Perceptions du temps dans la Bible 9789042937734, 9789042937741, 9042937734

Le présent volume, consacré au temps, souhaite marquer un double anniversaire : le 8e centenaire de l'Ordre dominic

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Perceptions du temps dans la Bible
 9789042937734, 9789042937741, 9042937734

Table of contents :
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Perceptions du temps dans la Bible
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PRÉFACE
TABLE DES MATIÈRES
INTRODUCTION
INDEX

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ÉTUDES BIBLIQUES

PERCEPTIONS DU TEMPS DANS LA BIBLE édité par Marc LEROY, o.p. et Martin STASZAK, o.p.

PEETERS

PERCEPTIONS DU TEMPS DANS LA BIBLE

ÉTUDES BIBLIQUES (Nouvelle série. No 77)

PERCEPTIONS DU TEMPS DANS LA BIBLE édité par Marc LEROY, o.p. et Martin STASZAK, o.p.

PEETERS LEUVEN – PARIS – BRISTOL, CT 2018

ISBN 978-90-429-3773-4 eISBN 978-90-429-3774-1 D/2018/0602/96 A catalogue record for this book is available from the Library of Congress. © 2018, Peeters, Bondgenotenlaan 153, B-3000 Leuven, Belgium

PRÉFACE Temps des hommes, temps de Dieu En préparant ce numéro spécial des Étudesbibliques consacré au temps, l’École biblique a souhaité marquer un double anniversaire, qui permet d’inventorier et d’apprécier quelques harmoniques du temps qui passe. Cette année 2016, l’Ordre dominicain célèbre son 8e centenaire. C’est en 1216, en effet, que le pape Honorius III a signé la bulle d’approbation de l’Ordre des Frères prêcheurs. À partir de cette date, des communautés se sont vite répandues en Europe, Dominique prenant très vite l’initiative de disperser ses frères afin qu’ils soient présents là où de nouveaux défis se présentaient pour l’annonce de l’Évangile. L’émergence des villes venait mettre à mal des siècles de gestion féodale de la société ; la naissance d’universités au sein de ces villes, avec ce que cela impliquait de bouleversement culturel, constituait un appel puissant à une nouvelle intelligence de la foi. Des maîtres comme Albert le Grand et Thomas d’Aquin allaient vite offrir des synthèses philosophiques et théologiques à la hauteur des questions de leur temps. Très vite, l’Ordre fut présent au-delà des frontières de l’Europe. Le second Maître de l’Ordre, Jourdain de Saxe, mourut en mer au large de SaintJean d’Acre, après une visite aux Lieux saints. Riccoldo de Monte Croce, lui, porté par la grâce des commencements, s’implanta à Bagdad, dès le 13e siècle. L’Ordre dominicain a souhaité marquer ce 8e centenaire en célébrant une année de Jubilé, qui a été l’occasion de nombreuses initiatives : colloques, pèlerinages, rencontres diverses. Un des moments forts en a été la célébration en juillet-août 2016 du chapitre général de l’Ordre à Bologne, là même où saint Dominique repose « sous les pieds de ses frères » selon sa propre volonté. Dans un article remarqué des années de l’après-concile Vatican II, lorsque les Ordres religieux revisitaient l’esprit de leur fondation, le père Régamey o.p. qualifiait ainsi l’Ordre des Prêcheurs : « Un Ordre ancien dans le monde actuel ». Les diverses rencontres qui ont marqué le jubilé des 800 ans de l’Ordre de saint Dominique ont confirmé la pertinence de ce titre : que ce soit dans le domaine des études philosophiques ou théologiques, de la mission, de la présence aux nouveaux continents à évangéliser (Internet, l’éthique médicale, la sauvegarde de la création), l’intuition fondatrice de l’Ordre

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PRÉFACE

reste juste, pertinente, comme l’a rappelé le pape François en recevant en audience le chapitre général de l’Ordre en la fête de saint Dominique le 4 août 2016. Certes, le temps laisse sa marque et l’Ordre dominicain doit, une fois encore, réajuster ses structures, en procédant par exemple à la fusion de certaines provinces plus fragiles. En même temps, le millier de jeunes frères en formation, un sixième des effectifs de l’Ordre, rappelle que la vie est là, pleine de promesses. Au moment où certaines institutions au passé parfois glorieux doivent apprendre à s’effacer, une vie nouvelle s’annonce montrant que le temps de Dieu est différent du temps des hommes et qu’Il est toujours à l’œuvre « pour faire advenir toute chose nouvelle », comme ne cessaient de le rappeler les prophètes de l’Ancien Testament. À une moindre échelle, l’École biblique et archéologique française de Jérusalem fait la même expérience. En novembre 2015, nous avons célébré à Jérusalem les 125 ans de sa fondation. Une messe solennelle présidée par le patriarche latin de Jérusalem, Mgr Fouad Twal, en présence du consul général de France, a réuni de nombreux amis de l’École biblique venus rendre grâces avec nous pour les fruits innombrables de ces 125 années passées : travaux de recherche, publication de la Bible deJérusalem, fouilles variées, dont certaines majeures comme celle de Qumran, contribution aux travaux de la Commission biblique pontificale, apports d’expertise lors de la rédaction des textes de Vatican II sur la Parole de Dieu, etc. La liste en est si longue que l’on dut s’en tenir à une évocation de quelques thèmes majeurs au cours d’une table-ronde qui rassembla un bon nombre des amis de l’École biblique. Un sondage dans la riche photothèque de l’École permit de revoir les visages de religieux dominicains qui ont marqué l’École depuis sa fondation par le père Lagrange : Antonin Jaussen, Raphaël Savignac, Félix-Marie Abel, Louis-Hugues Vincent, Édouard Dhorme, principaux témoins de la première génération, une génération de pionniers intrépides, à qui l’on doit des explorations des pays de la Bible qui sont encore souvent citées. La deuxième génération, celle des Roland de Vaux, Pierre Benoit, Raymond Tournay, reste dans toutes les mémoires pour au moins deux raisons : la BibledeJérusalem et les fouilles de Qumran. L’histoire de l’École biblique ne se résume nullement à ces grands noms, comme le montre l’œuvre abondante laissée par d’autres religieux de la troisième génération : Jerry Murphy O’Connor, Marie-Émile Boismard, Étienne Nodet, Marcel Sigrist, Jean-Baptiste Humbert et bien d’autres, qu’il est impossible de citer ici. Des relais sont pris, portés par des projets nouveaux comme La Bible en ses traditions, ambitieux projet de recherche qui

PRÉFACE

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mobilise de nombreuses équipes à travers le monde, sous la direction de l’École biblique, et dont l’ambition est d’offrir une Bible à l’âge du numérique, à même, grâce aux ressources de l’informatique, de mettre en valeur la polysémie du texte en restituant ses différentes versions (hébraïque, grecque, latine, syriaque) et l’extraordinaire richesse de la réception du texte sacré, depuis les Pères de l’Église jusqu’à l’art contemporain, en passant par la liturgie, la théologie, la musique, la littérature. Ce renouveau est incarné aussi par une génération de nouveaux professeurs dominicains, venant d’une dizaine de pays, et dont la mission est à la fois d’innover et de poursuivre l’œuvre de recherche et d’enseignement entreprise par le père Lagrange et ses premiers compagnons. L’ouverture prochaine d’une École doctorale est un des signes de ce renouveau. Cette double célébration – le jubilé des 800 ans de l’Ordre dominicain et les 125 ans de l’École biblique – invitent à la fois à la fierté et à la modestie : fierté d’être à notre tour chargés d’incarner et de faire vivre une intuition fondatrice qui n’a rien perdu de sa pertinence et a tant apporté à l’Église et à la science ; modestie aussi, car nous avons d’abord à poursuivre une belle œuvre entreprise avant nous, à être le maillon nécessaire dans la transmission de ce bel héritage. « Faites votre œuvre avant le temps fixé et, au jour fixé, il vous donnera votre récompense », disait déjà le Siracide (51,30). Ce numéro spécial des Étudesbibliques a pour ambition de donner la parole aux membres de l’École biblique et à plusieurs de ses collaborateurs et amis pour souligner la richesse de ce thème du temps, où temps des hommes et temps de Dieu ne cessent de se conjuguer, d’une manière qui ne cesse de nous surprendre. Jean Jacques PÉRENNÈS, o.p. Directeur de l’EBAF

TABLE DES MATIÈRES PRÉFACE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

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INTRODUCTION . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

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PREMIÈRE PARTIE

ÉTUDES SUR L’ANCIEN TESTAMENT ET LA LITTÉRATURE PÉRI-TESTAMENTAIRE

Eugen J. PENTIUC (Brookline, MA) Behind the Days: A Semitic Way of Looking at the End of Time . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

3

Simone PAGANINI (Aix-la-Chapelle) Chronology, Dischronology and the Search for Meaning in the Plot of Deuteronomy . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

22

Béatrice OIRY (Angers) Les poétiques du temps. Genres littéraires et temporalité(s) dans l’historiographie biblique. L’exemple de 1–2 Samuel . . . .

37

Martin STASZAK, o.p. (ÉBAF, Jérusalem) Geschichtsdeutung im Interrogativmodus . . . . . . . . . .

70

Matthieu RICHELLE (Meulan-en-Yvelines) Comment les traducteurs de la Septante percevaient-ils les nuances temporelles exprimées par le système verbal hébreu ? Le cas de deux usages rares dans les livres de Samuel et des Rois . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

93

Roland MEYNET, s.j. (Rome) Analyse rhétorique du psaume 90. Hommage critique à Pierre Auffret . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 113 Jón Ásgeir SIGURVINSSON (Stafholt, Islande) ‫מיום עד לילה‬: „Vom Tag bis zur Nacht“ oder „Sowohl Tag als auch Nacht“? Beobachtungen zur Semantik eines Präpositionalpaares . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 143

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TABLE DES MATIÈRES

Basil LOURIÉ (Saint-Pétersbourg) The Liturgical Cycle in 3Maccabees and the 2Enoch Calendar . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 156 DEUXIÈME PARTIE

ÉTUDES SUR LE NOUVEAU TESTAMENT

M. Manuela GÄCHTER, o.p. (Cazis, Suisse) Zeiten und Fristen im Feigenbaumgleichnis. Die Bezüge der Demonstrativpronomina in Mk 13,29-30 . . . . . . . . . . . 173 Anthony GIAMBRONE, o.p. (ÉBAF, Jérusalem) Counting Backwards: Luke’s Genealogy as World History and the Protological End Times . . . . . . . . . . . . . . . 185 Georg RUBEL (Luxembourg) „Heute ist Heil diesem Haus geschehen“ (Lk 19,9) – Zur heilsgeschichtlichen Bedeutung des lukanischen σήμερον am Beispiel von Lk 19,1-10. . . . . . . . . . . . . . . . . . 203 Pino DI LUCCIO, s.j. (Naples) Il tempo dell’incarnazione del Lògos (Gv 1,1-18) . . . . . . 223 Gregor GEIGER, o.f.m. (SBF, Jérusalem) Doppelte Datierungen und Datumsangaben mit Wochentag zur Einordnung antiker jüdischer Daten in eine absolute Chronologie: Zugleich ein (negativer) Beitrag zur Chronologie der Kreuzigung Jesu . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 248 Chantal REYNIER (Fribourg, Suisse) Le temps dans un récit maritime (Ac 27 – 28,16) : multiplicité des approches et des fonctions . . . . . . . . . . . . . . . . 274 Paul TAVARDON, o.c.s.o. (ÉBAF, Jérusalem) Les Actes des Apôtres, le modèle Boismard-Lamouille, relecture lacanienne (réel, symbolique,imaginaire) . . . . . . . . 297 Michele CICCARELLI (Avellino) L’observance des temps en Ga 4,10 et une possible allusion astrologique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 334 Paolo GARUTI, o.p. (Rome – ÉBAF, Jérusalem) L’aujourd’hui de l’écoute entre passé et futur (He 3 – 4) . . 364

TABLE DES MATIÈRES

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Elvis ELENGABEKA, C.S.Sp. (Paris) La rhétorique de la temporalité dans les épîtres pastorales . 377 Michel GOURGUES, o.p. (Ottawa) Temps court et temps long, temps urgent et temps courant : une tension interne dans la seconde lettre à Timothée 396 Francesco PIAZZOLLA (SBF, Jérusalem) Il cronometro dell’Apocalisse. Il valore del tempo nell’opera 419 TROISIÈME PARTIE

AUTRES ÉTUDES

Johannes BEUTLER, s.j. (Francfort) Zeit und Ewigkeit in biblischer Sicht . . . . . . . . . . . . . 449 Alviero NICCACCI, o.f.m. (SBF, Jérusalem) Le temps de Dieu pour l’homme de l’Ancien au Nouveau Testament . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 467 Étienne NODET, o.p. (ÉBAF, Jérusalem) Temporalité et tradition . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 484 Nicolas BOSSU, LC (Rome) Une prophétie historique devient eschatologique. L’oracle des ossements desséchés (Ez 37,1-14) dans la synagogue de Dura-Europos . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 508 Emmanuel FRIEDHEIM (Ramat Gan, Israël) La perception de l’Histoire dans la littérature rabbinique des premiers siècles de notre ère . . . . . . . . . . . . . . . . . 529 Jacqueline ASSAËL (Nice) L’idée du progrès du péché lié au vieillissement du monde dans l’AugustanaGræca . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 543 INDEX

INDEX DES AUTEURS MODERNES

. . . . . . . . . . . . . . . . . 561

INDEX DES RÉFÉRENCES BIBLIQUES . . . . . . . . . . . . . . . . 571 INDEX DES AUTRES AUTEURS ET DES TEXTES ANCIENS . . . . . . . 599

INTRODUCTION L’ordre des livres bibliques n’est pas identique selon la Bible hébraïque, la Bible grecque, la Septante, et le canon chrétien. Ces ordres divergents expriment, en eux-mêmes, des perceptions particulières du temps, de l’histoire, de l’histoire du salut. Regardant l’exemple du canon chrétien, on s’aperçoit que, d’après la théologie de l’Église, les prophètes en tant que clôture de l’Ancien Testament mènent au Nouveau suivant le paradigme de « promesse et accomplissement ». En suivant les grandes lignes du canon biblique de l’Ancien et du Nouveau Testament, cette introduction a choisi d’abord un critère « pratique » pour présenter aux lecteurs les contributions que contient ce volume. En même temps, les éditeurs situent les articles dans la chronologie biblique, certes rédactionnelle, qui parle d’un commencement au début de son canon et d’une création nouvelle et définitive à la fin de ses écrits. L’ordre des livres bibliques donne une interprétation des récits et de leur perception du temps et signale déjà une certaine inculturation de la perception biblique du temps dans l’horizon de la pensée grecque-occidentale et de la théologie chrétienne. Quelle que soit l’idée du temps, son déroulement comme sa suspension est porteur de la Parole de Dieu, même et surtout au sens de ses actions, et des perceptions de cette Parole et de ses effets. La temporalité n’implique pas la foi en un progrès permanent et irréversible au sens moderne, mais elle représente le médium indispensable des révélations, des perceptions et des interprétations de la Parole de Dieu auxquelles l’École biblique et archéologique française de Jérusalem se sent obligée depuis 125 ans. Sachant bien que, juste à cause de notre condition temporelle, chaque recherche scientifique et ses résultats sont réversibles et provisoires, les éditeurs présentent au public savant ce volume qui porte sur des perceptions du temps et qui contient des contributions des membres et des amis de l’École biblique en domaine vétéro-, néo- et péri-testamentaire avec trois articles sur des sujets postbibliques. Dans la première partie de l’ouvrage, nous trouverons les études qui traitent de l’Ancien Testament et pour une étude de la littérature péritestamentaire. L’article d’Eugen J. PENTIUC évoque quatre expressions

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INTRODUCTION

bibliques qui désignent le début, la durée et la fin du temps (« Behind the Days: A Semitic Way of Looking at the End of Time »). La perception sémitique ne permet pas de parler d’un début, d’une fin ou d’une « éternité » au sens absolu ou ontologique. La Bible établit un système relatif du temps qui connaît plutôt des périodes qui se suivent et qui sont mises en relation les unes avec les autres, qu’une chronologie absolue qui parlerait d’un commencement et d’une fin du temps définitif. La perception relative du temps des récits bibliques se montre également dans le livre du Deutéronome. La lecture synchronique, faite par Simone PAGANINI, révèle un ordre chronologique renversé des chapitres 3 et 9 (« Chronology, Dischronology and the Search for Meaning in the Plot of Deuteronomy »). La demande de Moïse au dernier jour de sa vie, de traverser le Jourdain et le refus par Dieu précèdent la réminiscence de son intercession en faveur du peuple 40 ans avant. Ainsi, les auteurs arrivent à réviser l’image de Moïse contre la suite des événements : d’un leader intéressé de son propre sort à un personnage qui se fait l’avocat de son peuple. Béatrice OIRY examine trois genres littéraires dans les livres de 1 et 2 Samuel, c’est-à-dire la narration, l’oracle et le poème lyrique (« Les poétiques du temps. Genres littéraires et temporalité[s] dans l’historiographie biblique. L’exemple de 1–2 Samuel »). Dans les deux premiers, le discours direct est déterminant et c’est lui qui rend la linéarité des idées et des événements. Le récit parle d’un passé et d’un avenir plutôt immédiat, tandis que l’oracle reflète la tension entre le moment et la longue durée, évoque la totalité de l’histoire et parle, par conséquence, d’un passé et d’un avenir lointain. Les poèmes marquent et réfléchissent un moment de clôture dans la vie d’un personnage et sont prononcés dans un temps suspendu, mais évoquant le passé et parfois l’avenir. Si on veut parler de « temps biblique » il faut s’apercevoir que les genres littéraires produisent leur temporalité spécifique. Après ces trois premières contributions qui démontrent le caractère spécifique des perceptions du temps dans la Bible, c’est une question philologique qui se trouve au centre de la contribution de Martin STASZAK (« Geschichtsdeutung im Interrogativmodus »). Le renvoi stéréotypé aux Annales des rois de Juda et d’Israël dans les livres des Rois parle d’un reste qui s’y trouve et qui semble être moins important que le comportement cultuel et la fidélité au yahwisme des rois qui sont racontés et valorisés en détail. La forme de la question négative du renvoi dépasse la pure constatation et veut convaincre le lecteur d’accepter la mise en

INTRODUCTION

XVII

valeur du yahwisme faite par la formule. L’historiographie devient ainsi une interprétation de l’histoire. La traduction des formes we + qatal et wayyiqtol par la Septante dans les livres des Règnes (Samuel et Rois) est le sujet de la contribution de Matthieu RICHELLE (« Comment les traducteurs de la Septante percevaient-ils les nuances temporelles exprimées par le système verbal hébreu ? Le cas de deux usages rares dans les livres de Samuel et des Rois »). On remarque des variantes considérables qui vont du plus-queparfait au futur. Il se pose la question de savoir quelle était la technique des traducteurs, une traduction segmentée des formes verbales qui avait recours aux équivalences usuelles et aux conventions (A. Voitila), ou bien une traduction qui était influencée par le contexte, même dans une certaine ampleur (J. Barr). L’auteur refuse des théories unifiantes et plaide pour une approche nuancée qui intègre des éléments des deux théories. Selon les procédures de l’analyse rhétorique sémitique, Roland MEYNET propose une fine analyse du Psaume 90 (« Analyse rhétorique du psaume 90. Hommage critique à Pierre Auffret »). Ce Psaume 90 a plusieurs mots qui appartiennent au même champ sémantique du temps : « années » ; « jour(s) » ; « au matin ». À l’aide de nombreux tableaux, qui utilisent les différentes polices de caractères, les petites capitales, les italiques, etc., Meynet montre très bien les niveaux de composition du psaume. Celui-ci s’organise en trois parties. Les deux parties extrêmes s’articulent autour de la seule question du texte au v. 11 : « Qui connaît la force de ta colère et comme la crainte-de-toi ton emportement ? ». Ainsi se vérifie ce que Meynet appelle « la loi de la question au centre ». Le thème dominant du Psaume 90 n’est pas la caducité de la vie humaine, mais la colère divine. La septième contribution vétérotestamentaire qui présente une analyse syntaxique et sémantique avec des conséquences manifestes pour notre appréhension de la temporalité biblique, est celle de Jón Ásgeir SIGURVINSSON, qui prend comme point de départ Is 38,12.13 (« ‫מיום עד‬ ‫לילה‬: „Vom Tag bis zur Nacht“ oder „Sowohl Tag als auch Nacht“? Beobachtungen zur Semantik eines Präpositionalpaares »). Les prépositions min et ʽad, en relation avec « jour » et « nuit », ne peuvent pas être traduites par « de … jusqu’à », mais signifient plutôt « et … et ». Jour et nuit sont les deux moitiés d’une journée entière qui contiennent toutes les autres parties du jour comme p. e. le crépuscule. La perception d’une journée orientale se distingue donc considérablement de la perception occidentale.

XVIII

INTRODUCTION

Cette première partie de l’ouvrage s’achève avec la seule étude qui concerne la littérature péri-testamentaire. On la doit à Basile LOURIÉ (« The Liturgical Cycle in 3Maccabees and the 2Enoch Calendar »). 3Maccabées décrit une fête juive locale inconnue en dehors de l’Égypte. L’ensemble du cycle dure 50 jours, soit une pentécontade entière, selon une structure interne 40+3+7 jours. Certains auteurs font une erreur en voulant interpréter ce cycle à partir de la modification faite à Alexandrie du calendrier julien. C’est à l’intérieur du Judaïsme du Second Temple qu’il faut trouver la solution nous dit Lourié. Le remplacement de la fête de la Nouvelle Huile par celle du Vin Nouveau est suffisamment organique dans le sens de la première loi de Baumstark. Le calendrier liturgique de 3Maccabées comporte une innovation, typique du Judaïsme du Second Temple. Il s’agit de transformer une fête solennelle en un jour de deuil. Avec la deuxième partie de l’ouvrage, nous abordons les études sur le Nouveau Testament. Manuela GÄCHTER écrit sur la parabole du figuier en Mc 13 (« Zeiten und Fristen im Feigenbaumgleichnis. Die Bezüge der Demonstrativpronomina in Mk 13,29-30 »). Le discours apocalyptique de Jésus avec l’attente de la parousie pose de nombreux problèmes aux lecteurs modernes. L’auteur peut constater que Jésus ne parle pas d’une parousie immédiate, mais d’un délai entre les premiers signes (le printemps de la parabole) et l’accomplissement, c’est-à-dire l’arrivée de la fin (l’été). Cela veut dire qu’un certain laps de temps, dans lequel nous nous trouvons toujours, va passer. Alors que Conzelmann considérait la possibilité d’une périodisation lucanienne à partir d’une historicisation (Historisierung) du temps, Anthony GIAMBRONE envisage, dans son étude, de partir de l’apocalyptique (« Counting Backwards: Luke’s Genealogy as World History and the Protological End Times »). En effet, la généalogie de Jésus en Lc 3,23-38 propose une périodisation apocalyptique du temps. Jésus, venant à la fin de la onzième série de sept générations, inaugurerait ainsi le douzième et dernier âge du monde. Giambrone propose de montrer en quoi la généalogie de Luc peut être qualifiée d’énochique et de davidique. En inversant le sens de la généalogie – de descendante elle est devenue ascendante –, supprimant ainsi l’attente que l’Histoire se finit avec Jésus, Luc termine l’Histoire passée en la recommençant avec Jésus (et non Adam). Finalement, les deux motifs, énochiques et davidiques, convergent, par un effet rhétorique lucanien, vers le Royaume messianique.

INTRODUCTION

XIX

La contribution de Georg RUBEL contient une certaine analogie de la parabole du figuier (« „Heute ist Heil diesem Haus geschehen“ [Lk 19,9] – Zur heilsgeschichtlichen Bedeutung des lukanischen σήμερον am Beispiel von Lk 19,1-10 »). L’évangéliste Luc utilise l’adverbe σήμερον (aujourd’hui) pour marquer la période du Christ. Ainsi, « aujourd’hui » devient un terme de la sotériologie du troisième évangile désignant la présence salvatrice actuelle de Jésus-Christ parmi les hommes et promettant également le futur salut eschatologique. Dans son article, Pino DI LUCCIO cherche à comprendre le Prologue de l’Évangile de Jean comme une narration de la révélation historique du Logos (« Il tempo dell’incarnazione del Lògos [Gv 1,1-18] »). Si Philon identifie le plus ancien divin Logos de toutes les choses et de tous les logoi avec la Manna – ce qui correspond à la Sagesse céleste –, le Logos du Prologue est une traduction du mot araméen Mèmra et du mot hébreu Davar qui signifient la Parole originellement historique de Dieu. Le temps de la révélation du Logos implique, pour le Prologue, la coïncidence de deux mondes : celui qui suit et celui qui précède. Les enfants de Dieu (v. 12) prophétisent la nouveauté du Temple par rapport à la manifestation de la Parole de Dieu qui précède l’incarnation du Logos et l’actualise par rapport à l’histoire de la révélation du Logos. Pour le Prologue, Jésus rend contemporain le temps des origines, actualisant les anticipations de la révélation historique du Logos en tant que prophéties du passé. La fin de la vie de Jésus, plus précisément la date de la crucifixion, est le sujet de l’article de Gregor GEIGER «(« Doppelte Datierungen und Datumsangaben mit Wochentag zur Einordnung antiker jüdischer Daten in eine absolute Chronologie: Zugleich ein [negativer] Beitrag zur Chronologie der Kreuzigung Jesu »). Les énormes difficultés pour transférer les dates du calendrier juif dans le calendrier romain ne permettent pas de fixer la date et l’année de la mort de Jésus. La notion du temps se révèle de nouveau de façon relative : le début d’un mois était calculé ou observé, la dernière méthode contient des incertitudes de visibilité de la lune à une date précise. Chantal REYNIER analyse, dans son article, la temporalité en Ac 27 – 28,16 (« Le temps dans un récit maritime [Ac 27 – 28,16] : multiplicité des approches et des fonctions »). Ce passage a beaucoup été étudié par les exégètes d’un point de vue narratif. Mais, la temporalité propre au récit maritime qu’est Ac 27 – 28,16 n’a jamais été mise en valeur. Ce passage fait partie du corpus des textes maritimes qui proviennent de l’Antiquité. C’est non en fonction de la distance, mais du temps, qu’on

XX

INTRODUCTION

y mesure l’itinéraire. La temporalité intervient de différentes façons : temps de la navigation, temps à terre, temps de la narration et temps de Dieu. À partir des marqueurs de la temporalité, que sont les indices religieux et saisonniers ou les indicateurs physiques, on distingue la construction spécifique de ce passage selon les points de vue accumulés : temps réel, temps ressenti, temps littéraire et temps symbolique spécifié chrétiennement. L’étude de Paul TAVARDON part du modèle d’interprétation des Actes des Apôtres proposé par Marie-Émile Boismard et Arnaud Lamouille pour le dépasser (« Les Actes des Apôtres, le modèle Boismard-Lamouille, relecture lacanienne [réel, symbolique, imaginaire] »). Vrai dans son intuition première, le modèle Boismard-Lamouille peine à englober tout le réel des variantes. Figé dans une rigidité tendant au système, il ne peut circonscrire les détails du réel. Tavardon tente de répondre à la question : qu’en est-il du réel dans le Livre des Actes ? Pour cela, il fait appel au modèle de Jacques Lacan et à son nouage appelé borroméen par analogie avec les trois anneaux du blason de la famille des Borromée. Ses trois registres réel, symbolique et imaginaire sont les trois modalités par lesquelles nous percevons la temporalité. La contribution de Michele CICCARELLI est consacrée à Ga 4,10 (« L’observance des temps en Ga 4,10 et une possible allusion astrologique »). Le rappel de Paul au sujet de certains rythmes temporels est difficile à comprendre. Paul parle, dans deux passages de Galates (4,3.9), des στοιχεῖα comme une référence aux étoiles. Les Juifs de cette époque participent de cette même veine magico-astrologique que l’on trouve dans tout le bassin méditerranéen. Paul craint que les Galates reviennent aux calendriers des fêtes juives, dont les dates étaient fixées par le mouvement des astres, mais aussi à une relation obsessionnelle des astres, dont on pensait qu’ils déterminaient la vie des gens. Paolo GARUTI s’intéresse, dans son article, à l’exégèse de LXX Ps 94 de l’Épître aux Hébreux (« L’aujourd’hui de l’écoute entre passé et futur [He 3 – 4] »). Nous avons ici un lieu commun de la prédication des origines. Il s’agit de confronter la génération de l’Exode et celles des lecteurs du texte, mais les chrétiens sont les seuls qui vivent l’aujourd’hui messianique. On ne parle pas uniquement, en LXX Ps 94, de l’aujourd’hui de David, mais celui-ci prophétise un jour qui sera « appelé » σήμερον, jour où Dieu fera entendre sa voix. Le présent de la communauté est alors imaginé, en Hébreux, comme une ville en chemin, description faite en termes d’approche et non d’entrée.

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La réflexion d’Elvis ELENGABEKA porte sur la question du temps dans les épîtres pastorales (« La rhétorique de la temporalité dans les épîtres pastorales »). L’auteur commence par s’intéresser à la vision globale de l’Histoire à travers deux péricopes. Pour la première, Tt 2,11-14, l’Histoire comporte une forte dimension universelle. Il n’y a pas de succession linéaire du temps ; il n’y a pas de périodicité cyclique. Dans la seconde, Tt 3,3-7, le temps est envisagé dans une optique plus individuelle. Le temps apparaît comme une imbrication du passé, du présent et du futur. L’étude se termine par une analyse des expressions construites sur les concepts chronologiques tels que καιρός et ἡμέρα. Le temps est décrit, dans les épîtres pastorales, comme une réalité plurielle. L’étude de Michel GOURGUES continue avec le dossier des Pastorales en s’intéressant, plus particulièrement, à la question de l’authenticité de 2 Tm (« Temps court et temps long, temps urgent et temps courant : une tension interne dans la seconde lettre à Timothée »). Il fait le constat, à l’intérieur de 2 Tm, d’une tension entre deux représentations différentes du temps. D’une part, en 2 Tm 1,1 – 2,13 ; 4,6-22, nous avons la perspective d’un temps court et urgent où la situation présente d’un Paul en sursis est perçue comme passagère. D’autre part, en 2 Tm 2,14 – 4,5, nous avons la perspective d’un temps long et courant où les exhortations adressées à Timothée se rapportent à un temps permanent et ordinaire. Cette distinction revient à poser autrement la question de l’authenticité de 2 Tm et à considérer 2,14 – 4,5 comme une section intercalaire ajoutée à la dernière lettre de Paul écrite avant sa mort. Francesco PIAZZOLLA nous dit que la perception du temps dans l’Apocalypse ne se réduit pas à la portée sémantique de termes comme χρόνος et καιρός, mais doit être recherchée dans d’autres données textuelles qui permettent une compréhension plus complète de la chronologie du livre (« Il cronometro dell’Apocalisse. Il valore del tempo nell’opera »). L’Apocalypse est intéressée à donner des clés de lecture qui éclairent le processus historique, à la lumière de la Résurrection du Christ et en vue de sa seconde venue. Ce point de vue – entre déjà là et pas encore – différencie ce livre des autres œuvres contemporaines qui réservent l’accomplissement du salut exclusivement dans l’eschaton (apocalyptique juive) ou dans le présent (théologie gnostique). La communauté des fidèles goûte un repos partiel, attendant la béatitude éternelle. La troisième et dernière partie de l’ouvrage réunit les autres études qui ne traitent, spécifiquement, ni de l’Ancien ni du Nouveau Testament.

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Nous y trouvons trois études, plutôt générales, de théologie biblique s’intéressant à la fois à l’Ancien et au Nouveau Testament, et trois études sur des sujets postbibliques. Johannes BEUTLER écrit sur un sujet plutôt général, le temps et l’éternité dans la perspective biblique (« Zeit und Ewigkeit in biblischer Sicht »). La contribution surmonte le contraste entre la pensée cyclique (sémitique, grecque) et linéaire (biblique) comme une fausse alternative et montre l’évolution de la perception du temps dans la Bible qui mène à la foi en la résurrection des morts dans les écrits apocalyptiques de l’Ancien Testament et à la perception de l’éternité au-delà du temps et de l’espace dans le Nouveau Testament. Le point de départ de l’article d’Alviero NICCACCI est une analyse syntaxique de formes verbales de l’Ancien et du Nouveau Testament (« Le temps de Dieu pour l’homme de l’Ancien au Nouveau Testament »). Comme ces formes expriment le passé, le présent et le futur, une suite d’événements apparaît qui parle de l’histoire de Dieu avec les hommes. Bien que le temps de Dieu puisse rester incompréhensible aux hommes, le point culminant devient visible dans l’incarnation de JésusChrist qui réalise pleinement le temps de Dieu et l’accueille, lui aussi, dans sa vie qu’il donne sur la croix pour les êtres humains. L’article d’Étienne NODET poursuit un intérêt herméneutique (« Temporalité et tradition »). On peut constater que la Bible se sert de traditions extrabibliques et en constitue des personnages synthétiques comme Abraham et Moïse. Ces traditions se trouvent souvent dans des sources écrites plus récentes que le texte biblique qui en est marqué. Abraham et Moïse deviennent, dans un passé constitutif, les fondateurs du monothéisme qui donne un sens spécifique à l’espace et au temps. Une différence se trouve dans le cas de Jésus-Christ et de Jean-Baptiste, le dernier étant, dans les évangiles, précurseur et contemporain du premier, bien que Jésus n’ait pas rencontré Jean. L’intérêt des évangiles était de montrer Jean comme ultime prophète dont le témoignage devient plus important que son baptême. L’herméneutique est bien différente que dans les cas d’Abraham et de Moïse, elle gravite autour de la personne de Jésus. Nicolas BOSSU s’est penché sur le dossier de la fresque de la synagogue de Dura-Europos, datée du milieu du IIIe s. ap. J.-C., qui représente la vision d’Ez 37,1-14 (« Une prophétie historique devient eschatologique. L’oracle des ossements desséchés [Ez 37,1-14] dans la synagogue de Dura-Europos »). S’éloignant du sens littéral du texte biblique, lié au retour d’Exil, la résurrection finale, représentée par le peintre, est en conformité avec la littérature juive de l’époque. En confrontant littérature

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et peinture, il est possible d’esquisser la théologie de l’artiste. À partir d’Ez 37, il a voulu exprimer une vision eschatologique du Jour duSeigneur. La résurrection finale aura lieu à Jérusalem. Les morts seront transportés au Mont des Oliviers, qui se fendra en deux, pour y recevoir l’Esprit de vie. Emmanuel FRIEDHEIM se pose la question de savoir pourquoi les sources rabbiniques des premiers siècles, tant mishniques que talmudiques, se désintéressent autant de l’Histoire (« La perception de l’Histoire dans la littérature rabbinique des premiers siècles de notre ère »). Que la société juive de plurivoque qu’elle était (zélotes et sicaires, esséniens, sadducéens, pharisiens des maisons d’Hillel et de Shammaï) soit devenue univoque, après 70, placée sous la seule férule du courant hillélite, ou bien que cette société soit restée plurielle (rabbanites contre ceux qui déviaient du milieu rabbinique), nous devons faire le constat que les rabbins ne vont plus s’intéresser à la situation historique d’avant 66, et donc à l’Histoire. La connaissance du passé n’est d’aucune utilité pour contribuer à élucider un problème halakhique. Dans son étude, Jacqueline ASSAËL s’intéresse à la notion de « vieillissement du monde » que nous trouvons dans l’AugustanaGræca, confession de foi, envoyée en 1559, par les docteurs luthériens de Wittemberg à Jérémie II, patriarche grec-orthodoxe de Constantinople (« L’idée du progrès du péché lié au vieillissement du monde dans l’Augustana Græca »). Dans la pensée luthérienne, l’histoire du monde est comprise comme évolution vers une fin qui se produit dans la corruption de toute sa substance charnelle. Mais il existe un temps de grâce qui se superpose à celui de la déchéance mondaine. La Réforme elle-même, selon les docteurs de Wittemberg, advient, par un rebond de l’Histoire, comme un rétablissement de la foi, par une incursion de l’Esprit. Les éditeurs sont très reconnaissants aux auteurs qui, par leurs contributions, ont réagi à l’appel pour célébrer, par ce volume, le double jubilé de l’Ordre dominicain et de l’École biblique et archéologique française de Jérusalem. Marc LEROY, o.p. et Martin STASZAK, o.p.

PREMIÈRE PARTIE

ÉTUDES SUR L’ANCIEN TESTAMENT ET LA LITTÉRATURE PÉRI-TESTAMENTAIRE

BEHIND THE DAYS: A SEMITIC WAY OF LOOKING AT THE END OF TIME BY

Eugen J. PENTIUC Holy Cross Greek Orthodox School of Theology Brookline, MA, USA [email protected]

ThelikenessofGodcanbefoundintime,whichiseternityindisguise – Abraham HESHEL, TheSabbath

ABSTRACT This article summarizes several aspects of the Semitic view on “end of time” as attested in Hebrew Bible. Four key-terms (‫עוֹלם‬ ָ ‫אשׁית ֵקץ‬ ִ ‫)א ֲח ִרית ֵר‬ ַ are analyzed in their interconnectivity. The relative overtone of ‫ְבּ ַא ֲח ִרית‬ ‫“ ַהיָּ ִמים‬in the end of days,” which is better rendered as “behind the days,” matches up with ‫אשׁית‬ ִ ‫“ ְבּ ֵר‬in abeginning” of God’s creative work. The same relativity hovers over ‫“ ֵקץ‬end” as not an absolute finale, and ‫עוֹלם‬ ָ “eternity” not a timeless or above-time reality. With the exception of late texts (e.g., Daniel), the difference between current time and the time “behind the days” is, in this reading, qualitative rather than quantitative. RÉSUMÉ Cet article résume plusieurs aspects de la vision sémitique de la “fin des temps,” attestée dans la Bible hébraïque. Quatre termes clés (‫אשׁית ֵקץ‬ ִ ‫ַא ֲח ִרית ֵר‬ ‫)עוֹלם‬ ָ sont analysés dans leurs interrelations. La connotation de ‫יָּמים‬ ִ ‫ְבּ ַא ֲח ִרית ַה‬ “à la fin des jours,” – mieux rendu comme “derrière les jours” – correspond avec ‫אשׁית‬ ִ ‫“ ְבּ ֵר‬au commencement” au travail créatif de Dieu. La même relativité plane sur‫“ ֵקץ‬fin,” entendu non comme finale ultime, et ‫עוֹלם‬ ָ “éternité,” compris non comme réalité intemporelle ou au-dessus du temps. À l’exception des textes tardifs (comme Daniel), la différence entre le temps actuel et le temps “derrière les jours” est, dans cette lecture, qualitative plutôt que quantitative.

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1. PRELIMINARIES Mette Bundvad1 rightly notices that due to a limited number of reflections on time found in the Hebrew Bible, there has been a tendency among biblical scholars to consider the biblical notion of time either as non-existent2 or more simplified than our contemporary way of looking at time theologically, philosophically, or scientifically. However, “defending the presence of time conceptualization in the Hebrew Bible,”3 as Bundvad advocates, might tilt the balance toward overconceptualization. It is clear, of course, that Hebrew Bible is quite resistant to any radical conceptualization. One may speak of “views,” “ideas,” “thoughts,” and “theologies,” rather than “concepts” or even “notions,” when dealing with biblical texts written, edited, and gathered in collections into what eventually became the Hebrew Bible (or Old Testament) during a long, tedious, and sometimes quite intricate process. I cannot help but agree with Walter Brueggemann4 that any reductionist reading of the Hebrew Bible aimed at a flat conceptualization disregards both playfulness and ambiguity in the Barthesian “pleasure of the text”: well-honored Jewish characteristics of the biblical corpus. For this reason, terms like “concept,” “notion,” “category,” “conceptualization,” and the like, should be used scarcely and with always great caution. As the subtitle indicates, my contribution to this festal volume is rather a reflection on the Semitic way of looking at the “end of time.” I do not claim that I will introduce the reader to the notion or even 1 Mette BUNDVAD, “Defending the Concept of Time in the Hebrew Bible”, SJOT 28 (2014) 278-95. Note also Mette BUNDVAD’s recent monographTimeintheBookof Ecclesiastes (Oxford Theology and Religion Monographs), Oxford, Oxford University Press, 2015, chapter two, where she offers an overview about the concept of time in the Hebrew Bible. Bundvad’s approach is primarily linguistic and anthropological. 2 So Sacha STERN, TimeandProcessinAncientJudaism, Oxford, Littman Library of Jewish Civilization, 2003. Using an anthropological-historical approach, Stern argues that time in the ancient Jewish view is a co-ordination of various processes (e.g., assigning biblical readings for specific days of the liturgical cycle) rather than an entity per se, as was the case with the Greek concept of χρόνος. Later on, in medieval Judaism, and under the influence of Greek philosophy, the notion of time becomes well-configured in biblical exegesis. However, as M. BUNDVAD, “Concept of Time”, 278, well remarks that the ability of the biblical writer to coordinate processes on the time axis is a strong argument against Stern’s thesis and comes in support of time-awareness in the Hebrew Bible. 3 M. BUNDVAD, “Concept of Time”, 278. 4 Walter BRUEGGEMANN, Theology of the Old Testament: Testimony, Dispute, Advocacy, Minneapolis, MN, Fortress Press, 2012, 92.

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various notions of “end of time” to be found in Hebrew Bible. My focus is merely on the Semitic way (or mode) in which the biblical authors themselves imagined the “end of time.” As it will be seen, this Semitic way pervading the biblical corpus is marked by fluidity, ambiguity, free-play and subtle irony at the level of theological reflection.5 Moreover, this Semitic way of thinking of the “end of time” is quite informed by a revelatory datum, so clearly articulated in the Hebrew Bible: The One who created the “heavens and earth” (Gen 1:1) is also the God who called Abraham (Gen 12:1) and revealed his personal name to Moses (Exod 3). Further, he is also the One who made the two monsters, Behemoth and Leviathan at the beginning (Job 40), and descends on Mt. Sinai to make an “eternal” covenant with Israel (Exod 19). This revelatory datum running as a golden thread throughout the whole Hebrew Bible can be condensed to a short clause: Elohim / Yahweh is a personal God and everything in the biblical corpus is viewed through the lenses of this personal relationship between God and humanity in general, or Israel in particular. Everything in the Hebrew Bible is relational. Thus, time should also be looked at through this aforementioned prism as a relational reality or rather a concrete stage on which Godhumanity/Israel relationship is ever unfolding. Just as important as time, the end of time, or any other reality might be, nothing is more significant for the Hebrew Bible than this relationship based on God’s steadfast love – and our collective trust as a fitting response from the part of humanity / Israel to God’s constant, unchanging and personal love. In order to grasp the peculiar Semitic way on the “end of time,” I chose four key-terms whose nuanced meanings intersect with this hard-to-define eschatological reality.6 5 At the middle of the twentieth century, biblical scholars were divided with respect to the distinction between Hebrew (Semitic) and Greek thinking of time. Some scholars like Oscar CULLMANN (ChristandTime, London, SCM Press, 1962) emphasized on this distinction, arguing that Greeks saw time as a cyclical reality (an idea that wouldn’t take full hold until Vico in the 17th century), while biblical authors understood time as a line moving from the beginning to an end (cf. Augustine). Other scholars like James BARR (BiblicalWordsforTime, London, SCM Press, 1962) were skeptical regarding the distinction along the language-group lines. Barr rightly noticed that cyclical-time was not limited exclusively to the Greek thinking – and that linear time was also attested in Greek sources. 6 For a more a complete though not so in-depth, analysis of Hebrew terms describing time, the reader is directed to Gershon BRIN, TheConceptofTimeintheBible& theDeadSeaScrolls (StTDJ, 39), Leiden, Brill, 2001.

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Methodologically, I follow a linguistic-theological approach, with an emphasis on a canonical approach, while considering those criticalhistorical matters pertaining to the texts, terminology and expressions to be analyzed in this article. 2. ANALYSIS 2.1. ‫א ֲח ִרית‬ ַ As the title of this article shows, the key expression I’d like first to succinctly analyze is ‫ ְבּ ַא ֲח ִרית ַהיָּ ִמים‬which has been commonly rendered “at the end of the days [time].” In the Pesach season of 1982, the late Israeli Prime Minister Menachem Begin delivered an address to the delegates of the United Nations disarmament conference.7 It was a homily based on Isaiah’s words, ‫( וְ ָהיָ ה ְבּ ַא ֲח ִרית ַהיָּ ִמים‬Isa 2:1-4). The gist of Begin’s speech was that Isaiah’s prophecy, “they shall beat their swords into plowshares” (Isa 2:4), pointing to universal peace, will notbe fulfilled “at the end of time” as most of the modern renditions of phrase ‫ְבּ ַא ֲח ִרית ַהיָּ ִמים‬ intimate, but rather in a very foreseeable future – hence the duty to hope and work towards this desiderate. If the universal peace heralded by Isa 2:4 will be achieved “at the end of time,” rightly remarks Begin, “What consolation does Isaiah’s vision bring to suffering mankind if in the last days ice and lava shall cover the earth? Where is the cure for humanity’s afflictions?” And Begin shows in his homily that the phrase ‫ ְבּ ַא ֲח ִרית ַהיָּ ִמים‬has always been wrongly translated “in the end of days” or “in the last days”: for such an idea, the Hebrew language has the phrase ‫יָּמים‬ ִ ‫ ְבּ ַא ֲחרוֹן ַה‬which is, of course, more apposite. In support of his trenchant and pertinent remark, Begin brings the Masoretic reading of Jer 29:11, ‫א ֲח ִרית וְ ִת ְקוָ ה‬, ַ where if one renders ‫א ֲח ִרית‬ ַ with “end” (as usually) the whole phrase (“end and hope”) makes no sense.8 Thus, the term ‫א ֲח ִרית‬should ַ be rendered “future,” and the whole clause thus reading, “to give to you a future and a hope,” or perhaps better “to give you a hopeful future,” concludes 7 The article dealing with Begin’s address appeared under the signature of Yehuda AVNER in the digital version of JerusalemPost on April 12, 2006. (see: http://www. jpost.com/Israel/Into-the-bright-future) accessed 4/22/2016. 8 Earlier, the Septuagint noticed the textual difficulty by simplifying the Heb. lectio difficillior ‫ ַא ֲח ִרית וְ ִת ְקוָ ה‬and reading κάκα ταύτα “these evils”: “[and not to give you] these evils” (so NETS). Note though, the Peshitta has Hrt’sbr’ “end hope” and the Targum reads literally ‫“ סוף וסיבור‬end and hope.”

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Begin. Hence, the universal peace prophesied by Isaiah will gain concrete contour within our human history, in the future – hopefully in our own future – and not at some eschatological “at the end of time.” So let us take a closer look to ‫בּ ַא ֲח ִרית ַהיָּ ִמים‬, ְ especially to those prophetic texts where this phrase occurs, following the chronological sequence. First, the word ‫א ֲח ִרית‬, ַ deriving from ‫“ ַא ַחר‬behind, afterwards” (local and temporal meanings), is an abstract noun following the same construction pattern as ‫אשׁית‬ ִ ‫“(ר‬beginning”) ֵ from ‫“(רֺאשׁ‬head”), and 9 meaning, literally “what it comes after.” Since there is – at least to my knowledge – no evidence of this word in the ancient Near Eastern literature, the only way to grasp the full array of semantic nuances is to concentrate on its occurrences in the Hebrew Bible. This word may also have a temporal meaning, “after, the latter period” like in Job 42:12: “God blessed the latter condition (‫ֶאת‬ ‫)א ֲח ִרית‬ ַ of Job” (so NJB), i.e., the period after the testing. There is the consequential connotation, cf. Prov 29:21: “The one who pampers his servant from childhood, his end (‫)א ֲח ִריתוֹ‬ ַ will be despiteful (‫)מנוֹן‬,” ָ where “his end” should not be taken as the absolute temporal end, but rather as the main and last consequence of his reckless action (namely “pampering his servant”). That is when the master will need the most of his servant’s help, he will not get it. The word ‫א ֲח ִרית‬can ַ also have a logical meaning. Jer 5:31 reads: “The prophets prophesy falsely. And the priests rule accordingly, and my people like it so. But what will you do at the end of it [‫יתה‬ ָ ‫”?]ל ַא ֲח ִר‬ ְ In this particular text, ‫ ַא ֲח ִרית‬connotes an “outcome [of a matter], end result.”10 Isa 47:7 presents a similar semantic case: “You said: I will be a mistress forever! You did not take these things to heart, nor remember the outcome of it [‫יתה‬ ָ ‫]א ֲח ִר‬,” ַ where this word means 11 “outcome.” Yet another meaning for this word is “future” as in Jer 29:11: “For I know the plans I have for you, says the Lord, plans for peace, not for disaster, to give you a future [‫]א ֲח ִרית‬ ַ and a hope [‫”]ת ְקוָ ה‬ ִ Horst SEEBASS, “‫᾿ ַא ֲח ִרית‬aḥarît”, in: TDOT1,1977, 207. William L. HOLLADAY and Paul D. HANSON, Jeremiah 1: A Commentary on the Book of Jeremiah Chapter 1-25 (Hermeneia), Philadelphia, PA, Fortress Press, 1986, 201. The feminine suffix on the noun ‫יתה‬ ָ ‫א ֲח ִר‬, ַ here rendered by the neuter “it,” is puzzling. It most likely refers to the land (Jer 5:30) that is a feminine noun. 11 The Old Greek uses the neuter plural τὰ ἔσχατα “the latter (last) things.” 9

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(cf. Ps 37:37). In Dan 11:4, this noun designates “posterity”: “But after his appearance, his kingdom will be broken up, and scattered to the four winds of heaven, but not for any of his posterity…” (cf. Ps 109:13; Sir 16:312). The meaning “remnant” is attested in Amos 4:2: “… Behold, days are coming upon you when you will be carried off in baskets, and your remnant [‫ית ֶכן‬ ְ ‫]א ֲח ִר‬ ַ with fishhooks” (cf. Amos 9:1; Ezek 23:25). The word ‫ ַא ֲח ִרית‬can mean “end” (locative and temporal), but a relative end, not the absolute End, even when this “end” refers to the life’s-end, death, as in Num 23:10: “Let me die the death of the righteous, and let my end [‫יתי‬ ִ ‫]א ֲח ִר‬ ַ be like his”. Thus “end” can designate, in a much more fertile sense, a number of moments preceding one’s death. The same relative character of the “end” is found in Dan 8:23: “And at the end [‫]וּב ַא ֲח ִרית‬ ְ of their reign, when the measure of their sins is full, a king will arise, impudent and versed in intrigue”: so life continues after the end of the precedent reign and a new king arises. Hence “the end” (or “this end”) is the end of only of a period and not thevery end! The locative meaning is attested in Ps 139:9: “If I take the wings of the dawn, if I dwell beyond [‫]בּ ַא ֲח ִרית‬ ְ the sea,” namely, in the west, not at the end of the world. With respect to ‫בּ ַא ֲח ִרית ַהיָּ ִמים‬, ְ this phrase denotes mostly a future time, a period which comes after another period – literally, “what follows after the days, behind the days”. The Hebrew phrase is indeed quite similar in construction and meaning to the Akkadian phrase ina ahrat ūmī … “any time in the future….”13 The obligatory passage in Num 24:14: “I will let you know what this people will do to your people after [these] days [‫]בּ ַא ֲח ִרית ַהיָּ ִמים‬,” ְ namely, “in the near future from the point of view of the speaker.”14 A similar non-eschatological meaning may be detected in Gen 49:1 (“And Jacob called his sons and said: ‘Come together that I may tell you what is to befall you in the future time’”) and also Jer 23:20; 48:47; 49:39. The common rendition and understanding of the phrase “at the end of days” relies on the Old Greek translation of the Hebrew phrase 12 Sir 16:3 reads: “… better to die childless than to have impious children.” The Greek word τέκνα “children” stands for a Heb. Vorlage with ‫ררית‬ ִ ‫“ ַא ֲח‬posterity.” 13 CAD 1 A/I, 194. 14 Jacob MILGROM, Numbers (JPSTC), Philadelphia, PA, Jewish Publication Society, 1990, 206.

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‫ ְבּ ַא ֲח ִרית ַהיָּ ִמים‬as ἐπ᾽ἐσχάτου τῶν ἡμερῶν. In the Qumran texts, the phrase is used to designate the Messianic age (1QSa 1:1; 4QpIsa 7.3.22; CD 6:11; 4QFlor 1:2, 12).15 However I dissent from Horst Seebass’s16 interpretation of six passages where this phrase is, in his misguided view eschatological, meaning “the end time.”17 I may add that Seebass ranks these texts from a “non-technical” to a “technical” occurrence of this phrase, as follows: Isa 2:2 (= Mic 4:1); Hos 3:5; Ezek 38:16; Dan 2:28; 10:14. The situation described in the first listed text, Isa 2:2 (= Mi 4:1): “After the days [‫]בּ ַא ֲח ִרית ַהיָּ ִמים‬, ְ the mountain of the house of the Lord shall be the highest of the mountains …” is the preamble of a universal and lasting peace characterized by the absence of any weapon. As Begin, quoted at the beginning of this section, pointed out ‫ ַא ֲח ִרית‬in this verse does not mean “end of time” but rather a future time, following other periods of time, and ushering in an ideal time of peace and harmony among world’s nations. So, ‫א ֲח ִרית‬in ַ this case is a beginning and not an end! Then Seebass labels Hos 3:5 and Ezek 38:16 as transitional to the technical meaning “end of time.” Nevertheless, at a closer reading of Hos 3:5, along with its ancient Jewish and Christian interpreters, ‫ ְבּ ַא ֲח ִרית ַהיָּ ִמים‬designates a future time, too. So, Targum of Hosea reads: “Afterward the Israelites will return and seek theworship of the Lord their God, and will obey the anointed One son of David their king. Andtheyshalllongaftertheworshipofthe Lord and great willbehis goodness thatwillcometothemin the end of days.”18 In the targumic interpretation, the phrase “end of the days” refers to the Messianic age that is part of the historical framework, and not cut off from or outside of it. Similarly, the Talmud explains that David [i.e., the Davidic Messiah] will come when Jerusalem and the Temple will be rebuilt, following the sequence of events recorded in Hos 3:5 (b. Meg. 2:18a).19 But note the Midrashic interpretation where the 15 John J. COLLINS, Daniel:ACommentaryontheBookofDaniel (Hermeneia), Minneapolis, MN, Fortress Press, 1993, 161. 16 H. SEEBASS, “‫᾿ ַא ֲח ִרית‬aḥarît”, in: TDOT1,1977,211. 17 In the past, Jan VAN DER PLOEG (“Eschatology in the Old Testament”, OTS 17 [1972] 89-99, 90-91) and Jean CARMIGNAC (“La notion d’eschatologie dans la Bible et à Qumrân”, RdQ7 [1969] 17-31) expressed their serious doubts on the eschatological character of this phrase. 18 Kevin J. CATCHCART and Robert GORDON (eds.), The Targum of the Minor Prophets (ArBib, 14), Wilmington, DE, Michael Glazier, 1989, 35-36. 19 Cf. Maurice SIMON et al. (eds.), Soncino Babylonian Talmud Megillah and Shekalim, Teaneck, NJ, Talmudic Books, 2012.

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same phrase designates the “world / age to come” [‫עוֹלם ַה ָבּא‬ ָ ‫]ל‬: ְ “So in the age to come Israel will be afraid: ‘And they shall come in fear to the Lord and to his goodness’” (Gen.Rab. 48:6 E).20 In the Christian interpretative canon, Theophylact of Bulgaria21 suggests that this time, marked by Israel’s conversion, will occur when the “complete number [πλήρωμα] of Gentiles” forming Christ’s Church will be reached. However we find a quite different view in Theodoret of Cyrus22 who sees in this phrase only a mere reference to the period following Israel’s “seventy-year [Babylonian] captivity.” As one can see from both biblical context and ancient interpreters, the phrase does not imply any sort of discontinuity between historical time and ideal (Messianic) period, but rather a qualitative difference between two periods of time. As for Ezek 38:16, the phrase ‫יָּמים‬ ִ ‫ ְבּ ַא ֲח ִרית ַה‬points to a climactic time – perhaps a Chardinian “Omega-Point” when Gog’s invasion will lead all the nations to recognize Yahweh as the one supreme God. But there is no clear indication based on context alone that this climactic point is “the end of time.” Horst Seebass23 argues that in Dan 2:28 (cf. 10:14), the phrase ‫יָּמים‬ ִ ‫ ְבּ ַא ֲח ִרית ַה‬has a technical connotation pointing to the end of time, and not to a future time in general. However, as John J. Collins rightly noticed, “the reference is to a definitive change in the future, but not to an end of history.”24 2.2. ‫אשׁית‬ ִ ‫ֵר‬ If the Hebrew Bible speaks of a future period coming after an antecedent period and yet another period (and so on, one might say in saeculasaeculorum!) as the phrase ‫יָּמים‬ ִ ‫ ְבּ ַא ֲח ִרית ַה‬intimates, then logically the same Hebrew Bible should say – and in fact it does indeed say – something about a beginning of time, too. One cannot have a sequential “future time” without a preceding period, and pressed backwards without a “beginning” of time, generating all these successive periods of time. So T.S. Eliot in his first of the Four Quartets, “Burnt Norton” muses: “Time past and time future / Allow but a

20 Cf. Harry FREEDMAN and Maurice SIMON, GenesisRabbah (Midrash Rabbah, 1), London, Soncino Press Ltd., 1983. 21 THEOPHYLACT OF BULGARIA,CommentaryonHosea, PG 126:629A-B. 22 THEODORET OF CYRUS,CommentaryonHosea, PG 81:1569C. 23 H. SEEBASS, “‫᾿ ַא ֲח ִרית‬aḥarît”, in: TDOT1,1977,211. 24 J. J. COLLINS,Daniel, 161.

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little consciousness.” (Part II, Lines, 83-84) and perhaps even more germane, “Time before and time after” (Part III, Line 107).25 The abstract word ‫אשׁית‬ ִ ‫ר‬, ֵ that is, “beginning, best, first-fruits” derives from ‫“רֺאשׁ‬head.” All the meanings and nuances of this word are derivatives of the basic meaning “head, extremity.”26 The Old Greek uses a variety of terms to render the Hebrew ‫אשׁית‬ ִ ‫ר‬,ֵ but the most frequent terms are ἀρχή “beginning” and ἀπαρχή “first-fruits.” Unlike ‫תּ ִח ָלּה‬,another ְ term for “beginning,” which is used in contrast with subsequent situations, ‫אשׁית‬ ִ ‫ ֵר‬stands in opposition to ‫ ַא ֲח ִרית‬designating a future time – namely “what follows after.”27 Usually, ‫אשׁית‬ ִ ‫ ֵר‬appears in a construct state, with a noun or pronoun, connoting the beginning of something. Gen 1:1, is, appropriately enough, the first occurrence of this abstract noun, and presents a special case (i.e., ‫אשׁית‬ ִ ‫ ֵר‬followed by a finite verb), in need of some grammatical analysis as well as insight into the history of interpretation. As we all know by rote the most famous beginning of any book: Gen 1:1: “In the beginning, when God created the heavens and the earth” (‫אשׁית ָבּ ָרא ֱאל ִֹהים ֵאת ַה ָשּׁ ַמיִ ם וְ ֵאת ָה ָא ֶרץ‬ ִ ‫)בּ ֵר‬. ְ As a first remark, ‫אשׁית‬ ִ ‫ ֵר‬in the adverbial phrase ‫אשׁית‬ ִ ‫ ְבּ ֵר‬has no article, hence a literal rendition would be more apposite “in a beginning.” A second observation: in a verbal close, the statistically dominant word order is: verb-subject-adverb-object. However there are, of course, exceptions to this rule – but an attempt to at least describe these exceptions should be made.28 The word order in the verbal clause of Gen 1:1 is: adverbial phraseverb-subject-object. The adverbial phrase ‫אשׁית‬ ִ ‫“ ְבּ ֵר‬in a beginning” of the verbal clause could be taken as a case of topicalization, where the emphasis falls on the first element. If this was the inspired author’s intent, then a more fitting rendition is well warranted: “It was in a beginning that (when) God created the heavens and the earth.” Here 25 All citations of Eliot’s poetry in this article are from T. S. ELIOT, FourQuartets, New York, NY, Harcourt, Brace, 1943, 1971. I am indebted to Kevin Di Camillo for his suggestion that T.S. Eliot’s final poetical work, TheFourQuartets, draws on these issues of end-time and timelessness. 26 “‘Beginning’ is the temporal extreme, ‘best’ the qualitative extreme; ‘firstfruits’ combines both notions, since they are the earliest and/or the best part of the ִ ‫ ֵר‬rē᾿šît”, in: TDOT 13, harvest,” cf. Susan RATTRAY and Jacob MILGROM, “‫אשׁית‬ 2004, 269. 27 This use of ‫אשׁית‬ ִ ‫ ֵר‬in opposition with ‫ ַא ֲח ִרית‬is obvious in texts like Deut 11:12, “from the beginning (‫אשׁית‬ ִ ‫)מ ֵר‬ ֵ of the year and to the end (‫ )וְ ַעד ַא ֲח ִרית‬of the year.” On ‫א ֲח ִרית‬, ַ see discussion above, under 2.1 ‫א ֲח ִרית‬. ַ 28 JOÜON, § 155k.

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the emphasis falls on “a beginning” (of time), or more precisely on the connection between “a beginning” and God’s creative activity (“he created”). In support of this latter connection lies the intention of the author / editor to use the same consonantal sequence ‫א‬-‫ר‬-‫ בּ‬in the adverbial phrase (‫אשׁית‬ ִ ‫“בּ ֵר‬in ְ a beginning”) as in the finite verb 29 (‫“בּ ָרא‬he ָ created”). Thus construed, the word ‫אשׁית‬ ִ ‫“ ֵר‬a beginning” might refer to a beginning of time, or more precisely of a time/space (i.e., “the heavens and the earth”) compound, which, significantly, coincides with the beginning of God’s creative work. In this case, Gen 1:1 functions as a title or, perhaps better to call it a summary or abstract (though it is quite concrete) of what immediately follows: a seven-day unfolding of God’s creative work which culminates in the sanctification of the Sabbath as the first-fruit of time created – concomitant with the space by an almighty, king-like, and fully serene deity. While writing this it is almost impossible, for me, at least not to think, or see in my mind’s eye the Sistine Chapel’s ceiling, which despite its overuse in non-applicable books, papers, and popular media, still provides a theological lay-out of the space/time continuum of the beginning of Genesis. This interpretation based on the reading of Gen 1:1 as independent verbal clause (“In a / the beginning, God created…”) is shared by the majority of biblical commentators (e.g., Driver, Gunkel, Procksch, Zimmerli, von Rad, Eichrodt, Cassuto, Westermann, etc.).30 Nevertheless, Gen 1:1 has been also read as a temporal clause (“In the beginning when God created the heavens and the earth…”) with v. 2 as parenthetical clause describing the state of the matter (“now the earth was formless…”) when God first created the light (v. 3: the main clause). Grammatically, ‫אשׁית‬ ִ ‫ ְבּ ֵר‬is in construct with the finite verb ‫בּ ָרא‬. ָ A similar construction is found in Hos 1:2, ‫ְתּ ִח ַלּת‬ ‫“ … ִדּ ֵבּר יהוה ְבּהו ֵֹש ַע‬When God spoke first through Hosea….”31 (cf. Lev 14:46; Isa 20:1). This interpretation was first propounded by Rashi, with modern followers such as Bauer, Herrmann, Humbert, Loretz, Skinner, Speiser, and RSV. In support of such a reading may be adduced the Babylonian epic of creation where the first two 29

Gordon J. WENHAM, Genesis1-15, vol. 1 (WBC), Dallas, TX, Word, 2002, 11. Nahum M. SARNA, Genesis (JPSTC), Philadelphia, PA, Jewish Publication Society, 1989, 2. 31 Francis I. ANDERSEN and David N. FREEDMAN, Hosea(AncB, 24), Garden City, NY, Doubleday, 1980, 153. 30

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opening words, Enumaelish“When above…,” function as a title or portent of what follows. A slightly different interpretation considers v. 1 a temporal clause with v. 2 as the main clause: “In the beginning when God created …, the earth was formless…”. Ibn Ezra was the first proponent of this reading, followed by just a few commentators (e.g., Gross).32 One may notice at the end of these remarks – not that it’s hard to miss, exactly – that the vagueness of ‫אשׁית‬ ִ ‫“בּ ֵר‬in ְ a beginning”33 with respect to the incipient moment of God’s creation matches quite well the relative meaning of ‫“ ְבּ ַא ֲח ִרית ַהיָּ ִמים‬behind the days.” 2.3. ‫ֵקץ‬ The word ‫ ֵקץ‬derives from the Common Semitic root ‫“ קצץ‬to cut off, cut to pieces.”34 ‫קץ‬occurs ֵ sixty-seven times in the Hebrew Bible, out of which fifteen times in Dan 8-12 and nine times in Ezekiel. From a comparative Semitic standpoint, the Ugaritic qṣ may designate the corner of a garment (KTU 1.16, III, 3) or the edge of the earth (KTU 1.3, I, 8); the Syriac qeṣṣāmeans “end, death, fate.” The Old Greek usually renders ‫ ֵקץ‬with πέρας “limit, end, boundary” and συντέλεια “consummation, accomplishment.” The Vulgate is, at times, contextual in translating the Hebrew word ‫ ֵקץ‬with the phrase postmultosdies “after many days” (Gen 4:3). The word ‫ ֵקץ‬appears in a few eschatological contexts with the meaning “end.” However, the basic meaning of ‫קץ‬,ֵ based on etymology (from root ‫“ קצץ‬to cut off”) is not so much “end” as it is “division.” The choice between “division” and “end” is at times difficult to make, the context being the only criterion of judgment. For instance: the context of Dan 12:13 (“But you go your way to the end,35 you shall rest and arise [‫]תּ ֲעמֺד‬ ַ 36 to your destiny at the end of the days”) is about bodily resurrection, at least in a general sense (see below). In this context the phrase ‫ ֵקץ ַהיָּ ִמים‬connotes the idea of 32

G. J. WENHAM, Genesis1-15,vol. 1, 11. J. BARR, Biblical Words, 145, explains the ambiguity surrounding “a beginning” thus: “It would perhaps be possible in theory to maintain that before the creation of the world there was not something other than time, but time of another kind.” 34 See Shemaryahu TALMON, “‫ ֵקץ‬qēṣ”, in: TDOT 13, 2004, 79-86. 35 According to J. J. COLLINS, Daniel, 394, the Masoretic Text’s first occurrence of ‫“ ַל ֵקּץ‬to the end” is a dittography due to the second occurrence of‫ ַל ֵקּץ‬in the same v. 13. 36 The root ‫“ עמד‬to stand up” is the equivalent ‫“ קום‬to arise”; cf. Helmer RINGGREN, “‫῾ עמד‬md”, in: TDOT 11, 2001, 180. 33

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“division” between the current time and a future time when bodily resurrection will occur. The word ‫“ – ַה ֵקּץ‬the end” – in Ezek 7:2-6 designates a future period characterized by divine punishment brought over the people. Amos 8:2 offers a pun between ‫“ ָקיִ ץ‬summer” and ‫“ ֵקץ‬end” with the latter word designating a future time punctuated by God’s judging his people. Let us now move to two important occurrences of the word ‫קץ‬,ֵ both from Daniel: 11:40 and 12:4. One of the most significant theological ideas found in the Hebrew Bible is the universal bodily resurrection at the end of time. Dan 12:2 (dated back, as the whole book of Daniel, to the second century BC) is the first clear statement on the bodily resurrection in the entire Hebrew Bible.37 The text speaks of the final general resurrection in terms of “awakening those sleeping in the dusty earth”: some “for everlasting life” (‫עוֹלם‬ ָ ‫)ל ַחיֵּ י‬, ְ others for “reproach and everlasting disgrace” (‫עוֹלם‬ ָ ‫)ל ֲח ָרפוֹת ְל ִד ְרעוֹן‬. ְ Worth noting: this credo on bodily resurrection is sandwiched between two occurrences of the phrase ‫ֵעת‬ ‫“ ֵקץ‬the time of an end” or “time’s end”38 (in Dan 11:40: constructed with ‫“ ְבּ‬in”, and in 12:4: preceded by ‫“ ַעד‬until”). The lack of the definite article on the nomen rectum (‫)קץ‬ ֵ makes this phrase point to “an end” (not “the” end!). I might add, without sounding overlydetermined, that ‫“ ֵקץ‬an end” in Dan 11:40; 12:4 parallels ‫אשׁית‬ ִ ‫ֵר‬ “a beginning” in Gen 1:1:39 a relative “beginning” matches quite well with a relative “end.”40 37 Hos 6:2 and Ezek 37 may be adduced as two metaphorical precursors to Dan 12:1-3. J. J. COLLINS, Daniel, 390, 394, notices that Dan 12:2 is “the only generally accepted reference to resurrection in the Hebrew Bible” and “no biblical text before Daniel had spoken, even metaphorically, of a double resurrection of the righteous and the wicked and a judgment of the dead”; cf. Jon D. LEVENSON, ResurrectionandtheRestorationofIsrael:TheUltimateVictoryofGodofLife, New Haven, CT & London, Yale University Press, 2006, 201. See also Leonard J. GREENSPOON, “The Origin of the Idea of Resurrection”, in: Baruch HALPERN and Jon D. LEVENSON (eds.), TraditionsinTransformation, Winona Lake, IN, Eisenbrauns, 1981, 247-321. As J. J. COLLINS, Daniel, 394, argues that even though Antioch IV Epiphanes’s (167164 BC) persecution was the catalyst for the shaping of the belief in bodily resurrection (cf. 2 Macc 7), this belief is actually older than the second century BC, being attested for the first time in the Jewish writing 1 Enoch whose earliest parts are indeed older than Dan 12. 38 Cf. JOÜON, § 139a.1. The construct phrase ‫ ֵעת ֵקץ‬can be taken as a genitive of quality (JOÜON, § 139f.1), and rendered “a final time.” 39 See discussion above, under 2.2 ‫אשׁית‬ ִ ‫ר‬.ֵ 40 J. D. LEVENSON, Resurrection, 6, emphasizes on this parallel but from a theological point of view: “So conceived, resurrection recapitulates but also transcends

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In Dan 11:40 and 12:4, ‫“ ֵקץ‬an end” does not indicate an absolute discontinuity but rather a climax heralding a new “definitive change” – one might say “ontological change” – in man’s historical journey. As John J. Collins41 describes it, this is the time of “the decisive heavenly intervention” – and not the end of time as an absolute caesura. 2.4. ‫עוֹלם‬ ָ Prior to dealing with ‫עוֹלם‬, ָ which is commonly rendered “eternity,” I would like to pause briefly on the “sanctification” of the Sabbath day, as part of the primordial time yet with theological implications for a better understanding of “eternity” as an open-ended reality. At the end of the seven-day creation scenario, the Priestly author (Gen 2:1-3) mentions how God, the One who created the heavens and the earth, ceased his work. Thus, the seventh day, the Sabbath day, signifies above all the end of God’s creative work. The basic meaning of the verb ‫ ָשׁ ַבת‬is “to cease, come to an end”42. However the specialized meaning “to celebrate,” namely to observe the seventh day (Exod 34:21) was transferred to the derivative noun ‫שׁ ָבּת‬. ַ If the Semitic root ŠBT in Hebrew and Punic means to “to cease,” in Aramaic, Syriac, and Arabic (sabata), the same root connotes “to rest, keep the Sabbath.”43 The noun ‫שׁ ָבּת‬ ַ derives from the verb ‫ ָשׁ ַבת‬with the specialized meaning “to celebrate,” by gemination of the second radical, and a –‫ ת‬feminine ending (< ‫)שׁבבתת‬, having a somewhat abstract meaning “holiday” or “day of celebration.”44 According to the Priestly Source (P), the Sabbath (Gen 2:2-3) is a sign of Israel’s sanctification by Yahweh (cf. Exod 31:13-17). Interestingly enough, in P, out of everything God created “in a beginning,” nothing was “sanctified” – except the seventh day when the Creator stopped working! Not even the humanity that was created in the “image” of God was “sanctified”! Nevertheless, later on, at Mount Sinai, God will certainly sanctify Israel (Exod 19:6). the creation of humanity. The miracle of the end-time restores the miracle of the beginning.” 41 J. J. COLLINS,Daniel, 390. 42 The Old Greek usually renders the Hebrew verb ‫ ָשׁ ַבת‬with πάυω “to cause to cease”; the same basic meaning, “to put an end to,” is attested in the texts produced at Qumran (1QS 10:24; 1QH 1:36; CD 11:23; 4QpPs37 4:14), cf. Ernest HAAG, “‫ ָשׁ ַבת‬šābat”, in: TDOT 14, 2004, 386. 43 E. HAAG, “‫ ָשׁ ַבת‬šābat”, in: TDOT 14, 2004, 382. 44 E. HAAG, “‫ ָשׁ ַבת‬šābat”, in: TDOT 14, 2004, 388.

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As for the meaning of “sanctification” of time, one may want resort to etymology. The Hebrew verb ‫“קדשׁ‬to cut off” means in Pi῾el “to sanctify, to declare someone/something holy.”45 Thus, by sanctifying the time, or more precisely, a part or a sample of time, God the Creator “extricated” something out of the primordial time/space compound and set it aside or next to him. The Sabbath is a reminder of Yahweh’s sanctifying the time. So Eliot again, “Redeem the time!” (“Ash Wednesday,” Part IV, Lines 21-22). This sacred time is the beginning, the center, and the open-end of what Hebrew Bible calls ‫עוֹלם‬ ָ “eternity” – a qualitatively higher time, a time “behind the days” yet to be revealed time behind the current time. The logical correlation between Sabbath and “eternity” lies in the very act of “sanctification” of the seventh day – setting aside a day, a portion of the primordial, laden with creativity time, to be turned into “eternity.” The “age to come” in Jewish (‫עוֹלם ַה ָבּא‬ ָ ‫)ה‬ ָ and Christian interpretations was associated with the Sabbath Day. In Mekilta Shabbeta 1, 103b and Mekilta RS, 160, the Sabbath day is introduced as a foretaste of the life in the world to come.46 Similarly, in Byzantine Orthodox liturgy of the Holy Week, the Sabbath day when Jesus was laid to rest in Joseph’s tomb is called “The Sabbath of Sabbaths”47 – a poetical superlative for eternal bliss in the Kingdom of God.48 The etymology of the key-term ‫עוֹלם‬ ָ “eternity”, which occurs about 440 times in the Hebrew Bible plus another twenty times in the 45

Walter KORNFELD and Helmer RINGGREN, “‫ קדשׁ‬qdš”, in: TDOT 12, 2003, 528. Louis GINZBERG, LegendsoftheJews.VolumeOne:BibleTimesandCharacters, From the Creation to Moses in the Wilderness, Philadelphia, PA, The Jewish Publication Society, 2003, 99, n. 140. 47 The phrase ‫“ ַשׁ ַבּת ַשׁ ָבּתוֹן‬Sabbath of Sabbaths” appears in the Hebrew Bible with respect to the most solemn feast day in the Jewish calendar, YomKippur (cf. Lev 16:31; 23:22). 48 As one can notice, in the following hymn, the liturgist advances an innovative typology. On the one side, God the Creator who rested from all of his creative works by blessing the Sabbath (Gen 2:2) to be a boundary between the six days of creation and the time of human history, and on the other side, the Incarnate Son of God, who rested in the tomb and blessed this renewed Sabbath in his very own flesh so that it may become a gateway to eternity: “The great Moses mystically foreshadowed this day. God blessed the seventh day when he said: This is the blessed Sabbath. This is the day of rest on which the Only-Begotten Son of God rested from his works. He kept the Sabbath in the flesh, through the dispensation of death. But on this day, he returned again through the resurrection. He has granted us eternal life, for he alone is good, the lover of mankind” (GreatandHolySaturday,Matins,Praise:Fourth Stikhera); see John MEYENDORFF, “The Synthesis of Faith and Ethics: The Time of Holy Saturday”, in: Joseph J. ALLEN (ed.), OrthodoxSynthesis:TheUnityofTheologicalThought, Crestwood, NY, St. Vladimir’s Seminary Press, 1981, 60. 46

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Aramaic parts of the Old Testament, is still debated. Most scholars derive this term from the root ‫ עלם‬I “to hide, to conceal” – the form ‫עוֹלם‬ ָ being understood as an adverb ending in –ām.49 The idea conveyed by the Hebrew word ‫עוֹלם‬ ָ could be described as a type of distant future, an open-ended time following after several “future periods” marked by the phrase ‫“ ְבּ ַא ֲח ִרית ַהיָּ ִמים‬behind the days.” The common meaning accepted by many scholars is that of “furthest, remotest time.” The use of ‫עוֹלם‬ ָ in the plural (absolute state only in Isa 45:17) construct state (Ps 77:6[5]; 145:13; Isa 26:4; 45:17; 51:9; Dan 9:24) shows that “period of time” (in plural, “periods of time, ages” [‫עוֹלם‬ ָ ‫“ ְל‬to ages,” Ps 77:8[7]) canbe another meaning of this word, especially starting with Daniel and fully attested to in early Judaism. In the Old Testament, the plural appears only in Eccl 1:10.50 In the singular, ‫עוֹלם‬ ָ appears in various constructions or as an adverbial accusative.51 For instance,‫עוֹלם‬ ָ may be found in combination with words such as “love” (Jer 31:3), “joy” (Isa 35:10), “portion” (Exod 28:29), and even “sign” (Isa 55:13), aiming at intensifying the meaning, e.g., ‫עוֹלם‬ ָ ‫“ ְבּ ִרית‬unending covenant” (2 Sam 23:5). The intensification becomes even more fecund when this word is in construction with other terms of time, e.g., ‫עוֹלם‬ ָ ‫“ ַחיֵּ י‬everlasting life” (Dan 12:2). With respect to past events,‫עוֹלם‬ ָ can designate for future, the remotest time, a “distant past” (Gen 6:4), or an “earlier” period (Jos 24:2). Hence, ‫עוֹלם‬ ָ ‫מ‬ ֵ means “from time immemorial” (Jer 2:20; 31:3; Ezek 35:5), and “from of old” (Job 22:15). However, Prov 8:22-23 is a unique case. In v. 22, the personified Wisdom (‫)ח ְכ ָמה‬ ָ declares rather emphatically that she was “acquired” (verb ‫ )קנה‬by God as “beginning of his way” (‫אשׁית ַדּ ְרכּוֹ‬ ִ ‫)ר‬. ֵ As aside, Eliot’s FourQuartets again: “not only in the middle of the way, but all the way” (“East Coker,” Lines 90-91). In v. 23, the same Wisdom states: Horst Dietrich PREUSS, “‫עוֹלם‬ ָ ῾ôlām”, in: TDOT 10, 1999, 531. Some consider ‫ ע ָֺל ִמים‬a “plural of eminence,” hence the verb in singular (‫)היָ ה‬, ָ which is the regular case with such plurals, cf. George A. BARTON, ACritical andExegeticalCommentaryontheBookofEcclesiastes, New York, NY, Scribner, 1908, 76. Note though that a few Hebrew manuscripts have a plural verb ‫( היו‬similarly Old Greek, Vulgate, and Targum). Choon Leong SEOW, Ecclesiastes (AncB, 18C), New Haven, CT & London, Yale University Press, 2008, 110, argues that ‫ע ָֺל ִמים‬ is treated sometimes in Late Biblical Hebrew as singular (e.g., Isa 26:4; 45:17; Dan 9:24). 51 Ernst JENNI, “Das Wort ‘ōlam im Alten Testament”, ZAW 65 (1953) 1-35, 22. 49

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“From eternity (‫עוֹלם‬ ָ ‫)מ‬, ֵ was I appointed (‫)נִ ַסּ ְכ ִתּי‬52; from a beginning (‫;)מרֺאשׁ‬ ֵ from the earliest times (‫)מ ַקּ ְד ֵמי‬ ִ of the earth.” The time when Wisdom was “appointed” coincides with “abeginning” (‫רֺאשׁ‬, cf. ‫אשׁית‬ ִ ‫ֵר‬ of Gen 1:1), and the “earliest times” (‫)ק ְד ֵמי‬ ַ prior to the creation of earth (i.e., the interval between Gen 1:1 and 1:2). Thus, in Prov 8:23, ‫עוֹלם‬ ָ denotes the earliest times, immediately after “a beginning.” The Book of Daniel contains a number of texts (2:44; 7:14, 18; 12:2f) where the “age of the world” will end. This is the first time in the Hebrew Bible where the present time is depicted as clearly at a juncture with the future time, the latter being characterized by “perpetuity” or “endlessness.” Beginning with the first century A.D., Late Hebrew and Aramaic began to use ‫עלם‬for “world” or “aeon” or to stretch it even further “epoch” besides the long-enduring meanings of “remotest time” or “future period.”53 The Old Greek renders the Hebrew word ‫עוֹלם‬ ָ mostly with αἰών “prolonged time, eternity” or αἰώνιος “eternal, forever,” and less frequently with ἀρχή “beginning” or ἀεί “forever.”54 According to Johannes Pedersen, ‫עוֹלם‬ ָ “eternity” is a “concentrated time into which all generations are fused.”55 This view differs from Ernst Jenni’s56 well-accepted explanation of ‫עוֹלם‬ ָ as “the remotest time.” Separately, James Barr57 argues that ‫עוֹלם‬ ָ did not have the sense of “period” or “age” in classical Hebrew. Thus, according to Barr, Joel 2:2 should be rendered “there has been nothing like it since the remotest time, ever,” and the recurrent ‫עוֹלם‬ ָ ‫ ְל‬should be translated “to the furthest time, for ever.” While accepting Jenni’s explanation, Barr argues that, at times, ‫עוֹלם‬ ָ conveys the idea of “perpetuity,” as in the phrase ‫עוֹלם‬ ָ ‫( ֵע ֶבד‬Deut 15:17) “a slave in perpetuity” or “a perpetual slave” makes more sense than “a slave until the remotest time.” I agree with Barr that the meanings of this word run between “remotest time” and “perpetuity.” One of the basic meanings of root ‫נסך‬is “to pour out a libation”; see Christoph DOHMEN, “‫ נסך‬nsk” in: TDOT 9, 1998, 456. The coming into being of Wisdom is depicted as God’s pouring a libation or self-offering (kenosis) before bringing any creature into being. 53 H. D. PREUSS, “‫עוֹלם‬ ָ ῾ôlām”, in: TDOT 10, 1999, 533. 54 Hermann SASSE, “αἰών aiôn”, in: TDNT 1, 1964, 198. 55 Johannes PEDERSEN, Israel, ItsLifeandCulture,vol. 1(SFSHJ, 28), Atlanta, GA, Scholars Press, 1991, 491. 56 E. JENNI, “Das Wort ‘ōlam im Alten Testament”, 246. 57 J. BARR,BiblicalWords, 73. 52

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However, one need underscore that “perpetuity” is neither “unlimited totality of time,” nor “timelessness”; hence “perpetuity” should not be understood in a philosophical absolute sense as eternity or infinite time (defined paradoxically by a stricto sensu “limitlessness”). Indeed, “in perpetuity” is a term perhaps best left in the province of juridical parlance, where it has been at home since the 17th century in English language and law. I believe that ‫עוֹלם‬ ָ in sense of “eternity” should be envisioned as a rather long, open-ended periodoftime – and not as an abstract philosophical concept. As James Barr points out, the Hebrew ‫עוֹלם‬ ָ “does not imply an absolute denial of limit, as is the case with ἄπειρος and infinitus.”58 3. CONCLUDING REMARKS The Hebrew Bible speaks of “definitive changes” to re-occur ‫“ ְבּ ַא ֲח ִרית ַהיָּ ִמים‬behind the days” (i.e., in a future time following other periods of time), but there is no clear evidence about a dramatic “caesura” or a punctual “end of time” let alone a “finale”. Nor is there evidence about an “atemporal,” “above the time,” “ageless” or “without end” eternity. Rather, there are hints at a long-lasting time, marked in the future by “definitive changes,” which will make the current time turn, qualitatively, into what the Hebrew Bible envisions as ‫עוֹלם‬ ָ “eternity”: an open-ended and remotely projected time. The ambiguity and the open-endedness with which the terms ‫אשׁית‬ ִ ‫ ֵר‬and ‫ ַא ֲח ִרית‬are wrapped in are tenets of the Semitic way of viewing time in its rapid and unstoppable unfolding. The eschatological age in Hebrew Bible (as well as in the early Jewish interpretation) reflected for instance in the Amidah (e.g., a general resurrection, the return of the exiles to the Land of Israel, the reconstruction of Jerusalem as God’s dwelling, the coming of the Messianic king) seems to be at the same time continuous and, oddly, discontinuous with “regular” time.59 Above all, there is “a beginning” of time and space, the ‫תֺהוּ וָ בֺהוּ‬ compound in Gen 1:2, followed by the unique act of “blessing and sanctification” done by the Creator of the seventh day (Gen 2:3) as the first-fruits of a remotely postponed “eternity” – a qualitatively different time than the aged historical time (So Eliot: “time not our time…/ Older than the time of chronometers” (“The Dry Salvages,” 58 59

J. BARR,Biblical Words, 93. See J. D. LEVENSON, Resurrection, 7.

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Part I, Lines 29, 31), different not so much in content but rather in man’s perception of time as “sanctified” (= set aside) by God for a more lasting – and appropriate – stage for God-man relationship. The God of the Hebrew Bible is at the same time the one who “created the heavens and the earth” (Gen 1:1) and also revealed his personal name “for eternity (‫עוֹלם‬ ָ ‫)ל‬, ְ as my [his] appellation (‫ )זִ ְכ ִרי‬from generation to generation” (Exod 3:15) – as a preamble, and a necessary condition for his personal relationship with all humanity, created in his “image” (Gen 1:27). And, in principle, all this was sanctified at the base of Mt. Sinai through Israel – free-willingly chosen as the “treasured possession (‫)סגֻ ָלּה‬ ְ among all the peoples” (Exod 19:5) and conditionally called to become “a holy nation” (‫ )גּוֹי ָקדוֹשׁ‬among all the nations (Exod 19:6). Nevertheless, at an even closer reading of the biblical corpus, one may notice that the testimonial of Yahweh as a personal God who guides humanity in general and then Israel in particular on his intricate paths supersedes the references to Elohim as God who creates the “heavens and earth.” The God of the Hebrew Bible is, above all, the God of history, the God of Abraham, whose acts of paternal, longsuffering and unconditional love (‫)ח ֶסד‬, ֶ are worked through everunfolding time. Hence, the Hebrew Bible is the God-inspired human record of God’s relationship with his humanity, or the latter’s journey, through time, along with the God of history. Since the personal relationship between God and humanity plays such a central and existential role in the theology of the entire Old Testament, other themes and ideas fade away a bit in importance, moving to a sort of backdrop of the biblical “history of salvation.” Thus, the relative scarcity of reflections on time as a framework of God’s creative work and journeying with his fashioned-out-of-dust “image” may ultimately surprise no one. And thus the Hebrew Bible’s emphasis will always fall on God-man personal relationship. For this reason, the Hebrew Bible’s view on any aspect of life is ineluctably relational. For instance, the biblical writers do not deal with time as some type of ontological entity, but rather as a concrete reality “related” to God and man. This relational character re-creates time not into an object of reflection perse, but rather as a relative but concomitant and concrete framework for an encounter – the exceptionally unique encounter – between God and man. Hans Conrad von Orelli rightly observes in his classical work on biblical time: “Time is not an object, but is like space a mere form

BEHIND THE DAYS

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of existence, yet lies even further away from sense perception than the latter.”60 If time can become somehow perceptible this is due to its connection with movement. So Aristotle (Phys., 220 a): “For time is this number of motion in respect to ‘before’ and ‘after’ (ὁ χρόνος ἀριθμὸς ἐστιν κινήσεως κατὰ τὸ πρότερον καὶ ὕστερον).” And Eliot: “You shall not think ‘the past is finished’ / Or ‘the future is before us’” (from “The Dry Salvages,” Part III, Lines 44-45). Interestingly enough, God of the Old Testament is often associated or described in relation with time as an ever-moving reality. In his prophetic, nocturnal vision Daniel sees someone as a “human being [‫]בּר ֱאנָ שׁ‬ ַ riding on the clouds of the sky and approaching the ‫ַע ִתּיק‬ ‫יוֹמיָּ א‬.” ַ This last phrase is commonly rendered as “Ancient of Days.” I argue61 for a different translation of ‫ע ִתּיק‬. ַ The word ‫ ַע ִתּיק‬derives from a root ῾TQ “to move away, pass by, advance” well attested in Semitic (Heb., Ug., Akk., Syr.). Grammatically, ‫ ַע ִתּיק‬could be considered active in meaning, “the one who goes ahead.”62 Thus, God is described in this second-century writing as the one in “race” with (or perhaps “against”) time, yet time will never be able to reach him – God will always be ahead of time, outrunning time. Therefore, I posit a revised translation of the phrase ‫יוֹמיָּ א‬ ַ ‫ע ִתּיק‬, ַ “the one who goes beyond the days (time),” namely, “The Everlasting One.’ God is alwaysahead of and beyond time. With such a deity outrunning time, the beginning is just a beginning, and the “end of time” is just a time behind time.

60 Hans Conrad VON ORELLI, Die hebräischen Synonyma der Zeit und Ewigkeit genetischundsprachvergleichenddargestellt, Leipzig, Lorentz, 1871, 8. 61 Eugen J. PENTIUC, JesustheMessiahintheHebrewBible, Mahwah, NJ, Paulist Press, 2006, 55-56. 62 The word ‫ ַע ִתּיק‬is commonly interpreted as passive in meaning, “advanced in days,” hence “ancient or antiquated in days.” However, as Joshua FOX, Semitic NounsPatterns (HSS, 52), Winona Lake, IN, Eisenbrauns, 2003, 268-69, shows, the qattīl > qattîl pattern in Hebrew (with II-r roots, qattîl becomes qātîl) includes a number of actant nouns. For instance, ‫“ ָפּ ִריץ‬violent, burglar” is one who breaks through (active meaning), not one who is broken (passive), from the verb ‫“ ָפּ ַרץ‬to break through.”

CHRONOLOGY, DISCHRONOLOGY AND THE SEARCH FOR MEANING IN THE PLOT OF DEUTERONOMY BY

Simone PAGANINI RWTH-Aachen University1 [email protected]

ABSTRACT In a synchronic reading of the final text of Deuteronomy the dialogues between God and Moses in Deut 3:23-28 and Deut 9:12-14,26 stand out in that they present a shift in the chronological description. This dischronology should be identified as a specific feature of the final editors of the book, who intentionally correct the known chronology of the events in order to create a new picture of Moses, the leader of the Israelites. The literary function of this new chronological order in the narrative appears to be an adjustment of the perception of the figure of Moses. In the context of Deuteronomy, this presents a transformation from his negative portrait in Deuteronomy 3 to the favourable one in Deuteronomy 9 where he appears as a flawless and selfless leader of the Israelites and thus a prime advocate for his people. Therefore, the presented dischronology in the Book of Deuteronomy discloses a particular hermeneutic that is concerned with a different understanding of Moses. RÉSUMÉ Dans le cadre d’une lecture synchronique du livre du Deutéronome l’arrangement chronologique des deux dialogues entre YHWH et Moïse en Dt 3,23-28 et Dt 9,12-14.26 n’est pas le fruit du hasard. Il apparaît clairement que les auteurs du Deutéronome placent intentionellement les récits dans cet ordre afin de dégager une nouvelle image de Moïse, leader des Israélites. Dans le contexte du Deutéronome, on passe d’une présentation négative du personnage de Moïse (Dt 3) à celle d’un dirigeant désinterressé et sans faille, qui se fait l’avocat de son peuple (Dt 9). Au crépuscule de sa vie Moïse relate son chemin avec Dieu et son peuple. En inversant la chronologie des évènements, les auteurs invitent ainsi le lecteur à percevoir la vie et l’engagement de Moïse pour son peuple sous un nouvel angle. 1

The author is research associate at the Department for Old Testament Studies at the University of Pretoria. Thanks to Dr. Steffen Jöris for the correction of the English.

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ZUSAMMENFASSUNG In der Dynamik des synchron gelesenen Deuteronomiums sind die beiden Dialoge zwischen Mose und JHWH in Dtn 3,23-28 und Dtn 9,12-14.26 nicht zufällig in der uns heute vorliegenden Reihenfolge überliefert. Vielmehr ist deutlich geworden, dass die Autoren des Deuteronomiums die Chronologie der erzählten Ereignisse mit Absicht umgestalten, um auf diese Weise einen neuen Sinngehalt zu schaffen. Die Botschaft, die durch diese geänderte Zeitfolge angedeutet wird, lässt eine deutliche Verschiebung in der Wahrnehmung des Mose ersichtlich werden. Der israelitische Führer, der gleichzeitig selbst Erzähler ist, zeigt am letzten Tag seines Lebens auf, wie er seinen eigenen Weg in der Beziehung zu JHWH und dem Volk sieht. Durch die zeitliche Umstellung der Ereignisse wird dem Leser außerdem jene hermeneutische Brille aufgesetzt, die er benötigt, um die Dynamik vom Leben und Engagement des Mose für das Volk zu verstehen.

In its final version, the book of Deuteronomy presents a systematic legislation for Israelite society. Yet to be applicable in everyday life, this legislation needs to be expounded.2 A synchronic reading of the literary story of the Israelites from the time of the Exodus reveals that the Pentateuch actually consists of two major legislative pillars: the Torah that was handed down from God to Moses at Mount Sinai and the interpretation of this Torah in Moab, which Moses wrote down for the second generation after the exodus.3 The latter of these, the Moab-Torah, is the book of Deuteronomy, which interprets the Sinai-Torah and thus shapes the dynamic of the whole Pentateuch.4 Consequently, the legislative corpus in Deuteronomy 12-25 should be understood as an explanatory addition/ continuation to the book of the covenant (Ex 20:22-23:33).5 2 See Eckart OTTO, „Rechtshermeneutik in der hebräischen Bibel. Die innerbiblischen Ursprünge halachischer Bibelauslegung“, ZAR 5 (1999) 75-98, 75-77. 3 See Dominik MARKL, DerDekalogalsVerfassungdesGottesvolkes.DieBrennpunkteeinerRechtshermeneutikdesPentateuchinEx19-24undDtn5 (HBS, 49), Freiburg, Herder, 2007, 198-200. 4 This was pointed out by Jacob WEINGREEN, FromBibletoMishna, Manchester, University Press, 1976, 148-150. He demonstrates that the authors of Deuteronomy reshaped the Covenant Code in order to actualise and to better comprehend the divine message. See also Georg FISCHER, „Eigenart und Bedeutung des Deuteronomiums in der Tora“, in: Georg FISCHER, Dominik MARKL, Simone PAGANINI (ed.), Deuteronomium–TorafüreineneueGeneration (BZAR, 17), Wiesbaden, Harrassowitz, 2011, 15-36. 5 See Eckart OTTO, „Wie »synchron« wurde in der Antike der Pentateuch gelesen?“, in: Frank Lothar HOSSFELD (ed.),DasMannafälltauchheutenoch.Beiträge zur Geschichte und Theologie des Alten, Ersten Testaments (HBS, 44), Freiburg,

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God’s command for Moses at Mount Sinai to instruct his people regarding the law is fulfilled at the valley of Beth-Peor (Deut 3:29).6 According to Deut 1:5, Moses’ speeches in Deuteronomy (e.g. Deut 31:9, 24) are written down for the second generation and function as explanations and explication of Covenant Code and the divine clay tablets from Mount Sinai, which Moses and God wrote respectively.7 Further, Deuteronomy interprets the written words of the renewed covenant (cf. Ex 34:26). This was necessary for him to do because of the Israelites’ idolatrous behaviour in Exodus 32. 8 In the Pentateuch, Moses functions as a kind of privileged mediator, someone who communicates directly with God, 9 thus being the Herder, 2004, 470-485, 474-475; Ludger SCHWIENHORST-SCHÖNBERGER, Das Bundesbuch(Ex20,22-23,33):StudienzuseinerEntstehungundTheologie (BZAW, 188), Berlin, de Gruyter, 1990; Eckart OTTO, WandelderRechtsbegründungeninderGesellschaftsgeschichte des antiken Israel: eine Rechtsgeschichte des  »Bundesbuches«, ExXX22-XXIII13(StB, 3), Leiden, Brill, 1988; E. OTTO, „Rechtshermeneutik in der hebräischen Bibel“, 77; Jean Louis SKA, „La structure du Pentateuque dans sa forme canonique“, ZAW 113 (2001) 331-352, 351. Against this, see Norbert LOHFINK, “Prolegomena zu einer Rechtshermeneutik des Pentateuch”, in: Georg BRAULIK (ed.), Das Deuteronomium (ÖBS, 23), Frankfurt, Peter Lang, 2003, 11-55, 14, and – although from a different point of view – Bernard M. LEVINSON, Deuteronomyand theHermeneuticsofLegalInnovation, Oxford, University Press, 1997, 144-157. See also a complete summary on the different positions in Eckart OTTO, Deuteronomium 1,1-4,43 (HThKAT), Freiburg, Herder, 2012, 231-238. 6 The narrative dynamic should not be underestimated, even if the vocabulary is quite different, cf. Simone PAGANINI, Deuteronomio,nuovaversione,introduzionee commento (I Libri Biblici, 5), Milano, Paoline, 2011, 39-44. 7 This point is still disputed. In support, see Eckart OTTO, „Mose, der erste Schriftgelehrte. Deuteronomium 1,5 in der Fabel des Pentateuch“, in: Dieter BÖHLER, Innocent HIMBAZA, Philippe HUGO (ed.), Études d’histoire du texte et de théologie biblique en hommage à Adrian Schenker (OBO, 214), Fribourg, Academic Press, 2005, 273-284 and Eckart OTTO, „Die Rechtshermeneutik im Pentateuch und in der Tempelrolle“, in: Reinhard ACHENBACH, Martin ARNETH, Eckart OTTO (ed.),Torah inderHebräischenBibel.StudienzurRechtsgeschichteundsynchronenLogikdiachronenTransformationen(BZAR, 7), Wiesbaden, Harrassowitz, 2007, 72-121, 80-81; against are, amongst others, Georg BRAULIK, Norbert LOHFINK, „Deuteronomium 1,5 b‘r ‘t-htwrh hz’t: «er verlieh dieser Tora Rechtskraft»“, in: Klaus KIESOW, Thomas MEURER (ed.),Textarbeit.StudienzuTextenundihrerRezeptionausdemAltenTestamentundderUmweltIsraels.FestschriftfürPeterWeimarzurVollendungseines 60.LebensjahresmitBeiträgenvonFreunden,SchülernundKollegen(AOAT, 294), Münster, Ugarit Verlag, 2003, 35-51. 8 For more details on this general introduction, see S. PAGANINI, Deuteronomio, 26-44. 9 Georg FISCHER, „Das Mosebild der Hebräischen Bibel“, in: Eckart OTTO (ed.), Mose.ÄgyptenunddasAlteTestament (SBS, 189),Stuttgart, Katholisches Bibelwerk, 2000, 84-120, 114-118, and Eckart OTTO, „Mose der Schreiber“, in: Eckart OTTO (ed.), DieTora.StudienzumPentateuch.GesammelteAufsätze(BZAR, 9), Wiesbaden, Harrassowitz, 2009, 470-479.

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most authoritative prophetic interpreter of the Torah.10 When he dies outside the Promised Land, the writing of the Torah and its authoritative interpretation comes to an end.11 Thus, Deut 34:5 marks the end of the revelatory law that God gave to Moses and all future legal discourse has to use Moses’ writings as a point of departure. Any differences between the Sinai-Torah in Exodus and the Moab-Torah in Deuteronomy can be explained by the fact that Moses adjusted the legislation in Moab to the new living conditions in the Promised Land. The interpretation of the book of the covenant, which Moses wrote down in the Book of Deuteronomy was already understood in the literary setting of the biblical texts as an application of the Sinai-Torah to the life of his people in the Promised Land.12 However, a synchronic reading of the Pentateuch does not explain the interdependence between these two Torot. If the circumstances and living conditions were the reason for changing and actualising the Torah, then the question remains as to which version should be regarded as authoritative.13 Here lies a crux in the interpretation of legal texts in the Bible. The biblical legislative tradition is the expression of God’s will; its laws and regulations have divine authority, even if they are not propagated by God in the first person.14 In the biblical tradition, this divine authority with respect to both Torot is connected with the person of Moses. But even if a human functions as a mediator between God and the people, it would be absurd to think that God would contradict himself by providing conflicting laws.15 10 See the additional remarks in Dominik MARKL, “Moses Prophetenrolle in Dtn 5; 18; 34. Strukturelle Wendepunkte von rechtshermeneutischem Gewicht“, in: Georg FISCHER, Dominik MARKL, Simone PAGANINI (ed.), Deuteronomium–Torafür eineneueGeneration (BZAR, 17), Wiesbaden, Harrassowitz, 2011, 51-68. 11 Simone PAGANINI, „NichtdarfstduzudiesenWörternetwashinzufügen“.Die Rezeption des Deuteronomiums in der Tempelrolle: Sprache, Autoren und Hermeneutik (BZAR, 11), Wiesbaden, Harrassowitz, 2009, 10-13. 12 “Wie schon im 7. Jh. v. Chr. das Deuteronomium nicht das Bundesbuch »recyclen«, d. h. ersetzen sollte, sondern vielmehr das das Bundesbuch revidierende und ergänzende Deuteronomium als hermeneutischer Schlüssel für die Interpretation des Bundesbuches gelten sollte, so erhält auch in der Fabel des Pentateuch das Deuteronomium als mosaische Auslegung der Sinaigesetzgebung (Dtn 1,1-5) diese Funktion“, see Eckart OTTO, „Perspektiven der neueren Deuteronomiumsforschung“, ZAW 119 (2007) 319-340, 335. 13 See the remarks in D. MARKL, Dekalog, 198-200. 14 Martin LANG, “u4-ba, ina umi ullûti, inumis3u - In illo tempore. Zur Begründung und Legitimation von Recht aus dem Mythos“, ZAR 12 (2006) 17-28. 15 G. FISCHER, „Mosebild“, 84: „Die Autoren des Deuteronomiums wenden ein hohes Maß an ausgefeilter Methodik der Exegese auf, um diese zunächst schier unlösbar

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The Book of Deuteronomy, however, is not simply a legislative work, but moreover a narration.16 The hermeneutical process that shapes the legislative corpus of the book is also present in the overall narrative, which is reflected by the structure and the theology of the book. Of particular interest is the narration of the relationship between YHWH and Moses, which in Deuteronomy deliberately revises the chronology found in the Book of Exodus. This dischronology is not (only) the result of a different literary composition of various redactional layers of the text, but in a canonical reading of the book a proper stylistic means to validate a certain message. Apart from this instance, the use of the narrative material follows the previous chronology set out in Exodus. Therefore, this one instance has a particular function, especially in regards to the development of the whole narrative. The reason why the narrative is presented with this dischronoloy is thus a major question for a synchronic analysis of the text. 1. MOSES AND YHWH IN DEUT 3:23-28 The first dialogue in the Book of Deuteronomy between Moses and God occurs in Deut 3:23-28, where God responds to Moses’ plea.17 This dialogue has no parallel in the other books of the Pentateuch.18 In the context of the larger Exodus narrative, this event takes place after the conquest of the Amorite kingdoms and their division amongst the tribes of Reuben and Gad (Numbers 32), shortly before the entry into the Promised Land. There are other instances, where Moses’ pleas are indicated (Num 20:6; 21:7-8), but in each case God responds before Moses can formulate his desire. Further, the object of the plea erscheinende Aufgabe zu bewältigen“, see also E. OTTO, „Rechtshermeneutik in der Hebräischen Bibel“, 79. 16 This has been emphasised by Norbert LOHFINK, „Zur Fabel des Deuteronomiums“, in: StudienzumDeuteronomiumundzurdeuteronomistischenLiteraturIV (SBAB, 31), Stuttgart, Katholisches Bibelwerk, 2000, 247-263, 247-249 and lately again by Jean-Pierre SONNET, „Redefining the Plot of Deuteronomy – From End to Beginning. The Import of Deut 34:9“, in: Georg FISCHER, Dominik MARKL, Simone PAGANINI (ed.), Deuteronomium–TorafüreineneueGeneration (BZAR, 17), Wiesbaden, Harrassowitz, 2011, 37-49. 17 Previously, God speaks to Moses (Deut 1:37; Deut 2:17-18), but he receives no response from the leader of the Israelites. Therefore, these instances cannot be classified as a dialogue. 18 Daniel F. O’KENNEDY, “Prayer in Moab (Dt 3:23-29): The relationship between the recorded prayer and its historical geographical setting”, OTE 11 (1998) 288-305.

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always appears to be the Israelite people and not Moses himself. This is also true for the times, where Moses requests that God should appoint a worthy successor (Ex 34:8; Num 27:15-17). Only in Ex 33:12,18 Moses expresses a personal request, which, however, is also connected to the role as leader of his people. Thus, Deut 3:23-28 is the only time in the Pentateuch, where Moses is not only the requester, but the object of his request as well.19 Further, the context of Deut 3:23-28 differs from the other two passages. There, Moses retells the story of the exodus and the fights against the kings of the lands east of the Jordan (Sihon and Og) to the second generation of the Israelites. This transmission of memory, which culminates in the appointment of Joshua, serves a distinct theological purpose, viz. the future is founded in the past. This remembrance of past events becomes a realisation of the present. YHWH initially eliminated the local populace of Transjordan and gave the lands to the Moabites and Amorites (Deut 2:12,2122) and now he will do the same for the Israelites. Further, he defeated Og, just as he already defeated Sihon (Deut 3:2,6). Likewise, the foreign kingdoms of the Promised Land will be overtaken, just as the kings of the Amorites have been (Deut 3:21).20 The typical deuteronomic introductory formula ‫בעת ההוא‬21 that is used for Moses’ plea (Deut 3:23) already recalls other contemporary events, such as the victories against Sihon (Deut 2:34) and Og (Deut 3:4), recollections of these victories (Deut 3:8,12) and the role of YHWH as endowing the land to the Israelites. The most important parallel, however, is Deut 3:21, where Moses reassures Joshua that God fights on behalf of the Israelites and will surely give the Promised Land to his people. This encouragement together with the certainty that God will keep his promise provide the cause for Moses’ plea. Given Moses’ perspective as the narrator and the protagonist of the narrative, this historical recollection of events reaches its peak with this plea. 19 Moses’ speech mentions and summarises the basic points of the narrative, which are taken up again in Deuteronomy 31-34, see Dominik MARKL, GottesVolkimDeuteronomium (BZAR, 18), Wiesbaden, Harrassowitz, 2012, 102. 20 In this perspective, Deuteronomy 2-3 presents a consistent and coherent narrative. This was first pointed out by Norbert LOHFINK, „Geschichtstypologisch orientierte Textstrukturen in den Büchern Deuteronomium und Josua“, in: StudienzumDeuteronomiumundzurdeuteronomistischenLiteraturIV (SBAB, 31), Stuttgart, Katholisches Bibelwerk, 2000, 75-103. 21 This temporal specification occurs 19 times in the Old Testament, out of which are 15 times in Deuteronomy (Deut 1:9,16,18; 2:34; 3:4,8,12,18,21,23; 4:14; 5:5; 9:20; 10:1,8). The other occurrences are Gen 21:22; 38:1; Num 22:4 and Isa 39:1.

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For the first time in the Pentateuch, Moses does not function as a mediator between God and his people, but makes a personal request. The text is construed in a way that Moses’ emotions are strongly influenced by the achieved victories. The reader naturally expects that God will grant this plea, since he has always intervened for his people. Therefore, the reader as well as Moses anticipates a positive response. Despite (or possibly due to) the negative proclamation of Moses’ destiny (Deut 1:37-38), he dares to express a personal request in the context of the military victories. The hitpael-form of the verb ‫ חנן‬underscores the dramatic nature of the plea,22 emphasising the emotions involved as well as its importance. The Hebrew verb should probably be translated as “to request mercy”,23 which does not surprise, since the larger context of Deuteronomy mainly consists of regulations and prohibitions that are sanctioned by punishments. The use of such a terminustechnicusattempts to procure an act of mercy, but it also implies a previous verdict. This directly connects the plea with Deut 1:37-38,24 as its only possible literary background.25 Moses’ plea begins with a praise26 of God’s glory,27 which signifies the bond between Moses and YHWH. God is even mentioned by his name in conjunction with the formal address ‫אדני‬,28 then follows 22

Such a use is also found in Ps 30:8-9. David N. FREEDMAN, Jack R. LUNDBOM, Heinz-Josef FABRY, „‫ חנן‬ḥānan“, in: ThWAT III, 1982, 23-40, 25. 24 The expression “because of you” in Deut 1:37 implies that YHWH was angry with Moses, because the people rebelled against their leader. This appears to be confirmed by Deut 3:26 and Deut 4:21. Other parts of the Old Testament also mention this interpretation (Ps 106:32-33). Deut 32:51 potentially assumes a culpable act on Moses part by referring to Num 20:10-12. However, Moses’ punishment appears to be exaggerated, which is why several Midrashim try to provide lists of Moses’ (potential) sins and his sinful behaviour, which might justify the otherwise exaggerated divine punishment. See Samuel E. LOEWENSTAMM, FromBabylontoCanaan, Jerusalem, Magnes Press, 1992, 136-166 and especially Judah GOLDEN, Studies in MidrashandRelatedLiterature, Philadelphia, PA, Jewish Publication Society, 1988, 175-186. Nonetheless, it is most likely that Moses shares in the fate of his people, just like other ancient kings. For the Old Testament, the fate of king Josiah might be comparable (2 Kings 23:25-27). 25 Raik HECKL,MosesVermächtnis.Kohärenz,literarischeIntentionundFunktionvonDtn1-3 (ABIG, 9), Leipzig, Evangelischer Verlagsanstalt, 2004, 320. 26 This is typical for deuteronomistic prayers, see 2 Sam 7:22-24; 1 Kings 8:23; 2 Kings 19:15-19. Further, see Jer 32:17-23. 27 The two anthropomorphic expressions ‫ גדלך‬and ‫ ידך החזקה‬only occur again in Deut 9:26; 11:2. 28 The double address “Lord, YHWH” indicates prayers and pleas (by Abraham in Gen 15:2,8 and by Joshua in Josh 7:7-9). In Deuteronomy it only features again in Deut 9:26. 23

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a rhetorical question (Deut 3:24). This initial praise already reveals Moses’ attitude. Although YHWH has begun (‫)חלל‬29 to show his might and glory, Moses’ address implies that the divine intervention is not yet fulfilled. The conquest of the lands east of the Jordan might be the cause for Moses’ plea, but it is not the fulfilment of God’s promises to his people. The victories against the two Amorite kings do not constitute the end of the conquest of the Promised Land. Prior to Deut 3:24, Moses did not express his desire, but now the wording of his plea shows his longing to be present when God fulfils his promise by giving the Promised Land to his people. Not only the formal address ‫אדני‬,30 but also the designation Moses as “your servant” (‫ )עבדך‬are typical elements of servant speech31. Further, this language connects Moses’ plea with Deut 34:5, where he is described as a ‫עבד יהוה‬. The following rhetorical question “YHWH, who amongst the gods is like you?” recalls the song in Ex 15:1 and is a further expression of Moses’ reverence. Yet it is also a confirmation that YHWH performed gracious acts for his people. Only after this incipit, Moses voices his own plea, the last request of an aged leader,32 who longs to see the fulfilment of God’s promises with his own eyes. This elaborate opening reflects the strong emotions that are at play. The heightened tension in Moses’ speech is expressed by the cohortative qal form of the verb ‫ עבר‬combined with the particle ‫ ־נא‬and the twice mentioned adjective ‫ טוב‬to describe the Canaanite hill country.33 This language also reminds the reader of Deut 1:37-38, which suggests that Moses wants to avert his destiny.34 But apart from his personal desire to see and enter into the Promised Land, the plea also seeks to bring YHWH’s original promises (Ex 3:8) to their fulfilment. Thus, the heightened tension in Moses’ voice is not only due to 29

See also Deut 2:24-25,31. In profane contexts, this title is used for a superior figure (Gen 44:18), see Irene LANDE, Formelhafte Wendungen der Umgangsprache im Alten Testament, Leiden, Brill, 1949, 28-35.81. 31 See also Simone PAGANINI, “Mosè, profeta per eccellenza, servo di Dio al servizio del popolo”, PSV 68 (2013) 27-40. 32 According to Deut 34:7, Moses is 120 years old. Even Deut 31:2 mentions that he is old and weak. 33 The description of the land is modelled according to the promises YHWH gave to the ancestors (Deut 1:7; 11:24). Thus, a central term of Deuteronomy 1 (Deut 1:25, 35) is taken up. 34 The same destiny was prophesised to the whole first generation. Deut 2:14-16 reports of the death of all members of this generation. Obviously, Moses was not counted as a part of them. 30

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his personal desire, but his anxiety that his life’s work, to rescue his people from Egypt and lead them to the Promised Land, might be in jeopardy.35 Keeping in mind the way Moses frames his plea and his personal relationship with YHWH, the divine response he receives is more than surprising. Although the prohibition for Moses to enter into the Promised Land was already known, it is the manner of God’s response that astonishes the reader. Moses’ plea was not only denied, but it became the cause for God’s wrath. In God’s response, the root ‫ עבר‬in its hithpael form denotes the denial, the very root which in its qal form was used by Moses in his plea. This connection is strengthened further by the expression ‫ולא שׁמע‬.36 Before Moses recounts God’s response, he accuses the people present37 as the ones responsible for his destiny with the statement ‫למענכם‬.38 This reference to Moses’ liability for his people (cf. Deut 1:43) underlines the larger narrative context and is a further characteristic of its well-thought structure. The larger historical recollection began in Deut 1:6-8 with Moses’ repetition of God’s direct speech and now it ends with a recited speech by God. This structural parallelism is explicated further in the wording of God’s response. The term -‫ רב ל‬already featured in Deut 1:6 and Deut 2:3 as part of a divine speech against the people. Now YHWH’s speech “I have enough” is directed against Moses alone. The second harsh39 command by God alludes to Deut 3:23 and indicates that no plea by the Israelite leader will change his mind. Although Moses has objected to his initial calling (‫ ;לא אישׁ דברים אנכי‬Ex 4,10),40 he 35

See also William H. C. PROPP, “Why Moses could not enter the promised land”, BiRe 14 (1998) 36-40.42-43. 36 Given the importance of hearing in Deuteronomy, the emphasis of YHWH’s refusal to hear is like a punishment. 37 For this interpretation, see the influential work by Norbert LOHFINK, „Die deuteronomistische Darstellung des Übergangs der Führung Israels von Moses auf Josua. Ein Beitrag zur alttestamentlichen Theologie des Amtes“, in: StudienzumDeuteronomiumundzurdeuteronomistischenLiteraturI (SBAB, 8), Stuttgart, Katholisches Bibelwerk, 1990, 83-97. 38 N. LOHFINK, „Geschichtstypologisch orientierte Textstrukturen”, 75-103. For Moses affiliation with the first generation of the people, see R. HECKL, Moses Vermächtnis, 324-325. 39 R. HECKL, MosesVermächtnis, 325. 40 Moses’ speeches are not only well accomplished, but are well-versed stylistically, since his initial contact with YHWH, see Georg FISCHER, Jahwe,unserGott. Sprache,AufbauundErzähltechnikinderBerufungdesMose(Ex3-4) (OBO, 91), Freiburg (Schweiz), Universitätsverlag / Göttingen, Vandenhoeck & Ruprecht, 1989, 186-192.

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demonstrates time and again, especially in Deuteronomy but throughout the Pentateuch that he is an accomplished speaker. This ability serves in establishing a good relationship with God. However, now YHWH’s refusal to speak further on this subject (‫)אל תוסף דבר אלי עוד‬ is directed against Moses’ strengths, his destiny is finalised and cannot be changed. Nonetheless, the continuation of God’s speech becomes important for the overall narrative. The cruelty of YHWH’s response is softened by his permission to see the Promised Land.41 While this event is narrated later in Deut 34:1-5 as the last act in Moses’ life, it is already alluded to in the present speech, thus shaping the dynamic of the narration. Likewise, the command to appoint Joshua as leader of his people was already mentioned before (Deut 2:38) and will be narrated towards the end of the book (Deut 31:7-8). At the same time, this appointment functions as a guarantee for Moses that his people will be led into the Promised Land. Moses finishes reciting God’s speech with a marginal geographical note.42 He does not object, nor does he comment on God’s decision. Moses simply remains silent, obeys, and does not address YHWH again. Initially, this silence could either be understood as a sign of respect or defiance. Later, it becomes clear that Moses’ silence is an expression of his attitude of acceptance, when he speaks again with YHWH (Deuteronomy 9).43

2. MOSES AND YHWH IN DEUTERONOMY 9 The formal address ‫ אדני יהוה‬connects the speech in Deuteronomy 9 with Deuteronomy 3.44 Moses’ reaction to God’s command (Deut 9:12) and the description of his plan for the people (Deut 9:1314) only follows in Deut 9:26. Again he tries to change YHWH’s mind with a plea. The narrative places this second dialogue between 41 This is not to be misconstrued as a cynical statement on YHWH’s behalf, see R. HECKL, MosesVermächtnis, 325-326. 42 Just like in Deut 1:1-5, this does not serve as a concrete geographical reference and provides no further information. 43 Although Deut 4:10; 5:6-21,28-31 reports of words that God speaks to Moses and his people, there is no answer on Moses’ part and thus no conversation. 44 Eckart OTTO, Deuteronomium4,44-11,32 (HThKAT), Freiburg, Herder, 2012, 982-983. See also Sigfried KREUZER, „Die Mächtigkeitsformel im Deuteronomium. Gestaltung, Vorgeschichte und Entwicklung“, ZAW 109 (1997) 188-207, 203-204.

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Moses and YHWH at Mount Sinai, when YHWH has just given the stone tablets to Moses. This depiction follows Ex 32:7-10, although some elements are missing (e.g. the nature of the idol), while others are more elaborated upon (e.g. Moses’ quick descent).45 The cause for YHWH’s speech is the perception of Israel’s guilt, which is expressed by the verb ‫( שׁחת‬Deut 9:12).46 In the overall narrative of Deuteronomy, this recalls the dangers of the negative influence of the other Canaanite peoples (cf. Deut 7:3-4,16). Israel’s guilt also weighs heavily on the personal relationship between YHWH and Moses. Although Moses is neither the leader of the idolatrous acts, nor a participant in any way, he is still portrayed as responsible. The enclitic personal pronoun (‫ )עמך‬as well as the verb in the second person singular (‫)הוצאת‬, sarcastically denoting the flight from Egypt, indicate that the people belong to Moses and not to God (Deut 9:12). Furthermore, God characterises the people again as stubborn (‫)עם־קשׁה־ערף‬47 (Deut 9:6,13) and pronounces that he will destroy them. Although God just highlighted that Moses is the leader of the people, he does not intend to destroy him. On the contrary, he is chosen for a new beginning. For a moment, God’s wrath appears to be stronger than his promise to Abraham. Yet, Moses is chosen as the new Abraham. The situation of the people is comparable to the situation of humanity before the flood in Genesis 6. YHWH sees no other choice, but to start anew. Not only is God’s offer to Moses surprising, but also Moses’ response, given that now he would get the opportunity to enter into the Promised Land and fulfil his long-standing desire (cf. Deut 3:25). Moses’ reaction in Deuteronomy differs from his reaction in Exodus. Ex 32:11-14 reports that Moses voices another plea to appease YHWH and only thereafter descends from the mountain, while Deut 9:15 skips this plea and immediately tells of Moses’ descent. Further, Deut 9:17 heightens the tension, when Moses, after seeing 45

Both texts are compared in Christopher T. BEGG, “The Destruction of the Calf (Exod 32,20/Deut 9,21)“, in: Norbert LOHFINK (ed.), DasDeuteronomium.Entstehung, GestaltundBotschaft (BETL, 68), Leuven, Peeters, 1985, 208-251. 46 ‫ שׁחת‬is only used again in this context in Deut 4:16 and Ex 32:7. 47 The same expression occurs for the first time in Ex 32,9. In the Torah, it features again in Ex 33:3,5; 34:9 and twice in Deuteronomy 9. Deut 31:27 uses a similar expression. Finally, Deut 10:16 describes how the circumcision of the heart will solve the problem of the people’s stubbornness. Outside the Pentateuch, this image occurs in 2 Kings 14:17; 2 Chr 30:8; 36:13; Neh 9:16,17,29; Prov 29:1; Isa 48:4; Jer 7:26; 17:23; 19:15.

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his people, smashes the stone tablets.48 Thus, the only physical proof of God’s covenant with the people is destroyed, before God could be dissuaded from destroying the people. This marks the high point in the narrative. Moses has just received a divine promise to become the lone founder of his people. Shortly thereafter, he destroys the only legal records of the covenant and paves the way for a new beginning. Without the sinful people, Moses could be the leader of a new people in the Promised Land. Yet, the narration provides another interesting turn. Instead of taking up this opportunity to start anew, Moses stands with his people and raises a plea to God to show mercy to his people. This new plea begins with familiar words (Deut 3:24). However, this time the servant language “Lord YHWH” is not used by Moses to gain a personal advantage, but to speak on behalf of his people. Thus, Moses also calls Israel God’s inheritance (‫( )נחלתך‬Deut 9:29). Altogether, he uses four arguments to convince YHWH to spare his people. In Deut 9:28, he elaborates the fourth argument in a direct speech of a personified Egypt and introduces the conclusion of his plea. In this final part, Moses’ speech reaches its contextual and stylistic climax. Thrice (once more than God), he uses a second person singular in relation to God, when he identifies the people. In this way, he objects to God and corrects his statement in Deut 9:12. Moses succeeds in reuniting the people with God and asserting their bond, which was broken in Deut 9:12. God’s subsequent response – he gives to Moses a second couple of tablets – confirms Moses’ success (Deut 10:1-2). Moses could have decided to enter the Promised Land as a patriarch (even a new Abraham) of God’s new people. Yet, the Book of Deuteronomy makes no mention of Moses’ potential dilemma. On the contrary, Moses reacts decisively. When he hears God’s threat, he turns around, descends from the mountain, and forces his people to do penance. During his ascent, these actions are narrated in form of a plea. Twice Moses remains in front of YHWH forty days and nights (Deut 9:18, 25), before he speaks to him. During this long time, Moses comes to a fundamental decision: He will not be the new founder of a people, but will attempt to save God’s already existing people, a goal that will not go unrealized. 48

For Moses’ function as a praying man, see Georg FISCHER, Knut BACKHAUS, Beten (NEB.T, 14), Würzburg, Echter, 2009, 20-21.

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3. THE CHANGED CHRONOLOGY AS STRUCTURAL MARKER In a synchronic reading of the Book of Deuteronomy, it is no coincidence that both dialogues between Moses and YHWH are found in reverse order. At least49 since the work of N. Lohfink on the fable of Deut 31-32, it has become common knowledge that the authors of Deuteronomy purposefully changed the order of events to create a new meaning.50 Nevertheless, Lohfink’s attempt to relate the construed order of events in Deut 31-32 to the interpretation of Deut 1-3, 5,9-1051 was heavily criticised by J.-P. Sonnet.52 In the overall narrative, the situation in Deuteronomy 1-11 fundamentally differs from Deut 31-32, which is why a parallelisation becomes difficult at best. Further, the hermeneutical function of the reader in both pericopes is incomparable. To the reader, Deut 1-11 simply presents a renarration of known events, while Deuteronomy 31-32 is a new part of the Israelite narrative. Thus, Sonnet regards the reconstruction of the fable (Deut 31-32) by Lohfink as “oversophisticated”.53 Although his methodology is similar to Lohfink’s work, Sonnet provides a different and more plausible chronology of events. Despite these differences, both authors agree that the changed chronology in the book of Deuteronomy is intended to change the meaning of the narrative. This change in meaning is particularly obvious at the beginning of the book, where Moses narrates already known events. The established chronology in Deut 1-3 and Deut 7-9 is undisputed. The former describes events prior to the entry into the Promised Land, while the latter depicts events that occurred forty years before at Mount Sinai. Yet according to the deuteronomic narrative, both accounts are part 49 There have already been attempts during medieval times by commentators, such as Ibn Ezra and Moses ben Nachman, to reconstruct the “correct” order of events. 50 Norbert LOHFINK, „Zur Fabel in Dtn 31-32“, in: StudienzumDeuteronomium undzurdeuteronomistischenLiteraturIV (SBAB, 31), Stuttgart, Katholisches Bibelwerk, 2000, 219-245. See also Norbert LOHFINK, „Zur Fabel des Deuteronomiums“, in Studien zum Deuteronomium und zur deuteronomistischen Literatur IV (SBAB, 31), Stuttgart, Katholisches Bibelwerk, 2000, 247-263. 51 N. LOHFINK, „Zur Fabel in Dtn 31-32“, 225-226. 52 Jean-Pierre SONNET, The Book within the Book. Writing in Deuteronomy (BiInS, 14), Leiden, Brill, 1997, 122-125. 53 J.-P. SONNET, The Book, 124. Another, even more complicated and unlikely, reconstruction of the chronology in Deuteronomy 31-32 is found by David A. BERGEN, DischronologyandDialogicintheBible’sPrimaryNarrative (Biblical Intersections, 2), Piscataway, NJ, Gorgias Press, 2009, 98-104.

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of speeches delivered by Moses and presented on the same day. Even before the content of the covenant is revealed (Deuteronomy 12-25), there is a strange and interesting dynamic in the narration due to both dialogues between God and Moses. From a strict chronological perspective, the first dialogue (Deut 3:2328) appears to be later than the second (Deut 9). However, in a synchronic reading Moses’ plea in Deut 3:23-28 comes first, putting a specific emphasis on God’s offer in Deut 9:14 (“I will make of you a mightier and greater nation”). The new chronology in the deuteronomic narrative grants Moses the theoretical chance to fulfil his personal desire to enter the Promised Land (Deut 3:23-28). Further, the depiction of Moses in Deut 9 differs from Deut 3. Due to his quick descent from the mountain as well as his forceful plea on behalf of his people, he is portrayed as a flawless leader. He is the one arguing for his people, bearing responsibility for their actions, and reuniting them with God. The self-interested Moses, who pleads to God on his own behalf (Deut 3) is transformed into the selfless leader, who stands for his people. The depiction of YHWH, in comparison, appears to be similar in both instances with only minor differences. While his wrath was initially directed towards the leader of the people (Deut 3), later it focuses solely on the people (Deut 9).54 However, in both instances, YHWH is prepared to re-examine his wrath. Although Moses is prohibited to enter the Promised Land in Deut 3, he is permitted to see the land from the top of Pisgah and to appoint Joshua, who will lead his people in his stead. In Deut 9, YHWH reconsiders his anger towards the people and renews the covenant. This renewal of the covenant is emphasised by the long recitation of its context that follows (Deut 12-25).55 The implied message in this changed chronology of events indicates a new perception on Moses’ part. On the last day of his life, the Israelite leader, who is also the narrator, depicts his own development in the relationship with YHWH and his people. Due to the changed chronology, the reader 54 Wrath as a divine characteristic can re-establish justice and social order and is regarded as a virtue of the king in the ancient Near East, see Walter GROSS, “Keine Gerechtigkeit Gottes ohne Zorn Gottes. Zorn Gottes in der christlichen Bibel“, in: Günter KRUCK, Claudia STICHER (ed.), „Deine Bilder stehen vor dir wie Namen“. ZurRedevonZornundErbarmenGottesinderHeiligenSchrift, Mainz, Grünewald, 2005, 13-29. 55 Exodus 34 simply mentions the renewal of the covenant without this strong emphasis.

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is given a certain pair of hermeneutical lenses in order to comprehend the dynamic of Moses’ life and commitment to his people. Therefore, the structure of the Book of Deuteronomy is shaped in a certain way that is important for the narrative as well as its theological agenda. In Deut 3, Moses pleads as a submissive servant for his personal gain, while in Deut 9 he uses the same words to plead for his people. In the end, he has the noble character to set aside his own personal gain. On the narrative level, these events remind the reader of Deuteronomy 34, where Moses as God’s servant dies before entering the Promised Land as well as Deut 31:16-18, where the people sin again. On the theological level, there is a dynamic between wrath and punishment as well as salvation and devotion, which is also important towards the end of the book (Deut 32-34).

LES POÉTIQUES DU TEMPS. GENRES LITTÉRAIRES ET TEMPORALITÉ(S) DANS L’HISTORIOGRAPHIE BIBLIQUE. L’EXEMPLE DE 1–2 SAMUEL1 PAR

Béatrice OIRY Faculté de Théologie Université Catholique de l’Ouest, Angers [email protected]

RÉSUMÉ Dans le débat du vingtième siècle sur un prétendu « temps biblique », P. Ricœur a fait valoir que la temporalité est construite par le discours ; par conséquent, les différents genres littéraires produisent chacun, par leur forme propre, une temporalité particulière. Il y a donc, non pas un « temps biblique » mais des « temps » différents dans la Bible. Or, l’historiographie biblique, foncièrement narrative, associe régulièrement d’autres genres au récit. 1–2 Samuel, par exemple, présente des oracles et des poèmes. L’objet de l’article est donc d’étudier le rapport entre la forme de chacun des genres et le type de temporalité qu’il produit et de mesurer en quoi chacune de ces temporalités participe à la production de ce qui est présenté comme l’unique temps de l’histoire. ABSTRACT In the twentieth-century discussions about a so-called “biblical time”, P. Ricœur showed that temporality is built by discourse; each literary genre thus produces its own temporality through its specific form. As a result, Ricœur argued, there is not a “biblical time” but there are different “times” in the Bible. Biblical historiography, which is basically narrative, regularly associates other genres with the narrative. 1–2 Samuel, for example, also contains oracles and poems. The purpose of this article is to study the connection between the literary form of each genre and the kind of temporality it produces. Further, it seeks to assess how these different temporalities contribute to the production of what is presented as the sole historical time. 1 Cette contribution reprend partiellement l’introduction et le chapitre IV « Articulation du temps dans le discours direct et détermination de la séquence narrative » de ma thèse Letempsquicompte.Constructionetqualificationdutempsdel’histoire danslerécitde1–2Samuel,Thèse de doctorat, Université Catholique de Louvain, Pontificia Università Gregoriana, 2015 (à paraître).

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1. DU « TEMPS BIBLIQUE » AUX POÉTIQUES BIBLIQUES DU

TEMPS

« Perceptions du temps dans la Bible ». Le titre du présent ouvrage l’atteste, l’époque où l’on croyait pouvoir définir ce qui aurait été un unique « temps biblique » est révolue. Le milieu du siècle dernier, en effet, avait vu se développer une recherche active sur le temps dans l’Antiquité2. Un de ses résultats majeurs avait été de déterminer ce qui pouvait apparaître comme un propre biblique en matière de temporalité. Celui-ci était dégagé des textes de l’Ancien et du Nouveau Testament, pris en compte depuis les particularités sémantiques et syntaxiques de leurs langues jusqu’à leurs propositions les plus théologiques, en passant par les pratiques rituelles et sociales dont ils témoignent. Tout cet ensemble était envisagé comme autant de médiations d’une expérience cohérente du temps dont il s’agissait de dégager les traits spécifiques. Le « temps biblique » ainsi caractérisé pouvait être comparé ou plutôt distingué d’autres « temps » que l’on décelait de la même façon dans d’autres cultures antiques. La comparaison s’est orientée principalement vers le monde grec. Le « temps biblique » a alors été défini dans une opposition diamétrale et systématique à 2 Voir en particulier l’abondance de la production en l’espace d’une vingtaine d’année (1946-1968) : Henry W. ROBINSON, Inspiration and Revelation in the Old Testament, Oxford, Clarendon Pr, 1946 ; Oscar CULLMANN, Christetletemps :temps ethistoiredanslechristianismeprimitif, Neuchâtel, Delachaux et Niestlé, 1947 ; Mircea ELIADE, Lemythedel’éternelretour,archétypesetrépétition, Paris, Gallimard, 1949 ; Henri-Charles PUECH, « Temps, histoire et mythe dans le christianisme des premiers siècles », dans : Henri-Charles PUECH (éd.), Enquêtedelagnose,t.1 :La Gnoseetletempsetautresessais, Paris, Gallimard, 1978 (1951), 1-23 ; « La gnose et le temps », ibidem, 215-270 ; John MARSH, TheFullnessofTime, London, NISBET & Co, 1952 ; Georges PIDOUX, « La notion biblique du temps », RThPh 2 (1952) 120-125 ; Aimo E. MURTONEN, « On the Chronology of the Old Testament », StTh 8 (1954) 133-137 ; Thorleif BOMAN, HebrewThoughtComparedwithGreek, London, SCM Press LTD, 1960 ; Pierre VIDAL-NAQUET, « Temps des dieux et temps des hommes. Essai sur quelques aspects de l’expérience temporelle chez les grecs », RHR 157 (1960) 55-80 ; James BARR, BiblicalWordsforTime, London, SCM Press LTD, 1961 ; James MUILENBURG, « The Biblical View of Time », HTR 54 (1961) 225252 ; John B. CURTIS, « A Suggested Interpretation of the Biblical Philosophy of History », HUCA 34 (1963) 115-123 ; Norman H. SNAITH, « Time in the Old Testament », dans : Frederick F. BRUCE (éd.), PromiseandFulfilment, Edinburgh, T. & T. Clark, 1963, 175-186 ; Samuel G. F. BRANDON, History,TimeandDeity,aHistoricaland Comparative Study of the Conception of Time in Religious Thought and Practice, New York, NY, Manchester University Press, 1965 ; Stephen TOULMIN et June GOODFIELD, The Discovery of Time, New York, NY, Harper & Row, 1965 ; Jean-Pierre VERNANT, Mythe et pensée chez les grecs. Études de psychologie historique, Paris, François Maspero, 1965 ; Julius T. FRASER (éd.), TheVoicesofTime, New York, NY, Braziller, 1966 ; Arnaldo MOMIGLIANO, « Time in Ancient Historiography », HTh 6 (1966) 1-23 ; John A. T. ROBINSON, IntheEnd,God, London, Collins, 1968.

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ce qui se trouvait du même coup érigé en « temps grec ». Le premier aurait été linéaire, le second cyclique, l’un et l’autre s’insérant dans des « pensées » en tout point différentes3. Ces thèses ont eu une audience importante comme en témoigne leur influence sur des œuvres devenues des classiques de la théologie biblique et dogmatique4. Rapidement, cependant, des voix se sont fait entendre pour mettre en question des oppositions jugées trop systématiques et une méthode qui ne prenait pas garde à la pluralité des discours5. C’est à Paul Ricœur que l’on doit la contribution la plus décisive dans ce débat particulier. Elle s’inscrit dans le sillage de Tempsetrécitdans lequel l’auteur met en valeur le caractère intrinsèquement narratif de l’histoire6. Dans un 3 Une expression synthétique de cette opposition se trouve sous la plume de H.-C. PUECH, « La gnose et le temps », 217 : « L’hellénisme conçoit, avant tout, le temps comme cyclique ou circulaire, revenant perpétuellement sur lui-même, bouclé éternellement sur soi, sous l’effet des mouvements astronomiques qui en commandent et en règlent nécessairement le cours. Pour le christianisme, au contraire, le temps, lié à la Création et à l’action continue de Dieu, se déroule unilatéralement, en un seul sens, à partir d’un point de départ unique et en direction d’un but également unique : il est orienté, et un progrès s’accomplit en lui, du passé vers l’avenir, il est un, organique, et progressif ; il a, en conséquence, une réalité plénière. » C’est chez T. BOMAN, HebrewThoughtComparedwithGreek, que l’opposition entre deux « pensées » est construite de la façon la plus large et la plus systématique : de la sémantique et de la syntaxe à la psychologie, en passant par les concepts et les expériences esthétiques. Le temps biblique linéaire serait l’axe central d’une culture qui aurait privilégié l’écoute, le temps circulaire grec serait intégré dans une culture dominée par l’espace et dans laquelle la vue aurait été privilégiée. Voir pour une synthèse de ces perspectives J. MUILENBURG, « The Biblical View of Time ». Voir aussi M. ELIADE, Lemythe del’éternelretour, 152-166 et 236-240. Pour l’auteur, la conception linéaire du temps dans la Bible est liée à une appréhension de l’histoire comme théophanie. Elle émerge en Israël en s’arrachant à une conception cyclique plus originaire et qui perdure. Par ailleurs, on remarquera la contribution de G. PIDOUX, « La notion biblique du temps » qui se distingue par son appel à reconnaître des conceptions plurielles du temps dans l’Ancien Testament. 4 En théologie biblique, l’œuvre la plus emblématique est celle de Gerhard VON RAD, Théologiedel’AncienTestament,t.2 :Théologiedestraditionsprophétiques d’Israël, Genève, Labor et Fides, 1965 (1960). Voir aussi J. MARSH, TheFullnessof Time. En théologie dogmatique, la distinction des deux temporalités est au centre de O. CULLMANN, Christetletemps. 5 Voir en particulier A. MOMIGLIANO, « Time in Ancient Historiography », 1-23 qui, dénonçant raccourcis et précompréhensions, introduit à une comparaison plus nuancée des pratiques historiographiques hébraïques et grecques et de leur rapport au temps. Voir aussi, pour une réévaluation du dossier sémantique et de ses implications théologiques James BARR, BiblicalWordsforTime, London, SCM Press LTD, 1961, et « Story and History in Biblical Theology », dans : TheScopeandAuthorityofthe Bible(EIT, 7), London, SCM Press, 2002 (1980), 1-17 ; Gershom BRIN, TheConcept ofTimeintheBibleandtheDeadSeaScrolls, Leiden, Brill, 2001. 6 Si l’œuvre de Ricœur est déterminante sur ce point, en particulier sa trilogie Temps etrécit, 3vol, Paris, Seuil, 1983-1985, elle s’inscrit dans un contexte de réflexion sur

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article intitulé Tempsbiblique7, qui porte spécifiquement sur l’Ancien Testament, Ricœur conteste que l’on puisse parler, pour le monde biblique et pour le monde grec, d’une conception du temps unifiée8. Il insiste sur le fait que chacune des deux sphères culturelles, l’hébraïque et la grecque, recèle une diversité de discours et de pratiques qui engagent une pluralité des modes d’articulation, de pensée et finalement d’expérience du temps. Une chose est, par exemple, dans le monde grec, la réponse que le philosophe donne à la question « qu’estce que le temps ? », une autre la conception qui sous-tend des pratiques de divination. Et pour ce qui est du « sens » du temps, certains écrits de sagesse bibliques témoignent d’une appréhension cyclique alors que les pratiques d’historiens comme Hérodote reposent sur une conception linéaire. Il est donc impossible de déterminer « un » temps, qu’il soit grec ou biblique. Ceci acquis, le plus décisif de la contribution de Ricœur est la voie qu’il ouvre pour aborder la façon dont le corpus biblique appréhende le temps et en déploie des conceptions diverses. Sa démarche est guidée par une série de principes méthodologiques dont il formule ainsi le premier : « 1) Renonçant à tirer de la Bible un conceptde temps susceptible d’entrer en compétition avec celui des philosophes, on s’emploiera à dégager la temporalité impliquée, et en quelque sorte opérée ou produite par la Bible en tant qu’Écriture »9.

La direction ainsi tracée invite donc à revenir à « l’Écriture » prise au sérieux comme É/écriture car si elle « implique » du temps, elle l’implique en l’« opérant ». Avec le verbe « opérer », Ricœur utilise un terme latin qui correspond au champ sémantique de ποιέω en grec. Voilà repris dans le champ biblique l’acquis théorique de Tempset récit : le temps, comme temps de l’expérience humaine, est le fruit d’une poétique, il procède d’une construction discursive et ne peut être ni vécu, ni pensé hors de cette médiation10. Le genre narratif est la l’historiographie marqué notamment par Michel DE CERTEAU, L’écrituredel’histoire (Folio Histoire, 115), Paris, Gallimard, 1975 et Paul VEYNE, Commentonécritl’histoire (Points Histoire, 226), Paris, Seuil, 1978. 7 Paul RICŒUR, « Temps Biblique », AF 53 (1985) 23-35, récemment réédité dans la revue Esprit 391 (2013) 110-125 sous le titre : « Les temps du Dieu biblique ». 8 Voir P. RICŒUR, « Temps Biblique », 23-27 que je reprends ici en substance. 9 P. RICŒUR, « Temps Biblique », 26. 10 Voir dans cette perspective François HARTOG, « La temporalisation du temps : une longue marche », dans : Jacques ANDRÉ, Sylvie DREYFUS-ASSÉO, et François HARTOG (éd.), Lesrécitsdutemps, Paris, PUF, 2010, 9-29, 15. Commentant Ricœur,

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forme première, la plus fondamentale, de cette poétique du temps11. Mais, fait valoir Ricœur, il n’est pas la seule. Le corpus biblique, en effet, présente une pluralité de genres littéraires organisés par des traits formels distinctifs. C’est ce que les deux règles suivantes invitent à prendre en compte : « 2) Pour cette investigation, on prendra pour guide les genres littéraires, et derrière les genres littéraires, les actesdediscours caractéristiques de la Bible : narrations, législations, prophéties, littérature sapientiale, hymnes (ou psaumes) et l’on tentera d’établir une corrélation entre la structure des actes de discours et celle de la temporalité impliquée ou opérée par le genre littéraire correspondant aux actes de discours respectifs. 3) Au-delà de la corrélation entre la structure de tels actes de discours et celle de telle qualité temporelle, nous serons attentifs à l’entrecroisement entre les actes de discours et les qualités temporelles correspondantes. Plus précisément, nous mettrons l’accent sur l’entrecroisement entre textes narratifs et textes non narratifs »12.

Ainsi, chaque genre littéraire, postule Ricœur, a, par sa forme propre, une manière spécifique « d’opérer » une temporalité particulière. Le corpus présente donc destemporalités qui procèdent des constructions générées par la structure même des actes de discours. Ainsi peut-on déceler un temps du récit, un temps de la loi, de l’oracle ou du poème. On ne saurait donc parler de « temps biblique » sans prendre en compte la pluralité des poétiques bibliques du temps et des perceptions diverses qu’elles rendent possibles. Mais le corpus biblique, s’il distingue, fait aussi jouer les différences en les conjuguant. Et c’est à esquisser les effets de l’association de ces temporalités à celle, première, du récit que Ricœur consacre la fin de son article. Les propositions que Ricœur développe dans ces pages séminales appellent à une enquête systématique qui déborde le cadre de la présente étude. Je voudrais cependant m’attacher à un aspect particulier du rapport entre la structure des actes de discours et la temporalité qu’ils opèrent, à savoir la façon dont sont articulées, dans le récit, l’oracle et le poème, les trois dimensions du temps que sont le passé, le présent et le futur. Ces dimensions, en effet, sont des catégories universelles de l’expérience humaine. Mais elles peuvent être articulées de l’auteur peut affirmer : « Il n’y a, pour finir, de temps pensé que raconté. Mais dès lors qu’il n’y a plus de narration du temps, il n’y a plus non plus de temps pensé ». 11 Il n’est pas possible ici de revenir sur les raisons de l’affinité particulière entre temps et récit. Celle-ci a fait l’objet de toute l’enquête de Ricœur dans les trois volumes de TempsetRécit auxquels je ne peux que renvoyer. 12 P. RICŒUR, « Temps Biblique », 26.

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façon variable. Ces variations sont d’abord sensibles au niveau de l’expérience elle-même. F. Hartog a montré comment des modes d’articulation différents caractérisent autant de vécus du temps particuliers et irréductibles les uns aux autres. Il appelle « régimes d’historicité » ces expériences partagées par des groupes ou des sociétés à un moment de leur histoire13. Or, remarque Hartog, ces « régimes d’historicité », sous-jacents à la production du discours historique, en déterminent la possibilité. Ainsi affirme-t-il : « Avec le régime d’historicité on touche (…) à l’une des conditions de possibilité de la production d’histoires : selon les rapports respectifs du présent, du passé et du futur, certains types d’histoire sont possibles et d’autres non »14.

Ce sont donc aussi des mises en discours différentes que produisent ces articulations différentes. C’est pourquoi, ce que Hartog dit des régimes d’historicité me paraît pouvoir servir d’instrument heuristique pour étudier, mutatis mutandis, la temporalité des genres littéraires dans lesquels les histoires prennent forme. Si ces genres se distinguent, parmi d’autres caractéristiques, par la façon particulière dont ils mettent en rapport les dimensions du temps, on peut supposer que chaque genre présente des possibles propres en matière de production de l’histoire. Ainsi, chacun pourrait-il générer un type d’histoire particulier, irréductible à celui des autres. L’hypothèse d’un possible spécifique à chaque genre est d’un intérêt particulier pour l’historiographie biblique. Celle-ci relève en premier lieu du genre du récit, mais elle présente la particularité d’associer régulièrement d’autres genres littéraires à la narration. Ainsi, par exemple, dans les livres de Samuel, des oracles scandent régulièrement le récit15 et quatre poèmes (1 S 2,1-10 ; 2 S 1,17-27 ; 22 ; 23,1-7) sont manifestement situés aux points d’articulation de l’œuvre16. Le 13 Voir en particulier François HARTOG, Régimes d’historicité, présentisme et expériencesdutemps (La librairie du XXIè siècle), Paris, Seuil, 2003. 14 F. HARTOG, Régimesd’historicité, 28. 15 À côté des trois les plus développés (1 S 2,27-36 ; 2 S 7,5-16 et 2 S 12,7-12), on relève de nombreuses déclarations oraculaires de Samuel, parmi lesquelles, par exemple, 1 S 10,17-19 ; 13,13-14 ; 15,1-3.10.16-19.22-23.26.28. 16 Les poèmes sont disposés aux extrémités des deux livres. Le chant d’Anne conclut le récit d’ouverture, au début de 1 S. La lamentation de David sur Saül et Jonathan marque le passage de la royauté de Saül à celle de David, à la jointure des deux livres (2 S 1,17-27), et les deux derniers poèmes de David (2 S 22 ; 23,1-7) sont situés à la fin de 2 S. Le fait que les poèmes achèvent d’amples cycles narratifs est une constante dans la narration biblique. Sur ce point, voir James W. WATTS, Psalm

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phénomène n’est pas propre à ces livres, mais son ampleur et son caractère très composé en font un corpus particulièrement intéressant en matière de distinction et d’association des genres littéraires dans l’historiographie. C’est pourquoi 1–2 S serviront d’exemple dans ces pages. Ils invitent à s’interroger sur la portée du phénomène dans la configuration de la temporalité de l’histoire. Le récit qui est le genre premier de l’historiographie, serait-il insuffisant aux yeux des historiographes pour rendre compte, à lui seul, de l’histoire et de ce qui s’y joue ? Qu’apporte à la temporalité de l’histoire telle que la génère le récit, la conjugaison d’autres types d’articulation temporelle ? Étudier l’articulation du temps dans le récit, l’oracle et le poème et cerner l’apport de chacun conduit à examiner la structure temporelle du discours direct et la façon dont celui-ci est en interaction avec celui du narrateur. C’est en effet dans le discours des protagonistes, et en lui seul, que se trouvent associées les différentes dimensions du temps. Le discours du narrateur, qui relate des événements antérieurs à son récit, est au passé. Mais lorsque la voix narrative s’efface pour laisser entendre, depuis le feu de l’action, les protagonistes des événements relatés, leur discours sollicite toutes les dimensions du temps. C’est d’abord le cas dans le discours direct que j’appellerai « usuel » – celui des personnages dans le récit en prose – mais également dans les oracles et les poèmes. Il est notable en effet que ces deux genres ne se rencontrent jamais dans le discours du narrateur, mais ils sont toujours donnés à entendre « en direct », par la voix de prophètes et de poètes. C’est donc exclusivement sur les lèvres des protagonistes des événements que se modulent les variations de genre. Or, comme l’a remarqué R. Alter, le discours direct – qui a généralement la forme du dialogue – est déterminant dans la conduite de l’ensemble du récit, tellement que « la narration dans un épisode biblique est fondamentalement ordonnée aux dialogues »17. Si le discours du narrateur est ordonné au discours direct, s’il le réfléchit « comme un miroir »18, on peut supposer que l’articulation temporelle du discours direct n’est pas sans incidence sur l’organisation de celui du narrateur. Aussi, l’impact de la temporalité du discours direct sur la construction de la séquence narrative est-il un paramètre à andStory.InsetHymnsinHebrewNarrative (JSOTS, 139), Sheffield, Sheffield Academic Press, 1992, 186-189. 17 Robert ALTER, L’art du récit biblique (Le livre et le rouleau, 4), Bruxelles, Lessius, 1999 (original anglais 1981), 95. 18 R. ALTER, L’artdurécitbiblique, 93-94.

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prendre en compte pour mesurer les effets de l’insertion d’autres types de temporalité dans la temporalité narrative. L’étude du rapport entre la temporalité des discours directs et celle de la séquence narrative s’effectuera donc en trois étapes, chacune consacrée à un des genres littéraires conjugués en 1–2 S, à savoir le discours direct « usuel », l’oracle et enfin le poème. Pour chaque genre, il s’agira d’abord de dégager la forme d’articulation temporelle qui lui est propre, c’est-à-dire la façon dont le passé, le présent et le futur sont mis en relation dans le discours. Ces dimensions du temps ne seront pas appréhendées à partir des temps verbaux, mais à partir de la position de la référence du discours par rapport au moment de l’énonciation. Ainsi, sera considéré comme passé tout ce que le locuteur présente comme antérieur au moment de l’énonciation, comme présent ce à quoi il se réfère comme étant contemporain de ce moment, et comme futur tout ce qu’il envisage pour l’avenir quelle qu’en soit la forme : ordre, souhait, projet, crainte, promesse etc. et quel qu’en doive être ensuite le degré d’effectivité. Une attention particulière sera accordée à l’échelle temporelle selon laquelle chaque genre déploie sa temporalité : envisage-t-il le passé ou le futur proche ou lointain, par exemple ? Puis, j’esquisserai pour terminer quelques perspectives sur la contribution de chacun de ces modes d’articulation à la production de ce que le récit présente comme l’unique temporalité de l’histoire. 2. LE DISCOURS DIRECT USUEL : L’HISTOIRE AU

COUP PAR COUP

Le récit de l’onction de David (1 S 16,1-13) est très représentatif dans la façon dont est construite la temporalité du discours direct et dont celle-ci est en interaction avec le discours du narrateur. Cet épisode nous servira donc d’exemple. La traduction proposée est disposée de telle sorte qu’elle fasse apparaître les différents types de relations entre le discours direct et celui du narrateur et notamment l’importance des v. 1b-3 dans la construction d’ensemble. Ces versets sont disposés à gauche, en regard des v. 4-13. Le discours direct est en caractères italiques. Il est le point de départ de flèches qui mettent en évidence les liens du discours direct avec l’ensemble du récit ; tournées vers ce qui précède, ces flèches indiquent que le personnage reprend un élément introduit précédemment dans la narration ; orientées vers ce qui suit, elles montrent ce qui, dans le discours du personnage, fera ensuite l’objet d’une reprise par le narrateur ou, plus rarement, par un

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personnage. Ces reprises sont indiquées en caractères gras lorsqu’une des occurrences se trouve dans les v. 1-3, en caractères soulignés lorsqu’elles concernent d’autres éléments du récit. 1 S 15,26 Samuel dit à Saül « (…) tuasrejeté[‫]מאסתה‬laparoledeYhwh, aussiYhwht’a-t-il rejeté[‫]וימאסך‬d’êtreroisurIsraël[‫]מהיות מלך על־ישׂראל‬. »(…) 35 Et Samuel ne revit plus Saül jusqu’au jour de sa mort car Samuel se lamentait [‫ ]התאבל‬sur Saül et Yhwh s’était repenti d’avoir fait régner Saül sur Israël [‫]המליך )…( על־ישׂראל‬. 16,1a Yhwh dit à Samuel : « Jusques à quand toi te lamentes-tu [‫ ]מתאבל‬pour Saülalorsquemoije l’ai rejeté[‫]מאסתיו‬derégner surIsraël[‫?]ממלך על־ישׂראל‬ bα RemplistaCORNE D’HUILE[‫ ]קרנך שׁמן‬4 Et Samuel fit ce que Yhwh avait dit. Et il arriva à Bethléhem etva[‫]ולך‬,jet’envoiechezJesséle Bethléhémite  βcarj’aivu[‫]ראיתי‬parmisesfilsunroi pourmoi ». 2 Samuel dit :« Commentirai-je[‫? ]אלך‬ Saüll’apprendraetilmetuera ». Yhwh dit : « Tu prendras avec toi une génisse ➀ et tu diras ‘je suis venu pour sacrifier à ➀ et les anciens de la ville vinrent en tremblant à sa rencontre et ils dirent : Yhwh’ [‫]ואמרת לזבח ליהוה באתי‬. « Tavisiteest-ellepaix ? » 5 Et il dit : « Paix.Je suis venu pour sacrifier à Yhwh [‫ויאמר )…( לזבח ליהוה‬ ‫]באתי‬. Sanctifiez-vous[‫]התקדשׁו‬etvousviendrez avecmoiausacrifice ». ➁ 3 Et tu inviteras Jessé au sacrifice [‫]וקראת לישׁי בזבח‬

➁ Il sanctifia [‫ ]יקדשׁ‬Jessé et ses fils et il les invita pour le sacrifice [‫]ויקרא להם לזבח‬.

➂ Etmoi,jeteferaisavoircequetuferas ➂ 6 Et il arriva, lorsqu’ils arrivèrent, qu’il vit [‫ ]וירא‬Eliav et il dit : « c’estsûr, devantYhwh[c’est]sonoint[‫» ]משׁיחו‬. 7 Mais Yhwh dit à Samuel : « Ne considèrepassonapparence[‫]מראהו‬ nisahautetaillecarjel’airejeté ; carilnes’agitpasdecequel’homme voit [‫]יראה‬.Carl’hommevoit[‫]יראה‬ selonlesyeuxmaisYhwhvoit[‫]יראה‬ selonlecœur ».

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8 Et Jessé appela Abinadav et il le fit passer devant Samuel et [celui-ci] dit : « celui-lànonplus,Yhwhnel’apas choisi ». 9 Et Jessé fit passer Shamma et [Samuel] dit : « celui-lànonplus,Yhwh nel’apaschoisi ».10 Et Jessé fit passer ses sept fils devant Samuel et Samuel dit à Jessé : « Yhwhn’achoisiaucun d’eux ». 11 Et Samuel dit à Jessé : « lesjeunes genssont-ilsaucomplet ? » Et il dit : « il resteencorelepluspetit ;voilàqu’ilest entraindepaîtreletroupeau ». Et Samuel dit à Jessé : « envoie-le[‫ ]שׁלחה‬ prendrenousneferonspas cercleavant qu’ilnesoitarrivéici ». ➃ et tu oindras pour moi celui que je te dirai[‫» ]ומשׁחת לי את אשׁר־אמר אליך‬.

➃ 12 Et il envoya [‫ ]וישׁלח‬et il le fit venir et lui était rouquin, avec de beaux yeux et une belle apparence [‫]ראי‬. Et Yhwh dit [‫ « ]ויאמר‬lève-toietoins-le [‫ ]משׁחהו‬car c’est lui ». 13 Et Samuel prit LA CORNE D’HUILE [‫קרן‬ ‫ ]השׁמן‬et il l’oignit [‫ ]וימשׁח‬au milieu de ses frères, et l’esprit de Yhwh fondit sur David depuis ce jour-là et dans la suite. Et Samuel se leva et il alla à Rama.

Cet épisode est d’abord remarquable par la proportion de discours direct qu’il présente : plus de la moitié des propositions en relèvent19. Mais il l’est aussi par le rapport étroit qu’entretiennent le discours direct et celui du narrateur ; les termes et expressions communs en sont, à la surface du texte, le signe le plus immédiatement perceptible. Ces deux types de discours sont comme engrenés l’un à l’autre. Les flèches font apparaître que 16,1a est l’unique cas où le discours direct reprend un élément qui précède dans la narration. Partout ailleurs, c’est le discours direct qui introduit dans le récit ce qui sera repris ensuite par le narrateur ou plus rarement par un autre personnage. Les flèches mettent en évidence que le mouvement va massivement d’une énonciation au futur par le personnage à une reprise par le narrateur, ce qui corrobore 19

40 des 75 formes verbales de l’épisode sont dans des propositions au discours direct, soit 53%.

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les remarques de R. Alter sur le primat du discours direct. Autrement dit, ce que projettent les protagonistes est le moteur de la narration. Ce dispositif présente trois traits caractéristiques. En premier lieu, le discours direct au futur est le principe organisateur de la séquence narrative. Celle-ci rapporte si et comment se réalise ce que les personnages ont projeté. Le jeu entre une projection des personnages et le récit de sa réalisation détermine d’abord la progression du récit à l’échelle de l’ensemble de l’épisode20. Le dialogue initial entre Yhwh et Samuel est décisif à cet égard (v. 1-3). Un premier envoi en mission (v. 1b) suscite des craintes chez Samuel (v. 2a). En réponse, Yhwh précise les modalités de la mission en un scénario de cinq étapes (v. 2b-4). La mise en œuvre de la première – prendre une génisse – n’est pas explicitement rapportée, si ce n’est par le sommaire « Samuel fit ce que Yhwh avait dit » dont on peut supposer qu’il couvre les préparatifs que le prophète doit faire avant de partir à Bethlehem21. En revanche, les quatre autres prescriptions déterminent toute la suite de l’épisode auquel elles confèrent sa structure narrative. Celui-ci est composé de trois scènes (➀, ➂ et ➃) et d’un sommaire (➁) qui sont consacrés à l’exécution d’une des consignes divines22. Celles-ci forment donc la charpente de l’épisode comme le souligne la reprise littérale de l’ordre divin au fur et à mesure de son exécution. Elles sont le principe dynamique de l’ensemble de la narration et elles confèrent ses scansions à l’épisode. Le caractère moteur des projections des personnages ne se déploie pas seulement à l’échelle, longue, de l’épisode ; il est également à l’œuvre au niveau local de la phrase. À trois reprises, en effet, des impératifs (v. 5, 11 et 12) suscitent une avancée décisive de l’action. Cette avancée a la forme d’une reprise littérale de l’ordre donné qui en marque l’exécution. Ainsi, par exemple, Samuel ordonne-t-il à Jessé « envoieleprendre » (v. 11b) et la narration poursuit : « etilenvoya »(v. 12a). 20 La capacité à projeter un scénario d’ensemble en début d’épisode n’est pas le propre du personnage divin. Voir par exemple 1 S 19,2-3 ; 20,5-8. 21 À la différence de Jean Louis SKA, « Quelques exemples de sommaires proleptiques dans les récits bibliques », dans : John A. EMERTON (éd.), CongressVolume: Paris1992, Leiden, Brill, 1995, 315-326, 317, il ne me semble pas indispensable ici de considérer qu’il s’agisse d’un sommaire proleptique qui se rapporterait à l’ensemble des ordres donnés à Samuel. On peut en effet considérer qu’il signale seulement l’accomplissement des ordres de remplir la corne et de prendre une génisse, c’est-à-dire ceux qui sont préparatoires à la démarche de Samuel chez Jessé et qui, secondaires, ne font pas l’objet d’une relation en mode scénique. 22 On remarquera le caractère indéterminé de l’indication ➂.

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Cet ordre de Samuel est le ressort qui permet, au moment opportun, de sortir d’une situation bloquée et d’aller vers l’achèvement de sa mission. À chaque fois, ces impératifs permettent le passage d’une étape du scénario d’ensemble à une autre. Ils sont donc subordonnés à sa progression tout en relevant de l’autonomie des personnages. Les deux ordres que donne Samuel (v. 5 et 11) sont en effet des initiatives du prophète. Elles sont suscitées par les circonstances particulières de son arrivée à Bethléem, et par les conséquences de sa précipitation à faire venir les fils de Jessé. Elles introduisent dans l’exécution du scénario divin une complexité qui procède de l’épaisseur subjective des personnages – crainte des anciens, interprétations intempestives de Samuel. Même si elles le compliquent, elles restent cependant relatives à l’exécution du projet général dont elles favorisent la progression. Les formes de la corrélation entre les deux niveaux permettent donc d’appréhender avec finesse la façon dont le projet d’ensemble s’inscrit dans un tissu circonstanciel formé des initiatives, parfois intempestives, des protagonistes et de leurs interactions. Le second trait caractéristique concerne l’usage des références que les personnages font aux événements passés ou contemporains de leur discours. Notons que ces références apparaissent de façon très circonscrite dans le récit. On les relève dans la première intervention de Yhwh (v. 1) et dans la scène de reconnaissance (v. 6-11a). Une référence au passé se trouve également au v. 5. Il apparaît d’abord que le passé et le présent sont beaucoup moins sollicités que le futur, mais qu’ils le sont souvent conjointement, dans les mêmes énoncés. Plus encore, ces deux dimensions du temps répondent aux mêmes fonctions. Dans la première intervention divine, les références au passé et au présent appartiennent à l’exposition de l’épisode. Yhwh met en question la situation présente (v. 1a), à savoir la lamentation de Samuel suscitée par la répudiation de Saül qui, elle, appartient au passé. Le rappel par Yhwh de l’éviction de Saül et du drame qu’elle représente pour Samuel inscrivent donc l’épisode qui s’ouvre dans la suite immédiate du précédent. Et le lien est, ici encore, souligné par des expressions communes. Le discours de Yhwh reprend aux versets précédents les verbes « rejeter [‫( » ]מאס‬15,26) et « se lamenter [‫( » ]אבל‬15,35). Ces références au passé et au présent sont immédiatement suivies de l’envoi en mission de Samuel (v. 1b) ; elles lui servent de levier en lui fournissant un point d’appui et une justification. Elles sont donc relatives au discours projectif au futur. Le même phénomène se reproduit au v. 5 où Samuel justifie son arrivée par son projet d’offrir un

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sacrifice. Dans tous ces cas, les références au passé et au présent posent le contexte dans lequel un nouveau projet s’énonce et elles lui servent de point d’appui23. Tout autre est la fonction des références au passé et au présent dans la scène centrale (v. 6-11). À la différence des précédentes, elles ne sont pas associées à un discours au futur. Elles ne sont donc pas subordonnées à une énonciation projective mais elles sont gouvernées par la quête d’une élucidation. La scène centrale, en effet, est entièrement suspendue au choix passé de Yhwh, choix auquel il fait allusion au début de l’épisode. Le « j’aivu[‫ » ]ראיתי‬divin (v. 1), qui introduit le mot clé de la scène24, en détermine aussi l’enjeu : il s’agit pour Samuel de voir comme Yhwh a vu, sa mission est de l’ordre de la reconnaissance25. Certes, celle-ci appartient au projet de Yhwh et, dans ce sens, elle s’inscrit dans le mouvement du récit qui va vers l’accomplissement du scénario déployé au début. Mais Samuel y participe ici selon une modalité particulière, non plus en se projetant dans le futur comme il le fait dans ses autres interventions, mais en examinant la situation présente à la lumière de ce qu’il sait du passé et à la recherche de l’élément qui lui manque : l’identité de l’élu. C’est cette configuration particulière qui explique le caractère exclusif du présent et du passé dans le discours direct. On remarque également l’absence de flèche dans cette partie du récit : les personnages ne reprennent rien de ce qui a été rapporté précédemment et ne formulent pas de projection. Ces deux traits sont caractéristiques d’une modalité particulière de l’engagement des protagonistes dans les événements, non plus le projet, mais l’analyse et le discernement. Enfin, troisième trait caractéristique, l’amplitude temporelle du discours direct usuel s’inscrit dans une échelle relativement brève, à court ou à moyen terme, une échelle qui coïncide exactement avec les limites de l’épisode. Elle est très strictement respectée pour le discours qui porte sur le futur. Les personnages n’évoquent pas un avenir lointain26. Celui qu’ils projettent ne va pas au-delà de ce qui sera rapporté dans l’épisode, et inversement celui-ci s’achève lorsque tout ce qui a été projeté a trouvé une forme d’accomplissement. Une fois encore, la 23

Voir aussi par exemple 1 S 8,5 ; 16,14-15 ; 19,2-3 ; 2 S 12,27-28 ; 15,13-14. On relève six occurrences de la racine dans l’épisode : 1 S 16,1.6.7[×3].12. 25 Voir R. ALTER, L’artdurécitbiblique, 202-203. 26 L’affirmation de Yhwh « j’aivuunroipourmoi » est une sorte d’exception. C’est en effet un futur qu’elle ouvre même si, comme telle, elle se réfère à un acte passé. 24

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récurrence d’une expression met le phénomène en lumière : « corne d’huile [‫» ]קרן השׁמן‬, qui apparaît dans le premier ordre divin (v. 1) et le dernier acte de Samuel (v. 13), forme une inclusion qui marque les bornes de l’épisode, mais aussi la limite de la portée du discours initial. Tout ce qui a été prescrit à Samuel ayant été accompli, ces ordres n’ont plus d’efficacité, ils ne suscitent plus rien. C’est donc un avenir proche que les personnages envisagent et Yhwh, lorsqu’il s’exprime comme les autres protagonistes au discours usuel, ne fait pas exception, la portée de ce qu’il projette n’excède pas cette limite27. De la même façon, les personnages n’évoquent pas un passé reculé. Si les événements auxquels ils font référence se situent en amont du cadre strict de l’épisode, ils se tiennent cependant à sa bordure et concernent directement son enjeu. Le rappel du rejet de Saül (v. 1) renvoie à ce qui précède immédiatement (15,26) ; quant au choix de David par Yhwh, la logique du récit veut qu’il ne soit pas ancien puisqu’il suit le rejet de Saül. Mais quel que soit le moment précis où il a été posé – moment qui échappe au récit – il n’a de fonction qu’à l’intérieur de cet épisode : il en fonde l’enjeu et une fois élucidé, il cesse d’être un événement significatif dans le récit. En ce sens, s’il s’agit d’un événement passé il est cependant interne à l’épisode. L’extension de celui-ci coïncide donc avec l’échelle temporelle du discours direct. Les trois caractéristiques temporelles du discours direct que l’on vient de relever en 1 S 16,1-13 ne sont pas propres à cet épisode. Bien au contraire, elles présentent une remarquable stabilité dans l’ensemble de 1–2 S au point que les exceptions sont rares. Loin d’être anodines, ces caractéristiques déterminent directement la forme du récit, et par conséquent, le type d’histoire que le genre narratif rend possible. La prépondérance du discours direct projectif est la pièce maîtresse de l’organisation de la temporalité d’un récit dont le ressort premier est un mouvement d’accomplissement. Le discours direct au passé/présent lui est toujours subordonné, qu’il lui serve de simple point d’appui ou qu’il marque un moment de retour réflexif sur ce qui se produit. Le narrateur rapporte donc d’abord comment se réalise ce que les personnages projettent. Ce trait de la poétique narrative de 1–2 S génère une certaine compréhension de la causalité historique. C’est en effet un objectif majeur de tout récit à prétention historiographique que de 27

Voir par exemple 1 S 8,22 ; 9,15-16 ; 23,2-4.10-12 ; 30,8 ; 2 S 2,1 ; 5,19.2324 ; 24,1.

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dégager pour son lecteur le principe d’intelligibilité des événements qu’il rapporte. En 1–2 S, la forme de la narration, et au premier chef sa poétique du temps, situe cette causalité en amont du surgissement des événements, dans la capacité qu’ont les personnages à se projeter ; ainsi l’histoire est-elle le fruit de leur volonté, de leur désir, de leur imagination. En faisant précéder les événements significatifs des propos qui les suscitent et en soulignant fréquemment par des reprises littérales la continuité entre ce qui est énoncé et ce qui se produit, le narrateur désigne cette capacité comme la source des événements. C’est elle qui produit ce qui compte dans l’histoire. La faculté à se projeter vers l’avenir à partir d’une situation donnée pour y agir, tel est donc le point d’ancrage de la causalité de l’histoire en 1–2 S, tel est ce qui la meut et qui en détermine le cours. Mais la capacité projective des protagonistes se révèle être une capacité dont l’ampleur temporelle est limitée. L’étude de sa portée dans le récit a fait apparaître que les ordres ou projets des personnages s’inscrivent strictement dans l’échelle temporelle de la scène ou, pour les plus amples, de l’épisode où ils sont énoncés28. Les projets qui relèvent du discours usuel ne sont que des projets à court terme, ceux de personnages qui, plongés dans la complexité des événements, semblent ne pas être en capacité d’avoir une vision longue et de se déterminer sur elle. Cette faible portée construit une histoire qui progresse au coup par coup, d’étape en étape, la précédente formant le point de départ de la suivante sans qu’une perspective plus ample semble les orienter. Ainsi, les épisodes successifs du récit dessinent le cours d’une histoire dont la ligne est progressivement composée de segments successifs. 28 On relève quelques exceptions qui correspondent à des actes de discours ou à des situations très spécifiques : – en ce qui concerne le discours direct au futur, les énoncés qui projettent une temporalité longue sont des promesses à la nature desquelles il appartient d’engager un avenir. Voir sur ce point John R. SEARLE, Speech Acts, Cambridge, Cambridge University Press, 1969, 57. Ainsi par exemple 1 S 20,42 ; 22,23 ; 23,27 ; 24,2223 ; 2 S 15,21 ; 19,39. Pour une étude de la promesse dans la Bible et de ses rapports au temps, voir Jean-Pierre SONNET, « De Dieu et de son Christ comme êtres de promesse », NRTh 136 (2014) 353-373. – les énoncés au passé concernent tous la personne de David qui apparaît comme le seul personnage autour duquel un passé notable se construise et soit objet de mémoire. On relève deux aspects particulièrement saillants : ses exploits de jeunesse contre Goliath et les Philistins qui sont rappelés à plusieurs reprises (1 S 19,5 ; 21,10.12 ; 29,5 ; 2 S 3,14 ; 5,2 ; 19,10) et plusieurs allusions soit à une promesse ancienne de Yhwh à David soit à une déclaration à son propos (1 S 25,30 ; 2 S 3,910.18 ; 5,2).

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3. L’ORACLE : LINÉARITÉ ET BASCULEMENT On l’a vu, les interventions de Yhwh au discours direct usuel présentent les mêmes caractéristiques temporelles que celles des autres personnages. Il en va tout autrement lorsque Yhwh s’adresse au roi ou au peuple par l’intermédiaire d’un prophète. Le discours présente alors des particularités temporelles très nettes. Celles-ci sont étroitement liées à la forme de l’oracle et en particulier à celle de l’oracle de jugement29. Le discours de l’homme de Dieu en 1 S 2,27-36 nous servira d’exemple privilégié30. Le schéma suivant fait apparaître les moments constitutifs de l’oracle et la dimension du temps dans laquelle chacun se déploie. Les expressions en petites majuscules marquent les bornes de la période historique embrassée par le discours. La première ligne rappelle la situation qui suscite l’oracle telle que le récit l’a rapportée précédemment. Les termes soulignés sont ceux du contexte narratif qui sont repris dans le discours du prophète. Sont indiqués en caractère gras les termes et expressions qui présentent plusieurs occurrences à l’intérieur de l’oracle. 29 Voir les travaux fondateurs de Claus WESTERMANN, BasicFormsofProphetic Speech, Cambridge-Louisville, KY, Lutterworth Press-Westminster John Knox Press, 1991 (original allemand 1967) en particulier les p. 131-132. Voir aussi la synthèse nuancée de Jacques VERMEYLEN, « Les genres littéraires prophétiques », dans : Thomas RÖMER, Jean-Daniel MACCHI, et Christophe NIHAN (éd.), Introductionàl’Ancien Testament(MoBi[G], 49), Genève, Labor et Fides, 2004, 312-317. 30 1–2 S présente trois oracles qui développent dans sa totalité la structure classique proposée par Westermann. Il s’agit de 1 S 2,27-36 ; 2 S 7,5-16 et 2 S 12,7-14. L’oracle dynastique de 2 S 7,5-16 est difficile à classer. Il ne s’agit à proprement parler ni d’un oracle de jugement ni d’un oracle de salut. Sur ce point voir Claus WESTERMANN, PropheticOraclesofSalvationintheOldTestament, Louisville, KY, Westminster John Knox Press, 1991 (original allemand 1987), 30-31. Sa forme l’apparente cependant aux oracles de jugement, notamment par la mise en cause dont David est l’objet (v. 5). Mais celle-ci introduit une promesse plus qu’une sanction. À côté de ces trois oracles très formalisés, 1–2 S présente plusieurs déclarations prophétiques que je propose d’appeler « discours oraculaires » (1 S 8,7-9.10-18 ; 10,1719 ; 13,13-14 ; 15,1-3.10.16-19.22-23.26.28). Ils présentent les caractéristiques temporelles de l’oracle tout en ne répondant que de façon partielle à l’ensemble de la structure type de l’oracle de jugement. Ces variations s’expliquent souvent par la fonction que remplissent ces déclarations oraculaires dans le contexte narratif où elles sont situées, ce contexte jouant sur la forme de l’oracle dont certaines parties peuvent être narrativisées. Enfin, trois discours relèvent formellement du discours usuel mais présentent les caractéristiques temporelles de l’oracle (1 S 3,11-14 ; 1 S 12,6-25 ; 2 S 7,18-29). Ceci est dû au fait qu’ils reprennent l’organisation temporelle d’un oracle précédemment énoncé qu’ils relaient ou auquel ils répondent. Si ce ne sont pas des oracles, ce sont cependant des discours qui relèvent de la temporalité propre à l’oracle. Pour le détail de la discussion sur l’identification et la classification des oracles en 1–2 S voir B. OIRY, Letempsquicompte.Constructionetqualificationdutempsde l’histoiredanslerécitde1–2Samuel, 331-338.

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CONTEXTE NARRATIF : événement qui suscite l’oracle

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1 S 2,12-17 : comportement des fils d’Éli vis-à-vis des « sacrifices [‫ » ]זבח‬et « offrandes [‫» ]מנחה‬ v. 17 : « etlepéchédesjeunesgensétait trèsgranddevantYhwhcarleshommes méprisaientl’offrandedeYhwh ».

ORACLE : Rappel historique : – passé lointain

Grief et mise en question – forme interrogative, présent – développement, rappel au passé

Annonce châtiment – futur à court/moyen terme

– futur lointain

v. 27-28 : Choix des prêtres et de la maison d’Éli DEPUIS L’ÉGYPTE v. 27 : « pourmerévéler,jemesuisrévéléà lamaisondetonpèrelorsqu’ilsétaienten Égypteetjel’aichoisipourmoicomme prêtreparmitouteslestribusd’Israël ».

v. 29-30a : « Pourquoipiétinez-vousmon sacrifice[‫ ]זבח‬etmonoffrande[‫)…(]מנחה‬et honores-tu[‫]כבד‬tesfilsplusquemoi(…) ? C’estpourquoi,oracledeYhwhDieud’Israël, j’avaisditj’avaisditàtamaisonetà lamaisondetonpère‘vous marcherez en ma présence pour toujours [‫»’]יתהלכו לפני עד־עולם‬,  v. 30b : « etmaintenant,loindemoi !ceux quim’honorent [‫]כבד‬,jeleshonore [‫]כבד‬, ceuxquimeméprisentserontmaudits ». v. 31-34 : annonce de la mort des hommes la maison d’Éli. Signe proche : mort de ses deux fils. v. 35-36 : « Jeferaileverpourmoiunprêtrefiable (…)et il marchera en présence de mon messie TOUS LES JOURS [‫» ]והתהלך לפני־משׁיחי כל־הימים‬.

Comme les autres oracles de 1–2 S, celui de l’homme de Dieu a une structure tripartite. Le schéma fait apparaître comment cette structure littéraire coïncide exactement avec une structure temporelle à trois temps : passé, présent et futur. Ainsi l’oracle progresse-t-il du passé vers le futur, par un centre au présent. La première partie consiste, en effet,

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en un ample rappel de ce que Yhwh a fait pour son peuple depuis son séjour en Égypte (1 S 2,27-28). Puis, un centre, qui s’ouvre par l’énoncé du grief sous forme interrogative (v. 29), constitue le moment charnière du discours entre l’évocation du passé et l’annonce de la sanction à venir. Cette mise en cause est au présent et se réfère à la situation qui suscite l’oracle, à savoir les agissements des fils d’Eli évoqués dans le sommaire qui précède (v. 12-17). La mise en cause du prophète (v. 29) reprend les deux termes « sacrifices [‫ » ]זבח‬et « offrandes [‫» ]מנחה‬ qui dans le récit forment une inclusion autour du sommaire (v. 13 et 17). Quant au second grief, « [pourquoi] honores-tu tes fils plus que moi envousgavantdumeilleurdetouteoffranded’Israëlmonpeuple ? » (v. 29b), il reprend dans une perspective inversée la qualification par le narrateur du comportement des prêtres à la fin du sommaire : si leur péché est grand, c’est qu’ils « méprisaientl’offrandedeYhwh » (v. 17). Ainsi, les griefs, dans leur précision, renvoient-ils très directement aux comportements rapportés précédemment dans la séquence narrative. C’est bien la situation en cours qui suscite l’oracle. Enfin, une troisième partie est consacrée à l’annonce d’une sanction. Celle-ci connaîtra deux étapes. La première, la mort des fils d’Éli et des hommes de sa maison, concerne un futur à court ou à moyen terme, quant au remplacement des élides par une autre famille de prêtres, elle est projetée pour un futur lointain et ouvrira une période à laquelle il n’est pas envisagé de terme (v. 35). Notons que le récit rapportera en son temps l’accomplissement de ces deux phases du châtiment. La mort d’Éli et de ses fils interviendra rapidement dans le récit à l’occasion de la capture de l’arche par les Philistins (1 S 4), plusieurs années cependant après l’oracle (1 S 3,19). Quant aux remplacements des élides par une autre maison, elle est explicitement rapportée comme accomplissant l’oracle au début du règne de Salomon (1 R 2,27.35). L’oracle articule donc les trois dimensions d’une période temporelle très large qui va du passé lointain au futur lointain. C’est d’abord par cette ampleur que sa temporalité se distingue de celle du discours direct usuel. Il fait exploser les limites temporelles de l’épisode dans lequel il est inséré pour embrasser toute l’histoire du peuple. Mais l’articulation temporelle de l’oracle présente une seconde particularité : elle repose sur une tension constitutive entre des événements actuels, ceux qui suscitent l’oracle, et le long cours de l’histoire dans laquelle ces événements sont inscrits comme un moment particulier. Par cette tension temporelle, l’oracle vient révéler que, dans un événement particulier, c’est l’ensemble du mouvement de l’histoire qui est engagé et qui se

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détermine. Cette dialectique est une constante des oracles de 1–2 S ; c’est l’élément le plus fondamental de leur spécificité en matière d’articulation temporelle. Trois aspects permettent de préciser le rapport étroit qui se noue dans l’oracle entre l’événement et l’histoire longue. En premier lieu, la réalité à laquelle l’acte dénoncé porte atteinte est envisagée par Yhwh dans l’ensemble de son histoire, depuis son origine jusqu’à un avenir sans limite. Ainsi, dans notre exemple, les méfaits des fils d’Éli sont-ils considérés dans le long cours de l’histoire du sacerdoce esquissée depuis l’élection de leur maison parmi toutes les tribus en Égypte (1 S 2,27-28) jusqu’aux modalités selon lesquelles une autre maison les remplacera « touslesjours » (v. 35). De la même manière, en 2 S 7,5-16, c’est d’une transformation du mode de présence de Yhwh au milieu du peuple qu’il est question avec le projet de David de lui construire une maison. L’histoire que déploie l’oracle part une nouvelle fois de la sortie d’Égypte, envisagée comme le commencement du compagnonnage de Yhwh avec son peuple, et déploie la perspective du « pour toujours » de sa fidélité envers la maison de David (v. 13-16). Mis en perspective dans le long cours de l’histoire, l’événement est également l’angle de vue à travers lequel l’histoire est elle-même mise en perspective. C’est là un second aspect, corrélatif au précédent, du rapport entre événement et histoire longue. On l’a vu, l’oracle déploie le temps comme un continuum chronologique qui passe par le point axial du grief. Or, c’est à partir de celui-ci que l’histoire est ressaisie pour être redéployée de façon stylisée. L’événement qui suscite l’oracle détermine le choix des événements antérieurs qui sont retenus comme significatifs et l’annonce des événements futurs qui en découleront. Tout n’est pas raconté du passé du peuple, tout n’est pas annoncé de son avenir mais seulement quelques événements déterminés par la nature et la gravité de l’événement axial. Ces événements correspondent aux moments initiaux et finaux de chaque phase temporelle de l’oracle. Ce procédé minimaliste permet d’esquisser le cours des différentes périodes dans toute leur extension et de les mettre en perspective pour produire une représentation linéaire de l’histoire. Ainsi, du tissu de l’histoire, chaque oracle tire-t-il, en quelque sorte, un seul fil, celui dont l’événement central est le nœud. Car si l’oracle présente l’histoire selon une perspective linéaire, celle-ci repose cependant sur un basculement, parfois même une brisure. C’est là un troisième aspect du rapport entre histoire longue et événement. La parole

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de Yhwh vient révéler combien profondément l’événement qui la suscite transforme le cours de ce qui aurait dû être, en même temps que cet événement se trouve réinscrit dans la continuité historique nouvelle qu’il contribue à déterminer. Les oracles présentent tous au moins une expression récurrente dont les différentes occurrences dessinent à la fois le mouvement de basculement qui s’effectue et la linéarité selon laquelle l’histoire est déployée. C’est le cas de l’expression « marcher en présence de…[‫ » ]הלך לפני‬dans l’oracle de l’homme de Dieu. Elle y apparaît deux fois : une première après l’énoncé des griefs (v. 30) et une seconde dans l’annonce des sanctions (v. 35). Une première fois, au cœur de l’oracle, Yhwh rappelle une promesse ancienne en faveur de la maison d’Éli : « J’avaisditàtamaisonetàlamaisonde tonpère‘ilsmarcherontenmaprésencepourtoujours’[‫יתהלכו לפני‬ ‫( » ]עד־עולם‬v. 30). En associant la maison d’Éli à celle de son lointain ancêtre, cette déclaration manifeste que la pérennité de la dynastie sacerdotale, de la première génération à la dernière, repose sur cette promesse. Plus encore, le « pour toujours » confirme l’irrévocabilité de l’engagement de Yhwh. Or, cet engagement est réaffirmé au moment même où est déclaré qu’il va prendre fin. Le « etmaintenant » qui suit claque comme le signal du basculement du destin d’Éli et de sa descendance. C’est le « maintenant » de la décision divine et de sa transmission, non pas parce que Yhwh aurait changé d’avis, mais parce que la façon dont les fils d’Éli se comportent rend impossible que Yhwh puisse continuer de tenir sa promesse. La structure de l’oracle, en son nœud central, met en valeur la façon dont leurs agissements précipitent l’anéantissement de leur maison (v. 31-34). Puis la perspective se prolonge vers un futur plus lointain. C’est dans ce contexte qu’apparaît la seconde occurrence de l’expression : « Etjeferaileverpourmoi unprêtrefiable,ilagiraselonmoncœuretmondésiretjebâtiraipour luiunemaisonfiable.Ilmarcheraenprésencedemonmessietousles jours[‫( » ]והתהלך לפני־משׁיחי כל־הימים‬v. 35). À nouveau, l’expression apparaît en contexte d’élection, et à nouveau il s’agit d’une promesse qui implique une forme d’exigence pour les prêtres. Sa reprise fait entendre comment Yhwh rend possible, à travers une rupture et par une nouvelle élection, la continuité de la médiation sacerdotale qu’il a instituée en Égypte. C’est le même projet qu’il poursuit. Comme c’était le cas pour la maison des Élides, ce prêtre et sa maison se voient engagés dans une histoire sans terme fixé : au « pour toujours » du v. 30 répond le « tous les jours » du v. 35. Parce qu’il s’agit d’un même projet, d’une promesse similaire, énoncée la première fois dans un

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rappel du passé et la seconde comme une annonce du futur, la récurrence de l’expression contribue à construire la représentation linéaire de l’histoire que produit l’oracle, mais parce qu’elle ne concerne plus la même maison, elle fait entendre comment cette linéarité passe par un basculement31. La répétition de l’expression « marcher en présence de » est donc un élément central de la structure de l’oracle. Elle contribue au premier chef à la révélation de la façon dont les actes humains affectent et transforment le cours d’une histoire que Yhwh continue cependant de conduire dans la continuité de son projet, c’est-à-dire dans une continuité transformée. « Yhwh se distingue comme le Dieu qui, àtravers le changement, se réaffirme constamment dans sa fidélité, en adaptant son dessein à la contingence humaine »32. L’étude détaillée des autres oracles montrerait que le même procédé de récurrences est à l’œuvre et qu’il remplit la même fonction. En conclusion, il apparaît que les oracles introduisent dans le récit une forme de temporalité tout à fait spécifique. Comme le discours direct usuel, ils déploient une représentation chronologique et linéaire de l’histoire, du passé vers le futur. Mais alors que le discours direct usuel met en évidence, par les projections successives et limitées des protagonistes, comment l’histoire se dessine pas à pas, événement après événement, l’oracle manifeste comment c’est le sens de la totalité de l’histoire qui est engagé dans chacun des événements. En ce sens, lorsqu’il survient dans la chaîne des événements, il en fait éclater la temporalité limitée, pour déployer, à l’occasion d’un événement ponctuel, la totalité de l’histoire. Et l’événement est l’angle de vue à partir duquel cette totalité est envisagée. Cette tension dialectique entre un événement particulier et l’histoire ressaisie de son passé ancien à son futur lointain, est l’élément le plus caractéristique de la temporalité 31 Notons que la seconde expression (v. 35) présente une variation importante : ce n’est plus en présence de Yhwh que le prêtre devra marcher, mais en présence de son messie. Cette mention intervient à un point du récit où l’institution royale n’est pas encore d’actualité, elle n’est ni instituée ni même encore envisagée. Mais c’est bien sous un roi, Salomon, que s’accomplira la dernière phase de la sanction (1 R 2,27.35), c’est donc bien en sa présence que Sadoq, le nouveau prêtre, remplira ces fonctions. Cette discrète allusion au messie construit la prescience de Yhwh. Ce qu’il annonce pour l’avenir n’est pas de l’ordre d’une orientation générale. Il s’agit bien de décisions concrètes qui prennent en charge par avance les péripéties de l’histoire. C’est à travers celles-ci et en les assumant que se dessine la linéarité du projet divin. 32 Voir Jean-Pierre SONNET, « Dieu sauve l’histoire comme en sous-main. La rhétorique des amendements divins », dans : Christian DIONNE et Yvan MATHIEU (éd.), RaconterDieu.Entrerécit,histoireetthéologie(Le livre et le rouleau, 44), Bruxelles, Lessius, 2014, 173-196, 174.

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de l’oracle. Par la façon dont il marque des phases dans le passé et le futur, l’oracle est un facteur déterminant de vectorisation et de périodisation de l’histoire ; il imprime ainsi ses scansions non plus à l’épisode, mais au long cours du temps33. Une seconde tension dialectique se joue dans l’oracle entre linéarité et basculement. Si l’oracle produit une mise en ligne du long cours de l’histoire, il le fait au moment où ce cours s’infléchit irrémédiablement, et l’événement qui le suscite est le point de ce basculement. Mais paradoxalement, cet événement est également l’occasion d’une manifestation de la cohérence de l’histoire qui ne peut être perçue dans le court terme des événements qui se succèdent. L’oracle révèle qu’à travers ces événements, Yhwh poursuit un projet et qu’il le mène à sa réalisation à travers les péripéties de l’histoire. À la différence des projections au discours direct usuel, qui connaissent un accomplissement immédiat, celui de l’oracle relève plutôt de l’avenir lointain. Parce qu’il est l’énonciation solennelle et pleine d’autorité de ce dessein à longue portée, l’oracle est un élément déterminant de la construction de la signification de l’histoire promue par le récit. 4. LE

POÈME LYRIQUE

:

LE TEMPS SUSPENDU

DE L’EXPÉRIENCE SYNTHÉTIQUE

Les énoncés qui relèvent du genre du poème sont relativement nombreux en 1–2 S34. Je m’intéresserai surtout ici aux trois poèmes lyriques35 (1 S 2,1-10 ; 2 S 1,17-27 ; 22,2-51) dont l’ampleur et le 33

Voir F. HARTOG, « La temporalisation du temps : une longue marche », 21, sur ce qu’il appelle « l’autre temps » de la prophétie et de l’apocalyptique. Ce temps est « découpé en périodes, vectorisé de telle sorte que le moment présent de crise se trouve inséré dans une suite, où il prend sens ». 34 1 S 2,1-10 ; 18,7 ; 21,12 ; 29,9 ; 2 S 1,17-27 ; 3,33-34 ; 22,2-51 ; 23,1-7. 35 La définition du lyrisme est en débat depuis l’Antiquité. Je le définirai ici a minima et dans la suite des critères donnés – en creux – par ARISTOTE, Poétique (Classiques en poche, 9), Paris, Les Belles Lettres, 2002, 1460a, l. 5-11, comme une expression subjective du poète, organisée non par une intrigue mais par une expérience, souvent de l’ordre du pâtir. Pour une histoire du genre voir Gustavo GUERRERO, PoétiqueetPoésielyrique.Essaisurlaformationd’ungenre (Poétique), Paris, Seuil, 2000 ; Antonio RODRIGUEZ, Lepactelyrique :configurationdiscursiveetinteraction affective, Sprimont, Mardaga, 2003, 17-28 ; sur les limites de la notion en contexte biblique voir Harold FISCH, PoetrywithaPurpose,BiblicalPoeticsandInterpretation, Bloomington, IN, and Indianapolis, IN, Indiana University Press, 1990, 108-114 ; pour une justification du caractère lyrique de 1 S 2,1-10 ; 2 S 1,17-27 ; 22,2-51 ; 23,1-7, voir B. OIRY, Letempsquicompte.Constructionetqualificationdutempsde l’histoiredanslerécitde1–2Samuel, 355-361.

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registre offrent une matière plus riche à l’étude de la temporalité que les énoncés brefs. Mais quelle que soit sa longueur, le poème, lorsqu’il survient dans la séquence narrative, provoque un basculement formel sensible. Rompant avec l’organisation chronologico-causale de la prose narrative, il est organisé en vers composés chacun de deux voire trois membres parallèles36. Le membre B reprend le membre A dans un mouvement d’intensification qui connaît diverses formes37. Ces membres sont comme autant de facettes qui se succèdent et se conjuguent selon une logique non pas chronologique mais associative et analogique38. Ce changement de logique modifie profondément la façon dont le temps est construit dans le discours. Il s’agit moins de rendre compte d’une séquence d’événements que d’explorer la densité d’un moment39. L’intensification qui va d’un membre à l’autre, et souvent d’une ligne à l’autre, est propice à une expression qui pénètre progressivement dans la profondeur de l’expérience du sujet lyrique. Cette expérience est toujours singulière, mais elle présente une caractéristique temporelle constante en 1–2 S, à savoir sa place dans la séquence des événements : le chant est toujours situé à la fin d’un cycle narratif, il naît au moment où s’achève une phase de la vie du poète et marque toujours le terme d’une longue expérience. Ainsi, Anne chante-t-elle (1 S 2,1-10) au moment où elle se sépare de son 36 Sur la versification biblique et particulièrement sur le parallélisme des membres, voir la définition de Benjamin HRUSHOWSKI,« Prosody, Hebrew » dans : EJ, 13, 1971, 1195-1240, 1200-1201, mais aussi Robert ALTER, L’artdelapoésiebiblique (Le livre et le rouleau, 11), Bruxelles, Lessius, 2003 (original anglais 1985) ; Adele BERLIN, TheDynamicsofBiblicalParallelism, Grand Rapids, MI-Dearborne, MI, EerdmansDove Booksellers, 2008 (original allemand 1985) ; James L. KUGEL, TheIdeaofBiblical Poetry : Parallelism and its History, New Haven, CT, Yale University Press, 1981 ; Wilfred G. E. WATSON, ClassicalHebrewPoetry:AGuidetoitsTechniques (JSOTS, 26), Sheffield, Sheffield Academic Press, 1984. 37 Pour une présentation synthétique, voir Jean-Pierre SONNET, Aleph-Betdelapoésiebiblique.PoétiquedesPsaumes, communication personnelle de l’auteur, 2009. 38 Comme l’écrit R. ALTER, L’art de la poésie biblique, 90 : « la structure des poèmes bibliques n’est pas déterminée par un courant narratif souterrain mais plutôt par une progression constante de l’image ou du thème dans une montée de la pression sémantique, en d’autres termes par un schéma d’intensification ».Voir aussi : Bernd JANOWSKI, DialoguesconflictuelsavecDieu.UneanthropologiedesPsaumes (MoBi[G], 59), Genève, Labor et Fides, 2008 (2003), 27-36 ; Geoffrey PAYEN, « Parallelism in Biblical Hebrew Verse, some Secular Thoughts », SJOT 8 (1994) 126-140, 133-139. 39 Ceci n’exclut pas que l’exploration puisse s’exprimer dans des vers qui forment une petite unité narrative. C’est le cas par exemple en 2 S 22,9-16.34-43. Mais ces ensembles de vers sont intégrés dans un poème dont l’organisation générale ne répond pas à la progression d’une intrigue. Sur la place du narratif dans le poème, voir R. ALTER, L’artdelapoésiebiblique, 45-90.

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fils désormais sevré, plusieurs années après qu’elle l’a demandé à Yhwh. La lamentation sur Saül et Jonathan (2 S 1,17-27) est suscitée par la rupture brutale des relations de David avec les deux héros morts au combat. Enfin, l’introduction narrative à l’action de grâce de David (2 S 22,1) souligne comment celle-ci naît au terme de multiples expériences de salut, alors que Yhwh a délivré son oint de tout danger. La position du poème juste avant les paroles testamentaires du roi (2 S 23,1-7) et à la fin de 2 S invite à y entendre le chant d’un homme dont le règne touche à sa fin. Ainsi, ces poèmes sont-ils l’expression de protagonistes qui vivent en toute conscience le terme d’une période significative de leur existence. Sur le plan anthropologique, la fin d’une période est une expérience particulière où le passé est appréhendé dans la perspective spécifique que la clôture imprime à ce qui a été vécu. Cette clôture constitue un point de perception unique à partir duquel le cœur de l’expérience se dégage de la multitude des souvenirs et devient particulièrement perceptible. Aussi, le poème qui jaillit de ce moment n’est pas l’effusion d’une émotion passagère. Il se présente plutôt comme « l’actualisation complexe d’un moment de perception »40, de ce moment particulier où ce qui a été essentiel se révèle comme jamais. Et la forme concise et associative de vers composés de membres parallèles est particulièrement adaptée à l’expression de cette expérience synthétique. C’est bien d’un moment que naît le poème et en ce sens il est ponctuel ; mais, comme moment qui clôt une période, il est celui où se recueille la durée passée et parfois s’entrevoit l’avenir (1 S 2,10). Ainsi, comme l’oracle, le poème vit de la tension entre un moment et une longue durée. Mais cette dernière n’est pas rendue par le discours dans sa linéarité. La forme que l’énonciation imprime au temps relève d’une tout autre logique. Elle procède en effet de ce que A. Rodriguez appelle, dans une filiation husserlienne, « une conscience intime du temps »41. Le temps du poème est donc un « temps senti » dans un « ici et maintenant » qui est inséparablement un moment de conscience de soi et de conscience du monde. Cette expérience singulière, dans notre cas le 40 R. ALTER, L’artdelapoésiebiblique, 163. Alter caractérise ainsi le Ps 8, mais l’expression me semble s’appliquer également aux poèmes situés en contexte narratif et sans doute aussi à de nombreux psaumes. 41 A. RODRIGUEZ, Lepactelyrique, 168. L’auteur reprend l’expression à Edmund HUSSERL, Leçonspourunephénoménologiedelaconscienceintimedutemps, Paris, PUF, 1964. Il s’appuie sur son analyse de la conscience comme intentionnalité, dont les modes d’expérience du temps sont la « protension » et la « rétention ».

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moment de perception que vit le personnage, est le « noyau structurant de cohérence » du discours42. C’est pourquoi la temporalité du poème ne répond pas à un schéma qui serait spécifique à son genre littéraire – comme c’est le cas pour la narration ou pour l’oracle –, pas plus qu’elle n’est produite par la succession de ce qui est évoqué dans la séquence du discours. Mais elle reçoit sa forme du mouvement propre à la conscience au moment du chant et ce mouvement procède de l’expérience passée qu’elle ressaisie de façon synthétique. C’est pourquoi, pour appréhender la temporalité de ces poèmes, il est nécessaire d’« observer les configurations d’une logique de l’expérience plutôt que ponctuellement les états, les émotions, les actions ou les pensées »43. Et c’est cette logique de l’expérience avec sa dynamique propre qui, en donnant sa forme au discours, génère aussi sa temporalité. Dans chacun des poèmes, un terme ou une expression clé, introduit dans le premier vers, exprime le cœur de l’expérience. Cet élément lexical fait donc signe vers ce qui confère son mouvement au poème. Ses occurrences sont un élément majeur de la structure du chant, comme on va le voir dans une rapide lecture du cantique d’Anne et de l’élégie de David sur Saül et Jonathan. Ces deux poèmes, qui nous serviront d’exemple, permettront de mesurer par comparaison combien la configuration du temps est propre à chacun. Le verbe ‫ « רום‬élever » (1 S 2,1.7.8.10) est le mot clé du poème d’Anne. C’est lui qu’elle utilise pour exprimer l’expérience qui suscite son chant : « ma corne est élevée [‫ ]רמה‬en Yhwh » (v. 1). Le terme ancre donc fermement le poème dans le récit de 1 S 1 qui rapporte comment Anne a été relevée de l’humiliation de la stérilité (1 S 1,7). Mais si la particularité de son expérience est le point de départ du chant, elle n’en est pas l’objet. La perception particulière du moment qu’elle vit lui donne de saisir comment ce que Yhwh a fait pour elle, il le fait pour tous, toujours. Autrement dit, son expérience l’ouvre à une intelligence théologique de l’histoire. Son chant présente une dynamique temporelle qui n’est pas celle d’une chronologie, mais qui balise les moments d’un accès de plus en plus pénétrant à un sousjacent de l’histoire qui ne se donne pas immédiatement à voir dans la succession des événements. 42

A. RODRIGUEZ, Lepactelyrique, 168. Antonio RODRIGUEZ, « L’épisode émotionnel » en poésie lyrique. Toute progressionaffectiven’estpasunenarration (2009 [consulté le 09 juin 2013]), http:// www.vox-poetica.org/t/pas/rodriguez2009.html. 43

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La première occurrence du terme (v. 1) introduit dans le poème l’axe vertical comme axe privilégié de projection, métaphorique ou non, du destin des humains. Face aux ennemis de Yhwh qui se mettent trop haut (1 S 2,4), Anne célèbre celui qui, du ciel, abaisse et élève. Ainsi la façon dont elle donne forme intérieurement à sa propre expérience – un relèvement – lui fournit la structure qui lui permet de lire ce qui se joue dans l’histoire. Cette appréhension progresse dans un mouvement que balise la répartition des formes verbales dans le poème ; elles marquent, en effet, des ensembles temporellement distincts44. Partant de son expérience (v. 1), Anne procède à un premier élargissement marqué par des formes au qatal (v. 4-5). Elle appréhende l’ensemble des trajectoires humaines à partir de types d’activité constitutifs de la société : ceux des guerriers, des agriculteurs ou des mères qui connaissent un renversement dans lequel l’humilié est relevé. Les qatalont une valeur de présent gnomique, c’est un propos d’expérience qu’Anne tient. Puis, la façon dont elle perçoit ce qui se joue dans les destinées humaines progresse encore en profondeur. Dans un ensemble caractérisé par des formes au participe dont Yhwh est sujet (v. 6-8a), Anne n’envisage plus l’action de Yhwh à partir de ce qu’on peut en percevoir dans les destins humains, mais directement en ellemême, hors de toute inscription historique particulière. Elle touche alors dans le même temps au plus universel de la condition humaine, dépendante d’un Dieu qui fait vivre et fait mourir, qui donne ou reprend les biens nécessaires à cette vie. Les formes verbales au participe expriment le caractère universel et permanent de l’action de Yhwh. Au centre du poème, ces lignes marquent le sommet de la perception théologique d’Anne, dans un moment de suspension du circonstanciel. Puis une dernière étape marque un retour vers les déterminations historiques. Ce qu’Anne a perçu de l’action de Yhwh la conduit à se tourner vers l’avenir dans un discours de type visionnaire, caractérisé par des verbes au yiqtol(v. 8b-10). Et cette vision culmine dans un souhait aussi audacieux qu’incongru : que Yhwh soutienne le roi, qu’il élève la corne de son messie, un souhait qui ne connaîtra que plus tard sa réalisation historique.

44 Il est notable en effet que les différents moments du poème soient chacun dominés par un temps verbal. Ainsi : v. 1-5, sur 13 formes, 10 sont au qatal, v. 6-8a : sur 9 formes, 8 sont au participe, v. 8b-10 : sur 12 formes, 8 sont au yiqtol auxquelles on peut ajouter les deux dernières, au jussif.

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Ainsi le poème dessine-t-il un mouvement qui va de l’expérience de relèvement d’Anne jusqu’à une expression visionnaire de l’avenir du peuple, en passant par un moment où toute détermination circonstancielle est abolie. En ce sens, le mouvement temporel semble relever d’une forme de chronologie. Ce n’est pourtant pas cet aspect du temps que la succession des phases fait ressortir. Elles permettent plutôt de décliner selon des modalités diverses et des déterminations circonstancielles plus ou moins précises, l’inscription dans l’histoire et dans les histoires humaines de l’unique action de Yhwh : abaisser et élever. Ainsi, l’intelligence théologique de l’histoire à laquelle Anne parvient est-elle complètement informée par sa propre expérience, ce qu’elle a vécu lui en fournissant la clé et le modèle. Les occurrences du verbe ‫ רום‬donnent à entendre toutes les modulations temporelles de cette expérience : si la corne d’Anne a été « élevée [‫( » ]רמה‬qatal, v. 1), c’est parce que Yhwh est « élevant [‫( » ]מרומם‬participe, v. 7), dans l’avenir « il élèvera [‫( » ]ירים‬yiqtol,v. 8). C’est pourquoi, elle le souhaite : « qu’il élève [‫( » ]וירם‬jussif, v. 10). La déclinaison des formes verbales ne dessine pas tant le cours d’une histoire que les modalités selon laquelle l’œuvre de Yhwh se rend perceptible. Le moment de perception particulière qu’Anne vit accueille en son présent toutes les dimensions du temps, le passé de la femme, l’avenir du peuple, mais aussi ce qui est toujours, pour chaque homme, au cœur de son existence. Ces dimensions du temps sont appréhendées simultanément, ou plutôt de façon synthétique, tenues ensemble par la perception de l’unique essentiel qui s’y joue toujours. La logique temporelle de l’élégie de David sur Saül et Jonathan est tout autre (2 S 1,17-27). Le poème est suscité par un événement brutal. Il se présente comme une réaction « à chaud » de David à l’annonce de la mort de Saül et de Jonathan. Là encore, la progression du discours, notamment dans son versant temporel, est directement déterminée par cette expérience. L’expression clé qui en structure les différents moments est l’exclamation « commentilssonttombés,leshéros ! » David la répète à trois reprises, dans la première ligne du chant (v. 19), au début de la dernière stance (v. 25) et dans la dernière ligne (v. 27). Associée à d’autres, cette répétition est l’élément le plus immédiatement sensible d’une composition d’ensemble complexe et soignée45. 45 Pour une étude détaillée de l’ensemble, voir en particulier Jan Petrus FOKKELMAN, NarrativeArtandPoetryintheBooksofSamuel.II.TheCrossingFates(ISam13-31 &IISam1) (SSN, 23), Assen, Van Gorcum, 1986, 647-684 et plus précisément pour la structure p. 655-659.

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L’exclamation fait entendre la stupeur de David face à la nouvelle qu’il vient d’apprendre46. Sa répétition, au long du poème, est évocatrice d’une forme de ressassement lié au choc de cette nouvelle qu’il répète et répète encore. Le ressassement balise les étapes d’une intériorisation progressive de la nouvelle par David. Ce mouvement d’intériorisation se double d’un second, temporel : la remontée progressive de la mémoire dans un passé de plus en plus lointain47. Les trois occurrences de l’exclamation dessinent deux étapes dans le double mouvement d’intériorisation/remémoration ; elles conduisent du plus extérieur vers le plus intime. La première (v. 20-24) évoque Saül et Jonathan dans leur vie publique de guerriers et d’hommes de cour. La logique est associative et à rebours de la chronologie : de l’annonce redoutée de la mort des héros (v. 20) au champ de bataille sur lequel ils sont tombés (v. 21), de leur mort par les armes à celles, nombreuses, que leurs propres épées ont infligées (v. 21-22), de leurs combats à leurs vertus sans pareilles, de l’amour que celles-ci suscitaient (v. 23) aux cadeaux royaux que Saül faisait aux femmes (v. 24). La seconde étape (v. 26), plus brève, est le point culminant de la lamentation. Entre deux occurrences de l’exclamation, David exprime le plus intime et le plus douloureux : la perte de son ami, Jonathan. Le changement de registre est sensible aux trois occurrences de la préposition ‫ « לי‬pourmoi » dans le vers. C’est bien la façon dont l’événement affecte David qui est le cœur de son propos. De plus, l’énoncé multiplie les termes de l’attachement qui est décliné dans ses formes fraternelle, affective et amoureuse. L’expression du plus intime coïncide avec la remémoration du plus reculé dans le temps : la mémoire de David remonte jusqu’aux premiers instants de sa relation avec Jonathan. La double occurrence du substantif ‫ « אהבה‬amour », avec laquelle culmine le v. 26, renvoie à 1 S 18,1.3 où ‫ « אהב‬aimer » et ‫ « אהבה‬amour » expriment l’attachement que Jonathan conçut pour David dès qu’il le vit. Ainsi, la corrélation entre l’itinéraire de la nouvelle tragique en David et le mouvement temporel qu’elle provoque à rebours de la 46 Ceci est particulièrement sensible, par exemple, dans la traduction de Michael Patrick O’CONNOR, HebrewVerseStructure, Winona Lake, IN, Eisenbrauns, 1980, 230 : « The warriors have fallen », qui ne rend pas comme telle la particule exclamative « comment [‫» ]איך‬. De la même manière, la TOB traduit : « Ils sont tombés, les héros ! » 47 Pour une analyse plus détaillée, voir B. OIRY, Letempsquicompte.Constructionetqualificationdutempsdel’histoiredanslerécitde1–2Samuel, 366-369.

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chronologie se fait par la médiation de la mémoire. Chaque souvenir évoqué est source d’une plus grande douleur et d’une nouvelle remémoration qui appelle à son tour ce qui a précédé. Si le mouvement est temporel, la logique qui le porte est, elle, associative voire cumulative. L’organisation du poème procède donc du cheminement du deuil. L’expérience qui provoque le chant constitue un moment de perception particulier dans laquelle David ressaisit toute son histoire avec les deux défunts, et en particulier avec Jonathan. C’est cette perception qui détermine la forme du discours et singulièrement sa dynamique temporelle. Il apparaît donc que la temporalité interne des poèmes est directement déterminée par ce que les personnages perçoivent du passé, et parfois de l’avenir, au moment où leur expérience s’achève. Si le parcours temporel de chacun est singulier, ils ont en commun d’être suscités par un moment de clôture dans la vie du personnage. Ce moment est le présent d’une perception qui n’est pas la perception du présent mais de toute une histoire recueillie dans une appréhension synthétique. Les événements successifs de la vie du poète sont saisis ensemble par la conscience dans un temps suspendu. Émerge alors, dans une forme d’évidence, ce qui était donné de façon stable dans les événements, mais que leur succession rendait difficilement perceptible : l’amour de Jonathan pour David, la fidélité salvifique de Yhwh. Lorsque ce donné est l’action de Yhwh (1 S 2,2-10 ; 2 S 22,2-51), l’expérience intime du sujet devient le lieu d’une révélation sur le sens même de la condition humaine dans son rapport à Yhwh. Car le « maintenant » du chant, tout en recueillant le passé et en se plaçant sur l’horizon de l’avenir, touche, par son « présent suspendu » à la permanence de l’être et de l’agir de Yhwh. Ainsi, le chant d’Anne et l’action de grâce de David sont-ils l’espace où se manifeste « l’évidence théologique de l’histoire »48. C’est au témoin-bénéficiaire de l’action divine qu’il revient de la faire émerger dans le récit par le poème.

48 J’emprunte cette expression à Jean-Pierre SONNET, « ‘C’est moi pour le Seigneur, c’est moi qui veux chanter’ (Jg 5,3). La poésie lyrique au sein du récit biblique », dans : Camille FOCANT et André WÉNIN (éd.), AnalysenarrativeetBible,deuxième colloque international du RRENAB, Louvain-la-Neuve, Avril 2004 (BETL, 191), Leuven-Paris-Dudley, MA, Peeters, 2005, 373-387, 383 et renvoie, sur ce point, aux développements des p. 383-386.

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5. « DÉGAGER LES COUCHES DU TEMPS »49 On l’a vu, les trois genres littéraires dont relève le discours direct en 1–2 S présentent chacun un mode d’articulation temporelle spécifique. Cette articulation relève de la façon dont passé, présent et futur sont sollicités et dont ils sont mis en relation, mais aussi de l’extension de la période que chacun peut embrasser. C’est de ces deux paramètres que découlent les modalités selon lesquelles chaque genre profile l’histoire. Les trois genres sont cependant associés à l’intérieur du continuum narratif, chacun apportant sa contribution à ce qui se présente comme l’unique temps de l’histoire. Je voudrais esquisser pour terminer quelques effets de cette conjugaison ; j’envisagerai particulièrement comment elle génère une qualification complexe de l’histoire. Le discours direct usuel est le plus massivement présent en 1–2 S. La façon dont il s’appuie sur le passé et projette l’avenir détermine directement la temporalité de la séquence narrative. Il est le moteur du récit qui progresse en rapportant si et comment se réalise ce que les personnages ont projeté. Le jeu de reprises étroites qui unit le discours du narrateur au discours direct met tout le récit – et l’histoire avec lui – dans une dynamique d’accomplissement ; ce jeu imprime également ses scansions au récit et ses rythmes les plus immédiatement sensibles à l’histoire. Un tel dispositif génère une histoire qui résulte de la volonté et de la liberté de ses protagonistes. Ceux-ci ne sont pas les jouets de forces ou de structures qui les dépassent, mais, pleinement engagés dans ce qu’ils vivent, ils construisent le cours de leur destin personnel et collectif au fur et à mesure des situations dans lesquelles ils se trouvent. Ils sont ainsi constitués responsables de ce qui compte dans l’histoire. Mais leur capacité de projection, limitée à l’avenir proche, marque la limite de leur pouvoir. Ils n’ont pas la main sur le long cours de l’histoire. Celui-ci relève d’Yhwh qui manifeste sa souveraineté lorsqu’il s’adresse au peuple par la médiation du prophète. Par sa temporalité qui va du passé lointain à l’avenir lointain, l’oracle révèle, à l’occasion d’un événement, qu’un dessein divin conduit l’histoire ; il en détermine le cours à long terme. Ainsi, les événements s’inscrivent dans un projet qui les dépasse et qui s’accomplit à travers 49

J’emprunte cette expression à F. HARTOG, « La temporalisation du temps : une longue marche », 28.

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les aléas des choix de leurs protagonistes. En introduisant dans le récit l’ordre des causalités divines, les oracles sont des pièces majeures de la construction de ce que Y. Amit appelle le « principe de double causalité »50. Elle désigne ainsi un type de récit dans lequel les mêmes événements relèvent de deux ordres de causalité distincts : « the reader of these stories may explain occurences by two systems of interpretation – the divine system and the human system – without one system contradicting or invalidating the other »51. Rendre possible cette double lecture, montre Amit, requiert une poétique spécifique. La représentation d’une liberté humaine consistante implique, entre autres choses, que Yhwh n’intervienne pas directement dans les événements. Les récits qui relèvent du principe de double causalité construisent donc le personnage divin en retrait de la scène du monde. La narration est presque exclusivement consacrée aux humains et à leurs actions, et elle est conduite avec un souci particulier de vraisemblance qui doit permettre au lecteur de reconnaître son monde, un monde où les causalités humaines sont les plus immédiatement perceptibles et intelligibles, un monde où elles suffisent à rendre compte de ce qui se produit52. Tout l’enjeu est alors de parvenir à introduire un principe de causalité divine qui permette également de rendre compte du déroulement des événements. L’insertion dans le récit de communications divines, oracles ou songes, est la pièce maîtresse de ce dispositif 53. L’oracle en particulier « directs the reader to check through the entire story for its fulfilment »54. Et c’est parce qu’il oriente ainsi le lecteur et le met en position de vérifier son accomplissement, qu’il se présente comme un principe de cohérence de l’histoire dans son ensemble – ou du moins dans ses longues durées. Tout ce qui se produit dans la suite contribue d’une manière ou d’un autre, remarquera le lecteur, à cet accomplissement du dessein divin solennellement proclamé dans l’oracle. Mais le cours de ces événements garde cependant la consistance de sa propre causalité. Ainsi, le remplacement 50

Yairah AMIT, « The Dual Causality Principle and Its Effects on Biblical Literature », VT 37 (1987) 385-400 ; « Dual Causality – An Additional Aspect », (éd.), InPraiseofEditingintheHebrewBible.CollectedEssaysinRetrospect(HBM, 39), Sheffield, Sheffield Phoenix Press, 2012, 105-121. 51 Y. AMIT, « The Dual Causality Principle », 391. 52 Je reprends en substance les caractéristiques constitutives que présente Y. AMIT, « The Dual Causality Principle », 390-392 et, de façon plus générale, dans l’ensemble du point 3 de son article. 53 Y. AMIT, « The Dual Causality Principle », 397. 54 Y. AMIT, « The Dual Causality Principle », 397.

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des élides par une autre famille, qui se réalise plusieurs générations après que l’oracle de l’homme de Dieu l’a annoncé (1 S 2,35), a pour cause le choix d’Abiatar de soutenir Adonias plutôt que Salomon (1 R 1,7 ; 2,25-27). Ce choix s’inscrit dans la suite d’une longue histoire de fidélité, d’intérêts et de calculs entre Abiatar, David et sa descendance. Il a sa logique propre qui ne relève pas d’un « téléguidage » divin. Ainsi, la façon dont l’oracle et le discours direct usuel forgent le temps de l’histoire construit-elle un délicat équilibre entre liberté humaine et souveraineté divine. L’histoire telle qu’elle avance procède de leurs interactions, qu’elles soient harmonieuses ou conflictuelles. Et c’est dans l’oracle qu’apparaît combien les deux ordres de causalité sont indissociablement noués. Certes, le prophète donne d’abord à entendre l’autorité et la souveraineté divines. Mais si Yhwh intervient, c’est parce qu’un acte humain l’y provoque, un acte dont l’oracle vient révéler que par sa gravité ou son audace, il conduit Yhwh à modifier son dessein. Il révèle du même coup le poids décisif des choix humains. Les protagonistes ne sont pas les jouets d’un dessein qui les conduit malgré eux. Ils ont une prise réelle sur le cours de l’histoire, mais cette prise reste limitée. Si l’événement qui suscite l’oracle provoque un réel infléchissement, il se trouve cependant repris dans le long cours du projet divin. En ce sens, les oracles demeurent la pièce maîtresse de la qualification théologique de l’histoire. Ils lui confèrent son ultime signification. Si l’oracle et le discours direct usuel allient leurs propriétés dans la production de ce qui apparaît comme le cours de l’histoire, le poème, quant à lui, ne suscite aucun événement. Il donne à entendre la voix singulière de celui qui célèbre ce qui a habité le temps long de son expérience. En ce sens, il se déploie sur la séquence narrative à la manière d’un contrechant55. N’appartenant pas aux causalités qui meuvent la narration, il n’entretient pas de rapport d’accomplissement avec le discours du narrateur. Il se distingue ainsi radicalement des deux autres genres. Il partage pourtant avec l’oracle de qualifier l’histoire et de la qualifier théologiquement. En effet, la suspension lyrique du temps fait du poème l’espace de révélation d’une autre forme de cohérence de l’histoire longue. Non plus celle d’un dessein en cours d’accomplissement, mais celle d’un « donné » stable et fondateur, qui sous-tend le flux des événements. Perçu par le poète avec une acuité 55

Sur les « ondes longues » du poème voir J.-P. SONNET, « ‘C’est moi pour le Seigneur, c’est moi qui veux chanter’ », 383-386.

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sans pareille, ce « donné » le conduit à reconfigurer autour de lui la temporalité de son expérience. Et lorsqu’il s’agit de l’action salvifique et fidèle de Yhwh, c’est ce qui se joue toujours secrètement dans les événements que le poème prétend révéler. Comme celui de l’oracle, le propos du poème qualifie l’histoire. Mais cette qualification procède d’une toute autre perspective. Si l’oracle vient du ciel, de la transcendance divine dont les décisions s’imposent à tous, le poème en revanche recueille le fruit de l’expérience d’un humain immergé dans l’histoire. C’est alors l’autorité particulière du témoin qui vient révéler à son tour ce dont le temps est porteur. Ainsi, l’histoire que rapporte 1–2 S est configurée de l’intérieur même du récit par trois voix à l’autorité distincte. La facture du récit – et particulièrement sa/ses poétique(s) du temps – enracine dans ce que disent le protagoniste ordinaire, le prophète et le poète, la source non seulement des événements de l’histoire mais aussi de la signification que l’historiographe leur confère. Ce sont eux qui articulent et déterminent l’histoire en train de se construire. L’autorité de chacun dans la qualification de l’histoire est liée à la période de temps que son discours peut articuler et aux modalités de cette articulation. Ainsi, les trois voix produisent-elles chacune un phasage spécifique du temps, porteur d’une « qualité » propre. Le court terme de l’événement scande le temps de la responsabilité des protagonistes directs de l’histoire. Le très long terme de l’oracle est le temps « intégrateur » qui manifeste l’orientation et la cohérence ultimes de la succession des événements. Quant au temps du poète, c’est un temps à hauteur d’existence qui connaît le prix des fidélités longues. Avec leurs rythmes propres, ces trois voix modulent chacune ce qui peut apparaître comme une « couche de temps »56 coextensive aux autres. Et il faut toute l’épaisseur de ces couches, tous ces « temps », pour sonder le mystère du temps qui compte, celui qui mérite d’être raconté.

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Je m’inspire ici de F. HARTOG, « La temporalisation du temps : une longue marche », 28. Bien que le propos d’Hartog porte sur la périodisation que doit effectuer l’historien moderne, il me semble cependant ne pas être sans écho avec ce que fait l’historiographe biblique, de manière très différente et selon des pratiques historiographies qui ne peuvent être comparées. L’association de genres littéraires différents, qui ont une ampleur temporelle spécifique, me semble être un de ces procédés. : « Périodiser, c’est en effet trouver les bons rythmes, à la fois les plus exacts et les plus explicatifs ; c’est aussi démultiplier les niveaux, dégager les couches du temps, se faire géologue du temps. L’historien moderne fait la part la plus exacte au temps en fonction de l’efficience qu’il lui reconnaît ».

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RÉSUMÉ L’article traite de la « formule des Annales » des livres des Rois : il en analyse la syntaxe (la question négative) à partir des différentes catégories de questions négatives dans l’AT (2), le vocabulaire et la fonction en tant qu’acte de paroles (3) ainsi que le contexte littéraire et l’arrière-plan historique (4). La conclusion est suivie d’un renvoi à la liste des Grand Prêtres d’Israël chez Flavius Josèphe (5). ABSTRACT This article deals with the “annal formula” in the books of Kings. Its syntactic form (negative question) is compared with the different categories of negative questions in the OT (2). The vocabulary and function of the formula as a speech act are analysed (3), and the literary context and historical background are defined (4). The conclusion is followed by a reference to the list of the High Priests of Israel in the work of Flavius Josephus (5).

1. EINLEITUNG Innerhalb der Interrogativsätze des Alten Testaments findet sich die Gruppe der Fragesätze, die eine Negation enthalten. Gut vierzig dieser negierten Fragesätze werden mit einem Interrogativpronomen formuliert, z. B. Jer 10,7: „Wer wird dich nicht fürchten, König der Völker?“ Die große Mehrheit der negierten Interrogationen enthält dagegen ein Heinterrogativum, das der Negation direkt voransteht, Gen 13,9 (Nominalsatz): „Ist nicht das ganze Land vor dir?“ Über zwanzig Belege (besonders in Jer) weisen dagegen Sperrstellung auf, so z. B. Jer 18,6: „Kann ich wie dieser Töpfer nicht mit euch verfahren, Haus Israel?“ In den allermeisten Fällen lautet die Negation lōʼ, in über zehn Fällen jedoch ʼēn, durch das Nomina, ein Demonstrativpronomen (Am 2,11) oder der Eigenname YHWH (Jer 8,19b) negiert werden.

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2. KLASSIFIZIERUNG Bedeutung und Sprechaktfunktion1 der negierten Fragesätze können beachtlich variieren: 2.1. Direkte Sprechakte – Echte Fragen sind selten, so z. B. Ri 15,11: „Weißt du nicht, dass bei uns die Philister herrschen?“ Ein anderes Beispiel ist 1 Kön 22,7 = 2 Chr 18,6: „Gibt es hier sonst keinen Jahwepropheten mehr?“ – Eine Unterkategorie sind Rückfragen, die sich vergewissern wollen: 1 Kön 1,13: „Hast du, mein Herr König, deiner Magd nicht geschworen …?“. In einem ironischen Sinn, der bereits in die Kategorie der rhetorischen Frage verweist, formuliert Jes 36,7: „Ist es nicht der (sc. YHWH), dessen Höhen und Altäre Hiskija niedergerissen hat?“; weiterhin Dan 3,24; 6,13. – Negierte Fragesätze können einen Kontrast konstituieren: Jes 58,6: „Ist nicht vielmehr das ein Fasten, wie ich es bevorzuge?“ Jer 23,23: „Bin ich denn ein Gott (nur) aus der Nähe, Spruch Jahwes, und nicht vielmehr ein Gott aus der Ferne?“2 2 Sam 10,3 (und ähnlich 1 Chr 19,3): „Hat David seine Diener nicht vielmehr zu dir gesandt, um die Stadt auszukundschaften, zu erforschen und zu zerstören?“ Die Grenze zwischen Fragesätzen, die einen Kontrast ausdrücken, und rhetorischen Fragen ist fließend. 2.2. Indirekte Sprechakte – Vorherrschend sind innerhalb der negierten Fragesätze rhetorische bzw. paränetische Fragen, z. B. Ps 94,9: „Der das Ohr gepflanzt hat, sollte er nicht hören?“ Ijb 13,11 mit einer Doppelfrage, bei der das Heinterrogativum und die Negation nur im ersten Glied genannt werden: „Wird nicht seine Hoheit euch erschrecken und Angst vor ihm auf euch fallen?“ Esr 9,14: „Würdest du uns nicht zürnen bis zur Vernichtung?“ 1 Die Klassifizierung der Sprechakte erfolgt grundsätzlich nach Hubert IRSIGLER, „Psalm-Rede als Handlungs-, Wirk- und Aussageprozeß. Sprechaktanalyse und Psalmeninterpretation am Beispiel von Psalm 13“, in: Klaus SEYBOLD, Erich ZENGER (Hg.), NeueWegderPsalmenforschung(FestschriftWalterBeyerlin) (HBS, 1), Freiburg, Verlag Herder, 1994, 63-104. 2 Zum Doppelcharakter von „nur“ und „nicht vielmehr auch“ s. Georg FISCHER, „Bin ich ein Gott aus der Nähe…? Jer 23,23 und das Wesen von Theologie“, in: DERS., DerProphetwieMose.StudienzumJeremiabuch (BZAR, 15), Wiesbaden, Harrassowitz, 2011, 284-286, 284-285 (zuerst 2000).

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– Deklarationen mit Bekenntnischarakter sind z. B. Ri 6,13: „Hat Jahwe uns nicht aus Ägypten heraufgeführt?“3 Hab 1,12: „Bist du nicht von jeher, Jahwe, mein Gott, mein Heiliger?“ Mal 2,10: „Haben wir nicht alle einen einzigen Vater, hat uns nicht ein einziger Gott geschaffen?“4 – Direktive Sprechakte mit einem imperativischen bzw. optativischen Sinn sind beispielsweise folgende Fragen: Ez 24,19; 37,18: „Willst du uns nicht erklären, was das bedeutet, was du tust?“5 2 Chr 20,12: „Unser Gott, willst du nicht über sie richten?“ Rut 2,8: „Höre, meine Tochter, gehe nicht zur Lese auf ein anderes Feld!“6 – Sehr häufig sind negierte Fragen als assertive Sprechakte im Sinn einer Feststellung oder Bestätigung. Spr 22,20: „Habe ich dir nicht dreißig Ratschläge und Wissen aufgeschrieben?“7 Jes 57,4: „Ihr seid doch selbst Kinder des Frevels, eine Lügenbrut!“8 Am 5,20: „Ja, Finsternis ist der Tag Jahwes und nicht Licht!“9 3 Dieses von Gideon zitierte Väter-Bekenntnis wirkt umso deklarativer, als es durch die zweifelnden Fragen aufgrund der Midianiternot scharf kontrastiert wird. 4 Aufgrund des persönlichen Ringens in Hab bzw. des Diskussionswortes in Mal empfiehlt sich nicht eine Auflösung in einen assertorischen Sprechakt. Zur Form des Diskussionswortes s. Arndt MEINHOLD, Maleachi (BKAT, XIV/8), Neukirchen-Vluyn, Neukirchener Verlag, 2006, 185. Allerdings bleibt die Definition der Interrogative als rhetorische Fragen (S. 198) dann hinter der Formanalyse zurück. Wird den Fragesätzen ein anderer Sitz im Leben zugeschrieben, ändert sich auch ihre kommunikative Funktion: Elie ASSIS, „Love, Hate and Self-Identity in Malachi: A New Perspective to Mal 1:1-5 and 2:10-16“, JNSL 35 (2009) 109-120, 115 denkt nicht an ein eigentliches Wort des Propheten, sondern an eine Zitation der Volksmeinung, die damit Mischehen rechtfertigen will. In diesem Fall müsste jedoch die Bestimmung als rhetorische (Streit)Frage beibehalten werden. 5 Das zweite la-nū in der indirekten Frage („was [uns] das bedeutet“) ist mit zahlreichen Textzeugen als Homoioteleuton zu tilgen; s. dazu Walther ZIMMERLI, Ezechiel.I.Teilband,Ezechiel1-24 (BKAT, XIII/1), Neukirchen-Vluyn, Neukirchener Verlag, 1969, 569. 6 Die wörtliche Wiedergabe „Hast du nicht gehört, meine Tochter!“ bei Irmtraud FISCHER, Rut (HThKAT), Freiburg, Herder, 2001, 170 bleibt in der Schwebe zwischen Interrogativ und Imperativ, hat aber keinen Anschluss nach vorn, weil zuvor Boaz mit seinem Knecht über Rut spricht, jedoch noch nicht mit ihr. Der folgende V.9 schließt kausal an: „Ich habe nämlich den Knechten befohlen …“ Etwas ähnliches geschieht am Übergang von 3,1 zu 3,2: „Denn Boaz ist doch unser Verwandter.“ 7 Eine Übersetzung mit „Siehe, ich habe … aufgeschrieben“, ist zwar möglich, jedoch unnötig, vgl. Magne SÆBØ, Sprüche (ATD, 16,1), Göttingen, Vandenhoeck & Ruprecht, 2012, 279. 8 Im Kontext „Über wen macht ihr euch lustig?“ muss die folgende zweiteilige Frage: „Seid ihr nicht Kinder des Frevels, eine Lügenbrut?“ pragmalinguistisch in die oben genannte Feststellung aufgelöst werden. 9 Es handelt sich hier auf der funktionalen Ebene nicht um eine rhetorische Frage, wie Reinhard MÜLLER, „Der finstere Tag Jahwes. Zum kultischen Hintergrund von

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– Ein deklarativer Sprechakt im Sinn einer Ankündigung liegt in Ez 24,25-26 vor: „An jenem Tag wird ein Flüchtling zu dir kommen …“ Wörtlich: „Wird nicht an jenem Tag ein Flüchtling zu dir kommen?“ Ein weiteres Beispiel ist Obd 8: „Wahrlich, an jenem Tag, Spruch Jahwes, werde ich die Weisen aus Edom austilgen und die Einsicht aus Esaus Bergen.“ Das He interrogativum mit folgender Negation hat hier bekräftigende, nicht jedoch interrogative Funktion. Ähnlich liegen die Verhältnisse in Hab 2,6-7. – Einige Belege stellen als repräsentative Sprechakte geradezu eine Information dar: 1 Sam 20,37: „Ist der Pfeil nicht weiter weg von dir?“ Jonathans Frage an seinen Diener kann als Sprechakt nur den Sinn einer Information haben, mit der er David unterrichtet. Entsprechend wird in 20,22 in der vorherigen Verabredung zwischen den beiden derselbe Satz mit hinnih formuliert („Wenn ich aber zu dem Knecht so sage: ‚Siehe, die Pfeile sind weiter weg von dir!‘“). Ebenfalls informativen Charakter hat die Frage, die in 1 Sam 23,19 (ähnlich 26,1); Ps 54,2 die Siphiter an Saul richten: „Hält sich David nicht bei uns verborgen …?“ Es handelt sich pragmatisch eindeutig um eine Information an die Adresse von Saul.10 – Eine Einschränkung zu einer zuvor gemachten Aussage findet sich in Spr 26,19 als expressiver Sprechakt: „So ist ein Mann, der seinen Nächsten betrügt und sagt: ‚Ich scherze doch nur!‘“.11 Eine Am 5,18-20“, ZAW 122 (2010) 576-592, 576-578 und Paul-Gerhard SCHWESIG, Die Rolle der Tag-JHWHs-Dichtungen im Dodekapropheton (BZAW, 366), Berlin, New York, NY, Walter de Gruyter, 2006, 6-7 meinen. Das Gegenstück dazu ist Ez 18,25 c-e.29 c-d: „Mein Verhalten soll nicht in Ordnung sein, Haus Israel? Nein, euer Verhalten ist nicht in Ordnung!“ Aufgrund der Negation der ersten Frage ergibt sich für die zweite eine adäquate Übersetzung mit „nein“, in Am 5,20 aufgrund der positiven Aussagen in V.19 dagegen mit „ja“. Zu Ez 18,25 und den verschiedenen antiken Übersetzungen s. Harry VAN ROOY, „The Use of Interrogatives in the Book of Ezekiel and their Translation in the Ancient Versions“, JSem 23 (2014) 615-632, 628-630. 10 G.-K. § 150 e beschreibt die Stelle als „überraschende Mitteilung […], um sie unbedingt glaubhaft erscheinen zu lassen“. 11 Wörtlich: „Scherze ich nicht?“ Zutreffend ist die Übersetzung als einschränkender Aussagesatz bei M. SÆBØ, Sprüche, 324, 327. Ebenfalls als „Einräumung“ deutet G.-K. § 150 e die zweite negierte Frage in Am 9,7 und übersetzt: (Seid ihr für mich nicht wie die Kuschiten, Söhne Israels, Spruch Jahwes); „allerdings habe ich etc.“ (Israel aus dem Land Ägypten herausgeführt wie die Philister aus Kaphtor und Aram aus Kir). Die hier in Klammern wiedergegebene Fortsetzung der Gottesrede widerlegt geradezu die konzessiv verstandene Interpretation des zweiten ha-lōʼ als „Einräumung“. Zutreffend ist vielmehr die Parallelisierung von Israeliten, Philistern und Aramäern in 9,7b, womit 9,7a ausgeführt wird und sich eine rhetorische Frage als Mittel der prophetischen Rede ergibt; s. dazu

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vorangestellte Einschränkung steht in 1 Sam 15,17: „(Nicht wahr) Obwohl du in deinen eigenen Augen gering bist, bist du das Haupt der Stämme Israels.“ Sowohl die direkten Sprechakte als auch alle Kategorien, in denen auch nach der pragmatischen Übersetzung in einen indirekten Sprechakt die Frageform beibehalten wird, setzen eine Zustimmung als Antworterwartung voraus. Die Form des Interrogativsatzes dient dazu, dem Befragten die gewünschte Antwort und deren Modifizierung zu überlassen. Auf der syntaktisch-formalen Ebene der Antwortdetermination könnte die Antwort auch negativ ausfallen. In anderen Fällen besteht gar keine Antworterwartung, da es sich offenbar um modifizierte Aussagen handelt. Die Modifikation kann dabei von einer Eindringlichkeit (so bei den Bekenntnissen Hab 1,12; Mal 2,10) bis zur kompletten Aufhebung der interrogativen Eigenschaft des Fragesatzes und der Bekräftigung der assertorischen Funktion reichen (1 Sam 20,37; 23,19; Am 5,20; Obd 8; Rut 2,8; Spr 26,19).12

bereits Hans Walter WOLFF, Dodekapropheton 2. Joel und Amos (BKAT, XIV/2), Neukirchen-Vluyn, Neukirchener Verlag, 1969, 395-400 und die Übersetzung von Brent A. STRAWN, „What Is Cush Doing in Amos 9:7? The Poetics of Exodus in the Plural“, VT 63 (2013) 99-123, 99; zur inhaltlichen und theologischen Klärung s. Hartmut GESE, „Das Problem von Amos 9,7“, in: DERS., AlttestamentlicheStudien, Tübingen, J. C. B. Mohr (Paul Siebeck), 1991, 116-121 (zuerst 1979). 12 Aus diesem Grund trifft die Analyse bei Andreas WAGNER, Sprechakte und Sprechaktanalyse im Alten Testament. Untersuchungen im biblischen Hebräisch an derNahtstellezwischenHandlungsebeneundGrammatik (BZAW, 253), Berlin, New York, NY, Walter de Gruyter, 1997, 243-245 kaum zu. Wagner klammert das ha-lōʼ aus („Ist es nicht so: …“) und stellt es wie hinnih der Satzproposition voran. Auf diese Weise erhält er jedes Mal eine Aussage, die er als Repräsentativ (Sachverhalt, wahr oder falsch, richtig oder unrichtig, S. 21) wertet, dem „Nebentöne“ expressiver/direktiver Art beigegeben würden (244). Das trifft jedoch nur für Sätze zu, die Aussagen sein wollen, z. B. die zuletzt genannten Stellen aus 1 Sam oder Ez 18,25.29: „Nein, euer Verhalten ist nicht in Ordnung!“ (ha-lōʼ + 1. Syntagma + lōʼ + Verb). Bei direktiven Sprechakten liegen die Dinge anders, z. B. 2 Sam 13,4: „Willst du es mir nicht erzählen?“ Die Transformation „*Ist es nicht so: du willst es mir erzählen“, ergibt weder einen Repräsentativ noch trifft sie den Sinn. Dieser lautet vielmehr: „*Kann es sein: du willst es mir nicht erzählen.“ Als generelle Regel scheitert Wagners These ohnehin an den zahlreichen Belegen mit Sperrstellung, so z. B. Jer 5,9: ha-ʽalʼilǟlōʼ ʼipqud („Das sollte ich nicht ahnden?“). Schon die Syntax des Beispiels zeigt, dass nicht die gesamte, positive Satzproposition in eine negierte Frage verwandelt, sondern eine bereits negierte Proposition mitsamt ihrer Sprechaktfunktion in Frage gestellt wird.

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2.3. Exkurs: Syntax und Pragmatik von ha-lōʼ Die im Abschnitt 2.2. aufgezählten indirekten Sprechakte und das offensichtlich sehr breite Bedeutungs- und Anwendungsspektrum von ha-lōʼ13 haben bereits öfters vermuten lassen, es handle sich in den meisten dieser Fälle nicht um eine negierte Frage, sondern um eine eigene Partikel. Etymologisch wird sie vom ugaritischen hallV14 bzw. von altkanaanäisch allū (siehe!) abgeleitet und von ha (He interrogativum) + lōʼ (Negation) unterschieden.15 Doch muss die ugaritischaltkanaanäische Ableitungvon ha-lōʼ bereits angesichts der hebräischen Demonstrativa ha[n]-laz und ha[n]-lazǟ fraglich erscheinen.16 Bleibt man bei dem sprachlich wesentlich sichereren Befund, dass wir es mit einer negierten Frage zu tun haben, dann kann es sich syntaktisch nicht um ein „clausal adverb“ handeln, das hinnih gleichzusetzen wäre.17 Was die große Bedeutungsbreite der negierten Fragesätze auslöst, sind die Präsuppositionen des ex- oder impliziten fragenden Subjekts. Typologisch handelt es sich jedes Mal um Polaritätsinterrogative, die nur mit „Ja“ oder „Nein“ beantwortbar sind. In Rut 2,8 (wörtlich: „Hast du nicht gehört: gehe nicht …?“) müsste die Antwort „Nein“ lauten, da Rut die Anweisung, auf kein anderes Feld zu gehen, eben noch nicht gehört hat. Boaz hat jedoch keine Antworterwartung, da er eine Anweisung erteilt, erwarten tut er lediglich eine Zustimmung zu seiner Anweisung (die nicht einmal verbalisiert werden muss). Falls Rut tatsächlich mit „Nein“ antworten würde, würde sie keine Auskunft erteilen, sondern der Anweisung widersprechen. Der Grund dafür liegt darin, dass sie, in konsequenter Aufnahme der Antwortdetermination, eine syntaktische Antwort in eine leere Menge von pragmatischer 13 Weitere Auflistungen der pragmatischen Funktionen von ha-lōʼ finden sich bei Hendrik Antonie BRONGERS, „Some Remarks on the Biblical Particle ha-lōʼ“, OTS 21 (1981) 177-189; Adina MOSHAVI, „Rhetorical Question or Assertion? The Pragmatics of ‫ הלא‬in Biblical Hebrew“, JANES 32 (2011) 91-105. 14 Nach Josef TROPPER, UgaritischeGrammatik.Zweite,starküberarbeiteteund erweiterteAuflage (AOAT, 273), Münster, Ugarit-Verlag, 2012, 750 (81.4 b) ist es aus hn und der Affirmationspartikel l zusammengesetzt. 15 Michael L. BROWN, „’Is it not?‘ or ‘indeed!’: HL in Northwest Semitic“, Maarav 4 (1987) 201-219 und Daniel SIVAN, William SCHNIEDEWIND, „Letting your ‘Yes’ be ‘No’ in Ancient Israel: A Study of the Asseverative ‫ לא‬and ‫“הלא‬, JSSt38 (1993) 209-226, 209-211, 219-224. 16 Dazu J. TROPPER, UgaritischeGrammatik,750 (81.4 b). Zu weiteren Argumenten gegen die genannte Herleitung s. Anson F. RAINEY, „Some Presentation Particles in the Amarna Letters from Canaan“, UF 20 (1988) 209-220, 214. 17 Gegen Adina MOSHAVI, „Syntactic Evidence for a Clausal Adverb ‫ הלא‬in Biblical Hebrew“, JNSL 33 (2007) 51-63.

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Antworterwartung hinein geben würde.18 Hier, wie in den meisten anderen Fällen von negierten Fragen, liefe die Antwort also ins Leere oder wäre kontraproduktiv. Die Antwort wird dem Gefragten abgenommen und folglich in die Frage selbst verlagert, was sich bei den rhetorischen und paränetischen Fragen gut beobachten lässt. Der Prozess kann dann so weit gehen, dass die Frage zur Information wird, wie oben gesehen.Die suggerierte Antwort oder Anweisung etc. wird durch die (konventionalisierte) Beziehung zwischen den Kommunikationspartnern oder durch die Frage selber ausgelöst,19 berührt aber nicht die Grammatikalität des Interrogativsatzes.20 Es ist noch kurz auf die Argumente einzugehen, die nicht auf der etymologischen, sondern der syntaktischen Ebene eine Partikel oder ein Adverb ha-lōʼ postulieren. So qualifizieren SIVAN und SCHNIEDEWIND die Wortfügung ha-lōʼkī in 1 Sam 10,1 als doppelte Emphase (The Lord herewith anoints you …).21 Sie haben zwar Recht, dass hier keine rhetorische Frage, sondern eine Bestätigung vorliegt, doch handelt es sich dennoch um einen grammatischen Interrogativsatz. Syntaktisch ist er so zu erklären, dass ha-lōʼ ausgeklammert der Phrase voransteht und kī das deutende Wort der gerade vorgenommenen Salbungshandlung einleitet. Die Übersetzung „hiermit“ kann sich also nur auf kī beziehen und nicht auf das He interrogativum und die Negation. Man beachte in diesem Zusammenhang Abschaloms Rede 2 Sam 13,28: (habt keine Furcht), ha-lōʼ kī ʼanōkī ṣiwwītī ʼat-kim (denn: habe ich es euch nicht befohlen?). Die Wortstellung könnte 18 Hier liefert nicht eine unsichere Etymologie, sondern die Linguistik die entscheidenden Argumente. Bei den indirekten Sprechakten liegt die reale Antworterwartung ganz oder teilweise außerhalb der Menge der syntaktisch-semantisch möglichen Antworten (R. CONRAD nennt das bekannte Beispiel „Können Sie mir sagen, wie spät es ist?“). Das bedeutet: „Die strukturell tatsächlich gegebene Antwortdetermination wird durch eine andere, implizierte, nicht direkt ablesbare ersetzt.“ (Rudi CONRAD, StudienzurSyntaxundSemantikvonFrageundAntwort [Studia grammatica, 19], Berlin, Akademie-Verlag, 1978, 47). Die Antwortdetermination entspricht der syntaktischen und wörtlichen Struktur der Frage und würde in unserem Beispiel von Rut die verneinende Antwort fordern. 19 Salomos Frage in 1 Kön 8,27 (Wohnt Gott wirklich auf Erden?) erwartet als gnoseologische Frage nicht die Mitteilung eines Sachverhalts, sondern will einen Reflexionsprozess auslösen (dazu R. CONRAD, StudienzurSyntaxundSemantik, 23). 20 Vgl. dazu auch Martin STASZAK, „Hebräische Interrogativsätze mit exklamativer und optativischer Verwendung“, in: Hans RECHENMACHER (Hg.), InMemoriam WolfgangRichter (ATSAT, 100), St. Ottilien, EOS-Verlag, 2016, 353-367, 357-358. Dort wird anhand von Arbeiten der Linguistik und Germanistik dargelegt, dass auch die mit Fragepronomen formulierten Exklamative Interrogativsätze sind und keinen eigenen Satztyp darstellen. 21 D. SIVAN, W. SCHNIEDEWIND, „Letting“, 216.

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hier fast umgekehrt werden, was dann in Davids Rede 2 Sam 19,23 auch geschieht: kīha-lōʼyadaʽtī (denn: weiß ich nicht, …?). Ausführlicher sind die Argumente von A. MOSHAVI: Sie macht für Sätze, die keine Verb-Erststellung aufweisen, den Unterschied zwischen Kontaktstellung ha-lōʼ und Sperrstellung haxlōʼ geltend. Im Fall einer Sperrstellung handle es sich um eine negierte Frage (mit Heinterrogativum vor der Phrase und der Negation vor dem Verb). Bei Kontaktstellung von haund lōʼ vor Sätzen ohne Verb-Erststellung müsse es sich demnach um etwas anderes als eine negierte Frage handeln.22 Es fällt allerdings auf, dass sämtliche Belege mit Sperrstellung Verbformen der Präformativkonjugation (PK) aufweisen, die jedes Mal nicht-faktitiv sind, also eine Möglichkeit oder Vermutung ausdrücken: Jer 5,29: das sollte ich nicht ahnden? Dasselbe gilt auch für Sätze mit PK in Verb-Erststellung nach Kontaktstellung. Selbst die Worte der Fürstin in Ri 5,30 (ha-lōʼyimṣaʼū) drücken ja kein Faktum aus, sondern eine Vermutung, auch wenn der Satz nicht als Frage übersetzt wird: „Sicher machen sie Beute“. Analog werden durch Formen der Suffixkonjugation (SK) Sachverhalte ausgedrückt, und zwar wiederum unabhängig von der Wortstellung: „Hast du mir keinen Segen aufgehoben?“ (Gen 27,36; ha-lōʼ und Verb-Erststellung); „Habe ich nicht um Rachel bei dir gedient?“ Oder: „Ich habe doch … gedient!“ (Gen 29,25; ha-lōʼ und Verb-Zweitstellung). Die Wortstellung scheint also kaum die entscheidenden Differenzen zwischen Interrogativen und anderen Satzarten zu markieren. Unabhängig von der Satzpragmatik haben wir es in allen Fällen mit grammatischen Interrogativsätzen zu tun. Noch weniger Beweiskraft enthält Moshavis zweites Argument:23 In durchʼimeingeleiteteten negierten Konditionalgefügen stehe die Negation vor dem Verb der Apodosis; ebenso verhalte sich das Heinterrogativum, wenn die Apodosis ein Fragesatz ist. Stehe das negierte He interrogativum jedoch vor der Protasis (ha-lōʼʼim), könne es sich nicht um eine negierte Frage handeln. Gerade in dem gewählten Beispiel 1 Sam 15,17 (Ist es nicht so: auch wenn du in deinen Augen klein bist, bist du doch das Haupt der Stämme Israels) wird jedoch deutlich, dass ha-lōʼ ausgeklammert vor dem ganzen Konditionalgefüge steht und dadurch eine Satzfolge a – b – a konstituiert. Im folgenden Argumentionsgang verhält es sich ähnlich.

22 23

A. MOSHAVI, „Syntactic Evidence“, 54-57. A. MOSHAVI, „Syntactic Evidence“, 57-58.

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Denn auch die Behandlung der Pendenskonstruktion kann die Beweislast nicht tragen. MOSHAVI vermutet, dass ein Heinterrogativum nach dem Pendens stehen müsse, da sich die Negation so verhalte; Belege für Pendentia mit der Fragepartikel seien jedoch nicht bekannt.24 Die Spezialuntersuchung zur Pendenskonstruktion von Walter GROSS wird leider nicht konsultiert, der Jes 58,5; Ijb 21,4 als sichere Beispiele anführt; in Jes 58,5 steht die Fragepartikel sogar vor dem Pendens und dem Matrixsatz.25 Die negierte Frage mit ha-lōʼ kann wiederum ausgeklammert vor der ganzen Pendenskonstruktion stehen und bezieht sich auf den Matrixsatz, sie kann jedoch auch vor letzterem stehen, „ohne dass bisher Konstruktionsunterschiede oder Bedeutungsnuancen beobachtet worden wären, …“.26 Analoges gilt für Sätze, die zwar keine Pendentia sind, jedoch die Aufnahme eines vorangestellten Satzes durch ein w= markieren, das dem Verb des Matrixsatzes vorangeht.27 Sowohl die etymologische Ableitung einer angeblichen deiktischen Partikel ha-lōʼ mit der Bedeutung „siehe!“ als auch die Behauptung nicht-interrogativer Satzarten kann nicht überzeugen.28 Beide Argumentationsgänge leiden an demselben methodischen Fehler, dass sie letztlich semantische und kommunikationspragmatische Phänomene zur Konstituierung einer syntaktischen Satzart heranziehen. Die unter 2.2. aufgelisteten Bedeutungs- und Funktionsvarianten negierter Fragen beruhen zwar auf gemeinsamen Merkmalen der jeweiligen Sätze, die sie von den anderen, gleich gebauten Sätzen unterscheiden, doch bleibt die Grammatikalität aller Sätze mit ha-lōʼ (ob in Kontakt- oder Sperrstellung) davon unberührt, es handelt sich ausnahmslos um Interrogativa.29 24

A. MOSHAVI, „Syntactic Evidence“, 58-59. Walter GROSS, DiePendenskonstruktionimBiblischenHebräisch.Studienzum althebräischenSatzI (ATSAT, 27), St. Ottilien, EOS-Verlag, 1987, 180. 26 W. GROSS, DiePendenskonstruktion, 180 (mit den Belegen). 27 A. MOSHAVI, „Syntactic Evidence“, 60-61. 28 Das gilt aus den genannten Gründen auch für das immer wieder angeführte Argument, das ha-lōʼ der Annalenformel in den Königebüchern werde an einigen Stellen in 1 und 2 Kön und in der Chronik öfters durch hinnih ersetzt, so zuletzt wieder A. MOSHAVI, „Rhetorical Question“, 99. Das Vorkommen beider Ausdrücke in 2 Chr 25,26 spräche ohnehin eher dagegen (sofern man den Text beibehalten und hinn-am nicht in him ändern will). Unzureichend sind die Ausführungen bei Kevin L. SPAWN, “AsItIsWritten”and Other Citation Formulae in the Old Testament. Their Use, Development, Syntax, and Significance (BZAW, 311), Berlin, New York, NY, Walter de Gruyter, 2002, 32-33. Die Bezeichnung von ha-lōʼ und hinnih als „synonymous“ und „interchangeable“ enthält keine Klärung, auf welcher Ebene diese Eigenschaften gelten sollen. 29 Die negierten Interrogativsätze können sogar sämtlich als Fragesätze aufgefasst und wiedergegeben werden, ohne dass dadurch ihre semantische Wohlgeformtheit gestört würde. Davon zu unterscheiden ist ihre kontextuelle Funktion. 25

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3. DIE ANNALENFORMEL Auf dem Hintergrund des breiten Spektrums negierter Interrogativsätze (2.2.) sind die 29 Belege zu sehen, die vom „Rest der Geschichte“ der verschiedenen Könige sprechen, von dem gefragt wird, ob er nicht im „Buch der Tagesereignisse der Könige von Juda bzw. von Israel aufgeschrieben“ sei.30 3.1. Das Vokabular der Annalenformel Zentral für die Beantwortung dieser Frage ist die Bedeutung des Nomens dbr. Für unseren Zusammenhang gilt es zu beachten, dass es im Pendens regelmäßig in einer Constructus-Verbindung mit yatr (Rest) steht; dass es öfters durch gabūrāh ([kriegerischer] Erfolg, Leistung) ergänzt bzw. parallelisiert werden kann (1 Kön 15,23; 16,5.27; 22,46; 2 Kön 10,34; 13,8.12; 14,15.28; 20,20); dass auf die Pendenskonstruktion regelmäßig der Relativsatz ʼašr ʽaśā folgt, der sich in den meisten Fällen auf das zweite Element der Nominalgruppe w-kul (und alles) bezieht; dass schließlich im durch ha-lōʼ eingeleiteten Matrixsatz immer die Constructus-Verbindung (himkatūbīm) ʽalsipr dabarēha-yamīm steht. Da sich der Relativsatz ʼašrʽaśā im Pendens in den meisten Fällen auf das von den dabarē X getrennte w-kul bezieht, legt sich für dabarīm eine Übersetzung durch „Geschichte“ nahe: „Die restliche Geschichte des X und alles, was er tat, …“ Die exakte Bestimmung des Matrixsatzes muss dagegen die genaue Bedeutung von yamīm berücksichtigen. So wird „Buch der Tagesereignisse“ vorgeschlagen.31 Damit ist jedoch nicht viel gewonnen, da davon auszugehen ist, 30 Der Beleg mit negierter Frage, der vom Buch des Aufrechten (Jos 10,13; vgl. 2 Sam 1,18) spricht, bleibt hier unberücksichtigt, da es sich um Aufzeichnungen außerhalb der Geschichte der Könige handelt. Dazu Volkmar FRITZ, DasBuchJosua (HAT, I/7), Tübingen, J. C. B. Mohr (Paul Siebeck), 1994, 112; Hartmut N. RÖSEL, Joshua (HCOT), Leuven, Paris, Walpole, MA, Peeters, 2011, 169-172. Ebenso werden die Belege, die statt einer negierten Frage die Partikel hinnih enthalten (hauptsächlich 2 Chr), nicht berücksichtigt; das gilt auch für die beiden Belege in 2 Chr 13,22; 24,27, die von einem Midrasch statt von einem Buch sprechen (dazu jetzt Sara JAPHET, 2Chronik [HThKAT], Freiburg, Basel, Wien, Verlag Herder, 2003, 175-176, 308-309). 31 So Werner H. SCHMIDT, „‫ דבר‬dābār II-V“, in: ThWAT II, 1977, 101-133, 112. HALAT 1, 2004, 724 (‫ ספר‬2b); „Buch der Tagesbegebenheiten der Könige …“ bei Ernst JENNI,DiehebräischenPräpositionen.Band3:DiePräpositionLamed, Stuttgart, Kohlhammer, 2000, 71 (Kategorie 2159). Gesenius18, 2013, 240 (zu ‫ דבר‬II.1) übersetzt mit „Annalen“ und bleibt damit recht unkonkret. Martin NOTH, Könige (BKAT, IX/1),

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dass es sich nicht um tägliche Eintragungen handelt. Es wird ratsam sein, den Plural yamīm komplexiv zu verstehen und in Verbindung mit den Königen als „Regierungszeit“ zu übersetzen.32 In diesem Fall wäre dabarīm im Matrixsatz allerdings konkreter zu fassen als im Pendens und durch „Begebenheiten“ zu übersetzen. Dann würde die Grundform der Annalenformel lauten: „Die restliche Geschichte des X und alles, was er getan hat, steht es nicht geschrieben im Buch der Begebenheiten der Regierungszeit der Könige von Juda/ Israel?“ Es fällt auf, dass nicht etwa ein Buch über die Regierungszeit eines bestimmten oder eines jeden Königs erwähnt wird (auf Ausnahmen wird noch eingegangen), sondern das Buch von der Regierungszeit der (= aller) Könige von Juda bzw. Israel, es wird also eine fortlaufende Sammlung von Einträgen suggeriert. Da das System bis Jojakim durchgehalten wird, kann man davon ausgehen, dass hier auf zwei Chroniken verwiesen wird, die von Salomo bis zum Fall Samarias bzw. in die Zeit vor den ersten Deportationen nach Babylon gereicht haben sollen. 3.2. Die Satzsyntax der Annalenformel Wie schon erwähnt, besteht die Annalenformel aus zwei Hauptteilen.33 Der erste ist ein Pendens, das im Regelfall aus einer zweiteiligen Nominalgruppe besteht, zu der ein Relativsatz gehört: „Die restliche Geschichte des X und alles, was er getan hat“. Diese Nominalgruppe bildet die Referenz zum aufnehmenden Element im folgenden Matrixsatz. Der partizipiale Matrixsatz schließt asyndetisch an, wobei vor das aufnehmende selbständige Personalpronomen (him) die Negation tritt und diese negierte Satzproposition durch das Heinterrogativum zur Frage wird.34 Auf einer ersten, wörtlichen Ebene wird also in Frage Neukirchen-Vluyn, Neukirchener Verlag, 1968, 320 (zu 1 Kön 14,29): „Buch der laufenden Angelegenheiten“. Dieselbe Stelle übersetzt Ernst WÜRTHWEIN, DieBücher derKönige.1.Könige1-16 (ATD, 11,1), Göttingen, Vandenhoeck & Ruprecht, 1977, 181 mit „Buch der Geschichte“, lässt damit jedoch ha-yamīm unberücksichtigt. 32 Dazu Magne SÆBØ, „‫ יום‬jômII-VI“, in: ThWAT III, 1982, 566-586, 579. 33 Die Aufteilung in vier Elemente durch K. L. SPAWN, “AsItIsWritten”, 22 (1. Der Rest der Taten …; 2. sind sie nicht; 3. aufgeschrieben; 4. im Buch …) kommt zwar der Untersuchung der Formel zugute, wie der Autor sie anstrebt, wird aber dem Satzaufbau kaum gerecht. 34 Zu dieser syntaktischen Erscheinung s. W. GROSS, Die Pendenskonstruktion, 122-123. Wir haben es bei der Formel mit einem einzigen Satz zu tun, das Pendens ist darin ein Satzglied; das Pendens und seine Aufnahme bewirken, dass in diesem Satz ein Element zweimal vorhanden ist (187-188).

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gestellt, dass die restliche Geschichte des betreffenden Königs und seine Taten in der Chronik nicht aufgeschrieben sein könnten. Die Nominalgruppe des Pendens kann deutlich erweitert werden; die längsten Formulierungen finden sich in 1 Kön 15,23: „Die restliche Geschichte Asas und seine ganze Leistung und alles, was er vollbracht hat, und die Städte, die er baute, …“; 1 Kön 22,39: „Die restliche Geschichte Achabs und alles, was er vollbrachte, und das Elfenbeinhaus, das er baute, und alle Städte, die er baute, …“ und 2 Kön 14,28: „Die restliche Geschichte Jerobeams und alles, was er vollbrachte, und seine kriegerischen Erfolge, die er erkämpfte, und wie er Damaskus und Hamat für Juda in Israel zurückgewann, …“ Alle diese umfangreichen Erweiterungen werden im Matrixsatz durch him aufgenommen und bilden mit diesem einen einzigen Satz. 3.3. Die Satzsemantik und Pragmatik der Annalenformel Der soeben aufgezeigten Satzsyntax muss satzsemantisch Rechnung getragen werden. Das Pendens und das aufnehmende Pronomen sind referenzidentisch, weshalb es bei dem, was im Buch der Begebenheiten der Regierungszeit der Könige verzeichnet ist, um einen Rest geht, also um eine Teilmenge, die offenbar den weniger erwähnenswerten Teil dessen darstellt, was es von dem betreffenden König zu sagen gibt. Der wichtigere Teil wird dann im vorangehenden Text geboten.35 Anders als die historische Fragestellung, ist die Satzsemantik nicht daran interessiert, ob und wo es diese Chroniken gab, sondern interessiert sich für die Bedeutung dessen, was als Inhalt dieser Chroniken angegeben wird. Unter diesen Rest fallen dann in elf Fällen auch militärische Erfolge und gelegentlich Bauten, die von dem betreffenden König errichtet wurden.36 Es sind dies also Bereiche, die für den Berichterstatter von untergeordneter Bedeutung sind bzw. nur in Auszügen berichtet werden, da anderes wichtiger erscheint.

35 Gegenüber anderen Stellen ist das Verständnis von yatr als „Überschuss“ oder „von minderer Qualität“ im vorliegenden Kontext des Berichts zwar abgeschwächt, jedoch durchaus vorhanden, da eben nicht nur berichtet, sondern auch bewertet wird; s. Tryggve KRONHOLM, „‫ יתר‬jātar I“, in: ThWAT III, 1982, 1079-1090, 1085. Die Qualifizierung der Annalenformel als „footnote“ bei K. L. SPAWN, “AsItIsWritten”, 39-40 wird dem Anliegen der Formel nicht gerecht. 36 Eine Übersicht geben Alfred JEPSEN, Die Quellen des Königsbuches, Halle (Saale), VEB Max Niemeyer Verlag, 1953, 56 und K. L. SPAWN, “AsItIsWritten”, 23-24.

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Die Formulierung als negierter Interrogativsatz wurde in Abschnitt 3.2. dahingehend übersetzt, dass in Frage gestellt wird, dass die restliche Geschichte eines Königs nicht aufgeschrieben sein könnte. Die Funktion dieser negierten Frage gilt es anhand der Klassifizierung in Abschnitt 2 noch näher zu bestimmen. Die Kategorien der rhetorischen Fragen oder direktiven Sprechakte scheiden aus. Um rhetorische Fragen handelt es sich deshalb nicht, da kein lehrhafter oder paränetischer Kontext gegeben ist und niemand zu einer erwarteten positiven Antwort bewegt werden soll, die ihm einen für ihn wichtigen Erkenntnisgewinn vermitteln würde. Es kann sich also nur um eine Feststellung bzw. Information handeln. Dennoch hat die Satzsyntax als Interrogativ eine Funktion. Wir können dafür noch einmal auf 1 Sam 20,37 zurückkommen: Jonathans Information an seinen Diener in Frageform war mit David abgesprochen und stellt mehr für diesen als für den Diener ein Signal dar. Folglich liegt ein Nachdruck auf dem Inhalt der Mitteilung, der von David in seinem Versteck unbedingt verstanden werden muss. Die Information der Sifiter an Saul in 1 Sam 23,19; 26,1 kann man als überraschende Mitteilung deuten, die glaubhaft erscheinen soll. Es geht also bei den informativen Sprechakten in Frageform um deren Glaubwürdigkeit und Verständlichkeit, die unterstrichen werden sollen und sie dadurch von reinen Aussagesätzen unterscheiden. Die in ihnen enthaltene Aussage soll auf jeden Fall rezipiert werden und ihre kommunikative Funktion erfüllen. Für unseren Zusammenhang bedeutet das: Die Gewichtung zwischen dem explizit Berichteten und dem, worauf anhand der Annalen verwiesen wird, soll von den Textrezipienten verstanden und nachvollzogen werden; sie sollen sich der ex- oder impliziten Bewertung anschließen. Aufgrund der Bewertung ist mit dem informativen auch ein paränetisches Interesse verbunden. 3.4. Die Textbasis Die oben erwähnte Grundstruktur der Annalenformel findet sich mit oder ohne Erweiterungen in 1 Kön 14,29 (Rechabeam, Juda); 15,7 (Abijam, Juda); 15,23 (Asa, Juda); 15,31 (Nadab, Israel); 16,5 (Bascha, Israel); 16,14 (Ela, Israel); 16,20 (Simri, Israel); 16,27 (Omri, Israel); 22,39 (Ahab, Israel); 22,46 (Jehoschaphat, Juda); 2 Kön 1,18 (Ahasja, Israel); 8,23 (Joram, Juda); 10,34 (Jehu, Israel); 12,20 (Joasch, Juda); 13,8 (Joahas, Israel); 13,12; 14,15 (Joasch, Israel); 14,18 (Amazja, Juda); 14,28 (Jerobeam II, Israel); 15,6 (Asarja,

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Juda); 15,21 (Menachem, Israel); 15,36 (Jotam, Juda); 16,19 (Ahas, Juda); 20,20 (Hiskija, Juda); 21,17 (Manasse, Juda); 21,25 (Amon, Juda); 23,28 (Joschija, Juda); 24,5 (Jojakim, Juda). Statt durch ha-lōʼ wird die Formel durch hinn-am eingeleitet in 1 Kön 14,19 (Jerobeam I, Israel); 2 Kön 15,11 (Sacharja, Israel); 15,15 (Schallum, Israel); 15,26 (Pekachja, Israel); 15,31 (Pekach, Israel). Entsprechende Belege der Chronik können hier auf sich beruhen. Abweichende Formulierungen, die vorerst wörtlich wiedergegeben werden, finden sich in 1 Kön 11,41: „Die restliche Geschichte Salomos und alles, was er getan hat, und seine Weisheit, steht es nicht geschrieben im Buch der Geschichte Salomos?“37 Die Parallele in 2 Chr 9,29 lautet: „Die restliche Geschichte Salomos, die frühere und die spätere, steht sie nicht geschrieben in der Geschichte des Propheten Natan, in der Prophetie des Achija aus Schilo und in der Schauung des Sehers Jedo über Jerobeam, den Sohn Nabats?“ 2 Chr 12,15: „Die Geschichte Rehabeams, die frühere und die spätere, steht sie nicht geschrieben in der Geschichte des Propheten Schemaja und des Sehers Iddo?“38 2 Chr 25,26: „Die restliche Geschichte Amazjas, die frühere und die spätere, steht sie nicht geschrieben im Buch der Könige von Juda und Israel?“ Offenbar eine Adaptation findet sich in Est 10,2: „Alle Taten seiner Macht, seine Leistung und der genaue Bericht über die hohe Stellung Mordechais, durch die der König ihn erhöht hatte, sind sie nicht aufgeschrieben im Buch der Begebenheiten der Regierungszeit der Könige von Medien und Persien?“39 Von der Annalenformel werden demnach nicht erwähnt (weder in 2 Kön noch in 2 Chr): Joram (2 Kön 9, Israel) Atalja (2 Kön 11, Juda), Hoschea (2 Kön 17, Israel), Joahas (2 Kön 23, Juda); Jojachin (2 Kön 24, Juda) und Zidkija (2 Kön 25, Juda). 37

ʽalsiprdabarēŠLMH. Die textkritisch schwierige Fortsetzung l-hityaḥ[ḥ]iś kann hier unberücksichtigt bleiben. 39 Diese Schlussformel dürfte eine Anlehnung an die Annalenformel der Königebücher sein, nicht so sehr die beiden Erwähnungen von Annalen in Est 2,23; 6,1, wie Menahem HARAN, „The Books of the Chronicles ‘of the Kings of Judah’ and ‘of the Kings of Israel’: What Sort of Books were they?“, VT 49 (1999) 156-164, 163-164 meint. 38

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4. DER KONTEXT DER ANNALENFORMEL Geht man davon aus, dass die Formel all das zusammenfasst, was dem Autor als weniger wichtig erschien, dann ist noch vor der Frage der Historizität der betreffenden Chroniken zu eruieren, was für den Autor das Wesentliche war, das er über die einzelnen Könige berichtete, und warum. 4.1. Die Rahmennotizen der Königebücher Die Bewertungen der judäischen und israelitischen Könige sind untereinander nicht einheitlich, sondern zeigen charakteristische Unterschiede. Der Rahmen besteht dabei aus vier Elementen: (1) Die Regierungsdaten innerhalb des Synchronismus der Könige der beiden Reiche und die Anzahl der Regierungsjahre; (2) die Bewertung, ob der betreffende König das in den Augen YHWHs Rechte oder Böse tat; (3) die Annalenformel; (4) Abschlussnotiz über den Tod, die Beisetzung und den Nachfolger. Im Fall der judäischen Könige werden bei (1) noch das Alter bei der Thronbesteigung und der Name der Mutter genannt, bei den israelitischen Königen sind die Notizen auf ein Minimum beschränkt.40 Die Begründung für die Bewertung (2) gehört in der Regel zum Grundbestand, ebenso die öfters wiederkehrende Einschränkung, dass selbst die als positiv zu beurteilenden Könige die Höhen nicht abschafften. BLANCO WISSMANN veranschlagt den Grundbestand dabei sehr umfassend: auch der Vorwurf des Baals- und Fremdgötterkults41 gehöre dazu sowie der Vorwurf, die Sünde Jerobeams fortzusetzen.42 Als sekundär seien Bemerkungen zu beurteilen, die nicht nur die Könige, sondern auch das Volk umfassend beschuldigen, das Gesetz und seine Befolgung als Maßstab und Hinweise auf Prophetenworte (z. B. 1 Kön 14,22b-24; 2 Kön 10,31; 17,34-40) einführen.43 40 Reinhard G. KRATZ, TheCompositionoftheNarrativeBooksoftheOldTestament, London, T&T Clark International, 2005, 160; Felipe BLANCO WISSMANN, « Ertat dasRechte… »BeurteilungskriterienundDeuteronomismusin1Kön12–2Kön25 (AThANT, 93), Zürich, Theologischer Verlag Zürich, 2008, 37. 41 Dieses Element scheidet R. G. KRATZ, TheComposition, 184-185 konsequent aus, zur Kritik s. F. BLANCO WISSMANN, « ErtatdasRechte… », 105-107. 42 F. BLANCO WISSMANN, « ErtatdasRechte… », 59-135. 43 F. BLANCO WISSMANN, « Er tat das Rechte … », 149, 173. Iain W. PROVAN, HezekiahandtheBooksofKings.AContributiontotheDebateabouttheComposition oftheDeuteronomisticHistory (BZAW, 172), Berlin, New York, NY, Walter de Gruyter, 1988 deutet sowohl die Unterschiede in der Behandlung des Themas der Höhen als auch die Zusätze, die um das Thema des Gesetzesgehorsams und des Vorbilds David

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Die Frage, ob der Grundbestand deuteronomistisch ist oder bereits in einer Quelle stand, die die dtr Autoren benutzten, lässt sich im Rahmen dieses Beitrags nicht erschöpfend beantworten und ist hier auch nicht relevant. Lediglich folgende Überlegung sei angeführt: Wenn sich die Annalenformel auf ihr vorausliegende Chroniken bezieht, die die üblichen (in der Formel: restlichen) Taten, Baumaßnahmen und Kriege enthielten, wie sie Königen allgemein zugeschrieben wurden, dann legt es sich nahe, dass die Formel mit ihrer strukturierenden Funktion von demselben Autor stammt, der auch das Material der Bewertungen und ihrer jeweiligen Begründung redigierte. Es wäre also grundlegend mit einer redaktionellen Dreistufigkeit der Texte zu rechnen: (1) die Chroniken, (2) die Darstellung und Bewertung der Könige mit einer entsprechenden Begründung und der Annalenformel,44 (3) ggf. erweiternde Zusätze und Modifikationen aus späterer Zeit. Blockmodelle legen sich jedoch nicht nahe, da die Annalenformel bis Jojakim reicht. Maßstab für die Bewertung der einzelnen Könige ist ihre YHWHTreue, Einhaltung des Gebots der Monolatrie und das Zurückdämmen fremder Einflüsse. Dieses Frömmigkeitsurteil beschränkt sich, trotz kreisen, innerhalb eines Blockmodels der Königebücher, dessen Trennlinie die Darstellung der Herrschaft Hiskijas sei. Die wiederkehrende Beschuldigung des Volkes (und nicht etwa eines Richters) im Richterbuch (der sog. Richterrahmen) ist deutlich jünger als der Königsrahmen, dazu F. BLANCO WISSMANN, « ErtatdasRechte… », 50-54 und jetzt Friedrich-Emanuel FOCKEN, Zwischen Landnahme und Königtum. Literarkritische und redaktionsgeschichtlicheUntersuchungenzumAnfangundEndederdeuteronomistischenRichtererzählungen (FRLANT, 258), Göttingen, Vandenhoeck & Ruprecht, 2014 ; Ernst Axel KNAUF, Richter (ZBK.AT, 7), Zürich, Theologischer Verlag, 2016, 21. 44 In diesem Stratum ist ein größerer Teil der historiographischen Arbeit zu verorten. Obwohl der Umfang der Chroniken nicht bekannt ist, hat die dtr oder proto-dtr Schicht (2) auf jeden Fall das synchrone Schema der beiden Königreiche erstellt und das inhaltliche Schema der Bewertungsnotizen geschaffen; s. die Zusammenfassung (mit den oben gemachten Einschränkungen) bei R. G. KRATZ, TheComposition, 186. Christoph LEVIN, „Das synchronistische Exzerpt aus den Annalen der Könige von Israel und Juda“, VT 61 (2011) 616-628, besonders 617-622, füllt das Schlüsselwort yatr anders. Danach berichteten die Annalen neben den sonstigen Taten auch schon von der Religionspolitik der Könige, der jetzige Rahmen habe seine Quelle also exzerpiert, die Unterschiede zwischen einem negativen Frömmigkeitsurteil und dem Verweis auf Leistungen und Bauten der Könige müsse folglich auf zwei verschiedene Autoren aufgeteilt werden. Demgegenüber wird hier die Auffassung vertreten, dass der Rahmen seine Quellen nicht eigentlich exzerpierte, sondern sein Frömmigkeitsurteil hinzufügte. Der Verweis auf die Annalen diente eventuell der Glaubwürdigkeit und verursachte die inhaltlichen Spannungen, er muss also nicht zur Annahme vermehrter redaktioneller Eingriffe führen.

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der untereinander differierenden Begründungen,45 auf den religiösen Bereich, es scheinen praktisch keine soziale Aspekte auf, wie sie aus der Schriftprophetie bekannt sind. Diese programmatische Einseitigkeit kontrastiert folglich mit dem Inhalt üblicher Königschroniken, die laut Auskunft der Annalenformel eher von kriegerischen Erfolgen und Baumaßnahmen sprechen. Während das Fehlen der Annalenformel mit dem Tod des betreffenden Königs im Exil zu erklären ist, hängt das Fehlen von Bewertungen bzw. deren nachträgliche Einfügung offenbar mit der Unterbrechung der regulären Thronfolge durch Usurpation zusammen.46 Schlüsse auf eine relative Chronologie der Rahmennotizen können daraus jedoch nicht gezogen werden. Eine inhaltliche Uneinheitlichkeit in der Darstellung der Könige sind die Notizen über verschiedene Taten, auf die eigentlich in der Annalenformel verwiesen wird. Kann man die Auslöschung des Hauses Jerobeam durch Bascha während der Regierung von Jerobeams Sohn Nadab (1 Kön 15,25-31) ohne weiteres als Strafe verstehen, die auf die „Sünde Jerobeams“ folgt, so machen die verstreuten Angaben über Jehoschaphat, die zwischen Annalenformel und Todesnotiz stehen, einen ganz anderen Eindruck (1 Kön 22,46-51). Nicht als Einschub, sondern an seiner regulären Stelle, steht ein Bericht über den Krieg mit Edom in der Zeit Jorams von Juda (2 Kön 8,20-24). Ebenfalls ein prägnantes Beispiel ist 2 Kön 14,1-22: Amazjas Niederlage gegen Joasch kann nicht als Strafe erklärt werden, da er ja das Rechte tat. Die Verschränkung mit der Herrschaft Joaschs samt den aufeinander folgenden Annalenformeln deutet auf eine Textstörung. Das Gegenteil findet sich anschließend im Bericht über Jerobeam II, der tat, „was böse ist in den Augen YHWHs“, aber einen militärischen Erfolg verzeichnen kann (2 Kön 14,23-29), während der rechtschaffene Jotam von Juda bereits die Aggression Arams zu spüren bekommt, die seinen Sohn Achas aufgrund seiner Sünden wesentlich stärker treffen wird, so dass er sich den Assyrern unterwerfen muss (2 Kön 15,32 – 16,20). 45 Zum „Frömmigkeitsurteil“ und der Aufteilung der Könige in die Gruppe derer, die das Rechte, und in die ungleich größere Gruppe derer, die das Böse getan haben, s. F. BLANCO WISSMANN, « ErtatdasRechte… », 42-43. Eine Auflistung der Charakterisierungen der Könige, jedoch ohne redaktionsgeschichtliche Folgerungen findet sich auch bei Robert L. COHN, „Characterization in Kings“, in: André LEMAIRE, Baruch HALPERN (Hg.), TheBooksofKings.Sources,Composition,HistoriographyandReception (VT.S, 129), Leiden, Boston, MA, Brill, 2010, 89-105, 92-94. 46 F. BLANCO WISSMANN, « ErtatdasRechte… », 42, Fn. 208.

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Diese Belege zeigen, dass die annalistischen Berichte über die Könige Judas und Israels zwar dem festen Schema der Bewertungsnotizen folgen, das bis auf die wenigen genannten Ausnahmen konsequent durchgehalten wird, ansonsten aber in der inhaltlichen Stufung dessen, was sie berichten und was sie als „Rest“ der Annalenformel zuweisen, eine gewisse Freiheit in Anspruch nehmen. Ein Auswahlkriterium für die geschilderten Ereignisse, die über die Bewertungsnotiz hinausgehen, ist offenbar die Stabilität der äußeren Grenzen und die Bewahrung der eigenen Autonomie der beiden Staaten. 4.2. Die Chroniken Da die in der Annalenformel stereotyp erwähnten Bücher der Begebenheiten der Regierungszeit der Könige von Juda bzw. Israel nicht erhalten sind, können hier nur sehr kurz gehaltene Überlegungen angestellt werden. Die Erwähnung dieser Chroniken scheint an den Tod und das Begräbnis der Könige in ihrem Land gebunden zu sein. So wird die Formel beim letzten König des Nordreichs, Hoschea, ebensowenig zitiert wie bei Joahas, Jojachin und Zidkija; Gefangenschaft und Deportation der Könige, die im Exil starben, haben offenbar Einträge in diese Annalen verhindert.47 Das würde bedeuten, dass diese Gestae im Land selber verfasst und im ägyptischen, assyrischen und babylonischen Exil nicht weitergeführt wurden, mithin vorexilisch sind. Es hat also eine Geschichte der Könige gegeben, die den Autoren der Königebücher bereits vorlag. Der Königsrahmen ist mithin nicht mehr vorexilisch und, da 2 Kön 25,27-30 ein Nachtrag ist, noch nicht nachexilisch.48 Die eingangs analysierte Form der negativen Frage stellt, wie bereits gesehen, die Existenz dieser Chroniken keineswegs in Frage, sondern folgt kommunikationspragmatischen Gesetzen. Die Formel verweist auf die Chroniken, in denen ja (so ist ha-lōʼ am besten zu übersetzen) stehe, was sonst noch erwähnt werden könne, was jedoch angesichts der 47 Joram von Israel, der der Jehurevolution zum Opfer fällt, wird ebenfalls nicht in einer Annalenformel erwähnt. Allerdings kann das mit dem großangelegten erzählerischen Kontext und dem gleichnamigen judäischen König zusammenhängen. 48 Zu einem ähnlichen Ergebnis kommt auch Mario LIVERANI, „The Book of Kings and Ancient Near Eastern Historiography“, in: André LEMAIRE, Baruch HALPERN (Hg.), The Books of Kings. Sources, Composition, Historiography and Reception (VT.S, 129), Leiden, Boston, MA, Brill, 2010, 163-184, 172.

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Bewertungen der einzelnen Könige lediglich ein Rest sei, der angefügt, aber nicht ausgeführt wird. Das kausale ja wäre von seiner Textfunktion her die Begründung, andere Taten und Eigenschaften der Könige in den Vordergrund zu stellen als die in den Chroniken aufgeführten. Die Satzform der negierten Frage hat eher eine verweisende als eine assertive Funktion. Das wörtliche Verständnis der Satzsyntax und – semantik (s. 3.2.) kann anhand dieser Kontextualisierung also korrigiert werden. Ist das Ende dieser Chroniken einigermaßen klar, ist die Frage nach ihrem Beginn schwieriger zu beantworten. Ob es Chroniken Salomos gab, bleibt eine nicht leicht zu beantwortende Frage. Die Formel in 1 Kön 11,41 erweckt jedenfalls den Eindruck, gleichsam die nach hinten verlängerte und auf Salomo hin adaptierte Annalenformel zu sein, nach dem sich dann die Chroniken in solche der Könige von Juda und solche der Könige von Israel aufspalten. Doch lässt sich das mit einiger Sicherheit nur über die Formel als solche sagen. Es wird mit Recht darauf hingewiesen, dass konkrete Angaben über Salomos Regentschaft wahrscheinlich auf entsprechende Aufzeichnungen zurückgehen.49 Ob für Rehabeam und Jerobeam bereits Annalen verfasst wurden, wie behauptet, kann nicht überprüft werden. Voraussetzung dafür sind Schreiberschulen und eine ausreichende höfische Infrastruktur zu deren Unterhaltung, was bereits für die Frühzeit der beiden Reiche durchaus möglich erscheint. Damit stellt sich abschließend die Frage nach der Natur dieser Chroniken, nach ihrem Alter und ihrer Verwendung. Für gewöhnlich wird für den narrativen Stoff der Geschichte der Könige von einem literargeschichtlichen Dreischritt ausgegangen: am Anfang hätten die Annalen gestanden, die lediglich listenähnliche Angaben enthielten; mit ihrer Hilfe seien mehrere Erzählungen entstanden, die als einzelne Geschichtswerke mit begrenztem Inhalt anzusprechen sind und in sich literarisch geschichtet sein können; unter Verwendung dieser Vorgaben hätten die deuteronomistischen Autoren dann das uns vorliegende Geschichtswerk konzipiert und verfasst, das in sich ebenfalls überarbeitet wurde.50 M. HARAN bestreitet, dass den dtr Autoren die Annalen zur Verfügung standen, sie hätten nur über die einzelnen kleinen Geschichtswerke 49

M. HARAN, „The Books of the Chronicles“, 161, Fn. 7. So schon M. NOTH, Könige, 327 und im Anschluss an ihn M. HARAN, „The Books of the Chronicles“, 161. 50

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Zugriff auf deren Daten gehabt.51 Diese letztgenannte Forschungsposition überzeugt jedoch bereits aufgrund ihrer Voraussetzungen nicht, da durchaus Annalenexemplare während der jahrhundertelangen Geschichte zur Verfügung gestanden haben können. Der literargeschichtliche Dreischritt dürfte hingegen zutreffend sein, jedoch sind hier Differenzierungen anzubringen: Das chronistische Material des Alten Orients kann sehr unterschiedliche literarische Genera umfassen. So können assyrische Chroniken äußerst knapp verfasst sein und lediglich den Namen eines Königs und die Anzahl seiner Regierungjahre nennen,52 andere, besonders babylonische Chroniken greifen sogar zum Stilmittel der Fiktion.53 Es ist also möglich, dass das jeweilige „Buch der Begebenheiten der Regierungszeit der Könige von Juda/ Israel“ ausführlichere narrative Passagen enthielt und sich nicht auf bloße Fakten und Zahlen beschränkte. Der Anteil der dann folgenden partiellen Geschichtswerke wäre in diesem Fall geringer anzusetzen. Die Inhalte der unter 3.2. angeführten erweiterten Pendentia der Annalenformel weisen jedenfalls in diese Richtung. Darüber hinaus kann auch nicht davon ausgegangen werden, dass alle kleinen Geschichtswerke die Chroniken als Quelle benutzten. Allerdings können hier lediglich Vermutungen aufgrund von Rückschlüssen angestellt werden. Unabhängig voneinander haben F. BLANCO WISSMANN und M. LIVERANI die Entstehung der Bewertungsnotizen in den Königebüchern entsprechenden Vorbildern und Einflüssen der neubabylonischen Literatur zugeschrieben. Hier finde sich ebenfalls massive Königskritik, besonders 51

M. HARAN, „The Books of the Chronicles“, 158-159. Die Argumente können nicht wirklich überzeugen. Aus dem Singular sipr, der in der Formel gebraucht wird, zu schließen, es habe von jedem der beiden Bücher (Israel und Juda) jeweils nur ein einziges Exemplar gegeben, ist eine Überstrapazierung des Textes. Auch das Argument, die dtr Autoren hätten kaum Aufzeichnungen zur Verfügung gehabt, die bereits aus der Zeit der Reichsteilung stammten, kann nicht verfangen. Es ist ohne weiteres mit mehreren Buchkopien zu rechnen, die im Laufe der Zeit nicht nur fortgeschrieben, sondern auch erneuert wurden. Beim Abbruch der Aufzeichnungen mit Jojakim kann es also lesbare Exemplare gegeben haben, die auch ins Exil mitgenommen werden konnten, s. dazu F. BLANCO WISSMANN, « ErtatdasRechte… », 255 mit dem richtigen Hinweis, „dass die Judäer, anders als die 720 v. Chr. verschleppten Bewohner Israels, bereits verschriftlichte Traditionen mitnehmen konnten, ist eine Vorausssetzung dafür, dass sich diese Volksgruppe im babylonischen Exil eine eigene Identität bewahren konnte und nicht im mesopotamischen Vielvölkergemisch aufging.“ 52 Jean-Jacques GLASSNER, MesopotamianChronicles (WAW, 19), Atlanta, GA, Society of Biblical Literature, 2004, 136-145 (The Assyrian Royal Chronicle). 53 J.-J. GLASSNER, MesopotamianChronicles, 263-269 (Chronicle of the Esagila), s. auch F. BLANCO WISSMANN, « ErtatdasRechte… », 47.

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im Bereich des richtigen oder falschen Kultes.54 Ein Geschichtswerk, das die Könige bewertete, ist also mit großer Wahrscheinlichkeit erst im Exil entstanden, wo die babylonischen Annalentexte zur Verfügung standen. Die Bewertungskriterien sind deshalb noch nicht dem deuteronomistisch überarbeiteten Deuteronomium entnommen, das Werk wäre nur als „proto-deuteronomistisch“ zu bezeichnen und speise sich aus den eigenen Reflexionen über das Schicksal der beiden untergegangenen Staaten wie auch aus der babylonischen Chronikliteratur.55 5. ZUSAMMENFASSUNG UND AUSBLICK Für die als negierte Frage formulierte Annalenformel wurde aufgrund der Analyse der anderen negierten Interrogative eine Verweisfunktion erwiesen und deshalb folgende Übersetzung gewählt: „Die restliche Geschichte des X und alles, was er getan hat, steht ja geschrieben im Buch der Begebenheiten der Regierungszeit der Könige von Juda/ Israel.“ Der Verweischarakter hat die Funktion, die der Formel vorangehenden Angaben über die Könige zu entlasten (s. das Signalwort vom „Rest“) und in den meisten Fällen auf die Bewertung der Herrscher zu beschränken, die sich an deren Praxis der Kultuseinheit und – reinheit orientiert und Vorbilder in der babylonischen Annalenliteratur fand. Die Form der negativen Frage will zudem erreichen, dass die Rezipienten die vorgenommene Gewichtung von expliziten Bewertungen einerseits und dem Inhalt der Chroniken andererseits mitvollziehen. Die Abfassung der Annalen, auf die verwiesen wird, kann an der jeweiligen Königsresidenz vermutet werden, die Dokumente sind vorexilisch, wurden in das Exil mitgenommen und dienten dort als Quelle für die Königsgeschichte. Daneben gab es mehrere Einzelberichte über bestimmte Ereignisse und Epochen, die als kleine Geschichtswerke bezeichnet werden können. Es gab zwar keine vorexilischen Königebücher, wie sie heute vorliegen, wohl aber gab es bereits eine Geschichte der Könige von Juda und Israel, über deren Umfang und literarisches Genus wir jedoch nichts wissen. Es ist jedoch wahrscheinlich, dass sich in diesen Annalen auch narrative Passagen fanden, die mit bloßen Personen- und Jahresangaben abgewechselt haben könnten, so dass auch mit einer Mischung der literarischen Genera gerechnet werden muss. 54 55

Kurz zusammengefasst bei M. LIVERANI, „The Book of Kings“, 175-178. F. BLANCO WISSMANN, « ErtatdasRechte… », 248.

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Eine Auswertung annalistischen Materials unter anderem Blickwinkel und aus späterer Zeit sei noch kurz erwähnt. Flavius Josephus führt fast ganz am Ende seiner Antiquitates (A 20:224-251) eine Liste der Hohenpriester von Aaron bis zur Zerstörung des Zweiten Tempels unter Titus auf.56 Diese Gesamtliste korrespondiert mit der Teilliste am Ende des zehnten Buchs (A 10:151-153), die die Priester des Ersten Tempels nennt, also von Salomo bis zum Exil. Flavius Josephus legt das Raster einer Geschichte des Hohenpriestertums über die Geschichte Israels, wobei er ideale Maßstäbe anlegt: die aaronidische Stammlinie muss eingehalten und fremde Einflüsse müssen ausgeschlossen werden, das Amt wird patrilinear vom Vater auf den ältesten Sohn vererbt und auf Lebenszeit ausgeübt.57 Da dieses Ideal im Laufe der langen Geschichte nicht durchgehalten wurde, kann Josephus die Geschichte Israels zumindest teilweise als Geschichte eines Niedergangs schreiben. Er bediente sich dabei offenbar annalistischen Materials, das er jedoch nicht näher benennt.58 In der genannten Teilliste in A 10:151-153 werden für die Zeit des Ersten Tempels insgesamt siebzehn Hohepriester genannt. Das würde eine durchschnittliche Amtszeit von 20 bis 25 Jahren ergeben, was zumindest statistisch gesehen plausibel ist. Die entsprechenden Angaben im chronistischen Werk nennen dagegen in Esr 7,1-6 dieselbe Priesterzahl für die Zeit von Aaron bis zum Exil, 1 Chr 5,29-41 für dieselbe Zeit immerhin 23 Hohepriester. Da zumindest die Angaben in Esr 7 nicht realistisch sind59 und in 1 Chr 5 Emendationen vorzunehmen 56 Für den Hinweis auf Flavius Josephus danke ich Étienne NODET, O. P., Jerusalem. 57 Dazu und zur Gesamtdeutung der Liste: Oliver GUSSMANN, „Die Bedeutung der hohepriesterlichen Genealogie und Sukzession nach Josephus, A 20:224-251“, in: Jürgen U. KALMS, Folker SIEGERT (Hg.), Internationales Josephus-Kolloquium Dortmund2002.ArbeitenausdemInstitutumJudaicumDelitzschianum (MJSt, 14), Münster, Lit Verlag, 2003, 119-131, 125-126. 58 Dies gilt auf jeden Fall für die Priestergenealogien bei Flavius Josephus (so auch in A 5:361-362; 8:12. Kommentierung bei FLAVIUS JOSÈPHE, Les Antiquités Juives, Volume II: Livres IV et V, Établissement du texte, traduction et notes par Étienne NODET, Paris, Les Éditions du Cerf, 1995, 201-202 und Volume IV: Livres VIII et IX, 2005, 5-6). O. GUSSMANN, „Die Bedeutung“, 123 mit Fn. 5 weist auf A 5:61 hin, wo Josephus sich auf Tempelschriften bezieht. Die Bezugnahme ist an dieser Stelle jedoch verdächtig, da es um die Paraphrasierung von Jos 10,13 geht, wo im biblischen Text vom „Buch des Aufrechten“ die Rede ist. 59 Nach Ralf ROTHENBUSCH, „…AbgesondertzurTorahin“ Ethnischeundreligiöse Identitäten im Esra/ Nehemiabuch (HBS, 70), Freiburg, Basel, Wien, Verlag Herder, 2012, 143 steht im Kontext nicht Esras Priestertum, sondern seine Funktion als Schriftgelehrter im Vordergrund.

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sind, wodurch für die Zeit des Ersten Tempels nur zehn Generationen verbleiben,60 kann man vermuten, dass Flavius Josephus eventuell über ein kohärenteres Quellenmaterial verfügte. Falls er nicht aufgrund seiner historiographischen Autorenabsicht seinerseits die Listen auffüllte, hätte ihm also eine Quelle zur Verfügung gestanden, die den Autoren des chronistischen Geschichtswerks entweder nicht bekannt war oder die von ihnen bewusst ignoriert wurde.

60 Sara JAPHET, 1 Chronik (HThKAT), Freiburg, Basel, Wien, Verlag Herder, 2002, 168-170 mit der Option für Esr 7 als der älteren Liste, die in 1 Chr 5 aufgefüllt worden sei.

COMMENT LES TRADUCTEURS DE LA SEPTANTE PERCEVAIENT-ILS LES NUANCES TEMPORELLES EXPRIMÉES PAR LE SYSTÈME VERBAL HÉBREU ? LE CAS DE DEUX USAGES RARES DANS LES LIVRES DE SAMUEL ET DES ROIS PAR

Matthieu RICHELLE FLTE – EPHE – UMR 7192 16, avenue du Maréchal Joffre F-78250 Meulan-en-Yvelines [email protected]

RÉSUMÉ Il existe un débat parmi les chercheurs au sujet de la manière dont les traducteurs de la Septante ont traité le système verbal hébreu, spécialement dans les cas difficiles. Etaient-ils principalement influencés par le contexte (J. Barr) ou avaient-ils recours à l’équivalent grec usuel parce qu’ils traduisaient seulement de brefs segments de texte (A. Voitila) ? Cet article se penche sur deux usages rares (we+qatal exprimant des événements ponctuels du passé ; wayyiqtol à valeur de plus-que-parfait) dans Samuel et Rois, et montre qu’expliquer les choix des traducteurs requiert une approche nuancée, intégrant des éléments des deux hypothèses. ABSTRACT There is a debate among scholars about the way the translators of the Septuagint handled the Hebrew verbal system, especially in difficult cases. Were they mainly influenced by the context (J. Barr) or did they have recourse to the usual Greek equivalent because they translated only short segments at a time (A. Voitila) ? This article focuses on two rare uses (we+qatal expressing single events in the past; « pluperfect » wayyiqtol) in Samuel and Kings, and shows that explaining the choices of the translators requires a nuanced approach integrating elements of both hypotheses.

La manière dont les traducteurs de la Septante ont perçu les nuances temporelles exprimées par le système verbal de leur modèle hébreu et

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les ont rendues en grec fait débat. Selon Barr, ils ont généralement bien traité de cet aspect du texte biblique1 ; toutefois : the translators may not have worked by a precise grammar which noted the exact morphological forms and proceeded from them by rigid rules to a clearly « correct » Greek tense : they may have worked by a much vaguer sort of grammatical guidance and relied to a large extent on the indications of the context2.

Voitila a contesté cette thèse en mettant en évidence des cas où la forme verbale grecque s’intègre mal dans son contexte et n’est autre, en réalité, que l’équivalent habituel du verbe hébreu concerné. Cela suggère que le principe directeur du traducteur était un système de correspondances relativement simple entre les formes verbales des deux langues, et non l’adaptation au contexte3. Selon ce chercheur : It may not be argued that the context did not have any effect on the translation process of the tenses, but its influence was limited because of the habit of translating only short segments at a time and according to the so-called « easy technique » – the concept introduced by Barr – which means translating by the usual equivalent without an exhaustive study of the context4.

Durant les deux décennies suivant la parution de cet article de Voitila, la gestion des temps par les traducteurs a fait l’objet de diverses études, notamment par ce même chercheur dans le Pentateuque5 ou, récemment, dans la section kaigé de 2 Règnes6. En outre, Muraoka traite de l’usage des temps grecs dans l’ouvrage de référence qu’il vient de

1

James BARR, « Translators’ Handling of Verb Tense in Semantically Ambiguous Contexts », dans : Claude E. Cox (éd.), VICongressoftheInternationalOrganization forSeptuagintandCognateStudies.Jerusalem1986 (SCSt, 23), Atlanta, GA, Scholars Press, 1987, 381-403. Repris dans James BARTON (éd.), BibleandInterpretation. The Collected Essays of James Barr, vol. 3 : Linguistics and Translation, Oxford, Oxford University Press, 2014, 190-205 (dans la suite, nous utilisons la numérotation de cette réédition). 2 Ibid., 193. 3 Anssi VOITILA, « What the Translation of Tenses tells about the Septuagint Translators », SJOT 10 (1996) 183-196. 4 Ibid., 195. 5 Anssi VOITILA, Présentetimparfaitdel’indicatifdanslePentateuquegrec.Une étudesurlasyntaxedetraduction, Helsinki, Société d’exégèse de Finlande à Helsinki, 2001. 6 Anssi VOITILA, « The Use of Tenses in the L- and B-Texts in the Kaige-Section of 2 Reigns », dans : Siegfred KREUZER, Martin MEISER and Marcus SIGISMUND (éd.), DieSeptuaginta–Entstehung,Sprache,Geschichte (WUNT, 286), Tübingen, Mohr Siebeck, 2012, 213-237.

LE CAS DE DEUX USAGES RARES

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publier sur la syntaxe du grec de la Septante7. Néanmoins, il reste beaucoup à faire dans l’étude du rapport entre les deux systèmes verbaux (hébreu et grec), du moins tel que les traducteurs le comprenaient. Le présent article se veut une modeste contribution à ce débat ; il se penche sur deux usages rares, susceptibles de créer des difficultés aux traducteurs, en limitant l’étude aux livres de Samuel et des Rois. D’une part, la construction w e + qatal sert parfois à faire référence à des événements isolés du passé ; or elle peut aisément être confondue avec la forme plus répandue weqatal. D’autre part, il arrive que le wayyiqtol soit employé par le narrateur pour opérer un retour en arrière momentané et fournir au lecteur une information éclairante : l’équivalent d’un plus-que-parfait en français. Dans quelle mesure les traducteurs responsables des Règnes ontils été sensibles aux nuances temporelles induites par ces usages rares ? Les ont-ils rendues en grec et, le cas échéant, de quelle manière ? 1. LA

TRADUCTION DE W e+ QATAL EN RÉFÉRENCE À DES ÉVÉNEMENTS PONCTUELS DU PASSÉ

Les cas où le qatal précédé de la conjonction w e renvoie à des événements ponctuels du passé sont particulièrement frappants dans des narrations, où l’on attendrait un wayyiqtol, sans qu’il existe d’explication claire à ce phénomène8. Joosten a établi une liste de versets concernés dans la Bible hébraïque9, et nous avons passé en revue l’ensemble de ces occurrences en Samuel et Rois, en tenant compte des variantes dans les différentes traditions textuelles des Règnes (principalement LXXB et LXXL), afin de déterminer quelles conjugaisons apparaissent alors en grec10. Nous commencerons par les cas où le traducteur a 7

Takamitsu MURAOKA, ASyntaxofSeptuagintGreek, Leuven, Peeters, 2016. Bo JOHNSON, HebräischesPerfektundImperfektmitvorangehendem we (CB.OT, 13), Berlings, CWK Gleerup, 1979, 42-46 ; Jan JOOSTEN, TheVerbalSystemofBiblicalHebrew.ANewSynthesisElaboratedontheBasisofClassicalProse (JBS, 10), Jérusalem, Simor, 2012, 223-228. Pour limiter la taille de la discussion, nous laissons de côté les cas où cette forme verbale intervient dans un discours direct (sur ce sujet voir ibid., 225-226). 9 Ibid., 227-228. 10 Nous évoquerons « la Septante » sans autre précision quand ces variantes n’impliquent aucun changement de conjugaison, par exemple lorsque le Vaticanus et le texte antiochien utilisent deux verbes différents (quoique généralement synonymes) mais conjugués au même temps. En outre, il nous paraît prudent d’écarter les cas où l’on ne peut parvenir à une conclusion sûre. Ainsi, la Septante a un participe en 2 S 13,19, mais cela correspond peut-être simplement à une analyse grammaticale du même texte consonantique différente de celle du TM. Dans plusieurs passages, le verbe hébreu n’a pas d’équivalent en grec (1 S 17,20.38 ; 2 S 16,13). En 1 S 20,16, le verbe inaugure 8

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utilisé un temps passé (aoriste, imparfait ou parfait), puis examinerons d’autres situations où, de manière plus surprenante eu égard au contexte, on rencontre le présent et même le futur. 1.1. Aoriste et imparfait Un premier constat s’impose : en règle générale, on rencontre un indicatif aoriste dans les passages correspondants de la Septante (1 S 1,12 ; 10,9 ; 17,48 ; 25,20 ; 2 S 6,16 ; 12,16 ; 13,18 ; 16,511 ; 19,1812.19 ; 23,20 ; 1 R 9,2513 ; 12,32 ; 14,27 ; 20,21.2714 ; 21,12 ; 2 R 3,15 ; 14,7.14 ; 17,21 ; 18,415.36 ; 19,18 ; 21,416 ; 23,4.5.8.12.14.15 ; 24,14 ; 25,2917). Prenons l’exemple de 1 S 1,12 : TM

‫יה‬ ָ ‫ת־פּ‬ ִ ‫וְ ָהיָ ה ִכּי ִה ְר ְבּ ָתה ְל ִה ְת ַפּ ֵלּל ִל ְפנֵ י יְ הוָ ה וְ ֵע ִלי שׁ ֵֹמר ֶא‬

BJ18

Comme elle prolongeait sa prière devant Yahvé, Éli observait sa bouche.

LXXB καὶ ἐγενήθη ὅτε ἐπλήθυνεν προσευχομένη ἐνώπιον κυρίου καὶ Ηλει ὁ ἱερεὺς ἐφύλαξεν τὸ στόμα αὐτῆς.

Là où le texte a ‫וְ ָהיָ ה‬, on attendrait ‫וַ יְ ִהי‬. Tous les manuscrits de la Septante ont ici un verbe à l’aoriste, comme dans la LXXB. une clause susceptible d’être interprétée comme un discours direct. En 2 R 11,1, la forme w e+qatal apparaît dans le Ketiv mais non dans le Qeré. 11 Dans la LXXB (le texte antiochien a un présent, cf. infra). 12 Dans la LXXB (le texte antiochien a ici un autre verbe, au présent, cf. infra). 13 Il s’agit ici du dernier verbe de la phrase (les premiers sont des weqatal itératifs rendus par des imparfaits en grec). Dans la Septante, l’équivalent de ce verset se trouve dans les miscellanées (3 Règnes 2,35g). 14 Ici le verbe hébreu n’a d’équivalent ni dans le Vaticanus ni dans le texte antiochien, mais il apparaît (à l’aoriste) dans l’Alexandrinus (ainsi que chez Aquila et chez Symmaque). 15 Sur les trois cas de w e + qatal que comporte ce verset, la Septante rend les deux premiers par un aoriste, mais n’a pas d’équivalent pour le troisième verbe. 16 Ce verset est absent de la Vieille latine, sans doute à cause d’un homoioteleuton (Percy S. F. VAN KEULEN, Manasseh Through the Eyes of the Deuteronomists. The ManassehAccount[2Kings21:1-18]andtheFinalChaptersoftheDeuteronomistic History [OTS, 38], Leiden, Brill, 1996, 56-57). 17 Dans ce verset, il s’agit du premier verbe (le second est un weqatal rendu par un imparfait). 18 Dans les tableaux illustrant des exemples, nous citons, par commodité, la Bible de Jérusalem et la LXXB pour illustrer la manière dont l’hébreu est rendu en français et en grec, tout en signalant en note les éventuelles variantes de la LXXL.

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Le même phénomène s’observe en 1 S 10,9 ; 17,48 ; 25,20 ; 2 S 6,16. Il est certes possible que la Vorlage du texte grec ait comporté un wayyiqtol dans certains versets ; ainsi, en 2 S 6,16, on lit ‫וְ ָהיָ ה‬ dans le TM mais ‫ וַ יְ ִהי‬dans 4QSama (avec 2 S 12,16, sur lequel nous reviendrons, c’est le seul verset de la liste fournie au début de cette section où l’on trouve une telle variante à Qumrân). Face au nombre de passages concernés, il semble cependant difficile d’imaginer que cela se soit produit systématiquement. Dans un cas, le traducteur a utilisé un participe aoriste : 1 R 11,9-10. TM

‫ֹלהי יִ ְשׂ ָר ֵאל ַהנִּ ְר ָאה ֵא ָליו‬ ֵ ‫וַ יִּ ְת ַאנַּ ף יְ הוָ ה ִבּ ְשֹׁלמֹה ִכּי־נָ ָטה ְל ָבבוֹ ֵמ ִעם יְ הוָ ה ֱא‬9 ‫ֹלהים ֲא ֵח ִרים וְ לֹא‬ ִ ‫י־ל ֶכת ַא ֲח ֵרי ֱא‬ ֶ ‫ל־ה ָדּ ָבר ַהזֶּ ה ְל ִב ְל ִתּ‬ ַ ‫וְ ִצוָּ ה ֵא ָליו ַע‬10 ‫ַפּ ֲע ָמיִם‬ ‫ר־צוָּ ה יְ הוָ ה‬ ִ ‫ָשׁ ַמר ֵאת ֲא ֶשׁ‬

BJ

9

LXXB

καὶ ὠργίσθη κύριος ἐπὶ Σαλωμων ὅτι ἐξέκλινεν καρδίαν αὐτοῦ ἀπὸ κυρίου θεοῦ Ισραηλ τοῦ ὀφθέντος αὐτῷ δὶς 10 καὶ ἐντειλαμένῳ αὐτῷ ὑπὲρ τοῦ λόγου τούτου τὸ παράπαν μὴ πορευθῆναι ὀπίσω θεῶν ἑτέρων καὶ φυλάξασθαι ποιῆσαι ἃ ἐνετείλατο αὐτῷ κύριος ὁ θεός.

Yahvé s’irrita contre Salomon parce que son cœur s’était détourné de Yahvé, Dieu d’Israël, qui lui était apparu deux fois 10 et qui lui avait défendu à cette occasion de suivre d’autres dieux, mais il n’observa pas cet ordre.

9

Au début du v. 10, la forme ‫ וְ ִצוָּ ה‬laisse perplexes bien des exégètes : on attendrait ici un wayyiqtol, comme pour la forme précédente (‫יִּת ַאנַּ ף‬ ְ ַ‫)ו‬. Stade parlait de « gaffe syntaxique » (« syntactical blunder »)19, tandis que Burney y voyait une « irrégularité »20. Il faut tout simplement admettre qu’il y a ici un cas de w e+qatalrenvoyant à un événement ponctuel dans la sphère du passé. La plupart des traducteurs21, des commentateurs22 et des grammairiens23 rattache ainsi cette forme verbale au participe précédent (‫)הנִּ ְר ָאה‬ ַ et rend tous les deux au plus-que-parfait, 19 Bernhard STADE et Friedrich SCHWALLY, TheBooksofKings.CriticalEdition oftheHebrewTextwithNotes, Leipzig, Hinrichs, 1904, 122. 20 Charles Fox BURNEY, NotesontheHebrewTextoftheBooksofKingswithan IntroductionandanAppendix, Oxford, Clarendon Press, 1903, 157. 21 BJ, TOB, les éditions de la Segond, JPS, NRS, NIV, etc. 22 E.g. Martin Jan MULDER, IKings, vol. 1: 1Kings1-11 (HCOT), Leuven, Peeters, 1998, 559. 23 E.g. B. JOHNSON, Hebräisches Perfekt und Imperfekt mit vorangehendem we, 42 ; IBHSy § 32.3e.

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comme dans la BJ. Le début du v. 10 renvoie ainsi à la seconde des deux apparitions évoquées à la fin du v. 9, et contient vraisemblablement une allusion à la réponse donnée par Dieu à la prière de Salomon au chapitre 9 : le Seigneur avait alors interdit à « vous et vos fils » de servir d’autres dieux que lui (1 R 9,6)24. Les traducteurs de la Septante ont probablement compris de manière semblable. Ils ont eu recours à un participe aoriste pour rendre ‫ וְ ִצוָּ ה‬: ἐντειλαμενῳ dans la LXXB, ἐντειλαμενου dans la LXXA et la LXXL (leçon retenue par Rahlfs) ; il prend la suite d’un autre participe aoriste (ὀφθεντος). Ce procédé permet d’exprimer l’antériorité du commandement donné par le Seigneur au début du v. 10 par rapport à l’action principale du début du v. 9 (ὠργίσθη)25. Ainsi, la Septuaginta Deutsch rend les participes aoristes par le plus-que-parfait : « UndderHerrwurdezornigaufSalomon,weilsichseinHerzabgewandt hattevondemHerrn,demGottIsraels,derihmzweimalerschienenwar undihminBezugaufdieseSachebefohlenhatte,aufkeinenFallanderen Götternnachzufolgen(…) ».

Les traducteurs semblent parfois marquer leur sensibilité aux nuances temporelles par un usage différencié de l’aoriste et de l’imparfait. Un cas particulièrement intéressant se trouve en 1 R 9,25 : on y rencontre une série de trois verbes où waw est immédiatement suivie du qatal, mais la Septante ne les traite pas tous de la même manière26 :

24 Théoriquement, une autre lecture est possible. On peut comprendre que la forme ‫ וְ ִצוָּ ה‬prend la suite non du participe précédent (‫)הנִּ ְר ָאה‬ ַ mais du verbe initial du v. 9 (‫)וַ יִּ ְת ַאנַּ ף‬, de sorte que l’on aurait une séquence de trois actions successives au premier-plan du récit : « Yhwh s’irrita… (Yhwh) lui ordonna… (Salomon) n’observa pas » : 9  Yhwh s’irrita contre Salomon parce que son cœur s’était détourné de Yhwh, Dieud’Israël,quiluiétaitapparudeuxfois.10Illuiordonnaàcesujetdenepas suivred’autresdieux,maisiln’observapascequeYhwhluiavaitordonné. Cela impliquerait que Dieu est intervenu adhocauprès de Salomon après que celui-ci a commencé à se livrer à l’idolâtrie, lors d’une intervention divine distincte de celle rapportée en 1 R 9,3-9. Cependant, il paraît plus naturel de lire ici une analepse. 25 Voir, T. MURAOKA, ASyntaxofSeptuagintGreek, 274, sur les nombreux cas où le participe aoriste exprime ce qui s’est passé avant l’événement évoqué par le verbe principal. 26 On prendra garde au fait que dans la LXXB, le verset se trouve en 2,35g, et que dans la LXXL il apparaît en 2,7 si l’on utilise l’édition de Natalio FERNÁNDEZ MARCOS et José Ramón BUSTO SAIZ, El Texto Antioqueno de la Biblia Griega, vol. 2 : 1-2Reyes (TECC, 53), Madrid, Instituto de Filología del Consejo Superior de Investigaciones Científicas, 1992 (voir p. 6).

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TM

‫ל־ה ִמּזְ ֵבּ ַח ֲא ֶשׁר ָבּנָ ה ַליהוָ ה‬ ַ ‫וּשׁ ָל ִמים ַע‬ ְ ‫וְ ֶה ֱע ָלה ְשֹׁלמֹה ָשֹׁלשׁ ְפּ ָע ִמים ַבּ ָשּׁנָ ה עֹלוֹת‬ ‫ת־ה ָבּיִת‬ ַ ‫וְ ַה ְק ֵטיר ִאתּוֹ ֲא ֶשׁר ִל ְפנֵ י יְ הוָ ה וְ ִשׁ ַלּם ֶא‬

BJ

Salomon offrait trois fois par an des holocaustes et des sacrifices de communion sur l’autel qu’il avait dressé à Yahvé et il faisait fumer devant Yahvé ses offrandes brûlées. Il maintenait le Temple en bon état.

LXXB καὶ Σαλωμων ἀνέφερεν τρεῖς ἐν τῷ ἐνιαυτῷ ὁλοκαυτώσεις καὶ εἰρηνικὰς ἐπὶ τὸ θυσιαστήριον ὃ ᾠκοδόμησεν τῷ κυρίῳ καὶ ἐθυμία ἐνώπιον κυρίου καὶ συνετέλεσεν τὸν οἶκον.

La présence de l’indication « trois fois par an » (‫)שֹׁלשׁ ְפּ ָע ִמים ַבּ ָשּׁנָ ה‬ ָ ne laisse aucun doute sur le caractère répété de l’offrande sacrificielle de Salomon. Il faut donc comprendre le premier verbe (‫)וְ ֶה ֱע ָלה‬, et sans doute également le second (‫)וְ ַה ְק ֵטיר‬, comme des cas de weqatal itératif. En revanche, le troisième verbe (‫ )וְ ִשׁ ַלּם‬cause difficulté. Ehrlich estime qu’il ne peut être question de l’achèvement du temple parce que ce sens est porté par le hifil et non le piel, lequel évoquerait ici, au weqatal, des travaux de restauration du bâtiment27 ; la BJ reflète cette analyse. Noth pense plutôt qu’il est question d’« accomplir le but »28 et semble suivi par la TOB (« ainsi donnait-il à la Maison sa raison d’être ». Cependant, ces acceptions ne trouvent guère de parallèles assurés en hébreu biblique29. Il se pourrait également que l’on ait affaire à une glose, comme l’affirme Würthwein au motif que la langue de la clause est tardive30. Quoi qu’il en soit, le point à retenir pour notre étude est que le traducteur de la Septante a estimé, comme nombre de ses collègues modernes, que le texte évoque ici l’« achèvement » ou la « complétion » du temple. Or cela semble viser un événement unique. De fait, la Septante rend effectivement une différence dans la traduction des trois verbes consécutifs en utilisant deux imparfaits (ἀνεφερεν, ἐθυμια) puis un aoriste (συνετέλεσεν). Il est donc possible que le traducteur ait analysé ‫ וְ ִשׁ ַלּם‬comme un we+qatal, mais il est vrai que le contexte et le sens habituel du verbe ont peut-être simplement dicté 27

Arnold B. EHRLICH, RandglossenzurhebraïschenBibel, vol. 7, Leipzig, Hinrichs, 1914, 236. 28 Martin NOTH, Könige, vol. 1 (BKAT, IX/1), Neukirchen-Vluyn, Neukirchener Verlag, 1968. 29 Il paraît difficile d’inférer, comme le fait Ehrlich, le sens de « réparer » de celui, bien attesté, de « compenser ». De même, il est question d’« accomplir » un vœu (e.g. Dt 23,22), pas un « but » au sens de la « vocation » d’un bâtiment comme le propose Noth. 30 Ernst WÜRTHWEIN, Die Bücher der Könige, vol. 1 (ATD, 11,1), Göttingen, Vandenhoeck & Ruprecht, 1977, 114, note 2.

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son choix. Il semble bien, en tous les cas, que ce traducteur ait voulu marquer une nuance par le jeu des temps en grec. Signalons que de manière analogue, en 2 R 25,29, le traducteur a judicieusement rendu un w e+qatal et un weqatal par un aoriste et un imparfait respectivement, le second étant accompagné d’un adverbe (‫)תּ ִמיד‬ ָ qui indique l’aspect itératif. Dans d’autres passages, il pourrait bien avoir lu un weqatal itératif là où un grammairien moderne pourrait préférer voir un w e+qatal, car il a utilisé un imparfait (2 S 15,30 ; 1 R 18,431). Prenons le cas de 1 R 18,4 : TM

‫יאם‬ ֵ ‫יאי יְ הוָ ה וַ יִּ ַקּח ע ַֹב ְדיָ הוּ ֵמ ָאה נְ ִב ִאים וַ יַּ ְח ִבּ‬ ֵ ‫וַ יְ ִהי ְבּ ַה ְכ ִרית ִאיזֶ ֶבל ֵאת נְ ִב‬ ‫ֲח ִמ ִשּׁים ִאישׁ ַבּ ְמּ ָע ָרה וְ ִכ ְל ְכּ ָלם ֶל ֶחם וָ ָמיִם‬

BJ

Lorsque Jézabel massacra les prophètes de Yahvé, il prit cent prophètes et les cacha cinquante à la fois dans une grotte, où il les ravitaillait de pain et d’eau.

LXXB καὶ ἐγένετο ἐν τῷ τύπτειν τὴν Ιεζαβελ τοὺς προφήτας κυρίου καὶ ἔλαβεν Αβδειου ἑκατὸν ἄνδρας προφήτας καὶ ἔκρυψεν32 αὐτοὺς κατὰ πεντήκοντα ἐν σπηλαίῳ καὶ διέτρεφεν αὐτοὺς ἐν ἄρτῳ καὶ ὕδατι

Ici, le ravitaillement des prophètes cachés (‫ )וְ ִכ ְל ְכּ ָלם‬est évoqué à l’imparfait en grec (διέτρεφεν), ce qui a un effet semblable à celui obtenu dans la BJ. Mais il est également possible d’analyser ‫וְ ִכ ְל ְכּ ָלם‬ comme un w e+qatal : « il prit cent prophètes, les cacha (…) etles ravitailla ». En tout état de cause, la phrase grecque se révèle parfaitement cohérente au plan narratif. Il faut encore signaler un verset où l’appréciation de la nuance temporelle portée par le verbe pourrait expliquer des variantes textuelles et a, de surcroît, un impact sur le sens même du texte (2 R 21,6). TM

‫ת־בּנוֹ ָבּ ֵאשׁ וְ עוֹנֵ ן וְ נִ ֵחשׁ וְ ָע ָשׂה אוֹב וְ יִ ְדּעֹנִ ים ִה ְר ָבּה ַל ֲעשׂוֹת ָה ַרע‬ ְ ‫וְ ֶה ֱע ִביר ֶא‬ ‫ְבּ ֵעינֵ י יְ הוָ ה ְל ַה ְכ ִעיס‬

BJ

Il fit passer son fils par le feu. Il pratiqua les incantations et la divination, installa des nécromants et des devins, il multiplia les actions que Yahvé regarde comme mauvaises, provoquant ainsi sa colère.

LXXB καὶ διῆγεν τοὺς υἱοὺς αὐτοῦ ἐν πυρὶ καὶ ἐκληδονίζετο καὶ οἰωνίζετο καὶ ἐποίησεν ἐλλὴν καὶ γνώστας ἐπλήθυνεν τοῦ ποιεῖν τὸ πονηρὸν ἐν ὀφθαλμοῖς κυρίου παροργίσαι αὐτόν. 31

Il existe un troisième cas possible, 2 S 12,16 dans le texte antiochien, mais le manuscrit 4Q51 a ici un wayyiqtol. 32 La LXXL a ici κατέκρυψεν.

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À l’instar de la BJ, la plupart des traductions modernes supposent que le crime de Manassé porte ici sur l’un de ses fils. Dans la Septante, on rencontre un pluriel et un verbe à l’imparfait : « il faisait passer ses fils33 par le feu ». On notera que conjugaison et complément se correspondent de manière cohérente. Selon Schenker, la différence textuelle provient d’une correction effectuée du côté du TM afin de rendre le texte plus logique34. Il apparaît en effet plus loin qu’un fils de Manassé au moins, Amon, a survécu : il monte sur le trône après la mort de son père (v. 18)35. Cependant, la variante est susceptible de s’expliquer autrement : elle pourrait être due à la manière dont la forme verbale a été comprise. En effet, l’hébreu a recours à la forme équivoque ‫ וְ ֶה ֱע ִביר‬: isolément, elle pourrait s’analyser aussi bien comme un weqatal à valeur itérative ou fréquentative36 (« il faisait passer ») que comme un w e+qatal évoquant un événement ponctuel du passé (« il fit passer »). Il est possible qu’un copiste du texte hébreu, ou le traducteur, ait lu le verbe comme un weqatal à valeur itérative ou fréquentative et que cela l’ait incité à corriger « son fils » en « ses fils » car cela lui semblait plus cohérent. Le cas échéant, il n’a pas considéré, ou du moins retenu, la possibilité qu’il s’agisse d’un w e+qatal à valeur prétérite37. Il est intéressant d’établir une comparaison avec le parallèle des Chroniques (2 Ch 33,6) : « c’est lui qui fit passer ses fils38 par le feu » (‫ת־בּנָ יו ָבּ ֵאשׁ‬ ָ ‫)וְ הוּא ֶה ֱע ִביר ֶא‬. L’introduction du pronom personnel ‫ הוּא‬après la conjonction implique le remplacement de ‫ וְ ֶה ֱע ִביר‬par un simple qatal (‫)ה ֱע ִביר‬. ֶ Ce changement paraît, à première vue, d’autant plus remarquable que les trois formes verbales suivantes font partie des 33 Le texte antiochien évoque plus largement des « enfants » (τεκνα). La Vieille latine a ici : et induxit filios suos in ignem (Gerardus Frederik DIERCKS, Luciferi Calaritanioperaquaesupersunt [CCSL, 8], Turnhout, Brepols, 1978, 153). 34 Voir Adrian SCHENKER, « The Septuagint in the Text History of 1-2 Kings », dans : Baruch HALPERN et André LEMAIRE (éd.), The Books of Kings. Sources, Composition, HistoriographyandReception (VT.S, 129), Leiden - Boston, MA, Brill, 2010, 3-17, 8. 35 En fait, il n’est pas certain que cette donnée contredise le v. 6 tel qu’il se lit dans la Septante (ou sa Vorlage), car cette dernière pourrait signifier que Manassé a pratiqué plusieurs fois une telle mise à mort sans nécessairement impliquer que cela a concerné la totalité de ses fils. Il n’en reste pas moins qu’un copiste a pu voir ici une contradiction et cherché à y remédier par un passage au singulier. 36 À ce sujet voir J. JOOSTEN, TheVerbalSystemofBiblicalHebrew, 305-307. 37 On peut également concevoir qu’un traducteur ait compris « il avait l’habitude de faire passer son fils par le feu » de la manière suivante : « faire-passer-son-fils-parle-feu » était un acte que Manassé répétait régulièrement. Dans ce cas, traduire par « il faisait passer ses fils par le feu » pourrait représenter une tentative de restituer correctement le sens, sans correction sous-jacente de l’hébreu. 38 Ici la BJ a : « enfants », comme en grec.

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rares cas possibles de weqatal à valeur itérative en hébreu biblique tardif 39. Du reste, les Paralipomènes emploient ici l’aoriste (διήγαγεν) pour le premier verbe et l’imparfait pour les trois suivants (καὶ ἐκληδονίζετο καὶ οἰωνίζετο καὶ ἐφαρμακεύετο)40. En réalité, Joosten soutient qu’il n’existe aucun cas de weqatal itératif en hébreu biblique tardif41 ; à bien y regarder, les exceptions peuvent se ranger dans la règle générale. De fait, ici, le Chroniste pourrait vouloir dire, comme dans la BJ : « C’est lui qui fit passer ses enfants par le feu dans la vallée des fils de Hinnom. Il pratiqua les incantations, la divination et la magie, installa des nécromants et des devins ». En tout état de cause, le Chroniste n’a pas traité le premier verbe comme les suivants. Mais tout comme dans la Septante, les deux écarts par rapport au TM, portant sur la forme verbale et sur le nombre du complément d’objet direct, sont corrélés et participent d’un texte cohérent qui peut être considéré comme procédant d’une volonté de reformuler le texte tout en lui restant fidèle. 1.2. Parfait Dans un seul cas, le traducteur utilise le parfait (τέθνηκεν) pour rendre un w e+qatal (‫)וּמת‬, ֵ ce qui se comprend bien dans la mesure où il est question de la mort d’un personnage (1 S 4,19). TM

‫ל־ה ָלּ ַקח ֲארוֹן‬ ִ ‫ת־ה ְשּׁ ֻמ ָעה ֶא‬ ַ ‫ת־פּינְ ָחס ָה ָרה ָל ַלת וַ ִתּ ְשׁ ַמע ֶא‬ ִ ‫וְ ַכ ָלּתוֹ ֵא ֶשׁ‬ ‫יה‬ ָ ‫יה ִצ ֶר‬ ָ ‫ישׁהּ וַ ִתּ ְכ ַרע וַ ֵתּ ֶלד ִכּי־נֶ ֶה ְפכוּ ָע ֶל‬ ָ ‫יה וְ ִא‬ ָ ‫וּמת ָח ִמ‬ ֵ ‫ֹלהים‬ ִ ‫ָה ֱא‬

BJ

Or sa bru, la femme de Pinhas, était enceinte et sur le point d’accoucher. Dès qu’elle eut appris la nouvelle relative à la prise de l’arche de Dieu et à la mort de son beau-père et de son mari, elle s’accroupit et elle accoucha, car ses douleurs l’avaient assaillie.

LXXB

καὶ νύμφη αὐτοῦ γυνὴ Φεινεες συνειληφυῖα τοῦ τεκεῖν καὶ ἤκουσεν τὴν ἀγγελίαν ὅτι ἐλήμφθη ἡ κιβωτὸς τοῦ θεοῦ καὶ ὅτι τέθνηκεν ὁ πενθερὸς αὐτῆς καὶ ὁ ἀνὴρ αὐτῆς καὶ ἔκλαυσεν καὶ ἔτεκεν ὅτι ἐπεστράφησαν ἐπ᾽ αὐτὴν ὠδῖνες αὐτῆς.

39 Jan JOOSTEN, « The Disappearance of Iterative WEQATAL in the Biblical Hebrew Verbal System », dans : Steven E. FASSBERG et Avi HURVITZ (éd.), BiblicalHebrewin ItsNorthwestSemiticSetting, Jerusalem/Winona Lake, IN, Magnes/Eisenbrauns, 2006, 135-147, 140. 40 Sur cet usage de l’imparfait, voir Roger GOOD, The Septuagint’s Translation oftheHebrewVerbalSysteminChronicles (VT.S, 136), Leiden - Boston, MA, Brill, 2010, 103.119-120. 41 J. JOOSTEN, « Disappearance of Iterative WEQATAL », 141-144.

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Dans les situations répertoriées jusqu’ici, le contexte a très bien pu contraindre à lui seul les traducteurs à traduire au passé, indépendamment de leur compréhension du système verbal. En d’autres termes, ces cas s’expliquent bien dans le cadre de l’hypothèse de Barr. Les versets où les traducteurs rendent la forme verbale à l’aide d’une conjugaison ne renvoyant pas au passé méritent d’autant plus notre attention. 1.3. Présent On rencontre trois cas où le traducteur utilise le présent (1 S 5,7 ; 2 S 16,5 LXXL ; 19,18 LXXL). Considérons par exemple le premier verset, où LXXB et LXXL s’accordent. TM

‫י־ק ְשׁ ָתה‬ ָ ‫ֹלהי יִ ְשׂ ָר ֵאל ִע ָמּנוּ ִכּ‬ ֵ ‫י־כן וְ ָא ְמרוּ לֹא־יֵ ֵשׁב ֲארוֹן ֱא‬ ֵ ‫י־א ְשׁדּוֹד ִכּ‬ ַ ‫וַ יִּ ְראוּ ַאנְ ֵשׁ‬ ‫ֹלהינוּ‬ ֵ ‫יָ דוֹ ָע ֵלינוּ וְ ַעל ָדּגוֹן ֱא‬

BJ

Quand les gens d’Ashdod virent ce qui arrivait, ils dirent : « Que l’arche du Dieu d’Israël ne reste pas chez nous, car sa main s’est raidie contre nous et contre notre dieu Dagôn. »

LXXB καὶ εἶδον οἱ ἄνδρες Ἀζώτου ὅτι οὕτως καὶ λέγουσιν ὅτι οὐ καθήσεται κιβωτὸς τοῦ θεοῦ μεθ᾽ ἡμῶν ὅτι σκληρὰ χεὶρ αὐτοῦ ἐφ᾽ ἡμᾶς καὶ ἐπὶ Δαγων θεὸν ἡμῶν.

Ici, l’hébreu ne laisse pas de doute sur le fait que les habitants d’Ashdod « dirent » quelque chose en réaction à ce qui s’est arrivé à la statue de Dagôn ainsi qu’à eux-mêmes (qu’il s’agisse de « tumeurs » ou d’hémorroïdes). Dans la Septante, c’est un verbe à l’indicatif présent (λέγουσιν) qui introduit la déclaration des Philistins. Pourquoi ce choix ? L’étude menée par Voitila sur le présent historique en 2 Samuel (où il relève notamment les deux autres cas de notre liste) peut nous éclairer. De manière générale, il constate que le présent historique apparaît fréquemment, en 2 Samuel, dans le texte antiochien ainsi que dans le Vaticanus hors sections kaige, mais dans une proportion supérieure dans le premier. Selon lui, its usage demonstrates a naturalness that recalls the language of Greek historical prose. Even if the hist.pres. does not always touch the quality of the prose of the Greek classical period, it displays a clear tendency to create a more natural prose style in the text 42. 42

A. VOITILA, « The Use of Tenses in the L- and B-Texts in the Kaige-Section of 2 Reigns », 219.

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Voitila remarque également que le présent historique est spécialement utilisé pour les verbes de la parole43, ce qui correspond à 1 S 5,7, et du mouvement44, comme en 2 S 16,5 et peut-être en 2 S 19,18 (il y est question, dans le texte antiochien, d’« envoyer » des personnes). Il y aurait donc ici essentiellement un aspect stylistique. 1.4. Futur Le phénomène de loin le plus surprenant se produit en trois passages où la Septante comporte un futur, dans certains manuscrits du moins ; il s’agit à chaque fois d’une situation différente. Commençons par 1 R 13,3. TM

‫מּוֹפת ֲא ֶשׁר ִדּ ֶבּר יְ הוָ ה ִהנֵּ ה ַה ִמּזְ ֵבּ ַח נִ ְק ָרע‬ ֵ ‫מוֹפת ֵלאמֹר זֶ ה ַה‬ ֵ ‫וְ נָ ַתן ַבּיּוֹם ַההוּא‬ ‫ר־ע ָליו‬ ָ ‫וְ נִ ְשׁ ַפְּך ַה ֶדּ ֶשׁן ֲא ֶשׁ‬

BJ

Ildonnaenmêmetempsunsigne :« TelestlesignequeYahvéa parlé :Voiciquel’autelvasefendreetqueserépandralacendre quiestsurlui. »

LXXB καὶ δώσει ἐν τῇ ἡμέρᾳ ἐκείνῃ τέρας λέγων τοῦτο τὸ ῥῆμα ὃ ἐλάλησεν κύριος λέγων ἰδοὺ τὸ θυσιαστήριον ῥήγνυται καὶ ἐκχυθήσεται ἡ πιότης ἡ ἐπ᾽ αὐτῷ

Alors que Jéroboam est en train d’offrir de l’encens à Béthel, un « homme de Dieu » prononce un oracle qui annonce la naissance de Josias et son œuvre réformatrice ; celle-ci impliquera notamment la profanation des ossements de Jéroboam (1 R 13,2). Le verset 3 ajoute que pour authentifier sa prédiction, le même homme fournit un signe de ce qu’il a bien parlé au nom du Seigneur : l’autel se fendra et les cendres qui sont dessus se répandront. Le TM utilise ici une phrase débutant par un we+qatal (‫)וְ נָ ַתן‬. Le témoignage des versions révèle deux tendances. L’Alexandrinus et deux manuscrits contenant le texte antiochien emploient l’aoriste (ἐδωκεν, leçon retenue par Rahlfs dans son édition), de même que la Vulgate vise le passé (deditque). En revanche, c’est une forme future que l’on rencontre dans le Vaticanus et dans les autres témoins du texte antiochien (δώσει) ; il en est de même dans la Vieille latine (dabit)45 43 44 45

Ibid., 217. Ibid., 216-217. G. F. DIERCKS, LuciferiCalaritanioperaquaesupersunt, 145.

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et dans le Targum (‫יִתין‬ ֵ ְ‫)ו‬. Eu égard au verset précédent, la seule manière de donner un sens à cette forme future est d’y voir la suite des actions de Josias : son action réformatrice quelque peu vigoureuse devra s’accompagner d’un signe, sans doute comme sceau de l’approbation divine : l’autel de Béthel devra se fendre. Toutefois, non seulement la formulation paraît étrange pour exprimer cela (« donner un signe », de la part d’un homme), mais encore le v. 5 indique la réalisation de ce signe quelques instants seulement après que l’homme de Dieu a parlé, et non des siècles plus tard, à l’époque de Josias : « l’autel se fendit et les cendres coulèrent de l’autel, selon le signe qu’avait donné l’homme de Dieu, par ordre de Yahvé ». Il ne fait donc aucun doute que la forme hébraïque du v. 3 vise bien un événement passé ; c’est l’homme de Dieu qui « a donné un signe ». L’ancienne Septante contenait vraisemblablement la leçon au futur (difficilior), corrigée en aoriste dans plusieurs manuscrits. Le traducteur d’origine a estimé lire un weqatal à valeur future et a rendu fidèlement sa Vorlage en fonction de sa manière de la comprendre. À notre connaissance, les Règnes ne contiennent qu’un autre verset où la Septante comporte un futur alors que l’hébreu mobilise un w e+ qatal pour évoquer un événement passé et ponctuel : 2 R 23,10. TM

‫ת־בּתּוֹ‬ ִ ‫ת־בּנוֹ וְ ֶא‬ ְ ‫ן־הנֹּם ְל ִב ְל ִתּי ְל ַה ֲע ִביר ִאישׁ ֶא‬ ִ ‫ת־התּ ֶֹפת ֲא ֶשׁר ְבּגֵ י ֶב‬ ַ ‫וְ ִט ֵמּא ֶא‬ ‫ָבּ ֵאשׁ ַלמּ ֶֹלְך‬

BJ

Il profana le Tophèt de la vallée de Ben-Hinnom, pour que personne ne fît plus passer son fils ou sa fille par le feu en l’honneur de Molek.

LXXB καὶ μιανεῖτε46 τὸν Ταφεθ ἐν φάραγγι υἱοῦ Εννομ τοῦ διαγαγεῖν ἄνδρα τὸν υἱὸν αὐτοῦ καὶ ἄνδρα τὴν θυγατέρα αὐτοῦ τῷ Μολοχ ἐν πυρί.

Encore y a-t-il alors divergence entre les manuscrits : le Vaticanus a un futur (μιανεῖτε), le texte antiochien, un aoriste (ἐμιανε). Cette leçon du Vaticanus est d’autant plus surprenante qu’elle apparaît au milieu de six autres occurrences de w e+qatal rendus par un aoriste dans ce manuscrit (2 R 23,4.5.8.12.14.15). Dans le contexte, il est clair qu’il s’agit d’événements appartenant à la sphère du passé : le narrateur décrit une série d’actions réformatrices de Josias. 46

La LXXL a ici ἐμιανε.

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Les deux cas précédents peuvent se comprendre si les traducteurs travaillaient par petits segments de texte à la fois, comme l’a soutenu Voitila. La situation est différente dans le verset suivant (2 R 22,17) : TM

‫יהם‬ ֶ ‫יסנִ י ְבּכֹל ַמ ֲע ֵשׂה יְ ֵד‬ ֵ ‫אֹלהים ֲא ֵח ִרים ְל ַמ ַען ַה ְכ ִע‬ ִ ‫ַתּ ַחת ֲא ֶשׁר ֲעזָ בוּנִ י וַ יְ ַק ְטּרוּ ֵל‬ ‫וְ נִ ְצּ ָתה ֲח ָמ ִתי ַבּ ָמּקוֹם ַהזֶּ ה וְ לֹא ִת ְכ ֶבּה‬

BJ

Parce qu’ils m’ont abandonné et qu’ils ont sacrifié à d’autres dieux, pour m’irriter par leurs actions. Ma colère s’est enflammée contre ce lieu, elle ne s’éteindra pas.

LXXB ἀνθ᾽ ὧν ἐνκατέλιπόν με καὶ ἐθυμίων θεοῖς ἑτέροις ὅπως παροργίσωσίν με ἐν τοῖς ἔργοις τῶν χειρῶν αὐτῶν καὶ ἐκκαυθήσεται ὁ θυμός μου ἐν τῷ τόπῳ τούτῳ καὶ οὐ σβεσθήσεται.

Ici, le Seigneur énonce un jugement sous la forme classique d’une protase (« parce que… », ‫)תּ ַחת ֲא ֶשׁר‬ ַ suivie d’une apodose comportant deux clauses, l’une concernant la mise en colère du Seigneur, l’autre son caractère inextinguible. Dans le TM, la seconde clause vise clairement le futur : la colère « ne s’éteindra pas » (‫)וְ לֹא ִת ְכ ֶבּה‬. En ce qui concerne la première, d’un point de vue purement formel, on pourrait hésiter entre interpréter l’hébreu ‫ וְ נִ ְצּ ָתה‬comme un we + qatal, à sens passé donc (« s’est enflammée »), ainsi que le font la plupart des traductions françaises modernes à l’instar de la BJ, ou comme un weqatal à valeur future (« s’enflammera »), ainsi que le font plusieurs versions modernes anglaises (JPS, NRSV, NIV). Dans le premier cas, le Seigneur signifie au roi que sa fureur s’est déclenchée et annonce qu’elle n’aura pas de terme ; dans le second, il promet de s’irriter plus tard. Prima facie, la lecture d’un temps passé paraît s’imposer : si l’ajournement de sanctions est un thème connu par ailleurs, la colère, elle, constitue normalement une réaction « en temps réel » face à des mauvais agissements, non un sentiment que l’on décide de reporter – et ce, dans la Bible, même s’agissant de la manière dont on représente les dispositions divines. Pourtant, la suite du passage donne du sens à la seconde interprétation, qui revient à analyser ‫ וְ נִ ְצּ ָתה‬comme un weqatal. En effet, aux v. 19-20, la prophétesse Hulda annonce qu’eu égard à la repentance de Josias, la sanction contre Jérusalem et ses habitants n’interviendra pas durant son règne : il y a bel et bien un ajournement. Celui-ci concerne le jugement infligé, il n’est pas précisé qu’il porte également sur la colère divine, mais on comprend

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comment il est possible de lire ici un écho au v. 17 compris comme évoquant subtilement un délai. On constate donc que le choix de traduction par le futur ne procède pas nécessairement d’une tendance à préférer la forme grammaticale la plus courante (weqatal) ; il peut également s’expliquer par une prise en compte du contexte, témoignant ainsi d’une sensibilité assez fine au contenu du passage. Dans ces conditions, il est intéressant d’observer ce que l’on constate dans les Règnes. C’est la seconde interprétation qui se reflète dans la LXXB comme dans la LXXL : la colère divine « s’enflammera » (ἐκκαυθήσεται) et « ne s’éteindra pas » (οὐ σβεσθήσεται). Toutefois, la Vieille latine (etincensaestirameainhoclocoetnon extinguetur), citée par Lucifer de Cagliari47, présuppose un texte grec au passé dans la première clause. En tenant compte de ce témoignage indirect, il semble donc que les manuscrits de la Septante aient reflété eux-mêmes les deux analyses possibles du verbe hébreu ‫וְ נִ ְצּ ָתה‬, annonçant ainsi les hésitations des traducteurs modernes. Quel est donc le sens du texte ? Il est vrai que l’idée d’une colère ajournée, aussi séduisante soit-elle dans le contexte, demeure improbable sous le calame d’un auteur biblique. De plus, le texte joue d’un contraste entre les v. 17 et 19-20, tous deux bâtis sous la forme protaseapodose, mais concernant respectivement le peuple (avec une mauvaise nouvelle) et le roi (avec une annonce positive) : – Puisque les Israélites ont abandonné le Seigneur, la colère du Seigneur s’est enflammée/s’enflammera (v. 17) ; – Comme Josias s’est repenti, le Seigneur l’a écouté (v. 19) et il ne verra pas la ruine de son pays (v. 20). Or, si l’on rend au futur le verbe ‫וְ נִ ְצּ ָתה‬, l’apodose du v. 17 contient déjà une indication subtile du report de la colère divine, qui ne s’explique que par l’apodose des v. 19-20, laquelle ne trouve sa justification qu’en la protase du v. 19. L’annonce au peuple (v. 17) est ainsi déjà légèrement teintée d’une relativisation de la sanction (puisque la colère n’est pas immédiate), et cela se comprend mal puisque la protase du v. 17 ne fait état que de comportements négatifs. Il faudrait alors comprendre que les v. 19-20 ont notamment pour fonction de fournir une explication à ce fait surprenant. En paraphrasant : « Puisque les Israélites ont mal agi, je me mettrai en colère. Pourquoi seulement « je me mettrai » et non « je me suis mis en colère » ? Parce que je vais 47

G. F. DIERCKS, LuciferiCalaritanioperaquaesupersunt, 207.

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répondre à l’attitude de Josias par un report du jugement. » Une telle lecture demeure possible, mais semble correspondre de manière moins évidente à la structure du texte. Quoi qu’il en soit, on constate ici que la Septante reflète remarquablement bien la difficulté posée par la nuance temporelle du texte hébreu. 1.5. Bilan Nous venons de voir qu’au-delà de la traduction habituelle par l’aoriste, on rencontre également l’imparfait, le parfait, le présent et même le futur. De manière remarquable, le sens adopté par le traducteur peut, la plupart du temps, s’expliquer par une adaptation au contexte, mais on relève des exceptions frappantes (1 R 13,3 ; 2 R 23,10 LXXB) où l’idée d’une traduction effectuée par petits segments est plausible. 2. LA TRADUCTION DU WAYYIQTOL ÉQUIVALENT D’UN PLUS-QUE-PARFAIT Passons à présent au second usage rare considéré dans cet article. Il arrive que le wayyiqtol serve à exprimer des nuances temporelles qui conduiraient en français à utiliser le plus-que-parfait. Cela se produit dans deux situations : lorsque le narrateur opère un retour en arrière (« backtracking ») pour fournir une information utile48, et quand il offre une notice en forme d’excursus49. Nous limiterons notre étude au premier cas, dont Joosten relève six exemples (1 S 26,4 ; 2 S 11,15.19 ; 1 R 13,12 ; 21,9 ; 2 R 20,8). Il s’agit donc d’un phénomène bien moins fréquent que le précédent. 2.1. Un cas non concluant Il faut commencer par écarter un verset en raison d’un problème textuel : 1 R 13,12.

48 49

J. JOOSTEN, TheVerbalSystemofBiblicalHebrew, 171-173. Ibid., 175-178.

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TM

‫ת־ה ֶדּ ֶרְך ֲא ֶשׁר ָה ַלְך ִאישׁ‬ ַ ‫יהם ֵאי־זֶ ה ַה ֶדּ ֶרְך ָה ָלְך וַ יִּ ְראוּ ָבנָ יו ֶא‬ ֶ ‫וַ יְ ַד ֵבּר ֲא ֵל ֶהם ֲא ִב‬ ‫יהוּדה‬ ָ ‫ר־בּא ִמ‬ ָ ‫ֹלהים ֲא ֶשׁ‬ ִ ‫ָה ֱא‬

BJ

Celui-ci leur demanda : « Quel chemin a-t-il pris ? » et ses fils lui montrèrent le chemin qu’avait pris l’homme de Dieu qui était venu de Juda.

LXXB καὶ ἐλάλησεν πρὸς αὐτοὺς ὁ πατὴρ αὐτῶν λέγων ποίᾳ ὁδῷ πεπόρευται καὶ δεικνύουσιν αὐτῷ οἱ υἱοὶ αὐτοῦ τὴν ὁδὸν ἐν ᾗ ἀνῆλθεν ὁ ἄνθρωπος τοῦ θεοῦ ὁ ἐλθὼν ἐξ Ιουδα.

Ici, un vieux prophète de Béthel interroge ses fils sur le chemin qu’un « homme de Dieu » a emprunté. Le TM utilise un wayyiqtol (‫ )וַ יִּ ְראוּ‬qui, dans le contexte, n’a de sens que si on lui donne la valeur d’un plus-que-parfait : « (or) ses fils avaient vu le chemin… » Cependant, il est également possible de corriger la vocalisation en ‫ «( וַ יּ ֹֻראוּ‬et ils lui montrèrent »), ce que semble présupposer la Septante avec καὶ δεικνύουσιν αὐτῷ (la Peshitta, la Vulgate et le Targum vont dans le même sens). Ce cas n’est donc pas concluant. 2.2. Aoriste Dans la plupart des autres cas, le traducteur a utilisé un aoriste ; considérons par exemple 2 S 11,14-15. TM

‫וַ יִּ ְכתֹּב ַבּ ֵסּ ֶפר‬15 ‫אוּריָּ ה‬ ִ ‫ל־יוֹאב וַ יִּ ְשׁ ַלח ְבּיַ ד‬ ָ ‫וַ יְ ִהי ַבבּ ֶֹקר וַ יִּ ְכתֹּב ָדּוִ ד ֵס ֶפר ֶא‬14 ‫ת־אוּריָּ ה ֶאל־מוּל ְפּנֵ י ַה ִמּ ְל ָח ָמה ַה ֲחזָ ָקה וְ ַשׁ ְב ֶתּם ֵמ ַא ֲח ָריו וְ נִ ָכּה‬ ִ ‫ֵלאמֹר ָהבוּ ֶא‬ ‫וָ ֵמת‬

BJ

14

LXXB

14

Le matin suivant, David écrivit une lettre à Joab et la fit porter par Urie. 15 Il écrivait dans la lettre : « Mettez Urie au plus fort de la mêlée et reculez derrière lui : qu’il soit frappé et qu’il meure. » καὶ ἐγένετο πρωὶ καὶ ἔγραψεν Δαυιδ βιβλίον πρὸς Ιωαβ καὶ ἀπέστειλεν ἐν χειρὶ Ουρειου 15 καὶ ἔγραψεν ἐν βιβλίῳ λέγων εἰσάγαγε τὸν Ουρειαν ἐξ ἐναντίας τοῦ πολέμου τοῦ κραταιοῦ καὶ ἀποστραφήσεσθε ἀπὸ ὄπισθεν αὐτοῦ καὶ πληγήσεται καὶ ἀποθανεῖται.

On rencontre ici trois actions : (1) écrire la lettre, (2) la faire porter à Joab, (3) écrire dans la lettre un certain contenu. Comme dans le cas précédent, il est clair que (3) se situe au même niveau chronologique que (1), et qu’il faut traduire par un plus-que-parfait comme dans la

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TOB (« il avait écrit »), voire un imparfait comme dans la BJ, plutôt que par un passé simple (« il écrivit ») comme dans les éditions de la version Segond. Dans la Septante (LXXB et LXXL), on lit un aoriste (ἔγραψεν). Cette conjugaison peut exprimer la même nuance qu’un plus-que-parfait50, mais, en toute rigueur, on ne peut exclure que le traducteur se soit simplement conformé à l’équivalence la plus fréquente pour le wayyiqtol. Le même problème apparaît en 1 S 26,4 ; 2 S 11,19 ; 2 R 20,8. Considérons par exemple ce dernier verset. TM

‫אמר‬ ֶ ֹ ‫ וַ יּ‬8 ‫ל־ה ְשּׁ ִחין וַ יֶּ ִחי‬ ַ ‫אמר יְ ַשׁ ְעיָ הוּ ְקחוּ ְדּ ֶב ֶלת ְתּ ֵאנִ ים וַ יִּ ְקחוּ וַ יָּ ִשׂימוּ ַע‬ ֶ ֹ ‫וַ יּ‬7 ‫ישׁי ֵבּית יְ הוָ ה‬ ִ ‫יתי ַבּיּוֹם ַה ְשּׁ ִל‬ ִ ‫ִחזְ ִקיָּ הוּ ֶאל־יְ ַשׁ ְעיָ הוּ ָמה אוֹת ִכּי־יִ ְר ָפּא יְ הוָ ה ִלי וְ ָע ִל‬

BJ

7

Isaïe dit : « Prenez un pain de figues » ; on en prit un, on l’appliqua sur l’ulcère et le roi guérit. 8 Ézéchias dit à Isaïe : « À quel signe connaîtrai-je que Yahvé va me guérir et que, dans trois jours, je monterai au Temple de Yahvé ? »

LXXB

7 καὶ εἶπεν λαβέτωσαν παλάθην σύκων καὶ ἐπιθέτωσαν ἐπὶ τὸ ἕλκος καὶ ὑγιάσει 8 καὶ εἶπεν Εζεκιας πρὸς Ησαιαν τί τὸ σημεῖον ὅτι ἰάσεταί κύριος με καὶ ἀναβήσομαι εἰς οἶκον κυρίου τῇ ἡμέρᾳ τῇ τρίτῃ.

Alors qu’Ézéchias est malade, le prophète Isaïe le guérit, comme indiqué au v. 7. Cependant, le v. 8 rapporte une question du roi présupposant qu’il est encore souffrant : il désire une assurance (un « signe ») de ce qu’il sera rétabli. Ici encore, le narrateur opère un retour en arrière. Contrairement au choix de la BJ et de la TOB (passé simple), il conviendrait en toute rigueur, comme dans les éditions de la version Segond, d’utiliser un plus-que-parfait : « Ézéchias avait dit ». La Septante a ici un aoriste (καὶ εἶπεν)51. 2.3. Plus-que-parfait Dans ces conditions, il est remarquable de rencontrer un cas où le traducteur a utilisé un plus-que-parfait en grec : 1 R 21,9.

50

T. MURAOKA, ASyntaxofSeptuagintGreek, 271-272. Comme le signale Joosten (TheVerbalSystemofBiblicalHebrew, 172 n. 33), le v. 7 est parfois considéré comme une glose. En l’absence de ce verset, le problème de concordance des temps ne se poserait pas. Toutefois, cela ne change pas le constat au niveau du traducteur qui avait affaire, lui, au texte incluant le v. 7. 51

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‫ל־הזְ ֵקנִ ים‬ ַ ‫]ס ָפ ִרים[ ֶא‬ ְ (‫)ה ְס ָפ ִרים‬ ַ ‫וַ ִתּ ְכתֹּב ְס ָפ ִרים ְבּ ֵשׁם ַא ְח ָאב וַ ַתּ ְחתֹּם ְבּח ָֹתמוֹ וַ ִתּ ְשׁ ַלח‬8 ‫ וַ ִתּ ְכתֹּב ַבּ ְסּ ָפ ִרים ֵלאמֹר ִק ְראוּ־צוֹם‬9 ‫ל־הח ִֹרים ֲא ֶשׁר ְבּ ִעירוֹ ַהיּ ְֹשׁ ִבים ֶאת־נָ בוֹת‬ ַ ‫וְ ֶא‬ ‫הוֹשׁיבוּ ֶאת־נָ בוֹת ְבּרֹאשׁ ָה ָעם‬ ִ ְ‫ו‬ Elle[=Jézabel]écrivitaunomd’Achabdeslettresqu’ellescelladusceau royal,etelleadressaleslettresauxanciensetauxnotablesquihabitaient avecNabot.Elleavaitécritdansceslettres :« Proclamezunjeûneetfaites asseoirNabotentêtedupeuple… »

Ce passage rapporte quatre actions de Jézabel : (1) rédiger des missives, (2) les sceller, (3) les envoyer et (4) écrire dans ces lettres un ordre. À l’évidence, le quatrième élément se situe chronologiquement au même niveau que le premier ; il est d’autant plus clair qu’il ne peut se produire pendant ou après les étapes (2) et (3) que la deuxième évoque le scellement des lettres. Ainsi, le narrateur opère un retour en arrière au v. 9 pour dévoiler au lecteur le contenu des lettres écrites par Jézabel (ce contenu se poursuit d’ailleurs au v. 10). Si certaines versions modernes, comme la TOB, utilisent un passé simple (« elle écrivit »), il est davantage conforme à la concordance des temps d’employer, comme dans la Bible de Jérusalem, un plus-que-parfait : « elle avait écrit ». C’est également ce que l’on rencontre dans la Septante (καὶ ἐγέγραπτο). Contrairement aux cas précédents, où l’on ne pouvait être absolument sûr que le traducteur avait perçu la nuance précise de l’hébreu, il apparaît ici qu’il a délibérément exprimé l’antériorité de l’événement concerné par le recours au plus-que-parfait en grec. 2.4. Bilan L’emploi de l’aoriste dans quatre cas (1 S 26,4 ; 2 S 11,15.19 ; 2 R 20,8) fait contraste avec celui du plus-que-parfait en 1 R 21,9, dans la mesure où il s’agit de choix de traductions distincts, fût-ce pour exprimer la même nuance. En réalité, il n’est pas possible ici d’être sûr que les traducteurs ont utilisé l’aoriste en se fondant sur la souplesse de cette forme, qui peut exprimer la même nuance temporelle que le plus-que-parfait, puisque, d’un point de vue formel, il n’existe pas de différence. Cependant, le cas de 1 R 21,9 montre qu’au moins un traducteur (œuvrant dans la section γγ des Règnes) avait conscience du sens imposé par le contexte. Dans ce cas au moins, on ne peut affirmer que le traducteur s’est rabattu sur l’équivalence la plus usitée pour la forme verbale hébraïque rencontrée. Peut-être faut-il également envisager la possibilité que d’autres occurrences de plus-que-parfait aient été remplacées par de l’aoriste dans les sections kaigé, puisque ce

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MATTHIEU RICHELLE

phénomène d’alignement sur l’aoriste est attesté dans le cas de verbes initialement à l’imparfait52. CONCLUSION Il est temps de revenir au problème évoqué au début de cet article. Nous y avions mentionné deux hypothèses concurrentes qui ont été avancées pour expliquer la manière dont les traducteurs de la Septante ont rendu en grec les nuances temporelles de leur Vorlage : la prise en compte du contexte (Barr) ou le recours aux équivalences usuelles dans le cadre d’une traduction « segmentée » (Voitila). L’étude menée dans cet article ne concerne qu’un échantillon de cas pris dans les Règnes, mais elle a conduit à identifier des situations intéressantes, dans la mesure où les contre-exemples sont pertinents pour évaluer la validité d’hypothèses mettant en jeu des phénomènes réguliers. D’un côté, nous avons constaté que si le choix du traducteur pour rendre le w e+qatal peut souvent s’expliquer par l’influence du contexte, on rencontre néanmoins quelques versets où cette hypothèse se révèle inopérante, et où la théorie de Voitila semble corroborée. D’un autre côté, dans les cas de wayyiqtol exprimant le plus-que-parfait, la souplesse de l’aoriste ne permet généralement pas de déterminer la manière dont le traducteur a compris l’hébreu, mais il existe au moins un cas où l’emploi du plusque-parfait en grec démontre un souci de prendre en compte le contexte. Il est donc difficile d’arguer que ce traducteur utilisait de manière mécanique un système de correspondances entre les systèmes verbaux. Il est vrai, cependant, que l’information contextuelle pertinente apparaissait à proximité immédiate de la forme verbale en question, de sorte que ce cas n’infirme pas l’hypothèse d’une traduction segmentée. En fin de compte, la totalité des données ne semble pas pouvoir s’expliquer par une seule des deux hypothèses évoquées plus haut, et, de fait, aussi bien Barr que Voitila le reconnaissaient. Cette petite enquête débouche cependant sur une nouvelle question : dans quelle mesure les différences de traitement des nuances temporelles (tantôt prise en compte du contexte, tantôt recours à des équivalences par défaut) correspondentelles à des traducteurs individuels et/ou à des sections soumises à la révision kaigé ? Il y a là matière à de futures études. 52 T. MURAOKA, A Syntax of Septuagint Greek, 265-266 (il prend l’exemple de 2 S 11,1-13,39, où, sur 33 cas d’imparfait présents dans LXXL, 23 ont été remplacés par l’aoriste dans LXXB). Sur la répartition de l’aoriste et de l’imparfait en 2 Règnes, voir A. VOITILA, « The Use of Tenses in the L- and B-Texts in the Kaige-Section of 2 Reigns ».

ANALYSE RHÉTORIQUE DU PSAUME 90. HOMMAGE CRITIQUE À PIERRE AUFFRET PAR

Roland MEYNET, S.I. Université Grégorienne, Rome [email protected]

RÉSUMÉ L’exégèse s’intéresse toujours plus à la composition des textes qui permet de mieux les comprendre. Le Ps 90 est focalisé sur la seule question qu’il comporte, laquelle sert de clé de lecture. Le thème de la caducité humaine est articulé à celui du péché et surtout du retour, retour de l’homme appelé à se détourner de son péché, retour de Dieu qui se détourne de sa colère. En contrepoint, la discussion critique menée avec Pierre Auffret affronte les points de méthode les plus décisifs, ceux qui touchent à la détermination des niveaux d’organisation des textes et à la multiplicité des structures. ABSTRACT Exegesis is always more interested in the composition of the texts to better understand them. Psalm 90 is focused on the unique question he has, which is the key to reading. The theme of human obsolescence is hinged to that of sin and especially back, human back called to turn from his sin, God back who turns away from his anger. In counterpoint, the critical discussion conducted with Pierre Auffret faces the most decisive method of points, those relating to the determination of texts levels of organization and to the multiplicity of the structures.

Éternité, instant, chaque jour, maintenant... Qu’est-ce que le temps ? Cette question a de quoi fasciner tout homme. Parmi les hommes, ceux qui veulent entrer dans le sens de la foi chrétienne se sentent concernés spécialement par l’énigme du temps, dès qu’ils ont ouvert la Bible une seule fois. « Au commencement, Dieu créa. » Jésus-Christ est venu « au temps fixé ». Et enfin, « Jusqu’à quand, Seigneur, tarderas-tu ? » On pourrait résumer ainsi tout le Livre1.

1

Paul BEAUCHAMP, Psaumesnuitetjour, Paris, Le Seuil, 1980, 106.

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Après une période où la recherche biblique était focalisée sur l’identification du genre littéraire et de la forme des textes, s’est peu à peu affirmée l’orientation vers la détermination de la composition de chaque texte en particulier, c’est-à-dire de chaque réalisation concrète et unique de la forme. L’histoire des formes tend à réduire tous les textes appartenant à la même forme à un schéma commun, l’étude de la composition veut dégager la figure spécifique de chaque individu textuel2. De plus en plus les auteurs tiennent à présenter le « plan » ou la « structure littéraire » du texte qu’ils commentent. Leurs propositions cependant sont souvent fort diverses. Ainsi pour le Ps 90, certains suivent Gunkel et ses prédécesseurs qui y distinguaient deux chants hétérogènes : 1. « Méditation sapientielle sur la brièveté de la vie humaine » (2-12) ; 2. « Complainte nationale » (13-17)3. Ravasi lui aussi divise le psaume en deux parties différentes (1-10 et 11-17), puis il les subdivise ainsi : II. Solennelleinvocationintroductive (1-2) Élégiesapientiellesurlemaldevivre (3-10) Premier mouvement (3-6) : Dieu et l’homme, éternité et inconsistance Deuxième mouvement (7-10) : Dieu et l’homme, colère et péché II. Solennelleinvocationintroductive (11-12) Supplicationpourlalibérationdumaldevivre (13-16) Solennelleinvocationconclusive (17)4 Alonso Schoekel – Carniti ont une division tripartite : 1. Réflexion (1-6) ; 2. Colère à cause du péché (7-11) ; 3. Supplication (12-17)5. Vesco aussi, mais ses divisions sont autres : 1. Reconnaissance de la stabilité 2 Sur cette question, voir Roland MEYNET, Leshuitpsaumesacrostichesalphabétiques (Retorica Biblica e Semitica, 6), Rome, Gregorian & Biblical Press, 2015, 7-9 ; et surtout ID., Lefaitsynoptiquereconsidéré (Retorica Biblica e Semitica, 7), Rome, Gregorian & Biblical Press, 2015, 13-26. 3 Louis JACQUET, LesPsaumesetlecœurdel’homme :étudetextuellelittéraire etdoctrinale, II, Gembloux, Duculot, 1977, 720-721. Déjà Emmanuel PODECHARD, LePsautier :traductionlittérale,explicationhistoriqueetnotescritiques (BFCTL), Lyon, Facultés Catholiques, 1954, II, 125-127. 4 Gianfranco RAVASI, IllibrodeiSalmi.Commentoeattualizzazione, II, Bologna, EDB, 1985, 877. 5 Luis ALONSO SCHOEKEL – Cecilia CARNITI, Isalmi (Commenti biblici), Roma, Borla, 1992, II, 258 ; or. espagnol, Salmos, Traducción,introduccionesycomentario (Nueva Biblia española), Estella (Navarra), Editorial Verbo Divino, 1994.

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divine sur le ton de l’hymne (1-2) ; 2. Méditation-lamentation sur la fragilité humaine (3-12) ; 3. Demande (13-17)6. Weiser au contraire divise le texte en quatre parties : 1. Confiance (1) ; 2. L’existence éternelle de Dieu et la mortalité de l’homme (2-6) ; 3. Le péché de l’homme (7-12) ; 4. La prière de supplication (13-17)7. Lorenzin suit une autre division : 1. Profession de foi initiale (1b-2) ; Méditation sur la caducité (3-6) ; 3. Plainte pour la situation difficile de la communauté (7-11) ; 4. Supplique (12-17)8. Pour Girard, ses quatre parties, différentes de celles de Weiser, se correspondent de manière spéculaire : A (1-2) ; B (3-12) ; B’ (13-16) ; A’ (17)9. Comme Ravasi, Girard distingue plusieurs niveaux d’organisation du texte. D’autres enfin voient dans le texte une composition concentrique. Mais là aussi les avis divergent. Lund met à part les deux premiers versets et focalise le reste du texte sur le verset 10 : A (3-4) ; B (5-6) ; C (7-9) ; D(10) ; C’ (11-13) ; B’ (14-15) ; A’ (16-17)10. Pour Hossfeld – Zenger, ce sont les versets 11-12 qui forment le centre de la composition : A (1b-2) ; B (3-10) ; C(11-12) ; B’ (13-16) ; A’ (17)11. Et l’on pourrait allonger à l’envi la liste des divisions et structurations du psaume. Ce rapide tour d’horizon permet de faire quelques constatations. Si plusieurs donnent un plan, ils ne s’attardent guère à en fournir les raisons et leur plan ne leur sert pas à grand-chose pour l’interprétation du texte ; comme si c’était là une chose qu’il faut faire mais qui ne tire pas à conséquence. En revanche, de plus en plus d’auteurs accordent 6 Jean-Luc VESCO, Le psautier de David traduit et commenté, II (LeDiv, 211), Paris, Éd. du Cerf, 2006, 845. 7 Artur WEISER, ThePsalms:ACommentary (OTL), London, SCM Press, 1962, 595-603. 8 Tiziano LORENZIN, I salmi. Nuova versione, introduzione e commento (I libri biblici. Primo Testamento, 14), Milano, Edizioni Paoline, 2001, 358-360. 9 Marc GIRARD, Lespsaumesredécouverts.Delastructureausens, II., Montréal, Bellarmin, 1994, 502-504. 10 Nils W. LUND, ChiasmusintheNewTestament :AStudyinFormgeschichte, Chapel Hill, NC, The University of North Carolina Press, 1942, 125-126 (reprint, Chiasmus in the New Testament : A Study in the Form and Function of Chiastic Structures, Peabody, MA, Hendrickson Publishers, 1992). Repris par Robert L. ALDEN, « Chiastic Psalms (II): A Study in the Mechanics of Semitic Poetry in Psalms 51-100 », JETS 19 (1976) 191-200, 198-199. 11 Frank-Lothar HOSSFELD – Erich ZENGER, Psalms2:ACommentaryonPsalms51- 100 (Hermeneia), Minneapolis, MN, Fortress Press, 2005, 419 (original allemand : Psalmen51–100 [HThKAT], Freiburg im Breisgau – Basel – Wien, Herder, 2000). De même Robert ABELAVA, « Le Psaume 90 et les fragilités de l’homme. Une lecture en contexte africain », RevSR 87 (2013) 1-19, 10-12.

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une grande importance à la composition et ils s’efforcent de la justifier en détail, explicitant les critères qu’ils utilisent. Le point essentiel est que le manque d’accord entre les commentateurs tient à un défaut de méthodologie. C’est pourquoi il a paru bon, à l’occasion de la présente analyse du Ps 90, d’entrer en dialogue méthodologique avec un auteur dont la production est immense. Pierre Auffret est en effet connu pour le grand nombre d’articles, et aussi de volumes, consacrés à « l’analyse structurelle », ou à « la structure littéraire » de nombreux textes bibliques, des psaumes en particulier. On veut espérer que cet « hommage critique » puisse être de quelque utilité pour le lecteur12. En fait, il plaît à Auffret de discuter avec d’autres auteurs. Sa première publication sur le Ps 90 est conduite tout au long en dialogue avec Stefan Schreiner13. Dans sa deuxième analyse du même psaume, c’est avec Marc Girard que la discussion est menée14. C’est à sa troisième étude que nous nous référerons par la suite15. À ma connaissance, Pierre Auffret n’a malheureusement jamais fourni d’exposé systématique de la méthodologie qu’il met en œuvre. La présente étude est conduite selon les procédures de « l’analyse rhétorique sémitique »16. La connaissance des lois de la rhétorique biblique et sémitique est en effet d’un grand secours pour mener l’analyse de manière assurée. Savoir, par exemple, que le centre d’une composition concentrique est très souvent occupé par une question, fréquemment la seule du texte17, aide puissamment à en reconnaître la réalisation. Il faut aussi savoir que deux occurrences du même mot ou de la même expression ne font pas forcément « inclusion »18, mais 12 Ce sera l’équivalent de ce que j’ai fait pour Marc Girard : « Analyse rhétorique du Psaume 51. Hommage critique à Marc Girard », RivBib45 (1997) 187-226 ; voir aussi mes recensions de son commentaire des psaumes dans RivBib(1997) 92-96 ; 229-230. 13 Pierre AUFFRET, « Essai sur la structure littéraire du Psaume 90 », Bib 61 (1980) 262-276. 14 Pierre AUFFRET, « L’étude structurelle des psaumes – Réponses et compléments », ScEs 48 (1996) 45-60, 50-53. 15 Pierre AUFFRET, Qu’ellesoitvuecheztesserviteurs,tonœuvre !Étudestructurellededix-septPsaumes (Profac, 90), Lyon, Profac, 2006, Chap. XV, « Un cœur de sagesse. Étude structurelle du Psaume 90 », 263-280. 16 Voir mon Traité de rhétorique biblique (Rhétorique sémitique, 11), Pendé, Gabalda, 20132 ; dorénavant, Traité. 17 Voir Traité, Chap. 8, « Le centre des compositions concentriques », A. « La question au centre », 417-435. 18 Ainsi, par exemple, pour L. ALONSO SCHOEKEL – C. CARNITI, Isalmi, II, 258, « colère » – « fureur » (7) et « colère » – « emportement » (11) forment une inclusion qui permet de délimiter un bloc 7-11. Voir la réécriture de l’ensemble du psaume, p. 138.

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que, outre la fonction de « termes extrêmes », elles peuvent remplir aussi celle de « termes initiaux », de « termes finaux », de « termes médians » ou de « termes centraux »19. Et par-dessus tout, il est fondamental de bien distinguer les niveaux d’organisation des textes, depuis celui du « segment », bimembre la plupart du temps, trimembre assez souvent, mais aussi, quoique rarement, unimembre, puis celui du « morceau » qui regroupe un, deux ou trois segments, de la « partie » qui comprend un, deux ou trois morceaux, du « passage » (ou péricope) qui comprend une ou plusieurs parties, et ainsi de suite jusqu’à celui du livre20. La discussion avec Pierre Auffret sera partielle, d’une part parce qu’il ne serait pas opportun d’alourdir inutilement le présent article, d’autre part et surtout parce que quelques exemples suffiront pour illustrer les critiques de fond. 1. Le point essentiel est celui des niveaux successifs de composition, de leur distinction, de leur définition et de leur hiérarchisation. Au début de son article Auffret laisse espérer ce genre d’organisation : « Nous procéderons étape par étape, examinant successivement les structures des unités, des ensembles partiels et enfin de l’ensemble du psaume » (p. 263). Trois niveaux sont donc annoncés. Toutefois aucun n’est défini : « unité » et « ensemble » sont des termes génériques qui peuvent s’appliquer à n’importe quel niveau. Par la suite, si l’auteur utilise plusieurs fois le terme « ensemble » (pour 1-6, 4-10, 310, 7-12, 11-16, 1-12 et 11-17, appelés aussi « parties » ; et finalement 1-17), il n’utilise plus le terme « unité » pour les constituants de ses « ensembles ». Il est capital que chaque niveau d’organisation textuelle soit défini et qu’il ait par conséquent un nom qui lui soit spécifique. 2. Les unités de chaque niveau ont leurs limites précises et leur cohérence propre, qui respecte les limites des unités de niveau inférieur. Si l’on peut et doit parler de « multiplicité des structures », ce ne peut être que celles des niveaux successifs de composition. Une unité textuelle ne peut pas faire partie de deux unités différentes du niveau supérieur. Si 7-12 forme un ensemble, l’ensemble suivant doit commencer en 13 et non pas en 11. Les unités ne peuvent pas se chevaucher comme ce serait le cas de 1-6 et 4-10 ; l’unité qui s’achève en 10 ne peut pas commencer soit en 3 soit en 4. Cela suppose évidemment 19 20

Voir Traité, « Les symétries partielles », 219-221.269-278. Voir Traité, Chap. 3, « Les niveaux de composition », 131-215.

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que l’on distingue dans un psaume comme le Ps 90 plus de trois niveaux de composition. 3. Liée à la question des niveaux, se pose celle de la fonction des récurrences de signifiants. Un texte est un objet linguistique. L’analyse syntaxique d’une phrase complexe (prélevée ci-dessus, p. 117) permettra d’illustrer le propos. La phrase suivante : « La discussion avec Pierre Auffret sera partielle, d’une part parce qu’il ne serait pas opportun d’alourdir inutilement le présent article, d’autre part et surtout parce que quelques exemples suffiront pour illustrer les critiques de fond », comprend cinq propositions : – La proposition principale, « La discussion avec Pierre Auffret sera partielle », comprend les sept premiers mots et seulement ceux-ci. Il n’est pas possible de dire que les trois mots suivants, « parce qu’il », peuvent tout aussi bien en faire partie. Il n’est pas possible non plus de dire que les trois mots qui précèdent la phrase, « celui du livre », peuvent en faire partie : en effet ils font partie de la phrase précédente. – De la proposition principale dépendent deux propositions subordonnées causales (« d’une part parce qu’il ne serait pas opportun » et « d’autre part et surtout parce que quelques exemples suffiront»). 3) De la première causale dépend une proposition infinitive, sujet de « serait » (« d’alourdir inutilement le présent article »), et de la deuxième causale dépend une finale (« pour illustrer les critiques de fond »). Les propositions sont donc organisées à trois niveaux, celui de la principale, des causales qui dépendent de la principale, de l’infinitive qui dépend de la première causale, et de la finale qui dépend de la deuxième causale. Les limites entre les propositions ne sont pas laissées au choix de l’analyste. Une réécriture de la phrase permettra de visualiser sa structure syntaxique : 1. La discussion avec Pierre Auffret sera partielle, 2. d’une part parce qu’il ne serait pas opportun 3. d’alourdirinutilementleprésentarticle, 2. d’autre part et surtout parce que quelques exemples suffiront 3. pourillustrerlescritiquesdefond.

– À l’intérieur de la proposition, ses constituants eux aussi ont des limites précises. Le groupe sujet de la deuxième causale est « quelques exemples », et il n’y a pas d’autre découpage

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possible : on ne peut pas dire que le syntagme sujet est aussi « que quelques exemples ». – Quant à la fonction des syntagmes « d’une part » et « d’autre part », ce sont les termes initiaux des deux causales, et il n’est pas possible de leur reconnaître une autre fonction, comme celle de « termes extrêmes » (ou « inclusion »). Ilesttempsdecritiquerunedesanalysesd’Auffretquinerespecte pas les principes à peine énoncés. Il visualise ainsi la composition desversets13-16 : D  E D   E   D E   D E













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