendue ; cela incite à situer avant ca 700 (cf. Chambon 2005) la formation du couple. Pour d’autres exemples de dérivés détoponymiques anciens de formation similaire, voir Chambon (2009a). 12.1.2. Une solution identique, mais de date postérieure à l’emploi obligatoire de l’article dans les toponymes délexicaux, doit être envisagée pour frm. le Castandel, nom d’un écart de Mialet (Gard), le Castandel 1778-1781

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(Cassini, feuille 91). Celui-ci peut en effet être mis en rapport avec le Castanet, nom d’un écart de la même commune (voir IGN 1:25 000, 2740 ET et 2741 ET ; ø Germer-Durand 1868 et Cassini, feuille 91). La relation topographique entre le référent du simple et celui du diminutif n’est cependant pas aussi claire qu’à Sumène : le Castanet se situe dans la vallée du Gardon de Mialet, tandis que le Castandel est assez profondément enfoncé dans la vallée du ruisseau des Rules (affluent de gauche du Gardon). Si les deux localités ne sont distantes que de deux kilomètres environ à vol d’oiseau, la distance qui les sépare, par les routes actuelles, est nettement supérieure. Le toponyme de base et le dérivé sont pourvus de l’article, mais le dérivé est antérieur aux dernières syncopes (cf. ci-dessus n. 9). 12.2. D’autres exemplaires cévenols (Gard, Lozère) paraissent en revanche d’origine délexicale. Dans une même petite zone des Cévennes, le même nom de lieu le Castandel se rencontre encore à quatre reprises pour désigner de modestes écarts, dans des communes qui forment avec Mialet un ensemble compact d’un seul tenant, sur les limites du Gard et de la Lozère : (1) à Saint-Paul-la-Coste (Gard) : frm. le Castandel (IGN 1:25 000, 2740 ET ; GermerDurand 1868, 49), Castandel 1778-1781 (Cassini, feuille 91) ; (2) à Saint-Martin-de-Boubaux (Lozère) : frm. le Castandel (IGN 1:25 000, 2740 ET), lou Castandel déb. 19e s. (lieu-dit, cadastre napoléonien, Fabre 1980, 348), Castandel 1852 (Bouret 1852, 74) ; (3) à Saint-Étienne-Vallée-Française (Lozère) : frm. Castandel (Bouret 1852, 74), Ruisseau du Castandel, nom d’un affluent du Gardon (cadastre napoléonien, déb. 19e s. ; Fabre 1980, 348) et le diminutif le Castandelet (IGN 1:25 000, 2740 ET) ; (4) à Saint-Germain-de-Calberte (Lozère) : frm. Castandel (IGN 1:25 000, 2740 ET : ruines ; même forme dans Bouret 1852, 74), mlt. Castandello 1307 « in manso de Castandello habet dominus Rex duos focos sub sua juridictione » (FG 1, 57 et forme évidemment fautive « Castaydello », ibid.), frm. le Castandel 1778-1781 (Cassini, feuille 91). En outre, (5) frm. le Castandel est le nom d’un lieu-dit de Bassurels, Lozère (IGN 1:25 000, 2641 ET), à l’ouest de la zone précédente, et, un peu au sud de celle-ci, (6) frm. Vallat du Castandel désigne un affluent de droite de la Milliérine, à L’Estréchure (Gard), Ravin dit le Valat des Castandels déb. 19e s. (tous les deux Fabre 1980, 348).

Dans aucun de ces six cas, nous ne connaissons l’existence d’un toponyme de base du type de (le) Castanet. Une solution détoponymique paraît donc à exclure ici. 12.3. Pour rendre compte de ces six exemplaires, on s’orientera donc de préférence vers une solution délexicale, à savoir un lat. *castanetellu s. n.

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/ aocc. *castandel s. m. “petite châtaigneraie”, formé à l’aide du suffixe ‑ellu (ou issue) sur castan ētu s. n. “châtaigneraie” (attesté chez Columelle, TLL 3, 524) ou sur son issue, à une date antérieure aux dernières syncopes. L’article étant présent, plus ou moins nettement, dans les six exemplaires ci-dessus, les toponymisations paraissent généralement postérieures à ca 700 (cf. Chambon 2005) et peuvent être assignées à l’occitan prélittéraire. On a affaire à des noms de terroirs, typiques du saltus, parfois secondairement promus en nom d’habitats. L’existence d’un tel dérivé, limité à une petite zone des Cévennes, ne doit pas étonner. Les parlers de la région cévenole sont en effet les seuls du domaine occitan qui soient restés fidèles à l’appellatif simple issu de lat. castan ētu : voir FEW (2, 467b, castanetum : Alès dans ALF) 14, DAO (640, 1-1 : Alès 1756), ALMC 273 (Ardèche p 35 = Laurac, Lozère p 39 = Meyrueis) et surtout ALLOr 267 (GardN., Aveyr. p 12.30 = Veyreau, LozèreS., Ardèche p 07.01 = Gravières); ø ALLOc 202. 12.4. Il convient donc d’abandonner l’interprétation assez confuse avancée par Fabre (1980, 348), qui supposait une « double suffixation latine ‑atu + ‑ellu [ayant] donné ‑adèl en occitan », puis une mécoupure d’un suffixe ‑dèl, « ajouté tel quel à castanh “châtaignier” ». 12.5. Les attestations toponymiques ci-dessus, particulièrement denses et impliquant des exemplaires formés à des dates anciennes (avant ca 700, cidessus § 12.1.1. ; avant les dernières syncopes, ci-dessus § 12.1.2. ; avant 1307 et probablement avant ca 700, ci-dessus § 12.2.1. [4]), la conservation exceptionnelle de castan ētu dans le lexique et celle du diminutif ancien *castan(e)tellu en toponymie (ci-dessus § 12.2.), peuvent conduire à penser que la culture du châtaignier dans la zone cévenole considérée est l’héritière d’une tradition remontant plus haut que ne le disent Cabanel (2000, 31 : « premières plantations vers 1000-1100 », d’après des toponymes) ou Pitte (2008, 9).

13. Chalmen (Marvejols) Ni Boullier de Branche (FG 1, 17 n. 6 : « ? »), ni Flutre (1957b, 67) ne sont parvenus à identifier ce nom de lieu mentionné dans les FG. Il s’agit de la Champ, nom d’un terroir situé à l’ouest de Marvejols (IGN 1:25 000, 2638 O).

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Rouerg. castanet que le FEW impute à Mistral est une erreur : rectifier la forme en castagnet ; la source de Mistral est Nant costognet dans Vayssier (1879, 114), forme exactement confirmée par ALLOr (267 p 12.32).

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Pour le type issu de *calme au sens de “montagne au sommet aplati, plateau”, voir FEW (2, 100b et 101a, calma) et DAO (201, 2-1).

14. Lou Clapeyrets (Trélans) 14.1. Ni Boullier de Branche (FG 2/1, 56 n. 8 : » ? »), ni Flutre (1957b, 100) n’ont identifié mlt./aocc. rivus de Clapairet (FG 2/1, 56). Il s’agit du Rau de Clapeyrets, affluent de droite du Doulou, qui flue dans la commune de Trélans (IGN 1:25 000, 2538 E). La situation de ce ruisseau convient parfaitement au passage des FG. Le cours d’eau sert en effet de confront méridional à un ensemble foncier constitué par Plagnes (commune de Trélans), Mailhe-Biau (même commune), Cantecouyou (commune des Salces) et la Rozière (même commune), la Vayssette (même commune) et le cours supérieur du Doulou faisant limite à l’est, la terre d’Aurelle (commune d’Aurelle-Verlac, Aveyron) à l’ouest. Il est donc erroné de situer ce rivus, comme le fait Flutre, dans l’actuelle commune des Salces. 14.2. Cet hydronyme est une formation détoponymique qui garde le souvenir du nom d’un manse médiéval : aocc. (en contextes latins) Clapairet 1261 « mansus de Clapairet » (DocAubrac 1, 110, 111), Clapeyret 1266 (copie 1766) « cum via qua itur de Planias versus Saniam Clauzam [= Sineclauze, lieu-dit, Aurelle-Verlac, Aveyron ; IGN 1:25 000, 2538 E] et cum manso de Clapeyret » (op. cit., 1, 150), Lapeiret [sic] 1445 (copie Doat ; op. cit., 2, 716), Clapayret et Clapeyret 1479 (op. cit., 2, 727), mfr. Lapeyret [sic] 1446 (copie Doat ; op. cit., 2, 724). Le toponyme est conservé par lou Clapeyrets, nom d’un lieu-dit de Trélans, près du ruisseau (IGN 1:25 000, 2538 E). 14.3. Clapairet est la toponymisation d’un aocc. *clapairet, diminutif d’aocc. clapier s. m. “tas de pierres” (FEW 2, 735b, [*]klappa ; DAO 282, 1-3 ; DAOA 249 ; aj. arouerg. id. 1321, Couderc/Rigal 1954, 715). L’acquisition de l’article (absent de l’hydronyme) paraît récente et la formation doit remonter à une date antérieure à ca 700 (cf. Chambon 2005). On a affaire à un nom de terroir secondairement promu en nom d’habitat (manse médiéval).

15. Lo Coltieu (Saint-Bonnet-de-Chirac) 15.1. Les FG (1307) mentionnent à plusieurs reprises une c(h)almis de(l) Coltieu : (1) « cum calme de Coltieu » (FG 2/1, 133), parmi les confronts de Pradassoux (commune de Palhers), avec Clujans (au sud-est) et Palheret (au nord-ouest) ;

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(2) « cum calme del Coltieu » (FG 2/1, 160), parmi les confronts de Palheret (commune de Palhers), avec Pradassoux (au sud-est) et Fons Clausus (non identifié) ; (3) « quicquid habet in chalme appellata del Coltieu, parrochie Sancti Boniti » (FG 2/2, 378).

Pour mlt. calmis, au sens de “montagne au sommet aplati, plateau”, voir FEW (2, 100b et 101a, calma) et DAO (201, 2-1). Ce plateau était situé au sud de Pradassoux et de Palheret (1, 2), dans la paroisse de Saint-Bonnet-de-Chirac (3). Il pourrait correspondre à la poche de la commune de Palhers entre Saint-Bonnet-de-Chirac et Grèze, poche formée par la Cham de Palheret et une autre hauteur au sommet plat située au nord de la première (IGN 1:25 000, 2638 O). Un document de 1292, que Boullier de Branche n’édite pas, concerne, d’après l’analyse que l’éditeur en donne, des biens sis « à Coltieu » (FG 2/2, 378). À l’index, Boullier de Branche (FG 2/2, 488) connaît un mansus de Coltieu en renvoyant à FG 2/1, 133, mais nous n’avons pas trouvé à cette page d’attestation d’un tel manse. 15.2. Quoi qu’il en soit, aocc. lo Coltieu provient d’un aocc. *coltieu, continué par le type lexical languedocien coultiou s. m., type que FEW (2, 886b, colere) n’enregistre qu’à date contemporaine, avec des valeurs diverses : “culture” (Pézenas), “terre en friche, non cultivée” (Lézignan), “jachère” (Aude p 792), “terre qui donne des légumes de bonne cuisson” (Agen). La valeur d’emploi la plus probable en toponymie semble être celle de “terre en culture”.

16. Costeboulès (Arzenc-de-Randon ; Pied-de-Borne) 16.1. Frm. Costeboulès est le nom d’un hameau de la commune d’Arzencde-Randon (IGN 1:25 000, 2737 O). Ce toponyme est attesté dès 1307 : aocc. Costavolés (en contexte latin) « mansos de Geraldesco, de Donapauc, de Lecha et de Costavoles, parrochie de Arsenco » (FG 2/2, 188), « in villa seu mansis de Costavoles et manso del Giraldesc et manso de Donapauc » (dans la reprise d’un acte de 1267, FG 2/2, 191). On relève ensuite frm. Costéboulès ca 1762-1768 (Bardet 1982, 59), Costoboulez en 1779-1780 (Cassini, feuille 54) et, par une réinterprétation graphique passagère comme un composé contenant le formant Coste, fréquent dans la toponymie de la Lozère, Coste-Boulès en 1852 (Bouret 1852, 111). Les formes modernes en ‑b‑ s’expliquent par un changement survenu en occitan régional : les parlers de la Lozère, notamment celui d’Arzenc-de-Randon, confondent généralement en « b nettement occludé » l’ancien [v] et l’ancien [b] de toutes origines (Camproux 1962, 1, 216 et 191 ; cf. Camproux s. d., carte 189).

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16.2. Aocc. Costavolés est un dérivé en ‑esc formé sur le nom de personne aocc. Costavol, attesté dans des régions voisines du Gévaudan, en Auvergne (Clermont 1077-1093, Cohendy 1854, 409) et en Velay (1324, Chassaing 1888, 139). On a affaire au traitement semi-savant ‑bile > aocc. ‑vol (Ronjat 19301941, 1, 249) dans l’anthroponyme. Celui-ci est connu par ailleurs sous les formes de mlt. Costabilis (Limousin 898 et 909, Morlet 1971, 152 ; Languedoc 957-975, Duhamel-Amado 2007, 319) et Constabilis (Morlet 1971, 152 15 ; Auvergne 961-986, Doniol 1864, n° 286) ; cf. aussi Costabiles, Costaviles, Custabile, Costabile, en Catalogne (tous 10e siècle, RAC 1, 209). 16.3. Frm. Costeboulès est aussi le nom d’un hameau des Balmelles, aujourd’hui commune de Pied-de-Borne. Nous ne connaissons que des attestations récentes : frm. Costeboulet 1778-1779 (Cassini, feuille 90), CosteBoulès 1852 (Bouret 1852, 111) 16. On sait que le parler des Balmelles était bétaciste, au contraire de celui de Pied-de-Borne, dans lequel [v] était en voie de restauration sous l’influence de Villefort et du français (Camproux 1962, 1, 192). Dans les deux exemplaires, on a affaire à des désignations intrinsèques d’habitats (manses médiévaux).

17. Costeraste (Recoules-d’Aubrac) ; Costa Rausta (Saint-Bonnet-de-Chirac) 17.1. Frm. Costeraste est le nom d’un écart de Recoules-d’Aubrac (IGN 1:25 000, 2537 O). Formes anciennes : aocc. (en contexte latin) Costarausta 1270 « mansum vocatum Costarausteta, qui confrontatur ex una parte cum manso vocato Costarausta et ex alia cum manso de Chambos » (DocAubrac 1, 191) et 1276 (même contexte ; var. « dels Cambos » ; op. cit., 1, 228), frm. Costerostes ca 1762-1768 (Bardet 1982, 63), Costeroste 1779-1680 (Cassini, feuille 54), Coste-Raste 1852 (Bouret 1852, 111). Co(n)stabilis a pour origine lat. constabilis adj. “affermi, stable” (sous-entendu “dans la foi chrétienne”) ayant la même valeur que Stabilis (Bergh 1941, 151-152 ; Morlet 1972, 108 ; Huber 1986, 1, 53-54). Morlet (1971, 152) range Constabilis parmi les « créations gallo-germaniques », formé de Const‑, Cost‑, « élément probablement emprunté aux noms latins Constantius, Constantinus, notés également Costantius, Custantius », et de ‑bulus, pour lequel elle renvoie à Christobolus. Les formes méridionales qu’elle cite, en ‑vulus (cf. aussi Costavulus en 909, RAC 1, 209) ‑bulis ou ‑bulus (cf. aussi Doniol 1864, n° 26, 152, 353), ont toutefois de grandes chances d’être des latinisations de la forme vulgaire *[kosˈtavol]  ; c’est ce que montre clairement la mention « Stabilis vel Stavulus » (1005 ou 1006) rapportée par Bergh (1941, 152), où la seconde forme latinise clairement *[esˈtavol], forme vernaculaire de Stabilis. 16 Fordant (1999) ne connaît pas de nom de famille *Costeboulès ou variante. 15

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L’identification de Costarausta avec Costeraste ne fait pas de doute : le manse de Costarausta est cité après celui de Cougoussac, localité située à proximité de Costeraste (même commune), et Chambos est Chambons (même commune), au sud de Costeraste et à l’ouest de Cougoussac (IGN 1:25 000, 2537 O). Le diminutif Costarausteta n’a pas survécu dans la toponymie majeure. 17.2. Aocc. Costa Rausta (en contexte latin) était aussi, en 1307, le nom d’un bois situé dans le manse de la Rouvière (FG 2/1, 264), commune de SaintBonnet-de-Chirac (et non de Chirac, malgré FG 2/1, 114 n. 1 et 2/2, 528). 17.3. Aocc. Costa Rausta est un composé d’aocc. costa s. f. “pente qui forme un des flancs d’une colline” (FEW 2, 1248b, costa ; DAO 168, 2-1) + aocc. raust adj. “escarpé” (Jaufré et Vie de sainte Énimie – texte originaire du Gévaudan –, DAO 176, 3-1 ; Lv 7, 50-51 ; FEW 16, 685a, *raustjan, qui cite aussi agév. raust s. m. “talus”), accordé au féminin. Costeraste est situé légèrement en retrait de la vallée du Bès, au pied d’un fort escarpement. À SaintBonnet-de-Chirac, le nom a pu s’appliquer à des pentes escarpées dominant la vallée du Lot ou celle de la Colagne. On a affaire originellement à des noms de terroirs ; à Recoules-d’Aubrac, le nom a été secondairement promu en nom d’habitat (manse médiéval). 17.4. Si frm. Costeroste(s) (ca 1762-1768 et 1779-1780) peut s’expliquer comme une adaptation française de la diphtongue [a], il est plus difficile de rendre compte de la forme Costeraste. On peut néanmoins penser que raust, après avoir disparu du lexique, a été remplacé par le correspondant d’Alès raste adj. “dépourvu de végétation” (FEW 10, 93a, rasitus). Le type Costeraste/Coste Raste est en effet abondamment répandu dans la toponymie occitane : Var [1], Vaucluse [1], Gard [3], Hérault [3], Aude [2], Lot [3], Aveyron [4], Ardèche [2], Dordogne [3] et Lot-et-Garonne [1] dans Anon. s. d. (données de la carte IGN au 1:25 000).

18. Le type Costerougnouse (Termes ; Nabinals ; Les Hermaux ; Fontans) 18.1. Ce type est attesté à quatre reprises dans le nord-est de la Lozère (aucune autre attestation dans Anon. s. d., qui compile les données de la carte IGN au 1:25 000) : (1) frm. la Coste Rougnouze est le nom d’un terroir de Termes (IGN 1:25 000, 2536 E) ; en 1852, Coste-Rougnouse désignait une localité peuplée de quatre habitants (Bouret 1852, 111) ;

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(2) frm. Costerougnouse est le nom d’un écart de Nabinals (IGN 1:25 000, 2537 O), aocc. Costa Ronhosa 1321 (en contexte latin) « super manso de Bagoyeris et de Costa Ronhoza, sito in parrochia de Nabinalibus » (DocAubrac 1, 512) ; (3) un homonyme désignait un manse de la paroisse des Hermaux : aocc. (en contexte latin) Costa Runhoza 1270 « mansum de Costa Runhoza, situm in parrochia dels Ermals » (DocAubrac 1, 193) ; ce nom a disparu de la toponymie majeure ; (4) aocc. Costa Ronhosa (en contextes latins) a désigné également en 1270 et 1307 un manse (dédoublé) situé à Fontans : « le mas de Costa Ronhosa, le quart indivis d’un autre mas de Costa Ronhosa » 1270 (analyse d’un acte reproduit en 1307, FG 2/2, 153), « mansum de Costa Ronhosa et quartem partem pro indiviso alterius mansi vocati de Costa Ronhosa cum omnibus pertinenciis eorumdem, parrochie de Fontons » (FG 2/2, 151) ; l’identification proposée par Boullier de Branche (FG 1, 151 n. 1) avec Ron de Lhouse (terroir de Fontans) est invraisemblable ; le nom a disparu de la toponymie majeure. On peut ajouter non loin du Gévaudan, à Chaudes-Aigues (Cantal), (5) frm. Costerougnouze dans un inventaire de 1723 analysant un document de 1398 : « un champ à Costerougnouze, près dud. Chaudesaygues » (DocAubrac 2, 221).

18.2. Ces noms de lieux remontent à des composés d’aocc. costa s. f. “pente qui forme un des flancs d’une colline” (FEW 2, 1248b, costa ; DAO 168, 2-1) + aocc. ronhos adj. “qui présent des inégalités, des aspérités, raboteux (pierre, bois)” (Daude de Pradas [auteur rouergat], Rn 5, 111-112 = FEW 10, 469b, *ronea), ici appliqué à un terrain et accordé au féminin ; cf. vaud. rougnousa s. f. “montagne avec des rochers à fleur de terre”, Barc. “montagne où le terrain est mamelonné” (FEW 10, 470a). On a affaire, en Lozère, à des noms de terroirs secondairement promus en nom d’habitats (généralement manses médiévaux).

19. Counteyres (Saint-Gal) 19.1. Sur la même feuille de la carte au 1:25 0000 de l’IGN (2637 E) que « Bertrèzes » (ci-dessus § 6), on lit le nom de terroir frm. Counteyres, inscrit dans la commune de Saint-Gal (même forme sur la carte au 1:25 000 consultée en 2011 sur le site Géoportail de l’IGN). 19.2. On sait, d’autre part, que Boullier de Branche n’est pas parvenu à identifier le nom de lieu aocc. Gontayrés (Gontayreys) plusieurs fois mentionné en 1307 (en contexte latin) dans les FG. Voici les passages concernés : (1) « Item, mansus Sancti Amancii confrontatus ex diversis suis partibus cum terris seu territoriis mansorum de Gontayres et de Ranco et de Betrazes et de Fabricis et de Calmeta et de Granolhaco » (FG 1, 99) ; (2) « in manso de Ranco, parrochie Sancti Amancii, confrontato ex diversis suis partibus cum terris seu territoriis mansorum de Muelhapa et de Gontayres et Sancti Amancii et Folhosa et de Bertrayres » (FG 1, 120) ;

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(3) « Informacio proprietatis espiscopalis in manso de Gontayreys. – [...] in manso de Gontayres qui confrontatur ex diversis suis partibus cum aqua de Tryoire et cum terris del Boschet et Sancti Amancii et mansi del Clerges » (FG 1, 127) ; (4) « Item, mansus Johannis Chaussoyni appellatus le Boschet confrontatus ex diversis suis partibus cum terris mansorum Sancti Galli et de Arifati et de Gonttoires » (FG 1, 99). Cette dernière occurrence est certainement une forme corrompue (cf. FG 2/1, 292) à redresser en « Gonttaires » 17.

19.3. Examinons ces contextes. En (1), les confronts du manse de SaintAmans sont énumérés dans le sens horaire : le Ranc au nord, Bertrezès au nord-est, Fabrèges au sud-est, Granouilhac au sud-ouest (toutes localités aujourd’hui situées dans la commune de Saint-Amans). Le manse de Gontayrés, par lequel l’énumération commence, était par conséquent situé vers l’ouest ou le nord-ouest de Saint-Amans. En (2), les limites du manse du Ranc sont énumérés dans le sens antihoraire : Maillepau (terroir, section des Salhens, commune de Saint-Amans) au nord, Gontairés vers l’ouest, Saint-Amans au sud, Bertrezès à l’est 18. En (3), les confronts de Gontayrés paraissent être également énumérés dans le sens antihoraire : la Truyère au nord, lo Boschet (non identifié) 19 vers l’ouest, Saint-Amans au sud, le manse del Clerges (non identifié) vers l’est. Les confronts du manse du Boschet sont donnés par le passage (4) : Saint-Gal au sud, Arifattes (commune de Les Laubies) au nord et Gonttoirés ; ce dernier manse est à situer, en principe, soit vers l’est, soit vers l’ouest, mais on sait grâce à (3) qu’il se trouvait à l’est du Boschet. Il ressort des textes que le manse de Gontairés était situé au nord(-ouest) de Saint-Amans (1, 2), à l’ouest du Ranc (2), au sud de la Truyère (3) et à l’est du Boschet (3), lequel se trouvait lui-même entre Saint-Gal et Arifattes (4). 19.4. Or, on ne saurait mieux décrire que de la sorte la situation du terroir de Saint-Gal appelé Counteyres par l’IGN. On estimera donc que Counteyres continue, au prix d’un dévoisement secondaire de la consonne initiale dont il convient de prendre acte, la forme médiévale Gontayrés, et que ce nom en ‑ès a été victime de l’épidémie d’effacement des accents graves ayant affecté plusieurs de ses congénères sur la carte 2637 E de l’IGN (voir ci-dessus § 6.5.).

À l’index (FG 1, 173), on lit « Gouttoires ». Nous ne savons pas identifier Folhosa, à rechercher au sud-ouest du Ranc. Malgré la suggestion de Boullier de Branche (FG 1, 120 n. 2), assortie d’un point d’interrogation bienvenu, il ne peut s’agir de Tioulas (terroir de Saint-Amans, section des Salhens). 19 L’identification de lo Boschet avec le Bouchet (commune Ribennes) proposée par Boullier de Branche (FG 1, 164) ne saurait convenir sur le plan topographique. 17

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19.5. Quant à aocc. Gontayrés < *Gontairesc, il est construit à l’aide du suffixe ‑esc sur la forme vernaculaire du nom de personne mlt. Gunt(h)arius (6e-12e s., Morlet 1971, 117). On a affaire à une désignation intrinsèque d’habitat (manse médiéval).

20. La Couronne (Gatuzières ; Saint-Chély-du-Tarn/Mas-SaintChély ; Saint-Laurent-de-Trèves) 20.1. La carte IGN (1:25 000, 2640 OT) permet de repérer trois microtoponymes frm. la Couronne désignant des sites caractéristiques. (1) À Saint-Laurent-de-Trèves, la Couronne, sur le rebord oriental du Causse Méjean, est situé dans les escarpements de la vallée du Tarnon. (2) À la limite de Saint-Chély-du-Tarn et de Mas-Saint-Chély, la Couronne, sur le rebord septentrional du même causse, domine les escarpements de la vallée du Tarn. (3) À Gatuzières, la Couronne, sur le rebord méridional du même causse, domine les escarpements de la vallée de la Jonte. De plus, (4) Couronnette est le nom d’un lieu-dit situé sur le rebord oriental du Causse Méjean et qui domine les escarpements de la vallée du Tarnon (commune de Vébron). Bouret (1852, 113) mentionne (5) la Couronne, probable nom d’écart de la commune de Montbrun, mais celui-ci ne se retrouve pas sur la carte IGN au 1:25 000.

20.2. Ces microtoponymes caussenards sont à relier à un appellatif topographique que nous ne connaissons qu’à travers le latin médiéval, grâce aux FG (1307 et document inséré de 1281 [copie peu apr. 1307]), dans la délimitation du mandement du château de Saint-Chély-du-Tarn : « quartam partem castri Sancti Yleri et quicquid habet et ab ipso tenentur in ipso castro, barrio et mandamento ipsius prout ipsum mandamentum extenditur ab ipso castro usque in paxeriam superiorem molendini de Ponhedoyra et ab illa paxeria citra Tarnum et ultra directe protenditur usque in utranque coronam et ab ipsa paxeria protenditur infra coronas usque in mansum de Troylhars » (FG 2/2, 147 ; cf. 145 avec quelques variantes). Il y a donc lieu de supposer à la base de nos microtoponymes un aocc. (agév.) corona s. f. ayant pris, par analogie, le sens d’*“escarpement rocheux qui forme le rebord d’un causse” (ø FEW 2/2, 1209b, corona).

21. Félines (Saint-Bonnet-de-Chirac) 21.1. Frm. Félines est le nom d’un hameau de Saint-Bonnet-de-Chirac (IGN 1:25 000, 2638 O). Formes anciennes : aocc. Felinas 1307 (en contextes

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latins) « cum manso de Felinas » (FG 2/1, 151), « quartum mansi heremi territorii de Felinas, parrochie Sancti Boniti » (FG 2/2, 379), mlt. Felhinis (abl.) 1307 (FG 1, 27 [2], 81, 88 [dans la reproduction d’un acte de 1266]), frm. Phélines ca 1762-1768 (Bardet 1982, 60), Filines 1779-1780 (Cassini, feuille 55), Félines (Bouret 1852, 138). La localité est également mentionnée en 1262 dans un acte que Boullier de Branche n’a pas édité (FG 2, 379). 21.2. Ce nom remonte au pluriel de lat. fig(u)līna s. f. “atelier de potier” (TLL 5/1, 707-708 ; FEW 3, 512a, figlina), mot qui n’a survécu dans aucune langue romane, mais est bien représenté dans la toponymie de l’Italie, de la Sardaigne, de la Gaule, et, plus rarement, de l’Ibérie (voir en dernier lieu Wolf 1985b et TGF § 5671). La latérale palatale [ʎ], issue régulière de -gl-, est notée en 1307 (Felhinis) ; elle se dépalatalise dans les formes françaises, tout comme dans les autres exemplaires de ce type.

22. Ferluc (Prinsuéjols ; Saint-Alban-sur-Limagnole) ; Ferluguet (La Fage-Montivernoux ; Sainte-Eulalie) 22.1. Frm. Ferluc, nom d’un hameau de Prinsuéjols, à environ 1 200 m d’altitude (IGN 1:25 000, 2537 E), apparaît en 1331 (« copie en forme signée ») : aocc. Freglu, Fregluc (en contextes latins) « loci de Freglu », « loci de Fregluc » (DocAubrac 1, 578, 585 [acte de 1330 inséré]). Avec métathèse, on a frm. Ferluc depuis ca 1762-1768 (Bardet 1982, 64 ; 1779-1780, Cassini, feuille 54 ; Bouret 1852, 138). C’est probablement le même nom de lieu aocc. Freg Luc/Freg Luc qui apparaît dans le nom de personne mlt./aocc. Bernardus de Freg Luc / Bernardus de Frec Luc, dont le porteur intervient comme témoin dans des actes concernant le prieuré de Chirac en 1208, 1210, 1213 et 1214 (Belmon 1994, 73, 74). 22.2. Le continuateur de lat. lūcu s. m. “bois sacré” (REW 5152) n’est pas attesté en occitan comme appellatif (cf. dans ce sens DAO 471, 5-1 ; FEW 5, 441a, lucus : une seule attestation contemporaine, en gascon, qui est douteuse). Il existe cependant en domaine d’oc quelques formations toponymiques simples assez tardives pour présenter l’article, dans le Var, le Gard et l’Aude (cf. Vincent 1937, 125 ; TGF § 22640). On a donc affaire avec aocc. Freg­luc à un composé, probablement formé au haut Moyen Âge, dont le premier terme est lat. frigidu/aocc. freg/frej adj. “froid (ici d’un lieu)” (REW 3512, 2 ; FEW 3, 797a, frigidus ; DAO 87, 1-1). 22.3. Sur Ferluc (Prinsuéjols) a été formé, avant le dévoisement des consonnes sonores finales (11e /12e siècle ; Grafström 1958, 215-218 ; Pensado

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2000, 45), un diminutif détoponymique en ‑et qui a subi la même métathèse que le simple : frm. Ferluguet, nom d’un hameau de La Fage-Montivernoux, à trois kilomètres à vol d’oiseau de Ferluc (IGN 1:25 000, 2537 E), Ferluget [sic] ca 1762-1768 (Bardet 1982, 63), Ferluguet 1779-1780 (Cassini, feuille 54) et 1852 (Bouret 1852, 138). 22.4. Le même composé explique probablement frm. Ferluc, nom d’un village de Saint-Alban-sur-Limagnole (IGN 1:25 000, 2637 O), la [sic] Ferluc (Bardet 1982, 65), Ferluc 1779-1780 (Cassini, feuille 54) et 1852 (Bouret 1852, 138). Ce toponyme pourrait être mis en rapport avec le diminutif frm. Ferluguet, nom d’un village de Sainte-Eulalie (IGN 1:25 000, 2637 E), attesté en 1307 : aocc. Fregluguet et Fregloguet (en contextes latins) « usque ad terras de Fregluguet », « cum terris, tenementis et pertinenciis de Fregloguet et de Chardonos » (FG 1, 104 et 114), frm. Ferluguet depuis ca 1762-1768 (Bardet 1982, 65 ; Cassini, feuille 54 ; Bouret 1852, 138). Les deux localités sont néanmoins distantes de plus de huit kilomètres à vol d’oiseau. 22.5. Frm. Ferluc, nom d’un terroir de La Capelle, à présent commune de La Canourgue (IGN 1:25 000, 2639 O), se rattache probablement au même type. Il en va de même de frm. Fréluc, nom de trois localités du Cantal : village de Laroquevieille, Frelluc 1485, Ferluc 1594 ; village de Méallet, Ferluch 1669 ; village de Moussages, Freluc 1520, Ferluc 1663 (tous Amé 1897, 202). Cf. aussi frm. Ferluc, nom d’un village de Drugeac, Freluc 1746, Frelut 1787 (Amé 1897, 220). Dans tous les cas, on a affaire à des nom de terroir, typiques du saltus, secondairement promus en noms d’habitats (sans doute des manses médiévaux).

23. Fer(r)iolesco/Feriolés (Banassac) 23.1. Les FG (1307) citent à trois reprises un « mansus de Ferriolesto » (FG 1, 35 ; 2/1, 215) ou de « Feriolesto » (FG 2/1, 215), formes qui sont certainement à corriger en « Ferriolesco » et « Feriolesco ». Le manse désigné sous ce nom confrontait avec les prés du manse du Brouillet (commune de Banassac). C’est le même manse qui est mentionné dans les confronts d’une pagésie sise dans le manse de Montagut (commune de Saint-Germain-du Teil) : « quiquidem mansus confrontatur cum terris des [sic] Ferrioles » (FG 2/1, 69). Les contextes rendent très sûre l’identification proposée par Boullier de Branche avec le Fereol (FG 1, 35 n. 22) ou Ferriol (FG 2/1, 69 n. 4), hameau de la commune de Banassac que la carte IGN au 1:25 000 (2539 E) nomme le Ferréol, frm. le Férriol ca 1762-1768 (Bardet 1982, 61), le Féréol 1852 (Bouret 1852, 138).

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23.2. Il convient donc de supposer que ce manse a connu deux traditions onomastiques jumelles : aocc. *lo (mas) Ferreol, qui l’a emporté, et la dénomination dont les FG se sont fait l’écho, à savoir aocc. *lo (mas) Ferreolesc. Dans le premier toponyme, la forme vernaculaire du nom d’homme latin Ferre­ olus, attesté avec ses variantes du 6e siècle à 1001 par Morlet (1971, 52), aocc. Ferriol (Rodez 1182, Brunel 1926, n° 200, 18 ; Rouergue 1198, Brunel 1952, n° 528, 2, 8), était construite, à l’origine, en complément de nom asyndétique, ce qui explique la présence de l’article (incidant sur le nom commun ellipsé) ; cf., par exemple, Laubert *[fenjeˈrɔls]). C’est probablement ce yod qui est responsable par assimilation de la fermeture de [e] initial en [i], fermeture qu’on observe aussi dans Finiels.

26. Fraycendés (vers Saint-Germain-du-Teil) 26.1. Un passage des FG (1307) livre deux toponymes formant une paire morphologique intéressante, mlt. Frayceneto et aocc. Fraycendés : « mansum de Frayceneto, confrontatum ex una parte cum manso de Fraycendes et ex À distinguer par conséquent des diminutifs en ‑(e)olu de *fenāriu (FEW 3, 457a, 458a), comme Feneyrol (Cantal) et Feneyrols (Tarn-et-Garonne) (Vincent 1937, § 779 ; TGF § 26327-26328).

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alia parte cum via qua itur a Sancto Germano versus Nojaretum » (FG 2/1, 87). Frayceneto a été identifié par Boullier de Branche (FG 2/1, 51 n. 5) à Fraissinet, nom d’une « châtaigneraie, com. de Saint-Germain-du-Teil, section du Pouget », ce qui est cohérent avec la localisation entre Saint-Germain-duTeil et Nogaret (hameau ruiné, commune des Hermaux ; voir IGN 1:25 000, 2538 E). 26.2. Fraycendés, en revanche, n’a pas été identifié par Boullier de Branche (ce nom de lieu ne bénéficie pas d’une note et ne figure pas à l’index). Il est certain que le manse ainsi dénommé jouxtait le manse de Fraissinet. Il convient donc d’y voir un dérivé détoponymique ancien, ayant subi la syncope de la seconde voyelle intertonique postérieurement à la sonorisation de l’intervocalique, sur une forme *Fraissened(o) ( prov. caire [...]) ». Il ajoutait : « Ce mot est donc un doublet, où le deuxième terme traduit plus ou moins exactement le premier, dont on ne savait plus le sens et qui désignait un rocher, une cime escarpée ». Cette solution semblait à Flutre encore plus lumineuse « pour le Marqueyrès, écart de Bassurels » : « La signification ne semble faire aucun doute : la localité est bâtie au pied d’un puy isolé de 1 143 m qu’entourent les profonds ravins du Tarnon et du Gardon de Saint‑Jean ». 33.4. Il paraît inutile d’insister sur le caractère invraisemblable d’un tel composé. On expliquera plus sûrement le Marqueyrès et le Marquairès à partir d’aocc. *lo Marcairesc, ellipse de *lo (mas) Marcairesc, adjectif formé avec le suffixe ‑esc sur la forme vernaculaire du nom de personne mlt. Marcherius/ Marcarius que Morlet (1971, 167) atteste, avec encore d’autres variantes, de la

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fin du 8e au 12e siècle. On a affaire à des désignations intrinsèques d’habitats (manses médiévaux).

34. Marsinguière/Marsenquieyre (Trélans) Frm. Marsinguière (IGN 1:25 000, 2538 E) ou Marsenquieyres (FG 2/1, 143 n. 4), lieu-dit de Trélans, est attesté au Moyen Âge : aocc. (en contextes latins) Marsenquieyras 1266 (copie 1766) « cum manso de Marsenquieyras » (DocAubrac 1, 150), Marsenquieiras 1307 « quartam partem indivisam territorii vocati Marsenquieiras » (FG 2/1, 143). Cet ancien nom de manse représente un adjectif féminin dérivé en ‑ieira sur aocc. marcenc s. m. “blé semé en mars, blé d’été”, attesté seulement à Millau en 1486 (DAO 785, 3‑1 ; cf. FEW 6/1, 391b, martius), terras ou un substantif féminin du même paradigme étant sous-entendu. On a affaire à un nom de terroir passagèrement promu en nom d’habitat (manse médiéval).

35. Lo Martinesc (Saint-Georges-de-Lévéjac) 35.1. Un passage des FG (1307) cité ci-dessus (§ 33.1.) montre qu’aocc. lo Martinesc désignait un manse de la paroisse de Saint-Georges-de-Lévéjac, manse probablement situé, d’après l’ordre d’énumération, au nord des Monziols. Cette forme n’a pas été identifiée par Boullier de Branche. Un second passage du même document mentionne le même manse : « et mansum de Domal et mansum Martinesc et mansum del Richardesc » (FG 2/1, 106 et n. 11). L’idée de Boullier de Branche selon laquelle « il faut sans doute lire le Marquairès, com. de Saint-Georges-de-Lévéjac » nous semble tout à fait arbitraire. 35.2. Dans la vingtaine de désignations de manses que contient l’énumération que nous venons de citer partiellement (FG 2/1, 106-107), tous les noms propres de lieux sont introduits par la préposition de (ainsi mansum de Domal, mansum del Richardesc), à deux exceptions près : mansum Requiran, qui est aujourd’hui Mas Requiran (commune de Banassac ; FG 2/1, 107 n. 6), et mansum Martinesc. On pensera donc que dans mansum Martinesc, tout comme dans mansus Requiran, mansus joue à la fois le rôle d’un nom commun générique et d’un constituant de nom de lieu. 35.3. On expliquera donc aocc. lo Martinesc comme une ellipse de *lo (mas) Martinesc. L’adjectif en ‑esc est formé sur le nom d’homme aocc. Marti(n) (Brunel 1926, 402 et 1952, 206 ; cf. mlt. Martinus, Morlet 1972, 76). On a affaire à une désignation intrinsèque d’habitat (manse médiéval).

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36. Ruisseau de Merderic (La Canourgue), Ruisseau de Merdaric (Marvejols) et congénères 36.1. Dans une énumération de maisons sises à La Canourgue, les FG mentionnent une domus « confrontata cum rivo Merdario » (FG 2/1, 80). Nous proposons d’éditer « rivo merdario » et de voir dans mlt. rivus merdarius un calque d’alang. rieu merdier “ruisseau servant d’égout” (FEW 6/2, 23a, merda). 36.2. Commentant ce passage, Boullier de Branche (FG 2/1, 81 n. 1) indique qu’« il existe une ferme de Merdaric, com. de la Canourgue, section de la Roque ». Il est clair que cette ferme tire son nom du Ruisseau de Merderic (IGN 1:25 000, 2539 E), nom du cours d’eau qui baigne La Canourgue au nord. Cet hydronyme est attesté dans les FG : « cum rivo de Merdayric », « cum rivo de Merdaric » (tous les deux FG 2/1, 131), « cum rivo de Merdaric » (FG 2/1, 239), « cum rivo de Merderic » (FG 2/1, 248), « rivo de Merdaric » (deux occurrences), « cum Merderico » (tous les deux FG 2/1, 265) 33. On pourrait donc être tenté de corriger « rivo Merdario » (supra, § 36.1.) en « rivo Merdaric », mais on s’en abstiendra, puisque cette correction n’est pas indispensable et qu’on constate que, lorsqu’il s’agit du nom propre précédé de rivus, les FG emploient constamment la préposition de. 36.3. Hubschmid (1985, 121) a cité deux des attestations des FG (2/1, 131, 239), mais sans les identifier. Pour l’étymologie (aocc. *merdaric s. m. “ruisseau sale”, dérivé de merda à comparer à Alès merdaric “scorie”), voir Hubschmid (1985, 121). 36.4. En Lozère, on peut encore ajouter aux inventaires de Lebel (1956, § 260), DNRM (64-65) et TGF (§ 20608) les deux hydronymes suivants : Ruisseau de Merdaric, nom d’un affluent de droite de la Coulagne à Marvejols, qui prend sa source au Buisson (IGN 1:25 000, 2538 E et 2638 O) ; Ruisseau de Merdaric, nom d’un affluent du Chapeauroux à Laval-Atger (IGN 1:25 000, 2737 O).

37. Le Meylet (Badaroux, Le Born ; Badaroux ; Auroux) 37.1. La carte au 1:25 000 de l’IGN (2638 E) porte un nom de lieu-dit le Meylet dans la partie septentrionale de la commune de Badaroux, à proximité de Saint-Martin (commune du Born). Or, en 1307, mlt. Masleto était le nom d’un manse de la paroisse de Badaroux, limité par les terres de Badaroux (au Malgré l’index des FG (2/1, 510), nous n’avons pas su découvrir mansus de Merdayric ou de Merderic en 2/1, 131.

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sud) et de Saint-Martin (au nord) : « mansum de Masleto, situm in parrochia Sancti Christophori de Badarosco, confrontatum ab una parte cum terris de Badarosc et ex alia cum terris mansi Sancti Martini » (FG 2/2, 196). C’est donc à bon droit que Boullier de Branche a identifié mlt. Masleto à (le) Meylet (FG 2/2, 196 n. 2 : « Meylet, com. de Badaroux ») 34. Comme Boullier de Branche a identifié, d’autre part, mlt. Maleto, qui apparaît en 1307 parmi les confronts d’un groupe de manses situés dans la commune du Born (FG 1, 95 et n. 1) à le Meylet, « lieu-dit, com. du Born, section de Saint-Martin et commune de Badaroux », il est assuré que Ma(s)leto (> le Meylet) s’étendait sur les deux communes de Badaroux et du Born. De son côté, Flutre (1957b, 182) connaît le Meylet, nom d’un « lieu-dit de la cne du Born, section de Saint-Martin, sur une hauteur de 1 050 m dominant le ruisseau du Bouisset » et le Meylet, « lieu-dit de la commune du Born, appelé aussi le Meillet, peut-être prolongement du précédent », et il cite les attestations contenues dans les FG. 37.2. Le même auteur connaît également « Maillet, écart de Mende, à mipente du causse qui, à cet endroit s’élève à 1 092 m et domine en amont de la ville la vallé du Lot » (Flutre 1957b, 181). Bouret (1852, 225, 233) relevait Meilet et Meylet (le) dans la commune de Mende, probable doublon. Sur la carte IGN au 1:25 000 (2638 E), cette localité est introuvable dans la commune de Mende. Il doit s’agir du petit hameau que cette carte appelle le Meylet et qu’elle place dans la commune de Badaroux, en limite de celle de Mende : Bouret (1852, 56) attribue les localités, proches du Meylet, les Bories et les Bories-Hautes à la commune de Badaroux, mais les Bories-Basses, légèrement plus à l’ouest, à la commune de Mende, alors que la carte IGN les situe toutes les trois à Badaroux. Ce hameau est désigné sous le nom de Mas du Meilet sur la carte de Cassini en 1779-1780 (feuille 55). Flutre a eu le mérite d’identifier à ce nom de lieu mlt. Masleto qui se trouve également dans les FG (1307) : « Infra quas confrontaciones et limitaciones civitatis [...] sunt mansi et territoria inferius expressata, videlicet mansus de la Chalmeta ; item, mansi de Masleto, de Niermondes » (FG 1, 91 et n. 4, sans identification ; à l’index, FG 1, 176, disait seulement : « reg. [sic] de Mende »). 37.3. Enfin, Flutre (1957b, 182) mentionne le Meylet, nom d’un « lieu-dit de la cne d’Auroux, appelé aussi le Maylet ». On trouve frm. le Meylet 1779-1780 sur la carte de Cassini (feuille 54), le Maylet dans Bouret (1852, 223), le Meylet (nom d’un écart) sur la carte IGN 1:25 000 (2737 O). 34

Le manse est déjà cité dans une reconnaissance de 1292 dont Boullier de Branche ne reproduit pas le texte (FG 2/2, 197).

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37.4. Malgré tous les efforts de Flutre pour rattacher ces toponymes à un « pré-gaulois » *mal‑ “escarpement ; montagne escarpée”, il est clair que ces trois noms de lieux représentent un type théorique *Mas(e)llittu, formé sur ma(n)su à l’aide des suffixes diminutifs issus de ‑ellu et de ‑ittu. On a affaire à des désignations intrinsèques d’habitats (manses médiévaux). Ces formations paraissent suffisamment anciennes pour avoir connu la syncope des intertoniques (cf. ici n. 9), mais la syncope aurait pu se produire dans le lexique, antérieurement à la toponymisation (il faudrait alors supposer un agév. *mazlet). Dans le groupe [‑zl‑] résultant de la syncope, la première consonne est passée régulièrement à yod (Ronjat 1930-1941, 2, 242 ; Camproux 1962, 1, 276), si bien que, malgré Flutre (1957b, 181), la graphie ‑ill‑ dans Maillet (Mende) ne saurait noter [ʎ], du moins à l’origine (cf. la variante (le) Meylet). 37.5. Dans le cas de (le) Meylet (Badaroux/Le Born), on a certainement affaire à un dérivé diminutif ancien d’un nom de lieu *(lo) Mazel. Ce dernier ne nous est connu qu’à travers une mention latine de 1307, dans les confronts de Combis Superioribus où il voisine avec Maleto (supra, § 37.1.) : « mansos videlicet de Combis Inferioribus, de Frelzvilar, de Sancto Martino, de las Chayrossas, de Macello et de Maleto » (FG 1, 94-95 ; non identifié). L’écriture Macello des toponymes du type le Mazel est fréquente dans les FG 35. Dans les deux autres cas, le point de départ peut être un double diminutif lexical *mazlet. La formation plus récente (sans syncope) le Mazelet est attestée à de nombreuses reprises dans la toponymie de la Lozère (Bouret 1852, 224-225). 37.6. Quoi qu’il en soit, les trois le Meylet ne peuvent passer pour des noms de lieux relevant du substrat pré-gaulois, substrat dont la part a été outrancièrement grossie par Flutre (cf. Chambon 1975, en particulier 456‑457).

38. Lo Munt, le Montet (Javols) 38.1. Dans son testament (orig. ca 1109), l’évêque de Mende Aldebert II laissa à Saint-Privat de Mende « eclesia de Javols tota, ab aquo que i aperten [...], et uno maso el Munt, lo feu major et la vegaria » (Brunel 1926, n° 13, 26‑28). Le savant éditeur de ce document n’est pas parvenu à identifier ce 35

Cf. notamment manso Macello dels Valantis (1, 110), manso de Macello (2/2, 261), aujourd’hui le Mazel (commune de Ribenne) ; manso de Macello (2/1, 270), aujourd’hui le Mazel (commune de Saint-Germain-de-Calberte) ; mansorum de Manso seu Macello Chabrerio et de Rauserio (2/2, 188, cf. aussi 2/2, 217), aujourd’hui Mazel-Chabrier (commune du Born). Pour d’autres exemples, voir les index (FG 1, 175 ; 2/2, 505).

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toponyme qu’il se contente de localiser « vers Marvejols (Lozère) » (Brunel 1926, 407). 38.2. Or, dans la commune de Javols se trouve un hameau nommé le Montet (IGN 1:25 000, 2637 O). Celui-ci est attesté en 1255 (document reproduit en 1307) : aocc. lo Montet « in manso del Montet appellato » (FG 2/2, 160), et en 1307 : mlt. Monteto (abl.) « mansum de Monteto, parrochie de Javols » (FG 2/2, 159). Ce manse est également mentionné dans un acte de 1292 reproduit en 1307, mais que Boullier de Branche n’a pas édité (FG 2/2, 162). On trouve ensuite frm. le Montet ca 1762-1768 (Bardet 1982, 65), 1779-1780 (Cassini, feuille 54) et 1852 (Bouret 1852, 243). D’autre part, les confronts du manse du Montet, décrits dans le document de 1255, mentionnent un nemus del Mont : « qui mansus del Montet est in parrochia de Javolis et in tenemento castri de Servayreta supradicti, et confrontatur ex una parte cum manso del Ermet et ab alia parte cum nemore del Mont » (FG 2/2, 160). Boullier de Branche (FG 2/2, 160 n. 8 et 9) a identifié avec justesse nemore del Mont avec le Bois du Mont (frm. le Bois du Mont 17791780 sur Cassini, feuille 54), nom d’un hameau de Javols, au nord du Montet, et l’Ermet avec l’Hermet, nom d’un hameau de la même commune, au sud du Montet (IGN 1:25 000, 2637 O). 38.3. C’est, par conséquent, avec un aocc. *lo Mont n’ayant subsisté que dans le Bois du Mont qu’il convient d’identifier le toponyme lo Munt du testament d’Aldebert II. On localisera le manse dans la commune de Javols, au nord-est du chef-lieu. Il va sans dire que lo Munt est la toponymisation d’aocc. mon(t) s. m. “importante élévation de terrain” (FEW 6/3, 84a, mons ; DAO 169, 1-1) précédé de l’article défini (nom de terroir secondairement promu en nom d’habitat), tandis que lo Montet > le Montet est un diminutif détoponymique dénotant un dédoublement d’habitat.

39. Nivoliers (Hures-la-Parade) ; Niboulet (Prévenchères) ; Niboulous (Le Collet-de-Dèze), Valat de Niboulous (La Bastide-Puylaurent) 39.1. En Gaule romane, lat. n ībulu s. m. “milan” (attesté tardivement) est surtout continué dans le domaine francoprovençal et sur ses abords (REW 5904 ; FEW 7, 108a, nibulus : seulement Briançon en domaine occitan). En Lozère, il apparaît dans quatre toponymes sans article (et par conséquent antérieurs à ca 700 ; cf. Chambon 2005), en combinaison avec trois suffixes

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collectifs différents, ce qui dénote probablement des formations toponymiques ad hoc. 39.2. Avec -ētu : Niboulet, nom d’une hauteur, commune de Prévenchères (IGN 1:25 000, 2738 E). Cf. Nivollet-Griffon, nom d’une commune de l’Ain (TGF § 23756) et, dans l’Aveyron, Niboulet, nom d’un hameau de SaintAmans-des-Cots (IGN 1:25 000, 2437 O) et d’un terroir de Salle-Curan, près des Canabières (IGN 1:25 000, 2440 E ; tous les deux Chambon 1980a, 52). 39.3. Avec -āriu : Nivoliers, nom d’un village du Causse Méjean, commune d’Hures-la-Parade (IGN 1:25 000, 2640 OT), aocc. Nivolier 1281 (copie peu apr. 1307 ; FG 2/2, 148) et 1307 (FG 2/2, 145, 305), mlt. (abl.) Nevolerio (FG 1, 49), aussi Vinholier 1307, par une interversion occasionnelle (FG 2/2, 305), frm. Nivouliers ca 1762-1768 (Bardet 1982, 62), Nivoliers 1852 (Bouret 1852, 255) ; la pluralisation paraît tardive. Un toponyme de formation semblable (ou bien serait-ce le toponyme gévaudanais ?) apparaît dans le nom de personne aocc. Bernartz de Nivolers 1151 (orig.), nom d’un témoin d’un acte de Pierre de Creissels (Brunel 1926, n° 66, 12). 39.4. Avec - ōsu : Niboulous, nom d’un écart du Collet-de-Dèze (IGN 1:25 000, 2740 ET) et Valat de Niboulous, nom d’un torrent, commune de La Bastide-Puylaurent (IGN 1:25 000, 2738 E), à proximité de Niboulet, commune de Prévenchères (supra, § 39.1). Comme dans le cas de Nivoliers, on a affaire à un nom de terroir secondairement promu en nom d’habitat.

40. Noubloux (Trélans) 40.1. Boullier de Branche (FG 2/1, 83 n. 9) n’a pas identifié le nom d’un manse mentionné à quatre reprises dans les FG (1307), dans les contextes suivants : (1) « cum manso de Locbles » (FG 2/1, 83), dans les confronts de plusieurs manses non identifiés, notamment le mansus dels Visiats de Trelans ; (2) « cum terris mansi del Loblos » (FG 2/1, 83), donné « in pertinenciis de Trelans », comme confront du manse de Pourcaresse (hameau, commune de Trélans) et manse du Cun (même commune) ; (3) « item medietatem indivisam mansis del Loplost infra dictum mandamentum castri de Nogareto positam et confrontatur ab una parte cum manso de Trelans et cum manso de Porchairessas et cum aqua de Doalon » (FG 2/1, 116) ; (4) « item medietatem indivisam mansi del Loplost siti in mandamento dicti castri [= Nogaret, commune des Hermaux] et confrontati ex una parte cum manso de Trelans et cum manso de Porcharessis et cum territorio domini Moteti » (FG 2/1, 127).

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40.2. La position de ce manse, qui jouxtait Pourcaresse, Trélans et le Doulou, coïncide parfaitement avec celle du village de Trélans nommé Noubloux, au sud-est de Trélans, au nord-ouest de Pourcaresse, à l’ouest du Doulou (IGN 1:25 000, 2538 E). 40.3. Compte tenu de cette identification assurée, « Locbles » (1) doit être redressé en « Locblos » et « del Loplost » (3, 4) en « del Loplosc ». Dans cette dernière forme, la graphie est probablement due au sentiment de la composition (cf. infra, § 40.4). Il est très probable, en outre, que Locblos est une variante (présentant une interversion graphique occasionnelle) de *Loblosc, forme de base dont Loblos et Loplosc sont des variantes. Comme notre nom de lieu apparaît trois fois sur quatre muni de l’article (2, 3, 4) dans les FG, c’est en fin de compte d’une forme d’aocc. *lo Loblosc qu’il convient de partir. 40.4. On expliquera ce nom de lieu par un sobriquet *(lo) Lob Losc, composé d’aocc. *lob (> lop) s. m. “loup” (FEW 5, 457a, lupus ; DAOA 713 ; pour l’emploi du simple en anthroponymie, voir Fexer 1978, 402-403) et de losc adj. “qui louche” (FEW 5, 473a, luscus ; Rn 4, 102 ; pour l’emploi en anthroponymie, voir Fexer 1978, 404). Ce sobriquet et le toponyme qui en provient ont été formés avant le dévoisement des consonnes finales (11e /12e siècle ; Grafström 1958, 215-218 ; Pensado 2000, 45). On a affaire à une désignation intrinsèque d’habitat (manse médiéval). 40.5. Cette interprétation, de même que l’ancienneté du nom de lieu, est confirmée par la forme latinisée Lupolusco attestée en 1098-1118 (orig.) : « juxta castri Mureti, in Lupolusco, in uno manso » (Belmon 1994, 60). Ce toponyme, qui n’a pas été identifié par l’éditeur (cf. Belmon 1994, 59, 84), a peut-être désigné un lieu distinct de Noubloux, ce dernier pouvant difficilement avoir été dit « juxta castri Mureti » (= Muret, commune de Saint-Laurent-de-Muret). 40.6. Le passage de Loblosc à Noubloux, déjà enregistré dans frm. Noubloux ca 1762-1768 (Bardet 1982, 61) et 1779-1780 (Cassini, feuille 55), Noublous 1852 (Bouret 1852, 256), s’explique par la dissimilation de [l] en [n] en syllabe initiale par [l] appuyé de la syllabe accentuée.

41. Pélegri (Malbouzon) Pélegri est le nom d’un terroir de Malbouzon (IGN 1:25 000, 2537 E). Ce toponyme est attesté au Moyen Âge avec précession de l’article : aocc. lo Pelegri 1266 (« minute ? ») « via forc del Pelegri » (DocAubrac 1, 142), 1277

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« in mansis de la Vedrina, e del Pelegri, e dels Alatieurs » (op. cit., 234), 1331 (« copie en forme signée ») « mansi [gén.] del Pelegri » (op. cit., 578, 586). Il désignait alors un lieu habité, comme le montre les deux dernières citations. On a affaire à la toponymisation d’un sobriquet aocc. *lo Pelegri (cf. aocc. Pelegri, attesté notamment en Rouergue ; Fexer 1978, 514-515) comme désignation intrinsèque d’habitat (manse médiéval). L’article s’est perdu.

42. Pharelta (vers Le Monastier-Pin-Moriès) 42.1. Belmon (1994, 52, 81) assimile aocc. Pharelta 1098-1118 (art. cit., 52) à aocc. Farella, qui apparaît dans d’autres documents (1098-1118 ; art. cit., 54, 55), aujourd’hui « La Farelle, cant. Saint-Germain-du-Teil, comm. du MonastierPin-Moriès, l.-d. disparu » (sans doute identique à les Farelles dans Soutou 1963, 28, n° 18). Il s’agit en réalité de deux toponymes distincts, qu’on peut néanmoins relier de la manière suivante : Pharelta est un diminutif en ‑eta sur Farella, dérivé formé assez tôt pour avoir subi la syncope de la seconde intertonique 36. Ce double dérivé n’a pas été relevé par Soutou (1963) dans son étude classique sur les issues de *fara dans la toponymie méridionale. 42.2. Dans le même secteur géographique, on trouve encore le simple Fara dans Aldebertus de Fara en 1098-1116 (Belmon 1994, 47), simple que Belmon (1994, 81) identifie avec « La Fare, cant. Saint-Germain-du-Teil, comm. du Monastier-Pin-Moriès, l.-d. ». On se fiera plutôt, jusqu’à plus ample informé, à Boullier de Branche et à Soutou (1963, 26, n° 9). En effet, d’après les contextes des FG, le terroir ou manse de la Fara (la Fare en 1560, dans le compoix de Chirac) était situé « aux appartenances de Chirac », près du chemin de Chirac au Bruel, à la limite du mandement de Moriès (FG 2/1, 64 et n. 3) ; il jouxtait le rivus de Vilaret (= probablement le Rioulong, commune de Chirac) (FG 2/1, 125) et relevait de la paroisse de Chirac (FG 2/1, 207). Il y a donc tout lieu de croire, avec Boullier de Branche (FG 2/1, 64 n. 3), que le nom s’est conservé dans Truc de la Fare, nom d’une hauteur de la commune de Chirac (IGN 1:25 000, 2638 O). 42.3. Dans le même secteur (Le Monastier-Chirac), on rencontre donc le simple Fara/la Fare et deux dérivés diminutifs détoponymiques : un dérivé en ‑ella/‑ela (Farella/la Farelle ou les Farelles) et, sur ce dernier, un second diminutif, Pharelta. L’effacement de [e] intertonique assure que Pharelta ne peut avoir été formé postérieurement aux dernière syncopes, c’est-à-dire à 36

Cf. Nogardel (Saint-Pierre-de-Nogaret ; Saint-Martin-de-Lansuscle) < *Nucār ētu + ‑ellu (Chambon 2009b, 34-36, rectifiant Hallig 1958, 334 et Balmayer 1982, 51-52).

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la période carolingienne (on aurait eu, plus tardivement, *Phareleta), ce qui assure aussi le terminus post quem non de la/les Farelle(s) et de la Fare. On sait, d’autre part, que tous les représentants du type en domaine occitan relevés par Soutou (1963, 25-29) sont précédés de l’article défini 37 ; ils ne sont donc probablement pas antérieurs de beaucoup à ca 700 (cf. Chambon 2005). On peut ainsi dater du haut Moyen Âge (ca 700–ca 9e s.) nos trois toponymes lozériens et, par extension, avancer la même datation pour la série occitane dont ils relèvent. On remarque que la première attestation de cette série, qui remonte à 870 (illa Fara, aujourd’hui la Farre, Cussac, Haute-Loire ; Soutou 1963, 29, 35), s’inscrit dans cet intervalle. On a affaire à des désignations intrinsèques d’habitats.

43. Priondes (Brion) 43.1. Nous connaissons les formes anciennes suivantes de Priondes, nom d’un écart de la commune de Brion (IGN 1:25 000, 2537 E) : aocc. (sauf indication contraire, en contexte latin) Priondas 1247 (copie Doat) « inter mansum d’Issel et mansum de Priondas » (DocAubrac 1, 79), 1267 (copie 1585) « mansum de Priondas » (op. cit., 1, 164), 1270 (« copie en forme ») « mansum de Priondas, qui confrontatur ex una parte cum manso de Brio lo Vielh et de Granval » (op. cit., 1, 193), 1276 « mansum de Priondas, qui confrontatur ex una parte cum manso de Brio lo Vielh » (op. cit., 1, p. 228), 1289 « mansum de Priondas » (op. cit., 1, 312), 1294 « super mansis vocatis de Priondas e del Vilar » (op. cit., 1, 345), (en contexte français) 1527 (acte de 1422 inséré dans celui de 1527 ; op. cit., 2, 343), mlt. Priondis (abl.) « hominum [...] de Priondis » 1414-1416 (op. cit., 2, 705), frm. Priondes 1779-1780 (Cassini, feuille 54), Prioudes (sic) ca 1762-1768 (Bardet 1982, 63), Priondès (sic) 1852 (Bouret 1852, 282). 43.2. La localité se trouve à l’extrémité d’une étroite vallée (ruisseau d’Ussels), dans un site entouré de sommets. Il ne fait donc pas de doute que son nom est la substantivation du féminin d’aocc. prion adj. “profond” (FEW 9, 431b, profundus, cf. Lozère [priˈũndo] f., FEW, loc. cit.), avec la valeur topographique de *“resserré entre des versants escarpés, encaissé (d’un lieu)”, terras ou un substantif féminin pluriel du même paradigme étant sous-entendu. On a affaire à un nom de terroir secondairement promu en nom d’habitat (manse médiéval).

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Dans les formes anciennes mises au jour par Belmon, c’est l’emploi du latin qui bloque l’apparition de l’article.

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44. Rodoçocas > Ressouches (Chanac) 44.1. À l’index des noms propres, Belmon (1994, 88) offre un lemme « Rodocosas », mais il édite « quadraginta solidos de pignora in Rodococas » (Belmon 1994, 34) le passage correspondant (ca 1110-1120). Nous supposerons que la forme éditée est celle qui doit être retenue. Belmon propose dubitativement d’identifier « Rodocosas » à la Recouse, nom d’un écart de la commune du Buisson, lequel nom a pourtant toutes les chances de remonter au type *rocca + - ōsa (Flutre 1957b, 233). 44.2. Belmon (1994, 52, 88) connaît par ailleurs aocc. (en contexte latin) Rozochas de Vallolt en 1098-1118, qu’il identifie à Ressouches, nom d’un village de la commune de Chanac. D’après les noms de lieux qui sont mentionnés dans la même donation que « Rodococas » (Blaquera super Salelas = la Blaquière, « l.-d. disparu », commune de Chirac ; Ispinaçoso = Espinassous, commune du Monastier-Pin-Moriès ; Marojilo = Marvejols ; voir Belmon 1994, 79, 83, 84), « Rodocosas » peut avoir désigné la même localité que Rozochas. On devrait donc interpréter « Rodococas » comme Rodoçocas et postuler l’amuïssement de ‑d‑ intervocalique (cf. ci-dessus § 29.2.), puis la dissimilation fréquente o – ó > e – ó. Mais il semble plus recommandable de supposer que le syntagme déterminatif de Vall-Olt (“de la vallée du Lot”) permet d’opposer les deux Ressouches homonymes : Ressouches (commune de Chanac), situé dans la vallée du Lot, et Ressouches (commune du Buisson). 44.3. Les deux formes médiévales permettent, en tout cas, d’écarter l’étymologie proposée par Flutre (1957b, 276-277) de ces deux toponymes par rapprochement avec lang. ressouc “chicot d’arbre”. Les attestations médiévales tirées par Flutre des FG (notamment aocc. Rossochas) permettaient d’ailleurs de parvenir à la même conclusion négative. Quant à l’origine de Rozochas/ Rodoçocas (> Rossochas > Ressouches), elle demeure obscure à nos yeux.

45. Segalayrils (vers Vebron) En 1307, aocc. Segalayrils était appliqué à un champ sis dans les parages de Vebron : (en contexte latin) « cum campo de Sega Layrils » (FG 1, 64). Il s’agit d’un dérivé, apparemment usité sans article, de lat. secale s. n. / aocc. segal s. m./f. “seigle” (FEW 11, 360b, secale ; DAO 792, 1-1) + ‑arIīle (cf. Ronjat 1930-1941, 3, 339 et ci-dessus § 8 et 25.2.), au sens de “champ qui produit du seigle”. Ce toponyme n’est pas relevé par Hallig (1958, 337). À comparer à arouerg. Segalairils ca 1200 (Brunel 1926, n° 537, 2), ancien nom de Capelle, village d’Onet-le-Château (Aveyron) (Chambon 1980b, 459).

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46. Sogne Rousse (Nasbinals) Sogne Rousse, aujourd’hui dénomination d’un lieu-dit de Nasbinals (IGN 1:25 000, 2537 O), est attesté au 13e siècle en tant que nom d’un manse : aocc. Sanharossa 1270 et 1276 « mansum de Sanharossa » (DocAubrac 1, 191, 228). Il s’agit d’un composé d’aocc. sanha s. f. “marais” (FEW 11, 71b, *sagna ; DAO 235, 2-1 ; DAOA 1108) + aocc. ros adj. “roux” (FEW 10, 588a, russus ; Rn 5, 113) accordé au féminin. Ce toponyme est à ajouter à Flutre (1957b, 241), qui cite seulement Sagne-Rousse, nom d’un hameau du Cheylard-l’Évêque. On a affaire à un nom de terroir secondairement promu en nom d’habitat (manse médiéval).

47. Lo Tieure (vers Saint-Pierre-des-Tripiers) En 1307, aocc. lo Tieure (var. Tyeure) fut le nom d’un manse (non identifié) situé sur le Causse Méjan, vers Saint-Pierre-des-Tripiers (FG 2/2, 20 et n. 4). Ce toponyme tire son origine d’aocc. rég. tiure s. m. “tuf” (Flamenca [auteur rouergat] ; Millau 1443), cf. Nant tiéure (17e s.) et Alès tíoure (FEW 13/1, 324b, Tibur = 13/2, 1b, tofus, cf. 13/2, 468a ; DAO 294, 1-2 ; Artières 1930, 310). On en rapprochera deux anciens toponymes rouergats, non identifiés, respectivement vers Salles-la-Source et à proximité de la Sorgue : aocc. lo Tuire [l. Tiure] (ca 1175, Bousquet 1961, 283) et lo Tiure (d’oltra Sorga) (1182, Brunel 1926, n° 199, 17 ; Chambon 1980b, 201 : totalement erroné), ainsi que als Tieures 1769, à Saint-Étienne-de-Gourgas, dans l’Hérault (Chambon 2002, 148-149). On a affaire à un nom de terroir secondairement promu en nom d’habitat (manse médiéval).

48. Troulhas (Sainte-Énimie) 48.1. Troulhas est le nom d’un hameau de Sainte-Énimie (IGN 1:25 000, 2640 OT ; Boullier de Branche, FG 1, 145 n. 5), parfois écrit à tort Croulhas (ø Cassini, Bardet 1982, 62 et Bouret 1852). Les formes médiévales, aocc. Troylhars 1281 (copie peu apr. 1307) et Trolhás 1307 (FG 1, respectivement 147 et 145), désignaient un manse. 48.2. Ce toponyme doit être rapproché des mentions médiévales suivantes, qui ont désigné plusieurs localités disparues de l’Hérault (Hamlin 2000, 407 ; Chambon 2002, 149) : mlt. Trolliares 946 (vers Sauvian), aocc. Trolar 1149 (à Mèze), Troillars 1161 (vers Montagnac). Voir encore Nègre (1986, § 92) et, pour le domaine catalan, avec notamment cat. Trullars / frm. Trouillas (HautesPyrénées) attesté depuis 876, voir OnCat (7, 355-356) et TGF (§ 5691).

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48.3. On a affaire à des issues, antérieures, du fait de l’absence d’article (cf. Chambon 2005), à ca 700, de lat. torc(u)lāre s. n. (devenu m.) “lieu où se trouve le pressoir”. Au plan lexical, on a signalé des issues de torculāre en francoprovençal (forézien, REW 8790 ; ø FEW 13/2), en ancien catalan (AlcM 10, 565 ; DELCat 8, 912b, 913b), en aragonais et en espagnol régional (DCECH 2, 815 n. 4) ; les attestations toponymiques permettent de combler en partie le vide entre francoprovençal et catalan. On a affaire à des désignations d’éléments annexes entrant dans la composition d’exploitations agricoles, désignations ayant servi à nommer des exploitations, soit originellement par une synecdocque (pars pro toto), soit du fait du développement secondaire d’un habitat autonome.

49. Vachellerie (Paulhac-en-Margeride), la Vachellerie (Fournels), la Vachelerie (Serverette) 49.1. Dans le nord du département de la Lozère, on trouve trois toponymes du type (la) Vachel(l)erie : (1) Vachellerie, nom d’un hameau de Paulhac-en-Margeride (IGN 1:25 000, 2636 O), frm. Vachelerie ca 1762-1768 (Bardet 1982, 64) et 1779-1780 (Cassini, feuille 54), la Vachélerie (Bouret 1852, 333) ; (2) la Vachelerie, nom d’un bâtiment rural, commune de Serverette, section de Roudils (FG 1, 108 n. 1), aocc. la Bacallaria ca 1109 (orig.) « eclesia della Bacallaria tota ella capella del castel [...], et aquo que avia ella villa de la Bacallaria » (Brunel 1926, n° 13, 16-17), Bachalaria ca 1120-1120 « tres mansos in Bachalaria » (Belmon 1994, 34), aocc. Baccalaria ca 1120-1120 « In Baccalaria lo mas major » (Belmon 1994, 43), la Bachalaria 1307 « cum terris mansi de la Bachalaria », manse dédoublé en « mansus [...] Bachalarie Veteris » et « mansus de la Bachalaria dictus Clavel / Bachalaria de Clavel » (FG 1, 108, 109), frm. la Vachelerie 1779-1780 (Cassini, feuille 54 ; au sud de l’église Saint-Jean) ; (3) la Vachellerie, nom d’un hameau de Fournels (IGN 1:25 000, 2536 O), aocc. la Bachalaria 1307 « mansus de la Bachalaria » (FG 1, 115), frm. la Vachelerie 17791780 (Cassini, feuille 54), la Vachélerie 1852 (Bouret 1852, 333). Dans la partie du Gévaudan qui fut rattachée au département de la Haute-Loire, on peut ajouter (4) Vacheleries, nom d’un hameau de Saugues, aocc. Bachalarias 1282 et 1327, mfr. Vachalaries 1537, frm. Vacheleries depuis 1745 (Chassaing/Jacotin 1907, 285 ; Cassini, feuille 54). Selon Anon. (s. d.), basées sur la carte IGN au 1:25 000, il s’agit là des seuls toponymes français de ce type.

49.2. Les formes médiévales montrent sans conteste qu’on a affaire à des issues, parfois anciennes (1 et 4 ne présentent pas l’article ; cf. Chambon 2005), d’aocc. *bachalaria, lequel n’est attesté qu’à travers mlt. baccalaria s. f. “terre en culture exploitée directement par le propriétaire” (Limousin 866 et Haute Auvergne 10 e s. dans Nierm 2 1, 100 ; cf. FEW 1, 198-199, *baccalaris ; Brunel

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1952, 232 [*bacallaria, tiré de l’exemplaire (2) supra, § 49.1.]) 38. Première attestation toponymique : 909, en Corrèze (Villoutreix 1992, 25). Il s’agit probablement de désignations originelles d’habitats d’après le type de tenure. 49.3. Les formes françaises modernes et contemporaines en V‑ constituent de fausses régressions survenues en français, par une réaction hypercorrective au bétacisme ayant affecté les parlers occitans des zones concernées (Camproux 1962, 1, 191-194 ; s. d., carte 189 ; Nauton 1948, 12-13 et carte I ; Nauton 1974, 138-139 et carte 37) ; voir aussi ci-dessous § 50.2. et 51 et, de manière plus générale sur ce type de procès (dépatoisisation), Chambon (2008). Le changement [v] > [b] est attesté depuis 1531 en Lozère (Brunel 1916, 268) et depuis 1543 dans le canton de Saugues (Nauton 1974, 139). La parlure bourgeoise du bourg de Saugues, qui a refusé le bétacisme et se distingue presque toujours de la variété populaire et rurale par des particularismes qui la rapprochent du français (Nauton 1948, 34-37 ; Nauton 1974, 138-139), est directement responsable de l’hypercorrection attestée dès 1537 (Vachalaries) dans le Vacheleries saugain. La différenciation diastratique des deux parlures saugaines s’amorçait donc, sur ce point, dès le 16e siècle. 49.4. L’unanimité de ces quatre toponymes dans la fausse régression suggère que celle-ci s’est appuyée sur une captation par la famille de frm. vache, ce que suggère aussi le lapsus frm. la Vacherie (sic) désignant ca 1762-1768 (Bardet 1982, 63) le hameau de Fournels. Gröhler (1913-1933, 2, 138) pensait au contraire, mais à tort, à une influence ancienne (« Vermischung mit vaccaria »).

50. Valadou (Monrodat) 50.1. Valadou est le nom d’un village de Monrodat (IGN 1:25 000, 2638 O). Formes anciennes : aocc. lo Balador 1307 (en contextes latins) : « cum manso del Balador et cum manso de Molieras et cum aqua de Colonia », « cum manso del Balador et cum manso de Moleriis », « cum manso del Balador », « cum mansos d’Escuris et del Balador » (FG 1, 18, 29 ; 2/1, 85 et n. 2, 129), frm. Gröhler (1913-1933, 2, 138), sous *baccalaria “Viehweide”, cite notre exemplaire (4), comme «variante ». TGF (§ 29652) interprète à tort deux exemplaires de La Bachellerie (Dordogne et Haute-Vienne) comme des dérivés du nom de personne Bachelier ; Gendron (2003, 155) partage cette opinion erronée. Voir aussi DNLF 44 (« Métairie d’un bachelier, au sens médiéval de jeune gentilhomme ») ; Villoutreix 1981, 29 (« Bas lat. baccalarius [...] : jeune gentilhomme ; jeune homme. / Toponyme bien attesté en Limousin [...]. / Petite exploitation agricole, de rang secondaire ») ; Villoutreix 1989, 50 ; Villoutreix 1992, 25 ; Villoutreix 2002, 183 (sous « Titre de “bachelier” employé seul »).

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Valadou ca 1762-1768, 1779-1780 et 1852 (Bardet 1982, 60 ; Cassini, feuille 55 ; Bouret 1852, 333). 50.2. On constate que ce toponyme a perdu l’article défini. La forme française en V‑ est le fruit d’une fausse régression hypercorrective réagissant à la fusion de [b] et de [v] en [b] survenue dans les parlers gévaudanais (Camproux 1962, 1, 191-194 ; s. d., carte 189). Cette dépatoisisation du toponyme, qui s’est produite entre le 16 e siècle (cf. Brunel 1916, 268) et le milieu du 18e siècle, est imputable à l’insécurité linguistique des premiers francophones de la petite ville de Marvejols, soucieux de débarrasser leur français d’une forme (pseudo-)bétaciste qui passait à leur yeux pour une influence de la variété basse (cf. ci-dessus § 49.3., ci-dessous § 51 et, de manière plus générale, Chambon 2008). 50.3. Valadou < lo Balador possède d’assez nombreux congénères en domaine occitan. Dans les cas suivants, la topographie est suggestive. À Montrodat, Valadou (853 m) est située sur un étroit replat sur les pentes du Pied d’Escure (1079 m), qui dominent la vallée de la Colagne, au nord-est de Marvejols (IGN 1:25 000, 2638 O). À Loubaresse (Cantal), le village de Valadour occupe une position similaire, sur un petit replat (821 m) dominant la vallée encaissée de la Truyère et dominé par les élévations aux pentes plus douces qui portent les localités de Charmensac et de la Bessaire (IGN 1:25 000, 2536 E). Amé (1897, 26) nomme cette localité le Baladour et fournit deux les formes anciennes suivantes : mfr. le Baladou 1599, frm. Valadour 1779-1780 (Cassini, feuille 54) ; on peut ajouter frm. Le Valadour 1824, 1855 et 1861 (Déribier, du Châtelet 1824, 73 ; 18521861, 3, 90 et 5, 48). Comme à Montrodat, le toponyme a perdu (récemment) son article et, au 17e ou au 18e siècle, sa forme française a été hypercorrigée en [v‑] (V‑), les parlers occitans du « S. de l’arrondissement de Saint-Flour » connaissant le bétacisme (Ronjat 1930-1941, 2, 6). Dans le même département du Cantal, le Baladour désigne un village de Sainte-Anastasie situé à l’extrémité nord d’un replat (altitude voisine de 1050 m) dominant la vallée de l’Allanche et celle du ruisseau du Lac, et dominé lui-même par des hauteurs culminant à 1158 et 1167 m (IGN 1:25 000, 2535 O). Les formes anciennes sont aocc. (en contexte latin) Balador 1354, mfr. le Baladour 1561, frm. lou Balladour 1615, le Baladoux 1635, le Balladou 1690 (Amé 1897, 26). Nous sommes ici en dehors de la zone bétaciste, de même qu’avec les deux exemplaires suivants. Dans le Puy-de-Dôme, le nom de terroir le Baladou (commune de Vernines, au nord du village de Neuville) s’applique à un vaste espace plat, bien délimité à l’ouest et à l’est par des escarpements (IGN 1:25 000, 2532 O).

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Dans le même département, le Puy de Baladou (hauteur de 1455 m, commune de Saulzet-le-Froid) se caractérise par son sommet aplati ; cette hauteur est aussi nommée puy Plat ou l’a été (Guides Joanne 1905, 46). 50.4. Ces noms de lieux du Massif Central occitan doivent être rapprochés d’it. ballatoio s. m. “balcone che gira intorno ad un edificio” (depuis 1363), lig. balaú “pianerottolo”, lomb. baladu(r) “id.”, frioul. baladóur “pianerottolo esterno al primo piano” etc. (REW 1023a ; LEI 5, 926-931 ; DELI 171), et doivent être rattachés comme eux à lat. bellatōriu “palier”, avec influence secondaire de ballāre, influence visiblement ancienne (cf. déjà mlt. ballatorium “balcone” en 982, LEI 5, 927 n. 2). On est ainsi amené à supposer un aocc. *balador (s. m.) ayant pu s’appliquer par analogie à des zones planes, en particulier à des replats ou des sommets plats 39. Valadou et les autres noms de localités congénères sont des noms de terroirs secondairement promus en noms d’habitats (manse médiéval, dans le cas de Valadou).

51. Vayrac (Grèzes) Vayrac, nom d’un village de Grèzes (IGN 1:25 000, 2638 O), frm. Veyrac ca 1762-1768 (Bardet 1982, 60), 1779-1780 (Cassini, feuille 55) et 1852 (Bouret 1852, 336), Beyrac et Veyrac chez Dufort (1965, 30, 41), Veyrac chez Camproux 39

Voici les explications rencontrées dans la littérature à propos de ce type. DNLF (47), au sujet de Baladou (chef-lieu de commune, Lot) et de [le] Baladour (SainteAnastasie, Cantal) : « prob. lat. *ballatorium, endroit où l’on danse, c.-à-d. vaste espace plat ». – DNRM (113), à propos de Puy de Baladou (Puy-de-Dôme) et Balaour (Saint-Martin-de-Vésubie, Alpes-Maritimes), mlt. Ballatorio 1287 : « prov. baladou, “où l’on danse”, est exclu ; prob. anc. dér. de *bal‑, escarpement, tombé dans l’attraction de anc. prov. balar, danser ». Billy (1989, 182) récuse à juste titre cette solution pré-indo-européenne spéculative et invoque le « sens lorrain de “fouler, piétiner” (FEW, I, 218a) » pris par certaines issues de ball āre, ce qui reste peu satisfaisant du point de vue géolinguistique. – Billy fait état de huit noms de lieux (au moins) de « même formation », assortis de quatre représentants du « dérivé fém. », mais, hélas, sans aucune référence ni aucune localisation, ce qui rend ce matériel inutilisable. – TGF (§ 26843), à propos de [le] Baladour (Sainte-Anastasie, Cantal) : aocc. valadar “munir de fossés” + suff. ‑ador (= “qui munit de fossés, qui se munit de fossés”), explication qu’on tiendra pour invraisemblable aux plans phonétique, morphologique et sémantique. – Villoutreix (1992, 25), à propos de le Baladour (commune de Naves et commune d’Espartignac, tous les deux Corrèze), aocc. lo Balador 1112 (Naves) : « Dérivé, avec le suffixe ‑ador (du latin ‑atorium), du verbe aoc. balar, danser : espace dégagé et plat où l’on pourrait danser à l’aise ». – Le même type pourrait avoir vécu aussi en Gaule du nord : dans la Vita Remigii (apr. 877), Balatorium désigne une possession de saint Remi située dans le Porcien (Rouche 1983, 50 n. 24 ; l’identification avec Balhan, Ardennes, ne peut convenir). Voir encore OnCat (6, 295b).

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1969, 168 (donnée tirée des cadastres anciens, confectionnés à l’époque de la Restauration), apparaît ca 1118 dans le nom de personne mlt./aocc. Petrus de Beirac (Belmon 1994, 70, 77). On a donc affaire à un dérivé en -ācu sur le gentilice latin Berius (Schulze 1991, 402 n. 2, 425). Les formes françaises en V‑ sont issues d’une fausse régression hypercorrective réagissant au bétacisme ayant affecté le parler dialectal (Camproux 1962, 1, 216 et 191 ; Camproux s. d., carte 189) ; cf. ci-dessus § 49.3. et 50.2. Il convient de rectifier l’étymologie avancée par Camproux (1969, 168), qui faisait appel à Verius. On a évidemment affaire à une désignation intrinsèque d’habitat (villa). Université de Paris-Sorbonne



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Cf. E. Reiner, Die etymologischen Dubletten des Französischen. Eine Einführung in die historische Wortlehre, Wien, Braumüller, 1980, 276.

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COMPTES RENDUS

point importants, négligés ou passés sous silence dans des études traitant peu ou prou du suffixe : – le sens collectif de -aison, développé dans le passage à la dérivation nominale, qu’aucune étude ne mentionne, même les monographies consacrées spécifiquement au collectif 7 ; – l’importance des groupes ou niches sémantiques, et plus encore de toits de niches (Nischenüberdachungen) – pour reprendre la terminologie de K. Baldinger 8, où plusieurs suffixes peuvent se trouver en concurrence en exploitant leurs sèmes marginaux. Dans la niche sémantique des symptômes corporels, dont les mots leaders seraient eschaufaison et pâmoison, entrent ainsi en concurrence sous la même toiture -ure, -ment, -ole et -ine, ce dernier particulièrement pour les maladies des animaux. Intéressante est la proposition de P. B. sur l’entrelacement du suffixe -age, hautement productif de l’afr. au fm., et du suffixe -aison dans la niche sémantique « taxes et impôts » (cf. devestison), complétant l’étude classique de S. Fleichman 9 : la rencontre entre ces deux suffixes dans ce domaine a pu favoriser le glissement sémantique de -age, désignant non plus seulement des taxes (impôt sur une pratique, comme dans aveinage), mais des abstraits verbaux (dorage). C’est en tout cas dans des niches sémantiques spécifiques, comme la vie rurale et l’agriculture, dans des emplois techniques donc, que le suffixe -aison a pu maintenir sa productivité, que le dernier chapitre retrace en traitant de l’emploi des dérivés du type -io selon les genres de textes, enquête reposant toujours sur les corpora et des monographies consacrées à des auteurs ou à des genres particuliers, et non sur un dépouillement systématique des œuvres. Il en ressort que le suffixe -aison apparaît en français depuis les temps les plus anciens, dans les textes littéraires tant profanes que religieux (Alexis, Roland, Psautiers d’Oxford et de Cambridge). Le suffixe a sa place aussi bien dans la littérature religieuse traduite que dans les chroniques rimées (Wace, Benoît), tout en étant cependant, dès l’origine, dans l’ombre de -ment. Parmi les auteurs médiévaux de l’afr., Wace et Benoît sont ceux qui en ont fait le plus large emploi (à côté de -ment, -ance et de formations savantes) et Chrétien de Troyes dans une moindre mesure, en revanche. P. B. en tire la conclusion que la confrontation avec les modèles latins (littérature religieuse et chronique) ne conduit pas seulement à l’intégration de formations savantes, mais donne aussi l’impulsion à l’emploi étendu d’abstraits formés avec les moyens de la langue vernaculaire. Avec l’emploi du français comme langue des chartes vers le milieu du 13e siècle, le suffixe -aison accède aussi au domaine non-littéraire, où se produisent des échanges de dérivations correspondant au latin, et ce dans les deux sens. Avec le début de la période du fm. ne reste au suffixe pratiquement que le domaine non-littéraire sous la forme de langages techniques (agriculture, métier), dans lesquels, encore au 20 e siècle, des forma7



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K. Baldinger, Kollektivsuffixe und Kollektivbegriff. Ein Beitrag zur Bedeutungslehre des Französischen mit Berücksichtigung der Mundarten, Berlin, Akademie-Verlag, 1950 ; et plus récemment S. Aliquot-Suengas, Référence collective / Sens collectif. La notion de collectif à travers les noms suffixés du lexique français, Thèse, Lille, 1996. Op. cit. 1950, 241sqq. et 279. Cultural and Linguistic factors in Word Formation. An Integrated Approach to the Development of the Suffix -AGE, Berkeley, Los Angeles, 1977.

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FRANÇAIS

tions nouvelles sont actives. Dans la lignée des courants littéraires du 19e siècle, -aison vit une modeste renaissance littéraire dans l’idiolecte de certains écrivains (Goncourt, Verlaine, Péguy), comme on peut le relever dans Frantext. Ces types de formations ne se trouvent cependant presque exclusivement que dans les grands dictionnaires. Au total, cette riche monographie est l’œuvre d’un romaniste confirmé : travail de haute tenue scientifique tant par les matériaux engrangés que par ses perspectives méthodiquement élaborées revisitant de manière critique des apports antérieurs, il inscrit l’évolution du suffixe -aison dans une perspective diachronique large recouvrant tous ses aspects. À bien des égards, il peut servir de modèle aux futurs travaux portant sur la diachronie de la morphologie dérivationnelle, au moins pour le français. Claude BURIDANT

Alain CORBELLARI / Yan GREUB / Marion UHLIG (ed.), Philologia ancilla litteraturae. Mélanges de philologie et de littérature françaises du Moyen Âge offerts au Professeur Gilles Eckard par ses collègues et anciens élèves, Genève (Université de Neuchâtel/Librairie Droz), 2013, 308 pages. « Le titre de ces mélanges, philologia ancilla litteraturae, reprend une expression chère à Jean Rychner et fait lui-même écho à une autre formule du maître neuchâtelois : linguistica ancilla philologiae. Dans l’esprit de Rychner, prolongé par le récipiendaire de ces mélanges, la linguistique (c’est-à-dire l’apprentissage des langues de la France médiévale) devait servir la philologie (entendue spécialement comme l’art d’éditer les anciens textes), qui devait à son tour se mettre au service de la littérature. Telle était la cohérence d’une démarche globale destinée à favoriser l’intelligence des textes littéraires » [6]. Cette sorte de préambule, mise en exergue devant un « Hommage à Gilles Eckard » [7-10] par les éditeurs et devant la bibliographie du destinataire du volume [1113], esquisse bien le cadre dans lequel les contributeurs veulent se situer. Les prédilections personnelles des auteurs assurent cependant une diversité qui satisfera maint goût. Luca Barbieri, « De Grèce à Troie et retour. Les chemins opposés d’Hélène et Briséida dans le Roman de Troie » [15-44], veut « analyser le canal de communication qui s’instaure entre les figures littéraires d’Hélène et de Briséida dans le Roman de Troie, et le flux d’informations et de caractéristiques distinctives qui se transmet de l’une à l’autre » [19]. Il montre de façon convaincante comment les différences entre les deux femmes se manifestent déjà dans la description physionomique et que « aller vers la Grèce [Briséida] signifie déraper vers l’hypocrisie et la traîtrise, arriver à Troie [Hélène] signifie entrer dans la vérité et avoir accès à la vraie courtoisie » [41]. Jean-Pierre Chambon, « Ancien occitan Bedos (Flamenca, vers 7229) » [45-59] considère le mot avec Louis Moutier comme « sobriquet que les Dauphinois donnent aux gens du Vivarais » [49], tout en enrichissant le dossier de nouveaux matériaux. Olivier Collet, « Les ‘ateliers de copistes’ aux XIIIe et XIVe siècles : errances philologiques autour du Chevalier qui faisait parler les cons » [61-72] compare deux manuscrits (Paris, BN fr.1593 [fin 13e s.] et Berlin, Staatsbibl. Hamilton 257 [ca. 1300]), connus pour

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le nombre considérable de fabliaux qu’ils contiennent, qui proviennent d’un même atelier et qui remontent très probablement à un même original. Il recommande une lecture attentive pour pouvoir obtenir des résultats probants. Alain Corbellari, « ‘Hé! las, com j’ai esté plains de grant nonsavoir’ : les aventures d’un mot, de Georges Bataille à Rutebeuf » [73-87], s’est inspiré du titre d’un colloque (« Figures du non-savoir dans la littérature française moderne ») et s’arrête sur quelques attestations de nonsavoir en ancien français, notamment sur celle du Miracle de Théophile de Rutebeuf [ca. 1261, RutebTheoph], citée dans le titre. Conclusion : « Si le protagoniste est bien une allégorie du clerc aristotélicien, qui imagine avoir enfin atteint le savoir absolu, alors les expressions plein de grand nonsavoir et lieu dont on ne peut se ravoir s’éclairent : Rutebeuf désigne ici le néant d’une science orgueilleuse qui donne à ceux qui la professent l’illusion d’avoir créé dans le monde même un ‘lieu’, une ‘posture’ dirait-on peut-être aujourd’hui, permettant d’embrasser un ensemble théorique parfait dont les choses divines ne figureraient plus que l’un des éléments » [83]. Yasmina Foehr-Janssens, « Amour, amitié et druerie : grammaire des affinités électives dans le récit médiéval » [89-106], montre avec des citations probantes de « constants changements de registre » [95] dans l’emploi des mots cités dans le titre ainsi que des mots apparentés comme amie, ami, drue, dru, mais aussi compain, compagnon et compaignie. Ces mots ne se trouvent pas seulement dans des contextes où il est question d’amour hétérosexuel, mais aussi en « contexte politique » [96], dans des « relations de fraternité ou d’alliance lignagère » [95] et de « gémellité spirituelle » [ib.]. Cela vaut également pour « la grammaire des gestes de l’amour et de l’amitié » [98]. Mohan Halgrain, « ‘Oëz, seignurs, ke dit Marie’ : autour de quelques indices de ‘l’affaire Marie de France’ qui en leur temps furent oubliés » [107-126] choisit un titre programmatique pour ses propos : l’auteur, qui est en train d’achever une nouvelle édition des Fables de Marie [110], met en doute l’existence de cette dernière et se demande, fort d’une série d’observations pertinentes, si les œuvres qu’on lui attribue sont vraiment de la plume d’un(e) seul(e) auteur. Bel exemple pour montrer la transmission peu critique de certains acquis dans la philologie, bien que Halgrain reste prudent dans la valorisations de ses analyses. Andres Kristol, « Stratégies discursives dans le dialogue médiéval. ‘He, mon seignur, pour Dieu, ne vous displaise, je suy tout prest yci a vostre comandement.’ (ms. Paris, BnF, nouv. Acq. Lat. 699, f. 123r) » [127-147] a « cherché à savoir dans quelle mesure les Manières de langage [dont il a donné une édition magistrale en 1995, T. S.] reflétaient d’éventuelles particularités dans les pratiques sociales de leur époque à travers les stratégies discursives que les auteurs prêtent à leurs protagonistes et qu’ils enseignent à leurs élèves » [132]. Aussi prometteuse que soit cette démarche, il doit – et peut – conclure dans le cadre de cette contribution qu’il « faudra sans doute poursuivre ce genre d’études dans le sens d’une lecture renouvelée des scènes dialoguées que nous rencontrons par exemple dans la littérature médiévale et classique. Même si nous restons toujours dans le domaine de l’oralité imitée, notre connaissance des comportements discursifs s’en trouvera certainement enrichie » [144]. À quoi il n’y a rien à ajouter. Zygmunt Marzys, « Personne : du nom au pronom » [149-180] décrit ce développement du 12e au 17e siècle en s’appuyant sur une multitude d’attestations – aussi pour ne … personne – tout en les comparant avec les emplois de nul, creature, ame et homme à travers les siècles. Cette analyse, menée avec beaucoup de rigueur, lui permet de constater

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que « l’évolution qui a conduit à l’émergence de personne comme équivalent de NEMO, puis à sa constitution comme pronom et à sa séparation de personne nom, a duré quatre cents ans, de la fin du XIIIe à la fin du XVIIe s., et n’a été acceptée qu’avec retard par les grammairiens et les lexicographes » [176]. Philippe Ménard, « La philologie au secours de la littérature : le sens d’un vers de Villon » [181-193] revient sur le sens du refrain fameux Mais où sont les neiges d’antan ? de la Ballade des Dames du temps jadis. À la fin de son examen où est mis l’accent sur le sens de “autrefois” pour antan, l’auteur nous offre une conclusion bien poétique : « Le poète insère dans son texte la belle image des neiges disparues, condensé de toute la poésie immanente de la nature et de la mélancolie du temps qui passe. Tapis immaculé et éphémère comme l’éclatante blancheur des corps féminins. [...] L’éloignement des dames dans un passé qui estompe les contours rend leurs figures floues et incertaines. La poésie, c’est l’art de suggérer, de créer des formes indistinctes et vaporeuses qui permettent à la rêverie de naître. La philologie, qui voit dans antan un renvoi à un passé lointain et indéfini, donne un nouvel élan au rêve. Elle vient au secours de la poésie » [191]. Pierre Nobel, « L’Exode de la Bible d’Acre transcrit dans un manuscrit de l’Histoire ancienne jusqu’à César » [195-208], nous renseigne de façon bien plus prosaïque sur l’origine géographique du manuscrit BN fr.9682 (2eq. 14es.), l’un des 68 manuscrits de HistAnc mais le seul à contenir l’Exode (chap. 1-32,31) de la Bible d’Acre. L’étude linguistique montre qu’aucun des deux manuscrits connus de celle-ci n’a été le modèle utilisé par le scribe du manuscrit en question qui vient « sans doute de la Champagne ou de la Lorraine » [206]. Gilles Roques, « Afr. mfr. pautoniere, bourguignon et comtois pautnére, comtois pantenire » [209-222] fait, avec la pertinence qu’on lui connaît, le point sur la discussion sémantique et étymologique de ces mots et de leurs congénères. « L’afr. mfr. pautoniere “bourse” s’est maintenu sous la forme pautenére dans les domaines bourguignon et comtois. Mais devenu mot orphelin, il a été attiré dans l’orbite sémantique de panetière, tout en gardant sa forme originelle [...], il a été rapproché sémantiquement de pate “chiffon”, d’où la forme patenière, ou de pan “partie tombante d’un vêtement ; pan de chemise ; giron”, et sa forme s’en est trouvée altérée en pantenire, permettant alors aux étymologistes d’envisager un rapport avec pantière “filet de chasseur”. Tous les éléments épars dans le FEW (7, 547a ; 7, 559b ; 21, 523a) devront être réunis dans le FEW 16, 616a [sous *palta] » [217-218]. En appendice, Roques publie des extraits de lettres de Gaston Paris et de Wendelin Foerster de l’année 1876, adressées à Auguste Vautherin, futur auteur du Glossaire du parler de Châtenois. Sophie Schaller Wu, « Noire merveille : corneilles et corbeaux nécrophages. D’encre et de plumes » [223-235] part du constat que « la tradition qui nous conserva le Conte du Graal piège le philologue dans l’univers aventureux d’une inextricable merveille » [224]. Pour démontrer ceci, elle choisit le passage où est racontée la mort des frères aînés de Perceval (PercB 468-483). Pierre Schüpbach, « L’expression du souvenir dans les lais de Marie de France » [237251] distingue d’abord différentes manifestations du souvenir voire de la mémoire, ce qui lui permet d’« établir une hiérarchie des lais selon un mouvement qui va de la mémoire involontaire [Guigemar, Eliduc, Fresne] à la mémoire volontaire [Chaitivel, Chievrefoil] » [249].

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Richard Trachsler, « Conrad von Orell, lecteur de fabliaux (1830) » [253-263] nous présente cet érudit suisse pratiquement inconnu (1788-1854) ainsi que son œuvre, une grammaire de l’ancien français, qu’il publia en 1830, donc six ans avant la parution du premier volume de la grammaire de Diez. En 1848, une seconde édition vit le jour, « mit vielen Conjecturen und Berichtigungen » [253]. Marion Uhlig, « Le texte pour tout voyage : la construction de l’altérité dans le Livre de Jean de Mandeville » [265-286] prend comme point de départ l’entretien de Jean avec le Sultan de Babylone où ce dernier fait des reproches aux prêtres chrétiens : Ils deussent estre simples et humbles et veritables et almoigners si come fust Jhesu en qy ils croient. Mes ils sont tout a revers et tout enclins a malfaire [269, 13-159] etc. Avec cela il reprend « en substance [les reproches] que Mandeville lui-même énumérait dans le prologue » [272]. Les deux hommes forment ainsi une « communauté morale et linguistique » [273] puisque pour Jean, tout comme pour le Sultan, le français est une langue étrangère ; nous avons donc affaire à des « locuteurs francophiles, mais exogènes » [282]. Dans le passage analysé, le « ‘sens du relatif’ naît [...] d’une expérience d’écriture dont la modernité ne tient pas au rejet de l’héritage littéraire, mais à la construction textuelle d’un rapport à l’altérité. Et les moyens d’en rendre compte, par l’analyse philologique et littéraire du texte, puisent à cet art de lire que Gilles Eckard détient et transmet » [283]. Belle contribution. François Zufferey, « Quand Chantecler s’en allait faire poudrette » [287-305] propose, dans l’article peut-être le plus innovateur de ce volume, un texte critique de la scène du Roman de Renart dans laquelle Chantecler, le coq, apparaît pour la première fois (correspond à RenM II 80-88). Avec une compréhension profonde, il pèse la valeur des variantes offertes par les différents manuscrits, cherche à comprendre ce qui peut se passer dans la scène en question et parvient ainsi à un « premier apport de la bonne vieille philologie à l’interprétation littéraire d’un passage qui peine encore à se présenter sous sa vraie lumière » [293]. Grâce à une analyse des traits dialectaux, il arrive à « localiser en Normandie (et non dans la banlieue parisienne) le Saint-Cloud dont était originaire le Pierre [...] auquel est attribué le tronc primitif de Renart » [299]. Avec ses observations et conclusions, il montre « tout le profit littéraire que l’on peut tirer d’une pratique philologique rigoureuse, non seulement pour l’intelligence de quelques vers, mais aussi pour la genèse d’une œuvre tout entière » [303]. La table des matières [307-308] clôt ces Mélanges qui auront sans doute dû faire plaisir au maître Eckard. Thomas STÄDTLER

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Matthieu MARCHAL (ed.), Histoire de Gérard de Nevers, mise en prose du Roman de la Violette de Gerbert de Montreuil, Lille, P. U. Septentrion (Textes et perspectives, Bibliothèque des seigneurs du Nord), 2013, 422 pages. Les mises en prose ont le vent en poupe. Celle-ci n’est pas inédite, car elle avait été publiée (sigle du DMF : Gérard de Nevers L., ca 1451-1464) à la même époque que le Roman en vers (1928). Mais la précédente édition, quoique solide, était bien rudimentaire, visant surtout à situer l’œuvre par rapport au Roman. Matthieu Marchal (= MM) a repris le travail, sous la forme d’une belle thèse, qui met en lumière une œuvre dont un des deux manuscrits, le meilleur, est sorti de l’atelier de Jean de Wavrin, comme en sont sortis des manuscrits des œuvres précédemment éditées dans la même collection : Le Livre des amours du chastellain de Coucy et de la dame de Fayel (v. ici 58, 1994, 592 sq.) L’Istoire de tres vaillans princez monseigneur Jehan d’Avennes (v. ici 62, 1998, 569 sq.) Messire Gilles de Chin natif de Tournesis (v. ici 76, 2012, 562-68) La mise en avant du héros du Roman en vers, Gérard de Nevers, dans le titre même de la Prose est due au fait que celle-ci est dédiée au comte Charles 1er de Nevers, mort en 1464, ce qui constitue le seul élément pour en fixer le terminus ante quem, tandis que l’évocation du décès récent d’un comte de Savoie, ami de Gérard, a fait penser à une allusion à Amédée VIII, mort en 1451. La description des deux mss [21-29] est impeccable. L’étude littéraire de la mise en prose [35-58] est rigoureusement menée. L’étude linguistique [65-94] dresse un riche inventaire de faits. Quelques remarques ponctuelles néanmoins, d’abord sur les graphies : 65, il n’est pas sûr qu’il faille s’arrêter sur le c de descendus [65], qui est tout à fait normal (dès le 12e siècle) 66, de même pour le s de tesmoingnage, souspir, amistié, boscages, aisné 67, le h de sohaida (souhaiter) n’a pas une valeur diacritique mais représente un h germanique (de l’étymon *haitan) 68, le cas d’assay (pour essai) et d’assayer (pour essayer) n’est sans doute pas une question de graphie, comme l’ont bien vu Flutre MPic 385 § 4 et le DMF (s.v. assai et assayer) ; il s’agit d’une substitution de préfixe régionale (picardo-wallonne), comme la forme ensai(er), attestée ailleurs (Gdf 3, 223c-227a ; FEW 3, 246b ; DMF), qui présente la même caractéristique régionale 71, les graphies fain pour faim, appers (pour apperz), dens (pour denz), dars (pour darz) sont les graphies les plus habituelles en mfr. ; on n’imagine pas une forme introdu(i) en face d’introdu(i)t 1, mais la forme introdut pour introduit méritait bien d’être signalée (autre exemple : Alchinus qui astoit I grant clers et avoit esteit maistre le roy Charle et luy introdut en arte des VII ars JPreisMyrB 3, 317) 71, brüye de bruïr n’a rien à voir avec les verbes en -ier 1



Le fait est répété plus loin (80).

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72, chaingle (< cingula, traitement de e fermé suivi de nasale Gossen § 19) n’a rien à voir avec mengier qui d’ailleurs n’est pas particulièrement picard, cf. Gossen § 15 n. 22 72, la réduction de vieille à ville est opportunément relevée, mais la note [121] indiquant qu’elle est « bien attestée dans le Nord » paraît un peu trop rapide 72, les formes buvra(i)ge ou bruva(i)ge sont beaucoup plus usuelles en mfr. que brevage, breuvage ou beuvrage et n’ont aucun caractère dialectal 72, matere pour matiere se trouve un peu partout en mfr., ainsi, ds DMFDoc, on le lit – hors du domaine septentrional et de l’Angleterre, où il est usuel – dans : – Pierre Bersuire, Les Décades de Titus Livius I,1, ca 1354-1359, 1 – Nicole Oresme, Le Livre du ciel et du monde, ca 1377, 44 etc. – Reg. crim. Chât., II, 1389-1392, 302 – Les .XV. joies de mariage, ca 1390-1410, 57 – Jacques Legrand, Archiloge Sophie, ca 1400, 253 – Christine de Pizan, Le Livre de l’advision Cristine, 1405, 66 – Chiquart, Cuis. S., 1420, 157 – Alain Chartier, Le Livre de l’Espérance, ca 1429-1430, 170 – Antoine de La Sale, La Salade, ca 1442-1444, 14 – Pierre Crapillet, Cur Deus homo ; De arrha animae, ca 1450-1460, 215 73, reproce est un cas tout à fait différent d’anchien/ancien, puisque le résultat picard est identique au résultat français, vu que la graphie picarde reproce masque une prononciation reproche 73, les trois mots où s devient r ont des statuts très différents : varlet est la forme normale en mfr. et n’a aucun caractère régional ; merler est beaucoup moins fréquent que mesler et il est difficile aussi de lui trouver un caractère régional ; derver est un peu plus fréquent que desver et l’on pourrait admettre qu’il a une légère teinte régionale, mais qui dépasse le seul domaine picard 78, remenray est de remener, il n’y donc pas d’absence d’épenthèse 80, esclarchye n’est pas à ranger dans les p.p. fém. en -ie pour -iée, puisqu’il se rattache à esclarchir, comme l’indique bien le glossaire 81, ne se porrent assés avoir esbahy ne contient pas une forme surcomposée. Venons-en maintenant au texte. Il est parfaitement édité. MM aurait pu parfois tirer parti des éditions du 16 e siècle (respectivement de 1520 et de 1526). Elles sont apparentées au ms. B, qui sert de base à la présente édition, c’est-à-dire que si elles s’accordent avec P leur texte est à prendre en considération. C’est justement le cas en XLII, 9 : B donne : « Le jayant…fery de sa machue en cuidant assener Gerart, mais il failly parce qu’il s’approcha a ung perron que la estoit, en tel maniere qu’il cheÿ adens par terre. » S’approcher a surprend doublement. Au plan de la construction, le DMF n’a pas d’exemple de s’approcher a qch. et je n’en ai pas non plus. Au plan du sens on ne comprend pas que le seul fait de s’approcher d’un bloc de pierre puisse causer une chute. P donne : « …mais il faillist parce qu’il rencontra une pierre a quoy il choppa et cheust a terre. » On voit que son texte est plus explicite avec un emploi notable (à enregistrer au glossaire) de rencontrer qch. “entrer en contact avec qch.” (un seul exemple ds le DMF : fortune voult que le baron de Tresto rencontra la dague de la haiche gisant a terre, tellement que la pointe lui entra bien avant ou pié, J.S. La Sale, 1456, 186).

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Les éditions de 1520/26 portent : « …mais il faillit parce qu’il s’achoppa a ung perron qui la estoit, en tel maniere qu’il chut adens par terre. » Ainsi, le texte des éditions est proche de B, mais il s’accorde avec P pour employer un verbe de la même famille ; les deux étant plus rares mais mieux en accord avec le contexte. On peut supposer que s’approcha de B est un lapsus pour s’achoppa conservé par les éditions du 16 e siècle. Cet emploi de s’achopper a qch. mérite bien le glossaire, car il est assez mal représenté dans les dictionnaires 2. Le glossaire [317-386] est large et solide ; il comporte un supplément [387 sq.] consacré aux var. de P. Quelques remarques 3 : abaissier (soy -) “faire une révérence” ne manque pas de pittoresque. Gérard arrive auprès d’une fontaine où se baigne nue, et en l’eawe jusques au col, une ravissante créature, qui, voyant Gérard, prist couleur a muer, sy s’abaissa et fu ung pou honteuse. On peut penser que la révérence dans cette situation n’est peut-être pas très facile à exécuter. Le DMF dit, à propos du même passage, “s’incliner (ou incliner le visage)” ; on imagine bien que “s’incliner” du dictionnaire a amené “faire une révérence” du glossaire, mais toutes ces pseudo-définitions ne sont que des traductions imparfaites. Abaissier signifie “mettre plus bas ; descendre à un plus bas niveau”, et ici la jeune fille se fait petite, se recroqueville, ce qu’exprime très bien s’abaisse, sans qu’il soit besoin de forger des inclinations de je ne sais quelle partie du corps assolagyer et assouagier, ici réunis, sont deux verbes différents. Certes les trois attestations reprennent des as(s)ouagier du Roman. Un premier examen, voulant faire écho au desideratum exprimé ds RLiR 58, 272, m’a amené à penser qu’assoulagier est une forme secondaire qui pallie l’effacement d’assouagier au cours du 15e s. et qui lui survivra quelque peu au 16 e siècle. Ainsi les éditions de 1520 et 1526 portent assoulag(i)er en XIX, 9 et XX, 2 en face des assouagier de B ajouter gorge “bouche” XXXII, 5 (La belle Euryant…haulcha le piet destre sy en fery le chevalier par la bouche ung cop sy grant que quatre de ses dens luy rompy en la gorge), exemple que le DMF a bien relevé mais a, fort imprudemment, qualifié de « Région. (Lyonnais, Suisse romande) », étiquette qui ne s’applique pas à plusieurs des textes cités dans le même paragraphe et en particulier à Colart Mans., Dial. créat. R., 1482, 260 grey, ne savoir grey a estrier “sans utiliser d’étrier” est bien commenté en note 4. On ajou2



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Gdf 1, 57a n’en a qu’un exemple de 1383 ; et le DMF un autre : barres, empeschemens ou che a quoi nous abuchons, achopons (Le Ver, Dict. M.E., ca 1420-1440, 341) et aussi un exemple tout proche mais avec une autre préposition : Mais encontre .I. peron se va sy achopant Que l’orteil li fendi (Flor. Octav. L., t.2, ca 1400, 936). Les fautes matérielles sont très rares : citons eschaussier où s’est introduite une référence fausse : XXVI, 9 pour XIV, 1 ; de même recort : LI, 16 pour VII, 6. Le DEAF (G1286, 20), qui atteste le tour de 3e t.12e à fin 13es., ajoute deux attestation aux quatre du TL. On peut leur adjoindre, qui confirment la fourchette chronologique et l’appartenance au style épique : Li rois saut es arçons, qu’a estrier n’en sot gré (JerusT 7359) Li rois saut en la sele, qu’a estrief n’en sot gré (JerusH 6996) Gautiers monta, a estrier n’en sot gré (MortAymC 101, aussi 1086) Malaquin i monta, c’a estrier n’en sot gré (SiègeBarbP 2408)

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tera que l’expression vient se greffer sur la var. de D estrier n’y prent, les autres mss ayant un plat ki plus n’atent ViolB 2590. Particulièrement remarquable est le fait que l’expression il monta sur la selle sans ce que a estrier en seuist grey se retrouve (comme l’indique MM) dans deux autres textes contemporains, et seulement ces deux-là, dont nous avons souligné les ressemblances avec Gérard de Nevers : monta sus sans ce que a estrier en seuist grey Hist. seign. Gavre S., ca 1456, 10/1 ; sy monta sus que oncques a estrier n’en sot grey Hist. seign. Gavre S., ca 1456, 49/37, sy monta sus que oncques a estrier n’en sceult grey Gilles de Chin, éd. Liétard-Rouzé, ca 1460, 180/1214 jambes, le seul groupe à enregistrer c’est jambes levees “les quatre fers en l’air”, qui étofferait bien la section bien maigrelette du DMF 5 ; cependant l’expression vient ici du



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Boefs mounte sus, ki estru ne sout gre (BueveAgnS 546) Et il saut sus, gré n’en sot a l’estrier (Bueve1S 5698) Et il i monte, c’a estrier n’en sot gré (Bueve3S 5429) Et il i monte, c’a l’astrier n’en sot gré (HervisH 6164, aussi 9432) Et sailli en la selle, qu’a estrier n’en sot gré (FlorenceW 2514) Et Renaut i monta, qu’a estrief n’en sot gré (VivMonbranCE 432) Renier y monte qu’a estrier n’en sot gré (EnfRenD 3517) Gilles saut sus de son estal, Onques a estrier n’en sot gré (GilChinP195) L’enfes i monte, c’a estrier n’en sot gré (HuonR 6519, aussi 8026, 8075) Et il est sus saillis, qu’a estrier n’en sot gré (GarMonglMe 4339). C’est une variante du tour, un peu plus ancien et un peu plus usuel, ne baillier estrier, ainsi décrit dans le FEW (‹ http://stella.atilf.fr/few/bajulare.pdf ›) : Afr. ne baillier estrier loc.verb. “ne pas utiliser l’étrier pour monter à cheval, sauter sur le dos de son cheval” (2e t. 12e s. — 1er t. 13e s., CourLouis vv. 410, 868 = TL ; TL ; ContPerc ; Bueve 1 v. 975 ; Bueve 2 v. 11988 ; Florence v. 1122). Il s’agit de façons d’exprimer un motif bien connu, sur lequel on peut voir O. Springer, « The ‹ Âne Stegreif › Motif in Medieval Literature », Germanic Review 25 (1950), 165-77. Le DEAF J 92-93 est assez riche pour l’ancien français. Voici pour le mfr., en me limitant seulement à (a/les) jambe(s) levee(s) : La jouste s’enforsa encontre l’avesprée ; La ot maint chevalier versé jambe levée, Et tué maint cheval (Brun de la Mont. M., ca 1350-1400, 76) fiert…tel cop qu’il l’abaty jambes levees (Ysaÿe Triste G., p.1400, 190/295) et de ce cop il le boutta par terre, gambes levees (Wauquelin, Faits conq. Alexandre Hé., a.1440, 210/22) du cop il le porta par dessoubz les archons de la selle et la crupe du ronssin, gambes levees contre terre (Wauquelin, Faits conq. Alexandre Hé., a.1440, 560/43, var. du même passage ains l’attaint Danchus si durement en son escu d’un espieu fort et roide qu’il le rua par terre les jambes levees, ds Modern Language Notes 1941, 412) non pourtant pour le cop qui si pesant fu convint le souldan voulsist ou non jambes levees tout estourdy tomber en la nef (Gil. Tras. W., ca 1450, 15a) quant il vist ainssi confondre et revercier ses hommes es fossés, jambes levees contre amont (Guill. Orange T.H.G., p.1450, 160/6) sy aireement le fery que mort le porta jambes levees emmy le champ (Guill. Orange T.H.G., p.1450, 698/6) lui vient lance baissee si aireement que mort le gecte des arçons, jambes levees tout en ainsnes (Guill. Orange T.H.G., p.1450, 762/6)

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Roman (ViolB 2616 : Jambes levees le trebuche et ViolB 2713, où l’expression n’est pas dans A mais dans les var. de B : Chambes levees dou cheval et de CD : Jambes levees contre val) nouvelles, dire de ses nouvelles signifie plutôt “défendre son point de vue” morgant “ardillon d’une ceinture ou d’une courroie, qui s’insère dans la boucle” (pour la forme, picarde et parfois haut-normande, renvoyer à la p.70), dont Gdf 5, 403b donne plusieurs exemples, manque dans le DMF, y compris sous mordant. Dans le complément du glossaire, on corrigera : quart, il faut lire : il en abatist quatre ; au quart, sa lance rompist et du tronçon… et corriger le glossaire en conséquence coupple, coupples pourrait aussi bien être de coupplet on ajoutera : estre arriere “être de retour” 15, 9var. cf. ce seul exemple dans le DMF : Et serons chi arrière dedens un mois, et vous en responderons si à point que vous en serés bien contens (Froiss., Chron. L., III, ca 1375-1400, 99) Que peut-on souhaiter de plus, si l’on est exigeant ? D’abord, si l’usage du petit manuel de Gossen est très recommandable, il serait bon de ne pas perdre de vue qu’il ne s’agit que d’un manuel et que de plus il vaut essentiellement pour le 13e siècle. Comment le dépasser maintenant ? Si la linguistique a un sens dans le domaine de la philologie, c’est dans la mesure où elle doit permettre de mieux appréhender la langue des textes. Dresser un inventaire des graphies peut être utile, mais tous ces inventaires se ressemblent. Il serait bon de mettre en lumière quelques phénomènes typiques et originaux qui jettent un éclairage nouveau sur la langue du texte. l’assena de l’espee Joieuse tellement que mort le porta jambes levees (Guill. Orange T.H.G., p.1450, 996/10) fut le Grant Ca an abatu, jambes levees contreamont par Gloriant le grant (Guill. Orange T.H.G., p.1450, 1119/4) feri…tel coup ou milieu de l’escu qu’il l’eslieve des archons et gentement le fait tomber les gambes levees en hault (Erec Brux. C.T., ca 1450-1460, 164/213r°a) aconsiewy le conte au milieu de l’escu, en tel manière que le conte vola par terre jambes levees (Gilles de Chin, éd. Liétard-Rouzé, ca 1460, 110/394) fery…par tel vertu que jambes levees le porta ens ou champ (Gilles de Chin, éd. Liétard-Rouzé, ca 1460, 167/1076) si fierement l’assena que escu ne harnoiz qu’il eust ne le sceurent garantir que mort ne l’abatit, jambes levees (Mabrien V., 1462,151) l’autre du bout de la table poulsa du debout de la hache dembas emmy le ventre qu’il le renverse jambes levees (Wavrin, Chron. H., t.3, p.1471, 53var.8) lui donna ung si grant cop qu’il l’abatit gambes levees en la présence de son frère (Anseïs de Carthage, fin 15e s., R 27 (1898), 254) et estre ataint d’une lance et abatu jambes levees (Beufves Hant. I., ca 14991503,167/16) il le rua par terre jambes levees (Mansel, Fleur hist., ds Modern Language Notes 56 (1941), 412) gardez vous de moy aprouchier, car je vous envoyeroie les gambes levees ! (Percef. III, R., t.2, ca 1450 [ca 1340], 483/774) ala tumber a jambes levees en ung flocq d’eaue (Percef. II, R., t.1, ca 1450, 467, var.C 309/8).

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COMPTES RENDUS

Voici ce qui a retenu mon attention : 72, « le préfixe latin in devient [ę] ds effans [III, 11], c’est un trait wallon ». De fait, la graphie effa- est la seule dans le texte : on la trouve encore, outre 120§ 11, en 127§ 6, 128§ 11 (bis), 134§ 10, 136§ 1, 160§ 1, 260§ 8, 263Titre, 267§ 26, 283§ 21. La dénasalisation du préfixe devant consonne est effectivement wallonne (v. RemacleDifférenciation, 94-95, avec un excellent commentaire), mais concernant enfant elle est plus largement répandue (v. FEW 4, 658b-659a). Pour les formes anciennes du domaine d’oïl, voici ce que donnent les dictionnaires : – GdfC 9, 460b (6 ex.) : effa- BestGuillH 1370 et MistR 4374 ; afa- GerbMetzS 47 (lire 478/27) ; GarLorrD 249 ; Doc. 1243 (lire 1249) et 1336 AN JJ70 (ce dernier pourrait être norm.) – TL (1 ex.) effa- RCambraiM 2681 – DMF (1 ex.) efa- (Reg. crim. Chât., II, 1389-1392, 430) – ANDi (2 ex.) : afant Pop Med 301 ; effens Lett de Rois 281 – FEW 4, 658b « afr.mfr. effant (13e- 16 e, Gdf ; TL ; FetR ; Mist ; Cohen Rég), afant (12e-14e) ». Essayons d’être plus complet, d’abord pour les attestations antérieures au 15es., qui fournissent la plus grande quantité d’attestations 6 : • effa– norm. : SEust2P 729 (mil. 13es.) ; ChastPereAL 191/299 et 184/199 et ChastPereAM 4463 (2em. 13es.) ; SGregJeanS 1754 et DialGregEvrS 19065 (2eq. 14es.) ; 1334, 1344 et 1349 ds DelisleCpt 107, 318 et 408 – Rouen : fin 13es. déb.14es. ds BSatf 32 (1906), 80§ 6 – Ouest : EstFougL 1186, 1189 (1ert. 13es.) ; RenMontDT 822, 1559, 3857 (2eq. 13es.) – Le Mans : 1391, ds C.-J. Beautemps-Beaupré, Coutumes et institutions de l’Anjou et du Maine antérieures au XVIe siècle, t.2 4, 86 – Laval : 1265, ds Bulletin philologique et historique (1889), 235-6 ; Rennes et Laval : 1309 et 1318, ds B. de Broussillon, La Maison de Laval, 1020-1605, t. 2, 139 et 149 – Couesmes : 1348, ds Archives du Cogner (J. Chappée - Le Mans) Série E : publiées avec le concours de L.-J. Denis, t.1, 133-5 – Bretagne : 1248, Morbihan ds SchwanBehrens 3, 106 ; 1342, ds Froiss., Chron. L., III, p.II n.1 ; Lettres de Rois (= J. J. Champollion-Figeac, Lettres de rois, reines et autres personnages des cours de France et d’Angleterre…tirées des archives de Londres, 1, 281, ici effens) (1396) – Nantes : 1385, ds Bulletin de la Societé archéologique et historique de Nantes 133 (1998), 57 – Sud-Ouest ou agn. : AlexisOctP 452 et BestGuillH 1370, 2208, 3536 (1267) ; Best­ GuillH 1370, 2208, 3536 (1267) – Thouars : 1326, ds Archives Historiques Poitou 11 (1881), 253

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Le classement s’effectue selon un ordre géographique (par grands domaines) puis chronologique (où seule est prise en compte la date des mss).

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– agn. : ProvMor 1751 (1ère m. 14es.) – Île-de-France : MarieFab, éd. Halgrain, leçons du ms. BNF fr. 2173 (2em. du 13e s.) – Paris ? : 1345 ds VarinAdm 2, 2, 950 – Chartres : MirNDChartrK 84/175, 241/142 (14es.) – orl. : RoseLLec 1486 (ca  1285) – Angers : 1294 ds Livre de Guillaume Le Maire, éd. C. Port, 133 et 134 – norm.-pic. : 1249, Pas-de-Calais ds Bulletin philologique et historique 17 (1899), 73 ; FierL 351, 5205 (2em. 13es.) – pic. : RCambraiK 217, 258, 376 etc… (1e m. 13es.) ; ClefD 2817, 2824 (ca 1316) – Laon : 1292, ds Mémoires de la Société de l’histoire de Paris et de l’Île-de-France 29, (1902), 252 ; ProprChosMirK 221/34 (mil. 14es.) – Guise : 1350, ds H. Cocheris, Notices et extraits des documents manuscrits conservés dans les dépôts publics de Paris et relatifs à l’histoire de la Picardie, t.1, 600 – pic.-wall. : ChevCygneH 4905 (mil. 13es.) – wall. : CatDarmstH 50, 53, 54 (fin 13es.) – Huy : 1280, ds R 18, 1889, 231 et 232 – Est : EvNicPr BN fr. 1850 ds RHT 25 (1995), 272 (2e q. 13e s.) – bourg. : 1262, Semur en Briennois ds GoerlichBurg 109 ; FetRomF 420/20, 512/33, 699/21 etc…(fin 13es.) ; 1369 ds J. Simonnet, Documents inédits pour servir à l’histoire des institutions et de la vie privée en Bourgogne, 199 – non loc. : NoomenFabl 63K, 82 et 112 (déb. 13e) ; SEust3F 296, 330, 582, 667 etc. (13es.) ; CoinciII24Li 98var.B (13es.) ; LSimplMedD 1/2 (13es.-14es.) ; EtSLouisV 2, 270var.46E, 282var.E43, 505var.2E (1349) • esfa- 7 – poit. : Thèbes (fragm. d’Angers, éd G. Raynaud de Lage) Aa 60 (ca  1200) – Ouest : RenMontDT 3626, 12791(2eq. 13es.) ; ChronSMichelBo 302var.B, 310var.B, 313var.B etc. (1340) – ang. : MacerHerbesH 529 v. RLiR 77, 580 (2em.13es.) – norm. : NoomenFabl 10Y9 (2e m.13es.,) ; SEvroulS 79, 108, 229 (2em.14es.) – pic. : RCambrK 526 (1em.13es.) ; AspremCS 7259 (pic., 2em.13es.) ; SGraalIIIJostO 205var.774V (pic., 14es.) – art. : BibleEntS 2858 ajout de A (1267) – non loc. : CoinciII22Li 5var.B et 17var.B (13es.) • efa– Vermandois : BibleBNfr1753L 8 (1350) – Paris : Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 199 et II, 430 (fin 14es.)

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Pour la distinction, parfois difficile, entre esfa- et effa-, nous suivons ordinairement la leçon des éditions.

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COMPTES RENDUS

• afa– agn. : GuillMarH 15368 (ms.) (2eq. 13es.) ; HuntMed 301 (ca 1300) – lorr. : Doc. 1249 (actes de Mathieu II, duc de Lorraine, ds Recueil de documents sur l’histoire de Lorraine, 1855, 319) ; GerbMetzS 478/27 (2e t. 13es.) ; GarLorr BN – fr. 1442 f° 9a (4eq.13es.) – hain. : GilMuisK 2, 26 et 104 (ca 1353) – non loc. : GarLorrD 249 (= BN fr. 1461, déb. 13es.) ; 1336 AN JJ 70 ds Gdf • affa– Est : CoincyI28D 217var.x, CoincyII18B 82 (p. CXI), Pères64B 308var.s (tous trois 2em.13es.) ; – hain. : GilMuisK 2, 26 et 78 (ca 1353). Si nous tournons maintenant vers le 15e siècle et le début du 16 e siècle : • effa– wall. : JPreisMyrG 14/480 (fin 15es.) – hain. : CohenRég 100 (déb. 16 es.) ; Antoine de Lusy, Le journal d’un bourgeois de Mons, 1505-1536, éd. A. Louant, 119 (ici effent) (1517) – lorr. : Journal de Jehan Aubrion, éd. L. Larchey, 208 et Ph.Vigneulles, Chronique, éd. Ch. Bruneau, t.4 , 84 (tous deux déb. 16 es.) – non loc. : ChansBNfr12744P 69 (fin 15es.) ; MistR 4374 (fin 15es.) ; Relation de la croisade de Nicopolis (1396), par un serviteur de Gui de Blois, ds Froiss., Chron. M., XV, 454 (15es.) et plus particulièrement dans les romans en prose : – Lille : Hist. seign. Gavre S., ca 1456, 4/3 et 7, 31/14, 150/4, 188/19, 217/20 et 25 etc… (maître de Wavrin, mil. 15es.) 8 ; Jehan d’Avennes Q., ca 1465-1468, 42/Titre, 67/63 (mais il y a 5 enfa- en 43/42, 45/25, 67/69, 70/8, 155/11) (ca 1465) – Nord : Messire Gilles de Chin, éd R. Chalon, 4, 5, 6, 7, 8, 79, 158 (2e t. 15es.) 9 – pic.-wall. : Wauquelin, Belle Hélène Const. C., ca 1448-1452, 102/41(ici effent) ; 189/32 ; 270/25 (mais il y a 208 enf(f)a-) (ca 1465) – non loc. : Florimont (ms. BNF fr. 12566) ds C.C. Willard, « A fifteenth century Burgundian Version of the Roman de Florimont », in Medievalia et Humanistica, 2 (1971), 39 (2em.15es.) ; Florimont (mss. BNF fr. 1490) ds Doutrepont, Mises en Prose, 269 (2em.15es.) ; Charles de Hongrie C., 1/1r (déb. 16 es.) (mais il y a 2 enfa- en 62/76v, 173/190v).



On notera que le ms. venant de l’atelier du maître de Wavrin ne connaît que effa(plus de 20 exemples) ; au contraire, l’autre ms. accessible ne connaît que enf-. 9 Le second ms. (Lille, B.M., Godefroy 50 (ancien 134), éd. Liétard-Rouzé, dont l’autre est la minute, porte toujours enfa-, illustrant ainsi l’attitude personnelle de son scribe (de l’atelier du maître de Wavrin), qui s’écarte souvent du choix graphique opéré par son modèle. 8

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On voit que la graphie effa-, assez répandue en afr., est devenue très rare à partir du 15e siècle, attestée qu’elle est essentiellement dans des zones périphériques et archaïsantes. On voit bien là que nous sommes très loin d’un fait wallon. On remarque surtout que les mises en prose en font usage et, plus précisément encore, que trois mises en prose en font un usage systématique, Gérard de Nevers et l’Histoire des seigneurs de Gavre, venus l’un et l’autre de l’atelier du maître de Wavrin, ainsi que le ms. de Bruxelles du Gilles de Chin, qui écrivent tous trois effa-, et jamais enfa-. Autre cas : 75, l’article ung 10 devant un mot féminin commençant par une voyelle, comme ung adventure, ung oreille, ung erbe, ung heure (ajouter un autre exemple en XXXVIII, 11 et noter la graphie ung eure, dont je n’ai pas d’autre attestation) 11. C’est un fait très remarquable et finalement bien rare. Le seul cas pour lequel j’ai pu réunir un dossier nourri est ung heure 12 : On le trouve, assez tardivement (essentiellement à la fin du 15e et au 16 es.), d’une part dans un domaine qui couvre le Hainaut et surtout la Flandre, et où sont associés, une fois de plus, Gérard de Nevers et l’Histoire des seigneurs de Gavre : Ung heure reboutoit ses ennemis, et l’autre heure estoit reboutés (Froiss., Chron. K., XVII, ca 1375-1400, 99) ung heure (Hist. seign. Gavre S., ca 1456, 112/29, 116/35, 170/34 13) a ung heure du jour (fin 15e Bruges ds De multro, traditione et occisione gloriosi Karoli comitis Flandriarum, éd. J. Rider, 32) ung heure de long (Compte d’Antoine de Ghistelles, bailli de Furnes, 1526, ds A. Henne, Histoire du règne de Charles-Quint en Belgique, t. 4, 70 n.2) mis et logé au pillory ung heure (Compte de Louis de Ghistelles, bailli de Courtrai, 1535-1536, ds A. Henne, op. cit. , t. 5 , 215 n.3) environ ung heure après termyna vie par mort (Lettre de rémission pour un habitant de Tourcoing, 1537, ds Bulletin de la Société d’études de la province de Cambrai 8, 1906, 161) a ung heure après mynnuit (Lettre écrite de Londres à destination de Bruges, 1553 ds Annales de la Société d’Émulation de Bruges, t. 3, 252) envyron ung heure après mydy (1557 Bruges ds J. Versyp, De Geschiedenis van de Tapijkunst te Brugge, 207) ung heure après retournent (Malines, 1571, ds Inventaire des Archives de la ville de Malines : Lettres missives, éd. P.J. van Doren, 221) environ l’espace d’ung heure (ds Mémoires sur le siège de Tournay, 1581. Notice et annotations par A.G. Chotin, 137) Il faut aussi signaler que dans Gérard de Nevers la forme de l’article masc. est beaucoup plus souvent ung que un. 11 On trouve aussi une heure 200/23et 207/ 9 (bis), toujours dans le groupe une heure …,l’aultre… 12 Laissons de côté un cas isolé en lorrain : l’orolouge sonnoit ung heure après midi ds PhVigneulles, Chronique, Bruneau, t. 4, 153. 13 On lit une heure en 66/33, 107/34 et 135/26. 10

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COMPTES RENDUS

jusques à ung heure après midy (1656, Lille ds A. Lottin, Lille, citadelle de la Contre-Réforme ? (1598-1668), nouvelle édition enrichie, 2013, 136 n.156) ; et d’autre part, en autre domaine qui couvre l’Ouest (Poitou, Anjou, Bretagne) 14 : il estoit bien ung heure de nuyt (Lettre de rémission donnée à Tours pour des faits concernant la Saintonge, 1458, ds Archives historiques du Poitou, 35, 1906, 90) ung heure après (Jean Bouchet, Le temple de Bonne Renommée, éd. G Bellati, 543, Poitiers, 1517) Plus d’ung heure (Franc archier de Cherré, éd. L. Polak, 49/60, Angers, vers 15231524) dès ung heure du matin (Cognac, 1559 ds Fr. Marvaud, Études historiques sur la ville de Cognac et l’arrondissement, t. 1, 289) demain, ung heure devant le jour (Vitré, 1574 ds B. de Broussillon, La Maison de Laval, 1020-1605, t. 4, 299) environ ung heure en nuit (Morlaix, 1602 ds Bulletin de la Société astronomique de France, t. 22, 1908, 291). C’est donc une innovation tardive, qui se répand en deux aires bien délimitées. Gérard de Nevers et l’Histoire des seigneurs de Gavre sont parmi les premiers textes à présenter ce phénomène, dont aucun manuel ne parle. 76, « emploi redondant à valeur hyperbolique » du comparatif synthétique : la plus grigneur joye du monde. Pour une vue d’ensemble sur l’emploi de plus devant un comparatif organique, on doit toujours se reporter à NyropGramm 2, §  459. Le tour plus + graindre manque ds le DMF ; le TL 4, 512 en donne cinq exemples (tous repris ds le DEAF) et l’ANDi en donne deux autres : Cum plus estez greinur, plus seez umble BOZ Cont 90 ; voet vendre pur le plus greinder price qu’il poet Exchequer Chamber ii 186. Mais voyons l’article du DEAF, qui sépare ses exemples selon les sens attribuées à graindre : – en G 1183, 7, il y a plus graindre “plus grand” avec un exemple (li solaus est Plus graindres que la terre ImMondeOct) tiré de Gdf ; ajoutons-y (nos semble que ele (= la lune) soit) plus graindre des autres BrunLatChab 140var.3S (= ms. pic. 1310) et D (= av. 1453 ?) – en G 1183, 19, on a plus graignor “plus nombreux” ; mais c’est une erreur (il est donc inutile de corriger TL 4, 512), car il faut comprendre (et donc corriger, non le TL, mais le DEAF) “plus grands” dans autres i a plus gregneurs qui se preinent aus branches et ont dou fruit PhNovAgesF 60/108 (Terre Sainte mil. 13es. ; ms. frc. avant 1284) – en G 1183, 31, “plus long (du temps)” Par sex mois, par un am ou par temps plus greigneur GirRossAlH 998 (bourg. ca  1334 ; ms. mil. 14es.)

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Qui semble prolonger le Sud-Ouest occitan représenté, par exemple, par les Commentaires de Monluc, chez qui le tour est très courant.

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en G 1184, 25, “plus âgé” vaut pour Mais ces freres li plus grignour BibleMalkS 10032 (lorr. fin 13es.) mais pas pour Car maintes fois est plus soutis Li plus petis que li plus graindre MorPhilP 1702 (pic. 1em. 13es. ; ms. 3et. 13es.), où le sens est “plus grand par la taille”

– en G 1185, 41, “plus intense ; plus grand par sa qualité” ou plus est graindres li fais GuillPalMa 2051 (déb. 13es., ms. fin 13es.) ; Encore a vois plus grignour force Best­ AmOctT 823 (ca  1250, ms. ca   1300) ; nuls hons ne vit folie plus greigneur GirRoss­ AlH 1040 (bourg. ca  1334 ; ms. mil. 14es). Une vue d’ensemble nous donne, du côté du picard :

Ceste miracle et plus grignors Fist li sires des plus signors Pour le roi Charlon, son lige home (MousketR 4010 : hain. ca  1243 ; ms. pic. 2em. 13es.)



Fis dol plus grinor que devant. (VengRagF 5107 : ms. hain. 3et. 13es.)



Car maintes fois est plus soutis Li plus petis que li plus graindre (MorPhilP 1702 : pic. 1em. 13es. ; ms. 3et. 13es.)



Ne me poroient karchier plus grignour fais (CoucyChansL 60/40var.A = ms. art. 1278)



Car plus est graindre (= la preciouse piere) ke jou toute (BalJosCamA2335 : pic. ca  1215 ; ms. pic. 1285)



Lors conmence a faire un doel si tres grant que plus graindres ne peust estre (LancPrW 32/28 : ms. pic. 1286)



ou plus est graindres li fais (GuillPalMa 2051 : déb. 13es., ms. fin 13es.)



Et quant mieuz ain, ma pensée est plus graindre (Jean Le Cuvelier d’Arras ds BeckChans 237/27 : ms. fin 13es. ; les autres mss. ont plus est la pensée graindre)



honnor Asses plus c’as autres grignour (ChevIIEspF 196 : ms. pic. ca 1300)



nos semble que ele (= la lune) soit) plus graindre des autres (BrunLatChab 140var.3S = ms., pic. 1310 et D = av. 1453 ?)



Humelité, Qui ne menoit mie menour Tourment, mais assés plus grignour Que Deboinnairetés ne fist (JMoteRegrS 625 : ms. hain. mil. 14es.)



nul plus grignour Mestre de lui ne puès avoir (Froiss., Par. am., 53/558 : hain. ca 13611362) ;

puis à l’intérieur du reste de l’hexagone :

la clartés en dura plus et fu plus graindre (SGraalIVH 2, 14 : ms. 2e t. 13es.)



Et de tant come 1’amours est plus graindre, de tant est la prisons plus profonde (Livre de Tribulation [ca 1270] du ms. Ste Geneviève 587 [ca  1300] ds The book of tribulation, éd. A. Barratt, 89)



Car cil qui est graindres en honeur, n’est pas li plus justes ; mes cil qui est plus justes, est li plus graindres (GratienL 1, 89,17 : ms. Centre 4eq. 13es.)



Mais ces freres li plus grignour (BibleMalkS 10032 : lorr. fin 13es.)



Encore a vois plus grignour force (BestAmOctT 823 : ca  1250, ms. ca  1300)



Mes il fist un plus greignor sen (OmbreL 876var.E : ms. frc. ca  1300)

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COMPTES RENDUS



des personnes de plus greignour merite et de greigneur sainteté que n’eust esté Adam (ElucidaireSecAR : mss. 14es., 176, 45/15)



Ceste errour seroit plus grainde Qu’onques ne fut la premereine (PassPalF 1601et 1635 : déb. 14es. ; ms. 1em. 14es.) [seul ex. cité ds Marchello-Nizia, HistLangFr 107]



Par sex mois, par un am ou par temps plus greigneur (GirRossAlH 998)



nuls hons ne vit folie plus greigneur (GirRossAlH 1040)



De corps le serviray en l’estour plus grignour (GirRossAlH 1072 : tous trois bourg. ca  1334 ; ms. mil. 14es.)



De ce ne se puent pas plaindre, Se la chose n’estoit plus grainde (GaceBuigneB 3046 : traits norm. 1377 ; ms. faibles traits Nord et Nord-Ouest 4eq. 14es.)



Plus hault de luy, ne plus grigneur (GaceBuigneB 4068 var.T [= 15es.] et J [= fin 15es.] ;

hors de l’hexagone enfin : –

en Angleterre : Com plus est greindre la destance, E greindre serra la vengance WaldefH 4723 (agn. déb. 13es. ; ms. agn. ca   1300) ; Cum plus estez greinur, plus seez umble NicBozMorS 90 (agn. déb. 14es. ; ms. agn. mil. 14es.) ; digne de soufrir plus greindre torment PastGregCP 408/17 (ms. agn. déb. 14es.) ; Encore il ad plus graindre perils PurgSPatrHarlV 363H (ms. agn. 1em. 14es.) ; sil aviegne qil retornera en Engleterre en le mesne temps a plus greindre seuretee 1389 ds Proceedings and ordinances of the Privy council of England, éd. H.Nicolas, 1, 11 ; Et auxi a ca use de plus greindre noyaunce et dissese as mesmes veisyns ds Deviance and Power in Late Medieval London, Fr. Rexroth (éd.), 205 ; navera plus greindre avauntage qe naveroit le tenaunt pur qui etc ds Year Books of Richard II (1378-1379), éd. George F Deiser, 29 ; voet vendre pur le plus greinder price qu’il poet Exchequer Chamber ii 186 ;



en Italie : et m’en irai d’autre part ou j’ai a fere plus greignor chose qe ceste n’est TristPrNB (= ms. francoit. déb. 14es.) 5, 396, 47 (Ja seit ço que de toz meschiés) Soit li plus graindre (et li plus griés) TroieC 25448var. C (= Italie 14es.) ;



Outremer : autres i a plus gregneurs qui se preinent aus branches et ont dou fruit PhNovAgesF 60/108 (Terre Sainte mil. 13es. ; ms. avant 1284).

On voit que Gérard de Nevers fournit la seule attestation qui puisse être attribuée au 15e siècle ; c’est donc un archaïsme notoire. À cela s’ajoute la présence de l’article devant le comparatif, trait qui ne se trouve, avec graignor, que dans un autre exemple, normand : la plus greignour partie des bourgeois et habitanz 1374, Bayeux ds Documents normands du règne de Charles V, éd. M. Nortier, 125. Mais on a aussi l’article avec meillor dans deux exemples picards (textes épiques versifiés) de la première moitié du 14e siècle ; en ierent li plus meillor combateour GirAmCharlM 10504 et Mes il en ont lessié le plus meillor coron JMotePaonC 15. On notera en outre que la plus grigneur joye du monde forme un octosyllabe, comme la phrase qui le suit (Tous luy aloyent escryant) ; tout se passe comme si l’auteur de la Prose avait été inspiré ici par le rythme de Roman. Voilà qui suffit pour montrer que le groupe la plus grigneur joye du monde n’est pas purement accidentel. MM parle à plusieurs reprises [40 et 89 sq.] des doublets synonymiques. On pouvait essayer dans quelques cas de pousser plus loin l’analyse lexicologique. Ainsi MM sou-

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ligne [40] C’onques ne fina de trotter du Roman devient que onques ne fina de trotter ne de courre dans la Prose ; dans ce cas, on peut indiquer que trotter est un verbe technique dont le sens de base est “aller au trot (en parlant du cheval, puis secondairement du cavalier)” et qu’il est susceptible de prendre une valeur expressive (comme notre galoper) ; c’est cette seconde valeur que le mot a dans le Roman comme dans la Prose, car Gérard n’est pas à cheval. En outre, l’expression ne fina de troter est un cliché épique (cf. Et Baudouin le preus va u cheval monter, Entresi qu’à Biauplain ne fina de troter   DoonMayP 841) 15 ; mais ne finer de devient désuet au 15es. (v. ses attestations ds le DMF), sauf précisément dans le tour ne finer de chevauchier 16. Le danger est donc que par une sorte de mimétisme trotter prenne en contexte le sens d’“aller au trot sur son cheval”. L’ajout de courre permettrait alors de lever l’ambiguïté 17. De même Toute ma terre a essilie du On la retrouvera dans si ne fina de troter jusques au bouschet (Galien Restoré K.K., ca 1450, 91) et Si ne fina de troter Baligant jusques a ce qu’il fust a Monsurain lui et ses gens (Ibid. 99). 16 Outre l’unique exemple du DMF : nous ne finasmes en nuit de chevauchier (Arras, ca 1392-1393, 285), on peut citer : Onques tot le jor ne fina De chevauchier desi qu’au soir ContPerc2R 24222 ne fina de chevauchier LaurinT 5927 et passim Il ne finerent de chevauchier par leurs journees que en l’empire de Constantinnoble sont venuz. LaurinT 1218 et passim Il ne fina de chevauchier tout le jour jusques au vespre HelcanusN 141/100 Il ne finerent de chevauchier HelcanusN 273/223 Il ne fina de chevauchier par ses journees tant que il vint en la forest de Vulgus CassidP 399/316 onques ne finerent de chevauchier l’un jour plus, l’autre mains CassidP 265 Ain ne fina de chivauchier tant ch’i fu pres de la maison JoufrF 2554 Ne finent de chevauchier se vinrent a Lanson JLansonM 290 ne finerent de chevauchier tant que il vindrent en leur païs GuillTyrP 2, 53 et ne fina de chevauchier Bouvet, Arbre bat. N., ca 1386-1389, 62 Et Dragon monta sur son cheval et ne fina de chevauchier tant qu’il vint au Chastel Perilleux Percef. I, R., t.1, ca 1450 [ca 1340], 154/17 ilz ne finerent de chevauchier tant qu’ilz vindrent a une lieue anglesche prez de Darnantes Percef. I, R., t.1, ca 1450 [ca 1340], 528/596 ne finerent de chevaulchier jusques ad ce qu’ilz vindrent a Montargis GérNevM 48/28 et XLIII/12 et ne fina de chevauchier jusques a ce qu’il vint a Nanssou Messire Gilles de Chin 113/422 et ne fina de chevauchier tant qu’il refu en Sezille Trois fils rois P., ca 1454-1463 puis ne finerent de chevaulchier jusques a ce qu’ilz veirent le chastel du Val Brun Erec Paris C.T., ca 1470, 229/218r°. 17 L’alliance de courre et de troter est ancienne : tant a coru, tant a troté (RenR 16412) La doulceur de ses challemeaulx Les quesnes et les ourmes haulx Faisoit troter et courre en dance (ConsBoèceCompC2 III, XII, 27) Chascuns a son office accort, L’un devers la paneterie Et l’autre en la boutillerie, Li autre vont en la cuisine, Selonc ce que chascuns cuisine. Messagiers et garsons d’estables Dressent fourmes, trestiaus et tables. Qui les veïst troter et courre, Herbe aporter, tapis escourre, Braire, crier et ramonner Et l’un a l’autre araisonner, 15

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Roman devient toute ma terre m’a essillee et gastee dans la Prose ; le fait correspond probablement à l’emploi de plus en plus rare au cours du moyen français du sens de “ruiner” pour le verbe essilier/ exiler, qui rend plus courante l’association de gaster et d’essiller 18. Quant à l’emploi, tout à fait remarquable dans le Nord, de l’infinitif absolu du passé [84-85], on pourra s’appuyer sur un article assez complet (RLiR 75, 2011, 5-50). On y verra (p. 32 sq.) que Gérard de Nevers partage cet emploi avec trois autres textes, du même domaine culturel, parmi lesquels deux – dont avons déjà souligné plus haut la grande proximité avec le Gérard de Nevers – viennent précisément de l’atelier de Jean de Wavrin, à savoir l’Histoire des seigneurs de Gavre (éd. Stuip ; 44, 9-11, 84, 19-22, 198, 26 sq. et 243, 23 sq., app.) et Messire Gilles de Chin (éd. Liétard-Rouzé 104, 347 et 184, 1265) 19, tandis que le troisième, l’Histoire de Gilion de Trasignyes (éd. Wolff ; 86b, 130a et 197b), est partiellement contenu dans un ms. du même atelier. D’ailleurs, si le tour n’était pas dans ces trois autres œuvres contemporaines - l’Histoire des seigneurs de Gavre paraissant légèrement antérieure aux autres -, on se plairait à voir dans cet emploi dans Gérard de Nevers un clin d’œil à la Savoie, qui est, avec le reste du domaine francoprovençal, la terre d’élection de ce tour (RLiR 75, 2011, 21), ce qui s’expliquerait bien par le fait que l’amie de Gérard est Euriant, fille du comte de Savoie, les familles de Bourgogne et de Savoie étant étroitement unies depuis le début du 15e siècle. Un point de désaccord entre l’éditeur et son recenseur portera sur le vocabulaire régional du Roman. Je m’en suis occupé dans un travail qu’a bien utilisé MM [88] 20, où je limitais mon étude au seul ms. de Bruxelles (B). Constatant qu’une partie de ces nombreux régionalismes n’étaient pas dans l’autre ms. (P), par ailleurs de valeur inférieure, MM affirme [30] : « Dans un travail récent, G. Roques prête au prosateur des faits de langue qui sont en réalité des traits exclusifs du ms. B (…) Nous ne pouvons donc pas tirer de conclusion certaine quant à l’origine septentrionale du remaniement à partir de

François, breton et alemant, Lombart, anglois, oc et norment (...) C’estoit a oïr droite rage (Mach., R. Fort., ca 1341, 144) Qui lors veïst gens esveillier, Troter, courir et abillier Coques, nés, avirons et voiles, Et requeudre les tros des toiles, Cordes renouer et trecier, Et les grans maz ès nés drecier (Mach., P. Alex., p.1369, 60) A moy qui cours, Trote et recours, Faisant mains tours Autour de Tours (La Vigne, S.M., 1496, 474). 18 Cf. foison de gens assemblez qui gastoient et exilloient tout le pays (Le Bel, Chron. V.D., t.2, 1360, 308) ; Si que li pays est pilliés, Tous gastés et tous essilliés (Mach., Voir, 1364, 486) ; ilz treuvent et trouveront le pays tout gasté et esseilliet (Froiss., Chron. M., XIV, ca 1375-1400, 91). 19 Dans ce cas l’autre ms., celui de l’atelier de Jean de Wavrin, éd. Chalon, 51 et 180, a le même texte. 20 J’y ajoute maintenant deux mots : l’un de vaste extension, ahanable “arable” qui est régional comme toute la famille d’ahaner “labourer” v. « L’intérêt philologique de l’étude des régionalismes : le cas du fabliau Le Vilain de Bailluel », in : P. Nobel (ed.), Variations linguistiques. Koinè, dialectes, français régionaux, Besançon, PUFC, 2003, 28. L’autre beaucoup plus rare, esbastonné, qui se lit ds Chastell., Chron. K., t.3, ca 1456-1471, 129, var. régionale (absente du DMF) par changement de préfixe (au même titre qu’abastonné) d’embastonné (c’est le mot que donnent les impressions : embastonnez), beaucoup plus fréquent et sans coloration régionale.

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ces observations. » Or sur les 5 régionalismes venus du Roman (aatine, aeryer 21 , chaudel, enamer, jovenenc(h)el(le)) seul soi aeryer pourrait ne pas être dans P, et sur les 8 qui sont introduits par le prosateur (ahanable, soi amonstrer, desencoulper, effourdre, esbastonné, espaysye, esseulé, ruissot), seul ahanable (remplacé par arable) est écarté par P, tandis que soi amonstrer (dans un passage, me voel admonstrer est remplacé par me vueil a luy monstrer) et esseulée (deux fois remplacé, par sans femme ou par seule) 22 y sont seulement moins fréquents. Mais il y a mieux encore, ce même ms. P a aussi ses propres régionalismes. Le plus remarquable est coteron. Pour ce mot, il faut, malgré le DMF (mais conformément au FEW 16, 346b et 347b), distinguer deux sens, qui ne sont attestés que dans les régions septentrionales (Picardie, Flandre, Wallonie, Nord de la Lorraine), celui de “tunique” (Mir. N.D. Rosarius K., ca 1330 et Baud. Sebourc B., ca 1350 ds DMF ; BonBergerL 70 ds GdfC 9, 212a) et celui de “jupon de femme” (Lion Bourges K.P.F., ca 1350, Invent. test. beauv. L., 1431, 68 et Serm. plaisant K., ca 1500, 467 ds DMF ; doc. [1399 – 1553, Tournai] ds GdfC 9, 212a.) ; ce dernier sens vit encore largement dans les dialectes de l’aire définie ci-dessus (FEW 16, 347b) et c’est lui que nous avons dans le ms. P. En 5, 2 la demoiselle appelée par sa suivante sort du bain et vêt sa chemise et une courte robe (P dit sa chemise et son coteron) pour lui ouvrir la porte ; dans ce cas, le Roman n’a rien de tel. En 43, 1 et 2, la pucelle sort en hâte pour essayer de retenir le héros, en pur ung blyaut de soye (P dit en pur cotheron) et, un peu plus loing, Ung petit avoit sourlevé ses draps (P dit surlevé son cotteron qui estoit de damas blanc), par coy on pooit apperchevoir son petit piet ; dans ce cas les leçons de B s’accordent avec celles du Roman. On peut donc soupçonner qu’il s’agit d’une innovation de P. De même petier “déambuler”, propre à P, est un mot régional picard et wallon (v. le DMF, qui, naturellement, ne dit rien de son caractère régional, sans doute parce qu’il va de soi 23). De même aussi verdoyer “escarmoucher”, propre à P, est régional. C’est le verdoyer 2 du DMF, qui n’en donne qu’un exemple de 1438, tiré des Archives du Nord, qu’il complète par deux autres exemples lus dans Gdf 8, 186b, et qui viennent d’une Histoire de Charles VI (faussement) attribuée à Juvénal des Ursins. Mais on peut ajouter plusieurs autres exemples semblables, tous picards : Et qui demanderoit qui les amenoit illec si matin, l’istoire dist qu’ilz venoient verdoier iusques sur le bort de l’eaue (Chron. conq. Charlem. G., t.2, 2, 1458, 187) chevalliers bourdellois et de Poithou quy verdoioient de coups a la fois (David Aubert, Guerin, N., 1448-1463, 365/150) Il conseilla dessendre illecq les chevaulx, harnois et autres habillemens guerroiables et mettre certaine quantité de gens pour verdoyer et aviser le pays (Garin Mongl. K., ca 1460-1465, 242/261r) ; Je note que les mss CD du Roman, qui ne sont pas picards, ont sérieusement estropié le verbe (4246 var.). 22 Mais esseulee “qui n’a pas ni habitation ni terres cultivées autour de soi (d’un lieu) ”, sens peu commun, est conservé. 23 On aimerait cependant quelques éclaircissements sur le seul texte non localisable, le document extrait des Ordonn. rois Fr. L.S., t.2 : il s’agit d’une ordonnance de Philippe VI, donnée à Paris. Le passage était déjà cité ds Gdf. 21

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ou parfois transitifs au sens de “harceler” sy avray la charge pour ceste heure d’aller les Payens verdoier (Guill. Orange T.H.G., t.1, p.1450, 216/14) 24. On dira donc que le ms. P a, comme le ms. B, une origine septentrionale. Au fond, il n’y a là rien que de très naturel : le Roman comme la Prose ont été composés et diffusés dans le même domaine linguistique picard et rien ne s’oppose à être même un peu plus précis pour la Prose et à la situer dans la région lilloise. On voit que je m’écarte résolument de ce qu’on lit dans la bibliographie du DMF : « Localisation inconnue. La dédicace à Charles, comte de Nevers, mort en 1464, pourrait donner une indication. La mention de certains noms de personnes laisse penser à une liaison avec la cour du duc de Bourgogne, comme le fait que les deux manuscrits conservés aient appartenu à Philippe le Bon ». La dédicace au comte de Nevers peut certes donner une indication pour la date de l’œuvre mais pas pour la localisation. Au total, une édition très satisfaisante et qui fait avancer nos connaissances sur les mises en prose. Gilles ROQUES

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Le même texte a un autre emploi, peu clair : Et avoit celuy chevallier devant, derriere [et entour soy de toutes pars gens a verdoyer] (les deux mss ont et verdoyer entour soy de toutes pars) pour avertir les communes et gens de païs a ce que ils avoient a faire (Guill. Orange T.H.G., t.2, p.1450, 742/1).

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MISES EN RELIEF Fonetica e fonologia dell’italiano – il punto di vista della didattica La recente pubblicazione di un libro dedicato alla fonologia dell’italiano può offrire uno spunto per una breve riflessione su questo genere di prosa scientifica, fatta confrontando da un lato il volume attuale con un’opera precedente dello stesso autore e schizzando dall’altro lato una sommaria panoramica di alcuni manuali di fonetica e fonologia in lingua italiana che sono stati pubblicati negli ultimi decenni. Accanto ad un breve riassunto del nuovo libro di Armistizio M. Melillo 1, le righe che seguono intendono quindi fornire al docente di linguistica italiana anche qualche rapida informazione sui testi didattici che possono servire come supporto a un corso di fonetica e fonologia. Cominciando quindi con il resoconto della Fonologia italiana di A.M. Melillo (inteso come un lu pour vous piuttosto che come rassegna critica e dettagliata), notiamo innanzitutto che il nuovo volume si segnala – rispetto ai precedenti Appunti di fonologia italiana dello stesso autore (1989), che costituivano a loro volta un aggiornamento dei Primi appunti per lo studio della fonologia italiana (1979) – per alcune modifiche, pur mantenendo una serie di tratti costanti. Il mutamento più drastico è rappresentato senz’altro dalla soppressione dell’ottavo capitolo su L’italiano nel tempo, uno schizzo di fonologia diacronica che offriva essenzialmente un compendio dei mutamenti fonici intervenuti tra il latino e l’italiano moderno. In linea di massima rimane invece inalterato l’impianto generale dell’introduzione alla fonetica e alla fonologia dell’italiano, ovvero l’articolazione del libro in capitoli e sottocapitoli, con qualche lieve modifica nei titoli. L’autore riproduce interi capoversi – compresi gli esempi – del volume precedente, pur aggiungendo qualche considerazione nuova e rielaborando la formulazione del testo in alcune parti. 1



Fonologia italiana. Dai preliminari alla fonematica, Volturino, Appula Aeditua, 2012, 206 pp.

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Il primo capitolo considerazioni preliminari sul segno linguistico [19-28] propone alcune nozioni di linguistica generale di stampo strutturalista, come ad esempio la biplanarità del segno e la doppia articolazione del significante, e termina con la distinzione fondamentale tra ‘fonema’ e ‘fono’. Il secondo capitolo fonetica e fonologia: elementi generali di fonologia [29-48] presenta prima la suddivisione della fonetica nelle varie sottodiscipline (fonetica articolatoria, acustica, ecc.) per volgersi poi ai problemi dell’analisi fonematica, spiegando concetti come ‘variante libera’ e ‘variante combinatoria’. Rispetto al libro precedente, queste pagine sono meno teoriche e offrono allo studente esempi concreti della realtà linguistica italiana, per esempio attraverso l’analisi dello statuto di [s] e [z] in alcune varietà regionali di italiano e delle varie realizzazioni individuali del fonema /r/ (tra cui si menziona anche l’approssimante labiodentale [ʋ]). Il terzo capitolo, dedicato alla conoscenza imprescindibile della fonetica articolatoria [49-70], illustra gli organi di fonazione e articolazione con opportuni schemi anatomici. Un po’ soprendentemente in questo capitolo si discetta anche di sillaba, accento e intonazione, e forse anche il disegno con la «représentation de la production et de la perception de la parole» ripreso dall’Album phonétique di Straka (1965) avrebbe potuto apparire in una sezione precedente del libro. Il capitolo 4, nozioni di fonetica acustica, tecniche e strumenti di fonetica sperimentale [71-86], si apre con una nota personale, nella quale l’autore esprime il suo debito verso i maestri Walter Belardi e Carlo Tagliavini (due pionieri della fonetica in Italia), e in effetti queste pagine sembrano riprendere in sostanza gli appunti dalle lezioni romane e padovane. L’introduzione alla fonetica acustica è piuttosto succinta e si concentra sui parametri costitutivi dell’onda sonora e sui suoi correlati percettivi (tono, intensità, timbro). La successiva illustrazione delle tecniche sperimentali, che ha un carattere prevalentemente storico, mostra palatogrammi (statici), cimogrammi e oscillogrammi catodici ripresi da altri testi e presenta infine brevi cenni alla spettrografia. Si introduce quindi la nozione di ‘formante’ e vengono riprodotti due spettrogrammi, uno a banda stretta e uno a banda larga, del sintagma [ˈa ˈkaːpə] ‘la testa’. Dopo i primi quattro capitoli, di carattere più generale, si passa con il quinto capitolo i foni dell’italiano [87-120] ad una dettagliata descrizione fonetica della lingua italiana, sviluppata attraverso l’esame dei singoli foni (illustrati in parte con disegni rappresentanti le sezioni sagittali degli organi articolatori e con palatogrammi). Si comincia con le vocali (di cui si forniscono anche valori formantici), per passare poi alle consonanti e per finire con una tabella complessiva delle vocali e delle consonanti dell’italiano ‘comune’. Per ogni fono viene anche introdotto il corrispondente simbolo dell’alfabeto fonetico internazionale, seppur con qualche idiosincrasia: ad esempio, per le

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occlusive ‘postpalatali’ (ovvero le occlusive velari prima di vocale anteriore in parole come chinarsi) Melillo [101] adopera la notazione [k,] e [g,], laddove l’alfabeto IPA fornirebbe il diacritico per l’avanzamento della lingua [k̟ ]; il diacritico [,] viene combinato anche con altre consonanti – ad esempio [n,] – al fine di indicarne il carattere palatalizzato. Verso la fine di questo capitolo, nella descrizione essenzialmente fonetica dei suoni dell’italiano si inseriscono anche alcuni elementi più prettamente fonologici, ad esempio quando si parla della ‘quantità’ vocalica, del raddoppiamento fonosintattico e delle varianti libere e combinatorie di certe consonanti. Il sesto capitolo, intitolato dal testo scritto al testo trascritto. testi in trascrizione fonetica [121-142], inizia con alcune considerazioni di metodo, come ad esempio la distinzione fra trascrizione fonetica stretta e larga e trascrizione fonematica. Fa seguito una presentazione dei principali alfabeti fonetici, l’IPA e gli alfabeti ‘dei romanisti’ o ‘dei dialettologi’. Per quanto riguarda l’alfabeto IPA, è sorprendente trovare la riproduzione di una tabella dei Principles del 1949 anziché l’attuale inventario pubblicato nel manuale di riferimento (IPA 1999), disponibile anche in rete ‹www.langsci.ucl.ac.uk/ipa/ipachart.html›. Sono certamente utili le pagine di confronto con i simboli diffusi negli studi di romanistica e di dialettologia italiana [130-132], mentre risulta meno convincente la proposta di un ulteriore inventario di simboli, la cosiddetta ‘trascrizione dialettologica semplificata’ [132sg.]. Seguono alcuni testi trascritti foneticamente, fra i quali troviamo varie versioni della parabola del figliol prodigo: si usa l’alfabeto IPA per illustrare sia la norma ortoepica dell’italiano standard sia l’italiano letto dal Prof. Melillo (e qui scopriamo che questo locutore realizza il fonema /r/ come [ʋ]), mentre la versione nel dialetto di Cisternino (prov. di Brindisi) viene resa con la ‘trascrizione dialettologica’ semplificata. Con il settimo capitolo orientamenti di fonematica dell’italiano comune [143-172] si ritorna di nuovo ad una trattazione sistematica dei suoni dell’italiano, questa volta dal punto di vista dell’analisi fonematica, che costituisce secondo l’autore «un territorio un po’ impervio, fatto anche di sabbie mobili» [143]. Pur rimanendo costante nella sostanza, questo capitolo è forse quello che ha subito i maggiori cambiamenti rispetto all’edizione precedente, soprattutto per quanto riguarda l’aspetto formale della presentazione e gli schemi adottati. Per stabilire l’inventario dei fonemi dell’italiano l’autore non applica il metodo ‘classico’ dello strutturalismo europeo, ovvero la prova di commutazione con cui si individua il carattere distintivo o meno di un segmento attraverso le coppie minime. Piuttosto, egli adotta un metodo che potremmo chiamare ‘distribuzionalista’ e presenta con numerosi esempi (frasi intere in versione ortografica e trascrizione fonetica) le diverse posizioni in cui un determinato fono può occorrere, arrivando in questo modo a formulare delle

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‘regole di realizzazione’. Il risultato di tale procedimento è una tabella con i fonemi dell’italiano [172], il cui numero secondo Melillo ammonta a 46. La ragione di questo numero piuttosto alto di fonemi non risiede certo nell’analisi del vocalismo (per cui Melillo propone il sistema eptavocalico /i e ɛ a ɔ o u/ comunemente accettato per l’italiano standard), ma piuttosto nell’analisi del consonantismo. Qui, in effetti, si contano due fonemi per ogni consonante che rientra nella correlazione di geminazione; quindi, /n/ e /nː/ sono due fonemi diversi, dato che ambedue possono ricorrere tra due vocali (cfr. cane ~ canne). Si tratta evidentemente di una scelta marcata nel novero delle descrizioni disponibili della fonologia dell’italiano, nelle quali il numero dei fonemi consonantici oscilla di solito tra 20 e 23, a seconda dello statuto attribuito a [z], [j] e [w] (v., ad esempio, Mioni 1993, 109 e Calamai 2008, 48-50). Le ultime pagine del libro sono riservate a degli indici finali [175-186] e a una serie di esercizi (prevalentemente di trascrizione e di analisi fonematica) [187-206]. Gli indici contengono tra l’altro una bibliografia di due pagine, nel cui ordine alfabetico nomi di autori alternano con titoli; la maggior parte delle pubblicazioni citate è uscita tra gli anni Sessanta e Settanta del secolo scorso. Prima di queste appendici, però, il professor Melillo si interroga in una breve nota conclusiva [173sg.] sul risultato della «rielaborazione dei miei appunti» e sulle dimensioni dei cambiamenti adottati, maggiori di quanto egli stesso si fosse immaginato. Comunque, in un caso del genere è facile che si produca un contrasto tra la prospettiva dell’autore e l’impressione del lettore, il quale tenderà invece a notare piuttosto ciò che è rimasto immutato. La rielaborazione sembra essere il frutto di una riconsiderazione, alla distanza di una ventina d’anni, degli stessi problemi con gli stessi strumenti, mentre invano si cercherà un confronto o un’integrazione degli sviluppi talvolta burrascosi che negli ultimi decenni sono avvenuti nel campo della fonetica e della fonologia, tanto in Italia quanto all’estero. Lasciando per il momento da parte il commento del libro sotto recensione, ci accingiamo, come accennato all’inizio, a una veloce carrellata su alcuni libri di testo che hanno trattato gli stessi argomenti: la fonetica e la fonologia, con particolare riguardo alla lingua italiana. Le poche osservazioni che seguono non pretendono certo di essere esaustive, ma hanno piuttosto lo scopo di mettere a fuoco alcuni aspetti che distinguono le varie pubblicazioni tra di loro e che possono quindi influire sulla scelta di adottare l’uno o l’altro libro come supporto per un corso universitario 2. Il primo criterio riguarda evidentemente 2



Tratteremo soprattutto testi scritti in italiano, accennando solo eccezionalmente a pubblicazioni in altre lingue. Non commenteremo traduzioni, tra le quali si potrebbero comunque menzionare Chapman (1972[1971]) e Malmberg (1977[1974]). Dato

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il binomio ‘fonetica’ e ‘fonologia’: si constata che alcuni testi danno pari diritto alle due sottodiscipline sorelle della linguistica, così come molti trattati di fonologia offrono comunque un aperçu di alcune nozioni di fonetica (perlopiù articolatoria), mentre sull’altro versante esistono manuali di fonetica in cui non viene considerata la fonologia. Le introduzioni alla fonetica non danno lo stesso peso ai diversi campi di ricerca: non tutte trattano la fonetica acustica e ancor più rare sono le pagine dedicate alla fonetica uditiva e percettiva. La trascrizione fonetica, asse portante dell’insegnamento della disciplina soprattutto nei primi decenni della sua storia, appare sempre più raramente nelle pubblicazioni recenti. Inoltre, i libri di testo si possono distinguere tra di loro a seconda che mettano il focus sugli aspetti generali (di teoria e di metodo) o sulla descrizione dei suoni dell’italiano (o di altre lingue). Infine, un aspetto esteriore che può avere una certa rilevanza in sede di didattica universitaria risiede nel numero di pagine dei vari libri. Cominciando allora per ordine cronologico, non si può non osservare che la linguistica italiana vanta una tradizione illustre in questa tipologia di testo, a cominciare dai classici Elementi di fonetica generale di Belardi (1964) e di Tagliavini (1964), due libri che escono con lo stesso titolo nello stesso anno e i cui autori sono stati ambedue, come abbiamo visto, maestri di Melillo. L’introduzione di Belardi, che comprende 130 pagine di testo e XV di illustrazione, si distingue per la notevole ‘tecnicità’ nella trattazione della fonetica articolatoria e acustica e per l’enfasi posta sulle procedure sperimentali, i cui risultati vengono riportati soprattutto sotto forma di palatogrammi e cimogrammi, come si usava fare in quegli anni anche in altri paesi d’Europa 3. Molto simili nella presentazione della fonetica sono le 164 pagine scritte da Tagliavini, che fornisce anche una prospettiva un po’ più ‘linguistica’, attraverso l’aggiunta di due paragrafi sui «mutamenti fonetici» e sulla «fonologia o fonetica strutturale»; inoltre non possono mancare una presentazione degli alfabeti fonetici con esempi di trascrizione, argomento sul quale Tagliavini tornerà nel 1969 con i Testi in trascrizione fonetica (108 pagine), che raccolgono alcuni brani in italiano e in varie lingue altre europee, tratti perlopiù dalla rivista Le Maître phonétique, il predecessore dell’odierno Journal of the IPA. Nella stessa collana escono nel 1974 i Cenni di trascrizione fonetica dell’italiano a cura di Alberto M. Mioni, che riproducono gli stessi cinque testi già

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che l’esposizione segue (almeno in parte) un ordine cronologico, la seconda parte di questa nota contiene anche alcuni elementi per una storia della fonetica e della fonologia in Italia. Non ho potuto consultare Romito (2000), che sembra essere interessante anche per la trattazione delle applicazioni della fonetica in ambito forense. Cfr., ad esempio, il manuale in lingua tedesca di Dieth (1950).

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trascritti in Tagliavini (1969), preceduti questa volta da una lunga introduzione ai principi della trascrizione [10-43] e al sistema fonematico dell’italiano [45-73]. In realtà il volumetto rappresenta un estratto dalla Fonematica contrastiva pubblicata dal linguista padovano l’anno precedente, opera di grande respiro (quasi 500 pagine) che fornisce una descrizione accurata degli inventari fonematici di ben dodici lingue europee, applicando con rigore il principi dell’IPA e della linguistica strutturale. Mioni continua in qualche modo l’approccio di una ‘fonetica linguistica’ già praticata dal suo maestro Tagliavini, come testimoniano le varie pubblicazioni successive dello stesso autore, dai suoi contributi su Fonologia (1983) e Fonetica articolatoria (1984) nel Trattato di Foniatria e Logopedia (a cura di Lucio Croatto) fino ai più recenti Elementi di fonetica (2001). Non si può rendere giustizia in questa sede all’imponente attività del fonetista veneziano Luciano Canepari, della quale possiamo citare solo pochi titoli, tra cui la classica Introduzione alla fonetica (1979) e due opere di riferimento, ovvero il Manuale di Pronuncia (1992) e il Dizionario di pronuncia (1999) 4. Su problemi di trascrizione fonetica Canepari è intervenuto più volte (v. ad esempio Canepari 1983), a volte apportando modifiche all’alfabeto IPA (chiamate scherzosamente canIPA dallo stesso autore; cfr. Canepari 1992: 17), il che costituisce ovviamente un controsenso, dato che uno degli scopi della International Phonetic Association è proprio quello di offrire uno standard comune per tutti. Tra le altre innovazioni proposte da Canepari (ma a quanto pare adottate da pochi) dobbiamo ricordare un sistema di notazione e una terminologia correlata per l’analisi dell’intonazione su base uditiva (v. per esempio Canepari 1985). Forse l’opera più pionieristica, di cui va sottolineato il merito, si trova nella prima descrizione sistematica delle pronunce regionali dell’italiano (Canepari 1980). Va menzionata inoltre l’attenzione ai problemi dell’ortoepia e alla didattica della pronuncia delle lingue straniere (in particolare dell’inglese, ma non solo) che appare soprattutto nelle pubblicazioni più recenti. Va ribadito che la prospettiva contrastiva è particolarmente importante per gli studenti italiani delle lingue moderne, ragione per cui la si ritrova in più di libro di testo pubblicato in Italia. Questo aspetto, già presente nello storico manualetto di 116 pagine stilato da Nicoletta Francovich Onesti (1974) sotto il titolo Fonetica e fonologia, ritorna a distanza di un quarto di secolo 4



Quest’ultimo ha il vantaggio di adottare l’ormai più diffuso alfabeto IPA, a differenza del classico DOP (Migliorini et al., 2010) che usa simboli fonetici simili a quelli dell’alfabeto ‘dei romanisti’, meno conosciuti dagli studenti; in compenso, del DOP ora è disponibile anche una versione in rete con campioni audio ‹http://www.dizionario.rai.it/›.

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nel volume Fonologia comparata delle principali lingue europee moderne di Amedeo De Dominicis (1999), le cui oltre trecento pagine contengono – oltre a due capitoli introduttivi alla fonetica (articolatoria e acustica) e alla fonologia – una descrizione fonologica delle principali lingue romanze, germaniche e slave dove si tiene conto, oltre che dei fatti strettamente segmentali, anche delle strutture soprasegmentali. Ben riuscito dal punto di vista didattico è il libro I suoni delle lingue, i suoni dell’italiano scritto da Pietro Maturi (2006), il quale in sole 150 pagine riesce a fornire un’utile introduzione alla fonetica articolatoria, una descrizione dei suoni dell’inglese, del francese e del tedesco nonché qualche cenno alla fonetica dei dialetti e alla pronuncia dell’italiano degli stranieri. Il ventaglio delle lingue considerate è più ampio negli Inventarî sonori delle lingue elaborati da Antonio Romano (2008), la cui prospettiva interlinguistica si manifesta non soltanto nella parte sistematica del libro grazie ai numerosi esempi da lingue diverse dall’italiano, ma soprattutto nell’appendice B [137-178], dove vengono elencati gli inventari dei suoni di ben 19 lingue (tra cui il cinese, il giapponese e lo hindi); in questo libro i fenomeni sincronici vengono considerati di pari passo con processi diacronici e l’approccio fonologico si integra opportunamente a quello fonetico. In realtà, negli ultimi decenni del secolo scorso il divario tra fonetica e fonologia si era piuttosto ampliato, fatto che ha avuto delle ripercussioni anche sulla manualistica italiana, in cui si è assistito sempre di più alla pubblicazione di trattati dedicati o esclusivamente alla fonologia o esclusivamente alla fonetica. Tra i manuali di fonologia in senso stretto va ricordata innanzitutto la monumentale Fonologia generale e fonologia della lingua italiana (1969) del compianto romanista croato Žarko Muljačić, divisa in una parte generale che occupa 374 pagine e in una dedicata all’italiano di altre 125. A dire il vero anche in questa apoteosi della fonologia strutturalista si trovano cenni alla spettrografia e alle strutture formantiche [98-131], ma questi non sono ancorati a una presentazione organica della fonetica acustica dal momento che servono unicamente da supporto alla teoria dei tratti distintivi jakobsoniani. Nella parte dedicata alla fonologia dell’italiano troviamo non soltanto un’esauriente analisi fonematica secondo il metodo della prova di commutazione, ma anche una minuta descrizione della fonotassi e considerazioni sulla frequenza dei fonemi. Non si tratta certo di un libro indirizzato allo studente del primo anno di Università, ma piuttosto allo studioso di fonologia. Un’utile sintesi dei principali aspetti degli studi fonologici all’epoca degli anni Settanta si trova invece in un libro dalle dimensioni più ridotte, la Fonologia di Arianna Uguzzoni (1978): in questo libro di 170 pagine, l’autrice – del resto fonetista piuttosto che fonologa – presenta i principali problemi posti dall’analisi fonologica (tra cui i tratti distintivi, ovviamente) e illustra anche

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alcuni domini di applicazione come il mutamento e il contatto linguistico; la parte sistematica del libro viene introdotta da un capitolo dedicato alla storia della disciplina, dai precursori fino alle diverse scuole strutturaliste e alla prima fonologia generativa. In effetti, già un anno prima della pubblicazione di Muljačić (1969), sulla scena internazionale era avvenuto un cambiamento di paradigma con il Sound pattern of English (SPE) di Chomsky / Halle (1968) che dette l’avvio alla fonologia generativa ‘classica’. Nonostante la precoce Phonology of Italian in a generative grammar di Mario Saltarelli (1970), il paradigma generativista faticava a prendere piede in Italia, benché Mioni (1983: 72-85) avesse delineato alcuni elementi fondamentali del modello (rappresentazioni, matrici, tipi e ordinamento di regole), accennando anche a teorie alternative come la ‘fonologia generativa naturale’ o la ‘fonologia naturale’. Bisognerà aspettare altri dieci anni affinché con la Fonologia di Marina Nespor (1993) venga introdotto un manuale di ispirazione generativista che per molti anni ha svolto un ruolo importante nei curricula di linguistica delle Università italiane. Questo volume completo e articolato di quasi 350 pagine mette in evidenza due tendenze che sono emerse nella fonologia moderna: da un lato si osserva uno spostamento dell’interesse dai segmenti e dalla parola ai tratti distintivi e alle strutture prosodiche (v. i modelli formali della fonologia metrica e autosegmentale), dall’altro diventa sempre più difficile trovare un comune denominatore per le nozioni da presentare agli studenti, per cui diventa quasi impossibile scrivere un’introduzione alla fonologia che non sposi in partenza un determinato modello teorico 5. Un tentativo riuscito di superare questa difficoltà si presenta a distanza di altri dieci anni con la Fonologia di Amedeo De Dominicis (2003). Questa introduzione di 165 pagine continua in qualche modo la storia della disciplina dal punto dove Arianna Uguzzoni l’aveva lasciata venticinque anni prima: dopo un capitolo sintetico dedicato a nozioni e principi provenienti dallo strutturalismo vengono quindi presentate alcune delle diverse teorie susseguitesi all’interno del paradigma generativista, dalle analisi morfonologiche della fonologia generativa ‘classica’ e della fonologia ‘lessicale’ alle fonologie dette 5



Tant’è vero che la stessa Nespor è co-fondatrice della teoria della Prosodic Phonology che ha avuto molto successo a livello internazionale (Nespor / Vogel 1986 e 2007). Tale necessità di ‘posizionarsi’ tra le varie scuole teoriche è ancora più imperante in ambito anglosassone, se consideriamo che il volume The phonology of Italian uscito nella collana The phonology of the world’s languages della prestigiosa Oxford University Press (Krämer 2009) ha più la veste di un sofisticato trattato di Optimality Theory che di una semplice descrizione del sistema fonologico della lingua italiana.

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‘non lineari’ (fonologia autosegmentale e metrica) fino a ciò che al momento della pubblicazione del libro di De Dominicis rappresentava il dernier cri, ovvera la cosiddetta ‘teoria dell’ottimalità’ (OT). Un breve cenno alla teoria dell’ottimalità si trova anche nell’ultimo manuale di fonologia in lingua italiana, I suoni del linguaggio di Marina Nespor e Laura Bafile (2008). In sostanza, questo volume riprende comunque l’impostazione e gli argomenti trattati nell’opus maior (Nespor 1993), tra cui è il caso di menzionare la gerarchia prosodica, il cosiddetto ‘gruppo clitico’, la griglia metrica come formalismo per rappresentare il ritmo linguistico e in generale la fonologia del metro poetico. Il testo si contraddistingue per la chiarezza dell’esposizione nonostante le sue dimensioni più ridotte (225 pagine) rispetto al libro precedente, il che lo rende più facilmente adottabile come supporto didattico ad un corso universitario. Abbiamo già accennato a quella che potremmo chiamare la ‘svolta prosodica’ degli studi di fonologia e fonetica, manifestatasi in Italia già nel 1993 con la pubblicazione del primo volume della Introduzione all’italiano contemporaneo a cura di Alberto Sobrero, in cui accanto ad un capitolo su Fonetica e fonologia (Mioni 1993) troviamo un altro dedicato a Ritmo e intonazione (Bertinetto / Magno Caldognetto 1993). Nel 2006 esce persino un manuale dal titolo Prosodia (Sorianello 2006) che presenta, dopo una rapida panoramica dei fenomeni prosodici in generale (come il ritmo, l’accento, ecc.), una dettagliata introduzione ai problemi dell’analisi dell’intonazione, confrontando sistemi di annotazione, modelli formali e analisi acustiche di varie lingue. Se la ‘svolta prosodica’ permette di uscire dai livelli di astrattezza e formalismo forse eccessivi che la fonologia teorica aveva talvolta raggiunto, essa permette anche un riavvicinamento a quella che in Italia rappresenta la seconda grande corrente di studi negli ultimi decenni del Ventesimo secolo: la fonetica acustica. Esiste ormai una folta comunità di fonetisti sperimentali in Italia, attivi in vari centri di ricerca: dopo la storica istituzione del centro CNR a Padova sono sorti laboratori in varie sedi universitarie, tra cui Torino, Pisa, Roma, Napoli, Cosenza e Lecce, per citarne soltanto alcune. Nato all’interno della Associazione Italiana di Acustica (AIA), il Gruppo di Fonetica Sperimentale (GFS) si è poi costituito come società scientifica autonoma sotto il nome di Associazione Italiana di Scienze della Voce (AISV), 6 organizzando annualmente un convegno e una scuola estiva per dottorandi e studenti avanzati. 6



V. il sito ‹www.aisv.it›.

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L’interesse delle nuove leve per tale ramo di studio (che a prima vista potrebbe sembrare ostico per gli studenti con interessi umanistici) viene opportunamente suscitato da due manuali di fonetica, ambedue scritti a Napoli negli anni Novanta, che forniscono un’utile introduzione alle nozioni di acustica e alle tecniche di analisi sperimentale, raggiungendo un livello di dettaglio molto superiore ai precedenti libri di testo sia nella spiegazione dei principi di fisica acustica sia nell’applicazione dei strumenti di analisi alle vocali e alle consonanti. Cominciamo con la Fonetica sperimentale di Antonella Giannini e Massimo Pettorino (1992): in 292 pagine i due autori non solo illustrano dettagliatamente l’anatomia e la fisiologia dell’orecchio e degli organi fonatori e articolatori [32-117], ma spiegano anche in modo approfondito i principi fondamentali della fonetica acustica, dalla composizione delle onde sonore [7-29] e dal modello sorgente-filtro [119-133] alla teoria dei loci [190-207] e all’analisi spettrografica [155-187, 222-275], illustrando anche gli appositi strumenti tecnici che servono per la ricerca sperimentale [136-153]. A soli tre anni di distanza segue la prima edizione del Manuale di fonetica di Federico Albano Leoni e Pietro Maturi (1995), arrivato nel 2011 alla terza edizione corredata da un CD-ROM con materiali didattici, campioni audio e immagini. Prescindendo da qualsiasi considerazione di natura fonologica, questa introduzione, fondamentalmente suddivisa secondo i tre principali ambiti della fonetica, concede uno spazio quasi analogo alla fonetica articolatoria e alla trascrizione fonetica [31-83], alla fonetica acustica [85-131] e alla fonetica uditiva e percettiva [133-159]. Questo libro di testo si segnala da un lato per le spiegazioni molto chiare dei fenomeni acustici (con molti spettrogrammi che illustrano le classi dei suoni dell’italiano) e dall’altro per l’attenzione rivolta ai modelli psicoacustici della percezione del segnale linguistico (a quanto pare, l’unico caso nella manualistica italiana); infine, esso si presta per un corso universitario anche grazie alle sue dimensioni ‘intermedie’ (conta 169 pagine in tutto), il che può spiegare almeno in parte la sua diffusione. Il successo travolgente della fonetica acustica è dovuto fondamentalmente allo sviluppo tecnologico dell’informatica moderna e alla conseguente democratizzazione della ricerca scientifica: se fino a qualche decennio fa chi voleva realizzare analisi sperimentali doveva recarsi in un apposito laboratorio di fonetica per adoperare apparecchi costosi accessibili solo a pochi addetti ai lavori, oggigiorno la disponibilità di programmi informatici gratuiti permette a chiunque di eseguire complicate procedure di analisi sul proprio computer portatile. L’alta diffusione nella comunità scientifica del programma Praat sviluppato da due ricercatori olandesi (Boersma / Weenink 2013) ha fatto sì che alcuni libri di testo contengano delle vere e proprie istruzioni all’uso del programma con appositi esercizi: è il caso di due libri recenti scritti da roma-

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nisti tedeschi, un’introduzione alla fonetica e fonologia del francese (Pustka 2011, 61-66 – v. la recensione di Charlotte Meisner in RLiR 76, 534-37) e un’analoga introduzione alla fonetica e fonologia dello spagnolo (Gabriel/Meisenburg/Selig 2013, 38-43) 7. Ora diventa chiaro come con questi strumenti alla portata di tutti gli studenti (spesso non solo molto interessati, ma anche piuttosto portati all’uso delle nuove tecnologie) siamo ormai lontani anni luce dal cimografo disegnato a mano da Walter Belardi mezzo secolo fa e riprodotto l’anno scorso nel libro del professor Melillo. Con tutto ciò, la sofisticatezza delle teorie fonologiche odierne e il carattere altamente tecnico di molte analisi fonetiche non dovrebbero indurre a pensare che oggigiorno non sia più possibile fare della buona fonetica e fonologia adottando semplicemente nozioni di basic linguistic theory e una solida dose di attenzione ai fatti empirici. Ne è un esempio l’accurata descrizione dell’italiano per il Journal of the International Phonetic Association (Bertinetto / Loporcaro 2005) che completa opportunamente lo schizzo forse un po’ riduttivo apparso precedentemente nella stessa rivista (Rogers/Arcangeli 2004); a lungo andare, tali pubblicazioni possono rivelarsi più utili alla comunità scientifica internazionale che non un libro complesso come quello già menzionato di Krämer (2009). Tornando ai libri ad usum delfinorum, potremmo a questo punto ricordare la Fonetica e fonologia dell’italiano di Schmid (1999). Si tratta di un libro per molti versi tradizionale, suddiviso in due parti principali, la prima dedicata alla fonetica articolatoria [27-65] e a una fonologia di stampo strutturalista [67-125], la seconda parte [127-181] alla descrizione della fonologia segmentale, della fonotassi e della prosodia dell’italiano. Segue alla fine un capitolo sulla trascrizione fonetica con un confronto tra gli alfabeti IPA, Böhmer e SAMPA, cui fanno seguito alcuni testi trascritti foneticamente [183-202]. Ogni capitolo è corredato da una serie di esercizi di cui si forniscono le soluzioni in appendice. Approssimandoci alla fine di queste poche pagine, è il caso di menzionare alcuni avviamenti allo studio della linguistica in cui la fonetica e la fonologia vengono accostate ad altri livelli di analisi. È il caso del libro L’italiano: suoni e forme di Silvia Calamai (2008), che offre una descrizione della fonologia [17-76] e della morfologia [77-131] della lingua italiana. Le pagine dedicate ai suoni contengono una presentazione delle due discipline della fonetica e

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L’ultima introduzione alla fonetica e fonologia dell’italiano in lingua tedesca è costituito dal libro di Klaus Lichem (1969). Si attende comunque la pubblicazione di un Romanistisches Arbeitsheft sulla scia del modello di Pustka (2011) e Gabriel et al. (2013).

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della fonologia [17-28], una descrizione dei fonemi dell’italiano che fornisce nel contempo alcune nozioni di fonetica articolatoria [29-55] nonché un capitolo intitolato Oltre il segmento: fonotassi e prosodia [56-76]. Infine, è opportuno menzionare due introduzioni alla linguistica: il volume miscellaneo curato da Laudanna / Voghera (2009), che contiene due interessanti capitoli sulla fonetica e sulla fonologia ad opera, rispettivamente, di Renata Savy [3-26] e di Giovanna Marotta [48-70], e la Linguistica generale scritta da più autori (Basile et al. 2010) che analogamente contiene due capitoli di Giancarlo Schirru su Fonetica [63-100] e Fonologia [101-153] con un’introduzione a questi due livelli di analisi che corrisponde allo ‘stato dell’arte’ di queste due sottodiscipline della linguistica. Non è certo lo scopo di questa noterella dare delle raccomandazioni sull’adozione di un testo piuttosto che di un altro. Certo, si potrebbe ad esempio sconsigliare l’uso dello Schmid (1999), non solo perché il libro è da tempo esaurito, ma anche perché il testo contiene numerosi refusi e soprattutto perché vi manca un capitolo sulla fonetica acustica. In fin dei conti ogni docente sceglierà il testo più consono alla struttura del proprio corso, secondo i suoi gusti e le sue preferenze teoriche personali. Tornando al punto di partenza delle nostre riflessioni, ovvero alla fonologia italiana di Armistizio Matteo Melillo (2012), bisogna comunque ribadire che si tratta di un libro altamente personale (il che si riflette anche nella esplicita presenza nel testo dell’istanza di enunciazione, in formulazioni come «Ora scrivo in punta di piedi» [71]) che testimonia non solo di una lunga esperienza, ma anche di una vera passione per l’insegnamento della fonetica e della fonologia. Forse, proprio per questo carattere spiccatamente personale e per il forte radicamento nella storia della disciplina, il libro potrà difficilmente essere adottato da un docente che non sia l’autore stesso. Stephan SCHMID

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Le varietà del napoletano e la grammatica diacronica di Ledgeway Tra le varietà linguistiche dell’Italia meridionale il napoletano costituisce una delle realtà storiche di maggiore importanza per la linguistica romanza. Alle radici latine antiche, profonde e saldissime, situazione certo comune a molte altre varietà meridionali, si aggiunge un peculiare destino che si è dispiegato nel corso del tempo per effetto di potenti fattori esterni: le vicende storiche della città di Napoli, e in particolare il ruolo di grande capitale del Mezzogiorno che questa è venuta ad assumere nell’età moderna. Pochi territori urbani di Europa possono vantare una storia linguistica così antica e complessa, attraversata da un flusso così ricco di correnti sociali e culturali che hanno agito sul suo andamento. Crocevia di uomini e lingue di paesi diversi sin dalla sua fondazione greca tra VII e VI secolo a. C., la città ha attraversato molte stagioni storiche, sviluppando una fisionomia culturale e linguistica spiccatissima e molto variegata al suo interno, condizioni che ne fanno uno straordinario laboratorio per lo studio scientifico. Centro di attività letterarie e filosofiche nella Roma della tarda età repubblicana e del primo impero, Napoli conobbe ancora numerose epoche di una fervida e intensa vita culturale che ne fecero, tra la fine del medio evo e l’età moderna, uno dei motori intellettuali del policentrico assetto italiano. La città partenopea potrebbe essere considerata una significativa testimonianza della lunga durata dei fenomeni culturali e linguistici che anche vicende storiche avverse non possono compromettere. Attraverso la documentazione intermittente non è forse impossibile intravedere un legame sotterraneo che, al di là delle differenze di condizioni storiche e sociali, unisce in maniera sottile l’esperienza dei circoli intellettuali delle élites aristocratiche romane nelle ville disseminate sul golfo e quella degli scriptoria monastici che nell’alto medio evo ebbero una importante funzione di conservazione e tramite all’Occidente di opere letterarie dell’antichità, e più avanti, a distanza di secoli, a partire dal Trecento, l’abbondante fioritura di generi letterari diversi (volgarizzamenti, cronache, poesie) nella Napoli «gentile» angioina e soprattutto aragonese, e poi ancora la produzione di epoca barocca e settecentesca,

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sino agli scrittori moderni. Bisogna tener presente inoltre la vitalità delle tradizioni di vita civile organizzata giuridicamente e amministrativamente, che tra le sue manifestazioni ebbe i documenti degli scriptoria notarili laici ed ecclesiastici del X secolo e più tardi i documenti delle cancellerie angioina ed aragonese. È significativo, del resto, che a Napoli fu fondata da Federico II nel 1229 una università per la formazione dei funzionari amministrativi dello stato svevo, la prima università laica di Europa, che ben si innestava su un terreno culturale in cui le tradizioni giuridiche e amministrative romane non si erano mai dissolte.��������������������������������������������������������� Né si deve���������������������������������������������� dimenticare un fattore di fondamentale importanza per i linguisti come quello demografico: la dimensione della «massa parlante» e le sue correnti di movimento nello spazio, fattore quest’ultimo che ha segnato la storia della città partenopea sin dalla sua fondazione. Per l’antichità si può ricordare il passo di Cassiodoro (Variae VI, 23) che descrive Napoli come «urbs repleta multitudine civium, abundans marinis terrenisque deliciis������������������������������������������������������������������������ »����������������������������������������������������������������������� , immagine forse topica, che tuttavia non doveva essere del tutto scollegata dalla realtà, come sembrerebbero confermare gli studi storici. Inoltre, l’affermarsi della città nel ruolo di capitale del Regno andò incrementando la sua popolazione con apporti demografici di svariata provenienza da altre parti dell’Italia meridionale, dell’intera penisola e d’Europa (ma si pensi alla già folta presenza dei mercanti toscani e catalani alla fine del medio evo), sino al costituirsi della grande area metropolitana attestata tra Sei- e Settecento come una delle maggiori del continente europeo. Ancora a ridosso dell’Unità Napoli era la città d’Italia più popolosa. Se è appena il caso di ricordare che dal punto di vista storico il napoletano è una delle lingue che si sono indipendentemente sviluppate dal latino nell’area italiana, vale forse la pena sottolineare che in chiave di tassonomia sociolinguistica questa varietà ha avuto e continua ad avere molte caratteristiche di «lingua», in particolare una antica, imponente e prestigiosa letteratura, la capacità di attrarre verso di sé processi di convergenza linguistica da parte di altre varietà meridionali e una formidabile ricchezza di diversificazione interna 1. Questo retroterra storico e socio-culturale così complesso ha profondamente segnato sia le dinamiche esterne dell’area linguistica napoletana che le sue dinamiche interne, relative alle caratteristiche strutturali dei fenomeni linguistici. La condizione geopolitica e storica di nucleo urbano che, sia pure con alterne vicende, ha avuto ab antiquo intense relazioni commerciali marittime e di città capitale di un Regno proteso nel Mediterraneo hanno comportato un rilevante plurilinguismo, relativo sia alla massa della popolazione 1



Un quadro agile ed efficace della storia linguistica di Napoli è offerto da De Blasi (2012).

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che alle élites culturali. Per quanto riguarda queste ultime si pensi allo spettro di lingue che furono usate nelle cancellerie angioine e aragonesi, latino, francese, catalano, spagnolo e infine il volgare, e alla capacità degli scrittori napoletani di quei tempi, che spesso erano letterati e funzionari di stato, di muoversi agevolmente tra lingue e registri diversi del volgare. Fattori di fondamentale importanza per comprendere anche le dinamiche strutturali dei fenomeni linguistici del napoletano sono la protratta centralità del latino e la profonda simbiosi tra latino e volgare, caratteristiche comuni anche ad altre aree linguistiche del Meridione, specie per quanto riguarda le lingue letterarie. Altri fattori però sembrano aver segnato la lingua napoletana in maniera più evidente, come condizioni plurisecolari della sua stratificazione interna: l’entitità dei processi di toscanizzazione che agirono tra il tardo medio evo e la prima età moderna, e poi, tra XIX e XX secolo, i cospicui fenomeni di italianizzazione. Si potrebbe sostenere a questo riguardo che la dialettica tra l’accettazione dei caratteri più locali e il modellamento su varietà ritenute prestigiose, dapprima il toscano e in seguito la lingua nazionale, sia stata una costante che ha accompagnato a lungo la storia del napoletano, non solo nei suoi registri letterari, ma anche in quelli degli usi parlati delle classi colte, e persino (almeno in epoca più recente) di quelle di più modesta cultura 2. È possibile che in rapporto a ciò abbiano avuto un ruolo non trascurabile alcune ragioni squisitamente sociolinguistiche. Un primo fattore potrebbe essere costituito dalle pulsioni sovra-locali e cosmopolitiche degli strati sociali più elevati, spesso insofferenti dei limiti della cultura popolare indigena sino a forme di rifiuto, anche estremo. Un’altra ragione è forse da ravvisare nell’interesse, da parte di vasti strati sociali di cittadini di minori possibilità economiche e minore istruzione, a rientrare in circuiti comunicativi e culturali più ampi. Questa caratteristica potrebbe giustificarsi con l’appartenenza ad una realtà urbana con antiche e radicate tradizioni di metropoli internazionale e forse anche con un altro aspetto interessante della società cittadina, non sempre presente, ma attivo nei momenti migliori della storia di Napoli: una notevole capacità di comunicazione ed interazione al di là delle barriere di classe sociale, che si è tradotta in forme di interclassismo culturale e di vivace vita democratica. Si tratta di un aspetto che a fasi alterne si è contrapposto alla drammatica dualità, tristemente nota nella storia del Meridione italiano, tra le élites e la cosiddetta «plebe». Di quale napoletano dunque si parla quando si parla di napoletano? Esistono imponenti differenze tra varietà diastratiche, diafasiche e diatopiche, 2



Per una descrizione delle dinamiche sociolinguistiche antiche e moderne della città si veda De Blasi (2002), (2013).

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di cui per il passato non è sempre agevole cogliere le specificità. Dal punto di vista teorico un problema centrale che deve affrontare chiunque si proponga l’analisi di struttura interna del napoletano è il massiccio polimorfismo che investe tutti i livelli della lingua, fonetico, morfologico, sintattico. Per quanto riguarda le differenze diastratiche e diafasiche i processi di toscanizzazione prima e di italianizzazione poi hanno indubbiamente comportato cospicui scarti. Anche il contatto con altri dialetti, dovuto alle correnti demografiche che hanno investito Napoli, specie quelle provenienti da altre aree del Meridione, è un fattore di polimorfismo che non può essere trascurato. Né si possono trascurare gli effetti dovuti alla antica simbiosi con il latino, fonte di varianti ben visibili nei testi antichi e ancora in quelli seicenteschi, che hanno lasciato alcune tracce nella fase odierna. E tuttavia l’insieme di questi fattori multipli non esaurisce la giustificazione della complessità del polimorfismo, che sembra trovare una ulteriore origine nelle dinamiche naturali del parlato spontaneo (si pensi ai processi di velarizzazione della a tonica e atona, e si potrebbero citare molti altri fenomeni). Non una varietà di napoletano, dunque, ma molte varietà di napoletano. In diatopia la situazione non è meno complicata. Che cosa si deve considerare varietà «napoletana» rispetto ad una area linguistica più vasta dello spazio urbano, tra l’altro fortemente modificatosi nel corso del tempo? Se il termine «napoletano» applicato ad ampie aree del Meridione per più complessivi fenomeni culturali ha goduto di qualche consuetudine storica («napoletani» sono stati a lungo chiamati gli abitanti di tutto il Regno), sarebbe problematico estendere tale termine, in maniera linguisticamente esatta, alle varietà di un più vasto spazio della Campania che si estende al di là del territorio cittadino. L’odierna regione, i cui confini amministrativi sono di costituzione recente, ha conosciuto dinamiche storiche profondamente diverse e centrifughe rispetto a Napoli, nonostante il ruolo di capitale che quest’ultima ha rivestito per secoli 3. Esistono indubbiamente fenomeni condivisi dalle varietà presenti nello spazio regionale, come la sopravvivenza del neutro, in forme residuali o in nuove formazioni diacroniche come i cosiddetti «neoneutri» (si pensi ai pronomi e agli effetti fonosintattici del rafforzamento provocato dall’articolo rispetto a particolari nomi). Tali fenomeni offrono un criterio ragionevole (anche se a mio avviso non assoluto) alla messa a punto di una determinazione dei dialetti campani in senso unitario. Ma le varietà del napoletano non possono essere accorpate con quelle campane se non a fini astrattamente classificatori. 3



Per comprendere le dinamiche storiche e diacroniche che hanno portato alla formazione di uno spazio linguistico campano rinvio alla interessante sintesi di Barbato (2002).

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Data la dimensione di questi problemi sociolinguistici e dialettologici c’è forse poco da meravigliarsi che la produzione scientifica relativa al napoletano sia dispersa in una vera e propria galassia di lavori filologici e linguistici diversi. Molto della produzione letteraria e documentaria giace ancora in manoscritti e fondi di archivio e attende di essere pubblicata in edizioni scientificamente affidabili, lavoro – come si sa – certosino, che può richiedere lunghi anni e che costituisce una base indispensabile per qualunque serio studio linguistico. Molto tuttavia è stato fatto nella tradizione di ricerca che coniuga l’edizione del testo, l’analisi della lingua di singoli autori, e più complessivi studi di singoli periodi storici, come testimoniano i lavori di Corti, Sabatini, Malato, Coluccia, De Blasi, Formentin e più recentemente di Barbato e di Stromboli�������������������������������������������������������������������� . Manca, è vero, una grammaticografia del napoletano intesa nell’accezione scientifica della moderna linguistica generale, benché ciò si potrebbe dire per molte altre aree italoromanze. Sarebbe però del tutto ingiusto sostenere che sia mancata una tradizione grammaticale del napoletano di interesse scientifico. È esistita infatti una riflessione antica e diffusa sulla lingua che ha investito ambienti letterari e filosofici (si pensi alle importanti riflessioni di Galiani e di Croce, per non citare che alcuni dei nomi di intellettuali che pur da angolature diverse hanno sviluppato una riflessione sulla lingua napoletana). E si potrebbe osservare che a Napoli sembra essere esistitito a lungo, ed esiste ancora oggi, un interesse vivace e diffuso per la lingua e le sue caratteristiche: anche persone di modesto grado di istruzione hanno non di rado un forte sentimento linguistico e una notevole capacità metalinguistica, che si traducono in una spiccata consapevolezza delle regolarità grammaticali e nell’abilità di esprimerle. È un dato interessante dal punto di vista della teoria e metodologia di studio della competenza e della sociolinguistica percezionale, che meriterebbe indagini sistematiche. Non sono mancati neppure lavori che, sebbene non di ampio respiro, paiono non disprezzabili rispetto agli standards neogrammaticali classici, come la piccola grammatica di Capozzoli (1889) (pur non essendo il lavoro di un glottologo professionista, contiene molte buone osservazioni, preziose ancora oggi per gli studi linguistici) o la più recente grammatica di Bichelli (1974). Certamente sono mancate però sinora delle trattazioni grammaticali ampie, sia sincroniche che diacroniche, che rappresentassero in maniera articolata e capillare le strutture del napoletano tenendo conto dei principi della moderna sintassi generale. Uso qui il termine «generale» invece di «teorica» perché mi sembra che riassuma meglio il più ampio dibattito critico sulla rappresentazione dei fenomeni grammaticali, in maniera indipendente dall’adozione di teorie particolari. Va da sé naturalmente che il termine usato in questa accezione includa la qualifica di «teorico». Qualunque

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trattazione grammaticale implica l’adozione più o meno esplicita di una teoria della grammatica. In base a quanto si è detto, è������������������������������������������ chiaro ��������������������������������� che una moderna grammatica scientifica del napoletano deve affrontare molte questioni che pongono una sfida descrittiva e interpretativa non indifferente. Mi sembra anzi che il napoletano offra una eccellente opportunità di riflessione sugli stessi principi generali di «messa a grammatica», o se si vuole di «riduzione a grammatica» dei fenomeni linguistici. Chi potrebbe pensare oggi che l’operazione di costruzione di un sistema di regole che descrivono le strutture e le regolarità di una lingua non sia altro che una astrazione deliberata? Dopo i grandi dibattiti epistemologici di varie scienze del Novecento, a cui la linguistica generale non è stata estranea, sarebbe difficile concepire una grammatica come l’esatta fotografia della realtà della lingua, e a maggior ragione della realtà storica della lingua. D’altra parte, nella grammatica di una lingua come il napoletano, che ha un così alto tasso di variazione interna, che ampiezza dovrebbe avere l’impianto grammaticale variazionistico, ammesso ormai da tempo anche in modelli teorici formali (si pensi, nei modelli generativi, all’introduzione di una parte nucleare della grammatica, che rappresenta la competenza condivisa da tutti i parlanti, e di parti variabili a seconda delle competenze «idiosincratiche» non condivise)? Le difficoltà si complicano ulteriormente quando si considera l’operazione di costruzione di una grammatica storica. Alla molteplicità di scelte di fondo poste dalla rappresentazione grammaticale di una lingua in sincronia si sommano le spinose questioni, a lungo dibattute nella linguistica generale del Novecento, che riguardano il concetto di grammatica storica. Si ricorderà che per gli strutturalisti europei del Novecento, tra cui il romanista Eugenio Coseriu, una grammatica storica è una contraddizione in termini, nel senso che se con grammatica si intende la descrizione di un sapere linguistico il cui fondamento è dato dalla consapevolezza (o dal sentimento) dei parlanti che lo detengono, nessuna grammatica può essere storica, può cioè rappresentare gli sviluppi nel tempo delle «regolarità» linguistiche e le loro rationes, poiché in generale essi sfuggono all’esperienza diretta sia della fonte umana che dell’osservatore-interprete (esistono, è chiaro non poche eccezioni costituite da fonti che esprimono una consapevolezza di stati linguistici precedenti ormai superati e di cambiamenti in atto, ma si tratta di giudizi relativi a micro-diacronie che non vanno oltre il lasso di tempo di qualche generazione). L’operazione diacronica interpretativa nella sua forma piena può solo essere compiuta dal linguista attraverso una analisi di dati storici tra cui si stabilisce un rapporto, secondo un modello che nella sua essenza era stato fornito dal metodo neogrammaticale, modello in parte criticato nelle versioni più tradizionali per il

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suo carattere fortemente riduzionistico e per la metodologia della scelta dei dati. Si tratta però di una concezione che, raffinata da una più matura consapevolezza metodologica e da decenni di risultati di ricerche storiche, può essere integrata ed arricchita grazie alla scelta di corpora di dati più ampi e differenziati e dalla coscienza dei suoi stessi limiti. In questo senso, e per lo scopo che si è detto, si potrebbe dire che essa sia difficilmente superabile. Si dirà che si tratta di una semplice questione terminologica. Ed è vero che anche nei modelli formali di grammatica si è introdotta in tempi più recenti la distinzione tra «lingua interna», la cosiddetta «lingua I», che corrisponde alla competenza dei parlanti, e «lingua esterna», la cosiddetta «lingua E», che consiste semplicemente di un insieme di dati testuali. A parte casi particolari (riflessioni di grammatici, scrittori, etc.), sono per lo più i materiali di quest’ultima, i dati testuali, che costituiscono le fonti per la procedura di interpretazione storica, che ha dunque sempre un carattere latamente «ricostruttivo» (il termine non è qui ovviamente utilizzato nella sua accezione tecnica). D’altra parte, è proprio sulla quantità e qualità delle fonti storiche adoperate, sull’attenzione alla variazione e al polimorfismo e sulla natura delle operazioni interpretative degli sviluppi linguistici che si gioca la differenza tra una «grammatica» storica e una «grammatica» diacronica. In linea di principio, nella sua forma moderna la prima dovrebbe essere propriamente storica, dovrebbe cioè tentare di rendere conto, sin dove è possibile, dei molteplici andirivieni delle condizioni storiche, anche quando questi non si compongono in uno schema razionale perfetto, mentre la seconda dovrebbe piuttosto mirare alla determinazione di traiettorie temporali interne, idealmente compiute. Anche se nella realtà delle operazioni di «messa a grammatica» esistono aree di possibile intersezione, i due prodotti non sono sovrapponibili. Non c’è dubbio, ad ogni modo, che qualunque cosa si intenda con «grammatica storica» una simile operazione condotta sul napoletano pone difficoltà ben maggiori di quelle di una grammatica sincronica. A fronte di tutti i problemi menzionati si deve accogliere con grande compiacimento la ponderosa Grammatica diacronica del napoletano di Adam Ledgeway (Ledgeway 2009a), un contributo di fondamentale importanza che viene ad arricchire notevolmente il panorama della grammaticografia napoletana e italoromanza. L’opera è un vero tour de force, che suscita ammirazione e lascia impressionati per la mole e l’ampiezza del lavoro di raccolta e analisi dei dati che è stato condotto. Studioso serio, dalla ricca produzione scientifica, l’autore si è formato negli ambienti inglesi di una linguistica generale con vivaci interessi di romanistica (si veda da ultimo il suo From Latin to Romance: Morphosyntactic Typology and Change [Ledgeway 2012]) e ha ulteriormente maturato la sua formazione con una approfondita conoscenza

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delle realtà dialettali dell’Italia, in particolare dell’Italia meridionale, e degli ambienti scientifici italiani. Le sue ricerche si caratterizzano per una originale e interessante sintesi di osservazione e capacità analitica e interpretativa di dati empirici alla luce di teorie e modelli della linguistica generale, nella migliore tradizione di un eclettismo teorico britannico che ha fornito risultati grammaticografici di alto livello. Anche la grammatica diacronica del napoletano è contrassegnata da questa cifra. L’architettura complessiva e le sue articolazioni seguono un impianto che si potrebbe definire classico nei moderni studi di grammatica generale. L’autore basa le sue analisi su un ricco corpus di fonti primarie costituito da testi letterari assai numerosi (ben centosessantacinque) e stilisticamente differenziati, appartenenti ad epoche diverse. Molto ampio è anche l’uso delle fonti secondarie: una vasta bibliografia [9851006] sul napoletano è perfettamente dominata e bene messa a frutto nelle singole analisi, anche se talora con qualche eccesso di apertura di credito 4. In numerosi casi, delle fonti primarie è fornito uno spoglio di prima mano, che permette una notevole ricchezza delle esemplificazioni. Meno ampio è il corpus di materiali di parlato di diverso registro raccolti in maniera diretta (24 informatori, 10 donne e 14 uomini di età tra i 15 e gli 84 anni, di diversa istruzione, professione ed area metropolitana), che come ammette lo stesso autore non possono costituire «un campione sotto tutti gli aspetti rappresentativo dell’intera gamma di gruppi e sottogruppi sociali appartenenti alla comunità linguistica interessata» [17]. Anche in questo caso tuttavia Ledgeway si serve di un’ampia bibliografia di fonti secondarie, inevitabilmente di metodologia e qualità diseguali. Uno degli aspetti di maggiore interesse della grammatica, il cui lavoro ha comprensibilmente avuto una preparazione di più di dieci anni, è la descrizione molto fine delle strutture di vario livello, specialmente quelle relative alla morfologia verbale e alla sintassi dei sintagmi di varia categoria e della frase. La solida preparazione di linguistica generale ha consentito a Ledgeway di impostare l’architettura dell’opera secondo una griglia sistematica di proprietà categoriali, distribuzionali e funzionali estremamente articolata e di elevato livello tecnico, portando all’attenzione strutture precedentemente non descritte oppure non descritte in maniera sistematica. Particolarmente

4

Questa apertura di credito dà luogo a volte a imprecisioni: ad esempio, i grecismi kakkabos, kados, kantaros sono considerati ellenismi di epoca bizantina [7], mentre sono grecismi antichi entrati in latino attraverso le aree italiane meridionali; si sostiene che le vocali atone sono mantenute in Cilento [14], mentre in realtà questa caratteristica è distribuita su un territorio più ampio, che include parti dell’Irpinia e del Sannio; la distribuzione areale dei tipi pronominali isso e illo è più complessa e frammentata di come si descrive a p. 277, n 9.

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ricca ed originale è la trattazione del sintagma verbale, specie delle strutture perifrastiche, gruppo di costruzioni che per il romanista rivestono un grande interesse, anche comparativo. Sarebbe impossibile rendere conto qui della monumentale articolazione del lavoro, che consta di più di mille pagine, ma bisogna almeno menzionare la sapiente macro-organizzazione in sezioni (cinque) e capitoli (ventiquattro): Introduzione [1-17, elenco delle fonti primarie alle pp. 18-28]; Fonetica e fonologia: Cap. 1: Prosodia, struttura sillabica e rafforzamento consonantico [29-48]; Cap. 2: Vocalismo [49-83]; Cap. 3: Consonantismo [85-118]; Gruppo nominale: Cap. 4: Il nome [121-166]; Cap. 5: Determinanti e quantificatori [167221]; Cap. 6: L’aggettivo [223-245]; Cap. 7: Il possessivo [247-270]; Cap. 8: Pronomi personali [271-357]; Gruppo verbale: Cap. 9: Generalità [361-373]; Cap. 10: Forme dell’indicativo [375-430]; Cap. 11: Uso dei tempi indicativi [431-461]; Cap. 12: Forme e uso del congiuntivo [463-531]; Cap. 13: Imperativo [533-545]; Cap. 14: Forme nominali [547-590]; Cap. 15: Perifrasi verbali attive [591-663]; Cap. 17: Costrutti passivi e indefiniti [665-681]; Categorie minori: Cap. 18: Negazione [685-699]; Cap. 19: Preposizioni [701-715]; Cap. 20: Avverbi [717-739]; Struttura della frase: Cap. 21: Ordine delle parole [743-799]; cap. 22: Le interrogative [801-813]; Cap. 23: Codifica argomentale [815-862]; Cap. 24: Subordinazione [863983].

Interessante, e a mio avviso molto felice per un lavoro come questo, che deve servire da grande strumento di consultazione, è anche la scelta di impostare l’analisi in maniera neutra rispetto alle teorie, benché l’influenza maggiore o minore di alcune nozioni teoriche, in particolare della grammatica generativa, sia presente in alcune trattazioni, sia pure in chiave semplicemente descrittiva e talora interpretativa (ad esempio, la casistica del V2, i soggetti nulli e non nulli, i verbi inaccusativi, i concetti di «margine» e periferia della frase, controllo obbligatorio e controllo non obbligatorio). D’altra parte, come in alcuni modelli di grammatica generativa soprattutto dell’ultimo ventennio Ledgeway adopera rappresentazioni miste di proprietà di geometria della frase e pragmatiche (allocazione del Topic, del Fuoco, processi topicali e focali). In qualche caso l’ottica teorica utilizzata in chiave interpretativa complica le difficoltà di ricostruzione storica (si veda avanti). Nell’Introduzione l’autore ricorda lo scarso interesse scientifico per i dialetti campani rispetto a impostazioni di sintassi generale e teorica (il riferimento alle opinioni di Radtke e Varvaro che ritengono i dialetti della Campania poco esplorati potrebbe però ingenerare qualche equivoco, dal momento che si tratta di giudizi complessivi, non espressi rispetto alla mancata adozione di recenti modelli sintattici). Ledgeway sottolinea giustamente che «mentre i

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domini della fonologia e del lessico del napoletano hanno tradizionalmente goduto di maggiore attenzione da parte di dialettologi e linguisti, rimane ancora molto lavoro da fare per registrare e catalogare la ricca diversità morfosintattica del dialetto, la quale avrà un ruolo importante da giocare nel colmare la lacuna tra i dati ben noti delle lingue romanze standard e i dati delle varietà romanze meno studiate» [1sq.]. È sin da qui chiaro che un orientamento prioritario dell’opera è di servire da supporto a studi sulla struttura di una importante varietà romanza, sulla sua evoluzione interna e per questa via offrire un repertorio di dati tipologici utile a romanisti e linguisti generali, piuttosto che un insieme di descrizioni destinate a chi ricerca non tanto le traiettorie evolutive quanto le continuità e discontinuità storiche in cui i fatti di lingua sono inestricabilmente intrecciati a quelli culturali e sociali. Si tratta di un orientamento scientifico, sviluppatosi soprattutto in ambienti anglo-americani e in alcuni ambienti italiani di grammatica generativa, volto a stabilire un più stretto rapporto tra linguistica generale e dialettologia e in cui i dialetti sono concepiti come sorgenti di dati per la riflessione teorica. L’obiettivo di utilizzare i dati del napoletano in chiave generale e comparativa è esplicitamente dichiarato: «�������������������������������������������������������������������������������� A differenza dei dati empirici di altre varietà romanze che hanno spesso contribuito all’indagine e alla rivalutazione di idee e di ipotesi circa questioni riguardanti la struttura linguistica, la variazione tipologica e il mutamento linguistico – sia in chiave prettamente romanza che in chiave generale – l’importanza dei dati napoletani rispetto ai temi ora ricordati è invece passata quasi sotto silenzio, perché i dati in questione o non sono generalmente noti o non sono stati oggetto di analisi sufficientemente approfondite per ottenere una corretta valutazione della loro rilevanza comparativa e/o teorica» [1].

Ledgeway auspica che il risultato del suo lavoro sia «una descrizione che risult[i] sufficientemente comprensiva da potersi qualificare una grammatica di consultazione e, al contempo, formulata secondo una impostazione che agevoli lo studio in diacronia e in sincronia di fatti individuali come parte di un sistema coerente, nonché il loro confronto con altre varietà (italo)romanze» [2]. Egli è consapevole che il corpus delle fonti primarie è molto eterogeneo sia in termini di tipologie testuali che per il vasto arco temporale in cui queste sono implicate e a ragione sostiene che l’opera non va intesa come «una singola grammatica unitaria, ossia una idealizzazione di un insieme di regole strutturali ritenuto innato nei parlanti e negli autori napoletani a fasi diverse della storia del dialetto», ma piuttosto come «una semplice, ma ricca e esauriente, documentazione descrittiva delle varie strutture attestate in un vasto corpus» [2]. Ciò comporta inevitabilmente il delinearsi di «più ‹grammatiche›, anche nei casi in cui si confrontano testi coevi ma differenziati per tipologia

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o stile diversi» [2]. Ledgeway è inoltre consapevole del problema del notevole polimorfismo del napoletano, che egli definisce come «una sorta di elasticità strutturale che conferisce al dialetto una straordinaria fisionomia mutevole» tale da rendere «sia in diacronia che in sincronia una descrizione monolitica e univoca di molti aspetti linguistici del dialetto pressoché impossibile» [2]. La sua scelta di non procedere ad una idealizzazione dei dati che coarti la variazione, ma di rappresentare questa sin dove è possibile nelle sue dimensioni diacronica, diatopica, diastratica, diafasica e diamesica mostra senz’altro la maturità di una riflessione teorico-metodologica che continuamente accompagna in sottofondo l’opera 5. E tuttavia quest’ottica massimamente inclusiva, che palesa un notevole sforzo di perimetrare lo spazio dell’esplorabile e del catalogabile, apre una riflessione che va al di là della stessa grammatica in esame e coinvolge problemi concettuali più ampi, che chiamano in causa le differenze tra «storia» e «diacronia» nelle operazioni ricostruttive. Uno riguarda un dilemma di fondo, di natura teorica, di qualsiasi «messa a grammatica» di una lingua: sino a che punto è possibile e sino a che punto è opportuno che una rappresentazione grammaticale includa in maniera fine tutte le dimensioni della variazione? In un approccio tendenzialmente omni-inclusivo non si corre il rischio di trasformare la grammatica in una raccolta di dati empirici che funge da utile data base, piuttosto che da immagine modellizzata di realtà linguistiche dotate di consistenza storica? L’ideale di un’ottica di massima inclusività confligge forse con quello della costruzione di grammatica, in linea di principio riduzionistico. Per ogni fenomeno che si include molti altri mancheranno all’appello. Non è solo un problema della grammaticografia, naturalmente, ma di ogni modellizzazione di fonti storiche (si pensi ad esempio, per rimanere nell’ambito linguistico, al dibattito sui limiti da imporre alla ricchezza di dati variazionistici che un Atlante o un dizionario devono avere). Nell’impianto classico di una grammatica generale i parametri di riferimento fondamentali sono le strutture linguistiche e le regolarità più o meno forti che ad esse possiamo assegnare, il che comporta che la variazione (e non potrebbe essere diversamente) sia messa in secondo piano. È ovvio che si può ricorrere all’inclusione di dati statistici su regolarità maggiori o minori che caratterizzano le varie parti del corpus su cui la grammatica è costruita, come è buona prassi della moderna grammaticografia storica, che Ledgeway accoglie. Da un punto di vista pratico, se una grammatica è concepita come data base allora la sua architettura dovrebbe essere organizzata con chiavi di accesso multiple, non 5



I criteri generali che hanno informato l’architettura dell’opera sono stati ribaditi e utlteriormente illustrati con nuove argomentazioni in un interessante articolo pubblicato da Ledgeway sul Bollettino Linguistico Campano (Ledgeway 2009b).

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solo rispetto alle strutture trattate, ma anche rispetto alle sorgenti multiple della variazione (spazio, registro, singolo individuo rappresentato, etc.). Ma una grammatica non può essere un data base. In ogni caso, la Grammatica diacronica del napoletano non è una semplice raccolta di dati empirici a cui altri studiosi possano attingere, pur costituendo questo un obiettivo auspicato in maniera generosa e modesta dall’autore. Accanto all’intenzione descrittiva esiste infatti un lavoro interpretativo il cui carattere sistematico è ostacolato per forza di cose dalla complessità delle dimensioni dell’oggetto investigato. Del tutto coerentemente rispetto all’impianto di una grammatica, Ledgeway assume come assi portanti i singoli fenomeni strutturali, inserendo, dove possibile, in un’ottica attenta ai fatti di variazione, i risultati dei ricchi spogli testuali, che – come si è già avuta occasione di ricordare – sono spesso condotti di prima mano. La concezione dell’opera come insieme di più grammatiche deve fare i conti con l’inevitabile parzialità e frammentarietà delle ricostruzioni di stati sincronici del passato e soprattutto di quelle ricostruzioni che avanzano ipotesi sulle traiettorie diacroniche. Sebbene queste si fondino su un repertorio ampio e tipologicamente differenziato di fonti, l’utilizzazione a fini interpretativi degli scarti tra periodi, generi, stili e registri dei testi lascia aperti alcuni problemi. È possibile, d’altra parte, che una grammatica non sia il luogo privilegiato per rendere conto di questi scarti, che troverebbero una più naturale considerazione e un più adeguato impiego in singoli studi e monografie sulla lingua di questo o quell’autore o sulle caratteristiche delle singole varietà. La scelta di un corpus di massima inclusività comporta anche dei problemi di portata più circoscritta, ma non irrilevanti. Si potrebbe discutere sull’opportunità dell’inserzione nel corpus dei Placiti Cassinesi e del loro utilizzo (si veda p. 128, n 14; p. 874). Si tratta infatti di strutture stereotipate costruite in maniera artificiale come traduzioni di formule latine di contesto legale, che difficilmente si possono considerare vere attestazioni del volgare, come a lungo si è ritenuto. In particolare, la tesi che la presenza di co invece di ca nei Placiti sia del tutto prevedibile «in virtù dell’organizzazione strutturale della completiva» [874], ovvero l’attivazione della periferia sinistra della frase, riconduce esclusivamente ad un modello teorico quella che è una fenomenologia caratteristica delle scritture latine rustiche, l’uso delle forme cod, co come varianti di registro basso di QUOD. Queste forme furono in uso per molti secoli nel latino degli stili non elevati e si perpetuarono nella lingua dei documenti legali tardo-latini di livello sociolinguistico medio e basso, dove occorrono in un’ampia gamma di contesti strutturali diversi. È una conferma, se ce ne fosse ancora bisogno, che i testi dei Placiti (e delle scriptae più o meno coeve) non possono essere unilateralmente e immediatamente ricondotti al

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volgare. Più in generale, è lecito nutrire dubbi sul valore esplicativo dei fatti strutturali considerati isolatamente rispetto ai fattori di tradizione storica. Per corroborare la tesi che la distribuzione di co/che e ca sia spiegata dalla attivazione o meno della periferia sinistra della frase, Ledgeway adduce statistiche non prive di interesse 6, ma che non sembrano cogenti, anche perché il campione è relativamente esiguo e il confronto intertestuale è reso difficile dal modo in cui è stata calcolata la frequenza delle varianti. Si potrebbe osservare del resto che le statistiche sono spesso soltanto indiziarie e raramente probanti in senso assoluto ai fini del trattamento dei dati linguistici in diacronia. Sull’importanza delle specificità di contesto storico, osservazioni analoghe alle precedenti potrebbero valere anche per l’uso di fonti che richiedono una accurata indagine preliminare delle condizioni di composizione e di trasmissione del testo. È il caso dell’epistola napoletana di Boccaccio che, come pastiche letterario che ibridizza elementi diatopicamente diversi, non può essere considerata un vero e proprio esempio di prosa napoletana (la forma pronominale tia, giustamente registrata come sporadica, a p. 275 n 5, è con ogni probabilità un sicilianismo) 7. Un altro aspetto del corpus che deve essere tenuto in conto è la netta preponderanza di testi letterari, e la più esigua presenza di fonti primarie di lingua parlata, di cui si è già accennato. Questa circostanza non va dimenticata nell’uso dell’opera, dal momento che i suoi effetti si riverberano sulla portata della descrizione della variazione, soprattutto diamesica ed entro certi limiti diastratica, ricavata per lo più da fonti letterarie o secondarie piuttosto che da usi parlati reali. Si riporta così ad esempio da Oliva, un commediografo del Settecento, che «la plebe adopera la forma vocativa speciale tata [= ‘papà]» e la forma si considera «caduta in disuso nel dialetto moderno» [127, n. 12], ma interviste a contadini e persone anziane dei quartieri periferici a nord di Napoli e dei paesi limitrofi che formano ormai parte della grande conurbazione metropolitana mostrano che questa forma sopravvive, sia pure con una distribuzione sociolinguistica irregolare, e non è solo usata come vocativo, ma anche in altre funzioni grammaticali. Per la forma tico, a cui si assegna una funzione nominativale, oltre che comitativa, in sintagmi nominali soggetto post-verbali [274], si potrebbe aggiungere che la struttura non ha una regolarità assoluta nelle varietà parlate odierne, e che ciò potrebbe non essere solo 6



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I dati statistici presentati potrebbero forse offrire indizi dell’esistenza di un fattore morfofonologico e fonosintattico nella distribuzione dei due gruppi di forme in testi letterari. Per osservazioni che supportano una diversa analisi rispetto a quella di Ledgeway, si veda Greco (2009), (2011, 51, n 11 e 12 e 60-62). Si veda Sornicola, in stampa.

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l’effetto di un processo di italianizzazione. La forma tune (e più in generale le forme con incremento paragogico -ne), considerata obsolescente nel dialetto urbano [274], è forse meno eccezionale di quanto si possa pensare nelle enclaves di gruppi sociali con non elevata scolarizzazione di alcuni quartieri. C’è poi un problema di descrizione in termini di diatopia di differenze che hanno prioritariamente una dimensione diacronica, come nel caso del tipo craje ‘domani’, considerato non napoletano e diatopicamente marcato [14], laddove questo quadro può risultare da un’analisi relativa alla sincronia odierna (questi tipi esistevano ancora nel napoletano letterario antico: si veda D’Ambra (1873, 149)). Non sarei poi però così sicura che si tratti davvero di un elemento del tutto uscito dall’uso. È spesso difficile dire che cosa sia perduto per sempre oppure obsolescente nei registri parlati del napoletano odierno. Molto di ciò che crediamo scomparso continua a vivere sotto traccia, disseminato nella grande varietà della massa parlante, ed elude la consapevolezza linguistica. Per questi fenomeni e per numerosi altri occorrerebbero indagini sociolinguistiche mirate, condotte su opportuni corpora di parlato, per poterne descrivere in maniera più articolata le caratteristiche strutturali, diastratiche e diamesiche, nonché diagenerazionali. Un’ultima questione riguarda la concezione del napoletano rispetto all’asse diatopico, rispetto cioè ai suoi limiti areali. Ledgeway inserisce nella trattazione dati che provengono da varietà diverse del territorio regionale, in particolare da quelle dell’area flegrea, della costiera sorrentina e amalfitana. È un’ottica che assegna grande centralità a Napoli, e che certo non è priva di ragioni storico-culturali: la napoletanizzazione culturale e linguistica di diverse aree meridionali è un fenomeno osservabile sull’arco di più secoli, di cui ancora oggi è possibile vedere le dinamiche. La scelta potrebbe avere una legittimità anche rispetto alla descrizione di struttura linguistica, rifacendosi alle classificazioni correnti dei dialetti campani considerati come un aggregato idealmente unitario 8. Non è però incontrovertibile. Essa sembra più convincente rispetto alla koinè letteraria, in cui il ruolo della diatopia è inevitabilmente molto più sfumato (si pensi ai letterati che da varie parti del Regno venivano a Napoli e usavano forme e registri del volgare napoletano di prestigio), ma persuade di meno rispetto alle varietà parlate. Ad esempio, il trattamento congiunto della metafonia napoletana e di quella delle varietà flegree ed insulari, che hanno condizioni diverse, forse non agevola l’analisi 8

D’altra parte, potrebbe essere opportuno distinguere la descrizione di lessemi e strutture che sono napoletani e panmeridionali (un numero davvero elevato!) da quella delle unità caratteristiche del solo napoletano. Sull’area flegrea e delle isole come spazio con profondi scarti linguistici e culturali rispetto a quello napoletano ho presentato il mio punto di vista in Sornicola (2002).

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ricostruttiva delle dinamiche storiche di questi importanti fenomeni (si veda alle pp. 121, 128). Certo, chiunque faccia riferimento alla nozione di «dialetto urbano» per Napoli si scontra con difficoltà notevoli 9. Si tratta di un concetto quanto mai controverso, anche perché l’odierna area amministrativa della città ha subìto nel tempo molti cambiamenti, inglobando poco a poco villaggi e borghi che inizialmente non ne facevano parte. Il risultato è forse, per usare una metafora pittorica, come un quadro di arte moderna, in cui un oggetto in movimento è rappresentato mettendo insieme manifestazioni stilistiche e stati temporali diversi. L’immagine (e si potrebbe forse meglio dire il frottage) finale appare spesso come un insieme di sincronie piuttosto che come una rappresentazione effettivamente dinamica dell’oggetto stesso. La descrizione di una sequenza di sincronie non è di per se stessa una diacronia. Si potrebbero avanzare al riguardo diverse domande. È possibile nello studio diacronico fare ricorso a categorie grammaticali senza una riflessione che le relativizzi? Le categorie non hanno forse di per sé confini sfocati in sincronia, e ancor più in diacronia? E quale centralità dovrebbe avere la dimensione dei paradigmi nella ricostruzione di traiettorie, specie per ciò che attiene alla morfologia? In verità a me sembra che, per quanto non sia facile, nell’esame diacronico bisognerebbe piuttosto ragionare in termini di una logica diversa, che evidenzi non solo il momento della ricomposizione di categorie e di paradigmi attraverso i processi analogici, ma ponga nella giusta luce e assegni centrale importanza, nei limiti del possibile, alle trasformazioni di sfaldamento di strutture preesistenti. Certo, l’ottica che proietta le relazioni strutturali sincroniche sulla diacronia è molto comune e condivisa da studi di orientamento diverso. Ma ciò non vuol dire che non si dovrebbe quantomeno tentare di ripensarla criticamente. Modelli come il livellamento analogico e la rianalisi sono senza dubbio importanti, ma potrebbero essere contemperati da una maggiore sensibilità alle trasformazioni di categoria e di paradigma. Direi che queste considerazioni valgano particolarmente per l’ampio trattamento della declinazione [121-160], che in più punti mostra l’oggettiva difficoltà di distinguere in maniera chiara tra sviluppi interni ai diversi registri, livelli sociali e fasi storiche del latino e del romanzo. I problemi emergono, a mio avviso, con speciale evidenza nel trattamento della morfologizzazione del plurale in -ora [142] e del dissolvimento del neutro latino in paradigmi morfologici di nomi definiti «ambigeneri» per l’alternanza di forma, maschile al singolare vs femminile al plurale [143sq.]. Ma perché considerare le forme del plurale come esponenti del genere femminile senza ulteriori 9



Il termine è usato in qualche occasione nella grammatica di Ledgeway: si veda ad esempio a p. 274.

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problematizzazioni? Tale operazione si basa ovviamente sul consolidato criterio dell’analisi delle concordanze del nome con elementi aggettivali o determinatori con cui è costruito, manifestazione canonica della categoria di genere in molte varietà romanze. Senonché, per numerosi esempi citati il contesto non offre indicazione di concordanza, per altri l’analisi al riguardo è dubbia. L’esame complessivo ha una parziale validità come descrizione idealizzata di un paradigma sincronico, peraltro non privo di irregolarità. Queste sono riconosciute come tali ma non vengono colte nel loro valore diacronico. Sono riportate infatti [149] interessanti oscillazioni di concordanza da alcuni testi letterari tre- e quattrocenteschi: Foro la fundamenta de la mura de questa citate multo larga, le braza grossa, li braza suoy (dal Libro de la destructione de Troya), per lla languide ossa (da una lettera di De Jennaro), tutte ricondotte a casi di reinterpretazione del genere solo parziale, «in cui si percepisce un conflitto tra l’accordo di tipo grammaticale e quello di tipo semantico (ad sensum)» [149]. Ma nella logica delle trasformazioni diacroniche di categoria le disomogeneità di concordanza degli esempi citati sono indizi che lasciano intravedere qualcos’altro: la sopravvivenza in alcuni autori letterari di un «sentimento» del neutro latino nelle sue forme plurali, più coerente in Foro la fundamenta de la mura de questa citate multo larga e meno organico, in gradazione diversa, nelle altre strutture, e specialmente la lotta corpo a corpo tra latino e volgare che impegnava gli uomini di lettere. Considerazioni analoghe potrebbero valere per la struttura Ma sola chesta locora ne poteno sanare dei Bagni di Pozzuoli, considerata invece niente altro che «il riflesso di un meccanismo di armonizzazione morfologica» [142]. Anche le oscillazioni di genere del tipo fonte non sono ricondotte alla loro effettiva dialettica storica. In latino classico e ancora negli scrittori cristiani, fons era maschile, e compare come femminile più tardi, nell’Itinerarium Burdigalense (22, 12 haec fons: ThLL 6, 1, 1022, 14sq.). La forma maschile è ben presente in molti testi italo-romanzi antichi (si veda GDLI 6, 144a). In Dante è più spesso maschile che femminile, e una permanenza del maschile è testimoniata anche da alcuni toponimi come il sic. Altofonte. Qui come altrove sarebbe stata utile una più articolata considerazione dell’influenza del latino in varie fasi di sviluppo del romanzo e della gamma di opzioni stilistiche che essa può avere indotto in contesti culturali diversi. È un problema di portata generale, toccato solo tangenzialmente, che si pone con urgenza per non pochi dei fenomeni polimorfici trattati. Molti dei problemi discussi riguardano difficoltà di fondo in cui si dibatte ogni grammatica, storica o diacronica che sia, e a cui non può sfuggire una grammatica del napoletano. A Ledgeway non fa certo difetto un buon senso storico, palese in varie ipotesi ricostruttive avanzate che sembrano molto

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convincenti, come quelle che riguardano la distribuzione delle forme relative chi / che e c(h)a [962-968] e la diacronia di lungo periodo dei complementizzatori delle completive tra latino e varietà italo-romanze alto-meridionali. Contrariamente a quanto sostenuto dalla manualistica tradizionale, egli argomenta che: «non c’è mai stata nessuna opposizione tra le completive all’indicativo e quelle al congiuntivo nei dialetti dell’alto Meridione, dal momento che i riflessi di QUOD / QUID, già impiegati con i verba dicendi e sciendi come alternativa all’Accusativus cum Infinitivo (…) si vennero sostituendo al classico UT. In realtà, la presupposta opposizione CA / CHE riportata dalla maggior parte degli studiosi per i dialetti dell’alto Meridione interessa invece unicamente completive all’indicativo dove, come conseguenza del sempre più frequente impiego di QUIA accanto a QUOD nel basso latino in virtù dell’affinità semantica dei due, QUA e successivamente CA si stabilì come semplice rivale semanticamente equivalente all’originario QUOD / QUID > CHE delle completive all’indicativo. Ne consegue che nell’opposizione CA / CHE caratteristica dei dialetti dell’alto Meridione non è affatto da intravedere una distinzione di origine né latina né greca, bensì una originale alternanza strutturalmente condizionata di stampo prettamente romanzo che si venne producendo in seguito ‹allo sconfinamento della completiva con quod e quia›» (la citazione finale è di Väänänen, riportato in bibliografia) [875] 10.

Recenti lavori condotti sulla completivizzazione in testi tardo-latini di area meridionale sembrerebbero confermare indipendentemente la sostanza di queste conclusioni 11. Altri aspetti su cui l’impianto dell’opera sollecita riflessioni riguardano più direttamente i temi, già sollevati, del polimorfismo e del rapporto tra modelli descrittivi ed esplicativi. In alcuni casi il polimorfismo è descritto in maniera ricca e si collega a persuasive interpretazioni delle sue possibili dinamiche diacroniche: si veda ad esempio l’esame delle varianti dei pronomi di I persona yo, eo, io, i’ [272sq.] o, sul diverso piano della variabilità di paradigma morfofonologico, la trattazione dell’irregolare plurale metafonetico dei nomi femminili di I declinazione [127sq.] e dell’incerto modello flessivo dei nomi maschili della stessa classe [130]. In altri casi il polimorfismo è considerato da un punto di vista strettamente sincronico, il che non aiuta ad individuarne una dinamica nel tempo, come a proposito dell’alternanza cità / citate rilevata in Brancati. I due allotropi in effetti sono in competizione in molti testi letterari italoromanzi antichi, e non di rado coesistono nell’opera di uno stesso autore, talora per ragioni metriche, certo, ma non solo. Se da un lato ciò conferma la È lecito però avere qualche dubbio sulle trafile di cambiamento morfologico e morfofonologico dei complementizzatori ipotizzate nella trattazione di Ledgeway. 11 Rinvio al riguardo alla monografia di Greco (2012) sulla complementazione nel latino tardo di opere prodotte in Italia meridionale. 10

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necessità di ridimensionare la teoria diacronica dell’accusativo esteso, dall’altro suggerisce la possibilità di delineare una storia delle diverse distribuzioni stilistiche e culturali di molti allotropi. Dubbi si potrebbero avanzare anche riguardo alla descrizione delle forme patə e matə come semplici varianti fonetiche dei più letterari patre e matre [124]. Si tratta forse di allotropi che hanno avuto una diversificazione più antica e radicale a partire da forme casuali distinte del latino. Il problema del rapporto tra modelli descrittivi e modelli esplicativi in sede diacronica si pone talora con particolare evidenza. Se è del tutto sottoscrivibile che i dati linguistici non esistono in sé, ma sono resi tali dall’orientamento teorico dell’osservatore/interprete, è anche vero che a volte questo orientamento ci fa vedere solo ciò che siamo preparati a vedere, o che ci attendiamo di vedere. Così la regola del cosiddetto ordine delle parole «V2», individuata come caratteristica delle varietà romanze antiche in molti studi di grammatica generativa, impedisce forse di sfruttare a pieno le analisi quantitative condotte, che restano per così dire, sottoutilizzate rispetto ad una possibile comprensione delle dinamiche storiche dei testi. Analoghe considerazioni potrebbero valere per il trattamento dei soggetti nulli e non nulli, in particolare nelle frasi principali e subordinate [284sq.]. Si forniscono buoni dati empirici, che costituiscono un interessante contro-esempio alle aspettative teoriche, ma da questo risultato non si procede alla ricerca di nuove ipotesi che mettano in crisi il modello generale e aprano scenari diversi sulle trafile diacroniche. Anche la discussione dell’alternanza degli esiti di IPSE e ILLE, ricca di dati e osservazioni di pregio, sembra limitata nelle sue potenzialità dal ricorso prevalente alla logica di riduzione a paradigma delle forme di diversa base [276sqq.]. Indubbiamente può essere difficile guardare ai dati testuali con occhi nuovi, quando esistono autorevoli tradizioni descrittive di vario orientamento che hanno stabilito determinate interpretazioni, come nel caso del rapporto tra il connettivo sì e la continuità topicale [758-761]. In verità, per alcuni esempi testuali addotti per il napoletano, a conferma della descrizione tradizionale secondo cui sì sarebbe adoperato «dove l’identità di un topic nullo potrebbe eventualmente risultare ambigua» [759], l’analisi non sembra convincente. Ci si potrebbe chiedere, del resto, quale sia la reale forza di fattori pragmatici come la continuità topicale rispetto all’assetto strutturale di una costruzione e alle sue trasformazioni nel tempo, ed è possibile che tale forza sia stata alquanto sopravvalutata nella bibliografia. Linguisti generali e storici della lingua potrebbero trovarsi a fare un uso differenziato delle descrizioni e delle ipotesi diacroniche contenute nell’opera

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e potrebbero dover compiere operazioni diverse per la prosecuzione dei loro lavori. I primi dovrebbero prestare attenzione alle specificità storico-culturali delle singole fonti e alle implicazioni di queste per lo studio diacronico, in maniera da evitare immediate comparazioni di dati tra loro incommensurabili ed estrapolazioni di regolarità prive di consistenza storica 12 ; i secondi troveranno forse che il perimetro della grammatica è un confine troppo stretto per le ricche sfaccettature culturali che caratterizzano i loro standards di analisi, segnati tra l’altro dalla piena consapevolezza delle condizioni di contatto linguistico tra latino e volgari, ma potrebbero anche scoprire nuove piste di ricerca, da approfondire secondo le fini articolazioni strutturali complessivamente disegnate dalla nuova grammatica del napoletano. Come opera di consultazione, la Grammatica diacronica del napoletano resterà a lungo un punto di riferimento imprescindibile per nuovi studi sull’area italoromanza meridionale e per più complessive comparazioni romanze. Ma il suo merito è anche di avere raccolto la sfida difficile di costruire una moderna rappresentazione, scientificamente fondata, di una realtà storica di formidabile complessità come quella napoletana, e di avere ottemperato a questa sfida con metodo, rigore e coscienza. Al pari delle lingue, anche le grammatiche sono sempre un prodotto storico, e riflettono lo stato degli studi in una certa fase. Come le opere d’arte, tuttavia, esse riflettono anche il percorso culturale, gli interessi e la personalità dell’autore. Rispetto allo stato degli studi possono e debbono aprire un varco a riflessioni e ripensamenti, anche quando, come in questo caso, si tratta di opere di «ingegneria» linguistica di livello elevato. La personalità dell’autore ha siglato una cifra del tutto propria con la sua generosa passione per gli studi napoletani. Università di Napoli Federico II

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Ricordo, a questo riguardo, che Ledgeway ha opportunamente inserito nell’elenco delle fonti una utile descrizione del testo rispetto alla cronologia e soprattutto al genere testuale.

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NOTE DE LECTURE Un moment crucial pour la lexicographie du roumain : la publication du Dicţionarul limbii române en dix-neuf tomes (DLR-2, 2010) 1 Le reprint du Dicţionarul limbii române (Dictionnaire de la langue roumaine), mis en œuvre grâce au soutien de la Banque Nationale de Roumanie, représente un événement marquant pour la culture linguistique roumaine. Il s’agit du dictionnaire de roumain le plus complet conçu jusqu’à maintenant : un dictionnaire explicatif, historique et étymologique, destiné notamment aux spécialistes. Il enregistre les plus anciennes attestations des lexèmes et recourt à de nombreuses citations illustratives pour mettre en évidence la richesse sémantique et la distribution de ces unités, considérées selon divers points de vue. Par conséquent, il a été appelé « dictionnaire-trésor de la langue roumaine » (DLR, Réimpression, 2010, Préface, p. 5) 2. Ce dictionnaire est le fruit du travail de plusieurs générations de lexicographes. Dès sa fondation, en 1866, l’Académie Roumaine a projeté, comme un desideratum fondamental, la réalisation du dictionnaire du roumain. Après 1



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Le DLR-2 représente, concrètement, un reprint du Dicţionarul limbii române (DA) et du Dicţionarul limbii române (DLR), Bucarest, Editura Academiei Române. Nous remercions Monica Busuioc, Garofiţa Dincă, Nicoleta Mihai (Institut de linguistique « Iorgu Iordan – Al. Rosetti », Bucarest, Roumanie), Gerhard Ernst (���� Université de Ratisbonne, Allemagne��������������������������������������������� ), Jérémie Delorme (Université de Liège, Belgique) pour leurs notes de relecture stimulantes sur une première version de ce texte. Dans ces dernières années, le DA/DLR et, plus généralement, la situation de la lexicographie historique du roumain, furent traités plusieurs fois dans des publications internationales : Gerhard Ernst, « Romanian », in : Heid, Ulrich / Gouws, Rufus H. / Schweickard, Wolfgang / Wiegand, Herbert Ernst (ed.), Dictionaries. An International Encyclopedia of Lexicography. Supplementary volume : Recent developments with special focus on computational lexicography, Berlin/Boston (HSK 5.4), 2013, 687-701 ; Wolfgang Dahmen, « Historische Wörterbücher des Rumänischen », in : Lexicographica 27 (2010), 151-169.

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trois versions non finalisées ou jugées insatisfaisantes 3, les décideurs de l’Académie Roumaine ont confié cette tâche, en 1905, au jeune Sextil Puşcariu, qui a donc pu bénéficier de l’expérience et même du matériel de ses prédécesseurs. Sous sa direction ont été élaborés et publiés cinq volumes (lettres a, b, c, d-de, f-i/î, j, l-lojniţă ; 1906-1949), qui représentent l’ancienne série, connue sous le sigle DA (Dicţionarul Academiei). Après une interruption d’une décennie, les dirigeants de la nouvelle Académie Roumaine ont décidé la continuation des travaux, selon des normes rédactionnelles ajustées. Les chercheurs des trois centres scientifiques les plus importants du pays – Bucarest, Cluj et Iaşi – ont été appelés à poursuivre les travaux de ce dictionnaire, d’abord en rédigeant les volumes correspondant aux lettres restantes (M-Z), puis en reprenant les lettres incomplètes et rédigeant les lettres manquantes de l’ancienne série (D, E, L). Ces travaux ont eu pour aboutissement la nouvelle série du dictionnaire (1959-2010), connue sous le sigle DLR (Dicţionarul limbii române), qui compte 32 volumes. Les responsables de la nouvelle série furent d’abord Iorgu Iordan, Alexandru Graur et Ion Coteanu, auxquels ont succédé Marius Sala et Gheorghe Mihăilă. Ainsi, l’année 2010 est doublement significative pour la lexicographie roumaine : c’est en cette même année qu’ont paru tant le dernier volume du DLR que la réimpression anastatique qui met à la disposition des lecteurs l’ensemble de ce ‘dictionnaire-trésor’. Les 37 volumes de la forme initiale du DA et du DLR ont été reversés dans 19 tomes de la réimpression anastatique 4. Les volumes ont été rangés dans leur ordre alphabétique, sans tenir compte des dates de leur élaboration. Ainsi, les lettres D et E, par exemple, dont la rédaction a été achevée après l’an 2000, ont-elles trouvé leur place entre les lettres C et F, quoique ces dernières appartiennent à l’ancienne série.

Le dictionnaire d’August Treboniu Laurian & Ioan Massim 1869-1877 (le seul dictionnaire académique du roumain achevé avant le DLR) se caractérise par de graves excès latinistes ; celui de B. Petriceicu-Hasdeu 1887-1895 (ont été publiés trois volumes, correspondant à la portion a–bărbat) a été conçu selon un plan trop vaste, comme un dictionnaire non seulement de langue, mais aussi encyclopédique et ethno­graphique ; ensuite c’est A. Philippide qui a travaillé avec son équipe entre 1897-1905, en rédigeant la portion jusqu’à dăzvăţ, restée en manuscrit. 4 Le contenu de ces 19 tomes est le suivant : tome I : a-b ; tome II : c ; tome III : d– deţinere ; tome IV : deţinut–dyke ; tome V : e ; tome VI : f–i/î ; tome VII : j– lherzolită ; tome VIII : li–luzul ă ; tome IX : m ; tome X : n–o ; tome XI : p–pogribanie ; tome XII : pogrijenie–q ; tome XIII : r–sclabuc ; tome XIV : scladă–sponghios ; tome XV : spongiar– ş ; tome XVI : t ; tome XVII : ţ –u ; tome XVIII : v–vizurină ; tome XIX : vîcl ă–z. 3

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*** Dans la suite de notre propos, nous souhaitons : (1) aborder brièvement quelques-uns des principes énoncés par Puşcariu lorsqu’il prit ses fonctions au DA (tome I/I, Raport către Comisiunea Dicţionarului) ; (2) signaler certains des écarts qui opposent les deux séries de ce dictionnaire-trésor en ce qui concerne le traitement étymologique ; (3) réfléchir à la manière dont l’étymographie telle qu’elle est pratiquée au DLR a pu, selon nous, influencer d’autres dictionnaires du roumain. Le modèle lexicographique dont se réclame Puşcariu est le Dictionnaire général de la langue française de Hatzfeld, Darmesteter et Thomas (18901900). Toutefois, Puşcariu admet que la position de principe de ces auteurs 5 ne peut être transposée directement au cas du DA. Ainsi reconnaît-il que, dans le cas du français, fort d’une tradition littéraire pluriséculaire, de centaines d’écrivains et d’un lectorat cultivé, l’usage pouvait fonctionner comme « le suprême arbitre ». Par contre, la langue roumaine du début du 20 e siècle était loin d’être stabilisée. Les différentes orientations qui s’affrontaient alors dessinaient de l’usage linguistique un tableau plutôt chaotique. C’étaient avant tout les journaux qui façonnaient la langue du plus grand nombre 6. Comme Puşcariu l’affirme, un dictionnaire qui aurait prétendu rendre compte des aspects les plus divers de la langue aurait ressemblé à une collection de curiosités (DA, tome I/I, Raport către Comisiunea Dicţionarului, p. xv). Ainsi s’expliquent les réticences manifestées envers les emprunts récents, qui ont été soigneusement triés, si bien que beaucoup de lexèmes qui se sont bien implantés dans la langue roumaine au cours des décennies suivantes ont été considérés comme indignes de figurer dans le dictionnaire, puisque, le roumain disposant de termes autochtones pour désigner les mêmes réalités, on les jugea superflus ; cf. par exemple : busculadă “bousculade” vs îmbulzeală gambă “pied” vs picior maladie “maladie” vs boală  (v. DA, tome I/I, Raport către Comisiunea Dicţionarului, p. xix-xx 7) 5



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« L’usage est ici le suprême arbitre ; c’est lui qui donne la vie aux mots de formation nouvelle, qui la retire à ceux qui tombent en désuétude, qui parfois rajeunit des mots vieillis et surannés. » (Dictionnaire général, Introduction, p. ix). V. la caricature de la langue des journaux qu’I.L. Caragiale fait dans Temă şi ������ variaţiuni. En fait, busculadă et gambă ne figurent pas dans les colonnes des volumes en question, s’agissant de l’ancienne série (DA), dirigée par Puşcariu lui-même. Le substantif maladie, en revanche, a fini par trouver sa place dans le fascicule correspondant,

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En revanche, Puşcariu se dit déterminé à recevoir dans le dictionnaire les lexèmes vieillis ou sortis d’usage, ainsi que les lexèmes régionaux, fort de la conviction qu’ils pouvaient contribuer à la stabilisation de la langue roumaine littéraire 8. Puşcariu insiste sur le fait que les nuances et les différences sémantiques opposant certains mots populaires à leurs synonymes néologiques doivent être soigneusement analysées, par exemple : pour “abdomen, ventre” : les mots populaires foale, burtă, pântece vs le néologisme abdomen  pour “attention” : băgare de seamă, luare aminte vs atenţiune  pour “abstinent, chaste” : înfrânat, cumpătat vs abstinent  pour “accident” : întâmplare vs accident  (v. DA, tome I/I, Raport către Comisiunea Dicţionarului, p. xxiii)

En effet, malgré l’attitude généralement réservée qu’il témoigne envers les néologismes, Puşcariu concède aux usages néologiques un caractère de ‘nécessité’ lorsque les équivalents populaires des néologismes ne sont pas assez précis, ou encore lorsque le sens de ces équivalents varie selon les régions, par exemple : pour ‘nécessaire’ : de nevoie [Munténie], de lipsă [Transylvanie] vs le néologisme necesar

Comme dictionnaires historiques, le DA et le DLR entendent étudier la richesse sémantique des lexèmes à travers leur évolution diachronique, c’està-dire en prenant pour point de départ les sens primitifs, et inscrire l’examen de la diversification sémantique dans une perspective génétique. *** Dans les volumes de l’ancienne série (DA), l’étymologie est traitée d’une manière exemplaire : les lexèmes dont l’origine est établie avec certitude (c’est-à-dire ceux dont les étymologies sont unanimement acceptées par les spécialistes) bénéficient d’une indication succincte de l’étymon, sans autres précisions. Par contre, dans le cas des lexèmes dont l’origine est inconnue,



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publié en 1965, dans le cadre de la nouvelle série (DLR), sous les auspices de Iorgu Iordan, Alexandru Graur et Ion Coteanu. « Multe din aceste cuvinte vechi s-au uitat numai pentru că nu sunt cunoscute, pentru că nu se citesc îndeajuns scrierile strămoşilor noştri, şi ele pot fi împrospătate cu folos, recucerindu-li-se locul uzurpat de venetici ; iar între cele dialectale se vor găsi sute de cuvinte cari merită a fi întrebuinţate de toţi românii şi cu cari literaţii vor putea lega o prietenie strânsă. » (DA, tome I/I, Raport către comisiunea dicţionarului, p. xvi).

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ou bien dont l’origine est disputée, on se lance souvent dans d’amples débats, toutes les hypothèses étymologiques étant soigneusement évaluées. Malheureusement, cette pratique n’a pas été prolongée dans la nouvelle série (DLR). Dans l’Introduction de la lettre M (premier volume de la nouvelle série, 1965), on affirme notamment ceci : « Fără a fi un dicţionar etimologic propriu-zis, el [DLR] dă totuşi etimonul la marea majoritate a cuvintelor » (Sans être un dictionnaire étymologique proprement dit, il [le DLR] assigne toutefois un étymon à la plupart des mots) (p. viii)

Remarquons la valeur pragmatique de totuşi ‘quand même, toutefois’. Cela signifie que le DLR indiquera d’une manière plutôt succincte les étymologies mais que, à la rigueur, il pourra être dépourvu de toute indication étymologique, à l’instar du DL (précieux dictionnaire de la langue roumaine littéraire, en quatre volumes, parus de 1955 à 1958, sous les auspices de l’Académie Roumaine). Par conséquent, le DLR comporte des indications étymologiques aussi resserrées que possible : soit le simple énoncé de l’étymon – sans aucune argumentation sur l’étymologie et, en cas de controverse, sans faire mention d’autres étymologies proposées –, soit une mise en parallèle avec un autre lexème (roumain ou non), soit, enfin, une formule de renoncement – « étymologie inconnue ». La motivation principale d’une telle conception étymographique réside, à ce qu’il nous semble, dans la décision de principe prise par l’Académie Roumaine de laisser toute la complexité de la recherche étymologique à la charge des auteurs du futur dictionnaire étymologique du roumain 9. Par conséquent, le DLR, ‘phare’ des investigations historiques du lexique roumain, s’est inévitablement constitué comme modèle et source pour les autres dictionnaires du roumain. Un nouveau paradigme a ainsi vu le jour. Ce que nous souhaitons souligner, c’est que, par inertie, ce paradigme a façonné l’approche du récent Dictionnaire étymologique de la langue roumaine (DELR), projet nourri constamment par l’Académie Roumaine, à par9



« În DLR ea [etimologia] a fost concentrată şi redusă la o indicaţie sumară, pe cât posibil precisă, graţie rezolvării în timp a unor etimologii controversate, dar şi din convingerea că astfel de explicaţii de amănunt sunt mai potrivite în Dicţionarul etimologic al limbii române, în curs de elaborare la Institutul de Lingvistică. » (DLR, D-Deînmulţit, Bucarest, Editura Academiei Române, 2006, Préface [signée par l’acad. Marius Sala, l’acad. Gheorghe Mihăilă et la dr. Monica Busuioc], p. ix). Signalons encore que les dirigeants se sont rendu compte des désavantages de cette option : « Prin comprimarea etimologiei la o indicaţie sumară şi precisă s-a pierdut din interesul şi utilitatea pe care le oferea consultarea DA-ului specialiştilor străini şi români. » (DLR, Réimpression, 2010, Préface [signée par l’acad. Marius Sala, l’acad. Gheorghe Mihăilă et la dr. Monica Busuioc], p. 8).

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tir du milieu du 20 e siècle 10, dont le premier volume (A-B) n’est paru qu’en 2010. À notre avis, la ‘logique’ sous-jacente de cette évolution s’analyse de la façon suivante : dans une première étape, le traitement des étymologies se voit réduit au minimum, sous prétexte que les problèmes étymologiques seront abordés convenablement dans le futur dictionnaire étymologique ; dans une seconde étape, quand les lignes de ce dictionnaire (DELR) se dessinent enfin, il est déjà prisonnier du paradigme des étymologies minimales, instauré par le DLR. Dès lors, le DELR se contente le plus souvent d’une simple mention de l’étymon, sans l’argumenter. L’avancée qui le caractérise par rapport au ‘paradigme DLR’ consiste dans la prise en compte d’autres hypothèses étymologiques formulées au cours du temps, dans les cas controversés, mais, pour autant, ces hypothèses ne sont jamais soumises à une évaluation explicite 11. Hormis cette différence dans le traitement étymologique, signalons encore quelques-uns des écarts les plus saillants entre les deux séries de ce ‘dictionnaire-trésor’ : – les articles du DA se présentent, le plus souvent, comme une compilation de dérivés sous le ‘chapeau’ du lemme correspondant au lexème-base des dérivations, mais, dans le DLR, tous les lexèmes, qu’il s’agisse de dérivés ou non, bénéficient du statut de lemme ; – les sens des lexèmes traités dans le DA sont donnés en français, mais, dans le cas de la nouvelle série, on a renoncé à cette traduction, ce qui rend les volumes du DLR moins accessibles aux linguistes non roumanophones.

On doit encore mentionner les difficultés d’utilisation du DA/DLR, créées, au cours d’un siècle, par les différentes réformes de l’orthographe 12. V. le témoignage de Mircea Seche, Schiţă de istorie a lexicografiei române, Bucarest, Editura Ştiinţifică, vol. II, 1969, p. 264-265, qui parle de l’élaboration d’un dictionnaire étymologique, dont on n’a rien su par la suite : « Un colectiv de specialişti aflat sub conducerea lui Alexandru Graur elaborează în prezent un nou Dicţionar etimologic al limbii române, pe baza unei concepţii interesante : limitându-se să dea explicaţii etimologice certe dar sumare, noul dicţionar îşi propune în schimb, ca punct forte al programului său, să adune între filele lui o enormă cantitate de cuvinte, de toate tipurile şi din toate epocile, care va întrece de mai multe ori lucrările similare existente ». V. aussi un passage en revue de plusieurs projets non matérialisés, concernant le dictionnaire étymologique du roumain, dans la préface du DELR (p. v). 11 Au sujet du DELR, v. notre article « Observaţii privind tratarea dialectelor limbii române, problema datării lexemelor şi valorificarea surselor în noul Dicţionar etimologic al limbii române », in : Fonetică şi dialectologie 31 (2012), 205-226, ainsi que les deux comptes rendus : Gerhard Ernst, compte rendu de DELR, in : RLiR 77 (2013), 554-557 ; Wolfgang Schweickard, compte rendu de DELR, in : ZrP 129 (2013), 858866. 12 Cf. pour les détails Ernst 2013, 691 (op. cit. supra, n. 2). 10

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*** Comme on pouvait s’y attendre dans le cas d’un dictionnaire extrêmement complexe dont l’élaboration court sur plus d’un siècle, le ‘dictionnaire-trésor’ du roumain présente certaines incohérences, même à l’intérieur des deux séries. Néanmoins, il s’agit d’un instrument unique, indispensable aux spécialistes et à tous ceux que l’histoire du lexique roumain intéresse. Auparavant, certains volumes étaient de vraies raretés, et, par conséquent, peu nombreuses étaient les bibliothèques disposant de séries intégrales. Grâce à cette réimpression, le ‘dictionnaire-trésor’ du roumain devient accessible à tous les spécialistes et aux connaisseurs de la langue intéressés. De plus, en adéquation avec les tendances actuelles, nous aimerions appeler de nos vœux, comme prochaine étape, une refonte des plus anciens volumes de ce dictionnairetrésor et, dans le même temps, la numérisation de son contenu, afin de le rendre consultable en ligne, à l’instar du Trésor de la langue française informatisé 13. Victor CELAC

Imbs, Paul / Quemada, Bernard (dir.), Trésor de la langue française. Dictionnaire de la langue du XIXe et du XXe siècle (1789–1960), 16 volumes, Paris, Éditions du CNRS/Gallimard, 1971–1994 ; version en ligne : ‹ http://atilf.atilf.fr/tlf.htm ›.

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NÉCROLOGIE Peter Thomas RICKETTS (1933-2013)

Peter Thomas Ricketts, romaniste britannique et professeur émérite des universités de Birmingham (Honorary Professor) et de Londres (Honorary Fellow, Emeritus Professor), est décédé le 7 mai 2013 à Birmingham (Royaume-Uni), à l’âge de 79 ans. Professeur de philologie romane et française, il a joué, bien au-delà de son enseignement universitaire, un rôle extraordinaire dans le développement des études occitanes en Europe et dans le monde entier. Il a même été pour beaucoup d’entre nous, chercheurs occitanistes, un conseiller avisé et un compagnon dévoué et toujours disponible et c’est pour cela que dans cette nécrologie il sera évoqué seulement par son prénom. À l’issue de ses études à l’université de Birmingham, couronnées par un PhD (French), Peter effectue des séjours en France de 1954 à 1957, d’abord comme assistant d’anglais à Nîmes et à l’Université de Montpellier, où il découvre la richesse de la culture et de la littérature occitanes à laquelle il se consacre, guidé par Charles Camproux ; en même temps il continue ses études d’occitan à Birmingham sous la direction de John Hathaway. En 1958 et de 1961 à 1964 Peter enseigne la philologie latine et française dans les universités canadiennes de Toronto (Victoria College) et Vancouver ; ensuite, il travaille en linguistique romane à l’Université de Birmingham, puis à la chaire de français de l’Université de Liverpool et finalement obtient la prestigieuse chaire de philologie romane à l’Université de Londres (Queen Mary and Westfield College). C’est à Londres qu’il devient aussi Honorary Fellow à l’Institute for Advanced Research in Arts and Social Sciences. Peter a produit une œuvre scientifique très riche dans les domaines de la philologie romane et de la littérature médiévale française, mais c’est surtout la littérature occitane qui a suscité son intérêt scientifique majeur. En effet dans ce domaine il a occupé une position phare pour les autres chercheurs. Ses premiers ouvrages remarquables datent de 1964 avec l’édition critique du troubadour Guilhem de Montanhagol 1 et de 1967 avec l’Introduction à l’étude de l’ancien provençal, manuel dont il fut co-auteur avec Frank R. Hamlin et John Hathaway 2 ; ensuite, Peter commence à travailler à son premier ma­gnum opus consacré au Breviari d’Amor du clerc et avocat biterrois Matfre Ermengaud (12461322), une véritable et énorme encyclopédie de 34600 vers, transmise par une ample tradition manuscrite et accessible à cette époque-là seulement dans la vieille et défectueuse édition de Gabriel Azaïs (1862-1881). De ce long travail, quatre tomes sont parus 1





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Les Poésies de Guilhem de Montanhagol, troubadour provençal du XIIIe siècle, Toronto, Pontifical Institute of Mediaeval Studies, 1964 (« Studies and Texts », 9). Introduction à l’étude de l’ancien provençal. Textes d’étude, Genève, Droz, 1967 (« Publications Romanes et Françaises », XCVI) ; 2e édition entièrement refondue, Genève, Droz, 1985.

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(en 1976, 1989, 1998, 2004, avec une réédition en 2012) 3, auxquels il manque seulement l’introduction et le glossaire (dont Cyril Hershon, qui collabore depuis des années à l’édition, est en train de s’occuper) et encore une traduction française que Peter pensait publier à part. Il consacra encore d’autres travaux à Matfre, dans des revues et dans un volume publié en 2012 4, qui témoignent de sa longue fidélité à cet auteur et à ce qu’il représente pour la continuité de la culture occitane et troubadouresque. En plus de ce que nous venons d’évoquer, les œuvres de littérature médiévale qui ont retenu l’attention scientifique de Peter, seul ou en collaboration avec d’autres chercheurs, ont été nombreuses. Il a aussi étudié la littérature d’oïl 5 et écrit quelques essais sur d’autres littératures, mais c’est surtout la littérature médiévale en langue d’oc qui a été le domaine d’élection de son activité. Il a travaillé sur de nombreux troubadours, tels Bernart de la Barta, Bernart de Ventadorn, Bertran de Born, Daude de Pradas, Folquet de Lunel, Guilhem de Berguedan, Marcabru, Palais, Peire Bremon Ricas Novas, Peire de Bussinhac, Peire Espanhol, Ricau de Tarascon ainsi que sur la Chanson de la croisade albigeoise ; dans le domaine de la poésie des troubadours il a aussi étudié le genre de l’estribot et les chansonniers lyriques ; il a édité plusieurs textes religieux et scientifiques, qu’il a étudiés également du point de vue lexicologique. En particulier, Peter a édité (avec la collaboration de C. P. Hershon) la Vida de sant Honorat, en reprenant et complétant l’édition d’Ingegärd Suwe (1943) 6, et (avec M. Roy Harris) le Nouveau Testament de Lyon, publié sur la toile dans le site du Repertorio informatizzato dell’antica letteratura trobadorica e occitana (Rialto) 7 et a proposé un beau recueil de textes occitans en vers dont les éditions étaient très anciennes ou inédites 8 et qu’il découvrit pendant ses travaux lexicographiques dont nous parlerons ci-dessous. À sa mort, Peter a laissé plusieurs travaux et projets en cours entrepris avec des collaborateurs, encore et

Le Breviari d’Amor de Matfre Ermengaud, Tome V (27252T-34597), Leiden, Brill, 1976 ; Le Breviari d’Amor de Matfre Ermengaud, Tome II (1-8880), London, AIEOWestfield College, 1989 (« Association Internationale d’Études Occitanes », 4) ; (avec la collaboration de C. P Hershon) Le Breviari d’Amor de Matfre Ermengaud, Tome III (8880T-16783), London, AIEO-Royal Holloway, 1998 (« Association Internationale d’Études Occitanes », 5) ; (avec la collaboration de C. P Hershon) Le Breviari d’Amor de Matfre Ermengaud, Tome IV (16783T-27252), Turnhout, Brepols, 2004 (« Publications de l’Association Internationale d’Études Occitanes », II) ; (avec la collaboration de C. P Hershon) Le Breviari d’Amor de Matfre Ermengaud, Tome V (27252T-24597), 2e édition entièrement refondue, Turnhout, Brepols, 2011 (« Publications de l’Association Internationale d’Études Occitanes », VII). 4 Connaissance de la littérature occitane. Matfre Ermengaud (1246-1322) et le Breviari d’amor, Perpignan, Presses Universitaires de Perpignan, 2012. 5 (avec J. Hathaway, C. A. Robson, A. D. Wilshere) Fouke le Fitz Waryn, Oxford, Anglo-Norman Text Society, 1975 (« Annual Texts », 26-28) ; (avec B. R. Walters, V. Corrigan), The Feast of Corpus Christi, State College, PA, The Pennsylvania State University Press, 2006. 6 La Vida de sant Honorat, Turnhout, Brepols, 2007 (« Publications de l’Association Internationale d’Études Occitanes », IV). 7 ‹  http://www.rialto.unina.it/prorel/NTL/NTL.htm › 8 Contributions à l’étude de l’ancien occitan: textes lyriques et non-lyriques en vers, Birmingham, AIEO-University of Birmingham, 2000 (« Association Internationale d’Études Occitanes », 9). 3

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surtout dans le domaine occitan (éditions du Libre dels vicis e dels vertutz, de l’Elucidari de las proprietatz de totas res naturals, des versions ibériques du Breviari d’Amor, du Registre de comptes de Saint-Michel de Carcassonne [Archives de l’Aude, ms. G. 291], de la Confession et salut du ms. Paris, BnF, fr. 1852 et d’autres) que nous espérons voir un jour publiés. Finalement, Peter a conçu et réalisé en grande partie un deuxième ouvrage de longue haleine qui représente depuis sa sortie un instrument incontournable pour tous les chercheurs qui travaillent sur la langue et la littérature occitanes. Il s’agit de la Concordance de l’occitan médiéval (COM), une base de données informatisée où sont rassemblés, saisis et encodés (avec la collaboration d’Alan Reed) tous les textes de l’occitan littéraire, scientifique et juridique depuis ses origines jusqu’au XVe siècle, en vers et en prose. Pour la préparation de cet ouvrage formidable, tout à fait pionnier dans les études occitanes et même romanes, Peter a su mobiliser de nombreux chercheurs européens et américains depuis plusieurs années, mais c’est surtout grâce à son activité constante que la COM fut enfin publiée : les deux premières tranches sont sorties sur CD-ROM chez l’éditeur Brepols (Turnhout) en 2001 (COM 1, consacrée à la production des troubadours) et en 2005 (COM 2, qui inclut aussi les ouvrages non-lyriques en vers, relevant des genres les plus variés) 9. À sa mort il était en train de parachever la troisième tranche, qui réunit l’ensemble des textes en prose et qui sera publiée grâce aux soins de Dominique Billy. Il avait même projeté une quatrième et dernière tranche, dédiée aux éditions diplomatiques et interprétatives des chansonniers des troubadours, ce qui démontre la grande capacité de Peter de concevoir de nouveaux parcours dans la recherche linguistique et notamment lexicographique ; ceci sera la tâche des chercheurs qui voudront bien poursuivre le chemin qu’il a tracé. Peter avait reçu plusieurs décorations pour ses mérites scientifiques : il était officier de l’Ordre de l’Empire Britannique (O.B.E.) et chevalier de l’Ordre des Palmes Académiques et de l’Ordre des Arts et des Lettres de la République Française ; ensuite il a été reçu docteur honoris causa de l’Université de Toulouse 2 Le Mirail en 2010 et, quelques jours avant sa mort, maître-ès-jeux de l’Académie des Jeux floraux à Toulouse 10. Il était aussi citoyen honoraire de la Ville de Montpellier, Soci du Felibrige et membre du Comité d’honneur de la Revue des Langues Romanes. Un recueil d’études publié en 2005 en son honneur, réunissant plus de soixante-dix articles de chercheurs travaillant dans quinze pays différents, rend hommage à sa carrière et illustre de façon lumineuse le rayonnement international de son activité 11. Le long travail de Peter dans le domaine occitan ne fut pas seulement celui d’un grand érudit, mais aussi d’un infatigable organisateur et promoteur de la recherche et de la divulgation. Il a largement contribué à la fondation, en 1981 à Liège (dans le cadre du VIIIe [et dernier] Congrès de Langue et littérature d’oc et d’études francoprovençales) de l’Association Internationale d’Études Occitanes (AIEO), association qui rassemble

Concordance de l’Occitan Médiéval. COM 2. Les Troubadours. Les Textes Narratifs en vers, Direction scientifique Peter T. Ricketts, Direction technique Alan Reed, Avec la collaboration de F. R. P. Akehurst, J. Hathaway, C. van der Horst, Tournhout, Brepols, 2005 (CD-ROM). 10 ‹  http://jeuxfloraux.fr › 11 Études de langue et de littérature médiévales offertes à Peter T. Ricketts à l’occasion de son 70 ème anniversaire, éditées par D. Billy et A. Buckley, Turnhout, Brepols, 2005. 9

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plusieurs centaines de spécialistes de langue et littérature occitanes d’Europe et du monde entier et qui a pour objectif la promotion des études occitanes, en particulier par des rencontres régulières (congrès, colloques, journées d’étude) et des publications spécifiques (collections scientifiques, bulletins) 12. Peter a été le président de l’AIEO depuis sa création jusqu’en 1990 ; ensuite, il fut encore assesseur dans son Conseil d’Administration de 1996 à 2008. L’AIEO doit beaucoup à Peter, qui lui a consacré tant de temps et de travail, pendant sa présidence et même après sa sortie définitive du Conseil, comme peut en témoigner l’auteur de ces lignes à qui, lorsqu’il a accepté la charge de président en 2005, Peter a constamment prodigué ses conseils et son aide. Pendant une longue période il assura aussi la publication de la première collection des publications de l’AIEO (1985-2000), qui compte neuf titres (dont trois contiennent ses ouvrages), en s’occupant avec sa générosité habituelle de tout le travail, de la conception à la distribution des volumes 13. Mais Peter se consacra également à la divulgation de la littérature occitane médiévale, convaincu comme il se doit qu’il s’agit d’une tâche à laquelle les spécialistes ne doivent pas se soustraire, dans l’intérêt même des disciplines qu’ils pratiquent. Il s’engagea alors dans la diffusion d’une meilleure connaissance de la poésie troubadouresque : il fut Vice-Président du Centre de Recherche et d’Expression des Musiques Médiévales à Pennautier (Aude), fondé par Gérard Zuchetto, mais aussi conseiller scientifique des Estivals à Ventadour (Corrèze) et des Trobadas, qui depuis 2005, sous la coordination artistique de Luc de Goustine (président de Carrefour Ventadour 14) et maintenant sous la présidence de Katy Bernard (Université Bordeaux Montaigne), ont été dédiés à la découverte de plusieurs troubadours dans les lieux mêmes de leur naissance ou de leur activité 15. Dans ce cadre il poursuivait aussi, en collaboration avec Dominique Billy et moimême et avec la coordination éditoriale de Luc de Goustine, une traduction française de la célèbre anthologie de Martín de Riquer Los trovadores 16, afin de donner enfin à un public francophone non-spécialiste la possibilité d’accéder à la poésie troubadouresque par le biais d’un ouvrage de haute qualité historique et philologique. La mort a surpris Peter justement dans le travail de révision du premier tome de cette traduction, travail qu’il avait projeté de conduire pendant une dizaine de jours chez lui avec Luc de Goustine. Il nous a donné encore une fois un témoignage de son dévouement, constant et serein, aux études et à la recherche, et cela n’est pas le moindre des legs qu’il nous a laissés. Walter MELIGA ‹  http://www.aieo.org › ‹  http://www.aieo.org/bibliographie/aieo_biblio_paieo.htm › 14 ‹  http://www.ventadour.net › 15 Dans les Trobadas on a traité de Marcabru à Ventadour en 2007, de Bertran de Born à Hautefort en 2009, de Gaucelm Faidit à Uzerche en 2010, de Jaufré Rudel à Blaye en 2011, d’Arnaut Daniel à Ribérac en 2012. Peter n’a pu participer à la Trobada pour Guillaume de Poitiers qui s’est tenue à Bordeaux en septembre 2013. 16 Martín de Riquer, Los trovadores. Historia literaria y textos, Barcelona, Planeta, 1975, 3 voll. 12 13

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BRIAN MERRILEES

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Brian MERRILEES (1938-2013)

Avec Brian Merrilees, nous avons perdu un valeureux artisan de la lexicographie française. Natif de Nouvelle-Zélande, il était venu terminer ses études supérieures à la Sorbonne, par une thèse, soutenue en 1964 sous la direction de Robert-Léon Wagner, l’édition du Petit Plet de Chardri, poème anglo-normand du début du 13e siècle, qui prit place dans l’ANTS en 1970 (sigle de L’ANDi : Pet Plet ANTS, 433 citations). Dès 1964, il est nommé à l’Université de Toronto où il enseignera pendant quarante ans. Il y continuera ses travaux dans le domaine anglo-normand en éditant, du même auteur, La Vie des Set Dormanz, qui trouvera place aussi dans l’ANTS en 1977 (sigle de L’ANDi : Set Dorm ANTS, 205 citations). Le point d’orgue de cette veine sera une belle édition d’un des chefs d’œuvre du douzième siècle anglo-normand, le Voyage de Saint Brendan, en collaboration avec Ian Short, dans une version anglaise (1979), puis française (1984 et 2006). Toutes ces éditions d’inspiration bédiérienne modérée sont solides, se caractérisent par d’excellents glossaires et sont donc devenues des sources utilisées dans les travaux lexicographiques. Tout naturellement, le philologue-lexicographe se transformera en philologue de la lexicographie médiévale, pour reprendre le flambeau des glossaires médiévaux latin-français, abandonné depuis Mario Roques. On lui doit l’édition de trois importants volumes in-4° dans la série Lexica latina medii aevi qu’il co-diririgea chez Brepols. Ce sont : en 1994, (avec William Edwards) le Dictionnaire latin-français de Firmin Le Ver (qui a reçu le Prix Honoré Chavée de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres) (sigle du DMF : LE VER, Dict. M.E., c.1420-1440, cité dans 1854 entrées) ; en 1998, Duo Glossaria, où il assure (avec Jacques Monfrin) la publication du Glossaire français-latin du ms. Paris lat. 7684 (sigle du DMF : Gloss. gallico-lat. M.M., c.1425-1450, cité dans 614 entrées) ; en 2002, (avec William Edwards) le Dictionnaire latin-français de Guillaume Le Talleur (sigle du DMF : LE TALLEUR, Vocab. E.M., c.1490, cité dans 766 entrées). Chemin faisant, il a publié de nombreux articles, ouvrant souvent des pistes de recherches sur les monuments qu’il publiait et qu’à ce titre il faut utiliser comme compléments à ses éditions ; on trouvera l’inventaire de ses publications dans le joli volume de Mélanges 1 qui lui avait été offert. Savant remarquable, c’était également un collègue très agréable, comme en atteste aussi le grand nombre d’ouvrages publiés en collaboration. Grand amateur de rugby, comme il se doit pour un fils de la Nouvelle-Zélande, pays où il retournait régulièrement, il avait pratiqué longtemps le saut à la perche et, l’âge venant, il avait troqué les perches contre des clubs de golf. Il fut un de ces quelques érudits venus de l’hémisphère sud anglophone, qui ont porté très haut la bannière du français médiéval, dans des travaux qui seront longtemps utilisés avec confiance. Gilles ROQUES Harvey, Carol J. (ed.), 2007. « Queil boen professeur, mult enseinné, queil boen collegue », Mélanges offerts à Brian Merrilees, Florilegium 24, xvii-xxi.

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NÉCROLOGIE

Rosita RINDLER SCHJERVE (1948-2013)

Avec Rosita Rindler Schjerve, décédée le 13 septembre 2013 à Vienne, c’est un chapitre très important de la linguistique de contact qui s’est clos. Née à Villach, en Carinthie, en 1948, elle y a fréquenté l’enseignement primaire et secondaire. Par la suite, elle a pris le chemin de Vienne pour s’y inscrire à l’université où elle s’est dirigée d’abord vers des études de traduction et d’interprétariat avant de s’adonner pleinement à la pratique de la philologie romane. Sa thèse d’Université, soutenue en 1975 à Vienne, portait sur l’interaction linguistique qui devait exister entre le futurisme et le fascisme italiens. L’année suivante, en 1976, elle effectuait son premier voyage d’exploration et de découverte en Sardaigne, laquelle allait devenir sa terre romane d’élection. Elle a fini par y étudier tous les détails de la vie linguistique et communicative de deux communes – Ottava et Bonorva – situées dans le nord de l’île et sociolinguistiquement très différenciées l’une de l’autre. La thèse d’État qu’elle a tirée de ses observations et recherches 1 est devenue l’un des plus importants travaux de la sociolinguistique sarde. La Sardaigne, caractérisée par une diglossie complexe entre le sarde et l’italien, n’a d’ailleurs pas cessé de l’intéresser profondément, si bien qu’elle y est retournée à d’innombrables reprises. Si les années 1975 et 1976 ont marqué, dans sa biographie, deux étapes initiatiques de nature scientifique, l’année suivante – 1977 – est devenue, pour elle, un jalon décisif de sa vie personnelle à plus d’un égard. C’est qu’elle a fait cette année-là la connaissance du sociolinguiste bruxellois Peter Nelde, alors promu au rang de directeur du Centre de Recherche sur le Plurilinguisme (CRP) de l’Université catholique de Bruxelles, et d’autres émules entrés avant, à côté ou après elle, dans l’orbite de cet infatigable instigateur et promoteur de la recherche sociolinguistique. C’est en coopération avec lui et le CRP qu’elle a participé non seulement à tous les congrès de linguistique de contact (et de conflit), appelés programmatiquement « Contact + Confli(c)t » 2, mais aussi aux relevés de recherche Euromosaic, effectués, à la demande de l’Union Européenne (UE), par le CRP. Dans le cadre de la première tranche (Euromosaic I), elle a assumé la responsabilité des enquêtes sardes alors qu’elle s’est occupée des minorités non-germaniques de l’Autriche pour le compte de la deuxième tranche (Euromosaic II). Promue, en 1991, au rang de ‘professeur extraordinaire’ de linguistique romane à l’Institut des Études Romanes de l’Université de Vienne, elle s’est tournée ensuite du 1



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Sprachkontakt auf Sardinien. Soziolinguistische Untersuchungen des Sprachenwechsels im ländlichen Bereich, Tübingen, Narr, 1987. Rappelons que Peter Nelde a toujours souligné qu’il n’y avait aucun contact linguis�������� tique sans une composante conflictuelle plus ou moins marquée. Ce principe a reçu, parmi les adhérents du CRP de Bruxelles, le qualificatif de ‘loi de Nelde’.

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ROSITA RINDLER SCHJERVE

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côté de la diversité linguistique et ethnique de la Monarchie austro-hongroise d’avant 1918. C’est ainsi qu’elle a dirigé, en coopération avec le romaniste viennois Michael Metzeltin, deux projets de recherche en la matière, dans le cadre desquels elle a fait preuve d’excellentes qualités d’animation et d’organisation scientifiques. Signalons, à ce sujet, la publication de deux grands recueils, parus respectivement en 2003 3 et en 2004 4. En guise de récompense pour ce grand dynamisme scientifique, l’Université de Vienne lui a conféré, en 2000, le rang de ‘professeur ordinaire’ de linguistique romane. Par la suite, l’épicentre de son activité scientifique ultérieure se déplacera vers l’animation de la recherche organisée. C’est encore une fois Peter Nelde qui – toujours soucieux de minimiser voire d’éliminer les conséquences désastreuses de la longue bipartition intellectuelle de l’Europe par le Rideau de Fer (1945-1989) – a lancé l’idée d’installer, au sein de l’Université de Vienne, située tout de même à peu de distance de cette faille géopolitique néfaste, un programme d’études appelées ‘européennes’, qui devaient se baser sur l’enseignement combiné des matières historiques, juridiques, ethno­ graphiques et, bien sûr, aussi linguistiques. Rosita Rindler Schjerve est vite devenue l’âme incontestée de ce programme (« Europäische Studien ») qui, à partir de 2001, n’a pas cessé de figurer sur les annonces officielles de l’Alma Mater Rudolphina de Vienne. Toutes ces activités ne l’ont d’ailleurs pas empêchée d’élargir continuellement le champ de ses publications scientifiques : c’est qu’elle est devenue une collaboratrice recherchée par les équipes rédactionnelles de tous les grands manuels de linguistique – soit à l’intérieur, soit en dehors de la Romanistique – et aussi une contributrice assidue à deux publications périodiques dirigées par Peter Nelde à partir du CRP de Bruxelles : il s’agit de la revue scientifique Sociolinguistica (publiée chez de Gruyter) et de la série (de monographies et de recueils) Plurilingua (parue chez les éditeurs Dümmler, Bonn, et Asgard à St. Augustin 5). Mais la pièce maîtresse de son génie organisateur, où elle est passée au rang de patronne�������������������������������������������������������������������������������� irremplaçable et aussi, en quelque sorte, redoutée, était le projet de coopération inter-universitaire LINEE (Languages in a Network of European Excellence). C’est à partir de 2004 et en coopération avec Peter Nelde – déjà fortement marqué par une maladie sans issue – qu’elle a jeté les bases théoriques, conceptuelles et organisatrices de LINEE. Les bases financières en ont été assurées par l’UE. La durée officielle des travaux de LINEE se situait entre 2006 et 2010. Les universités européennes appelées à coopérer au sein de LINEE se trouvaient dans les neuf pays suivants, situés des deux côtés de l’ancienne ligne de partage de l’Europe : Allemagne (Munich), Angleterre (Southampton), Autriche (Vienne), Croatie (Zagreb), Italie (Bolzano), Hongrie (Szeged), Pologne (Poznań), Suisse (Berne) et Tchéquie (Prague). Les sujets à élaborer conjointement concernaient quatre grands domaines scientifiques :

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Diglossia and Power. Language Policies and Practice in the 19th Century Habsburg Empire (Language, Power, and Social Process, 9), Berlin/New York, Mouton/de Gruyter. Avec Peter Nelde : Der Beitrag Österreichs zu einer Kultur der Differenz. Sprachliche Minderheiten und Migration unter die Lupe genommen (Plurilingua, 26), St. Augustin, Asgard. St. Augustin est une petite localité située entre Bonn et Cologne.

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(1) Langue, identité et culture ; (2) Politique linguistique et planification linguistique ; (3) Plurilinguisme et éducation (formation) ; (4) Langue et économie. La disparition de Peter Nelde – décédé, en 2007, au terme d’une maladie impitoyable à l’âge de 65 ans –����������������������������������������������������������������� a profondément touché Rosita Rindler Schjerve, tant du côté personnel que du côté scientifique 6. Elle a néanmoins réussi à combler rapidement le vide laissé par son absence tout en saisissant énergiquement les rênes de toutes les activités scientifiques déployées au sein de LINEE. D’aucuns disent qu’elle a assuré cette tâche coordonnatrice et directrice avec autant de compétence que d’aplomb et de ténacité. Malheureusement, l’ampleur et les défis physiques de ses obligations ont alors commencé à saper sa santé. Forte des multiples expériences faites entre 2006 et 2010 au sein de LINEE, Rosita Rindler Schjerve a fini par rédiger, en coopération avec sa collaboratrice viennoise Eva Vetter, une monographie en anglais intitulée European Multilingualism. Current Trends and Challenges 7 qui synthétise ses vues personnelles sur l’avenir du plurilinguisme non seulement des Européens et des différentes composantes de l’UE, mais aussi de tous les étages du système éducatif européen, auxquels incomberait la tâche de généraliser la sensibilité pour la cause et les nécessités du plurilinguisme parmi les jeunes générations. Soit dit en passant, ce livre très engagé et qui représente un jalon très important de la linguistique appliquée tout court, porte, sur le verso du frontispice, une dédicace personnelle à Peter Nelde. Il va de soi que non seulement les étudiants et doctorants rassemblés sous le signe de LINEE, mais aussi les siens propres de Vienne, ont toujours pu profiter de ses précieux conseils, encouragements et suggestions. À l’instar de son compagnon scientifique Peter Nelde, Rosita Rindler Schjerve est décédée prématurément, à l’âge de 65 ans seulement. Comme une chandelle brûlée par les deux bouts, elle a consommé généreusement toutes ses énergies au profit d’une mission scientifique captivante et promise à un avenir de grande envergure, à savoir l’étude et l’avancement du plurilinguisme européen. Hans GOEBL

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L’université (Université catholique de Bruxelles / Katholieke Universiteit Brussel) à laquelle Peter Nelde et son CRP avaient été affiliés depuis 1977, a malheureusement supprimé le CRP à la fin de 2007. Publiée, en 2012, chez l’éditeur Multilingual Matters, Bristol/Buffalo/Toronto.

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CHRONIQUE La Société de Linguistique Romane est heureuse d’annoncer que le XXVIIIe Congrès International de Linguistique et de Philologie Romanes se tiendra du 18 au 23 juillet 2016 à Rome dans les lieux de l’Université de Rome, la Sapienza Facoltà di Lettere e Filosofia (piazzale Aldo Moro, 5 / 00185 Roma)

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Les formes de l’incertitude. Le futur de conjecture en espagnol et le présomptif futur en roumain 1

1. Introduction L’utilisation des formes du futur pour exprimer non pas la localisation temporelle postérieure au moment de parole, mais une valeur modale, est un phénomène bien connu à travers les langues du monde. Comme l’affirme Fleischman (1982, 129) dans son travail pionnier sur les futurs romans : Futures appear commonly in a range of nonfactive utterances involving likelihood, supposition or inference, lack of knowledge, wishes and desires, intention and volition, obligation and command.

Dans les travaux de sémantique de cette dernière décennie, beaucoup d’attention a été consacrée aux utilisations dites épistémiques des futurs, qui correspondent aux trois premières catégories énumérées dans la citation cidessus, et qui peuvent être illustrées par l’exemple (1) : (1) Pierre n’est pas encore arrivé. Il aura probablement raté son train.

Dans cet exemple, le futur ne fait pas de contribution temporelle, puisque la deuxième phrase a une orientation temporelle passée. Il apporte, en revanche, un élément d’incertitude, de manque de connaissance directe des faits ou d’information certaine. Dans cet article nous présenterons une description et une analyse comparées de deux formes du futur, le futur synthétique de certaines variétés de l’espagnol américain 2 (dorénavant FutConj) et 1



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Cet article présente des résultats de recherches effectuées dans le cadre des projets « La causalité dans le langage et dans la cognition », FR2559 CNRS, INTERSYNSEM FFI2011-29218 (Ministère de la Science et de l’Innovation, Espagne), IT-76913 (Gouvernement Basque) et UFI11/14 (Université du Pays Basque UPV/EHU). La variété de l’espagnol que nous prenons comme base est celle parlée dans la région du Río de la Plata (Buenos Aires et Montevideo). Elle est décrite à partir de l’intuition de l’un des auteurs, de l’examen systématique des données du Corpus del español et du CREA pour cette variété, et des informations fournies par trois consultants que nous tenons à remercier ici, Sylvia Costa, Marisa Malcuori et Luisina Acosta (UDELAR, Montevideo). Il faut souligner que la perte de la valeur tempo-

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le présomptif basé sur le futur du roumain (dorénavant PrésFut) 3. Ces deux formes se caractérisent par le fait d’avoir largement ou totalement perdu la possibilité de déterminer par elles-mêmes une orientation temporelle future, et de n’avoir que des interprétations épistémiques. C’est ainsi qu’elles sont exclues des contextes prototypiques de l’orientation temporelle future, comme par exemple les prédictions (2a-b). (2) a. #Nació en 1960. En el 2015 tendrá 55 años.

‘Elle est née en 1960. En 2015, elle aura 55 ans.’

b. #O fi acasă la ora 7.

‘Il/Elle sera à la maison à 7 heures.’

Les prédictions exigent, dans les variétés de l’espagnol en question, la périphrase prospective ir + a + inf. (3a) et, en roumain, les formes du futur dites ‘littéraires’ (3b) : (3) a. Nació en 1960. En el 2015 va a tener 55 años.

‘Elle est née en 1960. En 2015, elle aura 55 ans.’

b. Va fi acasă la ora 7. ‘Il/elle sera à la maison à 7 heures.’

Quelle que soit leur orientation temporelle, les phrases contenant FutConj ou PrésFut véhiculent toujours un élément d’incertitude, qui les rend inadéquates pour l’expression de prédictions fermes. C’est ainsi que les formes inappropriées dans les contextes (2a-b) deviennent acceptables dès qu’elles sont insérées dans un contexte compatible avec la conjecture, l’hypothèse, le manque d’engagement par rapport à la proposition associée 4 :

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relle ne vaut que pour les formes colloquiales de cette variété. Dans les registres plus formels on constate des utilisations occasionnelles du futur à valeur temporelle. On se trouve ici devant un problème classique dans la description des temps verbaux en espagnol, qui affecte également la description du perfecto compuesto. En effet, le contact avec l’espagnol général rend extrêmement difficile la détermination du profil sémantique propre à la variété locale sur la base d’attestations écrites. Quoi qu’il en soit, le profil sémantique du FutConj que nous analysons ici correspond assez exactement aux utilisations épistémiques du futur décrites dans la NGDLE (2009, 1771-1775). La particularité de la variété analysée est qu’elle ne connaît que ces utilisations. Il n’y a pas de consensus dans les études sur le roumain au sujet des paradigmes morphologiques qu’il convient d’appeler ‘présomptifs’. Dans la section 3.2, nous présentons de manière plus détaillée les formes que nous désignons par l’abréviation PrésFut. Pour une présentation générale, voir Friedman (1997), Zafiu (2009) ou GALR (2008). Le français possède bien évidemment aussi un futur épistémique, mais d’utilisation bien plus restreinte que FutConj et PrésFut, puisqu’il n’est vraiment usité qu’au

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LES FORMES DE L’INCERTITUDE EN ESPAGNOL ET EN ROUMAIN

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(4) a. Tendrá unos cincuenta años.

‘Elle peut/doit avoir dans les cinquante ans.’ b. Mă întrebam dacă o fi acasă la ora 7. ‘Je me demandais s’il/elle sera à la maison à 7 heures.’

C’est le parallélisme frappant dans les effets de sens et les contraintes distributionnelles associés à ces deux formes qui motive cette description comparée, qui cherche aussi à donner réponse à un certain nombre de questions théoriques de portée générale concernant l’analyse des futurs épistémiques. En effet, la perte de la valeur temporelle permet, dans le cas de FutConj et PrésFut, d’analyser la sémantique des futurs épistémiques sans l’interférence des utilisations temporelles associées à la même forme.

2. Questions théoriques 2.1. Contenu propositionnel ou commentaire du Locuteur ? Une première question importante concerne le niveau auquel il faut situer la contribution sémantique de FutConj et PrésFut. Nous avons vu que ces deux formes ont une valeur modale, leur usage étant systématiquement associé avec l’incertitude de l’agent épistémique au sujet de la vérité de la proposition avec laquelle ces marqueurs se combinent. Tout comme pour d’autres opérateurs modaux, en particulier les épistémiques (voir par exemple von Fintel et Gillies, 2007), la question qui se pose est celle de savoir si cette valeur ‘modale’ se situe au niveau du contenu propositionnel (vériconditionnel) ou bien en dehors de celui-ci. Pour comprendre la question, prenons comme exemple l’énoncé en (5) avec un modal épistémique : (5) Il doit pleuvoir.

En sémantique formelle, un énoncé modal exprime la possibilité ou la nécessité d’une certaine proposition par rapport à un ensemble de faits ou d’informations. L’implémentation standard de cette intuition (depuis Kratzer, 1981) se fait en termes de quantification (existentielle ou universelle) sur des mondes possibles, le contexte étant ce qui détermine l’ensemble de mondes pertinents pour évaluer la valeur de vérité de la proposition modalisée. Un énoncé avec un modal épistémique de nécessité sera vrai si la proposition futur antérieur. Par ailleurs, dans les interrogatives c’est plutôt le conditionnel de conjecture du français qui correspond aux formes étudiées ici (cf. en particulier Dendale, 2010). Pour la traduction de nos exemples, nous avons privilégié les versions qui nous semblent les plus idiomatiques aux dépens du parallélisme morphologique.

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en question peut être déduite de l’ensemble des informations pertinentes (si elle est vraie dans tous les mondes possibles dans l’ensemble pertinent). Un énoncé avec un modal épistémique de possibilité sera à son tour vrai si la proposition en question ne contredit pas l’ensemble des informations pertinentes (si elle est vraie dans au moins un monde possible dans l’ensemble pertinent). Dans cette approche, le modal est un opérateur quantificationnel qui contribue donc directement aux conditions de vérité de la phrase. Une autre possibilité, souvent poursuivie en linguistique descriptive et typologique, est de séparer la contribution de l’auxiliaire modal du contenu vériconditionnel de la phrase. La modalité est ainsi un moyen d’exprimer l’attitude du Locuteur par rapport à la proposition non-modalisée (si elle est jugée probable, possible, etc.). Pour les modaux épistémiques, cette analyse peut être implémentée en termes de commentaires parenthétiques (similaires à des expressions comme selon moi, à mon avis, comme il est possible, de toute évidence…) ou bien en termes de modificateurs d’actes de langage (par exemple, l’énoncé en (5) ci-dessus peut être compris comme une assertion affaiblie de la proposition Il pleut). Ces deux analyses font des prédictions différentes en ce qui concerne l’interaction avec d’autres opérateurs propositionnels, comme la négation ou des quantificateurs, qui s’attachent à des contenus propositionnels pour former d’autres contenus propositionnels. Une analyse qui situe la contribution modale en dehors des conditions de vérité prédit une portée toujours large de l’opérateur modal ou, autrement dit, une absence d’interaction. En revanche, une analyse en termes de quantification sur des mondes possibles, contribuant aux conditions de vérité, permet l’enchâssement du modal sous d’autres opérateurs logiques. L’interprétation possible des phrases suivantes montre que les modaux épistémiques peuvent prendre une portée étroite par rapport à la négation (6) ou à l’opérateur conditionnel exprimé dans l’antécédent (7), étayant ainsi l’hypothèse de leur contribution aux conditions de vérité de la phrase : (6) Il ne peut pas y avoir eu d’erreur.

a. Ce n’est pas le cas qu’il soit possible qu’il y ait eu une erreur.



b. #Il est possible qu’il n’y ait pas eu d’erreur.

(7) S’il se peut qu’il y ait des erreurs, on va tout relire.

a. #Il est possible que s’il y a des erreurs, on va tout relire.



b. S’il est possible qu’il y ait des erreurs, on va tout relire.



c. #S’il y a des erreurs, comme il est possible, on va tout relire.



d. #Si je suggère qu’il existe la possibilité qu’il existe des erreurs, on va tout relire.

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LES FORMES DE L’INCERTITUDE EN ESPAGNOL ET EN ROUMAIN

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Les différentes paraphrases de ces énoncés montrent que seule une analyse qui permet au modal de prendre une portée étroite par rapport à d’autres opérateurs vériconditionnels rend l’interprétation correcte de la phrase (cf. 6a, 7b). Ces faits constituent la base de l’approche la plus couramment acceptée en théorie sémantique récente, selon laquelle les modaux épistémiques contribuent au contenu propositionnel. Notre analyse du FutConj et PrésFut cherchera à identifier la dimension sémantique sur laquelle se situe leur contribution. Nous allons montrer qu’ils n’ont pas la même capacité d’enchâssement que les modaux épistémiques et qu’ils prennent systématiquement une portée large par rapport à d’autres opérateurs. Cela nous amène à une analyse où le FutConj et le PrésFut sont l’expression d’un commentaire du Locuteur sur la probabilité de la proposition enchâssée.

2.2. Évidentiel (source de l’information) ou degré de probabilité ? Dans les publications récentes (cf. Dendale et Tasmowski, 2001, Dendale, 2010, Squartini 2001, 2012, Reinheimer-Rîpeanu, 1998, Giannakidou et Mari, 2014) les futurs épistémiques des langues romanes et le présomptif roumain sont souvent assimilés à des marqueurs évidentiels. Bien que les rapports entre modalité épistémique et évidentialité aient fait l’objet de nombreux travaux, il n’est pas aisé de déterminer des critères de classification adoptés par une majorité de chercheurs, de façon telle que la formulation même de la question n’est pas claire, comme il n’est par ailleurs pas clair que les deux catégories soient mutuellement exclusives. Dans le cadre de cet article, il ne nous est pas possible de fournir une vue d’ensemble de la discussion en cours. Le lecteur intéressé peut consulter avec profit l’excellent recueil proposé par Peterson et Sauerland (2010), ainsi que les travaux de Faller (2002, 2003, 2007) et de Matthewson, Davis et Rullman (2007). Nous nous bornerons ici à signaler que la notion stricte d’évidentialité requiert pour un marqueur évidentiel qu’il exprime la source de l’information sur laquelle l’agent épistémique pertinent fonde ses dires. En ce qui concerne les sources possibles identifiées à travers les langues du monde, il est devenu habituel de les classer de la façon résumée dans le tableau ci-dessous 5 :

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La classification des sensations en physiologie distingue l’extéroception (perception visuelle, auditive ou autre), la proprioception (perception, consciente ou non, de la position des différentes parties du corps) et l’intéroception (les modalités sensorielles inconscientes).

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318 Sources directes Proprioception

Sources indirectes Rapport

Inférence

Intéroception

Rapport direct

Inférence à partir d’un résultat

Perception visuelle

Rapport indirect

Inférence par raisonnement

Perception auditive D’autres perceptions Tableau 1 : Les sources de l’information (adapté de Squartini 2001, 300)

Or, il y a des corrélations assez naturelles entre les sources de l’information et leur fiabilité, la fiabilité de la source étant à son tour en corrélation avec le degré de certitude de l’agent épistémique (voir dans ce sens Schenner, 2010). Dans les cas prototypiques, les sources proprio- et intéroceptives et la perception sont considérées comme les plus fiables : le degré de certitude que nous pouvons avoir sur la douleur que nous ressentons ou sur la réalité d’un événement que nous avons vu est maximal. Les inférences obtenues par un raisonnement à partir de prémisses ou à partir des résultats d’un événement censé être l’explication causale de ces résultats sont bien moins fiables : même si le schéma de raisonnement appliqué est valide, on peut toujours se tromper dans les prémisses ou avoir négligé des prémisses pertinentes. Lorsque la source de l’information sont les dires d’autrui, leur fiabilité varie selon l’autorité attribuée à la source. Pour ce qui est du FutConj et du PrésFut, il est vrai qu’ils excluent les sources proprio- et intéroceptives et la perception directe (voir ci-dessous section 4.1). La question se pose de savoir si cette condition négative sur la source d’information justifie de les traiter comme des évidentiels. Comme nous le verrons ci-dessous, FutConj et PrésFut sont également exclus des inférences certaines. Or, ce qu’il y a de commun entre ces deux types de contexte qui excluent l’utilisation de ces formes est le degré de certitude, qui est dans les deux cas maximal. C’est pour cette raison que nous pensons que l’usage de FutConj et PrésFut s’oriente plutôt par le degré de certitude attribué à l’information que par la source même de cette information. Il est intéressant de comparer à ce sujet ce qui se passe avec le conditionnel de citation en espagnol et le (présomptif) conditionnel en roumain. Ces deux formes indiquent univoquement une source d’information précise, les dires d’autrui. Ainsi, les exemples suivants ne peuvent être interprétés que comme reprise des dires d’un autre :

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(8) a. El gobierno se prepararía a aumentar el IVA.

‘Le gouvernement serait sur le point d’augmenter la TVA.’



b. Atacul ar fi avut loc în urmă cu trei zile.



‘L’attaque aurait eu lieu trois jours auparavant.’

De ce point de vue, le conditionnel de citation et le présomptif conditionnel sont de bien meilleurs candidats pour l’étiquette d’évidentialité que ne le sont FutConj et PrésFut 6.

3. Les paradigmes du FutConj et du PrésFut et leur interprétation temporelle Ce qui caractérise le profil temporel de FutConj et PrésFut est le fait que, malgré leur morphologie ‘future’, ils ne sont pas en mesure de déterminer par eux-mêmes une orientation temporelle postérieure au moment de parole. Ceci est particulièrement évident dans le cas des groupes verbaux qui dénotent des états, des habitudes, ou qui sont modifiés par l’aspect progressif : (9) a. Estará enfermo.

‘Il doit sans doute être malade.’

b. Ți-o fi (fiind) greu zilele astea.

‘Cela doit être dur pour toi ces jours-ci.’

Dans ces deux exemples, l’orientation temporelle est simultanée au moment de l’énonciation, c.-à-d. ‘présente’, et FutConj et PrésFut apportent tout simplement un élément d’incertitude. Cela ne veut pas dire que FutConj et PrésFut ne sauraient avoir une orientation temporelle future. Des adverbes temporels futurs, d’une part, et la combinaison avec des groupes verbaux téliques en l’absence de modification 6





La grammaire normative espagnole a condamné jusqu’à très récemment l’usage du conditionnel de citation, le considérant comme un emprunt injustifiable fait au français. Dans ce rejet, il y a probablement l’intuition que le conditionnel de citation présente une orientation temporelle différente de celle du conditionnel qui correspond au futur épistémique appliqué à une phrase à l’imparfait, interprétation que nous étudierons dans la section 3 ci-dessous et qui existe en espagnol, mais est inexistante en français moderne. (i) El Presidente estaría en este momento en Barcelona. Conditionnel de citation : orientation temporelle simultanée. ‘[On dit que] le Président est en ce moment à Barcelone.’ (ii) El Presidente estaría ayer en Barcelona. FutConj : orientation temporelle anté rieure. ‘[Je suppose que/ Sans doute] le Président était à Barcelone hier.’

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par l’aspect progressif, d’autre part, peuvent, en effet, imposer la localisation temporelle postérieure au moment de parole : (10) a. ¿Me comprará un iPhone ?

‘Je me demande si/Tu crois qu’elle va m’acheter un iPhone ?’

b. Azi e ocupat, mâine-o fi bolnav și tot așa ! [Mihoc 2014, 67] ‘Aujourd’hui il est occupé, demain il sera sans doute malade, et ainsi de suite !’

Ce qui détermine l’orientation temporelle future dans ces cas n’est pas FutConj ou PrésFut, mais l’adverbe temporel lui-même ou bien l’Aktionsart du groupe verbal. En effet, le schéma interprétatif selon lequel les états, les phrases habituelles et les progressifs ont une interprétation temporelle simultanée au moment de l’énonciation, alors que les changements d’état (achèvements et accomplissements) ont une interprétation temporelle postérieure au moment de l’énonciation, constitue un schéma régulier avec les compléments infinitifs des verbes modaux, ainsi qu’avec les présents de l’indicatif ou du subjonctif (Laca, 2010, 2012). Ce que FutConj ou PrésFut apportent dans ces exemples est un élément d’incertitude, que nous essayons de rendre par des tournures comme sans doute, tu crois, je me demande dans les traductions. On peut faire l’hypothèse que, si le roumain ne conserve une forme progressive (formée avec le participe présent) que dans les paradigmes du présomptif, c’est précisément parce que cette forme est nécessaire pour contrecarrer les effets de ce schéma interprétatif en préservant la possibilité des interprétations simultanées pour toutes les Aktionsarten. Comme nous le verrons ci-dessous, le PrésFut du roumain s’intègre dans un système présomptif avec le conditionnel et le subjonctif, et il présente essentiellement trois formes à orientation temporelle distincte : le présomptif progressif pour l’orientation temporelle simultanée, le présomptif parfait pour l’orientation temporelle passée, et le présomptif simple avec une orientation temporelle simultanée ou postérieure. Le FutConj de l’espagnol, pour sa part, reproduit toutes les combinaisons Temps-Aspect du système de l’indicatif (moins le temps futur) et a des formes en commun avec le conditionnel, en particulier en ce qui concerne l’expression d’une conjecture par rapport au passé.

3.1. L’espagnol Afin de mettre en évidence les correspondances des formes du FutConj avec les temps de l’indicatif, il s’avère utile de partir du Tableau ci-dessous :

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Temps

Indicatif

321

FutConj

présent

canta

cantará

passé perfectif

cantó

habrá cantado

passé composé

ha cantado

habrá cantado

présent prospectif

va a cantar

irá a cantar ESP Pén.*

imparfait

cantaba

cantaría

plus-que-parfait

había cantado

habría cantado

passé prospectif

iba a cantar

iría a cantar ESP Pén.*

Tableau 2 : Correspondances temporelles en espagnol

Le FutConj simple a la même orientation temporelle que le présent. Cette orientation temporelle est déterminée par l’Aktionsart. Elle est simultanée au moment de parole lorsqu’il s’agit d’un état – les groupes verbaux à aspect habituel ou progressif étant assimilés aux états – (11a), elle est postérieure au moment de parole lorsqu’il s’agit d’un changement d’état (11b), et elle peut être simultanée ou postérieure lorsqu’il s’agit d’une activité (11c) : (11) a. Ganará unos mil, mil quinientos pesos.

‘Elle gagne probablement dans les mille, mille cinq cents pesos.’

b. Vendrá, no vendrá, eso pasa en la espera.

‘Elle viendra, elle ne viendra pas, c’est ce qui arrive quand on attend.’ c. ¿Lloverá ?



‘Je me demande si/ Tu penses qu’il pleut ?’



‘Je me demande si/ Tu penses qu’il va pleuvoir ?’

Le FutConj en combinaison avec le parfait a une orientation temporelle passée et un point de vue aspectuel perfectif, ce qui correspond au passé perfectif et au passé composé : (12) La habrá conocido en una fiesta.

‘Il a dû faire sa connaissance à une fête.’

Dans les variétés américaines de l’espagnol, le FutConj peut se combiner avec la périphrase prospective, une combinaison qui semble difficilement interprétable pour les locuteurs de l’espagnol péninsulaire (cf. Bravo, 2007, 308, NGDLE 2009, 2156). L’orientation temporelle est future, comme le détermine la périphrase. Cependant, il ne s’agit pas d’un ‘futur du futur’, mais d’un futur incertain :

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(13) No irán a comer esa porquería.

‘J’espère que vous n’allez pas manger ces cochonneries.’

Les combinaisons de FutConj avec la morphologie de l’imparfait sont traditionnellement classifiées comme formes du conditionnel. Cependant, comme le souligne la NGDLE (2009, 1780-1782) elles ne sont pas des formes à orientation temporelle future par rapport à un moment du passé, comme le sont les formes du conditionnel ‘futur du passé’. En fait, ces formes présentent la même ambiguïté qui caractérise l’imparfait. Celui-ci peut être interprété comme un temps anaphorique simultané à un temps passé introduit par un verbe d’attitude propositionnelle, ou bien comme un temps passé (antérieur au moment de l’énonciation) non-perfectif (cf. Laca, 2010). C’est ce qu’illustre le contraste dans (14) : (14) a. Le dije que Juan estaba en la oficina.

‘Je lui ai dit que Juan était au bureau.’



b. Le dije que Juan estaba en la oficina cuando llegó el cartero.

‘Je lui ai dit que Juan était au bureau quand le postier est arrivé.’

FutConj+Impf a aussi bien des lectures anaphoriques, simultanées à un temps passé (15a), que des lectures déictiques, dans lesquelles l’orientation temporelle est passée par rapport au moment de parole (15b) : (15) a. Me imaginé que estarías cansado

‘J’ai pensé que tu pouvais être fatigué.’

b. - No entiendo cómo pude equivocarme.





- Estarías cansado…

‘-Je ne comprends pas comment j’ai pu me tromper. - Tu étais sans doute fatigué.’

Les lectures déictiques de FutConj+Impf illustrées en (15b) constituent une particularité de la morphologie ‘conditionnelle’ de l’espagnol, qui n’a pas (ou plus) de correspondances en français ou en italien (Squartini 2001). Ce sont des lectures non perfectives. En fait, le contraste entre FutConj+Impf et FutConj+Parf reproduit, dans l’ensemble, celui qui existe entre l’imparfait et le passé perfectif ou le passé composé : (16) a. La casa quedaría a unas veinte cuadras de la estación.

‘La maison devait être située à une vingtaine de pâtés de maison de la gare.’ b. #La casa habrá quedado a unas veinte cuadras de la estación. #‘La maison est probablement restée à une vingtaine de pâtés de maison de la gare.’

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c. La casa quedaba a unas veinte cuadras de la estación.



‘La maison était située à une vingtaine de pâtés de maison de la gare.’



d. #La casa quedó a unas veinte cuadras de la estación.



#‘La maison est restée à une vingtaine de pâtés de maison de la gare.’

Enfin, les combinaisons de FutConj+Impf avec la morphologie du parfait, qui sont traditionnellement classifiées comme des ‘parfaits du conditionnel’, exhibent une orientation temporelle doublement passée. Il s’agit d’une configuration qui exprime l’antériorité par rapport à un intervalle qui est, lui, antérieur au moment de l’énonciation, correspondant exactement à un plusque-parfait : (17) Ya estaba muerta cuando la operé. Se habría muerto del tumor, la pobrecita.

‘Elle était déjà morte quand je l’ai opérée. La pauvre petite était sans doute morte à cause de la tumeur.’

Pour conclure, les phénomènes que nous venons d’évoquer montrent bien que l’orientation temporelle de la phrase n’est pas affectée par FutConj. Au contraire, cette orientation temporelle reproduit celle des autres temps de l’indicatif selon les correspondances indiquées dans le Tableau 2 ci-dessus. En ce qui concerne son manque d’influence sur l’orientation temporelle, FutConj se comporte comme la morphologie du subjonctif, qui est traditionnellement classifiée comme un mode, et non pas comme un temps grammatical. Pour cette raison, nous faisons l’hypothèse que FutConj s’applique à une structure avec une localisation temporelle déjà déterminée par le temps grammatical, à laquelle elle ajoute une contribution modale.

3.2. Le roumain 7 Le présomptif est traditionnellement décrit comme un mode irrealis (GALR, 2008). Il comporte plusieurs paradigmes morphologiques, mais il n’y a pas de consensus sur le nombre et la nature exacte des formes qu’il convient de nommer présomptives (voir Friedman, 1997 et Zafiu, 2009 pour un résumé des différentes approches). Selon une partie des études existantes (plus récemment Irimia, 2010), dans l’acception la plus large du terme, le mode présomptif comporte trois constructions, morphologiquement liées au futur, au conditionnel et au subjonctif. Le présomptif simple est formé en combinaison avec l’infinitif (paradigme futur et conditionnel) ou le subjonctif du verbe (paradigme subjonctif). Les présomptifs parfait et progressif utilisent l’infinitif

7

La présentation du présomptif dans cette section suit de près celle dans Fălăuş (2014b), qui examine l’interaction entre PrésFut et indéfinis épistémiques.

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de l’auxiliaire être en combinaison avec une forme participiale (passée ou présente 8). Le tableau suivant illustre les différentes formes du présomptif pour la 3e personne du singulier du verbe a scrie ‘écrire’ : Présomptif Simple Présomptif Parfait Présomptif Progressif (+ infinitif/subjonctif) (+ être + part. passé) (+ être + part. prés.) litt.

va scrie

va fi scris

va fi scriind

colloq.

o scrie

o fi scris

o fi scriind

conditionnel

ar scrie

ar fi scris

ar fi scriind

subjonctif

să scrie

să fi scris

să fi scriind

futur

Tableau 3 : Paradigmes morphologiques du présomptif

Dans ce qui suit, nous mettons de côté le présomptif conditionnel et subjonctif, pour étudier de plus près les propriétés des formes futures. Il existe deux variétés, selon qu’il s’agit de la forme dite ‘littéraire’ ou ‘populaire/colloquiale’ de l’auxiliaire futur employé. La forme colloquiale appartient au langage parlé et au registre informel de la langue. Le paradigme morphologique complet du PrésFut est présenté dans le tableau suivant : auxiliare forme

futur littéraire

1sg

voi

oi

2sg

vei

ăi/i/îi

3sg

va

o

1pl

vom

om

2pl

veţi

oţi/ăţi/îţi

3pl

vor

or

futur colloquial +

forme verbale

paradigme

infinitif

présomptif simple

être + participe passé

présomptif parfait

être + participe présent

présomptif progressif

Tableau 4 : Présomptif futur

Le point commun de ces formes est la valeur épistémique-évidentielle (Avram, 1997 ; Zafiu, 2002, 2009 ; Reinheimer-Rîpeanu, 2007 ; Mihoc, 2014). Pour le présomptif progressif, c’est la seule interprétation possible, cette forme ayant perdu la possibilité de véhiculer des valeurs aspectuelles ou temporelles : 8



L’existence d’une forme progressive est une caractéristique du mode présomptif, la morphologie progressive étant absente du reste de la grammaire du roumain contemporain (voir Zafiu, 2009 et Mihoc, 2013)

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(18) Vor/or fi fiind în vacanță zilele astea.

‘Ils seront en vacances ces jours-ci.’

Pour le présomptif passé et simple, les formes littéraire et colloquiale du futur se comportent différemment. La forme littéraire du paradigme présomptif est homonyme du futur de l’indicatif 9. En roumain contemporain, elle a presque exclusivement une valeur temporelle, ayant perdu la valeur évidentielle spécifique du présomptif. À l’inverse, la forme colloquiale du présomptif futur peut recevoir seulement une interprétation épistémique, étant exclue des contextes qui font clairement référence à la valeur temporelle 10, comme en (19) : (19) a. Avionul va/*o decola la ora 7.

‘L’avion décollera à 7 heures.’



b. Vremea va/*o fi predominant frumoasă și caldă pentru această perioadă. ‘Il fera beau et relativement chaud pour cette période.’

Les exemples suivants (dus à Reinheimer-Rîpeanu, 1994, 5) montrent que l’utilisation de la forme littéraire est impossible (le contexte favorisant la valeur épistémique), ou alors qu’elle entraîne la modification de l’orientation temporelle, qui devient obligatoirement postérieure au moment de l’énonciation. (20) a. Cum de n-o/*nu va obosi s-o ia mereu de la capăt ? !

‘Comment ça se fait qu’elle ne se lasse pas de toujours recommencer ?’ b. Mă întrebam ce-o fi cu dumneata, dacă nu cumva oi fi supărat.



‘Je me demandais ce qui en était de vous, si vous n’étiez pas fâché.’



c. Mă întrebam ce va fi cu dumneata, dacă nu cumva vei fi supărat.



‘Je me demandais ce qu’il en serait de vous (à l’avenir), si vous ne seriez pas fâché.’

Dans la presse écrite, il existe quelques exemples où la forme littéraire du futur parfait acquiert une valeur modale, non-temporelle, mais il s’agit d’un usage peu fréquent, restreint au langage formel, comme le souligne Zafiu (2009,18) :

Les différentes formes du futur en roumain sont discutées dans Reinheimer-Rîpeanu (1998, 2007). 10 La valeur temporelle de la forme colloquiale était possible en ancien roumain, mais actuellement elle subsiste seulement dans quelques expressions figées, comme par exemple Om trăi şi om vedea ‘Qui vivra verra’ ou Ce-o fi o fi ‘Ce qui sera sera’ (voir Reinheimer-Rîpeanu, 1994). 9

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(21) Probabil că mulţi dintre dumneavoastră se vor fi mirat când au auzit că un fost membru al conducerii BANCOREX a fost împuşcat. (Academia Caţavencu, 41, 1999, 4)

‘Probablement beaucoup d’entre vous aurez été surpris d’entendre qu’un ancien cadre de BANCOREX a été tué.’

Pour résumer, le présomptif du futur en roumain est un paradigme complexe, avec différentes formes morphologiques, dont certaines (notamment la forme progressive) ne sont pas attestées ailleurs dans la grammaire du roumain. Les études diachroniques (voir les références citées dans ReinheimerRîpeanu, 1998, 2000 ; Zafiu, 2009) indiquent que toutes ces formes avaient initialement des valeurs temporelles et aspectuelles, la valeur modale s’étant développée seulement par la suite. Les ambiguïtés occasionnées par l’abondance de ces formes ont entraîné des changements dans le système présomptif, à partir de la deuxième moitié du 18e siècle. Le résultat de cette évolution est la spécialisation des formes progressives et colloquiales, qui en roumain contemporain ont une valeur exclusivement modale. Dans ce qui suit, nous utilisons l’abréviation PrésFut pour faire référence à ces formes, mettant de côté le fait que le futur littéraire peut occasionnellement acquérir une valeur épistémique. Ayant une valeur strictement modale, le PrésFut n’a aucune incidence sur l’orientation temporelle, qui est déterminée par des adverbes temporels ou bien par des facteurs contextuels. Les exemples suivants illustrent le fait que les énoncés avec PrésFut peuvent avoir une orientation passée (22a), simultanée (22b) ou postérieure (22c) : (22) a. O fi răcit azi-noapte, nu pare foarte în formă azi.

‘Il aura pris froid hier soir, il ne semble pas très en forme aujourd’hui.’



b. A : Uite-o pe Maria cumpărând haine pentru bebeluși !

B : O fi însărcinată.



‘A : Regarde Maria en train d’acheter des vêtements pour bébés ! B : Elle sera enceinte.’ c. Mă întreb când ne-o fi și nouă mai ușor.



‘Je me demande quand ce sera plus facile pour nous.’

4. La sémantique du FutConj et du PrésFut 4.1. Fut Conj et PrésFut versus modaux épistémiques Les exemples discutés dans les sections précédentes -et tout particulièrement les traductions qui semblent les plus idiomatiques dans certains casrévèlent des similarités importantes entre FutConj/PrésFut et les modaux

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épistémiques. Un grand nombre d’analyses de la modalité assimilent les auxiliaires modaux à des quantificateurs sur des mondes possibles – quantificateur existentiel pour un modal de possibilité et quantificateur universel pour un modal de nécessité. Ce type d’analyse a été également poursuivi pour le futur épistémique – par exemple, Giannakidou et Mari (2014) traitent le futur épistémique en italien ou en grec comme de la quantification universelle sur des alternatives épistémiques. Dans ce contexte, il nous semble important de déterminer l’étendue des ressemblances entre FutConj/PrésFut et modalité épistémique. Nous montrerons que le FutConj et PrésFut ne peuvent pas être assimilés aux verbes modaux, car leur contribution sémantique diffère tant de l’expression de la nécessité que de l’expression de la possibilité. Pour commencer, examinons de plus près la force quantificationnelle du FutConj/PrésFut. Tout comme les modaux de nécessité (23a), FutConj/ PrésFut donnent lieu à ce qu’on appelle le paradoxe de Moore, qui est une contradiction qui surgit dans la séquence ‘p, mais je ne crois pas que p’ : (23) a. #Il doit être malade, mais je ne le crois pas.

b. Il peut être malade, mais je ne le crois pas.



c. #Estará enfermo, pero no creo que esté.



d. #O fi bolnav, dar nu cred că este.



#‘Il est probablement malade, mais je ne le crois pas.’

Ces exemples suggèrent une ressemblance entre FutConj/PrésFut et la modalité de nécessité. Cependant, FutConj et PrésFut sont fréquemment utilisés dans des contextes où seuls les modaux de possibilité sont permis, comme par exemple les phrases interrogatives (24) et concessives (25) : (24 a. #Qui doit avoir fait ça ? b. Qui peut avoir fait ça ?

c. ¿Quién habrá hecho esto ?



d. Cine o fi făcut asta ?



‘Qui a bien pu faire ça ?’

(25) a. (#)Il doit être intelligent, mais ça ne se voit pas 11. b. Il peut être/est peut-être intelligent, mais ça ne se voit pas. 11

Notons que cette distribution vaut pour les cas dans lesquels le contenu de la première phrase, modalisée, n’est pas pris en charge par le Locuteur, mais tout simplément concédé (voir ci-dessous, section 5.2). (25a) est acceptable comme l’expression d’un contraste symétrique entre les deux phrases reliées par mais, qui sont toutes les deux prises en charge. Pourtant, la première phrase, avec un modal de nécessité, ne saurait être interprétée comme une concession. Le fait est que les modaux

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c. Será inteligente, pero no lo parece. d. O fi inteligent, dar nu se vede.

‘Il sera intelligent, mais ça ne se voit pas.’

La conclusion qui s’impose sur la base de ces exemples est que le FutConj/ PrésFut ressemble à la fois aux modaux épistémiques de possibilité et aux modaux de nécessité, sans pour autant être complètement identique. Il existe d’autres faits qui indiquent que la contribution sémantique de FutConj et PrésFut diffère de la modalité épistémique. Le point commun est l’expression de l’incertitude : ni les modaux épistémiques, ni le FutConj/PrésFut ne peuvent apparaître dans des contextes où il n’y a aucun doute possible quant à la vérité de la proposition assertée. C’est cette restriction qui explique l’exclusion des énoncés suivants dans le contexte de perception directe (voir section 2.1 ci-dessus) en (26) : (26) Le Locuteur est en train de regarder par la fenêtre et voit la pluie tomber :

a. #Il doit être en train de pleuvoir.



b. #Il peut être en train de pleuvoir.



c. #Estará lloviendo.



d. #O fi plouând.

En revanche, ces exemples sont acceptables dans un contexte où il existe des indices qui laissent penser qu’il est possible qu’il pleuve, sans pour autant établir qu’il s’agit d’un fait. Les indices en question peuvent aller de très suggestifs (comme par exemple, voir des gens avec des parapluies mouillés) à de simples faits compatibles avec la possibilité qu’il pleuve (ciel nuageux dehors, qui peut être accompagné ou pas de pluie). Selon le degré de certitude et d’engagement du Locuteur, il choisira d’utiliser un modal de nécessité ou de possibilité. Mais quels que soient les éléments qui sous-tendent l’hypothèse émise par le Locuteur, en utilisant le FutConj/PrésFut ou un modal épistémique, le Locuteur ne s’engage pas complètement quant à la vérité de la proposition non-modalisée. Malgré ces similarités, le degré d’incertitude exprimé par FutConj et PrésFut est différent de celui exprimé par un auxiliaire modal. Contraireépistémiques peuvent apparaître aussi bien dans la proposition concédée que dans la proposition affirmée, alors que FutConj/PrésFut ne peuvent apparaître que dans la proposition concédée : (i) a. Debe/Puede ser inteligente, aunque no se note. ‘Il doit/peut être intelligent, même si cela ne se voit pas.’ b. #Será inteligente, aunque no se note. #‘Il sera intelligent, même si cela ne se voit pas.’

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ment à un modal de nécessité, FutConj et PrésFut ne peuvent pas être utilisés dans le cadre d’une inférence donnée comme certaine ou bien comme ayant une probabilité très haute. Les exemples suivants illustrent cette différence : (27) Contexte de von Fintel et Gillies (2007) : Lisa a perdu son ballon, mais elle sait avec certitude qu’il se trouve dans l’une des trois boîtes A, B ou C. Elle regarde et elle voit que le ballon n’est ni dans la boîte A, ni dans la boîte B. Elle dit :

a. Alors, il doit être dans la boîte C.



b. #Entonces, estará en la caja C.



c. #Atunci o fi în C.

(28) Tous les étudiants sur la liste ont réussi l’examen de INTRO1. Pedro est sur la liste.

a. Il doit avoir réussi son examen pour INTRO1.



b. #Habrá aprobado INTRO1.



c. #O fi reușit examenul la INTRO1.

(29) Pedro semble très content, alors qu’il vient juste d’avoir les résultats de INTRO1.

a. Il doit avoir réussi son examen pour INTRO1.

b. Habrá aprobado INTRO1. c. O fi reușit examenul la INTRO1.

L’utilisation de FutConj et PrésFut est possible lorsqu’il s’agit de proposer une explication éventuelle pour certains faits, sans forcément exclure d’autres explications. Lorsque l’explication fournie est la seule permise par le contexte (comme en (27)) ou bien une avec une très haute probabilité (28), FutConj et PrésFut sont typiquement exclus. Nous concluons que FutConj et PrésFut ont une contribution sémantique différente de la modalité épistémique. Le fait que FutConj et PrésFut expriment un degré de certitude et d’engagement de la part du Locuteur inférieur à celui exprimé par un modal de nécessité est également visible dans la distribution des adverbes de probabilité. FutConj et PrésFut sont compatibles avec des adverbes exprimant une probabilité basse (30) ou haute (31), mais inacceptables en combinaison aves des adverbes indiquant un haut degré de certitude, comme les adverbes universels ‘nécessairement’ ou ‘décidément’ (32) : (30) a. Tal vez se habrá asesorado con algún amigo.

‘Il aura peut-être pris conseil auprès d’un ami.’ b. Poate o fi plecat din oraş. ‘Il aura peut-être quitté la ville.’

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(31) a. Seguramente/Probablemente se habrá asesorado con algún amigo.

‘Il aura sûrement/ probablement pris conseil auprès d’un ami.’



b. Sigur/Precis/(Foarte) Probabil o fi plecat din oraş.



‘Il aura sûrement/certainement/(très) probablement quitté la ville.’

(32) a. #Necesariamente/#Decididamente, se habrá imaginado la escena, porque es imposible que la haya visto.

‘Nécessairement/décidément, il aura imaginé la scène, c’est impossible qu’il l’ait vue.’ b. # Fără doar și poate/Indiscutabil, și-o fi imaginat scena, e imposibil să o fi văzut.. ‘Sans aucun doute/Indéniablement, il aura imaginé la scène, c’est impossible qu’il l’ait vue.’

Les contextes qui permettent l’enchâssement de FutConj et PrésFut confirment l’incompatibilité avec des propositions ayant une probabilité maximale d’être vraies. En particulier, FutConj et PrésFut ne sont pas licites dans le complément d’un verbe factif, qui exprime une proposition dont la vérité est présupposée. Là encore, FutConj et PrésFut diffèrent des verbes modaux : (33) a. Je sais/j’ai appris que Jean doit être malade.

b. #Sé/ Me enteré de que Juan estará enfermo.



c. #Ştiu/Am aflat că Ion o fi bolnav. ‘Je sais/J’ai appris que Jean serait malade.’

En revanche, FutConj et PrésFut peuvent être enchâssés sous d’autres verbes d’attitude, en particulier des verbes ‘hypothétiques’, qui expriment une croyance ou une hypothèse, sans forcément engager le sujet de l’attitude propositionnelle ni le Locuteur 12 : (34) a. Juan supone/se imagina que María estará cansada.

b. Ion bănuiește/își închipuie că Maria o fi obosită. ‘Jean suppose/s’imagine que Maria sera fatiguée.’

Pour finir la discussion des principales propriétés sémantiques de FutConj et PrésFut et des différences avec la modalité épistémique, nous allons considérer des éléments qui ont une distribution très similaire à celles de FutConj

Notons qu’il existe une différence entre le roumain et l’espagnol : alors que le PrésFut est parfaitement acceptable dans la portée de verbes épistémiques non-factifs comme croire ou penser, le FutConj y est moins naturel : (i) a. Ion crede/se gândește că Maria o fi obosită. b. ??Juan cree/piensa que María estará cansada. ‘Jean croit/pense que Marie sera fatiguée.’ 12

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et PrésFut, ainsi que des expressions qui apparaissent souvent en collocation avec FutConj et PrésFut. Nous commençons par l’examen d’autres marqueurs qui expriment l’incertitude du Locuteur. Parmi eux, les indéfinis épistémiques, qui signalent l’ignorance du Locuteur en ce qui concerne le référent du syntagme nominal. Il s’agit de déterminants comme algún en espagnol (Alonso-Ovalle et Menéndez-Benito, 2013), vreun en roumain (Farkas, 2002, Fălăuş, 2014a), ou bien quelque en français (Corblin, 2004, Jayez et Tovena, 2008), qui sont tous incompatibles avec une continuation qui identifie le référent du syntagme nominal : (35) a. Marie doit être en ville avec quelque collègue, #notamment Julie.

b. María sale con algún estudiante, #en concreto Pedro.

Le déterminant à distribution restreinte vreun représente un cas particulièrement intéressant pour notre étude, de par le fait qu’il partage certaines contraintes distributionnelles avec le PrésFut. Plus concrètement, Fălăuş (2009, 2014a,b) montre que vreun requiert un contexte épistémique non-factif 13, comme ceux en (36). Cette généralisation explique l’agrammaticalité de l’énoncé en (37a) avec un modal déontique, ainsi que l’exclusion de (37b), avec un verbe non-épistémique dans la principale, ou (37c), où vreun apparaît dans la portée d’un verbe épistémique factif : (36) a. Trebuie să se fi întâlnit cu vreun prieten.

‘Elle doit avoir rencontré quelque ami.’



b. Cred/Bănuiesc că s-a întâlnit cu vreun prieten.



‘Je crois/suppose qu’elle a rencontré quelque ami.’

(37) a. *Trebuie să mă întâlnesc cu vreun prieten.

‘Je dois rencontrer quelque ami.’



b. *M-a obligat/sfătuit să contactez vreo agenţie de voiaj.



‘Il m’a obligé à/conseillé de contacter quelque agence de voyage.’



c. *Știu/Am aflat că s-a întâlnit cu vreun prieten.



‘Je sais/J’ai appris qu’elle a rencontré quelque ami.’

Comme l’illustrent ces exemples, la distribution de vreun en contexte épistémique est identique à celle qu’on a décrite pour PrésFut : vreun requiert que le Locuteur ne puisse pas identifier avec certitude le référent du Notons également que le déterminant vreun est exclu des contextes épisodiques. En plus de son usage épistémique, il a également un usage d’item de polarité négative (voir Farkas, 2002 et Fălăuş, 2014a pour une description plus complète de sa distribution).

13

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syntagme nominal, tout comme le PrésFut requiert que le Locuteur ne puisse pas s’engager complètement quant à la vérité de la proposition où il apparaît. L’exemple en (38) montre que la ressemblance entre les contraintes sur vreun et PrésFut va encore plus loin : si le contexte établit un haut degré de certitude/probabilité pour l’inférence voulant que l’as de trèfle se trouve dans la main de l’un des joueurs, vreun devient agrammatical, malgré la présence d’un modal épistémique : (38) On est en train de jouer aux cartes. Pour gagner, il me manque l’as de trèfle. Toutes les cartes ont été jouées, mais l’as n’est pas passé. Donc la seule possibilité c’est que l’as se trouve chez l’un des autres joueurs :

a. #Asul trebuie să fie la vreun jucător.



‘L’as doit se trouver chez un joueur.’



b. #Asul o fi la un jucător. ‘#L’as se trouvera chez un joueur.’

Ce contexte ressemble à celui en (27) et montre encore une fois que le PrésFut est exclu des contextes ‘certains’, contrairement aux modaux épistémiques, qui y sont licites. Ce n’est donc pas surprenant de constater que PrésFut ne peut pas être utilisé dans (38b). Ce qui est intéressant est de retrouver cette même contrainte distributionnelle dans un autre domaine de la grammaire, notamment celui des déterminants. Si on met ensemble les trois éléments épistémiques décrits jusqu’à présent en roumain, nous arrivons à la distribution résumée dans le tableau suivant : modal épistémique

PrésFut

vreun

Contexte inférentiel (29)

OK

OK

OK

Contexte inférentiel - probabilité haute ((27)(28)), (38))

OK

*

*

Enchâssement sous des verbes hypothétiques tels que croire/supposer/imaginer (34)

OK

OK

OK

Enchâssement sous des verbes factifs tels que savoir/découvrir (33)

OK

*

*

Tableau 5 : Distribution des différentes expressions épistémiques en roumain

Ce tableau montre que PrésFut et vreun ont une distribution très similaire, plus restreinte que celle des modaux épistémiques. Cette situation fait du PrésFut le contexte de légitimation privilégié de vreun – dès que les contraintes de PrésFut sont satisfaites, celles de vreun le sont également

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(voir Fălăuş, 2014a,b pour plus de détails). La sensibilité aux mêmes facteurs contextuels explique donc la très fréquente co-occurrence de ces deux éléments épistémiques : (39) S-o fi întâlnit cu vreun prieten.

‘Elle aura rencontré quelque ami.’

Le FutConj en espagnol apparaît lui aussi souvent en collocation avec les indéfinis épistémiques de type algún, alguien, algo, qui n’ont pas une distribution aussi restreinte que celle décrite pour le roumain, mais qui expriment l’ignorance/incertitude du Locuteur. (40) a. Se lo habrá dado a algún amigo.

‘Il l’aura donné à quelque ami.’

b. Alguien lo habrá decidido así.

‘Quelqu’un doit l’avoir décidé ainsi.’

c. Algo estará pasando en la mente de los senadores justicialistas.

‘Quelque chose doit bien se passer dans la tête des sénateurs justicialistes.’ d. Si se incorporó en la Constitución, por algo habrá sido. ‘Si cela a été intégré dans la Constitution, il doit bien y avoir une raison.’

Les expressions d’approximation, qui marquent un manque de précision de la part du Locuteur, sont également très fréquentes dans les énoncés avec FutConj et PrésFut : (41) a. Como psicólogo ganará mil, mil quinientos palos.

‘En tant que psychologue, il doit gagner dans les mille, mille cinq-cents briques.’

b. Habrá sido una clase de una hora, más o menos.

‘Le cours aura duré une heure, à peu près.’

c. Tendrá unos cincuenta años.

‘Il doit avoir dans les cinquante ans.’

(42) a. Combien de manifestants y avait-il ce matin ?

Or fi fost vreo două mii.



‘Il y en aura eu quelque deux milles.’



b. Quel âge a le candidat ?



O fi având vreo treizeci de ani.



‘Il aura une trentaine d’années.’

FutConj et PrésFut apparaissent très souvent avec une multitude d’autres marqueurs d’incertitude du Locuteur : des adverbes comme ceux illustrés cidessus, voir (30-31), ainsi que des expressions comme celles en (43) :

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(43) a. - La boleta de la luz ? - No sé / Quién sabe / Qué sé yo / Vaya a saber, estará en el cajón de la cómoda.

‘La facture de l’électricité ? Je ne sais pas / Qui sait / Qu’est-ce que j’en sais / Va savoir. Elle sera dans le tiroir de la commode.’

b. Știu eu/Cine știe/Mai știi ?, s-o fi dus la film.

‘Que sais-je / Qui sait / Va savoir, il sera allé au cinéma.’

c. Te pomenești că s-o fi dus la film.

‘Si ça se trouve, il sera allé au cinéma.’

4.2. Certitude, probabilité et assertion L’examen des propriétés sémantiques de FutConj et PrésFut a montré que, malgré des similarités apparentes, la contribution de ces formes ne saurait être assimilée à celle des modaux épistémiques. Elle diffère tant de l’expression de la nécessité que de l’expression de la possibilité. Nous avons également constaté que l’incertitude est une condition nécessaire à l’utilisation de ces marqueurs, et qu’elle explique leur affinité avec les indéfinis épistémiques (Fălăuş 2014b). Une analyse sémantique de FutConj et PrésFut en termes d’incertitude doit se fonder sur la théorie pragmatique de l’assertion. Selon une conception très répandue, en tant qu’acte de langage, l’assertion d’une proposition f exige que le Locuteur sache que f est vraie. En effet, c'est de cette façon que Grice (1975) formule sa maxime de qualité. Cependant, étant donné les limitations cognitives humaines, cette condition sur l'assertion est beaucoup trop forte : dans la plupart des cas, nous ne basons pas nos assertions sur un savoir au sens strict, mais sur des croyances raisonnablement justifiées qui ont pour nous un certain degré de certitude. Les degrés de certitude peuvent être conçus comme des probabilités subjectives attribuées par un agent épistémique à des propositions 14. Ils comprennent des valeurs dans l’intervalle [0, 1], avec 1 pour la probabilité maximale, qui correspond à une croyance absolue, 0 pour la probabilité minimale, qui correspond au manque total de croyance, et 0.5 pour l’incertitude totale. Dans la formulation de Lewis (1976, apud Davis, Potts et Speas, 2007), « assertability goes by subjective probability » : l’assertion d’une proposition

14

La probabilité subjective est relative à l’ensemble des croyances d’un agent épistémique, à la différence de la probabilité objective ou classique, qui n’est que la probabilité qu’un événement se réalise. Voir, pour ces notions, Davis, Potts et Speas (2007), MacCready (2010), Lassiter (2011).

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f exige que le Locuteur attribue à f une probabilité subjective suffisamment proche de 1. Ce qui compte comme degré de certitude 'suffisamment proche' de 1 peut varier en fonction du contexte. Dans une conversation anodine sur les mouvements dans l'immeuble, je peux affirmer que mon voisin de palier était chez lui hier soir sans en avoir la conviction absolue, mais s'il s'agit de lui fournir un alibi devant une cour de justice, la même affirmation présuppose un degré de croyance bien plus élevé. D'après Potts (2006), le contexte de la conversation détermine un degré de probabilité subjective qui constitue le seuil de qualité pour les assertions. Une assertion ne sera adéquate (felicitous) dans un contexte que si le Locuteur lui attribue une probabilité subjective égale ou supérieure au seuil de qualité déterminé par le contexte. Nous faisons l’hypothèse que la contribution sémantique de FutConj et PrésFut consiste en un commentaire du Locuteur, à savoir que la probabilité subjective attribuée par l’agent épistémique pertinent à la proposition cible est inférieure au seuil de qualité des assertions déterminé par le contexte : (44) FutConj/PrésFut (f) = Prob. subjective agent épist. (f) < seuil de qualité contextuel

Dans le cas de phrases déclaratives, l’agent épistémique pertinent coïncide avec le Locuteur. Nous verrons ci-dessous que la situation est plus compliquée dans le cas des phrases interrogatives et des propositions enchâssées. Notre hypothèse est à même de rendre compte des propriétés sémantiques que nous avons constatées pour FutConj/PrésFut. En effet, FutConj/PrésFut ne sont pas appropriés dans des inférences certaines, comme le sont les inférences déductives, parce que les inférences certaines ont un degré de probabilité maximal. FutConj/PrésFut ne sont pas compatibles avec les adverbes épistémiques de nécessité forts, car ces adverbes attribuent une probabilité subjective qui est égale ou supérieure au seuil de qualité contextuel pour les assertions. Enfin, FutConj/PrésFut légitiment les indéfinis épistémiques parce que ceux-ci exigent des contextes épistémiques non-factuels (Fălăuş 2014b), et qu’un commentaire attribuant une probabilité subjective inférieure au seuil de l’assertion rend le contexte non-factuel.

4.3. Commentaire du Locuteur et restrictions à l’enchâssement sémantique En postulant que la contribution sémantique de FutConj/PrésFut constitue un commentaire du Locuteur, nous affirmons par là-même qu’elle ne fait pas partie du contenu propositionnel exprimé. Nous pensons que c’est là que réside leur différence cruciale avec les modaux épistémiques.

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En effet, entre l’interprétation des modaux épistémiques comme des opérateurs qui contribuent aux conditions de vérité de la proposition, et l’interprétation plus traditionnelle, selon laquelle les modaux épistémiques introduisent un commentaire sur le statut épistémique de la proposition à laquelle ils s’associent, il y a un conflit, qui dans les travaux récents en sémantique est invariablement résolu en faveur de la première option. La raison en est que les modaux épistémiques peuvent en principe être enchâssés sous d’autres opérateurs sémantiques. Le raisonnement qu’on applique est le suivant : des opérateurs comme la négation, ou le temps verbal, ou les conjonctions introduisant les subordonnées adverbiales, s’associent à des contenus propositionnels pour former de nouveaux contenus propositionnels. Quelque chose de l’ordre d’un commentaire sur un contenu propositionnel, qui ne fait pas partie de ce contenu propositionnel, ne saurait être dans la portée sémantique d’un opérateur qui demande à s’associer avec un contenu propositionnel. C’est là l’argument décisif pour rejeter l’interprétation des modaux épistémiques comme des commentaires du Locuteur (von Fintel et Gillies, 2007, MacFarlane, 2011 parmi bien d’autres). Or, cet argument fait défaut dans le cas de FutConj/PrésFut, qui présentent des possibilités d’enchâssement sémantique bien plus restreintes que celles des modaux épistémiques. Nous avons vu dans la section 3 que FutConj/PrésFut n’entrent pas en interaction avec le temps grammatical, dans la mesure où, d’une part, leur présence n’affecte pas l’orientation temporelle de la phrase, et d’autre part, le temps grammatical n’affecte pas le contenu sémantique apporté par FutConj/ PrésFut. Sous cet aspect, la différence avec les modaux épistémiques n’est pas très grande. En effet, on suppose en général que les modaux épistémiques n’affectent pas l’orientation temporelle et ne sont pas affectés par le temps grammatical (cf. Papafragou, 2006, Hacquard, 2006) 15. Nous pouvons également constater que le contenu apporté par FutConj/ PrésFut ne peut pas être nié, c.-à-d. qu’il ne peut pas se trouver dans la por Cependant, le débat sur l’interaction des modaux épistémiques avec le temps grammatical n’est pas clos, et il y a des faits assez subtils qui semblent indiquer que le temps grammatical peut avoir une portée sur le modal épistémique, en indiquant par exemple si les possibilités épistémiques prises en considération sont des possibilités simultanées au moment de l’énonciation ou antérieures au moment de l’énonciation. Ce débat porte sur l’équivalence ou la non-équivalence sémantique de phrases comme Il a dû gagner la médaille Fields et Il doit avoir gagné la médaille Fields, et sur l’analyse adéquate de phrases comme Les terres que nous avons achetées pouvaient contenir du pétrole, mais en fait il n’en est rien. Ce débat en cours est trop complexe pour être repris dans le cadre de cet article. Voir Fălăuş et Laca (en prép.).

15

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tée de la négation (46). Dans le cadre de l’analyse sémantique des interrogatives totales que nous proposerons dans la section suivante, cela a pour conséquence que ce contenu ne peut pas non plus se trouver dans la portée de l’opérateur d’interrogation (48). Sous cet aspect, FutConj/PrésFut diffèrent clairement des modaux épistémiques de possibilité, comme évoqué ci-dessus, car ces derniers peuvent se trouver sans difficulté dans la portée de la négation (45) et de l’interrogation (47). (45) No puede haber ningún error.

a. ‘Il n’est pas possible qu’il y ait quelque erreur que ce soit.’

b. ≠ ‘Il est possible qu'il n'y ait aucune erreur.’ (45’) Nu poate fi o greșeală.

a. ‘Il n’est pas possible que ce soit une erreur.’

b. ≠ ‘Il est possible que ce ne soit pas une erreur.’ (46) No habrá ningún error.

a. ‘Il est possible qu’il n’y ait aucune erreur.’

b. ≠ ‘Il n'est pas possible qu'il y ait quelque erreur que ce soit.’ (46’) Nu o fi o greșeală.

a. ‘Il est possible que ce ne soit pas une erreur.’

b. ≠ ‘Il n'est pas possible que ce soit une erreur.’ (47) a. ¿Puede haber llovido ? b. Poate să fi plouat ?

‘Laquelle des deux possibilités est vraie : il est possible qu’il ait plu ou il n’est pas possible qu’il ait plu ?’

(48) a. ¿Habrá llovido ? b. O fi plouat ?

‘Laquelle des deux possibilités est vraie : il a plu ou il n’a pas plu ?’

On admet généralement que les modaux épistémiques de nécessité échappent à la portée de la négation et n’apparaissent pas dans des interrogatives. Cependant, leur comportement diffère aussi de celui de FutConj/ PrésFut, en ce que dans des cas très spécifiques, la négation ou l’interrogation peuvent porter sur la nécessité véhiculée par le modal (comme illustré en (49) et (51)), alors qu’elles portent toujours sur le contenu de la proposition associée à FutConj/PrésFut (en (50) et (52)) : (49) a. El culpable no tiene que ser Pedro (otros tuvieron también motivos y oportuni dad para hacerlo).

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b. Vinovatul nu trebuie să fie Pedro.



‘Il n’est pas nécessairement vrai que Pedro soit le coupable (d’autres ont eu le motif et l’occasion pour le faire).’

(50) a. El culpable no será Pedro.

b. Vinovatul nu o fi Pedro.

‘J’imagine / J’espère / Il se peut que Pedro ne soit / n’est pas le coupable.’

(51) a. ¿Tiene que haber salido por esta puerta ? b. Trebuie să fi ieșit pe ușa asta ?

‘Laquelle des deux possibilités est vraie : il est nécessairement sorti par cette porte ou il n’est pas nécessairement sorti par cette porte ?’

(52) a. ¿Habrá salido por esta puerta ?

b. O fi ieșit pe ușa asta ?

‘Laquelle des deux possibilités est vraie : il est sorti par cette porte ou il n’est pas sorti par cette porte ?’

Il est vrai que la négation ou l’interrogation portant sur un modal épistémique de nécessité semble avoir une interprétation particulière, de type métalinguistique ou échoïque, dans la mesure où elle semble nécessairement contredire une affirmation explicite présente dans le contexte antérieur. Mais même ce type de négation ou d’interrogation ne peut avoir de portée sur FutConj et PrésFut. Pour ce qui est des subordonnées adverbiales, les modaux épistémiques peuvent apparaître dans l’antécédent des phrases conditionnelles – ce qui constitue, en fait, l’argument privilégié pour montrer qu’ils font partie du contenu propositionnel. En revanche, FutConj et PrésFut sont absolument exclus de ce contexte, la construction étant ressentie comme agrammaticale : (53) a. Si puede / debe haber un error, mejor lo releemos.

‘S’il est possible / probable qu’il y ait une erreur, il vaut mieux le relire.’



b. *Si habrá un error, mejor lo releemos.



c. Dacă se poate să fie/trebuie că sunt greșeli, mai bine recitim totul.



‘S’il est possible / probable qu’il y ait des erreurs, il vaut mieux tout relire.’ d. * Dacă or fi greșeli, mai bine recitim totul.

Deuxièmement, à la différence des modaux épistémiques, FutConj et PrésFut ne peuvent pas apparaître non plus dans des subordonnées temporelles :

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(54) a. Llegó cuando María ya se debía haber ido.

b. A sosit când Maria tocmai trebuie să fi plecat. ‘Il est arrivé lorsque Maria était probablement déjà partie’

c. *Llegó cuando María ya se habría ido.



d. *A sosit când Maria tocmai o fi plecat.

Enfin, FutConj et PrésFut sont également exclus des subordonnées causales, à la différence des modaux épistémiques : (55) a. Releí el manuscrito porque podía/debía haber un error.

b. Am recitit manuscrisul pentru că putea fi/ trebuia să fie o greșeală.

‘J’ai relu le manuscrit parce qu’il pouvait / devait y avoir une erreur.’



c. #Releí el manuscrito porque habría un error.



d. # Am recitit manuscrisul pentru că o fi fost o greșeală.

Il est tout à fait possible d’utiliser FutConj et PrésFut pour exprimer une conjecture sur une relation causale, une cause probable mais non certaine. Ce qui est grammaticalement pertinent, néanmoins, c’est que la morphologie indiquant le statut de conjecture doit apparaître dans la principale. C’est ainsi que dans l’interprétation la plus naturelle de l’exemple suivant, la portée sémantique de FutConj/PrésFut comprend la relation causale : (56) a. Habré releído el manuscrito porque había/habría un error. b. Oi fi citit manuscrisul pentru că era/o fi fost o greșeală. ‘Il se peut que j’aie relu le manuscrit parce qu’il y avait une erreur.’

Même si la probabilité subjective inférieure au seuil de qualité contextuel n’est pas attribuée au fait d’avoir relu le manuscrit, mais à la cause possible de la relecture, FutConj/PrésFut ne peut pas être réalisé uniquement à l’intérieur de la subordonnée. Il faut souligner que cette restriction à l’apparition de FutConj/PrésFut dans une subordonnée causale ne s’étend pas aux causales dites périphériques ou causales de l’énonciation. Ces dernières n’expriment pas la cause d’un état de choses, mais la motivation d’un acte de parole. Plusieurs auteurs (en particulier Haegeman, 2004) ont constaté que les causales périphériques – tout comme d’autres subordonnées adverbiales périphériques exprimant des relations de discours, comme le contraste, les prémisses d’un raisonnement, etc. – présentent les caractéristiques syntaxiques des principales. Il est intéressant de constater que l’une de ces caractéristiques est la possibilité d’accueillir FutConj/PrésFut :

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(57) a. Te lo sugiero porque estarás cansado.

b. Îți sugerez asta pentru că îi fi obosit.



‘Je te suggère cela parce que j’imagine que tu es fatigué.’



c. Es mejor no llamarlo, porque a esta hora estará durmiendo.



d. E mai bine să nu-l suni, pentru că la ora asta o fi dormind.



‘Il vaut mieux ne pas l’appeler, parce qu’à cette heure-ci il est probable qu’il dort.’

En conclusion, les possibilités d’enchâssement sémantique de FutConj et PrésFut sont clairement plus restreintes que celles des modaux épistémiques. De ce fait, l’argument décisif contre l’analyse en termes de commentaire du Locuteur perd de sa force dans ce cas particulier. En fait, les propositions subordonnées contenant FutConj et PrésFut ne peuvent être enchâssées que sous certains verbes neutres de parole (‘dire’, ‘insinuer’, ‘suggérer’, mais non pas ‘affirmer’, ‘assurer’), sous un sous-ensemble des verbes d’attitude propositionnelle représentationnelle (les attitudes de ‘croyance faible’), et en tant qu’interrogatives indirectes.

4.4. Fut Conj et PrésFut et la sémantique des questions Les phrases interrogatives constituent l’un des principaux contextes d’usage de FutConj et PrésFut, mais il existe peu (ou pas) d’études détaillées sur ce sujet. Nous avons déjà illustré le fait que FutConj et PrésFut prennent systématiquement une portée large dans une interrogative, totale ou partielle : (58) a. ¿Puede haber salido por esta puerta ?

b. Se poate să fi ieșit pe ușa asta ?



‘Laquelle des deux possibilités est vraie : c’est possible qu’il soit sorti par cette porte ou ce n’est pas possible qu’il soit sorti par cette porte ?’

(59) a. ¿Quien puede haber salido por esta puerta ?

b. Cine poate să fi ieșit pe ușa asta ?

‘Laquelle ou lesquelles de ces possibilités est/sont vraie(s) : A peut être sorti, B peut être sorti, C peut être sorti…’

(60) a. ¿Habrá salido por esta puerta ?

b. O fi ieșit pe ușa asta ?

‘Laquelle des deux possibilités est vraie : il est sorti par cette porte ou il n’est pas sorti par cette porte ?’ (61) a. ¿Quien habrá salido ?

b. Cine o fi ieșit ?

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‘Laquelle ou lesquelles de ces possibilités est/sont vraie(s) : A est sorti, B est sorti, C est sorti…’

Ainsi, contrairement à la question en (58), avec un modal de possibilité, la question en (60) ne demande pas s’il est possible ou pas possible que la personne en question soit sortie par la porte dont on parle. Si tel était le cas, une réponse négative nierait la possibilité que la personne soit sortie par la porte. Or, la question avec FutConj/PrésFut porte sur le fait d’être sorti ou non par la porte, en cherchant à déterminer laquelle de ces deux propositions est vraie. Du point de vue du contenu, la question est donc identique à ce qu’on aurait avec une forme de l’indicatif Est-il sorti par cette porte ? 16 En plus des questions directes, FutConj et PrésFut peuvent également être utilisés dans des questions indirectes : (62) a. Me pregunto si ya se habrá ido.

b. Mă întreb dacă o fi plecat deja. ‘Je me demande s’il est déjà parti.’



c. Me pregunto quién habrá llegado primero.



d. Mă întreb cine o fi ajuns primul.



‘Je me demande qui est arrivé en premier.’

Selon notre analyse, la contribution sémantique de FutConj et PrésFut revient à un commentaire sur la probabilité de la proposition avec laquelle ils se combinent, probabilité qui est jugée comme étant inférieure au seuil contextuel d’assertabilité. Qu’en est-il de cette analyse pour les questions ? Tout d’abord, une question ne constitue pas une proposition (elle ne saurait être vraie ou fausse, ni être l’objet d’une croyance) ; deuxièmement, elle ne correspond pas à une assertion. Suivant une longue tradition en linguistique formelle (depuis Hamblin 1957/1973, voir par ex. Krifka 2011), nous assimilons la dénotation d’une question à un ensemble de propositions, à savoir l’ensemble de ses réponses possibles. Ainsi, la dénotation d’une question totale sera celle illustrée en (63a), celle d’une question partielle sera celle présentée en (63b) : (63) a. ? il est parti = {il est parti, il n’est pas parti}

b. ? qui est arrivé en premier = {A est arrivé en premier, B est arrivé en premier, C est arrivé en premier….}

Contrairement à l’italien, qui, selon Bertinetto (1979), n’admet pas de futur épistémique aux 1re et 2e personnes dans des phrases interrogatives, il n’y a pas de restrictions de personne ou de nombre dans l’usage de PrésFut ou FutConj : (i) Azi nu sunt în apele mele. Oare ce oi fi având ? ‘Aujourd’hui, je ne suis pas très en forme. Que pourrais-je bien avoir ?’ (ii) ¿Habré dicho un disparate ? ‘Aurais-je dit une bêtise ?’ 16

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Une question avec FutConj et PrésFut revient à la représentation ci-dessous : (64) a. Question totale : FutConj/PrésFut. ? p = FutConj/PrésFut {p, ¬ p}

b. Question partielle : FutConj/PrésFut. ? p = FutConj/PrésFut {p1, p2, p3,…}

Le fait que FutConj et PrésFut prennent une portée large par rapport à la dénotation de la question créée par l’opérateur interrogatif ‘ ?’ signifie que l’incertitude est ‘distribuée’ sur cet ensemble, ce qui revient à attribuer à chacune des propositions une probabilité inférieure au seuil contextuel. Autrement dit, chaque proposition qui constitue une réponse possible satisfait la condition en (44) répétée ci-dessous : (44) FutConj/PrésFut (f) = Prob. subjective agent épist. (f) < seuil de qualité contextuel

Cette analyse explique les restrictions d’enchâssement des questions, notamment sous des verbes factifs comme savoir ou découvrir. En effet, un Locuteur qui énonce une phrase comme celles présentées en (65), avec des verbes factifs, attribue une probabilité subjective maximale à la réponse vraie dans l’ensemble de propositions dénoté par la question enchâssée (parce que les verbes factifs présupposent que leur complétive est vraie), ce qui entre en conflit avec les contraintes imposées par FutConj et PrésFut. La situation change en présence de la négation (65’), où l’on retrouve le manque de certitude/d’information nécessaire pour satisfaire les conditions d’usage de FutConj et PrésFut : (65) a. #Juan sabe dónde estará la llave. b. # Juan știe unde o fi cheia.



‘Juan sait où serait la clé / peut être la clé.’



c. #Juan sabe si habrá llegado Pedro. d. #Juan știe dacă o fi sosit Pedro.



‘Juan sait si Pedro est probablement arrivé.’

(65’) a. Juan no sabe dónde estará la llave. b. Juan nu știe unde o fi cheia.

‘Juan ne sait pas où serait la clé / peut être la clé.’



c. Juan no sabe si habrá llegado Pedro.

d. Juan nu știe dacă o fi sosit Pedro. ‘Juan ne sait pas si Pedro serait arrivé.’

La fonction première des questions est de demander de l’information, ce qui, le plus souvent, est équivalent à un manque d’information. C’est probablement cette propriété des interrogatives qui permet d’expliquer l’usage si

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fréquent de FutConj et PrésFut dans les questions. Un grand nombre de questions avec FutConj et PrésFut n’attendent pas une réponse et ont un caractère qu’on pourrait appeler ‘dubitatif’ – le Locuteur s’interroge luimême, comme manière de signaler son incertitude par rapport à une certaine hypothèse ou situation ou bien comme manière de verbaliser ses pensées, sans forcément chercher à installer un dialogue avec un Allocutaire : (66) a. ¿Qué estará haciendo esta hora mi andina y dulce Rita ? [César Vallejo]

‘Que fera-t-elle en ce moment, ma douce et andine Rita ?’



b. Am aruncat scrisorile ei ca un prost, ce dacă le citea nevastă-mea ; chiar, nevastă mea n-o fi având şi ea scrisori ?




‘J’ai jeté bêtement ses lettres ; si ma femme les avait lues, cela aurait été sans importance ; mais, attends, ma femme n’aurait-elle pas aussi des lettres ?’ [Rein heimer-Rîpeanu 2000, 487] c. Întâia încheiere de an… – Nucu o fi reuşit la examen ? [Reinheimer-Rîpeanu 2000, 487]



‘Première fin d’année scolaire… – Nucu aurait-il réussi à l’examen ?’

Le caractère dubitatif de ces phrases interrogatives est souvent renforcé par la présence d’adverbes modalisants du type ‘éventuellement, probablement’ ou de marques interrogatives supplémentaires, comme oare en roumain (particule interrogative) : (67) Oare nu cumva s-o fi supărat ?

‘Ne se serait-il pas fâché, par hasard ?’

Il en va de même pour les questions rhétoriques, qui n’attendent pas de réponse, soit parce qu’il n’y en a pas vraiment, soit parce que la réponse est évidente. En (68) ci-dessous, par exemple, le Locuteur a déjà une réponse, qui dans le contexte est clairement négative – l’Allocutaire ne connaît rien aux chevaux : (68) a. ¡¿Qué sabrás vos de caballos ? !

‘Que sais-tu / peux-tu bien savoir sur les chevaux ! ?’



b. Mă întreb, ce păcate or fi având ele şi strămoşii lor, de le plătesc atât de scump ?




‘Je me demande quels péchés elles peuvent bien avoir commis, elles et leurs ancêtres, pour qu’ils les payent si cher ?’

Il existe cependant des questions avec FutConj et PrésFut qui invitent à une réponse, comme dans les exemples suivants : (69) a. A ver, señores, ¿en qué caja estará el premio ?

‘Voyons, messieurs, dans quelle boîte pourrait bien se trouver le prix ?’

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b. Professeur lors d’un examen oral :

¿Por qué es importante la paleografía para el historiador ? [Silence]



Vamos, muchacho, piense : ¿por qué será importante la paleografía en la carrera de historia ? ‘Pourquoi la paléographie est-elle importante pour l’historien ? Allez, mon garçon, réfléchissez : pourquoi la paléographie peut-elle bien être importante dans la filière d’histoire ?’



c. ? Ce spuneți, copii, unde o fi ascunsă comoara ?

‘Qu’en pensez-vous, les enfants, où sera caché le trésor ?’

Il s’agit de contextes où l’Allocutaire est invité à proposer une réponse, sans pour autant être forcément capable de fournir une réponse exacte. C’est d’ailleurs pour cela que les questions avec FutConj et PrésFut ne sont pas acceptables dans des contextes où l’Allocutaire est le seul en mesure de donner une réponse certaine : (70) [Le Locuteur à l’Allocutaire en train de manger une glace :]

a. ¿Está rico ?



b. E bun ?



‘C’est bon ?’



c. #¿Estará rico ?



d. #O fi bun ?

Il est important de souligner qu’il existe des contraintes sur le type de réponse acceptée par les questions construites avec FutConj et PrésFut. En effet, une réponse qui fournit simplement l’information manquante ne semble pas complètement appropriée : (71) Cine o fi lăsat ușa deschisă ?

‘Qui aura laissé la porte ouverte ?’



a. # Marie.



b. Marie, j’imagine, elle fait ça tout le temps.



c. Sûrement Marie.



d. Marie, je l’ai vue sortir tout à l’heure.

En posant une question comme celle-ci, le Locuteur attribue à chaque réponse possible une probabilité relativement basse dans le contexte. Selon le Locuteur, l’Allocutaire n’est pas en mesure de donner une réponse ‘certaine’ à la question. Cependant, il semblerait que la réponse elliptique en (a) présente une des réponses possibles comme étant certaine, ayant donc une probabilité plus haute que celle attendue en vue de la question. Pour justifier ce change-

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ment, il est nécessaire de la part de l’Allocutaire de qualifier la réponse, par exemple en présentant l’information comme n’étant pas complètement certaine ou en fournissant la source de cette information. Pour finir, notons qu’il existe un autre usage possible des questions avec FutConj, notamment les questions de politesse illustrées ci-dessous : (72) ¿Tendrás algo de ropa para prestarme ?

‘Aurais-tu des vêtements à me prêter ?’

L’Allocutaire a sans aucun doute la réponse à la question, mais le fait d’utiliser le FutConj est une manière de lui permettre de ne pas (s’engager à) satisfaire la demande sous-jacente. Cet usage est absent pour PrésFut en roumain, vraisemblablement en raison du registre informel auquel on l’associe, qui n’est pas compatible avec des questions de politesse 17.

5. Les utilisations discursives de FutConj et PrésFut 5.1. Les déclaratives contenant FutConj et PrésFut sont-elles assertées ? D’après notre analyse, la contribution sémantique de FutConj et PrésFut est l’expression d’un commentaire du Locuteur, selon lequel l’agent épistémique pertinent – le Locuteur lui-même dans le cas des phrases déclaratives – attribue à la proposition exprimée dans la phrase un degré de probabilité subjective inférieur au degré requis par les assertions dans le contexte. La question se pose de savoir si les déclaratives contenant cette morphologie peuvent constituer des assertions. En tant qu’actes de parole, les assertions exigent que le Locuteur attribue à la proposition assertée un degré de probabilité subjective égal ou supérieur au seuil minimal déterminé par le contexte. Elles engagent par ailleurs le Locuteur à fournir – le cas échéant – des preuves ou des arguments en faveur de la vérité de cette proposition, et elles l’exposent au reproche de mensonge ou d’erreur si la proposition assertée se révèle être fausse. Si une assertion est acceptée par l’Allocutaire, la proposition assertée vient enrichir le Fonds Commun de la conversation et réduit ainsi le champ des possibles. Selon notre analyse, le commentaire exprimé dans les déclaratives contenant FutConj et PrésFut est en conflit avec la première condition sur l’assertion. L’examen de certaines utilisations discursives assez prototypiques de 17

Notons que les effets de sens de FutConj dans les questions correspondent de très près à ceux produits par la particule modale wohl en allemand, tels qu’ils sont décrits par Zimmermann (2004).

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FutConj et PrésFut montre que ces déclaratives ne constituent pas des assertions normales : en particulier, elles n’engagent pas le Locuteur à les défendre. C’est le cas de ce que nous appellerons les assertions réticentes et les assertions contingentes. 5.1.1. Les assertions réticentes Dans les assertions réticentes, le Locuteur déclare sans grande conviction ce qu’il suppose que l’Allocutaire veut entendre. Au delà de la vision idéalisée de l’échange verbal comme la construction commune d’une image du monde partagée par les interlocuteurs, dans laquelle la notion standard d’assertion a toute sa place, il y a dans les interactions verbales une dimension interpersonnelle, psychologique ou sociale. C’est dans cette dimension que des finalités communicatives autres que la convergence dans une représentation du monde sont opérationnelles. Se rallier sans conviction à ce que prétend l’Allocutaire peut servir à clore une discussion, à rassurer l’Allocutaire, ou, en général, à sauver la face de l’un ou l’autre des interlocuteurs, en évitant le conflit au sujet de la vérité d’une proposition donnée. C’est ce qu’illustrent les exemples suivants : (73) a. A : Si le decís eso, se va a enojar.





B : Y bueno, se enojará.



‘A : Si tu lui dis cela, elle se fâchera. B : Ben, elle n’aura qu’à se fâcher alors.’ b. No te preocupes, ya te llamará.



‘Ne t’inquiète pas, elle t’appellera sans doute.’ c. Será como Usted dice.

d. O fi așa cum ziceți. ‘Si vous le dites…’

Si la périphrase prospective dans (73a-A) était reprise dans la réponse, l’énoncé exprimerait que B croit effectivement à la vérité du conditionnel (73aA), alors que dans (73a-B), avec FutConj, B reste agnostique par rapport à la vérité du conditionnel et à la pertinence de son conséquent. De même, FutConj dans (73b) n’engage pas le Locuteur dans une prédiction, comme le ferait la périphrase prospective, mais s’accommode des désirs de l’Allocutaire. Le Locuteur de (73c-d) s’incline devant les affirmations de l’Allocutaire sans vraiment y souscrire, comme il le ferait en utilisant le présent. Les assertions réticentes marquées par FutConj et PrésFut combinent toujours une attitude agnostique par rapport à la proposition exprimée avec la

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suggestion de non pertinence de la question pour le Locuteur (‘je ne sais pas, et en tout cas, peu m’importe…’). Ce qui les différencie le plus nettement des assertions standard est le fait que le Locuteur peut à tout moment se dédire, comme l’illustre le dialogue suivant (adapté de Olga Wornat, Menem-Bolocco SA, dans CREA) : (74) - ¿Usted no cree en los espíritus ? - Qué sé yo… Algunos habrá.

- Viste, Z., el doctor cree en los espíritus. - No deforme mis palabras. Que yo tenga dudas no quiere decir que piense como Usted.

‘- Vous croyez aux esprits ?



- Je n’en sais rien… Il pourrait y en avoir.



- Tu as vu, Z, le docteur croit aux esprits.



- Ne déformez pas mes propos. Si j’ai des doutes, cela ne veut pas dire que je pense comme vous.’

La possibilité de rétractation et l’attitude agnostique associées aux assertions réticentes montrent non seulement que les déclaratives contenant FutConj/PrésFut ne remplissent pas les conditions des assertions standard ; elles justifient en outre notre décision de définir un seuil maximal pour la probabilité subjective exprimée dans le commentaire (le seuil devant être inférieur à la valeur requise pour l’assertion), sans définir un seuil minimal : en fait, la probabilité subjective attribuée par le Locuteur à l’existence d’esprits dans (74) est très basse, proche de zéro 18. 5.1.2. Les assertions contingentes Les énoncés que nous appellerons assertions contingentes se caractérisent par le fait qu’ils délèguent la prise en charge de l’assertion à l’Allocutaire, qui est censé savoir si la proposition exprimée est vraie 19. Comme ils demandent En général, les conditions sur la probabilité subjective sont exprimées en termes de seuils minimaux ou d’un rang entre seuil minimal et maximal. C’est ainsi que Hara (2006) attribue un seuil minimal >0.5 à la particule finale darou du japonais, alors que Masuoka (apud Genuardi s.d.) lui attribue un rang entre 0.5 et 0.8. L’attribution de valeurs numériques absolues ne nous semble pas pouvoir être prise littéralement, car ce qui compte est la valeur relative par rapport au seuil minimal pour l’assertion, qui est, lui, déterminé par le contexte. Mais il importe sourtout de souligner que c’est le seuil maximal qui est pertinent pour l’interprétation des marqueurs que nous étudions. 19 D’après cette caractérisation, les assertions contingentes correspondent à ce qui est parfois décrit comme des déclaratives à contour final montant et/ou comme des ‘questions biaisées’ (voir en particulier Gunglogson, 2003). Du point de vue 18

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une réaction de l’Allocutaire, et que les déclaratives et les interrogatives totales ont dans la plupart des cas la même syntaxe, ne différant que par les contours d’intonation respectifs, il est assez difficile de les distinguer des questions. Nous avons l’impression que les assertions contingentes possèdent en espagnol un contour d’intonation distinct, qui les différencie aussi bien des assertions non-contingentes que des questions. L’existence de ce contour distinct se manifeste dans la transcription à l’écrit par la variation entre points d’interrogation et points de suspension. Étant donné que l’association de schémas d’intonation avec des fonctions discursives présente des difficultés notoires 20, nous n’utiliserons pas le critère intonatoire pour identifier les assertions contingentes, mais nous baserons sur la distribution du ‘savoir’ par rapport à la proposition exprimée qui les caractérise. Rappelons que, dans les déclaratives contenant FutConj et PrésFut, l’agent épistémique qui attribue un degré de probabilité subjective inférieur au seuil contextuel de l’assertion coïncide avec le Locuteur, alors que dans les questions, c’est l’Allocutaire (s’il y en a un) qui est censé attribuer ce degré de probabilité subjective à chaque réponse possible. Les assertions contingentes sont des déclaratives et, en tant que telles, elles expriment l’incertitude du Locuteur. Leur particularité est qu’elles portent sur des faits que l’Allocutaire est censé connaître, et s’interprètent de ce fait comme des demandes de confirmation. La demande de confirmation peut être exprimée par l’intonation, ou bien par la présence explicite de marqueurs comme no ? ‘n’est-ce pas’, eh ? ‘hein’, etc. Comme nous l’avons mentionné ci-dessus (70), les questions concernant des faits au sujet desquels l’Allocutaire est le seul juge ne sont pas appropriées si elles contiennent FutConj. En revanche, les assertions contingentes sont parfaites dans ce contexte : (75) [Le Locuteur s’adresse à l’Allocutaire qui est en train de manger une glace]

a. #¿Estará rico ?

‘Serait-ce bon ?’

sémantique, il ne s’agit pas de questions, car elles ne dénotent pas un ensemble de deux alternatives, l’affirmation et la négation, mais dénotent une proposition que l’Allocutaire est invité à confirmer. 20 Parmi les études récentes sur l’intonation des déclaratives et des interrogatives totales en espagnol, voir en particulier Sosa (1999), Beckmann et al. (2002) et Lee (2012). Bien que ces études confirment globalement les intuitions pionnières de Navarro Tomás (1944), elles montrent que l’identification de schémas d’intonation doit tenir compte d’autres propriétés au-delà des contours finaux (tonemas), ainsi que d’équivalences fonctionnelles entre des schémas différents, qui peuvent être dialectaux ou tout simplement individuels.

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b. Estará rico, ¿no ? ‘J’imagine que c’est bon, non ?’

Il en va de même pour les propositions qui portent sur des actions passées de l’Allocutaire, sur ses motivations et sur ses intentions : (76) a. No habrás estado fumando a pesar de mi advertencia…

‘Tu n’auras pas fumé malgré mon avertissement, j’espère…’ b. …siete millones de dólares… No me estará haciendo el verso, no ? ‘…sept millions de dollars… Vous n’êtes pas en train de vous moquer de moi, hein ?’

Les assertions contingentes prennent la forme de déclaratives, mais portent des marques discursives (intonation, particules) qui signalent qu’il revient à l’Allocutaire de prendre en charge l’assertion. La question qui se pose est celle de savoir quelle est la contribution de FutConj dans ces contextes, puisque les marques discursives suffisent à elles seules à exprimer la demande de confirmation. En comparant des paires minimales avec et sans FutConj accompagnées de la particule ¿no ?, nous constatons que l’effet de sens produit est compatible avec la contribution sémantique postulée pour FutConj dans notre analyse. (77) a. Le pagaste, ¿no ?

‘Tu lui as payé, n’est-ce pas ?’ b. Le habrás pagado, ¿no ?



‘Tu lui as payé, j’imagine.’

(78) a. No estuviste fumando, ¿no ?

‘Tu n’as pas fumé, non ?’ b. No habrás estado fumando, ¿no ?



‘Tu n’as pas fumé, j’imagine.’

En l’absence de FutConj, l’attente d’une confirmation de même polarité que l’assertion contingente est plus forte. Le Locuteur part du principe que le paiement a été effectué dans (77a), et que l’Allocutaire n’a pas fumé dans (78a). En revanche, en présence de FutConj, l’attente d’une confirmation de même polarité se dilue. En (77b), le Locuteur envisage la possibilité que l’Allocutaire ait omis d’effectuer le paiement, en (78b) que celui-ci ait en fait fumé. C’est pourquoi il semble plus facile d’extraire un aveu sur une omission ou sur une infraction avec FutConj : la possibilité en question a déjà été implicitement envisagée par le Locuteur, qui attribue un degré de probabilité subjective ‘bas’ à la proposition exprimée.

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En résumé, les assertions contingentes et les assertions réticentes ne constituent pas des assertions standard, car elles n’engagent pas le Locuteur à fournir des preuves ou des arguments en leur faveur, mais défèrent cette responsabilité à l’Allocutaire. De par le rôle qui revient à l’Allocutaire, il s’agit d’utilisations fortement dialogiques des déclaratives contenant FutConj. Nous allons voir dans la section 6 que la situation est différente en roumain, où le PrésFut n’est pas acceptable dans les assertions contingentes lorsque l’Allocutaire est le seul en mesure de confirmer (ou infirmer) l’assertion. Si l’on met pour l’instant cette différence de côté, la question se pose de savoir quel type d’acte de parole peut être effectué par ces déclaratives dans des contextes où l’Allocutaire n’a pas ce rôle. 5.1.3. Assertions affaiblies, CONCESSION et le paradoxe de Moore Dans la littérature récente sur les adverbes de probabilité et de doute, sur certaines utilisations des modaux épistémiques et sur certains évidentiels, il y a toute une série de suggestions dont le but est de rendre compte des effets des propositions introduites dans le discours avec des commentaires qui indiquent que le Locuteur ne leur attribue pas le degré de croyance qui serait nécessaire pour les asserter. C’est ainsi que MacFarlane (2011) suggère la notion de ‘perhapsertion’ comme un type distinct d’acte de parole, exprimant « some minimal degree of credence or advice not to ignore a possibility ». La même intuition sous-tend la notion de conjecture en sémantique inquisitive, un type de formule dont le seul effet, s’il y en a un, est d’attirer l’attention sur une possibilité (Ciardelli, Groenendijk et Roelofsen, 2009). Faller (2007), pour sa part, a recours à la notion de downtoned assertion (‘assertion affaiblie’), qui diffère de l’assertion standard en ce que la condition de sincérité correspondante n’est pas la croyance tout court du Locuteur par rapport au contenu propositionnel, mais une ‘croyance faible’ – ce qui évoque immédiatement le « minimal degree of credence » des ‘perhapsertions’. Le problème est que ces suggestions ne sont pas suffisamment développées en ce qui concerne les engagements pris par le Locuteur et les effets que ces actes de langage produisent dans le discours. De ce fait, elles ne sont pas prédictives et n’offrent pas de critères pour identifier les actes de parole postulés. Il en va autrement d’une proposition récente développée par Cohen et Krifka (2014), qui introduit la notion de méta-actes de parole. Ces méta-actes de parole affectent le déroulement ultérieur de l’échange linguistique, dans la mesure où ils ne changent pas le Fonds Commun de la conversation, mais réduisent les actes de parole ultérieurs permissibles. Ce sont, en effet, des dénégations d’actes de parole, par lesquels le Locuteur signale qu’il s’abstient

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localement ou s’engage à s’abstenir, dans le déroulement global de l’échange, d’effectuer un certain acte de parole. Le méta-acte de parole pertinent dans notre cas est celui de la CONCESSION (GRANT). Formellement, la CONCESSION d’une proposition consiste en la dénégation de l’assertion de la proposition contradictoire : (79) Contexte + CONCESSION (f) = Contexte + ~ ASSERTION (¬ f)

Du point de vue de son effet dans le discours, la CONCESSION indique que le Locuteur est prêt à accepter une éventuelle assertion de la proposition en question, et qu’il s’engage à ne pas asserter la proposition contradictoire. Tout en étant d’un engagement minimal par rapport à la proposition exprimée, la force de la CONCESSION offre une explication immédiate pour le fait que FutConj et PrésFut donnent lieu au paradoxe de Moore (voir ci-dessus section 3), à la différence des modaux existentiels épistémiques. (80) a. X puede estar enfermo, pero no creo que esté.

b. X poate fi bolnav, dar nu cred că este.

‘Il se peut que X soit malade, mais je ne crois pas qu’il le soit.’



c. #X estará enfermo, pero no creo que esté.

d. #X o fi bolnav, dar nu cred că este.

‘X est sans doute malade, mais je ne crois pas qu’il le soit.’

Avec un modal épistémique de possibilité, le Locuteur asserte que la maladie de X n’est pas incompatible avec l’information qu’il possède. Cette assertion, pourtant, n’est pas contradictoire avec l’assertion selon laquelle les circonstances rendent la maladie de X peu plausible. En revanche, dans la mesure où l’acte de langage effectué avec FutConj/PrésFut est assimilable à la CONCESSION, le Locuteur s’engage avec la première phrase de (80c-d) à s’abstenir d’asserter la négation de la proposition ‘X est malade’. La deuxième phrase fournit précisément une bonne raison pour asserter la négation de cette proposition, d’où l’effet d’incohérence 21. Nous supposons que les déclaratives contenant FutConj/PrésFut ne sont pas assertées, mais qu’elles réalisent minimalement le méta-acte de langage de la CONCESSION. Même lorsque le degré de probabilité subjective attribué par le Locuteur à la proposition est proche de zéro, comme c’est souvent le cas dans les assertions réticentes, le Locuteur s’engage à ne pas la contredire. 21

En termes kratzeriens, la première phrase de l’exemple (80a) asserte qu’il y a dans la base modale doxastique du Locuteur au moins un monde où X est malade, alors que la deuxième phrase asserte qu’aucun des ‘meilleurs mondes’ doxastiques du Locuteur n’est un monde où X est malade.

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5.2. Les concessives Le FutConj et PrésFut apparaissent fréquemment dans les propositions concessives, une propriété qu’ils partagent avec les modaux de possibilité (voir section 4.1). (81) a. Será inteligente, pero no lo parece. b. O fi inteligent, dar nu se vede.

‘Il est peut-être intelligent, mais ça ne se voit pas.’

c. Habrá vivido un año en Inglaterra, pero sigue sin hablar inglés.

d. O fi stat el în Anglia un an, dar tot nu știe engleză. ‘Il a peut-être habité un an en Angleterre, mais il ne parle toujours pas anglais.’

Selon Squartini (2012), qui analyse le futur épistémique en italien, les concessives ont un caractère factuel. Squartini suit König (1988) et suppose qu’en utilisant une concessive, « the speaker commits himself / herself to the truth of [the concessive premise] p, as well as to the truth of [the assertion] q. By means of the concessive construction the speaker emphasizes that between p and q, albeit both true, there is ‘incompatibility’ ». L’argument principal en faveur de la ‘factualité’ de la construction concessive vient des phrases génériques, comme (82), où un modal épistémique est acceptable, mais pas un futur épistémique : (82) a. Uno può essere alto quanto gli pare, ma lassù non ci arriva. ? ? b.  Uno sarà alto quanto gli pare, ma lassù non ci arriva.



‘Une personne peut être aussi grande qu’on veut, elle n’arrivera toutefois pas là haut.’

Selon Squartini, ce contraste est dû au fait que les modaux épistémiques peuvent être utilisés dans des contextes factuels et non-factuels, mais le futur épistémique n’admet pas les contextes non-factuels. Pour lui, l’ensemble des mondes possibles auquel fait référence une phrase générique comme celle présentée en (82), avec un sujet indéfini comme uno, n’inclut pas le monde réel. Cela revient à dire qu’il s’agit d’un contexte non-factuel, qui est incompatible avec l’usage du futur épistémique. En revanche, le futur épistémique devient acceptable dès lors qu’une interprétation spécifique ou factuelle devient possible, comme par exemple en présence d’un élément déictique (comme ici, maintenant), un quantificateur de libre choix ou un sujet (nul) de 3e personne, qui réfère à un individu spécifique, comme en (83) : (83) Sarà alto quanto gli pare, ma lassù non ci arriva.

‘Il est peut-être aussi grand qu’il le veut, il n’arrivera toutefois pas là-haut’.

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Squartini interprète ces données comme montrant que le futur épistémique requiert un contexte qui admet une interprétation factuelle, ce qui semble être le cas pour la plupart des constructions concessives. Ce raisonnement nous semble problématique pour FutConj et PrésFut. D’un côté, cette analyse obscurcit le lien entre l’usage épistémique (dans toutes les non-concessives), qui est incompatible avec un contexte factif/factuel, et l’usage concessif, qui demanderait un contexte factuel. D’un autre côté, les exemples ci-dessus n’offrent pas de critères suffisamment clairs pour distinguer concessives factuelles et non-factuelles. Nous pensons qu’une analyse qui maintient le lien entre les concessives et les autres contextes d’usage de FutConj et PrésFut est non seulement possible, mais en fait préférable. Plus concrètement, nous adoptons la proposition de Horn (1991), selon laquelle une construction concessive a la forme ‘le Locuteur concède p et affirme q ; p et q se trouvent dans une relation de contraste rhétorique’ 22. Le contraste entre ce que le Locuteur concède et ce qu’il affirme se manifeste par la présence de la conjonction adversative mais et peut être renforcé par d’autres marqueurs, par ex. quoiqu’il en soit, malgré cela, de toute façon, au moins. Tout comme dans la construction avec un modal de possibilité (voir les exemples en (25) ci-dessus), en utilisant FutConj et PrésFut, le Locuteur ne prend pas d’engagement quant à la vérité de p – il suppose ou concède la vérité de p, tout en affirmant q. C’est ce qui explique le fait que FutConj et PrésFut sont exclus de la partie affirmative, qui correspond à q : (84) a. #Será inteligente, aunque no lo parece.

b. #O fi inteligent, deși nu pare. ‘Il est sans doute intelligent, même si ça ne se voit pas.’

À cela s’ajoute le fait que, si on insère des éléments qui indiquent clairement que le Locuteur affirme p, c.-à-d. qu’il attribue une probabilité maximale à la vérité de p, FutConj et PrésFut deviennent inacceptables :

Le contraste peut être réalisé de différentes façons. Il peut s’agir de deux propriétés a priori distinctes, que l’on contraste en vue de certains stéréotypes : par exemple ‘il est peut-être professeur, mais il n’est pas poli’, où le contraste vient du fait qu’un professeur est censé être bien éduqué et donc poli. Il est également possible d’avoir une sorte de relation ensemble-sous-ensemble, comme dans ‘avoir peu d’amis – avoir des amis’, en (i), ou bien une échelle (ii) : (i) O fi având doar doi prieteni, dar măcar are prieteni/nu e singur. ‘Il se peut qu’il n’ait que deux amis, mais au moins il a des amis/il n’est pas seul.’ (ii) O fi fost el campion mondial, dar campion olimpic nu a ajuns niciodată. ‘Il se peut qu’il ait été champion mondial, mais il n’a jamais réussi à devenir champion olympique.’ 22

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(85) a. #Es cierto que será inteligente, pero no se nota.

b. # E adevărat că o fi inteligent, dar nu se vede. ‘C’est vrai qu’il sera intelligent, mais ça ne se voit pas.’

Selon nous, les concessives réalisent l’acte de CONCESSION discuté dans la section 5.1.3, à travers lequel le Locuteur s’engage à ne pas asserter non-p. Un argument en faveur de cette proposition vient du fait que, très souvent, cette composante de l’acte de CONCESSION est explicite, dans des phrases comme ‘je ne dis pas (non)’, ‘je ne dis pas le contraire’, comme on le voit en (86) : (86) a. Habrá pasado un año en Inglaterra, no lo niego, pero sigue sin hablar inglés. b. O fi stat el în Anglia un an, nu zic (nu), dar tot nu știe engleză. ‘Il se peut qu’il ait passé un an en Angleterre, je ne dis pas (non), mais il ne parle toujours pas anglais.’

De ce fait, il se peut que le contexte établisse que p est vraie, mais ce qui compte est qu’en utilisant FutConj et PrésFut dans la concessive, le Locuteur n’affirme pas directement la vérité de p. Horn parle dans ce cas d’un renforcement pragmatique (optionnel) : du fait de s’engager à ne pas affirmer non-p, le contexte permet l’inférence que p est vraie (87). Rappelons néanmoins qu’il s’agit d’un effet du contexte : comme le montre (85) ci-dessus, dès qu’il existe des éléments qui indiquent que le Locuteur asserte la vérité de p, FutConj et PrésFut sont exclus : (87) [En parlant du fait que Jean est un joueur de tennis très motivé et persévérant]

O fi pierdut el trei meciuri consecutive, dar luptă în continuare ca și cum nu s-ar fi întâmplat nimic și ar avea încă șanse titlu.



‘Il a certes perdu trois matchs d’affilée, mais il se bat comme si de rien n’était et qu’il avait encore des chances de gagner le titre.’

Il faut remarquer que la partie affirmée peut être implicite : il existe de nombreuses concessives comme celle en (88), où seule la partie concédée est exprimée. La réponse de B est une manifestation de ce que nous avons appelé ‘assertion réticente’ (voir section 5.1.1), qui suggère la non-pertinence de la question en discussion pour la suite de la conversation. Encore une fois, l’usage de FutConj et PrésFut marque clairement la probabilité basse que le Locuteur attribue à la proposition en question : (88) a. A : Te aseguro que es buena gente, siempre servicial, siempre atento.

B : Será así. De todas maneras, no quería hablar de él. ‘A : Je t’assure qu’il est quelqu’un de bien, toujours disponible, toujours attentif. / B. Si tu le dis. Quoi qu’il en soit, je ne voulais pas parler de lui.’

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b. A : Tot îmi vorbești de grijile tale, dar să știi că le am și eu pe ale mele. B : Așa o fi. Hai mai bine să nu mai vorbim despre asta.

‘A : Tu me parles toujours de tes soucis, mais sache que j’ai les miens. / B : Ce sera ainsi. Il vaut mieux que nous n’en parlions plus.’

Pour finir, notons également le fait qu’il existe en roumain une préférence pour l’inversion du sujet exprimé par un pronom personnel ou par un substantif dans les concessives avec PrésFut, comme on le voit dans (89) : (89) O fi omul animal social, dar mai şi oboseşte. [Reinheimer–Rîpeanu 1994,9]

‘L’homme est bien un animal social, mais il fatigue parfois.’

La postposition du sujet semble marquer la reprise d’une proposition dans le contexte, très caractéristique des constructions concessives. L’espagnol contemporain n’admet plus ce mécanisme, mais les antépositions de constituants autres que le sujet – comme par exemple l’attribut en (88b) –, qui indiquent également que le contenu propositionnel est connu dans le contexte, sont fréquentes tant en espagnol qu’en roumain.

5.3. Les exclamatives de haut degré L’espagnol – mais non pas le roumain – présente un type d’usage discursif de FutConj qui semble être en contradiction avec notre analyse, d’après laquelle il exprime un degré de probabilité subjective inférieur au seuil de qualité déterminé par le contexte pour les assertions. En effet, FutConj apparaît dans des phrases à intonation exclamative (90a) introduites souvent par le complémenteur des interrogatives totales si (90b), qui peuvent être modifiées par des subordonnées de conséquence (90c) : (90) a. ¡Serás imbécil ! ‘Qu’est-ce que tu peux être bête !’

b. Si será imbécil… ‘Qu’est-ce qu’il peut être bête !’ c. Si será imbécil, que no se dio cuenta de nada… ‘Il est tellement bête qu’il ne s’est rendu compte de rien’

Comme le montrent les traductions, ces phrases expriment que la propriété en question est vérifiée à un degré particulièrement haut – et en général particulièrement embêtant 23. L’élément d’incertitude d’un agent épistémique 23

Ces utilisations semblent exister aussi en italien, mais ne sont pas admises en français. Le fait que le français n’admet pas non plus les utilisations concessives amène Squartini (2012) à suggérer un lien entre usage concessif et exclamatif. Cependant,

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y fait en apparence entièrement défaut. Ces utilisations dépendent de l’existence d’une expression gradable dans la phrase (NGDLE, 2009, 1774) : elles ont une distribution sémantique parallèle à celle des modificateurs de degré tan(to) ‘si, tellement’, muy/mucho ‘très, beaucoup’, etc., comme le montrent les exemples suivants : (91) a. Es tan difícil / grande / importante… ‘C’est si difficile / grand / important…

b. (Si) será difícil / grande / importante…



‘Qu’est-ce que c’est difficile / grand / important !’

(92) a. *Es tan atómico / geográfico / hexagonal…

‘C’est si atomique / géographique / hexagonal…’ b. *Si será atómico / geográfico / hexagonal… ‘*Qu’est-ce que c’est atomique / géographique / hexagonal !’

(93) a. Bailó / Comió / Corrió mucho.

‘Il a beaucoup dansé / mangé / couru’



b. Si habrá bailado / comido / corrido…



‘Qu’est-ce qu’il a dansé / mangé / couru !’

(94) a. *Llegó / Nació / Murió mucho.

‘*Il est beaucoup arrivé / né / mort’



b. *Si habrá llegado / nacido / muerto…



‘*Qu’est-ce qu’il est arrivé / né / mort !’

Le contenu effectivement véhiculé dans ces utilisations – à savoir, le haut degré auquel un individu ou un événement manifestent une propriété – et l’absence apparente de toute composante d’incertitude sont difficilement explicables par la contribution sémantique que nous postulons pour FutConj. Nous nous demandons, cependant, si le contenu effectivement véhiculé correspond au contenu littéral de la construction. En effet, les exclamatives de haut degré, dont la sémantique semble correspondre au contenu effectivement véhiculé, constituent des contextes factifs, qui présupposent leur contenu propositionnel. De ce fait, elles ne peuvent être enchâssées que sous des verbes factifs, et elles sont incompatibles avec des expressions d’ignorance, telles Je ne sais pas…(Delfitto et Fiorin, 2014) : le roumain, qui connaît les utilisations concessives sans connaître les exclamatives, infirme cette corrélation.

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(95) a. Qu’est-ce qu’il peut être bête !

b. Marie sait à quel point il peut être bête. c. # Je ne sais pas à quel point il peut être bête.

Les exclamatives de haut degré contenant FutConj, en revanche, ne se comportent pas comme des contextes factifs d’après ces critères : (96) a. ¡Será imbécil !

‘Qu’est-ce qu’il peut être bête !’ b. #María sabe si será imbécil. c. ¡No sé si será imbécil !

Pour ce qui est de leurs possibilités d’enchâssement, ces utilisations suivent le même modèle que les interrogatives indirectes (voir ci-dessus section 4.4) : elles sont impossibles comme complément de l’affirmation d’un verbe factif, et elles deviennent possibles sous sa négation. (96c) constitue une variante particulièrement ironique de (96a), où il y a un conflit évident entre le contenu littéralement asserté (le Locuteur est incertain au sujet de la vérité de la proposition enchâssée) et le contenu effectivement véhiculé (le Locuteur considère que le sujet manifeste la propriété à un très haut degré). La contradiction entre le contenu asserté et le contenu véhiculé est ce qui définit la figure rhétorique de l’ironie. Sans avoir encore tous les éléments nécessaires à une démonstration, nous aimerions suggérer que l’utilisation de FutConj dans les exclamatives de haut degré constitue un cas d’ironie conventionnalisée. La source la plus probable de cette utilisation serait à chercher dans des situations dans lesquelles le Locuteur choisit de formuler une question au sujet d’une proposition p lorsqu’il y a des informations contextuelles manifestes, tant pour le Locuteur que pour l’Allocutaire, en faveur de la vérité de p. Il est intéressant de constater que, dans ces situations, les questions contenant FutConj sont adéquates, alors que les questions non modifiées ne le sont pas. Ainsi, devant un roux qui se promène en kilt jouant de la cornemuse, (97a) est acceptable – comme une façon de reconnaître l’évident –, alors que (97b) ne l’est pas : (97) a ¿Será escocés ?

‘Si ce n’est pas un Écossais !’ b. #¿Es escocés ? ‘Est-ce un Écossais ?’

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Il s’agit d’une stratégie rhétorique complexe, dans laquelle le Locuteur demande la confirmation de l’Allocutaire pour un contenu propositionnel qui est mutuellement évident pour les deux.

6. Les différences entre l’espagnol et le roumain Notre discussion comparative de FutConj et PrésFut a été centrée sur les similarités dans l’usage et l’interprétation de ces deux formes. Nous avons également mentionné certaines différences morphologiques ou de registre (différenciation entre forme colloquiale du PrésFut et forme littéraire du futur en roumain versus identité morphologique de FutConj et futur ‘temporel’ en espagnol standard, voir section 3). À cela se rajoutent d’autres différences distributionnelles et/ou interprétatives, que nous discutons brièvement dans cette section. Une première différence qui nous semble intéressante concerne la cooccurrence avec les modaux épistémiques. En section 4.1, nous avons mentionné la fréquence avec laquelle FutConj et PrésFut apparaissent en collocation avec d’autres expressions épistémiques (déterminants, adverbes, particules, marqueurs discursifs). La distribution avec les modaux épistémiques n’est pas identique en espagnol et en roumain. Plus concrètement, les exemples en (98) montrent que le FutConj peut être utilisé sur un modal épistémique, qu’il soit de nécessité ou de possibilité. Dans les deux cas, le FutConj a une portée large par rapport au modal et a comme effet un ‘affaiblissement’ sémantique : (98) a. En algún lado tendrá que estar.

‘Il doit bien être quelque part.’ b. Podrá tener mil defectos, pero difícilmente la estupidez sea uno.



‘Il/Elle peut sans doute avoir des milliers de défauts, mais la bêtise n’en est pas un.’

En revanche, en roumain les verbes modaux épistémiques ne peuvent pas facilement être utilisés au PrésFut. Il existe des exemples de verbes modaux au PrésFut, mais dans la plupart des cas il s’agit d’interprétations non-épistémiques de l’auxiliaire modal, comme en (99), avec une lecture déontique : (99) O fi trebuit/trebuind să stea acasă.

‘Il doit avoir été obligé/être obligé de rester à la maison.’

On retrouve l’effet d’atténuation observé en espagnol dans des séquences avec un modal épistémique suivi d’un verbe au PrésFut, comme dans les exemples en (100) ci-dessous :

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(100) a. Trebuie că o fi acasă.

‘Il doit (sûrement) être à la maison.’

b. Poate că o fi având o mulțime de defecte, dar prost nu e. ‘Il peut bien avoir des tas de défauts, mais il n’est pas bête’.

Une deuxième différence notable concerne l’agent épistémique pertinent. Selon notre analyse, FutConj et PrésFut marquent l’incertitude ou le manque d’engagement d’un agent épistémique au sujet de la vérité de la proposition modifiée. Dans les exemples discutés jusqu’à présent, l’agent épistémique est typiquement le Locuteur. En espagnol, cela ne doit pas nécessairement être le cas : nous avons déjà vu des exemples avec le FutConj dans les questions, où le Locuteur attend une réponse de l’Allocutaire, tout en connaissant la réponse à la question (voir exemple (69), section 4.4). Cela indique que le FutConj est acceptable dans des situations où le Locuteur n’a aucune incertitude sur la vérité de la proposition en discussion. Les choses sont différentes en roumain, où le PrésFut peut être utilisé seulement dans des situations où le Locuteur fait partie des agents épistémiques pertinents. La question en (101), par exemple, n’est pas acceptable dans une situation où le Locuteur sait où se cache le trésor – en choisissant d’utiliser PrésFut, le Locuteur indique qu’il ignore (ou pour le moins fait semblant d’ignorer) la réponse à la question : (101) Ce spuneți, copii, unde o fi ascunsă comoara ? ‘Qu’en pensez-vous, les enfants, où sera caché le trésor ?’

Cette propriété du PrésFut pourrait expliquer son absence dans des énoncés exclamatifs (voir section 5.3), qui font référence à des propriétés manifestes d’un individu ou d’une situation, au sujet desquelles le Locuteur n’est nullement incertain. Alors qu’en espagnol l’absence d’incertitude du Locuteur ne pose pas de problèmes (et peut être exploitée à des fins discursives, comme par exemple, pour un effet d’ironie), en roumain, elle bloque l’usage du PrésFut. Une explication similaire peut s’appliquer à l’exclusion du PrésFut des assertions contingentes comme celles sous (102), dans un contexte où l’Allocutaire est le seul en mesure de donner une réponse certaine (voir la discussion autour de l’exemple (75), dans la section 5.1.2) : (102) a. #O fi bun, nu ? ‘Ce sera bon, non ?’ b. #Nu te-i fi apucat de fumat, nu ?

‘Tu n’auras pas commencé à fumer, non ?’

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Tous ces faits montrent que la sémantique du PrésFut, contrairement au FutConj, est incompatible avec des situations où la responsabilité pour (la vérité de) l’assertion revient entièrement à l’Allocutaire. Un autre fait qui suggère que l’agent épistémique pertinent pour le PrésFut doit inclure le Locuteur est l’inacceptabilité de l’énoncé en (103), où il est évident que le Locuteur connaît la vérité en ce qui concerne ses propres déplacements : (103) # Maria crede că săptămâna aceasta oi fi plecat în vacanță.

‘Maria croit que cette semaine je serai parti en vacances.’

Si le Locuteur veut rapporter les croyances fausses du sujet du verbe d’attitude, il utilise le conditionnel, la même forme qui est employée pour rapporter un fait dont la source d’information sont les dires d’autrui 24 : (104) Maria crede că săptămâna aceasta aș fi plecat în vacanță. ‘Maria croit que cette semaine je serais parti en vacances.’

Pour finir, notons que le FutConj et le PrésFut se comportent différemment dans des structures de coordination. En espagnol, il est impossible de coordonner une proposition comportant FutConj avec sa version négative, comme en (105) ci-dessous : (105) #Estará enfermo y no estará enfermo.

‘Il sera malade et il ne sera pas malade.’

En roumain, cette coordination est possible, comme le montre l’exemple en (106), de Fălăuş (2014b, 10) (106) On vient de me proposer un nouveau poste et je me demande si c’est une bonne offre :

O fi şi nu o fi, e prea devreme să spunem.



‘Ça peut l’être et ça peut ne pas l’être, c’est trop tôt pour le dire.’

L’interprétation de cette phrase est identique à celle qu’on aurait avec un modal de possibilité, qui, lui aussi, admet une coordination de ce type (contrairement aux modaux de nécessité) :

24

La question qui se pose est de savoir si la forme utilisée dans ces exemples est celle du mode conditionnel (que l’on retrouve, ente autres, dans des phrases conditionnelles) ou bien celle du présomptif basé sur le conditionnel (voir la description en section 3.2). Il n’existe pas d’étude spécifique des propriétés du présomptif conditionnel, mais le lecteur intéressé peut trouver plus de détails dans Zafiu (2002), Irimia (2010) et Mihoc (2013).

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(107) a. Poate să fie şi poate să nu fie, e prea devreme să spunem.

‘Ça peut l’être et ça peut ne pas l’être, c’est trop tôt pour le dire’. b. #Trebuie că este şi trebuie că nu este, e prea devreme să spunem.



‘Ça doit l’être et ça ne doit pas l’être, c’est trop tôt pour le dire’.

Notons néanmoins que la forme la plus fréquente de co-occurrence de propositions contradictoires est la structure de juxtaposition, sans conjonction (ou disjonction), une structure également possible en espagnol : (108) a. Se habrá ido, no se habrá ido, quién sabe…

b. O fi plecat, nu o fi plecat, cine poate ști ? ‘Il sera parti, il ne sera pas parti, qui peut le savoir ?’

7. Conclusions Cet article cherche à contribuer à l’analyse des futurs épistémiques, sur la base d’une description comparée du FutConj dans l’espagnol du Río de la Plata et du PrésFut en roumain. La propriété principale des formes étudiées est la perte de leur valeur temporelle, en faveur d’une interprétation épistémique. Leur manque d’incidence sur l’orientation temporelle permet d’analyser la valeur modale qu’ils véhiculent, sans interférence de la part des systèmes temporels et aspectuels. En examinant les contraintes qui régissent leur distribution et interprétation dans différents types d’énoncés (déclaratives, concessives, interrogatives, exclamatives), nous avons montré que FutConj et PrésFut ne peuvent pas être assimilés à des modaux épistémiques. D’après l’analyse que nous avons proposée, la contribution sémantique de FutConj et PrésFut est l’expression d’un commentaire du Locuteur, selon lequel l’agent épistémique pertinent attribue à la proposition exprimée dans la phrase un degré de probabilité subjective inférieur au degré requis par les assertions dans le contexte. Cette hypothèse explique l’exclusion de FutConj et PrésFut des contextes à haute probabilité (voire probabilité maximale dans des contextes factifs), ainsi que les possibilités d’enchâssement sémantique plus restreintes que celles des modaux épistémiques. Notre étude montre qu’une analyse du futur épistémique en termes de modalité épistémique (contribuant au contenu propositionnel) et/ou comme expression évidentielle (indiquant la source de l’information) n’est pas adéquate pour le FutConj et le PrésFut. La question qui se pose est celle de savoir si l’analyse que nous avons proposée pour ces formes exemptes d’utilisations temporelles peut également s’appliquer à des futurs épistémiques qui coexistent avec une interprétation temporelle plus robuste (comme par

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exemple en français ou en italien). Plus généralement, on observe un lien systématique à travers les langues entre morphologie future et modalité, mais ce lien se décline de façon très différente. Dans ce contexte, FutConj et PrésFut, de par la dissociation de la valeur temporelle, représentent une manifestation extrême de ce lien, le futur étant présent seulement au niveau morphologique. La grande question que soulèvent les études sur le futur épistémique à travers les langues et l’image hétérogène qui s’en dégage porte sur le lien exact qui relie la valeur temporelle à la valeur modale. Nous pensons que des études diachroniques plus approfondies peuvent aider à comprendre le(s) mécanisme(s) qui sous-tend(ent) le passage d’une forme future avec (a priori) une valeur temporelle à une forme avec une valeur purement modale. Nous avons déjà mentionné quelques indices sur cette évolution en roumain, mais une perspective diachronique étendue à d’autres formes futures pourrait éclaircir le tableau diversifié qui émerge des études synchroniques existantes. Université du Pays Basque (UPV/EHU) Université Paris 8/UMR 7023 SFL

Anamaria FĂLĂUŞ Brenda LACA

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Les arabismes dans le TLF : tentative de classement historique Dans la bibliographie spécialisée, les arabismes des langues romanes ont souvent été abordés, soit dans des études de détail visant à retracer le parcours d’un lexème (v. par exemple Rodinson 1956 sur l’étymologie de fr. losange), soit dans des ouvrages à visée plus large, dont l’objectif est de traiter ‘tous’ les mots d’origine arabe ou orientale. Pour le XXe siècle, on citera les dictionnaires de Giovan Battista Pellegrini (Gli arabismi nelle lingue neolatine con speciale riguardo all’Italia, 1972) et, auparavant, de Karl Lokotsch (Etymologisches Wörterbuch der europäischen (germanischen, romanischen und slavischen) Wörter orientalischen Ursprungs, 1927). Ce dernier propose un classement étymologique, de même, évidemment, que le volume 19 du FEW de Walther von Wartburg, consacré aux Orientalia (1967). C’est en complément à ce volume que Raymond Arveiller publie, entre 1969 et 1997, une importante série d’articles, réunis ensuite par M. Pfister (Arveiller 1999). Des ouvrages traitant de corpus plus restreints, on retiendra ceux visant une tranche chronologique (Sguaitamatti-Bassi 1974, qui traite les mots empruntés avant le XIVe siècle) ou un ensemble variationnel (Lanly 1962, s’attachant au français parlé en Afrique du nord) 1. Dans cette étude, nous tenterons de jeter un regard diachronique et global sur cette classe de lexèmes particuliers, via l’image du français que propose le Trésor de la Langue française des XIXe et XXe siècles (TLF). Il convient de garder à l’esprit que le prisme au travers duquel les contacts entre variétés arabes et variétés françaises sont analysés est un ouvrage inscrit dans une époque donnée et dans un champ disciplinaire qui ont fortement évolué. En cela, notre contribution appartient plutôt au champ de la métalexicographie (Petrequin / Swiggers 2007). En même temps, le TLF réunit les qualités d’un dictionnaire fondé sur l’usage et celles d’un dictionnaire étymologique et historique, et il est intégralement informatisé, ce qui permet de traiter de manière systématique l’ensemble du corpus (on parle alors du TLFi ; ‹ http :// atilf.atilf.fr/tlf.htm ›).

1

V. l’article de synthèse de Reinhard Kiesler (2006).

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Dans cet immense ouvrage, nous avons effectué un premier tri afin de relever les quelques centaines de mots passés de l’arabe au français, quels que soient leur parcours, leur(s) sens et les éventuelles langues intermédiaires par lesquelles ils ont transité. Nous intégrons donc dans notre corpus tous les mots qui ont existé dans une partie du monde arabophone au moins, et qui ont fait postérieurement l’objet d’un emprunt en français, ou du moins dans l’état de langue décrit par le Trésor de la langue française 2. Notre enquête a permis d’isoler en tout 460 lexèmes (cf. infra, annexe). Nous distinguerons d’emblée les emprunts dits directs, émanant de contacts récurrents et prolongés entre populations arabophones et populations francophones, et les emprunts dits indirects, qu’en toute rigueur nous devrions exclure de notre étude en vertu de la défiance bien légitime envers l’etimologia remota. Nous tenterons cependant de voir si cette méfiance ne mérite pas d’être nuancée à l’aune des conclusions que cette pratique lexicographique permet de tirer sur les mouvements socio-historiques qu’elle illustre 3. Bien évidemment, le TLF présente des défauts, inévitables par son ampleur même. Ainsi, l’exploitation presque exclusive de sources de seconde main se justifie par la volonté légitime d’achever le dictionnaire 4. Dans le cas des arabismes, quelques travaux ont ainsi été (presque) systématiquement exploités, 2





3



4

L’aspect technique du recensement des données et les contraintes liées à l’utilisation d’un dictionnaire informatisé tel que le TLFi ont été développés ailleurs ; v. Baiwir 2013. Eu égard aux caractéristiques du balisage informatique dont a fait l’objet le TLF, postérieur à la conception du dictionnaire, il est insuffisant de demander au moteur de recherches d’atteindre toutes les mentions du marqueur « ar. » dans la balise « langue empruntée ». En effet, une telle tentative ramène une moisson de 216 résultats, clairement lacunaire. L’autre approche possible consiste à soumettre la requête d’isoler toutes les occurrences de « ar. », dans tout le TLFi. Le résultat (de 883 occurrences), tout autant extravagant, a le mérite d’avoir employé un filet aux mailles extrêmement serrées. Les cas doivent ensuite faire l’objet d’un tri manuel pour distinguer, par exemple, tous les cas où l’étiquette « ar. » apparaît à plusieurs reprises dans la même rubrique « étymologie », les cas où l’étiquette n’apparaît que pour réfuter une étymologie ou ceux, dont l’étymologie n’est pas assurée, pour lesquels l’origine arabe n’est qu’une proposition parmi d’autres. Signalons encore qu’on n’a pris en compte que les mots simples ; lorsqu’un dérivé apparaît, construit sur un mot déjà français, il a été écarté. C’est le cas, par exemple, de émirat (issu de émir), qui semble évident, mais d’autres le sont moins : fardeau provenant de farde ou abrine, issu de abre et ce, bien que ce dernier ne constitue pas une entrée du TLF. Par ailleurs, pour les mots rares ou vieillis, les définitions forgées dans les pages qui suivent s’inspirent largement de celles contenues dans le TLF. Cet article a bénéficié de la relecture attentive et des conseils de Frédéric Bauden, Myriam Benarroch, Martin Glessgen, Nadine Henrard, Gilles Petrequin et André Thibault. Qu’ils trouvent ici l’expression de ma gratitude. Ces constatations ont déjà été faites ; v. par exemple Petrequin 2006.

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tels que le volume 19 du FEW, l’ouvrage de Lokotsch (1927) ou les divers articles d’Arveiller cités supra. Mais depuis lors, d’autres études ont paru (Corriente 1999, Minervini 2012 entre autres) et de nouveaux dictionnaires historiques ont vu le jour (DEAFplus et DEAFpré, DMF). La méthodologie étymologique a également évolué (v. Buchi 2005, 2006-2007, Chambon 2007, Chauveau/Buchi 2011, Glessgen/Schweickard 2014 [sous presse]). Les rubriques « étymologie et histoire » du TLF font par ailleurs l’objet d’un réexamen minutieux dans le cadre du projet TLF-Étym 5. Afin d’actualiser les données du TLF sur l’histoire de nos 460 lexèmes – surtout en ce qui concerne la datation de leur entrée en français – nous avons consulté de manière systématique les ouvrages suivants : le Petit Robert 2014, le DEAF et le DEAFpré, le DMF dans sa version de 2012 et la base TLFÉtym. Au moment de clore notre examen, il s’agira de s’interroger sur l’apport de ces ouvrages à l’échelle non pas d’un lexème mais de mouvements globaux tels que ceux que nous tentons de dégager.

1. Classement historique : emprunts directs, emprunts indirects La première distinction à effectuer consiste à séparer les emprunts directs des emprunts indirects. Sont considérés comme des emprunts directs les lexèmes issus de tous les états de la langue arabe, aussi bien classique que dialectale, ce qui rassemble des étiquettes diasystématiques plus ou moins précises comme ‘arabe classique’, ‘arabe maghrébin’, ‘arabe d’Afrique du Nord’, etc. Pour une série de mots, il n’est pas possible, au vu des conclusions des auteurs du TLF, de poser un jugement sur leur caractère d’emprunts directs. Ces mots sont au nombre de 32, parmi lesquels on inclut les cas présentant une hypothèse comme « probable » 6.

5





6

Sur le site du projet (‹ http ://www.atilf.fr/tlf-etym/ ›), on consultera par exemple les articles achour, alezan, antari, coufique, fez ou ketmie. Pour les arabismes, voir aussi Quinsat 2006 et 2008. Il s’agit des mots suivants : alambic s. m., aludel s. m., ambre2 s. m., amiral1, aux s. m., bardot s. m., calfat1 s. m., calibre s. m., caraque, carraque s. f. et adj., carthame s. m., chicotin s. m., civette2 s. f., coran, koran s. m., cordouan, ane adj. et subst., cramoisi, ie adj., drogman s. m., élémi s. m., genette2 s. f., goudron s. m., jasmin s. m., julep s. m., kermès s. m., luth s. m., marcassite s. f., musulman, -ane adj., naffe s. f., réalgar s. m., sagaie s. f., satin s. m., sequin s. m., sumac s. m., tare s. f. et tasse s. f. Leur statut incertain est le reflet de l’état des connaissances à l’époque de la rédaction du TLF ; cette liste pourrait constituer une base de travail pour des recherches futures s’inscrivant dans un cadre panroman.

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Parmi les 428 lexèmes restants, l’analyse permet de distinguer 241 cas d’emprunts directs et 187 cas d’emprunts indirects. Nous tirerons plus loin les conclusions de ces chiffres. Dans un second temps, nous pouvons examiner le moment où chacun de ces mots a fait l’objet d’une adaptation par le français, sur la base des premières attestations 7. Nous avons choisi de répartir ces attestations par tranches chronologiques de 25 ans. Un découpage plus fin induirait une survalorisation des milieux de siècles, où seraient rassemblées toutes les attestations datées de façon imprécise. En effet, nous affectons chaque attestation au centre de la tranche définie par la lexicographie. Ainsi, une attestation datée « XIIIe s. » sera affectée à la tranche 1250-1274 ; une attestation datée « 1770-1780 » sera comptabilisée dans la tranche 1775-1799. Ce choix ne permet sans doute que de limiter la survalorisation évoquée ci-dessus, et non de l’empêcher tout à fait ; il conviendra de s’en souvenir lors de l’analyse des chiffres. Les résultats de ces dépouillements peuvent être représentés sous la forme de graphiques avec, en abscisse, le nombre de lexèmes et, en ordonnée, les tranches chronologiques définies ci-dessus :



7

Signalons que nous écartons les attestations proposées entre crochets, au statut douteux, sauf lorsqu’elles sont aussi choisies par d’autres ouvrages (hardes, loukoum). Nous écartons également les attestations isolées.

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1.1. Observations Une première constatation s’impose : les profils de ces deux graphiques ne sont pas identiques. Les courbes ne s’expliquent donc pas uniquement par des critères étrangers à notre distinction, tels que la quantité des documents disponibles pour une période donnée, la survalorisation des textes d’une période par effet de mode au sein des lexicographes ou des philologues, etc. Pour le graphique des emprunts directs, depuis le Moyen Âge jusqu’à la fin du XVIIe siècle, on observe une évolution en dents de scie, avec un pic en 1550-1574 et en 1650-1674. Par la suite, les périodes 1825-1849 et 1850-1874 sont particulièrement intenses, avec respectivement 47 et 21 unités attestées. Quant au second graphique, rassemblant des lexèmes aux parcours très divers et ne relevant pas stricto sensu de la catégorie des arabismes, il présente une variation entre tranches ‘riches’ et ‘pauvres’ moins accusée. On relève deux tranches particulièrement riches : 1250-1274 et 1550-1574. Si la seconde s’intègre dans un mouvement général (augmentation rapide, point culminant puis diminution progressive jusqu’en 1725-1749), la première est isolée. Ce fait s’explique sans doute partiellement par le choix d’attribuer les attestations imprécisément datées au milieu de la tranche définie ; sont reléguées à cette

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tranche toutes les attestations datées du XIIIe siècle 8. Le mouvement de diminution, visible jusqu’au XXe siècle, est amorcé très tôt. Si, pour les emprunts directs, la période la plus faste est clairement le XIXe siècle, pour les indirects, les XIIIe et XVIe siècles sont numériquement mieux représentés, quoique de manière moins nette. Remarquons encore que le corpus n’est pas adéquat pour traiter des tranches les plus récentes (1950-1974 et 1975-1999), car la version physique du Trésor commença à paraître en 1971 ; selon leur classement alphabétique et l’avancement du dictionnaire, les mots récents ont pu bénéficier d’un accueil variable.

1.2. Analyse Les premiers chiffres inattendus sont ceux de 241 (nombre d’emprunts directs) et 187 (nombre d’emprunts indirects). En effet, la bibliographie sur le sujet considère généralement que les emprunts indirects sont plus nombreux (v. par exemple Arveiller 1963, 524 9 ; Kiesler 2006, 1649), voire que les emprunts directs sont, en tout cas pour les plus anciens, quantité négligeable. Ainsi, dans la conclusion de sa thèse, S. Sguaitamatti-Bassi (1974, 158) affirme que « les emprunts directs faits par le français à l’arabe pendant le moyen âge (jusqu’à la fin du XIIIe siècle) ne dépassent guère une quinzaine de mots », et que bon nombre de ceux-ci n’ont pas survécu en français moderne. C’est en effet ce qu’induit le choix de son corpus, construit sur la base du volume 19 du FEW ; elle reconnaît toutefois dans l’introduction que ce choix ne lui « permet pas d’exclure l’existence d’autres emprunts répondant aux critères fixés […] mais ignorés ou classifiés de façon erronée par le FEW » (1974, 37). Effectivement, à l’aune d’un corpus autre, nous relevons pour la même période pas moins de 26 lexèmes dans le « français moderne » tel que l’envisage le TLF 10. Mais c’est une autre période qui remet en cause la faible importance habituellement prêtée aux emprunts directs. Il est en effet une phase particulièrement faste, dont le début est clairement identifiable : la tranche allant de 1825 à 1849 11. On remarquera a contrario que les autres tranches particulièrement fournies ne peuvent avoir été artificiellement gonflées par notre mode d’attribution. 9 Notons toutefois qu’Arveiller traite d’un corpus plus étendu que nous, puisqu’il tient compte également des lexèmes n’ayant pas survécu jusqu’au XIXe siècle. 10 Cette différence s’explique partiellement par le grand nombre d’éditions de sources anciennes, de traductions, etc., qui devinrent disponibles entre 1974 et la fin de la rédaction du TLF, en 1994. 11 Cette tranche comprend les premières attestations de achour, s. m. ; alfa, s. m. ; alhambra, s. m. ; antari, s. m. ; araba, subst. ; ayan, ayam, s. m. ; barda, s. m. ; borghot, 8



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Intuitivement, il est tentant de relier cette constatation aux débuts de la colonisation en Algérie en 1830. Et effectivement, l’on trouve dans notre corpus des lexèmes ramenés par les premiers contacts à visée colonialiste, attestés dans des récits de militaires, tels que daya (s. f., “cuvette peu profonde où s’accumulent temporairement les eaux de pluie”), diffa (s. f., “réception des hôtes que l’on veut honorer”) ou erg (s. m., “étendue de sable”). Quelques décennies plus tard, avec l’installation des colons, mais aussi l’instauration des protectorats français en Tunisie (1881) et au Maroc (1912), les contacts à plus grande échelle de population militaires françaises et de populations nord-africaines s’exprimant en arabe dialectal génèreront une série d’emprunts facilement identifiables (par la source de leurs premières attestations, par leur appartenance à d’autres classes qu’à celle des substantifs ­­– il s’agit en effet souvent de lexèmes expressifs – mais aussi par la coloration vocalique de leur réalisation en français ou, pour certains, par leur connotation argotique) ; citons pour exemples besef (adv., “beaucoup”), flouze (s. m., arg.), mektoub (interj. exprimant un certain fatalisme) ou chouia (adv., “doucement”). Toutefois, c’est d’Égypte que viennent des mots tels que araba (s. m., “voiture légère”), chibouque (s. f., “sorte de pipe”), dahabieh (s. f., “sorte de grande barque”). Ceux-là sont à mettre en relation avec une autre manifestation d’un mouvement sans doute pas indépendant de celui des colonies : l’engouement pour l’orientalisme et pour les voyages en Orient, sensible en Europe depuis le XVIIe siècle (Laurens 1987). Cette mode a en effet suscité nombre de publications sur le thème, parmi lesquelles on peut citer la traduction des Mille et une nuits par Antoine Galland, entre 1707 et 1717 (où l’on rencontre la première attestation de afrite, s. m., “esprit subalterne malfaisant”, de sésame, s. m., de goule, s. f., “vampire femelle”), son Journal (où se trouvent les graphies modernes de caravanserail, s. m., de harem, s. m., et les premières attestations de tarbouche, s. m., de coufique, adj., “sans points diacritiques (d’une écriture)”), ou certaines œuvres de Voltaire, de Montesquieu (même si, chez ces derniers, il s’agit plus souvent d’entériner des mots récents tels que islam, s. m., que d’être au départ de s. m. ; boutre, s. m. ; casbah, s. f. ; chéchia, s. f. ; chibouque, s. f. ; chibouk, s. m. ; chott, s. m. ; courbach, s. m. ; courbache, s. f. ; dahabieh, s. f. ; darabouk, s. m. ; darbouka(h), s. f. ; daya, s. f. ; diffa, s. f. ; erg1, s. m. ; fantasia, s. f. ; flouze, s. m. ; goum, s. m. ; guitoune, s. f. ; karmatique, adj. ; khammès, s. m. ; ksar, s. m. ; lagmi, lagmy, s. m. ; litham, s. m. ; moucharaby, moucharabieh, s. m. ; moud(h)ir, s. m. ; mozabite, mzabite, subst. et adj. ; muchir, s. m. ; nedjdi, nedji, s. m. ; nizeré, s. m. ; oued, s. m. ; sakieh, s. f. ; saroual, sarouel, seroual, séroual, s. m. ; sebkha, s. f. ; séguia, seghia, s. f. ; sloughi, s. m. ; smala(h), s. f. ; tarabouk, s. m. ; tell, s. m. ; toubib, s. m. ; youpin, ine, subst. ; zaouïa, s. f. ; zellige, s. m.

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nouveaux emprunts). Mais le point d’orgue de cet enthousiasme sera atteint avec l’expédition de Bonaparte en Égypte, en 1798. La publication de la Description de l’Égypte qui en découla s’étala de 1809 à 1828 et généra bon nombre de voyages de lettrés. Cette littérature atteste pour la première fois de mots tels que darabouk, s. m., “instrument de musique en terre cuite” ou guitoune, s. f., “tente”. Quant aux emprunts dits indirects, on l’a dit, ils ne sont accessibles que grâce à une certaine tolérance des rédacteurs du TLF envers le ‘travers’ que constitue la pratique de l’etimologia remota. En effet, théoriquement, la seule information utile à l’étymologie de guitare est que le mot est emprunté à l’espagnol guitarra. Quant au fait que ce dernier soit issu de l’arabe, cela pourrait n’être précisé que dans un dictionnaire étymologique de l’espagnol. En outre, le TLF n’a pas toujours vu les langues intermédiaires. Plus finement, il conviendrait dans nombre de cas de distinguer plusieurs emprunts s’enchaînant, le dernier maillon étant souvent l’emprunt par la variété la plus générale du français, à une autre variété de français, de type diatopique (telle que le français en Afrique du Nord) ou relevant d’une terminologie particulière (le vocabulaire scientifique, par exemple) voire d’un registre précis (ainsi des mots dits ‘vulgaires’). Un traitement tout à fait satisfaisant de ces mots devrait, dans le cadre du TLF tel que le définissent ses objectifs, se cantonner à donner comme origine du mot du français courant le modèle appartenant à une variété diatopique ou diastratique du français (v. Chambon 2007, 316-317). Ainsi, pour ne citer qu’un exemple parmi beaucoup d’autres, le mot clebs, s. m., arg., “chien”, ayant d’abord appartenu à une variété militaire, diatopiquement déterminée (l’Algérie), puis s’étant diffusé vers le nord tout en quittant son technolecte natal (mais en conservant un marquage argotique) n’est-il sans doute pas beaucoup plus ‘direct’ dans le français familier hexagonal que le mot alcali, s. m., “cendres d’une plante marine dont on retirait la soude”, attesté en latin médiéval un siècle avant sa première attestation dans un texte français et provenant de la péninsule ibérique. Le statut des mots dans les langues intermédiaires est donc souvent problématique. Il en est ainsi des lexies carmin, s. m., ou magasin, s. m. (et de toutes celles citées à la note 12), pour lesquelles il n’est pas toujours aisé de documenter les passages d’un système linguistique à un autre. À partir de quand peut-on affirmer qu’un mot est intégré dans un système ? Parfois, un lexème est transmis avant même de perdre son statut d’emprunt. Peut-on se contenter de l’absence de glose ou de caractéristiques typographiques particulières pour postuler l’existence d’un lexème dans la langue ? Tout au plus peut-on supposer que l’auteur considérait son lectorat, quel qu’il soit, capable de le comprendre. Et quand la langue intermédiaire est une langue artificielle

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ou uniquement écrite, son rôle de transmetteur est également bien différent de celui d’une langue orale. Mais une fois ces précautions posées, tentons tout de même l’expérience de trier le corpus des 187 cas en fonction d’un second critère : celui des différentes langues intermédiaires.

2. Emprunts indirects : les langues intermédiaires Dans un premier temps, on peut donc dresser la liste de ces langues intermédiaires ayant servi de ‘passeurs’ et la productivité de chacune. Cependant, l’établir s’avère vite complexe : on rencontrera des cas d’emprunts tantôt successifs, tantôt simultanés. Une fois encore, la seule façon de rendre comparables les données est de les réduire ; nous ne prendrons dès lors en compte que la première des langues intermédiaires lorsqu’elles sont multiples. Quant aux emprunts simultanés, soit ils ont contribué ensemble à la création du mot français (Arveiller 1963, 534 ; ces cas, trop complexes pour permettre une classification, sont laissés de côté), soit ils n’ont pas tous survécu. Il en va ainsi pour l’étymon arabe al qirmiz “carmin, kermès” : le français l’a emprunté une première fois directement, sous la forme d’ancien français aukairrais “liqueur préparée avec le kermès”, mais ce dernier n’a pas survécu. En revanche, l’emprunt espagnol du même étymon a donné en français le s. m. alkermès “sorte de liqueur” ; c’est donc lui qui fait office de maillon intermédiaire. Quelques autres cas, trop peu sûrs, ont été écartés du classement 12. La liste des langues intermédiaires est la suivante (par ordre décroissant) : latin : 58 espagnol : 46 turc : 25 italien : 23 (y inclus génois 2, vénitien 1, sicilien 1) portugais : 6 catalan : 5 occitan (« provençal » dans TLF), anglais, swahili, persan, hindoustani (hindi), grec : 2 aragonais, gascon : 1

Les langues de la péninsule ibérique que sont l’espagnol, l’aragonais, le catalan et le portugais sont donc les langues intermédiaires pour 58 mots, 12

Il s’agit de abricot s. m., alcatraz(e) s. m., calfater v. tr., carmin s. m., jarre1 s. f., jaseran, jaseron s. m., magasin s. m., mesquin, -ine adj., récif s. m. et romaine2 s. f. Ces mots pourraient être ajoutés à ceux de la note 6 afin de constituer un corpus de travail pour des recherches futures.

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auxquels on peut ajouter 3 cas passés soit par l’espagnol soit par le portugais, écartés dans un premier temps (abricot, s. m., alcatraz(e), s. m., “nom donné à divers oiseaux de mer” et récif, s. m.) 13. Pour les langues représentées par plus de deux cas, examinons la répartition chronologique des premières attestations de ces mots français en fonction de leur langue intermédiaire, sous forme de graphiques :

Une communication de Myriam Benarroch attire notre attention sur l’attribution erronée par le TLF d’une origine espagnole à plusieurs mots issus, en fait, du portugais. Le regroupement par zones que nous proposons limite également l’impact de ces erreurs.

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2.1. Observations Le graphique représentant les attestations françaises de mots empruntés au latin (31 % des emprunts indirects) est particulièrement instructif : on remarque tout d’abord la concentration massive d’emprunts entre les XIIe et XIVe siècles, ensuite le pic que constitue la tranche 1250-1274. En revanche, une diminution forte est sensible à partir de la fin du XIVe siècle : à l’exception de la tranche 1675-1699, la population par tranche ne dépassera plus le nombre de trois unités. La masse critique des lexèmes du tableau « italien » (23 lexèmes, soit 12 % des emprunts indirects) est comparativement assez peu importante. Du profil d’un tableau basé sur des chiffres aussi faibles, il est dangereux de tirer des conclusions. En revanche, les langues ibéroromanes ont livré au français pas moins de 61 mots, soit 33 % des emprunts indirects répartis de façon significative au fil du temps. Si les premiers siècles du français n’apportent qu’une moisson peu abondante, un tournant se remarque autour 1475. À partir de cette période, les chiffres augmentent rapidement jusqu’en 1574, avant de diminuer progressivement.

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Enfin, l’‘invité-surprise’ de ce quatuor est le turc 14 ; nous y reviendrons. Le tracé du graphique oscille entre 0 et 1 jusqu’en 1550. Quant à l’évolution postérieure de celui-ci, elle est non significative dans la mesure où elle ne varie qu’entre 0 et 4 mots par tranche.

2.2. Analyse Les chiffres par langue autorisent déjà quelques remarques. D’abord, on notera l’importance du latin, servant de ‘passeur’ dans 58 cas sur un total de 187, soit pas moins de 31 %. C’est un pourcentage important, alors qu’on rencontre peu de données chiffrées dans la bibliographie sur le sujet, les auteurs s’attardant plus généralement sur les langues romanes. Au sujet de celles-ci, on sera peut-être surpris de l’assez faible représentation de l’italien. Celui-ci se ‘classe’ en effet au même niveau que le turc, dont la présence dans le groupe de tête est inattendue. Par exemple, dans son article de synthèse, Kiesler (2006, 1650) règle le cas de cette langue en deux lignes lapidaires : « Auch das Türkische hat Wörter arabischer Herkunft übermittelt (café) ». Examinons à présent la répartition chronologique des premières attestations, graphique par graphique. Pour les mots passés par le latin, on l’a dit, l’activité la plus importante se situe aux XIIe, XIIIe et XIVe siècles, et plus particulièrement à la fin du XIIIe. On peut mettre cette constatation en corrélation avec l’époque des traductions des grands traités latins issus de l’arabe (à son tour souvent traduit du grec, cf. Van Riet 1977, Vernet 1985, Rashed 1997). Cette vague de traductions savantes commence au Xe siècle, mais se développe plus particulièrement dans la seconde moitié du XIe en Italie, ainsi que dans la seconde moitié du XIIe et dans la première moitié du XIIIe s. en Espagne. Ainsi, nos données nous informent sur le décalage entre l’emploi du mot latin et le passage de ce mot en français : un siècle en moyenne, ce qui est finalement assez peu. Durant cette période, deux possibilités sont à envisager : soit les mots latins écrits ont été introduits dans la langue vernaculaire du pays qui a vu naître la traduction puis sont passés en français, soit le texte latin est lui-même parvenu en territoire galloroman. Au premier groupe se rattachent, par exemple, les mots carat (s. m., “unité de poids employée pour l’estimation des pierres précieuses”), attesté en italien depuis 1278 (carato “id.”, in TLF) avant de l’être en français (avant 1330, 14

Cette catégorie bénéficiera sous peu d’un traitement approfondi, dans le cadre d’un dictionnaire des emprunts des langues romanes au turc (Schweickard 2011).

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selon Minervini 2012, 118) ou zéro (adj. et s. m., “nombre correspondant à une valeur nulle” depuis 1485), emprunté à l’italien (zero “zéro ; rien”, depuis 1484). Le second cas peut être illustré par les termes alcali, alkali, s. m., “cendres d’une plante marine dont on retirait la soude”, attesté en français depuis 1363 selon TLF, XIIIe selon DMF ; alchimie, s. f., en français depuis 1275 ; borax, s. m., “sel de sodium”, depuis 1256 (s.v. borrache) ou encore cétérac, s. m., “espèce de fougère qu’on emploie quelquefois en médecine”, attesté dès 1314. On remarquera à l’aune de ces quelques exemples que les mots de la première classe sont entrés en français à date plus récente que ceux de la seconde catégorie. Signalons toutefois que les attestations les plus anciennes ne concernent pas nécessairement des mots issus de traductions écrites. En effet, eu égard à l’histoire de la naissance des langues romanes, la date de 1100 pour un mot oralement hérité du latin est acceptable. On citera comme exemple les cas de arabe, subst. et adj., “habitant, natif d’Arabie”, déjà présent chez Plaute (IIIe-IIe s. ACN) ou de siglaton, s. m., “précieux tissu de soie”, emprunté à l’arabe par le latin ibérique (lat. d’Espagne ciclatones, ca 922 en Castille ; lat. en domaine cat. ciclato, 1023 ; lat. du Portugal cikilaton, 1058) et présent dans la Chanson de Roland (ca 1100, éd. J. Bédier, 846 : or e argent, palies e ciclatuns). Les mots ayant transité par l’italien peuvent être rattachés à deux phénomènes historiques connus, en plus des traductions savantes évoquées cidessus : d’une part, et dès le IXe siècle, l’activité marchande dans le bassin méditerranéen de certaines villes italiennes telles que Naples, Amalfi, Bari, Gênes ou Venise (Pirenne 1969 ou Dufourcq 1978) ; d’autre part, la présence de populations arabophones en Sicile (Bresc 2007). La faible masse critique ne nous permet pas de conclure à la prédominance de l’un ou l’autre phénomène sur la langue ; cependant, il est possible d’identifier des exemples pour les deux itinéraires cités ; ainsi, les villes marchandes ont servi de tremplin pour les mots arsenal, s. m., emprunté à l’arabe par l’ancien vénitien ou macramé, s. m., “ouvrage de passementerie”, passé par Gênes. Quant à la Sicile, elle fournit au français les mots coton, s. m. (la culture de la plante a été introduite par les Arabes en Sicile et en Andalousie au XIIe siècle) ou jarde, s. f., jardon, s. m., “tumeur qui se développe sur la base du jarret du cheval”, introduit en Sicile par les vétérinaires arabes. Le troisième graphique présente la répartition des attestations de mots empruntés aux différentes langues de la péninsule ibérique. Ici, le nombre de cas permet d’affirmer que la courbe observable n’est pas imputable au hasard.

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C’est en effet à partir 1475-1499 que celle-ci commence à s’accentuer, soit au moment de la prise de Grenade par les Rois catholiques, qui marque en 1492 la fin de la présence musulmane dans la péninsule. Si le contact entre l’arabe et l’ibéroroman s’est étalé sur huit siècles, c’est après cette période que le passage des langues ibéroromanes au français s’est accentué, parfois même des siècles plus tard, à la faveur de la mode orientalisante évoquée plus haut. Il s’agit là du parcours emprunté par des mots tels que adalide, s. m., “magistrat militaire” (depuis le XIIIe siècle en espagnol ; depuis 1751 en français), alcazar, s. m., “palais fortifié des rois maures d’Espagne” (depuis 1069 en espagnol, en français depuis 1866 selon le TLF, depuis 1669 selon le Petit Robert) 15 ou mozarabe, subst. et adj., “chrétien(ne) espagnol(e) qui, pendant la domination arabe, avait conservé le libre exercice de son culte” (depuis 1024 en espagnol, s.v. muçaravi ; depuis 1602 en français). Une quinzaine de lexèmes ayant trait à l’organisation politico-sociale d’Al-Andalous nous arrivent ainsi via l’espagnol, mais ce domaine sémantique ne représente cependant pas la totalité de ce groupe ; citons par exemple alezan, subst. et adj. “(cheval) de couleur fauve tirant sur le roux” (depuis ca 1280 en espagnol, s.v. alazán ; depuis 1534 en français). Mais l’histoire des mots nous guide parfois sur d’autres pistes. Dans le parcours de calin, s. m., “alliage de plomb et d’étain”, par exemple, l’existence du lexème dans une langue péninsulaire (en l’occurrence le portugais) n’est guère attestée longtemps avant la première mention française (1554 en portugais, s.v. calaim ; 1615 en français). La même constatation peut être faite pour lime, s. m., “petit citron vert” (depuis 1490 en espagnol, s.v. lima ; depuis 1555 en français). Le substantif fém. sarbacane, “tube creux servant à lancer des projectiles par la force du souffle”, est même attesté plus tôt en français qu’en espagnol (depuis 1535 en espagnol, s.v. cerbatana ; depuis 1476 en français, selon le DMF). Ces mots, désignant des réalités nouvelles en Europe, trahissent l’impact des grandes explorations de navigateurs espagnols et surtout portugais, aux XVe et XVIe siècles, aussi bien vers l’Afrique que vers les Indes ou les Amériques. Enfin, il convient de dire quelques mots du dernier graphique, concernant la langue turque. À part quelques cas isolés, celui-ci ne s’anime qu’à partir de 1450. Or, c’est aux XVe et XVIe siècles que l’empire ottoman commence à jouer un rôle commercial important au niveau international.

Nous n’avons cependant pas identifié l’origine de cette datation ; les textes du XVIIe siècle où nous trouvons le mot renvoient à des usages onomastiques de celui-ci.

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3. Conclusions Grâce à l’examen chronologique proposé ci-dessus, nous pensons avoir mis en lumière les principales voies d’entrée des mots arabes dans le français – du moins, celles ayant fourni des mots qui se sont stabilisés 16. Nous avons par exemple souligné l’influence jouée par la mode des voyages en Orient qui, ayant suscité l’expédition française en Égypte, se trouva amplifiée par elle. L’impact des contacts coloniaux sur le français a également été objectivé. À date plus ancienne, l’importance des traductions latines d’ouvrages arabes a été confirmée. Parmi ces arabismes écrits, un certain nombre sont passés en français, principalement aux XII et XIIIe siècles. D’autres a priori ont en revanche été infirmés par l’analyse. Nous avons en effet montré la plus grande importance des emprunts directs par rapport aux emprunts indirects, relativisé la faiblesse du nombre d’emprunts directs anciens et l’importance du nombre d’emprunts arrivés par les langues italoromanes, par exemple. Quant à l’impact des études postérieures au TLF, s’il est majeur en ce qui concerne l’histoire individuelle de certains mots, il affecte finalement assez peu les mouvements dégagés dans cette contribution. Sur 460 cas d’emprunt examinés, 94 datations ont été améliorées, dont 36 sans impact sur le découpage chronologique par 25 ans que nous utilisons. Des 58 cas dont la nouvelle datation a affecté le classement, 18 ont fait un seul ‘saut de tranche’ ; 7 appartiennent au tableau des cas dont le parcours n’est pas assez assuré pour être pris en compte dans cette étude (5.3.). Les antédatations de plus de 25 ans concernent 12 cas d’emprunts directs (sur 241) et 21 cas d’emprunts indirects (sur 187). La principale conclusion de cet examen métalexicographique est que la connaissance des emprunts directs est certainement plus avancée et mieux stabilisée que celle des emprunts indirects, qui constituent donc un champ d’étude encore largement ouvert. Université de Liège/FNRS

Esther BAIWIR

Rappelons que le corpus de base est extrait d’un dictionnaire étudiant la langue des XIXe et XXe siècles ; les mots entrés à date ancienne et disparus depuis échappent donc à l’étude. En outre, bien des lexèmes de notre liste relèvent de terminologies ou de la langue du XIXe siècle ; en guise de comparaison, sur nos 460 cas, 113 ne figurent pas dans la nomenclature du dernier Petit Robert.

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5. Annexe : listes des arabismes examinés Nous présentons ci-dessous la liste des lexèmes tels qu’ils apparaissent dans le TLF, en trois tableaux distincts : les emprunts directs, les emprunts indirects et les cas non décidables. Chaque mot est pourvu de sa catégorie grammaticale, son étymon arabe, la date de la première attestation du TLF, avec la forme de celle-ci, lorsqu’elle est fort distincte du lexème moderne, enfin, l’attestation plus ancienne ou plus précise éventuellement rencontrée dans les autres ouvrages consultés (v. supra). Dans les deuxième et troisième tableaux, on mentionne également la ou les langue(s) ayant servi d’intermédiaire entre l’arabe et le français. On remarquera qu’un élément important est manquant : le sens des lexèmes. En effet, il nous semble peu souhaitable de résumer fortement les définitions et peu lisible de les reproduire complètement. Pour le développement complet du sens, on se reportera donc au TLFi.

5.1. Liste des emprunts directs Entrée

Étymon arabe

Première attestation TLF

aba s. m. abdalas s. m. achour s. m. adroper v. tr. afrite s. m. alcool s. m. alfa s. m. alhambra s. m.

ar. abā ar. abdallah ar. ašūr ar. azreb ar. ʽifrīṭ hisp.-ar. kuḥúl ar. ḥalfā ar. al-h.amrā

1665 abe 1752 1847 1869 1704-1717 1612 1848 1831

alkékenge s. m.

ar. al-kākanğ

XVe s. alkacange

allah interj. almageste s. m. almée s. f. aman s. m.

ar. allah ar. al magistī ar. ‘ālima ar. aman dér. de Antar, anthroponyme

1704 av. 1280 1785 almé 1731

antari s. m. araba subst. arack s. m. arbi s. m.

ar. arak ar. ‘arabī

argan s. m.

ar. arqān

asfir s. m.

ar. ‘uṣfūr, pl. ‘aṣāfīr

1866 1835 1525 1863 (arga, fruit 1556) 1556 argan 1859

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Autre datation

1836 (TLF-Étym)

1586 (PR)

ca 1450 (DMF ; même texte)

1838 (TLF- Étym)

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Entrée assaki s. f. ayan, ayam s. m. baobab s. m. baraka s. f. baraquer2 v. tr. barca interj. et adj. barda s. m. barde2 s. f. bédouin, -ine subst. et adj.

Étymon arabe

Première attestation TLF

ar. khasséki ar. ‘ayn, pl. ‘ayān ar. būḥibab ar. ar. baraka ar. baraka r’las ! ar. barda’a ar. barda’a

1704 1827 1752 1919 1937 1868 1848 berdâa 1220

ar. badawī

fin XIIe s.

bled s. m. bonduc s. m. bordj s. m. borghot s. m. bougie s. f. boutre s. m. brèle s. m. burnous s. m. cachef s. m.

ar. d’Algérie bezzāf ar. d’Algérie blad ar. bunduk ar. burg ar. ar. Bugāya ar. būt ar. algérien bġǝl ar. barnūs, burnūs ar. kāšif

cadi s. m.

ar. qādin , al-qāḍī

cafard 2 , arde subst.

ar. kāfir

1512

cafre, caffre adj. et subst.

ar. kāfir

1685

caïd s. m.

ar. qā’id

ca 1210 auquaise, forme isolée ; 1310 caïte

calife, khalife s. m.

ar. ḫalīfa

déb. XIIIe s.

camelot1 s. m.

ar. ḫamlāt

1168 camelos

camocas s. m.

ar. kamḫā

1299

candi adj. masc.

ar. qandī

1256

cange s. f.

ar. qanğa

besef(f) adv.

caoua s. m. casbah s. f. chadouf s. m.

1751 (PR) 1903 (PR) 1823 (PR)

1861 fin XIXe s. 1751 1857 1832 1300 entre 1833 et 1866 1914 1735 bournous 1819 ca 1230 escaadi, attest. isolée ; 1351 cady

1661 gemges, forme isolée ; 1785 canje ar. d’Algérie qahwa 1863 1735 alcassabe, attest. ar. qaṣaba isolée ; 1830 casauba ar. d’Égypte šādūf

Autre datation

1854

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1846 (PR)

ca 1280 (Minervini)

XIIIe (Minervini)

XIIe (Minervini, s.v. halife)

386

ESTHER BAIWIR

Entrée

Étymon arabe

Première attestation TLF 1854 1657 seisse, forme isolée ; 1676 sesse 1575 chachie, forme isolée ; 1845 chachia 1309 seic ; 1568 schet ; 1598 cheque ; formes isolées ; 1631 cheik

chaouch s. m.

ar. šāwuš

chèche s. m.

ar. šāš

chéchia s. f.

ar. šāšiyya

cheik(h) s. m.

ar. šayḫ

chérif, schérif s. m.

ar. šarīf

1528 sérif

chervis s. m.

ar. karawīya

1256 eschiervies (plur.) ; 1538 chervis

chibouque s. f., chibouk s. m. chleu(h) adj.

ar. šubuk, ar. dialectal égyptien et magrébin šibuk ar. du Maroc šelḥ, pl. šlöḥ

chott s. m.

ar. šaṭṭ

chouia, chouïa, chouya adv.

ar. magrébien [sic] šuya, class. šuwayya ar. d’Algérie kelb, class. kalb empr. à l’ar. d’Égypte qalbaq ar. qulqutār ar. kūfiyya

clebs s. m. colback, colbaque s. m. colcot(h)ar s. m. coufieh s. m. courbach s. m. ; courbache s. f.

Autre datation

1831 1866 Chellouh ling. et ethnol. ; 1891 chleuh 1857

1846 (PR)

1866 1896 1819 1492 1736

ar. kurbāğ

1838

couscous(s), couscoussou s. m.

ar. d’Afr. du Nord kuskus, kuskusun

1505 couchou ; 1534 coscosson ; 1649 couscous

1534 (RLiR 69, 595)

crouillat s. m.

ar. dial. (‘a)ḫūya

1918

1917 (PR)

curcuma s. m.

ar. kurkum

1559

ca 1350-1400 (DMF)

dahabieh s. f.

ar. égyptien ḏahabiyya

1848 s. m. dahabi ; 1869 s. f. dahabieh

dahir s. m.

ar. ẓahīr

1929

darabouk s. m. ; darbouka(h) s. f. daya s. f. diffa s. f.

ar. darbukka, darabukka, ar. algérien 1830 darabouque derbouka 1849 ar. ḍay’a ar. maghrébin dīfa, 1845 class. diyāfa

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387

LES ARABISMES DANS LE TLF

Entrée dinar s. m. djebel s. m.

Étymon arabe

ar. dīnār ar. ğabal ar. ğallāba, djellaba(h) s. f. ğallābiyya djinn s. m. ar. ğinn douar s. m. ar. duwwār doum s. m. ar. dawm doura(h) s. f. ar. ḏurra ar. éfrit, effrit s. m. émir s. m. ar. ‘amīr erg1 s. m. ar. irq fakir, faquir s. m. ar. faqīr ar.d’Afrique du fantasia s. f. Nord farde s. f. ar. farda fedayin, fidayin s. m. ar. fidā’iyyn ar. maghrébin fellag(h)a s. m. fǝllāga, class. fallāq ar. maghrébin fǝllāḥ, fellah subst. ar. égyptien fɛllāḥ fetfa s. m. ar. fatwā fez s. m. ar. Fās fissa adv. ar. fis-sāa ar. maghrébin flūs, flouze s. m. class. ful’s fondouk s. m. ar. funduq, fundaq fouta(h) s. m. ou fém. ar. fūṭa ar. d’Algérie gandūra, gandoura(h) s. f. class. qandūra gerboise s. f. ar. du Maghreb ğerbu ghazel s. m. ar. ġazal gilet s. m. ar. maghrébin ğalīka goule s. f. ar. ġūl ar. maghrébin gūm, goum s. m. class. qawm ar. maghrébin gāra, gour1 s. m. pl. gūr, class. qāra, pl. qūr gourbi s. m. ar. d’Algérie gurbī ar. maghrébin guimbri s. m. gunb(a)rī

Première attestation TLF

Autre datation

1697 1787 voyage 1743 jilleba ; 1844 djellâba 1666 dginn 1628 douarts 1791 1773 1910 XIIIe s. 1849 plur. areg 1653 1842

1833 (PR ; même source)

ca 1150 1956 1954

1915 (PR)

1661 1624 1664 1909 av. 1840 felous 1637 funduque 1553 fota 1756 gandoure 1712 1694 1736 1697 gaïlan 1844 1858 1743 1860

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1842 (PR)

388

ESTHER BAIWIR

Entrée guitoune s. f. hachisch, haschich, hachich s. m. hadîth s. m. hadj1 s. m.

Étymon arabe

Première attestation TLF

ar. maghrébin gīṭūn, 1838 class. qaiṭūn ar. ḥašīš

1556 hasis 1697 1743 Haj

hoqueton s. m. imam, iman s. m. islam s. m.

ar. ḥadīt ar. ḥağğ ar. maghrébin ḥayk, ḥā’ik ar. ḥammāda ar. ḥammāl ar. ḥammām ar. ḥaram ar. harīsa ar. maghrébin ḥarka, class. ḥaraka hispano-ar. al quṭun ar. ‘imām ar. islām

kabyle adj. et subst.

ar. qabīla

kafir, kâfir s. m. kali1 s. m. kanoun s. m. karmatique adj. kébab s. m.

ar. kāfir ar. qalī, class. qily ar. kānūn ar. a. kabāb ar. d’Afr. du Nord hammâs ar. hamsīn, class. hamsūn ar. qibla ar. kayf, ar. maghrébin kīf ar. maghrébin kīf kīf ar. kuḥl ar. qubba ar. karāk ar. humair ar. qaṣr ar. maghrébin lagmī, lāgmī

haïk s. m. hamada s. f. ham(m)al s. m. hammam s. m. harem s. m. harissa s. f. harka s. f.

khammès s. m. khamsin s. m. kibla s. f. kief 2 , kif s. m. kif-kif, kif adj. inv. kohl s. m. koubba s. f. krak s. m. kroumir s. m. ksar s. m. lagmi, lagmy s. m.

1654 heque 1880 1676 1655 1559 haram 1930 1907 1180-90 auqueton 1559 1697 1664 Cabeilles ; 1721 Cabaïls ; 1739 Kabyles ; 1867 kabyle 1683 Kafer 1553 1939 1840 1743 kab-ab ; 1789 kebab 1847 khammas ; ca 1902 khammès 1664 Khamchin 1612 Al-kible , 1670 Kiblah 1670 kaif ; 1859 kief 1867 1646 kouhel ; 1787 kohl 1568 cube ca 1195 1866 1845-6 1845-6

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Autre datation

389

LES ARABISMES DANS LE TLF

Entrée laiton s. m. laque subst. lilas s. m. et adj. litham s. m. looch s. m. maboul, maboule adj. et subst. macache adv. madrague s. f. maghrébin, -ine adj. et subst. mahdi s. m. maïdan s. m. makhzen, maghzen s. m. mamelouk, mameluk s. m. et adj. masser2 v. tr. mastaba s. m. mat1 adj. inv. et s. m. matamore2 s. m. matraque s. f. méchouar s. m. méchoui s. m. mechta s. f. médersa s. f. médin s. m. médina s. f. méhalla s. f. méhari s. m. mektoub interj. merguez s. f. mihrab s. m. minbar s. m.

Étymon arabe

Première attestation TLF

ar. lāṭūn ar. lakk ar. līlāk ar. liṯām ar. la’ūq

ca 1170-1180 laton XIVe s. lache 1605 lilac 1831 1514 lohot

ar. mahbūl

1860

ar. maghrébin maīkāns, 1861 makach class. mākāna sai’ hispano-ar. maḍraba 1679 1651 Maugarbin ; 1664 ar. maġribī Magrebin 1842 ar. mahdī ar. maydān 1653 meydan ar. maḫzan

1600 (PR) av. 1831 (PR) ca 1500 (DMF)

1643 (PR) XVIIIe (PR)

1853

ar. d’Égypte mamlūk ca 1195 mamelon ar. massa ar. maṣṭaba ar. as-sāh māt(a) ar. maṭtmūra ar. maghrébin maṭtraq, class. miṭraq ar. maghrébin maswar ar. maghrébin meswī, class. maswṭ ar. maghrébin məsta, class. mastan ar. maghrébin medersa, class. madrasa ar. mayyidī ar. madīna ar. maḥalla ar. mahrī, pl. mahārī, mahārī ar. maktūb ar. maghrébin mergāz ar. miḥrāb ar. minbar

Autre datation

1779 1664 mastabez0 ca 1155 1617

1192 (PR)

1578 (PR)

1863 1636 Mesuar 1912 1955

1950 (PR)

1876 1575 ca 1897 1907 mahalla

1486 (DMF) 1732 (PR)

1637 el mahari 1918 1913 (PR) 1953 ca 1950 (PR) 1765 mirob ; 1787 mihhrab 1787 minnber

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390

ESTHER BAIWIR

Entrée

Étymon arabe

moka s. m.

ar. al-Muḫā

mollah s. m.

ar. maul , maulā

moucharaby, moucharabieh s. m. moud(h)ir s. m. mozabite, mzabite subst. et adj. muchir s. m. mufti, muphti s. m.

an

Première attestation TLF 1751 caffé de Moka 1605 meulane ; 1624 Mola Cadi

ar. masrabīya

1840

ar. mudīr

1846 moudyr

ar. Mzāb

1826 Mozabi

ar. mušīr ar. muftī

1846 muchir 1546 mofty

nacaire s. f.

ar. naqqāra

1276

nadir s. m. natron, natrum s. m. nazir2 s. m. nebka s. f. nedjdi, nedji s. m. niquer v. tr. nizeré s. m.

ar. naẓīr ar. natrūn ar. nāzir ar. nabka, nabaka ar. nagdī ar. nāk ar. nisrīn ar. maghrébin nuba, class. nauba

ca 1366 1653 1671 1932 1846 1890 1826

nouba s. f.

nun(n)ation, ar.nūn nounation s. f. ottoman, -ane adj. et ar. uṯmānī subst.

1845-46 wadi ; 1849 oued

ar. biṭṭīḫa ou baṭṭīḫa 1619

raïs s. m. ramadan s. m.

ar. ra’īs ar. ramaḍān ar. maghrébin ramḍān, class. ramaḍān ar. maghrébin ġāziya, class. ġazwa

1963 1441

1429-30 (DMF)

1914

1896 (PR)

1725 gaze

rebab, rabab, rabâb s. m. ar. rabāb

1767

rebec s. m.

ar. rabāb

1384

reg s. m.

ar. ruqq

1923

rezzou s. m. rob1 s. m.

1931 (PR)

1543

pastèque s. f.

razzia s. f.

1er quart XIIIe (DEAF) 1362 (DMF)

1763

ar. wadin , vulg. wed

ramdam s. m.

1828 (PR)

1897

oued s. m.

2

Autre datation

ar. maghrébin ġazū, 1883 r’zou class. ġazw 1507 ar. rubb

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1379 (PR)

1472 (DMF)

391

LES ARABISMES DANS LE TLF

Entrée

Étymon arabe

Première attestation TLF

roc s. m. rock1 s. m.

ar. ruḫḫ ar. ruḫḫ

ca 1150 ca 1298 ruc

roumi s. m.

ar. rūmī

1667 Rumy, Rumi

sabéen 2 , -enne adj. et subst. sacre2 s. m. sahel s. m. sahib s. m.

ar. ṣābi’

1653 Sabis

ar. ṣaqr ar. sāḥil ar. ṣāḥib

sakieh s. f.

ar. sāqiya

fin XIIIe s. 1667 Séhel 1918 1665 saki attest. isolée ; 1846 saquiè

salamalec s. m.

ar. salām alayk

2

ar. maghrébin saroual, sarouel, seroual, séroual s. m. sərwal, class. sirwāl sebkha s. f. ar. sabħa, sabaħa ar. maghrébin segia, séguia, seghia s. f. class. sāqiya serdab s. m. ar. oriental sirdāb sesbania s. m. ar. saysabān ar. maghrébin sīdī, sidi s. m. class. sayyid simoun s. m. ar. samūm ar. maghrébin slūgī, sloughi s. m. class. salūqī ar. maghrébin smala(h) s. f. zmāla, class. zamāla soudan s. m. ar. sulṭān soufi s. m. ar. ṣūfī souk s. m. ar. sūq sultan s. m. ar. sulṭān sunna s. f. ar. sunna surate, sourate s. f. ar. sūra h tabi s. m. ar. tābi’ ar. libanais et syrien taboulé s. m. tabbūla tajine s. m. ar. tāğin, tāğīn talc s. m. ar. ṭalq talmouse s. f. ar. ṭalmūsa tarabouk s. m. ar. darabukka tarbouch(e) s. m. ar. ṭarbūš tell s. m. ar. tall

Autre datation

1829 (PR)

1559 1839 1833 1849 1869 1677 ca 1540 1773 smûm 1848 1843 av. 1188 soltans, sodans 1511 sophy 1636 zoco 1519 1553 1559 sora ; 1715 surate 1721 tabéoun ; 1904 tabi 1975 1903 1553 ca 1393 1846 1673 tarpos 1839

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1494-98 (DMF)

392

ESTHER BAIWIR

Entrée

Étymon arabe

Première attestation TLF

1822 1617 tabibe, attest. isolée ; 1849 tébib fin XIIe s. 1575 tunien ; 1359-77 (DMF) 1583 Tunesien XIIIe s. 1256 2e moitié XIVe 1530 (DMF)

touareg subst. et adj. ar. tawāriq ar. maghrébin ṭbīb, toubib s. m. class. ṭabīb truchement s. m. ar. turğumān tunisien, -ienne adj. ar. Tūnis et subst. turbith s. m. ar. turbid tut(h)ie s. f. ar. tūtiyā’ usnée s. f. varan s. m. youpin, -ine subst. zaouïa s. f. zédoaire s. f. zellige s. m. zerumbet, zérumbet s. m. zob, zob(b)i s. m. et interj. zouave s. m.

Autre datation

ar. ušna ar. waran, var. de waral ar. yahūdī ar. zāwiya ar. zadwār, ğadwār ar. maghrébin zulaiğ, zullaiğ

2e moit. XIVe s. varel 1847 yaoudi 1846 ca 1256 ecidoiare

1843 (PR)

1849 1515

ar. zarunba h

1500 (DMF)

ar. maghrébin zob, 1867 zèbre, zeb zeb, class. zubb, zubr ar. maghrébin 1623 Zwāwa

5.2. Liste des emprunts indirects Entrée

Langue(s) intermédiaire(s)

Étymon arabe

abricot s. m.

esp. ou port.

ar. al barkuk

abutilon s. m. adalid(e) s. m.

lat. sc. esp.

ar. abūtilūn ar. dalîd

adive s. m.

esp.

ar. di’b

adobe s. m.

esp.

albacore s. m.

hisp.-amér.

alcade s. m. alcali, alkali s. m. alcancie s. f.

esp. lat. médiéval esp.

ar. tūb prob. de l’ar. marocain bakûra ar. al qādi ar. al qate ar. vulg. *kanzîya

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Première attestation TLF

Autre datation

(1526 abricotier) 1545 abricoz 1694 1751 (1490 masc. adit) 1667 1868 ca 1525 1323 1363 1897

XIIIe (DMF)

LES ARABISMES DANS LE TLF

Entrée alcarazas s. m. alcatraz(e) s. m. alcavale, alcavala, alcabala s. m. alcazar s. m. alchimie s. f. alcôve s. f. aldée s. f. alezan, -ane adj. et subst. alfaqui s. m. algarade s. f. algarobille s. m.

Langue(s) intermédiaire(s)

Première attestation TLF

esp. soit esp., soit port. et esp.

ar. al karrāz

1798

ar. al gattās

1575

esp.

ar. qabāla

1838

esp. lat. médiév. esp. port.

ar. al qasr ar. al kīmīja ar. al qubba ar. al dai’a

esp. esp. esp. esp.

algèbre s. f.

lat. médiév.

algorithme s. m.

a. esp.

alguazil s. m. alidade s. f. alkermès s. m. allache s. f.

esp. lat. médiév. esp. esp.

almanach s. m.

lat. médiév.

alpargate s. f. alquifoux s. m.

esp. esp.

amalgame s. m.

lat. médiév.

anil s. m.

port.

arabe subst. et adj. lat. archegaye, arzegaye a. esp. s. f. arobe, arrobe, esp. arroba s. f. arsenal, -aux s. m.

Étymon arabe

a. vénitien

393 Autre datation

1866 1669 (PR) 1275 1646 1752 1534 adj. ; 1611 ar. az’ar subst. 1752 ar. al faqîh 1502 ar. al gāra 1845 ar. al harrūba av. 1376 fin XIVe (DMF ; ar. al-ğabr même source) ca 1220-30 ar. al Ḫuwārizmī augorisme ar. al wāzir 1555 alguacil ar. al-’idāda 1544 alhidada 1362 (DMF) 1546 ar. al qirmiz mozarabe (ar. lâg) 1901 ar. d’Espagne 1303 almenach al-manāḫ 1723 hisp.-ar. parğât 1697 hisp.-ar. kuḥúl 1431, fin XVIe1414 (DMF) ar. ‘amal al-gamā’a début XVIIe (isolées), 1744 1582 ([cité comme mot ar. an-nîl portugais], 1600 ar. ‘Arab ca 1100 Arrabit av. 1307 archear. az-zagāya gaie ar. al-rub’

1555

ca 1395 ar. dār sinā’ ou dār ca 1400 arche(DMF ; as-inā’ nal même source)

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394

ESTHER BAIWIR

Entrée assassin, ine subst. et adj. assogue s. f. athanor s. m. aubergine s. f. et adj.

Langue(s) intermédiaire(s)

Étymon arabe

Première attestation TLF

it.

ar. hašiš

1560

ar. al zauq(a) ar. al tannūr ar. al bādinğān

1752 1269-78 1750

ar. hawān

1287 aveinie, attest. isolée ; 1557 avanye

avarie s. f. azerole s. f. azimut s. m.

esp. lat. médiév. cat. prob. par l’intermédiaire de l’it., du gr. médiév., peut-être du turc génois anc. aragonais esp.

azoth s. m.

esp.

azucarillo s. m. azur s. m.

esp. lat. médiév. it., du vénitien, du turc lat. médiév. it. a. prov., esp.

avanie s. f.

azziminia s. f. balais adj. masc. bardache s. m. basane s. f.

bédégar subst masc. lat. médiév. ben s. m. benjoin s. m.

lat. médiév. cat.

berbère adj. et subst. esp. bezoard, bézoard, besoar, bésoar s. m. borax s. m. bouracan s. m. bourde 3 s. f. boutargue s. f. caban s. m. café s. m. caïmacan s. m.

lat. méd. lat. méd. lat. méd., peutêtre par l’esp. lat. sc. prov. prov., sicilien turc, peut-être par l’intermédiaire de l’it. turc

ar. àwārīya ar. az-zarūr(a) ar. sumût hisp.-ar. Zauq (ar. Za’uq) ar. sukkar ar. lāzaward

ca 1200 1553 1544

ar. agami

1892

ar. vulg. balahš ar. bardag ar. baṭāna arabo-persan bāḏāwärd ar. ban ar. lubān-ğāwi ar. Barbar, Berber ar. bezuwār, f. maghrébine de bāzahr ar. būraq

ca 1228 1537 ca 1150

ar. barrakān ar. burdī ar. butāriḫ ar. qabā

1324 (DMF)

1690 azot 1838 2e moitié XIe s.

XIIIe s. XIVe s. 1479 1844 XVe s.

ca 1400 (DMF)

1256 borrache ca 1150 barragan ; 1593 1723 1534 1441 (DMF) 1448

ar. qahwa

1610 chaone, 1665 café

ar. qā’im maqām

1654

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Autre datation

395

LES ARABISMES DANS LE TLF

Entrée

Langue(s) intermédiaire(s)

calin s. m. camphre s. m. carabé s. m.

une lang. méditerranéenne port. lat. médiév. lat. médiév.

carat s. m.

it., lat. médiév.

calfater v. tr.

caratch, carach s. m. turc

Étymon arabe ar. qalfata ar. qala’i ar. ḳāfūr ar. kahrabā ar. qīrāṭ ar. ḫarāğ

Première attestation TLF début XIVe s. calafater 1615 1256 1256 1360 quarais (plur.) ; 1367 caraz 1535 carrach, forme isolée ; 1575 carach

carmin s. m.

soit croisement av. lat., soit passage par l’esp.

ar. qirmiz ou hispano-ar. qármaz

ca 1165 charmin

caroube s. f.

lat. médiév.

ar. ḫarrūba

ca 1195 quarobles

ar. khazīna

1315 casenier

ar. qawwâs

1851

ar. šīṭarağ ar. d’Égypte ḫalāf

1314 1694 calaf

cat.

ar. vulg. šabbāk

1758

chiffre s. m.

lat. médiév.

ar. ṣifr

copte subst. et adj.

adaptation du lat. ar. qibṭ, qubṭ coptita, coptus

casanier, -ière adj.

cavas, cawas s. m. cétérac s. m. chalef s. m. chebec, chébec, chebek s. m.

it., dér. d’un terme d’Italie du nord (Lucques), du vénitien, du turc (prononciation turque) lat. médiév. lat. bot.

ar. quṭun ar. quffa

1665-1666

cubèbe s. m. cuscute s. f.

it. a. prov., probt du cat. lat. médiév. lat. médiév.

XIIIe s. chifres « zéro » 1665 cofte, graphie isolée ; 1690 cophte ; 1704 copte ca 1160

ar. kubbāba ar. kušūṯ, kušūṯā

ca 1245 ca 1256

darse s. f.

génois

ar. dār as-sinā’a

début XVe s.

coton s. m. couffe s. f.

doronic s. m. douane s. f.

adaptation du lat. médiév. deroni- ar. darauniğ ou -ağ 1425 deronic cum a. ital. ar. vulg. *duwān 1281 dohanne

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Autre datation 1297-98 (DMF)

av. 1330 (Minervini)

1490 (DMF)

1406-09 (DMF ; même source)

396

ESTHER BAIWIR

Entrée

Langue(s) intermédiaire(s)

écarlate adj. et subst. lat. médiév.

Étymon arabe ar. *sikirlāṭ ou saqirlāṭ ar. ar. al-’iksīr

Première attestation TLF 1168 escarlate

fennec s. m. fustet s. m. gabelle s. f. gamache1 s. f. garingal s. m.

lat. médiév. lat. médiév. lat. médiév. et peut-être de l’a. prov. lat. médiév., lat. bot. angl. a. prov. ; du cat. it. esp. lat. médiév.

gazelle s. f.

lat. médiév.

genet s. m.

a. esp.

girafe s. f.

it.

girel s. m.

esp.

ar. fanak l’ar. fústuq, fústaq ar. qabāla ar. ġadāmasī ar. halanğān ar. class. ġazāl, ar. maghrébin ġazēl ar. vulg. zenêtī, class. zanātī ar. zurāfa, class. zarāfa ar. ğilāl

guitare s. f.

esp.

ar. kitâra

hardes s. f. plur. hégire s. f. henné s. m. houka s. m.

gasc. et béarnais it. lat. médiév. hindi

ar. farda ar. hiğra ar. ḥinnā’ ar. ḥuqqa

houri s. f.

persan

ar. ḥūr

jarde s. f., jardon s. m.

it.

ar. ğarad

jarre1 s. f.

it. et prov.

ar. ğarra

jaseran, jaseron s. m.

it., esp. ou lat. médiév.

ar. ġazā’irī

jupe s. f.

a. ital. du Sud

ar. ğubba

ca 1188

kandjar, cangiar s. m.

esp.

ar. hanğar

1519 chanzar

échec2 s. m. élixir s. m. épinard s. m. estragon s. m.

ca 1100 1269-78

ar. d’Espagne isbināḫ

1256 espinaces

ar. tarḫūn

1539 targon 1791 1340 feustel 1267 1591 ca 1180 galingal

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Autre datation

1080 (PR)

ca 1195 gacele 1374 1298 1624 1275-80 quitarre 1539 1556 1541 henne 1771 hoka 1574 Hora, Horhin 1516 zardre ; attest. isolée ; 2. 1678 jarde ; 1642 jardon ca 1200 ca 1100 adj. jazerenc ; fin XIIe s. subst. jaserant

1367-71 (DMF) ca 1200 (DEAF) ca 1275 (DEAF) 1480 (DMF)

fin XIIIe (DEAF)

ca 1175 (DEAF)

397

LES ARABISMES DANS LE TLF

Entrée ketmie s. f. lapis1, lapis-lazuli s. m. inv. libeccio s. m. lime2 s. f. loukoum, lokoum, rahat-lo(u)koum s. m. macramé s. m. magasin s. m. mahaleb s. m. marabout s. m. maravédis s. m. marlotte s. f. marrane s. m. matelas s. m. mélongène s. f. mesquin, -ine adj. minaret s. m. mohatra s. m.

moire1 s. f.

momie s. f. mone s. f. morfil1 s. m. mosquée s. f. moussaka subst. mousseline s. f.

Langue(s) intermédiaire(s)

Étymon arabe

Première attestation TLF

lat. bot.

ar. ḫaṭmī, ḫiṭmī

1694 Ketmia ; 1763 ketmie

lat. médiév.

ar. pop. *lāzūrd

XIIIe s.

it. esp.

ar. labağ ar. līma

1859 1555 1854 rahatturc ar. rāḥat al-ḥulqūm loukoum it. (génois), du turc ar. mahrama 1892 soit par le prov., 1389 maguesin ; ar. maḫāzin soit par l’it. 1409 magasin 1542 Maguelet ; lat. sc. de la ar. maḥlab 1558 macalep ; Renaissance 1561 Mahaleb port. ar. murābiṭ 1560 moabite 1re moitié XVe esp. ar. muraībiṭī s. marvesins esp. 1507 ar. lluta XVe s. marran, esp. ar. maḥram maran probt par l’intermédiaire de la langue ar. maṭraḥ 1306 materas franque, à l’it. lat. bot. médiév., XIVe s. melanar. bādingān de l’it., du grec jan, molinjan soit à l’it. soit à 1604 ar. miskin l’esp. turc ar. manāra 1606 minerest 1656 contrat esp. ar. muḫātara Mohatra, Mohatra angl., peut-être par l’intermé1639 ar. muḫayyar diaire de l’it. XIIIe s. nomlat. médiév. ar. mūmiyā mie [sic] ; XVe s. mummie esp. ar. maymūn 1558 monne esp. 1545 ar. aẓm al-fīl it. ar. masgid 1423 mousquaie ar. d’Egypte musaturc 1934 qqa’a it. 1656 ar. mausilī

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Autre datation

1er tiers XIIe (DEAF)

1853 (PR) 1277 (DEAF)

1474-1506 (DMF) 1260-75 (Minervini, s.v. mat(e)ras)

2e quart XIIIe (DEAF)

1868 (PR)

398

ESTHER BAIWIR

Entrée

Langue(s) intermédiaire(s)

Étymon arabe

Première attestation TLF

Autre datation

esp., du port.

ar. mawsim

1622

esp.

ar. musta’rib

1602 Muzarabe

mudejar, mudéjar adj. et subst.

esp.

ar. mudağğan

muezzin s. m. musacées s. f. plur.

turc lat. sc.

ar. mu’aḏḏin ar. mauz

nabab s. m.

hindoustani

ar. nuwwāb

nacre s. f.

it. via latin médiév.

ar. naqqaīra

nénuphar s. m.

lat. médiév.

ar. nainūfar, nīnūfar, nīlūfar

noria s. f.

a. esp.

ar. nāūra

XIIIe s. neuphar, neufar ; XIIIe s. nenufar 1792

nuque s. f.

lat. médiév.

ar. nuhā’

1314 nuche

oque s. f.

turc

ar. uqqa

1653 ca 1200 pume fin XIIe (DEAF) orenge ca 1220 1765 raja 1628 1314 la rachete de la main 1688 ressif XIVe (DMF) 1540 raiz mil. XIVe

mousson s. f. mozarabe subst. et adj.

orange subst. et adj. a. ital.

ar. nārang(a)

quintal, -aux s. m. raïa s. m. raki s. m.

lat. médiév. turc turc

ar. qinṭār ar. ra’āya ar. ‘araqī

raquette s. f.

lat. médiév.

ar. rāḥa

récif s. m. reis1, reïs, raïs1 s. m. ribes s. m.

soit esp. soit port. turc lat. médiév. une ou plusieurs langues rom. : it., a. prov., a. lyonn., cat., esp. swahili lat. médiév. turc lat. médiév. lat. sc. esp. lat. médiév. lat. médiév.

ar. ar-raṣīf ar. ra’īs ar. rībās

romaine2 s. f. safari s. m. safran1 s. m. salep s. m. santal, sandal1 s. m. saphène adj. sarbacane, s. f. sébeste s. m. séné s. m.

1667 Mudechare ; 1721 mudéjare 1568 maizin 1816 1614 nauabo ; 1653 nabab 1389

fin XIIe (DEAF)

ar. rummān(a)

1399 romman ; 1400 romanne

ar. safar ar. zafarān ar. ṯa’lab ar. ṣandal ar. sāfīn ar. za(r)baṭāna ar. sibistan ar. sanā

1961 1956 (PR) ca 1150 1740 ca 1240 sandali ca 1256 1524 1476 (DMF) 1553 1349 (DMF) XIIIe s. sené

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LES ARABISMES DANS LE TLF

Entrée

Langue(s) intermédiaire(s)

séraskier, sérasquier turc s. m.

siglaton s. m.

lat., sans doute par la péninsule ibérique

sirocco, siroco s. m.

it.

sirop s. m. sofa s. m.

lat. médiév. turc turc (probt par l’it.)

Étymon arabe

Première attestation TLF

ar. siqlāṭūn

ca 1100

soit ar. maghrébin 1441 šlôq, soit ar. šurūq 1174-80 ar. šarāb 1519 ar. ṣuffa 1553

swahili

ar. sawāḥilī

1873

it. it. lat. médiév. persan lat. médiév.

ar. suwwād ar. sukkar ar. ‘attābī ar. ṭilasm, ṭillasm ar. tams hindī

1527 soulde 1176-81 çucre 1375 atabis 1592 XIIIe s.

tarif s. m.

it.

ar. ta’rīf

1572

timbale s. f.

a. prov.

souahéli, souahili, swahili s. m. soude s. f. sucre1 s. m. tabis s. m. talisman s. m. tamarin 2 s. m.

port. tincal, tinkal s. m. turc turbé, turbeh s. m. uléma, ouléma s. m. turc vilayet s. m. vizir s. m. volcan s. m. zain adj. zaptié, zaptyé s. m. zarf s. m. zénith s. m. zéro adj. et s. m.

Autre datation

1535 cherlesdu persan sar et de quier forme l’ar. ‘askar isolée ; 1670 seraiker [sic]

ar. šarba

sorbet s. m.

399

ar. ṭabl, ar. d’Esp. ṭabál ar. tinkār, -āl ar. turba ar. ‘ulamā’

1414 (DMF) 1175 (PR)

1298 (PR) 1300-14 (DMF)

milieu XIIIe s.

1602 1624 1765 1805 villaiéti, attest. et forme turc ar. wilāya isolées ; 1869 vilayet turc 1457 1433 (PR) ar. wazīr apr. 1360 1575 vulcan ; esp. ar. burkān (DMF) 1598 volcan it., de l’esp. ar. (mais étym. inc.) 1559 turc 1860 ar. ḍābiṭīya h turc 1795 ar. ẓarf mauvaise lecture av. 1324 lat. médiév. de semt, zemt, 1338 cenit (DMF) transcr. de l’ar. samt it., du lat. médiév. ar. ṣifr 1485

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400

ESTHER BAIWIR

Entrée zinzolin, -ine adj. et s. m.

Langue(s) intermédiaire(s) it.

Étymon arabe ar. ğulğulān

Première attestation TLF

Autre datation

1599

5.3. Liste des emprunts dont le parcours n’est pas établi Entrée alambic s. m. aludel s. m. ambre2 s. m. amiral1, -aux s. m. bardot s. m.

calfat1 s. m.

calibre s. m. caraque, carraque s. f. et adj. carthame s. m.

Langue(s) intermédiaire(s) prob. latin médiév. des alchimistes prob. par le lat. médiév. prob. par le lat. médiév. ? peut-être par le prov. soit déverbal de calfater soit par l’intermédiaire de l’it. sans doute ni par l’esp. ni par l’it. prob. par le génois peut-être par le lat. médiév.

Étymon arabe ar. al-anbīq

1269-77

ar. al uṯāl

1275-80 alutel

ar. amīr al-’ālī

Fin XIIe-déb. XIIIe s vers 1100

ar. barda’a

1367

ar.

1371 calefas, forme isolée ; 1611 calfat

ar. qālib, qālab

1478

ar. harrāqa

ca 1245 karaque

ar. qurṭum

1512

ar. anbar

chicotin s. m.

peut-être par l’it. ar. suqutrī

civette2 s. f.

prob. par le cat.

ar. zabād

coran, koran s. m.

peut-être par l’esp.

ar. al qur’ān

cordouan, -ane adj. soit direct, soit par l’a. prov. et subst.

Première attes- Autre datatation TLF tion

ar. cortobanî

cramoisi, -ie adj.

prob. it.

ar. qirmizî

drogman s. m.

prob. grec byzantin

ar. d’Egypte targumān

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1359 alloeu cycoterne 1401 cyvete XIVe s. alchoran ; fin du XVe s. alcoran ; 1657 koran XIe s. judéo-fr. cordoan (?) ; 1re moitié XIIe s. cordoan 1298 adj. cremosi ; 1315 subst. cramoisi ca 1200 drogeman

1341-42 (DMF)

apr. 1472 (DMF) ca 1300 (DMF) 1385 (DMF)

401

LES ARABISMES DANS LE TLF

Entrée

Langue(s) intermédiaire(s)

Étymon arabe

Première attes- Autre datatation TLF tion

élémi s. m.

peut-être par le lat. médical

ar. vulgaire el1573 lemi, class. al-lāmī

genette2 s. f.

pas élucidé

ar. d’Afr. du Nord 1260 ğarnaiṭ

goudron s. m.

?

ar. qaṭrān, qiṭrān

jasmin s. m.

?

ar. yāsamīn

julep s. m.

prob. par l’intermédiaire du lat. médiév.

ar. ğulāb

kermès s. m.

?

ar. qirmiz

luth s. m.

peut-être par l’a. ar. al-ūd prov. ou l’a. esp.

ca 1195 catran XIVe s. oile de jasmin, attest. isolée ; 1573 huile de jasmin début XIVe s. judéo-fr. gulbe ; ca 1350 juleph ca 1500 Kermes Ca 1275 le’z ; ca 1380 luth

marcassite s. f.

prob. par l’it.

1478

ar. marqasīṭā

réalgar s. m.

soit directement, soit par l’interar. muslim médiaire du turc, au persan peut-être par l’it. ar. nafḥa ou l’esp. prob. esp. ou cat. ar. rahğ al-ğār

sagaie s. f.

?

satin s. m.

sans doute direcar. zaitūnī tement

1352

sequin s. m.

prob. it.

1400 essequin ; 1532 sequin

musulman, -ane adj.

naffe s. f.

sumac s. m. tare s. f. tasse s. f.

ar. zag’āya

ar. sikka

peut-être par ar. summāq l’esp. prob. par l’it. ar. ṭarḥ prob. par le prov. ar. ṭāsa, ṭassa et/ou l’it.

ca 1268 (DEAF ; même source)

ca 1272 (DEAF) fin XIIIe (DEAF) ca 1440 (DMF, PR) ca 1230 (DEAF) 1er tiers XIVe (DEAF)

1551 Montssolimans ; 1553 Mussulmans 1478 ca 1300 1306 archegaie ; 1515 azagaye

1256 1311 1360-68

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1353 (DMF)

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Documents pour l’histoire du français, extraits de textes (XIVe-XVIe s.) concernant la Saintonge et l’Aunis Lors d’une communication « Chartes et documents de l’abbaye de SaintMagloire. Étude lexicographique », Robert Martin attirait naguère l’attention sur un type de sources particulièrement précieuses pour les lexicographes : les textes non littéraires, pouvant faire l’objet d’un dépouillement sélectif 1. C’est l’objet des pages qui suivent, résultat d’un dépouillement portant principalement sur les Registres de l’échevinage de Saint-Jean-d’Angély, publiés dans les Archives historiques de la Saintonge et de l’Aunis (AHSA), 24 (1895), 26 (1897) et 32 (1902) 2. Les matériaux groupés sous ce titre par leur éditeur, D. d’Aussy, sont en fait de nature diverse : comptes rendus de mesées, inventaires après décès, comptes divers, lettres patentes du pouvoir royal ou correspondances diverses, etc. ; leurs dates extrêmes vont de 1328 à 1426 3. En dehors de leur intérêt pour l’histoire locale 4, ces documents sont une source précieuse pour l’histoire de la langue. Ils ont été en partie dépouillés naguère par G. Musset pour son Glossaire (parfois avec la référence… « Document ou Doc Z ») et quelques rares passages de d’Aussy ont été utilisés par DG ou Godefroy, ou encore par l’IGLF, et sont passés dans les dictionnaires (ainsi pétoncle, pupille, subdélégué, subroger, tutelle, verrat, que l’on n’a pas repris ici sauf exceptions). On y trouve des faits qui n’ont guère dépassé le mfr. (ainsi accidents, balancier, belineau, blesons, cherche, compeller, cousturerie, doridier, gibecier, mesee, milargeux) ou qui au contraire sont parvenus jusqu’à nous (ainsi s’absenter, affermer, destituer, façon, girouette, guigne, 1



2



3



4



Actes du IVe Colloque international sur le moyen français, publiés par Anthonij Dees, Amsterdam, 1985, 87-118. L’éditeur est décédé avant d’avoir pu relire le t. 26 : « Malgré l’attention apportée à la correction des épreuves, bien des fautes nous auront échappé ; on les excusera si l’on veut bien tenir compte de la difficulté du texte original, de la copie que, hélas ! l’auteur, Denys d’Aussy, n’a pu revoir » (t. 26, 384). J’ai rectifié, en recourant aux manuscrits conservés aux Archives départementales de la Charente-Maritime, quelques coquilles de l’éditeur (ou du typographe). J’y ai ajouté le dépouillement de quelques autres sources saintongeaises, que le regretté Jean Glénisson, grand érudit, homme simple et généreux, avait fait faire aux Archives nationales et m’avait offert de consulter. Ces registres ont ainsi donné lieu à l’ouvrage de Claude Saudau, Saint-Jean-d’Angély d’après les archives de l’échevinage et les sources directes de son histoire, Saint-Jeand’Angély, 1886.

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404

PIERRE RÉZEAU

madrier, mardi gras, merrain, portillon, réparable et des locutions comme toucher du petit doigt, être au lit de la mort, jouer à perdre), des féminins (comme agresseresse, consorte, jurée, sénéchale), des termes de droit (déroger, exhiber, instituer un héritier, lignager), des termes techniques (aubour, chandelle, chevalet, chien, cuiller, doloir…), des mots géographiquement marqués et toujours de quelque usage dans la région (ardivelles, ballin, batail, batteresse, bestiaire, brin, doublet, fourniou, feuillet, greler, nocs, reboule, reparon, rollon, Rouzons, saunière, tailleresse, tire-veille, vesse), sans compter quelques faits qui dénoncent une influence occitane, comme dèche, fruister (s.v. fuster), rapail, taberne (s.v. moutarde) ou encore bedoilh (s.v. tremencher). Si les faits retenus ici débordent parfois les limites chronologiques fixées par son responsable au Dictionnaire du moyen français (1330-1500), la grande majorité d’entre eux se situent à l’intérieur de ces dates et permet d’apporter au DMF quelques compléments qu’on espère utiles. L’entrée retenue est celle du DMF, à défaut celle de Gdf, à défaut celle du texte. absenter (s’) v. pron. “s’éloigner (d’un lieu)” : 1332 « toutes fois que aucuns desdiz esleus aura cause necessaire de soy absenter de la ville » (AHSA 24, 55). — Première attestation de cet emploi par rapport aux données de DMF (ca 1377), FEW (1383) et GdfC (1399) ; FEW 24, 52a, absentare. accidents n. m. pl. “partie de la grammaire latine contenant la morphologie” : 1417 « A maistre Guillaume de Jumèges, maistre d’escole de grant maire, la somme de trente et deux soulz six deniers, c’est assavoir pour un carteron que les trois anffans dudit feu ont esté a l’escole dudit maistre, la somme de xv souls ; pour la vençon d’unes accidens de Paris, x souls ; pour l’escriture d’unes accidens et regle de grant maire en letres de forme pour les anffans dudit feu, v souls ; et pour avoir relié le sautere des anffans dudit feu, ii souls six deniers » (AHSA 32, 231). — Signalé dans FEW comme « apr. » recueilli en 1403 à Millau (« Que degun capela ni autre non auze ensenhar de carta, ni de salteri, ni de partz ni d’acsidens »). L’exemple saintongeais cité ici (d’après le ms.) montre que l’aire du mot était plus large et qu’il était aussi en usage en français. On notera par ailleurs qu’un maistre d’ecole est signalé à Saint-Jean-d’Angély en 1374 (AHSA 24, 183) ; ∅  Gdf ; DMF accident “variation morphologique” ca 1380 ; FEW 24, 73b, accidens. adoubage n. m. “réparation, raccommodage” : 1381 « paier et rendre […] xvi deniers pour cause de adoubage de soulers » (AHSA 24, 270). — Première attestation (citée par Musset) de ce sens par rapport aux données de Gdf (1515, Vienne) et de FEW (apr. adobage, 1474), encore représenté à l’époque moderne en Bretagne romane, dans le Centre-Ouest et dans le Centre ; ∅  DMF ; FEW 15/2, 78a, dubban. adouber v. tr. 1. “réparer ; raccommoder” : 1332 voir s.v. défoncer ; 1414 voir s.v. tire veille ; 1417 voir s.v. batteresse, cousturerie et enrocher. — Première attestation (1332, citée par Musset) de ce sens par rapport aux données de Gdf (1362) et de DMF (1396), représenté à l’époque moderne notamment du Pays nantais au Poitou et au Centre ; TLF (sens non daté) ; FEW 15/2, 77b, dubban (14e s.). 2. “équarrir (une pierre)” : 1332 voir s.v. découverte. — Emploi non dégagé dans les dictionnaires consultés.

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DOCUMENTS POUR L’HISTOIRE DU FRANÇAIS

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affaiter v. tr. Au part. passé “qui n’est pas de bonne qualité marchande (en parlant d’un produit proposé à la vente)” : 1376 « Guagea l’amande Johan Colin, sergent, de ce qu’il avoit arresté [“confisqué”] blez a une feme, affaitez si come l’on disoit, et la delivra sans le faire assavoir a monsieur le maire » (AHSA 24, 203). — Attesté au sens de “frelaté (en parlant du vin)” en 1371 (DMF) et en 1396 (Gdf) ; FEW 24, 244b, *affactare (14e s.). [agresseresse] n. f. “femme qui agresse” : 1398 « et en outre ont volu lesdites parties et consenti […] que on cas qu’elles [deux femmes] se diroient aucunes injures l’une d’elle a l’autre en temps a venir […], que la premiere qui le dira ou qui sera premiere agraysseresse en remet envers l’autre en la somme de x livres » (AHSA 26, 77). — Absent des ouvrages consultés, qui ne mentionnent pas de féminin pour agresseur, sauf Rob « agresseuse serait normal » ; agresseur n. m. est attesté dp. 1380 (DMF), 1404 (Gdf, FEW et TLF) ; FEW 24, 262a, agressor. aigre adj. “malveillant” et n. “malveillance” : 1381 « par iceulx debaz et pour les malices et aigres entreprises, les habitans de ladite ville estoient divisés […]. Pour laquelle division survenue pour les debaz dessus diz et pour les malefices et aigres* dessuz dis […] pour les debaz, malices et aigres* dessus dites » (AHSA 24, 286) ‖ avoir aigre od qqn loc. verb. “rencontrer de la malveillance chez quelqu’un, être en conflit avec” : 1379 « Lesquieulx ont agreable le mandement du roy nostre sire de abatre l’impocision de doze deniers pour livre a quatre deniers, més qu’il ne fut oncques leur entende ny de leur consentement et volunté que ondit mandement fut mis que monsieur le seneschal de Xaintonge ehust aigre ob le maire, bourgeois et commun de Saint Jehan d’Angeli, et desavohent touz ceulx qui l’ont dit a monsieur le chanselier de France […]. Ils sont d’assentement que l’on envoiet lectres a monsieur le seneschal pour desaccuser monsieur le maire, les bourgeois et le commun vers luy » (AHSA 24, 223-224). — Si aigre adj. “malveillant, désagréable” est attesté fin 15e-début 16 e s. (JLemaire, FEW 24, 94b, acer), l’emploi subst. et la loc. sont absents des dictionnaires consultés. aigreur n. f. avoir en aigreur si + ind. loc. verb. “être impatient que + subj.” : 1380 « et en celui mandement fut contenu que monsieur le seneschal avoit en aigreur s’ils se voloient tous a la grace de monsieur le seneschal » (AHSA 24, 240). — Tour absent des dictionnaires consultés, y compris FEW 24, 96b, acer. aiolles (nef en –) loc. nom. f. “embarcation légère” : 1332 « nef en aiolles [en note : yoles, petites embarcations manœuvrées à la rame] et chairrieres portans de xii a xiii tonneaux de vin » (AHSA 24, 122). — La glose de l’éditeur est considérée comme suspecte par FEW 16, 287b jol, n. 1, qui cite le passage d’après DG : « Das vom DG nef en aiolles (1332) ist sicher ein ganz anderes wort ». Hapax enregistré sans commentaire dans JalN. aiver voir note s.v. redoue amasseur n. m. “celui qui collecte (un impôt)” : 1393 « Que Regnaut Daguenaut, amasseur du pati de Mortaigne en ceste annee, ayet pour son travailh et salaire xvi livres pour tout l’an » (AHSA 24, 410) ; 1394 « amassours du pati de la mayrie » (AHSA 24, 416). — Sens absent de DMF et GdfC ; cf. FEW 6/1, 447b, massa (“celui qui recueille (les aumônes), collecteur”, 1555 [...] saint. “encaisseur, celui qui ramasse de l’argent”, dp. 17e s.). amendeur n. m. “celui qui est condamné à une amende” : 1425 voir s.v. bardeau. — Absent en ce sens des dictionnaires consultés ; aj. à FEW 3, 217b-218a, emendare.

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amours (en –), loc. adj. “en chaleur (en parlant d’une chienne)” : 1399 « deux petiz chiens […] suyvoient une chienne en amours » (AN, JJ 154, n° 445, f. 258). — Première attestation de ce sens par rapport aux données de FEW 24, 471b, *amor (1492, RickChrest ; Nic 1606, en parlant des oiseaux, repris dans TLF). ardivelle n. f. “penture” : 1415 « A Jehan Hardouin, claveurier, pour une claveure a bosse, garnie de clef et d’ardivelles, pour la porte basse de ladite tour carree, viii s. » (AHSA 32, 155). — Première attestation (citée dans Musset) de ce terme caractéristique de l’Aunis et de la Saintonge ; ∅  Gdf et DMF ; FEW 23, 25a ‘penture’ (La Rochelle 1759), y ajouter l’attestation de Jonzac ibid. 24b ‘montant’. ardu, -ue adj. ardus negoces loc. nom. m. pl. “occupations importantes et difficiles à conduire” : 1381 « ces presents letres ou public instrument ay fait escripre par autruy, moy occupé de plusieurs autres ardeux negoces » (AHSA 24, 285). — Ce calque du latin est dénoncé comme un cliché dp. le 14 e s. : « Si com dient aucuns : negocia ardua, negoces ardues » (GdfC, Psautier de Metz) ; DMF (plusieurs exemples de ardues negoces dans la documentation, non dégagés s.v. ardu ni s.v. négoce) ; ∅  FEW 7, 89b90a, negotium et 25, 160b, arduus. assiette n. f. 1. “plateau (pour jouer aux dés)” : 1332 « il ont juré que jamais ne joeront de mauvais dez ni de faux dez ni ne induyront homes simples ne autres a jouer, oncques eaus ne useront de assiette de dez » (AHSA 24, 100-101). — Sens absent des dictionnaires consultés, y compris FEW 11, 400, sedere. 2. “base, assise (d’une construction)” : 1390 « l’assiette d’un coign de mur […] lesquieulx ont dit qu’il leur semblet par leur bon avis que ladite assiete dudit mur est bien et loialement prise et ediffieee, sans fere tort ne prejudice au roy nostre sire ne a autre ne a ladite rue » (AHSA 24, 340). — ∅  Gdf ; DMF (1461-1462, à propos de l’assise d’un banc) ; cf. FEW 11, 399b, sedere (“lieu où on peut placer une habitation”, Evreux, 1402 ; “lit de pierres dans une maçonnerie assise” Est 1549-Félib 1676). aubour n. m. “partie d’un bois d’œuvre impropre à être travaillée” : 1332 voir s.v. defoncer. — Première attestation (citée dans Musset) de ce terme particulièrement représenté à l’époque moderne dans l’Ouest de la France, par rapport aux données de FEW (reprises dans TLF) : 1549 “partie tendre et blanchâtre de l’aubier qui est entre l’écorce et le cœur de l’arbre, aubier” et 1845 “portion du bois qui n’est pas parvenue à sa maturité et que les charpentiers retranchent des pièces comme susceptible de se gâter promptement (t. de marine)” ; ∅  Gdf et DMF ; FEW 24, 304b, alburnum. balancier n. m. “visière (?)” : 1406 « appareillier […] un avant bras, un gantelez et mettre balancier en un bassinet » (AHSA 26, 161). — Sens absent de Gdf, DMF et Chauveau, 2006, *bilanx, ‹ www.atilf.fr/few ›. balle n. f. “balle (des céréales)” : 1412 « deux coisins de plume et ii banlins [voir ballin], i. coite et coisin de bale » (AHSA 32, 49). — Jalon intéressant pour ce mot d’origine inconnue, relevé en 1220, comme une « attestation isolée », puis en 1549 (TLF) ; DMF donne une autre attestation entre ces deux bornes, en 1390, sous la forme palles pl., dans un document fribourgeois ; FEW 1, 219b, ballare (mfr. nfr.), mais cf. Chauveau, 2006, ballare ‹ www.atilf.fr/few › : « On a exclu des représentants héréditaires de cette famille fr. balle f. “enveloppe du grain de l’épi, dans les graminées” dont on ne voit pas comment il pourrait se rattacher à ballare ».

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ballin n. m. “paillasse” : 1412 voir s.v. balle. — Sens caractéristique de l’Ouest ; Musset s.v. bâlin ; Gdf 1510 ballin (Finistère) ; ∅  DMF ; FEW 1, 220a ballare (renn. ang. centre) et 288b, batlinia (Pléch. et maug.). bandon n. m. “rameau de feuillage indiquant un débit de vins” : 1379 « il avoit achapté une pipe de vin qui estoit atavernee de Janyn de Maitenville et ledit jour l’estancha* sanz ce qu’il en vossist onques bailher a nulle personne et en osta ou fist oster la fouilhe [voir feuille] ou bandon » (AHSA 24, 219) ; 1408 « Guagea l’amande Jehan Fouilhade pour avoir vendu du vin a taverne qui n’estoit point creu en l’eritage des bourgeois de la commune et pour ce autressi, que emprés la defence a lui faite par Helie Jolen, sergent, et que ledit sergent avoit ousté le bandon, icellui Fouilhade li avoit remis » (AHSA 26, 269). — Sens absent de Gdf, DMF et FEW 15/1, 49b, ban. Cf. brandon, de même sens, attesté en 1611 (FEW 15/1, 244a, brand). bardeau n. m. 1. “ barrage sur l’eau, batardeau” : 1425 « Aux amendeurs* du guet, qui firent un bardeau en la doue de la ville afin que l’ayve ne soubrast* ceulx qui estoient au bien [“corvée”], leur fut donné en vin xx d. » (AHSA 32, 370). — Première attestation, par rapport aux données de FEW (16 e-18e s.), de ce sens représenté à l’époque moderne de la Bretagne romane aux Deux-Sèvres ; FEW 19, 24b barda’a. 2. “barque à fond plat” : 1375 « ledit Jehan Biraut li doit xv blans pour le mener en son bardeau jucques a Soubize » (AHSA 24, 208) ; 1418 « avoir esté en un bardea en la doue de la ville, environ huit heures devers le soir, pour prendre poisson » (AHSA 32, 252) ; 1426 « A Arnaud Mathé, pescheur, quarante sols qui deus lui estoient, pour avoir amené en son bardea de Taunay-Boultonne a Saint Jean Dangeli quatre septiers de froment » (AHSA 32, 385). — Sens absent des dictionnaires consultés, y compris FEW ; il s’apparente sans doute à bardeau “sorte de mesure” (1474 « une mine d’avoyne, troys bardeaulx de fein » Gdf, dans la Vienne ; repris dans FEW), qui est peut-être d’ailleurs à interpréter dans cet exemple cité par Gdf comme “barque chargée de foin” ; FEW 19, 24b barda’a. barré, -ée adj. “dont le fond est consolidé par une ou plusieurs barres de bois (en parlant d’une barrique, d’un tonneau)” : 1411 « vendicion d’une douzaine de pipes de chargement, cuvertes, barrees et estanches*, et d’un tonnea rapet [voir rapeux] » (AHSA 26, 374). — Si barrer “consolider à l’aide d’une barre” est attesté dp. 1144 (TLF), les dictionnaires consultés ne mentionnent pas l’emploi de ce mot appliqué à un tonneau. batail n. m. “battant (de cloche)” : 1417 « A Bigot, marechal, pour faire tout a neuf le batail du reloge, lequel batail estoit rompu tout a travers et cheu a bas sur le plancher du reloge, xxii s. vi d. » (AHSA 32, 235) ; 1419 « trois brasses de menues cordes a tirer le batail du saing » (AHSA 32, 272). — Attestations, dont la première est citée par Musset, contemporaines de celles donnée par Gdf (1416-1418, Orléans), repris par TLF s.v. batail. Le terme est représenté à l’époque moderne dans une aire compacte (Centre, Poitou, Aunis, Saintonge) ; DMF (1497) ; FEW 1, 289b, *battuaculum. bâton n. “rixe, bagarre” : 1408 « Guagea l’amande Pierrre Giraut, recuvreur, pour acort fait avecques Perrin Tailhandier, pour cause de baton fait entre eulx » (AHSA 26, 269) ; 1411 « certaine compocision faite entre eulx, a cause de baton et injures que ledit Malevau avait fait au fils dudit Berthelot » (AHSA 26, 356) ; 1425 « lesdites injures et baston » (AHSA 32, 393). — Absent en ce sens des dictionnaires consultés et de ACMatthey, 2006, bastum, ‹ www.atilf.fr/few ›.

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batteresse n. f. “orage (de grêle) qui détruit les récoltes” : 1417 « A Perrinet de Baumont, charpentier, la somme de dix souls pour avoir adoubé* […] certaines pipes a mectre vin en l’annee de la bateresse » (AHSA 32, 230-231). — Première attestation (citée dans Musset) de ce mot, caractéristique du Centre-Ouest (Poitou, Aunis, Saintonge), par rapport aux données de Gdf (1620, à Poitiers ; repris dans FEW) ; ∅  DMF ; FEW 1, 292a battuere. belinau n. m. “variété d’étoffe de laine” : 1391 « un drap de belyneau, xx aunes de toile » (AHSA 24, 364). — Attesté au 15e s. (Gdf) ; ∅  DMF ; sens absent de FEW 1, 220a et 1, 289a. bers n. m. “bât (?)” : 1375 « Colin Lalement, faiseur de bers a chevaulz, bourgeois de nostre ville de La Rochelle » (AN, JJ 106, n° 164, f. 91). — Sens absent de Gdf ; ∅  DMF ; cf. FEW 1, 337b, *bertiare. besoche voir brin bestiaire n. m. “bétail” : 1389 « la nuyt de ceste feste de Noel, aucunes gens de Saint Jehan d’Angeli sont venuz a Bouteville et ont brisé les portes d’une maison ou le bestyaire de ladite ville [...] estoit […] et en ont emblé une partie dudit bestyaire » (AHSA 24, 334) ; 1406 « ses bœufs et bestiaire ont meffait es motes dudit Jehan de La Font » (AHSA 26, 166) ; 1453 « lesquelz commancerent a toucher et chasser le dit bestiaire devant eulx pour le mener […] en prison » (AN, JJ 184, n° 332, f. 237). — Première attestation (1389, citée par Musset s.v. bétières) par rapport aux données de Gdf (1393) et de DMF (1397, en Poitou) ; FEW 1, 340b, bestia. beusail n. m. “dent (d’une fourche)” : 1412 : « une fourche a deux bansailz, une autre fourche a iii bansailz » (ASHA 32, 49). — Première attestation (vérifiée sur le ms.) par rapport aux données de DMF (beusail 1476, Poitou) ; à ranger peut-être dans FEW 1, 383, *bissus. bigue roque n. f. “taxe [dont on n’a pu déterminer la nature]” : 1395 « le receveur de l’ordenance damandee a la commune / a cause de bigue rogue » (AHSA 26, 14-15) et « que la ville fust quipte de l livres que le receveur de l’ordinaire demandet pour bigue roque » (ASHA 26, 16). — Non retrouvé dans les ouvrages consultés. bille n. f. jouer a la bille loc. verb. “?” : 1398 « ledit suppliant […] et autres […] entreprindrent a jouer a la bille pour le vin […]. Et en ce faisant le dit Chauvet par grand malice donna d’une bille qui estoit de pié et demi de long et grosse comme le bras d’un homme sur la main du dit suppliant, un cop qui lui fist grand mal » (AN, JJ 153, n° 273, f. 179). — Emploi absent des dictionnaires consultés et de FEW 1, 364a, *bilia. Cf. déjà en 1394 en Poitou « au jeu que on appelle au pays au jeu de la bille » (Arch. nat., JJ 146, f. 247, cité dans Jean-Michel Mehl, Les Jeux au royaume de France. Du xiie au début du xvie siècle, Paris, Fayard, 1990, 48). Le jeu de la bille est un jeu de lancer dont la nature précise est difficile à déterminer ; on peut cependant penser qu’il s’apparente ici à un jeu de bâton/bâtonnet qu’on projette avec un plus grand bâton, en raison de la description qui est faite de la bille. billette n. f. “lettre de sauf-conduit” : 1382 « Jehan Magnien […] vint a bocou de gens […] par manière d’ostilité et par nuyt, disans estre anglois, en demandant aux bonnes gens desdiz lieu de Bernay et de Liguylh leur bilhete » (AHSA 24, 267). — Première attestation par rapport aux données de Gdf (1389, repris dans TLF, et 1392) et de DMF billette 4 (1483) ; cf. FEW 1, 614a, bulla (14e s.).

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[blesons] n. f. pl. “époque des semailles, emblavures” : 1406 « en blecsons [sic] qui vient aura deux ans il a fait a Pierre Achart et a sa requeste une journee avec ses beufs » (AHSA 26, 162) ; 1406 « ledit Heliot fist en ces bleesons, a deux ans, une journee o ses deux beufs et charrue a couvrir du blé » (AHSA 26, 166). — Dérivé sur bleer “emblaver”, lequel est attesté depuis 1345 (FEW ; Gdf blaier1 ; DMF blayer2) ; aj. à FEW 15/1, 129b, *blad. bois n. m. bois a chauffage loc. nom. “bois destiné à alimenter le feu (d’une cheminée), bois de chauffage” : 1476 « appointter du bois a chauffage » (AN, JJ 195, n° 1537, f. 370). — Absent de DMF et GdfC ; TLF (non daté) ; absent de FEW 15/1, 204b, *bosk-. boucheret adj. couteau boucheret loc. nom. “couteau à dépecer (?)” : 1492 « ung cousteau boucheret assez grant » (AN, JJ 223, n° 44, f. 26). — Non retrouvé dans les dictionnaires consultés. bougette n. f. “coffret, boîte” : 1447 « une bougette ou boete [...] en laquelle selon que l’on dit avoit trois lingoz d’or » (AN, JJ 186, n° 96, f. 36v°). — Première attestation de ce sens par rapport aux données de Gdf (1505, Tournai) ; sens absent de DMF ; FEW 1, 605a, bulga (“coffre” 1633). bourelle n. f. “bourriche” : 1397 « toutefoiz et quantes que poissons frois sera mis et expousé en vente sur les bancs de ladite ville […] et hors des bourelles » (AHSA 26, 51). — Forme, vérifiée sur le manucrit, absente des dictionnaires consultés, y compris FEW 1, 644b, burra ; la forme actuelle bourolle n’est attestée (en Poitou) que dep. 1488 (« bouterelles d’oisils, bourolles, paniers et autres engins », cité par Lalanne s.v. boutrelle). boutetonneau n. m. “transporteur de tonneaux” : 1332 « David, le boutetonneau » (AHSA 24, 87). — Première attestation par rapport aux données de Musset (1471) et de FEW (1476, Saintonge) ; ∅  Gdf, DMF ; FEW 15/1, 227a, *botan. bouton n. m. faire un bouton loc. verb. “faire une blessure avec une arme blanche” : ca 1385 « Et pour ce, ledit chevalier lui dist ces paroles en substance : “Hoate, je ne cuidoie pas avoir desservi que tu me voulsisses tuer mon filz et une autre foiz nous en pourrons bien compter devant mons. d’Aunoy ou devant le roy par aventure.” Dont ledit Hoate dist et respondi que pour nous ne pour ledit sire d’Aunoy […] il ne feroit un grant bouton tout oultre den sa gorge » (AN, JJ 149, n° 215, f. 114). — Absente des ouvrages consultés, la locution semble être l’équivalent de l’actuel faire une boutonnière (dp. 1835, FEW 15/1, 224b, bôtan). branle n. m. sonner a branle loc. verb. “sonner à la volée” : 1392 « tenant nostre mesee* pleniere, emprés le sain de ladite commune sonné a branle par la maniere acostumee » (AHSA 24, 390) ; 1419 « Pour la despence de ceux qui furent a soupendre le saint du reloge […]. Pour la despence de ceux qui furent a le descendre ou il estoit soupendu pour l’aider a ferrer et sonner a branle » (AHSA 32, 298-299). — Première attestation par rapport aux données de DMF (1411) et de TLF (ca 1463, Villon) ; ∅  Gdf ; FEW 15/1, 249a, brand. brin n. m. “dent (d’une fourche)” : 1406 « une besoche, une fourche de fer a trois brains, un trahan de fer » (AHSA 26, 247). — Cité par Musset s.v. bedoche, ce passage offre un sens de brin absent des dictionnaires consultés (par analogie de brin “petite tige de végétal”, dp. ca 1393, TLF), y compris FEW 1, 528-529 *brinos. Par ailleurs,

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besoche “petite houe“ et trahan “fourche à trois dents” sont deux mots de l’Ouest, attestés (i) au 12e s. (FEW 1, 380a, *bisocca) et en 1388-1450 (DMF) et (ii) en 1329 (Gdf, repris dans FEW 13/2, 268a, tridens) ; le premier y est aujourd’hui représenté sous la forme bedoche (v. RézeauOuest) et le second, sous diverses variantes, surtout au sens de “croc pour ôter le fumier de l’étable” (ALO 533). broie n. f. “barre de bois avec laquelle on donne sa dernière façon à la pâte de la fouace” : 1376 « une grant broye pour broier* fouasses […] et une met pour petrir paste » (AHSA 24, 201). — Donné au sens de “pétrin” dans Gdf (1403, non localisé ; repris dans DMF), mais FEW 15/1, 269b, *brekan relève déjà au 13e s. le sens cidessus analysé, qui convient mieux à ce contexte où d’ailleurs broye s’oppose à met “pétrin”. broyer v. tr. “donner sa dernière façon à la pâte de la fouace” : 1376 voir s.v. broie ; 1451 « un grant bois de quoy on braye la fouace » (AHP 32, 208, dans DMF). — D’abord attesté en judéofr. brier (FEW) ; Gdf (1451, s.v. broion, texte différent de celui cité ci-dessus à cette date, non localisé ; repris dans FEW) ; FEW 15/1, 269a, *brekan. burin n. m. “instrument d’acier pour graver sur les métaux” : 1382 « elle estoit assise et faisoit besoigne dudit mestier d’orfeverie en son hostel et tenant en sa main un oustil ou ferrement servant au dit mestier, nommé burin » (AN, JJ 121, n° 192, f. 102v°). — Première attestation par rapport aux données de FEW (1420 ; repris dans TLF et DMF) ; ∅  Gdf ; FEW 15/1, 191-192, *boro. canard n. m. battre en canard loc. verb. “?” : 1534 « led. Bastien gecta sur un marchepied de lit led. Mathurin Dubois et le tenoit soubs luy, luy disant qu’il le basteroit en canard » (AN, JJ 247, n° 30, f. 21v°). — Absent des dictionnaires consultés, y compris Di Stefano et FEW 2, 165b-166a, kan. Peut-être faut-il comprendre “qu’il le battrait, en lâche qu’il était” (cf. « faire le canard, s’esquiver au moment du danger », ATF dans Di Stefano) ; dans ce cas, il ne s’agirait pas d’une locution figée, mais d’un emploi de canard au sens “lâche, poltron”. carriere n. f. “tablier (d’un pont-levis)” : 1425 « bois quarré […] pour faire la carriere du pont de la porte d’Aunis » (AHSA 32, 411). — Sens absent de Gdf, DMF et FEW 2, 412b-413a, *carraria. chandelle n. f. a la chandelle loc. adv. “(dans une vente aux enchères, l’extinction de la chandelle voyant attribuer la vente au dernier enchérisseur)” : 1413 « Au jour duy a esté baillé a l’ancher a Jehan Dangiers, comme au plus offrant et dernier encherisseur, a la chandelle, la ferme du double du souchet » (AHSA 32, 66). — Par ellipse de a la chandelle esteinte/faillie/fermee (pour lesquels v. DMF). Les comptes de l’Échevinage de Saint-Jean-d’Angély mentionnent les frais de chandelle entraînés par les adjudications de la perception des fermes, ainsi : « Le xvie jour d’avrilh, l’an mil ccc iiiixx et dix, furent mises les fermes du souchet et entres de la ville en vente […] et fu alumé la chandelle » (AHSA 24, 339) et « Le xxiiie jour de juing [1425] que furent baillees et livrees lesdites fermes de ladite ville, pour chandelles et une torche de cere ad ce necessaire […] vi s. iii d. » (AHSA 32, 371) ; ∅  FEW 2, 178a, candela. chanvre n. f. “plante (cannabinacées) cultivée pour ses fibres textiles” : 1332 « un cable, du poiz de xviii lib., de bonne charbe » (AHSA 24, 60) ; 1397 voir s.v. coin. — La

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forme charbe, absente de Gdf et DMF, est attestée en Saintonge en 1496 (Musset) et à l’époque moderne (FEW) ; FEW 2, 210a, cannabis. chapuise n. f. 1. “bois de charpente” : 1388 « que pour ce que les portes de Malpertuis sont si maulvaises que eles ne se peuvent soustenir et qu’elles ne sont pas reparables* […], qu’elles soient abatues et que la chapuse et l’ardoize que l’on en pourra sauver et garantir soit aporté et mis en sauvation » (AHSA 24, 323). 2. “atelier de charpentier, de tonnelier” : 1333 « un certain nombre de tonneaux qui estoient en sa chapuse arrestez [“saisis”] pour souspicion que ils ne fussient de loyal moezon [“capacité”], il avoit fait ou lessé estre oustez de ladite chapuise sans licence de mons. le mere » (AHSA 24, 77). — Relevé dans la Vienne et la Saintonge aux 15e et 16 e s. au sens de “charpente” (Gdf, repris dans DMF ; Musset ; DMF ; FEW). Déverbal d’afr. mfr. chapu(i)ser “charpenter, travailler le bois”, lequel est représenté dans une aire très vaste, qui dépasse largement la Saintonge (DRF s.v. chapuser) ; FEW 2, 282b, *cappare. chauffoir n. m. “récipient de métal contenant de l’eau chaude, destiné à divers usages domestiques” : 1390 « une coytepainte, un bassin et un chauffour qui ont esté promiz au receveur de Bouteville » (AHSA 24, 347) ; 1406 « Une payelle de fer, un petit paylon et une oulhere d’airain ; un mortier de pierre ; une riboule [v. reboule] de boys […] ; douze sauneres [v. saunière] [...] ; trois chauffeurs et trois bassins a laver les mains sur table » (AHSA 26, 246). — Les exemples offrent des variantes de chauffoir, lequel est attesté en ce sens depuis le 13e s. (FEW 2, 79a, calefacere) ; cf. la forme chauffouers pl. (1396), indûment rangée s.v. chauffoire dans DMF. chènevin n. m. “plante (cannabinacées) cultivée pour ses fibres textiles, chanvre” : 1406 « vint livres de fil de lin et de chenevin » (AHSA 26, 247). — Attesté aussi en Poitou (1422, DMF) ; ∅  Gdf ; FEW 2, 213a, cannabis (« poit. »). cherche n. m. “celui qui surveille, qui inspecte” : 1379 « que Pierre du Meslier, le jeune, soit serche des tavernes » (AHSA 24, 215). — Par extension d’afr. mfr. cerche “veilleur de nuit, guet” (FEW 2, 695b, circare) ; ∅  Gdf et DMF. chevalet n. m. “support en bois sur lequel on pose une arme ; par restriction affût (de canon)” : 1420 « le bois pour le chevalet du canon de la porte Masta » (AHSA 32, 301). — Première attestation par rapport aux données de TLF (1430) et de DMF (1477, dans cet emploi) ; FEW 2, 10, caballus (15e s.). chien n. m. “outil de tonnelier servant à écarter les douves d’un tonneau pour encastrer le fond” : 1412 « Deux douloirs [voir doloire], […] un feuillet*, une coignee. Trois culeres [v. cuiller], un sizea, une plane, un fer de plane, un chien, un demi quarteron d’oisil* » (AHSA 32, 47). — Première attestation de ce sens par rapport aux données de FEW (1694) et de Musset (1768) ; ∅  Gdf et DMF ; FEW 2, 195a, canis. cloche n. f. cloche de Bretagne loc. nom. f. “(nom d’un poisson non identifié)” : 1411 « certaine quantité de poisson comme raye, cloche de Bretaigne » (AHSA 26, 360). — Non retrouvé dans les dictionnaires consultés ; cf. Gdf cloche de merlu “morceau de merlu”, 1500, dans la Vienne. cocuier n. m. “marchand d’œufs et de volailles ” : 1385 « Pierre de Mausé, cocuier […]. Condampné est par jugement Pierre Faure payer a Pierre de Mausé, coscuier, sept souls six deniers […] a cause de trois jours qu’il fut apareilher la viande des nosces de la filhe dudit Piere » (AHSA 24, 269). — ∅  DMF ; forme absente de FEW 2, 858, kok-.

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coin n. m. “tas (de forme plus ou moins conique)” : 1397 « Un coing de charbe [voir chanvre], avalué a dix souls v deniers » (AHSA 26, 83). — Première attestation de cet emploi, absent de FEW 2, 1533b, cuneus. commuter v. tr. “commuer” : 1354 « plein pouvoir et mandement especial de […] instituer et destituer* toutes manieres d’officiers, de ramener nos ennemiz a nostre obeissance et grace, et de leur commuter, remectre et pardonner touz crimes, malefaçons et autres deliz quelconques » (AHSA 24, 140-141). — Première attestation par rapport aux données de FEW (1614 ; repris dans TLF) ; Gdf ∅ ; sens absent de DMF ; FEW 2, 964a, commutare. compeller v. tr. “contraindre, forcer” : 1368 « Comme le chastellain de la ville Saint Johan nous requeist et feist demande que nous vossissons commander et compeller les homes et subgiez de reverent pere en Dieu l’abbé du moustier Saint Johan et les membres appartenant a yceluy, du ressort et chastelainie dudit chastel, a contribuer aus reparacions d’icelluy » (AHSA 24, 143) ; 1380 « de enquerre ceux qui ne font guet en la ville de Saint Jehan et de iceulx fere conpeller par mandement et raison » (AHSA 24, 242) ; 1381 « Sont d’assentement tous les dessuz diz que yceulx qui ne font pas leur devoir a la conservacion et garde de la ville, que monsieur le maire les puisset compeller » (AHSA 24, 261). — Attesté dp. ca 1370 (DMF) et au 15e s. (Gdf) ; FEW 2, 975b, compellare. compromis n. m. “accord obtenu par concessions mutuelles des parties en présence” : 1331 « Le compromis jugé entre Bourges et ses freres et suers et Guillaume Langles, le mercredi avant Pasques, est continué en mesme forme ducques a vendredi prochain » (AHSA 24, 56). — Première attestation de ce sens par rapport aux données de TLF (1461) et de DMF (1486) ; ∅  Gdf ; FEW 2, 990b, compromittere. conduit n. m. “cours d’eau, canal navigable” : 1345 voir s.v. fossé. — Gdf (16 e s.) ; ∅  DMF ; FEW 2, 1026a, conducere (afr. “cours d’un fleuve”). consorte n. f. “épouse” : 1363 « A tous ceulx qui ces presentes lettres verront et orront, Archambaut […], seigneur de Mastaz et Loyse de Mastaz [...], nostre consorte, salut » (AHSA 24, 204). — Première attestation par rapport aux données de TLF (ca 1370, d’après T-L), de Gdf (1384, repris dans DMF et FEW) et de Musset (1393) ; FEW 2, 1078a, consors. cornard adj. “recourbé (en parlant d’un clou)” : 1395 « il s’en ala a une arche […] et, avecques un clou cornart, prinst et embla dix et sept escuz d’or » (AHSA 24, 438). — Absent des dictionnaires consultés, y compris FEW 2, cornu. corps n. m. le corps Jesus Christ loc. nom. m. “la Fête-Dieu” : 1392 « le jour du corps Jhesu Christ prochain venant » (AHSA 24, 391). — Absent des dictionnaires consultés, y compris FEW 2, corpus. Fixée au jeudi qui suit l’octave de la Pentecôte, la Fête-Dieu a été instituée en 1264 par le pape Urbain iv, sous les noms de Corpus Domini ou Corpus Christi. coter a qqn v. tr. indir. “heurter, frapper” : 1333 « il estoit en une taverne ou il bevoit, en laquelle taverne il avoit deux bretes qui s’entrebattoient et s’entretournoient ensemble et […] il dona a l’une des bretes, qui maintenant est morte, d’un coutel, més il ne cuida pas ferir du tranchant més du plat, et […] ladite feme chei dessus le coutel de dessus une table, et si dist qu’il n’avoit pas coté a nule des elles » (AHSA 24, 107). — Variante de cotir (dp. 1265-78, dans TLF ; DMF ; Gdf) par changement de conjugai-

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son, conservée notamment en Saintonge à l’époque moderne. Musset renvoie à cet exemple sans le citer, avec une erreur de page (167 au lieu de 107) ; ∅  DMF ; FEW 2, 1155b, koptein. coupeur n. m. copeur de couilles loc. nom. m. “châtreur” : 1412 voir s.v. tailler. — Absent des dictionnaires consultés, y compris FEW ; dérivé sur couper “châtrer”, lequel n’est attesté qu’en 1678 (FEW 2, 875a, colaphus). courser v. tr. “poursuivre à la course, courir après” : 1380 « ils encontrerent aus enemis ou larrons qui enmenoient iv beufs lesquels ils courserent et amenerent a Saint Jehan » (AHSA 244, 241). — Première attestation par rapport aux données de Gdf (15e s. “faire courir (un cheval)”, repris dans FEW). — Musset renvoie à ce passage sans le citer ; ∅  DMF ; TLF “poursuivre à la course” (1843) ; FEW 2, 1577a, cursus. cousturerie n. f. “travail de couture” : 1332 « [xiv sols dus a Jouot [sic] de Guairande, cousturier] de son mestier de cousturerie […] / [xxx sous dus a Jhanot de Guairande] pour son service de cousturerie » (AHSA 24, 54 et 67) ; 1417 « A Jehannette Margarite, quinze souls, pour certain ouvrage de cousturerie qu’elle a fait […] c’est assavoir pour faire linceulx neufs, adouber* linceulx vieilhs et pour adouber* robes, coiffes et chausses aux enffans » (AHSA 32, 230). — Premières attestations par rapport aux données de Gdf (1443 “métier du couturier”, repris dans FEW et DMF) ; FEW 2, 1009a, *consutura. couteau n. m. couteau de Prague loc. nom. “sorte de petit couteau” : 1492 « un couteau de Prague qu’il avoit » (AN, JJ 226B, n° 603, f. 115v°). — Cf. couteau pragois, DMF Greban ca 1450 et FEW 20, 44a, Prag, couteau pragois (Greban ; 1456 DC ) et 22/2, 89b ‘couteau’ (couteau paragoys 1524, d’après Musset). couveau n. m. “pot de terre dans lequel on met de la braise pour se chauffer ou [définition de l’éditeur] panier où l’on met couver les poules ” : 1406 « un boisseau ferré et un quartau de boys ; deux tamis et deux couveaux » (AHSA 26, 247). — Ce passage est cité dans TLF s.v. couvet, couvot, d’après IGLF mais avec une date erronée (1391) ; une forme couwet est attestée en wallon dès 1350 (GdfC) ; forme absente de FEW 2, 1444b-1445a, cubare. crapaud n. m. “cadenas” : 1399 « Ont ordené que le receveur face fere et metre un crapaut en l’arche des privileges de la commune et auxi y aura deux clefs en ladite arche » (AHSA 26, 91) ; 1405 « Bernart Tronquiere gardera ceste presente annee la clef de l’arche ou sont les privileges et le grant scel de la commune, et monsieur le maire gardera la clef du grapaut » (AHSA 26, 129). — Premières attestations par rapport aux données de Gdf (1459 ; repris dans FEW, avec le sens erroné de “guichet”) ; on notera, dans le second exemple, la sonorisation de l’initiale, encore bien représentée à l’époque moderne dans la région (FEW). Sens absent de DMF ; FEW 16, 362a (grapaut) et 364a (crapaud), *krappa. croisade n. f. croisade de Portugal loc. nom. f. “monnaie d’or fin” : 1488 « la somme de deux cens livres tourn. qu’il luy a paiees tant en especes de croisades de Portugal, escuz d’or bons, que dras de lenne et ung ruby » (AN, JJ 219, n° 87, f. 53). — Attesté en 1499 n. st. (« Les ducatz de Venise, Florence […] et croisades de Portugal, du poix de deux deniers, dix-huit grains », Ordonnances des rois de France de la troisième race, Paris, Imprimerie nationale, t. 21, 1849, 165) ; absent de Gdf, DMF, TLF, FEW 2, 1379b, crux.

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cuiller n. f. “gouge (de tonnelier) pour travailler le bois” : 1412 voir s.v. chien. — Première attestation par rapport aux données de FEW (Trév 1704) ; ∅  DMF ; FEW 2, 828b, cochlear. cul n. m. son cul vaut mieux que ta bouche loc. verb. “(pour signifier à un calomniateur, de façon injurieuse, le peu de cas que l’on fait de ses propos)” : 1465 « le dit Pierre Maillon […] lui dist qu’il avoit mal parlé de la chastellaine et de sa femme […] lequel Maillon dist au dit suppliant qu’il mantoit et que la pire d’elles valloit mieux au cul qu’il ne faisoit en la bouche » (AN, JJ 194, n° 75, f. 41v°). — Non retrouvé dans les sources consultées, y compris Di Stefano. curoir n. m. “outil avec lequel on nettoie le soc d’une charrue, curette” : 1496 « lesd. Jaques et Micheau Gobilz […] frappoient sur le dit Guichart de grans coup d’aiguillons, de pierres et de curouers de charrues » (AN, JJ 227, n° 158, f. 79). — Gdf cureur (1378, Poitou, repris dans DMF) ; FEW 2, 1559b, curare (Cotgrave 1611) ; Musset (17e s.). darne n. f. “tranche (de gros poisson)” : 1406 « il a detailhé […] la darne de la maygre plus petite que la gauge ordennee » (AHSA 26, 225). — TLF relève darne de saumon en 1216-1218 et darne de thon en 1505 (d’après GdfC). L’exemple ci-dessus fournit un jalon intéressant, auquel on joindra darnes de maigres en 1402 à Pons (Musset) ; DMF 1473 darne de saumon (AHP 38, 331) ; FEW 20, 9a darn (1528). dèche n. f. “délabrement, ruine” : 1353 « les murs et barbacannes de la cloison de la ville Saint Jehan Dangeli sont si derompus et degastés et tournés a grant ruine et deche » (AHSA 24, 138). — Emprunt d’apr. dec(h)a f. “défaut ; dommage” et successeurs, emprunté par l’argot au 19e s., indépendamment ; FEW 2, 29a, cadere (“déficit” 1837). découverte n. f. “mise à nu de la pierre à extraire par enlèvement de la couche de terre qui la recouvre” : 1332 « [Demandes de paiement] pour cause de trayre et adouber* pierres a l’euvre de la ville, et de descouvertes » (AHSA 24, 70). — Sens absent de Gdf et DMF ; première attestation par rapport aux données de FEW « mfr. descouvert “surface nue de la terre” (Molinet–16 e s.) et morv. Chablis, Mâcon faire un découvert “enlever le dessus d’une carrière pour en tirer la pierre”. Neuch. Waadt faire une découverte f. » ; FEW 2, 1143a, cooperire. défoncer , v. tr. “ôter le fond (d’un tonnneau)” : 1332 « Bertin de Boucourt, charpentier, a confessé que touz les tonneaux que il a pris a adouber* de sire Johan de Laries […] il doit deffonser d’un bout et de deux si mester est, et touz ceux qui ne sont pas de moezon [= capacité réglementaire] il doit retourner a droite moezon et en doit ouster tout aubour* » (AHSA 24, 73-74) ; 1406 « quatre vingt et douze pipes veilhes, telles quelles, chascune deffonsee d’un bout » (AHSA 26, 247). — GdfC (1385), TLF (1393) ; DMF (1402), FEW (14e s.) ; Musset cite le premier exemple s.v. adouber ; FEW 3, 870b, fundus. [dégagner] v. tr. “infliger une amende à quelqu’un” : 1381 « Sont d’assentement [...] que monsieur le maire puisse desgaigner celi ou ceux qui deffaudront a la garde porte*, au guayt et reguayt* et estierguait [voir esteguet], pour chascun deffaut deux souls six deniers » (AHSA 24, 257) ; 1382 « Sont d’asentement les dessus diz que tous ceulx qui seroient desobeissans a la garde de la ville qu’ilz soient punys et degnaiez [sic]

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par la manière qu’il soit exemple a touz les autres » (AHSA 24, 265). — Absent des dictionnaires consultés, sauf FEW 17, 466b, *wai đanjan, qui relève en picard, en un sens voisin, dégaigner “rendre de l’argent qu’on doit”. dégât n. m. “utilisation, consommation” : 1396 « et pour le desgast de iii torches de cire qui furent portees un soir bien tart [….] au devant dudit monsieur le comte » (AHSA 26, 16). — Emploi absent de DMF et Gdf ; FEW 14, 204a, vastare « Apr. degast “consommation” LvP. Mfr. nfr. (Est 1538-Trév 1721) ». déroger a qqc v. tr. indir. “manquer à, se soustraire à” : 1368 « que il ne derogues [sic] en riens par le temps a venir audiz mayre et chastelain aus droiz que il y ons ou pevent avoir » (AHSA 24, 144). — Gdf (1370 ; repris dans TLF) ; DMF (1446) ; FEW 3, 50a, derogare (dp. 14e s.). désemparer v. tr. “abandonner (un animal)” : 1374 « il venoit son chemin entre Mesle et Rouffet ob bestes chargeez de froment et, pour ce qu’il vit gens de cheval sur le païs, avoit desemparé ses bestes » (AHSA 24, 173). — Gdf (1418 ; repris dans TLF) ; cet emploi manque dans DMF ; FEW 7, 632b, parare “quitter, abandonner” (hap. 15e s.). destituer v. tr. “priver d’une charge, d’une fonction” : 1354 voir s.v. commuter. — Première attestation par rapport aux données des dictionnaires : DMF (1400-1410) ; TLF (1482) ; GdfC (1568/1578) ; FEW 3, 56a, destituere (dp. le 15e s.). dizaine n. f. “division d’une milice populaire chargée de la sécurité de la ville ; par métonymie subdivision des quartiers de la ville sous la responsabilité d’un membre de cette milice” : 1383 « Guagea l’amande Jehan Pastoureau de ce qu’il reffusa de prendre la charge d’une dizenne » (AHSA 24, 306) ; 1390 « Que l’on facet le taux de la tailhe du pati de Bouteville [...] et que l’on le fasset lever par dizenne » (AHSA 24, 345). — Attestations intéressantes par rapport aux données de DMF (attestations du 15e s.) ; FEW 3, 23a, decem (mfr.) ; sens absent de Gdf et TLF. doigt n. m. toucher du petit doigt loc. verb. “effleurer” : 1457 « Lequel Maymon respondit audit suppl. qu’il ne s’en yroit et ne taiseroit pas pour lui et que pleust a Dieu qu’il l’eust touché du petit doy. A quoy le dit suppliant respondi audit Maymon que s’il le commançoit a batre qu’il ne le toucheroit pas du petit doy, ains le batroit tant que les chiens en mengeroit » (AN, JJ 187, n° 276, f. 148). — Locution absente de DMF, TLF et FEW 3, 76a, digitus ; cf. Di Stefano toucher du doigt (1502). doisil, n. m. payer au douzil loc. verb. “payer comptant (en parlant du vin consommé à la taverne)” : 1412 « Ont ordenné que dores en avant chacun qui yra boire a la taverne paie au douzil […], afin d’eschiver les noizes, dommages et inconveniens qui s’en pourraient ensuivre » (AHSA 32, 6). — Locution, citée par Musset, absente des autres dictionnaires consultés, y compris FEW 3, 171b, duciculus. doloire n. f. “hache de tonnelier” : 1412 voir s.v. chien. — Si le type doloire est attesté dp. ca 1150 au sens de “hache, outil de charpentier”, il ne l’est qu’en 1481 au sens de “outil de tonnelier” (TLF) ; Gdf (ca 1160, comme outil de charpentier) ; DMF (1389, comme outil de charpentier) ; FEW 3, 116b, dolare (1586). doridier n. m. “orfèvre” : 1376 « Guagea l’amande André Eschet, doridier » (AHSA 24, 203) ; 1411 « Au jour duy, Adam, le doridier, s’est mis a l’ordennance de la court pour avoir fait metre en la rue devant l’eschevinage certaines ordures punaises tellement que personne ne pouvait durer devant l’eschevinage » (AHSA 26, 332) ; 1419 « A Adam La Carriere, doridier, soixante souls tournois pour la valeur et façon* d’une

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arbaleste d’argent a donner a celui qui aura le pris des compaignons arbalestriers de la ville, lx s. t. » (AHSA 32, 297). — Premières attestations par rapport aux données de Musset (1472 dorider), de Gdf et de FEW (1545) ; ∅  DMF ; FEW 25, 1028b, aurum. doublet n. m. “bissac” : 1410 « un doublet en quoy il avoit draps, linges et autres choses qui bien povoient valoir la somme de vint soulz » (AHSA 26, 308). — Première attestation de ce sens, représenté à l’époque moderne de la Vendée à la Saintonge ; Musset (indique la référence de cet exemple sans le citer) ; ∅  Gdf et DMF ; FEW 3, 186a, duplus. drapille n. f. “habits, linge” : 1390 « ledit Simon s’en entra […] pour embler certaine drapilhe, et en aporta une coyte, un coissin de plume, une cuverte et trois hussiouls » (AHSA 24, 349) ; 1392 « Que l’on escripvit au roy nostre sire et a nos seigneurs de France […] qu’il leur plaise nous donner et octroier une letre de grace comme nulle prise de blé, vin, foin et drapilhe ne autre chose ne soit faite en ceste ville sans la volonté des habitans, et a bon pris » (AHSA 24, 383). — Première attestation par rapport aux données de DMF (1461-1462) ; Gdf (15e s.) ; FEW 3, 155b, drappus (mfr.). échafaud n. m. “encorbellement (?)” : 1550 « en icelle [rue] y a des maisons qui sont advancees bien fort qu’on appelle eschaffault et y faict merveilleusement obscur » (AN, JJ 260, n° 32, f. 17). — Sens absent de Gdf, DMF et FEW 2, 487a, *catafalicum. échelon n. m. “barreau (de ridelle)” : 1380 « le dit Chevalier […] tenoit en sa main par contenance un eschillon de charrette » (AN, JJ 116, n° 257, f. 154). — Gdf (1425) ; sens absent de DMF ; FEW 11, 267b, scala (1877). écorcherie n. f. “dépeçage d’un animal de boucherie ; par métonymie abattoir” : 1423 voir s.v. tuerie. — Attestation intéressante de ce terme par rapport aux données de DMF (ca 1370-1407, à propos d’une personne écorchée vive) ; celles de TLF (av. 1320), Gdf (1350 ; repris dans FEW) et DMF (1417) illustrent le sens métonymique “abattoir” ; FEW 3, 282a, *excorticare. écrou n. m. ou f. “pièce percée d’un trou fileté dans lequel s’engage le pas d’une vis” : 1332 « une vis* a treuyl de xii piez de lonc et de une espans de fornete [?] avecques l’escrous » (AHSA 24, 74) ; 1406 voir s.v. jumelle. — Le terme est attesté à la fin du 13e s. sous la forme escroe f. (FEW repris dans TLF), mais c’est ici la première attestation (vérifiée sur le ms.) de son emploi à propos d’une vis de pressoir par rapport aux données de Gdf (1392-1400, à Orléans) ; emploi absent de DMF ; FEW 11, 340b, scrofa. émaner v. intr. “provenir de (en parlant d’un écrit)” : 1375 « si comme il raporte par deux memoires emanez de la court de siens [“céans”] » (AHSA 24, 196). — Premières attestations par rapport aux données de TLF (1456) ; DMF (1496 ; 1453-1457 au part. passé/adj.) ; FEW 3, 216b, emanare. enchère n. f. folle enchere loc. nom. f. “différence entre le prix offert en dernier et que l’on ne peut pas payer et celui offert par l’avant-dernier offrant, et que le dernier offrant doit payer pour se libérer de ses obligations” : 1399 « S’ensuyvent les delays faiz des foles enchieres le xxiie jour du mois de septembre. Jehan de Saumur delaissa une enchiere de vint soulz, Jehan Chauveau delaissa une autre enchere de vint soulz »

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(AHSA 26, 115) ; 1383 ou 1403 « et paieront leur fole enchere » (AHSA 24, 289 ; l’incertitude de la date est due au mauvais état du document). — Premières attestations par rapport aux données de FEW (15e s.) ; ∅  DMF et Gdf ; TLF (non daté) ; FEW 2, 441b, carus. enchérisseur ln. m. fol encherisseur loc. nom. m. “celui qui fait une folle enchère” : 1383 ou 1403 « Et la ferme sera delivree au [...] que le fol encherisseur l’aura encherie » (AHSA 24, 289 ; l’incertitude de la date est due au mauvais état du document et le « […] » reproduit le texte de l’éditeur). — Cf. Gdf (1383, d’une autre source, repris dans FEW 2, 441b, carus). enrocher v. tr. “mettre (du vin) en cave” : 1417 « A Pierre Chevalier, de Voissay, la somme de trois souls quatre deniers pour avoir enroché du vin et pour adouber* la futaille a mectre l’aigrest » (AHSA 32, 228). — Première attestation de ce sens par rapport aux données de Gdf (1465, à La Rochelle ; repris par FEW et DMF). Dérivé sur roche “cave” attesté, surtout dans l’Ouest, en afr. (ca 1210) et mfr., ainsi en 1406 à St-Jeand’Angély « En la roche, deux pipes de vin […] et un tonneau » (AHSA 26, 247) ; FEW 10, 440a, *rocca. entier adj. “non châtré (d’un animal mâle)” : 1390 « un cheval bayart antier » (AHSA 24, 335). — Première attestation par rapport aux données de FEW (Montaigne) ; sens absent de DMF et Gdf ; TLF (non daté) ; FEW 4, 734b, integer. escabeau n. m. “siège individuel sans bras ni dossier, tabouret” : 1397 « une table et deux eschebaux et deux petites formes pour manger » (ASHA 26, 89) ; 1406 s.v. fonsure. — Première attestation par rapport aux données de DMF (1456) ; FEW 11, 260a, scabellum (1471) ; Gdf (1472). escabousseur n. m. (exemple définitoire) : 1391 n. st. « ledit Marot […] dist moult felonnessement : “Tu aussi deis hier a ma femme que je estoie escabousseur”, qui vault a dire ou païs d’Aunis trompeur de gens » (AN, JJ 140, n° 22, p. 21 ; lettre de rémission concernant Richard Barteau, de Bourgneuf-d’Aunis). — Hapax enregistré dans Gdf (1380, date erronée reprise par DMF) et DuCange 3, 293c, s.v. escabotum ; FEW 22/1, 138b (Aunis, 1390). esclaire n. f. “petite fenêtre” : 1425 « une fenestre ou esclaire qu’ilz ont nagueres fait faire en la redification d’un mur d’une petite maison » (AHSA 32, 403). — Jalon entre une attestation de 1325 “soupirail” (Gdf) et une autre de 1490 “lucarne” (FEW) ; sens absent de DMF ; FEW 3, 275a, *exclariare. escopasse n. f. “souquenille” : 1481 « et print et vesti le dit Bernart Grant Jehan une escopasse de toille » (AN, JJ 207, n° 114, f. 56v°). — Hapax (mal) cité dans Gdf (repris dans FEW) ; ∅  DMF ; FEW 21, 518b ‘blouse’. [esteguet] n. m. “garde de nuit aux abords de la ville”. Synon. guet de dehors (en 1410, AHSA 26, 278) : 1375 « Tous sont d’assentement que l’on facet l’estiguet par ordenance de la ville et en oustre que l’on met chescune nuyt deux homes, un de soir [sic] et l’autre devers le matin, aux despens de la ville » (AHSA 24, 189) ; 1379 « l’on fera les estigaitz par la manere qu’on le soloit fere » (AHSA 24, 222) ; 1380 « que l’on facet l’estigait de bourgeois alentour de la ville, c’est assavoir deux homes devers le soir et deux devers le matin » (AHSA 24, 236) ; 1381 voir s.v. dégagner ; 1412 « Lesquelx ont ordenné que chacun face a la garde de la ville obeissance, c’est assavoir au guet, rereguet, esteguet et garde portes*, ainsi qu’il leur sera commandé » (AHSA 32, 4) ;

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1416 « Ont ordenné faire estiguet a pié et a cheval par nuit a l’environ de ladite ville » (AHSA 32, 165). — Premières attestations par rapport aux données de FEW (1567, en Gascogne). Noter que rereguet “(synon. de reguet)” est attesté depuis 1357 (Poitou, v. Bulletin de la Société des antiquaires de l’Ouest, t. 8, 4e s., 3e trim. 1965, 187) ; 1361 (à Tours, FEW) ; 1384 (non localisé, Gdf) ; ∅  DMF ; FEW 17, 455a (et 453a pour rereguet), *wahta. estropiat n. m. “infirme” : 1556 « led. Jehan rendu stropiat du bras gauche » (AN, JJ 263, n° 463, f. 383v°). — Première attestation de cette forme par rapport aux données de TLF (1580, Montaigne, dans Hu ; repris dans FEW 13/2, 443a, turpis) et Gdf (1592, Montluc) ; ∅  DMF. étanche adj. “qui ne laisse pas passer les liquides (ici le vin, en parlant d’un tonneau)” : 1411 voir s.v. barré. — Première attestation de cet emploi par rapport aux données de TLF (où il n’est pas daté, mais qui indique 13e s. en parlant d’une chaussée et 1394 en parlant d’un bateau) ; DMF 1400-1403 (en parlant d’une embarcation) ; FEW 12, 231b-232a, *stanticare. étancher v. tr. “suspendre la vente (du vin, dans une taverne)” : 1379 voir s.v. bandon ; 1426 « quant ils voudront mestre vin a taverne et quant ils l’estancheront, qu’ilz appellent ledit commis sur paine d’amande » (AHSA 32, 185). — Déjà attesté en afr. (estanchier, 1260 dans FEW 12, 233b, *stanticare) ; ajouter à DMF s.v. étancher où ce sens manque (cf. ibid. étanche2). éventail n. m. “auvent (?)” : 1406 « que l’on facet crier par les quatre lieux acostumez a faire criz, et aussi a l’evantailh a l’eglise, que l’ouvrage […] est a bailher a priffait » (AHSA 26, 177). — On peut penser qu’il s’agit ici d’un auvent situé à l’entrée du porche (cette petite construction, habituellement sous le nom régional de ballet) est caractéristique de plusieurs églises romanes poitevino-saintongeaises). Sens absent des dictionnaires consultés, y compris FEW 14, 266b-267a ventus. exhiber v. tr. “produire en justice” : 1332 « si mestre Bernard de Marteau ne veult exhiber le testament contenant la clause de la collacion de la chappelle de l’aumonerie » (AHSA 24, 69) ; 1376 « exiber la grace ou les graces par lesquelles li ou autres ont levé, par le temps passé, le vintiesme des danreez que les habitanz de cette ville ont fait passer et repasser par davant Soubize » (AHSA 24, 164). — Ces attestions précisent et améliorent les données de GdfC (14e s. ; repris par TLF) et DMF (13911392) ; FEW 3, 294b, exhibere (dp. 13e s. [?]). exhibiteur n. m. “celui qui présente (un document)” : 1363 « nos vrais et loiaux procureur et messager especiaux […], exibiteurs de ces presentes [lettres] » (AHSA 24, 204). — Première attestation par rapport aux données de FEW 3, 294b, exhibere (1907) ; ∅  Gdf, DMF et TLF. fabriqueur n. m. “membre d’une fabrique, marguillier” : 1390 « l’evesque de Xaintes […] veult metre fabriqueurs des gens, et aux despens de ceste ville, en l’eglise monsieur Saint Jehan, laquelle chose ne fut onques faite ne acostumee » (AHSA 24, 341). — Première attestation par rapport aux données des dictionnaires : Musset (1458 fabricquers pl.) ; DMF (1462) ; FEW 3, 343a, fabrica (BouchetSérées ; Cotgrave 1611) ; ∅  Gdf. Ce dérivé sur fabrique semble avoir eu un ancrage régional occidental (Poitou et Saintonge). façon n. f. 1. “travail d’une personne, notamment d’un artisan, qui met en œuvre une matière, qui met quelque chose en forme” : 1332 « Comme P. Roy, de La Faoyle,

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demandast contre G. Langles li estre sastifet de la fasson de l tonneaux a fuer de xviii de. la piece, ledit. Guill. excepta que par convenances faiz il devoit prendre en paiement desdits tonneaux a fuer de ix t. la piece, tant il fut paié de la fasson […] / [xii sous dus a Julien Doysse, clerc] de fasson et de seaus de letres sellees du scel le roy / [...] fasson d’une huisserie » (AHSA 24, 63-64, 72 et 83) ; 1376 voir s.v. doridier ; 1419 voir s.v. doridier. — Première attestation par rapport aux données de TLF (1377). 2. “pratique culturale (de la vigne)” : ca 1384 « ledit [prestre] fera faire ladite vigne chascun an des fassons qui s’ensuyvent, c’est assavoir : dechausser, tailher, foncer*, biner et entre deux ans une fois rebiner en bonnes et droytes fayssons » (AHSA 24, 292). — Première attestation par rapport aux données de FEW 3, 359 factio (1606) et de Musset (18e s.). fangis n. m. “bourbier” : 1391 n. st. « un fangis qui estoit près d’illec ou quel avoit grant quantité de pierres » (AN, JJ 140, n° 22, 21-22 ; lettre de rémission en faveur de Richard Barteau, de Bourgneuf-d’Aunis). — Une seule autre attestation de cette forme en afr. a été relevée dans FEW 3, 410b, *fanga (1300) ; ∅  Gdf, DMF et TLF. fardeliere adj. f. corde fardeliere loc. nom. f. “corde qui sert à lier des paquets, des ballots” : 1426 « six braces et demie de cordes fardellieres » (AHSA 32, 408). — Absent des dictionnaires consultés ; aj. à FEW 19, 44a farda, auprès d’apr. fardeladiera “corde” (1376). fauchable adj. “susceptible d’être fauché (d’un pré)” : 1496 « certaine piece de pré ou marays faulchable parçonnierement* par indivis » (AN, JJ 227, n° 253, f. 131v°). — Cette attestation, bien que tardive par rapport aux données de Gdf (1279-1418) et de DMF (1387), élargit l’aire du mot que ce dernier indique seulement en « Picardie, Normandie, anglo-normand » ; FEW 3, 378a, *falcare (1700). fendeur n. m. fendeur d’oisil loc. nom. m. “celui qui fend (et vend) de l’osier” : 1374 « Guaga l’amande Margarite Lescardeuse de ce qu’elle avoit vendu a Amoins, fendeur d’oysilh [voir oisil], drap de layne mauvaix, lequel n’estoit mie faux més n’estoit pas bon et marchant » (AHSA 24, 174). — Première attestation par rapport aux données de DMF (1403), FEW (même texte de 1403 ; repris dans TLF) ; FEW 3, 549b, findere. Il faut sans doute lire dans ce passage l’escardeuse “la cardeuse” ; attesté en 1373 (Gdf), le type escardeur est représenté à l’époque moderne en Poitou et Saintonge (FEW 2, 370b, carduus). fermement n. m. “moment où l’on ferme (une porte), fermeture” : 1395 « et iceulx homes et gardes ne partiront point de ladite garde dés la porte uvrant jusques au frememant » (AHSA 24, 423). — Première attestation par rapport aux données de FEW (1549) ; ∅  Gdf, DMF ; FEW 3, 573b firmare. fermeral n. m. “celui qui attribue une ferme” : 1385 « lesdiz fermiers ont paié a messieurs le maire et ses fermeraux quatre vins sept livres dix soulz » (AHSA 24, 311). — Dérivé sur fermer “fermier”, avec le suffixe -al ; absent des dictionnaires consultés, y compris FEW s.v. firmare. fermeur n. m. “celui qui prend à ferme (une taxe), fermier” : 1375 « Que tout home qui metra vin a taverne sans congié des fermeurs du souchet paiera de payne pour pipe cinq soulz et pour tonneau dix soulz » (AHSA 24, 162). — Cette variante de fermier, dérivée sur ferme, est absente des dictionnaires consultés, y compris FEW s.v. firmare.

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ferrasse n. f. “morceau de fer (peut-être ici, bandage en fer d’une roue)” : 1375 « courves, cloux et ferrasses qui ont été teneues de certains chariots » (AHSA 24, 188). — Sens absent des dictionnaires consultés ; à rapprocher, pour le sens, de ferrage “garniture de fer d’une roue” (attesté ca 1395, TLF) ; aj. à FEW 3, 472a, ferrum. feuille n. f. “rameau de feuillage servant d’enseigne à un cabaret” : 1379 voir s.v. bandon. — Emploi absent des dictionnaires consultés ; cf. FEW vendre a la feuillée “vendre en détail (du vin, se dit de ceux qui ont attaché à leur maison, pour enseigne, un rameau de verdure)” (1807, Lorraine) ; aj. à FEW 3, 679b, folium. feuillet n. m. “scie” : 1412 voir s.v. chien. — Première attestation (citée dans Musset) de ce sens, représenté à l’époque moderne dans deux aires : Ouest (Poitou, Aunis et Saintonge) et plus à l’Est (Allier, Yonne, Franche-Comté) ; sens absent de DMF et Gdf ; FEW 3, 684a, folium (Bab. [1663]). fiche n. f. 1. “pic de fer, ou pieu en bois emmanché à une ferrure, à pointe renflée, pour planter la vigne” : 1404 « une fiche ferree dont l’en plente la vigne au païs » (AHP 26, 45) ; 1413 « un grant instrument appellé fiche a quoy on plante les vignes en la dicte ysle de Ré. […] icelle fiche qui est instrument grant et pesant […] et dist au petit bergier qu’il la portast […] ce que ne pot faire icelui petit bergier pour sa jeunesse » (AN, JJ 167, n° 167, p. 254). — La seconde date (1413) a été retenue dans FEW et TLF (d’après Gdf) et la première dans DMF (1404) ; FEW 3, 506b, *figicare. 2. “petite perche” : 1490 « une fiche ou baston duquel on tendoit lesd. bourgnons [“nasses”] » (AN, JJ 220, n° 300, f. 168). — Sens absent des dictionnaires consultés, y compris FEW loc. cit. fil n. m. fil de Hongrie loc. nom. m. “variété de fil” : 1425 « un eschevea de fil blan de ongrie » (AHSA 32, 408). — Absent des dictionnaires consultés, y compris FEW 3, filum. flotteur n. m. “celui qui travaille au flottage des bois” : 1332 « Colin Le Floteur » (AHSA 24, 88 ; considéré comme un nom propre par l’éd.). — GdfC (1415, repris dans FEW 5/2, 150b, *flot-, DMF et TLF). fonçaille n. f. “lamelle de bois utilisé pour les fonds de tonneau” : 1332 « vii cens de fonsaille » (AHSA 24, 89). — Gdf (1588) ; FEW 3, 870a, fundus (1743) ; Musset (fin 18e s. et début 19e s.) ; ∅  DMF. foncer v. tr. “défoncer (un terrain)” : ca 1384 voir s.v. façon. — Sens attesté à l’époque moderne en Anjou (FEW 3, 876a, fundus). fonsure n. f. “cadre de lit en bois, châlit” : 1406 « En la grant salle basse de l’hostel […], une table, deux eschaviaux, une fonsure […]. / En ladite chambre, une table, deux eschaviaux, une fonsure […]. En la chambre dessuz la rue, deux couches de pluime telles quelles, deux coytes pointes et deux darges de fasson du pays et une fonsure » (ASHA 26, 245 et 246 ; dans les trois cas, l’éd. a lu fonsine ou fonzine). — Gdf (1516) ; cf. DMF foncure ; FEW 3, 870a, fundus (Trév 1743 fonsure). forcis n. “attentat à la pudeur, viol” : 1390 « Jehan Buren [...] avoit esté priz la vigilhe de Saint Jehan dernier passé, par nuyt, au simetiere de Saint Jehan, par Estene Brun, prevost fermer de ladite ville, par soupesson de forssis d’une filhe » (AHSA 24, 351). — Ce dérivé de mfr. forcer “violer” (DMF) est absent des dictionnaires consultés, y compris FEW s.v. *fortiare.

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forge n. f. forge de faux loc. nom. “petite enclume portative pour battre la faux” : 1448 « une forge de faulx a fauchier que la dicte disoit qui leur avoit esté emblee » (AN, JJ 179, n° 108, f. 57v°). — Sens absent de Gdf et DMF ; FEW 3, 342b, fabrica (fin 19e s.). fossé n. m. “petit cours d’eau ou canal navigable” : 1345 « deux sols tournois que l’on y prenoit de chascun tonneau de vin qui estoit chargé en ycelui port, esdiz chanaux, fossez et conduiz* » (AHSA 24, 128). — Absent en ce sens des dictionnaires consultés, y compris FEW s.v. fossatum ; RézOuest 1984 ; RézVendée 2012. fourchet n. m. “fourche à deux dents” : 1460 « l’un d’eulx […] lui donna de son fourchet sur les doiz si grant coup qu’il lui rompy les ongles de la main » (AN, JJ 190, n° 187, f. 163). — Première attestation de cette forme par rapport aux données du FEW, qui ne l’a pas relevée pas dans l’Ouest (dp. 1872, Lar) ; ∅  DMF ; cf. Gdf forchel, fourchel “bâton fourchu ; FEW 3, 884b, furca. fourniou n. m. “fournil” : 1375 voir s.v. tape ; 1410 « entre le forniou de ladite Jehanne et la maison de Penot Cousson » (AHSA 26, 288). — Variante régionale de fournil (lequel est attesté depuis la fin du 13e s.), représentée à l’époque moderne en Poitou, Aunis et Saintonge ; Musset renvoie au texte de 1410, sans le citer ; Pignon 351 et 466 ; FEW 3, 904b, furnus. fretailler v. tr. “garnir (un vêtement) d’ornements” : 1415 « il li avoit baillé a faire trois veques (?) et deux grans chaperons doublés de drap, et lui commanda que lesdiz veques fussent fretailhees a grans fretaillheures [voir fretaillure] doubles » (AHSA 32, 138). — Première attestation de cette forme par rapport aux données de Gdf (15e s. ; fortailler 1386 “tailler trop abondamment”, repris dans FEW) ; cf. DMF fretaillé “garni de menus ornements” (dp. ca 1448-1478) ; Musset feurtaillé “déchiqueté, dentelé” ; FEW 13/1, 49a, taliare. fretaillure n. f. “ornement d’un vêtement” : 1415 voir s.v. fretailler. — Absent des dictionnaires consultés, y compris FEW s.v. taliare. frette n. f. “jeune branche de châtaignier fendue en deux pour faire des cercles de barrique et que l’on vendait en bottes” : 1374 voir s.v. oisil ; 1392 « les officiers qui ont le regart sur les chars, poissons, frete […] et autres marchandises » (AHSA 24, 377) ; 1419 « Perrin Proux, de Maseray, a esté retenu en amande vers la court pour avoir mis en vente, le jour de la foire de Saint Jean decollaisse, frette qui n’estoit pas liee comme il est ordenné d’ancienneté » (AHSA 32, 292). — Première attestation par rapport aux données de Musset (1478) de ce terme représenté à l’époque moderne en Poitou et Saintonge ; sens non dégagé dans Gdf, DMF et FEW 3, 754a, frangere et 15/2, 122a *fetur. frontière n. f. être assis en frontière loc. verb. “être en limite du territoire ennemi” : 1351 « ladite ville [Saint Jean-d’Angély] est assise en frontiere » (ASHA 24, 137) ‖ être en frontière de guerre/en la frontiere des ennemis loc. verb. “id.” 1381 « ladite ville est en frontere de guerre […] / […] ladite ville qui est en la frontiere des ennemis » (ASHA 24, 280 et 286). — DMF estre en frontiere(s) (1440 et 1442) ; loc. absentes de FEW 3, 821a, frons2. fruitaille n. f. sg. (collectif) “des fruits” : 1383 « Guagea l’amande la femme P. Roy pour ce qu’elle avoit achapté fruistailhe et potage pour revendre avant heure dehue » (AHSA 24, 306) ; 1406 « Jehan Douce et [...] Jehan Vallet [...], qui estoient accusez d’avoir laissé les murs de la ville ou ils fasoient le regait* pour aler au vergier de Boursiquaut

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querre frustailhe par nuit » (AHSA 26, 226). — Premières attestations par rapport aux données de Gdf (15e s., repris dans FEW 3, 824a fructus). fuster v. tr. “battre (de verges), fouetter” : 1332 « jugez et condepnez a porter les grifes [voir griffe] par la lengue et a estre fruytez par tous les quarrefours de ceste ville » (AHSA 24, 110) ; 1335 « Hilaire Renardele fut jugee a fruyter » (ASHA 24, 102) ; 1395 « battu et fruisté de verges » (AHSA 24, 438) ; 1417 « elle sera frustree [sic] et batue » (AHSA 26, 73). — Plusieurs exemples, tirés des registres de l’échevinage de Saint-Jean-d’Angély, sont cités par Gdf s.v. fuster (1332). La forme fuster est attestée depuis l’afr. ; FEW, 3, 917a, fustis, qui considère la variante fr- d’origine obscure, ne l’enregistre qu’en apr. galon n. m. “ruban de tissu” : 1332 « Johane [...] acheta de Robbert Raufie galons pour les filles dudit Bernard » (AHSA 24, 61). — Première attestation par rapport aux données de FEW (1379 ; repris dans TLF) et de GdfC (Cotgrave) ; ∅  DMF ; FEW 17, 477a, wala. garde-porte n. 1. N. f. “garde que l’on fait aux portes d’une ville” : 1374 voir s.v. recherche ; 1375 voir s.v. reguet ; 1380 « Lesqueux sont d’assentement que l’on facet la meilheur garde aux gais, regaix [voir reguet] et garde portes et la plus proufitable que l’on pourra, et que chescun y soit en sa personne ou qu’il y mette bonne persone et suffisante » (AHSA 24, 234) ; 1380 voir s.v. recherche ; 1381 voir s.v. dégagner. — Premières attestations par rapport aux données de Gdf (1419), auquel renvoie le DMF. 2. N. m. “celui qui garde la porte d’une ville” : 1397 « Jehan Chollet, garde porte pour Pierre du Meslier » (AHSA 26, 27). — Première attestation par rapport aux données de DMF (ca 1450) et de FEW (16 e s.) ; FEW 17, 519b, *wardôn (où la référence à Gdf pour le sens 2 supra est une erreur). garieur n. m. “garant, répondant” : 1374 « et a requis Jehan la corte delacion de avoir ses garieurs a duy en sept jours » (AHSA 24, 181). — Première attestation de ce terme par rapport aux donnnées de Gdf (1388 ; repris dans FEW, qui ne le mentionne qu’en Poitou et Saintonge) ; DMF ne le signale qu’en Anjou-Maine (1437) et en Poitou (ca 1451-1454) ; FEW 17, 527a, *warjan. garnison n. f. “équipement (d’un pressoir)” : 1321 « cuves, anceres, tonnes et autres appartenances a garnizon de troil » (ASHA 12, 234). — Première attestation par rapport aux données de DMF (ca 1360-1365) ; Gdf (2e m. 14e s.) ; FEW 17, 531b, *warnjan (2e m. 14e s.). gesteur n. m. “commissaire, délégué” : 1381 « par ces presentes faisons, constituons et establissons [...] nos procureurs, gesteurs, negocieurs*, sindix generaulx et messagers especiaulx » (AHSA 24, 275). — Première attestation par rapport aux données de Gdf (1517) ; sens absent de DMF ; terme à ajouter à FEW 4, 119a, gerere. gibecier n. m. “bourse attachée à la ceinture” : 1332 « item avoit a ladite seinture un gilbecier [sic] » (AHSA 24, 105). — Première attestation par rapport aux données de Gdf (1372, repris dans FEW) et de DMF (1457) ; FEW 16, 1b, *gabaiti. girouette n. f. “flèche, banderole mobile au sommet d’une construction, qui tourne au vent” : 1414 « pour grans clous a claver [...] audit pillori et pour la girouette sur ledit pillori » (AHSA 32, 111). — Première attestation par rapport aux données de TLF (1501) ; GdfC (1501, repris dans TLF) ; forme absente de DMF ; FEW 17, 421a, vedrviti (1509).

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goronnante adj. f. truie goronnante loc. nom. f. “truie sur le point de mettre bas ou qui a des petits” : 1426 « L’on fait assavoir a tous, de par monseigneur le maire, que nul ne soit si ardi de tenir truies goronnans en la ville, mais les mectet incontinent hors, sur paine de les perdre et d’estre abandonnees » (AHSA 32, 421). — Première attestation (citée par Musset) de ce mot, représenté à l’époque moderne dans une aire compacte (Anjou, Poitou, Saintonge) ; FEW 4, 196a, gorr- (« Aun. saint. »). greler v. tr. “tamiser, cribler” : 1414 « greler le sable » (AHSA 32, 113). — Première attestation (citée par Musset) par rapport aux données de FEW (Cotgrave 1611 guerler) de ce mot de l’Ouest, représenté à l’époque moderne du Maine à la Saintonge ; ∅  Gdf et DMF ; FEW 2, 1292b, cratis. grènetier n. m. “celui qui fait le commerce des grains” : 1421 « defense a Pierre Bidaut [...] et a touz autres mosniers et valez de mosniers qu’ilz ne soient tant hardiz de traire ni de faire traire nuls blez de ladite ville, qui soient a grenotiers, pour les mener hors » (AHSA 32, 316) ; 1425 « la femme de Pinea le grenotier » (AHSA 32, 401). — Premières attestations de la forme grenotier (absente de DMF) par rapport aux données de TLF (grenotier 1484 en Saintonge, d’après Musset) ; déjà en 1383 dans les Archives historiques du Maine 5 (1905) 292 ; FEW 4, 229a granum (1484). griffes n. f. pl. “instrument de torture qui maintenait la langue hors de la bouche” (définition de l’éditeur) : 1332 voir s.v. fuster. — Première attestation par rapport aux données de Gdf (1545 “nom de divers outils, instruments, pièces en forme de griffe” ; repris par TLF) ; sens absent de DMF ; FEW 16, 77, *grîpan. griffon adj. “à poils longs et broussailleux (?)” : 1395 « un cheval griffon a longue couhe ». — Emploi absent des dictionnaires consultés, y compris FEW s.v. gryphus. grignon n. m. “partie croustillante du pain ; pain (croustillant)” : 1531 voir s.v. lune. — Première attestation de ce sens, par rapport aux données de TLF (1553, Ronsard) ; ∅  DMF ; FEW 16, 69b-70a, grînan (“entamure d’un pain” 1568). guigne n. f. “fruit du guignier” : 1383 « Le xe jour de juign, guagea l’amande la Gachete pour ce qu’elle avoit achapté avant heure guygnes, pezeas et autres denrees pour revendre, taxee a xxv soulz » (AHSA 24, 306). — Première attestation (citée par Musset) de ce mot, par rapport aux données de TLF (ca 1393 guine ; 1563 guigne B. Palissy). DMF (ca 1392-1394) ; FEW 17, 581a, *wihsila. Concernant pezeas “pois”, dans l’exemple, on notera qu’en dehors de la forme pesels pl. attestée en judéofr. (FEW), l’attestation la plus ancienne de ce mot, bien représenté dans la région à l’époque moderne (notamment au sens de “haricot sec”, ALO 267), est fournie par Musset (peseau 1373) ; Gdf (pezeaux 1477, repris dans FEW 8, 607a, pisum). guignier n. m. “variété de cerisier qui produit des guignes” : 1457 « un arbre estant oudit vergier, autrement selon le langage du païs appellé guignier » (AN, JJ 187, n° 276, f. 148). — Première attestation en français par rapport aux données de DMF (1494, André de La Vigne) et TLF (1508, dans l’Eure, repris de FEW ; 1539, RLIR 1977, 425) ; FEW 17, 581b, *wihsila. haut adj. haut d’esprit loc. adj. “prétentieux, arrogant” : 1556 « Lesquelz Morineau et complices, hault d’esprit et violans » (AN, JJ 263, n° 469, f. 383). — Non retrouvé dans les dictionnaires consultés.

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impéritie n. f. “inaptitude physique, incapacité” : 1405 « Sont d’assentement que Giraut Vaudoin sera et demourra franc du guet, pour l’impericie de luy, et en aura letre » (ASHA 26, 137). — Première attestation par rapport à GdfC (ca 1490, repris dans TLF et DMF) ; FEW 4, 587b, imperitus. indicion n. f. premiere/seconde, etc. indicion “première/seconde, etc. année (de l’exercice d’une charge)” : 1381 « Ces choses furent faites l’an, le moys, le jour, heure et lieu que dessus […], la quinte indicion en pontifficat de trés saint peir en Cripst mons. Clemens pape viie » (AHSA 24, 285). — Sens absent des dictionnaires consultés, y compris FEW 4, 644b, indicere ; Clément vii fut pape en Avignon de 1378 à 1394. instigation n. f. “incitation, influence qui pousse à agir” : 1328 « ladite Johanne [...] avoit faite ladite complainte et denunciacion encontre ledit Guillaume de Paris pour paour et pour les menaces que li avoit fait et donné ledit Guillaume Sarpaut et a sa instigation, et si ne fust pas l’instigation et menaces dudit Guillaume Sarpaut, ladite feme non heust point fait de complainte ne n’eust rien denuncié » (AHSA 24, 44). — Première attestation par rapport aux données de Gdf (1332 ; repris dans TLF) et de DMF (ca 1370) ; FEW 4, 723a, instigare. instituer qqn son heritier v. tr. “faire de qqn son héritier, par testament” : 1412 « ledit deffunt en son testament avoit cognu Jehanne Vignere, sa cousine et parente, et institué son heritiere comme par le testament apparoissoit » (AHSA 26, 339). — Première attestation de cet emploi par rapport aux données de DMF (1486-1488) et de FEW (1552, repris dans TLF) ; emploi absent de Gdf ; FEW 4, 724a, instituere. jointer v. tr. “jointoyer (un mur)” : 1412 « reparer, joincter et afeter les murs et tours du quartier de la porte de Mastaz » (AHSA 32, 12). — Première attestation par rapport aux données de FEW (1471 le jointoyé s. m. ; repris dans TLF) ; ∅  Gdf et DMF ; FEW 5, 69a, jungere. jumelle n. f. pl. “pièces de bois symétriques qu’on utlise dans un pressoir” : 1406 « La mait du treuilh pour fouler vendange, garnie de gemelles, vix [voir vis], escrouhe [voir ecrou], fourche et chevilhe de fer » (AHSA 26, 247). — Déjà attesté à Orléans en 1402-1403 (GdfC ; repris, sans indication précise de sens, dans DMF), ce sens est représenté à l’époque moderne en Basse-Normandie, Anjou et Saintonge ; Musset gemelles (milieu 18e s.) ; FEW 4, 91a, gemellus. Noter par ailleurs que mait “cuve du pressoir”, attesté depuis le 11e s., est représenté à l’époque moderne en diverses régions, notamment en Saintonge (FEW) ; ∅  DMF ; FEW 6/1, 27a, magis. jurée n. f. “bourgeoise d’une commune” : 1376 voir s.v. tape. — Emploi féminin non relevé en ce sens dans les dictionnaires consultés, y compris FEW, où il est à ajouter s.v. jurare. lest n. m. “poids dont on charge un navire pour en assurer la stabilité quand il ne transporte pas de fret” : 1345 « le lest des nefs […], c’est assavoir la charge des chaillous, gravois, sablon et autres choses que l’en y met pour elles soustenir en mer quant elles n’aportent marchandises » (AHSA 24, 126-127). — Première attestation par rapport aux données de DMF (1416-1418), de JalN (1468), et de TLF (1473) ; FEW 16, 445b, last. lignager, -ere n. “personne de même lignage, parent” : 1381 « les lignagers appellez a ceu ont monstré excusacion pour quoy la tutelle de ladite pupille ne leur devoit estre

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bailhee » (AHSA 24, 250). — Première attestation par rapport aux données de DMF (1386-1389), FEW (1411, repris par TLF) et Gdf (1604) ; FEW 5, 353b, linea. lit n. m. estre au lit de la mort loc. verb. “être mourant” : 1390 « quant ledit Garderon, son feu seigneur, estoit au lit de la mort » (AHSA 24, 352). — Première attestation par rapport aux données de DMF (ca 1392-1394) et de FEW ; ∅  Gdf ; FEW 6/3, 141b, mors (Rich 1680-Ac 1878). livrage n. m. “livraison (d’une marchandise)” : 1331 « final compte fait sur lyvrage de vins » (AHSA 24, 64). — Première attestation par rapport aux données du DMF (1387-1388), d’un sens toujours représenté en Saintonge à l’époque moderne (Musset, 1794) ; FEW 5, 302b, livrare. lune n. f. 1. “tache de poils, de couleur différente du reste de la robe, sur le front (d’un cheval)” : 1406 « un cheval bayart [“bai”] o longue couhe et o une lune au front » (AHSA 26, 248). — Sens absent des dictionnaires consultés, mais FEW indique le dérivé lunot (et variantes), signalé aussi dans Musset “homme ou animal marqué à la tête, qui a les cheveux ou le poil de couleur différente, en forme de lune” ; ∅  Gdf et DMF ; FEW 5, 448a, luna. 2. vin de la lune loc. nom. “vin fait avec des raisins volés nuitamment” ‖ faire du vin de lune loc. verb. “faire du vin avec des raisins volés nuitamment” : 1531 « André Neautmain […] se adressa ausd. supplians leur demandent par parolles irritantes si le vin de la lune estoit tantoust bon. Auquel ledit Cothier, suppliant, dist que n’avoit point fait de vin de lune. De rechef leur demanda sy les grignons* du four estoient bons » (AN, JJ 246, n° 294, f. 27v°). — Première attestation par rapport aux données de FEW (19e s.), qui relève vin de lune à Blois et en Saintonge ; FEW 5, 447a, luna. madrier n. m. “l’une des pièces de bois formant l’assise d’un pressoir” : 1374 « doze maders de mait de treuilh, lesquieulx ont esté priz de Yvon Guilhem pour la necessité de la ville, que ilz ly soient rescouz autre doze maders aux despens de la ville, aussi bons […] et du mesme lonc » (AHSA 24, 154) ; 1379 « des maders d’une mait de truilh » (AHSA 24, 218). — Premières attestations de ce sens par rapport aux données de TLF et DMF (1379 sous la forme madier “pièce de bois faisant partie de la membrure d’une galère et qui s’appuie sur la quille” ; 1384 “grosse planche”) et de GdfC “planche épaisse” sous la forme madretz pl. (1382) ; Musset madiers de treuils (1616) ; ∅  DMF ; FEW 6/1, 490a, materium (relève ce sens à Toulouse, à l’époque moderne). mai n. m. faire son mai loc. verb. “se livrer à des réjouissances à l’occasion du mois de mai (en parlant d’une corporation)” : 1406 voir s.v. Rousons. — Emploi absent des dictionnaires consultés, y compris FEW 6/1, maius. mairie n. f. “temps pendant lequel un maire exerce sa charge, mairat” : 1357 « Ceu sont les noms de ceus qui furent offissiers en la merie sire Aymar de Marteas, qui fut derrement mere de la commune de Saint Johant d’Angely » (AHSA 24, 111). — Première attestation, par rapport aux données de FEW (1680 ; repris dans TLF) ; ∅  Gdf et DMF ; FEW 6/1, 56b, major. manche n. m. manche de pioche “partie en bois, longue et étroite, par laquelle on tient une pioche quand on l’utilise” : 1410 « un baston appellé menche de pioche » (AN, JJ 164, n° 293, f. 154). — Absent des dictionnaires consultés.

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mardi, n. m. mardi gras loc. nom. m. “mardi qui précède l’entrée en carême” ; 1333 « le mardi gras prochain » (AHSA 24, 99) ; 1406 « le jour du mardi gras prochain venant » (AHSA 26, 169). — Premières attestations par rapport aux données de DMF (1479) et de FEW (1552, Rabelais ; repris dans TLF) ; ∅  Gdf ; FEW 6/1, 378b, Mars. marquer v. tr. “faire subir des vexations à qqn, exercer des représailles contre qqn” : 1389 « lesdiz supplians qui n’ont bonement de quoy vivre ne d’ou paier les raençons a patis qu’il leur convient faire avec nos ennemiz qui occupent les lieux de Bouteville et de Mortaigne et autres, qui chascun jour les marquent et font guerre » (AHSA 24, 223). — Attesté la même année en Périgord (FEW) ; ∅  Gdf, DMF ; FEW 16, 527a, *markon. marrochon n. m. “binette pour sarcler” : 1446 « le dit suppliant […] se baissa pour prendre a terre ung marrochon ou cerclouere » (AN, JJ 178, n° 162, f. 95v°) ; 1536 « [il] donna seullement ung coup sur la teste de lad. Gaultiere dudit marrochon » (AN, JJ 249B, n° 201, f. 58v°). — Le premier exemple constitue la première attestation de ce terme du Centre-Ouest, retenue dans Gdf (repris dans FEW et DMF) ; aussi en 1534, Rabelais, Gargantua, « des marrochons, des pioches, des cerfouettes » (Œuvres complètes, éd. M. Huchon, Paris, Gallimard, 1994, 70) ; Musset (Rabelais) ; FEW 6/1, 376a, marra. mesee n. f. “réunion hebdomadaire du maire, des conseillers et des pairs de la commune (ici, Saint-Jean-d’Angély)” : 1332 « a la prochaine mese » (AHSA 24, 51-52) ; 1392 voir s.v. branle. — Attesté à la même date à Rouen (FEW) ; Musset (curieusement, le mot n’est défini qu’en référence à La Rochelle) ; DMF maizée, définit le mot en référence à Rouen avec un seul exemple concernant… St-Jean-d’Angély (1373) et des renvois aventureux au FEW ; FEW 6/1, 714b, mensis. millargeux, -euse “gâté, attaqué par les vers (en parlant de la viande)” : 1332 « il avoit vendu […] char de porc millargouze » (AHSA 24, 77) ; 1374 « que Jehan Coutetin et Jehan Boueron l’ayné ayent le regart sur toutes les malvaises chars milhargouses et autres et sur tous malvais poissons » (AHSA 24, 153) ; 1406 « il a vendu chars sallees milhargeuses » (AHSA 26, 223). — Attestations qui améliorent et complètent celles de DMF (1372), FEW (1373) et Gdf (1378) ; cf. en apr. milhargos “ladre, en parlant d’un porc” (FEW) ; DMF ; FEW 6/2, 85a, milium. moine n. m. fils/fille de moine loc. nom. “(terme d’injure)” : 1408 « ledit M. Raymont a dit en injures a la mere dudit Barilh : “Ton filz est un champiz, fils de moine” » (AHSA 26, 269) ; 1425 « ladite Jehanne […] prist un groux baston et de fait en frappa sur ledit Faure tant qu’elle pust, en l’apelant ribaut, paillart, et que sa feme estoit fille de moine » (AHSA 32, 393-394). — Absent des dictionnaires consultés, y compris FEW s.v. filia, filium et monachus. moinesse n. f. “(terme d’injure)” : 1425 voir s.v. putanaille. — Attesté comme terme d’injure en 1480 en Poitou (DMF) et déjà en 1423 (non localisé, Gdf ; repris dans FEW 6/3, 66b, monachus). monde n. m. pour personne du monde loc. adv. “jamais, pour rien au monde” : 1496 « Et non obstant ce, lesd. supplians tousjours se deffendoient au mieulx qu’ilz povoient en disant qu’ilz ne enmeneroient point ledit foing ou herbe et qu’il estoit a eulx et qu’ilz ne laisseroient pour personne du monde qu’ils ne l’enmenassent » (AN, JJ 227, n° 253, f. 132). — Non retrouvé dans les dictionnaires consultés, y compris FEW 8,

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270b-271a, persona ; le texte porte bien pour personne du monde (et non personne au monde). moutarde n. f. “poudre soporifique” : 1332 « il li donneroit a manger tele moustarde qu’il l’endormyroit. […] et quant ils furent a la taberne pour souper, […] ledit Henri mist en l’escuele ou devoit menger ledit fauconnier de une poudre qu’il portoit » (AHSA 24, 101). — Le terme est attesté en 1226 en Normandie au sens de “machination ayant un but coupable” (FEW) ; l’exemple relevé ici est intéressant pour son sens concret, même s’il est difficile de décider s’il s’agit d’une métaphore ponctuelle ou d’un emploi lexicalisé ; ∅  DMF ; FEW 6/3, 272b, mustum. nasilles n. f. pl. “naseaux (du porc)” : 1425 « il a vu ledit porc abatu et saignant par les nazilles » (AHSA 32, 403). — Première attestation (dont Musset s.v. nazeilles donne seulement la référence) de cet emploi d’un terme signalé comme hapax au 15e s. en parlant des narines d’une personne et en 1545 à propos des naseaux du taureau (FEW) ; ∅  Gdf ; DMF 1478 “narines” ; FEW 7, 33a, nasus. négoce voir ardu negocieur n. m. “celui qui est mandaté pour une négociation, négociateur” : 1381 voir s.v. gesteur. — Absent des dictionnaires consultés, y compris FEW 7, 90a, negotium. nocs n. m. pl. “fosses de tanneur” : 1406 « Est retenu en amende Jehan Fouquaut, cordouanier, de ce que luy ou ses gens ont fait une devalee au terrier de la douhe de la ville, pour prendre l’ayve de la douhe pour mettre a ses noux de cuers, dont il fera fremer ledit pas » (AHSA 26, 156) ; 1410 « uns nox a taner cuers avec leurs appartenances, assis sur l’eve de la doue de ladite ville » (AHSA 26, 283). — Premières attestations de ce type en ce sens, que FEW ne relève qu’en limousin en 1779 ; ∅  DMF ; FEW 7, 59a-b, *navica. oisil n. m. “osier” : 1374 « que Guillaume Roy et Guillaume Brulhat ayent regart sur toutes fausses danrees de marain, de tonneaux, de pipes et si ils sont de loial moison [“capacité”], et sur la frete* et sur l’oisilh » (AHSA 24, 153) ; 1374 voir s.v. fendeur ; 1412 voir s.v. chien. — Attesté en Normandie ca 1165 (osil, FEW), ce mot du Grand Ouest est représenté à l’époque moderne du Maine au Centre et à la Saintonge ; Gdf 1465 (La Rochelle) et 15e s. (Vienne) ; DMF 1473-1481 (Poitou) ; Musset 1409 s.v. oisi ; FEW, 15/1, 25a, auseria. opposement n. m. “opposition en justice” : 1375 « et avons fait crier si nul ne nulhe le veult accuser du caz de quoy il est souzpessonné ne faisset office ou opposement ne rebours » (AHSA 24, 197). — Absent des dictionnaires consultés ; en ce sens, opposition est attesté dp. 1474 (FEW ; repris dans TLF) ; aj. à FEW 7, 376a, opponere. oulhere n. f. “marmite” : 1406 voir s.v. chauffoir. — Dérivé sur afr. mfr. o(u)le, de même sens, ce type est absent en ce sens des dictionnaires consultés, y compris FEW 7, 350, olla ; une forme olet est relevée en Saintonge en 1373 (Musset). pain n. m. demeurer a un pain et a un vin loc. verb. “vivre ensemble (en parlant d’un couple marié)” : 1447 « lesquelz Meschin et Garnaulde, lui, sa dicte femme et mesnaige, ont toujours demouré a ung pain et ung vin bien et doucement, sans avoir

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aucune rumeur ensemble » (AN, JJ 178, n° 229, f. 131). — Locution absente des dictionnaires consultés, y compris Di Stefano et FEW 7, 545a, panis. papegaut n. m. “oiseau de bois ou de carton servant de cible aux archers ou aux arbalétriers lors de jeux annuels” : 1412 « Ont ordenné que au roy des arbalestriers qui abatra le papegaut soit donné aucun joieau d’argent, montant une once ou environ, comme autrefois a esté fait » (AHSA 32, 8) ; 1414 « A Guillaume Daguenaut, pour avoir abattu le papegaut de dessus le clocher Nostre Dame, xxii s. vi d. » (AHSA 32, 121). — Premières attestations de ce sens par rapport aux données de DMF (1417), FEW (1536) et Gdf (1630) ; FEW 19, 15a, babbaġa. parçonnierement adv. “en commun, à plusieurs, de façon indivise” : 1496 voir s.v. fauchable. — Absent des dictionnaires consultés, y compris FEW 7, 692b, partitio. pêcher v. tr. “attraper, prendre” : 1335 « lors ledit Henri li corut sus […] et ferit d’un bordon […] ledit fauconnier, afin que il fut plus seur que il dormist et emprés ceu il le pescha a la bourse et li ousta tout l’or et l’argent que li avoit » (AHSA 24, 101-102). — Première attestation par rapport aux données de DMF (1496), TLF (1579) et FEW (Montaigne) ; ∅  Gdf ; FEW 8, 577b, piscari. perdre v. intr. jouer a perdre loc. verb. “jouer à qui perd gagne” : 1416 « Ils jouaient a un jeu appelle(e) a perdre et si aucunement avoient frappé ledit Pasquerea seroit esté en joiant, sans ce qu’ilz eussent prepoux et entencion de li faire mal » (AHSA 32, 179). — Locution absente des dictionnaires consultés ; cf. FEW 8, 221b-222a, perdere : qui gaigne perd (Rabelais 1534) et jouer à tout perdre (Oud 1660). perré n. m. “barrage, digue” : 1397 « pour requerre a monsieur dudit lieu de Thaunay qu’il li pleust de donner congié que les arceaux du peré fussent fermés, affin que l’aive ne se perdist pas et que lesdiz moulins mouldissent mieulx » (AHSA 26, 59). On doit penser qu’il s’agit ici d’un barrage comportant des écluses. — Musset 1437 ; ∅  DMF ; FEW 8, 318b, petra. perrel n. m. “sorte de jeu de palet”. Synon. jeu de la pierre* : 1398 « jeu du parreau, auquel jeu l’en vise a getter une pierre de poignee au plus prés d’une bute ou enseigne » (AN, JJ 153, n° 247, f. 160v° ; lettre de rémission concernant un habitant de Marans). — Seule attestation, citée dans Gdf et reprise dans FEW et DMF ; FEW 8, 316b, petra ; J.-M. Mehl, op. cit., 103. petasser v. tr. “rapiécer, ravauder”. Au part. passé / adj. dans l’exemple suivant : 1412 « linceulx de lin de deux toiles et demie, dont l’un est petacé » (AHSA 32, 49). — Première attestation (citée dans Musset) de ce mot « encore employé très largement employé dans la moitié méridionale de la France » (DRF) ; ∅  DMF ; DRF ; FEW 8, 616a, pittacium. petoncle n. m. “petit coquillage comestible, à coquille presque circulaire, brune et striée” : 1415 « Jehan Mainart a esté retenu en amande vers la court pour avoir vendu mauvais poissons, c’est assavoir poitoncles, et condamné a ardre ledit poisson » (AHSA 32, 137). — Le TLF renvoie à l’exemple ci-dessus (référence reprise par DMF avec la mention, en l’occurrence incongrue, « Poitou ») et date par ailleurs la forme petoncle de 1551 (d’après Gdf, repris aussi dans FEW 8, 114a pectunculus) ; mais petoncles est attestée en 1402 à Pons (Musset). pierre n. f. jeu de la pierre loc. nom. “sorte de jeu de palet”. Synon. jeu du perrel* : 1384 « nous avoir esté humblement exposé […] que […] le dit Perin et un autre sien com-

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paignon […] en gardant leurs brebis en la dicte Ysle d’Oleron jouassent au jeu de la pierre » (AN, JJ 125, n° 187, f. 107v°). — J.-M. Mehl, op. cit., 103 ; cf. DMF jeter la pierre ; ∅  FEW 8, petra. piger v. tr. “rhabiller (une meule de moulin) pour lui redonner du mordant” : 1568 « led. suppl. […] seroit allé comme il en avoit acoustumé auparavant aud. moulin tant pour fere les moustures requises que pour y piger » (AN, JJ 266, n° 176, f. 88). — ∅  Gdf, DMF, TLF ; relevé en Saintonge seulement à l’époque moderne (FEW 8, 468a, *pikkare). pilot n. m. “tas (de foin)” : 1454 « ung pilot de foing oudit pré » (AN, JJ 191, n° 35, f. 16v°). — Première attestation de ce mot qui couvre une vaste aire (Poitou, Saintonge, SudOuest) par rapport aux données de Gdf (“tas (de sel)” 1541 ; “tas (de fumier)” 1563) ; Musset (18e s.) ; sens absent de DMF ; ALO 27 ‘un petit tas (de foin) provisoire’ (sud des Charentes) ; FEW 8, 477a, pila. pinasse n. f. “petit bateau” : 1501 « une pinasse ou petit navire de pescheur » (AN, JJ 234, n° 249, f. 142v°). — Première attestation de cette graphie par rapport aux données des dictionnaires consultés (1596, FEW ; repris dans TLF) ; FEW 8, 550a, pinus. pipe n. f. “perche, pieu ou madrier utilisé comme chaînage faisant corps avec la maçonnerie” : 1412 « garnir les murs de pierres, pipes et aultres abilhemens pour la garde et deffence de ladite ville » (AHSA 32, 4). — Première attestation de cet emploi par rapport aux données de DMF (1355 “perche utilisée dans l’assise d’un échafaud”) et de Gdf (1491 “bâton” ; repris dans FEW 8, 560b, *pippare). plâtreur n. m. “artisan qui travaille le plâtre, plâtrier” : 1413 « Jehan [Vigier] plastreur […], Georget Travailhean, maçon » (AHSA 32,106). — Attestation intermédiaire entre l’unique ex. du DMF (1395-1396) et TLF (1508) ; Gdf ∅ ; FEW 3, 222b, emplastrum (1807). poil n. m. se tirer au poil loc. verb. “se tirer mutuellement les cheveux” : 1540 « et après estre tombez en terre se seroient tirez au poil l’un l’autre et donné plusieurs coups de poing » (AN, JJ 253B, n° 57, f. 21v°). — ∅  Gdf, DMF et FEW 8, 511, pilus ; cf. se prendre au poil (Rabelais, dans Huguet). poinceau n. m. “faîte d’une charpente” : 1414 « pour recouvrir ledit pillori [...] mectre le plom sur le poincea » (AHSA 32, 111). — Première attestation de ce dérivé par rapport aux formes de DMF (1398-1408 pouchon) et de FEW (1611 poinsson) ; FEW 9, 583a, *punctiare. point n. m. point d’aiguille loc. nom. m. “point pour recoudre une plaie, point de suture” : 1449 « il lui coppa bien demi pié ou environ de la peau du col et de la gorge, et [...] la dicte peau lui pendoit contre bas et telement qu’il lui a depuis convenu y faire plusieurs poins d’aguille » (AN, JJ 179, n° 291, f. 157). — Non dégagé dans les dictionnaires consultés, y compris FEW 9, 585a, punctum. portillon n. m. “petite porte” : 1383 « Lesquieux sont d’assentement que l’on facet massonner les portes de Taillebourg et de Mastaz, fors que les portillons qui ne seront massonnez et aussi les arbaletrieres de plusieurs tonnelles* qui sont devers l’ayve » (AHSA 24, 296). — Première attestation par rapport aux données de Gdf (1556 ; repris dans FEW) et de TLF (1601) ; Musset indique la référence sans citer ce passage ; ∅  DMF ; FEW 9, 200b porta.

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pourpre n. m. “ maladie caractérisée par une éruption de boutons, de plaques rouges sur la peau” : 1534 « aulcunes femmes la estans avoient dict et desposé que lad. Grellette estoit machee a l’endroit de l’eschine et sur le col et que, a leur advis et jugement, s’estoit le pourpre ou maladie dangereuse d’epydymie » (AN, JJ 248, n° 120, f. 58). — Sens absent de Gdf et de DMF ; TLF, non daté, avec ex. de 1899 ; FEW 9, 617a, purpura (ca 1550). pré n. m. aller aux prés et aux roches loc. verb. “aller se prostituer (?)” (Sens probable d’après le contexte ; sans doute parce que les prés et les roches [“caves”] étaient propices à des amours passagères) : 1396 « avoit dit a ladite Aignés plusieurs et grans injures, en l’appelant pute pourrie, et qu’elle alast aus prés et aus rochez, et qu’elle n’estoit que une chose ranchouse [voir ranceux] et rompue » (AHSA 26, 75). — Absent des dictionnaires consultés, y compris FEW 9, 334a, pratum et 10, 440a, *rocca. prendre v. tr. prendre une femme v. tr. “attenter à la pudeur d’une femme ; violer” : 1391 « Jehan Barrier […] detenu par l’acusacion d’avoir esté, en la compagnie d’autres, a prendre une femme en la ville de Saint Jehan » (AHSA 24, 371). — Ellipse possible de prendre une femme a force, lequel est attesté ca 1480 (TLF) et 1690 (FEW) ; ∅  Gdf et DMF ; FEW 9, 340a, prehendere. prévôt n. m. prevost moine loc. nom. “moine chargé de surveiller les intérêts de l’abbaye en dehors du monastère” (d’après d’Aussy) : 1332 « Jouacem Foucher […] paier au prevost moine dedens vii jours prochains de ce qu’il a tenu la jurisdiction dudit prevost moine » (AHSA 24, 75). — Première attestation par rapport aux données de DMF (1421-1430) ; ∅  Gdf ; aj. à FEW s.v. praepositus. puitier n. m. “puisatier” : 1397 « je vueil que chascun sache que le puitier est mon ami » (AN, JJ 152, n° 228, f. 128). — Jalon intermédiaire entre 1392 (FEW, à Metz ; repris dans DMF) et 1551 (Gdf) ; FEW 9, 627a, puteus. punaiserie n. f. “ordure” : 1411 « elles ont mis et gecté certaines punaiseries devant l’eglize Saint Pierre » (AHSA 26, 332). — Première attestation de ce synonyme de mfr. punaisie, absent de Gdf, DMF et FEW 9, 638b, *putinasius. putanaille n. f. “(terme d’injure)” : 1425 « avoit dit plusieurs injures et vilennies a ladite Jehanne, en l’apelans putanaille, moinesse* » (AHSA 32, 393). — Dérivé sur putain, absent des dictionnaires consultés, y compris FEW 9, 635b-636a, putidus. quarteron n. m. “mesure de surface correspondant à l’étendue qu’on ensemence avec une quarte de céréales” : 1313 « Item, i quarteron de bois […] assis ou dit fié, qui puet valoir par an douze deniers » (AHSA 12, 143). — Première attestation d’un emploi par extension, par rapport aux données, illustrant le sens de base, de Gdf (13461505), DMF (1361) et FEW 2, 1426a, quartus. ranceux, -euse adj. “décrépit” : 1396 voir s.v. pré. — Première attestation par rapport aux données de FEW (1579) et Gdf (1611) ; ∅  DMF ; FEW 10, 54a, rancidus. rapeux adj. tonneau rapeux loc. nom. m. “tonneau à râpé” (?) : 1412 « deux veilz tonneaux rapeux, ii cuves demy tonnea chacune […], ii basses, vii. vieillez pipes » (AHSA 32, 49) ; cf. ci-dessus s.v. barrer « un tonnea rapet » (AHSA 26, 374). — Absent en ce sens des dictionnaires consultés, y compris FEW s.v. raspôn.

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reboule n. f. “pilon (de mortier)” : 1397 « un mortier de perre et une reboule de boys » (AHSA 26, 89) ; 1406 voir s.v. chauffoir ; 1412 « Un mortier de pierre et riboulle » (AHSA 32, 47). — Sous diverses acceptions (“fouloir de vendange ”, “bâton (de berger) à bout renflé”), riboule est représenté à l’époque moderne dans l’Ouest (Poitou, Aunis, Saintonge) ; première attestation de ce sens, absent de Gdf et DMF ; Musset s.v. riboule cite le passage de 1406 ; FEW 1, 610, bulla (Elle, aun. “sorte de pilon de bois qui sert à écraser la vendange dans les cuves”). reboutement adv. “de façon répréhensible” : 1379 « Guaga l’amande Michel Fournier, demourant a Xainctes, de ce qu’il a amené en ceste ville deux somes de poisson de rayes fresches pour vendre et n’en a mis sur les bans venaux* que une some et l’autre some tenoit reboutement a vendre chez Guillaume Roy en sa maison » (AHSA 24, 232). — Absent des dictionnaires consultés, y compris FEW 15/1, 213a, *botan. reboutet adj. “à base de farine grossière (en parlant d’un pain)” : 1425 « Le pain o sa flour […]. Le pain reboutet » (AHSA 32, 400). — Première attestation de ce mot par rapport aux données de FEW (“farine de 3e qualité”, en Poitou, à l’époque moderne). Dans le contexte de l’exemple, il s’agit du pain le moins cher (« x. d. »), compte tenu de son poids ; cf. Gdf rebulet (1398 ; repris dans DMF « Champagne, Picardie ») ; FEW 15/2, 213a, *botan. recherche n. f. 1. “ronde, patrouille du guet” : 1379 « et que l’on facet toutes les nuiz quatre bonnes rescerches, deux de soir et deux de matin » (AHSA 24, 219). 2. “tournée de pointage, de recensement, de recrutement” : 1374 « que Bernart Courtault et Robbert Le Maire fassent la resserche par la ville de ceulx qui font guez et reguez* et gardes* portes » (AHSA 24, 153) ; 1380 « Que Pierre du Meslier le jeune, Bernart Gratemoyne […] fassent la resserche chez touz les habitanz de ceste ville pour avoir croissance aux gaix, regaix [voir reguet] et garde* portes » (AHSA 24, 235). — Premières attestations par rapport aux données de TLF (1452 “perquisition, action de rechercher avec soin”), mais déjà, en afr. sous les formes simples cerche/cherche et variantes (FEW 2, 697a, circare). redoue n. f. “levée de terre le long d’une douve” : 1426 « faire la chaussee de la redoue auprés la porte de Taillebourg, a l’endroit de la bonde de la doue » (AHSA 32, 411). — Le même terme se lit aussi en 1531 à Limoges « eslargir le chemyn quest sur la redoue du fossé de lad. ville » (Registres consulaires de la ville de Limoges. Premier registre, Limoges, Impr. de Chapoulaud frères, 1867, 201) ; absent des dictionnaires consultés, y compris FEW 3, 114, doga. refoul n. m. “vin que l’on tire de la deuxième cuvée” : 1412 « ii rondelles et une pipe de reffous » (AHSA 32, 48). — Première attestation par rapport aux données de Gdf (1470 ; repris dans FEW) ; ∅  DMF ; FEW 3, 845a, fullare. reguet n. m. “service de police militaire exécuté à l’intérieur d’une place forte pour surveiller les guetteurs et protéger les habitants” : 1374 voir s.v. recherche ; 1375 « Tous sont d’assentement que Bernart Fradin et Roger Grolea purgent les prouffiz des deffaus des garde* porte et de regaix et gaix pour les exequter, et les commandans des cinq quartiers leur sauront a dire, chascun soir, lesdiz deffauz » (AHSA 24, 189) ; 1380 voir s.v. recherche ; 1381 voir s.v. degagner ; 1406 voir s.v. fruitaille. Voir encore rereguet s.v. esteguet. — Terme du mfr. attesté dp. 1367 en Bourgogne et dp. 1411 en Orléanais et Berry (Gdf, repris dans DMF), auquel on ajoutera ces attestations saintongeaises ; FEW 17, 454a, *wahta.

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relâchement n. m. “remise (d’une peine), relaxation” : 1332 « dedans vi jours ils vuyderont la senechaussee se il n’ont relachement de M. le senechal » (AHSA 24, 101). — Première attestation par rapport aux données de DMF (ca 1337-1339) et de Gdf (1458 ; repris dans FEW) ; FEW 5, 230b, laxicare. réparable adj. “que l’on peut réparer, remettre en état (en parlant d’une construction)” : 1388 voir s.v. chapuse. — Première attestation de cet emploi par rapport aux données de TLF (1690) ; emploi absent de Gdf, DMF et FEW 10, 260a, reparare. reparon, -onne n. “(toile de) filasse grossière, entre le brin et la grosse étoupe” : 1412 « une coite pointe, une touaille de reparonnes […]. / iiii linceulx de reparonne […] ii toiles de reparonnes » (AHSA 32, 47 et 49). — Première attestation de ce type par rapport aux donnéees de Gdf (1471 reparon), représenté à l’époque moderne de la Haute-Bretagne à la Saintonge. Mais on notera déjà en 1373, à Angoulême, reparon “pain de farine grossière” : « Doit peser le pain de mesture a toute sa fleur, d’un denier, autant comme le reparon de froment, c’est a savoir vingt cinq onces », Ordonnances t. 5, 683) ; DMF ; FEW 7, 626a, parare. rereguet voir guet retable adj. “défectueux, de mauvaise qualité” : 1412 « certains faillarts qu’il li ont vendu, lequel faillart ledit monseigneur Clemens disoit estre malvais et retable en telle maniere qu’il n’estoit pas bon a meitre en euvre » (AHSA 32, 43). — Première attestation de ce dérivé sur reter “accuser, blâmer qqn” (FEW), avec extension de sens ; ∅  Gdf, DMF ; FEW 10, 280b, reputare. Dans l’exemple, noter faillart n. m. “jeune tige de châtaignier fendue pour faire des cercles de barrique”, qui est attesté dp. 1373 (v. Gdf s.v. faiart ; passage mal intéprété [Gdf ayant compris “hêtre”], comme l’a établi J.-P. Chambon dans DRF 451b et note j) ; mettre en œuvre est attesté dp. 1409 (TLF). réveillée n. f. heure de réveillée loc. nom. f. “heure de relevée (début de l’après-midi)” : 1380 « requismes […] lesdites parties estre mis en mesme lieu que estoient avant ladite presentacion jusques a houre de reveilhee […]. Aujord’hui, heure de reveilhee » (AHSA 24, 241). — Absent des dictionnaires consultés, y compris FEW s.v. *exvigilare. roier n. m. “charron” : 1332 « Johan de La Croiz donne afiage a Johan Lorens le rouer ; Johan Lorens le rouer donne afiage a Johan de La Crois » (AHSA 24, 88). — Première attestation de cette forme par rapport aux données de Gdf (1419 rouer, Poitou) ; aj. à FEW 10, 492b, rota. roleau n. m. “variété d’étoffe de laine” : 1448 « ung drap de laine appelé roleau » (AN, JJ 179, n° 115, f. 161). — Première attestation par rapport aux données de DMF (1453, rolleau, Angers) ; ∅  Gdf ; FEW 10, 513a, rotulus “espèce d’étoffe” (1492, Hav). rollon n. m. 1. “barreau (d’échelle)” : 1417 « A Robin Peletan […], pour avoir fait arrondir les rolons de l’eschele du portau d’Aunis » (AHSA 32, 235). — Attesté fin 12 e s. en anglo-normand “barreau vertical des ridelles” ; première attestation (citée par Musset) du sens ici analysé, par rapport aux données de Gdf (1424-1426, Orléans) et de DMF (1477, Poitou), sens bien représenté à l’époque moderne de la Manche à la Saintonge et au Centre ; FEW 10, 513b, rotulus. 2. “morceau de bois de forme allongée (comme barreau d’échelle, de ridelle), utilisé comme trait d’arbalète” : 1478 « Et tost après, icelluy Peroton, atout une arbalestre et un roullon, espia le dit Nicolas [...] et dés incontinent qu’il le apperceut il tira sur le dit Calphe tellement qu’il le tua du dit roullon » (AN, JJ 206, n° 201, f. 4).

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roue n. m. “chandelier en forme de roue, dans une église, destiné à recevoir les cierges offerts par les fidèles” : 1411 « Retenu avons en amande Marion Pastourelle pour avoir laissé aler son porc par la ville oultre la deffence faite par monseigneur le maire, tauxee a mectre une livre de cere en la roue qui est a l’eglize de Saint Jehan » (AHSA 26, 354). — Sens absent de Gdf, DMF et FEW 10, 490b-491a, rota. rouge adj. “de couleur rousse ; alezan (en parlant d’un cheval)” : 1332 « vente d’un cheval rouge » (AHSA 24, 57) ; 1425 « une chetive opelande d’une pea de moston rouge » (AHSA 32, 408). — Première attestation (1332) par rapport aux données de Gdf (1368 ; repris dans TLF), de DMF (1389-1392) et de FEW 10, 532b, rubeus (1551 rouege). Rousons n. f. pl. “Rogations” : 1406 « Le mercredi xixe jour de may, Guillaume Boguin, roy du mestier des costuriers, Jehan Paien et plusieurs autres dudit mestier sont au jour duy venuz prendre congié et licence de monsieur le mayre de faire leur may [voir mai] a demain, jour des rouzons, eunxi qu’ils ont acostumé » (AHSA 26, 225). — Première attestation de cette forme par rapport aux données de Gdf (1465), représentée à l’époque moderne en Poitou et Saintonge ; DMF (1473 roisons, Poitou) ; FEW 10, 447, rogatio (rouzons poit. 1512). sache n. f. “sac” : 1332 « il entra en une meson ou avoit charretierz qui estoient on liz et enbla a Johan Bivert sache que il avoit a son chevet » (AHSA 24, 105). — Première attestation (citée par Musset) par rapport aux données de FEW (1660) et de DMF (ca 1450-1500) de ce mot, représenté à l’époque moderne dans plusieurs régions de France, notamment en Saintonge ; ∅  Gdf ; FEW 11, 22b, saccus. saneur n. m. “châtreur (d’animaux domestiques)” : 1490 « un jeune homme qui portoit une enseigne de seneur de truies et de autres bestes […] / une fourche de fer […] qui estoit son enseigne de seneur » (AN, JJ 221, n° 46, f. 35v° et 36). — ∅  DMF et Gdf ; FEW 11, 145b, sanare (mfr. senneur, hap., d’après Huguet). sanguin n. m. “cornouiller sanguin” : 1452 « les diz Pierre Barde et André Gillet se prindrent a jouer ensemble et a gecter l’un a l’autre un petit dart ferré d’un fer d’arbalestre emmanché en un petit fust de sanguin, pour veoir lequel le jetteroit le plus loing » (AN, JJ 181, n° 22, f. 11). — Cette ellipse de cornouiller sanguin (relevée sans date par Musset) est absente de Gdf et DMF. Le bois du cornouiller sanguin est traditionnellement utilisé, en raison de sa dureté, pour faire des manches d’outils ; FEW 11, 165b, sanguis (1562 ; déjà alim. ca 1090). saunière n. f. “pot à salaisons, saloir” : 1406 voir s.v. chauffoir. — Signalé comme hapax au 13e s. en ce sens (Gdf ; repris dans FEW et auquel renvoie le DMF), qui a été relevé à l’époque moderne dans les Deux-Sèvres ; FEW 11, 91b, *salinarius. savetier n. m. “(terme d’injure)” : 1425 « [ledit] Faure qu’elle nomma pour lors plusieurs fois ribaut, saveter » (AHSA 32, 393). — Emploi absent des dictionnaires consultés ; cf. Furetière 1690 dans un emploi péjoratif “ouvrier qui fait mal son ouvrage” ; aj. à FEW 21, 536b. seille n. f. seille ferrée loc. nom. “seau de bois cerclé de fer” : 1397 « Deux seilhes ferrees » (AHSA 26, 88) ; 1406 « Deux seilhes ferrees a trayre l’ayve du poix » (AHSA 26, 247). — Premières attestations de cette locution par rapport aux données de Gdf (1423) ; à comparer avec seilhe[s] ferrades (1377, Musset, s.v. ferrades) ; ∅  DMF et FEW 11, 665, situla.

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seilleau n. m. “seau ; par métonymie contenu d’un seau” : 1412 « une poile tenant un seillea d’aive ou environ […] / deux seillieaux a porter eau » (AHSA 32, 47 et 49). — Première attestation par rapport aux données de Gdf 1461 (Saintonge ; repris dans FEW) et 1465 (La Rochelle ; repris dans DMF) et de Musset (1567) de cette forme, conservée à l’époque moderne en Poitou et Saintonge ; FEW 11, 666b, situla. sénéchale n. f. “femme d’un sénéchal” : 1392 « madame la seneschale » (AHSA 24, 385). — Première attestation de ce féminin par rapport aux données de DMF (1414) et FEW (15e s., Chastellain) ; ∅  GdfC ; FEW 17, 70a, *siniskalk. septaine n. f. “période de sept jours” : 1328 « ledit maire assigna septene audit Guillaume de Paris, c’est assavoir le vendredi après la Saint Clement prochaine venante, pour davant li ondit echavinage, pour respondre et fere ceu que raison pourra demander » (AHSA 24, 45). — Première attestation de cet emploi par rapport aux données de DMF (1338, Poitou) ; cf. FEW “réunion de sept choses semblables” 13e s., Meung, mfr. id. (hapax 15e s.) ; ∅  Gdf ; FEW 11, 479b, septem. sixain n. m. “taxe correspondant au sixième d’un ensemble considéré” : 1375 « Sont d’assentement que touz les blez qui seront menez aux moulins qu’ils soient poisez et les farines au rectour, et si le mosnier est contredisanz qu’il passet la porte alant et venant sanz le[s] fere poiser, qu’il soit puni a xxv sous d’amande et qu’il soit rebatu le sezen des farines pour le droit des moulins » (AHSA 24, 187). — Première attestation de ce sens par rapport aux données de FEW (“espèce de droit” 1482 ; cf. apr. seysen “droit consistant dans la 6 e partie des fruits” (1326)) ; sens absent de DMF et Gdf ; FEW 11, 554b, sex. solvement n. m. “paiement” : 1332 « L’on a volu et ottroié que sire B. Barraut puisset prendre de l’argent de la ville la moitié de ce que la ville doit a frere André pour l’echevinage ob solvement et, si tout il le pouvet, le tout donneroit que il paiet et les autres debtes » (AHSA 24, 84). — Absent des dictionnaires consultés, y compris FEW 12, solvere. soubrer v. tr. “submerger” : 1425 voir s.v. bardeau. — Sens absent des dictionnaires consultés, y compris FEW 12, 435b, superare. sous-maire n. m. “lieutenant du maire” : 1374 « que Rogier Grolea et Johan Colin soient sergent ceste annee et Bernart Fradin soit souzmaire » (AHSA 24, 153) ; 1381 voir s.v. subdelegué. — Premières attestations de ce mot par rapport aux données de DMF (ca 1437-1464) et de Gdf (15e s. ; repris dans FEW 6/1, 57a, major). subdélégué n. m. “délégué par un délégué” : 1381 « par davant tous juges ordinaires, extraordinaires, legaz, subdeleguez, commissaires, arbitres, arbitreurs ou amiables compositeurs [...] maires, soubzmaires* » (AHSA 24, 275). — Attestation citée par Gdf (repris par DMF et TLF) ; noter aussi en 1363 « par davant touz et chescuns juges ordinaires, extraordinaires, deleguas, subdeleguas, arbitres, arbitreurs ou amiables compositeurs » (AHSA 24, 205) ; absent de FEW où le mot est à ranger 3, 32a, delegare. sublévation n. f. “vive émotion, trouble” : 1549 « et commirent plusieurs autres grandes volleries et execrables crymes et homicides. Et tellement se dillata lad. sublevation et emotion [...] que finablement elle parvint jusques en nostre ville de Bourdeaulx » (AN, JJ 262, n° 512, f. 473). — Sens absent de Gdf et DMF ; ∅  FEW 5, 274a, levare.

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tail n. m. “morceau” : 1460 « un tail de mouton pour boyre et gormander […] le dit tail et autres viandes » (AN, JJ 190, n° 55, f. 28v°). — Première attestation par rapport aux données de Gdf (1570 ; repris dans FEW) ; sens absent de DMF ; FEW 13/1, 42b, taliare. tailler v. tr. “castrer (un enfant)” : 1412 « Guillaume Tuquaut et Gieffroy Jousserea, copeurs* de couillez […] ont dit qu’ilz ont taillé iii enffans » (AHSA 32, 27). — Première attestation de ce sens par rapport aux données de Gdf (1572) et de FEW (16 e s.) ; sens absent de DMF ; FEW 13/1, 741a, taliare. tailleresse adj. f. serpe tailleresse loc. nom. f. “serpette (pour tailler la vigne)”. 1412 « une grant sarpe, ii petites sarpes tailherecces » (AHSA 32, 49). — Première attestation (dont Musset donne seulement la référence) de ce mot, encore relevé en Saintonge à l’époque moderne (FEW ; RézOuest 1984, 258) ; sens absent de Gdf, DMF ; FEW 13/1, 44a, taliare. tape n. f. “pièce en bois d’un colombage” : 1376 « Condempnee est […] Pernelle Cotezaude, nostre juree*, fere amener et aporter tout ycelle quantité de arziilhe comme il sera mestier et necessité pour reparer et fere les clousures des taspes de ladite maison du fourniou* de Pierre de La Sale, tant au dedens que en la clouzures dehors du fourniou [...] et paier et bailher audit Pierre de La Sale vint soulz monnoie courante, en faisant l’euvre desdites taspes » (AHSA 24, 202). — Forme à rattacher peut-être à FEW 14, 227b, *stepa. terre n. f. terre morte loc. nom. f. “terreau” : 1447 « certaine terre morte ou fumier que le dit Ythier gectoit ou faisoit gecter contre la porte de l’ostel d’icellui suppliant » (AN, JJ 179, n° 35, f. 15v°). — Première attestation (citée partiellement par Gdf ; date reprise dans FEW) ; ∅  DMF ; FEW 13/1, 252b, terra. tire-veille n. f. “rampe (d’escalier)” : 1414 « adouber* l’eschale de bois et la tire veille du reloge » (AHSA 32, 112). — Première attestation (citée par Musset), par rapport aux données de FEW (1678 “garde-fou tendu sur le beaupré” ; 1690 “corde servant de rampe à l’escalier extérieur d’un navire”), de ce mot encore représenté en Saintonge en ce sens à l’époque moderne ; ∅  Gdf, DMF ; FEW 6/1, 406b, martyrium. tirole n. f. “étal, éventaire” : 1417 « affin qu’elle [une marchande de poisson] puisse mettre tirole auprès de sa fenestre » (ASHA 32, 177). — Absent des dictionnaires consultés, y compris de FEW 6/1, 401b, martyrium. tochant n. m. “outil pour tirer le foin d’une meule” : 1548 « et avoit led. Poitevin en sa main ung ferrement a deux grandz forches de fer appellé ung tochant, emmanché en ung baston et duquel ferrement l’on tire le foing des barges » (AN, JJ 258B, n° 204, f. 105v°). — Le manuscrit porte bien tochant (et non truhant ; pour ce dernier, voir supra note s v. brin), qu’on n’a retrouvé nulle part. tonnelle n. f. “tour ronde d’une enceinte fortifiée” : 1332 « il avoit esté longuement tenu en prison en une tonelle” (AHSA 24, 51) ; 1383 voir s.v. portillon. — Premières attestations par rapport aux données de Gdf (1551, Guernesey ; repris dans FEW) ; sens absent de DMF ; FEW 13/2, 417a, tunna. tournefiche n. f. “tourniquet (?)” : 1416 « Faire fermante la tornefiche du dehors de la porte de Tailhebourg » (AHSA 32, 165). — Sens absent des dictionnaires consultés, y compris FEW 3, 510a *figicare (Hmanc. “culbute”).

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traine n. f. “filet de pêche” : 1491 « a l’heure que le dit supliant aloit pescher le poisson qui estoit prins en ses retz qu’il avoit mis es dictes pescheries, […] il trouva […] le dit Rutelant, ung retz appellé trayne a son col, duquel luy et un sien compaignon avoient voulu prendre […] du dit poisson » (AN, JJ 225, n° 1436, f. 269v°). — Première attestation par rapport aux données de Gdf (1553 ; repris dans FEW et TLF) ; sens absent de DMF ; FEW 13/2, 165a, *traginare. tremencher v. tr. “munir (un outil) d’un manche, emmancher” : 1443 « d’un bedoilh ou serpe tremenchee en ung baston qu’il portoit donna un seul coup sur la jambe au dit Rousseau » (AN, JJ 176, n° 301, f. 257). — Absent des dictionnaires consultés, y compris FEW 6/1, manicus. tuerie n. f. “abattage d’un animal de boucherie” : 1423 « Ont esté d’oppinion que mondit seigneur le maire face commandement ausdiz bouchers que doresnavant ils facent leurs tueries et escorcheries* en la rue accoustumee c’est assavoir en la rue des Bouchers » (AHSA 32, 335). — Première attestation de ce sens (cf. GdfC 1350 “abattoir”, repris dans FEW) ; sens absent de DMF ; FEW 13/2, 447b, tutari. tuile n. f. tuile creuse “tuile en forme de demi-cylindre” : 1415 « Jehan Gaudineau et un autre, touz deux varlez de Jehan Galet, bourgois de La Rochelle, qui menoient et charroient de la tuille creuse » (AN, JJ 168, n° 295, f. 193v°). — Absent de DMF et FEW 13/,153, tegula. unir v. tr. “aplanir, égaliser (le sol)” : 1351 « deux chevaliers pour faire plainier et unir la place d’entre les deux batailles » (AHSA 24, 131). — Cette attestation précise les données de FEW (14e s., aonnir) ; GdfC, seulement au sens figuré (Amyot) ; sens absent de DMF ; FEW 14, 47a, unire. vénal, -ale adj. banc venal loc. nom. m. “éventaire sur lequel on expose la marchandise à vendre” : 1379 voir s.v. reboutement. — Sens absent de GdfC (mesure venale “qui sert à la vente”, 1308, repris dans FEW) et DMF (1479-1481, mesure venale “mesure qui sert à la vente”) ; FEW 14, 230a, venalis. vesse n. f. “(terme d’injure adressé à une femme)” : 1415 « a l’encontre de Estienne Violet et Ozanne sa feme, deffendeurs, dit ladite Aignèce que elle passoit devant la maison desdiz deffendeurs un jour sur sepmaine duquel n’est recorde, certaines injures furent dites a ladite Aignèce par la femme dudit Violet. Ladite femme saillit de sa maison et l’appella vesse, chienne, mastine et putes. “Bonnes gens, huché la comme vesse, chienne, mastine que elle est !” » (AHSA 32, 144-145). — Première attestation de cet emploi, à partir de vesse “chienne” ou “putain”, respectivement relevés dans l’Ouest depuis 1861 et 1547 (FEW) ; le contexte rend possible l’un ou l’autre de ces sens de départ. Aujourd’hui, le juron fils de vesse [fitvɛs] d’emploi courant dans l’Ouest, est démotivé (v. RézOuest 1984, DRF) ; sens absent de DMF ; FEW 14, 531b, vissire. vice n. m. “défaut physique ou de comportement (d’un cheval)” : 1332 « un cheval de poil baiz que il a pris dudit Johan ob touz vices » (AHSA 24, 81-82). — Emploi absent de Gdf et DMF ; Musset (non daté) ; FEW 14, 562b, vitium (emploi relevé à propos du cheval seulement à l’époque moderne). virée n. f. ouvrir une porte par viree loc. verb. “ouvrir et refermer une porte à chaque passage, au lieu de la tenir ouverte constamment” : 1381 « Sont d’assentement […] que deux portes euvrent chescun jour par virees » (AHSA 24, 257) ; 1416 « Ont ordenné

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que doresnavant ne ouvrira que deux portes et par viree » (AHSA 32, 165). — Absent des dictionnaires consultés, y compris FEW 14, 386a vibrare. Musset donne la référence au second passage, mais sans explication. Quant à l’éditeur, s’il glose justement le premier passage, il indique erronément pour le second « c’est-à-dire en tournant complètement sur ses gonds ». vis n. f. vis a treuil loc. nom. f. “vis de pressoir (en bois)” : 1332 voir s.v. écrou ; 1406 voir s.v. jumelle. — Emploi non dégagé dans Gdf, DMF et FEW ; GLLF 1690 ; FEW 14, 558b, vitis. volte n. f. “exercice de voltige à cheval” : 1423 « le chevaucha tres fort, en faisant dessus ledit cheval la volte a la guise lombarde » (AHSA 32, 195). — Première attestation par rapport aux données de FEW (1434-1438) ; sens absent de Gdf et DMF ; FEW 14, 622b volvere.

Pierre RÉZEAU

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L’analyse dialectométrique des cartes de la série B de l’ALF 1. Remarques préliminaires Le but de cet article est double : d’un côté, il s’agit de présenter les résultats de l’analyse dialectométrique (« dialectométrisation ») de 294 des 326 cartes originales de la série B de l’« Atlas linguistique de la France » (ALF) – limitée, comme cela est bien connu, à la moitié sud du réseau de l’ALF 1 – et, de l’autre, de les comparer, à l’aide de cinq méthodes dialectométriques (DM) différentes, avec les résultats de la dialectométrisation de 626 des 1 421 cartes originales de la série A de l’ALF 2, qui, elle, a déjà été faite à la fin du siècle dernier. Évidemment, cette comparaison présuppose l’utilisation parallèle du réseau de la série B qui comprend 326 des 638 points d’enquête originaux de l’ALF 3. L’initiative d’entreprendre la dialectométrisation des cartes de la série B de l’ALF est entièrement due à Pavel Smečka qui s’est attelé, en 2010 et de son propre gré, à la tâche ardue – inévitable dans ce genre de recherches – de la préparation matérielle des cartes originales de la série B, de leur taxation consécutive, de la saisie informatique des données en découlant, et, finalement, de l’exécution des calculs-DM nécessaires 4. Comme les calculs en question de même que la visualisation de leurs résultats ont été réalisés à l’aide du logiciel VDM 5, à savoir le programme-DM standard de la dialectométrie salzbourgeoise (DM-S), et que ce dernier est d’un maniement facile tout en disposant d’une grande efficacité informatique, les étapes du calcul et de la visualisation étaient les moins onéreuses que Pavel Smečka a dû parcourir.

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Voici la numérotation des trois séries de cartes de l’ALF : série A, 1-1 421 ; série B, 1 422-1 747 (avec 326 cartes) ; série C, 1 748-1 920 (avec 173 cartes). Le nombre de cartes originales de l’ALF utilisées pour la première dialectométrisation du réseau entier de l’ALF est de 626. Il est vrai cependant qu’en établissant le corpus « A-to-B », deux de ces 626 cartes-ALF n’ont plus pu être utilisées parce que leur partie méridionale n’offrait aucune variation géolinguistique. C’est pourquoi les chiffres fournis à ce sujet dans les tableaux 1 et 2 divergent légèrement. Le réseau de la série A de l’ALF (appelée par Jules Gilliéron aussi ‘atlas général’) comprend 638 points ou localités (où ont été réalisées 639 enquêtes) ; celui de la série B contient 326 points, alors que le réseau de la série C, situé au sud-est de la France, dispose de 204 localités. Voir à ce sujet les étapes 1-5, visualisées sur la figure 3. VDM : Visual DialectoMetry. Ce programme a été créé, en 1999-2000, par notre ami commun Edgar Haimerl (résidant, actuellement, à Seattle, USA).

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2. Genèse et contenu des cartes de la série B de l’ALF Vu l’esprit « géométrique » avec lequel Jules Gilliéron a planifié l’ALF 6, il peut sembler étrange, même après plus de cent ans, qu’il n’ait pas utilisé, d’entrée de jeu, un seul type de questionnaire. Les informations techniques qu’il nous a laissées, dans la fameuse « Notice servant à l’intelligence des cartes », nous disent (Notice, 56) qu’à partir de la 80 e enquête (= P.-155, Belval, Dommartin-sur Yèvre, Marne), il a commencé à élargir continuellement le nombre des questions de son questionnaire initial. Le moment de cette décision se situe au mois de janvier 1898, juste au milieu de la première des huit missions de recherche effectuées par Edmond Edmont, qui, elle, a eu lieu entre le 1er août 1897 et le 18 juin 1898. Précisons que les 639 enquêtes de l’ALF se sont déroulées entre le 1er août 1897 et le 10 août 1901 et que, à en juger par les informations recueillies par la regrettée Marie-Rose Simoni-Aurembou à la Bibliothèque Nationale de Paris, E. Edmont n’a employé, pour l’accomplissement de ces 639 enquêtes au cours des huit missions, qu’un total de 1 351 jours 7. Ceci donne une moyenne de 2,11 jours par enquête dont, évidemment, l’ampleur empirique pouvait varier entre 1 421 (série A) au début et 1 920 (séries A, B et C) questions à la fin de cette grande geste empirique. Gilliéron était bien conscient du fait que l’élargissement ex post du questionnaire de base cadrait mal avec l’intention originale de son entreprise où l’intercomparabilité parfaite de tous les matériaux recueillis était un dogme de base. À la page 6 de la « Notice », il s’exprime comme suit : « Au cours de l’enquête, nous avons ajouté au questionnaire bon nombre de mots nouveaux, – quelquefois pour combler des lacunes apparues, souvent aussi par la nécessité de mettre dans un rapport plus équitable, et plus conforme à notre projet primitif, d’une part le temps pris par l’interrogation (temps ne dépassant pas nos prévisions), et d’autre part le temps consacré à la recherche d’un lieu et d’un sujet favorables (les excédant, celui-ci, de près de moitié). À la vérité nous cédions encore à une troisième considération, peut-être plus impérieuse que les deux premières : loin de s’émousser à la tâche déjà considérable que nous nous étions imposée, notre appé

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Voir à ce sujet nos contributions historiques et interprétatives de 2006c et 2013. Voir la carte des huit missions de recherche de l’ALF publiée dans Brun-Trigaud / Le Berre / Le Dû 2005, 21 (document 6). Les informations présentées dans cette carte reposent sur la lecture détaillée du dossier Gilliéron, déposé à la BN de Paris sous la cote NAF 11791-12030, faite par les soins de Marie-Rose Simoni-Aurembou. Au cours de cette prise de connaissance attentive, Mme Simoni-Aurembou a dûment annoté les pages 25-28 de la « Notice » (« Concordance des numéros d’ordre chronologique ») tout en leur conférant des datations précises. Les feuilles respectives ont été remises ensuite par M.-R. Simoni-Aurembou à G. Brun-Trigaud (Nice) qui, elle, nous en a fourni une copie. Nous l’en remercions chaleureusement.

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tit grandissait au fur et à mesure qu’avançait le travail [c’est nous qui soulignons]. Nous devons nous excuser de cette dérogation au principe que nous avions adopté de ne soumettre au lecteur que des cartes complètes [c’est nous qui soulignons], car on éprouvera peut-être un peu du dépit que nous éprouvons nous-mêmes à voir dans certaines de nos cartes de grands espaces vides de formes, et à ne trouver, vers la fin de l’ouvrage 8, que des cartes du midi de la France seulement au lieu de cartes complètes du territoire exploré. Nous donnons plus loin un tableau de ces mots nouveauvenus, avec la date de leur apparition dans le questionnaire, en tant du moins qu’ils intéressent l’atlas général, c’est-à-dire l’atlas à cartes de la France entière. Il nous paraît superflu pour le moment – et il nous serait bien difficile, vu l’état dans lequel se trouvent actuellement nos matériaux – de signaler tous ceux qui ne rempliront que des cartes de la moitié sud du territoire et qui feront suite à l’atlas général. Le nombre de ces cartes est de 400 au moins (occupant 200 feuilles du format adopté) qui constitueront 4 fascicules au moins 9 ».

Ce n’est donc que la soif empirique qui a poussé Gilliéron à augmenter sans cesse l’ampleur du questionnaire. On ne peut plus déterminer si cette augmentation s’est opérée continuellement ou par à-coups. Toujours est-il que quelques-unes des questions répertoriées à la fin de la « Notice » (56) ne figurent sur aucune des cartes des trois séries de l’ALF : ceci vaut, p. ex., pour les items étable, gratte-cul, if, merisier et toit à porcs 10. Les raisons pour lesquelles Gilliéron n’en a pas publié les réponses resteront, très vraisemblablement, dans l’ombre à tout jamais. L’écrasante majorité des titres des 326 cartes de la série B se réfèrent à des substantifs (= 218 unités) alors que 83 de ces cartes sont dédiées à la morphologie verbale, 3 à des adjectifs et 8 s’occupent des pronoms, adverbes et prépositions. Ce qui frappe, c’est le grand nombre de questions relatives à des plantes très particulières telles que la bryone (1479), la cardère (1487), le cornouiller sanguin (1517), la digitale (1536), le gratteron (1584), l’hièble (1595) ou la pariétaire (1655). Au vu des vastes espaces vides qui apparaissent sur les cartes correspondantes nous pensons que, très souvent, les sujets interrogés par Edmont ou bien ne comprenaient pas le sens de la question ou bien ne connaissaient pas la plante concernée.

L’on trouve ces indications à la page 56 de la « Notice ». Il est bien évident qu’en rédigeant ces lignes, Gilliéron ne pensait qu’aux besoins et dimensions des cartes de la série B tout en laissant complètement de côté les quelque 170 cartes de la série C. 10 Ce n’est que pour les stimuli étable, if et merisier qu’il y a des réponses dans la partie alphabétique des « Suppléments » de l’ALF. Dans les matériaux publiés de l’ALF, il n’y a aucune trace des réponses aux deux autres questions. Ajoutons que l’écrasante majorité des items répertoriés dans les « Suppléments » n’a aucune contre-partie dans les items des séries A, B et C de l’ALF. Il doit donc s’agir de matériaux ‘épars’ qui remontent à des élargissements ‘de fortune’ du questionnaire initial. 8 9

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En regardant la carte des huit missions d’exploration d’Edmont (publiée chez Brun-Trigaud / Le Berre / Le Dû 2005, 21) et la liste diachronique de ces missions dressée par M.-R. Simoni-Aurembou, l’on constate qu’une augmentation considérable du questionnaire initial de 1 421 à 1 747 items a dû s’opérer à la fin de la 4e mission qui s’est conclue à la mi-mai 1899 11. En effet, des 326 enquêtes du réseau de la série B, 320 ont été effectuées durant les missions 5-8. Seulement six de ces enquêtes ont été accomplies déjà pendant la 4e mission : il s’agit des explorations faites aux points-ALF 418 [296], 419 [297], 479 [314], 459 [315], 429 [317] et 540 [318] 12. Selon la liste de Simoni-Aurembou, le P.-ALF 418 a fait l’objet d’une enquête au mois de mars 1899 et le P.-ALF 419 au mois d’avril, alors que les quatre points restants ont été visités par Edmont en mai 1899. De ces indications, il ressort fort bien que seulement un petit nombre des enquêtes faites entre mars et mai 1899 a été inséré par Gilliéron dans le réseau définitif de la série B. Les raisons de ce curieux triage ne sont pas claires. Peut-être Gilliéron voulait-il donner, par cette prise en compte sélective des matériaux empiriques à sa disposition, un aspect plus rectiligne au tracé de la frontière septentrionale du réseau de la série B 13. Sur la carte géographique, tous les points mentionnés ci-dessus se trouvent dans le Poitou occidental (dans les Départements de la Vendée et des DeuxSèvres) et représentent, de ce fait, la périphérie nord-occidentale du réseau de la série B. Toujours est-il que la totalité des missions 5 à 8, exécutées entre le 1er juin 1899 et le 10 août 1901, s’est déroulée sous le signe d’un questionnaire comprenant d’abord au moins 1 747 items (= séries A et B) et, dès le début de la Curieusement, le problème de l’existence parallèle de trois séries de cartes dans l’ALF n’a reçu, dans les ouvrages de Sever Pop, de loin le plus éminent biographe de Jules Gilliéron, qu’un traitement très sommaire : cf. Pop 1950 I, 134sq. et Pop / Pop 1959, 86sq. 12 Les numéros entre crochets renvoient à la place que ces enquêtes occupent dans le tableau chronologique de toutes les enquêtes réalisées pour l’ALF (cf. Notice, 25-28). Le relevé effectué au P.-ALF 540 [318] est la dernière des 68 explorations faites au cours de la 4e mission. 13 Il semble bien que la genèse de la frontière occidentale du réseau de la série C s’explique par une raison ‘géométrique’ analogue : bien que la plupart des localités-ALF qui la constituent sont issues de la 6 e mission, deux points situés en plein milieu de cette frontière (PP.-ALF 713 et 715) n’ont été explorés qu’au cours de la 8e (et dernière) mission. Toujours est-il que la première enquête-ALF admise dans le réseau C détient, sur la liste de Simoni-Aurembou, la 400 e place (= P.-ALF 704) ; elle a été réalisée au mois de décembre 1899. C’est la première enquête dont on peut dire avec certitude qu’elle portait, au moins, sur 1 920 questions. 11

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6e mission (décembre 1899), avec un questionnaire pourvu d’au moins 1 920 questions (= séries A, B et C). Comme l’ensemble des enquêtes faites par Edmont au cours de la 6 e mission ne se reflète pas complètement dans le réseau de la série C, il est évident qu’une partie des enquêtes faites avec le maxi-questionnaire de 1 920 items n’a pas été publiée par Gilliéron. Il est cependant fort probable que les carnets alors remplis se trouvent encore dans le dossier Gilliéron déposé à la Bibliothèque Nationale. Il est par contre hors de doute que les cartes de la série B ont plus de lacunes que la majorité des cartes de la série A. Il est non moins évident que l’ensemble des questions des séries B et C constitue des apports supplémentaires qui ont été ajoutés après coup, individuellement et selon le cas, au tronc commun du questionnaire de base. L’intérêt du dialectométricien – qui s’occupe des structures de profondeur qui sous-tendent des stocks de données dialectales – est de savoir si, et surtout dans quelle mesure, les structures de profondeur des cartes de la série A et de la série B se ressemblent. Or, les résultats dont il va être question plus tard montrent qu’elles se ressemblent beaucoup. Et ceci malgré l’ampleur divergente des deux corpora dialectométrisés 14, et aussi malgré l’application de deux « philosophies taxatoires » différentes 15.

3. Description et rendement des deux campagnes de dialectométrisation de données de l’ALF 3.1. La campagne réalisée entre 1997 et 2000, relative à 626 cartes originales de la série A de l’ALF La première analyse-DM de données originales tirées de l’ALF que nous ayons faite concernait uniquement le réseau de la Normandie, élargi légèrement Effectif total des CT retranchées de notre corpus-DM tiré de la série A de l’ALF : 1 650 ; effectif total des CT extraites de la série B de l’ALF : 675. Rappelons qu’audessus d’un seuil de quelque 200 à 250 CT, aléatoirement tirées d’un corpus-DM plus grand, les structures-DM globales ainsi calculées restent très stables. Ceci signifie que la comparaison des structures globales tirées, d’un côté, de 1 650 CT et, de l’autre, de 675 CT est non seulement légitime, mais aussi absolument fiable du point de vue taxométrique : cf. à ce sujet Goebl 1984 I, 206sqq. 15 L’équipe de taxation qui, de 1997 à 2000, s’est attelée à la tâche de la taxation de 626 cartes originales de l’ALF, obéissait à des consignes taxatoires plutôt globales et enveloppantes (« lumping »), alors que la taxation opérée par Pavel Smečka suivait des principes plus différenciateurs (« splitting »). Pour ces deux manières d’analyser ou de capter la réalité empirique, cf. Sneath / Sokal 1973, 7 et 431. 14

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vers l’ouest, le sud et l’est 16. Les résultats-DM correspondants ont été utilisés dans notre thèse d’habilitation (Goebl 1984) et un certain nombre de publications postérieures. Ce n’est qu’en 1997, sur la base d’expériences faites au préalable avec des données d’atlas de nature phonétique 17, que nous avons osé nous attaquer à une analyse-DM plus universelle de l’ALF, qui devait embrasser, d’un côté, la totalité de son réseau et, de l’autre, un nombre aussi grand que possible de ses cartes avec inclusion de toutes les catégories linguistiques. Il fallait alors définir les normes de taxation sous la forme d’un véritable manuel de taxation, en communiquer les principes à une équipe de jeunes collaborateurs, et surtout mettre à leur disposition les « moyens matériels » pour l’exécution ordonnée de leur travail. Par « moyens matériels », nous entendons un exemplaire de la réimpression de l’ALF, parue en 1968 chez l’éditeur Forni à Bologne (Italie), lequel, une fois acheté, avait été décomposé en feuilles détachées. Ceci signifiait que chacune des 1 421 cartes de la série A de l’ALF était à la disposition individuelle de nos collaborateurs. Évidemment, il fallait encore préparer convenablement le travail d’extraction des données dialectales des cartes de l’ALF. Pour ce faire, nous avons fait imprimer chez un imprimeur salzbourgeois, sur chacune des 1 421 cartes détachées de la série A, un réseau multicolore d’une douzaine de « parcours d’épreuve » lesquels, en zigzagant à travers le réseau de l’ALF, reliaient entre eux, à l’instar d’un chapelet à égrener, l’ensemble des 638 points à dépouiller. Un jeu de modules appropriés, arrangés selon la logique spatiale des parcours d’épreuve mentionnés ci-dessus, permettait de fixer et de saisir à la main les réflexions et les résultats des analyses taxatoires. Ce n’est qu’après la saisie manuelle des taxats qu’a eu lieu l’intégration du contenu des modules dans l’ordinateur. Ce travail avait déjà été appuyé par le logiciel salzbourgeois VDM. Inutile de dire que les données, une fois informatisées, ont encore subi une nouvelle vérification avec, au besoin, les corrections nécessaires. Les cartes détachées de l’ALF ont été distribuées à cinq collaboratrices 18 dans l’ordre de leur arrangement alphabétique original. Vu les contraintes de Le réseau utilisé alors comprenait en tout seulement 71 points-ALF (dont un point artificiel, relatif au français standard). 17 Il s’agit de la dialectométrisation de la moitié des quelque 400 colonnes des « Tableaux phonétiques des patois de la Suisse romande » (TPPSR) : cf. Goebl 1985, passim. 18 Il s’agissait des romanistes salzbourgeoises suivantes : Barbara Aigner, Irmgard Dautermann, Hildegund Eger, Susanne Oleinek et Annette Schatzmann. Ma profonde gratitude pour leur travail précis et tenace leur est acquise pour toujours. 16

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la disponibilité personnelle de nos collaboratrices et aussi l’ampleur limitée des subsides financiers alors à notre disposition, il n’était pas possible de traiter la totalité des planches de la série A de l’ALF, si bien que nous ne pouvions analyser, en fin de compte, que 626 des 1 421 cartes disponibles. L’unité de base, issue d’une analyse taxatoire des données d’un atlas linguistique et faite selon les modalités en usage à Salzbourg, s’appelle « carte de travail » (CT) : voir les cartes 1-4 de l’annexe et aussi les positions 1 et 2 de la figure 3. Le travail analytique qui mène à l’établissement d’une CT correspond parfaitement à la vieille tradition des romanistes de « typiser », à l’aide de cartes muettes et d’une cartographie souvent très rudimentaire, le contenu d’une planche originale d’atlas. En d’autres mots : la fameuse carte à hachures – ajoutée par J. Gilliéron à la fin de son livre bien connu sur l’abeille de 1918 – a été dressée, par son auteur, exactement dans le même « esprit » que les cartes 3 et 4 de cet article 19. Dans tous les cas, il s’agit d’une typisation lexicale (ou onomasiologique). La DM salzbourgeoise repose donc, de par ses données de départ, sur des prérequis méthodiques rodés et notoires en matière de romanistique. Pour décrire convenablement une CT, il faut en retenir l’appartenance catégorielle, le nombre des taxats ainsi que la taille et la structuration de ses aires. Comme l’analyse-DM vise l’étude de la variation dialectale et que cette dernière présuppose, sur une CT, la présence d’au moins deux taxats se partageant le réseau, l’éventail de la variation taxatoire (poly-nymie) des CT s’inscrit toujours entre 2 (CT bi-nyme) et n (CT n-nyme) 20. La polynymie et l’appartenance catégorielle des cartes 1-4 se présente donc comme suit :

Catégorie linguistique

polynymie

Carte 1

phonétique

11-nyme

Carte 2

phonétique

9-nyme

Carte 3

lexique

8-nyme

Carte 4

lexique

9-nyme

La même remarque vaut, en guise d’exemple, pour toutes les cartes contenues dans le livre de K. Jaberg sur l’ALF de 1908. 20 Pour la désignation du degré changeant de la polynymie des CT, nous utilisons le triplet terminologique grec suivant : CT avec très peu de taxats, oligo-nyme ; CT avec un nombre moyen de taxats, méso-nyme ; CT avec beaucoup de taxats, poikilo-nyme (< grec poikilós ‘bigarré’). 19

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Un autre problème digne d’être mentionné est le nombre des lacunes sur les planches originales d’atlas. Comme la prise en compte dans la saisie taxatoire des données originales d’un atlas linguistique d’un nombre trop grand de lacunes cause inévitablement, au cours des calculs-DM, des distorsions numériques – souvent très fâcheuses – des résultats-DM, il est indiqué d’en contrôler rigoureusement la quantité. Dans les analyses taxatoires faites entre 1997 et 2000, nous n’avions admis, pour les lacunes, que quelque 10% des 638 points du réseau de base de l’ALF. Cela signifiait que toutes les cartes-ALF disposant de plus de 63 « cases vides » avaient été écartées de l’analyse-DM, indépendamment de leur intérêt ou de leur valeur linguistiques. Pour le bilan global des analyses-DM effectuées entre 1997 et 2000, voir le tableau suivant 21 :

∑ cartes-ALF originales dépouillées

∑ cartes de travail (CT)

∑ taxats (aires taxatoires)

Variation polynymique (taxats / carte de travail)

Phonétique

247

1 117

10 642

de 2 à 72

Vocalisme 22

242

477

7 533

de 2 à 72

Consonantisme

227

479

2 746

de 2 à 26

Lexique

457

465

6 514

de 2 à 90

Morphosyntaxe

84

99

891

de 2 à 55

Total

626

1 681

18 047

de 2 à 90

Tableau 1 : Synopse quantitative du corpus dialectométrique tiré de la série A de l’ALF entre 1997 et 2000 (comprenant le réseau intégral de l’ALF)

Les valeurs du tableau 1 divergent légèrement de celles que l’on trouve dans nos publications antérieures de 2000, 2002 et 2003. Ceci s’explique par le fait que nous avons rectifié, depuis 2009, les décomptes originaux en éliminant, de nos calculs, toutes les « données manquantes » (= lacunes) ainsi que les CT mononymes, dont certaines avaient encore été incluses dans le décompte initial du total des CT prises en considération. Précisons, en outre, que les calculs-DM à proprement parler n’ont jamais souffert de ces incongruités et que, de ce fait, les résultats-DM présentés dans nos travaux de 2000, 2002 et 2003 (et après), restent entièrement valables. 22 Comme les exemples iconiques de cet article se réfèrent uniquement aux corpora total, phonétique et lexical, les indications relatives aux sous-catégories linguistiques du vocalisme, du consonantisme et de la morphosyntaxe ont été mises en italique et réalisées, en outre, en caractères plus petits. 21

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En règle générale, une planche-ALF lexicalement mononyme – dont les réponses reposent toutes, par conséquent, sur le même étymon – a pu être analysée plusieurs fois, de sorte qu’il était possible de dériver, de 247 cartesALF de ce genre, un total de 1 117 CT de type phonétique. Par contre, la même diversification était impossible pour les planches lexicales de l’ALF où, le plus souvent, nous ne pouvions déduire qu’une seule CT d’une carte originale. Notons, en outre, que c’est toujours le lexique qui fournit les éventails polynymiques les plus larges, alors que, par rapport à la richesse taxatoire du lexique, la phonétique est toujours plus ou moins en retrait. Ceci s’explique, avant tout, par le fait bien connu que l’inventaire des unités de base de la phonétique est fermé, alors que ce n’est pas le cas pour le lexique. Les scores présentés dans le tableau 1 peuvent être mis en relation avec la position 2 de la figure 3, relative à la « matrice de données ». Le point d’arrivée de l’analyse taxatoire est toujours, selon les consignes de la DM-S, l’établissement d’une matrice de données qui, d’un côté, constitue le dernier maillon qualitatif de notre chaîne méthodique et, de l’autre, servira comme point de départ pour toutes les analyses quantitatives de nature dialectométrique à proprement parler.

3.2. La réduction des données-ALF taxées en 1997-2000 aux dimensions de la série B de l’ALF (corpus « A-to-B ») Voir le tableau 2 et les figures 1 et 2. Évidemment, une comparaison directe des structures de profondeur des cartes de la série B de l’ALF avec celles émanant de la série A présuppose l’utilisation du même réseau. Comme celui de la série B comprend 326 pointsALF, nous avons dû réduire les dimensions de la matrice originale en en enlevant quelque 300 vecteurs de points d’enquête. Dans ce processus, nous avons néanmoins conservé nos trois points artificiels « traditionnels », relatifs aux langues standard du français (P. 999), de l’italien (P. 998) et du catalan (P. 997). De cette mesure, il résulte un total de 329 points-ALF. Le retranchement de la moitié nord du réseau de l’ALF a également été pratiqué dans la structure polygonale de la carte de base pour conférer plus de clarté à la comparaison visuelle des deux niveaux d’analyse.

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∑ cartes de travail (CT)

∑ taxats (aires taxatoires)

1 096

8 812

de 2 à 58

62

313

2 588

de 2 à 47

242

477

6 043

de 2 à 58

62

142

1 781

de 3 à 47

Consonantisme

222

466

2 431

de 2 à 20

54

121

701

de 2 à 18

Lexique

Variation polynymique(taxats / carte de travail)

∑ cartes-ALF originales dépouillées

247

Vocalisme

Variation polynymique (taxats / carte de travail)

Phonétique

∑ taxats (aires taxatoires)

∑ cartes de travail (CT)

Corpus-ALF de la série B [329 P.-ALF]

∑ cartes-ALF originales dépouillées

Corpus-ALF réduit du sud (série A [641 P.-ALF] → série B [329 P.-ALF])

449

457

4 624

de 2 à 67

274

300

4 616

de 2 à 87

Morphosyntaxe

84

97

725

de 2 à 47

36

62

330

de 2 à 56

Total

624

1 650

14 161

de 2 à 67

294

675

7 534

de 2 à 87

Tableau 2 : Synopse quantitative des corpora dialectométriques tirés des séries A et B de l’ALF (comprenant 329 points méridionaux de l’ALF)

La moitié de gauche du tableau 2 montre les nouvelles relations quantitatives qui se sont instaurées à l’intérieur de la matrice de données « amputée », alors que les figures 1 et 2 en visualisent certains aspects quantitatifs très intéressants. Il s’agit, en l’occurrence, de la démonstration des rapports quantitatifs qui existent entre la fragmentation taxatoire des cartes de travail (CT) – voir l’abscisse (à l’horizontale) – et le nombre absolu de ces dernières – voir l’ordonnée (à la verticale) : plus cette fragmentation est grande, plus le nombre des CT respectives diminue. La remarquable régularité de la déclivité continue des deux courbes de type exponentiel renvoie à l’existence d’un ordre quantitatif sous-jacent commun. Soit dit entre parenthèses, de telles régularités ont pu être décelées dans toutes nos études-DM 23. Elles constituent la contre-partie géolinguistique des lois quantitatives qui régissent la production grammaticale de l’activité langagière de l’homme 24. Dans notre cas, cette dernière se déploie non pas dans les Cette régularité a le rang d’une véritable loi mathématique. Ceci a été prouvé en 1985 par le linguiste-mathématicien allemand Gabriel Altmann. Il a d’ailleurs baptisé cette loi (all. Gesetz) du nom de « Goebl-Gesetz ». 24 Des lois statistiques similaires régissent également le rendement lexical de l’activité langagière de l’homo loquens. Il s’agit là de la « loi Zipf-Mandelbrot ». Pour une vue 23

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dimensions de la grammaire, mais dans celles de l’espace. Depuis longtemps 25, nous qualifions cette activité humaine de « gestion basilectale de l’espace par l’homo loquens ».

Figure 1 : Histogramme – avec 44 barres verticales de hauteurs inégales – montrant, pour 1 650 cartes de travail et 14 161 taxats tirés de la moitié sud de la série A des cartes de l’ALF, la relation entre le nombre de taxats par carte de travail (en abscisse) et le nombre absolu des cartes de travail (en ordonnée) Le dernier tronçon de barre (à droite) se réfère à la valeur 67 (= taxats par carte de travail) et à une seule carte de travail.

3.3. La campagne réalisée entre 2010 et 2012 par Pavel Smečka, relative à 294 des 326 cartes originales de la série B de l’ALF Les conditions extérieures de ce travail ressemblaient beaucoup à celles de la taxation de la série A réalisée entre 1997 et 2000. D’entrée de jeu, le 9e volume de la réimpression de l’ALF a été décomposé en cartes détachées si bien qu’il était facile de scanner d’abord les 326 cartes originales de la série B et de leur superposer ensuite – par voie informatique (et non plus par voie « analogique ») – un réseau polychrome avec plusieurs « parcours d’épreuve ».

d’ensemble des lois statistiques relatives à la linguistique, cf. Best 2003 (passim) et le manuel de linguistique quantitative (HSK 27) publié en 2005 par R. Köhler, G. Altmann et P. Piotrowski. 25 Cf. Goebl 1993, 277.

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Par la suite, Pavel Smečka a mis au point un manuel de taxation et un jeu de modules appropriés. Étant donné la nature souvent très lacunaire des cartes de la série B, il a fallu en écarter une bonne trentaine d’entrée de jeu. C’est ainsi que seulement 294 des 326 planches originales de la série B ont été soumises à l’analyse taxatoire typique de la DM-S. Pour les résultats, voir la moitié droite du tableau 2 et la figure 2 (histogramme).

Figure 2 : Histogramme – avec 55 barres verticales de hauteurs inégales – montrant, pour 675 cartes de travail et 7 534 taxats tirés de la série B des cartes de l’ALF, la relation entre le nombre de taxats par carte de travail (en abscisse) et le nombre absolu des cartes de travail (en ordonnée)

La déclivité de la courbe exponentielle de la figure 2 ressemble de très près à celle de la courbe de la figure 1. Cela prouve que les structures internes des deux corpora sont les reflets de deux réalités empiriques très similaires, sinon identiques. La lecture et l’interprétation des chiffres du tableau 2 permettent cependant de faire ressortir une certaine divergence qui existe, entre nos deux corpora, dans leur degré de polynymie. Par la multiplication du nombre des cartes de travail avec le nombre des points d’atlas (= 329), l’on obtient la grandeur de la matrice de données respective. Exemple pour le corpus-ALF « A-to-B » : 1 650 × 329 = 542 850. Moyennant la division de cet effectif par le nombre de taxats (ou aires taxatoires) respectif, l’on obtient la grandeur (ou : l’étendue) d’une aire taxatoire moyenne : 542 850 ÷ 14 161 = 38,33 points d’atlas.

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En jetant un coup d’œil sur les cartes 1 et 3 où figurent des aires taxatoires de taille très inégale, il est possible de mieux évaluer cet état des choses. Le même calcul, fait avec les effectifs de la moitié droite du tableau 2, relative à la taxation de la seule série B de l’ALF et effectuée sous la responsabilité de P. Smečka, aboutit au résultat suivant : (675 × 329) ÷ 7 534 = 29,47. Cela signifie que la matrice de données de ce corpus comprend, en moyenne, des aires taxatoires sensiblement plus petites. La raison de cette divergence tient à deux facteurs : à la structuration linguistique interne des matériaux géolinguistiques de base, c’est-à-dire des cartes originales de la série B de l’ALF, et à la précision, voire la finesse, de l’analyse taxatoire. Au vu des chiffres calculés, il semble bien que le travail taxatoire de P. Smečka se soit déroulé sous le signe du « splitting », alors que le même travail effectué par l’équipe salzbourgeoise active entre 1997 et 2000, ait obéi plutôt au principe du « lumping 26 ». On comprend mieux la fonction et les conséquences du « lumping » et du « splitting » en regardant les cartes 3 et 4. La légende de la carte 3 nous dit que les types linguistiques baquer et vacher, dérivés pourtant tous les deux d’un étymon latin commun (< *vaccáriu), correspondent à deux taxats différents. Ceci est dû au fait que le taxat baquer est porteur de deux évolutions phonétiques très « marquées » (1. bétacisme du V-initial, 2. conservation de la vélaire latine c devant a). Une acception taxatoire rigoureusement « étymologisante » aurait, par contre, rangé ces deux types dans la même classe tout en les définissant comme taxat individuel et isolé. Une observation similaire vaut pour les types rito et tiro de la carte 4 dont le premier est issu d’une simple inversion de la charpente consonantique (t-r) du second type. Comme l’origine étymologique des deux taxats est de nature onomatopéique et que la position géographique de leurs aires respectives suggère la scission postérieure d’une aire à l’origine cohérente, P. Smečka a préféré en tirer deux taxats au lieu d’un seul. Les conséquences de cette divergence sur les résultats-DM finals sont d’ailleurs minimes : voir à ce sujet notre contribution de 2014 où nous avons pu démontrer que l’utilisation comparée de corpora-DM oligo-, méso- et poikilo-nymes conduit à des résultats sensiblement égaux. Il n’y a donc lieu de s’inquiéter : la fiabilité statistique de la comparaison-DM de nos deux corpora est pleinement assurée. Les désignations de « splitting » et « lumping » pour une mensuration plus ou moins fine des attributs d’entités empiriques à classifier ont été empruntées à la classification numérique (et à la biologie) : cf. Sneath / Sokal 1973, 7 et 431.

26

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4. Notices servant à la bonne intelligence des cartes dialectométriques de cet article Dans ce paragraphe, nous tâcherons de fournir les outils méthodiques et conceptuels de base pour une bonne intelligence des 32 cartes-DM de l’annexe.

4.1. Observations méthodiques générales Le but central de la DM-S est de déceler les structures de profondeur qui, invisibles d’entrée de jeu, existent dans (ou : sous) la masse des données d’un atlas linguistique. La DM-S admet en outre que les cartes d’atlas à proprement parler ainsi que leurs structures géolinguistiques directement accessibles à l’œil de l’observateur en constituent les structures de superficie. Comme la démarche exploratoire de la DM-S est inductive, elle se dirige du niveau des faits particuliers vers celui des faits généraux. Dans cette perspective, les différentes cartes d’un atlas linguistique ainsi que les cartes de travail (CT) (voir les cartes 1-4) qui en sont dérivées se situent au niveau du particulier, alors que les visualisations globales de type choroplèthe et isarithmique (voir les cartes 5-32) occupent le niveau épistémologique du général. Il va de soi que la DM-S postule au préalable l’existence réelle de régularités finement articulées à l’intérieur des données d’un atlas linguistique, tout en repoussant l’idée de vouloir les inventer après coup. Sa démarche vise donc à la détection de ces structures préexistantes : elle est, de ce fait, exploratoire. Nous supposons, en outre, que les régularités spatiales en question sont l’émanation directe d’une activité spéciale de l’homme, à savoir de la « gestion basilectale de l’espace par l’homo loquens ». Ce concept, que nous utilisons depuis 1993 27, confère non seulement une place centrale à l’activité langagière des dialectophones, mais ouvre aussi un grand nombre de perspectives interdisciplinaires. Ceci surtout à cause du fait que le même acteur, à savoir l’homme (ou : homo faber), est appelé à gérer l’espace qu’il habite non seulement de manière linguistique mais aussi de beaucoup d’autres manières, qu’elles soient de nature matrimoniale, génétique, agricole, économique, écologique, politique, ecclésiastique ou autre.

Voir nos contributions de 1993, 277 ; 2002, 5 ; 2003, 60 et 2005a, où ce concept figure même dans le titre de l’article en question.

27

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4.2. Des données d’atlas aux cartes dialectométriques en passant par la taxation, la mensuration de similarités et de distances et les défis d’une visualisation appropriée

ALx

n points d’enquête

1

Source originale (Atlas linguistique x)

N points d‘enquête

Subdivision par catégories linguistiques: vocalisme, consonantisme, morphologie, lexique etc.

A

2

Matrice de données

- synthèses isoglottiques

IRDjk = 100 – IRIjk

IRIjk , IPI(1)jk

N points d‘enquête

taxation

Matrice de distance (IRDjk) N points d‘enquête

N points d‘enquête

p cartes de travail

P cartes d’atlas (ALx)

Voir la figure 3.

- cartes de similarité - cartes à rayons - cartes à paramètres - cartes à corrélations - arbres (dendrogrammes)

Matrice de similarité IRIjk , IPI(1)jk N points d‘enquête

mensuration des similarités et distances

B

3

dépouillement graphique des matrices carrées

Matrices de similarité et de distance

C

4

interprétation des structures des cartes

D Résultats taxométriques (numériques et cartographiques)

5

Figure 3 : Diagramme de la chaîne méthodique utilisée par l’« Ecole Dialectométrique de Salzbourg »

Les méthodes de la DM-S constituent les maillons d’une chaîne qui s’étend entre les données brutes (figure 3 : position 1) et les différentes visualisations finales (figure 3 : position 5). L’étape A, qui ne comprend que le traitement typologisant (ou : taxation) des données d’atlas, correspond largement à la vieille technique de la typisation des données originales d’un atlas linguistique examiné, appliquée couramment au sein de la romanistique depuis la période de Jules Gilliéron : voir à titre d’exemple la carte typisée (en noir et blanc) de l’abeille (ALF 1) dans Gilliéron 1918, ou les cartes (en couleurs) présentées en appendice dans Jaberg 1908. Précisons que ce genre de travail présupposait – et continue de le faire – le recours à des cartes muettes du réseau d’atlas en question. Le produit final de l’étape A est la matrice de données (N × p) dont le contenu se situe, du point de vue métrologique, au niveau de l’échelle nominale (ou : cardinale).

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Le volet ‘innovateur’ de la DM-S débute avec l’étape B où il s’agit de mesurer, à l’aide de différents indices taxométriques, ou bien les similarités ou bien les distances qui existent entre les N vecteurs d’attributs de la matrice de données. Pour des raisons d’économie, nous n’utilisons, dans cet article, que l’« Indice Relatif d’Identité » (IRIjk) pour la mensuration des similarités, et l’« Indice Relatif de Distance » (IRDjk) pour celle des distances entre deux points d’enquête (mieux : vecteurs d’attributs) – j et k – de la matrice de données. Dans les deux cas, il s’agit d’indices très ‘robustes’ qui ont prouvé leur utilité à d’innombrables reprises. Tous les deux sont du type ‘adansonien’ : ceci signifie qu’ils traitent tous les taxats de la matrice de données sur un pied d’égalité (numérique) et ne pratiquent, de ce fait, aucune pondération quantitative. Les scores calculés à l’aide de ces deux indices sont complémentaires, selon la formule suivante : IRIjk + IRDjk = 100. Informations supplémentaires : les présentations les plus détaillées se trouvent dans Goebl 1984 I, 74 (en allemand) ; pour des explications plus fouillées en français voir Goebl 1981 (passim), 2002 et 2003 ; en anglais : 1993 et 2006 (tous les deux : passim).

Le but de l’étape C consiste dans le dépouillement graphique du contenu numérique des matrices de similarité et de distance, selon les besoins de la géolinguistique. Il s’agit donc d’extraire, des deux matrices carrées calculées, certains secteurs censés être utiles ou féconds pour les propos de la géolinguistique, et de les convertir en images ou graphiques appropriés. Ce faisant, la DM-S s’efforce depuis toujours d’opérer un choix judicieux et de ne pas déverser, dans un réflexe irréfléchi d’innovation technologique, toute la panoplie de la visualistique moderne sur ses lecteurs. À cet égard, le programme VDM est très souple parce qu’il permet – à travers la possibilité de modifier à peu de frais la finesse, les teintes et les modalités de l’étalement spatial du symbolisme chromatique utilisé – d’adapter les graphiques-DM générés aux besoins cognitifs et aux capacités physiologiques de l’œil de l’observateur. L’étape finale D est la plus exigeante et, en même temps, la plus prometteuse. Elle sert à l’interprétation linguistique des cartes établies, c’est-à-dire au mariage du rendement heuristique de l’analyse-DM à proprement parler avec les prérequis théoriques et pratiques de la recherche dialectologique en cours. Informations supplémentaires : cf. Goebl 1984 I, 86sqq. ; pour des visualisations réalisées en noir et blanc : cf. Goebl 1981 et 2006 (passim) ; et en couleurs : 1993, 2002, 2003 (et après). Pour le fonctionnement et l’application d’algorithmes de visualisation : cf. 1984 I, 93sqq. ainsi que 1981 et 1983 (passim).

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4.3. La carte de similarité (CS) Voir 5.2. et les cartes 9-16. La CS est le pilier heuristique central de la DM-S. C’est un dessin relationnel – pivotant autour d’un point de repère à définir au préalable – dont l’utilité est double : – montrer la position géotypologique de la dialecticité d’un point d’enquête au sein du réseau examiné, et –

visualiser l’étonnante régularité avec laquelle les scores de similarité diminuent dans l’espace.

C’est par le biais des CS qu’a été découverte la relation intime (et toujours très ordonnée) qui existe entre la distance kilométrique et la similarité linguistique par rapport à un point de repère donné : c’est que la similarité linguistique décroît avec l’augmentation de la distance kilométrique. Pour la dimension de l’espace, cette relation a la force d’une loi géo-linguistique, comparable aux lois phonétiques (« Lautgesetze »), découvertes par les néo-grammairiens de Leipzig à la fin du XIXe siècle, lesquelles régissent le déploiement des faits linguistiques dans la dimension du temps. Du point de vue cartographique, la CS appartient à la classe des cartes choroplèthes. Un tel type de carte se sert d’un fond de carte polygonisé� et d’un certain nombre de couleurs graduées (toutes extraites du spectre solaire) pour symboliser, à travers la variation de leur étalement sur la carte, la variation respective des données numériques à représenter. La logique d’une CS veut qu’elle visualise le contenu numérique d’un des N vecteurs de la matrice de similarité. Il existe donc, pour une seule matrice de similarité (des dimensions N × N), le nombre N de CS. La même logique veut que le polygone du point de repère 28 reste toujours en blanc et que la visualisation à proprement parler concerne donc seulement N – 1 polygones. Pour la répartition algorithmique des couleurs (ou teintes) – dont le nombre peut varier, dans VDM, entre 2 et 20 – VDM offre trois solutions différentes, marquées par les sigles MINMWMAX, MEDMW et MED. Ces algorithmes permettent de conférer, au même potentiel numérique, trois sortes de visualisations qui se distinguent par le caractère plus ou moins accidenté de leurs profils choroplèthes (ou isarithmiques). Les cartes de cet article n’utilisent que les algorithmes MINMWMAX et MEDMW. Tous les deux répartissent les N – 1 scores à visualiser des deux 28

Le score-IRI attribué au point de référence (j), est toujours réflexif (IRI jj) et, de ce fait, s’élève toujours à 100(%).

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côtés de la moyenne arithmétique (MA) issue de ces valeurs. Les scores situés au-dessus de la MA seront toujours visualisés par des couleurs « chaudes » (jaune, orange, rouge), alors que les scores situés au-dessous de la MA recevront un coloriage « froid » (vert, bleu moyen, bleu foncé). Pour l’algorithme MINMWMAX, les seuils qui délimitent les intervalles des deux côtés de la MA se calculent à partir de la différence qui existe, d’un côté, entre la MA et le score minimal, et, de l’autre, entre le score maximal et la MA. Au cas où n intervalles (ou couleurs) sont prévus pour la visualisation, chacune de ces deux différences est divisée par n/2. L’algorithme MEDMW par contre, crée, des deux côtés de la MA, des intervalles dont l’ampleur – définie par le nombre de polygones marqués par la même couleur – est sensiblement égale. Cet algorithme génère des profils plus accidentés. Toute CS comprend trois parties : le cartogramme à proprement parler, la légende numérique (en bas, à gauche) et l’histogramme (en bas, à droite). Dans la légende, l’on trouve les indications relatives aux seuils numériques des n intervalles et au nombre des points d’enquête répertoriés dans chaque intervalle. Précisons, en outre, que toutes les cartes quantitatives de cet article disposent de (seulement) six paliers chromatiques. En général, cet effectif est suffisamment grand pour permettre une bonne détection des structures globales de la carte choroplèthe (ou isarithmique) en question. Les contours des aires marquées par une des six couleurs mentionnées ne doivent d’ailleurs pas être confondus avec des « limites (ou : frontières) linguistiques ». Ils correspondent plutôt aux concepts géographiques des isohypses, isobares ou isohyètes 29 qui représentent trois variantes du concept général de l’isoligne. L’histogramme, constitué toujours de 2n barres verticales à hauteurs inégales, sert à visualiser le caractère statistique de la distribution de fréquence en question. Il montre surtout si cette dernière est symétrique ou non, et aussi, si elle dispose d’un ou de plusieurs sommets, ou même des endroits de discontinuité. Le recours au message de l’histogramme est indispensable pour la définition et aussi pour la bonne intelligence des « cartes à paramètres ». Informations supplémentaires : Goebl 1984 I, 90sqq. ; 1981 et 1983 (passim). Il s’agit respectivement, dans les trois cas, de lignes qui, sur un graphe ou une carte météorologique, relient les points où l’altitude (-hypse), la pression atmosphérique (-bare) et la quantité de précipitations (-hyète) sont égales.

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4.4. L’analyse des distances interponctuelles (cartes isoglottiques) Voir 5.3. et les cartes 17-20. L’élément iconique central de ce type de cartes n’est plus la superficie d’un polygone, mais l’ensemble des côtés qui l’entourent. Au cours de la visualisation, chacun des côtés de polygone deviendra porteur de deux symbolismes graphiques variables : de l’épaisseur et de la couleur. Le message global des cartes 17-20 dépend donc de l’interaction optique de 890 côtés de polygone, équivalant à autant de scores-IRD interponctuels, qui auparavant avaient été extraits de la matrice de distance. La relation cartographique entre l’épaisseur et la couleur est la suivante : plus les scores-IRD sont grands, plus les côtés respectifs seront épais et tireront vers le bleu. L’épaisseur des côtés de polygone rappelle donc l’épaisseur des faisceaux d’isoglosses de la géographie linguistique classique. En matière de cartographie, ce genre de cartes, basées sur des éléments linéaires, est appelé (carte) isarithmique. La perception visuelle du profil réticulaire de cartes isarithmiques pose plus de problèmes à l’œil que celle de cartes choroplèthes, qui ont l’avantage de lui présenter une surface (pseudo-)continue. Néanmoins, la compréhension intuitive de synthèses isoglottiques est facile. Ceci vaut également pour leur comparaison visuelle directe avec des superpositions isoglottiques de type traditionnel : voir à ce sujet les cartes respectives publiées par le romaniste suédois Arvid Rosenqvist en 1919 (réseau entier de l’ALF) ou par le romaniste autrichien Karl von Ettmayer en 1924 (moitiés nord et sud de l’ALF). Il ne faut cependant pas surestimer le rang taxométrique de la synthèse isoglottique. Les cartes 17-20 reposent sur 890 scores de l’IRD. Cet effectif ne correspond qu’à 1,64% des scores de distance déposés dans la matrice de distance à disposition 30. La portée classificatoire de cette analyse est donc relativement limitée. Précisons que cette limitation est due, avant tout, au principe de l’interponctualité des mensurations qui n’admet la considération de différences linguistiques qu’à très courte distance, tout en écartant toutes les autres possibilités de comparaison. Informations supplémentaires : Goebl 1984 I, 183sqq. ; 1983 (passim).

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En voici les calculs respectifs : dimensions de la matrice de distance (N × N) : 329 × 329. Nombre des scores de distance stockés dans cette matrice et prêts à être utilisés (suivant la formule N·(N – 1)  : 2) : 53 956. Ensuite : 890 (valeurs interponctuelles) : 53 956 = 1,64%.

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4.5. Une carte à paramètres : l’analyse des « coefficients de Fisher » Voir 5.4. et les cartes 21-24. Dans le paragraphe 4.3., nous avons déjà évoqué le fait que les distributions de similarité, sur lesquelles reposent les cartes de similarité, servent non seulement à révéler l’étonnante régularité de l’étalement de similarités linguistiques dans l’espace, mais rendent aussi d’autres services taxométriques. C’est que la considération synoptique de leurs « paramètres caractéristiques » (comme, p. ex., le minimum et le maximum, la moyenne arithmétique (MA), l’écart-type, différents coefficients d’asymétrie etc.) permet la saisie ponctuelle de certains aspects quantitatifs du fonctionnement des dialectes dans l’espace. Un des paramètres les plus intéressants du point de vue de la géolinguistique est le « coefficient d’asymétrie de Fisher » (CAF). Il permet de mesurer la symétrie (ou asymétrie) d’une distribution de fréquence qui peut revêtir aussi une certaine importance linguistique. Prenons l’exemple des cartes 7 (CS depuis la Gascogne : P. 684) et 13 (CS depuis le Languedoc : P. 753). À côté du fait que l’histogramme de la carte 13 offre une silhouette plus symétrique que celui de la carte 7, l’on peut également constater – en contrôlant la position des scores de l’IRI des deux côtés de la moyenne arithmétique respective (MA) – que, sur la CS gasconne (carte 7), seulement 147 (= 44,8%) des 328 scores en question la dépassent, alors que sur la CS de type languedocien (carte 13) ce sont 170 (= 51,8%) scores-IRI sur 328 qui signalent la présence d’une bonne, voire excellente proximité linguistique avec le reste du réseau. En adoptant une perspective communicative, l’on est donc en droit de dire que l’insertion communicative du vecteur d’attributs du P.-ALF 753 dans le réseau-ALF de la série B est meilleure que celle du P.-ALF 684. Remarquons, en outre, que chacun des 329 vecteurs d’attributs de nos deux réseaux est caractérisé par la présence d’un certain nombre d’aires taxatoires dont la taille est très variable. Parmi ces aires, il y en a dont la grandeur est petite (= micro-chorique), moyenne (= méso-chorique) ou grande (= mégachorique). La spécificité communicative d’un vecteur d’attributs dépend donc de la combinaison particulière de ces trois types d’aires. Plus un tel vecteur comprendra des aires méso- et mégachoriques, plus l’impact communicatif en sera grand. Or, la présence d’aires plutôt grandes est le résultat de certaines évolutions historiques, marquées par une suite d’activités diffusionnistes ou expansives intenses. La mensuration globale de cette combinaison particulière constitue donc un moyen très efficace pour saisir le caractère « dynamique » d’un locolecte donné. Or, nous savons depuis longtemps que cette mensuration est assurée de façon idéale par le « coefficient

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d’asymétrie de Fisher » (CAF) 31 qui compte parmi les meilleurs indices pour la saisie numérique de l’asymétrie d’une distribution de fréquence. La propriété linguistique captée et mesurée par le CAF a été appelée par nous d’abord « Sprachausgleich » en allemand, et baptisée par la suite « compromis (ou brassage) linguistique » en français. Dans le cas de la symétrie parfaite d’une distribution de fréquence (ou de similarité), le score du CAF est de 0, alors qu’une asymétrie vers la gauche (= cumul des scores au-dessous de la MA) entraîne des scores positifs du CAF, et une asymétrie vers la droite (= cumul des scores au-dessus de la MA) des scores négatifs. Sur les cartes 21-24, les scores minimaux (et négatifs) sont marqués en bleu (foncé et moyen), alors que les scores maximaux (ou positifs) sont visualisés en rouge. La signification linguistique de ces couleurs est la suivante : – Bleu  : zone caractérisée par un grand dynamisme linguistique et beaucoup de contacts linguistiques (passifs et actifs) à plus ou moins grande distance. Présence d’un grand nombre d’aires taxatoires méso- et mégachoriques. – Rouge  : zone caractérisée par un comportement linguistique isolationniste, récessif ou défensif et par un nombre réduit de contacts linguistiques à grande distance. Présence de beaucoup d’aires taxatoires microchoriques.

La carte choroplèthe du CAF résulte de la mise en carte synoptique de N scores-CAF, émanant de N distributions de similarité qui, elles, sont stockées dans les N vecteurs d’une matrice de similarité carrée 32. En règle générale, les profils choroplèthes des cartes-CAF offrent des structurations très claires dont l’importance est, avant tout, d’ordre diachronique. À côté de la carte à corrélations, c’est un des points forts de la DM-S. Informations supplémentaires : la valeur et l’importance du CAF ressortent le mieux de nos études relatives au réseau complet de l’ALF : cf., avant tout, nos contributions de 2000, 2002 et 2003. Voir aussi nos travaux de 2004a, 2005b, 2006a, 2007a, 2007b et 2008a.

4.6. L’analyse dendrographique Il s’agit là de l’utilisation du schéma ramifié de l’arbre pour saisir les relations (généalogiques) de parenté dont on pense qu’elles existent entre les dialectes. Or, il est bien connu que le recours à la métaphore de l’arbre a une Cf. Goebl 1981, 394-401 et 1984 I, 150-153 (présentation de la formule du CAF et explication de ses fonctions). Ronald A. Fisher (1890-1962) était un biologiste et statisticien anglais. 32 Voir la figure 3. 31

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longue (et heureuse) tradition en matière de linguistique. Ceci vaut également pour la géolinguistique, à condition toutefois que l’outil heuristique de l’arbre soit utilement combiné avec celui de la carte. La construction algorithmique de schémas dendrographiques constitue, au sein de la classification numérique, une vieille pratique, tant sur le plan purement statistique que sur celui de l’application à des fins classificatoires. Il en résulte un nombre relativement grand d’algorithmes dendrographiques souvent très différents, dont l’utilité classificatoire est également très variable. Le dialectométricien-classificateur se trouve donc dans la nécessité d’effectuer, devant cette richesse méthodique, un choix judicieux, tout en considérant toujours les prérequis et finalités de la géolinguistique. Parmi les algorithmes dendrographiques à disposition, ce sont ceux qui opèrent suivant les principes de la « classification ascendante hiérarchique » (CAH) qui sont les plus prometteurs pour les propos de la géographie linguistique. Ils procèdent, en se basant sur les données d’une matrice de similarité carrée (N × N), par une suite d’agglomérations binaires d’éléments aussi similaires que possible, et ceci en commençant au niveau des « feuilles » de l’arbre pour finir par en rejoindre la racine (ou : le tronc). Il s’agit donc, métaphoriquement parlant, d’une « ascension », à l’intérieur d’un arbre retourné, du bas (à partir de N « feuilles ») vers le haut (vers une seule « racine »). Les agglomérations se traduisent graphiquement par la création de ramifications (ou : bifurcations) toujours binaires qui s’organisent sous la forme de hiérarchies disjonctives. Un des algorithmes les plus utiles en matière de DM a été proposé, en 1963, par Joe Ward, Jr. 33 L’avantage en réside dans sa capacité de créer, à l’intérieur des ramifications (« branchages » ou « ramages ») de l’arbre, des groupements à la fois très homogènes vers l’intérieur (« intra-group similarity ») et très hétérogènes vers l’extérieur, c’est-à-dire face à des groupements environnants (« inter-group distance »). Dans la pratique concrète du travail-DM, il s’agit d’abord d’identifier, à l’intérieur de l’arbre calculé, certains branchages (« dendrèmes ») linguistiquement « significatifs » et, par la suite, d’en projeter leurs éléments dans l’espace. C’est de là que naissent, sur la carte polygonisée du réseau en question, des aires en général très cohérentes (« chorèmes ») dont le pavage offre un grand intérêt linguistique. Évidemment, le logiciel VDM permet non seulement d’utiliser un grand nombre d’algorithmes dendrographiques différents, mais aussi de colorier à Joe H. Ward, Jr. (1926-2011) était un statisticien américain.

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discrétion les arborescences ainsi générées, et de transmettre, par la suite, les dendrèmes ainsi définis sur la carte. Nous appelons ce processus « spatialisation » (du contenu dendrématique de l’arbre). L’interprétation linguistique des arbres-DM est double : elle peut être faite dans la direction de la racine vers les feuilles (interprétation diachronique) et dans le sens inverse (interprétation synchronique). La perspective diachronique part de l’idée, chère à la lexicostatistique et à la glottochronologie, que tout domaine linguistique avait été, d’entrée de jeu, exempt de différences (spatiales) et partant homogène, et que les structurations observables de nos jours sont le résultat d’une suite de partages et scissions successifs. La perspective synchronique vise à l’intelligence des enchevêtrements et hiérarchies géographiques qui existent entre les différentes parties (branchages) de l’arbre et leurs pendants chorématiques. Informations supplémentaires : cf. Goebl 1984 I, 172sqq. et 2003, 84-89. Pour une description détaillée du fonctionnement des algorithmes dendrographiques, cf. nos contributions de 1991 et 1992 (en allemand). Pour l’algorithme de Ward, nous renvoyons aux explications qu’en donnent trois grands manuels de classification numérique : Sneath / Sokal 1973, 204sqq. (en anglais) ; Bock 1974, 407sqq. (en allemand) et Chandon / Pinson 1981 (en français), 123sq.

4.7. Les cartes à corrélations Voir 5.6. et les cartes 29-32. Le but central de la DM corrélative est d’étudier le degré de convergence qui existe entre deux façons différentes de gérer le même secteur de l’espace, et d’en tirer des leçons d’ordre, avant tout, diachronique. Évidemment, cette finalité présuppose l’existence de « forces ordonnatrices » dans l’espace, émanant de l’action d’agents anthropiques ou non, et qui sont censées gérer l’espace de façon non chaotique. Dans cette perspective, les dyades en question peuvent comprendre deux catégories linguistiques différentes (p. ex. la phonétique et le lexique), deux mensurations-DM différentes (p. ex. la mensuration-IRI et la mensuration-IPI 34) ou le contraste qui s’interpose entre la gestion basilectale de l’espace par l’homme et par des relations non-anthropiques (p. ex. par la géométrie euclidienne). Du point de vue statistique, la DM corrélative demande la mise en place, pour chacune des deux forces à comparer par voie de corrélation, d’une 34

Pour la formule de l’IPI (« Indice Pondéré d’Identité ») et son utilité dialectométrique, cf. Goebl 1984 I, 83-86 et 1987 (passim).

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matrice (de similarité, etc.) carrée pourvue des mêmes dimensions extérieures (N × N). À l’aide de ces deux matrices carrées, il est désormais possible de comparer quantitativement – moyennant l’application d’indices de corrélation appropriés – N paires de vecteurs (disposant chacun de N scores de similarité etc.), d’en tirer N scores de corrélation et de les visualiser, en fin de compte, dans la forme habituelle d’une synopse choroplèthe. L’indice de corrélation le plus approprié à cet effet est l’indice proposé successivement par Auguste Bravais (1811-1863, physicien et minéralogue français) et Karl Pearson (1857-1936, polymathe d’origine anglaise) : r(BP). Le processus de corrélation, pour la réalisation duquel le logiciel VDM dispose d’un module adéquat à partir de 2004, mène à la détection de structures spatiales étonnamment bien ordonnées qui, en plus, peuvent être aisément interprétées du point de vue linguistique. À l’instar de la synopse choroplèthe des CAF, l’intérêt linguistique des cartes à corrélations réside, avant tout, dans la diachronie. En effet, les structurations spatiales des cartes à corrélation constituent, en dernière analyse, un miroir finement articulé de dynamismes qui se sont déroulés, avec ou sans la responsabilité directe des humains, dans l’espace dans un passé plutôt lointain. Informations supplémentaires : la contribution fondatrice pour la DM corrélative est de 2005a. À part cela, l’on trouve des applications et des discussions de la DM corrélative dans presque toutes nos publications postérieures à 2005 ; voir, en outre, nos travaux, centrés exclusivement sur la DM corrélative, de 2007c et 2008b (en allemand).

5. Présentation et interprétation comparatives des résultats-DM L’agencement des cartes 1-32 est tel, à l’exception de la carte 15 (relative à la série B de l’ALF), que toutes les cartes de gauche se réfèrent à la dialectométrisation de l’ALF entreprise entre 1997 et 2000 et reposent donc sur les CT issues de la série A de l’ALF. Par contre, les cartes situées à droite se réfèrent à la dialectométrisation de la série B de l’ALF, faite par Pavel Smečka entre 2010 et 2012.

5.1. La taxation : définition et établissement des cartes de travail (CT) Voir 4.2. et les cartes 1-4 de l’annexe. Les cartes 1-4 sont des spécimens d’autant de cartes de travail d’ordre phonétique (cartes 1-2) et lexical (cartes 3-4). Pour des raisons d’économie cartographique, nous avons choisi, parmi les 1 650 CT du corpus « A-to-B » et les

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675 CT du corpus de la série B, des échantillons dont la structuration interne est relativement simple : il s’agit donc de CT méso-nymes. Comme il importe, avant tout, de rappeler aux lecteurs la configuration et la fonction des CT comme éléments de base de la DM-S, la présentation de ces quatre CT sert à des fins uniquement illustratives. La carte 1, qui est une CT phonétique 11-nyme, dispose, dans le corpus « A-to-B », de 52 pendants alors que la carte 2, également d’ordre phonétique, en a, dans le corpus de la série B, seulement treize. La carte 3, 8-nyme et d’ordre lexical, appartient à un groupe de 23 CT de la même structure polynymique et linguistique. De la carte 4, qui est 9-nyme tout en se référant également au lexique, il existe, au sein du corpus issu de la série B, 12 spécimens en tout qui partagent avec elle le même degré de polynymie et la même appartenance linguistique. Les cartes 1 et 2 se réfèrent au même micro-contexte phonétique. Elles signalent la répartition spatiale des différents succédanés du nexus latin C devant A, accentué (carte 1 : mercátu) et prétonique (carte 2 : carricátu). Bien que l’inventaire phonétique des deux séries de succédanés soit très similaire (voir les taxats 1-7), les deux profils choroplèthes ne se ressemblent que dans les grandes lignes. La configuration de l’aire taxatoire rouge, relative au taxat 1 (c+a > š), offre une curiosité qui a déjà fait couler beaucoup d’encre. Elle consiste dans un provignement linéaire qui s’insinue, dans la direction du nord-ouest au sud-est, entre les domaines d’Oc et francoprovençal comme une sorte de « cordon sanitaire ». Il s’agit là du réflexe spatial d’un phénomène d’insécurité linguistique de la part de locuteurs trilingues (francoprovençal, occitan, français) qui habitent dans la zone de contact entre la langue d’Oc et le francoprovençal. Tiraillés entre deux registres chancelants et menacés (= occitan et francoprovençal), ils ont fini par adopter, dans certains contextes phonétiques, la solution proposée par le registre considéré comme étant le plus solide (= français). Cet effet n’est pas passé inaperçu de la part des dialectologues du XXe siècle, parmi lesquels on comptait aussi Pierre Gardette (1906-1973), grand spécialiste du francoprovençal. Au sujet de cette curieuse intrusion d’éléments francisants le long d’un bande continue allant de Thiers (= P.-ALF 806, Puyde-Dôme) à Sassenage (= P.-ALF 806, Isère, situé à la périphérie occidentale de Grenoble), il s’exprimait de la façon suivante : « On s’étonne parfois du chemin que certaines aires de francisation dessinent sur la carte de notre pays, spécialement dans le domaine francoprovençal, qu’il s’agisse du lexique, de la morphologie ou de la phonétique. C’est ainsi qu’Albert Dauzat [1877-1955 ;

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HG / PS] a été intrigué par le long et large chemin qu’a pris le ch français de Roanne à Grenoble. Je voudrais montrer que ce chemin n’est pas seulement celui du ch français, mais qu’il est aussi celui d’autres traits de francisation ; qu’il est moins un chemin qu’une zone francisante, allongée le long de la frontière qui sépare, à l’ouest et au sud-ouest, le francoprovençal du provençal ; qu’il est le résultat d’une sorte d’effondrement de la région francoprovençale entière, effondrement produit par le climat d’incertitude régnant au sujet des mots et des formes francoprovençales et occitanes. » (Gardette, 1970, 291). Des points de vue étymologique et onomasiologique, les cartes 3 et 4 n’offrent que peu de particularités. C’est pourquoi nous réservons nos remarques étymologiques aux formes (taxats) pour lesquelles il n’y a pas d’équivalents directs dans les langues standards. Carte 3 : – taxat 4 aoulier : cf. FEW 7, 446sq. (appartenant à la famille de ovícula « schäfchen ») – taxat 7 bouerin : cf. FEW 1, 445-447 (appartenant à la famille de bos « ochse ») Carte 4 : – taxat 1 cane : d’origine onomatopéique : cf. REW 4671a (kan, Schallwort, Schnattern der Ente) – taxat 3 : caná : même origine que pour le taxat 1, avec rotation de l’accent sur la finale – taxat 4 : guite : d’origine onomatopéique : cf. FEW 4, 138 (git, schallwort) et REW 3768 (*git, Schallwort) – taxat 4 canard : d’origine onomatopéique : cf. FEW 2/1, 164-167 (kann) et REW 4671a (kan, Schallwort, Schnattern der Ente) – taxat 6 rito : d’origine onomatopéique : cf. FEW 10, 420sq. (rit, schallwort) et REW 7337 (rit, Schallwort, Lockruf für die Ente) – taxats 7 et 8 : même origine que pour le taxat 6, avec métathèse de r-t à t-r – taxat 7 tirouno : avec suffixe augmentatif : cf. FEW 10, 421a

5.2. L’analyse des cartes de similarité (CS) 35 Voir 4.3. et les cartes 5-16 de l’annexe. Comme les six corpora pris en compte (deux fois : corpus total, phonétique et lexical) disposent, chacun, de 329 points-ALF et que ceux-ci n’ont été soumis qu’à une seule application de l’indice de similarité IRIjk , il existe 987 35

Au prix d’un effort oculaire particulier, il est possible, de repérer, sur certains polygones des cartes 5-24 et 29-32, la localisation des scores minimaux et maximaux : voir, à cet effet, les hachures blanches qui recouvrent le coloriage de base (bleu foncé et rouge) des polygones respectifs. En règle générale, le maximum se trouve à proximité immédiate du point de repère alors que le minimum se trouve aux ‘antipodes’ de la CS en question.

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paires de CS 36 dignes d’être présentées. Il était donc nécessaire d’un tirer judicieusement un échantillon aussi illustratif que possible. C’est ainsi que nous avons décidé de choisir, pour chacun des grands domaines dialectaux du sud de la France, une paire de CS basée sur le corpus total, et de présenter en plus, pour le domaine du languedocien (= P.-ALF 753 : cartes 14-16) et le corpus de la série B, le contraste qui existe entre des CS relatives au corpora total, phonétique et lexical. Il va de soi que, pour les cartes 5-16, les modalités visualisatrices sont toujours les mêmes. Le point de repère des cartes 5 et 6 est le français standard, si bien que les deux cartes constituent, en dernière analyse, un bilan cartographique de la francisation du sud de la Galloromania. Bien que le profil de gauche, relatif au corpus de la série B, ressemble de très près à celui de droite, le profil choroplèthe de ce dernier est plus accidenté. Tel va être le cas aussi pour les autres CS de ce paragraphe. Remarquons en outre que, dans les légendes numériques des cartes de droite, apparaissent très souvent des scores-IRIjk plus petits pour les minima, les MA et les maxima. Du point de vue statistique, ceci est dû, d’un côté, à la complexité onomasiologique des cartes de la série B et, de l’autre, à la philosophie taxatoire « splitting  » de P. Smečka. Il est d’ailleurs difficile d’en préciser la part exacte. Les cartes 7 et 8 sont des CS typiquement ‘gasconnes’. À remarquer, sur la carte 8, la plus grande netteté avec laquelle le francoprovençal s’écarte du reste du réseau. Les cartes 9 et 10 visualisent la position relationnelle du francoprovençal par rapport au reste du réseau du sud. Les cartes 11 et 12 montrent la position du provençal maritime alors que les cartes 13 et 14 en font autant pour le languedocien. Jusqu’ici, tous les profils choroplèthes s’appuyaient sur les effectifs totaux des corpora de base. En revanche, la carte 15, basée sur 313 CT phonétiques du corpus de la série B, et la carte 16, issue de 300 CT lexicaux du même corpus, offrent des perspectives relationnelles plus particulières 37. En comparant les cartes 14 et 15 d’un côté, et la carte 16 de l’autre, l’on constate que, sur cette dernière, le décalage des similarités lexicales dans l’espace s’opère d’une En voici le calcul : 2 corpora-ALF (« A-to-B », série B) × 329 points d’enquête × 3 (sous-)corpora = 1 974 CS ÷ 2 = 987 paires de CS. 37 Dans notre contribution de 2003, nous avions déjà présenté des analyses-DM relatives uniquement au sud du réseau de l’ALF et à différentes sous-catégories linguistiques : voir les cartes 9, 10, 17, 23 et 24 de cet article (de 2003). 36

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manière plus circulaire que dans les deux autres cas : voir, sur la carte 16, la silhouette plutôt circulaire de la zone jaune.

5.3. L’analyse des distances interponctuelles (cartes isoglottiques) Voir 4.4. et les cartes 17-20 de l’annexe. Quant à l’analyse-DM des distances interponctuelles (c’est-à-dire en fonction discriminatoire 38), nous savons depuis longtemps que les résultats basés sur un corpus phonétique s’écartent légèrement de ceux qui s’appuient sur un corpus lexical. C’est la raison pour laquelle, dans ce paragraphe, les deux paires de cartes se réfèrent, d’un côté, à la phonétique (cartes 17 et 18) et au lexique de l’autre (cartes 19 et 20). Les cloisonnements interponctuels des cartes 17 et 18 (relatives à la phonétique) se ressemblent beaucoup. Dans une certaine mesure, ceci vaut également pour les cartes 19 et 20 (lexique). Mais quand on compare les cartes 17 et 19 (ou 18 et 20) entre elles, l’on constate certaines divergences dans la trame du cloisonnement interponctuel, surtout en ce qui concerne la netteté avec laquelle se dessine le pourtour septentrional du domaine d’Oc (au nord du Limousin et de l’Auvergne). Sur les deux cartes lexicales (19 et 20), c’est surtout l’Auvergne qui – de même que la frange orientale du francoprovençal – devient le théâtre de cloisonnements interponctuels très intenses (symbolisés par des côtés de polygone épais coloriés en bleu foncé). Du point de vue de la géographie physique, cette zone correspond au cœur du Massif central qui semble avoir préservé l’ancienne bigarrure du lexique mieux que des zones géographiquement plus basses et moins escarpées.

5.4. L’analyse des « coefficients d’asymétrie de Fisher » (CAF) Voir 4.5. et les cartes 21-24 de l’annexe. Rappelons que le CAF mesure le degré du brassage linguistique qui existe à l’intérieur d’un réseau examiné, et aussi que la couleur bleue signale un brassage linguistique très intense alors que la couleur rouge renvoie à un grand isolement linguistique de la zone en question. Rappelons aussi que l’action de brasser s’applique au mélange des aires taxatoires dont il y a, dans le vecteur d’attributs de chaque point du réseau-ALF, des spécimens de petite, moyenne et grande taille. Ce qui compte, dia- et synchroniquement parlant, c’est la L’analyse interponctuelle peut être utilisée aussi en fonction communicative, c’està-dire pour le calcul (et la visualisation successive) de similarités interponctuelles : il en résulte les « cartes à rayons ». Pour une présentation détaillée de ce genre de carte-DM, cf. Goebl 1983 (passim).

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combinaison particulière de ces trois composantes. Un locolecte de l’ALF sera d’autant mieux connecté avec le reste du réseau qu’il aura, parmi les aires taxatoires de son vecteur d’attributs, plus de spécimens très grands 39. Une fois de plus, les deux paires de cartes se réfèrent d’abord à la phonétique (cartes 21 et 22) et ensuite au lexique (cartes 23 et 24). La carte 21 fournit la structuration la plus claire : les polygones en bleu foncé forment un système continu de dépressions qui s’intercalent entre les grands domaines dialectaux du domaine d’Oc : entre le gascon et le languedocien, entre celui-ci, le provençal et l’auvergnat, et aussi entre le provençal et le francoprovençal. Rappelons qu’il s’agit là de zones d’échanges et d’interactions de vieille date. Signalons aussi que, parmi les grands domaines dialectaux d’Oc, seul le languedocien occupe, de par le coloriage en bleu, une position privilégiée d’interaction et d’échange (et non pas de retrait et d’isolation). En revanche, les zones marqués, sur la carte 21, en rouge et orange se distinguent par leur position « isolationniste » par rapport à l’ensemble du réseau : ce sont la Gascogne atlantique, le bloc pictavo-saintongeais (augmenté du Limousin), l’Auvergne, le Roussillon, la Provence et la partie orientale (romande) du domaine francoprovençal. La carte 22, basée sur 313 CT phonétiques du corpus de la série B reflète, en principe, la même structure que la carte 21 bien qu’avec un certain nombre de distorsions et de déplacements. Par rapport à la carte 21, le champ du languedocien a été rétréci, alors que le champ du provençal s’est élargi vers l’ouest. Du reste, les délimitations du Limousin et du francoprovençal ressortent mieux qu’auparavant. Les cartes 23 et 24 se réfèrent au lexique. Comme celui-ci se compose, dans le sud de la Galloromania, d’éléments spatialement souvent bien circon­ scrits, la synthèse des CAF reflète cet état des choses. C’est ainsi que la carte 23 montre une bande transversale d’échange qui s’étend de la Gironde aux Alpes, et qui semble séparer, au sein de notre réseau, la mouvance oïlique de sa contre-partie occitane. Les domaines du gascon, du languedocien, du provençal, du francoprovençal et du saintongeais-poitevin se démarquent, par contre, comme autant de foyers d’individualisme linguistique (mieux : lexical). La structure du profil choroplèthe de la carte 24 obéit aux mêmes principes que celle de la carte 23, tout en exhibant une allure moins claire.

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Rappelons, pour saisir cet état des choses, le triplet terminologique micro-, méso- et macro-chorique que nous utilisons couramment pour qualifier l’étendue spatiale des différents taxats et de leurs aires.

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5.5. L’analyse dendrographique Voir 4.6. et les cartes 25-28 de l’annexe. Il s’agit de quatre analyses arborescentes-CAH selon l’algorithme proposé par Joe Ward, Jr. dont le rendement dendrographique n’a été subdivisé – à titre d’exemple – qu’en six dendrèmes qui, eux, ont été projetés (« spatialisés ») ensuite sur le fond de carte (polygonal) de notre réseau, sous la forme d’autant de chorèmes. Pour faciliter la comparaison visuelle des structures des quatre pavages chorématiques, nous avons toujours attribué les mêmes couleurs aux différents secteurs de notre réseau. En outre, cette mesure permet de mieux saisir la position hiérarchique des six dendrèmes à l’intérieur des arbres respectifs. Quant à l’architecture binaire de l’arbre, il est recommandé de toujours contrôler le rendement classificatoire de la première ramification située près de la racine de l’arbre. En l’occurrence, il s’agit de savoir si le dendrème teinté en bleu moyen (correspondant au limousin et à l’auvergnat, avec, le cas échéant, des provignements se projetant jusque dans les Alpes) a été aggloméré à la branche du nord (avec le poitevin-saintongeais et le francoprovençal) ou à celle du sud (avec le gascon, le languedocien et le provençal). En regardant la carte 25, l’on constate que ce dendrème a été agrégé à la branche du sud, alors que, sur les cartes 26, 27 et 28, le même dendrème a été affilié à la branche du nord. La structure quantitative interne du dendrèmechorème en question est donc hybride ; son affiliation s’avère donc comme variable ou carrément précaire. La même remarque vaut également pour le français qui a été agrégé trois fois (voir les cartes 25-27) au dendrème pictavosaintongeais (en rouge) et seulement une fois (voir la carte 28) au dendrème « précaire » en bleu moyen. La dépendance directe de deux dendrèmes du même nœud de l’arbre signale leur grande similarité réciproque. À remarquer la grande cohésion spatiale des chorèmes qui tous disposent d’aires parfaitement continues. Quant aux pourtours des frontières des chorèmes, il est bon de les comparer aussi avec le message géo-classificatoire d’autres cartes-DM, quitte d’ailleurs à ne pas les confondre avec le concept traditionnel des « limites (ou : frontières) linguistiques ». Parmi les analyses-DM présentées dans cet article, ce n’est que l’analyse interponctuelle qui se rapproche de l’idée traditionnelle de la « limite ou frontière linguistique ». Voir à ce sujet notre contribution théorique et méthodologique de 2011. Évidemment, il ne faut pas oublier que les différents dendrèmes se distinguent par la taille de leur variabilité quantitative interne (« intra-group-

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variability »). Plus un dendrème se trouve proche de la racine, plus son hétérogénéité interne est grande. Cette hétérogénéité décroît au fur et à mesure que le point de rattachement du dendrème en question s’approche des feuilles de l’arbre. De ces automatismes, d’ailleurs inévitables en la matière, il résulte également un certain rapport entre la « fiabilité classificatoire » d’un dendrème et son hétérogénéité interne. Plus cette dernière est grande, plus la première est petite. Ceci, hélas, est une tare qui planera toujours au-dessus de la CAH. Ceci n’empêche que l’analyse dendrographique s’avère très utile et efficace en matière de géolinguistique.

5.6. L’analyse corrélative Voir 4.7. et les cartes 29-32 de l’annexe. Rappelons que la DM corrélative sert, avant tout, à déterminer le degré de con- et divergence de deux phénomènes qui se développent dans le même espace. Ces phénomènes peuvent être d’ordre linguistique, taxométrique ou de nature carrément extralinguistique comme les distances (ou proximités) kilométriques. Comme les CS ont démontré clairement que la similarité linguistique diminue dans l’espace avec l’augmentation de la distance kilométrique par rapport à un point de référence préalablement établi, une des applications les plus intéressantes de la DM corrélative est l’analyse de la corrélation qui existe entre l’univers anthropique des similarités linguistiques et le monde géométrique des distances, mieux : proximités kilométriques. L’indice de corrélation le plus approprié à ces besoins est le coefficient de corrélation de Bravais et Pearson [r(BP)] 40 qui, tout en oscillant entre les valeurs -1 et +1, saisit la corrélation linéaire – positive ou négative – entre deux variables quantitatives. Depuis 2004, le logiciel VDM dispose d’un module de corrélation qui permet l’application rapide du r(BP) sur deux matrices carrées de la même structure extérieure (N × N) et la visualisation non moins rapide des résultats qui en découlent. Après leur mise en carte, les scores-r(BP) doivent être interprétés comme suit : – polygones coloriés en bleu : Les scores-r(BP) sont négatifs ou oscillent autour de zéro. Ceci signifie que les deux dimensions « en lice » ne vont pas dans la même direction et que, partant, il y a (mieux : avait) de fortes dissonances entre elles, dues à des conflits historiques, Pour la formule du r(BP) et tous les détails techniques ayant trait à la DM corrélative, voir Goebl 2005a (passim).

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politiques, sociaux ou autres. En termes de linguistique, il y a lieu d’admettre, pour les régions coloriées en bleu, l’existence, dans le passé, de beaucoup de frictions et tensions entre ces deux dimensions. – polygones coloriés en rouge : Les scores-r(BP) sont positifs et se situent aux environs de +1. Ceci signifie qu’entre les deux dimensions corrélées, il existe (mieux : existait) une sorte d’harmonie ou de « pas cadencé ». L’étalement des deux dimensions dans l’espace obéit donc aux mêmes principes ou lois.

Les cartes 29 et 30 se réfèrent à la corrélation qui existe entre la similarité linguistique (selon l’IRIjk) et la proximité kilométrique, calculée – à partir des coordonnées x et y des points d’enquête disponibles dans VDM – selon le théorème bien connu de Pythagore (a 2 + b2 = c2). Les zones rouges suggèrent une évolution linguistique « pacifique », en accord avec les prémisses géométriques de l’espace, alors que les zones bleues laissent deviner la présence, dans un passé plus ou moins lointain, de contrastes et conflits linguistiques. C’est dans cette perspective que la Gascogne centrale et méridionale et l’ensemble du Languedoc et aussi de l’Auvergne semblent avoir mené une vie linguistique « naturelle », alors que l’espace pictavo-saintongeais (avec le Médoc) et surtout la zone de passage entre le provençal et le francoprovençal étaient le théâtre de dissonances entre le développement naturel des langues locales et les conditions euclidiennes de l’espace. Ces dissonances pouvaient se traduire, évidemment, en contacts et conflits linguistiques de toute sorte. Les profils choroplèthes des cartes 29 et 30 se ressemblent beaucoup. Comme les cartes à corrélations visent, parmi les structures de profondeur dévoilées par la DM-S, celles avec la plus grande profondeur diachronique, la grande similarité entre les profils choroplèthes des cartes 29 et 30 n’a pas de quoi surprendre. C’est qu’à la grande profondeur diachronique de ces structures répond leur grande robustesse cartographique. Les cartes 31 et 32 se réfèrent à la corrélation qui existe entre les dimensions linguistiques de la phonétique et du lexique. Il est, en effet, légitime de se demander s’il y a, entre les gestions phonétique et lexicale de l’espace par l’homo loquens, des différences spatialement bien ordonnées. Évidemment, cette question peut être posée aussi pour d’autres catégories linguistiques telles que le vocalisme, le consonantisme, la morphologie ou la syntaxe, toujours dans la mesure où ces catégories sont suffisamment bien documentées dans les atlas linguistiques. De telles questions touchent des chapitres de la grammaire variationnelle, restés jusqu’alors inexplorés ou carrément inconnus.

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Le message iconique 41 des cartes 31 et 32 est très clair. À l’intérieur du réseau-ALF du sud, il existe, quant à la di- et convergence entre la phonétique et le lexique, une vaste zone de dissonance qui s’étend, à l’instar d’une bande ondulée, de la Gironde aux Alpes piémontaises. Au nord et au sud de cette bande de dissonance, s’ouvrent, par contre, des zones de convergence où, en termes de géolinguistique, les deux dimensions linguistiques vont de pair. Il ne faut toutefois pas confondre la bande bleue ondulée avec le ‘croissant’ de mémoire ronjatienne. Celui-ci se situe plus au nord et est beaucoup plus étroit : voir à ce sujet notre étude historique de 2004c et le livre bien connu de G. Brun-Trigaud de 1990. Signalons, en outre, que la configuration de base des cartes 31 et 32 apparaît aussi à l’issue d’une corrélation-DM entre nos deux corpora (« A-to-B », série B) intégraux. Elle semble donc avoir un caractère plus universel 42. Une fois de plus, l’ensemble des CT tirées de la série B de l’ALF emboîte le pas de celles extraites de la série A. La série B semble donc contenir des matériaux dont l’orientation géolinguistique de base est très proche de celle de la série A.

6. Épilogue Arrivés au terme de cette étude méthodiquement complexe, il nous semble indiqué d’en souligner encore une fois les grandes lignes argumentatives, et ceci à partir de trois points de vue, qui se réfèrent (1) à la dialectométrie à proprement parler, (2) à l’historique de l’ALF et (3) à la géolinguistique et dialectologie romane en général. Commençons par une brève reconsidération du rôle voire du statut de la DM dans cet article. La DM, bien loin d’être uniquement un ‘amas de formules’, présuppose l’existence d’une certaine conception (ou attitude) théorique de la part du chercheur par rapport aux données géolinguistiques qu’il est en train d’examiner. Cette conception embrasse, d’un côté, l’hypothèse de l’existence de structures spatiales bien ordonnées dans les profondeurs des données géolinguistiques en question, et, de l’autre, l’idée que ces structures sont, en der Les profils choroplèthes des cartes 29-32 ont été réalisés à l’aide de l’algorithme d’intervallisation MEDMW pour leur conférer une apparence plus claire et plus accidentée. 42 Voir aussi les cartes 23 et 24 dans Goebl 2005a (367) qui montrent également, bien que sur la base du réseau intégral de l’ALF, les effets de la corrélation entre deux dimensions linguistiques différentes. 41

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nière analyse, l’émanation directe de l’activité communicative de l’homme dans l’espace. Depuis un certain temps, nous appelons cette activité ‘gestion basilectale de l’espace par l’homo loquens’. Précisons en outre que ces deux idées ne sont nullement ‘révolutionnaires’. Tout au contraire : il est possible d’en examiner la lente éclosion entre le XVIIe et le XXe siècle, à commencer par les activités des géodètes et géographes royaux, déployées sous les règnes de Louis XIV (1654-1715) et de Louis XV (1715-1774). À la lumière de ces antécédents historiques, nous sommes en droit de dire que la genèse de la DM est intimement liée à l’action d’un sub­strat intellectuel et culturel typiquement français dont il n’y avait, dans le passé, aucune contre-partie dans d’autres régions de l’Europe (cf. Goebl 2006c). De nos jours, la DM, telle qu’elle est pratiquée à Salzbourg, dispose des caractéristiques suivantes : (1) C’est une discpline ‘inductive’ : ceci signifie qu’elle part d’une multitude de ‘petits faits’ empiriques épars, situés tous sur le plan du particulier, les métabolise ensuite du qualitatif au quantitatif par le biais de méthodes statistiques, et finit par émettre des résultats numériques (et aussi visuels) synthétiques qui se trouvent au niveau du général. Cette procédure généralisante, bien connue et discutée déjà dans l’Antiquité et durant le Moyen Âge, fournit des résultats dont la pertinence se situe en dehors et à côté de celles des données de départ. En outre, ces résultats synthétiques permettent une meilleure maîtrise intellectuelle de la bigarrure souvent très déroutante des données de départ. (2) Du point de vue méthodique, la DM est une discipline au moins bicéphale. C’est qu’elle dispose de deux volets méthodiques qui concernent, d’un côté, un certain nombre de procédures mathématiques, judicieusement extraites, pour les propos de la DM, de l’immense panoplie de la statistique contemporaine, et, de l’autre, un jeu bien circonscrit de méthodes cartographiques – toutes assistées par ordinateur – qui également ont été choisies avec beaucoup de circonspection pour les besoins de la géolinguistique. Ces méthodes cartographiques visent, d’une part, la préparation visuelle adéquate du fond de la carte du domaine linguistique examiné avec les moyens de la géométrie de Voronoi (ici : de la France du sud dans l’optique de l’ALF) et, de l’autre, la visualisation efficace des résultats numériques calculés en recourant à la vertu cognitive (et classificatrice) des couleurs du spectre solaire.

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Précisons que tous les requis de ces deux étapes (numérique et visuelle) peuvent être pris en compte et convenablement résolus à l’aide de notre logiciel DM-ique VDM (« Visual DialectoMetry »), en usage à Salzbourg depuis 1999/2000. Quand on dit que la DM sert avant tout à la détection de structures géolinguistiques cachées dans la profondeur des données d’un atlas linguistique, cette constation devrait être complétée par une autre disant que la connaissance de telles structures de profondeur nous fournit de très précieuses informations sur le fonctionnement interne de réseaux géolinguistiques en général, et aussi sur le comportement sémiotique (souvent de nature sub-consciente) de l’homo loquens dans l’espace. C’est donc une recherche qui se situe dans la mouvance des ‘universaux linguistiques’ tout court. Ceci signifie que n’importe quel atlas linguistique – qu’il soit de type roman, germanique, anglais, slave ou autre – peut devenir le point de départ de réflexions et recherches analogues. Quant à l’historique des séries A et B de l’ALF, il est indéniable que nous sommes encore loin d’en connaître tous les secrets. Ceci n’empêche qu’à la distance de plus de cent ans de la publication de l’ALF, il est légitime de se demander si cette ignorance n’est pas due plutôt à l’effet de l’oubli dont on sait qu’il entache inexorablement l’évolution de toutes les sciences. À la lumière de ce qui a été trouvé par Marie-Rose Simoni-Aurembou dans le dossier Gilliéron déposé à la BN de Paris, il semble évident que J. Gilliéron a été pris par une soif empirique toujours plus grande à mesure que les pérégrinations d’E. Edmont se développaient dans l’espace. L’ajout de plus de 300 questions aux 1400 items du questionnaire de base, semble s’être opéré au milieu de 1899, donc deux ans après le démarrage des enquêtes dialectales de l’ALF sur le terrain. Malgré le caractère souvent très spécifique de ces 300 questions ‘hors série’, leur analyse DM-ique révèle, avec une netteté très claire, que les structures de profondeur de ce corpus supplémentaire s’alignent harmonieusement sur celles de notre corpus-ALF de base. Soulignons en outre que dans n’importe quelle analyse DM-ique faite selon les principes de Salzbourg, le pivot central est la matrice de données : voir la figure 3, position 2. Elle constitue une sorte de reproduction (ou image) des données de l’atlas examiné, lesquelles, en dernière analyse, représentent également la reproduction d’une autre réalité, extrêment mouvante et bigarrée, à savoir des manifestations phoniques des sujets interrogés.

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La responsabilité reproductrice incombe, pour le passage de l’oral au questionnaire, à l’explorateur, alors que, pour le transfert des données répertoriées sur les planches de l’atlas respectif dans les lignes et colonnes d’une matrice de données, elle reste du côté du dialectométricien à l’œuvre (ici : P. Smečka). Chacun de ces deux métabolismes se fait sous les auspices d’une théorie de recherche bien déterminée. Soulignons, à ce propos, que l’écart diachronique qui se creuse entre l’effort du couple Gilliéron-Edmont et celui de P. Smečka, est relativement grand : il s’agit de plus d’un siècle ! N’oublions pas non plus qu’en y regardant de près, il manque encore un maillon très important dans cette chaîne tendue entre 1902 (sqq.) et 2014 : c’est le comportement métalinguistique des sujets interrogés par E. Edmont. Car ces individus, tous plus au moins bilingues, ont dû commettre, à d’innombrables reprises, un remarquable exploit intellectuel, à savoir opérer un tri judicieux, dans leurs propres compétences linguistiques multiples, pour satisfaire à la curiosité linguistique d’E. Edmont désireux de ne collecter que des formes prétendument basilectales. Cette curiosité devait se manifester, le plus souvent, dans une question du type suivant : « Comment appelle-t-on ici tel objet ? » N’oublions pas non plus que ce travail exploratoire a dû être fait sous l’impératif, cher à J. Gilliéron, de l’intercomparabilité aussi grande que possible des réponses recueillies. En glissant en arrière le long de l’axe du temps depuis 1900, l’on peut se demander à partir de quelle date la collecte de données basilectales, pour un atlas linguistique du type-ALF, n’aurait plus été possible. Déjà en 1800, à cause de la diffusion encore trop faible du français (entendu comme langue générale d’une telle entreprise) ? Ou seulement en 1700 (et avant) quand la connaissance du français et, partant, la présence d’un bilinguisme conscient (dialecte local – français) étaient encore circonscrites aux grandes villes et à quelques milieux privilégiés qui, en plus, habitaient souvent loin des provinces ‘profondes’ qui, dans ce contexte, nous intéressent tout particulièrement. Pour stimulante qu’elle soit, cette question factice doit rester, par manque de données, sans réponse. En ce qui concerne la ‘plus-value’ de cette étude pour les propos de la dialectologie et géolinguistique romanes, nous nous limiterons à quelques remarques sommaires. A ce propos, il semble intéressant d’évoquer trois aspects majeurs qui valent pour toutes les analyses DM-iques. (i) Le premier concerne l’importance diachronique de telles études, étant donné le fait qu’elles suggèrent nécessairement de nombreuses questions sur l’évolution diachronique des structures synthétiques de profondeur découvertes. N’oublions pas

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que les méthodes utilisées dans cet article ont déjà été appliquées plus d’une fois à des données scripturaires médiévales et qu’il a pu être démontré, de cette manière, qu’entre les structures de profondeur du domaine d’oïl de 1300 et celles de l’ALF (1902sqq.), il existe d’étonnantes similarités (cf. Goebl / Schiltz 2001 et Goebl 2008c). Il serait donc intéressant de réitérer cette expérience pour le domaine d’oc, quitte à en recueillir (et dépouiller), d’entrée de jeu, la totalité des textes vulgaires médiévaux disponibles. (ii) Un autre aspect majeur qui est digne d’intérêt concerne la fonction ‘signalétique’ des apports de la DM pour d’autres secteurs de la linguistique romane. Certaines de nos mensurations-DM ont démontré l’existence de zones hybrides (ou de passage), où deux géotypes linguistiques se jouxtent ou se fondent d’une façon plus ou moins douce : voir surtout les cartes 21-24 de cet article. Il serait donc intéressant (et très prometteur à la fois) d’examiner de plus près les dialectes parlés dans ces parages de transition. La même remarque vaut pour les cartes 31-32 qui montrent très clairement que les gestions phonétique et lexicale de la Galloromania du sud divergent considérablement à l’intérieur d’une bande relativement large qui s’étend entre l’Atlantique et les Alpes piémontaises (voir les polygones en bleu foncé sur les cartes 31 et 32). Ceci signifie que, dans cette zone, les grammaires des dialectes locaux sont mixtes, et, partant, hybrides. Ce fait pourrait constituer un défi intéressant pour les spécialistes de la grammaire variationnelle, d’autant plus que la même dissonance a pu être observée aussi entre toutes les autres sous-catégories grammaticales prises par nous en considération, comme, p. ex., le vocalisme vs. le consonantisme, les réalisations phonétiques avant, sous et après l’accent tonique, etc. (iii) Le dernier des trois aspects majeurs évoqués ci-dessus, concerne d’éventuelles comparaisons (ou coopérations) interdisciplinaires qui pourraient être organisées, sous le signe de la DM et de la synthèse quantitative des données, entre la géolinguistique romane d’un côté et, de l’autre, les secteurs géo-relationnels de beaucoup de disciplines humaines (et au delà) qui, en dehors de la linguistique, s’occupent d’autres manières anthropiques de gérer l’espace. Parmi ces disciplines, je ne cite que la géographie humaine, l’anthropologie, l’ethnographie, la génétique des populations, la démographie, l’économie, etc.

Qu’on ne dise donc pas que la DM est une discipline auto-suffisante ou isolationniste : c’est qu’il reste assez de pain sur sa planche...

7. Remerciements – dialectométrisation des cartes de la série B de l’ALF, établissement du corpus réduit « A-to-B » de l’ALF et confection des figures 1 et 2 : Pavel Smečka, Salzbourg – confection de la figure 3 et des 32 cartes de cet article : Werner Goebl, Vienne – mise à disposition d’un extrait fait par Marie-Rose Simoni-Aurembou du dossier Gilliéron à la BN de Paris : Guylaine Brun-Trigaud, Nice

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476

HANS  GOEBL / PAVEL  SMEČKA

– toilette stylistique de notre texte français : Stéphanie Lescure, Marbourg sur Lahn (Allemagne) Que Mesdames Brun-Trigaud et Lescure et Messieurs Smečka et Werner Goebl reçoivent ici l’expression de ma parfaite reconnaissance pour leur précieuse collaboration.

8. Abréviations techniques souvent utilisées CAF

coefficient d’asymétrie de Fisher : cf. 4.5.

CAH

classification ascendante hiérarchique : cf. 4.6.

CS

carte de similarité : cf. 4.3.

CT

carte de travail : cf. 4.1.

DM

dialectométrie, dialectométrique, relatif à la dialectométrie

DM-S

Dialectométrie / École dialectométrique de Salzbourg

IPI(x) jk

Indice Pondéré d’Identité (avec le poids x) (entre les vecteurs d’attributs j et k) : cf. 4.7.

IRDjk

Indice Relatif de Distance (entre les vecteurs d’attributs j et k) : cf. 4.2.

IRIjk

Indice Relatif d’Identité (entre les vecteurs d’attributs j et k) : cf. 4.2.

MA

moyenne arithmétique : cf. 4.3.

MED

algorithme d’intervallisation : cf. 4.3.

MEDMW

algorithme d’intervallisation : cf. 4.3.

MINMWMAX algorithme d’intervallisation : cf. 4.3. r(BP)

coefficient de corrélation de Bravais et Pearson : cf. 4.5.

VDM

Visual DialectoMetry (logiciel dialectométrique créé par Edgar Haimerl) : cf. 3.1.

Université de Salzbourg

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Hans GOEBL Pavel SMEČKA

L’ANALYSE DIALECTOMÉTRIQUE DES CARTES DE LA SÉRIE B DE L’ALF

477

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478

HANS  GOEBL / PAVEL  SMEČKA

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L’ANALYSE DIALECTOMÉTRIQUE DES CARTES DE LA SÉRIE B DE L’ALF

479

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480

HANS  GOEBL / PAVEL  SMEČKA

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L’ANALYSE DIALECTOMÉTRIQUE DES CARTES DE LA SÉRIE B DE L’ALF

481

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100

6: ṣ [16]

5: tš [14]

4: k [150]

3: tṣ [25]

2: ts [47]

1: š [62]

0

200

Pays basque

Gascogne

ATLANTIQUE

Saintonge

Poitou

Bretagne romane

ESPAGNE

Normandie

MANCHE

Picardie

11: ṣty [1]

10: tṣy [2]

9: ṣy [8]

8: tχ [3]

7: st [1]

MEDITERRANEE

Roussillon

Languedoc

Provence

Vallées vaudoises (Italie)

Vallée d´Aoste (Italie)

Suisse romande

Alsace

Lorraine

LUXEMBOURG

ALLEMAGNE

Wallonie (Belgique)

Carte 1 : Exemple d’une carte de travail 11-nyme de nature phonétique: les succédanés de C latin devant A latin accentué dans mercátu (selon ALF 812 marché) Réseau-ALF réduit: 329 PP. (selon la série B de l’ALF). Le corpus-ALF „A-to-B“ dispose de 53 CT de la même polynymie et catégorie linguistique.

N N N N N N N

Iles anglonormandes (Angleterre)

(1902–1908)

Série A: cartes 1–1421

ALF

8: s [4] 9: f [2]

7: st [2] 3: tṣ [2] 4: k [152]

6: ṣ [24]

MEDITERRANEE

Roussillon

2: ts [54]

ESPAGNE

5: tš [24]

200

1: š [64]

100

Languedoc

Provence

Vallées vaudoises (Italie)

Vallée d´Aoste (Italie)

Suisse romande

Alsace

Lorraine

LUXEMBOURG

ALLEMAGNE

Wallonie (Belgique)

0: données manquantes [1]

0

Pays basque

Gascogne

ATLANTIQUE

Saintonge

Poitou

Bretagne romane

Normandie

MANCHE

Picardie

Carte 2 : Exemple d’une carte de travail 9-nyme de nature phonétique : les succédanés de C latin devant A latin prétonique dans carricátu (selon ALF 1494 chargé [chargée]) Réseau-ALF réduit : 329 PP. (selon la série B de l’ALF). Le corpus-ALF „série B“ dispose de 14 CT de la même polynymie et catégorie linguistique.

N N N N N N N

Iles anglonormandes (Angleterre)

(1908–1909)

Série B: cartes 1422–1747

ALF

482 HANS  GOEBL / PAVEL  SMEČKA

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0

100

8: tiro [5] 9: petit canard [2]

3: caná [22] 4: guite [31]

8: bouvier [1]

4: aoulier [38]

Carte 4 : Exemple d’une carte de travail 9-nyme de nature lexicale : les dénominations de la cane dans la moitié sud de la Galloromania (selon ALF 1486 cane [caneton]). Réseau-ALF réduit : 329 PP. (selon la série B de l’ALF). Le corpus-ALF „série B“ dispose de 12 CT de la même polynymie et catégorie linguistique.

7: tirouno [7]

6: rito [20]

2: anatra [1]

7: bouerin [1]

5: canard [46]

MEDITERRANEE

Roussillon

3: pastre [128]

ESPAGNE

1: cane [188]

200

Provence

0: données manquantes [7]

100

Languedoc

Vallées vaudoises (Italie)

Vallée d´Aoste (Italie)

Suisse romande

Alsace

Lorraine

LUXEMBOURG

ALLEMAGNE

Wallonie (Belgique)

6: vacher [3]

0

Pays basque

Gascogne

ATLANTIQUE

Saintonge

Poitou

Bretagne romane

Normandie

MANCHE

Picardie

5: baquer [2]

MEDITERRANEE

Roussillon

Provence

N N N N N N N

Iles anglonormandes (Angleterre)

(1908–1909)

Série B: cartes 1422–1747

ALF

2: pecoraio [1]

ESPAGNE

Languedoc

Vallées vaudoises (Italie)

Vallée d´Aoste (Italie)

Suisse romande

Alsace

Lorraine

LUXEMBOURG

ALLEMAGNE

Wallonie (Belgique)

1: berger [155]

200

Pays basque

Gascogne

ATLANTIQUE

Saintonge

Poitou

Bretagne romane

Normandie

MANCHE

Picardie

Carte 3 : Exemple d’une carte de travail 8-nyme de nature lexicale : les dénominations du berger dans la moitié sud de la Galloromania (selon ALF 128 berger [bergère]) Réseau-ALF réduit : 329 PP. (selon la série B de l’ALF). Le corpus-ALF « A-to-B » dispose de 23 CT de la même polynymie et catégorie linguistique.

N N N N N N N

Iles anglonormandes (Angleterre)

(1902–1908)

Série A: cartes 1–1421

ALF

L’ANALYSE DIALECTOMÉTRIQUE DES CARTES DE LA SÉRIE B DE L’ALF

483

0

100

200

Pays basque

Gascogne

ATLANTIQUE

Saintonge

Poitou

Bretagne romane

ESPAGNE

Normandie

MANCHE

Picardie

Téléchargé par anon. (30.01.2020, IP 193.63.81.131)

36.30 – 44.10 (n = – 51.91 (n = – 59.71 (n = – 67.74 (n = – 75.77 (n = – 83.81 (n = total:

6) 74) 120) 62) 36) 30) 328

Provence

37

1 43

5 4 49

55

62 58

61

27

35

67

IRI(TOT)999,k

70

14

73

22 20

79

10

Distribution de fréquence (similarité) MINMWMAX 12-tuple

MEDITERRANEE

Roussillon

Languedoc

Vallées vaudoises (Italie)

Vallée d´Aoste (Italie)

Suisse romande

Alsace

Lorraine

LUXEMBOURG

ALLEMAGNE

Wallonie (Belgique)

Carte 5 : Profil choroplèthe d’une carte de similarité (selon IRIjk) relative au point-ALF factice 999 (français standard) Corpus : 1650 cartes de travail (série A : toutes les catégories linguistiques) Algorithme d’intervallisation : MINMWMAX 6-tuple

[1] [2] [3] [4] [5] [6]

Algorithme d'intervallisation MINMWMAX 6-tuple

N N N N N N N

Iles anglonormandes (Angleterre)

(1902–1908)

Série A: cartes 1–1421

ALF

0 100 200

Pays basque

Gascogne

ATLANTIQUE

Saintonge

Poitou

Bretagne romane

ESPAGNE

Normandie

MANCHE

Picardie

38.72 – 43.59 (n = – 48.46 (n = – 53.33 (n = – 60.91 (n = – 68.50 (n = – 76.08 (n = total:

29) 111) 47) 57) 65) 19) 328

Provence

39

5

24

44

58

53

49

27

54

28

59

29

34

IRI(TOT)999,k

20

64

31

69

14

74

5

Distribution de fréquence (similarité) MINMWMAX 12-tuple

MEDITERRANEE

Roussillon

Languedoc

Vallées vaudoises (Italie)

Vallée d´Aoste (Italie)

Suisse romande

Alsace

Lorraine

LUXEMBOURG

ALLEMAGNE

Wallonie (Belgique)

Carte 6 : Profil choroplèthe d’une carte de similarité (selon IRIjk) relative au point-ALF factice 999 (français standard) Corpus : 675 cartes de travail (série B : toutes les catégories linguistiques) Algorithme d’intervallisation : MINMWMAX 6-tuple

[1] [2] [3] [4] [5] [6]

Algorithme d'intervallisation MINMWMAX 6-tuple

N N N N N N N

Iles anglonormandes (Angleterre)

(1908–1909)

Série B: cartes 1422–1747

ALF

484 HANS  GOEBL / PAVEL  SMEČKA

0

100

200

Pays basque

Gascogne

ATLANTIQUE

Saintonge

Poitou

Bretagne romane

ESPAGNE

Normandie

MANCHE

Picardie

Téléchargé par anon. (30.01.2020, IP 193.63.81.131)

35.76 – 43.01 (n = – 50.27 (n = – 57.52 (n = – 67.92 (n = – 78.33 (n = – 88.73 (n = total:

1) 88) 92) 99) 34) 14) 328

Provence

36

1 0 43

5

43

57

49

85

64

14

IRI(TOT)684,k

50

83

71

16

18

78

11 85

3

Distribution de fréquence (similarité) MINMWMAX 12-tuple

MEDITERRANEE

Roussillon

Languedoc

Vallées vaudoises (Italie)

Vallée d´Aoste (Italie)

Suisse romande

Alsace

Lorraine

LUXEMBOURG

ALLEMAGNE

Wallonie (Belgique)

Carte 7 : Profil choroplèthe d’une carte de similarité (selon IRIjk) relative au point-ALF 684 (Hagetmau, Landes) Corpus : 1650 cartes de travail (série A : toutes les catégories linguistiques) Algorithme d’intervallisation : MINMWMAX 6-tuple

[1] [2] [3] [4] [5] [6]

Algorithme d'intervallisation MINMWMAX 6-tuple

N N N N N N N

Iles anglonormandes (Angleterre)

(1902–1908)

Série A: cartes 1–1421

ALF

0 100 200

Pays basque

Gascogne

ATLANTIQUE

Saintonge

Poitou

Bretagne romane

ESPAGNE

Normandie

MANCHE

Picardie

33.46 – 38.70 (n = – 43.94 (n = – 49.18 (n = – 60.62 (n = – 72.05 (n = – 83.49 (n = total:

23) 104) 76) 75) 40) 10) 328

Provence

34

3

20

41

60 44 29

48

47

55

27

62

19

IRI(TOT)684,k

48

69

21 8 76

2 83

Distribution de fréquence (similarité) MINMWMAX 12-tuple

MEDITERRANEE

Roussillon

Languedoc

Vallées vaudoises (Italie)

Vallée d´Aoste (Italie)

Suisse romande

Alsace

Lorraine

LUXEMBOURG

ALLEMAGNE

Wallonie (Belgique)

Carte 8 : Profil choroplèthe d’une carte de similarité (selon IRIjk) relative au point-ALF 684 (Hagetmau, Landes) Corpus : 675 cartes de travail (série B : toutes les catégories linguistiques) Algorithme d’intervallisation : MINMWMAX 6-tuple

[1] [2] [3] [4] [5] [6]

Algorithme d'intervallisation MINMWMAX 6-tuple

N N N N N N N

Iles anglonormandes (Angleterre)

(1908–1909)

Série B: cartes 1422–1747

ALF

L’ANALYSE DIALECTOMÉTRIQUE DES CARTES DE LA SÉRIE B DE L’ALF

485

0

100

200

Pays basque

Gascogne

ATLANTIQUE

Saintonge

Poitou

Bretagne romane

ESPAGNE

Normandie

MANCHE

Picardie

Téléchargé par anon. (30.01.2020, IP 193.63.81.131)

34.72 – 42.53 (n = – 50.34 (n = – 58.15 (n = – 67.27 (n = – 76.39 (n = – 85.51 (n = total:

3) 83) 103) 86) 40) 13) 328

Provence

35

1

2 42

6

51

56

52 36

63

50

IRI(TOT)944,k

49

77

70

21 19

77

8 5 84

Distribution de fréquence (similarité) MINMWMAX 12-tuple

MEDITERRANEE

Roussillon

Languedoc

Vallées vaudoises (Italie)

Vallée d´Aoste (Italie)

Suisse romande

Alsace

Lorraine

LUXEMBOURG

ALLEMAGNE

Wallonie (Belgique)

Carte 9 : Profil choroplèthe d’une carte de similarité (selon IRIjk) relative au point-ALF 944 (Thônes, Haute-Savoie) Corpus : 1650 cartes de travail (série A : toutes les categories linguistiques) Algorithme d’intervallisation : MINMWMAX 6-tuple

[1] [2] [3] [4] [5] [6]

Algorithme d'intervallisation MINMWMAX 6-tuple

N N N N N N N

Iles anglonormandes (Angleterre)

(1902–1908)

Série A: cartes 1–1421

ALF

0 100 200

Pays basque

Gascogne

ATLANTIQUE

Saintonge

Poitou

Bretagne romane

ESPAGNE

Normandie

MANCHE

Picardie

35.52 – 41.08 (n = – 46.64 (n = – 52.21 (n = – 62.59 (n = – 72.98 (n = – 83.36 (n = total:

40) 85) 61) 82) 49) 11) 328

Provence

36

7

33

42

51

48

34 36

54

34

60

48

66

27

IRI(TOT)944,k

25

22

72

7 78

4

Distribution de fréquence (similarité) MINMWMAX 12-tuple

MEDITERRANEE

Roussillon

Languedoc

Vallées vaudoises (Italie)

Vallée d´Aoste (Italie)

Suisse romande

Alsace

Lorraine

LUXEMBOURG

ALLEMAGNE

Wallonie (Belgique)

Carte 10 : Profil choroplèthe d’une carte de similarité (selon IRIjk) relative au point-ALF 944 (Thônes, Haute-Savoie) Corpus : 675 cartes de travail (série B : toutes les catégories linguistiques) Algorithme d’intervallisation : MINMWMAX 6-tuple

[1] [2] [3] [4] [5] [6]

Algorithme d'intervallisation MINMWMAX 6-tuple

N N N N N N N

Iles anglonormandes (Angleterre)

(1908–1909)

Série B: cartes 1422–1747

ALF

486 HANS  GOEBL / PAVEL  SMEČKA

0

100

200

Pays basque

Gascogne

ATLANTIQUE

Saintonge

Poitou

Bretagne romane

ESPAGNE

Normandie

MANCHE

Picardie

Téléchargé par anon. (30.01.2020, IP 193.63.81.131)

37.58 – 45.36 (n = – 53.13 (n = – 60.91 (n = – 70.30 (n = – 79.69 (n = – 89.08 (n = total:

2) 42) 148) 96) 23) 17) 328

Provence

38

1

1 45

3 59

56 59

66

37

IRI(TOT)893,k

52

39

92

73

11

12

80

9 8 87

Distribution de fréquence (similarité) MINMWMAX 12-tuple

MEDITERRANEE

Roussillon

Languedoc

Vallées vaudoises (Italie)

Vallée d´Aoste (Italie)

Suisse romande

Alsace

Lorraine

LUXEMBOURG

ALLEMAGNE

Wallonie (Belgique)

Carte 11 : Profil choroplèthe d’une carte de similarité (selon IRIjk) relative au point-ALF 893 (Hyères, Var) Corpus : 1650 cartes de travail (série A : toutes les catégories linguistiques) Algorithme d’intervallisation : MINMWMAX 6-tuple

[1] [2] [3] [4] [5] [6]

Algorithme d'intervallisation MINMWMAX 6-tuple

N N N N N N N

Iles anglonormandes (Angleterre)

(1902–1908)

Série A: cartes 1–1421

ALF

0 100 200

Pays basque

Gascogne

ATLANTIQUE

Saintonge

Poitou

Bretagne romane

ESPAGNE

Normandie

MANCHE

Picardie

38.16 – 43.25 (n = – 48.34 (n = – 53.42 (n = – 64.99 (n = – 76.55 (n = – 88.12 (n = total:

23) 105) 71) 92) 23) 14) 328

Provence

39

3

20

49

46

56

33

38

53

60

33

67

11

IRI(TOT)893,k

59

12 74

10 81

4 88

Distribution de fréquence (similarité) MINMWMAX 12-tuple

MEDITERRANEE

Roussillon

Languedoc

Vallées vaudoises (Italie)

Vallée d´Aoste (Italie)

Suisse romande

Alsace

Lorraine

LUXEMBOURG

ALLEMAGNE

Wallonie (Belgique)

Carte 12 : Profil choroplèthe d’une carte de similarité (selon IRIjk) relative au point-ALF 893 (Hyères, Var) Corpus : 675 cartes de travail (série B : toutes les catégories linguistiques) Algorithme d’intervallisation : MINMWMAX 6-tuple

[1] [2] [3] [4] [5] [6]

Algorithme d'intervallisation MINMWMAX 6-tuple

N N N N N N N

Iles anglonormandes (Angleterre)

(1908–1909)

Série B: cartes 1422–1747

ALF

L’ANALYSE DIALECTOMÉTRIQUE DES CARTES DE LA SÉRIE B DE L’ALF

487

0

100

200

Pays basque

Gascogne

ATLANTIQUE

Saintonge

Poitou

Bretagne romane

ESPAGNE

Normandie

MANCHE

Picardie

Téléchargé par anon. (30.01.2020, IP 193.63.81.131)

40.65 – 47.43 (n = – 54.22 (n = – 61.00 (n = – 71.64 (n = – 82.28 (n = – 92.92 (n = total:

28) 92) 38) 111) 40) 19) 328

Provence

41

3

25

48

73

19

55

62

69

69

42 25

IRI(TOT)753,k

15

23

76

15

83

14

90

5

Distribution de fréquence (similarité) MINMWMAX 12-tuple

MEDITERRANEE

Roussillon

Languedoc

Vallées vaudoises (Italie)

Vallée d´Aoste (Italie)

Suisse romande

Alsace

Lorraine

LUXEMBOURG

ALLEMAGNE

Wallonie (Belgique)

Carte 13 : Profil choroplèthe d’une carte de similarité (selon IRIjk) relative au point-ALF 753 (Brousse [Lautrec], Tarn) Corpus : 1650 cartes de travail (série A : toutes les catégories linguistiques) Algorithme d’intervallisation : MINMWMAX 6-tuple

[1] [2] [3] [4] [5] [6]

Algorithme d'intervallisation MINMWMAX 6-tuple

N N N N N N N

Iles anglonormandes (Angleterre)

(1902–1908)

Série A: cartes 1–1421

ALF

0 100 200

Pays basque

Gascogne

ATLANTIQUE

Saintonge

Poitou

Bretagne romane

ESPAGNE

Normandie

MANCHE

Picardie

37.57 – 43.00 (n = – 48.43 (n = – 53.86 (n = – 65.50 (n = – 77.14 (n = – 88.77 (n = total:

83) 45) 34) 121) 38) 7) 328

Provence

38

15

68

45

31 14 12

52

22

59

52

66

18

IRI(TOT)753,k

69

73

20

80

4

3 87

Distribution de fréquence (similarité) MINMWMAX 12-tuple

MEDITERRANEE

Roussillon

Languedoc

Vallées vaudoises (Italie)

Vallée d´Aoste (Italie)

Suisse romande

Alsace

Lorraine

LUXEMBOURG

ALLEMAGNE

Wallonie (Belgique)

Carte 14 : Profil choroplèthe d’une carte de similarité (selon IRIjk) relative au point-ALF 753 (Brousse [Lautrec], Tarn) Corpus : 675 cartes de travail (série B : toutes les catégories linguistiques) Algorithme d’intervallisation : MINMWMAX 6-tuple

[1] [2] [3] [4] [5] [6]

Algorithme d'intervallisation MINMWMAX 6-tuple

N N N N N N N

Iles anglonormandes (Angleterre)

(1908–1909)

Série B: cartes 1422–1747

ALF

488 HANS  GOEBL / PAVEL  SMEČKA

0

100

200

Pays basque

Gascogne

ATLANTIQUE

Saintonge

Poitou

Bretagne romane

ESPAGNE

Normandie

MANCHE

Picardie

Téléchargé par anon. (30.01.2020, IP 193.63.81.131)

37.99 – 44.19 (n = – 50.40 (n = – 56.61 (n = – 68.80 (n = – 80.99 (n = – 93.18 (n = total:

64) 63) 47) 108) 33) 13) 328

Provence

38

8

56

45

40

23

59

50

66

58

16

73

IRI(PHON)753,k

52

18

29

17

80

9 87

4

Distribution de fréquence (similarité) MINMWMAX 12-tuple

MEDITERRANEE

Roussillon

Languedoc

Vallées vaudoises (Italie)

Vallée d´Aoste (Italie)

Suisse romande

Alsace

Lorraine

LUXEMBOURG

ALLEMAGNE

Wallonie (Belgique)

Carte 15 : Profil choroplèthe d’une carte de similarité (selon IRIjk) relative au point-ALF 753 (Brousse [Lautrec], Tarn) Corpus : 313 cartes de travail (série B : phonétique) Algorithme d’intervallisation : MINMWMAX 6-tuple

[1] [2] [3] [4] [5] [6]

Algorithme d'intervallisation MINMWMAX 6-tuple

N N N N N N N

Iles anglonormandes (Angleterre)

(1908–1909)

Série B: cartes 1422–1747

ALF

0 100 200

Pays basque

Gascogne

ATLANTIQUE

Saintonge

Poitou

Bretagne romane

ESPAGNE

Normandie

MANCHE

Picardie

33.88 – 38.97 (n = – 44.07 (n = – 49.16 (n = – 60.36 (n = – 71.56 (n = – 82.76 (n = total:

26) 95) 60) 107) 34) 6) 328

Provence

34

5

21

40

51 44

46

24

36

58

38

64

24

IRI(LEX)753,k

52

69

70

10

3 76

3 82

Distribution de fréquence (similarité) MINMWMAX 12-tuple

MEDITERRANEE

Roussillon

Languedoc

Vallées vaudoises (Italie)

Vallée d´Aoste (Italie)

Suisse romande

Alsace

Lorraine

LUXEMBOURG

ALLEMAGNE

Wallonie (Belgique)

Carte 16 : Profil choroplèthe d’une carte de similarité (selon IRIjk) relative au point-ALF 753 (Brousse [Lautrec], Tarn) Corpus : 300 cartes de travail (série B : lexique) Algorithme d’intervallisation : MINMWMAX 6-tuple

[1] [2] [3] [4] [5] [6]

Algorithme d'intervallisation MINMWMAX 6-tuple

N N N N N N N

Iles anglonormandes (Angleterre)

(1908–1909)

Série B: cartes 1422–1747

ALF

L’ANALYSE DIALECTOMÉTRIQUE DES CARTES DE LA SÉRIE B DE L’ALF

489

0

100

200

Pays basque

Gascogne

ATLANTIQUE

Saintonge

Poitou

Bretagne romane

ESPAGNE

Normandie

MANCHE

Picardie

Téléchargé par anon. (30.01.2020, IP 193.63.81.131)

4.04 – 14.00 (n = – 18.06 (n = – 22.23 (n = – 26.29 (n = – 31.71 (n = – 57.55 (n = total:

163) 163) 163) 134) 134) 133) 890

Provence

5

82

12

81

82 81 82 67 67

26

67

67

33

67

IRD(PHON)jk

19

81

40

47

66 54

Distribution de fréquence (distance) MEDMW 12-tuple

MEDITERRANEE

Roussillon

Languedoc

Vallées vaudoises (Italie)

Vallée d´Aoste (Italie)

Suisse romande

Alsace

Lorraine

LUXEMBOURG

ALLEMAGNE

Wallonie (Belgique)

Carte 17 : Synthèse isoglottique („carte à cloisons“) Corpus : 1096 cartes de travail (série A : phonétique) Indice de distance : IRDjk Algorithme d’intervallisation : MEDMW 6-tuple

[1] [2] [3] [4] [5] [6]

Algorithme d'intervallisation MEDMW 6-tuple

N N N N N N N

Iles anglonormandes (Angleterre)

(1902–1908)

Série A: cartes 1–1421

ALF

0 100 200

Pays basque

Gascogne

ATLANTIQUE

Saintonge

Poitou

Bretagne romane

ESPAGNE

Normandie

MANCHE

Picardie

6.82 – 16.29 (n = – 20.79 (n = – 25.24 (n = – 29.51 (n = – 34.32 (n = – 54.63 (n = total:

158) 158) 158) 139) 139) 138) 890

Provence

7

79

13

79

79

19

79

70

31

69 69

37

69

IRD(PHON)jk

25

80 78 70

43

69

49

Distribution de fréquence (distance) MEDMW 12-tuple

MEDITERRANEE

Roussillon

Languedoc

Vallées vaudoises (Italie)

Vallée d´Aoste (Italie)

Suisse romande

Alsace

Lorraine

LUXEMBOURG

ALLEMAGNE

Wallonie (Belgique)

Carte 18 : Synthèse isoglottique („carte à cloisons“) Corpus : 313 cartes de travail (série B : phonétique) Indice de distance : IRDjk Algorithme d’intervallisation : MEDMW 6-tuple

[1] [2] [3] [4] [5] [6]

Algorithme d'intervallisation MEDMW 6-tuple

N N N N N N N

Iles anglonormandes (Angleterre)

(1908–1909)

Série B: cartes 1422–1747

ALF

490 HANS  GOEBL / PAVEL  SMEČKA

0

100

200

Pays basque

Gascogne

ATLANTIQUE

Saintonge

Poitou

Bretagne romane

ESPAGNE

Normandie

MANCHE

Picardie

Téléchargé par anon. (30.01.2020, IP 193.63.81.131)

8.19 – 14.84 (n = – 16.96 (n = – 18.86 (n = – 20.53 (n = – 23.91 (n = – 59.09 (n = total:

174) 177) 171) 123) 123) 122) 890

Provence

9

88

86

16

90 6261

61 878586

23

62 61

37

IRD(LEX)jk

30

61 44

51

58

Distribution de fréquence (distance) MEDMW 12-tuple

MEDITERRANEE

Roussillon

Languedoc

Vallées vaudoises (Italie)

Vallée d´Aoste (Italie)

Suisse romande

Alsace

Lorraine

LUXEMBOURG

ALLEMAGNE

Wallonie (Belgique)

Carte 19 : Synthèse isoglottique („carte à cloisons“) Corpus : 465 cartes de travail (série A : lexique) Indice de distance : IRDjk Algorithme d’intervallisation : MEDMW 6-tuple

[1] [2] [3] [4] [5] [6]

Algorithme d'intervallisation MEDMW 6-tuple

N N N N N N N

Iles anglonormandes (Angleterre)

(1902–1908)

Série A: cartes 1–1421

ALF

0 100 200

Pays basque

Gascogne

ATLANTIQUE

Saintonge

Poitou

Bretagne romane

ESPAGNE

Normandie

MANCHE

Picardie

11.07 – 23.40 (n = – 26.22 (n = – 28.78 (n = – 30.93 (n = – 34.50 (n = – 49.05 (n = total:

159) 158) 159) 137) 139) 138) 890

Provence

12

17

80

22

79

79

80 68 69

27

79

32

70

69

IRD(LEX)jk

79

37

69

42

69 47

Distribution de fréquence (distance) MEDMW 12-tuple

MEDITERRANEE

Roussillon

Languedoc

Vallées vaudoises (Italie)

Vallée d´Aoste (Italie)

Suisse romande

Alsace

Lorraine

LUXEMBOURG

ALLEMAGNE

Wallonie (Belgique)

Carte 20 : Synthèse isoglottique („carte à cloisons“) Corpus : 300 cartes de travail (série B : lexique) Indice de distance : IRDjk Algorithme d’intervallisation : MEDMW 6-tuple

[1] [2] [3] [4] [5] [6]

Algorithme d'intervallisation MEDMW 6-tuple

N N N N N N N

Iles anglonormandes (Angleterre)

(1908–1909)

Série B: cartes 1422–1747

ALF

L’ANALYSE DIALECTOMÉTRIQUE DES CARTES DE LA SÉRIE B DE L’ALF

491

0

100

200

Pays basque

Gascogne

ATLANTIQUE

Saintonge

Poitou

Bretagne romane

ESPAGNE

Normandie

MANCHE

Picardie

Téléchargé par anon. (30.01.2020, IP 193.63.81.131)

–0.79 – 0.30 (n = – 0.44 (n = – 0.62 (n = – 0.79 (n = – 1.01 (n = – 1.44 (n = total:

59) 58) 59) 50) 51) 52) 329

0

Provence

30

29 29 30 24

CAF(PHON)j

29

29

26

25 26

1

26 26

Distribution de fréquence (CAF) MEDMW 12-tuple

MEDITERRANEE

Roussillon

Languedoc

Vallées vaudoises (Italie)

Vallée d´Aoste (Italie)

Suisse romande

Alsace

Lorraine

LUXEMBOURG

ALLEMAGNE

Wallonie (Belgique)

Carte 21 : Profil choroplèthe de la synopse de 329 scores-CAF („coefficient d’asymétrie de Fisher“) Corpus : 1096 cartes de travail (série A : phonétique) Indice de similarité : IRIjk Algorithme d’intervallisation : MEDMW 6-tuple

[1] [2] [3] [4] [5] [6]

Algorithme d'intervallisation MEDMW 6-tuple

N N N N N N N

Iles anglonormandes (Angleterre)

(1902–1908)

Série A: cartes 1–1421

ALF

0 100 200

Pays basque

Gascogne

ATLANTIQUE

Saintonge

Poitou

Bretagne romane

ESPAGNE

Normandie

MANCHE

Picardie

–0.21 – 0.35 (n = – 0.52 (n = – 0.67 (n = – 0.86 (n = – 1.01 (n = – 2.55 (n = total:

59) 59) 59) 51) 51) 50) 329

0

Provence

30

29

25

26 25

1

25 26

CAF(PHON)j

30

29

29

30

25 2

Distribution de fréquence (CAF) MEDMW 12-tuple

MEDITERRANEE

Roussillon

Languedoc

Vallées vaudoises (Italie)

Vallée d´Aoste (Italie)

Suisse romande

Alsace

Lorraine

LUXEMBOURG

ALLEMAGNE

Wallonie (Belgique)

Carte 22 : Profil choroplèthe de la synopse de 329 scores-CAF („coefficient d’asymétrie de Fisher“) Corpus : 313 cartes de travail (série B : phonétique) Indice de similarité : IRIjk Algorithme d’intervallisation : MEDMW 6-tuple

[1] [2] [3] [4] [5] [6]

Algorithme d'intervallisation MEDMW 6-tuple

N N N N N N N

Iles anglonormandes (Angleterre)

(1908–1909)

Série B: cartes 1422–1747

ALF

492 HANS  GOEBL / PAVEL  SMEČKA

0

100

200

Pays basque

Gascogne

ATLANTIQUE

Saintonge

Poitou

Bretagne romane

ESPAGNE

Normandie

MANCHE

Picardie

Téléchargé par anon. (30.01.2020, IP 193.63.81.131)

–1.64 – –0.88 (n = – –0.49 (n = – –0.26 (n = – 0.01 (n = – 0.26 (n = – 2.09 (n = total:

56) 55) 55) 54) 55) 54) 329

-1

Provence

28

28

27

28

28 27

28

0

27 27 27

CAF(LEX)j

27

1

27

Distribution de fréquence (CAF) MEDMW 12-tuple

MEDITERRANEE

Roussillon

Languedoc

Vallées vaudoises (Italie)

Vallée d´Aoste (Italie)

Suisse romande

Alsace

Lorraine

LUXEMBOURG

ALLEMAGNE

Wallonie (Belgique)

Carte 23 : Profil choroplèthe de la synopse de 329 scores-CAF („coefficient d’asymétrie de Fisher“) Corpus : 465 cartes de travail (série A : lexique) Indice de similarité : IRIjk Algorithme d’intervallisation : MEDMW 6-tuple

[1] [2] [3] [4] [5] [6]

Algorithme d'intervallisation MEDMW 6-tuple

N N N N N N N

Iles anglonormandes (Angleterre)

(1902–1908)

Série A: cartes 1–1421

ALF

2

0 100 200

Pays basque

Gascogne

ATLANTIQUE

Saintonge

Poitou

Bretagne romane

ESPAGNE

Normandie

MANCHE

Picardie

–0.20 – 0.31 (n = – 0.48 (n = – 0.68 (n = – 0.83 (n = – 1.13 (n = – 2.12 (n = total:

61) 61) 61) 49) 49) 48) 329

0

Provence

31

30

31 30 30

24

25

24

1

25 24

CAF(LEX)j

31

24

Distribution de fréquence (CAF) MEDMW 12-tuple

MEDITERRANEE

Roussillon

Languedoc

Vallées vaudoises (Italie)

Vallée d´Aoste (Italie)

Suisse romande

Alsace

Lorraine

LUXEMBOURG

ALLEMAGNE

Wallonie (Belgique)

2

Carte 24 : Profil choroplèthe de la synopse de 329 scores-CAF („coefficient d’asymétrie de Fisher“) Corpus : 300 cartes de travail (série B : lexique) Indice de similarité : IRIjk Algorithme d’intervallisation : MEDMW 6-tuple

[1] [2] [3] [4] [5] [6]

Algorithme d'intervallisation MEDMW 6-tuple

N N N N N N N

Iles anglonormandes (Angleterre)

(1908–1909)

Série B: cartes 1422–1747

ALF

L’ANALYSE DIALECTOMÉTRIQUE DES CARTES DE LA SÉRIE B DE L’ALF

493

0

0

100

200

Pays basque

Gascogne

ATLANTIQUE

Saintonge

Poitou

Bretagne romane

ESPAGNE

Normandie

MANCHE

Picardie

MEDITERRANEE

Roussillon

Languedoc

Provence

Vallées vaudoises (Italie)

Vallée d´Aoste (Italie)

Suisse romande

Alsace

Lorraine

LUXEMBOURG

ALLEMAGNE

Wallonie (Belgique)

Carte 25 : Classification ascendante hiérarchique (méthode de Joe Ward, Jr.) Corpus : 1096 cartes de travail (série A : phonétique) Indice de similarité : IRIjk Nombre des chorèmes (en haut) et dendrèmes (en bas) coloriés : 6

N N N N N N N

Iles anglonormandes (Angleterre)

(1902–1908)

Série A: cartes 1–1421

ALF

0

0 100 200

Pays basque

Gascogne

ATLANTIQUE

Saintonge

Poitou

Bretagne romane

ESPAGNE

Normandie

MANCHE

Picardie

MEDITERRANEE

Roussillon

Languedoc

Provence

Vallées vaudoises (Italie)

Vallée d´Aoste (Italie)

Suisse romande

Alsace

Lorraine

LUXEMBOURG

ALLEMAGNE

Wallonie (Belgique)

Carte 26 : Classification ascendante hiérarchique (méthode de Joe Ward, Jr.) Corpus : 313 cartes de travail (série B : phonétique) Indice de similarité : IRIjk Nombre des chorèmes (en haut) et dendrèmes (en bas) coloriés : 6

N N N N N N N

Iles anglonormandes (Angleterre)

(1908–1909)

Série B: cartes 1422–1747

ALF

494 HANS  GOEBL / PAVEL  SMEČKA

Téléchargé par anon. (30.01.2020, IP 193.63.81.131)

0

0

100

200

Pays basque

Gascogne

ATLANTIQUE

Saintonge

Poitou

Bretagne romane

ESPAGNE

Normandie

MANCHE

Picardie

MEDITERRANEE

Roussillon

Languedoc

Provence

Vallées vaudoises (Italie)

Vallée d´Aoste (Italie)

Suisse romande

Alsace

Lorraine

LUXEMBOURG

ALLEMAGNE

Wallonie (Belgique)

Carte 27 : Classification ascendante hiérarchique (méthode de Joe Ward, Jr.) Corpus : 465 cartes de travail (série A : lexique) Indice de similarité : IRIjk Nombre des chorèmes (en haut) et dendrèmes (en bas) coloriés : 6

N N N N N N N

Iles anglonormandes (Angleterre)

(1902–1908)

Série A: cartes 1–1421

ALF

0

0 100 200

Pays basque

Gascogne

ATLANTIQUE

Saintonge

Poitou

Bretagne romane

ESPAGNE

Normandie

MANCHE

Picardie

MEDITERRANEE

Roussillon

Languedoc

Provence

Vallées vaudoises (Italie)

Vallée d´Aoste (Italie)

Suisse romande

Alsace

Lorraine

LUXEMBOURG

ALLEMAGNE

Wallonie (Belgique)

Carte 28 : Classification ascendante hiérarchique (méthode de Joe Ward, Jr.) Corpus : 300 cartes de travail (série B : lexique) Indice de similarité : IRIjk Nombre des chorèmes (en haut) et dendrèmes (en bas) coloriés : 6

N N N N N N N

Iles anglonormandes (Angleterre)

(1908–1909)

Série B: cartes 1422–1747

ALF

L’ANALYSE DIALECTOMÉTRIQUE DES CARTES DE LA SÉRIE B DE L’ALF

Téléchargé par anon. (30.01.2020, IP 193.63.81.131) 495

0

100

200

Pays basque

Gascogne

ATLANTIQUE

Saintonge

Poitou

Bretagne romane

ESPAGNE

Normandie

MANCHE

Picardie

Téléchargé par anon. (30.01.2020, IP 193.63.81.131)

0.12 – 0.51 (n = – 0.58 (n = – 0.63 (n = – 0.68 (n = – 0.76 (n = – 0.88 (n = total:

54) 54) 54) 56) 56) 55) 329

0.121

Provence

0.228

0.335

0.442

0.549

27

27 28

0.656

27 28 28

r(BP)IRI(TOT),ProxGéo

27

27

27

28

0.763

28

0.871

27

Distribution de fréquence [r(BP)] MEDMW 12-tuple

MEDITERRANEE

Roussillon

Languedoc

Vallées vaudoises (Italie)

Vallée d´Aoste (Italie)

Suisse romande

Alsace

Lorraine

LUXEMBOURG

ALLEMAGNE

Wallonie (Belgique)

Carte 29 : Profil choroplèthe d’une carte à corrélations Matrices carrées corrélées : matrice de similarité (selon IRIjk) matrice de proximité géographique (selon le théorème de Pythagore) Corpus linguistique : 1650 cartes de travail (série A : toutes les catégories linguistiques) Algorithme d’intervallisation : MEDMW 6-tuple

[1] [2] [3] [4] [5] [6]

Algorithme d'intervallisation MEDMW 6-tuple

N N N N N N N

Iles anglonormandes (Angleterre)

(1902–1908)

Série A: cartes 1–1421

ALF

0 100 200

Pays basque

Gascogne

ATLANTIQUE

Saintonge

Poitou

Bretagne romane

ESPAGNE

Normandie

MANCHE

Picardie

0.17– 0.55 (n = – 0.62 (n = – 0.66 (n = – 0.72 (n = – 0.81 (n = – 0.89 (n = total:

59) 59) 59) 51) 51) 50) 329

0.173

Provence

0.276

30 0.480

29

0.582

30

30

26

0.684

25

r(BP)IRI(TOT),ProxGéo

0.378

29

29

25

0.786

26

25

0.889

25

Distribution de fréquence [r(BP)] MEDMW 12-tuple

MEDITERRANEE

Roussillon

Languedoc

Vallées vaudoises (Italie)

Vallée d´Aoste (Italie)

Suisse romande

Alsace

Lorraine

LUXEMBOURG

ALLEMAGNE

Wallonie (Belgique)

Carte 30 : Profil choroplèthe d’une carte à corrélations Matrices carrées corrélées : matrice de similarité (selon IRIjk) matrice de proximité géographique (selon le théorème de Pythagore) Corpus linguistique : 675 cartes de travail (série B : toutes les catégories linguistiques) Algorithme d’intervallisation : MEDMW 6-tuple

[1] [2] [3] [4] [5] [6]

Algorithme d'intervallisation MEDMW 6-tuple

N N N N N N N

Iles anglonormandes (Angleterre)

(1908–1909)

Série B: cartes 1422–1747

ALF

496 HANS  GOEBL / PAVEL  SMEČKA

0

100

200

Pays basque

Gascogne

ATLANTIQUE

Saintonge

Poitou

Bretagne romane

ESPAGNE

Normandie

MANCHE

Picardie

Téléchargé par anon. (30.01.2020, IP 193.63.81.131)

0.40 – 0.67 (n = – 0.73 (n = – 0.78 (n = – 0.82 (n = – 0.85 (n = – 0.91 (n = total:

42) 41) 41) 68) 69) 68) 329

0.399

Provence

0.471

21 0.615

0.687

20

21

21

0.759

20

r(BP)IRI(PHON),IRI(LEX)

0.543

21

34

0.831

34 34 34 35

0.903

34

Distribution de fréquence [r(BP)] MEDMW 12-tuple

MEDITERRANEE

Roussillon

Languedoc

Vallées vaudoises (Italie)

Vallée d´Aoste (Italie)

Suisse romande

Alsace

Lorraine

LUXEMBOURG

ALLEMAGNE

Wallonie (Belgique)

Carte 31 : Profil choroplèthe d’une carte à corrélations Matrices carrées de similarité corrélées (selon IRI jk) : matrice A : 1069 cartes de travail (série A : phonétique) matrice B : 465 cartes de travail (série A : lexique) Algorithme d’intervallisation : MEDMW 6-tuple

[1] [2] [3] [4] [5] [6]

Algorithme d'intervallisation MEDMW 6-tuple

N N N N N N N

Iles anglonormandes (Angleterre)

(1902–1908)

Série A: cartes 1–1421

ALF

0 100 200

Pays basque

Gascogne

ATLANTIQUE

Saintonge

Poitou

Bretagne romane

ESPAGNE

Normandie

MANCHE

Picardie

0.06 – 0.64 (n = – 0.73 (n = – 0.79 (n = – 0.84 (n = – 0.87 (n = – 0.93 (n = total:

38) 37) 38) 71) 72) 73) 329

0.057

Provence

0.180

0.426

0.549

19

19 19

0.672

18

r(BP)IRI(PHON),IRI(LEX)

0.303

19

0.795

35 19

36

36 36

36

0.918

37

Distribution de fréquence [r(BP)] MEDMW 12-tuple

MEDITERRANEE

Roussillon

Languedoc

Vallées vaudoises (Italie)

Vallée d´Aoste (Italie)

Suisse romande

Alsace

Lorraine

LUXEMBOURG

ALLEMAGNE

Wallonie (Belgique)

Carte 32 : Profil choroplèthe d’une carte à corrélations Matrices carrées de similarité corrélées (selon IRI jk) : matrice A : 313 cartes de travail (série B : phonétique) matrice B : 300 cartes de travail (série B : lexique) Algorithme d’intervallisation : MEDMW 6-tuple

[1] [2] [3] [4] [5] [6]

Algorithme d'intervallisation MEDMW 6-tuple

N N N N N N N

Iles anglonormandes (Angleterre)

(1908–1909)

Série B: cartes 1422–1747

ALF

L’ANALYSE DIALECTOMÉTRIQUE DES CARTES DE LA SÉRIE B DE L’ALF

497

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Régionalismes et jeu de mots onomastique dans un sirventés de Torcafol : Comtor d’Apchier rebuzat (P.‑C. 443, 1)* 1. « Sil que.us son deus lo capil » (v. 26) : deux régionalismes non repérés 1.1. Au début de la quatrième et avant-dernière strophe du sirventés Comtor d’Apchier rebuzat (éd. Latella 1994, 185, pièce V, d’après R), Torcafol s’adresse en ces termes à Garin d’Apchier : Et an vos claus lo cortil Sil que·us son deus lo capil, E tornat de brau humil E tout chan e alegransa 26 que·us ] qe D

26 28

deus ] dans D

Au vers 26, Appel (1890, 13) et Witthoeft (1891, 60) donnent le même texte. 1.2. Dans l’interprétation qu’elle propose de ce vers, Latella (1994, 194) a certainement raison de s’en tenir au nom commun capil  1 dans son sens fondamental en occitan (tant médiéval que contemporain) : “frontone cuspidale di un’abitazione, pignone” 2. L’éditrice remarque avec à-propos que « la correlazione con ‘cortil’ del verso precedente conferma l’area onomasiologica della dimora » et pense à juste titre que « l’accezione “pignone” non [è] priva di senso nel contesto ». Le glossaire enregistre le sens de “pignone” (Latella 1994, 260). * Nos remerciements s’adressent à Geneviève Brunel-Lobrichon pour son attentive relecture. 1 L’hypothèse de Césaire Fabre rapportée par Latella, selon laquelle on aurait affaire à un nom propre de lieu, « quel Capieu non lontano da Mende » – c’est-à-dire probablement Chapieu, commune de Lanuéjouls (Lozère) – ne peut convenir pour d’évidentes raisons de syntaxe (précession de l’article) et de phonétique (Chapieu est attesté au Moyen Âge comme aocc. Chapió, incompatible avec *Capils ; voir Chambon, à paraître). 2 Lv (1, 205, s. v. capil) reconnaissait avec probité que « der genaue Sinn der Stelle » ne lui apparaissait pas ; cf. aussi Appel (1890, 14). Le passage n’a pas attiré l’attention de Gresti (1997) ni celle de Pfister (2001).

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500

JEAN-PIERRE CHAMBON

Cette interprétation est corroborée par le fait que capil “pignon” est un régionalisme dont l’aire occitane s. s. 3 englobe le Gévaudan (plus précisément sa partie occidentale), c’est-à-dire la patrie de Torcafol, de Garin d’Apchier et de leur premier public. La consultation du FEW (2, 273b, cappa) 4 permet de s’en assurer 5. Von Wartburg relève en effet aquerc. capil (1280, Rn 2, 324 [FEW par erreur « arouerg. »]) et arouerg. capiol (Millau 1459), auxquels on peut adjoindre agév. capil (doc. 1309 concernant Ribennes, mentionné par Escolo Gabalo 1992, 128), capial (Nasbinals 1393, Rigal 1934, 260) et aauv. chapiel (Saint-Flour 1474, DAOA 227-228). En ce qui concerne les parlers de l’époque contemporaine, le FEW fournit les localisations suivantes : Lot (Figeac ; aj. les données d’ALLOc 842), aveyr. (aj. ALMC 661 et ALLOc 842), Lozère (Aum. Malz. ; aj. ALMC 661 et Escolo Gabalo 1992, 128, 129), Cantal (Carlat, Ytrac ; aj. ALMC 661), PuyD. (St-Anthème ; aj. ALAL 1180), Corrèze (blim. ; aj. ALAL 1180 et ALLOc 842), Dord. (périg. St-Pierre ; aj. ALLOc 842) ; on y joindra encore, sur les marges de l’aire, Hér. (Puissalicon, ex. de Deloncle dans Mistral 1878, 1, 458), TarnG. (ALLOc p 82.12), LotG. (ALLOc p 47.11) et HVienne (ALAL 1180 p 57). Comme anthroponyme (second nom), aocc. Capil est attesté dans l’aire lexicale, en Rouergue (ca 1160, Brunel 1926, n° 86, 6 ; Fexer 1978, 199). 1.3. Latella (1994, 187) traduit ainsi le passage : « E vi hanno precluso il cortile quelli que stanno dentro la cinta del vostro castello, e tramutato da superbo in umile e tolto il canto e l’allegria ». Elle commente ainsi l’emploi de capil : « Appare infatti verosimile che l’autore abbia, obbligato dalla rima, semplicement indicato la parte per il tutto e investito ‘pignone’ del valore di ‘ricetto’, ‘castello’ » (Latella 1994, 194) 6. Les sens ainsi prêtés à capil, “ricetto”, “castello” et “cinta del [...] castello”, ne sont pas attestés par ailleurs et paraissent même insolites en ce qu’ils s’écartent trop fortement (et trop diversement) du noyau sémantique du substantif 7. À partir de “frontone cuspidale di un’abitazione”, on pourrait seulement conjecturer, s’il y avait synecdoque pars pro toto, le sens d’“abitazione”.

3



4 5



6



7

Le même type lexical est aussi attesté en gascon : HPyr. (Barèges, Campan) dans le sens de “faîtage” (FEW 2, 273b, cappa ; cf. Rohlfs 1931, 153). L’ALG n’a pas, semble-t-il, de carte faîtage, faîte ou pignon. L’étymologie de capil a été établie par Thomas (1910, 207). Latella ne se réfère qu’à Mistral (1878, 1, 458), chez lequel la vedette capiéu n’est probablement qu’une rhodanisation fictive. L’idée selon laquelle la contrainte de la rime suggèrerait l’emploi du mot, voire dicterait sa signification, est un argument désespéré. « Le sens insolite, déviant du noyau sémantique [...], est dans une large proportion un sens inexistant et erroné » (Möhren 1997, 130).

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RÉGIONALISMES DANS UN SIRVENTÉS DE TORCAFOL

501

1.4. D’un autre côté, l’interprétation donnée de « deus » par Latella prête à discussion. Le glossaire et la traduction voient dans ce mot une préposition rendue par “dentro” (Latella 1994, 194, 264). Ce serait là, à notre connaissance, un hapax. La forme est justifiée de la manière suivante : « deus : la vocalizzazione della n presente nel nesso latino ‑nti, ‑nci [= ‑nty‑, ‑nky‑] era frequente in vari dialetti occitanici, come ha dimostrato Grafström, Graphie, § 37 » (Latella 1994, 194). 1.4.1. Au plan géolinguistique, on constate que la forme dens, sur laquelle « deus » serait supposée reposer, est attestée par Lv (2, 243-244), le seul dictionnaire à enregistrer dentz/dens, en domaine gascon (doc. Gers [Condom] 1314 ; doc. Béarn 1475) et sur ses marges languedociennes (doc. Agenais [Astafort] 1304 ; CroisAlb v. 9454 [Toulouse/Foix]). Pour d’autres attestations d’ancien gascon, voir notamment, Luchaire (1881, 154 : doc. Bagnères-deBigorre [Hautes-Pyrénées], doc. Pau et doc. Oloron [Pyrénées-Atlantiques]) ; pour d’autres attestations languedociennes à proximité du domaine gascon, voir Charnay (1991, 56, 57, 96 : doc. Caignac [Haute-Garonne] 1522-1523) et l’Instruction dels rictors [...] per mestre Joan Jarson (Rodez 1556), texte dont nous avons proposé de localiser la langue dans le pays de Foix (Chambon 1997, 110). La distribution spatiale qu’on entrevoit dès le Moyen Âge est confirmée pour l’essentiel par les données dialectales contemporaines : voir Ronjat (1930-1941, 1, 138), FEW (3, 31a, 31b, deintus), ALF (203, 381 et ALG (806, 2478-2482). 1.4.2. Quant à la vocalisation de [n] dont témoignerait « deus » 8, ce changement phonétique possède un caractère régional marqué. Attesté au Moyen Âge dans « tout le département du Tarn, les départements de l’Hérault et de l’Aude, enfin une bande du Rouergue (T[arn-et-] Gar[onne] et Aveyron) limitrophe du Tarn » (Nègre 1984, 133) 9, il a régressé jusqu’à presque disparaître dans les parlers contemporains. Certes, il ne serait pas complètement impossible que ce changement ait été connu aussi en Gévaudan ; cependant il n’y a jamais été signalé, à notre connaissance (ø  Brunel 1916). En outre, sauf erreur de notre part, il n’a été observé que dans des textes documentaires (y compris, en contexte latin, dans des noms de lieux), jamais dans l’acrolecte littéraire.



8



9

Ce changement a été signalé par Sindou (1954, 156) et étudié indépendamment par Grafström (1958, 103-111) et Nègre (1959, 73-74 ; 1961 = 1984, 131-135), puis par Kalman (1974, 51) et Gallacher (1978, 274-275). Cf. Grafström (1958, 105-106) : « Dans une région comprenant l’Albigeois et des parties limitrophes des pays voisins (Bas-Quercy, Toulousain, Rouergue) » ainsi que dans l’Hérault et l’Aude (noms de lieux).

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502

JEAN-PIERRE CHAMBON

De toute manière, il se présente, au plan phonétique, une difficulté plus grave : si la forme à vocalisation « deus » n’a pas été observée, c’est sans doute pour une bonne raison. En effet, comme l’indique Latella (1994, 194), la vocalisation en [] ne se produit que si le groupe médiéval [nʦ] remonte à ‑ntyou à ‑nky‑. Or il est clair que d(e) intus > aocc. agasc. denz/dinz, mot dans lequel l’affriquée sifflante est produite par l’amuïssement de la voyelle finale inaccentuée, n’a jamais connu le groupe ‑nty‑. C’est dire que l’environnement indispensable pour nourrir la vocalisation de [n] fait défaut. L’interprétation de Latella obligerait donc à supposer une forme « deus » qui, à notre sentiment, n’a pas pu exister. 1.5. Il nous semble possible de proposer une solution qui, tout en maintenant pratiquement le texte établi et en conservant à capil son sens nucléaire de “pignon”, donne de « deus » une interprétation satisfaisant mieux la phonétique historique et la géolinguistique. Il suffit de segmenter le bloc graphique « deus» en «d‑eus» et d’y reconnaître l’allomorphe prévocalique de la préposition de suivi de eus, continuateur de ipsu. Concernant la forme eus, les données sommaires du FEW (4, 807a, ipse) ont été complétées par Pfister (1960, 86-87, 91). Celui-ci a relevé aocc. eus(s), f. ‑(s)a dans des documents localisés dans les départements actuels de l’Hérault (Gellone ca 1100 ; Montpellier 1160 ; Aniane 1170), de l’Aveyron (1142 ; Millau 1293) et de la Lozère (deux documents de ca 1137 ; aj. 1150, Brunel 1926, xxxvi = n° 57, 7) ; on joindra un exemple nîmois ca 1180 (Brunel 1926, xxxiv ; Grafström 1968, 75, 78). Il s’agit donc là d’un particularisme diatopique dont l’aire englobe, comme celle de capil (§ 1.2), la patrie gévaudanaise de Torcafol. Quant à l’emploi de eis ou eus « als deiktisches Element vor dem Artikel » (construction eis/eus + Art + Nc, le plus souvent précédée d’une préposition), il est largement documenté par Pfister (1960, 90-91), Appel (1902, 242) et Jensen (1994, § 306), de Boeci à 1293 (Bas Languedoc [Gellone], Toulousain, Albigeois, Quercy, Rouergue, Limousin). 1.6. Au total, nous supposerons, dans la ligne de Appel (1890, 14), qui eut le mérite de poser une « expression » esser a alcu deus lo capil 10, que la locution [esser] a alcu d’eus lo capil – mais non le substantif considéré isolément – possède en langue le sens figuré “vivre sous le même toit que qn”. L’image concrète du pignon, élément sommital et parfois saillant de la maison, sert chez Torcafol à évoquer l’ensemble des résidants. Les vers 25‑26 font 10

Appel ajoutait qu’il ne connaissait pas d’autre exemple.

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RÉGIONALISMES DANS UN SIRVENTÉS DE TORCAFOL

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assez probablement allusion à des démêlés concernant la possession ou l’usage d’une demeure seigneuriale. Ils raillent sans doute l’issue – malheureuse pour Garin – d’un conflit surgi au sein d’une seigneurie collective, un système de partage indivis bien caractéristique du Languedoc et du Gévaudan (voir Laffont 2000 et Débax 2012) 11. Construit par une voie différente, mais que nous croyons plus sûre, le sens que nous attribuons au vers 26 (“ceux qui habitent sous le même toit que vous”) reste très proche de celui proposé par la valeureuse éditrice de Torcafol et de Garin d’Apchier. Selon nous, l’emploi du régionalisme capil, dont le sens technique pouvait sembler « per verità insolito per il linguaggio poetico » (Latella 1994, 194 ; cf. aussi p. 84 : « termin[e] non ‘ortodoss[o]’ »), s’explique par le fait que, chez Torcafol, le mot fait image en tant que constituant d’un syntagme métasémique figé. Quant à la variante de D « dans », elle peut être interprétée comme une rationalisation, obtenue à l’aide de la préposition française dans, de la part du second scribe du chansonnier D, même si les francismes sont beaucoup plus rares sous la plume de celui-ci que chez le premier scribe (cf. Zinelli 2010, 87 et n. 17).

2. « Tart seres mais reis de Fransa ! » (v. 40) : un jeu de mots onomastique 2.1. Au début de la dernière strophe, Torcafol annonce qu’on parvient à l’acmè du chant (« Pos del chantar em al som », v. 33) : l’expression est chargée d’ironie, puisque l’auteur entend au contraire ruiner la renommée de son adversaire (v. 34) 12 en montrant sa déchéance. Garin d’Apchier est en effet décrit comme un vieillard chenu (v. 37) dont les affaires vont de mal en pis (v. 35-37) et qui ne semble même plus être capable de comprendre les machinations qui vont le conduire à sa perte et d’identifier leurs auteurs (v. 38-39) 13 :

« Chaque seigneur a alors une demeure particulière dans un même castrum, ou bien occupe le donjon à tour de rôle » (Darnas/Duthu 2002, 121). Le substantif parier “comproprietario” est employé par Garin d’Apchier (VIII, v. 5) : voir le commentaire de Latella (1994, 220, 223-224). Selon Brunel (1915-1916, 465 et n. 2), les seigneurs d’Apcher étaient coseigneurs de la forteresse de Châteauneuf-de-Randon, avec les seigneurs de Randon et ceux de Châteauneuf, et ils possédaient aussi « une partie du château de Montrodat ». 12 Sur le sens de nom, voir le commentaire de Latella (1994, 196-197). 13 Sur ces deux vers, voir le commentaire de Latella (1994, 197-198). 11

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Pos del chantar em al som Aisie·us desamar lo nom ; Totz vostr’ argens torn’ en plom E vostr’ afars desenansa. Vilhetz pus blancs d’un colom, Be·us menon de tom en tom, E no sabetz qui ni com. Tart seres mais reis de Fransa !

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(Éd. Latella 1994, V, 186.)

Le dernier vers est traduit ainsi par Latella (1994, 187) : « Difficilmente ormai sarete re di Francia ! » 14 ; cf. déjà Witthoeft (1891, 26) : « Schwerlich werdet Ihr mehr König von Frankreich sein ». 2.2. La platitude apparente de l’effet final – aucun auditeur ne pouvait envisager que Garin d’Apchier ait été en mesure de devenir facilement roi de France – est un interprétant au sens de Riffaterre. On peut en constater le bon fonctionnement, puisqu’il a poussé les critiques à interpréter. 2.2.1. Au sujet du vers 40, Latella (1994, 198-199) a été bien avisée de repousser les vues tout à fait aventurées de Stronski (1907) et de Césaire Fabre, sur lesquelles il serait oiseux de s’étendre ici. L’éditrice retire néanmoins quelque chose de Stronski : « Non è da escludere drasticamente che la frase di Torcaf si riferisca ad una parentela della famiglia Castelnou-Apchier con la casa reale francese (parentela vantata da quasi tuti i ceppi aristocratici della Francia del medioevo) e ad una conseguente possibile pretesa al trono da parte di GarApch, ma al di là di spiegazioni più o meno lambiccate e fantasiose non le attribuirei altro valore che quello di una boutade avente la funzione di mettere impietosamente in evidenza le condizioni del contendente, decisamente poco invidiabili e tali da non dare adito ad alcuna aspirazione di grandezza » (Latella 1994, 199). On comprend que la provençaliste italienne ait voulu apporter un grain de sel attique à la pointe de la pièce, mais il faut convenir qu’une fois retiré l’échafaudage précaire imaginé par Stronski – « spiegazioni più o meno lambiccate e fantasiose » –, les prétentions généalogiques imputées aux ChâteauneufApcher et les aspirations supposées de Garin au trône de France apparaissent comme des hypothèses gratuites formulées ad hoc, qui n’ont d’autre appui que le vers qu’il s’agit précisément d’expliquer.

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Sur le sens de tart et sa nuance « ironico-beffarda », voir Latella (1994, 198).

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2.2.2. C’est sans doute le même besoin de donner du piment à un dernier vers décidément trop fade s’il est pris au premier degré, qui a plus récemment conduit Guida (2011a, 602) à proposer comme « chiave di lettura » un « secondo livello di senso » dans lequel « “re di Francia” diventa sostituto abituale, con decorso vasto e ininterrotto fino all’Aretino e a Góngora, di “signore dell’area di cui è capitale la vagina” », et ce en particulier chez Torcafol (cf. encore Guida 2011b, 231-233). À vrai dire, cette supposition nous semble, elle aussi, gratuite : elle ne trouve aucun véritable appui dans le texte et pas davantage dans le lexique de l’ancien occitan. 2.3. Étant admis que le dernier vers du sirventés doit bien, pour être sauvé de la banalité littérale qu’il affiche délibérément, receler quelque trait ingénieux et piquant, nous pensons que l’allusion à Garin d’Apcher en potentiel roi de France s’explique par un jeu de sens (une relation métonymique cachée) exploitant une homonymie toponymique : Garin peut être dit roi de France parce qu’il est le maître de Paris. 2.3.1. Comme on le sait, aocc. Paris ne désignait pas seulement Paris en France. À côté de Paris1 “capitale du royaume de France, Paris” 15, l’ancienne langue d’oc connaissait aussi Paris 2 “château et village du Rouergue, auj. Parisot (canton de Saint-Antonin, Tarn-et-Garonne)” 16, nom de la patrie du troubadour Bertran de Paris de Roergue (Pirot 1972, 262‑322), et Paris 3 “château et village du Vivarais, auj. Petit Paris, hameau de la commune de Montselgues (canton de Valgorge, Ardèche)” 17. 2.3.2. C’est dans le Paris vivarois que réside le ressort du vers final de Torcafol. Selon Latella (1994, 54-55 et n. 46), en effet, le troubadour connu sous le nom de Garin d’Apchier n’était autre qu’un Garin de Châteauneuf, lequel, marié vers 1160 « con l’ultima discendente ed erede della famiglia d’Apchier », « assunse [...] anche il cognome della moglie [d’Apchier] » (ce qui rejoint l’opinion de Stronski 1906-1907, 50, 52) 18. Or, au XIIIe siècle – et déjà sans doute, Anglade (1915, 402), Wiacek (1968, 147), Chambers (1971, 204-205). Anglade (1915, 402), Wiacek (1968, 147 = BertrPar, éd. Pirot ����������������������������� 1972, 601, v. 29), Brunel (1926, 412), Pirot (1972, 284). 17 MongeMont (P.-C. 305, 12, v. 14, éd. Routledge 1977, 105). L’identification est due à Brunel (1916, 7 n. 3) ; voir encore Charrié (1979, 256). La solution de Brunel est restée inconnue de Wiacek (1968, 147 « Paris, cap. de la France »), Chambers (1971, 205) et Routledge (1977, 110, 192 « Paris ? Parizot ? »), mais elle était connue de Pirot (1972, 315). 18 Sur laquelle Brunel (1910, 300) restait sceptique. Porée (1919, 394) identifiait Garin d’Apcher non avec Garin II de Châteauneuf (Stronski, Latella), mais avec Garin III, son fils. 15 16

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pour l’essentiel, au XIIe –, les Châteauneuf étaient fortement implantés « dans tout le quart sud-est du Vivarais » : ils y possédaient notamment le castrum de Paris/Petit Paris (Laffont 2009, 212‑213), dans lequel ils sont attestés de 1235 à 1279 (Laffont 2004, 169). En 1279, Guillaume de Randon rendit hommage de Paris au grand prieur de Saint-Gilles, et, à la même date ou vers la même date, Dragonet de Châteauneuf fit de même pour la moitié du même château à l’évêque de Viviers (Laffont 2004, 169 et n. 65 ; 2009, 213). Au dire du Moine de Montaudon, qui évoque « En Randos, cuy es Paris » (P.‑C. 305, 12, v. 14 ; éd. Routledge 1977, 105), Paris en Vivarais (identification de Brunel, cité ci-dessus n. 17) était, en 1193-1194, aux mains d’un seigneur nommé Randon, évidemment membre de la famille de Randon. Sans entrer dans les épineuses questions de la généalogie des Randon, des Châteauneuf et des Apcher, questions qui ne sont pas de notre ressort 19, bornons-nous à signaler que, selon Brunel (1915-1916, 464-465), les seigneurs de Randon (uel de Châteauneuf), ceux d’Apcher (uel de Châteauneuf) et ceux de Châteauneuf « provenaient sans doute d’une même souche » 20, car ils se partageaient la coseigneurie du castrum de Châteauneuf, tandis que, toujours selon Brunel (1910, 300 n. 1, 302), le vieux château de Randon était lui-même partagé entre les familles de Randon, de Châteauneuf et l’évêque de Mende. 2.3.3. On ne peut qu’être frappé, d’ailleurs, en prenant connaissance du cycle Garin d’Apchier/Torcafol, par le tropisme vivarois qui se manifeste à l’occasion chez ces Gévaudanais : dans Cominal vielh, flac, plaides (P.‑C. 443, 2a, éd. Latella 1994, 144-146, 154, 161), Garin mentionne, en relation avec Torcafol, le Vivarais et Largentière (v. 17) 21, puis Chassiers (actuel chef-lieu de commune, canton de Largentière) et Carlas 22 (v. 39). Voir notamment Stronski (1906-1907, 40-54) et Brunel (1910 et 1916, 7 n. 3). Un peu plus tôt, pour Brunel (1910, 297 n. 3), « l’identité des familles de Randon et de Garin d’Apcher » était « loin d’être prouvée ». Pour Laffont (2009, 222 n. 283), il ne semble pas faire de doute que les Châteauneuf et les Randon sont bien un seul et même lignage. 21 Sur les noms de lieux mentionnés dans ce vers, voir le commentaire de Latella (1994, 154-155). Dans ce contexte vivarois, [lo] Solas (v. 17) pourrait être Soulas, maison, commune de Saint-Sauveur-de-Cruzières, dans le sud-est de l’Ardèche (Charrié 1979, 339). Latella (1994, 154-155) propose un mansus Solacii attesté en 1209, « au sud-est du pic Finiels » (= par conséquent vers le Pont-de-Montvert, en Gévaudan). C’est là le seul exemplaire de ce type connu en Lozère (l’indication de Latella, selon laquelle « Solas è nome portato da molte località dell’antico Gévaudan » est erronée et son renvoi à Bouret 1852, 524 porte à faux, car on ne trouve à cette page que des Soulages, qui relèvent d’un type différent, issu de *solaticu ; sur ce type toponymique, voir Soutou 1996). 22 Maison isolée sise dans la commune de Vinezac, laquelle jouxte celles de Chassiers et de Largentière (IGN 1:25 000, 2938 O ; ∅ Charrié 1979). Chambers (1971, 19

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2.4. Selon notre hypothèse de lecture, lorsque Torcafol déclare que Garin d’Apchier aura du mal à devenir roi de France, il veut signifier que son adversaire littéraire ne parviendra même pas à conserver facilement ses droits sur la modeste seigneurie de Paris (en Vivarais). L’auteur pratique ainsi une figure qui, en exagérant l’expression vers un plus débouchant sur une impasse sémantique, conduit à faire entendre le moins, grâce à la mobilisation du savoir langagier (onomastique) et encyclopédique que son auditoire régional ne pouvait manquer, selon nous, de posséder. Dans le contexte d’une polémique poétique, ce moins représente un gain rhétorique évident. Le vers pourrait faire allusion aux rivalités engendrées par une coseigneurie (voir ci-dessus § 1.6.). Université de Paris-Sorbonne

Jean-Pierre CHAMBON

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COMPTES RENDUS

Problèmes généraux Sarah DESSI SCHMID / Ulrich DETGES / Paul GÉVAUDAN / Wiltrud MIHATSCH / Richard WALTEREIT (ed.), Rahmen des Sprechens. Beiträge zu Valenztheorie, Varietätenlinguistik, Kreolistik, Kognitiver und Historischer Semantik. Peter Koch zum 60. Geburtstag, Tübingen, Narr, 2011, xxv + 435 pages. La disparition brutale de Peter Koch a touché toute la communauté scientifique qui a perdu un collègue hors normes, toujours avenant, constructif et serviable (v. la notice nécrologique de Paul Gévaudan, ici, 597sqq.). Peter Koch a également été l’un des intellectuels romanistes les plus clairvoyants et les plus créatifs de notre époque et, par son modèle et sa pensée, il a forgé la méthodologie linguistique comme peu d’autres. Nous souhaiterions lui rendre un modeste hommage en présentant ici les mélanges en l’honneur de son 60 e anniversaire, à peine révolu. Cet ouvrage, préparé par ses amis, ses élèves et ses collaborateurs, rappelle l’importance de sa production scientifique et son influence sur la communauté des chercheurs. Ces mélanges sont marqués en même temps par l’unité et par la diversité : unité par la référence presque omniprésente à l’œuvre scientifique profondément novatrice de Peter Koch et à sa personne (les contributions les plus touchantes étant celles de son maître et directeur de thèse Hans-Martin Gauger [202sqq.] et de son « Freund und Mitstreiter » Wulf Oesterreicher [17]). La diversité résulte de celle des travaux de Peter Koch, esquissée dans le sous-titre 1. À l’intérieur même des Mélanges, elle se reflète dans la répartition des 31 contributions entre les sections de théorie du langage (Sprachtheorie), théorie de la valence (Valenztheorie), des traditions discursives et variétés (Diskurstraditionen und Varietäten), du changement linguistique (Sprachwandel), de la sémantique cognitive et historique (Kognitive und Historische Semantik), des langues créoles (Kreolsprachen) et de la typologie lexicale (Lexikalische Typologie) 2. Le titre d’ensemble inscrit cette diversité – d’une manière un peu forcée – dans le concept de ‘cadre’ (Rahmen) : cadre valenciel des verbes, conditions de communication constituant le cadre de la parole, conventions (discursives ou intralinguistiques) définissant le cadre normatif des traditions discursives et des variétés, cadres conceptuels (‘frames’) à la base de conceptualisations mentales, cadres de la typologie (linguistique) pour les champs lexicaux [xivsqq.]. 1



2



Dans la mesure où les articles indiquent les données bibliographiques des travaux de Peter Koch, je renonce à les répéter ici. La Sardaigne, que l’on est en droit d’attendre au vu de l’intérêt que lui portait Peter Koch, se trouve représentée à la section Lexikalische Typologie par la contribution d’Eduardo Blasco Ferrer.

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COMPTES RENDUS

Nombre de ces contributions se placent dans la lignée des travaux des laboratoires de recherche (Sonderforschungsbereiche, SFB) du Centre allemand de la recherche scientifique (DFG) dirigés par Peter Koch, ou auxquels il a contribué de manière décisive : SFB 321, consacré à l’oralité et à l’écriture (Fribourg-en-Brisgau), SFB 833, consacré à la constitution de la signification (Tübingen) et SFB 441, consacré aux structures de données linguistiques, avec le projet « Changement lexical – polygénèse – constantes cognitives : le corps humain ». Dans les lignes suivantes, eu égard à la situation particulière, on se permettra d’accorder dans chaque section une attention plus grande aux contributions dans lesquelles l’influence de Peter Koch est immédiatement saisissable, d’autres contributions étant simplement mentionnées. (1) Théorie du langage : Barbara Frank-Job, « Zu den Leistungen eines netzwerkanalytischen Ansatzes für die empirische Linguistik » [3-16]. Wulf Oesterreicher, « Kultur und Sprache bei den Pirahã in der selva amazônica » [17-32] : le titre fait tout d’abord penser à un texte ethnolinguistique purement descriptif consacré à une peuplade exotique. Il s’agit pourtant d’une contribution claire et nette à la discussion des thèses sur la théorie du langage avancées par Daniel L. Everett à la suite de ses observations sur la culture et la langue des Pirahãs (tribu amazonienne comptant à peine 400 individus) 3. Du fait de l’absence dans leur langue de quelques catégories, considérées comme fondamentales, Everett estime que la grammaire universelle de Chomsky est invalidée. Oesterreicher lui réplique cependant à juste titre que les catégories de la perception qui varient selon la culture (comme les quantités, les couleurs, la conscience du passé et du présent) ne sont pas liées à l’existence de catégorisations correspondantes dans le domaine de la grammaire ou du lexique 4 [26]. (2) Théorie de la valence : Jacques François, « Quelles sont les origines des verbes essentiellement pronominaux du français ? » [33-42] : dans la lignée des travaux de Peter Koch sur la ‘théorie de la valence’ 5, l’auteur classifie les 164 ‘verbes essentiellement pronominaux’ du Petit Robert selon leur profil actanciel en synchronie et en diachronie. Pour un premier ensemble (ex. s’abstenir), il n’existe aucune attestation, ni dans le passé, ni à l’époque actuelle, d’un emploi transitif à côté du réfléchi. Pour un second ensemble, une réduction valencielle s’est opérée en diachronie (disparition de l’emploi transitif, ex. s’absenter). Selon J. François, seule la première classe témoigne d’une pronominalité irréductible. Pourtant, comme il le constate lui-même, « on peut imaginer qu’on gomine ou accoude autrui » [40, note 8] ; or, ces deux verbes font partie de la liste des verbes irréductiblement pronominaux. Le regroupement en classes ainsi opéré repose donc sur un hasard histo

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Original anglais : Don’t Sleep, There are Snakes : Life and Language in the Amazonian Jungle, New York, Pantheon Books, 2008 ; trad. fr. de Jean-Luc Fidel : Le monde ignoré des indiens Pirahãs, Paris, Flammarion, 2010. Pour plus de détails, cf. Wulf Oesterreicher, Linguistik und Interdisziplinarität. Kultur und Sprache bei den Pirahã in der selva amazônica, RJb 61, 2010, 67-101. Dans l’introduction à cette contribution [33], on trouve un résumé de « l’originalité et [de] l’impact des innombrables travaux linguistiques de Peter Koch » (sur la variation actancielle, le changement grammatical et la linguistique cognitive).

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PROBLÈMES GÉNÉRAUX

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rique ; en synchronie actuelle, les deux groupes – du moins sur la base du critère ‘emploi uniquement pronominal’ – ont le même statut syntaxique et sémantique. Paul Gévaudan, « Cadres prédicatifs et rôles sémantiques » [43-55] procède à une différenciation du rôle, introduit par Peter Koch dans la théorie de la valence, de l’agent locuteur dans le cadre de l’acte illocutoire, en distinguant le locuteur, agent de l’énonciation dans le discours direct, et l’énonciateur, agent de l’énoncé (“discours indirect”). La possibilité d’une complétive (possible pour dire, impossible pour parler) est présentée comme critère d’une prédication discursive. L’auteur souligne la nécessité de recherches ultérieures dans le domaine d’une sémantique dialogique [54]. Barbara Hans-Bianchi, « C’è tanto da fare. Alcune osservazioni sulla semantica del verbo fare » [57-69] : le point de départ est ici la localisation par Koch de la sémantique du verbe entre sémantique du mot et de la phrase, et la caractérisation de fare comme un verbe ayant une « intensione semantica minima » et une « estensione semantica massima » [58]. Sur cette base, l’auteure analyse la flexibilité sémantique de fare entre ‘azione intenzionale’, ‘semplice processo in svolgimento’ et ‘uso prettamente stativo’. La conclusion, formulée de manière générale (« viene da dubitare dell’esistenza psicologica di un’unità semantica lessicale precostituita e dai confini netti » [68]) est certainement valable pour le verbe fare. Elle ne pourrait toutefois pas s’appliquer à l’unité lexicale vue comme “relation biunivoque entre une seule forme et un seul contenu”, qui constitue par exemple l’unité d’analyse du DECOLAR 6. Lene Schøsler, « Quelques réflexions sur le rapport entre valence et construction » [71-85] : en partant de la terminologie de la valence dans la ligne de Peter Koch, Schøsler souligne – contrairement à la Construction Grammar ‘canonique’ – la différence de nature entre la valence (du côté du lexique) et la grammaire (‘schematic construction’) [82]. La partie diachronique de cette étude, qui englobe aussi des langues germaniques, ainsi que le russe, révèle deux possibilités de passage entre les deux : de la valence à la construction (grammaticalisation) et de la construction à la valence (lexicalisation). (3) Traditions discursives et variétés : Johannes Kabatek, « Diskurstraditionen und Genres » [89-100] : c’est de l’atelier de Peter Koch et Wulf Oesterreicher que proviennent le terme et le concept de ‘traditions discursives’ (Diskurstraditionen) 7, dont la diffusion a été extrêmement large, au-delà même de la romanistique. Mais cette large diffusion est elle-même à l’origine d’emplois flous, telle l’assimilation irréfléchie de la tradition discursive au genre (all. Gattung). Poursuivant la ligne de Peter Koch, Kabatek souligne le statut de la tradition discursive en tant que concept générique englobant toutes les formes traditionnelles concrètes de production textuelle, de la tradition de la pragmatique des salutations jusqu’aux traditions d’usages linguistiques propres à certains groupes, notamment les genres (ou Gattungen) – littéraires ou non. 6





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Paul Gévaudan / Peter Koch, DECOLAR. Dictionnaire étymologique et cognitif des langues romanes. Les parties du corps humain. Manuel théorique et pratique. Version 1.0, Tübingen, 2011, ‹ www.decolar.uni-tuebingen.de ›. Du point de vue de l’histoire de la science, il est intéressant de noter que – selon Kabatek – Koch a d’abord introduit le concept de tradition discursive dans sa thèse d’habilitation de 1987, inédite (Distanz im Dictamen. ����������������������������� Zur Schriftlichkeit und Pragmatik mittelalterlicher Brief- und Redemodelle in Italien, manuscrit non publié). Est-il absurde de songer à une éventuelle édition posthume de ce texte ?

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COMPTES RENDUS

Thomas Krefeld, « Sag mir, wo der Standard ist, wo ist er (in der Varietätenlinguistik) geblieben? » [101-110] : autre concept ayant connu une réception aussi large que celui de tradition discursive au sein de la communauté scientifique, la modélisation de l’espace linguistique variationnel, proposée par Koch et Oesterreicher 8, entre immédiat et distance (d’un point de vue communicatif). La norme prescriptive (synonyme de ‘standard’) est située dans ce système « sur la droite du schéma », c’est-à-dire à proximité du pôle de la distance. La perte de marquage (diatopique, diastratique et diaphasique) du standard situerait celui-ci, selon Krefeld, au dehors de l’espace variationnel – ce qui ne me convainc pas vraiment. Il convient toutefois de relever la proposition visant à compléter la linguistique variationnelle traditionnelle par une linguistique prenant en compte la perception du marquage par le locuteur [108] 9. Maria Selig, « Konzeptionelle und/oder diaphasische Variation » [111-126] : l’auteure discute divers aspects du rapport entre les deux modèles mentionnés dans le titre de l’article : le modèle de l’axe immédiat/distance, déterminé par les conditions de communication, est-il situé à un niveau supérieur à celui du diasystème, avec ses paramètres diatopiques, diastratiques et diaphasiques, ou bien doit-il être incorporé à la diaphasie 10 ? Comme Krefeld, Selig souligne le rôle des locuteurs dans la catégorisation en diaphasie, qui offre au locuteur le choix entre des variantes [118 ; 122]. On notera avec intérêt l’argumentation à propos du rapport entre ‘variation universelle et essentielle’ et ‘variation historique et contingente’ : Selig parvient à montrer que même un trait généralement attribué à la variation universelle et essentielle, tel que la dislocation en italien, est soumis de la part de la communauté linguistique à un jugement qui varie au cours de l’histoire. Rosanna Sornicola, « Sintassi e semantica di exinde, inde nel Codice Diplomatico Amalfitano » [127-142]. Jürgen Trabant, « Volkssprache bei Dante : prossimitade und illustre Distanz » [143156]. Raymund Wilhelm, « Che cos’è una comunità discorsiva? Le molteplici identità del parlante e i modelli della linguistica storica » [157-171] : il s’agit d’une contribution à la discussion sur les rapports entre communautés linguistiques et communautés textuelles ou discursives. Ces dernières sont en quelque sorte transversales par rapport aux premières, ainsi les communautés des savants ou des trobadors du Moyen Âge : indépendamment de leur langue maternelle (et par conséquent, de leur identité linguistique), les traditions discursives (ou textuelles) respectives exigent l’usage du latin pour les premières, de l’occitan pour les secondes. La variété linguistique, dans la mesure où elle est définie géographiquement, peut être nationale, mais aussi régionale ou locale ; peuvent venir s’y ajouter différentes situations multilingues. En conséquence, l’identité du locuteur peut varier. La même remarque vaut pour les communautés discursives ou leurs traditions discursives supraspatiales ou supratemporelles : on peut considérer comme Peter Koch / Wulf Oesterreicher, Gesprochene Sprache in der Romania: Französisch, Italienisch, Spanisch, Tübingen, Niemeyer, 1990, 22011. Trad. esp. : Lengua hablada en la Romania: Español, francés, italiano, Madrid, Gredos, 2007. 9 Cf. Thomas Krefeld / Elissa Pustka (ed.), Perzeptive Varietätenlinguistik, Frankfurt, Lang, 2010 ; cf. ici 74 (2010), 321-339. 10 Indications bibliographiques à ce sujet [111, n. 3].

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normal le cas d’un même locuteur qui appartient à plusieurs communautés discursives (par ex. un médecin qui écrit des articles scientifiques, fait son marché, ou s’entretient avec un patient pendant une consultation) ; ici aussi, l’identité varie et avec elle, la tradition discursive. Wilhelm propose ici le concept intéressant d’identité « à temps partiel » (Teilzeitidentität / identità part time) [168]. (4) Changement linguistique : Ulrich Detges / Richard Waltereit, « Turn-taking as a trigger for language change » [175-189] : article portant sur l’extension à d’autres contextes de la langue parlée des phénomènes de ‘turn-taking’ en français, en italien et en espagnol. Dans le cas du redoublement pronominal non-contrastif en français, la restriction à la 1re /2e pers. sing. (moi je pense, toi tu penses, mais *Paul il pense – selon les auteurs impossible sans valeur contrastive [mais le doute est permis]) montre que ce phénomène est issu du dialogue. Hans-Martin Gauger, « ‹Enfin, il vit son quotidien›. Neutrale Adjektivsubstantivierungen im Vorrücken » [191-203] : avec son élégance coutumière, Gauger commente la diffusion croissante du type ‘le politique’ (= le domaine politique, cf. all. das Politische), ‘le social’ (= le problème social, la dimension sociale), ainsi que son blocage par la substantivation individuelle (‘l’aveugle’ = le non-voyant, mais pas la cécité, l’aveuglement) ou la présence de lexicalisations (‘le moral’), et des attestations anciennes. Quant à l’éventuelle influence de l’allemand sur la fréquence croissante de ce type [192], elle reste à démontrer. Christiane Marchello-Nizia, « De moult fort à très fort : la ‹substitution› comme type de changement linguistique et l’hypothèse des ‹contextes propres› vs. ‹contextes partagés› » [205-226] : même si la référence à l’œuvre de Peter Koch n’est pas explicite ici, les questions de typologie du changement linguistique faisaient bel et bien partie de son domaine de recherche ces dernières années. Marchello-Nizia suit le remplacement par étapes de moult par très du xe au xviiie siècle. La mono-catégorisation de très est interprétée par Marchello-Nizia dans le contexte plus vaste d’un « mouvement de spécialisation catégorielle qui caractérise l’évolution grammaticale du français entre le 13e et le 17e siècle » [213]. Esme Winter-Froemel, « Les tropes et le changement linguistique – points de contact entre la rhétorique et la linguistique » [227-239] : la rhétorique du quotidien 11 exerce sur la langue une influence considérable et la banalisation de phénomènes langagiers utilisés dans ce contexte constitue l’un des points de départ possibles du changement linguistique 12 – voilà une affirmation à coup sûr incontestée, notamment depuis les travaux de Peter Koch. Les tropes que sont la métaphore et la métonymie jouent un rôle privilégié dans son projet de recherche DECOLAR (codirigé par Paul Gévaudan ; v. note 6). Dans sa contribution, Winter-Froemel se penche en particulier sur le stade de l’ambiguïté (coexistence du ‘sens propre’ et du ‘sens tropique’) au cours de ce type de changement linguistique.

Cf. Annette Sabban / Christian Schmitt (ed.), Sprachlicher Alltag. – Linguistik – Rhetorik – Literaturwissenschaft. Festschrift für Wolf-Dieter Stempel, 7. Juli 1994, Tübingen, Niemeyer, 1994. 12 Cf. également Detges / Waltereit dans ce volume. 11

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COMPTES RENDUS

(5) Sémantique cognitive et historique : Heidi Aschenberg, « Les marqueurs du discours dans les dictionnaires spécialisés : sémasiologie et onomasiologie » [243-253] : en partant de l’exemple esp. sin embargo / all. dennoch, l’auteure discute les points communs et les différences observables dans le travail lexicographique sur les marqueurs du discours et les mots lexicaux entre les dictionnaires espagnols et allemands consacrés à ce domaine. Le problème de la délimitation des deux fonctions (lexicale et de marqueur du discours) dans un même signifiant mériterait une discussion plus approfondie. Sarah Dessì Schmid, « Progressive periphrastische Konstruktionen : Skizze einer Neuinterpretation am Beispiel des Italienischen » [255-269] : dans une perspective onomasiologique, l’auteure en arrive à la conclusion qu’aspect et mode d’action (Aktionsart) ne sont que des réalisations langagières différentes de l’aspectualité : dans la grammaire (aspect) et le lexique (Aktionsart). Selon Dessì Schmid, c’est également l’explication de l’existence de passerelles diachroniques entre lexique et grammaire dans l’expression de l’aspectualité [266]. Georges Kleiber, « Dans le ‹sens› du mouvement : éléments de sémantique conceptuelle du nom MOUVEMENT » [271-283] : étude sémantique (sémasiologique) très solide, développant sa propre méthodologie et portant sur le terme ‘mouvement’ et les métaphores et métonymies issues du concept basique de déplacement dans l’espace. Daniela Pirazzini, « Sulla collocazione e sulla sua relazione con i blocchi semantici » [285-297] : dans la lignée d’Oswald Ducrot et de sa théorie des blocs sémantiques, l’auteure souligne le rôle joué par la relation entre les éléments d’une collocation, qui se déterminent mutuellement, c’est-à-dire de manière non unidirectionnelle (ex. combattere la gelosia), pour former un bloc sémantique, sans que l’on puisse pour autant parler de lexicalisation (comme pour piantare un chiodo). Toutefois, les collocations ont en général une valeur liée à des traditions discursives – en référence à Peter Koch – (ex. cor gentile dans la poésie du dolce stil novo) et sont ainsi sujettes au changement diachronique. Olivier Soutet, « Une ambiguïté irritante et non intériorisable : ne … rien moins que et ne … rien de moins que » [299-312]. Reinhard Meisterfeld / Judith Marlena Frey, « Eine ‹räthselhafte Formel› » [313324] : connaissant nombre de variantes phoniques et de formes d’étymologies populaires, la « mystérieuse formule » konsprich se retrouve, avec la signification “en d’autres termes, autrement dit”, dans divers dialectes d’Allemagne du Sud et d’Autriche, sur le « territoire de la première grande langue de chancellerie suprarégionale d’Allemagne du Sud » [316]. Les auteurs remettent à l’honneur une hypothèse étymologique formulée dès la première moitié du xixe siècle – quod dicat –, ayant selon eux mené, par le biais de l’étymologie populaire, à tout un champ de motivations cristallisées [321] comptant 90 formes attestées. (6) Langues créoles : Par leur référence à une onomasiologie d’orientation historique et à divers aspects de la typologie linguistique, les deux contributions suivantes s’inscrivent tout à fait dans le champ de recherches de Peter Koch.

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PROBLÈMES GÉNÉRAUX

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Annegret Bollée, « Les couleurs de la peau » [327-336] : contribution avant tout étymologique liée aux travaux sur le Dictionnaire étymologique des créoles français d’Amérique (DECA), en préparation sous la direction d’Annegret Bollée, Dominique Fattier et Ingrid Neumann-Holzschuh. Jürgen Lang, « Le créole santiagais du Cap Vert, membre de ‹ Sprachbünde › ouestafricains ? » [337-346] : des particularités syntaxiques du créole santiagais sont mises en relation avec une aire linguistique (Sprachbund) réunissant des langues ouest-africaines : « le santiagais offre une solution très répandue en Afrique de l’Ouest et absente en portugais » [344]. Une interprétation de ces faits comme éléments d’un bioprogramme est exclue [341]. (7) Typologie lexicale : Eduardo Blasco Ferrer, « Semantica cognitiva e ricostruzione del Paleosardo » [349355] : sur la base d’enquêtes de microtoponymie, l’auteur voit dans le paléo-sarde, substrat linguistique du sarde, des relations avec le basque ancien. Du point de vue cognitif, cependant, la présence commune de termes signifiant ‘noir’, ‘blanc’ et ‘rouge’ dans les toponymes – étant donné qu’elle est également largement diffusée dans d’autres langues – nous paraît peu concluante. Markus Ising, « Hier kocht der Chef. A lexical typology of motivable expressions for THE COOK and TO COOK: methodology and first applications », [357-367] : grâce aux nombreux dictionnaires disponibles en ligne 13, la typologie lexicale dépasse ici largement le cadre roman. Mais en fin de compte, cette étude, intéressante, se voit dans l’obligation de laisser sans réponse la question des questions de la typologie lexicale (et de la typologie en général) : « the question of conceptual universals opposed to linguistic relativity » [366]. Stefan Hofstetter, « 30 Meter lange Seile, des cordes longues de 30 mètres and 90-foot-long ropes – a Contrastive Study on the (Un)Availibility of Direct Measure Phrases in English, German and French » [369-379] : la contrastivité annoncée dans le titre est examinée à l’aide d’un « substantial number of native speakers » (combien ?) [370] et de leur jugement sur l’acceptabilité de ce genre de constructions adjectivales pour indiquer l’espace, le temps, la température, le poids, la masse, le prix, etc. L’auteur réclame en conclusion la prise en compte d’un nombre plus important de langues, y compris non apparentées, préalable nécessaire pour passer d’une étude contrastive à une étude véritablement typologique. Daniela Marzo / Verena Rube / Birgit Umbreit, « Similarité sans contiguïté – la dimension formelle de la motivation lexicale dans la perspective des locuteurs » [381392] : continuation des travaux de systématisation de Koch portant sur la motivation sémantique, basée sur la motivation formelle dans la formation des mots 14. En tenant compte des locuteurs natifs, le répertoire des relations formelles permettant la motivation se voit augmenté des procédés suivants : ‘alternance affixale’, ‘affiliation à la même famille de mots’, et ‘similarité graphique’ (et phonique) ; la motivation peut pourtant ‹ www.sil.org/dictionaries-lexicography/online-dictionaries ›. Cela correspond grosso modo à la « transparence » (Durchsichtigkeit), terme introduit par Gauger. Cf. Hans-Martin Gauger, Durchsichtige Wörter. Zur Theorie der Wortbildung, Heidelberg, Winter, 1971.

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COMPTES RENDUS

différer nettement d’un locuteur à l’autre : ainsi, tous les germanophones ne percevront pas nécessairement la similarité graphique/phonique entre Blatt “feuille de papier” et platt “plat” [385] comme une motivation sémantique. Maria Koptjevskaja-Tamm, « It’s boiling hot! On the structure of the linguistic temperature domain across languages » [393-410] : à partir d’un grand nombre de langues indoeuropéennes et non-indoeuropéennes, l’auteure, qui avait déjà travaillé avec Peter Koch dans le domaine de la typologie lexicale 15, montre, en allant sans conteste dans le sens de Koch, la « close interaction between lexicon and grammar in the encoding of the temperature domain » [409], dont elle estime qu’il convient de tenir compte dans une typologie linguistique. L’enseignement universitaire de Koch a également marqué de son empreinte 16 la contribution suivante : Wiltrud Mihatsch / Reinhild Steinberg, « Redundant compounds » [411-424] : des attestations provenant de 28 langues indoeuropéennes et nonindoeuropéennes permettent d’analyser, dans une perspective interlinguistique, des types de formation des mots dans lesquels un élément est redondant, parce qu’évident. L’analyse porte sur les relations sémantiques entre les éléments (contiguity, taxonomic superordination, metaphorical similarity, identity of two synonyms) et les fonctions discursives et cognitives de ces modes de formation (calques, insertion dans un paradigme, renforcement de la mémoire lexicale). Pavol Štekauer, « On some issues of diminutives from a cross-linguistic perspective » [425-435] : du point de vue thématique et méthodologique, le rapport entre Štekauer, angliciste slovaque, et Peter Koch réside dans le regard onomasiologique posé sur la formation des mots, avec un objectif typologique. La base matérielle de l’étude a été tirée du WALS 17. 57 langues sur 91 18 connaissent une forme ou une autre de formation diminutive, que ce soit par suffixation, préfixation ou réduplication. Les responsables de cette Festschrift avaient visiblement donné aux auteurs des consignes précises en ce qui concerne la longueur (en règle générale 10 à 15 pages imprimées) et la structure des contributions (la plupart du temps, le point de départ est une problématique formulée par Peter Koch). Il en est résulté un volume qui met en évidence l’impact des recherches de notre regretté collègue sur la linguistique, romane et au-delà, et l’influence de son enseignement sur la jeune génération qui assurera l’avenir de notre discipline. Gerhard ERNST

Maria Koptjevskaja-Tamm / Martine Vanhove / Peter Koch, Typological approaches to lexical semantics, in : Linguistic Typology, 11, 2007, 159-186. 16 « It was Peter Koch who opened our eyes to the fascinating fields of typology and universals » [411]. 17 Martin Haspelmath / Matthew S. Dryer / David Gil / Bernard Comrie (ed.), The World Atlas of Language Structures, Oxford, Oxford University Press, 2005. 18 De quelles langues s’agit-il ? Cela n’est indiqué nulle part, alors que ce serait pourtant intéressant. Au vu de l’affirmation « The use of more than one diminutive suffix in one word is a rare case, characteristic of two IE languages, Slovak and Lithuanian […] » [431], on peut se demander si l’espagnol (chiquitito) et l’italien (fiorellino, campanellino, etc.), par exemple, ont été pris en compte. 15

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PROBLÈMES GÉNÉRAUX

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Anne-Marguerite FRYBA-REBER, Philologie et linguistique romanes – Institutionalisation des disciplines dans les universités suisses (1872-1945), Louvain, Peeters (Orbis Supplementa 40), 2013, xxii + 394 pages. 1. L’ouvrage que vient de faire paraître Anne-Marguerite Fryba-Reber, professeur émérite de linguistique française à l’université de Berne, dans la collection Orbis Supplementa dirigée par Pierre Swiggers à Louvain, est consacré à l’historiographie d’un des domaines de prestige de l’institution universitaire helvétique, désigné selon les circonstances durant la période examinée, la fin du XIXe et la première moitié du XXe siècle, comme ‘philologie’ ou comme ‘linguistique’ romane. Préfacé par Gabriel Bergounioux, l’un des meilleurs spécialistes de cette époque, l’ouvrage est complété par une vaste bibliographie de plus de 600 références, d’un Index nominum et d’un Index rerum. L’optique de l’auteure étant décidément institutionnelle – comme l’indique le soustitre – celle-ci n’aborde les œuvres des linguistes et philologues suisses ou œuvrant en Suisse entre 1872 (date de la création de la première chaire de philologie romane à Zurich pour l’allemand Gustav Gröber) et la fin de la Seconde guerre mondiale, que dans la mesure où elles ont à voir avec le cadre universitaire ou académique. Ainsi les œuvres collectives (par ex. en géolinguistique) occupent-elles une place de choix, car d’une part elles impliquent cette infrastructure et d’autre part elles relèvent d’une stratégie liée au profil linguistique particulier de la Suisse. Cette démarche est déclinée de manière conséquente au long de cinq chapitres précédés d’une introduction et suivis d’une conclusion. L’ingénieux prétexte de l’introduction est la présentation détaillée du catalogue d’une exposition, La Suisse gardienne des langues, consacrée à Berne en 1942 (peu avant la fin de la période examinée) aux réalisations de la linguistique en Suisse. Il s’agissait pour Karl Jaberg, professeur à l’université de Berne de 1907 à 1945 et organisateur de l’exposition, de mettre en valeur ce dont était capable une petite nation dont le plurilinguisme a priori périlleux était vécu comme un challenge bénéfique et un symbole distinctif au milieu du tumulte de l’Europe en guerre totale. Le chapitre I constitue un premier préambule méthodologique. Si la linguistique suisse reste un ‘objet méconnu’, c’est dû en partie à la célébrité écrasante de Ferdinand de Saussure, l’arbre qui a caché la forêt 1. «[D]ès qu’il s’éloigne du terrain genevois, et même plus simplement de Saussure, l’historiographe de la linguistique suisse ne dispose que de quelques études fragmentaires et cherchera en vain une étude d’ensemble sur les orientations de la linguistique suisse» [28], c’est cette constatation désabusée qui soustend l’ambition de Mme Fryba-Reber de couvrir près d’un siècle de linguistique suisse par le biais de son ancrage institutionnel. Afin que la barque ne prenne pas l’eau de toutes parts, cette ambition doit être scrupuleusement délimitée du point de vue chronologique (en démarrant à la création de la première chaire de philologie romane), disciplinaire (en retenant seulement la dimension linguistique de la philologie ou la dimension romane de la linguistique, et en excluant les composantes littéraire et culturelle) et humain (en se focalisant sur les philologues-linguistes exerçant en Suisse, qu’ils soient de nationalité suisse ou étrangère). 1



Toutefois, selon Louis de Saussure, petit-neveu de Ferdinand et lui-même professeur de linguistique à l’université de Neuchâtel, cette célébrité n’impressionnait pas particulièrement sa famille (comm. pers.).

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COMPTES RENDUS

Le chapitre II constitue un deuxième préambule consacré à l’histoire de l’institution universitaire en Suisse. Il est intéressant de suivre l’évolution de l’enseignement supérieur : « 1. l’Université médiévale [Bâle], 2. les Scolae de la Réforme, 3. l’Académie des Lumières, 4. L’université humboldtienne, 5. l’Université catholique [Fribourg], 6. les Écoles polytechniques et commerciales » [37] et d’apprendre de quel poids les émigrés politiques ont pesé sur l’université helvétique en faisant de celle-ci un espace de débat plus libre qu’en Allemagne, en France et en Italie dans la seconde moitié du XIXe siècle. Enfin le chapitre III offre un troisième et dernier préambule d’ordre épistémologique, puisqu’il concerne les « deux déesses jalouses : philologie et linguistique » [51]. Avec la genèse de la grammaire historique comparée dans le premier quart du XIXe siècle, une controverse éclate en Allemagne entre la ‘Sachphilologie’ d’August Böckh et la ‘Wortphilologie’ de Gottfried Hermann. Quand Ernest Renan définit plus tard la philologie comme la « science des faits de l’esprit » [62], une troisième lecture englobante de la philologie voit le jour. Pour l’enseignement et la recherche sur les langues romanes, les universités suisses ont été confrontées à un dilemme : préserver le lien naturel entre langue, littérature et civilisation, ce que symbolise l’intitulé ‘philologie romane’ et qui restera l’orientation dominante dans la période étudiée, ou accorder à la linguistique un statut scientifique à part, ce qui commencera à se mettre en place au lendemain de la Seconde guerre mondiale, et que préconisait le philosophe du langage suisse Anton Marty dès le tournant du XXe siècle [70]. Peut-être les autorités universitaires, dans leur traditionnelle sagesse, ont-elles voulu épargner aux étudiants l’écho des controverses qui divisaient dans la seconde moitié du XIXe siècle les linguistes allemands, entre tenants de la philologie comparée (autour de Georg Curtius et de Max Müller), de la linguistique naturaliste (autour d’August Schleicher) et de la linguistique psychologique (autour de Heyman Steinthal). Au-delà de ces débats enflammant les universités allemandes 2, qui sont plus largement connus, ce chapitre apporte des informations précieuses et détaillées sur les prises de position des linguistes suisses, Ludwig Tobler, Heinrich Morf, Saussure, Hermann Hagen et Adrien Naville [72-99] dans cette ‘querelle des facultés’ (Kant). La composition de l’ensemble du livre est assez disproportionnée dans la mesure où le chapitre IV : « Les chaires de philologie romane en Suisse : émergence, généalogie et constellation » occupe 229 pages sur les 394 du volume, soit près de 60% à lui seul. Il se subdivise en sept sous-chapitres consacrés aux sept universités helvétiques. Dans la mesure où chacun de ces sous-chapitres a un volume comparable à celui des trois chapitres précédents et de la conclusion, ils auraient pu accéder au statut de chapitre proprement dit. S’il faut cependant chercher une raison à cette disproportion, elle tient certainement à la composition identique de ces sept rubriques : chacune est en effet composée avec une parfaite régularité

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Les philologues et linguistes français, comme Gaston Paris ou Michel Bréal, avaient conscience d’être scientifiquement à la traîne en l’absence d’université ‘humboldtienne’ et jusqu’à la création de l’École Pratique des Hautes Études (qui a largement contribué à la formation des romanistes suisses), mais ils avaient à gérer les répercussions des débats d’Outre-Rhin, en particulier avec la double création de la Société d’Anthropologie en 1852 qui considérait la linguistique comme une science de la nature (avec Abel Hovelacque dans le prolongement d’August Schleicher) et de la Société de Linguistique de Paris destinée à partir de 1856 à contrer celle-ci en concevant la linguistique comme une science de l’histoire ou de la culture.

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PROBLÈMES GÉNÉRAUX

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(i) d’une première section sur la préhistoire de la discipline dans l’université en question ; (ii) d’une deuxième section présentant chronologiquement les titulaires de la chaire de philologie romane ; (iii) d’un premier tableau intitulé émergence, présentant les enseignements de la faculté de philosophie ou des lettres qui ont constitué le terreau sur lequel s’est bâtie la chaire de philologie romane ; (iv) d’un second tableau intitulé généalogie, énumérant une série d’informations classées sur les titulaires successifs de la chaire de philologie romane (date, titulaire, rang, thèse, habilitation, éventuellement volume de mélanges et biographie) ; (v) et d’un troisième tableau intitulé constellation énumérant, pour l’université en question, les chaires de philologie et linguistique à la date de création de celle de philologie romane. Ces trois notions d’émergence, généalogie et constellation sont la colonne vertébrale de ce chapitre plus que central, puisqu’elles figurent dans son intitulé. Le procédé est ingénieux, car il permet à l’auteure d’aborder les protagonistes de cette histoire dispersée entre des universités de culture allemande (Bâle, Berne, Zurich), française (Genève, Lausanne, Neuchâtel) et … catholique (Fribourg) de manière ‘réticulaire’, c’est-à-dire en fonction de l’environnement local (émergence et constellation) et chronologique (la tradition locale instituée par le titulaire précédent dans la généalogie). Les universités sont rangées en fonction de la date de création de la chaire de philologie romane, à Zurich en 1872, à Bâle en 1877, à Berne en 1879, à Lausanne en 1888, à Fribourg en 1889, à Genève en 1891 et à Neuchâtel en 1895. �������������������������������������������� À titre d’exemple exceptionnel, car��������� – comparés à leurs collègues allemands – les philologues-linguistes suisses sont plutôt casaniers, Walther von Wartburg figure dans deux environnements successifs, d’abord (chronologiquement) pour le seul semestre d’hiver 1928 à Lausanne, puis après une décennie passée à Leipzig, de 1949 à 1958 à Bâle. Dans son cas, la disposition interne du chap. IV n’est pas très fonctionnelle, car l’université de Lausanne est traitée après celle de Bâle, ce qui oblige l’auteure à présenter la biographie de von Wartburg dans la section bâloise [16063] avant de revenir sur son passage éphémère à l’université de Lausanne dans la section sur cette université [223sq.]. La conclusion, intitulée Le savoir et la vie et sous-titrée ‘Wissen und Leben’ (sans que la référence de ce titre bilingue soit explicitée) continue à concentrer l’attention sur le milieu universitaire des titulaires de chaires de philologie ou linguistique romane, mais il élargit la perspective en comparant l’époque de référence et la seconde moitié du XXe siècle et en essayant de dégager des traits distinctifs des protagonistes et du cadre qui leur a permis d’épanouir leur recherche. Cinq questions sont abordées successivement. En premier, celle du rapport entre ‘langue’ et ‘nation’, qui est illustrée par les prises de position en 1861 du linguiste et dialectologue Cyprien Ayer et du germaniste Ludwig Tobler (le frère du romaniste Adolf Tobler, célèbre comme auteur principal du Altfranzösisches Wörterbuch poursuivi par Erhard Lommatzsch). L’auteure souligne dans les deux cas l’ambiguïté du propos : il s’agit de faire valoir que – contrairement à ce à quoi nous assistons depuis des décennies entre Flandre et Wallonie – la dissociation entre langue et nation n’est pas nécessairement un facteur d’affaiblissement de l’unité nationale. Selon Ayer, la ‘nationalité abstraite’ qui rapproche linguistiquement la Suisse romande de la France est compensée par sa ‘nationalité concrète’ basée sur son histoire

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COMPTES RENDUS

et sur ������������������������������������������������������������������������������������ « ���������������������������������������������������������������������������������� tous les besoins de sa vie politique et morale������������������������������������  »���������������������������������� [331], cette dernière notion correspondant chez Tobler à une ‘seconde nature’, politique et culturelle, l’emportant sur la première, d’ordre génétique [ibid.]. L’argument selon lequel le système politique suisse « ������������������������������������������������������������������������������������������ exige, pour exister, un acte de volonté translinguistique���������������������������������  »������������������������������� [333] est effectivement pertinent, car il rend compte de la position géolinguistique particulière de la Suisse. L’auteure ���������������������������������������������������������������������������� évoque���������������������������������������������������������������������� ensuite les traits qui lui paraissent caractéristiques chez les chercheurs suisses. Elle souligne leur « caractère polyvalent et européen ». Effectivement, ils ne pouvaient guère se contenter d’une formation supérieure à l’intérieur de la Suisse, les grands débats scientifiques et culturels avaient lieu ailleurs. Toutefois, s’agissant des romanistes, ce trait a toujours marqué (et continue de marquer) également les chercheurs allemands. Il est cependant indiscutable, si l’on pense à Jules Gilliéron et Saussure du côté de la France ou à Walther von Wartburg et Adolf Tobler du côté de l’Allemagne, que « les linguistes et romanistes suisses, sans jamais former à proprement parler une école, ont fortement contribué in corpore à assurer le transfert et la circulation des savoirs dans tout l’espace scientifique européen » [337]. Quant au troisième angle de vue, celui de « la visibilité de la linguistique suisse », Mme Fryba-Reber nous brosse un tableau complet du cadre institutionnel qui s’est mis progressivement à flanquer (congrès, revues, sociétés) et finalement à chapeauter les universités suisses (à partir de la création en 1952 du Fonds national suisse de la recherche scientifique). Après avoir également évoqué l’idée sans lendemain, inspirée à Karl Jaberg par le fédéralisme suisse, de fonder une université européenne (une sorte d’université humboldtienne de seconde génération), l’auteure revient in fine à l’époque actuelle, observant avec un certain dépit que « les chaires de philologie romane autrefois si florissantes et prometteuses dans la période que nous avons étudiée se sont trouvées être tantôt ventilées dans d’autres disciplines, tantôt simplement démantelées, cet éclatement se doublant d’une tendance plus générale à regrouper les ‘linguistiques’ d’une part, les ‘littératures’ de l’autre » [346]. Dans cette dernière section, le ton devient amer et révolté 3, mais l’auteure ne s’interroge sans doute pas assez sur la compatibilité entre un cadre universitaire destiné à s’adresser jusqu’aux années 1950 – en Suisse comme dans tous les pays limitrophes – à une élite étroite triée à la fin du cycle secondaire, et la généralisation de la formation universitaire, telle que nous la connaissons aujourd’hui. 2. Globalement on peut sans doute considérer que la partie introductrice (Introduction et chapitres I-III) et la partie de conclusion sont destinées à une lecture suivie, la première parce qu’elle brosse un tableau général du cadre institutionnel des facultés de philosophie ou des lettres helvétiques avant de se focaliser sur la philologie-linguistique romane, et la seconde parce qu’elle revient à un éclairage général en termes politiques, psychologiques et médiatiques. En revanche la disposition rigide des sept sections du chapitre IV favorise une consultation dégagée des contraintes de la linéarité. Pour chacune d’entre elles, la soussection 1 commente les données des tableaux ‘émergence’ et ‘constellation’ et la soussection 2 celles du tableau ‘généalogie’. Il est peu probable que la majorité des lecteurs s’intéresse à la personnalité de tous les titulaires des chaires de philologie romane, ni 3



Cf. p. 347-8 : « Verrons-nous les universités se dévaloriser en supermarché du savoir où la clientèle se servira aux rayons et à la carte selon ses besoins et envies, souvent mesquins et miteux ? ».

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PROBLÈMES GÉNÉRAUX

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au détail de la mise en place progressive de ces chaires. En revanche cette disposition permet de trouver une réponse à des questions particulières telles que : « La philologie romane s’est-elle développée plus tôt dans les universités de culture germanophone ou francophone ?����������������������������������������������������������������������������  »�������������������������������������������������������������������������� ou ���������������������������������������������������������������������� « �������������������������������������������������������������������� Quelle a été la place occupée par les savants formés en France, particulièrement à l’École Pratique des Hautes Études, ou en Allemagne, particulièrement à Leipzig, le fief des néogrammairiens ? ». Quant à la nationalité des professeurs, on la trouve pour chaque université dans le tableau ‘g������������������������������������������������������������������������������� énéalogie���������������������������������������������������������������������� ’. Un historiographe intéressé par cette question pourrait ainsi aisément répertorier par université et par époque le nombre des titulaires suisses face aux français, allemands, italiens, austro-hongrois, etc. et d’en tirer des conséquences sur le degré d’ouverture de la discipline aux savants étrangers. 3. Cette vaste et impressionnante entreprise peut être comparée à celles, beaucoup plus limitées, de Hültenschmidt (2000) 4 et Storost (2001) 5 sur l’émergence et le développement des ‘néophilologies’ : dans leur cas la périodisation est délimitée comme chez l’auteure en amont par la genèse des premières chaires spécialisées autour de 1820 et en aval par les deux entreprises encyclopédiques du tournant du XXe siècle (Gröber ed. 1888 pour les langues romanes 6, Paul ed. 1891-93 pour les langues germaniques 7) ; l’objet plus large est justifié par l’extension de la notion de ‘philologie’ aux langues modernes ; l’espace est délimité comme celui des philologues-linguistes d’expression allemande, correspondant au sens étendu de ‘deutsch’ dans la Deutsche Grammatik de Jacob Grimm (1819). Dans le présent ouvrage, les trois délimitations de l’espace, de la période et de l’objet nécessitent une justification : – l’espace, ou : pourquoi la Suisse plutôt que plus largement l’espace germanophone ou francophone, ou plus étroitement la Suisse germanophone ou romande ? L’ouvrage a un caractère clairement patrimonial et il s’applique à l’institution universitaire suisse et à ses titulaires philologues-linguistes de nationalité suisse ou largement investis dans l’université suisse, à l’exception des savants suisses œuvrant dans des institutions étrangères [32] : il s’agit de dégager des traits propres aux études philologiques et linguistiques menées en Suisse qui sont liés à son plurilinguisme constitutif 8 ; Hültenschmidt, Erika, 2000. «La professionnalisation de la recherche allemande», in : S. Auroux (dir.), Histoire des idées linguistiques, vol.3 : L’hégémonie du comparatisme, Liège, Mardaga, 79-96. 5 Storost, Jürgen, 2001. « Die ‘neuen Philologien’, ihre Institutionen und Periodica : eine Übersicht », in : Sylvain Auroux / E.F.K. Koerner / Hans-Joseph Niederehe / Kees Versteegh (ed.), History Of The Language Sciences: An International Handbook (…), vol. 2, Berlin, De Gruyter, 240-172. 6 Gröber, Gustav. (ed.), 1888, 21904. Grundriß der romanischen Philologie, vol. 1. Geschichte und Aufgabe der romanischen Philologie. Quellen der romanischen Philologie und deren Behandlung. Romanische Sprachwissenschaft. Register, Strasbourg, Trübner. 7 Paul, Hermann (ed.) 1891-1893. Grundriß der germanischen Philologie, 2�������������� vol., Strasbourg, Trübner. 8 Cf. p. 8 « le plurilinguisme est un facteur essentiel de la cohésion nationale » ; ibid. « Le souci du local n’est pas incompatible avec l’ouverture sur le monde ; l’universel ne s’oppose pas au national, le particulier n’exclut pas le général » ; ibid. « Propagée 4

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COMPTES RENDUS

– la période 1872-1945 mentionnée en sous-titre : 1872 est la date de création de la première chaire de philologie romane à Zurich [107], mais la date-butoir de 1945 n’est qu’approximativement pertinente. L’auteure fait valoir [29sq.] des arguments proprement institutionnels : création de deux organes de recherche centralisés en 1946 (Académie suisse des sciences humaines) et en 1952 (Fonds national suisse de la recherche scientifique) et « la multiplication de chaires de linguistique des langues particulières (française, italienne, espagnole, allemande, etc.) dans les années 50 et 60���������������������������������������������������������������������������������  »������������������������������������������������������������������������������� . La limite postérieure est donc assez lâche, mais elle a l’avantage de correspondre à ce qu’ont connu les facultés des lettres allemandes et françaises à la même époque 9 ; – la discipline : pourquoi la philologie-linguistique romane plutôt que classique ou germanique ? De ce point de vue, la justification fournie [19] laisse le lecteur un peu sur sa faim : « les langues romanes (…) furent indéniablement une des spécialités de la linguistique suisse ». 4. En conclusion, l’ouvrage de Mme Fryba-Reber honore l’historiographie de la linguistique par deux qualités éminentes : – d’un côté la méticulosité extrême de la collecte des informations sur le cadre institutionnel des chaires de philologie romane dans les sept universités de Suisse et sur le profil de chacun de leurs titulaires dans le monumental chapitre IV, – d’un autre côté l’aptitude à situer la discipline examinée dans le cadre plus vaste (a) de la linguistique helvétique, avec la figure écrasante de Ferdinand de Saussure [24sq. + 272-7] et celles non moins importantes de Jacob Wackernagel pour la philologie classique, de Charles Bally pour la stylistique ou de Jules Gilliéron pour la géolinguistique, et (b) de la politique scientifique de la confédération suisse, qui – comme le montre l’exposition de 1942 – a su ingénieusement présenter ses particularités linguistiques comme un facteur d’unité nationale. Mais il ne faut pas chercher dans cet ouvrage ce qu’il ne propose pas directement, à savoir une biobibliograpie des romanistes suisses de l’époque considérée. Indirectement toutefois, on peut là aussi glaner des informations parcellaires en consultant, dans chacun des tableaux de généalogie et pour chaque titulaire, la rubrique B(ibliographie), qui fournit des références détaillées dans la Bibliographie générale. Jacques FRANÇOIS

par l’exposition, la conviction qu’il y aurait un lien entre la linguistique pratiquée par des savants suisses et une sensibilité particulière à l’égard du fait linguistique repose sur l’idée qu’il existe une recherche spécifiquement suisse, indissociable de la représentation que l’on peut se faire à l’époque de l’unité politique de la Suisse. » (ibid.) ou encore p. 30 « le principe helvétique de l’unité nationale par la diversité de ses composantes linguistiques ». 9 Jusqu’en 1969, dans les universités françaises la composante linguistique de la licence d’enseignement des langues modernes avait une priorité historique et gardait l’intitulé ‘philologie’.

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RHÉTOROMAN

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Rhétoroman Georges DARMS / Clà RIATSCH / Clau SOLÈR (ed.), Akten des V. Rätoromanistischen Kolloquiums – Actas dal V. Colloqui retoromanistic, Lavin 2011, Tübingen, Narr, 2013, 380 pagine. Il volume qui segnalato riunisce i contributi al quinto convegno di linguistica e filologia retoromanza (in senso gartneriano, cioè tenendo conto dei tre tronconi grigionese, dolomitico e friulano) tenutosi dal 28 al 31 agosto 2011 a Lavin (Canton Grigioni). La serie dei congressi retoromanistici (chiamati in ladino colloquiums) a scadenza triennale fu istituita nel 1996 da Dieter Kattenbusch, allora docente presso l’università di Gießen. Il sesto ‘Colloquium retoromanistich’ si è tenuto recentemente, dal 2 al 4 ottobre 2014, nella località friulana di Cormòns, organizzato da Federico Vicario per conto della Società Filologica Friulana. Il volume qui segnalato è il primo che contiene la quasi totalità delle relazioni tenute in occasione di un ‘Colloquium retoromanistich’ 1. I 21 contributi sono divisi in quattro capitoli tematici: storia della lingua [13-134], lingua attuale [135-259], letteratura [261-326] e politica linguistica [327-376]. Il volume affronta quindi gli aspetti e le problematiche più attuali del retoromanzo, ma con focus differenti: lo studio dei fenomeni della lingua antica nel friulano, gli studi sincronici e le discussioni socio-linguistiche nel romancio e nel ladino dolomitico rispettivamente. Undici articoli della raccolta sono dedicati al romancio, 4 al ladino dolomitico e altrettanti al friulano, mentre 2 interventi hanno per argomento il retoromanzo in senso lato. Federico Vicario, «Studio del lessico e carte friulane tardomedievali» [15-27], propone un’introduzione al suo progetto di un Dizionario storico friulano, che mira a promuovere lo studio del patrimonio lessicale della scripta friulana. Vicario presenta alcuni esempi di voci del Dizionario, già disponibile in rete (‹www.dizionariofriulano it›), dando al lettore un’idea su quelli che saranno la struttura e i contenuti dell’opera definitiva. Il contributo di Giovanni Mischì, «Gadertalische Toponyme» [29-40], è dedicato alla toponomastica della Val Badia. Analizzando un complesso di documenti dell’anno I contributi del primo «Rätoromanisches Kolloquium» furono pubblicati in due sedi separate: i contributi dedicati al romancio in Dieter Kattenbusch (ed.), Studis romontschs. Beiträge des Rätoromanischen Kolloquiums (Giessen/������������ Rauischholzhausen, 21.-24- März 1996), Wilhelmsfeld, Egert, 1999 [pro lingua, 31]; parte di quelli dedicati al ladino dolomitico nella rivista Ladina 21 (1997). Non ci furono interventi sul friulano. La maggioranza delle relazioni presentate durante il secondo convegno (1999 a Santa Maria/Val Müstair nei Grigioni) sono pubblicate nelle Annalas da la Societad retorumantscha 113 (2000), 7-289. Anche in questo caso il friulano fu assente. Gli interventi del terzo convegno (a San Martino in Badia nell’Alto Adige, 2002) sono stati pubblicati nella rivista Ladinia 26-27 (2002-2003); questa volta con la presenza di articoli dedicati a tutti e tre i tronconi retoromanzi. I contributi del quarto convegno (2005 a San Daniele nel Friuli) finalmente, dedicati in gran parte al friulano, sono raccolti in Federico Vicario (ed.), Ladine loqui. IV Colloquium retoromanistich, Udine, Società Filologica Friulana, 2007 (Biblioteca di studi linguistici e filologici 7).

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COMPTES RENDUS

1579, l’autore ne ricava un numero discreto di toponimi al giorno d’oggi desueti; inoltre, riesce a ricostruire alcuni aspetti delle condizioni socio-economiche dell’epoca. Ricarda Liver, «Bibelübersetzungen in den Anfängen der bünderromanischen Schriftsprache» [41-52], analizza contrastivamente la lingua delle prime traduzioni bibliche in romancio grigionese (le famose traduzioni in engadinese di Jachiam Bifrun e in sursilvano di Luzi Gabriel), opere che sono alla base del romancio scritto. L’autrice collega le differenze riscontrate nei lessemi utlizzati non soltanto a delle varietà diatopiche, ma anche di registro, in quanto Bifrun si orienta decisamente verso la lingua giuridica italiana contemporanea. Ulteriori divergenze sono imputabili alla diversa fonte utilizzata per la traduzione, il testo originale greco per Gabriel e la versione latina di Erasmus di Rotterdam per Bifrun. Paul Videsott, «Die erste dolomitenladinische Grammatik. Versuch zu einer Grammatik der Grödner Mundart / Per na Gramatica döl Lading de Gerdöna von Josef David Insam (1806 ca.)» [53-68] analizza un documento inedito e unico: la prima grammatica del ladino dolomitico finora conosciuta, più esattamente del gardenese, di Josef David Insam. Tale manoscritto è stato ritrovato nel fondo retoromanzo della Biblioteca Universitaria di Cracovia. Videsott ne fornisce una prima descrizione, illustrando in primo luogo la sua struttura e sottolineando l’unicità e l’importanza del documento. In effetti, il privilegio di ‘prima grammatica del ladino dolomitico conosciuta’ è stato finora appannaggio di Micurà de Rü con il suo manoscritto Versuch einer deütsch-ladinischen Sprachlehre del 1833 (che però tuttora rappresenta il primo tentativo di creazione di una lingua scritta comune per le cinque varietà del ladino dolomitico) 2 ; ora si risale di quasi altri tre decenni. Un altro manoscritto importante, ma finora rimasto ignoto al mondo scientifico, viene presentato da Massimiliano Verdini, «Il dizionario romancio-tedesco-latino di Štefan Kociančič. Un inedito ponte tra Friuli e Grigioni» [69-81]. Š. Kociančič (18181883) è stato uno dei primi sociologi e glottologi della lingua friulana, ma si è anche occupato di romancio. Verdini innanzitutto fornisce qualche esempio di voci del dizionario (di cui è prevista l’edizione integrale), e poi passa in rassegna le fonti del Kociančič, fra le quali la fondamentale Sacra Bibla, traduzione grigionese del 1678 di Jacop Anton Vulpius e Jachen Dorta. Jürgen Rolshoven e Florentin Lutz, «Crestomazia Digitala. Literatur und Kultur der Romanen in einem kollaborativen System» [83-103], presentano il loro progetto di digitalizzazione completa della Rätoromanische Chrestomathie di Caspar Decurtins (Erlangen, 1896-1919). Lo scopo è di rendere completamente accessibile su supporto digitale la raccolta più importante e rappresentativa di testi romanci, e ciò non soltanto ad uso scientifico, ma anche come progetto di conservazione di un bele culturale. Numerosi esempi illustrano le modalità di impiego di questo corpus elettronico. Matthias Grünert, «Italienischer Einfluss in Lexemverbänden und ������������� Wortformenparadigmen des Bünderromanischen» [105-24], individua gli italianismi presenti in alcuni gruppi di lessemi e paradigmi di formazione di parole del romancio. L’autore discute 2



Il lavoro di Micurà de Rü è stato pubblicato solamente nel 1994: Craffonara, Lois, 1994. ������������������������������������������������������������������������� «Nikolaus Bacher: Versuch einer deütsch-ladinischen ����������������������������������������� Sprachlehre – Erstmalige Planung einer gesamtdolomitenladinischen Schriftsprache – 1833», Ladinia 18, 135-205.

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RHÉTOROMAN

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principalmente i prefissoidi verbali e la formazione dei participi passati. Soprattutto nell’engadinese l’influenza della lingua italiana influisce persino sulla morfologia verbale. Giorgio Cadorini, «Due progetti etimologici friulani in corso» [125-34], informa su due progetti che includono anche il friulano: da un lato il DÉRom (Dictionnaire Étymologique Roman; ‹www.atilf.fr/DERom›), che si propone di fornire l’etimologia di tutto il patrimonio lessicale panromanzo da un punto di vista comparativo-ricostruttivo; dall’altra parte una monografia alla quale l’autore stesso sta lavorando e che è impostata come manuale per romanisti che desiderano studiare soprattutto gli aspetti storici-evolutivi del friulano. Il contributo di Franziska Maria Hack e Georg A. Kaiser che apre la sezione dedicata alle caratteristiche e ai fenomeni del retoromanzo attuale, «Zur Syntax von ������ Fragesätzen im Rätoromanischen» [137-61], è un’analisi dei diversi tipi di frasi interrogative nel retoromanzo, dalla quale si può concludere che l’inversione è il tipo di interrogativa più frequente e nella maggior parte dei casi anche una costruzione obbligatoria. Altre varietà retoromanze propongono poi una struttura della frase diretta, senza l’inversione verbo-soggetto, simile alla costruzione presente in diversi dialetti norditaliani. È infine interessante notare che il pronome soggetto enclitico nell’inversione di alcune varietà sia stato grammaticalizzato, creando una coniugazione verbale apposita per la frase interrogativa diretta. Luca Melchior, «Zur verbalen surcomposition im Friaulischen» [163-88], riprende un argomento, quello della ‘surcomposition’ (la formazione di tempi composti mediante l’impiego di due ausiliari), che ha già analizzato a livello più ampio in questa rivista 3, ma con un focus più specifico sul friulano. L’autore fa notare il vasto utilizzo della ‘surcomposition’ soprattutto nell’uso scritto di giovani autori friulani. Nuovamente, Melchior accenna al carattere dell’esperienzialità, quindi la focalizzazione di un avvenimento già avvenuto nel passato, come caratteristica principale dell’impiego di tempi sovracomposti. Fornisce inoltre esempi interessanti di ‘futur surcomposé’ e di ‘subjonctif plus-queparfait surcomposé’. Clau Solèr, «Interferenzen und eine kaum fassbare Semantik» [189-207], illustra diversi casi di frasi o lessemi del romancio attuale, dove la semantica non è comprensibile se non si è a conoscenza del modello tedesco che ha fornito il calco. Secondo l’autore, molte di queste estensioni e spostamenti semantici verrebbero veicolati dalla lingua standard grigionese. Hans Goebl, «Der zweite Teil des Sprachatlasses ALD (‹Atlant linguistich dl ladin dolomitich i di dialec vejins›)» [209-21], fornisce un rendiconto sintetico dell’ultimazione del progetto monumentale ALD, l’Atlante linguistico del ladino dolomitico e dei dialetti limitrofi, ideato nel lontano 1972 e concluso nel 2012 con la pubblicazione della seconda parte. L’ideatore e direttore del progetto descrive la fitta rete di collaborazioni scientifiche, istituzionali e finanziarie che hanno sostenuto il progetto, sottolineando la sua natura innovativa nel mettere a disposizione i dati anche in forma digitale nonché audio, il che fa dell’ALD uno strumento unico per lo studio dei fenomeni linguistici del retoromanzo a livello sincronico, e, di riflesso, diacronico. 3



Melchior, Luca, 2010. «Tra esperienzialità e iteratività: il ‘passé surcomposé à valeur spéciale’ in francese (e in altri idiomi romanzi)», RLiR 74, 65-98.

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COMPTES RENDUS

Renata Coray, «Rätoromanische Sprachbiografien. Theorie und Praxis der ������� Sprachbiografieforschung���������������������������������������������������������������������� » [223-38], prende le mosse dalla discussione dei risultati di un progetto destinato alla raccolta di biografie linguistiche nell’area retoromanza. Tali biografie, intimamente legate alla coscienza linguistica del parlante, sono particolarmente interessanti in situazioni di plurilinguismo. Nel caso romancio, esse fanno notare un rapporto piuttosto ambivalente con la lingua dominante, il tedesco. Infatti, benché questa lingua sia indispensabile ed abbia contribuito ad un maggiore inserimento dei romanci nel mondo non-romancio, il primo contatto con essa per molti non sembra essere stata un’esperienza linguistica positiva. Il contributo di Gerda Videsott, «Zur Relativität der Klassifizierung von Sprache(n)» [239-59], discute la problematica della classificazione delle lingue, partendo da uno studio neurolinguistico mediante fMRI di giovani parlanti quadrilingui. I risultati dimostrano che l’apprendimento di più lingue in età precoce si manifesta in una sovrapposizione dell’attività neuronale, di modo che un bambino, più che imparare «lingue» diverse, impara «competenze linguistiche» diverse, che poi applica alle varie lingue. Rut Bernardi, «Dolomitenladinische Literaturgeschichte» [263-81], apre la (breve) terza sezione del volume, dedicata alla letteratura. Si tratta di una presentazione sintetica dell’importante progetto sulla letteratura ladina conclusosi nel 2013 con una pubblicazione in tre volumi 4. Renzo Caduff, «Die Verskunst Peider Lansels am Beispiel des Elfsilblers» [283302], si occupa del noto poeta Peider Lansel (1863-1943), discutendo soprattutto la struttura dei suoi versi, che è stata oggetto di critica in molte occasioni, in primo luogo a causa del loro carattere ritmico inusuale. Caduff vuole correggere le false affermazioni a tale riguardo, ribadendo che lo studio di questi versi deve distinguere il ritmo dal metro e deve includere nell’analisi l’intenzione del poeta stesso nella scelta della struttura metrica. L’articolo di Clà Riatsch, «Andri Peers ‹altes Romanisch› » [303-14], è dedicato al poeta Andri Peer (1921-1985) e al suo stretto legame con quelli che lui stesso definisce «Romanische Klassiker», cioè con i classici della lingua romancia. Nelle sue opere, in effetti, si notano molti riferimenti a questi autori, ai quali Peer rende lode soprattutto in merito all’uso di una lingua scritta pura, senza interferenze e influssi delle lingue limitrofe. Di Andri Peer si occupa anche Annetta Ganzoni, «Andri Peer – Zur Rezeption moderner Lyrik in einer Kleinkultur» [315-26]. Viene presentata la produzione lirica del Peer, facendo riferimento alle tante difficoltà e delusioni che egli ha dovuto sopportare, sebbene abbia dato un contributo fondamentale alla letteratura e al mantenimento del romancio grigionese. L’ultima sezione, ugualmente breve, comprende tre interventi di carattere sociolinguistico e di politica linguistica. 4



Bernardi, Rut / Videsott, Paul, 2013. Geschichte der ladinischen Literatur. Ein biobibliografisches Autorenkompendium von den Anfängen des ladinischen Schrifttums bis zum Literaturschaffen des frühen 21. Jahrhunderts (2012). Bd. I: 18001945: Gröden, Gadertal, Fassa, Buchenstein und Ampezzo. Bd. II/1: Ab 1945: Gröden und Gadertal. Bd. II/2: Ab 1945: Fassa, Buchenstein und Ampezzo, Bozen/ Bolzano, Bozen University Press (Scripta Ladina Brixinensia, 3).

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Rico Franc Valär, «Peider Lansel und die staatspolitische Dimension der ‹questione ladina› in der Schweiz» [329-55], ritraccia il rapporto di Peider Lansel (1863-1943) con la tanto discussa ‘questione ladina’ in Svizzera. La ‘questione ladina’, come noto originariamente una questione linguistico-classificatoria, si trasformò ben presto in una questione nazionale per la Svizzera e si concluse con il famoso referendum del 1938, nel quale il romancio venne riconosciuto come quarta lingua nazionale. Con il suo famoso saggio Ni Italians, ni Tudais-chs! (Ne italiani, ne tedeschi!), Lansel divenne la personalità guida del movimento retoromancio. William Cisilino, «La tutela giuridica della lingua friulana», [357-68], fornisce un quadro esaustivo delle norme giuridiche che tutelano la lingua friulana, in particolare la nuova legge regionale n.29 del 2007. Questa legge disciplina la delimitazione territoriale, gli usi pubblici e la toponomastica, il sistema scolastico, i media e la pianificazione linguistica del friulano. Infine, Gerold Hilty, «Ist das Bünderromanische noch zu retten» [369-76], esamina la situazione attuale del romancio grigionese, considerando in primo luogo le possibilità del suo mantenimento e auspicando che la scuola, in quanto istituzione principale che si occupa della trasmissione e dell’insegnamento della lingua, promuova la ligua minoritaria. Secondo l’autore, infatti, la scuola deve essere bilingue tedesco-romancia, ed il romancio deve essere insegnato a livello idiomatico e non di lingua standard. Infine, un sostegno essenziale dovrebbe arrivare anche da parte del gruppo linguistico tedesco, che dovrebbe a sua volta accettare il romancio come materia d’insegnamento almeno opzionale. Il volume offre una buona panoramica degli argomenti al momento attuali nell’ambito della linguistica e filologia retoromanza; la varietà e la qualità degli articoli contenuti rendono senza il volume di grande utilità anche al di fuori dello stretto ambito retoromanistico. Ruth VIDESOTT

Paul VIDESOTT / Rut BERNARDI / Chiara MARCOCCI, Bibliografia ladina. Bibliografie des ladinischen Schrifttums / Bibliografia degli scritti in ladino, 1: Von den Anfängen bis 1945 / Dalle origini al 1945, Bozen-Bolzano, Bozen-Bolzano University Press (Scripta Ladina Brixinensia, IV), 2014, 198 pagine. Questo volume è il primo di un’opera complessiva prevista in due volumi e il cui scopo è di offrire un elenco di quanto è stato scritto in ladino dalle origini ai nostri giorni. L’opera si associa direttamente alla Geschichte der ladinischen Literatur, di Rut Bernardi e Paul Videsott, uscita nella stessa serie nel 2013, ma anche alla bibliografia linguistica sul retoromanzo pubblicata dallo stesso Videsott, sempre nella stessa serie, nel 2011. Trattandosi di idiomi con attestazione scarsa prima del XX secolo, l’elenco e la classificazione dei testi noti offre ai ricercatori uno strumento indispensabile per il loro

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lavoro. La Bibliografia colma infatti una lacuna degli studi sul ladino visto che gli elenchi di pubblicazioni a cui si poteva ricorrere finora risultavano del tutto insufficienti o per la loro data o per la loro lacunosità. Il modello riconosciuto dell’opera è quella analoga (ma tematicamente più ampia) dedicata al romancio grigionese, la Bibliografia Retorumantscha (1552-1964) pubblicata da Norbert Berther e Ines Gartmann nel 1986 (Cuira, Lia Rumantscha). Come nelle opere precedenti, il ladino viene inteso in senso storico-politico come l’insieme delle varietà dialettali parlate all’interno del Tirolo storico, cioè le varietà parlate intorno al massiccio del Sella e la varietà di tipo cadorino parlata a Cortina d’Ampezzo. Se da un punto di vista linguistico questa scelta può essere criticata (si veda la nostra recensione alla Bibliografia retoromanza in RLiR 77 (2013), 545-9), in questo caso la scelta appare più giustificata perché la nascita e la fioritura di una tradizione scritta nel territorio in questione si è senz’altro nutrita di aspirazioni comuni e testimonia di un retroterra storico-culturale unitario. Il limite cronologico imposto a questo primo volume si giustifica con il cambiamento intervenuto nel secondo dopoguerra nella vita culturale ladina: con la graduale introduzione dell’insegnamento del ladino nelle scuole, la nascita di associazioni culturali, la creazione di pubblicazioni periodiche e poi la fondazione degli istituti culturali ladini, cambia radicalmente il tapporto con la scrittura in ladino e il numero delle pubblicazione aumenta gradatamente e, dopo il 1980, vertiginosamente. Per questo, se per i testi redatti fino al 1945 i redattori potevano aspirare alla completezza, questo non è pensabile per il periodo successivo, e i due volumi sono quindi stati progettati con criteri di selezione diversi. Più tardi la ricerca bibliografica dovrebbe essere estesa anche ai media audiovisivi; la Bibliografia sarà inoltre resa accessibile in rete, come anche riproduzioni e trascrizioni dei documenti originali (v. già ora il sito del progetto di Vocabolario del Ladino Letterario di Paul Videsott: ‹http://vll.ladintal.it›). La Bibliografia accoglie sia testi letterari che non-letterari, compresi quelli in cui il ladino compare solo parzialmente; accoglie inoltre anche raccolte più o meno sistematiche di parole ladine. Sono stati registrati sia testi originariamente pubblicati a stampa, sia testi manoscritti pubblicati più tardi, sia testi manoscritti tuttora inediti. La Bibliografia, che comprende 1072 entrate, è organizzata per autore, sotto ogni singolo autore i testi si susseguono cronologicamente per anno di redazione del testo. Viene indicato l’idioma (e anche se si tratta di composizione originale o di traduzione), il genere letterario, l’ubicazione del manoscritto originale (se esiste), i dati relativi alla pubblicazione, con tutte le ristampe, compresa l’eventuale presenza del testo nella banca dati del Vocabolario del Ladino Letterario. Gli eventuali adattamenti in un altro idioma ladino sono registrati in lemmi indipendenti subito dopo quello relativo al testo originale. La lista dei testi è completata da sei indici che facilitano la ricerca in base a vari criteri: (1) un indice dei titoli o incipit, con anno di redazione e idioma (2) un indice per anno di redazione, con indicazione dell’idioma (3) un indice per idiomi, con i testi ordinati cronologicamente (4) un elenco dei testi tradotti

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(5) un elenco dei testi non pubblicati a stampa (6) una classificazione per tipi di testo degli scritti non-letterari (che sono però meno del 15% del totale dei testi classificati). In ogni classificazione che utilizza vari parametri, i curatori sono costretti a decidere, e le decisioni possono essere discutibili: per fare un solo esempio, ci si può chiedere perché le versioni di testi evangelici pubblicate da Haller siano state classificate come traduzioni [499-506], come anche le varie versioni della parabola del figliuol prodigo, mentre invece quelle del Padre Nostro [493-498] no (forse per una svista anche le versioni in gardenese di Vian degli stessi testi [nr. 1001, 1003, e anche 1005] non compaiono nella lista dei testi tradotti). In un’opera di questo impegno, non ci si dovrà meravigliare se qualcosa è sfuggito ai curatori, per es.: – i testi della parabola del figliuol prodigo raccolti dall’inchiesta Lunelli (nr. 302, 358, 418, 884, 894), oltre che nell’articolo di padre Frumenzio Ghetta e Fabio Chiocchetti nel vol. 10 di Mondo Ladino (1986), sono stati pubblicati (anche se non sempre in maniera soddisfacente), assieme a tutte le altre versioni trentine, da Umberto Raffaelli in Tradizioni popolari e dialetti nel Trentino: l’inchiesta post-napoleonica di Francesco Lunelli (1835-1856) (Trento, UCT, 1986); – una riproduzione del dattiloscritto originale (datato 1907) di K.F. Wolff della fiaba livinallese La Salvárja (nr. 1035) si trova in Ulrike Kindl, Kritische Lektüre der Dolomitensagen von Karl Felix Wolff, Band 1: Einzelsagen (San Martin de Tor, Istitut Ladin «Micurà de Rü», 1983), alle pp. 78sq. (il volume contiene anche altre riproduzioni di dattiloscritti o manoscritti con testi raccolti da Wolff nelle valli ladine). Ci si può infine chiedere se nel caso di idiomi con tradizione così scarsa, non sarebbe stato utile raccogliere anche testi conservati su supporti non cartacei – penso qui a quelli che è invalso chiamare testi ‘esposti’. Un esempio di questi si trova su un ex voto conservato al Museo Ladino di Fassa (v. la Fig., riprodotta per gentile concessione del Museo), probabilmente di poco posterione all’evento rappresentato (27 agosto 1855): il testo è in basso-fassano (brach), scritto con una grafia simile a quella che in quegli anni stavano sperimentando i sacerdoti G.A. Vian e G. Brunel (Fabio Chiocchetti, c.p.). Non sono tuttavia in grado di valutare l’estensione del fenomeno, e bisogna riconoscere che la raccolta del materiale avrebbe senz’altro richiesto notevoli sforzi da parte dei curatori. L’indice dei titoli/incipit è evidentemente stato fatto in maniera automatica, con alcuni degli inconvenienti del caso: invece di utilizzare il metodo usuale negli incipitari che tiene conto solo della sequenza delle lettere (per cui, per intenderci, Larissa precede La russa), il programma usato tiene conto della divisione delle parole (ordinando La russa prima di Larissa); inoltre il programma non è stato in grado di unire i casi in cui l’articolo o pronome l è separato dalla parola che segue da uno spazio, e quelli in cui invece c’è l’apostrofo o un trattino: in questi l’articolo/pronome è stato trattato come parte della parola che segue – per cui, mentre tutti i titoli che cominciano con (’)l (articolo o pronome) sono raggruppati assieme (e ordinati in base a quanto segue), quelli che cominciano con l’ (o l-) si trovano sparsi qua e là tra i titoli la cui prima parola comincia con l (stesso discorso per la preposizione d / d’). Se poi il programma è stato in grado di raggruppare le lettere con diacritico (per es. ć e č con c), non ha fatto lo stesso lavoro per caratteri diversi, ma funzionalmente equivalenti come n e ŋ.

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Paul Videsott, Rut Bernardi e Chiara Marcocci hanno messo a disposizione dei ricercatori un materiale utilissimo sia per i linguisti, sia per gli studiosi della vita culturale ladina. Le poche imprecisioni, che potranno essere facilmente corrette, non ne diminuiscono in nessun modo il valore e non metteranno in difficoltà l’utente. Aspettiamo dunque la pubblicazione del secondo volume e la versione elettronica, che ne renderà ancora più facile l’utilizzazione. Giampaolo SALVI

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Italien Silvio CRUSCHINA / Martin MAIDEN / John Charles SMITH (ed.), The Boundaries of Pure Morphology. Diachronic and Synchronic Perspectives, Oxford, Oxford University Press (Oxford Studies in Diachronic and Historical Linguistics, 4), 2013, xii + 319 pagine. Casi di discontinuità nel rapporto forma-significato dei segni linguistici vengono spesso analizzati come forme di allomorfia determinate dalla fonologia o dalla semantica. Tuttavia, questo tipo di analisi non è sempre corretto perché alcuni casi di arbitrarietà non possono essere attribuiti né a cause extramorfologiche né a idiosincrasie lessicali. Da questa presa di coscienza è nato un filone di ricerca che ruota attorno alla nozione di ‘morfoma’ e più in generale alla teorizzazione di un livello della morfologia considerato autonomo da altre componenti della grammatica, quali la sintassi e la fonologia. La morfologia autonoma o ‘morfologia pura’ è il tema del volume qui recensito. Il libro, a cura di Silvio Cruschina, Martin Maiden e John Charles Smith, è il quarto volume della collana Oxford Studies in Diachronic and Historical Linguistics, fondata recentemente e diretta da Adam Ledgeway e Ian Roberts. Consiste di 14 capitoli, una lista di abbreviazioni [viii-x], note biografiche su autori ed editori [xi-xiii], un’unica bibliografia finale [284-307], come nella tradizione della casa editrice, e un indice generale che include, oltre ai termini tecnici, i nomi di autori, lingue e dialetti [309-319]. Il primo capitolo, l’introduzione [1-7], non firmato ma steso dagli editori, presenta la storia e i tratti generali della ricerca nell’ambito della morfologia autonoma, e riassume succintamente i contributi dei 13 capitoli a seguire. In particolare i curatori puntano il dito sul rischio che vi sia uno sbilanciamento eccessivo verso un’analisi morfomica dei dati, attribuendo alla morfologia autonoma un peso eccessivo. Da qui la necessità di studiare con esattezza quali sono i confini della morfologia autonoma, per scoprire i quali bisogna capire «whether speakers can be viewed as selecting one stem or the other on the basis of an external motivation of some kind, or whether instead the fact that any given part of the paradigm requires a particular stem is simply a brute fact about the morphological system», secondo la concisa formulazione di O’Neill in riferimento all’allomorfia tematica [195]. Prima di passare al contenuto dei diversi capitoli, per facilitare la lettura della recensione, presento gli schemi dei tipi morfomici più conosciuti. Questi sono le distribuzioni N, L e U (per ovvie ragioni di spazio, altri tipi di distribuzione, per esempio PYTA e Fuèc, non possono essere esposti). La distribuzione N è il tipo morfomico apparentemente più frequente (nei sistemi verbali delle lingue romanze). Essa è caratterizzata da un tema unico per la 1sg, 2sg, 3sg e 3pl del presente, e la 2sg dell’imperativo, opposto a un altro tema per il resto del paradigma. Si può esemplificare la distribuzione N col verbo italiano andare in (1) 1. 1

Per le glosse dei valori morfosintattici, si rimanda a Leipzig Glossing Rules ‹http:// www.eva.mpg.de/lingua/resources/glossing-rules.php›.

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COMPTES RENDUS

(1) Distribuzione N prs.ind

vado

vai

va

andiamo

andate

vanno

prs.subj

vada

vada

vada

andiamo

andiate

vadano

impf andavo pret andai fut andrò pst.ptcp andato inf andare La distribuzione L è caratterizzata da un tema per la 1sg del presente indicativo e tutte le persone del presente congiuntivo, in alternanza con un tema allomorfo nel resto del paradigma, come nel caso dello spagnolo conocer in (2). (2) Distribuzione L prs.ind

conozco

conoces

conoce

conocemos

conocéis

conocen

prs.subj

conozca

conozcas

conozca

conozcamos

conozcáis

conozcan

La distribuzione U è caratterizzata da un tema per la 1sg e 3pl del presente indicativo e tutte le persone del presente congiuntivo, e un tema allomorfo per il resto del paradigma, come nel caso di toscano antico potere in (3). (3) Distribuzione U prs.ind

posso

puoi

può

potemo

potete

possono

prs.subj

possa

possi

possa

possiamo

possiate

possano

Il volume non è organizzato in sezioni tematiche; tuttavia, la maggior parte dei capitoli possono essere raggruppati secondo il tipo di confine tra la morfologia e le altre componenti della grammatica. Presenterò, dunque, i singoli capitoli, non seguendo il loro ordine di pubblicazione ma in base al tipo di confine che esaminano: morfologia vs. fonologia, morfologia vs. semantica, morfologia vs. sintassi. Inizio con il gruppo che indaga il confine tra morfologia e fonologia, che accomuna i capitoli di Anderson, Maiden, Da Tos e Loporcaro. Stephen Anderson [8-23] dedica il suo contributo all’allomorfia dei temi di alcuni verbi del surmirano, una varietà romancia parlata nell’area di Savognino in Svizzera, e riprende il dibattito������������������������������������������������������������������ a più puntate���������������������������������������������������� tra Martin Maiden e se stesso sull’argomento. L’oggetto della contesa è quale sia l’analisi più adeguata per l’alternanza tematica in verbi del tipo ludar che presentano una distribuzione N degli allomorfi /lʊd-/ vs. /lod-/. Infatti, mentre Maiden sostiene che si tratta di fenomeno morfomico, Anderson afferma che l’al-

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ternanza è condizionata fonologicamente, e precisamente è determinata dalla posizione dell’accento: per esempio, nel presente indicativo /lʊd-/ è il tema delle forme rizoatone (la 1pl e 2pl), /lod-/ quello delle forme rizotoniche (1, 2, 3sg e 3pl). Anderson argomenta a favore della soluzione fonologica attingendo a dati sia da verbi che da altre classi di parole e adducendo esempi dal sursilvano e dall’engadinese. L’analisi ricorre a blandi formalismi della Fonologia Lessicale e di Optimality Theory. Il controargomento di Maiden è basato sulla constatazione che nel surmirano non esiste nessun automatismo fonologico per il quale [ɔ] dovrebbe essere impossibile in sillabe atone; e di fatto i controesempi abbondano, per esempio dormu’lent [15]. Anderson ne è consapevole ma trova una spiegazione anche per questo problema: le forme con «wrong stems» [15], come egli le definisce, sarebbero derivate non da una comune radice ma direttamente da un altro nome. Questa però non è una confutazione della critica espressa da Maiden. Infatti, se il cambiamento vocalico discusso fosse determinato da un processo fonologico automatico – come sostenuto da Anderson – le forme con «wrong stems» non esisterebbero affatto. Anche il controargomento che i verbi in questione costituiscano «a decided, and limited, minority» [15] non è convincente. È difficile dare un giudizio definitivo sulla correttezza dell’analisi proposta. Sicuramente essa non manca di rigore, ma la soluzione dipende da quali criteri di valutazione si stabiliscono e dal rigore con il quale vengono applicati. In casi come quello in questione il criterio da applicare per decidere della presenza o meno di un morfoma è quello dei processi fonologici automatici; a questo punto, ci sono due possibilità: (i) se si ammorbidisce questo criterio e si accetta che eccezioni sono possibili, allora Anderson potrebbe avere offerto una spiegazione adeguata dei casi presentati; se invece (ii) il criterio non viene ammorbidito, allora qualsiasi eccezione all’automatismo fonologico corrisponderebbe a confermare lo stato morfomico del fenomeno trattato. L’articolo di Anderson è dunque pienamente nel segno del tema del volume, nel senso di un dialogo su quali siano i confini tra la morfologia e, in questo caso, la fonologia. Tuttavia, piuttosto che rimandare la soluzione del problema a una puntata successiva del carteggio con Maiden, sarebbe opportuno che si elaborino criteri di valutazione più stabili onde evitare argomentazioni circolari. Nel terzo capitolo [24-44] Martin Maiden riprende il tema dell’automatismo fonologico e del potenziale rischio di una benevolenza eccessiva verso interpretazioni morfomiche. Maiden riparte da zero, cioè dal ‘locus classicus’ [24] della morfologia storica dell’italiano: l’alternanza tra consonanti velari e palatali nel tema di alcuni verbi, del tipo vin[k]o vs. vin[ʧ]i. Questo è un classico esempio del cosiddetto ‘paradosso di Sturtevant’, per il quale il cambio fonetico regolare produce irregolarità, cioè allomorfia, nei paradigmi flessivi. La domanda che si pone Maiden è se l’alternanza tra velari e palatali sia veramente un fenomeno di morfologia autonoma (perché, in sincronia, l’allomorfia persiste anche in mancanza del contesto fonologico), oppure sia piuttosto una caso di morfologia ‘semi-autonoma’. Il caso è interessante e Maiden conosce la materia profondamente. Maiden, che in pubblicazioni precedenti ha sostenuto la prima posizione, si sente chiamato a rivederla e offre una soluzione più sfumata. Un argomento contro l’ipotesi fonologica verrebbe dal mancato adeguamento fonologico del tema verbale in presenza della desinenza -uto, per esempio in verbi quali crescere (pst.ptcp cre[ʃʃ]uto) e conoscere (pst.ptcp cono[ʃʃ]uto), nei quali la vocale posteriore, se l’ipotesi fonologica fosse corretta, dovrebbe licenziare la scelta dell’allomorfo [sk], proprio, ad esempio, di cre[sk]o. Un argomento a favore dell’ipotesi fonologica sarebbe, invece, il fatto che i temi in velare e le desinenze -iamo e -iate sistematicamente non co-occorrono (*cre[sk]

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iamo, *cono[sk]iamo, *le[gg]iate, ecc). La stessa cosa vale per le forme del gerundio in -endo: «there are absolutely no examples of it in the case of the velar alternants» [37]. Maiden conclude che, almeno nel toscano antico, l’alternanza velare/palatale è sensibile al contesto fonologico. Un argomento gemello è tratto dal gerundio romeno: a fugi è l’unico verbo della quarta coniugazione ad avere un’alternanza velare/palatale nel paradigma. La forma del gerundio è fu[dʒ]ind; questa, però, è un’anomalia nel sistema verbale del romeno perché in tutti i verbi con allomorfia tematica la forma del gerundio è allineata al tema in velare (si consideri anche il fatto che la prima coniugazione presenta la desinenza non-velare -ând, dove è [ɨ]). Ora, Maiden mostra come i dialetti del romeno presentino un’innovazione, il tipo /fugɨnd/ che è una nuova variante della forma tradizionale fu[dʒ]ind. Secondo l’autore, ciò mostra due cose: primo, la sostituzione vocalica nella desinenza testimonia un adeguamento fonologico al tema verbale; secondo, la sostituzione vocalica è stata guidata da una distribuzione che presenta un allomorfo velare nella 1sg e 3pl del presente indicativo e congiuntivo, nella 3sg del presente congiuntivo, e nel gerundio. Maiden chiude sostenendo che la spiegazione morfomica prevale, ma esiste una componente fonologica; si tratta dunque di un caso di morfologia semi-autonoma. Martina Da Tos [45-67] studia lo sviluppo dei verbi italiani del tipo finire, che presentano una distribuzione N con allomorfia del tipo finisc- vs. fin-. Da Tos scarta l’idea di una soluzione fonologica à la Anderson. Risalendo la diacronia dal latino arcaico, Da Tos dipana una materia alquanto ingrovigliata rendendola chiara e presentando argomenti quasi sempre convincenti. In sostanza, l’autrice afferma che, nello sviluppo dal latino all’italiano, la vocale i nell’affisso -isc- è stata rianalizzata come vocale tematica, ovvero si ����������������������������������������������������������������������������� è���������������������������������������������������������������������������� verificato un cambiamento dello status morfologico da derivazionale a flessivo. In latino l’augmento 2 -sc- ������������������������������������������������������ è un suffisso ���������������������������������������� atto alla derivazione deverbale, denominale e deaggettivale; la vocale che lo precede, per es. in sent-i-sc-o, è la vocale tematica della radice e non del verbo derivato. Infatti, tutti i verbi in -sco sono membri della terza coniugazione. Ciò implica che la vocale della radice, invece di realizzare la classe di coniugazione del derivato (flessione), ne indica l’origine (derivazione): sent-i-sc-o (ic3) deriva da sent-i-o (ic4). I verbi denominali, invece, presentano sistematicamente la vocale e che non può derivare dalle basi nominali, per es. crud-e-sco < crud-u-s [51]; dunque, e fa parte del suffisso derivazionale -esc-. Nel passaggio dal latino arcaico al latino tardo, la semantica propria dei verbi in -sco, ovvero quella di verbi intransitivi con valore dinamico, va indebolendosi e infine si esaurisce, tanto che nascono coppie lessicali del tipo frendesco ~ frendo, entrambe col significato di ‘digrignare i denti’. Il suffisso -esc- sopravvive in latino tardo e serve per derivare verbi da aggettivi e nomi [55]. Da Tos sviluppa ed innova la posizione originariamente espressa da Maurer (1951), 3 secondo il quale la copresenza di verbi semanticamente compatibili in -sco (grandesco: cambiamento di stato e valore medio) e verbi della quarta coniugazione (grandio: cambiamento di stato e valore causativo) avrebbe dato origine a un paradigma misto che sarebbe alla 2

3

Introduco qui il termine ������������������������������������������������������������ ‘augmento’ quale calco dell’inglese ‘augment’ (usato in ���� Maiden, Martin, «Verb augments and meaninglessness in Romance morphology», Studi di Grammatica Italiana 22 (2004), 1-61.) per non confonderlo con l’‘aumento’ che nella tradizione grammatografica italiana si riferisce al greco antico. Maurer, Teodoro, «The Romance conjugation in -ēscō, (-īscō) -īre�������������������� . Its origin in Vulgar Latin», Language 27 (1991), 136-145.

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base del tipo italiano finisco, introducendo l’idea che la nascita del nuovo tipo sia stata determinata dall’attrazione di una struttura morfomica a distribuzione N. Nell’ottavo capitolo [137-160] Michele Loporcaro studia la flessione verbale del dialetto sardo (logudorese) di Bonorva per scandagliare il possibile ruolo svolto da entità morfomiche nel modellare il cambiamento morfologico. Loporcaro traccia un quadro sincronico della flessione verbale del logudorese, presentando diversi tipi di allomorfia: alcuni verbi moderatamente irregolari della seconda coniugazione, per esempio bènner ‘arrivare’, presentano allomorfia tematica tipica della distribuzione L; in altri casi, l’allomorfia non è morfomica ma allineata al tratto del modo, per esempio in nárrer ‘narrare’ con tema1 nar- nell’indicativo e tema2 nel- nel congiuntivo [141]; altri verbi hanno più di due temi e Loporcaro arriva a identificare una partizione massima di 5 temi. La prima domanda che l’autore si pone è quale sia stata l’evoluzione diacronica dell’allomorfia tematica. Loporcaro mostra come la distribuzione L svolge, in certi casi, il ruolo di catalizzatore, evidenziandone dunque la realtà psichica, mentre, in altri casi, subisce un processo di disgregazione. L’analisi di Loporcaro è convincente, tranne che in un caso: per alcuni verbi egli isola un tema5, per esempio póttid-u o kélfid-u, quando queste forme potrebbero invece essere analizzate come pott-idu e kelf-idu (temi per altro già presenti nel paradigma di pòder e kèrrer), un’alternativa che avrebbe il vantaggio di non creare allomorfia anche nella desinenza del participio passato (-idu vs. -u) e che sarebbe per altro consona al principio ‘Maximizing Ending’, invocato proprio da Loporcaro (2012) 4 per il logudorese 5. Nella parte più innovativa del capitolo, Loporcaro, basandosi su dati originali raccolti in inchieste sul campo, dimostra l’emergenza di una distribuzione morfomica N in alcuni paradigmi verbali di due varietà di logudorese e due di campidanese, una possibilità per altro sempre esclusa da Maiden. Un altro gruppo di quattro capitoli (Esher, Vincent, O’Neill e Smith) tratta prettamente il confine tra morfologia e semantica. Con Louise Esher [95-115] ci spostiamo verso ovest. L’oggetto di analisi sono i paradigmi di futuro e condizionale sintetico in occitano. Sulla traccia di Maiden (nel volume recensito), Esher stabilisce che essi presentano una distribuzione debolmente morfomica. La base di partenza è l’individuazione di una distribuzione Fuèc (un acronimo dell’occitano FUtur E Condicional), elaborata dall’autrice per l’occitano in pubblicazioni precedenti: in certi verbi il futuro sintetico (SF) e il condizionale sintetico (SC) hanno un tema identico opposto al resto del paradigma, per es. inf créisser, prs. ind creis ma SF creissarà, SC creissariá. In occitano si hanno sia sintomi di un’estensione della distribuzione Fuèc sia sintomi di disgregazione della stessa; nel caso della disgregazione, a fungere da modello sono la distribuzione PYTA (un acronimo dello spagnolo Perfectos Y Tiempos Afines) e più spesso la distribuzione N [98-103]. Il cuore del capitolo è, però, fondamentalmente il tentativo di capire se la distribuzione Fuèc sia motivata semanticamente o sia un vero caso di morfologia pura. A questo scopo, Esher passa in rassegna importanti studi sulla semantica del condizionale: il lavoro di Iatridou

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Loporcaro, Michele, «Stems, endings and inflectional classes in Logudorese verb morphology», Lingue e Linguaggio 11 (2012), 5-34. L’analisi di Loporcaro nel volume recensito potrebbe essere corretta nel caso fosse dovuta ad alternanze nella qualità vocalica nei paradigmi dei verbi in questione. Le informazioni fornite sembrano però non attestare un’alternanza vocalica.

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(2000) 6 che introduce nell’analisi semantica un «exclusion feature» e gli studi di Touratier (1996) 7 e Revaz (2009) 8 che individuano una base semantica comune nel concetto di ‘proiezione’. Esher è più propensa verso quest’ultima proposta, ma mostra come, nonostante SF e SC abbiano una semantica parzialmente comune, essi non costituiscano una vera classe naturale, e quindi il rapporto tra la loro forma e la loro funzione è arbitrario. Allo stesso tempo, la disgregazione di Fuèc sembra essere un argumentum ex negativo a favore di una soluzione semantica: cioè, proprio poiché esiste una differenza semantica tra SF e SC, esiste una tendenza ad eliminare la loro identità formale. A Esher non resta che concludere che la distribuzione Fuèc è sì un morfoma, ma un morfoma non canonico. Il capitolo di Nigel Vincent [116-136] tratta del condizionale nelle lingue romanze. Dopo una lucida rassegna dei fondamenti della dottrina morfomica, Vincent avverte il lettore del rischio che deriva da un modello di grammatica che contempli la morfologia come un livello puramente autonomo, il rischio cioè di eccedere nella direzione opposta a quella che aveva dato luce negli anni 90 al filone che ha ispirato il presente volume. Lo studio in esame è la composizionalità e la semantica del condizionale, che nelle lingue romanze nasce tramite univerbazione o di infinito e imperfetto di habere (cf. francese chanterait < cantare habebat), o di infinito e perfetto di habere (cf. italiano canterebbe < cantare habuit). Il tema è relativamente complesso, esistono parallelismi con l’articolo di Esher e una presentazione dettagliata mi porterebbe a sforare abbondantemente i limiti di spazio messi a mia disposizione. In sostanza, Vincent sostiene che, in presenza di un significato composizionale, si deve escludere l’esistenza di un morfoma e quindi si deve verificare se un’unità semantica profonda abbia agito nel cambio linguistico e, nel caso particolare, nella creazione nelle lingue romanze moderne dei diversi usi delle forme di condizionale. Il capitolo di Paul O’Neill [221-246] è contraddistinto da un’ambizione teorizzante che lo accomuna a quello di Aronoff (vedi sotto). O’Neill centra nel pieno il tema del volume e si interroga sul confine massimo e il confine minimo di morfoma. Sarò più chiaro. L’osservazione di base è che l’imperfetto indicativo dello spagnolo ha una varietà di usi, quindici, che non fanno capo a un comun denominatore semantico. In queste circostanze, si potrebbe parlare di un morfoma dell’imperfetto, ovvero di una forma unica che però realizza tante diverse funzioni, in altrettanti diversi contesti. L’osservazione è provocatoria ma giusta. Ovviamente questo porterebbe a un’implosione del concetto di morfoma e di tutta la letteratura ad esso legata. Lo scopo dell’autore è dunque quello di verificare se la differenza tra fenomeni morfemici e fenomeni morfomici sia una questione di tipo o piuttosto di grado [231]. O’Neill propende per la seconda soluzione adducendo una spiegazione senza dubbio ragionevole, anche se a tratti un po’ traballante. L’idea fondamentale è che «the consistent element of the imperfect indicative lies not in its semantics but in its morphology» [237]. Secondo O’Neill, la differenza tra il famoso terzo tema del latino, emblema della dottrina morfomica, e il caso dell’imperfetto spa6

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Iatridou, Sabine, «The grammatical ingredients of counterfactuality», Linguistic Inquiry 31 (2000), 231-270. Revaz, Françoise, «Valeurs et emplois du futur simple et du présent prospectif en français», Faits de langues 33 (2009), 149-162. Touratier, Christian, Le Système verbal français, Paris, Masson et Armand Colin, 1996.

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gnolo, è una questione di grado e di forma: nel caso del terzo tema (di scribo) scriptè la base morfologica a cui si agganciano ulteriori formanti che realizzano il pst.ptcp script-us, il spn script-um, il fut.ptcp script-urus, e forme derivate quali script-or, scriptura, ecc.; invece, nel caso dell’impefetto spagnolo esiste un’unica base, per es. llamab-, che non è passibile di derivazioni intermedie e a cui si aggiungono direttamente i formanti di numero e persona. Dunque, mentre il terzo tema è la base di ulteriori derivazioni che modificano il significato del target, e rappresenta quindi una relazione chiaramente discontinua (cioè morfomica) tra forma e significato, nel caso dell’imperfetto indicativo spagnolo la relazione tra forma e significato è meno discontinua e i suoi diversi significati sono in realtà usi diversi in contesti diversi. Il primo è un morfoma, il secondo un morfema. Il capitolo è un po’ ripetitivo ma scritto in maniera chiara, fatta eccezione per alcune elucubrazioni [240-243] circa la differenza tra status morfemico e status morfomico accompagnate da diagrammi che, invece di chiarire, complicano le cose. Anche JC Smith [247-261], come O’Neill prima di lui, considera la morfomicità (‘morphomehood’) un fenomeno graduale. Partendo dalla constatazione che ��������� «for Aro���� noff all morphology is morphomic» [247], Smith distingue in primo luogo tra morfomi ‘velati’ (‘covert’), che hanno una motivazione extramorfologica e dunque non sono canonici, e morfomi ‘palesi’ (‘overt’), che non hanno nessuna motivazione extramorfologica e sono dunque canonici. Smith stabilisce quindi una tipologia morfomica con diversi gradi di coerenza, annoverando tra i morfomi palesi i morfomi di classe (per esempio classi flessive), la distribuzione PYTA, la distribuzione Fuèc (entrambi morfomi TAM), e i morfomi legati alla realizzazione del tratto di persona, ovvero le distribuzioni N, L e U. L’autore si concentra sulla distribuzione N e si interroga sulla possibilità che esista una motivazione extramorfologica e che essa sia determinata da principi di marcatezza. Pur conscio del fatto che la marcatezza è una nozione quanto meno controversa, Smith osserva come nei paradigmi verbali vi sia un contrasto tra valori non marcati (il numero singolare, il tempo presente e il modo indicativo, così come la terza persona è il valore meno marcato tra ������������������������������������������������������������������������� i valori di persona nel plurale) e valori marcati, e come questo contrasto corrisponda alle classi di partizione della distribuzione N. L’ipotesi di Smith è che, una volta emerso un morfoma a distribuzione N, questo si sia potuto mantenere stabile proprio perché i parlanti avrebbero generalizzato la distribuzione in termini di marcatezza. Una generalizzazione che però non ringuarderebbe né la distribuzione L né la distribuzione U, entrambe meno coerenti di N in ordine discendente (N>L>U). Inoltre, Smith trova una corrispondenza tra il suppletivismo e le distribuzioni PYTA e N (ma non L e U), e tra i paradigmi difettivi e le distribuzioni N e L. In conclusione Smith ammette che i risultati del suo studio sono provvisori. In effetti, tornando alla marcatezza, la distribuzione N, per esempio, coinvolge anche il congiuntivo che è un modo più marcato dell’indicativo. Tuttavia, l’idea è originale e merita di essere approfondita in ricerche future (consiglierei però all’autore di abbandonare la coppia terminologica ‘overt morphome’ e ‘covert morphome’ che per lo meno in inglese non è efficace). Vi sono poi cinque capitoli, Aronoff, Cappellaro, Kaye, Meul e Cruschina, che non possono essere raggruppati con altri o tra di loro—probabilmente il motivo questo per cui i curatori hanno scelto di non optare per sezioni tematiche. Inoltre, i primi quattro non trattano un particolare tipo di confine tra la morfologia e altre componenti della grammatica. Il capitolo di Mark Aronoff, The roots of language [161-180], è un intelligente studio teorico del concetto di ‘radice’, del suo rapporto con la morfologia autonoma ed è, allo

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stesso tempo, un contributo lessicologico. Dal punto di vista teorico Aronoff contrappone due tipi di teoria che trattano la nozione di radice in modo fondamentalmente diverso: la ‘Morfologia Distribuita’ [DM] e l’approccio alla morfologia centrato sul lessema sviluppato dallo stesso autore in Aronoff (1994). 9 DM nella sua versione classica 10 assegna al concetto di ‘radice’ un ruolo centrale nella grammatica: essa è concepita come concetto astratto privo di forma fonologica e unica portatrice di significato lessicale. Secondo Aronoff l’approccio di DM procede direttamente dalla visione riduzionista di lingua di Jakobson, per il quale alla variazione in superficie corrisponde un’invariabilità alla base. A questo approccio ‘root-based’ Aronoff contrappone una teoria centrata sul lessema, nella quale la radice è un’entità morfologica puramente astratta: un morfoma. Per esempio, varie forme verbali quali in inglese run, ran, run, hanno una radice astratta che non ha né una forma né un significato constante e che può essere condivisa da lessemi diversi [168]. Nella parte lessicologica del capitolo, l’autore identifica l’origine del concetto di radice alla base di DM (e dei suoi antesignani) nella tradizione grammatografica ebraica e mostra, facendo riferimento anche a studi di psicolinguistica e linguistica clinica, come, in realtà, il concetto rigido di radice quale base astratta carica di significato non sia adatto neppure alla descrizione dell’ebraico, né moderno né antico. In conclusione, Aronoff afferma che le radici sono entità linguistiche reali ma non sono semanticamente invarianti. Chiara Cappellaro [209-220] esamina un caso di sovrabbondanza (‘overabundance’) nel sistema dei pronomi soggetto dell’italiano. Dopo aver sapientemente riassunto la nozione di sovrabbondanza, elaborata da Thornton 11 per l’eteroclisi nella flessione nell’ambito dell’approccio canonico Corbettiano, 12 Cappellaro ne riconosce un caso nei pronomi soggetto di 3sg egli/esso ed ella/essa. L’autrice mostra come non esista un contrasto stilistico tra le coppie, dato che entrambe le forme del maschile e quelle del femminile ricorrono in registri stilistici elevati. Ma nella coppia maschile esiste un contrasto semantico: esso si riferisce a nomi che portano il tratto [–umano], egli a nomi che portano il tratto [+umano]; secondo l’autrice, questo contrasto non esisterebbe nelle forme femminili che «can both refer to humans» [214]. Così stando le cose, ella/essa sarebbe un caso altamente canonico di sovrabbondanza (perché l’uso di una variante piuttosto che dell’altra sarebbe incondizionato), mentre egli/esso sarebbe un caso meno canonico. Questa osservazione, che è la premessa dell’analisi a venire, è però sbagliata perché ella si riferisce esclusivamente a entità caratterizzate dal tratto [+umano], mentre essa ha entrambe le opzioni, dunque la differenza di livello di canonicità tra la coppia 9

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Aronoff, Mark, Morphology by Itself: Stems and Inflectional Classes, Cambridge, Mass., MIT Press, 1994. Halle, Morris / Marantz, Alec, «������������������������������������������������ ������������������������������������������������� Distributed Morphology and the pieces of inflection», in: Hale, Kenneth / Keyser, Samuel J. (ed.), The View from Building 20: Essays in Linguistics in Honor of Sylvain Bromberger, Cambridge, Mass., MIT Press, 1993, 111-176. Per es. in Thornton, Anna Maria, «Overabundance (multiple forms realizing the same cell): A non-canonical phenomenon in Italian verb morphology», in: Maiden, Martin / Smith, John Charles / Goldbach, Maria / Hinzelin, Marc-Olivier (ed.), Morphological Autonomy: Perspectives from Romance Inflectional Morphology, Oxford, Oxford University Press, 2011, 358-381. Corbett, Greville G., «Canonical typology, suppletion, and possible words», Language 83 (2007), 8-42.

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maschile e quella femminile è di fatto minima. Cappellaro poi mostra come la specializzazione di esso rispetto al tratto [–umano] e la derivatane asimmetria tra esso ed essa sia relativamente recente nella storia dell’italiano, e infatti i dati sembrano farla coincidere con la pubblicazione nel 1840[-42] de I promessi sposi di Manzoni e con la sua divulgazione. L’ipotesi centrale di Cappellaro è che la stabilità diacronica dei membri delle due coppie di pronomi dipenda dal fatto che tutte quattro le forme sono apprese tardi nel linguaggio infantile, rispetto agli equivalenti comuni lui e lei. Quest’ipotesi è interessante e andrebbe testata con dati sull’acquisizione linguistica; potrebbe però generare un conflitto con il caso di sepolto/seppellito, che è considerato un esempio canonico di sovrabbondanza, ma per il quale non esiste un tertium comparationis corrispondente a lui, lei: in altre parole, se la motivazione per la stabilità diacronica di egli/esso ed ella/ essa è la loro tarda acquisizione, qual è il motivo per la stabilità di sepolto/seppellito? Una seconda ipotesi di Cappellaro è che, qualora in diacronia vi fosse una riduzione di sovrabbondanza (canonica), questa riguarderebbe i nomi maschili e non i femminili. L’ipotesi sarebbe confermata dalla differenziazione semantica di esso. Anche qui si pone un problema perché, come dicevo, la coppia ella/essa non è un rappresentante di «highly canonical overabundance» [217] dato che l’uso di ella è ristretto semanticamente (inoltre, tra parentesi, il capitolo tratta di pronomi e non di nomi). Ulteriori riflessioni dell’autrice su un possibile parallelismo tra sovrabbondanza e paradigmi difettivi nel paragrafo 11.4 non sono supportate da alcun tipo di evidenza empirica. La scelta di inserire quest’articolo nel presente volume non è del tutto chiara. Infatti, non vi è nessun riferimento esplicito né alla nozione di morfoma né a quella di morfologia pura. Anche implicitamente la relazione tra morfologia autonoma e sovrabbondanza non è ovvia e andrebbe quindi spiegata: coppie che non siano determinat��������������������� e da condizioni fonologiche, sintattico-semantiche o pragmatiche potrebbero essere attribuibili a un livello puramente morfologico; proprio questi sono i casi che Thornton considera espressioni canoniche di sovrabbondanza. Il capitolo di Steven Kaye [181-208] è una chiave di volta perché apre la porta a studi morfomici al di fuori dell’ambito delle lingue romanze. L’oggetto di investigazione è la morfologia verbale del taliscio settentrionale, una lingua indoiranica parlata in Azerbaigian. La base di partenza è il paradigma del verbo kārde ‘fare’ [182] che mostra due classi di partizione: un tema kārd e un tema ka. L’autore si interroga sull’origine di questa allomorfia. Lo studio è dunque diacronico. Semplificando molto, l’evoluzione è la seguente: il proto-iranico ha un sistema verbale, ereditato dall’indoeuropeo, a tre temi basati su distinzioni aspettuali (presente, aoristo, perfetto); nel persiano antico (VI-IV sec. a.C.) il vecchio sistema tri-aspettuale è fortemente indebolito e l’unico tema ad essere produttivo è quello del presente; nel medio-iranico occidentale, i temi di aoristo e perfetto sono ormai persi, e il riflesso dentale di un formante -ta- del participio va a costituire un nuovo tema del passato, al quale si allinea anche l’infinito. Ciò segna la nascita del sistema a due temi che ritroviamo nei verbi talisci del tipo kārde; un’allomorfia che, come l’autore dimostra, non dipende né dall’aspetto né da proprietà fonologiche. Kaye si interroga a questo punto sulla rappresentatività del paradigma di kārde all’interno del sistema sincronico del taliscio settentrionale. Lo studio è dunque anche sincronico. La bitematicità del paradigma di kārde è propria di nove lessemi verbali, mentre la maggioranza dei verbi è monotematica. Tuttavia, nel paragrafo finale Kaye rivela che anche nei verbi in -iesiste (e persiste) un pattern morfomico e soprattutto mostra come il tema del presente si stia espandendo all’interno dei paradigmi dei verbi in -a-. Ciò va contro l’opinio communis di una generale riduzione nel sistema del taliscio verso un unico tema (quello del

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passato), ma a favore di un’interpretazione morfomica dell’allomorfia. L’articolo di Kaye è sicuramente uno dei migliori contributi del volume, fatta eccezione per alcune riflessioni poco convincenti circa la classe di verbi in -i- [203]. Anche qualche ripetizione di troppo e i lunghi e dettagliati paragrafi sulla diacronia e sincronia del sistema descritto non scalfiscono la chiarezza dell’esposizione. Anche il capitolo di Claire Meul [68-94], come quello di Anderson, è dedicato al retoromanzo. Il tema è il morfema latino -id(i)- e i suoi derivati nelle varietà di ladino dolomitico dell’Italia del nord. Pur ammettendo l’inappropriatezza del termine, l’autrice utilizza ‘infix’ per classificare questo morfema per «highlighting the singularity (and indefiniteness) of [its] morphological status» [68 n. 1]. Questa scelta è incomprensibile. Tanto più che il termine inglese ‘augment’, certamente più appropriato, già esiste. Ma quest’incertezza terminologica sicuramente non sminuisce la qualità dell’articolo. Il tema è il seguente: mentre tutte le lingue romanze posseggono verbi che hanno lessicalizzato -id(i)- come parte del morfema lessicale (per es. italiano ondeggi-are), la grammaticalizzazione di -id(i)- come morfema flessivo riguarda un territorio linguistico ben più ridotto. A parte il romeno, lo si trova, infatti, in alcuni dialetti italiani e in alcune varietà retoromanze. La distribuzione è di tipo N. Lo scopo dell’articolo è quello di capire che cosa determini non tanto questa distribuzione, quanto l’uso, o il non uso, dell’augmento. L’analisi è basata su un esperimento: 77 parlanti del ladino dolomitico ricevono un questionario contenente 140 verbi della prima coniugazione e devono valutare se (i) solo la forma senza augmento è accettabile, (ii) entrambe le forme con e senza augmento sono accettabili, (iii) solo la forma con augmento è accettabile. Il gruppo di informanti è distribuito in maniera abbastanza omogenea su diversi paesi e su tre gruppi di età. L’analisi statistica dei dati, basata sul ‘test di Mann-Whitney, Kruskal-Wallis’ e sul ‘test chi quadrato’ di Pearson, rivela una correlazione tra i risultati del questionario e tre caratteristiche dell’input: (a) autoctonicità dell’etimologia, (b) polisillabicità della radice verbale, (c) tema verbale formato tramite suffisso derivazionale. In presenza di almeno una di queste tre caratteristiche, la probabilità statistica che un input verbale sia idoneo o alla versione con augmento o a quella sia con che senza augmento è molto alta, in particolare se la caratteristica (b) è positiva. L’autrice ne deduce che il meccanismo di affissazione per augmento -ei- dei verbi di prima coniugazione è «fundamentally determined by a series of intralinguistic variables: the etymology of the verb and the morphoprosodic structure of the verb root» [83]. Tuttavia, a queste variabili si aggiungono anche fattori extralinguistici, cioè variabili diatopiche, diastratiche e diafasiche. L’analisi dell’esperimento rivela che il primo gruppo d’età (12-30 anni) è tollerante rispetto all’uso dell’augmento in maniera significativamente inferiore rispetto al secondo (31-50 anni) e al terzo (51+ anni) gruppo. Il terzo gruppo d’età è il più propenso all’uso dell’augmento. Le differenze d’età sono associate a differenti livelli di padronanza linguistica in ordine crescente. Secondo l’autrice, dunque, i parametri sociolinguistici sono condizioni complementari ai parametri intralinguistici sopra menzionati. L’articolo di Meul è pregevole: l’argomento è interessante, i dati sono ricchi e originali perché basati su una ricerca sul campo; l’interpretazione è quasi sempre efficace. Non concordo tuttavia con la conclusione che l’augmento abbia in certi dialetti una «social signalizing function» [94]. L’autrice sostiene, infatti, che l’uso largamente maggiore dell’affisso nei gruppi di età più avanzati, soprattutto nel terzo, dimostra che esso serve a marcare un’identità linguistica (ladina) che non è invece propria del gruppo più giovane. Tuttavia, ritengo che questa non sia la funzione sincronica dell’affisso, scelto coscientemente da un gruppo

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di parlanti piuttosto che da un altro; l’augmento è, invece, indice di diversi stadi evolutivi della lingua che possono essere analizzati in termini di variazione sociolinguistica. Il capitolo pecca per un eccesso di dettagli e di note che contengono informazioni non strettamente necessarie e che lo rendono meno stringente (per i dettagli un rimando alla monografia già pubblicata dell’autrice sarebbe bastato). La relazione tra l’analisi svolta da Meul e lo scopo del volume è chiara. La conclusione che i parlanti dei dialetti ladini studiati attribuiscono all’augmento «functions that are not merely morphological any more» [94] sembra suggerire che non si tratti di un caso di morfologia pura. Il volume chiude in bellezza con l’elegante analisi di Silvio Cruschina [262-283] che è dedicata, unica nel volume, al confine tra morfologia e sintassi. L’oggetto di studio sono le perifrasi verbali che hanno visto nella letteratura scientifica due fronti opposti: da un lato, l’approccio riduzionista di ispirazione chomskiana che considera la perifrasi esclusivamente un prodotto della sintassi; dall’altro, l’approccio ‘Parole e Paradigmi’ della Paradigm-Function-Morphology 13, che integra la perifrasi nella flessione, ma esclude dall’analisi le proprietà non flessive della perifrasi. Cruschina riprende questo dibattito e lo arricchisce ricorrendo alla ricerca sulla grammaticalizzazione, avanzando l’ipotesi che quanto più avanzato è il grado di grammaticalizzazione di una perifrasi, tanto più ad essa vada attribuito uno status morfologico [264]. Il caso in esame sono le ‘costruzioni a doppia flessione’ (CDF, inglese DIC) nel siciliano, del tipo vaju a mangiu ‘mangerò’, con marca flessiva su entrambe le forme verbali. Esse vengono contrastate con le costruzioni nelle quali il secondo verbo è infinito, come lo spagnolo voy a comer ‘mangerò’, ma anche il siciliano vaju a accattari ‘vado a comprare’. Basandosi su dati originali collezionati in inchieste sul campo a Mussomeli, Cruschina sottopone le CDF a vari test sintattici e dimostra che esse non si comportano come costruzioni biproposizionali; allo stesso tempo, però, le CDF non sono nemmeno perifrasi flessive perché non sono conformi ai criteri proposti da Ackerman e Stump 14 per la delimitazione di perifrasi flessiva: ‘intersezione dei tratti’ (cioè le forme che realizzano un valore morfosintattico non sono mai o tutte sintetiche o tutte analitiche), ‘esponenza distribuita’ (la realizzazione di un valore morfosintattico è compito di un esponente specializzato unicamente su questo valore) e ‘non-composizionalità’. Dati alla mano, Cruschina riesce sia a dimostrare che le perifrasi in un grado avanzato di grammaticalizzazione (in base ai criteri di desematicizzazione, decategorizzazione, cliticizzazione e erosione fonologica) sono soggette alle stesse distribuzioni irregolari a cui sono soggette le formazioni morfologiche, confermando così l’ipotesi avanzata all’inizio del capitolo, sia a mostrare il carattere morfomico delle CDF, come risulta evidente dalla tabella 14.1 che mostra una chiara distribuzione N per l’uso della perifrasi nel paradigma del siciliano. Passo ora a una valutazione globale del volume. Il libro non è sicuramente una lettura per principianti e in particolare può risultare difficile per un pubblico non esperto di linguistica romanza. La ricchezza di dati e il generale rigore delle analisi proposte lo rendono però un importante contributo alla letteratura morfologica che merita un posto in tutte le biblioteche di linguistica romanza e generale. 13

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Stump, Gregory T., Inflectional Morphology: A Theory of Paradigm Structure, Cambridge, Cambridge University Press, 2001. Ackerman, Farrell / Stump, Gregory T., «Paradigms and periphrastic expression: A study in realization-based lexicalism», in: Sadler, Louisa / Spencer, Andrew (ed.), Projecting Morphology, Stanford, CSLI, 2004, 111-157.

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La cura editoriale del volume è praticamente perfetta; una delle pochissime eccezioni è «regular» invece di «irregular» nella didascalia della tabella 12.4 [226]. L’indice è sufficiente ma non ricco come potrebbe essere. Per esempio, il concetto di ‘classe naturale’, che ricorre in non pochi articoli del volume (Maiden p. 40, Da Tos p. 46, Esher p. 113, Kaye p. 183) ed è strettamente legato all’idea di una componente morfomica della grammatica, avrebbe meritato di essere inserito nell’indice. Nonostante la pratica della casa editrice di posporre tutta la bibliografia all’ultimo capitolo, di fatto ogni capitolo è un articolo a sé stante. Data l’omogeneità dei contenuti, sia e soprattutto dal punto di vista teorico, sia da quello delle lingue prese in considerazione, un’introduzione più lunga e dettagliata sarebbe stata preferibile: avrebbe risparmiato al lettore la ripetizione di nozioni basilari e le ripetute citazioni di testi chiave che si susseguono capitolo dopo capitolo. Concludo con un triplice augurio: il primo è che il prossimo volume sulla morfologia autonoma sia uno studio empirico fondato su «proper linguistic testing of speakers under laboratory condition», per dirla con Maiden [44]; il secondo è che l’analisi morfomica sia estesa a lingue non-indoeuropee; il terzo è che i tanti dati raccolti e analizzati in questa e in tutte le pubblicazioni precedenti vengano aggregati e sottoposti a un studio di natura tipologica, per verificare se sia possibile formulare generalizzazioni sugli aspetti morfomici delle lingue. Francesco GARDANI

Ronnie FERGUSON, Saggi di lingua e cultura veneta, Padova, Cleup (Romanistica Patavina 4), 2013, 416 pagine. Quello di Ronnie Ferguson è un nome ben noto a quanti si occupano di dialettologia, filologia e letteratura venete: a lui si devono, tra l’altro, due importanti monografie sul teatro di Ruzante 1 e una storia linguistica di Venezia che, a differenza della di poco successiva sintesi di Lorenzo Tomasin 2, è dedicata prevalentemente alla diacronia interna del volgare lagunare ed è quindi in primis storia del veneziano o, in altre parole, quanto di più simile a una grammatica storica del dialetto di Venezia sia oggi disponibile 3. Il veneziano è anche oggetto di quasi tutti i nove saggi di questa raccolta, in parte testi originali e in parte rielaborazioni di lavori già èditi 4, tanto che, se non fosse per i due 1



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Ferguson, Ronnie, The Theatre of Angelo Beolco (Ruzante): Text, Context and Performance, Ravenna, Longo, 2000. Id., Ruzante and the Evolution of Acting Practice in Renaissance, London, Goldsmiths, 2010. Tomasin, Lorenzo, Storia linguistica di Venezia, Roma, Carocci, 2010. Ferguson, Ronnie, A Linguistic History of Venice, Firenze, Olschki, 2007. In particolare, i capp. 5 e 6 riprendono e aggiornano gli articoli «Veneto sélega (Ais 488) e sisíla (Ais 499): due etimi greci connessi?», ID 59 (1996-1998), 299-311 e «L’etimologia dell’adriatico cocàl(e)/crocàl(e): ‘gabbiano’», Ce fastu? 78 (2002), 7-21; i capp. 7 e 9 aggiornano e approfondiscono i saggi «Appunti sul veneziano di Ruzante», in: Schiavon, Chiara (a cura di), «In lengua grossa, in lengua sutile». Studi su Angelo Beolco, il Ruzante, Padova, Esedra, 2005, 207-225 e «The influence of

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capitoli finali su alcuni aspetti non linguistici del teatro di Ruzante, nel titolo del volume il generico veneta avrebbe potuto ben essere sostituito con veneziana; lo stesso autore, del resto, è consapevole del fatto che l’uso di ‘veneto’ come glottonimo ed etnonimo sia una «nomenclatura potenzialmente problematica e parzialmente astorica», diffusasi solo recentemente in seguito al «decadimento del prestigio del centro storico lagunare ormai economicamente marginale rispetto alla Terraferma» [138], sicché la lingua e cultura veneta a cui allude il titolo è da intendersi, di là da ogni possibile forzatura ideologica, come volgare/dialetto e cultura di Venezia e della sua repubblica (o tutt’al più, folenianamente, come culture e lingue nel Veneto, al plurale) 5. Il volume colpisce per la grande varietà di temi trattati, che vanno da questioni di ampio respiro, come quella della formazione del veneziano o del suo status sociolinguistico (specie per quel che riguarda il rapporto con il toscano), a problemi etimologici relativi a singole voci, attribuendo pari valore al macroscopico e al microscopico secondo l’invito di Schuchardt nella citazione che funge da esergo alla Premessa 6. «Diversi e complementari» sono anche gli «approcci critici», come dichiara sempre nella Premessa l’autore [10], e quindi anche le prospettive adottate: quella del sociologo variazionista nei capp. 1 e 4, dedicati rispettivamente alla formazione del veneziano e alle dinamiche di mutamento contrastivo nella sua storia; quella del filologo epigrafico nel cap. 2, dedicato all’edizione e al commento linguistico delle iscrizioni pubbliche in volgare del Trecento; quella dello storico del teatro rinascimentale nei capp. 8 e 9, dedicati rispettivamente alla ricostruzione delle scene per le commedie di Ruzante e al rapporto tra i due Dialoghi dello stesso autore e la coeva tradizione del teatro popolare veneto. Il risultato è comunque un lavoro assai omogeneo, che si pone per la parte linguistica in diretta continuazione del volume del 2007, già ricco di spunti e stimoli alla discussione e, come quello, è destinato a costituire un punto di riferimento importante per gli studi del settore. Di tali spunti e stimoli qui non si potrà che dar conto brevemente selezionando alcuni argomenti tra quelli di maggior interesse per la dialettologia veneta, a cominciare dalla vexata quaestio della formazione del veneziano, a cui Ferguson consacra uno dei saggi più ampi della raccolta posto significativamente – non solo per priorità cronologica – in apertura del volume. Al tema, che affascina per la complessità delle implicazioni non solo linguistiche, ma anche demografiche e sociali, Ferguson ha già dedicato in passato diversi articoli 7, nonché un fondamentale capitolo del suo volume del 2007 8. In quest’ultimo saggio, che riassume gli interventi precedenti e li integra di nuovi dati e



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Venetian popular theatre on Ruzante’s Parlamento and Bilora», Italian Studies LI (1996), 113-133. Il riferimento è alla raccolta di saggi di Folena, Gianfranco, Culture e lingue nel Veneto medievale, Padova, Editoriale Programma, 1990. «Die paritätische Verbindung von Mikroskopie und Makroskopie bildet das Ideal der wissenschaftlichen Arbeit» [9]. Cfr. «The formation of the dialect of Venice», in: Lodge, Raymond Anthony (ed.), Aspects of Linguistic Change [= Forum for Modern Language Studies. Special Issue 39 (2003)], 450-464 e «Alle origini del veneziano: una koiné lagunare?», ZrP 121 (2005), 476-509. «Early Venetian from lagunar koiné to proto language of state», in: A Linguistic History of Venice cit., 161-207.

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considerazioni, è mantenuta l’ipotesi che all’origine del volgare lagunare sia un processo di koinizzazione di varietà venete diverse, in particolare nordorientali e centromeridionali: ciò spiegherebbe il carattere di medietà del veneziano attuale, evidente ad esempio nelle condizioni dell’apocope delle vocali finali che, prevedendo il dileguo di -e dopo l, r e n e nei parossitoni quello di -o dopo n (e dopo l e r soltanto nei suffissi -(ar)iol < -(ar) ěŏlum e -er < -arium), rappresentano una soluzione di compromesso tra la caduta pressoché generalizzata delle stesse vocali nell’alto veneto e la loro conservazione, tranne che dopo n e nel suffisso -(ar)iol, nel veneto centrale. In favore della tesi della koinizzazione Ferguson porta persuasivi argomenti di natura esterna: la laguna di Venezia fu effettivamente popolata tra il V e il VII secolo da profughi originari della Terraferma – specie degli agri altinate e patavino – sospinti dalle incursioni di Goti e Longobardi, i quali si fusero con lo sparuto gruppo di pescatori già presente in laguna e con essi posero le premesse per lo sviluppo del primo nucleo abitativo della città, Rivus Altus (Rialto). Adduce inoltre interessanti paralleli con altre realtà, in particolare con la suggestiva (benché tutt’altro che pacifica) ricostruzione della formazione del francese parigino proposta da Tony Lodge 9, all’interno del solido quadro teorico del dialect contact e dialect mixing delineato, ormai quasi trent’anni fa, da Peter Trudgill 10. Tuttavia, l’argomentazione convince meno quando si passa al piano più propriamente linguistico, e ciò da un lato per una periodizzazione troppo netta, che distingue tra un veneziano antico precinquecentesco (VA) e un successivo veneziano medio (VM) tenendo in poco conto i numerosi tratti di discontinuità tra il volgare delle Origini e quello quattrocentesco 11; dall’altro, per un’eccessiva enfasi sulla polimorfia del veneziano antico 12, laddove invece i testi pratici due e trecenteschi èditi cinquant’anni fa da Alfredo Stussi presentano una facies tutto sommato omogenea, tanto che a detta dello stesso editore il divario linguistico tra i documenti «non è tale da pregiudicare l’unità della raccolta e il suo valore rappresentativo» 13. Andranno pertanto ridimensionate alcune affermazioni, come quella della «grande variabilità» per quel che riguarda la presenza o assenza di apocope nel veneziano delle Origini [50]: prendendo ad esempio

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Lodge, Raymond Anthony, French: from Dialect to Standard, London, Routledge, 1993; Id., «Convergence and divergence in the development of the Paris urban vernacular», Sociolinguistica 13 (1999), 51-68; Id., A Sociolinguistic History of Parisian French, Cambridge, Cambridge University Press, 2004. Tra le critiche alla ricostruzione di Lodge si ricordano quelle di Selig, Maria, «Koineisierung im Altfranzösischen? Dialektmischung, Verschriftlichung und Überdachung im französischen Mittelalter», in: Heinemann, Sabine (hgg.), Sprachwandel und (Dis)Kontinuität in der Romania, Tübingen, Niemeyer, 2008, 71-85 e di Grübl, Klaus, «La standardisation du français au Moyen Âge: point de vue scriptologique», RLiR 78 (2013), 343-383. Trudgill, Peter, Dialects in Contact, Oxford, Blackwell, 1986. La problematicità di una simile periodizzazione è già stata colta da Rembert Eufe nella sua recensione al volume di Ferguson del 2007 (in ZrP 129 [2013], 257-263, alle pp. 258-259). Si parla, ad esempio, di «sconcertante variabilità morfonologica endemica negli scritti veneziani in volgare dei secoli XII e XIII» [44], di «eccezionale variabilità della scripta veneziana delle Origini» [46] o ancora di «polimorfia estrema» per una «costellazione sbalorditiva di varianti inter- e intra-testuali» [48]. Stussi, Alfredo (a cura di), Testi veneziani del Duecento e dei primi del Trecento, Pisa, Nistri-Lischi, 1965, xii.

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gli infiniti, le 16 occorrenze di meter, le 8 di vender e le 25 di star che s’incontrano nei testi duecenteschi della silloge di Stussi prevalgono nettamente sull’unico esempio di metere, sui 3 di vendere e i 4 di stare, dove peraltro la vocale potrebbe essere stata preservata (almeno in alcuni casi) su modello latino 14. Analogamente (e prendendo ancora a riferimento il corpus dei testi èditi da Stussi) è irrilevante, di contro al dilagare di suffissati in -er, l’occorrenza isolata di spetiaro, che andrebbe semmai citata a conferma dell’estraneità di -aro al volgare lagunare e non come prezioso «esempio dell’esito centro-meridionale» [51]; quanto poi alle poche comparse di -ero (due esempi di nodero, tre di çenero e uno di centenero), prima di interpretare il suffisso come una «apparente forma ‹interdialettale› di compromesso» [51] andrebbe contemplata la possibilità che la -o sia stata restituita a posteriori per evitare l’apocope, evidentemente avvertita come tratto municipale, visto che negli stessi testi il ripristino (spesso erroneo) delle vocali finali avviene sporadicamente anche dopo n, in un contesto in cui nessuna varietà veneta può aver influito 15. Con ciò non si intende dire che la tesi della koinizzazione di diverse varietà venete all’origine del veneziano sia da abbandonare, ma solo che andrebbe maggiormente problematizzata, ragionando in termini meno deterministici e tenendo sempre ben presente che un alto tasso di polimorfia è fisiologico in tutte le scriptae delle Origini, anche quelle che appaiono più compatte 16. Di grande interesse per la dialettologia (non soltanto veneta) è anche il tema trattato nel cap. 4, che «mette a fuoco alcuni aspetti storici e attuali del veneziano con lo scopo di interrogare, nel dettaglio ma anche a livello concettuale, la natura del mutamento diacronico di vario genere: fonologico, morfologico, sintattico o lessicale» [198]. La posizione dell’autore è «risolutamente variazionista» [214] e assume quindi, in una visione coerentemente antimmanentista 17, che «sono i parlanti, in quanto individui interagenti, e non il sistema (come ente autonomo) a mutare o cambiare aspetti della lingua» [214-215]. Si escludono dal computo le 7 occorrenze di metre e le 8 di vendre dove, come riconosce lo stesso Ferguson, la conservazione di -e si deve alla sincope della vocale postonica. 15 Testi veneziani del Duecento cit., xxxiii. 16 A tale proposito è difficilmente condivisibile il giudizio perentorio secondo cui la scripta fiorentina del Duecento, al confronto con la coeva scripta veneziana, presenterebbe una «sostanziale assenza di polimorfia morfonologica» [49 nota 77] (‘morfonologica’ è da intendersi in senso non tecnico come “morfologica e fonologica”). Limitandoci solo a qualche esempio di morfologia verbale, peraltro ben noto, come valutare l’oscillazione tra -e e -i nella 2a persona dei verbi di Ia coniugazione, tra -emo/-imo e -iamo per la 1a persona plurale dei verbi di IIa e IIIa classe, tra -éo/-ìo e -é/-ì per le 3e persone del perfetto dei verbi delle stesse classi o ancora la straordinaria varietà di terminazioni per le 3e persone plurali dei perfetti (-ro, -rono, -rno e, nei perfetti forti, anche -ono) se non in termini di polimorfia? 17 Di «linea antimmanentista» ha parlato Michele Loporcaro a proposito di quei linguisti (da Schuchardt a Gilliéron ai neolinguisti fino a Weinreich e a Labov) che non riconoscono, per così dire, la possibilità di «spiegare la lingua con la lingua» e che pertanto, a differenza dei neogrammatici, individuano le cause del mutamento linguistico non nel sistema in sé, ma nella relazione tra la lingua, il singolo parlante e la società (cfr. Loporcaro, Michele, «Carlo Salvioni linguista», in: Salvioni, Carlo, Scritti linguistici, a cura di Michele Loporcaro et al., 5 voll., Locarno, Edizioni dello Stato del Cantone Ticino, 2008, vol. v, 45-97, a p. 59). 14

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Viene inoltre rigettata qualsiasi concezione teleologica del mutamento, giacché «non sono le varianti ‹innovative› a sempre aver la meglio, cioè […] non vi è – necessariamente – linearità di sviluppo o, potremmo dire, una direzionalità inevitabile» [215]. Su queste considerazioni non si può che convenire con Ferguson, quanto meno per quel che riguarda il particolarissimo caso del veneziano, la cui complessa storia linguistica non può certo essere ripercorsa a prescindere dalle molteplici relazioni dei suoi parlanti in un tessuto urbano quanto mai stratificato. Del resto, l’impossibilità di individuare una direzione unica per una nutrita serie di mutamenti altro non è se non il riflesso diacronico della stratificazione della comunità linguistica nelle varie fasi sincroniche, dal momento che il diasistema ha costituito in ciascuna sezione della storia del veneziano «un serbatoio costante di potenziali varianti in concorrenza» [217]. Ciò è particolarmente evidente nello sviluppo di -k-, -t- e -p-: sebbene si possa riconoscere «certamente una direzionalità verso la lenizione delle occlusive sorde intervocaliche», che come nelle altre varietà settentrionali ha portato non di rado al dileguo della consonante sonorizzata (scuea < scutellam, scoa < scōpam, ecc.), c’è comunque una notevole «variabilità di esiti», anche «con movimenti indietro, visibili per esempio nel periodico ripristino di /d/ nel participio passato (tipo andado contro andao o andà) dal Trecento fino all’Ottocento, o nel ritorno a Lido» dopo il precedente dominio di Lio [216-217]. Analogo è il caso della spirantizzazione di -b- in -v-, che per lo più si è arrestata alla fricativa, ma che a contatto con una vocale omorganica ha potuto anche comportare il dileguo della consonante generando «doppioni come laorar ~ lavorar» [217]; al contrario, nel caso dei participi avu(d)o ~ abuo si è avuto un inaspettato ripristino della bilabiale originaria per la pressione di altre forme del paradigma (come il congiuntivo aiba/abia < habeat). Diverso però è il discorso che va fatto per la «complessa storia della dittongazione delle vocali medie in sillaba libera», erroneamente annoverata da Ferguson tra gli esempi di ‘movimenti indietro’ secondo la ricostruzione seguente: «partendo da forme maggioritariamente non dittongate nella prima scripta, si va verso una situazione opposta a partire dal secondo Trecento – raggiungendo perfino esiti estremi di tipo puoco (‘poco’) e puovolo (‘popolo’), con semplificazioni e alternanze ulteriori come puol ~ pul (‘può’) – per tornare in seguito, dal Settecento in poi, alle condizioni originarie non dittongate (poco e pol nel V[eneziano] Mod[erno] e nel V[eneziano] C[ontemporaneo])» [216]. In realtà, la coincidenza di esiti tra il volgare delle Origini e il dialetto odierno è solo apparente, perché mentre nella varietà medievale o doveva corrispondere a una mediobassa, cioè all’esito atteso di ŏ latina, nel veneziano contemporaneo (e quindi presumibilmente già in quello ottocentesco) la vocale è generalmente una medioalta (fógo, fóra, pól, vól, ecc.), che è da interpretarsi come il risultato del monottongamento del precedente dittongo uò analogamente a quanto avvenuto nei non lontani dialetti romagnoli (cfr. nel dialetto di Lugo [ko:r] < *[kwɔr] “cuore”, [fo:k] < *[fwɔk] “fuoco”, [no:f] < *[nwɔf] “nove”, ecc.) 18. In questo specifico caso, dunque, il mutamento si è sviluppato in modo lineare, da ò a uò e infine a ó. Se un ‘movimento indietro’ c’è stato, è da identificarsi non nel passaggio di uò a ó, ma nel rinnovato conguaglio in ó di tutti i succedanei di ŏ latina, laddove il veneziano medio (secc. XVI-XVIII) mostra una differenziazione di esiti da una parte in uò (fuogo, fuora, puol, vuol) e dall’altra in iò (diol “duole”, niovo, tior 18

Rohlfs, Gerhard, Grammatica storica dell’italiano e dei suoi dialetti, 3 voll., Torino, Einaudi, 1966-1969, § 114.

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“prendere”), quest’ultimo da evoluzione di uò dopo consonante coronale: in un recente intervento ho provato a dimostrare che un tale conguaglio, che è poco plausibile per via fonologica, presuppone che iò fosse percepito ancora nel Settecento come una variante di uò, e ciò probabilmente per la sopravvivenza nella varietà alta del diasistema delle forme duol, nuovo e tuor, che erano normali nel tardo Trecento e nel Quattrocento; ad ogni modo le dinamiche del mutamento, che io ho immaginato per sostituzione di ó < uò a iò, restano ancora tutte da ricostruire 19. Passando infine dal macroscopico al microscopico, meritano senz’altro un commento i due saggi di argomento etimologico, in cui si ripercorre con grande ricchezza di dati la storia dei tre ornitonimi sélega “passero”, sisìla “rondine” e c(r)ocal(e) “gabbiano” per poi rivalutare proposte di altri studiosi (nel caso di sisìla) oppure avanzarne di nuove (nel caso di sélega e c(r)ocal(e)). Le tre voci, di diffusione non solo veneziana ma più generalmente veneta (e, per quel che riguarda c(r)ocal(e), anche istriana, romagnola e marchigiana), costituiscono dei veri e propri rompicapi dell’etimologia italoromanza, per i quali non sono state ancora trovate soluzioni soddisfacenti: bene ha fatto quindi Ferguson a riprendere in mano le tre questioni e a tentare di riportare le voci a basi di sicura attestazione, di per sé più plausibili degli etimi ricostruiti (o persino di natura onomatopeica) postulati da altri studiosi. Plausibilissima, inoltre, è la fonte a cui secondo Ferguson sarebbero state attinte tali voci, ossia quel greco bizantino che tanto ha contribuito alla formazione del lessico lagunare, specie in età medievale. Tuttavia, a parere di chi scrive nessuna delle tre proposte può essere considerata definitiva: in alcuni casi si tratta di rivedere parzialmente la ricostruzione; in altri può essere invece più prudente provare a percorrere altre strade. Nella fattispecie di sélega, ad esempio, Ferguson propone una derivazione da chelidṓn, che appare problematica sul piano formale e anche semantico, perché la parola in greco non indica il passero ma la rondine. Quest’ultima aporia è risolta da Ferguson supponendo che lo slittamento di significato sia passato per un processo di generalizzazione, ossia «che selega sia sbarcata a Venezia e, forse, a Ravenna come ‘rondine’ (cioè ‘uccellino’ in senso assoluto) per poi prendere il senso nel Nord Est di ‘passero’ (vale a dire ‘uccellino’ per eccellenza)» [253]; a riprova di ciò si aggiunge anche il parallelo di aigypiós, la cui denominazione «trasferitasi in Italia […] si è applicata non al rarissimo avvoltoio ma, invece, al comunissimo gheppio» [253]. Resta tuttavia l’ostacolo formale, che è costituito non tanto dai singoli segmenti, perché da un lato ch davanti a vocale anteriore può ben essersi assibilata al pari della c latina (c(h)e- > ze- > se-) e dall’altro -d- intervocalica potrebbe essersi dileguata aprendo la strada all’epentesi di -g- per evitare lo iato (*zéleda > *zélea > zélega > sélega), bensì da un tratto soprasegmentale: la posizione dell’accento. A questo proposito non convincono i presunti paralleli di spostamento d’accento nei grecismi portati da Ferguson, come pontikós > pantegana, kántharos > ganzarolo e voliká > vólega, perché le prime due voci sono state adattate con suffissi romanzi (e dunque sono accentate sul suffisso, come i suffissati indigeni in -ana e -arolo), mentre la terminazione della terza voce è stata riaccostata al suffisso atono -ega < -ĭcam. Che un tale riaccostamento a -ega possa essersi avuto a partire da Baglioni, Daniele, «Sulle sorti di [ɔ] in veneziano», in: Buchi, Eva / Chauveau, JeanPaul / Pierrel, Jean-Marie (ed.). Actes du XXVIIe Congrès international de linguistique et philologie romanes (Nancy, 15-20 juillet 2013), 3 vols., Strasbourg, Société de linguistique romane/EliPhi, in corso di stampa.

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chelidṓn appare improbabile, anche perché i sostantivi greci di terza declinazione si sono trasmessi per lo più nella forma dell’accusativo 20. La trafila ipotizzata da Ferguson può però essere rivista nella maniera che segue: dall’accusativo chelidóna si ha inizialmente *celidóna o *celedóna, che per gli sviluppi di cui si è detto passa a *zelegóna (il riscontro con zeligogna “celidonia” < chelidónion portato da Ferguson a sostegno della sua ipotesi è, se si suppone una derivazione accusativale, ancora più calzante); a questo punto la parte finale del termine viene avvertita come un suffisso accrescitivo, il che rende possibile dapprima il diminutivo çelegato, che è già in Ruzante, e poi zélega, da cui le forme attuali. Più difficile, invece, spiegare la parossitonia di sisìla dalla presunta base greca kýpselos “topino”, che del resto, come notava già Prati, presenta [z] e non [s], come ci si attenderebbe da -ps-: questo secondo problema è risolto da Ferguson postulando, come già fatto da altri studiosi, un incrocio con sésola “falce” < sĭcĭlem; dato un simile incrocio, però, diventa difficile sostenere «che la seconda sillaba di κύψελος sia stata percepita come suffisso diminutivo, diventando tonica e, simultaneamente, dando vita a un retroderivato ideale *siza- (probabilmente influenzato dal verso stridulo degli irundinidi)» [250-251]. Vorrebbe dire, infatti, supporre una trafila complicatissima, cioè kýpselos > *cìssila (con metaplasmo) > *sìsila (da *cìssila x sésola) > sisìla (per accostamento della terminazione al suffisso -ìla), senza che nessuna delle presunte forme intermedie sia attestata. C’è inoltre un fattore che Ferguson non considera, ossia che da y ci si attenderebbe [e] e non [i] (come nel già citato aigypiós, da cui ghéppio). Per tutte queste ragioni una derivazione di sisìla da kýpselos appare davvero troppo problematica per poter essere accolta. Quanto infine a c(r)ocal(e), Ferguson considera il veneziano cocal più recente del tipo crocal(e), caratteristico delle parlate di Chioggia (crocale), Grado e Parenzo (corcal) e dunque interpretabile come un arcaismo mantenutosi in aree laterali. Ritiene pertanto lecito muovere dal greco antico krokálē (greco medievale e moderno krokála), o meglio da una locuzione órnis krokálēs con il significato di “uccello del litorale”: dal punto di vista formale, infatti, il passaggio da krokálē a crocal(e) non pone difficoltà, giacché la -k- del greco tende a conservarsi davanti a vocale non anteriore (ad esempio in acazia < akátia e baracòcolo < berikókkion); quanto alla semantica, la perifrasi “uccello del litorale” può ben aver sostituito, nelle varietà di greco entrate in contatto con il veneziano, la parola greca antica, medievale e moderna (g)láros. Da crocal(e) infine si sarebbe avuto a Venezia cocal per influenza paretimologica di coca “organo genitale femminile” e, figuratamente, “persona stupida”, un’influenza plausibile perché tanto crocal(e) quanto cocal sono ampiamente attestati con il significato traslato di “grullo, sciocco”. Sorgono però due problemi: il primo è che krokálē / krokála vale in greco “ciottolo della riva”, mentre l’accezione di “litorale” è propria solo del plurale krokálai, il cui genitivo krokalôn è base fonologicamente assai meno plausibile di crocal(e); Ferguson è consapevole del problema, ma sembra non dargli molto peso, in quanto «il sostantivo è generalmente, ma non sempre plurale» [275 nota 58]. La seconda 20

Si dà di seguito qualche esempio tratto da Cortelazzo, Manlio, L’influsso linguistico greco a Venezia, Bologna, Pàtron, 1970: androna “privé” (gr. andrṓn “appartamento degli uomini”), dromone “bastimento da guerra e da trasporto” (gr. drómōn “nave da corsa”), mante “sorta di fune con cui si legano l’antenna e le vele” (gr. himás “cinta, correggia”), protostratora “conestabile, maresciallo” (gr. prōtostrátōr), ecc.

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difficoltà deriva dal fatto che una locuzione órnis krokálēs (o, com’è più verosimile per una voce greca medievale, poulí(on) krokálas o krokalôn) non sembra essere attestata in greco. L’ipotesi di Ferguson, pertanto, pur essendo certamente preferibile alle spiegazioni onomatopeiche proposte da altri studiosi, appare fragile nel suo essere, per così dire, ‘costruita a tavolino’, senza riscontri di alcun tipo nella lingua che si presume essere fonte del prestito. Va da sé che, se tali riscontri si trovassero, la questione sarebbe da ritenersi chiusa: poiché però dai lessici non sembra ricavarsi nulla, si fa fatica, stanti così le cose, a rimanere persuasi. Molti altri sono gli argomenti affrontati da Ferguson, dei quali qui per ragioni di spazio non si è riusciti a dar conto. Ci si augura, comunque, che queste poche e asistematiche osservazioni siano bastate a far emergere in maniera chiara l’interesse e il valore scientifico della raccolta che, anche quando dà adito a discussioni, come quelle di cui si è dato qualche assaggio, resta comunque (o forse proprio in virtù di ciò) un contributo assai significativo nell’àmbito della dialettologia veneta e italiana. L’ampia gamma dei temi selezionati e la capacità dell’autore di far reagire i dati ricavati dai testi antichi con le moderne teorie sociolinguistiche concorrono a fare del volume un’opera molto originale, con cui gli studiosi del veneziano d’ora in poi dovranno necessariamente confrontarsi. Daniele BAGLIONI

Lorenzo TOMASIN (ed.), Il Vocabolario degli Accademici della Crusca (1612) e la storia della lessicografia italiana, Atti del X Convegno ASLI Associazione per la Storia della Lingua Italiana, Padova, 29-30 novembre 2012 – Venezia, 1° dicembre 2012, Firenze, Franco Cesati Editore, 2013, 503 pagine [Indice dei nomi a cura di Valentina Zenoni]. In occasione del quarto centenario della pubblicazione del Vocabolario degli Accademici della Crusca, l’Associazione per la Storia della Lingua italiana (ASLI) ha dedicato un convegno di studi (Padova, 29-30 novembre – Venezia, 1° dicembre 2012) al Vocabolario dell’Accademia della Crusca (riservando particolare attenzione, come dichiara il titolo del convegno e del volume, alla prima impressione dell’opera, edita a Venezia nel 1612) e al ruolo che ha avuto nella storia linguistica italiana: se è vero che il primo repertorio lessicografico moderno può essere considerato a tutti gli effetti un riferimento culturale forte nella frammentata storia politica e linguistica della penisola, il convegno ha voluto offrire l’occasione per riflettere anche sul ruolo della cultura e della lingua italiana nel contesto europeo, mettendo a fuoco il quadro complessivo della lessicografia italiana, anche in rapporto alla sua ricezione al di fuori dei confini nazionali 1. 1





Sul tema della storia del Vocabolario della Crusca si segnala ora il prezioso volume Una lingua e il suo vocabolario, Firenze, Accademia della Crusca, 2014, 132 pagine; interventi: – Francesco Sabatini, Presentazione [6-7] e Un ponte fra l’età di Dante e l’Unità nazionale [9-16] – Renzo Paolo Corritore / Domenico De Martino, I simboli e le allegorie dell’Accademia [17-20]

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Gli atti del convegno, stampati nel 2013 a cura di Lorenzo Tomasin, permettono oggi di conoscere analiticamente quella proposta di riflessione, suggerendo spunti molto vari per approfondire la ricerca su versanti e con approcci differenti. Nella Premessa [11-12] il curatore ripercorre le ragioni della scelta del tema (tanto significativo, ma fino a oggi considerato solo parzialmente e per aspetti particolari) e delle sedi (Venezia e Padova), diversamente collegate al lavoro della Crusca (luogo di stampa del Vocabolario la prima; città che ha ospitato uno studium controllato dalla Repubblica di Venezia e centro di una tra le più significative reazioni al modello cruscante, quella di Paolo Beni, la seconda). La Premessa ripercorre alcuni momenti della collaborazione tra il gruppo di ricerca dell’ateneo padovano, coordinato da Ivano Paccagnella, e il gruppo di Venezia, coordinato dallo stesso Tomasin. Nel saluto di apertura [13-16] Rita Librandi, presidente dell’ASLI, mette opportunamente in luce non solo l’importanza della Crusca e del suo vocabolario nella storia d’Italia, ma anche l’attenzione che la linguistica italiana ha da sempre rivolto all’ambito della lessicografia, sottolineando il ruolo che le ricerche sul lessico e sui repertori lessicali rivestono, a partire dalle indagini pionieristiche di Bruno Migliorini e di Alfredo Schiaffini. Rita Librandi ricostruisce da un nuovo punto di vista un quadro esaustivo degli argomenti di interesse dell’indagine sui vocabolari, dai primi sondaggi storici alle più recenti proposte, che aprono lo studio della lessicografia alle possibilità offerte dalla rete. La prima parte del volume raccoglie interventi dedicati al dibattito linguistico e al lavoro preparatorio del Vocabolario del 1612, punto di arrivo di tensioni e di attese già presenti e attive nel panorama italiano dal Cinquecento. L’intervento I prodromi della prima edizione del Vocabolario della Crusca [17-23] di Maurizio Vitale, autore dei primi significativi contributi di ricostruzione storica del quadro culturale in cui nasce la Crusca del 1612, apre i saggi di taglio storico con un inquadramento del dibattito teorico che dal Bembo porta fino al Salviati, offrendo molteplici spunti teorici e una visione complessiva del problema. Di grande interesse per la storia della cultura editoriale dell’epoca è l’indagine dei fattori storico-culturali proposta da Gino Benzoni [25-45], che discute la nascita e la pubblicazione della Crusca con l’utile riferimento al sistema dei rapporti, anche politici, tra la Toscana granducale e la Serenissima. Ricco di preziose implicazioni è l’intervento di Ivano Paccagnella, L’editoria veneziana e la lessicografia prima della Crusca [47-64], che considera la successione dei vocabolari che precedono la Crusca, leggendola in rapporto all’editoria veneziana del secolo XVI. Il contributo illumina figure note e meno note di quell’editoria veneziana in cui si realizza uno «stretto rapporto […] fra editori, curatori di testi, lessicografi»; tra queste figure valorizza quella di Gregorio de’ Gregori, attento stampatore e curatore di opere

– Nicoletta Maraschio / Teresa Poggi Salani, La prima edizione del Vocabolario degli Accademici della Crusca [23-66] – Elisabetta Benucci, Le adunanze, le feste, le sedi dell’Accademia [67-70] – Massimo Fanfani, Vene moderne nel Vocabolario [73-106] e Si va formando il Vocabolario [107-110] – Marco Biffi, La Lessicografia della Crusca in rete [113-127] Bibliografia [129-132].

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che affiancano e alimentano la nuova cultura dei classici volgari. Il saggio traccia così un quadro complessivo da cui si desumono le ragioni per cui a Venezia, «centro della riflessione critica sulla lingua» e culla della «filologia volgare» [62], in un mutato clima culturale creato dall’editoria sia potuto venire alla luce il dizionario della Crusca. Al contributo di Mario Infelise (La Crusca a Venezia. Solo tipografia?, [65-72]) si deve un’accurata rassegna critica dei momenti di stampa del Vocabolario, pubblicato da Giovanni Alberti: sulla linea tracciata da Paccagnella l’autore scopre implicazioni tra l’ambito veneto e il dibattito teorico sulla lingua, anche in relazione alle posizioni assunte dalla «classe dirigente veneziana» [72]. Uno scavo storico-documentario di grande utilità è offerto dall’intervento di Gino Belloni, che considera i prodromi del primo Vocabolario della Crusca [73-89], valorizzando la lenta costruzione di un modello di fiorentino con il calibrato riferimento ai documenti che attestano l’attività e le ricerche degli Accademici. A ripercorrere il legame tra il Vocabolario del 1612 e la discussione linguistica è il saggio di Francesca Cialdini [91-103], che mette in luce la coincidenza (rispecchiata nella nomenclatura metalinguistica) tra il secondo volume degli Avvertimenti della lingua sopra ’l Decamerone del Salviati e le voci del Vocabolario, dimostrando che gli Avvertimenti rappresentano la base teorica effettiva dell’opera lessicografica [103]. Alla figura del Salviati, la cui opera è a tutti gli effetti riferimento teorico e pratico per gli Accademici, dedica un interessante contributo Paolo M.G. Maino (Un caso particolare tra i prodromi del Vocabolario della Crusca: la lingua della censura nella rassettatura del Decameron di Salviati, [105-115]), che rileva come la «rassettatura» del Decameron sia un’operazione fondamentale nella prospettiva dell’ideazione e della realizzazione del Vocabolario [106]. Maino, in particolare, individua le tendenze degli interventi di restauro di una lingua che vuole riannodarsi (anche tramite la valorizzazione del codice Mannelli) alla purezza trecentesca, valorizzando la continuità dei fenomeni nella lingua colta del Cinquecento. Al tema della grammatica nel vocabolario, argomento di recente dibattito anche in altre sedi (ad esempio nel campo dialettologico), è dedicato il contributo di Michele Colombo, La grammatica tra prima e terza Crusca [117-124], che ricostruisce il diverso trattamento delle indicazioni grammaticali tra prima e terza Crusca, mettendo in luce l’apertura alla modernità segnata dalla terza impressione del Vocabolario. Al fondamentale contributo di Salvatore Claudio Sgroi, La terminologia linguistica della Crusca 1612: tra linguaggio-oggetto e metalinguaggio lessicografico [125-142], si deve un’attenta e proficua analisi della terminologia linguistica della Crusca del 1612: la terminologia grammaticale, in quanto linguaggio settoriale noto solo agli specialisti, resta marginale nell’opera degli Accademici. Molto più complessa e ricca di indicazioni si rivela per contro la terminologia grammaticale non lemmatizzata, che aiuta a precisare l’importanza del Vocabolario nella codificazione di un nuovo modello euristico. L’analisi delle categorie grammaticali, in particolare dei segnali discorsivi e della loro funzione, è oggetto dell’attenzione di Gianluca Colella [143-154], che considera la funzione e il ruolo riconosciuto alle particelle riempitive, collocandole felicemente nel sistema dei rapporti di coesione testuale. L’intervento di Carla Marello, dedicato alla funzione delle parole latine e greche nel Vocabolario [155-166], mette in luce il meccanismo sotteso all’organizzazione delle

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singole voci e fa comprendere le ragioni che muovono gli Accademici sia nella fase della progettazione sia in quella dell’allestimento del repertorio: la funzione delle parole greche e latine, simile a quella dei sinonimi definitori, dimostra che gli Accademici sono consapevoli di costruire una microstruttura, cioè un insieme in cui glossa e lessico si tengono. È questo un sistema in cui dell’italiano si fa vedere la «forza delle parole», ponendole in contatto con le lingue di cultura del tempo. Il Vocabolario costruisce un paradigma lessicografico analogo a quello di «un monolingue bilingualizzato dei giorni nostri, ma, anziché dare i traducenti/discriminatori nella lingua madre del lettore, li propone nella lingua internazionale di cultura d’allora» [166]. Il saggio di Paola Cantoni e Rita Fresu, Giallo, giallume, gialleggiare. Processi di derivazione da cromonimi nella Crusca [167-181], considera il lemma giallo e i suoi derivati (giallume e gialleggiare) nelle diverse impressioni: i cromonimi offrono materiale utile per riflettere sulla formazione delle parole in diacronia. L’analisi di giallo, con le ipotesi di derivazione, apre una frontiera di ricerca lessicale che porta significativi riflessi sull’analisi stilistica e in generale sulla ricerca della valenza espressiva dei testi, e di quelli d’autore per primi. Nel contributo Contraffazioni parodistiche dell’aureo Trecento: Monti, Tommaseo e la Crusca veronese [183-195] Sandra Covino affronta un percorso interno al dibattito della prima metà dell’Ottocento sul Vocabolario della Crusca, seguendo la traccia delle contraffazioni parodistiche e mettendo in luce la posizione di Monti, Perticari e Tommaseo rispetto al purismo. Il saggio individua la linea che attraversa il dibattito e che sarà poi punto d’appoggio per il progetto di vocabolario formulato dallo stesso Tommaseo. Il saggio di Nadia Ciampaglia [197-207] illumina un altro episodio di reazione alla Crusca, quello dei lucchesi Donato Leonardi e Matteo Regali, che nei primi anni del Settecento aprono una polemica contro il Vocabolario su fatti di raddoppiamento in fonosintassi, anche individuando tratti del parlato che possono forse far intuire un precoce interesse per l’oscillazione nella variazione sociolinguistica. Alle pagine 209-224 Anna Rinaldin traccia un interessante percorso nell’attività lessicografica di Niccolò Tommaseo, prendendo come riferimento la Crusca veronese e studiando le successive fasi del Dizionario dei sinonimi e del Dizionario della lingua italiana, come momenti che segnano un’apertura graduale all’uso, acquisizione di riferimento anche per la linguistica manzoniana. A due episodi di purismo ottocentesco, in apparenza periferici, ma di grande valore paradigmatico, sono dedicati gli interventi di Marco Perugini («I gentili mantenitori di nostra lingua»: Marc’Antonio Parenti e il purismo di provincia, [225-236]) e di Antonio Vinciguerra (Un collaboratore esterno alla quinta Crusca. Le proposte di aggiunte e correzioni di Emmanuele Rocco al Vocabolario, [237-249]), che portano l’attenzione su due forme di dialogo con la Crusca elaborate nella provincia italiana (rispettivamente a Modena e a Napoli). Di grande peso in prospettiva storica, sia nel contesto italiano sia in quello europeo, è il saggio di Marcello Aprile (Il Vocabolario della Crusca come unica filiera possibile tra il 1612 e il 1820 per i dizionari italiani: differenze con la Francia, [251-265]), che valuta la specificità del lavoro degli Accademici fiorentini rispetto alla proposta lessicografica dell’Académie de France (attenta, come è noto, all’impressione veneziana del 1612): attraverso questo paragone Aprile mette acutamente in luce alcune caratteristiche del Vocabolario della Crusca, e in particolare il legame con la domanda di voci

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comprensibili e in un certo senso «divulgative», anche quando scientifiche, e sottolinea che il modello italiano si pone come dictionnaire de mots e non come dictionnaire de choses. Nel contributo I Vocabolari della Crusca nel Lessico Etimologico Italiano [267-279], Sergio Lubello, Elda Morlicchio, Max Pfister propongono un’analitica verifica della presenza della Crusca nel Lessico Etimologico Italiano (LEI), dimostrando la vitalità di un repertorio la cui ricchezza non si esaurisce con il primo Novecento e fa per contro percepire tutta la sua centralità anche nell’opera lessicografica attuale e in particolare nella ricerca etimologica. Proprio considerando il tema delle etimologie della quinta Crusca [281-293], Daniele Baglioni mette in luce come la Crusca (dopo il disinteresse dimostrato dagli Accademici nelle prime impressioni del Vocabolario) dalla quinta impressione apra alla ricerca della profondità storica e alla diacronia della lingua, anche in relazione alla nascita delle recenti discipline di ricerca storico-linguistica e pur con risultati «per la gran parte o inutili per la loro ovvietà, o inesatti, o inservibili per l’accumulo acritico di proposte diverse». Da segnalare per le connessioni che suggerisce con la ricerca folklorica e con gli sviluppi della lessicografia nei secoli a venire è il contributo di Alessandro Aresti, Sul patrimonio paremiologico della prima edizione del Vocabolario della Crusca (1612) [295-306], che considera la ricchezza paremiologica della prima edizione, sottolineando il ruolo di Agnolo Monosini nell’allestimento dei riferimenti e verificando nel Vocabolario le differenze tra il rimando al proverbio e il rimando alla locuzione idiomatica. Sul tema dei proverbi Marco Biffi propone alle pagine 307-322 un’utile rassegna delle opportunità offerte dal sito dell’Accademia della Crusca per la consultazione dei repertori paremiologici, tracciando un percorso diacronico attraverso le principali raccolte consultabili in rete. Al saggio La Bibbia nella Crusca, la Bibbia della Crusca [323-334] di Patrizia Bertini Malgarini e di Ugo Vignuzzi si deve un significativo approfondimento sulla presenza della Bibbia nella Crusca. A partire dalle definizioni di Bibbia nelle cinque impressioni del Vocabolario, il contributo propone una fondamentale verifica della presenza dei volgarizzamenti biblici tra le fonti dei singoli lemmi attraverso le impressioni dell’opera. Il contributo di Nicola De Blasi e di Francesco Montuori, Storia e geografia di parole, da Napoli al Vocabolario del 1612 [335-352], tocca il tema della presenza di parole di aree geografiche differenti da Firenze e dalla Toscana. Considerati anche in rapporto a forme analoghe di riferimento ai volgari settentrionali («voce lombarda», «voce bolognese»), vengono presi in considerazione i rimandi ai volgari meridionali presenti nel repertorio: gli autori individuano alcuni significativi episodi di «regionalità censurata» e affrontano così un importante nodo di riflessione sull’interazione tra fonti toscane e fonti di altre regioni d’Italia. I due autori considerano quindi casi di «regionalità inclusa ma non compresa» (acanino) e di «regionalità inclusa ma non consapevole». Nel saggio Residui passivi. Storie di archeologismi [353-368] Valeria Della Valle e Giuseppe Patota si occupano dei «residui passivi», cioè degli «arcaismi apparenti», le «parole rarissimamente (spesso di tratta di hapax) documentate in testo del passato non ascrivibili a qualsivoglia canone scolastico; parole che non possono considerarsi uscite dall’uso italiano semplicemente perché non vi sono mai entrate» [353]. Selezionando

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alcuni di questi «ectoplasmi lessicografici», l’intervento chiarisce aspetti fondanti della struttura del Vocabolario e degli strumenti di ricerca lessicale. I contributi successivi portano luce analitica su linguaggi particolari presenti nel Vocabolario, mettendo in evidenza la complessità delle scelte di ambito da parte degli Accademici. In particolare, alle pagine 369-378 Maria Vittoria Dell’Anna si occupa dei termini del diritto e delle istituzioni, tracciando una storia del lessico giuridico attraverso le cinque impressioni del Vocabolario. Passando in rassegna le scelte degli autori e gli esempi citati, Dell’Anna arriva a definire una visione d’insieme che tiene conto delle aggiunte di parole, ma anche del processo derivativo e del perfezionamento semantico delle voci giuridiche a cui si assiste nella quinta Crusca. Alla quinta impressione e ai sondaggi lessicali di termini relativi agli uffici e alla lingua burocratica è dedicato l’intervento di Angela Frati e di Stefania Iannizzotto [379-391], che confrontano le scelte della Crusca con quanto indicato dal Vocabolario di parole e modi errati che sono comunemente in uso specialmente negli uffizi di publica amministrazione (1848), verificando puntualmente su casi esemplari il dialogo tra strumenti e anche tra anime diverse dell’Ottocento italiano. Di grande attualità è la proposta di Alessio Cotugno, che considera le parole politiche nelle diverse impressioni della Crusca [393-408]: prendendo spunto dalla riflessione di Francesco Bruni sulle serie linguistiche politico-civile e patria-nazione (-città), l’autore verifica l’incremento delle entrate di lemmi, ma anche la modificazione delle glosse alle parole politiche. Avvincente e ricco di spunti è il percorso proposto da Rosa Piro che segue le «tracce» della fisiognomica nelle cinque edizioni della Crusca [409-423], così come quello seguito da Elena Artale e Chiara Coluccia, che individuano il lessico lapidario nei vocabolari della Crusca [425-435] e valorizzano la ricchezza terminologica che caratterizza il lavoro degli accademici, attenti alla scienza e al suo linguaggio. Alla terminologia musicale attestata dalla Crusca è dedicato il lavoro di Edoardo Buroni (L’ ABC(DE)” della musica nel Vocabolario della Crusca. Osservazioni diacroniche e comparative [437-447]), che rintraccia le occorrenze lessicali seguendo gli studi avviati da Fabio Rossi e ampliando ora lo spettro dei ritrovamenti. Alle pagine 449-464 Raffaella Setti tocca quindi l’interessante tema delle presenze del lessico degli strumenti e delle operazioni di bottega nel Vocabolario, individuando una continuità terminologica che dalla Toscana del Sei-Settecento porta fino a noi alcuni lemmi e solleva la questione della presenza di un lessico pratico condiviso, che la Francia alla fine del secolo XVII può certo già vantare. Chiudono il volume tre interventi che raccolgono le questioni trattate nel convegno e le filtrano, offrendole al lettore come punti nodali della discussione. Nell’intervento La lingua tra teoria e pratica lessicografica: esemplari scelti dalla prima Crusca al Giorgini-Broglio [465-472] Teresa Poggi Salani individua le basi portanti del vocabolario nel «fiorentinismo volto all’indietro ma radicato fermamente nel presente» e pone alcune questioni relative all’effettiva presenza di voci d’uso e alla concreta definizione di «toscano» che la Crusca media nei secoli alla tradizione letteraria italiana. Tocca il tema dei vocabolari dialettali e delle impressioni della Crusca la disamina di Claudio Marazzini (Voci vernacole e buoni scrittori. Vocabolari dialettali e vocabolari

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della Crusca, [473-487]) che traccia un esaustivo profilo dell’interazione tra i vocabolari dell’italiano e quelli dei diversi dialetti, rivedendo i paradigmi che riguardano il rapporto tra questi sistemi e la storia dei dizionari dialettali. Conclude il volume il saggio di Nicoletta Maraschio, Continuità e discontinuità nelle cinque edizioni del Vocabolario degli Accademici della Crusca [489-503], che, riconoscendo l’importanza di un monumento linguistico e culturale come il Vocabolario, mette in evidenza la vitalità di alcuni lemmi, ma anche l’attualità di quei metodi di descrizione e di ripresa che dalle scelte degli Accademici del Seicento giungono fino a noi, in una continuità oggi verificabile anche grazie agli strumenti di interrogazione informatica. Giuseppe POLIMENI

Rosanna SORNICOLA, Bilinguismo e diglossia dei territori bizantini e longobardi del Mezzogiorno: le testimonianze dei documenti del IX e X secolo, Napoli, Giannini (Quaderni dell’Accademia Pontaniana, 59), 2012, 102 pagine + indice. Il testo riproduce i contenuti del contributo elaborato dalla stessa autrice per gli atti di un seminario bergamasco focalizzato sullo studio del contatto linguistico nei testi della tarda antichità e del primo medioevo, fase di passaggio dal latino alla variazione romanza e germanica 1. Nell’interpretazione della lingua delle fonti prodotte a ridosso dell’anno Mille, un latino notevolmente evoluto rispetto alla norma classica, si è fatto spesso ricorso ai modelli sociolinguistici del plurilinguismo o bilinguismo e soprattutto della diglossia, presupponendo scenari storico-culturali dominati dalla divaricazione tra lingue della scrittura e lingue dell’oralità e dalla compresenza di repertori linguistici già privi di legami reciproci, ma interagenti in misura più o meno rilevante negli usi concreti di cui i testi sono documento. Il lavoro di Sornicola valuta la tenuta e la validità del modello della diglossia dalla visuale della documentazione prodotta dagli scriptoria notarili dei ducati bizantini di Gaeta, Napoli ed Amalfi e dei confinanti principati longobardi di Benevento, Salerno e Capua. L’ambito geografico selezionato rappresenta uno scorcio del quadro italiano nell’ambito del panorama geolinguistico europeo monitorato dal dibattito scientifico, il contributo converge inoltre con il punto di vista espresso da altri studiosi sull’opportunità di vagliare le strutture linguistiche delle fonti nel quadro delle dinamiche della variazione che hanno interessato ad ampio raggio la latinità tardoantica sul piano della diatopia, della diastratia e del condizionamento diamesico. Per le argomentazioni sviluppate lo studio viene a collocarsi nella filiera delle indagini sull’interferenza tra il latino ed il romanzo nelle scritture notarili pre-volgari condotte in Italia perlomeno a partire dagli anni ’60, con agganci teorici negli studi sulla  diglossia e



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Cfr. ora gli atti dal titolo Plurilinguismo e diglossia nella tarda antichità e nel medio evo, a cura di Piera Molinelli e Federica Guerini, Firenze, SISMEL, 2013.

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la variazione diamesica inaugurati da Ferguson e Lüdtke 2. Il testo rappresenta una delle tappe di un lavoro di ricerca che Rosanna Sornicola sta conducendo perlomeno a partire dal 2007 sui documenti indicati, studiandone il quadro storico-culturale, vagliandone le prospettive ermeneutiche 3 e sottoponendo ad un esame capillare gli aspetti morfosintattici e lessicali 4, con una particolare attenzione all’inquadramento dei dati nell’ambito della testualità e nella cultura giuridica 5 : il contributo si propone in tal senso come una silloge dei risultati ottenuti nei sondaggi e nella ricerca di formule interpretative adeguate. Il lavoro si compone di tre nuclei argomentativi sostanziali: parte con un esame critico delle problematicità correlate allo studio delle fonti antiche in prospettiva sociolinguistica con una rinnovata considerazione degli approcci prevalenti nella modellizzazione dei repertori linguistici ricostruibili sullo sfondo delle scriptae latinae notarili di area italiana [5-27], prosegue con una descrizione del composito tessuto storico-sociale della Campania medievale, sostenuta da rilievi di ordine lessicale e onomastico (con un’attenzione particolare alle numerose tracce dell’elemento greco nelle fonti notarili

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Mi riferisco soprattutto alle importanti argomentazioni sviluppate nello studio delle scriptae latinae rusticae da Francesco Sabatini, ripercorse, peraltro, dalla discussione teorica e metodologica di Sornicola [19-27]. Cfr. «Considerazioni sul multilinguismo in Sicilia e a Napoli nel primo Medioevo» (in collaborazione con Alberto Varvaro), in: Bollettino Linguistico Campano 13/14, 2010, 49-66; «Il plurilinguismo e la storia sociale e politica dell’Italia meridionale», in: Coesistenze linguistiche nell’Italia pre- e postunitaria. Atti del XLV Congresso internazionale di studi della Società di Linguistica Italiana (Aosta/Bard/Torino 26-28 settembre 2011), a cura di Tullio Telmon, Gianmario Raimondi e Luisa Revelli, Roma, Bulzoni, 2012, vol. 1, 55-99; «Potenzialità e problemi dell’analisi linguistica dei documenti notarili alto-medievali dei domini bizantini e longobardi», in: La lingua dei documenti notarili alto-medievali dell’Italia meridionale. Bilancio di studi e prospettive di ricerca, Atti della giornata di studio (Napoli 3 dicembre 2009), a cura di Rosanna Sornicola e Paolo Greco, Napoli, Tavolario (Memorie dell’Accademia di Archeologia, Lettere e Belle Arti di Napoli 17), 2012, 9-62. Cfr. «Nominal inflection and grammatical relations in tenth-century legal documents from the South of Italy (Codex Diplomaticus Amalfitanus)», in: Latin Vulgaire Latin Tardif VIII, Actes du VIIIe Colloque International sur le latin Vulgaire et tardif, Oxford 6-9 Septembre 2006, Hildesheim, Olms, 2007, 510-520; «La multifunzionalità di IPSE nella protostoria dell’articolo romanzo. Un esame testuale di alcune carte campane dell’Alto Medio Evo», in: Studii de lingvistica si filologie romanica: hommages offerts à Sanda Reinheimer Rîpeanu, a cura di Alexandra Cunit, Coman Lupu e Liliane Tasmowski, Bucharest, Editura Universitatii din Bucuresti, 2007, 529-538; «Sintassi e semantica di exinde, inde nel codice diplomatico amalfitano», in: Rahmen des Sprechens, Beiträge zu Valenztheorie, Varietätenlinguistik, Kreo����� listik, kognitiver und historischer Semantik, a cura di Sarah Dessì Schmid, Ulrich Detges, Paul Gévaudan, Wiltrud Mihatsch e Richard Waltereit Tübingen, Narr, 127-140. Cfr. «Volgarismo e bilinguismo nelle fonti giuridiche e nelle prassi legali in latino», in: Modelli di un multiculturalismo giuridico. Il bilinguismo nel mondo antico. Diritto, prassi, insegnamento, a cura di Cosimo Cascione, Carla Masi Doria e Giovanna Daniela Merola, Napoli, Satura, 2013, 437-539.

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dei ducati della costa) [28-50], e approda, infine, definito il corpus di testi di riferimento [31], alla descrizione puntuale dei tratti morfosintattici che meglio caratterizzano i diversi livelli stilistici compresenti nel complesso documentario considerato, che ben rappresenta il significativo policentrismo della Campania medievale 6. Per la prima parte segnalerò schematicamente i punti più importanti affrontati da Rosanna Sornicola: – si rileva la problematicità dell’applicazione delle nozioni di bilinguismo e diglossia allo studio del mondo antico e la problematicità dell’uso di terminologia elaborata per descrivere situazioni moderne: il modello della diglossia, in particolare, si applica in maniera coerente alle civiltà preindustrializzate in cui c’è una chiara asimmetria nella distribuzione della varietà alta (h) e della varietà bassa (l). La varietà alta manifesta solitamente un alto grado di standardizzazione, impensabile per il mondo tardo-antico dove le lingue di alto prestigio erano semmai lingue tetto; – si sottolinea la necessità di reimpostare un nuovo dialogo tra filologi, storici e linguisti che consenta di coniugare la descrizione dei processi storico-culturali che accompagnano e strutturano le dinamiche del contatto linguistico con una modellizzazione sociolinguistica misurata sull’ermeneutica delle fonti; – si nota come negli approcci che, nel quadro della letteratura scientifica italiana, hanno contribuito a dissolvere il preconcetto sulla fisionomia scorretta della lingua dei documenti notarili mediolatini, risulti prevalente il riferimento ad una sorta di interlingua artificiale, per un verso riproduzione della vitale comunicazione dei partecipanti all’atto giuridico, per altro verso riproposizione di un latino in gran parte formulare. – si indica di conseguenza la necessità di ripensare la fisionomia del latino documentario e di «affrontare il complesso e difficile problema della descrizione e interpretazione delle scriptae documentali tardo-latine come genere a sé, che precede e affianca la messa per iscritto dei volgari» [27]. La seconda parte del testo affronta il problema della complessa stratificazione linguistica e culturale alla base degli sviluppi autonomi evidenziati dalle tradizioni latine notarili dei ducati della costa e dei principati dell’interno, tema già inquadrato dal dibattito storico e evidenziato da alcuni sondaggi linguistici mirati 7. La studiosa si sofferma in particolare sui molteplici lasciti di matrice greca nel lessico politico, religioso e giuridico delle carte dei ducati costieri e sull’antroponimia, repertorio che consente di osservare l’incidenza di mode onomastiche greco-bizantine soprattutto all’interno degli strati sociali medio-alti della popolazione. Tra i numerosi spunti segnaliamo l’interessante uso del gr. katà all’interno di formazioni onomastiche come Leonis catarodi, Maria catapalumbum o Marini katasergium, attestate in carte di Benevento e Napoli: l’idea della prossimità evolve nell’indicazione di una relazione di discendenza, anticipando uno sviluppo semantico ben rappresentato nel cal. e sic. catanannu ‘bisnonno’ e nel sic. cataniputi ‘pronipote’ [42-43]. Ellenismo di moda o riflesso di un più profondo contatto

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Cfr. in proposito il mio contributo dal titolo «Il policentrismo campano alla luce della documentazione medievale», in: Sornicola / Greco, La lingua, cit., 191-213. Rimando in proposito al mio volume Saggi di stratigrafia linguistica dell’Italia meridionale, Pisa, Edizioni PLUS, 2007 e alla bibliografia critica ivi citata.

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linguistico? Sornicola lascia aperta la duplice ipotesi per questo ed altri dati, ma documenta in maniera convincente la presenza, soprattutto a Napoli, di una società legata a manifestazioni linguistiche e culturali radicate in una simbiosi greco-latina di lunga durata, rinnovata per via della collocazione della città nella sfera d’influenza bizantina, sia pure in un regime di autonomia politica. Il diverso multilinguismo e multiculturalismo dei centri della Campania costiera e della Campania interna - territori, questi ultimi, storicamente legati al processo di progressivo assorbimento dell’elemento longobardo in un panorama linguistico e culturale fondamentalmente latino - ha un riflesso chiaro, secondo Sornicola, nella diversa coloritura latina delle relative scriptae. L’esame di questo aspetto rappresenta il fulcro dello studio, che sviluppa un’indagine critica sulle strutture morfo-sintattiche più tipiche e interessanti presenti nel corpus documentario con l’intento di ricostruire il repertorio linguistico dei notai campani. L’indagine intertestuale è affiancata dall’indagine intratestuale: si valuta il rapporto che intercorre tra tratti e testi, ricollocando nella cornice socio-culturale di riferimento il documento e il suo estensore «col fine di caratterizzare in senso sociolinguistico i fenomeni rilevati» [51]. Si cercano al contempo eventuali raffronti e precedenti per i tratti considerati nella variazione latina ben rappresentata nelle iscrizioni pompeiane, nei papiri ravennati, nei testi tecnici tardo-latini, nei testi biblici e dei padri della Chiesa e nella latinità merovingia. Punto chiave della metodologia d’indagine è la considerazione non isolata dei singoli fenomeni innovativi, ma piuttosto «l’individuazione di sistemi di varianti, da comparare tra loro» [85], al fine di delineare i livelli e i dislivelli stilistici compresenti, talora, anche all’interno della produzione di un unico centro di scrittura e successivamente alle diverse diglossie che possono essere ipotizzate per l’area. Ripercorriamo, dunque, le conclusioni raggiunte dall’analisi con sintetici riferimenti alla caratterizzazione delle scriptae. Nei testi napoletani ed amalfitani Rosanna Sornicola nota una sorta di accettazione di strutture non classiche che avevano avuto, tuttavia, ampia circolazione per secoli; soprattutto i documenti napoletani mostrerebbero una tendenziale omogeneità linguistica e stilistica, una gradazione sfumata tra i livelli che compongono il repertorio [86]. Sostengono questa ipotesi fenomeni diversi riconducibili all’evoluzione della morfologia nominale in direzione del caso unico non marcato, il livellamento delle classi nominali di Ia, IIa e IIIa declinazione e la riduzione dell’allomorfia nelle opposizioni di caso e di numero: cfr. l’uso di morfologia accusativale in contesti di nominativo e dopo le preposizioni [60] e la generalizzazione di -s nel plurale del maschile e del femminile, rilevato soprattutto nei documenti napoletani e beneventani [53-55]. Il dislivello sarebbe, di contro, più marcato nei testi della Campania longobarda: i documenti di livello più basso danno spazio a soluzioni morfosintattiche che denotano uno scarso controllo della norma classica. L’irrigidimento della morfologia in nomi come rebus, ampiamente utilizzato in tutte le funzioni sintattiche nei testi del Codex Diplomaticus Cavensis e nelle Carte del Capitolo di Benevento, le molteplici irregolarità di morfologia verbale dei documenti del Cavensis e del Chronicon Sanctae Sophiae [75], gli scambi tra genitivo e dativo registrati in documenti del Chronicon [73-4] potrebbero tradire, secondo Sornicola, un’imperfetta acquisizione del latino da parte dei notai longobardi in uno scenario storico-culturale dominato dalla mancanza di un legame nativo con l’insieme delle tradizioni antiche e tardo-antiche in cui, per contrasto, Napoli rico-

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nosceva il fondamento della propria identità [87] 8. Colpisce in questo quadro il rispetto della norma classica ravvisabile in alcune carte della Cattedrale di Benevento, forse indizio della ricezione di influenze di riforma linguistica che venivano d’Oltralpe [ib.] Notevole è l’attenzione attribuita a variazioni di livello condizionate dal registro stilistico del testo, dal destinatario o dalla condizione laica o ecclesiastica dello scrivente: l’uso polifunzionale di ipse, già adoperato come anafora di ripresa ed introduttore di nuovi referenti nel latino degli autori cristiani, è riscontrato soprattutto nelle carte di Amalfi e Salerno, forse in virtù dell’estrazione prevalentemente ecclesiastica dei notai [72]; indizi di agile padronanza della scrittura in latino, formule caratteristiche del latino cristiano (Christe fave) e costruzioni classicheggianti (die noctuque) sono evidenziati in rapporto a documenti napoletani del X secolo che registrano negoziazioni tra contraenti di alto rango sociale e possidenti della comunità greca della città: ne sono autori notai che redigono e validano, in presenza di contraenti di estrazione sociale più bassa, documenti di modesto livello stilistico [81-84]. La sociogenesi della variazione scrittoria in singoli punti e singoli scriptoria si coglie attraverso tracce lievi, ma di estremo interesse, degne di ulteriori monitoraggi capillari: richiamo per riscontro un esempio di allomorfia da me rilevato in un documento salernitano che ufficializza una negoziazione che coinvolge individui di origine greca (CodCav VIII,1241, a. 1057): il quartiere salernitano noto localmente come plaia montis è denominato plaga montis [8]: colpisce l’utilizzo della variante plaga che sembra essere tipica dei testi latini prodotti in ambienti fortemente caratterizzati dal contatto col greco 9. La presenza di individui e di intere comunità bilingui a Salerno e nell’entroterra salernitano è, d’altro canto, ben dimostrata da testimonianze documentarie: mi riferisco in particolare alla documentazione privata che riguarda il monastero greco di Santa Maria di Pertosa, sito presso Auletta, nella valle del Tanagro (1092-1181): in un recente contributo ho evidenziato fenomeni di semplificazione nel lessico e nella morfologia e fenomeni di contaminazione sintattica nella complementazione con l’infinito che ricordano da vicino le soluzioni adottate dai notai della Campania longobarda che sostituiscono l’infinito al congiuntivo in alcune strutture con ut [75] 10. La Campania Codex Diplomaticus Cavensis, a cura di Michele Morcaldi, Mauro Schiani, Silvano De Stefano, Napoli, Petrus Piazzi, 8 volumi 1873-, volumi IX e X editi a cura di Simeone Leone e Giovanni Vitolo, Cava dei Tirreni, Badia di Cava, 1984 e 1990 (di seguito CodCav), si noti che le carte di Cava anteriori al 900 sono state ripubblicate in edizione paleoegrafica per le cure di Maria Galante e Francesco Magistrale nei volumi 50, 51 e 52 delle Chartae Latinae Antiquiores, Dietikon-Zurich, Urs Graf Verlag, 1997-98 (di seguito ChLA); Le più antiche carte della Cattedrale di Benevento (668-1200), a cura di Antonio Ciaralli, Vittorio De Donato, Vincenzo Matera, Roma ISIME, 2002; Chronicon Sanctae Sophiae (Cod. Vat. Lat. 4939), edizione e commento a cura di Jean Marie Martin, con uno studio dell’apparato decorativo di Giulia Orofino, Roma, ISIME, 2002 (di seguito ChronSS). 9 Cfr. Giuliani, Saggi, cit., 196. 10 Cfr. ChLA 52, 17, p. 78, r. 7: «et ego suprascripto Ioanne a mea parte similiter me manifestabit ut ipsa suprascripta Horsa uxorem ducere bolere» e ib. r. 9: «ipse super dicto iudex audibit nostra manifestatjone adque cognobit ut bona essere nostra bolumtate inter nos tollendum». In alcuni documenti del fondo greco di CaggianoAuletta si individua, invece, l’uso di forme verbali di modo finito in dipendenza dell’articolo neutro al genitivo (του) che, secondo la norma assestata nella tarda 8



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longobarda propone senz’altro un contesto sociolinguistico complesso: il processo di romanizzazione della componente longobarda incrocia presumibilmente l’integrazione di altre componenti alloglotte 11 accelerando probabilmente la scelta del volgare romanzo nella scrittura documentaria, come testimoniano i noti placiti di Capua, Sessa e Teano 12. È probabilmente la preoccupazione per l’efficacia e la chiarezza del documento notarile [16-7] che acuisce la percezione della distanza strutturale tra il latino dell’uso giuridico e le Umgangsprachen proprio laddove il latino dell’uso giuridico rappresenta il prodotto di un’alfabetizzazione seriore, forse riservata solo a gruppi ristretti di chierici e di laici. In condizioni di bilinguismo imperfetto il latino non appare permeabile all’innovazione, così come avviene, invece, nella tradizione delle scriptae dei ducati tirrenici che Sabatini definisce semivolgari secondo una visuale solo apparentemente opposta a quella assunta da Rosanna Sornicola. I due punti di vista si incontrano, infatti, nell’ipotesi che le scriptae delle città-stato della costa manifestino la continuità di usi antichi e radicati, non cristallizzati, ma vitali, flessibili all’integrazione di fenomeni evolutivi pur nella tenuta della tradizione latina 13. koinè, avrebbe dovuto reggere un infinito sostantivato con valore finale o consecutivo: rimando in proposito al mio contributo dal titolo «La documentazione mediogreca dell’Italia meridionale: indizi e percorsi per l’analisi della variazione», in: La variazione nell’italiano e nella sua storia. Varietà e varianti linguistiche e testuali, Atti dell’XI Congresso SILFI (Napoli, 5-7 ottobre 2010), a cura di Patricia Bianchi, Nicola De Blasi, Chiara De Caprio e Francesco Montuori, Firenze, Cesati, vol. 2, 65-74: 70-72. Nell’uno e dell’altro caso si potrà ipotizzare la contaminazione tra costrutti diversi, talora sovrapposti in mancanza di una sicura competenza linguistica. Sulla subordinazione completiva con ut nelle carte notarili salernitane vd. ora Paolo Greco, «Aspetti della complementazione frasale in alcune carte notarili della Longobardia minore (fine IX secolo)», in: Sornicola / Greco, La lingua, cit., 155-61. 11 La mobilità e le forme di integrazione di gruppi etnici minoritari nella Longobardia minore sono ben descritti da Stefano Palmieri, «Mobilità etnica e mobilità sociale nel Mezzogiorno longobardo», in: Archivio Storico per le Province Napoletane, IIIa. serie, 20, 1981, 31-104. Il carattere ibrido e contaminato della cultura longobarda meridionale è stato recentemente ribadito dallo storico Claudio Azzara, «Il regno dei Longobardi in Italia e i Longobardi nella storia d’Italia» in: Presenze longobarde in Italia. Il caso della Puglia, a cura di Lucia Sinisi, Ravenna, Longo, 2007, 11-18: 17. 12 ���������������������������������������������������������������������������������� «Sappiamo ... che il giudice Arechi conosceva bene come si sarebbero potute scrivere latinamente quelle formule di testimonianza che nel placito di Capua del 960, per motivi che ci sfuggono, preferì far riportare nel volgare nativo; mentre in un placito anteriore le aveva fatte riferire nello stesso latino dell’intero documento» (Fiorelli, Piero, «Marzo novecentosessanta», in: LN 21, 1960, pp. 1-16: 15); cfr. anche Folena, Gianfranco, «I mille anni del placito di Arechisi», in: Il Veltro 3, 1960, 3-11: 10-11; «È ... uno scrupolo di esattezza e di realismo giuridico quello che ha dato forma alle parole scritte nel nostro volgare ... Lo scrupolo di quei giudici e notai non è dissimile da quello che muove allora il clero a prescrivere ... che la confessione dei peccati si faccia con le parole semplici e chiare del popolo...». I tre placiti possono essere letti nell’edizione di Arrigo Castellani per I più antichi testi italiani, Bologna, Pàtron, 1976, 59-62. 13 Cfr. Sabatini, Francesco (1962), «Una scritta in volgare amalfitano del secolo XIII», in: Id, Italia linguistica delle origini. Saggi editi dal 1956 al 1996, raccolti da Vittorio

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La revisione degli strumenti interpretativi nello studio della lingua delle fonti prevolgari reimposta inevitabilmente la definizione del rapporto tra registri dello scritto e del parlato. La netta bipartizione è sostituita da un ampio ventaglio di livelli di espressione, alcuni dei quali rappresentano usi appartenuti in alcune fasi a registri linguistici popolari [87]. Si insiste sui molteplici livelli di accettabilità, sull’aspetto sfaccettato della norma richiamata dagli usi documentati. La cernita di tratti morfosintattici funzionali alla caratterizzazione dei diversi livelli della prassi scrittoria consente di riesaminare il dualismo tra Campania costiera e Campania interna in una prospettiva diversa da quella fino ad oggi sperimentata sul versante dell’analisi lessicale. L’attenzione si sposta, infatti, dalle differenze lessicali che rappresentano dei “tratti bandiera” delle diverse tradizioni etnico-giuridiche compresenti nell’area ai diversi livelli di competenza evidenziati dai notai nell’utilizzo delle strutture del latino, un latino legato ad una corrente unitaria storicamente sfaccettata dai diversi piani dall’uso e dalle diverse convivenze 14. Ci sono le premesse, mi sembra, per un’analisi minuta e dettagliata dell’interessante fenomenologia della variazione rappresentata nelle carte latine meridionali dei secoli che precedono e accompagnano la scrittura volgare. Nella prospettiva di un ampliamento degli studi in questo ambito segnalerò soltanto l’opportunità di riconsiderare l’importanza della dialettica tra scrittura formulare e verbalizzazione realizzata nei testi notarili mediolatini, anche dalla visuale della sociolinguistica storica. Bisognerà tornare a precisare in primo luogo l’estensione, la stratificazione interna e la funzionalità del repertorio formulare latino, un repertorio composto di clausole fisse, sintagmi stereotipati e parole rituali progressivamente integrato anche da soluzioni morfosintattiche e grafiche latine e latinizzanti, utilizzate per inglobare nell’ordito testuale anche forme e strutture di un uso linguistico vivo e dinamico 15. I fenomeni di cristallizzazione, sovraestensione e ipercaratterizzazione, la sovrapposizione di costrutti diversi e la contaminazione tra tipologie morfologiche funzionalmente distinte manifestano per un verso lo sfaldamento dell’uso coerente del latino e indicano per altro verso lo sforzo dei notai di costruire forme testuali modellate sul latino in presenza di Coletti, Rosario Coluccia, Paolo D’Achille, Nicola De Blasi e Livio Petrucci, Lecce, Argo, 1996, 383-400 (ristampa con correzioni ed integrazioni dell’articolo già pubblicato in SFI 20, 1962, 13-30): 383-85. Secondo Sabatini l’uso episodico e tardivo del volgare nelle scritture della Campania tirrenica sarebbe una diretta conseguenza del ritardato processo di netta risoluzione del bilinguismo e dell’ampia accessibilità della tradizione latina locale. 14 L’approccio precedente è ben rappresentato negli studi di stratigrafia linguistica condotti da Paul Aebischer sulle carte mediolatine di più di un’area: rinvio per i riferimenti a Giuliani, Saggi, cit., 17sqq. 15 Indubbiamente il dualismo tra formulario e parti libere dovrà essere inteso in termini meno statici e più sfumati rispetto a quanto indicato da Francesco Sabatini (cfr. «Esigenze di realismo e dislocazione morfologica in testi preromanzi», in: Id., Italia linguistica, cit., 99-131: 101-3 (ristampa con correzioni ed integrazioni dell’articolo già pubblicato in Rivista di cultura classica e medievale 7, Studi in onore di A. Schiaffini, vol. II: 972-88.): è possibile che nelle produzioni effettive ciascuna delle due componenti potesse sconfinare nell’altra e che non sia opportuno, dunque, separare in maniera rigida sezioni documentarie formulari da sezioni caratterizzate da una più vivace libertà linguistica. La formula era probabilmente il riferimento primario dello scrivente meno competente nell’uso produttivo del latino.

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condizionamenti linguistici strutturalmente diversi 16. Sarà utile approfondire la ricerca sulle tracce della variazione ospitata, riflessa o mediata dal latino e dal suo apparato formale, oltre che studiare e classificare la variazione interna al latino. Le prime scriptae volgari di area centro-meridionale maturano proprio nell’alveo della simbiosi latino-romanza: ciò suggerisce di non rinunciare all’identificazione di linee evolutive, caratterizzate o meno da soluzioni di continuità, a partire dall’esame delle testimonianze pre-volgari. Si potranno precisare, in particolare, i modi e i livelli in cui si realizza e si modifica l’interferenza tra il latino e i volgari, fondamentale per lo studio della più antica testualità dell’area e per l’esame di alcuni dei tratti caratterizzanti. Alcuni di questi offrono spunti interessanti alla ricostruzione delle varietà linguistiche locali oltre che alla descrizione della fenomenologia delle scriptae. Mariafrancesca GIULIANI

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Noterò a tal proposito che in un contributo passato ho interpretato alla luce del condizionamento di un fenomeno evolutivo la propagazione di -as nella scripta latina napoletana dal plurale di femminili animati e inanimati come posteras, personas, monachas, petias, hornas, vias, fenestras, regias al plurale di inanimati come modias, frugias, duleas, organeas, susceptorias, peculias, gradas, introitas (sostantivi col singolare in -um o in -us) e a collettivi come coherentias e superioras. L’estensione della marca dal femminile al neutro sembra infatti riproporre in maniera speculare la fusione di femminili, inanimati e collettivi nel sistema degli accordi sintattici legati alla quantificazione plurale, in accordo con la categorizzazione tendenzialmente eteroclita della classe semantica degli inanimati, dei duali e dei nomi di massa nota a molte varietà centro-meridionali: cfr. per il napoletano cfr. i tipi o milo: le mmela, o nièrvo: le nnerva, o fuso: le ffosa. Per i dettagli rimando a Giuliani, Mariafrancesca, «“Incapsulare” l’innovazione nel modello: il caso della scripta notarile mediolatina napoletana», in: Generi, architetture e forme testuali, Atti del VII Convegno SILFI (Università di Roma Tre, 1-5 ottobre 2002), a cura di Paolo D’Achille, Firenze, Cesati, vol. 2, 29-40.

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Français – Amérique Jean LE DÛ / Guylaine BRUN-TRIGAUD, Atlas linguistique des Petites Antilles, Volume II, Enquêtes coordonnées par Robert Damoiseau, Paris, Éditions du CTHS, 2013, 403 pages. C’est avec une grande satisfaction que l’on accueille ce second volume de l’ALPA 1, qui vient enrichir substantiellement l’éventail des ressources disponibles sur les créoles français des Petites Antilles. Alors que l’on disposait depuis longtemps pour la Réunion et Haïti de richissimes atlas, grâce aux travaux respectifs de Robert Chaudenson et de Dominique Fattier, les Petites Antilles étaient restées jusqu’à il y a peu le parent pauvre en la matière. L’atlas que nous offrent Jean Le Dû et Guylaine Brun-Trigaud vient heureusement remédier à cette situation. Sa prise en compte de territoires qui ont comme langue-toit l’anglais (Dominique, Sainte-Lucie, Trinidad), voire le portugais brésilien (Oiapoque), en constitue également l’un des points forts, et favorise l’étude des phénomènes d’archaïsmes et de contacts de langue (et l’on ne pense pas ici qu’aux langues étrangères, mais aussi au français de métropole, dans ses différentes strates diachroniques). L’une des grandes vertus de l’approche atlantographique par rapport aux dictionnaires est de nous montrer la réalité dialectale dans toute sa complexité. Là où les nombreux recueils lexicaux de créoles antillais s’affichent comme représentatifs d’une île à la fois – et donc de toute l’île, sans autres précisions géographiques –, un atlas tel que l’ALPA montre bien que les aboutissements phonétiques, les types lexicaux et les morphèmes grammaticaux ne dominent que très rarement sans partage à l’échelle insulaire. Le degré de précision ainsi atteint permet plus facilement d’identifier les phénomènes d’innovation, de conservation ou de diffusion, et invite à résister à la tentation d’une vision monolithique des systèmes linguistiques, vision qui s’avérerait d’autant plus déficiente que nous avons affaire ici à un conglomérat dialectal n’ayant jamais fait l’objet d’un quelconque processus de standardisation. En outre, les reconstructions étymologiques sont largement facilitées – et renforcées – par l’existence de chaînons intermédiaires dûment attestés : « La négation mw pa est souvent abrégée en ma à Sainte-Lucie, mais on en trouve aussi deux exemples au sud de la Dominique et d’autres à Trinité. Des formes intermédiaires permettent de comprendre le processus de simplification : mãp (45), mpa, mba (47) et enfin ma. » (carte 458). Les champs notionnels couverts par ce second volume sont les suivants : le corps humain ; l’homme physique ; les vêtements ; l’homme moral ; la famille ; la maison ; la nourriture ; les métiers ; les relations sociales ; les croyances ; grammaire (2e partie, le premier volume contenant lui aussi une partie consacrée à la morphosyntaxe). La présentation cartographique est très soignée et permet de bien visualiser la répartition des types ; en outre, l’usage de différentes couleurs dans les listes de réponses aux questions de grammaire, parfois assez complexes (cf. par ex. « si je gagnais à la loterie, j’achèterais 1



Sur le premier volume, v. le compte rendu de Jean-Paul Chauveau, ici 77 (2013), 276281, ainsi que celui de Dominique Fattier sur le site de Creolica ‹ www.creolica.net ›, mis en ligne le 19 juin 2012.

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une belle moto », c. 625, ou « s’il n’avait pas bu autant de rhum, il n’aurait pas eu d’accident », c. 626), facilite le repérage rapide des morphèmes aspectuo-temporels. Des index en fin d’ouvrage (français / créole ; créole / français) répertorient l’ensemble des données lexicales des deux volumes. On sait que la créolistique consacre beaucoup plus d’efforts aux descriptions grammaticales qu’aux questions de phonétique et de lexicologie historiques, mais on peut toujours espérer que la publication de cet admirable ouvrage, richissime trésor de données inédites, suscitera des vocations. Les cartes sont accompagnées de commentaires explicatifs, où les types lexicaux sont systématiquement étymologisés, ou plutôt typisés (ce qui en général signifie qu’ils sont ramenés à leur étymon français ou galloroman, avec des remarques exhaustives sur les évolutions phonétiques subies). Ces commentaires comportent parfois aussi des données relevant du français régional antillais : « fere n’est relevé qu’en Guadeloupe (fig. 332a), où l’on dit en français local “se ferrer les cheveux”, c’est-à-dire les décrêper au fer chaud » (carte 332) ; « mws ‘moins’ est utilisé en français des Antilles » (carte 432) ; « En français des Antilles, on rencontre le mot dans l’expression “opération mòlòkòy” » (carte 414) ; « Le mot baguioler, utilisé en français des Antilles dans le sens de ‘se vanter’, correspond sans doute à l’acadien et au louisianais bagueuler ‘bavarder, déblatérer’ » (carte 491) 2 ; « ‘le préleur’ (le mot s’écrit ainsi en français local) » (carte 567, concept « dandy ») ; « Le mot pjaj […] relevé à la Dominique, […] s’écrit piaille en français de Guyane, où il est très utilisé » (carte 589). S’il est vrai que ce français local est fortement influencé par le créole, les cartes révèlent aussi que le créole des DOM a subi de façon constante l’influence du français de métropole. Le concept ‘vêtements’, par exemple (carte 443), est exprimé massivement par un type hérité de hardes dans les îles anglaises, alors que la Martinique et la Guadeloupe connaissent plutôt (mais pas exclusivement) le type linge ; quant à vêtement, pur gallicisme récent, c’est un hapax relevé en un seul point, martiniquais. Si la poitrine est appelée lεstõmak un peu partout, ce n’est que dans les territoires politiquement français que l’on relève pwatrin, autre gallicisme patent (carte 343). Le pantalon est appelé culotte (dans ses différentes réalisations phonétiques) dans les îles ex-anglaises (comme dans tous les français d’Amérique), type lexical qui a reculé dans les îles françaises devant le plus récent pantalon (carte 447), italianisme dont le sens de “longue culotte sans pieds” ne remonte qu’à 1790 en français (TLF) ; parallèlement, les shorts (carte 448) sont des culottes courtes à la Dominique et surtout à Sainte-Lucie (comme en français canadien), l’anglicisme short y étant paradoxalement moins attesté que dans les territoires français ! Les chaussettes à la Dominique sont appelées des bas (carte 449), tout comme au Québec. L’impression générale qu’on en retire est que les îles passées jadis sous domination britannique, ayant échappé à l’influence des innovations lexicales françaises venues de métropole, constituent un véritable sanctuaire d’archaïsmes. Les chercheurs travaillant sur l’histoire des français d’Amérique devront donc accorder une attention toute particulière au créole de ces îles. Certaines cartes illustrent des phénomènes de répartition systématique et énigmatique : ainsi, le concept main (carte 347) correspond à un type agglutiné dans tout l’archipel (lãm), sauf en Guadeloupe (m) ; de même pour lagrimas (Martinique) vs. grimas (Guadeloupe), v. carte 485 ; etc. En fait, on constate au fil de la lecture que le créole guadeloupéen connaît beaucoup moins que ses voisins le phénomène de l’agglutination de l’article défini, ce qui pourrait être l’indice d’une exposition différente à l’input ini

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Sur ce type lexical, v. ici 73 (2009), 97.

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tial 3, ou d’une relation évolutive différente dans les rapports diglossiques entre créole guadeloupéen et français. Quoi qu’il en soit, une observation ressort déjà de la masse des matériaux : « Comme l’ont déjà démontré de nombreuses cartes, la Guadeloupe a un lexique plus francisé que celui des autres îles »  (carte 349). Les cartes attirent aussi l’attention sur la grande vitalité du créole français dans les îles officiellement « anglophones », Sainte-Lucie et la Dominique, au riche vocabulaire, et dont l’ancrage dans le conglomérat antillais ressort ici de façon particulièrement claire. Leurs variétés respectives de créole ne semblent afficher aucun trait révélateur d’étiolement linguistique – si ce n’est quelques emprunts à l’anglais, somme toute assez peu nombreux et parfois méconnaissables, car entièrement adaptés à la phonétique locale. En outre, il ne faut pas perdre de vue que certains anglicismes, ainsi que des emprunts récents au français contemporain, pourraient avoir été induits par la technique d’enquête ; en effet, les questionnaires étaient soumis en anglais aux témoins des îles anciennement britanniques, et en français dans les DOM. En cas d’oubli et pour ne pas perdre la face, un informateur peut toujours s’être sorti d’affaire en répétant le mot soumis, quitte à l’adapter à la phonétique créole. Le traitement phonétique de fr. genou > cr. ʒunu (omniprésent dans la quasi-totalité des points d’enquête) est expliqué comme suit : « […] la première voyelle devenant -u- par harmonie vocalique, comme c’est souvent le cas en créole » (carte 356) ; pour le type issu de fr. cheville, « ʃivi est la prononciation dominante, avec harmonie vocalique comme il est fréquent en créole » (carte 358, q. 261). En fait, le schwa français devient [u] dans une grande variété de contextes, comme nous l’avons montré dans Thibault 2012 4, 252-254, l’autre aboutissement tout aussi bien représenté étant [i] (id., 249-252). L’explication métaphonique, bien que séduisante, se heurte malheureusement à de nombreux contre-exemples : fr. debout > cr. doubout mais aussi dibout ; fr. vesou > cr. vizou ; souvent, le même étymon aboutit à deux résultats : cf. fr. fenêtre > cr. founèt et finèt, etc. (exemples tirés de Ludwig et al. 2002) 5 ; citons encore fr. besoin > cr. bizw mais aussi buzw (carte 463) 6. En fait, la voyelle neutre du français colonial, peut-être plus fermée alors qu’aujourd’hui (et vraisemblablement inexistante dans les langues des locuteurs de proto-créole), semble être allée s’échouer aux extrémités antérieure et postérieure du triangle vocalique, en obéissant toutefois à une pluralité de facteurs dont la métaphonie

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Ce problème rappelle, toutes proportions gardées, celui de l’agglutination de l’article arabe dans les emprunts faits par les langues romanes (cf. sucre vs. azúcar, etc. ; sur cette question, v. l’ouvrage de Monika Winet, El artículo árabe en las lenguas ibero­ rrománicas, Córdoba, 2006, et sa mise en relief par Myriam Benarroch, ici 74 (2010), 549-564). André Thibault, « Les avatars du schwa colonial dans le créole des Petites Antilles », dans id. (ed.), Le français dans les Antilles : études linguistiques, Paris, L’Harmattan, 2011, 243-269. Ralph Ludwig et al., Dictionnaire créole français (Guadeloupe) : Avec un abrégé de grammaire créole, un lexique français-créole, les comparaisons courantes, les locutions et plus de 1 000 proverbes, [s.l.], Maisonneuve et Larose/Servedit/Éditions Jasor, 2002. Avec les commentaires respectifs suivants : « le e caduc du français est généralement remplacé par un -i- en créole » ; « Le -u- de buzw est probablement un arrondissement du -i- sous les influences conjuguées du b- et du -w- ».

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est probablement à prendre en compte, mais pas uniquement. – Le type âcre (carte 538, « aigre ») s’est vu greffer un h- non étymologique 7 dans certains points, où il se réalise sous la forme rak (pt 36) et hak (pt 31). Selon les auteurs, « [l]a variante ʒak (31 est inexplicable ». En fait, [ʒ] pour [h] peut s’expliquer par le fait que certains mots connaissent une alternance entre ces deux sons, le [h] étant connu dans ce cas sous le terme traditionnel de ‘h- saintongeais’ (l’index de l’ALPA en donne quelques exemples : bulãhe “boulanger”, ha “déjà”, hanbé “enjamber”, hapé “japper”, lahã “l’argent”). La typisation des matériaux, en général, inspire confiance, et de nombreuses formes a priori opaques ont été correctement identifiées. Quelques remarques : la carte 368, consacrée au concept « dos », suggère que « [l]e mot larεl (10) est sans doute ‘arrière’… ». En fait, il s’agit du type raile du dos “échine”, bien attesté dans les parlers normands (v. FEW 10, 391b, *r ĭca) ainsi qu’en haïtien (ALH 8 1770, pts 5, 6, 7, 8 ; HCEBD 9 626a s.v. rèl 2). – Le mot saf (concept « avare », carte 478, pt 47), présenté comme « obscur », est fort probablement un reflet de fr. safre “glouton, goulu, vorace” (TLF). – « L’expression fãm ki sa fε mãnεv bal kɔj (45) est obscure » (carte 487, concept « une maîtresse-femme »). Elle est peut-être à interpréter : « femme qui sait manœuvrer dans son propre intérêt ». – On ne comprend pas bien pourquoi ʃive sir et pwɛl si “cheveux jaunes” (carte 390) sont ramenés à « litt. ‘cheveux suris’, ‘poils suris’ » plutôt qu’à ‘cheveux surs’ et ‘poils surs’, l’adjectif sur du français de référence (TLF) étant l’étymon de cr. si(r). – La carte 404 réunit des termes désignant l’« aspect des cheveux : autres et obscurs ». La forme ʃive keɔl, kwejɔl (point 46), classée parmi les termes ‘obscurs’, doit pourtant bien représenter le type cheveux créoles ; quant à kεwli (point 10), il pourrait s’agir d’un reflet de l’anglais curly. Ces formes ne sont malheureusement pas glosées, ce qui limite leur valeur documentaire. – Il n’était pas pertinent de dire que cr. vwε, wε “voir” « est issu d’une forme régionale de voir » (carte 416), que « [l]e mot [bwɛ] dérive d’une forme bwɛr des parlers de l’Ouest » (carte 429), que tiwε “tiroir” (carte 528) « remonte à une prononciation dialectale » ou que « [d]ans la forme dialectale utilisée à l’origine, le -oi- était prononcé -wε- » (carte 530, « armoire »), etc. : à l’époque coloniale, la prononciation [wε] pour ‹oi› était celle du roi, rien de moins. Tous les traités de phonétique historique du français sont unanimes sur cette question. On n’arrive pas à comprendre ce que ces formes auraient pu avoir de strictement régional, encore moins de dialectal, dans le français du 17e siècle (indépendamment du fait que l’on peut bien sûr les relever aussi dans différents patois d’oïl). Le critère différentiel en cause ici est uniquement diachronique et non pas diatopique ou diastratique. Curieusement, le français central sous sa forme dix-septiémiste semble être dans l’angle mort des auteurs. C’est pourtant d’abord de là qu’il faut partir pour expliquer les formes créoles. Lorsque le recours aux patois ne débouche sur rien de concluant, le discours se retrouve dans un cul-de-sac heuristique : « Le mot est pratiquement partout kwε, en principe issu de croire (prononcé krwεr), cependant, on Ce phénomène est très rare, mais cf. cr. haïtien haimé, renmen “aimer”, hinder “aider” (DECA ms. ; merci à Annegret Bollée pour ces données). L’haïtien connaît d’ailleurs aussi rak “âcre”. 8 Dominique Fattier, Contribution à l’étude de la genèse d’un créole : l’Atlas linguistique d’Haïti, cartes et commentaires, 6 vol., Atelier national de reproduction des thèses, 1998. 9 Albert Valdman et al., Haitian Creole-English Bilingual Dictionary, Bloomington, Creole Institute/Indiana University, 2007. 7

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notera que cette forme est presque totalement absente des parlers d’oïl où l’on relève principalement krε sans diphtongue (voir ALF c. 358 ‘crois-tu’) » (carte 588). – La distinction entre variation dialectale (correspondant aux dialectes galloromans primaires) et variation régionale (celle du français) ne semble pas être faite ; cf. ce passage : « litt. ‘j’ai tiré mes vêtements’. Ce sens, connu en français, est dialectal. On l’entend régulièrement en français de Basse-Bretagne : ‘tire tes chaussures !’ » (carte 454). Si ce sens est connu « en français », il s’agit par la force des choses de variation régionale et non dialectale – indépendamment du fait qu’un tel sens puisse avoir existé dans les patois isotopes (mais dans le cas de la Basse-Bretagne, il n’y a de toute façon jamais eu de patois oïlique isotope puisqu’on y parlait breton). L’usage de l’étiquette « français dialectal » (carte 473), un oxymore que l’on croyait suranné, est aussi de nature à semer la confusion : bien que les patois et les variétés de français régional aient vécu pendant des siècles en contact étroit, il convient néanmoins de les distinguer conceptuellement. – Le recours au normand comme principale source des créoles français, appliqué naguère avec trop de libéralité par certains auteurs 10, affleure également de temps à autre : « Au pt 39, on a i ka ʃãte malmã, avec un adverbe malement qui est attesté dans plusieurs parlers normands, par exemple dans le Dict. de l’Eure (1882) » (carte 462). Une vérification dans FEW 6, I, 124a, malus I.1.a montre que ce type lexical est largement attesté en français, de la Chanson de Roland jusqu’à Oudin 1660, ainsi que dans tous les parlers galloromans, du wallon jusqu’au gascon. Quant à bwesõ ou bwεsõ (carte 549), elle est présentée comme une « forme vraisemblablement normande » – alors que, comme nous l’avons rappelé plus haut, [wε] pour ‹oi› était général en français à l’époque coloniale. Inversement, le type grager “râper”, traité en profondeur par J.-P. Chauveau 11 qui montre qu’il n’a de correspondants qu’en Normandie, est présenté par les auteurs comme pouvant « venir du verbe picard greuger, égreuger ». – La forme tibwaj (carte 500, concept « son fils » et 503, concept « les petits-enfants ») ne vient pas de « petit boy », phonétiquement inadéquat, mais du type tit-braille 12 . – Dans le commentaire de la carte 473 (« je suis déçu »), on lit qu’« [i]l est clair que le concept n’est pas anciennement ancré en créole, car il ne s’exprime visiblement qu’à l’aide de mots d’emprunt. » Les locuteurs de créole ont certainement toujours disposé de ressources lexicales pour exprimer un sentiment aussi universel, mais cette remarque attire l’attention sur une question théorique d’importance : qu’est-ce qu’un mot d’emprunt en créole ? Dans le cas du type désevwa, on peut considérer que le traitement wa (là où on attendrait wè) est un trait de phonétique historique permettant sans hésitation de considérer cette forme comme « empruntée » 13, Sur ce sujet (et ses avatars littéraires), cf. notre article « L’idéologie linguistique dans le discours littéraire antillais : le mythe du patois normand », dans F. Diémoz et al. (ed.), Toujours langue varie… Mélanges de linguistique historique du français et de dialectologie galloromane offerts à M. le Professeur Andres Kristol par ses collègues et anciens élèves, Genève, Droz, 2014, 99-114. 11 Jean-Paul Chauveau, « Des régionalismes de France dans le créole de MarieGalante », dans André Thibault (ed.), Le français dans les Antilles : études linguistiques, Paris, L’Harmattan, 2011, 74-75. 12 V. Inka Wissner, « L’usage du français à la Dominique dans le discours romanesque », dans André Thibault (ed.), Le français dans les Antilles : études linguistiques, Paris, L’Harmattan, 2011, 200. 13 À vrai dire, la question n’est pas si simple : au point 31, on relève la forme desivwε, ce qui signifie que desivwa pourrait n’être qu’une francisation récente d’un type lexical 10

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c’est-à-dire intégrée au lexique du créole après son étape de formation initiale. Quant à dézapwenté, attesté uniquement à Sainte-Lucie et à Trinité, sa répartition aréologique laisse supposer un emprunt à l’anglais disappointed (le verbe désappointer existe bien sûr en français de métropole, mais ne s’utilise vraiment que depuis 1761, v. TLF, et reste beaucoup moins fréquent que décevoir). En revanche, cr. dési (< fr. déçu) et dékonpòté (< fr. pop. colonial décomporter) remontent à des étymons qui étaient présents dans l’input initial qui a présidé à la genèse des créoles français : il ne peut donc s’agir que de mots hérités (à moins de considérer que les créoles n’ont que des mots empruntés et pas de mots hérités, ce qui en ferait des langues exceptionnelles). On relève parfois de petites maladresses dans l’interprétation grammaticale des matériaux. Dans le commentaire de la carte 441 (q. 209, ‘il est tombé dans la rivière’), on peut lire ceci : « Au pt 16, une des réponses est : mun laʃe kɔ aj ã rivjɛ la, litt. ‘des gens ont lâché son corps dans la rivière’, ce qui signifie que la personne a été jetée à l’eau. » En fait, cet énoncé signifie qu’une personne s’est jetée elle-même à l’eau ; kɔ aj exprime la voix moyenne en créole, comme on peut d’ailleurs le constater sur la carte 453, concept « habille-toi ! », ainsi que 454, concept « je me suis déshabillé » 14. – Nous ne sommes pas sûr de bien suivre les auteurs dans l’affirmation suivante : « La forme malgɔʒ ‘mal de gorge’ peut être adjectif par exemple dans ã ni malgɔʒ (01) ‘j’ai mal-de-gorge’ (à l’instar de ‘j’ai faim’) ou être un nom par exemple dans mã ni ã malgɔʒ (32) ‘j’ai un mal de gorge’. » (carte 421). – Il est un peu maladroit d’affirmer qu’« [i]l n’existe pas de tutoiement dans les îles » (carte 457) car il n’existe pas davantage de vouvoiement, la catégorie du pronom d’adresse en créole ne pratiquant pas cette distinction. Le fait que cr. (v)u soit issu de fr. vous ne change rien à l’affaire ; il faut réfléchir en synchronie (et en termes d’oppositions structurales). – Dans un tout autre ordre d’idées, la mention d’une source comme « le dictionnaire du CNRTL » (carte 450, commentaire) demande à être précisée, cette ressource en ligne étant en fait un portail donnant accès à toute une panoplie de dictionnaires, du DMF au TLF en passant par Nicot, Estienne, Trévoux, etc. Ces critiques n’ont pour but que d’attester d’une lecture attentive ; il importe de féliciter vivement les auteurs pour l’immense travail accompli dans la réalisation et la publication de cet atlas, qui rendra d’inestimables services à la communauté scientifique. Espérons qu’il recevra dans les Antilles l’accueil qu’il mérite, et qu’un chantier se mettra en place en Guyane pour compléter la description aréologique des créoles atlantiques. André THIBAULT

ayant toujours existé. Le contact étroit et ininterrompu avec le français en Martinique et en Guadeloupe est un élément fondamental de l’histoire du créole dans ces îles, rendant le concept d’« emprunt » particulièrement délicat à manier. 14 Sur cette question, v. notre article « Grammaticalisations anthropomorphiques en français régional antillais : l’expression de la voix moyenne (ou : Dépêche ton corps, oui !) », dans Emili Casanova Herrero / Cesáreo Calvo Rigual (ed.), Actes del 26 é Congrés de Lingüística i Filologia Romàniques (València, 6-11 de setembre de 2010), Berlin, W. de Gruyter, 2013, vol. 6, 239-250.

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Français – Afrique Frank JABLONKA, Vers une socio-sémiotique variationniste du contact postcolonial : Le Maghreb et la Romania européenne, Vienne, Praesens Ver���� lag (Quo vadis Romania, 47), 2012, 320 pages. L’ouvrage de Frank Jablonka (désormais FJ), consacré à l’étude de deux modalités de contact dans l’espace Romania / Maghreb, zone ancienne d’échange – des contacts interlinguistiques et des contacts musicaux et cinématographiques –, vise à fonder une socio-sémiotique variationniste des situations de contact, qui intègre une perspective postcoloniale. Le projet de FJ est de saisir les échanges trilingues qui se réalisent au cœur des réseaux sociaux marocains tant dans leurs dimensions interpersonnelles que sociétales, mais également d’appréhender les processus de médiatisation à l’œuvre dans les productions culturelles qui s’inscrivent dans l’espace franco-maghrébin. Une des originalités de sa démarche est d’étudier dans la continuité les échanges interlinguistiques et les échanges médiatiques. Il justifie ce choix au chapitre 7 de Vers une socio-sémiotique …, en s’appuyant sur la notion de réseau social, qui ne saurait être restreinte à la seule réalité physique des échanges, et sur la réalité de l’investissement existentiel de l’enquêteur aux prises avec son terrain [179sqq.]. À l’aide des réflexions philosophiques de Zizek, entre autres, FJ réfute l’idée d’une rupture entre les terrains d’échanges langagiers et les terrains virtuels et soutient, au contraire, que de nouvelles médiations produisent de nouveaux effets de sens, et que le terrain virtuel prolonge le terrain réel. Vers une socio-sémiotique … est un ouvrage ambitieux, adossé à une bibliographie imposante, qui puise dans l’ensemble des sciences humaines et sociales. Il propose une discussion de travaux sociologiques, anthropologiques, philosophiques et sociolinguistique, étayée par des extraits commentés des enquêtes de FJ au Maroc et en France et par l’analyse de données médiatiques. L’auteur analyse le contact convergent entre variétés arabes et françaises en milieu urbain populaire au Maroc et dans les contacts postcoloniaux en France, et les circulations entre variétés interlectales et intraethniques au cœur de ces espaces géographiques et nationaux. Au centre de l’entreprise de FJ, se trouve le désir de décrire la mise en circulation de significations sociales au sens de Weber, à travers la pluralité des langues en contact, dans une société postcoloniale façonnée par les règles musulmanes du licite et de l’illicite, et dans des productions culturelles médiatiques. Cet intérêt pour les sens en creux [39], comme pour les effets de sens explicites, conduit l’auteur à recourir à la notion d’interstice de l’école de Chicago, tout autant qu’à celles de figuration, ou d’altérité qu’explore l’ethnopsychanalyse. Dans ce qui suit, je discute brièvement le projet théorique qui fonde l’ouvrage et ses principaux résultats empiriques. J’évoquerai le cadre de Vers une socio-sémiotique … – c’est-à-dire de l’introduction et des chapitres 2, 3, 5, 6 et 7 – avant de rapporter cet appareil conceptuel à la partie empirique de l’ouvrage, les chapitres 4 et 6. Le fort déséquilibre entre le nombre de pages consacrées aux élaborations théoriques et celles consacrées aux analyses empiriques indique clairement l’ambition de l’auteur et son mode d’écriture. Pour rendre compte de la complexité des terrains marocain et médiatiques, FJ empile les notions et références théoriques au risque de rendre son texte illisible.

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Dès le début de son ouvrage [15], FJ annonce vouloir dépasser l’ethnosociolinguistique de la variation, sans doute celle qu’expose Blanchet 2000 1, à qui cependant il reconnaît le mérite d’avoir promu une démarche qualitative en sociolinguistique [31], pour se diriger vers une socio-sémiotique variationniste du contact. FJ inscrit son projet de recherche dans le domaine des études postcoloniales, dont il cite les principaux protagonistes, de Bhabha à Saïd. Il fait tout particulièrement usage de la notion de « branchement » (au sens de raccord électrique) de l’anthropologue Amselle [69sqq.]. Si l’on suit bien le propos de Vers une socio-sémiotique …, FJ souhaite dégager une anthropologie du « branchement » de la francophonie au Maroc [69sqq.] ; j’y reviendrai infra. Afin d’appréhender la dynamique des contacts langagiers et médiatiques, FJ prône une approche en termes de civilisation au sens de N. Elias [53]. L’enquête marocaine de Vers une socio-sémiotique …, dont il est rendu compte au chapitre 4, se déroule à Salé / Rabat. Elle est fondée sur des entretiens auprès de 21 participants, 12 hommes et 9 femmes, d’un quartier populaire urbain. Le questionnaire d’enquête, fourni dans sa version maximale en annexe [280-292], comprend plus d’une centaine de questions. Outre des données socio-biographiques, l’enquêteur sollicite des enquêté(e)s des informations sur leur biographie linguistique et une auto-évaluation de leurs compétences en arabe marocain, en arabe littéraire et en français. Plus d’une soixantaine d’autres questions recueillent les opinions, les préférences, les jugements et les attitudes des enquêté(e)s à l’égard des langues en contact au Maroc, à propos des pratiques d’alternance codique, et provoquent des jugements sur les locuteurs marocains et leurs pratiques des langues en contact. L’enquête s’achève sur la demande de récits dans les trois langues en contact au Maroc. Comme le montre certains extraits d’entretiens analysés par FJ [43 et 46], la confrontation entre l’enquêteur et ses informateurs produit quelques frictions, cependant il livre peu d’informations sur la réalisation de cette enquête et sur l’accueil d’un si long questionnaire – plus de deux heures [25] – par les enquêtés. L’essentiel des échanges a lieu en langue française, même si l’arabe marocain n’est pas exclu. Il est dommage que ce choix de langue, significatif sur le plan sociosémiotique, ne soit traité que brièvement [25]. FJ et ses étudiants ont mené également des enquêtes dans des quartiers urbains populaires des villes de Besançon et de Beauvais, en France. L’essentiel de ces descriptions porte sur le verlan comme variété posturbaine de contact [163sqq.] et sur son fonctionnement comme antilanguage (Halliday 1978) 2. L’enquête médiatique porte, quant à elle, sur le rap, le raï, et sur des séquences filmiques qui abordent des situations de contacts interculturels. Une discographie et une filmographie sont fournies en fin d’ouvrage [319sq.]. Dans le chapitre 8 [189-274] consacré à « la médiatisation des contacts postcoloniaux dans les productions culturelles », FJ analyse des textes de rap tant dans ce qu’ils révèlent des rapports à l’arabe et à l’Islam qu’à l’ordre social hégémonique français dans les médias [204sqq.]. Il y étudie également la référence à l’occitan [220sqq.]. Des dialogues du « cinéma de banlieue » [266sqq.] sont également analysés.



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Blanchet, Philippe, 2000, Linguistique de terrain. Méthode et théorie. Une approche ethno-sociolinguistique, Rennes, Presses Universitaires de Rennes. Halliday, Michael A.K., 1978, Language as social semiotic. The social interpretation of language and meaning, London, Edward Arnold.

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Pour construire sa démarche qualitative, FJ pose que l’anthropologie de la communication, qu’il ne définit nulle part de façon précise, et la complexité systémique (de Morin à l’Ecole de Palo Alto) en constituent, conjointement, les bases épistémologiques. Sur ce socle, FJ���������������������������������������������������������������������� développe une méthodologie d’analyse��������������������������������� , qui emprunte la notion de figuration à Goffman, des notions de psychologie sociale sur le moi et l’ego chez Mead, des réflexions à l’ethnopsychanalyse sur le rapport entre ego et alter, voire des notions de psycholinguistique [135], pour affronter la micro-sociolinguistique des échanges au Maroc. Dans ce contexte, comme dans le terrain virtuel médiatique, FJ étudie également les représentations discursives sociales, telles que définies par Py. La volonté de FJ est de définir un ensemble de����������������������������������� démarche�������������������������� s méthodologiques qualitatives qui rendent compte des phénomènes de contacts au plan des locuteurs, au sein des réseaux sociaux, et au niveau des civilisations au sens d’Elias. Fort de ces choix, il rejette les approches quantitatives sociolinguistiques au Maroc ; les travaux d’A. Boukous tombent ainsi sous le coup de sa critique [47-52]. L’étude du contact au plan macro-sociolinguistique, se réfère à la linguistique variationniste fonctionnelle de Th. Stehl. Cette approche cherche à identifier « le status linguistique des variétés interlectales », et à dégager la gradation des variétés fonctionnelles qui convergent ou divergent au sein de réseaux sociaux déterminés [87sqq.]. Un premier aboutissement empirique du chapitre 4, où FJ discute de la notion de continuum en créolistique, chez Bickerton, et dans l’approche fonctionnelle de Stehl, est l’identification au Maroc d’une double gradation, une pluriglossie du français, qui est traversée par l’opposition de normes linguistiques endogènes et exogènes, et par la pratique de l’alternance codique [92]. Pour FJ, l’arabe standard est exclu de fait de la gradation du contact vertical entre variétés linguistiques au Maroc. Le sociolinguiste y est confronté à une situation au moins sextuple où coexistent le français standard exogène, le français standard endogène « bien bi’je », le français standard intermédiaire, le français standard défectif, l’arabe dialectal défectif et l’arabe dialectal de base. Une partie du chapitre 4 caractérise l’empan des diverses variétés de français identifiées [93sqq.]. Entre les pages 119 et 133, FJ livre « une analyse structurale et textuelle » de ces variétés. Cette partie descriptive est fortement adossée aux travaux de Robert Chaudenson consacrés à la variation du français. Dans la partie consacrée à la pragmatique de la variation [103sqq.], FJ met en rapport divers fonctionnements sociaux (le coup de piston, la migration, la relation amoureuse, etc.) et la pratique du français standard endogène intermédiaire. Dans la suite du chapitre, FJ s’intéresse également à « la variation de l’arabe et à sa charge mythique ». Vers une socio-sémiotique … est un ouvrage qui suscite l’intérêt par son pari de réunir des études du terrain réel des contacts interlinguistiques dans des banlieues du Maroc et de France et l’analyse des terrains culturels virtuels. Il parvient à caractériser la variation langagière au Maroc et ses significations sociales. Il éclaire également le recours au verlan, aux langues régionales, et à l’arabe dans les variétés françaises suburbaines et dans la musique et le cinéma de banlieue. Ce livre relie, avec plus ou moins de bonheur et de réussite, la réalité du contact postcolonial entre la France et le Maghreb, les représentations qui l’animent, et les pratiques langagières et médiatiques qui les actualisent. L’apport empirique de l’ouvrage à une description de la gradation des variétés linguistiques au Maroc, à la circulation des signes linguistiques dans le terrain médiatique et à une compréhension de la sémantique sociale des contacts de langue dans l’espace Maghreb – Romania est indéniable.

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COMPTES RENDUS

Cependant, Vers une socio-sémiotique … interroge également son lecteur. En dépit des efforts faits par FJ pour construire son appareil théorique sur les plans épistémologique et méthodologique, l’articulation des domaines et des disciplines convoqués, s’avère pour le moins complexe, voire hasardeux. La gageure de mobiliser des approches théoriques, qui vont de l’école de Palo Alto à N. Elias en passant par la sociolinguistique de Th. Stehl, pour rendre compte de terrains marocains, suburbains et médiatiques ne me semble pas tenue. En dépit des résultats résumés supra, FJ ne parvient pas à mes yeux à construire l’anthropologie du « branchement » qu’il projetait. Les formulations de Vers une socio-sémiotique… sont loin d’être toujours limpides. Sa lecture est rendue ardue par la multiplicité des références théoriques invoquées, par la complexité des phénomènes saisis tout autant que par une écriture touffue par endroits. On saluera l’ambition de l’auteur de fonder une approche renouvelée de la linguistique de contact, qui tente de penser les contacts interpersonnels tout autant que les mouvements macro-sociolinguistiques et médiatiques, et on s’inclinera devant son érudition. Cependant, l’ambition de contribuer à une « critique de la condition postcoloniale » à travers la conceptualisation du changement linguistique exogène par contact et par créativité [20sq.], tout à fait louable, reste inaboutie. Le lecteur de Vers une socio-sémiotique… reste donc sur sa faim pour au moins deux raisons. L’une tient au caractère pluriel de l’entreprise et l’autre au fait que le projet socio-sémiotique de l’auteur reste à préciser. Le terme « socio-sémiotique » évoque une autre théorie linguistique, défendue par M. A. K Halliday (1978) et ses disciples avec succès depuis environ 50 ans. FJ connaît ces travaux auxquels il emprunte la notion d’antilanguage. On ne peut s’empêcher de comparer l’entreprise d’Halliday et celle de F. Jablonka et de conclure qu’une socio-sémiotique variationniste du contact gagnerait à clarifier ses références théoriques et à restreindre, si ce n’est à préciser, le champ de ses observables sémiotiques. Georges Daniel VÉRONIQUE

Philologie et édition Françoise FERY-HUE (ed.), Traduire de vernaculaire en latin au Moyen Âge et à la Renaissance. Méthodes et finalités, Paris, École des chartes, 2013, 342 pages. L’encadrement fourni par l’« Introduction » (Françoise Fery-Hue [9-20]) et par la « Conclusion » (Françoise Fery-Hue, Anna Gudayol, Jean-Pierre Rothschild, Fabio Zinelli [279-302]) permet de bien saisir les présupposés épistémologiques et les visées du groupe Tradlat (né en 2001 au sein de l’IRHT) autour duquel s’est organisé ce recueil : une dizaine de contributions sur des traductions en latin d’œuvres de tout genre qui ont connu une première rédaction dans une langue vernaculaire. Les questions fondamentales (qui traduit, que traduit-on, dans quel but, pour qui, comment) ne pouvant pas toutes trouver une réponse complète et univoque, l’essentiel est de lancer des pistes de recherche dans lesquelles le contenu des œuvres concernées, leur diffusion renouve-

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lée par la traduction en latin, leur voies de transmission (manuscrite et/ou imprimée) imposent des approches nécessairement interdisciplinaires faisant sauter des cloisons qui correspondent plus à notre culture qu’à celle des hommes et femmes du Moyen Âge et de la Renaissance. Le volume s’ouvre sur la question incontournable et toujours irrésolue de la relation réciproque entre les deux versions conservées des sermons de Maurice de Sully. En l’absence d’éditions critiques, Beata Spieralska compare les rédactions transmises par le ms BnF lat. 14937 et le ms du Chapitre de la Cathédrale de Sens : au-delà de quelques différences macro-textuelles (nombre des sermons, décalages dans le calendrier), une étude détaillée de la syntaxe latine / française, des suppressions / ajouts, du rapport que chacune des deux versions entretient avec le texte des Évangiles, semble fournir des arguments assez solides pour prouver l’antériorité de la rédaction latine (« Entre latin et ancien français : deux versions des sermons de Maurice de Sully » [21-36]). Avec Laurent Brun, c’est la raison qui peut avoir déterminé une traduction partielle de l’Ésope de Marie de France (dix-huit fables traduites en prose latine et conservées dans les derniers feuillets du ms BnF lat. 347C) qui passe au premier plan. En approfondissant les recherches de K. Warnke (1900), L. Brun montre la parenté du texte latin avec les mss SRV et OF des Fables, et relève qu’il s’agit des fables de Marie qui n’apparaissaient alors dans aucun autre recueil latin. Le traducteur tend d’une part à rendre le texte plus concis, en supprimant ce qui lui paraît redondant ou superflu, d’autre part à accentuer une vision négative de la femme ; quant à son origine, cette version latine serait à situer dans le milieu des dominicains parisiens de la fin du XIIIe – début du XIVe siècle (« Le Romulus Roberti, traduction latine partielle de l’Ésope de Marie de France », [37-63]). Le passage d’une langue vernaculaire au latin peut aussi représenter la première étape d’une série d’allers-retours. Tel est le cas étudié par Patricia Cañizares Ferriz : la version A du recueil des Sept sages de Rome (premier quart du XIIIe siècle) est à l’origine d’une traduction latine (version H, début du XIVe siècle), qui deviendra à son tour, un siècle plus tard, la source d’une série d’autres traductions vernaculaires, entre autres castillane et française. Le passage de A à H implique, comme le prouve une comparaison tant de la structure du recueil que du déroulement interne de certains récits, de nombreuses adaptations, surtout d’ordre linguistique et littéraire, déterminées par le changement générique – du recueil de contes au recueil d’exempla – et par conséquent par la nécessaire adaptation à une lecture édifiante et à une interprétation théologique (« Traducción, reescritura y cambio de género : del Roman des sept sages de Rome a la Historia septem sapientum Romae » [65-91]). Autre cas problématique, le Lapidaire offert soit à Philippe III le Hardi, soit à Philippe IV le Bel, étudié par Françoise Fery-Hue : contrairement à ce qu’on a pu croire autrefois, ce recueil, dont onze manuscrits sont conservés, ne provient pas d’un texte latin ; en revanche, il est à l’origine d’une traduction latine dont ne subsiste que le ms Londres, BL, Sloane 1784 (seconde moitié du XIVe siècle, édition en annexe). De nombreuses caractéristiques de cette version (contenu, traits linguistiques) montrent bien sa proximité avec un ancêtre du ms O de la rédaction française. F.F.-H. étudie aussi la technique appliquée par ce traducteur du XIVe siècle, sachant faire preuve de méthode et d’une certaine autonomie (« Le Lapidaire du roi Philippe et son prétendu original latin » [93-129]).

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Peu connues voire négligées, les traductions latines du Devisement du monde s’avèrent intéressantes sur le plan de la diffusion et réception de l’œuvre de Marco Polo dans des milieux très divers. Il en est ainsi pour le texte examiné par Christine Gadrat-Ouerfelli : il s’agit d’une version latine élaborée en Toscane, à Florence, vers la fin du XIVe siècle (version « LA »), œuvre peut-être de l’humaniste Domenico Bandini, et source d’une autre version ayant ensuite circulé dans les pays germaniques. Cette traduction témoigne aussi, plus généralement, de l’intérêt que les humanistes florentins ont porté aux questions géographiques (« La ‘version LA’ du récit de Marco Polo : une traduction humaniste ? » [131-147]). L’enquête d’Hélène Bellon-Méguelle et Géraldine Châtelain porte premièrement sur le manuscrit unique qui a transmis la version latine des Vœux du Paon : manuscrit lacunaire de l’extrême fin du XIVe – début du XVe siècle, ayant appartenu à l’origine au cardinal Giordano Orsini, il révèle une remarquable cohérence linguistique et formelle (tous les textes qu’il contient sont en latin et en prose), géographique (Fuerre de Gavres, les Vœux du paon, Apollonius de Tyr et la Vie de saint Alban, se situent dans le bassin méditerranéen oriental), et thématique (deux histoires au moins, Apollonius et Saint Alban, sont centrées sur l’amour incestueux d’un père pour sa fille), ce qui semble répondre à un projet moral. Par ailleurs, une analyse détaillée de la traduction permet de reconnaître, au-delà des innovations, la qualité stylistique et littéraire du nouveau texte, destiné à garantir, grâce à la longévité même du latin, la conservation de l’œuvre française (« ‘Chanter en son latin’. Des Vœux du Paon français à leur traduction latine en prose (Vatican, Archivio di San Pietro, E 36) » [149-182]). Après avoir réécrit le Pèlerinage de l’âme en prose française, Jean Galopes – en obéissant à une commande du duc de Bedford – traduisit sa propre version en latin en 1427 ; Frédéric Duval s’interroge d’abord sur les raisons qui peuvent avoir déterminé cette décision : raisons politiques, le duc soutenant l’idéologie d’une « double monarchie », française et anglaise, et raisons sociolinguistiques, le latin devant permettre une circulation précise dans le monde universitaire et les monastères. Le style adopté par Jean Galopes – stylus satis brevis, selon les mots du prologue – vise l’intelligibilité, la simplicité et l’efficacité du discours, comme le prouve une analyse détaillée des procédés d’une traduction qui s’appuie non seulement sur la version en prose, mais qui revient de temps à autre au poème même de Guillaume de Digulleville. Malgré ses qualités, la traduction latine jouit d’une diffusion des plus limitées, ce qui s’explique par la déroute anglaise et surtout par la multiplication des traductions vernaculaires qui assurèrent de fait la fortune des Pèlerinages à l’échelle européenne et sur une très longue durée. En annexe, édition synoptique des prologues, français et latin, de Jean Galopes, et d’un extrait correspondant aux v. 2557-2804 du Pèlerinage de l’âme (« La traduction latine du Pèlerinage de l’âme de Guillaume de Digulleville par Jean Galopes (1427) » [183-220]). La traduction latine par le vénitien Giovanni Carlo Saraceni (1564) des Dialoghi d’amore de Leone Ebreo (1502 ?) représente un cas paradigmatique des conséquences du passage d’une langue à une autre : en fait, comme le montre Saverio Campanini, la rédaction dans la langue classique, qui intègre des résumés, des index, et des rappels dans les marges, produit un effet de « cabbalisation » tel que le nouveau texte fut inclus parmi les Artis cabalisticae scriptores de Pistorius, puis dans les Index de l’Inquisition. La dédicace des De Amore Dialogi est reproduite en annexe (« De Leone Ebreo à Leo Hebraeus. Un texte philosophique de la Renaissance et l’impact de sa traduction latine », [221-247]).

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Le trilinguisme qui caractérise l’Angleterre médiévale se révèle un terrain particulièrement fertile pour reconstruire non seulement les rapports réciproques entre anglais, français et latin, mais aussi les pratiques didactiques et leur évolution entre XIVe et XVe siècle, sur lesquelles les informations explicites demeurent rarissimes. Christel Nissille examine en particulier le cas du ms latin 188 du Magdalen College d’Oxford (2 e quart du XVe siècle), où un long fragment de la Somme le Roi est accompagné de traductions interlinéaires en latin et en moyen anglais : la disposition du texte et surtout le caractère des deux traductions permettent de reconstruire une pratique d’enseignement où le latin joue un rôle intermédiaire entre une langue vivante mais enseignée – le français – et la langue maternelle des élèves (« La traduction comme espace didactique interlinguistique latin / langues vulgaires dans l’enseignement des langues à la fin du Moyen Âge » [249278]). Le volume est complété par une série de précieux Index : noms de personnes et de lieux, personnages de fiction et allégories, auteurs, traducteurs, copistes et œuvres, manuscrits et éditions imprimées anciennes. La diversité des œuvres concernées par la traduction vers la langue latine, leur étendue dans le temps, la variété des résultats obtenus, prouvent l’intérêt de ce champ d’investigation et confirment une fois de plus le dialogue ininterrompu entre langues vernaculaires et langue classique, ainsi que la continuité d’une pratique entre Moyen Âge, Moyen Âge « tardif » et Renaissance. Maria COLOMBO TIMELLI

Annette BRASSEUR / Roger BERGER (ed.), Robert le Clerc d’Arras, Les Vers de la Mort, Genève, Droz (Textes littéraires français, 600), 2009, 661 pages. Annette BRASSEUR (ed.), Robert le Clerc d’Arras, Li loenge Nostre Dame, Édition critique, Genève, Droz (Textes littéraires français, 621), 2013, cxxxv + 142 pages. Annette Brasseur a un esprit de suite. Après avoir publié avec Roger Berger Les Vers de la Mort qu’ils attribuent à Robert le Clerc d’Arras, elle vient de faire paraître une édition de Li loenge Nostre Dame qu’elle attribue au même auteur. En partant de ces deux publications solides où l’on trouve une édition critique munie d’une traduction en français moderne, on pourra désormais étudier différents aspects du poète, dont les deux œuvres avaient été considérées jusqu’ici comme anonymes (cf. les sigles du DEAF : VMortAnB et ViergeLoengeB). Je soumets d’abord quelques observations sur l’édition des Vers de la Mort. Dans l’Introduction qui fait le point sur tout ce qu’on doit savoir sur les manuscrits, l’auteur et la date de composition (« dans les années 1266-1271 » [74]), la technique littéraire et la langue, on a une longue liste des régionalismes [63]. Elle est précieuse et rendra service à tous ceux qu’intéresse l’aspect géographique du vocabulaire. On pourrait y ajouter les mots suivants :

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boutine, s.f., “nombril”, 2277, cf. ici 75, 576 cambres basses, s.f.pl., “latrines”, 1266 derakier, v.tr., “cracher sur”, 1532, cf. FEW 10, 35b dusque (voir ci-dessous) emprimer, v.pron., “se gorger”, 2189, cf. ici 57, 302 laier, v.tr., “laisser”, 115, etc. laste, s.f., “fatigue”, 2841, cf. ici 55, 271 murillex, adj., “atteint de la maladie mortelle appelée morille” (plutôt que “malade”), 2488 (voir ci-dessous) placeus, adj., “teigneux”, 264, cf. FEW 9, 39b proismeté, s.f., “droit de retrait lignager”, 3184, cf. ici 75, 484 quatir, v.tr., “cacher”, 2167, cf. ici 60, 297 Le texte est édité avec soin et la traduction qui occupe la page de gauche est la bienvenue [96-407]. Voici quelques remarques : [102-103] le vers 87 Dont est cix fols qui ne se mire est traduit par “Bien fou donc celui qui ne le voit pas”, mais se dans se mire n’est-il pas un pronom réfléchi ? Alors le verbe pronominal soi mirer ne signifie-t-il pas “se regarder” ? [106-107] dans le vers 117 Au jour dont li fins ert tant sure, l’adjectif sure est traduit par “certain” et cette attestation est rangée dans le glossaire [613] sous seür. Ne s’agit-il pas plutôt de l’adjectif sur au sens de “amer”, dont le glossaire [616] enregistre plusieurs attestations. [106-107] dans le vers 127 Li dampnee gent deceüe, le participe passé deceüe est compris au sens actif “trompeuse”, mais ne pourrait-on pas lui garder le sens passif ? [116-117] en traduisant les vers 229-231 Mors, di celui qui veut avoir Le siecle et Diu par estavoir K’il veut çou k’estre ne puet mie par “Mort, dis à celui qui veut posséder nécessairement le monde et Dieu, qu’il désire l’impossible”, les éditeurs considèrent que la locution adverbiale par estavoir “nécessairement” porte sur qui veut avoir Le siecle et Diu. Ne porterait-elle pas plutôt sur le verbe voloir du vers 231 ? [132-133] dans le vers 414 Sans avoir point de connissance qui est traduit par “sans avoir la moindre connaissance”, quel est le sens du s.f. connissance ? Le glossaire [552] s.v. connissance n’ayant pas repris cette attestation, les lecteurs ne peuvent pas le savoir. [143] au vers 543, il vaudrait mieux mettre un deux-points ou un point-virgule si l’on suivait la traduction. [160-161] au vers 743 Ne mie par gent devourer qui est traduit par “et non en dévorant les gens”, quel est le sens du verbe devourer ? On peut hésiter, parce que le glossaire [563], s.v. devourer n’a pas repris cette attestation et que le mot a plusieurs sens en français moderne. Rappelons-nous que le TL 3, 1896, 25-27 qui la cite la range sous le sens de “jem. mißhandeln, schädigen”. [180-181] le vers 987 Par tout cuide avoir sen pain cuit est traduit par “et pense trouver partout son pain cuit” sans aucun commentaire ; le glossaire s.v. cuire [557] et pain [597] n’a pas non plus recueilli l’attestation. Le sens est-il si limpide ? Si l’on se réfère à la note 2250 [481], on peut se demander si le vers n’a pas un sens figuré, car elle nous apprend que l’expression avoir son pain cuit peut vouloir dire soit “c’en est fait

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de lui” soit “avoir beaucoup de bien”. Une note explicative aurait été la bienvenue. [182-183] le vers 994 Jouvens veut tos jors estre en bruit est traduit par “Jeunesse veut toujours être dans le bruit”, sans commentaire ; le s.m. bruit n’est pas enregistré dans le glossaire [548] non plus. Mais le substantif ayant plusieurs sens (cf. MélDiStefano 573), on aurait dû préciser lequel convient au contexte. Est-ce celui de “fête joyeuse” ou celui de “troupe bruyante” ? [199] au vers 1178, li abés (cas sujet singulier) est à lire li abes. Il en va de même en 1183. [203] au vers 1233 Par juner u par vertir haire, vertir est-il une faute d’impression pour vestir ? [242-243] la traduction par “imaginons-le” du vers 1726 par songier est un peu curieuse. L’interprétation du glossaire [614] s.v. songier (“en imaginant, par supposition”) me semble préférable. [274-275] le vers 2108 Desronpent lor ners de lor pance est traduit par “ils arrachent les nerfs de leur panse”, mais le français moderne nerf peut signifier soit “chacun des filaments qui mettent les différentes parties du corps en communication avec le cerveau et la moelle épinière” (ce sens n’est attesté que depuis HMondB selon le TLF, s.v. nerf), soit “tendon”. Pour ne pas introduire de confusions dans l’esprit des lecteurs, ne vaudait-il pas mieux traduire par “tendon” comme au vers 1923 ? Le Glossaire [593], s.v. ners n’enregistre qu’une seule attestation du vers 1923 qu’il définit par “tendons”. Sans doute faudrait-il modifier la traduction [274] et ajouter au Glossaire l’attestation du vers 2108. [335] le vers 2832 Selonc ses fais ert cascuns pris semble être fondé sur un proverbe du type Selonc le pechié (var. le fait) la penitance, cf. ProvM 2248. [362-363] dans le vers 3176 Vin frïant, caut bracel, piument, l’adjectif frïant est traduit par “pétillant” (voir aussi le Glossaire [577], s.v. frïant). Mais ce sens est-il bien assuré ? Cf. HenryŒn 2, 235. Les Notes [409-530] qui suivent le texte sont abondantes et bien réfléchies. Elles contiennent non seulement des remarques linguistiques, mais aussi des observations historiques (voir la note 1237 [444]) ou théologiques (voir la note 8 [409]), qui aident beaucoup la lecture du texte. Elles proposent en outre de corriger le TL ; voir par exemple la note 575 [423] sur la locution verbale passer de l’orteil que le TL 6, 1315, 4 a recueillie à tort sous ortel “jardin”. Voici quelques remarques sur les notes : [409] note sur le vers 6. Dans aati qu’on lit dans les vers 5-6 : [...] plus doit redouter Le jour k’aati de bataille, les éditeurs pensent qu’il manque « l’s du cas sujet » (comprendre qu’il s’agit du cas sujet singulier), mais ne pourrait-on pas considérer aati comme forme du cas sujet pluriel ? [411] note sur les vers 143-144 De viés pechié mal aquité Vient on a novele vergoigne. Pourquoi ne renvoie-t-on pas à l’Index des énoncés sentencieux [650] qui reprend cette attestation en se référant aux ouvrages classiques ? D’ailleurs, dans l’Index aussi on devrai renvoyer à la note 143-144. [479] note sur le vers 2178 Dieu et le siecle astremuser. On pourrait renvoyer au FEW 25, 641b, s.v. astrum qui a recueilli l’hapax astremuser. [487] note sur murillex du vers 2488. On peut identifier facilement les deux autres attestations enregistrées par Gdf 5, 410c, s.v. morilleus mais que les éditeurs appellent

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COMPTES RENDUS

vaguement l’Anticlaudianus et la Pastorale [sic] : d’une part « Anti Claudianus, Richel. 1634, fo 42ro » correspond à AnticlLudR 4948 : Viellecce, toute morileuse ; de l’autre « Pastoralet, ms. Brux., fo 16ro » se retrouve dans PastoraletB (cf. DMF s.v. morilleux). Toutes ces attestations appartiennent au domaine picard. Le Glossaire [537-624] qui suit une table des noms propres [531-535] est large. On peut regretter que les catégories grammaticales n’y soient pas données systématiquement. Par exemple, face à l’article marescaucier qui est traduit par “soigner un cheval malade (fig.)”, il serait difficile, pour les lecteurs qui ne se donnent pas la peine de consulter la note, de deviner que dans le vers 1079 le verbe est employé pronominalement et qu’il signifie “se soigner”. Je soumets quelques observations ponctuelles : On aurait pu créer l’article matinee, pour renvoyer à l’article cras [556] pour l’attestation de dormir crasse matinee qu’on lit en 1168 ; c’est une attestation remarquable, voir le TLF s.v. matinée. Le s.f. paillarde 656 “femme de mauvaise vie” aurait mérité d’y être recueilli, parce que c’est la première attestation de l’emploi substantivé féminin, voir le TL 7, 35, 19 et le TLF s.v. paillard. On pourrait ajouter aussi au glossaire quelques leçons tirées des variantes ; par exemple abechier, v.tr., “donner la becquée à (un oiseau)”, 179 var., attestation enregistrée dans le TL 1, 44 ; – decrachier, v.tr., “cracher sur”, 1532 var. ; – dorteur, s.m., “dortoir”, 1741 var., leçon citée par le TL 2, 2036, 14 ; – droe, s.f., “sorte d’ivraie”, 2951 var. (cf. note) ; – enduisant, p.pr.adj., “facile à digérer”, 180 var., leçon enregistrée dans le TL 3, 302, 26 ; – enveillier, v.tr., “réveiller”, 1986 var. [542] sous aourer, au lieu de le ranger sous le sens de “adorer, vénérer”, on pourrait mettre à part le syntagme crois aouree “vendredi saint” qu’on lit au vers 945 ; ou bien il suffirait de renvoyer à l’article crois [556] qui recueille cette attestation. [550] sous caudel (où l’on peut ajouter la variante du vers 557), le sens est-il bien “chaudeau, sorte de bouillon” ? Le TL 2, 326, 51 donne au mot un sens figuré “mauvais tour”. [589] dans le vers 912, le v.tr. merir signifie “récompenser” plutôt que “mériter” ; voir d’ailleurs la traduction du passage [174]. [591] sous mont, on a une traduction “monde, monde d’ici-bas sous l’emprise du mal” pour l’ensemble des attestations, mais dans la traduction tout le mont en 195, 523, 565, etc. d’une part et en 1758, 1761, 3026, etc. de l’autre est rendu respectivement par “tout le monde” et “le monde entier”. L’article du glossaire ne devrait-il pas mettre en évidence ces emplois en les distinguant ? [599] sous perçoivre, la locution verbale estre perceüs de est traduit par “être insensible à”, mais c’est quand elle est employée avec négation (voir les vers 1573-1574 [231] : quant tu n’es percëus Des tormens [...]) que l’expression peut avoir cette signification ; voir TL 7, 724, 22. Après l’Index des rimes [625-646] établi soigneusement, on a l’Index des énoncés sentencieux [647-659] qui répertorie une soixantaine d’expressions proverbiales tout en renvoyant aux ouvrages classiques. On pourrait ajouter des renvois aux Notes pour les attestations que les éditeurs y commentent, avec parfois des informations plus riches que

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PHILOLOGIE ET ÉDITION

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dans l’Index. Ainsi, pour le no 56 Tos jors n’est mie grue maire [655], les lecteurs doivent savoir que ce vers fait l’objet d’un commentaire dans la note 585 [424]. [653] On ajoutera dans cet Index le vers 372 : Ne fai mie du leu bregier. L’édition de Li loenge Nostre Dame, p. 136, no 5 nous apprend qu’il s’agit d’un proverbe. [654] On pourrait aussi y ajouter le vers 1198 : Tempre point çou c’uertïera, car la note 1198 [443] semble nous inviter à considérer ce vers comme une forme d’énoncé proverbial. J’ajouterai encore quelques corrections et compléments en vue d’une éventuelle 2e édition de cette publication : [106] dans la traduction du vers 134, Va-t-en est à lire Va-t’en ; il en va de même dans la traduction du vers 151 : va-t-en sans délai [108]. [232] dans la traduction du vers 1599, lire si tu n’es pas effrayé au lieu de si tu n’est [...]. [253] mettre en italique la dernière ligne de la note en bas de page : CLIV-CLVII manquent. [411] note 179, lire la Procession et Revue de linguistique romane au lieu de la Providence et de Revue des langues romanes. [439] note 1073-1074, lire Morawski 967 et non 987 ; voir d’ailleurs l’Index des énoncés sentencieux, no 59 [655] qui, tout en donnant le bon numéro de ProvM, ajoute une autre référence au même ouvrage. [461] note 1812 : le Roman de la Rose ici cité n’est pas édité par M. Roques, mais par F. Lecoy. Dans la référence au TL, le chiffre 5152 est-il à lire 51-52 ? [498] note 2885-2887, les références du FEW sont à lire XV, 1, 23a. [518] note 3469, les références du FEW sont à lire XV, 2, 24a. [551] sous l’article cier du Glossaire, l’astérisque manque à 2842. [592] dans le Glossaire, l’article multiplicatïon est à mettre après multepliier et non pas avant. *** L’édition de Li loenge Nostre Dame est faite avec le même principe et le même soin méticuleux que celle des Vers de la Mort. Pour souligner le parallélisme des deux œuvres, l’éditrice renvoie d’ailleurs à juste titre aux Vers de la Mort à plusieurs reprises. Dans cet esprit, on pourrait ajouter un renvoi à la note 219 de la publication précédente dans la note 468 [80] qui parle de « l’esclave de l’argent ». Dans cette publication aussi le caractère régional de certains mots et expressions est bien souligné (mais d’une manière un peu dispersée). Voir par exemple l’Introduction [xcix] sur « la préposition picarde » dusque. On peut regretter que le glossaire [101] s.v. dusque ne dise rien sur ce point ni qu’il ne renvoie pas à l’Introduction. Les lecteurs pressés qui ne lisent que le texte et le glossaire ne pourront pas savoir que l’aire de diffusion de dusque est limitée, d’autant moins que l’édition des Vers de la Mort ne disait rien, me semble-t-il, sur ce point. L’Introduction [cvi] et la note sur le vers 389 [74] insistent également sur le caractère régional de l’adjectif entait au sens de “empressé” ; pourquoi le glossaire [101] s.v. entais ne dit-il rien sur ce point ? On pourrait ajouter à la liste des mots régionaux le v.tr. laier “laisser” qu’on lit en 414.

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COMPTES RENDUS

Le texte est bien édité et la traduction mérite confiance [3-31]. Parmi les Notes [3589] qui les suivent, il y en a qui corrigent le TL : voir la note sur le vers 165, à propos de la locution adverbiale a vol au sens de “à tire-d’aile” ; voir aussi la note sur le vers 187, qui propose de traduire l’adjectif enfantiex par “qui montre une ardeur juvénile”. Ces indications sont de grande utilité. Le Glossaire qui suit [93-121] une petite Table des noms propres [91] est dit « complet », c’est-à-dire qu’il s’est donné la tâche d’enregistrer toutes les occurrences de tous les mots. Certes, pour un texte aussi court qui n’a que 552 vers, il n’est pas impossible de recueillir toutes les attestations. Mais la réalisation d’une telle tâche ne manque pas de difficultés. Ainsi, on constate malheureusement qu’un certain nombre d’occurrences y manquent. Par exemple, parmi les mots de la 1re strophe, le glossaire oublie de reprendre d’ du vers 2 (voir l’article de [99]), ai du vers 4 (voir l’article avoir [96]), m’ du vers 5 (voir l’article mon [109]), Me du vers 9 (voir l’article je [106]) et En du vers 10 (voir l’article en prép. [101]). Si un jeune collaborateur patient et méticuleux révisait l’ensemble du glossaire en vue d’une 2e édition, il rendrait service à l’éditrice aussi bien qu’aux lecteurs. Le Glossaire est suivi de l’Index des notes [123-128], de l’Index des rimes [129-133] et de l’Index des énoncés sentencieux [135-140]. Dans ce dernier index, on pourrait ajouter les vers 247-248 : Recule au besoing Por salir plus loing ; cf. ProvM 875 : Il fait bon reculer pour meus saillir. Voici quelques remarques et corrections : [lxii] parmi les mots régionaux signalés, debourer est à lire desbourer, voir le vers 47 [5]. [22] l’adjectif mortel dans Es mortex delis est traduit ici “périssable”, mais le glossaire s.v. mortel [110] lui donne le sens de “qui donne la mort” ; ce dernier sens me semble préférable. [31] il manque un trait d’union dans la traduction du vers 544 : donne m’en un peu. [54] note 148, Jourdain de Blaye en alexandrins, qu’il ne faut pas confondre avec Jourdain de Blaye en décasyllabes, ne date pas du « début XIIIe siècle ». [61] note 216, ne pourrait-on pas comprendre en souhait comme une locution adverbiale (cf. TL) signifiant “aussi bien qu’on peut le souhaiter” ? [82] dans la note sur le vers 479 En non de foueur, le s.m. foeur est interprété comme “celui qui enfouit son argent”, alors que dans le glossaire [104] s.v. foueur le mot est traduit par “travailleur de la terre, en particulier celui qui creuse la terre autour de la vigne”. Il vaudrait mieux unifier l’interprétation. [105] glossaire, s.v. haut : en 242, puisque l’adjectif est dans haute mer, il vaudrait mieux éviter une simple traduction “haut, élevé” pour cette occurrence. Bref, chacun lira avec profit ces deux publications soigneuses. Takeshi MATSUMURA

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Marc KIWITT (ed.), Les gloses françaises du glossaire biblique B.N. hébr. 301. Édition critique partielle et étude linguistique, Heidelberg, Winter (R.T.M., 2), 2013, xi + 472 pages. Après avoir édité et étudié des extraits du traité des Fevres (sigle du DEAF FevresKi ; v. ici 70, 269), Marc Kiwitt (MK), collaborateur du DEAF, poursuit et approfondit son enquête sur les textes « judéo-français » avec cette nouvelle étude. Il examine maintenant un champ d’études plus classique avec les glossaires bilingues, champ qui a été ouvert avec éclat par A. Darmesteter, dans le premier tome de la Romania (1872) 1, et poursuivi brillamment, en dernier lieu, par M. Banitt, éditeur des glossaires de Bâle et de Leipzig. C’est dans la lignée de ce dernier travail, dont il a fait ici même (72, 611) le compte rendu, que s’inscrit le présent ouvrage. C’est l’occasion pour MK de faire le point sur la littérature juive en ancien français et plus particulièrement sur les glossaires hébreu-français [15-32]. Le manuscrit est soigneusement décrit et daté des années 1250-1280 [33-48]. La graphie des gloses, en écriture hébraïque, est savamment décortiquée [49-76], avec une prudence qui inspire confiance. En particulier, MK veut dissiper l’illusion qu’il y aurait à croire que ces gloses nous livreraient une sorte de transcription phonétique de l’ancien français. Le texte des extraits publiés [235-289], qui représentent à peine le dixième du total des gloses contenues dans le ms., est excellemment édité et pourra être utilisé en toute confiance par les linguistes. Il contient pour les gloses des renvois aux autres glossaires bibliques, ce qui en fait un outil bien commode. Avec l’étude de la langue des gloses, nous arrivons sur un terrain plus familier. L’étude examine d’abord minutieusement la phonétique et la phonologie [78-94] et en présente une synthèse [172-173]. Comme le veut la loi du genre, la synthèse gauchit sérieusement les faits 2. MK tient absolument à ce que ce glossaire vienne de la Lorraine septentrionale et plus particulièrement des actuels départements de la Meurthe-et-Moselle ou de la Meuse [173]. Pourquoi pas ? Parmi les traits avancés, fort peu nombreux du reste, certains sont convaincants, tel le résultat -eil pour -ellu. Il faut dire aussi, comme MK le reconnaît lui-même, que bien des traits caractéristiques des textes de cette région n’apparaissent pas du tout dans les gloses : ainsi sont absents l’article masculin lo, le maintien de w- [172-173] ou l’article féminin lai [94] 3. Abordons maintenant le lexique. Formé au DEAF, MK nous fournit des matériaux d’une qualité remarquable, disposés en deux parties : des analyses lexicales d’un choix de mots effectivement intéressants [301-359] et un glossaire complet des mots et formes françaises [415-458]. La base en est le texte des extraits du BN hébr. 301, complété par quelques extraits de glossaires plus anciens 4 [459-462], dont les attestations viennent enrichir la documentation

Et non de la Revue de linguistique romane, comme indiqué par erreur (p. 2). Ainsi la graphie -ei- pour á[ est « caractéristique de la Lorraine septentrionale »[172], alors que l’on nous a dit, preuves à l’appui, que la graphie n’est pas sans ambiguïté et que le fait se retrouve de la Franche-Comté à la Picardie et en Wallonie [78sq.]. De même le suffixe -ment devenu -mant [172], fait bien attesté en Franche-Comté et confusion entre [ɛñ ] et [ɑ̃n], plus largement encore [84]. 3 Le pronom personnel lai n’est attesté qu’une fois [95]. Quant au pronom personnel féminin tonique li [174), c’est la forme la plus banale. 4 Contenus dans des manuscrits du 13e siècle ; la date du ms. du commentaire de Joseph Kara [461-462] n’est pas indiquée. 1 2

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COMPTES RENDUS

des mots relevés dans les deux études lexicales précitées. Le choix des mots traités est effectué selon la méthode des études antérieures issues du DEAF [291-300]. Les petites faiblesses inhérentes à ce choix, comme d’ailleurs à tout choix, sont corrigées par le glossaire complet. On verra d’ailleurs quels sont les mots du glossaire complet dont je regrette l’absence dans l’étude lexicale (tels assoier/essaiier, ecur/oscur, ainse, tarzerent/ tarder, demonir). La présentation des entrées des glossaires sous la forme de celles du TL en rend le maniement très aisé. Venons-en aux remarques de détail. MK a fait passer dans l’étude phonétique des cas qui relèvent, me semble-t-il, du lexique. Ainsi, comme y incite l’article essaiier du TL, il a rangé assoier “mettre qn à l’épreuve” sous cette vedette, en y voyant un traitement de e- atone [84-85] ; si un alphacisme de la syllabe initiale est possible, on peut aussi songer, comme le fait le FEW 3, 257a, à une substitution de préfixe. Le cas d’ecur [88] est plus net et son absence dans l’étude lexicale d’autant plus regrettable. La forme correspond à l’afr. escur, variante bien typée de oscur. Le TL, là aussi, sert de modèle, qui range escur en sous-vedette de oscur, mais n’en offre qu’un seul exemple (escure 1328, 40), dont on ne tiendra d’ailleurs pas compte 5. Il ne reste pour l’afr. que le texte extrait de Florimont (BnF fr. 353 (non localisé, 1em. 14es.), leçon 6 vérifiée dans le ms.)���������������������������������������������������������������� par Gdf 5, 649a et celui de ChiproisR (Gdf 5, 649b) = ChronTemplTyrM 74/55 (ms. Chypre, 1344), où le mot réapparaît encore : ains esteit moult escur ChronTemplTyrM 210/256, a mi nuit escure ChronTemplTyrM 176/208. Des attestations de Gdf, le FEW 7, 280a a tiré un afr. escur “obscur, sombre” (ca 1190), qui est sans doute erroné, et un afr. escur “sinistre, défavorable, ignoble” (AimonFl-13es.), fondé, lui, tout entier sur Gdf. On peut enrichir la collecte du côté de l’ancien français : si estoit (le lieu) lais et hideus et escurs SGraalIVEstP 1, 197 (ms. nettement pic., 1erq. 14es.) surtout du francoitalien : Il feissoit laenz mult escur SGraalIVQuesteUR 352b (texte et ms. francoit., fin 13es.) ja estoit nuit escure TristPrNB 4, 127,33 (ms. francoit., déb. 14es.) La nuit fu molt escure HaytonK 203 (ms. copié en It., 1em. 14es.) cele sale estoit par terre en si escur leu La version post-vulgate de la Queste del Saint Graal et de la Mort Artu, éd. F. Bogdanow, t. 4, 2, 633 (ms. copié en It.) 7 ou outremer : tant escure BibleAcreN 78 (XIII, 8) (ms. Acre, 1281).



Il est tiré de JubNR 1, 333 déjà cité ds Gdf 5, 649b ; or le ms. BnF fr. 1593 f° 166v°, source du texte de Jubinal porte oscure. 6 Correspond à oscure de AimonFlH 3978. 7 V. M. Longobardi, « La queste infinita della Post-Vulgate Queste : nuovi affioramenti », Annali Online di Ferrara – Lettere Vol. 1 (2012), 67-118. 5

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PHILOLOGIE ET ÉDITION

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Pour le gallo-roman, le véritable domaine de escur, adjectif ou substantif, est l’occitan 8 (Lv 3, 200b-201 ; Rn 6, 16 a ; DAOA 519 ; CroisAlbMa 3, 22 (188,81)), qu’il déborde vers le Nord : (le lues) ere escurs SCathAumN 430 (ms. dauph., 2em. 13es.) et aussi en francoprov. : GirRossDécH 1001, 3300, 9727 ; Li cieuz non i sera ja escurs per nua MussGartLeg 114 (13/28) (ms. Lyon, 2em. 13es.) ; noirs et escurs come suiffi MussGartLeg 159 (59/11). Il y aura donc lieu de se demander à quel domaine se rattache l’ecur de ce glossaire, sans se laisser troubler par l’affirmation péremptoire [106] que « l’utilité du vocabulaire régional pour la localisation d’un glossaire biblique hébreu-français reste très limitée. » Entendons-nous bien, je ne cherche pas à localiser ce glossaire à l’aide de son vocabulaire, car je suis arrivé à la conclusion que c’était impossible, vu le disparate qui y règne et ceci amènerait à réexaminer la thèse de Banitt (������������������������������������� « ����������������������������������� Une langue fantôme : le judéo-français » ds RLiR 27, 245-294). Mais je voudrais examiner ici quels sont les mots français que je considère, preuves à l’appui, comme régionaux, qui apparaissent dans ce texte. Le cas d’escur n’est pas sans évoquer (a)mermer et dérivés, une famille de mots bien implantée en domaine provençal, qui dans le domaine d’oïl est caractéristique des textes du sud-ouest d’oïl, et qu’on trouve aussi dans les textes d’Outremer. Cette famille est aussi bien représentée dans les textes judéofrançais. Je me suis exprimé déjà à ce sujet (RoquesRég 301 ; RLiR 65, 288), sans avoir vraiment convaincu MK, qui pense que « le mot amermer est un occitanisme qui semble avoir été introduit dans les scriptae d’oïl à travers le Poitou ou la Terre Sainte. ». Il me semble que nous dépassons là le domaine des scriptae 9, ou plutôt que la notion de scriptae y est singulièrement élastique. Quant à l’introduction dans le français de ce mot, elle a été géographiquement bien restreinte. Pour essayer d’y voir plus clair, je vais me tourner vers une autre famille encore, qui présente un cas assez semblable. Il s’agit de celle du mot ainse (en l’occurrence einse) “état d’accablement face à des afflictions extrêmes” [417]. Relégué dans le purgatoire du glossaire complet, il aurait mérité examen dans l’étude. Son proche parent ainsos a fort bien été analysé par Nezirović 11-13, qui y voit, avec raison, un régionalisme qu’il présenterait ainsi : « afr. ainsos “anxieux, tourmenté, inquiet”, 12 jh., Westfranz. (Thèbes, Troie, Brut, Chronique des ducs de Normandie). ». On peut juste détailler davantage l’inventaire des formes : TEXTES : ainsos (var. ainsus, ainsous, aissos, aisos). En voici les attestations : – - ainsos : Mais de dous choses ert ainsus (var. CSAT fu (T mult) anguissos ; S ert a. ; D ert mult anguissus ; N ert au dessous ; K ert honteus ; LR M. d’une chose ert anguisus ; F E deus c. anguisous ; J M. des .ii. c. fu doutous ; H M. d’autre part fu angoissos) BrutA 6690 (norm., 1155) – Ypomedon est mout ainsos (var. B angoissiez, C angoisseux, A viseus, P visous) De l’ost, qu’il veit si sofraitos ThebesC 7301 (gloss. ainsos = anxiosum 7301, “inquiet”) (poit., ca 1160) – Sovent lor fait les cors sanglanz De cest Achilles mout dolenz Et mout ainsos (var. R ainsous, K destreiz, M 2 tristes ; M courouciez et i. ; n Et trop pensis, e Et m. en a (D 8 9



Il y est le pendant d’autres formes romanes v. FEW 7, 282a. Il est vrai que le DEAF a une notion très englobante de la scripta, qui inclut même les régionalismes lexicaux.

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COMPTES RENDUS

ot) son cuer irie) e mout iriez) BenTroieC 577 (gloss. ainsos 577, “anxieux”) (poit., ca 1170) – Trop avez esté, ce m’est vis, Ennuit ainsos e entrepris 28084 (=BenDucM 25891 [poit., ca 1175 ; ms. de base poit., fin 12es.]) ; Hauz dus, veiz ci ta genz ainsose. N’iés haliegres entr’eus ne sains, Sinn ont les cuers de dolors pleins, N’a en eus joie n’alegrance BenDucF 28530 (=BenDucM 26337) – Por quei s’esjot nul trop ne haite, Quant il ne conoist sa chaaite, Kar ce dunt li suens esperiz Est de joie plus repleniz Est il plus ainsos e plus neir Mainte feiz deu main ci qu’au seir, BenDucF 43349 (=BenDucM 41115) – - aissos : E cil qui moct furent aissos E maubailli e deshaitié BenDucF 7802 (=BenDucM 5634var), Dolente e aissose (BenDucM 17668 angoissose) e iree BenDucF 19846 ; Corroços e desconseillié Od docze hommes, ce truis, des suens, Aissos qu’il n’a nul de ses buens, Quer son reiaume e s’onnor pert 32924 (=BenDucM 30725) – - aisos : Braistrent, crierent, firent dous E traistrent barbes e chevous E se pasmerent maintes feiz, Aisos, desqu’a la mort destreiz 43066 (=BenDucM 40832). LEXICOGRAPHIE : – Glossaire de BenDucM 3, 764c ainsos, 25891, 26337, 41115 “dans l’anxiété” – DC 9, 25bc (ajout de Favre) ainsos, aissos “dans l’anxiété” : BenDucM 35891 (lire 25891), 26337 et 5634 var et 17668 var – Gdf 1, 193c ainsos, aissos “dans l’anxiété, anxieux” (pour BenDucM 25890, 26337 et 5634 var et 17668 var) – TL 1, 247 ainsos, aissos “bedrängt” pour les exemples de BenDucM, “besorgt” pour celui de ThebesC 10 – KellerWace 115a ainsus adj. “qui est dans l’anxiété” (pour BrutA 6690) – Glossaire de BenDucF ainsos, aissos, aisos “anxieux” – FEW 24, 667b 11 : ainsus adj. “anxieux” Wace, ainsos (Thèbes, TL ; BenSMH), aissos BenSMH. Je placerais bien ici le mfr. ainsé “soucieux, angoissé (?)” du DMF : rendre les couragez des chevaliers ainsez et pensis et esbahis aussi pour cause de la multitude des ennemis (BERS., I, 9, c.1354-1359, 37.7, 68). Bersuire est un auteur originaire de la Vendée ou du Poitou et le rattachement à FEW 24, 666b (anxia), que propose dubitativement le DMF

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Mais la différence des sens ne saute pas aux yeux. Retirons d’ici mfr. entieus “rêveur, soucieux, triste” Froissart, hanseux “anxieux” Baïf, géographiquement impossibles et sémantiquement improbables, si l’on relit leurs contextes, comme je l’ai dit, il y a trente ans, ici (48, 230). Pourtant le DMF, qui fait fi du caractère régional du lexique, n’a visiblement pas été convaincu (s.v. entieus). Pourtant en ce qui concerne l’exemple du Héraut Chandos qu’il ajoute, on verra la note correcte de l’édition citée, qui s’appuie sur une proposition avisée de Scheler. Il faut dire aussi que si l’on place en Angleterre, comme le fait la Bibliographie du DMF, la langue de Chandos, natif du Hainaut et dont le texte porte la marque, on risque de graves méprises !

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PHILOLOGIE ET ÉDITION

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me paraît défendable, même si je préférerais (anxiosus), ainsé étant formé à partir de ainsos. Le caractère régional d’ainsos ne fait donc à mes yeux aucun doute ! On sait aussi que l’ancien provençal a plusieurs exemples de aissos ‘inquiet, soucieux’ (DOM). Venons-en à ainse. Pour PfisterGir 236, le cas n’est pas davantage douteux : « ainse “douleur, souci, angoisse” …Im Altfranzösischen ist diese Form auf zwei westliche Texte beschränkt, vgl. afr. ainsse f. ‘embarras, douleur’ (Var. zu BenSMaureH 29200, 29868, TL), einsse (PGat 6071). Ebenfalls hierher gehört judfr. ainse ‘inquiétude’ (Rs ; 13. Jh.). Wie M. Banitt (RLiR 27,266) nachgewiesen hat, ist bei Rachi ein südfranzösischer Einfluß (besonders aus Narbonne) feststellbar. ». On voit que pour les attestations de Raschi, Pfister émet une hypothèse occitane, qui pourrait être défendue. Mais revenons à l’ancien français. TEXTES : – - ainxe : Sainz hoem cum ad plusurs travailz De faim, de seif, de freiz, de calz, Ainxe, tristur e granz poürs, BrendanS 1175 (agn., 1erq. 12es.) – - ainse : Tote s’ainse (var. s’aisse BenDucM 29565), son estoveir, Li a mandé e fait saveir BenDucF 31761 (poit., ca 1175) – - aisse : Plen d’aisse e de dolor (Plein d’angoisse, de dolur BenDucM I, 491) e d’ire BenDucF 2655 – - ainsse : Li reis soct s’ainsse (var. s’aise BenDucM 6207) e sa puissance E vit sa fiere meschaance BenDucF 8375 12 ; – Sofert tel ainsse (var. aise BenDucM 29200) e teu haschee BenDucF 31396 – A cui Dex dunt force e victoire, Longe vie, prosperité, Sanz ainsse (var. Senz aisse BenDucM 29868) e sanz aversité BenDucF 32066 – - einsse : A saint Gregoire .i. jor doloient Les temples, et li debatoient Les veinnes, et molt li grevot, Par pou li oilz ne li crevot, Tel dolor et tel einsse i ot. Au saint ala et li priot Que il li ostast la hachee, Si la li a tantost lachee PeanGatS2 6071 (tour., 1rem. 13es.) –

Grant duel, grant einsse et grant ire ot Quant n’en pot estre desevree PeanGatS2 6114. LEXICOGRAPHIE :

– Glossaire de BenDucM 3, 764c : ainse, ainsse, aise, aise 29200, 29565, 29868 (avec les variantes du ms. de Tours aux passages correspondants) etc. “anxiété, peine, angoisse, extrémité pénible” – DC 9, 25b (ajout de Favre) ainse, ainsse, aise, aise “anxiété, angoisse, peine” : cite les exemples de BenDucM – Gdf 1, 193c ainxe “angoisse, anxiété” : cite l’exemple de BrendanM – TL ainse, aisse ( ?) 13“Not, Bedrängnis” : BenDucF “angoisse, misère, anxiété” ; ajoute PeanGatS2 6071 mais omet BrendanS 1175 Pour défendre ainsse, il faudrait admettre que le possessif sa désigne deux personnes différentes : « sa propre misère et la puissance de Rollon ». 13 Le point d’interrogation, qui n’accompagne pas aissos, est superflu 12

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COMPTES RENDUS

– FEW 24, 666b : « Afr. ainsse “inquiétude, anxiété ; embarras, douleur” BenSMH, ainxe Brendan, einsse PGat, judfr. ainse (Rs 14 ; 13e) » ; ANDi ainxe “anxiety”. On sait aussi que l’ancien provençal a plusieurs exemples de aissa “angoisse, inquiétude, souci” (DOM). Le panorama des deux mots ainse et ainsos est tout à fait identique et l’analogie de leurs attestations avec celui de la famille d’amermer remarquable, à la seule différence qu’ainse/ainsos ne sont pas passés en outremer. En judéofrançais ces mots viennent soit du sud-ouest d’oïl soit de l’occitan. En aucun cas ils ne sont autochtones en Lorraine ! De la même façon les mots de la famille de cuter “cacher” (ici recuter [343]) ne sont attestés, à la seule exception des textes judéofrançais, que dans l’Ouest et le Sud-Ouest du domaine d’oïl 15. Entermentir “être mis en agitation”, discrètement placé dans le purgatoire du glossaire complet [432], présente un cas proche. La forme donnée est une normalisation graphique problématique pour antremantis de la transcription ; le renvoi fait à FEW 13,2, 46b (tormentum), où il ne se trouve pas, l’explique probablement. Mais surtout le FEW 13, 2, 238a a enregistré : « Judfr. antremantir v. n. “trembler” (champ. ca 1250, RF 22, 863) » d’après une édition de GlLeipzig où on lit antremantisseis “zittert ! ”. Cette forme, isolée en domaine d’oïl, est placée à la suite de la large famille occitane de l’apr. estrementir “trembler”. On pourrait donc voir là un occitanisme, avec modification du préfixe. Mais revenons à un cas voisin d’ecur, avec echoisun [84], qui n’apparaît, fort modestement, que dans le glossaire complet [445]. Le latin occasio a subi des altérations de son préfixe, d’abord en achaison, également en enchaison et aussi, mais plus rarement, en eschoison (v. FEW 7, 295-297). Le FEW 7, 296a présente ainsi cette dernière : « Afr. eschoison “possibilité d’agir” (hap. 13es. = Règl. S. Ben. ms. de Sens ds Gdf 3, 395a, pourrait être du Centre-Ouest), “cause, motif” (orl., 1322-1363 = Gdf), esquoison (1317 = Gdf), escheson Motets 16. – Dér. Judfr. eschoizoner v. “chercher un prétexte” Levy. » TL ne peut ajouter qu’une attestation d’eschoison : Eschoisons est de perdre amis YsLyonB 91, 21 (ms. frcomt., fin 13es.) et le DMF une autre, probablement normande 17, tirée de Gdf 3, 395a s.v. eschoper. On pourra ajouter : por eschoison de ceste guerre, LesortClerm 78/17 (lorr.sept., 1234), qui serait la seule à conforter l’hypothèse géographique de MK, mais encore : On est surpris que ainse et anse de RaschiD2, vol.1, p. 4 §21 et vol. 2, p. 70 §21 ne soient point cités par MK. 15 De la formulation très exacte du FEW 2, 1461b : « afr. mfr. cuter (12e -16 e jh., besonders norm. agn. hbret. berr. tour. poit. judfr.) », je juge même besonders un peu trop restrictif. On verra ce que j’en ai dit ds MélKunstmann 183. 16 On supprimera cette attestation tirée du glossaire de StimmingMot qui enregistre : escheson ; a – “mit Grund”. Il faut lire : Dont amors a essche son aim M’a sorpris « dont l’hameçon (son aim) m’a pris pour avoir mordu à l’appât (essche) ». 17 V. DMF s. v. trefouel et ce que j’en avais dit ds RLiR 60, 625. 14

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PHILOLOGIE ET ÉDITION

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eschoison ds RoseLangl t. 1, p. 251 (ms. Orléanais, 14es.) Mes si grans criz illecques ot Que l’escoison savoir ne pot BibleMacéS3 33543 (ms. Centre, 1343,) ou par l’eschoison des convenences dessus dictes (Moutiers Saint-Jean, 1293) = echoison (en fait eschoison) ds GoerlichBurg 89 si lor manda La grant eschoison qu’il avoit Por quoi la venir ne pooit, SFrançBP 4557 (ms. bourg.mérid., fin 13es.). On voit donc un ensemble qui se situe essentiellement de l’Orléanais à la BourgogneFranche-Comté, et pousse, à l’Ouest, une pointe en Normandie, et à l’Est, une autre en Lorraine. Il ne faut pas oublier non plus le francoitalien et le français d’outremer : sanz eschoison TristPrNB 2, 274, 42 (ms. francoit., déb. 14es.) par algune equeison EntreeT 3018 (francoit., 2eq. 14es.) l’on ne les doit arester ne garantir pour l’eschaison de la paine que lors ne court. AssJérJIbVatT 213 (ms. Chypre, 1369 ou peu après) Restent pour l’instant hors de localisation : Ceo est la eschaisun pur quei jeo defailli ds The Old French psalter commentary, éd. Charles J. Liebman, 117/884 par l’eschoison de ton fait LathuillièreGuiron 226 (BN fr. 350) 18. Je voudrais signaler ici l’importance du francoitalien, que l’on a vu et que l’on verra encore relevé, parce que l’on a parlé de l’influence des juifs italiens sur leurs coreligionaires lorrains et champenois, au milieu du IXe siècle, dans le cadre de la Lotharingie 19. Avec tarzerent, tarzez [89 et 455], voici encore un cas où ce que MK considère comme un traitement phonétique, m’apparaît comme un fait lexical et où le caractère régional n’est pas à négliger. D’ailleurs, phonétiquement, tarzer en face de tarder ne peut pas s’expliquer de la même façon que nesoiement en face de netoiement, auquel il est associé [89] : l’occlusive est intervocalique dans l’un, après consonne dans l’autre. – Gdf 7, 648b-649a (s. v. targier 2) offre déjà nombre d’attestations (8 ex.) de tarzier/ tarsier. – Comme Gdf, TL range sous targier quelques formes tarz- (tarzet GregEzH 41, 20, tarzer BenDucF 744 tarzierent BenDucF 4341, tarze BenDucF passim (et aussi BenDucM), tarzier HerbCandS 6262. – Le FEW répartit l’apr. tarzar (très usuel) sous *tardiare (13, 1, 116b) et l’afr. targ(i)er (très usuel aussi) sous *tardicare, où il place aussi un unique tarzer de AdamG 20.

Ne semble pas être dans la section décrite comme fin 13es., wallon ds PalamT p. 27. Cl. Hagège, Les gloses de Rachi…, in : R.-S. Sirat (ed.), Héritages de Rachi, 81. 20 A. Monjour a bien mis en doute la validité de cette distinction étymologique (Actes du XIXe CILPR 5, 148). 18

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COMPTES RENDUS

Le DMF enregistre sous tarsier, deux ex. de sans (plus) tarsier (Myst. st Bern. Menth. L., c.1450, 16 et 131).

Mais le type tarz(i)er/tars(i)er, en français d’oïl, est beaucoup mieux attesté qu’on ne le dit 21 : dans le Sud-Ouest, outre les très nombreux exemples de BenDucF (et BenDucM) et d’AngDialO, deux textes où c’est la forme quasi-exclusive, on ajoutera : Mult tazera por qui il iert changee AdamN 558 (ms. tour., 2eq. 13es.) ; Ne tarzera, ja est sor mains, AdamN 918 tarzer de sei atorner a De SermMaurPB 4 (poit., mil. 13es.). Dans le Sud-Est, outre les deux exemples de Myst. st Bern. Menth. (ms. Savoie, mil. 15es.) : Non tarzare[nt] gaire ambedui SCathAumN 1546 (ms. dauph., 2em. 13es.) ; E, saches, non tarzeret gaire SCathAumN 1878 ou se il se porrunt bien tarsier et faire damage, Le miroir de Souabe, éd. G.-A. Matile, p. V (Suisse, fin 14es.) Comant lan se tarse de demander lo sien, Le miroir de Souabe, éd. G.-A. Matile, p. X. Et surtout, ce qui apporte de l’eau au moulin de MK, en Lorraine ou dans l’Est : tarzet GregEzH 41, 20 (lorr., 2eq. 13es.) Ne tarsait gaires la jornée DolopB 8866 (ms. lorr., 2em. 13es.) Que nos n’avons soig de tarzier RobBloisBeaudL 738 (ms. lorr., 2em. 13es.) trop li pöez tarzier, HerbCandS 2683 (ms. Est, ca 1235), li fist auques tarzier HerbCandS 6262, et ne tarzera mie HerbCandS 8358 Vus n’aveis que tarsier (Vat. Reg. lat. 1517 (ms. lorr., 1324) ds Gdf et KellerRomw 357, 32)= Vos n’avés que tarsier GarMonglS 71/776 (ms. pic., fin 13es.) tarsivent (impft 6) 22 Cartulaire de l’abbaye Saint-Vincent de Metz (BNF lat 10023 ds Gdf vérifié) Ne te tarsier mie BSatf 12 (1886), 65 (ms. Metz, fin 13e-déb. 14es.). La forme se lit aussi en français d’Italie et d’Outremer : ne fait pas a tarzer RolcF 142/5 (ms. francoit. fin 13es.) tarcer PartonG 7786 var. de L (It., fin 13es.) Puis ne tarza gaires que GuillTyrB 2, 314var. de C qu’il porroit bien trop tarsier des Crestiens damagier GuillTyrB 2,359var. de C tarsa GuillTyrB 2, 434var. de A ne tarsa guerres apres GuillTyrB 2, 357. Ajoutons pour terminer quelques manuscrits que je ne puis pas localiser :

On retiendra essentiellement la date des mss. De même type qu’escoltivent du glossaire biblique.

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PHILOLOGIE ET ÉDITION

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Et il ne tarsa gayre longuement après AlexPr ds Notices et extraits des Mss de la BN 13, 303 (= BN fr. 1385 (14es.) f°11r° vérifié), qui correspond à AlexPrH 35, 23 (ne dura mie l.) tarza MenReimsW 182 §352var. de B (14es.) tarza GuillMachH 2, 272, 943var. de M (déb. 15e). Se rangent encore parmi les mots dont la répartition régionale pourrait être instructive : abriier “mettre à l’abri” [303], pour lequel je n’exclus pas un caractère régional (quart sud-ouest du domaine d’oïl), et qui n’est pas une formation dénominale à partir d’abri, mais l’inverse car c’est abri qui est le déverbal d’abriier afliement “épreuve qui cause une grande douleur” [303-304], l’attestation passe du rang de quatrième à celui de sixième, si l’on fait intervenir à côté de GregEzH (lorr., 2eq., 13es.) et TroisEn 23, affliement d’esperit SBernAnS2 198, 11 (Metz, ca 1200) ; le pueple Deu soufri cest affliement BibleAcreN (ms. N f° 85 [Acre, 1281]) ds Mélanges offerts à Madeleine Bertaud, réunis par Luc Fraisse, 485 demonissement “gémissement” [317] est difficile ; il est rattaché par MK à demonir. En effet demonir “détruire ; mettre en petits morceaux”, est attesté dès le 13es. ds Gdf ; Que el n’a nous bien demonis JubNR 2, 63 = « Le Dit de Perece » GRLMA n° 2744 (pic., 13es.) ; demoniz comme cendre leçon du BN fr. 23111 (fin 13es.) var. de demoluz conme cendre PèresL 11680 ; (en emploi intr.) l’erbe des chans soiche et demonist ms. Ars. 5201 f°359b (bourg.sept. ou lorr. 3et. 13es.) = MisereOmme. Autres attestations (en particulier normandes, aux 14e et 15es. ds TL et DMF) et pour le judéo-français voir ici [427]. Le verbe aurait bien mérité de prendre place dans l’étude lexicale, au lieu d’être rejeté dans le glossaire complet [427], mais il n’est pas sûr qu’il soit à rattacher, comme MK le suggère ici, à demoine “démon” de TL qui est seulement francoitalien 24 et à demonie “chose désagréable” (définition approximative) de Gdf, hapax, qui n’est qu’une variante du plus courant deablie “action de diable” ds Or oiiés moult grant demonie ds RobDiableBG4004, leçon du seul ms. BN fr. 24405 (hain., ca 1400) esplaner “rendre compréhensible (un texte) par un commentaire” [322] est mieux attesté que ne le disent les dictionnaires, j’en ai des attestations anciennes : – retornons por esplaner l’ordene et si demostrons ki en cest liu font a entendre li droit SBernCantG 147 (XXIV, 97) (wall., 4eq. 12es. ; ms. pic.-wall., ca 1200) et aussi esplanemenz (de cest capitle) s.m. “explication” SBernCantG 71 (XIII, 273) ; leur aouvri premierement le sens et leur esplana (lat. explanavit) les escriptures GratienBL 1, 80 (D36 c.2 l. 26) (Ouest, 13es. ; ms. Centre, 4eq. 13es.) et aussi esplanement (del sanne) GratienBL 1,126 (D 54 c.9 l.2) ; Si tu bien cete chose explenes, BibleMacéS2 22723 (ms. 1343, Centre) ; attestations de la seconde moitié du 15es. ds DMF – aussi en francoitalien : Mes, con ie croy et l’autor nous esplaine AttilaS 2, 29 (14,1074) (francoit. ca 1370), aussi esplanament (de mon sors) AttilaS 2, 135 (1523

Ou plutôt MisereOmme (bourg.sept. ou lorr. 3et. 13es.) v. R 16, 68. Aux trois ex. de TL 2, 1377, 49 (SCathVérB 1535, 1583, 1588 (ms. copié en Italie, fin 13es.), ajouter, dans le même ms. et p.-ê. du même auteur Tuit li demoine [l]i seront Obedïent AntAnW 117.

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COMPTES RENDUS

2137) et n’a mester splaneor EntreeT 15736 (2em. 14es.) cf. HoltusEntree 459 ; Qui les interpretacions, Les songes e les visions Aveient averez e diz (var. du BN fr. 782 (Italie, 14es.) : Lor auoit esplane et diz) BenTroieC 30225 plenure “plaine” est aussi, en français, mieux attesté que ne le disent les dictionnaires, mais c’est dans des textes manuscrits francoitaliens ou copiés en Italie 25 : – savoit les achoisons dont les vens esmeuvent les planeures de la mer ConsBoècePierreT 45 (francoit. (Terre sainte), ca 1305 ; ms. 1309) – trespassa forés et plaignes et montaignes et valees et grans desertines (var. ms. L copié à Bologne, ca  1330 : montaignes et valees et plainures) HistAncV 47 (81. 8) – car il lur estut passer par une plainure HaytonK 216 (1307) ; la plainure du roialme d’Ermenie HaytonK 248 var34 L (agn., fin 14es.) ; grantz plainures i a des pastures bones por les bestes (H. Omont, Notice du ms. BnF nouv. acq. franç. 10050 (mil. 14es.) contenant un nouveau texte français de la Fleur des histoires de la terre d’Orient de Hayton, ds Notices et extraits des manuscrits de la Bibliothèque nationale et autres bibliothèques 38, 1, 1903, 255) ; Au reaime de Mede sont grantz montaignes et poi de bleez par les plainures, 259 ; En la terre d’Ermenie sont grantz montagnes et larges plainures, 260 ; tantost cele plainure fust pleine de si grant obscurité, 261 ; Au realme de Calde sont grantz plainures et poi de montaignes, 261 ; Cestui regne ad beles plainures, pleintives et delitables, 262 ; la gent de l’emperour Eracles furent venuz a une plainure q’est nomé Posseric 265 – cele planure AimonFlH 492var des mss. ACGIKLT (les mss. IKL ont été copiés en Italie au 14e ; et les autres pourraient refléter une tradition italienne du texte 26). puantine “puanteur”. Ce n’est pas une première attestation. Le mot est attesté depuis le 12es., voici les attestations que je connais : tantost li covient cez oez meismes fichier en la karoigne et en la puantine des pechiez de ses proismes SermLaudT 80/154 (pic.wall. fin 12es. ; ms. de base : pic.-wall. ca  1200) ; Dont il gaaignent le juïse D’enfer, desoz, en la sentine, En l’ordure, en la puantine, Qui toz jors es nez lor purra, PèresL 452 (ms., lorr. 2em. 13es.) 27 ; Et por oster le puasine (puentine var. du ms. BnF fr. 834, (pic., déb. 14es.) Del enferm tant k’il soit sanés RenclMisH 207 (CXL, 11) ; Si com li crapos le t’aprent, Qui son venin conchoit et prent, Sa douleur et sa puantine, A l’yraigne pute voisine, WatrS 71, 171 (hain., ca 1325) ; FEW 9, 624a relève l’emploi moderne du mot en gaumais dans le sens de “puanteur, infection” L’ital. planura est bien attesté dep. le 13es. (cf. déjà ca 1200 planura TresselSermSubalp 408). Il est aussi passé ds l’aprov. plainura Lv 6, 635 : Jesu, que toç feces Et tot formas quant es, Munt et vals et plainura, Tot’ autras criatura (1254 ; Italie septentrionale). 26 Cependant le cas est rendu plus incertain par le ms. C = BnF fr. 1374 (frpr., ca 1260), dont j’ai vérifié la leçon. La rime planure : erreüre donne d’autre part un très bon texte, qui pourrait remonter à Aymon. 27 Je situerais l’œuvre plutôt dans l’Ouest. L’édition Lecoy ne donne pas de var., mais l’éd. du même conte ds Pères2W 96 (basé sur le BN fr. 1546 (2em. 13es.) donne de nombreuses variantes telles : S pusine, EV vermine, F famine, U puazine, P lanputine, IR puantise. 25

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PHILOLOGIE ET ÉDITION

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puisëoir. Il faut absolument distinguer les sens des formes puiseoir et puiseor, même si celles-ci se confondent en fait le plus souvent au plan étymologique. Ici la définition “récipient servant à puiser l’eau” ne coïncide pas avec le sens d’“abreuvoir” que réclame la glose. Le mot au sens de “récipient servant à puiser l’eau”, est dans les textes suivants, auxquels je vois plutôt un lien avec l’Ouest et le Sud-Ouest d’oïl 28 et l’outremer : Lui eschapa sis puiseour Par la force e par la reddour De l’onde qui le lui ravit AngDialGregO 4705 ; Car li funel dont fut lïez Li puseour dom l’aeve treistrent Sovent soi rompirent e freinstrent AngDialGregO 10771 Car tantost d’un novel funel L’atacherent al puseour (: jour ) AngDialGregO 10783 Qu’il puist a son puisor puchier De la douche fontaine et clere JJourH 88 ; Que la fontaine senefie Et li puisor et la cordele Qui vait jusqu’a la fontenele JJourH 97 ; Quant li puisors aval s’en vient JJourH 160 pour la douzeinne de pucheeurs qui sont clouez, viii. d. ; et por boisseaus et por seilles qui sont cloués, à col ou à cheval, i. d. ; et, quant les pucheeurs ou les seilles ou les boesseaus devant dis ne sont pas cloués, si ne doivent coustume. CoutEauB 354 pour la vendue et livrée de trois pucheurs de luy achetés le xxie iour d’ottobre eu dit an, pour geter l’eaue hors des barges et bargos (Rouen, 1384 ds Bréard, Le Compte du clos des galées de Rouen au XIVe siècle (1382-1384) in : Mélanges de la Société de l’histoire de Normandie, 2 (1893), 89) 29. Le même type lexical, au sens de “lieu où l’on puise l’eau”, qui nous concerne ici, est un mot uniquement picard 30, amplement attesté 31 depuis 1308 (Gdf 6, 462bc ; FEW 9, 628b 32 ; DMF puisoir 33). Ce picardisme n’est pas isolé, citons à ses côtés :

Il y prolonge les formes occitanes : apr. poaire, poayre, pusaire “seau à puiser l’eau” (Lv 6, 492b, FEW 9, 629a) ; aauv. pozador (1381-1438, DAOA 969). 29 C’est l’exemple de pucheur “pelle creuse” (Rouen, 1382) ds FEW 9, 629a, où l’on trouvera des attestations postérieures. 30 Et qui correspond à l’apr. pozador/ posador “lieu où l’on puise l’eau” (dep. 12e, FEW 9, 628b ; Lv 6, 492). 31 On peut encore en ajouter, par exemple : [Un enfant] fu perchut et trouvé en l’iaue à l’abruvoir du Pont aux poissons, assez prés du puchoir du dit abruvoir,…. Congnut et confessa le dite Ysabellot avoir enfanté l’enfant qui trouvé avoit esté au dit puchoir. .... et après che que elle l’eust ainsi enffanté, elle le porta au dit puchoir et là le geta le dit joeudi (1393, Abbeville ds Thierry 4, 201-202) ; Et s’estend lidiz maraiz des cauffaeurs de Sainte-Morisse dusques à Fontenelle et dusques à ung puchoir de Bétricourt, qui anchiennement fu nommez le puchoir Adames, en allant aviser d’icellui puchoir jusques à le viste de le capelle l’évesque d’Amiens (1458, Amiens ds Thierry 1, 845) 32 Le seul exemple non localisé, puisseoir (1344, DC) vient de l’Abbaye de Saint-Quentin-en-Isle (Somme). Ne soyons pas dupes de la notation « flandr. 1358-1565 » de FEW, elle s’applique à des documents de Valenciennes et de Tournai, où « hain. 1358-1565 » serait seul acceptable. C’est naturellement chez Georges Chastellain un régionalisme. 33 Le DMF ne parle pas de régionalisme. 28

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COMPTES RENDUS

adrecié “qui réunit des qualités positives” [415], pour lequel les exemples de Gdf 1, 117b, de TL 1, 157, 48 -158, 3 et de DMF (adresser C. Part. passé en empl. adj.1. [D’une pers.] 2.[D’une chose] “Bien fait, parfait, beau”) sont tous sans exception 34 picards. anichier “construire son nid” [310], dans tous ses emplois le verbe médiéval n’est attesté qu’en Picardie. Pour ne parler que du verbe intransitif (ou réfléchi), qui nous concerne ici, il est attesté non dans PelViePr Gdf mais dans PelVieS 7870 35 et 7875 ; on sait que Guillaume de Digulleville utilise un double registre de régionalismes : les normandismes de son lieu d’origine et les picardismes de ses lectures (v. B. Stumpf, Étude de quelques régionalismes lexicaux dans les Pèlerinages de Guillaume de Digulleville ds Guillaume de Digulleville : les Pèlerinages allégoriques, éd. F. Duval et F. Pomel, 280). Ses autres attestations, fournies par Gdf et TL, se localisent aisément : RenclMisH 125, 8 (pic., ca 1225) ; YsIIB 64, 39 (traits pic., ca  1300) ; MaillartR 2021 (pic.mérid., 1316) ; WatrS 286, 88 (hain., ca 1325), et le DMF leur ajoute deux exemples de Molinet. parfondine “endroit d’une grande profondeur” semble être un picardisme, attesté toujours à la rime, ds SaisnLB 1730 (Arras, fin 12es.) et RigomerF 11942 et 16570 (pic. (Tournai ?), mil. 13es.). Autres mots d’aire géographique restreinte, à faire passer du glossaire complet à l’étude : conter, la forme cunpanz, d’un type comper qui est décrit, à juste titre 36, comme « abourg, achamp. afrcomt. » par FEW 2, 992a 37 coveter “cacher”, verbe qui n’est usité qu’en Picardie et en Lorraine. Remarques diverses sur les mots de l’étude lexicale : covoitement, la définition “action de soustraire qch. à la vue en le couvrant” est étrange pour “convoitise”. La date de 1107 est fausse ; elle vaut pour la source latine de CroisBaudriM, daté du déb. 13es. orgoillier “provoquer un sentiment de fierté et confiance chez (qn)”, l’emploi transitif ne manque pas ds TL 6, 1260, 51-1261, 5 piteer “montrer de la pitié envers (qn)”, 1re att. (en empl. tr.), horsmis le judéofrançais, Diex, qui le monde pitea BibleMacéS3 32186 (v. ZrP 104, 150) On me dira qu’il y a cet exemple du DMF : « “éduqué, formé” : Or est il ainsi, que en toutes ces choses celui qui est bon adrescé et fait toutes ses operacions selon raison et celui qui est mauvais peche en toutes ces choses et mesmement en delectacion, pour ce que delectacion est plus commune (ORESME, E.A., c.1370, 154) ». Or il est clair qu’il faut y lire adresce “dispose (dans un certain ordre) » et placer une virgule après bon. 35 Un ms. de PelViePr que j’ai pu consulter (BnF fr. 1137 f° 68v°), utilise en effet le verbe simple nigier : s’en vont nigier ailleurs. 36 On me dira qu’il y a cet exemple du DMF : « …en bonne monnoie bien compée… (PHIL. VI VALOIS, Doc. paris. V., t.1, 1335, 240) ». Mais c’est une faute ; l’édition citée porte comptée. 37 On pourra en ajouter plusieurs : comper (1332- 1345 ds DocJuraS 619b ; 1410, Archives de la ville de Neuchâtel, ds MélBinz 47 n.29). 34

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PHILOLOGIE ET ÉDITION

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pressoirier “presser (des fruits) pour en extraire le liquide”, 1re att. Car altresi cum um peine cel vin, um le fole, um le pile, um le pressoire, ensement demana um sanctos martyres CommPsIA1G 127 (VIII, 21) retraiement “récit”, manque dans les dictionnaires mais se lit ds De J(uda) Machabeu ferai retraiement VoeuxPaonR t.3, p. LXXXVI, 7537var. P (pic., 1338) troche “grappe (de fruits) ”. Le commentaire, déjà difficile, est encombré de tresse arse de aus et de tresse de l’ael, qui n’ont rien à faire ici et sont à ranger avec tresse (cf. apr. tressa “botte d’ail dont les tiges ont été assemblées en les tressant” (Limoges, 1377), Provins trace (d’oignons) “botte” ds FEW 13, 2, 262a ; tresse d’ails “botte d’ails dont on a assemblé les tiges en les tressant” : XII tresches d’aux (Compte Navarre I.P., 1367-1371, 61) ds DMF ; des tresses d’ail, des bottes de thym mettaient là une odeur rustique et vive (POURRAT, Gaspard, 1930, p. 121) ds TLF tuelet est donné par erreur comme « adj. ». On peut accroître le nombre de ses attestations au cours du 13e siècle : Dedenz un viel fust sanz escorce Deuz tüellez de plon giesanz HistFécL 5125 (norm., mil. 13es.) ; prendés .i. tuelet de plonc ou d’argent, et le metés en l’orelle, AldL 93, 26 (pic., prob. 1256) ; L’ereste en le char se ficha En traviers del tüelet (“œsophage”) fu SDomM 4739 (pic., ca 1258). Pour les mots du glossaire complet : abeveter, vu la forme abota, il faudrait aussi prendre en considération aboeter de TL 1, 56 et abooter 1, 60 adrecier, la forme adrecievet est non un passé simple mais un imparfait, comme escoltivent, qui a bien été identifiée sous escouter ; ce sont l’une et l’autre des formes de l’Est (cf. FouchéVerbe 236-241) amenuisier, difficile de voir dans amenuist un ind. prés. 3 apovrir, comme le fait supposer la définition, est tr. non intr. aspeontable (*RaschbamK), les formes avec changement de préfixe, du type apoent-, sont assez connues (v. FEW 3, 304a et Gdf 9, 547bc), celles en asp- le sont moins ; Gdf en a 1 ex. : aspaontee AmAmPrM 56 (frcomt., fin 13es.) auquel on ajoutera Consternatus in gallico aspoenté AlNeckCorrM 671(texte latin avec des gloses françaises sur la Bible ; agn. ca 1200 ; ms., 13es.) emprendre “mettre le feu”, l’ind. prés. 5 enprez, quand on attendrait enprenez, surprend engroter, on est surpris par les passés simples 3 encrot et encrut ; la forme normale est engrota entomi “engourdi”, entomissement “engourdissement”, méritaient mieux qu’une simple présence dans le glossaire complet. Certes l’afr. entomi est assez bien attesté et il a été parfaitement élucidé par Thomas (R 42, 394) - qui signale le fait que cette famille est particulièrement bien représentée dans les sources hébraïques -, et bien décrit dans le FEW (17, 383-384), qui note, en passant (17, 383b) qu’entommir est « besonders pik. lothr. », ce qui n’est que partiellement exact, mais offrait une piste qui pourrait être exploitée, tant il est visible que ce n’est pas un mot du français général, où il a pu seulement s’introduire ponctuellement. Son aire médiévale paraît surtout couvrir la Picardie, la Haute-Normandie, la Champagne et la Franche-Comté ; la Lorraine n’étant représentée que par le Myst. st Clément de Metz D., p.1439, 544 (7572)

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COMPTES RENDUS

entort “tordu”, pour les formes entors c.s.sg. m. et pl.m., constitue une lemmatisation problématique ; ce pourrait être aussi bien, voire mieux, entors esclore, la définition “rester posé sur des œufs de manière à en faire sortir les petits” est bizarre escüer et escure, ne me satisfont pas. Escüer “mettre à l’abri” est illustré par les formes escuierei (fut.) et par ecus (part. passé) et justifié par une dérivation à partir de escu. Ce serait à la rigueur possible pour escuierei, mais je préférerais eschiver (eschuer) au sens de “défendre (de qch) ” TL 3, 902, 36-49. Mais ecus se rattache mieux à escorre au sens de “arracher à un danger” (DialGregF 249 et BrutMunH 3934 ds Gdf 3, 431b ; dep. BenTroieC 20506 ds TL 3, 976, 13-32). Quant à escure, la forme acuva se rattacherait mieux à eschiver (eschuer) au sens de “éviter, fuir” (cf. FEW 17, 124b), tandis qu’eicuanz rejoindrais escorre au sens de “arracher à un danger” essever, “être privé d’eau” me semble étrange message, la forme mesaigeiz pourrait se rattacher à messag(i)er ocire, je ne vois pas comment ocite p.p. sg. f. de ocire est compatible avec le art. déf. masc. sg. [441b] ds le ocite Jdc 20, 4. Au total, un ouvrage solide 38, sur un terrain particulièrement difficile, qui est une belle contribution à l’histoire du lexique français et qui débouche sur des domaines assez souvent négligés. Gilles ROQUES

Quelques minuties pour terminer : 392 note, « une variation de registre, circoncise à des domaines spécialisés », même à propos d’une enquête auprès de locuteurs sépharades parisiens, serait plutôt circonscrite 351 et passim, on transformera des références à FEW 131 ou 132 en 131 ou 132 451 arsir, lire FEW 25 et non 24 ; arson, ajouter un renvoi à FEW 25, 35 433 esclenchier, remplacer inf. par adj. 439 halement, le texte édité porte halmant non halemant 443 manoir, lire « demeurer » non « démeurer » 446 oscur, 447 passer et passim, quelques caractères gras se sont effacés 449 porche, en *GlKaraK Jdc 3, 23, le texte porte porge non porje. 38



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NÉCROLOGIE Peter KOCH (1951-2014)

Peter Koch nous a quittés, brusquement et de manière inattendue, le 7 juillet suite à un arrêt du cœur. Il a été titulaire des chaires de philologie romane à l’Université de Mayence (1988-1990), à l’Université Libre de Berlin (1990-1996), ainsi que, jusqu’à sa mort, à l’Université de Tubingue (1996-2014). Romaniste et latiniste en raison de ses études universitaires à Göttingen, Poitiers et Fribourg-en-Brisgau, Peter Koch a été un des plus grands personnages scientifiques de la linguistique romane et générale de son époque. Dans le domaine des langues romanes, ses travaux se distinguent notamment dans l’étude linguistique du français et de l’italien. Mais le fait de mentionner son orientation vers les langues romanes particulières dont il était spécialiste et vers les langues romanes en général, son orientation vers la typologie, conséquence logique de la synthèse des perspectives romaniste et latiniste, et vers les universaux du langage ne suffit pas à circonscrire l’essence de son œuvre 1. Face à la totalité de ses écrits, dont il est impossible de faire ici un résumé exhaustif 2, on ne peut qu’énumérer les aspects et les critères scientifiques ainsi que les démarches théoriques à travers lesquels Peter Koch a été capable d’analyser le langage et les langues particulières d’une manière extraordinaire, voire inégalable dans sa plasticité théorique. Le point crucial de son œuvre est certainement le fait de concilier une perspective interne avec une perspective externe du langage. Dans la perspective interne, on retrouve des aspects grammaticaux et lexicaux, systématiques et cognitifs du langage ; dans la perspective externe, des aspects sociologiques, variationnels, situationnels, discursifs et surtout médiaux (dans le sens de la médialité graphique et phonique). Il suffit de retracer la première décennie de l’activité scientifique de Peter Koch pour reconnaître l’ampleur de son œuvre quant aux dimensions de l’analyse interne, externe, ainsi qu’en ce qui concerne l’interface entre les analyses interne et externe du langage. Sa thèse de doctorat, présentée en 1979 à Fribourg-en-Brisgau et publiée en 1981 sous

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Cette diversité ressort également des récentes mélanges en son honneur, cf. le compte rendu par Gerhard Ernst, ici, 511sqq. Peter Koch a écrit quatre ouvrages monographiques et dirigé sept volumes de recueils énumérés infra dans l’« Extrait bibliographique de Peter Koch », qui se limite à nommer 51 articles scientifiques auxquels se réfère la nécrologie – sur les 127 que Peter Koch nous a laissés.

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le titre Verb. Valenz. Verfügung. Zur Satzsemantik und Valenz französischer Verben am Beispiel der Verfügungs-Verben (Heidelberg : Winter), traite un problème central de la syntaxe du français et de la syntaxe générale, à savoir celui de la structuration sémantique et de l’organisation syntaxique du noyaux prédicatif de la phrase. La valeur de cette démarche consiste, entre autre, à décrire la corrélation entre les rôles sémantiques et les fonctions syntaxiques, deux dimensions encore à peine distinguées dans la théorie de la valence formulée par Lucien Tesnière. Peter Koch y apportera comme troisième dimension le plan de la structure informationnelle de la valence et montrera que les trois dimensions de la valence qu’il distingue sont parfaitement aptes à décrire le changement sémantique des verbes (cf. Koch 1991). En 1986, la revue Romanistisches Jahrbuch publie dans son numéro 36 le célèbre article « Sprache der Nähe – Sprache der Distanz. Mündlichkeit und Schriftlichkeit im Spannungsfeld von Sprachtheorie und Sprachgeschichte », RJ 36 (1985 [1986], 15-43), dans lequel Peter Koch et Wulf Oesterreicher posent le fondement théorique de la distinction entre le langage de proximité et le langage de distance. Le point de départ de cette notion repose sur la double distinction proposée par Ludwig Söll entre le code phonique et le code graphique d’une part ainsi qu’entre le code parlé et le code écrit d’autre part, la première visant le medium et la seconde la conception linguistique. La théorie de Koch et Oesterreicher apporte non seulement une grande précision à la notion d’oralité et de scripturalité conceptionnelle en interprétant les codes « parlé » (proximité) et « écrit » (distance) comme pôles d’un continuum (alors que la distinction « phonique » versus « graphique » reste dichotomique) et par la description minutieuse de « conditions communicatives » et de « stratégies d’expression linguistique » corrélatives à ces pôles. Cette approche mène également à une application transcendante des notions de proximité et de distance vers les universaux et les variétés linguistiques. Comme le montrent Koch et Oesterreicher, la distinction entre le langage de proximité et le langage de distance correspond à une dimension variationnelle à part entière des langues particulières (à côté de la variation stylistique, sociale et géographique) et du langage en général (cf. Koch 1988). En 1987, Peter Koch présente sa thèse d’habilitation Distanz im Dictamen. Zur Schriftlichkeit und Pragmatik mittelalterlicher Brief- und Redemodelle in Italien à Fribourg-en-Brisgau. Il s’agit d’une étude approfondie sur l’art de la rédaction épistolaire en Italie du moyen âge. Entre autres, il y propose une élaboration de la distinction des plans universel, historique et individuel du langage établie par Eugenio Coseriu dans les dimensions de l’intension et de l’extension. Ce faisant il développe le concept d’idiolecte. Ces précisions qu’il apporte à la théorie du langage de Coseriu ne suffisant pas à son analyse, Peter Koch y intègre également la notion de traditions discursives qu’il définit comme une seconde dimension de l’historicité des normes linguistiques déterminant les langues particulières (cf. surtout Koch 1988 et 1997a). Aux « normes idiomatiques » de Coseriu, il ajoute les « normes discursives », qui sont liées à des situations communicatives et par conséquent à des types de discours ou de texte. Il nous propose ainsi (sans le dire explicitement, toutefois) de distinguer un aspect interne (idiomatique) et externe (discursif) de l’historicité des normes. En tant que variétés, les traditions discursives peuvent être localisées dans le cadre du continuum de la proximité et de la distance linguistique (cf. Koch & Oesterreicher 1985, 1990, 2008, Koch 2010). Sur cette base théorique, Peter Koch développe un appareil notionnel puissant, à même de décrire et

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d’expliquer les phénomènes linguistiques externes et l’interface entre les faits de langue externes et internes. De son ouvrage Distanz im Dictamen résultent encore bien d’autres impulsions que Peter Koch a présentées par la suite dans une multitude d’articles. Il a notamment fourni une contribution importante aux analyses sémiologiques de l’écriture, surtout quant à l’ontogenèse et la phylogenèse des codes graphiques (cf. Koch 1997b, 2007). De surcroît, il parviendra à expliquer l’interdépendance de l’évolution de l’écriture et de l’élaboration de la langue, qu’il met par ailleurs en relation, à partir de sa conception de double historicité, avec l’évolution linguistique interne. En passant, Peter Koch détermine les principes fondamentaux de la notion de transmédialité, qu’il définit comme transgression simultanée d’un code médial à un autre, par exemple dans le cas d’un discours élaboré, où le locuteur reproduit le code graphique de son manuscrit dans son discours en code phonique, ou dans le cas d’une dictée, où celui qui écrit le code graphique interprète le code phonique produit par celui qui dicte (cf. Koch 1998). Peter Koch poursuivra ses recherches en linguistique externe jusqu’à son décès et les publiera dans un nombre impressionnant d’articles qui, à côté des sujets déjà mentionnés, traiteront notamment de plurilinguisme, de diglossie, d’élaboration linguistique, de sociolinguistique des langues créoles etc. Mais dès les années 1990, Peter Koch se penche à nouveau sur les problèmes de la linguistique interne, qui l’occupent également. L’article « Semantische Valenz, Polysemie und Bedeutungswandel bei romanischen Verben » de 1991, déjà mentionné ci-dessus, n’est pas seulement un retour au sujet de la valence verbale, mais fait également un grand pas vers un nouveau domaine d’intérêt de Peter Koch : le changement sémantique et lexical et la lexicologie en général, auxquels il consacrera dès lors une bonne partie de ses travaux. D’un point de vue rétrospectif, cet article est d’autant plus programmatique pour les études de linguistique interne de Peter Koch qu’il contient pour ainsi dire les « germes » de plusieurs approches développées par la suite. Un aperçu des contributions de Peter Koch à la linguistique interne commence, pour des raisons purement chronologiques, par ses apports à la théorie de la valence et, plus généralement, à la grammaire de dépendance. À côté des progrès considérables dans le domaine de la valence sémantique et syntaxique que représentent les études de sa thèse de doctorat (voir supra), et de la tripartition dimensionnelle de la valence dans l’article de 1991 déjà mentionné, il convient d’évoquer les applications et les élaborations des notions « tesnièriennes » de la métataxe actantielle (cf. Koch 1994a, 1995, 1996a, 2001a, 2002a) et - d’un point de vue critique - de la translation (cf. Koch & Krefeld 1993, 1995). À cela s’ajoutent des travaux pertinents sur la conjugaison « objective » dans les langues romanes (Koch 1993a, 1993b). Finalement, ce sont les problèmes de la valence et de l’idiomaticité de la stucture syntaxique de la prédication ainsi que les principes du changement linguistique qui mènent Peter Koch à la grammaire constructionnelle. Mais bien que sa seule contribution explicite à la grammaire des constructions date de l’année 2014 (l’année de son décès), toute une série d’indices prouvent l’intérêt de Peter Koch pour les grammaires de ce type. Toutefois, les travaux sur la valence et la dépendance de Lucien Tesnière ne représentent qu’une petite partie des sujets de linguistique interne traités par Peter Koch. Comme le suggère déjà son article de 1991 sur le changement sémantique des verbes, il va aborder un nouvel ensemble de sujets auquel il apportera des contributions importantes,

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reconnues à l’échelle internationale. Il s’agit d’une part du changement linguistique et surtout lexical ainsi que des mécanismes qui le régissent, et d’autre part des principes cognitifs sur lesquels reposent ces mécanismes. À travers l’étude du changement sémantique, Peter Koch deviendra en effet un éminent spécialiste de la linguistique cognitive. Il lui apportera un fondement empirique dans le domaine du changement linguistique 3. L’étude du changement sémantique l’amènera à se consacrer à ses mécanismes et à ses motivations. À côté d’une série de publications sur la métonymie et la théorie des scénarios ou « frames » 4, on trouve aussi des travaux sur la métaphore (cf. Koch 1994b) et les changements taxinomiques (cf. Koch 1996b, 2005a). Ses travaux portent sur l’innovation expressive des locuteurs, qui est à la base du changement sémantique, et sur les fondements cognitifs, voire associatifs, qu’il explique tant du point de vue du gestaltisme que de celui de la psychologie des associations. Dans le domaine du changement et des champs sémantiques, Peter Koch est un des premiers à introduire de manière systématique la perspective onomasiologique à côté de la visée sémasiologique traditionnelle 5. La combinaison des perspectives sémasiologique et onomasiologique est extrêmement féconde et mène à une nouvelle méthode intégrative de l’analyse de tout type de changement lexical, qui trouvera son application dans le Dictionnaire Étymologique et Cognitif des Langues Romanes (DECOLAR). Ce projet initié par Peter Koch et Andreas Blank en 1997 et poursuivi, après le décès précoce de ce dernier en 2001, par Peter Koch et moi-même, a abouti à la publication en ligne de fascicules électronique à partir de 2011 6. La synthèse des perspectives sémasiologique et onomasiologique permettra à Peter Koch également de développer le concept de « typologie lexicale », qui se fonde sur différentes stratégies expressives comme l’innovation sémantique, morphologique ou syntaxique et qui comprend les perspectives diachronique et synchronique (cf. Koch 2001c, 2005b). Par ce biais, il accèdera à la recherche sur la motivation lexicale, à laquelle il s’est beaucoup consacré dans ses dix dernières années et qu’il a su expliquer de manière remarquable (cf. Koch & Marzo 2007). À côté de cette incroyable productivité scientifique, Peter Koch a trouvé le temps de se concentrer sur des sujets plus restreints comme celui des expressions d’existence, de localisation et de possession (cf. Koch 1993c, 2012), autre émanation de sa thèse de doctorat, qui traitait également de possession (« Verfügung »), ou celui des créoles à base lexicale française et romane (cf. Koch 1993d). Et bien entendu, si l’on peut diviser l’œuvre de Peter Koch en un domaine de linguistique interne et un domaine de linguistique externe, cela implique qu’il était un des rares linguistes capable d’une synthèse de ces deux domaines de la linguistique. Cela se montre notamment dans ses brillants articles sur le rôle des traditions discursives dans le changement linguistique (cf. Koch 1997a, 2002b, 2008a), sur la linguistique variationnelle (cf. Koch 1999a, 2002b) et sur la genèse de l’écriture (voir supra).

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Peter Koch le dit explicitement dans le titre de « La diacronia quale campo empirico della semantica cognitiva » (Koch 1997c). Cf. Koch (1999b, 2001b, 2004a, 2008b, 2008c, 2012c). Cf. entre autres Koch (1996b, 1999c, 2000, 2001d, 2001e, 2002c, 2003a, 2004b, 2008d, 2014), Blank & Koch (1999), Blank & Koch & Gévaudan (2000). Cf. la publication en ligne sous l’adresse [‹ http://www.decolar.uni-tuebingen.de/ ›] ainsi que Gévaudan & Koch (2010).

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Peter Koch était fasciné par son objet de recherche, les langues. Ses ouvrages, qui sont rédigés en allemand, en français, en anglais, en italien, en espagnol et même en sarde (cf. Koch 2003), en témoignent (bien entendu, ses études comportaient encore bien davantage de langues). Ce qui est le plus fascinant dans tous ses travaux, c’est son sens pour le dynamisme des langues, pour le fait qu’une langue se manifeste et se forme à travers l’activité langagière des locuteurs. Déjà dans sa thèse de doctorat, il formulera ce principe, selon lequel on peut entendre tout son œuvre : La langue est toujours liée aux sujets humains, qui emploient des expressions linguistiques en parlant. […] Les sujets parlants ne sont pas soumis aux règles linguistiques comme aux lois naturelles. Au contraire, ils en disposent, car ils peuvent, comme à toutes les autres normes sociales, s’y tenir ou bien ne pas s’y tenir et même les changer. (Koch 1981, 21f., 27) 7 Quant à ces principes, Peter Koch se positionne dans la tradition d’une théorie du langage qui insiste sur l’importance de l’activité linguistique, d’une « linguistique du parler » comme disait Eugenio Coseriu, et à laquelle appartiennent, à côté de ce dernier, aussi Wilhelm von Humboldt, Karl Bühler, Antoine Meillet et Émile Benveniste. Selon cette tradition, le ou les système(s) qu’implique une langue ne peu(ven)t jamais être une fin en soi, mais doi(ven)t plutôt être considéré(s) comme une manifestation sédimentée d’une série historique et d’un ensemble social d’actes langagiers. Face à cette notion, on ne saura considérer une langue comme une charpente statique « où tout se tient » (Ferdinand de Saussure). Mis à part son œuvre, il convient de souligner que Peter Koch a consacré une importante partie de son travail à l’enseignement et s’est beaucoup engagé pour ses étudiants et ses disciples. Tous ceux qui ont eu le privilège de connaître Peter Koch personnellement ont eu affaire à un homme modeste, sincère et généreux, aimable et joyeux. Ce n’est pas qu’un grand linguiste qui a disparu, mais aussi un ami inoubliable. Il nous a toutefois légué son œuvre. Paul GÉVAUDAN

������������������������������������������������������������������������������� « Sprache ist immer an die menschlichen Subjekte gebunden, die sprachliche Ausdrücke verwenden, indem sie sprechen (Koch 1981, 21f.). [D]ie sprechenden Subjekte sind den sprachlichen Regeln nicht unterworfen wie Naturgesetzen, sondern sie verfügen über sie insofern, als sie sie wie alle sozialen Normen befolgen können oder aber auch nicht befolgen und sogar ändern können » (Koch 1981, 27 [traduction PG]).

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Extrait bibliographique de Peter Koch 1. Ouvrages monographiques Koch, Peter, 1981. Verb – Valenz – Verfügung. Zur Satzsemantik und Valenz ��������� französischer Verben am Beispiel der Verfügungs-Verben, Heidelberg, Winter, Reihe Siegen, 32. Koch, Peter, 1987. Distanz im Dictamen. Zur Schriftlichkeit und Pragmatik mittelalterlicher Brief- und Redemodelle in Italien, thèse d’habilitation, Freiburg. Koch, Peter / Oesterreicher, Wulf, 1990. Gesprochene Sprache in der Romania: Französisch, Italienisch, Spanisch, Tübingen, Niemeyer, Romanistische Arbeitshefte, 31. Seconde édition, Berlin/New York, de Gruyter, Romanistische Arbeitshefte, 31. Koch, Peter / Oesterreicher, Wulf, 2007. Lengua hablada en la Romania: español, francés, italiano, Madrid, Gredos, Biblioteca románica hispánica. 2, Estudios y ensayos, 448. [réélaboration complète en espagnol de l’ouvrage précédent]. 2. Éditions d’ouvrages collectifs Koch, Peter / Krefeld, Thomas, 1991. Connexiones Romanicae. Dependenz und Valenz in romanischen Sprachen, Tübingen, Niemeyer, Linguistische Arbeiten, 268. Koch, Peter / Krefeld, Thomas / Oesterreicher, Wulf, 1997. Neues aus Sankt Eiermark. Das kleine Buch der Sprachwitze, München, Beck 1997, Beck‘sche Reihe, 1187. Koch, Peter / Krämer, Sybille, 1997. Schrift, Medien, Kognition. Über die Exteriorität des Geistes, Tübingen, Stauffenburg, Probleme der Semiotik, 19. Koch, Peter / Blank, Andreas, 1999. Historical Semantics and Cognition, Berlin/New York, de Gruyter, Cognitive Linguistics Research, 13. Koch, Peter / Blumenthal, Peter, 2002. Valence : perspectives allemandes, Caen, Presses Universitaires de Caen, Themenheft der Zeitschrift Syntaxe et sémantique 4. Koch, Peter / Grimm, Reinhold R. / Stehl, Thomas / Wehle, Winfried, 2003. Italianità. Ein literarisches, sprachliches und kulturelles Identitätsmuster, Tübingen, Narr. Koch, Peter, / Blank, Andreas, 2003. Kognitive romanische Onomasiologie und Semasiologie, Tübingen, Niemeyer, Linguistische Arbeiten, 467. 3. Articles cités Blank, Andreas / Koch, Peter, 1999. « Onomasiologie et étymologie cognitive : l’exemple de la tête », in : Vilela, Mario / Silva, Fátima (ed.), Atas do 1. Encontro de Linguística Cognitiva, Porto 29/30.5.1998, Porto, Faculdade de Letras do Porto, 49-71. Blank, Andreas / Koch, Peter / Gévaudan, Paul, 2000. « Onomasiologie, sémasiologie et l’étymologie des langues romanes : esquisse d’un projet», in : Englebert, Annick / Pierrard, Michel / Rosier, Laurence / Van Raemdonck, Dan (ed.), Actes du XXIIe Congrès International de Linguistique et de Philologie Romanes, Bruxelles, 23-29 juillet 1998. IV : Des mots aux dictionnaires, Tübingen, Niemeyer, 103-114. Gévaudan, Paul / Koch, Peter, 2010. « Sémantique cognitive et changement lexical », in : François, Jacques (ed.), Grandes voies et chemins de traverse de la sémantique cognitive, Leuven, Peeters, Mémoires de la Société de Linguistique de Paris, N.S., 18, 103-145.

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Actes d’EUROSEM 2000, Reims, Presses Universitaires de Reims, Recherches en Linguistique et Psychologie cognitive, 17, 151-185. Koch, Peter, 2003a. « Changement sémantique et données linguistiques : Parcours sémasiologique – parcours onomasiologique », in : Ouattara, Aboubakar (ed.), Parcours énonciatifs et parcours interprétatifs. Théories et applications, Paris, Ophrys, 145170. Koch, Peter, 2003b. « Sa limba », Italienisch 49, 1. Koch, Peter, 2004a. « Metonymy between pragmatics, reference and diachrony », metaphorik.de 7, 6-54. [‹ http://www.metaphorik.de ›] Koch, Peter, 2004b. « Diachronic onomasiology and semantic reconstruction », in : Mihatsch, Wiltrud / Steinberg, Reinhild (ed.), Lexical Data and Universals of Semantic Change, Tübingen, Stauffenburg, 79-106. Koch, Peter, 2005a. « Taxinomie et relations associatives », in : Murguía, Adolfo (ed.), Sens et Références/Sinn und Referenz. Mélanges Georges Kleiber/Festschrift für Georges Kleiber, Tübingen, Narr, 159-191. Koch, Peter, 2005b. ������������������������������������������������������������������� « Aspects cognitifs d’une typologie lexicale synchronique. Les hiérarchies conceptuelles en français et dans d’autres langues», Langue française 145, 11-33. Koch, Peter, 2007. « Assoziation – Zeichen – Schrift », in : Jacob, Daniel / Krefeld, Thomas (ed.), Sprachgeschichte und Geschichte der Sprachwissenschaft, Tübingen, Narr, 11-52. Koch, Peter, 2008a. « Tradiciones discursivas y cambio lingüístico : el ejemplo del tratamiento vuestra merced en español », in : Kabatek, Johannes (ed.), Sintaxis histórica del español y cambio lingüístico: Nuevas perspectivas desde las Tradiciones Discursivas, Madrid/Frankfurt/M., Iberoamericana/Vervuert, Lingüística Iberoamericana, 31, 53-87. Koch, Peter, 2008b. « Une ‘bonne à tout faire’ : l’omniprésence de la métonymie dans le changement linguistique », in: Fagard, Benjamin / Prévost, Sophie / Combettes, Bernard / Bertrand, Olivier (ed.), Évolutions en français. Études de linguistique diachronique, Bern usw., Peter Lang, Sciences pour la communication, 86, 171-196. Koch, Peter, 2008c. « Höflichkeit und Metonymie », in : Kimmich, Dorothee / Matzat, Wolfgang (ed.), Der gepflegte Umgang. Interkulturelle Aspekte der Höflichkeit in Literatur und Sprache, Bielefeld, transcript, 143-184. Koch, Peter, 2008d. « Cognitive onomasiology and lexical change: Around the eye », in : Vanhove, Martine (ed.), From Polysemy to Semantic Change, Amsterdam/Philadelphia, Benjamins, Studies in Language Companion Series, 106, 107-137. Koch, Peter, 2010. « Sprachgeschichte zwischen Nähe und Distanz: Latein – Französisch – Deutsch », in : Ágel, Vilmos / Hennig, Mathilde (ed.), Nähe und Distanz im Kontext variationslinguistischer Forschung, Berlin/New York, de Gruyter, Linguistik Impulse und Tendenzen, 35, 155-206. Koch, Peter, 2012a. « Location, existence, and possession: A constructional-typological exploration », Linguistics 50, 533-603. Koch, Peter, 2012b. « Es gibt keine Konstruktionsbedeutung ohne Bedeutungswandel. Valenz – Konstruktion – Diachronie », in : Dörr, Stephen / Städtler, Thomas (ed.), Ki bien voldreit raisun entendre. Mélanges en l’honneur du 70 e anniversaire de Frankwalt Möhren, Strasbourg, Éditions de linguistique et de philologie, Bibliothèque de Linguistique Romane, 9, 147-174.

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Koch, Peter, 2012c. « The pervasiveness of contiguity and metonymy in semantic change », in : Allan, Kathryn / Robinson, Justyna A. (ed.), Current Methods in Historical Semantics, Berlin/Boston, de Gruyter, Topics in English Linguistics, 73, 259311. Koch, Peter, 2014. « Between word-formation and meaning change », in : Rainer, Franz / Dressler, Wolfgang U. / Gardani, Francesco / Luschützky, Hans Christian (ed.), Morphology and Meaning, Amsterdam/Philadelphia, Benjamins, Current Issues in Linguistic Theory, 327, 71-96. Koch, Peter / Krefeld, Thomas, 1993. « Gibt es Translationen? », Zeitschrift für Romanische Philologie 109, 148-166. Koch, Peter / Krefeld, Thomas, 1995. « La translation : illusions perdues », in : MadrayLesigne, Françoise & Richard-Zappella, Jeannine (ed.), Lucien Tesnière aujourd’hui. Actes du Colloque International C.N.R.S. URA 1164 - Université de Rouen, 16-18 novembre 1992, Paris, Bibliothèque de l’Information grammaticale, 30, 239-248. Koch, Peter / Krefeld, Thomas, 1995. « Aktantielle ‘Metataxe’ und Informationsstruktur in der romanischen Verblexik (Französisch, Italienisch, Spanisch im Vergleich) », in : Dahmen, Wolfgang et al. (ed.), Konvergenz und Divergenz in den romanischen Sprachen. Romanistisches Kolloquium VIII, Tübingen, Narr, TBL, 396, 115-137. Koch, Peter / Marzo, Daniela, 2007. « A two-dimensional approach to the study of motivation in lexical typology and its first application to French high-frequency vocabulary », Studies in Language 31/2, 259-291. Koch, Peter / Oesterreicher, Wulf, 1985 [1986]. « Sprache der Nähe – Sprache der Distanz. Mündlichkeit und Schriftlichkeit im Spannungsfeld von Sprachtheorie und Sprachgeschichte », Romanistisches Jahrbuch 36, 15-43. Koch, Peter / Oesterreicher, Wulf, 2008. « Comparaison historique de l’architecture des langues romanes / Die Architektur romanischer Sprachen im historischen Vergleich », in : Ernst, Gerhard & Gleßgen, Martin-Dietrich & Schmitt, Christian & Schweickard, Wolfgang (ed.), Romanische Sprachgeschichte. Ein internationales Handbuch zur Geschichte der romanischen Sprachen/Histoire linguistique de la Romania. Manuel international d‘histoire linguistique de la Romania, Bd. III, Berlin/New York, de Gruyter, Handbücher zur Sprach- und Kommunikationswissenschaft, 23, 2575-2610.

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ALBERTO VARVARO

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Alberto VARVARO (1934-2014)

Alberto Varvaro nous a quittés le 22 octobre dernier. Il s’est éteint à Naples, sa ville d’adoption, où il avait enseigné depuis 1963. Sa disparition nous prive de l’un des derniers maîtres capables de dominer tous les aspects de la philologie romane et de conjuguer les approches philologique, littéraire, linguistique et historique grâce à une compétence égale dans tous ces domaines. Il a été parmi les savants qui ont tenu le gouvernail de notre Société et de notre discipline, dont il a grandement contribué à orienter les choix grâce à son érudition sans faille, son charisme, son énergie inépuisable. Son départ laisse un vide impossible à combler. Parcourir la carrière scientifique d’Alberto Varvaro signifie retraverser une soixantaine d’années d’histoire de la philologie romane. Ce demi-siècle, il l’a vécu avec une grande intensité, animé par une curiosité aiguë et joyeuse pour tous les aspects de la vie : Wörter, Sachen, Orte und Personen. Il savait transformer ses expériences en aventures intellectuelles et, par ses talents de conteur et son attention aux détails humains, il savait les mettre en récit, pour le plaisir et pour le bénéfice des personnes qui ont eu la chance de le côtoyer. Il était né à Palerme, il y a quatre-vingts ans, le 13 mars 1934. Issu d’une famille bourgeoise qui traversa la Seconde Guerre mondiale non sans connaître des difficultés et des restrictions de toutes sortes, Alberto Varvaro, troisième de cinq enfants, prénommé Alberto en honneur d’Albertus Magnus, canonisé en 1931, obtint sa laurea à l’Université de Palerme en 1956, avec un mémoire sur l’étude et l’édition du manuscrit autographe du Libro de varie storie d’Antonio Pucci. Ce travail, qui fut publié l’année suivante et qui fait toujours référence, fut mené sous la direction d’Ettore Li Gotti. Dans l’ambiance universitaire palermitaine de l’époque, plutôt statique et refermée sur elle-même, Li Gotti se distinguait par son énergie – il fut le fondateur du Centro di studi filologici e linguistici siciliani – et par ses nombreuses relations scientifiques, tant au niveau national qu’international. S’il avait tendance à exploiter ses élèves, qui devaient assurer tous les aspects de son secrétariat – ce qui n’était d’ailleurs pas rare à l’époque –, il était en même temps très généreux avec eux et soucieux de leur formation. Aussi incita-t-il Alberto Varvaro à présenter sa candidature pour une bourse auprès de la prestigieuse Scuola Normale Superiore de Pise, où il fut admis en tant que perfezionando esterno. À la veille du départ pour Pise, prévu pour le 6 décembre 1956, Li Gotti, âgé de 45 ans, mourut subitement, au beau milieu d’un conseil de faculté. Cette disparition tragique ne fut pas sans compliquer le ‘débarquement sur le continent’ du jeune Sicilien, qui nous a livré (2006) 1 un souvenir savoureux des années vécues entre Piazza dei Cavalieri, siège de la Scuola Normale, et Palazzo Ricci, siège de l’Université de Pise, ainsi que des intrigues universitaires, aux allures de comédie des équivoques, qui marquèrent tant sa première rencontre avec Silvio Pellegrini que le choix du sujet de sa thèse de perfectionnement.



1

Cf. les indications infra pour la bibliographie d’Alberto Varvaro.

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Comme il était de coutume à cette époque, la recherche de spécialisation devait porter sur un sujet et une langue romane différents de ceux du mémoire. En Italie, l’édition d’un poète provençal était pratiquement une conditio sine qua non pour tout philologue roman. Le choix se porta sur Rigaut de Berbezilh, dont Varvaro publia les poèmes en 1960. La parution de cette édition suivit de quelques semaines la publication d’une édition du même troubadour préparée en pleine indépendance, dans les mêmes années, par Mauro Braccini. Si les introductions et les commentaires qui accompagnent ces deux travaux sont différents et, à plusieurs égards, complémentaires, les textes critiques sont, quant à eux, très proches. Dans la première édition de son livre capital sur la tradition manuscrite en langue d’oc, datée de 1961, D’Arco Silvio Avalle analysa promptement ces deux éditions, auxquelles il consacra un chapitre entier, pour montrer, entre autres, que les résultats philologiques obtenus grâce à la méthode lachmannienne n’étaient pas aussi subjectifs qu’on l’avait parfois prétendu. Si Braccini ne s’était pas trop soucié des problèmes chronologiques posés par la production de Rigaut, Varvaro, par contre, avait situé l’activité du troubadour dans les années 1170-1210 env. Cette proposition suscita un débat critique assez animé avec une personnalité du calibre de Rita Lejeune, qui défendait une datation sensiblement plus ancienne (env. 1140-1157). Les recherches ultérieures ont donné raison au maître italien, dont l’hypothèse a été appuyée par la découverte de nouveaux documents d’archives. Pendant la longue carrière d’Alberto Varvaro, les archives confirmèrent à d’autres reprises ses conjectures. Et ce n’est pas non plus la seule occasion où il eut à rompre une lance avec un autre savant, comme les lecteurs de la RLiR le savent bien. Dans tous ces débats, qu’il s’agisse de l’édition des autographes de Foscolo (1987), du classement des manuscrits de Froissart (2010) ou, encore, des méthodologies les plus appropriées pour étudier le passage du latin aux langues vernaculaires (2003), il eut toujours le souci du bien de la discipline ; jamais il ne fut animé par des ressentiments personnels. La fin des années 1950 offrit aussi à Alberto Varvaro l’occasion de s’ouvrir pleinement à la culture européenne. Pendant l’hiver 1957-1958, il fréquenta l’Université de Barcelone, grâce à une (maigre) bourse d’étude accordée par le Ministère italien des Affaires Etrangères. De 1959 à 1963, il occupa le poste de lecteur de langue italienne à l’Université de Zurich, où il avait déjà séjourné pendant un semestre en tant que perfezionando. Ces deux expériences le marquèrent profondément. En Espagne, il fut l’élève de Martin de Riquer : « il suo insegnamento è stato essenziale per sottrarmi all’atmosfera del tardo idealismo italiano e aprirmi gli occhi sulle realtà della cultura e della letteratura medievale » (MR 37, 2013, 434). L’enseignement d’Antoni Maria Badia i Margarit suscita par contre son intérêt pour la linguistique romane. À Barcelone, il eut également l’occasion de rencontrer Ramón Menéndez Pidal et d’écouter ses conférences sur la tradition de la Chanson de Roland, qui furent un puissant antidote contre l’individualisme d’Antonio Viscardi en vogue en Italie. En plus de l’Université, il fréquenta assidument l’Institut d’Estudis Catalans, où il assista aux cours de Ramon Aramon i Serra et Jordi Rubió i Balaguer, et les salles de la Biblioteca de Catalunya (à l’époque, Biblioteca Central de la Diputación Provincial), où il avait mis en chantier le projet, vite abandonné, d’éditer le Terç del Crestià du franciscain Francesc Eiximenis.

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En Suisse, il fut le collaborateur de Reto R. Bezzola, dont il apprécia toujours la générosité, malgré la distance sur le plan scientifique, et qu’il seconda aussi dans l’animation des activités de l’Associazione per i rapporti culturali tra Italia e Svizzera. S’il ne rencontra jamais Jakob Jud, qui venait de disparaître, il fréquenta ses élèves, avec lesquels il se lia d’une amitié indéfectible. Il eut aussi l’occasion d’entendre Paul Zumthor et découvrit les travaux de Hans Robert Jauss, dont, quelques années plus tard (1969), il fit connaître au public italien la leçon inaugurale tenue à l’Université de Constance. La monographie sur le Tristran de Béroul, parue en italien en 1963 et traduite en anglais, avec un Post-scriptum inédit, en 1972, allait justement, de son propre mouvement, dans la direction des recherches naissantes de Zumthor et Jauss. Ce travail érudit opère la distinction entre la légende tristanienne et la version de Béroul, et précise l’interprétation de celle-ci à travers une subtile analyse littéraire et pragmatique, qui tient compte du caractère oral du texte, du rôle du locuteur et des réactions que le narrateur souhaitait susciter dans le public. L’élaboration de cette étude, suivie par d’autres importantes recherches sur la tradition tristanienne, dont nous reparlerons plus avant, permit à Alberto Varvaro de réussir avec aisance l’examen pour l’habilitation à l’enseignement de la philologie romane, soutenu devant un jury où siégeait, entre autres, Gianfranco Contini, et de devenir ainsi libero docente à l’Université de Pise (1961-1963). Pour aspirer à une chaire universitaire, il était souhaitable qu’un candidat pût faire preuve de publications significatives dans les quatre domaines linguistiques principaux liés à la discipline. Dans le cas d’Alberto Varvaro, il restait donc à couvrir le domaine hispanique. Il choisit d’étudier la tradition manuscrite de la lyrique castillane du XVe siècle, dont il donna un classement définitif dans le volume Premesse ad un’edizione critica delle poesie minori di Juan de Mena (1964). Les résultats professionnels espérés ne se firent pas attendre et l’aventure napolitaine commença : Alberto Varvaro fut nommé chargé d’enseignement (professore incaricato) en 1963, puis professeur extraordinaire en 1965 (premier au concours national), enfin, en 1968, professeur ordinaire de philologie romane à l’Università degli Studi Federico II, où dans les années 1960, il enseigna également la Philologie ibéro-romane et, jusqu’en 1987, la Sociolinguistique. Toujours dans les années ’60, il fut aussi chargé de l’enseignement de la Philologie romane à l’Istituto Universitario Orientale de Naples. À la Federico II, institution qui lui doit énormément et dans laquelle il passa la plus grande partie de sa carrière, il assuma plusieurs charges à responsabilité. Il fut, pendant une vingtaine d’années, directeur de l’Institut, puis du Département de philologie moderne (1969-1985, 1993-1996), assura deux mandats en tant que vice-recteur (1987-1990, 19911993) et fut membre du Conseil d’Administration (1987-1995) et du Sénat Académique (1996-1999). En 2004, il quitta la Federico II pour être détaché auprès de l’Istituto Italiano di Scienze Umane-SUM (Florence-Naples), dont il devint, en 2009, professeur émérite. Il déménagea ainsi du bureau de la Via Porta di Massa à celui du Palazzo Cavalcanti, où il continua à recevoir ses collègues et ses élèves, anciens ou récents. Grâce à son affectation au SUM, institut universitaire qui fait aujourd’hui partie de la Scuola Normale de Pise, Varvaro espérait doter Naples d’un véritable pôle d’excellence pour la recherche, et c’est à ce projet qu’il consacra de nombreuses énergies dans la dernière partie de sa carrière. Malheureusement, cette expérience lui réserva plus d’amertume que de satisfaction.

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Si Naples, devenue sa ville d’adoption, fut donc son quartier général, Alberto Varvaro resta cependant, d’une part, profondément sicilien, de l’autre, entièrement européen. Il n’est sans doute pas exagéré d’affirmer qu’il a incarné les meilleurs côtés de cette quintessence qu’on a parfois appelée la sicilianità. Ses liens avec la culture et la société de son île, fondés parfois sur des amitiés remontant à l’adolescence, ne se sont jamais brisés et il n’a pas délaissé le Centro di studi filologici e linguistici siciliani, dont il fut le Vice-Président. En même temps, en bon ‘sicilien claustrophobique’, il s’est pleinement inscrit dans cet horizon culturel et relationnel international qui était désormais le sien. Il continua à parcourir d’un bout à l’autre la vieille Europe pour donner des conférences, participer à des colloques, siéger dans des jurys ou des commissions, examiner un manuscrit. Il traversa à plusieurs reprises l’océan. Il fut professeur invité auprès de nombreuses universités – Zurich (1982), Berkeley (1985), Los Angeles (1988), Heidelberg (1999) – et titulaire de la Chaire Franqui à l’Université de Liège (2003-2004). Ses pays d’élection étaient l’Allemagne, la Belgique, l’Espagne, la France, la Suisse et, pendant les dernières décennies, surtout l’Angleterre. Avec sa femme Rosanna Sornicola, qui a partagé sa vie et ses passions trente ans durant, ils avaient établi leur résidence secondaire à Cambridge, à deux pas de l’University Library. Les nombreux honneurs qu’il a reçus, en Italie comme ailleurs, ont été la conséquence naturelle de cette carrière exceptionnelle. Ils témoignent de l’estime que lui portaient les collègues de différents pays. Alberto Varvaro était docteur honoris causa de l’Université de Chicago et de l’Université de Heidelberg, ainsi que Honorary Senior Research Fellow de l’Institute of Romance Studies de l’University of London, Senior Fellow du Wolfson College de Cambridge, membre titulaire du Centro para la Edición de los Clásicos Españoles et membre d’honneur de la Asociación Hispánica de Literatura Medieval. Il reçut le Prix national du Président de la République italienne (1998) et le Premio nazionale di Teatro Luigi Pirandello (2009). Il était également membre de diverses académies : l’Accademia Nazionale dei Lincei, l’Accademia Pontaniana, l’Accademia della Crusca, l’Accademia di Archeologia, Lettere et Belle Arti de Naples, la Real Academia de Buenas Letras et la Heidelberger Akademie der Wissenschaften. Son élection à l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres date du mois de mars 2014. Son souci de l’intérêt commun l’a conduit à accepter de multiples responsabilités au sein des associations scientifiques auxquelles il a adhéré. Il suffit de rappeler qu’il a assumé à tour de rôle la présidence de la Sociétà italiana di Filologia romanza (19911994), de la Société de Linguistique romane (1995-1998 ; vice-président de 1989 à 1995) et de la Société Rencesvals (2000-2003 ; vice-président de 1997 à 2000). Il a organisé plusieurs colloques et a dirigé différentes initiatives scientifiques d’envergure. Les membres plus anciens de la Société de Linguistique Romane se souviendront du 14e Congrès international de Linguistique et de Philologie romane (Naples, 1974), dont il a aussi édité les cinq volumes d’Actes, les membres plus jeunes de la Scuola estiva di Linguistica Romanza (Procida-Naples, 2008-2012), qui a vu le jour à cinq reprises grâce à son dévouement. Il n’a pas non plus été avare de son soutien à l’organisation du 21e Congrès de notre Société, qui eut lieu à Palerme en 1995, et il avait également pris à cœur le sort du prochain Congrès qui se tiendra sur son instigation à Rome en 2016. Mais faisons un pas en arrière et revenons à l’année 1963. À son arrivée à la Federico II, le jeune sicilien hérita de la chaire universitaire occupée auparavant par un autre sicilien illustre, un maître avec qui il avait établi de solides relations depuis quelques années déjà : Salvatore Battaglia, personnalité forte et fascinante, qui a lié son nom au Grande

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Dizionario della Lingua Italiana et qui était resté dans la même faculté en tant que professeur ordinaire de Littérature italienne. Jaloux de la liberté académique à laquelle il avait goûté pendant ses séjours européens, conscient des problèmes qui pouvaient surgir de la cohabitation, dans la même institution, avec son propre maître ou son prédécesseur, Alberto Varvaro décida de refonder l’enseignement de la philologie romane à la Federico II sur de nouvelles bases. Il renouvela ainsi avec discrétion, mais de façon radicale, les sujets des cours et les livres au programme ; il marginalisa la littérature italienne médiévale, traitée dans d’autres cours, et accorda une place inédite à la linguistique. Ce choix produisit une osmose profonde entre l’enseignement et la recherche. Exception faite des études sur le sicilien, la plupart des monographies d’Alberto Varvaro, souvent publiées d’abord sous forme de syllabi, trouvent leur origine dans les cours qu’il dispensa. Jamais routinières, ses leçons transmettaient à l’auditoire le sentiment de participer à une découverte scientifique en cours, une recherche en construction dont les résultats et les enjeux méthodologiques se révélaient chemin faisant. Dans ce parcours, Varvaro avait le don de prendre le public par la main et de le charmer grâce à la rigueur et à l’érudition de la démonstration, mais aussi par sa capacité à jongler avec les différents registres expressifs. Il n’était pas rare de le voir soudainement sortir de son chapeau une comparaison inattendue et plaisante, tirée parfois de l’expérience quotidienne et venant éclairer tout à coup des questions enchevêtrées. Par le biais d’anecdotes et de détails à première vue secondaires, il savait peindre de couleurs vives le contexte, culturel et matériel, dans lequel un texte avait été composé, un auteur avait vécu ou une recherche avait été menée. Il n’est donc pas étonnant que les auditoires qui l’accueillaient étaient bondés jusqu’aux derniers rangs. Les membres de notre Société ont pu en faire encore l’expérience au récent colloque de Nancy. Et pour peu qu’ils aient connu Alberto Varvaro, ils ne s’étonneront pas non plus d’apprendre qu’autant ses cours étaient aimés, autant ses examens étaient redoutés. Dans un film produit il y a quelques années sous la houlette de Nanni Moretti (Autunno, réalisé par Nina di Majo, 1999), l’héroïne Costanza, étudiante napolitaine de la faculté de Lettres en pleine recherche de son identité, ponctue sa quête par le refrain : « Je dois me décider à préparer l’examen de Philologie romane ». Ce n’est pas un hasard. Nés dans l’enseignement universitaire, certains travaux d’Alberto Varvaro y étaient aussi destinés et continuent à y vivre avec bonheur depuis plusieurs décennies, en Italie comme à l’étranger. C’est aussi par ce biais que Varvaro a laissé son sceau dans notre discipline et dans la formation de générations d’étudiants. La vocation didactique de ces travaux ne les a par ailleurs nullement empêchés, pour certains d’entre eux, de devenir aussi des références scientifiques incontournables. Conçu pour répondre aux exigences du programme universitaire de son époque, le volume Storia, problemi e metodi della linguistica romanza (1968 ; trad. esp. 1988) propose une histoire de la linguistique romane et de ses méthodes, qui fait toujours autorité et qui s’étend du Moyen Âge jusqu’au structuralisme et même au générativisme. Il en va de même pour La lingua e la società (1978 ; 2e éd. 1982), introduction à la sociolinguistique qui a marqué en profondeur le développement de cette branche disciplinaire en Italie. Issu de cours donnés en 19661968, l’ouvrage sur les Letterature romanze del Medioevo, publié d’abord en espagnol (1983), puis en italien (1985), s’est vite imposé en raison de l’efficacité de sa structure et de la finesse de ses analyses. C’est le travail de Varvaro où l’influence d’Auerbach, bien perceptible dans plusieurs de ses recherches, se manifeste peut-être de la façon la plus

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claire. Sa vision des genres littéraires, dotés d’un ‘centre’ et d’une ‘périphérie’, anticipe la classification par prototypes qui deviendra courante par la suite. Rappelons encore au moins les trois tomes de Filologia spagnola medievale (19651971) ; La letteratura spagnola dal Cid ai Re Cattolici, en collaboration avec Carmelo Samonà (1972) ; et l’Avviamento alla filologia francese medievale (1993), chrestomathie de 51 textes (ou extraits de textes) de différentes sortes, précédés d’une introduction linguistique à l’ancien français et suivis du plus ample lexique ancien français-italien aujourd’hui disponible. Son manuel le plus récent, Linguistica romanza : corso introduttivo (2001 ; nouv. éd. 2002), traduit en français en 2010, démontre de façon emblématique l’attention constante que Varvaro a portée à l’évolution du monde universitaire. Cet exposé synthétique et fiable tient compte de l’actuelle division des cours en modules, mais aussi du fait que de plus en plus souvent, les étudiants abordent la linguistique romane sans avoir étudié le latin auparavant. Ainsi la structure des manuels classiques est-elle renversée : l’histoire des langues romanes, abordée par thèmes, est parcourue à rebours et la question de leur origine est traitée dans le dernier chapitre plutôt que dans le premier. C’est justement sur cette question délicate et controversée que se concentre le volume Il latino e la formazione delle lingue romanze (2014), qui propose au public italien l’un des deux chapitres publiés dans The Cambridge History of Romance Languages (2013). Nous y reviendrons. Les publications évoquées ci-dessus ne constituent qu’un pan d’une production scientifique très vaste, exceptionnelle par sa qualité, sa quantité et sa variété. La bibliographie d’Alberto Varvaro jusqu’en 2003 se trouve dans le volume Identità linguistiche e letterarie nell’Europa romanza (2004), qui recueille une sélection significative de ses écrits pour un total de quelque huit-cent pages. Une liste de ses publications mise à jour jusqu’en 2013 est disponible sur le site de l’Académie des Inscriptions et BellesLettres. Elle compte 45 pages environ. Ces chiffres sont encore plus impressionnants si l’on considère qu’Alberto Varvaro, malgré les nombreuses charges institutionnelles qu’il a exercées, a toujours consacré de nombreuses heures à lire, discuter et corriger les travaux d’autrui. Il ne se sentait toutefois pas prédisposé pour le travail de groupe et n’a jamais introduit de demandes de subvention pour mettre sur pied une recherche d’équipe. Les deux travaux de longue haleine auxquels il s’est attelé – le Vocabolario Etimologico Siciliano et l’édition du Livre IV des Chroniques de Froissart – l’ont donc occupé pendant plusieurs années. Ajoutons encore qu’il a codirigé des ouvrages collectifs de grande ampleur (Lo Spazio Letterario del Medioevo, 2. Il Medioevo Volgare, 1999-2005) ; qu’il a fondé et codirigé la collection Romanica Neapolitana ; et qu’en 1974, il fonda, avec D’Arco Silvio Avalle, Francesco Branciforti, Gianfranco Folena, Francesco Sabatini et Cesare Segre, la revue Medioevo romanzo, dont il a été, une trentaine d’années durant, le directeur exécutif mais aussi l’artisan, et pour laquelle il a écrit d’innombrables comptes rendus. Dans le champ italien où les revues de philologie romane étaient étroitement liées à une école philologique spécifique, Medioevo romanzo s’est démarquée par sa vocation programmatique à être supranationale et internationale. Sa création réagissait à l’affirmation des philologies nationales et à la scission progressive, très visible en dehors de l’Italie, entre l’étude de la langue et de la littérature. Le but était donc de réaffirmer le statut et la centralité de la philologie romane, en tant que méthodologie et en tant que discipline. Cette ambition a toujours été le programme culturel poursuivi par Alberto Varvaro. L’étendue de ses intérêts, la variété des approches critiques qu’il a utilisées ainsi que des domaines géolinguistiques auxquels il les a appliquées,

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contrastent non seulement avec l’hyperspécialisation actuelle, mais aussi avec l’orientation de plusieurs de ses contemporains. Les travaux qu’il nous a laissés sont exemplaires justement par la maîtrise des méthodes philologique et comparative, et par la capacité à croiser l’analyse minutieuse d’un phénomène – linguistique ou littéraire – avec les données historiques et sociologiques. La sensibilité à la spécificité de chaque cas est associée à une connaissance parfaite du contexte et à une largeur de vue que n’ont pas toujours les recherches savantes. Réfractaires aux idées reçues, ses études ont souvent bouleversé les cadres préconçus et ont débouché sur la mise en question des méthodes habituelles. Nécessairement réductrice, la présentation proposée ci-dessous n’ambitionne qu’à rappeler à quel point son legs est important et fertile. Son héritage scientifique devra faire l’objet d’une réflexion approfondie. En tant qu’éditeur de textes, Alberto Varvaro a toujours fait preuve d’anti-dogmatisme. Il n’était ni bédiériste, ni (néo-)lachmannien : « alla ricostruzione della storia della tradizione manoscritta, possiamo adattare quello che Winston Churchill disse della democrazia : la stemmatica è un sistema pessimo, ma è il migliore tra quelli che conosciamo ». Pour lui, chaque œuvre et chaque tradition demandent une solution éditoriale spécifique ; l’établissement du texte critique est la base prioritaire et indispensable, mais non l’unique but du travail philologique ; des éditions différentes peuvent servir à des études diverses et s’adresser à des publics distincts. Il s’est opposé à l’Éloge de la variante (1989) et aux dérives de la New Philology (1997), sans oublier pour autant de faire luimême, d’un autre point de vue, l’éloge de la copie (1998). Son étude sur la Critica dei testi classica e romanza (1970) est un véritable bréviaire d’ecdotique qu’on lira encore longtemps avec profit et dont certaines catégories – telle la distinction entre ‘tradizione quiescente’ et ‘tradizione attiva’ – font désormais partie de la boîte à outils de tout philologue. Tout en s’adressant à un public plus large, la Prima lezione di filologia (2012) fournit elle aussi des enseignements précieux : la philologie y est présentée dans sa globalité, en tant qu’attitude critique à adopter devant un texte, sa tradition et son interprétation. La souplesse qu’il a préconisée dans ses travaux théoriques lui a permis de venir à bout de l’édition de cas très différents : le zibaldone d’Antonio Pucci et les poèmes de Rigaut de Berbezilh, auxquels nous avons déjà fait allusion, mais aussi la production théâtrale en sicilien de Luigi Pirandello (2007) et le Livre IV des Chroniques de Jean Froissart. Dans le cas de Pirandello, l’éditeur doit s’accommoder de documents disparates, qui ne permettent pas toujours de publier les pièces théâtrales selon la dernière volonté de l’auteur : dans son travail, pourvu d’un commentaire mesuré et efficace, Alberto Varvaro a donc choisi, pour chaque texte, la solution éditoriale la plus raisonnable, sans en nier les éventuelles limites. Quant à Froissart, la difficulté majeure consiste à mettre de l’ordre dans la tradition d’une œuvre imposante et largement diffusée. Un sondage effectué sur une portion limitée du texte a permis à Alberto Varvaro de proposer le classement d’une bonne partie des témoins et de choisir le ms. Bruxelles, KBR, IV 467, moins innovant que les autres, comme base pour son édition, qui est accompagnée d’une annotation historique ponctuelle et d’un apparat critique sélectif. Mis en chantier il y a une quinzaine d’années, ce travail, dont une version anthologique a paru en 2004, est actuellement sous presse dans la collection Les Anciens auteurs belges chez l’Académie royale de Bruxelles ; Alberto Varvaro a eu le temps d’en corriger les épreuves.

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L’attention qu’il a portée, dès les années 1960, au support manuscrit a toujours eu pour but une meilleure compréhension de la genèse de l’œuvre. Il en a tiré des arguments confortant l’étude de la tradition. Ainsi, l’examen de la fasciculation défectueuse du ms. G du Libro de Buen Amor (1970) lui a permis de résoudre un problème épineux concernant la tradition de ce chef-d’œuvre de la littérature espagnole. De même, une étude philologique intégrée du texte et des images l’a poussé à échafauder une hypothèse très innovante sur la tradition du Livre I des Chroniques de Froissart (1994), qu’il a essayé de démêler en suivant les traces d’un programme iconographique d’auteur déformé par les copies. Pour le philologue, les variantes iconographiques deviennent tout autant significatives que les variantes textuelles. La reconstruction de l’archétype tristanien qu’en 1967 il a opposée avec succès à celle proposée par Joseph Bédier, ressort, quant à elle, de l’application d’une méthodologie différente : elle repose sur l’examen de l’interaction entre les traditions littéraire et légendaire. La source unique que Bédier situait au sommet de la tradition et qu’il avait essayé de reconstruire, est remplacée par un ensemble légendaire constitué de récits oraux et écrits, structuré de façon assez stable autour d’épisodes et de personnages canoniques, mais offrant, en même temps, une plasticité narrative et une liberté de réinterprétation que les différents auteurs ont exploitées chacun à sa façon. Ainsi, Alberto Varvaro a mis à profit, dans le domaine philologique, l’expérience qui lui venait de la grande tradition sicilienne d’études sur le folklore, née avec Giuseppe Pitrè et poursuivie par Giuseppe Cocchiara, dont Varvaro fut l’élève. Cette composante non secondaire de sa formation l’a rendu particulièrement attentif au rapport dialectique unissant la poésie populaire à la poésie cultivée, le patrimoine narratif traditionnel à ses réélaborations littéraires. C’est cet angle d’attaque qu’il a privilégié dans l’analyse de nombreuses œuvres, auxquelles il a consacré des monographies ou des articles : on va du remploi des motifs narratifs traditionnels dans Tristan et Yseut (1970) aux chants relatant la mort de la baronne de Carini (2010), en passant par les apparitions fantastiques chez Walter Map (1994), les traditions folkloriques dans Karel ende Elegast (1995), la résurgence de croyances populaires de longue durée chez Guernes de Pont-Sainte-Maxence (1996), ou encore les croyances magiques dans la littérature médiévale (1998) et les légendes concernant le gouffre de Satalie (1998). Dans tous ces travaux, la transformation que la littérature a imposée aux éléments légendaires, folkloriques ou même littéraires qu’elle empruntait, est examinée avec une rare finesse. Ces analyses, qui opèrent la distinction entre les pratiques sociale et professionnelle du récit, aboutissent à une vision renouvelée de la production narrative en France au XIIe siècle, en particulier en ce qui concerne le roman (2002), et, dans le cas de l’étude sur la baronne de Carini, donnent lieu à une leçon de méthode sur la possibilité de reconstruire une tradition orale à partir de sources écrites. L’intérêt pour les modalités de construction du récit est constant et traverse la production d’Alberto Varvaro comme un fil rouge. Il se manifeste également dans les recherches consacrées à la fonction du récit-cadre dans le Conde Lucanor (1964) – et, plus en général, dans la tradition de la nouvelle espagnole (1985) –, ou encore à la représentation de la réalité donnée par des historiens tels que Ramon Muntaner (1984), Robert de Clari (1989), López de Avala (1989) et, surtout, Jean Froissart. À travers l’analyse minutieuse de l’art du récit, Varvaro cerne les cadres mentaux de ces écrivains, précise leur conception de l’histoire, identifie les valeurs (et le doute sur les valeurs) qui émergent dans leurs pages. En particulier, la monographie sur Froissart (2011) tranche

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les questions, depuis longtemps débattues, concernant la date de composition et le degré d’achèvement du dernier Livre des Chroniques, mais présente aussi sous une lumière toute nouvelle le talent et les techniques de composition de cet écrivain d’exception. Les travaux sur la représentation de la géographie dans l’épopée (1989) et sur le réalisme dans le roman du XVe siècle (2002) méritent également d’être relus avec attention. Le questionnement sur le récit a aussi conduit Varvaro à s’interroger en profondeur sur l’idée même de textualité médiévale. Le diptyque magistral constitué par Il testo medievale (1999) et Élaboration des textes et modalités du récit dans la littérature française médiévale (2001), études qui mériteraient d’être réunies, aborde des questions cruciales pour la compréhension de toute la littérature produite au moyen âge : les différents degrés d’auctorialité dans les textes et dans les macro-textes ; les relations entre la totalité d’une narration, sa division en épisodes et ses modalités d’exécution ; les rapports entre la vocalité, la mouvance et les genres littéraires. De même que les enquêtes philologiques et littéraires, les recherches linguistiques et dialectologiques menées par Alberto Varvaro s’ouvrent, elles aussi, sur un éventail de sujets très ample, tant du point de vue diachronique que diatopique. S’il fallait à tout prix indiquer un fil conducteur, on pourrait peut-être mentionner la tendance à aborder des problèmes de linguistique historique dans une perspective sociolinguistique au sens large du terme : c’est-à-dire une perspective qui emprunte aux enquêtes de la sociolinguistique anglo-américaine des années ’60 et ’70 moins leurs outils et leurs méthodologies – celles-ci seraient difficilement applicables aux sources disponibles pour la période ancienne – que la conscience de l’articulation complexe des communautés linguistiques et des dynamiques y agissant. Cette conscience émerge déjà dans les pages du volume Storia, problemi e metodi (1968) consacrées au ‘mélange linguistique’ et à Hugo Schuchardt, savant qui sera toujours l’un des dieux tutélaires d’Alberto Varvaro ; elle se manifeste clairement dans l’important article sur la Storia della lingua (1972-1973), publié dans la revue Romance Philology et riche en références aux principaux représentants de la sociolinguistique de l’époque, de John Gumperz à Dell Hymes, Joshua Fishman, Charles Ferguson, William Labov et, bien entendu, Uriel Weinreich. C’est grâce à leur découverte et leur valorisation de la ‘non-homogénéité linguistique’ qu’il est possible de surmonter les apories des conceptions sous-jacentes aux travaux de grands maîtres de la linguistique historique tels que Ramón Menéndez Pidal et Walther von Wartburg, à propos desquels Alberto Varvaro parle de « perfezione incompiuta ». C’est donc au moyen d’une approche qu’aujourd’hui on appellerait variationnelle qu’Alberto Varvaro analyse les réalités linguistiques du passé, qu’il s’agisse de la transition du latin vers les langues romanes (1980, 2013), de l’existence de zones de conservation linguistique dans la Romania (1983), du rapport entre l’aragonais et le castillan pendant le bas Moyen Âge (1970), de la langue des juifs avant et après l’expulsion de la péninsule ibérique (1987, 2007-2008), ou encore des traces d’une variété ‘mozarabe’ en Sicile (1988) et de l’influence du sicilien sur le maltais (1988). Certains de ces travaux parviennent, à partir de l’analyse de cas concrets étudiés d’une façon profondément innovante, à redéfinir des éléments-clefs du discours historico-linguistique, tels que la notion d’aire isolée (1983), le concept de koinè (1990), l’opposition entre polygenèse et monogenèse (1992). La stabilité des diglossies au cours du temps, parfois donnée pour acquise par les linguistes sans les vérifications documentaires nécessaires, a également fait l’objet d’une réflexion approfondie (1982), qui lui a permis de souligner la distinction entre les méthodologies de la dialectologie ancienne et moderne.

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Au total, les deux domaines de la linguistique romane auxquels Alberto Varvaro s’est consacré avec une plus grande continuité, et dans lesquels il a laissé une marque plus profonde, sont assurément le processus de formation des langues néo-latines d’une part, l’histoire linguistique de la Sicile et la lexicographie sicilienne, de l’autre. En ce qui concerne le premier domaine, nous avons déjà rappelé à quel point Alberto Varvaro appréciait Schuchardt, et notamment son Vokalismus der Vulgärlatein (1866) ; c’est dans la riche introduction à la traduction italienne de l’Ausgliederung der romanischen Sprachräume de Wartburg (1980) qu’il explicite pour la première fois sa critique de l’approche traditionnelle du problème de la fragmentation de l’espace roman et qu’il souligne la nécessité de procéder non seulement à la mise à jour des données, mais surtout à « un profondo riesame dei presupposti, dei metodi e dei fini », de façon à éviter – ou, du moins, à réduire au minimum – tout risque de simplification et de schématisme. L’intolérance vis-à-vis des solutions qui lui semblaient abstraites, univoques, systématisantes, peu fondées du point de vue historique, restera un trait caractéristique de toutes les interventions d’Alberto Varvaro sur ce sujet, dans un débat qui l’a vu s’opposer, parfois de manière véhémente et passionnée, aux positions défendues par d’illustres collègues et à des théories à succès, sans aucun doute fascinantes : du proto-roman à l’écriture logographique tardo-latine, au concept même de « latin vulgaire ». Une tentative de présenter, bien que de façon problématique, sa propre vision du développement des langues romanes se trouve dans les deux chapitres publiés en 2013 dans la Cambridge History of Romance Languages, influencés par ailleurs par la lecture des travaux du latiniste anglais James Adams ; quelques indications significatives, exposées de façon didactique, figuraient déjà dans le manuel de Linguistica romanza publié en 2001. S’agissant de la Sicile, les contributions d’Alberto Varvaro se succèdent, pratiquement sans solution de continuité, du début des années ’70 à aujourd’hui. Elles comprennent, à côté d’une série bien nourrie d’études plus circonscrites, consacrées à des questions spécifiques – la restructuration du répertoire linguistique de l’île entre la fin du Moyen Âge et le début de l’âge moderne (1977, 1979), la diffusion des résultats -mm- , -nn- < -MB-, -ND- dans le sud de l’Italie (1979, 1980), les catalanismes et les normandismes en sicilien (1973, 1974), l’origine des mots regata (1977) et mafia (2014) –, deux volumes de plus ample portée : Lingua e storia in Sicilia (1981), qui, s’appuyant sur une présentation très originale, couvre la période allant de la romanisation partielle de l’île jusqu’à l’établissement des Normands (le frontispice porte l’indication : « volume primo », mais en réalité, l’auteur n’a jamais projeté la réalisation d’un deuxième volume, allant du protosicilien à la langue moderne ou contemporaine) ; et le tout récent Vocabolario Storico Etimologico Siciliano en deux volumes (2014), auquel Varvaro a travaillé jusqu’à la fin de sa vie et qu’il a eu la satisfaction de voir publié. Cet ouvrage avait été conçu par Antonino Pagliaro, qui ne parvint toutefois à rédiger qu’un nombre très limité d’entrées et qui passa ensuite la main à Alberto Varvaro, lequel l’a mené à terme après de nombreuses années. Il nous a ainsi fourni l’un des meilleurs exemples du genre pour l’aire romane, remarquable, entre autres, par l’élargissement significatif de la perspective, qui s’étend jusqu’aux régions situées au-delà du détroit, et par la capacité inhabituelle à reconnaître (quand c’est nécessaire) l’absence de solutions étymologiques satisfaisantes. On ne peut pas s’empêcher de remarquer que dans l’Introduction, Alberto Varvaro rend hommage au Lessico Etimologico Italiano, considéré comme un modèle de haute valeur par l’exhaustivité et la profondeur de l’analyse : il était lié à Max Pfister par un ancien rapport d’affection et d’admiration, qui remontait à son premier séjour à Zurich ;

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parmi les qualités qu’il appréciait chez le maître suisse, il y avait son extraordinaire capacité à programmer, coordonner et diriger le travail d’équipe. Si l’on se tient aux rapports humains et professionnels, on peut encore rappeler, parmi les nombreuses personnalités de la linguistique romane avec qui Alberto Varvaro a entretenu des relations en tant que ‘disciple’ et ami, les noms de Yakov Malkiel et Manuel Alvar – deux grands maîtres à l’activité et aux personnalités très différentes, auxquels il a dédié son beau recueil La parola nel tempo (1984). Historien en puissance, comme il se définissait lui-même, Alberto Varvaro n’a pas seulement croisé sans cesse les données historiques avec l’analyse littéraire et linguistique, mais nous a également livré de nombreux écrits concernant, de façon plus ou moins directe, l’histoire de la discipline. Ces réflexions se présentent sous différentes formes : bilans bibliographiques sur des textes particuliers (du Tristran de Béroul [2001] au Libro de Buen Amor [2002]) ; mises en perspective d’une tradition d’études (des dictionnaires du sicilien produits au XIXe siècle [1980] aux études épiques en Italie [2008]) ; portraits de savants (de Salvatore Battaglia [1974] à Erich Auerbach [2009], de Walther von Wartburg [1997] à Johan Huizinga [1998] ou Joan Coromines [1999], pour ne citer que quelques noms). On n’oubliera pas non plus, outre le volume Storia, problemi e metodi et l’article Storia della lingua, déjà mentionnés, ses interventions sur la conception et la catégorie même d’histoire de la littérature (1995, 2001), ni ses recherches sur le rapport entre la langue et l’identité nationale (2002). Romaniste d’exception, Alberto Varvaro était de surcroît doté de grandes qualités humaines. Son ironie désacralisante, qui n’épargnait aucun sujet, cohabitait avec une réelle pudeur. Jaloux de son indépendance, il pouvait être autoritaire et sévère, parfois même brusque, ce qui ne l’empêchait nullement d’être très soucieux d’autrui, affectueux et compatissant. Tout en étant toujours à l’écoute, il était opiniâtre et changeait rarement d’opinion ; mais plus rarement encore il se trompait. Il fut avant tout homme, puis professeur, donc maître, selon le syllogisme de Pier Paolo Pasolini : un maître exigeant et généreux, qui a marqué en profondeur la vie de plusieurs de ses élèves, qu’ils aient poursuivi leur carrière à l’université ou ailleurs, et qui avait une conception hautement éthique de son métier et de la discipline qu’il enseignait : [U]n testo, qualsiasi testo, chiude in sé un problema interpretativo e […], prima ancora, esso va sta���������������������������������������������������������������� bilito nella sua forma corretta. La coscienza di questi due problemi è essenziale per un buon funzionamento della società umana, che è fondata appunto sulla trasmissione dei testi, ed è questo, a mio parere, che giustifica l’esistenza stessa della filologia e la sua rilevanza culturale e sociale (Prima lezione di filologia, Roma 2012, p. 144) Avec ses écrits, il nous laisse son exemple. Face à lui, on se sent tous plus humbles. Sans lui, on se sent tous définitivement plus seuls. Laura MINERVINI Giovanni PALUMBO

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Antoni Maria BADIA I MARGARIT (1920-2014)

El 16 de novembre de 2014 ens deixà, a l’edat de 94 anys, el professor Antoni M. Badia i Margarit, president d’honor de la nostra societat i un dels referents indiscutibles de la lingüística catalana del segle XX. Nascut el 1920, encara infant visqué la proclamació de la República i, en l’adolescència, la Guerra Civil. En la postguerra immediata estudià Filologia Romànica a la Universitat de Barcelona (UB), universitat que ja no abandonaria mai ja que, tot just llicenciat (1943), n’esdevingué professor ajudant. Elaborà la tesi doctoral sota la direcció de Dàmaso Alonso (Los complementos pronominalo-adverbiales derivados de ibi e inde en la Península Ibérica, 1947) i, un any més tard, era nomenat catedràtic de Gramàtica Històrica de la Llengua Espanyola a la UB. Ell mateix havia explicat 1 la dificultat que comportà als professors d’aquelles èpoques la decisió entre quedar-se en una universitat que intel·lectualment era un desert i que estava sota el règim franquista i intentar fer-la renéixer, o bé marxar a l’estranger. Fou precisament en els primers temps de formació com a investigador i de les primeres presentacions de comunicacions en congressos internacionals que el Dr. Badia visqué una experiència que marcaria la seva actitud en el futur: l’amable i càlida disposició amb què romanistes de reconegut prestigi (com Jakob Jud) acollien, fins i tot en els seus domicilis particulars, el qui aleshores era un jove investigador desconegut. Una de les idees que el Dr. Badia repetí al llarg de la seva vida fou que la comunitat dels romanistes era una gran comunitat d’amistat 2 i intentà reproduir l’acollida que havia experimentat ell de jove rebent a casa seva, juntament amb la seva esposa Maria Cardús, els romanistes que passaven per Barcelona en ocasió de congressos o en visites de recerca. Així teixí uns llaços de forta amistat amb molts romanistes estrangers. La dedicació de tota una vida de treball infatigable del Dr. Badia fou per la llengua catalana; fou catedràtic d’aquesta matèria des de 1977, gairebé des del primer moment en què varen existir càtedres d’aquesta especialitat, i fins al moment de la seva jubilació el 1986, tot i que continuà vinculat a la Universitat com a professor emèrit. L’objectiu de la seva vida científica fou que el català recuperés la dignitat i el reconeixement que es mereix qualsevol llengua, dignitat i reconeixement que se li negaven acarnissadament en les etapes més fosques del segle XX 3. Això passava per dotar el català de les eines que Vegeu, per exemple, en l’entrevista en el programa (S)avis de la televisió pública catalana TV3 emès originàriament el 5-10-2009 (‹http://www.ccma.cat/tv3/alacarta/ Savis/Antoni-M-Badia-i-Margarit/video/1526819/›). 2 Vegeu, per exemple, Ciència i humanitat en el món dels romanistes (Barcelona, Departament de Filologia Catalana de la Universitat de Barcelona, 1995; edició no venal; consultable en línia ‹http://taller.iec.cat/filologica/documents/badia/article_9.pdf›), especialment a partir del punt 5. També «Romania, Romanitas, Romanística», Estudis Romànics 20 (2000), 8-22, especialment nota 6. 3 �������������������������������������������������������������������������������������� Això no li impedí utilitzar el francès o qualsevol altra llengua internacional en congressos i trobades a fi de fer arribar a un nombre més gran de romanistes les seves 1



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fessin possible el seu coneixement i estudi per part dels romanistes: una gramàtica històrica, un atles lingüístic modern, etc. Passava també per donar a conèixer tant la llengua com aquestes eines d’estudi a la comunitat científica i, sobretot, passava per impulsar des del propi territori totes les accions possibles que permetessin la recuperació de la llengua i el seu ús. El Dr. Badia emprengué incansablement múltiples empreses amb aquesta intenció que sempre el guià. Els anys 50 i 60 veieren l’eclosió d’aquesta activitat. El 1951 publicà la Gramática histórica catalana (en espanyol; traduïda al català el 1981), la Gramática catalana (1962), el volum Llengua i cultura als Països Catalans (1964). Fou també en aquest període en què Antoni M. Badia i Germà Colón llançaren el projecte de l’Atles lingüístic del domini català (1952); els treballs preparatoris necessitaren de diversos anys i les enquestes s’iniciaren, encara amb la participació personal del Dr. Badia, el 1964. Posteriorment n’assumí la direcció Joan Veny i la major part de les enquestes les realitzaren Veny mateix i altres col·laboradors (Lídia Pons, Joaquim Rafel, Joan Martí, etc.). Però foren també anys d’una intensa activitat de participació i organització de congressos. L’abril de 1953 se celebrà a Barcelona el Congrés Internacional de Lingüística Romànica, presidit per Walther von Wartburg; el president del comitè organitzador era Antoni Griera però el Dr. Badia, com a vicepresident de l’esmentat comitè, n’assumí una gran part de l’organització pràctica. Aquest congrés contribuí a fer conèixer més el català entre els romanistes, malgrat l’època i les circumstàncies de la dictadura en què fou celebrat; contribuí molt particularment a la reorganització i rellançament de la nostra societat i dels nostres congressos després de l’abandonament de les activitats per la Guerra Mundial; i sobretot contribuí a espessir la xarxa d’amistat i relació amb els romanistes que havia començat a teixir Antoni M. Badia. En relació amb la nostra societat, el Dr. Badia en fou nomenat vicepresident l’any 1965; la desgraciada circumstància de la mort de John Orr i Angelo Monteverdi, president i vicepresident, en l’entremig dels congressos feu que Antoni M. Badia es trobés actuant com a president en funcions en el congrés de Bucarest (1968). En aquest congrés fou nomenat president de la SLiR pel període 1968-1971, juntament amb els vicepresidents Kurt Baldinger i Maurice Delbouille. Durant la seva presidència es reformaren els estatuts de la Société de Linguistique Romane, estatuts que foren aprovats en el congrés del Quebec (1971). Dels anys seixanta fou també un altre col·loqui clau: Georges Straka, amic personal del Dr. Badia, amistat que es mantingué fins a la mort del primer, organitzava a Estrasburg, en el “Centre de Philologie Romane”, una sèrie de col·loquis; l’onzè, celebrat el 1968, fou dedicat al català i organitzat per Antoni M. Badia i Germà Colón 4. La publicació i gairebé tot el desenvolupament del col·loqui es feu en francès, però el català s’hi feu sentir en alguna conferència i en les discussions. A partir d’aquest col·loqui es creà una comissió, presidida per Badia, que donà a llum l’Associació Internacional de Llengua i Literatura Catalanes (AILLC) amb l’organització del segon col·loqui a Amster������� dam (1970) i el tercer a Cambridge (1973) on es fundà formalment l’associació amb



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aportacions. Tanmateix, nosaltres redactem avui aquesta nota necrològica en català en homenatge a la seva lluita i al que n’aconseguí. Publicat amb el títol La linguistique catalane, a cura d’Antoni M. Badia i Margarit i Georges Straka, París, Klincksieck, 1973.

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l’aprovació dels estatuts 5. El Dr. Badia en fou president fins al quart col·loqui, celebrat a Basilea el 1976, però, independentment dels càrrecs que hi ocupés, seguí sempre amb interès i ajudà a desenvolupar totes les activitats de l’associació i participà activament en tots els col·loquis on va poder participar. El Dr. Badia es preocupà també de fer participar la catalanística (i la romanística) de les noves tendències que anaven sorgint en el marc de la lingüística general o d’altres dominis; la seva intervenció presidencial en el congrés de Bucarest anava en aquest sentit, pel que fa a la romanística. Pel que fa a la catalanística, es convertí en pioner de la sociolingüística catalana; els anys 1964-65 menà les enquestes que li permeteren publicar, el 1969, La llengua dels barcelonins. També intervingué activament en la creació del Grup Català de Sociolingüística (Prada de Conflent 1973). Posteriorment, com havia fet amb altres casos on havia obert vies científiques per deixar-les després en mans d’altres estudiosos, deixà els estudis de sociolingüística a noves generacions de lingüistes que s’hi dedicaren plenament. En tot cas, l’ús social de la llengua catalana fou una preocupació constant del Dr. Badia. Encara en l’entrevista de 2009, que mencionem en la nota 1, remarcava amb pena que molts catalanoparlants continuen cedint en l’ús de la llengua en presència de persones que potser fins i tot l’entenen però no la parlen. Entre les seves publicacions i col·laboracions trobem títols que no responen a la recerca en catalanística o romanística sinó que també col·laborà en tasques que contribuïssin a l’extensió de l’ús social del català (com l’elaboració de textos litúrgics, formularis administratius, etc.). En els anys 70 i 80 assumí importants tasques de gestió, des de les quals contribuí decisivament a la normalització de la llengua catalana. Després d’una època molt convulsa, fou elegit rector de la Universitat de Barcelona (1978-1986), en el moment posterior a la mort del dictador i quan moltes estructures de la universitat i l’assoliment de l’autonomia universitària estaven per construir 6. Antoni M. Badia havia estat elegit membre de l’Institut d’Estudis Catalans (1968) i durant el període 1989-1995 fou president de la Secció Filològica. Al llarg de la seva presidència impulsà la reestructuració de la secció i de les seves oficines (oficina de gramàtica, oficines lexicogràfiques). També fou en aquesta època que es publicà la primera edició del Diccionari de la llengua catalana (DIEC; 1995) del qual redactà el pròleg, i, una mica més tard, l’IEC reprengué sota la seva direcció la publicació de la revista Estudis Romànics (2000). Malgrat la dedicació de molts esforços i hores a les activitats de gestió, els anys 80 i 90 veieren també la publicació d’obres importants: n’esmentem tres de caire divers, La formació de la llengua catalana. Assaig d’interpretació històrica (1981), la Gramàtica catalana. Descriptiva, normativa, diatòpica, diastràtica (1995) i Les Regles de esquivar vocables i la ‹qüestió de la llengua› (1999). Aquest darrer tema fou, com havia confessat diverses vegades, un tema que portà en la ment i en el cor al llarg de tota la seva vida científica. Tot i que no hem esmentat més que publicacions en forma de llibre, la pro5



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Vegeu Germà Colón Domènech, L’Associació Internacional de Llengua i Literatura Catalanes (1968-1998), Barcelona, Publicacions de l’Abadia de Montserrat, 1999. Les seves memòries en relació a aquest període les recollí en el llibre Llavor de futur. Vuit anys al rectorat de la Universitat de Barcelona, Barcelona, Publicacions de l’Abadia de Montserrat, 1989. 

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ANTONI MARIA BADIA I MARGARIT

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ducció científica del Dr. Badia inclogué pràcticament tots els camps de la lingüística: gramàtica històrica, història de la llengua, dialectologia, onomàstica (toponímia, el seu primer congrés a Brussel·les el 1949; i antroponímia), fonètica i fonologia, lèxic, sociolingüística, etc. El 1975 feu llegat de la seva biblioteca personal a la Biblioteca Nacional de Catalunya: milers de llibres i separates (més de 10.000), alguns altrament impossibles de trobar a Barcelona, passaren a formar part del patrimoni de la BNC. Durant anys, fou habitual a primera hora del matí la figura del Dr. Badia creuant les sales gòtiques de la BNC per treballar en la sala on es reunia la col·lecció. També feu donació del seu arxiu (manuscrits de les seves obres, manuscrits de conferències, tota la correspondència, etc.). Naturalment, la seva trajectòria científica i vital fou objecte de reconeixement tant dins del nostre país com fora. Rebé la Creu de Sant Jordi de la Generalitat de Catalunya (1986), el Premi d’Honor de la Fundació Jaume I (1995), el Premi d’Honor de la Fundació Catalana per a la Recerca (1996), la Medalla al Mèrit Científic de l’Ajuntament de Barcelona (1999), el Premi d’Honor de les Lletres Catalanes (2003) i la Medalla d’Or de la Generalitat (2012). Rebé també el Premio Antonio de Nebrija per la seva monografia sobre la parla de la Vall de Bielsa (1950) i la Encomienda de la Orden de Alfonso X el Sabio (1953). En diverses ocasions se celebraren actes d’homenatge a la seva persona i s’han publicat dos reculls miscel·lanis en honor seu. Fou doctor honoris causa per les universitats de Salzburg (1972), Tolosa de Llenguadoc (1980), la Sorbona de París (1986), Perpinyà (1989), el Knox College de Galesburg (Illinois, 1990), la Universitat Rovira i Virgili de Tarragona (1994), la d’Alacant (2002), València (2005), la Universitat de les Illes Balears (2007) i la UNED (Universidad Nacional de Educación a Distancia, 2010). Fou professor visitant a les universitats de París, on també s’involucrà en la creació del Centre d’Études Catalanes, Georgetown, Wisconsin, Heidelberg i Munic. Fou membre de l’Acadèmia de Bones Lletres de Barcelona (1955) i membre corresponent de la Reial Acadèmia Espanyola (1965) i de la Société de Langue et Littérature Wallonnes (2006). Acabarem aquest record d’un savi amable i exigent, educat però ferm, amb dues idees que li foren molt estimades: la passió, la passió amb què es dedicà a la llengua i que acompanyava indestriablement la ciència (recordem el títol Ciència i passió dins la cultura catalana, 1977) i l’amistat dels romanistes; després de la mort de la seva esposa (2007), companya inseparable, ocupà estones en l’esbós del que hauria estat un llibre de records sobre les figures de la romanística que havien estat els seus amics. S’hauria intitulat De Romania amica 7. Deixem que siguin aquests mots, tan escaients per a la nostra revista, els que cloguin aquest record del mestre 8. Maria Reina BASTARDAS I RUFAT

������������������������������������������������������������������������������������� Vegeu l’article de Teresa Cabré al diari ARA (17 de novembre de 2014, p. 33 de l’edició impresa). 8 Es pot trobar una bibliografia d’A. M. Badia, actualitzada fins a octubre de 1995, a l’adreça següent: ‹http://taller.iec.cat/filologica/documents/badia/Bibliografia_1. pdf›. Alguns articles i publicacions en la premsa ordinària, de caire més personal i que permeten copsar la trajectòria personal de Badia, estan recollits a ‹http://taller. iec.cat/filologica/badia.asp›. 7

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CHRONIQUE Mise en ligne de la Revue de Linguistique Romane depuis 1925 à nos jours

Les Éditions de Linguistique et de Philologie (ÉLiPhi) et la Société de Linguistique Romane (SLR) ont préparé, en coopération avec le projet RetroSeals de l’École polytechnique de Zurich (ETH) une mise en ligne intégrale de la Revue de Linguistique Romane. L’intégralité des fascicules sera librement consultable sur le site des ÉLiPhi pour les membres de la Société de Linguistique Romane et pour les bibliothèques ou universités qui auront souscrit l’abonnement électronique à la Revue. La mise en ligne est prévue pour le 1er avril 2015 (les membres de la Société seront informés par courriel). Cette mise en ligne permettra dans un premier temps une recherche sur texte intégral pour les années 2001 à 2015. La recherche sera élargie���������������� ����������������������� à�������������� ��������������� tous les fascicules depuis 1925 à partir du mois d’octobre prochain, autant sur le site des ÉLiPhi que sur celui de RetroSeals (avec des fonctions avancées d’interrogation). À cette occasion, les ELiPhi ont également préparé la mise en ligne des volumes de la BiLiRo et des nouvelles collections des TraLiRo (cf. le catalogue joint au présent fascicule de la Revue). Le site permettra des recherches sur le texte intégral de la Revue et, en même temps, sur tous les volumes de la BiLiRo et des TraLiRo. Le PDF intégral des BiLiRo et des TraLiRo sera accessible aux bibliothèques et universités qui auront souscrit l’abonnement à ces collections. On se reportera au site des ÉLiPhi pour toute information complémentaire: ‹ www.eliphi.fr ›

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Prima circolare Invito a presentare proposte di comunicazione XXVIII CILFR Roma (18-23 luglio 2016)

XXVIII Congresso Internazionale di Linguistica e Filologia romanza Société de Linguistique Romane “Sapienza” Università di Roma, Facoltà di Lettere e Filosofia Dipartimento di Studi Europei, americani e interculturali Accademia Nazionale dei Lincei Consiglio Nazionale delle Ricerche Linguistica e filologia romanza di fronte al canone

Il XXVIII Congresso internazionale di linguistica e filologia romanza si terrà a Roma, all’Università “Sapienza” e all’Accademia Nazionale dei Lincei. Nelle sezioni e nelle conferenze, nelle tavole rotonde e nelle iniziative scientifiche parallele, il Congresso si propone di rappresentare le modalità di interconnessione fra linguistica e filologia sviluppatesi nella ricerca degli ultimi decenni, anche a contatto con altri settori (dalla storia letteraria alla sociologia, all’ermeneutica, alla paleografia e alla teoria della comunicazione). Il tema del Congresso, Linguistica e filologia romanza di fronte al canone, pensato in quanto canone di lettura e di modelli metodologici nella logica di un sapere comune e comunemente accettato, aspira a stimolare, col contributo dei diversi saperi specialistici, una riflessione comune su una questione ineludibile, imposta dalla globalizzazione a tutte le scienze umane e umanistiche: il rapporto fra particolare e universale e fra lingua e cultura in un ambito disciplinare, la linguistica e la filologia romanza che, nato in Europa e in relazione al nome della città di Roma, abbraccia ormai, agli inizi del XXI secolo, tutti i continenti, secondo problematiche e modalità a volte originali e inedite.

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CILFR XXVIII

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Comitato di programma Presidenti onorari .............. Max Pfister, Lorenzo Renzi, Francesco Sabatini, Giuseppe Tavani Presidente ........................... David Trotter, presidente della Società di Linguistica Romanza Segretario generale ........... Roberto Antonelli, vice-presidente della Società di Lin guistica Romanza Segretarie aggiunte ............ Gioia Paradisi, Arianna Punzi (“Sapienza” Università di Roma) Per la Société de Linguistique Romane ...................... Martin Glessgen, segretario-amministratore della Société; Fernando Sánchez Miret, vice-presidente della Société; Laura Minervini, Napoli “Federico II”; Rosario Coluccia, Università di Lecce (rappresentanti italiani dei consiglieri della Société) Per Facoltà di Lettere e Filosofia della “Sapienza” ....... Luca Serianni (“Sapienza” Università di Roma) Per il Dipartimento di Studi europei, americani e interculturali ….......................... Paolo Canettieri (“Sapienza” Università di Roma) Per l’Accademia Nazionale Alberto Varvaro (†) (Napoli Federico II, Socio Nazionale dei Lincei…......................... Accademia dei Lincei) Per il Consiglio Nazionale Riccardo Pozzo (direttore del Dipartimento C. N. R. di delle Ricerche…................. Scienze Umane e sociali - Patrimonio Culturale)

Comitato scientifico Il Comitato scientifico è coordinato da David Trotter, Roberto Antonelli e Martin Glessgen; è costituito dai membri del Comitato di programma e dai presidenti delle sezioni.

Comitato organizzativo Presidenti………………..... Roberto Antonelli, Gioia Paradisi (coordinatrice), Arianna Punzi Il Comitato organizzativo è presentato sul sito internet.

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CHRONIQUE

Sezioni tematiche e Presidenti di sezione Sezioni

Presidenti

1

Canoni, generi testuali e lingue letterarie

Johannes Kabatek (Zürich) Maria Luisa Meneghetti (Milano) Álvaro Octavio de Toledo y Huerta (München)

2

Linguistica generale e linguistica romanza

Fernando Sánchez Miret (Salamanca) Wulf Oesterreicher (München) Miriam Voghera (Salerno)

3

Latino e lingue romanze

Stefano Asperti (Roma) Thomas Städtler (Heidelberg)

4

Fonetica e fonologia

Lori Repetti (New York) Rodney Sampson (Bristol) Giancarlo Schirru (Cassino)

5

Morfologia e sintassi

Brenda Laca (Paris) Anna Cardinaletti (Venezia) Elisabeth Stark (Zürich) Marleen Van Petheghem (Lille)

6

Lessicologia, semantica, etimologia

Marcello Aprile (Lecce) Reina Bastardas i Rufat (Barcelona) Martin Glessgen (Zürich) Gilles Roques (Nancy)

7

Dialettologia, sociolinguistica e linguistica variazionale

Jan Lindschow (København) Paul Videsott (Bolzano) Ugo Vignuzzi (Roma)

8

La Romania fuori dall’Europa

Cyril Aslanov (Jerusalem) Gaëtane Dostie (Québec) Ettore Finazzi Agrò (Roma)

9

Linguistica dei corpora e filologia informatica

Rocco Distilo (Cosenza) Andres Kristol (Neuchâtel) Jean-Marie Pierrel (Nancy)

10

Ecdotica, critica e analisi del testo

Viçenz Beltràn (Roma) Marie-Guy Boutier (Liège) Luciano Rossi (Zürich)

11

Filologia europea – lingue e letterature nazionali

Mercedes Brea (Santiago de Compostela) Furio Brugnolo (Padova) Gilles Siouffi (Paris)

12

Lingue e letterature comparate, di frontiera e dei migranti 

Emili Casanova (València) Antonio Pioletti (Catania)

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CILFR XXVIII

13

Acquisizione e apprendimento delle lingue

Araceli Gómez Fernández (Madrid, UNED) Elizaveta Khachaturyan (Oslo) Angela Tarantino (Roma)

14

Traduzione e traduttologia

Pietro Beltrami (Pisa) Carsten Sinner (Leipzig)

15

Antropologia, sociologia e gender davanti alla linguistica e la letteratura

Corrado Bologna (Roma) Henri-José Deulofeu (Aix-Marseille) Jürgen Trabant (Berlin)

16

Storia della linguistica e della filologia; linguistica, filologia e formazione

Luciano Formisano (Bologna) Jacques François (Caen)

627

Plenarie Harald Weinrich (Münster): «Romània, Europa, mondo» Francisco Rico (Barcelona): «Cervantes e le origini del romanzo moderno» Lino Leonardi (OVI-CNR), Andrea Mazzucchi (Napoli), Justin Steinberg (Chicago): «Tra storia, lingua, testo e immagini: la Commedia oggi» Paolo Canettieri (Roma), Riccardo Pozzo (CNR), Pina Totaro (ILIESI-CNR): «Lessico intellettuale ed affettivo dell’Europa»

Tavole rotonde «Plurilinguismo e identità», Laura Minervini (Napoli) (coord.) «Roma nella storia linguistica e letteraria», Pietro Trifone (Roma) (coord.)

Proposte di comunicazione Al fine di facilitare l’invio delle proposte di comunicazione nel sito internet del congresso sarà disponibile per ogni sezione un elenco di possibili parole-chiave. Le comunicazioni potranno essere inviate al Comitato scientifico mediante il formulario presente nel sito del congresso (‹www.CILFR2016Roma.it›). Si richiede: – un riassunto di due pagine (senza note) – un paragrafo finale del riassunto che spiega (i) come la comunicazione proposta va ad integrarsi nella sezione prescelta e (ii) quale sarà l’apporto di novità contenuto nel lavoro – una bibliografia di una pagina al massimo. E’ ugualmente possibile proporre al Comitato scientifico dei poster, come è stato praticato con successo al Congresso di Nancy (2013). I poster possono dar luogo a un’ulteriore pubblicazione esattamente come le comunicazioni orali.

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628

CHRONIQUE

Tutte le proposte di comunicazione e di poster saranno esaminate dai presidenti della sezione prescelta. Tutte le lingue romanze sono lingue ufficiali del congresso. Il Comitato di programma invita ovviamente i congressisti a inquadrare le loro proposte di comunicazione in una prospettiva romanza, anche utilizzando le lingue romanze come prospettiva nella quale un fenonemo relativo a una lingua è più adeguatamente comprensibile. Per favorire il confronto e la discussione, i testi completi delle comunicazioni accettate dal Comitato scientifico possono esser inviati già prima del Congresso agli organizzatori. Essi saranno allora pubblicati on line e resi accessibili tramite password agli iscritti al Congresso, entro il mese di giugno, il che aumenta evidentemente la loro visibilità e diffusione. Gli autori che scelgono questa opzione, dovrebbero inviare i loro testi entro il 15 maggio 2016.

Calendario 01/01/2015

A partire da tale data sarà possibile proporre le comunicazioni utilizzando il formulario on line (‹www.CILFR2016Roma.it›)

01/01/2015

Inizio delle iscrizioni

31/08/2015

Data ultima per le proposte di comunicazione

06/01/2016



Notifica delle comunicazioni accettate dal Comitato scientifico

31/01/2016



Data ultima per usufruire della tariffa ridotta per l’iscrizione

31/01/2016 Data ultima per l’iscrizione dei congressisti che terranno una comu nicazione 15/05/2016



Data ultima per l’invio dei testi completi delle comunicazioni che si vorranno mettere on line

18/07/2016 Data ultima per l’iscrizione dei congressisti che non terranno una comunicazione

Contatti Sito internet del congresso: ‹www.CILFR2016Roma.it› Indirizzo di posta elettronica del congresso : ‹[email protected]› Recapito postale: XXVIII Congresso Internazionale di Linguistica e Filologia Romanza Dipartimento di Studi Europei, Americani e Interculturali “Sapienza” Università di Roma piazzale A. Moro, 5 00185 Roma

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TABLE DES MATIÈRES

Esther Baiwir, Les arabismes dans le TLF : tentative de classement historique 367-402 Jean-Pierre Chambon, Vers une seconde mort du dalmate ? Note critique (du point de vue de la grammaire comparée) sur « un mythe de la linguistique romane » ....................................................................................................

5-18

Jean-Pierre Chambon, Contributions à la toponymie de la Lozère, principalement d’après les sources médiévales ...............................................................

147-202

Jean-Pierre Chambon, Régionalismes et jeu de mots onomastique dans un sirventés de Torcafol : Comtor d’Apchier rebuzat (P.‑C. 443, 1) ...................

499-510

Maria Sofia Corradini, Lessico e tassonomia nell’organizzazione del Dictionnaire de Termes Médico-botaniques de l’Ancien Occitan (DiTMAO) .........................................................................................................

87-132

Anamaria Făl ăuş / Brenda Laca, Les formes de l’incertitude. Le futur de conjecture en espagnol et le présomptif futur en roumain ..............................

313-366

Hans Goebl / Pavel Smečka, L’analyse dialectométrique des cartes de la série B de l’ALF ............................................................................................................. 439-498 Franz Rainer, Le rôle de l’italien dans la formation de la terminologie cambiale française ....................................................................................................

57-86

Pierre Rézeau, Documents pour l’histoire du français, extraits de textes (XIVe-XVIe s.) concernant la Saintonge et l’Aunis ..................................... 403-438 Christian Schmitt, Étymologie et cognition : français grèbe .............................

133-146

Achim Stein / Carola Trips, Les phrases clivées en ancien français : un modèle pour l’anglais ? ................................................................................

33-56

Heinz Jürgen Wolf, Le prétérit sarde de éssere : fit – fut (3), fimus – fumus (4) etc. .....................................................................................................

19-32

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630

TABLE DES MATIÈRES

COMPTES RENDUS Stéphane Boissellier / Bernard Darbord / Denis Menjot (ed.) avec la collaboration de Georges Martin, Jean-Pierre Molénat et Paul Teyssier, Les langues médiévales ibériques. Domaines espagnol et portugais, Turnhout, Brepols (L’atelier du médiéviste; 12), 2012, 540 p. (Maria-Reina Bastardas i Rufat) ......................................................................................... 220-223 Corpus Biblicum Catalanicum. 6. Bíblia del segle XIV. Primer i segon llibres dels Reis. Transcripció i glossari a cura de Jordi Bruguera i Talleda. Notes i introducció a cura de Pere Casanellas i Jordi Bruguera i Talleda. Col·lació de vulgates catalanollenguadocianes a cura de Núria Calafell i Sala. Barcelona, Associació Bíblica de Catalunya / Publicacions de l’Abadia de Montserrat, 2011, 600 pàgines (Antoni Ferrando Francés) ........................

227-231

Annette BRASSEUR / Roger BERGER (ed.), Robert le Clerc d’Arras, Les Vers de la Mort, Genève, Droz (Textes littéraires français, 600), 2009, 661 pages. Annette BRASSEUR (ed.), Robert le Clerc d’Arras, Li loenge Nostre Dame, Édition critique, Genève, Droz (Textes littéraires français, 621), 2013, cxxxv + 142 pages (Takeshi Matsumura) .......................................................

577-582

Philipp Burdy, Die mittels -aison und Varianten gebildeten Nomina des Französischen. Eine Studie zur diachronen Wortbildung, Frankfurt am Main, Vittorio Klostermann, 2013 (Analecta Romanica, 81), 304 pages (Claude Buridant) ........................................................................................................

231-239

Alain Corbellari / Yan Greub / Marion Uhlig (ed.), Philologia ancilla litteraturae. Mélanges de philologie et de littérature françaises du Moyen Âge offerts au Professeur Gilles Eckard par ses collègues et anciens élèves, Genève (Université de Neuchâtel/Librairie Droz), 2013, 308 pages (���� Thomas Städtler) .................................................................................................

239-242

Silvio Cruschina / Martin Maiden / John Charles Smith (ed.), The Boundaries of Pure Morphology. Diachronic and Synchronic Perspectives, Oxford, Oxford University Press (Oxford Studies in Diachronic and Historical Linguistics, 4), 2013, xii + 319 pagine (Francesco Gardani) .......................

533-544

Georges Darms / Clà Riatsch / Clau Solèr (ed.), Akten des V. ������������ Rätoromanistischen Kolloquiums – Actas dal V. Colloqui retoromanistic, Lavin 2011, Tübingen, Narr, 2013, 380 pagine (Ruth Videsott) .......................................

525-529

Sarah Dessi Schmid / Ulrich Detges / Paul Gévaudan / Wiltrud Mihatsch / Richard Waltereit (ed.), Rahmen des Sprechens. Beiträge zu Valenztheorie, Varietätenlinguistik, Kreolistik, Kognitiver und Historischer Semantik. Peter Koch zum 60. Geburtstag, Tübingen, Narr, 2011, xxv + 435 pages (Gerhard Ernst) ..............................................................................................

511-518

Steven N. Dworkin, A History of the Spanish Lexicon. A Linguistic �������� Perspective, Oxford, Oxford University Press, 2012, xi + 321 páginas. (Andrés Enrique-Arias) .............................................................................................. 223-226

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TABLE DES MATIÈRES

631

Ronnie Ferguson, Saggi di lingua e cultura veneta, Padova, Cleup (Roma­ nistica Patavina 4), 2013, 416 pagine (Daniele Baglioni) .............................

544-551

Françoise Fery-Hue (ed.), Traduire de vernaculaire en latin au Moyen Âge et à la Renaissance. Méthodes et finalités, Paris, École des chartes, 2013, 342 pages (Maria Colombo Timelli) ......................................................................

574-577

Anne-Marguerite Fryba-Reber, Philologie et linguistique romanes – Institutionalisation des disciplines dans les universités suisses (1872-1945), Louvain, Peeters (Orbis Supplementa 40), 2013, xxii + 394 pages (Jacques François) .........................................................................................................

519-524

Frank Jablonka, Vers une socio-sémiotique variationniste du contact postcolonial : Le Maghreb et la Romania européenne, Vienne, Praesens Verlag (Quo vadis Romania, 47), 2012, 320 pages (Georges Daniel Véronique) ...

571-574

Marc Kiwitt (ed.), Les gloses françaises du glossaire biblique B.N. hébr. 301. Édition critique partielle et étude linguistique, Heidelberg, Winter (R.T.M., 2), 2013, xi + 472 pages (Gilles Roques) ..........................................

583-596

Jean Le Dû / Guylaine Brun-Trigaud, Atlas linguistique des Petites Antilles, Volume II, Enquêtes coordonnées par Robert Damoiseau, Paris, Éditions du CTHS, 2013, 403 pages (André Thibault) .................................................

565-570

Piera Molinelli / Federica Guerini (ed.), Plurilinguismo e diglossia nella Tarda Antichità et nel Medio Evo, Firenze, SISMEL, Edizioni del Galluzzo, 2013 (Traditio et Renovatio, 7), x + 342 pages. (David Trotter) ......................... 203-206 Rosa Piro, L’Almansore. Volgarizzamento fiorentino del XIV secolo. Edizione critica, Firenze, SISMEL – Edizioni del Galluzzo (Micrologus’ Library), 2011, cx + 1010 pp. (Elisa Guadagnini) ........................................

212-220

Matthieu Marchal (ed.), Histoire de Gérard de Nevers, mise en prose du Roman de la Violette de Gerbert de Montreuil, Lille, P. U. Septentrion (Textes et perspectives, Bibliothèque des seigneurs du Nord), 2013, 422 pages (Gilles Roques) ..................................................................................... 243-258 Rosanna Sornicola, Bilinguismo e diglossia dei territori bizantini e longobardi del Mezzogiorno: le testimonianze dei documenti del IX e X secolo, Napoli, Giannini (Quaderni dell’Accademia Pontaniana, 59), 2012, 102 pagine + indice (Mariafrancesca Giuliani) ....................................................

557-564

Thomas Stehl / Claudia Schlaak / Lena Busse (ed.), Sprachkontakt, Sprach­ variation, Migration : Methodenfragen und Prozessanalysen, Francfortsur-le-Main et al., Peter Lang (Sprachkontakte. Variation, Migration und Sprach­dynamik n° 2), 2013, xii+413 pages. (Frank Jablonka) ......................

207-212

Lorenzo Tomasin (ed.), Il Vocabolario degli Accademici della Crusca (1612) e la storia della lessicografia italiana, Atti del X Convegno ASLI Associazione per la Storia della Lingua Italiana, Padova, 29-30 novembre 2012 – Venezia, 1° dicembre 2012, Firenze, Franco Cesati Editore, 2013, 503 pagine [Indice dei nomi a cura di Valentina Zenoni] (Giuseppe Polimeni)

551-557

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632

TABLE DES MATIÈRES

Paul Videsott / Rut Bernardi / Chiara Marcocci, Bibliografia ladina. Bibliografie des ladinischen Schrifttums / Bibliografia degli scritti in ladino, 1 : Von den Anfängen bis 1945 / Dalle origini al 1945, Bozen-Bolzano, Bozen-Bolzano University Press (Scripta Ladina Brixinensia, IV), 2014, 198 pagine (Giampaolo Salvi) ........................................................................

529-532

MISES EN RELIEF Stephan Schmid, Fonetica e fonologia dell’italiano – il punto di vista della didattica ..............................................................................................................

259-273

Rosanna Sornicola, Le varietà del napoletano e la grammatica diacronica di Ledgeway ...........................................................................................................

274-294

NOTE DE LECTURE Victor Celac, Un moment crucial pour la lexicographie du roumain : la publication du Dicţionarul limbii române en dix-neuf tomes (DLR-2, 2010) ..... 295-302

NÉCROLOGIE Antoni Maria Badia i Margarit (1920-2014) par Maria Reina Bastardas i Rufat ..................................................................................................................

618-622

Peter Koch (1951-2014) par Paul Gévaudan ....................................................... 597-606 Brian Merrilees (1938-2013) par Gilles Roques .................................................

307

Peter Thomas Ricketts (1933-2013) par Walter Meliga ..................................... 303-306 Rosita Rindler Schjerve (1948-2013) par Hans Goebl .......................................

308-310

Alberto Varvaro (1934-2014) par Laura Minervini et Giovanni Palumbo .......

607-617

CHRONIQUE XXVIII e Congrès International de Linguistique et de Philologie Romanes – Annonce .............................................................................................................

311

XXVIII Congresso Internazionale di Linguistica e Filologia romanza – Prima circolare ..............................................................................................................

624-628