"Vers l’élite des grands maîtres" : à la recherche de la créativité 9788493483425, 8493483427, 9788493483432, 8493483435

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"Vers l’élite des grands maîtres" : à la recherche de la créativité
 9788493483425, 8493483427, 9788493483432, 8493483435

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GM VIOREL BOLOGAN

I

A

«VERS L'ELITE DES GRANDS MAITRES» À la recherche de la créativité

ÉDITIONS CHESSY http://www.editorialchessy.com

À paraitre aux Éditions Chessy; Christian Bauer : «Tout sur la Défense Philidor» Mikhai1 Tal : «Parties inédites» Vol I Luis Miguel Alonso : «MIiie mats artistiques»

TABLE DES MATIÈRES

GM VIOREL BOLOGAN Traduit de l'espagnol par: Gabrielle Rit Carlos de Andrés Oterino

Préface de Kasparov:

......................................... 7

Introduction de I'Auteur:

........................................ 11

Chapitre Un :

........................................ 12

Chapitre Deux :

........................................ 31

Chapitre Trois:

........................................ 48

Chapitre Quatre :

........................................ 89

Chapitre Cinq:

........................................ 135

Tous droits réservés

Index des Motifs Stratégiques et Tactiques

........................................ 221

Couverture : LUIS ZOTES

Palmarès de Bologan

........................................ 222

ÉDITIONS CHESSY http://www.editorialchessy.com Urb. Puerta Vetusta no 19 Sta Eulalia de Morcin (Asturias) Espagne Téléphone : 00 34 985 78 34 81 [email protected] À BARCELONE: Libreria Hispano Americana Gran Via 594

ISBN-13: 978-84-934834-3-2 ISBN-10: 84-934834-3-5 Dépot Legal: AS-6.361/06

Impression : ASTURGRAF Imprimé en Espagne

ÉDITIONS CHESSY

Directeur Général : Alfonso Romero Ho/mes Webmaster et Composition : Arturo Pruneda Coordinateur Général : Amador de la Nava

TABLE DES MATIÈRES

GM VIOREL BOLOGAN Traduit de l'espagnol par: Gabrielle Rit Carlos de Andrés Oterino

Préface de Kasparov:

......................................... 7

Introduction de I'Auteur:

........................................ 11

Chapitre Un :

........................................ 12

Chapitre Deux :

........................................ 31

Chapitre Trois:

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Chapitre Quatre :

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Chapitre Cinq:

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Tous droits réservés

Index des Motifs Stratégiques et Tactiques

........................................ 221

Couverture : LUIS ZOTES

Palmarès de Bologan

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ÉDITIONS CHESSY http://www.editorialchessy.com Urb. Puerta Vetusta no 19 Sta Eulalia de Morcin (Asturias) Espagne Téléphone : 00 34 985 78 34 81 [email protected] À BARCELONE: Libreria Hispano Americana Gran Via 594

ISBN-13: 978-84-934834-3-2 ISBN-10: 84-934834-3-5 Dépot Legal: AS-6.361/06

Impression : ASTURGRAF Imprimé en Espagne

ÉDITIONS CHESSY

Directeur Général : Alfonso Romero Ho/mes Webmaster et Composition : Arturo Pruneda Coordinateur Général : Amador de la Nava

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PRÉFACE de KASPAROV A notre époque dominée par l'informatique, les joueurs d'échecs de haut niveau qui entreprennent d'écrire un livre sont devenus une denrée rare. C'est un travail aride, qui demande beaucoup de temps et, pour un joueur d'échecs professionnel, n'offre pas assez de compensation matérielle. De plus il est nécessaire, pour écrire un livre, d'avoir quelques idées qui puissent intéresser un large public de joueurs d'échecs. C'est pourquoi j'ai lu celui de Viorel Bologan avec beaucoup d'intérêt. Le volume de l'ouvrage, déjà, m'a fait bonne impression, car connaissant Viorel, je pouvais être sûr d'y trouver beaucoup d'idées échiquéennes intéressantes.

ne se ressemblent pas seulement (et Viorel en parle aussi dans son livre) par leur capacité à penser au travers de schémas, mais aussi parce qu'ils possèdent une qualité très rare. Ils réfléchissent en utilisant des concepts philosophiques des échecs, quand un coup concret ou même un plan complexe s'insère dans une conception générale donnée. De nombreux commentaires de ce livre illustrent cette relation étroite qui unit le déroulement d'une partie concrète au jeu d'échecs en général, permettant de concevoir ainsi un schéma plus complet. Chacun de ces entraîneurs a apporté sa pierre à la formation de la personnalité échiquéenne et humaine de l'auteur. Ce dernier, après une petite pause créative (il a travaillé à la Bourse) a intégré l'élite des échecs, ce qu'a confirmé sa brillante victoire au Supertournoi de Dortmund 2003.

Je considère que tous les joueurs d'échecs qui souhaitent continuer à progresser devraient lire ce livre. Bien sûr, je parle surtout des jeunes joueurs, qui sont convaincus que Il est très important que ce livre présente toutes les connaissances échiquéennes beaucoup de parties véritablement commentées. Et j'insiste sur le mot « peuvent être téléchargées sur Internet ou trouvées dans les bases de données véritablement », dans la mesure où de nos modernes. En vérité, rien ne peut remplacer jours même la plupart des joueurs d'échecs la parole imprimée. Pour se perfectionner, il de haut niveau se contente de faire de simples est nécessaire de comprendre ce qui s'est fait commentaires au format« Informateur », ou précédemment puis de traiter l'information d'écrire très sommairement leurs idées dans recueillie et de l'adapter à son propre style et . « New in Chess ». On peut trouver des textes plus complexes dans la revue « 64 », où écrit à son tempérament particulier de joueur d'échecs. Viorel raconte en détails sa bien sûr la majorité de l'avant-garde progression échiquéenne, et comment il a russophone des échecs. Mais même là, les accumulé les expériences à Chisinau, où il a textes se bornent en général à commenter la eu la chance de travailler avec une personne partie elle-même, et rarement une série extraordinaire, Viacheslav Chebanenko, cohérente. Et même dans les livres qui créateur de sa propre philosophie des échecs continuent à être écrits (de moins en moins qui, si elle ne cadrait pas avec les tendances régulièrement) par les principaux Grands générales, n'en était pas moins tout à fait Maîtres, leurs parties sont presque toujours originale. Viorel a travaillé ensuite à Moscou présentées comme une « boîte de chocolats avec Zigurds Lanka et Mark Dvoretzky. On », sans aucune logique interne. Les diverses classe souvent les joueurs d'échecs en deux « douceurs » y sont simplement enveloppées groupes : ceux qui calculent des variantes et dans un joli papier. Au contraire, le livre de ceux qui pensent au travers de schémas, qui Bologan montre clairement que les parties ont mettent l'accent sur les aspects stratégiques été précisément choisies comme les étapes des échecs. Chebanenko, Lanka et Dvoretzky d'un chemin qui le voit perfectionner sa

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PRÉFACEdeKASPAROV

créativité. Le lecteur trouvera également de nombreuses remarques intéressantes, qui dévoilent les caractéristiques de la personnalité de ce Grand Maître. Je ne peux pas souscrire à tous ses commentaires, mais ils reflètent la position de leur auteur. C'est relativement rare dans le monde des échecs, où beaucoup de choses sont présentées de manière très générale et synthétique. Ce livre présente des parties qui suivent des plans divers, et qui commencent par des ouvertures très variées. Aujourd'hui, la mode veut qu'on étende son répertoire personnel, en y intégrant des ouvertures différentes, qui ont parfois des structures complètement opposées. On peut trouver dans ce livre des conseils pour bien choisir son ouverture, selon le critère de l'auteur. Il nous raconte quelle méthode il utilise pour prendre des décisions et sur quelle philosophie concrète se fonde chacune d'entre elles. Elles peuvent obéir à des éléments de la psychologie des échecs, en fonction d'adversaires concrets, ou à certains changements de point de vue créatif, conséquences du travail avec l'un ou l'autre de ses entraîneurs. En effet, tout joueur d'échecs, même le plus ingénieux, est obligé de suivre attentivement l'évolution des idées échiquéennes et de faire attention à ne pas prendre de retard, pour rester toujours à l'avant-garde du développement des échecs modernes. On peut trouver ici, mises en pratiques dans chaque partie, des recommandations générales, « adaptées » aux particularités concrètes de telle ou telle position. Je pense que ce sont les conseils les plus précieux, car un avis général tout seul, sans explication ni exemple concret, perd l'essentiel de son intérêt pratique. Dans ce livre, les citations du journal intime méritent une attention particulière, car elles ne parlent pas seulement des événements échiquéens, mais aussi des préoccupations personnelles de l'auteur. C'est précisément ce mélange d'analyse et de sentiments intimes, saisis dans les moments de plus grande

tension - quand il s'inquiète pour une raison particulière - qui permet de ressentir au plus près sa technique personnelle de prise de décision et, plus important, les leçons que l'on peut tirer aussi bien de ses défaites que de ses victoires. Il explique clairement dans le livre qu'il est beaucoup plus difficile de tirer des conclusions d'une victoire que d'une défaite. Cette idée selon laquelle il est très difficile d'assimiler ses triomphes est très bien présentée : l'apparition de résultats négatifs dans les parties est mise en relation avec les particularités de la psychologie humaine, incapable d'évaluer objectivement une série de victoires. Nous réagissons bien plus justement aux défaites, qui nous obligent à méditer et à rechercher les causes de notre échec. Le livre décrit aussi très bien les relations complexes qui unissent de nos jours maître et disciple. Les joueurs d'échecs échangent souvent leurs rôles, s'aident et s'assistent, et à côté des relations « maîtres-élèves » classiques se développent aussi d'autres liens avec leurs collègues-associés, qui collaborent pour un tournoi donné ou pour préparer une série d'événements importants. Viorel, qui a été « des deux côtés de la barrière », nous décrit par le menu ce système de relations. Le récit qu'il fait du processus qui voit naître les idées dans ces groupes de travail collectif est lui aussi curieux : quand plusieurs joueurs d'échecs travaillent sur un même thème, ils peuvent parvenir grâce à cet échange fructueux à élever leur niveau de compréhension individuelle et notre intelligence globale des échecs. En tout cas, on peut espérer que ce livre poussera les jeunes joueurs à étudier plus en profondeur les classiques des échecs, à se concentrer non seulement sur les bases de données informatiques, mais aussi sur les ouvrages imprimés. Espérons surtout qu'il leur donnera envie de commenter leurs propres parties. Certes, la plupart d'entre eux écoutera probablement les conseils des classiques d'une oreille moqueuse (à notre époque du tout-informatique, les recommandations

PRÉFACEdeKASPAROV venues des XIXème et XXème s iècles paraissent souvent vieux jeu). Mais on peut être sûr que les exigen ces stric tes de Botvinnik, qui demande à chacun d'analyser ses propres parties, sont toujours valables aujourd'hui. Car c'est seulement en analysant les parties jouées qu'on parvient à développer sa créativité. Et, bien entendu, on peut être sûr que la lecture de ce livre captivant donnera à un autre joueur de haut niveau l'envie de perdre un peu de son précieux temps pour publier un nouveau livre d'échecs singulier.

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INTRODUCTION Durant ma première année à l'Institut d'Éducation Physique, je suis allé voir Zigurds Lanka, pour qu'il m'aide à apprendre l'art d'écrire. Après un court silence, ce journaliste des échecs expérimenté m'a dit exactement ceci:

- D'accord, je vais te donner un stylo et une feuille de papier.

Quinze ans ont passé depuis ce jour, je suis devenu Grand Maître, et j'écris dans diverses publications d'échecs. En un mot, l'aphorisme du « vieil entraineur » - comme se désignait Lanka lui-même - m'a aidé. Le journalisme des échecs consiste avant tout à proclamer des faits, souvent secs, parfois incroyables, mais toujours des faits. Je suis arrivé dans un tournoi, j'ai joué, j'ai regardé autour de moi, et je suis reparti. Ensuite, je me suis rendu au tournoi suivant. Et quel que soit le confort du lieu où il puisse se trouver, l'homme a le désir de progresser, de chercher quelque chose de neuf. Et j'ai décidé à mon tour de ne pas écrire simplement sur le tournoi suivant ni commenter une partie qui a été jouée, mais d'essayer d'explorer le thème plus en profondeur : quitter les rives étroites d'un article de revue pour la mer d'un livre autobiographique. Et j'en ai d'autant plus envie que je pratique les échecs depuis plus de vingt ans, et que faire l'analyse de ses propres parties n'a rien d'un luxe, puisque c'est là ce qui fonde le perfectionnement de tout joueur d'échecs. Il est à la fois simple et difficile d'écrire sur soi­ même. D'un côté, la plume d'un écrivain est toujours meilleure quand elle part de son expérience personnelle, qu'il peut explorer à fond. De l'autre, quand on parle de soi-même, il est difficile de rester objectif. Quoi qu'il en soit, je me suis décidé ! J'ai bien sûr compris

ÉCHELONS

tout de suite que ce livre m'enlèverait beaucoup d e temps et de forces, et en conséquence qu'il aurait une influence néfaste sur mon niveau d'échecs. L'exemple positif de Shirov, Kramnik, Anand (qui ont déjà écrit leurs autobiographies échiquéennes) m'a convaincu que j'allais dans la bonne direction. Évidemment, quelques-unes de mes meilleures parties commentées dans des revues ont servi de base à ce livre. C'est précisément grâce au travail réalisé immédiatement après les parties que j'ai pu conserver les raisonnements que j'avais menés durant le jeu, de même que les conclusions que j'en avais tirées par la suite. L'un des thèmes de ce livre est plus particulièrement consacré à mes entraîneurs 1. Solonar, V. Chebanenko, Z. Lanka, M. Dvoretzky. Ces personnalités sans égales ont sans aucun doute laissé dans mon jeu des traces fructueuses et indélébiles. C'est précisément à eux que je dois la plus grande part de mes succès. Comme j'étais plutôt un exécutant créatif qu'un compositeur scrupuleux, j'assimilais avec beaucoup de satisfaction les véritables systèmes d'idées de Chebanenko ; dès ma première tentative, j'ai pu employer les manoeuvres typiques de Lanka ; et en résolvant l'énorme quantité de problèmes des archives de Dvoretzky, j'ai pu me lancer sans crainte dans les calculs les plus compliqués. Bon nombre des parties présentées dans ce livre, et surtout leurs ouvertures, ont un lien avec ces entraîneurs. Malheureusement, le volume limité de cet ouvrage ne me permet pas de décrire plus en détails ces personnalités extraordinaires. Et si l'oeuvre de Dvoretzky est plus qu'accessible, grâce à son exceptionnelle capacité de travail qui l'a amené à écrire toute une série de livres et de multiples articles, les ouvrages exposant les conceptions échiquéennes de mes autres entraîneurs restent encore à venir.

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CHAPITRE 1 : LE VIAJE DE CHISINAU A MOSCU - L'enfant est mort ! Sauvez la mère ! Ces paroles qui traversèrent le brouillard gris obligèrent Anna Bologan à un incoyable effort pour redresser son corps épuisé par cet accouchement difficile. - Comment ?/?

Le cri, qui s'adressait plus à l'enfant qu'au personnel médical qui s'agitait, fit son effet. L'enfant, un garçon par un fait exprès, violacé faute d'oxygène, se mit à crier, comme en réponse à la mère

« Pourquoi? » fut suivie d'une réponse non moins surprenante :« Pour qu'il n'y ait pas de gens méchants» ... Dès l'enfance, j'avais une notion très stricte de la justice. Je me rappelle que mon père m'avait appris qu'il fallait défendre les petites filles, respecter le sexe faible. Dans ce même Jardin d'Enfants, alors qu'en gentleman je luttais contre un petit garçon qui harcelait quelques petites camarades, je cassai le parapluie de la dame attaquée. Et bien sûr, ce fut moi le coupable.

- Nous vivrons !

Cet événement, très important pour les échecs moldaves, eut lieu au matin du 14 décembre 1971 dans la ville de Chisinau. Bien que ses parents fussent très occupés (la maman, Anna Demianovna, enseignait l'espagnol dans une école ; le papa, Anton Nikolaïevich, travaillait comme programmeur au NIIP Plan d'État de la RSSM et élaborait des programmes pour optimiser la planification du développement de l'économie nationale), et après ce début inattendu, la vie du deuxième enfant de la famille se poursuivit « selon la norme » et sans événements particuliers. A huit mois, l'enfant paraissait avoir un an, et on le prit par la main pour l'amener à la crèche. La crèche russe est le premier souvenir conscient de mon enfance. Mais je dois reconnaître que, pour une raison que j'ignore, je me souviens d'avoir été assis dans une bassine. Quand j'avais cinq ans, au Jardin d'Enfants, qui était déjà moldave, on nous demanda quelle profession nous voudrions exercer quand nous serions grands. « Conducteur ! Cosmonaute ! » répondirent les enfants en choeur. Moi je répondis presque sans y penser : « Policier ! ». Et la question

A cinq ans je rêvais d'être policier...

Un demi-siècle s'est écoulé depuis le jour où mon père fut appelé à l'armée ; notre nom de famille s'écrivait « Bolojan ». En langue moldave, « bolojan » signifie« pavé, motte de terre ». Une autre version affirme que notre nom provient du mot « vlaj », « voloj ». Preuve qui confirme cette hypothèse, j'ai vu une carte du Moyen-Âge où est dessiné le « Tsara Bolojvenenilor », c'est-à-dire le pays des Bolojvan. Les noms de famille sont généralement très répandus, en Moldavie il exis-

CHAPITRE 1 : LE VIAJE DE CHISINAU A MOSCU

lUAMOSCU fut suivie d'une réponse non mnte: « Pour qu'il n'y ait pas de ; »... Dès l'enfance, j'avais une :te de la justice. Je me rappelle e m'avait appris qu'il fallait ,etites filles, respecter le sexe = même Jardin d'Enfants, alors 1an je luttais contre un petit harcelait quelques petites cassai le parapluie de la dame en sûr, ce fut moi le coupable.

1 cinq ans je r!Jvais d"étre policier...

s'est écoulé depuis le jour où ppelé à l'armée ; notre nom de •ait « Bolojan ». En langue Jjan • signifie « pavé, motte de re version affirme que notre nom l « vlaj », « voloj ». Preuve qui hypothèse, j'ai vu une carte du Ill est dessiné le « Tsara - », c'est-à-dire le pays des s noms de famille sont is répandus, en Moldavie il exis-

te même un village entier de Bologan. A l'ère soviétique, on pratiquait une étrange politique, on changeait souvent les noms de famille des gens. La terminaison « jan » déplut sans doute à quelqu'un. En tout cas, quand mon père revint de l'armée, son nom de famille était Bologan. Il existe une autre histoire à propos de mon nom. Depuis le début, ma mère avait voulu m'appeler Viorel, et elle continue à le faire aujourd'hui. Mais le fait est que ce prénom ne figure pas parmi les saints orthodoxes, et on m'inscrivit sous celui de Victor. Ce prénom figure sur tous mes documents officiels, y compris la liste ELO. « Viorele » signifie en moldave « violette », et Victor, en latin, « vainqueur ». Ma vie oscille ainsi entre deux principes, un Viorel moldave romantique, joyeux, généreux, et un Victor latin sec, volontaire, toujours disposé à lutter pour la victoire, courageux dans le sport. Je suis entré à l'école primaire avant mes sept ans. Les mathématiques me paraissaient faciles, je résolvais les problèmes avec une certaine aisance, et j'aimais aussi la chimie minérale. Je connaissais assez bien l'espagnol, grâce à ma mère, une pédagogue de grand talent. Avec elle, même les élèves les moins appliqués parlaient en espagnol, ce qui était impossible à imaginer dans une école soviétique. Enfant, je lisais beaucoup. Je considérais déjà alors que les livres étaient des fenêtres ouvertes sur d'autres mondes. Parfois on me criait dans les oreilles pendant que je lisais, et je ne faisais pas attention à ce qu'on me disait. Souvent, avec Niku, mon frère aîné, aujourd'hui docteur en sciences médicales, je lisais très tard le soir. Alors, ma mère entrait dans notre chambre et éteignait la lumière. Nous attendions qu'elle se rendorme, rallumions la lumière et continuions notre lecture. Mais la principale passion de mon enfance a toujours été le football. Je jouais au foot dans la maison, dans la cour, aux récréations à l'école et au club de foot, et même quand je restais tout seul. Il suffisait d'avoir un mur pour perfectionner sa technique des passes, en plus du ballon, bien sûr. Mais l'affaire n'alla pas très loin. Après que j'eus fréquenté pendant un an !'École du « Nistru • , le ballon de foot

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fut remplacé par les 32 pièces d'échecs. Et même si je me consacrais déjà aux échecs, on me permettait de ne pas assister aux cours de ce sport à l'école, et j'allais au stade ... pour jouer, jouer, jouer ! Pour me justifier, je peux dire que la maladie du football qui a surgi parmi nous, les cinq frères (Niku, moi, Lilian, Mijay et Radu) est héréditaire. Il arrivait que l'équipe de Petrovka, la région où est né mon père, participe aux tournois régionaux, remplie de Bologan. Mon père m'apprit à déplacer les pièces quand j'avais sept ans. A sa meilleure époque, il jouait à un niveau de première catégorie, et il a communiqué ce loisir intelligent à tous ses fils. Il m'a amené à la DYSS !4> d'échecs, à un âge bien tardif, selon les exigences actuelles - presque dix ans. C'était là que s'entraînait Niku, qui arrêta par la suite : il manquait de constance. Moi aussi, je ratais de nombreux entraînements, après quoi, comme tous les enfants, je revenais aux cours la tête basse. Mais mon père insista beaucoup, et à de nombreuses reprises il me prit littéralement par la main pour m'y emmener. Je peux dire sans me tromper que dans la vie, j'ai eu de la chance avec les gens. Mon premier entraîneur était un pédagogue talentueux et un excellent homme, Ivan Yakovlevich Solonar. Il se consacrait à nous corps et âme. Comme il avait une pratique considérable, il nous faisait résoudre de nombreux problèmes, et nous obligeait à jouer à l'aveugle. Admirateur de Fischer, il nous enseignait le répertoire d'ouvertures du onzième champion du monde : la Variante Najdorf de la Défense Sicilienne, 1.e4 avec les Blancs, la Variante de l'Êchange dans la Partie Espagnole. Dans notre milieu, « les échecs suédois », où l'on joue deux contre deux avec la possibilité de passer à son équipier les pièces prises à son adversaire, étaient très populaires (N.des T : en France, « blitz à quatre »). On développait ainsi sa fantaisie, et les enfants passaient de bons moments. L'entraîneur nous permettait aussi de jouer au football à la récréation, et tous sans exception en profitaient, des plus petits aux plus grands, y compris les filles.. Quoi qu'il en soit, pour accéder à la voie étroite qui mène à la carrière de joueur d'échecs

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CHAPITRE 1 : LE VIAJE DE CHISINAU A MOSCU

professionnel, il faut quelque chose de plus que des capacités innées, un bon entraîneur et une connaissance adéquate du jeu. Il me semble que dans mon cas, ce « quelque chose » était un désir de victoire et une attirance pour les voyages. Après avoir gagné ma première partie de tournoi lors des compétitions inter-scolaires, je revenais en classe par une chaude après­ f midi d'automne f assistais aux cours du soir). Mon bonheur était sans limites, j'avais hâte de d'annoncer la nouvelle à mes camarades. J'avais gagné ! Mes amis devaient être très contents, comme moi ! Bien sûr, avec les années ces sentiments s'engourdissent, et maintenant ces émotions m'accompagnent rarement. Mais en principe, aux échecs, dans cette lutte entre deux intellects, le plus important est de l'emporter. Jusqu'à maintenant les victoires lors de parties isolées ou de tournois constituent la drogue dont j'ai besoin pour continuer ma carrière de joueur d'échecs. Le second facteur fut un insatiable désir de voyages. Enfant, je rêvais souvent que j'allais quelque part. Une fois, j'ai rêvé que je me promenais le long de l'avenue Kalinin avec un camarade joueur d'échecs, Alexei Sasonkin, lui aussi élève de Solonar, et pourtant je n'étais jamais allé à Moscou jusqu'alors. Et peu de temps après, j'ai fait un voyage à Moscou, précisément avec lui, et bien sûr...nous nous sommes promenés sur cette avenue, qui porte maintenant le nom de Novy Arbat ! J'ai aussi rêvé d'Hambourg et du Caire. Je me suis déjà retrouvé à Hambourg, mais au Caire pas encore. Je souhaiterais préciser que j'ai beaucoup voyagé. A mon « tableau d'honneur » figurent près de quarante pays, parmi lesquels presque toutes les républiques de l'ex-Union Soviétique, exceptés le Kirghizistan et le Turkménistan. Bien sûr, il m'en manque encore beaucoup pour égaler le record de Nigel Short, qui a visité près de soixante-dix pays. Lors de mon premier tournoi hors de Moldavie, à l'automne 1983, à Kharkov, en Ukraine, l'équipe, exclusivement composée de disciples de Solonar, joua avec un certain succès, et parvint au troisième rang. Mais sur

place, on informa notre groupe qu'lvan Yakovlevich commencerait son travail de directeur du club d'échecs, et que notre entraîneur serait son fils, Stepan lvanovich. Pour nous, ce fut un coup dur. En deux ans d'entraînements, nous nous étions habitués au Maître...et il nous abandonnait précisément quand nous commencions à récolter les fruits de son travail acharné ! Nous fondîmes presque littéralement en larmes. A peu près à la même époque, nous commençâmes à recevoir des tickets d'alimentation 15> (signe en quelque sorte que nous étions devenus de jeunes professionnels), et je devins membre du cercle sportif et commençai à « faire définitivement partie » du monde des échecs. A l'automne de l'année suivante, avant mon treizième anniversaire, je fis mes débuts dans le premier Championnat d'adultes de Chisinau. Au début, j'obtins trois points sur trois, mais les forces me manquèrent pour affronter la fin du championnat, et lors de la dernière ronde je me vis obligé de lutter jusqu'au bout pour obtenir l'égalité - avec les Blancs - afin de décrocher la norme qui me permettait de devenir candidat au titre de Maître. Alors que nous revenions à pied, du centre­ ville à la Botanica (un quartier de Chisinau), Edik Meerzon - qui avait aussi obtenu la norme - et moi, nous nous représentions un avenir de toutes les couleurs. Mais malheureusement la situation de la Moldavie était loin d'être la plus favorable aux échecs en Union Soviétique. Lors des six années qui suivirent, jusqu'à mon voyage à Moscou, je ne parvins pas à jouer comme je le souhaitais un tournoi débouchant sur une norme de Maître, tout bonnement parce qu'en Moldavie, on n'en organisait pas. Edik abandonna les échecs, et il travaille aujourd'hui comme programmeur à New-York. Bien entendu, il y avait beaucoup d'enthousiastes, et même un « vsieobuch » d'échecs (7), dont le principal promoteur était l'entraîneur de la DYSS Fiodor Fiodorovich Skripenko ; à Chisinau et à Beltsy on organisait souvent des tournois d'enfants, dont les participants venaient de toute l'URSS. La réalité de l'époque socialiste et l'énergie de Skripenko permettaient aux enfants de

CHAPITRE

voyager et de jouer beaucoup_ qu'une fois, lors d'un entraînet Skripenko avait demandé à 1 de parler de leurs défauts. 1 longtemps et en toute sincéril j'avais une mauvaise écriture sans doute d'autocritique, mai! sincèrement aucun autre dét encore, je souffre d'être inju, de manquer de modestie). Le principal problème était q1 n'y avait pas de joueurs d'• niveau. Le Grand Maître Lutikc à Tiraspol, avait pratiquemen­ échecs, Victor Gavrikov ava Lituanie, et les Maîtres loc; préparés, étaient d'un tel nr.. ils obtenaient la moitié des demi-finales du championnat pour eux un résultat normal. V• il était difficile pour nous de J: Voici l'un des premiers é1 création, qui a été publié dans la revue « Échecs » (Riga) Nï

N°1. V. Bologan - Ga· Chisinau (Moldavil

1.'ifh3!, et les Blancs font n huit coups! (1 : 0)

CHAPITRE 1 : LE VIAJE DE CHISINAUAMOSCU voyager et de jouer beaucoup. Je me souviens qu'une fois, lors d'un entraînement à Bendery, Skripenko avait demandé à tous ses élèves de parler de leurs défauts. Moi, j'ai réfléchi longtemps et en toute sincérité j'ai écrit que... j'avais une mauvaise écriture ! Je manquais sans doute d'autocritique, mais je ne me voyais sincèrement aucun autre défaut (aujourd'hui encore, je souffre d'être injustement accusé de manquer de modestie). Le principal problème était qu'en Moldavie, il n'y avait pas de joueurs d'échecs de haut niveau. Le Grand Maître Lutikov, qui vivait alors à Tiraspol, avait pratiquement abandonné les échecs, Victor Gavrikov avait déménagé en Lituanie, et les Maîtres locaux, bons, bien préparés, étaient d'un tel niveau que quand ils obtenaient la moitié des points lors des demi-finales du championnat d'URSS, c'était pour eux un résultat normal. Vu sous cet angle, il était difficile pour nous de progresser. Voici l'un des premiers épisodes de ma création, qui a été publié dans la presse, dans la revue « Échecs » (Riga) N°5 de 1985.

N°1. V. Bologan - Gavrjushin Chisinau (Moldavie) 1985

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La partie suivante a été jouée en décembre 1986 lors du tournoi en mémoire de Lazo, un héros de la guerre civile, que les Japonais avaient brûlé dans la chaudière d'un navire. On baptisa en son honneur, à l'ère soviétique, un village du nom de Lazovsk, en Moldavie. C'est le centre de la région à laquelle appartient aussi le village de Petrovka. C'était aussi le tournoi le plus fort de la république, et beaucoup de Maîtres y participaient. C'est au cours du Mémorial, que je fêtai mes quinze ans, et ce fut mon premier tournoi de ce niveau. Mon rival était Georgi Orlov, un jeune Maître talentueux qui était revenu en Moldavie après avoir achevé ses études à l'Institut d'Éducation Physique de Moscou. On considérait que c'était, de nous tous, le joueur d'échecs le plus prometteur. Il entraîna par la suite Elena Akhmylovskaya, l'épousa, et ils vivent aujourd'hui tous les deux à Seattle (USA).

N° 2. V. Bologan V. - G. Orlov Chisinau (Moldavie) 1986 Défense Française [C02] 1.e4 e6 2.d4 d5 3.e5 L'ouverture préférée d'Orlov ; je jouais alors la Défense Française « à la mode Sveshnikov ». J'aimais beaucoup ses parties, et je tentais de n'en manquer aucune. C'est en grande partie grâce à ses efforts que le système fermé a atteint au cours des dernières décennies une grande popularité. Les Blancs luttent pour occuper plus d'espace et pour enfermer le fou de cases blanches de leur adversaire ; et c'est sur ces thèmes que tout leur jeu est élaboré.

1.'i!fh31, et les Blancs font mat en moins de huit coups!

[1 : O]

3... c5 4.c3 L'un des principaux problèmes de cette structure consiste à conserver la chaîne de pions b2-c3-d4-e5. Cet aspect est expliqué

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CHAPITRE 1 : LE VIAJE DE CHISINAU A MOSCU

très dairement dans les livres de Nimzovitsch. Après c7-c5 les Blancs défendent la base de la chaîne en jouant c2-c3. Évidemment, il ne se passera plus rien d'extraordinaire au centre, et beaucoup de choses dépendront de la façon dont les Noirs disposeront leurs pièces. Mon adversaire décida d'abord de renforcer la pression exercée sur le point d4. 4...tt'lc6 5.tt'lf3 lt:::ige7 6.lt'la3 cxd4 7.cxd4 lt'lf5 8.lt'lc2 'ii'b6 D'autres suites ont aujourd'hui plus de succès, par exemple :

A) 8...lt'lb4 9..i.e2 lt'lxc2 1o.•xc2 •as+ 11..i.d2

i.b4 12.a3 i.xd2+ 13.'i'xd2 'i'xd2+ 14.'iî.'xd2 i.d7 15.J:l.ac1 lt'le7 16.h4 lt'lc6 17.h5 h6 18.J:.h4;l; (Svidler- Luther, Bundesliga 2003). B) 8...lt'lh4 9.lt'lxh4 'ii'xh4 10.i.e2 it.d7 11.0-0 f5 12.b4 'i!Vd8 13.'i'd2 it.e7 14.a4 a6 15.i.b2;l; (Grischuk - Short, Moscou 2002).

C) 8... i.d7 9..i.e2 'i'b6 10.h4 lt'lb4 11.lt'lxb4

.i.xb4+ 12.�f1 .i.b5 13.g4 .i.xe2+ 14.Wxe2 'ii'a6+ 15.'i'd3 'i'xd3+ 16.Wxd3 lt'le7 17.h5 h6 18.a3 i.a5 19.lt'lh4;l; (Movsesian - Borovikov, Panormo 2002). 9.i.d3 it.b4+ 10.Wf1

À cette époque la théorie recommandait la variante suivante : le Roi va en f1, et la Tour n'est pas mal située en h1, si on tient compte des possibilités qui s'ouvrent devant elle après h2-h4.

10.. i.e7 11.h4 Il est important de provoquer la réponse h5, après laquelle la structure de pions est fixée et les Blancs disposent du point g5. Il est aussi possible de jouer 11.g3, par exemple : 11 ... it.d7 12.Wg2 J:.c8 13..i.xf5 exf5 14.b3 0-0 15.i.g5 .bg5 16.lt'lxg5 f4!? 17.gxf4 lt'le7 (Short - Vaganian, Montpellier 1985). 11...h5 12.b3 Avec une idée simple et compréhensible, échanger les Fous après 13.i.g5!? et tenter d'utiliser les cases noires affaiblies. Tôt ou tard les Blancs devront prendre en f5, mais je m'efforçais de retarder le plus possible cet échange, ne désirant pas livrer mon bon Fou. 12 ...a5 13.i.g5 i.f8 Si 13....i.xg5 14.hxg5 i.d7 le coup 15.g4?! n'est pas dangereux à cause de 15 ... lt'lfxd4 16.lt'lcxd4 lt'lxd4 17Jhh5 We7!?, mais 15..i.xf5 exf5 16.l:.h4 est plus fort, et donne un léger avantage aux Blancs. 14.g3 i.d7 15.i.xf5 exf5 16.Wg2 À 16.lt'le3!?, dans l'idée de jouer ensuite a3, les Noirs peuvent répondre 16 ... .i.a3!? (16... i.e6 17.a3;l;), et profiter de ce que le pion d5 est pour l'instant défendu indirectement : 17.lt'lxd5? 'i'b5+. 16... i.e6 17.lt'le3 it.a3 18.lt'lc2 i.fB 19.lt'le3 J'avais un désir compréhensible de répéter les coups face à un rival plus fort. Mais lui, il joue évidemment pour gagner. 19.. .lkB?! 19... i.a3 m'aurait obligé à une triple répétition de coups. A la place, les Noirs affaiblissent sérieusement leur position. Après... 20.a3 ... dans l'idée de jouer b4!, ils limitent

CHAPITRE 1 : LE VIAJE DE CHISINAU A MOSCU ;lairement dans les livres de Nimzovitsch. s c7-c5 les Blancs défendent la base de aîne en jouant c2-c3. Évidemment, il ne 1ssera plus rien d'extraordinaire au centre, aucoup de choses dépendront de la façon les Noirs disposeront leurs pièces. Mon ,rsaire décida d'abord de renforcer la ,ion exercée sur le point d4. ,c6 5.t2\f3 l2\ge7 6.l2:la3 cxd4 7.cxd4 l2:lf5 2°ilfb6 :res suites ont aujourd'hui plus de succès, 1xemple: ..l2:lb4 9.i.e2 l2:lxc2 1O.'i!ixc2 'ii'a5+ 11.i.d2 12.a3 i.xd2+ 13.'i!ixd2 'i!ixd2+ 14.Wxd2 15Jfac1 l2:le7 16.h4 l2:lc6 17.h5 h6 h4;!; (Svidler - Luther, Bundesliga 2003).

..l2:lh4 9.l2:lxh4 'ii'xh4 10.i.e2 i.d? 11.0-0 .b4 'li'd8 13.'ii'd2 i.e? 14.a4 a6 15.i.b2;!; chuk - Short, Moscou 2002). ..i.d? 9.i.e2 *'b6 10.h4 l2:lb4 11.l2:lxb4 �+ 12.cB 28.a4!?. 26.l:tb1 *'c6 27.*'b2 Wc7 28.'i!ib5 b6 29.a4

16...i.e6 17.l2:le3 i.a3 18.l2:lc2 i.f8 19.l2:le3

Les Blancs possèdent un net avantage de développement. Les Noirs ont du mal à développer leur aile-Roi. Leur seule possibilité consiste à accepter l'échange de Fous, ce qui ne leur convient pas non plus.

J'avais un désir compréhensible de répéter les coups face à un rival plus fort. Mais lui, il joue évidemment pour gagner. 19....!::tcS?!

24.b41

29...i.h6

19... i.a3 m'aurait obligé à une triple répétition de coups. A la place, les Noirs affaiblissent sérieusement leur position. Après...

Bien sûr, on a ici une rupture typique, mais à l'époque, ce fut pour moi une découverte. En plus, les Blancs « oublient » de prendre en d4, et « sans calculer correctement » les coups, exposent un autre pion. Il est vrai cependant que si les Noirs acceptent ces cadeaux, les pièces lourdes des Blanca obtiennent une

29...'11Vxb5 30.J:.xb5 ct>c6 est perdant à cause de:

20.a3 ... dans l'idée de jouer b41, ils limitent

A) 31.l2:ld2 i.h6 32.i.xh6 l:1xh6 33.l2:lb1 l:th8 34.ltic3 l:td8 35.l2:la2, dans l'idée de jouer �b4xd5. B) 31 . .1d8 li:lc4 32.�xè4 dxc4 33.Jlxb6 �d7

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34.i.f6 l:!.g8 35.l:tb8 (le coup décisif ; 35.a5 ..ta3) 35... i.d5 36.a5 c3 37..:td8 'it>e6 38.i.g5 c2 39.i.c1.

48.gxh4 l:th8

30Jk1 Bien sûr, un coup efficace, mais 30.i.xh6 .:txh6 31.'i'b4 était plus simple et plus fort, et la position des Noirs se serait alors effondrée. 30 .. .lt'lc4 30... 'i'xc1 31.tt'lxd5+ i.xd5 32.i.xc1 i.xf3+ 33.�xf3 i.xc1 34.'i'd5, et les Blancs l'emportent, leur Dame étant très puissante.

�.,."

/ ...

49.d5!

31.'i'xc6+ 'it>xc6 32.i.xh6 l:txh6 33.lt'ld2 l:th8 34.Wf3?!

On sacrifie un pion pour activer le Roi.

Un coup typique en plein zeitnot.

49.•.ilxd5 50.l:td2 i.e4

Il vaut mieux jouer 34.lt:idxc4 dxc4 35.tbxc4 @d5 36.lt'lxb6+ 'it>xd4 37.f4±.

[50.....te6 51.J:!.d4 @b5 52.l2le2 lla8 53.h5+-].

34...l:tdS 35.lt'lexc4 dxc4 36.We3 b5 37.axb5+ @xb5 38.lt'lb1 Wb4 39.lt'lc3 Wb3 40.lt'le2 i.d5?! J'ai revu par la suite une structure de pions similaire. La position des Blancs est meilleure, bien sûr, mais les Noirs auraient dû activer leur Tour, en la plaçant en a8, et les Blancs auraient ensuite eu du mal à obtenir un résultat tangible. 41.l:tc3+ 'itob4 42Jk21 'it>b3 43.@d2 Les Blancs parviennent à présent à bloquer le pion avec leur Roi, et augmentent leur avantage. 43...ii.e6 44.l2'lc1+ '.t>b4 45..:b2+ Wa5 46.'it>c3 g5!? La seule possibilité de contre-jeu. 47.hxg5 h4 En réponse à 47...f4!? le mieux serait de refuser froidement le sacrifice du deuxième pion, par exemple : 48.l:td2 fxg3 49.fxg3 .:tg8 50.d5 ..td7 51.lif2 l:.xg5 52..:txf?+-.

5Utd7 lixh4 52.l:.xf? l';lh1 53.lt'le2 était plus fort, et gagnait. 51...!tcS+ 52.Wd4 .l:.xc1 53.h5 Dans cette position le pion f5 se contente de gêner le Fou noir dans sa lutte contre les pions passés adverses. Les Blancs se préparent à sacrifier leur pion e5, afin d'ouvrir une route pour leur Roi vers les cases f6 et g7. 53...i.f3 Les Noirs ont le choix entre des coups très variés, mais ne voient pas de salut possible, par exemple A) 53...:ca 54.e6! .:td8+ (54...fxe6 55. .:ta2+ @b4 56.h6 t!.hB 57.@e5) 55.'it>e5 .:txd2 56.exf?+-. B) 53...i.b1 (logiquement, les Noirs cherchent à jouer f4 et à amener leur Fou en défense) B1) Rien ne sert de jouer 54.f4 l:tf1 (54...'i:.e1 55.Wc5 .:te4 56.'D..dl cS i.a4 59•.l:.tdB Les Noirs abandonnent.

[1 : O] MORALITÉS: 1) Orlov, joueur plus fort et plus expérimenté, dans une position légèrement inférieure, refuse la triple répétition de coups et commence subitement à jouer pour gagner, malgré sa position. Il aurait dû, sans tenir compte de la force de son rival, jouer en fonction de la position (19 .. Jk8?!). 2) Quand on possède un avantage de développement, il est nécessaire de tenter de concrétiser le plus possible la situation sur l'échiquier. On peut souvent sacrifier du matériel pour ouvrir la position, et c'est alors la supériorité de développement qui apportera l'avantage. (24.b4!). 3) Si les pions sont disposés sur des cases de la même couleur que le Fou, la mobilité de ce dernier diminue et les cases de couleur opposée s'affaiblissent. Ces facteurs ont surtout de l'importance en fin de partie.

L'ENTRAÎNEUR DE TOUS LES MOLDAVES Viacheslav Andréyevich Chebanenko (1942 - 1997) fut un célèbre théoricien et entraîneur d'échecs, fondateur de l'école échiquéenne moldave. Parmi ses disciples, on trouve les Grands Maîtres et Maîtres Victor Gavrikov, Victor Bologan, Viorel lordachescu, Victor Komliakov, Daru Rogozenko, Vladislav Nevednichy, lrina Zak, Marina Sheremetieva, lrina lonescu-Brandis, Michael Oratovsky, German T itov et de nombreux autres. Les systèmes d'ouvertures qu'il a développés continuent à être d'actualité dans les tournois de tous niveaux. Viacheslav Andréyevich avait une pensée originale, une grande quantité d'idées curieuses. Il me semble qu'il était clairement en avance sur son époque. Pour cet homme de talent, tout devenait facile dans les échecs. Je crois que Chebanenko avait tout simplement été créé pour ce sport. Comme joueur pratique, il est parvenu au niveau de Maître ; et je pense que c'est uniquement à cause de ses qualités sportives qu'il n'a pas pu aller plus loin. Viacheslav Andréyevich s'est consacré au travail d'Entraîneur, il s'occupait de Candidats au titre

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de Maître, dont des joueurs de première catégorie, et préparait les Grands Maîtres. En général, Chebanenko était surtout un penseur. Il a développé un cycle original de conférences sur le jeu positionnel, où l'on trouve, par exemple, le thème des Fous de même couleur et de couleurs opposées, le pion isolé, les faiblesses tactiques, la structure de pions... Il est bien dommage que l'on n'ait conservé aucune note, car Chebanenko faisait ses interventions de mémoire. Tous ses disciples maniaient bien les méthodes de prophylaxie, car c'est un thème qu'il enseignait bien. Mais son plus grand succès fut la création d'une école tout à fait originale dans le domaine des ouvertures. En ces temps où l'informatisation totale des échecs n'avait pas encore eu lieu, ses méthodes étaient très efficaces. Il créa une sorte de « ligne Chebanenko » (par analogie avec la « ligne Mannerheim » ). Son répertoire était très original, avec des idées intéressantes et en même temps correctes du point de vue positionne!. Ce n'était pas un joueur d'échecs aux idées extravagantes, sinon on ne continuerait pas à les utiliser aujourd'hui. Trente ans ont passé déjà, mais son interprétation du système 3...li..b5 dans la Sicilienne en réponse à 2 ...d6 (comme à 2 ... lt)c6), est toujours en vigueur. C'est ahurissant mais ...aucune ligne essentielle de sa théorie n'a connu de changements depuis lors ! Sa principale contribution est par exemple l'échange « non obligatoire » en c6 après le coup g7-g6. Je me rappelle que Misha Oratovsky revenait de l'école de Kasparov et Botvinnik et qu'il racontait avec quelle sévérité celui-ci le critiquait quand il jouait Jlxc6 pourquoi livrer son Fou ? Dix ans se sont écoulés et Kasparov a lui-même commencé à jouer cette variante ! A l'époque des championnats soviétiques par équipes, une petite plaisanterie se répandit : pour jouer contre tous les Moldaves, il suffit d'analyser les parties de n'importe lequel d'entre eux ! En réalité, Chebanenko nous enseignait à tous les mêmes ouvertures. Quand nous étions ses élèves, nous étions, comme tous les enfants, un peu paresseux. Il

nous enseignait les ouvertures et disait en plaisantant : « Voici une ouverture pour fainéants ». Chebanenko accordait beaucoup d'importance au jeu de pions. Cette variante en est l'illustration : 1.e4 d6 2.d4 lt)f6 3.i2)c3 c6 (étrangement, elle se nomme « tchèque », alors que Chebanenko la jouait très souvent) 4.i2)f3 ..li..g4, et ensuite les Noirs jouent e6, d5 et se séparent de leur mauvais Fou de cases blanches. A un certain niveau, ces schémas font gagner des points dès l'ouverture. L'un de ses principaux mérites est d'avoir conçu et développé la Variante Slave avec a7a6. Jusqu'à aujourd'hui, il est impossible aux Blancs d'obtenir l'avantage contre elle. Et les grandes lignes sont restées les mêmes que celles qui étaient inscrites dans nos cahiers il y a vingt ans (il a commencé quant à lui à développer ce système il y a trente ans). Le seul défaut de sa théorie était d'éviter dès le début les suites fixes, concrètes. Il ne souhaitait probablement pas dépendre de la théorie « officielle ». Pour jouer des variantes concrètes, il est nécessaire d'étudier l'expérience des autres et d'effectuer un travail long et ardu. Mais Chebanenko préférait la partie créative du travail. Il trouvait souvent « des terrains à défricher ». Bien sûr, son système n'était pas auto-suffisant.. Il donnait à ses disciples des tâches parfaitement claires, et nous n'avions pas besoin du moindre effort pour les assimiler. Par exemple, en 1991, c'est surtout grâce à ses ouvertures que je suis devenu Grand Maître. Chebanenko était divorcé et vivait dans un studio. Dans un coin se trouvait un divan, et il aimait s'allonger sur le côté droit, la tête appuyée sur sa main : c'était sa position typique. Devant lui, un jeu d'échecs magnétique, dont il déplaçait les pièces de la main gauche. C'était ainsi qu'il se trouvait la plupart du temps. De temps en temps, Viacheslav Andreyevich se levait et s'asseyait dans son fauteuil, qui se trouvait près de la table d'échecs, et il analysait une position avec ses élèves sur le grand échiquier. Nous allions

CHAPITRE 1 : LE VIAJE DE CHISINAU A MOSCU étudier chez lui, car il ne se rendait au club qu'en de rares occasions. En général, un ou deux élèves allaient en même temps lui rendre visite ; il était prêt à nous entraîner tous gratuitement et tout le temps que nous souhaitions. Son salaire était pris en charge par le club d'échecs, dont le directeur, I.Et. Solonar, comprenait toujours le caractère particuliers des échecs. Viacheslav Andreyevich entraînait aussi des joueuses (lrina Brandis, lrina Zak, Masha Klinova, Angela Grigorieva, Marina Sheremetieva...), qui lui étaient très fidèles. Il les appelait« ses chevrettes miracles», et les autres filles, « chevrettes » tout court. Il préparait lui-même le repas, mais parfois les « chevrettes miracles» lui apportaient quelque chose. Nous aidions nous aussi ; c'est précisément chez lui que Victor Komliakov a développé ses aptitudes culinaires. Viacheslav Andreyevich chantait très bien, il avàit une excellente voix de ténor, et il aimait écouter Sofia Rotaru. C'était un homme éduqué et érudit, qui avait une opinion personnelle sur tout, et qui comprenait tout de suite l'essentiel de chaque sujet. Il était aussi joyeux et possédait un grand sens de l'humour, et un vocabulaire particulier: il attirait les gens. Mais Chebanenko n'aimait pas écrire. Ses articles, y compris le célèbre « Nimzovitsch avait-il toujours raison?», n'ont été publiés que grâce à l'enthousiasme de ses disciples. On ne peut pas dire que Viacheslav Andreyevich se soit montré paresseux, puisqu'il a voué toute sa vie au travail, mais il préférait se consacrer aux travaux qui lui plaisaient. Chebanenko était un homme peu pratique, absolument désintéressé, totalement dépouvu d'objectifs et de passions matérialistes. Il suffit de dire qu'il ne reçut jamais le titre d'entraîneur distingué de Moldavie. Et Viacheslav Andreyevich était l'unique entraîneur important de la République : les jeunes talents n'avaient pas d'autre recours que lui.

***

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Parvenu à un certain stade, tout joueur d'échecs comprend qu'il passe à l'échelon supérieur. Pour moi ce moment coïncida avec le championnat de Moldavie de 1988, et en particulier avec ma partie contre Nevednichy. Ce fut mon second Championnat de la République - et le plus heureux. Je perdis lors de la première ronde contre le Maître Figler, mais je parvins à gagner les cinq parties suivantes et devins contre toute attente le seul leader. J'étais un simple candidat au titre de Maître sans ELO. Mon rival était Vladislav Nevednichy, de deux ans mon aîné, et considéré comme le meilleur espoir des échecs moldaves. Et il combla pleinement ces espérances, en s'exposant avec succès dans l'arène soviétique.

N° 3. V. Bologan - V. Nevednichy Chisinau (Moldavie) 1988

Pour le Championnat, j'avais préparé de nouveaux systèmes avec les Blancs, concrètement la variante 3.lbd2 en réponse à la Défense Française. Vladislav choisit une suite peu commune, qui nous amena à la position du diagramme. Au regard des normes positionnelles modernes, on peut dire que les Blancs possèdent un jeu aisé, mais la construction des Noirs a aussi sa logique propre : s'ils parviennent à fortifier toutes leurs pièces ils obtiendront un développement très

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harmonieux.

24.ll:ige5

15.ll:ig4 h6

Sous la menace g2-g4.

Qui protège l'importante case g5. Les alternatives sont mauvaises

24... 'it>g8 25.'ii'e4±

A) 15...ll:if6 16.ll:ig5 ll:ied5 17.l:l.e1. B) 15 ...i.b? 16.ll:ig5. C) 15...ll:if5 16.l:!.e1 h6. 16 ..U.e1 ll:if5 17.'ifbJ h7 18.l:l.a2! La Tour se déplace en a2 afin d'accentuer la pression sur le pion a6. Les Noirs ont du mal à développer leurs pièces. 18 ...c5

25... ll:ife7 26.i.dJ ll:if6 27.'ii'h4

Nevednichy est un joueur d'échecs actif. Par cet échange de pions, il tente d'obtenir plus d'espace pour ses pièces. Mais sa faiblesse en e6 ne disparaît pas.

Jusqu'à présent, les Blancs n'ont pas créé de menaces concrètes, mais le fait ·que leurs pièces soient disposées harmonieusement suffit à exiger des Noirs une attention soutenue.

19.dxc5 bxc5 20.bxc5 i.xc5 20 ...J:l.bB 21.ll:ig5+! hxg5 22.'iir°h3+ avec un net avantage. 21.:ae2 'v/ic7 22.i.b2 l:l.b8 23. 'ifc2 i.d6

27... l::tb3 28. ..tc4 l:.xf3 Mon adversaire décide de sacrifier la qualité, mais la compensation obtenue est insuffisante.

CHAPITRE 1 : LE VIAJE DE CHISINAU A MOSCU 29.gxf3 tl:if5 30.°i!Vf4 'it>h7 31.�d3 tl:id5 32.°i!Vg4 g5 33..l:!.c1 °i!Vb8 34.llc4 !ii..a6 35.tl:id7 .llxc4 36.'iWxc4 °i!Ve8 37.tl:ixf8+ °i!Vxf8 38..l:.xe6 tl:if4 39..l:!.xd6 'ilt'xd6 40.!ii..xf5+ Les Noirs abandonnent.

[1 : O] A première vue, il ne s'agit sans doute pas ici d'une partie mémorable, mais elle est importante pour moi car je suis parvenu à vaincre un camarade plus expérimenté au cours d'une longue lutte de manoeuvres. Et je dis précisément « vaincre » car il ne commit pas d'erreurs sérieuses. Mais je ne pus prolonger ce fructueux début autant jusqu'au but recherché. Je perdis ensuite une partie contre un vétéran des échecs moldaves, Mijail Shofmann. Mijail Samuilovich était un fanatique absolu des échecs mais, comme de nombreux joueurs, il n'avait guère de ressources. Il répétait en permanence la phrase : « Misha, Misha, où est ta sberknisha xh7 23.fxg6+-.

16.'ifg4 g6 22.'1!i'g3 i.f6

17..i.xcS! Une solution positionnelle peu évidente : les cases noires de l'adversaire sont affaiblies, et les Blancs échangent leur Fou de cases noires pour préparer l'attaque des points concrets e6 et g6. 17...dxcS 18.fS exf5 Le seul coup possible, puisque 18...'ii'd6 19.f6 est perdant.

23.t2:\e611 Mon saut de cavalier préféré : à plus d'une reprise, j'ai pu atteindre la case défendue e6. Cependant, l'ordinateur considère que la suite plus grossière 23.fxg6 .txg5 24.gxf?+ aurait mené à la victoire. 23... h4 [23...fxe6 24.'t't'xg6+ �h8 25.fxe6+-].

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24.lli'g4 fxe6 25.\Yrxg6+ i.g7

résultat de la partie.

Pas de salut non plus avec 25 ...@h8 26.fxe6 J:.c7 (26 ... \Yiel 27.'viWh6+ @gB 28.J:.f4+-) 27.'viWh6+ @g8 28.e? J:.xe7 29.l:txe? 'fixe? 30.i.c4 .l:.f7 31.'fixf6 Vixf6 32 . .t'!.xf6 i.e8 33 ..i:.b6+-.

Comme j'ai terminé le lycée à seize ans et demi, et qu'en Union Soviétique le service militaire commence à l'âge de dix-huit ans, j'avais une année entière pour préparer mon entrée dans un centre d'études supérieures. Il fallait que je pense à ce que j'allais faire ensuite. Après en avoir discuté avec mes parents, je pris une décision peu commune et à laquelle personne ne s'attendait : remettre mes études d'un an et commencer à travailler au Club d'échecs sous la tutelle de mon premier entraîneur. Tous les emplois d'instructeurs étaient occupés par d'autres joueurs d'échecs professionnels, et il ne me restait en guise de lot de consolation qu'un poste d'employé. Bien sûr, je devais changer les ampoules et réaliser d'autres travaux au Club, mais l'essentiel était de confronter ma force aux échecs. Ivan Yakovlevich créait une bonne ambiance pour mon développement échiquéen, celui de German Titov, celui de Boris ltkis et d'autres qui restaient aussi au club. Je m'entourai de volumes de l'informateur yougoslave. J'étudiais beaucoup et je faisais des parties Blitz. Je me rappelle clairement que nous jouions les tasses de café. Mon collègue de travail, le Candidat au titre de Maître Vladimir Zhidko, parvint même à perdre contre Vladislav Nevednichy une thermos entière de café ! Mais il n'y avait presque pas de tournois, et encore moins de ceux qui mènent au titre de Maître. Je voyageais pourtant beaucoup dans le pays, et séjournai même à Tachkent, lors du Mémorial de Khodzhaev, qui se déroula en avril et mai 1989.

26.fxe6 i.xg2+ Agonie. 27.@xg2 'i'd5+ 28.@g1 Pour l'emporter, il suffisait aussi de jouer 28.i.e4 'viWd2+ (dans l'idée de faire 'ilih6) 29.@h3 'ii'h6 (29...'ii'c3+ 30.i.d3+-) 30.:txf8+ :Xf8 31.e?, mais le coup de la partie, bien sûr, est plus simple. 28...Vid4+ 29.@h1 Les Noirs abandonnent.

[1 :O] MORALITÉS: 1) On ne doit pas avoir peur d'étudier les variantes principales des ouvertures ni de les utiliser, même face à un rival de meilleur niveau. Par exemple, j'avais changé ma suite sûre 3.i.b5+, et pour la première fois depuis longtemps j'ai décidé de jouer une Sicilienne Ouverte. Et je l'ai emporté. 2) Il est nécessaire d'aborder chaque position de manière concrète. Dans cette partie, j'ai utilisé une logique peu ordinaire, au 17ème coup j'ai livré le Fou que j'aurais dû conserver théoriquement, car on peut s'en servir pour tenter d'exploiter la faiblesse des cases noires. Mais le calcul concret a montré qu'après l'échange, les Blancs disposent d'une attaque très puissante. On peut baptiser cette méthode « transformation de l'avantage ». 3) Si toutes les pièces occupent des positions idéales, difficiles à améliorer, il est nécessaire de chercher une combinaison. Dans ce cas, c'est le saut du Cavalier en e6 qui décide du

Le tournoi s'avéra très intéressant en lui­ même, mais il n'offrait pas non plus de normes de Maître (même si j'étais supposé voyager pour obtenir une norme). Mais je me souviens encore de ce Mémorial pour deux raisons. D'abord, le 28 avril naquit mon plus jeune frère, Radu, qui est aujourd'hui footballeur. Ensuite, une rencontre transcendantale allait se produire. La clôture du tournoi coïncidait avec la Pâque, qui tombait très tard cette année-là. En 1989 il a neigé à Tachkent...en mai ! Je me trouvais à

CHAPITRE 1 : LE VIAJE DE CHISINAU A MOSCU l'arrêt d'autobus et autour de moi tombaient sur l'asphalte des flocons de neige aussi rares qu'inattendus. En un mot, une situation philosophique au possible. Une femme aux grands yeux pleins de bonté se dirigea vers moi et m'offrit une Bible, le trésor de la sagesse, un véritable guide de vie. Je ne me souviens plus de quoi je bavardai avec elle, mais j'ai lu la Bible trois fois, et elle m'a beaucoup aidé dans la vie, surtout à l'époque où j'étais étudiant.. .. Le travail au club, les tournois, tout cela était bel et bon, mais il me fallait échafauder des plans d'avenir. Vers le mois de février 1989, je compris qu'il me fallait intégrer l ' Institut d' Éducation Physique de Moscou. Je demandai conseil à Chebanenko et à mes parents, mais ce fut à nouveau moi qui pris la décision . Je dois reconnaitre que mes parents la respectèrent, alors que je n'avais que dix-sept ans. Pour être sincère, je souhaitais au départ intégrer le MGIMO (Institut D'État Moscovite de Relations Internationales), mais quelqu'un me dit que pour entrer dans ce centre d'études d'élite, outre la connaissance d'une langue étrangère, il fallait commencer par suivre la voie du KOMSOMOL (les Jeunesses Communistes)... J'envisageai aussi d e m'inscrire à l'Université de Chisinau, à la Faculté de Journalisme. J'entrepris alors de me présenter sérieusement aux examens, d'écrire des articles, mais au dernier moment je décidai d'étudier à l'Institut d'Éducation Physique, là où avaient été mises en oeuvre les conditions les plus favorables aux échecs. Il y avait alors beaucoup de Départements d'Échecs : à Lvov, à Kiev, à Tchéliabinsk, mais je choisis finalement Moscou. Je devais passer tous les examens en russe, et le fait d'avoir étudié dans une école moldave me posait des difficultés supplémentaires. Dans l'espoir de recevoir un ordre d'in tégration dans un centre d'étu des supérieures 19 l, j'entrepris beaucoup d e démarches, parcourant sans cesse les longs corridors du Comité Sportif National

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cependant, je n'obtins jamais plus que des promesses. Je finis par engager des professeurs particuliers, fis l'acquisition de nombreux livres en russe (la terminologie russe est évidemment différente), et lors des entraînements pour les Jeux de la Jeunesse, et je fis beaucoup de dictées avec l'aide d'lrina Brandis. Ce fut pour moi une année très fructueuse, et au cours de l'été 1989, lors des Jeux Soviétiques de la Jeunesse à Kramatorsk, je remportai un notable succès (je n'avais pas encore d'ELO à cette époque). Dans ce tournoi, on permettait à de jeunes« vétérans», jusqu'à vingt-et-un ans, de jouer. J'occupais pour la Moldavie le premier échiquier et je partageai les trois premières places avec Gelfand et Shirov. nous obtînmes 6 points sur 8 plus qu'lvanchuk (qui était déjà troisième mondial), qu'Akopian et que d'autres. Mème maintenant , je considère encore que ce fut l'un des plus grands succès de ma carrière !

N° 5. V. Bologan - D. Ruzele Kramatorsk (Ukraine) 1989 Défense Française [C011 1.e4 e6 2.d4 d5 3.exd5 exd5 4.ct:'lf3 A une certaine époque, mon répertoire d'ouvertures comprenait la Variante de !'Échange de la Défense Française. 4....li.d6?! Le coup le plus exact est 4 ... ct:'lc6. 5.c4 c6 Une fois, on joua 5 ...ct:'le7?? dans un tournoi en Roumanie, et après 6.c5 la partie fut terminée .. 6.ct:'lc3 ct:'le7 7 ..li.d3 dxc4 8. .txc4 0-0 9.h3! On retombe sur une position typique avec un

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CHAPITRE 1 : LE VIAJE DE CHISINAU A MOSCU

pion isolé : les Blancs ont des pièces mieux disposées, une importante base en e5, et les Noirs un éternel problème : où placer leur Fou c8 (par leur dernier coup, les Blancs l'ont privé de la case g4). Cette structure se retrouve dans de nombreuses ouvertures : dans la défense Petrov, le Gambit de la Dame, la Slave, etc. 9 ...lbd7 10.0-0 lt:lb611.i.b3:t

20..ib31 Tandis que la Dame adverse est « garée » en g7, les Blancs menacent d'échanger en d5 et de faire irruption avec leur Tour en e7. 20.. J:UeS 21.ïte5

11 ...lt:led5 12..ic2! Un cas typique. Dans ces positions le Fou passe souvent d'une diagonale à l'autre. 12... i.f413.°ii'd3 g614..ixf4l2'lxf415.'ife31 Bien sûr, après l'échange des pièces les Noirs se défendent plus facilement, mais ils ont dû affaiblir les cases noires. Et le problème du Fou c8 n'a pas été résolu jusqu'à présent. Si 15.'ifd2 'ii'f6, lt:lxh3+ menace. 15...lt:lbd5 [15...'ii'f6? 16.lt:le4 'ii'f5 17.lt:lh4+-]. 16.lt:lxd5 lt:lxd5 17.'i'ih6 'ii'f6 18.l:!.ae1

Ils menacent juste de gagner un pion et provoquent l'échange en e5. 21.. J!xe5 Si 21...f6 22..bd5+ cxd5 23.lhd5 .ic6 24Jld6 i.xf3 25.gxf3±. 22.dxe5 Les Blancs se sont débarrassés de leur pion isolé et ont obtenu le contrôle du point f6, vers où se dirigera sous peu leur Cavalier. 22....ie6 23.l::i.e1 Dans l'idée de jouer lt:lg5-e4-f6. 23... h624.lt:ld2

Le développement arrive à son terme.

La trajectoire varie légèrement, mais la destination est la même.

18...�g7

24...'i!i'fS 25.lt:le4'i!i'b4

Si 18... i.e6 (18....if519. .ixf5'ii'xf5 20.lt:\g5lt:\f6 21.1:l.e3) 19.lt:lg5.

Une tentative de contre-jeu, que les Blancs rejettent avec assurance.

19.'ii'h4i.d7

26.l:!.e3! g7

CHAPITRE 1 : LE VIAJE DE CHISINAU A MOSCU On ne pouvait pas prendre la Tour : 26...lt:\xe3 27.lt:\f6+. 27 .�xd5 cxd5 28.'iff6+ �g8 29.lt:\d6 La partie est pratiquement terminée. 29...'i'b6 30Jlg3 Menaçant de faire .l:!.xg6+. 30... @h?31.lt:\xf7 I!.g8

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leur pion isolé et obtiendront d'autres avantages en échange, ici le contrôle des cases noires faibles d6 et f6. 3) Les pièces adverses se déplacent souvent vers les cases affaiblies, surtout les Cavaliers. A la suite de la manoeuvre lt:\f3-d2-e4 les menaces des Blancs se sont accrues, et ces derniers commencent une attaque directe. Après Kramatorsk, je me rendis tout de suite à Moscou pour me présenter aux examens d'entrée au GTOLIFK d3 l:l.f4 20.0,f3 i.e8. Les Noirs mènent à bien l'attaque d'une façon exemplaire, obligeant même les Blancs à abandonner au 20ème coup (Kengis - Djurhuus, Gausdal 1991).

Il existe deux alternatives :

13...0,c5

B) 13...'i!ixb5 14.0,c3 'ii'b6 15.l:l.b1 'ii'd8 16.i.d3 fxe5 17.dxe5 0,c5 18.0,b5 0,xd3 19.'ii'xd3 h6 20.�g6 .1Îd7 21.0,g5 .1Îxg5 22.hxg5 0,e7 23.'ii'd3 i.xb5 24.ï;!.xb5 fkc7oo (Bologan Sauer, Belfort 2002).

A) 10.h4 f6 11.J:th3 0,a5 12.b4 cxb4 13.axb4

0,c4 14.0,g3 a5 (Anand - Shirov, Francfort 2000) amène un jeu incertain.

B) La suite la mieux considérée aujourd'hui

pour les Blancs est 10.b4! cxb4 (10... cxd4 11.0,exd4±) 11.axb4 a5 12.0,g3, dans l'idée de jouer b5. 1o...cxd4 11.cxd4 f6 Si 11...f5 aurait suivi 12.b4, dans l'idée de jouer i.e3, i.d3, 0,e2, h3, g4 . 12.i.d3 fxe5

13...a5!? 14.i.c2! 0,c5 ( 14... .1Îc5? 15...IÎxhl+.0 15..1Îe3 à la position de la partie arrivait. En tout cas le sacrifice de pièce: 13...0,dxe5!? mérite d'être envisagé. 14..1Îc2 a5 15..1Îe3 Un sacrifice de pion en échange de l'initiative, voilà qui est typique de mon jeu. C'est drôle, mais souvent le cours naturel des événements oblige à faire un sacrifice. Il s'agit dans ce cas de celui du pion b2 dans la Défense Française. 15...'1Wxb2 [15...d4 16.0,xd4 l:td8 17.0,ge2±]. 16.0-0 Les Blancs finissent ainsi leur développement et comptent sur des bases d'attaque. Les Noirs ont une faiblesse tactique e n c5. V. Chebanenko appelait « faiblesses tactiques » les pièces défendues par le même nombre de pièces que celles de l'adversaire qui les attaque. La Dame noire est un peu perdue dans le camp ennemi.

CHAPITRE 2 : LES VALISES SONT BOUCLÉES... 16...li'c3 La timide retraite 16...'ii'b6? ne convient pas à cause de 17.lk1!, par exemple : 17... 'i'a7 (17... 'ilb2!?) 18 ..bh7+! 'it>xh7 19.lùg5+ @g8 20.'i'h5 iLxg5 21.iLxc5 il.xf4 22.iLxa7 il.xc1 23.l!xf8+ (23.:Z.xc1 l:!.xa7) 23...@xf8 24.il.c5+ 'it>g8 25.'ii'e8+ �h7 26.lùh5 avec une attaque très forte.

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La Dame est contrainte de se retirer au coin de l'échiquier, puisque19 ...'ii'c3 20.lt:le2 'ii'b2 21.iLxc5 il.xc5 22.J:f.b1 'i'xa3 23.J:f.f3! ne marche pas. 20.i..xc5 iLxc5

17.iLf2 Les Blancs essaient de jouer 'ii'b1 et fl.c1!, créant des menaces sur les deux ailes. 17... 'it'c4 18.@h1! Un autre coup prophylactique dans le style de Lanka. T rois hommes m'apprendront l'art de la prophylaxie : Zigurds Lanka (par exemple, h1, @b1 dans la Sicilienne, @h8 dans la Est-Indienne), Viacheslav Défense Andreyevich Chebanenko (h3, iLb3 dans l'italienne) et Mark lsrailevich Dvoretzky, qui développe toute une théorie de la pensée prophylactique, avec une excellente sélection de positions à résoudre. 18 ...g6 Si les Noirs avaient pris le pion avec leur Dame ou leur Tour les Blancs auraient obtenu une sérieuse initiative A) 18...'ifxf4 19.il.xc5 iLxc5 20.il.xh7+ 'it>xh? 21.'i'c2+ lt>g8 22.Wxc5 Wc4 23.'ii'e3±. B) 18 ... l:txf4 19.l:l.c1 'ii'b5 20.il.xh?+ 'it>xh7 21.iLxc5 �g8 22.il.xe7 tùxe7 23.l:l.c7�. En tout cas, 18 ...fl.xf4 est plus fort que le coup de la partie : il est évident que les Blancs fourbissent leurs armes, et qu'ils vont faire feu d'un moment à l'autre. Le schéma créé par les Noirs ne peut pas résister si toute une aile n'est pas développée. 19.lt:ld2! Wa6

21.i..xg6! Un développement logique de l'attaque, lié à la faiblesse tactique déjà mentionnée. 21...hxg6 22.'i'c2 @g7 Les Noirs avaient d'autres choix A) 22 ... b6 23.'ii'xg6+ �h8 24 . .U.f3 'i'b7 25.lt:\ge4! 'i'h7 26.J:!.h3 'i'xh3 27.gxh3 dxe4 28.lt:\xe4 perdait aussi. B) Le plus fort était 22...l:tf7!? 23.'it'xc5 il.d7 24..l:!.ab1 ou 24.'ife3 J:l.af8. 23.'ii'xc5 'i'a7 [23...iLd7!?]. 24.Wc1 iLd7 Les Blancs obtiennent une forte attaque après 24 .. .tbd4 25.l:tb1 b5 26.lt:\f3 iLd7 27.'Mt'd2 (27.lt:\xd4 'ii'xd4 28.lt:\e2 'i'd3 29.Wb2 l:tac8) 27...lt:lxf3 28.l:txf3 J:tac8 29.f5. Mais maintenant je peux aussi ouvrir la position et faire peser des menaces décisives. 25.lt:\f3 :ac8

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CHAPITRE 2 : LES VALISES SONT BOUCLÉES... MORALITÉS: 1) Même si la théorie des ouvertures contemporaine est très développée et que les meilleures variantes sont déjà connues, il est parfois utile d'avoir dans son arsenal ses propres schémas, étudiés par le menu, avec certains coups soigneusement préparés (bien sûr, il était beaucoup plus facile en 1991 de mettre cela en pratique). Une innovation est une aide précieuse : j'ai utilisé un schéma peu connu de mon adversaire et je l'ai emporté grâce à l'initiative que j'avais obtenue dans l'ouverture.

26.fS! On dégage ainsi le chemin pour la Dame blanche, qui arrivera, avec l'aide des deux Cavaliers et de la Tour, à vaincre d'une façon ou d'une autre la résistance solitaire du Roi ennemi. 26...exfS [26...gxf5 27.lbhS+ @f7 28.'ilt'gS±]. 27.'ifgS �h7 28.tbh4 .1'.e8 [28 ... .l:î.g8 29.lbgxfS gxf5 30.'ii'hS+ @g7 31.tZ:lxfS+ .1'.xf5 32.l:!.xfS+-]. 29.tZ:lgxfS gxf5 30.lt:lxfS b5 31.J:.f4 Les Noirs abandonnent. (1 :O]

2) Le fait de sacrifier un pion pour conserver l'initiative est une technique répandue et très populaire. Dans le cas présent, on obtient un avantage supplémentaire : en prenant le pion b2, la Dame noire s'éloigne de ses pièces et devient une cible, tandis que l'aile-Roi des Noirs reste complètement affaiblie. 3) Selon la théorie de Chebanenko, on appelle faiblesse tactique un objectif défendu et attaqué par un même nombre de pièces. Les Noirs ont eu deux faiblesses tactiques, le Fou c5 et le pion g6, que l'on peut attaquer simultanément à partir de la case c2, ce qui a fait l'objet d'une combinaison. Un solide démarrage avec 3 points sur 3 me permit de prendre la tête dès le début, et Aleksej Aleksandrov n'aurait pu me rejoindre qu'à la fin du tournoi, si j'avais perdu dramatiquement dans la dernière ronde. Le

CHAPITRE 2 : LES VALISES SONT BOUCLÉES... travail avec Zigurds Lanka me permit d'obtenir de bons résultats pratiques, et le succès de mon jeu d'ouvertures m'éleva à la première place et fit de moi le dernier vainqueur des épreuves éliminatoires soviétiques pour le Championnat du Monde des moins de 20 ans. De nombreux participants à cette compétition, Rublevsky, Aleksandrov, Onischuk, appartiennent maintenant au groupe des meilleurs Grands Maîtres du monde. Prenant un peu d'avance, je dirai que lors du Championnat du Monde Junior, qui commença durant le coup d'État d'août 1991 , je n'obtins pas un bon résultat, mais une humble huitième place. Pour le moment, nous étions au printemps 1991, et, mon billet pour le Championnat du Monde en poche, il était temps pour moi de me fixer de nouveaux objectifs. Le lecteur scrupuleux se sera rendu compte que je parle beaucoup des tournois : et les études ? Et bien, je m'étais rendu à Moscou pour étudier. Et j'avais eu beaucoup de chance. En premier lieu, étudier était une activité intéressante et en même temps pas très difficile. Les conférences sur l'anatomie, la biomécanique, l'histoire du sport, alternaient harmonieusement avec les entraînements sportifs de natation, d'athlétisme, de gymnastique, de sports collectifs. Tout ceci m'aida beaucoup en 1991 : grâce à mon excellente condition physique, je pus atteindre de nombreux objectifs. Mais le plus important est le facteur humain... ... Durant ma spécialisation, en deuxième année - et cette dernière se composait de cours d'échecs - s'asseyait sur l'une des dernières chaises un homme d'un certain âge, mais à l'aspect sportif, qui se mit à écouter avec beaucoup d'attention, et à prendre quelques notes. Il se comportait avec beaucoup d'humilité, sans attirer l'attention, et personne n'aurait pu soupçonner qu'il se préparait à remplacer le directeur du département, qui s'apprêtait à aller travailler en Espagne. Cet homme était Evgeny Pavlovich Linovitsky. Le changement fut profitable, les étudiants l'estimaient beaucoup. Comme dit un proverbe

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russe, « Un serf pour le tsar, un père pour ses soldats». Linovitsky était un général, qui avait en son temps commandé une division aux objectifs stratégiques, et il fut plus tard responsable d'une chaire à l'académie Dzerzhinsky. C'était un joueur d'échecs expérimenté et passionné. Il aimait beaucoup notre jeu, probablement plus que beaucoup de Grands Maîtres. Un homme agréable et en même temps fort, qui fait beaucoup pour le développement sportif des étudiants et pour qu'ils progressent le plus haut possible sur le complexe chemin de la science. Jusqu'à aujourd'hui il organise dans la Département des Échecs des tournois pour acquérir des normes. Il comprenait parfaitement que les joueurs d'échecs manquent regulièrement les cours à cause des compétitions. Evgeny Pavlovich m'a aussi beaucoup aidé, d'abord quand j'étais étudiant et ensuite en troisième cycle. Ce fut l'un des grands mérites de Linovitsky de faire entrer dans le département quelques étudiants, et de leur permettre ensuite de terminer leur troisième cycle avec succès. De cette manière, j'avais des arrières bien assurés, et pouvais me concentrer sur la conquête de nouveaux sommets. J'obtins ma première norme de Grand Maître en juin 1991 lors d'un tournoi à Moscou, organisé par Linovitsky au sein du Département. Ce fut Shirov qui le gagna et moi, qui avais perdu face au vainqueur, j'arrivai deuxième. C'est là que j'utilisai pour la première fois, sans en avoir conscience, une technique psychologique connue appelée « zigzag » : « Si vous avez un style de vie déterminé, et que tout est bouché, que votre régime a un mauvais rendement, que vous vous sentez mal, que le travail n'avance pas, il est utile d'essayer de casser à nouveau votre rythme, de faire, comme on dit, des zigzags. De changer quelque chose de coutumier, de mécanique. Les « zigzags» sont nécessaires pour briser l'équilibre inutile et erroné des forces de votre organisme. C'est un coup de pouce du hasard, qui doit révéler l'inévitable ». (Levi V.L. « L'art d'être soi-même» ).

CHAPITRE 2 : LES VALISES SONT BOUCLÉES ... Le« zigzag» ne doit pas être planifié. Dans le restaurant de l'hôtel où nous logions, mes amis plus âgés célébraient bruyamment l'anniversaire de leur camarade Bair Dorzhiev. J'avais à ce moment-là« -1 », au lieu du« +4 » convoité, et après m'être fait un peu prier, je les rejoignis. Du vin, des danses, des conversations, de la bonne nourriture. Cela me fut bien utile. Je commençai à jouer plus vaillamment et je finis par obtenir 5,5 points sur 6 dans la phase finale. Je me rendis ensuite en Norvège avec Lanka et j'y obtins ma seconde norme. Durant ce mémorable été 1991, je participai à la première et dernière Spartakiade des peuples d'URSS c2!? J:tf2 37.'ife1 'iif4 38.lk6 g2 39.J:tc?+ i.d7 40..l:txd?+ �h8 méritait l'attention. 36... g2 37.cJ.>c2 i.9411 Le Fou empêche en même temps les deux Cavaliers d'arriver jusqu'au pion g2.

43

39..l::tb6 [39.'ii'g1 'i'h1]. 39 ... i.d1 +! 40.0.xd1 g1'ii 41.J:tb7+ c.t>h8 42.0.e3 La dernière opportunité était 42.'i'c? 'i'g7 43.'ifxg?+ �g7 44..:Xg? c.t>xg7 45.c5�. et alors: A) 45 ...'i'e? 46.d6 'ife8. B) 45 ...'i'd8 46.c6 (46.li:::.c4 h5 47.li:::.de3 r:;h7 48.c6) 46...'ifxa5 47.0.e3. 42...'i'gf2 Avec la menace 'i'xe4+.

Les Noirs ne parviennent à rien après

43.c3 'ii'h3 44.'3;;d3 'ii'h5!

A) 37...'i!fg5 38.'iig1 l:tf2 39.'i'xf2 g1'i' 40.'iff8.

Les Blancs abandonnent.

B) 37...'iif4 38.'i!fg1 'i'f2 39.'ii'h2.

[O :1] Nous l'emportâmes ainsi 3,5 à 2,5 et j'allai chercher mes camarades. Mes coéquipiers, sans attendre le résultat, avaient décidé d'épargner leur énergie nerveuse. Ils étaient déjà confortablement installés au restaurant de l'hôtel. Ils commencèrent par ne pas croire à une telle chance, mais finirent par célébrer bruyamment cet événement. Moi aussi, j'avais besoin de me détendre. MORALITÉS:

Mon coup surprit tellement mon adversaire qu'il prit en c5. 38.'i'xcS Il était nécessaire de ramener la Tour pour lutter contre le pion passé : 38.l:tb6 l:tf1 39.J:lb?+ �g6 40.:lb6+, avec égalité. 38 •. J:Lg8 Dans l'idée de faire i.d1.

1) Le coup habituel c7-c5 ralentit considérablement le rythme de l'avancée des Blancs sur l'aile-Dame. Si des pions s'avancent dans le secteur de l'échiquier attaqué par l'adversaire, ils peuvent le gêner sensiblement. 2) En règle générale, le Cavalier se trouve très mal situé en e7 dans la Défense Est­ Indienne, c'est pourquoi il est important de savoir manoeuvrer ses Cavaliers pour leur trouver des cases adéquates.

44

CHAPITRE 2 : LES VALISES SONT BOUCLÉES...

3) Il n'est pas possible de calculer tous les sacrifices jusqu'à la fin ; des facteurs complémentaires peuvent aider à prendre cette décision. Dans ce cas la Tour b6 est restée un certain temps déconnectée du jeu, et le Cavalier et le Roi blancs étaient également mal placés. Tous ces facteurs indiquent que la position est mûre pour le sacrifice. Le Championnat du Monde des moins de 20 ans qui se déroula ensuite à Mamaia ne fut pas moins amusant. C'est là qu'Anna Maria Botsari, au nom des organisateurs, m'invita à un Open à Kavala (Grèce). Une fois en Grèce, on m'inscrivit parmi les participants à un tournoi de Grands Maîtres, à la seule condition d'atteindre en deux jours le vol pour Moscou, d'obtenir mon visa et des billets et de repartir. C'est uniquement grâce aux miracles que réalisa Alexander Gigorevich Bach pour obtenir des billets que mon voyage à Xanthi (Grèce) put se réaliser. En moins de cinq mois, je devins Grand Maître, en cette dernière année soviétique (1991 ). Tout se déroula comme dans un conte. Je ne m'étais fixé aucun objectif, je n'en avais simplement pas eu le temps. Cette facilité eut une influence négative sur ma carrière future. Il me resta néanmoins assez d'énergie pour jouer deux autres tournois. Mon premier championnat national s'avéra être le dernier Championnat d'URSS. On avait décidé d'inviter pour cette espèce de championnat de gala le plus possible de participants et l'on joua selon le système suisse. Par le passé, les seuls joueurs d'échecs moldaves qui ont participé aux championnats d'URSS étaient Lutikov et Gavrikov (et ce dernier, seulement après son transfert en Lituanie).

N°9. V. Bologan -A. Frolov Moscou 1991 Défense Sicilienne [B54]

Grand Maître à l'aide des Siciliennes de Chebanenko : 3.i.b5+ en réponse à 2...d6, à 2...e6, 3.c4 ou 3.d3, à 2... lbc6, 3..i.b5. Mais après des nulles rapides avec les Blancs dans la Sicilienne face à Rublevsky et Minasian, je compris que j'allais avoir besoin d'une nouvelle idée. J'appelai alors le vieil entraîneur Zigurds Lanka à Kiev. Pendant le championnat, la compagnie « Chess Assistant », qui venait d'être fo ndée, proposait la chose suivante : en échange d'un prix modique, elle offrait une collection imprimée des parties de l'adversaire ; et ce fut avec cette méthode de sélection que nous « contrôlâmes le feu » à distance. C'est à ce moment précis que je pus faire un pas décisif sur le chemin de la compréhension de l a Sicilienne Ouverte. A la suite de la préparation téléphonique, je pus remporter une partie modèle dans le Système Rauzer face à feu Sergey Kiselev. Voici comment je mis à profit ce nouveau système. 3... cxd4 4.lbxd4 lbc6 5.lbc3 d6 6.g4 Nous savions déjà qu'Artur Frolov jouait cette variante, et nous décidâmes de l'écraser d'un coup de « valise ». « Valise » est un terme utilisé par Zigurds, qui désigne une attaque massive de pions, généralement sur l'aile-Roi. Zigurds est un pédagogue fantastique, il nous expliquait t out de manière si dét aillée qu'ensuite le jeu fonctionnait comme sur des roulettes.

6 ...a6 6...h6 7..i.e3 lbf6 8.f3 .i.e? 9.'ifd2 d5 10..i.b5 .i.d7 11.exd5 lbxd5 12.lbxd5 ed 13.0-0-0 0-0 14.lbf5t (Bologan -A. Sokolov, France 2001 ). 7.i.e3 lbge7 [7 ...lbxd4 8.'iii'xd4 lbe7 9.0-0-0 lbc6 10.'ifd2±]. 8.lbb31

1.e4 c5 2.lbf3 e6 3.d4 J'avais obtenu mes précédentes normes de

Lanka utilisait souvent cette idée dans la Sicilienne, si dans le camp des Noirs se révélait

CHAPITRE 2 : LES VALISES SONT BOUCLÉES... un défaut de coordination. Ainsi, tout le plan avec lZ'ige7est lié à l'échange en d4, suivi de lZ'ic6. Les Blancs proposent alors à leur adversaire de chercher une autre case pour son Cavalier e7. En tout cas, 96 n'est pas une case habituelle pour le Cavalier dans la Sicilienne. Après 8.f4 b5, Kasparov et Shirov ont choisi des suites différentes A) 9.lZ'if3 b4 10.lZ'ia4 l:!.b8 1U!fd2 i.d7 12.b3 h5 13.gS d5 14.i.d3 dxe4 15.i.xe4 .l:!.b5oo Kasparov - Svidler, Cannes 2001. B) 9.i.g2 lZ'ixd4 10.'ifxd4 lZ'ic6 11.'iifb6 't!fxb6 12.i.xb6 l:b8 13.i.e3 g5 14.fxgS lZ'ieS 15.h3 i.e7 16.b3 l:!.g8 17.0-0-0 i.xg5 18.i.xgS .!:t.xg5 19J:txd6 h5 Shirov - Kramnik, Monte-Carlo 2003. 8... lZ'ig6

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20.lZ'ixdS exd5 21.e6!;; (Shirov- Polgar, Erevan 1996). 9... i.e7 10.0-0-0 b5 11.f4 Il fallait que la « valise » aille de l'avant ! 11... h6 11 ... b4 12.lZ'ia4 l::t.b8 13.'i!ff2±, prenant le contrôle de la case b6. 12.'iiff2 i.d7 13.'iîi'b1 Dans 90% des Siciliennes, mon Roi arrive en b 1 ou en h1. 13.. JlbS 14.i.e2;t Les Blancs mènent alors à bien leur développement sans avoir besoin de jouer des coups exacts. Généralement, la « masse critique» [N.É: cette expression, traduite littéralement du russe, désigne les conditions nécessaires pour exécuter une combinaison ...] arrive au moment où les événements se développent naturellement, et les détails surviennent quand toutes les pièces sont disposées pour le combat. Le plan des Blancs consiste à jouer f5, h4, g5, et la « valise » poursuit sa route. 14... lZ'ia5 15.lZ'ixaS 'i!fxa5 16.i.d3

9.'iife2! Un autre coup typique de Zigurds. Il n'aime pas placer la Dame tout de suite en d2 mais en e2, pour deux raisons : d'abord la colonne « d » reste ouverte pour la Tour, et ensuite, la Dame ne pourra pas être visée par des attaques doubles comme lZ'ic4, lZ'if3, et elle défendra le pion g4. En même temps, il développait souvent son Fou en g2. 9.'iii'd2 b5 10.0-0-0 lZ'igeS 11.gS lZ'iaS 12.f4 lZ'iec4 13.'iii'f2 .l:ib8 14.f5 lZ'ixe3 15.'iii'xe3 'ii'b6 16.'ili'g3 i.e7 17.lZ'ixaS 'iii'xa5 18.eS d5 19.f6 i.b4

Il faut dégager la case e2 pour le Cavalier. Lanka permettait souvent à son adversaire de jouer b5-b4 dans la Sicilienne, et il demandait ensuite : « Et pourquoi est-ce que vous faites ce coup ? » Ici, si 16... b4 17.lZ'ie2 et lZ'id4 le Cavalier retournera au centre sous peu, et l'attaque des Noirs ne sera pas très efficace. 16...i.h4!? Arthur essaie de m'inquiéter un peu, en m'empêchant de jouer h4. 17.'t!fd2 Dans l'idée de faire e4-e5. 17 ...i.c6 18.l::thf1 i.e7

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CHAPITRE 2 : LES VALISES SONT BOUCLÉES... par exemple : 23.'ifg3 (23.i.f2? lZ:lf3 24.'ikg2 lZ:ld2+) 23...i..b5!? 24.lïh1. 22.i.e2 g5 23.'iff2 f6 24.lZ:ldS

19.h4! Menacé par deux pièces ! S'ils ne parviennent pas à prendre ce pion, toute la disposition des pièces des Noirs ne vaudra pas lourd. 19.. .tbxh4 Si 19...i..xh4 20.e5! d5 (20...dxe5 21.i.xg6 fxg6 22.Wid6+-) 21.i..xg6 fxg6 22.'ikd3 0-0 23.Wxg6 .l.:tbe8 24.f5±. 20.f5± Les Blancs perdent un pion, mais le Cavalier ennemi est pris au piège au bord de l'échiquier. 20... es

On prépare ainsi .l:!.d2, l:tc1, c4. La position des Noirs est totalement désespérée d'un point de vue stratégique : aucune de leurs pièces ne joue et elles n'en n'auront plus l'occasion dans cette partie. Il s'ensuit un massacre. 24... 0-0 25Jld2 Si 25.i..b6?! 'ii'd7 26.i.c? .bd5 27.i..xb8 i.xe4 28.i.a? l:l.c8 29.J:.c1 h5+. 25.. J�f? 26.c4 Une ouverture de l'aile-Dame courante dans ces situations : grâce au contrôle du point d5 les Blancs ont l'avantage sur l'aile sur laquelle ils sont généralement attaqués.

Les Blancs disposent d'une forte attaque après 20...b4 21.lbe2 lZ:lg2 22.lZ:ld4 lZ:lxe3 et doivent maintenant choisir entre deux bonnes possibilités

26...'i'aS 27Jk1 i.d8 28.cxb5 i.xd5!?

A) 23.Wxe3! i..d7 24.fxe6 fxe6 25.e5 (avec la menace i..g6!) 25...d5 26.i.g6+ �d8 27.l:t.f? l:l.f8 28..l.:txg? i..g5.

Si ... i..xb5 29.l:r.dc2 i..xe2 30.'i'xe2 'i'bS 31.'i'xb5 (31.'ikf2) 31...axb5 32. .l:!.c8 :xc8 33.l:xc8 .l:!.f8 34.i.d2!

B) Il est également intéressant de jouer 23.lZ:lxc6 lZ:lxf1 24.l:lxf1 'ifb6 25.lZ:lxb8 1Wxb8 26.fxe6 fxe6 27.i..xa6 (27.e5!?) 27 .. JH8 28Jtd1±.

29.llxd5 axb5 30.i..d3!

21.Wh2 'ikd8 Il vallait mieux faire 21...b4 22.lZ:le2 i..g5!?, même si les Blancs gardent aussi l'avantage,

On voit souvent une telle situation dans l'une des suites de la variante Najdorf. Les Blancs gagnent le pion b5 et la seule chose dont ils ont besoin est de ne pas commettre d'erreurs graves par la suite. 30....l::tc7 31.'i'e2 :as 32.a3 I!b7 33.i..xb5 'it>g7

CHAPITRE 2 : LES VALISES SONT BOUCLÉES... 34.'it>a2 l:l.ab8 35.b4 'ii'xb5 36.llxb5 l:.xb5 37.i.a7 l:l8b7 38Jk8 i.e7 39.°ifc4 d5 40Ji'c6 i.xb4 41.'ii'e8 Les Noirs abandonnent.

[1 :O] MORALITÉS: 1) Après 7...0:ige7 il devient évident que les deux Cavaliers noirs souhaitent exploiter la case c6. Si on les laisse faire l'échange en d4 leur stratégie aboutira (même si cela ne signifie pas que la position obtenue après l'échange soit très bonne pour les Noirs). Mais dans le cas présent il existe une possibilité de mettre l'adversaire en mauvaise posture, en éludant l'échange grâce à 8.Ci':ib3. Les Noirs ont dû déplacer leur Cavalier de e7 en 96, où il est généralement mal situé dans la Défense Sicilienne. 2) Dans de nombreux cas, le sacrifice de matériel permet d'amener une pièce ennemie vers un endroit moins heureux. C'est souvent la case h4, précisément. Si le camp le plus faible refuse d'accepter le sacrifice, il est condamné à livrer beaucoup d'espace. 3) Le Cavalier est toujours mal situé quand il est sur le bord de l'échiquier, par le simple fait qu'il dispose alors de moins de possibilités de mouvement. Dans cette partie les Cavaliers ont connu des destins divers : l'un a échoué en as et l'autre en h4. Il restait deux rondes avant la finale. Je partageais la deuxième et la troisième places avec Artashes Minasian, devant une cinquantaine de Grands Maîtres. Mais au faîte du championnat, je perdis contre le futur vainqueur Magerramov et m'en tins honorablement à la septième place. NOTES: (1) Le Stade Junior Pionniers était une institution sportive pour enfants de Moscou,

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qui comprenait une section d'échecs. Parmi ses élèves, on peut signaler V. Smyslov, A. Sokolov, A. Morozevich et de nombreux autres joueurs. On a construit aujourd'hui en lieu et place de l'école d'échecs enfantine de Moscou le casino «Titanic». (2) Pays capitaliste : pour l'Union Soviétique les pays se divisaient en trois groupes principaux, socialistes, capitalistes et en voie de développement. Les capitalistes étaient considérés comme idéologiquement dangereux, et les voyages des simples citoyens étaient strictement limités. (3) Le coup d'août 1991 fut une tentative de coup d'état, qui eut lieu au moment où commençaient dans le pays les processus irréversibles modifiant la structure de l'État. (4) Les Spartakiades des peuples d'URSS étaient des sortes d'olympiades mondiales, mais d'une amplitude bien moindre, évidemment, où étaient inclus des sports non olympiques, comme les échecs.

CHAPITRE 3 : LE MANÈGE « Le temps de la chute est assez long pour y vivre toute une vie». Alexander Zinoviev Le plus difficile en sport, c'est de s'obliger à travailler. De se discipliner. Or, malgré l'environnement très intellectuel dans lequel j'évoluais, je me trouvais souvent à la merci de ma volonté sur le plan psychologique. J'aurais eu bien besoin du père de Gata Kamsky, qui ne m'aurait pas laissé me relâcher. Après le championnat d'Union Soviétique, pendant pratiquement un an et demi, je n'ai pas touché la terre ferme, même si à première vue tout semblait en ordre. Après un bon tournoi du Nouvel An à Stavanger (Norvège), je connus deux échecs consécutifs, en Inde et en France. À Calcutta, je perdis dans la dernière ronde, décisive, face à l'idole locale, qui était alors une étoile révélée au monde des échecs, Viswanathan Anand. Quand j'ai relu les notes de mon journal d'alors, la description de mon état psychologique durant ce tournoi en Inde a

i ti i \,

retenu mon attention. Fin janvier 1992, fragment de mon journal qui suit l'analyse de ma participation au tournoi en Inde. « Psychologie : le fait de recevoir pour la première fois un prix aussi élevé a eu un effet négatif. Mon jeu a aussi été influencé par mon conflit avec les organisateurs, qui ne voulaient pas honorer leurs obligations financières. Au début du tournoi, je n'ai pas réussi à m'obliger à respecter une discipline quotidienne normale. J'ai sans cesse porté mes efforts sur l'amélioration de mes résultats (au lieu de suivre le crédo de Lanka: « Jouer simplement aux échecs»)... Mais écrire est une chose, et jouer en est une autre. En février suit un fiasco à Cappelle-la­ Grande, puis un petit succès : partager les places 2 à 5 avec Kramnik (et après Shirov) à Oakham (Angleterre). Et enfin un échec complet en mai dans un tournoi de catégorie IX, dans la ville roumaine de Calimanesti. Halte!

J• Las Palmas, 1993

CHAPITRE 3 : LE MANÈGE Il était encore temps pour moi de m'arrêter et de me ressaisir. Mais malheureusement le calendrier des tournois se fiche complètement du joueur d'échecs. Calimanesti fut immédiatement suivi du voyage aux Olympiades de Manille et de la perte de 25 points d'ELO. Je ne commençai pas mal, 3 points sur 4, mais je tombai ensuite malade, les détestables climatiseurs ayant accompli leur travail. Nous n'avions pas de suppléants, et je ne disposais pas d'assez d'énergie pour disputer 14 rondes. Ce fut ensuite repos complet jusqu'au tournoi de Grèce. Bien sûr, je travaillai bien un peu. En relisant mon journal j'ai découvert des parties de Manille commentées avec un luxe de détails, mais je n'ai trouvé aucune sorte de conclusions ou d'enseignements plus concrets. En tout cas, le repos me fut très utile. Je terminai sur un bon résultat - « +2 » en six parties - la première étape du tournoi. C'était le premier que je jouais selon le principe du « tous contre tous » et de jeunes joueurs talentueux comme Kramnik, Lautier, Adams, Ivan Sokolov, Ulibin, Akopian, lllescas y participaient. Mais sur la fin, mon jeu manqua précisément de concentration, et, après trois défaites consécutives, je passai à « -1 ».

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Lors du Championnat Junior, en jouant 3..tb5+, j'avais obtenu une bonne position, mais je m'étais trompé dans le zeitnot. 3...cxd4 4.lt:ixd4 lt:if6 5.lt:ic3 a6 6..te3 e6 Les Noirs choisissent la structure Scheveningen, dont nous avons déjà parlé dans la partie N°4. Les Blancs ont maintenant quelques suites agressives à leur disposition : 7.f3 avec une transposition vers l'Attaque Anglaise, 7.g4 avec le sacrifice de pièce qui s'ensuit (7 ...e5 8.lt:if5 g6 9.g5 gxf5 10.exf5, etc.), mais dans cette partie je décidai de m'en tenir à la variante classique avec le Fou en e2. 7..te2 .te7 8.f4 "fi/c7 9.0-0 0-0 10.'it>h1 lt:ic6 1Ui'e1 lt:ixd4 12..txd4 b5 13.a3 .tb714.'ii'g3

N° 1 O. V. Bologan - V. Akopian Khalkidiki (Grèce) 1992 Défense Sicilienne [B85] Vladimir Akopian a mon âge, il n'est mon aîné que d'une semaine. Il a la carrière modèle d'un joueur d'échecs comblé, Champion du Monde des moins de16, 18 et 20 ans, finaliste du Championnat du Monde à Las Vegas. J'ai également participé au Championnat du Monde des moins de 20 ans, un an avant cette partie. J'avais perdu contre lui alors que j'étais en tête. J'avais ensuite essuyé une défaite face à Ulibin et cessé de lutter pour la première place. Un an après, nous nous affrontions en Grèce, dans un tournoi de catégorie XIV. 1.e4 es 2.lt:lf3 d6 3.d4

Une position standard. On peut la retrouver dans plus de cinq cents parties. Ici mon adversaire a décidé de me surprendre avec un coup étrange. 14...l:tadS?! Un écart malheureux par rapport aux variantes principales A) Si14...l:.ac815.l::r.ae1 .tc6 16. .td3 les Noirs égalisent les chances à l'aide d'une opération courante: 16... e5! 17.fxe5 lt:ih5 18.'ifh3 dxe5, par exemple : 19.lt:idS .txd5 20 ...txeS 'ifxe5 21.exdS 'i!igS 22 ...txh?+ @xh7 23.l:tfS 'i!fxf5 24.'ifxfS+ 96 25.'ifh3 .td6 26.g4 .I:.c2. Cette possibilité est signalée dans la monographie de G. Kasparov et A. Nikitin « Défense Sicilienne. Scheveningen ».

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CHAPITRE 3 : LE MANÈGE

B) On considère ici que 14...ilc6 est plus fort, par exemple : 15.l:!.ad1 .!;!.ac8 16JUe1 l:!.fd8 17.ilf3 lt::le8 18.1Vf2 .l:!.b8 19..l:!.d2, partie nulle (Gallagher - A. Sokolov, Besançon 2003). 15.l:!.ae1 ilc6 16.ild3 'ii'b7 Si la Tour est en d8 16...e5?! ne sert à rien, à cause de 17.fxe5 lt::lh5 18.'ii'f2 dxe5 19.ilb6 'i/,t'd6 20.ilxd8 i.xd8 21J:td1± (Kosteniuk Shaposhnikov, Saint-Pétersbourg 2000). 16...lt::lh5 peut aussi être suivi de 17.'iff2.

20.ile2?! permet d'échanger son Cavalier contre le Fou de cases noires. Il est plus intéressant de jouer 20.ilh6 .l:!.fe8 21.'ii'f3 (21.ile2 lt::lf4) 21....tf6 22.lt::ldS i.xd5 23.exdS±, comme dans la partie Wang Pin - J. Shahade, Shanghaï 2002. 20... lt::lf4 21.i.xf4 exf4 22.ïr.xf4

17.'it'h3 g6 D'autres options n'arrangent rien A) Après 17...h6 je me disposais à répondre 18 . .l:.e3 b4 19.axb4 (19.l:!.g3!?) 19 ... 'it'xb4 20.lt::le2, avec un meilleur jeu. B) 17...lt::le8 18.J::te3 'i!Vd7 19.eS 96 20.fS dxe5 21.ilxeS ilf6 22 . .i.xf6 lt::lxf6 23.fxg6 fxg6 24.'i'ixe6 @g7 25.'i!fxd? .l:!.xd7 26Jte6 ilb7 27.@g1± (Palac - Hulak, Vinkovci 1995). 18.f5 Il est très important de conserver la pression, et les Noirs auront du mal à s'en défaire.

On pourrait penser que les Noirs vont pouvoir souffler après avoir livré leur pion : ils détiennent la paire de Fous et le contrôle des cases noires, sur lesquelles ils peuvent s'appuyer. Mais dans tous les cas, un pion est un pion. Si l'on s'en souvient, dans la partie contre ltkis, j'avais la même distribution de pièces, mais avec une égalité de pions.

18...e5 La suite 18...gxfS 19.'ii'h6! (19.exf5? e5, dans l'idée de faire @hB, l:!.gB) 19...e5 20.l:!.xfS est perdante.

Les Noirs auraient sans doute dû jouer plus modestement ; par exemple, 22...ilf6. 23..l:!.g4 fie?

Ce fut une nouveauté, mais je ne crois pas qu'elle ait une quelconque valeur, puisque la domination des Blancs est indiscutable ; par exemple: A) 19...lt::lxe4? 20.lt::lxe4 ilxe4 21.ilxe4 'ii'xe4 22.i.h6 'it'xc2 23.f6±. B) Après 19 ... J:tfe8, 20.i.gS est très désagréable, par exemple: 20...lt::ld? 21.fxg6 hxg6 22.l:!.xf? @xf7 23.'iih?+ @e6 24.'ii'xg6+ lt::lf6 25.J:m.

[23....tf6 24.l:tf1 @g7]. 24JU1 i.f6 25.i.d3 'ii'e5 Les Noirs ont apparemment réussi à créer une position bloquée et à freiner l'avancée des Blancs. Mais comme souvent dans mes parties, c'est à ce moment-là que commence le transfert du Cavalier vers la partie de l'échiquier où la situation est tendue. 26.lt::le2?!

CHAPITRE 3 : LE MANÈGE À partir de là, le Cavalier peut sauter vers l'une de ces trois séduisantes cases : f4, g3 ou d4. Mais il fallait jouer plus solidement 26.lbd1 @g7 27J:tg3 i.xe4 28.lbf2 ..txd3 29.lbxd3!. 26...@h8 Un peu lâche, il fallait prendre le pion b2 26... 'ifxb2! avec les variantes suivantes A) 27.lbf4 'ife5 (2l .....te5!?) 28.fxg6 (28.lbh5 i.hB, et on ne voit pas de suite décisive pour les Blancs) 28...hxg6 [28.. .fxg6 29.lbe6 i.dl 30.lbxfB 1:.XfB (30 ...@xfB 31.'ifxhl i.xg4 32.'i!ixg6+-) 31.:t:.xg6+ hxg6 32.'i'xdl±] 29.lbd5 (29.J:txg6+ fxg6 30.lbxg6 .li.dl!; 29.lbh5 i.hB 30.'f!.f5 'ifb2 31.e5 .li.dl 32.lbf6+ ..txf6 33.exf6 i.xf5-+) 29...i.xd5 (29...i.gl 30.c4..tdl 31.ilh4 '1:.feB 32J:tg5±) 30.exd5 i.g7=.

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Le Cavalier occupe une excellente position au centre. Les Noirs vont avoir du mal à faire baisser la pression le long de la colonne « f » de plus, ils ont joué jusqu'à présent avec un pion de moins. 28...J::Lde8 29Jlgf4 d5?1 Ce coup ne parvient qu'à inclure le Fou d3 dans l'attaque, et les espoirs placés dans le clouage du pion f5 ne sont pas justifiés. Les Noirs auraient dû jouer plus solidement : 29 ... @g?. Après 30.i.b1 et le transfert du Fou en a2, les Blancs détiennent cependant un grand avantage. 30.exd5 'ilfxd5

B) 27.c3 'i!Vxa3 et les Blancs n'obtiennent l'avantage dans aucune variante.Observons B1) 28.lbf4 ilxc3 29.e5 i.xe5 30.fxg6 fxg6 31 ..l:l.xg6+ hxg6 32.'i!Ve6+ 1U7 33.'ili'xg6+ '1:.g7 34.'i!/e6+ .l:lf7=. B2) 28.lbd4 'i!Vxc3 29.fxg6 fxg6 30.lbe6 .li.dl. B3) 28.'1:.h4!? ..txh4 29.ilxh4 d5! 30.'1:.f4 (30.f6 '1:.feB 31.'1:.f3) 30...'1:.fe8 ( 30...dxe4 31.'i!Vh6 .l:lxd3 32.f6 nd1 33.lbg1 '1:.xg1 34.Wxg1 'i!Vc1 35.�f2 e3 36.�g3+-) 31.e5 'ife7 32.'ifh6 'ikf8 33.'ifh4, et les Noirs peuvent répéter des coups grâce à 33 ... 'ir'e?, mais ils peuvent aussi se battre pour l'avantage en jouant 33...'1:.xe5 34.fxg6 hxg6 35 ...txg6 fxg6 36.:xta+ '1:.xf8 37.'i'g3.

Les Blancs disposaient d'un autre chemin, plus exact, vers la victoire: 31.ilh6 (avec la menace 32.fxg6!) 31 ... ..li.g? 32.'iikh4 g5 33.'i!Vxg5 f6 34.'ili'h4.

84) 28.e5 dxe5 29.fxg6 fxg6 30...txg6 hxg6 31.J:.xg6+ i.g7 32..l:[xf8+ '1:.xf8 33.lbc6 J:!.f1+ 34.lbg1 J:!.xg1+ 35.�xg1 ilc1+ avec égalité.

Le seul coup qui permette aux Noirs de continuer à résister.

27.c3

Il aurait perdu avec 31 ... fxe6? 32.fxg6 ou 31 ...i.xe6 32.fxe6 i.g7 33.exf? .!:!.e6 34.'1:.h4 h5 35.i.xg6.

Après la partie, Akopian m'a montré que les Blancs pouvaient ensuite gagner: 27.fxg6 fxg6 28.lbf4 @g8 29.lbe6 i.d7 30.lbxf8 i.xg4 31.'i!i'xh?+ @xf8 32.'i!Vxg6. 27...i.d7 28.lbd4

31.lbe6!?

31 ..Jbe6!

32.fxe6 i.xe6 33.'iike3 Il était plus simple de jouer 33.'i!Vf3. 33...i.g7 34.i.e4 '1i'd6 35.l:!.4f2 l:!.d8 36.l:.e1

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CHAPITRE 3 : LE MANÈGE

�g8 37.i.f3 h5 38JUf1 'il/c7 39.l:!.d1 J:txd1 40.J:.xd1 En échangeant les Tours, les Blancs simplifient un peu la position. 40...i.eS 41.g3! Les pions doivent se répartir sur les cases noires, afin de limiter le Fou e5. Si 41.h3?! i.b3 les Blancs peuvent avoir de gros problèmes pour concrétiser leur avantage matériel.

MORALITÉS: 1) Si, dans des positions analysées très en détails, on décide d'innover, cela doit être très bien préparé et étudié, car en s'écartant de la ligne principale, on peut s'exposer à de graves inconvénients. C'est ce qui s'est passé dans cette partie, après 14 ...Ir.ad8 l'initiative est passée durablement aux mains des Blancs. 2) 20 ... tz:lf4 est une technique habituelle, sacrifier un pion pour obtenir le contrôle des cases noires. Le Fou e7 se déplace en f6, et sa sphère d'influence s'étend considérablement. 3) Dans les situations de jeu très pointues, il est nécessaire d'aborder la position le plus concrètement possible. Si l'on joue sur la base de considérations générales (26 ... 'it>h8), il se peut qu'on ne parvienne pas à sauver la partie. Il faut calculer les variantes principales jusqu'à la fin, dans la mesure où parfois le cours du jeu lui-même oblige à s'orienter vers des suites plus compliquées.

41...@g7 [41 ... h4 42.'i!fg5! hxg3 43 ..l:!.d8+ 'it>g7 44.'ifih4]. 42.l:le1 i.f6 43.'ifie4 'ires 44.@g2 a5 45..i:td1 i.c4 46J:td2 .lle6 47.l:.d1 i.c4 La répétition de coups n'est qu'un petit truc psychologique pour souligner la force de la position des Blancs. 48Jid7 b4 48...'t!Vc8 49.l:.d6, suivi de 'itff4, en aurait termi­ né avec I' « ère » du Fou f6. 49.axb4 axb4 50.cxb4 'ii'cB 50...'il/xb4? 51.i.e2 'it'a4 (51 ...'i!Yb5 52.l:.xfl+!!) 52.l:!.d4! simple, mais joli. 51.l:id2 i.b5 52Jk2 'ilia6 53.i.e2 .ll xe2 54.J:.xe2 h4 55.g4 'ilfd6 56.gS h3+ 57.�f3 Les Noirs abandonnent.

[1 :0)

Dans les échecs contemporains, la formule de travail « entraîneur - élève » classique n'existe pratiquement plus, elle ne s'est maintenue que pour les joueurs d'échecs très jeunes. À la place s'est répandue la coopération entre Grands Maîtres de haut niveau, les « secondants », ou parfois simplement « associés ». J'ai été secondant pour la première fois en automne 1992, quand Alexei Shirov m'a proposé de l'aider durant le tournoi de T ilburg. À un moment, notre amitié a fait place à une coopération fructueuse. Nous travaillions les échecs ensemble, nous étions associés. Dans ces cas-là, quand je l'aidais pour les tournois, Alexei, qui est un homme généreux, me payait toujours bien pour mon travail. Si nous nous écartons un peu de notre propos pour évoquer les secondants, disons que leur principale fonction consiste, à mon avis, à apporter un soutien psychologique. Le Grand Maître de haut niveau joue ce qu'il connaît, et durant le tournoi il lui est difficile d'apprendre quoi que ce soit de nouveau de son secondant.

CHAPITRE 3 : LE MANÈGE

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Finalistes du Grand Prix PCA : Alexei Shirov (à gauche) et Victor Bologan. Moscou, 1996

Bien sûr, il est possible qu'une idée lui soit utile. Mais le plus grand rôle de le secondant consiste à créer une atmosphère propice, à aider l'autre à se distraire après une partie difficile, à le soutenir. Quand je travaillais avec Shirov, l'informatisation des échecs n'était pas encore aussi avancée qu'aujourd'hui. Nous partagions les idées de Chebanenko, nous discutions des schémas de Lanka, nous inventions quelque chose de neuf, mais je ne peux pas dire que ayons préparé sérieusement des ouvertures. Néanmoins, avec moi, Shirov n'a perdu presque aucune partie au plus haut niveau. Bien sûr, il le devait surtout à son talent. Notre fructueuse coopération a continué jusqu'en 1996. Et même si nous ne nous voyions pas très souvent Ue continuais en effet ma propre carrière), c'est avec Alexei que je me rendais aux principaux tournois. J'anticiperai un peu en disant qu'en 2002, je jouai à nouveau le rôle d' « associé » : Ruslan Ponomariov me proposa de l'aider pour le Supertournoi de Linares. Cette situation ressemblait à la précédente, même si elle

n'avait pas germé à partir d'une amitié, mais d'une proposition des sponsors de Ruslan réaliser des entraînements communs financés par eux. À Linares, Ponomariov obtint la · deuxième place, l'un des meilleurs résultats de sa carrière, sans compter, bien entendu, son triomphe au Championnat du Monde. On ne peut pas non plus dire que j'aie beaucoup aidé Rustan dans les ouvertures. Le secondant doit simplement être un bon psychologue, non dans le sens professionnel du terme, mais ce doit être une personne de qui émane quelque chose de bon et de positif. En ce qui me concerne, mon épouse s'est révélée être une merveilleuse secondante. Ainsi, à Dortmund, en 2003, la plupart des participants avaient comme secondants de puissants Grands Maîtres. Par exemple, Anand avait Rustem Dautov, Leko, Arshak Petrossian, et moi je suis arrivé avec Margarita et j'ai gagné le tournoi. Cela montre bien que le mental est un facteur essentiel pour les joueurs d'échecs. Revenons aux années 1990, agitées à plus d'un titre. Il faut souligner que bien qu'ayant -

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CHAPITRE 3 : LE MANÈGE

-volontairement- accepté la casquette de secondant d'échecs, je conservais intactes mes ambitions sportives. Mais tout seul avec ses ambitions, on n'arrive pas très loin. Malheureusement, je ne pouvais m'assigner aucune tâche sportive concrète. Il me semble même que je me laissais guider par des considérations générales. Je pensais que mes voyages avec Shirov à Linares ou à Tilburg me serviraient toujours, car je travaillerais ainsi contre les plus grands joueurs d'échecs. Et en réalité j'ai appris de nombreuses choses nouvelles et intéressantes, mais ce travail n'avait pas développé ma force pratique. J'y gagnai une jolie somme, mais comme par ailleurs je n'étais pas chargé de famille, l'argent s'en allait comme il était venu. En tout cas, je ne regrette pas d'avoir fait ce travail.

N ° 11. G. Sax-V. Bologan Debrecen (Hongrie) 1992 Défense Pire [B06] Gyula Sax est un célèbre Grand Maître hongrois, qui appartenait à l'équipe qui remporta en 1978 l'or olympique, reléguant à la deuxième place, pour la seule et unique fois de l'histoire, la sélection d'URSS. Notre rencontre eut lieu dans la dernière ronde du Championnat d'Europe par équipes. Il était alors permis d'ajourner les parties. Il se trouva que j'avais ajourné presque toutes les miennes. J'arrivai donc à la fin du tournoi complètement épuisé. 1.e4 g6 2.d4 .i.g7 3.lt::lc3 c6 La« Nouvelle Caro-Kann », une ouverture que j'ai aussi apprise de Chebanenko. C'est un gisement d'idées et de toutes sortes de positions inhabituelles, très utiles face à des rivaux de moins bon niveau ou qui se limitent à étudier la théorie des principales ouvertures. On peut dire que Sax appartient à cette dernière catégorie. La « Nouvelle Caro-Kann » m'a été très utile dans les open, et c'est en grande partie grâce à cette ouverture que j'ai

gagné en 1997 le tournoi de New York.

4.h3!? Un coup assez astucieux, ce qui, bien sûr, ne gâte rien. 4...d6 La meilleure réponse pour les Noirs est 4...d5, mais j'ai décidé d'amener le jeu vers des positions connues, qui devaient objectivement être légèrement moins intéressantes pour les Noirs. Si 4...d5 5.lZ'if3 lZ'ih6 6..i.f4 f6 7..td3 0-0 8.�e2 lZ'it7 9.e5 fxe5 10.dxe5 tZ'ia6 11. .txa6 bxa6 12.0-0 e6 13.tZ'ia4 'it'a5 14.b3 c5 (Graf - De la Riva, Bled 2002). 5.g3 e5 6.tZ'ige2 Si 6.dxe5 dxe5 7.'ii'xd8+ �xd8=. 6...b5! En général, les Blancs empêchent ce coup grâce à a2-a4. 7.a3 a6 [7...tZ'id7?! 8.d5]. 8.�g2tZ'id7 Les Noirs tentent de mettre de l'ordre dans la liaison entre pions et pièces, et réduisent légèrement l'activité de leur adversaire sur

CHAPITRE 3: LE MANÈGE l'aile-Dame. Le pion c6 joue un rôle important en limitant sensiblement le Cavalier c3. Par ailleurs, dans ce système les Blancs possèdent un avantage de développement et contrôlent le centre. De ce point de vue, l'affrontement entre les pions es et d4 est considéré comme classique. On considère que leur échange est une concession au camp adverse, c'est pourquoi les joueurs s'efforcent de conserver la tension jusqu'au dernier moment. Parfois les Blancs jouent d4-d5 et obtiennent une position avec un centre fermé. 9.0-0 h5 Un plan proposé par Chebanenko, qui exige beaucoup de responsabilité. Les Noirs jouent pour limiter le Cavalier e2, sans permettre à leur adversaire de jouer g4 et lbg3. Mais ici, ils auraient dû jouer plus modestement. 10.f4 Les Blancs obtiennent un avantage d'espace et créent une tension désagréable au centre. 10... .i.b7 11. .i.e3 lbgf6 12.'ifd2 0-0 13. .l:lad1 .l:te8

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touchent du doigt les points faibles du camp ennemi, et l'un d'eux est la case c5. De plus, le problème des Blancs est constitué par la position malencontreuse de leur Cavalier en e2 ; s'il parvient à la case d3, la liaison entre leurs pièces et leurs pions sera satisfaisante. 15 ...c5?? Un coup lié à une erreur de calcul. 15...as aurait été suivi de 16.b4, dans l'idée de faire lbd3. Il fallait jouer plus modestement: 15...'i!Vc? 16.fS c5 17.fxg6 fxg6 18.'i!Vd6 l:tac8 19.'iifxc? .l:lxc7. 16.fxe5 lbxe5 17.'ili'xdS? En réponse à 17.'iiff2 'ile? 18. .i.xcS je me disposais à jouer 18...lbfg4 (18...lbc4 19.b3±) 19.hxg4 lbxg4, mais les Blancs trouvent une réfutation élémentaire : 20.'ifxf?+! (20..i.d6 tbxf2 21..i.xcl tbxd1 22.r!xd1 .i.xc3 23.bxc3 i.xe4=) 20.....xf? 21..1:lxf? f7 33..lih3 g5! 34.tùd5 Il ne convient pas de capturer le deuxième pion 34.hxg5 fxg5 35.0.xh5 à cause de 35...�g6 36.g4 .lie6+. 34 ...gxh4 35.gxh4 0.g6 36.i.f2 0,ce7 37.0.c7 On pourrait croire que les Blancs ont surpassé leur adversaire sur l'échiquier, mais les surprises ne font que commencer. 37...f51 [37... a5 38.i.d?]. 38.0.xa6 Si 38.i.xf5 (38.exf5??0.f4-+) 38...0.xf5 39.exf5 0.f4 40.0.xa6 @f6=. 38...0.f4

C'est objectivement une position de nulle, dans la mesure où le pion b5 n'a pour le moment aucune difficulté à arrêter les trois pions adverses, et où les pièces noires sont actives sur l'aile-Roi. Mais on doit tenir compte du fait que cette partie se jouait dans la dernière ronde : elle ne pouvait donc être ajournée. Nous venions de sortir d'un zeitnot et peu temps après nous tombâmes dans un autre, et le mien était très aigu. Et c'est alors que commencèrent à se former des motifs de compositions, qui ne se seraient jamais présentés dans la partie sans l'aide de mon adversaire et sans mon zeitnot. 39 . .lixf5 0.xf5 40.exf5 @f6 41.0.c5 �xf5 42.@d2 0.g21 Le Roi blanc est maintenant privé de tout accès à l'aile-Roi. 43.0.d3?1 Si 43.a4, nous nous serions rapidement accordés sur la nulle, mais Sax recherche avec acharnement comment parvenir à la victoire. Il aurait probablement dû préférer 43.0.b?!?. 43...'.îi'e4 44.0.b2 i.f1 45.c4!? bxc4 46.c3? Un coup « de pouce », ce qui ne gâche rien, d'ailleurs. 46.�c3 ou 46.a4 @f3 47.i.c5 0.xh4 48.@c3 We4 auraient mené à la nulle. 46...�3 47.i.e1 [47..tb6 0.xh4 48.a4 �e4 49.@e1 i.h3].

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CHAPITRE 3 : LE MANÈGE 47 ...lt'le3 48.a4 i.h3 49.aS i.c8 50.lt'la4? Il valait mieux jouer 50.'it>c1, suivi de i.d2=.

occasion d'obtenir la nulle leur passer sous le nez: 56.lbe8 c.t>xe1 57.lbc?. 56...@xe1 57.c5 lt'le3 58.c6 lt'ld5 59.lbe4

50...lt'lf1+ 51.lt.>d1

Les Blancs décident enfin de se consacrer au pion« h ». 59 ...i.d31 60.lbg3 i.g6 Qui « déconnecte » la dernière pièce des Blancs. 61.a6 'iîi'f2 62.a7 lt'lc7 63.lt'lxhS i.xh5 64.�d2 @f3 65.'iîi'd3 �f4 66.@c4 'iîi'e5 67.@c5 lba8

51...We3! Contre toute attente, les Blancs ne peuvent sauver leur Fou, enfermé par leurs propres pions c3 et h4. Mais ils n'ont pas encore laissé échapper la nulle. 52.lt'lb6 i.g4+ 53.�c1 @e2 54.lbxc4 Si 54.a6 @xe1 55.a? i.f3 56.lbxc4 @e2 57.lbb6 �d3. Notre table était entourée des joueurs des sélections de Moldavie et de Hongrie. C'est avec épouvante que mes camarades assistèrent à mon 54 ème coup, réalisé en situation de grave zeitnot : 54...i.cS!! Tout le monde pensait qu'il fallait accepter la nulle grâce à 54...'it>xe1 55.a6 ..tf3 56.a7 lt'lg3 57.lt'lb6 lt'lf5 58.c4! 55.lt'ld6 [55.i.d2 i.a6-+J. 55...i.a6 56.c4? Cette « coopération » continue jusqu'à la fin de la partie. Ici, les Blancs ont vu leur dernière

Sax a décidé de ne pas vérifier si je maîtrise bien la technique du mat avec Fou et Cavalier. Il abandonne.

[O :1] MORALITÉS: 1) Le« joli» coup qui nous fait envie n'est pas toujours le meilleur. Dans cette partie, j'ai caressé une idée tentante, oubliant les caractéristiques concrètes de la position et ne calculant pas cette variante jusqu'à la fin (15...c5??). 2) Dans une finale avec plusieurs pièces et un pion de moins, le camp le moins bien placé peut trouver des recours qui suffisent à opposer une solide résistance. Ce peut être la position active des pièces, ainsi que certaines faiblesses dans la structure de pions adverse. Dans cette partie, le pion e4 des Blancs était faible, ce qui a permis aux Noirs d'obtenir un fort point d'appui en e5. Conclusion essntielle le fait d'avoir moins de matériel ne doit pas décourager ni entraîner un état d'esprit « de perdant». 3) Souvent, les pièces du camp qui possède un avantage matériel sont très mal placées. On doit y faire attention. Sinon, une mauvaise estimation des moyens de l'adversaire peut, comme dans cette partie, déboucher sur une finale tragique.

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CHAPITRE 3 : LE MANÈGE ***

Au printemps 1993, avant de quitter l'Institut, je devais faire des choix : où vivre et que faire à l'avenir ? La réponse arriva d'outre­ Atlantique, à l'improviste, mais j'en parlerai un peu plus tard. J'arrivai à mon premier Open de New York gonflé de désirs d'aventure. Dès l'embarquement, je fus le seul membre du groupe (formé par des joueurs d'échecs de l'ex-Union Soviétique) qu'on n'autorisa pas à monter dans l'avion. Il s'avéra que les Moldaves étaient les seuls à avoir besoin d'un visa de transit pour l'Irlande (les avions qui allaient de Moscou en Amérique faisaient alors escale à Shannon). Je dus encore une fois faire l'impossible pour réaliser ce voyage en avion. Après m'être battu toute la journée avec « Aéroflot » et !'Ambassade d'Irlande, j'arrivai au tournoi quelques heures avant qu'il ne commence. C'était la première fois que je jouais en Amérique. En descendant de l'avion, j'avais la sensation d'avoir débarqué sur une autre planète. Les gens semblaient les mêmes, les maisons en pierre, les voitures avec des roues, mais même aujourd'hui, je ne me suis toujours pas habitué au rythme de vie des Américains.

4.lt:lf3 au lieu de 4.e3. Les Noirs disposent ici de riches options : le pion a6 limite le Cavalier c3, et une possibilité de jeu se présente à partir de l'avancée b7-b5, tout de suite ou après l'échange en c4. Aussi ce coup clairement prophylactique d'attente oblige-t-il les Blancs à se déterminer pour l'un des neuf plans possibles. Et pour chacun d'eux, Chebanenko avait une réponse originale et solide. Il faut souligner que jusqu'à maintenant on n'a pas trouvé de réfutation pour les Blancs. Je ne connais pas une seule variante proposée par un joueur d'échecs autodidacte qui se soit maintenue aussi longtemps. 5.lZ'lf3 b5 6.b3 Une suite que l'on peut voir aujourd'hui encore dans la pratique des tournois. 6....tg4 Ou bien 6....US 7.ild3 e6 8..txf5 exf5 9.0-0 .td610.'ii'd3 9611.a4 dxc4 12.bxc4 b4 13.lbe2 lZ'lbd7 14 . .tb2 0-0 15.J:r.fd1 'ii'e7oo (Kasimdzhanov - Sakaev, Bundesliga 2003). 7.h3 Actuellement 7.ile2 est plus populaire. 7....txf3 8.'ii'xf3

N°12. M. Dlugy-V. Bologan New York (USA) 1993 Défense Slave [D15) Maxim Dlugy fut Champion du Monde junior, puis se consacra aux affaires et y prospéra. Nous nouâmes plus tard une solide amitié, et je travaillai même quelques temps dans la filiale de sa firme à Moscou. Notre relation s'engagea sur la partie suivante 1.d4 d5 2.c4 c6 3.lbc3 lZ'lf6 4.e3 a6 La variante de Chebanenko dans la Défense Slave. La variante principale apparaît après

De nos jours, les Blancs lient généralement le coup 7.h3 à la prise du pion, par exemple 8.gxf3 lt:lbd7 9.f4 e6 10.c5 lbe4 11.lbxe4 de 12..tg2 f5 13.f3 exf3 14..txf3 l:tc8 15.'ii'e2, avec un avantage pour les Blancs (Vallejo Pons - 1. Sokolov, Selfoss 2003). 8...e5!? Viacheslav Andréyevich a développé cette variante bien avant, il y a trente ans environ. Évidemment, pour Dlugy c'était une suite un peu inattendue. L'exécution la plus exacte de cette même idée consisterait probablement à faire d'abord l'échange en c4 grâce à 8...bxc4.

CHAPITRE 3 : LE MANÈGE

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16...'ifb2 La suite 16...lL'lxd2?! 17.'ifxd5 lL'lxf1 18.'ifxa8 0-0 (18... tbxe3 19.fxe3 'ifxe3+ 20.@f1 'ifd3+ 21.@f2 'ifd4+ 22.'it>g3 'ii'xe5+, qui mène à la nulle) 19.'ife4 lL'ld2! 20.'�c2 lL'lb3 21.J:l.b1 a4 22.0-0 lL'la6 23.Wc4 tbac5 24 . .i::tfd1oo n'est pas meilleure. 17.l:.d1 tbc6 18.a4?1

9.dxe5 .i.b4 1 O ..id2 i.xc3 Si 10... tbe4 11.lL'lxe4 dxe4 12.'ii'd1 '1i'xd2+ 13.'it'xd2 .txd2+ 14.@xd2 xd3 1:tfb8+. tbc3 19.'iih5 f5 20.'fk1 '1Wxa2 21.I:.xc3 'ika1 22.@d2 'iixh1 23. .ixc5+- Gasanov - Deviatkin, Voronej 2003) 18..id3 lL'ldf6. B) 13.'1i'g4!? c5 14.'i!Vxg7 J:l.f8 15.J:l.d1 'i!Vb6 16 . .id2 c3 17. .ic1 c2 18.J:l.d3 c4 (Hillarp Persson - lbragimov, Skelleftea 1999). 13...'ifb6 14.a3 a5 Le Fou se retire d'une diagonale importante. 15.cxdS cxd5 Si 15... axb4 16.'ifxe4 .l:l.xa3 17.l:.b1. 16..i.d21 Si 16..id6 (16..i.c4'1Wc6) 16...Wb2 17.J:l.d1 'ifc3 18.@e2 lL'ld7 19.J:l.xdS 'ifc4 20.J:l.d3 l:k8 (Poluljahov - Moskalenko, Rostov 1993).

23...'ifxa4 24.lla1 'ifc4 25..id4 a4 26.'it>g1 f5 27.@h2 'ifc7+ 28.g3 .!::!.fc8 29.l:.a3?! 'ii'c2 30 ..l:ta2 'ifxe2 31 Jbe2 a3 32 .g41? fxg4 33.hxg4 tbc1 Il était plus simple de jouer 33 ..Jk1 34J:txc1 tbxc1 35Jk2 lL'lb3 36..te5 a2 37Jk7 96! (ou

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CHAPITRE 3: LE MANÈGE

37... a1'ii 38.IJ.xgl WhB 39. .U.el 'ilixe5 40.f:.xe5 lbd2-+) Si 38.J:l.g7 'it>f8 39J:lxh7 a1.- 40. .i.xa1 .U.xa1 41.f4 tZ:lb3 49..!:th1 tZ:lxa1 50.l:l.xa1 .U.a6 51.g5 l:ta4 52.l:l.d1+ ..te6 53.IJ.a1 La triangulation assure le triomphe des Noirs.

aa

très haut risque ! Surtout quand les pièces de l'ennemi en sont dangereusement proches. 3) Quand on matérialise son avantage, il est nécessaire de rester attentif et concentré, et de calculer avec précision les variantes concrètes. Si l'on continue à jouer sur la base de considérations générales, l'avantage peut partir en fumée. Durant le tournoi, mon amie (il est intéressant de souligner que malgré toute sa richesse, la langue russe ne possède pas d'équivalente féminin pour le mot« ami », car« amie » a un sens complètement différent) Dina Tulman me conseilla de commencer à étudier avec Mark lsrailevich Dvoretzky. Soit que sa recommandation s'avéra très précieuse, soit que Dvoretzky avait décidé qu'on pourrait tirer quelque chose de moi, toujours est-il qu'il commença à travailler avec moi. Mes résultats commencèrent à s'améliorer. En un an je gagnai 100 points d'ELO. J'aiguisai en même temps ma vision tactique. En voici pour preuve un épisode de mon premier tournoi à Biel.

53... Wd6! 54J:td1+ �e7l 55.l:l.a1 'it>e6 56.�g4 We5 57.f4+ exf3 58.�xf3 �f5 59.We2 'it>xg5 60.Wd3 'it>f5 Les Blancs abandonnent. (0 :1) MORALITÉS: 1) Parfois, prendre des décisions peu fréquentes dans l'ouverture permet d'obliger son adversaire à conserver un jeu peu rebattu, où l'initiative a une grande importance. En cédant aux Blancs l'avantage de la paire de Fous, les Noirs ont pris de gros risques et ont été obligés de développer rapidement l'initiative dans l'ouverture. 2) Un Roi sans roque est toujours un facteur à

N°13. R. Skomorokhin - V. Bologan Biel (Suisse) 1993 Lors de leur dernier coup, les Blancs ont pris le pion f6, et la menace d'un dangereux échec à la découverte se profile.

CHAPITRE 3 : LE MANÈGE 28...lbd3! les Noirs ont une Tour de plus, et sont prêts à sacrifier leur Cavalier en e5, afin de fermer cette dangereuse diagonale. Plus faible est la suite 28 ... �g7 29.lbg4+! (29.lèihS+? �fl 30.�gl+ h1l::!.xg3 28.l2:lxg3 ii.g4+ 29.g1 ii.xd1 30J:txd1 'i!Ve3+ 31.g2 .i.xd4 32 . .ii.xd4 'iixd4 26.l:f.e2 bxc3 27.l:txf2 cxb2.

CHAPITRE 3 : LE MANÈGE

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Andrey Sokolov, Alexei Shirov... Nous luttions pour la première place, mais notre meilleur résultat ne dépassa jamais la troisième.

26.•..txd4+ 27.@f3

Dix ans après, je me suis rendu à Gonfreville pour une session de simultanées et j'ai eu l'agréable surprise de voir une photographie de cette époque, montrant un jeune Bologan en train d'analyser la partie qui suit. 1.e4 c5 2.lbf3 lbc6 3.d4 cxd4 4.lbxd4 lbf6 5.tbc3 e5 6.lbdb5 d6 7 ..tg5 a6 8.lba3 b5

27 ... .tg4+! 28.e4 Ils auraient pu être mat au centre de l'échiquier: 28:.t>xg4 •hs+ 29.'iî.'f4 'iif5++. 28 ... .txd1 29.tb xd1 ..txb2 30.lbc4 'ir'g5 31.lbde3 'it'xg3 32.J:l.f1 J:l.f8 33 . .tdS+ @g7 Les Blancs abandonnent.

[O :1] N°15. V. Bologan - B. Redon France 1994 Défense Sicilienne [B33] Cette partie a été jouée dans le Championnat de France par équipes, contre le club de Gonfreville. A cette époque, j'appartenais à l'équipe de Belfort, dirigée par l'excellent organisateur Jean-Paul Touze, un homme qui pesait presque 200 kilos. Mais il est célèbre non seulement pour ses proportions, mais aussi pour ses bons tournois traditionnels de Belfort. J'ai joué avec le club local dans le Championnat Français en 1993 et 1994, et la première fois j'ai obtenu 9 points sur 9, le meilleur résultat de toute ma carrière. Notre équipe était très forte. En même temps participaient deux champions du Monde, Anatoly Evgenievich Karpov et Boris Vasilevich Spassky, ainsi que Jan Timman,

Quand la variante de Sveshnikov fit son apparition sur la scène échiquéenne au milieu des années 70, elle n'était pas considérée comme tout à fait correcte. Les classiques de l'époque estimaient que l'affaiblissement de la case d5 et la position erronnée de certaines pièces noires (concrètement, le Cavalier c6 ne prend pas part à la lutte pour la case d5) déterminent un net avantage des Blancs. Néanmoins le fait que cette variante n'ait pas trouvé de réfutation jusqu'à maintenant atteste qu'elle donne aux Noirs des avantages supérieurs à ceux qu'on indiquait alors. Les Blancs perdent beaucoup de temps à transférer leur Cavalier de d4 en a3, où il est très mal situé. Il existe ici principalement deux systèmes. L'un, avec des pions noirs doublés dans la colonne« f » (9. .txf6 gxf6). Les Noirs tentent alors de réaliser dès que possible le coup f6f5 et d'ouvrir le centre, el ils sont prêts en cas de nécessité à sacrifier du matériel afin d'activer leurs Fous el d'avancer leurs pions centraux. L'autre plan est plus classique : c'est celui qui a été joué dans cette partie. Les événements s'y déroulent plus tranquillement. Les Noirs obtiennent aussi l'avantage de la paire de Fous, mais leurs pions ne se doublent pas, et la rupture f7-f5 n'est plus aussi dangereuse. Les Blancs prennent donc plus tranquillement le contrôle du point d5. Bien sûr, l'idéal pour eux serait d'échanger les Fous de cases blanches, ce que les Noirs tentent évidemment d'éviter à tout prix. Les Blancs peuvent aussi attaquer le pion d6 ou celui de b5 grâce à a4, el parfois grâce à c4.

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CHAPITRE 3 : LE MANÈGE

9.Q\d5 .te7 10.�xf6 .txf6 11.c3 0-0 12.Q\c2 :bs 13.a31

19.h4 Dans cette position, la célèbre règle stipulant qu'une attaque avec des Fous de couleurs opposées est très puissante s'applique totalement. 19..te4 �g7 20.g4 f5 21.gxfS (21.�g2 e4 22.gxf5 .l:.xf5) 21...gxfS 22.�g2 Q\g6oo, avec l'idée de b4. 19....tg7

Comme pour de nombreuses autres de mes provenant nouveautés « Informateurs», c'est Zigurds Lanka qui est à l'origine de celle-ci. L'idée principale du coup consiste à demander aux Noirs ce qu'ils veulent. S'ils projettent de jouer a5, a3 constitue un coup prophylactique fructueux, et le pion b5 s'en trouvera affaibli. Si les Noirs ne font pas le coup a6-a5, les Blancs peuvent jouer Q\cb4 et, en cas d'échange des Cavaliers, prendre en b4 avec le pion « a ». 13...a5 La première partie jouée avec ce coup s'est poursuivie ainsi : 13....tg5 14.h4 .th6 15.g3 .te6 16.4.Jcb4 �xd5 17.Q\xd5 a5 18.b4 a4 19.�h3, avec un avantage pour les Blancs (Lanka - Laduguie, Cannes 1992). 14.�d3 .te6 15.'ii'e2 .txd5 16.exd5 4.Je717.00-0! 'ii'b6 Les Noirs sont obligés de jouer b5-b4, mais il est pour le moment très difficile de réaliser cette rupture. Si 17... Q\xd5 18 . .txh7+ (18.'ii'e4 .tg5+) 18...1bh7 19.:xd5±. 18.e? 29.lèid4! 26J1dh31 [26.fxg6 l:l.f6]. 26...gxf5 Une très forte attaque des Blancs se serait abattue sur le jeu si 26... lèixf5 27.'ifxg6 .C.f6 28.'ifg5 'ifb7 29.l:l.h? (29.4'.le3 lt'.lxe3 30.fxe3 b4 31.l:l.hB+ 'it>fl) 29...b4 (29...'�gB 30.'ll.1h5 l:l.bfB 31.Wg4 We7 32.':.hB+ 'it>fl 33.l:l.xfB+ 'ifxfB 34.rl.xf5+) 30.axb4 axb4 31.lèixb4.

27 ... b4 La seule action possible pour les Noirs. Sinon, l'avancée des Blancs se serait déroulée sans difficultés majeures. Par exemple : A) 27 ...l:U6 28.rl.h8+ .i.xh8 29Jbh8+ 'it>g7 30.'ifxe?+ 1:1f7 31.'iih4! (on pouvait également jouer 31.':.hl+ Wxhl 32.Wxfl+ 'it>hB 33.'iff6+) 31 .. J:txh8 32.lt'.le6+ g8 33.'ifg5+ �h7 34.'ifh5+ 'it>g8 35.'ifg6+ l:l.g7 36.'ii'xg?++. 8) 27...lèig8 28.l:l.g1 b4 29.lt'.lc6 l:!.e8 30.'i!ixd6+ l;!.ee7 31.l:l.h8!! .i.xh8 32.l:!.xg8+ 'it>xg8 33.lt'.lxe?+. 28.lèic6 bxc3 Les autres options mènent rapidement au mat : A) 28...lt'.lxc6 29.l:l.h8+ .i.xh8 30.I!.xh8+ @g7 3U!t'h6++. 8) 28...'ii'c? 29.lèixe? Wxe7 30Jlh8+ .bh8 31.l:!.xh8+ 'it>g7 32.'ifh6++. 29Jih8+ On aurait pu annoncer ici : mat en sept coups. 29 ... .txh8 30Jbh8+ lèig8 31.'ii'h6+! l:lg7 32.'i!i'xd6+ �f7 33.'iie6+ Wf8 34.l:txg8+1 Les Noirs abandonnent à cause de 34 ... I!.xg8 35.'i!ie?++. (1 :O]

MORALITÉS: 1) Il existe des situations où il convient de conserver une mesure d'attente, et de donner

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CHAPITRE 3 : LE MANÈGE

Mark Dvoretzky (à droite), avec ses éléves Victor Bologan (à gauche) et Vadim Zvjaginsev. Moscou, 2001.

à son rival la possibilité de choisir où placer ses pièces. Le coup 13.a3 est précisément un coup d'attente, qui empêche l'adversaire de réaliser facilement l'avancée b5-b4. 2) On sait bien que l'attaque avec des Fous de couleurs opposées est très puissante, puisque l'adversaire ne peut contrecarrer le Fou qui attaque. C'est pourquoi dans ce genre de situations le camp qui lance l'attaque le premier a généralement l'avantage. 3) Dans la Défense Sicilienne les événements se déroulent souvent coup par coup. Outre un bon calcul des variantes, il est nécessaire de savoir utiliser le plus de pièces possibles pour attaquer (évidemment. .. le mieux est de les utiliser toutes !). C'est seulement ainsi qu'on peut faire pencher la balance en sa faveur. Au cours de ma deuxième année de doctorat, en automne 1994, j'ai déménagé dans un appartement que j'avais loué dans la zone de Stroguino, située au nord-ouest de Moscou, face au célèbre « Serebreny Bor » 11>, et littéralement entourée d'espaces verts. C'est l'un des rares endroits de Moscou où il soit

permis de se baigner dans la Moskova. En un mot, c'est une station balnéaire à l'intérieur de cette grande ville. En réalité, je déménageai surtout pour vivre plus près de chez Dvoretzky. Je louai précisément un appartement qui appartenait à des amis à lui. On peut y nager en été, y courir au printemps et en automne, et y skier en hiver. « Sheremetievo Il » 12> se trouve à vingt minutes. De quoi d'autre un joueur d'échecs pourrait-il avoir besoin ? D'un objectif ! Je manquai longtemps de cet élément indis­ pensable à tout professionnel. En quelques mots, je connus cet automne-là un net déclin. Je fus victime d'une chute échiquéenne de plus. Tout commença un jour où, très enrhumé, je m'en fus jouer le Championnat Roumain. « T rès professionnel ! » J'eus la mauvaise surprise d'y perdre 40 points, et je mis deux longues années à repasser la barre des 2600. Les Olympiades d'échecs de 1994 avaient lieu à Moscou, en décembre. On peut affirmer maintenant que ce fut une époque très confuse dans l'histoire de la Russie. Une année

CHAPITRE 3 : LE MANÈGE seulement s'était écoulée depuis le coup d'octobre 1993 _ Et une semaine depuis la première « campagne » tchétchène. La privatisation frauduleuse des biens du peuple (fruit du travail de plusieurs générations de Soviétiques) s'intensifiait sans cesse. De toutes parts se développaient d'un même élan les pyramides financières (d'ailleurs, l'une d'elles, la compagnie « Hoper-invest » qui vivait littéralement ses derniers instants, en vint à financer les Olympiades d'échecs). Dans ce contexte, il semblait très étrange de décider de mener à bien des Olympiades à Moscou. Mais on n'y pouvait rien, la politique avait déjà fait irruption dans le monde des échecs. Généralement, au début des Olympiades, la sélection de Moldavie joue de manière acceptable (lors d'une précédente édition nous n'avons pas perdu un seul match au cours des sept premières rondes), mais, la fin approchant, nous finissons d'habitude dans les quarantièmes. Mais nous réussîmes à vaincre l'équipe des États-Unis. Ce fut dans la sixième ronde (en partie grâce à ma victoire au premier échiquier), et ce fut l'un des plus grands succès de la sélection de Moldavie, toutes Olympiades confondues.

N° 16 J. Benjamin -V. Bologan Moscou (Russie) 011994 Partie Anglaise [A24] 1.c4 lt:'if6 2.lbc3 g6 3.g3 �g7 4.�g2 0-0 5.lt:'if3 d6 6.0-0 a6!? 7.d3 Avec le coup 7.d4 les Blancs auraient pu faire dévier le jeu vers la Défense Est-Indienne, mais ils ont décidé de choisir le schéma caractéristique de la Partie Anglaise. 7... e5 Les Noirs pouvaient envisager un autre plan basé sur c7-c6 et b7-b5, par exemple: 7...c6 8.lfü1 b5 9.cxb5 axb5 10.b4 lt:'ifd7 1H!fc2 lt:'ib6 12.a3 lt:'ia4 13.lt:'ixa4 :xa4 14.lt:'id2 �d7

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15.�b2 �xb2 16.'ilt"xb2 lba6oo (Savanovic Fedorov, Jahorina 2003). 8.J:!.b1 h6!? Selon la recommandation de Lanka. Le coup 8...h6 est multi-fonction. Avant tout, les Noirs empêchent la manoeuvre �g5xf6, où les Blancs échangent leur Fou afin de renforcer le contrôle qu'ils exercent sur la diagonale h1a8. De plus, les Noirs souhaitent retirer leur Cavalier en h5 et préparer f7-f5, g6-g5, f5-f4, etc.

9.b4 lt:'ih5!? Dans une partie ultérieure je jouai 9...�e6 et égalisai le jeu, sûr de moi : 1O.lt:'id2 c6 11.a4 d5 12.b5 axb5 13.axb5 lt:'ibd7 14.bxc6 bxc6 15.cxd5 cxd5 16.e4 lbc5 (Simonovic Bologan, Ulcinj 1997). 10.e3!? �e6 Les Noirs préparent c7-c6 et d6-d5, pour répliquer à l'attaque sur l'aile par un coup au centre. L'aventureux 10 ...f5?! peut être réfuté par 11.d4 e4? 12.lt:'ih4 @h7 13.lt:'ixe4! �xe4 14.�xe4 lt:'if6 15.�xg6+ �g8 16...tc2. 11.�b2 [11.a4 lt:'id7 12.lt:'id2 :b8]. 11...lt:'id7 12.'ife2 c6 13.a4 d5

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CHAPITRE 3 : LE MANÈGE

Dans ce genre de position on considère en général que le premier qui mettra son plan à exécution (les Blancs b4-b5 ou les Noirs d6d5) s'emparera de l'initiative. 14.tbd2 Après ce coup les Noirs n'ont plus besoin de lancer l'attaque sur l'aile, ils n'ont plus qu'à revenir avec leur Cavalier et défendre leurs précieuses cases centrales.

1 8 ... b xc6 19. ltice4 ltixe4 20. ltixe4 'iie7 21.exd4 Il est douteux d'amener le Cavalier en d6 21.c5 l:ia6 (21 ...:a2 22.ltid6 '1:.b8 23.exd4 exd4 24. ..i.xc6 ltixc5) 22.lbd6 .l;tea8. 21...exd4 22.J:la1 ..i.f5 23.'ii'c2 h51

14...lbhf6! Si 14...d4?! 15.exd4 exd4 16.lbce4±. 15.b5 À 15.e4 aurait suivi une réaction typique de la Défense Est-Indienne : 15...dxc4 16.dxc4 a5! 17.b5 l:ie8 (avec l'idée de jouer ..i.f8), et la prise du contrôle de la case c5. 15... axb5 16.axb5 J:le8 16...lüc5!? était probablement plus exact, et aurait immédiatement amené les Blancs à se poser des questions. 17JHc1 Dans son commentaire de la partie pour Chess Base, Sergey Dolmatov a proposé 17.bxc6!?, ce qui était, semble-t-il, plus fort : 17...bxc6 18.cxd5 cxd5 19.ltib5 'ii'b8 (19...'ii'b6 20...i.a3) 20 . ..i.a3 ..i.f8 21.llld4 (21.ltid6 .l:Cxa3) 21...'ifa? 22...i.xf8 ltixf8 23.ltic6. 17...d4 Bien sûr, ce coup affaiblit la diagonale blanche, mais à cause de l'affrontement entre la Dame e2 et la Tour e8 les Blancs ne parviennent pas à profiter de cette faiblesse. [17 ...'ife7?! 18.bxc6 b xc6 19.cxd5 cxd5 20.ltib5;tJ. 18.bxc6 [18.ltice4!?].

Je pense que la position des Noirs est plus agréable : leurs pièces sont actives, ils ont plus d'espace, et les Blancs voient leur Fou limité en b2. En plus, la faiblesse du pion d3 peut dans certains cas se manifester. 24J!e1?! Il aurait fallu empêcher le coup suivant des Noirs en jouant 24.h3!? ou même 24.h4!? 24 ...h4 25..l:!.xa8 .l:!.xa8 26 ...i.c1 L'échange de Tours 26.l:!.a1 i:xa1+ 27...i.xa1 h3 28...i.h1 'ii'b4 est clairement favorable aux Noirs. Si 26.gxh4!? ils peuvent prendre leur temps pour gagner le pion et renforcer simplement leur position au moyen de 26...ltic5 (26... 'ifxh4 27.ltig3). 26... h3 27. ..i.h1 'ii'b4 28 ...i.d2 'ifa4 29.'ifxa4 .:xa4 Ce fut plus ou moins à ce moment-là que nous nous retrouvâmes tous deux en intense zeitnot. Il faut souligner qu'après l'échange des Dames l'avantage des Noirs s'accroît : le pion d3 devient plus sensible, et le Roi commence à se sentir assez mal à l'aise en g1, avec le pion

CHAPITRE 3 : LE MANÈGE

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noir en h3.

33...ltJb3

30.f41?

33...toa4 est mieux (avec l'idée de ltJc3, d3d2) 34...i.f3 toc3 3S.l:!.f1 d3 36...i.e3 ..i.f8. Mais, comme je l'ai dit plus haut, nous étions tous deux en plein zeitnot.

Qui prépare ltJf2. 30...l:r.a2 31.il..c1

34 ..i.f3 ..i.f8 Une erreur de zeitnot, 34...l:.c2 35...i.a3 .l:l.xc4 était gagnant. 35.f5 toxc1 36J:txc1 ..th6 37.l:id1 ..te3+ 38.@h1 l:r.c2?? Ils laissent échapper la victoire, il fallait jouer 38 ...gxfS 39.exfS es 40...i.g4 'it.>g7 41 ...i.xh3 �f6 42 ...i.g2 @es 43...tf1 ( 43.'I:.t1 f6 et d3-+ ; 43.g4 f6, suivi de '.t>f4-+) 43...@xfS 44 ...i.d3+ Wg4.

Le Cavalier e4 est très fort, c'est pourquoi il est nécessaire de l'échanger. 31.....txe4! 32.dxe4?!

39.fxg6 fxg6 40. ..tg4 @g7 41.i..xh3 41.e5!? menait plus simplement à la nulle.

Après 32.il..xe4, 32...ltJc5 est désagréable, par exemple: A) 33.f5!? ltJxe4 34Jhe4 l:r.a1 35..::t.e1 il..h6 36 ...i.d2 ..te3+ 3 7.e5 44.'.t>xh3 @f4 45.@g2 'it.>e3+. 8) 33 ...txc6 ltJxd3 34J:td1 et ensuite : 81) 34 ...ltJxc1 35Jbc1 d3 36.l:.d1 ..i.d4+ 37.@f1 ! l:.xh2 38.l:txd3=. 82) 34...J:.a1 35.l:!.xd3 l:!.xc1+ 36.�f2 I!xc4 37...td5 l:!.c2+ 38.'it.>g1 ..tf8+. 83) 34...toc5! 35...i.f3 f5, avec l'idée de lL\e4 et l:[c2. 32 ...ltJc5 33J'!d1 Il était intéressant d'envisager 33.e5 lùd3 34.l:[f1 c5 35...te4.

Le zeitnot était fini et la position était objectivement équilibrée. A ce moment, Mark lzraflevich Dvoretzky entrait dans la salle. Boris Gulko s'approcha de lui, et ils commencèrent à analyser ma position. Dvoretzky dit : « Victor va probablement gagner ». « Comment ? s'étonna Gulko. C'est une position de nulle ! ». « Mais les Noirs ont l'initiative. De plus, nous avons beaucoup étudié les finales avec des Fous de couleurs opposées ». Et mon entraîneur avait raison ! Je pense que l'avantage matériel de Benjamin (un joueur qui possède une très bonne technique) lui a

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CHAPITRE 3 : LE MANÈGE

joué un mauvais tour. Il est clair qu'avec un Roi enfermé en h 1 les Blancs ne peuvent penser à la victoire, mais doivent s'efforcer d'obtenir la nulle. 41 ...Wf6!? [41....:txc4 42.e5 lk2 43.e6 ..tg5 44JU1=]. 42...tf1 'ïf.?e5 43 ...td3 .!:ta2 44.h4?? Une erreur qui coûte un demi-point. La case g3 est maintenant complètement affaiblie, et même s'ils ne voient pas comment la rejoindre ensuite, les Noirs peuvent tisser peu à peu un réseau de mat. Après le simple 44.h3 je ne vois pas comment renforcer la position des Noirs, par exemple 44...c5 45...tb1 l:tb2 46...td3 'iîi'e6 47. ..tb1 g5 48...td3 g4 49.hxg4 .t>f6 50.e5+ (5D. ..tf1 'iîi'g5 51 . ..th3) 50 ...wxe5 51.l:m J:f.d2 52..:tf5+ We6 53...tf1=. 44...cs 45. ..tb1 lïb2 46..id3 .!:tf2! Le plan des Noirs est déjà connu, mais il leur faut le préparer. Il est prématuré de jouer 46...g5?! 47.hxg5 ..txg5 48.'iîi'g1 ..te3+ 49.f1 llf2+ 50.d4 55.Wf3 ..th6 56.g5 ..txg5 57..t>g4 f1. Maintenant la question est de savoir si les Noirs pourront conserver le pion e4. 16.i.g2 i.f6

17...i.xa1

18.lùxd6+ Wf8 18...'it>e7 19.lùxf5+ 'ii?f8 20.0-0 est perdant, par exemple : 20...i.f6 21.g5 i.xg5 22.lùd4 lùc5 23.b4 lZ'ibd7 24.bxc5 lùxc5 25.f3 i.xe3+ 26.'ikxe3 �98 27.fxe4 96 28.e5 'it>g7 29.e6 .:l.f8 30.'ife5+ Wg8 31 JM8+ 'ii'xf8 32.e7 'iff7 33.d6. 19.0-0 Un roque au 19éme coup dans une position très pointue ! Pour que mes élèves ne me disent pas ensuite : « Il nous enseigne à développer les pièces, et il ne roque même pas ! » Oui, les Blancs n'ont qu'une Tour, et les Noirs deux. Mais après la rupture f2-f3, ma Tour pourra jouer, et il est très difficile de prévoir comment les Noirs vont pouvoir jouer ensuite. Bien sûr, il ne fallait pas livrer le Cavalier d6 contre la Tour c8. 19... i.eS Si 19... i.f6 on peut envisager ainsi le cours des événements : 20.g5! et les Blancs ont un net avantage. Observons

17.lùb5!1

A) 20...i.e5 21.lùxf5 96 22.f4! exf3 (22...gxf5 23.fxe5 tbxe5 24.rtxf5+ tbfl 25. ffih5 �cl 26.g6+-) 23.'it'xf3 gxf5 24.'i!Vxf5 i.f6 25.gxffi+-.

L'alternative17.l:l.c1 était favorable aux Noirs:

B) 20 ... i.xg5 21.'ifh5 96 22.'ikxg5 'ifxg5 23.i.xg5 J:tb8 24.f3 exf3 25.i.xf3 lùc8 (25...tbe5 26.i.f6 tbxf3+ 27.J:txf3 J:tg8 28 . .l:e3 tbdl 29.i.d4+-) 26.lùb5 si;f? 27.i.f4 J:te8 28.i.xb8 lùxb8 29.c5±.

A) 17...lùe5 18.0-0 lùd3 19.l:l.c2 lùb4 20.J:tcc1

20.lùxf51

Un sacrifice positionne! de Tour, pas très compliqué, mais très joli.

(20.gxf5 tbxc2 21."iixc2 i.xc3 22."iixc3 0-0) 20...lùd3=.

B) 17... i.xc3+ 18.1itxc3 lùxd5 19.l:l.c1 lùxe3

[20.lùxc8 lùxc8 21.gxf5+]. 20... hS?

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CHAPITRE 3 : LE MANÈGE Les Noirs disposaient de meilleures options

23 ...tl:lf6

A) Il n'est pas intéressant non plus de jouer 20...g8 21.f4 exf3 22.'ifxf3 h6 23.d6 i.f6 24.tbe?+ �f8 25.'ifxb7 J:l.b8 26.'ii'e4+-.

23...i.f6 24.g5 i.xg5 25.tl:le?+, qui l'emporte.

B) La meilleure occasion des Noirs était 20...96, après quoi les Blancs devaient attaquer avec beaucoup de précision: 21.tl:ld4 .t.xd4 [21 ... 'iff6 22.tl:le6+ (22.f3!?) 22...�gB 23.f3 exf3 24.J:l.xf3�] 22.i.xd4 �f7 [22...J:l.gB 23.f4 J:l.g7 24.'ilxe4 'iie7 (24...1:lel!?) 25.i.xgl+ •xg7 26.f5+-] 23.f4 .I;Ie8 24.f5 g5 25.f6 tl:lf8 26.'ii'e3 h6 27.h4 tl:lh7 (les Blancs gagnent très joliment après 27...'iidl 2a.r:us tl:lh7 29.i.xe4

�c4 30.bxc4 1:.xc4 31.hxg5 tl:lxg5 32.r!xg5! hxg5 33.i.g6+! Wxg6 34.'iid3+) 28.i.xe4+-. 21.f4

Toutes les pièces blanches prennent part à rattaque. Elles ne sont pas aussi nombreuses que celles des Noirs, mais assez pour donner le mat.

21 ... exf3

[21...i.f6 22.g5 96 23.tl:lh4+-]. 22.'ii'xf3 �98 Si 22 ...'ii'f6 23.g5 'ii'f7 24.'ii'e4�. 23.d6 Le Blancs commencent à tisser leur toile d'araignée, leur réseau de mat.

24.g5

Raj abandonne à cause de 24 ... tl:lbd7 25.tl:le?+ Wf7 (25...�fB 26.tl:lg6+) 26.'ii'd5+. [1 :0) MORALITÉS: 1) Une erreur dans l'ouverture peut infléchir le développement de toute la partie. Il est nécessaire d'aborder très sérieusement le thème de la détermination de la structure de pions. Les Noirs prennent une mauvaise décision car les Blancs peuvent renforcer subitement leur position sur l'aile-Dame, et ils le font même en gagnant un temps (10 ... e5). 2) Souvent, quand les Noirs ont la paire de pions e5-f5, il est logique de lutter pour les cases contrôlées par ces pions. C'est avec cet objectif que les Blancs jouent f4 ou g4, afin d'obliger le pion attaqué à avancer, et de lui faire perdre le contrôle de la case d4 ou e4 (15.g4). 3) On peut réaliser certains sacrifices même sans calculer une grande quantité de varian­ tes. En échange de leur Tour sacrifiée, les Blancs obtiennent au minimum deux pions, et en outre toutes leurs pièces se joindront à l'attaque. Les Noirs devront perdre quelques temps pour retirer leur Fou de a1, leur Roi n'a pas de pions pour le défendre, et les pièces sont séparées les unes des autres. C'est pourquoi on peut sacrifier la Tour sans délai (17.tl:lb5!). À mon retour à Chisinau je me sentais comme une plante qu'on ne peut repiquer sur un nouveau terrain. En quelques mots, je tins deux mois. Je fus presque étouffé par le provincialisme local. J'ai toujours aimé Chisinau, et je continue à le faire, mais il me semble qu'après le démembrement de l'Union Soviétique, la ville et ses habitants ont

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CHAPITRE 3 : LE MANÈGE

beaucoup perdu. Je me sentais mal à l'aise. Et c'est seulement après être retourné dans le froid moscovite en août 1996 que je pus respirer à pleins poumons. Et, preuve que j'avais pris une bonne décision en revenant à Moscou, mon jeu fit un décollage net et immédiat en septembre, à Genève, lors du Grand Prix. Après avoir miraculeusement franchi les éliminatoires, je parvins à vaincre Chemin et à me qualifier pour les Quarts de Finale. Mais face à Anand, le futur vainqueur, je me retrouvai sans forces. Je ne veux pas accuser Viswanathan, que je respecte énormément, de quoi que ce soit, mais j'aimerais partager certaines impressions curieuses que je ressentis en jouant ce match contre lui. Dans la première partie, après une petite lutte tactique lors d'une finale compliquée, nous nous trouvâmes dans une position de nulle avec Fous de couleurs opposées et Tours. Vishy, qui ne voyait rien de mieux à faire, offrit d'échanger les Tours et m'observa, comme s'il proposait la nulle. Je déclinai la nulle, et cinq coups après, j'étais déjà prêt à me rendre. Je jouai la seconde partie avec les Blancs, et parvins même à obtenir une certaine supériorité. Mais, comme si j'avais été hypnotisé, je ne pus m'obliger à réaliser aucun coup sur l'échiquier durant presque 20 minutes (avec un contrôle de 25 minutes pour toute la partie). D'ailleurs, je me retrouvai dans cet état en rejouant contre Anand à New Delhi en 2000. Je m'obligeai alors, dans la première partie - face à la menace de perdre par chute du drapeau - à proposer la nulle dans une position supérieure. ...À Moscou, je commençai par m'installer chez Mikhaïl Pleshkov, un ami de l'Institut, et ce n'est qu'à la fin de l'année que je retournai à Stroguino, où je retrouvai le même appartement et le même rythme de vie. NOTES: (1) « Serebreny Bor » est une île située à l'intérieur de Moscou, où se trouvent les maisons des personnes qui détiennent le

pouvoir, ou qui sont simplement très riches. En hiver, j'y fais du ski. (2) « Sheremetievo Il » est l'aéroport international de Moscou, le point de départ de tous les joueurs d'échecs soviétiques ambitieux. (3) Le coup d'octobre 1993 fut une des tentatives de coups d'État en Russie, qui fit plusieurs centaines de morts. (4) Au début, la privatisation en Russie consistait à faire passer des biens qui, selon la Constitution de l'URSS, étaient considérés comme appartenant au peuple, aux mains des anciens dirigeants du Parti et de leurs alliés, qui devinrent en peu de temps d'importants « entrepreneurs ». (5) Les pyramides financières constituaient un type d'escroquerie probablement oublié en Occident, mais qui y est précisément né au XIXème siècle, à l'époque du « capitalisme sauvage». (6) EEG signifie électroencéphalogramme, et constitue le résultat de l'étude de l'activité électrique du cortex cérébral. (7) La PCA était l'association Professionnelle d'échecs (1993-1996). Elle organisa le match du Championnat du Monde entre Kasparov et Short (1993) et le cycle des éliminatoires pour le Championnat du Monde (1993-1995). Son initiative la plus notable fut l'organisation du Grand Prix d'échecs rapides avec des prix considérables, dans les années 1994-1996. Son principal promoteur et organisateur fut Garry Kasparov, et son principal sponsor, la compagnie« INTEL».

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CHAPITRE4:QUICHERCHETROUVE! On travaille souvent sans relever la tête, dans une direction concrète, et la vie passe très vite, sans s'arrêter. On ne vit pas, mais on laisse la vie suivre son cours, et sans parfois parvenir à y trouver simplement sa place. Mais je ne parle pas ici de moi. Ma femme se plaint souvent, elle dit que son mari aime beaucoup changer d'opinion, parfois sans crier gare. C'est sûrement la faute de la manière de penser échiquéenne, quand l'ordinateur du cerveau est sans arrêt à la recherche de la solution parfaite. Dans l'un de ces moments de recherche, durant l'Open de New Y ork de 1997, je considérai ainsi qu'il était possible et tout à f ait logique d'abandonner les échecs, d'accepter la proposition de Maxim Dlugy, et de commencer à travailler dans la compagnie qu'il dirigeait dans la Bourse de Valeurs russe. Le « Fonds Russe de Développement » acquérait les actions d'entreprises russes et se consacrait à l'élaboration de portefeuilles d'investissements pour des entrepreneurs occidentaux. J'avais l'impression que cette idée avait de très bonnes perspectives financières, et j'étais également très fatigué · de tous ces voyages, inévitables dans la vie d'un sportif professionnel. Et je décidai d'abandonner définitivement l'arène échiquéenne après mon triomphe à l'Open de New York. Dans la dernière ronde, décisive, le sort me désigna pour adversaire Vadim Zvjaginsev, qui avait un demi-point de moins. Krasenkow et moi avions 7 sur 8, et Zvjaginsev et Morozevich 6,5. Comme je jouais avec les Noirs, il était clair qu'une lutte sans merci m'attendait ou, plus exactement, une désagréable défense. Mais en Amérique les tournois sont organisés sur le principe d'un vainqueur qui remporte tout. Le premier prix était de 12.000 dollars, le second de 6.000, et le troisième de 3.000.

Dans ce tournoi, nous devions jouer deux parties par jour, c'est pourquoi il était très important de savoir où et comment manger. Mark lzrailevich Dvoretzky, Maxim Dlugy, d'autres amis et moi-même allions dans la 46ème rue de Manhattan, connue pour ses restaurants européens. Les cuisines espagnole, italienne, française, nous apportaient la chaleur familière dont nous avions besoin pour recouvrer notre état psychique. Avant la partie décisive de la dernière ronde, je pris une décision peu sportive : j'allai avec tout ce groupe d'amis dans un coûteux restaurant italien. Je commandai du poisson, et cela aurait été un péché de refuser un (assez grand) verre d'exquis vin blanc. Je parvins ainsi à mettre de côté le stress causé par la fatigue, et je me rendis à la partie dans un état d'esprit tranquille et équilibré.

N°22. V. Zvjaginsev - V. Bologan New York (USA) 1997 Défense Slave [D15] 1.d4 Ce coup préparait une Défense Est-Indienne et un combat délicat et compliqué s'annonçait. Mais je décidai de jouer d'une manière plus sûre, afin de conserver le résultat dont j'avais besoin. Je n'imaginais pas que Misha Krasenkow allait gagner face à Morozevich. 1 ... d5 2.c4 c6 3.lt:lc3 lt'if6 4.lt'if3 a6 La solide variante de Chebanenko. 5.h31? Surprise ! Vadim Zvjaginsev est un joueur d'échecs très original, surtout dans l'ouverture,

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CHAPITRE 4 : QUI CHERCHE TROUVE 1

dans laquelle il essaie de surprendre son adversaire et crée un jeu peu habituel dès les premiers coups.

Les Blancs, de leur côté, peuvent placer un Cavalier en e5, et dans le cas où a2-a4 b5-b4 serait joué, amener l'autre en b3.

5...b5

11.a41

C'est déjà une nouveauté. Les Noirs avaient déjà joué 5...dxc4 auparavant dans plusieurs parties.

Une idée standard.

6.cxd5 cxd5 7.i.f4 Le moment le plus intéressant du plan commença avec 5.h3. Les Blancs prennent leur temps pour réaliser Je coup e2-e3, et ils ont maintenant la possibilité de développer leur Fou dans une position active, contrairement aux variantes communes dans lesquelles les Noirs jouent b7-b5. 7...e6 8.e3 il.b7 Je n'aimais pas la position qui apparaît après l'échange des Fous de cases noires : 8....1i.d6 9.il.xd6 'ii'xd6 10.lt'ie5. 9.i.d3 il.e7 10.0-0 0-0

11... b412.lt'ib1 lt'ic6! La meilleure place pour le Cavalier est a5, d'où il prend le contrôle des importants points c4 et b3. 13.lt'ibd2 lt'ia5 14.'ii'e2 Qui condamne la Tour noire à défendre le pion a6. 14...'ii'b6 14 ... lt'ie4?! 15.:t.ac1 lt'ixd2 16.lt'ixd2 .i.d6 (16...i.c6 17.lt'ib3! lt'ixb3 18.%:.xc6±) 17.il.xd6 'ii'xd6 18Jk5 'ii'b6 19.'ii'h5 h6 (19...g6 20."ilh6, suivi de lt'if3-g5) 20.g4, avec une attaque. 15..i.g5 h6?! Un coup douteux, il était inutile d'affaiblir la diagonale b1-h7. Il vaut mieux jouer 15...l:tfc8 16.lt'ie5 'ii'd8 et ensuite A) 17.i.xf6 i.xf6 18.f4 (18.il.xhl+ h8 33.hxg5 hxg4 34.'i!fh6+ 'it>g8 35.'ii'e6+ 'it>f8 36.'iff5+ :.f7. 30...hxg4 31.l:ïf6 31 J:!xf7 :.xf7 32.'ifxg6+ .tr.g7 33.'ii'e6+ 'it>f8 34.'i'f5+ :.f7. 31...'ii'dS Le pion g5 est sçins défense, les pièces blanches ont peu de mobilité, le Roi est faible. 32..l:tf4 'ifxg5 33.g3 .i.f31 34.'i!fh2 f5 Et ici Vadim abandonne. (0 :1]

C'est ainsi que je gagnai le plus grand prix de ma vie jusqu'à aujourd'hui. Avec mes amis, nous allâmes au restaurant, et montâmes ensuite sur le toit d'un gratte-ciel. Je regardai en bas, vers les rues de la ville, et dans ma tête j'entendais la chanson « New York, New York»! Bien sûr, il n'était pas simple d'abandonner le travail auquel j'avais consacré quinze ans de vie. Je consultai beaucoup de gens, discutai, évaluai la situation. Et je fis en fin de compte mes adieux aux échecs. Il est vrai que j'avais encore certaines obligations, et c'est pourquoi je jouai quelques tournois de plus, y compris le Championnat Open des Forces Armées de Russie, à Sébastopol. Je devais commencer mon travail en juillet, et en juin je décidai d'aller à la mer, pour me reposer un peu et jouer aux échecs. Sébastopol a été une ville très importante dans ma vie. C'est là que mon père et mon oncle Misha ont fait leur service militaire, là que sont nées ma femme et ma fille. J'ai aussi connu ma femme à Sébastopol. J'y possède maintenant une maison de campagne, à Fiaient . Et la ville elle-même me plaît beaucoup

MORALITÉS: 1) L'une des méthodes les plus efficaces pour lutter contre les pions a6 et b5 est de provoquer la réponse b5-b4, au moyen de a2a4, et après avoir amené son Cavalier en b3, de s'efforcer d'utiliser la faiblesse des cases a5 et c5 (et si a6-a5, la faiblesse du point b5). 2) Quand l'adversaire a un avantage positionne! et se dispose à commencer l'attaque, il est important de ne pas désespérer et de s'efforcer de trouver une défense plus solide. Ici, cette défense a abouti grâce au coup multi-fonction 19 .. ..lk7! 3) Souvent, le joueur d'échecs qui domine durant toute la partie ne parvient pas à changer d'état d'esprit quand son avantage part en

N°23. A. Vizhmanavin - V. Bologan Sébastopol (Ukraine) 1997 Défense Est-Indienne [E81] 1.d4 lt:lf6 2.c4 g6 3.lt:lc3 .i.g7 4.e4 d6 5.f3 Ce fut l'un des derniers tournois sérieux d'Alexei V izhmanavin. Il tenta ensuite de revenir une fois de plus aux échecs, mais il avait déjà alors une conception peu adéquate de la vie, il était déçu par le sens qu'elle avait. Il divorça et sa dépression commença... Alexei et moi, nous étions voisins à Stroguino, nous étions souvent en contact, nous allions

CHAPITRE4:QUICHERCHETROUVE! ensemble aux tournois, jouions au tennis et faisions des parties rapides. Après avoir abandonné les échecs, Vizhmanavin n'a vécu que trois ans, et nous l'avons enterré dans l'hiver 2001 ... C'était un véritable autodidacte, qui avait beaucoup de talent, mais il ne parvenait pas à s'adapter aux désagréments du destin et au stress.

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Groningen 1998). 10.it.xd4 lt'le5 Ou bien 1 O ...b6 11 ..i.e2 .i.b7 12.0-0 J:.c8 13..l:!.ac1 e6 14 . .i.e3 lZ'le8 15.b4 f5 16.l:l.fd1 l:f7 (Stryjecki - Blehm, Varsovie 2002). 11.it.e2

Quand nous avons joué cette partie, personne ne se doutait, bien sûr, de cette triste fin. Alexei joua sa chère variante Saemisch de la Défense Est-Indienne, contre laquelle j'utilisai le schéma préconisé par Lanka. Dans les commentaires des variantes, je cite des parties d'élèves de Lanka : Socko, Blehm et Kachiani, ce qui signifie que Zigurds pratique encore ce système de nos jours. 5...0-0 6..i.e3 a6 Le plan des Noirs consiste à faire pression au centre et sur l'aile-Dame de leur adversaire, au moyen de a6, lt'lbd7, c5 et b5. Le coup 6...a6 est très astucieux, et c'est ainsi que Kasparov lui-même a joué face à Beliavsky (Moscou 1983). Il est intéressant d'observer qu'en 1992, à Manille, Kasparov joua cette position avec les Blancs contre Loginov. Les deux parties virent le triomphe de l'ex-champion du Monde. Les Noirs tentent d'obliger leur adversaire à définir son plan plus rapidement, afin d'éviter certains schémas désagréables. 7.'ii'd2 lt'lbd7 8.lZ'lh3 Le Cavalier arrive ensuite en f2, les Blancs ne perdent pas de temps dans la manœuvre lZ'lg1e2-c1-d3. Bien sûr, en f2 le Cavalier n'est pas aussi bien placé, mais on gagne du temps dans le développement, et le Fou sort ensuite en e2. 8...c5 9.lt'lf2 cxd4 Il était possible de jouer 9...'ii'a5 10..i.e2 l:l.b8 11.dxc5 dxc5 12.0-0 b5 13.cxb5 axb5 14.a3 c4 15.a4 b4 16.lZ'lb5 l:td8 (Atalik - Socko,

11.l:k1 •as 12.b4 'ii'd8 13.lZ'la4 .i.e6 14.lt'lb6 .llb8 15..i.e2 lZ'lc6 16..i.e3 lt'lh5 17.lt'ld5! (Varga - Kachiani Gersinska, Basel 2002). 11...'ilt'aS Les Noirs cherchent tout simplement à mener leur développement à bien en jouant .i.e6 et :es, par exemple : 12.0-0 .i.e6 13.l:tfd1 lt'lxc4 14..bc4 .i.xc4 15.ltJd5 'ii'xd2 16.lZ'lxe7+ �h8 17.J:.xd2 l:l.fe8 18.lt'ld5 .i.xd5 19.exd5 l:tac8=.

12.f4!? Un coup très ambitieux. Les Blancs s'efforcent d'occuper l'espace et d'empêcher leur adversaire de disposer tranquillement ses forces. 12...lt'lc6 13..i.e3 l::!.b8 On ne voit pas comment les Blancs peuvent éviter la rupture b7-b5, et c'est pourquoi le coup f3-f4 n'était sûrement pas ce qu'il y avait de mieux à faire dans la lutte pour l'avantage. 14Jfo1

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CHAPITRE4:QUICHERCHETROUVE!

Une autre idée consiste à jouer 14.0-0 b5 15.cxbS axb5 16.b4!? lt:\xb4 17.lt:\xbS lt:\c6oo (ou 17....i.g4!? 18.lt:\xg4 lt:\xg4 19 ..i.d4 1:Z.xb5 20..i.xgl �xgl 21..i.xg4 :Z.c5=).

est légèrement inférieure, mais encore possible à tenir, bien sûr.

14...b5 Les Noirs réalisent un plan standard, tandis que les Blancs font des coups de première nécessité. Je pense que l'initiative est déjà du côté des Noirs. [14....i.d7 15.0-0 :Z.fc8t]. 15.b3!? C'est déjà une concession, il fallait passer à une finale équilibrée : 15.cxbS axb5 16.lt:\d5 (16.lt:\xb5 1:Z.xb5 17.J:!.xc6 "fixd2+ 18.i.xd2 1:Z.xb2) 16 ...fixd2+ 17..i.xd2 lt:\xd5 18..l:!.xc6 lt:\f6 19.0-0. 15...bxc4 16..i.xc4 .i.e6! Les Noirs mènent à bien leur développement et menacent de briser le centre. Il est clair que l'échange en e6 est avantageux pour les Noirs, puisque la colonne « f » s'ouvre et qu'ils prennent le contrôle de la case d5. 17 ..i.e2 [17..be6 fxe6 18.0-0 l:tfc8=]. 17....l:!.fdS Les Noirs préparent la rupture d6-d5, qui est très difficile à empêcher. 18..i.f3 Si 18.0-0 d5 19.exdS (19.e5 d4 20.exf6 dxe3 21. "fixe3 i.xf6+) 19 ... lt:\xdS 20.lt:\xdS fixd2 21..i.xd2 .i.xd5, et ensuite A) 22 . .i.xa6? .Ua8 23 ..i.b? .Uxa2 24 . .i.c3 (24 ..i.xc6 .i.xc6 2 5..!hc6 1:Z.dxd2 2 6.1:Z.cB+ i.f8-+) 24 ... lt:\d4 25 . .i.xd4 i.xd4 26 . .i.xdS 1:Z.xd5-+. B) 22.l:tfd1 lt:\d4 23 ..i.d3 la position des Blancs

18... d5! On pouvait aussi envisager 18...lt:\b4!? 19.0-0?! (19.lt:\a4 .i.dl 20.a3 lt:\c6 21.lt:\b6 "fixd2+ 22.@xd2 lt:\a5 23.:J.b1oo) 19 ... dS 20.eS lt:\e4 21..be4 dxe4 22."i!fb2 là:13 23.lt:\xd3 exd3+. 19.e5 Il y avait d'autres options A) 19.exd5 lt:\b4+. B) 19.lt:\xdS et ensuite : B1) 19 ... lt:\xdS 20.'ii'xaS (20.lhc6 .i.c3+) 20 ... lt:\xaS 21.exdS .i.xd5 22 . .i.xdS .:lxd5 23.@e2 lt:\b7 24.J:!.c6! 1:Z.d6 25..l:!.hc1±. B2) 19 ...lt:\b4! 20.lkS (20.0-0 .i.xd5 21.exd5 lt:\fxd5+) 20 ..."fka3 (20... "fixa2 21."fixa2 lbxa2 22.lt:\xel+ c;t;fB 23.lt:\c6) 21.0-0 .bd5 22.exdS fkxa2 23."fkxa2 lt:\xa2+. 19...d41 20 ..i.xc6 Après 20.exf6 dxe3 21.1Wxe3 .i.xf6 22 . .i.xc6 l:ibc8+ les Noirs récupèrent leur pièce et conservent tous les avantages de leur position. 20..Ji'b61 Comme cela arrive souvent dans les positions délicates, le facteur décisif est un coup

CHAPITRE 4 : QUI CHERCHE TROUVE !

' '

intermédiaire. Tous les joueurs d'échecs, même les plus forts, laissent échapper de temps en temps des coups intermédiaires, car c'est le moment le plus délicat du calcul. Quand on fait une combinaison, des menaces se créent, et l'attention diminue, même légèrement. Si 20 ... dxe3 2U!i'xe3 lt:\d5 22 ..i.xd5 .i.xd5 23.0-0 .i.a8 24.J:tfd1 !. 21 ..i.xd4 (21.lt:\cd1 dxe3 22.'ifxe3 lt:\h5 23.g3 J:tdc8+]. 21 ...l:l.xd4 22.lt:\a4 [22.'i'e3 J:te4]. 22...'i'a7 23.'i'e2 lt:\d5 Les Noirs obtiennent une forte initiative en échange de leur pion. Les Blancs ne parviennent pas à achever leur développement, car ils doivent repousser des menaces directes.

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Les Blancs ne peuvent éviter de perdre beaucoup de matériel. 27 ..txf5 [27.lt:\cd3 lt:\xd3+]. 27 ...gxf5 28.0-0 Si 28.lt:\cd3 lt:\xd3+ 29.lt:\xd3 .:txc1+ 30.lt:\xc1 l:te4-+. 28...l:txcS 29.a3 lt:\d3 30.'ilfe3 Les Blancs abandonnent.

[O :1] MORALITÉS: 1) Le meilleur plan des Noirs pour combattre les pions e4 et c4 est l'avancée b7-b5. Dès 13...J:!.b8 ce coup devient possible, et les Noirs parviennent à libérer leur jeu. 2) Après b7-b5 il est temps de penser à d6-d5. Les Noirs sont aussi parvenus à réaliser cette rupture. 3) Les coups intermédiaires jouent un rôle important dans le calcul des variantes, qui échappe souvent à notre attention. Alexei avait sans doute omis le coup intermédiaire 20...'i'b6!

24.g3 lt:\b4 25.lt:\c5? Un coup qui provoque de grands problèmes, il était nécessaire de jouer 25.0-0 lt:\xc6 26.l:!.xc6 a5! 25....i.f5 On gagnait aussi avec 25...J:tc8 26.lt:\xe6 fxe6. 26..i.e4 J:tc8

Au début, j'obtins 6 points en 6 parties, mais après ma défaite dans la septième ronde, je décidai de sécuriser mon jeu ; ainsi, c'est en obtenant la nulle dans les parties suivantes que je fus proclamé Champion des Forces Armées de Russie. Après le tournoi, nous montâmes à bord d'un avion militaire de transport, que nous avions attendu durant de nombreux jours, et nous nous rendîmes à Moscou. Nous nous installâmes à l'arrière de l'avion. Les passagers étaient presque morts de peur ; de plus, ceux qui se trouvaient à quinze mètres de nous, à l'avant de l'avion, suffoquaient de chaleur. A l'aube, nous atterrîmes à l'aéroport

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Vue panoramique de la baie de Sébastopol

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de Chkalovsk, dans les environs de Moscou, etje fus conduit avecAlexei Vizhmanavin dans un camion jusqu'à la gare ferroviaire la plus proche. À la station« Kursk » un policier nous arrêta ; il voulait nous demander un n,nseignement, sûrement comment se rendre quelque part. Nous le lui expliquâmes, et il partit. Et quelques jours après, j'entrai au service des Américains. Je travaillai dans rentreprise de Dlugy durant presque six mois. En résumé, je m'immergeai dans un monde complètement différent, un monde de contrats, d e particularités juridiques, de détails financiers, d'agitation, de relations « chef subalterne», et de petites intrigues à l'intérieur du groupe. Le vendredi soir commençait le week-end, et je pus me familiariser avec le concept de« jours fériés» et de« commission de service » [Note des Traducteurs : Voyage d ans une autre ville pour accomplir une mission donnée]. J'en tirai un grand plaisir, même si je sentais que ce n'était pas ma voie. De plus, tout se termina d'une manière très russe et très simple : le marché s'écroula comme un château de cartes. En octobre 1997 l'indice RTS était tombé à 30% et il était devenu impossible de signer le moindre contrat. L'invitation à participer au Championnat du Monde 1997 fut pour moi une raison supplémentaire, mais non décisive, de faire mon retour dans les échecs. Grâce à l'incessante action de Fiodor Fiodorovich Skripenko, le Congrès de la FIDE se déroula cette année-là en Moldavie. Le Président de la FIDE avait décidé de proposer une place au meilleur joueur d'échecs du pays, c'est-à­ dire moi. C'est ainsi que je pus me rendre à Groningen. Dans la première ronde, je l'emportai sur le champion de Kalmykia, Umgaev, et dans la seconde je perdis contre Vaganian. Après cela, je retournai à mon travail pour quelques semaines encore, mais à ce moment-là la Bourse avait déjà sombré. Je ne voulais pas recevoir un salaire que je n'avais pas gagné, et c'est pourquoi, à la fin du mois de décembre, j'allai présenter ma démission à mon chef.

Les « Chevaliers de la Chance » Alexei Fedorov, Alexey Alexandrov, German Kochetkov et Victor Bologan

C'est ainsi que je revins au jeu d'échecs. Mais Chebanenko n'était déjà plus là. En août 1997, quelques semaines après le début de mon · travail au marché de valeurs, Viacheslav Andréyevich est décédé ; son cœur s'est arrêté... Je reçus la nouvelle de sa mort à l'aéroport « Domodiedovo », alors que je me disposais à me rendre à Kazan, pour une« commission de service». L'avion tomba en panne et le vol fut retardé. Sans cette panne d'avion, je n'aurais même pas pu être présent à l'enterrement. En février 1998, mon grand frère Niku et moi­ même organisâmes à Chisinau un tournoi en mémoire de Chebanenko. Nous tentâmes d'inviter tous ses élèves, mais beaucoup ne purent s'y rendre, dont Viktor Gavrikov. En tout cas, le tournoi fut de bon niveau. Comme nous ne pouvions offrir des récompenses importan­ tes {le tournoi était assumé en pratique par mon frère et moi), mes amis Grands Maîtres s'y rendirent. Si l'on avait calculé la force moyenne des participants, on aurait certainement obtenu un tournoi de Catégorie

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Niku Bologan et Alexander Morozevich. Chisinau, 1998.

XVI. Alexander Morozevich triompha avec un résultat fantastique, 8Ô points sur 9. Ce fut son premier pas vers les sommets et... après cet événement, il gagna 6 tournois d'affilée et passa la barre des 2700 ! Pour les échecs moldaves, Chebanenko est un Patriarche, le fondateur des traditions échiquéennes de la République. Ainsi, après moi, Dorian Rogozenko et Vladislav Nevednichy décrochèrent le titre de Grand Maître (mais pour une raison ou pour une autre, ils s'entichèrent de filles roumaines et émigrèrent). Ensuite ce fut au tour de Victor Komliakov, Viorel lordachescu et Dmitry Svetushkin de devenir Grands Maîtres. Il y a donc maintenant en Moldavie quatre Grands Maîtres. Malheureusement, mes efforts pour continuer le travail d'entraîneur n'ont pas abouti pour le moment. En 1999, j'ai fondé l'école de Bologan, et je rencontre les jeunes périodiquement, mais il me semble que ce n'est pas une méthode d'enseignement très efficace. Enfant, j'allais à l'école de Chiburdanidze. A l'époque soviétique, des écoles de Grands Maîtres dispensaient leur expérience aux jeunes. Elles avaient de bons entraîneurs qui se consacraient entièrement à leur passion. En Moldavie, la rareté des entraîneurs pose

maintenant problème. Pour les plus petits, il y a Solonar, et ensuite il n'y a plus personne. Mes conférences, très sporadiques, ne parviennent pas à combler ce vide. Nous jouissions d'une excellente ambiance, les conférences étaient agréables, joyeuses, mais cela n'influait pas comme nous l'espérions sur les résultats des jeunes. De plus, l'école ne recevait aucun type de soutien financier. Deux de mes élèves, Alexey Khruschiov et Ruslan Soltanici, ont poursuivi des études à l'Institut Moscovite d'Êducation Physique (qui est maintenant universitaire). Évidemment, l'école porte ses fruits ... mais moi, en bon perfectionniste, je rêve d'élèves de 14 ans avec un ELO de 2600 ! J'ai travaillé individuellement avec de nombreux élèves. Je me rappelle que mon diplôme porte la mention « Professeur, Entraîneur d'échecs » ! D'ailleurs, je donne mes cours en russe, pour que les enfants apprennent une seconde langue. Voici le « diagnostic » de mon jeu, établi par Mark lzrailevich Dvoretzky après mon retour aux échecs professionnels. « Principaux problèmes 1. Surévaluation permanente de la position, optimisme exagéré, sous-estimation du contre­ jeu de l'adversaire. Il. Calcul inexact, et surtout omission des recours de l'adversaire. Coups intermédiaires. Ill. Erreurs stratégiques, surtout dans des positions présentant des chaînes de pions souples. IV. Difficultés à concrétiser l'avantage, et surtout à simplifier subitement la position. L'échange des Dames est souvent oublié. V. Choix parfois injustifié d'un jeu difficile zeitnot ». ...Au printemps 1998, on décida d'organiser à Elista un Tournoi avant les Olympiades, la Coupe du Président de Kalmykia Kirsan

CHAPITRE 4 : QUI CHERCHE TROUVE !

•.

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Nikolaïevich llyumzhinov. La compétition était avant tout destinée à faire connaître la ville à la communauté échiquéenne internationale. À ce moment-là, les Championnats de Russie se déroulaient déjà à Elista avec succès, mais i n'y avait pas de tournois internationaux. De plus, à la veille des Olympiades de Kalmykia, les organisateurs voulaient dissiper le scepticisme et la méfiance de ceux qui pensaient que la « Ville des Échecs », connue sous le nom de code de « New Vasiuki » ne serait pas prête à temps, et ils y réussirent. Les participants au tournoi furent invités à constater la construction de la citadelle des échecs et purent voir que des personnes réelles y travaillaient, qui construisaient de vraies maisons et que, sans aucun doute, les Olympiades pourraient effectivement s'y dérouler. Je dois avouer qu'au moment où le c Yak-40 » 13> avait atterri sur l'aérodrome d'Elista, je n'en étais pas si sûr. Mais j'ai con­ servé ensuite une agréable impression de la Coupe du Président et des Olympiades d'Elista.

N°24. V. Bologan - K. Sakaev Elista (Russie) 1998 Ruy Lopez [CSS] 1.e4 e52.lùf3 lZ:lc63.i.b5a64.i..a4 lZ:lf65.0-0 i.e7 6.J:!.e1 b5 7.i..b3 0-0 8.h3 C'était la seconde partie de la deuxième ron­ de d'un tournoi par éliminatoires. Dans la première partie, j'avais perdu contre Konstantin après une longue finale, et c'est pourquoi il fallait que je prenne ma revanche. Il est toujours difficile de reprendre le terrain perdu, mais les Noirs ont aussi leurs problèmes, on ne peut pas toujours faire nulle tout de suite avec les Noirs.

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Si 8...d6 9.c3 les Blancs arrivent aux schémas principaux. C'est maintenant une position anti­ Marshall qui apparait. 9.d3 De nombreuses parties sont jouées actuellement avec cette variante. Je connais ce type de positions depuis mon enfance, puisque Chebanenko nous apprenait la Partie Italienne, et que ces schémas s'en rapprochent beaucoup. 9 ..d610.a3 . h6 Sakaev choisit le schéma le plus populaire à cette époque. Les Noirs se préparent à placer la Tour en e8, le Fou en f8 (idéalement, en g7 après g7-g6) et à jouer d6-d5. Le coup h6 est, dans une certaine mesure, un affaiblissement, qu'on peut observer à la base de diverses combinaisons, et le transfert du Fou en g7 fait perdre beaucoup de temps. L es Blancs doivent améliorer peu à peu la position de leurs pièces et préparer d3-d4. On considère que le principal coup des Noirs est maintenant 1 O ... lZ:lb8 11.lZ:lbd2 lZ:lbd7 12.lZ:lf1 J:!.e8, et les Blancs disposent de . diverses options A) 13..i.a2 c6 14.lZ:lg3 .i.f8 15.lZ:lf5 d5 16.d4 c5 17.dxc5 lZ:lxc5 18.exd5 e4 19.lZ:lh2 lZ:lxd5 20.lZ:lg4 h5 21.lZ:lge3 lZ:lf4 22.b4 lZ:la4+ (Kasparov - Shirov, Linares 2004). B) 13.lZ:lg5 d5 14.exd5 i..xd5 15..i.xd5 lZ:lxd5 16.�f3 i..xg5 17..i.xg5 'ifxg5 18.�xd5 lZ:lb6 19.'i!fb? 'ifd8 20.'iff3, nulle (Vallejo Pons Shirov, Linares 2004). C) 13.lZ:lg3 et les Noirs emploient ensuite :

Le dernier coup des Blancs est connu depuis longtemps. Il a été ressuscité par les élèves de Lanka.

C1) 13 ...lZ:lc5 14.i..a2 i.f8 15.lZ:lh2 lZ:le6 16.lZ:lf5 c5 17.lZ:lg4 l:.c8 18.h4 J:!.c7 19.i..d2 .l:.d7 20.a4 lZ:lxg4 21.'i!fxg4 'ît>h8 22.axb5 axb5 23.i.g5 f6 24..i.d2, avec une meilleure position pour les Blancs, Morozevich - Lastin, Dagomys 2004.

8...i.b7

C2) 13...c6 14.lZ:lg5 d5 15.d4 h6 16.dxe5 hxg5

100

CHAPITRE 4 : QUI CHERCHE TROUVE !

17.exf6 .bf6 18..ta2 .tes (Svidler - Shirov, Wijk aan Zee 2004). Mais le dernier cri est D) 13.lt:le3, par exemple : 13...lt:lcS 14. .ta2 lt:le6 1 S.lt:lfS 1i.f8 16.lt:lgS .tc8 17 .'it'f3 h6 18.lt:lxe6 .txe6 19 . .txe6 fxe6 20.lt:le3 es 21..td2 l:.a7 22.a4 i:m 23.axbS axbS 24.'i!i'e2, avec une position très confortable pour les Blancs (Anand - Kramnik, Dortmund 2004).

Les Blancs s'efforcent d'obtenir quelques points d'appui sur l'aile-Roi ou d'obliger les Noirs à affaiblir leur position. 17...Lôd818.'ifg41 Une décision à laquelle mon adversaire ne s'attendait pas : on passe à la finale, même s'il est difficile de qualifier de finale la position qui apparaît après l'échange des Dames, puisque toutes les autres pièces restent sur l'échiquier.

11.lbc3 nes 12.tt:ie2 Un transfert du Cavalier en g3 typique. J'étais content du déroulement de l'ouverture : toutes les pièces étaient restées sur l'échiquier, il n'y avait pas de variantes forcées, ce qui permettait de mener à bien une lutte prolongée. On peut considérer comme un modèle de cette stratégie de la « punition différée » la dernière partie du match Kasparov- Karpov à Séville en 1987, quand Kasparov est parvenu à égaliser le score du match dans la dernière rencontre. Le joueur qui ne mène pas au score ne force pas les événements, et il est très désagréable de se défendre à la place de l'autre, on souhaite simplifier la position, mais la tension demeure. 12..te3 lt:lb8 13.a4 b4 14.lt:le2 lt:lbd7 1S.lt:lg3 1i.f8 16.lt:lh2 lt:icS 17..txcS dxcS 18.Lôg4 Lôh7 19.lt:le3 g6 20.aS 1i.d6= (Lanka - Sakaev, Chisinau 1998).

18...'ii'xg4 Si 18 ... Lôe6 (18 ... 'ife6?!) 19 . .txh6! gxh6 20..txdS 'it'xdS 21.lt:lf6+.19.hxg4 On obtient une position asymétrique, dans laquelle les Blancs soutiennent l'initiative. 19 ...Lôe6 20.g3 .!:!.ad8 Après 20...LôcS!? les B�ancs auraient répondu 21 . .tc2 (21.lôxc5 1i.xc5 22.lôfS l:l.ad8) 21 ... lt:lxe4 22.dxe4 Lôf6 23.gS!? hxg5 24 ..txg5!. 21.a4

12... d513.exd5lt:lxd514.Lôg3 .tf815.c3 'iid7 16.tbe4 'i.9h8 17.lt:lh4

Les Blancs attaquent immédiatement le pion ennemi, une fois que la Tour s'est retirée de a8. 21...b4 22.a5!

CHAPITRE 4 : QUI CHERCHE TROUVE !

101

Une réaction tout à fait typique de la Partie Espagnole, les Blancs fixent le pion a6 et réservent pour leur Fou la très importante case a4.

l:te8 37.d1

22... l:.d7

37...lZ:id8

[22...lZ:ic5!? 23.lZ:ixc5 .i.xc5 24...td2].

[37...g6 38.f5±].

23...tc4

38.xf5 57 .Itc5+ Wg6 58. .l:r.xa5 h4 59.l:.b5 l:Ie6 60.'.t>d2. Les Noirs abandonnent. [1 :O] MORALITÉS: 1) S'il faut gagner une partie à tout prix, on n'est pas obligé de chercher à faire mat. Il est tout à fait possible de se contenter d'un avantage permanent dans la finale ; c'est pourquoi l'échange de Dames est une méthode tout à fait envisageable. Le plus important est de voir clairement et précisément les perspectives de jeu. Le coup 18.1Wg4! illustre parfaitement cette philosophie. 2) 21.a4! suit le principe de la création d'une seconde faiblesse. Les Blancs ouvrent un deuxième front sur l'aile-Dame. 3) Comme on l'a déjà dit plus haut, quand les pièces occupent des positions idéales, il est nécessaire de chercher des coups tactiques. Les Noirs se sont très bien préparés contre le coup d3-d4, mais les Blancs ont pu pénétrer par l'une des ailes (33.f4!). Un extrait de mon journal : « J'ai pu égaliser le score malgré ma santé chancelante, même s'il est certain que j'avais oublié cette ouverture. En général, je me plains de ma mémoire. Conclusion : il vaut mieux apprendre une ouverture connue ». Nous avons joué ensuite quatre parties d'échecs rapides, qui se sont achevées en nulles, et ensuite Blitz jusqu'à la première victoire. À un moment donné, j'ai oublié le temps et j'ai perdu. La Roumanie occupe une place à part dans ma biographie échiquéenne. De nombreux éléments de ma vie sont liés à ce pays : c'est là que j'ai obtenu ma dernière norme de Maître

International, et à une certaine époque la Fédération d'Échecs de Roumanie m'a beaucoup soutenu. Elle a en particulier préparé le plus vite possible tous les documents nécessaires pour m'attribuer le titre de Grand Maître. Au début de ma carrière, j'y ai joué de nombreux tournois, et je suis toujours retourné en Roumanie avec plaisir. J'ai souvent participé avec les équipes loca­ les aux championnats nationaux. C'est précisément au cours de l'un d'eux que j'ai joué la partie suivante.

N°25. V. Bologan - S. Atalik Roumanie 1998 Défense Sicilienne [880] 1.e4 c5 2.lbf3 d6 3.d4 cxd4 4.lLlJCd4 lt:\f6 5.lt:\c3 a6 6. .te3 lt:\c6 7.i.e2 e6 Suat Atalik est, sans aucun doute, l'une des personnalités les plus charismatiques des échecs modernes. Sur le terrain des échecs proprement dits, on considère que son point fort est la préparation des ouvertures. Ce n'est pas un hasard si de nombreux joueurs . d'échecs d'élite utilisent souvent ses services. Et il commence maintenant les hostilités, apparemment sans aucune hésitation. 8.g4 Une variante de !'Attaque Keres, les Blancs attaquent leur adversaire avec une « valise » (voir page 45). Ils cherchent à ouvrir des lignes d'attaque sur l'aile-Roi, et aussi, après avoir expulsé le Cavalier de f6, à renforcer leur contrôle du point d5. Les Noirs s'efforcent de développer leur aile-Dame et d'y entreprendre un jeu actif. Ils ne doivent évidemment pas oublier de se défendre. L'une des principales méthodes dont ils disposent est le coup g7g6, qui empêche les Blancs de jouer g5-g6. 8... i.e7 9.g5 lt:\d7 10.h4 En cas d'échange des Cavaliers, les Blancs

CHAPITRE 4 : QUI CHERCHE TROUVE ! cherchent à prendre avec la Dame en d4, en un coup. 10...0-0 11.f4 l:te8 Les Noirs ne veulent pas capturer tout de suite le Cavalier, ils font donc un coup d'attente, qui n'est pas obligatoire. En cas d'échange immédiat en d4 la lutte peut continuer ainsi : 11...lbxd4 12.'i!Vxd4 b5 13.h5 b4 14.lbd5 exd5 15.h6 gxh6 16.0-0-0 b3 17.axb3 'ir'a5 18.'.t.>b1 hxg5 19.b4 i/Jc7 20.exd5� (lordachescu Guido, 1999).

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23.i..xb8 l:l.xb8 24...tc4+ 'ii'xc4 25.lbxe4 't'Hxe4 26.'ifxd7 'ife3+ 27.c1 �e5 46.c2 l:tea8 47.d3.

C'est sur cette partie que s'est achevée ma super série de cinq victoires consécutives. Cette rencontre fut particulièrement jolie.

53.loxe4 J:1.xe4 54.l:txe4+ g8 37..l:.g1 +-]. 35.lbh71 i.c8 36.'ifh5 'iff7 37..11..96 Les Noirs abandonnent. [1 :0) MORALITÉS:

Danseuse du Ballet de Chambre Russe« Moscou»: Margarita Bologan (Makarova)

1) Très souvent, le Cavalier c3 est la cible d'attaques dans la Défense Sicilienne. On ne peut pas toujours éviter l'avancée b5-b4 à l'aide de a2-a3, car les Noirs obtiennent la possibilité d'ouvrir la colonne « b ». Une autre méthode consiste à retirer à temps le Cavalier c3, et le coup b5-b4 peut ensuite être appelé, selon la terminologie chinoise, « un coup

CHAPITRE 4 : QUI CHERCHE TROUVE

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Lors du premier tournoi « Karpov » Victor Bologan se lie d'amitié avec Alexander Onischuk.

Buenos Aires, 2000. Lors d'un dîner avec ses charmants hôtes. À gauche, Mikhai1 Podgaets et Anatoly Karpov.

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CHAPITRE 4 : QUI CHERCHE TROUVE 1

d'épée dans l'eau ». Le Cavalier qui en c3 était limité par le pion e6, peut sortir mener des opérations de plus grande envergure vers d4, f4, g3. Ainsi, à partir de d4 il défend les points c2 et b3, et peut en même temps prendre part à l'attaque. 2) 19.e5!! Les Blancs sacrifient un pion, mais bloquent tout le jeu de leur adversaire. Les Noirs obtiennent nettement un pion d'avance au centre. Néanmoins, ils sont obligés de livrer en échange leur bon Fou, et le Fou restant est enfermé par ses propres pions. Le principal argument des Blancs est la possibilité de développer librement une attaque sur l'aile­ Roi. 3) Quand on livre une attaque avec des sacrifices, on ne peut pas s'arrêter à mi-chemin quand on a dit « a », on doit dire « b ». Il faut être prêt à sacrifier le deuxième pion (23.g6!!), afin que l'attaque ait le rythme nécessaire. Après Pékin, f ai donné une nouvelle série de conférences d'été dans mon école de Moldavie. Même si elles se déroulaient aussi dans des conditions très modestes (l'école s'installait dans un ancien campement de pionniers), les cours étaient très joyeux. Nous nous consacrions aux échecs avec beaucoup de sérieux, et la principale distraction était le water-polo dans la piscine enfantine. Le water­ polo alternait avec le rugby, le football, le volley-ball et toutes sortes d'arts martiaux ! Adultes et enfants prenaient part à ces activités, et en général nous étions tous très contents. · J'assistai ensuite au mariage de mon ami Viorel lordachescu et dès le lendemain je partis pour Sébastopol à la rencontre de mon destin. En réalité, le début ne laissait pas présager le moindre romantisme. Une semaine d'entraînements dignes d'un ermite des échecs dans la maison de campagne d'un ami, jeune marié lui aussi, Alexander Onischuk, et je n'eus un « programme culturel » que le dernier jour. Le matin, bière, et ensuite je fis de la plongée pour la première fois de ma vie (ne pratiquez sous aucun prétexte ces activités dans cet ordre, l'inverse est beaucoup mieux),

ensuite un peu de repos et le soir un excellent dîner de groupe avec sortie au centre-ville, sur le boulevard Primorie. C'est précisément là, dans le restaurant « Ostrovok » qu'Elie m'attendait. À vrai dire, fexagère sans doute en disant qu'elle m'attendait, mais il y eut bien une invitation (de ma part) à danser, avec les présentations qui s'ensuivent, des fleurs, des glaces. Nous dansâmes sans nous arrêter jusqu'à la fermeture du restaurant, nous nous dîmes au revoir, et dès l'arrivée de l'opaque automne moscovite nous nous revîmes et, un an plus tard, nous nous mariâmes. La personne dont je parle est Margarita Alexandrovna Makarova, qui prit après le mariage le nom de Bologan. En un mot, c'est après avoir bien rechargé mes batteries que je me rendis à mon premier tournoi à Poikovsky, qui fait partie de la région de Nefteyugansk, du district autonome de la province de Tiumen, qui appartient en même temps au District Fédéral de l'Oural . ... Poikovsky est donc le plus petit chaînon du gigantesque complexe administratif appelé « Russie » ! Mais c'est précisément là que se déroule l'unique tournoi international décent du pays. En 2000, il a commencé en catégorie XIV, en 2001 il est monté en 15, en 2002 et 2003 en 16, et dès 2004, eri 18. Et l'histoire de la naissance de ce tournoi est très prosaïque. Tout simplement deux hommes bien, que le destin des échecs ne laissait pas indifférents, Anatoly Evguenievich Karpov et la plus haute autorité de la région de Nefteyugansk, Alexander Valentinovich Klepikov, se sont rencontrés et ont décidé d'organiser ce tournoi, qui est devenu traditionnel. C'était une époque heureuse de ma vie. Je remportai un tournoi de catégorie XIV et y fis la connaissance de personnes délicieuses, dont l'amitié grandit année après année, et dont le nombre de points augmente peu à peu. Il me semble que je suis ainsi fait que quand f entre dans une bonne phase, elle me suit jusqu'à la fin. Je fis littéralement un coup de force pour participer au tournoi en mémoire de Miguel Najdorf, en Argentine. Comme quatre places du tournoi principal étaient déjà

CHAPITRE 4 : QUI CHERCHE TROUVE !

prises, les organisateurs me conseillèrent gentiment de participer aux éliminatoires destinées à attribuer les six places restantes. Après de nombreuses aventures, je parvins à me qualifier, et j'eus finalement l'heureuse surprise (mon idole Karpov participait au tournoi) de partager la première place avec la belle Judith Polgar. Et bien sûr, je lui cédai galamment le titre de vainqueur (elle avait un meilleur départage). Tout pencha en faveur de la victoire dans la première ronde.

N°32. P. Ricardi - V. Bologan Buenos Aires 2000 Caro-Kann [B12] 1.e4 c6! Je crois que c'était seulement la deuxième fois que j'utilisais la défense Caro-Kann en tournoi. C'est pourquoi tout le travail de préparation de mon adversaire fut anéanti dès le premier coup. Il arriva exactement la même chose dans la partie de Karpov (avec les Noirs) contre Flores. Pour la première fois depuis le tournoi de1994 à Buenos Aires, en l'honneur de Polugayevsky, où tous les joueurs étaient obligés de jouer la

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Défense Sicilienne, Karpov a commencé par avancer le pion « c » d'un pas de plus que de coutume. Dans les deux cas, le choix stratégique de l'ouverture fonctionna parfaitement. 2.d4 dS 3.e5 Cette variante est devenue très populaire ces · derniers temps, les Blancs cherchant à éviter les positions stratégiquement. claires et très bien étudiées qui apparaissent après 3.lbc3 dxe4. Le jeu est ici beaucoup plus difficile une lutte de structures de pions, un large éventail de possibilités pour disposer ses pièces, etc. L'idée principale des Blancs con­ siste à profiter de leur avantage d'espace. A la différence de la variante 3.e5 dans la Défense Française, les Noirs parviennent à développer leur Fou en f5. Il est vrai qu'ils jouent ensuite c5 et perdent un temps. C'est pourquoi l'initiative appartient aux Blancs, mais ils doivent la développer avec énergie. Si on laisse aux Noirs l'occasion d'achever tranquillement leur développement, ils disposeront d'un jeu en bon ordre. 3... i.fS 4.lbe2 Généralement, Ricardi place son Cavalier en f3, entraînant ainsi un échange de Fous en d3. Je comprends qu'il ait voulu tester ma préparation des variantes secondaires, mais il est bien connu depuis l'époque de la partie

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CHAPITRE 4 : QUI CHERCHE TROUVE !

Bronstein - Botvinnik, jouée en 1966, que le coup lbe2 est confortable pour les Noirs. 4...e6 5.lbg3 ..tg6 6.h4

Il n'existait aucune possibilité d'utiliser directement la colonne« h »: 13...l:rh8 14...te3 'ifh4 15.lbh3. 14.g4!? Pour compenser la position de faiblesse de leur Roi, les Blancs prennent le contrôle de la très importante case f5. Après 14.g3 .l:!.h8 15 ...te3 lbf5 16...tg4 'i!fb6 les Blancs pouvaient dire adieu à leur paire de Fous. 14.....th6 15...te3 'ilfb6 16.lbg2

6...h5 6...h6 est aussi possible, mais je considère que le coup de la partie est plus fort, puisqu'il ne permet pas aux Blancs de conforter leur avantage d'espace sur l'aile-Roi. Bien sûr, la perte du pion h5 ne présente pas de danger, puisque les Noirs pourront toujours prendre en compensation le pion h4. 7...te2 c5 8.c3 La partie citée se poursuivit ainsi : 8.dxc5 ..txc5 9.ttld2 lbc6 1 o.ttib3 ..tb6 11 . ..txhS lbxe5 12...txg6 lbxg6, avec un jeu très confortable pour les Noirs. 8...lbc6 9.lbxh5 cxd4 1O.cxd4 ..txb1 1O ...'ilfb6 est aussi possible, mais après 11.lbf4 ..txb1 12.J:.xb1 lbxd4 13.'ifa4+ lbc6 14.lbd3 les Blancs pourraient encore maintenir leur position. 11.J:!.xb1 96 12.lbf4! Après 12.lbg3 l:lxh4 13..l:!.xh4 'i!t'xh4 14...te3 ..tb4+ 15.'ît.'H .tas, et les pièces des Noirs occupent les meilleures positions pour attaquer le pion d4. 12....l:t.xh4 13.0-0 lbge7

16.....txe3! 17.fxe3 Évidemment, les Blancs ne pouvaient accepter ce « cadeau » : 17.lbxh4 ..txd4 18.lbf3 ..txe5 19.lbxe5 lbxe5+. 17....l:!.h7 18.b4! Ils prennent le contrôle de l'espace de l'aile­ Dame et s'efforcent de rendre le roque dangereux pour les Noirs. 18...0-0-0 Il était clair pour moi que les moyens d'attaque des Blancs étaient insuffisants. Surtout quand l'unique pièce qui pouvait inquiéter mon Roi, le Cavalier blanc, était obligé de prendre soin de son aile-Roi exsangue. 19.'ifc2 'it>b8 20.'ii'c5 lbc8! Ce coup ne signifie en aucun cas que les Noirs

CHAPITRE 4 : QUI CHERCHE TROUVE ! vont devoir se défendre jusqu'à la fin de la partie, il stoppe simplement toutes les tentatives de l'adversaire pour développer l'initiative. Il n'est plus avantageux pour les Blancs d'échanger les Dames. En possession de la case c4 et du contrôle de la colonne « h », les Noirs promettent de vivre la finale bien tranquillement. 21.tZ:ie1!? En réalité, dans cette position, c'est la seule idée qui puisse inquiéter sérieusement les Noirs. Si les Blancs parviennent à amener leur Cavalier en f3, cela signifiera que les Tours noires ne disposeront plus de bonnes cases dans la colonne « h », et qu'elles deviendront elles-mêmes, contre toute attente, une proie facile pour le Cavalier adverse. 21 ....U.dhB Il était aussi possible de jouer 21...f5!?, mais je ne le fis pas, surtout à cause de 22.'i!i'xb6! (22.exf6'i!ic7 23.lZ:ig2'iih2+ 24.@f2tZ:id6 25.i..f3 1:l.h3, et la position des Blancs ne se peut défendre) 22...tZ:ixb6 23.tZ:if3 .l:.h3 24.gxf5 gxf5 25.@f2. 22.'ifxb6 Si 22.tZ:if3 'ifd8! 23.i..b5 (23.b5 tZ:ia5) 23...J:!.h4! 24.g5 J:th3 25.@g2 tZ:i6e7 26J:th1 l:Lxh1 27.l:.xh1 .i:lxh1 28.@xh1 lZ:if5+.

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Dans les cours de mon École de Moldavie, je me suis efforcé de faire prendre conscience à mes élè ves de l'importance des coups interméd iaires. Deux mises en échecs exécutées au bon moment suffisent à ruiner les plans des Blancs, qui dépendent du transfert du Cavalier en f3. 23.@f2 .l:!.1h2+ 24.lZ:ig2 tZ:ixb6 En plus de ma position dominante, ma pendule était en avance, ce qui m'était aussi bien utile. 25JUc1 g5 qui prépare la désagréable rupture f6. 2 6.a3 tZ:ie7 27.@g1 lZ:igB! Oui, c'est vrai, ce n'est pas un très joli coup ! Mais qui a dit que le vilain petit canard ne finit pas par devenir un cygne magnifique ? 28.l:1f1 f6 29.i..d3 Si 29.exf6 tZ:ixf6 30.l:txf6 .:!.h1 + 31.@f2 .l:.xb1 32..l:!.xe6 .l:!.b2-+. .29 ... l:.h1 + 30.@f2 l:txf1 + 31.J:.xf1 fxeS 32.@g3! Malgré le zeitnot, mon adversaire trouve sa meilleure chance. Je vois m'échapper 32.dxe5 tZ:id7 33.@g3 tZ:ih6 34.i..e2 @c7. 32 ...tZ:ie7 Ce coup est lié à une idée qui a finalement abouti, mais il fallait faire très attention dans cette position. Les problèmes des Noirs, en plus de la possible pénétration par la huitième rangée, sont bien sûr liés à la faiblesse du pion g5. Si les Blancs le capturent, leurs quatre pièces et le pion « g » deviendront une véritable menace.

22.. Jih1+!

C'est pourquoi il était nécessaire de jouer 32 ...tZ:ih6! 33.ltf6 e4 34.i..b5 @c7 35.l:!.xe6 @d8 36.a4 tZ:if7, qui permettait aux Noirs d'arrêter complètement l'initiative des Blancs et de

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CHAPITRE 4 : QUI CHERCHE TROUVE !

commencer leur propre jeu.

ct;f8 53..tc2 l:îa3 54.We2 tl:lc8

33.l:rf7 tl:lbc8?

Avec une totale égalité de matériel mon adversaire est contraint de rendre les armes, puisque ses pièces ne peuvent plus créer la moindre menace. Par ailleurs, après l e transfert d u Cavalier noir e n c4, les Blancs vont devoir dire adieu à leur pion e3.

Trop passif et en même temps misérable. Si mon adversaire avait eu assez de temps, ce mouvement aurait pu me coûter un demi-point. Il vaut mieux jouer directement 33...tl:lc6 34.J:!.g? exd4 35..U.xg5 dxe3 36.tl:lxe3 tl:ld4 37.tl:lc2!? tl:lxc2 38..txc2 .l:k8 39...th?+. 34JU6? Le coup de la défaite. Le coup plus naturel 34.dxe5 donnait aux Blancs, au minimum, de bonnes chances de nulle : 34 ...l2ic6 35Jig7 l2ixe5 36 ..tc2 l::tf8 (36 ... l2ic4 37.J:!.xg5 tl:\xa3 38 . .td3 tbc4 39.J:.h5�) 37Jixg5 l:.f3+ 38.h4 l2ic4 39..td3 l2ixe3 40.l2ie1 l2ig2+ 41.l2ixg2 .l:!.xd3 42.tl:lf4. 34 ...e4-+ Le vrai problème de la position des Blancs est leur Cavalier. Et les Noirs peuvent compter sur de nombreuses manières d'attaquer leurs faiblesses sur l'aile-Dame.

[O :1) MORALITÉS: 1) L'une des principales techniques de la défense Caro-Kann consiste à échanger son Fou contre le Cavalier b1. Le Fou g6, apparemment bien situé, peut parfois donner des coups d'épée dans l'eau, c'est pourquoi les Noirs sont prêts à l'échanger contre le Cavalier. 2) Dans ce type de structure, les Noirs créent souvent une pression sur le pion d4, et les Blancs ont alors du mal à le défendre. Dans cette partie, les Blancs ont dû abîmer leur structure de pions. 3) Quand dans la finale l'un des camps contrôle complètement une colonne ouverte (qui limite automatiquement les pièces de I' adversaire), ce camp doit aiguiser la position : exécuter des ruptures, tenter d'ouvrir de nouvelles colonnes, afin d'attirer des renforts dans la zone de combat. C'est dans ce but que la manœuvre 27 ...tl:lg8! et 28 ...f6 a été réalisée. NOTES: (1) Le cap Fiolent est une région de Sé bastopol. C'est un lieu apprécié des amateurs de repos « sauvage ».

35..tb5 ct;c7 36.l:!.xe6 a6 37..ta4 J:!.f8 38 ..l:!.e5 l:!.g8 39.l:!.e6 J:!.g7 40..tb3 �d7 41..l:.h6 tl:ld6 42.J:!.h1 l:If7 43.J:!.h5 .l:.f3+ 44..t>h2 tl:lf7! Le Cavalier f7 va maintenant s'occuper de toute l'aile-Roi, tandis que la Tour f3 aurait joui d'une certaine liberté sur l'autre aile. 45.@g1 .l:!.f6 46.lith7 ct;es 47 ..td1 l:!.c6 48.ct;f2 l:!.c3 49.a4 J:!.a3 50.b5 .I:!.a2+ 51.Wf1 a5 52.l2ie1

(2) L'indice RTS est celui de la principale bourse de valeurs de Russie, comme l'indice de valeurs des actions des principales compagnies russes. (3) Le « Yak-40 » est un petit avion de transport de passagers qui, en URSS, comme plus tard en Russie, est utilisé pour des vols intérieurs. Il n'est pas très populaire. Il était considéré comme l'avion le plus sûr d'URSS.

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CHAPITRE 5 : PROFESSIONNEL Quatre victoires consécutives en quatre tournois ! Une chose pareille ne se produit qu'une seule fois dans une vie. Comment y parvenir ? C'est déjà une grande question, mais il est tout aussi important de savoir tirer profit de cette énergie positive. On ne doit pas oublier qu'après de grands succès, pratiquement tous les joueurs d'échecs connaissent logiquement une rechute. Outre les problèmes émotionnels, le niveau de fonctionnement de l'organisme diminue sensiblement. Il suffit d'observer quelques exemples de l'histoire récente des échecs Kramnik après son match contre Kasparov ; Khalifman, Ponomariov, Kasimdzhanov après leurs triomphes lors des Championnats du Monde de la FIDE. D'une certaine façon, tous ont vu leur niveau de résultats baisser après avoir obtenu le succès suprême. Il ne peut exister qu'un remède à ce problème, le repos. En réalité, dans mon cas, c'était impossible, le calendrier de tournois était déjà programmé, en fonction du Championnat du Monde de New Delhi. Comme j'étais déjà professionnel (voir les notes précédentes), je m'efforçais de planifier ma préparation à partir d'un calendrier de tournois, en plus de celle de quelques compétitions par équipes. Et je parvins presque à respecter mon plan à la lettre : un match d'entraînement avec Misha Gurevich en France, des tournois d'échecs rapides au Cap d'Agde et à Bastia ; et des entraînements d'une semaine avec Sasha Onischuk en Inde, avant le Championnat. Je sabotai lamentablement mes chances dans les trois premières activités, mais nos entraînements nous aidèrent à atteindre un niveau plus ou moins acceptable, et on ne peut nous jeter la pierre, Sasha et moi, pour avoir perdu dès la deuxième ronde contre les futurs finalistes du Championnat, Anand et Shirov. En un mot, je ne pus éviter la crise, et la seule chose à faire était de la localiser et de la circonscrire.

Une citation de mon journal du 10 janvier 2001: « Je reprends mes notes après une longue pause. Parmi les principaux événements survenus pendant la période écoulée, il faut souligner l'achat d'un nouvel appartement dans la région de Stroguino, Moscou, la fin de sa remise en état et mon installation ; ma prise de poids (je pèse maintenant 85 Kg.) ; l'augmentation de mon ELO à 2684, ce qui correspond à la dix­ neuvième place du classement mondial ; la poursuite du travail avec Dvoretzky. Les affaires de Chisinau n'avancent pas du tout, on peut même dire qu'elles reculent, en particulier en ce qui concerne le refus de participation aux Olympiades d'Istanbul. Mon échec lors du Championnat du Monde en Inde, ainsi que mon jeu fragile contre Stefansson et ma défaite face à Anand, tout cela est dû en grande partie au fait de ne pas avoir respecté mon plan de préparation pour le Championnat. Concrètement, je n'ai pas pu m'entraîner avec NN pour des raisons évidentes. Trop de relâchement, volonté faible. Je me suis fait une amie pour la vie, une · danseuse nommée Rita. Nous nous sommes connus cet été à Sébastopol... Il est difficile de prévoir quoi que ce soit, car même les relations ne sont pas simples. C'est tout pour le moment. Une année très tendue s'annonce, et tout est donc entre mes mains. Que Dieu me vienne en aide ! » C'est très simple. Mais c'est utile. Il suffit de se souvenir du journal de M.M. Botvinnik, un classique du genre, et de ses résultats. Surtout quand on se trouve dans une situation extrême. Il me semble que le journal est une épaule sur laquelle on peut pleurer, un ami qui peut nous soutenir dans un moment difficile, et un tuteur qui va nous rappeller à l'ordre à temps. Au printemps 2001, les organisateurs du

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CHAPITRE 5 : PROFESSIONNEL

tournoi d'Enghien-les-Bains, se rappelant le tabac que j'avais fait en 1999, décidèrent de me réinviter. Et ils n'eurent pas à le regretter. « Je parvins » à cumuler cinq défaites à la suite, si l'on fait commence cette série au tournoi joué deux ans auparavant, et pour la deuxième fois de ma vie je commençai un tournoi avec O points sur 3. Dans la quatrième ronde, j'obtins la nulle avec les Blancs. La cinquième partie m'attendait. Évidemment, j'avais décidé de jouer la sécurité, et je choisis le Gambit de la Dame.

l'une de mes premières expériences du Gambit de la Dame. 10.i..xc4 e5 11.d5 lt:le7 12.lt:le4 12.tbd2 lt:lf5 13.0-0 lt:ld6 14..td3 .te7 15.'i!fb3 ..i.d7 16.lt:lf3 .tf6 17.lt:le4 lbxe4 18..txe4 b6 19.h3 .:.ea 20JHd1;l; (Halkias - Dambacher, Amsterdam 2002). 12...lt:lg6 Pour le moment, les Noirs jouent des coups obligatoires. et12...lbfS?13...i.a2. est mauvais.

N°33. C. Bauer - V. Bologan Enghien 2001 Gambit de la Dame [D55] 1.d4 lt:lf6 2.c4 e6 3.lt:lf3 d5 4.lt:lc3 il.e7 5.i..g5 h6 6.i..xf6 Dans le Gambit de la Dame, les Blancs livrent souvent leur Fou de cases noires contre le Cavalier f6, obtenant en échange un certain avantage de développement et créant une pression au centre. Les Noirs, de leur côté, décident d'activer le centre pour que leurs Fous puissent jouer. 6 ... i..xf6 7.e3 0-0

s ..:.c1 lt:lc6!?

Je décidai de surprendre un peu Christian. Bien sûr, ce coup n'est pas le plus correct du point de vue de la liaison entre pions et pièces, mais.. .la pièce était sortie, grâce à Dieu ! La principale suite est 8...c6. 9.a3 Les Blancs tentent de gagner un temps et attendent que les Noirs prennent en c4, afin de développer leur Fou en un seul coup. 9...dxc4?! Une imprécision. Je disposais du fructueux coup d'attente 9...a6, par exemple : 1O..td3 dxc4 11. .txc4 e5. Il faut souligner que ce fut là

13.ii.a2 Christian oublie la puissante suite13.d6! cxd6 14.'it'xd6 'i!fxd6 15.lbxd6 .tg4 (15... .tel? 16..txfl+! .:.xf7 17.lbxcB+-) 16.lbd2 b6 17.h3 .td7 18.lt:l2e4 i.e7 19.0-0, dans laquelle les Blancs auraient un Fou très actif et disposeraient de colonnes ouvertes pour leurs Tours. La position des Noirs serait très désagréable, mais possible à défendre. 13...i..e7 14.0-0?! Pour une raison quelconque, les Blancs ne jouent pas le coup logique 14.'i!fc2!?. Voyons une variante A)14....i.f515.lbf6+ .i.xf616.'iM5 e417.lbd2 .txb218.l:.b1 .tc3 (18... i..xa319.rl.xb7 il.d6 20.lbxe4;l;) 19.'ifxe4=. B) 14...i..d615.lbxd6 cxd616.'ii'c7 .tg4!, avec des occasions pour les deux joueurs.

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CHAPITRE 5 : PROFESSIONNEL 14...';.t>hB!

22.ltlbS

Les Noirs vont maintenant expulser le Cavalier en jouant f5 et ce n'est qu'ensuite qu'ils feront i.d6, préparant ainsi e5-e4, avec une attaque du Roi blanc. Si les Noirs parviennent à mettre ce plan à exécution, ils jouiront d'une position prometteuse.

Ils tentent d'échanger une pièce d'attaque. Il ne faut pas jouer 22 . .l:!.ed1 !? (22.g3 ltle5) 22 ...f4! 23...txe4 fxe3 24.f3 (24.'iixe3 ..tf4 25.'iie2 il.xc1 26.1:!xc1'iixd4 27.i..xg6 .l:lxe6-+) 24...'ifh4 25.g3 i..xg3-+.

15.'ilfb3

22...ltlh4! 23.l:l.ed1! Les autres coups sont perdants :

L'ordinateur recommande 15.ltlfd2, avec l'idée de 15...f5 16.ltlc5 e4 (16...i..d6) 17.f3 (un coup inhumain, bien sûr, mais très intéressant) 17...exf3 18.ltlxf3.

A) 23.h1 à cause de 23 ... 'iig6 24.l:tg1 (24.g3 ltlf3 25.1:!ed1 'iih5 26.h4 'iig4 27.@g2 il.xg3) 24.....txh2!

15. ..fS 16.ltlcS ..td617.i.b1

B) Ou bien 23.ltlxc7 'i'g5 24.g3 ltlf3+.

Les Blancs ont perdu le fil de la partie. Leur Fou a parcouru un long chemin, mais il ne fait rien, ni en a2 ni en b1. En même temps, la prise du pion b7 pourrait avoir de mauvaises conséquences: 17.ltlxb7 ..txb7 18.'ilfxb7 l:tb8 19.'ii'xa7 l:l.xb2 20..U.a1 e4 21.ltld4 'iVh4 22.h3 ltle5 23.ltle6 ltlf3+ 24.gxf3 (24.h1 .:xt2-+) 24 ....:!.f6-+.

23... 'i'gS 24.g3 lt::lf3+ 2S.g2?

17... 'ii'f6 18J:tfe1 Contre 18.e4, 18...ltlf4 est très désagréable, et il en découle la variante : 19.l:l.fe1 b6 20.ltld3 ltlxg2! 21.@xg2 fxe4 22.ltldxe5 exf3+ 23.ltlxf3 ..tg4-+ 18...b619.ltle6i..xe620.dxe6e4 21.ltld4 ltae8 On peut en tirer les premières conclusions. Les Noirs ont un léger avantage, dans la mesure où le pion e6 se trouve pris en otage, et où le Roi blanc a besoin d'une défense.

Durant la partie, je craignais 25.f1! Après ce coup, même si les Noirs prennent le pion en faisant échec, on n'observe aucune suite décisive. Mais les Noirs ont toujours de meilleures chances, par exemple : 25...lt::lxh2+ 26.'it>g2 lt:Jf3 27.lt::lxd6 cxd6 28.l:txd6 'i'g4 29.l:l.h1 lt::lg5 30.'iid1 'i'f3+ 31.'i'xf3 exf3+ 32.�h2 .l:!.xe6 33.l:txe6 lt::lxe6 34.J:td1 ltlg5+ 35.l:td7 h5 36.J:lxa7 g6 37.l:l.b7 J:td8 38.l:txb6 l:!.d2. 25...'i'hS 26.h4



[26.l:th1lt::lg5 27.h3 'i'f3+ 28.�g1i..xg3 29.'i'c2 i..e5-+].

Sauer pensait que les Noirs ne disposaient d'aucune suite d'attaque, mais elle existe

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CHAPITRE 5: PROFESSIONNEL

26....t.xg3127.fxg3 lZ:lxh4+!

MORALITÉS:

C'est étrange, mais le sacrifice de deux pièces ne permet pas seulement de mettre l'adversaire en échec perpétuel, mais aussi de livrer une attaque décisive.

1) Si l'adversaire n'a pas beaucoup d'expérience dans une ouverture donnée, on a intérêt à choisir un schéma qu'il connaît mal. Cette méthode est souvent très efficace. (8...lZ:lc6).

28.gxh4 'iff3+ 29.'it>h2 Ou 29.�g1 'ifg3+ 30.'iîi'h1 'ii'xh4+ 31.�g2 l:l.f6 32 .l:tg 1 l:l.g6+ 33. 'it>f1 'ifh3+, et les Noirs l'emportent. 29...'iff2+ 30.'it>h1 Si 30.�h3 g5! (30...f4 31.1:ig1 fxe3 32. .t.xe4 l:l.f4 33.l:l.g3 l:l.xe4) 31.'ii'c3+ 'it>g8 32.hxgS hxg5 33.l:l.g1 g4+ 34.l:l.xg4+ fxg4+ 35.�xg4 'ifg2+ 36.'�h4 l:l.f3-+ 30 ...'ifxh4+ 31.Wg1 'ifg3+ 32.Wf1 Si 32.'it>h1 'ifh3+ 33.'it>g1 l:!.f6-+. 32 ...f4 Sans jouer aucun coup (simplement grâce au roque), la Tour rejoint l'attaque. 33..t.xe4 fxe3+ 34.'.te2 iif2+ 35.'�dJ e2+ 36.'it>c4 exd1'if 37.'ifxd1 'ii'e5! En principe, les Blancs obtiennent deux pièces mineures en échange de la Tour, mais avec ce Roi il est impossible de se défendre. 38.lZ:lc3

2) En tardant à agir on peut souvent finir par perdre l'avantage, mais également se retrouver dans une position inférieure. Les Blancs étaient obligés de jouer 13.d6! pour ouvrir la diagonale à leur Fou de cases blanches, car c'est coup après coup que l'on doit conserver l'initiative. 3) Quand le Roi se retrouve seul face à diverses pièces ennemies, l'attaque de mat est« naturelle comme le sourire d'un enfant». Dans cette partie, en plus des sacrifices en cascade, il fallait prévoir 32 .. .f4 qui permettait à la Tour de participer aussi à l'attaque du Roi. Mais cette partie fut suivie d'une défaite dans la sixième ronde, face à Vladimir Akopian, et je repassai à « -3 ». Je ne pouvais plus lutter pour les places d'honneur, mais je voulais essayer de finir le tournoi honorablement.

N°34. V. Bologan - E. Bareev Enghien 2001 Défense Française [C11]

(38.'ifd5 J:.xe6].

1.e4 e6 2 .d4 d5 3.lZ:lc3 lZ:lf6 4 . .ig5 dxe4 5.lZ:lxe4 .iî..e7

38... Itxb2 39.'ifd7 [39.'ifd5 'ifg3 40.a4 a6]. 39 ...bS+ 40.�d3

Evgeny utilise diverses modalités de la varian­ te Rubinstein. Il a commencé dernièrement à prendre en e4 dès le troisième coup.

(40.lZ:lxbS 'ifxe4+].

6. .ixf6 .iî..xf6

40 ...'ifg3+ Les Blancs abandonnent.

[O :1]

Comme dans la partie qui précède, les Blancs offrent à leur adversaire l'avantage de la paire de Fous, obtenant en échange un meilleur développement et une pression au centre.

CHAPITRE 5: PROFESSIONNEL Dans cette variante, les Blancs tentent généralement de conforter leur avantage d'espace, d'exercer une pression encore plus grande sur leur adversaire et de commencer à attaquer le Roi. Les Noirs, pour leur part, s'efforcent de réaliser la rupture libératrice c7c5 ou bien e6-e5, mais ils peuvent aussi se contenter d'une structure un peu passive, mais très souple: b7-b6, i..b7, lt::id7, etc. 7.lt::if3 lt::id7 8.'ii'e21? L'idée de ce coup « sans-gêne » consiste à mettre la Tour face à la Dame dans la colonne « d », et à déterminer plus tard la position du Fou f1. 8...0-0 8... b6 9.0-0-0 'ike7 1O.lt::ie5 i..b7 11.f4 0-0-0 12.c3 i..xe5 13.fxe5 f6 14.exf6 lt::ixf6 15.lt::id2 :hf8 16..l:g1 l:.de8 17.lt::if3 lt::id7 18.l:l.e1 'i'f6 19.'i'e3;l; (Lautier- Marcelin, Val d'Isère 2002). 9.0-0-0 b6

139

B) Si 10...i..b? les Noirs n'ont pas non plus intérêt à doubler les pions : 11.lt::ixd7 'i'xd7 12.lt::ixf6+ gxf6 13.'ikg4+ �h8 14.'ifh4 'ifd8 15.d5! exd5 16..i.d3 f5 17.'i'd4+ f6 18..i.xf5±. 11.dxe5 'ife7 Un coup modeste. Les Noirs cherchaient certainement à renforcer leur position grâce à 11...'ifh4!?, par exemple : 12.g3 'i'h6+ 13.f4 lt::ixe5 14.i..g2 .i.b7 15.lt::if6+ 'ii'xf6 (15...gxf6 16. .i.xbl) 16.i..xb7 l:t ab8 17.fxe5 'i'g5+ 18.'�b1 .l:xb7 19.l:td7�. 12.f4 .i.b7 13.ilfe3 .l:lad8 13...i..xe4 14.'i!Vxe4 lt::ic5 15.'ifc6 l:l.ad8 16..i.b5 (16.i..e2) 16...a6 17..i.e2 a5 18.a3 a4 19.g3 J:txd1+ 20.l:txd1 l:l.d8 21.1hd8+ 'ikxd8 22.i..f3 g5 23.'i'a8+ 'ikxa8 24.i..xa8 gxf4 25.gxf4 f6= (Goloshchapov - Barua, Dhaka 2002). 14.i..d3 Les Blancs ont obtenu un certain avantage. Le Cavalier e4 limite leur adversaire, et si les Noirs échangent leur Fou contre ce Cavalier, comme ils l'ont fait dans la partie, la faiblesse · des cases blanches sautera aux yeux, et le Fou sera beaucoup plus fort que le Cavalier. 14....i.xe4 Il existait d'autres possibilités : A) 14...f6?! 15.exf6 lt::ixf6 16.lt::ig5 i..xg2, par exemple:

10.lt::ie5! Voilà en quoi consiste l'idée des Blancs. 10 ... i..xe5 Il existait d'autres options A) En réponse à 10 ... i..e?!? la suite 11.'iff3 (11.tZ\c6 'ifeB 12.'ikf3 i..bl 13.i..b 5 i..d6) 11...i..b? 12.i..b5! n'est pas mal.

A1) 17..i.f5 l:l.xd1+ ( 17...i..xh1 18.'i'xe6+ 'ifxe6 19.i..xe6+ �hB 20.tZ\fl+, avec un gain) 18.l:l.xd1 i..d5 19.i..xe6+ i..xe6 20.'ifxe6+ 'ifxe6 21.lt::ixe6 l::tc8. A2) 17J!hg1 .i.d5 18.c4 h6 19.cxd5 hxg5 20.'iii'xe6+ 'ii'xe6 21.dxe6+-. B) 14 ... lt::ic5 15.lt::ixc5 'ifxc5 16.'ifxc5 bxc5 17.l:l.hg1 l:l.d4 18.g3!. 15. .i.xe4 lt::ic5 16. .i.c6 a5

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CHAPITRE 5 : PROFESSIONNEL

Mon rival et moi, nous évaluons cette position de manières différentes. Evgeny surestimait probablement ses chances pour la simple raison qu'il pensait mieux jouer aux échecs. Évidemment, le Fou c6 est nettement plus fort que le Cavalier c5. À ce moment-là, j'avais déjà compris que dans le cas d'un échange de toutes les autres pièces, la finale « Fou contre Cavalier » serait perdue par les Noirs.

[20.'it>b1 tbb4 21.1'.f3 a4]. 20...'ifa3+ 21.d7 43.'LlfS

29 ...loc6

Le seul coup possible. Il est vrai que l'ordinateur dit qu'on peut aussi jouer 30...hS, mais je ne crois pas à ce type de miracle 31 . .i.b2 hxg4 32.hxg4 'it>c8 33.logS t'lJd4 34..bd4 cxd4 35.'it>f3!. 31.lbf6 lbd4?! Kiril a décidé de définir la position. La suite 31 ... .i.g7 32 . .i.b2 'Llb4 33.'Lle1 bS (33...c6 34.'Lie4 .i.fB 35.h4 gxh4+ 36:i;xh4 b5 37.lbd2 cJi;b6 38.f4±) 34.axbS a4 35.bxa4 .i.xf6

CHAPITRE 5

PROFESSIONNEL

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Match Europa - Kazan, 2001

Alexander Onischuk, le photographe A. Sushentsov, Nikola Mitkov, Vadim Zvjaginsev, Kiril Georgiev, Victor Bologan et Sergei Rublevsky Poikovsky, 2001

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CHAPITRE 5 : PROFESSIONNEL

A) 44...tf4 i.c8 45.lbd6 .bd6 46.exd6 ..tb7+ 47.'�e5 i.f3 48..i.xh6 i.d1 49.h4 .i.xb3 50.h5 i.xc4 51.i.d2 .i.b3. 8) 44.h4!? .i.c8 45.h5 (45.f4 d7 47.g5 hxg5+ 48.'it>xg5 'it>e6! (48 ...i.e4 49.d7! 47.e6 fxe6+ 48.'it>e5 i.b7 49.g5 'it>e7 50.g6 d3 51.h4 .i.f3 52.i.g5+ �8 53.'it>xe6 'it>g7 54.c;t>f5 i.h5 55..i.f6+ 'it>h6 56.g? 'it>h7 57..i.c3 .i.d1. C2) 46.'it>f4 .i.b7, et ensuite : C21) 47.h4 d3 48.'iîi'e3 i.c8 49.g5 .i.f5 50.i.g? .i.g6 51.e6 fxe6 52.i.e5 'it>d7 53.'iîi'd2 'it>d8. C22) 47.i.g5! i.g2 (47 ...d3 48.�f5 i.f3 49.h4 .i.d1 50.h5 .i.c2+ 51.'it>f6 �fB 52.i.d2 wgB 53.h6+-) 48.h4 .i.f1 49.f5 .i.d3+ 50.'it>f6 .i.c2 51.h5 'it>f8 (51... .i.xb3 52.h6 i.c2 53.'it>gl+-) 52..i.d2! g8 53.g5 i.d3 54.e6 fxe6 55.g6 e5 56.h6+-. La tâche des Blancs est plus facile, maintenant. 44.axbS a4 45.bxa4 ..txc4 46.i.xh6 i.xh6 47.lbxh6 Les Blancs ont obtenu un avantage de deux pions et d'un Cavalier en échange d'un Fou, ce qui écarte la possibilité de nulle, fréquente avec des Fous de couleurs opposées. 47 ...i.b3 Ou bien 47....i.f1 48.h4 i.g2+ 49.'it>f4 c4 50.lbf5 d3 51.'it>e3. 48.aS i.a4 49.b6 .i.c6+ 50.�f4 Les Noirs abandonnent.

[1 :O]

MORALITÉS: 1) Jeu de pions dans les finales. L'idée du coup 14.a4 consiste à préparer la retraite du Cavalier c3, _et à gêner en même temps la rupture de l'aile-Dame a5-a4. En effet, si les Noirs parvenaient à l'exécuter, ils ouvriraient la colonne pour leur Tour, et obtiendraient ainsi l'initiative sur cette aile. 2) Il est très important pour parvenir à la victoire de créer et de fixer une faiblesse comme celle du pion en h6. Il est curieux que dans la va­ riante classique de la Défense Caro-Kann, tout le jeu des Blancs soit précisément fondée sur l'utilisation de la faiblesse du pion h6. 3) Il est nécessaire de lutter jusqu'à la fin et d'utiliser pour se défendre tous les moyens disponibles. Un coup comme 43 ... b5!? com­ plique considérablement la tâche de l'adversaire. En général, ce genre de ruptures est typique et on ne peut le voir que dans les finales. Le 10 novembre 2001, un mois avant mes 30 ans, je rendis les armes. C'est précisément à cet âge critique que l'homme doit se décider entre une vie conjugale heureuse et sa liberté de célibataire. Après trois ans de vie matrimoniale, je peux dire qu'en perdant ma liberté, j'ai obtenu quelque chose de plus, le sens de la vie. C'est-à-dire une épouse, et peu après, une fille. En bon joueur d'échecs professionnel, au lieu d'emmener mon épouse en voyage de noce, je l'emmenai en tournoi, au tournoi du Nouvel An de Pampelune. Je dois souligner que là­ bas, en hiver, les rues sont pleines non de taureaux mais d'une foule déguisée. Cela nous suffisait. De plus, les débuts de ma jeune épouse en tant que secondante donnèrent entière satisfaction : je cumulai 7 points sur 9 avec une avance d'un point et demi sur le deuxième. Ce fut, comme à Poikovsky, dans la première ronde que je fus le plus rudement mis à l'épreuve.

CHAPITRE 5 : PROFESSIONNEL N°37. O. De la Riva -V. Bologan Pampelune 2001 Défense Philidor [C41] 1.e4 d6 Je n'ai pas trouvé dans ma base de données une seule partie jouée par mon adversaire au cours de l'année 2001. C'est pourquoi j'ai pensé que son manque de pratique me serait utile, surtout dans des positions stratégiquement compliquées, comme il s'en produit indiscutablement dans la défense Philidor. 2.d4 lZ'if6 3.lbc3 es 4.lbf3 La finale qu'on obtient après 4.dxe5 dxe5 5.'i!fxd8+ 'itxd8 est une tout autre histoire, et, bien sûr, ne mène pas obligatoirement à la nulle. 4...lbbd7 5.g3 On pourrait croire que les Blancs, en s'écartant de la variante 5..tc4, renoncent à se battre pour l'initiative, mais il n'en est rien. Ils continuent à exercer leur contrôle sur le cen­ tre, et le fianchetto du Fou de cases blanches mérite aussi le coup d'oeil. 5... c6 6.a4 i.e7 7.i.g2 0-0 8.0-0 .U.e8 Simplement un autre coup normal, mais de nos jours, quand on lutte désespérément pour les temps, il vaut mieux éviter les coups non obligatoires. Ce dont la position des Noirs a réellement besoin, c'est de développer l'aile­ Dame: 8...b6! 9.b3 (9.J:le1 i.bl) 9...a6 10.i.b2 et ensuite: A) 10...J:leB 11.'i!fd2 11/c7 12.J:lfe1 i.f8 13.h3 i.b7 14.lbh4 g6 15.J:lad1 b5 16.dxeS dxe5 17.'ii'g5 h6 18.'i!fe3 l::!.ad8 19.l:td2 �h7 20.J:led1 lbc5 Meier - Bauer, Dresde 2002. B) 10....tb? 11.J:le1 l:te8, suivi de ..tf8, b5 ou bien exd4, c5.

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9.h3 [9.li!.e1 i.f8 10.b3 b6 11.i.b2 .tb7]. 9... .tf8 10.l:te1 b6 11.i.e3 i.b7 12.lbd2 a6 13.g4!? Ce qui provoque l'affaiblissement de l'aile­ Roi. Après 13.f4 les Noirs sont prêts à répondre 13...b5. 13 ...h6 14.d5 Tôt ou tard, les Blancs vont devoir décider que faire de la tension au centre. Il est moins bon de jouer 14.dxe5 dxe5 15.lbc4 'ile?, car tout le plan relatif à lbd2-c4-d6 aboutira à une im­ passe. 14... bS?! Il fallait fermer le centre : 14...cxdS 15.exd5 .l:!.c8 16.lbde4 lbxe4 17.lbxe4 .te? 18.lbg3 ..tg5, avec égalité. 15.dxc6 i.xc6 16.lZ'if1?! À la place, les Blancs pouvaient opter pour une variante plus contrainte : 16.axb5 axb5 17.'i!fe2 lbc5 18.lbxb5 (18.b4 lba6 19.J:leb1 lbc 7) 18....txb5 19.11/xb5 l:tb8 20 .111e2 J:lxb2 21.lbc4 l:!.b7 22.i.xc5 dxc5, qui déboucherait certainement sur une nulle, dans la mesure où les cases faibles d5 et f4 se compensent mutuellement, même si les Blancs conservent un léger avantage.

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16... bxa4

22...l2:'ixg2 23.�xg2 l2:'if6

Il est curieux que De la Riva ait déjà joué une position comparable, en sacrifiant temporairement son pion a4 face à Bauer lors du tie-break du tournoi de Mondariz 2000. La rencontre finit en nulle, mais je me rappelle qu'Oscar joua toute la partie avec une grande assurance. Au lieu de laisser tout seul le pion a6, j'aurais pu jouer simplement 16 ...l2:'ic5 (16...b417.lL'idS a518.fkd3) 17.axb5 (17..i..xcS dxc5 18.axbS axb5 19.fkxdB 1:1..exdB 20.l2:'ie3 c4, et la finale serait alors favorable aux Noirs.) 17...axb5 18.J:txa8 fkxa8 19.l2:'id5, avec égalité.

Si 23...'i!fc7 24.l2:'id5 (24.b3 a4 ; 24.�g1 a4) 24....i..xd5 25.'ii'xd5 a4.

17.'ii'd3! Durant la partie, j'ai sous-estimé ce coup. En plus de se développer simplement et de se proposer de doubler leurs pièces lourdes dans la colonne « d », les Blancs attaquent aussi le pion a6. 17...l2:'ih7?1 Sur le site internet « Le club de Kasparov » cette partie fut très bien classée, surtout en ce qui concerne la stratégie. Par exemple, la manoeuvre l2:'ih7-g5-e6-f4 aurait été tout à fait justifiée si le Cavalier avait eu du renfort en f4. Mais en tout cas, c'est bien moi qui ai échangé un Cavalier qui avait joué six coups, contre un Fou qui faisait son premier pas et n'avait même pas encore vu le ciel bleu..

24.f3 a4 25.l2:'ib6? De la Riva a dépensé beaucoup de temps pour penser les coups précédents et il a finalement obtenu une excellente position. Il reconnut après la partie qu'il avait analysé deux suites et n'avait choisi de prendre le pion que parce qu'il n'avait guère de temps pour réfléchir, et cherchait à tout prix à simplifier la position. Par chance, il ne joua pas 25 . .l:ted1 1:1..e6 26.lbb6 1:l..b8 27 .l2:'ibxa4±. 25 .. JlbB 26.lbcxa4 .i..xa4 27.l2:'ixa4 d5 À partir de ce coup, les Noirs s'emparent de l'initiative. 28.exd5 l2:'ixd5 29Jàad1?! Il existait de meilleures options A) 29.l:led1 l2:'ixe3+ 30.'ifxe3 fkc8. B) 29.c4 l2:'ixe3+ 30.'ifxe3 fkc8 31.c5 f5±.

17 ... l2:'ic5 18 . .i.xc5 dxc5 19.'i!fxd8 J:!.exd8 · 20.l2:'ie3(20.l2:'ixa41:1..abB 21.b3 c422.bxc41:l..b4 23.l2:'ic3 1:!xc4 24.lL'idS) 20 ... 1:1..ab8 21.lbc4 pouvait déboucher sur une position confuse. 18.l2:'ixa4 l2:'ig5 19.l2:'ic3 a5 20.l2:'id2 l2:'ie6 21.l2:'ic4 l2:'if4 [21...l2:'idc5 22.fkd2 a4 23..U.ed1'i!fb8 24.l2:'id5!]. 22.fkd2! Le coup 22 . .i.xf4? est absolument anti­ positionnel, dans la mesure où il livre entièrement les cases noires au rival.

29..."ifcB! 30.fkf2 (30.'ifxd5 'ii'xc2+]. 30...l2:'ixe3+ 31.l:t.xe3 f5! Il est très important d'affaiblir dès que possible l'aile-Roi des Blancs, jusqu'à ce que le

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CHAPITRE 5 : PROFESSIONNEL Cavalier a4 soit de retour dans le jeu. 32.gxf5 [32..l:!.c3 'i'a6 33.b3 e4! 34.gxf5 .tb4 35..l:!.e3 exf3+ 36.'ifxf3 .l:!.xe3 37.'ifxe3 'ifc6+]. 32 ...'ii'xf5 33. .!:!.e4 l;te6 34.b3 .!:!.g6+ 35.'.t>h2 .l:.f6 36.�g2

Tout est maintenant terminé, car le Roi est à découvert. 42.'i'h3 Si 42..l:.d8+ �h7 43.'ii'h3 l:!.h5 44.l:r.h4 îi'c2+ 45.�g1 l:l.g6+ 46.�f1 1i'c1+ 47.�e2 l:txh4 48.'i'xh4 l:!g2+ 49.�d3 'i'c2+ 50.�e3 îi'e2++.

En plein zeitnot, De la Riva se serait contenté de la nulle, mais...pas moi !

42...J:!.h5 43..l:!.dS+ �h7 44..l:i.h4 îi'c2+ 45.�g1 l!g6+ 46.�f1 .l;!.xh4 47.'it'xh4 '1!i'g2+ 48.'.t>e1 'ifxf3 49.'i!fh2 .!:!.g2

36....l:!.cS 37.c4 .!:!.cc6 38..l:!.d3?

Les Blancs abandonnent.

[O :1]

[38.lt'ic3 .l::tb6 39.lt'ib5 .l:.a6 (Shipov, Notkin)]. 38...l:.g6+ 39.'.t>h2 .te7 En passant par g5 et f4, le Fou s'est préparé à retrouver ses petits camarades. 40.h4

40....txh4!! Pour jouer le 40ème coup, il me restait environ cinq minutes sur la pendule, et j'étais un peu inquiet d'avoir sacrifié toute une pièce. [40...1:tg4!? 41.llxg4 'ifxd3]. 41.'ii'xh4 [41 .l:txh4 'ifxd3]. 41.. J!g5

MORALITÉS: 1) Dans les positions avec tension au centre, il est nécessaire d'être très attentif, d'analyser sans arrêt à qui profite l'échange en d5 ou en c6. Les Blancs étaient tout prêts à créer une désagréable pression le long de la colonne « d », c'est pourquoi les Noirs auraient dû fermer le centre au 14ème coup (14...cxd5 au lieu de 14...b5?!). 2) On ne peut pas toujours exécuter de jolies manoeuvres comme lt'if6-h7-g5-e6. Elles prennent beaucoup de temps, et il est nécessaire d'analyser si aucun obstacle ne va venir nous barrer le chemin. Dans cette partie, les Noirs ne parviennent pas, physiquement, à mener cette manoeuvre à son terme, et ils se sont donc retrouvés dans une position difficile. 3) Quand la position du Roi est affaiblie, on peut toujours sacrifier un pion. Généralement, on parvient en échange à développer l'initiative obtenue, à l'aide de détails tactiques comme 29 ...'ifc8!, un coup multi-fonction. Comme l'année 2002 avait commencé sous des auspices favorables, je ne pensais pas qu'au cours des douze mois suivants m'attendraient de nouvelles épreuves. Je m'habituais à peine à la vie de famille quand naquit ma charmante petite fille, Katia. Je dus

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changer à nouveau de rythme de vie. En un mot, en dehors de ma victoire au tournoi rapide de Mayence, je n'obtins aucun résultat remarquable, surtout si l'on ne prend pas en compte le petit pas en avant accompli par l'équipe de Moldavie. Lors des Olympiades de Bled, nous arrivâmes 31èmes, une place honorable pour nous. Et quand un an après je me retrouvai à Pampelune, je me sentais beaucoup mieux.

N°38. V. Bologan - R. Kasimdzhanov Pampelune 2002 Défense Petrov [C42] Je nouai à Pampelune une belle amitié avec le futur Champion du Monde. Seuls Ivan Sokolov et Paco Vallejo participaient aussi au tournoi, c'est pourquoi mon cercle de relation fut réduit au minimum. Dans ce vide relationnel (ma femme était restée chez nous avec la petite Katia) nous appréciâmes les longues conversations avec Rustam sur divers thèmes. Le dix-septième Champion du Monde est quelqu'un de très érudit, qui a beaucoup lu, et dont la facilité et en même temps la profondeur de pensée étaient déjà stupéfiantes à l'époque. 1.e4 e5 2.lbf3 lt:lf6 3.lt:lxe5 d6 4.lt:lf3 lt:lxe4 5.d4 d5 6.i..d3 lt:lc6 7.0-0 i..e7 8.c4 lt:lf6 8...lt:lb4 est encore plus populaire. Karpov a joué ce coup à la même époque lors de son match contre Kasparov, à New York, et en 2004 cette variante a de nouveau fait ses preuves pendant la rencontre entre Leko et Kramnik. Les Blancs, qui auront bientôt un pion isolé, doivent créer rapidement une pression sur le point d5 et la colonne « e ». 9.h3 lt:lb4 10.i..e2 dxc4 11.i..xc4 0-0 12.lt:lc3 lt:lbd5 13J;(e1 c6

14.'ifb3 Plus tard, les Blancs tentèrent en vain de prendre l'avantage après 14.i..gS i..e6 15.'iifb3 'i!fb6 (15... IibB 16.i..h4 h6 17.i..g3 i..d6 18.i..e5 lt:lc7 19.i..xe6 lt:lxe6 20Jfad1 lt:lf4 21.i..xf4 i..xf4 22.lt:le5;!; Kramnik - Dautov, Brissago 2004) 16.lt:lxdS cxd5 17.'i!fxb6 axb6 18.i..b3, et ils jouent ensuite, à la dernière mode, 18...i..b4, par exemple : 19..l:!.eS lt:ld7 20.lie2 J:.fc8 21.lt:le1 lt:lb8 22.lt:ld3 lt:lc6 23.lt:lxb4 lt:lxb4 24.g4 h6 25.i..f4 g5 26.i..e3 i..d7 27.a3, nulle (Kasimdzhanov - Fridman, Essen 2002). C'était probablement pour cette raison que Rustam avait décidé de jouer cette variante. 14...lt:lb6 15.i..d3 i..e6 16.'ifc2 h6 16...i..dS 17.lt:leS h6 18.i..f4 .l:!.e8 19.J:.e2 i..e6 20.'ifd2 i..f8 21.l:rae1 lt:lbd5 22.i..g3 Ik8 23.i..h4 g5 24.i..g3;!; (Ponomariov - Karpov, Wijk aan Zee 2003). 17.a3 Un coup prophylactique important. Maintenant, les Blancs ne devraient plus perdre un temps si le Cavalier noir saute en d5. Il est intéressant, mais dangereux, de sacrifier la qualité en utilisant cette méthode connue: 17.J:!.xe6 fxe6 18.'it'e2 'iifd7 19.i..d2 i..d6 20.lt:le4 lt:lbd5 21.lt:lxd6 'i!fxd6 22.z:re1 l:rad8 23.a3 l:rfe8 24.i..b1 es 25.lt:leS� (Topalov - Anand, Wijk aan Zee 2003). 17...lt:lbdS

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Mariage religieux à Chisinau (Automne 2002). « Nenashi » (Témoins) : Valery Myndru sa femme Eugenia

c8 après avoir fait l:c7. C'est précisément ce Contre 17 ...l:e8, je me disposais à placer mon qui s'est joué dans la partie suivante : 18.i.d2 Fou sur la diagonale h2-a7 : 18.i.f4 tl:lbd5 19.i.e5, avec un léger avantage des Blancs. . lk8 19.tl:la4 l:tc7, et ensuite : A) 20.tl:lc5 i.c8 21. .l:tac1 i.d6 22.tl:le5 l:te8 23.b4 l:.ce7 24.'ifb2?! (24.b5!? i.xe5 25.dxe5 .l:ixe5 26.l::txe5) 24...tl:lc7 25.a4 tl:le6= (Lutz Fridman, Essen 2002). B) Ou 20.i::te2 Jl.d6 21.l:ae1 tl:lh5 22.�h7 @h8 23.i.f5 tl:lhf4 24.i. xf4 tl:lxf4 25 J le3 tl:ld5 26.l:t3e2 tl:lf4 27 .l:!.e3, nulle (Gelfand Yusupov, Istanbul 2000). 18...tl:ld7!?

18.tl:la4! Cette nouveauté a été préparée dès le 17éme coup des Blancs. Pendant que les Noirs déclenchent une lutte pour le point f4, les Blancs utilisent la case a4 pour mettre leur plan à exécution. Il est aussi important de jouer tl:la4 avant que la Tour n'arrive en c8, puisque dans ce cas les Noirs amèneront leur Fou en

Évidemment, les Noirs n'ont aucune envie de livrer leur Fou en échange d'un Cavalier. Par ailleurs, ils ne peuvent prendre le contrôle de la case c5 en faisant 18 ... b6 à cause de 19.tl:le5± .. Et si 18...ii'c7 19.tl:lc5 i.xc5 20.dxc5 tl:lf4 21.i.f1 qui donne de meilleures chances aux Blancs. 19.i.d2 :tes 20.l:tad1 J'avais aussi envisagé dans mon analyse de

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doubler les Tours dans la colonne « e » : 20 . .l:i.e2!? 'ile? 21.:lae1 ltif4 22 . ..txf4 'fixf4 23.ltic3!? (23 . ..tc4 ..txc4 24.'iixc4 WfB 25.'ikd3 g6 26 .b4..tg527 ..1:i.xeB+ .l:t.xeB 28.:XeB+ b1. Il ne laissa bien sûr pas passer lt::ig6, et joua avec plus de force: 15.. J:He8 16.lt::ie4 lt::ixe4 17.'iixe4 l:ad8 18.c4 lt::ixe5 19.dxeS, et là, grâce à 19 ...l:l.xd1+ 20.l:l.xd1 .!:f.d8 21.l:!.xd8+ 'ii'xd8 il put équilibrer complètement le jeu.

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13.. .'i!fa5 14.lbe5 l:ld8?!

J:l.xd1 24.1:.xd1 f!xf2 25.J:l.dl±).

Je ne pouvais comprendre quel était le sens de ce coup. En premier lieu, il pouvait répéter la partie de Timman, dont je parlerai plus loin, et en second lieu, après 15.'ife2 les Noirs seraient obligés de se défaire de leur Fou.

A) 14...lbxe5 15.dxe5 lüd5 16.�d2'it'c7 17.f4t.

B) 18.hxg6 lüg8 19. .i.xh6! gxh6 20Jlxh6+ lüxh6 21.'i!fxe7 lüf6. L'analyse du huitième Champion du Monde s'achève en réalité ici, il signale que 22.Ith1 ne sert à rien à cause de '.t.>g8. Mais dans une partie par correspondance, jouée en 1995, on a décidé de finir de prendre le matériel : 22.g?+ @g8 23.gxf8'i!f+ llxfB 24.'i!fxb?± (Cimmino - Franz, corr. 1995).

B) 14...0-0!? 15.lüxd7 lüxd7 16.lüe4t.

17.lüxe7+ l:txe7 18.J:rd3!

15.'ii'e2

Un transfert de Tour très courant, vers la troisième rangée. En plus de ses possibilités d'attaquer la Dame adverse, la Tour peut à tout moment se joindre à l'attaque du Roi grâce à un sacrifice en h6, ou en faisant l'avancée standard g4-g5.

Les Noirs avaient deux options intéressantes

Il vaut mieux jouer 15.lüc4 'i!fb5 16..i.c? l:l.c8 17 .lüd6 .i.xd6 18 . .i.xd6 'ifxd3 19.:xd3± (Timman - Larsen, Amsterdam 1980). 15 ...0-0

18 ....l:t.eeS [18 ... 'ifd5 19.J:l.g1]. 19.l:thd1 [19.J:l.a3 'i!fd5 20.ltxa? b5oo]. 19...'ii'd5

16.lüg6! Un bon coup, bien qu'il ait déjà été joué dans la pratique, et que les conséquences de ce sacrifice aient déjà été étudiées par Mikhaïl Tal, sans ordinateur bien sûr. 16.. JUeS Ce coup est aussi signalé par Tal, et Dautov considère que c'est le meilleur. Si 16...fxg6 17.'i!fxe6+ '.t.>h8 et maintenant: A) 18.'i!fxe7 lüd5 19.�d2 'ii'xa2+ 20.'.t.>xa2 lbxe7 21..i.b4 J:l.f7t (21 ... c5?! 22.1lxc5 lüxc5 23.dxc5

Un coup désagréable pour les Blancs. Pour être sincère, je l'avais un peu sous-estimé durant la partie. Maintenant il faut disposer la Tour en g1, même s'il est vrai que plus tard cela a été justifié à 100%. Si 19... lüd5 2D.ild2 'i!fb5 21.'iff3. 20.l'1g1 Il existait une autre option : 20JH3!? (20.f3 lüxh5; 20.'iif1 lüxh5) avec idée de 20... lüxh5? 21.�xh6. 20...b5 Un jeu habituel pour les Noirs. Ils s'emparent peu à peu de l'espace sur l'aile-Dame afin de se diriger vers le Roi blanc au moment opportun.

CHAPITRE 5 : PROFESSIONNEL [20 ...c5 21.dxc5 'ii'c4 22.'ii'd2 'ii'xc5 23.l:td1 !].

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[22.Wxa5 l:ta8). 22... b4?! Il me semble qu'Anand sous-estimait les dangers venus aussi bien de moi-même que de la position. Anand aurait dû pencher pour l'une des alternatives suivantes A) 22... lllxh5 23 . .i.xh6 gxh6 24.'i!kxh6, avec attaque.

21.'ii'd21?

B) 22 ... '1i'xh5 23.J:.h3 'ii'f5 24 . ..txh6 llle4 (24...gxh6 25.'iixh6 'iih7 26.It.g3+ '1Jh8 27. 'ii'e3+-) 25.'ii'e3 lüxf2 26.g4 'i!if6 27..i.g5 'ifg6 28J1h5+-

Qui prend pour cible le pion h6. Pour réaliser ce coup, j'ai dépensé un temps considérable, et c'est seulement après m'être dit dans mon for intérieur qu'il accomplissait simultanément deux tâches, prophylactique et d'attaque (d'après la terminologie de Chebanenko, c'est un coup multi-fonction), que je l'ai fait.

C) Il fallait repenser au coup 22...c5!?. Par exemple:

[21..i.e5 b4 22.f4 a5).

C2) 23.g4 c4 24.l:.h3 (ou bien 24.1:!e3 llle4 25.'iiet e5) 24...e5!

21...a5 Le pion h5 est empoisonné : 21 ... lüxh5? 22 ...txh6! gxh6 23.'ifxh6 lüg7 24.J:.h1 f6 25.lüe4 ct;f7 (25... 'it'xe4 26.:Z.g3 l:te7 27.'ii'hB+ �f7 28.Itxgl++) 26..l:!.g3 .l:!.g8 27.'ii'g6+ �e7 28.l:th?+-. Mais on pouvait penser à 21...c5!? 22.dxc5 'ii'xc5!. En règle générale, il aurait fallu faire ce coup libérateur pratiquement à n'importe quel moment de la partie. Et même si les Blancs auraient conservé un léger avantage grâce à leur puissant Fou, il leur aurait été beaucoup plus difficile de mener à bien une attaque. 22.llle21 Malgré deux attaques contre le pion h5, il demeure intouchable. Les Blancs mettent enfin de l'ordre dans la liaison entre pièces et pions. À la première occasion , ils enfonceront la por­ te de la forteresse noire se servant du pion « g » comme d'un bélier.

C1) 23...txh6 llle4.

C3) 23.dxc5 'ii'xc5 24.g4 .l:.c8 25.g5 hxg5 26...txg5 lüe4 27.'ifc1 lüe5 28Jie3t. 23.g4 lüe4 Si 23...c5 24.dxc5 'iixc5 25.g5 llle4 26.'ii'c1 hxg5 27..i.xg5 f6 28..i.e3 'iixh5 29.'ii'd1 'ifb5 30.llld4 'ii'b7 31. .i.h6"7. 24.'ii'e3 lllg5 On peut avoir l'impression que l'attaque des Blancs stagne, ou du moins, que le coup frontal ..tg5 ne sert à rien. Après y avoir de nouveau longuement réfléchi , je me suis senti obligé de jouer... 25Jk1! L'idée principale consiste à enfermer la Dame des Noirs au centre de l'échiquier. Au départ, je pensais jouer b3, mais j'y ai renoncé à cause de la réponse à4.

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CHAPITRE 5 : PROFESSIONNEL

[25..bg5 hxg5 (25..."i!Vxg5 26.f4 'ild5 27.g5) 26.f4 gxf4 27 .lbxf4 '1i'g5oo). 25...lZ'ib6 2S...a4 aurait préparé 26.c4 jfaS 27.cS lbh7 (27 ... jfbS 28.i.xg5 hxg5 29.�cd1 0if6 30.'ifxg5 J:!.d5 31.'ifh4 0ie4 32.h6) 28.gS hxgS 29.i.xgS f6 30.i.h4 es 31 J:i:g1 exd4 32.'ifg3 J:te7 33.lbxd4 avec des perspectives d'attaque pour les Blancs. 26.b3 a4? Il s'agit probablement d'une simple démonstration de force. Mais en réalité, si les Blancs prennent ensuite la qualité, les Noirs obtiennent un certain contre-jeu. Si 26.. Jfa8 27...tc7! (27.c4 bxc3 28.0ixc3 'ildB 29.i.xg5 hxg5 30.0ie4 a4 31.'ilxg5 axb3) 27 ...0ic8 (27...fib5 28.c4 bxc3 29.0ixc3 'ila6 30.i.xb6 'ilxb6 31.lt:ia4±) 28.c4 bxc3 29.0ixc3 'ifd7 30...tf4±. 27...tc7 'ifas

capture de la qualité ci-dessous est plus avantageuse pour les Blancs que la précédente, mais je ne voulais en aucun cas donner à mon rival l'occasion de démontrer son célèbre talent. Il vaut mieux qu'il se défende pour le moment. [29...txd8 .l:!.xd8 30.fS 0id5 31.•f2 J:ra8 32.l:rd2 exfS 33.•xfS 0ihf6]. 29...hxgS 30.fxgS l:td7 Si 30 ... axb3 31.cxb3 .l:!.a8 32.jfd2 l:!.ec8 33...txb6 fkxb6 34.g6, avec une attaque. 31 ...txb6 'iWxb6 32.l:!.g1 !? Il ne servait à rien de jouer directement 32.g6 lt::\f6 33.h6 fxg6 34.•g5 axb3 35.cxb3 'ii'b5 36.'ifxg6 'iff5. 32...axb3 33.cxb3 •as 34.g6 fxg6 35.hxg6 0if6 36.J:igS! En plus du celle de leur Roi, les Noirs comptent une faiblesse inattendue en e6. 36....U.dS 37.J:!.e5 Avec l'idée de 0,f4. 37...0ig4? Un coup désespéré. Le Grand Maître indien a dépensé tout son temps, mais il n'est pas parvenu à trouver la défense. [37 ...J:!.a8 38.0ic1 0,g4 39.'ifh3].

28.f41? L'attaque prend corps ! Si 28...txd8 J:!.xd8 29.0if4 (29.f4? 0id5 30.'ifg1 0ie4) 29...J:!.a8 30.lld2 0idS 31.lèixdS •xdS 32.J:!.e2 lt::\f3 33.J:!.d1 es. 28...0ih7 29.gS! Jusqu'à la dernière cartouche ! La variante de

CHAPITRE 5 : PROFESSIONNEL

169

38 ..l:txe61

possible sans trébucher.

Si l'on utilise le vocabulaire du football, on peut dire que le jeu a été mené par la Tour h1. En jouant l:be6 elle se joint pour la septième fois à l'attaque. Parmi ces coups, trois ont été affublés de points d'exclamation.

La partie suivante s'est jouée dans la quatrième ronde. En réalité, quand on a les Noirs face à l'un des dix premiers joueurs mondiaux, on a de quoi se réjouir, car ils possèdent un répertoire d'ouvertures très soigné, et réalisent un grand travail pour les Supertournois. Ils ne jouent pas beaucoup, et peuvent donc consacrer beaucoup de temps à leur préparation.

38....l:îfB [38 .. .loxe3 39.J:txeB++]. 39Jli'h3 lt:'lh6 40.l:txc6 l:[df5 41.d5 Qu'il est difficile de tirer un hippopotame d'un marécage ! (Phrase d'un conte pour enfants en vers du célèbre auteur russe K. Chukovsky). La sueur coulait le long du visage de mon ri­ val indien, épuisé par sa résistance. Mais que sont deux pions ? Anand a sauvé des positions plus difficiles. Mais le zeitnot était arrivé à son terme, et avec lui la partie : le quinzième Champion du Monde décida tout simplement d'abandonner.

[1 :O] MORALITÉS: 1) Si vous créez une menace, cela ne signifie pas qu'elle sera mise à exécution au coup suivant. Le principal objectif du coup 21.'ifd2!? était de renforcer la position, et de préparer une future avancée. 2) Quand on mène une attaque sur une partie de l'échiquier, on ne peut oublier l'autre aile. Le transfert de la Tour 25.l:.c1 ! a permis aux Blancs d'ouvrir un second front et d'obtenir l'avantage. 3) Parfois la prise de matériel n'est pas la meilleure solution de la position : certains temps, surtout dans l'attaque, peuvent être plus importants (28.f4!?). Sur le plan psychologique, cette victoire fut très importante pour moi. Elle m'ouvrait de nouvelles et heureuses perspectives : il ne me restait qu'à continuer sur cette voie, et si

N°41. P. Leko-V. Bologan Dortmund 2003 Caro-Kann [817] 1.e4 c6 J'ai sélectionné la Défense Caro-Kann en raison des mauvaises statistiques de Peter dans cette ouverture. En plus, la défense elle­ même n'est pas mauvaise. En tout cas, Karpov n'avait eu aucun problème dans la Caro-Kann face à Leko. 2.d4 d5 3.lt:'lc3 dxe4 4.lt:'lxe4 lt:'ld7 Le coup 4....i.f5 est aujourd'hui plus populaire. Le coup de la partie s'est diffusé dans les tournois au plus haut niveau, surtout grâce aux efforts de Karpov, même si cette suite n'a pas beaucoup d'adeptes. Parmi les joueurs d'échecs forts, Galkin est probablement le seul à la jouer régulièrement. Dans cette variante, les Blancs s'efforcent de provoquer le coup e7-e6, afin d'enfermer le Fou c8. Il en résulte des positions typiques de la Défense Française. Pour résoudre le problème de leur Fou de cases blanches, les Noirs jouent souvent b6, �b7 et c5. 5..i.c4 Un nouveau coup dans la pratique de Peter. Il avait toujours préféré 5.lt:'lg5. C'est ce que

170

CHAPITRE 5 : PROFESSIONNEL

Naiditsch avait joué contre moi dans la première ronde de Dortmund. 5... lbgf6 6.lLJg5 e6 7.'ii'e2 lbb6 8.i..d3 h6 9.lb5f3 es 10.i..e3 On peut voir beaucoup plus souvent 10.dxc5. 10.. Jic7 11.lbeS a6 Même si j'avais revu avant la partie les va­ riantes apparaissant après 5.ii.c4, je ne pus me rappeler comment jouer correctement dans cette position. On peut, par exemple, suivre le chemin tracé par Galkin : 11....i.d6 12.lbgf3 lbbd5 13. .tb5+ h2 'iixb4=. 27...:ac8?? Un coup fondé sur des considérations erronées. Le Cavalier d7 va se retrouver cloué pendant une part considérable de la partie.

En travaillant avec des ordinateurs, nous avons appris à jouer ce type de coups : la Dame s'élance « dans le vide » pour défendre les cases faibles ; on peut l'attaquer de toutes parts, mais il semble qu'elle pourra esquiver tous les coups. Il existait d'autres possibilités A) 31...h5 32.ll'le5 f6 33.bxa6 fxe5 (33...bxa6 34.:i:t.c3) 34.'ifb4+ 'it>f7 35.axb7 'ilic7 36.'ii'a5 'ii'b8 37.a4t.

B) 31 ...axb5 32.'ifb4+ .t>g8 33.ll'lxh6+ 'iith7

(33...'iithB 34.'ilih4) 34.'ife4 g6 35.'ikh4 'it>g7 36.ll'lg4+-. 32.bxa6 bxa6 33J!d6?? Si Leko avait joué 33.ll'le5, il aurait pu achever le tournoi d'une manière complètement différente : 33...'i!fc7 (33...'ii'b5 34.'Wa5!) 34.'ifb4+ 'it>g8 35.'iie7+- et le clouage du Cavalier serait alors décisif. Il est, bien sûr, possible de trouver en plein zeitnot un coup comme 33.ll'le5, mais il est plus probable de ne pas le voir.

173

CHAPITRE 5 : PROFESSIONNEL 33...'ii'b5 34.lbd4 �b1+ 35.@h2.:.es Les Noirs, qui sont parvenus à déclouer leur Cavalier, sont maintenant hors de danger.

tranquillement dix minutes et exécutai le premier de deux coups subtils, qui me menèrent à la victoire.

36.lbb3 lbc5 Dans les dix coups suivants, Dortmund était pratiquement à moi. Ma victoire sur Anand avait tout simplement été un moment crucial : gagner face à l'un des plus remarquables ou peut­ être le plus remarquable joueur d'échecs du moment (le détenteur de I' « Oscar »). Et cette partie me permit en pratique de gagner le tournoi : Leko ne profita pas de mes erreurs et « se grilla ». Mais à ce moment de la partie il avait, bien sûr, une position tout à fait acceptable.

41.. JWe5! 42.l:.a3

[36...h5 37.l:!.xd? hxg4 38.'ifd6+ Wg8 39.l:.d8].

[42.J:!.a8 'ii'd5].

37.lbxc5 l:!.xc5 38.l:txa6

42...'ifg5!

Si 38.J:.xe6 'ii'b8+ 39.'i!i'd6+ 'it'xd6 40.J:::.xd6 J:.a5 41..l:!.d2 f5 42.lbe3 .i.f7+.

Et de deux ! J'avais aussi perdu beaucoup de temps pour ce coup et j'ai trouvé un « coup d'ordinateur » gagnant.

38...'ii'bB+ 39.@g1 L'avant-dernier coup avant le contrôle. Il est clair que si 39.f4 .l:!.b5, les Noirs auraient do­ miné légèrement, mais cette position est très difficile à gagner. Mais la finale qui se présente après 39.'it'd6+ 'ii'xd6+ 40Jlxd6 l:tc2 41.@g3 .llxa2 est très difficile pour les Blancs. Kasparov a gagné une finale similaire avec trois pions contre deux face à Karpov dans la partie décisive du match de Séville 1987, et il est beaucoup plus difficile de se défendre avec quatre pions contre trois. 39.. Jàb5 40.lbe3?? Le coup qui le fait perdre. La dernière occasion des Blancs était de passer à une très désagréable finale de Tour et Cavalier contre Fou et Cavalier: 40.'ifd6+ 't!i'xd6 41 Jlxd6 l:îb1+ 42.@h2 .l:!.b2+. 40 ....l::!.b1+ 41.lbd1 À ce moment-là, je pris une tasse de thé, pensai

43.l:te3 Il n'existe pas d'alternative :

A) 43.'ii'd4 'ifd5 44.J:.d3 .i.a4. B) 43.'ifd6+ "ille7 . 43....i.a4 44.@h2 "il/f4+ 45.g3 I:!.xd1 ! 46.'i'dB+ Désespoir ! Ce coup montre à quel point la lutte était tendue, puisqu'un joueur d'échecs de ce niveau ne jouerait pas ainsi dans une situation normale. Mais Leko était très triste de sa défaite. Les Noirs avaient supporté une pression très élevée, et les Blancs n'avaient pu restructurer leur jeu à temps et commencer à se battre pour obtenir la nulle. 46.. J:txdB Les Blancs abandonnent.

[O :1]

174

CHAPITRE 5 : PROFESSIONNEL

MORALITÉS: 1) Les dogmes que nous avons appris, comme celui qui dit que le Fou est plus fort que le Cavalier (surtout dans les positions ouvertes) nous gênent parfois pour trouver la solution correcte. La possibilité d'échanger le Fou contre le Cavalier d5 m'avait échappé. 2) 21.b4?! est une erreur typique que nous pouvons nommer « un coup actif fondé sur des considérations générales ». Il ne fait pas partie d'un plan général et n'aide pas à faire monter la pression qui s'exerce sur la position des Noirs. 3) Après un difficile zeitnot, on a tout intérêt, même sans trop s'inquiéter du temps perdu, à s'éloigner deux minutes de l'échiquier, à boire une tasse de café ou de thé et à analyser ensuite la position d'un œil neuf. Il n'y a aucune raison de se dépêcher de faire le 41 ème coup ! J'avais cumulé 3,5 points dans les quatre premières rondes, et occupais donc la première place, et je ne la cédai plus à personne jusqu'à la fin du tournoi. Mon bonheur était sans limite. Comme cela m'était souvent arrivé auparavant, j'étais parvenu à gagner du premier coup un tournoi d'une force nouvelle pour moi. Bien sûr, les sceptiques diront qu'il a fait très chaud cet été là (+38°C à l'ombre), que ma femme (mon meilleur secondant) a employé des « tours de sorcière », et que j'ai eu de la chance dans la partie contre Leko. Tout cela est vrai, mais il faut aussi tenir compte du fait que le succès se compose toujours de plusieurs ingrédients. Par exemple, comme aurais-je pu savoir qu'en . travaillant sur mon terrain, au bord de la mer à Fiolente, j'avais bâti les fondations de ma victoire à Dortmund? Je m'étais contenté de creuser... Mon triomphe à Dortmund 2003 a démontré une fois de plus les imperfections de notre système : il n'existe aucune liaison entre les différents groupes d'ELO. On ne peut se rappeler d'un seul tournoi dans lequel, par exemple, auraient joué Adams et Moiseenko. La victoire de Kasimdzhanov en Libye devant quatre représentants de l'élite démontre qu'il n'existe pas une grande distance entre I' « élite » et les « simples mortels ». Il existe bien plus de dix personnes qui savent jouer aux échecs, et

pour ces dix-là, il devrait être plus intéressant de ne pas jouer seulement entre soi. Ce tournoi fut suivi d'un repos bien mérité à Fiolente, d'une conférence de presse à Chisinau, de conférences sur Dortmund, aussi bien à Chisinau qu'à Moscou, et de la Coupe d'Europe en Crête.

A cette occasion, l'équipe de

Kazan reçut au dernier moment le renfort de Garry Kasparov, et nous pensions - non sans raison - que nous étions en conditions de lutter pour la première place contre le club millionnaire NAO (Paris). De plus, le treizième Champion du Monde commença à le démontrer avec quatre victoires convaincantes, y compris une contre le premier échiquier du NAO, Grischuk (grâce auquel nous parvînmes à finir le match ex aequo). Le principal rival passé, nous jouissions d'un certain avantage en points et une simple rencontre avec une équipe d'Israël nous attendait. Mais ce ne fut pas notre jour. En premier lieu, notre troisième échiquier, Sergei Rublevsky, tomba après l'ouverture dans une position sans espoir face à Avrukh. Ensuite, Ilia Smirin fit rapidement nulle avec les Blancs, et enfin arriva le coup de tonnerre. Kasparov, dans une position supérieure, risqua ses deux pions centraux en un seul coup et abandonna. Il était irréaliste de songer à gagner les trois parties restantes, c'est pourquoi nous considérâmes comme un succès le fait d'obtenir l'égalité dans le match.

N°42. V. Bologan - M. Roiz Rethymnon 2003 Défense Française [C18] 1.e4 e6 2.d4 d5 3.tbc3 .i.b4 4.e5 c5 5.a3 .i.xc3 6.bxc3 'ifa5 Dans le système Winawer, les Noirs livrent leur Fou de cases noires, et détruisent en contrepartie la structure de pions de leur

CHAPITRE 5 : PROFESSIONNEL adversaire. Comme dans le système avec 3.e5, le centre de pions est fermé, et les Noirs préparent diverses ruptures de la chaîne : f6 ou bien c5. Les Blancs disposent de deux plans principaux : l'un est lié à l'attaque de la Dame en g4 et à l'attaque des pièces sur l'aile­ Roi ; le second, plus tranquille, est celui qui est mis à exécution dans la partie.

175

9.h4 Ici les connaissances que j'avais reçues de Zigurds Lanka au début des années 90 me furent très utiles : il m'avait expliqué pratiquement tous les plans qui se présentèrent au cours de cette partie.

7...td2 'it'a4

9...ltic610.h5

Le jeune joueur d'échecs israélien Michael Roiz joue la variante dite Rustemov. Maintenant, si 8.'iVb1 c4 les Noirs peuvent maintenir leur défense avec succès (voir, par exemple, la partie Fedorov - Jacimovic). C'est pourquoi je décidai de mettre mon jeune adversaire à l'épreuve dans une autre structure.

Il est nécessaire de fixer d'abord l'aile-Roi des Noirs.

Il existait d'autres possibilités A) 8.h4 f69.'iVg4 � 10.l:th3 h5 11.'ir'f4 ll:lc6 12J:tg3 ll:lce7 13.ll:lf3 c4 14.exf6gxf615.ll:le5� (Morozevich - Shipov, Krasnoïarsk 2003. B) 8.'iVb1 c4 9.ll:lh3 f610...te2 ltic611.0-0 fxe5 12.dxe5 ltice7 13.f4 h614...th5 g615...tf3 ..td7 16.ltif2 0-0-0 17 .ll:lg4 '.t>b8 18 ...te3 ..tc8 19. 'ir'b2, nulle (Fe dorov - J acimovic, Rethymnon 2003). 8...c4 Sont possibles aussi : A) 8 ...ltic69.h4 cxd4 10.h5 dxc3 11 ...txc�. B) 8...b69.h4 ..ta6 10.h5 h6 1Ul.h4;!;.

10...h6 · La position du pion en h6 (comme dans la Caro-Kann) peut alors faire son effet à n'importe quel moment de la finale. Et l'avantage d'espace offre les conditions pour jouer dans cette partie de l'échiquier. 11.g3 Une nouveauté. On pouvait jouer ensuite, aussi, 11.ltih4, par e xemple : 11 ...ltige7 12..:h3!? ..td7 13..l:.f3;!; (Gogineni - Elbaba, Téhéran 2002). Je jouais, comme disait Lanka, « dans les règles». Et la règle était la suivante: un Fou va en h3, l'autre en f4, et ensuite le Cavalier, en passant par g2, se déplace en e3. 11 .....td712 ...th3 0-0-0 13...tf4! Une défense supplémentaire du pion e5. 13...ltige714.'it'd2 l:!.dfB 15.ltih4 .l:th716.ll:lg2 La case g2 n'avait pas été réservée en vain pour le Cavalier ! 16...�bB Les Noirs auraient sûrement dû se décider pour 16...f6, par exemple: 17.ll:lh4 fxe5 18.dxe5 l::thh8 19.0-0;!; 17.tbh4 fxe5 18.dxe5 l:hh8 19.0-0;!;. Mais mon adversaire avait du retard, et il n'est pas parvenu à réaliser cette rupture. 17.ltie3 'ît>aB 18...tg2 ltic8

176

CHAPITRE 5 : PROFESSIONNEL

Les Blancs ont ainsi mis à exécution avec succès la première partie de leur plan et maintenant ils commencent à regrouper à nouveau leurs pièces : g4, i.g3, f4. Si 18...f6 19.tbg4. 19.g4 'li'a5 Si 19.. .f6 20.i.g3 fxe5 21.dxe5 lbb6 22.f4 'ir'a5 23.0-0. 20.i.g3 lbb6 Les Noirs menacent de jouer tba4 et de limiter l'activité des pièces blanches, obligées de défendre le pion c3. Mais il existe une autre manoeuvre courante, le sacrifice du pion « a».

25.tbxdS! L'attaque est lancée directement, sans calcul minutieux des variantes. Les Blancs doivent seulement vérifier que les Noirs ne puissent compter sur aucun recours défensif direct (en un ou deux coups). 25...exdS 26 ..i.xdS Les pions centraux des Blancs deviennent mobiles, et les Noirs doivent en plus faire sans arrêt attention au sacrifice de qualité en a4. 26..J'!hh8

21.a41 [21.0-0 tba4 22.tbd1 f6 23.f4 l::thh8oo]. 21...tbxa4 22.lia3 b5 Le Cavalier a4 est bien défendu, et il ne semble pas que les Blancs puissent pénétrer sur l'aile-Dame. Mais étant données les deux colonnes ouvertes« a» et« b», et la pression exercée par les Fous, la« masse critique» de l'attaque surpasse les recours de la défense. (Note des Traducteurs : L'auteur utilise en plusieurs occasions l'expression « masse cri­ tique», quand la quantité de pièces d'un camp est suffisante pour obtenir le résultat visé, en général une attaque réussie). 23.0-0 'i'd8 24..U.b1 a6

Les Noirs tentent de faire entrer la Tour dans la bataille. L'attaque active 26 ...'i!i'g5 peut être repoussée tranquillement par 27.'i!fe2 ; par exemple : 27 .. :iilal 28.l:txa4 bxa4 (28....i.xg4 29.'iif1+-) 29.'i!i'xc4 'ir'e7 30..i.xc6 ..txc6 31.'ir'xc6 .l:!.b8 32.l:txb8 '.t>xb8 33.e6 xc6 21.h4 f5!? Me rappelant que ce jeune Danois s'était déjà tiré de deux positions complètement désespérées face à Hansen et Sasikiran, je décidai de faire à nouveau travailler ma tête. Si 21...i.xg5 22.i.xg5 4::lg8 23.h5 h6 24.i.d2 i.e4 25.f3 i.h7 26.l:!.b8+-. 22.lt:::ixe6 La suite 22.h5 i.f7 23.4::lxf7 lt:lxf7± n'aurait pas suffit. 22... lt:::ixg4 23.f3! C'est cela même, sans laisser les Noirs reprendre leur souffle ! 23... ltlf2+ 24.�e1 i.xh4

32.c3! Un détail insignifiant, mais agréable. 32... i.xa5 33Jlb7 Voyant le mat inévitable en un coup, Palo arrêta la pendule. Une partie intéressante qui s'inscrit dans un tournoi au résultat médiocre. Resté un demi-point derrière les quatre vainqueurs, je partageai la 5ème et la 6ème place avec lvanchuk.

[1 :O]

En principe, les Noirs ont un pion de plus, mais la fin est proche. 25.Wf1

MORALITÉS:

i.e1 menace.

1) Dans les échecs contemporains, la préparation des ouvertures revêt une grande importance. Le travail à la maison peut ne pas

25... i.f7

182

CHAPITRE 5 : PROFESSIONNEL

porter ses fruits si les adversaires évitent les variantes où l'on dispose de préparations, mais le travail systématique des ouvertures permet de tendre des filets dans lesquels le poisson se prendra tôt ou tard. C'est ainsi que le coup 8.'i!fb1!! a été préparé bien avant la partie.

l'échange des Fous en d7, les Noirs ne développent leur Fou en g7 qu'en réponse à c2-c4. Dans la partie, les Blancs mettent en place un solide centre de pions, et limitent ainsi l'activité du Fou de cases noires de leur adversaire.

2) Le coup 17.g4! a permis aux Blancs de restreindre sensiblement les forces de leur adversaire, en le mettant pratiquement en position de zugzwang. 3) Quand il existe une cible, comme dans cette partie le Roi noir, il est logique de rêvasser un peu, de chercher des réseaux de mat et de ne pas lésiner sur le calcul de variantes. Ici le résultat de la partie a été décidé par le sacrifice de pièce 32.c3! Pour une raison inconnue, quand je participe à un tournoi pour la troisième fois, je perds. C'est ce qui s'est passé à Poikovsky (après deux victoires, 50% des points seulement la troisième fois), dans l'Open Aéroflot (en 2004 je me retirai purement et simplement du tournoi), et pour la troisième fois à Pampelune. Dans la première ronde, j'avais distraitement perdu ma Dame face à un jeune talent de treize ans de Simferopol, Sergey Karjakin. Et après avoir perdu deux parties avec les Blancs dans la Najdorf, je remontai avec les Noirs dans des systèmes visant à empêcher que cette monstrueuse variante ne puisse faire son apparition sur l'échiquier.

N°44. L. McShane - V. Bologan Pampelune 2003 Déf enseSicilienne [850] 1.e4 c5 Vbf 3 d6 3. c 3 lt:'if6 4..i.e2 g6 5.0-0 �g76.�b5+ Michael Adams aime bien jouer cette varian­ te. Étrangement, cette apparente perte de temps s'avère avantageuse pour les Blancs. Cela s'explique par le fait qu'après 3.�b5+ et

6...�d77.�xd7+ lt:'ib xd7 8.lle1 0-0 9.d 4 lt:'ie81? McShane m'avait indéniablement surpris en choisissant cette ouverture, c'est pourquoi le désir de mettre à mal la préparation maison de l'adversaire était réciproque. Généralement les Noirs définissent la structure des pions centraux après 9...cxd4 10.cxd4 d5 11.e5 lt:'ie4, mais la position qui se présente cache bien des dangers pour les Noirs. C'est pourquoi il me parut logique de ne pas définir la position des pions au centre, de retirer mon Cavalier pour ne pas perdre un temps après e5 et de me préparer à jouer lt:'ic7-b5-b4, ou bien, selon la situation, à prendre en d4 et à jouer d5, suivi de lt:'ie6. 10.�g5 lt:'ic7 11.d5?! Un effet psychologique du coup lt:'ie8. En se confrontant à une nouvelle suite, le jeune GM anglais commet une erreur positionnelle, qui entraîne presque inévitablement des pertes matérielles. Mais même sans cela, il est évident que les Noirs seraient fins prêts pour jouer aussi bien b5-b4 que f5. De plus, en cas de nécessité, il ne serait pas difficile de jouer e6. 11."ir'd2, qui a déjà été réalisé, est mieux et

CHAPITRE 5 : PROFESSIONNEL

183

13.exf5 l:txf5 14.lt::lh4

plus simple, car il empêche le coup libérateur h6. J'avais l'impression que la Dame occupait en d2 la place du Cavalier, mais ce dernier peut tranquillement sortir vers c2 en passant par a3:

Il est logique de chercher du jeu sur l'aile-Roi. Si le jeu se développe tranquillement, les Noirs gagnent simplement un pion. Observons

A) 11...b5!? 12..i.h6 e5 13.dxc5 lt::lxc5 14..txg? �xg7 15.lt::la3.

A) 14.'ii'c2 ii'e8 15.lt::lh4 l:tf6 16.c4 b5 17..td2 g5 18..ta5 lt::lb6.

8) 11...l:te8.

B) 14.'ii'b3 l:l:xd5 15.c4 l:tf5 16.lt::lc3 (16.�xbl Z:.bB 17.�c6.i.xb2) 16...lt::lf8+.

C) 11...cxd4 12.cxd4 d5 13.e5 lt::le6 14..th6t. D) 11 ... lt::le6 12 . .th6 .txh6 13.'i!hh6 f6 14.lt::lbd2t (Fogarasi - Wittmann, Autriche 1999). 11... h6 Je crois que c'est là que Luke a tout compris. Il n'existait pas de retraite aisée. 12..te3 En réponse à 12..tf4 je prévoyais de jouer 12...g5 13..tc1 (13 .tg3f514.exf5lZ'ib615 . .h4 g4 16.lZ'ifd2 h5) 13...f5 14.exf5 lt::lb6.

14....l:.xd515.'it'c2 g516.lt::lf5 Joué après avoir réfléchi un certain temps. Après 16.lt::lg6, McShane craignait de se voir tout simplement répondre 16...e6 17.f4 �e8 18.lZ'id2 'ii'f7. Tenter de gagner la Tour n'aurait donné aucun résultat: 16.c4 :e5 17.lt::lg6 l:!.e6. 16... 'ii'f8 17.lt::lg3? D'abord, ce coup est passif, ensuite, il aurait fallu capturer le Fou g7, défenseur et pourvoyeur des forces noires: 17.lt::lxg? 'ii'xg7 18.lt::ld2 lt::lf6 (18 . .. 'ikhl 19.'ilb3 b6 20.f4 gxf4 21 .txf�). . Et même si les Blancs n'obtiennent pas une compensation suffisante en échange de leur pion, les Noirs ne pourront pas matérialiser facilement leur avantage. Par exemple: 19.lt::lf3 e6 20.c4 (20.r!ad1b621.c4 11xd1 22.1:!.xdt d5) 20...l:tf5 21.l:tad1. 17...'i'f718.lZ'id2 lZ:le5! On dépouille ainsi la Tour d5 de ses dernières cases, mais elle ne peut en aucun cas être capturée. 19Jâf1

12...f5! Une manoeuvre typique, que l'on voit souvent dans des positions avec un Fou en g7. Les Blancs ne parviennent pas à défendre leur centre, surtout à cause de leur retard de développement sur l'aile-Dame. C'est aussi pour cette raison qu'ils ne pourront pas profiter de l'affaiblissement du Roi noir.

Si 19.c4 l:td3 la Tour s'installe confortablement en d3. 19....lUS 20.lt::lde4 Si 20.f4 lt::lg4 21.lt::lc4 �e6 22.l:tae1 b5 23 . .td2 'ikd7. 20...lt::lg6 21.'ila4 .l:!.e522.c4

184

CHAPITRE 5 : PROFESSIONNEL

Le pion a7 est intouchable : 22.'ifxa? 'ifd5 23.'ifb6 (23.J:!.ad1 �c6) 23 .. Jhe4 24.J:!.ad1 (24.'ikxc7 lDh4 25.J:!.ad1 '1:.d4) 24...lDa8! 22 ...'iie6 23.tZ'ic3 a6 La position des Noirs peut presque être considérée comme décisive. Ils possèdent un pion de plus, dominent le centre et ont bon espoir de pouvoir avancer sur l'aile-Dame grâce à b5. 24.J:!.ae1 0,f4 25J!Va5 'ifd7 26.lDge4 'ifc6

[41.ii'h4 '1!i'd4+ 42.1!i'xd4 cxd4]. 41...lDeS Le zeitnot était terminé et je compris alors qu'il ne serait pas aussi simple de profiter de mon avantage matériel. D'abord, le Roi noir est faible, et ensuite les Noirs n'ont pu stabiliser la liaison entre pièces et pions. [41 ...lDd2 42.l::.d1 c4 43 ..l:!.g4 c3 44 ..l:!.xg?+ 'it>xg7-+]. 42.l:tb1

[26...lDd3 27.l:!.e2 b5 28.b3 b4-+]. 27.f3 b5 28.b3 lDd3 29Jîe2 l:tef5 Je n'ai pas trouvé de suite décisive, c'est pourquoi j'ai décidé de faire peser des menaces sur le pion c4, et de libérer ainsi la case e5 pour mon Cavalier. 30.lDg3 .l:!.5f7 31.lDce4 lDe5 32.lDhS .th8 J'avais vu 32...'ikxe4, mais, pour une raison ou pour une autre, je décidai de ne pas livrer mon Cavalier c7 : 33.'i'ixc? bxc4 34.J::!.d1 .l:lxf3-+. 33.'ilfe1 [33.h4 0,g4]. 33...bxc4 34.bxc4 lDxc4 35..txgS!? Dans un zeitnot réciproque, Luke trouve le· moyen de me rendre nerveux. 35...hxgS 36.lDxgS [36.'i,i'g3 .te5 37.'1!i'xg5+ .tg?]. 36... '1!i'd5 37.'ti'g3 .tg7 Au rendant une partie de leur butin, les Noirs simplifient la position et se rapprochent de la victoire. 38.lDxf7 J:.xf7 39.'it'h3 e6 40.lDxg7 l:txg7 41 Jie4

42...lDd7! Voici le premier pas, le plus important, sur le chemin de l'harmonie des pièces noires, qui ouvre en plus la voie vers la défense de leur Roi. 43.'ifh4 lDe8 Le coup prématuré 43...ii'xa2? aurait mené à la nulle : 44..l:!.b8+ lDxb8 45.ii'd8+. 44.'ife1 es 45.'ii'e2 'ifc6 46J!!.h4 0,ef6 47.f4!? On pourrait croire qu'il s'agit d'un geste de désespoir. Mais en réalité les Blancs ouvrent une colonne de plus pour leurs poids lourds. 47...'i!t'a4! C'était le plus simple. 48.Wh1 'it'd4 49.'ifxa6 'iif2 50.g3 iff3+ 51.�g1

CHAPITRE 5 : PROFESSIONNEL exf4 Bien sûr, je pouvais capturer en g3: 51...l:f.xg3+ 52.hxg3 '1!fxg3+ 53.c7 49.g5 .:.d1 50.@f2 .:.d2+ 51.cJ.>f3 .:.d3+ 52.�4 .!:!.d1 53.96 lZ'id4 54.l:.f7+ 'it>d6 55.1Lxd4 l:.xd4+ 56.Wf5 .!:!.d5+ 57.�g4 g.,e6 58..!U3 J:!.d1 59.g7 Les Noirs abandonnent.

34J:ta8+1 Le sacrifice de qualité débouche sur une position sans espoir pour les Noirs. [34.it'xc3 lZ:lc6 35.i.g7+-].

[1 :O] MORALITÉS: 1) Il est très important de comprendre quelles sont les pièces à échanger et quelles sont celles à conserver. Dans cette partie, j'ai dû

CHAPITRE 5 : PROFESSIONNEL

189

perdre quelques temps pour garder mon Fou de cases blanches (21.i..c2!).

bon résultat . Auparavant j'avais toujours joué le Gambit de la Dame.

2) Quand l'adversaire a avancé ses pions sur une aile, l'attaque de cette chaîne s'impose toujours grâce à a4. C'est pourquoi les Noirs devront affaiblir la case c4 ou accepter l'ouverture de la colonne « a ».

En voyant que je jouais 3... b6, van Wely a réfléchi un peu et il a décidé de me surprendre avec le coup...

3) La finale qui se présente illustre très clairement la supériorité du Fou sur le Cavalier en position ouverte. Comme cela se produit souvent, la présence des Tours sur l'échiquier renforce cet avantage. Le Cavalier se retrouve souvent pratiquement sans cases, et dans cette partie les Noirs n'ont trouvé aucun moyen d'éviter l'avancée du pion « g ».

Mais le fait est qu'en préparant cette partie j'avais étudié toutes les lignes que van Wely avait joué durant toute sa vie. Et il avait joué beaucoup de choses ; de plus, il fait souvent quatre parties avec une même variante puis passe à la suivante, joua« par strates». Il me fut très utile de répéter toutes ces variantes.

Ma victoire contre Vladimir m'amena à « -1 », mais le multiple champion de Hollande Loek Van Wely, qui était en train de jouer ce tournoi avec succès, m'attendait. Loek est un joueur d'échecs admirable, l'amplitude de ses« hauts et bas» est encore plus grande que la mienne : son ELO peut être supérieur à 2700 ou inférieur à 2600. Au moment de notre rencontre, il avait atteint un juste milieu. C'était la deuxième année consécutive que Loek jouait bien à Wijk aan Zee. Il me semble que cela était dû au fait qu'il abordait les échecs avec beaucoup de sérieux, travaillant avec des joueurs d'élite, par exemple avec Topalov, et coopérant aussi sans arrêt avec un joueur d'échecs positionne! très préparé, comme Vladimir Chuchelov.

N°46. L. Van Wely - V. Bologan Wijk aan Zee 2004 Défense Ouest-Indienne [E12] 1.d4 lt:'if6 2.c4 e6 3.lt:'if3 b6 C'était la première fois que je décidais d'utiliser la Défense Ouest-Indienne. Bien sûr, il est toujours difficile à un tel niveau de jouer une ouverture pour la première fois, mais, comme l'ont démontré mes précédentes expériences avec Akopian et Sokolov, cela peut donner un

4.lt:'ic3

4...i..b7 5.i..g5 i..b4 Mon rival n'a pas réussi à me surprendre, je me souvenais plus ou moins de cette position. 6.'it'b3 c5 7.a3 i..xc3+ 8.'ifxc3 h6 9 ...th4 g5 10..i.g3 lt:'ie4 On peut avoir l'impression que les Noirs ont gagné plusieurs temps dans l'ouverture et qu'ils ont pris l'initiative. Mais dans toute cette variante, le jeu des Blancs revêt un caractère nettement provocateur. Les Noirs ne doivent pas être euphoriques, ils doivent surtout penser à conserver leur position et en équilibrer les possibilités. Pour le moment, ils ont déjà fortement affaibli leur position, et les Blancs ont conservé le contrôle du centre et n'ont pas créé de points faibles dans leur structure. 11.'ifd3

190

CHAPITRE 5 : PROFESSIONNEL

Avec ma femme Margarita et ses parents.

CHAPITRE 5 : PROFESSIONNEL

191

11 . ..lbxg3 11 ... d6 est probablement plus fort, pour attendre le coup 12.lbd2 (les Blancs doivent jouer f3), par exemple: 12...lDxg3 13.hxg3 lDd7 14.tDe4 i.xe4 15."it'xe4 cxd4 16.'ifxd4 'iWf6 17.'ifd2 lt'lc5 18 . .l:!.d1 lt'le4 19.'ifd4 'it'xd4 20..l:lxd4 f5, égalité (1. Sokolov - Stefansson, Reykjavik 2003). 12.hxg3 'iff6 13.dxc5!? Van Wely a préparé cette nouveauté chez lui, mais, heureusement pour moi, il n'a pas pu se rappeler toutes les variantes envisagées. La logique de l'échange en c5 est très simple : on fait peser une pression sur la colonne« d », et ensuite les Noirs ont du mal à développer leurs pièces. [13.l:l.d1 ..txf3 14.gxf3 cxd4 15.'ifxd4 'ilfxd4 16..l:!.xd4 lt'lc6=]. 13 ... bxc5 Si 13...'Wi'xb2 14.l:rb1 "it'f6 15.cxb6 axb6 16.e4. 14.0-0-0 Après 14.l:!.d1 observons trois options : A) 14 ...g4 15.tbd2 d5 16.cxd5 exd5 17.lt'lb3 lDd7 18.lt'lxc5. B) 14...i.xf3 15.gxf3 'i!fxb2 16...tg2.

16.'it'd6? Les Blancs auraient pu obtenir un avantage A) C'est le cas après l'énergique 16.f4! Les Blancs cherchent simplement à jouer e4, i.e2, lt'lf1-e3, et que doivent faire les Noirs ? Il est possible, par exemple, de jouer la variante suivante : 16...l:tg8 ( 16...gxf3 17.gxf3) 17.e3 ..tc8 18.11i'h7 'ifg6 (18 ...'ikgl 19.i.d3 lDc6 20.�xgl :Xg7 21.lDf1) 19.i.d3 'ifxh7 20.i.xh?. B) On pouvait aussi examiner 16.f3!? Mais van Wely a décidé de commencer ensuite un jeu concret. 16...'ikg5+ Un échec important, grâce auquel les Noirs parviennent à se défendre. 17.J:!.d2

C) 14 ... i.c6 5.b3 (15.b4 i.a4 16.l:l.b1 lZ'ic6) 15 ...g4 16.lt'ld2 lDa6.

17.e3 l:l.g8 18.f4 gxf3 19.tbxf3 'it'xe3+ 20.I:td2 i.xf3 21.gxf3 'ife1+ 22.'iti'c2 11fxg3 23.'ifxc5 "it'g6+ 24.i.d3 f5 25.f4 lDc6.

14...g415.lDh2

17....l:l.gS 18.f4 'i/ie7

[15.tbd2 'ilfxf2 16.lDb3 i.c6 17.'i!fc3 .:.h7].

Une retraite qui fait gagner un temps : les Blancs ne peuvent échanger les Dames, puisque leurs pièces sur l'aile-Roi sont mal placées pour la finale.

15 ... h5 On pourrait croire que les Noirs ont réussi à brider le Cavalier h2, mais en réalité cette pièce pourra toujours sortir. Et la position des Noirs comporte une série de faiblesses organiques.

19.'ii'e5 f5 Le Fou b7 contrôle maintenant toute la grande

192

CHAPITRE 5 : PROFESSIONNEL

diagonale, ce qui signifie que la position des Noirs n'est pas trop mauvaise. 20Jld6? Un coup enfantin, les Blancs convoitent le pion. En réalité, si 20.e3 tZ::ic6 21."i/ic7 .l:.b8 22..i.e2 'i!Yd8 23.'i!fd6 tZ::ia5 les Noirs obtiendraient aussi un grand avantage.

autre (20.l:td6?). Les Blancs auraient simplement dû reconnaître leur erreur et commencer à se battre pour l'égalité. 3) Quand des pièces très étranges font leur apparition sur l'échiquier, comme une Tour en d6 et une Dame en eS, avec une totale absence de soutien de la part des autres pièces (le Fou en f1, le Cavalier en h2 et la Tour en h1 sont placées de manière risible et n'ont pratiquement pas de jeu), le motif combinatoire s'impose. Même les Noirs pouvaient sacrifier une partie de leur matériel, puisque les Blancs jouaient objectivement avec trois pièces de moins. À ce moment-là, il me semblait que je ne pouvait rêver mieux que ces S0%, et ma principale tâche dans la fin du tournoi visait à conserver ce niveau.C'étaient en effet les redoutables Svidler et Shirov qui m'attendaient.

20 ...lbc6 21.'iixc5 tZ::ia51

N°47.V. Bologan - P. Svidler

Van Wely n'a tout simplement pas vu ce coup.

Wijk aan Zee 2004

22.'ilfb4

Défense Grünfeld [D76]

C'est dommage de livrer la qualité : 22.'iixa5 'i'xd6, mais si on ne le fait pas, c'est bien pire... 22 ...tZ::ixc4 23.'i!fxb7 'iixd6 24.'iixa8+ @e7 25.'i!fb7 [2S.'i!fxg8 'iid2+ 26.�b1 '1i'xb2++]. 25 ...l:!.b8 Les Blancs abandonnent. [O :1) MORALITÉS: 1) De faux objectifs comme le pion es peuvent distraire d'une décision plus importante (16.'1i'd6?). 2) Très souvent une erreur en entraîne une

1.d4 Jusqu'alors, je n'avais joué avec les Blancs face à Peter qu'en deux occasions, dans lesquelles j'avais naturellement commencé par déplacer mon pion de Roi. Je ne fus guère satisfait des demi-points obtenus ; c'est pourquoi le coup 1.d4 était destiné à améliorer les statistiques de nos rencontres précédentes. 1...lbf6 2.c4 g6 3.lZ'if3 .i.g7 4.g3 d5 Il n'était pas nécessaire d'être devin pour savoir que Svidler choisirait la Défense Grünfeld. Après la partie, le Champion de Russie 2003 reconnut qu'il avait préféré le délicat dS au plus sûr 4 ...c6, suivi de dS, seulement par amour de l'art. En théorie, Svidler se battait encore pour les places d'honneur du tournoi.

CHAPITRE 5: PROFESSIONNEL

193

5.cxd5 é:2)xd5 6.i.g2

13 ...é:2)bc4

Dans cette variante, les Fous g2 et g7 semblent rivaliser d' « utilité préventive ». L'avantage du coup initial et un meilleur contrôle du centre promettent aux Blancs une certaine initiative. Ils s'efforcent de développer la pression le long de la grande diagonale, en plus d'occuper le cen­ tre avec leurs pions et de restreindre l'activité des pièces noires. Quant aux Noirs, ils préparent la rupture c5, afin de simplifier la position et d'orienter en cas de nécessité la partie vers une finale équilibrée.

Plus tard, un autre partisan de la Défense Grünfeld, Emil Sutovsky, a renforcé le jeu de Svidler face à moi avec 13...e6!? Après 14.i.g5 Vi'c8! 15.Vi'c1!? exd5 16.exd5 i.h3?! (16...i2)ac4 est mieux) 17.b3! les Blancs ont pratiquement « asservi » toutes les pièces rivales et ont obtenu une victoire convaincante au 26•m• coup (Bologan - Sutovsky, Évry 2004).

6 ... é:2)b6 7.é:2)c3 é:2)c6 8.e3 0-0 9.0-0 .i!e8 Le jeu des Noirs laisse une étrange impression. Mais je dois croire à la théorie : si on joue comme cela, c'est que c'est nécessaire.

14.ik2 b5 15.b3 b4 16.bxc4 ..txc3 Jusqu'alors, le Grand Maître de Saint­ Pétersbourg jouait rapidement et avec assurance, preuve qu'il connaissait bien la position.

17.i.d2!! 10.d5 é:2)a5 11.é:2)d4 i.d7 12.e4 c5 On joue plus souvent 12...c6, mais il me semble que le Grand Maître russe était prêt à jouer avec beaucoup de volonté. 13.é:2)f3 On détermine ainsi les priorités à venir pour les Blancs : lutter pour les cases centrales et, si possible, utiliser la position malheureuse des Cavaliers noirs. On simplifie sensiblement la tâche des Noirs avec 13.é:2)b3 é:2)xb3 14.axb3 i.d4 15.b4 e5 16.dxe6 ..txe6 17.bxc5 i.xc5 18.é:2)d5 é:2)xd5 19.exd5 i.f5= (Wojtaszek - Timofeev, Goa 2002).

Il est étrange que ce coup, mentionné par Rustem Dautov dans les commentaires de sa partie, ait échappé à l'attention de Peter, et encore plus si on sait que ladite partie est la clef de la variante qui commence par 13.é:2)f3. Évidemment, Svidler, durant sa préparation, a fait plus attention au coup 17...tb2. Par exemple: 17 ... ..txb2 18.Vi'xb2 é:2)xc4 19.'i.i'c1 ..tb5 20.'ii'h6 f6 21.J:!.fc1 é:2)d6 22J:txc5 'i.i'b6 23.°iVe3 é:2)c4 24.'ii'd4 J:!.ac8 25.J:!.xc8 J:!.xc8, avec une petite pression des Blancs (Dautov - Sutovsky, Essen 1999). 17 ... i.g7 Naturellement, joué après longue réflexion. On peut prendre la qualité, mais c'est dangereux:

194

CHAPITRE 5 : PROFESSIONNEL

17 ... i..xa1 18.l:ba1 lbb7 (18 ... e5 19.a3; 18...'it'b6 19.tbe5 'ifd6 20.f4) 19.e5 (19.'ikb2 CiJd6 20.i..h6 f6 21.CiJd2 e5) 19...i.f5 20.'ifb2�. Rustem Dautov achève par cette évaluation son analyse pour l'informateur. Pour l'illustrer un peu mieux, je poursuivrai un peu la varian­ te : 20...tba5 21 J!c1 i.d3 22.i.h6 f6 23.d6±. 18 ..l:tac1

20.h3 Une interprétation non-standard de la position. L'idée principale consiste à retirer au Fou le point f5, au moyen de g4. Bien sûr, dépenser deux temps pour une case... [20.e5 i.f5 2Ui'd1 e6+].

La Tour est moins bien située en b1 : 18.l:.ab1 CiJb7 19.e5 (19.i.f4 e5) 19...i.f5. 18...'ifb6 À ce moment, les deux adversaires se formulaient la principale stratégie de la position. Si les Noirs avancent 18...e5, on leur répondra l'élégant 19.a3! S'ils jouent 18...CiJb? ensuite, ils ne parviendront pas à faire e5 : 19.e5 i..f5 20. 'ifb3 tba5 21.'ife3±. 19.l::tfe1?! Malgré leur net avantage d'espace et leur supériorité au centre, les Blancs doivent montrer quelque chose d'un peu plus consistant que le simple développement de leurs pièces au centre. Dans ce but, on pouvait jouer 19.i.e3 e5, avec un transfert ultérieur du Cavalier en d3 : 20.tbe1 lbb7 21.tbd3 .l:!.ac8 22.f4 exf4 23.gxf4t. 19.. JfadS Les autres options étaient A) 19...CiJb? 20.e5.

8) À 19...e5!? les Blancs pouvaient à nouveau répondre 20.a3, avec un effet moindre, bien entendu. 20...b3, et maintenant : 81) 21.'ilt'c3 lbb7 22.a4!? (22.1lb1 i.a4) 22 ... tbd6 (22... i.xa4 23.1la1 b2 24.1:.ab1) 23.a5 'ilt'b7 24.l::tb1 l:!.ab8 25.i.c1 'ifb4 (25...f5 26.tbd2 i.a4 27.i..a3 i..h6 28.f4!) 26.'i!ixb4 J:ixb4 27.i.a3 l:txc4 28.tbd2 .l:k2 29.lbxb3 CiJb5 30.i.xc5 tbc3. 82) 2Uifd3! lbb7 22.I!.b1 i.a4 23.i.c3 êtJd6 24.tbd2!.

20... e61 21.g4 exd5 Si 21...lbb? 22.e5 f6 23.exf6 i..xf6 24.CiJg5 e5 25.CiJe4±. 22.cxdS [22.exd5 f5]. 22...c4 Svidler est très dangereux quand il contre­ attaque, et c'est précisément pour cela qu'il joue avec les Noirs les variantes Grünfeld et Najdorf. 23.i.e3 À ce moment-là, j'avais l'impression que l'échange des Fous de cases noires dispenserait aux Blancs un avantage stable à cause de leurs pions au centre. [23.e5 c3 24.i.e3 'ifb5]. 23...'ifc? Si 23... 'ifa6 24.e5! (24.i..d4 i.xd4 25.CiJxd4

CHAPITRE 5: PROFESSIONNEL 'ifb6 26.'J:.e dt .l:!.c8) 24....be5 25.lllxe5 'J:.xe5 26..ic5 '1:.xe1+ 27.�e1 'itb5 28..id4 c3 29.'iic1. 24.e5 Mais le coup concret 24.i.d4 se serait heurté à 24 ... .ixd4 25.tbxd4 'ii'c5 (25... c3 26.a3) 26.J:l.ed1 %k8, et les Noirs auraient disposé d'un jeu en bon ordre. Si 24.l2::ld4 c3. 24....ixeS? L'erreur décisive. Il aurait fallu se décider pour l'une des alternatives suivantes

195

Il est important de détruire la chaîne des pions noirs « b » et « c ». On serait arrivé à une position incertaine avec 26..ixa7 'ikxe1+ 27.:.Xe1 :.Xe1+ 28.Wh2 l:de8 29..if3 .ib5 30.i.c5 b3. 26 ...'ifxe1+ 27.l1xe1 'J:.xe1+ 28.Wh2 .l:l.de8 Si 28...b3 29.axb3 (29.'iic3 bxa2 30.'iî'xe1 l2::lb3 31.'ii'el 'J:.aB) 29... l2::lxb3 (29... cxb3 30.'ikc3) 30.i.xa? 1:tc8 31.'iic3±. 29.i.xb4 n1e2 30.'ifc3 l1xf2 31.Wg3 Deux facteurs, les menaces de mat au Roi noir et la position malheureuse du Cavalier en a5, déterminent l'avantage des Blancs.

A) On n'obtenait pas non plus l'égalité avec 24...'J:.xe5 25.l2::lxe5 .be5 26..ixa? .ic3 27..ie3 .ixe1 28.l:txe1±. B) Dans l'esprit de la position (et de Svidler) il fallait accorder temporairement peu d'importance au matériel et compliquer la situation à l'extrême : 24...c3! (avec l'idée de l2::lc4) 25.a3 (25.'iî' b1 l2::lc4 26.'ikxb4 t2::ixe5 27.tz:ixe5 i..xe5) 25...l2::lc4 26.d6 'iîb8 27.axb4 l2::lxe5 28.l2::lxe5 i.xe5 29.i.c5 i.b5 (29 ... .ixd6 30. 'ikxc3 .i e5 31. �a3!) 30.J:l.xe5 'J:.xe5 31.'ifxc3 l:l.e6 32.i.d5 .:exd6 33..ixd6 'ifxd6 34.l:td1 'ikb6=.

31...J:.xa2

25.tz:ixeS 'ifxe5?!

[31....l:l.fe2 32..if3 '1:.2e3 33.'ii'ffi l2::lb7 34..id2+-].

On pouvait jouer plus sûrement 25 ... .:xe5 26.'ifb2 'ifd6 27.l:rb1 l:lb8 28 ..id2±.

32.'1Wf6? Zeitnot. Malheureusement, aux échecs, il n'existe pas de signe « fatigue », sinon je l'aurais ajouté à ce coup. Après la suite élémentaire 32..ixa5 l:b8 33.'it'e5 les Blancs auraient gagné. 32 ...l2::lb7? Une amabilité réciproque. On pouvait jouer beaucoup plus sûrement 32 ... l2::lb3 33. .ic3 lle3+ 34..if3 'J:.xc3 35.'ifxc3 lbd2 36..ig2±. 33.i.f3 Itc2

26 ..icS!

[33....l:r.e3 34.�f4 a5 35.�xe3 axb4 36.'iie?+-].

196

CHAPITRE 5 : PROFESSIONNEL

34.�a6 lt'id8 35.'ifxa7 ..tb5 36.�d4 À ce moment-là, il restait 33 secondes sur ma pendule, et je compris que ... 36...f5 . ..était la seule chance pour les Noirs de me surprendre. 37.gxf5 0Jf7 [37...gxf5 38.'�f4 0Jf7 39.'fkg1+Wh8 40.'fkd1+-]. 38.fxg6 hxg6 39.'t!Vb6! Les Noirs abandonnent. Il restait 30 secondes sur ma pendule !

[1 :O] MORALITÉS: 1) Le sacrifice de qualité en a 1 avait été préparé à la maison (17 ...td2!!). Les Blancs obtiennent en échange le contrôle de la gran­ de diagonale affaiblie, ce qui, ajouté au fort bloc de pions au centre, génère une situation dangereuse pour les Noirs.

j'avais participé au tournoi « B ». En 2004, je suis enfin parvenu à l'affronter dans le même tournoi. Nous nous retrouvâmes dans la dernière ronde. Nous avions tous deux connu un début difficile, mais, la fin du tournoi approchant, nous étions parvenus à sortir des « négatifs » . 1.e4 e5 2.0Jf3 0Jf6 J'avais un demi-point de plus que mon rival, et décidai donc de jouer le plus solidement possible. Le problème était que je jouais la D éfense Petrov avec les Noirs pour la troisième fois de ma vie. 3.0Jxe5 d6 4.0Jf3 0Jxe4 5.d4 d5 6.il.d3 0Jc6 7.0-0 il.e7 8.c4 Alexei décida de suivre la variante principale, tandis que dans le même tournoi, Anand avait choisi contre moi 8.l:.e1. 8...0Jb4 9.il.e2 0-0 10.0Jc3 ..tf5 11.a3 0Jxc3 12.bxc3 0Jc6

3) 24.e5 signifie la création d'un pion empoisonné en e5. Les Noirs ont accepté ce sacrifice en vain, leur pion b4 était beaucoup plus important.

Les pions pendants c3 et d4 peuvent représenter une force ou une faiblesse. Si les Blancs disposent judicieusement leurs pièces, ils obtiendront un léger avantage, car ils jouiront d'une certaine supériorité au centre. Les Blancs aussi s'efforcent de créer du jeu dans les colonnes « b » et « e ». Les Noirs n'ont rien à en craindre au centre ; si les pions arrivent jusqu'en c4 et d5, le Cavalier se retirera en a5, les Noirs fixeront les pions avec le coup b6, et les Blancs ne sauront plus quoi faire de leur centre.

N°48. A. Shirov - V. Bologan

13.l:.e1 J:.e8 14.cxd5 �xd5 15 . ..tf4 J:.ac8 16.h3!

2) L'existence de pions au centre ne signifie rien en elle-même. 20... e6! est une bonne méthode pour lutter contre le centre de pions les Noirs créent une situation dans laquelle l'avancée des pions « d » et « e » n'avantage pas les Blancs, et les Noirs obtiennent du contre­ jeu grâce aux pions passés sur l'aile-Dame.

Wijk aan Zee 2004 Défense Petrov [C42] Sept ans auparavant, j'avais été l'analyste d'Alexei à Wijk aan Zee et, en même temps,

Un coup exécuté par Kr amnik lors du précédent Wijk aan Zee. Il est avant tout des­ tiné à contrer il.f6. Il peut être suivi de g4-g5 avec gain d'un temps. Les Blancs créent aussi les conditions de la manoeuvre 0Jh2g4.

CHAPITRE 5 : PROFESSIONNEL

197

A2) Ou bien 23..lte4 cxd4 24.cxd4 �b6 25.l:tb1 'i!Vxd4 26...ltaS 'i!Vxd1 27.l'.Ibxd11:rxd1 28.l:.xd1, indiqué par Shirov après la partie, et qui permettrait aux Blancs de conserver leur avantage. 8) Le mieux pour les Noirs était probablement de jouer 22...c6 23.l:tb1 (23.f4 v;/Jcl 24. .lta6 lt:id5 25.g5 hxg5 26.fxg5 ..lte5, avec certaines occasions pratiques) 23...cS 24.c4 �xa3 25.dS .liî.d4 26.i.e3!. 22...b6 23.a4 c6 16...i.f6 17.lt:ih2 �a5 18..id2 lt:ie7!? Tentant ainsi d'améliorer ce qu'avait joué Anand. Si 18.. Jkd8 19..liî.f3 h6 20.lt:ig4 i.xg4 21.hxg4 .ltg5 22..ixg5 hxg5 23Jixe8+ l'.Ixe8 24.W'd3;l; (Kramnik - Anand, Wijk aan Zee 2003). 19.i.f3! Bien joué. Néanmoins, à ce moment-là Shirov était dans une mauvaise situation de temps. Le coup 19.lt:ig4, auquel je m'attendais plutôt, aurait mené vers une position quasiment équilibrée : 19.....ltxg4 20...ltxg4 l:.cd8=.

La position des Noirs est très solide. Après le transfert de leur Dame en d7, ils seront prêts à échanger les Tours ou à jouer c5. 24.'i!Vc2 W'a6 25.l:te4 'ii'c8 26..a:.be1 �d7 Ici, je proposai la nulle. D'abord, la position est tout à fait équilibrée, puisque les Blancs ne disposent pas de plan actif ; et ensuite, Alexei avait seulement 20 minutes pour jouer 14 coups.

19...lkd8 20.lt:ig4 Après 20..ltxb? c5 les Noirs auraient été très à l'aise. 20.....ltxg4 21.hxg4 h6 J'avais aussi analysé le sacrifice de Dame 21 ... c6 22.g5 ..ltxg5 23.l:te5 W'xe5 24.dxe5 i.xd2, pero 25.e6! fxe6 26.'i!Vb3 donnait de meilleures chances aux Blancs. 22J:tb1 Sûrement à cause de la fatigue. S'il avait été en meilleure forme, Alexei aurait pris le pion 22.i.xb?!

27.�d3 Mon adversaire, en dépensant une grande partie de son temps, a décidé de continuer à jouer. C'est ma chance, mes adversaires me sous-estiment souvent durant le tournoi.

A) Le coup naturel 22...c5 serait suivi de :

27 ...lt:id5 28.l:txe8+ lhe8 29.l:rxe8+ 'i!Vxe8 30.c4!?

A 1) 23.dxc5 'iî'xc5 24.'i!Va4.

En refusant la nulle, Shirov a pris la

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CHAPITRE 5: PROFESSIONNEL

responsabilité de jouer activement. On serait arrivé à l'égalité avec 30.g3 i.g5! 31.i.xg5 hxg5 32.c4 lt:lf6. 30 ...lt:lc7! J'avais d'abord l'intention de jouer solidement : 30 ... lt:le? 31.'ilt'e4 'ilt'd7 32.i.e3 i.g5=. En réalité, cet échange est le meilleur recours des Noirs. Mais j'ai ensuite décidé de tester une autre possibilité, plus délicate, mais qui laissait espérer des chances de victoire. 31.a5 Il existait d'autres options intéressantes :

35...'ifa4!

B) 31.i.e3 i.g5 32..txgS hxg5 33.d5 'ilt'd7=.

Cela amène inévitablement des pertes matérielles pour les Blancs. La Dame est séparée de son Roi par le Fou noir. C'est en même temps la position malencontreuse du Fou en a5 qui va permettre aux Noirs de lancer l'attaque décisive.

31 ... bxa5 32 ..txa5 lt:le6 33.d5

36.'�h2

[33.i.c3 .llxd4 34.i.xd4 'ifd7 35..txc6 'i!fxd4+].

Ce coup a été joué alors qu'il restait seulement quelques secondes sur la pendule. Il n'existait pas de bonnes alternatives

A) Avec la suite directe 31.d5 cxd5 32.cxd5, le pion « a » reste en danger : 32...'i!fxa4 33.d6 lt:le6+.

33... cxd5 34.'ili'xd5 Le Grand Maître espagnol était en zeitnot et, comme il me l'a avoué ensuite, il avait déjà oublié ici son ambition de victoire. [34.cxd5 (34.i.xd5 lbf4) 34...lt:ld4 35.i.e4 'i!Vc8 36.@f1 'i!fc1 + 37.i.e1=].

A) 36.'ifa8+ lt:lf8 37.'i'dB 'i'a1+ 38.@h2 .txf2-+. B) 36.i.e1 'ii'a1 37.'ilt'aS i.xf2+! C) 36.i.d3 'i!id1+ 37.i.f1 'ilfxg4. 36 ....txf2 37.i.c3 'it'a3 38.'i!i'd2 .td4!

Mon Fou de cases noires est beaucoup mieux placé que celui de mon adversaire, ce qui com­ pense l'avantage de la paire de Fous.

Les Blancs ont la paire de Fous, c'est pourquoi il vaut mieux simplifier la position. 39..tb4 [39.i.xd4 'it'd6+ 40.g3 'i'xd4-+].

En zeitnot, les Blancs ne se sont probablement pas rendu compte de la défense lt:lf8. Même en tentant de faire nulle, Alexei pense au Roi ennemi. Il aurait dû empêcher la manoeuvre 'ifa4 par le simple 35.'ifbS! (35.g5 'fibB) 35 ... 'ilt'xbS 36.cxb5=.

39 ..:ifa1 Il aurait été plus exact de jouer 39 ....teS+ 40.@g1 'i!fg3, et de gagner ainsi un autre pion.

CHAPITRE 5: PROFESSIONNEL

199

Joué une seconde avant la chute du drapeau. Après l'unique 40.'t!fe1 .i.e5+ 41.h1 1t'd4 j'aurais dû démontrer ma préparation technique.

Topalov. Pour la quatrième fois, ce fut le « sorcier » indien Viswanathan Anand, qui remporta le tournoi. Il gagnait déjà presque tout ce qu'il jouait.

40....i.g1+!

Je considérais moi-même, ainsi que quelques­ uns de mes collègues, cette participation comme un succès plus important que ma victoire à Dortmund, pour ce qu'il signifiait. Bien sûr, il était déjà plus difficile de jouer à ce niveau, une fois que le facteur nouveauté avait disparu (les débutants ont toujours de la chance). À la différence de Dortmund, on attendait de moi un bon résultat (ce qui en général est plus une gêne qu'une aide) ; mais par ailleurs ce fut un tournoi plus joyeux. Plus d'adversaires, plus d'ouvertures et plus de caractères différents. Et le plus important j'avait fait un pas en avant.

C'est plus joli, même si d'autres options étaient plus simples A) 40...1t'g1+ était aussi suffisant: 41.�g3 ile5+ 42.f3 •f1+ 43.'fi'f2 l2Jg5+ 44.'iîi'e3 .i.d4+. B) 40....i.g1+ 41.h3 (41.g3 "i!Ve5+ 42.f3 tlid4+) 41...tlig5+ 42.�h4 1t'f6+. Les Blancs abandonnent. [O :1] MORALITÉS: 1) Avec la paire de Fous, les Blancs devaient s'efforcer d'obtenir les positions les plus ouvertes possibles. Sur la base de ces considérations, ils auraient dû jouer 22.ilxb?, sans craindre le mythe des complications tactiques. 2) En luttant contre les deux Fous, il est important de créer des structures de pions « épaisses » (type b6 et c6), dans lesquelles l'adversaire a du mal à ouvrir le jeu. Les échanges dans l'unique colonne ouverte « e » ne conviennent pas aux Blancs, c'est pourquoi l'avantage de la paire de Fous s'avère infime. 3) Quand il est clair que l'adversaire surévalue sa position et ne voit pas les menaces de son rival, il est nécessaire de chercher non seulement le chemin qui mène à l'égalité, mais aussi la possibilité de prendre l'initiative. C'est avec 34 ... ild4 que les Noirs ont commencé ce processus. Ainsi, grâce à une dernière partie de tournoi brillante, avec 4,5 sur 5, je parvins à passer à « +2 » et à partager la quatrième place avec

Comme même le lecteur le plus distrait a dû finir par le comprendre, ma carrière échiquéenne est formée de constants « up and down ». Une seule chose me faisait plaisir chaque « up », était, même un tant soit peu, plus haut que le précédent. Je ne sais combien de temps durera cette spirale ascendante. L'âge, c'est l'âge. Les échecs rajeunissent de plus en plus, Karjakin et Carlssen déjà font grincer leurs dents d'adultes à nos oreilles. À 32 ans, il est difficile de s'améliorer rapidement. Mais mon caractère est ainsi : plus l'obstacle est haut, plus il est difficile d'arriver au but visé, et mieux je joue. Car aux échecs, comme dans tout autre type de sport, le plus important, c'est la motivation. Plus le sportif est motivé, plus il a de chances de réussir. C'est précisément grâce à la motivation que ce miracle qui n'a pas eu d'égal dans les deux derniers siècles, Victor Lvovich Kortchnoï, conserve jusqu'à maintenant un bon niveau. En mars 2004 je me rendis au cinquième tournoi de Poikovsky, et à cette occasion, ayant en tête les deux échecs précédents, je décidai de faire des efforts. En tout cas, après deux rondes, j'avais un demi-point, tandis que le débutant du tournoi, Alexander Grischuk, avait commencé sur deux victoires. Il fallait l'arrêter.

200

CHAPITRE 5 : PROFESSIONNEL N°49. V. Bologan - A. Grischuk Poikovsky 2004 Gambit de la Dame [D45)

1.d4 lbf6 2.c4 e6 3.lbf3 d5 4.lbc3 c6 5.e3 a6 C'est étrange, mais ce coup est de plus en plus populaire. Les Noirs attendent que les Blancs développent leur Fou f1. Par ailleurs, dans presque toutes les Variantes Merano, le coup a6 est utile aux Noirs. 6.c5 La réponse la plus théorique. La stratégie blanche consiste maintenant à tenter d'utiliser la faiblesse des cases noires dans le camp ennemi. Les Blancs peuvent commencer à avancer des pions sur l'aile-Dame ou à jouer e3-e4. Bien sûr, après l'échange en e4 les Noirs reçoivent la case d5 pour leur Cavalier, mais grâce à l'avantage d'espace et l'activité limitée du Fou c8, les Blancs obtiennent une initiative stable.

7...as 8.b5 e5 9.'ilfa4 'ilic7 1 O.�a3 e4 11.lbd2 �e7 12.b6 "it'd8 13.h3± (Kasparov - « X3D FRITZ», New York 2003). C'était l'unique partie dont je me souvenais durant le jeu, et après le coup du texte je commençai à découvrir tout un monde nouveau pour moi. 8.�b2 Tôt ou tard, les Noirs vont devoir jouer e5, et le Fou b2 prendra alors sa place. 8 ....ig7 9.�e2!? Les Blancs souhaitent éviter le coup lbg4 si les Noirs font e5. [9..id3 e5 1O.dxe5 lbg4 11.e4 lbdxe5 12.tLlxe5 lbxe5 13.exdS cxd5 14.lbxdS 0-0=]. 9... 0-0 10.0-0 �c7 11.lZ'la4 Si 11.'iWc2 les Noirs auraient équilibré le jeu grâce à 11...eS! 12.e4 (12.dxe5 lbxe513.0ixe5 'i.\Vxe5 14.lbb5 'Wiel 15.lbd6 lbe4=) 12...exd4 13.tZ'lxd4 tZ'lxe4 14.tZ'lxe4 dxe4 15.ihe4 tZ'lf6 16.'ifh4 tZ'ld5. 11...tZ'le4 12.lZ'le1 L'idée de ce coup consiste à déloger le Cavalier e4 grâce à f3 et à disposer le Cavalier blanc en d3. Maintenant, il me semble qu'il aurait été préférable de jouer le coup proposé par Grischuk 12.lZ'ld2!?, comme: 12...lZ'lxd2 (12...f5 13.f4t.; 13.lbxe4 fxe4 est moins bien) 13.ii'xd2 e5. Par exemple :

6...lbbd7 Le jeu prit une tout autre tournure dans la partie Sargissian - Kobalija (Mémorial Petrossian, Nagornyf Karabakh 2004): 6...b6 7.cxb6 lbbd7 8.lba4 lbxb6 9.�d2 lbbd7 10Jk1 �b711.b4 lbe4 12.lbc5 �xc5 13.bxc5 a5 14..l:i.b1, et les Blancs obtinrent un petit avantage. 7.b4 g6

A) 14.e4 dxe4 15.d5 cxd5 16.'ihdS tZ'lf6 17.'ii'xeS (17.ikd6 "it'xd6 18.cxd6 .i.g4) 17..."it'xeS 18 ...lhe5 lbd5 19.�xg7 �xg7 20.a3 .i.d7=. B) 14.dxeS ..ltxe5 15.�xeS tZ'lxe5 16.lZ'lb6 J:l.b8 17.a4t.. 12...es

CHAPITRE 5 : PROFESSIONNEL

201

[12 ...f5 13.t2:'id3]. 13.dxeS Si 13.f3 t2:'ief6 ; ou bien 13 ... t2:'ig5 14.dxe5 i.xe5. 13...tZ'ixeS L'échange de Fous serait favorable aux Blancs : ...i.xe5 14.i.xe5 t2:'ixe5 15.f3 t2:'if6 16.t2:'ic2 i.e6 17.t2:'id4 lUe8 18.\'Wd2 :e? 19.l!!.fe1 l:!.ae8 20.i.f1 �g7 21.t2:'ic3;!;. 14.f3 t2:'if6 15.t2:'ib6 ï!.b8

20 ...tZ'ihS · Alexander voulait jouer pour gagner et il refuse la simplification qui se présente ensuite A) 20 ... tZ'id? 21.i.xg? �xg7 22.�d4+ f6 23.tZ'ixd? i.xd7 24.f8 25.'ifd1±. 22.i..xd4 En principe, les échanges me sont favorables. Avec le pion en d4, mon Fou de cases noires n'avait guère de perspectives, c'est pourquoi j'ai décidé de conserver le Cavalier, qui était plus mobile dans cette situation. Évidemment, les Noirs devront échanger le Fou b7, afin de libérer le Fou a?, et on perçoit déjà la confrontation entre les Fous c2 et a?. 22 ... i..xf3!? Je pense que mon adversaire s'est trop précipité en faisant cet échange. Il n'aimerait probablement pas qu'après 22 ... exd4 ma Dame parte en f4 : 23.'ilff4 i..xf3 24.'i!M3 lèig5 25.'iff5 'i!Vxf5 26.lèixf5 lèie6 27.i..b3±. En tout cas, avec un Fou en a?, le jeu est favorable aux Blancs.

J'avais analysé la variante 24.i..f4! .l:.xe1 + 25.'i!fxe1 .l:.e8 (25...lèie6 26...tes i..bl 27.'i!ie3 .l:.eB 28.i..b3 lèif8 29.'ikd4 'fixd4 30.i..xd4 lèie6 31 . ..te3+-) 26.'i!Vf1..txg2 27.'ifxg2 lèixh3+, dans laquelle les Noirs se retrouvent même avec un pion de plus. Mais le fort coup 26.'i!fc1 a échappé à mes calculs. Par exemple : 26 ... tZ'ixh3+ 27.gxh3 'ifxh3 28.'ikf1 et la compensation obtenue en échange de la pièce est clairement insuffisante. Je me suis alors décidé pour un sacrifice de pion plus que justifié positionnellement, mais l'ordinateur le critique, en disant : « Pourquoi jouer avec un pion de moins, quand on peut simplement gagner un pion ? » Il a une logique très simple, et, faute d'arguments supplémentaires, il est difficile de ne pas l'accepter. 24 .....txg2! 25 ..t>xg2 'i!Yxh3+ 26.©g1 'ii'd7 27.'ii'f5! Le seul coup possible si les Blancs ne souhaitent pas répéter la position.

23 ..i.xe5 lèig5

27...'i!fxf5 28.lèixf5 lèif3+ 29.©g2 lèixe5 30.d4

23.....txg2 est tentant, mais insuffisant, à cau­ se de 24..t>xg2 'ifd5+ 25..l:!.e4 l:txe5 26.i..b3 'i!fc6 27.i..xf?+ .t>h8 28.'i!ff4 l:!.e7 29..t>f1 l;lxe4 30.'ifxe4 'i!Vxe4 31.dxe4 lèig5 32.i..d5+-.

Je pensais que dans cette position les Blancs auraient un grand avantage, mais je me suis sûrement précipité.

En position inférieure, Beliavsky sacrifie un pion, et tente d'effrayer ainsi son adversaire. Je dois confesser qu'il y est parvenu.

30 ...g6 30...tZ'ig6 était beaucoup plus fort, et ici je ne pus trouver qu'une manière d'obtenir un avantage plus ou moins acceptable après plusieurs heures d'analyse A) 31..i.e4 .!:!.ad8 32.i..b? (32. .t>f3 .l:.e6 33.a4) 32....l:ïe6 (32...i..bB 33.i..xa6 c6 34 ..!:!.xeB+ .l:ïxeB 35.a4 bxa4 36.bS lèif4+ 37..t.>f3 g6 38.lèid6) 33.d5 l:!.f6 34.lèie?+ lèixe7 35.J:!.xe? i..b8 36..l:tae1 .t>f8 37...tc6. B) 31.J:!.xe8+ .l:txe8, et ensuite :

24.'ii'f4

B1) 32 ..t>f3 i..b8 33.a4 .t>f8 34.axb5 axb5 35.i..d3 lèie7 (35... 1::.dB 36.i..xbS lèiel 37.lèixel '3itxe7 38..t>e3±) 36.lèixe? .t>xe7 37..l:!.e1 + .t>f8 38J:txe8+ @xe8 39.i..xb5+ .t>e7 40:.t>e4 .t>e6

CHAPITRE 5 : PROFESSIONNEL 41.i..c4+ 'it>d7 42..bf?. 82) 32.a4 i..b8 (32.. .lùf4+ 33.�f3 lùe6 34.d5 lùg5+ 35.�g2) 33.axb5 axb5 34.l:.a5 lôf4+ 35.f3 lôe6 36.d5 lôg5+ 37.�g2+-. Le coup réalisé par mon rival me simplifie la tâche. 31.l:.xe5 l:.xe5 [31...gxf5 32.I!.xf5 �ad8 33.i..b3 l:.e7 34..U.h1 g7 35.l:l.h4 l:l.g8 36:M3 i..b8 37.a3+-]. 32.dxe5 gxf5 33..l:!.d1 .l:!.e8 34.l:.d7

Et ici Beliavsky abandonne. [1 :O] Le Grand Maître M. Golubev a écrit dans la revue« 64 » que cette partie lui avait plu, mais qu'il ne l'avait pas incluse dans son article, dans la mesure où elle n'avait pas été complètement introduite dans la base de données. Il pensait sûrement que les Noirs pouvaient encore résister longtemps, car ils avaient un pion de plus. Néanmoins, leur position est complètement désespérée, par exemple : 34...i..bB 35.i..b3 l:.f8 36.'it>g3 c6 37.Wf4 h5 38.Wxf5 h4 39.�f6. C'est pourquoi Alexander Guenrikhovich a décidé ne pas attendre de miracles.

MORALITÉS: 1) Une des techniques typiques de la Partie

213

Espagnole consiste à établir une bonne liai­ son entre pièces et pions. C'était l'objectif du coup 12.lôe2!, qui place l'adversaire face à des problèmes très désagréables. 2) Souvent les mouvements courts de la Dame peuvent mettre l'adversaire dans des situations très désagréables. La Dame est un moyen d'attaquer à distance, et ses mouvements imperceptibles changent la situation du tout au tout à l'autre extrémité de l'échiquier (17.'i'c1!). 3) S'il existe une possibilité d'exclure une pièce adverse du jeu, il est nécessaire · d'analyser cette occasion en premier lieu. En même temps, on doit contrôler que ses propres pièces disposent d'un ample champ d'action, et alors cet avantage sera sensible. En d'autres termes, il ne suffit pas de contempler et de se contenter de la mauvaise position de la pièce adverse, mais il faut en outre avoir ses propres idées. Une semaine après la fin de la Coupe, les Olympiades se sont déroulées à Calvia (Espagne). Nous avons alors repris notre stratégie de 2002, où les deux premiers échiquiers n'avaient pas joué les quatre premières rondes, afin de jouer toutes les parties restantes sans repos. Dans un premier temps, cette tactique a donné les résultats escomptés, et nous avons battu les équipes d'Allemagne, de Suède et de Yougoslavie. Nous avons fait match nul avec !'Israël et avec la Pologne, et ce n'est qu'à la fin que notre mauvaise préparation et notre complète absence d'entraînement a commencé à se voir. Les deux premiers échiquiers sont restés invaincus, j'avais atteint « +2 » et Viorel lordachescu « +3 », mais la « queue du peloton » n'eut pas le même succès, même si elle commença par se battre avec énergie. Après les Olympiades, j'ai décidé de commencer à travailler individuellement avec mes élèves Ruslan Soltanici et Alexey Khruschiov. Je m'efforçais de les contrôler personnellement, puisque sans médiation personnelle, il est impossible sortir d'un point mort. Sinon, lors des prochaines Olympiades, « la queue du

214

CHAPITRE 5 : PROFESSIONNEL

peloton » s'essoufflerait à nouveau. Les Olympiades furent suivies du championnat d'Espagne par équipes à Sanxenxo, une joli village au bord de l'Océan Atlantique. Notre équipe (la UGA) jouait en Première Division, et je tenais le premier échiquier. L'ELO des participants correspondait à la catégorie XVI de la FIDE, mais je ne fus pas très brillant. Depuis quelques temps, 1.d4 me satisfaisait plus que 1.e4. Au cours du tournoi, à partir de trois positions prometteuses dans l'ouverture, j'obtins seulement un point, et je perdis en plus avec les Noirs une partie à sens unique, face au roumain Marin. Et seuls l'ambiance conviviale de l'équipe et notre soutien mutuel nous permirent de décoller de la neuvième place, qui aurait signifié notre relégation, après les victoires obtenues dans les quatre dernières rondes. Je parvins à gagner les trois dernières parties et à améliorer la position de l'équipe, en plus de la mienne. Cette partie contre la nouvelle étoile montan­ te, le Norvégien Magnus Carlssen, es très intéressante. Un petit jeune qui ne joue pas mal du tout. Même s'il a obtenu « -4 » lors du tournoi, on peut se rendre compte dès le premier coup d'œil qu'il a beaucoup de talent. Il est clair qu'il est promis à un bel avenir et qu'il peut prétendre à intégrer le groupe des cinq meilleurs.

N°52. M. Carlssen - V. Bologan Sanxenxo 2004 Partie Anglaise [A33]

notre jeu. La compétition est de plus en plus forte, et nous devons travailler plus. Par exemple, avant cette partie j'ai dû me préparer aussi bien pour 1.e4 que pour 1.d4. 1...lt'if6 2.c4 e6 3.lt'if3 En règle générale, Magnus choisit 3.lt'ic3, et j'avais surtout préparé ce coup.

3 ... c5! La meilleure décision du point de vue psychologique. Après y avoir longuement réfléchi, mon adversaire ne s'est pas décidé pour la meilleure suite, 4.d5, surtout par manque de connaissances sur ce système. 4.g3 cxd4 5.lt'ixd4 lt'ic6 6.Ji.g2 Ji.c5 On joue beaucoup plus souvent 6...ii.b4+. 7.lt'ib3 Ji.e7 Une manoeuvre typique dans ce genre de positions, qu'on voit aussi souvent dans la Sicilienne. Les Noirs perdent un temps, mais obligent le Cavalier ennemi à se retirer du centre.

1.d4

8.lt'ic3 b6

Les jeunes étoiles montent ! Il suffira à un professionnel d'un certain âge de se rappeler leurs inquiétants résultats lors des dernières Olympiades pour en perdre le sommeil durant toute une nuit. Karjakin, Radjabov, Ponomariov, Bacrot, Volokitin, et maintenant Carlssen ... Mais je pense que c'est bien pour

C'était une journée créative. 8...0-0 9.0-0 d6 aurait été une suite normale, mais, pour de multiples raisons, je ne voulais pas disposer mon pion en d6 avant que les Blancs n'aient joué e4. 9.0-0 Ji.b7

CHAPITRE 5

PROFESSIONNEL

215

Apéritif typique. Visite du.Champion du Monde FIDE, Rus/an Ponomariov (2002)

La mer, à 100 métres de la maison

À la découverte de l'eau

216

CHAPITRE 5 : PROFESSIONNEL

Au départ, je pensais jouer 9 ... .ta6, mais j'avais écarté ce coup à cause de 10.lt:ib5 (10.lt:i d4 lt:ixd4 11.'iixd4 :ca 12.b3 0-0 13.i.b2 'ii c7 14 .11,.fd1 '*ib8 15.'ike3 d6 16.a4 i.b7= Dorfman - Lazarev, Cannes 1996) 10... d5 11.i.f4 (11.cxd5 lt:ixd5 12.a4 0-0; 11.a4 0-0 12.i.g5 lt:ib4 13.lt:i3 d4 .i.bl) 11...l:tc8 12.cxd5 lt:ixd5 13..ixd5. 10. .if4 0-0 Le « système hérisson » a fait son apparition, et dans une version très dangereuse pour les Noirs, puisque l'adversaire n'a toujours pas joué e4 et que le Fou g2 est très fort. Bien sOr, tant qu'il n'y a pas de pion en e4, les Noirs peuvent jouer d5 plus facilement. Il faut toujours avoir cette idée à l'esprit, mais en tout cas les Blancs vont un peu mieux. 11.lt:ibS

d5 14.cxd5 l2::ixd5 15.hd5 i.xb5) 12.l:tfd1 lt:ie8 Agzamov - Romanishin, Erevan 1982 13.lt:ib5±. C) 11.l:tc1, et maintenant : C1) 11...a6 12.'ifd2 l:ta7 13.l:tfd1 'i!i'a8 Denk­ Rotstein, Vienne 1996 14.lt:ia4+-. C2) 11...d6 12.lt:ib5 lt:ie8 13.'ild2 a6 14.lt:ic3 Romanishin - G. Kuzmin, Alushta 2004. C3) 11.. J:tc8 et maintenant: C31) 12.i.d6 lt:ie8 13.i.xe7 'ifxe7 14.lt:id4 d6 15.b3 lt:ixd4 16.'i!Vxd4 i.xg2 17.'3;xg2 lt:if6= J. Horvath - Anka, Budapest 1995. C32) 12.e4 d6 13.'i!t'e2 lk7 14.l:tfd 1 l:td7 15..ie3 'iia8oo Spinga - Lyly, corr. 1993. D) 11.e4 :ca 12.lt:ib5 lt:ie8 13.e5 f5 14.lt:ixa7 lt:ixa7 15.i.xb7 l:txc4 16.'ikd3 d5 17.exd5 l:txf4 18.gxf4 i.xd6 19.l:Z.fd 1 '*ib8 20..ig2 i.xf4 21.lt:id4 i.xh2+ 22.'it.f1 lt:ic7 23.ii'c4 b5 24.fib3 'i!fb6 25.l:tac1 '3;h8 26.:xc? i.xc7 27.lt:ixe6 J:te8 28.lt:ig5 h6 29.'iff7 fib8 30.'ii'g6 1-0, Boesveld - Van Doom, Hollande 1995. 11... lt:iaS!?

Un coup nouveau et en même temps très· naturel. Je dois reconnaître qu'en plus de son grand talent pour les échecs, Carlssen a une intuition naturelle pour disposer ses pièces. D'autres options existent A) 11.i.d6 lt:ia5 (11 .. . lt:i eB 12 . i.xel 'flixe7 13.'ii d2 lt:if6 14.lt:ib5 d515.cxd5l2::ixd516.i.xd5 exd5 17.lt:i5d4 lt:ie5) 12.lt:ixa5 i.xg2 13.'3;xg2 bxa5 14.b3 lt:ie8 15..txe? '*6xe7 16.'iid4 d6 17.l:tad1 J:!.d8 18.e4 Trifunovic - V. Sokolov, Zenica 1963. B) 1Uifd2 d6 (11 ... 1:.cB 12.1:tfd1 i. a6 13.lt:ib5

Un autre coup qui n'est pas cent pour cent classique. Comme ils (les jeunes) n'ont pas encore beaucoup d'expérience, il vaut mieux les amener vers des types de positions inconnus. Après l'échange en a5, les Noirs verront leur structure de pions se détériorer, mais ils obtiendront en échange un jeu actif. 12.'i!Vd3 Il est aussi possible de jouer 12.lt:ixa5 i.xg2 13.'3;xg2 bxa5 14.'ifd4 d5. Voyons ce qui se produit: A) 15.l:l.ac1 dxc4 16.'ikxc4 lt:id5 17..tc? 'ikd7. B)15.c5 lt:ie4 16.c6 .tc5. C) 15.lt:ixa7 'iid7 16.lt:ib5 'iic6� 12 ....txg2 13.'3;xg2 a6

CHAPITRE 5 : PROFESSIONNEL qui oblige le Cavalier à se retirer en c3 et à renoncer à la case d6. 14.lùc3 [14.lùd6 lùh5 15..i.e5 lùc6=]. 14...lùb7 Je ne voulais pas ouvrir une seconde colonne pour les Tours blanches si 14...lùxb3 15.axb3. 15.l::!.fd1 À la maison, j'ai trouvé un plan intéressant pour les Blancs : commencer à attaquer le Roi grâce à 15.ii'f3!?. Dans ce cas, j'aurais dû faire preuve d'une défense hors norme A) 15...ii'cB 16.lùa4 .i.d817..tg5 'ifc6 18.ii'xc6 dxc6 19..ixf6 gxf6 20.c5 b5 21.lùb6±. B) 15 ... .l:l.a7 16 ..l:i.ad1 lùc5 17.lùxc5 .txc5 (17...bxc5 18.e4) 18.a3. C) 15...lùd6! 16.lùd2 l:tc817.b3 b5 18.e4 lùfe8 19.l:tac1 bxc4 20.e5 lùf5 21.lùxc4 ffi>. 15...d6

217

probablement réaliser g5 au moment opportun. 19.b41 Magnus, qui a en tête l'échange en e5, cherche à s'assurer au moins un avantage d'espace sur l'aile-Dame. 19...4:'ieS 20. .i.xeS dxe5 21.a3 f5 [21....l:l.fd8 22.lùb3 f5 23.lùa4]. 22.lùa4 .lg5!? Un détail important. Si les Blancs jouent e3, non seulement ils affaibliront la case d3, mais ils couperont aussi la liaison entre leur Dame et les Cavaliers de l'aile-Dame. 23.e3 Il était aussi possible de jouer 23.c5, qui débouchait sur une position équilibrée après 23... bxc5 (23... b5 24.ll\c3!) 24.lùxc5 lùxc5 25Jlxc5 ii'd7. 23..J::tcdB Mon coéquipier Michael Rahal s'est étonné que je n'aie pas avancé le pion « e ». Mais cela aurait été prématuré dans toutes les va­ riantes, par exemple : 23 ...e4 24.ii'e2 'iic6 25.b5 axb5 26.cxb5 'ii'xc1 27.J:txc1 .l:l.xc1 28.lùb3. D'abord, la Dame pourra toujours se déplacer en gagnant un temps ; et ensuite, dans toute complication, il faut que la grande diagonale soit ouverte pour les mises en échec. 24.bS

À ce moment-là, ma position était relativement sûre. Je ne devais me défendre contre aucune menace directe. Les Blancs devront bientôt s'intéresser à la destinée du pion c4. 16.'ilff3 'iic7 17.I!.ac1 .l:.ac8 18.lùd2 lùd7loo qui prépare lùe5 eton pourra même

Si 24.c5, et c'était sûrement ce qu'il y avait de mieux à faire, je pouvais répondre 24...bxc5 (24...b5 25.ll\c3) 25.lùxc5 lùxc5 26..l:l.xc5 'iid6, avec égalité : 27.h4 .tffi ; 27.1/Hc6 e4. Si les Blancs avaient joué pour gagner au moyen de 27..l:l.c6?!, ils auraient pu être en difficulté après 27... ii'd3.

218

CHAPITRE 5 : PROFESSIONNEL absolument pas conserver le pion c5, car ils perdraient aussi leur Cavalier b6. 28.a4!? On peut toujours essayer. 28.....i.xc5 [28...e4 29.ll:lxe4 fxe4 30.'ili'xe4 l:!.xd1 31.l:.xd1 ii.xc5 32.'iixe6+ '.t>h8 33.ll:ld?]. 29.a7!

24...lùa5!

Les autres coups sont simplement moins bons.

Avant de faire ce coup, j'ai dépensé une gran­ de partie de mon temps. Je souhaitais tout d'abord trouver comment atteindre la nulle en toute sécurité, à partir des sauts vers c5 : 24...e4 (24...1:.d3 25.1!i'c6)25.1li'e2 ll:lc5 26.ll:lxc5 'ilfxc5, mais dans toutes les variantes les Blancs avaient l'initiative, surtout « grâce » au Fou g5, qui n'avait rien à faire là ; par exemple : 27 .ll:lb3 'ii'xa3 28.ll:ld4 .l:!.xd4 29.1fa1 ! Après avoir trouvé mon 24ème coup, j'ai compris que grâce à la meilleure position de mes pièces, je pouvais me permettre d'attendre quelque temps avant de récupérer mon pion a6.

29 ...'i!Vxa7 [29 ... e4 30.ll:lxe4 J:1xd1 31.1!i'xd1 'ifxa7 32.ll:lxc5 'ifxb6 33.'iiid?+-]. 30..l:.xc5 'ifxb6 31.l!xb5

25.bxa6?! T rop gourmand. Il était intéressant de tenter de compliquer le jeu au maximum, par exemple : 25.c5!? axb5 26.cxb6 'ii'b8 27..l:.c5 l:!.xd2 (27...lZ\b3 28.lZlxb3 'fJ.xd1 29.'iixd1 ba 30.lZ\a5 1Wxb6 31.'ilic2) 28.J;!.xd2 ll:lb3 29..l:!.d? ll:lxc5 30.ll:lxc5 'ii'xb6 31.'ii'b71!i'xb7+ 32J'1xb7 J:.a8 33J:txb5 .l'1xa3 34.ll:lxe6 ilf6=. 25...J:f.d3 On obtint exactement ce que je souhaitais : j'avais une Tour active et mon adversaire était complètement dépourvu de jeu. 26.c5 [26.ll:lc3 'ira? 27.'ifie2 e4]. 26...b5 27.ll:lb6 ile7! Cela semble lent, mais les Blancs ne peuvent

Par chance, les Noirs disposent ici d'un coup mathématiquement correct... 31...'ii'dS!+ ...qui permet de gagner la qualité. 32."ife2 ll:lc4 33.ll:lxc4 I.!.xd1 34.ll:lxe5 [34.l:txe5 .l:tc1 (34...îkaB+ 35.e4 .l:td4 36.lZlb6 'ifc6) 35..l:tc5 'ii'a8+ -+]. 34...'ifaS+ 35.'ii'f3 'ifxa4 36Jib6 Il était plus sûr de jouer 36.'ii'c6, et de forcer une finale avec des pions doublés dans la

CHAPITRE 5 : PROFESSIONNEL colonne« e »: 36...'it'e4+ (mais non 36...'i'aB 37Jlb7) 37.'i'xe4 fxe4 38.llb2 (38.lèic4 l:k8 39.'gb4 l:tc5+) 38...l:tc1 39.lèid? .!:tf5. 36...:a1 J'ai dépensé mes dernières minutes sans trouver la victoire contrainte: 36...'i!Va1 37.l:txe6 l:tg1+ 38.Wh3 'i'f1+ 39.q.>h4 J:lg2 40.'ifd5 l:txh2+ 41.�g5. J'avais vu, en revanche, que je pouvais gagner la qualité grâce à 41... 'i'h1! 42.'ifxh1 l:txh1, mais je considérais que les Blancs disposaient de certaines chances de nulle grâce à leur Roi actif (43.lèidl Ir.dB 44.l:te7 .l::.f1 45.f4+). Par ailleurs, le coup de la partie maintient les Dames sur l'échiquier, et avec elles les menaces de mat. 37Jïxe6? Joué en zeitnot mais... que faire de plus? A) 37.h3 'i'a5 38.l:!.xe6 'ife1. B) 37.'i'c6 'ifxc6+ 38.lixc6 l:e8. 37...'ii'b5 38.'i1i'h3 g5 39.g4 39.'i'g2 J:ta2 40.g4 l:txf2! 41.'ifxf2 fxg3+ 42.c�g3 J:txf2 43. Wxf2 'ifd5 44 ..tte7 'ifd2+ 45. lt>g3 'ifxe3+ 46.'�xg4 'i'f4+ 47.Wh3 'iff8-+. 39...l:!.g1! Les Blancs abandonnent. (0 :1)

219

MORALITÉS: 1) Psychologie de l'ouverture. Le choix d'une variante ou d'une autre peut infléchir toute la partie, faire sortir l'adversaire de ses habitudes. Dans cette partie le coup 3...c5 m'a donné une certaine initiative psychologique. 2) Quand l'adversaire parvient à créer une forte pression, on doit chercher à simplifier la position, à échanger des pièces. Si l'on souhaite calculer des variantes concrètes, très tendues dans ces cas-là, il est possible de le faire, et il est ensuite beaucoup plus facile de jouer (11...lèia5!?). · 3) Dans des positions stratégiquement compliquées on peut employer la technique du sacrifice temporaire de matériel, grâce à laquelle les pièces peuvent occuper de meilleures positions. Et cela peut même être un facteur plus important que l'existence d'un dangereux pion de plus en a6, si les autres pièces de l'adversaire ne sont pas très bien situées (24...lèia5!). Mon équipe était non seulement parvenue à rester en la Ligue Supérieure, mais même à occuper une honorable quatrième place. Comme j'ai eu cette année un automne beaucoup moins tendu, je n'ai pu éviter de grands échecs, qui m'accompagnent généralement quand mon planning est saturé. Dans tous ces tournois, j'ai pu augmenter mon ELO, même légèrement, et j'ai maintenant le temps de me préparer plus tranquillement et plus sereinement pour les compétitions à venir. BREF ÉPILOGUE Bien sûr, le récit ne s'arrête pas là. Quand je raconte des histoires à ma fille Katia, elle s'endort avant la fin, et je respire, soulagé, car je ne suis pas vraiment un Maître dans l'art de l'invention. Et maintenant, quand je vois devant moi la feuille blanche de mon avenir, je me permets seulement de parler de ma dépendance aux échecs, de mon désir d'atteindre un objectif fixe, mais je ne sais pas deviner le futur ...

221

INDEX DES MOTIFS STRATÉGIQUES, TACTIQUES ET PSYCHOLOGIQUES (Les chiffres renvoient aux numéros de parties, éventuellement suivis du numéro du coup)

Attaque au roi-4,5,6,7,8,10,14,15,18,19, 20, 21, 22, 25, 26, 28, 30, 31, 33, 37, 38, 40, 42,45, 50, 52

Limitation de la mobilité des pièces de l'adversaire - 8/37, 10/41, 11/9, 11/42, 15113, 17125, 34/33, 35150, 39/24, 43117, 46/15, 51/20

Lutte pour le centre-16,23, 28,37,47,49,52

Colonne ouverte -15, 17, 18, 20, 22, 24,32, 34, 36, 38,40,41,43,45

Ouverture du jeu, rupture au centre -2/24, 7/26,17/11,21/21,28/16,33/13,33/32,35/15, 40/29, 45/32

Rupture-21/15,22111,23/18,24/33,26/28,27/16, 27/37, 32/28,37/31,44/12,45/25, 45/27, 47120

Sacrifice de qualité-17/44,20/16,26/17,39/ 21, 40/26, 45/34, 47117 Sacrifice de Tour - 14/25, 21117 Sacrifice de pion-2124, 2/49, 4120, 7/15,9/19, 10/20, 10126, 12/8, 17/19, 18/22, 19/21, 23119, 24/42, 25/17, 27111, 28/10, 31/19, 31/23, 34/11, 37/17, 42/21, 43/7, 47/24, 49122, 51/24, 52/24 Sacrifice de Dame - 6/21, 13/30 Sacrifice de pièce-2151,4/23,7/21,8/32,10/31, 13129, 14/27, 15/22, 25/29, 28118, 33/26, 33/27, 37/40, 38/30,40/16, 42/25, 43/32, 46/22 Recours défensifs - 22, 33/25, 36/43, 38/21, 38/31, 41, 44, 48, 51 Jeu de pions - 7/13, 9/6, 2516/15, 16/23, 241 42, 35/21, 3919, 42/9 Pion isolé - 3,5, 26,38 Manoeuvres : transfert du Cavalier-4,5,8,10, 15,19,24,27,31,32,36,37,38,39,41,42,48, 51 ; transfert de la Tour -3, 40; incorporation d'une pièce à l'attaque - 18/23, 48/35 Coup multi-fonction-20/19,22/19,37/29,41/ 41, 51/17 Sous-estimation des recours de l'adversaire -2, 11, 22, 25, 32, 39, 40, 48, 49 Jeu non concret-33113,39117,41/21,41/27, 48/22

Jeu positionne/: plan-16144, 21/7,24/10,29110, 31114,42/6,4419, 52/15; mauvaise pièce-2, 9,18, 27,37,42,47,avantage de développment, roque2,21,17,18,23,27,30,41,46 Thème de l'échange-4117, 16, 17/34, 19/17, 24118,32/16,36/27,38/21,41/14,44/17, 45/21, 47/24, 49, 50/25, 51, 52 Prophylaxie - 5/9, 7/9, 7118, 8/35, 9/8, 15/13, 18/12,2418,26116,27/4,29/15,29123, 29126, 36/ 9,38/17, 39/8,39/12,48/16,50/25, 51/8, 51/11 Pion passé - 8, 12, 35, 39, 45 Motifs tactiques : fourchette - 13/29,échec à la découverte - 13/30, attraction - 9/19, 14/ 27, 25/29, 42/21, 46/15, combinaison de mat -31/30,43/32,déviation-1, surcharge -4/23, 18/20, 25/29, coup intermédiaire - 6/21, 11, 13/29, 14/23, 23/20, 27/20, 28/22, 32/22, clouage - 23,41,42,45, 52 Liaison entre pièces et pions-7/5, 10, 16/9, 29/9, 31/9, 33/13, 40/20, 51/12 Forteresse-3,5,9,19,26,27,29,36,38,39,50 Zeitnot - 8, 11, 16, 17, 22, 24, 28, 37, 41, 44, 45,47,48,49, 52 Technique des finales : activité du Roi-2,11, 16,17, 25, 27, 35,39, Tour et Fou contre Tour et Cavalier- 17, 45, principe des deux faiblesses - 43, Fous de couleurs opposées - 16, cases fortes - 24, faiblesse en fin de partie - 27, 36, Fou contre Cavalier - 34, «triangulation» - 12/ 53,zugzwang-25/57, motifs d'études - 11

222

PALMARÈS DE BOLOGAN

1 Année Il

[�]Saki

Ville

[�]Kramatorsk

�!Alba Lilia

j1990/91UHalsberge �IPodsused

Il Pays UURSS /!URSS

Il Uopen

/!Jeux Soviétiques de la Jeunesse

/!Roumanie /!Tournoi International Junior Usuéde

ilOpen llcatégorie VI Uchampionnat d'URSS Sub 20

�!Jurmala

ll croatie UURSS

[J��]Las Palmas

/!Espagne i/Catégorie VII

�!Ostrava

UR. Tchéque/lCatégorieX

�!Xanthi

�!Las Palmas �!Moscou

Type de tournoi

UGréce

Ucatégorie VII

/!Espagne /ICatégorie VII

IGJD�IScoreUPlacei l[I]ŒJ[I]Q[JOJ

/8:JŒJ[Ij�OIJ J[I][D[I]Ja,5/11/[ITJ J[I]ŒJ[I]OOOJ 1mœm111113iOJ i[I]IJJŒJIB,5/11!0] l[IJŒJ[I]!a,5/11!0] ![IJŒJŒJI 7,519 iOJ

/II]ŒJIJJI 8,519 iOJ

l[I][I][I][fil[IJ IŒJŒJ[IJ[fil[IJ

�!Novgorod

i/Russie URussie

i/CatégorieXI i/Open

�!Moscou

URussie

Uopen Rapide, Eliminatoires Grand Prix de la PCA

l[I]ŒJ[I]ŒITJOJ ![I][DŒJ!a,5/11j[IJ

Uopen

IITJIJJ[I]I 6,5/B i[JJ

�!Moscou

URussie

�!New York

/!USA

�IBem

Usuisse

Uopen, tournoi blitz de la coupe "Moscou La Nuir

i[IJIJJ[I]Q[JOJ

[!�]Tallin

UEstonie

Uopen JŒ]ŒJ[JOOOIJ Uchampionnat Open des Forces Armées de la Russie i[IJ IJJŒJl7,5/10i OJ IIOpen l[I]ŒJ[I]ŒOOJ Uopen l[IJŒJQJ! 7, 519 iOJ

�!Vermont

UusA

Uopen

1 2000 liMinsk 1 2000 UPékin

liBiélorussie IITournoi Zonal /!Chine UcatégorieXVI

�!Sébastopol

UUkraine

[�]Bourbon LancyllFrance �!Belfort

UFrance

l!CatégorieXV

!!Russie UcatégorieXIV 1 2000 UPoikovsky i 2000 UBuenos Aires UArgentine UcatégorieXIV [3QQ}]Poikovsky

URussie

!! CatégorieXV

l[IJŒJ[I][J[JOIJ i[I]IJJ ŒJI 6,519 iOJ

10œm111/13 iOJ ![I]ŒJ[I]! 5,519 iOIJ

l[I]ŒJ[I]Q[JOJ i[IlŒJ[I]l 6,519 iOIJ

!!Espagne /ICatégorieXIII

i[I]IJJ[I][fil[IJ 18.J[I]ŒJI 5,519 i[BJ J[I]Œ]8J�DJ

I 2002 !!Pampelune

i/Espagne i/France

i[I]IJJŒJI 3,516 iOIJ i[IJŒJIJJI 6,517 iOJ

1 2003 !!Dortmund 2004 i/Reykjavik I 2004 i/lzmir

IIAJiemagne /ICatégorieXVIII

![I]ŒJ[I]Q[JOIJ i8JIJJ[I]l6,5/10iOJ

JIAJlemagne IIOpen Eliminatoires, Rapide URussie /ICatégorieXVIII

IŒJŒJ[I]Q[JDJ

�jShanghaï

!!Chine

1 2002 UMayence

UAllemagne /IOpen, rapide

�!Pampelune

1 2003 i/Aubervilliers [�]Moscou

1

i 2005 i/Dresde �IPoikovsky

i/CatégorieXVI

UcatégorieXVII

l[I]ŒJ[Dl9,5/11j[IJ

URussie

i/Open i/Open Aéroflot

i/lslande i/Turquie

![I]IJJIJJI 7,519 iOIJ ilOpen, rapide IIChampionnat d'Europe par équipes (4-ème échiquier)/Œ]ŒJ[I]ŒOOIJ

![I][IJ[I][fil[ITJ