Per verba magistri: Anselme de Laon et son école au XIIe siècle 0802201007, 9782503533414

Loué par ses contemporains et critiqué par le seul Pierre Abélard, Anselme de Laon († 1117) constitue l’une des figures

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Per verba magistri: Anselme de Laon et son école au XIIe siècle
 0802201007, 9782503533414

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Introduction, p. 11
https://doi.org/10.1484/M.BHCMA-EB.4.00037
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Première PartieAnselme de laon en son temps

Chapitre 1: Anselme de Laon, écolâtre et dignitaire


Les années de formation. Le milieu d’origine - Anselme de Laon et ses maîtres, p. 36
https://doi.org/10.1484/M.BHCMA-EB.4.00038
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Le cursus honorum. Le pontificat d’Élinand - Le pontificat d’Enguerrand de Coucy - Le pontificat de Gaudry - Le pontificat de Barthélemy de Joux, p. 51
https://doi.org/10.1484/M.BHCMA-EB.4.00039
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Anselme post mortem. Les éloges funèbres - Les chroniques, p. 69
https://doi.org/10.1484/M.BHCMA-EB.4.00040
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Anselme de Laon et son œuvre. Anselme de Laon et les arts libéraux - Anselme de Laon et la Bible, p. 78
https://doi.org/10.1484/M.BHCMA-EB.4.00041
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Chapitre 2: L’autorité de maître Anselme : de la fama au magisterium


L’école à Laon. La mesure d’un succès : se loger à Laon - Anselme de Laon doctor doctorum - Les liens privilégiés entre Laon et l’espace anglo-normand - Anselme de Laon et l’Italie - Le rayonnement local d’Anselme - L’espace germanique - Conclusion, p. 104
https://doi.org/10.1484/M.BHCMA-EB.4.00042
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L’auctoritas Anselmi Les Miracula ou ‘Anselme prophète’ - Guibert de Nogent - Rupert de Deutz et l’exercice du magistère anselmien, p. 149
https://doi.org/10.1484/M.BHCMA-EB.4.00043
Citation | PDF (749 KB)


Deuxième PartieLes sentences d’anselme de laon et la genèse de l’autorité magistrale

Chapitre 1 : La transmission des sentences d’Anselme de Laon


Les exercices scolaires. Le témoignage d’Abélard - La lettre d’Anselme de Laon à Héribrand - Commentaires, gloses et sentences, p. 186
https://doi.org/10.1484/M.BHCMA-EB.4.00044
Citation | PDF (573 KB)


Le Liber pancrisis La constitution du florilège - Le milieu d’origine et la portée du Liber pancrisis, p. 193
https://doi.org/10.1484/M.BHCMA-EB.4.00045
Citation | PDF (650 KB)


La diffusion des sentences anselmiennes. Les florilèges à forte présence anselmienne - Les florilèges à moyenne présence anselmienne - Les florilèges à faible présence anselmienne, p. 211
https://doi.org/10.1484/M.BHCMA-EB.4.00046
Citation | PDF (766 KB)


Chapitre 2 : Anselme de Laon et ses sentences, une parole d’autorité


Anselme historien. La création - La loi écrite et l’Ancien Testament - La prophétie - Le Christ - La rédemption - Les fins dernières, p. 243
https://doi.org/10.1484/M.BHCMA-EB.4.00047
Citation | PDF (798 KB)


Anselme théologien de la grâce. Le baptême - Vœu et transitus - Les prêtres et les fidèles, p. 272
https://doi.org/10.1484/M.BHCMA-EB.4.00048
Citation | PDF (729 KB)


Anselme moraliste. Le péché originel et ses remèdes - Le péché actuel, les vices et leurs remèdes - La charité - La volonté divine, p. 295
https://doi.org/10.1484/M.BHCMA-EB.4.00049
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Troisième PartieL’école de laon et le mouvement théologique du premier XIIe siècle

Chapitre 1 : Les recueils de l’école de Laon


Recueils faiblement diffusés. Le recueil Divina essentia teste ou Sententiae Atrebatenses - Le recueil Quid de sancta ou Sententiae Berolinenses - Le recueil Potest queri quid - Le recueil Deus est sine ou De conditione angelica et humana, p. 341
https://doi.org/10.1484/M.BHCMA-EB.4.00050
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Recueils largement diffusés. Le recueil Deus non habet et son remaniement Deus itaque summe - Le recueil Deus de cujus et son remaniement Deus principium et - Le recueil Principium et causa ou Sententiae Anselmi - Le recueil De sententiis divine ou Sententie divine pagine, p. 358
https://doi.org/10.1484/M.BHCMA-EB.4.00051
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Chapitre 2 : Les recueils et leur origine


L’’école de Laon’ : retour à une question disputée. L’unité littéraire des recueils - L’unité doctrinale - L’unité institutionnelle, p. 389
https://doi.org/10.1484/M.BHCMA-EB.4.00052
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Les centres scolaires de la province de Reims Raoul de Laon - L’enseignement à Laon après Raoul - Les écoles de Reims - Les autres écoles cathédrales de la province, p. 405
https://doi.org/10.1484/M.BHCMA-EB.4.00053
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Chapitre 3 : L’école de Laon et l’affirmation du magistère des théologiens


Le magistère de l’école de Laon. L’autorité doctrinale d’Anselme - Les procès contre Abélard et Gilbert de La Porrée, p. 438
https://doi.org/10.1484/M.BHCMA-EB.4.00054
Citation | PDF (641 KB)


Les recueils laonnois et Hugues de Saint-Victor. Le Dialogus de sacramentis et les Sententiae de divinitate - Le De sacramentis, p. 454
https://doi.org/10.1484/M.BHCMA-EB.4.00055
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De la Summa sententiarum à Pierre Lombard La Summa sententiarum - Les Sententiae de Pierre Lombard, p. 465
https://doi.org/10.1484/M.BHCMA-EB.4.00056
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Conclusion, p. 493
https://doi.org/10.1484/M.BHCMA-EB.4.00057
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Annexes, p. 503
https://doi.org/10.1484/M.BHCMA-EB.4.00058
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Back Matter ("Bibliographie", "Indices", "Table des matières"), p. 563
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PER VERBA MAGISTRI

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BIBLIOTHÈQUE D’HISTOIRE CULTURELLE DU MOYEN ÂGE 8

Collection dirigée par Nicole BÉRIOU et Franco MORENZONI

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Cédric GIRAUD

Per verba magistri Anselme de Laon et son école au xiie siècle

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© Brepols Publishers n.v., Turnhout, Belgium All rights reserved. No part of this publication may be reproduced, stored in a retrieval system, or transmitted, in any form or by any means, electronic, mechanical, photocopying, recording, or otherwise, without the prior permission of the publisher.

D/2010/0095/8 ISBN 978-2-503-53341-4

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Imaginem viri, gravitate morum sane probabilis, prudentia necnon consilio praediti, caeteris aetatis suae magistris fama longe praestantis, diligenter haud indignum proposito esse putavi. G. Lefèvre, De Anselmo Laudunensi scholastico (1055-1117), Évreux, 1895, p. vii.

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REMERCIEMENTS

Ce livre constitue le remaniement d’une thèse de doctorat soutenue en Sorbonne (Paris IV) le 8 décembre 2006. Je tiens à exprimer ma reconnaissance aux membres du jury, Jacques Verger, directeur de thèse, Nicole Bériou, François Dolbeau, Guy Lobrichon et Constant Mews, pour leurs remarques qui m’ont aidé à améliorer le présent travail. Ce livre n’aurait pu être rédigé sans l’aide du personnel de divers lieux de recherche et institutions fréquentés depuis ma scolarité à l’École des chartes : j’en remercie vivement l’École nationale des chartes, l’Institut de Recherche et d’Histoire des Textes, notamment les sections latine, de codicologie, de lexicographie et de paléographie, le département des manuscrits de la Bibliothèque nationale de France, la bibliothèque du Saulchoir, la bibliothèque Mazarine ainsi que la Staatsbibliothek de Berlin et la British Library de Londres où j’ai reçu le meilleur accueil. J’ai aussi bénéficié, au cours de mes recherches sur les manuscrits et pour la relecture des pages qui suivent, de nombreux soutiens et conseils : sans prétention à l’exhaustivité, j’en remercie ma mère Sylviane Dohy de Curmen, Claire Angotti, dom Pierre-Marie Bogaert, Pascale Bourgain, Laura Cleaver, Gilbert Dahan, Antoine Destemberg, Violetta De Angelis, Anne Norbye, Christine Gadrat, Olivier Guyotjeannin, Luc Jocqué, Charles de Miramon, Martin Morard, Franco Morenzoni, Dominique Poirel, Sumi Shimahara, Bénédicte Sère, Patricia Stirnemann, Dominique Stutzmann et John Wei.

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ABRÉVIATIONS

AHDLMA BA BEC CCCM CCSL Cottineau CPL CSEL DHGE DS DTC MGH ODNB PL PM

RB RHE RTAM SC Stegmüller, RB

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Archives d’histoire doctrinale et littéraire du Moyen Âge. Bibliothèque augustinienne. Bibliothèque de l’École des Chartes. Corpus Christianorum. Continuatio Mediaevalis. Corpus Christianorum. Series Latina. H. Cottineau, Répertoire topo-bibliographique des abbayes et prieurés, 3 vol., Mâcon, 1936-1970. E. Dekkers et A. Gaar, Clavis Patrum Latinorum, Steenbrugis, 19953. Corpus Scriptorum Ecclesiasticorum Latinorum. Dictionnaire d’histoire et de géographie ecclésiastiques, Paris, depuis 1912. Dictionnaire de Spiritualité ascétique et mystique, Paris, 19371994, 16 tomes. Dictionnaire de théologie catholique, Paris, 1902-1967, 17 tomes. Monumenta Germaniae Historica. Oxford Dictionary of National Biography. J. P. Migne, Patrologiae Cursus completus. Series Latina. O. Lottin, Psychologie et morale aux XII e et XIII e siècles, t. 5, Problèmes d’histoire littéraire. L’école d’Anselme de Laon et de Guillaume de Champeaux, Gembloux, 1959. Revue bénédictine. Revue d’histoire ecclésiastique. Recherches de théologie ancienne et médiévale. Sources chrétiennes. Repertorium biblicum medii aevi, 11 vol., Madrid, 1951-1980.

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INTRODUCTION

La scène se passe à Sens, en 1141. Une foule nombreuse se presse au parterre. Dans les rangs du public, on remarque de puissants laïcs comme le roi Louis VII et le comte Guillaume de Nevers, des ecclésiastiques venus en voisins, tels l’archevêque de Reims et quelques évêques de sa province, le maître des lieux enfin, l’archevêque de Sens entouré de ses suffragants, de nombreux abbés et de clercs lettrés. Sur la scène, deux hommes s’affrontent devant cette assemblée prestigieuse, deux moines que tout oppose hormis leur commune profession religieuse : Bernard de Clairvaux et Pierre Abélard. L’un représente le monde du cloître, il est le chantre de la lectio divina et cultive la sagesse qui mène à la contemplation. L’autre porte les couleurs des écoles urbaines où s’élabore, dans le tumulte des débats, une compréhension plus rationnelle des mystères divins. À l’issue d’une joute acharnée, le rideau tombe sur la victoire du moine cistercien. Condamné au silence, l’homme des temps nouveaux s’écroule, terrassé. Acta est fabula. Théologie monastique – théologie scolastique C’est à l’aune de cet argument par trop sommaire que le « mouvement théologique du xiie siècle »1 a longtemps été compris. Avec les deux hommes, une narration dualiste typique du xixe siècle, illustrée notamment par Victor Cousin, Charles de Rémusat et Barthélemy Hauréau, a opposé deux milieux, deux écoles et deux manières de comprendre Dieu2. Face à un Abélard précurseur de la libre pensée et du rationalisme, Bernard camperait le rôle du moine obscurantiste. Au terme d’une série d’études plus ou moins nuancées, 1

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L’expression, employée dans la suite du présent travail, est utilisée selon l’acception chronologique restreinte (1100-1160) qu’elle revêt dans l’ouvrage classique de J. de Ghellinck, Le mouvement théologique du XIIe siècle, sa préparation lointaine avant et autour de Pierre Lombard, ses rapports avec les initiatives des canonistes, Bruges, 1948. V. Cousin, Ouvrages inédits d’Abélard, Paris, 1836, C. de Rémusat, Abélard, t. 2, Paris, 1845, p. 550-551, B. Hauréau, Histoire de la philosophie scolastique, t. 1, Paris, 1872, p. 385, cfr M. de Gandillac, « Sur quelques figures d’Abélard », dans Abélard en son temps, Paris, 1981, p. 197208, repris dans Genèses de la modernité, Paris, 1992, p. 149-163 et J. Jolivet, Arts du langage et théologie chez Abélard, Paris, 1982, p. 341.

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Introduction

il est maintenant acquis que le procès de Sens ne livre pas le dernier mot sur l’histoire individuelle de Bernard et d’Abélard, non plus que sur l’état de la théologie au xiie siècle3. L’épisode de Sens, dramatisé à dessein par un Bernard de Clairvaux4 largement relayé sur ce point par l’historiographie du xixe siècle, a eu du moins le mérite de faire étudier conjointement les deux hommes et leurs méthodes. De fait, le débat historiographique au xxe siècle s’est cristallisé autour de la question des deux méthodes théologiques dont chacun des protagonistes serait le représentant. Là encore, la victoire pourrait sembler revenir à l’abbé cistercien car parmi les travaux consacrés aux deux théologies5, la monastique et la scolastique, les historiens du xiie siècle ont

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Cfr E. Franceschini, « S. Bernardo nel suo secolo », dans San Bernardo. Pubblicazione commemorativa nell’VIII centenario della sua morte, Milan, 1954, p. 30-41, repris dans Ezio Franceschini (1906-1983). Scritti, documenti, commemorazioni, testimonianze, éd. C. Leonardi, Bologne, 1986, p. 117-130, A. Borst, « Abälard und Bernhard », Historisches Zeitschrift, 186 (1958), p. 497-526, R. Klibansky, « Peter Abailard and Bernard of Clairvaux : A Letter by Abailard », Mediaeval and Renaissance Studies, 5 (1961), p. 1-28, A. V. Murray, Abelard and St. Bernard : A Study in Twelfth Century ‘Modernism’, Manchester, 1967, E. F. Little, « Bernard and Abelard at the Council of Sens, 1140 », dans Bernard of Clairvaux : Studies Presented to Dom Jean Leclercq, Washington, 1973, p. 55-71, Id., « Relations between St. Bernard and Abelard before 1139 », dans Saint Bernard of Clairvaux : Studies Commemorating the Eigth Centenary of His Canonization, éd. M. B. Pennington, Kalamazoo, 1977, p. 155-168, T. J. Renna, « Abelard versus Bernard : An Event in Monastic History », Cîteaux, Commentarii Cistercenses, 29 (1978), p. 41-59, E. Gössmann, « Zur Auseinandersetzung zwischen Abaelard und Bernhard von Clairvaux um die Gotteserkenntnis im Glauben », dans Petrus Abaelardus (1079-1142). Person, Werk und Wirkung, éd. R. Thomas, J. Jolivet, D. E. Luscombe, L. M. de Rijk, Trèves, 1980, p. 233-242, L. Kolmer, « Abaelard und Bernhard von Clairvaux in Sens », Zeitschrift der Savigny-Stiftung für Rechtsgeschichte, Kanonistische Abteilung, 98 (1981), p. 121147, G. B. Winkler, « Bernhard und Abaelard : Weisheit Gottest – Weisheit der Welt », dans Festschrift für Joseph Ratzinger, St. Ottilien, 1987, p. 729-738, G. Boss, « Le combat d’Abélard », Cahiers de civilisation médiévale, 31 (1988), p. 7-27 et P. Zerbi, « Teologie a confronto. Il Concilio di Sens », dans Il secolo XII : la « renovatio » dell’Europa cristiana. Atti della XLIII settimana di studio, Trento, 11-15 settembre 2000, éd. G. Constable, G. Cracco, H. Keller, D. Quaglioni, Bologne, 2003, p. 381-392. Une insistance moindre sur la portée du concile de 1141 est proposée par J. Verger et J. Jolivet, Bernard – Abélard ou le cloître et l’école, Paris, 1982, avec un complément de J. Verger, « Un essai de biographies croisées (Saint Bernard/Abélard) et ses enseignements », dans Sources, travaux historiques. Problèmes et méthodes de la biographie. Actes du colloque, Sorbonne 3-4 mai 1985, 1-3 (1985) p. 79-85 ; une relecture récente est fournie par C. J. Mews, « The Council of Sens (1141) : Abelard, Bernard, and the Fear of Social Upheaval », Speculum, 77 (2002), p. 342-382. Comme le dit Étienne Gilson parlant de Bernard : « C’est lui qui a fait d’Abélard un rationaliste, au sens moderne du mot, et on l’a cru » (La philosophie de saint Bonaventure, Paris, 1924, p. 467). L’application du terme de « théologie » à un ouvrage présentant un enseignement cohérent remonte sans doute à Abélard, cfr G. Paré, A. Brunet, P. Tremblay, La Renaissance du XIIe siècle. Les écoles et l’enseignement, Paris - Ottawa, 1933, p. 307-312 ; A. Solignac, « Théologie. Le mot et sa signification », dans DS, t. 15, 1991, col. 463-487, aux col. 472-474, S. F. Brown, « Key Terms in Medieval Theological Vocabulary », dans Méthodes et instruments du travail intellectuel au Moyen Âge, éd. O. Weijers, Turnhout, 1990, p. 82-96, aux p. 89-93, et en dernier

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Introduction

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surtout mis l’accent sur l’existence et la définition de la première, en supposant acquises les caractéristiques de la seconde. Apparue dans les années 1940-1950, sous l’influence et la plume de dom Jean Leclercq6, la notion de théologie monastique avait pour but de promouvoir des textes négligés et considérés, parce qu’élaborés dans le silence des cloîtres, comme représentatifs d’une littérature dévotionnelle dépourvue de contenu théologique7. Contre les attaques dont la théologie monastique était l’objet8, il s’agissait donc moins de définir une théologie scolastique, alors d’autant mieux connue qu’elle bénéficiait des derniers feux du néo-thomisme, que d’établir la réalité et la valeur théologique d’une littérature issue du milieu régulier9. Au terme d’un débat qui semble clos, la théologie monastique

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lieu, avec bibliographie, M. Teeuwen, The Vocabulary of Intellectual Life in the Middle Ages, Turnhout, 2003, p. 379-381. Cfr l’article fondateur : « S. Bernard et la théologie monastique du xiie siècle », Analecta sacri ordinis cisterciensis, 9 (1953), p. 7-23, aux p. 7-16 et son maître ouvrage, L’amour des lettres et le désir de Dieu, Paris, 1957. Le meilleur rappel historiographique est celui de F. Gastaldelli, « Teologia monastica, teologia scolastica e lectio divina », Analecta Cisterciensia, 46 (1990), p. 25-63. Cfr G. G. Meersseman, « ‘Teologia monastica’ e riforma ecclesiastica da Leone IX (1049) a Callisto II (1124) », dans Il monachesimo e la riforma ecclesiastica (1049-1122). Atti della quarta settimana internazionale di studio, Mendola, 23-29 agosto 1968, Milan, 1971, p. 256-270. « Vouloir parler d’une théologie monastique, c’est supposer qu’il y en a une. Il n’est donc pas inutile de se demander d’abord si, oui ou non, elle a existé » (J. Leclercq, « S. Bernard et la théologie », p. 7), cfr Z. Alszeghy, « Contributi alla teologia bernardina », Gregorianum, 38 (1957), p. 328-338, M.-D. Chenu, La théologie au douzième siècle, Paris, 1957, p. 343-350, T. Camelot, « Théologie monastique et théologie scolastique », Revue des sciences philosophiques et théologiques, 42 (1958), p. 240-253, V. Cilento, Medio Evo monastico e scolastico, Milan - Naples, 1961, p. 92-112, E. Bertola, « Teologia monastica e teologia scolastica », Lateranum, 34 (1968), p. 237-271, R. Grégoire, « Esiste una teologia monastica ? », Inter fratres, 27 (1977), p. 115120, J. Ehlers, « Monastische Theologie. Historisches Sinn und Dialektik. Tradition und Neuerung in der Wissenschaft des 12. Jahrhunderts », dans Antiqui und moderni. Traditionsbewußtsein und Fortschrittsbewußtsein im späten Mittelalter, éd. A. Zimmermann, Berlin, 1974, p. 58-79, G. Penco, « La teologia monastica : bilancio di un dibattito », Benedictina, 26 (1979), p. 189-198, repris dans Medioevo monastico, Rome, 1988, p. 537-548, O. Brooke, Studies in Monastic Theology, Kalamazoo, 1980, J. Leclercq, « Desiderio e intelletto : la teologia monastica », dans Invito al Medioevo, éd. I. Biffi, C. Marabelli, Milan, 1981, p. 47-55, Id., « The Renewal of Theology », dans Renaissance and Renewal in the Twelfth Century, éd. R. L. Benson, G. Constable, Cambridge Mass., 1982, réimpr. Toronto, 1991, p. 68-87, A. Härdelin, « Monastische Theologie. Eine praktische Theologie vor der Scholastik », Zeitschrift für katholische Theologie, 105 (1987), p. 400-415, T. Gutknecht, « Monastisches und scholastisches Wahrheitsverständnis », Erbe und Auftrag, 64 (1988), p. 163-178, voir aussi les diverses contributions de J. Leclercq rassemblées dans Esperienza spirituale e Teologia, Milan, 1990, T. Head, « ‘Monastic’ and ‘Scholastic’ Theology : a change of Paradigm ? », dans Paradigms in Medieval Thought : Applications in Medieval Disciplines : a Symposium, éd. N. Van Deusen, A. E. Ford, Lewiston, 1990, p. 127-141, J. Leclercq, « Naming the Theologies of the Early Twelfth Century », Mediaeval Studies, 53 (1991), p. 327-336, P. Zerbi, « ‘Teologia monastica’ et ‘teologia scolastica’. Letture, riletture, riflessioni sul contrasto tra san Bernardo di Chiaravalle e Abelardo », dans Medioevo e latinità in memoria di Ezio Franceschini, Milan, 1993, p. 479-

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Introduction

est maintenant reçue comme catégorie historique et littéraire10. Théologie de l’expérience qui subordonne tous les efforts humains à la rencontre amoureuse de l’âme avec Dieu, elle s’enracine dans une pratique de la vie régulière où le moine est enseigné directement par le Christ. Chez Bernard de Clairvaux et ses émules, le cloître est donc par excellence la schola Christi selon une relecture originale d’Augustin et de la règle bénédictine11. L’étude de la théologie monastique a également permis de préciser en quoi ses plus grands représentants, au premier rang desquels se détache Bernard de Clairvaux, n’étaient pas les ennemis bornés du savoir élaboré en ville12. En effet, proche de maîtres comme Guillaume de Champeaux, Hugues de Saint-Victor et Gilbert l’Universel13, Bernard place au pinacle la défense de la foi et soutient par conséquent ceux qui sont capables de s’opposer aux déviances doctrinales grâce au secours de leur science. La critique monastique de la curiosité ne doit pas faire oublier que pour l’abbé cistercien l’ignorance, mère de l’hérésie, est un crime tout autant coupable14. Par conséquent, il n’est plus possible de considérer que l’école du cloître exclut l’intellectus fidei. Parallèlement, la figure d’Abélard a été restituée avec des nuances que l’historiographie du xixe siècle avait passablement atténuées. La théologie d’Abélard, étroitement solidaire de son œuvre logique, exprime non la hardiesse du rationaliste, mais une volonté de rendre compte des énoncés de foi. Dans ses approches de la Trinité, du Christ ou du péché, Abélard manifeste ainsi une identique tendance non-réaliste qui le pousse à analyser le langage pour en déréifier la portée15. Si Abélard tente d’unir, avec un succès variable, les arts du langage à la théologie, son entreprise s’exerce à partir d’un fonds

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494, I. Biffi, « Teologia monastica », Teologia, 18 (1993), p. 97-133, A. Hubert, « Saint Anselme à la croisée de la théologie scolastique et de la théologie monastique », dans Frontiers in the Middle Ages. Proceedings of the Third European Congress of Medieval Studies (Jyväskylä, 10-14 June 2003), éd. O. Merisalo, P. Pahta, Louvain-la-Neuve, 2006, p. 49-72 et P. E. Gómez, « Algunas consideraciones sobre la teología monástica de la siglos xi y xii », Res-Vista, 2 (2000), p. 13-32, Id., « Algunas cuestiones epistemológicas a propósito de la teología monástica medieval en Jean Leclercq », Teología y vida, 47 (2006), p. 479-496. Cfr notamment C. Leonardi, « La teologia monastica », dans Lo spazio letterario del Medioevo. 1. Il Medioevo Latino, vol. 1, La produzione del testo, éd. G. Cavallo, C. Leonardi, E. Menestò, t. 2, Rome, 1993, p. 295-321, aux p. 296-308 ; U. Köpf, « Theologie im Mittelalter », dans Theologen des Mittelalters. Eine Einführung, éd. U. Köpf, Darmstadt, 2002, p. 9-42, aux p. 16-27. R. Quinto, « Le scholae del medioevo come comunità di sapienti », Studi Medievali, 42 (2001), p. 739-763, aux p. 744-745. Voir l’étude exemplaire de J. Châtillon, « L’influence de saint Bernard sur la pensée scolastique au xiie et au xiiie s. », Analecta sacri ordinis cisterciensis, 9 (1953), p. 268-288. Sur ce point, cfr M. A. Doyle., Bernard of Clairvaux and the Schools. The Formation of an Intellectual Milieu in the First Half of the Twelfth Century, Spolète, 2005. J. Verger, « Le cloître et les écoles », dans Bernard de Clairvaux, histoire, mentalités, spiritualité, Paris, 1992 (SC 380), p. 459-473, à la p. 467. J. Jolivet, Arts du langage, p. 337-363 et la synthèse du même, La théologie d’Abélard, Paris, 1997.

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d’autorités et à l’aide d’outils logiques entièrement hérités et avec une intention d’orthodoxie maintes fois revendiquée. Il faut donc revoir le scénario bien connu et reconnaître que les points communs n’ont pas manqué entre les deux hommes. Bernard admet l’existence des écoles comme un fait aussi indéniable que l’est, à date contemporaine, le développement de Cîteaux16. Abélard, qui est aussi un moine, est loin d’être insensible aux valeurs de la réforme religieuse, même si elles ne coïncident pas exactement avec celles qui ont les faveurs de Bernard. La mise en parallèle d’Abélard et de Bernard demeure pertinente dans la mesure où elle permet de présenter une approche plus nuancée, et donc plus juste, du xiie siècle. Il n’est pourtant pas sûr que les deux hommes suffisent à épuiser notre compréhension de la vie scolaire du temps et des tendances qui la traversent. La réécriture plus historique du livret joué à Sens en 1141 ne doit pas conduire à négliger d’autres protagonistes qui participent à titre égal à ce qu’il est convenu d’appeler la ‘Renaissance du xiie siècle’17. Les écoles et la Renaissance du XII e siècle Mouvement d’animation des hommes et des échanges qui affecte la société du xiie siècle, ce renouveau se caractérise dans le domaine intellectuel par une multiplication des centres scolaires18. Là où l’âge carolingien a connu une structure éducative principalement centrée sur l’école monastique intérieure et une école extérieure beaucoup plus rare19, les conditions favorables du xiie siècle font prévaloir une diversité pédagogique remarquable dont bénéficient avant tout les centres urbains20. Dès la fin du xie siècle, les écoles 16 17

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N. M. Häring, « Saint Bernard and the litterati of his days », Cîteaux, 25 (1974), p. 199-222. Cfr C. D. Ferguson, Europe in transition. A select, annotated bibliography of the twelfth-century renaissance, New York - Londres, 1989 et la présentation générale de J. Verger, La renaissance du XIIe siècle, Paris, 1996 qui offre un bilan historiographique complété par H. Keller, « Introduzione. Il xii secolo negli studi tedeschi dell’ultimo decennio », dans Il secolo XII, p. 7-16. Le lien entre les deux phénomènes est bien mis en valeur par J. M. Soto Rábanos, « Las escuelas urbanas y el renacimiento del siglo xii », dans La Enseñanza en la Edad Media. X semana de estudios medievales, Nájera, 1999, Logroño, 2000, p. 207-241. P. Riché, Écoles et enseignement dans le haut Moyen Âge, fin du Ve siècle – milieu du XIe siècle, Paris, 1989 et M. M. Hildebrandt, The External School in Carolingian Society, Leyde, 1992. Voir notamment les synthèses anciennes de G. Paré, A. Brunet, P. Tremblay, La Renaissance du XIIe siècle. Les écoles et l’enseignement, Paris - Ottawa, 1933, É. Lesne, Histoire de la propriété ecclésiastique en France, t. 5, Les écoles de la fin du VIIIe siècle à la fin du XIIe siècle, Lille, 1940, P. Delhaye, « L’organisation scolaire au xiie siècle », Traditio, 5 (1947), p. 211-268, repris dans Enseignement et morale au XIIe siècle, Fribourg - Paris, 1988, p. 1-58, ainsi que les diverses contributions de J. Verger, « Une étape dans le renouveau scolaire du xiie siècle ? », dans Le XII e siècle. Mutations et renouveau en France dans la première moitié du XII e siècle, éd. F. Gasparri, Paris, 1994, p. 123-145, Id., « Des écoles du xiie siècle aux premières universités : réussites et échecs », dans Renovación intelectual del Occidente Europeo (siglo XII). Actas de la XXIV Semana de Estudios Medievales de Estella. 14 al 18 de julio de 1997, Pampelune, 1998, p. 249-273,

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cathédrales et canoniales ainsi que des écoles ouvertes à titre privé tissent un réseau scolaire qui excède de beaucoup les anciennes structures monastiques dont le rayonnement pédagogique tend, volontairement ou non, à décliner21. Pour expliquer ce renouvellement général, plusieurs facteurs convergents s’additionnent : l’enrichissement lié à la multiplication des échanges, l’essor urbain, l’accroissement de la mobilité géographique et sociale rencontrent un mouvement de réforme générale de l’Église caractérisée par une séparation accrue des sphères spirituelle et temporelle22. Parmi les pays de l’Occident chrétien qui sont alors touchés avec une intensité variable, le royaume de France figure en très bonne place. La conjonction de conditions propices à un développement des écoles y est indéniable, particulièrement dans le Nord : autant et même plus que l’émancipation urbaine, la renaissance du pouvoir princier sous Louis VI (1108-1137) et Louis VII (1137-1180) soutient et encadre aussi bien la politique de réforme ecclésiastique que le mouvement scolaire. Qu’elles soient situées dans le domaine royal ou les principautés voisines, les écoles de Reims, Chartres, Laon, Paris, Angers, Tours ou Orléans profitent d’un soutien politique qui favorise leur rayonnement. Placées sous l’autorité de l’évêque, ces écoles cathédrales du Nord de la France coexistent avec d’autres lieux de savoir telles les écoles tenues par des chanoines réguliers comme celles de Saint-Victor à Paris ou de Saint-Ruf en Provence ou encore les écoles privées laïques où des maîtres se consacrent, moyennant rémunération, à l’enseignement du droit et de la médecine, principalement en Italie du Nord et dans le Midi français23. De plus, si l’essor scolaire ne connaît pas de frontière géographique, il rencontre rapidement des limites temporelles liées à l’affirmation plus nette de grands centres d’enseignement vers les années 1150. Le phénomène, qui entraîne le déclin des écoles plus modestes, se manifeste en France dans la

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et en dernier lieu, Id., « De l’école d’Abélard aux premières universités », dans Pierre Abélard. Colloque international de Nantes, éd. J. Jolivet, H. Habrias, Nantes, 2003, p. 17-28. Une bibliographie, composite à défaut d’être complète, est fournie par F. García Andreva, « La Enseñanza en la Edad Media. Aproximación bibliográfica », dans La Enseñanza en la Edad Media. X semana de estudios medievales, Nájera, 1999, Logroño, 2000, p. 473-506, aux p. 474-501 sur l’éducation et les écoles urbaines. Voir la présentation générale de P. Delhaye, « L’organisation scolaire au xiie siècle », p. 225237, les compléments de J. Leclercq, « Les études dans les monastères du xe au xiie siècle », dans Les monjes y los estudios, IV Semana de estudios monásticos, Poblet, 1963, p. 105-117 et P. Johanek, « Klosterstudien in 12. Jahrhundert », dans Schulen und Studium im sozialen Wandel des hohen und späten Mittelalters, éd. J. Fried, Sigmaringen, 1986 p. 35-68, ainsi que les nuances de S. N. Vaughn et J. Rubenstein, « Introduction », dans Teaching and Learning in Northern Europe, 1000-1200, éd. S. N. Vaughn, J. Rubenstein, Turnhout, 2006, p. 1-16. J. Verger, La renaissance, 1996, p. 39-87. J. Verger, La renaissance, 1996, p. 98-102 et R. Black, Humanism and Education in Medieval and Renaissance Italy : Tradition and Innovation in Latin Schools from the Twelfth to the Fifteenth Century, Cambridge, 2001.

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seconde moitié du siècle. Le développement de Paris comme capitale des études pour la théologie et les disciplines du trivium permet alors de parler d’un véritable « reclassement » dans le réseau scolaire français24. Du point de vue scolaire, les années 1110-1150 constituent donc les décennies les plus fécondes du siècle, celles où se manifeste par excellence la « révolution scolaire » du xiie siècle25. La vie scolaire du premier xiie siècle ne saurait, par conséquent, être réduite à l’opposition ou même à la coexistence de l’école monastique et de l’école urbaine entendues comme des institutions uniformes. La grande variété des structures scolaires urbaines doit, en effet, prévenir toute généralisation hâtive sur l’existence d’un milieu intellectuel unifié. En ce sens, d’autres protagonistes méritent amplement d’apparaître sur la scène des années 1110-1150. Ainsi l’historiographie la plus récente a-t-elle mis en lumière le dynamisme particulier de centres scolaires situés à égale distance du cloître cistercien et de l’école privée d’Abélard. Depuis les travaux pionniers de Jean Châtillon, on mesure mieux la part de l’abbaye de Saint-Victor dans le renouveau intellectuel et scolaire du xiie siècle26. Le développement d’éditions critiques joint à la multiplication de monographies aident désormais à apprécier davantage le rôle éminent joué par l’abbaye Saint-Victor et, en son sein, par maître Hugues († 1141)27. L’état des études victorines a même autorisé Jean Châtillon à parler de « théologie victorine » pour caractériser l’enseignement dispensé par les chanoines réguliers de Paris28. La théologie victorine partage avec la théologie monastique un grand intérêt pour la vie spirituelle et se montre soucieuse d’ordonner tout son enseignement à la tropologie. Avec sa consœur urbaine, elle cherche à rendre compte des mystères divins et, pour cela, n’hésite pas à recourir aux présentations les plus sophistiquées du savoir. Manuels pédagogiques, cartes, sommes de théologie sont mis à profit pour mieux faire comprendre l’histoire du salut. La note personnelle de cette théologie canoniale réside dans sa dimension collective, puisque la vie du chanoine prend tout son sens dans la célébration communautaire de l’opus Dei. L’imprégnation liturgique explique sans doute la part faite par la 24 25 26

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J. Verger, « Une étape dans le renouveau », p. 126 et Id., « Des écoles du xiie siècle », p. 262. Pour l’expression, cfr J. Verger, La renaissance, 1996, p. 98 et 108. Voir J. Châtillon, Théologie, spiritualité et métaphysique dans l’œuvre oratoire d’Achard de SaintVictor, Paris, 1969, ainsi que les études du P. Châtillon réunies par Patrice Sicard dans Le mouvement canonial au Moyen Âge. Réforme de l’Église, spiritualité et culture, Paris - Turnhout, 1992. Sur le progrès des études victorines, cfr D. Poirel, « L’École de Saint-Victor au Moyen Âge : bilan d’un demi-siècle historiographique », BEC, 156 (1998), p. 188-207. J. Châtillon, « Les écoles de Chartres et de Saint-Victor », dans La scuola nell’occidente latino dell’alto medioevo, Spolète, 1972, p. 795-857, repris dans Le mouvement canonial, p. 355-392, à la p. 381 ; voir aussi récemment le volume d’articles de P. Sicard paru sous le titre de Théologies victorines. Études d’histoire doctrinale médiévale et contemporaine, Paris, 2008.

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théologie victorine, notamment celle d’Hugues de Saint-Victor, à l’ecclésiologie et à la vie sacramentaire. Au-delà de toute question terminologique, l’exemple victorin permet de tempérer une opposition trop frontale entre le cloître et l’école urbaine. Pourtant, dès lors que l’on veut nuancer à l’aide d’autres écoles le tableau de la vie scolaire des années 1110-1150, les embûches ne manquent pas. Les écoles du XIIe siècle : problèmes méthodologiques et historiographiques Les difficultés peuvent légitimement décourager le chercheur et expliquent que, depuis les années 1960, la vie scolaire du xiie siècle demeure un « secteur relativement en friche29 ». Les problèmes tiennent principalement à la nature des sources. Les sources documentant le fonctionnement des écoles de la première moitié du xiie siècle sont peu nombreuses, bien connues et sollicitées par l’historiographie de longue date. Ainsi les textes diplomatiques, principalement les chartes, exigent-ils un traitement prudent. En effet, les mentions de magistri que l’on trouve régulièrement dans les chartes sont d’interprétation délicate. Dès le xiie siècle, le magister est à la fois celui qui dirige effectivement une école et l’ancien élève qui garde, après sa formation, un titre qui sanctionne ses études30. Il est difficile d’établir sur cette seule base une liste assurée de magistri pour un centre scolaire donné, encore plus de reconstituer un milieu ou des réseaux. Dans le doute, il faut se tourner vers les sources littéraires, correspondances, traités, chroniques, qui livrent de précieux mais trop rares renseignements sur les maîtres et leurs élèves. Il est donc utopique de chercher à donner une estimation quantitative sérieuse sur les effectifs des écoles ou une image exhaustive de leur fonctionnement. Les productions issues des milieux scolaires ne sont guère plus faciles à traiter, mais pour des raisons inverses. En l’occurrence, c’est la nature des sources, leur surabondance plus que leur indigence, qui explique la difficulté pour parvenir à une juste estimation de leur portée. En effet, même si certaines œuvres, notamment victorines, sont attribuées avec sûreté, une grande part de la production scolaire du premier xiie siècle pose de redoutables pro29

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Ce constat historiographique, posé pour les années 1965-1990, est toujours d’actualité, cfr J. Verger, avec la coll. de G. Beaujouan, G. Dahan, G. Giordanengo, J. Jolivet, « Histoire intellectuelle », dans L’histoire médiévale en France. Bilan et perspectives, éd. M. Balard, Paris, 1991, p. 177-197, à la p. 180, ce qui est confirmé par la bibliographie rassemblée par les mêmes dans un volume complémentaire, Bibliographie de l’histoire médiévale en France (19651990), éd. M. Balard, Paris, 1992, p. 151-166, cfr également J. Verger, « Tendances actuelles de la recherche sur l’histoire de l’éducation en France au Moyen Âge (xiie-xve siècles) », Histoire de l’éducation, 6 (1980), p. 9-33 et Id., « Les historiens français et l’histoire de l’éducation au Moyen Âge : onze ans après », Histoire de l’éducation, 50 (1991), p. 5-16, aux p. 9-10. Sur le titre, voir l’analyse sémantique de C. Renardy, Le monde des maîtres universitaires du diocèse de Liège (1140-1350), Paris, 1979, p. 80-86, O. Weijers, Terminologie des universités au XIIIe siècle, Rome, 1987, p. 133-142 et M. Teeuwen, The Vocabulary of Intellectual Life, p. 95-97.

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blèmes d’histoire littéraire et doctrinale. Les textes se présentent le plus souvent sous couvert d’anonymat et dans des manuscrits dont seule la provenance médiévale plus tardive est connue. Hormis le cas de quelques grands maîtres dont les œuvres sont bien identifiées, l’examen du contenu est le seul recours qui s’offre pour rattacher à un centre d’enseignement et à une pratique pédagogique effective des monographies, des commentaires de textes profanes et bibliques, des recueils de sentences et de questions ou des sermons. De surcroît, la longueur de ces ouvrages ainsi que la complexité de leurs traditions manuscrites ont souvent découragé d’entreprendre des éditions critiques ou de reprendre à nouveaux frais des éditions insuffisantes31. Toute enquête sur les écoles de la première moitié du xiie siècle implique de réfléchir sur la manière d’interpréter les sources, soit qu’elles fassent défaut et laissent libre court aux querelles historiographiques, soit que, présentes en abondance, elles dissuadent toute synthèse historique. Le cas de l’école de Chartres offre l’exemple fameux d’un débat historiographique nourri, en dépit de la relative rareté de nos sources d’informations32. Il est bien connu depuis les travaux de Reginald Lane Poole et d’Alexandre Clerval que l’école cathédrale de Chartres a connu, durant les épiscopats d’Yves de Chartres (1090-1115) et de Geoffroi II de Lèves (1115-1148), un véritable âge d’or sous l’égide de trois chanceliers prestigieux : Bernard de Chartres, Gilbert de La Porrée et Thierry de Chartres33. Dès Barthélemy Hauréau, l’esprit chartrain, marqué par le néo-platonisme, devient synonyme de curiosité intellectuelle, notamment pour les matières du quadrivium, et par la suite représente, de manière plus ou moins nuancée, un rapport novateur au savoir dont le parangon est Abélard34. L’interprétation devenue classique reçoit néanmoins de sérieux coups de boutoir en 1965, lorsque Richard Southern relit de manière critique la documentation et remet en cause autant l’existence d’un enseignement continu sur place que le caractère original des doctrines chartraines35.

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Le meilleur point sur l’état d’avancement des études demeure la somme d’Arthur Landgraf, Introduction à l’histoire de la littérature théologique de la scolastique naissante, Montréal Paris, 1973, mise à jour par la Storia della Teologia nel Medioevo, t. 2, La grande fioritura, éd. G. d’Onofrio, Casale, 1996. Voir la narration vivante de la controverse donnée par É. Jeauneau, L’âge d’or des écoles de Chartres, Chartres, 1995, p. 15-24. R. L. Poole, Illustrations of the History of Medieval Thought and Learning, Londres, 19202, réimpr. New York, 1960, p. 95-115, et Id., Studies in the Chronology and History, Oxford, 1934, p. 223-247 et A. Clerval, Les écoles de Chartres au Moyen-Âge du Ve au XVIe siècle, Chartres, 1895, réimpr. Chartres, 1994. É. Jeauneau, L’âge d’or, p. 20-23. La communication de 1965 est publiée par R. W. Southern, « Humanism and the School of Chartres », dans Medieval Humanism and Other Studies, Oxford, 1970, p. 61-85.

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Reprise par l’historien britannique et ses élèves36, la thèse a pour premier mérite de poser la problématique des écoles urbaines dans sa double dimension. L’école est une structure institutionnelle qui suppose un cadre fixe, des maîtres, des élèves et des manuscrits (‘école à’)37. Stimulés par la controverse, quelques historiens ont réaffirmé l’existence d’une école à Chartres en montrant que toutes les conditions favorisant l’enseignement de manière durable existaient au moins pendant la première moitié du xiie siècle38. Mais l’école peut aussi être une école de pensée (‘école de’), notion qui n’a jamais fait l’objet de définition claire dans la première moitié du xiie siècle. En effet, comme de nos jours, la notion d’école est loin d’être univoque au Moyen Âge39. Pour les médiévaux, schola désigne, à côté de son sens étymologique (otium), de nombreuses formes de regroupements : la scola Christi qu’est le cloître, la confraternité de métier et de dévotion, le lieu où l’on enseigne et l’organisation institutionnelle depuis l’école cathédrale jusqu’à l’Université, « fédération d’écoles40 ». Si le Moyen Âge a donc connu l’’école à’ avec ses significations matérielle et institutionnelle, l’acception intellectuelle d’école de pensée est plus longue à apparaître : il faut attendre la seconde moitié du xiie siècle pour que schola, concurremment avec secta, regroupe, en fonction de positions doctrinales précises, les maîtres enseignant les arts du langage ainsi que leurs élèves41. 36

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R. W. Southern, « The School of Paris and the School of Chartres », dans Renaissance and Renewal in the Twelfth Century, éd. R. L. Benson, G. Constable, Cambridge Mass., 1982, réimpr. Toronto, 1991, p. 113-137 ; Id., Scholastic Humanism and the Unification of Europe, t. 1, Foundations, Oxford, 1995, p. 58-101, et de manière similaire, K. S. B. Keats-Rohan, « The Chronology of John of Salisbury’s Studies in France : a Reading of Metalogicon II, 10 », Studi Medievali, 28-3 (1987), p. 193-203. Cfr J. J. Contreni, The Cathedral School of Laon from 850 to 930. Its Manuscripts and Masters, Munich, 1978, p. 1 et 4. P. Dronke, « New Approaches to the School of Chartres », Anuario de Estudios medievales, 6 (1971), p. 117-140, É. Jeauneau, « Note sur l’École de Chartres », Studi Medievali, 5-3 (1964), p. 821-865, repris dans Lectio philosophorum. Recherches sur l’École de Chartres, Amsterdam, 1973, p. 5-49, N. Häring, « Chartres and Paris Revisited », dans Essays in Honour of Anton Charles Pegis, éd. J. R. O’Donnell, Toronto, 1974, p. 268-329, R. Giacone, « Masters, Books and Library at Chartres, according to the Cartularies of Notre-Dame and Saint-Père », Vivarium, 12 (1974), p. 30-51, É. Jeauneau, L’âge d’or, p. 23-24, Id., « Les maîtres chartrains », dans Monde médiéval et société chartraine, Paris, 1997, p. 97-111, J. Verger, « Le cadre institutionnel de l’école de Chartres jusqu’à Jean de Salisbury », dans Aristote, l’école de Chartres et la cathédrale. Actes du Colloque européen des 5 et 6 juillet 1997, Chartres, 1997, p. 19-32. R. Quinto, « Le scholae del medioevo », p. 743-755. J. Verger, « Nova et vetera dans le vocabulaire des premiers statuts et privilèges universitaires français », dans Vocabulaire des écoles et des méthodes d’enseignement au Moyen Âge, éd. O. Weijers, Turnhout, 1992, p. 191-205, à la p. 197, repris dans Les universités françaises au Moyen Âge, Leyde, 1995. Y. Iwakuma et S. Ebbesen, « Logico-Theological Schools from the Second Half of the 12th Century : A List of Sources », Vivarium, 30 (1992), p. 173-210.

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Parler d’une école au sens immatériel exige donc de s’entendre sur une définition minimale et d’en montrer la validité pour le corpus de textes retenus. Dans le cas chartrain, il semble que les intérêts propres aux principaux maîtres aient suffi pour définir une école intellectuelle. Le développement des éditions critiques et des études que dominent les travaux d’Édouard Jeauneau a ainsi permis de montrer l’existence d’un enseignement harmonisant les arts profanes du quadrivium, teintés de platonisme, avec la sagesse chrétienne42. Si la situation de l’école de Chartres paraît ainsi relativement claire, il en va tout différemment pour l’école de Laon. L’école de Laon : un enjeu historiographique majeur La présence d’une école à Laon est pourtant un fait hors de conteste reconnu par tous les historiens au moins depuis le xviiie siècle, grâce aux efforts de l’érudition bénédictine et à un de ses principaux monuments, l’Histoire littéraire de la France43. À côté d’une tradition savante vivace dès Jean Trithème (1462-1516) mais qui s’est surtout consacrée à la critique d’attribution44, les successeurs de dom Rivet sont, en effet, les premiers à rédiger une notice d’histoire littéraire portant non seulement sur les œuvres, mais aussi sur l’école dirigée par Anselme de Laon45. Sous la direction d’Anselme († 1117) et Raoul († p. 1133), deux frères successivement écolâtres de l’école cathédrale, la ville de Laon devient un centre majeur pour l’étude de la sacra pagina. Non sans quelque emphase, ils font ainsi entrer ‘l’école de Laon’ dans le champ des études historiques46. De fait, en dépit d’une tendance au portrait moral47 et bien qu’elle appelle de légères retouches de détail, la notice, fort bien informée, conserve toute sa valeur pour reconstituer la vie d’Anselme. De même, 42

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Cfr les études d’É. Jeauneau réunies dans Lectio philosophorum. Recherches sur l’École de Chartres, Amsterdam, 1973, celles offertes dans From Athens to Chartres : Neoplatonism and Medieval Thought. Studies in honour of É. Jeauneau, éd. H. J. Westra, Leyde - New York Cologne, 1992, ainsi que les éditions de textes chartrains signalées dans A History of TwelfthCentury Philosophy, éd. P. Dronke, Cambridge, 1988, p. 459-486. Pour un accès commode et récent aux auteurs chartrains, cfr M. Lemoine, Théologie et platonisme au XIIe siècle, Paris, 1998 et Id., Théologie et cosmologie au XIIe siècle, Paris, 2004. Sur le projet, son origine et sa parution, voir, avec la bibliographie antérieure, P. Gasnault, « La publication de l’Histoire littéraire de la France par Dom Rivet », dans La province du Maine. Actes du colloque du Mans, abbaye Saint-Vincent, octobre 1999, Le Mans, 2002, p. 119-128. Le point est traité avec davantage d’ampleur au premier chapitre. Histoire littéraire de la France, t. 10, Paris, 1756, p. 170-192, désormais citée d’après la réimpression en PL 162, col. 1173D-1186C. « L’école de Laon, sous un chef si accompli, devint en peu de temps la plus célèbre de l’Europe. On y vit bientôt, comme autrefois dans le Lycée, les beaux esprits se rassembler de toutes parts pour entendre les leçons des frères Anselme et Raoul » (PL 162, col. 1176B). Cfr inter alia : « Jamais il ne perdit de vue son origine (sc. humble) ; et cette vue lui inspira toute sa vie un fonds de modestie qui releva infiniment les excellentes qualités de cœur et d’esprit qu’il apporta en naissant » (PL 162, col. 1173D).

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la partie qui traite des écrits anselmiens fait montre d’une acribie remarquable et lui attribue une glose interlinéaire sur l’ensemble de la Bible, des commentaires continus sur les Psaumes, le Cantique des cantiques, Matthieu, Jean et l’Apocalypse ainsi qu’une lettre. Tout aussi importante est la mention d’un manuscrit conservé à l’abbaye de Saint-Amand. Découvert au siècle précédent par l’érudit Antoine Sanders, il contient des flores sententiarum ac questionum magistri Anselmi et Radulphi fratris ejus48. L’Histoire littéraire en donne l’interprétation suivante : Il semble que ce soit un corps de théologie où sont traitées les questions qui s’agitaient dans l’école du temps d’Anselme, et qui peut avoir servi de modèle aux ouvrages de cette espèce publiés depuis par Pierre Abailard, Robert de Melun, le Maître des sentences et autres49.

D’une certaine manière, les historiens postérieurs n’ont fait que développer les hypothèses posées par les érudits bénédictins : la place de Laon dans la constitution de la Glose et le mouvement sententiaire figurent ainsi parmi les acquis les plus importants de l’historiographie du xxe siècle. Après une certaine éclipse de l’école de Laon au xixe siècle, Georges Lefèvre en France et Martin Grabmann (1875-1949) en Allemagne sont les principaux artisans du renouveau des études sur Anselme de Laon50 : associant les noms d’Anselme et de Raoul à ceux de leurs élèves Guillaume de Champeaux et Albéric de Reims, Martin Grabmann entend alors lutter contre le discrédit qui, à la suite des critiques d’Abélard, entoure ces théologiens, en mettant au jour leur rôle majeur dans la systématisation théologique51. Laissant de côté leur apport dans le domaine exégétique, il s’intéresse avant tout à leurs sentences, courtes solutions données par les maîtres à un problème théologique. Son but premier est ainsi de montrer la manière dont ces auteurs contribuent au passage de la théologie des Pères à une théologie plus systématique et régie par la ‘méthode scolastique’, c’est-à-dire une explicitation

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PL 162, col. 1184B-C. La description qu’en donne Sanders ne correspond à aucun manuscrit conservé à la bibliothèque de Valenciennes : « 121. Hugonis de Sancto Victore liber de tabernaculi constructione et sermones in precipuis festivitatibus totius anni. Excerpta ex libri sancti Augustini contra Faustum. Flores sententiarum et questionum magistri Anselmi et Radulphi fratris ejus » (Bibliotheca Belgica manuscripta, t. 1, Lille, 1641, réimpr. Bruxelles, 1972, p. 43). PL 162, col. 1184C. Par rapport aux travaux de Martin Grabmann, il faut noter que l’importante monographie de G. Lefèvre, De Anselmo Laudunensi scholastico (1050-1117), Évreux, 1895, a eu une postérité historiographique plus limitée. M. Grabmann, Die Geschichte der scholastischen Methode, t. 2, 1910, Fribourg-en-Brisgau, réimpr. Graz, 1957, p. 139-140. Pour l’importance de M. Grabmann, cfr la liste des 417 publications du savant établie par H. Köstler et L. Ott, Martin Grabmann. Nachlaß und Schrifttum, Paderborn - Munich - Vienne - Zurich, 1980, p. 202-229.

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rationnelle et synthétique des mystères de la foi52. Pour ce faire, il insiste sur l’importance du matériel manuscrit comme voie d’accès privilégiée à l’école de Guillaume de Champeaux et d’Anselme de Laon. Parmi les ouvrages documentés par les vingt-deux manuscrits repérés, il accorde une place fondamentale à un florilège, le Liber pancrisis (LP), la seule œuvre à identifier les sentences des maîtres modernes. Sur la foi du Liber pancrisis, il rattache à Anselme et Guillaume quatre recueils plus systématiques de sentences (Principium et causa, Prima rerum origo, Deus de cujus et De sententiis divine)53, anonymes mais qui présentent, selon Martin Grabmann, des parentés littéraires et doctrinales avec les sentences du Liber pancrisis54. Fidèles à une problématique reposant sur le passage de la patristique à la scolastique, élargissant l’investigation dans les manuscrits et affinant la critique d’attribution des œuvres, quelques clercs érudits ont poursuivi jusque dans les années 1960 le programme esquissé par Martin Grabmann. En Allemagne, le cistercien Franz Bliemetzrieder (1867-1935) édite ainsi deux des plus importants recueils laonnois (Principium et causa et De sententiis divine)55, tandis que le jésuite Heinrich Weisweiler (1893-1964), un élève de Martin Grabmann, travaille pendant trente ans à la publication d’éditions de textes et surtout d’articles établissant les rapports littéraires et doctrinaux des différents recueils entre eux56. En effet, depuis le premier défrichement de Martin Grabmann, le stock de recueils s’est considérablement augmenté notamment grâce aux éditions de Friedrich Stegmüller (1902-1981)57. Dans le même temps, le bénédictin dom Odon Lottin (1880-1965) consacre une bonne part de ses efforts à l’édition des sentences magistrales contenues dans le Liber pancrisis ainsi qu’à la découverte de témoins manuscrits qui font connaître de nouvelles sentences et recueils anonymes58. 52

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Cfr la définition de M. Grabmann, Die Geschichte, t. 1, p. 36-37, traduite dans la version française de l’ouvrage d’Arthur Landgraf, Introduction, p. 24. Les recueils sont ici désignés d’après les trois premiers mots de leur incipit et ne sont pas identifiés en fonction des noms de convention forgés par les éditeurs (par exemple Sententiae Anselmi pour Principium et causa), afin de ne pas engager la critique d’attribution. Cfr les considérations méthodologiques de M. Grabmann, Die Geschichte, t. 2, p. 150-151. F. Bliemetzrieder, Anselms von Laon systematische Sentenzen, Münster, 1919. « In Memoriam Pater Heinrich Weisweiler s.j. », Scholastik, 39 (1964), p. 161-162. Ses articles sur Laon, parus principalement dans les RTAM et Scholastik, s’échelonnent de 1932 à 1962. Son maître ouvrage, sans doute la meilleure étude consacrée à l’école de Laon, mêle études littéraires et éditions de textes : Das Schrifttum der Schule Anselms von Laon und Wilhelms von Champeaux in deutschen Bibliotheken. Ein Beitrag zur Geschichte der Verbreitung der ältesten scholastischen Schule in deutschen Landen, Münster, 1936. F. Stegmüller, « Sententiae Berolinenses. Eine neugefundene Sentenzensammlung aus der Schule des Anselm von Laon », RTAM, 11 (1939), p. 33-61, éd. p. 39-61 et Id., « Sententiae Varsavienses. Ein neugefundenes Sentenzenwerk unter dem Einfluss des Anselm von Laon und des Peter Abaelard », Divus Thomas P., 45 (1942), p. 301-342, éd. p. 316-342. Les articles ont paru de 1939 à 1947 dans les RTAM, avant d’être repris dans Psychologie et morale aux XIIe et XIIIe siècles, t. 5, Problèmes d’histoire littéraire. L’école d’Anselme de Laon et de

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Alors que les travaux de Beryl Smalley (1905-1984) établissent définitivement dans les années 1930 qu’Anselme de Laon et son école sont à l’origine de la Glose59, une image assez consensuelle de l’école de Laon est alors arrêtée et diffusée. Grâce notamment aux deux grandes synthèses complémentaires du jésuite Joseph de Ghellinck et de Mgr Arthur Landgraf, l’école de Laon est considérée comme le foyer d’enseignement qui donne naissance à une organisation plus systématique des recueils de sentences60. Toutefois, la belle unanimité de l’historiographie ecclésiastique des années 1900-1960 vole en éclats lorsque Valerie Flint, dans un article fameux de 1976, met radicalement en cause la notion d’’école de Laon’61. Sous l’influence hypercritique de Richard Southern, l’historienne cherche à revaloriser le monde des moines face à une historiographie franco-allemande surtout préoccupée de théologie scolastique. Inspirée par le spécialiste d’Anselme de Cantorbéry62 et elle-même connue pour ses travaux sur un disciple de saint Anselme, Honorius Augustodunensis63, Valerie Flint cherche à montrer que l’enseignement d’Anselme de Laon n’a pas fait école ni même influencé la rédaction de recueils de sentences. De cette entreprise de déconstruction, on peut retenir trois arguments principaux qui, sans être formulés par l’auteur comme des thèses, constituent le soubassement de sa critique au point de vue littéraire, doctrinal et institutionnel. Tout d’abord, les recueils ne présenteraient pas de parenté littéraire entre eux mais seraient un conglomérat d’opinions théologiques64. La portée intellectuelle en serait, en outre, uniquement morale, dès lors que ces recueils répondraient aux besoins des chrétiens, notamment ceux des milieux réformés monastiques et des laïcs65. Enfin, la

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Guillaume de Champeaux, Gembloux, 1959, référence désormais abrégée par le sigle PM. Cfr la synthèse donnée par l’historienne dans The Study of the Bible in the Middle Ages, Oxford, 1941, rééd. 19833. J. de Ghellinck, Le mouvement théologique, p. 138-148, de même que sa courte présentation dans L’essor de la littérature latine au XIIe siècle, t. 1, Bruxelles, 1946, p. 41-43, de manière nuancée : A. Landgraf, Introduction, p. 46-47. V. I. J. Flint, « The ‘School of Laon’ : A Reconsideration », RTAM, 43 (1976), p. 89-110, repris dans Ideas in the Medieval West : Texts and their Contents, Aldershot, 1988. « Again my debt to the help and inspiration of Dr. Southern is beyond measure » (V. I. J. Flint, « The ‘School of Laon’ », p. 89, n. 1). Cfr sa thèse de doctorat : Honorius Augustodunensis, his Life and Works with special References to Chronology and Sources, Université d’Oxford, 1969 et les dix études sur Honorius rassemblées dans Ideas in the Medieval West : Texts and their Contents, Londres, 1988. « We have no magisterial version, or versions, but we have a multiplicity of almost the opposite, that is, of interwoven, intermixed and usually anonymous theological opinions » (V. I. J. Flint, « The ‘School of Laon’ », p. 96). « The sentence collections, and indeed the endeavours of the exegetes, owe their existence as a genre to that in their content which bears upon the moral needs of Christians. They met a demand made, in short, not by professional scholars, and not originally by the schools, but by the pastoral clergy and, especially, the people who were in their care » (ibidem, p. 99).

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diffusion bien attestée de ces productions dans des manuscrits originaires d’Allemagne du Sud plaiderait en faveur d’une origine monastique et non scolaire66. L’interprétation historique de Valerie Flint revient donc à abandonner la notion d’’école de Laon’, jugée trompeuse et erronée, afin de promouvoir l’existence d’une sorte de théologie réformée issue des cloîtres. Une nouvelle fois, la théologie monastique l’emporterait sur celle de l’école urbaine. L’essai reçoit en 1986 une courte réplique de Marcia Colish qui donne une nouvelle interprétation de l’école de Laon67 : avec Valerie Flint, l’historienne entérine le fait que la forme systématique des recueils laonnois reflète l’organisation de compilateurs postérieurs et que, de manière générale, les maîtres de Laon ne recherchent en rien à produire une théologie systématique 68. Elle réaffirme cependant l’existence d’une école théologique qu’identifient d’indéniables parentés doctrinales, mais en nuance la portée en insistant sur les aspects moraux de l’enseignement laonnois69. L’historienne, dans ses autres publications, a renforcé son interprétation puisque, selon elle, les écrits issus de l’école de Laon sont dépourvus de toute tendance à la systématisation et à la spéculation. L’école de Laon, sans avoir inventé les premières formes de sommes théologiques, ni recherché à mettre en ordre la matière théologique discutée au sein de l’école, a promu une théologie pastorale non dépourvue de grandeur70. Reprise de la question et méthode employée Il est remarquable qu’à la différence de la querelle chartraine, la discussion portant sur l’école de Laon n’ait guère fait d’émule, ni entraîné de polémique durable71. La raison pour laquelle le débat a fait long feu est celle66

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« We know that in the early part of the twelfth century, when many of these sentence collections were made, the monastic orders, and particularly those in South Germany were growing anxious about their place in the renewed pastoral life of the church. […] It seems, indeed, that the ‘sententiae’ are here annexed to the aspirations of a particular section of the supporters of the reform, the monastic orders » (ibidem, p. 104). M. L. Colish, « Another Look at the School of Laon », AHDLMA, 53 (1986), p. 7-22, repris dans Studies in Scholasticism, Aldershot, 2006. Ibidem, p. 10. Ibidem, p. 13-21. « So, in addition to having no organizational scheme to offer, no systematic approach to the sources, and numerous logical inconsistencies in their teaching, the school of Laon also ignored important debates of the day », M. L. Colish, « Systematic Theology and Theological Renewal in the Twelfth Century », Journal of Medieval and Renaissance Studies, 18 (1988), p. 135-156, à la p. 143, repris dans Studies in Scholasticism, Aldershot, 2006 ; voir aussi sa grande synthèse, Peter Lombard, Leyde - New York - Cologne, 1994, p. 42. Cfr la position concordiste de Giulio d’Onofrio qui renvoie dans la note 16 à J. de Ghellinck et M. L. Colish et affirme sur ce fondement : « L’aspirazione a compattare in una lettura sistematica, ossia complessiva e organica, il patrimonio della verità trasmesso dalla fede gode

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là même qui explique son déclenchement : proposer une interprétation d’ensemble sur l’école de Laon nécessite de dépouiller un corpus de sources dont la taille et la nature sont problématiques. Les deux historiennes ont justement mis le doigt sur un problème documentaire dont la résolution exige la reprise d’une indigesta moles difficile à maîtriser. Si le diagnostic repose sur des intuitions justes, les solutions apportées sont fondées sur un choix trop restrictif de quelques sentences et apportent une interprétation synthétique à un corpus dont la valeur critique n’a pas été suffisamment éprouvée. En effet, les sentences laonnoises publiées par dom Lottin occupent un fort volume de 472 pages, tandis que les divers recueils de sentences associés à Laon représentent plusieurs centaines de pages72. En outre, toute cette littérature sententiaire se présente de manière majoritairement anonyme dans des manuscrits dispersés dans toute l’Europe. Enfin, l’exploitation scientifique de ce matériel par les érudits du premier xxe siècle répond à des standards scientifiques différents des nôtres : des collations souvent partielles et mal exploitées ainsi que le manque d’intérêt pour les manuscrits et leur contexte caractérisent des éditions certes pionnières, mais auxquelles leur statut de res scripta a conféré une canonisation prématurée73. En l’état, face à une documentation abondante, anonyme et parfois mal éditée, comment prétendre étudier et même parler d’une école de Laon ? La controverse a donc cessé faute de combattants. Afin que le débat s’achève non dans l’indifférence, mais de manière scientifique, il est utile, au préalable, de reprendre la question à la base en s’efforçant de déterminer l’importance de l’école à Laon. Le point, souvent traité par prétérition tant il semble évident depuis l’Histoire littéraire, mérite une attention soutenue puisque, comme l’a finement fait remarquer Valerie Flint a contrario, l’institution scolaire (‘école à’) et son émanation doctrinale (‘école de’) sont étroitement solidaires. Pour accorder à l’école de Laon quelque influence, il importe tout d’abord de prouver que l’école à Laon exerça un certain rayonnement74.

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di una fortuna senza precedenti presso un gran numero di autori del secolo dodicesimo […]. Il primo centro di studi in cui questa tendenza ha assunto l’aspetto di un impegno programmatico perseguito con totale ossequio all’autorità dei Padri e della tradizione, è stata la scuola di Laon » (Storia della Teologia nel Medioevo, p. 18). Les deux principaux recueils, De sententiis divine et Principium et causa, occupent déjà 150 pages de l’édition de F. Bliemetzrieder ; pour les éditions des six autres recueils retenus voir chapitre II (troisième partie). La remarque vaut surtout pour les travaux de F. Bliemetzrieder et de dom Lottin, alors que les éditions du Père Weisweiler sont de grande qualité. « To use the phrase ‘school of Laon’ to describe both the school at Laon and a whole phase of biblical and theological enquiry is, it will be argued, inadmissible. It is inadmissible in the first place because even the lightest use of the phrase inclines the mind to accept assumptions about the primary importance of Anselm’s school which are not at all firmly based » (V. I. J. Flint, « The ‘School of Laon’ », p. 90).

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Il convient, par conséquent, d’exploiter les sources permettant d’évaluer l’importance de l’’école à Laon’ : les chartes des évêques de Laon et les témoignages d’élèves ayant suivi les cours d’Anselme documentent la vie scolaire laonnoise à la fin du xie siècle et dans les deux premières décennies du siècle suivant. Comme on l’a précédemment relevé, ces notations historiques et littéraires, en nombre limité, étaient pour la plupart déjà connues, même si elles n’avaient jamais fait l’objet d’une reprise critique et d’un essai d’interprétation globale. Concernant la question de l’’école de Laon’, l’idéal eût été de s’appuyer sur un traité comme un De locis theologicis du xiie siècle qui aurait répertorié les sources autorisées de la théologie et nous aurait renseigné sur le crédit alors accordé à la parole magistrale. Il eût été facile, dans ces conditions, de déterminer si un maître faisait école dans la première moitié du xiie siècle, et, dans l’affirmative, d’indiquer la note de vérité reconnue à son magistère. De fait, au xiie siècle, seuls l’Écriture et les Pères font l’objet de réflexion sur leur statut d’auctoritates. Désignant d’abord la considération qui s’attache à un homme, auctoritas en vient par métonymies successives à qualifier le sujet jouissant de ce crédit et même les écrits manifestant son avis75. En l’absence de discours théorique, il a donc fallu recourir aux sources théologiques pour tenter d’y discerner l’existence d’une autorité magistrale76. La condition minimale pour affirmer qu’un maître a fait école consiste à prouver qu’il a été connu ou mieux reconnu. L’’école à Laon’ et l’’école de Laon’ doivent prendre sens par rapport à cette reconnaissance dont bénéficierait le nom d’Anselme. Il n’était donc pas possible de borner l’investigation à une simple étude du contenu des textes pour retracer un jeu d’influences dont Anselme serait l’origine. De manière plus large, il a fallu, par conséquent, mobiliser différentes branches du savoir historique, de la codicologie à l’histoire doctrinale, afin de comprendre la manière dont le maître était ou non reconnu. La mise en valeur décorative d’une sentence dans un manuscrit, l’attribution par une rubrique d’un commentaire à Anselme, la réutilisation d’un passage dans un nouveau contexte, la citation du nom magistral dans un concile ou même le phénomène d’anonymat, tous ces éléments ont attiré notre attention en ce qu’ils relèvent d’une même méthode archéologique aidant à retrouver la trace d’Anselme. Compte tenu de l’abondance de la documentation attribuée à l’école de Laon, un choix a été nécessaire. La Glose dite ordinaire et les commentaires 75

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Sur cette question de l’autorité des Pères au xiie siècle, il faut toujours se reporter aux pages classiques de M.-D. Chenu, La théologie, p. 351-365. En employant l’expression d’« autorité magistrale » ici et dans la suite du texte, nous n’entendons pas mettre sur le même plan l’autorité biblique ou patristique et celle du maître, mais insister sur la promotion d’un magistère des doctores. L’expression d’auctoritas magistralis n’est d’ailleurs pas inconnue au Moyen Âge, cfr M.-D. Chenu, La théologie, p. 359.

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exégétiques rattachés à Anselme n’ont été utilisés qu’à titre de comparaison : en effet, les problèmes d’attribution que soulèvent ces textes sont en l’état actuel de la recherche encore trop importants pour qu’ils soient utilisés avec profit. Chaque livre biblique glosé ou chacun des commentaires exigerait une édition critique et une thèse sans que celles-ci suffisent ipso facto pour apporter une réponse à la question de l’école de Laon. En revanche, les sentences théologiques d’Anselme fournissent un point d’observation pertinent dans la mesure où le Liber pancrisis attribue explicitement à Anselme de Laon une soixantaine de sentences. Afin d’étudier la manière dont Anselme a pu faire école, il est donc pertinent de confronter ces sentences aux huit principaux recueils de l’’école de Laon’ étudiés depuis la fin du xixe siècle par l’érudition franco-allemande. La problématique de l’’école de Laon’ se ramène donc à trois questions solidaires : quel statut les contemporains d’Anselme de Laon ont-ils reconnu à l’écolâtre ? Quelle portée revient à l’enseignement d’Anselme au miroir de ses sentences théologiques ? Les recueils rattachés à Anselme permettent-ils de définir une école théologique parmi les écoles du xiie siècle ? De manière logique, la figure magistrale nous retiendra dans un premier temps. Comprendre la place d’Anselme dans la société du temps requiert de s’intéresser à son cursus honorum et aux œuvres qui lui sont attribuées (première partie, chapitre premier). Plus largement, son rayonnement magistral doit aider à montrer que sa réputation ne se borne pas aux limites de la province de Reims, mais atteint l’ensemble du monde chrétien (chapitre II). Parmi sa production, les sentences théologiques méritent, dans un second temps, une étude approfondie : qu’elles apparaissent dans la lumière crue des attributions du Liber pancrisis ou qu’elles demeurent dans la pénombre de l’anonymat où les plongent nombre de manuscrits, les sentences d’Anselme exigent un examen rendant significative leur importante diffusion au cours du xiie siècle (deuxième partie, chapitre premier) et les replaçant dans les débats contemporains (chapitre II). Enfin, comme la vie des sentences d’Anselme se poursuit également dans des recueils plus systématiques, il convient de s’intéresser à ce genre littéraire en montrant son influence dans les années 1110-1150. Après avoir présenté de manière critique les huit recueils retenus (troisième partie, chapitre premier), il sera possible de les interpréter grâce à une définition renouvelée de l’école de Laon (chapitre II). Remis dans le contexte des écoles du xiie siècle, ces recueils participent d’un mouvement plus vaste où la figure d’Anselme sert à accorder un véritable magistère aux théologiens (chapitre III).

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PREMIÈRE PARTIE

ANSELME DE LAON EN SON TEMPS

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‘Much remains to be done before we can hope for an Anselme de Laon : sa vie, son œuvre, sa pensée’ : I wrote this some twelve years ago. It has become clear in the meantime that such a title would be impossible. The most we can hope for is a book about the school of Anselm. Beryl Smalley, The Study of the Bible in the Middle Ages, Oxford, 19522, p. 501.

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Beryl Smalley fait ici référence à la première édition de son maître ouvrage paru en 1941.

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Le problème que l’on cherche à résoudre dans cette première partie est celui des contours à apporter à la figure d’Anselme de Laon : tracé hypothétique des rubriques, esquisse discrète des actes de la pratique, figure colorée des sources narratives ou image enluminée des épitaphes, toute la gamme des représentations et des genres littéraires peut servir et a été employée pour décrire le maître. Aucune de ces images n’est tout à fait adéquate, mais chacune est au plus haut point nécessaire, tant le caractère lacunaire et problématique des informations fournies par chaque source exige une mise en série jamais effectuée auparavant. Les mentions de tous ordres sont en effet le plus souvent peu nourries et modérément explicites à première lecture. Il faut donc en restituer précisément le contexte de rédaction et tenter d’en croiser les témoignages. Toutefois, la comparaison de ces sources selon nos catégories d’histoire littéraire – l’Anselme chancelier des chartes, l’exégète des commentaires bibliques ou encore le théologien des sentences – n’est un cadre valide d’analyse qu’à condition d’en trouver la perspective. L’orientation de notre regard sur un paysage semi désertique en même temps que bigarré découle logiquement du problème posé par l’existence d’un magistère et par l’école à Laon. Le préalable pour affirmer l’existence d’une école et en montrer le fonctionnement est, en effet, de lui assigner une origine, dans la mesure où il est couramment reçu qu’à l’époque qui précède les universités, c’est le maître qui, au sens propre de l’expression, ‘fait école’. Si les conditions matérielles jouent un rôle dont il faut mesurer la part, le postulat fréquemment admis veut donc que ce soit avant tout le charisme personnel d’un maître qui explique le développement d’une école, tout comme le moindre renom d’un écolâtre justifierait localement le déclin de l’institution scolaire. Afin de déterminer avec la plus grande rigueur possible le fonctionnement de l’école à Laon, on ne saurait, par conséquent, faire l’économie d’une reconstitution minutieuse et quasi archéologique du personnage d’Anselme de Laon. Autrement dit : qui est Anselme de Laon ? Suffit-il à lui seul à expliquer l’existence d’une école locale ? La question de la figure magistrale est donc la première clef pour mieux comprendre le fonctionnement d’une école au premier xiie siècle. Cette interrogation est elle-même liée à quelques problèmes fondamentaux pour notre propos : qu’est-ce qu’être un maître aux yeux des contemporains d’Anselme ? Comment se manifeste le prestige intellectuel du maître ? Quel rapport entretient-il avec l’exercice d’un pouvoir ? Comment et pourquoi identifie-t-on l’œuvre d’un tel maître ? Pour répondre à ces questions étroitement liées, il importe de présenter la vie et l’œuvre d’Anselme de Laon (chapitre I), avant de montrer que son influence a excédé de beaucoup celle d’un simple écolâtre (chapitre II).

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CHAPITRE PREMIER ANSELME DE LAON, ÉCOLÂTRE ET DIGNITAIRE

Comme nombre de ses contemporains ayant exercé une fonction scolaire, Anselme de Laon demeure un quasi inconnu. Sans même prétendre atteindre un caractère sans doute hors de la portée de l’historien, il n’est guère aisé d’avancer des éléments certains concernant sa formation comme élève ou sa vie de professeur. La même difficulté se présente lorsque l’on cherche à dresser une liste quelque peu assurée de ses œuvres authentiques. Anselme écrivain nous échappe autant qu’Anselme pédagogue. Contrairement au cas de son homonyme fameux et contemporain Anselme de Cantorbéry († 1109) pour lequel on possède une vita médiévale ou à celui d’Hugues de Saint-Victor († 1141) qui bénéficie d’un census operum, rien de tel n’existe pour suppléer la rareté des sources historiques sur le Laonnois ou pour guider l’historien confronté aux rubriques parfois contradictoires des manuscrits. Cette situation a logiquement favorisé la formulation d’hypothèses, vite devenues bien commun historiographique lorsqu’il s’agit de la vie d’Anselme, ou objet de vifs débats pour l’attribution de ses ouvrages. Affirmations trop rapidement suivies ou doutes indéfiniment prolongés composent ainsi un terrain peu engageant pour le chercheur qui aborde ces questions délicates. Dans les deux cas, un retour critique aux faits historiques et littéraires laisse espérer une évaluation plus juste de la vie d’Anselme, une fois celle-ci débarrassée de quelques scories et replacée dans le contexte de la seconde moitié du xie siècle1. D’emblée, il convient de souligner que, comme tous les autres maîtres de son temps, Anselme est un clerc et qu’il a mené une importante carrière de dignitaire ecclésiastique. Ce point, mis en valeur par toutes les notices biographiques dans la mesure où il permet de jeter sur l’obscurité de cette vie quelques lumières chronologiques, n’a pas reçu toute l’attention nécessaire. Il vaut ainsi la peine de considérer la manière dont Anselme a exercé ses charges d’écolâtre et de chancelier sous des évêques aussi différents qu’Élinand (1052-1096), Enguerrand de Coucy (1096-1104), Gaudry (1106-1112) ou Barthélemy de Joux (1113-1151). Le destin d’Anselme ne se limite d’ailleurs pas à ce rayonnement local et se poursuit également après sa mort puisque 1

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La présentation la plus complète, malgré sa date et de nombreuses inexactitudes, demeure celle de G. Lefèvre, De Anselmo Laudunensi scholastico (1050-1117), Évreux, 1895, p. 1-51.

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Première partie

les épitaphes et les chroniques concourent à faire connaître la figure magistrale au-delà du diocèse de Laon.

Les années de formation Le milieu d’origine Le nom même du maître laonnois peut à lui seul prêter à quelque discussion, puisque si les manuscrits portent tous Anselmus, les actes de la pratique enregistrent Ansellus comme la forme mieux attestée2. Comme l’avait remarqué Richard Southern à la suite de dom André Wilmart3, il conviendrait donc d’appeler le maître Anseau ou bien déjà comme les auteurs de l’Histoire littéraire de la France, Ansel4. Si l’on se rallie à ce choix, Ansel ou sa forme vocalisée Anseau conserve mieux la saveur d’une appellation romane, tandis qu’Anselme, plus qu’une variante hypocoristique peu plausible, apparaît comme la version savante latine de son nom5. De plus, une tradition, remontant sans doute seulement à l’époque moderne, lui accorde le surnom de ‘scholastique’, dans le but probable de le distinguer du saint contemporain6. 2

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Pour les manuscrits, on peut relever une forme douteuse dans Paris, BNF, lat. 12999, fol. 22ra : « Ex dictis patris Ansselmi (sic) Laudunensi civitate incipiunt ». Sur les 28 mentions de notre maître présentes dans les formules de signum comme témoin ou de subscriptio de chancellerie parmi les actes recensés par l’édition critique d’Annie Dufour, seuls deux présentent une graphie différente : « Anselmus » (acte 61) et « Ancellus » (acte 62). Il s’agit, dans les deux cas, d’actes seulement connus par des copies postérieures (xive-xviiie siècles), cfr A. Dufour-Malbezin, Actes des évêques de Laon des origines à 1151, Paris, 2001, p. 134 et 136. A. Wilmart, « Un commentaire des Psaumes restitué à Anselme de Laon », RTAM, 8 (1936), p. 325-344, aux p. 341-342. Voir R. W. Southern, Saint Anselm and his Biographer. A Study of Monastic Life and Thought 1059-c. 1130, Cambridge, 1963, p. 84 : « Master Anselm of Laon had nothing in common with St. Anselm, except his name, and strictly perhaps not even that », avec forme rappelée en n. 2 Ansellus-Anseaux. Dans la réédition de 1990, Saint Anselm. A Portrait in a Landscape, Cambridge, 1990, p. 204, il rappelle le nom « Anseau » sans x. Pour Ansel, voir la notice de l’Histoire littéraire de la France, PL 162, col. 1173D : « Ansel ou Anselme ». Le témoignage des manuscrits et la tradition historiographique nous ont fait préférer la forme dérivée du latin. Sur son surnom, voir C.-É. Du Boulay, Historia universitatis Parisiensis, t. 1, Paris, 1665, p. 559 : « Anselmus Laudunensis cognomento Scholasticus » qui reprend le dominicain Sixte de Sienne, mais sans donner la référence à la Bibliotheca sancta, Naples, 1re éd. 1566, éd. corr. 1743, l. 4 « De catholicis divinorum voluminum expositoribus », p. 316, sur Du Boulay, ses mérites et ses limites, voir en dernier lieu J. Verger, « Charlemagne fondateur de l’université de Paris. Les ultimes avatars du mythe de la translatio studii dans l’Historia universitatis Parisiensis de C.-É. Du Boulay », dans Famille, violence et christianisation au Moyen Âge. Mélanges offerts à Michel Rouche, Paris, 2005, p. 493-504, aux p. 496-497 et 502-503. Cette tradition, présente dans l’Histoire littéraire de la France : « surnommé le Scholastique », est poursuivie par quelques notices biographiques anciennes, cfr par exemple

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Quant à sa naissance, on la situe généralement vers le milieu du xie siècle en se fondant sur le célèbre témoignage d’Abélard : lors de sa visite à Laon en 1113, il dit avoir rencontré un vieil homme7. La mort d’Anselme le 15 juillet 1117 vient d’ailleurs plutôt en renfort de la notation du logicien breton. Un autre fait, moins souvent mis en avant, pousse cependant à ne pas faire remonter sa naissance trop tôt dans le xie siècle. En effet, dans sa somme Tota celestis philosophia rédigée entre 1208 et 1212/1213, Robert de Courson raconte la manière dont les élèves d’un défunt maître Anselme cachent à la mère du professeur la mort de son fils8. Le contexte proche laisse supposer que le maître en question est bien un Laonnois, puisqu’une autre anecdote sur un habitant de Laon est citée immédiatement avant dans la partie de la somme illustrant d’exemples la possibilité méritoire de mentir9. Pour que sa mère soit encore en vie en 1117, Anselme n’a donc pas dû vivre beaucoup plus de soixante-dix ans. En outre, le milieu d’origine du futur maître est modeste, si l’on en croit un important passage de Pierre le Chantre († 1197) dans son Verbum abbreviatum10. À l’occasion d’une vraie casuistique de la bonne aumône où il est rappelé qu’il faut donner selon la nécessité et non la parenté, le maître cite l’exemple de Joseph qui refusa de voir ses frères enrichis et promus par Pharaon11. Il en vient

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F. Hoefer, « Anselme de Laon », dans Nouvelle biographie universelle, t. 2, Paris, 1852, col. 747-749, col. 747 : « doctor scholasticus » ou P. Féret, La faculté de théologie de Paris et ses docteurs les plus célèbres, t. 1, Paris, 1894, p. 26. Petrus Abaelardus, Historia calamitatum, éd. J. Monfrin, Paris, 1978, p. 68, l. 164. Le premier à avoir repéré le passage est B. Hauréau dans sa « Notice sur le numéro 3203 des manuscrits latins de la Bibliothèque nationale », dans Notices et extraits des manuscrits de la Bibliothèque nationale, Paris, t. 31-2, 1886, p. 261-274, voir p. 272, d’après le fol. 168v : « Item scholares magistri Anselmi mentiti sunt matri sue tribus diebus post obitum suum illum non fuisse mortuum, ne ipsa simul subito dolore moreretur, dicentes illum ad archiepiscopum fuisse profectum ». Sur la somme et sa tradition manuscrite complexe, voir J. W. Baldwin, Masters, Princes and Merchants. The Social Views of Peter the Chanter and his Circle, Princeton, 1970, t. 2, p. 14, n. 66, et commentaire du passage, t. 1, p. 153. Cfr Paris, BNF, lat. 3203, fol. 168v : « Quidam spiritu sancto plenus Laudunensis, cum duceretur coram eo latro… ». Sur Pierre le Chantre, voir J. W. Baldwin, Masters, Princes and Merchants, p. 3-16 ; Id., « Pierre le Chantre », dans DS, t. 12-2, 1986, col. 1533-1538, et N. Bériou, L’avènement des maîtres de la Parole. La prédication à Paris au XIIIe siècle, t. 1, Paris, 1998, p. 30-48. Petrus Cantor, Verbum adbreviatum, 1, 45, éd. M. Boutry, Turnhout, 2004 (CCCM 196), p. 307308, à la p. 306 et Gen. 46, 33-34. Le texte édité représente une version longue dite textus conflatus, sans doute postérieure à la version brève et même à la mort de Pierre le Chantre en 1197. La version longue, qui est au moins intellectuellement l’œuvre du théologien, donne plus de détails sur la famille d’Anselme : il n’y a pas lieu de mettre a priori en doute leur véracité. Notons avec l’éditrice que seule l’étude complète de la tradition manuscrite du Verbum permettrait de définir plus précisément le statut de cette amplification (p. xxxviixl). Sur cette édition et Pierre le Chantre, voir en dernier lieu la note critique de J. W. Baldwin, « An Edition of the Long Version of Peter the Chanter’s Verbum Abbreviatum », The Journal of Ecclesiastical History, 57 (2006), p. 78-85.

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ensuite à l’exemple de maître Anselme12. Après les épisodes fameux de la Commune de 1112 dont le point culminant est le meurtre de l’évêque de Laon Gaudry, Louis VI, décidé à ne pas laisser son autorité bafouée, charge son chancelier, Étienne de Garlande, du retour à l’ordre13. La répression, assez violente, se marque par des arrestations nombreuses : les neveux d’Anselme se trouvent parmi les hommes mis en prison apparemment sans discernement. Maître Anselme, après avoir supplié Étienne de Garlande en gardant la tête couverte, se fait reconnaître du chancelier et lui demande de libérer ses neveux14. Le chancelier, une fois qu’il a reconnu le maître, fait assaut de génuflexions et de politesse au célèbre professeur15. Il lui propose notamment d’enrichir ses neveux, d’en faire des milites et de les marier à des filles de la noblesse16. Avec la caution d’une citation de Paul, le maître s’y oppose vigoureusement au nom de l’humilité, afin d’éviter le risque d’orgueil que cette élévation sociale pourrait faire naître chez ses neveux17. C’est l’occasion de rappeler « qu’ils sont nés d’hommes pauvres et de la campagne18 ». Sur la foi de ce passage, il n’y a pas de raison d’imaginer qu’Anselme soit issu d’un autre milieu. De surcroît, la 12

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Les mentions marginales de trois manuscrits lèvent toute ambiguïté sur l’identité de cet Anselme : A (Arras, BM, 571) et V (Vaticano, BAV, Reg. lat. 106) apparentés (Verbum adbreviatum, p. xlvi) ainsi que Pg (Paris, Bibl. Sainte-Geneviève, 250) portent de magistro Anselmo Laudunensi (Verbum adbreviatum, ad app. 215, p. 307). Sur Étienne de Garlande qui est alors chancelier depuis 1105/06, voir R.-H. Bautier, « Paris au temps d’Abélard », dans Abélard en son temps, Paris, 1981, p. 21-77, à la p. 54 et J. Dufour, Recueil des actes de Louis VI roi de France (1108-1137), t. 3, Paris, 1993, p. 38-40, Id., « Étienne de Garlande », Bulletin de la société de l’histoire de Paris et de l’Île-de-France, 122-124 (1995-1997), p. 39-53 ; et non sénéchal (1120-1127) comme indiqué par la version brève en PL 205, col. 151B et 443A, et A. Saint-Denis, Apogée d’une cité. Laon et le Laonnois aux XIIe et XIIIe siècles, Nancy, 1994, p. 106-107. « Item ad hoc facit etiam exemplum magistri Anselmi, autentici viri et litteratissimi qui, tempore illo quo involvebatur justus cum impio apud Laudunum, quia interfecerunt Laudunenses episcopum suum, involuto capite ne agnosceretur, procidit ad pedes domini Stephani, tunc temporis cancellarii regis, postulans ab eo donum dignum dari sine nomine. Quo concesso, detecta venerabili facie, quesivit ut educerentur de regio carcere nepotes ejus » (Petrus Cantor, Verbum adbreviatum, 1, 45, p. 307, l. 215-222). « Quem tandem agnoscens cancellarius, vir nobilis vita, genere et moribus, descendens de fastigio, versa vice multas genuflectiones fecit magistro Anselmo, obtestans quod in tota vita sua non est ei facta injuria vel ignominia quam non graviter vindicaverit preter istam, scilicet quod magister Anselmus prociderat ad pedes suos » (ibidem, p. 307, l. 223-228). « Non enim videbat quomodo posset ei satisfacere, sed supplicavit ut nepotes illos eductos de carcere satis pulcros et habiles, ob ignominiam quam ei intulerat procidendo ad pedes ejus, relinqueret et ut eos bonis suis ditaret, milites faceret, nobilibusque puellis in matrimonio copularet » (ibidem, p. 307, l. 228-233). « Cui magister Anselmus : ‘absit, domine, quod ad militarem statum promoveantur, sed juxta Apostolum : in qua vocacione vocavit eos Dominus in eadem permaneant (I Cor. 7, 20), ne extollantur in superbiam’ » (ibidem, p. 307, l. 233-236). « De pauperibus et rusticanis viris nati sunt, tales ergo, rogo, permaneant ; mallem enim numquam sacram Scripturam legisse quam eos sic promotos humilitatem reliquisse » (ibidem, p. 307, l. 236-238).

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suite du texte rappelle la résistance qu’il oppose à sa promotion comme évêque de Cantorbéry, ce que peuvent expliquer l’humilité de ses origines comme sa modestie19. De fait, la présence en 1112 de neveux d’Anselme à Laon ainsi que celle de la mère d’Anselme en 1117 tendent à prouver l’origine locale de la famille20. Parmi les raisons avancées par Anselme pour refuser toute promotion à une prélature, Pierre le Chantre rapporte également que le maître se disait fils de diacre21. Toutefois, si l’on accepte le témoignage plus nuancé des marginalia de la version brève, Anselme serait plutôt issu du mariage légitime d’un clerc qui n’avait pas encore reçu les ordres majeurs22. L’appartenance de son père à l’Église pourrait ainsi contribuer à expliquer la suite de sa carrière. Enfin, sur l’enfance d’Anselme, le Verbum abbreviatum ne permet d’apprendre qu’un simple détail : le jeune Anselme s’est fait une petite entaille au pouce. Elle explique sa répugnance à être élevé à une prélature de peur de scandaliser le peuple en raison de cette infirmité23. Il semble bien qu’il faille entendre ce refus non seulement de l’épiscopat mais aussi de la prêtrise24. Anselme doit ainsi faire partie de ces nombreux chanoines du xie siècle qui n’ont pas reçu les ordres majeurs et pour lesquels l’élection à l’épiscopat eût ouvert la voie au sacerdoce25. Le maître semble pourtant exagérer à dessein le caractère irrégulier de cette malformation ex defectu corporis, car depuis

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« Et ita cum electus esset in Cantuariensem noluit assentire, juxta illud Gregorius in Pastorali : si polles virtutibus, vix etiam coactus accedas ; si autem non polles, nec etiam coactus » (ibidem, p. 307-308, l. 242-245). Une fois de plus, l’attitude d’Anselme est justifiée par le recours à une autorité. La mention de Cantorbéry résulte peut-être d’une confusion avec l’élection de saint Anselme en 1093, même si le reste de l’histoire est plausible, voir J. W. Baldwin, Masters, Princes and Merchants, p. 152. C’est donc à juste titre que G. Lefèvre, De Anselmo Laudunensi, p. 2, n. 4, refuse la légende d’une naissance parisienne proposée par l’Histoire littéraire de la France, PL 162, col. 1174D d’après une mauvaise compréhension de Baronius. « Item, idem etiam dicebat se esse filium diaconi, ne raperetur in prelacionem » (Petrus Cantor, Verbum adbreviatum, p. 307, l. 239-240). Les marginalia sont édités en apparat dans l’édition du P. Georges Galopin de 1639, reprise en PL 205, col. 443B : « Qui etiam cum de promotione ejus aliquando haberetur sermo, dixit se filium diaconi esse, qui tamen ante subdiaconatum de legitimo matrimonio fuit ». Ces notes marginales présentent apparemment le caractère d’additions remaniées et simplifiées par le textus conflatus, mais seule une édition de cette version pourrait l’assurer. Là encore les marginalia de la version brève sont plus explicites que le textus conflatus, cfr PL 205, col. 443B et Petrus Cantor, Verbum adbreviatum, p. 307, l. 240-243. « Cum crucifixus esset ad altare, scandalum faceret » dans la version longue (ibidem, p. 307, l. 242). Cfr dans la même province ecclésiastique, les conclusions de J. Pycke, Le chapitre cathédral Notre-Dame de Tournai de la fin du XIe à la fin du XIIIe siècle. Son organisation, sa vie, ses membres, Louvain-la-Neuve - Bruxelles, 1986, p. 243-247.

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l’Antiquité chrétienne le droit canon reconnaît la licéité de l’ordination d’un clerc ayant accidentellement le doigt coupé pour tout ou partie26. Outre les faits positifs très crédibles livrés par cette tradition indirecte, il importe d’en noter dès à présent l’origine et la date : le milieu scolaire parisien de la seconde moitié du xiie siècle et de la première décennie du xiiie siècle conserve la mémoire d’un maître pourtant mort plus de cinquante ans auparavant. Le fait n’est pas anodin et l’existence d’une tradition en la matière mérite d’être soulignée. En effet, le seul Pierre le Chantre fournit sur Anselme un témoignage plus précis que bien des contemporains ayant fréquenté l’école du Laonnois. Anselme de Laon et ses maîtres : un parcours historiographique De plus, si le contenu de la formation reçue par Anselme n’a guère arrêté les historiens faute de sources, l’endroit où elle a eu lieu, pourtant guère mieux documenté, a fait l’objet d’hypothèses trop rapidement devenues des vérités historiques. Assigner à Anselme de Laon un maître issu d’une école monastique ou cathédrale est une interprétation historique significative, plus révélatrice des présupposés de ceux qui l’émettent que de la réalité du temps. En effet, l’historiographie récente a eu tendance à négliger le xie siècle pris, d’une part, entre les derniers feux de la renaissance carolingienne dans les terres d’Empire sous les Ottoniens et, de l’autre, le premier éclat de la ‘Renaissance du xiie siècle’. Il est vrai que le plus souvent face aux silences de la documentation ou en raison d’une exploitation insuffisante des données historiques, la présentation des écoles se résume à exposer la carrière de quelques grands noms. C’est ainsi qu’Anselme de Laon, figurant par excellence le maître d’une école cathédrale, est censé avoir reçu son éducation soit auprès d’une école monastique avec Anselme de Cantorbéry, soit auprès d’une école canoniale avec Manegold de Lautenbach. Des deux hypothèses, la plus en faveur traditionnellement affirmait qu’Anselme avait été l’élève de saint Anselme à l’abbaye du Bec27. En fait, cette 26

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La lettre du droit canon est donc sur ce point plus souple que l’interprétation d’Anselme, voir les textes réunis dans les collections anciennes ou chez Gratien, Decretum, 55, 6 et 11, éd. E. Friedberg, Leipzig, 1879, col. 216-218. Les scrupules d’Anselme semblent plutôt se rattacher à une interprétation morale et pas seulement légale des défauts physiques, selon une tradition attestée notamment par Grégoire le Grand, Regula pastoralis, 1, 11, éd. B. Judic, F. Rommel, C. Morel, Paris, 1992 (SC 381), p. 164-173, avec une utilisation juridique (Gratianus, Decretum, 49, 1, col. 175-177). De fait, la codification des irrégularités ne relève pas d’une terminologie fixe avant Rufin et la première génération des glossateurs du Décret, cfr sur ce point précis G. Oesterlé, « Irrégularités », dans Dictionnaire de droit canonique, t. 6, 1957, col. 42-66, aux col. 43-44. À l’exception de la présentation de G. Lobrichon, « Anselme de Laon », dans Dictionnaire des Lettres françaises, Paris, 1994, p. 73-74, les notices reprennent l’assertion en la présentant comme un fait positif, cfr, chronologiquement, pour les principales : F. Hoefer, « Anselme

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légende ne possède pas de fondement médiéval, mais remonte aux mauristes et à l’interprétation erronée de la rubrique du manuscrit Alençon, BM, 26, copié avant 1141 à l’abbaye normande de Saint-Évroul28. En fait, la filiation entre les deux personnages ne peut plus se fonder que sur des rapprochements historiques fort douteux et une critique d’attribution peu rigoureuse. L’élément de critique externe le moins faible en l’espèce tient aux liens existant entre Laon et l’espace anglo-normand : il est certain qu’un afflux important de clercs vient écouter maître Anselme et qu’avant l’élection de Gaudry, le maître laonnois sait de source insulaire que la personne même du futur évêque est discutable29. Est-ce suffisant pour créditer Anselme d’un réseau de connaissances dans l’île, qui serait lié à sa formation au Bec ? Nous ne le pensons pas, tant le rapprochement est fragile et les liens avec l’Angleterre déjà bien réels dès l’épiscopat d’Élinand (1052-1096), ancien chapelain d’Édouard le Confesseur. En outre, sur le plan d’ailleurs toujours aisément réversible d’une démonstration par jeu d’influences, on remarque que, lorsque les sentences authentiques d’Anselme ou les recueils portant sa marque font allusion ou citent l’archevêque de Cantorbéry, c’est le plus souvent pour en rejeter les solutions considérées non comme des auctoritates, mais des conjecturae. Si cette pratique de la citation atteste au moins une connaissance sans doute directe des écrits du saint, elle ne plaide pas précisément en faveur d’une filiation intellectuelle, tant la méthode et les positions de l’Italien sont à l’opposé de la forma mentis du Laonnois. Toute reconstitution linéaire d’une histoire des idées qui ferait passer le flambeau de la Frühscholastik d’Anselme

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de Laon », col. 747, H. Hurter, Nomenclator literarius, t. 2, Innsbruck, 1906, col. 21, F. Ueberweg, Grundriß der Geschichte der Philosophie, Berlin, 1915, p. 273, M. Prevost, « Anselme de Laon », dans Dictionnaire de biographie française, t. 2, Paris, 1936, col. 1438-1440, col. 1438, P. Rousseau, « Anselme de Laon », dans Catholicisme, Hier-aujourd’hui-demain, t. 1, 1948, col. 619-621, col. 619, et Id., « Anselm of Laon », dans New Catholic Encyclopedia, t. 1, 1967, p. 584, L. Hödl, R. Peppermüller, H. J. F. Reinhardt, « Anselm von Laon und seine Schule », dans Theologische Realenzyklopädie, t. 3, 1978, p. 1-5, p. 1, H. Meinhardt (dépendant directement de H. Reinhardt), « Anselm von Laon », dans Lexikon für Theologie und Kirche, t. 1, 1993, col. 713-714, col. 713, C. Brouwer, « Anselme de Laon », dans Dictionnaire du Moyen Âge, éd. C. Gauvard, A. de Libera, M. Zink, Paris, 2004, p. 69. Se signalent P. Fournier pour sa prudence, « Anselme de Laon », dans DHGE, t. 3, 1924, col. 485-487, col. 485 en citant dom d’Achery, ainsi que A. Wilmart, « Un commentaire des Psaumes », p. 341, n. 58 suivi par V. I. J. Flint, « The ‘School of Laon’ », p. 91, n. 4 ; pour sa hardiesse, P. Glorieux, « Anselme de Laon », dans DTC, Tables générales, 1951, col. 178-179, col. 178, en faisant d’Anselme un auditeur de saint Anselme au Bec vers 1099. É. Lesne, Histoire de la propriété ecclésiastique en France, t. 5, Lille, 1940, p. 120, rapporte le fait comme une probabilité. Pour le détail de la démonstration, voir C. Giraud, « Tradition patristique et modernité théologique en Normandie au xiie siècle : l’exemple du manuscrit Paris, BNF, n. a. l. 451 », dans La place de la Normandie dans la diffusion des savoirs : du livre manuscrit à la bibliothèque virtuelle, éd. J.-P. Hervieu, E. Poulle, P. Manneville, Rouen, 2006, p. 55-77, aux p. 56-59. G. Lefèvre, De Anselmo Laudunensi, p. 9-10 et le chapitre II (première partie).

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de Cantorbéry, ‘père de la scolastique’, à Anselme de Laon, son fils spirituel, est par conséquent à proscrire comme anachronique30. Une autre figure magistrale contemporaine de saint Anselme a été parfois mise en avant pour rattacher Anselme de Laon à un milieu intellectuel. Il s’agit de Manegold de Lautenbach, clerc dont le nom a souvent attiré des œuvres d’attribution douteuse et plusieurs témoignages médiévaux ambigus31. Sans que toutes les réponses aient été apportées à des questions peut-être insolubles, une publication récente présente toutes les pièces du dossier actuellement disponibles et donne l’état exhaustif de la recherche sur Manegold32. Le personnage le moins mal connu ayant porté le nom de Manegold est un religieux, entré au monastère de Lautenbach après 1080, attesté comme prieur des chanoines réguliers de Saint-Augustin à Marbach après 1090, et dont la mort se situe avant 111333. Il est également l’auteur de deux ouvrages, un Ad Gebehardum, des années 1080, qui constitue une pièce importante de la controverse née lors de la querelle des Investitures34, alors que son Contra Wolfelmum attaque sans nuance les philosophes païens et loue la nécessaire défiance que les chrétiens devraient leur opposer35. À partir de ce fondement solide, plusieurs hypothèses ont été échafaudées pour faire de Manegold de Lautenbach un des maîtres à l’origine de la ‘pré-scolastique’. Avant même d’examiner la chaîne d’arguments confortant ou non cette assertion, il n’est pas inutile de présenter ce qui apparaît comme un trait historiographique majeur de l’histoire doctrinale médiévale. Le centre de gravité des études consacrées à l’histoire intellectuelle du Moyen Âge est traditionnellement le xiiie siècle. La période est considérée comme un âge d’or en raison de la mise en place et de l’apogée d’une organisation articulant trois réalités fondamentales. Ainsi, de manière schématique, peut-on dire qu’un cadre institutionnel nouveau, l’Université, permet à une corporation récente, les maîtres en théologie, de s’adonner à un genre littéraire ayant atteint sa maturité, la somme, parangon de la méthode scolastique. Dès la fin du xixe siècle, la recherche historique envisage le point sous l’angle particulier d’une problématique de l’’origine’ : comme souvent, la réponse est, en partie, déjà 30

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Le titre est donné à saint Anselme par M. Grabmann, Die Geschichte, t. 1, p. 261 et passim. La tendance à relier les écoles entre elles est notamment présente chez A. Landgraf dans son Introduction, p. 25, voir aussi son rapprochement aux p. 62 et 67. Cfr la vive réaction de François Châtillon, « Recherches critiques sur les différents personnages nommés Manegold », Revue du moyen âge latin, 9 (1953), p. 153-170. R. Ziomkowski, Manegold of Lautenbach, Liber contra Wolfelmum, Paris - Louvain - Dudley, 2002. Cet ouvrage ne dispense cependant pas de recourir à l’article fondamental de W. Hartmann, « Manegold von Lautenbach und die Anfänge der Frühscholastik », Deutsches Archiv, 26 (1970), p. 47-149, à compléter par le compte rendu de H. Silvestre paru dans la RHE, 68 (1973), p. 933-935, à la p. 935 et les recherches en cours d’Irene Caiazzo. Ces données sont hors de conteste, cfr R. Ziomkowski, Manegold of Lautenbach, p. 11-16. Éd. K. Francke, Hanovre, 1891 (MGH, Libelli de lite 1). Manegold von Lautenbach. Liber contra Wolfelmum, éd. W. Hartmann, Weimar, 1972.

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contenue dans la question, puisque l’on a cherché à découvrir et parfois à tisser artificiellement les fils reliant l’Université aux écoles, les théologiens du xiiie siècle aux maîtres du xiie siècle, les sommes à un genre de la quaestio supposé naissant au tournant des xie-xiie siècles. Cette reconstitution postule ainsi qu’il existe, au-delà du changement des cadres institutionnels et du renouvellement des générations, un continuum intellectuel, la fameuse ‘méthode scolastique’. Définie par des critères variables, elle organise l’espace des représentations historiques en distinguant un ‘avant’ et un ‘après’. Nommer le temps de genèse de la méthode scolastique par les termes de Vorscholastik ou de Frühscholastik et reconstituer la généalogie de manière régressive de certis ad incertiora, de l’époque de saint Thomas d’Aquin au temps de saint Anselme, n’est pas innocent : la démarche, plus doctrinale que strictement historique, a fourni un programme de longue haleine à la science allemande des deux précédents siècles, donné certains résultats des plus appréciables en maints domaines, mais aussi conditionné les esprits à envisager chaque problème à travers le prisme de la généalogie intellectuelle, d’autant plus séduisant qu’il possède toutes les apparences de l’historicité. Autrement dit, faire de Manegold de Lautenbach, de saint Anselme ou de tout autre candidat à ce titre un ‘père de la scolastique’, est-ce là tenir un fil d’Ariane ou se perdre dans un labyrinthe ? Reprenons le problème en partant du cas ‘Manegold’. En effet, à côté des deux écrits précédemment cités, nous disposons sur un Manegold d’une autre importante source d’information : dans une notice de son inventaire des auteurs et de leurs œuvres rédigé vers 1165, Wolfger de Prüfening, alias Anonymus Mellicensis, donne à un Manegold le titre fameux de « maître des maîtres modernes » (modernorum magister magistrorum). Il le situe également dans le contexte de la querelle des Investitures, en fait le destinataire d’une lettre d’Yves de Chartres et lui attribue une série d’ouvrages exégétiques36. Du crédit accordé aux informations de Wolfger dépend la reconnaissance d’un ou plusieurs Manegold. Contre l’identification, il faut considérer que le même auteur a fondu dans d’autres notices deux personnages en un, tant le prénom Manegold n’est pas exceptionnel à l’époque37. Beaucoup plus hasardeuse est la méthode de critique interne qui fait valoir que les deux œuvres connues de Manegold de Lautenbach, non citées par Wolfger, ne correspondent pas à notre attente du personnage placé par le titre de « maître des maîtres modernes » aux commencements de la scolastique. Une telle démarche, suivie notamment par Wilfried Hartmann, cherche à situer les écrits de

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PL 213, col. 981, voir aussi la traduction anglaise et l’annotation de R. Ziomkowski, Manegold of Lautenbach, p. 131. R. Ziomkowski, Manegold of Lautenbach, p. 24.

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Manegold par rapport à d’autres œuvres de la Vorscholastik elle-même définie en fonction des critères de la scolastique classique38. Les tenants, traditionnellement plus nombreux, de l’unicité de Manegold n’en sont pas moins marqués par la continuité supposée entre Manegold et la suite de l’histoire scolaire et intellectuelle. En effet, d’autres sources citant un Manegold professeur ont été utilisées pour donner au titre de « maître des maîtres modernes » une certaine épaisseur. Le témoignage d’un fragment anonyme d’une Histoire provenant de Fleury (ca. 1100) place un Manegold aux côtés de Lanfranc de Cantorbéry, Guy le Lombard et Bruno de Reims, tandis que d’Otton de Freising (1143-1146) le met en compagnie de Bérenger, sans doute de Tours, et Anselme, certainement le Laudunensis, comme professeur en Gaule39. Un enseignement en France de Manegold de Lautenbach a donc semblé possible et dès Du Boulay, il a été placé avant 1090 dans la ville de Paris en raison d’une relecture téléologique de l’histoire intellectuelle40. En outre, une lettre anonyme, d’origine germanique et postérieure à la fuite du monde de Guillaume de Champeaux en 1108/1111, décrit en termes flatteurs l’enseignement du futur évêque de Châlons en le comparant au more magistri Manegaldi beatae memoriae41. Sur la foi du simple rapprochement de deux maîtres dans cette correspondance, Guillaume de Champeaux est devenu l’élève de Manegold42, lequel peut bien recevoir aussi la gloire d’avoir formé Anselme de Laon, car comme en conclut Beryl Smalley : 38

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W. Hartmann, « Manegold von Lautenbach », p. 125 et R. Ziomkowski, Manegold of Lautenbach, p. 23-24 : « he would have been an unlikely herald of scholasticism, which sought precisely what Manegold condemned, namely, the use of philosophical authorities in the study of theology » (p. 24). Voir les traductions et notes de R. Ziomkowski, Manegold of Lautenbach, p. 122-123 et 126. Le témoignage d’Otton est notamment repris par Aubry de Trois-Fontaines, d’autres testimonia, comme celui de Baudry de Bourgeuil, apportent peu à la connaissance de l’activité professorale de Manegold. C.-É. Du Boulay, Historia universitatis Parisiensis, p. 347-348 : « Hinc docet […] Manigaudus de Lutenbach Teutonicus Parisiis omnibus disciplinis imbutus in patriam regreditur, et quod didicit popularibus exponit », et notice sur Manegold à la p. 621. « Parisius sum modo in scolis magistri Gwillelmi, summi viri omnium hujus temporis quos ego noverim in omni genere doctrinae. Cujus vocem cum audimus, non hominem sed quasi angelum de caelo loqui putamus, nam et dulcedo verborum ejus et profunditas sententiarum quasi humanum modum transcendit. Qui cum esset archidiaconus fereque apud regem primus, omnibus quae possidebat dimissis, in praeterito pascha ad quandam pauperrimam ecclesiolam, soli Deo serviturus, se contulit, ibique postea omnibus undique ad eum venientibus gratis et causa Dei solummodo, more magistri Manegaldi beatae memoriae, devotum ac benignum se praebuit » (Udalrici codex, ep. 160, éd. P. Jaffé, Monumenta Bambergensia, Berlin, 1869, p. 286), cfr R. Ziomkowski, Manegold of Lautenbach, p. 25-26 pour le commentaire et p. 121-122 pour une traduction anglaise. Histoire littéraire de la France, t. 9, Paris, 1750, p. 282, É. Michaud, Guillaume de Champeaux et les écoles de Paris au XIIe siècle, Paris, 1867, p. 73-76, B. Hauréau, Histoire de la philosophie scolastique, t. 1, Paris, 1872, p. 321, P. Féret, La faculté de théologie, p. 33, F. Ueberweg, Grundriß

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Lanfranc and Manegold, for instance, lead up to the school of Laon, just as Laon leads up to Paris43.

Cette nouvelle lecture des faits commence donc à Paris dans les dernières décennies du xie siècle et s’achève vers 1150 par le triomphe de la capitale comme centre des études théologiques, avec des variantes selon que l’on fasse de Manegold le maître d’Anselme ou son collègue parisien44. En fait, la fascination exercée par la reconstitution généalogique explique la surinterprétation du titre de « maître des maîtres modernes ». Quel qu’en soit le bénéficiaire, le témoignage de Wolfger n’implique pas une paternité générale envers tous les maîtres de la génération suivante. Les listes de maîtres données par l’Anonyme de Fleury ou par Otton de Freising signalent aussi d’autres professeurs célèbres de leur vivant qui ont attiré des élèves : ainsi la part prise dans une querelle fameuse pour Lanfranc et Bérenger ou la renommée d’un professeur devenu ermite pour Bruno explique qu’ils figurent aux côtés de Manegold. De même, la notion de magistri moderni exige une appréciation historique mieux fondée dans la mesure où le rapprochement de l’expression modernorum magister magistrorum et de sources ou de rubriques citant des magistri moderni doit être mené avec prudence. La formule n’est pas une nouveauté absolue signalant le tournant intellectuel des xie-xiie siècles, car on la trouve déjà employée à l’époque carolingienne et en usage par la suite45. Par conséquent, le rapprochement de textes parlant de « maîtres modernes » implique

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der Geschichte, p. 260. On note davantage de prudence chez J. A. Endres, « Manegold von Lautenbach modernorum magister magistrorum », Historisches Jahrbuch, 25 (1904), p. 168-176, aux p. 175-176. Voir aussi la bibliographie indiquée par W. Hartmann, « Manegold von Lautenbach », p. 51, n. 19 et complétée par R. Ziomkowski, Manegold of Lautenbach, p. 102-103. B. Smalley, « Andrew of St. Victor, Abbot of Wigmore : A Twelfth Century Hebraist », RTAM, 10 (1938), p. 358-373, à la p. 360, citée par W. Hartmann, « Manegold von Lautenbach », p. 49. Pour son rôle comme maître du Laonnois, voir M. Manitius, Geschichte der lateinischen Literatur des Mittelalters, t. 3, Munich, 1931, p. 238, P. Classen, « Zur Geschichte der Frühscholastik in Österreich und Bayern », MIÖG, 67 (1959), p. 249-277, à la p. 250, J. Ehlers, « Dom- und Klosterschulen in Deutschland und Frankreich im 10. und 11. Jahrhundert », dans Schule und Schüler im Mittelalter. Beiträge zur europäischen Bildungsgeschichte des 9. bis 15. Jahrhunderts, éd. M. Kintzinger, S. Lorenz, M. Walter, Cologne - Weimar - Vienne, 1996, p. 29-52, aux p. 36-37 ; et comme collègue, voir l’Histoire littéraire de la France, PL 162, col. 1174D, É. Michaud, Guillaume de Champeaux, p. 78, P. Féret, La faculté de théologie, p. 164, H. Hurter, Nomenclator literarius, col. 21. Voir ainsi une lettre de la seconde moitié du ixe siècle provenant de Saint-Gall : « de aliis regulis a modernis correctis magistris colleximus » (PL 121, col. 926B) et, plus tard, chez Werner de Saint-Blaise dans le prologue de ses Deflorationes : « ex authentica doctrina patrum […] aliorumque qui modernis temporibus catholici atque orthodoxi magistri fuere » (PL 157, col. 725).

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que les auteurs employant l’expression se situent dans le même rapport chronologique par rapport à la modernité magistrale décrite46. Les mystères entourant le ou les Manegold ont donc conduit à la surinterprétation des éléments en présence et à leur mise en rapport parfois imprudente. Aucune des hypothèses précédentes n’est en mesure de déterminer le lieu et les modalités de la formation d’Anselme de Laon. Les quelques éléments présentés invitent du moins à considérer avec méfiance les reconstructions de milieux scolaires et les généalogies intellectuelles procédant par filiations mal étayées. Toutefois, parmi les ouvrages attribuables à un des Manegold distingués jadis par François Châtillon, deux nous approchent davantage de Laon47. Le premier est un commentaire sur l’Apocalypse, le plus souvent cité d’après son incipit : Stille verborum magistri Menegaudi in Apocalypsim48. L’ouvrage, dont l’authenticité manegoldienne est de surcroît douteuse49, a été rattaché par François Châtillon à l’école de Laon et à la Glose sans que la démonstration en ait été faite50. Pour Guy Lobrichon, le texte se trouve dans la mouvance des écrits laonnois et se situerait plus précisément dans la dépendance du commentaire d’Anselme de Laon sur l’Apocalypse51. L’autre élément textuel apporté pour mettre en rapport un Manegold et Anselme de Laon est une pièce attribuée à un maître Manegold selon un manuscrit d’Oxford52. Il s’agit de la fameuse Lettre sur la Cène anciennement attribuée à saint Anselme53. On peut noter que, contrairement aux affirmations de dom Lottin, le manuscrit d’Oxford ne livre pas la source dont dériveraient les autres manuscrits, mais seulement une version collatérale, ce

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Cfr le rapprochement à mon sens peu fondé de W. Hartmann entre le titre donné par Wolfger à Manegold et les rubriques du Liber pancrisis, « Manegold von Lautenbach », p. 85-87, à la suite de F. Châtillon, « Recherches critiques », p. 163-164. F. Châtillon, « Recherches critiques », p. 162. Verdun, BM, 63, cfr RB 1371 et compléments de F. Châtillon, « Recherches critiques », p. 165. Sur la suscription du manuscrit de Berlin attribuant l’ouvrage à Anselme de Cantorbéry, voir F. Châtillon, « Recherches critiques », p. 166. Voir les indications bibliographiques de R. Ziomkowski, Manegold of Lautenbach, p. 96, et notamment W. Kamlah, Apokalypse und Geschichstheologie. Die mittelalterliche Auslegung der Apokalypse vor Joachim von Fiore, Berlin, 1935, « Das Glossenwerk der Schule von Laon (Anselm und Menegaudus) », p. 25-38, aux p. 36-38 où, avec deux exemples, l’auteur tente de montrer la dépendance de Manegold par rapport à la glose. Cfr G. Lobrichon, « Conserver, réformer, transformer le monde ? Les manipulations de l’Apocalypse au Moyen Âge central », dans The Role of the Book in Medieval Culture. Proceedings of the Oxford International Symposium, 26 September – 1 October 1982, éd. P. Ganz, t. 2, Turnhout, 1986, p. 75-94, repris dans La Bible au Moyen Âge, Paris, 2003, p. 109-128, p. 119 et p. 119-120, n. 41. Oxford, Bodleian Library, Laudian Misc. 216, fol. 153ra-vb. Pour la bibliographie, voir A. Landgraf, Introduction, p. 70, n. 81.

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qui place l’attribution à Manegold au même rang que d’autres hypothèses54. En conséquence, s’il ne semble pas improbable que des liens existent entre un Manegold et Anselme de Laon, ils sont, en l’état de nos connaissances, d’ordre purement littéraire et doctrinal, sans qu’une relation de maître à élève soit attestée par une source narrative. Il convient donc d’abandonner les hypothèses d’un séjour d’Anselme auprès d’une école monastique et de sa formation par Manegold pour s’en tenir à des faits plus vraisemblables et concordant avec le contexte de l’époque. Il faut ainsi rappeler qu’en matière scolaire, la norme en vigueur, avant le concile romain de 1079, est constituée par la Règle de 816 qui fait obligation de former les jeunes clercs aux devoirs de leur futur ministère. Son application est sans doute peu rigoureuse, mais les besoins de la vie ecclésiastique exigent d’assurer localement une éducation minimale. Plus assurée est donc la démarche qui consiste à replacer Anselme de Laon dans le contexte géographique du Nord-Est du royaume : malheureusement les sources faisant souvent défaut et, de surcroît, en l’absence de synthèse récente sur la vie scolaire au xie siècle, on doit se contenter d’une connaissance partielle des quelques centres qui pourraient revendiquer Anselme pour élève55. Il semble tout d’abord logique d’examiner les titres de la ville de Reims56. Son statut de métropole et sa proximité géographique semblent, en effet, la désigner assez naturellement. Le contexte culturel ne s’y oppose pas car, selon son plus attentif historien, Reims est dans la seconde moitié du xie siècle un des principaux, et peut-être même le premier lieu de savoir en Europe du Nord57. La ville connaît, en effet, son apogée intellectuel et scolaire dans la décennie 1070, alors qu’Anselme est encore en âge de suivre des leçons et que pas moins de quatre maîtres importants sont connus pour y avoir enseigné. Herimann, maître de 1043 à 1075, Bruno chancelier depuis 1076 et futur fon54

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Les quelques exemples donnés par O. Lottin, PM, p. 143-153, pour démontrer l’antériorité du texte d’Oxford sur les autres manuscrits sont d’une faiblesse trop grande pour qu’on y voie autre chose qu’une simple version due à un scribe et non un remaniement portant la marque de deux auteurs différents. La réalisation d’une Gallia scolastica, qui comprendrait des répertoires de maîtres et une liste des écoles alors actives, serait des plus utiles. Elle pourrait remplacer le travail d’É. Lesne, toujours indispensable, mais grevé de nombreuses erreurs factuelles. Voir cependant l’essai de J. Ehlers, « Dom- und Klosterschulen », p. 34-41 pour la France. La piste est suggérée par l’Histoire littéraire de la France, t. 7, Paris, 1857, p. 91, J. R. Williams, « The Cathedral School of Rheims in the Eleventh Century », Speculum, 29 (1954), p. 661677 p. 669, n. 61 (« Is it not possible that Anselm of Laon was Bruno’s disciple ? His youth must have coincided with the days when Bruno was teaching at Rheims, only twenty-five or thirty miles from Laon »), et B. Merlette, « Écoles et bibliothèques à Laon, du déclin de l’Antiquité au développement de l’université », dans Enseignement et vie intellectuelle (IXe-XVIe siècle). Actes du congrès national des sociétés savantes. Section de philologie et d’histoire jusqu’en 1610, t. 1, Paris, 1975, p. 21-53, à la p. 43. John R. Williams, « The Cathedral School of Rheims », p. 676.

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dateur de la Chartreuse, Jean, futur moine à Saint-Évroul58 et Godefroid de Reims59 sont tous attestés à Reims dans les années 107060. Le petit nombre d’œuvres conservées implique de se tourner vers les témoignages contemporains pour connaître les matières alors à l’honneur : si la logique ne paraît pas tenue en grande faveur, grammaire et rhétorique ont connu une vogue certaine. De fait, d’après les rares textes de la période, l’imitation des auteurs anciens, surtout des poètes, constitue le trait marquant de la culture rémoise à cette époque. Le rayonnement de la ville en théologie est bref, même s’il est paradoxalement un peu moins mal connu61. On dispose, en effet, du témoignage intéressant d’un des élèves d’Herimann : Gozwin, écolâtre de Mayence, dans une lettre datant des environs de 1065, loue Herimann de Reims pour s’être gardé des nouveautés de Bérenger de Tours et le compte au nombre des precipue auctoritatis viri abandonnant les simples apparences pour l’otium théologique62. Le conservatisme affiché de la lettre laisse penser qu’Herimann s’inscrit dans une tradition exégétique locale plus qu’il n’innove. Sur cette tradition, l’historien ne peut qu’avouer son ignorance : les écrits attribués par les éditions anciennes à l’école de Reims, et plus particulièrement à l’écolâtre Bruno, sont sans doute postérieurs et apparaissent, par conséquent, de peu d’utilité pour déterminer la formation dispensée dans les dernières décennies du xie siècle. En effet, la sainteté du chartreux a rejailli quelque peu sur la période scolaire précédente et a eu pour conséquence de faire attribuer à Bruno des écrits à l’authenticité contestée63. Cependant, le rouleau des morts de Bruno signale l’importance de son ensei58 59

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Ordericus Vitalis, Historia Ecclesiastica, 5, 18, éd. M. Chibnall, t. 3, Oxford, 1972, p. 166-170. J. R. Williams, « Godfrey of Rheims, a Humanist of the Eleventh Century », Speculum, 22 (1947), p. 29-45 et A. Boutemy, « Autour de Godefroid de Reims », Latomus, 6 (1947), p. 231255. J. R. Williams, « The Cathedral School of Rheims », p. 663-671 et la présentation synthétique de P. Demouy, Genèse d’une cathédrale. Les archevêques de Reims et leur Église aux XIe et XIIe siècles, Langres, 2005, p. 165-169. J. R. Williams, « The Cathedral School of Rheims », p. 675-676. Epistola ad Valcherum, 23, PL 143, col. 902A. L’authenticité brunonienne du commentaire sur Paul de PL 153, col. 11-568 n’est plus retenue depuis A. Landgraf, « Probleme des Schrifttums Brunos des Kartäusers », Collectanea Franciscana, 8 (1938), p. 542-590. Celle du commentaire sur les psaumes de PL 152, col. 6371420 a été ébranlée grâce à un examen minutieux des critères externes par M. Morard, « Le Commentaire des Psaumes et les écrits attribués à saint Bruno le Chartreux : codicologie et problèmes d’authenticité », dans Saint Bruno et sa postérité spirituelle. Actes du colloque international des 8 et 9 octobre 2001 à l’Institut catholique de Paris, éd. A. Girard, D. Le Blévec, N. Nabert, Salzbourg, 2003, p. 21-39. C. J. Mews tient, sur la base de la critique interne, pour l’authenticité, cfr « Bruno of Rheims and Roscelin of Compiègne on the Psalms », dans Latin Culture in the Eleventh Century. Proceedings of the Third International Conference on Medieval Latin Studies, Cambridge, September 9-12 1998, éd. M. W. Herren, C. J. McDonough, R. G. Arthur, t. 2, Turnhout, 2002, p. 129-152. Cette question est actuellement reprise par Andrew Brock Kraebel.

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gnement, également notée par Guibert de Nogent64. Au miroir des éloges funèbres, Bruno a possédé une compétence universelle allant des disciplines profanes à l’explication de l’Écriture. Il serait assez cohérent qu’Anselme ait été formé par un tel maître, même si aucun élément positif ne vient encore le prouver. Il reste à examiner ce qui pourrait s’avérer être l’œuf de Colomb du problème : Anselme de Laon a-t-il été formé à Laon ? Cette hypothèse jusqu’à présent ne semblait pouvoir être retenue tant le xie siècle apparaissait comme un désert scolaire et intellectuel dans la ville natale du maître65. Seul un indice des plus ténus rend cette assertion un peu moins invraisemblable : la nouvelle édition des actes des évêques de Laon permet de signaler l’existence d’un Rodulphus scholasticus dans la deuxième moitié de la décennie 105066. Cette précision n’est guère, à elle seule, en mesure de modifier l’image de Laon pendant cette période où la ville fait figure de belle endormie à côté de sa voisine rémoise. Toutefois, le fait oblige à remarquer l’existence d’un enseignement local dans la période où Anselme de Laon poursuit ses études. L’enseignement dispensé devait sans doute demeurer d’un niveau élémentaire, suffisant pour la formation du clergé diocésain67. Il n’est pas non plus inutile de rappeler que Laon a été le siège d’une importante école dans la seconde moitié du ixe siècle68. Son destin ayant été étroitement lié à la politique épiscopale et aux jeux de pouvoir de la dynastie carolingienne, l’école perd son rayonnement dans le premier quart du xe siècle. L’héritage scolaire le plus tangible pour la période qui nous intéresse est l’existence d’un important fonds de manuscrits conservés à la bibliothèque

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Voir l’éloge composé par les chanoines de Saint-Thimothée et Saint-Apollinaire : « Hujus doctoris fuit hec vis cordis et oris,/ Ut toto cunctos superaret in orbe magistros » (éd. J. Dufour, Recueil des rouleaux des morts, VIIIe siècle-vers 1536, t. 1, Paris, 2005, p. 308) ou par les bénédictins de l’abbaye de Micy, au diocèse d’Orléans : « Doctus psalmista, clarissimus atque sophista,/ Gallia quem mire sua deberet sepelire » (ibidem, p. 321), voir d’autres exemples indiqués par C. J. Mews, « Bruno of Rheims », p. 130-131, n. 8 et 9 ainsi que l’étude de J. Dufour, « Le rouleau des morts de saint Bruno », Comptes rendus de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, Paris, 2003, p. 5-26 ; Guibert de Nogent : « Bruno quidam in urbe Remensi vir et liberalibus instructus artibus et magnorum studiorum rector » (De vita sua, 1, 11, éd. E.-R. Labande, Paris, 1981, p. 62). B. Merlette parle ainsi d’« éclipse de presque tout un siècle » (« Écoles et bibliothèques à Laon », p. 43). Voir les actes 24 et 25 datés de 1055 et 1059, édités par Annie Dufour, Actes des évêques de Laon, p. 97-100. Voir la courte synthèse, avec bibliographie, de C. M. Bellitto, « Revisiting Ancient Practises : Priestly Training before Trent », dans Medieval Education, éd. R. B. Begley, J. W. Koterski, New York, 2005, p. 35-49. J. J. Contreni, The Cathedral School of Laon from 850 to 930. Its Manuscripts and Masters, Munich, 1978.

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du chapitre cathédral69. L’interprétation du contenu d’une bibliothèque est cependant un exercice toujours délicat : les lacunes de notre documentation, la difficulté pour apprécier l’originalité d’une collection ainsi que la quasiimpossibilité de prouver l’utilisation postérieure des manuscrits comptent parmi les nombreux obstacles que l’on ne saurait dissimuler. Toutefois, la survie de quelque cent vingt-cinq manuscrits du ixe siècle et du premier xe siècle rend l’évaluation moins aléatoire et permet de relever quelques faits saillants70. Parmi les auteurs païens utilisés, Virgile est largement représenté : un important manuscrit scolaire lui est quasiment dédié sans que son utilisation visible dépasse la première moitié du xe siècle71. Le genre même du glossaire fait lui aussi l’objet d’une attention particulière, tandis que les Pères grecs, notamment Origène, sont bien représentés. Géographie, histoire, comput, médecine et droit canon sont également connus et enseignés à Laon. La richesse et la diversité notables de ce fonds ne semblent pas avoir porté de fruits lors de la ‘Renaissance du xiie siècle’ : à la différence de l’école de Chartres férue de platonisme, l’école de Laon ne semble guère avoir été touchée par le lumen orientale classique ou patristique72. Les différentes matières citées n’ont pas donné lieu, comme deux siècles environ auparavant, à la rédaction d’œuvres nouvelles, même si l’existence du fonds pouvait rendre superflue la refonte d’ouvrages existants. Étant donné la faiblesse de nos informations sur la vie scolaire laonnoise à cette époque et l’existence de maîtres célèbres à Reims avant 1080, il est plausible qu’Anselme se soit rendu au siège métropolitain au début des années 1070 dans un contexte troublé73. Le pontificat de Manassès Ier (1070-1081)74 désorganise, en effet, la vie scolaire et entraîne notamment le départ de Bruno en 1076/107775. De plus, après une vacance de deux ans, les épiscopats de Renaud Ier (1083-1096) et de Manassès II (1096-1106)76 correspondent à une 69

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J. J. Contreni, « The Formation of Laon’s Cathedral Library in the Ninth Century », Studi Medievali, 13 (1972), p. 919-939. Les caractéristiques du fonds sont reprises du chapitre 6, « The composition of the library », de J. Contreni, The Cathedral School of Laon, p. 66-77. L’auteur ne s’intéresse pas à l’utilisation postérieure des manuscrits laonnois. Voir sa reproduction et son analyse par J. Contreni, Codex Laudunensis 468. A Ninth-Century Guide to Virgil, Sedulius and the Liberal Arts, Turnhout, 1984. À l’exception de l’utilisation par Anselme de Laon du commentaire de Jean dû à Jean Scot, cfr infra. Le rapprochement doit être maintenu au rang d’hypothèse, surtout si l’on considère la modestie sociale d’Anselme, peu compatible a priori avec un séjour à Reims de quelque durée. Voir la notice exhaustive de P. Demouy, Genèse d’une cathédrale, p. 611-614. Guibertus Novigentensis : « Hujus ergo mores prorsus improbos et stupidissimos habitus cum omnis honestus horreret, Bruno, in ecclesiis tunc Galliae opinatissimus, cum aliis quibusdam Remensium clericorum nobilibus, infamis illius odio excessit ab urbe » (De vita sua, 1, 11, p. 64). P. Demouy, Genèse d’une cathédrale, p. 614-619.

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certaine éclipse scolaire de Reims, qui s’explique peut-être par les débuts de l’enseignement d’Anselme à Laon. Le CURSUS HONORUM : Anselme et les évêques de Laon Comme il a déjà été signalé, Anselme est aussi connu pour avoir exercé d’importantes fonctions au sein du diocèse de Laon. La question cruciale tient au rapport d’Anselme au pouvoir et à l’éventuelle réflexion qu’il a pu en donner. Il serait, en effet, simpliste de réduire la figure du clerc lettré à celle d’un penseur un peu détaché des contingences matérielles. Avant l’apparition d’une structure universitaire permettant à une catégorie socioprofessionnelle nouvelle de s’identifier, le clerc du temps des écoles demeure par nécessité impliqué dans un cursus honorum qui façonne son identité sociale et lui assure des moyens de subsistance. Dans ces conditions, le déroulement d’une carrière ne répond pas seulement à des critères de réussite intellectuelle, mais atteste les stratégies de pouvoir dans lesquelles le maître se trouve entraîné ipso facto. Dans le cas du maître exerçant au sein d’une école cathédrale de la fin du xie siècle, le principal enjeu est donc de comprendre la manière dont il a pu prendre position par rapport au pouvoir épiscopal. En effet, l’appartenance d’un clerc au corps des chanoines en fait un rouage important du gouvernement diocésain. Si la carrière du chanoine dépend en grande partie du bon vouloir de l’évêque, la législation ancienne fait également obligation à l’évêque de régir son diocèse en prenant le conseil de son clergé et notamment du chapitre cathédral77. Cette dépendance réciproque permet d’envisager plusieurs attitudes possibles dont les plus simples historiquement attestées sont l’opposition au pouvoir de l’évêque ou, au contraire, un soutien stratégique du corps capitulaire à son chef. Par conséquent, reprendre le fil de la carrière d’Anselme permet de donner les premiers éléments de réponse à la question des relations entre garant d’un pouvoir et détenteur d’un savoir. Pour ce faire, les documents à caractère diplomatique nous renseignent, mais de manière fort laconique, sur son action administrative. Ils donnent ainsi des indications chronologiques sans éclairer apparemment le personnage d’Anselme et son rôle dans les affaires du temps. En effet, si les dates que l’on peut glaner à partir de ces actes sont précises et corrigent souvent sur plus d’un point les affirmations erronées des biographies anciennes et récentes, les conclusions que l’on peut tirer de cette documentation doivent 77

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Sur cet aspect, voir J. Avril, « La participation du chapitre cathédral au gouvernement du diocèse », dans Le monde des chanoines (XIe-XIVe s.), Toulouse, 1989, p. 41-63, aux p. 47-48 et Id., « La participation du clergé diocésain aux décisions épiscopales », dans À propos des actes d’évêques. Hommage à Lucie Fossier, éd. M. Parisse, Nancy, 1991, p. 251-263, aux p. 256-260.

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être appréciées avec prudence. Pour mieux cerner la carrière d’Anselme, nous disposons de l’édition récente donnée par Annie Dufour des actes des évêques de Laon des origines à 115178. Dans un ensemble documentaire de 322 actes ou mentions, les actes antérieurs au xiie siècle sont moins bien représentés, que ce soit une conséquence de l’incendie de 111279 ou, plus généralement, le reflet d’une pratique différente et plus parcimonieuse de l’écrit. Cette donnée explique les lacunes importantes dans notre connaissance du diocèse à la fin du xie siècle en général et de celle d’Anselme en particulier80. Il est toutefois attesté comme chancelier en 109581, après le long cancellariat de Robert (1065-1093)82. La date de son accession à la dignité de doyen appelle discussion car les auteurs sont partagés sur ce point : pour dom Lottin, sa nomination s’étend, sans qu’il la justifie, dans une fourchette chronologique allant de 1106 à 110983. Si Anselme est attesté régulièrement comme doyen à partir de 1111, Annie Dufour remarque qu’un acte royal donné à Laon le mentionne déjà en 1109 avec ce titre84. En outre, un acte du 13 août 1098 signale comme témoin un Anselmus decanus, ce qui avancerait de plus de dix ans sa nomination à la dignité décanale85. L’éditrice des actes écarte cette mention et suggère une homonymie en raison de la date bien postérieure de la première souscription dans l’acte royal et de la présence du doyen Herbert en 110486. Les deux arguments sont toutefois loin d’être dirimants : les lacunes documentaires liées à la Commune de 1112 suffisent pour expliquer le manque d’actes nous faisant connaître les fonctions alors exercées par Anselme. De plus, la coexistence attestée de plusieurs doyens laonnois à des dates contemporaines ne permet pas de penser que le titre de doyen puisse servir à désigner la seule dignité 78 79 80

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A. Dufour-Malbezin, Actes des évêques de Laon des origines à 1151, Paris, 2001. A. Dufour-Malbezin, Actes des évêques de Laon, p. 22. Présentation synthétique sur Anselme et son cancellariat par A. Dufour-Malbezin, Actes des évêques de Laon, p. 28-29. Acte 43, cfr A. Dufour-Malbezin, Actes des évêques de Laon, p. 118-119, à la p. 119 : « Ego Ansellus, Sancte Marie cancellarius, relegi ». Aucun document ne vient étayer l’affirmation selon laquelle Anselme aurait été « assistant in the cathedral school » (R. W. Southern, Scholastic Humanism and the Unification of Europe, t. 2, The Heroic Age, Oxford, 2001, p. 28). A. Dufour-Malbezin, Actes des évêques de Laon, p. 28. O. Lottin, PM, p. 9. L’acte de 1111 est le n° 58, Actes des évêques de Laon, p. 132 : Signum Anselli, decani, voir aussi les actes 67-72 et 78. L’acte royal de 1109 porte la mention : « Ansellus, decanus matris ecclesiae » (éd. J. Dufour, Recueil des actes de Louis VI, t. 1, p. 61-63, acte 31). Les témoins précédents de cet acte sont tous des officiers royaux de haut rang, puis viennent Anselme et un Blehardus cantor qui est un chanoine et chantre laonnois apparaissant dans une charte en 1111 (acte 58). Il est attesté pour la dernière fois en 1141 (acte 210), quant aux actes 315 et 316 qui récapitulent des dispositions antérieures, ils ne sauraient fournir d’indication chronologique pertinente. Acte 52, Actes des évêques de Laon, p. 125. Actes des évêques de Laon, p. 125, n. 76.

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capitulaire : à côté d’Anselme, doyen du chapitre cathédral, d’autres doyens devaient exercer les fonctions d’archiprêtre sur un ressort territorial donné du diocèse87. Anselme est, en outre, attesté comme archidiacre en 111488. Enfin, les derniers actes où il est mentionné datent de 111689. La carrière d’Anselme telle que la documentation permet de l’esquisser appelle plusieurs remarques. Tout d’abord, malgré la modestie du personnage revendiquée pour expliquer son refus de l’épiscopat, le maître a eu une carrière bien remplie et brillante à l’échelle du diocèse. Nolens volens, il a de la sorte pratiqué un certain cumul des dignités capitulaires qui s’ajoutent à sa fonction de magister. Cela n’a rien d’obligatoire, puisque les quelques études sur les chancelleries du xiie siècle montrent que la responsabilité de l’action diplomatique est parfois sans lien avec le chapitre ou la direction des écoles90. Celle-ci paraît antérieure à ses autres offices, dans la mesure où la charge d’écolâtre expliquerait fort bien son accession à un prestigieux cancellariat91. En effet, les liens importants entre les chancelleries et les écoles épiscopales sont dus notamment à la pratique de l’écrit et à la nécessité d’entretenir des scribes bien formés. D’emblée, l’enseignement d’une école cathédrale doit être ainsi replacé dans un contexte administratif qui explique partiellement l’existence d’une structure scolaire. À côté des nécessités spirituelles de la louange divine et de la prédication, les contraintes liées à la maîtrise de l’écrit impliquent aussi une structure assurant la transmission de compétences utiles au gouvernement d’un diocèse. De ce fait, le chancelier est toujours un homme d’envergure intellectuelle certaine92. Le choix d’Anselme comme chancelier 87

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Voir ainsi l’acte 53. Sur ces fonctions, on peut se reporter aux remarques synthétiques de J. Gaudemet, Le gouvernement de l’Église à l’époque classique, II e partie, Le gouvernement local, dans Histoire du Droit et des Institutions de l’Église en Occident, éd. G. Le Bras, J. Gaudemet, Paris, 1979, p. 188-189 et 307-309. Actes 65 à 67, Actes des évêques de Laon, p. 140 à 143 : « Signum Anselli, archidiaconi » (p. 141 et 142) et « S. Anselli, decani atque archidiaconi » (p. 142). A. Dufour considère à juste titre l’acte n° 64 comme un faux, Actes des évêques de Laon, p. 139-140. Ce sont les actes 74 à 79, Actes des évêques de Laon, p. 148-154. Voir notamment B.-M. Tock, « Les droits et les devoirs des chanceliers épiscopaux (xiexiie siècles). L’apport des textes réglementaires », dans Die Diplomatik der Bischofsurkunde vor 1250. Referate zum VIII. Internationalen Kongreß für Diplomatik, Innsbruck, 27. September – 3. Oktober 1993, éd. C. Haidacher, W. Köfler, Innsbruck, 1995, p. 269-280. Sur les fonctions du chancelier, voir l’exposé classique de G. Le Bras, Institutions ecclésiastiques de la chrétienté médiévale, dans Histoire de l’Église, éd. A. Fliche, V. Martin, Paris, 1959, p. 397-398 ; sur le mot, voir M. Teeuwen, The Vocabulary of Intellectual Life in the Middle Ages, Turnhout, 2003, p. 45-47. Sur le chancelier comme homme de l’élite intellectuelle, voir R.-H. Bautier, « Chancellerie et culture au Moyen Âge », dans Chartes, sceaux et chancelleries. Études de diplomatique et de sigillographie médiévales, Paris, 1990, p. 47-121, à la p. 54. Pour Brigitte Miriam Bedos-Rezak, le milieu des « chanceliers-écolâtres » de la France septentrionale est à l’origine d’une pratique originale qui fait du sceau un nouveau mode d’affirmation de la personne humaine, cfr « Une image ontologique : sceau et ressemblance en France préscolastique (1000-1200) », dans Études d’histoire de l’art offerte à Jacques Thirion. Des premiers temps chrétiens au XXe siècle,

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prélude ainsi à un cursus honorum dont le couronnement logique est l’épiscopat 93. Anselme n’est donc pas en rupture avec son temps94. Sa carrière, marquée par des promotions régulières, sous-entend également une faveur continue dont Anselme a été l’objet de la part des évêques successifs. En l’absence d’un réseau familial puissant susceptible de soutenir son ascension au sein du chapitre cathédral, Anselme doit donc son élévation aussi bien à ses compétences qu’au soutien régulier des différents évêques de Laon. Le pontificat d’Élinand (1052-1096) Le pontife le plus important pour comprendre les débuts d’Anselme à la chancellerie est l’évêque Élinand (1052-1096)95 : son long épiscopat correspond à la présence d’un écolâtre à Laon dans les années 1050, à la période de formation d’Anselme en même temps qu’à l’accession du maître au cancellariat. L’évêque, plus soucieux de culture que Guibert de Nogent ne l’affirme, lègue ainsi quatre évangiles à sa cathédrale, en plus des nombreux dons d’objets effectués de son vivant96. Ces faits et le rayonnement d’Anselme dans les années 1100 justifient donc de faire débuter l’enseignement du Laonnois à la fin du pontificat d’Élinand, au plus tard dans les années 1090. D’autre part, le choix d’Anselme comme chancelier en 1095 n’est pas anodin et lie notre maître à une politique épiscopale de vaste ampleur. L’action d’Élinand que l’on peut qualifier de ‘réformatrice’, si l’on entend l’adjectif comme exprimant une volonté de restauration du pouvoir épiscopal, s’appuie sur un certain nombre de chanoines dont Anselme est un exemple représentatif.

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éd. A. Erlande-Brandenbourg, J.-M. Leniaud, Paris, 2001, p. 39-50, et en dernier lieu avec bibliographie, Ead., « Du sujet à l’objet. La formulation identitaire et ses enjeux culturels », dans Unverwechselbarkeit. Persönliche Identität und Identifikation in der vormodernen Gesellschaft, éd. P. von Moos, Cologne, 2004, p. 63-83, aux p. 66-69. G. Brunel, « Chartes et chancelleries épiscopales du Nord de la France au xie siècle », dans À propos des actes d’évêques, p. 227-244, aux p. 238-242. Sur les rapports des lettrés avec les pratiques de l’écrit, voir les travaux de Chantal Senséby sur l’espace ligérien et en dernier lieu : « Des hommes, des écrits et des conflits aux xie et xiie siècles dans l’espace ligérien », dans L’autorité de l’écrit au Moyen Âge, XXXIXe congrès de la SHMESP, Le Caire, 30 avril – 5 mai 2008, Paris, 2009, p. 175-187. Voir en premier lieu S. Martinet, « Élinand, évêque de Laon méconnu (1052-1098) », Mémoires de la Fédération des sociétés d’histoire et d’archéologie de l’Aisne, 36 (1991), p. 58-78, et aussi A. Saint-Denis, Apogée d’une cité, p. 83-85 et A. Dufour-Malbezin, Actes des évêques de Laon, p. 15-16. Nous retenons donc la datation de fin d’épiscopat (1096) proposée par A. Dufour. Notons toutefois que l’acte 51 apporté comme preuve en raison de sa date (après le 18 novembre 1096) pourrait aussi avoir pâti d’un lapsus calami dans les trois seules copies connues de 1648. Il faudrait peut-être prolonger son épiscopat jusqu’en 1097, si comme le dit A. Saint-Denis, Apogée d’une cité, p. 83, n. 1 « il sacre Manassès à Reims le premier janvier 1097 », i. e. Manassès II, non sans contradiction cfr p. 91, n. 1, contra Gams, Series episcoporum, Rastibonne, 1873, p. 608, pour qui il est consacré le 30 mars 1096. S. Martinet, « Élinand, évêque de Laon », p. 59-60.

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Plutôt que d’égrener en une litanie fastidieuse les faits positifs déjà bien connus matérialisant cette politique97, il apparaît plus intéressant de chercher à en comprendre la justification ainsi que l’argumentaire ayant mené à la prise de décision. En ce sens, la meilleure manière d’entrer dans la pensée qui anime l’évêque et son entourage consiste à se pencher sur les préambules des actes émanant de la chancellerie épiscopale. Une présentation des préambules s’avère utile dans la mesure où il est maintenant admis que ces pièces liminaires justifiant l’action de l’auteur de l’acte ne sont pas un simple tissu topologique dissimulant la réalité factuelle, mais expriment les idéaux et le cadre mental d’une action donnée98. Sans avoir non plus la naïveté de prétendre y trouver l’exposé en règle d’une politique tirée de l’Écriture, on peut légitiment espérer que l’analyse des préambules introduise à la conception que l’évêque et son chancelier se faisaient du ministère épiscopal99. Au préalable, un correctif et une mise en perspective s’imposent. En premier lieu, comme pour les autres chancelleries contemporaines, le fonctionnement de cet organisme ainsi que la part prise par le chancelier dans la rédaction des actes, et donc des préambules, sont délicats à appréhender. En effet, du strict point de vue diplomatique, le cancellariat d’Anselme n’est marqué par aucune innovation notable à l’exception de la fixation de la forme de la date (année de l’Incarnation, indiction, épacte et concurrent) et de la souscription100. Le seul terme marquant l’intervention du chancelier est la recognition, dernier élément de l’acte à la chancellerie laonnoise : par excellence c’est une relecture (relegi) validant et authentifiant le contenu à la fois sur le fond et la forme de l’acte. Comme les autres termes employés dans la recognition de chancellerie, il demeure traditionnel et d’usage courant, sans 97 98

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S. Martinet, « Élinand, évêque de Laon » et A. Saint-Denis, Apogée d’une cité, p. 83-87. Le point est acquis depuis la somme de H. Fichtenau, Arenga, Spätantike und Mittelalter im Spiegel von Urkundenformeln, Graz - Cologne, 1957. Voir aussi l’illustration donnée pour la diplomatique épiscopale par K. Sonnleitner, « Die Darstellung des bischöflichen Selbverständnisses in den Urkunden des Mittelalters. Am Beispiel des Erzbistums Salzburg und der Bistümer Passau und Gurk bis zum 1250 », Archiv für Diplomatik, 37 (1991), p. 155-305 et la présentation de M. Parisse, « Préambules de chartes », dans Les prologues médiévaux, Turnhout, 2000, p. 141-169. J. Avril, « La fonction épiscopale dans le vocabulaire des chartes (xe-xiiie siècles) », dans Horizons marins, itinéraires spirituels (Ve-XVIIIe siècles), éd. H. Dubois, J.-C. Hocquet, A. Vauchez, t. 1, Paris, 1987, p. 125-133 et l’exemple donné par L. Morelle, « Un ‘grégorien’ au miroir de ses chartes : Geoffroy, évêque d’Amiens (1104-1115) », dans À propos des actes d’évêques, p. 177-218. A. Dufour-Malbezin, Actes des évêques de Laon, p. 28-29 et p. 51 où l’éditrice parle d’une influence « prépondérante » d’Anselme pour la fixation des formules de date. C’est un point distinctif important par rapport à d’autres chancelleries comme Arras où l’évêque contrôle plus étroitement le fonctionnement de cet organisme, cfr B.-M. Tock, « Le personnel de la chancellerie épiscopale d’Arras au xiie siècle », dans Conservare Jura. Actes des journées internationales d’histoire du droit et des institutions, Deventer, 28-31 mai 1987, Deventer, 1988, p. 187-197, aux p. 194-195.

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impliquer toujours un contrôle des plus stricts sur la mise par écrit101. Le problème connexe est donc de s’assurer que les actes choisis émanent de l’auteur de l’acte ou de son cercle, compte tenu de la pratique consistant à faire établir l’acte par le destinataire. Pour pallier cette difficulté, on a retenu de préférence les préambules apparaissant dans plusieurs actes ou provenant de destinataires différents. Comme dans d’autres chancelleries épiscopales, il est aussi très vraisemblable que le chancelier, titulaire d’une charge importante, joue un rôle de transmission entre l’établissement ou la personne bénéficiaire et l’évêque ou son chapitre102. De plus, l’intérêt pris à la seule chancellerie laonnoise risquait de créer un effet grossissant et d’hypertrophier certains éléments au détriment d’autres tout aussi significatifs. Le vide des études sur le fonctionnement des chancelleries épiscopales françaises connaît l’heureuse exception d’Arras grâce aux différents travaux de BenoîtMichel Tock103. La documentation publiée et la présence des deux diocèses dans la même province ecclésiastique autorisant un essai de mise en parallèle chronologique et géographique, nous chercherons donc à confronter les résultats de l’enquête sur les préambules laonnois aux conclusions tirées naguère de l’exemple arrageois104. Le premier point notable qui se dégage du rapprochement est l’importance numérique de préambules à Laon avec un pic à partir des années 1120 jusque dans le milieu du xiie siècle, tandis qu’à Arras la croissance se fait de manière beaucoup plus mesurée et progressive105. La rédaction de cette partie de l’acte, ni obligatoire, ni systématique ailleurs à même époque, est donc une tradition laonnoise bien ancrée dans la seconde moitié du xie siècle. De surcroît, contrairement à ceux des prédécesseurs immédiats, les dix-sept préambules de l’épiscopat d’Élinand, sur les vingt-six actes connus, attestent une originalité et certains traits des plus intéressants tels l’insistance sur le 101

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Le rôle de supervision du chancelier semble parfois assuré comme dans l’acte 59 donné par Gaudry entre 1106 et 1112 : « Ut vero hec pacis compositio stabilis et inconvulsa in posterum permaneret, magistro Ansello injunxi ut has litteras conscribi faceret » (Actes des évêques de Laon, p. 133). G. Brunel, « Chartes et chancelleries épiscopale », p. 240. Voir les deux pendants que sont la monographie de B.-M. Tock, Une chancellerie épiscopale au XIIe siècle : le cas d’Arras, Louvain-la-Neuve, 1991, et l’édition des actes dans Id., Les chartes des évêques d’Arras (1093-1203), Paris, 1991. Pour les actes antérieurs non retenus par notre étude, on peut se reporter désormais à l’édition de É. Van Mingroot, Les chartes de Gérard Ier, Liébert et Gérard II, évêques de Cambrai et d’Arras, comtes du Cambrésis (1012-1092/93), Louvain, 2005. Sur le préambule, B.-M. Tock, Une chancellerie épiscopale, p. 112-120 et compléments du même dans Les chartes des évêques d’Arras, p. li-lii. Comparer A. Dufour-Malbezin, Actes des évêques de Laon, p. 40 et B.-M. Tock, Les chartes des évêques d’Arras, p. li, à partir duquel on peut noter la grande rareté des préambules sous Lambert (1094-1115) avec 2 préambules sur 23 actes, une augmentation sous Robert (11151131) avec 12 cas sur 30 actes et Alvise (1131-1147) avec 23 actes sur 44.

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salut personnel, l’office épiscopal et l’importance de la charité comme principe ecclésiologique106. Si l’on se tourne vers les préambules arrageois contemporains, la moisson est bien maigre, mais fournit tout de même un point de comparaison utile avec le préambule de l’acte 6 consacré à la charité (13 octobre 1098). Présentée avec grande force et originalité dans la première charte conservée datant de 1055, la dimension eschatologique de la charge épiscopale mérite attention. Elle est exprimée en une vraie profession de foi dont la part personnelle, inhabituelle, est incontestable. En lieu et place des propositions subordonnées commençant leur argumentaire d’un typique et circonstanciel quia ou quoniam, le préambule s’ouvre par : Moi Élinand qui tiens le pontificat de notre sainte mère l’Église de Laon, non par mon mérite, mais par la grâce de Dieu107.

L’actualité de son pouvoir, exprimée par un présent peu commun, ne s’embarrasse pas encore du souvenir des prédécesseurs, mais confronte la fragilité de son rang à la future reddition des comptes108. C’est que dès l’époque, en dépit des justifications plutôt convaincantes apportées récemment par Suzanne Martinet pour le disculper, un soupçon de simonie s’attache à l’élection du riche Élinand109. Le nouvel évêque, récusant les mérites de la fortune pour expliquer son rang, n’aura de cesse de vouloir donner l’image d’un pasteur préoccupé de son salut. Prélat mystique – le même acte le décrivant avant tout comme soucieux de contempler le roi des anges – Élinand inscrit donc son action sous le regard du Dieu Juge : son but est de convertir les richesses temporelles en biens spirituels110. La recherche de la récompense future est donc un leitmotiv de son épiscopat, ce qui, derrière l’humilité traditionnellement revendiquée, renforce aussi le caractère impératif des décisions instrumentées par les actes111. 106

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Les préambules retenus s’échelonnent régulièrement le long de l’épiscopat d’Élinand (10521096) de 1055 à 1096, seuls trois actes correspondant au cancellariat d’Anselme (1095-1117). « Ego Elinandus qui sancte matris ecclesie Laudunensis, non meo merito, sed gratia Dei proveniente, pontificatum optineo » (acte 24, Actes des évêques de Laon, p. 98). « Considerandus quia benefacienti in novissimo die bene erit et merces ejus in eternum permanebit (Eccl. 1, 13), cum fidelibus sancte Dei Ecclesie curam gerentibus, concordem caritatis unitatem habere commodum duxi » (Actes des évêques de Laon, p. 98). Cfr Guibertus Novigentensis : « Lauduno enim invectus, quia non aestimatione parentum, non scientia literarum se valiturum putabat, in opulentia, quae plurima suppetebat et quam cautissime dispensare didicerat et dapsilitate spes fuerat » (De vita sua, 3, 2, p. 270), voir les arguments de S. Martinet, « Élinand, évêque de Laon », p. 60-61 et contra, A. Dufour-Malbezin, Actes des évêques de Laon, p. 15. Acte 27, Actes des évêques de Laon, p. 102 : « Ille sibi ad redemptionem anime divitias parat, qui eas misericorditer pro Dei amore vel pauperibus erogat, vel ejus ecclesiis et inibi servientibus subministrat ». Voir notamment les formules des actes 29 : « promerentur […] eternam in futuro recompensationem » (Actes des évêques de Laon, p. 104), 30 : « Quoniam procul dubio creditur pro-

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L’intérêt tout personnel pris par Élinand à son salut n’est pas aveu d’égoïsme, puisque l’évêque inscrit son action dans le cadre de son diocèse. Une expression récurrente, la pastoralis vigilantia, décrit les rapports qu’il souhaite entretenir avec ce dernier. En effet, à côté du thème scripturaire et patristique courant de la sollicitudo ecclesiarum, la pastoralis vigilantia se taille la part du lion dans les périphrases utilisées pour désigner l’exercice du pouvoir112. La formule, toujours employée à l’ablatif, désigne de façon très nette la nature même de l’office épiscopal. Le thème pastoral ici développé n’est pas propre au diocèse de Laon : il a son origine dans l’ecclésiologie romaine et manifeste la réception du modèle de gouvernement papal dans les provinces ecclésiastiques de la France du nord et de l’Angleterre. Sans asservir l’acte épiscopal à l’imitation de formes diplomatiques précises, les formules romaines pénètrent nettement dans la province de Reims à partir des années 1070113. La présence de formules topiques de type pastoral dans les préambules ne doit toutefois pas amener à faire de cette réception une adhésion inconditionnelle à la réforme dite grégorienne. En effet, plus qu’une allégeance à un programme spirituel précis ou à une réforme des mœurs, l’adoption de ces expressions est un moyen de diffuser un modèle ecclésiologique utile à l’évêque pour affirmer son pouvoir dans le cadre diocésain. C’est ainsi que, conformément à l’étymologie, l’évêque est avant tout un pasteur chargé de la surveillance de son troupeau. La prééminence (praeesse), souvent accolée à la vigilance, se manifeste donc par un soin parfois coercitif, comme dans l’acte 45, datant de 1096, où il s’agit de ramener les déviants sur le droit chemin, même si elle est aussi utilisée pour accorder des faveurs au clergé114. Selon les préambules, la manifestation la plus visible du pouvoir épiscopal consiste dans la multiplication des dons aux établissements ecclésiastiques du diocèse. Suivant un mouvement dans l’ensemble encore mal connu mais étudié ponctuellement, la politique épiscopale de la fin du xie siècle et du xiie siècle se caractérise dans la France du Nord-Est, notamment dans la province ecclésiastique de Reims, par un vaste mouvement de

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futurum ad remunerationem eterne beatitudinis… » (p. 106), 36 : « ne omnino vacuis (sic pro vacuus) ante tribunal summi Judicis apparerem et vel manipulum ad aream dominice messis deferrem » (p. 112) avec le retour de la première personne du singulier. L’appellation n’est pas présente dans le corpus dépouillé par J. Avril, « La fonction épiscopale ». Voir les actes 28, 31, 33 et 39, avec des variantes comme dans les chartes 35 : pastorali prerogativa (Actes des évêques de Laon, p. 111), 44 : pastoralis providentia (Actes des évêques de Laon, p. 119) et 45 : pastoralis sollicitudinis (Actes des évêques de Laon, p. 120). Voir le cadre général d’analyse et les exemples donnés par O. Guyotjeannin, « L’influence pontificale sur les actes épiscopaux français (provinces ecclésiastiques de Reims, Sens et Rouen, xie-xiie siècles), dans L’Église de France et la Papauté (Xe-XIIIe siècle), éd. R. Grosse, Bonn, 1993, p. 83-102, aux p. 88-89. On retrouve par exemple dans les actes 33, 35 et 39 le balancement classique entre praesse et prodesse, cfr J. Avril, « La fonction épiscopale », p. 127 et n. 21, p. 132.

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remise des autels aux abbayes et chapitres115. Dans le diocèse de Laon, ce phénomène prend toute son ampleur sous Élinand et prévient les mesures canoniques décrétées par la papauté notamment lors du concile de Clermont (1095). La cession des autels se fait selon différentes modalités, mais toujours sous le contrôle de l’évêque. La plus radicale est celle qui fait passer, avec la permission de l’évêque, l’autel du patrimoine d’un laïc à celui de religieux116. La seconde consiste à supprimer le système du personat (personatus) pour des établissements possédant déjà les autels. L’acte n’est donc pas un transfert de propriété, mais une faveur permettant de supprimer la nomination d’un desservant (persona) par l’évêque et d’incorporer ainsi les revenus de l’autel à un patrimoine collectif117. Enfin, la dernière catégorie concerne les terres sans que mention soit faite de restitution ou de personat. Il est quasiment impossible dans ces circonstances de déterminer s’il s’agit d’un simple abandon de droits comme le personat ou d’une réelle libéralité épiscopale118. La générosité épiscopale réelle ou affirmée concerne aussi bien les églises dotées d’autels (Saint-Jean-Baptiste de Vaux), les abbayes restaurées dans leur temporel et leurs bâtiments comme Saint-Vincent ou des fondations monastiques nouvelles comme Saint-Nicolas-aux-Bois ou Notre-Dame de Nogent-sous-Coucy. Le soutien accordé au monachisme bénédictin traditionnel se double de faveurs destinées à l’ordo canonicus, autre instrument de la réforme du clergé : c’est ainsi que les moniales de Saint-Jean-Baptiste du Bourg sont expulsées sans autre forme de procès pour être remplacées par des chanoines largement dotés119. Dans tous les cas, les préambules nivellent et voilent les circonstances objectives du don pour mieux insister sur la libéralité épiscopale inscrite dans la continuité de celle des prédécesseurs. L’évêque a, en effet, pour premier 115

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Voir B. Delmaire, Le diocèse d’Arras de 1093 au milieu du XIVe siècle. Recherches sur la vie religieuse dans le nord de la France au Moyen Âge, t. 1, Arras, 1994, p. 91-120 et l’analyse technique de F. Kerff, « Altarbesitz und Inkorporation. Zu Vorformen der Inkorporation in Nordfrankreich während des 11. und 12. Jahrhunderts », dans Licet preter solitum. Ludwig Falkenstein zum 65. Geburtstag, éd. L. Kéry, D. Lohrmann, H. Müller, Aachen, 1998, p. 33-46. Je suis redevable de ces références à l’amabilité de Laurent Morelle. C’est le cas des actes 25, 39, 40 et 45, mais à l’exception du dernier document (« contra apostolicam canonicamque constitutionem laicus […] quasi in beneficium tenebat et militibus suis tenendum tradiderat »), la possession laïque est souvent évoquée avec diplomatie (avouerie, « de manu laicorum »). Cfr les actes 24, 28, 33 et 42. Cfr les actes 26, 27, 31, 35, 36, 38, 41, 43 et 44. Les simples mentions de donations (37, 46, 48, 49 et 50) permettent encore moins de trancher. L’acte 30 et 31 instrumentent un don moyennant le versement de redevances pour ne pas trop diminuer la mense des successeurs. Il est notable, par ailleurs, que Guibert de Nogent, peu suspect de complaisance pour Élinand, insiste dans sa biographie sur les largesses épiscopales envers les églises : « homme extrêmement riche et fort zélé lorsqu’il s’agissait de fonder ou décorer des églises », cité par S. Martinet, « Élinand, évêque de Laon », p. 62. Voir les détails donnés par S. Martinet, « Élinand, évêque de Laon », p. 63-66 et 71-73.

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devoir de mettre ses pas dans ceux de ses devanciers et surtout, comme on le dirait de saints, de se laisser « informer par leurs exemples » qui ont consisté à faire des dons grâce à la mense épiscopale120. La dimension collective d’une geste épiscopale unifiée par la pratique de la charité est donc à mettre en rapport avec l’ecclésiologie qui anime le pontificat d’Élinand selon sa chancellerie. À travers les âges et malgré les divers statuts du monde chrétien, tous sont unis par la même charité rendue manifeste par le don et l’aumône. Le long préambule de l’acte 24, donné en 1055, décline avec habileté ce principe ecclésiologique fondamental : Car il est juste et conforme au gouvernement de la céleste équité que l’amour qui, on le sait, unit l’Église universelle au Christ notre seigneur, relie également entre eux les serviteurs de l’Église comme les fils d’une mère spirituelle par la grâce du secours fraternel121.

Le Christ, principe de toute charité, aime l’Église d’un amour charitable qui doit unir à son tour chacun de ses membres122. Toutefois, Élinand précise immédiatement ce qu’il entend par cette charité : tout en rappelant le rôle hiérarchique de Pierre comme docteur de la charité, l’évêque affirme que l’exercice même de la charité est avant tout l’affaire des puissants exemplaires : C’est qu’en effet nous avons appris par l’enseignement de Pierre qui est la pierre de l’Église : ‘avant tout, ayez entre vous une charité mutuelle, car la charité couvre la multitude des péchés’ (I Petr. 4, 8). Cette unité de la double charité, bien qu’il soit conseillé à tous de la conserver, il convient qu’elle soit observée de préférence par ceux qui sont élevés au plus haut rang dans l’Église, de sorte que la fragilité fraternelle des plus petits, améliorée par l’exemple des plus grands, s’efforce d’apporter ce qu’elle peut pour orner la maison de Dieu123. 120

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Cfr les actes 31, 33, 35, 36, 39, 40 et 42. Les mentions fréquentes comme « de suis que minus suppetebant suppleverint stipendia » (acte 31) doivent, semble t-il, s’entendre de la mense et non d’un patrimoine privé. « Justum namque et superne equitatis moderamini conveniens est ut qua dilectionis causa sua et universalis Ecclesia Christo Domino compacta dinoscitur, hac ipsa etiam cultores Ecclesie tamquam parentis spiritalis filii per condescensionis fraterne gratiam invicem connectantur » (Actes des évêques de Laon, p. 98). La notion de corps ecclésial est aussi très nette dans l’acte 44 où l’unité se fait par la vertu théologale de foi : « in unum catholice matris Ecclesie corpus fidei unione suscepti, in ejusdem Ecclesie corpore membra sumus » (Actes des évêques de Laon, p. 118). Sur le caractère structurant de cette image dans l’imaginaire social, voir A. Guerreau-Jalabert, « L’ecclesia médiévale, une institution totale », dans Les tendances actuelles de l’histoire du Moyen Âge en France et en Allemagne. Actes des colloques de Sèvres (1997) et de Göttingen (1998), éd. J.-C. Schmitt, O. G. Oexle, Paris, 2002, p. 219-226, à la p. 223. « Sic etenim insinuamur, Petro docente, qui est petra Ecclesie (cfr Matth. 16, 18), ante omnia mutuam in vobismetipsis continuam caritatem habeatis, quia caritas operit multitudinem peccatorum (I Petr. 4, 8). Que equidem alterutre caritatis unitas omnibus licet sudeatur tenenda, ab illis tamen qui eminentioris gradus sublimatione provehuntur in Ecclesia potissimum est

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Alors qu’à Arras le même thème reçoit un traitement beaucoup plus abstrait et moral insistant davantage sur sa valeur de précepte, la charité d’Élinand se veut une libéralité de prélat prenant sa source dans le devoir épiscopal124. Parmi les modèles, les apôtres jouent un rôle majeur, puisqu’il est rappelé opportunément que la cléricature succède au rang apostolique125. L’exemple suprême à suivre est donc la perfection de la primitiva Ecclesia mise en avant par la charte 29 (1059-1067)126. Dans un préambule d’une rare vivacité reprenant, en l’abrégeant, celui de l’acte 18 de Gébuin daté du 12 mars 1046, est affirmé le thème de la croissance de la primitive Église vers la perfection127 : Si donc nous nous retournons vers les exemples de nos prédécesseurs, il est clair que la primitive Église, grâce à des chefs très éprouvés, a progressé peu à peu, depuis presque rien et de plus en plus, vers une perfection telle qu’exempte, avec l’aide du Seigneur, des grandes persécutions qui surabondent aujourd’hui en raison d’un peuple dévoyé, elle posséderait dans la tranquillité ses biens sans trouble et jouirait dans la paix de la louange de ses fidèles128.

L’Église jouirait donc au temps présent d’une paisible possession de ses biens et de la vénération des fidèles, si la malice des siens et la négligence des recteurs ne la mettait au comble de la ruine : Mais, par malheur, du fait de la malice accrue de ses membres se déchirant et, au contraire, du fait de la vigilance des chefs qui se tourne en négligence, elle semble tombée dans un tel abaissement que, peu à peu tombée de chute en chute, elle est d’évidence presque réduite au comble de l’abaissement129.

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observanda quatinus fraterna minorum imbecillitas, majorum exemplo meliorata, pro viribus suis in ornanda domo Dei quod quisque potuerit offere contendat » (Actes des évêques de Laon, p. 98). Voir pour Arras, le cas du préambule de 1098, repris en 1119 : « Cum inter cetera preceptorum christiane religionis summopere commendetur ramus uterque caritatis, Dei videlicet amor et proximi… » (Les chartes des évêques d’Arras, p. 11). « Cum autem clericale officium apostolico gradui succedens, propter salutem populorum ab interna quiete ad exteriores exercitationes ascendendo descendere videamus, de fructibus ovium debitam illi portionem decernimus » (acte 44, Actes des évêques de Laon, p. 119). À Arras, l’insistance, plus théologale qu’historique, porte sur le dévoilement progressif de la révélation sans mention du temps de l’Église : « Hec namque par (sic lege per) legem, per prophetas mundo prius innotuit, quam ut altius Dei Filius commendaret… » (Les chartes des évêques d’Arras, p. 11). Actes 18 et 29, Actes des évêques de Laon, p. 92-93 et 104. La mention de l’avouerie, un peu datée, n’a pas été reprise dans la charte d’Élinand. « Si igitur ad predecessorum respiciamus instituta, liquet quia per probatissimos rectores gradatim et quasi de nihilo ad aliquid et de magno ad majus, ad tantam usque perfectionem primitiva exercuit Ecclesia ut de magnis persecutionibus, que hodie per perversum populum superabundant, Domino opitulante exempta, sua absque inquietudine possideret tranquilla et in fidelium veneratione gloriaretur pacata » (Actes des évêques de Laon, p. 104). « Sed, proh dolor, ex membris suis in se dissidentibus rivogarante (sic) malitia et rectorum e contra in negligentiam decidente vigilantia, ad tantam dejectionem nunc videtur devol-

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Cette histoire de l’Église conjuguée à l’irréel du présent possède une évidente fonction régulatrice pour l’action épiscopale. Il faut, en effet, que l’Église appelée de ses vœux par Élinand renoue, grâce à la restauration de la vie régulière, avec le temps passé contre les malheurs présents. En retour, Élinand attend des bénéficiaires de ses largesses, notamment des réguliers, le soutien de leurs prières, n’hésitant pas à partager les mérites spirituels de Notre-Dame de Laon avec Saint-Martin de Marmoutier. Cette association de prières entre le chapitre cathédral et la célèbre abbaye dans l’acte 32 (1079) explique le vif éloge dont les moines tourangeaux font l’objet dans le préambule de l’acte 44 : selon une exégèse traditionnelle d’origine grégorienne, un passage du Cantique des cantiques (5, 2-3) subtilement réécrit sert à désigner les contemplatifs comme ceux qui, abandonnant le soin du monde, s’élèvent à la contemplation de l’Époux130. L’évêque n’est pas lui-même en reste car, héritier des Apôtres, il est aussi celui qui a le mérite de quitter la vie intérieure pour vaquer aux occupations propres à son rang131. Sans avoir voulu trop nous appesantir sur les actions épiscopales et leur signification obvie pour la réforme religieuse dans le diocèse de Laon, nous sommes en mesure de proposer une image un peu plus nette des idées réformatrices de l’évêque et du climat régnant alors dans sa chancellerie. L’exercice du pouvoir au miroir des préambules consiste avant tout dans une responsabilité pastorale dont le premier soin est de pourvoir au bien de l’Église. La clef de voûte en est saint Pierre, figure prestigieuse et lointaine dont le représentant sur terre est d’une grande discrétion dans les actes. Les laïcs sont peu cités et lorsqu’ils apparaissent c’est pour seconder les décisions d’Élinand. Quant aux religieux, leur milice doit être déchargée de tout souci matériel pour ne se consacrer qu’à la prière. L’évêque, conçu avant tout comme le représentant transitoire d’une lignée prestigieuse, assure la communication entre le Ciel et la terre, le monde des religieux et celui des laïcs, une papauté lointaine et le vie des paroisses. Son mode privilégié d’intervention est l’acte de chancellerie qui instrumente ses grâces et assure à ses faveurs le prestige

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uta, ut paulatim de lapsu ad lapsum dejecta, ad extremitatem dejectionis jam pateat pene esse redacta » (Actes des évêques de Laon, p. 104). À partir de Cant. 5, 2-3 : « ego dormio et cor meum vigilat […] expoliavi me tunica mea […] lavi pedes meos », le rédacteur a écrit : « Tum vero monachi tunica cure secularis exuti, pedibus lotis inter brachia sponsi vigilanter sopiti, orationum suffragio saluti hominum probantur esse necessarii » (Actes des évêques de Laon, p. 119). Sur l’utilisation le plus souvent implicite des Pères, voir B.-M. Tock, « Les Pères de l’Église dans les chartes médiévales », dans In principio erat verbum. Mélanges offerts en hommage à Paul Tombeur par des anciens étudiants à l’occasion de son éméritat, éd. B.-M. Tock, Turnhout, 2005, p. 409-429. Acte 44. Malgré la rédaction fréquente par Marmoutier des actes lui étant destinés, on a retenu ce préambule repris, par ailleurs, dans le seul acte connu de l’évêque Hugues (1112), Actes des évêques de Laon, p. 134-135.

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d’une mise par écrit132. L’action de l’évêque culmine ainsi dans le don comme exercice de la charité. Comme le rappelle l’acte 24, la charité est un devoir pour les puissants. Il y a dans cette place faite au don sans doute des harmoniques plus riches qu’une simple mise en pratique de l’Évangile. La place des prélats dans la société les oblige au don, de même qu’en retour, ce don conforte leur supériorité sociale. L’insistance sur la prière et la pratique de la charité ne doit toutefois pas être conçue seulement comme une sorte de marqueur social ou de manteau de Noé idéologique, mais aussi comme l’expression d’une croyance assurée dans la conversion possible du matériel en spirituel et des biens temporels en récompenses éternelles. Les liens entre les deux sphères expliquent en effet la causalité qui les régissent : le don charitable entraîne une prière qui elle-même obtient le salut conjoint du donateur et du donataire. Le pontificat d’Enguerrand de Coucy (1096-1104) L’image de l’évêque réformé comme distributeur des grâces étant acquise, il convient de se demander si elle donne naissance sous le cancellariat d’Anselme (1095-1117) à une tradition de chancellerie assurant, malgré la mortalité des titulaires épiscopaux, la permanence d’une ecclésiologie. Elle ne peut être évaluée à l’aune d’un quelconque réemploi textuel, puisque le plus souvent le préambule est une pièce composée pour la circonstance : ce sont donc plutôt la présence et l’inflexion des thèmes envisagés qui peuvent guider notre lecture et nos interprétations. Les thématiques de la continuité de l’Église et la référence apostolique se retrouvent dans un préambule très subtil contenu dans le premier acte conservé du nouvel évêque, Enguerrand de Coucy (1096-1104)133. Dans ce préambule de 1096, une lecture typologique de la construction du tabernacle relie l’histoire mosaïque et les temps apostoliques à l’époque actuelle : Lors de l’édification du tabernacle construit de manière figurée par Moïse divinement instruit, on lit que les chefs des tribus apportèrent de nombreux objets, mystérieux et convenant au culte divin, comme des ustensiles précieux en or et en argent avec une grande variété de pierres, des poils de chèvres avec de nombreuses peaux, toutes choses qui, selon l’Apôtre, sont une parabole et une figure de l’Église à venir ; de plus, au commencement de l’Église naissante, on raconte qu’un grand nombre des fidèles qui suivaient les traces des apôtres, après avoir vendu leurs biens, en mettaient le prix en commun, de façon à vivre ensuite ensemble et qu’un grand nombre, si pas avec la même perfection et 132

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Voir, sur ce point, le riche préambule de l’acte 25, d’authenticité suspecte pour A. DufourMalbezin, Actes des évêques de Laon, p. 99-100. Acte 51, Actes des évêques de Laon, p. 123-124. On peut aussi faire l’hypothèse que la personnalité de ce prélat politique n’a pas dû le pousser à intervenir trop directement dans la rédaction des actes de sa chancellerie dont seuls six sont conservés.

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justice, du moins avec dévotion et foi sincère, donnaient aux apôtres et aux disciples des apôtres des secours venant de leurs ressources pour qu’ils n’abandonnent pas leur prédication, sur ce modèle même, des hommes catholiques, laïques et clercs, ont honoré par toute la terre les églises particulières de l’Église universelle et, construisant à leurs frais des monastères, ont accordé sur leurs revenus les choses nécessaires à ceux qui y servaient Dieu134.

Le tabernacle est la figure de la communauté primitive, elle-même continuée par la vie commune des religieux, tandis que les dons des fidèles soutiennent toujours et partout l’effort des hommes de Dieu. L’évêque est le garant de cette distribution des biens135, tandis que l’acte 56 rappelle l’unité du corps ecclésial fondé sur la charité136. De plus, si, comme nous le pensons, notre Anselme est bien le doyen cité en 1098, la faveur épiscopale dont il est l’objet ne se dément pas. La charge décanale est une importante dignité car il fait d’Anselme le premier des chanoines de Laon, sans doute élu par ses pairs sous le contrôle de l’évêque. Il est difficile de voir en cette faveur autre chose que la récompense offerte à la fidélité du chancelier. Cet élément permet de relativiser les oppositions tranchées que l’historiographie a cru voir au sein du chapitre cathédral. L’existence d’un groupe de chanoines réformateurs menés par Anselme et opposés aux chanoines d’origine aristocratique ou au nouvel évêque est sans doute à nuancer : il est ainsi difficile de prouver qu’Anselme se serait opposé à l’élection d’Enguerrand137. De plus, à supposer qu’il lui faille attendre 1111, pour obtenir la première des dignités capitulaires sous l’épiscopat de Gaudry, notre 134

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« In aedificatione tabernaculi figuraliter per Moysen divinitus edoctum constructi legitur principes tribuum multa et mystica et cultu divino condecentia obtulisse, videlicet ustensilia auro argentoque insignia, cum lapidum varietate, pilos caprarum cum pellium distinctione, quae omnia, Apostolo edocente, parabola et figura sunt instantis Eclesiae ; porro in exordio nascentis Ecclesiae fertur quod plerique fidelium apostolorum vestigia sequentes, possessionibus distractis, pretia earum in commune deferebant, ut deinceps communiter viverent ; plerique, si non ejusdem perfectionis ac justitiae, devotionis tamen ac fidei sincerae apostolis apostolorumque discipulis, ne in praedicatione deficerent, de suis substantiis subsidia ministrabant, hoc etiam more catholici viri ac seculares ac ecclesiastici universalis Ecclesiae particulares ecclesias in toto orbe venerati sunt ac, suis sumptibus monasteria construentes, inibi Deo servientibus ex suis reditibus necessaria largiti sunt » (Actes des évêques de Laon, p. 123-124). Cfr aussi l’acte 53, Actes des évêques de Laon, p. 126 : « Quoniam pauperibus Christi, maxime seculo exutis, contemplationis studio devotis, temporalia nostra communicare apostolica auctoritate jubemur… ». Acte 56, Actes des évêques de Laon, p. 130, proche sur le fond, sinon dans les termes, de la charte 43 : « Quoniam omnes ecclesie sicut unum corpus eodem spiritu congregate vivunt et in ipso spiritu eadem caritate conexe sunt, omnibus quibus possumus prodesse debemus, illis presertim quibus propiori vinculo conexi familiarius communicamus ». Cfr A. Saint-Denis, Apogée d’une cité, p. 91-92. Le passage de Guibert de Nogent, évoqué par A. Saint-Denis, De vita sua, éd. E.-R. Labande, Paris, 1981, p. 280, fait seulement mention de l’opposition du roi, et non de celle du chapitre ou du chancelier : « cum eum rex pro suis levitatibus a pontificiis abjurasset ».

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vue s’en trouve d’autant confirmée138. Anselme est un collaborateur de l’évêque, non un opposant ni le meneur d’un groupe de pression. Il ne paraît d’ailleurs pas avoir manifesté d’opposition aux élections des archidiacres Gautier et Ébles et d’un autre clerc pendant un long interrègne épiscopal de deux ans. Le pontificat de Gaudry (1106-1112) Par rapport à Gaudry (1106-1112), la position d’Anselme, nettement plus ambiguë, se révèle à l’analyse d’autant plus intéressante. L’absence de charte ne permet pas de préciser les rapports du chanoine et de son évêque139, mais une source d’une qualité exceptionnelle, et partant bien connue, fournit des éléments encore peu remarqués140. Selon Guibert de Nogent, notre unique informateur, le maître s’oppose à l’élection141. Le refus ne résulte pas d’une fronde de chanoines, mais apparaît comme le combat d’un homme seul142. L’intervention du pape Pascal II (1099-1118) dans la ratification de l’élection montre le crédit dont jouit le maître puisque le pontife mène enquête en raison des accusations proférées par Anselme143. Lors de la confrontation à Langres en février 1107, Pascal II ne fait que reprendre les objections du maître laonnois, si l’on en croit Guibert de Nogent d’autant moins suspect de partialité qu’il soutient à ce moment encore Gaudry. L’argumentaire papal soufflé par Anselme témoigne d’un bon sens évident : le pape s’étonne de l’élection d’un anglais au siège épiscopal et s’enquiert également des ordres ecclésiastiques reçus par l’impétrant ainsi que de la légitimité de sa naissance144. Le portrait idéal ainsi esquissé en creux d’un évêque issu de famille noble et laonnoise, satisfaisant aux conditions canoniques, n’est-il pas celui, par exemple, d’un Enguerrand de Coucy ? 138

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Le témoignage de Guibert de Nogent recoupe le témoignage des actes de la pratique et permet d’affirmer que l’Anselme doyen est bien notre maître : « a decano ecclesiae, videlicet magistro Ansello » (De vita sua, p. 306). Signalons toutefois l’acte 57 qui porte un préambule conforme aux éléments précédemment relevés, puisque l’évêque y est dit avoir le soin vigilant de son troupeau non seulement au spirituel mais aussi au temporel, cfr Actes des évêques de Laon, p. 131 : « in ovilis dominici cura vigilantes ». Sur Guibert et sa personnalité au miroir de son Autobiographie, voir J. Benton, Self and Society in the Middle Ages, New York, 1970 et la synthèse de J. Rubenstein, Guibert of Nogent. Portrait of a Medieval Mind, New York - Londres, 2002, notamment p. 112-115 sur ses rapports avec Anselme de Laon. Concernant l’interprétation de la Commune par Guibert, voir H. F. Blurton, « Guibert of Nogent and the Subject of History », Exemplaria, 15 (2003), p. 111-131, notamment aux p. 113-114 pour la bibliographie antérieure. C’est cette opposition qui, par un effet rétroactif à notre sens indu, a fait d’Anselme le chef de file d’une opposition du chapitre aux prédécesseurs de Gaudry. Guibertus Novigentensis, De vita sua, p. 284. Le point n’a guère été souligné : « Causa autem, ut haec seriatim ita objiceret, non impediendi eum fuit, sed quia Ansellus magister, qui eum his omnibus arcesserat, impraesentiarum erat » (ibidem, p. 290). Ibidem, p. 286-290.

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Quoi qu’il en soit, Anselme n’est pas décidé à mener un vain combat. Constatant la corruption de la curie, il abandonne avec réalisme son attitude d’opposition. Le comportement d’Anselme tel que le révèle le passage n’est pas celui d’un pur esprit égaré dans le jeu politique. Le maître a su jouer d’un prestige bien réel pour avoir accès au pape et s’opposer à un homme apparemment peu capable de poursuivre la politique de ses prédécesseurs. Il sait aussi reconnaître sa défaite, sans se démettre de son cancellariat. Anselme continue donc à assurer le rôle de deuxième personnage du chapitre, puisqu’en compagnie de Gaudry, il est attesté lors d’un voyage apud Anglos sans doute au début de l’épiscopat145. Quelques années plus tard, le soutien d’Anselme au pouvoir en place reçoit une confirmation éclatante lors des événements de la Commune146. Celle-ci a pour enjeu une redistribution des pouvoirs au sein de la ville et notamment la maîtrise des flux commerciaux et financiers, objet de toutes les convoitises aussi bien de la part de l’évêque que des nobles locaux ou des habitants de Laon. Comme dans les autres mouvements contemporains d’émancipation urbaine, les différents groupes sociaux entrent en concurrence pour tirer le plus de profit du régime communal, y compris en usant de la force147. Par sa maladresse, Gaudry s’attire la haine générale, notamment en supprimant en avril 1112 la Commune instaurée l’année précédente. Mis au courant de la conjuration fomentée par les citadins contre l’évêque, Anselme prévient Gaudry du risque qu’il court148. Contrairement à l’hypothèse faisant d’Anselme un des chefs de file d’un mouvement réformateur combattant la faction conservatrice du chapitre, rien ne semble indiquer qu’Anselme ait, d’une manière ou d’une autre, participé au complot149. Le dernier acte des rapports entre le maître et l’évêque se joue post mortem. Volontairement ou non, la narration de Guibert fait pendant, de manière antithétique, à la scène de l’élection : Gaudry mort, que tous insultent après l’avoir unanimement élu, n’est l’objet que des soins du seul Anselme, unique 145 146

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Ibidem, p. 294. L’interprétation la plus convaincante, avec rappel des nombreuses exégèses antérieures, est donnée par D. Barthélemy, « Lectures de Guibert de Nogent (Autobiographie, III, 1-11) », dans Les origines des libertés urbaines. Actes du XVIe Congrès des Historiens Médiévistes de l’Enseignement Supérieur (Rouen 7-8 juin 1985), Rouen, 1990, p. 175-192 ; voir aussi la narration de S. Martinet, Montloon, reflet fidèle de la montagne et des environs de Laon de 1100 à 1300, Laon, 1972, p. 1-11 et A. Saint-Denis, Apogée d’une cité, p. 96-108. Ce n’est donc pas un simple mouvement de paix, selon la définition d’A. Vermeesch, Essai sur les origines et la signification de la commune dans le Nord de la France (XIe et XIIe siècles), Heule, 1966, p. 108-113. Guibertus Novigentensis, De vita sua, p. 335. L’attitude d’Anselme semble un frein pour le mettre au nombre des clercs moqués par Gaudry comme étant de naissance servile, cfr Guibertus Novigentensis, De vita sua, p. 344. R. Kaiser, « Laon aux xiie et xiiie siècles. À propos d’un livre récent », Revue du Nord, 56 (1974), p. 421-426, à la p. 423.

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opposant en 1106150. Le chancelier qui, comme le souligne non sans malice Guibert, s’est tenu bien à l’abri au plus fort de la bataille, a le rare courage de solliciter des révoltés l’autorisation de mettre Gaudry en terre. Il prend même le risque de diriger l’opération jusque dans l’église de Saint-Vincent, traditionnel lieu de sépulture des évêques de Laon151. La justification donnée est des plus éclairantes : Gaudry a eu « le nom et les insignes de l’évêque »152. Toute l’analyse du pouvoir par Anselme est condensée dans cette expression : la révérence pour le titulaire légitime d’un office l’emporte sur toute autre considération politique153. Il faut bien estimer à sa juste valeur ce qui apparaît comme une forme réfléchie de légitimisme. En effet, Anselme n’est pas homme à se laisser impressionner par l’étalage de richesses ou les relations prestigieuses, comme l’a montré son opposition solitaire avant l’élection de l’habile Gaudry. De plus, le respect pour l’autorité établie n’est pas allégeance aveugle au pouvoir en place, ainsi que le prouve son appréciation subtile de la fonction épiscopale exercée par Gaudry : celui-ci n’a eu de l’évêque que le nom et les apparences extérieures. Toutefois, ni cette possession purement matérielle de l’office ni son mésusage ne sauraient légitimer de tuer son titulaire et de le priver des honneurs dus à son rang. Il y a chez Anselme une conscience vive de la continuité du ministère épiscopal et de la distinction entre l’office et son possesseur transitoire. Nul doute donc que l’action politique d’Anselme n’ait été guidée par une analyse théologico-politique de l’indignité du ministre et de la validité de son ministère, traditionnellement à l’honneur dans le cas de l’administration des sacrements. On peut donc conclure que l’autorité intellectuelle du maître, indépendamment des charges exercées, nourrit sa réflexion sur la nature du gouvernement épiscopal et lui permet d’avoir une parole dégagée des stratégies politiques les plus immédiates. En retour, le prestige acquis n’est pas sans retombée pratique sur la carrière ecclésiastique du maître. Sans qu’il y ait de confusion, il existe donc pour le moins une connivence entre l’exercice du pouvoir et la parole magistrale.

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Sur le phénomène des violences faites aux évêques, voir M. Soria Audebert, La crosse brisée. Des évêques agressés dans une Église en conflits (royaume de France, fin Xe-début XIIIe siècle), Turnhout, 2005. Guibertus Novigentensis, De vita sua, p. 356-358. « Quia episcopi nomen et insigne habuerat » (Guibertus Novigentensis, De vita sua, p. 356). La traduction par E.-R. Labande de insigne par « dignité » semble inexacte. Le terme s’applique à la forme visible de son pouvoir plutôt qu’à sa nature. Le passage reflète aussi sans doute l’attachement de Guibert à la fonction épiscopale, cfr T. Lemmers, « The Crisis of Episcopal Authority in Guibert of Nogent’s Monodiae », dans Negotiating Secular and Ecclesiastical Power, Western Europe in the Central Middle Ages, éd. A.-J. Bijsterveld, H. Teunis, A. Wareham, Turnhout, 1999, p. 37-50, aux p. 44-45.

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Le pontificat de Barthélemy de Joux (1113-1151) L’apogée de la rencontre entre l’ordre du savoir et celui du pouvoir a lieu lors de l’épiscopat de Barthélemy de Joux (1113-1151)154. Dès 1114, le nouvel évêque confie la charge d’archidiacre à Anselme, couronnant ainsi d’une dignité prestigieuse la carrière administrative du maître. En effet, si le doyen semble avoir à Laon la prééminence au sein du chapitre cathédral, l’archidiacre joue le rôle de premier conseiller et vicaire de l’évêque dans le diocèse155. Ce cumul des charges, observé à la même époque par exemple à Langres, est un facteur de stabilité pour l’évêque et lui permet un meilleur contrôle du chapitre, tout en assurant au doyen-archidiacre une indépendance souvent annonciatrice de l’épiscopat156. À Laon, comme souvent ailleurs, la position dominante des archidiacres se traduit dans la diplomatique par la présence assez générale de leur signum immédiatement après celui de l’évêque157. La promotion d’Anselme à l’archidiaconat donne donc le ton à un épiscopat pendant lequel est reconnue une place politique de choix à un maître alors au faîte de sa notoriété. Le manifeste le plus net de la nouvelle situation se trouve dans l’épître dédicatoire des Moralia Geneseos, écrite par Guibert de Nogent à l’intention de Barthélemy de Joux. Après avoir insisté sur la convenance d’une dédicace à Barthélemy, en notant avec emphase les origines royales du pontife, ses vertus nombreuses, ainsi que la familiarité flatteuse entre le moine et l’évêque, Guibert termine par un éloge qu’il sait agréable à Barthélemy et cite le rôle joué à ses côtés par Anselme et son frère Raoul : Dieu a placé sur une si grande tête deux yeux plus lumineux que les astres, puisqu’à droite tu as Anselme, […] de l’autre côté, Raoul158.

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Cfr S. Martinet, Montloon, p. 21-24, A Saint-Denis, Apogée d’une cité, p. 112-125, A. DufourMalbezin, Actes des évêques de Laon, p. 18-20, A. Saint-Denis, Les miracles de sainte Marie de Laon, Paris, 2008, p. 97-122, et le chapitre II (troisième partie) du présent ouvrage. A. Amanieu, « Archidiacre », dans Dictionnaire de droit canonique, t. 1, 1935, col. 948-1004, paragraphe III « l’archidiacre, prélat rival de l’évêque, du xe au xiiie siècle », col. 962-978, G. Le Bras, Institutions ecclésiastiques, p. 391-394, et plus récemment J. Pycke, Le chapitre cathédral Notre-Dame de Tournai, p. 145-153, avec bibliographie, et R. Favreau, « Archidiacres et actes des évêques de Saintes aux xie et xiie siècles », dans À propos des actes d’évêques. Hommage à Lucie Fossier, éd. M. Parisse, Nancy, 1991, p. 265-275, aux p. 272-274. Voir S. Watanabe, « Les fonctions des archidiacres à Langres aux xie et xiie siècles », dans À propos des actes d’évêques, p. 277-294, aux p. 286-287. C’est le cas, avec des exceptions dues notamment à la présence de prélats étrangers au diocèse, dès l’épiscopat d’Élinand, cfr par exemple les actes 25, 31, 33, 35, 38, 40. « Indidit tanto Deus capiti duos oculos sideribus clariores, dum a dextris habes Ansellum […], altrinsecus Radulfum » (éd. R. B. C. Huygens, La tradition manuscrite de Guibert de Nogent, Steenbrugis, 1991, p. 83). L’importance du passage est relevée dès les bénédictins de l’Histoire littéraire de la France, PL, 162, col. 1179B.

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On ne saurait trop insister sur la présentation que Guibert donne du fonctionnement du diocèse selon la métaphore organiciste. Le diocèse, en raison d’une intervention directe de la providence divine, forme donc un corps dont la tête est l’évêque et les deux yeux, Anselme et Raoul. L’image oculaire, traditionnelle dans le droit canon pour désigner les principaux représentants du presbyterium auprès de l’évêque159, se colore ici d’un prestige intellectuel sur lequel il faudra revenir160. D’Élinand à Barthélemy, l’aura intellectuelle d’Anselme le mène du cancellariat à la plus haute des dignités capitulaires. Il était la main de l’évêque, le voici devenu son œil. Le légitimisme d’Anselme est par conséquent bien récompensé et peut ainsi s’exprimer avec force dans les deux dernières chartes significatives pour notre propos. Le préambule de l’acte 69, datant de 1115, articule les thèmes désormais bien connus de l’unité dans la charité et la foi ainsi que la nécessaire solidarité matérielle et spirituelle qui en découle161. Le préambule de l’acte 77, de 1116, n’est pas moins évocateur d’une ecclésiologie mise en avant avec régularité : les églises locales n’en forment qu’une en esprit et en charité tandis que cette unité implique de se porter un secours mutuel162.

Anselme POST MORTEM Si la carrière d’Anselme illustre le lien fort existant entre un des chanoines et l’évêque, sa mort n’est pas moins évocatrice de l’unité revendiquée au sein du diocèse. En effet, comme c’est la coutume pour les évêques, il arrive que certains dignitaires soient enterrés dans l’abbaye Saint-Vincent, considérée dès le xe siècle comme « second siège de l’évêché de Laon163 ». Selon une tradition sans doute liée à la présence du nom d’Anselme dans l’obituaire, il 159

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Sur l’image des diacres comme oculi episcopi, qui a sa source dans un texte pseudo-isidorien, voir Gratien, Decretum, 93, 6, col. 321, et le commentaire de J. Gaudemet, Le gouvernement de l’Église, p. 314. Cfr le chapitre II (première partie). « Quoniam ecclesiae, quae locis divisae sunt, omnes unitate fidei et caritatis una sunt Ecclesia, debemus tam in spiritualibus quam in corporalibus spiritualium appendiciis invicem communicare, invicem providere et invicem solliciti esse et ubi opportunitas exigit benigni existere » (acte 69, Actes des évêques de Laon, p. 144). « Constat universas ecclesias que toto orbe diffunduntur, uno spiritu vegetari, una caritate a Deo conecti, ut non tam diverse ecclesie quam ejusdem Ecclesie videantur. Hac conjunctionis necessitate quod possumus cum membris nostris sagaciter providere et sollicite subvenire debemus, illis autem maxime quibus ex precedentibus beneficiis aliquatenus debitores sumus » (acte 77, Actes des évêques de Laon, p. 152). Pour l’histoire de l’abbaye, voir R. Wyard, Histoire de l’abbaye de Saint-Vincent de Laon, publiée, annotée et continuée par les abbés Cardon et A. Mathieu, Saint-Quentin, 1858 et la présentation synthétique de R. Poupardin, « Cartulaire de Saint-Vincent de Laon », Mémoires de la Société de Paris et de l’Île-de-France, 29 (1902), p. 173-267, aux p. 173-175.

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semble bien que le maître ait été enterré dans cette église abbatiale164. Or, autant que l’on puisse se fier au relevé effectué par dom Wyard dans la seconde moitié du xviie siècle, la sépulture prestigieuse au sein de l’église était réservée en priorité aux évêques et aux abbés de Saint-Vincent, tandis que les moines devaient se contenter du cloître165. La présence des chanoines n’est donc pas systématique à Saint-Vincent, mais paraît plutôt exceptionnelle. En effet, les indications de dom Wyard permettent de reconstituer comme suit les tombes de Saint-Vincent166. Sur les quelque quarante trois sépultures identifiées ou signalées, trente quatre le sont nommément, les neuf autres seulement par la dignité du défunt. On peut en placer dix-sept avant 1200, et vingt-et-une pour les xiiie-xvie siècles. Les plus nombreux à être ensevelis sont logiquement les abbés de Saint-Vincent avec vingt tombeaux, tandis que les évêques de Laon sont représentés par onze sépultures. La présence ou la mention de seulement trois tombes de chanoines est clairement attestée : à maître Anselme s’ajoutent Étienne de Cour Renaud, chanoine de Notre-Dame et moine de Saint-Vincent ad succurrendum, contemporain d’Enguerran de La Fère dans la première moitié du xiie siècle167, et Guy de Vendeil, sous-diacre de Notre-Dame dont la tombe, en raison de l’inscription en français et de la présence de l’écusson, est plutôt postérieure à 1200168. La faible présence des chanoines rejoint numériquement celle des laïcs, au nombre de sept, avec quatre hommes et trois femmes. Le fait d’ensevelir Anselme à Saint-Vincent n’a, par conséquent, rien d’une évidence et apparaît donc comme hautement symbolique de la place du maître auprès des évêques de Laon. Les éloges funèbres Parmi les témoignages documentant le renom anselmien, il faut aussi compter les différents éloges funèbres qui fixent par écrit une représentation

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R. Wyard, Histoire de l’abbaye, p. 272 : « Le tombeau de maître Anselme, doyen de la cathédrale, est dans une place inconnue de cette église, où il fut mis, l’an 1117, lorsqu’on lui donna sépulture après son décès ». R. Wyard, Histoire de l’abbaye, p. 249-275. Les chiffres donnés ne sont qu’indicatifs compte tenu des détériorations et des difficultés de lecture déjà constatées au xviie siècle par le bénédictin qui, en bien des cas, ne put que signaler les tombes sans les identifier. À la suite de dom Wyard, nous avons aussi intégré les simples mentions de tombes et d’épitaphes. Sur les malheurs connus par l’abbaye depuis l’époque moderne, voir J.-M. Desbrosse, « L’ancienne abbaye Saint-Vincent », L’ami du Laonnois, 33 (2004), p. 5-7. Il y a doute pour savoir s’il s’agit d’Enguerran I ou II, puisque le nom de « La Fère » s’applique à l’un et l’autre, cfr l’index de D. Barthélemy, Les deux âges de la seigneurie banale. Pouvoir et société dans la terre des sires de Coucy (milieu XIe-milieu XIIIe siècle), Paris, 20002, p. 570. La mention situe toutefois bien le personnage avant les années 1150. R. Wyard, Histoire de l’abbaye, p. 268 et 270-271.

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idéale du maître. On attribue ainsi à Marbode de Rennes (ca. 1035-1123) une épitaphe qui, selon la loi du genre, vante les mérites moraux et intellectuels d’Anselme de Laon169 : Le prince des professeurs, la fleur du clergé, la gloire des prophètes, Anselme a suivi un sort inévitable. L’éclat de sa moralité venant d’une vie très chaste avait démontré qu’il était semblable à l’Israélite. Dieu, par l’intermédiaire d’Anselme, a fait comprendre la loi, l’évangile, les psaumes ou tout ce qui était voilé. L’Angleterre, le royaume des Francs, la Pannonie entière, le peuple de Ligurie, la population d’Apulie, la Judée éloignée, auparavant retenus dans les ténèbres de nombreuses erreurs, ont reçu les leçons de cet homme, de belles leçons. Sous sa conduite, une sagesse propice aux études fleurissait. Elle se flétrit maintenant, privée de son docteur. Les travaux de l’art grammatical ont tout à fait péri. Les notions d’Aristote disparaissent, ainsi que la rigueur dans les études. La couleur rhétorique pâlit, ainsi que les causes de Caton. La science naturelle de Platon gît abandonnée. Le nombre est au rabais, l’intérêt pour l’arithmétique est réduit au silence. Privés de leur maître, les droits de la géométrie sont à terre. Assemblée du clergé devenu veuf, pleure ton prophète. Plus personne ne peut dignement défendre tes droits. Ville de Laon, attriste-toi : ton grand prophète est mort, avec lui ont succombé ta louange et tes belles années170.

Il est significatif que le poète, lui-même maître de grand renom, veuille avant tout léguer le souvenir des talents d’exégète qu’Anselme a déployés. En effet, Anselme est un simple instrument (Anselmo mediante) entre les mains de Dieu qui décide de révéler grâce au maître les secrets de l’Écriture. Il est également intéressant que l’évocation de la renommée internationale d’Anselme suive cet éloge. Sa réputation semble s’étendre à l’ensemble du monde occidental et va jusqu’à toucher les terres nouvellement conquises comme la lointaine Judée. Correspondant aux frontières nouvelles du monde chrétien en pleine expansion, l’enseignement d’Anselme présente toutes les garanties 169

Sur l’attribution à Marbode, voir A. Wilmart, « Le florilège de Saint-Gatien. Contribution à l’étude des poèmes d’Hildebert et de Marbode », RB, 48 (1936), p. 3-40, p. 17, n. 1 et p. 38. 170 « Princeps doctorum, flos cleri, gloria vatum,/ Transiit Anselmus per inevitabile fatum./ Hujus honestatis decus ex castissima vita/ Indicium fuerat quantus fuerat Israelita./ Lex, Evangelium, psalmus, seu nube voluta, Anselmo mediante, Deus dedit esse soluta./ Anglia, Francorum regnum, Pannonia tota,/ Gens Liguris, plebs Apuliae, Judaea remota,/ Pluribus errorum tenebris prius illaqueata/ Senserunt documenta viri, documenta beata. Hoc duce, floruerat studio sapientia grata,/ Quae modo marcessit, doctore suo viduata./Artis grammaticae penitus periere labores,/ Cessat Aristotelis species, studiisque rigores./ Rhetoricus color emarcet, causaeque Catonis, Desolata jacet rerum natura Platonis./ Vilescit numerus, silet arithmetica cura,/ Sublato rectore, jacent geometrica jura./ Plange tuum vatem viduati concio cleri/ Non est qui digne valet tua jura tueri./ Urbs Laudunas, dole : cecidit tuus ille poeta,/ Occubere simul tua laus et tempore (sic) laeta » (Carmina varia, 24, PL 171, col. 1722B-1722C), voir aussi la traduction partielle proposée par A. Saint-Denis, Histoire de Laon et du Laonnois, dir. M. Bur, Toulouse, 1987, p. 74.

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d’orthodoxie, puisqu’il a même le pouvoir de combattre l’erreur. À en croire Marbode, Anselme de Laon a brillé dans tous les arts libéraux : il a illustré le trivium en cultivant la grammaire (ars grammatica), la dialectique (Aristotelis species) et la rhétorique (rhetoricus color, causae Catonis), sans oublier les disciplines du quadrivium comme l’astronomie et la musique sans doute représentées par la mention de Platon (rerum natura Platonis), de même que l’arithmétique (numerus, arithmetica cura) et la géométrie (geometrica jura). Une inscription, prévue pour le sommet du tombeau, assure qu’Anselme demeurera sans second dans le royaume de France : La France, qui, d’après mon jugement, surpasse le monde entier, n’aura pas d’homme semblable à Anselme171.

Un hommage, guère plus mesuré, est rendu au défunt maître dans une autre épitaphe éditée à tort parmi les œuvres de Philippe de Harveng († 1183), effectivement apposée sur le tombeau du maître et sans doute due à la plume d’un élève d’Anselme172 : Le très célèbre maître Anselme dort dans ce tombeau, lui qui s’est attiré par toutes les régions du monde une renommée universelle et une gloire universelle en raison d’une foi pure, d’un enseignement plein de succès, de mœurs sérieuses, d’une vie admirable, d’une main généreuse, d’actions prudentes, d’une conversation plaisante, d’une censure vigoureuse, d’une douce correction, de sages conseils, d’un esprit prévoyant, sobre et clément. Mais ces dons que la grâce abondante de Dieu avait accordés, le funeste mois de juillet les a fait disparaître aux ides détestées. Que le grâce dont il a bénéficié vivant, l’accompagne dans la mort173.

Plus que sur le contenu de son enseignement, l’épitaphe insiste sur les qualités morales d’Anselme : le maître est un parangon de mesure et de sagesse. S’il n’est d’évidence pas question de prendre ces éloges littéralement, ils concordent toutefois pour attester que la renommée magistrale s’étend au-delà des limites du diocèse de Laon.

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« Francia, quae totum superat, me judice, mundum,/ Anselmo similem non est habitura secundum » (PL 171, col. 1722D-1723A). Carmina varia, 10, PL 203, col. 1393B et A. Boutemy, « Quelques observations sur le recueil des poésies attribuées autrefois à Philippe de Harvengt, abbé de Bonne-Espérance », RB, 53 (1941), p. 112-118, à la p. 117, n. 5. « Dormit in hoc tumulo celeberrimus ille magister/ Anselmus, cui per diffusi climata mundi/ Undique notitiam contraxit et undique laudem/ Sana fides, doctrina frequens, reverentia morum,/ Splendida vita, manus diffundens, actio cauta,/ Sermo placens, censura vigens, correctio dulcis,/ Consilium sapiens, mens provida, sobria, clemens./ Sed quas larga Dei concessit gratia dotes,/ Idibus invisis dissolvit Julius ater./ Qua vivens viguit, comitetur gratia functum » (dom Wyard, Histoire de l’abbaye, p. 272) quas] quae Wyard functum] fructum Wyard. D’autres variantes minimes entre cinq autres versions imprimées sont signalées par dom Wilmart, « Un commentaire des Psaumes », p. 343, n. 72.

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Trois autres poèmes sur la mort d’Anselme, contenus dans un manuscrit de Dresde, insistent également sur l’universalité de son savoir et de sa réputation174 : Le remarquable docteur, la gloire de la montagne de Laon, Anselme est mort : la montagne se met à pleurer. Il fut citoyen de Jérusalem au milieu de Babylone, en veillant sur les chastes paroles du Seigneur. L’astre des Francs répandit ses rayons sur le monde, il les diffusa en Europe, en faisant fructifier l’Asie. Il apaisa la lutte que se mènent l’ancienne et la nouvelle loi, disert dans le trivium, sage dans le quadrivium. Juillet en mourant réclame pour lui tes ides, alors que la troupe des apôtres s’est séparée175.

Avec des formules différentes et non moins emphatiques, le second poème du manuscrit de Dresde affirme la gloire universelle d’Anselme en même temps que son talent dans les disciplines profanes et sacrées : La gloire de Laon est tombée, le second espoir de Rome, Anselme dont le son a empli terre (cfr Ps. 18, 4) et mer. Le recteur de l’Église, le père de la ville, l’apôtre du monde, par ses soins, ses décisions, son enseignement, sa valeur, son labeur. La logique le fit disert, la physique sage, l’éthique moral en parole, raison et mesure. En toute terre son nom est connu, lui qui releva de sel les plats de la table divine. Alors que juillet amenait aux ides son talent et sa vie, il le sépara des siens pour toi, Vincent, pieux martyr176.

La pièce fait d’Anselme une figure apostolique de façon explicite (apostolus orbis) ou plus subtilement, avec la réminiscence d’un verset psalmique traditionnellemnt appliqué dans la liturgie aux apôtres. Est également remarquable la mention de Vincent en référence au lieu de sépulture d’Anselme, ce qui indique sans doute l’origine locale du poème. La dernière poésie fait parler la ville ou l’école de Laon en une prosopopée funèbre sur le thème de l’enfant mort prématurément avant sa mère :

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Les trois pièces n’ont pas été étudiées, à ma connaissance, depuis leur édition par Herschel, « Hildebert von Tours », Serapeum, 16 (1855), p. 237-239, d’après le manuscrit Dresden, Sächsische Landesbibliothek, Dc. 171a, cfr Katalog der Handschriften der Sächsischen Landesbibliothek, t. 1, Dresde, 1979, p. 330-331. « Egregius doctor, Laudini gloria montis,/ occidit, Anselmus : mons abit in lacrimas./ Civis Jerusalem fuit in media Babylone,/ Invigilans castis eloquiis Domini./ Sidus Francorum radios effudit in orbem,/ Sparsit in Europa, fructificans Asiae./ Sedavit litem quam lex vetus et nova pugnant,/ Facundus trivio, quadrivio sapiens./ Juli quinte tuas moriens sibi vindicat idus,/ Cum se divisit coetus apostolicus » (éd. Herschel, p. 237). « Gloria Laudini cedidit, spes altera Romae,/ Anselmus, cujus sonus implevit mare, terram./ Ecclesiae rector, pater urbis, apostolus orbis,/ Cura, consilio, doctrina, Marte, labore./ Logica facundum, sapientem physica fecit,/ Ethica moratum lingua, ratione modoque./ Omnibus in terris ejus nomen celebratur/ Qui sale condivit divinae fercula mensae./ Cum studium, vitam Juli traxisset ad idus,/ Se sua divisit tibi, Vincenti, pie martyr » (ibidem).

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Je mis au monde Anselme, lui qui devait devenir plus grand que sa mère, j’instruisis cet enfant, en donnant à ce débutant les rudiments. Une fois devenu sage en puisant à la fontaine de Minerve, il prit soin de sa mère et guida cette vieille femme. Je me trainais enfin avec un bâton à cause d’une vieillesse languissante, nous vécûmes tous deux durablement, mais lui un peu moins. Lui longtemps, mais moi deux fois seulement, nous eûmes les tempes plus ou moins couvertes de cheveux blancs en l’honneur de ce vieillard. Il précéda le lion en capricorne au quatrième soleil ; moi qui aurais dû mourir la première je vais le suivre le jour suivant177.

Une dernière épitaphe contemporaine, sans doute composée vers 11181119 à l’abbaye de Saint-Bertin178, nous est seulement connue d’après un fragment manuscrit : Ci-gît Anselme désormais réduit en cendres. Son enseignement emplit tout le monde latin de sa bonne odeur, en expliquant et en enseignant les saintes Écritures au nom du Seigneur. Alors que cet astre brillait d’une lumière diffuse, il a disparu le jour où finissent les ides de juillet179.

On relève encore une égale insistance sur la renommée du maître et le succès de son enseignement scripturaire à l’échelle du monde latin. À ces témoignages sans doute contemporains de la disparition d’Anselme, on peut ajouter une autre mention plus tardive. En effet, dans la marge d’un manuscrit contenant le Verbum abbreviatum, un verset biblique cité par le texte (Rom. 10, 10) est identifié comme epitaphium magistri Anselmi180. Dans ce passage où Pierre le Chantre critique les silences coupables, le souvenir d’Anselme est associé à la proclamation opportune de la foi181. Étant donné l’importance du souvenir que maître Anselme a laissé dans le milieu scolaire

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« Anselmum peperi majorem matre futurum,/ Instruxi puerum, dans elementa rudi./ Vir factus sapiens exhausto fonte Minervae,/ Suscepit curam matris, anus regimen./ In baculo repsi tandem languenta senecta,/ Ambo vicaces viximus, ille minus./ Ille diu sed ego bis tantum plusve minusve/ Tempora jam canis sparsit honore senis./ Praecessit quarto capricorno sole leonem,/ Quem moritura prior luce sequente sequor » (ibidem, p. 237-238). A. Derolez, « Le Liber Floridus et l’énigme du manuscrit Cotton Fragments vol. 1 », Mittellateinisches Jahrbuch, 17 (1982), p. 120-129, aux p. 126-128. « Hic jacet Anselmus nunc in cinerem resolutus,/ Cujus doctrina climata cuncta Latina/ Exponendo sacras scripturas atque docendo/ [In] Domini nomen preciosum fudit odorem./ Hoc dum fulgeret diffuso lumine sidus,/ Abstulit ille dies quo Julii exiit idus » (éd. A. Derolez, « Le Liber Floridus », p. 129). L’épitaphe est reprise au xive siècle dans la chronique de Saint-Bertin rédigée par Jean Le Long d’Ypres († 1383), éd. O. Holder-Egger, Hanovre, 1880 (MGH, Scriptores 25), p. 788, l. 16-21, mais avec une attribution fautive à Anselme de Cantorbéry. J. W. Baldwin, Masters, Princes and Merchants, t. 1, p. 153 et t. 2, p. 106 pour le manuscrit Bibliothèque Mazarine, 773, fol. 75v. « Et Apostolus : corde creditur ad justiciam, ore autem confessio fit ad salutem (Rom. 10, 10) tempore et loco » (Verbum adbreviatum, 1, 60, p. 411, l. 111-113).

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jusques et y compris chez Pierre le Chantre, cette mention équivaut, semblet-il, à une sorte d’adage scolaire appliqué à maître Anselme. Les chroniques La mort d’Anselme est également rappelée par certains chroniqueurs qui fixent ainsi pour la postérité l’image du maître. Œuvre savante écrite en latin, la chronique appartient à un genre prestigieux qui ambitionne de raconter une histoire universelle182. Les chroniques fleurissent en France du xiie siècle au début du xive siècle dans la dépendance de la célèbre chronique de Sigebert de Gembloux († 1111). Sans se limiter à la seule narration des faits politiques, elles font également bon accueil aux maîtres les plus renommés. Il n’est donc pas insignifiant qu’Anselme de Laon y soit fréquemment cité. Le maître apparaît mentionné pour la première fois dans une continuation de la chronique de Sigebert. Effectuée dès 1149 dans le monastère d’Affligem, situé au diocèse de Cambrai entre les vallées de la Dendre et de la Senne183, le remaniement signale la fécondité de l’enseignement d’Anselme ainsi que sa nombreuse postérité intellectuelle : L’an 1101 : Anselme de Laon, docteur des docteurs, est tenu en grande estime. Il n’a pas travaillé pour lui seul, mais en instruisant un grand nombre pendant sa vie, il a rendu heureux, après sa mort, ses descendants qu’il a enrichis de ses écrits184.

Une autre continuation de la chronique de Sigebert nous transmet également le souvenir d’Anselme. Rédigée vers 1160 par un chanoine prémontré de Saint-Martin de Laon, elle fournit de précieux renseignements sur l’activité pédagogique de l’écolâtre : L’an 1117, mort d’Anselme, maître très renommé de la ville de Laon, célèbre par sa connaissance des lettres, homme vénérable par ses mœurs honnêtes et ses décisions réfléchies. Par un effort utile et un soin diligent, parmi d’autres œuvres, il a disposé avec une brièveté choisie des gloses marginales et interlinéaires sur le psautier à partir des commentateurs faisant autorité185. 182

M. Chazan, L’Empire et l’histoire universelle de Sigebert de Gembloux à Jean de Saint-Victor (XIIesiècle), Paris, 1999, p. 15-24. P. Gorissen, Sigeberti Gemblacensis Chronographiae Auctuarium Affligemense, Bruxelles, 1952 et M. Chazan, L’Empire et l’histoire, p. 320. « 1101 : Anselmus Laudunensis, doctor doctorum, preclarus habetur. Qui non sibi soli laboravit, sed et in vita sua multos erudiens, post mortem posteros beatos fecit, quos scriptis suis ditavit » (Auctarium Affligemense, éd. L. C. Bethmann, Hanovre, 1864 (MGH, Scriptores 6), p. 400, l. 13-15, remplacée par l’édition de P. Gorissen, Sigeberti Gemblacensis Chronographiae, p. 119). « 1117 : Anselmus, Laudunice civitatis magister nominatissimus, litterarum scientia clarus, vir morum honestate et consilii maturitate venerabilis, obit. Qui utili studio et sollerti industria, inter cetera opera sua, etiam in psalterio glosas marginales atque interliniales de XIV e

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Cette version laonnoise est utilisée peu après par un autre prémontré Robert de Saint-Marien d’Auxerre († 1212)186 qui la complète de nouveaux renseignements : En outre, il a expliqué, en les éclaircissant d’une manière similaire, les épîtres de Paul et d’autres livres des deux testaments. Il a consacré jusqu’à sa vieillesse sa sueur à les expliquer et à les gloser en suivant les écrits des anciens Pères187.

Selon les deux prémontrés, Anselme acquiert son renom grâce à sa science de l’Écriture et à la manière dont il l’enseigne. Le maître se spécialise ainsi dans un enseignement glosé de la Bible qui consiste à mettre en ordre des sentences patristiques autour du texte sacré188. Grâce à cette pratique de longue haleine (sollerti industria, usque in senium desudavit), il rend accessible sous une forme abrégée l’héritage patristique et s’attire l’éloge de la plus haute autorité ecclésiastique : On rapporte que le pape Eugène a dit de lui que Dieu l’avait suscité pour empêcher que l’Écriture ne périsse. Appelé plusieurs fois à la dignité pontificale, il n’accepta en aucune manière. […] Son frère Raoul brilla également d’une sagesse non négligeable. Grâce à eux, en effet, mais surtout grâce à Anselme, l’éclat des lettres et la compréhension des Écritures refleurirent en grande partie189.

Le compliment décerné par Eugène III (1145-1153) est significatif à plus d’un titre : il vient chronologiquement une trentaine d’années après la mort du maître et atteste ainsi la réputation d’Anselme jusqu’à la mi-xiie siècle. En outre, émanant d’un ancien moine de Clairvaux, il signifie l’accord établi post mortem autour du nom anselmien, aussi bien de la part des écoles que du cloître. Anselme et, dans une mesure moindre, son frère Raoul apparaissent

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auctenticis expositoribus elimata abreviatione ordinavit » (Continuatio Praemonstratensis, p. 448, l. 15-18). Cette continuation prémontrée intègre une mention de l’Auctarium Laudunense : « 1117 : Magister Anselmus obiit Idus Julii, die dominica » (Auctarium Laudunense, p. 445, l. 32). M. Chazan, L’Empire et l’histoire, p. 333-334. « Epistolas quoque Pauli et alias utriusque testamenti scripturas pari modo dilucidando exposuit et in eis exponendis atque glosandis juxta antiquorum patrum scripta usque in senium desudavit » (Roberti canonici S. Mariani Autissiodorensis Chronicon, éd. O. HolderEgger, Hanovre, 1882 (MGH, Scriptores 26), p. 230, l. 21-24). Les témoignages ont été utilisés par Beryl Smalley pour montrer l’origine anselmienne de certains livres glosés, cfr « Gilbertus Universalis Bishop of London (1128-1134) and the Problem of the Glossa Ordinaria II », RTAM, 8 (1936), p. 24-60, aux p. 30-31. « De quo dixisse fertur Eugenius papa quia Deus spiritum ejus suscitaverit, ne Scriptura periret. Ad pontificales cathedras pluries vocatus, nullatenus acquievit. […] Hujus frater Radulfus non mediocri quoque sapientia clarus enituit. Per hos enim, sed precipue per Anselmum, magna ex parte reviruit litteralis sciencie decus et intelligentia Scripturarum » (Roberti canonici S. Mariani Autissiodorensis Chronicon, p. 230, l. 24-25 et 38-40). La chronique intercale l’épitaphe Dormit in hoc tumulo dans le passage coupé.

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ainsi comme les acteurs d’un renouveau scripturaire de grande ampleur. D’ores et déjà, il faut remarquer la double note qui caractérise Anselme : homme de la continuité qui inscrit son enseignement dans la tradition des Pères, il agit aussi en restaurateur des études, notamment bibliques. L’intérêt pour Anselme est aussi présent chez les continuateurs cisterciens de Sigebert. Rédigée entre 1211 et 1223190, la chronique d’Hélinand de Froidmont se borne à rappeler la célébrité d’Anselme et de son frère : À cette époque (sc. 1115) fleurissaient à Laon en France maître Anselme et son frère Raoul191.

Plus explicite, le cistercien Aubri de Trois-Fontaines, dans sa chronique rédigée entre 1227 et 1240192, reprend Hélinand et mentionne la part de deux frères dans la constitution de la Glose et leur associe le nom de Guillaume de Champeaux : À cette époque (sc. 1115), comme le dit Hélinand, fleurissaient à Laon en France le très renommé maître Anselme, qui le premier fit une glose discontinue interlinéaire et marginale, ainsi que son frère Raoul et le fameux maître théologien et évêque de Châlons, maître Guillaume193.

Environ un siècle après sa mort, le souvenir d’Anselme de Laon ne s’est donc pas perdu. Épitaphes et chroniques font entrer la renommée du maître dans l’histoire selon quelques grands traits distinctifs. Sans négliger la part de convention qui s’attache à ces témoignages, on peut rappeler les caractéristiques les plus récurrentes. Anselme apparaît comme l’homme de la modération tant en raison de ses mœurs que de son enseignement. Ce dernier porte avant tout sur la Bible dont Anselme a été l’exégète fidèle autant que novateur. Continuateur des Pères, Anselme est également à l’origine d’une tradition scolaire au rayonnement international. Une première approche du rôle joué par Anselme dans son diocèse n’a pas été sans intérêt pour mieux comprendre la figure magistrale. C’est sa maîtrise de l’écrit qui explique son accession à la charge de chancelier, tandis que son rôle de conseiller épiscopal est analysé en termes de prestige intellectuel par Guibert de Nogent. Le lien ainsi établi entre un maître et le gouvernement épiscopal demeure toutefois régi par une distance qui pré190 191

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M. Chazan, L’Empire et l’histoire, p. 350-360. « Igitur hoc tempore (sc. 1115) florebant in Francia apud Laudunum ille magister Anselmus et frater ejus Radulphus » (Helinandus Frigidimontis, Chronicon, l. 48, PL 212, col. 1017C). M. Chazan, L’Empire et l’histoire, p. 360-369. « Hoc tempore (sc. 1115), ut ait Elinandus, florebant in Francia apud Laudunum nominatissimus ille magister Anselmus, qui glosaturam interlinearem seu marginalem interruptam primus exhibuit, et frater ejus Radulfus, et ipse magister theologus et Cathalaunensis episcopus magister Guilelmus » (Chronica Albrici monachi Trium Fontium, éd. P. SchefferBoichorst, Hanovre, 1874 (MGH, Scriptores 23), p. 820, l. 40-43).

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serve la nature même de l’autorité intellectuelle reconnue à Anselme. Au nom d’un idéal épiscopal élevé, il combat puis honore Gaudry envers et contre tous. Malgré les pressions générales de son entourage, il refuse aussi l’épiscopat tout en étant enseveli auprès des évêques qu’il a servis. Une telle relation au pouvoir, à la fois proche et distante, est le fruit d’une fréquentation lucide des grands194 ainsi que de l’imprégnation de l’ecclésiologie exigeante en honneur à la chancellerie. Elle rapproche l’autorité du maître de l’exercice du pouvoir sans la laisser se confondre avec ce dernier. L’absence patente d’ambition personnelle s’explique sans aucun doute par le sérieux avec lequel Anselme a considéré son rôle de maître. Plaçant l’explication de l’Écriture avant toute réussite personnelle, Anselme semble s’être effacé devant sa fonction magistrale. Cette modestie ne demeure toutefois pas sans récompense puisque la seule activité scolaire d’Anselme lui vaut une réputation des plus flatteuses. Les éloges funèbres et les chroniqueurs ont, en effet, entériné cette interprétation en faisant d’Anselme le type même du maître célèbre. La réputation magistrale est donc un élément important pour comprendre Anselme et assure au maître un prestige qu’il convient d’apprécier.

Anselme de Laon et son œuvre195 La reconstitution de la figure d’Anselme implique également de s’intéresser à son œuvre considérée sous l’angle de l’identité du maître et de sa perception196. Comme pour beaucoup d’auteurs médiévaux, le terrain à défricher est vaste, le sol à fouler notablement instable197 : en effet, comme rares sont les ouvrages d’Anselme dont l’authenticité puisse être affirmée de manière indubitable, il faut se tourner vers les ressources offertes par la critique d’attribution198. Or, les critères externes susceptibles d’aider à l’attribution des 194

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Voir ainsi la notation de Guibert lors de la rencontre avec la curie : « Ipse vero magister, altiori intuitu ambitione palatinorum inspecta, non dico domini papae, clavam Herculi extorquere de manu difficile duxit » (Guibertus Novigentensis, De vita sua, p. 290). Le détail de la critique d’attribution est donné dans une notice à paraître dans la refonte de l’Histoire littéraire de la France publiée par l’Académie des inscriptions et belles-lettres. Pour rédiger cette section, j’ai bénéficié de la générosité de Riccardo Quinto qui m’a communiqué sa notice sur l’école de Laon à paraître dans la refonte de F. Ueberweg, Grundriß der Geschichte der Philosophie. Ainsi dans la notice « Anselmus Laudunensis schol. » de C. Heitzmann et C. Verri, dans Compendium Auctorum Latinorum Medii Aevi (500-1500), t. I-3, éd. M. Lapidge, G. C. Garfagnini, C. Leonardi, Florence, 2001, p. 292-294, sur les quatorze œuvres retenues, neuf le sont-elles de manière dubitative. Voir les « quelques remarques de méthode » de P. Nautin, Le dossier d’Hippolyte et de Méliton dans les florilèges dogmatiques et chez les historiens modernes, Paris, 1953, p. 131-135 et les principes méthodologiques proposés par F. Dolbeau, « Critique d’attribution, critique

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œuvres sont très faibles et ambigus, tandis que la longueur et la diversité des ouvrages rendent la critique interne difficile et décourageante. Au jeu des attributions qui s’apparente souvent à celui des devinettes, quelques générations successives d’érudits ont consacré d’importants efforts mais qui ont rarement permis d’aboutir à des réponses assurées199. Pour être résolus de manière satisfaisante, les problèmes d’attribution exigent au préalable de véritables éditions critiques et une étude complète des traditions directe et indirecte. Plutôt que de renoncer devant l’ampleur de la tâche, on a choisi de proposer un état critique de la recherche faisant le partage entre les points assurés et les simples hypothèses de travail. La reprise des éléments favorisant ou non l’attribution à Anselme d’œuvres profanes et bibliques est également le moyen de poser sur le terrain littéraire la question de l’autorité magistrale déjà examinée à partir des chartes laonnoises et des sources historiques. Bien souvent notre désir contemporain d’attribuer et de nommer l’auteur se heurte non seulement à des lacunes documentaires ou éditoriales qui pourraient être comblées un jour, mais aussi et sans doute davantage à un ensemble de pratiques médiévales qui ne correspondent pas à notre conception de la production littéraire200. En effet, dans les écoles du xiie siècle, les auctores ne sont pas les maîtres contemporains, mais les écrivains classiques et patristiques jouissant d’une auctoritas et dont les œuvres font référence201. Il apparaît donc difficile de trouver dans les textes scolaires une théorie de l’autorité magistrale, dès lors que les seuls discours explicites sur l’auteur et l’autorité ne valent pour les auctores canoniques. À défaut, il faut déterminer la manière dont les maîtres sont identifiés, les niveaux d’identification auxquels les médiévaux sont sensibles et dont ils se donnent la peine de garder la trace écrite et ceux auxquels, soit par manque d’intérêt soit en raison d’une mémorisation orale, ils paraissent ne pas avoir prêté attention. Notre approche, qui prend en compte

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d’authenticité. Réflexions préliminaires », Filologia mediolatina, 6-7 (1999-2000), p. 33-61, repris et augmenté dans Sanctorum societas. Récits latins de sainteté (IIIe-XIIe siècles), Bruxelles, 2005, t. 1, p. 3-32. L’annonce ambitieuse par Franz Bliemetzrieder d’une solution globale au problème n’a jamais été suivie d’effet, mais les termes méritent d’en être rappelés : « des grandes œuvres de la théologie ou de l’exégèse lui [sc. Anselme] ont été attribuées, bien qu’elles n’aient pas été composées par lui, mais par ses disciples. J’en ai établi la preuve dans une étude fondamentale, encore manuscrite, qui détermine toute la filiation des commentaires exégétiques dans cette école. Par là est résolue la question séculaire de l’auteur du commentaire du Cantique des cantiques, de l’évangile selon S. Matthieu et de l’Apocalypse », « Encore la lettre d’Anselme de Cantorbéry sur la Cène », RTAM, 3 (1931), p. 423-429, à la p. 425. Voir ainsi les divers états textuels, comme le remaniement ou l’interpolation, évoqués par F. Dolbeau, « Critique d’attribution », p. 47. A. J. Minnis, Medieval Theory of Authorship : Scholastic Literary Attitudes in the Later Middle Ages, Londres, 1984, p. 10-12.

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successivement les commentaires profanes et bibliques attribués à Anselme de Laon, permet d’étudier la diffusion du nom magistral et d’en mieux comprendre la portée dans le temps et l’espace. Anselme de Laon et les arts libéraux Il semble logique qu’Anselme ait enseigné les arts libéraux, notamment le trivium. Une donnée, communément admise par les historiens de l’enseignement, veut que l’apprentissage de la langue latine se fasse à partir de la lectio, c’est-à-dire du commentaire suivi des auteurs classiques202. Il y a donc lieu de supposer que dans une école cathédrale où sont reçus de jeunes clercs, la première étape de la formation consiste dans la lectio des textes de l’antiquité classique, exercice qui correspond à l’apprentissage des rudiments du latin et à sa maîtrise selon les normes du style le plus pur (grammatica). Les travaux de Birger Munk Olsen ont permis de reconstituer l’usage scolaire des auteurs anciens et de mieux comprendre les effets de mode et d’utilisation de textes classiques203. Une chronologie de la copie existe, de même que des temps forts bien marqués dans l’appropriation d’une œuvre par le milieu des écoles204. Ainsi, tandis que Virgile garde aux xie-xiie siècles une importance héritée de l’époque carolingienne, le xie siècle voit Horace prendre la première place pour les manuscrits conservés, suivi de Juvénal et Perse. Au xiie siècle, la percée de Salluste et Lucain s’accompagne des progrès de la Thébaïde de Stace205. Il serait donc fructueux de retrouver d’authentiques commentaires anselmiens d’œuvres profanes qui prendraient place au sein d’un mouvement maintenant bien connu. De fait, l’attribution de commentaires d’œuvres classiques à Anselme de Laon repose sur l’analyse d’un important manuscrit de Berlin qui renferme trois commentaires lemmatiques continus sur des œuvres de Virigile (Églogues, Géorgiques, Énéide) ainsi qu’un commentaire à la

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Voir la synthèse, avec bibliographie, de S. Reynolds, Medieval Reading : grammar, rhetoric and the classical text, Cambridge, 1996, ainsi que les études de B. Bischoff, « Living with the Satirists », dans Mittelalterliche Studien, t. 3, Stuttgart, 1981, p. 260-270 et A. Scaglione, « The Classics in Medieval Education », dans The Classics in the Middle Ages, éd. A. Bernardo, S. Levin, Binghamton, 1990, p. 343-362. Cfr G. Glauche, Schullektüre im Mittelalter. Entstehung und Wandlungen des Lektürekanons bis 1200 nach den Quellen dargestellt, Munich, 1970, aux p. 101-127 pour le xiie siècle et B. Munk Olsen, « La popularité des textes classiques entre le ixe et le xiie siècle », Revue d’histoire des textes, 14-15 (1986), p. 169-181, repris dans La réception de la littérature classique au Moyen Âge (IXe-XIIe siècle), Copenhague, 1995, p. 21-34. Voir la répartition des œuvres par siècles fournie par B. Munk Olsen, I classici nel canone scolastico altomedievale, Spolète, 1991, p. 117-122. B. Munk Olsen, « L’étude des textes littéraires classiques dans les écoles pendant le haut Moyen Âge », dans Itinerari dei testi antichi, éd. O. Pecere, Rome, 1991, p. 105-114, aux p. 105106.

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Thébaïde de Stace206. Les différentes études sur ces commentaires de l’Énéide et de la Thébaïde ont amplement prouvé que ces productions scolaires concurrencent respectivement les commentaires tardo-antiques de Servius et du pseudo Lactance Placide207. Nous sommes donc en présence de textes à destination scolaire dont l’ampleur et la qualité orientent vers un centre intellectuel de premier ordre. Or, l’attribution à Anselme de Laon du commentaire sur l’Énéide ne repose que sur une glose citant un magister Ansellus208. Même si l’idenfication dans un commentaire du xiie siècle d’un « maître Anselme » avec Anselme de Laon est tout à fait plausible, un problème demeure : la référence faite à Anselme dans une glose permet au mieux d’affirmer une filiation directe ou indirecte du commentaire sur l’Énéide par rapport à Anselme de Laon, mais certainement pas d’en faire l’auteur de ce texte. Il n’est donc pas non plus possible d’étendre le nom d’Anselme aux autres commentaires conservés dans le même manuscrit. Nous pensons ainsi pouvoir récuser avec fermeté l’authenticité anselmienne de ces commentaires, généralement considérée par les spécialistes comme probable209 ou seulement douteuse210. On peut, en outre, rapprocher d’Anselme de Laon deux commentaires grammaticaux portant sur les Institutiones grammaticae de Priscien. Il s’agit des Glosule super Priscianum, auxquelles est associée une autre œuvre qui en dépend, les Note Dunelmenses211. Les Glosule se présentent comme un texte assez mystérieux, car les gloses, souvent incomplètes, sont le plus souvent anonymes, sauf par exemple pour citer un magister Anselmus et un Lanfredus. De même, les Note Dunelmenses, un peu moins avares de références, puisqu’el206

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Berlin, Staatsbibliothek zu Berlin, lat. fol. 34, respectivement aux fol. 27ra-85va (Virgile) et 86ra-113vb (Stace). Sur toute cette question, voir l’article fondamental de V. de Angelis, « I commenti medievali alla Tebaide di Stazio : Anselmo di Laon, Goffredo Babione, Ilario d’Orléans », dans Medieval and Renaissance Scholarship, Proceedings of the Second European Science Foundation Workshop on the Classical Tradition in the Middle Ages and the Renaissance (London, Warburg Institute, 27-28 November 1992), éd. N. Mann, B. Munk Olsen, Leyde - New York - Cologne, 1997, p. 75-136. Voir, pour Virgile, C. Baswell, Virgil in Medieval England. Figuring the Aeneid from the Twelfth Century to Chaucer, Cambridge, 1995, p. 63-68 et, pour Stace, V. de Angelis, « I commenti medievali », p. 94-95 avec liste provisoire des manuscrits. « [C]onticuere omnes etc. Hic respirat auctor, hoc dicebat magister Ansellus : duabus de causis fiunt distinctiones in libris : propter fastidium vitandum et ut preterita ad memoriam reducantur » (Berlin, SBB, fol. 47rb). Le catalogueur Valentin Rose est le premier, dans sa notice, à avoir mis en rapport cette mention avec Anselme de Laon, cfr « Dies weist deutlich auf Anselmus (scholasticus Laudunensis oben 61, 1, † 1117) und die Schule von Laon », Die Handschriften-Verzeichnisse der königlichen Bibliothek zu Berlin, t. 2, 3, Berlin, 1905, p. 1304-1308, à la p. 1306. B. Bischoff, « Living with the Satirists », p. 261. G. Lobrichon, « Anselme de Laon », p. 74. Leur inventeur est R. W. Hunt, « Studies on Priscian in the Eleventh and Twelfth Centuries », Mediaeval and Renaissance Studies, 1 (1943), p. 194-231, repris dans The History of Grammar in the Middle Ages. Collected Papers, éd. G. L. Bursill-Hall, Amsterdam, 1980, p. 1-38.

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les citent notamment le texte des Glosule, signalent entre autres un m. g., un magister Anselmus et un magister Menegaldus212. Il est tentant de retrouver derrière les différentes initiales ou les noms, les maîtres Guillaume de Champeaux, Anselme de Laon et Manegold de Lautenbach. Sauf le cas du « maître Guillaume » qui est probablement Guillaume de Champeaux213, l’identification est, en l’état, des plus incertaines214. De même que pour le commentaire sur l’Énéide, le rapprochement avec Anselme de Laon, s’il était avéré, ne signalerait pas l’origine du texte, mais sa dépendance relative par rapport à l’enseignement laonnois. Enfin, l’attribution à Anselme de Laon de Derivationes verborum ne repose sur aucun fondement solide215. De même que pour la grammaire, l’enseignement de la rhétorique à cette époque se fait à partir de textes faisant autorité, le plus souvent le De inventione de Cicéron et la Rhetorica ad Herennium216. Parmi les commentaires d’œuvres rhétoriques datés de la seconde moitié du xie siècle et du début du xiie siècle217, deux ouvrages du même auteur se signalent à l’attention en raison de leur lien avec Laon218. Il s’agit du commentaire In primis au De inventione conservé dans six manuscrits, et de l’Etsi cum Tullius à l’Ad Herennium connu par cinq témoins dont quatre sont communs avec l’In primis219. Les ressources de la critique externe et de la tradition indirecte ont permis à Margareta Fredborg 212 213

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R. W. Hunt, « Studies on Priscian », p. 16-17. On possède notamment le témoignage d’Abélard sur la lecture faite par Guillaume de Priscien (Petrus Abaelardus, Historia calamitatum, p. 67, l. 137-139), et un certain nombre de recoupements assez solides de critique interne, voir C. J. Mews, « Logica in the Service of Philosophy : William of Champeaux and his Influence », dans Schrift, Schreiber, Schenker. Studien zur Abtei Sankt Viktor in Paris und den Viktorinern, dir. R. Berndt, Berlin, 2005, p. 77117, aux p. 89-105. Une équipe internationale de chercheurs fédérés par Irène Rosier-Catach tente de faire le point sur ces questions en fournissant des textes établis de manière critique. L’attribution était proposée par M. Manitius, Geschichte der lateinischen Literatur, t. 3, p. 238 et a été réfutée dans la notice de München, Bayerische Staatsbibliothek, Clm 4594 par G. Glauche, Katalog der lateinischen Handschriften der Bayerischen Staatsbibliothek München. Die Pergamenthandschriften aus Benediktbeuern Clm 4501-4663, Wiesbaden, 1994, p. 154-155. Voir J. O. Ward, Ciceronian Rhetoric in Treatise, Scholion and Commentary, Turnhout, 1995, p. 105-167 et, avec bibliographie, M. Camargo, « Defining Medieval Rhetoric », dans Rhetoric and Renewal in the Latin West 1110-1540. Essays in Honour of John O. Ward, éd. C. J. Mews, C. J. Nederman, R. M. Thomson, Turnhout, 2003, p. 21-34. Cfr M. Dickey, « Some Commentaries on the De inventione and Ad Herennium of the Eleventh and Early Twelfth Centuries », Mediaeval and Renaissance Studies, 6 (1968), p. 1-40, aux p. 2-8 et J. O. Ward, ibidem. L’édition de ces commentaires est annoncée par John O. Ward and Juanita Feros Ruys pour le Corpus Christianorum. M. Dickey, « Some Commentaries on the De inventione », p. 4-7 et les précisions de K. M. Fredborg, « The Commentaries on Cicero’s De inventione and Rhetorica ad Herennium by William of Champeaux », Cahiers de l’Institut du moyen-âge grec et latin, 17 (1976), p. 1-39, aux p. 1-4.

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de rendre ces textes à Guillaume de Champeaux220. Parmi les cinq critères internes avancés pour affirmer cette identification, deux prennent un relief particulier. Tout d’abord, une série de notations localisent In primis dans la ville de Laon. L’auteur signale, en effet, la possibilité de « lire » (legere), c’està-dire commenter, Priscien et la rhétorique à Laon en l’espace d’un an221, ainsi que le grand nombre d’étudiants qui viennent y étudier222 et la longueur du voyage de Laon à Paris223. De plus, les diverses références à la politique de réforme ecclésiastique menée par Urbain II contre la simonie orientent vers la fin du xie siècle et une province sensible au mouvement réformateur comme celle de Reims224. En outre, dans ce contexte laonnois, sont citées à plusieurs reprises les opinions de maître Anselme et maître Manegold. Selon toute probabilité, il faut voir dans ce maître Anselme Anselme de Laon. Cela implique donc qu’Anselme de Laon a commenté le De inventione de Cicéron et peut-être l’Ad Herennium devant Guillaume de Champeaux225 et que, d’après Guillaume, cet enseignement de rhétorique a pu ne durer qu’une année. Les citations de Guillaume supposent une prise de notes et leur réutilisation dans son propre commentaire, sans que l’on sache si Anselme a pris soin de faire mettre par écrit son enseignement. Grâce à Guillaume, on a toutefois l’écho de l’enseignement d’Anselme qui est documenté par cinq positions doctrinales en matière rhétorique226. La tradition indirecte rend donc l’hypothèse de lectiones sur Virgile, le De inventione et la Rhetorica ad Herennium très plausible, sans que leur mise par écrit soit attestée. L’enseignement du trivium à Laon devait donc consister avant tout dans la grammaire et la rhétorique, ce qui correspond bien au témoignage d’Abélard qui insiste sur les qualités rhétoriques d’Anselme227. Il est notable que rien ne vienne confirmer un enseignement du quadrivium pourtant indiqué, mais sans doute de manière conventionnelle, par Marbode de Rennes dans son éloge funèbre.

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K. M. Fredborg, « The Commentaries on Cicero’s De inventione », p. 5-14. « Vere potuit legere Priscianum et rhetoricam Lauduni, quia fuit ibi per annum » (K. M. Fredborg, « The Commentaries on Cicero’s De inventione », p. 20). Cfr le chapitre II (première partie). « A Lauduno usque Parisius […] a mane usque ad primam Suessonis venit, a prima usque ad nonam Silvanectis, a nona usque ad vesperam Parisius venit » (K. M. Fredborg, « The Commentaries on Cicero’s De inventione », p. 13, n. 38, texte complet cité par M. Dickey, « Some Commentaries on the De inventione », p. 13, n. 4). Voir les passages indiqués par K. M. Fredborg, « The Commentaries on Cicero’s De inventione », p. 4, de même que ceux opposant les Francigenae aux habitants d’Angers ou aux Lombards (M. Dickey, « Some Commentaries on the De inventione », p. 13-14). L’Ad Herennium ne contient apparemment qu’une référence à Anselme. K. M. Fredborg, « The Commentaries on Cicero’s De inventione », p. 31-32. Cfr le chapitre II (première partie).

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Anselme de Laon et la Bible228 Les chroniques du xiie siècle insistent particulièrement sur le rôle pionnier d’Anselme dans le domaine des études bibliques. D’après elles, plus que sur des commentaires de grande ampleur, la réputation du maître est fondée sur des gloses. Il faut y reconnaître ce qu’il est convenu d’appeler la Glossa ordinaria, collection d’extraits des Pères et de maîtres placés dans les marges et les interlignes des manuscrits bibliques et dont on s’accorde à fixer depuis Beryl Smalley l’origine à Laon au tournant des xie-xiie siècles229. L’enseignement d’Anselme sur la Bible consiste donc à ordonner divers extraits que la mise en pages dans un livre glosé fond en une unité de lieu230. Dans ces conditions, il convient de distinguer entre manuscrits glosés dont l’existence n’est pas propre aux écoles du xiie siècle et le projet même de la Glose conçue comme un apparat biblique général231. En effet, il existe une longue tradition de manuscrits latins glosés, qu’ils soient bibliques ou grammaticaux, dont on trouve de nombreux exemples dès l’époque carolingienne notamment dans les scriptoria germaniques comme Fulda, Reichenau ou Tegernsee232. Cependant, même en admettant que la Glose demeure par son format et son contenu dans la continuité de ces précédents et des « gloses périmées » (B. Smalley), l’originalité de la Glose tient au fait de la considérer comme un travail portant

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Les sentences authentiques d’Anselme sont étudiées en détail au chapitre premier (deuxième partie) où elles sont remises dans le contexte des pratiques pédagogiques laonnoises. Les arguments de l’historienne ont été développés dans une série d’articles classiques : « Gilbertus Universalis Bishop of London (1128-1134) and the Problem of the Glossa Ordinaria I », RTAM, 7 (1935), p. 235-262, « Gilbertus Universalis Bishop of London (1128-1134) and the Problem of the Glossa Ordinaria II », RTAM, 8 (1936), p. 24-60, dont les conclusions sont reprises dans The Study of the Bible in the Middle Ages, Oxford, 19833, p. 46-66. L’importance historique de son œuvre est remise en contexte par R. W. Southern, « Beryl Smalley and the Place of the Bible in Medieval Studies, 1927-84 », dans The Bible in Medieval World. Essays in Memory of Beryl Smalley, éd. K. Walsh, D. Wood, Oxford, 1985, p. 1-16. Pour la mise en pages de la Glose voir G. Lobrichon, « Une nouveauté : les gloses de la Bible », dans Le Moyen Âge et la Bible, éd. P. Riché, G. Lobrichon, Paris, 1984, p. 95-114, repris dans La Bible au Moyen Âge, Paris, 2003, p. 158-172, C. F. R. De Hamel, Glossed Books of the Bible and the Origins of the Paris Booktrade, Woodbridge, 19872, et L. Smith, Masters of the Sacred Page. Manuscripts of Theology in the Latin West to 1274, Notre Dame (Indiana), 2001, p. 41-44. L’édition la plus fiable et commmode est la réimpression de Rusch, Biblia latina cum Glossa ordinaria, Facsimile Reprint of the Editio Princeps Adolph Rusch of Strassburg 1480/81, intr. M. T. Gibson, K. Froelich, 4 t., Turnhout, 1992. M. T. Gibson, « The Twelfth Century Glossed Bible », Studia patristica, 23 (1989), p. 232-244, aux p. 233-237 ; sur la plausible influence de manuscrits des classiques sur la mise en page de la Glose, voir L. Holtz, « Le rôle des commentaires d’auteurs classiques dans l’émergence d’une mise en page associant texte et commentaire (moyen âge occidental) », dans Le commentaire entre tradition et innovation, dir. M.-O. Goulet-Cazé, Paris, 2000, p. 101-117, aux p. 110-113.

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sur toute la Bible, ce dont on ne trouve pas trace précédemment233. Ainsi un passage du commentaire sur les Psaumes de Pierre le Chantre atteste-t-il clairement les attentes des maîtres de la deuxième moitié du xiie siècle : C’est pourquoi nous devons encore déplorer qu’on ait empêché maître Anselme de gloser en son entier toute l’Écriture, comme il l’a commencé, car les chanoines dont il était doyen et de nombreux autres l’ont souvent détourné de ce soin, soit en le querellant, c’est-à-dire à cause de leurs querelles, soit en l’honorant par flagornerie, soit en opprimant les pauvres, aux difficultés desquels il se trouvait contraint de prendre part, soit en le poursuivant, c’est-à-dire quand ils le forçaient à prendre part aux affaires de son chapitre234.

Le partage difficile entre tâches administratives et travail scientifique ne paraît donc pas l’apanage de la vie universitaire contemporaine, puisque, dès les premières décennies du xiie siècle, maître Anselme est détourné de son grand œuvre en raison des charges qu’il exerce. En considérant la Glose dans son ensemble, l’articulation entre gloses et commentaires bibliques est assez facile à déterminer puisque la Glose est elle-même une vaste entreprise de dépouillements des commentaires patristiques et carolingiens. C’est en tant qu’œuvre littéraire identifiée par son titre et son auteur que le commentaire est choisi pour entrer dans la Glose, dans la mesure où l’assimilation du commentaire à une source autorisée explique sa prise en compte. Cependant, la Glose est loin de constituer à son tour un corpus clos d’autorités fixé ne varietur235. Il est ainsi frappant que l’intégration d’un commentaire sous forme d’extraits se fasse le plus souvent sous couvert d’anonymat. Si l’on se fie aux éditions de la glose sur le Cantique des cantiques ainsi que celle sur les Lamentations comme à nos dépouillements sur la Genèse, force est de constater qu’en dépit du nombre important de sources utilisées, un grand nombre d’extraits sont transmis anonymement236. De ma233

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Nous ne partageons donc pas les vues un peu systématiques de M. T. Gibson : « It is difficult to see the Gloss as a new departure in biblical exegesis. In both substance and format it rested squarely on Carolingian precedent » (« The Twelfth Century », p. 241). « Unde lugere adhuc debemus super hoc quod magister Anselmus non permittebatur perfecte glosare omnem sacram paginam, sicut incepit, quia canonici quorum erat decanus, et alii plures eum ab illo studio amoverunt sepe, vel litigando scilicet propter lites suas, vel honorando per adulationem, vel pauperes opprimendo, quorum necessitatibus exigebatur interesse, vel persequendo, quando scilicet compellebant eum interesse negotiis capituli sui » (Paris, BNF, lat. 12001, fol. 173v, cité par B. Smalley, « La Glossa Ordinaria. Quelques prédécesseurs d’Anselme de Laon », RTAM, 9 (1937), p. 365-400, à la p. 400). Certains remaniements de la Glose et leurs significations ont été ainsi étudiés par P. Buc, L’ambiguïté du Livre. Prince, pouvoir et peuple dans les commentaires de la Bible au Moyen Âge, Paris, 1994. Glossa ordinaria pars 22 in Canticum Canticorum, éd. M. Dove, Turnhout, 1997 (CCCM 170), p. 420-446 pour l’index auctorum ; A. Andrée, Gilbertus Universalis : Glossa ordinaria in Lamentationes Ieremie prophete. Prothemata et Liber I. A Critical Edition with an Introduction and a Translation, Stockholm, 2005, p. 295-297 pour l’index auctorum.

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nière générale, il est difficile de déterminer, notamment pour les livres de l’Ancien Testament, la part de l’utilisation directe d’une source patristique et le recours à un abrégé carolingien, même si Raban Maur semble jouer un rôle majeur dans la transmission des Pères aux écoles du xiie siècle237. De même, la seule étude littéraire sur l’utilisation des sources patristiques dans un livre biblique glosé prouve la souplesse d’utilisation et la liberté dont fait montre le compilateur envers ses sources238. L’autre trait distinctif consiste dans les liens entretenus par les commentaires magistraux avec les livres glosés : l’absence d’édition critique pour la majorité des livres glosés interdit toute conclusion trop assurée, mais dans le cas mieux connu du Cantique des cantiques, les commentaires attribués à Anselme ont servi à la confection de la glose où ils entrent sous la forme d’extraits anonymes239. La Glose devient ainsi, dans la première moitié du xiie siècle, un ouvrage de référence où l’anonymat de certaines sources s’accompagne d’un anonymat non moins significatif des compilateurs. En effet, malgré les efforts déployés depuis Beryl Smalley pour percer les origines de la Glose, il n’a pas été encore possible de donner à chaque livre glosé un auteur240. Il semble même que les progrès réalisés dans la connaissance de la Glose compliquent encore le schéma initial : Anselme et Raoul ont donné l’impulsion à un mouvement qui continue ailleurs qu’à Laon241 et produit différentes versions pour un même livre biblique242.

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Voir le tableau détaillé des sources donné par E. A. Matter, « The Church Fathers and the Glossa ordinaria », dans The Reception of the Church Fathers in the West from the Carolingians to the Maurists, éd. I. Backus, t. 1, Leyde - New York - Cologne, 1997, p. 83-111. Cependant dans certains cas, une étude précise sur l’utilisation d’un auteur comme Grégoire permet de préciser que le compilateur s’est tourné vers l’original et non un compendium postérieur, comme celui de Lathcen, cfr R. Wasselynck, « L’influence de l’exégèse de S. Grégoire le Grand sur les commentaires bibliques médiévaux (viie-xiie s.) », RTAM, 32 (1965), p. 157-204, aux p. 184-186, complété par E. A. Matter, « The Church Fathers », p. 91-92. A. Andrée, Gilbertus Universalis, p. 64-75. De même, des sondages dans les livres prophétiques glosés montrent une grande variété dans les références aux auctoritates, cfr la thèse de Sumi Shimahara, Exégèse et politique dans l’œuvre d’Haymon d’Auxerre, 3e partie, chapitre 4, thèse dact. Paris IV, dir. M. Sot, 2006, p. 584-587. Glossa ordinaria, éd. M. Dove, p. 34-36. Voir le tableau récapitulatif fourni par M. M. Tischler, « Dal Bec à San Vittore : l’aspetto delle Bibbie ‘neomonastiche’ et ‘vittorine’ », dans Forme e modelli della tradizione manoscritta della Bibbia, éd. P. Cherubini, Vatican, 2005, p. 373-405, aux p. 387-394. M. T. Gibson, « The Place of the Glossa Ordinaria in Medieval Exegesis », dans Ad Litteram, éd. M. D. Jordan, K. Emery, Notre Dame, 1992, p. 5-27. Sur la diffusion de la Glose, voir M. Zier, « The Development of the Glossa Ordinaria to the Bible in the Thirteenth Century : The Evidence from the Bibliothèque Nationale, Paris », dans La bibbia del XIII secolo. Storia del testo, storia dell’esegesi, Florence, 2004, p. 155-184. Pour l’exemple du livre de Daniel, voir R. Courtray, « La réception du Commentaire sur Daniel de Jérôme dans l’Occident médiéval chrétien (viie-xiie siècle) », Sacris erudiri, 44 (2005), p. 117-187, aux p. 151-165.

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Dans ces conditions, on attribue à Anselme les gloses sur les épîtres pauliniennes et les Psaumes et, sans grand doute, celles sur le Cantique des cantiques et l’évangile de Jean243, tandis qu’on peut donner à Raoul de Laon la responsabilité de la glose sur Matthieu et à Gilbert l’Universel celle de la glose sur les Lamentations et probablement aussi sur le Pentateuque et les Grands Prophètes244. De plus, l’analyse des manuscrits antérieurs à 1140 et originaires de Laon permet également de rattacher au studium laonnois les gloses sur Genèse, Job, Proverbes, Ecclésiaste, le Cantique des cantiques, Matthieu, Jean, les épîtres canoniques et l’Apocalypse245. À partir d’extraits reçus en très grande majorité de la tradition patristique et carolingienne, la Glose devient par excellence un lieu théologique évolutif au gré des copies et des enrichissements. Il est donc logique que la Glose, à son tour placée parmi les ouvrages autorisés, devienne un texte-source. L’œuvre biblique d’Anselme ne se limite cependant pas à la Glose, dans la mesure où le maître paraît avoir également commenté de manière continue un certain nombre de livres bibliques. L’enquête, même dans le cas de commentaires faussement attribués, permet de dessiner les contours de la fama anselmienne et documente le prestige qui s’attache au nom magistral. Le commentaire sur les psaumes dit Hymni vocantur singuli246 fait partie des nombreux ouvrages édités dans la Patrologie latine parmi les opera omnia d’Haymon, disciple d’Alcuin et évêque d’Halberstadt (841-853)247. Si la plupart de ces œuvres exégétiques ont été rendues à Haymon moine de Saint-Germain d’Auxerre (fl. 840-860), l’attribution du commentaire Hymni vocantur singuli demeure l’objet de débats248. C’est apparemment l’historien Albert Hauck qui, dans les dernières décennies du xixe siècle, remit le premier en cause l’attribution traditionnelle à Haymon d’Halberstadt, replaça avec certitude le commentaire dans le contexte de la querelle des Investitures à la fin 243

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Sur la glose de Jean où a été utilisé le commentaire de Jean Scot, voir Commentaire sur l’évangile de Jean, Paris, 1972 (SC 180), p. 379-381 et E. S. N. Mainoldi, « Johannes Scottus Eriugena », dans La trasmissione dei testi latini del medioevo, t. 2, éd. P. Chiesa, L. Castaldi, Florence, 2005, p. 174-264, à la p. 236. Alexander Andrée projette d’étudier les manuscrits de cette glose et leur utilisation du commentaire érigénien. Sur toutes ces questions dont les résultats ne sont plus guère sujets à controverses voir, avec la bibliographie rétrospective du sujet, les contributions de G. Mazzanti, « Anselmo di Laon, Gilberto l’Universale e la Glossa Ordinaria alla Bibbia », Bullettino dell’istituto storico italiano per il medio evo, 102 (1999), p. 1-19 et surtout la synthèse d’A. Andrée, Gilbertus Universalis, p. 7-27. Voir P. Stirnemann, « Où ont été fabriqués les livres de la glose ordinaire dans la première moitié du xiie siècle ? », dans Le XIIe siècle. Mutations et renouveau en France dans la première moitié du XIIe siècle, éd. F. Gasparri, Paris, 1994, p. 257-301, aux p. 258-264. PL 116, col. 193D-696A. Cfr PL 116-117. La fin authentique du commentaire se lit en PL 116, col. 693D : « …corpore spirituali et subtili. Benedictus Deus. Amen. Laudate eum ».

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du xie siècle et l’attribua, de manière plus conjecturale, à Haymon prieur d’Hirsau († ca. 1107)249. En 1936, dom Wilmart redonne au débat quelque vigueur250. Confirmant les résultats de la critique externe obtenus par Albert Hauck 251, le savant bénédictin apporte un nouvel indice susceptible de concurrencer l’attribution à Haymon d’Hirsau. Au cours de son étude du fonds des codices Reginenses Latini de la bibliothèque vaticane, dom Wilmart relève cette rubrique dans le reg. lat. 295 : Incipiunt glosule magistri Anselli archidiaconi super psalterium. Si le mérite d’une identification connue des bibliographes anciens252 revient au catalogue mauriste du fonds de la reine253, dom Wilmart démontre qu’elle concorde parfaitement avec ce que nous savons d’Anselme de Laon254. À l’exception de quelques remarques conclusives de faible poids, il est notable qu’il refuse de s’engager vraiment sur le terrain de la critique interne et laisse ouverte la carrière à d’autres que lui255. Après dom Wilmart et à l’exception remarquable d’Arthur Landgraf, les efforts se sont principalement concentrés sur le contenu de l’œuvre mais selon des approches très partielles et partant discutables. Ainsi est-ce à partir de sondages sur trois passages que dom Lottin refuse de considérer l’œuvre comme anselmienne du fait de divergences doctrinales entre la glose sur les Psaumes et le commentaire Hymni vocantur singuli256. De même, Damien Van den Eynde, appliquant à large échelle une méthode d’histoire littéraire aux principes discutables257, a mis en parallèle le texte avec un ensemble d’autres

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A. Hauck, « Der dem Bischof Haimo von Halberstadt zugeschriebene Psalmenkommentar », dans sa Kirchengeschichte Deutschlands, t. 3, Berlin, 19548 (19061), p. 1043-1047, voir aussi t. 2, Leipzig, 1890, p. 597-598, n. 3. A. Wilmart, « Un commentaire des Psaumes restitué à Anselme de Laon », RTAM, 8 (1936), p. 325-344. A. Wilmart, « Un commentaire des Psaumes », p. 328-335. Voir par exemple J. Le Long, Bibliotheca sacra, Paris, 1723, p. 610E : « forsan Anselmus Laudunensis » et C. Du Cange, « Index seu nomenclator scriptorum mediae et infimae latinitatis », dans Glossarium, t. 10, p. x. Cfr la notice : « 1403. Magistri Anselli archidiaconi, putatur Anselli Laudunensis, glossulae super psalterium… », Les manuscrits de la reine de Suède au Vatican, réédition du catalogue de Montfaucon et cotes actuelles, Vatican, 1964, p. 81, voir P. Petitmengin, « Montfaucon, dom Le Maître et la Bibliotheca Bibliothecarum », dans Du copiste au collectionneur. Mélanges d’histoire des textes et des bibliothèques en l’honneur d’André Vernet, éd. D. Nebbiai, J.-F. Genest, Turnhout, 1998, p. 537-584 et P. Gasnault, « Bernard de Montfaucon codicologue. La Bibliotheca bibliothecarum manuscriptorum nova », dans Dom Bernard de Montfaucon, éd. D.-O. Hurel, R. Rogé, Saint-Wandrille, 1998, repris dans L’érudition mauriste à Saint-Germain-des-Prés, Paris, 1999, p. 1-21, à la p. 14. A. Wilmart, « Un commentaire des Psaumes », p. 342-343. Ibidem, p. 343-344. O. Lottin, PM, p. 170-175. Voir les critiques motivées de D. Poirel, Livre de la nature et débat trinitaire au XIIe siècle, Le De tribus diebus de Hugues de Saint-Victor, Turnhout, 2002, p. 132-134.

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commentaires des psaumes de la première moitié du xiie siècle258. En plus de deux parallèles entre le commentaire supposé anselmien et le texte de la glose qui signaleraient l’antériorité de celle-ci, Damien Van den Eynde note une divergence entre les deux œuvres qui exclut, selon lui, l’identité d’auteurs. Enfin, la reprise par le commentaire d’extraits de la préface de Letbert de Lille, dont la diffusion est postérieure à 1125, semble le coup de grâce porté à l’authenticité anselmienne259. L’article critique de Damien Van den Eynde s’attira une vive et dense réplique de Valerie Flint qui montre, grâce à une utilisation plus large du commentaire, les liens réels de ce dernier avec la glose anselmienne260. À ses yeux, rien n’interdit donc de faire remonter le texte au premier quart du xiie siècle et de lui rendre son attribution à Anselme de Laon261. Wilfried Hartmann262, pour sa part, au terme d’une comparaison serrée de ce commentaire avec celui attribué au prieur Robert de Bridlington (1147-1160)263, estime qu’ils dépendent tous deux d’une source commune remontant au temps de la querelle des Investitures, ce qui lui permet de sauvegarder la datation tardive de D. Van den Eynde et de justifier la présence d’éléments chronologiques apparemment antérieurs. Si l’usage de la critique interne ne permet pas d’avancer davantage en l’état, il convient de se tourner vers les renseignements fournis par la critique externe. Le nombre de manuscrits connus s’avère après recoupements assez modeste et leur contenu hétérogène : des onze témoins retenus sous réserve d’un examen direct et sans prétention à l’exhaustivité, seuls deux sont strictement conformes à l’édition imprimée pour neuf plus ou moins partiels264. La diffusion se fait majoritairement au xiie siècle, car seuls deux manuscrits, dont un contenant uniquement la préface, datent du xiiie siècle265. Il est aussi intéressant de noter qu’à côté de la rubrique du Vatican, reg. lat. 295, seul le

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D. Van den Eynde, « Literary Note on the Earliest Scholastic Commentarii in Psalmos », Franciscan Studies, 14 (1954), p. 121-154. D. Van den Eynde, « Literary Note », p. 133-136. V. I. J. Flint, « Some Notes on the Early Twelfth Century Commentaries on the Psalms », RTAM, 38 (1971), p. 80-88, aux p. 83-85. V. I. J. Flint, « Some Notes », p. 88. W. Hartmann, « Psalmenkommentare aus der Zeit der Reform und der Frühscholastik », Studi Gregoriani, 9 (1972), p. 313-366, aux p. 346-354. B. Smalley, « Gilbertus Universalis », p. 52, n. 93. Les deux manuscrits complets sont Vaticano, BAV, reg. lat. 295 et Zürich, Zentralbibliothek, Rh 26 ; les témoins plus ou moins fragmentaires ou divergents par rapport à l’édition imprimée sont Einsiedeln, Stiftsbibliothek, 175, Engelberg, Stiftsbibliothek, 6, Nîmes, BM, 32, Olomouc, Státní archiv, 98, Oxford, Bodleian Library, 737, Paris, BNF, lat. 298 et lat. 449, Troyes, BM, 904 et Vaticano, lat. 5997. Il s’agit d’Engelberg, Stiftsbibliothek, 6 (préface) et Paris, BNF, lat. 449.

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manuscrit Einsiedeln, Stiftsbibliothek, 175, propose une attribution médiévale à « Rupert »266. L’étude des mentions indirectes confirme aussi que le texte n’a eu qu’un faible rayonnement. En reprenant les œuvres de Pierre de Poitiers, Pierre le Mangeur, Gilbert de La Porrée et du ps. Odon d’Ourscamp, Arthur Landgraf a pu déterminer que les positions du commentaire Hymni vocantur singuli leur sont inconnues267. Leurs citations renvoient à la glose sur les psaumes qui est authentiquement d’Anselme. L’Anselme connu est donc l’Anselme scolaire de la Glose, pas celui du commentaire continu généralement anonyme et dont la copie est sans commune mesure avec celle des manuscrits glosés. Le seul bibliographe ancien à attribuer à Anselme de Laon un commentaire sur les psaumes est Jean Trithème, mais on ne sait sur quels fondements repose son assertion268. Diffusion peu stable, bref succès dans le temps et anonymat majoritaire sont donc les grands traits qui semblent le mieux caractériser le commentaire. Autant que la critique externe et la tradition indirecte nous permettent d’en juger, Hymni vocantur singuli n’a guère été associé au souvenir d’Anselme dans les manuscrits ou les mémoires. Il semble donc plus prudent en l’état d’écarter l’attribution formelle à Anselme. Trois commentaires apparentés sur le Cantique des cantiques revendiquent la paternité anselmienne269. Des trois ouvrages, le moins mal connu est le commentaire In initiis librorum, encore appelé E270. Son attribution à Anselme s’appuie sur la rubrique du manuscrit conservé au Mans, Bibliothèque Municipale, 218, qui le qualifie de glose in canticis canticorum secundum lectionem magistri Anselmi Laudunensis271, tandis que deux autres témoins le donnent 266

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Le catalogue date cette mention d’une main du xive siècle : Ruthpertus super psalterio (p. 2), cfr G. Meier, Catalogus manu scriptorum qui in bibliotheca monasterii Einsildensis o.s.b. servantur, t. 1, Leipzig, 1899, p. 140. Les Rupert exégètes sont nombreux comme Rupert de Deutz, mais aussi Rupert de Limbourg († 1134) ou l’évêque Rupert d’Olomouc (fl. in. xiiie siècle), mais aucun ne semble avoir commenté le psautier. A. Landgraf, « Die Zuweisung eines Psalmenkommentars an Anselm von Laon », Biblica, 23 (1942), p. 170-174 et T. Gross-Diaz, The Psalms Commentary of Gilbert of Poitiers. From Lectio Divina to the Lecture Room, Leyde - New York - Cologne, 1996, p. 120. J. Trithème, De scriptoribus ecclesiasticis, Cologne, 1546, p. 152 : « Scripsit etiam alia quaedam opuscula quae ad me non venerunt. Fertur in psalterium commentariorum liber I. et quaedam epistolae ». Pour plus de précisions sur ces commentaires, on peut se reporter à C. Giraud, « Lectiones magistri Anselmi. Les commentaires d’Anselme de Laon sur le Cantique des cantiques », dans The Multiple Meaning of Scripture. The Role of Exegesis in Early-Christian and Medieval Culture, éd. I. van’t Spijker, Leyde - Boston, 2009, p. 177-201. C’est le seul édité, sous le nom d’Enarrationes in Cantica Canticorum (PL 162, col. 1187A1228B). Mans, BM, 218, fol. 1r-30r, xiie siècle, 103 fol., de l’abbaye bénédictine de La Couture, cfr Catalogue général des manuscrits des bibliothèques publiques de France, t. 20, Paris, 1893, p. 150.

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à Raoul272. Le répertoire de Rossana Guglielmetti permet, en outre, d’ajouter six manuscrits273. Le deuxième commentaire, Salomon rex Spiritu (A), est contenu dans le seul Paris, BNF, lat. 568, et y est donné explicitement à maître Anselme274. Le dernier ouvrage, In hoc libro (B), n’était connu que d’après Paris, BNF, lat. 14801 dont l’explicit indique également comme origine maître Anselme275. Le nouveau répertoire italien permet d’y ajouter quatorze témoins276. Cet exceptum, défini par les incipit du prologue (In hoc libro) et du premier lemme (Canticum proprie est maxima mentis jocunditas), peut être provisoirement divisé en trois groupes. De plus, pour dom Leclercq, B dépendrait de A, qui en serait comme le résumé, tandis que E représenterait une version plus écrite et soignée277. Au terme d’une étude plus approfondie, Mary Dove considère pour sa part qu’une lectio d’Anselme, plus proche de B que de A, a influencé E, tandis que la présence de cent vint-deux gloses propres à E et à la Glose du Cantique des cantiques implique, selon elle, que E dérive de la Glose. La version E serait ainsi le remaniement par Raoul d’un noyau anselmien commun avec la Glose278. Selon la tradition manuscrite et les premiers éléments de critique interne, tout indique que ces trois commentaires émanent de l’école des deux frères laonnois et qu’ils datent au plus tard du début de la décennie 1130.

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Troyes, BM, 227, fol. 99r-110r, xiie siècle (2e moitié) et Paris, BNF, lat. 13200, fol. 1r-20v, xviie siècle. On peut rapprocher ces mentions d’un fragment perdu de Saint-Marien d’Auxerre et signalé par dom Martène dans des notes préparatoires : « Prologus magistri Radulfi super Cantica Cantic. In initiis librorum causae dicendae sunt, quomodo vel quare compositus sit liber iste. Est unum tantum folium cetera lacer. », éd. A. Bondéelle-Souchier, Bibliothèques de l’ordre de Prémontré dans la France d’ancien régime, t. 2, Édition des inventaires, Paris, 2006, p. 46. R. E. Guglielmetti, La tradizione manoscritta dei commenti latini al Cantico dei Cantici (origini – XII secolo). Repertorio dei codici contenenti testi inediti o editi solo nella « Patrologia latina », Florence, 2006, p. 339. Londres, BL, Add. 40165 porte comme titre : Gu… super cantica, tandis que Paris, Bibl. Mazarine, 777 présente une attribution erronée à Hugues de Béthune. Troyes, BM, 1223 ne contient pas l’attribution à Anselme de Laon. Paris, BNF, lat. 568, fol. 1r-64v : « Incipiunt glosule super Cantica Canticorum Salomonis secundum magistrum Anselmum. Salomon rex Spiritu Sancto… – …concertere cito velis. Glosule de canticis, Sancti Spiritus adsit nobis gratia », xiie siècle, 193 fol., cfr Catalogue général des manuscrits latins, t. 1, éd. P. Lauer, Paris, 1939, p. 200 et R. E. Guglielmetti, La tradizione manoscritta, n. 694. Paris, BNF, lat. 14801, fol. 1r-33v : « Osculetur me… In hoc libro sicut in ceteris… – …grana virtutum tibi Christe redolentia per infinita seculorum secula amen. Expliciunt Cantica Canticorum. Finitur exceptum Anselmi magistri viri religiosi », xiie siècle (fin), 138 fol. de trois éléments réunis à date ancienne, provient de Saint-Victor, cfr G. Ouy, Les manuscrits de l’abbaye de Saint-Victor, t. 2, Paris, 1999, p. 231-232. R. E. Guglielmetti, La tradizione manoscritta, p. 339-340. Seul, Oxford, Bodleian Library, Bodl. 528 (S. C. 2221) présente une attribution, en l’occurrence à Étienne Langton : « Glose domini S. Cantuariensis archiepiscopi super Cantica Canticorum » (55r). J. Leclercq, « Le commentaire du Cantique des cantiques attribué à Anselme de Laon », RTAM, 16 (1949), p. 29-39, aux p. 31-35. M. Dove, Glossa ordinaria, p. 35-36.

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À la différence des commentaires sur le Cantique des cantiques somme toute peu étudiés, les écrits consacrés à l’évangile de Matthieu ont suscité une littérature où l’abondance le dispute à la contradiction279. Comme pour les autres ouvrages associés à Anselme de Laon, nous nous efforçons de présenter un status quaestionis à jour en conservant comme fil conducteur l’identification ou non d’Anselme et ses modalités. Parmi les nombreux textes retenus autour de l’évangile de Matthieu, quatre commentaires ont été revendiqués d’une manière ou d’une autre pour Anselme. Nous les citons dans l’ordre historique de leur découverte par les érudits, qui coïncide d’ailleurs assez bien avec leur degré d’utilisation et de notoriété : le premier est le seul à avoir eu les honneurs de l’impression280. Il est dit B en raison de son attribution par la critique à Geoffroy Babion. Le second est connu sous le nom de A en raison de sa présence dans le manuscrit d’Alençon, BM, 26. Le troisième est contenu partiellement dans Valenciennes, BM, 14 (V), tandis que le dernier est cité d’après BNF, Paris, lat. 2491 (P)281. Le commentaire imprimé dans la Patrologie latine (B) a connu une large diffusion, notamment dans la seconde moitié du xiie siècle et le début du xiiie siècle, puisqu’on en connaît pas moins d’une quarantaine de témoins au contenu variable surtout pour la fin du texte282. Il circule de façon anonyme dans au moins trente huit cas. Cependant les témoins Laon, BM, 109, Troyes, BM, 227 et Paris, BNF, lat. 624, tous trois manuscrits cisterciens de la filiation clarévalienne, le donnent à Geoffroy Babion283, tandis qu’un codex de SaintVaast et qu’un manuscrit de Saint-Amand signalé dans l’Index major (vers 1150) l’attribuent à Anselme de Laon284. On peut ajouter un manuscrit perdu 279

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Bibliographie pour la plus grande partie citée par V. de Angelis, « I commenti medievali », p. 126, n. 139. Cfr l’édition vulgate en PL 162, col. 1227-1500. Les trois premiers sigles sont employés par B. Smalley, « Some Gospel Commentaries of the Early Twelfth Century », RTAM, 45 (1978), p. 147-180, aux p. 158 (V), 161 (A) et 166 (B), l’appelation P est notre fait. Stegmüller, RB 2604 indique 42 manuscrits sans reprendre trois des témoins (Paris, BNF, lat. 14937, Bibl. Sainte-Geneviève, 215, Rouen, BM, 107) cités par B. Hauréau, « Notice sur le numéro 17251 des manuscrits latins de la Bibliothèque nationale », dans Notices et extraits des manuscrits de la Bibliothèque nationale et autres bibliothèques, t. 31-2, Paris, 1886, p. 441-444 ; Id., Notices et extraits de quelques manuscrits latins de la Bibliothèque nationale, Paris, t. 2, 1891, p. 150-151 ; 5, 1892, p. 8 et 257 ; Id., « C. R. de C. Kohler, Catalogue général des manuscrits des bibliothèques publiques de France, Bibliothèque Sainte-Geneviève, t. 1, Paris, 1893 », Journal des savants, 1893, p. 306-314, p. 308. Laon, BM, 109, de Vauclair (fille de Clairvaux) ; Troyes, BM 227, de Clairvaux et Paris, BNF, lat. 624 de Beaupré (dioc. de Beauvais, ligne de Clairvaux). Il s’agit respectivement d’Arras, BM, 626, fol. 2r-86r « Anselmus super Matheum. Dominus ac redemptor noster… – …in sui cordis hospitio » (PL 162, col. 1227-1498D), xiie siècle, 88 fol., cité dans le catalogue du xiie siècle par la main B, cfr P. Grierson, « La bibliothèque de St-Vaast d’Arras au xiie siècle », RB, 52 (1940), p. 117-140, à la p. 136, n. 221 ; ainsi que de Valenciennes, BM, 70, xiie siècle, 104 fol., fol. 1r-103v : « Secundum lectionem magistri Anselmi (s. lin.). Glosae super Matheum. Dominus ac redemptor noster… – …in sui cordis

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possédé par la cathédrale de Laon et qui donnait le commentaire à Geoffroy Babion ou du Loroux285. Le texte serait ainsi l’œuvre d’un ancien ermite devenu écolâtre d’Angers vers 1103-1110, connu pour sa prédication et qui se distingue comme archevêque de Bordeaux (1136-1158)286. Quant à Alençon, BM, 26, Cum post ascensionem (A), sa rubrique présente le texte comme une compilation de divers auteurs sur Matthieu effectuée par Anselme de Laon. Le manuscrit apparemment découvert par les bénédictins de l’Histoire littéraire n’est utilisé par eux que pour son incipit sans examen de son contenu. C’est Hauréau qui s’avise le premier qu’il offre un texte différent du commentaire édité et qui signale deux autres témoins partiels et anonymes de la même œuvre287. Le troisième élément du dossier (V) est un commentaire d’abord connu de manière fragmentaire d’après le seul florilège laonnois de Valenciennes, BM, 14288, Nomen libri evangelium, qui s’est révélé être un abrégé anonyme du commentaire de Paschase Radbert sur Matthieu289. Le compendium, transmis uniquement sous couvert d’anonymat, est connu d’après sept autres témoins fragmentaires290, sans qu’un texte intégral ait été conservé291.

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hospitio » qui apparaît dans l’Index major : « Glosae continuae super Matheum, secundum lectionem magistri Anselmi » (cfr F. Simeray, Le scriptorium et la bibliothèque de l’abbaye de Saint-Amand, thèse dact. de l’École des chartes, Paris, 1989, t. 1, p. 377, n. 242). Valenciennes, BM, 70 ne correspond donc pas à l’entrée 241 : « Matheus glosatus » (F. Simeray, ibid.). Le témoin est signalé par Stegmüller, RB 2604. J.-P. Bonnes, « Un des plus grands prédicateurs du xiie siècle : Geoffroy du Loroux, dit Geoffroy Babion », RB, 56 (1945-46), p. 174-215, J. Becquet, « Geoffroy Babion », dans DS, t. 6, 1965, col. 229-231 et J.-H. Foulon, « Le clerc et son image dans la prédication synodale de Geoffroy Babion, archevêque de Bordeaux (1136-1156) », dans Le clerc séculier au Moyen Âge, XXIIe Congrès de la SHMES, Amiens, 1991, Paris, 1993, p. 45-60. L’attribution à Geoffroy Babion dans Bruges, Bibliothèque de la Ville, 56, est d’une main moderne. B. Hauréau, C. R. de « De Anselmo Laudunensi scholastico…G. Lefèvre », Journal des savants, 1895, p. 444-452, à la p. 449. Il s’agit des manuscrits Oxford, St John’s College, 111, xiie siècle (2e moitié), et Paris, Bibl. Arsenal, 87, xiie siècle (2e moitié), d’un manuscrit composite de Saint-Victor, cfr B. Smalley, « Some Gospel Commentaries », p. 162-165. On trouve aussi la préface anonyme dans London, BL, Royal 4 A XVI, éditée par H. H. Glunz, History of the Vulgate in England from Alcuin to Roger Bacon, Cambridge, 1933, p. 317-322. O. Lottin, « La doctrine d’Anselme de Laon sur les dons du Saint-Esprit et son influence », RTAM, 24 (1957), p. 267-295, aux p. 283-289 : « Nomen libri evangelium grece… – …ad beatitudinem pervenitur », xiie siècle, de Saint-Amand. H. Weisweiler, « Paschasius Radbertus als Vermittler des Gedankengutes des karolingischen Renaissance in den Matthaeuskommentaren des Kreises um Anselm von Laon », Scholastik, 35 (1960), p. 363-402 et 503-536, aux p. 366-386. Stegmüller, RB 9947, H. Weisweiler, « Paschasius Radbertus als Vermittler », aux p. 364-365 et p. 529-530, B. Smalley, « Some Gospel Commentaries », p. 158. Le texte, abrégé a aussi joué un rôle de préface pour la glose, cfr H. Weisweiler, « Paschasius Radbertus als Vermittler », p. 530-533. Ainsi, Paris, BNF, lat. 16794, signalé comme complet par B. Smalley, « Some Gospel Commentaries », p. 159 (corrigeant Stegmüller, RB 7494-7502) contient la glose de Matthieu, fol. 7r-79r, xiiie siècle, de Saint-Martin-des-Champs.

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Enfin, Paris, BNF, lat. 2491, Evangelium grece latine bonum nuntium, est repéré, semble-t-il en premier lieu, par Casimir Oudin pour renfermer le commentaire authentique d’Anselme de Laon sur saint Matthieu292, en raison de son incipit : Glose magistri Anselmi de Monte Leonis et Remensis archiepiscopi super Matheum293. Tandis que Casimir Oudin proposait de corriger de Monte Leonis en de Montelaonis ou de monte Lauduno, Hauréau voulait y voir pour sa part une corruption, bien peu vraisemblable, de monachi Beccensis et Cantuariensis archiepiscopi, en raison de l’existence du manuscrit d’Alençon associant au nom d’Anselme de Laon un texte différent294. L’abbé Bernard Merlette a, de nouveau et à juste titre, revendiqué l’incipit du manuscrit pour Anselme de Laon et a tenté de lui redonner un peu d’importance295. Sous réserve d’un examen direct, on peut ajouter deux témoins contenant le même texte ainsi qu’un fragment296. Les efforts, parfois divergents, d’Odon Lottin, Damien Van den Eynde, Heinrich Weisweiler, Bernard Merlette, Beryl Smalley et Adrian Ballentyne se sont additionnés pour tenter d’ordonner les différents textes entre eux297. Le point de comparaison le plus souvent utilisé a été la glose sur Matthieu, à l’origine laonnoise assurée, mais dont les étapes de rédaction demeurent peu connues dans leur déroulement précis. Sans entrer dans le détail de démonstrations procédant le plus souvent par comparaisons, retenons les résultats auxquels est parvenue la critique298. Le plus important est que les principaux textes retenus entretiennent des liens certains avec Laon et son milieu scolaire. Le dossier forme, en effet, un ensemble homogène avec des textes qui ont des rapports littéraires étroits entre eux et dont l’origine nous ramène à Laon. Pour A et P, il s’agit de leur rubrique, pour B d’une partie de la tradition 292 293

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PL 162, col. 1172B-C. Paris, BNF, lat. 2491, fol. 1r, incipit rubriqué, « Evangelium grece, latine bonum nuntium… In ipso exordio satis ostendit… – … eum habere mansorem », xiie siècle (fin). B. Hauréau, « Notice sur le numéro 17251 », p. 144. B. Merlette, « Écoles et bibliothèques à Laon », p. 45-46. Basel, Universitätsbibliothek, B VI 17a, ca. 1200, des domincains de Bâle, fol. 1ra-149rb : « Prologus in exposicionem super Matheum. Evangelium grece… – …non doctrinam dividimus, sed libros distinguimus. Quod quod (sic) evangelium Dominus ac redemptor noster… – …somnum ruperit feminarum » (PL 162, col. 1227-1469A), cfr G. Meyer, M. Burckhardt, Die mittelalterlichen Handschriften der Universitätsbibliothek Basel. Beschreibendes Verzeichnis Ab. B Theologische Pergamenthandschriften, Bâle, 1960, p. 618-621 et Wien, ÖNB, 4828, xve siècle, fol. 1-263, « Anselmus Anglicus », repéré par Stegmüller, RB 1349. Le fragment se trouve dans Prato, Biblioteca Roncioniana, Q. II. 8 (14), fol. 2rb-3vb (prologue). Cfr O. Lottin, « La doctrine d’Anselme de Laon », p. 267-295, D. Van den Eynde, « Autour des Enarrationes in Evangelium S. Matthaei attribuées à Geoffroi Babion », RTAM, 26 (1959), p. 50-84, H. Weisweiler, « Paschasius Radbertus als Vermittler », p. 366-402 et p. 504-518, B. Merlette, « Écoles et bibliothèques à Laon », p. 44-46, B. Smalley, « Some Gospel Commentaries », p. 157-176, A. Ballentyne, « A Reassessment of the Exposition on the Gospel according to St Matthew in Manuscript Alençon 26 », RTAM, 56 (1989), p. 19-57. Pour le détail, voir la notice déjà signalée de l’Histoire littéraire de la France.

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manuscrite et des liens avec A. V est contenu dans un florilège indubitablement anselmien et utilisé par des œuvres de l’école. Tout aussi assurée est la dépendance de B par rapport à A : des passages les isolent des autres éléments du dossier, sans que nul doute puisse naître sur le sens de la filiation. On ne peut être également que convaincu par la démonstration prouvant la postérité doctrinale des différents textes chez les grands maîtres parisiens de la seconde moitié du xiie siècle et jusque chez Alexandre de Halès : dans tous les cas de mentions, les textes cités comme appartenant à Anselme et Geoffroy Babion sont bien respectivement des extraits de A et B299. Nous ne voyons donc aucun inconvénient à rendre à Anselme de Laon le commentaire connu d’après le manuscrit d’Alençon, BM, 26, puisque, avant l’examen précis d’Adrian Ballentyne, seules des considérations superficielles sur son contenu l’avaient fait écarter du maître300. A nous semble donc authentiquement anselmien, B plausiblement de Geoffroy Babion, les statuts de P et V demeurant incertains mais dans la mouvance de Laon et de la constitution de la glose. Les bénédictins de l’Histoire littéraire de la France ont jadis considéré qu’Anselme avait commenté le quatrième évangile, mais en se bornant à cette seule mention301. C’est Glunz qui, le premier, a rattaché le commentaire Verbum substantiale à Anselme de Laon, non que les deux manuscrits anglais alors connus aient justifié cette attribution, mais en raison des liens constatés entre la glose sur Jean et le commentaire continu302. Reprenant la question à nouveaux frais en vue de l’édition critique du commentaire, Alexander Andrée a définitivement prouvé que Verbum substantiale utilisait comme source principale l’Expositio in Johannis evangelium d’Alcuin et constituait lui-même la source immédiate de la glose sur Jean303. Dans ces conditions, l’origine laonnoise du commentaire, désormais connu par une dizaine de manuscrits du xiie siècle, apparaît des plus plausibles. Il n’y aurait par conséquent rien d’étonnant à ce qu’Anselme en soit l’auteur, même si l’attribution demeure encore hypothétique.

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D. Van den Eynde, « Autour des Enarrationes », p. 67-69, B. Smalley, « Some Gospel Commentaries », p. 165-166 et p. 171-172, Ead., « Peter Comestor on the Gospels and His Sources », RTAM, 46 (1979), p. 84-129. Il convient donc de supprimer les entrées de Stegmüller, RB 1349 (Anselmus Anglicus [de Monte Leonis, Mauleon]) et du Compendium Auctorum Latinorum Medii Aevi, ANS 4 qui sont des doublons par rapport à Anselme de Laon. PL 162, col. 1182A, avec ce commentaire de l’édition de la PL : « Commentariorum in Joannem nullus praeter hujus notitiae scriptorem meminit ». H. H. Glunz, History of the Vulgate, p. 322-328. A. Andrée, « The Glossa ordinaria on the Gospel of John : A Preliminary Survey of the Manuscripts with a Presentation of the Text and its Sources », RB, 118 (2008), p. 109-134.

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Le commentaire sur Paul imprimé dans la Patrologie latine sous le nom d’Hervé de Bourg-Dieu a aussi fait l’objet d’une attribution à Anselme de Laon de la part de Glunz304. Il proposa de voir dans le commentaire une œuvre d’Anselme en raison de son utilisation par la glose interlinéaire305. La proposition, non démontrée, n’est pas soutenable : grâce à une étude du contenu, Arthur Landgraf a montré que le texte contenait des parallèles frappants avec le commentaire authentique d’Hervé sur Isaïe ainsi qu’une influence dionysienne typique de la manière d’Hervé306. L’attribution tentée par Glunz ne mérite donc aucun crédit : le commentaire de PL 181 ne devrait plus apparaître dans les répertoires sous le nom d’Anselme de Laon même à titre dubitatif. Parmi le grand nombre de textes consacrés à l’Apocalypse et réunis par Friedrich Stegmüller sous le nom d’Anselme de Laon, le commentaire Deus et Dominus pater se présente avec le nom d’Anselme dans au moins deux des cinq manuscrits connus307. Le manuscrit du Mans, BM, 218, déjà rencontré pour le Cantique, parle de glose in Apocalipsi secundum lectionem Anselmi Lugdunensis308, une appellation que l’on retrouve également dans Paris, BNF, lat. 712309. Il est d’ailleurs notable que la tradition manuscrite cistercienne transmette ensemble Cantique et Apocalypse puisqu’on retrouve également le second des commentaires dans des témoins déjà connus comme Troyes, BM, 227, sous le nom de Raoul, et anonyme dans Troyes, BM, 1223310. Sur la foi d’un manuscrit et d’une tradition indirecte explicite, Guy Lobrichon considère comme anselmien le commentaire dit Johannes apostolus in Patmos insula311. Ce texte, inédit et connu par au moins neuf manuscrits du 304 305 306

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PL 181, col. 591-1692, cfr Stegmüller, RB 3276-3289. H. H. Glunz, History of the Vulgate, p. 204-205. A. Landgraf, « Der Paulinenkommentar des Hervaeus von Bourg-Dieu », Biblica, 21 (1940), p. 113-132 et aussi G. Oury, « Hervé de Bourg-Dieu », dans DS, t. 7, 1969, col. 373-378, à la col. 374. Cfr RB 1361-1371, il s’agit de RB 1361. Fol. 31-103, voir description donnée supra pour le commentaire du Cantique. La forme Lugdunum peut aussi s’appliquer à Laon comme l’attestent à date ancienne des actes royaux de la seconde moitié du xe siècle ainsi sans doute que des deniers contemporains, cfr F. Dumas, « Lyon ou Laon ? À propos de trois deniers du xe siècle », dans Mélanges de travaux offerts à maître Jean Tricou, Lyon, 1972, p. 159-161. Voir aussi Incipiunt glose in Apocalypsim secundum lectionem magistri Anselmi Lugdunensis et explicit similaire, Paris, BNF, lat. 712, xiie-xiiie siècle, 178 fol., fol. 1r-46v, provient de l’abbaye cistercienne de Foucarmont, cfr B. Hauréau, Notices et extraits de quelques manuscrits latins de la Bibliothèque nationale, Paris, t. 1, 1890, p. 74-88, à la p. 75. On trouve aussi comme glose marginale une partie du commentaire, anonyme, dans Paris, BNF, lat. 3589, xiiie siècle (début), 48 fol., fol. 52r-99v, interpolé et incomplet de la fin (PL 162, col. 1499-1578). G. Lobrichon, « Conserver, réformer », p. 119, cfr RB 1367-1369 et München, Bayerische Staatsbibliothek, Clm 2605, fol. 41v-142 : « incipit prologus Anshelmi in expositionem Apocalipsis Johannis apostoli ».

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xiie siècle et une compilation, s’insère dans un ensemble de commentaires des années 1080-1120. Textuellement apparentés, ils possèdent comme point commun de rendre au livre de l’Apocalypse son historicité312. Les statuts respectifs d’autres commentaires sur l’Apocalypse demeurent difficiles à établir313 : ils sont le plus souvent anonymes et transmis dans un nombre très restreint de manuscrits314. Outre les commentaires bibliques, d’autres textes se rapportant à l’Écriture ont été attribués à Anselme de manière plus ou moins hasardeuse315. Le cas le plus flagrant est celui de l’homélie due à l’archevêque de Cantorbéry, Raoul d’Escures (1114-1122) sur la péricope de Marthe et Marie (Intravit Jesus in quoddam castellum, Luc 10, 38-42)316. Attribuée fautivement dès le xiie siècle à saint Anselme, la pièce est donnée par les mauristes à Anselme de Laon dans des notes destinées à dom d’Achery et rassemblées dans Paris, BNF, lat. 13445317. Les papiers des mauristes signalent également deux sermons qui seraient d’Anselme de Laon, mais dont seuls les thèmes bibliques sont donnés et qui semblent perdus318. Sous le nom de « maître Anselme », on trouve dans Valenciennes, BM, 828 un autre sermon sur Luc 10, 38-42319. S’il est difficile 312 313

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Pour plus de détails, voir G. Lobrichon, « Conserver, réformer », p. 119-126. On peut, semble t-il, regrouper RB 1362 avec 1363 et RB 1364 avec 1365, tandis que RB 1366 et 1370 paraissent indépendants. L’anonymat vaut pour RB 1362-1366. La liste en est donnée par J.-B. Schneyer, Repertorium der lateinischen Sermones des Mittelalters, t. 1, Münster, 1969, p. 289-290. PL 158, col. 644C-649C, le texte a fait l’objet d’une étude précise de dom A. Wilmart, « Les homélies attribuées à s. Anselme », AHDLMA, 2 (1927), p. 5-29, aux p. 16-23 ; sur Raoul d’Escures, voir aussi le chapitre II (première partie). « Sermo Anselmi Laudunensis in festo beate Virginis ex manuscriptis Christenianis. Intravit Jesus in quoddam castellum etc. In sacra scriptura res… – …simus meritis et precibus per dominum nostrum etc. », Paris, BNF, lat. 13445, fol. 26r-27r ; PL 158, col. 644C-649C ; comme une partie de la tradition manuscrite, le témoin ne porte par le début qui précise les circonstances de l’homélie et rend l’attribution à Anselme de Laon impossible. Cette fausse attribution, reprise par G. Lefèvre, De Anselmo Laudunensi, p. 124, avait déjà été justement combattue par B. Hauréau, C. R. de « De Anselmo Laudunensi scholastico… G. Lefèvre », p. 450-451. « De eo agit Trithemius De scriptoribus ecclesiasticis fol. 271 apud nos claruit ut inde patet circa annum 1200 . Sequntur in nostro manuscripto alii dico sermones ejusdem authoris quandoquidem nullus alius author premit[e]batur. Primus sic incipit : ‘si quis auditor est verbi’ etc. Alius in dominica post Ascensionem : ‘a timore tuo concepimus’ etc. », Paris, BNF, lat. 13445, fol. 27r. « Omelia magistri Anselmi. Numquid dilectissimi fratres causa nominis lecti… – …nisi perfecte misereri, amen », Valenciennes, BM, 828, fol. 112v-121r, xive-xve siècle, 167 fol., le manuscrit est signalé par G. Lefèvre, De Anselmo Laudunensi, p. 124 et A. Wilmart, « Les homélies attribuées à s. Anselme », p. 13. On peut signaler un nouveau témoin anonyme de ce texte dans Kassel, Landesbibliothek, 2° Ms. theol. 133, fol. 184rb-189ra, xive siècle, 220 fol., provient de Fritzlar, cfr K. Wiedemann, Die Handschriften der Gesamthochschul-Bibliothek Kassel, Landesbibliothek und Murhardsche Bibliothek der Stadt Kassel, t. 1, Manuscripta theologica. Die Handschriften in Folio, Wiesbaden, 1994, p. 180-183.

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de trancher absolument, le style très orné de cette longue pièce ne correspond guère à ce que l’on sait par ailleurs du mos anselmianus. Le même manuscrit des mauristes contient un commentaire sur le Notre Père qui est attribué à un maître Étienne de Laon devenu dans le Repertorium de Jean-Baptiste Schneyer Anselme de Laon320. Il s’agit en fait d’un extrait légèrement remanié de l’Expostio missae de Remi d’Auxerre, elle-même éditée parmi le Liber de divinis officiis pseudo alcuinien321 : la pièce n’a donc pas de rapport avec Anselme de Laon. Enfin, au terme d’une étude critique de la correspondance d’Anselme de Cantorbéry, dom Schmitt a proposé l’attribution à Anselme de Laon d’une lettre Contra matrimonium clericorum322. La lettre, qui condamne fermement le mariage des prêtres, est écrite par un clerc qui ne semble ni prêtre ni spécialiste de droit canon. Pour lui, le mariage des clercs, autorisé dans l’ancienne alliance, fait partie des pratiques périmées comme la circoncision. Le débat soulevé, la manière de citer la Bible ainsi que les renvois aux quatre premiers conciles œcuméniques et au Registrum de Grégoire le Grand incitent à dater la pièce des xie-xiie siècles. Cependant, rien dans le style ni les idées ne permet d’établir un parallèle direct avec les écrits authentiques d’Anselme de Laon.

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« De oratione dominica magister Stephanus Laudunensis de manuscriptis Christenianis. Pater noster. Hec oratio dominica vocatur quia Dominus eam docuit… – …illud nobis contingat vere infabiliter amen. Hic Stephanus mihi incognitus nec quidquam de eo repperi » (Paris, BNF, lat. 13445, fol. 32v-33r), cfr J.-B. Schneyer, Repertorium der lateinischen Sermones, p. 290, sans doute à la suite d’une mauvaise interprétation de J. Le Long, Bibliotheca sacra, p. 610B-C : « Anselmus, Gallus, Laudunensis ecclesiae scholasticus et decanus […] 4. Explanationes in varia loca evangeliorum ». Cfr ps. Alcuinus, Liber de divinis officiis, PL 101, col. 1265B-1269A ; sur l’attribution du De divinis officiis et de l’Expositio missae, voir respectivement la notice de la Clavis scriptorum latinorum medii aevi, auctores Galliae 735-987, t. 2, Alcuinus, éd. M.-H. Jullien, F. Perelman, Turnhout, 1999, p. 133-134 et J.-P. Bouhot, « Pour une édition critique de l’Expositio missae de Remi d’Auxerre », dans L’école carolingienne d’Auxerre de Murethach à Remi 830-908, éd. D. Iogna-Prat, C. Jeudy, G. Lobrichon, Paris, 1991, p. 425-434. Cet extrait de l’Expositio missae de Remi d’Auxerre est aussi signalé d’après le manuscrit parisien par M. W. Bloomfield, B.-G. Guyot, D. R. Howard, T. B. Kabealo, Incipits of Latin Works on the Virtues and Vices, 1100-1500 A. D. Including a Section of Incipits of Works on the Pater Noster, Cambridge (Ma.), 1979, p. 602, n. 8383 dont l’incipit correspond au numéro 8366 (Remi). F. S. Schmitt, « Die echten und unechten Stücke der Korrespondenz des hl. Anselm von Canterbury », RB, 65 (1955), p. 218-227, à la p. 226. La lettre, que François Dolbeau m’a indiquée, a été éditée sous le nom de saint Anselme par F. Liverani, Spicilegium Liberianum, Florence, 1863, p. 559-563, d’après le seul manuscrit apparemment connu, Vaticano, BAV, lat. 6024, fol. 156 : « Anselmus vita peccator, habitu clericus, G. sacerdoti carnis affinitate mihi propinquo per pietatis studium promereri felicitatem supernorum civium. Dicere verbis non possum… – …quia non statim qui accusatur, reus est ».

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Tout aussi incertain est le statut d’une lettre De nuptiis consanguineorum traditionnellement éditée parmi les œuvres de saint Anselme et sans rapport direct avec les sentences d’Anselme de Laon323. Au terme de ce parcours parmi les différents commentaires attribués à Anselme, on note que son nom a, dès l’époque médiévale, attiré un certain nombre d’œuvres exégétiques qui semblent ne pas toutes appartenir au maître. S’il faut rejeter comme erreur moderne l’attribution du commentaire paulinien, les médiévaux ont douté, et la critique après eux, pour les Psaumes, le Cantique des cantiques, Matthieu, Jean et l’Apocalypse. À la seule lecture des rubriques médiévales, l’hésitation peut porter sur l’authenticité d’un seul texte comme pour les Psaumes et Jean ou, de manière plus significative encore, sur l’attribution à Anselme d’un commentaire parmi plusieurs textes connus (Cantique des cantiques, Matthieu et Apocalypse). Comme toutes les rubriques des manuscrits ne peuvent être sincères, cela signifie que maître Anselme a une réputation suffisamment flatteuse de commentateur de la Bible pour qu’il soit naturel de lui prêter une œuvre tirant un certain éclat de cette attribution. Les attributions même fautives permettent par conséquent de circonscrire le renom d’Anselme de Laon. Il est d’autant plus indéniable que des contemporaines aussi célèbres qu’Abélard et Guillaume de Champeaux ne se voient pas attribués un si grand nombre de commentaires324. Au plan de la critique d’attribution, parmi les commentaires traditionnellement attribués à Anselme, il semble que ceux sur le Cantique des cantiques et le commentaire sur Matthieu Cum post ascensionem (A) se présentent dans des conditions plutôt favorables, alors que les ouvrages imprimés dans la Patrologie latine doivent être reçus avec une plus grande circonspection. À la suite de Beryl Smalley, nous avions annoncé en ouverture de cette première partie que la vie et l’œuvre d’Anselme posaient de difficiles problèmes à l’historien qui devait s’avancer sur un terrain des plus mouvants : on a pu se rendre compte que le tableau n’avait pas été noirci à dessein. La sécheresse d’une vie somme toute assez peu documentée de manière contemporaine ainsi que le maquis des textes et des attributions contradictoires sont des réalités peu gratifiantes auxquelles on ne saurait se soustraire. 323

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Éditée en PL 158, col. 557A-560D, la lettre De nuptiis consanguineorum est signalée par F. S. Schmitt, « Die echten und unechten Stücke der Korrespondenz des hl. Anselm von Canterbury », p. 223. On la trouve notamment dans Paris, Bibl. Sainte-Geneviève, 1367 où est aussi copiée la lettre d’Anselme de Laon à Héribrand, mais comme le conclut prudemment l’auteur : « Doch möchte ich aus diesem Kontext keinen Schluss auf den Verfasser wagen » (ibidem). Pour Abélard, voir M. Lapidge, « Abaelardus Petrus », dans Compendium Auctorum Latinorum Medii Aevi (500-1500), t. I-1, éd. M. Lapidge, G. C. Garfagnini, C. Leonardi, Florence, 2000, p. 3-7 ; pour Guillaume, voir C. J. Mews, « Logica in the Service », p. 79-109.

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Reconnaître les difficultés qui demeurent n’est toutefois pas un aveu d’échec puisque les points mis hors de doute reçoivent de ce fait un plus grand relief. Pour comprendre Anselme, le traitement biographique est un accident, non la règle : Anselme de Laon n’est ni Pierre Abélard, ni Guibert de Nogent. Au miroir des sources, la reconstitution que l’on peut proposer d’Anselme ne correspond pas à la définition d’un individu « en quête de soi »325. Même en tenant compte des justes nuances proposées par Caroline Walker Bynum, on ne peut pas non plus accéder à l’anima anselmienne, l’homme intérieur, potentiellement partagé entre l’abolition du vieil homme et l’union avec Dieu326. Ni individu ni personne, Anselme de Laon nous est avant tout apparu comme un modèle. Issu d’un milieu modeste, Anselme est un clerc au service des évêques de Laon. On comprend mieux le personnage à le replacer dans le contexte laonnois, plutôt qu’à en faire un hypothétique maillon entre la tradition monastique et les écoles urbaines naissantes. Sa fidélité locale a été récompensée par une carrière de premier plan à l’échelle du diocèse puisqu’il cumule les charges d’écolâtre, chancelier, doyen et archidiacre. L’étude des préambules a, en outre, permis de dégager le légistimisme foncier qui l’anime, sans que son attitude face à Gaudry permette d’en faire un valet épiscopal. Dans une situation de crise aiguë comme la Commune de 1112, Anselme fait montre d’un sens élevé de son devoir canonial qui le place au-dessus des partis et lui confère un prestige reconnu de tous. Parallèlement à cette reconstitution du personnage, nous avons également cherché à relever, dans ses œuvres ou les différents témoignages sur l’attribution, des éléments documentant l’image du maître. Il apparaît qu’il y a sans doute plus de textes pseudépigraphes qu’il faut lui retirer que d’œuvres anonymes qu’il conviendrait de lui rendre. Grâce à ces différents cas, il a été possible de mesurer la diffusion du nom d’Anselme et la faveur dont il a joui. 325

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C. Morris, The Discovery of the Individual, 1050-1200, Londres, 1972 et Id., « Individualism in xiith century religion : some further reflexions », Journal of Ecclesiastical History, 31 (1980), p. 195-206, voir aussi les approches plus sociohistoriques d’A. J. Gourevitch, Les catégories de la culture médiévale, Paris, 1983, p. 291-314 : « À la recherche de la personnalité » et Id., La naissance de l’individu dans l’Europe médiévale, Paris, 1997, ainsi que les utiles mises en perspective de J. Le Goff, Saint Louis, Paris, 1996, p. 499-522, H. Martin, Mentalités médiévales II. Représentations collectives du XIe au XVe siècle, Paris, 2001, p. 264-266 et D. Iogna-Prat, « La question de l’individu à l’épreuve du Moyen Âge », dans L’individu au Moyen Âge, éd. B. Bedos-Rezak, D. Iogna-Prat, Paris, 2005, p. 7-29. C. Bynum, « Did the Twelfth Century Discover the Individual ? », dans Jesus as Mother. Studies in the Spirituality of the High Middle Ages, Berkeley - Los Angeles - Londres, 1982, p. 82-109, J.-C. Schmitt, « La ‘découverte de l’individu’ : une fiction historiographique ? », dans La Fabrique, la Figure et la Feinte. Fictions et statut des fictions en psychologie, éd. P. Mengal, F. Parot, Paris, 1984, p. 213-236, C. Bynum, Metamorphosis and Identity, New York, 2001 et, avec un large choix bibliographique, P. von Moos, « Zum Wechselspiel von sozialer Zuschreibung und Selbstbeschreibung », dans Unverwechselbarkeit. Persönliche Identität und Identifikation in der vormodernen Gesellschaft, éd. P. von Moos, Cologne, 2004, p. 1-42.

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Elle est indubitablement faible pour un commentaire peu diffusé comme celui sur les Psaumes. En revanche, elle est plus importante pour tout un ensemble de textes liés au Cantique des cantiques et à l’évangile de Matthieu. Dans ce cas et contrairement à une opinion assez répandue, il faut noter que le nom d’Anselme a survécu à sa mort et à la génération qui la suit : malgré la part évidente de routine dans la copie et les inévitables corruptions commises par les scribes, ce fait positif est notable dans la mesure où le nom même de « maître Anselme » continue sa carrière jusqu’au seuil du xiiie siècle.

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CHAPITRE II L’AUTORITÉ DE MAÎTRE ANSELME : DE LA FAMA AU MAGISTERIUM

Comme le premier chapitre a pu le montrer, l’intériorité d’Anselme nous échappe entièrement. Faut-il pour autant se résoudre à faire d’Anselme de Laon un type social sans épaisseur, la simple incarnation d’une norme extérieure ? En fait, nous avons montré également que le nom d’Anselme est, à lui seul, une réalité vivante, quasi autonome : il est utilisé pour authentifier des actes épiscopaux, sert donc de caution à une action politique, tout en attirant, à plus ou moins bon droit, des textes et des témoignages scolaires. Le nom du maître, détaché du sujet historique qu’il sert à désigner sa vie durant, acquiert une notoriété évidente dès le xiie siècle et contribue à donner aux expressions « maître Anselme » et « Anselme de Laon » une sorte de valeur ajoutée : la fama1. La fama anselmienne désigne ainsi le capital symbolique dont bénéficie le maître et qui crée autour de sa personne une réputation qui attire directement à lui des ensembles textuels, des élèves, et, de façon plus indirecte, l’attention de certains contemporains2. Autant que la mesure d’un succès, elle apparaît comme la manifestation, par essence toujours un peu mystérieuse, de l’auctoritas du maître. En ce sens, les notions de fama et d’auctoritas permettent d’articuler ce qui relève, d’un côté, de la construction sociale, le regard des autres sur Anselme qui construisent sa persona ou masque social et, de l’autre, ce qui touche à la part irréductible et authentiquement personnelle d’Anselme, le rayonnement magistral dont il est le foyer.

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Sur la notion de « renommée », il n’existe pas de travail de synthèse, voir cependant le numéro thématique de Médiévales, 24 (1993), notamment la présentation de C. Gauvard, « La Fama, une parole fondatrice », p. 5-13, et, sur la dimension politique, les contributions résumées par A. Compton Reeves, Reputation and Representation in Fifteenth-Century Europe, éd. D. L. Biggs, S. D. Michalove. A. C. Reeves, Leyde - Boston, 2004, p. 1-8. La rumeur, au sens large, a reçu plus d’attention notamment de la part des sociologues, voir le bilan dressé dans un numéro thématique par P. Donovan, « Vaines paroles ? Un siècle de recherche sur la rumeur », Diogène, 213 (2006), p. 74-106, ainsi que le dossier documentaire des p. 202-249. Le terme de fama ou des dérivés (famosior) se trouve dans les Miracula et chez Rupert de Deutz (voir infra), les autres sources offrant des synonymes, cfr A. Grondeux, « Le vocabulaire latin de la renommée au Moyen Âge », Médiévales, 24 (1993), p. 15-26.

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Une étude sémantique et diachronique du concept d’autorité amène, par ailleurs, à distinguer deux acceptions du terme. L’’autoritativité’ ou autorité énonciative correspond à la crédibilité reconnue à un auteur et à ses énoncés, tandis que l’autoritarisme confond pouvoir et autorité et mène à la contrainte3. Si la fama est donc synonyme de bonne renommée, l’auctoritas, entendue en son sens le plus précis, porte à croire sans faire usage de la contrainte4. Dans quelle mesure et selon quelles modalités les sources contemporaines ont-elles reconnu à Anselme cette capacité à produire un discours orthodoxe ? Autrement dit, comment Anselme a-t-il transformé le magisterium, compétence pédagogique reconnue traditionnellement à un professeur, en norme de vérité, c’est-à-dire en véritable magistère ?

L’école à Laon : de la parole magistrale à la FAMA Dans la société médiévale, le statut du maître dépend étroitement d’une compétence orale qui constitue la forme première de son enseignement. Homme de la parole vive qui instruit, maître Anselme s’est tu définitivement pour nous. Une des manières de reconstituer ce que fut son école est de considérer ceux qui ont parlé du maître et ce qu’ils nous en ont rapporté. L’étude de la parole magistrale doit donc prendre la forme d’une reconstitution de la tradition indirecte. Il faut par conséquent tenter d’atteindre la vox à travers la fama. En effet, malgré l’existence de témoignages précis sur Anselme, ceux-ci ne prennent sens qu’en raison d’une réputation qui les excède. Sans la réputation préalable d’Anselme, pourquoi Abélard et les autres seraient-ils allés à Laon ? Force d’attraction immatérielle, la fama est donc la condition d’existence du prestige magistral en même temps que son expression la plus caractéristique. Au-delà des différentes nuances sémantiques qui caractérisent le mot, il est notable que la fama se ramène à une rumeur, flatteuse ou malveillante, mais toujours anonyme ou indistincte5. Même personnifiée de manière tardive par les poètes latins, Fama est une divinité qui échappe à une complète personnalisation : douée d’un grand nombre d’yeux et de bouches, Fama habite au milieu du monde dans un palais qui renvoie en un gigantesque

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Sur ces notions, voir les approches complémentaires du sociologue G. Leclerc, Histoire de l’autorité. L’assignation des énoncés culturels et la généalogie de la croyance, Paris, 1996, p. 7-11 et du philosophe P. Audi, L’autorité de la pensée, Paris, 1997, p. 217. Voir, dans le même sens, la définition d’Alexandre Kojève : « l’acte autoritaire se distingue de tous les autres par le fait qu’il ne rencontre pas d’opposition de la part de celui ou de ceux sur qui il est dirigé », La notion de l’autorité, Paris, 2004, p. 57. Thesaurus linguae latinae, t. 6-1, 1912-1926, Leipzig, col. 206-227.

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écho les paroles des humains6. Si l’acception classique de fama comme renommée, bonne ou mauvaise, demeure vivace aux xie et xiie siècles7, le mot perce également dans le domaine juridique, notamment chez les commentateurs du Décret de Gratien comme Rufin († ca. 1192)8. Le mot et son antonyme infamia désignent désormais un degré de preuve que la rumeur publique permet de constater9. Cette évolution oblige à se rappeler que la fama n’est pas simplement la constatation d’un ouï-dire, mais possède des conséquences sociales : elle crée une réputation et, par conséquent, touche aussi à l’identité personnelle. Cependant, comme son allégorie antique, la fama médiévale se laisse plus facilement entendre qu’analyser10. En effet, l’absence institutionnelle de dénombrement des scolares implique de s’en remettre à des mentions qualitatives, littéraires ou annalistiques qui, le plus souvent de manière incidente, attestent le passage à Laon et l’attitude adoptée face à Anselme. La mise à jour de nouveaux testimonia concernant l’école de Laon semble difficile : les érudits des générations antérieures ont dépouillé avec grand soin les diverses sources narratives à notre disposition et peu de mentions restent à découvrir concernant les élèves d’Anselme11. En revanche, un important travail historique de mise en contexte est requis, puisque ces témoignages, épars et implicites, ont été seulement cités en des listes peu critiques sans que soit dégagée la signification donnée au séjour laonnois et à la fama magistrale qu’il suppose. Les interrogations ne manquent donc pas : qui va à Laon et pourquoi ? à quel âge et pour combien de temps ? qu’y apprend t-on et dans quel but ? À toutes ces importantes questions, les sources du xiie siècle permettent rarement de donner des réponses satisfaisantes. La vulgate historiographique 6

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Voir l’indication des sources, notamment Virgile et Ovide, chez P. Grimal, Dictionnaire de la mythologie grecque et romaine, Paris, [1951] 199914, p. 157 et J.-P. Néraudau, « La Fama dans la Rome antique », Médiévales, 24 (1993), p. 27-34. Cfr la définition de Papias donnée vers 1050 : « Fama dicta quod fando pervagatur, est autem nomen et bonarum rerum et malarum » (Papias Vocabulista, Turin, 1966), citée par A. Grondeux, « Le vocabulaire latin », p. 16. « Est igitur fama illese dignitatis status, moribus ac legibus comprobatus, in nullo diminitus » (C. 2, q. 3, c. 7, éd. J. F. von Schulte, Die summa magistri Rufini zum Decretum Gratiani, Giessen, 1892), cité par A. Grondeux, « Le vocabulaire latin », p. 17. F. Migliorino, Fama e infamia. Problemi della società medievale nel pensiero giuridico nei secoli XII et XIII, Catane, 1985. Il est d’ailleurs significatif que les représentations de Fama soient plutôt rares et tardives, cfr C. Raynaud, « En quête de Renommée », Médiévales, 24 (1993), p. 57-66. La liste la plus souvent reprise est celle de l’Histoire littéraire de la France, PL 162, col. 1176C1178A, dont dépendent P. Féret, La Faculté de théologie, p. 28, J. de Ghellinck, « The Sentences of Anselm of Laon and their Place in the Codification of Theology during the XIIth Century », The Irish theological Quaterly, 6 (1911), p. 427-441, aux p. 427-428 et Id., Le mouvement théologique, p. 133-134, É. Lesne, Histoire de la propriété, p. 303-308, A. Landgraf, Introduction, p. 74-75 et S. Martinet, « L’École de Laon au xiie siècle. Anselme de Laon et Abélard », Fédération des sociétés savantes et d’archéologie de l’Aisne, Mémoires, 26 (1981), p. 57-63.

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considère justement que la renommée de maître Anselme attire à Laon des clercs soucieux de se former à la lecture de la Bible12. Ce point acquis n’est déjà pas mince, mais il demeure insuffisant. En effet, en croisant les différents témoignages, on peut espérer préciser les attentes des élèves de maître Anselme. Une étude particulière est donc nécessaire pour éclairer les motivations des étudiants ainsi que les conceptions et les réactions contemporaines concernant les cours dispensés à Laon. La mesure d’un succès : se loger à Laon Comme aucune source quantitative ne peut aider à déterminer l’importance numérique des élèves ayant entendu Anselme, d’autres mentions doivent être utilisées pour évaluer, fût-ce de manière imprécise, les conditions de vie à Laon. Un témoignage, tiré du commentaire de Guillaume de Champeaux au De inventione de Cicéron, permet d’appréhender la réalité matérielle du séjour laonnois. Il y est, en effet, affirmé : Mais il n’est pas honteux aux chanoines de Laon de louer des logements aux clercs, car il n’est pas honteux aux clercs de les tenir en location13.

L’école cathédrale, située dans l’enclos canonial, fonctionne donc selon le système de la ‘chambre chez l’habitant’, puisqu’il s’agit de fournir aux étudiants étrangers à la ville un toit. Toutefois, l’organisation ne repose pas sur la gratuité, mais se fait à titre onéreux, ce qui explique sans doute que le commentateur ait éprouvé le besoin de disculper les chanoines de tout soupçon d’enrichissement, signifié par l’adverbe turpe. La situation locale, que l’on devine en ce cas plus favorable au bailleur qu’au locataire, implique une position de force dont certains chanoines ont sans doute tiré un parti excessif. Le fait s’explique sans doute par le site même de la ville dont la position défensive limite en partie l’extension14. Compte tenu de l’inexistence de toute législation contemporaine protégeant les étudiants étrangers avant la constitution Habita promulguée en 1155-1158 par l’empereur Frédéric Barberousse15,

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La formulation la plus nette se trouve chez J. de Ghellinck, Le mouvement théologique, p. 133. « Vere non est turpe Laudunensis canonicis hospitia clericis locare, quia non est turpe clericis ea conducere » (K. M. Fredborg, « The Commentaries on Cicero’s De inventione and Rhetorica ad Herennium by William of Champeaux », Cahiers de l’Institut du moyen-âge grec et latin, 17 (1976), p. 1-39, à la p. 13, n. 36). R. W. Southern, Scholastic Humanism and the Unification of Europe, t. 1, Foundations, Oxford, 1995, plate 1, « The scholastic limitations of Laon » et p. 199-200. On hésite toutefois, pace sir Richard, à faire de ces limitations naturelles « a main clue » pour expliquer le supposé déclin de l’école à Laon au premier xiie siècle. J. Verger, « La mobilité étudiante au Moyen Âge », Histoire de l’éducation, 50 (1991), p. 65-90, aux p. 66-69.

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Guillaume de Champeaux semble plutôt pragmatique et souple sur ce point : si certains sont prêts à payer, pourquoi d’autres n’en profiteraient-ils pas ? Cette interprétation est confirmée par une source un peu plus explicite : une lettre non datée d’un élève d’Anselme, Bernard chanoine de Pise, écrite à un autre membre du chapitre cathédral pisan16, fournit des détails dignes d’intérêt17. Après un long silence, Bernard offre à son confrère son amitié en termes hyperboliques et lui propose une visite à Laon, mais y met une condition : C’est pourquoi je demande et prie vivement votre clémence de prendre soin de me signifier par des marques assurées votre arrivée et si vous devez passez l’hiver chez nous à Laon. Je suis, en effet, en ce moment avec mon hôte dans une maison qui n’est pas la mienne, mais si je suis assuré de vous, je prendrai soin de prendre en location pour moi et vous un logement particulier. C’est pourquoi je veux dès à présent en être sûr, car, avec l’arrivée de nombreux clercs à Laon, c’est à peine si l’on pourra trouver des logements très chers18.

L’image employée plus haut d’un vrai marché immobilier, avec ses règles strictes de fonctionnement, ne relève donc pas de l’anachronisme. Le cas de Bernard de Pise est à cet égard des plus éclairants : il ne peut recevoir d’ami chez lui car il a une chambre en ville, mais il envisagerait avec plaisir la perspective d’une cohabitation avec pour seule condition de le lui annoncer suffisamment tôt. La mention de l’hiver laisse supposer que l’on se trouve à l’automne, au plus tôt pendant l’été. Ce moment coïncide avec l’arrivée de nombreux étudiants à Laon et une montée du prix des locations, ce qui justifie l’insistance de Bernard pour que son correspond le prévienne. Ainsi la venue des élèves à Laon est aussi synonyme pour la ville et, au premier chef pour les chanoines, de juteux profits.

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Il est désigné par la simple lettre A. La lettre XXVI est éditée avec un dossier épistolaire des plus importants par L. Merlet, « Lettres d’Ives de Chartres et d’autres personnages de son temps. 1087-1130 », BEC, 16 (1855), p. 443-471, aux p. 465-466. Les différentes lettres sont tirées du manuscrit Chartres, BM, 1029, xiie siècle, 157 fol., provenant du chapitre cathédral, cfr le Catalogue général des manuscrits des bibliothèques publiques de France, t. 11, Paris, 1889, p. 319-320. Le détail du contenu est complété, pour la suite du manuscrit, par H. Omont, « Quatre bulles inédites des papes Silvestre II et Pascal II », BEC, 50 (1889), p. 567-570. Le manuscrit a brûlé dans l’incendie de 1944. Michelle Neveu, de la Bibliothèque Municipale de Chartres, a eu l’obligeance de m’indiquer qu’il n’en restait plus que de fragments dont le parchemin est très cassant et mesurant 80 × 100 mm dans le meilleur des cas. « Unde rogo multumque vestram deprecor clementiam ut de vestro adventu, et si apud nos Laudunum hiemare debetis, certis vestris notis per hunc mihi certificare curetis. Sum enim modo cum hospite meo non in propria domo, sed si certus fuero de vobis, proprium hospitium mihi et vobis locare curabo. Unde me firmum ad presens volo faciatis quia, multis clericis Laudunum adventantibus, vix inveniri valde cara poterunt » (L. Merlet, « Lettres d’Ives de Chartres », p. 466).

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Ce point acquis, il convient d’examiner le cursus des élèves d’Anselme en notant le plus précisément possible la manière dont il peut documenter la fama anselmienne. La meilleure méthode, si l’on veut apprécier le degré d’universalité de cette réputation, est de procéder par aires géographiques. Toutefois trois personnages, parmi les plus importants de leur temps, réclament un traitement particulier dans la mesure où l’importance historique et historiographique de leurs témoignages rend leur étude préliminaire nécessaire. Anselme de Laon doctor doctorum (Abélard, Gilbert de La Porrée et Guillaume de Champeaux) Trois élèves d’Anselme de Laon se distinguent des autres par leur renommée et l’intérêt soutenu que l’historiographie a accordé à leur séjour laonnois. Les trois attitudes différentes d’Abélard († 1142), de Gilbert de La Porrée († 1154) et de Guillaume de Champeaux († 1121)19 représentent trois rapports possibles entre un maître et son disciple. Il convient de se montrer prudent, puisque dans deux cas sur trois, les liens entretenus avec Laon sont documentés principalement par Abélard dont le témoignage est notoirement partial et volontairement schématique. Renchérir en faisant de cette narration une sorte de paradigme interprétatif pour les autres élèves constitue par conséquent un risque. Il n’est pourtant pas sans intérêt de relever que les rapports entretenus par Anselme avec trois de ses étudiants vont de la révolte à la déférence en passant par une certaine indépendance20. Il peut sembler paradoxal de commencer par Abélard, tant sa narration est un témoignage à charge pour l’enseignement d’Anselme de Laon. Le récit d’Abélard a, en effet, fini par éclipser tous les autres en raison de sa rare précision et de la renommée de son auteur. Cependant, si l’on considère avec prudence les éléments clefs de l’Historia calamitatum, on obtient un portrait d’Anselme qui, bien que déformé, contient une part non négligeable de vérité. Sans reprendre en détails la narration abélardienne21, quelques points importants pour notre propos sont à dégager. Le témoignage d’Abélard est, en effet, intéressant à plusieurs titres, et plutôt que de chercher à refaire grâce à 19

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Guillaume décédant un 18 janvier, il y a donc incertitude sur le style utilisé, soit de Noël (1121) soit de Pâques (1122), voir en dernier lieu et avec une préférence pour 1121, J.-P. Ravaux, « Les évêques de Châlons-sur-Marne des origines à 1789 », Mémoires de la société d’agriculture, commerce, sciences et arts du département de la Marne, 98 (1983), p. 49-121, à la p. 81. Sur l’importance des liens affectifs entre maîtres et élèves, voir la synthèse de M. MünsterSwendsen, « The Model of Scholastic Mastery in Northern Europe c. 970-1200 », dans Teaching and Learning in Northern Europe, 1000-1200, éd. S. N. Vaughn, J. Rubenstein, Turnhout, 2006, p. 307-342. Elle est abondamment glosée de C. de Rémusat, Abélard, Paris, 1845, réimpr. Francfort, 1975, p. 35-39 à M. Clanchy, Abélard, Paris, 2000, p. 100-104.

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lui le procès d’un des deux protagonistes, il vaut la peine d’en analyser quelques présupposés22. Tout d’abord, Abélard reconnaît la prééminence de Laon dans le domaine de la divinitas : sur ce point, il se rapproche de tous les autres témoignages contemporains et postérieurs pour lesquels la réputation de Laon tient à l’enseignement de la science sacrée23. La différence d’analyse, cruciale, tient à l’interprétation de l’autorité anselmienne et à la valeur reconnue à la fama magistrale. En effet, si Anselme possède un grand nom c’est uniquement ex antiquitate, l’expression n’ayant pas tant, dans le contexte, valeur temporelle, que causale24. C’est donc à l’usage, et sans doute même pour Abélard à l’usure, qu’Anselme de Laon a conquis une autorité consacrée par le temps, non par le talent. Cela explique la tonalité polémique du texte qui oppose sans nuance ni ménagement la routine d’un vieillard au génie novateur abélardien25. Il est ainsi frappant de noter que le combat mis en scène par Abélard est celui de deux générations. De plus, la fama anselmienne est d’après Abélard une illusion qui fait impression de loin, mais une fois approchée, cette réputation se donne pour ce qu’elle est vraiment : un foyer fumeux et un arbre stérile au feuillage trompeur. Le nom même du maître n’a aucune consistance, il est assimilé par le biais de la fameuse citation de Lucain à une simple ombre26. Rapprocher le nom d’Anselme du figuier de l’évangile ne relève pas non plus d’une simple virtuosité littéraire ou d’un jeu intertextuel innocent. En effet, l’association de la malédiction du Christ contre le figuier à la malice des juifs est traditionnelle dans l’exégèse chrétienne de Matthieu, 21, 19 ; Marc 11, 13-14 ou Luc, 13, 727. Le récit d’Abélard, traditionnellement et justement interprété en termes 22

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Pour une appréciation de l’épisode, voir surtout E. Bertola, « Le critiche di Abelardo ad Anselmo di Laon ed a Guglielmo di Champeaux », Rivista di filosofia neo-scolastica, 52 (1960), p. 495-522. « Quo completo reversus sum in Franciam, maxime ut de divinitate addiscerem, quando jam sepefatus magister noster Guillhelmus in episcopatu Catalaunensi pollebat. In hac autem lectione magister ejus Anselmus Laudunensis maximam ex antiquitate auctoritatem tunc tenebat » (Petrus Abaelardus, Historia calamitatum, p. 67, l. 158-163). Contra J. Châtillon, qui traduit par « depuis longtemps », « Abélard et les écoles », dans Abélard en son temps, Paris, 1981, p. 133-160, à la p. 146. Le champ lexical de la vieillesse est omniprésent pour désigner Anselme (« ex antiquitate », « hunc senem », « longevus », « veterem quercum », « predictus senex », « hujus senis », « senex ille », Petrus Abaelardus, Historia calamitatum, p. 67-69). « Cum ignem accenderet, domum suam fumo implebat, non luce illustrabat. Arbor ejus tota in foliis aspicientibus a longe conspicua videbatur, sed propinquantibus et diligentius intuentibus infructuosa reperiebatur. Ad hanc itaque cum accessissem ut fructum inde colligerem, deprehendi illam esse ficulneam cui maledixit Dominus, seu illam veterem quercum cui Pompeium Lucanus comparat dicens : Stat, magni nominis umbra,/ Qualis frugifero quercus sublimis in agro (Phars. 1, 135-136) » (ibidem, p. 68, l. 170-179). Cfr, entre autres, Ambrosius Mediolanensis, De Jacob et vita beata, 1, 1, 2, éd. C. Schenkl, Vienne, 1962 (CSEL 32-2), p. 4 ; Id., Expositio evangelii secundum Lucam, 7, 165-166, éd. M. Adriaen,

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de ‘méthode intellectuelle’ différenciant les deux maîtres28, peut aussi être lu comme un portrait spirituel d’Anselme sans concession : l’image évangélique de même que la citation profane font implicitement du Laonnois le type même du mauvais professeur dont la pédagogie est défaillante. Comme le juif, Anselme n’a de la réalité que les apparences : son enseignement est un témoignage stérile et sans fruits, tandis que son nom n’est qu’une imposture obtenue par l’usage. En filigrane, l’enseignement d’Anselme en théologie semble avoir, aux yeux d’Abélard, quelque chose de ‘judaïque’, tout littéral et infructueux qu’il est. Abélard, en réponse, décide de prêcher d’exemple et de se lancer dans l’explication d’un passage d’Ézéchiel sans recourir aux secours de l’expérience, mais en se fiant à la simplicité de sa seule inspiration29. Il propose alors en contre-exemple de la pédagogie d’Anselme une lectio où la parole du professeur ne vient plus s’interposer devant le texte à expliquer. Face à un Anselme quelque peu rhéteur, Abélard revendique un retour aux textes. À la sophistication rhétorique, le dialecticien oppose son talent de technicien dans les questions linguistiques30. L’accueil réservé aux efforts d’Abélard mérite aussi attention, car il définit assez justement l’attente des élèves et les réactions d’Anselme. Tout d’abord incrédules face aux prétentions d’Abélard, les étudiants auraient en peu de temps déserté les cours d’Anselme pour rejoindre ceux d’Abélard31. Autour d’Anselme, ne seraient restés que les deux favoris du maîtres, Albéric de Reims et Lotulphe de Novare qui auraient organisé la résistance à eux deux. Le schéma narratif est ouvertement le même que lors du séjour parisien : Abélard, apprécié de tous, est victime d’une coterie animée par la jalousie de quelques uns32. Si son triomphe est tellement éclatant, on comprend mal qu’aucune autre source ne s’en soit fait l’écho, fût-ce pour le blâmer. Ainsi, même en considérant qu’Abélard remporte un certain succès, il se heurte tout de même à un milieu scolaire dont il ne sait pas vaincre la résis-

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Turnhout, 1957 (CCSL 14), p. 271 ; Beda Venerabilis, In Lucae evangelium expositio, 13, 7, éd. D. Hurst, Turnhout, 1960 (CCSL 120), p. 266-267, Id., In Marci evangelium expositio, 3, ibidem, p. 576-577 ; Pascasius Radbertus, Expositio in Matheo libri XII, 9, éd. B. Paulus, Turnhout, 1984 (CCCM 56B), p. 1032. Voir J. Châtillon, « Abélard et les écoles », p. 148-155. Petrus Abaelardus, Historia calamitatum, p. 68-69. Sur ce commentaire qui a disparu, voir D. Van den Eynde, « Les écrits perdus d’Abélard », Antonianum, 37 (1962), p. 467-480, aux p. 467-468. Petrus Abaelardus, Historia calamitatum, p. 69, l. 200-213. Une tradition locale rapporte qu’Abélard aurait fait cours à l’emplacement du futur prieuré Saint-Nicolas, de l’ordre du Val des Écoliers, cfr J. Châtillon, « Abélard et les écoles », p. 157 et C. Guyon, Les Écoliers du Christ. L’ordre canonial du Val des Écoliers (1201-1539), SaintÉtienne, 1998, p. 112-113. Petrus Abaelardus, Historia calamitatum, p. 69-70, l. 214-230.

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tance. C’est qu’Anselme est avant tout animé d’une prudence sur laquelle son opposant donne de précieux renseignements : Le vieillard troublé m’interdit avec insolence de poursuivre davantage sur le lieu de son enseignement mon travail commencé de commentaire, mettant en avant ce prétexte, que si j’écrivais quelque erreur dans ce travail, cela lui serait imputé, en raison de mon inhabileté à ce travail33.

Mérite tout d’abord d’être soulignée l’existence d’un locus magisterii, lieu où l’autorité du maître s’exerce. Ce lieu, non défini par le texte dans son ressort, demeure plutôt imprécis. Il excède sans aucun doute la salle de cours où professe Anselme, puisqu’il craint le véritable cours parallèle grâce auquel Abélard attire un auditoire. Anselme met donc en cause un conflit d’influence qui détourne de ses leçons une partie de ses élèves. En ce sens, on peut entendre ce locus magisterii comme le territoire sur lequel les élèves d’Anselme se réclament de son enseignement. Venir organiser un cours dans ce périmètre revient à concurrencer, de manière déloyale selon Anselme, l’enseignement du maître en place. On peut donc parler à cet égard d’une véritable territorialité du magistère reconnaissant à un maître une aire d’influence. Outre la méthode utilisée par Abélard pour imposer son enseignement, c’est le produit de ce magistère non autorisé qui inquiète Anselme : selon le maître laonnois, dont les dires sont rapportés avec discrédit par Abélard, la mise par écrit de ce cours (ibi scriberem) engage la responsabilité du maître. Cette mention jette une lumière intéressante sur les rapports du maître et de l’élève : tant que celui-ci est encore rudis, c’est-à-dire inhabile et sans expérience, son travail demeure sous la responsabilité du magister. Les éventuelles erreurs qui pourraient s’y glisser ne sauraient atteindre l’élève frappé d’une sorte d’irresponsabilité intellectuelle. L’inexpérience dans la pratique du commentaire vaut donc incapacité à répondre de ses écrits. Seul le maître peut en endosser la responsabilité, ce qu’Anselme prudemment refuse de faire dans le cas d’Abélard. Le maître, en plus d’être le gardien d’un territoire, détient également une responsabilité intellectuelle vis-à-vis de ses élèves34. Si Anselme de Laon considère de son devoir de censurer les mauvais élèves, il sert aussi de caution à ses bons disciples. Ce versant complémentaire du prestige magistral et du rôle qui lui est reconnu est documenté par une courte mention prenant davantage de relief replacée dans ce contexte. Elle concerne Gilbert de La Porrée et a surtout intéressé jusqu’à présent les histo-

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« Senex ille perturbatus impudenter mihi interdixit inceptum glosandi opus in loco magisterii sui amplius exercere, hanc videlicet causam pretendens, ne si forte in illo opere aliquid per errorem ibi scriberem, utpote rudis adhuc in hoc studio, ei deputaretur » (ibidem, p. 70, l. 231-236). Voir aussi J. Verger, « De l’école d’Abélard », p. 17-28, à la p. 22.

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riens qui ont retracé la carrière du futur évêque de Poitiers (1142-1154)35. On sait qu’après l’étude des arts libéraux et de la philosophie, Gilbert s’est tourné vers l’Écriture et a suivi les cours d’Anselme à Laon36. Dans le manuscrit Oxford, Balliol College, 36, on lit en effet : « Fin de la glose de maître Gilbert de La Porrée sur le psautier qu’il a lue devant maître Anselme pour la faire corriger37 ». Il est difficile d’imaginer plus grand contraste avec Abélard. Selon le témoignage du manuscrit oxfordien, Gilbert est l’archétype du fidèle disciple : loin de concurrencer son maître, il vient soumettre le produit de son travail à son approbation (causa emendationis). Sur le modèle du compagnon qui réalise son chef d’œuvre et le présente aux maîtres de la communauté de métier pour être coopté à son tour, Gilbert propose un commentaire sur le psautier, un livre dont on sait qu’il a été glosé par Anselme. Cette fidélité au livre du maître s’assortit d’une lecture à haute voix au moins devant le maître (recitavit) dont on peut supposer avec quelque vraisemblance qu’elle a aussi pour but de manifester la filiation de Gilbert par rapport à Anselme. Cette sorte d’hommage de l’élève au maître a pour corollaire la caution magistrale qui entoure le travail de l’étudiant. Anselme dans ce cas n’a pas à craindre de partager la mauvaise réputation d’un élève inexpérimenté, mais accorde un peu de sa fama à un disciple respectueux. Demeure le cas limite de Guillaume de Champeaux où l’historiographie a une part aussi importante que l’analyse des sources38. En effet, les renseignements sur la formation de Guillaume sont des plus minces puisque c’est Abélard qui nous apprend seulement que son grand rival a, lui aussi, suivi les cours d’Anselme de Laon en divinitas39. Les sources ne disent rien de plus 35

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La dernière synthèse est fournie par T. Gross-Diaz, The Psalms Commentary of Gilbert of Poitiers. From Lectio Divina to the Lecture Room, Leyde - New York - Cologne, 1996, p. 1-24, avec bibliographie. Le point est aussi attesté par Otton de Freising, cfr H. C. Van Elswijk, Gilbert Porreta. Sa vie, son œuvre, sa pensée, Louvain, 1966, p. 22-23. « Explicit glosatura magistri Giliberti Porretani super psalterium quam ipse recitavit coram suo magistro Anselmo causa emendationis » (T. Gross-Diaz, The Psalms Commentary, p. 7, n. 22). La citation donnée par A. Landgraf est manifestement erronée, cfr Introduction, p. 75. Sur Guillaume, voir la présentation de J. Jolivet, « Données sur Guillaume de Champeaux dialecticien et théologien », dans L’abbaye parisienne de Saint-Victor de Paris au Moyen Âge, éd. J. Longère, Paris - Turnhout, 1991, p. 235-251, repris dans Perspectives médiévales et arabes, Paris, 2006, p. 71-83, et la synthèse de C. J. Mews, « Logica in the Service of Philosophy : William of Champeaux and his Influence », dans Schrift, Schreiber, Schenker. Studien zur Abtei Sankt Viktor in Paris und den Viktorinern, éd. R. Berndt, Berlin, 2005, p. 77-117. Petrus Abaelardus, Historia calamitatum, p. 67, l. 160-163. Ainsi le renvoi de G. Lefèvre, De Anselmo Laudunensi, p. 74, à la chronique de Morigny qui signalerait Guillaume comme élève d’Anselme est-il fautif et s’explique par une mauvaise interprétation de doms E. Martène et U. Durand, Thesaurus novus anectodorum, t. 5, Paris, 1717, col. 877-880. La chronique signale la présence à l’abbaye du légat Conon de Préneste « secum habens velut auxiliatorem magnum, Willermum Catalaunensem episcopum, qui sublimes

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sur la formation de Guillaume et sa durée. Toutes les suppositions qui peuvent être faites sont proportionnelles à la sincérité des rubriques associant les sentences de Guillaume et d’Anselme. Or, avant de postuler l’existence d’une école de pensée commune à deux maîtres, il faut du moins établir un lien pédagogique entre eux. Bien souvent, l’historiographie a eu du mal à interpréter la coexistence dans les manuscrits de la pensée de deux maîtres. Pour mieux dégager leurs rapports exacts, il faut rappeler qu’en dépit de leur appartenance à la même génération, Anselme de Laon et Guillaume de Champeaux ont, à en croire Abélard, des liens de maître à disciple 40. Il reste cependant difficile de préciser la nature de la dette de Guillaume par rapport à Anselme. Ainsi l’ambiguïté est-elle patente chez le père des études scolastiques, Martin Grabmann : dans son maître ouvrage, il hésite à distinguer entre « des écoles de Guillaume de Champeaux et d’Anselme de Laon » et l’existence d’une seule « école de Guillaume de Champeaux et d’Anselme de Laon » apparaissant à titre d’obiter dictum41. La question n’est pas sans conséquence car elle explique la première place accordée généralement à Guillaume par Martin Grabmann et l’absence de mise en série chronologique des différents maîtres rattachés à Laon. Les retombées historiographiques sont également significatives, car toute l’approche du problème a été conditionnée par la prise de position allemande. Dès lors que le concept d’’école de pensée’, ses conditions d’existence et de validité n’ont pas été discutés, un certain impressionnisme brouille la perception historique des rapports entre les deux maîtres. D’un côté, on observe une tendance à séparer les deux maîtres et à en faire des chefs d’écoles théologiques distinctes. C’est le cas notamment de Franz Bliemetzrieder qui tient pour des divergences doctrinales profondes entre les deux théologiens et suppose l’existence de deux écoles séparées où celle d’Anselme possède une identité bien marquée42. De l’autre, Heinrich Weisweiler affirme l’unicité de l’école d’Anselme et de Guillaume43. Cette position, reprise

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scolas rexerat, et tunc zelum Dei habens, super omnes episcopos totius Gallie divinarum scripturarum scientia fulgebat » (La chronique de Morigny (1095-1152), 2, 11, éd. L. Mirot, Paris, 1912, p. 42). Anselme naît, en effet, probablement vers la mi-xie siècle, tandis que la naissance de Guillaume doit remonter aux années 1060, cfr sur ce dernier point, C. J. Mews, « Logica in the Service », p. 77, n. 2. M. Grabmann, Die Geschichte, Fribourg, t. 2, 1911, p. 128, comme titre : « Die Entstehung der scholastischen Quästionen- und Sentenzenliteratur in den Schulen Wilhelms von Champeaux und Anselms von Laon », alors que le singulier est employé t. 2, p. 259 : « …aus der Schule Wilhelms von Champeaux und Anselms von Laon stammenden Sentenzen… ». Cfr son compte rendu polémique sur le Die Wirksamkeit der Sakramente nach Hugo von St. Viktor de Heinrich Weisweiler, Theologische Revue, 1932 (31-12), col. 483-488. H. Weisweiler, « L’École d’Anselme de Laon et de Guillaume de Champeaux. Nouveaux documents », RTAM, 4 (1932), p. 237-269 et p. 371-391, et Id. « Le recueil de sentences Deus

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dans le titre de son ouvrage de synthèse sur l’école de Laon44, continue à avoir cours et a inspiré à la fois répertoires et monographies de référence45. Toutefois, à s’en tenir à Abélard, le séjour de Guillaume de Champeaux à Laon s’oppose à faire des deux maîtres des égaux. En effet, grâce au récit circonstancié de l’Historia calamitatum, on s’accorde à considérer que Guillaume enseigne à Paris vers 1100, avec une réputation alors bien établie46. Par conséquent, sauf à supposer un séjour rapide à Laon alors qu’il enseigne déjà, cela repousse sa formation laonnoise au plus tôt dans les années 1090. Guillaume est donc à l’origine un élève d’Anselme. Il est toutefois certain que du strict point de vue chronologique sa carrière en fait un contemporain d’Anselme : il devient, en effet, chanoine et archidiacre de Notre-Dame de Paris sans doute en 1104, puis fonde vers 1108 la future abbaye de Saint-Victor47 avant de recevoir en 1113 l’évêché de Châlons. Il meurt en janvier 1121, seulement quatre ans après le décès d’Anselme. Concernant l’existence d’une école de pensée, ce qui précède incite à parler en première analyse d’une ‘école d’Anselme à Laon’ à laquelle Guillaume a appartenu au moins comme élève. De plus, la synthèse récente de Constant

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de cujus principio et fine tacetur et son remaniement », RTAM, 5 (1933), p. 245-274, à la p. 245, n. 4 : « À l’exemple de mon vénéré maître Mgr Grabmann, je continue à parler d’une seule école, parce que les données ne permettent pas encore de distinguer dans l’œuvre commune la part de Paris de celle de Laon ». La position est défendue également par le compte rendu de H. Lennerz sur le Die Wirksamkeit der Sakramente nach Hugo von St. Viktor de Heinrich Weisweiler, Gregorianum, 14 (1933), p. 291-293, à la p. 293. H. Weisweiler, Das Schrifttum der Schule Anselms von Laon und Wilhelms von Champeaux in deutschen Bibliotheken. Ein Beitrag zur Geschichte der Verbreitung der ältesten scholastischen Schule in deutschen Landen, Münster, 1936, p. 39. Pour un exemple de répertoire, voir A. Landgraf, Introduction, p. 67, et le travail de dom Lottin, Psychologie et morale aux XIIe et XIIIe siècles, t. 5, Problèmes d’histoire littéraire. L’école d’Anselme de Laon et de Guillaume de Champeaux, Gembloux, 1959 ; voir aussi plus récemment : « die Forschungen zur ältesten Schule dieser Epoche, der Schule des Anselm von Laon (und Wilhelm von Champeaux) » (W. Knoch, « Cod. Vat. lat. 223, ein [bischer unbekannter] Textzeuge des [frühscholastischen] Sentenzenwerkes Deus de cujus principo et fine tacetur », RTAM, 59 (1992), p. 86-96, à la p. 87. J. Marenbon, « Life, milieu and intellectual contexts », dans The Cambridge Companion to Abelard, éd. J. E. Brower, K. Guilfoy, Cambridge, 2004, p. 11-44, à la p. 14. Sur la fondation de Saint-Victor par Guillaume, C. J. Mews conteste la date de 1108 et propose 1111 dans l’article à paraître, « William of Champeaux, Abelard, and Hugh of SaintVictor : Platonism, Theology, and Scripture in Early Twelfth-Century France », dans Bibel und Exegese in Sankt Viktor zu Paris. Formen und Funktionen eines Grundtextes in europäischem Rahmen, éd. R. Berndt, Berlin. Le contexte réformateur de la fondation est rappelé en dernier lieu, avec bibliographie, par G. A. Zinn, « Exile, the Abbey of Saint-Victor at Paris and Hugh of Saint-Victor », dans Medieval Paradigms. Essays in Honor of Jeremy Duquesnay Adams, t. 2, éd. S. Hayes-Healy, New York, 2005, p. 83-111, aux p. 85-87.

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Mews invite à rendre à Guillaume de Champeaux une relative autonomie par rapport à Anselme de Laon48. Les liens privilégiés entre Laon et l’espace anglo-normand L’existence de rapports scolaires étroits entre la ville de Laon et le monde anglo-normand n’est pas pour surprendre, puisque nous avons déjà noté la part prise dans la vie laonnoise par des clercs d’origine anglaise ou soutenus par le roi d’Angleterre : deux évêques contemporains d’Anselme sont liés aux rois d’Angleterre, puisque l’évêque Élinand a été chapelain puis ambassadeur du roi Édouard le Confesseur (1042-1066) à la cour de France, tandis que Gaudry a occupé la charge de chancelier du roi Henri Ier (1100-1135). Les rapports anglo-laonnois ne se limitent pas à la fonction épiscopale. Ils doivent s’entendre également de l’envoi de clercs formés à Laon en Angleterre ou de la présence d’élèves d’origine insulaire sur le sol français. Les échanges entre les deux milieux ne sont pas à sens unique mais impliquent un jeu d’influences subtil dont il importe de prendre la mesure exacte. La part reconnue à l’Angleterre ne doit cependant pas être surestimée et tient à la fois à la richesse de la documentation qui permet de privilégier cet espace par rapport à d’autres49, ainsi qu’à une historiographie anglaise particulièrement dynamique50. Dans un premier temps, certains rapprochements peu fondés doivent être écartés. C’est le cas notamment pour Adam de Balsham, né dans le Cambridgeshire au début du xiie siècle, attesté comme maître à Paris en 1132 où il tient une école fameuse au Petit-Pont, ce qui explique son autre surnom d’Adam du Petit-Pont. Chanoine de Notre-Dame vers 1146, il faut sans doute le distinguer de l’évêque homonyme de Saint-Asaph au Pays de Galles (11751187)51. Surtout connu pour son Ars Disserendi de 113252, il est également l’auteur d’un important traité lexicographique moins étudié, l’Oratio de uten-

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C. J. Mews, « Logica in the Service », p. 105-109. Nathalie Gorochov a attiré mon attention sur ce point à partir de son mémoire d’habilitation sur la prosopographie universitaire parisienne au xiiie siècle. Voir les instruments utilisés dans les notes suivantes et la liste donnée par J.-P. Genet, « Les médiévistes français et le Moyen Âge britannique », dans Cinquante années d’études médiévales à la confluence de nos disciplines. Actes du Colloque organisé à l’occasion du Cinquantenaire du CESCM, Poitiers, 1 er-4 septembre 2003, éd. C. Arrignon, M.-H. Debiès, C. Galderisi, É. Palazzo, Turnhout, 2005, p. 11-28, aux p. 25-28. R. Klibansky, « Balsham, Adam of », dans ODNB, t. 1, 2004, p. 191-192, malgré A. L. Gabriel, « English Masters and Students in Paris during the Twelfth Century », Analecta Praemonstratensia, 25 (1949), p. 51-95, repris dans Garlandia, Studies in the History of the Mediaeval University, Francfort, 1969, p. 1-37 à la p. 10. Voir L. Minio-Paluello, Adam Balsamiensis Parvipontani Ars Disserendi, Rome, 1956 et le commentaire : « The Ars Disserendi of Adam of Balsham Parvipontanus », Mediaeval and Renaissance Studies, 3 (1954), p. 116-169, notamment p. 118, n. 2 pour l’Oratio.

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silibus ad domum regendam pertinentibus53. Le texte se présente sous la forme d’une lettre adressée par Adam à un certain Anselme qui, dans au moins un manuscrit, apparaît comme le maître d’Adam54. Sur la foi de cette indication, Arthur Landgraf a rangé Adam parmi les élèves d’Anselme de Laon55. En fait, la naissance d’Adam de Balsham dans la première décennie du xiie siècle rend très improbable sa formation à Laon sous maître Anselme. De plus, la date de la lettre, écrite après l’arrivée d’Adam en France dans les années 1120, est incompatible avec une dédicace à Anselme de Laon56. Enfin, le ton même de la préface et le contenu du traité, qui a pour ambition d’apprendre à son destinataire dénommé « Anselme » comment gérer un domaine, sont tout à fait incohérents par rapport à ce que nous savons de la vie et des mœurs du Laonnois57. Ils suggèrent plutôt que la lettre s’adresse à un collègue et non à celui qui l’a éduqué58. L’Anselme de l’Oratio demeure donc un inconnu et ne saurait être identifié avec l’écolâtre de Laon. L’autre personnage important dont le lien avec Laon demeure hypothétique est Adélard de Bath (ca. 1080-ca. 1152). Adélard, sans doute sous l’influence de l’évêque de Bath Jean de Tours († 1122), quitte l’Angleterre pour poursuivre ses études à Tours59. Le célèbre philosophe, scientifique et traducteur d’œuvres arabes en latin, évoque aussi la ville de Laon au début de ses célèbres Questiones naturales60 : Adélard : ‘tu te souviens, mon neveu, au bout de sept ans, je t’avais laissé presque enfant dans les études françaises avec mes autres élèves près de Laon, nous étions convenus que je m’appliquerais aux études arabes selon ma capacité, et que toi tu n’ajouterais pas moins à ton savoir l’inconstance des sentences françaises’61. 53

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Notre connaissance du traité a été renouvelée par l’article de P. Lendinara, « The Oratio de utensilibus ad domum regendam pertinentibus by Adam of Balsham », Anglo-Norman Studies, 15 (1992), p. 161-176. Il s’agit du Bruges, BM, lat. 536, fol. 89v. Sur les éditions et la tradition manuscrite, voir P. Lendinara, « The Oratio de utensilibus », p. 161-162, n. 5. A. Landgraf, Introduction, p. 74-75. P. Lendinara, « The Oratio de utensilibus », p. 165. Voir quelques exemples dans P. Lendinara, « The Oratio de utensilibus », p. 164-165. Le manuscrit de Bruges, par ailleurs corrompu, adresse la lettre « ad magistrum suum Anselmum ». Trois autres témoins collationnés par B. Hauréau le font « ad Anselmum socium suum », cfr Notices et extraits de quelques manuscrits latins de la Bibliothèque nationale, t. 3, Paris, 1891, p. 199. D’autres formules, dont une identification d’Anselme comme Anselme de Cantorbéry, sont indiquées par T. Hunt, Teaching and Learning Latin in ThirtheenthCentury England, t. 1, Cambridge, 1991, p. 166-168. Le résumé le plus à jour de sa vie est donné par C. Burnett, « Bath, Adelard of », dans ODNB, t. 4, 2004, p. 339-341. Sur le texte et sa datation contestée, voir l’introduction dans Adelard of Bath, Conversations with his Nephew, éd. et trad. C. Burnett, Cambridge, 1998, p. xiv-xv et xxii-xxxiii. « Adelardus : ‘Meministi, nepos, septennio jam transacto, cum te in Gallicis studiis pene puerum juxta Laudisdunum una cum ceteris auditoribus meis dimiserim, id inter nos

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La notation a embarrassé les historiens, car comme toutes les indications données par Adélard sur sa vie, elle est susceptible d’interprétations variées62. De manière obvie, Adélard explique qu’il a laissé ses élèves, dont son nepos, près de la ville de Laon63. Mais est-ce après un voyage dont le terme est Laon pour que ses étudiants y poursuivent leurs études ou Adélard quitte t-il le centre scolaire après y avoir enseigné ? Quelle que soit la réponse à cette question, il n’existe aucun élément positif pour affirmer qu’Adélard a suivi les cours d’Anselme, d’autant que son œuvre ne traite pas de questions scripturaires ou théologiques. En revanche, l’intérêt d’Adélard pour l’abaque le rapproche avec plus de vraisemblance de Raoul64. Le témoignage le plus important pour documenter les liens existant entre Laon et l’espace anglo-normand est le récit des miracles réalisés par les reliques de Notre-Dame de Laon (Miracula sancte Marie Laudunensis)65. L’œuvre, désormais attribuée sans conteste à l’abbé Hériman de Tournai (ca. 1090-1147), constitue une source fondamentale pour connaître le milieu laonnois après la Commune66. Elle raconte, en effet, le voyage des reliques de Notre-Dame de Laon, organisé après l’incendie de la cathédrale en 1112 afin de permettre sa reconstruction. Le voyage, narré avec beaucoup de verve par l’auteur, se fait en deux campagnes, du 6 juin au 21 septembre 1112 en Berry et dans la région ligérienne, puis du 24 mars au 6 septembre 1113 sur le sol anglais67. Une délégation de neuf chanoines est ainsi envoyée vers la

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convenisse, ut Arabum studia ego pro posse meo scrutarer, tu vero Gallicarum sententiarum inconstantiam non minus adquireres’ » (Adelard of Bath, p. 90). Sur ces studia Arabum et la question scolaire, voir C. Burnett, « The Institutional Context of Arabic-Latin Translations of the Middle Ages : a Reassessment of the ‘School of Toledo’ », dans Vocabulary of Teaching and Research Between Middle Ages and Renaissance, éd. O. Weijers, Turnhout, 1995, p. 214-235, aux p. 214-217. Voir ainsi par exemple M. Gibson, « Adelard of Bath », dans Adelard of Bath. An English Scientist and Arabist of the Early Twelfth Century, éd. C. Burnett, Londres, 1987, p. 7-16, aux p. 9-10 et le post-scriptum à la p. 9. La forme même Laudisdunum n’est guère attestée, on attend plutôt Laudunum. Voir le chapitre premier (troisième partie). Herimanus Tornacensis, De miraculis S. Mariae Laudunensis, de gestis venerabilis Bartholomaei episcopi et S. Norberti libri tres, éd. L. d’Achery, Paris, 1651, reprise dans PL 156, col. 961B-1018A ; édition à laquelle il faut désormais préférer celle d’A. Saint-Denis, Hériman de Tournai. Les miracles de sainte Marie de Laon, Paris, 2008. Nous n’utilisons pas Guibert de Nogent et Gautier de Coincy qui ont surtout retenu du voyage les événements miraculeux. On connaît la châsse de Notre-Dame réalisée par un orfèvre d’Arras vers 1090 à la demande de l’évêque Élinand, cfr le chapitre premier (première partie) et A. Saint-Denis, M. Plouvier, C. Souchon, Laon. La cathédrale, Paris, 2002, p. 70. Sur la querelle séculaire concernant l’attribution, voir A. Saint-Denis, Les miracles, p. 37-65. Sur les conditions du voyage en Angleterre, voir J. S. P. Tatlock, « The English Journey of the Laon Canons », Speculum, 8 (1933), p. 454-465, aux p. 454-457, S. Martinet, Montloon, reflet fidèle, p. 13-20, R. Kaiser, « Quêtes itinérantes avec des reliques pour financer la construction des églises (xie-xiie siècles) », Le Moyen Âge, 101 (1995), p. 205-225, aux p. 218-220 et les cartes de P.-A. Sigal, « Les voyages de reliques aux onzième et douzième siècles », dans

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riche Angleterre collecter des fonds. Après une traversée animée par une attaque de pirates, les Laonnois arrivent enfin à Cantorbéry68 : Ayant pris la châsse et les reliques, nous arrivâmes à Cantorbéry, dont l’archevêque était alors le seigneur Guillaume que nous connaissions très bien, car allant à Laon écouter le cours de maître Anselme, il avait demeuré de nombreux jours dans la maison de l’évêque et y avait instruit les fils de Raoul, chancelier du roi d’Angleterre. Venant à notre rencontre avec grande joie, il nous reçut ainsi que les moines de Saint-Augustin avec beaucoup d’honneur et nous retint avec bienveillance autant que nous le voulûmes69.

Le passage qui se réfère à la visite de 1113 pose, tout d’abord, un problème chronologique : saint Anselme mourant en avril 1109, il faut attendre le printemps 1114 pour qu’un successeur lui soit donné en la personne de l’évêque de Rochester, Raoul d’Escures (1114-1122)70. Quant à l’élection d’un Guillaume comme archevêque, elle a lieu seulement en 1123. La solution la plus économique à cette contradiction revient à supposer que le narrateur, habituellement plus scrupuleux, a souhaité enjoliver son récit en ajoutant la réception des clercs par un archevêque ami de Laon, à un moment où le siège était pourtant vacant71. Quoi qu’il en soit, le personnage important dont il est question est un continental : Guillaume est, en effet, né à Corbeil, et l’unique renseignement sur sa formation nous est fourni par le récit des miracles où l’on apprend qu’il a suivi les cours d’Anselme. L’homme qui se rend à Laon n’est ni négligeable ni un débutant : il n’aurait pas été reçu dans la maison de l’évêque, ni surtout n’aurait pu donner des leçons aux fils d’un important dignitaire comme le

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Voyage, quête, pèlerinage dans la littérature et la civilisation médiévales, Aix-en-Provence, 1976, p. 75-104, aux p. 101-102. Sur les conditions matérielles des pèlerinages, voir la synthèse posthume de E.-R. Labande, Pauper et peregrinus. Problèmes, comportements et mentalités du pèlerin chrétien, Turnhout, 2004, p. 165-199. « […] assumpto ejus feretro atque reliquiis Cantuariam venimus, ubi tunc erat archiepiscopus domnus Willelmus nobis notissimus, quoniam jam dudum pro audienda lectione magistri Anselmi Laudunum petens, multis diebus in episcopi domi manserat, ibique filios Randulfi cancellarii regis Anglorum docuerat. Hic ergo cum ingenti gaudio nobis occurens, honorificentissime nos cum monachis Sancti Augustini suscepit, et quandiu voluimus benigne retinuit » (Herimanus Tornacensis, Miracula sancte Marie Laudunensis, 2, 6, éd. A. Saint-Denis, p. 168). Cfr D. E. Greenway, Fasti Ecclesiae Anglicanae 1066-1300, t. 2, Monastic Cathedrals, Londres, 1971, p. 3. L’amitié entre Raoul d’Escures et Anselme de Cantorbéry a sans doute induit Du Boulay en erreur et lui a fait considérer le premier comme l’élève d’Anselme de Laon, cfr C.-É. Du Boulay, Historia universitatis Parisiensis, t. 2, Paris, 1665, p. 43 : « Eodem anno Rodolfus episcopus Roffensis in Anglia Anselmi Laudunensis olim discipulus eligitur in Cantuariensem archipraesulem 6 Kal. Mai ». Cfr J. S. P. Tatlock, « The English Journey », p. 463-465.

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chancelier Ranulf (1107-1123)72. La présence des enfants du successeur de Gaudry au cancellariat n’est pas pour surprendre. Le nouvel évêque de Laon, homme de pouvoir plus que pasteur, a conservé des amitiés à la cour d’Angleterre et reçoit ainsi en France les jeunes nobles de sa connaissance73. C’est donc sans doute à l’occasion de son séjour à Laon que Guillaume de Corbeil tisse les liens qui joueront un rôle important dans son élection comme archevêque de Cantorbéry. Pour l’heure, l’étudiant choisit une vocation plus discrète en se faisant chanoine régulier à Saint-Étienne de Laon74. N’étant pas Laonnois, c’est donc au cours de son séjour qu’il découvre la vie réformée et qu’il s’y convertit. Si on ne peut affirmer d’évidence une causalité directe entre les cours d’Anselme et l’adoption par Guillaume de la règle de saint Augustin, il est intéressant de noter la concomitance des deux événements. Guillaume ne demeure cependant pas longtemps dans l’obscurité, car il est appelé par l’évêque de Londres, Richard de Balmeis, pour devenir premier prieur de la fondation canoniale de Saint-Osyth en Essex75. Ce sont sans doute ses liens avec les milieux dirigeants anglais et sa vie religieuse modèle qui expliquent le choix d’Henri Ier de le présenter à l’approbation des moines de Cantorbéry en 1123. En effet, contre la coutume, le roi décide de placer sur le siège prestigieux un chanoine régulier et non un moine76. Les chroniques du temps laissent d’ailleurs entendre que le passé scolaire et religieux de Guillaume explique le choix des moines face aux autres candidats proposés

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Sur Ranulf le chancelier, voir J. A. Green, The Government of England under Henry I, Cambridge, 1986, p. 28 et 159-160. Le rapprochement prudent fait avec Ranulf Flambard, évêque de Durham, par R. Aubert est erroné, cfr « Guillaume de Corbeil », dans DHGE, t. 22, 1988, col. 880-882, à la col. 880. On ne peut comprendre, ainsi que S. Martinet, le passage comme s’appliquant à la période de l’épiscopat de Guillaume : « À l’heure présente, il était le précepteur des deux fils de Raoul le chancelier du roi d’Angleterre », cfr « Le voyage des Laonnois en Angleterre en 1113 », Fédération des sociétés d’histoire et d’archéologie de l’Aisne. Mémoires, 9 (1963), p. 81-92, à la p. 85. Cfr R. Aubert, « Guillaume de Corbeil », col. 880, il s’agit sans doute de l’église SaintÉtienne-aux-Champs dépendant de la communauté canoniale de Saint-Jean-au-Bourg réformée par Élinand avant 1067, cfr acte 29, Actes des évêques de Laon, p. 103-105, l’hypothèse du monastère Saint-Étienne de Caen, émise apparemment sans fondement par l’Histoire littéraire de la France, t. 13, Paris, 1814, p. 55-57, à la p 56, n’est pas compatible avec la profession de chanoine régulier qui lui est seule connue. « Hujus loci fuit primus prior Willelmus de Corbuil qui, defuncto Radulfo Cantuariensi archiepiscopo, in illum honorem evectus est. Quem quamvis monachi trepidassent suscipere quod esset clericus, nihil tamen penitendum fecit. Erat enim religionis multae, affabilitatis nonnullae, ceterum nec iners nec impudens » (Guillelmus Malmesberiensis, De gestis pontificum Anglorum, éd. N. Hamilton, Londres, 1870, p. 146). Sur les rapports souvent tendus entre chapitres et évêques, voir E. U. Crosby, Bishop and Chapter in Twelfth-Century England. A Study of the Mensa Episcopalis, Cambridge, 1994, p. 30-47.

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par le monarque : le séjour à Laon a aussi pesé dans l’élection à Cantorbéry77. Le nouvel évêque (1123-1136), soucieux de maintenir ses droits et de réformer la vie religieuse, est loin de faire l’unanimité, puisque son épiscopat se signale par de nombreux démêlés avec l’archevêque d’York pour la primatie en Angleterre78. Le soutien que Guillaume apporte à la réforme ecclésiastique ne faiblit pas : il se montre ainsi soucieux de développer la vie régulière chez les chanoines de Saint-Grégoire de Cantorbéry79. Il entre à cette occasion en violent conflit avec les moines de Cantorbéry, lorsqu’il décide unilatéralement de réformer l’ancien chapitre de Saint-Martin près de Douvres grâce aux chanoines réguliers de Merton80. La fin de sa vie est ternie par son retournement en faveur du comte Étienne de Blois au mépris de la promesse faite de soutenir la fille d’Henri Ier, Mathilde81. Dans le contexte de guerre civile, son rôle majeur dans l’accession au trône du nouveau roi ainsi que la défense continue de droits de Cantorbéry délient la langue de certains chroniqueurs et jettent sur l’ancien élève d’Anselme des couleurs plus sombres. Selon Henri de Huntingdon et les Gesta Stephani, si ses vertus sont inexistantes, sa cupidité est bien réelle82. Les liens de l’école de Laon avec certains grands dignitaires du royaume anglais sont confirmés par d’autres passages des Miracula. C’est le cas notamment à Salisbury, où l’on apprend le séjour de clercs anglais à Laon en ces termes : De là, comme il était prévu, nous parvînmes donc à Salisbury, où nous fûmes reçus avec honneur par l’évêque de la ville en raison de la notoriété de maître 77

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« Necessitate ad unum illorum quatuor clericorum se conferunt, scilicet Willielmum de Curbellio, quem modestae vitae virum ac litteris bene eruditum familiarem habuerant, utpote cum venerandae memoriae archiepiscopo Anselmo saepissime ac familiariter conversatum » (Symeonis monachi historia regum, éd. T. Arnold, Londres, 1885, § 206, p. 269). Si le rapprochement avec saint Anselme n’est pas une confusion avec Anselme de Laon, il faut supposer un séjour à Cantorbéry entre 1107 et 1109 comme F. Barlow, « Corbeil, William de », dans ODNB, t. 13, 2004, p. 382-385, à la p. 382. Cfr, inter alia, Gervasius Cantuariensis, The Historical Works of Gervase of Canterbury, Chronica Gervasii, éd. W. Stubbs, Londres, 1879, p. 72-73 et Guillelmus Malmesberiensis, The Historia Novella, éd. K. R. Potter, Londres, 1955, § 456, p. 11. J. C. Dickinson, The Origins of the Austin Canons and their Introduction into England, Londres, 1950, p. 104-105. Voir Gervasius Cantuariensis, The Historical Works, 96-98 et Id., The Historical Works of Gervase of Canterbury, Actus pontificum Cantuariensis ecclesiae, éd. W. Stubbs, Londres, 1879, p. 380-384. Cfr D. Matthew, King Stephen, Londres - New York, 2002, p. 64-67. « Postea vero sedit Cantuarie Willelmus, cujus laudes dici nequeunt, quia non sunt » (Henricus Huntingdoniensis, Historia Anglorum, The History of the English People, éd. D. Greenway, Oxford, 1996, l. 8, p. 608) et « Affuit et inter alios Willelmus Cantuarie archipraesul, vir vultu columbinus, habituque vere religiosus, sed pecuniarum adquisitatum possessor avidior quam erogator » (Gesta Stephani regis Anglorum, Chronicles of the Reigns of Stephen, Henry II and Richard I, t. 3, éd. R. Howlett, Londres, 1886, p. 7).

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Anselme, car ses parents Alexandre et Nigel avaient demeurés longtemps à Laon dans son école83.

En ce cas, ce n’est pas la personne même d’Anselme qui facilite directement le voyage des clercs laonnois, mais la connaissance que l’évêque Roger de Salisbury (1107-1139) a du nom d’Anselme (notitia) : la notoriété que suppose cette notitia est flatteuse et explique le bon accueil reçu à Salisbury. Le personnage qui accueille les chanoines est une figure politique de premier plan dont l’historiographie a fait le premier ministre d’Henri Ier84. Il mène une brillante carrière comme chancelier (1101-1107) et cumule, une fois évêque, un nombre impressionnant d’églises et de prébendes85. Non moins intéressante est la mention de deux élèves Alexandre et Nigel. Les neveux de l’évêque Roger ont bénéficié de la faveur royale dont jouissait leur oncle pour occuper d’importantes positions. Comme pour les fils du chancelier Ranulf, leur éducation a la ville de Laon pour cadre : dans les milieux de chancellerie anglais dont était issu l’évêque Gaudry, on considérait donc une formation à Laon comme un préalable naturel à la suite du cursus honorum. Des deux neveux, c’est Nigel qui connaît le sort le plus faste en obtenant la charge de trésorier de Normandie et de trésorier du roi dans les années 1120. Sa carrière ecclésiastique culmine avec le rang d’archidiacre de Cantorbéry et d’évêque d’Ely (1133-1169)86. Comme celle de sa famille, son ascension connaît une éclipse sous le règne d’Étienne de Blois, avant qu’il ne retrouve les bonnes grâces d’Henri II. Quant à Alexandre, il doit à l’influence de son oncle de devenir archidiacre de Cantorbéry, puis évêque de Lincoln (1123-1148). Les liens ainsi rappelés entre Laon et Salisbury amènent à reprendre la question difficile du lieu de formation de Guy Le Breton, futur évêque du Mans († 1135). On ne sait trop, en effet, à quel Anselme Guy doit son éducation. Le désaccord porte sur l’interprétation à donner du passage des Gesta domni Guidonis episcopi narrant les premières années du clerc87. Après avoir rappelé l’ascendance noble, la naissance de Guy à Ploërmel et sa courte for83

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« Inde ergo, sicut dispositum erat, ad ipsam urbem Salesberias pervenimus, ubi honorifice suscepti sumus ab episcopo ipsius urbis, pro notitia magistri Anselmi, quoniam cognati ejus Alexander et Nigellus ad scolam ejus diu manserant Lauduni » (Herimanus Tornacensis, Miracula sancte Marie Laudunensis, 2, 13, éd. A. Saint-Denis, p. 182). Voir l’ouvrage classique de E. J. Kealey, Roger of Salisbury viceroy of England, Berkeley - Los Angeles - Londres, 1972, notamment les p. 272-276 sur la famille de Roger, et la notice de B. R. Kemp, « Salisbury, Roger of », dans ODNB, t. 48, 2004, p. 713-716. Pour sa carrière et ses nombreuses possessions, voir la notice de J. A. Green, The Government of England, p. 273-274 et la liste des sources donnée par D. E. Greenway, Fasti Ecclesiae Anglicanae 1066-1300, t. 4, Salisbury, Londres, 1991, p. 2. Sur sa carrière, voir la remarquable synthèse de N. Karn, English Episcopal Acta, t. 31, Ely 1109-1197, Oxford, 2005, p. lxxii-lxxviii. Texte édité dans les Actus pontificum Cenomannis in urbe degentium, éd. G. Busson, A. Ledru, coll. E. Vallée, Le Mans, 1901, p. 422-442.

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mation mancelle, l’auteur des Gesta, sans doute un contemporain, nous renseigne plus longuement sur les études du jeune breton : Mais après un court laps de temps, il se rendit dans d’autres contrées, et là il préféra supporter à l’école de maître Anselme une grande pénurie pour être formé aux rudiments des arts libéraux, acquérir la connaissance de l’Écriture sainte et l’emporter sur les docteurs proches et éloignés. La fréquentation du recommandable Anselme fit la bonne réputation de Guy, sa clémence l’éprouva, son sérieux le contint, sa foi l’instruisit, son enseignement le forma, son exemple ôta de son élève tout ce qui déplaît chez un homme. C’est qu’Anselme attachait plus de prix aux mœurs qu’aux personnes, plus au talent qu’à l’origine, plus à Dieu qu’à l’homme88.

On apprend donc que Guy, après un voyage, a reçu un enseignement de base dans les arts et une bonne connaissance de la Bible auprès d’un vertueux maître Anselme. Le passage, assez peu explicite concernant l’identité du « recommandable Anselme », peut s’appliquer au Laudunensis comme au Beccensis ou même à un autre maître. L’auteur, tout à son panégyrique, s’est peu préoccupé d’en dire plus et passe immédiatement à un portrait intellectuel flatteur de Guy. La suite est toutefois importante puisque l’auteur des Gesta y indique la renommée de Guy in Galliis simulque in Anglia. On y apprend également que Guy attire une « multitude de clercs de toute l’Angleterre, de la Normandie et du Mans, avec des nombreux Gaulois »89. Le lien fait entre ces diverses régions n’est sans doute pas anodin : l’influence de Guy correspond assez bien aux lieux fréquentés par Anselme du Bec puis de Cantorbéry. Il faudrait donc supposer que Guy a été formé au Bec avant l’accession d’Anselme à l’épiscopat en 109390, ce qui expliquerait son rayonnement en Normandie et en Angleterre. La correspondance d’Anselme jette par ailleurs quelques lumières sur un Guy qui pourrait être notre breton : dans une lettre à Lanfranc, donc postérieure à 1070, Anselme se félicite du choix de Guy comme maître des enfants à l’abbaye91. 88

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« Sed, parvo temporis dilapso curriculo, ad alias partes transvolavit ; ibique potius in disciplinis magistri Anselmi multimodam perpesssus penuriam, quo liberalibus artium informaretur rudimentis, divine pagine assequeretur peritiam, vicinis et remotis excelleret doctoribus. Guidonem igitur laudabilis Anselmi familiaritas commendavit, exercuit clementia, gravitas cohercuit, instituit fides, formavit doctrina, exemplum eliminavit a discipulo quicquid displicet in homine. Anselmus enim plus moribus quam personis, plus ingenio quam generi, plus Deo detulit quam homini » (Actus pontificum Cenomannis, p. 424). Actus pontificum Cenomannis, p. 425. J. Chartrou, L’Anjou de 1109 à 1151, Foulque de Jérusalem et Geoffroi Plantagenêt, Paris, 1928, p. 179, estime, pour sa part, qu’il fait ses études en Angleterre après l’accession d’Anselme à l’épiscopat. « Domnum vero Guidonem, quem magisterio puerorum addiximus, suavis commendat obedientia et in strenuitate humilitas, ut pariter gloriari possumus et vos per quem, et nos qui eum talem habemus » (ep. 1, 31, PL 158, col. 1103C). Le même Guy est sans doute le destinataire d’une lettre de Lanfranc ca. 1073 « ad Lanfrancum [sc. nepotem] et Guidonem

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Toutefois, une lettre du protecteur de Guy, Hildelbert de Lavardin pourrait inciter à interpréter un peu différemment le cursus de Guy92. Dans une épître de félicitation adressée, sans doute en 1107, à Roger, nouvel évêque de Salisbury, Hildebert recommande Guy en un éloge qui prend la forme d’une délicate prétérition : Les bienfaits qui proviennent, non de l’intervention d’autrui, mais d’une affection spontanée, sont plus agréables. Je n’ai pourtant pas dû priver notre susdit frère et fils de ce témoignage qu’il ne mérite pas moins par sa vie que par son savoir. Au sein de notre église, il s’est détaché, lui dont la science abonde en fruit et les mœurs en exemple. Il prendra la place de beaucoup, car tu trouveras en lui beaucoup de maîtres. De plus, son séjour un peu long auprès de toi proclamera que j’en ai peu écrit sur son compte93.

Le lien scolaire entre Laon et Roger de Salisbury étant fermement acquis, nous découvrons, au détour de cette lettre, l’amitié des évêques du Mans et de Salisbury. Il serait tentant de relier le dernier côté du triangle et de supposer comme plus probable la formation de Guy à Laon. À l’instar de Nigel et Alexandre, la suite du cursus honorum de Guy, plausiblement commencé à Laon et poursuivi à Salisbury, concorde avec cette hypothèse, puisqu’il cumule diverses charges : chanoine et écolâtre de Salisbury, chanoine de Lincoln, chanoine et archidiacre de Rouen et, au Mans, chanoine, archiprêtre, chantre et écolâtre94. Le couronnement de cette carrière a lieu en 1126, lorsque la promotion d’Hildebert de Lavardin à Tours, lui ouvre la voie au siège épiscopal du Mans. Il est certain qu’on ne saurait tirer de conclusions absolues des Gesta ou de la correspondance d’Hildebert. Toutefois, contre une historiographie ancienne demeurée longtemps dubitative95, il n’est pas illogique

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fratres » (ep. 47, PL 150, col. 541D-542C et H. Clover et M. Gibson, The Letters of Lanfranc archbishop of Canterbury, Oxford, 1979, p. 98-100), voir aussi E. Lesne, Histoire de la propriété, p. 119-120. Un indice convergent relevé par B. Hauréau inviterait à cette conclusion : « Guidonis cujusdam meminit Lanfrancus, in Epist. 22, quem Beccum ire et Anselmum audire jussit » (Gallia christiana, t. 14, Paris, 1856, col. 381). Nous n’avons toutefois pu repérer cette lettre dans l’édition de dom d’Achery reprise en PL 150, ni dans l’édition critique de 1979. Cfr PL 171, col. 219A-220A, la lettre y est datée faussement de 1102, en raison de son élection en 1101, mais la consécration, retardée par la querelle des Investitures, n’a lieu qu’en 1107. « Gratiora sunt beneficia, quae non alieno interventu, sed affectu spontaneo proveniunt. Praefatum fratrem filiumque nostrum eo non debui defraudare testimonio, quod non minus vita quam litteratura promeruit. Unus ex nostra Ecclesia excerptus est, cui et ad fructum scientia et ad exemplum mores exuberant. Unus ille tibi pro multis erit, quoniam in illo multos magistros invenies. Porro diuturnior ejus apud te conversatio, pauca me super eo scripsisse conclamabit » (Hildebertus Cenomanensis, Epistolae, 12, PL 171, col. 219B). Actus pontificum Cenomannis, p. 425, voir aussi la notice de B. Hauréau, Gallia christiana, col. 381-383 et celle, plus succincte, de G. Michiels, « Guy d’Étampes », dans DHGE, t. 22, 1988, col. 1267-1268. Les partisans d’une formation à Laon semblent rares à date ancienne, on peut compter les auteurs de l’Histoire littéraire de la France, PL 162, col. 1177B, le mauriste dom Briant cité comme étant seul contre tous par B. Hauréau, Gallia christiana, col. 381, n. 1 : « Anselmum

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de voir en Guy plutôt un élève de l’école de Laon que de l’abbaye du Bec96. En outre, si l’on accepte l’identification du catalogue de Bury Saint-Edmunds entre Guy de Stampis et l’évêque du Mans97, il faut reconnaître aussi en ce Guy le dialecticien d’Étampes connu également par le témoignage d’Orderic Vital et une épigramme d’origine scolaire98. La suite du voyage des chanoines fournit encore deux mentions intéressantes : la première, lors de la suite de leur périple dans le Sud-Ouest de l’Angleterre, concerne un clerc du nom d’Algar : Là nous fûmes traités avec grand honneur par un clerc du nom d’Algar qui avait demeuré il y a longtemps à Laon, et qui devint par la suite évêque de Coutances en Normandie99.

On peut objecter que le lien avec Anselme n’est pas strictement établi. Toutefois, la mention d’un long séjour à Laon est récurrente dans les Miracula pour indiquer les élèves de maître Anselme. De plus, le clerc étant sans doute d’origine anglaise100, on peut raisonnablement supposer que le voyage sur le continent a été effectué pour des raisons scolaires. Son épiscopat à Coutances (1132-1151) n’est pas illustré de faits particulièrement saillants101. Toutefois, il est notable que, comme Guillaume de Corbeil, il favorise l’ordre canonial réformé. Cette attention n’est pas un trait adventice, lié à son accession à l’épiscopat, puisque dès les années 1120 il a joué, en Angleterre, un rôle important de réformateur des chanoines réguliers comme prieur à Bodmin, puis

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hunc non Beccensem, sed Laudunensem opinatur domnus Briant, ab omnium opinione deflectens. Cur non Beccensis, qui docuit ab anno 1078 ad annum 1092, auditor Guido fuisset ? », ainsi que É. Lesne, Histoire de la propriété, p. 304. Dans l’historiographie anglaise, Guy est ignoré des spécialistes de saint Anselme (cfr les travaux de R. W. Southern de 1963 et 1990), mais non de ceux de Salisbury, voir E. J. Kealey, Roger of Salisbury, p. 91-92 et T. Webber, Scribes and Scholars at Salisbury Cathedral, c. 1075c. 1125, Oxford, 1992, p. 82-83. « Glose super dialecticam magistri Widonis de Stampis et episcopi Cenomannensis », cité par R. M. Thomson, « The Library of Bury St Edmunds Abbey in the Eleventh and Twelfth Centuries », Speculum, 47 (1972), p. 617-645, à la p. 635. Le manuscrit est perdu. Cfr Ordericus Vitalis, The Ecclesiastical History of Orderic Vital, l. 12, 42 et l. 13, 28, éd. M. Chibnall, t. 6, Oxford, 1978, p. 360 et 478, qui le nomme Guy d’Étampes et R. W. Hunt, The History of Grammar in the Middle Ages. Collected Papers, éd. G. L. Bursill-Hall, Amsterdam, 1980, p. 79 : « Magister Guido primo scripserat ei : Ad Veteres Stampas fulget Guidonica lampas ». « Ibi nos plurimum honoravit quidam clericus nomine Algardus, qui jamdiu Lauduni manserat, quique postmodum in Northmannia factus est episcopus urbis Constantiniensis » (Herimanus Tornacensis, Miracula sancte Marie Laudunensis, 2, 15, éd. A. Saint-Denis, p. 184). Cfr J. S. P. Tatlock, « The English Journey », p. 462, n. 4, propose d’y voir une latinisation de la forme « Aelfgar ». Voir le résumé de P. Bouet et M. Dosdat, « Les évêques normands de 985 à 1150 », dans Les évêques normands du XIe siècle, éd. P. Bouet, F. Neveux, Caen, 1995, p. 19-35, à la p. 28.

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à Cornwall en 1130-1131102. Cette politique, visant à améliorer la vie cléricale par l’adoption de la règle de saint Augustin, reçoit le soutien direct du pape Innocent II et se poursuit avec l’établissement de chanoines réguliers dans son diocèse, à Saint-Lô de Coutances ainsi qu’à Saint-Lô de Rouen grâce à des chanoines de Sainte-Barbe-en-Auge. Il est aussi à l’origine de la venue de chanoines de Saint-Victor de Paris au moment de la fondation à Cherbourg de la collégiale du Vœu par la princesse Mathilde en 1145103. Enfin, un autre passage documente, mais plus allusivement, l’existence d’un autre élève d’Anselme à Exeter : De là, nous vînmes dans une ville que l’on appelle Exeter, où se trouvait l’archidiacre Robert, qui avait demeuré longtemps à Laon pour écouter le cours de maître Anselme. Reçus par lui très agréablement, nous restâmes là dix jours104.

Une fois de plus, la fama et le souvenir laissé par maître Anselme expliquent le bon accueil reçu de la part de l’archidiacre, appelé à devenir évêque d’Exeter de 1138 à 1155105. Comme les neveux de l’archevêque Roger de Salisbury, Robert bénéficie largement de la position de sa famille106. Son oncle, l’évêque d’Exeter Guillaume de Warelwast (1107-1137) est le type même du prélat bien en cour, administrateur sérieux de son diocèse et réformateur des mœurs sacerdotales107. Or, la régularisation du chapitre de Bodmin, déjà mentionnée et entreprise par le prieur Algar, s’est faite avec le soutien actif de Guillaume de Warelwast dont les efforts ont également abouti à la réforme des chapitres séculiers de Plympton et Launceston108. Le lien établi entre les deux ecclésiastiques ne relève pas d’une simple coïncidence, mais souligne 102 103

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Cfr J. S. P. Tatlock, « The English Journey », p. 462. Cfr Gallia christiana, t. 11, Paris, 1759, col. 874E-875A : « Algarius episcopus Constantiensis, vir admodum religiosus, qui canonicos regulares posuit in ecclesia S. Laudi de Constantino, et in ecclesia S. Laudi Rotomagi et in ecclesia Caesarisburgi » et la bulle d’Innocent II, Gallia christiana, Instrumenta, p. 238. « Inde venimus ad urbem que dicitur Essecestra, ubi erat Robertus archidiaconus, qui diu manserat Lauduni pro audienda lectione magistri Anselmi. A quo gratantissime suscepti mansimus ibi per decem dies » (Herimanus Tornacensis, Miracula sancte Marie Laudunensis, 2, 12, éd. A. Saint-Denis, p. 180). Cfr W. Stubbs, Registrum Sacrum Anglicanum, Oxford, 1897, p. 45 et 229. Sa mort est signalée par les Annales Ecclesie Wintoniensis, voir Anglia sacra, t. 1, Londres, 1691, p. 300. Son rôle politique est brièvement rappelé par D. Matthew, King Stephen, p. 120-122. Cfr F. Barlow, English Episcopal Acta, t. 11, Exeter 1046-1184, Oxford, 1996, p. xxxiv-xxxvii. F. Barlow, English Episcopal Acta, p. xxxiii-xxxiv. Sur la réforme de Bodmin, voir J. C. Dickinson, The Origins of the Austin Canons, p. 118-119, et le témoignage de l’Epistola de vita venerabilis Guidonis Meritonensis ecclesie canonici écrite entre 1132 et 1151 et citée par J. C. Dickinson, ibidem, p. 119, n. 1 : « Magister enim Algarus nunc Constantiensis ecclesie presul, tunc autem illius loci procurator tum per se tum per Exoniensem episcopum eundem venerabilem virum ad prioratum prefate ecclesie licet cum difficultate tandem impetravit ».

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l’intérêt manifesté par les prélats liés à Laon pour la réforme canoniale. Le séjour de Robert à Laon, sans doute à l’initiative de son oncle, confirme les liens importants entre l’épiscopat anglais et l’école cathédrale. Devenu archidiacre d’Exeter, Robert succède à son oncle apparemment sans difficulté et poursuit la politique prudente de réforme ecclésiastique commencée sous le précédent épiscopat. Il protège également Baldwin d’Eu, futur abbé cistercien de Forde, évêque de Worcester (1180-1184) et archevêque de Cantorbéry (11841190). On ne sait rien de précis sur le lieu où Baldwin fait ses études sauf pour sa formation à Bologne auprès du futur Urbain III : le nom de Laon parfois mis en avant pour expliquer ses connaissances théologiques n’est pas illogique, sans que cela puisse être établi109. Une seconde source, de grand intérêt, fournit de nouveaux renseignements sur le séjour laonnois d’un clerc anglais. Il s’agit de la Vita Roberti episcopi Herefordiae, écrite par le prieur de Lanthony, Guillaume de Wycombe, contemporain et ami de l’évêque Robert de Hereford (1131-1148)110. La vie prend le tour attendu d’un panégyrique du défunt, mais fournit des détails intéressants pour reconstituer la vie de l’évêque111. On y apprend que l’enfant est issu d’une famille de petite noblesse d’origine flamande112, sans doute établie en Angleterre dans le Buckinghamshire après la Conquête de 1066113. Formé par son frère à l’étude des lettres, le jeune homme ne tarde pas à dépasser, selon son hagiographe, les plus grands maîtres et à tenir lui-même une école où son renom attire une foule de disciples114. Cependant, la mort brutale de son frère le persuade de l’inutilité des études entreprises toutes consacrées qu’elles ont été à l’étude des auteurs profanes115. Retournant, sans doute involontairement, l’image fameuse d’Abélard, le chroniqueur nous explique que Robert va cueillir les fruits de la vraie science auprès de Guillaume de Champeaux et d’Anselme de Laon : Renonçant donc à cela, il tourna donc son esprit vers les écritures saintes pour chercher désormais le fruit et non les feuilles. Tenant pour négligeables les bavardages que la subtilité à la mode avait entrepris à partir de sa propre inter109

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Cfr F. Barlow, English Episcopal Acta, p. lxv, n. 31 et C. Holdsworth, « Baldwin », dans ODNB, t. 3, 2004, p. 442-445, à la p. 443. Cfr Anglia sacra, t. 2, Londres, 1691, p. 295-322. Cfr J. Barrow, « Béthune, Robert de », dans ODNB, t. 5, 2004, p. 546-548, avec indication des autres sources et de la bibliographie. Ce qui explique le surnom de « Béthune » ; sur l’onomastique du clergé anglais à cette époque, voir J. Barrow, « Origins and Careers of Cathedral Canons in Twelfth-Century England », Medieval Prosopography, 21 (2000), p. 23-40, aux p. 26-27. Anglia sacra, p. 299. Anglia sacra, p. 299-300. « Inter haec attendere cepit in quo vitae suae dies expendisset, quamque inania forent figmenta poetarum, quam inutilia scrutinia philosophorum, quantus labor, quam exilis fructus foret in artibus » (Anglia sacra, p. 300).

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prétation sur l’Écriture sainte ainsi que les disputes, il se rendit auprès d’hommes catholiques, Guillaume de Champeaux et Anselme de Laon, maîtres éprouvés, que les leçons des saints Pères avaient formés en vérité à ce qu’ils devaient comprendre dans les Écritures saintes, à ce qu’ils devaient prêcher et louer116.

Le passage doit nous retenir, car il documente de manière précise la manière dont après 1148 se fixe la mémoire de l’école de Laon et les ressorts de la fama. Alors que la geste mariale des Miracula se contentait d’enregistrer le bon accueil reçu en vertu de la réputation de maître Anselme, la Vita Roberti donne des clefs d’interprétation précieuses pour comprendre sinon la réalité du séjour en France, du moins sa reconstitution littéraire. Il convient de noter que le récit est avare en notations géographiques et chronologiques : la seule lecture du texte ne permet pas de préciser où et quand Robert de Béthune a suivi les cours de Guillaume de Champeaux et d’Anselme de Laon. La vie des différents protagonistes impliqués rend une datation dans les années 1100 fort plausible, tandis qu’il semble certain que le lieu de cet enseignement ait été Laon au moins pour Anselme. Quant à Guillaume, le doute l’emporte : la ville de Paris ou celle de Laon a-t-elle servi de cadre à la formation de Robert lorsqu’il suivait les cours de Guillaume ? On ne saurait trancher, mais le rapprochement des deux professeurs rend l’existence d’une école portant leurs noms un peu moins arbitraire. Reste à déterminer la portée des cours suivis par Robert. Tout d’abord, le personnage que les deux maîtres forment n’est pas un débutant : il s’agit d’un clerc éduqué dans le cercle familial, qui connaît les rudiments des lettres et même sans doute davantage, car il peut tenir école apparemment avec succès. La raison du départ pour la France est liée à une vraie conversion intellectuelle : l’étude de la poésie, des arts et de la philosophie ne suffit plus au jeune clerc qui veut pénétrer les secrets des choses saintes. La méthode pour parvenir à cette connaissance jette une vive lumière sur l’attente par rapport à Laon et l’image diffusée après le séjour. Robert veut, en effet, s’inscrire dans une tradition en rejetant à la fois l’approche, de type abélardien, d’un enseignement ex ingenio, assimilé ici à un bavardage subjectif (de suo sensu garrire), tout en récusant aussi les attraits d’une forme nouvelle (disputare novella subtilitas). A contrario, Anselme de Laon et Guillaume de Champeaux n’apparaissent pas dans le passage comme des maîtres à la mode : valorisant le trait 116

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« Renuntians igitur his, hactenus animum convertit ad agiographa, fructum deinceps quaesiturus non folia. Parvi pendens autem quid de suo sensu garrire coepisset in divina pagina, quid disputare novella subtilitas, contulit se ad viros catholicos Willelmum Capellensem (sic), Anselmum Laudunensem, magistros emeritos quos documenta sanctorum patrum veraciter instituerant quid in divinis scripturis sentire, quid praedicare vel venerari deberent » (ibidem, p. 300).

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déprécié par Abélard, Guillaume de Wycombe montre bien que leur ancienneté dans l’enseignement est un signe d’orthodoxie (catholicos) et de compétence (emeritos). La mise en exergue d’un mos majorum pédagogique est inséparable d’une filiation avec les Pères dont la valeur normative est avant tout éthique. Les Pères apparaissent ici non comme des professeurs ès subtilités et disputes, mais comme des maîtres de vie intellectuelle et intérieure grâce à leurs documenta. Le registre utilisé pour décrire la pratique pédagogique laonnoise est essentiellement d’ordre moral et axiologique (deberent) : les documenta sont autant des enseignements intellectuels que des leçons de vie dont le but est la compréhension de la Bible (sentire). Le programme, tel que défini par le passage, n’offre pas les garanties intellectuelles qu’un Abélard pouvait souhaiter : l’épanouissement de cette formation culmine dans des exercices, comme la prédication (praedicare) et la louange (venerari), bien éloignés de l’ambition du logicien. La forme précise de cet enseignement importe donc peu, dès lors que le résultat visé est l’édification morale typique de la réforme promue par les ordres nouveaux et les branches réformées des ordres anciens. Les fruits spirituels ne se font d’ailleurs pas attendre, puisque, comme l’expose la suite immédiate de la Vita : Les ayant écouté avec grand soin, il se mit à affermir chaque jour son esprit, mépriser sa chair, fortifier sa vie selon les enseignements célestes. Comme il se montrait exemplaire par sa vie et ses mœurs […], il consacrait un soin plus abondant que de coutume aux veilles nocturnes et aux prières. […] Étant donc très imprégné de l’Écriture sainte, il ne voulut plus se produire dans des réunions publiques, mettre en vente son enseignement, afin d’habiter près des établissements religieux et traiter des paroles divines avec un petit nombre de compagnons expérimentés, afin de rassembler dans un plus grand calme les fruits de la contemplation et rechercher avec plus de prudence en chacun des lieux où trouver la vie religieuse117.

Les effets de l’enseignement des maîtres de Laon peuvent surprendre de prime abord : l’ancien professeur, devenu élève d’Anselme et de Guillaume, décide de mener une vie réformée qui transforme aussi bien son esprit que sa chair. La part du topos et celle de la reconstruction littéraire sont évidemment à considérer, mais même enjolivé, le séjour à Laon est pensé sur le mode de la conversion des mœurs. Robert, à l’école de Guillaume et d’Anselme, 117

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« His igitur studiosius auditis, cepit mentem cotidie roborare, carnem in contemptum ducere, vitam celestibus doctrinis affirmare. Cumque predicabilem se vita et moribus exhiberet, […] nocturniis vigiliis et orationibus abundantius solito studium adhibebat [….] Cum igitur divinis litteris imbutus esset uberius, noluit se publicis conventiculis exponere, lectionem venditare, sed circa religiosos conventus habitare, cum paucis sociis hisque maturis eloquia divina tractare, ubi videlicet quietius et contemplativos fructus colligeret et quis singulis in locis ordo religionis haberetur cautius exploraret » (ibidem, affirmare] afformare ed.)

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devient lui-même exemplaire (predicabilem) et anticipe les valeurs de son statut régulier118. Assujettissement de la chair à une vie plus austère, veilles et prières constituent les normes nouvelles suivies par le jeune clerc. En négatif, sont par conséquent exclues la fréquentation de réunions où il aurait pu faire étalage de son savoir, de même que la mise en vente de son enseignement. Le passage laisse aussi imaginer le nouveau genre de vie mené par Robert de Béthune : avec quelques compagnons soigneusement choisis, le clerc fait le tour de différents monastères, à Laon et sans doute alentour, afin de s’adonner à la contemplation et se préparer à l’adoption de la vie religieuse. Après des péripéties familiales éprouvant sa vocation et un retour en Angleterre, il décide finalement de choisir l’ordo canonicus et devient chanoine régulier à Lanthony avant 1115, puis prieur dans les années 1120119. Robert abandonne alors toute prétention intellectuelle, mais se fait gloire d’être élève à l’école de la vie régulière instituée par les Apôtres120. La suite de sa carrière est conforme à son tempérament, puisqu’il faut l’intervention du pape Innocent II pour qu’il accepte l’épiscopat au bout d’un an et soit sacré évêque de Hereford en 1131. Malgré les troubles liés à la guerre civile, le nouvel évêque apporte un soutien continu aux chanoines de Lanthony et mène une politique stricte de réforme morale en direction de son clergé diocésain. Il prête aussi une importante assistance aux chanoines réguliers de Shobdon qu’il connaît bien et qu’il installe à Wigmore121. Le dernier acte de son épiscopat n’est pas moins représentatif du reste de sa vie, puisque, retournant aux lieux de sa jeunesse, il participe au concile réformateur de Reims en 1148 au cours duquel il meurt, le 16 avril122. À lire sans prévention la Vita, le moment clef dans le parcours de Robert de Béthune se situe lors de sa formation auprès de Guillaume de Champeaux et d’Anselme de Laon : au cours d’une peregrinatio academica classique pour un jeune aristocrate anglais, Robert a la révélation d’un nouveau genre de vie et de valeurs différentes. Le savoir n’est pas une fin en soi et ne doit pas devenir l’objet de marchandage et de gloriole, puisque l’étude de la Bible, sous la férule de Guillaume et d’Anselme, a révélé son double sens : prédication et 118

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L’expression « praedicabilem se vita et moribus exhiberet » n’est pas sans rappeler la locution « verbo et exemplo » dont les travaux de C. W. Bynum ont montré le caractère déterminant pour l’identité canoniale, cfr « The Spirituality of Regular Canons in the Twelfth Century », dans Jesus as Mother. Studies in the Spirituality of the High Middle Ages, Berkeley Los Angeles - Londres, 1982, p. 22-58. Anglia sacra, p. 300-301. Anglia sacra, p. 302. Sur son activité d’évêque, voir les actes réunis par J. Barrow, English Episcopal Acta, t. 7, Hereford 1079-1234, Oxford, 1993, p. 14-53 et son article de synthèse, « Clergy in the Diocese of Hereford in the Eleventh and Twelfth Centuries », Anglo-Norman Studies, 26 (2003-2004), p. 37-53. Pour plus de détails, voir la narration vivante de la Vita, Anglia sacra, p. 302-321 et la notice biographique de J. Barrow, « Béthune, Robert de », p. 547-548.

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adoration. N’est-ce pas là toute la vocation canoniale ? Le retrait du monde, loin de la vie urbaine et scolaire, avec un petit groupe de compagnons choisis, est strictement parallèle au choix de vie opéré par Guillaume de Champeaux vers 1108, lorsque, quittant le monde des écoles parisiennes, il décide de se consacrer dans un oratoire périurbain à la prière. Les tâtonnements de Guillaume et le choix final de l’ordre des chanoines réguliers de Saint-Victor sont proches des hésitations de Robert de Béthune et de son entrée à Lanthony. Et n’y a-t-il pas aussi dans le refus de l’évêché de Hereford quelque chose de la détermination d’Anselme de Laon à décliner toute promotion épiscopale ? Sans alourdir davantage le trait, on ne saurait éviter des rapprochements qui ne sont pas réductibles à des topoi littéraires, mais livrent un ensemble d’indices concordants : le séjour auprès de Guillaume et d’Anselme marque durablement les esprits et les pousse à rechercher une certaine perfection intérieure. Deux autres prélats de l’espace anglo-normand ont été également été rattachés à l’école de Laon. La connaissance du premier d’entre eux a été entièrement renouvelée par les travaux de Beryl Smalley : Gilbert l’Universel, évêque de Londres (1128-1134), est apparu comme l’un des grands maîtres à l’origine de la constitution de la Glose123. Breton et proche parent de l’évêque d’Ely Hervé le Breton (1109-1131), Gilbert est cité comme membre du clergé d’Auxerre dans un acte de 1110. Doyen et maître renommé de l’église d’Auxerre, il semble avoir aussi enseigné à Nevers. Sa présence à la curie est attestée pendant l’hiver 1125-1126 en tant que juriste : il défend les droits d’un ancien élève d’Anselme, Guillaume de Corbeil archevêque de Cantorbéry, dans sa lutte déjà signalée contre l’archevêque d’York. Ses bons offices en cour de Rome attirent sans doute l’attention d’Henri Ier et concourent à expliquer sa promotion au siège de Londres. De son court épiscopat (1128-1134), on peut retenir son soutien probable, lors du concile de Londres de 1129, à l’introduction de la fête de la Conception de Marie qui se généralise en Angleterre le 8 décembre dans les années 1120124. Il est associé dès l’époque à Hugues de Reading, ancien étudiant de Laon, en raison de sa défense de la fête125. Les liens constatés avec les deux autres élèves d’Anselme ainsi que la place qu’il 123

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Cfr B. Smalley, « Gilbertus Universalis, Bishop of London (1128-1134), and the Problem of the Glossa Ordinaria », RTAM, 7 (1935), p. 235-262 ; 8 (1936), p. 24-60 et les synthèses récentes de F. Neininger, English Episcopal Acta, t. 15, London 1076-1187, Oxford, 1999, p. li-liv et A. Andrée, Gilbertus Universalis Glossa ordinaria in Lamentationes Jeremie prophete, prothemata et Liber I, Stockholm, 2005, p. 37-49. M. Lamy, L’immaculée conception : étapes et enjeux d’une controverse au Moyen Âge (XIIe-XVe siècles), Paris, 2000, p. 33-42. « Quia dominus et pater noster Gillebertus, Dei gratia Lundoniensis episcopus, vir admodum catholicus, de his est sufficienter instructus, et vir vitae venerabilis, domnus Hugo abbas Radingensis, qui hanc festivitatem prece etiam regis Henrici solemniter celebrat, in divinis et humanis est liberaliter edoctus, hortor ut cum eis de hac re sermonem instituatis

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occupe dans les querelles doctrinales de son temps avaient conduit Beryl Smalley à supposer une parenté d’esprit entre Gilbert et Anselme126. Une source ignorée de l’historienne anglaise confirme la conjecture, puisqu’une chronique victorine fiable de la fin du xiie siècle rapporte que Gilbert est un élève d’Anselme127. L’autre élève que l’on peut rattacher à Anselme est un des deux grands archevêques de Rouen de la première moitié du xiie siècle, Geoffroy Le Breton (1111-1128)128. Sa formation à Laon demeure toutefois hypothétique. Elle n’est, en effet, suggérée que par une lettre faisant partie du dossier épistolaire déjà mentionné d’origine chartraine. Les quelques lignes qui nous en restent méritent cependant que l’on s’y arrête : Puisque vous cherchiez à savoir ce que devenaient Geoffroy Le Breton et sa famille, je vous apprends que tous les membres de sa famille sont sains et saufs, mais affligés par la ruine commune de la ville, au point que leur maison n’est plus telle que vous l’avez vue. Sachez que le frère du seigneur Geoffroy est prieur de Saint-Vincent. Quant à vous, je vous conseille, si vous ou l’un de vos proches voulez encore profiter de maître Anselme, de vous rendre auprès de lui le plus vite possible, pour ne pas le chercher tard ou en vain, car il est douteux qu’il se consacre longtemps aux élèves. Adieu129.

Le contexte apparaît comme clairement laonnois : le maître Anselme dont il convient de profiter au plus tôt avant qu’il ne cesse son enseignement et ne se consacre plus aux étudiants (clericis) est sans aucun doute Anselme de Laon. La lettre XXVI précédemment citée, parce qu’elle traite des difficultés rencontrées par les élèves pour se loger à Laon, rend l’identification d’Anselme peu douteuse. De plus, la mention du sinistre que la ville a subi de manière collective fait référence probablement à l’incendie accompagnant la Commune de 1112. Il a, en effet, détruit une part importante de la ville de Laon, notamment le quartier proche de la cathédrale. La lettre est donc sans doute postérieure de peu à 1112, ce qui concorde avec le passage concernant

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et ut eos coadjutores et cooperatores habeatis » (lettre d’Anselme d’Edmundsbury à Osbert de Clare citée par B. Smalley, « Gilbertus Universalis », p. 241-242). B. Smalley, « Gilbertus Universalis », p. 242-245. « Fuit et alius magister Gislebertus cognomento Universalis, scolaris, ut fertur, magistri Anselmi », cité par A. Landgraf, Introduction, p. 75. Sur sa vie, voir la présentation complète du mauriste dom F. Pommeraye, Histoire des archevesques de Rouen, Rouen, 1667, p. 301-312. « Quoniam que circa Gaufridum Britannum et ejus familiam essent scire querebatis, mando vobis omnes illius familie incolumes et letos esse, sed de communi civitatis gravatos perditione, adeo ut etiam ejus domus non appareat talis qualem eam vidistis. Fratrem vero domni Gaufridi priorem Sancti Vincentii esse sciatis. De vobis vero vobis consulo quatinus, si vobis vel aliquibus vicinis in proposito est adhuc magistro Anselmo frui, illum quam citius potueritis adeatis, ne tandem eum, quem dubium est diu vacare clericis, tarde aut frustra queratis. Valete » (lettre XXVII, sans adresse, éd. L. Merlet, « Lettres d’Ives de Chartres », p. 466).

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Anselme dont le grand âge est aussi souligné par Abélard lors de son séjour en 1113. De plus, l’évocation d’un prieur de Saint-Vincent fait référence à la célèbre abbaye laonnoise dont le rôle comme lieu de sépulture des évêques de Laon a déjà été mis en valeur. Le prieur de Saint-Vincent dans les années 1110 est ainsi le frère de Geoffroy Le Breton dont les attaches avec Laon semblent réelles. Reconnaître dans ce personnage l’archevêque de Rouen ne pose pas de problème majeur, car Orderic Vital, notre source principale sur Geoffroy, le nomme souvent ainsi130. Un parallèle avec Guy Le Breton s’impose. Comme Guy, Geoffroy est issu d’une noble famille bretonne influente, puisqu’un autre frère de Geoffroy, Judicaël, a été évêque d’Alet (10851111/1112)131. Geoffroy mène également une carrière ecclésiastique réussie au Mans qui met à sa portée l’épiscopat en 1096, encore que le clergé lui préfère Hildebert de Lavardin, protecteur fidèle de Guy Le Breton132. La lettre laisse entendre que le nouvel archevêque de Rouen a conservé à Laon une famille, dont un frère, ainsi qu’une maison. Le séjour d’un clerc manceau d’origine bretonne à Laon semble répondre avec probabilité, dans le contexte des années 1090-1100, à des raisons scolaires. Il est donc possible de rattacher avec prudence Geoffroy Le Breton au cercle des élèves d’Anselme de Laon133. Anselme de Laon et l’Italie Comme pour les élèves anglais, le voyage d’Italie en France ne devait pas être une rareté. Toutefois, notre documentation est moins précise et les données sur les quatre élèves italiens d’Anselme plus rares. Outre la correspondance entre deux clercs pisans déjà mise à profit, la principale source qui documente la formation de trois étudiants italiens est l’Historia Mediolanensis134 de Landulphe Junior135. Ayant fréquenté lui-même l’école d’Anselme, le chroniqueur, né vers 1077, nous livre aussi le nom de deux compagnons d’études, les futurs archevêques de Milan Anselme de Pusterla et Olric. Œuvre très personnelle prenant souvent un tour autobiographique, l’Historia Medio-

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Ordericus Vitalis, The Ecclesiastical History, l. 5, 9, t. 3, p. 94 : « Brito Goisfredus », l. 10, 8, t. 5, p. 234-236 : « Goisfredum Britonem » et l. 11, 41, t. 6, p. 172 : « Goisfredus Brito ». Il est sinon nommé « Rotomagensis archiepiscopus », cfr les occurrences dans l’index, p. 575. Cfr F. Duine, « Alet », dans DHGE, t. 2, 1914, col. 153-155, à la col. 155. Sur ces événements, voir Ordericus Vitalis, The Ecclesiastical History, l. 10, 8, t. 5, p. 234-236. D’autres lettres de la collection chartraine se rapportent à Geoffroy comme doyen du Mans, cfr ep. XVI et XXI, éd. L. Merlet, « Lettres d’Ives de Chartres », p. 458-459 et 462. Éd. L. Bethmann et P. Jaffé, Berlin, 1868 (MGH, Scriptores 20), p. 21-49, préférable à l’édition de C. Castiglioni, Historia Mediolanensis ab anno MXCV usque ad annum MCXXXVII, Bologne, 1934 (Rerum Italicarum Scriptores 5-3), qui offre toutefois deux précieux indices p. 43-60. Le qualificatif est utilisé pour le distinguer d’un homonyme légèrement antérieur et connu pour son Historia ou Chronica très hostile à la réforme ecclésiastique, voir P. Chiesa, « Landolfo Seniore », dans Dizionario biografico degli Italiani, t. 63, 2004, p. 497-501, à la p. 497.

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lanensis apparaît comme une source fiable en dépit des nombreux partis pris de son auteur136. En effet, la ville de Milan est partagée au début du xiie siècle entre plusieurs factions qui s’opposent notamment au sujet de l’empereur et du pape137. La personnalité de Landulphe est caractéristique des clercs milanais attachés à leur indépendance et décidés à défendre les libertates milanaises face aux nouvelles prétentions du siège romain. Au sein de la ville, l’oncle de Landulphe, Liutprand, est un des fers de lance de cette réaction dont Landulphe pâtit indirectement. En effet, les menées de Liutprand compromettent quelque peu la carrière de son neveu qui devient acolyte sans jamais recevoir les ordres majeurs. Les difficultés de sa famille expliquent peut-être aussi les séjours qu’il fait en France aux moments les plus compromettants pour lui. Comme d’autres élèves dont on a relevé le passage à Laon et sur lesquels nous avons des informations, il reçoit sa première éducation dans sa ville natale, auprès de maître André Dalvolto, prêtre de Sainte-Thècle138. Après un premier voyage, vers 1102, au cours duquel il fréquente les écoles d’Orléans et les cours des maîtres Alfred et Jacques, Landulphe retourne à Milan. Il se lie alors avec Anselme de Pusterla et Olric vicaire de Milan139, membres de grandes familles locales140 et hostiles comme lui à l’évêque en place. À partir de 1106, Landulphe en compagnie d’Anselme de Pusterla suit, pendant un an et demi, les leçons des maîtres Alfred et Guillaume à Tours et Paris141. Il faut 136

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Cfr J. W. Busch, Die mailänder Geschichtsschreibung zwischen Arnulf und Galvaneus Flamma. Die Beschäftigung mit der Vergangenheit im Umfeld einer oberitalienischen Kommune vom späten 11. bis zum frühen 14. Jahrhundert, Munich, 1997, p. 41-50 et G. Andenna, « Autobiografia e storiografia nelle fonti lombarde tra xi e xiv secolo », dans L’autobiografia nel medioevo. Atti del XXXIV Convegno storico internazionale, Todi, 12-15 ottobre 1997, Spolète, 1998, p. 237-273, aux p. 252-260. Sur les tensions en Italie à cette époque, voir J.-C. Maire Vigueur, Cavaliers et citoyens. Guerre, conflits et société dans l’Italie communale, XIIe-XIIIe siècles, Paris, 2003, et pour Milan le récit classique de P. Verri, Storia di Milano, 1783, rééd. F. Ogliari, Genève, 2003, p. 140146, complété par Storia di Milano, t. 3, Dagli albori del comune all’incoronazione di Federico Barbarossa (1002-1152), dir. G. Treccani degli Alfieri, Milan, 1954, p. 271-361. Cfr P. Chiesa, « Landolfo Juniore », dans Dizionario biografico degli Italiani, t. 63, 2004, p. 491495. Il porte chez Landulphe, Historia Mediolanensis, p. 29, le titre de « vicedominus Mediolanensis », qui semble impliquer une responsabilité ecclésiastique. L’appellation est peu commentée par la bibliographie, sauf dans l’ouvrage toujours utile de G. Giulini, Memorie spettanti alla storia, al governo ed alla descrizione della città e campagna di Milano, Milan, t. 2, 1854, p. 752 et t. 3, 1855, p. 109. Voir, sur ce point, G. Rossetti, « Origine sociale e formazione dei vescovi del Regnum Italiae nei secoli xi e xii », dans Le Istituzioni ecclesiastiche della « societas christiana » dei secoli XI-XII, diocesi, pievi e parrocchie. Atti della sesta Settimana internazionale di studio, Milano, 1-7 settembre 1974, Milan, 1977, p. 57-88, à la p. 79. « Cum Anselmo namque per annum et dimidium Turoni et Parisius in scolis magistri Alfredi et Guilielmi legi, et legendo, scribendo multisque aliis modis Anselmo multam comoditatem dedi » (Landulfus Junior, Historia Mediolanensis, p. 29). Olric ne semble donc

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sans doute reconnaître dans ce Guillaume l’élève d’Anselme de Laon, Guillaume de Champeaux. On n’en sait pas plus sur leur voyage, sinon que Landulphe sert de secrétaire à Anselme de Pusterla. Une fois rentrés à Milan, les deux clercs prennent de nouveau part aux affaires tumultueuses de la cité. Au moment de la guerre entre Milan et Lodi, en 1109, les partisans d’une faction opposée poussent les clercs à un exil studieux : Mais certains […] suggérèrent à Olric, vicaire de Milan, et à Anselme, dit de Pusterla, d’aller auprès du grand maître Anselme de Mont Laon. Il leur plut de m’emmener avec eux, moi Landulphe, élève du prêtre Liutprand. Alors que nous étudiions auprès de ce maître et de son frère Raoul, on annonça que Grosulanus tenait Arona ville très fortifiée de l’archidiocèse142.

La mauvaise nouvelle hâte le retour des Milanais après un séjour qui prend fin en 1110. Le passage, peu explicite, atteste du moins la réputation d’Anselme en Lombardie. Comme le montre la narration, les nouvelles circulent bien, autant de France vers l’Italie du Nord que dans le sens contraire. Parmi tous les maîtres cités par Landulphe, Anselme est aussi le seul à être gratifié d’un qualificatif (precipuum). Landulphe nous informe également qu’en 1109-1110 Raoul de Laon est associé à son frère pour son enseignement, même si le nom seul d’Anselme suffit à attirer les trois clercs en France. La suite de leur vie, davantage liée au destin de l’église milanaise, nous intéresse moins directement. Cependant, la relation créée par ces études communes se maintient et le destin des trois hommes demeure lié. Olric, devenu archiprêtre à son retour à Milan, puis évêque (1120-1126), tient son ancien condisciple dans une semi-disgrâce, tandis que l’épiscopat d’Anselme de Pusterla (1126-1135) lui vaut un retour de fortune143. Le nouvel évêque, se souvenant des bons offices de son condisciple, fait de lui le chef de sa chapelle, son secrétaire et conseiller. Mais le choix malheureux d’Anselme de Pusterla, lors du schisme d’Anaclet, l’isole de son clergé et de la population urbaine qui finissent par le chasser en 1135. L’Historia de Landulphe s’arrêtant en 1137, on peut supposer que son auteur disparaît peu de temps après. La chronique urbaine, malgré ses silences, est néanmoins intéressante, car elle narre comme une chose naturelle les trois voyages en France de Lan-

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pas avoir pris part à l’expédition contrairement à ce que porte la rubrique de l’unique manuscrit subsistant, cfr apparat, p. 30, n. e. « At quidam […] sugeserunt Olrico Mediolanensi vicedomino et Anselmo de Pusterla cognominato ire ad precipuum magistrum Anselmum de Monte Leoduni. Quibus duobus fuit gratum secum ducere me Landulphum, presbiteri Liprandi alumpnum. Et cum apud ipsum magistrum et fratrem ejus Rodulphum studeremus, nuntiatum est illic quod Grosulanus Aronam, arcem munitissimam archiepiscopatus, possidet » (Landulfus Junior, Historia Mediolanensis, p. 30-31). Sur l’action des deux évêques, voir P. Zerbi, « La Chiesa Ambrosiana di fronte alla Chiesa Romana dal 1120 al 1135 », Studi Medievali, 4-1 (1963), p. 136-216, aux p. 138-184.

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dulphe causa studendi et à chaque fois dans des villes différentes. Le tour de France par un Italien ne semble donc pas une rareté, mais une pratique qui concerne des clercs d’envergure modeste, comme un acolyte. Il est aussi remarquable que ce soit lors du dernier séjour que les trois étudiants se rendent à Laon. Une nouvelle fois, la venue à Laon constitue une sorte de couronnement scolaire, non un séjour propédeutique pour débutants. Enfin, l’Historia calamitatum d’Abélard nous donne le nom d’un quatrième élève italien d’Anselme : il s’agit de Lotulfe le Lombard, originaire, comme l’indique son nom, du nord de l’Italie ainsi que les trois autres clercs déjà cités144. Selon Abélard, Lotulfe faisait partie avec Albéric de Reims des deux élèves favoris du maître et, par conséquent, contribue aux malheurs postérieurs du logicien145. Dans le cas de Lotulfe, le séjour n’a pas été seulement un voyage temporaire d’études, mais l’amène à rester en France. Il enseigne, semble t-il, à Reims au début des années 1120 avec Albéric au moment où les deux maîtres font réunir contre Abélard le concile de Soissons146. La condamnation d’Abélard est l’occasion pour Othon de Freising de préciser que la ville d’origine de Lotulfe est Novare147. Lotulfe a l’occasion de retourner en Italie, car on le trouve à la curie en 1126 où il s’oppose, devant le pape Honorius II (1124-1130), au jeune Gerhoch de Reichersberg (1093/1094-1169) sur une question christologique de laquelle le célèbre prévôt allemand fait, trente-huit après, un court récit à son avantage148. John Williams s’est également demandé si le même Lotulfe n’avait pas fini sa carrière parmi le clergé laonnois149. Une charte corroborée en 1124 à Reims par deux légats pontificaux et l’évêque Barthélemy de Joux porte, en effet, parmi les témoins deux clercs nommés Letoldus, l’un rémois, l’autre laonnois150. Il est impossible, comme le suppose l’historien américain, de considérer que les deux témoins ne font qu’un et que Lotulfe a été chanoine dans les deux villes épiscopales. En revanche, la juxtaposition dans la liste 144

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Voir D. Van Den Eynde, « Du nouveau sur deux maîtres lombards contemporains du Maître des Sentences », Pier Lombardo, 1-2 (1953), p. 6-8. Petrus Abaelardus, Historia calamitatum, p. 69-70. Ibidem, p. 83. Cfr Gesta Friderici I imperatoris, éd. G. Waitz, Hanovre - Leipzig, 19123, l. 1, p. 69, l. 30. Cfr la lettre 21 de Gerhoch, PL 193, col. 576C : « Primus in hujusmodi certamine astitit mihi beatae memoriae Honorius, cum in ejus curia fuisset magister Luitolfus inter magistros Franciae ». Elle est datée de janvier-février 1164 par D. Van Den Eynde, L’œuvre littéraire de Géroch de Reichersberg, Rome, 1957, p. 267 et de l’hiver 1163-1164 par P. Classen, « Aus der Werkstatt Gerhochs von Reichersberg. Studien zur Entstehung und Überlieferung von Briefen, Briefsammlungen und Windmungen », Deutsches Archiv, 23 (1967), p. 31-92, à la p. 63, repris dans Ausgewählte Aufsätze von Peter Classen, éd. C. J. Classen, J. Fried, J. Fleckenstein, Sigmaringen, 1983, p. 379-430, à la p. 404. J. R. Williams, « The Cathedral School of Rheims », p. 108. L’acte est édité par J. Ramackers, Papsturkunden in Frankreich, t. 4, Picardie, Göttingen, 1942, p. 84-85, n. 16.

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du Letoldus rémois avec un Albricus, sans doute maître Albéric de Reims, indique peut-être que Lotulfe a poursuivi sa carrière magistrale dans la métropole champenoise. Ainsi, malgré le rapprochement tenté par John Williams, rien n’assure que Lotulfe ait été pourvu d’un archidiaconé à Laon de 1126 à 1132151. En fait, si le signum d’un certain Letaldus archidiacre est présent régulièrement dans les actes de 1126 à 1133, on ne saurait garantir sur cette seule base documentaire l’identité précise du clerc ni ses rapports avec d’éventuels homonymes comme le sous-diacre Létaud dont le signum apparaît de 1118 à 1141152. Le rayonnement local d’Anselme Le succès d’Anselme de Laon se mesure aussi à l’aune de sa réputation locale. Comme pour les élèves d’origine plus lointaine, il est impossible de donner une liste exhaustive de ceux qui ont suivi des cours à Laon. La formation laonnoise d’Hugues d’Amiens et de Matthieu d’Albano ne fait aucun doute. Comme d’autres élèves d’Anselme, le premier est issu d’un puissant lignage, ainsi que le rappelle son contre-sceau portant les armes de la famille de Boves153. Quant au surnom d’Ambianensis qui lui est souvent donné, il renvoie à la situation du château familial dans la région d’Amiens154. Dès la fin du xie siècle, cette famille, apparentée aux sires de Coucy, joue un rôle important dans la vie laonnoise, par l’entremise notamment de l’évêque Enguerrand. Les deux familles unies par des mariages conservent des liens toute la première moitié du xiie siècle155. Il n’est donc pas étonnant que le jeune Hugues ait suivi des cours à Laon comme il l’indique lui-même. Dans la lettre préface du livre de ses Dialogi qu’il adresse à son parent Matthieu d’Albano au plus tard au début de l’été 1126, il rappelle la force des liens les unissant156 :

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J. R. Williams, ibidem. Voir, pour l’indication des différents personnages, l’index nominum d’A. Dufour, Actes des évêques de Laon, s. v. Letaldus, p. 541. Le résumé le mieux informé sur sa vie, avec indication des sources, est donné par P. Hébert, « Un archevêque de Rouen au xiie siècle. Hugues III d’Amiens, 1130-1164 », Revue des questions historiques, 20 (1898), p. 325-371, voir aussi les compléments d’E. Vacandard, « Hugues d’Amiens », dans DTC, 7, 1930, col. 205-215, aux col. 205-209. P. Racinet, « Un lieu de pouvoir exceptionnel aux portes d’Amiens : Boves (xe-xiie siècle) », dans Les lieux de pouvoir au Moyen Âge en Normandie et sur ses marges, éd. A.-M. Flambard Héricher, Caen, 2006, p. 119-148. Le surnom d’Ambianensis lui est donné notamment par Ordericus Vitalis, The Ecclesiastical History, l. 12, 48, p. 392. D. Barthélemy, Les deux âges, tableau généalogique, p. 56-57 et p. 123. Sur la datation des œuvres d’Hugues, cfr D. Van Den Eynde, « Nouvelles précisions chronologiques sur quelques œuvres théologiques du xiie siècle », Franciscan Studies, 13 (1953), p. 71-118.

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Nous, en effet, que le sang de la même famille et la société de la même profession dans le Christ ont unis, que le sol de Laon a éduqués et enseignés, que Cluny a habillés du vêtement du Christ157.

La phrase met ainsi en parallèle la consanguinité avec l’éducation, de même que la profession religieuse commune renvoie à la prise de l’habit clunisien. ‘Une famille, une éducation, un ordre’ : telle pourrait être l’orgueilleuse devise d’Hugues d’Amiens et de Matthieu d’Albano. La fierté d’appartenir à un lignage noble et d’être entré dans l’ordre alors le plus puissant se double du souvenir d’avoir reçu une formation d’élite à Laon. La suite de la carrière d’Hugues le montre fidèle à ses engagements religieux158. Il s’illustre dans l’ordre clunisien par son observance de la règle, que ce soit durant son noviciat, ou plus tard comme prieur de Saint-Martial de Limoges en 1113, et enfin comme prieur de Saint-Pancrace de Lewes en Angleterre. Il obtient le surnom de Radingensis en devenant le premier abbé de Reading, fondation d’Henri Ier en 1125. Son élection comme archevêque de Rouen (1130-1164) ne modifie pas substantiellement son mode de vie, car il décide de continuer à pratiquer les observances régulières. Sa volonté de promouvoir efficacement la cause de la réforme cléricale dans son diocèse se heurte parfois violemment à certains établissements comme Saint-Wandrille159. Son rayonnement ne tarde cependant pas à franchir les limites de son diocèse, notamment en raison de sa position lors du schisme d’Anaclet. Son soutien à Innocent II, qu’il reçoit à Rouen en 1131, explique la légation qui lui est confiée dans le Midi160. Il fait aussi montre d’un loyalisme sans faille envers les rois d’Angleterre, que ce soit Henri Ier, qu’il assiste sur son lit de mort, ou Étienne de Blois qu’il soutient dans sa prise du pouvoir. Il faut aussi mentionner sa participation aux deux conciles réunis pour juger Gilbert de La Porrée, à Paris en 1147 et à Reims l’année suivante : les deux anciens élèves de maître Anselme se retrouvent mais dans des positions fort dissemblables, l’un comme juge, l’autre comme accusé. Seul un examen de leurs écrits peut

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« Nos enim et una generis consanguinitas et ejusdem professionis in Christo junxit societas, quos Laudunense solum educavit et docuit, quos veste Christi Cluniacus induit » (Hugo Ambianensis, Dialogi, praefatio, PL 192, col. 11142A-B). Nous utilisons la première version de la préface et non le remaniement, voir l’édition donnée par J. Depoin, Recueil de chartes et documents de Saint-Martin-des-Champs, monastère parisien, Paris, 1912, t. 1, p. 290, acte 178. Le prologue ne mentionne pas le nom d’Anselme, mais la suite de la vie d’Hugues permet de dater son séjour au plus tard dans les années 1110. F. Pommeraye, Histoire des archevesques de Rouen, p. 313-344 et Gallia christiana, t. 11, Paris, 1759, col. 43-48, repris dans PL 192, col. 1111D-1118D. L. Spätling, « Die Legation des Erzbischofs Hugo von Rouen (1134-1135) », Antonianum, 43 (1968), p. 195-216.

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expliquer pour quelles raisons, au-delà de la formation commune à Laon, les deux évêques se sont ainsi retrouvés face à face161. Le cursus honorum de Matthieu d’Albano atteste la même réussite au sein de l’Église162. Comme pour Hugues d’Amiens, sa formation à Laon est certifiée par la préface des Dialogi. Elle est aussi traitée, mais sous un jour nettement moins flatteur, par Pierre le Vénérable (1094/1096-1156) au livre deux de son De miraculis. Après avoir rappelé les nobles origines de Matthieu et sa naissance dans la province ecclésiastique de Reims, l’abbé de Cluny signale les faits suivants163 : Il s’adonna aux lettres dans son enfance et, une fois plus grand, il reçut dans l’église de Laon une charge ecclésiastique. Dès ses premières années à l’encontre des mœurs dépravées de nombreux clercs, alors qu’il commençait à croître en âge et en vertu, fuyant et détestant la légèreté et la lasciveté de ses compagnons, ce qui est très rare chez les hommes de ce genre, il se liait avec les clercs réputés pour leur vertu et leur dévotion164.

D’après le passage, le milieu d’origine et l’éducation de Matthieu lui ouvrent une carrière laonnoise : ses études sont couronnées par l’obtention d’un office à Laon, peut-être un canonicat, dans la première décennie du xiie siècle. Pierre le Vénérable a surtout tenu à marquer l’opposition morale du jeune clerc à son environnement : les mœurs de ses confrères laissent fort à désirer et lorsqu’il souhaite trouver un modèle, le jeune Matthieu l’adopte dans le clergé rémois en la personne du futur archevêque, Raoul Le Verd165. Contrairement à un Robert de Béthune, il ne semble donc pas que la fréquentation d’Anselme l’ait rapproché de la vie canoniale. Aucun acte laonnois ne conserve d’ailleurs la mémoire de son appartenance au

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Sur les écrits d’Hugues d’Amiens, voir les analyses doctrinales de l’Histoire littéraire de la France, t. 12, Paris, 1763, p. 647-667 reproduites partiellement en PL 192, col. 1117-1130, E. Vacandard, « Hugues d’Amiens », col. 209-214 et G. Oury, « Hugues de Rouen », dans DS, t. 7, 1969, col. 896-900, aux col. 897-899. Les principales données sur la vie de Matthieu ont été rassemblées par dom U. Berlière, « Le cardinal Matthieu d’Albano (c. 1085-1135) », RB, 18 (1901), p. 113-140 et 280-303, repris dans Mélanges d’histoire bénédictine, 4e série, Maredsous, 1902, p. 1-51. L’application du passage à Hugues d’Amiens par les bénédictins de l’Histoire littéraire de la France est une erreur manifeste, cfr PL 192, col. 1119, n. 6. « Hic et in puericia litteris traditus est, et postquam adolevit, in Laudunensi ecclesia clericale officium adeptus est. Hic statim a primis annis contra multorum clericorum depravatum morem, cum etate cepit et honestate invalescere, et levitatem vel lasciviam consodalium fugiens et execrans, quod perrarum est in hujusmodi hominum genere, famosis honestate ac religione clericis adherebat » (Petrus Cluniacensis, De miraculis, l. 2, 4, éd. D. Bouthillier, Turnhout, 1988 (CCCM 83), p. 103, l. 3-9. On peut aussi se reporter à la traduction de J.-P. Torrell et D. Bouthillier, Les Merveilles de Dieu, Fribourg, 1992, p. 197 ou à celle, plus ancienne, de J. d’Avenel, Vie de Pierre le Vénérable suivie de ses récits merveilleux, Paris, 1874, p. 357. Petrus Cluniacensis, De miraculis, l. 2, 5, p. 104.

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clergé du diocèse, alors que sa présence comme sous-diacre est attestée à Reims en 1109166. Les partis pris de Pierre le Vénérable expliquent en grande partie une présentation à charge, ce qui amène à nuancer l’interprétation du passage. En effet, l’image traditionnelle un peu fade de Pierre comme figure attachante et irénique d’un xiie siècle humaniste a fait long feu et il convient plutôt de reconnaître en lui l’agent actif d’une restauration du monachisme clunisien167. Les traits décochés contre les clercs séculiers, qui, selon lui, sont plutôt des mercenaires que des chanoines, ne doivent pas surprendre et s’inscrivent dans le genre littéraire du De miraculis168. Sous des dehors faussement simples, la narration transmet une vision monastique de la perfection chrétienne : l’œuvre véritablement politique cherche à montrer la manière dont Dieu favorise avec prédilection les moines et l’ordre de Cluny169. Il est notable que les paragraphes consacrés à Matthieu d’Albano remplissent au second livre une fonction particulière. Ils ont connu une existence indépendante et une première diffusion, sans doute sous forme séparée avant 1144 comme Vita Mathei170. Destinée à célébrer la réputation de sainteté de Matthieu au sein de l’ordre et de l’Église, la Vita Mathei gomme tout ce que le personnage pourrait devoir à d’autres formes de vie religieuse. Le récit succinct et dépréciateur que donne Pierre le Vénérable des années passées à Laon par Matthieu répond donc à une logique bien précise. On peut lui préférer les quelques indications d’Hugues d’Amiens et leur tonalité nostalgique, sans doute plus vraisemblables dans leur naïve fierté. Comme son parent Hugues, Matthieu gravit rapidement les différents échelons du cursus ecclésiastique. Entré comme moine à Saint-Martin-desChamps vers 1110, il en devient prieur en 1117171. Remarqué par Honorius II, il est créé cardinal-évêque du titre d’Albano, puis légat pontifical en 1127172. 166

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U. Berlière, « Le cardinal Matthieu d’Albano », p. 2-3. On trouve le signum d’un Matthieu sous-diacre dans un acte laonnois, mais pour un acte datant de la seconde moitié de 1112, cfr A. Dufour-Malbezin, Actes des évêques de Laon, p. 136. Pour une appréciation historiographique renouvelée, voir les précisions liminaires de J.-P. Torrell et D. Bouthillier, Pierre le Vénérable et sa vision du monde. Sa vie – son œuvre, l’homme et le démon, Louvain, 1986, p. v-vi, ainsi que D. Iogna-Prat, Ordonner et exclure. Cluny et la société chrétienne face à l’hérésie, au judaïsme et à l’islam (1000-1150), Paris, 1998, p. 103-113. « Videbat institutis illis clericorum nichil prope religionis inesse, multa ibi simulari, pauca in veritate geri, ambitione, cupiditate, emulatione cuncta interturbari, et sub tonsura vel habitu clericali, rectius mercennarios quam canonicos posse vocari » (Petrus Cluniacensis, De miraculis, l. 2, 6, p. 105, l. 4-8). J.-P. Torrell et D. Bouthillier, Pierre le Vénérable, p. 150-154. Pour le détail de la démonstration, cfr Petrus Cluniacensis, De miraculis, p. 72*-76*. Sur son action comme prieur, voir les chartes éditées par J. Depoin, Recueil de chartes, à partir de l’index de dom J. Becquet, Chartes et documents de Saint-Martin-des-Champs. Index, Ligugé, 1989, p. 60. Sur son rôle comme légat sous Honorius II, voir T. Schieffer, Die päpstlichen Legaten in Frankreich vom Vertrage von Meersen (870) bis zum Schisma von 1130, Berlin, 1935, p. 299-333

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On le trouve au concile de Reims de 1128 dont la principale mesure est l’approbation de l’ordre des chevaliers du Temple. La même année, il représente le pape à Rouen, lors d’un concile provincial marqué par la mort de l’archevêque Geoffroy le Breton. On peut supposer que le légat a usé de son autorité auprès d’Henri Ier et n’a pas été étranger à la nomination de son parent Hugues d’Amiens comme nouvel archevêque173. Jusqu’à sa mort à la Noël 1135, Matthieu d’Albano se signale par son action en faveur de la vie monastique et son attachement personnel aux observances clunisiennes. Si l’influence d’Anselme de Laon paraît donc s’être exercée plutôt faiblement sur Hugues d’Amiens et Matthieu d’Albano, il en va autrement pour un autre clerc originaire de la province ecclésiastique de Reims, Albéric174. Son origine rémoise est garantie par son surnom (Remensis) ainsi que par la présence à Reims de l’un de ses neveux, le chanoine Étienne de Porta Claustri qui, d’après l’obituaire de la cathédrale, fonde moyennant cent livres une messe anniversaire pour le repos de son âme et celle de son oncle175. On ne sait rien d’une première éducation peut-être reçue à Reims, mais le récit d’Abélard nous montre en 1113 un Albéric en position de force à Laon. Le lien avec Anselme a dû être assez fort, car l’année suivant la mort de son maître, il quitte sans doute Laon pour Reims où il souscrit une charte comme témoin176. La mort d’Anselme marque le début d’une carrière magistrale qui semble se poursuivre jusqu’à son élection comme archevêque de Bourges en 1136. Son activité de maître à Reims pose l’importante question de l’existence d’une école à Laon après la mort d’Anselme et mérite donc un examen séparé177. Les années rémoises sont marquées par une intense participation aux affaires ecclésiastiques de son temps : on le retrouve comme fer de lance au concile de Soissons contre Abélard en 1121. En 1128, il participe avec Matthieu d’Albano au concile de Reims. Son rôle en 1121 et sa méfiance envers les nouveautés théologiques expliquent sans doute le soutien que Bernard de Clairvaux lui accorde lors de son élection à Châlons, l’ancien évêché de Guillaume de Champeaux178. Le choix d’Albéric à Châlons n’avait rien d’in-

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et, sous Innocent II, W. Janssen, Die päpstlichen Legaten in Frankreich vom Schisma Anaklets II bis zum Tode Coelestins III (1130-1198), Cologne, 1961, p. 17. L’hypothèse est aussi formulée par U. Berlière, « Le cardinal Matthieu d’Albano », p. 17. L’article de référence est celui de J. R. Williams, « The Cathedral School of Rheims in the Time of Master Alberic, 1118-1136 », Traditio, 20 (1964), p. 93-114, voir aussi la présentation synthétique de P. Demouy, Genèse d’une cathédrale. Les archevêques de Reims et leur Église aux XI e et XII e siècles, Langres, 2005, p. 170-173. P. Varin, Archives législatives de la ville de Reims, Paris, 1844, p. 73 et 89. J. R. Williams, « The Cathedral School of Rheims », p. 96. Voir le chapitre II (troisième partie). Albéric n’est pas appelé sur le siège châlonnais directement après la mort de Guillaume de Champeaux, car c’est l’évêque Ébal qui succède à Guillaume en 1121, cfr Gallia christiana, t. 9, Paris, 1751, col. 878-879.

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congru, surtout, si comme le dit, Abélard, on considère que Guillaume a été l’un des maîtres d’Albéric179. Bernard vante la foi et la doctrine d’Albéric au pape Honorius II qui refuse finalement de ratifier l’élection180. Il lui faut attendre 1136 pour obtenir le siège de Bourges181. Son épiscopat, assez court, s’achève en 1141. En raison du caractère uniquement qualitatif des témoignages sur son enseignement, l’ampleur de son œuvre nous échappe, malgré son écho auprès des contemporains182. On lui attribuait traditionnellement une lettre portant sur la nature du lien matrimonial, mais l’attribution a été contestée183. Un autre élève d’origine locale, Hugues de Ribemont, a été proposé comme étudiant d’Anselme. L’identité de ce personnage demeure néanmoins énigmatique, malgré les savantes hypothèses élaborées depuis la fin du xixe siècle. Il est connu depuis l’édition de doms Martène et Durand qui font paraître dans leur Thesaurus novus anecdotorum, d’après un manuscrit de Clairmarais, une lettre théologique (Quaestioni tuae rescribere) portant sur l’origine de l’âme184. Son auteur est un certain Hugo Ribodimontensis. Les bénédictins de l’Histoire littéraire identifient le destinataire de l’épître, Graphion d’Angers, attesté comme magister à Reims en 1127185. Le nouvel éditeur de la lettre au xixe siècle, Johann Huemer remarque sa présence dans un manuscrit de Gotha à la suite de trois poèmes attribués explicitement à Hugues d’Amiens186. Comme une main contemporaine a ajouté au-dessus du 179 180

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Petrus Abaelardus, Historia calamitatum, p. 83, l. 710-713. « Novimus hominem sanae fidei et doctrinae hactenus exstitisse, in divinis pariter et humanis prudentem esse » (Ep. 13, PL 182, col. 116C-117A). Sur l’épiscopat, voir Gallia christiana, t. 2, Paris, 1720, col. 49-50. A. Noyon, « Albéric de Reims », dans DHGE, t. 1, 1912, col. 1410-1411, à la col. 1411. Voir les travaux de W. Uruszczak, « Albéric et l’enseignement du droit romain à Reims au xiie siècle », dans Confluence du droit savant et des pratiques juridiques (Colloque de Montpellier, 12-14 décembre 1977), Milan, 1979, p. 37-68, Id. « Une polémique juridique entre deux savants français au xiie siècle », Recueil de mémoires et travaux publié par la société d’histoire du droit et des institutions des anciens pays de droit écrit, 13 (1985), p. 17-38 et surtout Id., « Maître A. et Gauthier de Mortagne, deux lettrés français au xiie siècle », Recueil de mémoires, 15 (1991), p. 121-131. Il s’agit du Thesaurus anecdotorum, t. 1, Paris, 1717, col. 481-483, « ex ms. Clarimarisci », et non de l’Amplissima collectio, comme indiqué fautivement en PL 166, col. 833. Le manuscrit utilisé est sans doute l’actuel Saint-Omer, BM, 21 cfr le Catalogue général des manuscrits des bibliothèques publiques des départements, in-4°, t. 3, Paris, 1861, p. 20. Le manuscrit (xiie-xiiie siècle) contient aussi l’exposition d’Ambroise Autpert sur l’Apocalypse, voir A. BondéelleSouchier, Bibliothèques cisterciennes dans la France médiévale. Répertoire des abbayes d’hommes, Paris, 1991, p. 80-90, à la p. 86. L’indication « 3. 243 Les questions sur l’âme humaine » d’A. Landgraf, Introduction, p. 78, est confuse, car elle fait double entrée avec la même lettre signalée sous le numéro « 3. 242 » (p. 77). Cfr la notice reproduite en PL 166, col. 831-832 et les précisions de J. R. Williams, « The Cathedral School of Rheims », p. 109-110. J. Huemer, Hugonis Ambianensis sive Ribomontensis opuscula, Vienne, 1880. Une quatrième pièce anonyme est sans doute du même auteur. Le « codex Gothanus » cité est l’actuel

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nom de Ribomontensis la mention sive Ambianensis, Johann Huemer s’est interrogé sur l’identification de cet Hugues de Ribemont ou d’Amiens avec le célèbre archevêque de Rouen. Il la met en doute étant donné l’absence d’autres sources attestant une activité poétique du futur archevêque187. De même, les spécialistes d’histoire littéraire ont le plus souvent distingué les deux personnages188. Le premier à suggérer timidement des parentés littéraires entre l’œuvre authentique d’Hugues d’Amiens et la lettre Quaestioni tuae rescribere est Franz Bliemetzrieder189. Damien Van Den Eynde, tout en reconnaissant la faiblesse de la démonstration, tient pour acquise l’identification des deux auteurs190. Outre les éléments de critique interne apportés par Franz Bliemetzrieder, il s’appuie pour cela sur le manuscrit de Gotha et le fait que le nom d’Hugues d’Amiens ne soit pas attesté pour un autre auteur du xiie siècle191. Le deuxième point est difficilement déterminable dans la mesure où il dépend de l’évaluation plus ou moins importante que l’on fait du nombre d’auteurs tombés dans l’oubli pour la période médiévale. Quant au premier élément, la confiance accordée au seul manuscrit de Gotha est peut-être excessive : l’on peut accepter l’authenticité d’Hugues d’Amiens pour les poèmes, sans pour autant considérer l’addition sive Ambianensis comme sincère. En effet, le manuscrit de Gotha est le seul à unir les poèmes et la lettre : les autres manuscrits contiennent soit les poésies pour tout ou partie192, tandis que la lettre apparaît indépendamment dans au moins cinq autres témoins193. Il semble tout à fait possible qu’un lecteur ait unifié l’attribution d’écrits copiés par des mains différentes en ajoutant la mention de la ville d’Amiens au-dessus du peu connu ‘Ribemont’194.

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Gotha, Forschungs-und u. Bibliothek, Memb. II 136, voir les précieuses indications de F. Jacobs et F. A. Ukert, Beiträge zur ältern Litteratur oder Merkwürdigkeiten der Herzogl. Öffentlichen Bibliothek zu Gotha, Leipzig, 1836, t. 2, p. 117-118 et t. 3, p. 23-24. J. Huemer, Hugonis Ambianensis, p. xiv. C’est le cas notamment de M. Manitius, Geschichte der lateinischen Literatur, t. 3, p. 814-816, J. de Ghellinck, L’essor de la littérature, t. 2, Bruxelles - Paris, 1946, p. 214. F. Bliemetzrieder, « L’œuvre d’Anselme de Laon et la littérature théologique contemporaine, II Hugues de Rouen », RTAM, 7 (1935), p. 28-51, aux p. 48-51. D. Van Den Eynde, « Nouvelles précisions chronologiques », aux p. 71-74. Ibidem, p. 72. Troyes, BM, 469, fol. 132-141, provenant de Clairvaux, et Paris, Sainte-Geneviève, 1442, fol. 69v : « Omnipotencia… – …Sibi subdi voluit dum malus ille ruit » (22 vers), manuscrit formé de deux unités, xiiie siècle, 78 fol., provenant à l’époque moderne de Sainte-Barbe. Saint-Omer, BM, 21, déjà cité, deux manuscrits parisiens : lat. 10448, fol. 178va-179ra et n. a. l. 862, fol. 84vb-85va, München, BSB, Clm 22307, fol. 85r (« Hugo Ribomentensis… – …inperitiam non pretendit »), et Stuttgart, Württembergische Landesbibliothek, HB III, dogm. et polem. 34, fol. 22v-23r. Le changement de mains entre la lettre et les vers est noté par F. Jacobs, Beiträge zur ältern Litteratur, t. 2, p. 117. Un examen direct du témoin serait évidemment nécessaire.

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Le nom même de Ribemont, peu compatible avec l’appartenance à la famille de Boves195, tire son origine soit d’un lignage de milites possesseurs du château de Ribemont soit du chapitre Saint-Germain de Ribemont ou de l’abbaye Saint-Nicolas196. Pour maintenir l’identification entre les deux personnages, il faudrait prouver que Hugues d’Amiens a exercé une charge dans l’un des deux établissements signalés. En l’absence de cette preuve, on peut proposer de défaire le nœud établi par le manuscrit de Gotha entre Hugues de Ribemont et Hugues d’Amiens. Il conviendrait par conséquent de considérer comme indépendants la lettre et les vers. Hugues d’Amiens, avant d’entrer à Cluny ou de devenir abbé de Reading, a pu composer des vers, œuvre de jeunesse peu diffusée, mais dont la tonalité pieuse et affective ne s’oppose pas à ce que nous savons du futur archevêque de Rouen197. Quant à Hugues de Ribemont, il faudrait accepter de ne voir en lui que l’auteur d’une lettre marquée indubitablement par les positions laonnoises198. De manière allusive, un autre élève d’Anselme apparaît dans Paris, BNF, lat. 12999 : D’après l’explication de maître Anselme voici ce qu’a rassemblé N. de SaintAmand199.

La mention qui est suivie de la sentence anselmienne L 29 nous fait connaître un élève sans doute entré à l’abbaye bénédictine de Saint-Amand après avoir suivi les cours d’Anselme. Cette indication est à mettre en rapport avec l’existence de cinq manuscrits originaires ou provenant de Saint-Amand, qui contiennent des sentences laonnoises200. On peut également signaler un autre clerc, sans doute français, Robert de Bosco dont on sait qu’il devient archidiacre de Châlons et qu’il est resté sept ans auprès d’Anselme de Laon201.

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L’argument est développé par G. Oury, « Hugues de Rouen », col. 896. Voir les différents personnages de la famille identifiés par A. Dufour, Actes des évêques de Laon, p. 560, s. v. Ribodimons (avec renvois) et l’indication de quelques actes, concernant les deux établissements ecclésiastiques, édités par A. Dufour, ibidem. La jeunesse de l’auteur des vers est sous-entendue dans le prologue de l’In Pentateuchum : « Hoc opus ad pueros spectat metuitque severos,/ Vultque manus juvenum, sed timet ora senum » (J. Huemer, Hugonis Ambianensis, p. 1, v. 5-6). Voir également le chapitre II (deuxième partie). Paris, BNF, lat. 12999, fol. 57va ; pour l’analyse précise du recueil voir le chapitre premier (deuxième partie). Valenciennes, BM, 14, 73, 177, 180 et 181, voir la thèse d’École des chartes de F. Simeray, Le scriptorium et la bibliothèque de Saint-Amand, Paris, 1989, t. 2, respectivement aux p. 12-15, 67-70, 265-266, 135-137 et 137-139, ainsi que le chapitre premier (deuxième partie). Sur le personnage et la durée de son séjour, voir le chapitre III (troisième partie).

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L’espace germanique Dans le domaine germanique, l’influence d’Anselme est documentée par deux exemples : outre la part des élèves liégeois dont la singularité mérite un traitement particulier, on possède un autre témoignage sur un élève originaire des terres d’Empire. C’est le cas, en effet, d’un chanoine de Saint-Léon de Toul un peu oublié, Hugues Métel (ca. 1080- ca. 1150). Remis sur le devant de la scène historique par Constant Mews, le clerc mérite mieux que l’indifférence polie où, à quelques exceptions près, l’historiographie l’a confiné202. Sa correspondance, connue essentiellement pour son importance théologique, représente aussi un témoignage encore trop peu exploité sur la vie des écoles du xiie siècle203. Les cinquante-cinq lettres, conservées dans un unique manuscrit, documentent certains aspects de sa formation initiale, sans que l’on puisse se prononcer avec certitude sur le lieu où elle lui a été dispensée204. Quel que soit l’endroit, Toul ou Chartres, il est certain qu’Hugues Métel a reçu des connaissances marquantes, sinon profondes, dans les arts libéraux205. Un passage de la lettre 21 est la plus explicite concernant un séjour à Laon : Je dépensais en effet ma raison, image de Dieu, aux inventions des poètes et je l’épuisais dans les questions philosophiques, je mangeais la nourriture des porcs (cfr Luc 15, 16) et pourtant j’avais faim, je buvais presque tout l’Hélicon et j’avais soif ; je suais nuit et jour avec Aristote, et avec lui je cherchais la quadrature du cercle et avec Tullius je déclamais inutilement. Remarquant à la fin ma pitoyable déchéance et assoiffé avec Tantale au milieu des eaux (cfr Horace, Satires, 1, 68), je revins de mon exil vers moi-même et vers la patrie et d’un pas volontaire, je gagnais Laon, où j’ai étudié quelque temps sous maître Anselme le nouveau et l’ancien Testament206.

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C. J. Mews, « Hugh Metel, Heloise, and Peter Abelard : the Letters of an Augustinian Canon and the Challenge of Innovation in Twelfth-Century Lorraine », Viator, 32 (2001), p. 59-91. Certains aspects théologiques de son œuvre ont été traités par L. Ott, Untersuchungen zur theologischen Briefliteratur der Frühscholastik, Münster, 1937, p. 47-56, et remis dans leur contexte par F. Dolbeau, « Epistula Vincentii de origine animae : une discussion théologique du xiie siècle », dans Retour aux sources. Textes, études et documents d’histoire médiévale offerts à Michel Parisse, Paris, 2004, p. 759-770. Il faut consulter C. L. Hugo, Sacrae antiquitatis monumenta historica, dogmatica, diplomatica, t. 2, Saint-Dié, 1731, en attendant l’édition annoncée par Constant J. Mews. Cfr C. J. Mews, « Hugh Metel, Heloise », p. 68-76. « Rationem siquidem Dei imaginem inventis poeticis expendebam et in philosophicis quaestionibus conterebam, comedebam siliquas porcorum, et tamen esuriebam, hauriebam fere totum Heliconem et sitiebam, cum Aristotele dies noctesque desudabam, et cum eo quadraturam in circulo quaerebam, et cum Tullio inutiliter declamabam. Tandem miserabilem defectum meum animadvertens et in mediis undis cum Tantalo sitiens, ad me et ad patriam de exilio redii, deliberatoque gressu Laudunum petii, ubi aliquantulum temporis sub magistro Anselmo, in novo et veteri testamento studui » (cité par C. J. Mews, « Hugh Metel, Heloise », p. 68, n. 35).

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La citation du passage vaut toutes les présentations : Hugues est un incorrigible et attachant rhéteur. Il ne récuse, avec coquetterie, ses premières années consacrées aux arts profanes que pour montrer l’étendue des connaissances alors acquises. Ami des Muses, d’Aristote et de Cicéron, le clerc se complaît dans les regrets d’une jeunesse studieuse. Un tel jeu littéraire, expression d’une sensibilité parfois finement précieuse ou lourdement pédante, révèle aussi la représentation de l’école à Laon 207. Par rapport aux autres écoles fréquentées, Laon lui apporte ce qui lui faisait cruellement défaut (miserabilem defectum) : la connaissance de l’Écriture et la capacité à en dénouer les difficultés. Revenant d’un exil dont on peut supposer qu’il est autant intérieur que géographique, Hugues Métel quitte Laon avec une idée plus claire de sa vocation. Son entrée comme chanoine régulier de Saint-Léon suivant la règle de Saint-Ruf est tout à fait conforme au parcours d’autres élèves, comme Robert de Béthune. Il n’est pas jusqu’à ses prises de position contre Abélard qui ne soit conforme à ce que l’on peut attendre d’un ancien élève d’Anselme. Sans qu’il faille l’ajouter avec certitude au nombre des élèves d’Anselme, le moine Idung nous rapporte un trait de caractère intéressant et peu connu sur le maître208. Écolâtre de Ratisbonne entre 1133 et 1142, Idung entre à l’abbaye bénédictine de Prüfening en 1144 et y rédige, au plus tard l’année suivante, un Argumentum qui constitue un éloge engagé de la vie monastique209. Y est violemment attaqué le culte de la bonne chair et des beaux vêtements, apanage trop fréquent des clercs aux dires du bénédictin. Pour Idung, la dénonciation de ces mauvais chrétiens est tout à fait licite, puisque leurs vêtements sont autant de preuves tangibles de leurs crimes210. Une anecdote vient renforcer son propos :

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La lettre 52 développe aussi la douloureuse incapacité de l’homme mûr par rapport au talentueux jeune homme qu’il fut. Il conclut sur ce qu’il apprit à Laon en théologie : « Poteram olim nodosas quaestiones veteris et novi testamenti denodare, quod poteram modo non possum, patior letargum » (cité par C. J. Mews, « Hugh Metel, Heloise », p. 69, n. 36). L’anecdote n’a pourtant pas échappé à la sagacité de dom Martène et des bénédictins de l’Histoire littéraire de la France, PL 162, col. 1184C. La somme de nos connaissances sur l’auteur et son œuvre a été réunie par R. B. C. Huygens, « Zu Idung von Prüfening und seinen Schriften Argumentum super quatuor questionibus und Dialogus duorum monachorum », Deutsches Archiv, 27 (1971), p. 544-555 et surtout l’édition du même, « Le moine Idung et ses deux ouvrages : Argumentum super quatuor questionibus et Dialogus duorum monachorum », Studi Medievali, 13 (1972), p. 291-470 repris dans la Biblioteca degli Studi Medievali 11, Spolète, 1980. On peut également se reporter au résumé commode de R. Aubert, « Idung », dans DHGE, t. 25, 1995, col. 662-663. « Et quis illum celet qui se ipsum non patitur celari, cum magno sumptu hoc agens ne celetur ? Illa enim mollis et preciosa vestis de qua superius diximus, molliciem et vanitatem ostendit mentis, qua cum tegit corporis verenda, denudat mentis pudenda » (Idungus Prufeningensis, Argumentum, p. 349, l. 217-220).

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Il me vient pourtant à l’esprit cette admirable et mémorable réponse de maître Anselme de Laon qui, alors que ses frères lui demandaient de reprendre un de ses élèves qui se faisait remarquer par la richesse excessive de son habit, répondit : ‘pourquoi lui tiendrais-je lieu de héraut pour le précéder à travers places et rues en criant : voici le dépravé, méfiez-vous de sa dépravation ? Son vêtement n’est pas muet, il parle pour lui et lui sert de héraut’211.

Face à l’empressement de certains chanoines prompts à la critique, Anselme se refuse à une intervention autoritaire jugée intempestive et préfère laisser parler les faits. L’anecdote, en même temps qu’elle confirme l’insistance des épitaphes sur la pondération du maître212, atteste la bonne diffusion de la mémoire anselmienne dans l’espace germanique. Conclusion Parmi les vingt et un élèves ayant suivi les cours d’Anselme et sur lesquels nous possédons une mention significative, neuf sont originaires de France dont trois de Bretagne (Abélard, Geoffroy et Guy Le Breton), sept d’Angleterre, quatre d’Italie et au moins un de l’Empire213. Il est évidemment illusoire de tirer des conclusions trop péremptoires de telles données214. Cependant, le caractère international d’une école qui attire des élèves de toute la Chrétienté n’est pas niable. On comprend mieux la difficulté que les élèves ont pu trouver à se loger et la spéculation immobilière que suggère Guillaume de Champeaux dans son commentaire sur Cicéron. Ainsi, indépendamment de toute mention littéraire, le seul examen de l’origine des élèves confirme l’universalité de la réputation d’Anselme. Sur les caractéristiques pratiques du séjour, quelques renseignements ont pu être glanés : pour les élèves anglais, les Miracula signalent le plus souvent qu’il a été long (diu). Il semble évident qu’il faut entendre cette durée en années et non en mois. Ainsi, lorsque d’autres étrangers comme les Milanais quittent Laon au bout d’un an, c’est sous la pression d’événements extérieurs et non volontairement. De même, dans le cas de Robert de Bosco, la formation auprès d’Anselme a duré sept ans. En ce sens, la brièveté du séjour d’Abélard participe du caractère exceptionnel de son témoignage. Le 211

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« Subit tamen menti meae illud mirabile et memorabile responsum magistri Anshelmi Laudunensis, qui commonitus a fratribus suis ut quendam discipulum suum luxuriantis vestis nimia superfluitate notabilem argueret, respondit : ‘et ego unde haberem preconem qui per vicos et plateas ipsum precederet clamando : ecce leccator, cavete ab ejus leccacitate ? Vestis ejus non est muta, idipsum loquitur, idipsum preconatur’ » (ibidem, p. 349, l. 225-232). Voir le chapitre premier. L’espace français est entendu ici en son acception contemporaine. Nous n’avons pas repris dans les chiffres les personnages sur lesquels on ne sait rien comme, par exemple, le correspondant de Bernard de Pise. De plus, la mention d’étudiants liégeois chez Rupert de Deutz n’est jamais précisément quantifiée.

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souvenir marquant conservé par les étudiants anglais suppose ainsi une fréquentation durable de maître Anselme215. De plus, la mémoire des études faites à Laon est d’autant plus vive qu’elle est le fait d’hommes déjà formés. Il était bien connu qu’Abélard était venu à Laon pour parachever sa formation par l’étude de l’Écriture sainte, on a maintenant la certitude que c’est aussi le cas pour Robert de Hereford, Hugues Métel, Matthieu d’Albano, Hugues d’Amiens et Guy Le Breton. Dans ces cas dont la diversité atteste qu’il ne s’agit pas d’exceptions, l’élève qui fait le voyage à Laon a déjà entrepris l’étude des lettres. Selon les témoignages recensés, il a reçu, généralement dans sa famille ou une école locale, les rudiments de la formation latine et un enseignement de base dans les arts profanes. On vient à Laon pour être formé à la lecture de la Bible, non aux arts libéraux. Cela n’exclut sans doute pas un enseignement dispensé sur place pour les moins avancés par d’autres qu’Anselme avec son assentiment : c’est le cas notamment de Guillaume de Corbeil qui occupe, parallèlement à sa formation, un poste de précepteur. Cependant, la fama du maître tient exclusivement à sa compétence dans la sacra pagina. Le souvenir de la fama anselmienne ne s’arrête pas à la mort d’Anselme en 1117, mais correspond également à la génération de ses élèves. Si Guillaume de Champeaux († 1121) apparaît comme une exception en raison de la précocité de sa mort, onze élèves décèdent dans le deuxième quart du xiie siècle, depuis Olric de Milan († 1126) jusqu’à Robert de Hereford et Alexandre de Lincoln († 1148)216. La mort de six autres peut être fixée dans les décennies 1150-1160217. Ainsi jusqu’au seuil des années 1170, un clerc pouvait transmettre la mémoire des cours d’Anselme de Laon. La carrière que les élèves ont menée par la suite n’est pas non plus insignifiante. Quelques cas sont cependant peu représentatifs. C’est notamment vrai pour d’Hugues de Ribemont dont le cursus demeure inconnu. Quant à Abélard, sa vie de maître et de moine a été des plus troublées. Landulphe de Milan a aussi pâti de conditions politiques et religieuses qui ont bloqué son accession aux ordres majeurs. De manière plus classique, Bernard de Pise et Hugues Métel ont obtenu des canonicats. Demeure la majorité des seize élèves connus qui accèdent à l’épiscopat. Il est évident que l’obtention de cet office explique l’intérêt des contemporains qui ont laissé des témoignages plus fournis que 215

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En sens contraire, on peut noter la mention aliquantulum temporis employée par Hugues Métel pour caractériser son séjour laonnois. Il s’agit chronologiquement d’Olric de Milan († 1126), Geoffroy Le Breton († 1128), Gilbert l’Universel († 1134), Guy Le Breton, Anselme de Milan et Matthieu d’Albano († 1135), Guillaume de Corbeil († 1136), Albéric de Reims († 1141), Abélard († 1142), Robert de Hereford et Alexandre de Lincoln († 1148). Hugues Métel († ca. 1150), Algar de Coutances († 1151), Gilbert de La Porrée († 1154), Robert d’Exeter († 1155), Hugues de Rouen († 1164), Nigel d’Ely († 1169).

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pour d’autres clercs aux carrières moins brillantes. L’effet d’optique induit par les sources ne doit donc pas porter à sous-estimer la part de simples clercs venus à Laon. L’humilité de leurs origines et la modestie de leurs cursus honorum expliquent le silence qui les entoure. Seuls quelques rares indices permettent de le percer, comme la lettre de Bernard de Pise. De ces correspondances entre des personnages qui nous demeurent inconnus, combien ont été perdues ? L’interprétation à donner au séjour laonnois est tout aussi délicate : les éléments rassemblés invitent à ne pas en donner une lecture univoque. Fréquenter Laon a certes dû jouer un rôle dans l’accession à l’épiscopat de certains clercs, comme pour Guillaume de Corbeil, mais ce n’est jamais une condition suffisante, ainsi que l’illustrent les parcours d’Hugues d’Amiens ou de Matthieu d’Albano. Leurs réseaux, pour l’essentiel monastiques, excèdent le milieu scolaire laonnois. Il convient donc de ne pas forcer le trait, en faisant de l’école de Laon, comme les bénédictins de l’Histoire littéraire, une sorte pépinière d’évêques, un Saint-Sulpice du xiie siècle218. Il serait cependant absurde de soutenir que le prestige reconnu à Anselme est resté sans influence pour ceux qui avaient côtoyé le maître. En ce sens, Laon est l’une des premières « grandes écoles » du xiie siècle qui permet de concilier la recherche du savoir et l’obtention d’une place dans la société219. Les renseignements fournis par les Miracula pour des clercs anglais permettent ainsi de proposer une lecture nuancée du séjour à Laon. Il fait partie d’un voyage sur le Continent effectué par les jeunes gens de bonne famille qui ont déjà reçu une formation insulaire220 et la complètent en écoutant maître Anselme. La fama d’Anselme joue un rôle, mais on ne saurait sousestimer la part des conditions politiques. Les liens existant entre les évêques de Laon comme Élinand et Gaudry avec la cour d’Angleterre ont sans aucun doute influencé la venue d’élèves. Sans nier la part du prestige intellectuel, il faut donc aussi insister sur l’existence de réseaux qui confortent le magistère d’Anselme. De même, la formation reçue crée un préjugé favorable pour la promotion de certains élèves à l’épiscopat. En effet, par rapport à d’autres pays comme la France ou l’Allemagne, le choix d’un futur évêque anglais dépend plus fortement qu’ailleurs de la formation reçue221. Elle s’explique 218

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« Elle devient comme un séminaire d’où sortirent grand nombre de pieux et savants ministres de l’Église » (PL 162, col. 1176C). Cfr P. Classen, « Die hohen Schulen und die Gesellschaft im 12. Jahrhundert », Archiv für Kulturgeschichte, 48 (1966), p. 155-180, repris dans Studium und Gesellschaft im Mittelalter, éd. J. Fried, Stuttgart, 1983, p. 1-26. Sur le réseau éducatif anglais, cfr N. Orme, Education and Society in Medieval and Renaissance England, Londres - Ronceverte, 1989, p. 1-21. Cfr les analyses comparatives de J. Barrow, « Education and the Recruitement of Cathedral Canons in England and in Germany, 1100-1225 », Viator, 20 (1989), p. 117-138, aux p. 129135.

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aussi par l’appartenance des élèves anglais aux milieux privilégiés de la cour et de l’Église. Le voyage des chanoines laonnois sur le sol anglais et l’accueil offert ne sont pas moins caractéristiques du souvenir laissé par Anselme et de l’importance accordée par les principaux bénéficiaires à cette période de leur vie. Il a été loisible de noter la force de la fama magistrale, dès lors que nom d’Anselme sert de véritable sésame aux chanoines et leur concilie bien des clercs. Restituée dans son intégrité, la fama anselmienne retrouve les riches harmoniques que le témoignage d’Abélard a bien souvent étouffées. Quelques clefs sur le personnage même d’Anselme ont été ainsi découvertes : on a pu esquisser un lien entre le séjour à Laon et un engagement au service de la réforme canoniale. Hypothétique dans le cas de Guillaume de Champeaux, Algar de Coutances ou Guillaume de Corbeil, la connexion est certaine dans celui de Robert de Hereford : la fréquentation d’Anselme induit une conversion des mœurs qui jette une lueur intéressante sur le rôle du maître. Le rayonnement d’Anselme passe aussi par un charisme d’ordre spirituel. De même, Abélard et Robert de Hereford remarquent, pour s’en offusquer ou s’en féliciter, le respect d’Anselme pour la pensée des Pères et la conception qu’il possède de son enseignement. Ce qui choque tant Abélard n’est pas la continuité avec la pensée antérieure, mais le fait qu’Anselme ne sorte pas des limites assignées par les Pères. Au sens propre, le magistère d’Anselme possède d’ailleurs un ressort territorial sur lequel veille le maître. Les témoignages rassemblés font donc pressentir que la fama ne met pas seulement en jeu une rumeur ou une réputation. Elle reçoit sa raison d’être de qualités plus fondamentales qui tiennent à l’exercice même d’un magistère. L’AUCTORITAS ANSELMI : de l’enseignement laonnois au magistère universel Les renseignements directs et indirects sur les élèves d’Anselme ne sont pas les seuls à éclairer le maître et sa réputation. Sans avoir assisté à ses leçons, des témoins contemporains d’Anselme ont laissé eux aussi des récits qui documentent la manière dont Anselme est perçu. Notre propos est donc d’approcher l’autorité d’Anselme et d’en reconnaître le fondement. La possession du magisterium, droit d’enseignement, dépend dans le cas d’Anselme du choix de l’évêque et de la confiance qu’il lui accorde. Cette forme d’autorité ministérielle consiste dans la possession d’une charge d’écolâtre, délégation relative du pouvoir épiscopal. Elle est cependant insuffisante pour expliquer le rayonnement d’Anselme et la fama qui l’entoure. En effet, être et avoir l’auto-

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rité relève d’un autre ordre, personnel et charismatique, que nul pouvoir ne peut conférer. C’est ce deuxième aspect de l’autorité qu’il convient d’examiner. Il correspond au paradigme défini par Stephen Jaeger pour caractériser l’ancien savoir par opposition au nouveau mode de transmission des connaissances222. Selon l’historien, le personnage d’Anselme représente une figure magistrale typique de l’ancienne éducation où le rayonnement charismatique prend le pas sur le caractère intellectuel, où la forma vivendi l’emporte sur la transmission des savoirs223. Cette reconstitution, influencée par la narration d’Abélard, tout en reconnaissant au maître un certain prestige, le confine au rôle d’illustration d’un mouvement dont il ressort perdant. Des sources locales, comme les Miracula et Guibert de Nogent, complètent le portrait du charisme anselmien et en étendent la portée aux limites du monde latin. En contrepoint, le témoignage de Rupert de Deutz prouve qu’Anselme s’insère dans un monde scolaire dont le fonctionnement n’est déjà plus celui des anciennes écoles cathédrales et monastiques. Les Miracula ou ‘Anselme prophète’ Nous retrouvons en premier lieu les Miracula. En effet, outre des informations sur les élèves d’Anselme, l’œuvre fournit également de précieux éléments sur le personnage même du maître. Le texte est dédié à l’évêque de Laon, Barthélemy de Joux, dont les mérites réformateurs sont rappelés avec force. Les miracles opérés par la Vierge accompagnent le rétablissement de la paix à Laon et sont complétés par dix fondations nouvelles de monastères qui sont effectuées grâce à Bernard de Clairvaux et Norbert de Xanten224. L’auteur affirme aussi son désir de s’effacer puisqu’il refuse de laisser son nom en tête de l’ouvrage et préfère le diffuser sous celui des chanoines de Laon. Le chapitre initial du livre premier s’ouvre ainsi par une étonnante dédicace collective des chanoines à tous les enfants du diocèse dispersés sur la surface du globe225. Outre l’affirmation du rôle de saint Remi dans la fondation du diocèse226, on y retrouve l’insistance, déjà notée dans les préambules des chartes, sur l’unité du diocèse et la participation de chacun 222

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C. S. Jaeger, The Envy of Angels, Cathedral Schools and Social Ideals in Medieval Europe (9501200), Philadelphie, 1994, p. 1-17. C. S. Jaeger, The Envy of Angels, notamment p. 81-82 et 230-231 sur Anselme. Herimanus Tornacensis, Miracula sancte Marie Laudunensis, éd. A. Saint-Denis, p. 126-128. « Universis sanctae matris ecclesiae filiis per totum orbem terrarum dispersis beatae Mariae Laudunensis ecclesiae canonici videre Deum deorum in Sion » (ibidem, p. 130). « Laudunensem itaque ecclesiam certum est inter praecipuas regni Francorum ecclesias antiquitus fuisse celebrem, quam beatus Remigius Remorum archiepiscopus, sicut in ejus Vita legitur, ex propriis redditibus locupletavit » (ibidem, p. 130) ; concernant ce qui est sans doute une légende, voir la thèse inédite de M.-C. Isaia, Remi de Reims. Vie, culte, dossier hagiographique (Ve-XIe s.), thèse dact. Université Paris X Nanterre, 2004, p. 187-194. Je dois à la courtoisie de Michel Sot la consultation de ce travail.

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aux malheurs ou aux joies de l’église locale. L’œuvre se présente ainsi comme un mémorial communautaire qui fait consister la communion spirituelle de la ville dans la dévotion à Notre-Dame de Laon. La Vierge est un acteur de premier plan de l’histoire urbaine, qui est conçue sur le mode typologique. Or, dans ce récit fortement symbolique et dramatisé, la part d’Anselme n’est pas négligeable : le maître apparaît aux moments clefs de l’histoire de Laon et se singularise par des interventions marquantes. Dès le début du récit, Anselme entre en scène sous des atours peu communs. Le cadre narratif est d’emblée biblique : le sort de Laon, ville glorieuse fondée par saint Remi, est analogue à celui de Jérusalem qui, après avoir été exaltée au temps de David et de Salomon, connaît déchéance et ruine sous Nabuchodonosor227. Laon trouve son roi babylonien en Gaudry et remplit ainsi l’oracle d’Isaïe, selon lequel la ville doit passer par un double châtiment avant de recevoir de Dieu sa délivrance228. Aux yeux des chanoines de Laon, censés s’exprimer collectivement pour les contemporains et la postérité, l’élément annonciateur de la ruine de Laon est le meurtre de Gérard de Quierzy dans la cathédrale229. Les historiens ont tous suivi le chroniqueur sur ce point précis, mais embarrassés par la conclusion, n’ont guère commenté le passage suivant : Alors que son sang répandu sur le pavé de l’église ne pouvait être entièrement lavé malgré l’abondance d’eau utilisée à de nombreuses reprises et qu’un grand nombre de gens venant voir ce spectacle ne s’en étonnaient pas peu, un homme très sage, maître Anselme, alors chanoine et doyen de notre église, très connu dans presque tout le monde latin pour sa réputation de savoir et d’éloquence, prédit, dit-on, en parlant secrètement à plusieurs, que cette effusion de sang ne serait lavée que par l’incendie de l’église, car un si grand crime ne devrait être expié non par l’eau, mais par le feu. Et l’homme sage ne se trompa pas dans son avis230.

On comprend, de prime abord, la gêne des commentateurs : Anselme de Laon en prophète n’est pas une représentation des plus courantes231. Si

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Herimanus Tornacensis, Miracula sancte Marie Laudunensis, éd. A. Saint-Denis, p. 130. Cfr Is. 40, 2. Ibidem, p. 132. « Cujus sanguine pavimentum ecclesie respersum, cum multociens aqua superfusa non posset ad plenum ablui, pluresque spectatum venientes non parum super hoc admirarentur, vir sapientissimus magister Anselmus, tunc temporis ecclesie nostre canonicus et decanus, per totum pene orbem latinum scientie et eloquentie sue fama notissimus, nonnullis secrete colloquens prenuntiasse fertur illam sanguinis effusionem, non nisi ejusdem ecclesie concrematione diluendam, quoniam tantum scelus non aqua, sed potius igne foret expiandum. Nec fefellit virum prudentem sua opinio » (ibidem, p. 132). Voir, dans le même sens, l’éloge funèbre de Marbode de Rennes signalé au chapitre premier.

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certains ont extrait du passage l’éloge du maître pour l’ajouter aux autres textes supposés de la même veine, tous ont abandonné la suite, sans se rendre compte que c’est elle qui décrit le mieux la fama anselmienne. À suivre l’auteur, Anselme est un personnage double dont l’autorité tient à la fois à son rang magistral, authentifié par sa grande sagesse, et l’exercice de charges au sein de l’église laonnoise (chanoine et doyen). Le maître obtient également une stature à l’échelle de la Chrétienté en raison de sa fama : la réputation de science et d’éloquence tranquillement affirmée ici est loin du miroir aux alouettes décrit par Abélard. Le texte nous livre donc la version locale et déjà fixée pour la postérité du magistère d’Anselme. Le maître est un sage, formé à l’étude de la Bible, quoi d’étonnant à ce que les signes du temps lui offrent matière à prédiction ? Portraituré sous les traits d’un nouvel Isaïe, Anselme sait que Dieu ne peut laisser impuni un crime de sang commis dans une église. Il annonce l’épreuve du feu comme purification nécessaire à la réconciliation de la cité. L’oracle d’Anselme, qui n’est pas d’une Cassandre, mais d’un prophète vétérotestamentaire, fait ainsi entrer le lecteur dans le plan divin. En filigrane, Anselme, et après lui Hermann, ne s’en tiennent pas à une lecture platement littérale de l’histoire de la Jérusalem picarde : derrière les malheurs de l’incendie et de la révolte, ils voient la main de Dieu ou, comme le dit le texte avec une précision terminologique que l’écolâtre n’eût sans doute pas désavoué, « la permission divine »232. La relecture spirituelle et symbolique de l’histoire urbaine investit de sa charge dramatique toutes les entités narratives : personnifiée, la ville de Laon elle-même n’est pas l’objet d’une simple destructio, mais d’une internecio. Victime d’un vrai massacre, elle est pleurée comme un être cher et ses restes sont honorés de visites et de pleurs. Il n’est pas jusqu’aux habitants eux-mêmes qui n’aient perçu l’enjeu réel de l’incendie. Les yeux baignés de larmes, ils déplorent la ruine de Laon en reprenant les termes même de Jérémie au commencement de ses Lamentations233. Si Anselme est quelque peu prophète, quoi d’étonnant à ce que les bonnes gens de Laon citent la Bible devant leurs maisons brûlées ? L’auteur enchérit en expliquant le rôle providentiel joué par Anselme et son frère : De même que jadis le Seigneur, en permettant la destruction de Jérusalem et la captivité des fils d’Israël, y laissa Jérémie pour la consolation du petit nombre qui demeurait, ainsi il garda miséricordieusement pour nous qui nous trouvions face à un si grand désastre, deux hommes très sages, le susdit maître Anselme et son frère maître Raoul. Consolant avec douceur aussi bien les clercs

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Ibidem, p. 132 : « Post modicum etenim tempus, Deo permittente, diabolo stimulante… ». Ibidem, p. 132.

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que les laïcs, et les réconfortant par diverses sentences scripturaires, ils les exhortaient pour qu’ils ne défaillissent pas sous les épreuves de l’adversité234.

La manière dont le narrateur file le motif biblique est saisissante. Anselme entre dans le plan de Dieu en prédisant la ruine de Laon par le feu, tandis que Dieu choisit providentiellement Anselme et Raoul pour consoler la cité. Pour cela, Dieu fait de deux frères les continuateurs de Jérémie, et ceux-ci, pour mener à bien leur mission, utilisent à leur tour la parole divine. Si Dieu parle bien de lui-même, Anselme et Raoul ne sont pas en reste. La présentation des écolâtres que donne cette histoire biblique à la mode de Laon n’est pas celle de messies, mais véritablement de prophètes. Les frères en exercent le charisme oraculaire et l’action consolatrice. Il n’est pas jusqu’à la fonction politique que les deux maîtres ne prennent en charge : Cependant, au milieu des propos consolateurs, ils conféraient avec soin et attention avec des hommes sages et religieux pour pouvoir trouver quelqu’un qui saurait réparer un désastre si terrible et étonnant235.

En l’absence de l’évêque, ce sont donc les deux maîtres qui deviennent les détenteurs du pouvoir dans la cité. Responsables de la polis, ils consolent non seulement les clercs mais aussi les laïcs, tout en recherchant celui qui pourra sauver la ville. Le fondement de cette magistrature de suppléance demeure inexpliqué en sa nature. Des justifications en sont pourtant données par le récit : avant tout la grande sagesse, un certain don prophétique et aussi l’appartenance au clergé local. Le pouvoir d’Anselme excède à la fois la simple cléricature, la compétence exégétique ou le talent oratoire. Les responsabilités exercées par Anselme, pendant les jours troublés de la commune, débordent les cadres trop étroits des rapports sociaux habituels et sont donc exprimées sur un mode prophétique largement sollicité. Comme le récit de Guibert de Nogent, celui des Miracula fait d’Anselme l’être d’exception qui restaure la paix sociale soit en donnant à l’évêque défunt sa sépulture, soit en trouvant à la ville un nouveau pasteur. Le rôle d’Anselme, pour demeurer acceptable, ne peut être que temporaire et seulement justifié par le temps de la crise. Occuper, ainsi que le fait Anselme, la place de l’évêque n’a rien d’une évidence et seule la violence de la Commune explique que 234

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« Quemadmodum autem olim Dominus urbem Jerusalem destrui et filios Israel captivari permittens, ad consolationem tamen paucorum, qui remanserant, Jeremiam prophetam ibidem cum eis reliquit, sic et nobis in tanta calamitate positis, duos sapientissimos viros, prefatum scilicet magistrum Anselmum germanumque ejus magistrum Radulfum misericorditer reservavit, qui tam clericos quam laicos dulciter consolantes et diversis Scripturarum sententiis refoventes, ne in tribulationum adversitatibus deficererent, exhortabantur » (ibidem, p. 134). « Inter consolationum tamen colloquia, cum sapientibus et religiosis viris diligenter et sollicite discutientes, utrumnam aliquem invenire possent per quem tam mirabilis et horrenda claves reparari valeret » (ibidem, p. 134).

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le fidèle collaborateur épiscopal ait été mis au premier plan. Aux yeux du narrateur, l’intervention de l’écolâtre ne peut donc demeurer que mystérieuse et authentifiée par l’assentiment divin. Le retour à l’ordre se fait aussi sous l’égide des maîtres : à aucun moment n’est mentionné un pouvoir séculier, qu’il soit royal ou local. Il n’est donc guère étonnant que le Messie politique attendu soit un clerc. L’entrée en scène du nouvel évêque, Barthélemy de Joux, correspond, selon la logique du récit, au début des miracles opérés par la Vierge à Laon. Parmi ceux-ci, il en est un où Anselme intervient directement. L’épisode, assez célèbre, concerne les vols dont le trésor de la cathédrale fait l’objet236. Le premier acte de ce petit drame est le rêve de l’évêque Barthélemy, postérieur de peu à son accession à l’épiscopat. Nouveau Moïse, l’évêque a aussi le privilège d’une révélation qui se manifeste notamment par une voix intérieure lui signalant la présence de Marie. La Vierge se plaint des vols commis sur son trésor. Il est le fait d’un des trésoriers, Anselme dit Béesse. Malgré une tentative pour le confondre, Anselme Béesse repart à l’assaut du trésor et s’empare d’un dépôt de la comtesse Sybille de La Fère ainsi que d’objets précieux dont un reliquaire contenant du lait et des cheveux de la Vierge237. La consternation générale entraîne le recours aux grands remèdes : On rassemble donc aussitôt l’assemblée générale des chanoines et des citoyens. On débat de ce qu’il faut faire et on consulte surtout maître Anselme, alors lumière de toute la ville. Celui-ci, en très bon connaisseur de la loi divine, rappelle alors l’histoire de Josué (cfr Jos. 7, 1-26), c’est-à-dire comment Dieu ordonna de faire enquêter grâce au sort sur un vol commis à Jéricho à l’insu de tous, d’abord dans les tribus, puis les familles et les maisons, enfin auprès de chacun des hommes238.

Devant la menace que fait peser sur la communauté la perte de précieuses reliques, l’évêque fait rassembler la sanior pars des habitants en un conseil de ville aux dimensions élargies. Comme cela avait été le cas pendant les événements de la Commune, Anselme est mis à part (prae omnibus) en raison du poids de son avis : il est réputé illuminer les autres par sa sagesse selon une métaphore rappelant la figure de Jean-Baptiste239. Citant, mais de manière positive, l’image du luminaire utilisée par Abélard, le narrateur accorde à 236 237

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A. Saint-Denis, Apogée d’une cité, p. 113-115. Herimanus Tornacensis, Miracula sancte Marie Laudunensis, 3, 28, éd. A. Saint-Denis, p. 260264. « Protinus ergo generalis conventus canonicorum et civium convocatur. Quid opus sit facto discutitur, et pre omnibus magister Anselmus, tunc temporis totius urbis lucerna, consulitur. Ille ut divine legis peritissimus, continuo Josue replicat hystoriam, quomodo scilicet furtum in Jericho, nullo sciente factum, Dominus jussit sorte perquiri, primo per tribus, deinde per familias ac domos, ad ultimum singillatim per viros » (ibidem, p. 264). Cfr Joh. 5, 35.

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Anselme une sorte d’autorité morale qui tient davantage à son titre de magister qu’à l’exercice d’une fonction ecclésiastique précise. En vertu de son excellente connaissance de la Bible, maître Anselme propose une solution tirée de l’Écriture. Il rappelle la lettre (replicat historiam) du lemme biblique, comme un commentateur le fait à l’époque, avant d’en donner l’interprétation. L’épisode choisi est celui du vol commis par Akân après la prise de Jéricho. Malgré l’interdiction divine, Akân dérobe du trésor consacré à Dieu un riche manteau, deux cents sicles d’argent et un lingot d’or. Irrité par le sacrilège, Dieu se manifeste à Josué et lui demande de châtier le coupable qui a transgressé l’anathème. Pour trouver le fautif, Dieu prescrit de s’en remettre au sort utilisé comme procédure d’enquête à travers les tribus, les clans, les familles puis chaque homme de la famille retenue par le sort. Akân, désigné au terme de la procédure, est lapidé et livré aux flammes avec sa famille. Voyons la manière dont Anselme propose d’appliquer la lettre biblique à la situation présente : Imitateur d’une recherche si subtile, maître Anselme est d’avis de rechercher l’auteur d’un tel forfait par le jugement de l’eau et de mettre un enfant innocent de chaque paroisse de la ville dans un récipient rempli d’eau bénite, quelle que soit la paroisse qui serait trouvée coupable, un enfant de chacune des maisons de la paroisse serait mis dans l’eau, quelle que soit la maison qui serait accusée, tous les hommes et les femmes l’occupant seraient forcés de se disculper par le jugement de l’eau240.

Différents éléments du récit biblique sont transposés par Anselme en vertu de la règle de la lecture allégorique : tout d’abord, il n’est plus question de tirer au sort le coupable, mais de recourir à l’ordalie241. Malgré un recul qui s’amorce au seuil du xiie siècle sous la pression de clercs soucieux de mieux contrôler les tensions au sein de la société féodale242, l’épreuve par l’eau n’est pas une incongruité puisqu’en vertu des canons des conciles de Reims de 1119 et de 1157, l’ordalie demeure en usage pour démasquer les hérétiques 240

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« Instar hujus tam subtilis perquisitionis consulit magister Anselmus ut tanti facinoris auctor judicio aque perquiratur, ac de singulis urbis parrochiis unus infans innocens in vase aqua benedicta repleto poneretur, et quecumque parrochia forte culpabilis inveniretur, de singulis domibus ejusdem parrochie unus infans in aqua poneretur, et quecumque domus deprehensa fuisset, omnes viri vel femine ad eam pertinentes judicio aque se purgare cogerentur » (ibidem, p. 264). L’usage des sorts bibliques est théoriquement condamné depuis les conciles mérovingiens, mais demeure vivace chez les contemporains comme Guibert, cfr É. Nortier, « Guibert de Nogent face à la société chrétienne de son temps (v. 1055-v. 1125) », dans Christianisation et déchristianisation. Actes de la neuvième rencontre d’Histoire religieuse tenue à Fontevraud, les 3, 4 et 5 octobre 1985, Angers, 1986, p. 63-77, aux p. 72-73. D. Barthélemy, Chevaliers et miracles. La violence et le sacré dans la société féodale, Paris, 2004, p. 225-260.

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et les violateurs de la Paix de Dieu243. De plus, les réalités sociales d’Israël sont adaptées à celles de la France du xiie siècle : la tribu devient paroisse et le cadre clanique prend les traits familiers de la maisonnée. Si la subtilité du procédé a frappé le narrateur, le commentateur postérieur est surtout tenté de relever la rigueur qui préside à l’enquête souhaitée par Anselme. Le maître de l’école cathédrale, devenu par grâce épiscopale juge d’instruction, est prêt à soumettre de gré ou de force les habitants à l’épreuve de l’eau (se purgare cogerentur). Les Laonnois d’ailleurs ne s’y trompent pas et sollicitent bruyamment l’intervention de leur évêque : Une fois connu l’avis de maître Anselme et de son frère maître Raoul, les citoyens effrayés, bien que persuadés de leur innocence, affluent auprès de l’évêque et crient qu’il faut d’abord convoquer au jugement non ceux qui sont éloignés de l’église, mais plutôt les gardiens et ceux qui demeurent près du temple. L’évêque accepte244.

Anselme, petit prophète local, confirme à ses dépens le proverbe : il n’obtient guère la reconnaissance de son pays, de sorte que l’opposition des cives montre bien les limites du pouvoir magistral confronté à la réalité urbaine245. La solution du maître, toute fondée qu’elle puisse être sur l’autorité du texte sacré, déplaît à la rue. Au cérémonial d’origine biblique imaginé par l’écolâtre, la vox populi préfère l’enquête de proximité qui finit par livrer le coupable à la justice épiscopale246. L’épisode, en demi-teinte pour Anselme, marque sa dernière apparition dans les Miracula. Nouvel Isaïe, Jérémie des temps modernes, Anselme de Laon reçoit d’Hériman de Tournai des habits dont la taille est évidemment un peu supérieure à la carrure du modèle. Il est tout aussi obvie que la place accordée au texte biblique et son application récurrente à la figure d’Anselme sont significatives de la perception contemporaine du maître dans le milieu clérical laonnois. La maîtrise de l’Écriture sainte lui donne une véritable aura qui attire les élèves de l’extérieur, mais aussi légitime les interventions de l’éco243

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J. Gaudemet, « Les ordalies au Moyen Âge : doctrine, législation et pratique canoniques », dans La preuve. Recueil de la Société Jean Bodin pour l’Histoire comparative des Institutions, t. 2, Bruxelles, 1965, p. 99-135, aux p. 116-117. « Hoc consilio magistri Anselmi, germanique ejus magistri Radulfi comperto, perterriti cives licet innocentie sue conscii, ad episcopum confluunt, et non longe remotos, sed potius ecclesie custodes, et prope templum manentes, ad judicium primo debere vocari conclamant. Annuit episcopus » (Herimanus Tornacensis, Miracula sancte Marie Laudunensis, 3, 28, éd. A. Saint-Denis, p. 264-266). L’historiographie n’a non plus toujours fait bon accueil à l’épisode, voir ainsi É. Lesne, Histoire de la propriété, p. 300 : « Il ne faut sans doute pas juger d’après cette anecdote de la science et de la sagesse qui ont fondé sa réputation ». La suite de l’histoire est narrée par Herimanus Tornacensis, Miracula sancte Marie Laudunensis, 3, 28, éd. A. Saint-Denis, p. 266-268.

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lâtre dans les événements dramatiques que traverse la ville. L’éclat intellectuel qui entoure Anselme lui a donc permis de tenir une place de premier rang dans sa cité. Le sort réservé à la Bible dans l’économie narrative des Miracula n’est pas moins remarquable : fondement de l’autorité pour celui qui en connaît la lettre et l’esprit, le texte biblique est modèle d’action et inspiration littéraire. Au même titre que la Vierge, la Bible, acteur clef des Miracula, légitime les incursions du maître dans la vie de la cité, sans cependant toujours garantir son succès. Une intervention antérieure d’Anselme confirme le rôle d’arbitre que joue le maître au sein de la province ecclésiastique de Reims à la fin des années 1090. Racontée par le chroniqueur Hériman de Tournai247, l’anecdote concerne au premier chef l’évêque de Noyon-Tournai Radbod II (1068-1098)248. Accusé de simonie en cour de Rome, l’évêque tente d’acheter des soutiens en vendant les ornements de son église ainsi que les revenus d’autels et de terres appartenant à la mense épiscopale249. Il est finalement décidé que deux évêques se porteront garants de son innocence : Alors qu’il avait été décidé qu’il se disculperait de la simonie avec l’aide de deux évêques, maître Anselme, qui était alors le principal maître de l’école de Laon et un homme très célèbre dans toute la France pour son savoir, lui retira par son conseil l’aide des évêques, sachant qu’ils ne pourraient jurer en toute sécurité qu’il était innocent250.

Anselme prend donc part à une affaire judiciaire, cette fois-ci avec succès puisque son avis est suivi. Pour éviter que les évêques commettent un parjure, ils sont en effet dispensés de prêter serment sur le conseil d’Anselme. Malgré les objurgations du primat des Gaules Hugues de Die (1081/1082-1106), alors légat pontifical (1093-1099), Radbod II atteste son innocence sur l’évangile, mais victime d’une justice immanente, le parjure meurt sans confession peu après à Bruges le 24 mars 1098251. Comme à Laon, Anselme apparaît dans

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J. Pycke, « Hériman de Tournai », dans DHGE, t. 23, 1990, col. 1453-1458, aux col. 1453-1456. J. Pycke, Le chapitre cathédral, p. 326. « Tante probitatis episcopus apud Romanam sedem cepit accusari quod per pecuniam regi datam adeptus fuisset episcopatum. Unde cum multociens apud papam pulsaretur, nonnulla ornamenta Tornacensis ecclesie pro sui redemptione vendita suis adjutoribus dedit, nonnullos redditus altaris Sancti Salvatoris de Brugis vendidit canonicis Sancti Donatiani, nonnullos vero alios redditus tam altariorum quam terrarum episcopi distraxit » (Herimanus Tornacensis, Liber de restauratione monasterii Sancti Martini Tornacensis, 73, éd. G. Waitz, Hanovre, 1883 (MGH, Scriptores 14), p. 309, l. 15-19). « Cum vero judicatum fuisset ut cum duobus episcopis se de simonia purgaret, magister Anselmus, tunc temporis Laudunensis scole doctor precipuus et per totam Franciam pro sua scientia famosissimus, auxilium episcoporum ei consilio suo abstulit, conscius eos secure non posse jurare eum innocentem fore » (ibidem, p. 309, l. 19-23). Ibidem, p. 309, l. 23-37.

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cette affaire à titre de sage pour des consultations écoutées avec attention par les évêques. Guibert de Nogent : Anselme et Raoul, docteurs et confesseurs Anselme est, comme on l’a déjà noté, un personnage présent dans l’autobiographie de Guibert de Nogent252. Pour l’abbé bénédictin, le maître est avant tout un des protagonistes du drame communal. Ayant eu l’occasion de dégager la signification politique donnée au comportement d’Anselme, on peut aussi relever la manière dont le maître apparaît sous la plume alerte de Guibert. Comme chez Hermann, Anselme est avant tout identifié par son savoir. Lorsqu’il refuse de voter pour Gaudry, le maître est ainsi présenté : Seul maître Anselme, homme qui dans toute la France et même le monde latin était une lumière dans les arts libéraux et par ses mœurs paisibles, s’opposa à l’élection253.

La réputation d’Anselme n’est pas limitée au domaine royal (Francia), mais s’étend au monde latin : l’origine internationale des élèves d’Anselme a suffisamment été montrée pour qu’on ne voit pas dans le passage l’expression d’un topos ou l’exagération d’un contemporain en faveur d’une gloire locale. Comme chez Hermann (lucerna), le registre lumineux est de mise (lumen) pour qualifier le rôle exercé par l’écolâtre. La lumière que diffuse cet homme est de nature double, à la fois intellectuelle et morale. Anselme rayonne aussi bien en raison de sa maîtrise des arts libéraux que de son comportement empreint de sagesse. Le magistère exercé par le maître ne se cantonne pas à la maîtrise d’un savoir : il s’explique par une attitude de pondération qui, pour les contemporains, fait intimement partie du personnage anselmien. En dehors des événements de la Commune, Anselme apparaît dans deux autres passages du De vita sua, lorsque le maître en sa qualité de doyen demande à Guibert de prêcher à Notre-Dame254 et à l’occasion du vol commis à la cathédrale. Dans le second cas, la narration de Guibert, plus concise que celle d’Hermann, met en scène Anselme à un endroit où le chanoine de Laon omettait de le citer. Découvert, le voleur, sur le point d’être pendu, menace de ne pas révéler l’endroit où est caché le trésor de Notre-Dame. Il accepte de rendre ce qu’il a volé à la condition qu’on lui verse une somme d’argent. Chez

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Voir le chapitre premier. « Solus magister Ansellus, vir totius Franciae, immo latini orbis lumen in liberalibus artibus ac tranquillis moribus, ab ejus electione dissensit » (Guibertus Novigentis, De vita sua, p. 284). Cfr le passage suivant : « a decano ecclesiae, videlicet magistro Ansello et canonicis injuctum mihi est ut super infortunio illo, quod acciderat, sermonem haberem » (ibidem, p. 306).

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Hermann, seul l’évêque Barthélemy donne son approbation, alors que Guibert cite aussi Anselme : on demande à l’évêque et à maître Anselme, ce qu’il convient de faire. Mieux vaut, disent-ils, lui donner de l’argent que de perdre une telle quantité d’or255.

L’avis des deux clercs, présenté sous la forme frappante d’une courte maxime, indique l’unité de pensée entre l’évêque et le maître. Sur un point très précis, le passage permet de saisir sur le vif le rôle de véritable second que, selon Guibert, Anselme joue auprès de Barthélemy. Le pendant théorique de l’épisode est la présentation grandiose que l’abbé de Nogent fait d’Anselme et de Raoul dans l’épître dédicatoire, déjà partiellement citée, des Moralia Geneseos : Dieu a placé sur une si grande tête deux yeux plus lumineux que les astres, puisqu’à droite tu as Anselme, signalé par son magistère sur tout le monde latin, lui dont le sérieux pour la défense des Écritures et de la foi est si éprouvé qu’il a fait sans conteste plus de vrais catholiques par ses exemples que n’importe quel déviant de ce temps n’a pu faire d’hérétiques ; de l’autre côté, Raoul dont la vivacité d’esprit et dans l’enseignement n’a pas démérité de son frère au point que la vertu de toute sa bonne conduite rivalise avec lui. Si donc tu te portes garant avec bonté pour un auteur indigne, je te prie de préférence de les établir après toi comme les examinateurs de cet écrit. Je me soumettrai avec d’autant plus de sécurité à leurs jugements que je les sais ne pouvoir vaciller d’aucun côté256.

L’ouvrage a circulé une première fois à la fin du xie siècle, avant d’être remanié et de recevoir, entre l’entrée en charge de Barthélemy de Joux (1113) et la mort d’Anselme de Laon (1117), une préface sous forme épistolaire257. Pour apprécier correctement la portée de cette préface, il convient de la remettre dans le contexte de l’œuvre : en commentant la Genèse selon le sens 255

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« Consulitur episcopus et magister Ansellus quid facto oporteat. Melius est, aiunt, ut pecunia sibi detur, quam tanti auri quantitas amittatur » (ibidem, p. 420). « Indidit tanto Deus capiti duos oculos sideribus clariores, dum a dextris habes Ansellum totius latini orbis magisterio predicatum, cuius tam sincera est in Scripturarum ac fidei assertione severitas, ut plures veros suis probetur documentis fecisse catholicos quam instituisse potuerit erroneus quispiam temporis huius hereticos, altrinsecus Radulfum, cuius ingenii ac doctrinae sicut a prefato fratre non discrepavit alacritas, ita totius eum bonae habitudinis emulatur honestas. Si igitur indigno dignanter actori auctor es, hos precor post te potissimum scedae huius instituas dispectores, quorum iudiciis tanto animo securiore subsidam, quanto eos comperi partem claudicaturos in neutram » (Guibertus Novigentis, Moralia Geneseos, éd. R. B. C. Huygens, La tradition manuscrite, p. 83-84, l. 13-23). Comme l’éditeur, nous avons conservé dans le texte latin les capitales utilisées par l’original de Guibert de Nogent, cfr M.-C. Garand, « Auteurs latins et autographes des xie et xiie siècles », Scrittura e Civiltà, 5 (1981), p. 77-104, aux p. 85-86. Cfr R. B. C. Huygens, La tradition manuscrite, p. 12-13. L’éditeur ne signale pas le terminus ad quem de 1117 qui permet toutefois de resserrer la date de l’épître et du début de la seconde diffusion qui supposent qu’Anselme est toujours en vie.

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moral, Guibert fait œuvre nouvelle et ne souhaite pas marcher sur les traces de ses prédécesseurs. Comme il le rappelle dans la même épître, Augustin a déjà très bien écrit sur le sens littéral et, à tenter de prendre sa suite, Guibert craint soit de le répéter soit de le contredire, et partant d’être taxé de folie258. En un aveu d’une naïveté volontairement désarmante, l’auteur signale d’ailleurs ne comprendre que rarement les explications de son illustre prédécesseur. La voie royale que choisit l’abbé est donc celle de l’explication morale selon lui moins contraignante : elle n’impose ni les bornes d’une autorité, ni celles de la raison, mais suit l’inspiration de l’homme intérieur que Guibert affirme trouver infaillible259. Il a sans doute voulu rééditer, avec son commentaire, le précédent des Moralia in Job de Grégoire le Grand. Les prologues ajoutés aux cinq derniers livres confirment la réception mitigée de l’œuvre et constituent pour certains d’entre eux une âpre défense. Guibert a conscience de la nouveauté de son œuvre, mais puisqu’il agit selon la charité, il ne saurait, d’après lui, dévier dans le domaine de la foi et des mœurs260. Fidèle à sa veine amphigourique, l’auteur apparaît aussi comme très habile à mélanger un égotisme mal dissimulé à un respect affiché de la tradition261. L’éloge de Barthélemy de Joux et des deux maîtres laonnois est donc indissociable d’une œuvre pour laquelle son auteur ressent à la fois fierté et inquiétude. Pour achever d’en détourner les coups, Guibert la place sous le patronage de Barthélemy dont il affirme être un familier. Souhaitant lui être agréable et apporter à son traité une caution qui lui manque peut-être, Guibert complète son portrait de l’évêque de quelques remarques sur ses proches collaborateurs. Filant la métaphore lumineuse très présente lorsque l’on aborde Anselme, la préface compare les deux frères à des yeux plus lumineux que des étoiles. Comme c’est le cas dans le De vita sua, l’éclat de cet astre n’est pas purement local : l’autorité magistrale d’Anselme n’est pas limitée au lieu de son enseignement, mais s’étend à tout le monde latin et constitue le fondement de sa renommée (predicatum). Ce véritable ‘magistère universel’ du théologien tient avant tout à ses qualités reconnues d’orthodoxie pour expliquer l’Écriture et défendre la foi. L’action du maître dépasse donc la simple fonction d’enseignement, mais acquiert, sous la plume de Guibert, une réelle valeur d’édification. Anselme possède un charisme particulier : celui du saint confesseur dont la vertu ici est de pouvoir défendre la foi et d’en étendre l’empire. Son antitype, l’hérétique, est même tenu en échec tant le pouvoir d’Anselme est grand. Le maître est donc un ‘faiseur de catholiques’, dont la vertu réside dans la force des documenta. Le terme, employé aussi par la 258 259 260

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R. B. C. Huygens, La tradition manuscrite, p. 84, l. 23-27. La tradition manuscrite, p. 84, l. 27-32. Cfr les prologues aux livres 5, 6 et 9, La tradition manuscrite, p. 85, l. 1-8, p. 86, l. 1-6 et p. 89, l. 5-8. Voir par exemple le prologue au livre 9, La tradition manuscrite, p. 89, l. 1-5.

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Vita de Robert de Béthune dans un contexte similaire, renvoie, comme nous l’avons indiqué, à un prestige intellectuel et moral qui excède largement la simple habileté pédagogique. Le portrait de Raoul n’est pas en reste pour associer les qualités de l’esprit à des mœurs éprouvées. Sans doute conscient du renom moindre de Raoul, Guibert de Nogent montre que le maître n’a rien à envier à son illustre frère (non discrepavit, emulatur). Talent, enseignement et comportement sont au diapason de ceux d’Anselme et placent Raoul sur le même plan. La conclusion qu’en tire Guibert concerne directement son traité. En effet, il demande à Barthélemy d’être le garant (auctor) d’un auteur (actor) qui ne le mérite pas262. Il associe également les deux frères puisque leurs compétences les qualifient particulièrement pour assumer la tâche d’examinateurs de l’œuvre (dispectores). Fin styliste, Guibert ne choisit pas le terme au hasard : le mot renvoie au champ lexical de la vue et complète la métaphore oculaire employée pour désigner les deux maîtres263. Ainsi est distinguée implicitement une vie tripartite de l’œuvre exégétique : produit des mains de Guibert humble exécutant (actor), le texte reçoit de Barthélemy (auctor) sa valeur garantie par son statut de chef religieux (caput), tandis que l’examen critique des censeurs (dispectores), qui sont les yeux de l’évêque, en légitime le contenu. La nature de l’avis sollicité par Guibert est une vraie censure (quorum judiciis) qui possède une valeur contraignante (subsidam). Elle tient à la rectitude reconnue à Anselme et Raoul : ils n’ont jamais dévié du bon chemin (partem claudicaturos in neutram), et, à ce titre, sont les experts les plus qualifiés pour juger l’œuvre de Guibert. Même tempérée par le contexte historique, l’analyse que donne Guibert acquiert une signification majeure pour comprendre la réception contemporaine de la figure d’Anselme et de son frère. Pour Guibert, l’évêque demeure la tête pensante, le garant et la source de toute autorité. Pourtant, à côté de cette figure traditionnelle, il présente deux clercs au statut original : à la différence de Barthélemy de Joux, ce ne sont pas les fonctions exercées au sein du diocèse qui les signalent à l’attention de Guibert, non plus que leur naissance ou leur prestigieuse parentèle. Leur singularité tient à la réputation de leur enseignement qui recouvre parfaitement les limites du monde latin. Leur fama et l’universalité qui leur est reconnue en font donc par excellence des catholiques et des convertisseurs. De leur rectitude intellectuelle et morale découle aussi leur statut de censeurs. Mixte de compétence scolaire et de perfection morale, la représentation donnée par Guibert dessine à l’orée du 262

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L’opposition des deux termes est donc antérieure au xiiie siècle et le passage est à ajouter à ceux rassemblés jadis par M.-D. Chenu, « Auctor, actor, autor », Archivum Latinitatis Medii Aevi, 3 (1927), p. 81-86, repris dans Studi di lessicografia filosofica medievale, éd. G. Spinosa, Florence, 2001, p. 51-56, voir aussi Id., La théologie au douzième siècle, p. 353-354, n. 1. Dispector est le substantif créé à partir de dispicere (« bien voir », « distinguer »).

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xiie siècle un contour neuf pour le maître d’une école cathédrale : Anselme et Raoul associent les figures éminemment orthodoxes du docteur et du confesseur. Rupert de Deutz et l’exercice du magistère anselmien La querelle entre Anselme de Laon et Rupert de Deutz (ca. 1075/10761129) a depuis longtemps suscité l’intérêt des historiens264. Les nombreuses études consacrées à l’œuvre foisonnante et originale du bénédictin abordent la question265, à partir des résultats présentés par Hubert Silvestre266. S’il n’est pas nécessaire de revenir sur l’étude doctrinale de la controverse déjà fournie par dom Magrassi267, il demeure utile d’analyser en détails la manière dont Rupert présente ses adversaires et notamment Anselme de Laon. Reprendre les passages fameux où Rupert parle d’Anselme n’est pas superflu, car les lectures postérieures ont déterminé l’interprétation d’une crise à bien des égards complexe. En effet, un consensus assez large chez les historiens s’est établi pour comprendre dans la querelle sur la prédestination un combat d’arrière-garde livré par un représentant peu éclairé du monde des cloîtres contre les nouveaux maîtres urbains268. Ce que l’on devine de la personnalité de Rupert et de son tempérament a prêté le flanc à une lecture un peu univoque du bénédictin, promu au rang d’anti-Abélard. Alors qu’Abélard, porte-parole hardi d’une théologie dialectique, s’est opposé au supposé traditionalisme de maître Anselme, Rupert aurait défendu l’ineffabilité divine contre les nouveautés scolaires enseignées à Laon. La présentation est séduisante et comporte assurément une part de vérité. Mais, outre qu’elle a tendance à utiliser des concepts comme tradition et modernité dans leur acception contemporaine, elle pose, sans la résoudre, la question de la perception mé264

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Voir notamment les travaux anciens de l’Histoire littéraire de la France, PL 172, col. 1185-1186, E. Michaud, Guillaume de Champeaux, p. 417-421, G. Lefèvre, De Anselmo Laudunensi, p. 94114 : « Caput quartum : de Anselmo adversus Rupertum disputante », J.-J. Lamine, « La dispute de Rupert de Deutz avec Anselme de Laon et Guillaume de Champeaux », Leodium, 15 (1922), p. 25-40, L. Ott, Untersuchungen zur theologischen Briefliteratur, p. 75-77, P. Séjourné, « Rupert de Deutz », dans DTC, t. 14, 1939, col. 169-205, aux col. 170 et 188-191 et M. L. Arduini, « Anselmo di Laon, Ruperto, Sant’Agostino », Aevum, 80 (2006), p. 377-387. Voir la présentation synthétique, avec bibliographie, de J. Van Engen, « Rupert de Deutz », dans DS, t. 13, 1988, col. 1126-1133, et Id., Rupert of Deutz, Los Angeles, 1983, p. 181-220, ainsi que R. W. Southern, Scholastic Humanism and the Unification of Europe, t. 2, The Heroic Age, Oxford, 2001, p. 14-21. Voir les deux articles fondamentaux d’H. Silvestre, « À propos de la lettre d’Anselme de Laon à Héribrand de Saint-Laurent », RTAM, 28 (1961), p. 5-25 et Id., « Notes sur la controverse de Rupert de Saint-Laurent avec Anselme de Laon et Guillaume de Champeaux », dans Saint-Laurent de Liège, église, abbaye et hôpital militaire, Liège, 1968, p. 63-90. M. Magrassi, Teologia e storia nel pensiero di Ruperto di Deutz, Rome, 1959, p. 179-218, avec des compléments d’H. Silvestre, « Notes sur la controverse », p. 64-66. Cfr par exemple H. Silvestre, « À propos de la lettre », p. 24-25.

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diévale de maître Anselme. Implicitement, cela revient à livrer ainsi le problème : Anselme est-il à la fois conservateur pour les théologiens progressistes et novateur pour des moines attardés ? On a l’impression de reconstituer l’image d’un personnage présenté sous deux angles de vues, alors qu’on ne fait que plaquer une opposition historiographique sur des témoignages plus subtils. Une reprise des sources permet de sortir de l’impasse et de reconstituer plus rigoureusement la perception médiévale livrée par les textes. Les circonstances de la vie de Rupert expliquent en grande partie les péripéties menant à la confrontation entre le moine bénédictin et le maître laonnois269. À la suite d’une grave crise intérieure au début des années 1110, Rupert, alors profès du monastère Saint-Laurent de Liège, commence à porter un intérêt soutenu aux questions théologiques, persuadé qu’il est d’avoir un talent particulier pour les résoudre270. Dès 1111, dans son De divinis officiis, Rupert s’en prend, mais sans les nommer, à ceux qui se demandent comment concilier la chute d’Adam avec la toute-puissance divine271. La question, sans doute agitée dans les milieux liégeois, est reprise à nouveaux frais dans un traité indépendant, rédigé en 1116, le De voluntate Dei272. Dans cette œuvre de circonstance, Rupert combat une thèse qu’il rapporte à Anselme de Laon et Guillaume de Champeaux. Après une préface attestant en termes bibliques la bonne foi de l’auteur, le chapitre premier s’ouvre par une adresse solennelle aux deux maîtres : Nous commençons maintenant par nous adresser à vous, ô maîtres renommés de notre temps, Guillaume évêque de Châlons, et Anselme lumière de Laon, car un des nôtres affirme avoir appris dans vos écoles à dire que Dieu veut que le mal advienne et qu’il appartint à la volonté de Dieu qu’Adam ait prévariqué. Il s’appuie non sur les autorités scripturaires, mais sur la grandeur de votre nom et défend par une longue dispute la division que vous lui avez enseignée273.

Le témoignage de Rupert est précieux, car il documente sur le vif la fama magistrale, non plus comme force d’attraction vers Laon, mais considérée sous l’angle de sa diffusion. L’attitude du moine, exempte d’ironie, est très respectueuse : il reconnaît d’emblée la grande réputation des deux maîtres 269

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Voir sur sa vie, M. L. Arduini, « Contributo alla biografia di Ruperto di Deutz », Studi Medievali, 16 (1975), p. 537-582. Pour le contexte et ses œuvres de jeunesse, cfr J. Van Engen, « Rupert de Deutz », col. 11261127. Voir les passages cités par H. Silvestre, « À propos de la lettre », p. 17. Rupertus Tuitiensis, De voluntate Dei, PL 170, col. 437A-454C. « Haec idcirco nunc ad vos dicere incipimus, o magistri temporibus nostris inclyti, Wilhelme Cathalaunensis pontifex et Anselme Laudunensis lucifer, quia de vestris scolis hoc se quidam nostrorum accepisse fatetur ut diceret : quia Deus malum fieri vult et quia voluntatis Dei fuit quod Adam prevaricatus est. Non scripturarum auctoritatibus, sed vestri nominis magnitudini innititur, traditamque a vobis hujusmodi divisionem longa contentione testatur » (ibidem, col. 437C).

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(inclyti), sans les incriminer directement. En effet, le bénédictin liégeois, qui n’a jamais vu ni entendu ces théologiens, témoigne indirectement d’une tradition d’origine scolaire : le moine écrit ce qu’un élève lui a dit avoir retenu de ses cours (accepisse fatetur ut diceret). On saisit ainsi une attitude scolaire qui a frappé Rupert et qui est remarquable pour l’historien : le fondement de la position rapportée n’est pas un passage scripturaire (scripturarum auctoritatibus), mais la réputation du nom magistral (vestri nominis magnitudini)274. Quelle que soit la réalité du fait rapporté, la perception contemporaine est importante : la fama magistrale tient lieu d’argument et dispense dans ce cas précis d’alléguer l’Écriture. La mention d’un élève, sans doute un moine, originaire de Liège est à ajouter à celles, précédemment relevées, qui documentent la force d’attraction de l’école à Laon : alors que, pendant les xe et xie siècles, les écoles liégeoises ont connu un apogée intellectuel remarquable, elles subissent un certain déclin dans la première moitié du xiie siècle275. Ce mouvement correspond à une mutation importante : les grands établissements monastiques, comme Gembloux, Lobbes ou Brogne, ainsi que l’école cathédrale de Liège sont mises en concurrence avec les écoles cathédrales de la province de Reims, notamment celle de Laon. Avant que les nécessités administratives nouvelles ne poussent les évêques de Liège et les princes temporels du pays mosan à faire appel aux gradués liégeois à partir des années 1150276, les clercs quittent Liège pour aller trouver dans la province voisine des maîtres renommés. C’est d’ailleurs sur ce fondement et sans autre preuve concluante qu’il a été proposé de voir dans le liégeois Guillaume, futur abbé de Saint-Thierry, un élève d’Anselme de Laon277. Rupert, favorablement influencé par le grand nom des deux maîtres, entend d’abord séparer le bon grain de la renommée de l’ivraie semée par les disciples :

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Cfr M. L. Arduini, « Magistra ratione : Auctoritas, traditio, ratio von Anselm bis Adelard von Bath », dans Benedictine Culture 750-1050, éd. W. Lourdaux, D. Verhelst, Louvain, 1983, p. 190-233, aux p. 202-209. J. Stiennon, Les écoles de Liège aux XIe et XIIe siècles. Exposition de manuscrits et d’œuvres d’art, 5-24 novembre 1967, Liège, 1967 et C. Renardy, « Les écoles liégeoises du ixe au xiie siècle : grandes lignes de leur évolution », Revue belge de philologie et d’histoire, 57 (1979), p. 309-328. Cfr la conclusion d’ensemble pour le xiie siècle de C. Renardy, Le monde des maîtres universitaires du diocèse de Liège (1140-1350). Recherches sur sa composition et ses activités, Paris, 1979, p. 130-137 et la « liste des magistri au diocèse de Liège au xiie siècle » donnée par C. Renardy, Les maîtres universitaires dans le diocèse de Liège. Répertoire biographique (1140-1350), Paris, 1981, p. 103-164. Cfr J. Déchanet, Guillaume de Saint-Thierry, l’homme et son œuvre, Bruges, 1942, p. 10-11, mis en doute par J. R. Williams, « The Cathedral School of Rheims », p. 95.

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Nous souhaiterions d’abord vous demander, si la possibilité et l’occasion de nous parler directement s’offrait, s’il peut être vrai que vous, des maîtres ès arts, vous fussiez dits avoir fait une division si oiseuse278.

Il réclame donc un entretien qui montre la méfiance que l’on avait à l’époque concernant la déformation possible d’un enseignement. La mention atteste aussi nettement la bonne opinion que possède Rupert d’Anselme et de Guillaume. Le propos toutefois est pris au pied de la lettre par les disciples locaux qui se moquent d’un moine qui prétend juger en matière dialectique, sans avoir jamais entendu de maîtres279. Le bruit des écoles force d’ailleurs Rupert à abandonner le silence de son cloître à la fin de 1116, puisqu’en raison du scandale causé par ses propos, il doit quitter l’abbaye de Saint-Laurent pour se réfugier à celle de Saint-Michel de Siegbourg. C’est sans doute entre décembre 1116 et le printemps 1117 qu’Anselme de Laon intervient directement dans la polémique en envoyant une courte lettre à l’abbé Héribrand de Saint-Laurent280. L’épître, qui est donc à ajouter aux œuvres authentiques du maître laonnois, a jadis posé de redoutables problèmes pour en établir la datation et le contenu précis281. Aux huit et neuf témoins signalés respectivement par dom Lottin et Hubert Silvestre282, on peut ajouter le manuscrit de la Bibliothèque Sainte-Geneviève, 1367, fol. 8r283 et Vaticano, BAV, Vat. lat. 248, fol. 125r284, ce qui mène le nombre de manuscrits

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« Hoc primum a vobis quaesisse optaremus, si copia vel opportunitas mutuis vocibus colloquendi praeberetur, utrum verum esse possit quod vos artium magistri tam inertem fecisse divisionem dicimini » (Rupertus Tuitiensis, De voluntate Dei, PL 170, col. 437C). Cfr Rupertus Tuitiensis, De omnipotentia Dei, 22, PL 170, col. 472B : « summam mihi monacho facientes invidiam, qui in tantae tamque divinae rei negotio dialecticae artis tendiculas usurparem inscius artis ejusdem, quippe qui ab infantia sub monachico conclusus silentio, nunquam magistros audissem ». Toutes les données sur le personnage sont rassemblées par H. Silvestre, « Héribrand », dans DHGE, t. 23, 1990, col. 1446-1448. H. Silvestre, « À propos de la lettre », p. 6-14. Dom Lottin utilise les trois manuscrits du Liber pancrisis (Avranches, BM, 19, London, BL, Harley 3098, Troyes, BM, 425) ainsi que Bamberg, Staatsbibliothek, Patr. 93, München, BSB, Clm 19136, 22273, 22291 et Wien, ÖNB, lat. 1705 (O. Lottin, PM, p. 175) ; Hubert Silvestre y ajoute Amiens, BM, Fonds Lescalopier 10, Bruxelles, Bibl. royale, 1878-88 (V.d.G. 1188), 1050 (V.d.G. 1023), Leipzig, UB, lat. 1642, Paris, Bibl. Arsenal, 388, Paris, BNF, lat. 18108, Paris, Bibl. Mazarine, 563, Roma, Bibl. Casell. (?), 40 E 10 et Vaticano, BAV, reg. lat. 481 (H. Silvestre, « À propos de la lettre », p. 6). Le manuscrit parisien est déjà cité en 1895, par G. Lefèvre, De Anselmo Laudunensi, p. 123, n. 3 et par F. S. Schmitt, « Die echten und unechten Stücke der Korrespondenz des hl. Anselm von Canterbury », p. 223. Il s’agit d’un recueil de deux manuscrits du xiie siècle, 137 fol., cfr C. Kohler, Catalogue des manuscrits de la Bibliothèque Sainte-Geneviève, t. 1, Paris, 1893, p. 636-639, portant un ex-libris moderne de Sainte-Geneviève. Vaticano, BAV, Vat. lat. 248, fol. 125, xiie siècle, 127 fol., provient de l’abbaye de Bellevaux. Le manuscrit est décrit par M. Vattasso et P. Franchi de’ Cavalieri, Codices Vaticani latini, t. 1, Codices 1-678, Rome, 1902, p. 179-182, et signalé par A.-M. Turcan-Verkerk, Les manuscrits de

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connus à dix-neuf285. La lettre a donc bénéficié d’une importante diffusion, sans commune mesure avec celle de l’œuvre de Rupert de Deutz sur la question de la prédestination286. Elle est surtout diffusée au xiie siècle puisqu’il semble qu’on puisse dater de cette période quelque treize manuscrits287. Elle a circulé principalement soit dans les grands florilèges transmettant des sentences laonnoises, soit à côté de courtes pièces théologiques dont la proximité avec la lettre indique sans doute l’origine. L’examen de la diffusion prouve que la lettre a très vite perdu tout rapport avec son contexte de rédaction : on ne la trouve jamais copiée avec d’autres œuvres de Rupert, puisque les seuls extraits du bénédictin à avoir voisiné avec des œuvres laonnoises concernaient l’eucharistie288. De plus, le prénom de l’abbé Héribrand de Saint-Laurent est attesté dans les manuscrits uniquement sous la forme d’une initiale, ce qui rend l’identification difficile et a posé des problèmes aux savants jusqu’à nos jours289. En fait, seule l’origine laonnoise de la correspondance est explicitement affirmée. La transmission de la lettre, qui n’a pas gardé trace de la polémique lui ayant donné jour, correspond assez bien à son contenu.

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la Charité, Cheminon et Montier-en-Argonne. Collections cisterciennes et voies de transmission des textes (IXe-XIXe siècles), Paris, 2000, p. 214. Aux manuscrits conservés, on peut ajouter au moins deux manuscrits disparus qui m’ont été indiqués, ainsi que les détails suivants, par François Dolbeau : un conservé à l’abbaye de Saint-Marien d’Auxerre, cfr A. Bondéelle-Souchier, Bibliothèques de l’ordre de Prémontré, p. 54 (« Epistola Anselmi Laudunensis ad Laurentium abbatem »), l’autre appartenant au fonds de Saint-Remi de Reims, portant la cote 316 et brûlé en 1774. Ce témoin, utilisé par dom Gerberon sous la cote « B 10 », est signalé dans une copie abrégée de 1697 du catalogue de l’abbaye dressé vers 1687-1688 : « [format] 8 [cote] 316 [datation] ann. 500 [contenu] Gisleberti Westmonasteriensis disputatio Judaei et Christiani. Ivonis Carnotensis sermones aliquot. Anselmi Cantuariensis epistola de corpore et sanguine domini. Anselmi Laudunensis H. abbati de sancto Laurentio epistula, etc. » (Paris, BNF, lat. 13070, fol. 12v). Les œuvres de Rupert ont joui en général d’une diffusion surtout locale, voir en dernier lieu, avec bibliographie antérieure, l’éditeur de Rupert : R. Haacke, « Nachlese zur Überlieferung Ruperts von Deutz », Deutsches Archiv, 26 (1970), p. 528-540, ainsi que H. Silvestre, « Les manuscrits des œuvres de Rupert », RB, 88 (1978), p. 286-289. La date des deux témoins du xiiie siècle a été vérifiée (Paris, Mazarine, 563, cfr également D. Nebbiai-Dalla Guarda, La bibliothèque de l’abbaye de Saint-Denis en France, Paris, 1995, p. 195 ; Paris, Arsenal, 388, cfr H. Martin, Catalogue des manuscrits de la bibliothèque de l’Arsenal, t. 1, Paris, 1885, p. 250-251) ; deux autres semblent dater du xive siècle : Bruxelles, Bibliothèque Royale Albert Ier, 1878-1888 (V.d.G. 1023), cfr H. Silvestre, « À propos de la lettre », p. 7, et München, Bayerische Staatsbibliothek, Clm 19136, cfr Catalogus codicum latinorum bibliothecae regiae Monacensis, tomi IV pars III codices num. 15121-21313 complectens, Munich, 1878, p. 235. La datation de Roma, Bibl. Casell., 40 E 10 est inconnue. Il s’agit de Münster, Universitätsbibliothek, lat. 335 (398), cfr J. Staender, Chirographorum in regia bibliotheca Paulina Monasteriensi catalogus, Wrocław, 1889, p. 79. Comme la majorité du fonds, le manuscrit a disparu lors de la dernière guerre mondiale, cfr B. Haller, « Die Handschriftensammlung der Universitätsbibliothek Münster. Bemerkungen zu Josef Staenders Handschriftenkatalog der ‘‘Bibliotheca Paulina’’ aus dem Jahre 1889 », Westfälische Forschungen, 36 (1986), p. 133-135. Voir O. Lottin, PM, p. 177-178 et la mise au point d’H. Silvestre, « À propos de la lettre », p. 5.

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En effet, après une salutation où Anselme se qualifie d’humble fils de l’église de Laon, le maître prône le retour au calme et l’apaisement de la querelle : Il faut considérer, Seigneur, que la question qui auprès de vous est agitée, ne consiste pas dans une sentence, mais dans une joute verbale. C’est le propre des hommes de trancher les significations justes, et celui des enfants de se quereller pour de petits mots. Ils ne comprennent que faiblement ce qu’il disent et entendent, et l’Apôtre les reprend : ‘ne vous faites pas petits en jugement’ (I Cor. 14, 20). Il prescrit plutôt : ‘soyez petits en malice’ (ibidem). Ne considérant pas cela, certains très enflés du nom de la connaissance, ignorant les significations des Pères, se fatiguent, comme le dit l’Apôtre, dans des questions et des joutes verbales (cfr I Tim. 6, 4)290.

Le ton de la lettre n’est pas celui d’un règlement de compte personnel où l’ennemi serait nommément pris à parti, mais constitue une sorte de petit discours de la méthode théologique. Anselme prend le problème à la racine : la travail intellectuel du maître (questio) consiste dans l’examen d’une signification (sententia), non dans une querelle verbale (pugnis verborum). En ramenant le problème à une question de formulation, l’écolâtre renvoie dos à dos Rupert et ses contradicteurs liégeois. Jusqu’à présent, la controverse n’a porté que sur des énoncés, sans toucher aux significations. Le thème, exprimé sous une forme similaire dans un passage hiéronymien, appelle à la modestie ceux qui se mettent en quête de vérité291. Ainsi, lorsque la lettre récuse une forme sommaire de dispute comme jeu puéril, peut-elle tout aussi bien viser Rupert que les maladroits défenseurs de la distinction anselmienne. Ceux-ci, fiers de mettre en avant la sentence magistrale d’Anselme, se comportent eux aussi en enfants et se sont montrés somme toute incapables de résoudre le problème, puisque maître Anselme intervient292.

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« Videndum est Domine, ne illa questio, que apud vos sic agitatur, non in sententia, sed in pugnis verborum sit. Rectos sensus discutere virorum est, de verbulis litigare puerorum est, qui non nisi tenuiter intelligunt vel audiunt ; quos arguit Apostolus : nolite parvuli effici sensibus. Precepit autem : malitia parvuli estote. Hec non attendentes, quidam maxime inflati nomine scientie, sensus Patrum ignorantes, languent, ut ait Apostolus, circa questiones et pugnas verborum » (Anselmus Laudunensis, Epistola, éd. O. Lottin, PM, p. 175-176, l. 3-10). Cfr Hieronymus, Commentarii in Micheam, 2, 7, éd. M. Adriaen, Turnhout, 1969 (CCSL 76), p. 513, l. 325-329 : « qui absque magistro et gratia Domini, scientiam scripturarum suo judicio promittentes, inflati sunt et nihil sciunt, et languent circa questiones et contentiones, pugnasque verborum, qui vere consistentes in domo, inimici sunt veritatis ». L’interprétation d’Hubert Silvestre ne s’impose donc pas : « la lettre est surtout un bref et assez hautain rappel à l’ordre » (« À propos de la lettre », p. 16) et « le ton hautain est celui d’un rappel à l’ordre » (« Notes sur la controverse », p. 63). De même, le sens proposé pour discutere comme exprimant une « nuance péjorative » (« À propos de la lettre », p. 17, n. 38) semble contraire à l’usage conceptuel du mot attesté dès l’époque tardo-antique et au contexte même puisque discutere exprime la tâche des viri.

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Pour ce faire, le maître livre ce qui apparaît rétrospectivement comme son testament intellectuel : C’est que les sentences de tous les auteurs catholiques diverses, mais non adverses, concourent en une seule convenance. Mais dans les mots résonnent comme des oppositions et des joutes qui scandalisent les petits, exercent les agités, font lutter les superbes, dont s’éloignent les éprouvés. Ils montrent avec facilité, alors que les autres se fatiguent, que les dissonances consonnent293.

Pour la première fois de manière aussi nette dans la littérature théologique latine est exprimée l’idée que la diversité des significations catholiques n’empêche pas leur unité294. Le principe d’une conciliation d’énoncés divergents n’est pas neuf : la tradition patristique avait déjà dû consacrer une bonne part de ses efforts à rendre les différents passages bibliques cohérents entre eux. La nouveauté réside dans la prise de conscience qu’une tâche similaire est requise pour les auteurs ecclésiastiques. Celui qui enseigne la sacra pagina n’a donc pas seulement la charge de rendre compte de l’unité du plan divin, quelque obscurcie qu’elle puisse être par le mode d’expression biblique. Selon Anselme, il doit montrer que la même harmonie commande les sentences des auteurs catholiques. En ce sens, le labeur exégétique du magister est inséparable d’une herméneutique patristique qui est la marque distinctive du théologien accompli. Tandis que les esprits faibles se laissent rebuter et scandaliser par des divergences verbales, que des audacieux s’y attachent et que les orgueilleux luttent dans l’arène, le bon maître refuse d’entrer en lice : persuadé de la profonde convenance qui règle non seulement la Révélation, mais aussi les écrits orthodoxes, Anselme a pour but d’en montrer la parfaite consonance. Voici sans doute où réside la clef du succès anselmien : la profession de foi du maître laonnois combine à la fois respect et ambition. Le respect tient à la croyance en la vérité et en l’unité de ce que la tradition antérieure a pu lui transmettre. Quant à son ambition, elle découle de l’ampleur du labeur à accomplir : harmoniser la Bible et les sentences catholiques, quand le langage tend à les faire dissoner. La formulation d’un unique principe de cohérence interne donne, par conséquent, à l’herméneute un rôle de premier plan : c’est à lui qu’il revient 293

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« Sententie quidem omnium catholicorum diverse, sed non adverse in unam concurrunt convenientiam. In verbis vero sonant quedam quasi contrarietates et pugne, in quibus scandalizantur pusilli, exercentur strenui, contendunt superbi, excluduntur probati, qui aliis languentibus expedite dissonantia consonare ostendunt » (Anselmus Laudunensis, Epistola, p. 176, l. 10-16). H. de Lubac, « À propos de la formule diversi, sed non adversi », Recherches de science religieuse (Mélanges Jules Lebreton), 40 (1952), p. 27-40 et H. Silvestre, « Diversi sed non adversi », RTAM, 31 (1964), p. 124-132 et du même la note dans RHE, 60 (1965), p. 987-988 ; pour une interprétation récente voir le chapitre de C. Brown, Contrary Things. Exegesis, Dialetic, and the Poetics of Didacticism, Stanford, 1998, « Diversa sed non adversa. The Poetics of Exegesis », p. 15-35.

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de montrer comment les différentes sources autorisées concordent. La fin de la lettre est d’ailleurs consacrée à illustrer cette thèse avec l’exemple du mal à partir de deux énoncés bibliques en apparence contradictoires295. La missive d’Anselme, à la lumière de notre analyse, ne constitue donc pas un simple billet de circonstance ou une pièce à charge, mais un document à l’intérêt doctrinal indéniable : les médiévaux, qui l’ont recopié abondamment, ne s’y sont pas trompés. Par conséquent, on peut douter qu’il soit à l’origine directe de la suite des ennuis de Rupert296. En effet, sans doute au début de 1117, Rupert comparaît devant l’abbé Héribrand, l’archidiacre Henri de Liège et deux autres dignitaires. Après cette confrontation, Rupert met la dernière main à un nouveau traité portant sur la même question de la prédestination, le De omnipotentia Dei297. Dans le traité, Rupert s’en prend une nouvelle fois à ses adversaires qui, pour défendre la lettre de leur sententia, lui oppose un passage d’Augustin298. À l’occasion de ce point précis, Rupert achoppe une nouvelle fois sur la fama des maîtres : Ceux qui affirment que Dieu veut le mal se disent tirer tout le patronage de leur sentence de ces paroles de saint Augustin, tout en assurant qu’ils l’ont appris de ces maîtres grands et renommés que nous ne pouvons ni entendre ni rencontrer299.

Rupert doit donc affronter un double obstacle : les paroles d’Augustin qui sont mises en avant comme un rempart pour défendre la thèse opposée et la réputation des maîtres Anselme et Guillaume qui sont cités comme garants de cette position doctrinale. Pour le bénédictin, les deux arguments sont de poids. Il s’attache à réfuter le premier au moyen d’une explication de texte des plus serrées dont la technicité ne démérite pas des procédés scolaires de son temps300. Quant à l’origine de la thèse controversée et sa garantie magistrale, Rupert livre le témoignage le plus éclatant, et sans doute le moins commenté, de son admiration pour Anselme. En effet, il tient à savoir précisément qui cite, si mal à propos selon lui, l’autorité d’Augustin. Il apprend de témoins fiables que certains maîtres de la « bavarde France » appuient leur position

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Cfr Anselmus Laudunensis, Epistola, p. 176, l. 17-46. C’est la thèse que l’on trouve dans l’Histoire littéraire de la France, PL 170, col. 705C, reprise par H. Silvestre, « À propos de la lettre », p. 10. Rupertus Tuitiensis, De omnipotentia Dei, PL 170, col. 453-478C. Ibidem, col. 469A-470B. Le passage est tiré de l’Enchiridion, 95-96, 100. « Totum, inquam, ex istis beati Augustini dictis suae sententiae patrocinium sumpsisse dicuntur hi qui Deum velle malum astruunt, a magnis et nominatis, quos audire vel adire non possumus, magistris sese hoc accepisse confirmantes » (ibidem, col. 470A). C’est l’objet du chapitre 21, ibidem, col. 470C-471D.

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grâce à la citation augustinienne301. Toutefois, sans se donner la peine d’identifier ces professeurs imprudents, il distingue de ceux-ci Anselme de Laon : Pourtant, cet homme, dont la foi et le savoir fructifient par-dessus tous avec une bonne odeur dans l’Église du Christ, Anselme de Laon, ne les renforce pas de son autorité, comme nous le savons en vérité. Que la lumière de vérité garde pour toujours le savoir prudent d’un homme illustre, pour qu’on ne se hasarde pas à maculer sa gloire en disant de telles choses, et lorsqu’il daignera répondre au précédent écrit, comme il a promis de le faire, que la blanche colombe nous arrive avec des rivières très abondantes, selon les eaux non souillées des Écritures (cfr Cant. 5, 12)302.

À la fin d’un traité théologique à l’argumentation serrée, Rupert se laisse ici aller à un lyrisme biblique, étonnant si l’on tient toujours qu’Anselme est son adversaire acharné. Le maître, séparé de ses collègues français, est célébré en des termes remarquables. Son orthodoxie et son savoir sont placés audessus de tout soupçon et font de lui un membre éminent de l’Église303. Le soulagement de Rupert est perceptible : il est maintenant sûr qu’Anselme n’accorde pas son autorité à des bavards mal avisés. La fama du maître, confirmée par des témoins certains (certis nuntiis, veraciter comperimus), n’est donc pas usurpée. Le bénédictin est dorénavant prêt à défendre la réputation d’Anselme contre tous les calomniateurs. On a d’ailleurs l’impression qu’un lien s’est créé entre les deux clercs, puisque Rupert attend un traité qui doit répondre au De voluntate Dei (superiori libello). La réponse attendue d’Anselme, parée de toutes les grâces, est représentée par l’image de la colombe. Tirant son origine du Cantique des cantiques où les yeux de l’Époux sont assimilés à des colombes vivant au bord des cours d’eau304, l’image est utilisée par Bède pour désigner les doctores veritatis qui connaissent les secrets de l’Écriture305. Il est aussi notable que l’on retrouve 301

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« Quasi magnam bellicae navis arborem cum superposito quasi victoriae signo exiguo rudentibus trahi videbamus et eos a quibus trahebatur, non videbamus, cum ecce certis accepimus nuntiis revera esse quosdam facundiae Franciae magistros, qui hoc agerent, et ex praescripto beati Augustini loco vim pene totam praesumerent » (ibidem, col. 476A). « Non tamen ille, cujus fides et scientia prae caeteris bono hactenus cum odore in Christi Ecclesia fructificat, Laudunensis Anselmus sua illos, ut veraciter comperimus, auctoritate corroborat. Custodiat in perpetuum lux veritatis providam praeclari viri scientiam, ne temere quod dicendo in hujusmodi ullam suae gloriae inferat maculam, et si quando superiori libello respondere dignabitur, ut se facturum promisit, candida veniat nobis columba secus fluenta plenissima, juxta aquas scripturarum incontaminatas » (ibidem, col. 476A-B, auctoritate] auctoritates PL). L’application de la « bonne odeur » aux élus a sa source en II Cor. 2, 15. On trouve aussi en Eccli. 24, 23, l’image de la vigne portant des fruits et répandant sa bonne odeur. Cfr Cant. 5, 12 : « oculi sicut columbae super rivulos aquarum […] et resident juxta fluenta plenissima ». Beda Venerabilis, In Cantica Canticorum, 3, 5, éd. D. Hurst, J. E. Hudson, Turnhout, 1983 (CCSL 119B), p. 287, l. 641 et p. 288, l. 658-661.

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l’image employée fréquemment par Rupert dans le reste de son œuvre. Dans son commentaire sur le Cantique des cantiques, les yeux de la colombe désignent ceux qui ont reçu une grâce spirituelle particulière pour interpréter les Écritures et qui ne détournent jamais leurs pensées de cette méditation306. Évoquée dans d’autres traités, cette qualité est un vrai charisme qui donne la science du texte sacré307. Compte tenu de la chronologie de ses œuvres, le De omnipotentia Dei est la première œuvre où l’exégète évoque cette image308. Pour le bénédictin, Anselme, loin d’être le représentant d’une théologie corrompue par la dialectique, apparaît au contraire comme un maître conforme à ses vœux. Indépendamment de l’appartenance des deux clercs à des formes de vie religieuse différentes, Rupert reconnaît chez maître Anselme une inspiration commune qu’il rapporte implicitement au Saint-Esprit grâce à l’image de la colombe. Avant 1126, une inflexion certaine dans la narration de la controverse se manifeste dans un beau passage du De gloria et honore Filii hominis super Mattheum309. Écrivant après la mort d’Anselme, Rupert ne croit plus possible un front commun des exégètes inspirés par l’Esprit. Il se présente seul contre tous, tout en maintenant encore des distinctions entre les différents protagonistes. Nouveau Job autoproclamé, Rupert est confronté à des sages qui parlent, se réclament de leurs Pères et ne laissent pas passer d’étranger parmi eux310. La suite du texte éclaire la citation biblique : Ils ne rougissaient pas de m’opprimer (Job 19, 3), moi qui m’opposais à certaines sentences qu’ils proféraient en s’éloignant du sens vrai et droit. Ils semblaient pourtant les avoir apprises de leurs pères grands et très renommés, c’est-à-dire de leurs maîtres, Pères qu’ils jugeaient glorieux de faire connaître et de ne pas cacher311. 306

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Rupertus Tuitiensis, Commentaria in Canticum Canticorum, 5, 5, éd. H. Haacke, Turnhout, 1974 (CCCM 26), p. 121-123, notamment : « videlicet dilecti sui, quia sensus sive cogitationes ejus nusquam a sanctarum inspectione Scripturarum sese aliquando averterunt » (p. 123, l. 674-676). Voir aussi le De gloria et honore Filii hominis super Mattheum, 4 et 7, éd. H. Haacke, Turnhout, 1979 (CCCM 29), p. 104, l. 1-8 et p. 202, l. 249-252, et l’interprétation christologique du De glorificatione Trinitatis et processione Sancti Spiritus, 1, 13, PL 169, col. 25B. Les trois autres traités cités sont datés, en effet, des années 1117-1126, cfr Commentaria in Canticum Canticorum, p. vii et J. Van Engen, « Rupert de Deutz », col. 1128. Pour une présentation des circonstances de rédaction et la datation, voir De gloria et honore Filii hominis, p. ix-xii. L’amorce scripturaire du passage est à chercher dans Job, 15, 18-19 : « sapientes confitentur et non abscondunt patres suos, quibus solis data est terra et non transibit alienus per eos ». « Non erubescebant opprimentes me refragantem quibusdam sententiis quas proferebant a vero et recto sensu discrepantes, quas tamen a magnis et valde nominatis patribus suis, id est magistris suis, accepisse videbantur, quos videlicet patres suos confiteri et non abscondere gloriosum arbitrabantur » (Rupertus Tuitiensis, De gloria et honore Filii hominis super Mattheum, 12, p. 385, l. 844-849).

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Les sages des temps modernes sont en fait des insensés qui se réclament d’un patronage dont Rupert laisse encore entendre qu’il est supposé et non avéré (accepisse videbantur). La garantie apportée aux élèves par leurs maîtres est affirmée ici en termes puissants grâce à l’image de la filiation dont les enfants tirent gloire. Une fois encore, la réputation magistrale, lorsqu’elle est appuyée sur un grand nom, permet de revendiquer un héritage intellectuel prestigieux et de s’octroyer des droits. Que les scolares soient fils légitimes ou naturels d’Anselme, Rupert ne prend toutefois plus la peine de régler la question et disqualifie maîtres et élèves au nom d’une norme supérieure de vérité : Alors que je ne cédais pas à l’autorité de ces pères eux-mêmes, étant des hommes, bien que sages, et que j’osais parler de meilleure façon et plus sensée selon l’autorité des Écritures, ô quelle indignation !312

L’autorité magistrale dont se réclame les élèves a quelque peu perdu du lustre conféré par les images biblique dans le De omnipotentia Dei. L’image de la colombe associée à Anselme cède la place à une parole humaine qui, bien que sage, n’est plus relayée que par la cacophonie indignée des disciples. En une affirmation d’une étonnante assurance, Rupert déclare avoir triomphé de ses ennemis par la grâce du Saint-Esprit et une inspiration directe du Ciel313. Le charisme prophétique que le moine consentait encore à partager en 1117 avec Anselme devient dans la décennie suivante son apanage. À une date proche du De gloria et honore, Rupert revient sur l’épisode dans le Super quaedam capitula regulae divi Benedicti, appelé plus justement dans les manuscrits Liber de apologeticis suis : comme son titre l’indique, cette œuvre de la maturité est une nouvelle défense et offre l’occasion d’une relecture de la controverse314. Dans le passage fameux où il raconte son voyage en France, Rupert aborde à nouveau la question de ses rapports avec Anselme et Guillaume : On rapportait que des grands maîtres et des précepteurs fameux, lumières illustres de toute la France, que des troupes de disciples se hâtaient de venir entendre de presque toutes les provinces, avaient émis et défendaient avec

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« Quorum videlicet patrum ipsorum auctoritati, uptote hominum, quamvis sapientium, cum ego non cederem, meliusque et sanius loqui auderem secundum Scripturarum auctoritatem, o quanta indignatio ! » (ibidem, p. 385, l. 849-852). Cfr par exemple ibidem, p. 385, l. 856-865 et p. 386, l. 874-876, ainsi que la remise en contexte de C. Meier, « Ruperts von Deutz Befreiung von den Vätern. Schrifthermeneutik zwischen Autoritäten und intellektueller Kreativität », Recherches de théologie et de philosophie médiévales, 73 (2006), p. 257-289. Rupertus Tuitiensis, Super quaedam capitula regulae divi Benedicti, PL 170, col. 477D-538B. La rédaction de l’œuvre est fixée vers 1127-1128 par H. Silvestre, « À propos de la lettre », p. 20.

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constance cette sentence sur la volonté divine. Ainsi tout ce que moi je pouvais dire, non seulement n’était pas écouté, mais était méprisé comme idiot315.

Selon une habitude déjà relevée, le bénédictin démonte le mécanisme de la fama : elle résulte d’une réputation flatteuse (magni, nominati, lumina) qui exerce une force d’attraction sur un vaste ressort géographique (quorum ad auditum […] festinabant). La fama possède également un pouvoir de diffusion qui excède la source dont elle s’autorise (emisisse atque constanter defendere ferebantur). Elle acquiert de ce fait une autonomie qui transforme la sentence émise en vérité indépendamment de son élocution objective. La sentence, en quelque sorte réifiée, devient un énoncé intouchable et au-dessus de toute critique : Il y avait des adversaires ou qui semblaient l’être en s’appuyant sur l’autorité de ceux-ci qu’ils pensaient irréfragable, comme si un ange du ciel leur eût parlé, alors qu’il ne faudrait pas l’écouter, s’il contredisait sur ce point ou un autre les Écritures de vérité (cfr Gal. 1, 8)316.

Est dénoncée ici non l’attitude d’Anselme ou de Guillaume, mais celle de certains de leurs élèves qui, s’appuyant sur la réputation de leurs maîtres, transforment une sentence magistrale en parole d’évangile317. À cette rumeur scolaire, Rupert oppose l’exemple fameux de Paul qui dénonce vigoureusement les pseudo apôtres et les menace d’anathème. Le charisme, que Rupert reconnaissait à Anselme dans son De omnipotentia Dei, n’est donc pas inconditionnel et reçoit pour stricte limite la cohérence avec l’Écriture. La suite du passage confirme que Rupert est en butte non à l’opposition directe des maîtres, mais à celle d’élèves zélés qui mettent en avant le renom de leurs professeurs318. Pour en finir avec les effets nocifs de cette fama magistrale, Rupert décide de ne pas en rester aux dires des milieux scolaires, ni aux assertions d’envoyés, mais de se rendre sur place pour confronter la sentence à ses garants supposés. Le ton se fait plus belliqueux et les nuances relevées auparavant s’estompent : Rupert s’apprête à livrer bataille contre un ennemi qui est de-

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« Magistri magni ac praeceptores nominati, praeclara totius Franciae lumina, quorum ad auditum de cunctis fere provinciis examina discipulorum festinabant, sententiam illam de voluntate Dei emisisse atque constanter defendere ferebantur et idcirco quidquid dicerem ego non solum non audiebatur, verum etiam tanquam stultum contemnebatur » (ibidem, col. 482A). « Ita erant adversarii vel esse videbantur sibi auctoritate illorum freti, ut putabant, irrefragabili ac si angelus de coelo locutus fuisset eis, qui tamen non esset audiendus in hujusmodi vel si alio quolibet modo contradiceret Scripturis veritatis » (ibidem, col. 482A). On retrouve ainsi l’ambiguïté de la fama, à la fois réputation flatteuse ou rumeur malveillante, cfr C. Gauvard, « La fama, une parole fondatrice », Médiévales, 24 (1993), p. 5-13. Rupertus Tuitiensis, Super quaedam capitula regulae divi Benedicti, 1, PL 170, col. 482B-C.

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vant et sur lui319. Le récit lui-même prend un tour plus schématique et l’Écriture sert de caution au combat de Rupert. Selon une application hardie d’un verset de l’Ecclésiastique, la lutte met aux prises des riches que tous écoutent et un pauvre méprisé par chacun320. Le moine a conscience de son audace : Car l’un des deux est un maître en même temps qu’un évêque, l’autre est plus fameux que n’importe quel évêque, bien qu’il ne le soit pas. Je m’étonne moimême maintenant au spectacle de ce souvenir de la manière dont, assis seul sur un pauvre ânon, tout jeune et accompagné d’un seul enfant, je suis parti pour des villes étrangères si éloignées combattre de tels adversaires dont je savais et l’éloquence et le talent et la grande dignité tant dans leur charge que leur magistère321.

Sous la plume habile de Rupert, l’arrivée en France renverse l’entrée triomphale du Christ à Jérusalem. Monté sur son âne et vivant son agonie avant la glorification, le moine prend les traits d’un redresseur de tort solitaire. Chevalier blanc plus que Don Quichotte, il ne s’attaque pas à des moulins à vent, mais à des ennemis dont la réputation est remarquable (famosior). En dépit d’une agressivité nouvelle de ton dont les écrits antérieurs ne faisaient pas preuve notamment envers Anselme, Rupert signale les titres de gloire de ses contradicteurs : ils ont pour eux des talents (os et ingenium) et la reconnaissance sociale de leur prééminence (dignitatem). On pourrait s’interroger sur la portée du témoignage et considérer que Rupert exagère volontairement le prestige des deux maîtres afin de mettre davantage en exergue son courage. Cependant, il faut souligner l’importance que revêtent ses propos pour comprendre l’autorité du maître : l’exercice d’un office est mis en parallèle avec celui d’une charge magistrale. La parole d’un maître renommé possède donc une valeur proprement personnelle comparable à celle d’une charge ecclésiastique. Le magisterium, une fois légitimé par la fama, autorise donc son possesseur à une prise de parole tout aussi recevable que le titulaire d’un officium. Aux yeux de Rupert, son voyage en France constitue une véritable vérification de la fama dont les deux traités de 1116-1117 faisaient sentir l’urgente nécessité. Le recul chronologique influence sans aucun doute le compte rendu 319

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Voir le passage fameux : « Ivi in Franciam, ut potissimum contra magistros illos praelium disputationis committerem, quorum tanta super me et contra me auctoritas erat » (ibidem, col. 482C). Ibidem, col. 482D à partir d’Eccli. 13, 28-29. « Nam alter eorum magister simul et episcopus, alter quovis episcopo famosior, quamvis ipse non esset episcopus. Mirum mihimet nunc est illud recordationis meae spectaculum, quomodo solus ego vili asello residens, juvenculus uno tantum puero comitatus, ad exteras tam longe civitates ad conflictum contra tales profectus sum, quibus adesse et os et ingenium et magnam tam officii quam magisterii dignitatem noveram » (ibidem, col. 482D).

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des événements et explique les déformations de la narration. La rencontre avec Anselme, qui selon le De omnipotentia Dei aurait dû relever du commerce épistolaire sous les auspices du Saint-Esprit, devient dans le récit de 1127 une sorte de jugement de Dieu favorable au moine : la mort d’Anselme, lors de l’arrivée de Rupert en juillet 1117 à Laon, est mise en parallèle avec celle de Guillaume, qui n’intervient pourtant que cinq ans plus tard322. Rupert s’étonne avec jactance, de bonne foi ou non, de la quasi concomitance des événements et signale que la mort providentielle des deux maîtres met fin à la querelle du moins chez les plus sages, sans désarmer les adversaires de la première heure323. Le ressentiment soulevé par l’attitude de Rupert explique son départ de Liège en avril 1119. Une fois dans l’archevêché de Cologne et devenu abbé de Deutz, le bénédictin est souvent revenu dans ses traités sur la querelle de la prédestination324. Elle l’a fortement marqué jusqu’à sa mort en 1129, ce qui explique les variations que l’on a relevées. Elles ne sont pas purement circonstancielles : la déférence pour Anselme, dont fait preuve le moine dans les traités de 1116-1117, n’est pas simple opportunisme ou habile diplomatie. Elle exprime la conviction que les deux hommes jouissent de la même inspiration et peuvent s’entendre sur un point débattu. Rupert, persuadé de sa valeur, a caressé l’espoir de rallier à sa cause un maître dont la fama a été, selon lui, ternie par des disciples indiscrets. La mort d’Anselme le prive de son triomphe et l’entrevue avec Guillaume, pauvrement documentée par la simple mention d’un « conflit acerbe », s’avère un échec. Avant le Liber de apologeticis suis, Anselme apparaît le plus souvent nommé et sous un jour toujours favorable, tandis que Guillaume est rarement cité, ce qui laisse supposer que la rencontre de Châlons a influé sur le récit postérieur de Rupert. En raison de son schématisme efficace, l’apologie du bénédictin a souvent figé l’opposition entre deux mondes : il est certain que Rupert, qui a été victime de la controverse, l’a cruellement ressentie à la fin de sa vie et a durci en conséquence sa reconstitution des faits325. 322

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« Illud autem magis mirum videtur quod me ingrediente civitatem, jam dictorum alter et praecipuus magistrorum ultimum trahens spiritum, statim post ingressum meum vitam finivit, alter cum quo acerbum habui conflictum, nescio an integrum annum supervixerit » (ibidem, col. 483A). Ibidem, col. 483A-B. Voir les passages signalés par H. Silvestre, « À propos de la lettre », p. 17-21 et « Notes sur la controverse », p. 75, n. 15. Une lecture réductrice de la querelle a déjà cours au Moyen Âge, comme l’atteste un successeur de Rupert à Saint-Laurent de Liège, Renier († ca. 1190). Dans son De ineptiis cujusdam idiotae, il dit en effet en démarquant Rupert : « Quocirca et juvenculus ad Anselmum Laudunensem scolasticum atque Wilelmum Catalaunensem episcopum, opinatissimos tunc Franciae magistros, libellum scripserat apologeticum de voluntate Dei in quo illis repugnat » (Reinerus Leodiensis, De ineptiis cujusdam idiotae, éd. W. Arndt, Hanovre, 1868 (MGH, Scriptores 20), p. 596).

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Première partie

Il n’en reste pas moins que les œuvres rédigées à chaud attestent de vues plus ouvertes sur les rapports entre le cloître et l’école : le moine, loin de prendre pour argent comptant les déclarations des élèves, a cherché à déterminer la réalité de la fama en sauvegardant le magistère d’un écolâtre dont il admire ouvertement et envie en secret le rayonnement. Son sens critique, aussi remarquable et subtil que son indépendance par rapport aux Pères, ne le pousse donc pas à mener une lutte aveugle. Rupert, lorsqu’il clarifie l’exercice du magistère anselmien, manifeste sa connaissance de la circulation des idées et se montre conscient de la complexité du monde scolaire. La fama magistrale reconnue à Anselme constitue une réalité historique des plus importantes : rendue manifeste par la venue d’étudiants à Laon, elle est à l’origine d’un vrai milieu scolaire dont les références sont le nom d’Anselme et le fait d’avoir suivi ses cours au sein de l’école cathédrale. En ce sens, la situation de l’école à Laon se présente dans des conditions bien meilleures que celles des écoles de droit canon pour lesquelles il est difficile d’associer à une ville la résidence continue d’un maître326. Pour la génération des clercs qui sont venus à Laon dans les décennies 1090-1110 et sont morts avant 1170, le nom de maître Anselme, à l’origine force d’attraction, devient une vraie référence à l’échelle du monde chrétien327. La réputation d’Anselme ne se cantonne cependant pas à un milieu purement scolaire. En effet, le rayonnement du maître transcende les différences de personnalités et les frontières entre monde urbain, dans le cas d’Hermann, et cloître bénédictin pour Guibert de Nogent et Rupert de Deutz. Chacun à leur manière, ces auteurs, qui ont connu directement ou médiatement Anselme, complètent ce que nous savons de la figure magistrale. Contrairement à ce qu’affirme Abélard, le charisme d’Anselme n’est pas uniquement la consécration morale d’un enseignement de longue durée. Si nous avons relevé l’importance des mœurs et des notations morales pour caractériser le maître, on remarque que la part faite à la scientia est aussi importante. Le fondement de l’autorité magistrale est, en effet, une compétence scripturaire qui fait du maître une norme de l’orthodoxie. C’est tout le sens du rôle reconnu à Anselme lors de la crise communale de 1112 ou, par Guibert, lorsqu’il soumet à la critique du maître ses Moralia Geneseos. En ce sens, le magistère d’Anselme recouvre à la fois l’exercice d’une charge et la confiance accordée à sa parole.

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A. Gouron, « Une école ou des écoles ? Sur les canonistes français (vers 1150 – vers 1210) », dans Proceedings of the Sixth International Congress of Medieval Canon Law, Berkeley, California, 28 July – 2 August 1980, éd. S. Kuttner, K. Pennington, Vatican, 1985, p. 223-240. La fama peut répondre ainsi à la définition de la légende comme « rumeur solidifiée », cfr G. W. Allport, L. Postman, The Psychology of Rumor, New York, 19652, p. 162-166.

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L’utilisation du nom magistral par les élèves est tout aussi importante : comme le montre bien le récit de Rupert, Anselme sert de caution à un milieu scolaire en quête d’autorité. L’utilisation de la parole d’Anselme n’est pas à cet égard fondamentalement différente de celle d’Abélard par ses propres étudiants. Dans les deux cas, il existe une véritable pression scolaire pour connaître, diffuser une pensée, se couvrir de son autorité et se lancer de la sorte dans le débat théologique. Autant que le nom et la réputation du maître, les énoncés qui lui sont attribués constituent par conséquent une somme d’enjeux pour l’historien. Leur étude offre ainsi l’occasion de préciser davantage l’exercice du magistère doctrinal d’Anselme, confronté aux textes issus de son enseignement.

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DEUXIÈME PARTIE

LES SENTENCES D’ANSELME DE LAON ET LA GENÈSE DE L’AUTORITÉ MAGISTRALE

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On comprend qu’un Pierre Abélard ait conçu quelque mépris pour cette espèce de catéchisme qu’on servait aux auditeurs de la divina pagina. O. Lottin, PM, p. 446.

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Suscitant des jugements souvent conformes à l’avis peu flatteur de dom Lottin, l’œuvre théologique d’Anselme de Laon, pour être correctement appréciée, doit être avant tout considérée comme une mise en ordre et une harmonisation. La constitution de la Glose et la production de courtes sentences théologiques répondent à une identique volonté d’unification de la tradition chrétienne. Que ce soit dans le cadre de la Glose où les extraits patristiques sont ordonnés dans les marges et les interlignes du texte biblique ou au cours d’une sentence où sont réconciliées des auctoritates apparemment divergentes, Anselme de Laon privilégie la concorde par rapport aux joutes dialectiques. Plus que dans une technique de raisonnement telle que la quaestio, sa pratique théologique consiste dans une forme, la sententia. Alors que dès le xie siècle, certains penseurs aussi différents que Bérenger de Tours et Anselme de Cantorbéry font droit à la raison, concurremment aux auctoritates, pour approcher le mystère divin1, Anselme de Laon favorise la compréhension des dicta Patrum. Le maître de Laon, à la différence de son homonyme italien, n’a donc pas cherché à renouveler la compréhension des dogmes chrétiens grâce à une présentation rationnelle des formules traditionnellement reçues. La réalisation pédagogique qu’est la Glose prolonge ainsi les pratiques anthologiques de l’époque carolingienne. Comme dans les commentaires carolingiens où la part personnelle de l’exégète semble souvent des plus minces, la Glose représente avant tout la mise en ordre des sentences patristiques2. On constate que la même importance est donnée à la sententia patristique dans les florilèges. Cependant, à côté des sentences des Pères, les florilèges conservent également un grand nombre de sentences magistrales, notamment celles d’Anselme de Laon. Afin de comprendre la portée de l’œuvre théologique anselmienne, l’enquête doit donc porter avant tout sur la sententia comme mode d’affirmation du maître. L’articulation littéraire et doctrinale des diverses sentences et des différentes formes littéraires entre elles permet, à ce titre, d’approfondir la question de l’autorité magistrale. Quels sont les rapports entre les extraits qui constituent la Glose et les sentences que renferment les florilèges ? De quelle autorité bénéficient les sentences magistrales à côté de celles des Pères ? Pour répondre à ces questions, la Glose a jusqu’à présent été nettement favorisée 1

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Pour une mise au point historiographique et historique concernant les dialectici du xie siècle, voir T. J. Holopainen, Dialectic and Theology in the Eleventh Century, Leyde - New York Cologne, 1996 et A. Cantin, Foi et dialectique au XIe siècle, Paris, 1997, notamment aux p. 1320. On sait depuis la thèse de Philippe Buc qu’une telle mise en ordre révèle également un programme intellectuel, cfr L’ambiguïté du Livre, p. 40-49 sur la « grammaire de l’exégèse », voir aussi G. Lobrichon, « La relecture des Pères chez les commentateurs de la Bible dans l’Occident latin (ixe-xiie siècle) », dans Ideologie e pratiche del reimpiego nell’alto Medioevo, Spolète, 1999, p. 253-282, repris dans La Bible au Moyen Âge, Paris, 2003, p. 71-86.

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Deuxième partie

par l’historiographie. Les florilèges contenant des sentences d’Anselme, en revanche, ont été moins étudiés sans doute en raison de leur moindre succès au cours du Moyen Âge : contrairement à la Glose qui, moyennant des remises à jour telles les Postilles du dominicain Hugues de Saint-Cher († 1263) et du franciscain Nicolas de Lyre († 1349), a poursuivi sa carrière dans les écoles même au-delà du Moyen Âge3, les florilèges anselmiens fleurissent et disparaissent pour la plupart au xiie siècle. Tandis que la Glose a servi d’outil scolaire jusqu’à l’époque moderne, les florilèges sont vite apparus comme des formes littéraires que le changement des modes théologiques a rendus obsolètes à brève échéance, au moins dans les écoles. Pourtant, plus rapidement démodés, ils n’en reflètent que davantage ce que fut la modernité théologique d’une époque. Pour juger de l’autorité reconnue aux sentences anselmiennes, ils offrent donc un observatoire de premier choix. Les florilèges permettent, en effet, d’apprécier la mise par écrit des sentences anselmiennes au moment où l’on note un recours généralisé à l’écriture4, d’étudier leur diffusion et d’en évaluer le succès au cours du xiie siècle (chapitre premier). Ils incitent, en outre, à lire les sentences anselmiennes dans leur contexte pour mieux en ressaisir la portée par rapport aux débats scolaires contemporains et à la réforme de l’Église (chapitre II).

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G. Dahan, L’exégèse de la Bible en Occident médiéval, XIIe-XIVe siècle, Paris, 1999, p. 116-120, voir aussi les éditions de l’époque moderne étudiées par K. Froehlich dans Biblia latina cum Glossa ordinaria, p. xii-xxv. Voir l’étude pionnière de M. T. Clanchy, From Memory to Written Record. England 1066-1307, Oxford, 19932, et pour le contexte précis des écoles du premier xiie siècle, C. J. Mews, « Orality, Literacy, and Authority in the Twelfth-Century Schools », Exemplaria, 2 (1990), p. 475500, repris dans Reason and Belief in the Age of Roscelin and Abelard, Aldershot, 2002.

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CHAPITRE PREMIER LA TRANSMISSION DES SENTENCES D’ANSELME DE LAON

Comme on a pu le remarquer, la réputation d’Anselme est intimement liée à son activité pédagogique. Le rayonnement de son enseignement fait de lui un maître respecté, parfois vénéré, dont l’autorité sert de caution à ceux qui s’en réclament. Si la fama a été éclairée grâce aux testimonia la documentant, il reste à expliquer la forme prise précisément par l’enseignement d’Anselme et à détailler les fruits intellectuels produits par le maître. Au commencement était le verbe magistral. Le caractère oral de l’enseignement dans les écoles et le manque de témoignages précis rendent difficiles la reconstitution de ce que pouvait être une ‘leçon en sacra pagina’ dans les premières décennies du xiie siècle. Toutefois, malgré la part importante de la mémorisation et des contraintes matérielles rendant le manuscrit rare, il n’est pas plausible que l’enseignement d’Anselme n’ait donné lieu à aucune mise par écrit. Afin de reconstituer la vie scolaire laonnoise, les manuscrits présentent plusieurs formes littéraires associées au nom d’Anselme, qu’il s’agisse de commentaires, de gloses ou de sentences. La documentation suscite une série de questions d’importance auxquelles il est le plus souvent délicat d’apporter des réponses définitives : quels sont les rapports entre exégèse biblique et spéculation théologique dans la première moitié du xiie siècle ? Sous quelle forme et pourquoi l’explication de la Bible donnée à Laon est-elle complétée par une littérature de sentences et de questions théologiques ? Dans quel contexte autoritatif trouve-t-on les sentences anselmiennes ? La meilleure méthode consiste donc à confronter le peu que nous savons sur les pratiques pédagogiques laonnoises avec le matériel manuscrit. Il apparaît donc indispensable de décrire avec précision les monuments écrits qui font connaître les sentences d’Anselme. Parmi ceux-ci, le Liber pancrisis (LP) mérite une attention particulière puisqu’il accueille explicitement l’enseignement d’Anselme à côté de celui des Pères. Les autres formes de diffusion dans les florilèges, sous couvert d’anonymat, exigent elles aussi une étude, dans la mesure où elles documentent une forme complémentaire de canonisation par l’écrit dont bénéficient les sentences anselmiennes.

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Deuxième partie

Les exercices scolaires : EXPOSITIONES SANCTORUM et COLLATIO SENTENTIARUM Le témoignage d’Abélard Les rapports respectifs entre commentaires, gloses et sentences s’éclairent quelque peu si l’on garde présent à l’esprit le statut de la Bible dans l’école de Laon. La difficulté à attribuer des commentaires scripturaires continus à Anselme de Laon et leur diffusion plutôt restreinte sont des points bien établis qui prennent, dans ce contexte, une signification forte. Ces textes n’ont apparemment pas connu de grand succès, à l’exception des commentaires portant sur Matthieu. Or, il a été tout aussi fermement montré que le renom d’Anselme et le prestige de son école tiennent à l’explication de l’Écriture. Les commentaires ne représentent donc pas la seule forme d’enseignement à Laon, mais une étape dans un processus pédagogique de plus vaste ampleur. De fait, le texte de base enseigné dans les écoles du temps n’est pas un commentaire magistral quelconque, mais la Bible elle-même. La Bible est ainsi par excellence le livre à partir duquel s’articule l’enseignement du maître. Grâce au témoignage d’Abélard, les techniques d’enseignement laonnoises perdent un peu de leur obscurité1. Suivant la reconstitution très plausible de l’Historia calamitatum proposée par Jean Châtillon, il semble possible de distinguer deux opérations principales2. Celle qui soulève le plus l’étonnement d’Abélard est l’usage des expositiones sanctorum dans le commentaire biblique : Le soin de cette lecture, où l’on trouve le salut de l’âme, est très salutaire, mais je m’étonnais beaucoup de ce que des personnes instruites ne se contentent pas, pour comprendre les commentaires des saints, de leurs écrits ou des gloses, de sorte qu’ils n’aient pas besoin d’autre magistère3.

Dans la lecture de la Bible, Abélard reconnaît l’utilité des Pères et de leurs commentaires, mais récuse le recours à tout autre ‘magistère’, au profit d’une compréhension contextuelle et personnelle. En effet, pour Abélard, si l’Écriture nécessite le secours d’un écrit patristique, ce dernier se suffit à luimême pour être interprété. L’ombre portée par ce passage est nettement celle d’Anselme : le magistère que vise Abélard est celui du Laonnois qui considère comme nécessaire de soumettre non seulement la Bible, mais aussi les Pères à une explication. Ainsi la lecture biblique anselmienne apparaît-elle comme 1 2 3

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Petrus Abaelardus, Historia calamitatum, p. 68-69. J. Châtillon, « Abélard et les écoles », p. 149-152. « Saluberrimum quidem hujus lectionis esse studium ubi salus anime cognoscitur, sed me vehementer mirari quod his qui litterati sunt ad expositiones sanctorum intelligendas ipsa eorum scripta vel glose non sufficiunt, ut alio scilicet non egeant magisterio » (Petrus Abaelardus, Historia calamitatum, p. 68, l. 191-195).

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une explication fondée sur les écrits des Pères eux-mêmes objets de commentaires. La pédagogie d’Anselme, éminemment marquée par la tradition patristique, met en place donc un apparat autour du texte biblique et le considère également comme matière de son enseignement (magisterium). A contrario, lorsqu’Abélard décide par la suite de commenter un passage particulièrement difficile d’Ézéchiel, il n’utilise un commentateur (expositor) qu’à titre allusif et sans en faire le point de départ de son explication4. Un deuxième exercice scolaire, moins commenté, retient également l’attention d’Abélard. En effet, au cours de son séjour à Laon, le logicien signale brièvement une pratique qu’il nomme les sententiarum collationes5. L’exercice, qui semble ici concerner principalement les élèves, consiste dans une comparaison (collatio) de passages discordants6. Au début du xiie siècle, le terme de sententia a hérité du latin classique trois acceptions toujours en usage7. Sententia désigne le plus souvent une opinion dont le degré de certitude est variable, une maxime ou encore une décision judiciaire. Dans les écoles, sententia désigne, en vertu du premier sens, un passage à l’autorité variable8, mais aussi le sens profond d’un passage9. L’activité pédagogique par excellence du maître consiste donc à fixer le degré d’autorité et le sens des passages qu’il commente devant ses élèves. Le maître devient de la sorte lui-même un producteur de sentences. Par dérivation, sententia sert donc à qualifier la solution que le maître apporte à un problème. Comme le fait supposer l’expression même de collatio sententiarum, la formulation d’une sentence magistrale résulte d’un processus qui concerne des énoncés autorisés qui seuls légitiment 4 5 6

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Ibidem, p. 69, l. 199-211. Ibidem, p. 68, l. 187. Sur ce terme de collatio et sa polysémie, voir les pages importantes de T. Lesieur, Devenir fou pour être sage. Construction d’une raison chrétienne à l’aube de la réforme grégorienne, Turnhout, 2003, p. 170-191. Au xiiie siècle, le terme de collatio continue à désigner un rapprochement de citations bibliques, cfr J.-P. Torrell, « Quand saint Thomas méditait sur le prophète Isaïe », Revue Thomiste, 96 (1996), p. 179-208, repris dans Recherches thomasiennes. Études revues et augmentées, Paris, 2000, p. 242-281, aux p. 244-245. G. R. Evans, « Sententia », dans Latin Culture in the Eleventh Century. Proceedings of the Third International Conference on Medieval Latin Studies, Cambridge, September 9-12 1998, éd. M. W. Herren, C. J. McDonough, R. G. Arthur, t. 1, Turnhout, 2002, p. 315-323 et M. Teeuwen, The Vocabulary of Intellectual Life, p. 336-338. G. Paré, A. Brunet, P. Tremblay, La Renaissance du XIIe siècle, p. 270, J. Hamesse, « Le vocabulaire des florilèges médiévaux », dans Méthodes et instruments du travail intellectuel au Moyen Âge, Turnhout, 1990, p. 209-230, aux p. 215-216. Pour l’emploi exégétique du terme qui l’oppose à l’expositio litterae, voir H. Brinkmann, Mittelalterliche Hermeneutik, Tübingen, 1980, p. 157-162, O. Weijers, Dictionnaires et répertoires au Moyen Âge. Une étude du vocabulaire, Turnhout, 1991, p. 7, et avec bibliographie, F. Del Punta, « The Genre of Commentaries in the Middle Ages and its Relation to the Nature and Originality of Medieval Thought », dans Was ist Philosophie im Mittelalter ? Akten des X. Internationalen Kongresses für mittelalterliche Philosophie der Société Internationale pour l’Étude de la Philosophie Médiévale 25. bis 30. August 1997 in Erfurt, éd. J. A. Aertsen, A. Speer, Berlin - New York, 1998, p. 138-151, aux p. 146-147.

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l’intervention scolaire. Sans que le rapprochement ait été apparemment proposé auparavant, la lettre d’Anselme de Laon à Héribrand documente exactement la même opération, effectuée par le maître. La lettre d’Anselme de Laon à Héribrand Comme Abélard n’est guère disert sur cette pratique, il importe d’en donner une description plus détaillée d’après la lettre d’Anselme. Après le prologue méthodologique déjà commenté où Anselme affirme l’harmonie d’intention entre les « sentences de tous les auteurs catholiques »10, le maître illustre son propos à l’aide de deux lemmes scripturaires apparemment opposés. Tout l’art du maître consiste à dénouer la contradiction verbale entre « le Seigneur ne veut pas le mal » et « Il veut tout ce qui arrive ». Chacune des deux propositions fait d’abord l’objet d’une formulation plus développée que la stricte lettre biblique11. Elle emprunte la forme simple d’une paraphrase qui délimite les tenants et aboutissants du problème. « Vouloir tout ce qui arrive » revient pour Dieu à ne rien subir dans le cours des événements, tandis que « ne pas vouloir le mal » consiste de la part de Dieu à ne pas l’approuver, mais au contraire à le haïr et à l’interdire. Implicitement, il revient au maître de concilier l’aporie apparente entre la maîtrise divine absolue et la limitation qu’y apporte le mal. La manière dont Anselme résout la question est particulièrement intéressante. Diverses solutions s’offraient à lui, si l’on considère la méthode de son rival dans le Sic et non12. Dans cette importante collection de sententiae réunie dans les années 1120, Abélard reprend en effet la forme typique de l’exercice scolaire en rassemblant sur un même point des autorités divergen-

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Voir le précédent chapitre. Cfr L 230, l. 17-21. Voir la présentation d’ensemble de l’herméneutique d’Abélard par J. Jolivet, La théologie d’Abélard, Paris, 1997, p. 69-77, et Id., Abélard ou la philosophie dans le langage, Paris, 1969, p. 139142 avec traduction française des principaux passages, commentés par J. Jolivet, « Le traitement des autorités contraires selon le Sic et non d’Abélard », dans Aspects de la pensée médiévale : Abélard. Doctrines du langage, Paris, 1987, p. 79-92 ; cfr aussi E. Bertola, « I precedenti storici del metodo del Sic et non di Abelardo », Rivista di filosofia neo-scolastica, 53 (1961), p. 255-280, J. Pelikan, La Tradition chrétienne. Histoire du développement de la doctrine, t. 3, Croissance de la théologie médiévale 600-1300, Paris, 1994 (19741), p. 237-240, B. Pranger, « Sic et non : Patristic Authority between Refusal and Acceptance : Anselm of Canterbury, Peter Abelard and Bernard of Clairvaux », dans The Reception of the Church Fathers in the West from the Carolingians to the Maurists, éd. I. Backus, t. 1, Leyde - New York - Cologne, 1997, p. 165-193 et C. Rizek-Pfister, « Die hermeneutischen Prinzipien in Abaelards Sic et non », Freiburger Zeitschrift für Philosophie und Theologie, 47 (2000), p. 484-501.

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tes13. Cependant, le maître se garde bien de répondre à chacun des problèmes, mais présente dans la préface les principes qui doivent servir de guide à l’apprenti et lui donner la clef des problèmes soulevés. Pour réduire les difficultés entre sentences opposées, Abélard souligne les apports du trivium et propose de tenir compte de l’équivocité de la langue, cachant sous un seul mot des réalités diverses, ainsi que de la variatio rhétorique, source de diversité linguistique. Si la langue résiste, le logicien propose en outre un ensemble de conseils herméneutiques qui permettent de circonscrire au mieux le caractère prescriptif d’un passage, l’authenticité d’une œuvre ou l’autorité plus ou moins grande de son auteur14. De fait, l’analyse micro-linguistique comme la remise critique en contexte semblent étrangères à Anselme. Pour sa part, le maître laonnois choisit de privilégier une solution qui réserve une grande place à l’économie du salut et remet le problème textuel dans un cadre beaucoup plus vaste. La question du mal et de la volonté divine est, en effet, complétée par un exposé sur la liberté humaine15. Comme la possibilité de mal faire dépend à la fois de l’homme et ultimement de la justice divine, Dieu peut donc, en un sens, vouloir abandonner le pécheur à son mal. La question, à l’origine de pure contradiction verbale et portant sur le problème abstrait de la volonté divine, est déplacée sur le terrain de la prédestination : si l’homme résiste à son salut, il est de la justice divine de l’abandonner au mal, donc de vouloir ce mal16. Anselme préfère ainsi, dans sa solution, débattre de ce qui constitue à ses yeux le fond du problème, à savoir les rapports entre la miséricorde et la justice divines. Le maître ne laisse pas pour autant de côté la question de formulation qui est à l’origine de la collatio sententiarum. Sans revenir sur la première expression (« ne pas vouloir le mal ») qui n’est pas modifiée, Anselme s’efforce de préciser les nuances de la volonté divine positive (« vouloir tout ce qui arrive ») et distingue une volonté de miséricorde et une volonté d’endurcissement17. À lire la lettre, la solution d’Anselme émane directement de l’Écriture et se conforme aux modes d’expression scripturaire : la structure argumentative très dense sert d’écrin aux citations qui scandent les principa13

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Le titre, ici donné selon sa version tardive, se réfère directement aux collationes sententiarum : « Incipiunt sententiae ex divinis scripturis collectae quae contrariae videntur. Pro qua quidem contrarietate haec compilatio sententiarum Sic et Non appellatur » (Petrus Abaelardus, Sic et non, éd. B. B. Boyer, R. McKeon, Chicago - Londres, 1977, p. 113). Sur la date de l’ouvrage, voir C. J. Mews, « On Dating the Works of Peter Abelard », AHDLMA, 52 (1985), p. 73-134, à la p. 131, repris dans Abelard and his Legacy, Aldershot, 2001. Petrus Abaelardus, Sic et non, Prologus, p. 89-104. O. Lottin, PM, p. 176, l. 22-27. Ibidem, l. 27-37. Bien qu’elle ne soit pas explicitement désignée comme telle, la nature de la seconde est permissive, ce type de volonté n’étant qu’une forme d’abandon du pécheur par Dieu.

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les étapes de la démonstration18. Ainsi le verset 10 du psaume 24 permet-il, par exemple, d’introduire la distinction entre les deux volontés divines et d’affirmer la sentence du maître : « vouloir tout ce qui arrive », c’est vouloir aider miséricordieusement le juste et vouloir justement abandonner le pécheur19. De même, après avoir donné le versant positif de son enseignement, Anselme recourt à l’autorité de Paul et d’Augustin, commentateur de Paul, pour condamner les formules jugées déviantes qui aboutissent à faire de Dieu l’auteur du mal ou à nier en lui sa justice ou sa miséricorde20. Lectio et collatio sententiarum forment par conséquent les deux pendants d’une même pratique. La Bible, source de tout enseignement, fait l’objet d’une lecture (lectio) au cours de laquelle les explications fournies par les Pères bénéficient d’une attention soutenue. Parallèlement, les contradictions relevées entre différentes sentences bibliques sont traitées par le maître et les élèves au cours de collationes sententiarum qui consistent à harmoniser entre elles les dissonances relevées. Dans ce cas, comme pour la lectio, les autorités patristiques sont mises à profit pour résoudre les difficultés. Le cours d’Anselme constitue au sens propre une lectio, c’est-à-dire un art de lire, une manière de traiter les autorités pour parvenir à l’intelligence de l’Écriture. On comprend mieux l’opposition qu’Abélard marque entre son propre ingenium et l’usus anselmien. Le jeune maître entend progresser au moyen des ressources de son talent, tandis que le professeur expérimenté applique à la Bible une méthode éprouvée par l’usage et placée sous l’égide des Pères. Par conséquent, la première des opérations scolaires rappelées par Abélard concerne la préparation d’un apparat textuel, d’une glose : plus qu’un commentaire magistral continu, cette pratique correspond à la volonté d’Anselme de donner à la Bible une Glose complète. Quant au second exercice qui dénoue les contradictions scripturaires et résout un problème, il correspond parfaitement à la production de sentences magistrales21. Commentaires, gloses et sentences De fait, si les deux exercices sont solidaires, il reste à déterminer s’ils recouvrent des réalités tout à fait semblables. Autrement dit, il faut se demander si la sentence a toujours pour origine une glose ou un commentaire biblique. L’explication continue du Livre est-elle donc toujours l’origine formelle des sentences et du genre sententiaire, défini comme collection ou recueil de sentences ? 18

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Voir par exemple : « Porro constat » (l. 22), « autem » (l. 23), « « igitur » (l. 25), « sed » (l. 26), « ergo (l. 27), « autem » (l. 29), « enim » (l. 30), « ergo » (l. 32), « etiam » (l. 33), « enim » (l. 35), « sed » (l. 36), « ergo » (l. 37). En vertu du principe : « toutes les voies du Seigneur sont miséricorde et justice » (Ps. 24, 10). Ibidem, l. 37-44. Cfr l’interprétation concordante de R. W. Southern, Scholastic Humanism, t. 1, p. 254.

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Or, bien que les sentences attribuées à Anselme renferment souvent une amorce biblique explicite ou implicite, on n’en retrouve pas d’équivalent strict dans les livres glosés de la Bible22. En effet, parmi les sentences 31 à 97 de l’édition de dom Lottin23, seules les sentences L 34 et 82 se retrouvent ad verbum dans l’édition imprimée de la Glose24. Quant aux autres sentences, les parallèles avec la Glose sont trop faibles pour autoriser des conclusions fermes. La signification du fait n’est pas à sous-estimer, car elle implique une diffusion différente entre les gloses bibliques et la majorité des sentences magistrales. Constatant qu’un certain nombre de sentences d’Anselme portaient sur la Genèse et les épîtres de Paul, sans pour autant se retrouver dans la Glose, dom Lottin en a déduit qu’elles émanaient de commentaires perdus du maître25. Devant ces assertions, dom Anselme Stoelen a souligné de manière convaincante que la présence de citations de Paul en L 41, 85 et 87 ne permettait pas affirmer leur appartenance à un commentaire continu 26. Quant aux autres sentences avancées, rien n’oblige à trancher en faveur de l’hypothèse de dom Lottin, puisque L 89, qui contient une des citations pauliniennes les plus longues du corpus (I Cor. 5, 9-11), est constituée à partir d’un extrait d’un sermon attribué à Augustin renfermant déjà la citation27. De plus, L 56, comme L 27, est commune avec un commentaire attribué à Gratiadei, alors que L 28, 31, 54 et 55 ne s’y retrouvent pas28. Il ne reste ainsi que ces quatre sentences, où des versets pauliniens servent d’amorce à un développement, pour affirmer l’existence de commentaires disparus qui auraient donné naissance à des sentences recopiées par les élèves et transmises par les florilèges29. 22 23 24

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O. Lottin, PM, p. 81-82 et p. 181-182. L 31-97 sont les sentences anselmiennes contenues dans le Liber pancrisis. L 34, extraite du commentaire de l’Ambrosiaster, Commentarius in epistulas paulinas, Ad Romanos, 9, 14, éd. J. Vogels, Vienne, 1966 (CSEL 81), p. 319, l. 6-8 et 9, 11-13, p. 315-317, l. 18-1, se trouve également dans la glose Ad Rom. 9, 22, Biblia latina cum Glossa Ordinaria, t. 4, p. 294295. L 82 se retrouve partiellement dans la Glose pour les lignes 6-60 : « Gregorius. Cum prophetia rerum eventus immobili veritate pronunciet, falsum videtur quod Ysaias ait ad regem egrotantem… – …ipse non vidit » (Ad Is. 38, 1, Biblia latina cum Glossa Ordinaria, t. 3, p. 59). Il s’agit, selon lui, de L 27, 28, 31, 41, 54, 55, 56, 85, 87 et 89 pour Paul et de L 37, 38 et 39 pour la Genèse, cfr O. Lottin, PM, p. 82-83 et p. 121-122. A. Stoelen, « Bruno le Chartreux, Jean Gratiadei et la ‘Lettre de S. Anselme’ sur l’eucharistie », RTAM, 34 (1967), p. 18-83, aux p. 77-82. Concernant l’existence d’un commentaire anselmien sur le Genèse, dom Lottin conclut lui-même : « L’existence d’un commentaire suivi sur les premiers chapitres de la Genèse apparaît moins solidement fondée que celui sur les épîtres pauliniennes » (PM, p. 82). Augustinus Hipponensis, Sermones, 351, 4, 10, PL 39, col. 1546-1547. A. Stoelen, « Bruno le Chartreux », p. 78-82. L 28 et 54 se complètent et expliquent Heb. 2, 10, tandis que L 31 est un développement sur la volonté divine à partir de I Cor. 8, 4. L 55 se rapproche d’une courte glose sur les deux parties de I Cor. 15, 45.

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En fait, cette hypothèse n’est étayée par aucune indication positive. Elle n’a pour elle que l’idée générale selon laquelle la pratique théologique au début du xiie siècle consiste en une exégèse de la Bible dont l’unique expression serait le commentaire lemmatique continu. Réagissant justement contre la conception anachronique et insoutenable d’une théologie positive séparée d’une théologie biblique, cette position a toutefois pour inconvénient de ramener toute question théologique au seul genre exégétique. Celui-ci est sans conteste la cause matérielle de la sentence, mais n’en est pas forcément ni toujours la cause finale. De plus, la reconstitution proposée par dom Lottin amène à attribuer à Anselme probablement ou plausiblement un certain nombre de sentences pour la seule raison qu’elles émaneraient des commentaires sur la Genèse et sur Paul dont l’existence est elle-même supposée. Néanmoins, l’origine des sentences n’est pas si mystérieuse qu’un examen des manuscrits ne puisse l’indiquer. En effet, plutôt que de chercher à recomposer une genèse littéraire sur la base d’hypothèses invérifiables, il semble de meilleure méthode d’explorer la tradition manuscrite des sentences. L’enquête aurait dû revenir à l’éditeur des sentences qui a préféré les éditer selon un ordre systématique afin d’en favoriser l’étude doctrinale30. La présentation, apparemment justifiée pour écrire l’histoire de la doctrine anselmienne, s’avère une grave erreur dans la mesure où elle dissocie les sentences de leur contexte de diffusion et partant d’interprétation. En fait, l’appréciation même de la pensée d’Anselme de Laon est faussée par ce parti pris dont on n’avait pas encore mesuré toute la nocivité tant pour l’histoire des textes que des doctrines. En ce sens, le travail monumental accompli par dom Lottin a pâti d’une canonisation un peu précipitée : reconnu par son auteur comme une œuvre imparfaite, le tome cinq de Psychologie et Morale a servi de base à des reconstitutions doctrinales, alors que les assises n’en étaient pas suffisamment solides31. C’est pourquoi, même si l’autorité de la chose éditée s’est ajoutée à l’imposant travail de collation effectué par dom Lottin, il n’est ni présomptueux ni inutile de reprendre un dossier en apparence clos. En outre, bien qu’il soit souhaitable d’établir à nouveaux frais l’édition des sentences d’Anselme, notre propos est plus modeste et consiste à lire les sentences d’Anselme dans

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O. Lottin, PM, p. 17. L’aveu de l’auteur n’a rien d’une clause de style : « Le répertoire qui s’achève est incomplet et imparfait : mieux que nul autre l’auteur en a conscience » (PM, p. 441). Les difficultés auxquelles son travail a dû faire face ont été unanimement reconnues par les recenseurs, voir parmi d’autres, G. Gàl, Archivum franciscanum historicum, 52 (1959), p. 330-331, à la p. 330 : « Cl. A. negotium sane arduum simul ac utilissimum sibi suscepit multiplicia atque intricatissima problemata ad scholas Anselmi Laudunensis († 1117) et Guillelmi Campellensis († 1121) pertinentia in uno volumine pertractandi » et F. Van Steenberghen, Revue philosophique de Louvain, 60 (1962), p. 681-684.

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leur contexte de diffusion en postulant que celui-ci pourra conséquemment nous éclairer sur leur origine même. Pour ce faire, les manuscrits doivent recevoir une attention dont ils n’ont pas suffisamment bénéficié. Par là, nous n’entendons pas seulement les aspects codicologiques32, mais surtout le contenu des principaux témoins, seul à même d’éclairer l’enseignement d’Anselme. La tâche est notoirement difficile : en effet, aucun manuscrit, qu’il contienne des sentences ou des gloses, ne comporte la main d’Anselme ou des indications positives d’utilisation scolaire au sein de l’école cathédrale de Laon33. Face à des manuscrits bibliques glosés ou des recueils de sentences, il est le plus souvent difficile sinon impossible de préciser leur statut : s’agit-il de livres scolaires produits dans une école ou de livres copiés pour l’usage d’un particulier ou d’une communauté ? Par rapport à d’autres types de manuscrits, le manuscrit théologique souffre du sérieux handicap d’avoir servi à des élèves déjà formés : il n’y a donc aucune chance d’y trouver les explications lexicographiques ou grammaticales élémentaires caractéristiques des livres de classe34. De plus, les mentions de provenance, pour livrer les premiers linéaments d’une histoire de la réception des textes, renseignent sur l’histoire des collections plus que sur l’utilisation première des livres. Dans ces conditions, l’unique texte à fournir des points d’appui quelque peu solides à la critique d’attribution est le recueil connu sous le nom de Liber pancrisis, florilège des Pères et de maîtres du xiie siècle. Le LIBER PANCRISIS (LP)35 La constitution du florilège Depuis longtemps le recueil a attiré l’attention des historiens en raison de son témoignage exceptionnel, puisqu’il constitue la source la plus complète 32

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On ne saurait évidemment reprocher à des chercheurs formés au début du siècle passé de n’en avoir pas tenu compte. Contre B. Merlette, « Écoles et bibliothèques à Laon », p. 47-48, l’hypothèse de la présence de la main d’Anselme dans le manuscrit Laon, BM, 78, manuscrit glosé sur Jean, a été sérieusement mise en doute avec des arguments textuels par R. Wielockx, « Autour de la ‘Glossa Ordinaria’ », RTAM, 49 (1982), p. 222-228, aux p. 222-224 et, avec des élements codicologiques, par P. Stirnemann, « Où ont été fabriqués les livres », p. 259-260. Sur les critères de définition du livre de classe pour les manuscrits glosés de textes classiques, voir M. Lapidge, « The Study of Latin Texts in late Anglo-Saxon England : the Evidence of Latin Glosses », dans Latin and the Vernacular. Languages in Early Medieval Britain, éd. N. Brooks, Leicester, 1982, p. 99-140 et la réponse argumentée de G. R. Wieland, « The Glossed Manuscript : Classbook or Library Book ? », Anglo-Saxon England, 14 (1985), p. 153173, notamment aux p. 170-173. Cette section reprend, de manière plus développée, la matière d’un article écrit en collaboration avec C. J. Mews, « Le Liber pancrisis, un florilège des Pères et des maîtres modernes

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et la plus explicite sur l’école de Laon36. Néanmoins, l’exploitation scientifique du Liber pancrisis est demeurée sélective : il pâtit, avec d’autres florilèges du premier xiie siècle, du préjugé selon lequel l’organisation de ces productions est abandonnée à l’arbitraire37. Connu par les érudits de manière précoce, il a tôt fourni matière à des éditions qui ont surtout cherché à faire connaître les sentences d’Anselme et de Raoul de Laon ainsi que celles de Guillaume de Champeaux et d’Yves de Chartres38. Les chercheurs, accordant une confiance excessive à l’édition de dom Lottin en dépit de ses défauts reconnus39, se sont donc désintéressés à la fois des manuscrits qui le faisaient connaître et de son contenu autrement plus complexe que la bibliographie ne le laisse deviner.

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du xiie siècle », Archivum latinitatis medii aevi, 64 (2006), p. 145-191, aux p. 145-158. H. Denifle, « Die Sentenzen Abaelards und die Bearbeitungen seiner Theologia vor Mitte des 12. Jhs. », Archiv für Literatur- und Kirchengeschichte des Mittelalters, éd. H. Denifle, F. Ehrle, t. 1, Berlin, 1885, réimpr. Graz, 1955, p. 584-624 et M. Grabmann, Die Geschichte, t. 2, p. 141-142. Voir, entre autres, l’appréciation sur le Liber pancrisis de René Silvain qui parle de « collections incohérentes », cfr « La tradition des sentences d’Anselme de Laon », AHDLMA, 16 (1947-1948), p. 1-52, à la p. 29, n. 1. Pour Guillaume, voir G. Patru, Willelmi Campellensis de natura et origine rerum placita, Paris, 1847, p. 50-68, É. Michaud, Guillaume de Champeaux, remplacés, dans un premier temps, pour Guillaume et Anselme par G. Lefèvre, Anselmi Laudunensis et Radulfi fratris ejus sententiae excerptae, Évreux, 1895 et Les variations de Guillaume de Champeaux et la question des universaux. Étude suivie de documents originaux, Lille, 1898. Pour l’édition des sentences d’Yves, voir F. Pl. Bliemetzrieder, « Zu den Schriften Ivos von Chartres († 1116). Ein literargeschichtlicher Beitrag », Sitzungsberichte. Kaiserliche Akademie der Wissenschaften in Wien, Philosophisch-historische Klasse, 182-6 (1917), p. 1-89, aux p. 55-71. L’édition de référence pour les sentences d’Anselme, Raoul et Guillaume est désormais celle de dom Odon Lottin, PM. Elle reprend les éditions antérieures de F. Bliemetzrieder, « Autour de l’œuvre théologique d’Anselme de Laon », RTAM, 1 (1929), p. 435-483, de dom A. Wilmart, « Une rédaction française des Sentences dites d’Anselme de Laon », RTAM, 11 (1939), p. 119-144 et la série d’articles de dom Lottin, « Nouveaux fragments théologiques de l’école d’Anselme de Laon. Quelques manuscrits anglais », RTAM, 11 (1939), p. 242-259, « Nouveaux fragments théologiques de l’école d’Anselme de Laon. Florilèges de Saint-Amand », RTAM, 11 (1939), p. 270-285, « Nouveaux fragments théologiques de l’école d’Anselme de Laon. Quelques manuscrits français », RTAM, 12 (1940), p. 49-77, « Nouveaux fragments théologiques de l’école d’Anselme de Laon. Manuscrits de Munich », RTAM, 13 (1946), p. 202-221, « Nouveaux fragments théologiques de l’école d’Anselme de Laon. Quelques manuscrits allemands », RTAM, 13 (1946), p. 261-281, « Nouveaux fragments théologiques de l’école d’Anselme de Laon. Deux manuscrits d’Oxford », RTAM, 14 (1947), p. 5-31 et « Nouveaux fragments théologiques de l’école d’Anselme de Laon. Conclusions et tables », RTAM, 14 (1947), p. 157-185. Sur les nombreuses erreurs matérielles qui déparent le volume de dom Lottin, voir le compte rendu de J. Cottiaux, RHE, 55-1 (1960), p. 187-190, à la p. 190 : « on peut souhaiter un correcteur des épreuves plus attentif pour la prochaine édition » ; sur l’identification des sentences, voir H. Silvestre, « Marginalia au t. V (1959) de ‘Psychologie et morale aux xiie et xiiie siècles’ de dom Lottin », RTAM, 52 (1985), p. 209-216.

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Par rapport à tous les autres recueils rattachés à Laon, qu’il s’agisse de florilèges ou de collections de sentences magistrales, le Liber pancrisis se singularise par des traits distinctifs remarquables. La présentation matérielle mérite tout d’abord attention. Alors que la plupart des autres sentences de Laon sont copiées dans des manuscrits de facture plutôt fruste, le Liber pancrisis est transmis par trois témoins réalisés avec soin40. Le manuscrit le plus ancien connu à ce jour est actuellement conservé à la British Library dans le fonds Harley, sous la cote 3098 (e’)41. Le Liber pancrisis, copié par une main unique à l’écriture d’un module régulier, est le seul texte à occuper les quatrevingt onze feuillets d’un manuscrit de grande taille (285 × 185 mm)42. Selon Patricia Stirnemann qui a bien voulu en examiner le microfilm ainsi que ceux des deux autres témoins, il date environ des années 1170. Sa décoration, assez simple mais soignée, évoque le milieu cistercien, sans doute Clairvaux43. Un examen direct du témoin confirme que la copie du manuscrit a fait l’objet d’une grande attention. Le cadre de justification est observé avec une régularité systématique (190 × 115 mm), tandis qu’un effet visuel de mise en valeur du texte est obtenu en laissant d’importantes marges extérieures44. Est également remarquable la réglure à la mine de plomb assortie d’une mise en valeur à l’encre rouge du cadre de réglure, notamment aux feuillets 41v-42r.

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On peut ajouter un volume disparu, conservé à date ancienne à l’abbaye de Cheminon et que documente une note dans les archives des Mauristes : « Vidimus in bibliotheca Cheminonis librum sententiarum e patribus collectum in quo plures sunt sententiae Guillelmi Catalaunensis episcopi, e quibus apparet eum fuisse virum longe doctissimum », dans Paris, BNF, lat. 13068, fol. 223 cité d’après A.-M. Turcan-Verkerk, Les manuscrits de La Charité, Cheminon et Montier-en-Argonne. Collections cisterciennes et voies de transmission des textes (IXeXIX e siècles), Paris, 2000, p. 84. En outre, la notation est complétée par l’identification formelle de dom Mabillon dans une note de son édition des lettres de Bernard de Clairvaux : « Varia Guillelmi de Campellis theologica scripta laudantur in Panchrysis codice manuscripto Cheminionensi, Moralium epitome in Clarae Vallensi » (PL 182, col. 88D, n. 68). Sauf mention contraire, les sigles utilisés sont empruntés à la « table des signes » d’O. Lottin, PM, p. 451-452. On peut signaler l’intérêt paléographique du « g » parfois cambré ou en forme de 8, cfr fol. 5v : generatus, l. 12, et Originale, l. 13. Signalons notamment le décor anthropomorphe sur O pour la sentence augustinienne peut-être ajouté postérieurement : « O homo » (53v), les initiales filigranées : R (1r), D (3v), P (4v), C (5r), S et I (6r), B (25r), Q (86v), C (87r), les initiales simples : C et T (6v), E (x3) et H (7r) et passim. Ce sont notamment les initiales monochromes et les filigranes qui incitent P. Stirnemann à proposer cette localisation (communication orale de février 2006), sans pourtant exclure la région de Sens. Le parchemin de qualité comporte toutefois des trous comblés, cfr fol. 26, 31, 72, 76… Les marges extérieures mesurent 55 mm contre 20 mm en marge intérieure. Le texte est également placé vers le haut du feuillet avec une marge supérieure de 25 mm, contre une marge inférieure de 65 mm. Même en tenant compte du nombre important de manuscrits aux marges rognées, on ne retrouve pas une mise en pages similaires dans d’autres témoins portant des textes de l’école de Laon.

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Le codex cistercien est ensuite attesté après 1431 dans le fonds de la chartreuse de Rettel-lès-Sierck en Lorraine45. Le manuscrit Troyes, Bibliothèque municipale, 425 (T), lui est de peu postérieur : il a dû être copié dans les années 1175-1185. Ce manuscrit de cent quarante neuf feuillets contient aux feuillets 1ra-94vb des sermons et sentences de Pierre le Mangeur et aux feuillets 95ra-148rb le Liber pancrisis46. Ce témoin, de facture également cistercienne, est de grande taille (325 × 240 mm) et provient de Clairvaux où il a été copié47. Il présente aussi une décoration variée et exécutée avec soin48. La présence de deux manuscrits liés à Clairvaux attire l’attention. Comme il semble peu probable que les deux volumes aient eu vocation à demeurer à l’abbaye, on peut supposer soit que Harley 3098, extérieur à l’abbaye, y fut utilisé pour copier sur place Troyes, BM, 425 ; soit plutôt que ce dernier manuscrit, production clarévallienne, a été copié d’après Harley 3098, l’exemplaire de Clairvaux, et qu’au lieu d’être offert, il ne quitta pas l’abbaye. Le dernier volume à nous faire connaître le Liber pancrisis est plus tardif : le manuscrit d’Avranches, Bibliothèque municipale, 19 (V), date en effet du premier quart du xiiie siècle. Ses cent quatre-vingt feuillets offrent un contenu beaucoup plus hétérogène que les deux autres codices signalés49. À côté de diverses réflexions morales, V comporte le commentaire d’Étienne Langton sur les petits Prophètes50 (fol. 1ra-132vb), le Liber pancrisis (fol. 133rb-165vb) précédé d’une table des chapitres (fol. 133ra-b) et des extraits du Benjamin minor (fol. 169rb-178ra)51. De taille importante (235 × 180 mm), le manuscrit 45

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Sur un feuillet de garde d’une main du xve siècle ou début du xvie siècle : « B XXVIII. Iste liber est domus Sancti Sixti in Rutila ordinis carthusiensis. Hic continentur auctoritates precipue diversorum sanctorum doctorum de essencia et substantia Dei et de tribus personis. » et fol. 1r en marge inf. d’une main du xve siècle : « Iste liber est fratrum carthusiensium in Rutila prope Sirck ». Voir Cottineau, t. 2, col. 2452 : l’abbaye bénédictine Saint-Sixte fut cédée aux chartreux de Marienfloss en 1431 (diocèse de Metz, cant. Sierck). Ce manuscrit est un des plus anciens à porter l’ex-libris de la chartreuse dont la majeure partie du fonds est conservée à la BM de Metz. Il faut utiliser avec prudence les descriptions données par le Catalogue général des manuscrits des bibliothèques publiques des départements, in-4°, t. 2, 1885, p. 191-192 et F. Bliemetzrieder, Anselms von Laon systematische Sentenzen, Münster, 1919, p. 24*. Voir la mention : « Liber Sancte Marie Clarevallis » (149r). Il est présent dans le catalogue de Pierre de Virey de 1472 sous la cote « M 44 » (149v), cfr La bibliothèque de l’abbaye de Clairvaux du XIIe au XVIIIe siècle, éd. A. Vernet, Paris, 1979, p. 200, n° 1052. Il porte aussi les cotes anciennes « E 43 » barrée trois fois, « L 45 » barrée (149v). Pour les feuillets 95-148, on remarque quelques initiales filigranées comme R (95ra), Q (119ra et 140vb), D (143va). Les autres initiales simples du Liber pancrisis sont rubriquées. Quelques éléments dans le Catalogue général des manuscrits des bibliothèques publiques de France, t. 10, Paris, 1889, p. 13 et Bliemetzrieder, Anselms von Laon, p. 26*-27*. Stegmüller, RB, t. 5, Series A, 7843-7854. Le témoin est à ajouter à la liste établie par J. Châtillon, « Le De duodecim patriarchis ou Beniamin minor de Richard de Saint-Victor. Description et essai de classification des manuscrits », Revue d’histoire des textes, 21 (1991), p. 159-236. Il a été pris en compte dans le récent

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provient du Mont-Saint-Michel52. Comme dans les deux autres témoins, les initiales et les rubriques des sentences sont rubriquées. Le souci de lisibilité, l’élégance décorative et la facilité d’accès au contenu du manuscrit sont sans commune mesure avec les autres témoins contenant des sentences anselmiennes, même contemporains du Liber pancrisis. L’impression se confirme si l’on considère les caractères internes de l’œuvre. Contrairement aux autres recueils laonnois, le Liber pancrisis présente un titre qui en explicite le contenu et précise l’intention qui a présidé à sa réalisation. Très célèbre, l’incipit mérite d’être rappelé, selon les deux versions divergentes données par les manuscrits : Avranches, BM, 19

London, BL, Harley 3098 et Troyes, BM, 425

Sententie vel questiones sanctorum Augustini, Jeronimi, Ambrosii, Gregorii, Isidori, Bede extracte vel exposite a modernis magistris Guillelmo, Anselmo, Radulfo, Ivone Carnotensi episcopo (fol. 133rb)53.

Incipit liber pancrisis, id est totus aureus, quia hic54 auree continentur sententie vel questiones sanctorum patrum Augustini, Jheronimi, Ambrosii, Gregorii, Ysidori, Bede et modernorum magistrorum Guillelmi 55 Catalaunensis episcopi, Ivonis Carnotensis episcopi, Anselmi et fratris ejus Radulfi (fol. 1r ; 95ra)56.

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Comme une lecture du recueil en persuade aisément, le titre du manuscrit normand est peu correct : en effet, les sentences des Pères ne sont exposées par les maîtres modernes, mais les unes sont copiées au milieu des autres sans rapport de subordination57. La juxtaposition de la pensée des Pères et

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répertoire de R. Goy, Die handschriftliche Überlieferung der Werke Richards von St. Viktor im Mittelalter, Turnhout, 2005, p. 210. G. Nortier, Les bibliothèques médiévales des abbayes bénédictines de Normandie, Paris, 1971, p. 84 et 92. Entré à une date indéterminée au Mont, il en porte des cotes anciennes « M. 3 » (fragment collé de l’ancienne reliure au fol. 1), « N. 35 » de l’inventaire de Montfaucon, plat supérieur de la reliure « 4.0 » et en haut « 120 ». « Sentences ou questions des saints Augustin, Jérôme, Ambroise, Grégoire, Isidore, Bède extraites et exposées par les maîtres modernes Guillaume, Anselme, Raoul, Yves évêque de Chartres ». Les points communs entre les deux incipit sont signalés en caractères italiques. Hic] hec ante corr. e’. Guillelmi] Willelmi T. « Livre pancrisis, c’est-à-dire tout en or, car y sont contenues les sentences ou questions des pères Augustin, Jérôme, Ambroise, Grégoire, Isidore, Bède et des maîtres modernes Guillaume évêque de Châlons, Yves évêque de Chartres, Anselme et son frère Raoul ». Faute d’avoir consulté les manuscrits, Martin Grabmann s’est laissé induire en erreur : « Die Titelüberschrift im Manuskript von Avranches ist viel richtiger und prägnanter als die im Kodex von Troyes. Es handelt sich nicht um Sentenzen und Quästionen von Augustinus, Hieronymus, Ambrosius, Gregorius, Beda und Wilhelm von Champeaux, Anselm und Radulf von Laon, Ivo von Chartres, sondern vielmehr um Sentenzen und Quästionen

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des maîtres modernes correspond parfaitement à la rubrique donnée par les manuscrits londonien et champenois. Elle rend manifeste la conception qui a cours dans les milieux fidèles à Anselme de Laon : l’écolâtre de Laon, un des quatre grands maîtres modernes, prend place sur le même plan que les Pères. Ainsi que la présentation matérielle des manuscrits le prouvait déjà, le Liber pancrisis est un véritable écrin doré où sont enchâssées diverses pierres précieuses. Il ne reflète donc pas la conception qu’Anselme de Laon ou les trois autres maîtres pouvaient avoir de leurs sentences, mais la diffusion universelle que la génération suivante entend leur donner. La transmission de cette pensée se fait sous l’égide de la concorde, dans la mesure où aucune querelle des Anciens et des Modernes ne trouble l’accord des théologiens passés et présents. C’est tout le sens du parallèle établi entre les quatre Pères latins, Augustin, Jérôme, Ambroise et Grégoire, les deux grands éducateurs de l’Occident médiéval que sont Isidore et Bède et les quatre maîtres modernes Guillaume, Yves, Anselme et Raoul58. Dans l’esprit de ceux qui ont formé le recueil, ces derniers représentent pour leurs temps une sorte d’équivalent patristique. Au miroir de la rubrique, Guillaume, Yves, Anselme et Raoul deviennent donc des autorités scolaires au même titre que leurs illustres prédécesseurs. L’éclat brillant de ce liber totus aureus ne doit cependant pas faire illusion, mais invite l’historien à confronter la pétition de principe initiale d’un or pur sans mélange au contenu précis du recueil. D’un point de vue externe, aucun des trois témoins ne donne une séquence strictissimo sensu identique59, ce qui implique donc de numéroter chacune des sentences et de comparer les trois témoins. Pour la définition de la ‘sentence’, la présentation des manuscrits a primé sur les autres considérations faisant entrer en ligne de compte par exemple le travail de marqueterie littéraire très souvent effectué par le florilégiste ou sa source : c’est ainsi que régulièrement, sous une sentence séparée des autres par un pied-de-mouche et les indications rubriquées d’auteur et de titre, se cachent plusieurs phrases ou

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dieser Scholastiker, welche Texte und Gedankengänge der genannten Väter enthalten und entwickeln » (Die Geschichte, t. 2, p. 142). Le seul cas d’« extraction » de sentences patristiques par un maître est celui d’Yves, indiqué infra. Le sens de moderni correspond donc ici à une des acceptions médiévales qui oppose les Pères (antiqui) aux docteurs postérieurs (moderni), cfr M.-D. Chenu, « Notes de lexicographie philosophique médiévale. Antiqui, moderni », Revue des sciences philosophiques et théologiques, 17 (1928), p. 82-94, repris dans Studi di lessicografia filosofica medievale, éd. G. Spinosa, Florence, 2001, p. 69-81, à la p. 75. Pour le détail, voir C. Giraud et C. J. Mews, « Le Liber pancrisis », p. 148-152.

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morceaux de phrases d’auteurs différents60. Le manuscrit le plus complet est celui de Troyes qui contient trois cent soixante quinze sentences occupant d’une simple ligne à plusieurs colonnes. Le manuscrit de Londres n’en compte que trois cent soixante sept dans le même ordre61. Il a sans doute été mutilé de la fin, comme le laisse supposer le compte des cahiers. Quant à celui d’Avranches, il comprend quelque deux cent trente deux extraits communs aux deux autres manuscrits mais selon une séquence différente de ces derniers. De plus, la documentation du florilège est plus étendue que les noms indiqués par les rubriques : le patronage des Pères, le plus souvent celui d’Augustin, a servi à transmettre des auteurs que la tradition avait souvent rapprochés de docteurs plus fameux. La recherche des sources permet de tempérer l’uniformité apparente que la seule lecture des rubriques pourrait suggérer62. Chacune des identifications du Liber pancrisis exige, en effet, d’être soumise à l’épreuve des concordances électroniques, notamment les CD-ROM Library of Latin Texts et la Patrologie Database63. Avec ces moyens nouveaux, il est possible de confronter les attributions explicites du Liber pancrisis aux résultats de la critique d’authenticité :

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Les subdivisions d’une même sentence n’ont donc pas été retenues dans la numérotation, cfr par exemple la sentence 14 : « Idem. Si queris modum… – …prebet in singulis » qui se décompose en sentence 14 : « Idem. Si queris modum… – …non potest », 14bis : « Item. Non est vox ista corporalis » et 14ter : « Item ad Corinthios. Singuli accipiunt Christum… – …prebet in singulis », dont les auteurs diffèrent, mais dont le florilégiste par la mention « item » a suffisamment marqué la dépendance pour qu’on considère ces trois phrases comme formant un tout. Il convient donc de nuancer ce que dit R. Wielockx de e’, « La sentence De caritate et la discussion scolastique sur l’amour », Ephemerides Theologicae Lovanienses, 58 (1982), p. 5086, à la p. 58 : « un florilège « mixte », où l’on trouve, sans aucun souci d’ordre logique, des sentences patristiques et théologiques ». W. Hartmann, « Manegold von Lautenbach », p. 87-88 donne le relevé suivant des rubriques à partir de T : « sint 141 Stücke aus Augustin, 30 aus Gregor, 13 aus Hieronymus, 5 aus Ambrosius, 4 aus Pseudoisidor, 3 aus Isidor von Sevilla, 3 aus Beda und je 1 Stück aus Leo dem Grossen, Maximus von Turin, Nikolaus I. und Cicero ». Le gain de temps permis par ces outils et la sûreté des informations recueillies ne doivent pas en dissimuler la relativité : certains textes importants, même antérieurs à 1216, ne sont pas contenus dans la Patrologie et a fortiori dans le CD-ROM Library of Latin Texts plus critique mais moins complet. C’est le cas notamment pour des recueils de questions ou des textes exégétiques ayant circulé dans les écoles du temps et que les concordances informatiques ne contiennent pas, en raison de la dispersion de leur publication ou de leur caractère inédit. Sur ces banques de données et l’utilité des instruments plus anciens, voir F. Dolbeau, « Concordances et CD-Rom : réflexions d’un utilisateur », Le médiéviste et l’ordinateur, 28 (1993), p. 21-23. Sur les défis que pose la nouvelle « philologie numérique », voir F. Rastier, Arts et sciences du texte, Paris, 2001, p. 73-97.

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Autorité 64

Nombre de sentences selon les rubriques du Liber pancrisis (e’)65

Nombre de sentences établi de manière critique

Augustin

143

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Anselme

74

64

Guillaume

45

45

Grégoire

30

24

Yves

28

2

Jérôme

13

9

Amalaire

7

4

Ambroise

5

1

Bède

3

3

Isidore

3

4

Raoul

3

3

Cicéron

1

1

Fabien

1

0

Haimon

1

1

Hygin

1

1

Lanfranc

1

3

Léon

1

1

Maxime

1

0

Melchiade

1

0

Nicolas

1

1

Sirice

1

1

64 65

Les citations explicites du Liber pancrisis sont par conséquent à certains égards trompeuses car elles cachent une réalité plus complexe. Certains 64 65

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Elles ont été classées selon le nombre de citations explicites dans le Liber pancrisis. Contrairement au relevé de W. Hartmann, « Manegold von Lautenbach », e’ a été choisi comme témoin de base, puisque T en dépend. Quelques variantes singularisent T par rapport à e’ : pour LP 38 « Guillelmus » (e’, 15r) devient chez T « Gregorius » (105va), pour LP 80 « Anselmus » (e’, 25r) se transforme en « Augustinus (T, 114rb). T ne porte pas le nom de « Gregorius » pour LP 138. De même, pour LP 270, la rubrique « Anselmus » est supprimée au profit du début du texte « Leo papa » dont on a ainsi l’impression que Léon Ier est l’auteur. Pour LP 314 et 365, T ajoute la rubrique « Augustinus ». Quant à la forme « Guillelmus » de e’, elle devient habituellement « Willelmus » dans T, sauf pour LP 91 « Guillermus » (118va) et LP 112 « Willermus » (121vb).

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auteurs, cités explicitement ou non, n’apparaissent que de manière ponctuelle à l’occasion d’une sentence : c’est ainsi le cas pour le pseudo-Alcuin, Ambroise, Amphiloque d’Iconium, Benoît le Lévite, Cicéron66, Eusèbe Gallican, Fulgence de Ruspe, Haymon d’Auxerre, Hervé de Bourg-Dieu67, le pseudoJérôme, Hugues de Saint-Victor, Prosper d’Aquitaine et la préface du cinquième dimanche après l’Épiphanie. Yves de Chartres n’est cité en fait que deux fois, comme Raban Maur dont le nom n’apparaît pourtant pas. Bède, Paschase Radbert, Lanfranc de Cantorbéry et Raoul de Laon fournissent trois extraits chacun. L’Ambrosiaster, Gennade, Isidore et Amalaire sont mis à profit quatre fois. Jérôme est utilisé neuf fois. La proportion augmente pour Grégoire le Grand avec vingt quatre sentences. Se détachent nettement Guillaume de Champeaux avec quarante-cinq sentences, Anselme de Laon avec soixante quatre sentences dont il faut rapprocher six extraits des Enarrationes in Mattheum, et surtout Augustin qui rassemble sous son nom quelque cent cinq sentences authentiques68. À côté de textes attribuables avec certitude à un auteur, demeurent donc quatre-vingt dix-sept sentences transmises sous une attribution fausse ou douteuse69 : la présence de vingt et une d’entre elles dans d’autres florilèges liés à Laon les a fait traditionnellement rattacher à l’école70. Vingt-huit sentences attribuées dans le Liber pancrisis à Yves seraient aussi originaires de l’école de Laon pour des raisons de critique interne71. Enfin, quarante huit sentences n’avaient jamais été prises en compte auparavant et résistent à toute identification72. 66

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La citation de Cicéron (LP 358, Tusculanes, 1, 30, 74, éd. G. Fohlen, Paris, 19975, p. 46), surprenante dans un contexte théologique, est sans doute transmise par la Vita sancti Basilii (PL 73, col. 297B) mise à profit aussi pour l’extrait voisin, LP 357 (= 297B). La citation se retrouve aussi par exemple chez Pierre le Chantre, Verbum adbreviatum, 2, 56, p. 827, l. 214-215. Dans le cas de LP 313, il s’agit d’un simple rapprochement plausible avec Hervé de BourgDieu, compte tenu de la brièveté de la sentence et du grand nombre de textes exégétiques inédits dont il faudrait pouvoir rapprocher l’extrait avant de porter une appréciation mieux fondée. Sur l’importance d’Augustin pour l’école de Laon, voir M. Grabmann, Die Geschichte, t. 2, p. 153, H. Weisweiler, Das Schrifttum, p. 247, O. Lottin, PM, p. 443. Ces identifications correspondent donc à ce que R. Wielockx nomme « l’œuvre d’un fantaisiste », « La sentence De caritate », 59 (1983), p. 29. Elles ont éditées par O. Lottin sous les numéros suivants : L 98, 99, 138 l. 5-6, 138 l. 7-10, 165, 167 l. 1-4, 180, 185, 193, 211, 212, 214, 217 l. 1-3, 219, 224, 325 l. 1-3, 348, 353 l. 1-13, 406 l. 1-4, 406 l. 5-11 et 499. H. J. F. Reinhardt, Die Ehelehre der Schule des Anselm von Laon, Eine theologie- und kirchenrechtsgeschichtliche Untersuchung zu den Ehetexten der frühen Pariser Schule des 12. Jahrhunderts, Münster, 1974, p. 10-12 et p. 38-39. Ce matériel inédit, qui fera l’objet d’une publication, mérite attention : son absence dans les concordances informatiques permet de ne pas y reconnaître de simples extraits déjà connus, tandis que sa présence dans le plus important des recueils de sentences laonnoises porterait à y voir des textes de l’école encore inconnus.

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Ce qui frappe par rapport à l’ambition affichée du titre est donc le non respect du programme qui semblait devoir équilibrer la pensée des Pères et celles des maîtres modernes : les sentences de Jérôme, d’Ambroise, d’Isidore et de Bède, ou de Raoul de Laon et d’Yves de Chartres sont de fait peu représentées. Pourtant, un maître comme Yves est plus représenté qu’il n’y paraît. En effet, au moins dix-huit extraits patristiques du Liber pancrisis sont également cités dans le Decretum d’Yves73. La participation d’Yves au Liber pancrisis peut ainsi concorder avec la rubrique du manuscrit d’Avranches : les sentences des Pères ont été expliquées par certains maîtres tels Guillaume, Anselme et Raoul ou bien extraites par d’autres, en l’occurrence Yves74. Il reste que la symétrie entre les Pères et les maîtres modernes est au sens propre un simple effet d’annonce et non une réalité. Comparativement, Augustin, Anselme de Laon et Guillaume de Champeaux l’emportent sur les autres auteurs. Faut-il y voir une volonté délibérée ? En fait, ce que nous considérons aujourd’hui comme erreur d’attribution correspond souvent à une tradition bien établie dont le florilégiste est l’héritier. Ainsi le fait de transmettre le commentaire de l’Ambrosiaster sur les épîtres pauliniennes sous le nom d’Ambroise n’a-t-il rien que de normal à l’époque médiévale75. De même, Augustin étend son généreux patronage à des auteurs divers, en vertu d’un usage des plus banals. C’est particulièrement net pour les sentences eucharistiques où, selon une pratique attestée notamment chez Yves de Chartres, le nom du docteur de la grâce dissimule ceux de Lanfranc de Cantorbéry, Paschase Radbert, Fulgence de Ruspe ou Prosper d’Aquitaine. Il n’y a pas lieu de s’étonner outre mesure ou de soupçonner une manipulation significative du florilégiste, puisque le plus souvent ces erreurs d’attribution sont devenues des habitus littéraires76. LP 19-21 est ainsi un centon de Paschase Radbert de la fin du xe siècle, circulant dans le Liber pancrisis et au moins trente-quatre témoins sous le nom d’Augustin77. À cause d’un déplacement accidentel des références originelles indiquées par Paschase dans les marges 73

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Il s’agit des sentences LP 13, 14, 23, 26, 60, 219, 241, 242, 250, 277-284 et 324, voir aussi en annexe pour l’identification précise des renvois au Decretum d’Yves. La position finale d’Yves dans la rubrique du manuscrit normand, alors qu’il va en tête avec l’autre évêque, Guillaume, dans la rubrique du manuscrit londonien, pourrait même s’expliquer par son statut de simple extractor, tandis que les autres maîtres sont des expositores. L’appellation d’Ambrosiaster est le nom conventionnel donné depuis les Mauristes, et non Érasme, pour distinguer le commentateur des épîtres de Paul de son illustre contemporain milanais, cfr CPL 184 et R. Hoven, « Note sur Érasme et les auteurs anciens », L’Antiquité classique, 38 (1969), p. 169-174, aux p. 172-174. La portée doctrinale d’une attribution fausse est assurément d’un grand poids, notamment au sujet de l’eucharistie, mais il serait erroné d’en faire porter la responsabilité au seul auteur du florilège. J.-P. Bouhot, « Extraits du De corpore et sanguine Domini de Pascase Radbert sous le nom d’Augustin », Recherches augustiniennes, 12 (1977), p. 119-173.

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de son traité, le nom d’Augustin s’est trouvé associé à des extraits qui n’étaient pas de sa plume78. Le milieu d’origine et la portée du Liber pancrisis Grâce à l’identification des autres sentences, la critique peut proposer des indices un peu plus assurés de localisation et de datation. L’hypothèse parfois retenue est que Pierre le Mangeur a composé ce recueil : elle s’appuie sur le témoignage du chroniqueur cistercien Aubri de Trois-Fontaines qui donne, dans sa chronique rédigée entre 1227 et 124079, cette attribution apparemment recevable80. En faveur de l’attribution à Pierre le Mangeur, on peut rappeler que le futur chancelier de Notre-Dame a été l’élève d’un obscur Jean de Tours qui fait référence lui-même à Anselme de Laon comme à son maître81. Pierre le Mangeur, petit-fils spirituel d’Anselme, aurait eu ainsi quelque intérêt à diffuser l’enseignement du Laonnois. Cependant, cette simple hypothèse semble moins fondée que la probabilité qui fait porter à Aubri de Trois-Fontaines la responsabilité de l’attribution du Liber pancrisis à Pierre le Mangeur. En effet, cette unique mention doit être soumise à discussion dans la mesure où il est fort possible que le cistercien, pour proposer cette identification, se soit appuyé sur une tradition cistercienne ou plus directement sur un des manuscrits. L’ordre de Cîteaux semble avoir manifesté un intérêt certain pour le Liber pancrisis82 : non seulement T, originaire de Clairvaux, nous en 78 79

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J.-P. Bouhot, « Extraits du De corpore », p. 138-141. M. Chazan, L’Empire et l’histoire universelle de Sigebert de Gembloux à Jean de Saint-Victor (XIIeXIV e siècle), Paris, 1999, p. 360-369. Chronica Albrici monachi Trium Fontium, éd. P. Scheffer-Boichorst, Hanovre, 1874 (MGH, Scriptores 23), p. 853, l. 15-19 : « Anno 1169. Parisius post magistrum Petrum Manducatorem magister Petrus Pictavinus cathedram tenuit theologicam. Qui Manducator cum esset Trecensis decanus Scolasticam hystoriam edidit ad Senonensem archiepiscopum Guilelmum qui postea fuit Remensis archiepiscopus. Cujus etiam Manducatoris habetur liber qui dicitur Pancrisis et liber sermonum ejus de solempnitatibus per anni circulum ». C’est l’hypothèse retenue avec précaution par H. Denifle, « Die Sentenzen Abaelards », p. 588, puis par M. Manitius, Geschichte der lateinischen Literatur, t. 3, p. 159, et commentée, avec non moins de prudence, par H. Weisweiler, Das Schrifttum, p. 77-78. Le fait est admis sans réserve par D. Van den Eynde, « Autour des Enarrationes », p. 82, A. Landgraf, Introduction, p. 141, ainsi que par la dernière étude consacrée à Pierre le Mangeur, Scolastica Historia Liber Genesis, éd. A. Sylwan, Turnhout, 2005 (CCCM 191), p. xii-xiii. Sur Jean de Tours, voir A. Landgraf, « Zwei Gelehrte aus der Umgebung des Petrus Lombardus », Divus Thomas, 11 (1933), p. 157-182, aux p. 157-160. Pierre le Mangeur a suivi les cours de Jean à une date indéterminée, cfr D. Luscombe, « Peter Comestor », dans The Bible in Medieval World. Essays in Memory of Beryl Smalley, éd. K. Walsh, D. Wood, Oxford, 1985, p. 109-129, à la p. 110. Sur l’intérêt de l’ordre pour les œuvres scolaires contemporaines, voir D. Frioli, « Libri e librarie nel mondo cisterciense : un esempio di concordia discors ? », dans Libri, documenti, epigrafi medievali : possibilità di studi comparativi. Atti del Convegno internazionale di studio

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conserve la version la plus complète, mais on a aussi rappelé la réalisation de e’, modèle de T, dans une abbaye cistercienne qui a toutes les chances d’être Clairvaux ainsi que la présence du Liber pancrisis à Cheminon au plus tard à l’époque moderne. L’abbaye est rattachée en 1138 à l’ordre cistercien, avec Trois-Fontaines pour abbaye-mère, elle-même fondée en 1118 à l’instigation de Guillaume de Champeaux, alors évêque de Châlons83. L’étude des sources utilisées par Aubri montre que pour rédiger sa chronique très documentée, le moine a parcouru depuis son abbaye de nombreuses établissements religieux non seulement en Champagne, mais aussi dans l’Empire84. Il est ainsi assuré qu’il a consulté à Clairvaux un passionnaire et sans doute aussi d’autres sources historiques contenues dans le riche fonds de l’abbaye85. Un témoin comme T ou un manuscrit apparenté expliquerait une attribution un peu rapide : en effet, comme il a été mentionné précédemment, le manuscrit contient une série de sentences et de sermons explicitement attribués à Pierre le Mangeur, puis s’achève par le Liber pancrisis86. Le glissement du nom d’un auteur à un texte anonyme qui suit est une pratique suffisamment commune à l’époque médiévale pour être considérée en ce cas comme probable. En revanche, il semble moins plausible qu’un maître tel que le Mangeur ait composé une œuvre de cette ampleur sans que les contemporains l’aient davantage remarqué87. D’autres éléments ressortissant à la critique interne permettent de localiser plus sûrement le Liber pancrisis dans le temps. Le point a été fort débattu en raison de son importance pour déterminer le crédit à apporter aux rubriques88. Placer le Liber pancrisis vers le milieu du xiie siècle, comme pourrait

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dell’Associazione italiana dei Paleografi e Diplomatisti, Bari (2-4 ottobre 2000), éd. F. Magistrale, C. Drago, P. Fioretti, Spolète, 2002, p. 169-272, aux p. 243-245. A. Dimier, « Trois-Fontaines, abbaye cistercienne », Mémoires de la société d’agriculture, commerce, sciences et arts de la Marne, 80 (1965), p. 38-51 et A. Erlande-Brandenburg, « L’abbaye de Trois-Fontaines », dans Congrès archéologique de France, 135e session 1977 Champagne, Paris, 1980, p. 695-706, aux p. 695-696. M.-G. Grossel, « Ces ‘chroniqueurs à l’oreille épique’. Remarques sur l’utilisation de la geste chez Philippe Mousket et Aubri de Trois-Fontaines », dans Ce nous dist li escris… Che est la verite. Études de littérature médiévale offertes à André Moisan, éd. M. Lacassagne, Aix, 2000, p. 97-112, aux p. 106-107 et surtout M. Schmidt-Chazan, « Aubri de Trois-Fontaines, un historien entre la France et l’Empire », Annales de l’Est, 36 (1984), p. 163-192, aux p. 167-182. Chronica Albrici monachi Trium Fontium, p. 731, l. 32-33 : « Quamvis enim hii duo sermones absque differentia in passionario Clarevallensi inscribantur sub nomine Rabani, tamen non videtur esse unus stilus amborum », passage signalé et commenté par M. SchmidtChazan, « Aubri de Trois-Fontaines », p. 174. Cependant, un travail plus approfondi sur les sermons et les sentences de Pierre Comestor contenus dans T est nécessaire pour mieux déterminer leur lien avec le Liber pancrisis, puisque la copie de T est le fait d’un seul scribe. Cfr aussi F. Bliemetzrieder, « Zu den Schriften Ivos », p. 46, n. 3. Voir O. Lottin, « À propos de la date de deux florilèges concernant Anselme de Laon », RTAM, 26 (1959), p. 307-314, cfr J. Longère qui place le Liber pancrisis dans la liste des spuria

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y inviter le seul examen des deux manuscrits les plus anciens, semble rendre suspectes les identifications proposées par les rubriques89. En fait, la proximité temporelle n’est pas toujours un gage assuré de fiabilité, comme l’éloignement ne signifie pas forcément détournement de la vérité. Il faut donc prendre en compte le travail accompli par le florilégiste et chercher à en évaluer le dessein : a-t-il créé de toutes pièces les rubriques ou s’est-il appuyé sur des dossiers préexistants ? L’œuvre est personnelle, comme le manifestent par exemple les éléments communs aux deux titres du florilège : la mise en parallèle des Pères et des maîtres modernes apparaît comme le souci majeur et peu commun du florilégiste. En effet, si la pratique est fréquente, sa mise en exergue constitue une originalité certaine. Il convient toutefois de ne pas réserver une acception trop rigoureuse à la notion de ‘modernité’. On a ainsi voulu interpréter le titre de « maître » donné par V à Guillaume comme un indice de datation antérieur à 1113, date à laquelle Guillaume devient évêque de Châlons90. Cependant, outre la pratique répandue de conserver le titre magistral à un clerc après son accession à l’épiscopat91, il faut noter que V contient la lettre à Héribrand dont la datation en 1116-1117 est hors de toute conteste92. De plus, la présence de sentences extraites ou proches d’Hugues de Saint-Victor, d’Hervé de Bourg-Dieu et des Enarrationes in Mattheum sont des indices plutôt probants pour dater le recueil des années 1130-1140. Le De archa Noe, sollicité pour un bref passage (LP 373), est une œuvre qui circule à partir de la fin de la décennie 112093. La sentence LP 313 est proche d’un passage du commentaire d’Hervé de Bourg-Dieu (1075-1150) sur l’épître aux Éphésiens. Ce commentaire tardif et influencé par Pierre Lombard et l’école d’Abélard nous placerait, selon Marcia Colish, dans les années 114094. Il est toutefois notable que ces deux sentences n’apparaissent pas dans V et que la première manque dans e’ en raison de l’incomplétude du codex. Cependant, tous les témoins contiennent quatre des six extraits des Enarrationes in Mattheum (B)95. On se souvient que le texte, daté sans certitude

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de Pierre le Mangeur : « Pierre le Mangeur », dans DS, t. 12-2, 1986, col. 1614-1626, à la col. 1620. O. Lottin, « À propos de la date », p. 314 : « Si l’on datait ces florilèges des approches de 1150, on devrait se défier de toutes leurs rubriques attribuant telle sentence à tel auteur ». O. Lottin, PM, p. 12. Le point est rappelé avec des exemples par D. Van Den Eynde, « Autour des Enarrationes », p. 81. Voir le chapitre II (première partie) avec la bibliographie afférente. P. Sicard, Diagrammes médiévaux et exégèse visuelle. Le Libellus de formatione arche de Hugues de Saint-Victor, Turnhout, 1993, p. 119-138. M. Colish. Peter Lombard, Leyde - New York - Cologne, t. 1, 1994, p. 190-191. Il s’agit des sentences LP 171, 198, 202 et 236. LP 350 est transmise uniquement par e’ et T, tandis que le seul T transmet LP 375, comme finale du florilège. Nous comptons six sentences contre D. Van Den Eynde qui en énumère sept, « Autour des Enarrationes », p. 57. En

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absolue des années 1140, dépend étroitement du commentaire d’Alençon (A)96. Or, Damien Van den Eynde a montré de façon très convaincante que les sentences LP 171, 202, 236, 350 et 375 dépendaient de A et de la glose sur Matthieu, tout en présentant avec B de fortes similitudes de rédaction97. Il semble donc acquis que B a servi de source pour ces extraits. Cependant, dom Lottin, souhaitant réviser les conclusions de Damien Van den Eynde, s’est intéressé à deux sentences que le savant franciscain n’avait pas traitées et conclut de cet examen à l’insertion de LP 198 et 202 en B98. Le point, d’importance, exige de reprendre en détails les textes pour juger sur pièces de la démonstration du bénédictin. Le premier extrait examiné est LP 202 remis dans le contexte de B. L’extrait se situe au premier chapitre de l’œuvre et commente, selon le sens moral, la généalogie d’Abraham en appliquant à chacun des patriarches une des vertus théologales99. Abraham, en raison de sa confiance en Dieu, représente la foi ; Isaac, joie de ses parents, manifeste l’espérance, tandis que Jacob, descendant des deux personnages bibliques, signifie la charité. Le commentateur décide de montrer plus en détails l’adéquation entre Jacob et cette vertu. Tout le passage est placé sous le signe du double. Le fils d’Isaac possède deux noms : Jacob, puis après son combat avec l’ange, Israël, c’est-à-dire « Voyant Dieu ». Il a aussi deux femmes Lia et Rachel, l’une féconde, l’autre moins100. Si l’on suit dom Lottin, il faut passer l’excursus que constituerait LP 202 pour reprendre le fil du texte à la compréhension duquel la sentence du Liber pancrisis n’apporterait strictement rien101. Le commentaire se poursuit alors en expliquant que tout homme, nouveau Jacob, doit d’abord combattre les vices et œuvrer à aimer son prochain avant d’aimer Dieu et de mériter de le contempler, maintenant par la foi, plus tard en réalité102. De même, la charité comprend deux vies, active et contemplative, qui correspondent respectivement à Lia et Rachel. La vie active, placée sous le patronage de Lia, est nocturne, vouée au prochain et par conséquent féconde, alors que la vie contemplative, à l’instar de Rachel, est lumineuse, consacrée à Dieu et peu prolifique. Il n’est jusqu’aux sept années passées par Jacob à servir qui ne

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fait, deux extraits des Enarrationes (1, PL 162, col. 1242D et 1252B-C) sont fondus en LP 171 (« Anselmus. Nota de Ezechia quod cum… – …non vives nisi fleveris »). La présence de sentences des Enarrationes était déjà notée par F. Bliemetzrieder, Anselms von Laon, p. 26*. Voir le chapitre premier (première partie). D. Van Den Eynde, « Autour des Enarrationes », p. 57-60. O. Lottin, « À propos de la date », p. 308-311. Voir l’ensemble du texte en PL 162, col. 1230C-1232B. Enarrationes in Mattheum, 1, PL 162, col. 1230D-1231A. O. Lottin, « À propos de la date », p. 309 : « cette pièce est un bloc inerte sans aucun lien d’ordre littéraire avec le contexte précédent ». 1, PL 162, col. 1231D-1232A.

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manifestent les sept commandements portant sur l’amour de Dieu et du prochain103. Or, si l’on concède que le passage peut se comprendre à la rigueur en l’état, il est tout à fait incorrect de dire que LP 202 en rompt l’unité. En effet, la sentence apporte une précision de taille qui manque tout de même au résumé précédemment donné. À aucun moment, la nature duelle de la charité n’a été formellement définie. C’est à cette distinction fondamentale que LP 202 consacre tout son développement. LP 202 commence par expliquer que la charité est double et s’étend à Dieu comme au prochain. Les deux formes possèdent chacune une certaine priorité : la charité envers Dieu est première par sa nature et sa dignité, tandis que la charité envers le prochain se manifeste chronologiquement en premier104. Après des développements consacrés à l’amour du prochain, selon que celui-ci est un homme bon, mauvais ou un animal, l’auteur conclut son développement en rappelant la priorité temporelle de l’amour du prochain105. Cet amour, bien orienté, mène à Dieu mais demeure imparfait tant que la vision face à face n’est pas obtenue. La sentence LP 202 s’inscrit donc parfaitement dans tout le passage consacré à Jacob. Elle seule permet de comprendre l’exégèse morale de Lia et Sarah comme figures de l’amour de Dieu et du prochain, ainsi que l’antériorité de Lia sur Sarah. De manière très logique, l’application tropologique aux figures vétérotestamentaires est précédée par une explication plus abstraite sur la nature de la charité (LP 202) dont il n’y a pas lieu de suspecter l’authenticité106. Quant à LP 198, le cas est tout aussi patent. Dom Lottin procède selon la même méthode et propose de lire le passage en en retranchant LP 198 considéré comme une interpolation107. Le texte porte à cet endroit sur les demandes du Pater et concerne, pour le passage qui nous intéresse, le fiat voluntas tua sicut in celo et in terra108. On peut citer le texte supposé originel selon dom Lottin : Que ta volonté soit faite etc. Les trois demandes qui restent ne peuvent être parfaitement remplies qu’au ciel. Nourri de ce pain quotidien, il demande que la volonté de Dieu soit faite sur la terre comme au ciel. […] Sur la terre comme au ciel, on peut l’envisager de diverses manières…109. 103 104 105 106

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Ibidem, col. 1232A-B. Ibidem, col. 1231A. Ibidem, col. 1231A-D. Quant à l’absence de tout lien littéraire affirmée par dom Lottin, on peut signaler par exemple ce parallèle : « per dilectionem proximi pervenitur ad dilectionem Dei » (1231D) et « « per dilectionem proximi ad contemplationem Dei pervenitur » (1232A-B). O. Lottin, « À propos de la date », p. 309-311. Enarrationes in Mattheum, 6, PL 162, col. 1307B-1308A. Ibidem, col. 1307B et D, cité sous cette forme par Lottin, « À propos de la date », p. 310 : « Fiat voluntas tua etc. Istae tres ‹ petitiones › quae restant non possunt impleri perfecte nisi in

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Or l’examen des manuscrits révèle que le texte de B ne commence pas avec la reprise de la seconde partie de la demande110, mais un peu plus tôt à un endroit que LP 198 ne porte pas111. Dom Lottin ne prend pas la peine de citer une phrase qui fait le lien logique et doctrinal entre les deux passages112. De la sorte, l’hypothèse de l’interpolation de LP 198 est soutenue par la pure hypothèse d’une transition ajoutée par l’auteur de B. Si l’on accepte le passage tel que les manuscrits de B le présentent, il se lit sans trouble. Le développement extrait par le Liber pancrisis sur les différents types de volonté divine s’explique par l’exégèse du fiat voluntas tua. Avant de commenter sicut in coelo et in terra, l’auteur de B s’est demandé dans un premier temps comment comprendre la réalisation de la volonté divine, alors que l’homme, en vertu de son libre arbitre, semble à même de lui résister. Les multiples distinctions entre les volontés miséricordieuse et justicière, elle-même distinguée en volonté de permission et volonté d’approbation, portent sur la possibilité même du fiat, de la réalisation parfaite de la volonté de Dieu affrontée à la libre volonté humaine. LP 198 explicite ainsi le début du texte où l’auteur notait que la parfaite réalisation de la demande ne pouvait se faire qu’au ciel, une fois que la providence a réconcilié en Dieu toutes les manifestations de sa volonté, apparemment contradictoires113. Ces difficultés étant définitivement écartées114, plus rien n’empêche désormais de considérer que le Liber pancrisis a tiré les six extraits d’un commentaire daté des années 1130-1140. Concernant le milieu d’origine du recueil, les deux manuscrits les plus anciens orientent la critique vers la France du Nord-Est, notamment l’abbaye de Clairvaux : si la confection des deux témoins à l’abbaye ne signifie évidemment pas que le florilège a été nécessairement constitué sur place, elle montre

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coelo. Pastus illo pane ‹ quotidiano › petit quod voluntas Dei fiat in terra sicut in coelo. […] Sicut in coelo et in terra. Diversis modis variari potest… ». « Sicut in coelo », selon la version donnée par O. Lottin. LP 198 : « Due sunt voluntates in Deo… – …operibus huic voluntati. » (Enarrationes in Mattheum, 6, PL 162, col. 1307B-D). LP 198 ne contient donc pas : « Orat ergo iste quod sicut voluntas Dei est in omnibus civibus coeli, ita faciat se et alios terrenos tales, qui in nullo modo voluntati Dei resistant, quod in nullo perfecte completur nisi in coelesti vita, et tamen aliquo modo in hac vita completur in sanctis, etsi non per opera, quia nullus sine macula vivere potest » (col. 1307D). Son existence est même minorée, puisqu’elle est qualifiée de « quelques mots », puis réduite à la conjonction ergo : « Cet ergo est sans doute fort habile mais il n’enlève rien au caractère anormal de l’insertion au texte emprunté » (« À propos de la date », p. 311). Cfr ainsi « Fiat voluntas tua etc. Istae tres [petitiones] quae restant non possunt impleri perfecte nisi in coelo » qui appelle « in coelo fiunt omnes Dei voluntates et nullus ibi voluntati Dei resistit » (ibidem, col. 1307B et D). L’absence de sentences du Liber pancrisis dans un florilège châlonnais, proche de 1140, prouverait l’antériorité du Liber pancrisis, démodé quelques décennies après sa composition supposée (O. Lottin, « À propos de la date », p. 311-312). La date des deux témoins les plus anciens du Liber pancrisis dispense de réfuter l’argument en détails.

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tout de même l’accueil accordé par la fondation de saint Bernard aux productions de l’école cathédrale de Laon. L’existence d’au moins quatre témoins médiévaux possédés à date ancienne dans l’ordre cistercien signifie davantage qu’un simple intérêt et atteste la volonté de constituer un recueil modèle en matière théologique115. Le point d’importance nuance donc toute appréciation trop tranchée sur une opposition irréductible entre le cloître et les écoles : l’ordre de Cîteaux participe, sinon à la création, du moins à la diffusion d’un florilège qui canonise l’enseignement moderne des maîtres urbains. Dans le troisième tiers du xiie siècle, l’ordre cistercien assure donc la diffusion dans le Nord-Est du royaume de modèles théologiques issus du premier quart du xiie siècle. Le Liber pancrisis, loin d’être le témoin contemporain de l’enseignement d’Anselme de Laon ou de Guillaume de Champeaux, organise plutôt la diffusion de cette pensée à une époque postérieure. Placer le Liber pancrisis dans les années 1140 n’a rien par conséquent d’illogique, car la période coïncide avec la maturité des élèves ayant suivi des cours dans les décennies 10901110116. L’opinion traditionnelle en la matière avait été d’accorder une confiance totale aux rubriques des manuscrits puisque les deux titres du florilège semblaient des garanties suffisantes d’ancienneté et donc d’authenticité des identifications. Cette certitude a fait long feu et il est maintenant couramment admis que les rubriques du Liber pancrisis demandent vérification117. De fait, un examen de l’ensemble du contenu a prouvé que certaines sentences attribuées à des Pères sont des sentences d’une autre autorité ou d’un auteur inconnu. Quant aux sentences attribuées à l’un des quatre maîtres modernes, pour n’être jamais des sentences d’un Père, appartiennent-elles toujours aux maîtres dont les noms ont été rubriqués ? En effet, pourquoi les identifications proposées pour les maîtres seraient-elles moins critiquables que celles données aux sentences patristiques ? La question est des plus délicates, car comme le Liber pancrisis est la principale source de la critique d’attribution des écrits laonnois, récuser le Liber pancrisis revient à se condamner à une quasi impuis115

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Sur les florilèges cisterciens, voir notamment les travaux de T. Falmagne, « Les cisterciens et les nouvelles formes d’organisation des florilèges aux 12e et 13e siècles », Archivum latinitatis medii aevi, 55 (1997), p. 73-176 et Id., Un texte en contexte. Les Flores paradisi et le milieu culturel de Villers-en-Brabant dans la première moitié du 13 e siècle, Turnhout, 2001 ; pour l’attribution du Florilegium Angelicum au cistercien Nicolas de Montiéramey, voir P. Stirnemann et D. Poirel, « Nicolas de Montiéramey, Jean de Salisbury et deux florilèges d’auteurs antiques », Revue d’histoire des textes, 1 (2006), p. 173-188. Voir sur ce point le chapitre II (première partie). Ainsi dès O. Lottin, « Pour une édition critique du Liber Pancrisis », RTAM, 13 (1946), p. 185201, à la p. 200 ; PM, p. 31-32 et l’excellent compte rendu de E. Kleineidam, Theologische Revue, 56 (1960), col. 199-202, à la col. 200 : « die Frage der Authentizität der Sentenzen ; sie hängt weitgehend von der Bewertung des Liber pancrisis ab ».

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sance118. Il faudrait pouvoir confronter les rubriques du Liber pancrisis à celles d’autres manuscrits. Or, si l’on retrouve dans quelques témoins certaines sentences attribuées dans le Liber pancrisis à des maîtres, c’est majoritairement sous le couvert de l’anonymat. Les sentences d’Yves illustrent le cas, alors que la critique interne appliquée à ces mêmes extraits rend sceptique sur leur authenticité. En effet, leur facture littéraire et leur contenu ne correspondent pas à l’œuvre par ailleurs abondante et bien connue du canoniste119. Pour Raoul, seuls deux autres manuscrits nous font connaître des extraits communs avec le Liber pancrisis120. Quant à Guillaume, la perte de Paris, BNF, lat. 18113 (†) est des plus regrettables car le témoin se présentait selon les descriptions anciennes comme un recueil de sentences de Guillaume121. Pour ces deux auteurs, la critique interne est réduite au silence, car les sentences du Liber pancrisis sont les uniques traces de leur enseignement théologique. La seule ressource qui demeure est de confronter les extraits à d’autres œuvres d’un genre différent, mais d’une authenticité un peu mieux établie. Par rapport aux autres maîtres modernes, la situation d’Anselme se présente de façon moins défavorable : de manière plus importante que les sentences de Guillaume de Champeaux et sans commune mesure avec celles de Raoul, les sentences placées sous le nom d’Anselme ont bénéficié au cours du xiie siècle d’une importante diffusion dont il convient d’évaluer l’ampleur. Étudier le Liber pancrisis n’a de sens qu’à partir du moment où il est situé par rapport à l’ensemble des autres témoins qui livrent les sentences d’Anselme. L’examen des manuscrits a de fortes chances de préciser certains points d’at118

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O. Lottin, PM, p. 16 : « Chacun sait qu’une note marginale n’est pas infaillible ; mais faute de critère plus sûr, l’érudit doit s’en contenter, pour le moment du moins ». Contre l’attribution de F. Pl. Bliemetzrieder, « Zu den Schriften Ivos », p. 79-80, de sérieux doutes sur l’authenticité yvonienne sont soulevés notamment par H. Weisweiler, Das Schrifttum, p. 24-25, N. M. Häring, « The Sententiae Magistri A. (Vat. Ms. lat. 4361) and the School of Laon », Mediaeval Studies, 17 (1955), p. 1-45, à la p. 30, n. 79, H. Zeimentz, Ehe nach der Lehre der Frühscholastik, Düsseldorf, 1973, p. 22, n. 54 et a silentio H. J. F. Reinhardt, Die Ehelehre, p. 10-12. Il s’agit de Paris, BNF, lat. 12999, décrit plus bas, et de München, BSB, Clm 22272, xiie et xiiie siècles, 152 fol., provenant de Windberg. Le manuscrit appartenait à date ancienne à l’abbaye châlonnaise de Saint-Pierre-auxMonts, cfr P. Ulrich, La bibliothèque de l’abbaye de Saint-Pierre-aux-Monts de Châlons-sur-Marne, Châlons-sur-Marne, 1954, p. 32-33, avant de passer à Saint-Euverte d’Orléans durant l’époque moderne, établissement auprès duquel le chanoine de Notre-Dame, Claude Joly, fait l’acquisition du manuscrit contre la remise à l’abbé du cartulaire de Saint-Euverte, voir L. Delisle, Le cabinet des manuscrits, t. 1, Paris, 1868, p. 432. Le manuscrit fait partie du transfert de 301 manuscrits de Notre-Dame à la Bibliothèque du roi en 1756 et y reçoit la cote « Notre-Dame 222 », cfr C. Denoël, « Le fonds des manuscrits latins de Notre-Dame de Paris à la Bibliothèque nationale de France », Scriptorium, 58 (2004), p. 131-173, aux p. 143147. Le manuscrit est signalé notamment par É. Michaud, Guillaume de Champeaux, p. 529530, tandis que des extraits (De prophetia et De caritate) ont été édités par G. Lefèvre, Les variations de Guillaume de Champeaux, p. 75-79, dont O. Lottin a reproduit l’édition du De caritate comme L 72.

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tribution, tout en permettant également de circonscrire les contextes de copie ainsi que la place réservée aux sentences d’Anselme. Tous ces éléments permettent ainsi de mesurer la portée et le succès de la pensée anselmienne en montrant les sentences pour lesquelles il a été le plus sollicité.

La diffusion des sentences anselmiennes dans d’autres florilèges Pour ce faire, il faut se tourner vers les recueils qui transmettent de façon majoritairement anonyme des sentences d’Anselme communes avec le Liber pancrisis. Ce type de florilèges, dont le contenu laonnois est le plus souvent non identifié, forme la majorité des manuscrits conservés et connus à ce jour. Leur nombre s’élève à une cinquantaine de témoins, chiffre appelé à être révisé au gré de la parution de nouveaux catalogues ou de l’examen plus précis des témoins déjà connus122. Une attention particulière a été accordée aux manuscrits conservés en France et en Grande-Bretagne : en effet, les témoins allemands ont fait l’objet de la remarquable monographie d’Heinrich Weisweiler, alors que les manuscrits des dépôts anglais et français n’ont bénéficié que d’un intérêt sélectif123. S’il n’est pas possible d’entrer dans une étude aussi détaillée que celle qui a été consacrée au Liber pancrisis, l’enquête entreprise à partir de ces témoins mérite d’être poursuivie afin d’affermir davantage la thèse de la constitution laonnoise de florilèges de sentences magistrales et patristiques. Parmi les témoins qui contiennent des sentences d’Anselme, tous n’offrent pas la même importance : la présence d’une ou de trente sentences dans un manuscrit n’offre évidemment pas la même signification. Le facteur numérique constitue donc une première manière d’appréhender une diffusion labile en proposant un classement. Pour interpréter convenablement cette documentation, il convient ainsi de regrouper les différents manuscrits selon la fréquence des sentences anselmiennes contenues. Ont été retenues trois classes de manuscrits : les témoins à forte présence anselmienne, à moyenne et à faible présence. L’examen sélectif de leur contenu peut ainsi servir à corroborer la solidarité déjà constatée entre extraits patristiques et sentences magistrales. 122

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La liste est obtenue à partir de la compilation des indices manuscriptorum des ouvrages de H. Weisweiler, Das Schrifttum, et O. Lottin, PM, ainsi que des indications données par H. Weisweiler, « Die wachsende Erkenntnis der Schule Anselms von Laon », Scholastik, 36 (1961), p. 111-115. Les manuscrits français ont été exploités mais seulement partiellement par dom Lottin, et l’annonce d’une étude, jamais parue, d’Eleanor Rathbone a détourné le savant bénédictin d’approfondir l’étude du contenu des bibliothèques anglaises, cfr O. Lottin, PM, p. 15, n. 2. Les prolégomènes de l’étude d’E. Rathbone se trouvent dans sa thèse inédite qui a pu être consultée à Londres : The Influence of Bishops and Members of Cathedral Bodies in the Intellectual Life of England, 1066-1216, Université de Londres, 1935, 2 volumes.

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Deuxième partie

Les florilèges à forte présence anselmienne En plus du Liber pancrisis, la première classe de manuscrits regroupe cinq témoins : Paris, BNF, lat. 12999 (F), Valenciennes, BM, 73 (B), Laon, BM, 173 (La), Oxford, Bodleian Library, Laud. Misc. 277 (O), et Bamberg, Staatsbibliothek, Patr. 93 (N)124. Afin de montrer clairement les liens qui existent entre les différents recueils et le Liber pancrisis, les résultats des dépouillements sont présentés sous forme de tableaux indiquant les rapports entre chacun des recueils et le florilège de référence qu’est le Liber pancrisis125. Pour établir ces données, les rubriques des manuscrits ont été le plus souvent suivies : une vérification systématique de toutes les attributions auraient représenté un travail d’édition qui ne relevait pas de notre propos. Par conséquent, les sentences non identifiées sont parfois des sentences patristiques et, à l’inverse, des sentences à rubrique patristique peuvent se révéler être des extraits d’œuvres plus récentes126. Les proportions données n’en sont pas moins significatives du poids des sentences communes avec le Liber pancrisis par rapport aux autres sentences : Nombre total de sentences

Sentences communes avec le Liber pancrisis

Sentences de l’école de Laon absentes du Liber pancrisis

Sentences patristiques absentes du Liber pancrisis

Sentences non identifiées

Liber pancrisis

375

F1-3

361

155

8

75

122

O

200

36

69

7

88

La

121

49

10

28

34

B

113

93

5

1

14

1-3

124

125

126

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48

Le témoin N n’ayant pu être consulté et dépouillé de façon systématique, il n’apparaît donc pas dans les tableaux récapitulatifs, voir sur ce témoin les indications de A. Landgraf, « Werke aus dem Bereich der Summa Sententiarum und Anselms von Laon », Divus Thomas, 14 (1936), p. 209-216, aux p. 211-212 ; H. Weisweiler, Das Schrifttum, p. 99-101 et R. Wielockx, « La sentence De caritate », p. 61-62. Comme certains manuscrits séparent par des pieds-de-mouche les parties d’une unique sentence du Liber pancrisis, une sentence du Liber pancrisis peut correspondre à plusieurs dans d’autres témoins. Le contraire est aussi attesté. Le premier cas est assez souvent avéré, le second paraît beaucoup plus rare : en effet, quelques vérifications et la familiarité avec les écrits patristiques indiquent la fiabilité de la plupart des rubriques patristiques.

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La transmission des sentences d’anselme de laon

Tous les manuscrits offrent donc une parenté certaine avec le Liber pancrisis : compte tenu du nombre de sentences dans chacun des recueils envisagés, les rencontres ne sont pas fortuites, mais prouvent les liens étroits qui existent entre ces différents recueils, malgré les différences de contenu. En effet, les sentences patristiques non présentes dans le Liber pancrisis ou non identifiées sont la plupart du temps propres aux témoins et ne se retrouvent pas dans les autres manuscrits. En outre, il est possible d’affiner notre présentation du contenu des plus importants manuscrits, en détaillant les parties communes avec le Liber pancrisis et en classant les témoins en fonction de la présence de sentences d’Anselme : Nombre total de sentences communes avec le Liber pancrisis

Sentences d’Anselme de Laon

Sentences de Guillaume de Champeaux

Sentences de l’école de Laon communes avec le Liber pancrisis

Sentences patristiques communes avec le Liber pancrisis

Liber pancrisis

375

64

45

49

164

F1-3

155

43

26

31

55

B

93

29

11

18

35

La

49

27

7

12

3

36

20

4

12

0

1-3

O

Le tableau qui précède met ainsi en valeur l’existence d’une transmission qui concerne aussi bien les sentences d’Anselme, de Guillaume que des Pères, à l’exception de O. Conformément à la situation constatée pour le Liber pancrisis, les sentences d’Anselme apparaissent toujours plus représentées que celles de Guillaume de Champeaux. En outre, chacun des témoins livre aussi des enseignements intéressants sur les modalités de diffusion. Parmi les cinq manuscrits, F fournit en raison de son ampleur les renseignements les plus utiles127. Il renferme quarante-huit sentences que l’on retrouve parmi les soixante-quatorze attribuées à Anselme dans le Liber pancrisis128. Ce témoin apparenté au Liber pancrisis est donc susceptible de fournir de précieux renseignements au prix d’un examen minutieux. Important recueil du xiie siècle de cent trois feuillets, formé d’au moins cinq unités codicologiques, il contient dans trois d’entre elles des florilèges d’autorités

127

128

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Employé dans son édition par dom Lottin, il n’avait jamais fait l’objet d’une utilisation ni d’une étude systématique. La majuscule « L » renvoie au numéro de la sentence dans l’édition de dom Lottin. L 42 qui apparaît à deux endroits du témoin n’est comptée qu’une fois.

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Deuxième partie

patristiques et modernes qui illustrent la diffusion de la pensée anselmienne129. Le premier ensemble (F1) documente sur le vif la constitution d’un petit dossier d’autorités. Dans la première unité formée de vingt et un feuillets, on lit, après des fragments principalement médicaux, une série de vingt-deux sentences comprenant des extraits des Pères, Jérôme, Augustin, Origène et Grégoire, mais aussi une sentence attribuée à Lanfranc et une autre à Anselme130. On retrouve sept de ces sentences dans le Liber pancrisis, non sans quelques différences qui singularisent la collection de F131. Ainsi, la séquence de sentences LP 165-167, qui possède une unité thématique liée à la durée de vie des bons et des méchants, donne des indications sur l’origine des œuvres que le Liber pancrisis a supprimées pour ne retenir que le nom de l’auteur132. Comme il est peu probable qu’un copiste se soit donné la peine de rechercher de telles références, la séquence de F donne un exemple de l’état des sentences avant leur insertion dans le Liber pancrisis. À cet égard, il n’est pas indifférent de relever précisément la manière dont les sentences ont été copiées, non seulement en s’attachant à la copie des rubriques, mais aussi aux différentes encres utilisées133. 129

130

131

132

133

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Sans doute copié dans le Nord de la France, Paris, BNF, lat. 12999 (F) provient de Corbie à date ancienne, cfr les mentions d’une main du xiiie siècle : « dominus Adam monacus de Corbeia dedit XIII d. pro summa super cantic(…) », et de la fin du Moyen Âge : « Che livre chi est a l’esglise de Corbie » (103v). Passé à Saint-Germain-des-Prés à l’époque moderne (« 596 » au fol. 1r), il est notamment utilisé par dom Gerberon dans son édition des homélies de saint Anselme, cfr PL 158, col. 26C. Fol. 9vb-11vb, dans l’unité comprenant les fol. 1-21, xiie siècle, plusieurs mains d’une écriture irrégulière (1vb-9vb) ou mieux formée (petit module : 9vb-11vb et plus grand : 12ra19vb), avec additions d’une main entraînée (3vb), 21 fol. sur 2 col. avec feuillets mutilés et refaits (1-3), nombre de lignes irrégulier, 265 × 155 mm (220 × 130 mm). Sur les fol. 1ra-9vb, voir M.-T. d’Alverny, « Survivance de la magie antique », dans Miscellanea mediaevalia, t. 1, Antike und Orient im Mittelalter, 1962, p. 154-178, aux p. 160-161. Il s’agit de LP 226, 187, 165-167, 163 et 154. Mise dans F sous le nom d’Augustin, la sentence LP 163 est attribuée dans le Liber pancrisis à Anselme (L 82). « In expositione beati Job libro XII. Nulla que in hoc mundo… – …fuit intus statutum » (11va, LP 165), « In expositione beati Job libro sexto decimo Moralium. Cum tempus vite… – …ex presenti vita subtraxit » (LP 166), « Jeronimus super Ysaiam prophaetam. Flevit Ezechias fletu magno… – …resuscitatos plurimos legerimus » (11va-b, LP 167). On peut distinguer cinq strates : « Joseph in Isaiam prophetam. O omnes sancti prophete… – …loquebatur in me » (9vb) (titre brun clair, de 4 mm de haut) ; 2 « Hieronimus in Zacharia propheta. Holdai interpretatur deprecatio… – …somnii consecutus est » (9vb-10ra) (encre noire, 2 mm de haut) à « Sententia donni Lanfranci archiepiscopi. Indicatum est de cujus… – …ut stabilitatem firmet » (10va, encre noire, 3 mm de haut) ; 3 « Gregorius super Iezechielem. Cum prophete dicitur increduli… – …assidui iniquitate sermonis » (10va-b, = LP 187) (encre brun clair, 4 mm de haut) ; 4 « Origenes in Levitico. Qui receperit in hac vita… – …cum seculis exdentur (sic) » (10vb) (initiale rubriquée, encre noire, 3 mm de haut) à « Augustinus. Quicumque sic cedit (sic)… – …ipse non vidit » (= LP 163, L 82, l. 33-60) ; 5 « Anselmus. Notandum quod Adam in eadem die… – …requiem intrare poterat » (encre brun clair, LP 154, L 42), « Heli : Deus meus, hel nomen Domini significat, per i meus

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La transmission des sentences d’anselme de laon

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Les changements dans la couleur de l’encre, visibles de prime abord, ne semblent pas devoir être imputés à une simple volonté de variatio stylistique dans la présentation des sentences. En effet, en plus de ces différences, on note également que les titres des sentences et leur module de copie ne sont pas homogènes, ce qui tend à prouver que cette série de sentences a été constituée par ajouts. À ce stade de la copie, les sentences sont autonomes avec l’indication de l’auteur et de l’œuvre d’origine, et parfois jusqu’au détail du numéro de livre. L’exemple de F1 montre ainsi les différentes étapes du processus de constitution d’un florilège : la sentence, repérée dans une œuvre complète, est copiée avec l’indication de ses références originelles, puis attire d’autres sentences qui s’ajoutent par strates successives. Le deuxième exemple (F2) illustre par sa relative complexité une forme de collection à mi-chemin entre le simple relevé de sentences éparses et un florilège aussi imposant que le Liber pancrisis134. En effet, dans la deuxième unité de sept quaternions (fol. 22-77), on relève une documentation laonnoise (fol. 22ra-58rb), à l’intérieur de laquelle on peut distinguer plusieurs ensembles plus ou moins cohérents135. Le plus intéressant pour notre propos est celui formé par quelque cent quatre-vingt-dix sentences copiées de manière homogène aux feuillets 22ra à 41vb : malgré un changement de mains, le modèle de copie et la mise en pages demeurent semblables. Les copistes, particulièrement attentifs à la correction du texte, abandonnent donc la forme encore fruste d’un relevé d’autorités à la présentation non standardisée pour proposer une mise en pages soignée136. Elle se caractérise par un titre général en capitales : Ex dictis patris Ansselmi (sic) Laudunensi civitate incipiunt (4 mm de hauteur) et par une suite de titres et de noms d’auteurs rubriqués (2 à 3 mm de hauteur), l’initiale rubriquée servant à distinguer les sentences entre elles (de 3 à 10 mm de hauteur). Plusieurs niveaux d’informations se dégagent donc : une origine d’ensemble (les « dits d’Anselme de Laon » comme source), l’indication d’un contenu et∕ou d’un auteur, la sentence comme

134

135

136

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notatur », « Sicut fuit vera mors, ita fuit vera derelictio. Qui autem erubuerit dicere veram derelictionem, erubescat dicere veram mortem ». Le contenu du manuscrit a quelque peu découragé l’annotateur de l’époque moderne : « Hec nihil aliud preter confusam testimoniorum undequaque conquisitorum farraginem indigestumque chaos dixerim » (22r, m. sup.). Paris, BNF, lat. 12999 (F2), xiie siècle (2e moitié), 55 fol. sur 2 col., 265 × 160 mm (220 × 120 mm). On relève plusieurs mains d’un petit module régulier (22ra-29vb au changement de cahier mais pas de texte, 30ra-41vb, 41vb-42ra, 42ra-57rb, 57va-58rb, 58rb-61va, 62ra-77vb), additions de texte typique de la première main signalant une relecture minutieuse (22ra, 23vb, 25vb, 28vb, 29rb, encadrées à l’encre rouge avec appel par trait à l’encre rouge : 22va, 26va, 29vb), correction par cancellation à l’encre rouge (26va, 1re ligne : sint] habent), nota dans la marg. int. (28r), correction par addition (30ra, 34va, 36vb…, 42vb, 43va, 44va…, dans un cadre 47rb m. ext.), cancellation (30ra) et expontuation (42va).

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Deuxième partie

élément littéraire de base. Les rubriques permettent de se repérer et servent dès l’époque pour un renvoi interne, même en cours de copie137. Les copistes de l’époque médiévale ne pensaient pas à l’évidence devoir placer tout cet ensemble sous la paternité littéraire directe d’Anselme, mais cette rubrique générale doit s’entendre des dicta d’Anselme lato sensu et pas seulement de ses authentica. L’expression, majestueuse dans sa formulation, garantit l’origine des sentences recopiées. Ce que met en jeu le titre général du florilège n’est donc pas la figure d’un auteur, mais celle de l’autorité. L’autorité dont s’honore le recueil n’est pas en effet seulement celle d’un maître, mais aussi d’un Père. Le nom d’Anselme reçoit ici la capacité à rendre authentiques des extraits nettement identifiés et soumis à son patronage. En ce sens, l’indication plus précise d’origine (ex dictis) renforce le prestige reconnu à Anselme : les dicta, conformément à une acception en usage dès l’antiquité classique, se réfèrent à des paroles célèbres, l’équivalent de hauts faits (gesta) dans le domaine intellectuel, dignes pour cela d’être mis par écrits138. Le titre général donné à ce recueil est d’une utilité limitée pour la critique d’attribution, car l’anonymat ne constitue pas une garantie systématique d’authenticité anselmienne : certains extraits des Pères sont dépourvus de rubrique et une seule rubrique patristique vaut parfois pour plusieurs sentences. Pour obtenir quelque certitude, la meilleure méthode consiste alors à confronter les rubriques de F et du Liber pancrisis, en tenant compte aussi des résultats obtenus par les concordances informatiques139. 140 Liber pancrisis

F

Numéros des sentences

Rubriques concordantes

Anselmus

Ex dictis patris Ansselmi…

L 31, 33, 43, 48, 50, 57, Certaine 65, 66, 69, 70, 75, 80, 81, 82, 83, 84, 85, 87, 88 l. 16-47, 91, 93

Rubriques du Liber pancrisis manifestement fautives

Augustinus, Jheronimus

Ex dictis patris Ansselmi…

L 138, LP 162, L 185, L 212, L 214, L 217, LP 288

Probable

Rubriques du Liber pancrisis peu crédibles en raison de la critique interne

Ivo

Ex dictis patris Ansselmi…

LP 255-256140, 257262, 300, 301

Probable

137

138 139

140

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Authenticité anselmienne

Comme l’atteste la mention rubriquée du fol. 38ra (« require retro »), et ce malgré le changement de main. Thesaurus linguae latinae, t. 5-1, Leipzig, 1934, col. 989-992. Deux cas particuliers n’ont pas été pris en compte : la sentence L 348, attribuée de manière erronée par LP et F à Augustin, et la sentence L 224, anonyme dans les deux florilèges. Les sentences LP 255-256 sont anonymes dans e’ et T.

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La transmission des sentences d’anselme de laon Rubriques du Liber pancrisis plausibles

Guillelmus

Ex dictis patris Ansselmi…

L 269, 279, 281

Contestable

Pour établir la valeur de la concordance entre les rubriques du Liber pancrisis et F, il faut en déterminer l’indépendance relative. Les rapports entre les trois manuscrits contenant le Liber pancrisis sont aisés à établir : à la suite de dom Lottin et de manière plus assurée, on peut affirmer que T dépend de e’ de manière étroite et que V tout en dérivant d’un archétype commun est un collatéral des deux autres manuscrits. En effet, comme dom Lottin l’avait déjà lui-même noté, les variantes données par le Liber pancrisis sont de médiocre valeur141. Elles ont été de ce fait souvent rejetées à juste titre en apparat par le savant éditeur des sentences. Quant à F, il présente de nombreuses leçons individuelles dont la fréquence et le poids excluent qu’il ait pu servir directement à la formation du florilège. Il possède cependant avec le Liber pancrisis un certain nombre de variantes communes défectueuses, sans toutefois les porter toutes142. Le témoin apparaît donc comme un collatéral du Liber pancrisis présentant un texte de meilleure tenue. On peut ainsi schématiser leurs rapports de la sorte :

dossiers d’autorités laonnoises

archétype du Liber pancrisis

F

V

e’

T

141 142

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PM, p. 81. Un exemple assez net est fourni par L 42 commune au LP et à F, dans lequel elle apparaît dans deux unités codicologiques différentes (F1 au fol. 11vb sous le nom d’Augustin pour les l. 33-60, F2 dans son intégralité sous le titre général anselmien au fol. 23rb-va). La collation est donnée pour les lignes communes aux trois versions (F1, F2 et LP) par rapport à l’édition d’O. Lottin, PM, p. 70-71, les variantes en gras signalent les lieux communs avec le Liber pancrisis : 33 dicit enim] om. F1 34 credit] cedit F1 vera non loquatur] non vera loquatur F1 F2, om. Lottin 36 mutat] om. F 1 F 2 39 suis] illis F 1 F 2 41 quia] quod F1 F2 43 viderentur F 2] videntur F 1 44 fuisse] debere esse F 1 F 2 46 rei naturam] naturam rei F1 47 esse cause] cause esse F1 F2 49 moriturum] moriturus F1 F2 50 sed] secundum F 1 F 2.

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Deuxième partie

L’authenticité anselmienne de vingt et une sentences communes à F et au Liber pancrisis apparaît comme acquise avec sûreté. Trois autres sentences, non présentes dans le Liber pancrisis, anonymes dans les autres témoins et éditées par dom Lottin comme d’authenticité probable (L 113 et 130) ou seulement plausible (L 213), appartiennent aussi, selon F, aux dits d’Anselme. Quant aux sentences de F pour lesquelles les rubriques du Liber pancrisis sont manifestement erronées, leur authenticité anselmienne est seulement probable. Les sentences inédites LP 162 et 288 ont été placées par le Liber pancrisis sous le nom de Jérôme sans doute en raison de leur contenu, puisque la première traite d’un point d’interprétation biblique et la seconde de la traduction du psautier. Les sentences L 138, 185, 212, 214 et 217 apparaissent dans le Liber pancrisis sous le nom d’Augustin143 : une mélecture d’Anselmus dans la source a pu causer l’erreur d’attribution. Dans toutes ces sentences, le traitement scolaire de points théologiques autorise à y voir le produit d’une école, probablement celle de maître Anselme144. On peut ajouter que les points communs à F et au Liber pancrisis ne se limitent pas aux sentences d’Anselme, mais concernent également des extraits patristiques. Ainsi F contient-il une bonne partie de la documentation augustinienne et paschasienne relative à l’eucharistie (LP 14, 19, 20, 21, 24, 25, 26), deux extraits de Grégoire (LP 165 et 189) et un extrait du pseudoJérôme (LP 334). Dans la même unité codicologique, aux feuillets 42ra-57rb, un autre florilège (F3) de cent quarante-neuf sentences présente de nombreux point de comparaison avec le Liber pancrisis. Comme ce dernier, il débute par une série de quatorze sentences qui forment également l’ouverture du Liber pancrisis145. Il possède en commun avec le Liber pancrisis quelque cent une sentences qui, si l’on se fie aux rubriques du Liber pancrisis, se répartissent comme suit : quarante constituent des extraits patristiques, vingt-trois sont de Guillaume de Champeaux, vingt et une d’Anselme de Laon, une de Raoul de Laon, tandis que seize appartiennent au même milieu scolaire. Parmi ces sentences, F n’identifie que celle des Pères le plus souvent par la mention du nom et ne fait exception que pour L 46, la célèbre questio sepe ventilata sur le châtiment des enfants morts sans baptême, dite ici sententia magistri Anselmi146. Parmi 143

144

145

146

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L 138, 185, 212, 214 et 217 sont présentes dans le Liber pancrisis respectivement comme LP 17, 157, 216, 218 et 332. La plus originale est L 138 qui utilise largement la lettre 287 d’Yves de Chartres, cfr L 138, l. 1-4 = Ivo Carnotensis, ep. 287, PL 162, col. 285C, l. 5-10 originales et reflétant la position d’Anselme de Laon (« Ad quod respondetur… – …apparuit alterius glorie », éd. O. Lottin, PM, p. 106), l. 11-50 = Ivo Carnotensis, ep. 287, PL 162, col. 285C-286C. Il s’agit pour LP 1-10 d’un groupe de sentences attribuées à Guillaume de Champeaux, puis d’extraits de Jérôme, l’Ambrosiaster et Lanfranc (LP 11-14). La sentence est transmise par un grand nombre de manuscrits où elle apparaît majoritairement sous le nom d’Anselme.

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La transmission des sentences d’anselme de laon

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les quarante-huit sentences non contenues dans le Liber pancrisis, trois sont revendiquées pour des Pères et quarante-cinq demeurent sans attribution147. Si les sentences nommément attribuées et présentes dans le Liber pancrisis posent des problèmes ardus, que dire des sentences anonymes ? Les éléments déduits du contexte sont d’interprétation délicate : la présence de sentences laonnoises à côté des pièces anonymes est-elle toujours un gage de provenance ? Le florilège est un genre où le compilateur prend son bien là où il le trouve sans toujours s’embarrasser de cohérence, notamment dans le domaine théologique. Il rassemble une collection d’opinions et ne présente pas forcément les positions d’un groupe de maîtres déterminés. Seule la copie dans plusieurs florilèges au contenu laonnois bien identifié permet de garantir avec quelque probabilité l’origine de textes dont la majeure partie demeure inédite. Il convient donc de se tourner vers le recueil de Valenciennes, BM, 73, (B) qui constitue un important manuscrit de cent cinquante-sept feuillets et contient trois parties communes avec le Liber pancrisis148. La première d’entre elles est étroitement apparentée à F3 puisque les deux témoins donnent dans le même ordre une série de sentences patristiques et théologiques, présentes différemment dans le Liber pancrisis149. Le témoin confirme la place des sentences de Guillaume de Champeaux au commencement de la compilation, ainsi que l’existence de sentences qui demeurent solidaires entre elles et portent par exemple sur l’accusation (LP 58-60), le baptême (LP 76-77), le mariage (LP 280-281) ou l’excommunication (LP 293-296). La seconde partie du recueil, plus courte et hétérogène, groupe les sentences sur la simonie et le mariage150. Enfin, un dernier ensemble de sentences offre une séquence commune avec F2 où elles apparaissent sous la rubrique anselmienne, mais sans grand lien les unes avec les autres151. 147

148

149

150 151

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Dom Lottin en a édité quatorze dont cinq se trouvent dans d’autres florilèges (L 103, 130, 158, 177 et 223) et neuf dans le seul F (L 98, 105, 106, 107, 181, 184, 186, 216 et 228). Valenciennes, BM, 73 (B), xiie siècle (3e quart), 152 fol., 250 × 165 mm, provient de SaintAmand où il a été copié et contient, parmi des pièces exégétiques, des sentences aux fol. 81ra-86rb, 88vb-91ra et 107ra-111vb. La copie en colonnes des sentences est effectuée sans recherche décorative ni mise en valeur particulière, les seules séparations sont assurées par des pieds-de-mouche qui n’apparaissent d’ailleurs pas systématiquement. Sur les manuscrits de Valenciennes, voir aussi O. Lottin, « Nouveaux fragments théologiques de l’école d’Anselme de Laon. Florilège de Saint-Amand », RTAM, 11 (1939), p. 270-285 et surtout F. Simeray, Le scriptorium, t. 2, p. 67-70. La série est constituée aux fol. 81ra-86rb par les sentences LP 1-14, 58-60, 76-77, 51, 101, 280281, 285, 170, 293-296, 75, 286, 78-79, 241-242, 297-298, 102, 282, 284, 93, 319, 325, 303, 209, 299, 330, 228, 227, 234, 233, 240, 305, 292, 307, 322, 290, 105, 192 et 106. Il s’agit respectivement de LP 88-89 et 255-261 aux fol. 88vb-91ra. Aux fol. 107ra-111vb, ont été relevées les trente sentences suivantes : LP 196, 218, 211, 331, 141, 201, 212, 216, 194, 200, 225, 262, 204, 169, 188, 333, 142, 189, 332, 199, 220, 320, 270, 94, 205, 157, L 223 (absente du Liber pancrisis), 338, 86 et 339.

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Deuxième partie

Le manuscrit n’est pas un exemple isolé de la présence d’Anselme à l’abbaye de Saint-Amand puisque trois autres témoins, également produits sur place et apparentés à B, contiennent des sentences de l’écolâtre de Laon152. La présence de ces manuscrits à Saint-Amand dans les années 1150-1175 participe d’une période de grande expansion pour la bibliothèque. En effet, sous l’abbatiat de Hugues II (1150-1169), l’abbaye connaît des conditions économiques très favorables qui correspondent à un intense mouvement de copie avec près de cent cinquante manuscrits produits153. Sans être un réel foyer intellectuel154, l’abbaye bénédictine met à jour ses collections : parallèlement à une copie très soutenue d’ouvrages patristiques, Saint-Amand s’ouvre aux œuvres contemporaines à partir des années 1150155. Yves de Chartres, Hugues de Saint-Victor et Bernard de Clairvaux de même que les livres bibliques glosés et les sentences d’Anselme font ainsi leur entrée dans le fonds monastique. Le manuscrit, Laon, BM, 173 (La) attire l’attention en raison de sa provenance. Conservé dès la fin du Moyen Âge à l’abbaye cistercienne de Vauclair, le recueil contient également des œuvres d’Hugues de Saint-Victor et se signale par une table des extraits qui reprend au début du recueil les rubriques des sentences156. Il offre des points de contacts certains avec F2 et B, tout en présentant quelques sentences qui font défaut à B157. Il est cependant notable que sa ressemblance avec F2 est nettement moins marquée que celle de B avec F158. Le manuscrit d’Oxford, Bodleian Library, Laud. Misc. 277 (O) se distingue au sein des florilèges à forte présence anselmienne par des caractères originaux qui le rapprochent de certaines compilations à moyenne présence

152 153 154

155

156

157

158

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Il s’agit de Valenciennes, BM, 14 (A), 180 (D) et 181 (E) étudiés dans ce même chapitre. F. Simeray, Le scriptorium, t. 1, p. 78-89. « Le foyer intellectuel du temps de Charles le Chauve était devenu une manufacture de livres » (A. Boutemy, « Le scriptorium et la bibliothèque de Saint-Amand », Scriptorium, 1 (1946-47), p. 6-16, à la p. 16, cité par F. Simeray, Le scriptorium, t. 1, p. 79). Sur le contenu du fonds au xiie siècle, voir F. Simeray, Le scriptorium, t. 1, p. 147-157 et D. Nebbiai-Dalla Guarda, « Livres et bibliothèques dans les monastères français au xiie siècle », dans Le XIIe siècle. Mutations et renouveau en France dans la première moitié du XIIe siècle, éd. F. Gasparri, Paris, 1994, p. 205-251, aux p. 228-232. Laon, BM, 173 (La), xiie siècle, 129 fol., provient de Vauclair, cfr A. Bondéelle-Souchier, Bibliothèques cisterciennes, p. 318-319. La table des extraits se trouve aux fol. 39r-41r : « I Johannes de onere penitentie… – …de pena peccati ». Il contient la série suivante : LP 237, 185, 246, 103, 239, 147, 247, 245, 302, 105, 242, 163, 168-169, 188, 196, 335, 218, 211, 141, 201, 212, 216, 194, 200, 225, 204, 333, 142, 189bis, 332, 94, 205, 88, 87, 339, 199, 73, 74, L 332, 337, 265-266, L 222, 35, 13-14, 12, 234, 233, L 363, 240, 227, 228, L 192, L 462, 93, 115. Les numéros en gras signalent les points communs avec F2. L’existence de points communs entre F et La avait été noté à partir de collations par R. Wielockx, « La sentence De caritate », p. 60, n. 48. Ainsi la série de sentences communes aux deux témoins est un peu différente en F2 qui intercale quelques sentences inconnues de La.

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La transmission des sentences d’anselme de laon

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anselmienne159. En effet, à l’exception de quelques sentences patristiques attribuées à Augustin, l’anonymat est la règle, tandis qu’un grand nombre de sentences par ailleurs inconnues singularisent son contenu. Par rapport aux autres témoins, la première série, aux feuillets 28va-43va (O1), est encore relativement homogène avec soixante-huit sentences dont quatorze d’Anselme, dix-sept communes à d’autres manuscrits et une de Guillaume160. L’examen de ce premier ensemble permet de signaler une copie relativement peu scrupuleuse et les liens étroits qu’entretient O1 avec Oxford, Bodleian Library, Laud. Misc. 216 (d’)161. La deuxième séquence de cent trois sentences aux feuillets 47rb-69rb (O2) singularise davantage la compilation puisque le témoin conserve, à côté de cinq sentences d’Anselme (L 60, 44, 59, 90 et 74) et trois de Guillaume (L 281, 263 et 241), soixante-neuf sentences apparemment originales, parmi lesquelles dix-sept seulement ont été publiées162. Enfin, un dernier élément de vingt-neuf sentences aux feuillets 69va-75va comprend une sentence anselmienne (L 58) parmi treize sentences non identifiées163. Le manuscrit O, pour s’éloigner du Liber pancrisis et de la structure du florilège, n’en est pas pour autant un témoin erratique. En effet, des indices concordants laissent penser que l’ensemble des trois compilations entretien-

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160

161

162

163

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Oxford, Bodleian Library, Laud. Misc. 277 (O), xiie siècle (3e quart), 200 fol., provient de Saint-Cuthbert de Durham avec table du contenu du xiiie siècle et cote ancienne « 1a 5ti F » habituelles à Durham, voir H. O. Coxe, Bodleian Library quarto Catalogues, t. 2, Laudian Manuscripts, éd. revue par R. W. Hunt, Oxford, 1973, col. 227-229 et R. A. B. Mynors, Durham Cathedral Manuscripts to the End of the Twelfth Century, Oxford, 1939, p. 56, n° 73. Le contenu du témoin est en partie analysé par O. Lottin, « Nouveaux fragments théologiques de l’école d’Anselme de Laon. Deux manuscrits d’Oxford », RTAM, 14 (1947), p. 5-31, aux p. 6-7. Les sentences, toutes anonymes, sont généralement distinguées par un saut de ligne et des initiales rubriquées, les dernières lettres du dernier mot ont été tracées en capitales avec espacement : « n i b u s », tandis que la fin de la colonne a été laissée en blanc (43va). Les sentences d’Anselme sont respectivement L 61, 97, 46, 36, 68, 76, 77, 78, 94, 95, 63, 47, 67 et 79. Les sentences présentes aussi dans d’autres témoins sont L 165, 289, 288, 353, 505, 25, 476bis, 168, 492, 493, 413, 131, 435, 363, 374, 26, 332. Guillaume est représenté par L 238, pour les lignes 1-39 (le témoin n’est pas signalé et n’a pas été collationné par dom Lottin). Quelques sentences, dont la séparation est requise pour le sens, sont copiées de manière continue comme L 165-463, 169-205 ou 493-413. La copie de L 374 s’arrête en plein milieu d’un mot (l. 1-8). O offre avec l’autre manuscrit d’Oxford, d’, les sentences communes suivantes : L 302, 463, 311, 169, 205, 179, 114, 176, 196, 226, 183, 192, 210, 191, 225, 215, 163, 189, 211, 178 et 491, le point était déjà relevé par O. Lottin, « Nouveaux fragments théologiques », p. 8. Les sentences anonymes sont distinguées comme en O1. Les sentences attestées par le seul O2 sont L 455, 421, 174, 503, 323, 369, 438, 333, 165, 346, 353, 342, 401, 344, 449, 436 et 424. Certaines des cinquante deux autres sentences n’en sont pas moins dignes d’intérêt. La fin de la colonne 69rb a été laissée en blanc, tandis que le copiste change au fol. 69va. Concernant les sentences de cette partie, on peut relever que L 58 n’a pas été collationnée par dom Lottin et que sur les treize sentences, il en a édité six (L 512, 144, 287, 511, 367 et 350). O présente également trois sentences communes avec d’ (L 514, 417 et 513).

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Deuxième partie

nent des liens de parenté avec d’, de même que O1 avec O2 et O3164. Les compilateurs de O ont donc souhaité rassembler une collection en privilégiant les sentences magistrales par rapport aux extraits patristiques165. Les florilèges à moyenne présence anselmienne Les témoins London, BL, Royal 5 E 5 (U) et 11 A 5 (g), Paris, BNF, lat. 12999 (F4), 16528 (G) et n. a. l. 451 (Na), Valenciennes, BM, 14 (A) et 180 (D) ainsi que Vaticano, BAV, reg. lat. 241 (Z) offrent un nombre moins important de sentences anselmiennes, mais n’en sont pas moins riches d’enseignement166. Dans cette catégorie, ont été regroupés les huit manuscrits dépouillés sur une douzaine renfermant de cinq à dix sentences anselmiennes167. Comme pour les témoins de la classe précédente, les résultats des dépouillements peuvent être présentés sous forme de tableau : Nombre total Sentences de sentences communes avec le Liber pancrisis

Sentences de l’école absentes du Liber pancrisis

Sentences Sentences non patristiques identifiées absentes du Liber pancrisis

Liber pancrisis 375

48

G

672

13

16

471

172

Na

358

9

11

152

175

F4

133

10

8

44

71

Z

55

16

24

0

15

A

44

26

6

2

10

D

33

31

0

2

0

g

25

8

6

1

10

U

12

5

3

0

4

164

165

166 167

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Pour preuve, on peut signaler la répétition de sentences d’une partie à l’autre, comme L 346 et 353 en O1 et O2 ou L 374 en O1 et O3. La table du contenu a bien enregistré le fait : « In hoc volumine continentur libri subscripti : Quedam sententie magistrales… » (1v). Le sigle Na est de notre fait. Sont également à signaler München, BSB, Clm 19136, 22272 et 22273 ; Oxford, Bodleian Library, Laud. Misc. 216. Sur ces témoins, voir respectivement Catalogus codicum latinorum bibliothecae regiae Monacensis, tomi IV pars III codices num. 15121-21313 complectens, Munich, 1878, p. 235, Catalogus codicum latinorum bibliothecae regiae Monacensis, tomi IV pars IV codices num. 21406-27268 complectens, Munich, 1881, p. 35-36 et H. O. Coxe, Bodleian Library quarto Catalogues, col. 186-188.

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La transmission des sentences d’anselme de laon Sentences de Nombre total Sentences de sentences d’Anselme de Guillaume de Laon communes Champeaux avec le Liber pancrisis

Sentences de l’école de Laon communes avec le Liber pancrisis

Sentences patristiques communes avec le Liber pancrisis

Liber pancrisis 375

64

45

49

164

Z

16

7

1

8

0

Na

9

7

0

2

0

A

26

6

12

1

7

G3

13

5

0

2

6

F4

10

5

2

1

2

g

8

5

1

1

1

U

5

5

0

0

0

D

31

2

10

2

17

Seule l’étude du contenu des différents manuscrits rend significatifs les chiffres indiqués. En effet, le nombre moyen de sentences anselmiennes recouvre une certaine variété de situations selon les témoins consultés. L’arbitraire n’est toutefois pas la règle, puisque certains traits distinctifs lient les manuscrits entre eux. Quelques témoins conservent des points communs avec le Liber pancrisis (A et D), tandis que d’autres manuscrits complètent avec des sentences anselmiennes des recueils de l’école (Z, g et U) et que certains les intègrent dans de nouveaux florilèges (F4, Na et G). A et D forment ainsi comme des Libri pancrises miniatures. Le témoin A, à l’instar du Liber pancrises, commence par donner les dix sentences de Guillaume de Champeaux et le groupe de quatre sentences eucharistiques168. Il s’en différencie ensuite avec une série de sentences identiques à celles dans F3 et B169. La suite est originale à l’exception de la sentence L 282, également renfermée par F170. Après des fragments exégétiques nettement séparés, une nouvelle suite de sentences rapproche encore fortement F3 de A171. Quant à 168

169

170

171

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Valenciennes, BM, 14 (A), xiie siècle (milieu), 176 fol. à 2 et 4 col., 510 × 340 mm, provenant de Saint-Amand où il a été copié, cfr F. Simeray, Le scriptorium, t. 2, p. 12-15. Il est présent dans l’Index major (mi-xiie siècle) : « Quadripertitum psalterium (…) et sententiae quorumdam doctorum » (F. Simeray, Le scriptorium, t. 1, p. 377, n. 240). La série des sentences en A (fol. 152va-156vb) commune avec F3 et B est la suivante : LP 1-14, 58-59, 234, 233, 240, 305. La série de sentences des fol. 152-159 forme un tout cohérent caractérisé par R filigrané orné de rinceaux de feuillages (Rerum), ainsi que par le mot final (haberent) en pleine ligne. L 228, transcrite par dom Lottin d’après le seul F3, et à la suite dans F comme dans A : LP 108, 109, 110, 71. Comme A, F3 rapproche LP 66 et 91. A copie aussi LP 162, mais de manière isolée au fol. 176va, à la fin du manuscrit.

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Deuxième partie

D, son contenu rappelle aussi le Liber pancrisis puisqu’il ouvre son recueil par la série familière de LP 1-14 qui accorde une grande place aux sentences de Guillaume de Champeaux172. Son rattachement à un autre florilège est assez simple à établir, puisque la suite contient trois séquences identiques à celles de B173. L’apparentement entre A et F3 ainsi qu’entre D et B, solidement étayé, est encore confirmé par leur commune origine : A, D et B sont des recueils copiés à l’abbaye de Saint-Amand, tandis que F provient à date ancienne de Corbie. De manière directe ou indirecte, A a donc tiré sa documentation du contenu plus riche de F3, comme D l’a fait par rapport à B. D’autres manuscrits à présence anselmienne moyenne se situent tout différemment dans la constellation des manuscrits étudiés. Dans trois d’entre eux, la présence de sentences d’Anselme n’est pas liée directement à la constitution d’un florilège patristique, mais à un recueil de sentences auquel elles viennent s’ajouter. En Z, g et U, la part patristique est minime, voire nulle, au regard de celle accordée aux sentences laonnoises. Le plus caractéristique est Z, déjà bien connu pour conserver une rédaction originale du recueil Principium et causa174. Le manuscrit a en commun avec le recueil les sentences consacrées à Dieu, la création, la rédemption (fol. 187v-208r), puis donne de manière originale une série de sentences sur le mariage (fol. 208v-213r) et un autre groupe de sentences regroupées par leur éditeur sous l’appellation lâche de De novissimis (fol. 213r-216v)175. Les sentences d’Anselme qui apparaissent n’ont plus grand-chose en commun avec l’esprit du Liber pancrisis : dans Z, elles sont contenues dans la dernière partie du recueil et constituent de petits développements autonomes176. Pareillement, dans g, on remarque que la fin du recueil Principium et causa attire une série de sentences dont la cohérence interne est rien moins qu’évidente177. En fait, si l’on s’en tient au standard de 172

173

174

175 176

177

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Valenciennes, BM, 180 (D), xiie siècle, 107 fol., 155 × 120 mm, provenant de Saint-Amand où il a été copié, cfr F. Simeray, Le scriptorium, t. 2, p. 135-137. Le témoin comprend, dans d’autres parties copiées par des mains différentes, des sentences de l’école plus dispersées dans le témoin et éditées par dom Lottin, PM, p. 462. D contient juxtaposées les séries suivantes présentes en B, mais les groupes sont séparés les uns des autres en B par d’autres sentences : LP 58-60, 76-77, 51, 101 ; LP 240, 305, 292 ; LP 280-281, 270. Sur Vaticano, BAV, reg. lat. 241 (Z), voir A. Wilmart, Codices reginenses latini, t. 1, Codices 1-250, Vatican, 1937, p. 569-578 et Id., « Une rédaction française des Sentences dites d’Anselme de Laon », RTAM, 11 (1939), p. 119-144. xiie siècle (2e moitié), 217 fol., 230 × 140 mm, provenant du Nord-Est. Cfr l’édition de dom Wilmart, « Une rédaction française », p. 123-144. Selon la numérotation de dom Wilmart, les sentences d’Anselme sont les suivantes : 4 (LP 169, L 84), 5 (LP 188, L 33), 6 (LP 333, L 50), 10 (LP 69, L 38), 11 (LP 67, L 41), 12 (LP 68, L 55), 14 (LP 320, L 93). La sentence de Guillaume de Champeaux porte le numéro 13 (LP 92, L 277, l. 1-13). Seules les sentences 10-12 se rapprochent un peu de l’ordre du Liber pancrisis. Sur London, BL, Royal 11 A 5 (g), manuscrit composite du xiie siècle, 112 fol., à deux col., provenant du prieuré augustin de Merton dans le Surrey et mesurant 190 × 130 mm (155 × 95 mm), voir G. F. Warner et J. P. Gilson, Catalogue of Western Manuscripts in the Old Royal and

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mise en pages, les feuillets 1ra-25ra sont assez solidaires : le recueil Principium et casa y est encadré par des sentences anonymes que rien ne distingue178. La suite, aux feuillets 25ra-32vb, confirme l’impression d’une constitution par ajouts de couches successives au recueil primitif179. La sentence de Guillaume et les cinq d’Anselme apparaissent avec régularité au long des feuillets 19va30ra180. La copie de sentences anselmiennes dans U répond à la même volonté de compléter le recueil Principium et causa de quelques sentences181. Le copiste a visiblement mieux perçu la nature différente de ce qu’il copiait en séparant un peu plus nettement dans U le recueil du groupe des douze autres sentences dont cinq anselmiennes182. Parmi les manuscrits à présence anselmienne moyenne, une dernière classe de manuscrits (F4, Na et G) concerne des florilèges où la part des sentences anselmiennes et laonnoises, quoique non négligeable, est diluée par la présence massive de sentences patristiques et anonymes. Le contenu de ces manuscrits ne recoupe donc que très partiellement celui du Liber pancrisis et montre l’intégration des sentences d’Anselme dans un contexte différent.

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King’s Collections, Londres, 1921, t. 1, p. 337, A. Wilmart, « Une rédaction française », p. 143144, O. Lottin, « Nouveaux fragments théologiques de l’école d’Anselme de Laon. Quelques manuscrits anglais », RTAM, 11 (1939), p. 242-259, aux p. 249-250. Le recueil Principium et causa est copié aux feuillets 3rb-19va. Le fol. 1ra porte un titre rubriqué qui n’est pas un titre général, mais une indication comme on en rencontre dans la suite, avec une lettre initiale rubriquée de module important (15 mm de hauteur). Aux fol. 1ra-8rb, le titre occupe la ligne, bien que souvent la ligne soit laissée en blanc par absence de titre, avec un retour à la ligne pour la sentence qui commence par une initiale rubriquée de 8 mm de hauteur en moyenne. Aux fol. 8va-24va, les titres se font plus rares avec souvent des lignes en blanc entre les sentences, puis un émiettement avec l’apparition de pieds-de-mouche (24va-25rb). On remarque un nouveau type de titre à l’encre en capitales rustiques aux fol. 25ra-29rb (« De remedio originalis peccati. Contra originale peccatum… – …De missa papa Alexander. ufficit sacerdoti missam… – …penas et condempnacionem »). La suite est divisée par des pieds-de-mouche : « Queritur cur in festo innocentum… – …quoque die monstrat quod » (29rb-32vb, avec interruption en bas du fol. 32vb). Les six sentences signalées sont les suivantes selon la numérotation de dom Lottin : 1 (LP 212, L 279), 2 (LP 194, L 85), 3 (LP 199, L 69), 4 (LP 142, L 48), dont deux non relevées : LP 237, L 96 (29rb) et LP 331, L 70 (30ra). London, BL, Royal 5 E 5 (U) est un manuscrit composite formé de quatre unités (fol. 2-17, 18-49, 50-73, 74-81). Seule la seconde, formée de quatre cahiers de huit fol., nous concerne : xiie siècle, 32 fol., 210 × 130 mm (170 × 90 mm), avec une circulation médiévale anglaise (« Dominus Henricus de Iddebury », 82r), cfr G. F. Warner et J. P. Gilson, Catalogue of Western Manuscripts, p. 113. Le début du recueil Principium et causa est mis en valeur avec un P initial de 15 mm de hauteur. La différence entre la fin du recueil et la suite est marquée par un titre rubriqué qui correspond à la sentence In celebratione missarum introduite par une initiale à l’encre après un espace blanc. Les cinq sentences anselmiennes sont les suivantes : 3 (LP 194, L 85), 4 (LP 200, L 87), 5 (LP 225, L 80), 7 (LP 204, L 57) et 10 (LP 188, L 33). Dom Lottin qui compte onze sentences a omis de signaler la dernière, anonyme : « Interiora austi sunt… – …corporibus restitute perveniunt » (49v, Gregorius Magnus, Moralia in Job, 9, 11, 17, éd. M. Adriaen, Turnhout, 1979 (CCSL 143), p. 468, l. 135-139).

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Deuxième partie

F4 fournit un bon exemple de diffusion de sentences anselmiennes dans un cadre patristique original par rapport à celui du Liber pancrisis. Aux feuillets 78ra-85rb, est copié un florilège de cent trente-trois sentences où seuls les extraits patristiques et conciliaires sont identifiés183. Le reste du recueil contient une suite de notations d’inspiration souvent morale et exégétique parmi lesquelles l’on peut repérer cinq sentences d’Anselme, deux de Guillaume et trois autres sentences communes avec le Liber pancrisis dont deux patristiques. Le florilège renferme également six sentences que l’on retrouve dans d’autres manuscrits contenant des textes laonnois184. Il est délicat de décider de l’origine de la compilation qui possède peu de points communs avec le Liber pancrisis. Dans F4, l’autorité patristique des Pères est seule mise en avant, celle des maîtres comme Anselme et Guillaume n’est plus identifiée, mais s’efface tout en bénéficiant d’un voisinage prestigieux. Na est un recueil d’origine normande dont la copie soigneuse indique qu’il ne s’agit pas d’un volume scolaire, mais d’un livre de référence185. Malgré une présentation normalisée qui laisse penser à une origine unique, il est fort probable que le recueil représente le dernier stade d’une compilation de dossiers d’autorités. Ainsi les sentences anselmiennes ou laonnoises sont-elles concentrées en deux endroits du manuscrits, aux feuillets 35r-43v et 52r59v186. Sur le modèle des collections Z, g et U, les sentences patristiques reçoivent la portion congrue. Comme dans les manuscrits qui contiennent le recueil Principium et causa, c’est la présence d’une collection par ailleurs bien identifiée qui explique la copie des sentences. En effet, Na renferme aux feuillets 29r-34v une partie du recueil laonnois Deus de cujus187. L’originalité de Na tient à l’insertion de cette documentation dans un ensemble plus vaste où sa portée varie. 183

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Paris, BNF, lat. 12999 (F4), xiie siècle, l’unité est formée d’un cahier de 8 fol. (78-85) et porte des corrections dans l’interligne de la main du scribe (78va-b, 79ra-b…), 265 × 155 mm (220 × 120 mm). Le cahier rappelle très fortement par sa présentation les fol. 22-41 : si la main est différente, les éléments de distinctions sont semblables. On relève, en effet, les mêmes indications rubriquées de titres et-ou d’auteurs, les subdivisions sont aussi assurées par l’initiale rubriquée. Il s’agit de L 103, 222, 331, 324, 325 et 462. Dom Lottin a, par ailleurs, choisi d’éditer L 380 et 392 d’après cet unique témoin. Paris, BNF, n. a. l. 451 (Na), xiie siècle (2e quart), 75 fol., 190 × 120 mm (140 × 80 mm), copié par plusieurs mains normandes. Le manuscrit et son lien avec Laon ont été signalés en premier lieu par H. Weisweiler, « Die wachsende Erkenntis », p. 111-115, sans avoir fait l’objet d’une étude systématique. Sur ce témoin, voir aussi C. Giraud, « Tradition patristique et modernité théologique », p. 55-77. Ce sont les sentences suivantes : LP 94 L 43, LP 99 L 44, LP 103 L 60, LP 335 L 75, LP 337 L 79, LP 168 L 83, LP 211 L 88 l. 16-45, LP 145 L 165, LP 218 L 214, L 288, L 289, L 301, L 302, L 328 l. 1-47, L 328 l. 48-63, L 333, L 337, L 342, L 346, LP 141 L 348, L 353. Éd. H. Weisweiler, « Le recueil des sentences Deus de cuius principio et fine tacetur et son remaniement », RTAM, 5 (1933), p. 245-274. Le recueil apparaît ici sous une attribution fautive mais significative : « Augustinus de mundi principio » (29r).

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Sur les trois cent cinquante-huit sentences que compte le manuscrit, cent soixante-quinze sont non identifiées et cent cinquante-deux appartiennent à des autorités qui n’apparaissent pas dans le Liber pancrisis. Les auteurs cités le sont dans des proportions très variables : la part d’Augustin est très importante puisque le nom de l’évêque d’Hippone apparaît soixante dix-neuf fois, le nom de Grégoire réunit vingt-neuf mentions. D’autres auteurs sont présents mais de manière plus modeste comme certains papes cités treize fois, Isidore de Séville et Bède le Vénérable chacun six fois, des conciles quatre fois, Ambroise et Jérôme trois fois. De manière plus ponctuelle, on relève la présence de deux extraits de l’apôtre Paul, saint Anselme de Cantorbéry et Yves de Chartres. À titre de rareté, on ne trouve qu’une mention de philosophi, d’Origène, du pseudo Denys l’Aréopagite et de Cassiodore. Le traitement très inégal réservé aux Pères mérite d’être souligné : Ambroise et Jérôme sont presque inconnus, tandis que Grégoire le Grand est bien représenté et Augustin omniprésent dans le recueil. Est également notable la part faite aux textes normatifs que ce soit les citations d’actes conciliaires ou de lettres pontificales, présentes en plus grand nombre que des auteurs pourtant attendus comme Isidore ou Bède. Il est significatif qu’un des deux seuls auteurs contemporains nommés dans le recueil soit Yves de Chartres († 1116), utilisé notamment pour sa préface au Décret, pièce bien connue d’herméneutique juridique. À s’en tenir à la définition donnée par le canoniste dans sa préface, le manuscrit pourrait passer tout aussi bien pour un recueil canonique : Na est formé aussi bien de lettres des pontifes romains, de conciles d’évêques et d’écrits des pères188. Aux yeux des différents scribes normands ayant copié l’ensemble des sentences dans les années 1130-1140, l’intérêt des extraits laonnois consistait ainsi à compléter de leur modernité théologique les exposés patristiques et canoniques. Le témoin le plus représentatif de la diffusion anselmienne dans des florilèges de vaste ampleur est G, important recueil copié pour l’abbé bénédictin de Monopoli dans les Pouilles en 1188189. Sa date récente montre 188

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Ivo Carnotensis, Decretum, PL 161, col. 47B, et l’édition annotée et traduite de J. Werckmeister, Yves de Chartres. Le Prologue, Paris, 1997, p. 61 : « Exceptiones ecclesiasticarum regularum partim ex epistolis Romanorum pontificum, partim ex gestis conciliorum catholicorum episcoporum, partim ex tractatibus orthodoxorum patrum, partim ex institutionibus catholicorum regum, nonnullo labore in uno corpore adunare curavi », et B. C. Brasington, Ways of Mercy. The Prologue of Yvo of Chartres, Münster, 2004, qui estime, contre l’opinion commune, que le texte a été composé à l’origine comme traité autonome, puis utilisé comme prologue aux collections chartraines. Les renseignements sont fournis par le colophon rubriqué en capitales enclavées : « Anno M° C° octogesimo VIII, indictione VI, scriptus est iste liber qui vocatur Oculus aureus jussione domini Palmerii, cenobii Sancti protomartyris Stephani de Monopoli reverendi abbatis, anno abbatatus (sic) sui XXXIII », cfr C. Samaran, R. Marichal, Catalogue des manuscrits en écriture latine, t. 3, éd. M.-T. d’Alverny, Paris, 1974, p. 547. Paris, BNF, lat. 16528 (G) comprend 528 pages et mesure 245 × 150 mm (170 × 80 mm).

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éloquemment que, de la Normandie du deuxième quart du xiie siècle à l’Italie du Sud de la décennie 1180, l’intérêt porté aux sentences anselmiennes ne fléchit pas. Outre des pièces exégétiques et poétiques d’importance moindre pour nous, G est formé de trois importants florilèges qu’il importe de différencier précisément. Le premier dit Pater iste familias (G1) a connu quelque gloire en raison d’une attribution à Anselme de Laon190. Le point est d’importance car le recueil forme une compilation ambitieuse rangeant des extraits patristiques selon un plan en sept parties, de la Trinité aux fins dernières191. C’est d’ailleurs de tout le recueil le texte le mieux mis en valeur : il concentre tous les soins de mise en pages avec un réseau ornemental des plus développés192. La présentation très soignée du codex explique sans doute la confiance accordée à ses rubriques puisque l’erreur d’attribution tient à une lecture un peu rapide de l’explicit supposé de G1 : Finitur (sic) sentenzie a magistro Aselmo collecte (p. 252). L’incorrection grammaticale se résout d’elle-même si l’on accepte de mettre un point après finitur, explicit correct de la compilation qui précède. Sentenzie a magistro Aselmo collecte (G2) devient alors le titre de la collection qui suit aux pages 253-287 et qui s’achève par la mention expliciunt, de module similaire à l’incipit rubriqué de la page 252. Qu’en est-il de son authenticité anselmienne ? Elle semble fort douteuse, car sur les cent trente-quatre sentences qui constituent G2, seule quatre sont communes avec le Liber pancrisis193. Davantage qu’avec le Liber pancrisis, un rapprochement un peu plus net se remarque avec un autre florilège, F4, pour dix sentences194. Si l’on suit la rubrique, G2 serait ainsi le seul témoin à conser190

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194

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L’attribution erronée est le fait de H. Denifle, « Die Sentenzen Abaelards », p. 587. Elle est reprise par L. Saltet, Les réordinations. Étude sur le sacrement de l’ordre, Paris, 1907, p. 285-286, et par J. de Ghellinck, « The Sentences of Anselm of Laon and their Place in the Codification of Theology during the xiith Century », The Irish Theological Quaterly, 6 (1911), p. 427441. Pour le contenu et les sources de G1, voir l’appréciation sévère mais détaillée de J. de Ghellinck, « The Sentences of Anselm of Laon », p. 430-438 ; huit autres manuscrits sont indiqués par A. Landgraf, Introduction, p. 45. Le jugement de critique interne de M. Grabmann est correct à l’échelle de G1, mais inexact à celle du manuscrit complet : « in dieser Handschrift sich keine auf Anselm von Laon hindeutende Bemerkung vorfindet » (Die Geschichte, t. 2, p. 143). Voir ainsi l’initiale réservée peinte p. 3, les initiales à la plume dans la table des matières, et la prévision d’une réglure pour porter des gloses marginales exégétiques. Un renvoi similaire à ceux de la Glose est présent dans les marges : ainsi un rond barré pour indiquer sur une double page le changement de colonnes (p. 72-73). Sur la décoration, voir aussi F. Avril et Y. Załuska, Manuscrits enluminés d’origine italienne, t. 1, Paris, 1980, n° 41, p. 22-23 et pl. X et XI. LP 238, 345, 348 et 99 (L 44). Cent douze d’entre elles ne sont pas identifiées et dix-huit sont attribuées à des Pères. Le plus souvent, ces textes sont de courtes sentences exégétiques. En suivant l’ordre de G, il s’agit de LP 238 (G p. 257, F fol. 79vb), LP 348 (G p. 258-259, F fol. 79vb), LP 99, L 44 (G p. 265, F fol. 79ra-b) et des sentences : « Hoc ordine scandalum… – …viscera pandamus » (G p. 265, F fol. 80rb), « Non passim jubet… – …nec remissa indulgentia » (G p. 265, F fol. 80rb-va), « De meretricibus Paulus. Qui adheret meretrici… –

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ver un recueil anselmien de sentences. On sait qu’une datation récente ne doit pas disqualifier ipso facto un témoin. Cependant dans le cas précis de G2, la présence d’une seule sentence anselmienne attestée par ailleurs rend sceptique sur le reste du recueil conservé aux pages 253-287. Le cas de figure est donc différent de F2 où l’autorité d’Anselme (ex dictis patris Ansselmi) vaut pour un ensemble de sentences dont une bonne part est connue par d’autres collatéraux. Le scribe de G2 a probablement étendu à l’ensemble du recueil un élément d’identification de son modèle. Cela n’aurait rien d’étonnant, car il est certain que le copiste de G2 a éprouvé des difficultés à lire son modèle ou bien a reproduit un manuscrit déjà incorrect. G2 sépare en effet mal à propos les sentences entre elles et présente l’une des rares rubriques médiévales qui confondent Anselme de Laon et l’archevêque de Cantorbéry195. Plutôt que de transmettre un corpus cohérent de sentences rassemblées par Anselme de Laon, le florilégiste a donc intégré maladroitement quelques sentences communes avec F4 dans sa compilation. G3 pose les mêmes problèmes de délimitation puisque le copiste semble avoir mêlé plusieurs textes de nature différente. Ainsi, contrairement à ce qu’un examen rapide pourrait laisser croire le recueil ne commence pas à la page 321, mais 335, puisque le De essentia divinitatis, centon d’Eucher de Lyon souvent copié, est intercalé aux pages 322-335196. On a donc ‘seulement’ pris en compte les quelque six cent soixante douze sentences des pages 335-523. Seule une édition complète permettrait de dégager la structure détaillée du florilège. L’élément distinctif majeur de ce florilège par rapport à tous les autres est l’importance qu’il accorde à l’identification de ses sources197. Ainsi,

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196

197

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…sine ea minime » (G p. 266, F fol. 80ra), « Tribus vicibus ante passionem… – …Spiritum Sanctum dirigamus » (G p. 268, F fol. 82rb), « Item. Sicut trina est temptatio… – …Dominus ter orasse » (G p. 268, F fol. 82rb), « Notatur verbis Jude… – …vendentes reos esse » (G p. 268, F fol. 82rb, « Jeronimus. Nichil prohibuit Judam… – …homicidii scelus addiderit » (G p. 268, F fol. 82rb). Pour s’en tenir aux sentences communes à G et F4, L 44 est précédée dans G de cette rubrique : Solutio cuncta ob lectiones magistri Anselmi archiepiscopi. Deux exemples de séparation incorrecte en G par des pieds-de-mouche sont fournis par les sentences Hoc ordine et Non passim citées dans la note précédente. « Omnipotens Deus Pater et Filius… – …se manifestum demonstrare. Finit » (322-335, De essentia divinitatis, PL 50, col. 729B-737C et CPL 488). Les pages 321-523 sont copiées de manière très homogène sans solution de continuité, sauf deux lignes laissées en blanc p. 322. La fin du traité De essentia divinitatis n’est signalée que par la mention de fin copiée à la suite du dernier mot sans ponctuation forte ni mise en valeur décorative. La sentence suivante est introduite comme d’autres passages du texte précédent par un pied-de-mouche rubriqué et une initiale rehaussée de rouge. Souvent des majuscules et des rehauts à l’encre rouge signalent ces références, comme pour « Idem [i. e. Augustinus] de baptismo parvulorum ad Marcellum libro primo » (341). La précision s’étend parfois au numéro de chapitre, cfr « Augustinus super Genesim ad litteram libro ‹primo› capitulo XXo » (439) dont dépend la référence : « libro III capitulo XIIII » (440).

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en dépit de l’homogénéité de la présentation, les indications d’origine permettent de dégager quelques dossiers. Les éléments les plus identifiables sont, par exemple, les dépouillements d’œuvres augustiniennes réalisés à partir du De baptismo contra Donatistas (p. 385-387) ou du De baptismo parvulorum (p. 387-397), un ensemble d’épitaphes et de vers (p. 437-438), une suite de sentences anonymes qui sont des définitions (p. 480-485) ou encore une lettre d’Augustin (p. 506-513)198. Diverses autorités sont ainsi convoquées aussi bien les plus attendues dans un florilège théologique, comme les quatre Pères latins dont Augustin massivement présent, Bède, Raban et Cassiodore, que des auteurs antiques comme Sénèque ou Pline199. Dans cet ensemble hétérogène, douze sentences anselmiennes et laonnoises se trouvent aux pages 453-458200. Le seul détail infime mais probant qui signale ce groupe est le module de l’écriture employée pour les mots : Queritur cum peccatum non sit nisi ex voluntate (p. 453), puisque tant en hauteur que largeur, il est plus important de 1 à 2 mm. On peut supposer avec vraisemblance que c’est sans doute le vestige d’un titre attesté ici par le tracé des lettres. Il est aussi remarquable qu’un même incipit aux pages 453-457 les différencie des extraits patristiques : toutes les questions sont introduites par queritur avec un « R » barré pour la réponse201. Cependant, une sentence d’Anselme et des extraits attestés dans d’autres manuscrits sont également présents dans G3 de manière plus diffuse. Il est par conséquent difficile de rapprocher G3 d’autres recueils compte tenu de son caractère composite. On peut signaler qu’il présente une série de sentences du Liber pancrisis sur l’excommunication202, ainsi que neuf sentences communes avec F4, ce qui confirme le rapprochement entre G2 et F4 signalé précédemment203. Il n’en reste pas moins qu’à l’échelle du florilège, la proportion de sentences originaires de Laon est infime. Il serait donc imprudent dans ce cas d’en conclure au caractère 198

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200

201 202 203

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Il s’agit de la pièce la plus longue : « Bonifacio episcopo Augustinus in Domino salutem. Queris a me utrum parentes… – …quantum potui rationem » (506-513, Augustinus Hipponensis, Epistulae, 98, éd. A. Goldbacher, Vienne, 1898 (CSEL 34-2), p. 520-533). Voir ainsi par exemple p. 470 pour Bède et Raban ou p. 477-478 pour Cassiodore. Sur les autorités antiques, voir : « Plinius. Optimum judicem existimo… – …qui induit judicis » (357) et « De VIII sapientibus. Ionice philosophie princes fuit Tales Milesius… – …Socratres magister Plato » (357-358) ou « Seneca. Quietissimam vitam agerent… – …sine te numquam », « Teofrastus philosophus dixit… – …convivium cogita » (437). Parmi les sentences retenues par dom Lottin, on a mis en gras celles des pages 453-458 : L 326 (335-336), L 456 (336), L 139 (337-339), L 444 (339), L 89 (372-373), L 345 (374), L 132 (404405), L 462 (453), L 59 (453), L 118 (453-454), L 222 (454), L 60 (455), L 263 (455), L 208 (455), L 241 (455-456), L 74 (456-457), L 103 (457), L 324 (457-458), L 90 (458), L 101 (462-463), L 305 (464), L 422 (464), L 239 (467), L 423 (467), L 451 (474), L 396 (474-475), L 489 (482), L 286 (485), L 353 (491), L 325 (492). La règle ne souffre que l’exception de L 241 (455-456). Il s’agit de LP 293-296 aux pages 372-374, G3 y insère une sentence originale (p. 373). F4 a en commun avec G3 L 103, 263, 324, 462, 59, 60, 74, 241, 90. Alors que les sentences communes sont copiées en F4 aux seuls fol. 79rb-80vb avec d’autres sentences intercalées, elles apparaissent dans un ordre différent dans G3.

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laonnois de l’ensemble, et a fortiori des sentences anonymes. Le point soulève de manière connexe la question des sentences éditées d’après le seul G3 par dom Lottin204. Si la proximité dans le manuscrit avec des sentences authentiques ou l’identité de facture littéraire rend certains cas très plausibles, on comprend moins bien l’édition d’autres sentences205. G constitue donc une riche collection de trois florilèges dont chacun atteste un rapport différent aux autorités textuelles. G1 est remarquable par le soin qu’il apporte à la citation de ses sources. Proche des modèles fournis par les ouvrages canoniques, la table des matières aux pages 3-41 est exemplaire : elle porte l’indication des sept parties, puis pour chacune d’entre elles, la mention rubriquée du numéro de la question, son contenu et l’autorité servant à la résoudre, le plus souvent désignée par le nom de l’auteur et son œuvre206. L’ouvrage, que rien ne permet de rattacher à Laon, organise l’héritage patristique en le redéployant dans un cadre nouveau. Le De Deo et le De novissimis encadrent cinq parties qui traitent majoritairement de discipline ecclésiastique et de matières morales. Plus qu’un texte scolaire, il semble que nous soyons face à une compilation à l’usage du clergé. La raison d’être du florilège tient presque dans sa table de matières qui montre que les Pères ont réponse à tout, à charge pour le compilateur et le lecteur de déployer les virtualités contenues dans leurs œuvres. Dans G2, l’ordre est moins net : la rubrique d’incipit est mal placée, le nom d’Anselme attesté à tort. Les sentences se suivent sans se ressembler et rien n’est fait pour en faciliter le repérage. Enfin, G3 fait culminer l’impression de désordre : plusieurs dossiers textuels sont fondus dans une unité visuelle trompeuse parmi laquelle se lit la documentation anselmienne et laonnoise la plus dense de tout le manuscrit. Dans ce type de florilège, l’autorité d’Anselme prête son nez de cire à tous les remplois dans les contextes les plus divers. Contrairement à G1 qui gît avec de grands noms dans son cadre imposant, G2 et G3 témoignent, malgré leur fixation par écrit, des mutations auxquelles sont soumises les auctoritates.

204 205

206

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Il s’agit de L 101, 132, 208, 286, 325, 396, 422, 423 et 451. Les cas plus douteux sont L 101, 132, 286, 422 et 423. En sens inverse, il est aussi étonnant que la sentence entre L 263 et L 208 ait été omise : « Queritur si debeant separari et possint vir et mulier qui cohire non possunt. Responsio : si certum est virum esse ita frigide nature quod coire non possit, mulier vero fructum facere quem Deo nutriat voluerit, legitime alii, non tamen cognato relicti, nubere potuerit. Similiter si mulier instrumentum habile non habuerit, vir vero abstinere noluerit, aliam sed non ejus cognatam ducere poterit. Si vero cum ea remanere placuerit, pro sorore habeat » (p. 455). Par exemple parmi les « secunde partis capitula » (9-15) : « XLVI De distinctione in scripturis, Augustinus in III De doctrina christiana » (10). On retrouve dans le texte les références à l’auteur et à l’œuvre cités : « Augustinus in III de doctrina christiana. Cum figurate dictum sit… – …peccatorum terrenis fructibus. Idem eodem. Ubi neque prescripto fidei… – … in potestate legentis sunt » (73).

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Les florilèges à faible présence anselmienne Enfin, les manuscrits London, BL, Add. 34749 (Lo) et Arundel 360 (f), Orléans, BM, 284 (Or), Paris, Bibl. Arsenal, 93 (a), Paris, BNF, lat. 3004 (Pa), 3830 (Pb) et 18108 (h), Paris, Bibl. Mazarine, 694 (Pm) et Valenciennes, BM, 181 (E) forment une dernière catégorie de manuscrits qui ne transmettent qu’une faible proportion de sentences anselmiennes, d’une à quatre207. Le lien avec le Liber pancrisis est pour ainsi dire inexistant, puisque la présence de sentences d’Anselme dans ces manuscrits n’est plus liée à la transmission de la collection fixe d’autorités contenues dans le Liber pancrisis. De plus, l’absence de points communs des différentes séries de sentences entre elles souligne le caractère moins systématique de la diffusion dans les manuscrits à faible présence, ce qui met en valeur par contraste la cohérence de certaines des compilations précédemment signalées. Selon le traitement déjà adopté, les résultats des dépouillements effectués dans les manuscrits de la troisième classe peuvent être synthétisés ainsi : Nombre total Sentences de sentences communes avec le Liber pancrisis

Sentences de l’école absentes du Liber pancrisis

Sentences Sentences patristiques non absentes du identifiées Liber pancrisis

Liber pancrisis 375

48

Pm

115

2

1

59

53

Lo

51

1

1

9

40

f

41

1

20

2

18

Or

39

8

14

8

11

E

30

4

1

12

13

Pa

30

11

1

16

2

a

22

5

4

0

13

h

19

2

5

0

12

Pb

5

2

0

1

2

207

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Nous ajoutons les sigles Lo, Or, Pa, Pb et Pm à ceux choisis par dom Lottin.

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La transmission des sentences d’anselme de laon Nombre total Sentences de sentences d’Anselme communes de Laon avec le Liber pancrisis

Sentences de Guillaume de Champeaux

Sentences de l’école de Laon communes avec le Liber pancrisis

Sentences patristiques communes avec le Liber pancrisis

64

45

49

164

5

4

1

0

0

E

4

3

0

0

1

Pa

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2

0

1

8

Or

8

2

4

0

2

Pb

2

2

0

0

0

Pm

2

2

0

0

0

h

2

1

0

1

0

f

1

1

0

0

0

Lo

1

1

0

0

0

Liber pancrisis 375 a

Hormis Pm et Lo qui constituent des cas exceptionnels par leur nombre faible ou élevé de sentences, le groupe est numériquement homogène avec en moyenne une trentaine de sentences où la part de textes non identifiés, et probablement souvent patristiques, domine. Toutefois, l’apparente uniformité dissimule des contextes d’utilisation différents qu’il importe de spécifier selon la proximité avec des textes laonnois (a, f, Pa, Or, h) ou leur insertion dans un tout autre type de collection (E, Pm, Lo). On peut d’emblée écarter Pb où cinq sentences dont deux d’Anselme sont copiées à la suite de sermons de Geoffroy Babion sans solution de continuité mais à la fin, ce qui marque leur caractère accessoire par rapport au reste du recueil208. Le manuscrit à plus forte concentration anselmienne en contexte laonnois est a où, dans une unité codicologique de trente-deux feuillets, on relève aux feuillets 129r-139v une série de sentences nettement distinguées les unes des autres209. Une certaine unité thématique regroupe les sentences anonymes 208

209

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Paris, BNF, lat. 3830 (Pb), xiie siècle, 141 fol., 195 × 145 mm (165 × 105 mm), avec une décoration chartraine, voir aussi le Catalogue général des manuscrits latins, t. 7, Paris, 1988, p. 449454. Le manuscrit contient les sentences LP 337 L 79 (140v) et une variante de LP 292, L 89 (140v-141r). On relève une série similaire de sermons de Geoffroy Babion dans d’autres manuscrits de la BNF (lat. 3810, 3825, 3832 et 3833), mais seul celui-ci comprend les sentences d’Anselme. Paris, Bibl. Arsenal, 93 (a), xiie siècle (1re moitié), 32 fol., longues lignes (129-146) et à 2 col. (147-159), 250 × 160 mm (200 × 120 mm), provenant de Saint-Victor (ex-libris au fol. 160v),

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portant sur le péché originel et le corps humain (fol. 129r-133r), tandis qu’un changement de main signale six questions qui forment un petit traité sur le mariage (fol. 133r-138r)210. Les trois dernières sentences méritent particulièrement l’attention puisque la première est d’Anselme selon le Liber pancrisis et que les deux autres, attribuées explicitement dans le manuscrit à « maître Anselme », se trouvent également dans le Liber pancrisis mais sous le nom d’Yves211. Le nom du maître signale non la propriété littéraire, pas plus yvonienne qu’anselmienne dans une des sentences matrimoniales, mais le milieu scolaire où la question a été évoquée212. La suite, moins homogène thématiquement, comprend une sentence de Guillaume et trois d’Anselme et confirme l’origine laonnoise de la collection213. Dans ce type de manuscrit au nombre restreint de sentences, il est donc plausible de considérer les autres sentences anonymes comme issues du milieu scolaire laonnois. L’importance du contexte laonnois pour situer le manuscrit est tout aussi manifeste pour f qui contient le recueil De sententiis divine avec une finale originale (fol. 1r-22r), ainsi qu’une autre collection introduite par la mention : Incipiunt sententie de Apostolo excerpte (fol. 53r-64r)214. Parmi les sentences commentant le texte paulinien, deux sont attribuées à Anselme : l’une, très connue, expose la thèse anselmienne sur le problème du Cur Deus homo, tandis que l’autre, fort succincte et sans rapport direct avec Paul, concerne l’interprétation des Écritures215. Il n’est pas sûr qu’il faille prendre l’intitulé

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voir aussi H. Martin, Catalogue des manuscrits de la bibliothèque de l’Arsenal, t. 1, Paris, 1885, p. 45-48 et G. Ouy, Les manuscrits de l’abbaye de Saint-Victor, t. 1, p. 493-494. La distinction entre les sentences est souvent marquée par une lettre rubriquée ou un pied-de-mouche, parfois associé à un saut de ligne. Le début en est souligné par une initiale filigranée à l’encre et le dernier mot est écrit en capitales rehaussées à l’encre brune. Il s’agit respectivement de LP 267 L 67, LP 263 L 206 et LP 268 L 207. Ainsi la sentence LP 263, L 206 est-elle un extrait de Nicolas Ier cité par Yves de Chartres dans sa Parnormia, 6, 122, PL 161, col. 1275D et introduit ici comme : « Anselmus magister de conjugio » (138r). LP 88 L 281, LP 105, L 58, LP 210 L 88, l. 1-15 et LP 240 L 63 (138v-139v). L’édition de la sentence L 441 (139v) comme appartenant à l’école de Laon a donc quelque apparence de vraisemblance. Pour préciser le lien établi entre les sentences et les œuvres suivantes extraites d’Honorius (cfr V. I. J. Flint, « Honorius Augustodunensis. Imago mundi », AHDLMA, 49 (1982), p. 7-153, à la p. 31), notons qu’il est avant tout codicologique, car la main change au fol. 140v. London, BL, Arundel 360 (f), xiie siècle, 66 fol., 195 × 140 mm (fol. 53-64 : 180 × 120 mm), mains allemandes, provient de la chartreuse de Mayence, cfr ex-libris médiévaux de la main des additions finales : « liber Carthusiensium prope Magunciam » (1r, marg. inf.) et « Carthusiensium prope Magunciam » (64v), voir aussi, sur le contenu, le Catalogue of Manuscripts in the British Museum. New Series, t. 1, part 1, The Arundel Manuscripts, Londres, 1834, p. 107, A. Wilmart, « Une rédaction française », p. 142 et O. Lottin, « Nouveaux fragments théologiques », p. 245-248. Ce sont L 54 et L 23. Selon la numérotation de dom Lottin, « Nouveaux fragments théologiques », p. 247-248, il s’agit de la sentence 21 (LP 132 L 54), mais la suite de la description

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au pied de la lettre et considérer que tous les textes qu’il introduit sont des extraits de commentaires de Paul216. En effet, la rubrique, qui vaut apparemment pour toute la fin du manuscrit, concerne les œuvres les plus diverses comme deux extraits placés sous le nom d’Augustin (fol. 53r), un extrait de Boèce sur la double nature du Christ (fol. 59v-60v), quelques sentences dont l’amorce paulinienne n’est guère obvie (fol. 62v-63v) et le début d’une somme Origo et principium (fol. 63v-64r)217. Ainsi que d’autres manuscrits l’ont prouvé, la rubrique n’est donc pertinente que pour certaines sentences et ne signifie pas que toutes soient des extraits de commentaires pauliniens. On peut ainsi considérer que les sentences portant sur Paul forment le noyau d’une documentation qui mêle extraits patristiques et textes scolaires. En dépit de sa faible étendue, Pa intègre aux feuillets 4r-8v des dossiers en partie apparentés à F3 et B dans le contexte d’un florilège nouveau218. Dans un manuscrit dont le contenu consiste principalement en une collection incomplète des lettres d’Yves de Chartres, une rubrique générale augustinienne sert à introduire un recueil où les sentences laonnoises voisinent anonymement avec des extraits dont l’origine patristique est indiquée219. Le témoin Or renferme un nombre important de sentences anonymes communes avec d’autres manuscrits220. Il se signale aussi par l’importance qu’il accorde aux sentences de Guillaume de Champeaux davantage représentées avec quatre occurrences (L 263, 259, 260 et 276) que celles d’Anselme (L 44 et 26). Le manuscrit Or vérifie la constatation permise par l’examen des autres témoins : l’inexistence d’un plan d’ensemble ayant présidé à la copie

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est inexacte, puisque la sentence 22 fond en une L 221 et L 200 et omet la sentence L 23. Or, la mention marginale « shelmus » se trouve sur la ligne et porte sur elle et non la sentence suivante, L 28, « i multi filii… – … solvere poterit ». De plus l’authenticité anselmienne de L 23, affirmée par f et München, BSB, Clm 14506 (i), est également garantie par Heidelberg, UB, Salem. VII 103 (r) dont la rubrique anselmienne a été malencontreusement rejetée en apparat de L 200. C’est l’interprétation adoptée par O. Lottin, « Nouveaux fragments théologiques », p. 246, n. 19. Le titre rubriqué du fol. 53v semble valoir pour toute la suite, jusques et y compris la somme, avec des initiales dont la taille moyenne est de 4 × 4 mm et une copie continue des sentences, le début de la somme étant toutefois distingué par une initiale rouge (63v). Paris, BNF, lat. 3004 (Pa), xiie siècle (2e moitié), IV + 94 fol., 180 × 120 mm (130 × 70 mm), cfr aussi le Catalogue général des manuscrits latins, t. 3, Paris, 1952, p. 392-393. Les sentences communes avec F3 et B sont LP 294-296, 241-242, 102 ; on note aussi LP 245, LP 302 L 74, LP 103 L 60 et L 324. Pour le détail des lettres d’Yves, voir le Catalogue général des manuscrits latins, t. 3, Paris, 1952, p. 392-393. Orléans, BM, 284 (Or), correspond aux pages 119-134 d’un manuscrit composite, xiie siècle (2e moitié), 165 × 105/110 mm, et qui provient de Fleury où il pourrait avoir été écrit, voir É. Pellegrin, « Abaelardiana, III : Orléans, Bibliothèque municipale 284 (238) », AHDLMA, 49 (1982), p. 282-291, et les addenda de H. Silvestre, Bulletin de théologie ancienne et médiévale, 13 (1984), p. 793, n° 1752.

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des sentences n’empêche pas la constitution de dossiers portant sur des points particuliers221. On note une identique cohérence de détail, noyée dans un désordre similaire, au sein de la seule unité codicologique de h à contenir une sentence anselmienne (feuillets 31-47)222. Les premières sentences correspondent à la fin originelle de la Summa sententiarum complétée d’un exposé laonnois sur le mariage, lequel attire à son tour une sentence sur la simonie (LP 89) et la sentence d’Anselme sur l’aumône (L 79) aux feuillets 31vb-34rb. Or, la suite, bien distincte, contient la même séquence sur le mariage, la simonie et l’aumône223. La collation des deux versions de L 79 souligne une origine commune assurée, non sans divergences sur certaines leçons. Dans les deux cas, le moins que l’on puisse dire est que la cohérence de la séquence avec son contexte n’apparaît pas avec clarté. De fait, la présentation matérielle des feuillets tend à prouver l’absence de projet général et la relative indépendance de chacun des groupes de sentences, qu’il s’agisse du recueil Principium et causa ou des trois derniers feuillets224. En dépit de l’hétérogénéité de leur contenu, les cinq manuscrits offrent des points de rencontre : les sentences d’Anselme voisinent avec d’autres textes auxquels la critique interne reconnaît une origine laonnoise (Liber pancrisis, Principium et causa ou De sententiis divine), bien que l’intégralité du recueil ne puisse se prévaloir de l’appellation. Ce genre de témoins, dont un certain nombre reste encore à exhumer, indique la capacité de la matière laonnoise à être réemployée dans un contexte le plus souvent original. La moindre taille de E, Pm et Lo les distingue de F4, Na et G, mais tous ont en commun d’intégrer des sentences laonnoises dans un contexte autoritatif original à l’individualité bien marquée.

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Les cas les plus nets sont ceux de l’eucharistie, dont divers aspects sont traités aux pages 127-129, ou du baptême aux p. 130-133. Il s’agit de L 79 comprise au fol. 34rb de Paris, BNF, lat. 18108 (h), xiie (2e moitié), 17 fol. à 2 col. sauf fol. 31r et 41r-42v, 205 × 150 mm (120 × 160 mm). Sur le témoin en général, voir A. Landgraf, Écrits théologiques de l’école d’Abélard, Louvain, 1934, p. xiii-xxvi. Deux lignes en blanc et le changement d’encre signalent un nouveau groupe de sentences à partir du fol. 34vb. L’ensemble formé par les sentences des fol. 34vb-43rb répond visuellement au même schéma de présentation avec une série de sentences introduites par une initiale à l’encre rouge. Le passage aux longues lignes aux fol. 41-42 est circonstanciel et semble lié à la médiocre qualité du parchemin. « Fides est pretera conjugii… – …alias patitur nuptias » (39vb-40ra = fol. 33va), « In peccato Simonis… – …sententiam non effugiunt » (40ra-va = 33va-34rb, LP 89), « Nota quia in elemosina… – …et meritum perdit » (40va-b = 34rb, L 79). Une ligne en blanc signale le changement pour le recueil Principium et causa (43rb-44vb), avec une capitulation rubriquée indiquant le contenu de chacune des sentences. Chacun des trois derniers feuillets possède sa physionomie propre : le fol. 45 est sans décoration, le fol. 46 a des initiales rouges et des rehauts à l’encre rouge sur des lettres, le fol. 47 offre la suite du texte sans rehaut.

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Ainsi, E, quoi qu’il se rapproche de A, B et D en raison de son origine et de sa présentation, place trois sentences d’Anselme ici anonymes dans un contexte patristique original où dominent les sentences attribuées à Augustin, Jérôme et Grégoire225. Renfermant aussi la Summa sententiarum aux feuillets 1ra-51vb, Pm offre les traits distinctifs d’un florilège puisqu’il s’ouvre au feuillet 53ra par un titre explicite (De diversis sentenciis liber incipit) et identifie certaines autorités citées, notamment Augustin et Lanfranc226. Le compilateur du florilège a manifesté sa volonté d’identifier certaines autorités avec quelques précisions ainsi qu’un timide effort de regroupement thématique227. Dans ce bref florilège, la place d’Anselme est elle-même très réduite, ce qui rend d’autant plus intéressant de relever à quelle occasion son avis est sollicité au côté des Pères latins. Son nom apparaît pour la question du baptême des enfants au début du florilège (Anselmus de animabus parvulorum, fol. 58vb). Pm ajoute ainsi son court extrait de L 46 à la liste déjà longue des témoins de la questio sepe ventilata qui apparaît tout aussi bien comme une questio sepe divulgata228. De manière anonyme, Pm est également un nouveau témoin de L 36 consacrée aux aliments et à leur fonction par rapport au corps229. Notons aussi qu’il renferme au feuillet 57vb

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Valenciennes, BM, 181 (E), xiie siècle (2e moitié), 118 fol., 195 × 135 mm, provient de SaintAmand où il a été copié, cfr F. Simeray, Le scriptorium, t. 2, p. 137-139. Le recueil est contenu aux fol. 1ra-6vb. Les sentences d’Anselme sont LP 94 L 43, LP 99 L 44 et LP 320 L 93. On retrouve aussi dans d’autres recueils LP 226 et L 289. Dom Lottin a, en outre, édité d’après le seul E les sentences L 134, 328 et 408. Paris, Bibl. Mazarine, 694 (Pm), xiie siècle (3e quart), 88 fol. sur 2 col., 240 × 180 mm (180 × 150 mm), provient des Grands Augustins, fol. 53ra-62va : « De diversis sentenciis liber incipit. Ex epistola Cirilli ad Johannem Antiochenum de fide. Ego enim hac scriptura… – … vel precipitatione delinquit ». L’ouvrage n’est pas recensé parmi les manuscrits possédés par l’ordre à la fin du xiiie siècle, cfr E. Ypma, La formation des professeurs chez les ermites de Saint-Augustin de 1256 à 1354, Paris, 1956, p. 157-159. Certains extraits reçoivent des indications d’auteur et d’œuvre (« Augustinus in libro de civitate Dei », 62rb), d’auteur et de thème comme la première sentence ou de thème seul (« de sensibus carnis », 55vb). On peut également signaler le regroupement au fol. 56rb-va : « Doctores de corpore Christi. Augustinus. Licet carnis et sanguinis similitudinem…- … utiliter non potest. Augustinus. Non hoc corpus quod videtis… – …illius oblationis recordationem ». Pm renferme, à la suite, un autre florilège dénué de sentence anselmienne, mais d’envergure un peu supérieure puisqu’il comprend une progression thématique depuis les âmes et la création jusqu’au jugement dernier et la gloire des saints, cfr fol. 78vb-88vb : « Sententiarum liber Augustini, Jeronimi, Gregorii et aliorum doctorum incipit. De anima. Animas hominum non esse dicimus ab initio… – …illesa vivere potuerunt. Finit liber de sententiis doctorum ». LP 93, L 46, l. 63-69. Fol. 78vb-79ra : « De cibis. Queritur utrum cibi vertantur… – …corpus non converti attestamur » (LP 322, L 36). La séquence L 46-L 36 permet de rattacher Pm à un témoin apparenté à O ou d’.

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une sentence apparemment inédite sur la Synagogue et l’Église, attribuée par une mention marginale à Anselme230. Enfin, Lo forme un recueil plutôt disparate de questions diverses où les Pères prêtent leur concours à d’autres maîtres anonymes231. Comme dans les autres témoins, la lecture des sentences et le relevé de la mise en pages permettent de se repérer un peu moins mal dans l’ensemble des sentences232. À la suite de questions consacrées aux sacrements et de sentences de Grégoire et d’Ambroise, on relève le nom d’Anselme de Laon pour une sentence concernant le mariage entre adultères233. La diffusion des sentences anselmiennes s’effectue, dès le second quart du xiie siècle jusqu’au début du xiiie siècle, dans des florilèges où elles sont transmises, le plus souvent anonymement, à côté de celles des Pères. La continuité chronologique s’accompagne également d’une certaine uniformité géographique, puisque la France, aussi bien que l’Empire ou l’Angleterre peuvent revendiquer un florilège anselmien. Hormis la mise en pages, une telle économie rappelle fortement celle de la Glose qui fait également coexister l’exégèse patristique, mise en extraits, avec les solutions des maîtres modernes. En effet, sans placer dans les marges et les interlignes des textes qui viennent éclairer la Bible, le florilège collecte un ensemble d’explications dont la Bible fournit le point de départ. Puisqu’il est assuré que la constitution de la Glose correspond à une pratique pédagogique et au travail scolaire effectué notamment par maître Anselme, on peut également s’interroger sur la portée 230

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Fol. 57vb : « Anselmus (in marg. int.). Sinagoga grece, latine congregatio dicitur. Quod proprium nomen Judeorum populus tenuit, ipsorum enim proprie sinagoga dici solet, quamvis et ecclesia dicta sit. Nostram vero apostoli numquam sinagogam dixerunt sed semper ecclesiam sive discernendi causa, sive quod inter congregationem et convocacionem aliquid distet, quod scilicet congregari peccora solent et greges proprie dicimus, convocari magis est utencium ratione ». La sentence suivante, distinguée par un retour à la ligne et une initiale rubriquée, traite de la même question : « Sinagoga : congregatio quod et lapidum, ecclesia : convocacio quod rationabilium. Utraque autem hec porcio in eadem fide Christi et dilectione diversis temporibus, illa expectando futurum, ista recipiendo presentem consors effecta est ». London, BL, Add. 34749 (Lo) est formé de trois unités codicologiques (3-56, 57-86, 87-119) réunies à date ancienne. Seules les sentences des fol. 32r-56v doivent retenir notre attention : xiie siècle (2e moitié), 54 fol. copiés d’une seule main (au total 116 f.), 135 × 90 mm (100 × 70 mm), voir aussi le Catalogue of Additions to the Manuscripts in the British Museum in the years 1894-1899, t. 1, Oxford, 1901, p. 69-70. Ainsi, par exemple, au fol. 33v, au sujet de la localisation de l’âme, le compilateur a repris un dossier d’extraits d’Augustin, Ambroise et Grégoire sans doute issus du Sic et non, en y ajoutant une conclusion apparemment de sa plume. Les sentences sur les sacrements sont introduites par un retour à la ligne et un pied-demouche (41v-47v), puis, après un retour à la ligne, on note la séquence suivante : « Gregorius. Manifesta peccata non occulta… – …quando et vite » (47v), « Ambrosius. Petrus doluit et flevit… – …et ille amare flevit » (47v-48r), « Anselmus Laudunensis. Sunt qui putant non esse conjugium… – …non vocet conjugium » (48r-49r).

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scolaire des florilèges étudiés, notamment ceux dont la teneur anselmienne est la plus forte. Nous pensons avoir définitivement écarté l’hypothèse selon laquelle les sentences seraient issues de commentaires bibliques perdus dont les développements doctrinaux auraient été extraits puis diffusés sous forme de sentences. Pareillement, si le genre même de la sentence présente de nombreuses affinités avec la constitution de la Glose, il ne se confond pas avec elle, dans la mesure où les sentences ne se retrouvent pas dans le corpus glosé et que les passages des autorités citées dans la Glose coïncident rarement avec ceux des principaux florilèges. Ces derniers gardent la mémoire de sentences qui n’avaient pas vocation à entrer dans la Glose et documentent sans doute une autre facette de l’activité magistrale, la collatio sententiarum. Bien que le fait de ne pas citer ses sources soit un habitus littéraire dont le Moyen Âge ne possède pas l’exclusivité, l’anonymat même des textes collectés par les compilateurs mérite aussi l’attention. En effet, si le phénomène d’anonymat, comme du reste celui d’attribution, peut être une conséquence accidentelle de la vie du texte, les sentences anselmiennes paraissent laissées volontairement dans l’anonymat234. On a ainsi pu constater que l’absence d’identification nette concerne davantage les sentences magistrales que les extraits patristiques. La pratique signale une absence de conscience très marquée de la notion d’auteur235, mais aussi l’appartenance de ces textes à un milieu scolaire qui garantit à lui seul la valeur des sentences copiées. De même que la mise en pages de la Glose confère aux différents extraits une autorité reconnue, ainsi l’insertion de sentences anonymes dans les florilèges patristiques leur assure une reconnaissance qui vaut pour leur contenu. Il y a, en outre, de fortes présomptions pour que l’anonymat des manuscrits s’accompagne d’une circulation d’informations dont nous n’avons pas gardé la trace. Ainsi, tous les grands recueils apparentés à F livrent les sentences sans les rapporter au nom d’un maître, alors que F connaît le nom d’Anselme de Laon. Il est fort probable que les copistes amandinois de A, B, D et E connaissaient l’origine laonnoise des textes qu’ils transcrivaient. L’évidence même de l’origine scolaire a pu dans certains cas servir de garantie

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Sur ces notions, voir A. Grondeux, « Auctoritas et glose. Quelle place pour un auteur dans une glose ? », dans Auctor et auctoritas. Invention et conformisme dans l’écriture médiévale. Actes du colloque tenu à l’Université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines (14-16 juin 1999), éd. M. Zimmermann, Paris, 2001, p. 245-254, aux p. 246-247. Cfr par exemple pour la littérature romane, R. Dragonetti, Le mirage des sources. L’art du faux dans le roman médiéval, Paris, 1987, p. 42-43 : « Le texte médiéval se donne donc à lire dans une écriture sans auteur et sans origine assignable, ce qui est à l’opposé de l’image idéale d’un sujet égal à lui-même et à ses intentions conscientes, sans reste, et dont l’œuvre serait l’expression adéquate », et pour le domaine latin, P. G. Schmidt, « Perché tanti anonimi nel medioevo ? Il problema della personalità dell’autore nella filologia mediolatina », Filologia mediolatina, 6-7 (1999-2000), p. 1-8.

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suffisante et explique la copie des textes dans leur état originel d’anonymat. L’anonymat ne reflète pas alors l’indifférence envers l’origine du texte, mais la superfluité d’une identification connue. Enfin, le cas du Liber pancrisis atteste des pratiques plus volontaristes : pour le milieu cistercien qui en a au moins assuré la diffusion, les quatre maîtres modernes forment un nouveau canon scolaire. Un éloignement temporel, géographique et doctrinal plus grand par rapport aux écoles a peut-être rendu l’identification nécessaire. Dans tous les cas, le Liber pancrisis érige ouvertement en modèle les maîtres du premier xiie siècle, là où les autres florilèges se contentaient d’une promotion plus discrète. Proclamée ou plus assourdie, la parole des maîtres conquiert ainsi une place non négligeable à côté de celle traditionnellement reconnue aux Pères.

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CHAPITRE II ANSELME DE LAON ET SES SENTENCES, UNE PAROLE D’AUTORITÉ

La réputation d’Anselme de Laon de même que la diffusion de ses écrits éclairent singulièrement l’image reconnue au maître : son enseignement a été célébré par le plus grand nombre, ses sentences théologiques soigneusement recopiées et diffusées encore longtemps après sa mort. L’écho de la parole anselmienne, attestée par les témoignages et les manuscrits, devrait donc logiquement trouver son explication dans l’enseignement du maître. Si les sentences anselmiennes ont bénéficié d’une telle audience, on peut légitimement attendre qu’en retour elles nous renseignent sur la société à laquelle elles se sont adressées avec un tel succès. Affirmer l’historicité de la parole anselmienne peut ainsi sembler aller de soi. L’assertion se heurte cependant à une tradition historiographique bien établie selon laquelle la théologie latine en général et l’’école de Laon’ en particulier auraient été marquées, avant l’entrée de la logica nova, par une fidélité augustinienne quelque peu sclérosante1. S’il n’est pas question de nier l’influence d’Augustin sur la théologie du xiie siècle et encore moins sur Anselme de Laon, il convient de montrer également qu’elle n’est ni un héritage immuable, ni un frein à l’innovation intellectuelle, mais plutôt le ferment d’une élaboration scolaire vivante. Pour mettre en relief le discours anselmien par rapport à son inscription historique, diverses voies sont possibles, qui constituent autant de lectures 1

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Le fait semble un acquis possédé in tuto, cfr H. Silvestre : « le traditionalisme et même le conservatisme d’Anselme de Laon sont bien établis », « Notes sur la controverse », p. 76, n. 25, voir aussi R. W. Southern, Saint Anselm and his Biographer. A Study of Monastic Life and Thought 1059-c. 1130, Cambridge, 1963, p. 85 et D. E. Luscombe, The School of Peter Abelard. The Influence of Abelard’s Thought in the Early Scholastic Period, Cambridge, 1969, p. 173, M. L. Colish, Peter Lombard, p. 95 : « Anselm of Laon and his followers […] continued to use the language of the creeds and the fathers as if it were self-explanatory, self-consistent and non-problematic. They simply repeat the traditional Latin terms, without defining them ». Au terme d’une longue fréquentation des sentences d’Anselme, leur éditeur conclut ainsi : « Anselme reste l’homme de la tradition : son enseignement est avant tout basé sur l’Écriture, interprétée par les Pères d’Occident et avant tout par saint Augustin » (O. Lottin, PM, p. 443). En sens contraire et de manière isolée, Margaret Gibson considère que les sentences d’Anselme sont du côté du « new learning », Lanfranc of Bec, Oxford, 1978, p. 61-62.

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des sentences : Heinrich Weisweiler a interprété l’effort d’Anselme comme une transition entre l’âge patristique et son prolongement carolingien, d’une part, et la systématisation de la scolastique, d’autre part. L’immense travail d’érudition fourni par le jésuite a consisté à ordonner les plus minutieuses observations sur différents manuscrits conservés en Allemagne en fonction de cette idée théorique unique2. Dom Lottin a préféré regrouper les sentences par auteur, Anselme de Laon ou Guillaume de Champeaux, pour donner matière à une synthèse doctrinale selon une disposition thématique3. Sans qu’ils rendent de telles approches complètement inopérantes, plusieurs éléments convergents invitent également à situer Anselme de Laon par rapport au grand mouvement réformateur des xie et xiie siècles. Pour la France du Nord, plus que l’affirmation de la papauté, les caractères distinctifs en sont un renouvellement de la vie régulière grâce à l’adoption de la règle de saint Augustin et à la réforme cistercienne, une amélioration nette du clergé séculier ainsi qu’une christianisation de certaines pratiques sociales comme le mariage, la guerre ou le maniement de l’argent. Ce renouvellement qui promeut une intériorisation des pratiques religieuses touche alors l’Église latine dans la vie des clercs et la pastorale des laïcs. Le rayonnement international et de type charismatique d’Anselme, son rôle de conseiller auprès de l’évêque Barthélemy de Joux (1113-1151), la diffusion de ses écrits dans le monde monastique, les vocations de chanoines réguliers suivies par certains de ses élèves, tous ces indices déjà évoqués signalent qu’Anselme de Laon n’est pas demeuré à l’écart de cette mutation4. Il convient par conséquent d’en obtenir la confirmation en montrant la manière dont le maître résout avec autorité les questions posées aux écoles par la réforme de l’Église. Néanmoins, pas plus que les chartes laonnoises ne présentaient un traité De Ecclesia en bonne et due forme, les courtes sentences anselmiennes ne forment un corpus clos et cohérent où serait inscrit un programme de réforme sorti tout armé de la bouche du maître. C’est pourquoi, il importe de ne pas interpréter les sentences seules, mais dans leur contexte de diffusion, en utilisant notamment le Liber pancrisis et en confrontant les sentences anselmiennes à celles des Pères et d’autres maîtres, notamment Guillaume 2

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Présente dans ses articles consacrés à Laon, cette idée est étendue par le savant à toute la théologie du xiie siècle : « Du point de vue de la théologie catholique, l’histoire du dogme du xiie siècle doit sa valeur spéciale à sa position intermédiaire entre les écrits de l’âge patristique et le plein développement de la scolastique, entre la pensée plus synthétique du passé et la tendance analytico-systématique des temps nouveaux », H. Weisweiler, Maître Simon et son groupe De sacramentis, Louvain, 1937, p. v. Les différents tomes de Psychologie et morale exploitent une partie du matériel ainsi rassemblé pour donner, selon la méthode néo-thomiste, une histoire des doctrines d’Anselme de Laon à Thomas d’Aquin, cfr F. Van Steenberghen, « In memoriam Dom Odon Lottin, o.s.b. », Revue philosophique de Louvain, 63 (1965), p. 181-184, à la p. 182. Voir, sur ces différents points, les trois précédents chapitres.

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de Champeaux. En effet, l’importance qualitative et quantitative de son contenu, son origine probablement cistercienne et son lien avec un grand nombre de manuscrits confèrent au Liber pancrisis un rang notable dans la diffusion de l’enseignement anselmien. Le poids accordé à ce florilège ne doit pas non plus conduire à négliger d’autres manuscrits dont le témoignage pondère celui du Liber pancrisis. Comme le Liber pancrisis rassemble l’écrasante majorité des sentences d’Anselme, il existe un risque de traiter les sentences de manière uniforme, comme si toutes avaient connu la même fortune. Afin d’apprécier historiquement le succès rencontré par l’enseignement d’Anselme de Laon, il convient d’interpréter son contenu en fonction de la diffusion dans les autres témoins. En dépit de la prudence qu’appelle la démarche, elle offre l’occasion de définir une ‘mode théologique’, c’est-à-dire ce que les contemporains d’Anselme ont retenu de son enseignement avec prédilection5. Les données rassemblées permettent de dresser un portrait d’Anselme en trois dimensions, en considérant le maître comme historien du salut, théologien de la grâce et moraliste. Ces trois aspects complémentaires invitent ainsi à confronter l’enseignement magistral aux enjeux de la réforme ecclésiastique. La réflexion sur le temps chrétien s’impose au moment même où la croisade ébranle les occidentaux et les conduit sur les lieux historiques où a vécu le Christ. Les questions relatives à la vie de l’Église prennent également sens alors que la place des fidèles dans l’institution est plus strictement marquée par le mouvement de réforme. Il n’est pas jusqu’à l’insistance d’Anselme sur l’intériorité qui ne réponde aux préoccupations pastorales du clergé réformateur, soucieux de développer en chacun une conformité entre la foi et les actes.

Anselme historien, de la création aux fins dernières Traditionnel support de lectures allégoriques et morales, la Bible, tout au long du xiie siècle, fait l’objet de relectures qui rendent à la lettre son rôle de fondement. Anselme de Laon n’est pas en reste sur ce mouvement puisqu’au seuil du xiie siècle, il accorde à la littera une attention soutenue et donne la première place dans ses sentences au sens du concret par rapport à toute forme de spéculation. Même si le maître ne paraît pas avoir ordonné ses sentences selon une séquence chronologique délibérée, la réunion de certaines d’entre elles permet de reconstituer une véritable histoire du salut allant de la création aux fins dernières. 5

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On indique donc pour chaque sentence anselmienne la nature de sa diffusion (faible, moyenne, forte) en fonction du nombre de témoins nous la faisant connaître en plus du Liber pancrisis (1-2, 3-4, 5 et plus). Les questions pour lesquelles on trouve des parallèles dans le Sic et non d’Abélard ont été également signalées.

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La création (LP 61-72) Dans un ensemble plus vaste, un groupe de sentences (LP 67-72) est consacré par Anselme de Laon au statut d’Adam. Il est remarquable que l’édition de dom Lottin, en dépit d’interversions dans l’ordre des sentences, ne fasse que reprendre une unité thématique déjà présente dans le Liber pancrisis6. Les sept sentences retenues sont étroitement liées aux premiers chapitres de la Genèse, sans pourtant que la substance doctrinale s’en retrouve dans la Glose. Les sentences d’Anselme forment donc un ensemble cohérent sur Adam que le compilateur du Liber pancrisis a fait précéder d’une série de six sentences, attribuées à Augustin, sur les premiers moments de la création (LP 61-66)7. Les six rubriques augustiniennes équilibrent donc doctrinalement les six mentions d’Anselme et illustrent parfaitement le projet mis en avant par le titre du Liber pancrisis : unir l’enseignement des Pères à celui des maîtres modernes. Le rapprochement de sentences d’Anselme avec d’autres extraits du Liber pancrisis est justifié par la présence, parmi les extraits attribués à Augustin, de LP 63, sentence originale sans équivalent aucun dans l’œuvre augustinienne, et de LP 66, résumé du De Genesi contra Manicheos8. Au moins dans le cas de LP 63 (L 98), dont la diffusion est par ailleurs attestée dans deux autres manuscrits, on se trouve en présence d’une sentence typiquement scolaire dont l’origine laonnoise est probable9. Dans ce groupe de six sentences, LP 64-66 sont solidaires. Toutes extraites ou fortement inspirées d’un des commentaires d’Augustin sur la Genèse, elles traitent de la narration biblique et de ses ambiguïtés : de même que l’ordre du récit est accommodé à nos faibles esprits, ainsi les divers termes employés au début du livre de la Genèse, comme « ciel », « terre » et « eau », servent-ils à désigner une seule et unique matière informe que l’on ne peut

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Les sentences L 37, 38, 39, 40, 41, éditées sous la rubrique De homine et de angelo ante et post casum, correspondent respectivement à LP 71, 69, 72, 70 et 67. Il faut y adjoindre LP 68 qui fait partie de la même unité thématique (L 55 éditée à tort comme sentence christologique, faible diffusion). Nous y rattachons également la sentence isolée LP 154 (L 42). Au sein des dossiers thématiques, l’ordre des sentences n’est pas toujours significatif ni pertinent : il n’en a donc pas été tenu compte de manière habituelle. Sauf mention contraire, les sentences du Liber pancrisis non éditées par dom Lottin sont citées d’après le manuscrit e’, les autres sentences le sont d’après l’édition Lottin. LP 63 : « Augustinus. Dicunt quidam Deum fecisse angelos… – …tot homines ascendunt » ; LP 66 : « Augustinus. Spiritus Domini ferebatur super aquas… – …de illa materia acturus sit », cfr Augustinus Hipponensis, De Genesi contra Manicheos, 1, 5, 8-9, PL 34, col. 177-178. Dom Lottin les a éditées sous les numéros L 98 (LP 66) et L 99 (LP 63) comme sentences d’authenticité probablement anselmienne, ce qui reste fort douteux. En effet, en L 66, l’amorce biblique apparente appartient au texte augustinien : il n’y a donc aucune raison de la juger extraite d’un commentaire perdu d’Anselme sur la Genèse (cfr O. Lottin, PM, p. 82). Quant à L 99, elle tient sur les anges une position contradictoire par rapport à celle de sentences authentiquement anselmiennes.

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atteindre que par des mots connus de nous mais inadéquats10. Davantage qu’un enseignement sur la création, les extraits fournissent une grille de lecture valable pour les premiers chapitres de la Genèse. Les sentences LP 61 et 63 portent ainsi sur la question des anges, notamment le moment de leur création. Le problème, soulevé depuis Origène11, est un locus classicus auquel LP 63 donne une formulation scolaire typique : Certains (quidam) disent que Dieu a fait les anges au commencement du monde. Ils veulent l’entendre là où il est dit qu’il a fait la lumière et l’a séparée des ténèbres (cf. Gen. 1, 3-4). À la lettre il est dit qu’avant de faire la lumière, il a fait une clarté qu’il a augmentée ensuite grâce au soleil. D’autres (alii) disent que Dieu a fait les anges juste avant le monde. Si quelqu’un cherche où étaient les anges avant que le monde ait été créé, qu’il cherche pareillement où était Dieu avec lequel ils étaient12.

Le point débattu est soulevé également par Abélard qui cite nommément les auctoritates correspondant à l’avis des quidam et des alii13. En effet, la position augustinienne, donnée par LP 61 et rappelée par L 99 comme solution des quidam, dérive de l’interprétation du fiat lux de Genèse 1, 3 comme manifestation de la création angélique. L’ange, lumière spirituelle créée au début du monde, participe à la création par la connaissance que Dieu lui en accorde14. Cependant, contre l’effort tenté par Augustin pour intégrer les anges dans le processus même de la création, la plupart des auteurs latins, les alii de LP 63, avancent avec la tradition grecque que la création angélique est antérieure à celle du monde15. Pour l’auteur de LP 63, les anges, comme 10

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LP 64 s’inspire du De Genesi contra Manicheos, 1, 3, 5, PL 34, col. 176 ; LP 65 de 1, 5, 9 et 1, 7, 12, PL 34, col. 178-179 ; LP 66 de 1, 5, 8-9, PL 34, col. 177-178. Voir aussi le texte amélioré Sur la Genèse contre les manichéens, éd. P. Monat, M. Dulaey, M. Scopello, A.-I. Bouton-Touboulic, Paris, 2004 (BA 50), p. 168-170, 176-180 et 184-186, ainsi que la note complémentaire 2. 2 « Les différentes dénominations de la matière informe », p. 511-512. Cfr « Quando isti (sc. angeli) creati sunt, vel quales, aut quomodo sint, non satis in manifesto distinguitur » (Origenis, De principiis, 1, praefatio, 10, éd. H. Crouzel, M. Simonetti, Paris, 1978 (SC 252), p. 88, l. 184-186). « Dicunt quidam Deum fecisse angelos in initio mundi. Quod volunt habere ubi dicitur fecisse lucem et a tenebris eam separasse. Ad litteram ita fuit quod, antequam diem fecisset, fecit quamdam claritatem quam postea per solem augmentavit. Dicunt alii Deum fecisse angelos statim ante mundum. Quod si aliquis querat ubi angeli erant antequam mundus factus esset, querat similiter ubi Deus erat, cum quo illi erant » (LP 63, L 99, l. 1-7). Petrus Abaelardus, Sic et non, éd. B. B. Boyer, R. McKeon, Chicago - Londres, 1977, q. 46, p. 210-214 : « Quod angeli ante celum et terram vel ceteras omnes creaturas facti sunt vel quod omnes angeli equales et beati creati sunt et non ». Cfr la note complémentaire 20 « La connaissance angélique et les jours de la création », La Genèse au sens littéral, éd. P. Agaësse, A. Solignac, Paris, 1972 (BA 48), p. 645-653. La position d’Augustin, visée par LP 63 (L 99), est nettement exprimée dans le De civitate Dei, 11, 33, éd. B. Dombart, A. Kalb, Turnhout, 1955 (CCSL 48), p. 352-353 ; celle des alii se retrouve notamment chez Hilarius Pictaviensis, Liber contra Arianos vel Auxentium Mediolanensem, 6, PL 10, col. 612C ; Ambrosius Mediolanensis, Hexameron, 1, 5, 18, PL 14, col. 131B-C :

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les âmes, ont été créés ex nihilo et, suivant Grégoire le Grand, forment neuf ordres, tandis que le nombre des anges fidèles égale celui des hommes sauvés16. Si la nature spirituelle des anges et le nombre des ordres angéliques sont des points admis sans conteste, le rapport entre le nombre des élus et celui des anges demeure une question ouverte. L’enseignement sur la création et les anges est complété par les précisions d’Anselme concernant Adam. La matière, potentiellement très vaste, a retenu le maître pour ses aspects les plus concrets. L’écolâtre de Laon cherche avant tout à dresser un portrait physique d’Adam. La nature du corps adamique fait, en effet, l’objet de toutes les attentions du maître. Suivant l’enseignement augustinien, LP 67, 68 et 69 indiquent, en effet, la nature animale de ce corps et surtout son ambivalence fondamentale qui correspond au temps d’épreuve du paradis : en raison de sa nature animale, le corps d’Adam est naturellement mortel, mais également immortel et impassible grâce aux conditions de sa création17. Par rapport à Augustin, Anselme souligne davantage le rôle majeur de l’arbre de vie dans le privilège adamique : de la manducation des fruits dépend l’absence de mort, de toute passion et, plus généralement, de tout plaisir sensible, ce qui n’exclut cependant pas la possibilité d’une sexualité18. Anselme fait ainsi découler de l’arbre de vie tous les privilèges adamiques. Bien qu’Anselme mentionne à l’occasion la possibilité d’une interprétation spirituelle du paradis, le maître décrit donc avant tout les conditions historiques de la vie adamique, sans en interroger comme Augustin le sens figuré19. Le paradis est un lieu réel dont l’accès est matériellement protégé

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« Sed etiam angeli, dominationes et potestates, etsi aliquando ceperunt, erant tamen jam quando hic mundus est factus » et Hieronymus, In epistolam ad Titum, 1, PL 26, col. 594B-C. Les extraits d’Ambroise, Jérôme et Augustin sont connus d’Abélard, ibidem, p. 210-211. LP 63 : « Quandocumque autem angeli facti sunt, credendum est quod ex nichilo facti sunt, sicut etiam cotidie anime ex nichilo procreantur. […] Novem autem tantum fuerunt ordines angelorum et de singulis dignior pars cecidit. Quot autem remanserunt, tot homines ascendunt » (L 99, l. 11-16). Pour le nombre des ordres angéliques et le rôle de l’homme, cfr Gregorius Magnus, Homiliae in evangelia, 2, 34, 7 et 11, PL 76, col. 1249D et 1252B-C. LP 67 : « Corpus Ade ante peccatum erat animale, id est mortale, sed mortale quidem natura, immortale conditione » (L 41, l. 1-2, faible diffusion) ; LP 69 : « Passibilis et mortalis potestate, non actu ; immortalis et impassibilis iterum potestate, et non actu » (L 38, l. 3-4, faible diffusion). Sur Augustin, voir la note complémentaire 30, « Les prérogatives du corps d’Adam », La Genèse au sens littéral (BA 48), p. 690-693. LP 69 : « Quidam enim fructus paradisi tante virtutis erant ut assidua eorum sustentatione omnem ab eo passionem repellerent, lignum vite senium et mortem removeret, in generando non majorem delectationem quam lapidem manu tangendo, in gustu fructuum similiter » (L 38, l. 6-10), voir également L 39, l. 1-5 (faible diffusion) et la note complémentaire 42, « La femme, la sexualité et le mariage dans le De Genesi », La Genèse au sens littéral, éd. P. Agaësse, A. Solignac, Paris, 1972 (BA 49), p. 516-523. « Primus homo locatus fuit in paradiso reali, quamvis quidam dicunt quod debeat tantum allegorice intelligi » (L 38, l. 1-2). Sur les interprétations du paradis corporaliter ou spiri-

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par un ange depuis le péché originel20. Le séjour était temporaire, car subordonné à une bonheur supérieur : le premier couple et ses descendants auraient dû procréer en attendant de compléter le nombre des anges déchus et parvenir à la béatitude21. La chute de l’ange comme de l’homme a donc une utilité pédagogique éminente, puisqu’elle enseigne à chacune des natures à ne pas tirer gloire des biens reçus22. À propos de la nature spirituelle du premier homme, le maître demeure significativement peu loquace dans le Liber pancrisis : si LP 71 porte explicitement sur l’âme d’Adam, c’est pour préciser le sens du spiraculum vite de la Genèse, force d’inspiration et d’expiration23. LP 67 et 68 ne s’intéressent à l’« âme vivante » d’Adam que pour en marquer les limites par rapport au mode d’animation vivifiant, promis pour la résurrection des corps24. Anselme n’ignore pourtant pas les questions relatives à la création de l’âme, puisque trois sentences du Liber pancrisis traitent le point (LP 144-146)25. La position anselmienne, exprimée en LP 14426, reprend l’interprétation augustinienne traditionnelle en insistant sur la dignité de l’homme27. Comme L 30 transmise en dehors du Liber pancrisis, elle fait néanmoins preuve d’une certaine indépendance, notamment par rapport aux textes exégétiques contemporains28, pour la question de la création ad imaginem et similitudi-

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tualiter qui ont déjà cours dès l’époque d’Augustin, voir la note complémentaire 36, « Les diverses interprétations du Paradis », La Genèse au sens littéral (BA 49), p. 497-499. Un sens spirituel n’est cependant pas totalement exclu : « Angelus materialiter cum gladio ante fores paradisi positus est, significans quod nullus hominum in veram requiem intrare poterat » (L 42, l. 2-4, faible diffusion). « In paradiso itaque locatus taliter si obedientiam servasset injunctam sibi posterique sui tamdiu erant mansuri, quousque completo numero apostatarum in eam beatitudinem substituerentur » (L 38, l. 10-14). LP 70 : « Bona enim creatura de bono suo superbiret, nisi per casum nature sue humiliari disceret, quod in casu hominis et angeli stantibus utilissimum apparet » (L 40, l. 2-4, faible diffusion), LP 71 : « Cum imposuit Ade animam, dedit ei vim emittendi et attrahendi aerem, per que vita existit » (L 37, l. 1-3, faible diffusion). LP 67-68 (L 41 et 55). Cfr R. Heinzmann, Die Unsterblichkeit der Seele und die Auferstehung des Leibes. Eine problemgeschichtliche Untersuchung der frühscholastischen Sentenzen- und Summenliteratur von Anselm von Laon bis zu Wilhelm von Auxerre, Münster, 1965, p. 6-15. LP 144 : « Augustinus de imagine et similitudine Dei. Nota quod solo… – …sed ad imaginem » (L 29). L’attribution erronée à Augustin explique sans doute que dom Lottin ne l’ait pas collationné dans son édition établie d’après un seul manuscrit (F). LP 144 : « Cum de creatione hominis loqueretur ait : manus Dei fecerunt hominem (cfr Ps. 118, 73), vel : faciamus hominem ad imaginem et similitudinem nostram (Gen. 1, 26), non quod tamen magis factus sit quam alia, sed ut ostendatur dignitas hominis » (L 29, l. 4-7), cfr la note complémentaire 28, « Comment Dieu a fait le corps de l’homme », La Genèse au sens littéral (BA 48), p. 682-685. Cfr G. Dahan, « L’exégèse de Genèse 1, 26 dans les commentaires du xiie siècle », Revue des études augustiniennes, 38 (1992), p. 124-153, aux p. 133-137.

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nem29. Le maître, en effet, explique la création ad imaginem de manière morale : puisque l’image de Dieu est par excellence le Christ, l’homme a été créé avec les qualités propres au Fils de Dieu, notamment l’obéissance30. Quant à la ressemblance, Anselme la conçoit de manière beaucoup plus métaphysique, puisqu’elle manifeste la supériorité de l’âme humaine sur tout le reste de la création, ainsi que sa spiritualité avec le cortège des propriétés l’assimilant à Dieu31. En LP 145, la ressemblance est également rapprochée de l’omniprésence divine32. L’explication est à l’exact opposé de celles proposées à la même époque par Pierre Abélard et Honorius Augustodunensis, pour qui l’image s’entend de l’essence divine, tandis que la ressemblance signifie une capacité à la vertu33. La sentence augustinienne, LP 146, replace le statut adamique dans la perspective historique du paradis : au-delà de toutes les distinctions, avoir l’image et la ressemblance divine signifie demeurer fidèle à Dieu et garder ses commandements, notamment ne pas toucher l’arbre de la connaissance34. 29

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Pour une remise en perspective de L 29 et 30, cfr R. Javelet, Image et ressemblance au douzième siècle de saint Anselme à Alain de Lille, t. 1, Strasbourg, 1967, p. 214-224, D. N. Bell, « The Tripartite Soul and the Image of God in the Latin Tradition », RTAM, 47 (1980), p. 16-52, aux p. 46-47, et A. Ghisalberti, Medioevo teologico. Categorie della teologia razionale nel Medioevo, Rome - Bari, 1990, p. 43-61. La solution, esquissée en L 29 : « Ad imaginem Dei dicitur esse, quia rationalis et sapiens ut Deus. […] Istud sciendum est quod Scriptura raro dicit hominem ad imaginem Dei quod soli convenit Filio Dei, sed ad imaginem » (L 29, l. 10 et 19-20), est surtout affirmée en L 30 : « Ad imaginem dicitur ut Deum imitaretur et esset mitis et humilis, justus et misericors, obediens Deo Christo et Patri suo usque ad mortem, bona diligeret, mala odio haberet » (L 30, l. 3-5). « in omnibus est et omnia complet et tamen pro rebus immutatur, illis incisis non inciditur, truncatis non truncatur, augmentatis non augmentatur, diminutis non diminuitur, sorditatis non sordidatur. Quod si queratur quomodo hoc potest fieri, anima est inde similitudo : anima est in corpore pro quo inciso non inciditur, augmentato non augmentatur, imminuto non imminuitur, et sic est ad similitudinem » (L 29, l. 13-19), voir aussi L 30, l. 6-13. La comparaison entre Dieu et l’âme, appelée par l’expression ad imaginem, est attestée dans un traité pseudo-ambrosien, De dignitate conditionis humanae, 1-2, PL 17, col. 1015A-B (cfr CPL 171b), repris par Alcuin (?), Disputatio puerorum, 2, PL 101, col. 1101B-C, sur l’attribution douteuse de l’œuvre, cfr M.-H. Jullien et F. Perelman, Clavis scriptorum latinorum medii aevi, auctores Galliae (735-987), t. 2, Alcuinus, Turnhout, 1999, p. 165-166. Le passage est aussi utilisé par Yves de Chartres, Decretum, 17, 1, PL 161, col. 967B-C. « Sicut anima in corpore posita ad ipsum vivificandum non variatur […], sic Deus essentialiter manens in omnibus creaturis nec patitur nec variatur in illis et in hoc anima gerit similitudinem Dei » (L 165, l. 1-4). L’attribution, donnée seulement comme plausible par dom Lottin sur la base de trois autres manuscrits, nous semble donc devoir être révisée : son contenu et sa proximité avec LP 144 indiquent une authenticité anselmienne probable. Petrus Abaelardus, Sic et non, q. 14, s. 13, p. 144 et Honorius Augustodunensis, L’Elucidarium et les lucidaires, 61, éd. Y. Lefèvre, Paris, 1954, p. 371-372 : « Divinitas consistit in Trinitate, hujus imaginem tenet anima. […] Hujus similitudinem habet anima, que capax est omnium virtutum ». LP 146 : « Augustinus. Attende quod Deo qui solem… – …fieret sicut Deus. » (Enarrationes in Psalmos, ps. 70, 2, 6-7, éd. E. Dekkers, J. Fraipont, Turnhout, 1956 (CCSL 39), p. 964, l. 17-19, p. 965, l. 54-55, 58-62, p. 966-967, l. 1-2, 18-26, 33-38, 43-44).

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Ainsi, chez Anselme de Laon, la création, particulièrement celle d’Adam, n’est-elle pas le lieu d’une spéculation sur la nature humaine ou la signification métaphysique du statut adamique : Adam est au sens propre le protoplastus et, à ce titre, il intéresse le théologien comme sujet d’une histoire et non paradigme intemporel35. Selon Anselme, le statut d’Adam au paradis est une étape historique avant l’acquisition de dons supérieurs, finalement perdus par le péché mais retrouvés grâce à la rédemption36. Apparemment peu sensible aux dons spirituels accordés par le créateur au premier homme comme la justice, le maître s’attarde beaucoup sur l’intégrité physique et l’immortalité qui constituent ainsi l’un des enjeux principaux de l’histoire humaine. La portée pédagogique des premiers chapitres de la Genèse ne réside pas plus pour Anselme dans la constitution d’une psychologie spirituelle à la manière monastique, mais consiste à expliciter les rapports de l’homme avec son créateur37. La loi écrite et l’Ancien Testament (LP 229-237) Alors que l’Église du xiie siècle se définit de plus en plus nettement par rapport à un autre qui prend souvent les traits du juif ou du sarrasin38, il n’est pas inintéressant de considérer la manière dont Anselme conçoit les rapports entre les différentes alliances. Le lien entre l’ancienne alliance et la création est indiqué par Anselme explicitement en LP 230 : reprenant l’idée de LP 70, selon laquelle la chute des natures angélique et humaine était nécessaire à l’exaltation des bons, l’auteur signale que l’incrédulité est tout aussi utile à la manifestation de la foi39. Dieu accorde cette illumination à des privilégiés, 35

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Pour une remise en contexte dans l’histoire longue de la question, cfr H. de Lubac, Surnaturel. Études historiques, Paris, 1991, p. 139-150 qui reprend, en l’amplifiant, son Augustinisme et théologie moderne, Paris, 1965, p. 259-274. Sur les présupposés lubaciens et cette œuvre en particulier, cfr V. F. Gomes, Le paradoxe du désir de Dieu. Étude sur le rapport de l’homme à Dieu selon Henri de Lubac, Paris, 2005, p. 59-110. D’une manière ou d’une autre, il y a donc progrès de l’espèce humaine, cfr G. Dahan, « Ex imperfecto ad perfectum. Le progrès de la pensée humaine chez les théologiens du xiiie siècle », dans Progrès, réaction, décadence dans l’Occident médiéval, éd. E. Baumgartner, L. Harf-Lancner, Genève, 2003, p. 171-184. Cfr O. Lottin, PM, 1, Gembloux - Louvain, 1942, p. 484 et P. Michaud-Quantin, « La psychologie dans l’enseignement au xiie siècle », dans L’homme et son destin d’après les penseurs du Moyen Âge. Actes du premier congrès international de philosophie médiévale (Louvain-Bruxelles 28 août – 4 septembre 1958), Louvain - Paris, 1960, p. 407-415, aux p. 407-411. Cfr pour Cluny, D. Iogna-Prat, Ordonner et exclure. Cluny et la société chrétienne face à l’hérésie, au judaïsme et à l’islam, 1000-1150, Paris, 1998. LP 230 : « Deus angelos in magna dignitate constituit, quorum quidam nondum experti fragilitatem suam, sed a se ipsis credentes se habere dignitatem elati sic in superbiam, expulsi sunt a Deo. […] Qui nunquam ita confirmati fuissent, nisi illi cecidissent. Hominem similiter creavit in magna dignitate, qui similiter nondum expertus suam fragilitatem, cecidit per superbiam. Qui nisi cecidisset, aliis misericordia non pervenisset, quia superbirent in dignitate confisi » (L 56, l. 8-17, faible diffusion).

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certains Juifs avant l’Incarnation comme Abraham, ou à des Gentils après la venue du Christ, en raison de leur humilité40. Anselme sous-entend donc que la disposition divine prime toute considération d’appartenance au peuple élu. Comme le rappelle LP 229, la loi écrite n’est qu’une modalité du salut, à côté de la loi naturelle qui conserve pour le juste sa valeur salvifique avant l’Incarnation41. Selon Anselme, le don de la loi était ordonné à l’Incarnation et à la nécessité de faire naître le Christ dans un peuple monothéiste42. Non essentielle pour le salut, la loi écrite est aussi peu valorisée dans son contenu : ses promesses, uniquement temporelles, ne concernent que le vieil homme43. Dès qu’Anselme s’interroge sur ce qu’il reste des préceptes, sacrements et promesses de la loi écrite, le constat est sans appel : à l’exception des commandements enjoignant l’amour de Dieu et du prochain, dont le fondement est de surcroît naturel et non positif, tout le reste est abrogé44. Ce qui est vrai des promesses temporelles l’est aussi des sacrements de la loi écrite, purement figuratifs et sans efficacité. En effet, la circoncision et la manne, traditionnelles figures du baptême45 et de l’eucharistie, sont placées par Anselme sur le même plan que le passage de la Mer Rouge : la circoncision est donc assimilée à un événement, certes symbolique, mais dont l’efficacité spirituelle pour le peuple juif est objectivement nulle46. La position tenue par Anselme mérite attention : si dans la nouvelle économie chrétienne, il va de soi que les sacrements de l’ancienne alliance sont abolis, leur mode d’action avant abrogation n’est pas évident et a donné lieu à interprétations divergentes. La tradition latine, s’appuyant sur une exégèse spirituelle de Gen. 17, 14, considère au 40

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« Illuminavit siquidem Abraham et alios quosdam qui, suam fragilitatem cognoscentes, non superbirent de illuminatione. Posteaquam vero ipse in carnem venit, ad conservationem humilitatis gentes, non Judeos, illuminavit » (L 56, l. 18-21). LP 229 : « Si vero eodem tempore aliquis, per solam legem naturalem, cultum veri Dei juste observaret, tam bene justus apud Deum judicatur quam si sub scripta lege teneretur » (L 49, l. 8-10, faible diffusion), cfr O. Lottin, « La loi naturelle depuis le début du xiie siècle jusqu’à saint Thomas d’Aquin », dans PM, 2-1, Louvain - Gembloux, 1948, p. 71-100, aux p. 71-72. « Deus enim carnem accepturus illi linee, de qua nasci voluit, legem scriptam donavit per quam sub cultu unius Dei teneretur » (L 49, l. 6-7). LP 232 : « Inde antiquum dicitur vetus, quia pro temporalibus servire veteris hominis est » (L 53, l. 4-5, faible diffusion). « Secundum precepta vero non cessat lex ex toto. Illa enim precepta naturalia, ut de dilectione Dei et proximi, et ibi et hic sunt. Secundum tamen illa alia precepta que pertinent ad sacramenta illa, ut custodies sabbatum, et similia, cessat » (L 51, l. 13-17), cfr Petrus Abaelardus, Sic et non, q. 140, p. 487 : « Quod legis precepta non perfecta sint sicut sunt evangelii et contra ». J. Daniélou, « Circoncision et baptême », dans Theologie in Geschichte und Gegenwart, Michael Schmaus zum sechzigsten Geburtstag, éd. J. Auer, H. Volk, Munich, 1957, p. 755-776. LP 231 : « Ibi tantum fuerunt sacramenta figuralia sine re, scilicet mare rubrum, manna, circumcisio et talia » (L 51, l. 3-4).

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moins depuis Ambroise que la circoncision efface le péché originel47. Cette doctrine courante, illustrée notamment par Augustin, Grégoire le Grand ou Bède, est passée sous silence par Anselme qui privilégie une justification pour ainsi dire sola fide dont Abraham est le modèle48. Retrouvant la position des Pères grecs, l’écolâtre laonnois n’admet pas plus que la circoncision équivaille, selon des modalités temporelles différentes, au baptême. Le problème est bien connu d’Abélard qui le traite ex professo49. Cependant, Abélard cite en position contra des extraits de l’Ambrosiaster et d’Haymon qui se contentent de nuancer la doctrina communis. Ces deux auteurs signalent seulement que la loi nouvelle est plus complète que l’ancienne dans ses effets et sa récompense50. Alors que pour Anselme les deux temps diffèrent en fonction de leur nature, chez Abélard seule leur intensité permet de les différencier et justifie de poser une question. Le salut obtenu par les justes avant la passion du Christ retient Abélard dans la même question : le point est aussi abordé par Anselme. Pour le Laonnois, les anciens Pères sont placés dans un état d’attente, ce qui revient à définir sans le mot le limbus patrum51 : leur justice, purement naturelle, ne peut se prévaloir que de mérites humains, qui font de l’observance d’une loi ou de la réception des sacrements de simples pratiques auxiliaires52. Poursuivant sa comparaison entre les deux alliances, Anselme consacre un important développement au culte des saints en LP 233 où il cherche à comprendre pourquoi les fêtes d’hommes saints de l’Ancien Testament ne sont pas célébrées liturgiquement dans le monde latin. Il met en avant une raison théologique : puisqu’avant leur rédemption par le Christ, ils n’ont pas 47

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La formulation la plus nette est fournie par Augustin : « sic intelligenda sunt hec verba divina, tamquam dictum sit : qui non fuerit regeneratus, interibit anima illa de genere ejus, quia Testamentum Dei dissipavit, quando in Adam cum omnibus etiam peccavit » (De civitate Dei, 16, 27, p. 532, l. 31-35). Pour d’autres testimonia, voir V. Ermoni, « Circoncision », dans DTC, t. 2, 1923, col. 2519-2527, aux col. 2523-2525 et la note complémentaire 26, « Circoncision et baptême », dans Traités anti-donatistes, Sept livres sur le baptême, éd. G. Finaert, G. Bavaud, Paris, 1964 (BA 29), p. 614-615. LP 231 : « Circumcisio enim non faciebat remissonem peccatorum et sine ea poterat haberi, ut in Abraham patet, qui fuit justus ante circumcisionem » (L 51, l. 7-9, faible diffusion). Petrus Abaelardus, Sic et non, q. 109, p. 355-356 : « Quod tantumdem valebat circumcisio in antiquo populo quantum nunc baptimus et contra ». Cfr Ambrosiaster : « Quia non solum remissionem peccatorum accipere nos sed et justificari et filios Dei fieri profitetur, ut beatitudo hec gloriam perfectam habeat et securitatem » et Haymon : « excepto quod ille nondum venerat qui peccata absolvere posset vel qui januam regni celestis reseraret » (ibidem, p. 356). LP 333 (sentence isolée) : « Sed quia nondum ille venerat qui gloriam, quam per se mereri non poterant, sua morte eis conferret, adhuc erant in sustentatione » (L 50, l. 4-6, moyenne diffusion), cfr J. Baschet, Le sein du père. Abraham et la paternité dans l’Occident médiéval, Paris, 2000, p. 99-108. « Dicitur quod tam juste operati sunt ut, quantum ad humanam pertinet possibilitatem, saluti proximi essent » (L 50, l. 2-3).

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eu accès au ciel, leur dies natalis ne correspond pas au jour de leur mort et il faudrait alors célébrer ces saints le jour de la Résurrection53. Anselme signale aussi que l’Église grecque a fait entrer dans son sanctoral un certain nombre de saints vétéro-testamentaires dont les fêtes sont célébrées à une date arbitraire54. Conformément à l’usage d’Ambroise, l’église latine a aussi adopté certaines fêtes, comme celles de Jean-Baptiste et des Maccabées55. Suivant sans doute Bède56, Anselme note que la fête du 29 août, contrairement à ce que dit le calendrier, ne correspond pas à sa décollation, attestée par les évangiles pour Pâques, mais à l’invention de son chef57. Quant aux Maccabées, Anselme rappelle en LP 234 l’origine biblique de leur culte : témoins anciens de la croyance en la résurrection, ils sont honorés comme martyrs pour avoir refusé de manger de la viande de porc58. 53

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LP 233 : « Mors illorum non fuit natalitium, quia omnes ante Christum descendebant in infernum. Si ergo de his festa coleremus, non in diebus mortis eorum, sed in resurrectione Domini in qua recepti fuerunt, celebranda forent » (L 95, l. 4-7, forte diffusion). « Greci tamen et ecclesias et festa in honore patrum veteris Testamenti faciunt nec observant tempora mortis eorum, sed quando et quotiens ilis placet probant ut quoscumque plus diligunt, festa eorum celebrant » (L 95, l. 8-11). Sur les grands épisodes vétérotestamentaires célébrés dans l’Église byzantine et leur représentation, voir A. Tradigo, Icônes et saints d’Orient, Paris, 2005, p. 43-91. Sur la présence du culte des Maccabées en Gaule au moins au ve siècle, cfr B. Beaujard, Le culte des saints en Gaule. Les premiers temps. D’Hilaire de Poitiers à la fin du VIe siècle, Paris, 2000, p. 462-463. Beda Venerabilis, In Marci Evangelium, 2, 6, 37, éd. D. Hurst, Turnhout, 1960 (CCSL 120), p. 512, l. 906-917, notamment : « non specialiter ipsum diem decollationis ejus sed diem potius quo caput ejus in eadem Emissa civitate repertum atque in ecclesia est conditum designat ». Anselme a pu connaître cette tradition selon la version établie par le martyrologe d’Adon (mi-ixe siècle) pour les fêtes du 24 février (invention) et du 29 août (décollation/invention, cfr J. Dubois et G. Renaud, Le martyrologe d’Adon, ses deux familles, ses trois recensions, texte et commentaire, Paris, 1984, p. 92-93 et 292-293) et largement diffusée, dans la dépendance d’Adon, par celui d’Usuard (ixe siècle) à la fête du 29 août : « Decollatio vel potius inventio capitis beatissimi Johannis Baptiste. Siquidem decollationem ejus circa sollemnitatem paschalem evenisse ex evangelica comprobatur lectione, que tamen hic festiva colitur, quando caput ejusdem secundo repertum est in Emessa civitate atque in ecclesia conditum » (éd. J. Dubois, Le martyrologe d’Usuard. Texte et commentaire, Bruxelles, 1965, p. 293). Les martyrologes antérieurs ne contiennent pas ces précisions aux deux fêtes précitées, cfr J. Dubois et G. Renaud, Édition pratique des martyrologes de Bède, de l’Anonyme lyonnais et de Florus, Paris, 1976, p. 38 et 160. « Festivum autem beati Johannis Baptiste, quam in fine Augusti celebramus, non de decollatione ejus est, etsi scribatur sic in calendario, cum decollatus sit circa pascha, sicut evangeliorum ratio exigit, sed de inventione capitis ejus » (L 95, l. 16-19). La fête du 29 août a sans doute pour origine la dédicace de l’église d’Émèse, bâtie pour recevoir la relique de la tête de Jean-Bapiste découverte en février 453, cfr H. Leclercq, « Jean-Baptiste (saint) », dans Dictionnaire d’archéologie chrétienne et de liturgie, t. 7-2, 1927, col. 2167-2184, aux col. 21702171. LP 234 : « Quia noluerunt comedere porcinam carnem, interfecti feris et avibus expositi fuerunt, ut qui predicabant resurrectionem, resurgere non poterant (cfr II Mach. 7, 1-40) » (L 94, l. 3-5, forte diffusion).

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Anselme donne aussi la signification de quelques usages liturgiques en LP 235-237. En LP 235, le maître explique le sens anagogique de l’octave d’une fête : alors que la fête se contente de rappeler la sainteté des défunts, l’octave, en raison du symbolisme du chiffre huit, nous fait anticiper la gloire du jugement dernier59. Concernant les saints Innocents, le maître rappelle en LP 236 les circonstances bibliques de leur mort60 et en LP 237 justifie de ne pas chanter le Gloria en raison du deuil que revêt alors l’Église61. Déréalisés au sens propre (figuralia sine re), les sacrements de l’ancienne alliance ne sont pour Anselme que des signes du Nouveau Testament. Au temps de la grâce, la loi naturelle aussi bien que la loi écrite disparaissent des préoccupations du théologien. En retour, les sacrements de la nouvelle alliance reçoivent un caractère efficace et contraignant particulièrement remarquable62. Par rapport à la loi ancienne, les nouveaux mystères de la foi, notamment l’évangile et le baptême, apparaissent comme relevant d’une nécessité de moyen, affirmée sans nuance. La prophétie (LP 163-171) Dans le Liber pancrisis, le cadre d’interprétation donné à la prophétie demeure biblique et patristique : sans grande retombée apparente politique ou sociale, comme ce sera le cas dans les siècles suivants63, la réflexion sur la prophétie est l’occasion pour Anselme de concilier des exemples bibliques parfois déconcertants avec les premiers essais de théorie hérités de Cassiodore et Grégoire64. L’élaboration patristique sur la prophétie est avant tout 59

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LP 235 : « In festis enim nil aliud intelligimus, nisi quod congaudemus sanctitati eorum, qua in celis recipi meruerunt. In octavis vero illud celebramus quod in octava, que significat totum evum, post diem judicii plenum gaudium habituri sunt resuscitati et nos cum eis duplici stola vestiemur » (L 97, l. 1-6, forte diffusion). LP 236 : « Anselmus de nece sanctorum innocentum. Sciendum est quia interfectio… – … in excelsis Deo » (Enarrationes in Mattheum, 2, PL 162, col. 1258C-1259B avec coupes). LP 237 : « In eo festo luctum Rachel, id est Ecclesie, potius memoramus quam gaudium receptionis eorum » (L 96, l. 2-4, forte diffusion). LP 236 insiste sur le fait que leur mort, antérieure à celle du Christ, explique l’absence de chants de joie. « In novo, baptisma, communio altaris, confirmatio et alia, et ista comitatur res sacramenti, ut qui baptizatur ilico mundetur a peccato, quod ibi non erat. […] Sed modo nulli remittuntur peccata sine baptismo » (L 51, l. 4-9), « Sicut in tempore gratie, verum est nullum justificari nisi sub evangelio et baptismate. Sed dicendum circumcisionem et ceteras observantias legales non ita esse generales sicut est evangelium et baptisma » (L 49, l. 2-5). Sur les prophéties et leur politisation croissante, voir Les textes prophétiques et la prophétie en Occident (XIIe-XVIe siècle). Actes de la table ronde organisée par l’U.R.A. 1011 du CNRS et le Centre de recherche « Histoire sociale et culturelle de l’Occident, XIIe-XVIIIe siècle » de l’Université de Paris X – Nanterre (Chantilly, 30-31 mai 1988), éd. A. Vauchez, Rome, 1990, notamment la conclusion de P. Contamine, p. 677-685, à la p. 684. Pour le xiie siècle, il n’existe pas l’équivalent de la thèse de J.-P. Torrell, Théorie de la prophétie et philosophie de la connaissance aux environs de 1230. La contribution d’Hugues de Saint-Cher (Ms. Douai 434, Question 481), Louvain, 1977, voir cependant sur Anselme, p. 143, n. 86 et Id.,

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un exercice herméneutique qui cherche à comprendre la parole inspirée du prophète et son rapport avec les attributs divins. En LP 167 et 170, les citations de Jérôme mettent en parallèle la prophétie avec la volonté divine : la mort annoncée par Isaïe à Ézéchias peut être différée par Dieu ad libitum65, tandis que la non réalisation de la prophétie de Jonas aux Ninivites met en valeur a contrario la liberté salvifique absolue de Dieu66. Le statut de la prophétie demeure ambigu tant sa consistance par rapport aux décrets divins paraît faible : selon Jérôme, la durée de la vie d’Ézéchias est suspendue aux libres décrets de Dieu sans que la prophétie puisse marquer une fatalité, alors que Jonas a commis une sorte de mensonge prophétique. Reprenant le cas d’Ézéchias, Grégoire donne une solution qui concilie la véridicité de la prophétie avec la volonté divine. Pour ce faire, il fait concorder en LP 165 la prescience divine, qui de toute éternité connaît et a fixé le terme de la vie d’Ézéchias, avec la prophétie d’Isaïe qui, elle, indique le moment où le roi méritait de mourir67. Dieu peut donc changer librement sa sententia en fonction de la conduite des hommes, mais non le consilium irréformable qui porte sur le moment définitif de leur mort68. Dans une perspective grégorienne, Anselme reprend la distinction à nouveaux frais dans un vrai petit traité De prophetia qui prend pour point de départ la définition classique de la prophétie donnée par Cassiodore69. Anselme, dont on se rappelle que l’auteur du De miraculis fait une sorte de prophète70, insiste sur la nature visionnaire de la prophétie. L’origine divine de ce mode de connaissance est rappelée afin de le différencier d’autres formes de divination venant du démon 71. Au-delà de ses différentes

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« La notion de prophétie et la méthode apologétique dans le Contra Saracenos de Pierre le Vénérable », Studia monastica, 17 (1975), p. 257-282, repris dans Recherches sur la théorie de la prophétie au Moyen Âge, XIIe-XIVe siècles. Études et textes, Fribourg, 1992, p. 75-100, notamment aux p. 78-89 sur la définition de la prophétie par l’abbé de Cluny. LP 167 : « Jheronimus. Flevit Ezechias fletu magno (Is. 38, 3)… – …resuscitatos plurimos legerimus » (Commentarius in Isaiam, 11, 38, 1, éd. M. Adriaen, Turnhout, 1963 (CCSL 73), p. 443, l. 38-53). LP 170 : « Gregorius. Deus presentia judicat… – …Ninive civitati magne ? » (rectius Hieronymus, Dialogus adversus Pelagianos, 3, 6, éd. C. Moreschini, Turnhout, 1990 (CCSL 80), p. 105, l. 31-37, 40-57). LP 165 : « Gregorius. Nulla que in hoc… – …fuit intus statutum » (Moralia, 12, 2, 2, éd. M. Adriaen, Turnhout, 1979 (CCSL 143A), p. 628-629, l. 2-23). LP 166 : « Gregorius. Cum tempus vite… – …ex presenti vita subtraxit » (Moralia, 16, 10, 14, p. 806, l. 2-27). LP 163 : « Unde sic potest describi : prophetia est divina inspiratio que eventus rerum vel per dicta vel per facta incommutabili veritate pronuntiat » (L 82, l. 8-9, moyenne diffusion), cfr Cassiodorus, Expositio Psalmorum, praefatio 1, éd. M. Adriaen, Turnhout, 1958 (CCSL 97), p. 7, l. 2-3. Voir sur ce point le chapitre II (première partie). LP 163 : « Ex Deo autem ideo dico, quia quedam sunt verba demonibus familiaria, quibus ipsi asciti homininus inspirant secreta que ipsi concipiunt ex rerum natura, vel que ex ipsis secretis agnoscunt » (L 82, l. 3-6).

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manifestations mentales ou vocales, la prophétie retient longuement le maître pour un aspect de sa définition : l’immutabilité de sa vérité difficile à concilier avec le cours des événements bibliques72. Le maître doit cette fois résoudre la contradiction entre énoncé prophétique et fait biblique, aussi bien dans le cas d’Ézéchias que celui des Ninivites qui semblent mettre en échec les prophéties d’Isaïe et de Jonas. De manière très habile, Anselme déplace la prophétie du domaine visuel à celui de la sémantique. Plus qu’un voyant, le prophète est un lecteur qui décrypte le livre de la prescience divine de manière partielle et conditionnelle73. De cette science divine, il n’a qu’une connaissance, en fait une lecture, qui porte sur les mérites ou la nature des choses74. La prophétie est donc un énoncé justiciable d’une analyse linguistique : selon la définition augustinienne, en tant que discours tenu pour véridique par son locuteur, c’est un énoncé vrai75. Le principe grégorien est retravaillé dans ce nouveau contexte : Dieu est libre de changer de sententia, c’est-à-dire les mots écrits au livre de la prescience, mais non son consilium en quoi consiste sa disposition immuable76. L’analyse sémantique qu’Anselme propose pour la prophétie non réalisée ne laisse toutefois pas de poser problème : quel statut possèdent des énoncés dont la réalisation n’est pas avérée ? De manière encore plus précise que précédemment, Anselme recourt aux arts du langage dans une perspective proche de celle d’Abélard : à l’ordre des causes inférieures, autrement dit les mérites ou la physique, correspondent des propositions vraies, énoncées simpliciter et sans détermination. En ce sens, dire d’un aveugle qu’il ne verra plus ou d’Ézéchias qu’il est condamné à mourir relève de la vérité physique et s’exprime selon une logique propositionnelle indéterminée et véridique77. En revanche, pour révéler un énoncé immanquablement vrai et partant dé-

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« Sed quia cetera manifesta sunt, videamus quomodo immobili veritate pronuntiet futura prophetia » (L 82, l. 12-13). « Sed dicendum est quod prophete in illo libro prescientie Dei, ubi omnia scripta sunt, legentes, non omnia percipiebant, sed quedam et eo modo quo Deus permittebat » (L 82, l. 22-24). « Legerat enim Ysaias in illo libro quod rex Ezechias secundum opera que fecerat longiorem vitam non merebatur, vel juxta rei physicam habere non poterat » (L 82, l. 24-26). « Uterque igitur secundum quod legit predicavit, quia neminem fallere intendebant » (L 82, l. 31-32). « Deus etiam, ut Gregorius dicit, sententiam mutat, sed consilium suum non mutat. Sententiam autem debemus intelligere sensum verborum, consilium vero ejus ab eterno dispositionem » (L 82, l. 35-37). « Quod quidem permissum est, illud dixit, nec est deceptus quia sic legit, nec est mentitus quia sic credidit et secundum illas inferiores causas locutus est, quamvis simpliciter et sine addimento, sicut si quis videret cecum et diceret : ‘iste amplius non videbit’ ; etiam si divinitus statim lumen reciperet, ille tamen non mentiretur, quia rei physicam esset secutus » (L 82, l. 51-57).

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terminé dans sa réalisation historique, il faut avoir accès au consilium divin, ce qui n’est pas toujours le cas du prophète. Les sentences anselmiennes LP 168-169 complètent l’exposé en défendant l’origine divine de la prophétie, malgré les mérites divers des prophètes78. Le cas des mauvais prophètes s’explique soit en raison d’une prophétie ex officio comme pour Caïphe, soit à cause d’une permission ou d’une coaction de l’Esprit pour Balaam et la Sybille79. L’efficacité potentielle de leur prophétie, notamment dans le cas de la malédiction de Balaam, pose problème80. Même si la prophétie n’est pas réalisée, elle oblige à reconnaître au prophète animé de mauvaises intentions un pouvoir sur les démons que Dieu ne vient pas contrarier81. La volonté permissive de Dieu laisserait ainsi libre cours à la volonté nuisible de certains prophètes. On peut également comparer l’enseignement d’Anselme à celui de son frère Raoul qui est transmis dans le Liber pancrisis. Alors que les vues de Raoul sur la rédemption sont très proches de celles d’Anselme, il en va autrement pour la prophétie. En effet, Raoul aborde une nouvelle fois le cas d’Ézéchias dont il livre une interprétation différente. Raoul adopte les vues de Jérôme en LP 167 : le but est de rendre compte d’un événement et de sa trame biblique, non de le concilier avec une définition générale de la prophétie. Commentateur plus que théoricien, Raoul affirme que la prophétie non réalisée d’Isaïe n’en est pas vraiment une : simple discours personnel, elle ne saurait refléter la prescience divine infaillible82. Le prophète parle toutefois sur mandat divin puisque Dieu cherche à éprouver un roi sans enfant qui a, par ailleurs, reçu la promesse d’être l’ancêtre du Messie83. Tandis qu’Anselme fait concorder au sein de la science divine des énoncés opposés, Raoul confère au problème une tonalité morale : le discours prophétique contradictoire n’a d’autre but

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LP 168 : « Sed sciendum quod boni et quidam mali ex Spiritu Sancto prophetant » (L 83, l. 4-5, forte diffusion). « Mali vero propter officium solum ex Spiritu Sancto prophetant, ut Cayphas qui erat pontifex vel sacerdos. Alii vero mali, quia nec eos vita commendat, nec dignitas officii phitonico spiritu dicuntur prophetare, permissione tamen vel coactione Spiritus Sancti, qui omni prophetie preest, ut Balaam et Sibilla » (L 83, l. 7-12). LP 169 : « Queri potest unde Balaam tantam potestatem maledicendi habuerit, ut etiam si malediceret populo Dei malediceretur et in populo Dei ejus maledictio, Deo quasi impotente non contradicente, haberet effectum » (L 84, l. 1-4, forte diffusion), cfr Num. 22, 2 ; Deut. 23, 5-6 ou Jos. 24, 9-10. « Tales ergo malefici per quedam verba sibi familiaria diabolos ascibant et eorum voluntati secundum promissiones eorum obediebant » (L 84, l. 6-8). LP 164 : « Sciendum autem ipsum prophetam deceptum esse, nec divino sed suo spiritu hoc ei dixisse. […] Quod autem Dominus mandavit ei quod moreretur, cum non esset moriturus, non descendit ex prescientia Dei. Illa enim nunquam fallitur » (L 233, l. 3-5 et 8-10). « Sed ideo mandavit ei ut temptaret eum, scilicet quomodo se haberet, cum duo opposita audiret. Audierat enim ille Christum de semine suo nasciturum et modo nullum habens filium audiret se esse moriturum » (L 233, l. 10-13).

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que d’éprouver le roi et plus largement de nous faire imiter son abandon à la providence84. Anselme donne à la parole prophétique une intelligibilité certaine là où Raoul tend à en restreindre la portée à une sorte de pédagogie divine. Enfin, un extrait des Enarrationes in Mattheum livre sous le nom d’Anselme un ultime exposé sur la prophétie. Réunissant les perspectives déjà évoquées d’Anselme et de Raoul, il cherche à dresser une typologie des prophéties en fonction de la nécessité de leur réalisation85. Relève de la prédestination tout ce qui arrive immanquablement. Un autre genre vient de la prescience divine et met en jeu le libre arbitre humain. Enfin, les prophéties d’Isaïe et de Jonas sont plutôt des menaces conditionnelles et incomplètes, suspendues à l’amélioration de leurs destinataires. Dieu peut ainsi changer sa sententia prononcée à titre d’épreuve86. Le Christ (LP 147-162) Alors que certaines sentences du Liber pancrisis, dont celles de Guillaume de Champeaux, s’intéressent à des questions comme l’impeccabilité du Christ ou l’union en lui de deux natures, d’autres sentences, notamment anselmiennes, préfèrent évoquer la dimension historique de son action. Elles possèdent une tonalité exégétique plus marquée et se présentent comme un art de lire et de comprendre les évangiles. L’accent est mis principalement sur la mort du Christ et sa signification dans l’économie du Nouveau Testament. Ainsi, comme LP 232 déjà examinée, LP 153 présente les traits distinctifs du temps de la grâce selon Anselme : de même que les promesses ne sont accessibles que par le sacrifice du Christ, ainsi les préceptes ne sont-ils rendus possibles que par le don de l’Esprit87. De manière similaire, les sentences grégoriennes, LP 155-156, offrent une tonalité morale marquée : il n’importe pas tant de

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« Iste autem Ezechias, dimittens omnes rationes, in manu Dei totum posuit, sciens quod potens erat facere quicquid vellet. Quod autem dicimus Deum eum temptasse, non propter se fecit, sed propter nos, ut nos eum imitemur » (L 233, l. 14-17). LP 171 : « Anselmus. Nota de Ezechia… – …non vives nisi fleveris » (Enarrationes in Mattheum, 1, PL 162, col. 1242D et 1252B-C). LP 171 présente une argumentation (« Deus autem sententiam quam dederat ad probationem fidei immutat et generandi spatium prestat », 1242D) proche de la sentence anselmienne LP 163 : « Sententiam vero Deus prophetis suis revelaverat, non tamen consilium, sed ut eorum comminationibus penitentiam populis suis incuteret et sic eorum misereretur » (L 82, l. 38-40). « Cum enim in Testamento habeantur promissiones, nullus ad illas posset pervenire, nisi per illam hostiam. Item precepta que sunt in illo Testamento, nullus posset implere, nullus posset amare nisi, eo a morte resurgente et ad celum ascendente, daretur hominibus Spiritus Sanctus » (L 62, l. 19-24).

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pénétrer le mystère de la mort du Christ que de se laisser guider par l’Esprit et d’en imiter intérieurement les leçons88. Sous la caution d’un pseudo Jérôme, LP 162 cherche ainsi à établir un parallèle entre les trois années de prédication de Jean-Baptiste et celles du Christ89. La sentence réalise un programme plus ambitieux que sa rubrique ne le laisse penser, puisqu’elle cherche à mettre en parallèle et à faire concorder trois séries de faits. Le premier parallèle est établi, tout d’abord, entre Jean-Baptiste et le Christ, LP 162 montrant le recoupement de leurs prédications : après une première année de prédication antérieure au baptême du Christ, le Baptiste prêche pendant deux années qui correspondent aux débuts de la prédication de Jésus90. Ensuite, LP 162 s’efforce de concilier le silence des synoptiques sur la première année de prédication du Christ avec l’évangile de Jean : si la première année de prédication demeure secrète, tous les évangiles concordent pour parler de deux années suivantes91. Le dernier point à régler concerne la signification de la date de Pâques. Comme il est certain que le Christ a été crucifié la sixième férie, c’est-à-dire le vendredi, sa mort ne correspond pas exactement au symbolisme de l’agneau, immolé le jeudi92. Le point, toujours débattu par l’exégèse actuelle, revient à se demander si le Christ a instauré la Pâque nouvelle au cours du repas pascal de l’ancienne alliance. Si la date de la crucifixion ne pose pas de problème, les Synoptiques présentent la Cène comme un repas pascal, alors que, pour Jean,

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LP 155 : « Gregorius. Quod ex agno remanet… – …Spiritui sancto reservat. » (Homiliae in evangelia, 2, 22, 8, PL 76, col. 1180B) et 156 : « Gregorius. Quis inquit sit sanguis… – …intenta mente cogitatur. » (ibidem, col. 1178A-B). LP 162 : « De distinctione trium annorum quibus predicavit Johannes et de distinctione illorum trium annorum quibus predicavit Jhesus. Jheronimus. Johannes Baptista predicationem… – … cum inventione capitis que tunc fuit ». « Johannes Baptista predicationem incepit antequam Christus baptizaretur anno uno et post baptismum a sequente pascha usque ad alterum pascha liber predicavit. Sed tunc captus est et positus in carcerem ubi fuit non cessans a predicatione per unum fere annum, videlicet usque ad tercium pascha et tunc decollatus est. Christus vero cepit predicare post baptismum suum, non tamen ita aperte usque post secundum pascha, quando Johannes captus est et postea aperte, capto Johanne, usque ad tercium pascha quando Johannes decollatus est. Sic itaque Johannes uno anno, antequam Christus predicaret, predicavit et deinde uno anno liber et tunc captus est. Ecce tres anni non plus vel minus. Christus vero his duobus annis et post Johannem uno anno et ita tribus annis predicavit ». « Johannes igitur evvangelista predicationem Christi, quantum ad primum annum pertinet, narrat. Quem annum alii evvangeliste ex toto pretermiserant. […] Cum pervenisset in Galileam, tunc aperte incepisse predicationem et hic incipiunt alii predicationem Christi et duorum fere annorum et iste et illi communiter gesta pro sua quisque varietate narrant ». « In quarto vero pascha omnes conveniunt. Dicunt enim quod ante sex dies pasche venit Jherusalem sedens super asinam et pullum. In quo adventu, sicut Matheus narrat, ejecit de templo vendentes et ementes et iccirco intelligitur bis istud esse factum et in hoc quarto pascha Christus, ut omnes dicunt, crucifixus est. Quod non videtur convenire cum significatione inmolationis agni ».

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Jésus célèbre la Cène avant la fête de Pâque93. LP 162 retient deux solutions : tandis que, pour certains, l’arrestation du Christ constitue déjà une forme d’immolation, d’autres font correspondre la Pâque juive à la sixième férie, ce qui signifie que le Christ a anticipé la fête au jeudi, sachant qu’il ne pourrait y assister94. Toujours sous le nom de Jérôme, LP 161, dont l’auteur est très probablement identique à celui de LP 162, reprend la question de la date précise assignée à la mort du Christ95. Comme LP 162, il s’agit moins d’un exposé scolaire que d’une discussion d’ordre exégétique faisant un point exhaustif sur une question. LP 162 et LP 161 attestent un égal souci de précision historique et un effort de concordance tout à fait remarquables. L’auteur, qui reprend le thème de la lunaison correspondant à la crucifixion du Christ, oppose les usages des Grecs à ceux des Hébreux et des Latins. Pour les premiers, qui sont donc les quidam de LP 162, la sixième férie correspond à la quatorzième lune, ce qui signifie que la Pâque juive a eu lieu le même jour que la crucifixion et que le Christ a anticipé la Cène96. En revanche, les Latins, héritiers fidèles de la veritas hebraica, interprètent correctement les deux Testaments. Ils connaissent le sens exact des rites juifs, puisqu’ils savent que la Pâque juive s’étend sur sept jours et que le jour de Pâque suit l’immolation rituelle97. De même les Latins rétablissent-ils la chronologie exacte et concor93

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Cfr Jean 13, 1 ; cfr H. Haag, « Pâque », dans Dictionnaire de la Bible. Supplément, t. 6, 1960, col. 1120-1149, aux col. 1144-1147. « Solvunt itaque quod (sic pro quidam), quia Christus quarta decima luna traditus est, jam quodammodo immolatus est. Quod si, ut ceteri volunt, sexta feria fuerit luna XIIII, oportet dici Christum vetus pascha per anticipationem in tercia decima celebrasse, quia sciebat se usque ad legitimum tempus non perventurum ». LP 161 : « Quota luna passus sit Dominus. Jheronimus. Greci et Latini… – …corpus Christi representari ». « Greci et Latini cum fidelibus Hebreis pariter asserunt Christum sexta feria crucifixum, sed Greci, a ceteris in luna dissentientes, dicunt in sexta feria quartam decimam lunam evenisse et in eadem die Christum esse in meridie crucifixum et agnum in vespere immolatum, scilicet vetus pascha Judeorum. […] Greci vero, ut ad illos redeamus, opinantes Christum hec providisse quod, quando Judei agnum comederent, ipse cum discipulis comedere non posset et ideo illum unum diem anticipasse et in tercia decima luna cum discipulis utrumque pascha celebrasse ». « Inde ipsi Greci, argumentum trahentes quod Judei in sexta feria, quando Jhesum ad Pilatum qui gentilis erat adduxerunt, pretorium intrare noluerunt, sed dicunt ut ipsi dignius manducarent pascha in vespere scilicet agnum quem debebant immolare eo die, volentes se prius sanctificare, noluerunt intrare, putantes in illa die pascha tantum manducari et illum diem pascha tantum vocari qua agnus immolabatur ad vesperam. Sed Hebrei sicut et Latini illam noctem qua fit immolatio agni proprie appellant pascha. […] Ipsi tamen a dignitate illius noctis qua agnus occiditur que proprie pascha dicitur, hoc nomen quod est pascha sortiebantur et ita paschales dies vocabantur. Dies vero azimorum ideo dicuntur quia in illis septem diebus et in illa paschali nocte azimis panibus utebantur. […] Ipsi itaque Greci in hoc planissime decipiebantur quod illum diem, quo agnus ad vesperam immolabatur, diem festum pasche appellabant, quem proprie tantum pascha et non diem festum pasche appellare debebant ».

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dante de la nouvelle alliance : le Christ, après avoir instauré le jeudi, jour de la quatorzième lune, le rite nouveau de la Cène, est arrêté et crucifié le lendemain98. Le rétablissement de la lettre historique par LP 161 a pour but essentiel de montrer la continuité entre les deux alliances et la réalisation parfaite des rites de l’Ancien Testament dans le Nouveau. Cette volonté, somme toute classique dans l’exégèse chrétienne, reçoit une coloration particulière dans ces sentences en raison de l’importance donnée à la lettre historique. Les Grecs, dont les interprétations sont infidèles et les pratiques implicitement schismatiques, sont donc ipso facto considérés comme des héritiers de second rang99. Dans le contexte encore récent de la controverse bérengarienne, Anselme explique le mode et la nature de la présence du Christ dans l’eucharistie. Selon lui, la distinction des espèces eucharistiques n’empêche pas le Christ d’être totalement présent sous chacune d’entre elles100. La sentence règle aussi le problème de la nature du corps donné par le Christ lors de la Cène : parmi les solutions possibles, Anselme choisit de privilégier celle qui insiste sur l’immortalité du corps en raison de l’union avec la divinité101. La suite de la mission temporelle du Christ a intéressé le compilateur du Liber pancrisis, puisqu’il rassemble deux sentences complémentaires sur l’envoi de l’Esprit. Selon le principe de la lecture allégorique, LP 159 met en parallèle la sortie du désert par les Hébreux et le don de la Loi à Moïse avec la résurrection du Christ et le don de l’Esprit aux apôtres102. LP 160 tranche 98

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« Johannes, nullus falsitatis precedentium evvangelistarum corrector, sed quorumdam ab aliis pretermissorum relator, dicit Christum in quarta decima luna, non in XIII, cum discipulis vetus pascha secundum ritum Judeorum prius celebrasse, ostendens ibi legalia fuisse, hac deinde eisdem suam cenam cenasse quod fuit initium nove gratie et in eadem nocte captum esse et in mane hora tercia vel sexta crucifixum fuisse ». « Greci vero, qui in XIII luna ante dies azimorum putant Christum cum discipulis cenasse, ut dictum est, et corpus suum tradidisse, representant corpus Christi non in azimo sed in fermento, excommunicantes sepe illos qui non in fermento, sed semper in azimo asserunt debere corpus Christi representari ». Sur les usages latins et la condamnation de l’usage de l’azyme liturgique par Michel Cérulaire au xie siècle, cfr F. Cabrol, « Azymes », dans Dictionnaire d’archéologie chrétienne et de liturgie, t. 1, 1924, col. 3254-3260, aux col. 3255-3257, et J. Parisot, « Azyme », dans DTC, t. 1, 1937, col. 2653-2664, aux col. 2659-2664. LP 152 : « Credendum est sub specie panis esse verum corpus Christi, similiter sub specie vini, et qui alteram tantum accipit, totum corpus Christi accipit, et qui utramque, similiter totum » (L 62, l. 1-3, faible diffusion). Pour un contemporain comme Yves de Chartres, le corps du Christ, passible au moment de la Cène, devait subir l’épreuve de la mort pour entrer dans l’immortalité, cfr Ivo Carnotensis, Epistolae, 287, PL 162, col. 285-286. LP 159 : « Augustinus de Penthecoste. Quinquagesimo die postquam filii Israel egressi sunt de Egypto, data est lex in monte Sina et quinquagesimo die post resurrectionem datus est apostolis Spiritus Sanctus qui legem implere facit (cfr Rom. 8, 4) », cfr aussi Leo Magnus, Tractatus septem et nonaginta, 75, 1, éd. A. Chavasse, Turnhout, 1973 (CCSL 138A), p. 465466, l. 11-19 et Rupertus Tuitiensis, De divinis officiis, 10, 12, éd. H. Haacke, Turnhout, 1967 (CCCM 7), p. 346, l. 659-664.

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la question de la glossolalie en faisant appel à la raison : il est plus logique de considérer que les apôtres ont parlé une seule langue comprise de tous, plutôt que d’imaginer l’emploi de toutes les langues pour se faire comprendre103. La rédemption (LP 131-143) À l’exception de LP 136, le dossier sur la rédemption présente une unité doctrinale des plus notables104. Toutes les sentences s’organisent autour de celles d’Anselme et de Raoul de Laon. La longueur relative de ces textes et l’habileté rhétorique qu’ils attestent signifient clairement que nous sommes en présence d’un élément clef dans l’enseignement des deux frères. Deux (LP 131 et 133) des trois sentences transmises par le Liber pancrisis sous le nom de Raoul concernent la sotériologie105. L’exposé le plus complet sur le thème du Cur Deus homo est celui d’Anselme en LP 132 : il peut donc servir de fil conducteur pour présenter les autres sentences thématiquement apparentées. Pour Anselme, la question s’insère dans une vaste réflexion sur le plan divin. Dans une perspective proche de celle de Grégoire le Grand106, il valorise l’absolue gratuité de la création et la nécessité, pour mieux louer Dieu, d’une double création à la fois spirituelle et corporelle, c’est-à-dire angélique et humaine107. Il existe ainsi

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LP 160 : « Loquebantur variis linguis apostoli magnalia Dei (cfr Act. 2, 4 et 11). Licet apostoli accepto Sancto Spiritu in die Pentecostes omnium genera linguarum loqui credantur, tamen melius videtur accedere rationi ut dicamus eos una tantum lingua loqui et ab hominibus diversarum linguarum discrete intelligi. Alioquin absurdum videretur et esset ut in uno eodemque sermone linguis omnium loquerentur et non nisi a paucis hominibus in singulis linguis intelligerentur ». Sous le nom d’Yves, LP 136 traite, de manière assez technique, des différents vocables appliqués à Dieu comme être un et trine. Voir surtout E. De Clerck, « Questions de sotériologie médiévale », RTAM, 13 (1946), p. 150184, aux p. 172-183 et les présentations plus générales de J. Longère, Œuvres oratoires de maîtres parisiens au XIIe siècle, t. 1, Paris, 1975, p. 65-69, J. G. Casalduero, El Misterio de la Redención y la cultura medieval, Murcia, 1988, p. 39-85, M. L. Colish, Peter Lombard, p. 448-459 et de C. W. Marx, The Devil’s Rights and the Redemption in the Literature of Medieval England, Cambridge, 1995, p. 7-27 : « the Twelfth-Century Controversy and its Origins ». Cfr LP 140 : « Gregorius. Nusquam enim angelos… – …hominem aliena prostravit » (Moralia, 4, 7, 12 (CCSL 143), p. 171, l. 21-26 ; 4, 3, 8, p. 168, l. 4-13, p. 169, l. 19-20). L’influence de Grégoire s’étend même dans un remaniement de LP 142 où les huit premières lignes de L 48 sont remplacées dans Stuttgart, Württembergische Landesbibliothek, HB III, dogm. et polem. 34 (l) par un montage de courtes citations grégoriennes (Moralia, 17, 30, 46 (CCSL 143A), p. 877-878, l. 30-34, 36-37, 53-57). LP 132 : « Porro eadem bonitate, ut laus imperfecta non esset, corpoream creaturam condidit et beatificare voluit […]. Inde est quod omnia dicuntur Deum laudare, dum rationales creature, angeli scilicet et homines, miram Dei potentiam et bonitatem tam in se quam in ceteris creaturis mirantur et laudant » (L 54, l. 8-15, moyenne diffusion).

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une nécessité à ce que le plan divin soit réalisé, nécessité non pas absolue, mais conditionnée par la bonté souveraine de Dieu108. L’arbitraire ne préside donc pas à la réalisation du salut, puisque ce dernier répond à une certaine rationalité qui est celle de l’amour divin pour sa création. De ce fait, Dieu manifeste une volonté positive de sauver l’homme, et ce indépendamment de la chute des anges109. Une nouvelle fois, l’examen d’un point doctrinal est remis dans le contexte de l’histoire du salut qui se noue à partir d’Adam. Comme le rappelle aussi Anselme en LP 134, c’est parce qu’Adam était libre de pécher ou de persévérer dans le bien110 qu’il porte une responsabilité directe dans la chute. Le libre arbitre explique ainsi que le diable possède des droits sur l’homme111. Pourtant, outre la nécessité de mener à bien le plan divin, l’existence même de la tentation diabolique rend la chute de l’homme plus aisément pardonnable que celle de l’ange pour toujours irrémissible112, puisqu’il est fixé dans le mal113. De plus, la juste domination à laquelle l’homme se trouve assujetti explique les modalités mêmes de l’Incarnation. Toutes les possibilités du rachat sont envisagées par Anselme : Dieu seul a le pouvoir de sauver directement l’homme mais sans en avoir le droit, puisqu’il aurait violé les droits du démon en agissant par force et non par justice114. Un homme comme un ange, même incarné, n’en aurait eu ni le droit ni le pouvoir, notamment parce que les deux natures dans leur état d’origine ont chacune

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« Quod si verum est, immo quia verum est, hominem duci ad gloriam necesse est, que tamen necessitas non aliunde quam ex maxima Dei quam prediximus bonitate descendit » (L 54, l. 17-20). « Quem ordinem si diligenter attendis, videbis hominem debuisse salvari, etsi nullus angelus cecidisset » (L 54, l. 71-72). Cfr également LP 137 : « Gregorius. Sic immortalis conditus est homo… – …mori non posset » (Moralia, 4, 28, 54 (CCSL 143), p. 198, l. 5-9). LP 134 : « Adam vero consentit et nota quomodo consentit, propria quidem voluntate et diabolo nullam sibi vim inferente. Et quia voluntate peccavit, subjectus est imperio diaboli et ita seipsum et posteros corrupit et ita juste mancipatus est imperio diaboli » (L 47, l. 12-16, moyenne diffusion) et LP 132 : « Persuasus ergo a diabolo, juxta terribilem Dei comminationem de mortali mortuus est factus est et juste a diabolo possessus cui sponte consenserat » (L 54, l. 30-32). Cfr LP 139, dont l’attribution est erronée et l’origine probablement laonnoise : « Gregorius. Hominem perditum, non aliquem ex malis angelis redemit Dominus, quod tamen quidam confingunt. Angelum non redemit, quia cum multe alie cause possint reddi, ista satis valet quia diabolus per se ex superbia sua peccavit, sed homo alterius id est diaboli instinctu et ideo venialius fuit », voir les formules proches de Raoul : « Homo quia ex libertate arbitrii peccavit, juri diaboli se addixit, quia tamen instinctu alieno peccavit, in hoc locum venie apud Deum habuit » (L 231, l. 4-6). LP 143, attribution erronée : « Augustinus de lapsu angeli. […] Ergo et malignus angelus ita infeliciter concidit ut jam non possit etiam si velit resurgere ». LP 132 : « Si Deus simpliciter esset, poterat quidem diabolum vincere, hominem eripere, sed hoc sola jam esset potentia, non ratio justitie » (L 54, l. 38-39).

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péché115. Il reste donc la solution d’un homme-Dieu dont la convenance est extrême par rapport à la situation historique de l’homme116. Cependant, selon LP 141 qui commente Augustin, l’Incarnation n’est pas si nécessaire qu’elle implique de limiter la toute-puissance divine117. La solution offre de surcroît la possibilité d’une équitable réparation puisqu’en tentant un homme innocent et en le faisant mourir, le diable a perdu en toute justice ses droits sur l’humanité118. Par rapport à LP 132, LP 133-135 et 142 éclaircissent un point qui est demeuré dans l’ombre : en vertu de quelle justice et par quel moyen, le Christ a-t-il revêtu une humanité innocente et exempte de péché, alors que toute la nature humaine porte charnellement la peine du péché originel ?119 Pour Anselme, Dieu, en raison de son pouvoir sur toute créature, avait le droit de libérer l’humanité en purifiant une parcelle de chair humaine120. Enfin, tandis 115

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« Si homo simplex esset, quomodo in natura corrupta diabolo resisteret qui in meliori statu positus tam facile succubuit ? […] Rursus si hanc pugnam angelus assumeret, quare diabolus propterea victus etiam hominem amitteret ratio non esset. Sed nec angelus in homine hoc poterat, quia si in sua simplici et forti natura infirmus inventus est, multo magis infirme huic nature scilicet admixtus debilis inveniretur » (L 54, l. 43-50). Voir les arguments similaires développés par Raoul pour l’homme et l’ange simple ou incarné (L 231, l. 13-22 et 232, l. 4-14 et l. 35-36) et dans LP 138, attribution erronée : « Gregorius. Nisi homo esset… – …per se constet cecidisse » (= Glossa, ad Heb. 2, 11, p. 426) et, pour LP 138, l’analyse de C. W. Marx, The Devil’s Rights, p. 25-26. Cfr les expressions : « Oportuit ergo », « Oportet ergo », « Quem et pati oportuit » (L 54, l. 36, 51 et 56) ou Raoul, plus affirmatif : « videtur Apostolus probare intendere incarnationem et passionem et resurrectionem Verbi necessariam fuisse humane redemptioni » (L 231, l. 2-4). LP 141, dont l’attribution erronée à Augustin s’explique par son contenu : « Cum vero legitur : poterat esse alius redemptionis modus, ad Deum qui omnia potest hoc referendum est » (= L 348, l. 4-5 et Augustinus Hipponensis, De Trinitate, 13, 10, 13, éd. M. J. Mountain, F. Glorie, Turnhout, 1968 (CCSL 50A), p. 399, l. 8-10), cfr A. Landgraf, « Das Axiom Non alium modum possibilem Deo defuisse, cujus potestati cuncta aequaliter subjacent, sed sanandae nostrae miseriae convenientiorem modum alium non fuisse nec esse oportuisse », dans Dogmengeschichte der Frühscholastik, t. 2-2, Regensburg, 1954, p. 254-287, aux p. 254-261. « Quem et pati oportuit ut diabolus in eo peccaret in quo culpam non reperit illum puniendo […] ad ultimum occidit et sic justissime omne suum in homines dominium perdidit, dum se ultra licitum extendit. Unde adhuc lex communis habet ut debitum perdat qui plus quam debitum exigit » (L 54, l. 56-61) ; voir aussi chez Raoul en LP 133 : « Juste ergo suam in hominibus perdidit potestatem qui in Christo suam injuste exercuit tyrannidem » (L 232, l. 21-22). LP 134 : « Quantum vero ad corruptam massam, videtur violentia quia unde habuerat illa massa, que tota corrupta est, quod debeat redimi non video » (L 47, l. 48-50) et LP 135 : « Illa particula humanitatis, cui unitum est Verbum Dei, injuste videretur mundata a peccato originali. Omnis enim humana natura in Adam dampnata potestati diaboli jure subjecta videbatur » (L 47, l. 60-62). Pour Anselme, cfr LP 134 : « Ita Deus humanam naturam a diabolo subjugari permisit ita tamen quod particulam mundam et incorruptam quandam retinuit quam et assumpsit » (L 47, l. 55-56), LP 135 : « Ipsi etiam diabolo non injuste (juste] Lottin) facta est ereptio, quia creaturam Dei sui dolo invaserat et per deceptionem possederat, quam creator Deus ut

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qu’Anselme passe le point sous silence, Raoul montre la convenance qui préside à l’Incarnation du Fils et non à celle d’une autre personne de la Trinité, dans la mesure où la nature divine du Fils s’unit à la nature humaine du fils de la Vierge, ce qui autrement eût créé une dangereuse confusion dans le cas du Père ou de l’Esprit121. Il est hautement significatif qu’à l’exception de deux citations de Grégoire (LP 137 et 140), les autres extraits du Liber pancrisis soient tous des élaborations laonnoises contemporaines : la formulation donnée par les maîtres de Laon est apparue aux yeux des contemporains comme la meilleure synthèse sur le sujet. En effet, lorsque, dans son Cur Deus homo (1098), Anselme de Cantorbéry s’oppose au thème des droits du démon et le remplace par la nécessité d’une satisfaction pour le péché, il ne s’adresse pas à l’un des Pères pour expliciter la doctrine commune, mais recourt à l’exposé donné par Raoul de Laon122. Boson, qui rapporte la position de Raoul dans le dialogue avec Anselme, joue donc un rôle important, comme le reconnaît d’ailleurs saint Anselme lui-même123. On peut ainsi émettre l’hypothèse que c’est par l’intermédiaire de ce clerc à l’acuité d’esprit indéniable que saint Anselme a eu accès à l’enseignement laonnois124. S’il est vrai que la thèse combattue par

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suam jure repetiit et misericorditer liberavit » (L 47, l. 67-69) et LP 142 : « Carnem igitur mundissimam de virgine sanctificata sumpsit ut suam rem » (L 48, l. 36-37, forte diffusion). On trouve chez Raoul une idée similaire : « Fuit itaque divinum consilium ut Deus homo fieret et sine concupiscentia conciperetur qui per concupiscentiam conceptum hominem redimeret. Nam Sancti Spiritus obumbratione prorsus extincta est concupiscentia carnis in virgine » (L 232, l. 15-18). « Ideo autem sola persona Filii incarnari voluit, quia si persona Patris incarnaretur jam quaternitas, non Trinitas crederetur. Esset enim Pater in Trinitate, Pater in divinitate, Filius in humanitate et sic quasi due persone, Pater Deus et homo filius Virginis. Idem inconveniens ostenderetur si Spiritus Sanctus incarnaretur » (L 232, l. 38-42). Cfr Ansemus Cantuariensis, Cur Deus homo, 1, 7, éd. F. S. Schmitt, Rome, 1940, p. 55-56, l. 13-3 : « Sed et illud quod dicere solemus, Deum scilicet debuisse prius per justitiam contra diabolum agere, ut liberaret hominem, quam per fortitudinem, ut cum diabolus eum, in quo nulla mortis erat causa et qui Deus erat, occideret, juste potestatem quam super peccatores habebat amitteret, alioquin injustam violentiam fecisset illi, quoniam juste possidebat hominem, quem non ipse violenter attraxerat, sed idem homo ad illum se sponte contulerat, non video quam vim habeat ». Le sens de l’emprunt a été rétabli par R. W. Southern, Saint Anselm and his Biographer, p. 357-361, contre J. Rivière, « D’un singulier emprunt à S. Anselme chez Raoul de Laon », Revue des sciences religieuses, 16 (1936), p. 344346. Cfr la préface du De conceptu virginali et de originali peccato : « Cum in omnibus religiosae tuae voluntati velim si possim, frater et fili carissime Boso, tunc utique maxime debitorem me judico, cum eam a me in te excitari intelligo. Certus autem sum, cum in libro Cur Deus homo, quem ut ederem tu maxime inter alios me impulisti… ». Sur la vivacité d’esprit de Boson, voir Eadmerus Cantuariensis, Vita sancti Anselmi, PL 158, col. 79B et Milo Crispinus, Vita venerabilis Bosonis, PL 150, col. 725A, ainsi que les remarques concordantes de R. Roques, dans son édition d’Anselme de Cantorbéry, Pourquoi Dieu s’est fait homme, Paris, 1963 (SC 91), p. 51-53 et R. W. Southern, Saint Anselm and his Biographer, p. 86-87 et Id., Saint Anselm. A Portrait in a Landscape, Cambridge, 1990, p. 203-205.

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l’archevêque de Cantorbéry est présentée par son interlocuteur comme une position habituelle (dicere solemus), il semble un peu court de la qualifier purement et simplement de traditionnelle pour mieux l’opposer à la thèse nouvelle de saint Anselme. En effet, par rapport à la matière léguée par les Pères latins, notamment Augustin, les sentences d’Anselme et de Raoul opèrent une sélection significative125 : les images expressives comme l’hameçon, le lacet ou la souricière, grâce auxquelles l’imagination antique et médiévale se représentait le piège tendu par le Christ au démon, sont abandonnées au profit d’une insistance plus forte sur l’économie divine126. En ce sens, les sentences laonnoises traitent la rédemption comme un épisode historique considéré par rapport à toute l’histoire du salut et non à la manière apologétique et rationnelle de saint Anselme127. Autant que la tradition patristique, le texte même de la Genèse explique la persistance à Laon d’une sotériologie démonocentrique, ce qui est d’ailleurs le cas même chez les continuateurs de l’archevêque de Cantorbéry128. Les données bibliques, ainsi que la fidélité à Augustin, fournissent les prémisses de la mise en scène littéraire que l’on observe notamment chez Anselme de Laon : le salut de l’humanité est un débat qui se déroule entre trois protagonistes, comme l’a été la chute originelle. Dieu, le démon et l’homme sont donc les acteurs d’une scène jouée à rebours, puisqu’il s’agit de défaire une intrigue nouée lors du péché d’Adam. Pour saint Anselme, la question du Cur Deus homo offre matière à une spéculation qui vise à convertir les Juifs et les païens, alors que pour Anselme de Laon elle sert de point de départ à une narration qui doit concorder avec la Bible. En outre, comme l’a rappelé opportunément Caroline Walker Bynum, l’opposition entre saint Anselme et ses contemporains mérite d’être quelque peu nuancée, puisque les différences relevées entre les maîtres, et souvent durcies postérieurement, constituent pour les contemporains des réponses

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Les travaux classiques de Jean Rivière donnent un accès commode aux grands textes patristiques, cfr Le dogme de la rédemption. Essai d’étude historique, Paris, 1905 ; Id., Le dogme de la rédemption au début du Moyen Âge, Paris, 1934 et Id., « Rédemption », dans DTC, t. 13-2, 1937, col. 1912-2004, aux col. 1932-1942 ainsi que les articles signalés dans la brochure Jean Rivière. Bibliographie et souvenirs, Albi, 1952, p. 6-21. Pour une interprétation renouvelée, cfr M. Slusser, « Primitive Christian Soteriological Themes », Theological Studies, 44 (1983), p. 555-569 et B. Daley, « ‘He Himself is Our Peace’ (Ephesians 2 : 14) : Early Christian Views of Redemption in Christ », dans The Redemption. An Interdisciplinary Symposium on Christ as Redeemer, éd. S. T. Davis, D. Kendall, G. O’Collins, Oxford, 2004, p. 149-176, notamment aux p. 151-165. Cfr dans le même sens, E. De Clerck, « Questions de sotériologie », p. 184. Sur le but du Cur Deus homo, voir R. Roques, Pourquoi Dieu s’est fait homme, p. 47-99 et le commentaire théologique de M. Corbin, A. Galonnier, L’œuvre d’Anselme de Cantorbéry, t. 3, Paris, 1988, p. 15-163. Cfr les exemples donnés par E. De Clerck, « Questions de sotériologie », p. 160-172.

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complémentaires, sans qu’elles expriment une ‘théorie’ définitive129. Si l’on se tourne vers un traité de l’école de saint Anselme comme l’Elucidarium d’Honorius Augustodunensis, l’ouvrage passe bien sous silence les droits du démon et contient effectivement les éléments caractéristiques de la position de saint Anselme, notamment la nécessité pour l’homme de rendre à Dieu l’honneur dont il a été frustré et de satisfaire pour le péché commis130. Cependant, la place de ces développements après les passages concernant le péché originel montre que, comme à Laon, la rédemption demeure sous l’influence du récit biblique sans former un exposé indépendant : ainsi les questions 104-118 sur la dette et la satisfation font-elles suite dans l’Elucidarium aux questions 83-103 sur le péché originel131. En outre, les questions sur la nécessité de la rédemption et surtout sa réalisation adéquate dans la personne d’un homme-Dieu ne distinguent pas le traité d’Honorius des exposés laonnois132. De manière similaire, le cas d’Abélard invite à nuancer l’opposition entre sa doctrine et celle de saint Anselme133. Il semble même partager avec ses adversaires Guillaume de Saint-Thierry et Bernard de Clairvaux l’idée que le démon ne possède pas de droits, mais uniquement une domination morale permise par Dieu134. L’influence de saint Anselme s’est exercée de manière diffuse sans impliquer à l’époque toutes les ruptures perçues par la suite. Elle ne permet donc pas de rejeter de manière univoque les partisans d’une position différente dans le camp des tenants de la tradition.

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Cfr C. W. Bynum, « The Power in the Blood. Sacrifice, Satisfaction and Substitution in Late Medieval Soteriology », dans The Redemption. An Interdisciplinary Symposium on Christ as Redeemer, éd. S. T. Davis, D. Kendall, G. O’Collins, Oxford, 2004, p. 177-204, aux p. 177-186 pour l’opposition supposée entre saint Anselme et Abélard. La Glose se garde tout autant de théoriser la question, cfr C. W. Marx, The Devil’s Rights, p. 28-32. Honorius Augustodunensis, Elucidarium, 1, 104, p. 380 : « Honorem quem Deo abstulit reddere debuit et pro peccato satisfacere quod fecit ». Pour la diffusion de la pensée de saint Anselme chez un autre contemporain, cfr I. M. Resnick, « Anselm’s ‘School’ and Herman of Tournai’s Treatise on the Incarnation », RB, 115 (2005), p. 411-429, aux p. 420-429. Cfr Honorius Augustodunensis, Elucidarium, p. 376-382. Ibidem, q. 109, 114-116 et 118-119, p. 380-383. En outre, dans ses autres œuvres, Honorius fait une large place au diable, notamment au thème de l’abus de pouvoir, cfr E. De Clerck, « Questions de sotériologie », p. 162-164, qui conclut : « il semble que l’évêque d’Autun […] n’ait rien voulu abandonner du bagage traditionnel » (p. 164). Abélard n’aborde pas la question dans le Sic et non, mais dans son commentaire paulinien, cfr les textes signalés par E. De Clerck, « Droits du démon et nécessité de la rédemption. Les écoles d’Abélard et de Pierre Lombard », RTAM, 14 (1947), p. 32-64, aux p. 32-36 et les études de R. E. Weingart, The Logic of Divine Love. A Critical Analysis of the Soteriology of Peter Abelard, Oxford, 1970 et J. Jolivet, La théologie d’Abélard, p. 114-115. Pour E. De Clerck : « le fondement de la lutte contre Abélard semble avoir été plus apparent que réel » (« Droits du démon », p. 39).

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Les fins dernières (LP 308-326) La partie du Liber pancrisis consacrée aux fins dernières atteste la primauté accordée au jugement dernier sur le jugement particulier : en effet, ce dernier est quasiment omis au profit de développements étoffés sur le de novissimis, plus particulièrement la résurrection des corps135. Concernant la résurrection des corps, le Liber pancrisis se livre à une exploitation intelligente des grands passages d’Augustin sur la question. Le problème tourne facilement au défi pour la raison humaine puisqu’il s’agit de penser, à partir de l’expérience actuelle, un corps réel et sexué qui ne possède plus tous les caractères du corps charnel, sans pour autant devenir pur esprit136. LP 308 reprend de manière synthétique les réponses aux grandes questions que soulève la résurrection : y sont réaffirmés les principes augustiniens comme l’universalité de la résurrection même pour les enfants prématurés137, la restitution de l’intégrité corporelle, avec une harmonie pour les détails comme les ongles ou les cheveux, la conservation des traits distinctifs de chacun ainsi que la réalité de corps spirituels sans défaut138. La résurrection par excellence étant celle du Christ139, il sert de modèle pour la transformation des corps spirituels. LP 310, d’authenticité anselmienne plausible140, fait la synthèse des réponses augustiniennes : chaque corps reçoit, quelle que soit sa vie terrestre, sa taille parfaite qui correspond à l’âge de trente ans, terme de la vie du Christ141, comme

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Cfr C. W. Bynum, The Resurrection of the Body in Western Christianity, 200-1336, New York, 1995. Cfr LP 309 : « Jheronimus in vita sancte Paule. Quidam veterator et callidus… – …Judei autumant » (Epistulae, 108, 23, éd. I. Hilberg, Vienne, 19962 (CSEL 55), p. 339-340, l. 21-4 ; 2325, p. 340-343, l. 14-13 ; 25, p. 343-344, l. 18-2). Cfr LP 316 : « Augustinus. Abortivos fetus in utero… – …pertineat resurrectio mortuorum » (De civitate Dei, 22, 13 (CCSL 48), p. 833, l. 3-7). LP 308 : « Augustinus de resurrectione mortuorum. Primo occurit de abortivis… – …corpora sint futura non spiritus » (Enchiridion, 23, 85-91, éd. M. Evans, Turnhout, 1969 (CCSL 46), p. 95-98, l. 9-22, 27-57, 78-81, 90-97), voir la note complémentaire 44, « Résurrection des corps », Exposés généraux de la foi, éd. J. Rivière, G. Madec, J.-P. Bouhot, Paris, 1988 (BA 9), p. 398-400 et la claire synthèse de A. Michel, « Résurrection des morts », dans DTC, t. 13-2, 1937, col. 2501-2571, aux col. 2541-2543, ainsi que les compléments bibliographiques indiqués par B. E. Daley, « Résurrection », dans Encyclopédie saint Augustin. La Méditerranée et l’Europe IVe-XXIe siècle, éd. A. D. Fitzgerald, M.-A. Vannier, Paris, 2005, p. 1245-1246. LP 317 : « Augustinus ad Evodium. Si quibusdam sanctis jam… – …in fine promittitur » (Epistulae, 164, 3, 9, éd. A. Goldbacher, Vienne, 1904 (CSEL 44), p. 528, l. 20-21, p. 529-530, 21-2). LP 310 : « Non est credendum quod in communi resurrectione… » (L 499, l. 1), cfr LP 320 : « Non est credendum quod in resurrectione… » (L 93, l. 1, forte diffusion). LP 310 : « Omnes vero, tam senes quam pueri, resurgent in etate triginta annorum, non quia tot habeant, omnes enim erunt unius diei, sed quasi haberent et hoc secundum etatem Christi (cfr Eph. 4, 13) » (L 499, l. 11-14). Tout le développement est inspiré d’Augustin, notamment la métaphore de la statue (l. 6-8), reprise de l’Enchiridion, 23, 89.

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le rappelle également LP 311142. La mesure parfaite que fournit le Christ n’est pourtant pas un lit de Procuste, puisqu’il n’est pas question de ramener les hommes plus grands à sa taille, mais de donner à chacun sa taille parfaite143. Par conséquent, les aliments ne jouent pas, pour Anselme, de rôle dans la résurrection : seul le principe naturel (semen) sert de mesure pour la résurrection, puisque les enfants ressuscitent avec la taille qu’ils auraient atteint s’ils avaient grandi144. La position permet également à Anselme de montrer sa virtuosité puisqu’il résout le cas d’école, plutôt surprenant, de l’homme nourri dès son enfance de chair humaine. La question, considérée par Augustin comme des plus difficiles145, est reprise à nouveau frais par Anselme : avec quels corps ressusciteront donc le cannibale et ses « aliments humains » ? Suivant Augustin, Anselme enseigne que le premier retrouvera son propre corps et les hommes lui ayant servi de repas le leur146. À propos d’Eph. 4, 13, LP 313 donne, sous une forme proche de la Glose147, une explication eschatologique sans doute d’origine laonnoise : atteindre la mesure pleine consiste pour le Christ à réunir à lui le nombre total des élus148, entre lesquels n’existera plus de prelatio149. Les propriétés du corps ressuscité ne sont abordés que par LP 319 : selon Augustin, les corps spirituels 142

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LP 311 : « Augustinus. In mensuram etatis plenitudinis (Eph. 4, 13)… – …ut circa XXX annos » (De civitate Dei, 22, 15 (CCSL 48), p. 834, l. 9-11, 18-19). LP 312 : « Augustinus. Non est autem fas dicere… – …nec capillus periturus sit » (De civitate Dei, 22, 15 (CCSL 48), p. 834, l. 2-4, 6-8 ». LP 322 : « Et non creditur quod corpus resurgere debeat cum illis incrementis que recipit a cibis, sed illud tantum quod naturaliter fuit in semine, unde scilicet parvam vel magnam habet staturam. Unde et illi qui parvi moriuntur, in etate triginta annorum resurgent, in illo scilicet corpore quod fuit in natura prime substantie » (L 36, l. 11-16, forte diffusion). « Sed inter haec omnia quaestio difficillima proponitur, in cujus carnem redditura sit caro, qua corpus alterius vescentis humana viscera fame compellente nutritur » (Augustinus Hipponensis, De civitate Dei, 22, 12 (CCSL 48), p. 832, l. 51-54). « Sic etiam solvitur de illo qui ab infantia sua humanis carnibus pastus est. Nam in resurrectione et ille naturale corpus suum habebit et alii quorum carnibus vescebatur, in suis corporibus qualia naturaliter fuerunt, resurgent » (L 36, l. 17-20), cfr Augustinus Hipponensis, De civitate Dei, 22, 20 (CCSL 48), p. 840 et le commentaire de C. W. Bynum, The Resurrection of the Body, p. 127. Tout le début de LP 313 se retrouve dans la Glose imprimée (« In virum perfectum… – … prelatio », Ad Eph. 4, 13, t. 4, p. 375), mais la glose de Pierre Lombard semble plus proche et plus complète, cfr PL 192, col. 201C-202B. LP 313, anonyme : « Virum perfectum appellat Christum cum omni corpore suo quod non erit perfectum donec omnis electi compleantur. Cotidie enim crescit Christus in nobis qui sumus corpus ejus, sed tunc erit perfectus et integer vir Christus et Ecclesia » ; sur le thème ecclésiologique, cfr Augustinus Hipponensis, De civitate Dei, 22, 18 (CCSL 48), p. 837, l. 17-20 « Mensuram quia erit plenus Christus omnes habens qui modo per singulos crescit et omnes in eo immortales et beati cum eo et tunc non erit necessaria prelatio ut modo, quia modo dedit quosdam quidem apostolos, quosdam vero prophetas, alios vero evangelistas, alios autem pastores et doctores et cetera » ; sur l’abolition de la prelatio à la fin des temps dans le contexte laonnois, cfr P. Buc, L’ambiguïté du Livre, p. 123-139.

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pourront lire les pensées, et si la nature des mouvements corporels demeure quelque peu mystérieuse, il est assuré que l’esprit mènera le corps où il veut150. Le même intérêt pour la corporéité a inspiré à Anselme LP 239 où le maître évoque le cas de la génération démoniaque : à partir d’un corps aérien, des démons ont engendré des enfants qui ont pu recevoir le baptême151. Placée par le maître sous le couvert d’historiens, l’assertion s’autorise aussi a contrario de l’exemple des bons anges qui remplissent, à l’instar de l’ange de Tobie, des fonctions humaines152. En LP 323, Anselme présente sa version du jugement dernier153. Après avoir avoué son ignorance concernant la matérialité de la voix présidant au jugement, Anselme affirme les deux certitudes à retenir. Fidèle à une tradition chrétienne unanime notamment attestée par Bède en LP 325154, il identifie le jugement dernier avec la Parousie155. Le deuxième point mis hors de conteste par le maître est la distinction des hommes en quatre catégories lors du jugement dernier : il y a les bons qui sont déjà jugés et jugent, les bons qu’il convient de juger et qui ne jugent pas, les méchants qui sont déjà jugés et ceux qu’il faut juger. Contre Augustin qui voulait soumettre tous les hommes au jugement dernier156, Anselme poursuit donc la tradition du ive siècle, revivi-

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LP 319 : « Augustinus. Patebunt etiam cogitationes nostre…- …mox erit corpus » (De civitate Dei, 22, 29 et 30 (CCSL 48), p. 862, l. 207-208, 15-16, 19). LP 239, sentence isolée : « Anselmus de illis qui ex demone nascuntur. Notandum est quosdam historiographos testari demones aliquando humanas figuras ex isto infimo aere sumpsisse, in quibus concumbentes cum mulieribus generaverunt filios qui per sacri baptismi regenerationem salvi fuerunt » (L 90, l. 1-4, forte diffusion). « Sicut de bonis angelis dicitur quod assumentes aerea corpora comederunt et multa alia que hominibus conveniunt, sed sine peccato fecerunt ut de angelo Tobie legitur » (L 90, l. 6-8). Pour une remise en perspective par rapport aux Pères, avec une bibliographie à jour, cfr B. E. Daley, The Hope of the Early Church. A Handbook of Patristic Eschatology, Peabody (Mass.), 20032, notamment p. 131-150 sur Augustin ; voir aussi la présentation générale de L. Ott et E. Naab, Eschatologie in der Scholastik, in Handbuch der Dogmengeschichte, t. 4-7b, Fribourg Bâle - Vienne, 1990, p. 1-84 et la synthèse de G. Ancona, Escatologia cristiana, Brescia, 2003, p. 175-201 ; sur Laon, cfr R. Heinzmann, Die Unsterblichkeit der Seele, p. 148-155 et M. L. Colish, Peter Lombard, p. 706-707. LP 325 : « Beda. Quomodo Dominus post resurrectionem… – …superborum infidelitatemque confundere » (In Lucae evangelium expositio, 6, 24, p. 419, l. 2250-2255). LP 323 : « Sed hoc certum est quod Filius hominis in eadem forma in qua judicatus est apparebit, in tali loco quod omnes gentes videbunt eum » (L 92, l. 2-4, faible diffusion), voir les témoignages réunis par J. Rivière, « Jugement », dans DTC, t. 8, 1925, col. 1721-1828, à la col. 1794. Augustin ne méconnaît cependant pas la multiplicité des jugements, cfr C. Viola, « Jugements de Dieu et jugement dernier. Saint Augustin et la scolastique naissante (fin xie-milieu xiiie siècles) », dans The Use and Abuse of Eschatology in the Middle Ages, éd. W. Verbeke, D. Verhelst, A. Welkenhuysen, Louvain, 1988, p. 242-298, aux p. 253-255.

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fiée par Grégoire, qui fait échapper au jugement ceux dont la bonté ou la méchanceté sont manifestes157. Toutefois, par rapport aux exposés précédents, Anselme introduit un tiers qui y faisait défaut. En effet, pour la tradition grégorienne, les hommes bons et méchants déjà jugés le sont en fonction de leurs actions. Plus précisément, c’est la conformité de leurs actes à l’Écriture qui leur vaut gloire ou condamnation anticipées158. Or, par rapport à ce schéma où la moralité des actions est affaire de concordance scripturaire, Anselme introduit le rôle judiciaire de l’Église159. En LP 323, le jugement temporel de l’Église prévient le jugement dernier : la bonté des uns, une fois constatée par l’Église, acquiert une note d’évidence qui rend le jugement de Dieu superflu, tandis que la malice des autres est si patente qu’ils sont déjà tenus pour morts à la grâce160. En ce sens, il est logique qu’Anselme ait inclus dans sa sentence les excommuniés dont les auteurs antérieurs ne soufflaient mot pour faire périr uniquement ceux qui demeuraient extra Ecclesiam : Dieu et l’Église se partagent le travail de tri entre le bon grain et l’ivraie avec un égard assez faible pour le for interne161. En outre, même le sort de ceux qui n’ont pas été jugés par l’Église échappe au jugement dernier : introduisant discrètement la notion de jugement particulier, Anselme signale qu’ils sont déjà jugés par Dieu et que le jugement dernier constitue la simple manifestation de la sentence divine162. L’eschatologie anselmienne vide donc la Parousie d’une bonne part de sa substance au profit d’une répartition des rôles qui valorise considérablement le pouvoir des clefs accordé à l’Église terrestre. Sur ce point, Anselme

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Cfr Gregorius Magnus, Moralia, 26, 27, 50-51 (CCSL 143B), p. 1304-1306, repris notamment par Isidorus Hispalensis Sententiae, 1, 27, 10-11, éd. P. Cazier, Turnhout, 1998 (CCSL 111), p. 85, l. 48-64, et Julianus Toletanus, Prognosticon, 3, 33, éd. J. N. Hillgarth, B. Bischoff, W. Levison, Turnhout, 1976 (CCSL 115), p. 107-108. À chacune des quatre catégories de jugement correspond en effet chez Grégoire une citation scripturaire. Ce qui rejoint les notations de G. Lobrichon à partir des sources exégétiques, cfr « L’ordre de ce temps et les désordres de la fin. Apocalypse et société, du ixe à la fin du xie siècle », dans The Use and Abuse of Eschatology in the Middle Ages, éd. W. Verbeke, D. Verhelst, A. Welkenhuysen, Louvain, 1988, p. 221-241, repris dans Le Moyen Âge et la Bible, p. 129-144. LP 323 : « Qui enim ab Ecclesia jam judicati sunt illic non iterum judicabuntur. Fuerunt enim quidam ita boni in hac vita quod Ecclesia illos judicavit bonos et illi iterum non judicabuntur, sed cum Domino judicabunt, ut beatus Martinus et apostoli ipsi et multi alii. Et istos vocat Dominus amicos. Fuerunt autem quidam ita mali quod nequitia eorum non latuit Ecclesiam » (L 92, l. 7-12). « Unde, etsi christiani fuerunt, excommunicati mortui sunt. De aliis satis patuit. Illi iterum, quia jam ab Ecclesia judicati sunt, non amplius judicabuntur » (L 92, l. 13-15). « Sed quia adhuc sunt quidam boni et quidam mali quos adhuc Ecclesia non judicavit, sed apud Dominum jam judicati sunt […]. De illis fiet judicium, id est Deus manifestabit qui eorum sunt boni et qui mali » (L 92, l. 16-20).

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systématise les vues d’Augustin dans la mesure où le maître articule nettement l’excommunication avec le jugement dernier163. Sur les peines et les récompenses, le Liber pancrisis est peu disert : Anselme demeure ainsi muet sur leur moment et leur intensité, même si la place reconnue au jugement particulier semble indiquer la simultanéité de la sentence et de son exécution. Deux sentences d’attribution douteuse, LP 314-315, se contentent de noter que la peine des damnés consiste à être privés de la vision de Dieu164. Augustin, en LP 326, précise aussi la diversité des peines qui attendent les méchants165. En LP 320, Anselme enseigne, à la suite d’Augustin et de Grégoire, que la béatitude est avant tout le fait de l’âme et qu’elle rejaillit sur le corps à titre secondaire166. Les liens (nexus) qui demeurent entre l’âme et le corps, même après leur séparation, font que l’âme attend particulièrement le corps auquel elle a été unie pendant la vie terrestre167. Il est donc cohérent de se demander après Augustin, s’il est possible de voir Dieu corporellement après la résurrection. LP 318 enregistre la dernière position d’Augustin, pour qui les yeux du corps spirituel pourront voir l’essence divine168.

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La tendance demeure latente en LP 324 : « Augustinus ad Donatistas. Quisquis a catholica Ecclesia… – …sed consensio factorum » (Epistulae, 141, 5 (CSEL 44), p. 238 et 239, l. 21-25, 5-7). LP 314 : « In judicio videbunt impii Dominum et postea non » (adage inspiré des Enarrationes in Psalmos, ps. 85, 21 (CCSL 39), p. 1194, l. 56-58) et LP 315 : « Jheronimus. Videbunt peccatores in quem compunxerunt (Zach. 12, 10 ; Joh. 19, 37) id est formam servi quam dignatus est assumere, sed gloriam sanctorum non videbunt et quantum viderunt ad suam penam videbunt » (ps. Hieronymus, Breviarium in Psalmos, Ps. 111, PL 26, col. 1242A, avec coupes), cfr CPL 629 : le texte, postérieur à 450, est formé de centons hiéronymiens identifiés en PL Supplementum, 2, col. 77. Le passage semble inauthentique puisque seule la prima pars de l’homélie sur le Ps. 111 est de Jérôme. On retrouve dans la Glose une interprétation christologique ad locos (Zach. et Joh.), mais sans rapport direct avec LP 315. LP 326 : « Augustinus. Purgatorias penas nullus… – …equali modestia sentiatur » (De civitate Dei, 21, 16 (CCSL 48), p. 783, l. 42-48), cfr J. Baschet, Les justices de l’au-delà. Les représentations de l’enfer en France et en Italie (XIIe-XVe siècle), Rome, 1993, p. 24-30. LP 320 : « Beatitudo enim solius rei fruentis ratione est, ut dicit Gregorius his verbis : sola vero anima, quia res rationalis est, beatitudine frui potest. Ergo ipsa sola beatitudinem habebit. Ex ipsa tamen beatitudine redundabit ineffabilis claritas sive incorruptio sive glorificatio » (L 93, l. 2-6). LP 321 : « Post dissolutionem anime et corporis manent quidam nexus qui faciunt ea unam personam. Nexus dicimus quod anima Petri plus respicit et exspectat corpus Petri quam corpus Pauli » (L 91, l. 1-3, faible diffusion), cfr C. W. Bynum, The Resurrection of the Body, p. 128, n. 32 qui voit dans l’argument l’influence de Grégoire de Nysse, et P. von Moos, « Identité personnelle et identification avant la modernité. Corrélation entre hétéronomie sociale et autodéfinition de l’individu », dans Entre histoire et littérature. Communication et culture au Moyen Âge, Florence, 2005, p. 419-436, à la p. 426. LP 318 : « Augustinus. Absit ut dicamus sanctos… – …sed ubique tota est » (De civitate Dei, 22, 29 (CCSL 48), p. 859, l. 95-104), cfr C. Trottmann, La vision béatifique. Des disputes scolastiques à sa définition par Benoît XII, Rome, 1995, p. 54-67.

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Deuxième partie

Dans les sentences précédentes, le maître privilégie l’examen des conditions pratiques et même physiques des épisodes bibliques qu’il traite : que ce soit Adam, le Christ ou l’homme ressuscité, ils ont tous retenu son intérêt en raison de leur état concret. L’écolâtre fait donc montre d’un sens pédagogique adapté à la formation qu’il doit dispenser à un public de clercs. La curiosité des maîtres, et sans doute des élèves, envisage l’histoire du salut comme une histoire réelle, au sens plénier du terme : rien dans son déroulement n’est méprisable et ne doit être passé sous silence. Plus largement, cette insistance peut aussi traduire la volonté d’Anselme de Laon de défendre l’Église terrestre contre ses ennemis, qu’il s’agisse des juifs qui ne possèdent plus que l’ombre du salut ou bien des hérétiques qui voient dans l’eucharistie un simple symbole. Face à ceux-ci, le maître affirme la réalité du salut chrétien en ses manifestations les plus visibles. En ce sens, l’histoire du salut telle qu’elle est expliquée par Anselme est indissociable d’une réflexion sur la grâce et l’appartenance à l’Église.

Anselme théologien de la grâce : l’Église Anselme s’est également intéressé à la vie de l’Église et aux différents modes d’appartenance du fidèle à l’Ecclesia, à travers le baptême, le vœu ou le sacerdoce. Le maître y affronte les questions cruciales de la place du fidèle dans une institution ecclésiale alors en pleine réforme. Le statut des enfants morts sans baptême, l’abandon d’une communauté religieuse pour une autre plus stricte, la fréquentation d’une église desservie par un prêtre indigne, telles sont, parmi d’autres, les questions que le maître aborde pour mieux promouvoir une conception subtile et modérée de la réforme religieuse. Le baptême (LP 75-86) Le Liber pancrisis ne pouvait laisser de côté le sacrement de baptême : signe d’entrée dans l’Ecclesia, il constitue au Moyen Âge l’acte de naissance spirituelle et donc sociale de l’individu et reçoit de ce fait un traitement privilégié. Il est abordé dans un dossier d’autorités qui fait la part belle à Augustin (LP 75-79), Anselme (LP 80-81), Guillaume de Champeaux (LP 83 et 86), ainsi qu’à des textes d’origine scolaire (LP 82, 84 et 85). Quatre problèmes connexes touchant la doctrine baptismale sont traités : la nécessité du baptême (LP 78, 79 et 84), la distinction entre le baptême de Jean et celui du Christ (LP 76, 77 et 80), le rôle de l’Esprit (LP 81, 82 et 83) et le sort de l’enfant mort sans baptême (LP 75, 85 et 86)169. 169

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La présentation de Burkhard Neunheuser fait la part belle à Hugues de Saint-Victor et Pierre Lombard, sans insister sur les apports d’Anselme de Laon, cfr § 8 « Die Lehre von

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La nécessité du baptême, pour être couramment admise, pose un certain nombre de questions complexes : comment la concilier avec le salut des hommes nés avant l’institution du baptême ? La seule disposition intérieure du catéchumène ne dispense-t-elle pas du recours au sacrement, dès lors qu’il existe de mauvais baptisés ? Contre le risque d’une interprétation trop légaliste du baptême qui ferait consister la justification dans la seule réception du sacrement, Augustin rappelle l’existence dans l’Ancien Testament d’hommes spirituels appartenant déjà à la nouvelle alliance170. De même, selon un adage qui synthétise la pensée d’Augustin et de Grégoire, il existe une équivalence entre la circoncision et le baptême, ce qui privilégie la permanence de la foi justifiante171. Cependant, pour le compilateur du Liber pancrisis, il serait erroné de faire dépendre un don spirituel de la seule intention, quelque bonne qu’elle puisse être. En effet, l’efficacité du baptême est telle qu’il agit même chez les hommes encore imparfaits. En outre, même s’ils meurent avant de devenir spirituels, ils sont comptés au nombre des justes grâce à la sainteté du baptême. L’exemple du catéchumène développé en LP 79 permet de mieux mettre en lumière les rapports subtils entre la justification et le sacrement172. Augustin déclare préférer un catéchumène saint à un mauvais baptisé, puisque l’exemple du centurion Corneille prouve à l’envi la justification d’un homme avant la réception du baptême173. Pourtant, seule celle-ci confirme la foi déjà reçue, dès lors que le mépris pour le baptême eût rendu Corneille coupable, comme l’est le mauvais baptisé. Pour Augustin, la justification dans son cours normal implique donc aussi bien la conversion personnelle que la réception extérieure du sacrement. Par rapport à cette solution déjà passablement subtile, le cas du baptême donné par Jean Baptiste soulève de nouveaux problèmes encore plus compliqués174.

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Taufe und Firmung in der Karolingerzeit und in der Frühscholastik », dans Handbuch der Dogmengeschichte, Fribourg - Bâle - Vienne, t. 4-2, 1983, p. 97-105. LP 78 : « Augustinus. Sicut in sacramentis veteris Testamenti… – …in libro tuo omnes scribentur (ps. 138, 16) » (De baptismo, 1, 15, 24, éd. M. Petschenig, Vienne, 1908 (CSEL 51), p. 168, l. 18-27, 28-30). LP 84 : « Augustinus. Quod valet in ecclesia baptismus, hoc valebat circumcisio antiquis patribus » (cfr De nuptiis et concupiscentia, 2, 11, 24, éd. C. F. Urba, J. Zycha, Vienne, 1902 (CSEL 42), p. 276-277, l. 24-8 ; Gregorius Magnus, Moralia, 4, prefatio, 3 (CCSL 143), p. 160, l. 69-72), sur la fortune de l’adage, cfr A. Landgraf, « Kindertaufe und Glaube », dans Dogmengeschichte, t. 3-1, Regensburg, 1954, p. 279-345, à la p. 288, n. 18. LP 79 : « Non dubito… – …vestra et cetera » (De baptismo, 4, 21, 28, p. 255-256), voir également la note complémentaire 22, « La situation du catéchumène par rapport au Royaume des cieux », dans Traités anti-donatistes, De baptismo libri VII (BA 29), p. 610-611. Cfr Act. 10. W. Knoch, Die Einsetzung der Sakramente durch Christus. Eine Untersuchung zur Sakramententheologie der Frühscholastik von Anselm von Laon bis zum Wilhelm von Auxerre, Münster, 1983, p. 28-44.

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Quelle est la valeur de ce baptême ? À l’instar du baptême chrétien, n’y a-t-il pas place pour l’intention du catéchumène johannique et donc une certaine efficacité du baptême de Jean ? La réponse augustinienne, en LP 76 et 77, est comparativement beaucoup plus sèche que les autres développements consacrés au baptême chrétien. En effet, dans le contexte de la controverse baptismale contre les Donatistes, Augustin est particulièrement soucieux de défendre l’unicité du baptême chrétien, qu’il soit administré par l’Église ou des ministres dissidents. Il est donc logique qu’en LP 76, Augustin insiste sur la valeur uniquement préparatoire du baptême de Jean175. Le docteur s’appuie sur le fait que Paul a donné le baptême du Christ à ceux que Jean avait déjà baptisés, signe patent du caractère transitoire et incomplet de ce premier baptême176. Les deux baptêmes sont donc distincts et seul le second peut revendiquer le nom de baptême chrétien. Concernant l’efficacité du baptême de Jean, la position de LP 77 découle logiquement de LP 76 : Augustin ne reconnaît au baptême de Jean qu’une efficacité in spe177. Il faut attendre la réception du baptême chrétien pour que la rémission des péchés encore en espérance chez Jean devienne effective grâce au Christ178. Par rapport à l’enseignement d’Augustin, Anselme de Laon se situe dans une continuité qui n’exclut toutefois pas quelques nuances. En LP 80, le maître indique le caractère purement pédagogique du baptême de Jean, soigneusement distingué de celui du Christ179. Cependant, comparé à Augustin, Anselme valorise davantage ce qui relie le baptême de Jean au baptême chrétien : en effet, tout en rappelant la valeur purement figurative du baptême de Jean, le Laonnois est soucieux de préciser son caractère contraignant180. De même, bien qu’il lui refuse le pouvoir de remettre les péchés, Anselme ne peut s’empêcher de lui reconnaître une certaine efficacité. Toute dépendante qu’elle puisse être par rapport au baptême chrétien, elle n’en signale pas 175

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Cfr LP 76 : « Augustinus. Baptizatos a Paulo eos… – …sed a Christo concessus. » (De baptismo, 5, 9, 10, p. 270, l. 23-26), voir aussi la note complémentaire 28, « Baptême de Jean, baptême du Christ », dans Traités anti-donatistes, De baptismo libri VII (BA 29), p. 616-618. Cfr Act. 19, 3-5. LP 77 : « In eodem. Quapropter ita credo… – …in nobis facta est » (De baptismo, 5, 10, 12, p. 273, l. 9-13). Augustin est pourtant prêt à reconnaître entre les deux baptêmes une simple différence dans le degré d’efficacité : « ne quisque contendat etiam in baptismo Johannis dimissa esse peccata, sed ampliorem aliquam sanctificationem eis quos jussit Paulus denuo baptizari per baptismum Christi esse conlatam, non ago pugnaciter » (De baptismo, 5, 10, 12, p. 273, l. 19-22). « Baptismus Johannis non erat in remissionem peccatorum, sed erat quasi quedam preparatio et instructio, ut homines consueti capere baptismum Johannis, non abhorrerent baptismum Christi » (L 80, l. 1-3, moyenne diffusion). « Sciendum est autem quod quicumque Johannis baptismum non receperunt, trangressores fuerunt. Erat enim ipse Johannes major Moyse, cujus precepta nullus transgredi presumebat » (L 80, l. 8-10).

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moins la valeur reconnue au baptême de Jean181. Il n’est donc pas étonnant qu’Anselme ait cherché à préciser un point qu’Augustin avait pensé déjà résolu : les hommes baptisés par Jean ont-ils eu tous besoin du baptême chrétien ?182 Augustin, même en accordant une efficacité au baptême de Jean, le distinguait suffisamment pour juger nécessaire d’administrer le nouveau baptême. Sur ce point, la position d’Anselme est plus souple, puisque le simple fait de poser la question suppose un espace ouvert à la discussion. La percée tentée par Anselme n’est pas demeurée sans suite puisqu’Abélard, quelques années plus tard, rassemble des auctoritates sur l’efficactié du baptême johannique183. Pour mieux circonscrire le modus operandi du baptême de Jean, Anselme s’appuie sur la distinction entre sacramentum aque et res sacramenti184. Dans l’économie habituelle du sacrement, le versement de l’eau (sacramentum aque) est accompagné de la réalisation du sacrement (res sacramenti), c’est-à-dire la rémission des péchés185. Pourtant, il existe des exceptions historiques qui permettent de dissocier les deux éléments et aident à comprendre l’efficacité du baptême de Jean. De manière subtile, Anselme assimile le baptême de Jean à une sorte de baptême chrétien imparfait. Est ainsi mis en avant l’exemple de Simon le Magicien, type même du mauvais baptisé, qui a reçu le sacrement avec des dispositions insuffisantes186 : il a été lavé par l’eau, sans être purifié de ses péchés187. Implicitement, le cas de Simon exige de déterminer le type de causalité qui existe entre l’eau et la rémission des péchés. La figure du baptisé indigne suppose une certaine ‘reviviscence sacramentelle’ ou, plus exactement, que l’influence salutaire se manifeste dans un sujet selon ses dispositions188. Comment concilier l’efficacité du baptême, normalement immédiate, et la possibilité d’une justification différée ? Anselme, comme Augustin, ne dispose pour résoudre le problème 181

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« Cum autem Johannes instrueret et per baptismum et per jejunium et per alia, baptimus aliis instructionibus efficacior erat, non quia in eo esset remissio peccatorum, sed quia significabat illud baptisma Christi in quo erat remissio peccatorum » (L 80, l. 10-14). « Queritur autem si illi qui baptizati fuerunt baptismo Johannis, iterum indiguerunt alio baptismate » (L 80, l. 18-19). Petrus Abaelardus, Sic et non, q. 114, p. 370-371 : « Quod in baptismo Johannis peccata dimittebantur et non ». Sur cette notion augustinienne, cfr J. Finkenzeller, Die Lehre von den Sakramenten im allgemeinen von der Schrift bis zur Scholastik, in Handbuch der Dogmengeschichte, t. 4-1a, Fribourg Bâle - Vienne, 1980, p. 44-46. « Contingit autem aliquando quod ista simul sunt in baptizatis, sicut credimus modo esse in illis qui modo baptizantur et sacramentum aque, id est quod aqua lavantur, et res sacramenti, id est quod a peccatis mundantur » (L 52, l. 21-24, faible diffusion). Cfr Act. 8, 13, l’exemple est sans doute repris d’Augustin, De baptismo, 1, 11, 17. « Aliquando non sunt simul, ut Symon magus ablutus fuit aqua, sed rem sacramenti non habuit, quia a peccatis mundatus non fuit » (L 52, l. 25-26). Cfr A. Michel, « Reviviscence », dans DTC, t. 13, 1937, col. 2618-2652, aux col. 2618-2620.

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que de deux notions nettement posées, le moyen visible (sacramentum) et son efficacité (res sacramenti)189. Selon Anselme, l’exemple de Simon prouve que la réception de l’eau peut ne pas être suivie de l’obtention de la res. Pourtant, dès que l’empêchement cesse et que la foi est reçue par le sujet, la res est possédée : il est n’est donc pas nécessaire de se faire rebaptiser190. Le baptême de Jean fonctionne ainsi comme un baptême chrétien imparfait au statut ambigu. Soit il a été possible, à travers le sacramentum aque johannique, de recevoir l’Esprit ou res. Il n’a pas été alors nécessaire de rebaptiser et de donner le sacramentum aque chrétien, devenu superflu191. Soit le sacramentum aque de Jean n’a pas été suffisant pour recevoir la res, et dans ce cas, il est possible de donner le baptême chrétien, présenté comme une itération, ou de se contenter d’une imposition des mains192. L’efficacité spirituelle du sacramentum aque johannique reçoit donc dans les deux cas envisagés par Anselme quelque consistance, ce qui relativise la distinction traditionnelle entre les deux baptêmes193. La question de la manifestation de l’Esprit (LP 81-83), notamment sous la forme d’une colombe, est un point lié au précédent. En effet, c’est au cours du baptême du Christ par Jean-Baptiste que l’Esprit se manifeste sous la

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Le problème est rendu complexe en raison de l’imprécision chez Augustin et Anselme de la notion de « caractère baptismal ». Il manque une distinction nette entre le caractère donné par le sacrement, marque imprimée dans l’âme de façon permanente, et l’effet principal du baptême, c’est-à-dire la justification, potentiellement différée en fonction du sujet, cfr les notes complémentaires 2 et 5, « La doctrine du caractère » et « Le problème de la reviviscence des péchés », dans Traités anti-donatistes, De baptismo libri VII (BA 29), p. 579-582 et 585-586. Pour la solution donnée par la théologie postérieure, notamment thomiste, voir J. Bellamy, « Baptême dans l’église latine depuis le viiie siècle avant et après le concile de Trente », dans DTC, t. 2, 1923, col. 250-296, aux col. 279-281. « Et potest esse quod aliquis quam cito lavatur, non habet rem sacramenti, et postea quam cito credit, habet illam rem, nec iterum recipiet aquam » (L 52, l. 26-28). « Si ergo illis, qui Johannis baptismo baptizati fuerunt, supervenit Spiritus Sanctus, non fuit opus ut iterum baptizarentur » (L 52, l. 29-30). Dans la première hypothèse envisagée par L 52, le mode opératoire du baptême johannique demeure très flou : est-ce une causalité instrumentale inhérente à l’eau ou une simple concordance temporelle accordée par Dieu ? « Quodsi Spiritum Sanctum non habuerunt, si iterum baptizarentur ut rem sacramenti acciperent, non fuit malum, vel si per solam manuum impositionem acceperunt, sufficiens fuit » (L 52, l. 30-33) ; sur l’imposition des mains, cfr Act. 8, 17-18, et les précisions de la note complémentaire 15, « Le don de l’Esprit par l’imposition des mains », dans Traités anti-donatistes, De baptismo libri VII (BA 29), p. 600-605. L’imposition des mains est prescrite dans le droit contemporain d’Anselme, notamment en cas de baptême administré par des hérétiques, cfr Ivo Carnotensis, Decretum, 1, 153, PL 161, col. 94D-95A ; voir aussi Petrus Abaelardus, Sic et non, q. 110, p. 356-363. Sur le consensus de la tradition, voir H. Houbaut, « Jean-Baptiste (baptême de saint) », dans DTC, t. 8, 1924, col. 646-656, aux col. 651-653 et J. Kürzinger, « Zur Deutung der Johannestaufe in der mittelalterlichen Theologie », dans Aus der Geisteswelt des Mittelalters, éd. A. Lang, J. Lechner, M. Schmaus, t. 2, Münster, 1935, p. 954-973, aux p. 969-972.

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forme d’une colombe194. Avec fidélité par rapport à Augustin, Anselme précise en LP 81 le sens de la mission temporelle remplie par l’Esprit : la manifestation transitoire de l’Esprit, sous la forme d’une colombe lors du baptême du Christ ou de langues de feu à la Pentecôte, ne consiste pas à montrer l’essence divine qui est omniprésente par définition. Il s’agit plutôt de manifester l’inhabitation divine de l’Esprit chez les baptisés et de le faire ainsi davantage connaître et aimer195. Contre une interprétation trop spirituelle de l’apparition, Anselme prend soin de préciser que la colombe n’est pas un symbole mais une réalité, de même qu’est réelle la voix du Père lors du baptême de son Fils196. La maître insiste enfin sur le rôle providentiel joué par l’eau sensible, depuis sa sanctification primordiale lors de la création jusqu’à sa consécration par le corps du Christ197 : l’efficacité rédemptrice de l’eau découle directement du baptême du Christ198. LP 82 précise un point que LP 81 a seulement effleuré : quels sont les rapports entre la manifestation de l’Esprit, comme colombe ou langues de feu, et l’Incarnation du Fils ? Dans les deux cas, la solution oppose l’apparition transitoire de l’Esprit sous des formes matérielles à l’union personnelle du Verbe avec la nature humaine199. En LP 83, Guillaume de Champeaux reprend l’enseignement de LP 81 et 82 : l’Esprit se montre sous des species

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Cfr Matth. 3, 16 ; Marc. 1, 10 ; Luc. 3, 22 ; Joh. 1, 32, voir A. Feuillet, « Le symbolisme de la colombe dans les récits évangéliques du baptême », Recherches de science religieuse, 46 (1958), p. 524-544. « Non quod Spiritus sanctus plus esset in illa columba quam in aliis creaturis, quia Deus est, cujus existere ubique est, nisi hoc quod per illam columbam ibi tunc significabatur, ut notaretur quod in baptizatis descendit, id est in eis habitat et tunc magis cognoscitur et amatur » (L 35, l. 2-6, faible diffusion). Les références au baptême du Christ et à la Pentecôte (L 35, l. 6-9) se retrouvent avec une interprétation concordante chez Augustin, De Trinitate, 2, 5, 10 (CCSL 50), p. 93, l. 115-131. « Illa columba vera fuit, ad horam in aere facta, que expleto suo officio esse desivit quantum ad formam, ad aerem enim rediit. Similiter vox illa vera vox fuit, nisi quod ab animali aer ille prolatus non fuit » (L 35, l. 11-14). « Nota Deum illud elementum, scilicet aquam, a principio mundi sanctificasse, quod in remissionem peccatorum per sui Filii corpus postea consecravit » (L 35, l. 14-16). L’esprit mentionné en Gen. 1, 2 fait partie des testimonia classiques sur la présence de l’Esprit dans l’Ancien Testament. Cfr Ambrosius Mediolanensis, Expositio evangelii secundum Lucam, 2, 83, éd. M. Adriaen, P. Ballerini, Turnhout, 1957 (CCSL 14), p. 67, l. 1124-1127. Cela signifie nettement que bénir la matière du sacrement baptismal n’est pas absolument indispensable. LP 81 : « Sed tamen Spiritus sanctus nec in columba nec in igne substantialiter mutatus, nec personaliter unitus fuit. Non enim incolumbatus dicitur fuisse. Filius vero Dei non est transmutatus in carne, sed tamen carni personaliter unitus est. Verbum enim caro factum est, assumens quod non erat, manens quod erat. Columba vero et ignis in quibus Spiritus sanctus visus apparuit, vera columba et verus ignis fuerunt, de aere vel de aliqua materia noviter a Deo creata fuerunt, in quem statim peracta officio redierunt ».

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visibles et temporaires qui le manifestent, ce qui écarte toute altération de sa substance divine ou perte de son unité personnelle200. Le baptême des enfants donne enfin matière à un dernier groupe de sentences (LP 75, 85-86) qui abordent la question du péché originel sous l’angle sans doute le plus complexe. L’extrait augustinien (LP 75) sert à remettre le baptême, notamment celui des enfants, en contexte par rapport à la question plus vaste de la génération humaine201. Augustin met en œuvre toute une critériologie qui fait place à l’intention : utiliser un mal, ici la sexualité post-adamique, se révèle un bien lorsque le but est la propagation de l’espèce humaine dans le cadre du mariage. Cependant, le bien du mariage n’empêche pas la naissance de l’enfant dans un corps pécheur, nécessaire prélude à l’union au corps mystique du Christ. Pourtant, avant réception du baptême et même sans avoir péché personnellement, l’enfant demeure fils d’Adam. C’est pourquoi, Augustin affirme de l’enfant mort sans baptême qu’il est damné, non sans avoir varié au cours de son œuvre sur la nature de la peine reçue202. La tradition scolaire au début du xiie siècle, dont Guillaume de Champeaux se fait l’écho en LP 86, retient de la doctrine augustinienne l’affirmation suivante : la peine des enfants morts sans autre faute que le péché originel est très douce203. Guillaume demeure littéral dans son exégèse d’Augustin : la sentence augustinienne signifie deux choses, l’existence d’une peine et l’absence de graves supplices204. Tout en réservant son avis, le maître rapporte

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« Nec post sic apparuisse legitur species, ne putaretur Spiritus vel in illa se convertisse vel in unitatem sue eam suscepisse persone. Filius vero permanet in humana quam assumpsit natura » (L 239, l. 3-6). LP 75 : « Augustinus de baptismo parvulorum. Bonum conjugii non est fervor… – …concupiscentiam restringens conubio » (De peccatorum meritis, 1, 29, 57, éd. C. F. Urba, J. Zycha, Vienne, 1913 (CSEL 60), p. 56, l. 1-3, 4-18). Cfr J. Bellamy, « Baptême (sort des enfants morts sans) », dans DTC, t. 2, 1923, col. 364-378, aux col. 367-368 et, en dernier lieu, A. Carpin, « Agostino e il problema dei bambini morti senza il battesimo », Sacra Doctrina, 50 (2005), p. 1-180, notamment p. 176 où est montré, en conclusion, le progressif durcissement d’Augustin. Cfr Augustinus Hipponensis, Enchiridion, 93, p. 99, l. 133-135 : « Mitissima sane omnium poena erit eorum qui, praeter peccatum quod originale traxerunt, nullum insuper addiderunt », cfr aussi De peccatorum meritis et remissione, 1, 16, 21, p. 20 : « Potest proinde recte dici parvulos sine baptismo de corpore exeuntes in damnatione omnium mitissima futuros ». Si, à date ancienne, l’expression d’Augustin est reprise principalement par Beda Venerabilis, In cantica canticorum, prol., éd. D. Hurst, J. E. Hudson, Turnhout, 1983 (CCSL 119B), p. 179, l. 482-484 et In Lucae evangelium expositio, 4, 12, p. 260, l. 1183-1185, son sentiment l’est par la tradition latine unanime, cfr Hieronymus, Dialogus adversus Pelagianos, 3, 17-19, p. 120-124 ; Gregorius Magnus, Moralia, 9, 31, 32 (CCSL 143), p. 479-480 ; Isidorus Hispalensis, Sententiae, 1, 22, 2-3, p. 74. « Ut dicit Augustinus, mitissima est pena parvulorum sine remedio baptismi morientium. In quibus verbis eos notat et penam habere et non illa gravia supplicia sustinere » (L 269, l. 1-3).

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également l’opinion des quidam, notamment Honorius Augustodunensis205 et Abélard, selon lesquels la mitissima pena n’implique pas de tourments physiques, mais concerne seulement la privation de la vision de Dieu206. Cette position, qui revient à définir négativement l’existence et la nature des limbes, est exprimée dans le long passage du commentaire d’Abélard sur l’épître aux Romains207. Abélard y traite ex professo de la « vieille querelle du genre humain et dispute sans fin », c’est-à-dire du péché originel et de ses conséquences208. L’intérêt que porte Abélard à cette question, notamment au sort des enfants morts sans baptême, ne date pas seulement de cet ouvrage de la maturité (ca. 1133-1140), mais s’enracine dans le terreau scolaire des années 1100-1120209. En effet, le thème de la mitissima pena apparaît significativement dans la dernière question du Sic et non, où il s’agit de comprendre si la peine des enfants morts sans baptême est plus douce ou non que les autres peines des damnés210. À la sentence bien connue de l’Enchiridion, Abélard oppose deux extraits de Jean Chrysostome et une sentence d’Ambroise selon lesquels perdre la gloire promise par Dieu est pire que tous les tourments

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Honorius Augustodunensis, Elucidarium, 2, 43, p. 424 : « D. : Quam penam habent parvuli ? M. : Tenebras tantum ». « Quidam autem dicunt quod eorum pene tantum sunt tenebre et quod Dei visione non fruuntur. Quod an sit verum, diffinite non legi » (L 269, l. 3-5), cfr Abélard : « Scimus quippe hanc esse mitissimam poenam, beato in Enchiridion Augustino sic attestante : mitissima sane omnium poena erit eorum qui praeter peccatum quod originale traxerunt, nullum insuper addiderunt. Quam quidem poenam non aliam arbitror quam pati tenebras, id est carere visione divinae majestatis sine omni spe recuperationis » (Petrus Abaelardus, Commentaria in epistulam Pauli ad Romanos, 2, 5-19, éd. E. M. Buytaert, Turnhout, 1969 (CCCM 11), p. 169170, l. 541-547). La peine, purement spirituelle, possède cependant une dimension afflictive, puisqu’Abélard interprète le feu éternel comme un tourment de la conscience, cfr Petrus Abaelardus, ibidem, p. 170, l. 547-548. Sur l’œuvre, voir R. Peppermüller, Abaelards Auslegung des Römerbriefes, Münster, 1972 ; Id., « Exegetische Traditionen und theologische Neuansätze in Abaelards Kommentar zum Römerbrief », dans Peter Abelard. Proceedings of the International Conference Louvain May 10-12, 1971, éd. E. M. Buytaert, Louvain - La Hague, 1974, p. 116-126 et J. Jolivet, La théologie d’Abélard, p. 111-116. « Nunc ad illam veterem humani generis quaerelam et interminatam quaestionem, de originali scilicet peccato […] veniendum nobis est » (Petrus Abaelardus, Commentaria in epistulam Pauli ad Romanos, 2, 5-19, p. 163, l. 336-339). Le passage couvre les p. 163-175 de l’édition. Pour la date du commentaire, cfr C. J. Mews, « On Dating the Works », p. 130-132. Petrus Abaelardus, Sic et non, q. 158, p. 527 : « Quod poena parvulorum non baptizatorum mitissima respectu ceterarum poenarum damnatorum sit et contra ». L’importance de l’ouvrage a échappé à la dernière étude sur le sujet, cfr A. Carpin, « Il limbo nella teologia medievale », Sacra Doctrina, 51 (2006), p. 1-181, à la p. 44 : « Nell’opera Sic et non, parlando della necessità o meno del battesimo per la salvezza, Abelardo si limita a riportare testi patristici relativi al nostro tema ».

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infernaux 211. Abélard, avec grande habileté, sous-entend donc que la mitissima pena consiste dans la seule perte d’un bien spirituel, puisque les sentences opposées par Abélard à Augustin distinguent la peine du dam, l’absence de vision béatifique, de la peine des sens. Alors que pour Augustin et la tradition postérieure, la peine des enfants morts sans baptême constituait une peine physique réelle, le contexte de la question 158 pousse à l’identifier à la peine du dam. En induisant le lecteur à interpréter Augustin en fonction de Jean Chrysostome et d’Ambroise, Abélard spiritualise la mittisima pena et engage ainsi doctrinalement sa position. Une autre question permet également de suivre la genèse subtile de la position des quidam. Le problème de l’efficacité du baptême retient Abélard qui lui consacre la longue question 106 dans le Sic et non212. À la nécessité de l’eau affirmée par les sentences 1-5, Abélard oppose les témoignages concernant le martyre, véritable ‘baptême de sang’ (sentences 6-10 et 23). Il montre aussi les variations d’Augustin sur le bon larron : d’abord modèle du converti sauvé sans baptême (sentences 11-13), le larron est ensuite rapproché par Augustin de ceux dont le baptême est incertain, mais fort crédible (sentences 14-18). Les autres sentences posent une question cruciale dans le Liber pancrisis : quelle est l’articulation entre la réception physique du sacrement, l’intention du sujet et la rémission des péchés ? Une sentence d’Augustin ouvre le débat : en vertu du célèbre passage de Rom. 5, 12, l’enfant mort sans baptême a péché en Adam. Il est donc voué à la damnation, même s’il est avéré qu’il n’a pu matériellement accéder au baptême chrétien213. Abélard oppose à Augustin les extraits d’Ambroise qui mettent en valeur l’existence d’un ‘baptême de désir’ pour qui n’a pu le recevoir effectivement (sentences 20-25). La solution n’étant valable que pour un adulte, Abélard ajoute en complément un extrait de la Vita sancti Gregorii de Jean Diacre dit Hymmonide (ca. 825-880)214. Selon 211

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Cfr « Johannes Chrysostomus de reparatione lapsi. […] Omnes ergo gehennae superat cruciatus carere bonis quibus in potestate habueras frui » (Petrus Abaelardus, Sic et non, q. 158, s. 3, p. 527, l. 5-10). Petrus Abaelardus, Sic et non, q. 106, p. 341-350 : « Quod sine baptismo aquae nemo jam salvari possit et contra ». La sentence 31, qui affirme la licéité du vin en cas de nécessité, est peu utile à notre propos. Petrus Abaelardus, Sic et non, q. 106, s. 19, p. 347, l. 158-168 : « Idem de natura et gratia : […] Recte ergo ea damnatione quae per universam massam currit non admittitur in regnum caelorum, quamvis christianus non solum non fuerit, sed nec esse poterit ». Sur l’auteur, cfr R. Aubert, « Jean Diacre », dans DHGE, t. 26, 1997, col. 1466-1468, sur son œuvre achevée entre 874-876 : G. Arnaldi, « Giovanni Immonide e la cultura a Roma al tempo di Giovanni VIII », Bulletino dell’Instituto storico italiano per il medio evo e Archivio Muratoriano, 68 (1956), p. 33-89, C. Leonardi, « La Vita Gregorii di Giovanni Diacono », dans Roma e l’età carolingia, Rome, 1976, p. 381-393, Id., « L’agiografia romana nel secolo ix », dans Hagiographie, cultures et sociétés IVe-XIIe s. Actes du Colloque organisé à Nanterre et à Paris (2-5 mai 1979), Paris, 1981, p. 471-490, aux p. 483-485 et F. Bertini, « Giovanni Immonide e la cultura

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l’hagiographe romain qui suit des sources anglo-saxonnes, Grégoire le Grand, impressionné par la mansuétude de Trajan, versa un jour des pleurs à SaintPierre super errore tam clementissimi principis, c’est-à-dire, sur son paganisme. La nuit suivante, le pape apprit que ses larmes avaient libéré l’empereur des tourments infernaux. Plutôt fidèle à l’esprit de Jean Diacre, Abélard remanie pourtant notablement sa source et y ajoute le passage suivant : Trajan n’a donc pas obtenu la gloire, même s’il a échappé à la peine commune de la géhenne, et pour éviter le feu corporel et pour bénéficier de la peine très douce des enfants, il n’entre pas dans le royaume des cieux215.

La référence à la mitissima pena augustinienne est patente et délibérée. L’exemple du bon païen, pourtant postérieur à l’Incarnation, permet donc à Abélard d’introduire subrepticement la notion de limbus puerorum sans le mot : éviter la peine des sens, le corporale incendium, n’est-ce pas réduire la mitissima pena à la seule privation de Dieu ?216 Dans la Theologia christiana, rédigée à date contemporaine, Abélard utilise également les extraits ambrosiens 22-25 et la narration de Jean Diacre pour faire l’apologie des auteurs païens. Il répond clairement non à la question 106 en affirmant l’existence d’un état dénué de peines afflictives pour les justes non baptisés217. On comprend mieux qu’Abélard n’ait pas allégué explicitement le passage fameux de l’Enchiridion dans la question 106, où il aurait pourtant trouvé sa place naturelle : détourné de son sens originel par la question 158, il ne pouvait apparaître en position sic contre le sentiment d’Abélard218, mais est introduit discrètement avec les passages qui disent non. Pourtant les aménagements des quidam paraissent encore insuffisants. Les réserves croissantes qu’inspire la position augustinienne se laissent ainsi parfaitement deviner en LP 85 : sous le nom du docteur de la grâce, un petit

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a Roma nel secolo IX », dans Roma nell’alto medioevo. Atti della Settimana di studio del Centro italiano di studi sull’alto medioevo, Spoleto, 27 aprile – 1 maggio 2000, t. 2, Spolète, 2001, p. 897919. Je dois une part des références sur Jean Diacre à l’amabilité de Lucie Dolezalova. « Non itaque Trajanus adeptus est gloriam, etsi evaderit communem gehenne penam, nec intrat regnum celorum, si evitet corporale incendium et mitissima illa parvulorum fruatur pena » (Petrus Abaelardus, Sic et non, q. 106, s. 26, p. 349, l. 226-229). Sur le limbus puerorum, les textes de base sont rassemblés par A. Gaudel, « Limbes », dans DTC, t. 9, 1926, col. 760-772 et R. Weberberger, « Limbus puerorum. Zur Entstehung eines theologischen Begriffes », RTAM, 35 (1968), p. 83-133 et 241-259. Cfr Petrus Abaelardus, Theologia christiana, 2, 112-114, éd. E. M. Buytaert, Turnhout, 1969 (CCCM 12), p. 182-184, notamment : « inveniet quantum justitia Trajani gentilis imperatoris tam Deo ipsi quam praedicto sancto acceptabilis exstiterit, cum praedictus sanctus ejus animam, qui post Evangelii quoque traditionem sine fide et gratia baptismatis defunctus fuerat, a poenalibus locis et inferni cruciatibus, precum instantia suarum et abundantia lacrymarum eruisse scribatur » (p. 182, l. 1686-1692). L’épisode est également évoqué dans la lettre 7 à Héloïse, cfr PL 178, col. 252C-D. Voir sentences 27-30 de Jérôme, Augustin et Fulgence, dans Petrus Abaelardus, Sic et non, q. 106, p. 349-350.

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apologue cherche à faire primer l’intention des parents sur l’application stricte de la justice divine. LP 85 envisage, en effet, le cas concret d’un homme ou d’une femme qui amène un enfant à l’église pour le faire baptiser. Si l’enfant meurt en chemin, qu’en est-il de son salut ?219 La réponse fait appel à la notion de fides Ecclesiae : la foi de l’Église, ici principalement celle des parents, est l’agent principal du baptême de l’enfant220. C’est grâce à elle qu’il aurait reçu le baptême, la rémission de ses péchés et donc le salut éternel221. Dans le cas d’une mort anticipée de l’enfant, puisque la foi des parents demeure identique, LP 85 considère que l’enfant bénéficie de la res sacramenti, c’est-à-dire du salut éternel, même sans avoir reçu matériellement le baptême222. De manière habile sinon convaincante, l’auteur de la sentence se sert de la foi de l’Église comme substitut à la réception du baptême. Le déplacement par rapport à l’utilisation classique de l’argument est remarquable : conformément à son origine augustinienne, la notion de fides Ecclesiae a été traditionnellement invoquée pour justifier de baptiser les enfants, notamment lors des controverses des xie-xiie siècles. Contre les adversaires du pédobaptisme et notamment Pierre de Bruys († 1147), les tenants de l’orthodoxie avancent que la foi de l’Église supplée l’absence de foi personnelle chez les enfants223. Dans le contexte tout différent de LP 85, la fides Ecclesiae remplace l’absence de baptême et fait supposer la validité d’un baptême in voto. Selon une interprétation souple proche de celle d’Anselme pour le baptême de Jean (LP 80), la collation de la res sacramenti s’affranchit alors de la réception de la matière sacramentelle.

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LP 85 : « Augustinus de parvulo non baptizato. Contigit ut mulier vel homo puerum ad ecclesiam deferrent ut baptizaretur et reciperet Spiritum Sanctum et remissionem peccatorum per ministrum et fuit mortuus in via nec ad sacramentum baptismi morte preoccupatus pervenire potuit. Quid de isto dicemus ? Erit salvus an non ? Quare non ? ». Le thème classique est augustinien, cfr pour les parents : « Pie recteque creditur prodesse parvulo eorum fidem a quibus consecrandus offertur » (Augustinus Hipponensis, De libero arbitrio, 3, 23, 67, PL 32, col. 1304), et pour l’Église en général : « Offeruntur quippe parvuli ad percipiendam spiritualem gratiam non tam ab eis quorum gestantur manibus […] quam ab universa societate sanctorum atque fidelium » (Augustinus Hipponensis, Epistulae, 98, 5, PL 33, col. 362). Sur le traitement théologique du pédobaptisme, voir A. Landgraf, « Kindertaufe und Glaube », dans Dogmengeschichte, t. 3-1, Regensburg, 1954, p. 279-345. LP 85 : « Vere salvus, etenim si in fide matris Ecclesie, cum nundum (sic) ex sua propria posset, ad ecclesiam pervenisset, baptismi sacramentum, id est Spiritum Sanctum, et ita remissionem peccatorum percepisset et sic post horum perceptionem, si statim moreretur, in gloriam Dei ivisset necessario ». « In eadem fide matris Ecclesie morte preoccupatus, etsi non sacramentum, rem sacramenti, id est remissionem peccatorum consequitur, et ita salvus est ». Voir J. C. Didier, « La question du baptême des enfants chez S. Bernard et ses contemporains », Analecta sacri ordinis cisterciensis, 9 (1953), p. 191-201 et Petrus Venerabilis, Contra Petrobrusianos hereticos, 11-88, éd. J. Fearns, Turnhout, 1968 (CCCM 10), p. 13-55.

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LP 85 franchit donc une étape supplémentaire par rapport à la position des quidam rappelée en LP 86. Celle-ci n’était pourtant déjà pas mince par rapport à Augustin, puisqu’elle consistait à réduire la damnation des enfants à une simple privation de Dieu. En LP 85, même compte tenu de la situation d’un enfant chrétien mort brusquement in via, la solution proposée ouvre une sérieuse brèche dans le monopole salvifique du baptême : le ‘baptême de désir’ devient potentiellement le désir de baptême émanant des parents. Nous nous trouvons à l’origine d’une tradition théologique dont les rapports avec les attentes de la « religion des laïcs », pour être délicats à préciser224, n’en sont pas mois réels. Il semble que la forme même de LP 85 suppose un questionnement pratique (contingit ut) qui atteste un intérêt pastoral 225. En effet, l’attention des théologiens du xiie siècle pour le devenir des enfants morts sans baptême répond sans doute aux préoccupations des parents et accompagne la définition des lieux de l’au-delà226. Avant que le développement à la fin du Moyen Âge des sanctuaires ‘à répit’ apporte un nouveau type de réponses aux angoisses des parents, LP 85 se montre soucieux de faire droit à l’intercession des vivants, parfois plus forte que la mort de l’enfant227. Or, il est possible d’assigner une origine précise à l’avis personnel exprimé dans LP 85 sous le couvert d’Augustin. En effet, dans la partie du manuscrit londonien consacrée au baptême, un exposé traite la question qui a occupé l’auteur de LP 85 :

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Cfr G. Lobrichon, La religion des laïcs en Occident (XI e-XV e siècles), Paris, 1994, p. 22. La position de LP 85 est similaire à celle défendue par quelques théologiens aux xve et xvie siècles, notamment Gerson et Cajetan dans son commentaire de la Somme de Thomas, IIIa, q. 62, a. 2, cfr les études de C.-V. Héris, « Le salut des enfants morts sans baptême », Maison Dieu, 10 (1947), p. 86-105, et Id., « Enfants (salut des) », dans Catholicisme, t. 4, 1956, col. 151-157, ainsi que l’appréciation critique de W. A. Van Roo, « Infants Dying Without Baptism : A Survey of Recent Literature and Determination of the State of the Question », Gregorianum, 35 (1954), p. 406-473. Voir D. Lett, « De l’errance au deuil. Les enfants morts sans baptême et la naissance du limbus puerorum aux xiie-xiiie siècles », dans La petite enfance dans l’Europe médiévale et moderne. Actes des XVI e Journées internationales de l’abbaye de Flaran, septembre 1994, éd. R. Fossier, Toulouse, 1997, p. 77-92, qui développe la thèse du même auteur, L’enfant des miracles. Enfance et société au Moyen Âge (XIIe-XIIIe siècle), Paris, 1997, p. 214-218. Cfr J. Le Goff, La naissance du purgatoire, Paris, 1981, et Id., « Les limbes », Nouvelle revue de psychanalyse, 34 (1986), p. 151-173. Sur le sanctuaire « à répit », lieu d’un miracle qui rend temporairement la vie à l’enfant mort-né et permet l’administration du baptême, cfr en dernier lieu, A. Prosperi, « Battesimo e Identità tra Medio evo e prima età moderna », dans Unverwechselbarkeit. Persönliche Identität und Identifikation in der vormodernen Gesellschaft, éd. P. von Moos, Cologne, 2004, p. 325-354, aux p. 341-350 et J. Gélis, Les petits innocents. Les enfants mort-nés et le miracle de répit en Belgique, Bruxelles, 2004, notamment « la quête de sacrement », aux p. 11-37. Le miracle « à répit » est, pour sa part, attesté dès le haut Moyen Âge, cfr D. Alexandre-Bidon et D. Lett, Les enfants au Moyen Âge, Ve-XVe siècle, Paris, 20042, p. 53-54.

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On se demande aussi si sera sauvé celui qui, prévenu par la nécessité, n’est pas parvenu au baptême. Certains disent qu’il peut être sauvé et tiennent cela des mots d’Augustin qui dit : si ce n’est pas le mépris de la religion mais la nécessité ou le temps qui l’exclut, il sera sauvé. Pour nous, nous nous en tenons à la sentence du Seigneur : à moins d’être rené de l’eau et du sang etc. (Jean 3, 5), bien que maître Anselme ait dit : si l’enfant est porté avec la plus grande hâte par ses parents et qu’il meurt par nécessité, non par négligence, il est sauvé228.

Par rapport à LP 85 où un cas pratique donnait un cadre à la discussion, l’exposé intègre l’avis d’Anselme dans un débat qui procède more scholastico. C’est, en effet, une question (queritur), avec ses tenants (les quidam) et ses opposants (nos autem). La question, pourtant fort brève, ne mobilise pas moins de trois auctoritates : un principe augustinien, selon lequel nécessité vaut dispense, l’autorité souvent alléguée du Christ et la position d’Anselme, rien moins qu’opposée à la sentence évangélique. Si l’on compare avec LP 85, les points de convergence sont remarquables : l’enjeu du débat n’est pas simpliciter le salut de l’enfant mort sans baptême, mais le cas précis de l’enfant mort in via (portetur). Dans les deux cas, l’intention de donner le baptême prime la necessitas et suffit pour obtenir le salut. Le dictum recueilli est d’évidence moins détaillé que LP 85 du fait qu’il omet de préciser le rôle de la fides Ecclesie. La sentence utilise un dit magistral en contexte scolaire, tandis que le Liber pancrisis transmet la mise par écrit d’un exposé doctrinal. On retrouve ainsi l’opposition, déjà relevée lors de la querelle entre Rupert de Deutz et Anselme, entre diverses formes de transmission scolaire d’une sententia229. La tradition théologique du salut de l’enfant in via, vivace jusqu’à l’aube de l’époque moderne, prend donc son origine directe dans l’enseignement de maître Anselme. Dans la sentence LP 238, Anselme généralise d’ailleurs sa pensée au cas des cathécumènes morts sans baptême. Le maître y manifeste la même souplesse envers la collation du sacramentum : si la nécessité ne permet pas de recevoir le sacrement, mais que l’intention est avérée, on peut être dit baptisé230. La faute n’existe qu’en cas de négligence, ce qui est simple à comprendre dans le cas des adultes231. Par contre, pour les enfants, si la cause 228

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« Queritur etiam si aliquis, necessitate preventus, non venerit ad baptismum, utrum salvabitur. Quidam dicunt eum posse salvari et hoc habent ex verbis Augustini dicentis : si non contemptus religionis, sed causa necessitatis seu articuli excluserit, salvabitur. Nos autem dominicam sententiam tenemus – quamvis magister Anselmus dixisset : si infans maxima parentum (?) portetur festinantia et non causa negligentie sed necessitatis moriatur, salvatur – nisi quis renatus fuerit ex aqua et sanguine (Joh. 3, 5) et cetera » (London, BL, Add. 34749, fol. 53v-54r). Cfr chapitre II (première partie). LP 238 : « Si necessitas aliqua impediat, salvi sunt et bene possunt dici baptizati » (L 59, l. 3-4, moyenne diffusion). « Sed si negligentia impedierit, non erunt salvi. Hoc autem in illis planius est qui magni catechizantur » (L 59, l. 4-5).

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est entendue pour la nécessité, Anselme se refuse à étendre le baptême de désir à la négligence, puisque la culpabilité des parents rejaillit sur les enfants232. Malgré cette borne, la reconnaissance donnée à l’intention du catéchumène ou à celle des parents l’emporte sur l’efficacité instrumentale du sacrement. Vœu et transitus (LP 226-228) Anselme présente sur le vœu une courte synthèse qui comprend les principales difficultés. Il reprend à Augustin la distinction entre vœu commun, dont nul ne peut s’exonérer et qui concerne l’accomplissement des devoirs chrétiens, et vœu particulier qui porte sur les conseils évangéliques233. Les conditions de validité du vœu sont précisées en insistant notamment sur l’intention du locuteur et pas seulement sur la valeur de l’acte projeté : ainsi l’engagement pour la croisade n’est-il pas simple affaire privée ou parole légère, mais requiert un témoin privilégié comme le prêtre ou au moins une longue délibération qui rend valide l’engagement234. Anselme traite aussi de la commutation des vœux sous l’angle du transitus : changer d’ordre religieux pour embrasser un état plus rigoureux n’est pas rompre le vœu, mais le parfaire235. Dans cette hiérarchie des états, le chanoine est inférieur au moine, qui peut lui-même accomplir son vœu soit en gagnant un monastère plus strict soit en se faisant ermite236. La question est abordée dans une série de sentences (LP 226-228) qui autorisent et défendent la pratique du transitus237. LP 226 replace le problème dans le contexte de la querelle des Investitures et des déchirements que 232

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« Sed in parvis qui nihil sciunt, non videtur ita esse quia in illis nulla negligentia esse videtur. Credendum est tamen culpam parentum illis obesse » (L 59, l. 5-8). LP 330 : « Quedam sunt que etiam non voventes reddere debemus, ut cultum Deo ceteraque precepta. Alia vero sunt que, nisi non voveamus, reddere non cogimur ut virginitatem servare » (L 76, l. 1-3, moyenne diffusion), cfr C. de Miramon, « Les théories du vœu dans le droit canon et la première scolastique », Cahiers du centre de recherches historiques, 16 (1996), p. 17-25, à la p. 18 et Id., Les « donnés » au Moyen Âge. Une forme de vie religieuse laïque (v. 1180v. 1500), Paris, 1999, p. 142-145. « Et nota non esse appellandum votum, si dicamus nos ituros Jherusalem, vel si aliquid hujusmodi facturos sine deliberatione vel ex cursu loquendi, ut sepe fit, sed cum in manu sacerdotis hoc fit, vel apud quemquam ex longa animi deliberatione » (L 76, l. 4-7). « In quo dicendum est quia qui minus arctam vitam vovet, si assumit arctiorem, non solum non fregit, sed implevit hoc habundanter » (L 76, l. 9-11). « Sed si vovit monacum, non reddit si efficiatur canonicus, quia minus solvit quam vovit, nec reverti potest ad seculum, sed vel eremita potest effici, vel in alio monasterio quod sibi religiosius videatur, potest monachari sine offensa prioris monasterii » (L 76, l. 13-17). LP 330 et 227 vont de pair : si les deux sentences anselmiennes sont séparées dans le LP, l’édition de dom Lottin signale qu’elles se suivent dans les manuscrits B, F, P et O, auxquels on peut ajouter Bern, Stadtbibliothek, 702, fol. 82-83, dont le contenu est signalé et édité par J. Leclercq, « Profession monastique, baptême et pénitence d’après Odon de Cantorbéry », Analecta monastica, Rome, 1953, p. 124-140, aux p. 139-140. Sous l’attribution à Ivo episcopus, le

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connaît alors la Chrétienté. Il s’agit, en effet, d’une lettre dont on possède une première attestation dans la Chronique d’Hugues de Flavigny qui s’étend de l’an 1 à 1102238. Avant de donner la teneur de la lettre, le moine rappelle la manière dont l’abbé de Saint-Vanne, Raoul, a été forcé en 1085 de quitter Verdun pour Dijon, sous la pression de l’évêque Thierry, partisan de l’antipape Clément III239. En raison de leur fidélité à Grégoire VII, d’autres moines verdunois abandonnent également leur monastère d’origine pour reformer une communauté autour de Raoul. La situation n’est pas sans causer de graves scrupules, puisque les moines semblent enfeindre leur vœu de stabilité, dont on sait l’importance dans la vie bénédictine240. C’est pourquoi, l’archevêque Lanfranc de Cantorbéry (1070-1089) écrit à Raoul une lettre où il cherche à apaiser les consciences241. Le vœu de stabilité n’est valide que dans la mesure où il ne va pas à l’encontre de Dieu. Dès lors que le moine habite avec les fils du démon, il lui est non seulement licite, mais même profitable de changer de monastère242. L’auteur répond aussi à deux arguments que l’on pourrait lui opposer. Le fait de quitter son église ne crée pas de dissension, car l’Église est une par toute la terre243. De plus, la règle bénédictine ne s’oppose pas, selon lui, à une telle pratique, puisque Benoît lui-même ordonne d’accueillir le moine venant d’un autre établissement et de le garder s’il est de bonne vie244. L’authenticité de la lettre a été mise en cause par les éditrices de la correspondance de Lanfranc245 : d’une part, le texte circule de manière séparée

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témoin comprend une partie de LP 330 (L 76, l. 8-17) et l’intégralité de LP 227 (L 77, sentence identifiée par dom Leclercq, forte diffusion). Sur l’auteur et son ouvrage, la meilleure présentation demeure celle de G. H. Pertz, Hanovre, 1848 (MGH, Scriptores 8), p. 280-285, reprise en PL 154, col. 9-16, voir aussi, avec une liste d’autres notices biographiques, G. Michiels, « Hugues de Flavigny », dans DHGE, t. 25, 1995, col. 227-228. Voir la narration d’Hugues dans son Chronicon, 2, PL 154, col. 344A-C. « Timebant enim primum votum, primam professionem violare et ideo de secunda facienda nefas putabant vel sermonem audire, cum id eis omnino intolerabile videretur monasterium, in quo stabilitatem Deo voverant, deserere vel ad horam » (Hugo Flaviniacensis, Chronicon, PL 154, col. 344C). Hugo Flaviniacensis, Chronicon, PL 154, col. 344D-345A. Elle est aussi éditée dans la correspondance de Lanfranc par dom d’Achery comme lettre 60 (cfr PL 150, col. 549A-550B). « Qui enim sic transit, nonne fugit a sede diaboli ad sedem Dei ? Quis autem judicet illum dampnandum qui, ut ad Patrem, ut ad Deum et amicum fugit ad ipsum ? » (Hugo Flaviniacensis, Chronicon, PL 154, col. 345A). « Preterea qui sic transit, non ab ecclesia ad ecclesiam transit. Non sunt plures ecclesie, sed una est toto orbe diffusa et uni Deo ubique servitur, uni regi militatur » (ibidem). « Postremo sanctus Benedictus, qui stabilitatem precipit firmare, monachum ab illo monasterio ad aliud venientem suscipi jubet et, si bone vite fuerit, ut stabilitatem firmet suaderi » (ibidem). Cfr H. Clover et M. Gibson, The Letters of Lanfranc Archbishop of Canterbury, Oxford, 1979, p. 184-185. L’étude annoncée p. 185 (« It is hoped to discuss the text and influence of this letter more fully elsewhere ») n’a pas été publiée à notre connaissance.

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par rapport au corpus épistolaire de Lanfranc constitué dès la fin du xie siècle246 et, d’autre part, la position exprimée dans la lettre ne correspond guère à ce que l’archevêque écrit par ailleurs247. Enfin, on peut ajouter à ces arguments que Lanfranc n’a pas fait montre d’un zèle particulier dans le conflit opposant Grégoire VII à Clément III. Fidèle à la ligne politique définie par Guillaume le Conquérant, l’archevêque se garde de trancher entre les deux compétiteurs248. Il serait donc étonnant qu’il encourage des moines à prendre si ostensiblement parti lorsqu’il a lui-même cultivé une indéniable neutralité249. Selon une pratique fréquemment attestée dans les chroniques, la lettre du pseudo-Lanfranc est donc sans doute une sorte de pièce justificative fabriquée par le chroniqueur pour les besoins de la cause250. Sous le patronage de Lanfranc, la lettre va connaître une diffusion remarquable au xiie siècle, que ce soit de manière séparée251 ou intégrée dans d’autres écrits, comme des correspondances252 ou le Liber pancrisis. 246 247

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Sur la formation du corpus, cfr H. Clover et M. Gibson, The Letters of Lanfranc, p. 10-15. En effet, dans la lettre 17 écrite en 1073 à l’archevêque de Rouen, Lanfranc condamne le transitus en ces termes : « Non est enim credendum visionem illam esse a Deo que monachos prohibet a monasterio cui ad serviendum Deo se devoverunt et in quo se obedientia et conversatione morum suorum et stabilitate sua professionem fecerunt » (ibidem, p. 94, l. 27-30). Voir notamment la lettre 52 de 1084-1085 au cardinal clémentiste Hugues : « Nondum enim insula nostra priorem (sc. Gregorium) refutavit, nec utrum huic (sc. Clementi) obedire debeat sententiam promulgavit » (ibidem, p. 164-166, l. 13-15) ; sur ses relations avec la papauté, voir aussi M. Gibson, Lanfranc of Bec, p. 131-140. La brièveté de la lettre ne permet pas de trancher d’un point de vue interne. Tout au plus peut-on remarquer que la suscription comme « L. Cantuarie archiepiscopus » (PL 154, col. 344D) n’est pas usitée dans le corpus des soixante et un actes authentiques : la formule la plus fréquente est celle de « Lanfrancus indignus antistes », le nom du siège n’apparaissant pas en général ou bien sous la forme Dorobernensis. On trouve exceptionnellement « Lanfrancus indignus sancte Cantuariensis ecclesie antistes » (cfr lettres 49-50, p. 154-160). Par ailleurs, l’absence de salutation finale n’est pas significatif, cfr inter alia les lettres 54-55, p. 168-170. Cfr G. Constable, Letters and Letter-Collection, Turnhout, 1976, p. 55. Aux six manuscrits dont e’ signalés par H. Clover et M. Gibson (p. 185), il convient d’ajouter les deux autres témoins du Liber pancrisis (T, fol. 136vb et V, fol. 160ra-b) ainsi que Alençon, BM, 5, fol. 229v ; Bordeaux, BM, 11, fol. 144v ; Boulogne-sur-Mer, BM, 73, fol. 1r ; Bruges, Bibl. du grand séminaire., 302, fol. 110v ; Montpellier, BU, 413, fol. 44v ; Paris, BNF, lat. 12999, fol. 10va ; Poitiers, BM, 69, fol. 111r ; Valenciennes, BM, 181, fol. 2vb ; Vaticano, BAV, Reg. lat. 249, fol. 64v, ce qui porte le nombre de manuscrits à dix-sept. On la retrouve ainsi dans la deuxième lettre de l’ermite Rainaud, violente charge contre les moines en réponse à la lettre 256 d’Yves de Chartres, cfr G. Morin, « Rainaud l’ermite et Ives de Chartres. Un épisode de la crise du cénobitisme au xie-xiie siècle », RB, 40 (1928), p. 99-115, aux p. 109-110 et J. Becquet, « L’érémistime clérical et laïc dans l’ouest de la France », dans L’eremitismo in Occidente nei secoli XI e XII. Atti della seconda Settimana internazionale di studio Mendola, 30 agosto – 6 settembre 1962, Milan, 1965, p. 182-211, aux p. 203-204. On est peu renseigné sur cet ermite signalé au xviie siècle, sous le nom de Renaud du Mélinais († 1104), comme disciple de Robert d’Arbrissel dans la correspondance passive de François Duchesne, cfr J. Dalarun, L’impossible sainteté. La vie retrouvée de Robert

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Dans ce dernier, elle est complétée par l’exposé d’Anselme qui considère en LP 228 le transitus dans une perspective plus nettement réformatrice. Anselme défend en effet le départ du moine qui, même contre l’avis de son supérieur et du chapitre, quitte son établissement d’origine pour mener dans un autre une vie plus austère253. L’intention de suivre plus parfaitement les conseils évangéliques l’emporte donc sur l’obéissance. Avec le même sens pratique, Anselme envisage le cas du religieux dont l’idéal de vie entre en contradiction avec les besoins de l’Église : il lui faut garder son propositum initial tout en exerçant la charge confiée. Malgré cette souplesse, le maître ne rappelle pas moins que le chanoine régulier, à l’instar du moine, n’a pas vocation à posséder une paroisse ou une cure254. Le succès manuscrit des solutions préconisées par Anselme en matière de transitus s’explique sans doute en partie par les tensions liées à la réforme des ordres religieux. En effet, les nouvelles fondations cisterciennes et canoniales mettent en péril, dans les premières décennies du xiie siècle, le principe bénédictin de stabilité. La force d’attraction des fondateurs et de leurs maisons a ainsi tendance à créer une véritable concurrence entre les états religieux : certains moines noirs et chanoines réguliers quittent leurs abbayes d’origine afin d’embrasser la vie cistercienne plus austère et donc considérée comme plus parfaite. Contre ce mouvement, la législation canonique fournit dès l’Antiquité une jurisprudence constante qui encadre très soigneusement le transitus des moines et le subordonne au consentement du supérieur255. Contemporain d’Anselme de Laon, Urbain II (1088-1099) légifère en la matière en appliquant la même règle aux chanoines : ni la légèreté ni le désir d’embrasser une vie plus stricte ne justifient de quitter son monastère sans l’accord

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d’Arbrissel (v. 1045-1116), fondateur de Fontevraud, Paris, 1985, p. 340-341 et L. Donnat, « La spiritualité du désert au xiie siècle », dans Colloque international Robert d’Arbrissel (1045-1116) et le monde de son temps. Abbaye Saint-Michel de Frigolet 9, 10 et 11 juin 1988 et château du Barroux 12 juin 1988, Le Barroux, 1991, p. 33-44, à la p. 33. LP 228 : « Item dubitari solet, postquam aliquis in ecclesia aliquam professionem fecerit, an liceat ei, absque licentia sui prelati et capituli, arctiorem vitam sumere, et si ecclesia prior poposcerit, an poterit ibi remanere. Bonum est ut licentiam petat, quam si non potest impetrare, non frangit obedientiam, si hac intentione discedat » (L 77, l. 1-5). « Et nota quod non magis licet canonico regulari parochiam tenere vel aliquam curam habere quam monacho. Utrumque enim episcopus ex deliberatione potest facere vel archidiaconum vel presbyterum, ita tamen ut uterque maneat in suo ordine » (L 77, l. 1013), cfr G. Constable, Monastic Tithes from their Origins to the Twelfth Century, Cambridge, 1964, p. 171 qui parle à cet égard de « conservative tendency of the school of Laon ». Sur la norme juridique des origines à Gratien, voir les rappels historiques de C. P. Baleani, L’istituto giuridico del transitus. Commento ai canoni 684-685 del CIC-83 e 487-488.544-545 del CCEO, Rome, 1999, p. 75-95. Sur le contexte, voir aussi la thèse de D. Roby, Stabilitas and Transitus. Understanding Passage from one Religious Order to Another in 12th Century Monastic Controversy, thèse de l’université de Yale (dir. S. Kuttner et J. Adams), 1972, p. 14-73 et Id., « Philip of Harvengt’s contribution to the question of passage from one religious order to another », Analecta Praemonstratensia, 49 (1973), p. 69-100, aux p. 69-71.

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de son supérieur et de la communauté256. Les successeurs d’Urbain II, que ce soit Pascal II, Calixte II ou Innocent II, limitent le transitus des chanoines en rappelant que la vie canoniale n’est pas d’un mérite moindre que la vie monastique. Anselme en LP 330 et 228 va donc ouvertement contre le droit de son temps et rejoint en cela la pratique de saint Bernard pour qui un religieux peut légitimement quitter son monastère pour un autre plus parfait, même sans l’assentiment de son supérieur257. Guillaume de Champeaux n’est pas en reste puisque, lorsque des chanoines réguliers quittent vers 1120 leur abbaye pour Clairvaux, Bernard de Clairvaux se justifie en écrivant qu’ils ont agi notamment à l’instigation de l’évêque de Châlons258. L’identité de vues entre le maître, l’évêque et l’abbé est remarquable : contre une application du droit favorisant la stabilité locale, ils privilégient, sans le brider, le désir de perfection du religieux et anticipent ainsi la solution adoptée par la papauté à partir d’Alexandre III dans les années 1170259. Une autre attestation vient confirmer le succès manuscrit de LP 228 et 330 : en effet, le moine Idung utilise les deux sentences en faveur du transitus dans son Dialogus duorum monachorum, composé vers 1154260. L’ancien bénédictin, devenu lui-même cistercien dans les limites actuelles de l’Autriche, oppose dans son dialogue un cistercien et un clunisien qui défendent parfois violemment les mérites respectifs de leur ordre261. Le cistercien, derrière 256

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Comme le stipule la bulle de confirmation accordée en 1095 au chapitre régulier de Maguelonne : « Statuimus etiam ne professionis canonice quispiam, postquam deifice super caput sibi hominem imposuerit, alicujus levitatis instinctu vel districtioris religionis obtentu ex eodem claustro audeat sine prepositi totiusque congregationis permissione discedere » (PL 151, col. 408D-409A), cfr M.-A. Dimier, « Saint Bernard et le droit en matière de transitus », Revue Mabillon, 42 (1953), p. 48-82, aux p. 67-74 sur la législation pontificale du xiie siècle en matière de transitus canonial. Cfr M.-A. Dimier, « Saint Bernard et le droit », p. 75-82 et G. Picasso, « San Bernardo e il transitus dei monaci », dans Studi su S. Bernardo di Chiaravalle nell’ottavo centenario della canonizzazione. Convegno internazionale Certosa di Firenze (6-9 novembre 1974), Rome, 1975, p. 181-200. Bernardus Clarevallensis, Epistulae, 3, éd. M. Duchet-Suchaux, H. Rochais, Paris, 1997 (SC 425), p. 126-128, l. 14-21 : « Ceterum de fratribus, de quorum salute vestram nimirum caritatem sollicitam esse cognovimus, ut securos vos reddamus, noveritis multorum illustrium virorum, et maxime clarissimi viri Willelmi Catalaunensis episcopi, hortatu et consilio ad nos declinasse, seque a nobis suscipi multis precibus et supplicationibus impetrasse, ea videlicet intentione ut, ob tenorem artioris vite, ab institutionibus beati Augustini ad observantias sancti Benedicti Dei adjutorio sic transeant ». L’autorisation de quitter l’état canonial pour la vie monastique et la dispense de permission du supérieur sont reconnues dans un ensemble d’actes pontificaux (cfr M.-A. Dimier, « Saint Bernard et le droit », p. 81-82) qui entrent ensuite dans les Décrétales, voir R. Naz, « Passage d’un ordre religieux dans un autre », dans Dictionnaire de droit canonique, t. 6, 1957, col. 1248-1253, à la col. 1249. Sur Idung et une première référence à Anselme dans les années 1140, voir le chapitre II (première partie). Les références aux sentences d’Anselme sont faites ad sensum. Cfr R. B. C. Huygens, « Le moine Idung et ses deux ouvrages », p. 375-470, et le commentaire de D. Roby, Stabilitas and Transitus, p. 216-230.

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lequel il est aisé de reconnaître Idung, y vante les mérites du transitus, notamment pour encourager les pusillanimes qui craignent de briser leur vœu en quittant leur monastère262. Pour affermir sa position, il recourt à maître Anselme qui apporte, selon lui, la preuve de la licéité du transitus grâce à l’autorité d’Augustin263. De plus, Idung rapporte la solution de LP 228 où le maître conseille au candidat au transitus de demander l’autorisation de son supérieur, quitte à s’en passer en cas de refus264. Même si le nom d’Augustin est sans doute allégué pour renforcer l’autorité d’un maître265, il est remarquable que les sentences d’Anselme, identifiées par leur nom générique, apparaissent à titre d’argument dans les années 1150. Un cas particulier de transitus est posé en LP 227 par la pratique de l’oblation d’enfants. Dans quelles conditions, les enfants offerts sans leur consentement à un monastère peuvent-ils quitter cet état et retourner dans le monde ? À partir de la règle bénédictine qui codifie pour l’Occident le rituel de l’oblation, la législation carolingienne fait du statut d’oblat la première étape de la vie monastique266. La tension que l’on est tenté de supposer entre la volonté des parents et celle d’un enfant engagé pour la vie n’est pas le fruit d’une interprétation contemporaine anachronique. En effet, la sentence anselmienne prend comme point de départ le cas pratique d’un oblat voulant quitter le monastère avant d’avoir atteint un âge mûr267. Anselme préconise d’attendre l’âge adulte avant de consacrer l’enfant. Le maître espère ainsi sans doute que l’intériorisation de l’idéal religieux, grâce à l’éducation donnée au monastère, portera ses fruits. Toutefois en cas de refus réitéré à l’âge adulte, Anselme propose une distinction selon le sexe. Pour les hommes, il n’envisage 262

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« Cisterciensis : Redeundum est michi post longam interpositionem ad eam quam ceperam fracti voti purgationem, non propter me, sed propter quosdam pusillanimes, qui libenter transirent ad meliora et saluti viciniora, si non timerent fracti voti oppositionem » (ibidem, p. 401, l. 831-835). Le passage était déjà connu de G. Lefèvre, De Anselmo Laudunensi, p. 91. « Magister Anshelmus Laudunensis in sententiis suis transitum de uno monasterio in aliud districtius probat licere auctoritate sancti Augustini dicentis : qui de uno monasterio transit ad aliud districtius, non frangit votum sed habundanter implet » (R. B. C. Huygens, « Le moine Idung et ses deux ouvrages », p. 401, l. 835-838 ; cfr L 76, l. 9-11). « Dat tamen idem magister consilium transire volenti, ut petat licentiam a prelato suo. Verba consilii sunt ista : pete licentiam a prelato tuo, qui si dare noluerit, scias eum caritatem non habere et tu vade cum licentia Dei » (ibidem, p. 401, l. 838-842, cfr L 77, l. 1-7). Comme l’ont noté l’éditeur (ibidem, p. 401, ad lineam 842) et H. Silvestre, « Marginalia au t. V », p. 211, la citation d’Augustin n’a pu être identifiée. Cela signifie très probablement qu’Idung a ajouté le nom du Père pour les besoins de la cause. Cfr M. De Jong, In Samuel’s Image. Child Oblation in the Early Medieval West, Leyde, 1996, p. 56-99. LP 227 : « Queritur iterum de pueris qui a parentibus offeruntur, antequam venerint ad maturam etatem, an liceat eis exire, si noluerint remanere » (L 78, l. 1-2, forte diffusion), cfr F. Harris Stoertz, « Adolescence and Authority in Medieval Monasticism », dans The Growth of Authority in the Medieval West. Selected Proceedings of the International Conference Groningen 6-9 November 1997, éd. M. Gosman, A. Vanderjagt, J. Veenstra, Groningue, 1999, p. 119-140.

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pas de retour dans le monde : le récalcitrant doit être gardé dans le monastère en attendant qu’il revienne à de meilleures dispositions. Tout engagement matrimonial conclu est par conséquent tenu pour invalide268. En revanche, la femme bénéficie d’une tolérance tacitement accordée depuis l’époque carolingienne269. En vertu de la faiblesse supposée propre à son sexe, la femme ne peut être consacrée contre sa volonté et, même en cas de fuite après une consécration précoce, son mariage demeure valide270. Anselme, sans doute conscient des difficultés que pose une telle jurisprudence dans le cas des hommes, achève cependant son exposé en rappelant l’utilité de la dispense271. Les prêtres et les fidèles Chez Anselme de Laon, l’Église ne reçoit pas de développement en tant qu’institution272. Cependant, conformément à l’esprit d’Augustin, elle est insérée dans une réflexion sur la distribution de la grâce. Le maître ne conçoit donc pas une Église sans médiateur : les larmes de Pierre ne le dispensent pas de recourir à un prêtre, puisque le pardon divin est obligatoirement obtenu par l’entremise d’un prêtre qui constate les dispositions intérieures du pénitent273. Le Liber pancrisis promeut une conception instrumentale du sacerdoce : le prêtre est un ministre dont la dignité personnelle n’importe pas à la réalisation du sacrement. Énoncé fermement par Augustin dans le contexte de la lutte anti-donatiste, le principe est repris par le Liber pancrisis dans plusieurs extraits. En LP 297, contre tout risque d’une Église des purs avant l’heure, Augustin insiste sur l’objectivité du sacrement et la réception

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« Quod si noluerint benedici, masculus conservetur ne aufugere possit, donec ad se rediens benedicatur. […] Et si exierit, cogendus est reverti. Et si nupserit, irritum debet esse conjugium » (L 78, l. 6-7 et 11-12). Cfr M. De Jong, In Samuel’s Image, p. 65-67 qui montre l’indifférence des législateurs pour l’oblation féminine. « Femina vero, quia infirmioris sexus est, nisi ipsa velit nunquam consecretur. Quod si ante tempus consecrata fuerit, si aufugiens nupserit, nuptie rate erunt » (L 78, l. 7-9). « In his tamen omnibus dispensatio utilis est, sicut in omnibus rebus » (L 78, l. 12-13). On sait que le premier traité De Ecclesia un tant soit peu fourni remonte à Hugues de SaintVictor, cfr J. Châtillon, « Une ecclésiologie médiévale : l’idée de l’Église dans la théologie de l’École de Saint-Victor au xiie siècle », Irénikon, 22 (1949), p. 115-138 et 395-410, repris dans Le mouvement canonial au Moyen Âge, p. 293-323. LP 292 : « Cum autem dicitur : lacrime delent peccatum quod voce pudor est confiteri, illud tamen Deus dimittit, postquam peccatorem vere penituerit, ita tamen ut ille penitens a sacerdote solvatur » (L 64, l. 12-15, moyenne diffusion). Voir aussi P. Anciaux, La théologie du sacrement de pénitence au XIIe siècle, Louvain - Gembloux, 1949, p. 169-172. Anselme fait référence à ce passage : « Lacrimas ejus lego, satisfactionem non lego ; sed quod defendi potest ablui potest. Lavent lacrimae delictum, quod voce pudor est confiteri » (Ambrosius Mediolanensis, Expositio evangelii secundum Lucam, 10, p. 371, l. 846-849).

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digne qui doit plus préoccuper le fidèle que les mœurs du ministre274. Ce dernier trouve sa sanctification dans l’exercice juste de son ministère, tandis que l’Esprit opère sans être lié à la dignité du ministre. Les sacrements peuvent donc être dispensés hors de l’Église, mais de manière mauvaise. En outre, lorqu’un ministre indigne revient à l’Église, il n’y a pas lieu de réitérer son ordination, cela pour empêcher de faire injure au sacrement275 indépendant des dispositions du prêtre276. Une telle insistance trouve un écho contemporain dans les querelles liées à la simonie et au nicolaïsme : le Liber pancrisis tempère l’intransigeance réformatrice qui tendrait à promouvoir hic et nunc une Église de parfaits sans tache ni souillure. Un choix des sentences augustiniennes invite à la mesure ceux qui voudraient séparer prématurémenent le bon grain de l’ivraie277. Qu’une certaine impatience puisse naître contre les mauvais prêtres, on en a une preuve supplémentaire dans la sentence LP 299 : sous l’attribution faite par le Liber pancrisis à Yves, l’auteur souligne en effet les méfaits de la rapacité sacerdotale. Si les fidèles ont le devoir de demander des messes pour eux et leurs proches, il faut corriger les prêtres qui profitent de la présence de pèlerins pour monnayer les sacrements. Tels des corbeaux à la recherche de cadavres, ils saisissent chaque occasion pour s’enrichir278. Le pendant de la protection accordée par le Liber pancrisis aux prêtres est la modération réclamée en retour dans l’utilisation de l’excommunication. Le Liber pancrisis tend ainsi à restreindre son application, notamment en s’opposant à la contagion de l’excommunication aux proches de l’excommunié279. Systématisée par Gélase Ier (492-496) et partiellement ravivée par la papauté de la fin du xie siècle, la pratique est ici mise en défaut par une conception personnelle et strictement juridique de l’excommunication. Pour prévenir des abus présents avant la fin du Moyen Âge, le Liber pancrisis ne manque pas de 274

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Cfr LP 297 qui est un montage de citations : « Augustinus contra scripta Petuliani. Ut sit unusquisque… – …Augustinus contra Petulianum » (Contra litteras Petiliani, 2, 30, 69, éd. M. Petschenig, Vienne, 1909 (CSEL 52), p. 58, l. 23-28 ; De bono conjugali, 29, 32, éd. J. Zycha, Vienne, 1900 (CSEL 41), p. 227, l. 7-11 ; Contra epistulam Parmeniani, 2, 6, 11, p. 56, l. 23-26). Sur l’adage augustinien de l’injuria sacramento et sa fortune chez les canonistes et les théologiens, voir N. M. Häring, « The Augustinian Axiom : Nulli Sacramento Injuria Facienda est », Mediaeval Studies, 16 (1954), p. 87-117. LP 298 : « Augustinus contra epistolam Parmeniani. Spiritus sanctus in Ecclesie… – … pacis hi sunt » (2, 11, 24 ; 2, 13, 28 et 30, p. 74, l. 8-17, p. 79, l. 8-22, p. 81, l. 15-18). Le point est à mettre en rapport avec l’indulgence dont Anselme fait montre pour le prêtre luxurieux en L 66. LP 299 : « Ivo. Rogare debemus sacerdotes ut missas celebrent pro nobis vel pro nostris. Illos tamen nos ammonendos judicamus qui in ecclesiis, in quas peregrini conveniunt, quasi avidi lucro in cantandis missis deserviunt et sicut corvi cadavera, ita sine omni respectu caritatis expectant a quibus nummos extorquere qualibet occasione possint ». E. Vodola, Excommunication in the Middle Ages, Berkeley - Los Angeles - Londres, 1986, p. 1-27.

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rappeler la difficulté qu’a éprouvée Augustin à justifier l’emploi de cette censure280. L’excommunication injuste ne nuit qu’à son auteur, sans s’étendre à qui la supporte indûment281. Sous le nom d’Anselme, le Liber pancrisis donne un exposé modéré sur l’usage de l’excommunication282 : comme le résume le titre de LP 293, ne doit être tenu pour excommunié que celui qui est déclaré coupable au terme d’une procédure légale283. À défaut, avant d’écarter un fidèle de l’eucharistie, les principes de tolérance et de présomption d’innocence doivent l’emporter sur toute autre considération284. Ainsi que l’indique Grégoire, le pasteur possède une lourde responsabilité et doit mettre le pouvoir des clefs au seul service de son troupeau, non de ses intérêts personnels285. En conclusion, le florilégiste dégage les conditions de l’excommunication juste : loin de tout arbitaire et d’une utilisation politique, elle s’appuie sur un appareil judiciaire soigneusement réglé. En effet, toute la procédure doit répondre aux normes de l’équité. Il convient de signifier l’accusation selon la procédure, l’accusateur et les preuves sont soumis à examen. Sont également pris en compte le nombre et la qualité des témoins, tandis que la sentence finale est rendue impartialement et par écrit286. Une identique clémence est préconisée par Anselme en LP 240 dans le cas de la mort subite qui n’est en rien signe de réprobation : la privation forcée de sacrements, comme le viatique ou la confession, ne doit pas conduire à exclure le mort de la communauté, et ce en vertu de l’interprétation charitable 280

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LP 294 : « Augustinus ad Auxilium qui excommunicaverat Classianum cum familia. Audisti fortasse aliquos… – …respondeam non invenio » (Epistulae, 250, 2, éd. A. Goldbacher, Vienne, 1911 (CSEL 57), p. 595, l. 5-9). LP 295 : « Idem ad eumdem. Illud plane non… – …qui hanc sustinet » (Epistulae, 250 A, p. 598, l. 11-14), ce qui pose la question de la validité de l’excommunication émanant d’un pécheur, voire d’un hérétique, cfr T. Lenherr, Die Exkommunikations- und Depositionsgewalt der Häretiker bei Gratian und den Dekretisten bis zur Glossa ordinaria des Johannes Teutonicus, Sankt Ottilien, 1987, notamment p. 108 où est cité un texte de l’école de Laon sur le même sujet. Sur le contenu et le succès de cette sentence, voir E. Vodola, Excommunication in the Middle Ages, p. 10-11. LP 293 : « Quod ille solus habendus sit excommunicatus qui judicali ordine personaliter reus nominatur » (L 89, l. 1-2, moyenne diffusion). « Aut si per judicium auferri non possunt (sc. mali) tolerentur potius ne perverse vitando malos, ab Ecclesia ipse discedat et eos quod fugere videtur ad gehennam precedat. […] Nam si nominatio sufficit, multi damnati sunt innocentes quia sepe falso crimine nominatur » (L 89, l. 11-13 et 26-27). LP 296 : « Gregorius. Fuit ut ipse ligandi poterat… – …subjectorum moribus exercet » (Homiliae in evangelia, 2, 26, 5, PL 76, col. 1200B), 296bis : « Item. Numquidnam Petrus in hac… – …fide et moribus tenent » (Dialogi, 2, 23, 6, éd. A. de Vogüé, P. Antin, Paris, 1979 (SC 260), p. 208-210, l. 52-57). LP 296ter : « His capitulis suprascriptis prudens lector non habendum excommunicatum nisi eum qui judiciario ordine personaliter nominatur et est legitime scilicet persona accusatoris discussa, datis canonicis induciis, testibus de numero et qualitate exploratis, sententia sine lucro vel odio scripta prolata ».

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qui incombe à l’Église287. Si l’hérétique et l’excommunié n’ont pas droit à la sépulture ecclésiastique288, ils bénéficient tout de même du doute et du pouvoir reconnu à l’intercession des vivants289 : les chrétiens peuvent donc formuler des prières, au moins utiles à leurs auteurs290. Anselme se fait l’écho de l’interprétation bienveillante que l’on trouve dans les collections canoniques : les sacrements doivent être distribués avec générosité, compte tenu des circonstances et de l’intention du chrétien. L’indulgence est, en effet, prônée par le pape Sirice en LP 241 en faveur des incontinents : écartés de la communion pendant leur vie, ils n’en ont pas moins droit à recevoir le viatique291. En outre, dans le cas d’un malade qui perd l’usage de la parole, l’intention de recevoir le sacrement prime l’incapacité physique et permet de bénéficier du sacrement et de ses effets salvifiques292. L’étude du baptême, du vœu et du sacerdoce confirme la modération doctrinale du maître. Tout en maintenant fermement le caractère visible de l’Église et la nécessité d’une médiation sacerdotale, Anselme de Laon sait faire montre d’une grande souplesse : il fait droit aux requêtes des parents en cas de mort prématurée de l’enfant, promeut la possibilité du transitus pour mener une vie plus parfaite et défend une application mitigée de l’excommunication. Le contenu des sentences confirme ainsi ce que les descriptions des contemporains avaient fait entrevoir : Anselme est l’homme de la modération, ennemi des extrêmes, du relâchement comme de la raideur. La réforme telle que l’entend Anselme n’est donc pas tant celle d’une institution, que des esprits. En adoptant cette pondération, Anselme établit ainsi l’intériorité comme centre de gravité de sa réflexion théologique.

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LP 240 : « Quicumque enim in unitate Ecclesie est, si morte preoccupetur ut confiteri vel viaticum sumere non possit, Ecclesia non renuit. Dei solius est hoc judicare, Ecclesie in meliorem partem vertere » (L 63, l. 4-7, forte diffusion). Sur l’hérésie comme mise à l’écart de l’Église dans l’ecclésiologie patristique, voir L. Gerosa, Exkommunikation und freier Glaubensgehorsam. Theologische Erwägungen zur Grundlegung und Anwendbarkeit der kanonischen Sanktionen, Paderborn, 1995, p. 324-325. Cfr P. Brown, « The Decline of the Empire of God. Amnesty, Penance, and the Afterlife from Late Antiquity to the Middle Ages », dans Last Things. Death and the Apocalypse in the Middle Ages, éd. C. W. Bynum, P. Freedman, Philadelphie, 2000, p. 41-59. « Si autem vel hereticus vel aperte excommunicatus, ne recipiatur pro rigore, etsi nesciamus quem animum habuerit in morte. Orare autem pro omnibus possumus. Potest enim illud prodesse juxta compunctionem quam habere vel in morte potuerunt. Nobis autem proderit quidquid illis fit » (L 63, l. 7-12). Anselme prévient donc la question d’Abélard, Sic et non, q. 153, p. 513-515 : « Quod sit pro omnibus orandum et contra. LP 241 : « Siracius papa. Quicumque carnali fragilitate… – …gratiam volumus subveniri », cfr notamment Ivo Carnotensis, Decretum, 15, 71, PL 161, col. 879B-C. LP 242 : « Leo papa de infirmis penitentiam petentibus et antequam sacerdos veniat offitium oris amitentibus. Ita ergo talium necessitatibus… – …reconciliationis beneficium consequantur », cfr Ivo Carnotensis, Decretum, 15, 34, PL 161, col. 865A-B.

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Anselme moraliste Comme des recherches récentes sur la question l’ont établi, l’enseignement plus directement moral d’Anselme atteste l’attention qu’il porte à l’intériorité293. Elle est conçue par lui non comme le foyer de l’individualité, mais comme un modèle pour la communauté chrétienne. En ce sens, l’intériorité participe aussi de la réforme de l’Église. Les sentences d’Anselme sur le péché originel ou sur les vices constituent un premier temps qui aboutit à une morale exigeante fondée sur la charité et la pratique des vertus. La modération magistrale s’exerce cette fois-ci sur le terrain des mœurs et permet de comprendre la manière dont l’écolâtre entend former non seulement les intelligences, mais aussi les cœurs. Le péché originel et ses remèdes (LP 93-130) Les sentences LP 93-130 sont consacrées au péché originel à travers l’examen de trois problèmes connexes que sont sa nature, ses conséquences pour les enfants et ses remèdes294. L’attachement aux voluptés est une donnée qui fait intervenir les questions très disputées liées à la nature du péché originel : elles sont typiques du renouveau scolaire de la question dans les années 1090-1150, époque à laquelle les maîtres commencent à donner un enseignement cohérent sur ce problème295. Guillaume est l’auteur qui a le plus traité le point dans le Liber pancrisis avec treize sentences (LP 107-116 et 121-124). Il replace la question dans le contexte biblique en soulignant que le péché originel prend sa racine

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Cfr la thèse inédite de S. R. Kramer, Secret Sins and the Privacy of Interior Homo in TwelfthCentury Theological Writings, Columbia University dissertation, 2002, dont certaines conclusions sont reprises dans S. R. Kramer et C. W. Bynum, « Revisiting the Twelfth-Century Individual. The Inner Self and the Christian Community », dans Das Eigene und das Ganze. Zum Individuellen im mittelalterlichen Religiosentum, éd. G. Melville, M. Schürer, Münster, 2002, p. 57-85. La seule sentence LP 106 est sans rapport direct avec les autres, puisqu’elle porte sur le lieu occupé par les anges. L’affirmation ancienne de A. Gaudel demeure d’une grande justesse : « Le xiie siècle se révèle, spécialement en ce qui concerne la question du péché originel, ce qu’il apparaît d’ordinaire dans le domaine de la recherche intellectuelle : d’une pensée ardente et variée, d’une grande curiosité d’esprit qui lui fait remuer bien des problèmes, d’une audacieuse liberté parfois », cfr « Péché originel », dans DTC, t. 12, 1933, col. 275-606, à la col. 441. Pour les différentes solutions apportées, voir aussi O. Lottin, « Les théories sur le péché originel de saint Anselme à saint Thomas d’Aquin », dans PM, t. 4-1, Louvain - Gembloux, 1954, p. 11-280, aux p. 21-24 sur Guillaume, J. Longère, Œuvres oratoires, t. 1, p. 233-236, M. L. Colish, Peter Lombard, p. 381-383 et 385-388, ainsi que le chapitre de synthèse de G. Minois, Les origines du mal. Une histoire du péché originel, Paris, 2002, « Théologie et société. Théorie et pratique du péché originel au Moyen Âge », p. 81-115.

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dans la désobéissance du premier homme et qu’il a pour effet la concupiscence296. C’est pourquoi, bien que le diable, sous la forme du serpent, et la femme aient aussi joué un rôle moteur dans ce premier péché, on l’appelle péché d’Adam car il se transmet par la génération qui est avant tout affaire masculine297. En fidèle continuateur d’Augustin, Guillaume définit le péché originel comme prévarication d’Adam et rappelle qu’il possède pour peine la concupiscence. Cette dernière crée, par une sorte de contagion, un lien qui nous unit au premier péché d’Adam et nous en rend personnellement solidaires dès l’infusion de l’âme298. Concernant l’action de la concupiscence charnelle299 sur le corps et l’âme, Guillaume se montre prudent : après avoir douté pouvoir résoudre la question300, le maître fait appel à certaines notions psychologiques. Il ne semble pas possible de faire porter la responsabilité de la concupiscence à l’âme créée pure ou au corps incapable de désir301. La solution du problème réside donc dans l’union des deux principes302. En effet, l’âme en s’unissant à la chair se trouve divisée : la partie inférieure, l’anima également nommée sensualité, suit une chair prompte au péché, tandis que la partie supérieure dite ratio s’y oppose303. L’âme contracte donc le péché originel en raison de sa soumission partielle à la chair, ce qui entraîne un désordre et une lutte entre l’âme et le corps304.

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LP 110 : « Adam peccavit antequam comederet de ligno scientie boni et mali, quia ex quo consensit uxori, peccavit, unde illico concupivit » (L 248, l. 1-2). LP 112 : « Cur Apostolus de peccato loquens, quod per successionem posteritatis ac sobolis propagatio in omnes transierat, serpenti non illud adscribitur vel diabolo. […] Viro igitur adscribitur quia principaliter ex virili semine fit procreatio que originali corrumpitur peccato et secundario ex mulieribus » (L 252, l. 4-6 et 10-12). LP 107 : « Ideo vero imputatur quia ex pena illius peccati generatus est. Peccatum autem illud est prevaricatio ; pena, concupiscentia. Reputatur itaque illi puero illa prevaricatio, id est dicitur peccasse in Adam prevaricante » (L 247, l. 3-7) et LP 121 : « Unde collata est hujus judicii sententia ut quicumque generatur per concupiscentiam, que est pena primi hominis, contrahat etiam in se ipsius reatus maculam et maledictum, pro quo debeatur eterne damnationi » (L 251, l. 9-13). Elle est opposée en LP 111 à la concupiscentia boni, cfr L 254, l. 1-4. Cfr LP 113 : « Si quis altius perquirat cur pejor pars adversus meliorem prevaluit, hoc judicio relinquendum est Dei » (L 250, l. 4-5) et LP 4 : « Si autem queris quare contactu corruptibilis corporis corrumpatur, hoc novit ille qui naturas novit » (L 246, l. 66-67). LP 116 : « Animam, dico, habet a Deo mundam et ab omni contagione immunem absque concupiscentia. Carnem vero habet ab Adam sed absque concupiscentia similiter » (L 260, l. 5-8). « Quia igitur ex neutra natura habet, non videtur habere. Sed habet tantum dampno nostro et videtur homo eam habere conjunctione utriusque nature » (L 260, l. 14-17). « Anima igitur superveniente et carnem ipsam vegetante, caro vires quodammodo sumit et anima utendo quasi instrumento naturam suam sequitur et fit concupiscibilis, ratione tamen ipsius anime repugnante et reluctante » (L 260, l. 20-23). Le point est repris en LP 101 où Augustin montre que le soulèvement de la chair se manifeste surtout dans la désobéissance des pudenda : « Augustinus. Animam rationalem naturali… – …inter illas oberrabant » (De peccatorum meritis, 2, 22, 36, p. 107-108, l. 24-23). L’éla-

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Pourtant Guillaume apporte davantage qu’une description du péché originel, puisqu’il affronte la question de la responsabilité morale à travers le cas des adultes baptisés et des enfants morts sans baptême. Est donc mise en jeu l’imputabilité du péché originel aussi bien à des adultes qui ont été régénérés par le baptême, qu’à des enfants chez qui l’absence de volonté semble exclure tout péché. Pour les adultes, Guillaume professe la doctrine augustinienne selon laquelle le baptême détruit la culpabilité liée au péché originel, sans supprimer la concupiscence qui demeure dans le corps305. Cette infirmité, dite fomes peccati, demeure chez l’homme même après la justification et affecte le corps et l’âme306. Guillaume cherche toutefois à aller plus loin et à comprendre pourquoi la concupiscence est laissée à l’homme. Il donne une double explication qui fait la part belle à la providence divine. Tout d’abord, si l’homme était débarrassé de toutes les conséquences du péché originel, il y aurait un risque qu’il mésuse à nouveau de son libre arbitre et qu’il retombe sous le joug du diable, ce qui lui fermerait définitivement le ciel307. De plus, la concupiscence demeure en l’homme à titre pédagogique : elle sert à nous remémorer nos fautes et nous excite sur la voie du salut308. En ce sens, elle manifeste aussi pour Guillaume la bonté de Dieu, qui daigne associer nos mérites à l’action de sa grâce309. Pour expliquer la persistance du péché originel chez les enfants des baptisés, Guillaume adapte à son propos les images augustiniennes de LP 130310 : les parents justifiés transmettent le péché originel, de même qu’une

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boration médiévale du vice de luxure s’appuie sur cette interprétation, cfr C. Casagrande et S. Vecchio, Histoire des péchés capitaux au Moyen Âge, Paris, 2003, p. 229-233. LP 108 : « Etsi anima sit mundata per baptismum, tamen corpus remanet mortuum » (L 249, l. 1-2). Sur Guillaume, voir aussi O. Lottin, « Péché originel et baptême de saint Anselme à saint Thomas », dans PM, t. 4-1, Gembloux, 1954, p. 283-305, aux p. 284-285. LP 109 : « Destructo peccato, remanet fomes peccati, id est infirmitas quedam que ex ipso peccato nata est et fundatur tam in anima quam in corpore » (L 257, l. 1-3). LP 115 : « Si enim Deus et peccatum et peccati penam prorsus a nobis abstulisset et perfecte pristine dignitati in hoc mundo restituisset, tamen peccandi libertas, quam ante peccatum Ade nos habuisse constat, remaneret, forsitan diabolo machinante et dolore nostre reparationis ultra modum seviente, in pejus laberemur et inrecuperabiliter celesti sede privaremur » (L 259, l. 11-16). « Concupiscentia ergo, que non peccatum quidem sed fomes peccati et quedam possibilitas est peccandi, relinquitur ut cum ea incessanter luctemur et exerceamur, quatenus auxilio gratie victores coronari mereamur » (L 259, l. 27-30). Guillaume fournit la même interprétation providentialiste en LP 114 : « Nihil utilius providit Deus nobis pius et misericors Dominus, in celo siquidem nobis regnum et vitam meliorem quam in hoc mundo et jucundiorem preparavit. […] Voluit igitur hanc vitam amarescere nobis ut dulcescere amplius illa potuisset » (L 267, l. 5-7 et 11-12). « Si enim salvaremur tantum ex gratia, non tanta videretur nostra corona » (L 259, l. 3637). LP 130 est une réécriture typique d’un milieu scolaire : « Querens aliquis quomodo peccatum quod mundatur per baptismum maneat in filiis. Respondeat : quomodo manet

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main pure sème une mauvaise graine311. Il sait faire montre de plus de technicité et enseigne également que les enfants, même issus d’un mariage chrétien, sont conçus dans la concupiscence, cause efficiente de la génération, et portent ainsi le péché originel312. La notion de cause efficiente aide à comprendre pourquoi les ancêtres ne transmettent pas tous leurs péchés personnels à leur descendance : ceux-ci ne sont pas causés par la concupiscence, alors que cette dernière a pour effet de transmettre le péché dont elle constitue la peine313. Néanmoins comme dans le cas précédent, Guillaume ne se satisfait pas d’une explication purement causale qui fait de la damnation des enfants morts sans baptême une conséquence purement logique, mais cherche à la concilier avec la justice et la miséricorde divine. Force est de constater que la tradition ne l’y aide guère. En effet, Augustin a écarté l’hypothèse selon laquelle la seule chair pourrait être atteinte par le péché originel, ce qui assurerait le salut de l’âme chez les enfants314. De plus, il récuse en LP 128 que les enfants puissent être sauvés ou damnés en prévision de leurs mérites futurs315. Pour le docteur de la grâce, Dieu et les mystères du salut demeurent donc inaccessibles à la raison d’un homme encore in via. Afin de parer le mieux possible aux périls encourus par les enfants, il ne reste plus qu’à prêcher le pédobaptisme316, qui sauve les enfants en vertu de la foi d’autrui317.

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preputium et quomodo palea manet in fructu que de tritico humana diligentia purgato nascitur », cfr Augstinus Hipponensis, De peccatorum meritis, 3, 8, 16, p. 142, l. 17-22. LP 109 : « Ex quo mortuo corpore quia fit generatio, non ex justitia patris et matris, puer contrahit originale peccatum, ut si munda manus seminaret malum semen » (L 249, l. 3-5). LP 122 : « Respondetur quod pater et mater, non in sanctificatione sui baptismatis ut ipsa sanctificatio sit causa efficiens, generant filium, sed in concupiscentia carnis. Unde fit ut cujus generationis causa mala est, ipsum quoque generatum ex ipsa efficienti causa, malum est » (L 268, l. 3-7). Guillaume recourt aussi à la notion de cause efficiente en LP 124 : « Per sacramentum nuptiarum et propter intentionem gignendi, est ipsa concupiscentia parentibus veniale peccatum. Que, cum sit efficiens causa in filio procreato, per se traducit perditionis effectum » (L 255, l. 4-7). Elle est utilisée dès Augustin, mais s’applique à la volonté et non à la transmission du péché originel. LP 123 : « Peccata ceterorum parentum non sunt causa concupiscentie, que nullum aliud peccatum transfundit in suum effectum, nisi illud cujus peccati est pena » (L 256, l. 3-5). LP 120 : « Augustinus in libro de origine anime. An forte dicendum est… – …mortem ejus sacramento » (Epistulae, 166, 8, 22 (CSEL 44), p. 577-578, l. 10-16, 18-2). LP 128 : « Augustinus. Quis audeat quod dicuntur… – …honorentur merita parvulorum » (De praedestinatione sanctorum, 12, 24, PL 44, col. 977), voir aussi la note complémentaire 23, « La science divine et les futurs conditionnels », Aux moines d’Adrumète et de Provence, éd. J. Chéné, J. Pintard, Paris, 1962 (BA 24), p. 818-819. LP 129 : « Augustinus. Beatus Ciprianus indubitata… – …quidam putaverunt expectetur » (De peccatorum meritis, 3, 5, 11, p. 137, l. 8-9, 12-13, cfr l. 17-19). LP 127 : « Beda. Qui vero non… – …in baptismo remittuntur » (In Marci evangelium expositio, 4, 16, p. 645, l. 1959-1964).

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Rejetant, comme Anselme, le traducianisme, Guillaume fait appel à la providence pour justifier l’infusion quotidienne d’âmes pures dans des corps pécheurs : si Dieu infuse dans les corps marqués par le péché originel des âmes créées dans la justice et les livre ainsi à la damnation, c’est en vertu d’un mode d’infusion prévu avant le péché d’Adam et qu’il n’a ni voulu ni dû changer318. Le nec debuit nec voluit guillelmien subordonne la prescience à la providence : Dieu a bien pu prévoir les inconvénients qui naîtraient de l’infusion des âmes, dont la damnation des enfants morts sans baptême, mais sa justice et sa volonté règlent son action. Guillaume se montre sur ce point fidèle disciple de son maître Anselme qui apporte une réponse similaire à la même question. En effet, contrairement à ce que la perspective adoptée par l’historiographie pourrait laisser croire, l’enseignement d’Anselme ne vise pas à donner une théorie sur le péché originel319, mais à comprendre en vertu de quelle justice sont damnés les enfants morts sans baptême. Tous les éléments indiqués par Anselme en LP 93, à l’occasion de cette quaestio saepe ventilata, s’organisent donc autour de cette interrogation320. De manière plus détaillée que Guillaume, Anselme insiste sur le plan divin lors de la création, ce qui permet de mettre en relief la convenance d’une immutabilité de la providence et l’irrecevabilité corrélative d’une plainte émanant de l’homme : Dieu demeurant fidèle à son plan créateur, nul ne saurait y trouver à redire321. Le

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Cfr LP 4 : « Ad quod dicendum quod cum se semper facturum previdisset ut novas singulis corporibus animas infunderet, propter peccatum Ade propositum suum mutare nec debuit nec voluit » (L 246, l. 58-61). Cfr la contribution d’O. Lottin, dans PM, t. 4-1. LP 93 : « Questio sepe ventilata est qua justitia anime puerorum, qui ante baptismum moriuntur, dampnentur » (L 46, l. 1-2, forte diffusion), cfr LP 94 : « Si animas descendere ex traduce credere auderemus, cur anime parvulorum non baptizatorum damnarentur, leviter inveniremus » (L 43, l. 1-2, forte diffusion). On suit la tradition manuscrite qui donne la question à Anselme dans huit témoins, contre un seul à Guillaume, cfr dans le même sens, F. Dolbeau, « Epistula Vincentii de origine animae », p. 761, n. 13. C’est d’après un manuscrit normand de Saint-Évroul (passé à Saint-Ouen, actuellement Rouen, BM, 505) attribuant la sentence à Guillaume qu’a été faite l’édition de dom E. Martène, Thesaurus anecdotorum, t. 5, Paris, 1717, p. 881-882 reprise en PL 163, col. 1043-1044. Le témoin, de 239 fol. à 2 col., date du 4e quart du xiie siècle et mesure 220 × 155 mm. LP 93 : « Si ergo homo in obendientia Dei perseveraret, sicut ipse sanctus et mundus esset, ita etiam seminarium prolis quod ab eo procederet. […] Sed si homo quod ad eum pertinebat de generatione male dispensavit, debuitne Deus incommutabilis idcirco consilium suum mutare ut novas animas non infunderet semini, qualecumque ex parentibus procederet, penes quem non est ista inconstantia ? Facit itaque Deus quod ab eterno proposuerat, novas animas corporibus infundit non utens crudelitate, sed justam providentiam implens, nec habet anima quod queratur de suo creatore. […] Quia, ut dictum est, non debuit propter stultitiam hominis mutare consilium animandorum hominum » (L 46, l. 4546, 50-56 et 61-62) ; voir dans le même sens LP 100 (L 45, l. 3-5 et 8-9, faible diffusion) et LP 99 (L 44, l. 5-7, forte diffusion) qui contient aussi une variante de l’image de la semence jetée par une main bonne dans une terre corrompue (L 44, l. 8-10, cfr L 249, l. 4-5).

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point de vue de Dieu est envisagé, non sous l’angle de la prescience, mais de sa réalisation historique concrète. Par rapport à LP 93, LP 94 fournit des précisions inédites qui ont fait douter à bon droit de son authenticité anselmienne322. Par rapport aux autres exposés du Liber pancrisis, LP 94 reprend de manière ordonnée deux affirmations de quidam sur la manière dont l’âme contracte le péché originel et dont Dieu le permet323. Les positions des quidam soumises à examen, indubitablement celles d’Anselme de Laon, ne sont pas tant critiquées que complétées324, notamment sur la question de la justice divine325. La solution d’Anselme paraît incomplète car elle semble faire bon marché de la prescience divine qui aurait dû prévoir et partant éviter aux âmes le péril de l’incorporation326. Si Dieu ne peut être tenu pour responsable de cet état, il faut donc que ce soit l’âme. Pour justifier sa thèse, l’auteur de LP 94 transpose le principe augustinien de la responsabilité personnelle par rapport au péché au domaine de l’incorporation : en LP 94, la descente volontaire de l’âme dans le corps équivaut à sa libre chute dans le péché. De même qu’il faut imputer à l’âme le mal moral, ainsi en va-t-il de l’union de l’âme avec le corps, puisque le principe spirituel s’unit volontairement et en connaissance de cause au corps327. Une fois que l’âme succombe à la chair, elle devient pécheresse sans que le créateur puisse être pris en faute328. La sentence, pour n’être pas d’Anselme, n’en reflète pas moins une doctrine de son école dont on retrouve un écho chez Honorius Augustodunensis329 : elle s’inscrit dans la droite ligne des arguments utilisés par Anselme et Guillaume, et moyennant une lecture accomodatice d’Augustin, en prolonge la portée fût-ce maladroitement330. Le point faible évident de 322 323

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O. Lottin, PM, t. 4-1, p. 24-27. L’argumentation bien construite de LP 94 (cfr « Sed contra hec verba due suboriuntur questiones […]. Primam igitur questionem discutiamus, deinde ad secundam veniamus », L 43, l. 14-15) tranche par rapport au mos anselmien. L 43, l. 7-8 reprend L 44, l. 7-8 et L 45, l. 21-27. La solution donnée à travers la métaphore horatienne du récipient infecté précise l’enseignement d’Anselme et de Guillaume. LP 94 : « Sed hec solutio non perfecte videtur Deum ab injustitia solvere. […] Quare huic solutioni fortasse aliquid est addendum ut absolutius videamus Deum ab omni reatu esse liberum » (L 43, l. 71 et 74-76). « Non enim, ut nobis videtur, Deus qui omnia novit, debebat instituere se id esse facturum quod sciebat certissime et quasi ex necessitate, omnium animarum periculum futurum » (L 43, l. 72-74). Cfr L 43, l. 78-83. « Sed ex dulcedine carnis sibi adjuncte, quod poterat non vult et ita, creatore juste remanente, ipsa efficitur peccatrix » (L 43, l. 83-85). Honorius Augustodunensis, Elucidarium, 2, 35, p. 422 : « Verumtamen, cum intraverint (sc. animae) illud immundum et pollutum vasculum, tanta aviditate illud amplectuntur, ut plus diligant quam Deum ». On peut faire mention pour mémoire de l’interprétation de Franz Bliemetzrieder qui attribuait LP 93 à Guillaume et LP 94 à Anselme et croyait voir entre les deux maîtres des oppositions doctrinales irréductibles, ce qui l’amenait, à partir de cet exemple et d’autres tout aussi peu probants, à des conclusions exagérées : « Anselme veille avec la vigilance

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la théorie revient à postuler chez l’âme un libre arbitre et, comme l’auteur de la sentence le reconnaît, cela peut revenir à conditionner la nécessité des sacrements à l’infection de l’âme par le corps331. Afin de mieux situer la sentence, il est utile de rappeler qu’elle offre une argumentation similaire à celle de la lettre d’Hugues de Ribemont. La lettre d’Hugues, moins explicite sur la question de l’origine de l’âme332, tient, comme LP 94, que l’âme consent à la fomes peccati présente dans le corps et qu’ainsi elle pèche volontairement333. Ainsi que LP 94, Hugues doit affronter une dernière aporie : comment doter l’âme, en vertu de l’adage augustinien une nouvelle fois allégué, d’un libre arbitre par rapport au péché et postuler dans le même temps la nécessité de la rédemption ?334 Là où l’auteur de LP 94 émettait des doutes sur sa solution, Hugues présente la même thèse en y ajoutant un ton affirmatif : toute âme, du fait qu’elle est unie à la chair, consent à la concupiscence et pèche en acte, ce qui rend nécessaires la culpabilité ainsi que la rédemption grâce aux sacrements335. La dimension sacramentaire timidement présente en LP 94 et chez Hugues de Ribemont reçoit un traitement plus étoffé en LP 102-105. À la suite de l’affirmation classique du pseudo Melchiade en LP 102336, Anselme rappelle la nécessité pour le salut du baptême et de la confirmation et précise même la supériorité de celle-ci sur celui-là, du fait de la supériorité du don reçu et

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d’un guetteur et brandit le glaive acéré de sa critique, lorsque quelqu’un, tel Guillaume de Champeaux qui dans l’entre temps a organisé sa propre école, ose défendre dans son enseignement ou ses écrits des théories personnelles » (« Autour de l’œuvre théologique d’Anselme de Laon », RTAM, 1 (1929), p. 435-483, à la p. 480). « Sed dicet quis : cur igitur instituta sint sacramenta, si anima peccato resistere potest ? Ad quod dicatur quia non resistit. Hec autem solutio ita dicatur ut non affirmetur » (L 43, l. 87-89). Là où LP 94 tient la création quotidienne des âmes par Dieu comme un article de foi (L 43, l. 1-4), Hugues laisse la question ouverte : « A diversis diversa sentiuntur, sed manifesto sancte Scripture diffinitum non legimus » (Hugo Ribomontensis, Epistola, PL 166, col. 833D), même si son développement suppose l’adoption du créatianisme. Sur Hugues de Ribemont, cfr chapitre II (première partie). Cfr Hugo Ribomontensis, Epistola, PL 166, col. 834A-C. « Quia necessaria baptismi gratia, necessaria est redemptio nostra. Quare necessaria est et culpa ? Si autem necessaria, quomodo voluntaria ? Sed omne peccatum est ex voluntate. Augustinus quippe dicit : Certus sum… » (ibidem, col. 834B-C). « Omnis namque anima invisibilibus nexibus unita carni peccati fomitem habenti, consentit quidem carni motum concupiscentie contrahenti. Omnis ergo peccat. Si omnis peccat, quantum ad actum, necessaria est culpa, quare necessaria et redemptio nostra » (ibidem, col. 834C). Hugues s’abstient prudemment de préciser ce que devient la liberté de l’âme, si le potentiel refus de l’âme face à la concupiscence n’est jamais effectif. On note des positions proches dans les Dialogi d’Hugues de Rouen (PL 192, col. 1208A-B), cfr chapitre II (première partie) et O. Lottin, PM, t. 4-1, p. 60-62, sur l’identification des deux Hugues. « Melchiades papa. Spiritus qui super aquas… – …potest peccare post mortem. » (cfr Eusebius Gallicanus, Collectio homiliarum, Homilia 29 de Pentecosten, 2, éd. F. Glorie, Turnhout, 1970 (CCSL 101), p. 338, l. 23-36).

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de la plus grande dignité du ministre337. Anselme attache, en LP 104, la même nécessité de moyen salvifique à la communion. En raison de la tonalité et de la précision de la sentence, il est incontestable que nous sommes en présence d’un enseignement de type pastoral. Pour Anselme, la nécessité de la communion pour obtenir le salut vient de son caractère complémentaire par rapport au baptême : à ce titre, la communion baptismale semble être une exigence raisonnable338. Le fondement doctrinal est l’enseignement d’Augustin qui insiste, notamment contre les Pélagiens, sur la nécessité de l’eucharistie pour les jeunes enfants339. La pratique, en déclin au xiiie siècle mais attestée en certains endroits jusqu’au xvie siècle, commence à être battue en brèche dès le xiie siècle lorsque le droit canon et la théologie entérinent l’interprétation spiritualiste de Florus de Lyon qui met l’accent sur une participation spirituelle plus que sacramentelle340. Anselme demeure pourtant fidèle à un usage dont il précise avec soin les modalités : l’enfant nouvellement baptisé doit participer à la communion sous l’espèce du vin341, soit le jour de son baptême en cas de nécessité, soit le dimanche suivant ou lors d’une fête342. Cette première communion n’a pas à devenir habituelle puisqu’il s’agit implicitement pour Anselme de satisfaire à l’obligation du Nisi manducaveritis…

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LP 103 : « Si vero tempus habuerit, sine confirmatione non plus quam sine confessione non potest salvari. In qua majus donum sumitur quam etiam in baptismo ; non a quolibet sacerdote, sed tantum ab episcopo eam sancta Ecclesia fieri constituit » (L 60, l. 9-12, forte diffusion). LP 104 : « Sicut baptismo datur Spiritus ad remissionem peccatorum […], ita dominicum corpus necessario recipitur in vitam eternam. Unde ratio videtur exigere ut pueris renatis ex aqua et Spiritu dominicum corpus detur » (L 61, l. 1-5, faible diffusion). Voir les références données par P.-M. Gy, « Die Taufkommunion der kleinen Kinder in der lateinischen Kirche », dans Zeichen des Glaubens. Studien zu Taufe und Firmung. Balthasar Fischer zum 60. Geburtstag, éd. H. Auf Der Maur, B. Kleinheyer, Zurich - Fribourg, 1972, p. 485-491, à la p. 488, n. 18. Sur les pratiques eucharistiques dans le monde tardo-antique et médiéval, cfr B. Caseau, « L’eucharistie au centre de la vie religieuse des communautés chrétiennes (fin du ive au xe siècle) », dans Eucharistia. Encyclopédie de l’eucharistie, éd. M. Brouard, Paris, 2002, p. 125-144. P.-M. Gy, « Die Taufkommunion der kleinen Kinder », p. 485-489. À date contemporaine, on trouve par exemple le texte de Florus chez Yves de Chartres, Decretum, 2, 1, PL 161, col. 135C-136A. Ce qui est conforme à la législation contemporaine de Pascal II (1099-1118), cfr W. Dürig, « Die Scholastiker und die Communio sub una specie », dans Kyriakon. Festschrift Johannes Quasten, éd. P. Granfield, J. A. Jungmann, t. 2, Münster, 1970, p. 864-875, à la p. 866 et M. Colish, « Another Look », p. 14-16. « Et quia propter infirmitatem suam, pane illo solido uti non possunt, eadem die, si cogit necessitas, post baptismum de calice vinum consecratum accipiant. Quod si differri potest, in sequenti dominica vel proxima aliqua festivitate ad altare deferantur et domini corporis, sicut predictum est, fiant participes » (L 61, l. 5-9).

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(Joh. 6, 54)343. Le maître met en relief la seule responsabilité des pasteurs chargés de distribuer la communion baptismale344. Anselme fait ainsi droit à l’irresponsabilité morale, que ce soit celle des enfants ou des fous : ne sont tenus à accomplir les œuvres de salut que ceux qui sont en état de savoir ou s’abstiennent volontairement et donc coupablement de s’instruire345. Quant aux fous temporaires, Anselme leur reconnaît une certaine part de responsabilité, sans pouvoir en préciser la cause346. Le péché actuel, les vices et leurs remèdes (LP 204-221) Une seule sentence traite ex professo du péché et de sa nature : en LP 207, Guillaume de Champeaux en propose, de manière dense, une définition ontologique et non strictement morale. Il s’agit de comprendre comment un acte qui va à l’encontre de Dieu peut posséder une consistance ontologique. Pour ce faire, le maître distingue les substances des natures. Les premières correspondent aux réalités additionnant les catégories de l’être, tandis que les secondes qualifient les réalités qui, en outre, concordent avec leur constitution originelle et habituelle347. En ce sens, lorsque la volonté de l’homme s’oppose à celle de Dieu, elle s’éloigne de la norme habituelle de son action. Elle perd alors le statut de nature et devient une perversion de la nature en quoi consiste à proprement parler le péché348. La définition de Guillaume a connu un certain succès puisqu’un copiste l’a fait entrer en 1318 dans l’Elucidarium, où, moyennant une légère réécriture, elle parfait la définition du mal349. Une sentence isolée d’Anselme dans le Liber pancrisis vient compléter la définition 343

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« Quo semel accepto, potest postea differri alia acceptio usque in longum tempus » (L 61, l. 9-10). « Si autem sine communione corporis et sanguinis Christi pueri a vita exeant, incuria est et periculum pastorum. Pius tamen pastor ovem suam immeritam non deserit » (L 61, l. 1112). LP 105 : « Ab his enim solis virtus a Deo exigitur qui vel scierint, vel pro culpa sua nescierint. Pro culpa nescit qui, cum per doctrinam potuit scire, non didicit » (L 58, l. 3-5, forte diffusion). « Si quis vero aliquando sapuerunt, sed pro aliqua occasione descierunt, eos inter naturaliter stultos non computamus. Cur enim eis ita contigerit Deus novit. Nos autem tantum scimus quia juste factum est » (L 58, l. 6-9). LP 207 : « Substantie vero dicuntur res omnium predicamentorum in esse suo considerate. Similiter nature dicuntur omnes res, preter illas que discordant a prima constitutione et in hoc differunt nature a substantiis, quia cum substantie dicantur res tantum in esse suo considerate, nature dicuntur in esse suo et secundum habitudines » (L 241, l. 2-7). « Cum vero voluntas hominis natura sit discordans a creatore, non remanet natura, sed dicitur perversitas nature et talis voluntas dicitur peccatum » (L 241, l. 7-9). Honorius Augustodunensis, Elucidarium, 2, 2, ad apparatum, p. 405-406, addition non identifiée par l’éditeur, d’après Troyes, BM, 1961, xive siècle, copié de la main de Nicolas du Saint-Sépulcre en 1318, cfr ibidem, p. 36. Le fait indique, d’une part, que l’Elucidarium, dont la version troyenne a sans doute été copiée à Clairvaux, continue à intéresser les milieux monastiques et, d’autre part, que le Liber pancrisis est toujours consulté au début du xive siècle.

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de Guillaume : le péché est défini objectivement comme ce qui ne procède pas de la foi350. Pourtant la moralité objective d’un acte ne suffit pas à en garantir la valeur : un acte bon, accompli en le croyant mauvais, est imputé comme péché351. Tout acte est par conséquent neutre, dès lors que sa qualification morale dépend de l’intention qui préside à son exécution352. Les conséquences morales du péché sont examinés par Grégoire en LP 208 : le péché non expié devient à lui seul, selon un cercle des plus vicieux, péché et cause de péché ou péché et peine du péché, voire les trois ensemble353. Quant aux péchés faits par délibération, ils sont très graves, car ils tiennent l’âme plus étroitement prisonnière et attisent plus vivement la colère du Juge354. Même le juste n’échappe pas tout à fait au péché, mais seulement au certum peccatum qui, selon Augustin, est une violation de la charité355. La vie morale n’est donc pas tant affaire de conformité à une loi que d’exercice de la charité. En ce sens, LP 205 porte, sous le nom d’Augustin, une attention marquée à l’intention qui inspire l’action, puisque c’est elle qui détermine la gravité du péché356. La sentence, probablement d’origine laonnoise, est d’une finesse d’analyse notable : l’important dans la vie morale n’est pas la réalisation d’exploits, mais plutôt l’accomplissements de petits actes où se joue la fidélité à Dieu357. L’attention apportée aux conditions psychologiques concrètes de la vie morale explique qu’Anselme se soit interrogé sur la coexistence de la vertu surnaturelle et du péché dans le même homme. Dans la sentence isolée LP 229, le maître définit la vertu comme la disposition stable d’un esprit bien formé, alors que la disposition contraire permet de circonscrire le vice358. Les 350 351

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LP 331 : « Quicquid ex fide non est, peccatum est » (L 70, l. 4, forte diffusion). « Quodsi aliquod bonum facio, credens illud malum esse, quicquid illud in se sit, mihi peccatum est » (L 70, l. 4-6). « Quicquid enim fit non ex bona intentione, ei a quo fit malum et peccatum est et omne quod fit intentione nocendi proximo, malum est, sive bonum sive malum sit » (L 70, l. 6-7). LP 208 : « Gregorius. Peccatum quod per penitentiam… – …et causa peccati » (Homiliae in Hiezechihelem, 1, 11, 24, éd. M. Adriaen, Turnhout, 1971 (CCSL 142), p. 179-180, l. 402-451). LP 208 : « Et alio loco : tardius peccatum solvitur… – …ejus filius appellatur » (Gregorius Magnus, Regula pastoralis, 3, 32, éd. B. Judic, F. Rommel, C. Morel, Paris, 1992 (SC 382), p. 494). « Augustinus. De certo peccato dixit… – …maxime non oderit fratrem » (In Johannis epistulam ad Parthos tractatus, 6, 3, 5 et 5, 3, 3, PL 35, col. 2022 et 2014). LP 205, attribution erronée : « Non attendit Deus peccatum quantum ad rerum quantitatem, sed quantum ad intentionem facientis » (L 213, l. 1-2). LP 205 : « Item si jubemus (sic) duo observare quorum alterum sit facile servari ut hodie non mentiri, alterum vero difficile ut castitatem semper custodire, si utrumque violamus, magis videntur (sic) contempnere Deum in facili quam in difficili. Istud enim fortasse non potuimus, sed illud facere negleximus » (L 213, l. 5-9). LP 229 : « Virtus est habitus mentis bene constitute et vicium est habitus mentis male constitute » (L 68, l. 1-2, moyenne diffusion). La définition anselmienne de la vertu, inspirée lointainement de Cicéron, est connue de l’école d’Abélard comme d’Alain de Lille, cfr O. Lottin, « Les premières définitions et classification des vertus au Moyen Âge », dans PM,

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deux états ne sont pas strictement antagonistes, car une mauvaise action accidentelle suivie d’une réparation active n’entraîne pas la perte de la charité présente au moins à l’état de racine359. En revanche, l’obstination dans le péché fait perdre la charité et, avec elle, le mérite des œuvres même bonnes alors accomplies360. Avec une subtilité remarquable, Anselme distingue les œuvres moralement bonnes sans valeur, car faites sans la grâce, des œuvres accomplies par charité et dont les mérites sont vivifiés après pénitence361. Les premières œuvres correspondent parfaitement à la définition classique des opera mortua, tandis que les secondes approchent des opera mortificata, à la différence près qu’Anselme tient pour une viviscence (vivificabuntur) des vertus, là où la tradition postérieure considère une reviviscence362. En plus du péché entendu de manière générale, Le Liber pancrisis manifeste un intérêt soutenu pour les vices particuliers, la discipline de la parole et du corps363 : de même que pour le péché, l’examen des vices met en jeu un savoir moral hérité de la grande tradition patristique ainsi qu’une attention nouvelle portée à l’intention morale. Le mensonge reçoit un traitement nuancé et complet : plusieurs problèmes cruciaux traités à partir de Pierre Lombard dans les écoles parisiennes sont présents, d’une manière ou d’une autre, dans le Liber pancrisis364. Le Liber pancrisis n’envisage que très brièvement la définition augustinienne du mensonge ou son caractère peccamineux, tellement évidents qu’ils sont rapidement évoqués par Anselme365. Les sentences du

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t. 3-1, Louvain - Gembloux, 1949, p. 99-150, aux p. 99, 104 et 109 et J. Longère, Œuvres oratoires, t. 1, p. 279-289. « Si Deum diligit et virtutem amat, etiamsi in aliquod criminale inciderit vel ex consuetudine peccati vel ex fragilitate carnis, et tamen pigeat eum quod fecit et oret et elemosinas faciat ut eum Dominus inde liberet, radicem caritatis retinet nec desinit esse justus » (L 68, l. 4-8). La consuetudo peccati dont parle Anselme doit s’entendre d’une disposition habituelle à un péché véniel que les circonstances rendent mortel. « Sed est aliquis obstinatus in aliquo malo, ita ut nullum habeat respectum penitentie nec pigeat eum illud facere, hujusmodi nil virtutis tunc habere potest ». (L 68, l. 12-14). « Opera autem que tunc facit nunquam vivificabuntur, quia aut ex natura tantum veniunt, quia scilicet naturaliter pius est, aut ex consuetudine. Sed opera illius, que ex radice caritatis operatus est, cum etiam in grandi peccato esset, vivificabuntur opera, postquam ille penituerit » (L 68, l. 18-22). Cfr A. Michel, « Reviviscence », col. 2634-2635 et l’exposé de Thomas d’Aquin, Summa, 3, q. 89, a. 4-6 sur la reviviscence des vertus par la pénitence. L’étude des positions du Liber pancrisis complète certaines analyses de C. Casagrande et S. Vecchio pour la période suivante, Les péchés de la langue. Discipline et éthique de la parole dans la culture médiévale, Paris, 1991. Cfr C. Casagrande et S. Vecchio, Les péchés de la langue, p. 187-201. La définition, d’origine augustinienne, est rappelée en LP 211 : « Ille mentiri dicitur qui aliter credit quam loquitur » (L 88, l. 16, forte diffusion, cfr Augustinus Hipponensis, De mendacio, 3, 3, éd. J. Zycha, Vienne, 1900 (CSEL 41), p. 415, l. 6-7) ; l’interdiction l’est en LP 210 : « cum nulla occasione mentiendum sit » (L 88, l. 1), cfr A. Landgraf, « Definition und Sündhaftigkeit der Lüge nach die Lehre der Frühscholastik », Zeitschrift für katholische Theologie, 63 (1939), p. 157-180 et M. L. Colish, « The Stoic Theory of Verbal Signification and

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Liber pancrisis préfèrent s’attacher aux cas exceptionnels. Par rapport à ceux-ci, l’opinion d’Augustin est nuancée mais ferme : reconnaissant l’utilité d’un mensonge léger et discutant son caractère peccamineux, il refuse in fine toute tolérance au nom de la perfection chrétienne366. La question demeure ouverte car une tradition ecclésiastique, restée minoritaire, se déclare favorable au mensonge dans certaines circonstances qui paraissent l’excuser367. Le maître laonnois se montre sur ce point héritier fidèle d’Augustin. En effet, à côté des mensonges pernicieux objectivement mauvais et toujours à réprouver, Anselme évoque en LP 211 ceux dont la malignité paraît douteuse ou légère. Le maître écarte sans nuance et par prétérition le jeu de mots car, relevant de la parole oiseuse, il est à la fois une faute et un péché368. Le mensonge officieux, commis pour l’utilité du prochain, est également un péché : la mort spirituelle que l’homme s’inflige en mentant ne vaut pas le salut corporel du prochain369. Dans la droite ligne d’Augustin370 et de Grégoire cité en LP 209, Anselme illustre le principe avec l’épisode biblique fameux des accoucheuses égyptiennes auxquelles le mensonge a fait perdre ce que la piété leur avait fait mériter371. Cependant, la condamnation du pieux mensonge ne signifie pas pour autant rigueur aveugle, puisque des circonstances atténuantes permettent d’en obtenir plus rapidement le pardon372. De surcroît, Anselme résout la question des péchés dans l’Ancien Testament avec une grande modération. Pour Grégoire visiblement embarrassé, ces mensonges sont typiques de l’ancienne alliance et traduisent un état que

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the Problem of Lies and False Statement from Antiquity to St. Anselm », dans Archéologie du signe, éd. L. Brind’Amours, E. Vance, Toronto, 1983, p. 17-43. Cfr L. Godefroy, « Mensonge », dans DTC, t. 10, 1928, col. 555-569, aux col. 557-560 et, pour notre période, A. Landgraf, « Die Lüge des Vollkommenen und die Lüge aus Bescheidenheit im Urteil der Frühscholastik », Divus Thomas, 20 (1942), p. 67-91, aux p. 67-80. B. Ramsey, « Two Traditions on Lying and Deception in the Ancient Church », The Thomist, 49 (1985), p. 504-533. « Sed ut pretereamus mendacium joci in quo patet culpa et peccatum, cum simplex etiam jocus in verbis sit verbum otiosum, de omni autem verbo otioso sumus reddituri rationem » (L 88, l. 18-21). « Si enim mentiendo a morte corporis fratrem servo, mortem anime mihi infero. Pro periculo totius mundi, quantum ad me, mentiri non deberem » (L 88, l. 23-25). L’épisode est rapporté comme difficillima quaestio par Augustin dans ses Quaestiones in Heptateuchum, 3, 68, éd. J. Fraipont, D. De Bruyne, Turnhout, 1958 (CCSL 33), p. 221-222, l. 16651684. La position de Grégoire sur cet épisode est rappelée en LP 209 : « Gregorius de mendatio. Summopere cavendum est… – …presentis mentite sunt » (Moralia, 18, 3, 5 et 6 (CCSL 143A), p. 888-889, l. 15-29, 33-36), cfr A. M. Landgraf, « Die frühscholastischen Vorarbeiten zum Kommentar Alberts des Großen zu 3 dist. 38 a. 6 », dans Studia Albertina. Festschrift für Bernhard Geyer zum 70. Geburtstage, éd. H. Ostlender, Münster, 1952, p. 319-342, aux p. 319-322. « Multoties quia hujusmodi mendacium pietas comitatur, citius veniam impetrat qui sic mentitur » (L 88, l. 33-34).

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le chrétien ne saurait imiter373. Anselme élargit le problème en évoquant non seulement le cas des mensonges proférés par Jacob à son père ou par Joseph à ses frères, mais également les actions qui semblent des péchés, comme le vol des vases d’or et d’argent commis par les Hébreux lors de leur sortie d’Égypte. Il aurait été facile pour Anselme de gagner la terre ferme de l’allégorie, consacrée par une tradition exégétique pluriséculaire, et de rappeler par exemple la signification symbolique de ce larcin. Le maître préfère affronter le sens historique premier de l’épisode et lui trouver une place par rapport à l’économie divine. Anselme a conscience qu’il accomplit un tour de force dans la mesure où tout manquement au précepte divin est un péché374. Les paroles ou les actions des saints échappent toutefois à la loi commune : en vertu d’une grâce particulière (familiari gratia) Dieu accorde, par un conseil ou un précepte, une dérogation qui rend licite la parole ou l’action normalement interdite375. La notion même d’exception morale (familiare)376 jette un jour intéressant sur la conception anselmienne du péché et de la loi morale : le péché n’existe pas uniquement en fonction du manquement à une loi, mais aussi et surtout par rapport à la volonté divine, seule norme de la licéité morale377. Avec une égale souplesse, Anselme propose en LP 210 une solution pour aider, sans mentir, le prochain en danger378. Le maître conseille deux attitudes : soit le silence379, soit une parole équivoque sur le modèle du Christ, qui n’a pas toujours parlé ouvertement à ses disciples, selon le principe qui veut

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Grégoire aborde le point immédiatement à la suite de l’épisode des accoucheuses, cfr Moralia, 18, 3, 7 (CCSL 143A), p. 889, l. 39-55. « Sed sciendum quod non est peccatum quod non est contra divinum preceptum » (L 88, l. 37-38). « Dicunt autem vel faciunt sancti quod contra preceptum esse videtur, sed tamen non est, quia hoc ex ipsius familiari gratia Dei vel consilio vel precepto dicunt vel faciunt, quare peccatum non est » (L 88, l. 38-41). « Familiare autem dicimus quod uni persone aut pluribus, non tamen omnibus dicitur » (L 88, l. 43-45). « Nam licet alibi sit preceptum non furaberis, familiare Dei consilium tamen vel preceptum alibi tale est quod peccatum illud facere non est » (L 88, l. 41-43). L’exemple de l’homme poursuivi par son ennemi est classique dans la tradition modérée justifiant le mensonge, cfr Hilarius Pictaviensis, Tractatus super Psalmos, In ps. 14, 10, éd. A. Zingerle, Vienne, 1891 (CSEL 22), p. 91, l. 4-6 : « Est enim necessarium plerumque mendacium et nonnumquam falsitas utilis est, cum aut percussori de latente mentimur aut testimonium pro periclitante frustramur », cfr aussi Petrus Abaelardus, Sic et non, q. 154, s. 8, p. 517. Dans le cas d’un ennemi qui poursuit quelqu’un : « Scimus quia, si quesierit a nobis an viderimus eum, non est illi mentiendum etiam si per hoc possumus vitam illius servare, sed tacere possumus sine peccato » (L 88, l. 4-6), cfr A. Landgraf, « Der verfolgte Feind und das nichtgehaltene Versprechen in der Theologie der Frühscholastik », Divus Thomas, 22 (1944), p. 3-30 et 217-227, aux p. 4-6.

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que l’homme imparfait mérite d’être trompé et n’a donc pas droit à la vérité380. Le serment, à l’instar du mensonge, appartient aux formes de communication que le chrétien doit normalement réprouver381, notamment pour les serments dont l’objet est un acte peccamineux. L’exemple célèbre retenu par LP 219 est celui, traité par Isidore, de la promesse faite à une adultère de demeurer avec elle : un tel serment illicite ne saurait engager382. LP 218 indique, sous le nom d’Augustin, que le serment est mauvais car il trouve sa racine dans la faiblesse humaine383. Toutefois, la sentence le reconnaît licite dès lors qu’il vise l’utilité du prochain384. Sur le modèle du mensonge, il existe donc un serment officieux, d’autant plus accepté qu’il conduit à la foi, dès lors que le serment sert à fournir un premier motif de crédibilité385. On peut ajouter aux paroles mauvaises le vice de superbia. En effet, l’arrogance, péché générique, se spécifie souvent en jactantia386. Guillaume de Champeaux en donne une fine analyse en LP 212 où il synthétise une part du savoir patristique sur le sujet. Autant que dans le détail de l’analyse, l’intérêt de la sentence réside dans la manière dont elle articule avec une certaine pénétration psychologique trois péchés : selon Guillaume, l’arrogance fait naître l’envie qui engendre elle-même la médisance. Pour préciser les différentes formes d’arrogance définie d’après Augustin comme l’amour de sa propre excellence387, Guillaume, à la suite de Grégoire, distingue entre celui 380

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Pour l’homme en colère : « Nam ille dignus est quod verum non intelligat sed decipiatur, tu tamen fideliter locutus es » (L 88, l. 9-10), et à propos des disciples : « digni erant qui querebant ut non intelligerent » (l. 13-14). Anselme combine donc deux des théories dérogatoires devenues classiques en morale, celles de l’équivoque et du « droit à la vérité », cfr L. Godefroy, « Mensonge », col. 566-568. Pour l’assouplissement progressif des positions évangéliques chez les Pères, cfr M. Calamari, « Ricerche sul giuramento nel diritto canonico. Il problema della liceità nelle fonti più antiche », Rivista di storia del diritto italiano, 11 (1938), p. 127-183 et 420-430 ; B. Guindon, Le serment. Son histoire, son caractère sacré, Ottawa, 1957, p. 85-109 et C. Casagrande et S. Vecchio, Les péchés de la langue, p. 201-205. LP 219 : « Ysidorus. Non est servandum sacramentum… – …quam permanere in stupro » (Sententiae, 2, 31, 9, p. 156, l. 27-31). La sentence a connu un grand succès chez les canonistes, cfr Burchardus Wormaciensis, Decreta, 12, 10, PL 140, col. 878B ; Ivo Carnotensis, Decretum, 12, 36 et 12, 67, PL 161, col. 789D et 797C et Panormia, 8, 113, PL 161, col. 1332A-B ; Gratianus, Decretum, 22, 4, 13, éd. Friedberg, col. 878. LP 218, attribution erronée : « Augustinus de juramento. Jurare est a malo, id est ab infirmitate » (L 214, l. 1). « Tunc non est malum jurare quando, pro utilitate illius cui juratur, ille qui jurat jurare cogitur » (L 214, l. 2-3). « Ut si quid de Deo quod esset credendum alicui dicerem, si ille responderet se concedere, sed primum certitudinem se habere velle » (L 214, l. 3-5). Cfr C. Casagrande et S. Vecchio, Les péchés de la langue, p. 265-270. LP 212 : « Superbia est proprie excellentie amor » (L 279, l. 1 = Augustinus Hipponensis, De Genesi ad litteram, 11, 14, éd. J. Zycha, Vienne, 1894 (CSEL 28-1), p. 346, l. 20-21), cfr C. Casagrande et S. Vecchio, Histoire des péchés capitaux, p. 31-35.

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qui s’attribue un bien qu’il n’a pas, celui qui se donne pour l’origine d’un bien qui vient de Dieu, celui qui pense que le bien venu de Dieu récompense ses mérites et enfin celui qui s’estime meilleur que les autres388. L’envie, vice social qui consiste à haïr le bonheur du prochain, est distinguée d’après Augustin selon qu’elle s’adresse aux inférieurs dont on craint qu’ils ne progressent, aux supérieurs dont on envie le rang ou aux égaux dont on supporte mal la position389. Il est donc logique que l’envie produise la médisance390. La définition de la detractio donnée par Guillaume se rattache plutôt à la première des deux définitions traditionnelles dont l’une insiste sur le locuteur et sa critique, tandis que l’autre, plus ‘intentionnelle’, privilégie le locuteur et son auditeur391. Ce qui importe pour Guillaume est le contenu des paroles prononcées par le diffamateur. La diffamation consiste donc soit à nier ou pervertir de bonnes actions soit à en inventer de mauvaises392. Cependant, Guillaume ne méconnaît pas la part intentionnelle du discours et sa valeur pour former le jugement moral : il demeure hésitant sur le cas de la parole critique (depressio) prononcée non par envie mais compassion et douleur, sans que le locuteur veuille qu’elle soit rapportée au principal intéressé393. Le cas laissé irrésolu éclaire a contrario la pensée de Guillaume : le péché de detractio est identifié avec l’intention diffamatoire du locuteur, puique la volonté d’édification du prochain ou de publicité des propos rend la critique moralement licite394. 388

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« Hujus sunt quatuor species. Prima est quando aliquis putat se habere bonum Dei quod non habet. Secunda est quando bonum quod habet a se, non a Deo se habere existimat. Tertia est quando bonum quod habet, a Deo se habere cognoscit, sed tamen pro meritis suis. Quarta est quando a Deo omnia credit habere nec pro meritis suis, sed tamen se meliorem quam alios credit » (L 279, l. 1-7 = Grégoire, Moralia, 23, 6 (CCSL 143B), p. 1153, l. 7-12). « Est autem invidia odium aliene felicitatis. Hec vero tribus modis consideratur, vel circa inferiores, quando aliquis timet ne sibi coequentur, vel circa superiores, moleste ferendo quod eis non coequetur, vel contra pares, dolendo quod jam coequentur » (L 279, l. 9-13 = Augustinus Hipponensis, De Genesi ad litteram, p. 346, l. 21-26), cfr M. Vincent-Cassy, « L’envie au Moyen Âge », Annales E. S. C., 35 (1980), p. 253-271 et C. Casagrande et S. Vecchio, Histoire des péchés capitaux, p. 67-78. Cfr Gregorius Magnus, Moralia, 31, 45, 88 (CCSL 143B), p. 1610, l. 25-26 : « De invidia odium, susurratio, detractio, exsultatio in adversis proximi, afflictio autem in prosperis nascitur », cfr C. Casagrande et S. Vecchio, Histoire des péchés capitaux, p. 78-81. Cfr C. Casagrande et S. Vecchio, Les péchés de la langue, p. 239-240. « Hec autem fit vel quando bona alicujus, si negare licet, aliquis negat, aut si non licet negare, pervertit, vel quando mala alicujus ad ejus depressionem aliis narrat » (L 279, l. 1517). « Est autem genus depressionis vel locutionis de quo dubium est an sit malum et ideo vitandum, quando videlicet de eo quem diligo, cum aliquo meo familiari, mala ejus referendo colloquor, ex quadam compassione et dolore, ita quidam ut nolim quod ille cum quo loquor hoc ei referat » (L 279, l. 17-21). « Nam si vellem quod ille ad correptionem ei convenienter narraret, vel ut ille cum quo loquor mala consimilia vitaret, evidenter bonum esset » (L 279, l. 22-24), cfr C. Casagrande et S. Vecchio, Les péchés de la langue, p. 241-243.

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Les sentences LP 216-217 précisent, sous le nom d’Augustin, la deuxième espèce d’orgueil rappelée par Guillaume et manifestent un sens aigu de l’intention morale395. S’attribuer un bien n’est légitime qu’à condition de le faire pour la gloire de Dieu ou l’utilité du prochain ou de sa personne396. Sinon, l’homme agit en idolâtre, voire en imitateur du diable397. Cette forme d’arrogance à l’œuvre dans la chute de la nature angélique est également impliquée dans celle de l’homme. En effet, comme le rappelle Augustin en LP 215, si l’avarice est la racine de nos maux (Tim. 6, 10), l’orgueil, commencement de tous les péchés (Eccle. 10, 15), a poussé Adam à franchir la limite fixée par Dieu398. En punition de cette démesure orgueilleuse (propter superbiam), Dieu a institué les puces pour nous confondre399. En LP 224, Anselme rappelle l’utilité de la mesure : l’usage des aliments est subordonné à la nécessité qui trace la limite du péché de gourmandise. Cependant, contre l’identification monastique entre plaisir à manger et délectation condamnable, Anselme ne considère pas comme peccamineux le plaisir de la chère, dès lors qu’il est involontaire et non intentionnel400. En conséquence, seule l’intention constitue formellement le péché : l’excès commis par ignorance n’est pas moralement coupable lorsqu’il s’agit d’actions nécessaires à la conservation de la vie comme le sommeil ou la

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Ce qui complète l’exposé de O. Lottin, « L’intention morale de Pierre Abélard à Thomas d’Aquin », dans PM, t. 4-1, Louvain - Gembloux, 1954, p. 309-486. LP 216, attribution erronée : « Augustinus de vana gloria. Qui se vel alium laudat propter gloriam Dei, vel propter utilitatem proximorum, ut Paulus, vel propter consolationem sui, ut Job, non peccat » (L 212, l. 1-3). « Qui autem propter se vel alterius gloriam se vel alium laudat, idolatra est, quia quod est creatoris creature attribuit, cum omnia dicta vel facta nostra et aliorum ad gloriam Dei sint tantum referanda » (L 212, l. 3-5) et LP 217, attribution erronée : « Augustinus. Qui facit aliquod bonum pro humana laude similis est illi qui dixit : ponam sedem meam ad aquilonem et ero similis altissimo (Is. 14, 14), quia illud quod proprie Dei est qui est summum bonum, sibi attribuit ». LP 215 : « Augustinus de avaritia. Querimus aliquando quomodo… – …sufficere non potuit ? » (In Johannis epistulam ad Parthos tractatus, 8, 4, 6, PL 35, col. 2039), cfr W. A. Green, Initium omnis peccati superbia. Augustine on Pride as the First Sin, Berkeley Cal., 1949 et C. Casagrande et S. Vecchio, Histoire des péchés capitaux, p. 19-24 et 153-159. LP 213 : « Augustinus. Sciendum est Deum fecisse etiam pulicem… – …rebus vilissimis domaretur » (In Johannis evangelium tractatus, 1, 15, éd. R. Willems, Turnhout, 1954 (CCSL 36), p. 9, l. 15-19) et LP 214 : « Augustinus. Proppter (sic) superbiam instituit… – …Deum pulicibus subdatur » (ibidem, p. 9, l. 7-12) ; sur la signification spirituelle des animaux, cfr note complémentaire 6, « Les animaux nuisibles », Sur la Genèse contre les manichéens (BA 50), p. 514-515. LP 224 : « Illa (sc. comestio) vero que fit usque ad metam necessitatis, si causa Dei fit, ad hoc scilicet ut caro sustentetur, ad serviendum Deo ita ut delectatio, que quasi necessario comitatur, pedissequa sit, non domina vel magistra, non est peccatum » (L 80, l. 1-5), cfr C. Casagrande et S. Vecchio, Histoire des péchés capitaux, p. 205-210.

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boisson401. En revanche pour être licite, l’acte sexuel, en tant que non indispensable, doit servir uniquement à la reproduction et à éviter la fornication. Anselme propose également un enseignement détaillé sur le scandale dans la sentence détachée LP 338. La nécessité où se trouve le chrétien d’éviter toute forme de scandale fournit à Anselme matière à une subtile casuistique. Dans le domaine de la foi, le scandale ne doit pas toujours être fui et il ne faut pas craindre de scandaliser les Juifs en prêchant la croix, sauf péril évident pour les âmes402. Dans les autres cas, Anselme indique des distinctions raffinées selon que l’acte est bon ou indifférent : proposant une véritable éthique du comportement, le maître déconseille de prier prostré le dimanche, de peur que l’attitude de supplication, en soi bonne mais adoptée un jour de fête, soit mal comprise par un frère plus simple403. De même, il faut se garder de causer un scandale légitime à cause d’un prélat indigne, sauf péril pour les âmes404. Pour les actes indifférents, il donne l’exemple du Juif converti devant lequel il faut s’abstenir de manger du porc afin de ne pas le troubler405. En revanche, on peut accomplir tous les actes licites devant les méchants toujours prompts à critiquer406. Dans la nouvelle alliance, la rémission des péchés s’effectue grâce aux sacrements en vertu d’une libre disposition de Dieu407. Anselme en valorise trois selon leur degré de nécessité pour la justification. Le baptême reçoit une attention toute particulière puisque sa nécessité de moyen est vigoureusement mise en avant408. Les modalités diverses de sa réception n’en sont pas 401

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« Illa vero que ultra metam necessitatis extenditur, si ignoretur quod fit ultra necessitatem, illud enim multotiens ignoratur, similiter peccatum non est » (L 80, l. 6-8). Le passage confirme que, pour Anselme, l’acte commis par ignorance n’est pas un péché. LP 338 : « Licet enim sciamus inde fieri scandalum quibusdam ut Judeis, non tamen propter eorum scandalum a predicatione crucis Christi debemus nos retrahere, sed quibuscumque infidelibus eum annuntiare et ad fidem convocare. Nec est vitandum scandalum, nisi ubi manifestum est periculum animarum » (L 81, l. 2-6, moyenne diffusion). « Videtur enim simplici fratri quod in die gratie dominice resurrectionis celebrato hujusmodi non deberet fieri supplicatio et ideo crederet, pie tamen, hujusmodi supplicatione Deum potius offendi quam placari » (L 81, l. 12-15). La théologie postérieure parlera à ce propos de scandale actif indirect ou impropre, cfr N. Iung, « Scandale », dans DTC, t. 14, 1939, col. 1246-1254, aux col. 1247-1248. « Quare ne hujusmodi ledantur, cavendum est scandalum, nisi salutis periculum timeatur » (L 81, l. 29-31). « Ut ejus quietem non rumpam et eum an porcina caro debeat comedi sollicitum non reddam, debeo dimittere et non comedere » (L 81, l. 18-20). « Si autem aliquos malos fratres quicquid egero, sive bonum sive malum, detrahentes esse cognovero, in rebus non malis non multum debeo eorum evitare scandalum » (L 81, l. 2124). LP 204 : « Deus qui omnia potest et qui, cui vult et quomodo vult, peccata dimittit, nullius indiguit ad illa remittenda auxilio sacramenti » (L 57, l. 1-2, moyenne diffusion). « Voluntate igitur propria et circumcisionem antiquis et nostris temporibus baptismum instituit, sed circumcisionem solis filiis Abrahe et ad tempus, baptismum vero universali-

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moins soigneusement détaillées au moyen de la distinction entre sacramentum, res sacramenti et fides : à côté du régime habituel de l’enfant qui reçoit le sacrement et la justification sans la foi, il faut distinguer l’adulte sincère qui, avec la foi, reçoit le sacrement et la rémission des péchés, l’adulte croyant que la nécessité empêche de recevoir le sacrement, mais qui n’en est pas moins justifié409, et enfin l’adulte insincère qui reçoit un baptême invalide tant qu’il met obstacle, par manque de foi, à son efficacité410. De façon extrêmement ramassée, Anselme résout ainsi plusieurs points épineux de théologie sacramentaire auxquels Abélard lui-même se mesure quelques années plus tard411. La nécessité de la confirmation pour la vie chrétienne est affirmée avec force412 : administrée par l’évêque, elle donne la grâce nécessaire pour bien agir413. Toute négligence volontaire rend son omission aussi grave que l’absence de baptême, puisque sa dignité et son efficacité tiennent à son origine apostolique414. Quant à l’onction des malades, Anselme se montre a contrario d’une souplesse étonnante415 : elle vaut pour soutenir la dévotion et n’est donc

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ter, omnibus et semper. Itaque postquam baptismus institutus est adeo necessarius est ut quicumque non receperit illum […] damnetur » (L 57, l. 3-9). « […] Vel solo sacramento absque fide ut pueri, vel sola fide ut adulti, si articulus necessitatis excludat, vel utroque simul ut adulti non ficte accedentes » (L 57, l. 7-9) ; sur l’origine augustinienne de la formule « si articulus necessitatis excludat » et le développement de la question, cfr A. Landgraf, « Das Sacramentum in voto », dans Dogmengeschichte, t. 3-1, Regensburg, 1954, p. 210-253, aux p. 212-227. « Adulto tamen qui ficte accedens baptizatur, si statim moritur, non prodest baptismus. Si autem postea fidem adhibet, ille baptismus qui fictus est prius, tunc habet efficaciam » (L 57, l. 9-12). Sur le fictus, cfr A. Landgraf, « Die Wirkung der Taufe im Fictus und Contritus », dans Dogmengeschichte, t. 3-2, Regensburg, 1955, p. 87-181, aux p. 87-128. Petrus Abaelardus, Sic et non, q. 111, p. 363-366, « Quod ficto etiam per baptismum peccata dimittantur et non ». Cfr l’exposé général de B. Neunheuser, § 12 « Die Firmung im Mittelalter und auf dem Konzil von Trient », Handbuch der Dogmengeschichte, p. 134-144 et W. Knoch, Die Einsetzung der Sakramente, p. 44-47. « Ad perfectionem igitur operum, ut scilicet gratiam Spiritus Sancti ad operationem recipiat, necessaria est confirmatio, que a solis fit episcopis » (L 57, l. 16-18). La mise en parallèle du baptême et de la confirmation et la nécessité de cette dernière sont classiques depuis la lettre du pseudo Melchiade, Raban Maur et les canonistes, cfr H. Weisweiler, « Das Sakrament der Firmung in den systematischen Werken der ersten Frühscholastik », Scholastik, 8 (1933), p. 481-523, aux p. 490-491 et V. Natalini, « Relazione ontologica della grazia del Battesimo con la grazia della Cresima. Un trentennio di storia (1225-1255) », Antonianum, 37 (1962), p. 55-114, aux p. 56-59. « Quam si neglexerit accipere, postquam ei pervulgatum fuerit, non minus periculosum esse videtur, quam si baptismum negligeret. Hanc enim apostoli per manus impositionem celebrasse leguntur » (L 57, l. 18-21). L’insistance sur la nécessité de la confirmation est très nette chez Anselme, cfr H. Weisweiler, « Das Sakrament der Firmung », p. 514-515. La singularité d’Anselme avait déjà été relevée par H. Weisweiler, « Das Sakrament der Letzten Ölung in den systematischen Werken der ersten Frühscholastik », Scholastik, 7 (1932), p. 321-353 et 524-560, aux p. 350, n. 111 et 555 ; cfr aussi W. Knoch, Die Einsetzung der Sakramente, p. 62.

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pas nécessaire au salut416. Sur ce point, Anselme apparaît en net recul par rapport aux autres théologiens de son temps : tous reconnaissent en effet à l’onction une vertu spirituelle et corporelle, alors qu’Anselme semble lui dénier toute vertu intrinsèque et l’assimiler aux rites nommés depuis sacramentaux417. L’autre moyen habituel d’obtenir la rémission des péchés est la confession418. Anselme, en LP 220, interprète Bède dans le contexte scolaire des débats portant sur la nécessité de la confession : une forme publique est nécessaire pour les péchés causant un scandale public, tandis que la confession privée est requise pour les autres fautes419. Anselme est donc amené à résoudre un cas d’école que l’on retrouve de manière quasi contemporaine chez Abélard qui allègue l’extrait de Bède420. La manière dont Anselme et Abélard insistent dans les premières décennies du xiie siècle sur la confession, absente in terminis dans l’extrait de Bède, permet de relever l’identique soin que les deux maîtres prennent du for interne421. Le fondement du pouvoir des clefs est d’ailleurs rappelé par le Liber pancrisis avec un extrait d’Augustin : les hommes remettent les péchés dans l’Église non par eux-mêmes, mais grâce à l’action de l’Esprit422. Autre remède venant compléter les effets de la confession, l’aumône est soumise à un examen attentif dans la sentence isolée LP 337. Parmi les auteurs ayant traité le sujet, Anselme semble l’un des premiers à jeter les fondements d’une « théologie du pauvre »423. Il met, en effet, en place une véritable grille d’interrogation à laquelle il convient de soumettre l’aumône. Contre toute spontanéité incontrôlée du geste pieux, le maître exige de surveiller la nature

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« Est alia unctio infirmorum ad majorem eorum devotionem excitandam constituta, quam non recipere non est periculosum anime » (L 57, l. 22-23). Sur les pratiques de l’extrême onction, cfr P. Browe, « Die letzte Ölung in der abendländischen Kirche des Mittelalters », Zeitschrift für katholische Theologie, 55 (1931), p. 515-561, C. Ruch, « Extrême onction du ier au ixe siècle », dans DTC, t. 5-2, 1924, col. 1927-1985, aux col. 1978-1985 et L. Godefroy, « L’extrême onction chez les scolastiques », col. 1985-1997, aux col. 1988-1997. W. Knoch, Die Einsetzung der Sakramente, p. 58-61. Cfr LP 220 (L 65, faible diffusion) et P. Anciaux, La théologie du sacrement de pénitence, p. 168. Petrus Abaelardus, Sic et non, q. 151, p. 510-512 : « Quod sine confessione non dimittantur peccata et contra ». Cfr M. G. Muzzarelli, « Teorie e forme di penitenza in fase di transizione (secoli xi-xiii), dans Dalla penitenza all’ascolto delle confessioni : il ruolo dei frati mendicanti. Atti del XXIII Convegno internazionale, Assisi, 12-14 ottobre 1995, Spolète, 1996, p. 31-58, à la p. 48. LP 221 : « Augustinus de remissione peccatorum. Dicunt quidam si non… – …dimittit non vos » (Sermo 99, 9, PL 38, col. 600). Cfr M. Mollat, Les pauvres au Moyen Âge. Étude sociale, Paris, 1978, p. 129-142, cfr également B. Geremek, La potence ou la pitié. L’Europe et les pauvres du Moyen Âge à nos jours, Paris, 1987, p. 23-96.

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du don, d’estimer l’intention et d’examiner le donateur424 et annonce ainsi l’intérêt d’Abélard pour l’intention qui anime les actes de miséricorde425. Le don doit consister en un objet licitement possédé, être donné en vertu de la seule charité et provenir d’un homme en état de grâce426. Quant à la personne du bénéficiaire, il est préférable de faire preuve de discernement en choisissant un vrai pauvre. Pourtant, le devoir de l’aumône est si fort qu’Anselme conseille de donner à n’importe quel mendiant, derrière lequel apparaît toujours le visage du Christ427. La charité Parmi les sentences traitant de la charité, trois sont rassemblées par le Liber pancrisis (LP 201-203). L’attribution de LP 201 n’est pas sans poser problème puisque selon Paris, BNF, lat. 18113 (†) la sentence faisait partie d’un groupe d’extraits attribués en bloc à Guillaume de Champeaux, tandis que V la donne à un idem qui renvoie à Anselme et que e’ et T l’attribuent à Augustin428. Il ne faut pas prendre au pied de la lettre la rubrique du manuscrit lat. 18113 : ainsi qu’on l’a précédemment noté429, les copistes de recueils placent souvent un ensemble de sentences sous le patronage d’une auctoritas prestigieuse sans identifier de façon individuelle les extraits. De plus, la divergence entre V et e’-T n’est peut-être pas si forte et tient sans doute à la 424

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LP 337 : « Nota quia in elemosina facienda tria debent considerari, quid, qua intentione, a quo detur, scilicet qualitas dati, qualitas intentionis, qualitas dantis » (L 79, l. 1-3, forte diffusion), cfr M. Mollat, Les pauvres au Moyen Âge, p. 130 : « Une des démarches fut de construire sur des distinctions une sorte de casuistique de la pauvreté vécue et de l’aumône ». Petrus Abaelardus, Sic et non, q. 142, p. 489-492 : « Quod opera factorum non justificent hominem et contra ». « Quid, ne datum vel rapina vel furto vel aliquo scelere sit acquisitum, sed justum sit. Si justum, iterum videndum est qua intentione ne amore laudis humane […] sed pro sola Dei dilectione. Iterum, si justum datum et munda sit intentio, videnda est qualitas dantis, ne fur vel adulter vel homicida vel aliquo gravi scelere implicitus » (L 79, l. 3-9). « Preterea si dans, scientiam discretionis qui sint pauperes spiritu habet, debet desudare elemosina in manu ejus, donec verum pauperem inveniat. Si non habet, det omni petenti, imo Christo in omni petente. Christus enim petit in omnibus (cfr Luc. 6, 30) » (L 79, l. 11-15), cfr M. Mollat, Les pauvres au Moyen Âge, p. 137-138. La citation implicite (« debet desudare… – …pauperem inveniat ») est adaptée d’un logion remontant sans doute à une traduction grecque d’Eccli. 12, 1. Il est contenu dans la Didachè, 1, 6, éd. W. Rordorf, A. Tuilier, Paris, 1998 (SC 248bis), p. 146-147, et a été transmis au monde latin notamment par Augustin (Enarrationes in Psalmos, 102, 12 (CCSL 40), p. 1462, l. 10-11 ; 146, 17, p. 2135, l. 30-31) et Cassiodore (Expositio Psalmorum, 40, 2, éd. M. Adriaen, Turnhout, 1958 (CCCM 97), p. 373, l. 48-49 ; 103, 14 (CCCM 98), p. 931, l. 326-327). La mention du pauper, à la place du justus, est présente dès l’époque carolingienne. La sentence LP 201 De caritate (L 71, forte diffusion) a fait l’objet d’un exposé nourri de R. Wielockx, « La sentence De caritate », notamment aux p. 26-29 pour les attributions dans les florilèges. Cfr le chapitre premier (deuxième partie).

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lecture erronée ou rapide d’une rubrique par le copiste de V : en effet, V est, comme on l’a noté, une réorganisation postérieure de e’-T qui prend de surcroît des libertés avec les rubriques. Ainsi quelques sentences auparavant, l’extrait LP 184, introduit en V par un idem qui en LP 183 identifie Augustin, est en fait une sentence d’Anselme (L 34). Enfin, l’attribution d’une sentence d’origine laonnoise à un Père est une pratique bien attestée qui suffit pour expliquer que le nom d’Augustin ait été placé en tête de LP 201. Les rubriques ne sont donc pas si erratiques qu’une première lecture pourrait le laisser supposer et indiquent pour le moins la provenance laonnoise de LP 201430. La thèse de l’anonyme laonnois, qui réinterprète notablement la définition augustinienne, revient à définir la charité comme une forme de pur amour excluant toute jouissance de Dieu431. Par son renvoi interne initial (sicut superius determinatum est) et des éléments concordants de critique interne et externe432, elle suppose aussi un début qui correspond à la sentence isolée L 75, placée en LP 335 sous le nom d’Anselme. Celle-ci distingue les hommes en différentes catégories selon qu’ils sont fils de Dieu et le recherchent pour lui-même, mercenaires et le servent en attente d’une récompense ou bien esclaves qui agissent par crainte433. Si on peut considérer avec Robert Wielockx que l’unité littéraire de la sentence implique identité d’auteur, il n’est pas à exclure qu’un exposé authentiquement anselmien ait servi d’amorce au développement de LP 201434. La reprise par un auteur qui a de fortes chances d’être Gautier de Mortagne435 montrerait ainsi la persistance d’un débat dont les fondements auraient été jetés par Anselme. L’hypothèse est confortée par la présence d’un dictum anselmien sur la charité qui est rapporté dans un

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En ce sens, la « fragilité des attributions de ce genre » (R. Wielockx, « La sentence De caritate », p. 28) répond à une logique que la fréquentation des florilèges permet parfois de deviner. LP 201 : « Caritas est motus animi ad diligendum Deum propter Deum et se et proximum propter Deum. Deum enim debemus diligere non propter aliquod premium quod ab eo expectemus, sed propter ipsum solum, cui ut serviamus, sicut superius determinatum est, desiderare debemus » (L 71, l. 1-4 citée selon l’édition améliorée de R. Wielockx, « La sentence De caritate », p. 69, l. 1-5), voir aussi l’analyse synthétique du même, « La sentence De caritate », p. 43-45. R. Wielockx, « La sentence De caritate », p. 71-79. LP 335 : « Tria sunt genera hominum Deo servientium. Alii enim Deo serviunt pro quocumque timore et hi dicuntur servi ; alii pro mercede et hi dicuntur mercenarii, alii pro amore et hi dicuntur filii » (L 75, l. 1-3, moyenne diffusion, citée selon l’édition de R. Wielockx, « La sentence De caritate », p. 72, l. 1-3). Le même mouvement de sédimentation progressive a pu jouer dans l’ajout d’une fin (L 73, forte diffusion), cfr R. Wielockx, « La sentence De caritate », p. 79-86. Voir les éléments convaincants rassemblés et prudemment commentés par R. Wielockx, « La sentence De caritate », p. 32-43.

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commentaire anonyme de la seconde moitié du xiie siècle436. Son auteur, très influencé par Robert de Melun, connaît et cite également les maîtres de la première moitié du siècle comme Hugues de Saint-Victor, Pierre Abélard et Pierre Lombard437. À l’occasion du même débat sur la nature conditionnelle ou non de la charité, l’anonyme répond qu’il faut aimer Dieu non seulement parce qu’il est bon — ce qui sous-entend qu’il veut nous rétribuer — mais même s’il se montre dur, voire s’il voulait nous damner438. Cette position, qui se rapproche de celle de LP 335, est renforcée par une citation attribuée à Anselme et dont l’origine demeure inconnue : D’où maître Anselme : ‘si tu préfères être en enfer avec le Christ qu’au ciel avec le diable, tu aimes vraiment le Christ’. En effet, il aime vraiment son ami celui qui préfère souffrir l’exil avec lui que de régner avec son ennemi439.

Anselme pourrait être également le témoin, voire la source, d’un autre débat attesté par LP 201 : l’auteur se demande en effet à qui revient la primauté entre l’amour de Dieu et celui du prochain440. Il distingue entre la charité inchoative qui a Dieu pour point de départ et la charité en croissance qui a besoin du prochain pour porter ses fruits441. La question, qui a connu un certain succès442, s’oppose à LP 202 : sous le nom d’Anselme, la sentence explique en effet la priorité temporelle de l’amour du prochain par rapport à l’amour de Dieu, premier en dignité mais postérieur dans sa manifestation443. 436

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Le passage m’a été signalé par Constant J. Mews que je remercie vivement de son obligeance. Cfr Anonymi auctoris saeculi XII Expositio in epistolas Pauli (Ad Romanos – II Ad Corinthios 12), éd. R. Peppermüller, Münster, 2005, p. vii-xiii. « Hic oritur questio illa magna satis et subtilis, an serviendum sit Deo propter vitam eternam an diligendus sit Deus a nobis quia bona tribuit nobis. […] Si enim bonum tuum et non ipsum dilectionis tue et serviendi ei summam facis causam, mercenarius es, non filius. Diligendus est a te, quia bonus est, etiam si tibi amarus, si te dampnaturus esset » (Anonymi auctoris saeculi XII Expositio in epistolas Pauli, éd. R. Peppermüller, p. 66-67, l. 215-217 et 224-227). « Unde magister Anselmus : ‘si malles cum Christo esse in inferno quam cum diabolo in celo, vere Christum diligis’. Vere enim amicum diligit qui mavult cum eo exilium pati quam cum inimico regnare » (ibidem, p. 67, l. 227-230). Il est d’ailleurs possible que la dernière phrase citée soit aussi d’Anselme. LP 201 : « Dubitari vero solet utrum dilectio Dei precedat tempore dilectionem proximi […] an dilectio proximi precedat dilectionem Dei » (L 71, l. 32-35, éd. R. Wielockx, « La sentence De caritate », p. 70, l. 33-36). LP 201 : « Incipit enim homo diligere Deum antequam proximum. Sed quia illa dilectio non potest perfici, nisi nutriatur et crescat per dilectionem proximi, oportet ut proximus diligatur. Sic ergo dilectio Dei precedit ut incipiens et preceditur a dilectione proximi ut ab illa nutrienda » (L 71, l. 37-42, éd. R. Wielockx, « La sentence De caritate », p. 71, l. 38-43). On la retrouve ainsi chez Bernard de Clairvaux, cfr L 71, l. 32-42 = Bernardus Clarevallensis, Sententiae, 1, 21, éd. Leclercq-Rochais, t. 6-2, p. 14-15, l. 17-2. LP 202 : « Item. Anselmus de eodem. Dilectio habet duos ramos… – …super omnia diligimus » (Enarrationes in Mattheum, 1, PL 162, col. 1231A-D).

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Elle s’harmonise avec LP 203 où Augustin, tout en employant le lexique de la croissance de la charité présent en LP 201, montre que son commencement réside dans l’amour du prochain et le don de secours temporels444. L’importance reconnue à l’amour du prochain n’empêche cependant pas le maître d’établir un ordre dans la charité en LP 302. Aimer son prochain comme soi-même consiste à donner à autrui les biens temporels et spirituels, mais de manière conditionnelle445. La limite tient à la conservation personnelle, sauf à se priver du nécessaire par amour d’une perfection surérogatoire446. La volonté divine (LP 172-200) Le thème de la volonté divine ouvre au raisonnement théologique le vaste champ de la perfection de Dieu considérée dans ses manifestations immuables et infinies. Il est d’autant plus important que le Liber pancrisis ait choisi de transmettre l’enseignement d’Anselme parmi des sentences qui s’éloignent de la spéculation et considèrent la volonté divine selon les rapports qu’elle entretient avec l’économie du salut et la vie morale447. Un premier groupe de sentences (LP 172-184) traite, en effet, la question de la prédestination et de ses rapports avec la prescience divine448. Sous le nom d’Augustin, le mystère de la volonté salvifique inspire à l’auteur de LP 173 une solution de repli prudente : Dieu, qui ne commande jamais l’impossible, propose sa grâce à tous les hommes449. L’adhésion à la grâce, qui suppose un concours du libre arbitre humain (ex nature propria), forme le nœud du problème450 : qui pousse tel homme à accepter la grâce et tel autre

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LP 203 : « Augustinus de eodem. Numquid mox ut nascitur… – …in egestate positum » (In Johannis epistulam ad Parthos tractatus, 5, 3, 4 et 12, PL 35, col. 2014 et 2018). LP 302 : « Nec ita intelligendum sit quod aliquis damnandus sit, si proximum ita prorsus non dilexerit sicut se » (L 74, l. 11-12, forte diffusion). « Si vero animam suam pro fratre suo ponere voluit dando ei panem, perfectior judicabitur » (L 74, l. 16-17). Cfr M. L. Colish, Peter Lombard, p. 475-480. Voir l’importante étude de A. Rydstrøm-Poulsen, The Gracious God. Gratia in Augustine and the Twelfth Century, Copenhague, 2002, aux p. 128-139 sur Anselme de Laon, où l’auteur traite cependant sous le nom d’Anselme de textes qui ne lui appartiennent pas directement. LP 173 : « Augustinus. Ab eodem Deo, eodem modo quantum ad Deum offerentem, offertur gratia duobus. Unus ex natura propria, cum sibi placeat, adheret, alius non. Quare iste adherere velit, ille non, nos nescimus ». Sur les données du débat, notamment chez Augustin, cfr W. L. Craig, The Problem of Divine Foreknowledge and Future Contingents from Aristotle to Suarez, Leyde, 1988, p. 59-78, J. Wetzel, « Predestination, Pelagianism and Foreknowledge », dans The Cambridge Companion to Augustine, éd. E. Stump, N. Kretzmann, Cambridge, 2001, p. 49-58, et en dernier lieu avec bibliographie : J. Marenbon, Le temps, l’éternité et la prescience de Boèce à Thomas d’Aquin, Paris, 2005, notamment aux p. 13-20 sur le problème philosophique de la prescience divine.

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à la refuser ?451 LP 173 fait aveu d’ignorance car les deux termes de l’alternative sont également embarrassants : si l’homme est l’auteur de la volonté bonne, le salut est en son pouvoir ; si c’est Dieu, il veut donc le salut des uns et la damnation des autres. Le Liber pancrisis enregistre la grande diversité des solutions possibles. Comme l’insinue déjà la prudence de LP 173, LP 178 insiste sur l’humilité qui doit présider à la compréhension des décrets divins : l’homme est aussi séparé de la providence que l’est la bête de la créature rationnelle 452. La mise en garde augustinienne, inspirée de Rom. 9, 20, influence également LP 177 : la sentence se présente explicitement comme l’exégèse de Rom. 9, 20 et puise à plusieurs œuvres d’Augustin pour apporter différents niveaux d’explication à la prédestination453. L’appel réitéré à l’humilité est accompagné d’un premier essai d’interprétation dans la droite ligne d’Augustin : Dieu libère certains de la massa damnata par un effet de pure miséricorde, tandis qu’il abandonne les autres à la damnation à la fois par justice, mais aussi de manière pédagogique afin d’augmenter la gratitude des élus454. La fin du texte, subtile réécriture d’Augustin, offre à l’homme spirituel une explication plus approfondie, puisque les secrets de Dieu portent non seulement sur la grâce et la justice, mais aussi sur les mérites très intimes des âmes (de animarum occultissimis meritis). L’exemple de Pharaon explicite le principe selon lequel Dieu endurcit le méchant à bon droit (merito)455. Comme l’ont noté les commentateurs, le passage d’Augustin, et ce surtout dans la version qu’en donne le Liber pancrisis, peut donc laisser croire que la prédestination se règle sur la prescience divine et la prévision

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Ces précisions complètent l’exposé de dom Lottin sur la nature du libre arbitre, « Libre arbitre et liberté depuis saint Anselme jusqu’à la fin du xiiie siècle », dans PM, t. 1, Louvain Gembloux, 1942, p. 11-389, notamment aux p. 15-18. LP 178 : « Augustinus. Quid me fecisti… – …qui reprehendis Deum » (cfr Sermones de vetere testamento, sermo 26, 15, éd. C. Lambot, Turnhout, 1961 (CCSL 41), p. 358-359, l. 314-319). LP 177 : « Augustinus. O homo caro non spiritus tu miser qui es cujus valentie qui respondeas Deo (Rom. 9, 20), id est intelligas que Deus facit, scilicet rationibus contra Deum agas quod injuste eligat vel reprobet. O homo tu qui es qui reprehendis Deum ? Melior est fidelis ignorantia quam temeraria scientia » (sermo 27, 4, p. 362, l. 62-64). « Quod alium liberat de eadem massa, misericordia est ; alium non, justum judicium est in quo ostendit liberato quid ei deberetur ut gratius misericordiam habeat ». « Si vis ista nosse ne sis lutum, sed filius perfectus et amicus cui omnia revelantur, tunc recte audies, si qua sunt de animarum occultissimis meritis et de gratia vel justicia, secreta Dei, et de pharaone facile videtur, quia populum Dei afflixerat, merito obduratus, ut signis non crederet, cujus supplitio populum Deus, qui Deum deprecatus erat, erudiret » (cfr Augustinus Hipponensis, De diversis quaestionibus octoginta tribus, 68, 2, éd. A. Mutzenbecher, Turnhout, 1975 (CCSL 44A), p. 176, l. 41-42 ; 68, 3, p. 179, l. 101-103 ; 68, 4, p. 179, l. 104110).

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des mérites 456, ce qui revient implicitement à compromettre la gratuité de la prédestination457. Le Liber pancrisis fournit des armes en ce sens : LP 176 est un montage de quelques citations du De diversis quaestionibus ad Simplicianum dont l’une est d’ailleurs corrigée par Augustin dans ses Retractationes458. En outre, LP 174, sous l’attribution erronée à Augustin, présente un extrait ambigu de l’Ambrosiaster sur Jacob et Esaü : sa position, proche de celle reprochée plus tard à Pélage, peut mener à faire de Dieu un dispensateur de grâces dont il se borne à prévoir le bon usage459. Une veine similaire à celle de LP 173-174 a inspiré à Anselme LP 184 où il s’efforce de systématiser, avec l’exemple de Pharaon, l’enseignement de l’Ambrosiaster, tout en sauvegardant la libre préparation de la grâce par Dieu460. Peut-être dans la dépendance d’Anselme, Abélard exploite, en l’abrégeant, le passage dans son Sic et non : le logicien interprète l’intentio auctoritatis comme porteuse d’une contradiction puisque dans le cas de Paul et Pharaon, Dieu semble juger selon la prescience, alors que dans celui de Saul et Judas, il agit en vertu de sa justice et non selon la prescience461. Le montage de citations de l’Ambrosiaster donne ainsi la matière à deux exercices différents : dans un cas, Anselme systématise l’autorité ; dans un autre, Abélard invite à la concilier, après avoir simplifié deux passages du même auteur462. En LP 175, d’inspiration augustinienne, les cas de Pharaon, Jacob et Esaü sont à nouveau sollicités pour affirmer les modalités de la prédestination qui, cette fois, n’est motivée que par la volonté divine en son absolue liberté463. La prédestination est un décret antérieur à tout mérite. De plus, une série de cinq 456

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Cfr les notes complémentaires 80 et 81, « Grâce et justice » et « La grâce prévenante », Mélanges doctrinaux, éd. J. Boutet, J.-A. Beckaert, G. Bardy, Paris, 1952 (BA 10). Sur la tension entre mérites et jugement divin, cfr P. von Moos, « Le Secret de la prédestination », Micrologus. Il Segreto – The Secret, 14 (2006), p. 9-40, aux p. 25-28. LP 176 : « Augustinus. Ergo cujus vult miseretur… – …meritum voluntatem operatur » (De diversis quaestionibus octoginta tribus, 68, 4-5, p. 179-181, l. 122-124, 126-129, 135-136, 143-146, 153). LP 174 : « Augustinus. Deus nullum dampnat… – …a precio videtur » (Ambrosiaster, Commentarius in epistolam ad Romanos, 9, 11-13, 1, éd. H. J. Vogels, Vienne, 1966 (CSEL 81-1), p. 312, l. 21-22, p. 314, l. 31-2 ; 9, 15, p. 318, l. 10-13 et 16-18 ; 9-16, p. 320-322, l. 31-3). La gratuité de la prédestination éternelle est réaffirmée par la sentence introductive d’Anselme : « Nota quod quibusdam nec gratiam apponit, cum aliis infert eam quasi coactis » (L 34, l. 1-2, faible diffusion). Petrus Abaelardus, Sic et non, q. 26 « Quod de praescientia Deus judicet et non », s. 1-2, p. 169, l. 1-17, tout est commun avec L 34, sauf les l. 1-2 et 6-8 de L 34, absentes chez Abélard : « Nota quod… – …quasi coactis » et « de quibus Ambrosius… – …erant boni et ». Abélard oppose ainsi comme contraires les lignes 2-6 et 8-15. On trouve une version plus complète du passage : Petrus Lombardus, Collectanea in epistolas Pauli, Ad Romanos, 9, 22-23, PL 191, col. 1467D-1468B. LP 175 : « Augustinus. Hunc per misericordiam… – … neutro est iniquitas », « Jacob gratia electus – …gratia reprobatus » (cfr par exemple Epistulae, 186, 17 (CSEL 57), p. 59, l. 17-18 et De diversis quaestionibus ad Simplicianum, 1, 2, 10, p. 34, l. 273-274).

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sentences (LP 179-183) donne une explication concordante de chacun des fameux versets pauliniens qui portent sur le potier et la liberté dont il peut user envers ses vases (Rom. 9, 20-23). Influencées par Augustin ou de sa plume, elles se présentent comme de courtes gloses qui mettent particulièrement en exergue la pédagogie divine. La lettre à Héribrand (LP 172), en plus de remarquables précisions sur la nature du travail théologique, renferme aussi une importante mise au point qui tient compte de toutes les données du débat. La position d’Anselme ne saurait être qualifiée univoquement de conservatrice ou traditionnelle, car cela signifierait l’uniformité ou la conservation ne varietur de la tradition théologique sur un sujet en fait disputé. Anselme complète l’examen du problème en lui donnant une assise anthropologique : la question du salut ne peut être résolue qu’en tenant compte des conditions historiques de son effectuation. Or, pour le maître, il est essentiel d’indiquer le rôle du libre arbitre dont l’infirmité face au bien est rappelée, conformément à la tradition augustinienne464. Par rapport au point laissé en suspens par LP 173, c’est-à-dire l’origine du salut, Anselme prend un parti des plus fermes : la volonté humaine exerce effectivement une action salutaire, mais celle-ci se fait sous l’influence d’une ‘prémotion’ divine465. Contre l’Ambrosiaster, Anselme ne considère donc pas le salut in abstracto en cherchant à retrouver le point de vue de Dieu, ce qui revient à mettre en concurrence la prescience et la prédestination. Il préfère souligner la réalisation historique de la volonté divine qui emprunte les voies complémentaires de miséricorde et de vérité466. Cet exemple apporte ainsi une nouvelle lumière sur la pratique pédagogique d’Anselme : plutôt que de réconcilier un couple de concepts abstraits, le maître s’emploie à montrer la concordance qui existe entre deux attributs d’origine biblique. La volonté humaine possède la capacité de s’unir à celle de Dieu, si elle répond favorablement et librement à l’appel de la grâce. La réprobation du méchant n’est donc pas plus l’objet primaire de la volonté divine que ne l’est le mal en général. Vouloir la damnation n’est pas l’expression d’une volonté positive pour

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« Porro constat Deum fecisse rationalem creaturam libere voluntatis ut possit mereri, ipsa autem libera voluntas per se non potest, vel ad majus dirigi, vel in bono in quo facta est persistere ; per se vero potest, si sibi ipsi relinquitur, corruere » (L 230, l. 22-25) ; cfr G. R. Evans, Augustine on Evil, Cambridge, 1982, R. Saarinen, Weakness of the Will in Medieval Thought from Augustine to Buridan, Leyde, 1994, p. 20-43, et K. Bracht, « Freiheit radikal gedacht. Liberum arbitrium, securitas und der Ursprung des Bösen bei Augustin », Sacris erudiri, 44 (2005), p. 189-217. « Si ergo libera voluntas premonita audit et consentit, a gratia dirigitur ; si renuit, relinquitur et sibi relicta corruit » (L 230, l. 27-29). Ce qui répond à la question posée par Abélard : « Quod bonam voluntatem nostram gratia Dei non precedat et contra » (Sic et non, q. 139, p. 484-486). « Cum enim universe vie Domini sint misericordia et veritas (Ps. 24, 10), sicut vult quod est misericordie, nihilominus vult etiam quod est justitie » (L 230, l. 30-32).

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Dieu, mais d’un simple abandon467. C’est à la lumière de ce principe qu’il convient de comprendre les passages de Paul et d’Augustin qui insistent sur la primauté de la volonté divine par rapport au salut468 : incliner au mal, ce n’est pas priver d’un bien dû, mais seulement nier un bien qui n’est pas dû. Les autres sentences du Liber pancrisis privilégient les aspects moraux de la volonté divine à partir du problème, déjà abordé, de la place des méchants dans l’ordre du monde. Alors que les sentences LP 179-183 contiennent en germe une théodicée, les extraits LP 185-192 considèrent la situation subjective de l’homme confronté au mal. Le principe réaffirmé par Anselme en LP 188 demeure celui de l’absolue sagesse de la volonté divine, à la fois juste et miséricordieuse469. La règle normale, selon LP 189 et 190, veut que Dieu distribue de préférence les biens temporels aux mauvais et les adversités aux bons afin d’augmenter la culpabilité des premiers et d’éprouver davantage les seconds470. Pourtant, pour ne pas trop affliger les élus, Dieu sait tempérer cette règle471. Le mal subi permet ainsi de perfectionner les élus et de corriger les méchants. Même la mort des enfants est, d’après Augustin en LP 195, occasion de progrès spirituel pour les parents et peut-être même de mérites pour ces nouveaux Innocents472. Les conséquences de cet enseignement pour le corps ecclésial sont également abordées. Comme le rappelle Augustin, l’existence d’hommes 467

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« Non enim Deus auctor et incentor est mali sed dum juste, ut diximus, relinquit, rationalis creatura in reprobum sensum traditur, induratur, precipitatur » (L 230, l. 35-37). Cfr pour les l. 39-44 : Rom. 9, 18 ; 1, 26 et Augustinus Hipponensis, De gratia et libero arbitrio, 42-43, PL 44, col. 908D-909A. « Justitia Dei alia patiens, alia exigens » (L 33, l. 1, forte diffusion). La première sentence de LP 189 est de Grégoire (Moralia, 1, 36, 51 (CCSL 143), p. 52, l. 5-6), la suite paraît originale : « Idem. Occultius est Dei judicium cum bonis bene et malis male quam cum bonis male et cum malis bene in hoc mundo est. Boni enim in futuro premium suum expectare debent, mali vero penam et iccirco boni mala interim debent pati et mali bona habere. Cum ergo in hoc seculo boni habent bona, mirandum est et timendum ne divina justicia sciat eos futuros malos » ; cfr aussi LP 190, d’attribution grégorienne erronée : « Justi autem remoti et abjecti et quasi Deo cura non sit de eis, quia permittit eos multis iniquorum persecutionibus crudeliter affligi et plurima temporalium dampna multociens perpeti. Sed hoc totum dispensatione Dei previsum est, quia si justi prosperitatibus hujus vite affluerent, viderentur pro temporalibus servire et hoc premium laboris eorum aliamque recompensationem in futura vita non esse sperandam. Malis vero ad cumulum dampnationis in presenti copia rerum cito labentium datur. Quanto plus hic prosperantur, si Deum a quo hec dantur non recognoscunt, tanto amplius in futuro dampnabiles judicabuntur ». Cfr LP 191 : « Augustinus de eodem. Due sunt benedictiones… – …nescientibus malis exultat » (Enarrationes in psalmos, In ps. 66, 3 (CCSL 39), p. 858-860, l. 1-2, 9-14, 25-30, 47, 5556, 50, 70-71). LP 195 : « Augustinus de illis qui emendantur aut deteriorantur in dolore aut morte parvulorum suorum. Novi aliquid operatur… – …aliquid perpessi sunt » (De libero arbitrio, 3, 23, 230-231, éd. W. M. Green, K.-D. Daur, Turnhout, 1970 (CCSL 29), p. 315, l. 35-48 = Epistulae, 166, 7, 18 (CSEL 44), p. 572-573, l. 3-1).

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irréductiblement mauvais ne doit pas conduire à déserter l’Église473. Au contraire, celle-ci a le devoir de les supporter comme le Christ l’a fait avec Judas. Seul un procès public peut amener au retranchement hors de l’Église, sinon il faut supporter patiemment le mal474. Si le mal est signe d’élection et moyen de salut, est-il pour autant question de le favoriser ? L’enseignement de Grégoire en LP 187 tempère les conséquences potentiellement radicales des autres sentences : les bons doivent éviter la compagnie des méchants si leur salut est en cause475. LP 192, d’origine probablement scolaire, reprend les grands éléments du débat : dès lors que les méchants sont tellement utiles à l’Église, pourquoi les punir ?476 Le problème est situé par rapport à l’économie du salut : leur mauvaise volonté sert un temps pour manifester les mérites des bons477. Pourtant, l’auteur indique une exception qui justifie l’intervention de l’Église et du pouvoir temporel : si Dieu se réserve le jugement des choses cachées, les institutions visibles ont le devoir de châtier, par des peines temporelles et spirituelles adaptées, les fauteurs de mal478. Le libre jeu de la volonté divine met donc directement le monde en mouvement, tout en utilisant occasionnellement des causes secondes, l’Église ou les rois, comme agents de la justice divine. La réalisation de la volonté divine est examinée également par les sentences anselmiennes LP 193-194 et 196-200. Par rapport aux sentences précédentes du Liber pancrisis, elles apportent des vues systématiques et un cadre de classement, sans doute redevables à leur origine scolaire. Elles ne s’engagent pourtant pas dans les débats liés à l’omnipotence divine : alors que la décennie suivante, Abélard se demande si Dieu peut tout et si sa vo473

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LP 186 : « Augustinus. Nonnullos toleramus quos… – …de domo Domini » (Epistulae, 93, 12, 50, éd. A. Goldbacher, Vienne, 1898 (CSEL 34-2), p. 494, l. 10-15). Cfr LP 185 : « Ivo. In Juda exemplum est patiendi malos in Ecclesia. Nisi enim convictus et confessus in audientia multorum reus sit, non est abiciendus ab Ecclesia etiam ille qui confitebitur sacerdoti reatum, si non vult facere quod sacerdos injunxerit, non tamen separabit nec presbiter potest eum accusare de illis que confessus est ei et non eum nominatim excommunicare si tale quid sit quod reddere debeat et nolit, postquam non pluribus est confessus, etiam sacramentum dominici corporis non potest ei prohibere ». LP 187 : « Gregorius. Cum prophete dicitur increduli… – …assidui iniquitate sermonis » (Homiliae in Hiezechihelem prophetam, 1, 9, 22-23, p. 135-136, l. 456-504). LP 192 : « Augustinus. Locus malorum in mundo est probatio bonorum, sicut enim in fornace probatur aurum (cfr Sap. 3, 6), ita boni in persecutione que fit a malis. Sed dices : si utiles sunt mali ad augmentum virtutis bonorum, peccant igitur judices et Dei ministri qui propter justiciam occidunt malos ». « Scias igitur quia Deus utitur eorum malo ad bonum, ipsi tamen dampnantur propter malam voluntatem suam. Sicut pater corrigit filium virga quam deinde fractam ponit in ignem, sic autem statuit ut per tormenta malorum purgarentur boni ». « Ipse enim solus judicat de occultis. Quorum alii gladio spirituali sauciant ut sacerdotes, alii corporaliter dampnant ut reges et eorum ministri quos iccirco voluit de apertis judicare, ut non liceret malis ultra persequi id quod boni possunt pati et ut malis palam retribuat quod meruerunt ».

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lonté peut être tenue en échec, la question semble réglée pour Anselme479. En effet, les sentences LP 196-198, malgré quelques différences de formulation, s’accordent pour distinguer les diverses espèces de la volonté divine : Anselme de Laon sépare nettement la volonté salvifique universelle de Dieu, volonté efficace en son genre mais conditionnée qui appelle tous les hommes au salut480, et la volonté essentielle toujours suivie d’effets481, elle-même distincte en volonté permissive pour le mal et volonté positive pour le bien482. Volonté salvifique et volonté essentielle correspondent donc exactement à ce que la théologie classique nommera ‘volonté antécédente’ et ‘volonté conséquente’, tandis que LP 196 développe la volonté de précepte (l. 26-57), qui est une des parties de la ‘volonté de signe’ 483. Celle-ci signifie la volonté de Dieu, notamment le précepte qui impose un acte au nom de l’obéissance. S’en écarter revient à sombrer dans le non-être : l’idole répond parfaitement à une définition qui a aussi arrêté Abélard484. Dieu ne fait que fournir la matière à un objet détourné de sa finalité par la volonté humaine485. Le mal moral est aussi abordé de façon plus analytique par Anselme. Approfondissant les vues de Grégoire486, le maître identifie en LP 194 trois

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Petrus Abaelardus, Sic et non, q. 32 et 33, p. 180-182 : « Quod omnia possit Deus et non » et « Quod Deo resisti non possit et contra » ; q. 35-37, p. 184-188, cfr I. Boh, « Divine Omnipotence in the Early Sentences », dans Divine Omniscience and Omnipotence in Medieval Philosophy. Islamic, Jewish and Christian Perspectives, éd. T. Rudavsky, Dordrecht - Boston Lancaster, 1985, p. 185-211, aux p. 196-200 et La puissance et son ombre, de Pierre Lombard à Luther, éd. O. Boulnois, Paris, 1994, aux p. 33-37. LP 196 : « Dicitur enim voluntas Dei bona, qua operatur in sanctis suis, quia videlicet fecit sanctos suos benivolos erga Deum et proximum, secundum quod dicitur : vult Deus omnes salvos fieri (I Tim. 2, 4) » (L 31, l. 13-15, moyenne diffusion) et LP 198 : « una misericordie, que non est cogens, nec aliquid libero arbitrio aufert, qua omnes homines vult salvos fieri (I Tim. 2, 4) » (Enarrationes in Mattheum, 6, PL 162, col. 1307B). LP 196 : « Dicitur enim voluntas essentie, que est in ipso Deo, scilicet dispositio vel ordinatio secundum quam disponit omnia bona vel mala, de qua dicitur : omnia quecumque voluit fecit (Ps. 134, 6) et voluntati ejus quis resistit ? (Rom. 9, 19) » (L 31, l. 9-11) ; LP 198 : « Est alia que est de effectibus rerum, de qua dicitur : omnia quecumque voluit fecit (Ps. 134, 6). Huic nemo potest resistere, de qua dicitur : voluntati ejus quis resistet ? (Rom. 9, 19) » (PL 162, col. 1307B) et LP 197 : « Dicitur nullus posse resistere voluntati Dei (cfr Rom. 9, 19), quia quicquid voluit fecit (cfr Ps. 134, 6) » (L 32, l. 1-2, faible diffusion). LP 198 : « Permittens est que efficiat malum quandocumque vult. Approbans autem est quod faciat bonum quandocumque vult, et utraque est ex justitia » (PL 162, col. 1307C). Cfr A. Michel, « Volonté de Dieu », dans DTC, t. 15-2, 1950, col. 3322-3374, aux col. 33473349. Petrus Abaelardus, Sic et non, q. 39, p. 189-190 : « Quod opera hominum nihil sunt et contra ». LP 196 : « Omnia enim artificis opera divina scriptura ideo nichil esse dicit (cfr I Cor. 8, 4), quia licet eorum materiam Deus creasset, in illo tamen statu ut ei divinus cultus exhiberetur non creavit » (L 31, l. 59-61). Le verset paulinien est également cité par Abélard (Sic et non, p. 190). Cfr Gregorius Magnus, Homiliae in evangelia, 1, 16, PL 76, col. 1135C-D.

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raisons possibles de chute : le prochain, le diable ou la chair487. L’approche n’est toutefois ni désincarnée ni platement didactique, mais manifeste un sens aigu de la responsabilité morale. Anselme, en effet, s’attarde beaucoup sur les péchés inévitables, liés à la délectation que l’homme, suite au péché originel, trouve dans la chair488. En ce sens, le mouvement de la chair est un désordre objectif hérité, mais qui, à l’instar de l’ignorance, ne saurait être imputé comme péché grave489 : on retrouve la même problématique chez Abélard, où Augustin signale que le péché existe aussi en tant que peine du péché originel490. Il n’en demeure pas moins qu’Anselme, avant Pierre Lombard, voit dans le mouvement indélibéré un péché véniel qui exige la réception du baptême, de même que le plaisir sexuel irrépressible trouve son remède dans le lien matrimonial491. En raison de l’imputabilité de cette faute, la responsabilité humaine est donc pleinement engagée dans les désordres sensibles. Comme à l’homme mauvais, Anselme leur trouve une utilité spirituelle élévée : ils aident à conserver l’humilité et préviennent tout mépris pour Dieu492. Au même titre que le péché originel, le mouvement sensible désordonné représente une felix culpa, dont la gravité est moindre mais dont l’utilité n’est pas négligeable pour progresser dans la vie spirituelle. La tentation fait également l’objet d’éloges appuyés de la part d’Anselme en LP 193 et 199. On y découvre un aspect moins connu de la personnalité de 487

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LP 194 : « Tribus modis temptatur homo per suggestionem, scilicet vel ab inimico visibili, id est homine, vel invisibili, id est diabolo, vel propria carne » (L 85, l. 1-3, forte diffusion). « Inevitabilis vero delectatio est motus quidem animi inviti legi carnis subjectus » (L 85, l. 35-36) et LP 200 qui montre que le mépris consécutif à un mouvement déréglé est involontaire : « Est alius modus ubi non persona contempnit Deum, sed ipse actus, quando scilicet ignoranter peccamus, vel non ex voluntate, sed ex invicibili necessitate » (L 87, l. 1113, moyenne diffusion). Nos précisions complètent les exposés de A. Landgraf, « Partes animae norma gravitatis peccati. Inquisitio dogmatico-historica », Bohoslovia, 2 (1924), p. 97117 et 269-295, consulté dans la version brochée de 1925 et O. Lottin, « Les mouvements premiers de l’appétit sensitif de Pierre Lombard à saint Thomas d’Aquin », dans PM, t. 2, Louvain - Gembloux, 1948, p. 493-589, aux p. 494-496. Anselme lie donc le désordre de l’appétit sensitif au péché originel, cfr O. Lottin, « La nature du péché d’ignorance depuis le xiie siècle jusqu’au temps de saint Thomas d’Aquin », dans PM, t. 3-2, Louvain - Gembloux, 1949, p. 11-51, aux p. 12-18. Petrus Abaelardus, Sic et non, q. 145, p. 499-502 : « Quod aliquando peccamus nolentes et contra ». « Hec autem infirmitas, ut dictum est, venialis est et precedentem baptismum remedium habet, sicut et libido, quam nec conjuges in coitu possunt refrenare, remedium habet sacramentum nuptiarum » (L 85, l. 43-46). « Hanc autem infirmitatem sive necessitatem sive, ut quidam volunt, propassionem nobis ad agonem Deus reliquit. Que ad humilitatem conservandam, si volumus, multum est nobis utilis. […] De hac tamen infirmitate dolere debemus quod in hanc necessitatem ex culpa primi parentis dejecti sumus. Nisi enim hoc doleremus, Deum apertissime contemneremus et juste a Deo dampnaremur » (L 85, l. 39-40 et 46-49). La thématique du « préaffect » n’est pas propre aux écoles, mais se trouve aussi développée dans le monde cistercien, voir D. Boquet, L’ordre de l’affect au Moyen Âge. Autour de l’anthropologie affective d’Aelred de Rievaulx, Caen, 2005, p. 208-210.

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l’écolâtre, celui de maître spirituel. Les tentations sont pour lui autant d’occasions de perfectionnement spirituel qui rythment le chemin emprunté par le chrétien. Selon le schéma classique de la vie spirituelle, trois étapes attendent l’élu : dans un premier temps, le commençant, tout juste libéré du mal, implore le pardon de ses fautes passées, non sans avoir encore à combattre les tentations renaissantes493. Une fois confirmé, le progressant peut alors affronter plus en sécurité le monde et ses embûches494. Au terme de la progression, seul le parfait établit la paix en lui et peut espérer mettre en pratique l’esprit des Béatitudes495. Il y a donc chez Anselme une vraie théologie du salut et de la vie spirituelle qui, pour demeurer à l’état d’ébauche, n’en est pas moins remarquable : les distinctions de la volonté divine montrent que seul le libre arbitre humain peut rendre, d’une certaine manière, la volonté salvifique inefficace. Cette considération doit mener l’homme à rendre sa volonté conforme à celle de Dieu496. On espère avoir amplement montré que l’enseignement d’Anselme ne saurait se réduire à une « espèce de catéchisme »497. Si le maître délaisse les questions spéculatives comme celles relatives à la Trinité, il n’en est pas moins un esprit fin et délié ainsi que le prouvent son intérêt maintes fois noté pour l’intériorité ou l’intention morale ainsi que sa souplesse en matière d’application des lois ecclésiastiques. Anselme n’est pas uniquement l’homme dépendant des auctoritates, c’est aussi un pédagogue attentif à ses auditeurs et capable de prolonger, parfois de modifier, la pensée des Pères. La principale caractéristique intellectuelle du Laonnois est sa modération qui le distingue nettement d’Abélard plus soucieux du débat. Il arrive pourtant que le Liber pancrisis rencontre le Sic et non à propos de problèmes scolaires dont les so493

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LP 193 : « Quia memor est preteritorum et humane miserie, debet ille petere veniam de preteritis vel de renascentibus » (L 86, l. 14-15, faible diffusion) et LP 199 : « Incipientibus vero submurmurat ratio et aliquantulum obviare his que persuadet caro » (L 69, l. 36-37, forte diffusion). « Ecce homo liberatus a malo, confirmatus contra temptationem, habens veniam de preteritis et de renascentibus, bene est munitus contra adversa hujus mundi » (L 86, l. 17-19), L 69 est un peu moins optimiste : « Cum vero proficiunt, jam aperte remurmurat ratio, minusque prevalens caro jam non ita resistere potest, resistit tamen multum, adeo ut sepe ratio relabatur » (L 69, l. 40-42). « Sed modo ita munitus vult ascendere ad illa superiora que tantum in superioribus creaturis, ut in angelis, vere et proprie sunt, ut ad veram misericordiam et ad cordis munditiam et ad veram pacem, scilicet in qua filii Dei sunt » (L 86, l. 19-23) et « In his nulla est pugna, quare et pacem habent, de quibus dicitur : beati pacifici (Matth. 5, 9). His enim perfecta est pax et ad Deum et ad proximum et in se, sed hoc genus est rarissimum » (L 69, l. 46-48). « Ille dicitur habere bonam voluntatem apud Deum, cui placent omnia quecumque facit Deus vel dicit, cum vivamus non propter nos, sed propter Deum, sive exasperet, sive blandiatur » (L 69, l. 1-3). O. Lottin, PM, p. 446.

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lutions demeurent ouvertes et disputées. C’est le cas notamment pour la création angélique, la valeur de la circoncision, la nécessité du baptême, le salut des enfants morts sans baptême ou les rapports de la prescience et de la prédestination. Sur ces points précis à la remarquable richesse doctrinale, on a pu mesurer l’ouverture d’Anselme, et plus largement du Liber pancrisis, à des questions que le Laonnois, chronologie oblige, a pu en certains cas lancer ou relancer. Il pratique de la sorte une ‘théologie bien tempérée’ qui constitue sans doute sa marque distinctive. De plus, confrontées aux autres extraits du Liber pancrisis, les sentences d’Anselme indiquent quelle était sa conception de la perfection religieuse : plus qu’un programme de vie promu par une hiérarchie, la perfection, selon Anselme, consiste en un changement dont la source est l’intériorité et qui est appelé à se diffuser par imitation. L’enseignement d’Anselme ainsi compris explique mieux la conversion de certains élèves à la vie apostolique pratiquée selon la règle de saint Augustin, en même temps qu’il rend compte de la diffusion des sentences dans les cloîtres. En promouvant au seuil du xiie siècle une conception à la fois ouverte et exigeante de l’Église, Anselme de Laon campe la figure d’un clerc séculier engagé dans la réforme verbo et exemplo.

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TROISIÈME PARTIE

L’ÉCOLE DE LAON ET LE MOUVEMENT THÉOLOGIQUE DU PREMIER XIIe SIÈCLE

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Cet Anselme de Laon, qui fut, de son vivant, un professeur très entouré, n’était plus même, vingt ans après sa mort, ce que le poète appelle l’ombre d’un grand nom. D’autres maîtres, dont la méthode, n’était pas la sienne, l’avaient fait vite et complètement oublier. B. Hauréau, « De Anselmo Laudunensi », p. 444.

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Comme il a déjà été relevé en introduction, la notion d’école de pensée n’est pas explicitement définie au début du xiie siècle. Cependant, à la suite de l’historiographique allemande, une lecture vitaliste de la scolastique (naissance, apogée, déclin) a dominé les représentations historiques : les écoles doctrinales mènent le monde scolaire, de sorte que la méthode scolastique les fait éclore au xiie siècle lors du printemps de la Frühscholastik, s’épanouir dans la Hochscholastik du beau xiiie siècle avant qu’elles ne connaissent l’automne de la Spätscholastik1. Selon cette perspective, la reconstitution d’un magistère se déduit non d’une confrontation des idées (‘école de’) avec leur milieu d’origine (‘école à’) et un milieu de réception, mais d’une étude linéaire de concepts dont l’historien des doctrines suit le progrès2. L’école d’un maître existe là où l’on peut constater des parentés textuelles soit en raison de la reprise par différents auteurs d’un même texte de base, soit du fait de similitudes doctrinales entre diverses œuvres, ou encore en vertu de la combinaison des deux phénomènes3. Les écrits théologiques du xiie siècle, soumis à un cadre de classement par écoles dont l’initiateur est Martin Grabmann, ont été systématiquement mis en ordre par Arthur Landgraf selon leur rattachement à un chef d’école4. Le caractère par trop systématique de ce classement est évident et repose parfois sur des parentés doctrinales trop ténues pour être représentatives. Afin d’assouplir ce cadre, sans pour autant le rompre, l’étude des écoles théologiques des xiiie-xve siècles fournit d’utiles points de comparaison : l’exemple bien documenté de l’école des augustins5 prouve que, même au plus fort de son rayonnement, cette école théologique, identifiée dès la fin du xive 1

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Cfr M. L. Colish, Remapping Scholasticism, Toronto, 2000, p. 6-7 et J. Taliadoros, Law and Theology in Twelfth-Century England. The Works of Master Vacarius (c. 1115/20-c. 1200), Turnhout, 2006, p. 13-16 sur l’imprécision du concept, et surtout R. Quinto, Scholastica. Storia di un concetto, Padoue, 2001, p. 329-357. « L’École consacrait son attention à la théologie dans toute son ampleur. Elle travailla à son élaboration dans le calme, en s’abstenant scrupuleusement de se mêler aux événements passagers. C’est ainsi qu’elle a été en mesure de créer des valeurs éternelles. […] Aussi bien l’histoire de la théologie de la scolastique naissante peut-elle être présentée sans le rappel de l’histoire politique et ecclésiastique de la période correspondante » (A. Landgraf, Introduction, p. 22). A. Landgraf, Introduction, p. 26-27. La première édition de son Introduction, Ratisbonne, 1948, porte ainsi le sous-titre : « Unter dem Gesichtspunkte der Schulenbildung ». La table des matières de la réédition de 1973 donne une bonne idée du travail de classement accompli, p. 203-209, avec pas moins de douze écoles (Anselme de Cantorbéry, Bruno le Chartreux, Anselme de Laon et Guillaume de Champeaux, Abélard, Hugues de Saint-Victor, Gilbert de La Porrée, Maître Simon, Pierre Lombard, Prévostin, Odon d’Ourscamp, André de Saint-Victor et Guillaume d’Auxerre), cfr les nuances de J. Beumer, « Zum Einteilungsprinzip der frühscholastischen Literatur », Scholastik, 40 (1965), p. 537-557. F.-B. Stammkötter, « L’école des Augustins au Moyen Âge : cinquante ans de recherches », Revue d’études augustiniennes et patristiques, 50 (2004), p. 371-383.

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Troisième partie

siècle au sein de l’ordre comme schola nostra, n’a jamais consisté dans la reproduction ne varietur de la doctrine augustinienne ou dans celle d’un docteur de l’ordre comme Gilles de Rome6. De façon comparable chez les dominicains, Albert le Grand et Thomas d’Aquin peuvent revendiquer une école7, de même que Bonaventure, Guillaume d’Ockham ou Jean Duns Scot chez les franciscains8, chacune d’entre elles étant d’ailleurs loin d’être uniforme. Il est donc évident que pour définir une école, le seul critère interne est nécessaire mais insuffisant, tant la référence à un même auteur fait se recouper convergences et divergences doctrinales9. Les exemples des écoles chrétiennes antérieures comme postérieures au xiie siècle attestent, en outre, que l’idéal d’un ordre ou encore le modèle intellectuel fourni par un auteur est aussi important que la transmission doctrinale10. Il en va de même pour ce qu’il est convenu d’appeler depuis Martin Grabmann, l’‘école biblique-morale’11. L’appellation sert à rassembler les maîtres de la seconde moitié du xiie siècle qui entendent ne pas limiter leur enseignement aux questions spéculatives, mais veulent faire servir la théologie à une réforme générale de la société chrétienne. Cette pédagogie, enracinée dans l’Écriture mise au service de la prédication, caractérise une tournure d’esprit et un idéal propres à des maîtres allant de Pierre Lombard († 1160)12, Pierre le Mangeur († 1179), Pierre le Chantre († 1197) jusqu’à

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A. Zumkeller, « Die Augustinerschule des Mittelalters : Vertreter und philosophisch-theologische Lehre », Analecta Augustiniana, 27 (1964), p. 167-262 ; les contributions majeures d’A. Zumkeller ont été traduites en anglais dans Theology and History of the Augustinian School in the Middle Ages, éd. J. E. Rotelle, Augustinian Press, 1996, notamment « The Augustinian School in the Middle Ages », p. 11-79. Ses conclusions ont été affinées après une controverse sur l’existence de cette école avec B. Hamm, Frömmigkeitstheologie am Anfang des 16. Jahrhunderts : Studien zu Johannes von Paltz und seinem Umkreis, Tübingen, 1982, auquel répond A. Zumkeller, Erbsünde, Gnade, Rechtfertigung und Verdienst nach der Lehre der Erfurter Augustinertheologen des Spätmittelalters, Wurtzbourg, 1984. F.-B. Stammkötter, « L’école des Augustins », p. 380. Cfr les contributions de L. Honnefelder, « Scotus und der Scotismus. Ein Beitrag zur Bedeutung der Schulbildung in der mittelalterlichen Philosophie » et W. J. Courtenay, « Was there an Ockhamist School ? », dans Philosophy and Learning. Universities in the Middle Ages, éd. M. J. F. M. Hoenen, J. H. J. Schneider, G. Wieland, Leyde - New York - Cologne, 1995, p. 249-262 et 263-292. Le fait est illustré, par exemple, pour une école théologique contemporaine prestigieuse par L. F. Ladaria, « Rome. La Grégorienne », dans Le devenir de la théologie catholique mondiale depuis Vatican II, 1965-1999, éd. J. Doré, Paris, 2000, p. 7-25. Cfr déjà A. Landgraf, Introduction, p. 27 et p. 61, F.-B. Stammkötter, « L’école des Augustins », p. 381-382, H. J. F. Reinhardt, « Laon, Schule von », dans Lexikon des Mittelalters, t. 5, 1991, col. 1712-1714 ; voir dans le même sens, B. Bitton-Ashkelony et A. Kofsky, The Monastic School of Gaza, Leyde - Boston, 2006 qui montrent que l’unité d’une l’école vivante du ive au viie siècle tient non à une transmission monolithique mais un idéal ascétique commun. M. Grabmann, Die Geschichte, t. 2, p. 467-501. G. Dahan, L’exégèse chrétienne, p. 106-107.

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Étienne Langton († 1228)13. Pour déterminer l’existence d’un magistère au premier xiie siècle, il importe donc autant d’évaluer le succès de telle ou telle doctrine distinctive14 que celui d’une méthode intellectuelle15. Plus largement, l’enquête se doit de prendre en compte la survie du nom magistral ainsi que la fonction qu’il occupe dans un système de références scolaires16. Le fonctionnement d’un magistère ne saurait, par conséquent, être épuisé par l’étude doctrinale, mais requiert de déterminer la manière dont le nom du maître fait référence au-delà de l’emprunt littéraire. En ce sens, les verba magistri sont autant les paroles proférées par le maître que celles prononcées à son égard, dès lors que les contours d’une école sont définis par les élèves qui s’en réclament et par ceux que la critique interne permet d’y rattacher17. En montrant qu’elle ne se réduit pas à un contenu textuel, il devient possible d’envisager la vie d’une école ad intra, mais également ad extra avec la diffusion de cet enseignement, la réception par d’autres maîtres et l’utilisation éventuelle de la renommée magistrale au sein de la société. Il est donc indispensable, pour comprendre la manière dont Anselme a pu faire école, de se tourner vers le public scolaire. Celui-ci n’est pas le simple témoin de la parole magistrale, tant la « révolution scolaire » de la première moitié du xiie siècle18 entraîne un changement profond des rapports entre les maîtres et les élèves. La fama magistrale, gage de succès, se mue aussi en signe de contradiction. La renommée qui s’attache à un grand nom attire 13

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Sur cette école, le rôle moteur de Pierre le Chantre et son esprit, cfr J. W. Baldwin, Masters, Princes and Merchants, t. 1, p. 17-46, F. Morenzoni, Des écoles aux paroisses. Thomas de Chobham et la promotion de la prédication au début du XIIIe siècle, Paris, 1995, p. 67-95 et N. Bériou, L’avènement des maîtres de la Parole, p. 30-48. Cfr A. Dondaine, Écrits de la « petite école » porrétaine, Montréal - Paris, 1962, p. 18-20 et 6066 ; D. E. Luscombe, The School of Peter Abelard. The Influence of Abelard’s Thought in the Early Scholastic Period, Cambridge, 1969, Id., « The School of Peter Abelard Revisited », Vivarium, 30 (1992), p. 127-138, à la p. 137 : « Nowhere in the Abelardian sentence collections need we expect to find brand names such as nominales or Abelardiani. But the resemblances between the texts of the school and Abelard’s own writings speak louder than any label in favour of the existence of a distintive school of thought which was inspired by Abelard himself » et C. Burnett et D. Luscombe, « A New Student for Peter Abelard : The Marginalia in British Library Ms Cotton Faustina A. X », dans Itinéraires de la raison. Études de philosophie médiévale offertes à Maria Cândida Pacheco, éd. J. F. Meirinhos, Louvain-la-Neuve, 2005, p. 163186. B. Smalley, « The School of Andrew of St. Victor », RTAM, 11 (1939), p. 145-167, à la p. 145. Cfr le relevé possible pour la seconde moitié du xiie siècle : Y. Iwakuma et S. Ebbesen, « Logico-Theological Schools from the Second Half of the 12th Century : A List of Sources », Vivarium, 30 (1992), p. 173-210. Cfr d’un point de vue doctrinal : « What is ultimately important is not so much what we think Ockham stood for or what we think was the core of his thought, but what they thought of as Ockhamist, which could be a very different and more narrow group of views » (W. J. Courtenay, « Was There an Ockhamist », p. 268). Voir la remise en contexte et la bibliographie indiquées en introduction.

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nombre d’auditeurs dont l’exemple d’Abélard atteste qu’ils ne sont pas sans effet sur l’enseignement du maître : la fameux prologue d’une des versions de sa Théologie (1133-1137) rappelle ainsi que c’est « pour satisfaire la demande de ses élèves » qu’Abélard écrit une somme servant d’introduction à l’Écriture19. L’élève auditeur peut donc se transformer en questionneur et stimuler le maître, parfois même le contredire. Par conséquent, la parole magistrale échappe rapidement à son énonciateur et devient une parole que son auteur originel ne reconnaît parfois plus pour sienne20. Une fois détournés, les verba magistri n’en reçoivent pas moins dans le milieu scolaire l’autorité qui s’attache au nom du maître. Les verba magistri sont donc soumis à une double contrainte. La première, plus ou moins explicite, émane des élèves qui, à partir des années 1120-1130, ne se contentent plus d’exposés épars, mais réclament des synthèses à caractère propédeutique. Cette attention des maîtres aux demandes de leurs élèves n’est pas propre à une école, mais se manifeste chez des personnalités aussi différentes que Pierre Abélard et Hugues de Saint-Victor21. Dans le domaine théologique, le climat que crée cette émulation explique en partie la floraison de recueils permettant de s’orienter parmi les écrits bibliques et patristiques22. Ces collections fournissent une introduction à l’Écriture qui prend, de manière souple, la forme d’un plan historique allant de la création au salut par les sacrements ou bien d’une démarche plus logique organisée selon la trilogie foi, charité et sacrements23. Cette tendance qu’il est convenu d’appeler systématisation24 distingue donc les recueils des flo19

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Petrus Abaelardus, Theologia Scholarium, Prefacio, 1, éd. E. M. Buytaert, C. J. Mews, Turnhout, 1987 (CCCM 13), p. 313, l. 1-3 « Scholarium nostrorum petitioni prout possumus satisfacientes, aliquam sacre eruditionis summam quasi divine scripture introductionem conscripsimus ». C’est tout le sens de l’échange entre Rupert de Deutz et Anselme de Laon ou entre Gautier de Mortagne et Abélard, cfr respectivement les chapitres II (première partie) et II (troisième partie). Le rôle des élèves est tout aussi patent dans la pédagogie hugoniene, bien au-delà du topos du rogatus sum, cfr P. Sicard, Hugues de Saint-Victor, p. 49-54 : « Et cette constante attention à son public a paru être un des traits qui le caractérisaient jusque dans l’enseignement même des disciplines étrangères à la divinitas » (p. 49-50). Voir le recueil de sentences contemporain attribué au juriste Irnerius († 1140) : « « Hec, nobis a Patribus ut dixi tradita, oportunum visum est hoc in loco designare ad instructionem eorum qui prima fidei elementa suscipiunt, ut sciant ex quibus sibi fontibus verbi Dei haurienda sint pocula » (Irnerius, Liber divinarum sententiarum, Instructio, éd. G. Mazzanti, Spolète, 1999, p. 109). H. Cloes, « La systématisation théologique pendant la première moitié du xiie siècle », Ephemerides Theologicae Lovanienses, 34 (1958), p. 277-329. Cfr M. Grabmann, Die Geschichte, t. 2, p. 157-168, J. de Ghellinck, Le mouvement théologique, p. 140-148, H. Cloes, « La systématisation théologique », A. Grillmeier, « Vom Symbolum zur Summa. Zum theologiegeschichtlichen Verhältnis von Patristik und Scholastik », dans Kirche und Überlieferung, éd. J. Betz, H. Fries, Fribourg - Bâle - Vienne, 1960, p. 119-169, ainsi que les réserves de M. L. Colish, « Systematic Theology and Theological Renewal in the

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rilèges où l’influence d’un maître est rarement perceptible. La constitution des recueils, tout en participant d’une professionalisation de la discipline25, échappe toutefois partiellement au contrôle du maître. Si Hugues de SaintVictor a surveillé la copie de son cours sous la forme de Sententiae de divinitate, Pierre Abélard se voit contraint de désavouer certaines des Sententiae qui circulent sous son nom 26. En vertu de la mobilité scolaire, le maître peut donc faire école sans son propre aveu et à partir de matériaux librement réélaborés par d’autres. Au sens large, cette manière de faire école revient à poser le maître comme un modèle dont les élèves s’inspirent avec une liberté variable. Pour déterminer si Anselme de Laon a fait école de la sorte, il convient d’évaluer son influence à l’aune de cette définition du maître comme modèle. L’évolution observée soumet, de manière concomitante, la parole magistrale à une deuxième contrainte27. En effet, pour mener à bien la régulation dogmatique dont ses évêques ont la charge, l’Église du xiie siècle doit donc avant tout s’entendre sur les mots : dans un contexte scolaire où les paroles s’envolent, qui a dit quoi ? Dans quel sens ? Avec quelle(s) autorité(s) ? Les évêques sont donc amenés à intervenir dans le débat scolaire pour y garantir la présence de la sana doctrina. De plus, comme il n’existe pas de frontière étanche entre le monde épiscopal et celui des écoles, il est intéressant de suivre la manière dont les évêques, qui pour certains sont eux-mêmes des maîtres reconnus, tranchent des conflits d’origine scolaire mais qui intéressent plus largement la vie doctrinale de l’Église. Les écoles, dans leur diversité, sont donc à l’origine de la division doctrinale en même temps qu’elles lui portent remède28. Afin de prouver qu’Anselme de Laon a servi de modèle au xiie siècle dans les écoles et plus largement au sein de l’Église, il faut se tourner vers les

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Twelfth Century », Journal of Medieval and Renaissance Studies, 18 (1988), p. 135-156, Ead., Peter Lombard, p. 42-43 ; voir aussi les mises en perspective de P. Maas, The Liber sententiarum magistri A. Its place amidst the sentences collections of the first half of the 12th century, Nimègue, 1995, p. 1-32 et R. Heinzmann, « Die Entwicklung der Theologie zum Wissenschaft », dans Aufbruch – Wandel – Erneuerung. Beiträge zur Renaissance des 12. Jahrhunderts. 9. Blaubeurer Symposium vom 9. bis 11. Oktober 1992, éd. G. Wieland, Stuttgart, 1995, p. 123-138. G. R. Evans, Old Arts and New Theology. The Beginnigs of Theology as an Academic Discipline, Oxford, 1980. C. J. Mews, « The Sententie of Peter Abelard », RTAM, 53 (1986), p. 130-184, repris dans Abelard and his Legacy, Aldershot, 2001. C. Giraud, « Per verba magistri. La langue des maîtres théologiens au premier xiie siècle », dans Zwischen Babel und Pfingsten / Entre Babel et Pentecôte, Sprachdifferenzen und Gesprächsverständigung in der Vormoderne (8.-16. Jahrhundert). Différences linguistiques et communication orale avant la modernité (VIIIe-XVIe siècle), éd. P. von Moos, Zurich - Berlin, 2008, p. 357-373. J. Châtillon, « Guillaume de Saint-Thierry, le monachisme et les écoles : À propos de Rupert de Deutz, d’Abélard et de Guillaume de Conches », dans Saint-Thierry, une abbaye du VIe au XXe siècle. Actes du Colloque international d’histoire monastique Reims-Saint-Thierry, 11 au 14 octobre 1976, éd. M. Bur, Saint-Thierry, 1979, p. 375-394, aux p. 377-382.

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recueils qui lui ont été rattachés, non pour y chercher une filiation intellectuelle étrangère aux pratiques scolaires du temps, mais pour montrer les diverses réélaborations que ses sentences ont connues. Ce retour aux sources nous confronte à des problèmes déjà rencontrés lors de l’examen des commentaires attribués au Laonnois29 : un intérêt inégal pour les manuscrits joint à des comparaisons de critique interne détaillées, mais parfois contradictoires, n’aide guère à s’orienter dans une littérature majoritairement anonyme30. En effet, comme beaucoup de collections de sentences de la première moitié du xiie siècle, les recueils considérés comme laonnois se présentent dans des versions souvent différentes et le plus souvent dépourvues d’attribution31. Les faiblesses d’une base documentaire patiemment rassemblée, et cependant mal assurée, s’expliquent par le caractère novateur des recherches qu’une génération d’érudits a menées des années 1910 à 1960. Idéalement, le travail ainsi effectué eût appelé une reprise systématique et critique de ces éléments épars avant que soit donnée une synthèse explicative. Cependant, les essais d’interprétation anglo-saxons se sont appuyés sur des travaux à la valeur critique hétérogène afin de déterminer l’existence et la portée de l’école de Laon32. La remise en cause par Valerie Flint de la notion même d’école de Laon repose ainsi sur une triple négation33. Les recueils attribués à cette école sont dépourvus de parenté littéraire. Ils ne présentent pas de contenu scolaire, mais purement moral. Ils ne sont pas diffusés dans le milieu des écoles. L’historienne entend rattacher cette littérature sententiaire aux cloîtres qui exprimeraient à travers les recueils leur revendication à l’enseignement. Pour juger de la pertinence de cette thèse, il apparaît indispensable d’y confronter sérieusement la base documentaire mise au jour par l’érudition allemande et française dans la première moitié du xxe siècle. En reprenant à nouveau un matériel manuscrit identifié, nous n’entendons donc pas céder à quelque délectation morose se complaisant dans la critique, toujours aisée, de l’œuvre déjà accomplie, mais souhaitons plutôt confirmer les acquis pérennes et révéler les zones encore à explorer. Ce faisant, il n’est pas question de proposer la solution à tous les problèmes d’histoire littéraire évoqués, pas plus qu’il n’a été possible de le faire pour les commentaires signalés au pre29 30

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Voir le chapitre premier (première partie). L’usage de noms de convention (Sententiae Berolinenses, Atrebatenses ou Anselmi) pour désigner ces recueils n’étant pas fait pour simplifier les choses, nous préférons les nommer en abrégeant les trois premiers mots de leur incipit, ce qui engage moins la critique d’attribution notamment pour les Sententiae Anselmi. D. E. Luscombe, « Masters and their Books in the Schools of the Twelfth Century », Proceedings of the PMR Conference, 9 (1984), p. 17-33. Cfr V. I. J. Flint, « The ‘School of Laon’ », p. 96-104 et M. Colish, « Another Look at the School of Laon », p. 7-22. Cfr les citations données en introduction.

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mier chapitre. Rassembler les renseignements donnés par nos prédécesseurs et les confronter de manière critique aux manuscrits dont ils ont été originellement tirés est une première étape nécessaire (chapitre premier). La modestie de la démarche ne doit pas masquer les profits que l’on peut en escompter. En effet, faire ainsi le partage entre les points scientifiquement acquis et ceux encore à prouver permettra d’apporter ensuite une solution historique plus étayée que les précédentes à la question de l’école de Laon (chapitre II). Enfin, pour mieux apprécier la place de l’école de Laon par rapport au mouvement théologique de son temps, il reste à comparer les recueils laonnois avec les œuvres similaires, contemporaines ou légèrement postérieures, d’Hugues de Saint-Victor († 1141), d’Othon de Lucques († 1146) et de Pierre Lombard († 1160) (chapitre III).

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CHAPITRE PREMIER LES RECUEILS DE L’ÉCOLE DE LAON

Avant même de proposer une interprétation des recueils traditionnellement attribués à l’école de Laon, il est indispensable de les décrire1. Le point peut sembler fort aisé si, avec Valerie Flint, l’on accepte l’idée séduisante que plusieurs des grandes collections (Liber pancrisis, De sententiis divine, Principium et causa et Divina essentia teste) ont été entièrement et correctement éditées2. L’incomplétude et l’insuffisance de l’édition du Liber pancrisis sont désormais suffisamment patentes pour qu’on se dispense de revenir sur le point. En revanche, il est nécessaire, à défaut d’être rassurant, de montrer qu’une identique incertitude règne pour des œuvres dont l’édition devrait rendre inutile le recours aux manuscrits. Même pour les recueils connus par un seul témoin, une reprise à nouveaux frais de la documentation réserve quelques surprises. De plus, lorsque des éditions convenables ont été données, une présentation des témoins manuscrits s’avère utile pour comprendre le contexte de diffusion de l’œuvre et sa portée. Comme pour la diffusion des sentences anselmiennes, l’attention s’est attachée à la copie des témoins et aux différents niveaux décoratifs3. Il a, en effet, paru de bonne méthode d’accorder une confiance égale et quelquefois supérieure au copiste d’un texte médiéval par rapport à son éditeur contemporain. Les éléments descriptifs ne sauraient toutefois recevoir de valeur absolue : il est évident qu’un scribe peut se tromper en recopiant un modèle, ajouter une séparation inopportune ou au contraire réunir des éléments hétérogènes. Toutefois, un examen mené sur plusieurs manuscrits permet de détecter, puis, moyennant un travail critique, de gommer les éventuelles er-

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Pour une première approche, on peut se reporter aux données compilées par F. Stegmüller, Repertorium commentariorum in sententias Petri Lombardi, Wurtzbourg, 1947, p. 374-381, n. 764-809. « Many of the larger collections, such as the Sententiae divinae paginae, the Liber Pancrisis, the Sententiae Anselmi (‘Principium et causa omnium’), and the Sententiae Atrebatenses have been fully and carefully edited » (V. I. J. Flint, « The ‘School of Laon’ », p. 94). De manière générale, comme la décoration peut être réalisée longtemps après la copie, les éléments liés à la copie ont été privilégiés. Cependant, la simplicité extrême de la décoration et de la rubrication fait penser que, dans la grande majorité des cas, les deux étapes ont été effectuées de manière contemporaine.

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reurs individuelles ainsi que de comprendre la copie médiévale des recueils de sentences et par conséquent le statut de ces œuvres. Pour cette enquête, les huit recueils les plus importants ont été retenus : quatre ne sont connus que par un ou deux manuscrits et les quatre autres le sont en moyenne par une dizaine de témoins chacun, ce qui permet de présenter un panorama représentatif de la diffusion du genre sententiaire laonnois. Les recueils rejetés l’ont été soit parce qu’ils ne présentaient que peu de parenté littéraire et doctrinale avec les sentences anselmiennes, soit en raison de leur manque de représentativité, et ce malgré leur caractère laonnois. Entrent dans la première catégorie le recueil Pater iste familias4, les Sententiae magistri A5 et les Sententiae Varsavienses6. On a classé dans la seconde catégorie des recueils moins significatifs comme la collection Prima rerum origo7 et les Sententiae Klagenfurtes (Deus est sine)8 qui remanient des recueils antérieurs déjà pris en compte, ainsi que d’autres recueils incomplets dont la brièveté empêche des comparaisons pertinentes9. Pour chacun des recueils retenus, une présentation uniforme en quatre temps a été privilégiée : l’examen des manuscrits est suivi d’une étude du 4

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Il s’agit d’un florilège patristique dont le lien avec Laon repose sur une confusion liée à une rubrique de Paris, BNF, lat. 16528, signalée au chapitre premier (deuxième partie), cfr aussi A. Landgraf, Introduction, p. 44-46 et F. Stegmüller, Repertorium commentariorum, n. 793. La collection Sententiae magistri A se présente comme un florilège, sans rapport littéraire direct avec les recueils retenus. Il possède toutefois des liens assez assurés avec d’autres recueils associés à Laon, cfr P. Maas, The Liber sententiarum magistri A, p. 67-195. Dans ce recueil, les sentences laonnoises ont été seulement copiées à la suite de Sententiae dont les sources sont Abélard et Gautier de Mortagne, cfr F. Stegmüller, « Sententiae Varsavienses. Ein neugefundenes Sentenzenwerk unter dem Einfluss des Anselm von Laon und des Peter Abaelard », Divus Thomas P., 45 (1942), p. 301-342, éd. p. 316-342, les sentences de l’école de Laon portent sur la volonté (p. 338-340), les vertus (p. 340), la simonie (p. 340-342), le mal (p. 342), et Id., « Die Quellen der Sententiae Varsavienses », Divus Thomas, 46 (1943), p. 375-384, dans le Repertorium, sous les n. 802 et 809. H. Weisweiler, « Die ältesten scholastischen Gesamtdarstellungen der Theologie. Ein Beitrag zur Chronologie der Sentenzenwerke der Schule Anselms von Laon und Wilhelms von Champeaux. 2 Das Sentenzenwerk Prima rerum origo », Scholastik, 16 (1941), p. 351-368 et F. Stegmüller, Repertorium commentariorum, n. 796. H. Weisweiler, « Die Klagenfurter Sentenzen Deus est sine principio, die erste Vorlesung aus der Schule Anselms von Laon. Zum Werden der frühscholastischen Lehre von Schöpfung und Fall, Erlösung und christlicher Moraltheologie », Scholastik, 36 (1961), p. 512-549 et 37 (1962), p. 45-84 et F. Stegmüller, Repertorium commentariorum, n. 776. Il convient de noter que les Sententiae Klagenfurtes présentent un incipit similaire à celui du recueil De conditione angelica et humana étudié infra. Voir les quatre recueils non systématiques de sentences (Augustinus. Semel immolatus est Christus, Deus hominem fecit perfectum, Tribus ex causis, Dubitatur a quibusdam quid sit Zacharias ille) et le traité matrimonial (Decretum Dei fuit, cfr F. Stegmüller, Repertorium commentariorum, n. 771) édités par H. Weisweiler, Das Schrifttum, p. 281-358 et 361-379, ainsi que les quatres recueils fragmentaires (Origo et principium, Antequam quicquam fieret, Filius a Patre gigni, Voluntas Dei relata) et un De novissimis (De resurrectione constat) édités par O. Lottin, PM, p. 330-332, 333-338, 338-342, 343-349, 393-400.

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contenu, ainsi que d’une évaluation de la part occupée par la quaestio. Enfin, on s’est attaché à déterminer précisément l’influence exercée par Anselme de Laon et Guillaume de Champeaux.

Recueils faiblement diffusés Le recueil Divina essentia teste ou Sententiae Atrebatenses Parmi les recueils ayant connu une faible diffusion, l’exemple le plus caractéristique est celui du recueil Divina essentia teste aussi connu sous le nom de Sententiae Atrebatenses : cette collection anonyme est connue d’après le seul Arras, BM, 826 (523)10. Copié vers le milieu du xiie siècle par un scribe unique, le manuscrit est une production du Nord de la France, conservé au xve siècle à Amiens11. De petit format, ses quarante-deux feuillets à longues lignes ont été mutilés et privés de leur fin12. Les feuillets qui nous sont parvenus comprennent une série de sentences identifiées par des titres courants marginaux et séparées par des pieds-de-mouche rehaussés de rouge qui forment l’unité de base du recueil13. Dom Lottin en a publié une première fois en 1938 la plus grande part14 et a repris le résultat sans changement majeur en 195915. Pourtant entre les deux publications, l’éditeur a omis de reproduire une note dans laquelle il précise que son édition est sélective puisqu’elle ne comprend que les trente et un premiers feuillets qui forment, selon lui, la « somme proprement dite »16. De fait, le critère de sélection ayant présidé à ce choix est rien moins qu’évident : en effet, aucun élément décoratif ne permet de séparer le recueil en cet endroit, pas plus d’ailleurs qu’en un autre lieu17. Dans ce cas précis, seul un jugement implicite d’histoire doctrinale a 10

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« Divina essentia teste Augustino… – … remedia contra originale pec[catum] » (1r-42v), cfr F. Stegmüller, Repertorium commentariorum, n. 783. « Iste liber est monasterii Sancti Anthonii Celestinorum de Ambianis » (3r, marg. inf.) et « Celestinorum de Ambianis » (42v, marg. inf.), d’une main de l’époque moderne : « Bibliothecae monasterii sancti Vedasti Atrebatensis. 1626 B 114 » (3r, marg. sup.). Arras, BM, 826, 165 × 100 mm (130 × 70 mm). Voir le détail et l’estimation des pertes par O. Lottin, PM, p. 400, n. 2. On ne relève plus de titre marginal ni d’usage de l’encre rouge dans les derniers cahiers (fol. 27-42), ce qui correspond aussi apparemment à une lacune textuelle. Cfr O. Lottin, « Les Sententiae Atrebatenses », RTAM, 10 (1938), p. 205-224 et p. 344-357. O. Lottin, PM, p. 403-440. O. Lottin, « Aux origines de l’école théologique d’Anselme de Laon », RTAM, 10 (1938), p. 101-122, à la p. 103, n. 9 : « À la suite de la Somme proprement dite, on lit dans Arras 523, fol. 30v-42r, une série de sentences séparées. Pour ne pas surcharger la présente étude, nous en parlerons à une autre occasion ». L’étude promise n’a pas paru. Il faut corriger « 30v » en « 31v ». L’arrêt sur un pied-de-mouche au feuillet 31v semble véritablement arbitraire car trois autres séparations du même ordre se trouvent précédemment dans le même feuillet. Le

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servi pour trancher et dire, contre le copiste médiéval, où s’arrête véritablement la somme. L’édition en l’état suppose donc de considérer que les limites du recueil sont fonction d’une cohérence définie a posteriori et sans justification. Le standard de copie très simple laisse supposer que le manuscrit représente la mise au propre d’une série de sentences que rien ne permet extérieurement de distinguer les unes des autres. Il faut donc se tourner vers le contenu intégral du manuscrit pour essayer d’en comprendre la portée, si possible la logique, et rendre ainsi au recueil sa véritable physionomie. D’ores et déjà, il convient de préciser que notre but n’est pas de déterminer la figure littéraire d’un auteur, puisque l’ensemble est une œuvre anonyme de compilation. Il est, en revanche, important de fixer la limite du recueil afin de ne pas confondre le travail conscient d’un compilateur travaillant sur ses sources avec l’œuvre moins significative d’un copiste. Une certaine unité littéraire est assurée par des transitions et des rappels qui rythment les neufs premiers traités sur l’essence divine, la création du monde, le libre arbitre, la chute angélique, la création de l’homme, le péché originel, le Christ rédempteur, les vertus de foi, espérance et charité ainsi que la circoncision18. En revanche, l’exposé sur la prophétie n’est pas directement relié à ce qui précède19. Il en va de même pour la matière sacramentelle, même si les passages sur la pénitence, le baptême et l’eucharistie sont bâtis sur le même modèle20. La confirmation reçoit un traitement différent mais lié à celui du baptême, alors que le manuscrit est lacunaire pour le début du traité sur le mariage21. Le passage sur la simonie, sans doute de Guillaume de Champeaux, est soit un complément soit une pièce indépendante22.

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seul élément discrimant est la présence de titres marginaux qui vont de « de creatione mundi » (4r) à « de re sacramenti » (26v) dans l’exposé sur l’eucharistie. « Divina essentia […]. Cum vero a divina essentia […] creaturam fecit rationalem, angelum scilicet et hominem […]. Creans autem Deus incorpoream et corpoream rationabilem creaturam […]. Corpoream autem creaturam rationalem id est hominem […]. Cum autem constet redimi per Christum tam illos qui erant in naturali lege […]. Diximus superius homines purgari per fidem sub naturali lege, gratia cujus fidei de spe et caritate interposuimus » (O. Lottin, PM, p. 403, l. 1, p. 405, l. 1-7, p. 406, l. 1-2, p. 411, l. 1, p. 417, l. 1-2 et p. 422, l. 1-2). Ibidem, p. 423-425. « De sacramento penitentie hoc modo videtur agendum ut primum videatur ubi ceperit institutio, deinde quid sit sacramentum et res hujus sacramenti » (ibidem, p. 425, l. 1-3) cfr le baptême (ibidem, p. 427, l. 1-7 : « De sacramento baptismatis hoc modo videtur congrue agendum ut scilicet primum ubi ceperit… – …an unum vel plura sint genera baptismatis ») et l’eucharistie (ibidem, p. 433, l. 1-11 : « De corpore Domini sic congrue videtur agendum ut dicatur que sit ejus institutio… – …cur etiam hoc sacramentum cotidie celebretur »). « Potest iterum queri utrum majus sacramentum sit baptismus vel confirmatio » (ibidem, p. 432, l. 1-2). Pour le mariage, cfr ibidem, p. 434, n. 46. « Simoniaca heresis a Symone… – …gignit vel sequitur » (ibidem, p. 429-440) ; concernant la tradition manuscrite complexe des sentences sur la simonie et leur interprétation, voir

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Cependant, si la simonie est associée au recueil Divina essentia teste, rien n’explique de ne pas lui adjoindre aussi la suite qui porte sur l’excommunication23. En revanche, les sentences suivantes, sans s’éloigner forcément de Laon, font double emploi avec ce qui précède : ainsi en va-t-il d’une sentence sur la création, la chute et le salut de l’homme interprétés selon un symbolisme trinitaire24. Le même thème est repris sous un angle différent avec une série de questions toutes liées et portant sur Lucifer, les anges, la grâce adamique, la chute et les effets du péché originel, qui sont extraites du recueil Deus non habet25. En outre, il n’est plus guère possible de trouver de logique à une série de sentences, le plus souvent brèves et à teneur morale, qui s’étendent sur les cinq feuillets suivants26. La fin, incomplète, comprend même la partie déjà signalée de la collection sur la rédemption et la foi27. Si, comme le contenu du manuscrit y invite, l’on accepte prudemment et sans certitude absolue de limiter le recueil aux trente-trois premiers feuillets, il apparaît tout au plus comme formé de trois ensembles : neufs traités cohérents allant de l’essence divine à la circoncision, six sentences sur la prophétie et les sacrements complétant les précédentes et deux appendices pour la simonie et l’excommunication. Seule une comparaison avec d’autres recueils apparentés pourra déterminer l’unité de la collection et dire si nous sommes en présence d’une pratique avérée ou d’une disposition arbitraire imputable à un copiste isolé. Parmi les grands ensembles thématiques retenus, la quaestio apparaît avec force comme l’unité intellectuelle et littéraire de base. Ce mode de présentation, présent chez Anselme, est très régulièrement attesté dans les différentes sections. On note ainsi quelque quarante-six questions dans le premier ensemble correspondant à vingt pages d’édition, pas moins de vingt et une questions dans la partie sacramentaire courant sur seize pages, tandis que les deux dernières sentences n’en comportent qu’une28. Posées indirecte-

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l’importante étude de C. de Miramon, « Spiritualia et Temporalia – Naissance d’un couple », Zeitschrift der Savigny-Stiftung für Rechtsgeschichte, 123, Kanonistische Abteilung, 92 (2006), p. 224-287, aux p. 232-243. « In nova lege habemus auctoritatem… – … in dispositione episcopi est » (Arras, BM, 826, 31v-33r). La sentence est éditée par dom Lottin avec l’appui de deux autres manuscrits comme L 120. « Deus fecit hominem ad suam imaginem… – … tota anima, tota virtute » (33r). « Ezechiel de Lucifero qui cecidit… – … visitabo peccata patrum » (33r-36r). Le recueil Deus non habet est présenté dans la suite du chapitre. « Notandum est quando Ilarius… – …est iniquitas sibi » (36r-41r). « Queritur cum homo factus… – … remedia contra originale pec… » (41r-42r, ibidem, p. 415417, l. 1-3). Pour la première partie (p. 403-423), cfr p. 407, l. 67-77, p. 408, l. 92-96, p. 408, l. 1-9, p. 409, l. 19-21, l. 25-42, l. 43-45, l. 46-49, p. 409-410, l. 50-54, p. 410, l. 55-66, l. 67-79, l. 80-87, p. 410-411, l. 88-92, p. 411, l. 93-97, l. 98-104, p. 412, l. 52-55, l. 56-58, l. 59-63, p. 412-413, l. 64-66, p. 413,

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ment 29, elles servent à annoncer un problème, reviennent de manière lancinante surtout dans le premier ensemble et représentent à ce titre un marqueur pédagogique déterminant. Le traitement habituel est de quelques lignes : il consiste pour le maître à poser une question suivie automatiquement de sa réponse sous la forme Si queritur […] ideo scilicet, ou plus fréquemment encore Queritur […] ad quod dicitur30. Le procédé n’a donc rien de dialogique et suppose uniquement un maître énonçant un problème et le résolvant dans la foulée. Par rapport à cette solution moyenne largement attestée, on trouve le cas unique d’une réponse affirmative non développée31 et quelques rares exemples de quaestiones plus fournies. Un raisonnement plus complexe est ainsi attesté par la question que suscite la nature de la foi des patriarches : Texte de la question (Divina essentia teste, p. 417, l. 19-36)

Structure du raisonnement

Queritur autem quam fidem habuerunt antiqui patres ut Abel et alii justi.

1) Question

Ad quod dicitur quod Deum esse credebant et eum justum remuneratorem digne se inquirentium ut ait Apostolus (cfr Heb. 11, 6).

2) Réponse à l’aide d’une autorité scripturaire

Sed misterium incarnationis non videtur in communi fide illorum cognitum fuisse, cum legatur primum esse revelatum Abrahe, cui dictum est : in semine tuo benedicentur omnes gentes (Gen. 22, 18).

3) Autorité scripturaire faisant rebondir la question

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l. 27-30, p. 413-414, l. 31-37, p. 414, l. 38-40, l. 41-45, l. 46-53, l. 54-59, l. 60-62, l. 63-75, p. 415, l. 1-12, l. 13-22, l. 23-30, l. 31-40, p. 416, l. 41-60, p. 417, l. 1-14, l. 15-18, l. 19-36, p. 417-418, l. 3747, p. 418-419, l. 81-88, p. 419, l. 111-112, p. 420, l. 137-160, l. 161-168, p. 421, l. 172-189, l. 194-199, p. 422, l. 28-38, p. 422-423, l. 39-49, p. 423, l. 59-66, l. 67-70. Pour la deuxième partie (p. 423439), cfr p. 424, l. 10-17, p. 425, l. 48-55, l. 20-25, p. 426, l. 31-47, l. 48-58, p. 427, l. 71-77, l. 86-93, l. 94-101, p. 428-429, l. 37-43, p. 429, l. 54-62, l. 63-66, p. 430, l. 94-99, l. 100-114, p. 430-431, l. 115-130, p. 431, l. 149-156, p. 431-432, l. 157-168, p. 432, l. 172-175, l. 1-11, p. 434, l. 23-28, p. 438, l. 147-149. On relève une question dans la sentence inédite sur l’excommunication : « De illis qui in excommunicatione moriuntur, queritur an sint ponendi in atrio » (32v). Une seule exception : « Quibus autem sit tribuendum hoc sacramentum ? » (ibidem, p. 430, l. 94). Voir pour la première forme par exemple, p. 412, l. 52 et l. 56-57 ; pour la seconde, p. 410, l. 67-68 ou p. 413, l. 27-28, 31-34. On peut signaler pour mémoire la forme rare : « Sed queret aliquis… » (ibidem, p. 410, l. 88). « Item queritur si aliquis infidelis dicat : baptizo te etc., et nullus sit qui dicat : credo, an sit baptismus. Est utique » (ibidem, p. 432, l. 169-170).

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Sed contra hoc opponitur quod dicit Augustinus in Floro : cum veraces cultores Dei qui ei placuerunt ante vel post incarnationem in fide Christi vixerint vel vivant, ipsa valet ad salvandos omnes, ex quo illi fuerunt in Adam corrupti32. Et iterum : nemo antiquorum salvari potuit nisi per fidem Christi (cfr Gal. 2, 16). Nisi enim eis esset cognitus, non revelassent eum nobis modo occultius, modo apertius.

4) Argument contraire consistant dans une auctoritas patristique connue33 et une référence scripturaire

Sed hoc potest intelligi esse dictum de his qui post illam promissionem Abrahe crediderunt, vel etiam de omnibus universaliter potest intelligi. Credebant enim Deum esse remuneratorem digne se inquirentium et quod eos redimeret, licet modum incarnationis ignorabant, que bene erat fides Christi, id est redemptoris.

5) Réfutation de l’argument contraire

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La réfutation d’un argument contraire n’est pas l’unique raison qui explique la complexification relative de la question34. En effet, le schéma simple reçoit également des compléments, lorsqu’il s’agit de proposer des solutions alternatives35. L’origine scolaire du recueil Divina essentia teste semblant difficilement niable, il faut maintenant déterminer si son contenu se rapproche d’un enseignement identifié. De fait, la part d’Anselme de Laon est avérée dans les différentes parties. Elle n’est pas négligeable dans les neuf premiers traités puisque les positions du maître y sont présentes, qu’elles soient nettement rappelées ou plus allusivement évoquées36. Concernant le premier homme, le recueil comprend la solution caractéristique d’Anselme qui considère l’imago dans une perspective christologique et la similitudo de façon métaphysique37. L’empreinte d’Anselme 32

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Augustinus Hipponensis, Epistulae, 190, 2, 8, éd. A. Goldbacher, Vienne, 1911 (CSEL 57), p. 143, l. 14-16 et 19-20. Le même extrait, ici cité d’après Florus de Lyon (Commentarius in epist. Pauli, PL 119, col. 290D), est utilisé par Abélard dans le Sic et non, q. 84, s. 9, p. 303. Voir aussi dans le même sens : « Queritur qua lege justitie Christus diabolum superavit. Ad quod dicitur […]. Sed contra hoc opponitur » (O. Lottin, PM, p. 416, l. 46 et 56). La réfutation est constituée par les lignes 61-85. « Hic queritur quare in bonis angelis, quidam minoris, quidam etiam majoris sint dignitatis, cum omnes in bono perstiterint. Ad quod potest responderi […]. Vel potest dici […]. Vel etiam […] » (ibidem, p. 407, l. 68-77) et « Queritur etiam utrum inter creationem et lapsum eorum [sc. mali angeli] aliquod intervallum fuerit necne. Quod certum non est […]. Sive autem inter illud momentum in quo sunt creati et illud in quo sunt lapsi aliquod intervallum fuerit, determinatum non est » (ibidem, p. 409, l. 25-38). Nous nous appuyons sur les résultats du précédent chapitre auquel nous renvoyons pour les citations complètes des sentences que nous évoquons. « Ad imaginem quia sapiens et rationalis facta est, sicut Dei Filius sapientia Patris est sapiens et rationalis discretionis (…). Ad similitudinem suam fecit Deus animam quia sicut ipse nec crescentibus creaturis crescit nec decrescentibus decrescit, cum tamen in omnibus sit, sic et anima nec minutis membris sui corporis minuitur nec adauctis augetur » (ibidem, p. 411-412, l. 21-33), cfr L 29 et 30.

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est encore plus nette concernant le péché originel : à côté de l’affirmation du créatianisme, on y retrouve la solution anselmienne plus originale sur la délectation que l’âme éprouve une fois infusée dans un corps corrompu38. La question complémentaire sur les raisons de l’infusion par Dieu d’une âme pure dans un corps pécheur reçoit la réponse bien connue : Dieu ne voulait pas changer son plan éternel à cause du péché d’un seul homme39. La manière dont l’âme pèche en entrant dans le corps est traitée de façon proche de celle de LP 94 et d’Hugues de Ribemont : l’âme pèche sans doute volontairement, sans que cela compromette pour autant la nécessité de la rédemption, indispensable quant à l’acte peccamineux posé par l’âme40. La sotériologie reprend un certain nombre de points présents dans le Liber pancrisis : la réflexion d’origine augustinienne sur la nécessité de l’Incarnation se retrouve en LP 14141, alors que la convenance de l’Incarnation du Fils et non d’une autre personne de la Trinité se rapproche de la position de Raoul42. Plus frappant, le recueil reprend ad verbum tout le dialogue anselmien si expressif entre Dieu, l’homme et le démon où le maître met en relief les droits que Dieu possède de racheter sa créature et de s’incarner à partir d’une caro mundissima43. Dans le développement traitant de la foi, de l’espérance et de la charité, est posée la question de l’antériorité de l’amour de Dieu sur celui du prochain : la réponse tirée de la sentence De caritate reprend la distinction entre charité inchoative et charité déjà nourrie44. L’enseignement sur la prophétie est anselmien à plus d’un titre : non seulement il intègre deux sentences d’Anselme en les remaniant légèrement, mais il emploie aussi le passage des Enarrationes transmis par le Liber pancri-

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« Ad quod dicitur quia pro hac immunditia non dampnatur, sed ideo quia in corpore et immundo statim ut infunditur delectatur » (ibidem, p. 413, l. 29-30), cfr L 43, l. 82-86. « Ad quod dicitur quod Deus ab eterno disposuit corpora ab hominibus propagari et novas animas creare et mundas mundis corporibus conjungere, a quo proposito noluit desistere, quamvis homini uni placuisset corruptionem et immunditiam incurrere » (ibidem, p. 413414, l. 34-37), cfr L 44, l. 5-10 et L 45, l. 3-5. « Vel etiam potest dici quod ex voluntate peccat anima et tamen necessaria fuit redemptio, non quantum ad potentiam anime, sed quantum ad actum ipsius » (ibidem, p. 414, l. 72-74), cfr LP 94 (L 43, l. 87-90). « Sed Augustinus dicit : Deo qui omnia potest, alio modo possibile fuit hominem redimere, sed hic modus convenientior fuit » (ibidem, p. 415, l. 26-27), cfr LP 141 (L 348, l. 4-5, sous l’attribution à Augustin). « Ad quod fortasse potest dici quia ratio exigebat ut qui incarnaretur et ex matre nasceretur filius appellaretur, itaque si Pater vel Spiritus Sanctus incarnaretur, esset filius et ita periret discretio personarum » (ibidem, p. 416, l. 43-45), cfr L 232, l. 38-44. « Sed contra hoc opponitur… – …videbatur victus amisit » (ibidem, p. 416, l. 56-85 = L 48, l. 11-40). « Dubitari solet utrum dilectio Dei… – …a dilectione proximi » (ibidem, p. 419, l. 113-123 = L 71, l. 32-42).

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sis sous le nom d’Anselme où les propos d’Isaïe et de Jonas sont considérés plus comme des menaces que des prophéties à proprement parler45. Concernant la partie sur les sacrements, l’influence anselmienne est également patente. Dans la partie consacrée à la pénitence, l’aumône est envisagée selon la grille d’interprétation d’Anselme qui demande de considérer dans le don la nature, l’intention et l’origine46. Le cas du baptême fait écho à l’enseignement d’Anselme : on y retrouve la critériologie fine qui distingue entre possesseurs du sacramentum et de la res comme les bons chrétiens et les enfants, du sacramentum seul pour les méchants, de la res seule chez ceux que la nécessité empêche de recevoir le baptême47. Fort logiquement est également abordé le problème des enfants morts in via sans baptême : à côté d’une réponse rigoureuse de quidam donnée à titre alternatif, la proposition originale d’Anselme, formulée en LP 85, est citée comme solution d’autres quidam pour qui la fides parentum, exempte de négligence, permet l’obtention du salut48. La nécessité de moyen accordée à la confirmation rejoint la position d’Anselme49. De manière similaire au baptême, une solution d’Anselme de Laon et de Guillaume de Champeaux en matière eucharistique est rappelée sous le nom de quidam : contre ceux qui considèrent que le Christ a donné un corps passible à ses disciples, les quidam affirment l’impassibilité du corps remis lors de la dernière Cène50. Dans la partie matrimoniale, la question du

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« Prophetia interpretatur visio… – …secundum consilium Dei » et « Queritur cum boni et mali… – …Balaam et Sibilla » (ibidem, p. 423-425, l. 1-44 et 48-55 = L 82, l. 1-3, 7-21, 45-51, 24-38 et L 83, l. 1-2 et 5-12). Pour les lignes 45-47 du recueil Divina essentia teste (« Quidam autem dicunt quod prophetiis dictis secundum inferiores causas non convenit predicta descriptio, quia improprie Domini prophetie, immo comminationes vocantur »), cfr LP 171 (Enarrationes in Mattheum, PL 162, col. 1252B-C). « Elemosina id est misericordia… – …quia fratri invidit » (O. Lottin, PM, p. 426-427, l. 62-70 = L 79, l. 1-11). « Et notandum quia quidam habent sacramentum et rem sacramenti, ut boni adulti et infantes ; quidam vero sacramentum et non rem sacramenti ut mali qui dampnantur ; quidam vero sunt qui, quamvis sacramentum non habent, rem tamen sacramenti, ut quidam volunt, habent » (ibidem, p. 428, l. 27-31), cfr L 52, l. 20-28. « De parvulis queritur qui neutrum habent, si in via moriantur, dum a parentibus ad ecclesiam ducuntur, si salvantur. Dicunt quidam quod in fide parentum salvantur, si sine aliqua negligentia parentum ad ecclesiam ducantur. Quidam vero dicunt quod dampnantur, quia Augustinus dicit de his : si etiam in manibus sacerdotis moriantur, dampnantur » (ibidem, p. 428-429, l. 37-42), cfr LP 85. « Et notandum quod postquam aliquis adultus est, dampnatur nisi confirmetur, si per negligentiam et non necessitatem enervat » (ibidem, p. 433, l. 17-18), cfr L 60, l. 7-10. « Queritur quale corpus dederit in cena discipulis suis ad comedendum utrum scilicet mortale vel immortale. Ad hoc quidam dicunt quod tale dedit quale erat per naturam, scilicet immortale, quale in monte Thabor discipulis ostendit. Alii vero dicunt quod tale dedit quale erat per voluntatem, scilicet mortale » (ibidem, p. 434, l. 23-28), cfr L 62, l. 10-18 et L 271, 274 et 275.

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mariage des adultères est réglée en conciliant les autorités diverses mais non adverses du pape Léon et d’Augustin, selon les propres termes d’Anselme51. Les deux sentences sur la simonie et l’excommunication sont également proches de textes du Liber pancrisis : la première présente de nombreux points communs avec l’exposé de Guillaume de Champeaux, lui-même apparenté à la sentence LP 89 placée sous le nom d’Yves52. De même, le passage sur l’excommunication offre certaines parentés avec le Liber pancrisis, soit dans les termes comme pour la question de l’excommunication injuste, soit dans l’esprit de tempérance pour l’excommunié mort en faisant pénitence : la question est présentée more scholastico, sans être tranchée rigoureusement, mais en en remettant la solution à l’évêque53. La collection Divina essentia teste est donc représentative des recueils laonnois et de la méthode requise pour les comprendre : une suite de sentences anonymes copiées apparemment sans logique n’est rendue intelligible que par un examen faisant intervenir aussi bien la codicologie que l’histoire doctrinale. On peut conclure fermement que ce recueil est un ensemble de questions théologiques connu par un unique témoin copié vers le milieu du xiie dans le nord de la France et qui porte la marque d’Anselme de Laon et de Guillaume de Champeaux. Si cette conclusion est insuffisante pour assurer l’existence d’un milieu scolaire se réclamant d’Anselme, elle mérite assez d’attention pour être confrontée aux autres recueils que la critique a rattachés à l’école de Laon. Le recueil Quid de sancta ou Sententiae Berolinenses Un autre recueil, découvert et édité par Friedrich Stegmüller, présente des caractéristiques matérielles similaires : la collection Quid de sancta dite aussi Sententiae Berolinenses54 n’est connue que par Berlin, SB, Theol. lat. oct.

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« Notandum vero est quod Leo… – …id est institutionis prohibet » (ibidem, p. 436, l. 59-67 = L 67, l. 1-8). « Simoniaca heresis a Symone… – …vel gignit vel sequitur » (ibidem, p. 439-440), cfr L 281 et LP 89. Cfr par exemple LP 295 pour « Si quis enim, ut dicit Augustinus, indigne excommunicat, non nocet excommunicato » (32r) ; « De illis qui in excommunicatione moriuntur, queritur an sint ponendi in atrio. Auctoritas dicit : quibus vivis non communicavimus, nec mortuis communicare debemus. Si tamen patentes (sic pro parentes) testantur quod in fine penituisset et se satisfacturum promisisset et de hoc pro eo satisfaciant, in dispositione episcopi est » (32v-33r, L 120, l. 71-75), cfr aussi L 477 : « De excommunicatis qui mortui absolvuntur ». « Quid de sancta et individua Trinitate… – …procul dubio imputatur » (1v-15r), éd. F. Stegmüller, « Sententiae Berolinenses. Eine neugefundene Sentenzensammlung aus der Schule des Anselm von Laon », RTAM, 11 (1939), p. 33-61, aux p. 39-61. Le recueil est signalé dans le répertoire du même sous le n. 801.

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140, manuscrit de seize feuillets, datant du milieu du xiie siècle55. Copiés sans doute en France et de provenance germanique probable56, les deux quaternions sont d’un format modeste57 et, tout en étant anonymes, portent un titre de la main du copiste : tractatus de fide catholica58 qui vaut pour les feuillets 1v-15r. Le mode de séparation des sentences est plus élaboré que dans le recueil Divina essentia teste, puisque le texte a une unité intellectuelle donnée par un titre contemporain, mais aussi des respirations notées par un répertoire décoratif très simple à la portée du moindre scribe. Les retours à la ligne et les sauts de lignes permettent de retrouver un découpage thématique qui donne les articulations médiévales et correspondent environ à un feuillet et demi de copie et à une moyenne de 30 à 50 lignes. Le manuscrit, sans être donc soigné, n’est pas informe. Le mot le plus mis en valeur est Diximus avec sept occurrences : la lecture s’appuie toujours sur le résultat acquis pour aller de l’avant, tandis que l’autre grande accroche sur Queritur59 place en exergue la forme du raisonnement60. Dans tous les cas, ces mots en capitales ne permettent pas d’identifier un contenu comme le ferait un titre courant ou une division numérique, ils supposent davantage une lecture continue du texte dont ils soulignent la progression logique. Le recueil Quid de sancta s’organise autour de cinq grands thèmes liés par des transitions qui assurent l’unité littéraire et doctrinale. L’ouverture est formée de questions trinitaires qui portent aussi bien sur l’essence divine que sur les trois personnes de la Trinité61. La suite est un ensemble de questions christologiques qui traitent successivement des raisons et des modalités 55

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Berlin, SB, Theol. lat. oct. 140, cfr A. Fingernagel, Die illuminierten lateinischen Handschriften süd-, west- und nordeuropäischer Provenienz der Staatsbibliothek zu Berlin Preussischer Kulturbesitz 4-12 Jahrhundert, Wiesbaden, 1999, p. 118-119 ainsi que la notice à paraître de Beate Braun-Niehr (SB, Berlin) qui m’en a généreusement confié une version imprimée. On peut seulement signaler un ex-libris des xve-xvie siècles : « Monasterii S. Uldalrici Birgittarum » (1r) dont on n’a pu déterminer l’origine précise, malgré la consultation de T. Nyberg, Birgittinische Klostergründungen des Mittelalters, Lund, 1965, et un index des fondations brigittines dans The Translations of the Works of St Birgitta of Sweden into the Medieval European Vernaculars, éd. B. Morris, V. O’Mara, Turnhout, 2000, p. 257-258. Le saint patron du monastère renvoie sans doute à l’évêque d’Augsbourg Ulrich († 973). 185 × 120 mm (160 × 100 mm). Fol. 1r, dernière ligne de justification. Le pied-de-mouche est alors employé pour donner les articulations d’un texte continu (13v15r) : « ¶ Item queritur de eis qui ob frigiditatem… » (14r), « ¶ Item queritur de illis quibus fiunt maleficia… », « ¶ Queritur utrum aliquis cum filiola… », « ¶ Item queritur de his qui privignos… », « ¶ Item queritur de illis qui baptizant… » (14v), « Queritur de duabus » (sans pied-de-mouche mais avec nota du copiste dans la marge), « ¶ Item queritur utrum quis possit contrahere… » (14v). On trouve aussi des expressions plus complètes en lettres capitales comme « creavit ig d̃s hoĩem dando » (4r, 70 × 5 mm) ou « De his quorum alt̃ ĩnfiđł ÷ alt̃ ů c̃Úsis » (13r, 75 × 3 mm). « Quid de sancta… – …generis dignatus est » (F. Stegmüller, « Sententiae Berolinenses », p. 39-40, l. 1-40).

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de l’incarnation ainsi que de la nature de l’âme du Christ62. Après cet ensemble de portée plutôt spéculative, l’auteur revient à la narration biblique et aborde tous les problèmes liés à la création angélique en insistant particulièrement sur la chute des mauvais anges63. Il en arrive logiquement à la création humaine dont chaque aspect est longuement détaillé, notamment le péché originel64. La création d’Adam et Eve l’amène à parler du mariage pour achever son recueil65. Comme on l’a relevé à propos de la décoration, la quaestio constitue la forme récurrente du raisonnement66. Le plus souvent aussi courte que dans le recueil Divina essentia teste, elle met davantage en avant les auctoritates que le précédent recueil. En effet, alors que celui-ci donnait sa réponse sans toujours y ajouter la confirmation des autorités, bien souvent le recueil Quid de sancta tranche par un ‘nous’ magistral assorti d’une citation67. Il arrive aussi fréquemment que l’auteur laisse la parole à l’autorité : la quaestio se réduit alors à mettre en rapport une interrogation avec sa réponse autorisée68. Il arrive que la question, un peu plus complexe, fasse place à la contradiction : même en ce cas, la citation des auctoritates l’emporte de beaucoup sur l’intervention de l’auteur69. 62 63

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« In hoc loco… – …ad animam Christi » (ibidem, p. 40-42, l. 41-19). « Intelligamus Deum quantum… – …eorum boni confirmarentur » (ibidem, p. 42-44, l. 2024). « Creavit igitur Deus hominem… – …nec secundum tempus » (ibidem, p. 44-55, l. 25-42). « Fecit Deus hominem… – …procul dubio imputaretur » (ibidem, p. 56-61, l. 1-19). On en trouve le vocabulaire : « In hoc loco tres questiones animum pulsant » ou « Sed he questiones modo maneant indiscusse » (ibidem, p. 40, l. 41 et p. 52, l. 31-32), et la forme : p. 40-41, l. 45-7, p. 41, l. 8-13, l. 14-29, l. 30-32, l. 33-40, p. 41-42, l. 41-8, p. 43, l. 22-29, l. 30-37, p. 43-44, l. 38-2, p. 44, l. 3-11, l. 21-23, p. 45, l. 9-21, p. 46, l. 9-17, l. 18-22, l. 23-27, p. 47, l. 7-10, l. 11-13, l. 14-16, l. 17-22, l. 23-25, l. 26-28, l. 29-35, p. 48, l. 11-13, l. 14-16, l. 17-40, p. 49, l. 4-8, l. 9-15, l. 16-18, l. 19-20, l. 21-24, l. 25-31, p. 49-50, l. 32-2, p. 50, l. 3-9, l. 19-31, p. 50-51, l. 32-17, p. 51, l. 18-22, p. 51-52, l. 44-2, p. 52, l. 3-12, 23-32, p. 54, l. 6-12, l. 13-18, l. 19-22, l. 23-26, 27-30, l. 31-37, p. 55, l. 12-21, l. 22-24, l. 25-29, l. 30-34, l. 35-42, p. 57, l. 10-15, l. 16-20, l. 21-27, l. 28-36, p. 58, l. 1-11, l. 12-25, p. 59, l. 10-13, l. 14-22, l. 23-34, p. 59-60, l. 35-3, p. 60, l. 4-11, l. 12-18, l. 1921, l. 22-28, l. 29-34, l. 35-37, p. 61, l. 1-13, l. 14-19. Cfr « Modo queritur utrum Adam plus peccavit an Eva. Dicimus quod plus peccavit Adam eo quod per industriam peccavit […]. Quod peccaverit ex industria possumus comprobare auctoritate Isidori dicentis […]. Et notandum quia Adam non est seductus, sed Eva. Quod possumus comprobare non solum auctoritate Apostoli, sed etiam Augustini in libro de civitate Dei dicentis […] » (ibidem, p. 50, l. 19-24). Cfr inter alia : « Item queritur utrum mortalis vel immortalis sit a Deo creatus. Dicit beatus Augustinus … » (ibidem, p. 46, l. 23-24), « Item queritur utrum anima sit in humano corpore utpote vinum vel aqua sit in utre. Dicit enim Augustinus in epistola ad Hieronymum… » (ibidem, p. 55, l. 30-31) ou « Item queritur utrum quis possit contrahere matrimonium cum qua vivente viro commisit adulterium. Dicit beatus Augustinus in libro de nuptiis et concupiscentiis […] » (ibidem, p. 60, l. 29-32). « « Sed hec questio potest fieri de omnibus : si Deus fecerit omnia simul an non. Quidam dicunt quod Deus non omnia simul fecit […]. Et quod Deus omnia per successionem temporum fecerit videtur beatus Ambrosius velle ubi dicit […]. Sed hoc dicit ne quis creaturas

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Étant donné le nombre relativement faible de thèmes abordés et l’influence prépondérante des Pères, il est difficile de circonscrire précisément l’influence laonnoise. Pourtant quelques passages attestent de contacts entre le recueil et le centre scolaire de Laon. On peut ainsi signaler dans le Cur Deus homo la nécessité pour le Fils de s’incarner afin d’éviter tout risque de quaternité en Dieu, selon des termes qui rappellent Raoul de Laon70. Il est aussi notable que le début se retrouve dans un remaniement de l’Elucidarium contenu dans Wien, ÖNB, lat. 176371. Les questions de théologie trinitaire et de christologie correspondent ainsi parfaitement aux chapitre VI et VII du premier livre remanié de l’Elucidarium d’Honorius Augustodunensis72. Enfin, la présence dans la suite de ce remaniement d’un développement baptismal emprunté à la collection laonnoise Principium et causa situe à tout le moins l’ensemble, l’extrait du recueil Quid de sancta y compris, dans le contexte scolaire du premier xiie siècle73. Le recueil Potest queri quid Quant au recueil Potest queri quid, il s’agit d’une collection de sentences découverte et éditée par Heinrich Weisweiler d’après Zürich, Zentralbibliothek, C 61 et qui porte uniquement sur le péché74. Le manuscrit se différencie nettement des précédents : plus tardif et de dimensions supérieures, il comprend la Summa sententiarum, un sermon attribué à Geoffroy Babion et la première rédaction de la Theologia Scholarium d’Abélard75. Le recueil s’insère dans un ensemble de dix feuillets où l’on trouve des extraits d’Alcuin, des

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absque initio esse crederet. Nos autem dicimus quod omnia simul fecit, freti auctoritate Salomonis qui dicit […]. Quod etiam confirmare possumus auctoritate Augustini dicentis super Genesim […]. Item dicit […]. Item dicit […] » (ibidem, p. 48, l. 17-40). « Si enim Pater carnem accepisset de Virgine, filius utique virginis esset. Si autem Pater filius esset, tunc duo filii essent et sic nomen filii ad alium pertineret. Et sic Trinitas quadripertita esset et confusa. Necessario igitur Dei Filius homo factus est, et non Pater vel Spiritus Sanctus » (ibidem, p. 41, l. 10-13). Le premier à avoir signalé ce remaniement est M. Grabmann, « Eine stark erweiterte und kommentierte Redaktion des Elucidarium des Honorius von Augustodunum », dans Miscellanea Giovanni Mercati, t. 2, Vatican, 1946, p. 220-258, sans que le rapprochement avec le recueil Quid de sancta ait été fait. « Quid de sancta et individua et prestantissima Trinitate… – …ad animam Christi », éd. M. Grabmann, ibidem, p. 251-258 = éd. F. Stegmüller, « Sententiae Berolinenses », p. 39-42, l. 1-19. Cfr l’appendice III d’Y. Lefèvre, L’Elucidarium et les ludicaires, Paris, 1954, « le texte du manuscrit de Vienne », p. 525-531. « Potest queri quid sit peccatum… – …o altitudo divitiarum (Rom. 11, 33) » (50v-53r), éd. H. Weisweiler, Das Schrifttum, p. 260-268. Comme l’éditeur y invite lui-même (Das Schrifttum, p. 188), nous ne retenons pas les deux questions christologiques éditées en petits caractères p. 268-269, l. 19-5 ; cfr F. Stegmüller, Repertorium commentariorum, n. 794. Zürich, Zentralbibliothek, C 61, xiie-xiiie siècle, 60 fol. sur 2 col., 275 × 180 mm, cfr L. C. Mohlberg, Katalog der Handschriften der Zentralbibliothek Zürich, t. 1, Mittelalterliche Hand-

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sentences christologiques et les questions de maître Odon76. Il est aussi connu par la tradition indirecte puisque son texte a été utilisé par la collection Prima rerum origo77. On peut, en outre, ajouter Oxford, Bodleian Library, Lyell 58, manuscrit qui renferme une version proche de celle incorporée dans le recueil Prima rerum origo78. Si la délimitation de ce court recueil non plus que son origine scolaire, perceptible dès l’incipit, ne laissent de doute, l’influence d’Anselme est plus malaisée à déterminer que dans les ouvrages précédents79. Le recueil présente toutefois un air de famille doctrinal avec les sentences laonnoises80. La manière même de présenter une question métaphysique, la nature du mal, en la replaçant par rapport à l’histoire du salut et au statut adamique, en est un premier indice81. L’auteur envisage successivement la nature d’Adam à travers l’étude du libre arbitre, puis la chute angélique, sans que rien ne vienne particulièrement rattacher sa pensée à l’enseignement d’Anselme82. Plus proche de la veine métaphysique de Guillaume de Champeaux est la définition du mal : on y retrouve l’idée que le mal, en tant que déviation de la nature, ne possède l’être qu’au sens large, et non au sens où les créatures et la nature possèdent cet attribut83. Peu significative est la série de questions dédiées aux peines du péché à travers les maux dont souffrent l’homme et les animaux84. L’examen du péché originel est l’occasion de chercher à comprendre pourquoi celui-ci est transmis par les parents chrétiens, en dépit de leur baptême85.

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schriften, Zurich, 1932, p. 34, H. Weisweiler, Das Schrifttum, p. 162, Petrus Abaelardus, Opera theologica, éd. E. M. Buytaert, Turnhout (CCCM 12), 1969, p. 379-380. H. Weisweiler, Das Schrifttum, p. 161-171. Ibidem, p. 171-178. Oxford, Bodleian Library, Lyell 58, xiie siècle, fol. 66r-73r, 116 fol., 200 × 120 mm, provient de Melk, cfr A. de La Mare, Catalogue of the Collection of the Medieval Manuscripts bequeathed to the Bodleian Library Oxford by James P. R. Lyell, Oxford, 1971, p. 176-179. Pour l’importance des questions qui scandent tout le recueil, cfr « potest queri » (ibidem, p. 260, l. 1), « queritur autem », « queritur etiam » (p. 263, l. 14 et 23), « queritur quare », « queritur quare » (p. 264, l. 1 et 9), « queritur autem » (p. 266, l. 27), « sed queri potest, « queritur cum », « queritur cum » (p. 268, l. 10, 19 et 38), sans même relever les autres formes interrogatives directes ou indirectes. Sur le contenu, cfr également H. Weisweiler, Das Schrifttum, p. 182-188. « Potest queri quid sit peccatum et pena ejus, utrum sit aliquid de rebus existentibus. […]. Sed ut hoc melius pateat, altius exordiamur. Deus primum hominem fecit mortalem et immortalem » (ibidem, p. 260, l. 1-6) « Deus primum hominem… – …omne bonum procedit » (ibidem, p. 260-262, l. 6-12), « Cum Deus angelum… – …est creatura Dei » (ibidem, p. 262, l. 13-30). « Quid vero sit… – …esse a Deo » (ibidem, p. 262-263, l. 31-13), notamment la fin : « Quando autem dicitur nichil esse, non negatur istum largum esse, sed illum esse sub quo continetur creatura et natura, que specialiter dicuntur esse a Deo » (ibidem, p. 263, l. 11-13), cfr L 241, l. 7-9 et L 278, l. 25-27. « Queritur autem fames et sitis… – …peccatum originale sentit » (ibidem, p. 263-264, l. 1435). « Qua autem justicia peccatum… – …illis remissum est » (ibidem, p. 264-266, l. 36-27).

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Sans présenter de parallèle littéral avec les sentences d’Anselme ou de Guillaume, l’interprétation providentialiste relevée chez Guillaume est perceptible : le maintien par Dieu du péché originel a vocation pédagogique en ce qu’il aide l’homme déchu à conserver l’humilité86. La question sur les rapports du corps et de l’âme permet de réfléchir sur la manière dont l’âme contracte le péché originel87. On y retrouve la métaphore du vase pour désigner le corps qui corrompt son principe d’animation88. En revanche, si l’auteur du recueil Potest queri quid n’adopte pas la thèse plutôt psychologique selon laquelle l’âme consent à la délectation accompagnant son infusion dans le corps, il insiste, à la façon de Guillaume, sur l’union des deux principes pour expliquer la culpabilité de l’âme89. L’auteur ne peut alors esquiver la fameuse questio ventilata sur la justice d’un Dieu qui laisse damner les enfants morts sans baptême90. La réponse est typiquement laonnoise : Dieu est lié de toute éternité par la loi de propagation des corps et d’infusion des âmes91. Si l’on se demande pourquoi Dieu s’est astreint à cette loi, l’auteur reprend l’explication déjà fournie de l’utilité pédagogique du péché originel92. Il ne se satisfait pourtant pas à si bon compte de cette réponse et tient implicitement pour faibles les justifications qu’il a précédemment alléguées : contre les solutions qui rendent l’âme responsable et donc coupable de son état, pour lui, l’âme de l’enfant est plongée dans un état de nécessité sans avoir les moyens d’y échapper93. L’auteur préfère alors en appeler à

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« Et sicut integritas in primo homine, sicut et in angelo causa ipsi superbie fuit, ita infirmitas magis fuit humilitatis causa. Cum enim in sui nativitate naturam suam non solum infirmam, sed etiam peccato sordidam noverit, quid habet quod postea de bona natura sua glorietur ? » (ibidem, p. 266, l. 13-17). « Queritur autem cum corpus… – …remanere non possit » (ibidem, p. 266-267, l. 28-35). « Sed cum corpus hac ratione, que superius dicta est, peccati contagionem contraxerit, anima que ei infusa est, ex immundo vase illo cui infusa est, contaminata est » (ibidem, p. 267, l. 27-29), cfr L 43, l. 47-53. « Quod tamen mirum videtur in infantibus, cum anima corpore adhuc nichil ibi commiserit nec per delectationem sordibus illius adhuc consentire potuisset. Sed tamen hujus mutue contagionis causa est illa intima unio, per quam due opposite nature in unam personam transeunt. Unde evenit, ut una contaminata alia non sordida remanere non possit » (ibidem, p. 267, l. 30-35), cfr L 260, l. 18-26. « Cur igitur Deus… – …o altitudo divitiarum (Rom. 11, 33) » (ibidem, p. 267-268, l. 36-18). « Quod multum contrarium illi justicie summi Dei nichil nisi bonum volentis videtur, scilicet que causa fuerit tam immerite rei eterne dampnationis ? Sed dicatur quod Deus ab eterno se constrinxit hac lege, quod homines se propagarent, ipse animas infunderet » (ibidem, p. 268, l. 1-5), cfr L 44, 45, 46 et 246. « Sed dicatur quia interitum et infirmitatem dampnandorum utilem novit salvandis » (ibidem, p. 268, l. 8-9). « Quomodo justa infantium sit dampnatio, cum ex necessitate et non suo arbitrio vasi immundo, ex quo sordes traxit, juncta sit nec illam contagionem vitare potuerit nec ipsa sibi aliquid commiserit vel etiam sordes mundare contractas potuisset et ita necessitas omni modo excusatio videtur esse ? » (ibidem, p. 268, l. 11-16).

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l’incompréhensibilité des mystères divins et se garde ainsi de conclure définitivement94. Cette collection présente un cas de figure intéressant : consacrée à un thème précis, elle manifeste une unité intellectuelle certaine et une incontestable intelligence des problèmes soulevés95. L’auteur connaît toutes les grandes questions scolaires liées au péché ainsi que les réponses fournies par Anselme de Laon et Guillaume de Champeaux. Sans s’assujettir strictement à l’enseignement des deux maîtres, il leur est bien apparenté. Le recueil Deus est sine ou De conditione angelica et humana Il n’était connu que par Verdun, BM, 54 qui renferme aux feuillets 163v176v le De conditione angelica et humana mis au jour et publié par Yves Lefèvre96. Le recueil Deus est sine, clairement copié comme un texte autonome, est intégré dans un manuscrit de plus grande ampleur qui contient des œuvres d’Augustin, le Cur Deus homo d’Anselme de Cantorbéry et l’Elucidarium d’Honorius Augustodunensis97. Le succès relatif de la collection est également attesté par un témoin incomplet de la fin, Paris, BNF, lat. 1715 où l’ouvrage voisine avec des textes monastiques98. On peut distinguer quatre séries de sentences. La première, plutôt brève, porte sur la création angélique99. Le deuxième ensemble, de loin le plus 94

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« Sed si quis vult hoc investigare profundum, verum timeat precipicium. Nos cum Apostolo dicamus : o altitudo divitiarum (Rom. 11, 33) » (ibidem, p. 268, l. 16-18). L’importance en avait été déjà reconnue par H. Weisweiler, Das Schrifttum, p. 188 : « so darf man sie ganz ruhig als eine der eingehendsten und bemerkenswertesten Darlegungen der ersten scholastischen Schule über das damals so aktuelle Problem der Sünde der Engel und des ersten Menschen wie der Erbschuld bezeichnen ». Verdun, BM, 54, « Incipit liber de conditione angelica et humana. Deus est sine principio… – …conjungit Ecclesia per infinita secula seculorum. Amen » (163v-176v), éd. Y. Lefèvre, « Le De conditione angelica et humana et les Sententie Anselmi », AHDLMA, 34 (1959), p. 249-275, aux p. 256-275, l. 1-30 ; xiie siècle (milieu), 177 fol., 175 × 110 mm, si la main semble française, l’origine médiévale demeure inconnue, cfr cependant d’une main moderne : « Monasterii Sancti Vitoni. 21 codex », cote qui correspond au catalogue de Saint-Vanne dressé au xviiie siècle par dom Pierre Le Court, cfr F. J. Ronig, « Die mittelalterlichen Bibliotheken in Verdun », Jahrbuch für Westdeutsche Landesgeschichte, 4 (1978), p. 61-79, à la p. 69. Pour le détail des 177 feuillets, voir Y. Lefèvre, « Le De conditione angelica », p. 249. John Wei a attiré mon attention sur ce nouveau témoin, ce dont je le remercie. Paris, BNF, lat. 1715, « Dicta sancti Johannis. Deus est sine principio… – …firmissimo vinculo caritatis alli… » (48r-59v), éd. Y. Lefèvre, p. 256-275, l. 1-14 ; xiie siècle, 92 fol., 245 × 160 mm, provenant comme Verdun, BM, 54, de l’est de la France actuelle ; sur le détail du contenu et la provenance, cfr Catalogue général des manuscrits latins, dir. P. Lauer, t. 2, Paris, 1940, p. 138139. Par rapport au manuscrit de Verdun qui ne comprend que des nota et de rares mentions marginales, le témoin parisien ajoute six titres rehaussés à l’encre rouge : « De muliere » (50r, p. 259, l. 32), « De anima Ade » (56v, p. 269, l. 32), « De muliere pregnante » (57r, p. 270, l. 36), « De peccato hominis » (58r, p. 272, l. 11), « De fide » (58v, p. 272, l. 38) et « De caritate » (58v, p. 273, l. 21). « Deus est sine principio… – …velle vel operari » (ibidem, p. 256-258, l. 1-8).

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important, traite des questions relatives à la création de l’homme et au péché originel100. Une sentence aborde le problème de la rédemption en soulignant la convenance de l’incarnation101. Enfin, un dernier groupe de sentences passe en revue quelques questions sur la foi, l’espérance et la charité en insistant sur cette dernière102. De nombreuses questions rythment le recueil103, mais n’offrent pas de particularité remarquable. La forme la plus attestée consiste dans l’exposé d’un problème, suivi immédiatement de sa solution104. Quelques réponses permettent de retrouver la marque laonnoise. L’explication de la création de l’homme ad imaginem et similitudinem reprend notamment la réponse anselmienne d’ordre christologique et métaphysique105. Le compilateur, lorqu’il se demande si Adam en mangeant du fruit défendu a agi contre la volonté divine, adopte la tripartition anselmienne. Comme le maître de Laon et avec les mêmes autorités scripturaires, il distingue entre une volonté dispositive qui vaut pour tous les événements, une volonté de précepte qui manifeste les commandements divins et une volonté effective dans les saints106. En outre, la distinction de la volonté dispositive en volontés efficiente et permissive se rapproche de celle placée par le Liber pancrisis sous le nom d’Anselme107. Les explications fournies sur le péché originel et sa transmission à un enfant de parents baptisés ne sont pas sans 100 101 102

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« Fecit etiam Deus… – …inobedientia parentis primi » (ibidem, p. 258-272, l. 9-10). « Sciendum est quod… – …patrie beatitudinem revocaret » (ibidem, p. 272, l. 11-35). « Notandum est quod… – …per dilectionem conjungit Ecclesie per infinita seculorum secula. Amen » (ibidem, p. 272-275, l. 36-30). Cfr p. 256, l. 30-31, p. 256-257, l. 32-7, p. 257, l. 8-14, l. 25-34, p. 257-258, l. 35-4, p. 259, l. 21-25, p. 259-260, l. 35-2, p. 260, l. 3-10, l. 11-16, l. 17-28, l. 29-31, p. 261, l. 27-30, p. 262, l. 5-11, l. 12-17, l. 18-19, l. 19-22, l. 23-33, p. 262-263, l. 34-19, p. 263-264, l. 20-27, p. 265, l. 32-36, p. 265-266, l. 3716, p. 266-267, l. 17-24, p. 267-268, l. 30-6, p. 268-269, l. 7-31, p. 269-271, l. 32-5, p. 271, l. 6-28, p. 271, l. 29-32, p. 274-275, l. 18-20. « Queritur etiam cur Deus eum creaverit, cum eum casurum prescierit. Ad quod dicitur quia […] » (ibidem, p. 257, l. 8-9) ou « Sed queritur an fuerit mortalis factus. Ad quod dicimus quod […] » (ibidem, p. 259, l. 21). « Anima accedit ad Filium quia sicut Filius habet cognitionem boni et mali, sic et anima […]. Dicitur enim anima esse facta ad similitudinem Dei hoc modo quia sicut Deus est in omnibus creaturis et ita quod si multiplicantur creature, non multiplicatur essentia Dei et si diminuuntur ille, non diminuitur essentia Dei, sic anima est in corpore quod vegetat in omnibus membris et ita quod si crescant membra, non crescit anima et si decrescant et truncentur membra, non tamen decrescit et truncatur anima » (ibidem, p. 258, l. 27-29 et p. 259, l. 9-15), cfr L 29 et 30. « Voluntas Dei accipitur pro dispositione Dei, sicut cum dicitur : omnia quecumque voluit, id est disposuit, Dominus fecit (Ps. 134, 6), et Apostolus : voluntati, id est dispositioni, ejus quis resisitit ? (Rom. 9, 19) […]. Accipitur etiam voluntas Dei alio modo pro illa voluntate scilicet quam fecit in sanctis » (ibidem, p. 263, l. 27-37), cfr L 31, l. 9-29. « Et debemus notare quod voluntas Dei accepta pro dispositione sic dividitur : alia efficiens, alia permittens » (ibidem, p. 264, l. 7-8), cfr LP 198 : « Que autem de effectibus est, alia est permittens, alia approbans » (Enarrationes in Mattheum, PL 162, col. 1307C).

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rappeler des passages de Guillaume de Champeaux : outre l’insistance concordante sur la fomes peccati comme faiblesse congénitale de la chair108, l’inefficacité du baptême reçu par le père est également soulignée, le sacrement ne pouvant sauver une simple particule de chair. Celle-ci n’est pas encore une personne, sans déjà plus appartenir tout à fait au père109. Le recueil Deus est sine consacre aussi un long développement à la damnation de l’enfant mort sans baptême. Il reprend les différentes solutions détaillées au précédent chapitre. Il cite tout d’abord celle d’Anselme de Laon et de Guillaume de Champeaux selon lesquels Dieu n’a pas à changer un mode d’infusion décidé avant le péché originel110. En outre, afin de mieux dégager Dieu de toute injustice, l’auteur rapporte l’idée déjà présente en L 43 selon laquelle l’âme vient volontairement dans le corps. Il s’en démarque pourtant et donne une solution originale pour laquelle l’auteur de L 43 n’est guère tendre111 : alors que L 43 juge stupide l’âme qui vient dans le corps sans en connaître les risques, l’âme désire, selon l’auteur de Deus est sine, s’unir à la chair, mais n’a qu’une connaissance imparfaite des peines qu’elle encourt112. La position prend donc place dans un débat déjà bien amorcé. On note la même imprégnation scolaire dans la réception qu’il fait de l’auctoritas augustinienne : la mitissima pena est pour lui une petite peine dont il ne précise pas la nature, voire une peine inexistante, sans doute la simple privation de la vision divine113. 108

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Cfr « per fomitem peccati qui nondum erat in homine, id est languor et fragilitas nature que cito potest impelli ad diversa vitia » (ibidem, p. 261, l. 22-24), « non erat in eo [sc. Adam] fomes peccati, id est fragilitas carnis […] in se habuit fomitem peccati » (p. 265, l. 13-14 et 16), « nondum in eo [sc. Adam] erat fomes peccati, id est languor nature » (p. 268, l. 29), cfr L 257. « Nec omnibus illis partibus que sunt in baptismo condonatur, quia illi parti que in carnali generatione ab ipso patre separatur ad hoc ut sit persona alia ab ipso patre, illi non condonatur et ideo puer qui est illa particula, si moriatur ante baptismum, juste dampnabitur » (ibidem, p. 267, l. 20-24), cfr Guillaume de Champeaux : « Nam cum ipse generatus nullum in se habet sacramentum, namque solis attribuitur personis a persona separatis, ex ipsa lege nascendi, ipsi nascenti imputatur in peccatum quod taliter sit generatus » (L 246, l. 51-53). « Ad cujus questionis solutionem quidam innituntur sic accedere. […] Ipse vero, qui est immutabilis, secundum propositum suum novas cotidie animas creat et infundit eas corporibus ut, sicut in principio proposuit, vel anima cum ipso corpore mereatur gloriam vel cum ipso precipitetur ad penam » (ibidem, p. 271, l. 9 et 16-19). « Si nescit posse [sc. vitare peccatum] aut scit non posse, stulta est que vult venire. Oportet igitur ut sciat se posse vitare peccatum » (L 43, l. 80-82). « Verum est quidem quod Deus mundam creavit animam, sed in creatione dedit ei liberum arbitrium et dedit ei scientiam, non tamen ita perfectam quod posset scire se pro corporis corruptione esse puniendam, et quia hoc nescivit, ideo ipsa illecta dulcedine carnis ex libero arbitrio voluit incarnari et quia voluit incarnari et in ipsa carne non promeruit gloriam, ideo caret gloria » (ibidem, p. 271, l. 23-28). « Si autem queritur cur patitur penam, cum non promeruerit eam, dicimus eam vel nullam vel parvam sustinere penam. Et huic sententie attestatur Augustinus dicens : mitissima pena est eorum qui nichil preter originalia commiserunt » (ibidem, p. 271, l. 29-31).

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Enfin, fait exceptionnel et jusqu’à présent peu commenté, l’auteur mentionne le nom d’un maître, en l’occurrence Guillaume de Champeaux, pour lui attribuer une sentence sur la nature du péché originel. Ce péché ne vient ni de l’âme, ni du corps, mais naît d’une qualité de l’âme qui ne peut résister aux mouvements désordonnés du corps114. De fait, le dictum attribué à Guillaume correspond à la sentence L 260 où le maître définit la concupiscence comme résultat de l’union de l’âme et du corps115. Propos directement connu de l’auteur ou bien glanée dans le Liber pancrisis, la sentence fait l’objet d’un examen précis. L’autorité du maître est d’ailleurs rejetée au nom de celle des sancti. Comme le péché originel est l’unique raison de la damnation des enfants et qu’il ne saurait relever que de la désobéissance, la qualité reconnue à l’âme ne peut lui être assimilée116. Au-delà même de la pensée de Guillaume pour qui la concupiscence est en fait une peine du péché originel et non un péché, il est important de noter la liberté que prend l’auteur par rapport à ses sources : le prestige du maître n’est pas si grand qu’il puisse équivaloir celui des Pères, mais il mérite assez d’attention pour être pris en compte et discuté. Le développement sur la charité fournit une ultime preuve de l’influence laonnoise sur le recueil : la définition augustinienne de la charité est complétée de précisions empruntées à Anselme, notamment sa définition de la charité reprise ad verbum117. Ne peut être dit charitable que celui qui aime Dieu pour lui-même, car aimer Dieu pour une récompense même éternelle revient au mieux à être qualifié de mercenaire118. En outre, l’auteur confronte les avis de ceux qui affirment que la charité comporte un ordre et ceux qui la 114

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« Imponitur Guillelmo Catalaunensi episcopo quod aliquando dixerit neque in anima noviter creata neque in corpore ante animationem fuisse peccatum, sed ex conjunctione corporis nasci in anima quandam qualitatem quam vocabat habilitatem non resistendi malis motibus et istam talem habilitatem dicebat esse peccatum et pro isto peccato dicebat animam carere gloria » (ibidem, p. 272-272, l. 33-5). « Anima igitur superveniente et carnem ipsam vegetante, caro vires quodammodo sumit et anima utendo quasi instrumento naturam suam sequitur et fit concupiscibilis, ratione tamen ipsius anime repugnante et reluctante » (L 260, l. 20-23). « Sed hoc videtur contra auctoritatem sanctorum. Sancti etenim dicunt quod anime eorum qui sine baptismo ante tempus discretionis moriuntur pro nullo alio peccato nisi pro originali moriuntur. Ista autem talis habilitas non potest esse originale peccatum, quia originale peccatum tantumodo est comestio pomi et inobedientia parentis primi » (ibidem, p. 272, l. 5-10). « Sensum autem istorum verborum quidam explanare cupientes caritatem diffiniunt sic : karitas est motus animi ad diligendum Deum et se et proximum propter Deum » (ibidem, p. 273, l. 23-25 = L 71, l. 1-2). « Ideo additur ‘propter Deum’, quia si aliquis diligat Deum pro aliquo temporali premio, illa talis dilectio non est dicenda caritas ; si etiam aliquis pro dilectione Dei expectaret premium eternam beatitudinem et illam putaret esse aliquid diversum a Deo, non diceretur habere caritatem, sed esset dicendus mercennarius » (ibidem, p. 273, l. 25-30), cfr L 75, l. 3-4.

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disent universelle dans son affectus et ne la limitent que dans ses effets119. On oppose à la première acception restrictive la loi nouvelle qui commande l’amour du prochain à égalité avec sa propre personne. Pour répondre à l’objection, l’auteur utilise largement L 74 et l’exégèse proposée par Anselme pour Matthieu 5, 43 : aimer son prochain comme soi-même revient, tout d’abord, à préserver pour soi la santé de l’âme et du corps et, ensuite, à la fournir à autrui120.

Recueils largement diffusés Le recueil Deus non habet et son remaniement Deus itaque summe Le cas de la collection Deus non habet et de son remaniement est très représentatif des difficultés rencontrées pour circonscrire un recueil diffusé par plusieurs manuscrits, tant en raison de la documentation même que de son exploitation scientifique encore imparfaite121 : en effet, connu sous un titre unique dans la bibliographie comme Deus summe depuis sa découverte par Heinrich Weisweiler122, il semble qu’il en existe cependant deux versions différentes. L’important travail de défrichement du jésuite souffre de l’imprécision générale de références données selon l’usage des milieux érudits du temps123. Lorsqu’il décrit le texte selon les différents témoins, le savant indique le feuillet de commencement et l’incipit du texte qu’il analyse, mais omet souvent d’en indiquer la fin et l’explicit, laissant au lecteur la tâche ingrate de reconstituer par recoupements un contenu jamais clairement délimité124. 119

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« Quidam enim dicunt ordinem habendum in caritate ita quod pater eorum et mater et alii propinqui magis sunt diligendi. Alii vero dicunt ordinem non esse servandum in affectu caritatis, sed omnes homines equaliter esse diligendos affirmant, in effectu vero ipsius caritatis ordinem servandum existimant » (ibidem, p. 273-274, l. 31-2). « Quod preceptum illi qui tenent istam sententiam sic exponunt : diliges proximum tuum sicut te ipsum (Matth. 5, 43), id est in his in quibus diligis te ipsum, id est sicut in nobis diligimus primam generationem et conservamus ministrando nobis victum et vestitum, sic in proximo primam generationem conservare debemus ministrando illi victum et vestitum ; secundam etiam generationem debemus primum in nobis conservare et postea, ut proximus eam in se conservet, exemplum bone operationis et correctionem debemus ei adhibere » (ibidem, p. 274, l. 9-17), cfr L 74, l. 1-11. Cfr F. Stegmüller, Repertorium commentariorum, n. 782 et 797. Le jésuite signale pour la première fois le recueil Deus non habet dans « L’École d’Anselme de Laon et de Guillaume de Champeaux. Nouveaux documents », RTAM, 4 (1932), p. 237269 et p. 371-391, cfr également Das Schrifttum, p. 17-18, 83, 129-133, et la liste des manuscrits donnée dans « Die Arbeitsweise der sogenannten Sententiae Anselmi », Scholastik, 34 (1959), p. 190-232, aux p. 192-193. L’auteur définit son travail comme une sorte d’iter Germanicum avec mention des manuscrits et édition de morceaux choisis, cfr Das Schrifttum, p. 25. Cfr aussi l’essai de reconstitution de la tradition manuscrite par P. Maas, The Liber sententiarum Magistri A, p. 131-132.

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Ainsi, là où la première lecture fait croire les problèmes résolus, un examen plus attentif montre qu’il est souvent nécessaire de recourir aux manuscrits, dans l’attente d’une édition critique hautement souhaitable125. L’examen entrepris par John Wei de l’ensemble des manuscrits connus permet cependant de compléter et de corriger, sur plus d’un point, les conclusions jadis tenues pour assurées126. D’un point de vue textuel, les deux versions se trouvent de manière complète ou partielle dans au moins vingt-deux manuscrits. La version dite Deus non habet se distingue par des variantes textuelles qui lui donnent priorité sur Deus itaque summe127. Elle contient des exposés sur les anges, la création du monde et de l’homme, la chute, le paradis, la volonté divine et le péché. L’ouvrage se trouve ainsi sous sa forme primitive dans Cambrai, BM, 339 avec un extrait d’un important traité matrimonial lié à l’école de Laon (In primis hominibus), ici présent selon un des deux états (γ) identifiés128. On trouve un état abrégé de cette première version dans Troyes, BM, 1180129. La collection se trouve sous une forme plus développée dans Wien, ÖNB, Series nova 3602, manuscrit par ailleurs exégétique130. Elle apparaît également selon un état tardif dans deux manuscrits apparentés, München, BSB, Clm 4631 contenant le traité matrimonial laonnois dans l’état β131, ainsi que Bamberg, 125 126

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Cfr O. Lottin, PM, p. 391. Je remercie vivement John Wei d’avoir eu l’obligeance de me confier son étude inédite sur la tradition manuscrite des recueils Deus non habet et Deus itaque summe, qui est ici largement mise à profit et qui complète mes propres observations sur certains manuscrits. John Wei a notamment pu retrouver sept nouveaux manuscrits complets ou fragmentaires du recueil (Bamberg, Staatsbibliothek, Msc. Can. 10 ; Berlin, Staatsbibliothek, theol. lat. fol. 428 ; Como, Biblioteca Seminario, Morimondo 15 ; Frankfurt am Main, Stadt- und Universitätsbibliothek, Fragm. lat. II 35 ; Vaticano, Biblioteca Apostolica Vaticana, lat. 1345 et 1361 ; Zürich, Zentralbibliothek, C 111). Voir l’étude à paraître de John Wei. Cambrai, BM, 339, « Deus non habet initium vel terminum… – …omnis maneria peccantium » (1v-25v), 90 fol., 240 × 140 mm. Le recueil In primis hominibus est aux fol. 26r-29r, cfr B. Matecki, Der Traktat In primis hominibus. Eine theologie- und kirchenrechtsgeschichtliche Untersuchung zu einem Ehetext der Schule von Laon aus dem 12. Jahrhundert, Francfort, 2001, p. iv* (éd. p. 1*-13*). Troyes, BM, 1180, « Deus non habet… – …non est futurum ? » (94v-100r). Le manuscrit est signalé une première fois de manière erronée par H. Weisweiler, « Die wachsende Erkenntnis », p. 113 (« Paris, Bibl. nat. lat. 1180 »), et décrit par P. Maas, The Liber sententiarum Magistri A, p. 42-44 : xiie siècle, 100 fol., 240 × 150 mm, provient de Clairvaux où il a sans doute été copié. Wien, ÖNB, Series nova 3602, olim Lambach, Bibliothek des Benediktinerstifts, cod. LXXXVI, « Deus non habet initium vel terminum… – …ipso prohibente » (1r-31r), xiie siècle, 121 fol., 220 × 130 mm, cfr F. Stegmüller, « Sententiae Berolinenses », p. 37-38, ce qui correspond au recueil suivi du traité matrimonial Decretum Dei fuit. München, BSB, Clm 4631, « De peccato primi hominis. Sub peccato primi hominis… – … neque enim nemo est qui hec sciat » (115r-155r), xiie-xiiie siècle, 177 fol., 175 × 120 mm, provient de Benediktbeuren, cfr G. Glauche, Die Pergamenthandschriften aus Benediktbeuren, Clm 4501-4663, Wiesbaden, 1994, p. 241-245. Le recueil In primis hominibus est aux fol. 155r-167r,

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Staatsbibliothek, Patr. 47, manuscrit théologique132. Le recueil Deus non habet entretient des liens avec les Sententiae magistri A comme dans Firenze, Biblioteca Medicea Laurenziana, Plut. V sin 7133. On le trouve enfin sous une forme partielle dans München, BSB, Clm 17101, compilant par ailleurs des extraits de Bernard de Clairvaux et d’Hugues de Saint-Victor134, ainsi que dans le témoin fragmentaire de Frankfurt am Main, Stadt- und Universitätsbibliothek, Fragm. lat. II 35135. La seconde version dite Deus itaque summe ajoute des exposés sur les sacrements. Elle se trouve sous une forme peu correcte textuellement dans Oxford, Bodleian Library, Lyell 40136. Une version plus complète se lit dans Como, Biblioteca Seminario, Morimondo 15137 et Firenze, Biblioteca Medicea Laurenziana, Acq. e Doni 276138. Un état moins complet que dans les manuscrits italiens est renfermé dans München, BSB, Clm 22307139, qui contient aussi le traité matrimonial In primis hominibus dans l’état β140. Enfin, il faut signaler un dernier état dans Fulda, Hessische Landesbibliothek, Aa 36, 4°, manuscrit formé de différentes collections de sentences141, et Praha, Národní Knihovna

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cfr B. Matecki, Der Traktat In primis hominibus, p. ii* (éd., p. 1*-54*). L’introduction (115r-116v) a été transcrite par H. Weisweiler, « L’École d’Anselme de Laon », p. 385-387. Bamberg, Staatsbibliothek, Patr. 47, « Hominem creavit Deus… – …posse hanc restauration… » (10r-29v), xiie siècle, 69 fol., 190 × 110 mm, de Michelsberg, cfr H. Weisweiler, Das Schrifttum, p. 126-133, A. Landgraf, « Werke aus dem Bereich », p. 211 et H. Weisweiler, « Das erste systematische Kompendium aus den Werken Anselms von Canterbury », RB, 50 (1938), p. 206-221, à la p. 207. Firenze, Biblioteca Medicea Laurenziana, Plut. V sin 7, xiie siècle (3e quart), 113 fol., 285 × 190 mm, mains italiennes, provient de Santa Croce, cfr P. Maas, The Liber sententiarum Magistri A, p. 51-53. München, BSB, Clm 17101, « Deus initium non habet vel terminum… – …miseros esse compelleret » (183v-186v), xiie siècle, 188 fol., de Schäftlarn, cfr H. Weisweiler, Das Schrifttum, p. 83-85. Frankfurt am Main, Stadt- und Universitätsbibliothek, Fragm. lat. II 35, xiiie siècle (début), 2 fol., 210 × 140 mm, cfr G. Powitz, Mittelalterliche Handschriftenfragmente der Stadt- und Universitätsbibliothek Frankfurt am Main, Francfort, 1994, p. 24. Oxford, Bodleian Library, Lyell 40, « Deus itaque summe atque… – …et in angelis repperit pravitatem » (47v-52r), xiie siècle, 153 fol., sans doute copié en Italie, cfr A. de La Mare, Catalogue of the Collection of the Medieval Manuscripts, p. 109-114. Como, Biblioteca Seminario, Morimondo 15, xiie siècle, 157 fol., manuscrit composite provenant de Sainte-Marie de Morimondo près de Milan, cfr M. Ferrari, « Biblioteche e scrittoi benedettini nella storia culturale della diocesi ambrosiana : appunti ed episodi », Ricerche storiche sulla Chiesa Ambrosiana, 9 (1980), p. 269-270. Cfr H. Weisweiler, « Die Arbeitsweise der sogenannten Sententiae Anselmi », p. 193 et 323, n. 7 et P. Maas, The Liber sententiarum Magistri A, p. 132-134. München, BSB, Clm 22307, « De creatione angelorum. Deus summe atque ineffabiliter… – … neminem qui hoc sciat » (86r-125r), xiie siècle, 195 fol., 190 × 140 mm, provient de Windberg, voir H. Weisweiler, « L’École d’Anselme de Laon », p. 376-384. B. Matecki, Der Traktat In primis hominibus, p. i*-ii*, cfr le recueil In primis hominibus (125r140r, éd., p. 1*-55*). Fulda, Hessische Landesbibliothek, Aa 36, 4°, « De sancta Trinitate. Deum esse et omnipotentem et eternum… – …cum reddiderit tunc sciet » (4ra-30vb), xiie siècle (3e quart), 77 fol.,

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České Republiky, XXIII E 45142. Le début interpolé se lit aussi dans Vaticano, Biblioteca Apostolica Vaticana, lat. 1361143. Enfin, sept manuscrits contiennent de manière fragmentaire un texte commun aux deux versions ou bien des traités propres à l’une d’entre elles144. Quelle que soit la version ou l’état textuel, l’ouvrage tranche par rapport aux autres recueils connus et par sa forme et par certains des thèmes abordés145. Le texte commun aux collections Deus non habet et Deus itaque summe se différencie, en effet, très nettement en raison de la place remarquable qu’il accorde aux auctoritates, ce qui l’apparente à une sorte de florilège commenté. L’auteur répond aux questions posées au moyen de citations explicites parfois fort longues et le plus souvent rapportées aux œuvres dont elles sont issues146. Il se singularise donc en raison de la précision inhabituelle et du nombre élévé de ses références. Dans les cas les plus complexes, comme l’amissibilité de la charité, l’auteur prend aussi la peine de les classer et de les commenter147.

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265 × 185 mm, copié en Allemagne du Sud-Ouest, provient de Weingarten, cfr A. Landgraf, « Werke aus dem Bereich der Summa Sententiarum und Anselms von Laon », Divus Thomas, 14 (1936), p. 209-216, aux p. 213-214, F. Stegmüller, Repertorium commentariorum, n. 774 et surtout R. Hausmann, Die theologischen Handschriften der hessischen Landesbibliothek Fulda bis zum Jahr 1600, t. 1, Codices Bonifatiani 1-3, Aa 1-145a, Wiesbaden, 1992, p. 89-92. Praha, Národní Knihovna České Republiky, XXIII E 45, xiie siècle, 87 fol., 250 × 170 mm, provient de Weißenau, cfr H. Weisweiler, « Die Arbeitsweise der sogenannten Sententiae Anselmi », p. 193 et 323, n. 7 et E. Wenzel, Die mittelalterliche Bibliothek der Abtei Weißenau, Francfort, 1998, p. 103 (je dois cette dernière référence à la courtoisie de John Wei). Vaticano, Biblioteca Apostolica Vaticana, lat. 1361, 1133-1137, 260 fol., 270 × 175 mm, provient d’Italie, cfr S. Kuttner et R. Elze, A Catalogue of Canon and Roman Law Manuscripts in the Vatican Library, t. 1, Codices Vaticani latini 541-2299, Vatican, 1986, p. 130-132. Il s’agit d’Arras, BM, 826, fol. 35r-36r (péché originel), cfr O. Lottin, PM, p. 373 ; Bamberg, Staatsbibliothek, Msc. Can. 10, fol. 53v-56v (mariage) ; Berlin, Staatsbibliothek, theol. lat. fol. 428, fol. 59v-61v (mariage) ; Rouen, BM, 435 : « Queritur de peccatis illis … – …divina misericordia subveniat » (206ra-va = Clm 22307, 116v-118v, péché originel), « De penitentia Dei. Sciendum est quod mutatio… – …que non videtur » (206va-207ra = Clm 22307, 112r113v, idem, L 303), « Sciendum est quoniam imago… – …similes ei erimus » (207ra = Clm 22307, 91r, image divine), « Augustinus in tractatu de simbolo… – …sunt significativa temporis » (207ra-va = Clm 22307, 110r-111r, puissance divine), « Preterea intuendum est… – … facere posset bene » (207va = Clm 22307, 109r-v, idem) ; Stuttgart, Württembergische Landesbibliothek, HB III, dogm. et polem. 34, fol. 30ra-33va (âme humaine) ; Vaticano, Biblioteca Apostolica Vaticana, lat. 1345 (remaniements sur la pénitence, l’aumône et la charité) ; Zürich, Zentralbibliothek, C 111, fol. 102ra-103vb (pénitence). Pour présenter ce recueil inédit, nous utilisons la seconde version selon l’état donné par München, BSB, Clm 22307, fol. 86r-125r. « Iterum queritur cur Deus creavit malos angelos, cum presciret eos casuros et dampnandos. Solutio : Augustinus super Genesim […] » (88v) ou « Queritur etiam an diabolus fuerit prescius sui casus. Augustinus super Genesim in libro XImo […] » (88v). La forme de la quaestio apparaît aux feuillets 87v (× 3), 88v (× 3), 89r, 89v (× 3), 92r (× 4), 93r, 99v, 100r, 103r (× 3), 103v (× 2), 104r (× 2), 106v, 110v, 111r, 112r-v, 116v (× 4), 117r, 118r, 119r, 120r-v (× 5), 121r-v et 123v. « Ut autem evidenter appareat, altius de caritate investigandum est. De qua quod sit, quod etiam efficiat, quia dubium non est, id solum sufficiat inquirere utrum, si postquam habe-

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La contrepartie de cette précision est l’absence de plan d’ensemble très ferme, malgré les transitions entre les questions. Si l’on examine la seconde version traditionnellement favorisée par l’historiographie, le remaniement commence par passer en revue l’angélologie, en mettant l’accent sur les anges déchus148. Un second groupe de sentences s’intéresse au monde avant la chute et détaille la nature de la charité et de la grâce adamique, le paradis terrestre et le moment de la création149. Enfin, la chute de l’homme et ses conséquences sont rattachées à un dernier ensemble plus spéculatif puisqu’y sont également abordées les questions délicates de la volonté et de la puissance divines pour conclure sur les qualités de l’âme150. L’importance numérique des autorités patristiques compilées dans les recueils Deus non habet et Deus itaque summe explique la faiblesse des points de rencontre avec des positions doctrinales tenues par Anselme de Laon. Cependant, parmi les nombreuses explications de l’imago et de la similitudo, la collection Deus itaque summe rapporte l’interprétation morale et métaphysique en honneur à Laon151. De même, l’exposé sur la volonté divine possède des affinités certaines avec les précisions d’Anselme, mais en systématise certains aspects152. Le fait qu’Adam ait mangé du fruit défendu s’oppose à la volonté divine, ce qui paraît compromettre l’universalité de celle-ci153. L’auteur répond en distinguant, comme Anselme, la volonté de précepte de la volonté

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tur, amittatur et si non amittitur, utrum habita caritate aliquis possit peccare nec ne. Varias igitur diversorum opiniones in medium proferamus ut cui potissimum veritas accessit, si possumus, videamus » (93r). « De creatione angelorum. Deus summe atque ineffabiliter… – …tantorum penis ingemiscunt » (86r-90r). « Hominem vero creavit… – …usque nunc operaretur » (90r-103r) qui comprend des exposés sur la nature de l’homme (90r-93r), la charité (93r-98r), la grâce avant et après le péché originel (98r-99v), la prévision de la chute (99v-100r), le paradis terrestre (100r), la création et son moment (100r-103r). « Positoque homine in paradiso… – …neminem qui hoc sciat » (103r-125r) qui comprend des exposés sur la tentation et ses conséquences (103r-105r), les rapports entre ratio et sensualitas (105r-106v), la responsabilité du péché originel (106v-107v), la volonté divine (107v109v), la puissance divine (109v-112v), le péché originel (112v-119r), l’âme (119r-125r). « Alio quoque modo dicitur homo imago Dei. Deus enim lux est, benignus est, patiens est et cetera. Sic et homo qui membrum Dei est suo modo lux est, justus, benignus, patiens et cetera et contrahit hoc adeo quasi quedam lineamenta » (90v) et « Ad suam quoque similitudinem fecit animam, et hominem per eam, dum ipse qui innocens est et justus hominem creavit innocentem et justum. Sed hec similitudo est quedam imago Dei. Unde illud quod sequitur et ad similitudinem nostram (Gen. 1, 26), vel est expositio aut in illis verbis duo notantur imaginis modi Dei. Primus modus dum dicitur : faciamus hominem ad imaginem. Secundus subponitur : et similitudinem nostram. Potest vero dici et hoc modo animam esse factam ad similitudinem Dei quia sicut Deus multiplicatis creaturis aut imminutis non augetur vel imminuitur, ita anima crescentibus membris vel decurtatis » (92r). Cfr H. Weisweiler, « Die Arbeitsweise der sogenannten Sententiae Anselmi », p. 210-214. « Secundum quam sententiam Adam etiam in comestione pomi minus peccasse ostenditur, fecerunt itaque contra voluntatem Dei. Sed opponitur illud Psalmiste : omnia quecumque voluit fecit (Ps. 134, 6) et voluntati ejus que restant (sic, cfr Rom. 9, 19) et priusquam

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dispositive154. Adam et Ève sont allés contre la première en désobéissant au commandement divin, mais ont accompli la seconde volonté qui régit le cours de l’univers155. L’auteur s’éloigne alors d’Anselme en donnant des distinctions apparemment inconnues du Laonnois156. De manière similaire, si l’explication de la volonté salvifique concorde avec celle d’Anselme, des compléments originaux sur la volonté humaine sont apportés157. Les points de rencontre significatifs ne doivent pas conduire à négliger les silences prudents ou les ignorances avouées. Là où Anselme de Laon et Guillaume de Champeaux insistent sur l’économie providentielle pour écarter de Dieu tout soupçon d’injustice en raison de la damnation du petit enfant, l’auteur renonce exceptionnellement à donner un enseignement et renvoie au bon plaisir divin158. De même, si l’auteur ne connaît pas la gravité de la peine que subissent ces enfants, le caractère infernal du châtiment ne fait aucun doute, sans que mention soit faite des aménagements apportés par Anselme à la théorie commune159. Face à l’origine de cette collection de sentences, le critique doit, encore plus que d’ordinaire, se contenter de probabilités : œuvre circulant avec le traité matrimonial laonnois In primis hominibus, le recueil connaît l’enseignement d’Anselme, mais l’intègre dans un ensemble de quaestiones qui privilégient les réponses patristiques.

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hujus oppositionis solutionem ponamus, predicendum est quibus modis voluntas Dei accipiatur » (107v). « Voluntas Dei dicitur preceptum divinum et illud quod sit interna inspiratione ut in angelis et verba ipsa a quibus Deus hominibus aliquod injungit, sed ideo sic appellatur quia jubendo docet quod velit fieri vel non fieri. […] Divina quoque dispositio dicitur voluntas Dei. Unde est illud Psalmiste : omnia quecumque voluit fecit (Ps. 134, 6) » (107v), cfr L 31, l. 9-12 et 26-29. « Oppositioni igitur premisse hoc modo respondendum est. Fecit primus homo contra voluntatem Dei que est preceptum, non fecit contra illam voluntatem que est dispositio » (108r). La distinction de la volonté dispositive, proche d’Anselme, est commune avec le recueil Deus est sine : « Hec autem voluntas, que est dispositio Dei, sic dividitur : alia est efficiens, alia est permittens. Efficiens quantum ad bona, divina enim dispositio cum voluntate hominis operatur bona opera ipsius. Permittens quantum ad mala » (107v-108r). Est, en revanche, originale la distinction de la volonté de précepte : « Sed illa voluntas, que est divina precepta, sic dividitur : alia est precipiens, alia prohibens. Precipiens ut honora patrem et matrem tuam (Ex. 20, 12), prohibens : non occides (Ex. 20, 13) » (108r). « Secundum hanc ergo voluntatem etiam velle dicitur quod non ipse vult, sed suos id volentes facit. […] Voluntas vero hominis alia est approbans, alia appetens » (108v), cfr L 31, l. 13-16. « Sed quare creaverit pueros qui moriuntur ante tempus discretionis et dampnantur, non multum patens est, nisi quia sibi placuit » (104r). « Quamque gravis sit pena parvulorum morientium sine baptismo nobis ignotum est » (116r), réponse à laquelle sont ajoutées trois auctoritates augustiniennes, le passage fameux de l’Enchiridion sur la mitissima pena et deux extraits du De baptismo parvulorum (1, 28, 55).

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Le recueil Deus de cujus et son remaniement Deus principium et Signalé pour la première fois par Martin Grabmann160, le recueil Deus de cujus se présente dans deux états principaux, une version courte et son remaniement, que Heinrich Weisweiler a étudiés et publiés en 1933161. Le premier état est attesté par six témoins qui différent souvent entre eux. Un état plus bref est contenu dans Berlin, SB, Phill. 1994162 : dans l’unité codicologique correspondant aux feuillets 40-63, l’ouvrage est précédé par des sermons et suivi par la sentence anselmienne L 46163. Le recueil est copié comme une unité textuelle indépendante des autres textes qui l’entourent, tandis que les articulations principales sont mises en valeur par des retours à la ligne et des pieds-de-mouche164. On retrouve une forme similaire dans le codex Vaticano, BAV, reg. lat. 223165 qui donne à la suite une sentence eucharistique qui se retrouve dans le remaniement long166. L’explicit est moins perceptible dans Paris, BNF, n. a. l. 451, florilège déjà signalé pour son contenu anselmien et laonnois167. Sous l’attribution fautive à Augustin, la collection possède un début reconnaissable mais sa fin, similaire à celle des manuscrits berlinois et romain, n’est en rien perceptible168. Elle a, en outre, pour particularité d’insérer des sentences sur l’âme, notamment augustiniennes, que l’on 160 161

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M. Grabmann, Die Geschichte, t. 2, p. 145. H. Weisweiler, « Le recueil de sentences Deus de cujus principio et fine tacetur et son remaniement », RTAM, 5 (1933), p. 245-274, éd. p. 252-274, cfr F. Stegmüller, Repertorium commentariorum, n. 775. Berlin, SB, Phill. 1994, xiie siècle (3e quart), 24 fol., 210 × 160 mm (180 × 120 mm), du Nord de la France (puis collège de Clermont), cfr V. Rose, Die Handschriften-Verzeichnisse der königlichen Bibliothek zu Berlin, Berlin, 1893, p. 203-205, H. Weisweiler, « L’École d’Anselme de Laon », p. 239-240. « uoniam ad dedicationem presentis basilice… – … sanctorumque consortio non excludet quod nobis misericorditer prestare dignetur qui… » (40r-62r), « eus de cujus principio… – …fames peccati pena » (62r-63v, H. Weisweiler, « Le recueil de sentences Deus de cujus principio », p. 254-263, l. 31-15), « Questio sepe ventilata… – …exercet suas potentias » (63v, L 46, l. 1-19). Le recueil est séparé des sermons par un retour à la ligne, une initiale non réalisée avec espace sur eus. Les principales articulations concernent « queri solet an inter creationem…, querendum est cum ipsa creatione…, queritur an etiam modo… » (62r), « Laus divina… » (62v), « Queri solet an Deus omnia… » (63r). La graphie allongée des deux derniers mots est caractéristique d’une fin. Vaticano, BAV, reg. lat. 223, « Deus de cujus principio… – …fames peccati pena » (68r-70v, ibidem, p. 254-263, l. 31-15), voir aussi la transcription et la collation effectuées par W. Knoch, « Cod. Vat. lat. 223, ein [bisher unbekannter] Textzeuge des [frühscholastischen] Sentenzenwerkes Deus de cujus principo et fine tacetur », RTAM, 59 (1992), p. 86-96, aux p. 90-96. Cfr W. Knoch, « Cod. Vat. lat. 223 », p. 96. On peut ajouter qu’elle correspond à L 193, l. 1-14. Voir les éléments descriptifs donnés au chapitre premier (deuxième partie). « Augustinus de mundi principio. Deus de cujus principio… – … fames pena peccati » (29r-34v, H. Weisweiler, « Le recueil de sentences Deus de cujus principio », p. 254-263, l. 3115).

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ne trouve dans aucune autre version de cet ouvrage169. La première version se lit également, mais amputée de sa fin dans Angers, BM, 70170. La forme éditée du premier état a été donnée d’après München, BSB, Clm 23440 où elle voisine avec des sermons patristiques, une lettre de Bernard de Clairvaux et un recueil de sentences comme la collection Prima rerum origo171. De plus, on trouve dans un témoin provenant d’Admont, Oxford, Bodleian Library, Lyell 50, un texte apparenté à celui du manuscrit de Munich172. En raison de son incipit, on peut sans doute rattacher au recueil Deus de cujus Paris, BNF, lat. 18113 (†) dont Martin Grabmann a signalé par ailleurs qu’il s’achevait par un exposé eucharistique173. Quant à la version longue (Deus principium et), elle n’est connue que d’après München, BSB, Clm 14569 parmi des sentences théologiques laonnoises, des extraits augustiniens et un récit anonyme sur l’Antéchrist174. Le remaniement Deus principium et se singularise par rapport à la version courte notamment en raison de son introduction assez abstraite sur Dieu175. Y est principalement abordée la question de l’essence divine dont 169

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On trouve ces sentences aux fol. 30r-32v et 33r-34r, cfr Augustinus Hipponensis, De Genesi ad litteram, PL 34, col. 282 à 389. Angers, BM, 70, « Deus de cujus principio et fine tacetur… – …secundum utramque naturam… » (86v-98v, H. Weisweiler, « Le recueil de sentences Deus de cujus principio », p. 254265, l. 31-6), xiiie siècle, 98 fol., 220 × 165 mm, provient de Saint-Aubin. München, BSB, Clm 23440, « Deus de cujus principio… – …sunt sanguine redemptoris » (76r-84v, ibidem, p. 254-268, l. 31-6), xiie siècle, 125 fol., de provenance inconnue, cfr M. Grabmann, Die Geschichte, t. 2, p. 148-149 et A. Landgraf, « Werke aus dem Bereich », p. 214-215. Le début de l’œuvre est mis en valeur par une initiale, tandis que rien ne permet de distinguer la fin éditée des sentences qui la suivent dans le manuscrit. Oxford, Bodleian Library, Lyell 50, « Deus de cujus principio… – …sunt sanguine redemptoris » (3ra-10vb, H. Weisweiler, « Le recueil de sentences Deus de cujus principio », p. 254268, l. 31-6), xiie siècle, 63 fol., 220 × 150 mm, provient de l’abbaye bénédictine d’Admont où le manuscrit était présent au xive siècle, cfr A. de La Mare, Catalogue of the Collection of the Medieval Manuscripts, p. 134-137. Grâce à la transcription de Lyell 50 communiquée par John Wei, les fins de Clm 23440 et de Lyell 50 ont pu être comparées : les deux manuscrits ont en commun le groupe de sentences suivant : « Queritur quare puniatur homo secundum animam… – …corrumpendi dolore penarum » (Clm 23440, fol. 84v-87r = Lyell 50, fol. 10vb13ra). Paris, BNF, lat. 18113 (†), « Deus de cujus principio… » (74r-84r). Sur ce témoin disparu, voir le chapitre premier (deuxième partie) et M. Grabmann, Die Geschichte, t. 2, p. 144-145. En l’état, on ne peut plus déterminer si la partie eucharistique était similaire à celle présente dans le remaniement. München, BSB, Clm 14569, « Deus principium et finis totius creature… – …minimum non atterens » (99r-130r, H. Weisweiler, « Le recueil de sentences Deus de cujus principio », p. 252274, l. 1-9), xiie siècle, 142 fol., 205 × 145 mm, de Saint-Emmeran, cfr H. Weisweiler, « L’école d’Anselme de Laon », p. 240-248 et Adso Dervensis de ortu et tempore Antichristi, éd. D. Verhelst, Turnhout, 1976 (CCCM 45), p. 95 : le manuscrit est le plus ancien témoin de ce texte, remaniement d’un récit d’Alboin († 1021), continuateur d’Adson de Montier-en-Der. Le plus ancien témoin date donc du xiie siècle, et non du xie siècle comme le pensait l’éditeur. « Deus principium et finis… – …manent stabilita vigore » (H. Weisweiler, « Le recueil de sentences Deus de cujus principio », p. 252-254, l. 1-28).

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l’ineffabilité n’empêche pas le compilateur de donner des aperçus sur l’unité de substance et la trinité des personnes, assortis de rappels sur les premiers conciles œcuméniques. Les deux états textuels ont en commun trois exposés. Le premier porte sur la création des anges et insiste sur la chute angélique176. Le second embrasse dans le détail toute la série de questions relatives à la création de l’homme et à sa chute177. Le troisième concerne la rédemption et l’incarnation du Christ178. Par rapport à cet exposé, la version longue ajoute quelques brèves considérations sur les lois écrite et naturelle ainsi que sur la nécessité de l’incarnation179. Elles servent de transition pour présenter les sentences sur l’eucharistie, le baptême et le mariage180. Une nouvelle fois, on peut constater qu’un ensemble de sentences sur la création de l’ange, de l’homme et la rédemption est commun aux deux versions, alors que les développements sur les sacrements, bien que littérairement liés à ce qui précède, sont le fait du seul remaniement. La forme de la quaestio est utilisée quasi exclusivement dans les parties communes aux deux versions, sans présenter de caractère récurrent181 : la forme déclarative est privilégiée, surtout dans les exposés sur les sacrements. Il est rare que la solution soit donnée par une simple réponse des Pères, d’ailleurs peu allégués nominalement182. Les sentences communes aux deux recueils reprennent des positions anselmiennes ou laonnoises. Dans l’homme sorti des mains de Dieu, l’imago signifie la capacité rationnelle et la similitudo la simplicité de l’âme183. À propos 176

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« Deus de cujus… – …ad intelligendum superiorem » (ibidem, p. 254-257, l. 31-20) pour la version courte et « De creatione et lapsu angeli. Origo et principium… – …gaudiorum promeriti sunt » (ibidem, p. 254-258, l. 29-14) pour la version longue. « Laus divina nondum… – …glorie participes fieri » (ibidem, p. 258-265, l. 15-21). Le remaniement ajoute un titre : « De creatione et lapsu hominis ». « Ab illa gloria… – …sunt sanguine redemptoris » (ibidem, p. 265-268, l. 22-6). « Hac autem lege… – …altaris prius videamus » (ibidem, p. 268, l. 7-24). « Hec quoque sacramenta que hodie sunt in Ecclesia, sacramentum altaris, baptismus scilicet et nuptiarum sacramentum et cetera ad remedium peccatorum nobis esse constituta profecto cognoscimus. Et de sacramento altaris prius videamus » (ibidem, p. 268, l. 21-24), « De sacramento altaris. Sermo in cena… – …vitam eternam habituros » (ibidem, p. 268-269, l. 25-30), « De baptismo. Baptismi quoque sacramentum… – …verbis institutionis cognovit » (ibidem, p. 269-270, l. 31-28), « De conjugio. Conjugium namque non… – …minimum se atterens » (ibidem, p. 270-274, l. 29-9). Cfr ibidem, p. 256, l. 7-14, l. 15-18, p. 257, l. 3-10, p. 258, l. 6-14, p. 259, l. 1-5, p. 260, l. 5-7, l. 17-18, l. 18-20, l. 21-24, p. 262, l. 3-7, l. 8-15, p. 263-264, l. 16-4, p. 264, l. 5-9, l. 10-25, p. 264-265, l. 26-12, p. 265, l. 13-18, l. 19-21, p. 266, l. 13-25, p. 267, l. 1-5, l. 6-13, p. 267-268, l. 14-6, p. 268, l. 12-18. Voir tout de même : « Queri solet an Deus omnia simul fecerit an numero sex dierum, ut legitur, creaverit. Augustinus dicit […] » (ibidem, p. 260, l. 17-18). « Fecit ergo hominem non imaginem, sed ad imaginem, id est aliquo modo ad imaginem suam accedentem ponendo in eo rationem et discretionem. Fecit et ad similitudinem suam, scilicet ut sicut Deus multiplicatis et crescentibus creaturis non augetur, et destructis naturis multis non minuitur, ita et anima hominis nec crescentibus membris augetur nec aliquibus truncatis minuitur » (ibidem, p. 258, l. 25-30).

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de la persistance du péché originel chez les enfants des chrétiens, l’auteur adopte de manière synthétique la solution de Guillaume : malgré la rémission du péché originel, la corruption comme fomes peccati nous est laissée à titre salutaire pour conserver l’humilité184. Concernant la damnation des âmes quotidiennement créées, l’auteur combine en les accordant les deux solutions de L 43, à savoir le consentement de l’âme à sa contamination par le corps et l’immutabilité du projet divin. La première explication convient pour l’adulte dont l’âme est responsable, mais pose problème pour les enfants morts avant l’âge de raison185. La seconde réponse vaut pour les enfants et manifeste le primat de la providence sur toute autre considération186. Les vues présentées sur la rédemption sont également marquées par l’enseignement d’Anselme et de Raoul187. La version longue (Deus principium et) est aussi touchée par l’influence laonnoise dans sa partie originale : peu perceptible dans les traités sur le baptême et l’eucharistie, elle est nette dans l’exposé consacré au mariage apparenté aux sentences matrimoniales LP 255-265 et à un De conjugio présent dans les recueils Principium et causa et De sententiis divine188. Le recueil Principium et causa ou Sententiae Anselmi La complexité de la tradition manuscrite atteint un rare degré avec cet ouvrage, sans doute à la mesure de son importance et de sa célébrité189. Franz Bliemetzrieder en a donné, en 1919, une édition dont la valeur critique est des

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« In corruptionem enim nature gignunt, quia ablato originali peccato quod prius habebant actualiter, corruptio tamen nature prioris pro conservatione humilitatis non penitur aufertur. Remanet enim pena peccati, que dicitur fomes peccati, delectatio carnis nostre, que licet in commixtione carnali non imputetur, si fide et sacramento thori excusatur, tamen qui per eam generantur, corruptionem carnis ex natura vitiata trahunt » (ibidem, p. 263, l. 21-27), cfr L 257 : « Destructo peccato, remanet fomes peccati » (l. 1) et L 259. « Sed quia caro illa consentiente anima, a qua regi deberet, contaminatur, pro tali consensu jure dampnatur. Sed hec causa non videtur in omnibus valere » (ibidem, p. 264, l. 28-30), cfr L 43. « Sed secundum carnem per Adam sine carnali concupiscentia propagari voluit. Animas autem ipse creare cottidie et corporibus ab homine generatis infundere proposuit. Adam autem primam creationem puram et mundam inobediendo corrupit. Deus autem, qui semper immutabilis est, propositum suum mutare nec voluit nec debuit » (ibidem, p. 265, l. 6-11), cfr notamment Guillaume, L 246, l. 58-61. « Diabolus enim, ut dictum est, creaturam Dei juste invaserat, dum hominem ad imaginem et laudem Dei creatum dominio suo mancipaverat. Deus autem creaturam suam sibi injuste subtractam voluit et debuit. Sed quia nullum in homine meritum precessit, quia peccator fuit, homo ille dominicus solus pro omnibus diabolum deserere et Deo creatori servire et per omnia Deo Patri obedire voluit » (ibidem, p. 266, l. 15-21), cfr L 47, 48, 231 et 232. Voir l’apparat des sources de l’édition aux p. 270-271. F. Stegmüller, Repertorium commentariorum, n. 797.

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plus faibles190. L’éditeur a, en effet, indûment favorisé un des neufs manuscrits alors connus, Heiligenkreuz, Stiftsbibliothek, 236, notamment en raison de l’attribution à Anselme191 : comme les autres manuscrits n’ont pas été mis à contribution sauf en de rares cas, les variantes données en notes, souvent meilleures que le texte retenu, sont le résultat de collations sans réelle réflexion sur la diffusion du texte192. En outre, ainsi que l’a clairement montré dom Wilmart, l’éditeur peu scrupuleux du recueil Principium et causa a recomposé le contenu du manuscrit et, au besoin, l’a complété avec d’autres témoins pour donner une somme en onze traités allant de Dieu aux fins dernières193. L’édition en l’état constitue déjà une interprétation de l’école de Laon : alors même que les études sur la Frühscholastik prenaient leur essor, il s’agissait de donner à lire sous la plume d’Anselme de Laon la première somme théologique du xiie siècle aux contours fermes et définitifs. Si cette interprétation a fait long feu, les études sur la tradition manuscrite en sont restées au point où dom Wilmart les avait laissées en 1939. Cette paralysie de la recherche a en partie pour origine l’annonce de la réédition et de l’édition critiques de plusieurs recueils laonnois par Heinrich Weisweiler qui ne mit jamais à exécution ce dessein194. Dans l’attente d’une indispensable réédition et pour en faciliter la réalisation, une partie du matériel manuscrit a été repris195. Les éléments réunis permettent d’apporter une confirmation nette aux conclusions générales de dom Wilmart : la version vulgate correspond aux trois premiers grands traités sur Dieu, la création et la rédemption196, tandis que la suite, d’une labilité extrême, attire le plus souvent des développements sur le mariage197. De fait, seul Leipzig, Universitätsbibliothek, lat. 1642, collection d’extraits patristiques, semble donner le recueil sans aucune addition198. En règle générale, lorsqu’un examen du manuscrit a été possible, il révèle l’absence de fin marquée. L’incertitude littéraire rejoint le manque de cohérence de la tradition 190

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Cfr F. Bliemetzrieder, Anselms von Laon systematische Sentenzen, Münster, 1919, p. 47-153, voir le compte rendu peu élogieux de R.-M. Martin dans la RHE, 16 (1921), p. 395-396. Heiligenkreuz, Stiftsbibliothek, 236, fol. 42rb : « Incipiunt sententie Anselmi ». H. Weisweiler, Das Schrifttum, p. 239. A. Wilmart, « Une rédaction française des Sentences dites d’Anselme de Laon », RTAM, 11 (1939), p. 119-144, aux p. 120-121. Cfr O. Lottin, PM, p. 328 et 391 où sont annoncées les éditions des recueils Prima rerum origo, Principium et causa et de la Summa sententiarum par H. Weisweiler. L’indication des manuscrits est fournie en dernier lieu par H. Weisweiler, « Die Arbeitsweise der sogenannten Sententiae Anselmi », p. 191, n. 13. « Principium et causa… – …me calix iste », F. Bliemetzrieder, Anselms von Laon systematische Sentenzen, p. 47-106. Cfr A. Wilmart, « Une rédaction française », p. 144. Leipzig, Universitätsbibliothek, lat. 1642, « Principium et causa… – …sed sicut tu vis » (1r38r, F. Bliemetzrieder, Anselms von Laon systematische Sentenzen, p. 47-106), xiie siècle, 49 fol., 165 × 110 mm, cfr H. Weisweiler, Das Schrifttum, p. 235-243.

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manuscrite : si le début est souvent distinctement séparé et mis en valeur par les copistes, la fin est imperceptible et diluée dans une série de sentences ajoutées sans ordre apparent. Pour les espaces anglais et français, on a ainsi déjà relevé la manière dont London, BL, Royal 5 E V, 11 A V et Vaticano, BAV, reg. lat. 241 faisaient suivre le recueil Principium et causa de sentences dont plusieurs avaient Anselme de Laon pour auteur199. Fait plutôt rare, le premier manuscrit londonien introduit l’ouvrage par un titre200, ce que ne fait pas le second moins précis dans sa présentation201. Le codex du Vatican atteste la pratique de compléter la collection avec des sentences sur le mariage dont une partie se retrouve dans un traité connu sous le nom de Cum omnia sacramenta… Conjugium est secundum Isidorum202, mais dont d’autres correspondent à des sentences attribuées à Yves par Liber pancrisis203. Dans Cambridge, Library of Gonville and Caius College, 151, la fin vulgate est explicitement mise en valeur par le copiste qui identifie les sentences formant la collection comme celles de Raoul204. Avant trois séquences de sentences parmi lesquelles le matériel anselmien est inégalement distribué, Oxford, Bodleian Library, Laud. Misc. 277 contient le recueil dans sa version vulgate selon une mise en pages très soignée séparant du reste le début et la fin de l’ouvrage205. Le traité matrimonial 199 200

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Voir le chapitre premier (deuxième partie). London, BL, Royal 5 E V, « De divine essentie natura. Principium et causa… – …transeat a me calix iste » (27v-44r, F. Bliemetzrieder, Anselms von Laon systematische Sentenzen, p. 47106), xiie siècle, 32 fol., 210 × 130 mm, circule en Angleterre au Moyen Âge. London, BL, Royal 11 A V, « Principium et causa… – …transeat a me calix » (3rb-19va, ibidem, p. 47-106), xiie siècle, 112 fol. sur 2 col., 190 × 130 mm, de Merton, voir les détails donnés en notes au chapitre premier (deuxième partoe). H. Weisweiler, Das Schrifttum, p. 33-38. Vaticano, BAV, reg. lat. 241, « Principium et causa… – …a me calix iste » (187v-208r), xiie siècle (2e moitié), 217 fol., 230 × 140 mm, provenant du Nord-Est de la France. Suivent les sentences sur le mariage : « Cum omnia sacramenta… – …esset bonum sacramentum » (208v-213r), cfr A. Wilmart, « Une rédaction française », p. 123-132. Cambridge, Library of Gonville and Caius College, 151, « Principium et causa omnium Deus… –…a me calix iste. Ordo : hucusque sententie magistri Radulfi » (128vb-142ra, F. Bliemetzrieder, Anselms von Laon systematische Sentenzen, p. 47-106, avec omission des p. 93-105, l. 15-5), xiie siècle (2e moitié), mains anglaises, 203 fol., du prieuré augustinien de Lesnes près de Woolwich, voir aussi M. R. James, A descriptive catalogue of the manuscripts in the library of Gonville and Caius College, t. 1, Cambridge, 1907, p. 172-175 et A. Landgraf, Introduction, p. 68. On trouve à la suite un ensemble de quinze sentences partiellement éditées. L’ensemble s’achève par la sentence incomplète sur le mariage : « Cum omnia sacramenta… – …hoc modo dicens… » (145vb, F. Bliemetzrieder, Anselms von Laon systematische Sentenzen, p. 129-130, l. 24-22), ce qui explique la confusion faite par le catalogueur entre ces sentences et le recueil Principium et causa. Oxford, Bodleian Library, Laud. Misc. 277, « Principium et causa omnium… – …transeat a me calix iste » (2ra-23vb, F. Bliemetzrieder, Anselms von Laon systematische Sentenzen, p. 47106), xiie siècle (3e quart), 200 fol., de Saint-Cuthbert de Durham. Le « P » initial est une lettrine de très grand module qui descend sur presque toute la première colonne, la copie est caractérisée par la présence de rubriques et de titres.

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Cum omnia sacramenta est bien présent à la suite, mais selon une attribution à « Hugues de Paris » qui n’est pas totalement erratique206. Un copiste cultivé a sans doute cru reconnaître dans la suite du recueil l’œuvre originale d’Hugues de Saint-Victor et en a fait un traité séparé. Rouen, BM, 626, transmet une version où les exposés communs avec les autres manuscrits sont complétés avec des sentences d’inspiration monastique207. On trouve aussi le début sous le nom d’Augustin dans Dublin, Trinity College Library, 117208. Toujours dans l’espace anglo-normand, il arrive que le recueil soit disjoint du traité sur le mariage dans Évreux, BM, 9 : dans ce manuscrit contenant de nombreuses œuvres théologiques, exégétiques et homilétiques, le De conjugio est recopié avant la collection209. On ne peut plus juger de la fin puisque les derniers feuillets manquent dans London, BL, 5 E VIII210. La fin est également fort difficile à circonscrire dans les manuscrits d’origine germanique. Témoin composite renfermant aussi le recueil De sententiis divine, Heiligenkreuz, Stiftsbibliothek, 236 fait suivre la collection Principium et causa de nombreux groupes de sentences dont certains fournissent des exposés parfois nourris sur divers sacrements211. Son originalité tient plus à l’attribution 206

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« Liber magistri Hugonis Parisiacensis de conjugio. Cum omnia sacramenta post peccatum… – …alias patitur nuptias » (24vb-27vb). Les sentences suivantes apparentent ce témoin au manuscrit Royal 11 A 5. Il est établi depuis Heinrich Weisweiler que le chanoine victorin a utilisé le De conjugio dans son De sacramentis, cfr Hugo de Sancto Victore, De sacramentis, 2, 11, 1, PL 176, col. 479D-481A, et H. Weisweiler, Das Schrifttum, p. 35-38 qui montre le sens de l’emprunt. Rouen, BM, 626, « Principium et causa omnium Deus… – …a me calix iste » (191r-216v, F. Bliemetzrieder, Anselms von Laon systematische Sentenzen, p. 47-106), xiie siècle (2e moitié), 245 fol., 280 × 180 mm, main normande, provient de Fécamp. Dublin, Trinity College Library, 117, « Incipiunt sentencie sancti Augustini. Principium et causa… – …quartum preceptum est : non furtum facies, furtum acceperunt » (307v-317r, F. Bliemetzrieder, Anselms von Laon systematische Sentenzen, p. 47-98), xiiie siècle (1re moitié), 317 fol. sur 2 col., 230 × 160 mm, mains anglaises, cfr M. L. Colker, Trinity College Library Dublin. Descriptive Catalogue of the Mediaeval and Renaissance Latin Manuscripts, t. 1, Dublin, 1991, p. 249-260. Évreux, BM, 9, « Principium et causa… – … pervenire valeamus cui honor et gloria in secula seculorum, amen » (69v-80v, F. Bliemetzrieder, Anselms von Laon systematische Sentenzen, p. 47-110), xiie siècle (fin), 162 fol., 180 × 120 mm, de France avec signes d’origine insulaire, de l’abbaye de Lyre à l’époque moderne, cfr C. Jeudy et J.-F. Riou, Les manuscrits classiques latins des bibliothèques publiques de France, t. 1, Paris, 1989, p. 628-634. Le traité matrimonial laonnois est aux fol. 59v-63v. London, BL, 5 E VIII, « Principium et causa… – …ad mentiendum sic inducuntur » (57r-80v, F. Bliemetzrieder, Anselms von Laon systematische Sentenzen, p. 47-100), xiie siècle (2e moitié), 80 fol. en deux unités codicologiques réunies à date inconnue (1-56, 57-80), 205 × 145 mm, du prieuré bénédictin de Saint-Swithun de Winchester, cfr aussi A. Wilmart, « Une rédaction française », p. 143. Pour donner son édition, F. Bliemetzrieder s’est appuyé sur les feuillets 42rb-85vb de Heiligenkreuz, Stiftsbibliothek, 236 : « Incipiunt sententie Anselmi. Principium et causa… – …quam duxit vel illa… » (incomplet de la fin), 173 fol. du xiie au xive siècle, cfr F. Bliemetzrieder, Anselms von Laon systematische Sentenzen, p. 4*-10*.

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de l’ensemble à Anselme qu’à son contenu. La réalisation du manuscrit remontant à la seconde moitié du xiie siècle, il semble difficile, comme le fait l’éditeur, de reconnaître le recueil dans les indications d’ailleurs imprécises du catalogue dressé sous l’abbé Godeschalk (1134-1147)212. Il faut sans doute rattacher à cette tradition germanique attribuant l’œuvre à Anselme Firenze, Biblioteca Medicea Laurenziana, Conv. soppr. 145 jadis signalé par Friedrich Stegmüller ainsi qu’un nouveau témoin provenant de l’abbaye de Kremsmünster213. Autre témoin à porter une attribution anselmienne, Salzburg, Stiftsbibliothek St. Peter, lat. a VII 29 se présente comme une compilation de sentences augustiniennes effectuées par Anselme et porte aussi le traité matrimonial214. Plusieurs manuscrits germaniques apparentés offrent également l’ouvrage avec le De conjugio que ce soit Princeton, University Library, Library of Robert Garrett, 169, manuscrit composite où le traité matrimonial est intégré dans les sentences215 selon une version proche de celle de Vaticano, BAV, reg. lat. 241216,

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« Item sententie… de novo testamento », « Item sententie diversorum in unum collecte », « Item sententie quedam et disputatio Judei cum christiano simul », éd. T. Gottlieb, Mittelalterliche Bibliothekskataloge Österreichs, t. 1, Niederösterreich, Vienne, 1915, réimpr. Aalen, 1974, p. 19-21. Firenze, Biblioteca Medicea Laurenziana, Conv. soppr. 145, « Collectae de sancta Trinitate sententiae a magistro iunonis (?) Anselmo. Principium et causa omnium Deus… – … » (109-121, F. Bliemetzrieder, Anselms von Laon systematische Sentenzen, p. 47-88), ainsi signalé par F. Stegmüller, « Sententiae Berolinenses », p. 37. Kremsmünster, Stiftsbibliothek, CC 289 : « Sententie a magistro Anselmo collecte de Trinitate. Principium et causa… – …transeat calix iste » (126r-155v, F. Bliemetzrieder, Anselms von Laon systematische Sentenzen, p. 47-106), xiie siècle (3e quart), 191 fol., cfr H. Fill, Katalog der Handschriften des Benediktinerstiftes Kremsmünster, t. 1, Von den Anfängen bis in die Zeit des Abtes Friedrich von Aich (ca. 800-1325). Katalogband, Vienne, 1984, p. 375. Salzburg, Stiftsbibliothek St. Peter, lat. a VII 29 contient le recueil Principium et causa aux fol. 52r-64v sous le titre : « Sententie Augustini a magistro Anshelmo conjuncte de Trinitate », xiie siècle, 85 fol., 240 × 170 mm. Il a pour point commun avec Heiligenkreuz un traité pseudo augustinien connu comme Dialogus quaestionum LXV Orosii et Augustini (CPL 373a ; PL 40, col. 733-752). Princeton, UL, Library of Robert Garrett, 169, « Principium et causa… – …si autem duxerit dimittet ipsam et priori uxori adherebit. Sentencie » (198r-246v, F. Bliemetzrieder, Anselms von Laon systematische Sentenzen, p. 47-147), xiie siècle, 246 fol., 170 × 120 mm, plusieurs mains germaniques, porte la reliure médiévale de l’abbaye d’Admont, cfr S. de Ricci et W. J. Wilson, Census of Medieval and Renaissance Manuscripts in the United States and Canada, t. 2, New York, 1937, p. 2295-2296. On peut signaler la présence du Liber sententiarum d’Abélard, cfr C. J. Mews, « Scholastic Theology in a Monastic Milieu in the Twelfth Century : the Case of Admont », dans Manuscripts and Monastic Culture. Reform and Renewal in TwelfthCentury Germany, éd. A. I. Beach, Turnhout, 2006, p. 217-239, aux p. 225-226. L’explicit a pu être transcrit grâce à l’obligeance de M. Don Skemer, conservateur des manuscrits de la bibliothèque universitaire de Princeton, qui a bien voulu m’envoyer des clichés du feuillet 246, malgré une reliure médiévale trop serrée excluant la reproduction intégrale par microfilmage ou numérisation. Les trois dernières sentences sur le mariage correspondent aux extraits 15, 16 et 19 édités d’après Vaticano, BAV, reg. lat. 241 par dom Wilmart, « Une rédaction française », p. 128-129.

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Bamberg, Staatsbibliothek, Patr. 98 apparenté au manuscrit de Princeton217, München, BSB, Clm 5997 avec une attribution anselmienne postérieure218, Stuttgart, Württembergische Landesbibliothek, theol. et phil. 4° 253219 et Wien, ÖNB, 1705220. De plus, outre les manuscrits de Londres et de Dublin déjà cités, la version vulgate apparaît dans un certain nombre de témoins de façon incomplète à des degrés divers et sans logique apparente : plus encore que pour les manuscrits complets, on ne saurait se flatter de donner une vue complète en raison de l’imprécision des catalogues pour ce type de pièces221. Claremont University Colleges, William L. Honnold Library, Crispin 25 contient le début jusqu’au commencement de l’exposé relatif à la rédemption222. Valenciennes, BM, 177, a subi des mutilations qui ont gravement affecté le recueil223. Dans 217

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Bamberg, Staatsbibliothek, Patr. 98, « Principium et causa… – …dimittet ipsam adherebit priori uxori » (1r-44v, F. Bliemetzrieder, Anselms von Laon systematische Sentenzen, p. 47-147), xiie siècle, 155 fol., 170 × 115 mm, des dominicains de Bamberg, cfr ibidem, p. 18*. Le titre « Summa magistri Joannis » est d’une main postérieure, cfr M. Grabmann, Die Geschichte, t. 2, p. 149 et F. Leitschuh et H. Fischer, Katalog der Handschriften der königlichen Bibliothek zu Bamberg, Bamberg, 1966, p. 479. München, BSB, Clm 5997, « Incipiunt sententie Anshelmi. Principium et causa… – … ? » (1r-32r), xiiie siècle, 111 fol., d’Ebersberg. L’attribution à Anselme est d’une main de la fin du Moyen Âge sur des feuillets qui paraissent avoir été refaits aux xive-xve siècles, cfr F. Bliemetzrieder, Anselms von Laon systematische Sentenzen, p. 17*. Le manuscrit est aussi un témoin du Liber poenitentialis d’Alain de Lille, cfr J. Longère, Alain de Lille Liber poenitentialis, Louvain - Lille, 1965, t. 1, p. 47-48. Stuttgart, WLB, theol. et phil. 4° 253, « Principium et causa… – …transeat a me calix iste » (1r-9v, F. Bliemetzrieder, Anselms von Laon systematische Sentenzen, p. 47-106), xiie siècle, de Zwiefalten. Le recueil Principium et causa est suivi de traités sur le mariage (9v-14v), le baptême (14v-16v), l’eucharistie (17r-19r) et la pénitence (20r), tous extraits ou proches de l’édition de F. Bliemetzrieder, cfr H. Weisweiler, Das Schrifttum, p. 140-150. Wien, ÖNB, 1705, « Principium et causa… – …a me calix iste » (43r-59r, F. Bliemetzrieder, Anselms von Laon systematische Sentenzen, p. 47-106), xiie et xiiie siècles, 103 fol., des jésuites de Millestadt. Le recueil est suivi des traités sur le mariage (59r-62r), la simonie (62r-63r) et d’autres pièces dont la lettre d’Anselme de Laon à l’abbé Héribrand (66v). On trouve par exemple des extraits non identifiés du recueil dans Leipzig, UB, lat. 96 aux fol. 1-2 et 88v-89v d’un manuscrit contenant le Cantique et les épîtres canoniques glosés (2v-88v), xiie-xiiie siècle, 89 fol., 250 × 155 mm, provenant sans doute de Chemnitz, cfr R. Helssig, Katalog der Handschriften der Universitäts-Bibliothek zu Leipzig, t. 4, Die lateinischen und deutschen Handschriften, Leipzig, 1926, p. 101-102. Claremont University Colleges, William L. Honnold Library, Crispin 25, « Principium et causa… – …Modus ergo et tempus reparationis hominum consideranda sunt… » (1v-17v, F. Bliemetzrieder, Anselms von Laon systematische Sentenzen, p. 47-78), xiie siècle (milieu), main anglaise, 151 fol., 210 × 155 mm, cfr C. W. Dutschke et R. H. Rouse, Medieval and Renaissance Manuscripts in the Claremont Libraries, Berkeley - Los Angeles - Londres, 1986, p. 52-58. Je remercie Constant J. Mews de m’avoir signalé ce manuscrit dont le contenu n’avait pas été identifié par le catalogue. Une petite partie du recueil Principium et causa est, en outre, reprise dans la série de textes contenus aux fol. 37-49, voir ibidem, p. 54. Valenciennes, BM, 177, les cahiers ont été mutilés, intervertis et portent une version plus étendue que dans l’édition, il faut donc lire : « …Trinitas legatur dixisse, faciamus hominem ad imaginem et similitudinem nostram (Gen. 1, 25), ad imaginem totius Trinitatis homi-

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Cambridge, Library of Gonville and Caius College, 210, il apparaît sous forme d’extraits dans un manuscrit fautivement relié224 Dans Paris, BNF, lat. 18108, le recueil, mis en valeur comme une brève collection de sentences indépendantes, est suivi par une série de sentences exégétiques et théologiques apparemment originales225. Dans Köln, Historisches Archiv der Stadt, W 8° 91*, la collection de sentences est fragmentaire et le traité De conjugio fait ici suite à la la Summa sententiarum226, alors que dans München, BSB, Clm 22031, à côté de la Summa sententiarum et d’extraits du De sacramentis d’Hugues de Saint-Victor, on trouve l’exposé sur le péché, la loi naturelle et l’Ancien Testament suivi d’un remaniement du De conjugio227. Edinburgh, University Library, 105 transmet sous le nom d’Hugues les premiers exposés sur Dieu, la création de l’ange, celle de l’homme et le début de celui sur la tentation228. En raison de son attribution à un mystérieux maître Wutolf, la version incomplète de München, BSB, Clm

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nem creatum esse hoc est discretionem boni et mali habere. Accipitur etiam imago pro conformitate… – …quia cibum quem novit » (9r-16v, F. Bliemetzrieder, Anselms von Laon systematische Sentenzen, p. 56-61, l. 22-24), « sibi prohibitum esse scienter manducavit… – … que si bona est et actus … » (1r-8v, ibidem, p. 61-71, l. 24-13), xiie siècle, 48 fol., provient de Saint-Amand mais n’a pas été produit sur place, il manque 6 cahiers (au fol. 24v, on trouve un numéro de cahier : « VIIII »). Cambridge, Library of Gonville and Caius College, 210, «

rincipium et causa omnium est Deus… – …questionis difficultate coacti » (2r-5v, ibidem, p. 47-78, nombreuses lacunes textuelles et fol. mal reliés), xiie siècle (2e moitié), mains anglaises, 128 fol., voir aussi le signalement peu explicite de M. R. James, A descriptive catalogue, t. 1, p. 244-246. Paris, BNF, lat. 18108, « Principium et causa… – …aut major minori timens » (43rb-44vb, F. Bliemetzrieder, Anselms von Laon systematische Sentenzen, p. 47-59), xiie siècle (2e moitié), 17 fol. à 2 col., 205 × 150 mm ; voir aussi les détails donnés au chapitre premier (deuxième partie). Köln, Historisches Archiv der Stadt, W 8° 91*, « Principium et causa… – …investigabiles vie ejus » (48r-59v, ibidem, p. 47-78), début xiiie siècle, 92 fol., 155 × 105 mm ; sur ce manuscrit décrit par H. Weisweiler, Das Schrifttum, p. 212-214, voir les corrections de C. WinkelmannGiesen, Der Bücherbesitz des Klosters St. Vitus in Gladbach, t. 1-1, Die Handschriften, Cologne, 1998, p. 190-191. München, BSB, Clm 22031, « Cum per peccatum et angelum cecidisse… – …in libro vite scripta sunt » (96v-107r, ibidem, p. 68-92), xiie siècle, 107 fol., 215 × 150 mm, de Wessobrunn, où il est présent dès le xiiie siècle, puisque le manuscrit apparaît dans le catalogue de 1221, cfr H. Weisweiler, « L’École d’Anselme de Laon », p. 371-376 et P. Ruf, Mittelalterliche Bibliothekskataloge Deutschlands und der Schweiz, t. 3-1, Bistum Augsburg, Munich, 1932, p. 185-187 (p. 186 : « Liber questionum Hugonis »). Edinburgh, UL, 105, « Incipit prologus Hugonis in opere quod est principium et causa. Principium et causa omnium Deus… – …esse vivere et intelligere. De creatione mundi. Creavit Deus mundum… – …sed sibi serviret » (21v-24r, F. Bliemetzrieder, Anselms von Laon systematische Sentenzen, p. 47-49, l. 1-22, p. 54-59, l. 5-25, avec sans doute un saut du même au même), xiie-xiiie siècle, 36 fol., plusieurs mains anglaises, cfr C. R. Borland, A Descriptive Catalogue of the Western Mediaeval Manuscripts in the Edinburgh University Library, Édimbourg, 1916, p. 165-166, qui n’a pas su faire le partage entre le recueil Principium et causa et les sentences copiées à la suite. On peut rapprocher de ce témoin l’article 48 dans le catalogue des cisterciens de Flaxley, comté de Gloucester, datant du début du xiiie siècle : « Hugonis principium et causa », éd. D. N. Bell, The Libraries of the Cistercians, Gilbertines and Premonstratensians, Londres, 1992 (Corpus of British Medieval Library Catalogues 3), p. 22.

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Troisième partie

14730 a exercé la sagacité et l’imagination des critiques229 : l’identification de ce maître par l’éditeur avec l’élève d’Anselme, Lotulfe de Novare, a été refusée par Heinrich Weisweiler en raison de sa fragilité, tandis que la proposition dubitative de dom Lottin de lire dans Uutolfus une erreur de graphie pour Ratolfus, c’est-à-dire Raoul de Laon, n’a guère été suivie230. Une mention médiévale peut-être indépendante vient cependant renforcer l’hypothèse de Franz Bliemetzrieder. En effet, un catalogue, qui date de la fin du xiie siècle et qui décrit le fonds d’une bibliothèque non identifiée d’Allemagne du Sud, signale dans un contexte scolaire des « sentences rassemblées par Lotulfe dont deux quaternions sur la divinité »231. Si l’on accepte l’identification avec l’élève d’Anselme, il conviendrait alors de corriger Uutolfus en Luitolfus. L’identification proposée par le manuscrit et le catalogue, sans garantir absolument l’attribution, signale tout de même une origine qui n’a rien d’invraisemblable. On ne saurait achever un panorama de la diffusion manuscrite sans mentionner quelques remaniements : en l’absence d’examen précis, on peut en supposer l’existence dans Dublin, Trinity College Library, 207232 et dans Wien, ÖNB, 854233. On a pu examiner directement celui contenu dans London, BL, Harley 3851 : dans la deuxième unité codicologique de ce recueil factice, la quasi-totalité de l’exposé sur le baptême de la Summa sententiarum est précédé d’une main différente par un remaniement de la collection Principium et causa234. Des extraits de cette collection sont mêlés à d’autres passages où 229

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München, BSB, Clm 14730, « Sententie a magistro Uutolfo collecte. Principium et causa… – …ad hominem pertinent » (73r-82r, F. Bliemetzrieder, Anselms von Laon systematische Sentenzen, p. 47-86), xiiie-xive siècle, 106 fol., de Saint-Emmeran, cfr ibidem, p. 16*-17*. F. Bliemetzrieder, « Gratian und die Schule Anselms von Laon », Archiv für katholisches Kirchenrecht, 112-1 (1932), p. 37-63, aux p. 58-59, réfuté par H. Weisweiler, Das Schrifttum, p. 23-24 ; pour Raoul, cfr O. Lottin, PM, p. 184. « Sententie a Lo˘itolfo collecte in quo due ceterniones de divinitate », München, BSB, Clm 19112, fol. 177v ; éd. M. Manitius, « Drei ungedruckte Bibliothekskataloge », Neues Archiv, 32 (1907), p. 243-251, à la p. 245. Dublin, Trinity College Library, 207, « Incipit de principio et causa omnium. Principium et causa omnium Deus… – …reproborum qua (sic) bonorum non audivi » (214v-239v), xiiie siècle (2e moitié), 239 fol. sur 2 col., 255 × 175 mm, plusieurs mains anglaises, manuscrit composite, cfr M. L. Colker, Trinity College Library Dublin, p. 394-396. L’incipit du manuscrit de Dublin se rapproche, par exemple, de l’article décrit en 1502 dans le catalogue de la bibliothèque cistercienne d’Eberbach : « g 16 Sermones aliqui. Item liber de principio et causa omnium rerum. Initium Me oportet minui » (N. F. Palmer, Zisterzienser und ihre Bücher. Die mittelalterliche Bibliotheksgeschichte von Kloster Eberbach im Rheingau, Regensburg, 1998, p. 273). Le contenu de Wien, ÖNB, 854, xiie siècle, 92 fol., 195 × 130 mm, de provenance inconnue, est décrit de manière peu claire par F. Bliemetzrieder, Anselms von Laon systematische Sentenzen, p. 19*-22*. L’incipit indiqué par l’éditeur (« Incipiunt sententie divinitatis. Prima rerum origo et causa omnium Deus », fol. 1r), laisse penser qu’il s’agit plutôt d’un témoin du recueil Prima rerum origo. London, BL, Harley 3851, « Principium et finis Deus causa omnium rerum… – …quidam terram, quidam mare et cetera » (33r-51v, ibidem, p. 47-93), « Post legem Moisi… – …parvulo cognite » (51v-56r, Otto Lucensis, Summa sententiarum, 5, 1-12, PL 176, col. 127A-138A), xiie

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une place importante est réservée aux auctoritates, notamment Augustin, en raison de l’utilisation du recueil Deus non habet. En l’état de nos connaissances, il paraît plus sage de se concentrer sur la version commune à l’ensemble des manuscrits complets pour caractériser l’ouvrage. Il commence par une introduction spéculative traitant de la substance divine une et trine235. Le développement sur les anges comprend les habituelles questions sur la chute des mauvais anges et une, plus rare, sur le libre arbitre angélique236. La création de l’homme est traitée, de manière attendue, dans les questions suivantes237. Plus remarquable est la place très importante accordée au péché originel et à ses conséquences, avec des passages complexes et peu fréquents sur la volonté divine et la nature du mal 238. De manière large et non moins originale, le dernier ensemble de questions s’occupe des différentes manières dont Dieu rachète l’homme239. L’auteur procède avec moins de rigueur pour ces questions dont l’enchaînement, pourtant toujours cohérent, se fait plus souple : la loi naturelle, les vertus de foi, d’espérance et de charité, la circoncision, les rapports entre la providence et la prédestination, les dix commandements de la loi écrite et les différents genres de peur sont successivement passés en revue. L’absence la plus remarquable est celle des questions sur l’incarnation. On peut seulement objecter que l’auteur fait consister le temps de la grâce dans la révélation de la foi qui est effectivement abordée240. Cependant, les flottements largement attestés pour la fin laissent supposer un état imparfait auquel il a été tenté, plus ou moins adroitement, de remédier avec divers exposés sur les sacrements dont le plus attesté porte sur le mariage. La forme de la quaestio est inégalement répartie : surtout présente dans les premières sections, elle se raréfie nettement dans l’extrême fin241. Autant

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siècle (2e moitié), 56 fol. en deux unités codicologiques (1-32 ; 33-56) réunies à date inconnue, au moins deux mains germaniques. « Principium et causa… – …vivere et intelligere » (F. Bliemetzrieder, Anselms von Laon systematische Sentenzen, p. 47-48, l. 1-5). « Creavit Deus mundum… – …mala esse sinerentur » (ibidem, p. 48-55, l. 10-16). « Corpoream creaturam rationalem… – …eternitatem sed usus » (ibidem, p. 55-59, l. 17-10). « Diabolus ergo videns… – …semper autem justa » (ibidem, p. 59-78, l. 11-12). L’exposé sur le mal est structuré comme un vrai traité : « Inquirendum est an aliquid sit peccatum vel quid sit […]. Intuendum est autem primum que res vel sint vel esse dicantur proprie, ut facilius postea quid ab his excludatur possimus intelligere. […] Visis his consequenter notandum est […]. Invenimus mali originem non aliud esse quam bonum […]. Postquam ex parte dictum sit quid sit peccatum, consequens est modo attendere quod in primo parente originale fuerit peccatum » (ibidem, p. 68-71, l. 13-21). « Quia vero homo… – …a me calix iste » (ibidem, p. 78-106, l. 13-17). « Modus vero lex prius naturalis, postea vero ea sopita, lex per Moysen scripta, tempore autem gratie Spiritus scribens in corde, id est fides operans ex dilectione » (ibidem, p. 78-79, l. 29-2). Cfr ibidem, p. 52-53, l. 16-7, p. 53, l. 8-11, l. 12-17, p. 54-55, l. 15-3, p. 55, l. 4-9, l. 10-16, p. 58, l. 10-19, l. 20-26, p. 61-62, l. 21-21, p. 62, l. 22-27, p. 64-65, l. 13-6, p. 66, l. 14-25, p. 67, l. 10-14,

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que dans la convocation des auctoritates242, la question consiste dans la confrontation et l’évaluation des avis des quidam : ainsi la question sur la damnation de l’âme nouvellement créée ne comporte-t-elle pas moins de quatre avis anonymes et différents, malgré sa brièveté243. Tel qu’il se présente, l’ouvrage connaît indubitablement les sentences issues de l’enseignement d’Anselme de Laon et de Guillaume de Champeaux. La description de la nature de l’âme rejoint nettement celle de Guillaume, tandis que sa création ad imaginem et similitudinem est évoquée selon les termes utilisés par Anselme244. Dans le développement sur le péché originel et son rapport à la volonté divine, l’auteur adopte la tripartition anselmienne et en présente tous les caractères originaux, avec des aménagements communs au recueil Deus non habet245. Une nouvelle fois ce sont les passages sur le péché originel où l’on note la plus forte dépendance par rapport aux sentences laonnoises. On retrouve l’idée, chère à Anselme et Guillaume, selon laquelle le mode de génération par concupiscence, pardonné aux parents chrétiens, est un effet du péché originel et constitue une peine pour l’enfant246. Les quatre positions sur la

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p. 67-68, l. 15-10, p. 68-71, l. 11-17, p. 72-73, l. 21-2, p. 73-74, l. 3-2, p. 74, l. 2-18, p. 74-76, l. 19-6, p. 76, l. 7-20, l. 20-22, l. 22-30, p. 77, l. 1-3, p. 77-78, l. 4-3, p. 78, l. 4-12, p. 79-80, l. 21-11, p. 81-82, l. 24-18, p. 82-83, l. 19-23, p. 83-84, l. 24-13, p. 85-86, l. 19-6, p. 87, l. 6-20, p. 89, l. 3-13, l. 14-19, p. 89-90, l. 32-1, p. 90, l. 1-3, p. 92, l. 15-19, l. 25-28, l. 29-30, p. 92-93, l. 31-4, p. 96-97, l. 29-7, p. 97, l. 8-18, p. 99, l. 21-24, p. 100, l. 27-31, p. 100-101, l. 31-8, p. 104, l. 10-24. Elles sont parfois utilisées pour couper court à un développement : « Queritur autem quare non magis hunc quam illum elegerit. Penes ipsum est, nobis autem sufficit dicere cum Apostolo : quam investigabiles vie ejus (Rom. 11, 33) » (ibidem, p. 90, l. 1-3). « Queritur ergo qua justitia anima nova creata et corpori munda infusa statimque ab illo separata dampnetur. Ad quod quidam dicunt […]. Alii autem dicunt […]. Dicunt autem alii […]. Alii autem dicunt […] » (ibidem, p. 77, l. 4-17). « Duas quoque naturas Deus in anima posuit, unam superiorem, id est rationem, aliam inferiorem, id est sensualitatem, cujus summum rationis imo subjectum est. Per rationem, que superior est et dignior, eterna et invisibilia anima appetit. Per sensualitatem, que posterior est, inferiora ista et visibilia administrat et disponit » (ibidem, p. 55-56, l. 27-5), cfr L 244, et « Ad imaginem quia sapiens et rationalis facta est, sicut Dei Filius sapientia est Patris […]. Ad similitudinem suam fecit Deus animam quia, sicut ipse nec crescentibus creaturis crescit nec decrescentibus decrescit, cum tamen sit in omnibus, sic et anima nec minutis membris minuitur nec adauctis augetur et tamen est in omnibus » (ibidem, p. 56, l. 11-13 et p. 57, l. 2-6), cfr L 29 et 30. « Sed notandum est tribus modis sacram scripturam accipere voluntatem Dei, id est dispositionem, preceptum et illam quam ipse in sanctorum suorum cordibus facit voluntatem. Hoc enim quod ipsi per eum volunt et ipse velle dicitur » (ibidem, p. 63, l. 1-4), cfr L 31, avec des ajouts : « Illa etiam voluntas que dicitur preceptum alia est precipiens ut : honora patrem et matrem (Ex. 20, 12), alia prohibens ut : non mechaberis (Ex. 20, 14) » (ibidem, p. 63, l. 25-27). « Alii dicunt, quamvis originale peccatum patribus sit dimissum, quia tamen in concupiscentia que et peccatum et pena peccati est, gignunt, geniti per concupiscentiam et ardorem turpitudinis, qua totus homo occupatur, originalem maculam trahunt. Nam quamvis concupiscentia in parentibus per bonum conjugii excusetur, particula tamen illa, que jam separata ad illam personam transit, non absolvitur ab originali peccato, quia per concupis-

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damnation de l’enfant non baptisé rejoignent le débat tel qu’il est posé dans le Liber pancrisis : le point mérite attention, tant il est rare de pouvoir identifier chacun des quidam. La première réponse est celle d’Anselme et de Guillaume pour qui Dieu ne devait pas changer son propos créateur en raison de la désobéissance humaine247. Durcissant l’expression de L 43, l’auteur considère toutefois cette solution comme insuffisante et emprunte à L 43 une autre thèse : le désir volontaire que trouve l’âme dans le corps expliquerait sa culpabilité248. Contre cette solution, plus ingénieuse que réellement satisfaisante, l’auteur fait remarquer avec finesse que le péché originel devient un péché actuel, ce qui est pour le moins contradictoire249. Un troisième dictum, dont on a vu la juste attribution à Guillaume dans la collection Deus est sine, revient à appeler péché originel l’incapacité de l’âme à résister au mal250. Enfin, on trouve même la solution de ceux pour qui la peine des enfants n’est que privation de la gloire, selon l’interprétation que donne Abélard de la mitissima pena augustinienne251. Une telle diversité pourrait faire conclure à tort à une multiplicité de sources, voire à un auteur connaissant autant d’écoles que d’avis cités. De fait, la sentence L 43 rapporte les deux premières explications, tandis que les sentences de Guillaume L 260 et 268 contiennent les deux dernières. Un seul milieu d’origine suffit pour comprendre ce recueil et la manière dont il collecte les solutions fournies par Anselme et Guillaume. La suite n’est pas en reste, puisque l’exposé sur la charité reprend l’explication d’Anselme sur l’amour du prochain 252. En outre, si l’auteur se

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centiam propagata est, que est pena et effectus originalis peccati » (ibidem, p. 73, l. 15-22), cfr L 45 et 246. « Ad quod quidam dicunt Deum proposuisse corpora ab hominibus propagari, se autem novas animas creare et mundis corporibus mundas infundere. Quod propositum Deus noluit mutare, quamvis homini placuisset peccare » (ibidem, p. 77, l. 5-8). « Alii autem dicunt cum quodam desiderio animas corpora intrare et delectando peccare juxta id Augustini : certus sum… » (ibidem, p. 77, l. 10-12), cfr L 43 avec la même citation augustinienne. « Secundum hoc autem anima non solum dampnatur pro originali, quod tamen auctoritas dicit, cum hoc peccatum desiderii actuale sit » (ibidem, p. 77, l. 12-14). La question est reprise juste après, sans être tranchée : « Queritur autem utrum anima voluntate peccet an necessitate. […] Expedit autem in occultis Dei judiciis omnes nos humiliari » (ibidem, p. 78, l. 4-9). « Dicunt alii animam in corporis unione habilitatem non resistendi malis et resistendi bonis quasi maculam originalem contrahere » (ibidem, p. 77, l. 14-16), cfr L 260. « Alii autem dicunt animam in corporis unione nullam prorsus peccati maculam suscipere, sed quia statim egressa nichil in eo meruit, gloria tamen carere. Unde Augustini auctoritate innituntur qui dicit illorum penam esse mitissimam qui in propria persona nichil boni vel mali egerunt » (ibidem, p. 77-78, l. 16-3). « Dicit autem scriptura : diliges proximum tuum sicut te ipsum (Matth. 5, 43). Quod potest intelligi dictum esse secundum similitudinem et non quantitatis equalitatem, ut non scilicet jubeamur diligere proximum tantum ut nosmet diligere, sed sicut, id est in his omnibus in quibus nos diligimus recte, id est in natura et reparatione nature et que pertinent ad hec duo » (ibidem, p. 81, l. 17-22), cfr L 74. Voir aussi la même interprétation reprise dans le recueil Principium et causa, ibidem, p. 82, l. 14-18.

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montre plus indulgent qu’Anselme pour les plaisanteries, il condamne avec une égale vigueur et en des termes similaires le mensonge officieux253. De façon similaire, les différentes continuations, qu’elles soient d’origine française, insulaire ou germanique, comportent une part variable, mais toujours présente, de matériel anselmien identifié254. Le recueil De sententiis divine ou Sententie divine pagine Cette collection présente des traits proches de ceux du recueil Principium et causa : un ouvrage au début bien déterminé mais une fin à laquelle il est peu aisé d’assigner une limite. Si l’on reprend les cinq manuscrits complets dont quatre ont été utilisés par Franz Bliemetzrieder dans son édition de 1919, tous ont en commun de s’arrêter sur la question de la validité du baptême fictif255. Au-delà, les divergences commencent entre une fin majoritairement attestée par quatre témoins (Heiligenkreuz, 236, London, BL, Arundel 360, Paris, BNF, lat. 18108 et Bibl. Mazarine, 731), non sans variation importante dans le détail, et une finale toute différente que transmet Paris, Bibl. Mazarine, 708 avec le renfort du lacunaire London, BL, Royal 11 A V256. Quelques indices aident à mieux circonscrire la fin vulgate. Dans Heiligenkreuz, 236, le début au feuillet 98va avec le De sacramento altaris de Guillaume de Saint-Thierry fournit le terminus ad quem257. Dans London, BL, Arundel 360, le standard décoratif utilisant un titre rubriqué vaut jusqu’au traité sur le mariage déjà signalé258. Paris, BNF, lat. 18108 comprend une suite 253

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« Jocosa verba et ironie et parabole et cetere figurative locutiones mendacia non sunt. […] Si quis pro salute alterius veritatem negat, mendacium est. Verbi gratia, si quis hostem suum persequens me interrogaverit : vidisti eum ? et ego responderem ei : non, cum tamen vidissem eum, mendacium esset et non faciendum cuiquam. Pro nulla enim re contra auctorem nostrum quicquam facere debemus. Melius enim est illum corporali gladio perire quam animam spiritualiter telo mendacii occidere » (ibidem, p. 99, l. 7-8 et 15-21), cfr L 88, l. 16-25. Voir ainsi les identications données lors de l’examen des témoins. « De sententiis divine pagine… – …dubitavit bene fecit » (ibidem, p. 3-46), cfr F. Stegmüller, Repertorium commentariorum, n. 772. Ces notations complètent, en les corrigeant parfois, les remarques de dom Lottin, « Une tradition spéciale du texte des Sententiae divinae paginae », dans Studia mediaevalia in honorem admodum Rev. P. Raymundi Josephi Martin o.p., Bruges, 1948, p. 147-169 repris dans PM, p. 353-372. Heiligenkreuz, Bibl. des Zisterzienserstifts, 236, « De sententiis divine pagine… – …dubitavit bene fecit » (85vb-98rb, F. Bliemetzrieder, Anselms von Laon systematische Sentenzen, p. 3-46) ; « Fratri in Christo karissimo illuminatos oculos. Lego et relego… » (98va, Guillelmus de Sancto Theodorico, De sacramento altaris, éd. P. Verdeyen, S. Ceglar, Turnhout, 2003 (CCCM 88), p. 47). London, BL, Arundel 360, « De sententiis divine pagine… – …dubitavit bene fecit » (1r-10r, F. Bliemetzrieder, Anselms von Laon systematische Sentenzen, p. 3-46), xiie siècle, 66 fol., 195 × 140 mm, de la chartreuse de Mayence. Le D initial (20 × 20 mm) est filigrané, tandis que les paragraphes sont marqués par un retour à la ligne avec initiale à l’encre rouge (en moyenne 10 mm de hauteur). On note à partir du fol. 2r un titre rubriqué à la fin de la ligne précédant

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de sentences proches de la série précédente et qui s’étendent d’un strict point de vue décoratif sur les feuillets 30r-34vb259. Dans Bibl. Mazarine, 731, le recueil est continué par des sentences que rapproche une certaine unité décorative260. Dans l’attente d’une collation intégrale des témoins qui pourrait seule apporter de nouveaux éclaircissements261, on remarque un phénomène identique à celui déjà relevé pour le recueil Principium et causa : un développement fermement établi attire une série de sentences sur les sacrements parmi lesquels le mariage est le mieux représenté. Il n’est pas non plus indifférent que les sentences utilisées à la fin des collections Principium et causa et De sententiis divine soient communes aux deux recueils : sauf à supposer chez les copistes la réutilisation indépendante d’un matériel commun, cet état de fait invite à remonter plus haut, à un milieu d’origine identique. En concurrence avec cette fin, Paris, Bibl. Mazarine, 708 renferme une série de sept exposés sur les sacrements qui traitent du baptême, de la confirmation, de l’eucharistie, du mariage, de la séparation, de l’excommunication et de la communion262. On en trouve une version proche dans London, BL, Royal 11 A V qui remanie en l’abrégeant la fin du recueil De sententiis divine et comprend les sentences sur le baptême, la confirmation, l’eucharistie et l’excommunication de Mazarine, 708263.

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le texte ou sur la ligne même. Le dernier des titres rubriqués est « De conjugio » (15v) qui thématiquement va jusqu’au fol. 18v. La suite des sentences copiées de la même main que précédemment est caractérisée par la même présentation par initiale et retour à la ligne (18v-22r). Paris, BNF, lat. 18108, « De sententiis divine pagine… – …dubitavit bene fecit » (23r-30v, ibidem, p. 3-46), xiie siècle (2e moitié), 115 fol. sur 2 col., 235 × 160 mm. Au fol. 34vb, deux lignes en blanc et le changement d’encre signalent un nouveau groupe de sentences. Paris, Bibl. Mazarine, 731, « De sententiis divine pagine… – …dubitavit bene fecit » (97ra106rb, ibidem, p. 3-46). La séparation des sentences se fait en général par un simple retour à la ligne (absent aux fol. 106rb et 111ra-b) avec des initiales de couleur d’assez gros module (en moyenne de 10 à 20 mm). Des titres en attente, parfois non réalisés, dans les marges supérieures établissent une unité : « de essentia divinitatis » (97r), « de creatione mundi » (98r), « de libero arbitrio » (101v), « de incarnatione Filii et cur Deus homo » (104v) et « de sacramento penitentie » (107r). Voir cependant le tableau donné en annexe 2. Paris, Bibl. Mazarine, 708, « De identitate essentie Dei. De sententiis divine pagine… – … dubitavit bene fecit » (1r-13v, ibidem, p. 3-46) et « Quidam dicunt quod tanta est vis… – … contingunt hec mala » (13v-17v), xiie siècle (2e moitié), 120 fol., 190 × 130 mm (160 × 100 mm), provient d’un monastère bénédictin (?). Les sentences originales sont éditées par dom Lottin, PM, p. 362-369. Le changement est visible avec la question « Quid sit malum » (17v-18v) et surtout à partir du fol. 18v qui voit l’apparition des pieds-de-mouche comme unité de séparation de courtes sentences faisant en moyenne une dizaine de ligne. London, BL, Royal 11 A V, « Liberum arbitrium ut dicit… – …ponuntur ad terrorem » (25ra25rb, F. Bliemetzrieder, Anselms von Laon systematische Sentenzen, p. 27-30), « De remedio originalis peccati. Contra originale peccatum… – … dispositione episcopi est » (25rb-29rb, cfr ibidem, p. 27-46). La nature de l’abréviation a été étudiée par dom Lottin, PM, p. 354357.

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En outre, quatre manuscrits offrent l’ouvrage dans une version écourtée : Troyes, BM, 518 est lacunaire et s’arrête avec la création des anges264, Marseille, BM, 231 se termine par la chute angélique265, Paris, BNF, lat. 15172 par le moment de la création humaine266 et London, BL, Burney 295 par la nature humaine267. On trouve, enfin, une version incomplète et remaniée avec d’autres sentences laonnoises dans Leyden, Bibliotheek der Rijksuniversiteit, Voss. Lat. O. 87268. L’étude du contenu peut-elle aider à fixer la fin du recueil ? Il est assuré que pour les sept parties communes aux manuscrits complets, la collection présente une structure nette qui atteste un auteur unique et conscient de son projet269. L’ouvrage s’ouvre par une entrée en matière plutôt spéculative sur 264

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Troyes, BM, 518, « De sententiis divine pagine… – …vim satis dinosceret » (93ra-95vb, ibidem, p. 3-14), xiie siècle, 161 fol., provient de Clairvaux. Le recueil De sententiis divine est précédé de la sentence anselmienne L 79 augmentée de cette phrase introductive : « Qui dat elemosinam ut careat tedio impellentis, non ut reficiat viscera indigentis, et rem perdit et meritum » (93ra). Marseille, BM, 231, « Sententiis (sic) divine pagine… – …meruit cadere inrecuperabiliter… » (77ra-79vb, F. Bliemetzrieder, Anselms von Laon systematische Sentenzen, p. 3-16), xiie siècle (1170-1180), 79 fol. sur deux col., 215 × 150 mm, Nord-Est de la France, provient de la chartreuse de Villeneuve-lès-Avignon, puis passe à la chartreuse Sainte-Madeleine de Marseille fondée en 1633, cfr A. Girard et D. Le Blévec, Chartreuses en pays d’Avignon : Valbonne, Bonpas, Villeneuve-lès-Avignon, Salzbourg, 1986, p. 34 et F. de Forbin, « Les manuscrits de la chartreuse de Villeneuve-lès-Avignon », dans Les Chartreux et l’art, XIVe-XVIIIe siècles. Actes du colloque de Villeneuve-lès-Avignon, 1988, éd. D. Le Blévec, A. Girard, Paris, 1989, p. 39-63, aux p. 43-44 et 61. Paris, BNF, lat. 15172, « De sententiis divine pagine… – …quod si potest dici » (114r-119r, F. Bliemetzrieder, Anselms von Laon systematische Sentenzen, p. 3-20), mi-xiie (ou 3e quart), 8 fol. dans un recueil factice dont les éléments ont été réunis à une date inconnue, 180 × 120 mm, de Saint-Victor, cfr G. Ouy, Les manuscrits de l’abbaye de Saint-Victor, t. 2, p. 501-502. Le manuscrit a été signalé pour la première fois par A. Landgraf, « Handschriftenfunde aus der Frühscholastik », Zeitschrift für katholische Theologie, 53 (1929), p. 95-110, à la p. 110. London, BL, Burney 295, « De sentenciis divine pagine… – …sed de hoc in sequentibus largius » (3r-8r, F. Bliemetzrieder, Anselms von Laon systematische Sentenzen, p. 3-24), xiie siècle, 10 fol., 210 × 120 mm, main anglo-normande (?). Le volume appartient à un ensemble plus vaste de 122 fol. venant de l’abbaye cistercienne de Thame (Burney 246, 285, 295, 341, 344 et 357), que l’on peut reconstituer à partir de la table du contenu dans Burney 357, fol. 24v : « Liber Sancte Marie de Thama in quo continentur hec scilicet […] De sententiis divine pagine […] qui hunc fraude abstulerit vel deposuerit anathema sit » (xiiie siècle), cfr N. R. Ker, « Membra disiecta », British Museum Quarterly, 12 (1937-1938), p. 130-135, aux p. 134-135. Leyden, Bibliotheek der Rijksuniversiteit, Voss. Lat. O. 87, « Cum divina essentia sit… – … genus rarissimum est » (34r-50v), xiiie siècle, 114 fol., 153 × 110 mm, France du Nord, porte l’ex-libris de Royaumont de la fin du xiiie siècle (113r). Le recueil De sententiis divine est utilisé, de manière discontinue, depuis l’exposé sur la création jusqu’à celui sur la rédemption, cfr F. Bliemetzrieder, Anselms von Laon systematische Sentenzen, p. 10-40, l. 7-3 ; pour le détail et l’identification des sentences voir K. A. de Meyier, Codices Vossiani Latini, pars III, Codices in octavo, Leyde, 1977, p. 150-159, ainsi que le compte rendu de F. Dolbeau, Revue des études latines, 63 (1985), p. 269-271, aux p. 270-271. Cfr par exemple : « De libero arbitrio largius in suo dicetur loco » (F. Bliemetzrieder, Anselms von Laon systematische Sentenzen, p. 17, l. 7) qui renvoie aux pages 27-28 ou « Creavit

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l’ineffabilité de l’essence divine et les limites que le langage humain présente pour en parler270. L’auteur en vient ensuite à traiter de la Trinité en un passage où il se montre soucieux de déterminer les possibilités du langage pour signifier les mystères divins271. Le Dieu créateur fait ensuite l’objet de son attention, principalement au sujet de la création angélique qui occupe la majeure partie de ce troisième groupe de sentences272. L’entrée en scène de l’homme inaugure une nouvelle série de questions qui font la part belle à l’élucidation du récit biblique, depuis la création du corps adamique jusqu’au premier péché273. Est ensuite intercalé un long passage abstrait sur le libre arbitre et ses rapports avec la volonté divine274. L’auteur revient alors plutôt brutalement au péché originel dont il envisage les conséquences pour les descendants d’Adam275. Les remèdes au péché originel fournissent la matière des derniers développements selon que les secours de Dieu appartiennent à la loi naturelle, à la loi écrite ou au temps de la grâce inauguré par l’incarnation du Fils276. Compte tenu de ces éléments, les deux suites sur les sacrements se justifient autant l’une que l’autre, puisque l’étude des remèdes propres au temps de la grâce ne saurait se clore sur la seule évocation du baptême. Un léger indice, qui n’a pas été encore considéré par la critique, pourrait plaider en faveur de la série majoritairement attestée : à l’occasion des questions christologiques, l’auteur se demande si le Christ a eu peur. Il y répond par l’affirmative en alléguant le psaume 110, 10 et ajoute que la nature de cette peur fera l’objet d’un examen qui sera conjoint avec celui des vertus277. Or, il se trouve que trois des manuscrits qui portent la fin vulgate possèdent un exposé introductif sur la peur278. Il est suivi dans deux des témoins par son développement naturel qui distingue quatre genres de peurs selon un découpage apparenté à celui de Guillaume de Champeaux279. Les deux premières

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etiam eum [sc. hominem] in libertate arbitrii, scilicet quod habeat potentiam bene vel male operandi. Sed de hoc in sequentibus largius » (ibidem, p. 24, l. 26-27). « De sententiis divine pagine… – …similiter in aliis » (ibidem, p. 3-7, l. 1-3). « Postquam de identitate… – …sed personas tantum » (ibidem, p. 7-10, l. 4-6). « Cum divina essentia… – …nunc de homine » (ibidem, p. 10-19, l. 7-14). « Potest autem queri… – …depressionem liberi arbitrii » (ibidem, p. 19-27, l. 15-22). « Prius autem videamus… – …est fas dici » (ibidem, p. 27-32, l. 22-7). « Videamus imprimis quid… – …ponuntur ad terrorem » (ibidem, p. 32-35, l. 8-24). « Contra originale peccatum… – …rebaptizari propter scandalum » (ibidem, p. 35-46, l. 25-2). « Iterum queritur de timore an in eo fuerit. Ad quod respondetur : in eo fuit omnis virtus et sapientia et ita timor. Dicit enim psalmista : initium sapientie timor Domini (Ps. 110, 10). Quis autem timor fuerit in eo, cum de virtutibus disseremus, plenius assignabimus » (ibidem, p. 40, l. 20-23). « Sapientia quidem que desursum… – …et pugna fuerat » (éd. O. Lottin, « Nouveaux fragments théologiques », p. 252). « Quia autem de timore mentionem… – …a me calix iste » (F. Bliemetzrieder, Anselms von Laon systematische Sentenzen, p. 105-106), cfr L 276 où Guillaume examine les deux derniers

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peurs, servile et mondaine, sont mauvaises car motivées uniquement par l’impossibilité de faire le mal, sans en perdre l’intention, ou la crainte de faire le bien280. Une plus grande attention est portée aux deux autres peurs : la peur de la géhenne ou peur du Seigneur correspond à la définition du psaume 110, 10 et se manifeste de manière inversement proportionnelle à la charité281. Quant à la peur chaste ou filiale, elle est éternelle et rend hommage à Dieu pour sa majesté et sa miséricorde282. Comme promis plus haut, l’auteur explique que le Christ a possédé volontairement la peur de la géhenne au même titre que les autres conséquences du péché originel283. Il va de soi que chez le Christ, modèle de toute charité, elle n’a pas la même valeur que chez les autres hommes284. Est également signalée la présence, dans la personne du Christ, d’une autre peur invincible et liée à la faiblesse de la chair, aussi mentionnée par Guillaume de Champeaux285. Ainsi, moyennant l’élimination des pièces 12 et 15 manifestement interpolées286, on peut considérer avec probabilité que la série des sentences 9 à 20 constitue la fin de l’ouvrage287. Pourtant, à l’instar de ces recueils qui aiment à rassembler les solutions possibles sans forcément les opposer ni vouloir trancher, on peut considérer

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types de peur et fond en un les deux premiers. L’absence du passage dans Paris, BNF, lat. 18108 est due sans doute à une erreur du copiste. « Servilis, id est abstinere a malo per devitationem pene retinendo voluntatem faciendi malum ; alter mundanus, id est recedere a bono pro timore pene » (ibidem, p. 105). « Tertius est timor gehenne sive timor Domini qui dicitur initium sapientie […]. Iste est initium sapientie quia, eo mentem occupante, mox incipit Deus diligi […]. Sed quanto caritas crescit, tanto timor iste plus decrescit et quanto major caritas, tanto minor timor » (ibidem, p. 105). « Quartus, castus sive filialis timor vocatur. […] Nam hic incipit et in eternum permanebit. Hunc timorem, dicit Augustinus, non aliud esse quam reverentiam quandam quam Deo exhibemus. Duo sunt quippe in Deo, incomprehensibilis majestas pro qua verendus et inestimabilis misericordia et benignitas pro qua est diligendus » (ibidem, p. 106). « Et videndum est quod, sicut Christus pro nobis ceteras infirmitates et penalitates, ita etiam timorem gehenne sponte, non necessitate, assumpsit, cum se tamen salvandum ab initio incarnationis perfecte noverit » (ibidem, p. 106). « Nec mirum si Christus, in quo perfecta caritas fuit ab initio sue incarnationis, timorem qui caritati locum preparat, quem ipsa perfecta foras mittit, habuit, quia nec eum pro eadem causa qua nos, nec in eodem affectu suscepit » (ibidem, p. 106). « Est et alius timor invicibilis, dum caro nostra naturaliter propter infirmitatem penas formidat, quem Christus habuit cum dixit : pater si fieri potest, transeat a me calix iste (Matth. 26, 39) » (ibidem, p. 106), cfr « Est igitur quidam timor naturalis, omnibus animalibus communis, quando ex natura carnis ea timemus que nostram possunt ledere carnem. […] Hunc autem timorem Christus habebat cum diceret : tristis est anima mea usque ad mortem (Marc. 14, 34) » (L 276, l. 17-23). La sentence 12 est un extrait de la Summa sententiarum que l’on trouve dans le manuscrit parisien, tandis que la sentence 15 est un exposé sur les ordres mineurs et majeurs propre au seul manuscrit londonien, cfr O. Lottin, « Nouveaux fragments théologiques », p. 245, n. 13. Voir annexe 2.

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que les deux fins constituent des issues également vraisemblables288. En effet, les deux versions, aussi bien dans ce qui leur est commun que propre, sont marquées par l’enseignement laonnois. La description de la double nature de l’homme, à la fois rationnelle et sensuelle, correspond trait pour trait au portrait fourni par Guillaume de Champeaux en L 244289 : rationalité comme sensualité sont distinguées selon trois degrés en fonction de leur proximité plus ou moins grande avec l’esprit ou la matière290. La transmission du péché originel inspire à l’auteur un développement proche de celui de L 43 : si l’on admet que le péché originel est transmis avec le corps, on comprend moins qu’une faute portée par le corps vaille aussi pour l’âme291. Le corps transmis par Adam est un corps affaibli et prompt au péché292. Dès que l’âme, lors de son infusion, se plaît dans la corruption du corps, elle devient pécheresse et mérite la damnation293. Les éléments de sotériologie nous rapprochent de thèmes déjà bien connus : le Christ s’est incarné à partir d’une petite partie de chair très pure de la Vierge, tandis que le diable a perdu tout ses droits en cherchant à mettre la main sur un homme sans tache294. En outre, chacune des fins demeure dans l’orbite laonnoise. Pour s’en tenir aux exposés reconnus comme faisant partie de la fin vulgate (sentences 4, 6, 9-11, 13-14, 16-20), quelques points sont notables : le corps eucharistique

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Les deux fins sont d’ailleurs apparentées par la présence de la sentence « Notandum autem quatuor esse genera hominum… – …salvantur » aussi bien dans Heiligenkreuz, 236 (F. Bliemetzrieder, Anselms von Laon systematische Sentenzen, p. 46, l. 3-11, dans une version plus complète) que dans Mazarine, 708 (O. Lottin, PM, p. 363, l. 13-19). « Creavit Deus hominem in duabus naturis, scilicet rationalitate et sensualitate. Sensualitatem autem sic fecit ut serviret rationalitati, illa autem dominaretur » (F. Bliemetzrieder, Anselms von Laon systematische Sentenzen, p. 24, l. 1-3), cfr L 244, l. 1-4. « Notandum est autem quod tres sunt gradus rationalitatis. Unus superior, scilicet inhiare solis celestibus, qui gradus est in contemplativis. Alius inferior, scilicet inhiare solis terrenis, silicet ut recte regat ea. Medius vero aliquando celestibus, aliquando terrenis. Item sensualitatis sunt tres gradus. Superior est servire rationalitati. Inferior est remurmurare spiritualitati. Medius ex utraque confectus » (ibidem, p. 24, l. 3-9), cfr L 244, l. 9-18. « Sed si corporalis, tunc homo non debet dampnari pro eo plus quam si luto coinquinaretur. Item ibi spiritualis non est, quia spiritualis non debet esse nisi in rationabili creatura » (ibidem, p. 33, l. 4-6), cfr L 43, l. 15-20. « Quod Adam transgressus est mandatum Dei, ex illa transgressione complexio fuit debilitata et corrupta in pena peccati et omnes partes ejus debilitate sunt » (ibidem, p. 33, l. 8-10), cfr L 43, l. 30-36. « Quando anima infunditur corpori, invenit illud corpus aptum et idoneum ad peccandum et delectatur in illa aptitudine et illa delectatio appellatur peccatum originale » (ibidem, p. 33, l. 20-22), cfr L 43 et 260. « Incarnatus est autem assumendo carunculam illam ex virgine quam custodivit ab omni immunditia » (ibidem, p. 39, l. 9-10) et « Diabolus cum fratrem suum injuste invaserat et deceperat, illam tamen invasionem injustam Deus permisit ei tali conditione, ut manum in hominem subditum peccatis tantum mitteret, quam cito autem in hominem immunem a peccato mitteret, eam amitteret » (ibidem, p. 42, l. 10-14), cfr L 48, l. 34-40.

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du Christ donné aux disciples est considéré comme immortel295, tandis que la séquence sur le mariage, la simonie et l’aumône reprend des sentences de Guillaume de Champeaux et d’Anselme de Laon 296. La fin moins attestée n’est pas en reste : dans la partie baptismale, la question des enfants morts sans baptême est réglée dans un premier temps ad rigorem dans le sens de leur damnation selon le jugement de l’Église297. L’auteur précise tout de même que tel n’est pas l’avis de ses maîtres pour qui le salut de l’enfant mort in via est assuré par la foi des parents298. Anselme est donc l’un des magistri nostri dont la sententia est apportée en contrepoint. La remarque de l’élève, et partant son exposé, prennent donc leur source dans un milieu scolaire vivant et non dans la compilation d’avis de papier. De même, l’insistance sur le sacrement de confirmation comme indispensable au salut de l’adulte est typiquement anselmienne299. L’auteur exprime parfois aussi ses doutes, comme celui du recueil Divina essentia teste : concernant la nature du corps eucharistique donné à la Cène, il donne les deux solutions possibles sans indiquer sa préférence300. L’exposé sur l’excommunication, commun avec celui du recueil Divina essentia teste, a déjà été signalé pour sa clémence301. Enfin, la dernière sentence eucharistique est le remaniement du commentaire de Gratiadei, texte utilisé en milieu scolaire et parfois sous l’attribution à Anselme. La tournure d’esprit propre à l’auteur mérite également attention. Comme dans les autres recueils, la quaestio constitue la forme pédagogique par excellence302. Pour être largement présente, elle est cependant utilisée 295

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Sentence 6 : « Queritur quale corpus dederit. Tale dedit, quale fuit natura, non quale voluntate. Dominicum enim corpus ex adjunctione et natura unita sibi non in substantia tamen, sed in eadem persona immortale erat » (ibidem, p. 46, l. 17-20), cfr L 62, l. 10-18 et L 271, 274 et 275. Sentences 19 et 20 : « In peccato Simonis… – …sententiam non effugiunt » et « Nota quia in elemosina facienda… – …nec infirmos dampnaret », cfr L 281 et 79. « Nota de parvulis qui neutrum [sc. rem et sacramentum] habent quod judicio Ecclesie dampnantur et ideo extra cimiteria ponuntur, judicium autem Dei nobis occultum est » (O. Lottin, PM, p. 363, L 524, l. 20-22). « Dicunt tamen magistri nostri quod si non aliqua negligentia parentum ducantur ad ecclesiam et in via moriantur, in fide parentum salvantur » (L 524, l. 22-24). « De confirmatione tamen dicimus quod postquam aliquis adultus est, dampnatur nisi confirmetur, si per negligentiam et non necessitate eveniat, ita enim determinatur : damnatur » (L 525, l. 15-17), cfr L 57, l. 16-21 et L 60, l. 7-12. « Queritur autem an fuerit mortale illud corpus quod tunc dedit an immortale. Quidam dicunt mortale quale tunc erat. Alii dicunt immortale : qui enim transfiguravit se in monte coram discipulis potuit reddere immortale » (L 526, l. 5-9), pour le recueil Divina essentia teste, cfr O. Lottin, PM, p. 434, l. 23-28. « Excommunicatio fuit in veteri… – …non debet recipi » (L 120). Pour s’en tenir à la partie commune du recueil De sententiis divine, cfr F. Bliemetzrieder, Anselms von Laon systematische Sentenzen, p. 11, l. 11-20, p. 12, l. 1-9, p. 14, l. 6-14, l. 23-27, p. 15, l. 1-7, l. 16-23, p. 15-16, l. 24-2, p. 16, l. 3-16, l. 17-25, p. 17, l. 1-5, l. 6-15, p. 18, l. 10-25, l. 26-30, p. 19, l. 15-24, p. 19-20, l. 25-20, p. 21, l. 10-13, p. 21-22, l. 14-8, p. 24, l. 20-25, p. 25, l. 8-11, l. 24-30, p. 26, l. 20-28, p. 26-27, l. 29-2, p. 27, l. 3-4, p. 28, l. 15-24, p. 29, l. 17-18, p. 29-30, l. 18-2, p. 33-34, l. 16-6,

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avec souplesse par un auteur dont la caractéristique est aussi d’avouer son ignorance303. Que ce soit à propos du moment de la création des anges, de leur chute ou de leur restauration, de la raison de la tentation de l’homme ou bien du choix de l’incarnation, l’auteur renvoie au bon plaisir de Dieu, sans pour autant renoncer à fournir des éléments de réponse304. La finesse du compilateur se manifeste encore davantage dans les passages plus spéculatifs où il rencontre un des débats connus de son temps. Il y fait montre d’une habileté intellectuelle dont on chercherait vainement l’équivalent dans les autres collections de sentences. Parmi les passages les plus représentatifs305, on peut mentionner le long excursus sur le libre arbitre, particulièrement le passage où l’auteur cherche à concilier le libre arbitre avec la providence306. Celle-ci paraît retirer tout son poids au libre arbitre humain, dès lors que Dieu prévoit un acte qui ne peut arriver autrement que selon sa prévision307. De fait, l’auteur distingue certains événements, dont l’actualisation dépend de la providence divine, des faits contingents dont Dieu prévoit même la non effectuation308. Parmi les faits contingents, « pouvoir ne pas s’asseoir demain » n’est pas contraire à « s’asseoir demain », puisque la possible actualité d’un autre devenir n’échappe pas à la providence divine309.

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p. 34, l. 7-12, p. 34-35, l. 13-5, p. 35, l. 6-24, p. 36, l. 8-11, l. 15-29, p. 37-38, l. 12-2, p. 39, l. 3-8, p. 40, l. 12-19, l. 20-23, p. 40-42, l. 24-5, p. 42, l. 8-16, l. 17-21, p. 43, l. 8-10, l. 11-19, l. 33-35, p. 43-44, l. 35-11, p. 44, l. 12-14, l. 15-19, p. 44-45, l. 20-10, p. 45, l. 11-18, l. 18-29, p. 45-46, l. 30-2. « Quid autem evenerit aut reposuerit, penes ipsum sit » (ibidem, p. 13, l. 15-16), « Si quis autem querat, cur Deus sciret casurum, quare ergo peccavit ? Penes ipsum sit » (ibidem, p. 15, l. 16-17), « Et est summa causa beneplacitum Dei. Cur autem sic ei placuerit, penes ipsum sit » (ibidem, p. 18, l. 11-12), « Tulit Deus costam et statuit eam in mulierem (Gen. 2, 21). Quomodo autem illud factum sit, sive solo verbo, sive per administros, nos nescimus : penes ipsum sit » (ibidem, p. 24-25, l. 29-1), « Queritur autem cur Deus permiserit hominem temptari. Respondetur : nescimus, penes ipsum sit » (ibidem, p. 26, l. 20-21) et « Queritur quare non fuerit alius modus redemptionis nostre. Ad quod respondetur : summam causam esse placitum ejus. Quare autem sic placuerit et non aliter, penes ipsum sit » (ibidem, p. 40, l. 24-26). Les six précédents aveux d’ignorance sont régulièrement suivis de compléments : « Quamvis autem ibi non habeamus certam auctoritatem de creatione angelorum, tamen in aliis habemus… » (ibidem, p. 13, l. 16-17), « Intelligendum est autem… » (ibidem, p. 15, l. 17), « In libro tamen qui intitulatur Cur Deus homo, habentur inde due conjecture… » (ibidem, p. 18, l. 12-13), « Sed hoc factum est non contra naturam… » (ibidem, p. 25, l. 1-2), « Vel aliter […]. Vel aliter… » (ibidem, p. 26, l. 21 et 26), « Dicunt tamen sancti… » (ibidem, p. 40, l. 26). Voir aussi par exemple les discussions initiales sur l’essence divine et la Trinité (ibidem, p. 3-10). « His prelibatis videamus… – …non est fas dici » (ibidem, p. 30-32, l. 17-7). « Itaque omnia ex necessitate eveniunt, cum provisa sint, vel ea velit fieri et ita perit liberum arbitrium » (ibidem, p. 30, l. 19-20). « Verum est quod Deus omnia providit sicut eventura sunt, previdit et ea ita posse evenire sicut provisa sunt. Quedam etiam providit aliter posse contingere ut contingentia, quamvis autem possint aliter contingere, tamen numquam aliter contingent » (ibidem, p. 30, l. 21-25). « Sic ponamus providisse me cras sessurum, cum possim non sedere cras, tamen ita erit quod sedebo. Vel si quis dicat quia possum non sedere, quod ideo Deus fallitur, et falsum

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Troisième partie

La règle une fois posée amène l’examen des propositions que l’on peut en tirer. Pour nous en tenir à la première thèse envisagée par l’auteur : quel est le statut de la formule « une fois que Dieu a prévu, il est nécessaire que cela soit » ? Cette nécessité d’être ne vaut que pour les choses dont Dieu a prévu la réalisation. Elle ne concerne donc pas les choses qui peuvent ne pas arriver, les événements contingents310. Or, pour certains, affirmer que les choses peuvent ne pas arriver (1) revient à dire que Dieu se trompe (2). En effet, comme la proposition antécédente est possible (1), la conséquence l’est aussi (2). Il faut répondre à cela que si l’on comprend la proposition (2) de la possible actualité des choses, alors elle est juste, mais si on l’entend littéralement d’une erreur en Dieu, on se trompe311. La règle, ici tenue en échec, ne vaut donc que pour les propositions nécessaires312. Le raisonnement des quidam que réfute l’auteur n’est pas inconnu, mais correspond à une des erreurs qu’Abélard signale dans sa Theologia christiana (1121-1126) : y est dénoncé, parmi d’autres magistri, un maître anonyme mais fameux qui tient ses arguments pour des raisons. Selon lui, le fait que des choses puissent arriver autrement que Dieu ne le prévoit signifie que Dieu peut se tromper313. Abélard cite à nouveau en des termes identiques la position de ce maître dans sa Theologia scholarium (après 1133), en ajoutant qu’il enseigne à Bourges314. L’identification proposée par les éditeurs d’Abélard

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est. Tunc enim falleretur, si contrarium sue providentie contingeret, scilicet non sedere, sed posse non sedere cras non est oppositum ad sedere cras. Hoc idem etiam ipse providerat quod posset aliter esse » (ibidem, p. 30-31, l. 25-3). « Quod autem dictum sit : postquam Deus providit, necesse est esse, sane debet intelligi sic : non potest esse quod Deus aliter providerit et aliter contingat ; si autem sic res quas Deus previdit, necesse est esse, mentitur propositio, cum possint quedam non esse » (ibidem, p. 31, l. 3-7). « Et tamen possibile non esse est Deum falli quod sic volunt probare. Vera est hec consequentia : si res aliter eveniunt, Deus fallitur. Sed possibile est res aliter evenire. Ergo possibile est Deum falli, quia vera est hec regula : si aliquid infert aliud, si possibile est quod antecedit, possibile est consequens. Ad quod quidam dicunt quod si per hanc propositionem : possibile est Deum falli, velit idem significare quod precedentem, scilicet possibile est res aliter et cetera, satis sequitur. Sed si sic : possibile est fallaciam esse in Deo, mentitur » (ibidem, p. 31, l. 7-15). « Si quis autem opponit de regula, dicetur quia in necessariis tantum est vera » (ibidem, p. 31, l. 16-17). « Novi etiam quemdam non parvi nominis inter hujus temporis magistros ad hoc perductum esse, ex quibusdam argumentorum quas tenet rationibus, ut Deum etiam posse decipi profiteatur, pro eo scilicet quod res aliter evenire possint quam ipse providerit. Quod nec credo apud gentiles vel quantumlibet infideles dici unquam permissum est » (Petrus Abaelardus, Theologia christiana, 4, 79, p. 302, l. 1147-1152). « Quorum unus in Francia, alter in Burgundia, tercius in pago Andegavensi, quartus in Bituricensi, multa catholice fidei vel sanctis doctoribus adversa non solum tenent, verum etiam docent. […] Quartus autem in tantam prorupit insaniam ut, quia res aliter evenire possunt quam Deus provideat, Deum posse falli concedat » (Petrus Abaelardus, Theologia scholarium, II, 63 et 66, p. 439-441, l. 1000-1003 et 1034-1036).

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avec Josselin de Vierzy, évêque de Soissons (1126/27-1152) est encore incertaine, puisque la seule figure magistrale connue à Bourges dans les années 1120 est l’écolâtre Jonas dont le rayonnement semble uniquement local315. Quoi qu’il en soit, la portée spéculative du passage n’est pas mince et, de fait, Guillaume de Champeaux est le seul auteur lié à Laon à pouvoir soutenir la comparaison. Il est donc intéressant de relever que les deux sentences de Guillaume sur la providence présentent des traits communs avec ce passage du recueil De sententiis divine316. Plus qu’une indication d’auteur, cette rencontre avec Guillaume, vérifiée précédemment pour d’autres passages317, reflète sans doute la source magistrale, l’autorité qui a pu inspirer une partie de l’ouvrage318. Au terme de cette présentation des huit principales collections de sentences traditionnellement liées à Laon, trois grandes constatations émergent avec netteté. Tous les recueils complets renferment des parties sur la création, la chute et la rédemption et sont donc étroitement liés au récit biblique. Ils connaissent également les sentences d’Anselme de Laon et, dans une mesure moindre mais non négligeable, celles de Guillaume de Champeaux. Enfin, chacun des recueils complets est toujours transmis par un manuscrit copié en France et datant du xiie siècle. De telles parentés doctrinales et géographiques prouvent l’existence de références communes à toutes ces productions. Cependant, l’approche synthétique ne doit pas conduire à masquer les divergences littéraires qui existent entre les différents ouvrages. En effet, si 315

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Le premier maître à apparaître à Bourges est l’écolâtre Jonas en 1124 avec le titre de scolasticus (1124-1138). Il apparaît également avec le titre de magister en 1138-1139, voir J.-Y. Ribault, « Les écolâtres de Bourges au xiie siècle », dans Enseignement et vie intellectuelle (IXe-XVIe siècle). Actes du congrès national des sociétés savantes. Section de philologie et d’histoire jusqu’en 1610, t. 1, Paris, 1975, p. 89-99, p. 91 et 96. Sur Josselin de Vierzy, voir en dernier lieu, J. S. Ott, « Educating the Bishop : Models of Episcopal Authority and Conduct in the Hagiography of early Twelfth-Century Soissons », dans Teaching and Learning in Northern Europe, 1000-1200, éd. S. N. Vaughn, J. Rubenstein, Turnhout, 2006, p. 217-253, notamment p. 218. « Nota etiam quia Deus non solum providet actus hominum, sed etiam omnes modos. Cum enim modo sedeam, hoc providet Deus et modum etiam, scilicet posse non sedere, sedere enim et posse non sedere non sunt contraria. Sed si Deus provideret me sedere et in eodem tempore non sedere, hoc esset contrarium. Immo Deus providet me sessurum et quod ex libertate arbitrii possem non sedere » (L 238, l. 18-24), cfr aussi L 237, l. 47-53 pour l’exemple de Socrate qui lira demain. On peut faire la même constation pour l’enseignement sur la grâce, cfr A. Rydstrøm-Poulsen, The Gracious God, p. 147-153, voir aussi l’article à paraître de C. J. Mews, « St. Anselm and the Development of Philosophical Theology in Twelfth-Century Paris », dans St Anselm, éd. G. Gaspar, University of Toronto Press. La comparaison du passage du recueil De sententiis divine avec les sentences apparentées de Guillaume rend douteux une idendité d’auteur, tant l’auteur du recueil se montre moins explicite que le maître. L’impression qui se dégage est celle d’une discussion rapportée, non d’un raisonnement original.

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Troisième partie

le fond doctrinal est souvent proche, la mise en forme du matériel patristique et l’utilisation de la quaestio varient parfois. Aucun des huit recueils examinés n’est de ce point de vue réductible à un autre. Dans la méthode, rien n’est, par exemple, plus dissemblable des citations patristiques peu commentées du recueil Deus non habet que l’accumulation de quaestiones magistrales dans la collection Principium et causa. Ces différents recueils n’expriment donc pas une école doctrinale unifiée. Si nous proposons de conserver l’expression d’’école de Laon’, ce n’est pas pour signifier une école de pensée monolithique, mais davantage afin de désigner le milieu des maîtres et des élèves qui continuent à faire des professeurs ayant enseigné ou séjourné à Laon des modèles scolaires. L’étude de certains centres scolaires doit permettre de préciser le mode de fonctionnement de cette école et la manière dont les maîtres comme Anselme de Laon ont exercé une autorité magistrale.

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CHAPITRE II LES RECUEILS ET LEUR ORIGINE

Les parentés entre les différents recueils, décelables à la lecture des analyses précédentes, les références assurées aux sentences d’Anselme ainsi que l’origine française d’une partie des manuscrits fournissent une série d’arguments concordants. Ils prouvent l’existence de milieux scolaires dont le centre de gravité se situe en France du Nord et qui continuent à faire d’Anselme de Laon et de Guillaume de Champeaux leur source d’inspiration. On peut donc légitimement parler d’école de Laon pour qualifier cette réception scolaire qui atteste qu’Anselme de Laon et Guillaume de Champeaux ont fait école. Néanmoins, puisque les enseignements d’Anselme et de Guillaume ne se présentent pas sous une forme systématisée et que l’utilisation de leurs sentences est elle-même emprunte de souplesse, l’expression d’’école de Laon’ ne saurait être entendue de manière trop restrictive. Est-ce à dire pour autant qu’elle recouvre un ensemble d’écrits, de maîtres et d’élèves aux contours flous ? Tout en évitant la rigidité, la définition exige des précisions pour ne pas être de nouveau critiquée à bon droit. Afin de supprimer toute ambiguïté, il apparaît nécessaire de reprendre les arguments opposés à l’école de Laon et de leur apporter une réponse systématique sur chacun des points incriminés. En fournissant des réponses argumentées, on espère proposer une définition plus nuancée de l’école de Laon. Une fois circonscrite, la définition doit alors subir une nouvelle confrontation : si l’école de Laon désigne bien les milieux utilisant le modèle anselmien dans les années 1120-1140, quels centres scolaires en ont porté les couleurs ?

L’’école de Laon’ : retour à une question disputée L’unité littéraire des recueils On se rappelle que l’absence de parenté littéraire entre les différents recueils est un des arguments avancés par Valerie Flint pour disqualifier l’’école de Laon’. De plus, le seul point commun que l’historienne leur accorde, c’est-à-dire un plan centré sur le récit biblique, est par malheur celui-là même

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qui les disqualifie à ses yeux comme production scolaire1. Contre cette assertion, on a déjà montré la manière dont l’enseignement d’Anselme est soucieux de toujours relier l’examen d’un problème à son contexte biblique2 : ainsi la sotériologie anselmienne n’est-elle traitée que par rapport au dessein créateur de Dieu et aux conditions historiques de la chute humaine3. Un recueil qui ferait de ce plan son principe directeur ne serait donc pas étranger à une pratique scolaire, mais en manifesterait au contraire une des caractéristiques. Le cas de Guillaume de Champeaux renforce d’autant la constatation. Par exemple, la sentence L 258 est un recueil en germe avec son plan en trois temps : en quelques lignes sont successivement examinées la création de l’homme exempt de tout péché, sa chute volontaire et sa rédemption opportune par un homme-Dieu4. La structure d’une unique sentence n’est pas la seule à refléter le rôle scolaire du plan biblique, puisque certaines sentences de Guillaume sont elles-mêmes ordonnées en fonction de ce déroulement dans le Liber pancrisis et les florilèges apparentés du Nord-Est : sauf à supposer une intervention du compilateur et l’ajout de transitions, il semble probable que l’ordre bien attesté entre L 236, 240, 245, 246 et 253 est originel5. Il n’est que de lire les titres donnés par le Liber pancrisis pour constater la conformité totale entre les sentences de Guillaume et les recueils : essence divine, créations angélique et humaine, chute de deux natures et incarnation du Christ sont la matière première du théologien6. Plus problématique est le statut à accorder aux développements sur les sacrements : sommes-nous en présence d’ajouts effectués par un copiste complétant une source lacuneuse ou plutôt d’un remaniement provenant d’un 1

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« Now, this order, this structure of the sentence books, is not at all the structure, as we have it so far, of the teaching of any of the schools. In other words, that which describes the ‘sententiae’ best as a genre is precisely that which divides them from the schools from which they are supposed to have come. It can certainly never be used to link them directly with Laon » (V. I. J. Flint, « The ‘School of Laon’ », p. 96). Il n’est donc nul besoin de faire appel à une influence érigénienne comme le suggère I. P. Sheldon-Williams, « Eriugena and Cîteaux », Studia Monastica, 19 (1977), p. 75-92, aux p. 7677. Voir les nombreux autres exemples présentés au chapitre II (deuxième partie). « Constat Deum fecisse primum hominem impassibilem… – …Si enim illum impotentem fecisset peccare, quomodo Deum esse misericordem pateret ? » (L 258, l. 1-13), « Invidiam ergo habuit tanto opere superbus… – …immo totum humanum genus peccato suo contaminavit » (l. 14-24) » et « Sed ineffabilis Dei misericordia nolens suam amittere creaturam… – …novus induitur qui secundum Deum creatus est » (l. 25-42). Cfr O. Lottin, PM, p. 190 et les transitions entre L 236 et 240 (igitur, L 240, l. 1) et entre L 240 et 245 (autem, L 245, l. 1). « De essentia et substantia Dei et de tribus ejus personis » (LP 1, L 236), « de creatione angeli et hominis et de libero arbitrio eis attributo et quid sit predestinatio » (LP 2, L 240), « quod liberum arbitrium depressum est in angelo vel in homine » (LP 3, L 245), « de ligno scientie boni et mali et de originali peccato vel quare puniatur anima » (LP 4, L 246) et « de duabus potentiis anime et de utilitate adventus Christi » (LP 9, L 253). Les sentences de Guillaume, ajoutées en LP 5-8, sont également christologiques.

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milieu scolaire ? Les recueils Deus est sine, Potest queri quid et Deus non habet dans sa version primitive ignorent les questions sacramentaires. Dans les collections Divina essentia teste, Deus principium et, Principium et causa et De sententiis divine, elles sont intégrées à titre de compléments dans des parties parfois difficiles à définir comme des fins voulues par le compilateur d’origine7. En fait, seul le recueil Quid de sancta comprend sans conteste un exposé sur le mariage. Pourtant, il est remarquable que ces différentes fins soient partiellement marquées par l’enseignement d’Anselme et de Guillaume. De plus, il n’est pas non plus indifférent qu’elles soient apparentées entre elles : le traité De conjugio apparaît dans les quatre ouvrages. On admettra difficilement que des copistes, supposés remanier séparément les recueils, aient intégré fortuitement des éléments communs ainsi que des positions trouvant leur origine à Laon. Beaucoup plus probable est l’hypothèse d’une origine commune à laquelle les compilateurs seraient allés puiser. À titre de confirmation, on peut rappeler les résultats les plus convaincants auxquels est parvenu Heinrich Weisweiler en comparant quelques recueils entre eux8. Nous privilégions les parentés significatives et suffisamment attestées pour indiquer de manière valable le sens de l’emprunt. À titre d’exemple, on peut indiquer un passage comparable au début du recueil De sententiis divine et de la collection Divina essentia teste9 : De sententiis divine pagine aliqua Deo volente dicturi, ab ipsa divina, qua nichil altius esse potest, incipiamus essentia, que teste Augustino ineffabilis est, post tamen subjungit : mirum est quod ineffabilem dixi, cum hoc ipsum quod dixerim ineffabile est. Unde competenter innuit esse intelligendum quod dixerat : ineffabilis est, non quod eam loqui non possimus, sed quod eam tam plene ut est eloqui non possumus10.

Divina essentia, teste Augustino, ineffabilis est, non quod de ea loqui non possumus, sed quod eam ita plane ut est vel quanta sit eloqui non possumus11.

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Aux explications du recueil De sententiis divine, la collection Divina essentia teste substitue une formulation plus nette où seule la conclusion d’Augustin est retenue. Comme cette pratique est attestée pour toute la suite du recueil, la dépendance par rapport à la collection De sententiis divine est acquise.

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Seul le cas du recueil De sententiis divine permet d’affirmer avec certitude la nécessité littéraire d’une suite sur les sacrements, encore celle-ci est-elle double. Voir aussi les éléments de synthèse fournis par P. Maas, The Liber sententiarum Magistri A, p. 27-31. Les reprises textuelles sont indiquées en italiques. De sententiis divine, éd. F. Bliemetzrieder, Anselms von Laon systematische Sentenzen, p. 3, l. 1-7. Divina essentia teste, éd. O. Lottin, PM, p. 403, l. 1-3.

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Cependant, le critique allemand s’est surtout concentré sur certains passages doctrinalement riches et n’a que rarement donné un état complet des sources d’un recueil. Les rapprochements sont donc relatifs et ne signifient pas un démarquage systématique de la source. Dans le cas exceptionnel du recueil Divina essentia teste où Heinrich Weisweiler a fourni une indication très détaillée des sources, certaines sentences demeurent orphelines12. De même, la comparaison soigneuse menée par Yves Lefèvre entre les collections Deus est sine et Principium et causa démontre l’absence de reproduction mécanique13. Il ne s’agit donc pas de recueils gigognes, mais plutôt de réélaborations à partir d’un matériel contemporain ou légèrement antérieur. La nature de ces remaniements est délicate à préciser : indiquent-ils une réécriture qui adapterait la source précédente ou l’existence d’une source orale commune qui expliquerait ainsi les différences entre les recueils même apparentés ?14 Il n’est pas évident que la réalisation d’éditions critiques suffise un jour pour trancher en toute certitude. Dans les deux cas, il est cependant acquis que la reprise d’un recueil n’est jamais une reproduction servile, mais un effort d’adaptation, que ce soit par rapport à un enseignement oral diversement utilisé ou à une source écrite plus ou moins remaniée. La forme particulière du recueil Deus non habet l’a fait considérer par Heinrich Weisweiler comme texte source des autres collections qui en adaptent les citations littérales15. Le point n’est pas niable pour des questions comme l’angélologie, l’anthropologie et le péché originel où le recueil sert de source directe à la fois aux recueils Principium et causa, Deus de cujus et Quid de sancta16. Le recueil est cependant très loin d’expliquer tout le reste de la 12

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H. Weisweiler, « Die ältesten scholastischen Gesamtdarstellungen der Theologie. Ein Beitrag zur Chronologie der Sentenzenwerke der Schule Anselms von Laon und Wilhelms von Champeaux. 1 Die Sententiae Atrebatenses », Scholastik, 16 (1941), p. 231-254, aux p. 245248. Cfr Y. Lefèvre, « Le De condition angelica », p. 251-255 avec renvois à l’apparat des sources. L’hypothèse, mal argumentée, d’un enseignement oral commun à différents recueils et remontant à Anselme de Laon a été présentée par R. Silvain, « La tradition des sentences d’Anselme de Laon », AHDLMA, 16 (1947-1948), p. 1-51, et justement réfutée par O. Lottin, PM, p. 178-183. « Grundlegend für alle diese Werke aber war die nun in manchen Handschriften aufgefundene Sammlung Deus summe, die in Gegensatz zu allen diesen anderen Summen noch stärker unmittelbare Vätertexte bringt, welche die übrigen Werke zu Väterideen umgestalten », H. Weisweiler, « Die Klagenfurter Sentenzen Deus est sine principio, die erste Vorlesung aus der Schule Anselms von Laon. Zum Werden der frühscholastischen Lehre von Schöpfung und Fall, Erlösung und christlicher Moraltheologie », Scholastik, 36 (1961), p. 512-549, à la p. 513. Cfr respectivement pour les recueils Principium et causa, Quid de sancta et Deus de cujus, H. Weisweiler, « Die Arbeitsweise der sogenannten Sententiae Anselmi. Ein Beitrag zum Entstehen der systematischen Werke der Theologie », Scholastik, 34 (1959), p. 190-232, aux p. 194-231 ; Id., « Wie entstanden die frühen Sententiae Berolinenses der Schule Anselms von Laon ? Eine Untersuchung über die Verbindung von Patristik und Scholastik », Scholastik, 34 (1959), p. 321-369, notamment la table de concordance entre les recueils Deus non habet et

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production, dans la mesure où il ne traite que certains aspects, de manière sélective et le plus souvent sous la forme de sentences patristiques. Il faut aussi remarquer la place des collections bien diffusées comme les recueils Principium et causa et De sententiis divine. La collection Principium et causa a ainsi influencé le recueil Deus est sine, directement ou à travers une source commune17, et, de manière plus superficielle, la collection Divina essentia teste. Quant au recueil De sententiis divine, il est la source majeure de la collection Divina essentia teste18. Enfin, parmi les ouvrages non retenus dans cette étude, on peut ajouter la collection Prima rerum origo qui dépend surtout des recueils Principium et causa, Potest queri quid et de sentences de l’école19, tandis que les Sententiae Klagenfurtes utilisent les recueils Principium et causa, Deus de cujus et Deus non habet, les sentences d’Anselme de Laon et, de manière plus limitée, Yves de Chartres et Anselme de Cantorbéry20. Deus non habet

Deus de cujus

Quid de sancta

Principium et causa

Sententiae Klagenfurtes

Deus est sine

Potest queri quid

De sententiis divine

Prima rerum origo

Divina essentia teste

Dépendances littéraires et doctrinales entre les recueils de l’école de Laon

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Quid de sancta aux p. 368-369 et Id., « Die frühe Summe Deus de cujus principio et fine tacetur, eine neue Quelle der Sententiae Anselmi. Das Wachsen der scholastichen Angelologie und Anthropologie aus patristischem Denken », Scholastik, 35 (1960), p. 209-243, aux p. 214-240. Cfr Y. Lefèvre, « Le De conditione angelica ». Sur les sources du recueil Divina essentia teste, cfr H. Weisweiler, « Die ältesten scholastischen Gesamtdarstellungen », p. 245-248. Cfr H. Weisweiler, « Die ältesten scholastischen Gesamtdarstellungen der Theologie. Ein Beitrag zur Chronologie der Sentenzenwerke der Schule Anselms von Laon und Wilhelms von Champeaux. 2 Das Sentenzenwerk Prima rerum origo », Scholastik, 16 (1941), p. 351-368, aux p. 360-365 pour le tableau des sources. H. Weisweiler, « Die Klagenfurter Sentenzen Deus est sine principio », Scholastik, 36 (1961), p. 512-549 et 37 (1962), p. 45-84.

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Le schéma précédent ne doit pas illusionner sur l’état d’avancement des études de critique interne : il reste encore beaucoup à faire avant de déterminer avec toute la précision souhaitable les rapports de ces recueils entre eux. Il suffit cependant en l’état pour montrer leur incontestable parenté littéraire. Les différences observées ne sont pas moins riches d’enseignements. Elles indiquent que la reprise des recueils n’est pas le fait de simples copistes, mais de vrais remanieurs. Comme chacun à son niveau a eu, par ailleurs, accès aux sentences d’Anselme de Laon et de Guillaume de Champeaux, les recueils appartiennent donc à un milieu où les sentences originales des maîtres vivifient encore le travail intellectuel de leurs successeurs. L’unité doctrinale La deuxième critique de Valerie Flint est solidaire de la précédente : elle nie aux différents recueils toute consistance scolaire pour ne leur reconnaître qu’une portée morale21. Ils formeraient ainsi des manuels à l’usage du clergé dont le but serait la pastorale des laïcs. L’anonymat qui les entoure s’expliquerait très bien en raison de leur milieu de réception extra-scolaire et donc indifférent à l’identification des maîtres22. La nature des points traités peut assurément laisser un doute : Dieu, le péché originel ou les sacrements ne sont pas des matières réservées à la salle de classe. Pourtant, il est à peine besoin d’insister sur le fait que la portée spéculative de certains passages s’accorde mal avec ce que l’on peut légitimement supposer des aspirations du peuple chrétien : les développements du recueil Deus non habet sur la volonté et la puissance comme attributs divins ou bien ceux des collections Quid de sancta, Deus principium et, De sententiis divine et Principium et causa sur la substance divine impliquent nécessairement un public déjà formé aux subtilités logiques et théologiques. En fait, lorsque des textes issus de l’école de Laon parlent de la foi des minores, ils insistent sur la nécessaire foi en la Trinité23. La demande, assurément plus exigeante qu’une simple prédication morale, demeure pourtant assez limitée. En effet, comme il est ajouté que la foi des simples est dépourvue des œuvres et de la charité, elle est implicitement assimilée à celle des enfants qui ne peuvent mériter, mais sont sauvés en raison de la réception du seul sacrement24. La 21

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L’idée est encore reprise récemment par P. Maas : « The circle around him and his brothers has left glosses, commentaries and sententiae in response to the moral concern of everyday life » (The Liber sententiarum Magistri A, p. 26). « The anonymity of many of the ‘sententiae’ may be accounted for, too, by the fact that we are now in a world in which scholarly pedigree is of less importance than pastoral efficacy, and where scolarly analysis is, though desirable, less so than ‘relevance’ » (V. I. J. Flint, « The ‘School of Laon’ », p. 100). Cfr G. Lobrichon, La religion des laïcs en Occident, XIe-XVe siècles, Paris, 1994, p. 61. Voir ainsi le texte de la glose sur l’Apocalypse : « Per ordeum minores martires, scilicet qui solam fidem habent Trinitatis sine operibus et sine ulla dilectione, sed sola fide salvantur

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foi trinitaire des minores, héritée du baptême, exige l’adhésion, non une compréhension approfondie. Pareillement, la foi plus éclairée de ceux qui croient aux quatre œuvres du Christ, Incarnation, Crucifixion, Résurrection et Ascension25, est du ressort d’une foi liturgique dans les grands mystères du salut. Les recueils se montrent autrement plus complexes et supposent l’intériorisation de l’histoire du salut et non le rappel de grandes fêtes ou la simple mémorisation des symboles de la foi. L’importance reconnue par tous les recueils à la quaestio paraît également ambiguë : la forme par questions-réponses est particulièrement adaptée pour former un clerc qui doit s’adresser à un auditoire de laïcs. Néanmoins, sa récurrence signale une visée pédagogique propre à un contexte scolaire où la quaestio est l’outil par excellence de transmission, de raisonnement et de mémorisation. De plus, la manière même de répondre conviendrait mal à d’autres milieux que celui de l’école : les recueils, particulièrement les collections Quid de sancta et Deus non habet, accordent une place majeure à la confrontation des auctoritates, tandis qu’ils bruissent tous des paroles des quidam dont les solutions sont compilées et entre lesquelles l’auteur tranche parfois. L’évaluation des auctoritates est dans l’esprit d’Anselme, comme d’ailleurs dans celui d’Abélard, la tâche d’hommes formés, une occasion d’entraînement intellectuel et non un exercice pastoral. Même lorsque les thèmes abordés concernent la vie morale, le traitement qui leur est réservé est donc celui d’une discussion pédagogique qui présente tous les marqueurs linguistiques du débat scolaire. L’exemple abondamment utilisé du péché originel est à cet égard éloquent : le but premier n’est pas d’abord de répondre à la demande d’un clergé en contact avec les fidèles, mais de poser des questions à l’aide d’auctoritates canoniques et de réponses magistrales récurrentes. L’ensemble aboutit à un problème devenu au sens propre classique. Le formalisme même et partant l’impersonnalité relative des recueils participent d’une présentation stéréotypée qui nous éloigne de la pastorale et rapproche de la salle de classe. Quant à l’anonymat des avis magistraux, il peut s’expliquer aussi par une certaine hiérarchie des sources conservée par le recueil : là où les florilèges mettent en parallèle, parfois de manière explicite comme le Liber pancrisis, les sentences patristiques et magistrales, les recueils font s’exprimer les Pères individuellement et les maîtres comme des quidam. L’effet de généralisation laisse au débat une plus grande liberté : l’argument d’autorité vaut surtout pour les Pères, tandis que les avis plus récents subissent l’épreuve de la discussion. Comme cela a été montré pour d’autres florilèges que le Liber

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in sanguine », cité par P. Buc, « La vengeance de Dieu. De l’exégèse patristique à la réforme ecclésiastique et à la première croisade », dans La vengeance, 400-1200, éd. D. Barthélemy, F. Bougard, R. Le Jan, Rome, 2006, p. 451-486, à la p. 485, n. 108. Cfr G. Lobrichon, La religion des laïcs, p. 61.

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pancrisis, il est aussi fort possible que l’existence d’un milieu unifié rende l’identification superflue26 : la discussion des recueils Deus est sine et Principium et causa sur le péché originel a ainsi prouvé que les opinions en présence appartiennent à un monde commun puisqu’elles sont déjà discutées par L 43 sous le nom d’Anselme ou par Guillaume de Champeaux. De plus, l’identification contemporaine de certaines positions tenues par les recueils ou attribuées à des quidam confirme une unité doctrinale indéniable : en dehors des Pères et de thèses trop communes pour être significatives, la matière est principalement transmise par Anselme de Laon († 1117), Guillaume de Champeaux († 1121) et, plus rarement, Anselme de Cantorbéry († 1109), Raoul de Laon († p. 1133) ou Abélard († 1142). Les recueils connaissent et citent les positions d’Anselme de Laon, notamment sur le péché originel, la nature de l’âme, la sotériologie, la charité, l’aumône, le baptême, l’eucharistie et la volonté divine27. Guillaume de Champeaux est mis à profit en raison de son enseignement sur le péché originel, l’âme et la simonie28. L’influence de Raoul affleure dans la sotériologie des recueils Divina essentia teste, Quid de sancta et Deus de cujus. Quant à Abélard, on trouve un écho de ses positions caractéristiques sur la mitissima pena augustinienne dans les collections Deus est sine et Principium et causa, et sur l’indifférence morale des actes dans ce dernier recueil29. Anselme de Cantorbéry apparaît bien dans le recueil De sententiis divine, mais ses solutions sont présentées comme des conjecturae rarement retenues30. Toutefois unité doctrinale ne signifie pas pour autant uniformité : même dans la collection Principium et causa, le seul recueil attribué à Anselme, la théorie anselmienne sur le péché originel est citée sans être adoptée. Le fait que le recueil soit, par ailleurs, identifié par un catalogue médiéval allemand comme « sentences rassemblées par maître Lotulfe » et par un manuscrit 26 27

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Cfr le chapitre premier (deuxième partie). Voir respectivement les recueils Divina essentia teste (péché originel, âme, sotériologie, charité, aumône, baptême et eucharistie), De sententiis divine (péché originel, sotériologie, charité, aumône, baptême et eucharistie), Principium et causa (péché originel, âme, charité et aumône), Deus est sine (péché originel, âme et volonté divine), Deus de cujus (péché originel, âme et sotériologie) et Deus non habet (âme et volonté divine). Voir les recueils Principium et causa (péché originel, âme et simonie), De sententiis divine (âme et simonie), Deus est sine, Potest queri quid et Deus de cujus pour le péché originel. « Sunt qui aliter de peccato sentiant, nam dicunt omnes actus per se indifferentes esse, id est neque bonos neque malos, formatos autem bonos vel malos esse et quidem actus tam corporis quam anime intelligunt. Verbi gratia : concumbere cum muliere actus est indifferens per se, accepta forma, id est conjunctus intentioni facientis, bonus est vel malus » (F. Bliemetzrieder, Anselms von Laon systematische Sentenzen, p. 71, l. 7-12). « In libro tamen qui intitulatur Cur Deus homo habentur inde due conjecture. […] Sed hec conjectura debilis est […]. Alia conjectura est talis […]. Sed eadem oppositio fieri de homine potest » (ibidem, p. 18, l. 12-25), « Item sunt alie conjecture, quod non ideo tantum » (ibidem, p. 19, l. 2-3), « In Cur Deus homo alia conjectura que talis est » (ibidem, p. 36, l. 23-24).

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anglais comme celles de Raoul pourrait s’expliquer par l’origine scolaire du texte31 : les sentences d’Anselme de Laon ont pu être recueillies par l’élève, Lotulfe de Novare, et par Raoul et faire ensuite l’objet de remaniements de la part des deux maîtres. De manière générale, chacun des ouvrages examinés témoigne de questions déjà bien débattues, plutôt que d’une solution donnée par un maître comme le font les sentences du Liber pancrisis. Nous sommes donc en présence du travail d’une école où les mêmes problèmes sont examinés et font l’objet de solutions procédant par sédimentation. La présence de doctrines propres à ces cinq maîtres permet-elle de situer chronologiquement les recueils ? Il faut bien reconnaître qu’ils sont le plus souvent avares de renseignements à l’aide desquels on pourrait établir une chronologie absolue. On peut seulement affirmer que puisque la collection Deus est sine cite l’avis de « Guillaume évêque de Châlons », elle est forcément postérieure à 1113. De fait, la difficulté rencontrée pour dater ces recueils tient en bonne partie à leur origine scolaire. La transmission pédagogique ne s’effectue, en effet, que pour une part au moyen de l’écrit, tandis que les dicta des quidam ont dû rester un temps volatiles avant d’être fixés. Le truisme qui veut qu’au Moyen Âge, comme de tout temps, la parole magistrale précède sa mise par écrit, mérite un rappel car trop souvent la critique a comparé des textes sans réelle prise en compte de leurs conditions d’énonciation. Plutôt que de proposer une généalogie stricte d’œuvres émanant d’un milieu scolaire, il est plus sage de les situer par rapport à une génération de maîtres travaillant en interaction sur quelques décennies. Ces textes n’étant que la sédimentation de débats qui nous échappent en partie, il apparaît dangereux de leur demander une chronologie complète, là où ils ne fournissent au mieux qu’un jalon32. L’interprétation de la mitissima pena par Abélard en a offert une illustration frappante : considérée par la critique comme une position du Commentaire sur l’épître aux Romains (ca. 1133-1140), on a pu montrer qu’elle est connue de Guillaume de Champeaux et existe dès le Sic et non dans les années 1120. Ces éléments contredisent donc l’hypothèse de Robert Wielockx pour qui la solution d’Abélard ne pouvait qu’être contemporaine de l’attaque de Guillaume de Saint-Thierry en 113833. Il n’est pas d’ailleurs interdit d’étendre le phénomène à la thèse fameuse de l’indifférence morale : sa mise par écrit dans l’Ethica vers 1137 n’empêche pas sa circulation antérieure dans les milieux 31

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Sur la mention du catalogue allemand et le témoin Cambridge, Library of Gonville and Caius College, 151/201, voir le précédent chapitre. Les essais de datations de Robert Wielockx nous paraissent, de ce point de vue, trop rigides, cfr « La sentence De caritate », p. 334-356. « En effet, supposons un instant qu’Abélard ait enseigné à Paris que les actes sont moralement indifférents et que le péché originel n’est pas une faute […], dans ce cas il faudrait dater cet enseignement oral, si gros de conflits, le plus près possible de l’offensive de Guillaume de Saint-Thierry » (« La sentence De caritate », p. 353, n. 196).

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scolaires. Comme l’a d’ailleurs souligné Constant Mews, Anselme de Cantorbéry, au seuil du xiie siècle, suggère une thèse similaire, lorsqu’il assimile l’injustice d’une action à son intention et non à l’acte même34. En outre, dans le Sic et non, Abélard rassemble un matériel patristique qui fait résider le péché non dans l’acte, mais dans l’intention35. Enfin, l’absence de positions d’autres maîtres de la première moitié du xiie siècle tels Hugues de Saint-Victor († 1141) ou Gilbert de Poitiers († 1154) indique un milieu soit légèrement antérieur à la décennie 1140, soit peu ouvert aux autres centres intellectuels. L’unité institutionelle Le dernier argument apporté par Valerie Flint pour lutter contre l’’école de Laon’ est la dispersion géographique des productions écrites et leur existence notamment dans les abbayes allemandes. La constatation signifierait, selon elle, la prise en charge de ce genre littéraire par le milieu réformé monastique. La production de collections de sentences serait ainsi la réponse des moines au monde des écoles36. On devrait donc les interpréter comme des sortes d’ersatz de productions scolaires où la présence indéniable d’Anselme est le comble du détournement37. En rassemblant des collections de sentences, les moines exprimeraient leur revendication d’un droit à l’enseignement du peuple chrétien38. Le point mérite d’être pris sérieusement en compte, car il pose la question difficile de l’origine d’une œuvre et de sa signification historique. De même qu’il ne faut pas confondre la provenance médiévale ou moderne d’un manuscrit et son lieu de confection, ainsi est-il prudent de ne pas mélanger l’origine d’un manuscrit et celle de l’œuvre qu’il transmet. Autrement dit, ce n’est pas parce qu’un recueil est copié par une main allemande du xiie siècle

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Cfr C. Giraud et C. J. Mews, « Le Liber pancrisis », p. 172-173, en référence au De conceptu virginali d’Anselme de Cantorbéry. Cfr notamment la question 143 : « Quod peccatum actus sit, non res et contra » (Petrus Abaelardus, Sic et non, p. 492-496), dont on peut retenir, entre autres, les extraits 5 du ps. Sénèque (« Omne ergo peccatum voluntarium est », ibidem, p. 494), 20 d’Augustin (« diversa intentio diversa facta fecit », ibidem, p. 496) et 27 du ps. Chrysostome (« Voluntas apud Deum remuneratur, non opus », ibidem, p. 496). « In the other, the theological sentence collection, they are a weapon taken up by the monks in their cause » (V. I. J. Flint, « The ‘School of Laon’ », p. 104). « They [sc. the sententiae] were correctives to their restrictions and protests at their cost ; and, in the last event, they were designed as a substitute for schools such as Laon. The fact that Anselm provided much of the material for them has in it a dramatic irony which should be appreciated to the full » (ibidem, p. 105). « The sentence collections defended the rights of their monastic copyists to a place in the pastorate, against the increasing claims of the men of the schools and against the evident effectiveness of many of those who eluded the grasp of both secular and regular clergy » (ibidem, p. 106).

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dans un codex provenant d’une abbaye bavaroise qu’il a été ipso facto constitué sur place. La question que posent les recueils de sentences n’est pas sans évoquer le cas de la Bible glosée : dans le cas de la Glose, là où l’historien souhaiterait des manuscrits précoces, rattachés au scriptorium de l’école cathédrale de Laon, il lui faut se contenter de quelques témoins antérieurs à 1140, sans correspondance parfaite avec la liste des livres glosés par Anselme ou Raoul39. La situation est à peine plus favorable pour les recueils, dans la mesure où aucun d’entre eux n’est originaire d’un scriptorium que l’on pourrait identifier comme celui d’une école cathédrale. Cependant, les recueils connus par un ou deux témoins ne nous éloignent pas d’un centre scolaire situé au Nord de la Loire, puisque les manuscrits des recueils Divina essentia teste, Quid de sancta et Deus est sine ont été copiés en France du Nord ou de l’Est aux alentours de 115040. Le point est particulièrement remarquable pour le recueil Divina essentia teste, dans la mesure où il dépend largement du recueil De sententiis divine et, dans une moindre mesure, des collections Principium et causa et Prima rerum origo. Ce recueil, connu par un témoin conservé à Arras dont la facture atteste qu’il n’a pas dû beaucoup voyager depuis le Moyen Âge, indique le terminus ante quem pour les autres recueils ainsi qu’une de leurs zones majeures de rayonnement et d’utilisation. Pour les recueils connus par plusieurs témoins, la situation est moins facile à déterminer car la présence des manuscrits en France et en Allemagne ne permet pas a priori de trancher absolument sur l’origine de l’œuvre copiée. La collection Deus non habet et son remaniement connaissent une indéniable et massive diffusion de chacune de ses versions dans l’espace germanique. De fait, sur les vingt-deux témoins complets ou partiels, seuls quatre sont de provenance française et viennent notamment des abbayes de Clairvaux et de Jumièges, tandis que cinq témoins sont d’origine italiennne41. Les témoins actuellement conservés dans l’espace germanique sont localisés dans le sud de l’Allemagne, soit en Bavière dans des établissements prémontrés (Windberg et Schäftlarn) et bénédictins (Benediktbeuren et Michelsberg), soit en Bade pour les deux témoins provenant de l’abbaye bénédictine de Weingarten42. 39

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Cfr P. Stirnemann, « Où ont été fabriqués », p. 263-264 (pour les Psaumes et Paul) et A. Andrée, Gilbertus Universalis, p. 23 : le plus ancien témoin complet localisable de la glose sur les Lamentations a été copié en 1131 à l’abbaye de chanoines augustins de Riechenberg au diocèse d’Hildesheim. L’absence de mention de provenance avant la fin du Moyen Âge ne permet pas d’être plus explicite sur le passé de ces témoins. Sur ces codices, voir le précédent chapitre. Soit respectivement München, BSB, Clm 22307, 17101, 4631, Bamberg, Staatsbibliothek, Patr. 47, Fulda, Hessische Landesbibliothek, Aa 36, 4° et Stuttgart, Württembergische Landesbibliothek, HB III, dogm. et polem. 34. On peut y ajouter Wien, ÖNB, Series nova 3602, provenant de l’abbaye bénédictine de Lambach, au diocèse de Passau.

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Dans le cas du recueil Deus de cujus, on peut localiser avec certitude l’un des témoins de la première version : en effet, Patricia Stirnemann et François Avril, à l’issue d’expertises indépendantes, situent tous deux Paris, BNF, n.a.l. 451 dans le deuxième quart du xiie siècle et en attribuent la copie à plusieurs mains normandes. Trois autres manuscrits de la première version ont été, par ailleurs, copiés en France43. Quant au remaniement Deus principium et, il n’est connu que par München, Clm 14569, provenant de l’abbaye bénédictine de Saint-Emmeran (Ratisbonne), et qui contient aussi l’épitaphe d’Hincmar de Laon († 878). La diffusion manuscrite non négligeable du recueil Principium et causa avec au moins vingt-cinq témoins complets ou lacunaires s’accompagne d’un important rayonnement géographique. Parmi les dix témoins qui ont été copiés ou ont circulé à l’époque médiévale dans l’espace anglo-normand, on peut localiser des manuscrits à Fécamp, chez les augustins de Merton (Surrey) et de Lesnes (Kent), au prieuré bénédictin de Saint-Swithun de Winchester et à Saint-Cuthbert de Durham44. Parmi la douzaine de manuscrits de l’espace germanique, une bonne part était conservée dans des établissements méridionaux comme les abbayes bénédictines d’Admont, Zwiefalten, Ebersberg, Wessobrunn et Saint-Emmeran45. On note un témoin plus septentrional provenant de l’abbaye bénédictine de Chemnitz en Saxe46. Par contraste avec la présence remarquable de la collection dans le royaume anglo-normand et dans l’Empire, seuls deux témoins manuscrits ont pu être rattachés à des mains françaises47. Le recueil De sententiis divine a connu une diffusion française plus nette avec six témoins copiés dans le royaume dont deux proviennent de Royaumont et Saint-Victor, tandis qu’on n’en compte que deux pour l’espace germanique48. En Angleterre, la présence de London, BL, Burney 295 est attestée au xiie siècle à l’abbaye cistercienne de Thame, au diocèse de Lincoln49. Par conséquent, sur la soixantaine de témoins renfermant les recueils étudiés, on peut respectivement rattacher la copie de vingt-cinq, vingt et douze manuscrits à des mains allemandes, françaises et anglo-normandes. 43

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Il s’agit de Berlin, SB, Phill. 1994, Vaticano, BAV, reg. lat. 223 et Angers, BM, 70. La provenance de München, Clm 23440 demeure inconnue. Cfr Rouen, BM, 626, London, BL, 11 A V, Cambridge, Gonville and Caius, 151, London, BL, 5 E VIII et Oxford, Laud. Misc. 277. Cfr Princeton, UL, Library of Robert Garrett, 169, Stuttgart, theol. et phil. 4° 253, München, Clm 5997, 22031 et 14730. Cfr Leipzig, UB, lat. 96. Cfr Vaticano, BAV, reg. lat. 241 et Paris, BNF, lat. 18108. Il s’agit pour la France de Leyden, Bibliotheek der Rijksuniversiteit, Voss. Lat. O. 87 (Royaumont), Paris, BNF, lat. 18108 et 15172 (Saint-Victor), Mazarine, 708 et 731, et Marseille, BM, 231, leurs provenances médiévales n’étant généralement pas déterminées. Les mains germaniques se trouvent dans Heiligenkreuz, 236 et London, BL, Arundel 360. Cfr l’ex-libris : « Liber Sancte Marie de Thama. Qui hunc abstulerit anathema sit ».

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De plus, sauf le cas exceptionnel du florilège contenu dans Paris, n.a.l., 451, aucun manuscrit ne paraît dater de la première moitié du xiie siècle. Le fait n’est pas anodin et doit aider à interpréter les précédents chiffres. En effet, comme il est assuré par la critique interne que les recueils ne peuvent être postérieurs à 1150, il est très probable que les données chiffrées nous renseignent sur le rayonnement durable des recueils, notamment dans l’espace germanique, plutôt que sur le lieu de leur réalisation. La diffusion d’œuvres scolaires dans l’espace germanique n’a rien d’inhabituel et l’interprétation que nous en proposons est conforme aux résultats observés pour des ouvrages dont l’origine française est hors de conteste. Ainsi Peter Classen a-t-il pu montrer la part prépondérante qu’ont pris les cloîtres d’Allemagne du Sud et de l’actuelle Autriche dans la copie d’ouvrages scolaires de la première moitié du xiie siècle50, complétant de la sorte leurs collections auparavant plutôt formées d’auteurs classiques et patristiques51. Sur la vingtaine de manuscrits contenant des œuvres théologiques d’Abélard, pas moins de dix viennent d’Allemagne contre sept pour la France52. De même, les cinq recueils de sentences rattachés directement à Abélard ou à son école (Sententiae Hermanni, Rolandi, Omnebene, Parisienses et Florianenses) sont connus par treize manuscrits dont sept de provenance allemande, pour quatre venant d’Italie et seulement deux de France53. En outre, la diffusion manuscrite des œuvres théologiques et exégétiques de Gilbert de Poitiers n’est pas moins attestée dans l’espace germanique, seul à conserver, par exemple, les deux exemplaires des Sententiae divinitatis de l’école porrétaine54. Quant à Hugues et Richard de Saint-Victor, depuis les travaux de Rudolf Goy, on connaît la prédilection avec laquelle les abbayes d’Allemagne du Sud ont copié les œuvres des deux maîtres victorins55. 50

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Cfr P. Classen, « Zur Geschichte der Frühscholastik in Österreich und Bayern », Mitteilungen des Instituts für Österreichische Geschichtsforschung, 67 (1959), p. 249-277, repris dans Ausgewählte Aufsätze von Peter Classen, éd. C. J. Classen, J. Fried, J. Fleckenstein, Sigmaringen, 1983, p. 279-306 ; voir aussi le cadre général posé par P. Johanek, « Klosterstudien in 12. Jahrhundert », dans Schulen und Studium im sozialen Wandel des hohen und späten Mittelalters, éd. J. Fried, Sigmaringen, 1986 p. 35-68 et les exemples traités par C. J. Mews, « Monastic Educational Culture Revisited : The Witness of Zwiefalten and the Hirsau Reform », dans Medieval Monastic Education, éd. G. Ferzoco, C. Muessig, Londres - New York, 2000, p. 182197 et « Scholastic Theology in a Monastic Milieu in the Twelfth Century : the Case of Admont », dans Manuscripts and Monastic Culture. Reform and Renewal in Twelfth-Century Germany, éd. A. I. Beach, Turnhout, 2006, p. 217-239. R. Kottje, « Klosterbibliotheken und monastische Kultur in der zweiten Hälfte des 11. Jahrhunderts », Zeitschrift für Kirchengeschichte, 80 (1969), p. 145-162. P. Classen, « Zur Geschichte der Frühscholastik », p. 284-286. P. Classen, « Zur Geschichte der Frühscholastik », p. 286-288, les compléments de A. Landgraf, Introduction, p. 84-86 et surtout C. J. Mews, « The Sententie of Peter Abelard ». P. Classen, « Zur Geschichte der Frühscholastik », p. 289-296. R. Goy, Die Überlieferung der Werke Hugos von St. Viktor. Ein Beitrag zur Kommunikationsgeschichte des Mittelalters, Stuttgart, 1976, p. 536-551 et la conclusion d’ensemble aux p. 555-

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Or, lorsque les manuscrits de recueils laonnois contiennent d’autres ouvrages, ce sont par excellence ce type d’œuvres scolaires qu’ils transmettent. On retrouve ainsi fréquemment, pour tout ou partie, la fameuse Summa sententiarum, ouvrage attribué à l’école d’Hugues de Saint-Victor dont l’influence se fait sentir jusque dans les Sentences de Pierre Lombard56. On peut aussi relever la présence d’auteurs contemporains comme Honorius Augustodunensis et son Elucidarium, Hugues de Saint-Victor pour son De sacramentis, Bernard de Clairvaux ou Gautier de Mortagne57. Les sentences ou les collections (Sententiae magistri A, In primis hominibus) liées à Laon sont aussi largement représentées58. Les recueils sont donc transmis de manière solidaire avec le meilleur de la production théologique des années 11201150. L’accueil réservé aux œuvres scolaires marquées par l’enseignement d’Anselme de Laon ne s’explique donc pas en raison d’une vie culturelle locale concurrençant les écoles, mais plutôt du fait de l’ouverture des cloîtres sur les nouveaux centres de savoir. Si le phénomène est massif, les modalités précises de ce transfert culturel sont plus délicates à déterminer. Le plus souvent, le manuscrit est la seule trace qui demeure, sans contexte éclairant les conditions et les raisons de sa copie. De manière générale, une collection monastique peut s’accroître grâce à deux moyens principaux, soit la reproduction par emprunt de manuscrits ou envoi de scribes dans un autre établissement, soit l’acquisition par don ou achat. L’exemple de Schäftlarn, établissement prémontré fondé en 1140, documente sur le vif la politique culturelle d’un établissement bavarois à son commencement et illustre la façon dont les œuvres scolaires françaises ont conquis l’Est de la chrétienté59. Le temps du deuxième prieur Eberhard (1153-1160), poursuivi par son successeur Arnold (1160-1164), est marqué par

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559 : « Einmal das Geburtsland des europäischen Geistes im 12. und 13. Jh., das Land zwischen Seine und Maas, und scheinbar fernab von diesem Hauptschauplatz, der altbayerisch-österreichische Raum zwischen Lech und Wienerwald » (p. 555) ; et Id., Die Überlieferung der Werke Richards von St. Viktor im Mittelalter, Turnhout, 2005, p. 438-446 pour l’identication de provenance des manuscrits ricardiens. Cfr Köln, W 8° 91*, London, BL, Burley 295, Harley 3851, München, BSB, Clm 22031, Paris, Bibl. Mazarine, 708 et 731, Zürich, ZB, C 61. Cfr München, BSB, Clm 17101 (Bernard, Hugues), 22031 (Hugues), 23440 (Bernard), Oxford, Laud. Misc. 277 (Gautier), Verdun, BM, 54 (Honorius). Cfr par exemple Cambrai, BM, 39 (In primis hominibus), Firenze, Plut. V sin 7 (Sententiae magistri A), Fulda, Aa 36 4° (sentences), London, BL, Royal 5 E V (sentences), 11 A V (sentences), München, BSB, Clm 4631 (In prim. hom.), 22307 (In prim. hom.), Stuttgart, dogm. et pol. 34 (sentences), Troyes, BM 1180 (Sent. mag.). P. Ruf, « Die Handschriften des Klosters Schäftlarn », dans 1200 Jahre Kloster Schäftlarn, 7621962, Munich, 1962, p. 21-122, et de manière plus large pour un autre espace : C. J. Mews, « Manuscripts in Polish libraries copied before 1200 and the expansion of Latin Christendom in the eleventh and twelfth centuries », Scriptorium, 56 (2002), p. 80-118, aux p. 90-96 pour l’influence française.

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une copie très soutenue de manuscrits, puisqu’on ne relève pas moins de cinq scribes bien identifiés ayant travaillé sur place. Le but des copistes est de constituer un fonds avec les codices indispensables, la Bible, les livres liturgiques et les Pères 60. Quelques œuvres d’Origène, Ambroise, Jérôme, Augustin, Grégoire, Isidore et Bède sont alors recopiées dans le court laps de temps des deux priorats. Après cette phase fondatrice, vient le temps de l’enrichissement sour le prieur Henri Ier (1164-1200), où Schäftlarn s’ouvre aux œuvres plus récentes des doctores. Il est remarquable que ce qui est alors copié ne correspond pas strictement aux œuvres des contemporains : Yves de Chartres († 1115), Rupert de Deutz († 1129), Bernard de Clairvaux († 1153), Honorius Augustodunensis († p. 1153), telle est la modernité théologique vue d’Allemagne du Sud61. München, Clm 17101, provenant de Schäftlarn, s’inscrit parfaitement dans ce contexte d’accroissement du fonds, dans la mesure où il compile, à côté du recueil Deus non habet, des extraits d’Yves de Chartres, Bernard de Clairvaux et d’Hugues de Saint-Victor. Outre un enrichissement endogène, l’achat et le don sont également des manières pour une abbaye de tenir à jour son fonds. À cet égard, l’exemple de Windberg est représentatif d’un accroissement rapide en œuvres modernes62. Le mérite principal en revient au premier prieur, puis abbé Gebhard (1141/11461191) qui est à l’origine de la constitution de la bibliothèque de Windberg. On peut en reconstituer les étapes grâce à une liste de livres contemporains de l’abbé63. L’abbé Gebhard a copié ou fait copier environ la moitié de la soixantaine de manuscrits du xiie siècle que l’on conserve encore de Windberg64. À côté de quelques curiosités comme la traduction interlinéaire du psautier en allemand, le fonds est avant tout biblique, liturgique et patristique65. Pour doter la bibliothèque en œuvres indispensables à la vie liturgique, intellectuelle et spirituelle de son établissement, l’abbé a surtout compté sur ses forces et le renfort de quelques frères qui l’aident dans sa tâche66. Il a aussi eu recours à une politique d’achat pour accroître son fonds en livres bibliques glosés (Psautier et Jean) et en codices liturgiques, notamment

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P. Ruf, « Die Handschriften des Klosters », p. 40-42. P. Ruf, « Die Handschriften des Klosters », p. 49-50. R. Rommens, « Gebhard, Propst und erster Abt von Windberg († 1191). Skizzen zur Frühgeschichte einer Prämonstratenser-Abtei », dans Secundum regulam vivere. Festschrift für P. Norbert Backmund O.Praem., éd. G. Melville, Windberg, 1978, p. 169-195. Contenue dans München, BSB, Clm 22201, la liste a été éditée en dernier lieu dans la série des Mittelalterliche Bibliothekskataloge Deutschlands und der Schweiz, t. 4-1, éd. C. E. IneichenEder, Munich, 1977, p. 579-582. R. Rommens, « Gebhard, Propst und erster Abt », p. 184-185. Sur le contenu, voir R. Rommens, « Gebhard, Propst und erster Abt », p. 181-188. On connaît les noms d’au moins quatre copistes de Windberg, cfr Henri, Geoffroy et Pierre cités par R. Rommens, « Gebhard, Propst und erster Abt », p. 181, et la mention du frère Arnold dans la liste, Mittelalterliche Bibliothekskataloge Deutschlands, p. 581.

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les missels67. Expliquer l’Écriture et dire la messe sont le lot quotidien des chanoines d’une abbaye prémontrée en pleine expansion. On retrouve la même préoccupation pour les livres remis à l’abbaye grâce aux efforts de Gebhard qui fait même entrer un récit de Croisade68. Non moins significatif est le don d’un maître autrement inconnu, Gerboto, qui a légué à Windberg quinze volumes dont on a tout lieu de penser qu’ils formaient les livres de référence du maître à la mi-xiie siècle69. Ce sont avant tout des livres bibliques glosés de l’Ancien Testament avec les Psaumes, l’Ecclésiaste, le Cantique des cantiques, les Lamentations, ainsi que du Nouveau Testament avec les évangiles de Marc et de Jean, les épîtres aux Romains et aux Corinthiens, les épîtres canoniques et l’Apocalypse. Un seul volume contient les épîtres pauliniennes sans glose. À côté des autorités traditionnelles comme Augustin ou Boèce, dont la Consolation est d’ailleurs glosée, on note la présence de trois maîtres modernes dont les noms résument à eux seuls l’héritage théologique du premier xiie siècle : Anselme de Laon avec sa glose sur le Psautier, les commentaires pauliniens de Pierre Abélard ou de Pierre Lombard, des sentences d’Hugues de Saint-Victor70. Le fonds de travail du maître est, par 67

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« Subscriptos vero libros comparavit scriptos idem pater, hoc est continuam glosaturam psalterii dimidii talento, liniales glosas super Johannem XXXta denariis, missale magnum simul cum evangeliario asscripto pro tribus talentis, item missale unum et lectionarium duo volumina pro XXti solidis, item missale gracilis scripture pro marca argenti, rursus unum rufo corio obductum pro VI solidis, aliud quoque parvum pro talento, tria vero volumina expositionis Augustini super psalterium in pignus accepit IIorum talentorum » (ibidem, p. 581, l. 87-94). « Isti vero libri collati sunt ecclesie nostre suo impetratu : Zacharia de concordia evangelistarum, matutinalis liber volumen unum, psalterium grosse scripture, continue glose psalterii unum, liber de expeditione Hierusalem, volumen unum quod habet epistolam Ieronimi de videndo Deum, Augustinum de doctrina christiana » (ibidem, p. 581, l. 95-99). « Hi denique sunt libri quos contulit pie memorie magister Gerboto ecclesie nostre : Johannes glosatus unum volumen. Marcus glosatus in uno volumine. Apokalipsis glosatus teca una. Ecclesiastes glosatus in una teca. Cantica canticorum glosata in uno volumine. Cantica canticorum et lamentationes Jeremie glosate volumen unum. Canonice epistole glosate liber unus. Psalterium glosatum a magistro Anshelmo. Glose magistri Petri super epistolas ad Romanos, super epistolas ad Corinthios. Augustinus de vera religione. Liber soliloquiorum Augustini. Augustinus de diffinitione dogmatum ecclesiasticorum et ejusdem de querendo Deum. Hec duo in I° volumine. Epistole Pauli non glosate teca Ia. Sententie magistri Hugonis minores volumen Ium. Boetius de consolatione et glose ejus singillatim » (ibidem, p. 581, l. 100-110). Dans le « psautier glosé par maître Anselme », il faut sans doute reconnaître la glose dite Pro altercatione, et dans les « petites sentences de maître Hugues » soit les Miscellanea imprimés en PL 177, col. 469-734, soit le Dialogus de sacramentis, puisque les manuscrits médiévaux donnent des titres similaires aux deux ouvrages (généralement Sententie), cfr respectivement pour le Dialogus, R. Goy, Die Überlieferung der Werke Hugos von St. Viktor, p. 75 ; pour les Miscellanea, L. Ott, « Sententiae magistri Hugonis Parisiensis », RTAM, 27 (1960), p. 29-41, à la p. 30, D. Van den Eynde, « Le Liber magistri Hugonis », Franciscan Studies, 23 (1963), p. 268299 et P. Sicard, « Repertorium Sententiarum quae in saeculi xii Hugonis de Sancto Victore operum codicibus inveniuntur », Sacris Erudiri, 32 (1991), p. 171-221. Quant aux « gloses de

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conséquent, avant tout formé de l’Écriture expliquée par les gloses ou complétée par des sentences ou les Pères. La bibliothèque de travail de maître Gerboto aide donc à mieux saisir la façon dont les nouveautés scolaires françaises ont pu pénétrer dans les cloîtres. Les exemples de Schäftlarn et de Windberg documentent ainsi deux grands modes de diffusion de l’écrit : copie sur place ou récupération d’ouvrages déjà copiés ont donc alimenté les cloîtres, sans qu’il soit nécessaire de leur imputer la conception d’œuvres dont tout indique au contraire qu’elles sont des produits d’importation. Il n’est désormais plus possible de considérer les ouvrages examinés comme des productions coupées des écoles du premier xiie siècle. Tout indique au contraire qu’elles émanent de milieux scolaires où les positions d’Anselme de Laon et de son élève Guillaume de Champeaux demeurent vivantes dans le deuxième quart du xiie siècle. On peut donc définir l’’école de Laon’ comme le milieu scolaire où différents recueils de sentences ont été produits dans les années 1120-1140 sous l’influence doctrinale de maître Anselme. Ils possèdent en commun un profond enracinement scripturaire qui les amène à traiter la matière théologique en trois temps, la création, la chute et la rédemption à laquelle s’agrègent des développements sacramentaires. Leur but premier est de rendre compte, à l’aide de la quaestio et des auctoritates, du récit biblique et d’en montrer la conformité à la justice divine. Après avoir précisé les coordonnées intellectuelles et temporelles de l’école de Laon, il reste à en établir la géographie. En effet, si l’on sait déjà que les recueils de l’école ont trouvé un point d’arrivée privilégié dans les établisssements monastiques d’Allemagne du Sud, il faut encore en déterminer le point de départ. Les centres scolaires de la province de Reims Derrière les manuscrits et leur contenu se trouvent toujours des hommes. Malheureusement, pour le premier xiie siècle, il demeure le plus souvent ardu de faire correspondre avec certitude les reliques de parchemin qui nous sont parvenues à des individus. La rareté des sources narratives et l’absence fréquente de coïncidence entre celles-ci et les manuscrits rendent les recoupements aléatoires, voire arbitraires. La notion même d’école de Laon a d’ailleurs été employée afin de pallier l’anonymat des recueils de sentences et leur conférer de la sorte une certaine unité. Sans prétendre apporter une maître Pierre sur les épîtres aux Romains et sur les épîtres aux Corinthiens », il peut s’agir soit pour les premières du commentaire authentique d’Abélard, soit de commentaires issus de son école, cfr A. Landgraf, Introduction, p. 81 et 86, soit encore du commentaire de Pierre Lombard (PL 191).

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solution définitive, il n’est pourtant pas interdit de chercher les centres scolaires qui pourraient revendiquer avec quelque vraisemblance la paternité de telles productions théologiques. Parmi les lieux que l’enquête historique doit favoriser, c’est avant tout Laon et, plus largement, la province ecclésiastique de Reims qui méritent de retenir l’attention. Raoul de Laon Revenir à l’école cathédrale de Laon chercher l’origine des recueils paraît l’évidence même. Néanmoins, force est de reconnaître qu’après la mort d’Anselme, la ville n’a pas bonne presse dans l’historiographie71. En fait, les historiens ont généralement ratifié le jugement porté par Abélard en 1113 : les jours d’une école dirigée par un vieillard semblent comptés et plus rien de bon ne paraît pouvoir sortir de Laon. Il n’est pas indifférent qu’Abélard, lors de son séjour à Laon, n’ait soufflé mot de Raoul. Fidèle au récit abélardien, l’historiographie est demeurée tout aussi discrète sur Raoul que l’avait été le logicien. Dans ces conditions, on imagine mal qu’un maître aux contours si imprécis poursuive l’enseignement de son frère. L’école à Laon mourrait donc avec Anselme en 1117. À l’appui de cette narration traditionnelle, il faut reconnaître que les sources sur Raoul confinent à l’indigence et n’offrent qu’une vue partielle. Les remarques concordantes de Landulphe de Milan et de Guibert de Nogent ont cependant montré que Raoul exerçait du vivant d’Anselme une activité pédagogique des plus importantes puisqu’elle le fait reconnaître par Guibert comme l’égal de son frère72. Il apparaît d’ailleurs dans les actes épiscopaux régulièrement, du vivant de son frère, avec le titre de magister et le conserve par la suite73. Héritier, Raoul l’est aussi du point de vue de son cursus honorum. En effet, il hérite en 1117 de la charge de chancelier qu’il conserve jusqu’à sa mort après le 16 juillet 113374. Sous son cancellariat, on note une certaine 71

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Cfr l’épigraphe de la troisième partie empruntée à Barthélemy Hauréau et les jugements non documentés de M. Gibson : « They [sc. masters of Laon] seem to have little original genius as scholars ; they founded no lasting academic tradition in Laon itself » (Lanfranc of Bec, p. 60), J. R. Williams : « Despite the fact that Anselm’s brother Ralph continued to teach at Laon until 1133, the popularity of that school began to decline » (« The Cathedral School of Rheims », p. 95). En sens contraire, É. Lesne : « L’école, au temps où Raoul la dirigeait seul, était encore réputée et continuait d’attirer des écoliers de régions lointaines » (Histoire de la propriété, p. 308). Voir, sur ces différents points, le chapitre II (première partie) et la notice de l’Histoire littéraire de la France, t. 10, Paris, 1756, p. 189-192 : « Souvent les écrivains qui parlent d’Anselme, y joignent Raoul et rendent à l’un et à l’autre le juste tribut de louanges dû à leur mérite » (p. 189). Cfr les actes 62, 66-68, 70, 72 pour les années 1113-1115. On le retrouve sporadiquement avec ce titre dans les actes 150 (1117-1126), 108 (1121-1125) et 124 (1121-1129). On trouve sa souscription de 1118 à 1133 (actes 81 et 149), pour le détail des actes souscrits par Raoul, cfr l’index établi par A. Dufour-Malbezin, Actes des évêques de Laon, p. 556. Son

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rationalisation des actes, notamment une fixation des formules de notification et de la suscription épiscopale75. Il succède également à Anselme dans la fonction importante d’archidiacre qu’il garde jusqu’à son remplacement par Létaud en 112676. Ces charges, qui font de lui le vicaire de l’évêque dans le diocèse, le rattachent donc de près à Barthélemy de Joux (1113-1151), comme cela avait déjà était le cas pour Anselme77. Comme chancelier et archidiacre, Raoul assiste en effet Barthélemy dans la grande œuvre de restauration religieuse menée à l’échelle du diocèse de Laon78. Parmi les nombreux chantiers où se signale le zèle épiscopal, il convient de mentionner le soutien constant qu’apporte Barthélemy à Norbert de Xanten et à la fondation de Prémontré (1121)79. Le nouvel ordre étend son emprise sur tout le diocèse grâce à la réforme de la collégiale de Saint-Martin de Laon (1124) et aux fondations de Cuissy (1122), Clairfontaine (1130) et Thenailles (1130). Non moins importante est l’aide procurée à l’ordre cistercien : l’évêque, ami de Bernard de Clairvaux, aide directement les fondations de Foigny (1121), Vauclair (1134), Montreuil-en-Thiérache (1136) et Bohéries (1141). Ce soutien aux ordres nouveaux lui attire, au sein même de son diocèse, un certain nombre d’inimitiés qui atteignent leur comble en 1151 : un essai malheureux de réforme du chapitre cathédral le pousse alors à se retirer sous l’habit cistercien à Foigny où il meurt vers 1158. Proche de l’évêque, considéré comme son œil par Guibert de Nogent, Raoul est également un maître qui laisse une œuvre diverse80. Il est, en effet, l’auteur de deux traités qui portent sur l’arithmétique (De abaco et De semitonio)81. Comme ces œuvres n’ont guère suscité l’intérêt, il est difficile de les apprécier, sauf pour signaler que le De semitonio atteste les talents pédagogiques de Raoul82. On peut donc noter que, contrairement à Anselme dont on ne conserve aucun ouvrage comparable, Raoul a donné un enseigne-

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épitaphe donne le jour de sa mort et montre qu’il a été enseveli à Saint-Vincent de Laon, cfr G. Lefèvre, De Anselmo Laudunensi, p. 51. A. Dufour-Malbezin, Actes des évêques de Laon, p. 29. Il souscrit comme archidiacre de 1118 à 1125 (actes 81 et 111). Cfr le chapitre premier (première partie). La principale source de documentation est le récit d’Hériman de Tournai, Miracula sancte Marie Laudunensis, 3, éd. A. Saint-Denis, p. 198-274 ; voir également les références bibliographiques indiquées au chapitre premier (première partie). C. Dereine, « Les origines de Prémontré », RHE, 42 (1947), p. 352-378 et F. Petit, Norbert et l’origine des Prémontrés, Paris, 1981, p. 79-91. Histoire littéraire de la France, t. 10, Paris, 1756, p. 191-192. Les deux ouvrages sont conservés dans Paris, BNF, lat. 15120, cfr A. Nagl, Der arithmetische Traktat des Radulph von Laon, Berlin, 1890, p. 87-133, et A. M. Peden, « De semitonio. Some Medieval Exercises in Arithmetic », Studi Medievali, 35 (1994), p. 367-403, éd. aux p. 385-397. Voir en attendant les quelques notations de G. Lefèvre, De Anselmo Laudunensi, p. 124-125, S. Martinet, Montloon, reflet fidèle, p. 106-107 et A. M. Peden, « De semitonio », p. 370-374 : « Ralph was a born teacher : he goes carefully and at leisure from rule to example to application » (p. 374).

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ment dans au moins une matière du quadrivium. Il est possible que, dans la formation des élèves, Raoul se soit occupé plus particulièrement des disciplines propédeutiques du quadrivium. Cela n’exclut pas en tout cas un enseignement en sacra pagina, puisque la tradition manuscrite médiévale et moderne attribue à Raoul des commentaires sur le Cantique des cantiques (In initiis librorum) et l’Apocalypse (Deus et Dominus pater) rattachés par d’autres témoins à son frère Anselme83. Il est, par ailleurs, certain que la Bible glosée est une œuvre collective laonnoise à laquelle les deux frères ont participé. Concernant la part prise par Raoul personnellement, on connaît la tradition scolaire indiquée par Pierre le Mangeur selon laquelle Raoul est responsable de la mise en ordre de la Glose sur Matthieu84. Pour les sententiae, on peut mentionner trois sentences formellement attribuées par le Liber pancrisis à Raoul sur la convenance de l’Incarnation et la prophétie85. Dom Lottin y ajoute deux sentences dont le statut est un peu différent. L’une, traitant du Cur Deus homo, est incontestablement apparentée à celles du Liber pancrisis, alors que l’autre, sur la foi des anciens pères, est d’attribution moins assurée86. À l’aide de cette faible base documentaire, nous avons indiqué et la profonde parenté doctrinale de deux frères en matière christologique et leur relative indépendance sur la question de la prophétie. Un certain nombre de faits d’histoire politique et littéraire concordent donc pour faire des deux frères laonnois des sortes de frères siamois. Ces points étant acquis, il convient de se tourner vers les témoignages laissés sur les élèves de Raoul afin de mettre au jour d’éventuelles concordances entre l’enseignement du frère d’Anselme et les recueils de l’école de Laon. D’emblée, il convient de noter que le caractère international de l’école de Laon demeure encore marqué dans les années 1120 comme l’atteste une brève mention de l’œuvre célèbre de Galbert de Burges sur la mort de Charles le Bon87. Dans cette Vita où l’assassinat de comte de Flandre le 2 mars 1127 donne sens à toute l’histoire locale, Galbert signale la rapidité avec laquelle la nouvelle du meurtre est connue, notamment à Laon où sont présents des étudiants flamands : 83 84

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Cfr le chapitre premier (première partie). « De hoc habes glosam Rabani. Non tamen habes hanc glosam intitulatam cujus auctoris sit et ideo incertum est unde magister Radulphus, frater magistri Anselmi, qui glosaturam ordinavit, eam assumpsit », cité par B. Smalley, « Some Gospel Commentaries of the Early Twelfth Century », RTAM, 45 (1978), p. 147-180, repris et complété dans The Gospels in the Schools c. 1100-1280, Londres, 1985, p. 1-35, à la p. 5. Voir le chapitre II (deuxième partie). Il s’agit respectivement de L 234 : « In illa parte epistole… – …peccare non posset » (München, BSB, Clm 22272, 98v-99r) et de L 235 : « Dicit Apostolus in hac eadem… – …remunerari non possent » (Paris, BNF, lat. 12999, 52vb). Sur l’auteur et l’œuvre, voir l’introduction synthétique de J. Rider, Galbertus notarius Brugensis de multro, traditione et occisione gloriosi Karoli comitis Flandriarum, Turnhout, 1994 (CCCM 131), p. vii-xxviii.

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Alors qu’un si glorieux prince avait reçu le martyre, tous les habitants de la terre, frappés par l’infamie de cette trahison, éprouvèrent une très grande douleur et, chose étonnante à dire, alors que le comte avait été tué à Bruges le mercredi matin, la nouvelle de sa mort impie frappa les habitants de la ville de Londres, qui est en Angleterre, deux jours après vers prime et le soir du même deuxième jour elle troubla les habitants de Laon qui vivent en France très éloignés de nous. Nous l’avons appris de nos étudiants qui étudiaient au même moment à Laon, de même que nous l’avons su par nos marchands qui se trouvaient à Londres le même jour pour commercer88.

De plus, les liens entre l’école cathédrale de Laon et les milieux réformés sont attestés par deux sources complémentaires. En effet, tant la Vita Norberti que les Miracula sancte Marie Laudunensis d’Hériman de Tournai documentent les rapports que l’école au temps de Raoul a entretenu avec Prémontré89. Avant l’audience pontificale accordée par Calixte II en novembre 1119, Norbert de Xanten suit l’évêque Barthélemy dans son diocèse pour trouver un lieu propre à sa fondation. Selon la Vita, le futur saint a alors l’intention d’écouter l’enseignement dispensé à Laon : L’école d’Anselme et de son frère Raoul fleurissait alors à Laon, c’est d’eux que l’homme de Dieu Norbert voulut entendre une leçon sur le psaume Heureux les purs (Ps. 118)90.

Une nouvelle fois, on remarque l’indistinction entre les deux frères, puisque, malgré l’impossibilité chronologique patente, leurs noms sont associés. Néanmoins, en dépit de l’éclat encore reconnu au studium laonnois en 1119, un ancien condisciple de Norbert, Drogon, prieur de Saint-Nicaise de Reims et futur abbé de Saint-Jean de Laon, écrit vertement à Norbert et lui reproche de préférer l’école séculière et la philosophie mondaine à l’école du Saint Esprit91. Selon lui, Norbert, inspiré directement par l’Esprit, risque de 88

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« Cumque tam gloriosi principis martyrium vita suscepisset, terrarum universi habitatores, infamia traditionis ipsius perculsi, nimis indoluerunt et, mirabile dictu, occiso consule in castro Brugensi in mane unius diei scilicet feriae quartae, fama impiae mortis ejus in Londonia civitate, quae est in Anglia terra, secundo die postea circa primam diei perculit cives et circa vesperam ejusdem secundae diei Laudunenses turbavit, qui in Francia a nobis longe remoti sunt, sicut didicimus per scholares nostros qui eodem tempore Lauduni studuerunt, sic et per negotiatores nostros intelleximus qui eodem die Londoniae mercaturae intenti fuere » (Galbertus Brugensis, De multro, 12, éd. J. Rider, p. 31-33, l. 43-53). Cette Vita A est de loin la meilleure source pour documenter les débuts de Prémontré, cfr C. Dereine, « Les origines de Prémontré », p. 357-358. Le silence des deux sources contemporaines de Norbert et la teneur des épisodes rapportés nous semblent exclure toute formation antérieure du saint à Laon, cfr en sens contraire, F. Petit, Norbert et l’origine, p. 21-22. « Florebat tunc Lauduni studium magistrorum Anselmi et Rodolfi fratris ejus, a quibus vir Dei Norbertus psalmum Beati immaculati audire disposuit » (Vita Norberti, 9, éd. R. Wilmans, Hanovre, 1856 (MGH, Scriptores 12), p. 678, l. 11-13). « Quid hoc audio de te ? Nutritus et eruditus in scola Spiritus Sancti cui ad docendum nulla mora est et ea relicta secularem scolam adisti ? Desponderat te sibi divina sapientia,

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perdre son charisme et de pécher gravement en préférant une science humaine à la sagesse du ciel92. Norbert abandonne alors un projet présenté implicitement par la Vita comme une tentation susceptible de le détourner de la fondation providentielle de Prémontré. Le second témoignage tiré des Miracula d’Hériman de Tournai prend place également en 1119, une fois que Norbert a eu la révélation de Prémontré comme lieu approprié pour sa nouvelle fondation. Dans ce contexte, Norbert recrute des disciples jusque dans l’école cathédrale : Après quelques jours, l’homme de Dieu, venant à Laon, se rend dans l’école de maître Raoul qui avait succédé à son défunt frère maître Anselme. Faisant une exhortation aux élèves de Raoul, il en convertit sept des plus riches qui venaient d’arriver de Lorraine et les conduisit avec beaucoup d’argent à son église93.

Si on ne relève pas de confusion entre Anselme et Raoul, le cloître semble, comme dans la source précédente, concurrent de l’école94. Les deux textes donnent une image assez stéréotypée d’une école séculière perçue comme incompatible avec la vie claustrale. Dans les deux cas, en dépit de l’interprétation donnée par les rédacteurs, les faits sont significatifs du prestige durable de l’école sous Raoul : l’école cathédrale n’est pas si négligeable que Norbert ne veuille y entendre une leçon, tandis qu’elle continue à attirer une jeunesse dorée venant de l’Empire. Renoncer à l’école cathédrale n’implique d’ailleurs pas forcément de brûler ses notes de cours. De fait, deux autres témoignages montrent sous un jour un peu différent les rapports entre le cloître et l’école et indiquent avec probabilité une voie de diffusion de l’école de Laon dans le monde des religieux réformés. Parmi les élèves dont le passage est attesté à Laon sous Raoul, les saxons Vicelin et Thietmar méritent une attention particulière dans la mesure où leurs

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nunc amavit et allexit te sibi mundana phylosophia » (Vita Norberti, p. 678, l. 15-17), cfr la traduction et le commentaire de F. Petit, Norbert et l’origine, p. 70-71. « Sed forte dicis : Per hanc ad illam, per scientiam ad sapientiam pertingere disponebam ? Ad quod inquam […]. Peccare namque in homine leve vel humanum, sed non sic est delinquere in Spiritum Sanctum » (Vita Norberti, p. 678, l. 18 et 23-24). « Post paucos dies vir Dei, Laudunum veniens, scolam magistri Radulfi, qui germano suo magistro Anselmo defuncto successerat, ingreditur et scolasticis ejus sermonem exhortatorium faciens, protinus septem ex eis ditissimos, qui nuper de Lotharingia venerant, convertit et cum magna pecunia ad ecclesiam suam duxit » (Herimanus Tornacensis, Miracula sancte Marie Laudunensis, 3, 4, éd. A. Saint-Denis, p. 208). La version donnée pour l’année 1120 par le continuateur prémontré de la chronique de Sigebert de Gembloux est différente : « tandem divinitus in loco Premonstrati resedit, ibique solitarius religiosam vitam agere cepit et tempore quadragesime ad colligendos socios solus egressus ante pascha cum tredecim sociis rediit » (Continuatio Praemonstratensis, éd. L. C. Bethmann, Hanovre, 1849 (MGH, Scriptores 6), p. 448, l. 39-40).

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vies sont davantage celles de pasteurs que d’intellectuels95. Elles pourraient donc correspondre à ce que l’on sait par ailleurs de la diffusion des recueils dans des établissements réformés. L’histoire de ces deux personnages est de surcroît bien documentée par une source de grand intérêt pour la vie culturelle, mais encore peu exploitée sous cet angle, la Chronica Slavorum d’Helmold de Bosau. Contemporain plutôt fidèle des faits qu’il narre96, Helmold a eu pour maître Gerold, chanoine et magister scolae de Brunswick, puis évêque d’Oldenbourg-Lübeck qui le pousse à écrire sa chronique. Il est aussi diacre dans la fondation nouvelle de Vicelin, Faldera (Neumünster) en 1150. Entre 1156 et 1163, il devient prêtre de Bosau, bourg qui sert de base à l’évangélisation du Holstein, la dernière mention du chroniqueur se trouvant dans un acte de 1177. Sa chronique, dont la composition s’étend de 1166 à 1172, a pour but de montrer l’extension de la religion chrétienne auprès des Slavi. L’ouvrage, dédié aux chanoines de Lübeck, fait donc la part belle aux héros de cette geste apostolique, où s’illustrent notamment Vicelin et Thietmar. Plus discret sur Thietmar, Helmold s’étend assez longuement sur Vicelin, figure majeure de la mission chrétienne dans cette région septentrionale de la Germanie97. Né dans les dernières décennies du xie siècle à Hameln sur la rive de la Weser, Vicelin est issu d’une famille modeste et a reçu les rudimenta litterarum auprès des chanoines locaux98. Sur l’étendue et la valeur de cette formation, le témoignage d’Helmold est assez précis : le jeune Vicelin, s’étant rendu dans le castrum voisin d’Everstein, est interrogé par un prêtre sur ses études. Le jeune homme étant incapable d’indiquer la materia de l’épopée inachevée de Stace, l’Achilléide, cet interrogatoire tourne à l’humiliation de Vicelin99. La 95

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Sur le contexte, voir J. Ehlers, « Deutsche Scholaren in Frankreich während des 12. Jahrhunderts », dans Schulen und Studium im sozialen Wandel des hohen und späten Mittelalters, éd. J. Fried, Sigmaringen, 1986, p. 97-120, notamment p. 112 sur cet épisode. Il est né avant 1125 ; sur le personnage et l’esquisse biographique que son œuvre permet de reconstituer, voir la préface de l’édition de B. Schmeidler, Helmoldi presbyteri Bozoviensis cronica Slavorum, Versus de vita Vicelini et Sidonis epistola, Hanovre - Leipzig, 1909, p. vi-viii et la notice de W. Ehbrecht, « Helmold von Bosau », Lexikon des Mittelalters, t. 4, 1989, col. 2124-2125. Sur Vicelin, voir surtout la notice de la Series episcoporum Ecclesiae catholicae occidentalis ab initio usque ad annum MCXCVIII, Series V Germania, tomus II Archiepiscopatus Hammaburgensis sive Bremensis, coll. H. Kluger, E. Pack, R. Grosse, éd. S. Weinfurter, O. Engels, Stuttgart, 1984, p. 63-64, ainsi que la préface de B. Schmeidler, Helmoldi presbyteri Bozoviensis cronica Slavorum, p. xiv et la notice de E. Bünz, « Vicelin », Lexikon des Mittelalters, t. 8, 1997, col. 1622-1623. Sur les premières années de Vicelin et sa carrière avant son départ pour Laon, cfr Helmoldi presbyteri Bozoviensis cronica Slavorum p. 84-89. « Quadam igitur die multis arbitris coram positis interrogavit Vicelinum in scolis positus quid legisset. Illo perhibente se Statium Achilleidos legisse, consequenter requisivit quae esset materia Statii. Se cum diceret se nescire, sacedos nimium mordaciter ad circumstantes : ‘Heus’, inquit, ‘ego juvenem hunc de recenti studio venientem putabam aliquid esse, sed opinione delusus sum. Iste enim penitus nullius momenti est’ » (ibidem, p. 84-85, l. 28-8).

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scène le marque durablement100 et détermine la soif de savoir qui l’anime dans les années suivantes. Il se rend alors à Paderborn pour être formé par Hartmann, chanoine auprès duquel il demeure plusieurs années. Son zèle assez tardif pour les études lui permet de devenir rapidement magistri coadjutor, puis il part à Brême où, devenu chanoine, il dirige les écoles au plus tard en 1118. Prêchant d’exemple par ses mœurs et son assiduité à l’office, il incarne le bon professeur pas moins soucieux de formation intellectuelle que de perfection morale101. Son seul défaut est son manque de mesure dans les punitions corporelles102. Après plusieurs années d’enseignement, devant les progrès réalisés par ses élèves et leur nombre croissant, Vicelin décide de se rendre en France majorum scilicet gratia studiorum103. La mention est à mettre en rapport avec la propre carrière de Vicelin. En effet, craignant de recevoir les ordres sacrés de manière prématurée, il n’accède au sacerdoce qu’après avoir passé trois ans à Laon. Seuls l’enseignement reçu et son maturior aetas l’engagent alors dans la voie de la prêtrise. Ce n’est donc pas en tant que professeur chevronné que Vicelin a exercé la charge de magister scolae à Brême. Ce point laisse entrevoir le caractère sans doute peu poussé de l’enseignement dispensé et explique le besoin ressenti de se perfectionner auprès de maîtres reconnus. La recherche d’une sorte de formation continue du maître suppose par conséquent la distinction entre les écoles cathédrales et confirme le prestige durable reconnu à l’école de Laon même après la mort d’Anselme : le voyage à Laon vient compléter les connaissances du magister de Brême qui a tout de même enseigné plusieurs années. Le déplacement en France ne va toutefois pas de soi. Une apparition de la Vierge est, en effet, nécessaire pour légitimer le départ de Vicelin. Le prévôt de Brême, Adelbert, voit Marie en songe : elle accorde à Vicelin la licentia migrandi quo vult104. Le maître peut donc enfin partir pour la France avec son disciple favori, Thietmar105. Voici le témoignage sur le séjour laonnois des saxons ainsi qu’il est donné par Helmold :

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À tel point que le chroniqueur l’a entendu raconter souvent cette anecdote. « Fuitque in regendis scolis vir valde idoneus, curator chori, eruditor juvenum forma honestatis. Denique discipulos quos antea mos precipitatus agebat, reddidit artibus ingenuos et in cultu Dei et frequentia chori officiosos » (ibidem, p. 88, l. 2-6). Cette sévérité du maître, qui n’est pas sans rappeler le témoignage fameux de Guibert de Nogent sur son enfance, est soulignée par le chroniqueur (ibidem, p. 88, l. 14-19). Il revient d’ailleurs sur ce point lorsqu’il résume la vie de Thietmar (ibidem, p. 140, l. 10-12). Pour le voyage en France et ses motifs, voir ibidem, p. 89-90. Ibidem, p. 89, l. 21-22. Thietmar est la figure classique du bon élève : issu d’une bonne famille (sa mère est dite reverentissima, ibidem, p. 88, l. 24, lui-même nobilissimus vir, p. 113, l. 11), sa naissance est précédée d’un présage, l’apparition en songe à sa mère d’une croix ornée de gemmes, qui décide de sa carrière ecclésiastique.

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Ayant emmené avec lui le très vertueux et jeune Thietmar, il se rendit en France et fréquenta les écoles des vénérables maîtres Raoul et Anselme qui à ce moment étaient les plus importants pour expliquer l’Écriture. Il fut aussi reçu par eux avec honneur à cause de son très ardent désir de l’étude et du mérite d’une vie éprouvée. Évitant tout à fait les vaines questions et les joutes verbales qui n’édifient pas mais détruisent106, il s’attacha seulement à ce qui pouvait suffire à un esprit sobre et à l’édification morale. Enfin, ayant reçu la semence de la parole divine, il progressa au point de se décider à emprunter pour Dieu les voies d’une vie plus austère, en renonçant à manger de la viande, en portant à même la peau un cilice et en s’appliquant plus fermement au culte divin107.

Le passage, d’importance, soulève un problème et appelle plusieurs remarques. La difficulté tient d’abord à la chronologie : si, comme le texte nous l’apprend peu après, Vicelin a été ordonné prêtre en 1126, le voyage à Laon s’étend par conséquent de 1123 à 1126108. Or, Anselme, mort en 1117, n’a pu à l’évidence dispenser ses leçons au clerc saxon. Dans les souvenirs de Vicelin mis par écrits par Helmold, aller à Laon même après la mort d’Anselme équivaut donc à recueillir la mens Anselmi sans doute maintenue vivante par l’enseignement de Raoul. La confusion des deux professeurs, dont l’un prolonge l’autre, et l’absence d’intérêt pour la chronologie nous indiquent significativement que l’enseignement d’un maître même mort survit dans une sorte de continuum pédagogique assuré par son successeur. Le texte prouve la volonté du chroniqueur, et sans doute aussi du principal intéressé, de rattacher au grand nom d’Anselme le voyage en France. D’autres éléments méritent l’attention : le premier effet des cours suivis auprès de Raoul-Anselme est une conversio morum. Suivant en cela les pré106 107

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Cfr Tit. 3, 9, mais aussi I Tim. 1, 4 ; I Tim. 2, 23 et I Cor. 10, 23. « Assumpto secum honestissimo juvene Thetmaro, perrexit in Franciam adiitque scolas venerabilium magistrorum Radolfi et Anselmi qui in explanacione divine pagine fuerant eo tempore precipui. A quibus etiam honorabiliter habitus est propter ferventissimum studii desiderium et vite probabilis meritum. Questiones etiam supervacuas pugnasque verborum quae non edificant, sed magis subvertunt omnino devitans, ad ea solum enisus est que sobrio intellectui et moribus instruendis sufficerent. Denique accepto semine verbi Dei, eo usque convaluit ut jam tunc proposuerit propter Deum austerioris vitae vias aggredi, abdicare scilicet carnis esum, cilicio ad carnem operiri, cultui divino artius applicari » (ibidem, p. 89-90, l. 29-16). Si besoin était, un autre indice minime conforte cette chronologie et ne permet pas de placer le voyage avant 1117 : une mention dans un manuscrit atteste que Vicelin a envoyé au couvent de Paderborn les reliques et les vies de Willehad, Anscarius et Rimbert au temps de l’abbé Hamukon à la tête du monastère de 1118 à 1142. Il était donc encore à Brême à cette époque, même si, comme le dit B. Schmeidler, ibidem, p. xv, n. 3, la mention est postérieure : « Interroganti mihi benigne respondit V. Cl. Theuner, regio archivo Monasteriensi adjunctus, totam hanc notitiam scriptam esse saeculo xii. exeunte vel postremo saec. xiii. in. ». De plus l’éditeur précise à la note 4 : « Hamukonis alia manu, sed et ipsa s. xii. ex. vel xiii. in., in loco raso, ubi aliud nomen antea scriptum erat ». Le ms est décrit comme suit n. 2 : « Cod. Abdinghof s. xii, archivi regii Monasteriensis Ms. I, 226 ».

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ceptes donnés par Anselme dans sa fameuse lettre à Héribrand109, Vicelin se garde des disputes et des joutes verbales, considérées comme subversives au sens propre. Elles empêchent l’édification de l’homme intérieur et son unification par le savoir. Le clerc saxon préfère s’appliquer à une formation intellectuelle mesurée et à l’amélioration de ses mœurs : rien n’est ici concédé à une quelconque curiosité intellectuelle, tout a pour fin un enseignement moral équilibrant exigence modérée de l’esprit et édification personnelle. La conclusion assez logique de l’enseignement reçu pendant trois années à Laon est un propositum qui paraît davantage monastique que séculier : l’écoute de la parole divine auprès des maîtres laonnois est un chemin de conversion empruntant à la vie monastique tous ses caractères. L’abstinence de viande, le port du cilice et l’attachement à l’opus Dei sont les fruits visibles de ces trois années d’étude. Il est toutefois notable que ce séjour n’entraîne pas le jeune homme vers le cloître : il est promu aux ordres majeurs, tandis que son disciple Thietmar reçoit un canonicat dans l’église de Brême. Doyen du chapitre, Thietmar succède aussi de façon logique à Vicelin comme maître des écoles. Vicelin est, pour sa part, ordonné prêtre par Norbert de Xanten alors nommé archevêque de Magdebourg110. Cette mention de Norbert est intéressante à plus d’un titre. Le retour en France de Vicelin coïncide avec son entrée en contact avec Norbert qui, comme on l’a vu, est proche de Laon et de son évêque réformateur. Cela n’avait rien d’évident pour Vicelin qui dépendait, du fait de son appartenance passée à l’église de Brême, plutôt du métropolitain de Brême-Hambourg, Adalbéron111. On peut donc supposer qu’il a entendu parler de Norbert à Laon et que la concomitance entre son retour de France et son ordination par le fondateur de Prémontré n’est pas le résultat d’un pur hasard. Peut-être est-ce même dans l’entourage de Norbert qu’il prend conscience de sa vocation missionnaire. Toujours est-il qu’avec l’approbation de son métropolitain, il s’engage dans la conversion des païens sur la terra Slavorum à partir de Lübeck qui lui sert de base de repli112. Il est aussi envoyé par Adalbéron pour convertir une partie de la Saxe (Nordalbingien). Le chroniqueur Helmold s’étend alors sur une activité missionnaire des plus classiques : convertir ceux qui n’ont de chrétien que le nom, enseigner la vérité et détruire les symboles anciens du paganisme sont les principales tâches de Vicelin113. Dès 1127, il entreprend aussi à Faldera (Neumünster) un ministère fructueux caractérisé par un aspect réformateur très marqué. En effet, en plus de 109 110 111 112 113

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Voir l’analyse donnée au chapitre II (première partie). Cfr ibidem, p. 90, l. 26-28. Sur Adalbéron, voir la notice de la Series episcoporum Ecclesiae catholicae occidentalis, p. 39-41. Helmoldi presbyteri Bozoviensis cronica Slavorum, p. 91. Ibidem, p. 92-93.

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la conversion des laïcs, Vicelin ramène les clercs à l’observance de leurs devoirs d’état, comme le célibat, la prière, le jeûne ainsi que l’exercice des œuvres de miséricorde. Cette activité est à l’origine de la fondation d’une communauté de clercs réguliers qui suivent la règle de saint Augustin114. Le lien entre Norbert et Vicelin est donc plus fort qu’une simple rencontre. Si rien ne vient étayer l’hypothèse d’une appartenance de Vicelin à l’ordo canonicus115, il n’en demeure pas moins que le futur évêque a favorisé la vie canoniale conçue selon les exigences de la réforme ecclésiastique. En effet, à partir du groupe de fidèles réunis à Faldera, Vicelin va diffuser la réforme en Saxe116. Il reçoit même l’appui de l’empereur Lothaire III qui, en 1134, lui apporte son soutien pour la fondation du castrum de Segeberg et l’installation de chanoines117. La suite de la chronique narre les différentes étapes de son activité pastorale : le principal caractère en est l’authentification par les miracles de Vicelin. La guérison des maladies et la mise en déroute des démons illustrent les charismes accordés au saint homme et la justesse du combat qu’il mène contre le paganisme118. Le parcours parallèle de son disciple Thietmar n’est pas moins significatif : il renonce en 1143 aux charges exercées à Brême pour rejoindre la fondation de Vicelin à Faldera (Neumünster), puis celle de Cuzelina (Högersdorf). Dans les moments difficiles, en disciple d’Élie et d’Élisée, il se signale par sa charité envers les pauvres permise par un stock miraculeux de blé119. Il meurt le 17 mai 1152 après une agonie des plus édifiantes. Selon un topos manifestant la sainteté du personnage120, son corps fait l’objet d’une querelle entre les frères de Faldera et de Cuzelina. Il est finalement enseveli au lieu de sa mort avec un grand concours de peuple121. La suite de la carrière de Vicelin est, elle, plus brillante, car le 25 septembre 1149 Hartwig, le nouveau métropolitain de Hambourg-Brême (1148-1168), lançant alors une politique de restauration des évêchés saxons, consacre Vicelin évêque d’Aldenbourg au terme de vingt-trois ans de mission122. Toutefois,

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Un des codices datant du xve siècle porte à côté de la mention de Faldera les mots rubriqués : « professione regule beati Augustini » (ibidem, p. 94, n. 4). Cfr les réfutations de C. Hirsekorn, Die Slavenkronik des Presbyter Helmold, Inaug.-Diss., Halle, 1874 citées par B. Schmeidler, Helmoldi presbyteri Bozoviensis cronica Slavorum, p. 91, n. 1. Cfr les indications plus précises données par l’éditeur, ibidem, p. 93, n. 6-7 et p. 94, n. 1-2. Ibidem, p. 103-105. Ibidem, p. 107-108. Ibidem, p. 123-124. La vie de saint Thietmar est compilée, notamment à partir d’Helmold, dans les Acta sanctorum, Maii IV, p. 41-53. Helmoldi presbyteri Bozoviensis cronica Slavorum, p. 139-142. Sur Hartwig, voir la notice de la Series episcoporum, p. 41-44. Le siège d’Aldenbourg est transféré à Lübeck en 1160, cfr Series episcoporum, p. 55.

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son épiscopat s’ouvre par une crise assez violente : le duc de Saxe, Henri le Lion, que le métropolitain a omis de consulter pour nommer Vicelin, refuse de le reconnaître comme évêque. La querelle a d’importantes conséquences pour la suite de son épiscopat car elle paralyse nettement l’action de l’évêque, contraint de ménager à la fois le duc et l’archevêque Hartwig. De plus, ses derniers jours sont assombris par la mort de Thietmar ainsi que par des infirmités le privant de ses capacités123. Après sa mort le 12 décembre 1154, il est enseveli dans le monastère de Neumünster qu’il avait fondé et dont il avait continué à s’occuper une fois évêque. Les manifestations post mortem de saint Vicelin ne sont pas moins intéressantes que ses actions temporelles. Tout d’abord, en une apparition pittoresque, le défunt se présente à une femme pour qu’elle admoneste le prêtre, trop économe, chargé de distribuer des aumônes pour le salut de son âme. Ensuite, c’est à une vierge qu’il enjoint de consoler un de ses disciples éplorés. Il apparaît même pour signifier qu’il est entré dans le repos éternel avec Bernard de Clairvaux124. Enfin, ultime manifestation de sainteté, il rend la vue à une humble aveugle125. Quelle image, in fine, la chronique de Helmold laisse-t-elle au lecteur ? À première vue, le récit, orné des habituelles réminiscences bibliques, peut donner l’impression d’une enluminure un peu fade, au trait attendu et à la palette convenue126. Toutefois les éléments narratifs analysés suggèrent aussi l’image d’un prélat qui n’a pas réussi entièrement dans ses entreprises. Si les prédications entre 1126 et 1149 semblent avoir eu un certain retentissement, l’épiscopat notamment ne tient pas, loin de là, toutes ses promesses et les dernières années de la vie de Vicelin sont placées sous le signe d’un déclin 123

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Cfr le passage expressif qui narre cette paralysie : « Conturbati sunt hoc spectaculo omnes qui viderant, virum scilicet incomparabilis facundiae, doctorem magnum, exuberantem verbo sacrae exhortationis et veritatis defensione, subito lingua membrisque destitutum et per omnia factum inutilem » (Helmoldi presbyteri Bozoviensis cronica Slavorum, p. 144, l. 5-10). « Hic post mortem pontificis necdum expletis triginta diebus audivit eum in visione dicentem repositam sibi requiem cum famosissimo illo Bernardo Clarevallensi » (ibidem, p. 148, l. 1-3). Sur la mort et les mirabilia, voir ibidem, p. 146-149. À la chronique, l’éditeur a ajouté deux documents (ibidem, p. 224-245) d’intérêt moindre et qui apportent peu à la connaissance du Vicelin historique : un poème anonyme daté de 1187-1188, sans doute dû à la plume d’un moine de Neumünster, et une lettre de 1195-1196 de Sidon, prévôt du même monastère de 1177 à 1204, en faveur elle aussi du fondateur, voir la présentation des textes et des manuscrits p. 219-224. La causa scribendi tacite est la possession par la communauté de l’église de Bishorst et défendue avec véhémence par les deux textes. Le souvenir du prélat est donc avant tout évoqué pour asseoir les droits du monastère, ce qui explique sans doute le peu de cas fait de la formation de l’évêque. Si le poème parle surtout de Vicelin comme doctor (v. 12, 84, 102), il ne mentionne pas pour autant son séjour à Laon, puisque les seules attaches saxonnes du prélat ont retenu l’attention des deux auteurs.

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physique qui atteint même son rayonnement moral127. Quand on reprend le portrait dressé par le chroniqueur saxon, il est frappant de constater, derrière l’humilité et les échecs du saint, la place accordée au prestige : Helmold cherche à lui assurer un certain rang parmi les personnages notables de son temps. Par l’entremise de l’évêque et le talent conjoint de son biographe, quelques gloires de la chrétienté sont convoquées et viennent civiliser symboliquement l’aridité physique et morale des terres saxonnes. Le modeste Vicelin de Hameln a été, en effet, un clerc lettré formé par Raoul de Laon, un prêtre ordonné par Norbert de Xanten, un évêque d’Aldenbourg conciliant les devoirs de sa charge et l’amitié des grands, un mort enfin désireux de rassurer les vivants sur son bonheur éternel et partageant au ciel la prestigieuse compagnie de Bernard de Clairvaux. Vicelin et, dans une moindre part, Thietmar sont donc les représentants d’une Église pour qui la science est avant tout affaire de conscience quasi professionnelle, puisque le voyage à Laon a pour but de bien faire son métier d’enseignant. Soucieux d’action pastorale plus que de satisfactions intellectuelles, les deux saints saxons ont développé, principalement pendant leurs trois années de contact avec le clergé laonnois, une réforme de leurs mœurs et un zèle qui ont trouvé à s’épanouir dans l’évangélisation du Holstein et non dans la jouissance paisible de canonicats à Brême. Un autre signe du rayonnement de l’école dans les milieux réformés est fourni par le séjour à Laon de Francon, abbé de Lobbes (1149-1159), sur la Sambre : l’abbaye bénédictine, qui cultivait depuis le xe siècle, notamment avec Folcuin et Hériger, une tradition de grand savoir, ne démérite alors pas. Les principaux renseignements concernant Francon se trouvent dans les Gesta abbatum Lobbiensium128. Continuation de ceux de Folcuin (ca. 935-990), ils s’étendent de la fin du xe siècle à 1159 et ont été rédigés en 1162 par un moine de l’abbaye129. La première formation du futur abbé a été reçue à Saint-Pierre de Lobbes où il est présent depuis son enfance130. Sous l’abbatiat de Gautier (1108-1129), il apprend, en effet, les premiers rudiments des lettres à un moment plutôt faste pour la culture : Car, comme à l’époque de l’abbé Gautier, l’étude des lettres étant florissante chez nous, il avait été imprégné surtout des rudiments domestiques, pour que le vase de chasteté et d’innocence soit aussi rempli du miel de la sagesse divine, il devint à Laon le disciple des plus grands maîtres de cette époque dans l’ex127

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Les échos d’une certaine désaffection pour la personne de l’évêque sont évoqués, avec prudence et restriction mentale, par le chroniqueur (ibidem, p. 144, l. 10-15). Gesta abbatum Lobbiensium, éd. W. Arndt, Hanovre, 1869 (MGH, Scriptores 21), p. 308-333. Ibidem, p. 308. Les éléments de la vie de Francon sont également repris des Gesta, de manière synthétique, par dom Ursmer Berlière, Monasticon belge, t. 1, Provinces de Namur et de Hainaut, Maredsous, 1890-1897, p. 214-215.

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plication des saintes écritures, en quoi il satisfit à son propre désir et à l’utilité de l’église qui se le préparait alors déjà131.

Quels sont donc ces rudimenta ? Par bonheur, on peut répondre un peu moins mal que d’habitude à cette question, puisque le moment de floraison intellectuelle qu’est pour l’abbaye de Lobbes le début du xiie siècle est documenté par un texte exceptionnel : un inventaire conservé chez les Bollandistes à Bruxelles décrit quelque trois cent quarante sept volumina pour la période antérieure au milieu du xiie siècle132. Ce document a d’autant plus de prix que les trois incendies successifs dont la bibliothèque a pâti ne permettent plus guère d’en apprécier concrètement la richesse passée133. L’inventaire comprend deux parties qui reflètent sans doute la division des fonds entre deux bibliothèques : une bibliothèque ‘monastique’ comprenant une collection impressionnante d’ouvrages des Pères et une bibliothèque scolaire renfermant un nombre non moins conséquent d’auteurs, surtout païens, servant à l’enseignement du trivium et du quadrivium134. Pour ne prendre que l’exemple des poètes : des œuvres de Perse, Horace, Juvénal, Stace ou Dracontius étaient conservées au début du xiie siècle et ont pu être mises à profit lors de la formation du jeune moine135. Il a aussi eu à sa disposition les œuvres des Pères, notamment celles des quatre docteurs abondamment représentés. Devant une telle bibliothèque, il est d’autant plus remarquable que le jeune Francon ait décidé de quitter son abbaye pour se rendre à Laon. Ce n’est donc pas pour y retrouver des auteurs présents en nombre et en qualité à Lobbes, mais pour entendre les « plus grands maîtres de cette époque ». Comme dans le cas de Vicelin, il faut faire droit à l’individu et à un choix personnel qui, pour être rapidement évoqué (sui ipsius desiderio), atteste une curiosité certaine pour les nouveautés intellectuelles du temps. À l’abbaye, ce n’est pas une apparition de la Vierge qui rend acceptable ce départ, mais l’« utilité » de Saint-Pierre : les esprits ne devaient pas être trop étroits à Lob131

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« Nam cum adhuc tempore Walteri abbatis apud nos litterarum florente studio domesticis adprime rudimentis imbutus esset, ut vas castitatis et innocentie divine quoque sapientie melle condiretur, Lauduni summorum tunc temporis magistrorum in sacrarum lectione scripturarum discipulus factus est, in quo et sui ipsius desiderio et utilitati ecclesie, que sibi eum jam tunc preparabat, satisfactum est » (Gesta abbatum Lobbiensium, p. 330). Cfr F. Dolbeau, « Un nouveau catalogue des manuscrits de Lobbes aux xie et xiie siècles », Recherches augustiniennes, 13 (1978), p. 3-36 et 14 (1979), p. 191-248, et les précisions du compte rendu de H. Silvestre, Bulletin de théologie ancienne et médiévale, 13 (1981), p. 48-52, n° 112. Sur la destinée du fonds et les quelques codices ayant échappé aux vicissitudes, voir F. Dolbeau, « Un nouveau catalogue », p. 4-5 et n. 15, p. 5. Voir les volumes du catalogue n. 1-227 et 228-347 (F. Dolbeau, « Un nouveau catalogue », p. 17-36). Certains des numéros 1-227 étaient déjà présents dans une liste de 1049, tandis qu’on ne sait précisément la date des autres acquisitions ; ce qui permet de savoir la composition du fonds à la mort de Francon, mais non lors de sa jeunesse. Ces auteurs, utilisés déjà par Rathier ou Hériger de Lobbes, ont donc pu aussi servir à la formation de Francon, cfr F. Dolbeau, « Un nouveau catalogue », p. 14.

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bes, puisque les autorités, au premier rang desquelles se trouvent l’abbé et peut-être aussi le maître des novices, décident de maintenir le niveau intellectuel de leur établissement, en envoyant un de leurs sujets se former à la modernité laonnoise. Le départ de Francon pour Laon avant 1129 rend la rencontre avec Anselme († 1117) possible, avec Raoul († p. 1133) certaine. Le rédacteur insiste aussi sur la pureté de mœurs de Francon demeurées intègres malgré la fréquentation des religieuses de l’abbaye Notre-Dame et Saint-Jean-Baptiste de Laon136, ce qui confirme que son séjour a eu lieu avant mai 1128 et la réforme décidée par Louis VI au concile d’Arras tenu le 10 mai137. La première conséquence de ce voyage est qu’une fois « enrichi des trésors de la divine philosophie », il devient à son tour maître. La compétence acquise à Laon n’est toutefois pas une formation reçue seulement pour son abbaye d’origine car, selon l’historien de l’abbaye, elle a également vocation à être dispensée à d’autres établissements138. On assiste ainsi à l’organisation d’un vrai réseau scolaire monastique : une grande abbaye envoie un ou plusieurs de ses moines doués se former dans un grand centre scolaire, pour ensuite faire profiter de cette remise à jour d’autres établissements de moindre importance. Il n’y a donc pas, en ce cas précis, séparation ni opposition entre le cloître et l’école, mais au contraire complémentarité et circulation des hommes, des connaissances et sans doute des manuscrits. Le phénomène est à mettre en rapport avec les pratiques même de la réforme telle qu’elle est mise en œuvre à Lobbes à la même époque, notamment sous l’abbatiat de Léonius (1131-1137)139. La réforme, importée parfois non sans peine de la province ecclésiastique de Reims, consiste en un retour à la rigueur des anciens usages, notamment le silence. Elle est, de façon significative, décrite en des termes voisins de ceux narrant la diffusion du savoir, puisque le mouvement réformateur emprunte les mêmes voies : la formation de moines dans des établissements réformés sert à améliorer les usages de l’abbaye et permet de les faire rayonner ailleurs140. Le retour à Lobbes semble donc de courte durée pour Francon car le début de l’abbatiat 136

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Gesta abbatum Lobbiensium, p. 330, l. 51-52. La vision monastique de cette relation pourrait être encore renforcée si, dans la phrase : « inter seculares religiosus mansit », on préférait la lectio difficilior donnée en apparat : scolares (p. 330, l. 52). Cfr J. Dufour, Recueil des actes de Louis VI, t. 2, Paris, 1992, p. 59-62. « Moris quippe Lobiensis ecclesie eatenus fuerat, ut non solum de suis aliorum locorum atque doctorum magisterio instruendos traderet, verum et de iis quoque et hoc studio plures et illustres habebat, alienis magistros accomodaret monasteriis » (Gesta abbatum Lobbiensium, p. 331, l. 5-8). Sur le personnage et son importante action réformatrice, voir U. Berlière, Monasticon belge, p. 213. « In tantum etiam religionis et totius probitatis culmine idem abbas [sc. Leonius] longe lateque brevi innotuit, ut qui suos ab aliis informandos alieno magisterio multis in locis locaverat, ipse postmodum de suis ecclesiis alienis abbates et ordinis magistros preficere a

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de Léonius marque son départ pour l’abbaye de Saint-Nicolas-aux-Bois au diocèse de Laon141. L’établissement bénédictin, attesté à partir de 1089, connaît alors une réforme mise en place par l’abbé Simon (1120-1133). C’est un personnage des plus notables : frère de Guillaume de Saint-Thierry, il a été moine de Saint-Nicaise de Reims et devient, grâce à Barthélemy de Joux, abbé de Saint-Nicolas. Il y mène une action réformatrice qui finit par triompher des résistances des moines142. Saint-Nicolas prend alors place parmi les établissements diffusant la réforme ecclésiastique, puisque, sur le conseil de saint Norbert, le moine Raoul est nommé abbé de Lagny, tandis que Barthélemy fournit à l’évêque de Noyon deux moines : Thierry devenu abbé de SaintGilles et Absalon abbé de Saint-Amand143. Le séjour de Francon à Saint-Nicolas n’est donc pas imputable au hasard, mais laisse penser que son premier voyage a été l’occasion pour le jeune moine d’entrer en relation avec les milieux monastiques locaux. Comme les autres moines cités de Saint-Nicolas, Francon occupe, après son deuxième séjour laonnois, différentes fonctions dans des établissements du Nord-Est. Il est d’abord prieur de l’abbaye bénédictine de Saint-Jean de Thérouanne après l’abbatiat de Folcuin († 1128) et sans doute avant celui de Thierry, attesté en 1156144. Il se rapproche ensuite de Lobbes en devenant prieur de SaintJean-Baptiste de Florennes, sans doute sous l’abbatiat de Drogon de Tinlot († 1173), moine de Lobbes sous Léonius145. L’avant-dernière étape de son cursus est l’obtention du priorat à Saint-Pierre, suivie de celle de l’abbatiat en 1149. La personnalité du nouvel abbé a visiblement frappé le rédacteur des Gesta : humble, d’une éloquence bornée par la nécessité ou le choix146, Francon s’impose par sa piété liturgique et son assiduité remarquable à l’office. Ce prélat peu politique doit faire face à des tentatives d’empiétements sur son pouvoir : la plus importante est celle menée par les chanoines d’Antoing en

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multis rogatus sit, exceptiis quippe hiis quos, ut dictum est, priores, subpriores plerisque monasteriis accomodavit » (Gesta abbatum Lobbiensium, p. 325, l. 41-45). Voir Gallia christiana, t. 9, Paris, 1751, col. 610-612. Les difficultés de gouvernement que Simon connaît, dont un exil, sont l’occasion de l’envoi de trois courtes lettres par saint Bernard, ep. 83, 84 et 406, Sancti Bernardi opera, éd. J. Leclercq, H. Rochais, Rome, 1974, t. 7, p. 216-218 et t. 8, p. 387. Cfr Herimanus Tornacensis, Miracula sancte Marie Laudunensis, 3, 18, « De domno Simone abbate Sancti Nicolai », éd. A. Saint-Denis, p. 236. L. H. Cottineau, Répertoire topo-bibliographique des abbayes et prieurés, t. 2, Mâcon, 1939, col. 2737 et Gallia christiana, t. 5, Paris, 1731, col. 328. U. Berlière, Monasticon belge, p. 8-9 ; la présence de Francon sous l’abbatiat de Drogon est plus logique que sous le court gouvernement de Gérard d’Orchimont († 1138), compte tenu des années passées par Francon en France du Nord à partir de 1131. « Et licet in eius verbis minus appareret facundie, quia in his vel gratiam vel curam non haberet […]. Nec enim magis in foliis verborum quam in sensuum fructu sibi complacebat » (Gesta abbatum Lobbiensium, p. 331, l. 23-24, 25-26).

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1150, au premier rang desquels Gautier de Mortagne, qui réclament la libre élection à une prébende147. Le combat entre l’ancien élève de Raoul et le futur évêque de Laon mène Francon à Rome. Le différent, finalement réglé par l’archevêque de Reims, est une solution de compromis qui oblige l’abbé à investir le candidat présenté par les chanoines148. La fin de son abbatiat est, enfin, assombrie par les difficultés que connaît l’abbaye : les Gesta, pourtant rarement critiques, font allusion à la negligentia de Francon envers les serviteurs du monastère qui prévariquent et accumulent les dettes sans vergogne149. Il faut rien moins que l’intervention en 1154 d’un ancien moine de Lobbes, le cardinal Gérard, pour éviter à l’imprudent Francon une probable destitution, sans pour autant rétablir la situation financière très compromise de l’abbaye150. Toutefois le bilan de l’ancien écolier de Laon n’est pas entièrement négatif : accroissements territoriaux et matériels, enrichissement du trésor, travaux divers et ajouts d’offices liturgiques sont à mettre à son actif151. Le plus intéressant de notre point de vue est la mention concernant la bibliothèque : Comme son prédécesseur [i. e. Lambert, 1137-1149], il prit soin de multiplier le nombre de livres de la bibliothèque, surtout ceux qui sont glosés et produits par les maîtres modernes152.

Le soin principal de l’abbé et de son prédécesseur Lambert, connu par ailleurs comme un fin lettré153, est donc de compléter la collection de l’abbaye avec des nouveautés que l’on saisit grâce à l’inventaire rédigé à date contemporaine. Parmi les ajouts transcrits entre 1049 et 1160 et que l’histoire de l’abbaye permet de situer avec probabilité dans la première moitié du xiie siècle, on remarque toute une série de livres bibliques glosés : Exode, Lévitique, Job (partiel), Psaumes, Cantique des cantiques, Isaïe, Prophètes, mais aussi Matthieu (trois volumes), Jean (deux volumes), Actes des Apôtres, épî147

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« Contra abbatem ierat Walterus de Mauritenea – est ille summus quidam inter Francie magistros, tunc Anthoniensis canonicus, postea Laudunensis episcopus – » (ibidem, p. 331, l. 48-50). L’événement, considéré comme marquant, est aussi rapporté par les Annales Laubienses : « 1150. […] Franco abbas, canonicis Antoniensibus electionem substituendorum in eadem ecclesia sibi usurpantibus, Romam super hoc appellatur, mense Octobri proficiscitur » (éd. G. H. Pertz, Hanovre, 1841 (MGH, Scriptores 4), p. 23, l. 14-16). En fait, le seul résultat tangible du voyage romain est le don pontifical de deux pallia (cfr Gesta abbatum Lobbiensium, p. 332, l. 17-19). Ibidem, p. 332, l. 4-10. Ibidem, p. 332, l. 19-24. Voir U. Berlière, Monasticon belge, p. 215, n. 1. Les finances de Lobbes sont à tel point compromises qu’à la mort de Francon, il faut disperser la quasi-totalité des moines dans d’autres établissements pendant trois ans (Gesta abbatum Lobbiensium, p. 333, l. 1-5). Pour le détail, voir les Gesta, ibidem, p. 333. « Multiplicandis in armario libris, maxime his qui glossati sunt et modernorum magistrorum opere conditi, tam ipse quam predecessor eis oporam (sic) dedit » (ibidem, p. 333, l. 14-15). U. Berlière, Monasticon belge, p. 213-214.

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tres de Paul et épîtres canoniques154. Malgré l’absence étonnante de la Genèse, cet ensemble de livres bibliques accompagnés de leurs gloses illustre la manière dont un fonds monastique ancien et prestigieux s’enrichit. On peut aussi donner une idée des maîtres modernes évoqués par les Gesta : parmi les acquisitions récentes les plus représentatives, on compte des traités émanant des cloîtres, comme le Cur Deus homo et les Meditationes d’Anselme de Cantorbéry († 1109) et sous le nom d’Anselme l’Elucidarium d’Honorius, mais aussi le De victoria verbi Dei de Rupert de Deutz († 1129), des traités d’Hugues de Saint-Victor († 1141, dont un De sacramentis incomplet) ou de Bernard de Clairvaux († 1153, De gradibus humilitatis et superbiae, De laudibus virginis matris homiliae)155. D’autres ouvrages nous rapprochent plus directement du milieu des écoles comme le tractatus de Gilbert de Poitiers († 1154) sur les psaumes et les Sentences de Pierre Lombard († 1160). Non moins intéressante est la présence, parmi les additions modernes, d’un gros volume de sentences d’Augustin et d’un autre plus petit comprenant, à côté d’extraits d’Augustin, des passages de Jérôme, Ambroise, Cyrille et Hilaire (n. 24-25)156. Il y a donc continuité réelle entre le monde des cloîtres et celui des écoles : l’accueil fait à la culture contemporaine à Saint-Pierre, notamment aux manuscrits glosés de la Bible, est sans aucun doute lié à l’ouverture du monastère sur le monde et à l’envoi par l’abbaye de jeunes moines à l’extérieur, comme Francon à Laon157. 154 155

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Liste éditée par F. Dolbeau, « Un nouveau catalogue », p. 17-18, n. 9-23. Parmi les identifications proposées par F. Dolbeau, « Un nouveau catalogue », p. 8-9, n’ont pas été retenues les mentions moins assurées d’ouvrages de l’abbé de Westminster, Gilbert Crispin, ou de Guillaume de Saint-Thierry. À la suite de F. Dolbeau, « Un nouveau catalogue », p. 194, on peut aussi renvoyer à des volumes dont on peut supposer qu’ils faisaient partie des enrichissements contemporains ou légèrement antérieurs à Francon : n. 259 : « Excerpta de omeliis Gregorii papae. Sermones Ysidori hispalensis de vitiis et virtutibus. Sententiae Ieronymi. Vol. I », n. 320 : « Liber sententiarum Augustini Ieronymi Hilarii Ambrosii et aliorum. Tractatus Hugonis de virginitate beatae Mariae. Tractatus alius de dilectione. Item de anima. Soliloquium. Ejusdem tractatus de oratione et cetera. Vol. I », n. 321 : « Augustinus de bono conjugali. Sententiae ex Augustino Jeronymo et aliis. Epistola apologetica Origines de criminatoribus suis. Vol. I », n. 326 : « Psalmus Quicumque vult glosatus. Item oratio dominica glosata. Simbolum quoque glosatum. Exaggeratio sententiarum ex Augustino Ieronymo et aliis. Expositio sumpta ex operibus catholicorum patrum super Genesim, Exodum, Leviticum, librum Numerorum, Deuteronomii, librum quoque Judicum. Vol. I ». À côté de ces accroissements, il vaut la peine de remarquer deux autres volumes sans doute apparentés par leur contenu, les n. 332 : « Glosulae in quibusdam epistolis Pauli, Ieronymi, de psalmis. Epistola Gregorii papae ad Secundinum reclausum. Vol I », et 338 : « Historia de expugnatione Jherusalem quae facta est a Francis anno incarnationis dominicae MXCVIII. Plurima ex libris vel dictis sanctorum collecta. Vol. I ». Cet intérêt de l’abbaye pour les événements laonnois est aussi attesté par les Annales. Compte tenu du cadre rédactionnel particulièrement schématique de ce genre littéraire, la part des mentions faites à Laon est d’autant plus remarquable. Pour 1112 : « Laudunensis episcopus a civibus interficitur, sanctae Mariae templum et omnia monasteria cum tota

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Ces différents témoignages prouvent donc la continuité d’un enseignement à Laon jusque dans les années 1120. La réputation encore bien vivante d’Anselme comme le soutien de l’évêque Barthélemy expliquent l’attraction durable qu’exerce l’école de Laon sur les élèves venant de l’Empire. Elle fonctionne comme un vrai réseau qui met en contact le milieu des scolares avec celui des claustrales. Que l’école de Raoul ait donné naissance à des collections de sentences diffusées dans les milieux monastiques allemands semble donc tout à fait conforme aux témoignages historiques rassemblés. L’enseignement à Laon après Raoul Rien ne prouve que Raoul ait enseigné jusqu’à sa mort (après juillet 1133). De fait, les chartes laonnoises et le cas de Vicelin prouvent qu’il a une activité pédagogique jusque dans la seconde moitié des années 1120. D’autres maîtres que Raoul relèvent-ils le flambeau de l’enseignement laonnois à partir des années 1130 ? Dans les décennies suivantes, la continuité de l’enseignement à Laon semble garantie, si l’on en croit la présence de signa de magistri dans plusieurs actes : ces signa indiquent vraisemblablement l’exercice d’une fonction scolaire près de l’évêque158. Comme Anselme et Raoul, Angot cumule, du moins au début, le cancellariat (1145-1170) et une charge d’enseignant, si l’on en croit le titre de magister sous lequel il apparaît en 1145159. À la même époque, on trouve la trace également de maître Pierre (1145-1156), d’un maître Hugues (1149-1167) qu’il faut sans doute identifier avec le théologien Hugues de Mortagne, prieur de Saint-Martin de Sées160, puis de maître Bruno (1167-1180). Il faut toutefois s’interroger sur la portée réelle du titre pour le dernier tiers du xiie siècle, où il tient plus de la dénomination honorifique et n’implique pas forcément l’exercice d’une charge scolaire. En effet, en 1179, Alexandre III déplore la disparition récente à Laon comme à Tournai de la prébende tradi-

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pene urbe succenduntur, multa ubique contingunt incendia » (Annales Laubienses, p. 22), pour 1129 : « Bartholomaeus Laudunensis episcopus super Suessiones vadens vincitur et capitur et indecenter tractatur » (ibidem), pour 1151 : « Bartholomeus episcopus Laudunensis Funiaci monachus efficitur, cui succedit abbas sancti Martini ex eadem civitate » (ibidem). Sur le caractère hypothétique de ces mentions, voir l’introduction générale. Acte 262, éd. A. Dufour-Malbezin, Actes des évêques de Laon, p. 376. B. Merlette, « Écoles et enseignement », p. 48-49 : l’identification s’explique par le titre de maître donné au prieur de Sées et sa correspondance avec Gautier de Mortagne dont Hugues veut écrire la vie, voir aussi G. Michiels, « Hugues de Mortagne », dans DHGE, t. 25, 1995, col. 254. Le maître Hugues attesté dans deux actes de 1149 (actes 307 et 308, A. DufourMalbezin, Actes des évêques de Laon, p. 429-431) est peut-être le même que le Hugo magister présent comme témoin en 1141 (acte 205, ibidem, p. 310).

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tionnellement dévolue à l’entretien de l’écolâtre, ce qui a entraîné la fin immédiate de tout enseignement161. Un autre personnage domine pourtant toute la période des années 11301170 en raison de sa personnalité et de son rayonnement intellectuel. Sans avoir apparemment exercé la fonction d’écolâtre, Gautier de Mortagne entretient des liens importants avec la ville de Laon dès la décennie 1130 avant d’en devenir évêque de 1155 à 1174162. Les origines géographiques de Gautier nous ramènent aux lieux où les écrits laonnois, florilèges ou recueils, se sont particulièrement bien diffusés. Originaire de Mortagne, au confluent de la Scarpe et de l’Escaut, Gautier est né vers le début du xiie siècle dans une famille de châtelains liée à l’abbaye de Saint-Amand163. Offert dans sa jeunesse au chapitre d’Antoing, Gautier fait ses premières études à l’école cathédrale de Tournai. Il poursuit sa formation dans les années 1120 dans la métropole rémoise où il devient l’élève d’Albéric de Reims en compagnie d’Hugues de Marchiennes, dont la Vita est, pour ces années, notre principale source d’information sur Gautier164. On y apprend la renommée scolaire de Reims ainsi que le succès d’Albéric comme professeur165. Nouvel Abélard aux dires du biographe d’Hugues, Gautier ne tarde pas à défier son maître qui, malgré sa 161

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« Pervenit ad nos quod, cum in ecclesia Laudunensi et ecclesia Tornacensi ad sustentationem ejus qui scolas regit beneficium olim deputatum fuisset, sicut per omnes fere alias ecclesias majores gallicanas et fuisse quondam et in quibusdam adhuc esse dinoscitur, ab aliquantis retro temporibus clerici ecclesiarum ipsarum, avaritia depravati, idem beneficium in communem usum redigere presumpserunt, qua de re statim doctrina cessavit, dum doctoribus stipendium est substractum » (éd. J. D. Mansi, Sacrorum conciliorum nova et amplissima collectio, t. 21, Venise, 1776, réimpr. Graz, 1962, col. 1100). Pour une présentation générale, voir surtout L. Ott, Untersuchungen zur theologischen Briefliteratur, p. 126-138, F. Petit, « Gauthier de Mortagne », Analecta Praemonstratensia, 50 (1974), p. 158-170, et son résumé, « Gautier de Mortagne », dans DHGE, t. 20, 1984, col. 100-102. L. Ott, Untersuchungen zur theologischen Briefliteratur, p. 126-128. Né en 1102, Hugues de Marchiennes entre à Saint-Martin de Tournai sous l’abbé Ségard (1107-1127), puis devient abbé de Marchiennes (1148-1158), cfr H. Platelle, « Hugues, abbé de Marchiennes », dans DHGE, t. 24, 1995, col. 247-249. La Vita Hugonis abbatis Marchianensis, rédigée par un proche, a été éditée par E. Martène et U. Durand, Thesaurus novus anecdotorum, t. 3, Paris, 1717, col. 1709-1736 et rééditée critiquement par H. Platelle et R. Godding, « Vita Hugonis Marchianensis († 1158). Présentation, édition critique et traduction française », Analecta Bollandiana, 111 (1993), p. 301-384, aux p. 312-374. La date du séjour rémois soulève un problème chronologique dans la mesure où il est forcément antérieur à 1127, alors qu’Albéric n’est attesté comme archidiacre qu’à partir de 1130, cfr P. Demouy, Genèse d’une cathédrale, p. 660. « Fervebat eo temporis et eo loci grandis ardor discendi et civitas illa requisita tunc nimis propter eruditos et erudiendos corde in sapientia qui multi convenerant, tam multos, aiunt qui viderunt, ut clericis cum laicis aliquando altercantibus, clerici cives multitudine vicissent, nisi mox pace facta inter eos, isti scholas, illi fora repeterent. Magister Albricus ejusdem urbis archidiaconus magistrabat et magna magnorum virorum apud eum eruditio, nec minor pene districtio discipline, tum pro archidiaconi docentis reverentia, tum pro archiepiscopi presidentis in urbe quem, ut vere decebat, omnes reverebantur » (Vita Hugonis Marchianensis, p. 316, l. 9-17).

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faconde, finit par opposer un silence dédaigneux aux questions de l’impudent166. L’ouverture d’une école concurrente à l’abbaye Saint-Remi de Reims déclenche l’ire d’Albéric qui, renouant avec les pratiques d’Anselme de Laon, chasse hors des limites du diocèse Gautier et son auditoire fourni167. Le nouveau maître trouve alors refuge à Laon avec ses élèves, où il poursuit son enseignement168. Sur ses rapports avec Raoul, on en est réduit à la seule conjecture, d’autant que les années 1130 correspondent à une période mal documentée de la vie de Gautier169. Peut-être est-il le Galterus magister, témoin d’un acte de Barthélemy de Joux en février 1130170. L’hypothèse d’un enseignement parisien, qui expliquerait ses rapports avec Hugues de SaintVictor et Abélard, ne repose sur aucune base documentaire171. On ne retrouve sa trace qu’en 1143 lorsqu’il devient doyen du chapitre de Laon172. Le plus plausible est de considérer qu’il demeure à Laon en y exerceant une activité magistrale. Une fois évêque (1155-1174), son parcours, mieux documenté, nous intéresse cependant moins. Il se montre alors bon administrateur de son diocèse et, en dépit d’un soutien évident aux milieux réformés, défend ses prérogatives épiscopales même face à Prémontré173. Son titre de gloire de-

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meure l’actuelle cathédrale de Laon, chef d’œuvre incontestable de l’art gothique174. Le fait qu’il ait pu entrer en contact avec Raoul à Laon ne suffit évidemment pas à faire de Gautier de Mortagne un continuateur de l’école anselmienne175. Ses écrits actuellement connus, deux traités (De Trinitate et De conjugio) et dix lettres, peuvent sans doute nous en dire davantage sur sa personnalité et son rapport à la tradition théologique laonnoise176. Le bilan que l’on peut dresser des rapports doctrinaux entre les recueils laonnois et Gautier est mitigé. Ainsi sa doctrine christologique est-elle en rupture avec la tradition laonnoise poursuivie par Hugues de Saint-Victor : là où Gautier affirme l’infériorité de la sagesse du Christ en tant qu’homme sur celle de Dieu, l’école de Laon et Hugues de Saint-Victor à sa suite tiennent pour une égalité absolue, voire l’identité177. Il en va de même pour la question de la charité. Certes, la lettre de Gautier à maître Chrysanthe présente des parentés certaines avec l’exposé De caritate transmis par LP 201 sous le nom d’Anselme178. Qu’Anselme ou Gautier soit l’auteur de la sentence importe donc moins que la connexion entre les deux maîtres. Pourtant, la doctrine professée reçoit un accueil peu favorable dans les milieux scolaires puisque les recueils Deus non habet, Principium et causa, Prima rerum origo et Divina essentia teste, de même qu’Hugues de Saint-Victor et l’école d’Abélard citent les positions du De caritate pour les nuancer ou s’en écarter179. Plus significative d’un rapprochement est son De conjugio, souvent transmis en compagnie de sentences laonnoises. En outre, il est bien connu que dans une majorité de manuscrits le De conjugio complète comme livre 7 la

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Cfr S. Martinet, Montloon, reflet fidèle, p. 113-118, D. Sandron, Picardie gothique. Autour de Laon et Soissons, les édifices religieux, Paris, 2001, p. 188-207 et A. Saint-Denis, M. Plouvier et C. Souchon, Laon. La cathédrale, Paris, 2002, p. 84-102. Grâce à la Vita d’Hugues de Marchiennes, on connaît d’ailleurs un autre maître qui enseigne à Laon la théologie à titre privé, le futur abbé de Clairvaux Robert Ier de Bruges (11531157) : « Erat inter ceteros illic philosophantes vir probus et bonorum morum Robertus tunc clericus, post monachus de Claravalle et abbas secundus et in Dunis ante claruerat, nuper autem de medio factus. Hic adolescentem domi docebat et magister extitit ei non communi lectione contento cum ceteris » (Vita Hugonis Marchianensis, p. 318, l. 1-4). Galterius de Mauritania, Liber de Trinitate (PL 209, col. 575-590), De conjugio (PL 176, col. 153-174). Les lettres sont éditées dans divers recueils : une en PL 186 (col. 1052-1054), 4 par E. Martène et U. Durand, Amplissima collectio, t. 1, Paris, 1724, col. 834-837, 839-848 et 6 par L. d’Achery, Spicilegium, t. 2, Paris, 1657, p. 459-479. Cfr la lettre à Hugues de Saint-Victor (PL 186, col. 1052-1054) et la réponse d’Hugues (De sapientia animae Christi, PL 176, col. 845-856) et les études de H. Santiago-Otero, « El conocimiento del alma de Cristo, según las enseñanzas de Anselmo de Laon y de su escuela », Salmaticensis, 13 (1966), p. 61-79 et Id. « Gualterio de Mortagne († 1174) y las controversias cristológicas del siglo xii », Revista española de teología, 27 (1967), p. 271-283. R. Wielockx, « La sentence De caritate », 1983, p. 38-43. R. Wielockx, « La sentence De caritate », 1982, p. 334-356.

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Summa sententiarum180. Il existe donc une indéniable attraction entre le traité matrimonial de Gautier et la littérature sententiaire. Dans le troisième quart du xiie siècle, le catalogue de l’abbaye cistercienne de Pontigny signale même un recueil de sentences de Gautier évêque de Laon181. Même s’il s’agit sans doute d’une confusion avec la Summa sententiarum182, on ne peut cependant exclure tout à fait l’existence d’un Liber sententiarum sorti de la plume de Gautier183. La lettre à tous les fidèles nous donne une certaine idée de ce à quoi pourrait ressembler un tel livre : Gautier y insiste sur le plan providentiel qui fait passer l’humanité de son statut déchu au temps du salut commencé par l’incarnation du Fils184. Manifestement, sans se ranger absolument sous la bannière de l’école de Laon, Gautier de Mortagne ne lui est pas entièrement étranger. Cette familiarité est confirmée aussi bien par son enseignement profane que par l’esprit qui anime plus généralement sa correspondance théologique. Il est d’usage depuis Barthélemy Hauréau d’attribuer le traité sur la question des universaux Quoniam de generali à Gautier de Mortagne185. L’auteur de l’ouvrage y professe, sans doute dans les années 1120-1130, un réalisme modéré qui concorde avec les indications données par Jean de Salisbury sur Gautier186. Admise comme plausible par la dernière éditrice du texte, l’attribution à Gautier souligne la bonne connaissance qu’a le maître du 180

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Sur l’influence du De conjugio, cfr R. Weigand, « Kanonistische Ehetraktate aus dem 12. Jahrhundert », dans Proceedings of the Third International Congress of Medieval Canon Law, Strasbourg 1968, éd. S. Kuttner, Vatican, 1971, p. 59-79, aux p. 61-62 et, plus largement, Id., « Wechselwirkung zwischen Theologie und Kanonistik im 12. Jahrhundert bei der Klärung von Grundfragen des Eherechts », dans Theologia et Jus Canonicum, éd. H. J. F. Reinhardt, Essen, 1995, p. 501-516. Cfr « Volumine uno, Sententiae magistri Gauterii Laudunensis episcopi », éd. M. Peyrafort-Huin, La bibliothèque médiévale de l’abbaye de Pontigny (XIIe-XIXe siècles), Paris, 2001, p. 269. La mention a été signalée pour la première fois par H. Denifle, « Die Sentenzen Hugos von St. Viktor », Archiv für Litteratur- und Kirchengeschichte des Mittelalters, 3 (1887), p. 634-640, à la p. 636. Cfr M. Peyrafort-Huin, La bibliothèque médiévale, p. 269, n. 304 qui signale qu’au moins un manuscrit cistercien contient le De conjugio en tête de la Summa sententiarum, ce qui expliquerait l’attribution de l’ensemble à Gautier. On a d’ailleurs perdu la trace de cet ouvrage et du suivant (« Alterius cujusdam Sententiae, in uno volumine ») dès le début du xiiie siècle : « De his duobus ignoramus » (note marginale de la main x, cfr M. Peyrafort-Huin, La bibliothèque médiévale, p. 52 et 269). R. Wielockx, « La sentence De caritate », 1983, p. 36-37. « Cum genus humanum in utraque natura sua, id est corpore et animo, corruptionem et originalis peccati maculam contraxisset, unigenitus Dei Filius, coeternus et equalis Patri per omnia et cum Patre idem Deus, ut humani generis maculam mundaret, assumit in utero Virginis totum hominem, id est corpus et animam, ut per naturam nostram quam assumit nos redimeret » (L. d’Achery, Spicilegium, p. 462). Cfr B. Hauréau, Notices et extraits de quelques manuscrits latins de la Bibliothèque nationale, t. 5, Paris, 1892, p. 298-333. Joannes Saresberiensis, Metalogicon, 2, 17, éd. J. B. Hall, Turnhout, 1991 (CCCM 98), p. 81-82.

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débat scolaire engagé depuis le début du siècle187. Gautier rejette, en effet, la première position réaliste de Guillaume de Champeaux pour adopter une solution qui se rapproche de celle finalement tenue par l’évêque de Châlons188. Ce qui frappe à la lecture de l’œuvre spéculative de Gautier est un souci d’inscrire son œuvre dans le débat contemporain. La prédilection qu’il porte au genre épistolaire nous semble tout à fait caractéristique de l’esprit d’un maître qui cherche moins à donner une synthèse définitive qu’à fournir, dans un esprit de mesure, quelques éclaircissements sur des points disputés189. À cet égard, la meilleure introduction à sa personnalité est la lettre qu’il écrit à Abélard en réponse à la Theologia scholarium (1133-1137)190. Gautier y fait l’éloge du genre épistolaire comme vecteur du débat théologique191 : contre le face à face de la dispute où les paroles s’envolent et les esprits s’échauffent, le maître plaide pour que la vérité soit cherchée par écrit192. Il se livre également à une critique lucide du milieu scolaire en dénonçant la manière dont les élèves déforment les paroles de leur professeur, soit par incompétence, soit par désir de se faire valoir193. Il dessine de la sorte en creux le portrait d’un théologien de cabinet, soucieux de scruter les auctoritates et qui fait donc l’économie du débat public. De fait, toute la correspondance de Gautier fourmille de multiples citations scripturaires et patristiques dont la réconciliation constitue le principal travail du maître194. Dans sa lettre à maître Albéric, Gautier donne 187

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Cfr J. Dijs, « Two Anonymous 12th-Century Tracts on Universals », Vivarium, 28 (1990), p. 85-117, aux p. 87-88 pour l’attribution à Gautier ou l’un de ses élèves, aux p. 93-113 pour l’édition. J. Dijs, « Two Anonymous 12th-Century Tracts », p. 87 et le texte p. 106. Sur les dix lettres de Gautier, la seule étude d’ensemble est celle de L. Ott, Untersuchungen zur theologischen Briefliteratur, p. 138-347. L. d’Achery, Spicilegium, p. 473-479. La teneur même de la lettre s’oppose donc à un séjour contemporain de Gautier à Paris, mais concorde parfaitement avec un enseignement laonnois. « Nec convenit ut aliquam occasionem pretendatis quominus mihi rescribatis, cum nullo alio modo tam quiete, tam exquisite possit investigari veritas, sicut in scribendo de absentibus ad absentes. Qui enim scribunt ad absentes auctoritates intuentur et in omnes apud se perscrutantur sine ira et disceptatione que animos disputantium et presentialiter colloquentium frequenter solent commovere et mentis oculum offuscare. Preterea quod solo verbo a disputantibus profertur oblivione deletur. Sed e contra quod scribitur memorie commendatur et que pars prevaleat indicio scripture declaratur » (L. d’Achery, Spicilegium, p. 479). « Solet autem frequenter contingere quod discipuli discordent a sensu magistrorum sive per imperitiam verba eorum male exponendo, sive ad ostensionem sui aliquas novitates inducendo, quas causa majoris auctoritatis magistris suis, licet ignorantibus, consueverunt ascribere » (ibidem, p. 473), cfr dans le même sens la lettre de Gautier aux élèves de Gilbert, E. Martène et U. Durand, Amplissima collectio, col. 839D (« Quod equidem incredibile est tam sapientem virum sentire aut docere quin potius credendum est, ut pace vestra loquar, vos deceptos ex verbis illius male intellectis illam concepisse absurditatem quam ipsum tale quid docuisse ») et nos analyses de la fama au chapitre II (première partie). Cfr la lettre de Gautier à maître Chrysanthe sur diverses questions : « Tertio loco multas auctoritates ad aliud pertinentes simul in unum congessistis et cum quedam inter se vi-

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une application très anselmienne de ce principe à propos de la peur éprouvée par le Christ195. Confronté aux témoignages divergents de l’Écriture et des Pères qui affirment et nient alternativement que le Christ a eu peur, Gautier affirme la véracité des auctoritates et les réconcilie grâce à une distinction inédite196 : le Christ, pour avoir ressenti une peur modérée face à la mort, n’a jamais connu la peur violente qui submerge la raison197. Gautier ne succombe pourtant pas à un concordisme facile et sait reconnaître une part égale, voire supérieure, aux rationes, puisque dans certains cas la raison doit servir à trancher198. L’importance accordée par Gautier à l’écrit et aux moyens objectifs d’approcher la vérité a pour but d’écarter de la réflexion théologique toute subjectivité jugée intempestive. Abélard est ainsi un contre-modèle absolu pour lui, dès lors que le maître parisien paraît construire sa théologie à partir de son opinion personnelle199. Cette dévalorisation de la subjectivité par Gautier est solidaire du reproche qu’il adresse en bloc à Abélard : ce dernier pense avoir percé le mystère trinitaire, là où Gautier accumule les autorités qui affirment l’impossibilité d’une connaissance totale in via200.

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deantur differre et opposita affirmare, postulatis a me rescribi vobis quid de illis sentirem » (ibidem, col. 844D-E) et « Post alia restat aliqua de caritate breviter attingere et que de ipsa a diversis auctoribus prolata sunt et sibi videntur adversari ad concordiam revocare » (ibidem, col. 846C). L. d’Achery, Spicilegium, p. 469-473. « He posteriores auctoritates affirmant Dominum mortem non timuisse et prioribus videntur repugnare, unde quidam arbitrantes has superioribus esse contrarias diversa sentiunt, alii autem credunt Dominum timuisse, alii non timuisse. Ego autem estimo has omnes auctoritates veras esse et licet verbis dissentire videantur, in sensu tamen non arbitror dissentire, sed potius credo eas secundum usum loquendi prolatas et de diversis timoribus agere et nil nisi quod verum sit affirmare » (ibidem, p. 471). Ibidem, p. 472-473. Lettre à maître Thierry : « contra eorum errorem partim rationibus quas invenire potui de natura Dei incomprehensibili, partim auctoritatibus confirmare proposui » (ibidem, p. 467), lettre à Hugues de Saint-Victor de 1134-1135 : « Hactenus ea intentione sola scripsi vobis ut si quid in eo quod ita sentio vobis displicet, rationibus et auctoritatibus me instruendo rescribatis » (PL 186, col. 1054B) et la critique finale de la lettre aux fidèles : « hoc autem ideo de assumpto homine toties replico, quia ad nostras manus venerunt quedam littere nullius authoritatis nomine prenotate » (L. d’Achery, Spicilegium, p. 466). Dans la lettre au moine Guillaume, Gautier laisse de côté certaines auctoritates : « Quibus supersedendum judicavi, cum predicte auctoritates magis consentiant rationis » (ibidem, p. 461). « Quedam legi que a consuetudine scriptorum orthodoxorum discrepant, velut illud quod in prologo posuisti in hec verba : summam quasi divine scripture introductionem conscripsimus ; non nos tam veritatem docere promittentes quam opinionis nostre sensum quem efflagitant exponentes (cfr Petrus Abaelardus, Theologia scholarium, prefatio, 1 et 5, p. 313 et 314, l. 2-3 et 42-44). Hoc in tractatu vestro legi. Quis autem orthodoxus de fide catholica tractaturus non veritatem, sed sensum opinionis sue promittat exponere ? Quis etiam audiens non veritatem, sed opinionem promitti fidem audeat sequentibus adhibere ? » (L. d’Achery, Spicilegium, p. 474). L. d’Achery, Spicilegium, p. 475-478, cfr aussi C. Trottmann, La vision béatifique, p. 98.

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À deux décennies d’intervalle, la correspondance de Gautier reprend en des termes voisins le duel Abélard-Anselme : contre un Abélard défenseur de l’ingenium, Gautier défend un usus objectif des autorités. Selon Gautier, il faut les utiliser non à des fins d’illustration personnelle, mais plutôt les faire concorder au service de la vérité. Gautier apparaît donc dans cette mesure comme un bon représentant de l’esprit laonnois. Les écoles de Reims Pendant les mêmes années, la métropole champenoise peut, elle aussi, revendiquer une école importante, notamment sous les épiscopats de Raoul le Vert (1107-1124) et Renaud de Martigné (1124-1139)201 : le rayonnement de l’école rémoise correspond parfaitement à la période de rédaction des recueils et incite à nous intéresser de nouveau à son principal représentant, maître Albéric de Reims (1118-1136)202. On possède cependant plus de renseignements sur la carrière ecclésiastique de l’élève d’Anselme de Laon que sur le contenu de son enseignement, étant donné que le seul écrit attribué à un Albéric lui a été retiré avec grande vraisemblance203. L’atmosphère de l’école d’Albéric est toutefois assez bien connue grâce au témoignage de la Vita d’Adalbert de Sarrebrück, élève à Reims sans doute dans les années 1130 et futur archevêque de Mayence (1137-1141)204. Comme dans les autres cas précédemment relevés, la formation initiale d’Adalbert est reçue dans son pays natal, à Hildesheim, avant de gagner Reims pour s’y perfectionner dans les études. Albéric est loin d’être le seul maître puisque son école est déclarée par le biographe d’Adalbert comme la meilleure parmi d’autres205. La primauté reconnue à l’élève d’Anselme tient à sa maîtrise des deux Testaments dont il sait percer les mystères206. On peut à cet égard signaler que, dès le Moyen Âge, on lui associe la glose sur les Actes des Apôtres, tandis qu’un manuscrit de l’Apocalypse contient une glose attribuée à un 201 202

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P. Demouy, Genèse d’une cathédrale, p. 619-623. Il convient de ne pas le confondre avec un autre maître Albéric qui eut pour élève à Paris Jean de Salisbury, voir M. Grabmann, Mittelalterliches Geistesleben, t. 3, Munich, 1956, p. 103 et 109. Cfr le chapitre II (première partie) et l’article de J. R. Williams, « The Cathedral School of Rheims in the Time of Master Alberic, 1118-1136 », Traditio, 20 (1964), p. 93-114, qui demeure l’étude de base, moyennant quelques mises à jour bibliographiques. Cfr Anselmi Havelbergensis vita Adelberti II Moguntini, éd. P. Jaffé, Berlin, 1866 (Monumenta Moguntina, Bibliotheca rerum germanicarum 3), p. 568-603. Ce témoignage corrobore celui de la Vita d’Hugues de Marchiennes. « Cumque scolas multas quae artis plena facultas/ Reddiderat claras, sibi censeret fore caras,/ Plus tamen Albrici, quae senserat optima dicit,/ Dogmata majora sibi censuit utiliora » (ibidem, p. 586, v. 599-602). « Qui, nova pandendo sed non antiqua silendo,/ Littera quae celat vetus aut nova scripta revelat,/ Dogmatis immensi dux primus in urbe Remensi,/ Testamentorum pandens secreta duorum » (ibidem, p. 586, v. 603-606).

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Albéric207 et que l’Index major de Saint-Amand (vers 1150) signale des Glosae magistri Albrici super psalterium208. Erronées ou justes, ces attributions signalent une perception médiévale importante qui fait d’Albéric le continuateur d’Anselme. Le même type d’appréciation se retrouve sous la plume pourtant acerbe d’Hugues d’Orléans dit Primas (ca. † 1160)209. Dans le poème Ambianis, urbs predives, le poète vante l’école de Reims où sont repoussés les arts séculiers comme la grammaire, la poésie et la philosophie profanes au bénéfice des sacrements du Christ, de l’Écriture et des mystères du Dieu un et trine210. Cette apologie de l’enseignement d’Albéric ne porte pas seulement sur le fond des matières enseignées. En effet, tout aussi solidaire du contenu est la méthode du maître et ses conséquences : louant le climat de concorde chez Albéric, Hugues critique sévèrement la discorde qui règne dans les « écoles des disputeurs »211. Pour le poète, la dispute est un facteur de contradiction dont aucune vérité ne saurait sortir212. À l’inverse, l’école d’Albéric est placée par Hugues sous le signe de l’union doctrinale213. Or, loin de se limiter à délivrer un enseignement spéculatif, l’école (scola) d’Albéric est aussi une école de vie spirituelle, une véritable échelle (scala) de Jacob menant au ciel214. Comme c’est le cas à même époque pour l’école de Raoul, celle d’Albéric est aussi une école de conversion avec un rayonnement international : elle attire les jeunes gens bien nés et fortunés, tels un Lombard et un représentant de l’Empire Otto, peut-être Otton de Freising215. De manière frappante, l’école séculière devient une sorte d’antichambre du ciel, un noviciat qui mène à 207 208 209 210

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B. Smalley, « La Glossa Ordinaria », p. 366 et Ead., The Study of the Bible, 1983, p. 61. Cfr le numéro 236 de l’Index major édité par F. Simeray, Le scriptorium, t. 1, p. 377. R. Aubert, « Hugues d’Orléans », dans DHGE, t. 25, 1995, col. 263-265. « Sed pre cunctis hanc divine/ Fons illustrat discipline,/ Fons preclarus atque jugis,/ Fons doctrine non de nugis,/ Non de falsis argumentis,/ Set de Christi sacramentis./ Non hic artes Marciani/ Neque partes Prisciani,/ Non hic vana poetarum,/ Sed arcana prophetarum,/ Non leguntur hic poete,/ Set Johannes et prophete,/ Non est scola vanitatis,/ Set doctrina veritatis,/ Ibi nomen non Socratis,/ Sed eterne Trinitatis,/ Non hic Plato vel Thimeus,/ Hic auditur unus Deus./ Nichil est hic nisi sanctum » (The Oxford Poems of Hugh Primas and the Arundel Lyrics, éd. C. L. McDonough, Toronto, 1984, p. 62-63, v. 39-57). « Set in scolis disputantum/ Sunt discordes et dispersi,/ Aberrantes et dispersi » (ibidem, p. 63, v. 58-60), cfr S. C. Ferruolo, The Origins of the University. The Schools of Paris and their Critics 1100-1215, Stanford, 1985, p. 106-107. « Quod hic negat, ille dicit,/ Hic est victus, ille vicit,/ Doctor totum contradicit » (The Oxford Poems of Hugh Primas, p. 63, v. 61-63). « Nos concordes super idem/ Confitemur unam fidem,/ Unum Deum et baptisma./ Non hic error neque scisma,/ Set pax omnis et consensus » (ibidem, p. 63, v. 64-68). « Scolam dixi pro doctrina,/ O mutare possum in a/ Et quam modo dixi scolam,/ Jam habentem Christi stolam,/ Appellare volo scalam » (ibidem, p. 64, v. 72-76). « Ecce noster Fredericus/ Comes comis et amicus,/ Et cum eo Adelardus/ Valde dives Longobardus,/ Generosus puer Otto/ Et quam plures pari voto/ Hic aggressi viam vite/ Sacri degunt heremite » (ibidem, p. 64, v. 82-89), cfr J. R. Williams, « The Cathedral School of Rheims », p. 101-102.

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l’engagement total envers Dieu (pari voto, devoti)216. Le poème présente aussi une vigoureuse défense de maître Albéric contre un autre maître qui est anonymement dénoncé. S’il n’est pas certain qu’il faille y reconnaître Abélard217, le portrait peu flatteur permet de définir celui du bon maître, implicitement identifié à Albéric. Il est une fontaine d’eau vive, un maître d’une telle transparence et pureté qu’il laisse parler le Christ à travers lui218. Selon Hugues d’Orléans, en tant que maître d’école et de vie intérieure, Albéric parvient dans un cadre séculier à une perfection digne du cloître. Seul Pierre Abélard fait entendre une note discordante dans ce concert de louanges, selon une pratique déjà employée contre Anselme de Laon. En effet, Abélard, condamné à Soissons en 1121 notamment à l’instigation d’Albéric, reproche sans nuance au rémois des positions hétérodoxes en matière de christologie. Des trois accusations formulées par Abélard, la première est liée aux questions trinitaires débattues à Soissons : selon Abélard, Albéric affirme que Dieu s’engendre lui-même219. La dispute, traitée plus en détail dans l’Historia calamitatum, fait d’Albéric un successeur d’Anselme : un maître tenu pour le plus doué dans la sacra pagina s’avère face à Abélard un incapable tombant dans l’erreur la plus grossière. Après avoir ridiculisé le vieil Anselme, Abélard aurait également couvert de honte son disciple. La manière d’Abélard est bien connue et il ne faut pas prendre littéralement une charge injuste qui illustre surtout l’habileté avec laquelle l’accusé se mue en accusateur. Derrière l’évidente mauvaise foi, quelques points méritent attention. Sans nous renseigner sur le fond, ils nous en disent pourtant assez long sur l’école d’Albéric et complètent à ce titre les précédents témoignages. Tout d’abord, Albéric, à l’instar de son maître Anselme, est entouré de disciples. Ces derniers, s’il faut en croire Abélard, sont d’ailleurs suffisamment proches de leur maître pour rougir de ses bévues220. De plus, Albéric réclame à Abé216

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« Per hanc scolam sursum tracti/ Sunt celorum cives facti,/ Hoc preclaro fonte poti/ Modo Deo sunt devoti » (The Oxford Poems of Hugh Primas, p. 64, v. 90-93). L’argumentation, par trop subtile, de Christopher J. McDonough ne convainc guère, cfr « Hugh Primas 18 : A Poetic Glosula on Amiens, Reims and Peter Abelard », Speculum, 61 (1986), p. 806-835. « Vos doctrinam qui sititis,/ Ad hunc fontem qui venitis/ Audituri Jesum Christum,/ Audietis furem istum ? » (The Oxford Poems of Hugh Primas, p. 64-65, v. 94-97). « Est et alius in Francia qui se quasi singularem divinae paginae magistrum omnibus praefert. […] Inde enim ad hoc compulsus, sicut et ipsemet ego ab ipso audivi, ut confiteatur Deum ex se ipso gigni quia Filius a Patre genitus et sicut arrogantissimus omnium omnes planes haereticos vocat quicumque ita non tenent » (Petrus Abaelardus, Theologia christiana, 4, 78, p. 301-302, l. 1128-1129 et 1134-1138), cfr le passage concordant dans la Theologia scholarium, II, 64, p. 440, l. 1007-1014 et aussi « Quod Deus non genuerit se vel quod etiam secundum divinitatem Filius factus sive creatus dicatur vel quod principatu quodam sive auctoritate precedat Pater et contra » (Sic et non, q. 25, p. 145-151). « Quadam autem die, Albericus ad me animo intemptantis cum quibusdam discipulis suis accendens […]. Quod cum discipuli ejus qui aderant audissent, obstupefacti erubescebant » (Petrus Abaelardus, Historia calamitatum, p. 84-85, l. 751-752 et 769-770).

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lard, non une raison humaine ou un sentiment personnel, mais une citation autorisée221. Pour Albéric, comme pour Anselme de Laon et Gautier de Mortagne, ce qui compte est moins l’ingenium, le déploiement de qualités individuelles, que l’usus, c’est-à-dire la réception des grands textes fondateurs et autorisés. Le deuxième point incriminé concerne la nature de la foi. Selon des témoignages d’anciens élèves rapportés à Abélard, Albéric enseigne qu’un grand nombre d’hommes ont été sauvés avant la venue du Christ, sans avoir aucune foi dans l’incarnation ni la passion222. Le problème de la fides antiquorum est posé de manière contemporaine dans le Sic et non où Abélard se demande si le Christ, en allant aux enfers, a sauvé tous les hommes ou seulement ceux qui ont eu foi dans sa venue et sa mort rédemptrice223. Abélard penche nettement pour la seconde solution, dans la mesure où il gratifie assez largement les patriarches et les païens d’une certaine connaissance des mystères de la foi. Nous retrouvons ici un débat scolaire qui a laissé sa trace dans les collections de l’école. En effet, dans les recueils Divina essentia teste, Principium et causa et Prima rerum origo, la réponse apportée correspond à celle qu’Abélard attribue sans nuance à Albéric224. Selon la collection Divina essentia teste, la révélation du mystère de l’incarnation ne commence qu’avec Abraham, ce qui laisse pendant le statut d’Abel et des autres justes. Pour lever la difficulté, le recueil affirme alors que la foi des anciens se résume à la profession de foi d’Hébreux 11, 6 : croire en l’existence d’un Dieu rémunérateur suffisait au salut, malgré l’ignorance où étaient les patriarches du modus redemptionis. Une nouvelle fois, il apparaît que les recueils demeurent dans l’orbite d’Anselme et de ses plus proches élèves. En dernier lieu, Albéric reconnaîtrait la conception virginale du Christ, mais nierait, selon Abélard, la permanence de la virginité mariale225. Sur ce point, la tradition scolaire est 221

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« Cui statim respondi : super hoc, si vultis, rationem proferam. –- Non curamus, inquit ille, rationem humanam aut sensum vestrum in talibus, sed auctoritatis verba solummodo » (ibidem, p. 84, l. 756-759). « Quem etiam hi qui ab eo legerunt ita in fide ab Ecclesia jam divisum esse asserunt, ut multos qui ante incarnationem Dei fuerunt salvati asserat et per passionem ejus redimi, qui numquam aut passionem aut incarnationem ejus crediderunt » (Theologia christiana, 4, 78, p. 302, l. 1138-1142), cfr aussi Theologia scholarium, II, 64, p. 440, l. 1003-1005. « Quod Christus descendens ad inferos omnes liberavit inde et non » (Sic et non, q. 84, p. 301-306). Le texte complet de la collection Divina essentia teste a été donné au précédent chapitre lors de la présentation du recueil. Pour le recueil Prima rerum origo, cfr H. Weisweiler, « Die ältesten scholastischen Gesamtdarstellungen », p. 364 : « Queritur autem quam fidem habuerint… – …in spe vero minime » (München, BSB, Clm 2598, fol. 51r-v) et Paris, BNF, lat. 10448, fol. 187vb-188ra et le recueil Principium et causa, éd. F. Bliemetzrieder, Anselms von Laon systematische Sentenzen, p. 79-80, l. 21-11. « Qui etiam, quod mirabile est apud omnes catholicos, sicut ad nos nuper allatum est, asseruisse etiam publice in scholis suis non est veritus Dominum incarnatum ita aperto utero Virginis fuisse natum sicut et ceteros homines, nisi quod solus sine virili coitu sit

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peut-être demeurée orale, car on ne trouve pas de trace d’un enseignement similaire dans les écrits contemporains. La Vita d’Adalbert, le poème d’Hugues d’Orléans et les accusations d’Abélard prouvent, à leur manière, le dynamisme de l’école d’Albéric de Reims. L’insistance des deux premières sources sur le succès d’Albéric et l’exclusivité qui, aux dires d’Hugues d’Orléans, est accordée par le maître à la sacra pagina prolongent parfaitement la réputation internationale de l’école à Laon des années 1090-1120226. Il n’est pas jusqu’à la peine qu’Abélard se donne pour disqualifier Albéric qui n’indique en creux toute son importance. Ailleurs qu’à Laon, il existe donc une école théologique qui peut se réclamer de l’héritage de maître Anselme. Les autres écoles cathédrales de la province L’épiscopat de Guillaume de Champeaux à Châlons ainsi que la diffusion bien attestée de florilèges et de recueils laonnois dans le nord de la province de Reims amènent naturellement à se tourner vers d’autres centres scolaires qui auraient pu prolonger l’enseignement d’Anselme de Laon227. Force est cependant de constater que nous sommes très mal renseignés sur la vie scolaire du premier xiie siècle et ses liens éventuels avec Laon. En l’absence de sources narratives explicites, on est, dans le cas le plus favorable, réduit à compiler en une liste monotone les noms de maîtres que livrent les chartes épiscopales, sans que l’on soit d’ailleurs toujours certain que les signa impliquent une activité pédagogique effective. On connaît encore mal la vie scolaire à Châlons sous l’épiscopat de Guillaume de Champeaux (1113-1121) : l’attaque menée en 1117 par Rupert de Deutz contre l’évêque n’est qu’un événement ponctuel dont il est difficile de tirer des conséquences228. À peine peut-on signaler plus tard la présence d’un maître Régnier dans les actes de l’évêque Geoffroy (1131-1142)229. À Senlis, la charge d’écolâtre n’est officiellement établie que dans la seconde moitié du xiie siècle et l’on ne relève que le nom de maître Dreu dans une charte de 1133-1134230. Même atonie à Amiens et Beauvais, où la consultation des chartes amiénoises de la première moitié du xiie siècle permet de

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conceptus » (Theologia christiana, 4, 78, p. 302, l. 1142-1146), cfr Theologia scholarium, II, 64, p. 440, l. 1005-1007 et « Quod Christus clauso utero Virginis natus sit et contra » (Sic et non, q. 62, p. 239-241). Voir les conclusions du chapitre II (première partie). Pour les florilèges, on peut renvoyer aux manuscrits actuellement conservés à Valenciennes et originaires de l’abbaye de Saint-Amand. On peut aussi rappeler que le recueil Divina essentia teste a été copié vers 1150 dans la même aire géographique. Sur cet épisode, voir le chapitre II (première partie). É. Lesne, Histoire de la propriété, p. 275, n. 2. É. Lesne, Histoire de la propriété, p. 313-314.

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Les recueils et leur origine

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retrouver le seul maître Rainier de Pinconio231, tandis que celles de Beauvais livrent les noms des maîtres Foulques et Godefroi en 1148232. À Arras, les écolâtres connaissent des carrières plus remarquables, puisque trois d’entre eux deviennent archidiacres et que l’un de ceux-ci accède à l’épiscopat233. Enfin, l’existence d’une prébende destinée à faire vivre l’écolâtre explique sans doute les listes bien fournies pour la première moitié du xiie siècle à Soissons234, Noyon235, Cambrai236, Tournai237 et Thérouanne238. On ne connaît pas en général le contenu de l’enseignement dispensé, ce qui rend délicat l’établissement de rapports précis avec l’école de Laon. On peut légitimement supposer que le niveau des cours demeure élémentaire. Le cas de Gautier de Mortagne, ancien élève de l’école cathédrale de Tournai, illustre un fait maintes fois relevé : après une formation locale, l’élève doué ou aisé se rend dans un grand centre parfaire la formation reçue. À la différence d’un moine comme Francon attaché à son établissement, le clerc séculier n’est en rien tenu de faire bénéficier son école d’origine des nouveautés apprises. De fait, les maîtres eux-mêmes de ce type d’écoles cathédrales n’ont eu qu’un rayonnement très restreint. Le cas mieux étudié de Tournai montre un recrutement plutôt local, puisque deux des quatre écolâtres alors connus sont d’anciens étudiants de l’école capitulaire239. La discrétion qui entoure les maîtres dont les noms ont été relevés ne plaide pas précisément en faveur d’une influence scolaire majeur. L’exemple 231

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Acte 26 du Cartulaire du chapitre de la cathédrale d’Amiens, éd. J. Roux, t. 1, Amiens, 1905, p. 35-36. É. Lesne, Histoire de la propriété, p. 314-315. Il faut aussi faire mention de maître Pierre en faveur duquel Eugène III demande une prébende à l’évêque de Beauvais en 1152, cfr PL 180, col. 1498D-1499B. Cfr l’écolâtre Robert (1097-1113), devenu ensuite archidiacre d’Ostrevant (1116-1138), maître Hugues archidiacre (1145), et Frumaud, chanoine d’Arras, écolâtre (1142-1157), archidiacre d’Ostrevant (1157) puis évêque (1174-1183), cfr les actes signalés par B.-M. Tock, Les chartes des évêques d’Arras, p. 389 et 360. Sur les écolâtres Bernard (1101), Hugues (1103-1107), Geoffroy (1110), Ingelramne (1117), Geoffroy (1122-1132), Hugues (1135), maîtres Gautier et Gilbert (1138), voir É. Lesne, Histoire de la propriété, p. 311 et L. Carolus-Barré, « Les écoles capitulaires et les collèges de Soissons au Moyen Âge et au xvie siècle », dans Enseignement et vie intellectuelle, Paris, 1975, p. 123226, à la p. 128. Cfr l’écolâtre Garmunde (1102), l’écolâtre Foucher (1108-1119), Simon de Dorlenz (1115), maître Pierre (1132) et Robert (1155), cfr É. Lesne, Histoire de la propriété, p. 320. Cfr les écolâtres Werinbold (fin xie siècle – début xiie siècle), Odalric (1103), Géry (1113), Eustathius (acte entre 1116-1131, 1133), maîtres Mion et Gautier (1134), cfr É. Lesne, Histoire de la propriété, p. 322-323. Cfr les écolâtres Garmunde (1101-1107), Hotfrid (1116-1121), Gautier III (1125-1126), Guerric d’Igny (1131-1136), maîtres Letbert (1141) et Simon (1146-1149), cfr É. Lesne, Histoire de la propriété, p. 336 et J. Pycke, Le chapitre cathédral Notre-Dame de Tournai, p. 271-279. Cfr la série de maîtres : Otton (1112), Milon (1127), Hugues (1130) et Herman (1130-1133), Odon (1145-1146), cfr É. Lesne, Histoire de la propriété, p. 332. J. Pycke, Le chapitre cathédral Notre-Dame de Tournai, p. 278.

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tournaisien, mieux connu, prouve la fonction purement locale de l’école cathédrale : son but est de former aux lettres, non de dispenser un enseignement de haut niveau. Ce rapide tour d’horizon des autres centres scolaires de la province rémoise confirme donc et la force d’attraction durable de Laon pendant la première moitié du xiie siècle et l’éclat de Reims qui renoue avec les grandes heures de la fin du xie siècle. Parentés littéraires, cohérence doctrinale, origine géographique française permettent de définir les traits propres aux huit recueils retenus pour définir l’école de Laon. Ils se rattachent bien à des milieux scolaires qui font des sentences d’Anselme de Laon leur référence. On peut ainsi utiliser l’expression d’école de Laon pour désigner les maîtres et les élèves qui, au moins jusque dans les années 1140, ont continué à faire vivre les sentences anselmiennes en les intégrant dans leurs propres recueils. Dans les décennies 1120-1140, Anselme de Laon a donc fait école avec une sorte de modestie posthume qui correspond à ce que fut le maître. On retrouve, en effet, certaines de ses positions doctrinales dans des œuvres qui en assurent la réception de manière diverse, mais toujours avec une certaine discrétion. Le maître n’acquiert le statut de référence qu’au terme d’une opération où son nom est tu pour mieux intégrer sa sentence à une vulgate scolaire. Sur ce point, l’anonymat des collections de sentences prolonge les pratiques laonnoises. Plus que l’identification d’auteurs, l’étude des recueils permet de retrouver toute une géographie du magistère anselmien. En outre, les productions littéraires de l’école de Laon conviennent aux milieux scolaires de la province ecclésiastique de Reims : à Laon comme à Reims, le souvenir d’Anselme demeure vivace après 1117 tant en raison de la prééminence reconnue à la sacra pagina que du fait de l’esprit d’écoles qui n’excluent pas les valeurs du cloître. Primauté de la théologie sur les matières profanes et ouverture sur le monde de la réforme ecclésiastique caractérisent les écoles de Raoul de Laon et d’Albéric de Reims. Ce contexte explique aussi la pénétration pendant tout le xiie siècle des recueils laonnois dans les établissements monastiques, notamment dans l’espace germanique. En introduction de cette partie, nous avions noté que les verba magistri sont soumis à la double pression des élèves et de l’institution ecclésiale. On a pu montrer que la parole anselmienne n’est pas figée, mais fait l’objet dans le milieu scolaire de nombreuses utilisations. Comme le notait déjà Rupert de Deutz du vivant d’Anselme pour s’en plaindre, les sentences du maître servent aux élèves pour corroborer leur position, sans que l’on puisse toujours distinguer entre propos rapporté et avis déformé240. Anselme a donc servi de modèle à une école, même si celle-ci ne s’est pas toujours astreinte à reproduire fidèlement les traits du maître. 240

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Cfr le chapitre II (première partie).

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CHAPITRE III L’ÉCOLE DE LAON ET L’AFFIRMATION DU MAGISTÈRE DES THÉOLOGIENS

La reconnaissance d’un magistère scolaire en faveur d’Anselme de Laon et des maîtres se réclamant de son nom a été illustrée de diverses manières : l’entrée des sentences magistrales dans des florilèges dont le parangon est le Liber pancrisis et la constitution de recueils nous ont paru attester l’autorité reconnue aux maîtres modernes, notamment à Anselme, dans les milieux scolaires et monastiques. Pourtant, l’anonymat qui, le plus souvent, entoure les sentences des quidam, dont celles d’Anselme, pourrait jetter un doute sur la portée de ces avis et laisser penser qu’ils présentaient un faible intérêt pour les contemporains. N’offrant pas l’autorité propre aux Pères, les sentences des maîtres seraient tenues dans une obscurité proportionnelle à leur autoritativité. Il convient sans doute de nuancer cette assertion pour souligner que les sentences magistrales baignent dans une sorte de clair-obscur qui varie selon les circonstances. En effet, dans les moments de crise comme les conciles réunis pour juger Abélard (1121, 1141) et Gilbert de Poitiers (1147-1148), les Pères, malgré la vive lumière dont ils jouissent, ne suffisent plus pour traiter les problèmes du temps. Comme les Pères sont allégués aussi bien par l’accusé que par ses accusateurs, les évêques, juges de la foi, doivent se tourner vers la tradition scolaire récente pour éclairer leur jugement. L’orthodoxie des maîtres modernes, au premier rang desquels se trouve Anselme, est alors convoquée explicitement pour asseoir la défense de la foi. Dans ces cas exceptionnels, le maître, vivant ou mort, est donc requis nominalement comme expert en matière dogmatique. La mise en avant du nom d’Anselme dans les années 1120-1140 ne constitue ainsi pas un hasard : la figure du maître, perçu comme un continuateur des Pères, est érigée en modèle et correspond aux normes d’orthodoxie qui sont formulées aussi bien par Bernard de Clairvaux que par la curie romaine. Les recueils laonnois et les grands procès en hérésie proposent donc à l’attention des contemporains un modèle de magistère tempéré : le respect manifesté pour les bornes posées par les Pères permet d’acquérir une reconnaissance non négligeable. Comme l’attestent a contrario les exemples d’Abélard et de Gilbert de Poitiers, la modération doctrinale apparaît comme

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la condition nécessaire pour assurer la promotion des sentences magistrales. Par conséquent, il vaut la peine de se demander comment ce modèle a reçu une traduction dans le mouvement sententiaire qui s’épanouit, de manière contemporaine, d’Hugues de Saint-Victor († 1141) à Pierre Lombard († 1160). On espère ainsi montrer la manière dont les maîtres des années 1130-1150 ont fait des sentences magistrales le bien commun des écoles en suivant la voie ouverte par Anselme de Laon et son école.

Le magistère de l’école de Laon Loin de demeurer confinée à une école de pensée ou au cercle de ses élèves, la renommée d’Anselme de Laon reçoit une consécration de plus grande ampleur : des lettrés de première importance comme Philippe de Harveng, Wibald de Stavelot ou Jean de Salisbury évoquent le souvenir du maître laonnois pour lui associer un renom d’orthodoxie. Avec d’autres maîtres comme son frère Raoul, Albéric de Reims ou Hugues de Saint-Victor, Anselme de Laon est même vanté au sein de l’Église comme un garant de la vérité catholique, un défenseur des sententiae Patrum contre toute forme d’hérésie. L’autorité doctrinale d’Anselme au prisme de la memoria scolaire Parmi les témoignages documentant même a contrario le magistère anselmien, celui de Philippe de Harveng († 1183) démontre la persistance d’une critique qui se fait jour du vivant d’Anselme et selon laquelle les élèves attribuent à leur maître une autorité exagérée. Une trentaine d’années après que Rupert de Deutz a critiqué les scolares de Liège pour leur attachement jugé désordonné aux sentences d’Anselme de Laon et de Guillaume de Champeaux, Philippe de Harveng reprend le même reproche dans une de ses lettres. Sa correspondance demeure peu étudiée en dépit de son incontestable valeur littéraire et doctrinale1. Son traité plus connu sur la vie sacerdotale, le De institutione clericorum, a éclipsé ses lettres qui pourtant se recommandent non seulement en raison de l’élégance de leur style, mais aussi du fait de leur portée théologique2. L’auteur, en effet, originaire de Harveng près 1

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La forme « Harveng » est préférable à « Harvengt ». Pour une présentation biographique, voir U. Berlière, « Philippe de Harvengt, abbé de Bonne-Espérance », RB, 9 (1892), p. 24-31, p. 69-77, p. 130-136, p. 193-206, p. 244-253, les sources indiquées par G. P. Sijen, « Philippe de Harveng, abbé de Bonne-Espérance. Sa biographie », Analecta Praemonstratensia, 14 (1938), p. 37-52, et le résumé de N. J. Weyns, « Philippe de Harveng », dans DS, t. 12, 1983, col. 12971302. Sur le De institutione clericorum et son auteur, voir en dernier lieu, F. Negri, « Philippe de Harveng, abbé de Bonne-Espérance (xiie siècle), et la conduite des clercs de son temps »,

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de Mons, a reçu une solide formation dans les arts dont on retrouve la trace dans son œuvre épistolaire. Entré à l’abbaye prémontrée de Bonne-Espérance en Hainaut, il en devient le prieur vers 1130. Son priorat est assombri par une querelle avec Bernard de Clairvaux au sujet d’un moine qui avait quitté l’abbaye de Bonne-Espérance pour Clairvaux. Ses malheurs, qui culminent avec un exil, prennent fin lors d’un chapitre général de 1151 et ne l’empêchent pas de devenir abbé de Bonne-Espérance en 1156 ou 1157. Il abdique sa charge à l’Avent 1182 et meurt peu après, en avril 1183. La personnalité attachante et cultivée de Philippe apparaît particulièrement dans ses lettres qui insistent beaucoup sur l’importance de la formation intellectuelle. Les missives envoyées à des élèves témoignent éloquemment de son intérêt pour les débats scolaires contemporains et de l’influence des maîtres de Saint-Victor, notamment d’Hugues, sur l’abbé prémontré3. Tout en gardant saufs les droits de la charité, Philippe sait prendre parti et soutenir ses positions. C’est le cas notamment dans un échange de lettres avec un certain Jean, prévôt et parent de Philippe, au sujet de l’interprétation de quelques passages du De Trinitate d’Hilaire de Poitiers4. Une référence à Gilbert de Poitiers, présenté comme évêque de Poitiers (1142-1154) et maître respecté, permet de dater les lettres après 1142, peut-être même avant 1147, début des poursuites contre Gilbert5. Jean, après avoir réclamé au prémontré le De Trinitate, lui renvoie l’ouvrage et dénonce les erreurs contenues sur la maternité de la Vierge et la nature des souffrances éprouvées par le Christ6. Philippe entend défendre au contraire l’orthodoxie d’Hilaire en montrant les rapports respectifs de Marie et de l’Esprit dans la conception du Christ et en expliquant que la passibilité de celui-ci est un effet de sa volonté, non du péché7. Jean, loin d’être apaisé par l’argumentation de Philippe, lui renvoie sa lettre en y ajoutant des gloses qui constituent autant de critiques des points avancés par le chanoine8. Philippe décide de répondre aux gloses de Jean en les reprenant

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dans Abbatiats et abbés dans l’ordre de Prémontré, éd. D.-M. Dauzet, M. Plouvier, Turnhout, 2005, p. 257-274. Les lettres, avec le reste de son œuvre, sont éditées en PL 203, col. 1-180. Voir J. Wouters, « Schola claustrum alterum dici debet. Filip van Harvengts raadgevingen aan studenten », Analecta Praemonstratensia, 76 (2000), p. 107-132, avec résumé anglais p. 132. Philippus Harvengius, Epistolae 5-7, PL 203, col. 34D-66C et 22-25, 170A-180C. Philippus Harvengius, Epistolae, 5, PL 203, col. 45D-46A : « Nudius enim tertius cum essem Parisius, idemque magister et episcopus Gislebertus mihi colloqui dignaretur [….]. Addidi quaereres si totum idem opus fide dignum debeat judicari et illa : quidquid, ait, in eo continetur dignum est commendari ». Philippus Harvengius, Epistolae, 22, PL 203, col. 170A-D. Sur ce dernier point, voir U. Berlière, « Philippe de Harvengt », p. 200-201 et l’étude doctrinale de G. P. Sijen, « La passibilité du Christ chez Philippe de Harveng », Analecta Praemonstratensia, 14 (1938), p. 189-208. « Meas mihi epistolas, quas vobis miseram, remisistis, sed eas primitus tam crebro glossis marginalibus repersistis, ut quasi transire in colorem alterum compellantur, et jam non esse quod fuerant videantur » (Philippus Harvengius, Epistolae, 7, PL 203, col. 57A).

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une à une. Parmi les positions relevées par le prévôt figure la question de sa formation. Philippe, en effet, rapporte que le religieux a appris l’Écriture dès l’enfance dans un cloître : c’est pour le chanoine une garantie de sérieux propre à inspirer confiance9. Au contraire, Jean a été piqué par cette mention et rétorque : Sur ce passage voici votre glose : j’ai appris, dit-elle, au cloître et ailleurs, c’està-dire dans les écoles, et je ne me suis pas formé moi-même selon la présomption de certains, mais j’ai été enseigné par maître Anselme, ce que je dis non pour me recommander mais pour vous toucher10.

Dans les années 1140, un religieux considère donc qu’une éducation purement monastique ne saurait suffire, mais doit être complétée par un séjour dans les écoles. Il récuse aussi bien l’autarcie intellectuelle de celui qui apprend l’Écriture par une méditation solitaire et coupée du monde, que la présomption des élèves ne voulant apprendre d’aucun maître. Jean ne se fait donc pas gloire de se devoir tout à lui-même, mais reconnaît avoir suivi les leçons d’Anselme. Bien qu’il affirme ne pas tirer de ce patronage une recommandation particulière, il y a tout lieu de penser que le nom d’Anselme fonctionne ici comme un argument d’autorité. Le prémontré ne s’y trompe d’ailleurs pas et s’étonne que son compliment ait été pris en mauvaise part. La vive réaction de Jean lui offre l’occasion d’un parallèle entre le cloître et l’école tout à la gloire du premier11. Il dénonce l’illusion qui, selon lui, accompagne la fréquentation des écoles : Le savoir ne vous semble recommandable que s’il s’est forgé dans le tumulte des écoles séculières, comme si chez ceux dont il est assuré qu’ils ont été formés longtemps dans les écoles extérieures, on ne pouvait trouver aucune erreur et aucune hérésie12.

Philippe met en garde le moine contre l’orgueil qui menace l’auditeur des écoles séculières : à la longue, on peut être tenté de croire que l’enseignement reçu vaut brevet d’orthodoxie. De même qu’Abélard critiquait Anselme pour avoir acquis son autorité ex antiquitate, ainsi Philippe met-il en garde ceux qui pensent qu’un long séjour (longo tempore) dans les écoles préserve 9

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« Nimirum cum attendo quia in claustro sacras ab infantia litteras didicistis et in earum scientia non mediocriter profecistis, approbandum in eis extimo quod probatis et suspectum habeo quod e contrario reprobatis » (Philippus Harvengius, Epistolae, 5, PL 203, col. 35D). « Super hunc versiculum vestra glossa : in claustro, inquit, et alibi, in scholis scilicet didici, nec juxta quorumdam praesumptionem ipse me docui, sed a magistro Ansello didici, quod non dico ut me commendem sed ut vos tangam » (Philippus Harvengius, Epistolae, 7, PL 203, col. 58C). Ibidem, col. 58D-59B. « Vobis autem scientia commendabilis non videtur, nisi scholarum saecularium tumultu fabricetur, tanquam inter eos, quos in scholis forensibus longo tempore certum est erudiri, nullus error, nulla possit haeresis inveniri » (ibidem, col. 58D).

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de toute erreur doctrinale. Dans les deux cas est dénoncée l’illusion apparemment répandue selon laquelle une position durable dans le milieu scolaire signifie compétence intellectuelle des maîtres et orthodoxie des élèves. Plus de vingt ans après la mort d’Anselme, la mémoire du grand homme est ainsi évoquée : Vous estimez plus recommandable d’avoir gagné Laon pour apprendre et d’avoir siégé dans la célèbre salle de cours de maître Anselme. Mais heureux est l’homme non qui a entendu maître Anselme, non qui a gagné Laon ou Paris, mais, heureux l’homme, est-il dit, que tu éduques, Seigneur et que tu instruis avec ta loi (Ps. 93, 12), et : j’écouterai, est-il dit, ce que dit le Seigneur Dieu en moi (Ps. 84, 9)13.

Le prémontré raille avec insistance l’attachement de Jean à sa formation dans les écoles. Quoiqu’il reconnaisse le grand nom d’Anselme et la célébrité de son enseignement, il moque celui qui fait consister son bonheur dans ce souvenir. Il y oppose implicitement l’école du cloître où Dieu lui-même enseigne le moine et parle directement à l’âme. En contrepoint, on peut également citer la correspondance de Wibald de Stavelot (1098-1158), autre moine au destin plus brillant que celui de Philippe14. En effet, après des études à Stavelot, puis à Liège vers 1115 où il suit sans doute les leçons de Rupert de Deutz, Wibald devient abbé de Stavelot en 1131, puis en 1146 abbé de Corvey, tout en jouant un rôle important dans l’administration de l’Empire15. Dans un échange épistolaire de 1149 avec Manegold, chanoine et écolâtre de Paderborn, Wibald livre une sorte de programme d’enseignement tout à fait remarquable16. Dans sa réponse à l’épître flagorneuse de l’écolâtre, Wibald, qui fait de la prétérition le thème même de sa lettre, passe longuement en revue les domaines du savoir tant sacré que profane à seule fin de montrer que tout a déjà été dit et qu’il ne 13

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« Commendabilius extimatis quod Laudunum discendi gratia requisistis et in magistri Anselli celebri auditorio resedistis. Sed beatus homo, non qui magistrum Ansellum audivit, non qui Laudunum vel Parisius requisivit, sed beatus, inquit, homo quem tu erudieris, Domine et de lege tua docueris eum (Ps. 93, 12), et audiam, ait, quid loquatur in me Dominus Deus (Ps. 84, 9) » (ibidem, col. 59A). Sur l’historiographie wibaldienne, cfr J. Stiennon, « La personnalité de Wibald de Stavelot et de Corvey », dans le catalogue Wibald de Stavelot-Malmedy et de Corvey, Stavelot, 1982, p. 15-23, repris dans Un Moyen Âge pluriel, Malmedy - Liège, 1999, p. 247-260, aux p. 247254. Cfr F.-J. Jakobi, Wibald von Stablo und Corvey (1098-1158), benediktinischer Abt in der frühen Stauferzeit, Münster, 1979 et les présentations synthétiques de G. Michiels, « Wibald », dans DS, t. 16-2, 1994, col. 1418-1419 et S. Wittekind, Altar – Reliquiar – Retabel. Kunst und Liturgie bei Wibald von Stablo, Cologne, 2004, p. 2-11. Wibaldus Stabulensis, Epistolae 166-167 dans Monumenta Corbeiensia, éd. P. Jaffé, Berlin, 1864, p. 275-288, cfr W. Hemmen, « Der Brief des Magisters Manegold an Abt Wibald von Corvey (1149) », dans Von der Domschule zum Gymnasium Theodorianum in Paderborn, Paderborn, 1962, p. 79-105 et F.-J. Jakobi, Wibald von Stablo, p. 267-268.

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saurait donc rien y ajouter. L’abbé de Corvey revendique une certaine forme d’affectivité propre, selon lui, aux milieux scolaires : l’attachement des élèves aux sententiae de leurs maîtres est fonction de l’amour qu’ils portent à leurs professeurs et non de la véracité de l’enseignement reçu17. Wibald se lance alors dans un parcours littéraire très libre à travers les siècles, prétexte à faire étalage de son savoir et de ses préférences. Parmi les modèles chrétiens plus récents qu’il retient, il cite les auteurs anciens dont il lit les livres et ceux qui lui sont contemporains : Que dire des autres hommes très savants qui, après les précédents, ont laissé dans l’Église de Dieu des monuments éclatants de leur talent grâce à leurs livres et leurs explications ? Je parle de Bède, Ambroise Autpert, Haymon, Raban, Jean Scot et de beaucoup d’autres dont nous lisons les œuvres, ainsi que de ceux que nous voyons, Anselme de Laon, Guillaume de Paris, Albéric de Reims, Hugues de Paris et encore beaucoup d’autres qui remplissent le monde de leur enseignement et de leurs écrits18.

Le lyrisme délicat de Wibald est bien éloigné des exigences austères de Philippe de Harveng pour qui suffit l’inspiration divine reçue au sein du cloître. Wibald plaide, au contraire, pour un enseignement qui prend en compte le meilleur de la tradition chrétienne, c’est-à-dire non seulement les auteurs carolingiens, mais également les maîtres contemporains à l’orthodoxie éprouvée. Parmi ceux-ci, une place de choix est réservée aux maîtres de l’école de Laon, comme Anselme de Laon et Guillaume de Champeaux, ainsi qu’à l’élève favori d’Anselme, Albéric de Reims. L’école n’est pas un lieu du tumulte où se perd la paix intérieure, elle est au contraire l’endroit par excellence où s’élabore la tradition vivante de l’Église. Les maîtres des années 1100-1140, par leur enseignement (doctrina) et leurs œuvres (scripta), prolongent donc sans heurt le travail de leurs prédécesseurs carolingiens et partagent avec eux l’exercice du munus docendi. De même, en quelques endroits de son œuvre, Jean de Salisbury († 1180/82) se plaît à évoquer l’orthodoxie d’Anselme de Laon, ce qui lui permet de donner en exemple le maître. La référence la plus explicite d’Anselme a lieu dans un passage fameux du Metalogicon, source fondamentale pour connaître le milieu parisien, que Jean a fréquenté lors de ses études de 1136 17

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« Inde est, quod etiam viciis amicorum plerumque delectamur. Discipuli magistrorum sentencias tuentur, non quia verae sunt, set quod auctores amant. Scola adversus scholam debachatur odio vel amore magistrorum, et clamore defendunt, quod ratione non possunt » (Monumenta Corbeiensia, p. 277). « Quid loquar de caeteris viris doctissimis qui post predictos in Ecclesia Dei scribendo et disserendo preclara ingenii sui monimenta reliquerunt ? Bedam dico et Ambrosium Autpertum, Heimonem, Rabanum, Johannem Scottum et multos preterea quorum opera legimus, nec non illos quos vidimus, Anselmum Laudunensem, Wilhelmum Parisiensem, Albricum Remensem, Hugonem Parisiensem et alios plurimos quorum doctrina et scriptis mundus impletus est » (ibidem, p. 278).

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à 114819. Grâce au Metalogicon, nous connaissons la perception d’une personnalité aussi fine que celle de Jean sur l’état d’esprit qui règne dans les écoles parisiennes dans le deuxième quart du xiie siècle. Dans cet ouvrage, Jean met en scène Cornificius, archétype du mauvais élève qui, faute de pouvoir rien apprendre, critique tout le monde20. Parmi les maîtres auxquels Cornificius s’attaque figurent Anselme et Raoul de Laon : Il s’efforce pourtant effrontément en cachette, car ce n’est pas possible ouvertement, d’obscurcir les luminaires très resplendissants de la Gaule, la gloire de Laon, les frères théologiens Anselme et Raoul dont la mémoire est de joyeuse bénédiction, que personne n’a critiqué impunément et qui n’ont déplu qu’aux seuls hérétiques ou aux hommes perclus de vices21.

À en croire Jean de Salisbury, Anselme et Raoul de Laon bénéficient d’un prestige tout à fait exceptionnel dans les écoles puisque leur mémoire sert de caution à l’orthodoxie et aux bonnes mœurs. S’attaquer aux deux frères revient, en effet, implicitement à s’exclure du cercle des auteurs orthodoxes ou des hommes vertueux. Jean les érige donc comme des modèles qui ne souffrent aucune critique, dès lors que celle-ci est ipso facto disqualifiée comme hérétique ou immorale22. Dans un sens tout à fait concordant, on trouve une autre mention d’Anselme dans la correspondance tardive de Jean de Salisbury (1163-1180) où un propos du maître laonnois sert d’exemplum. Dans cette lettre qui porte sur les tribulations subies par Jean, l’auteur note toutefois qu’il est entouré de l’abondance matérielle, ce qui ne laisse pas de l’inquiéter, tant la prospérité en ce monde est trompeuse de l’avis de l’Écriture et des sages : C’est pourquoi la gloire éternelle de Laon, le docteur d’illustres docteurs, Anselme avait coutume de dire, comme je l’ai appris de ses proches, qu’il ne considérait rien avec plus de suspicion que de n’avoir été frappé par Dieu d’aucune adversité dans toute sa vie23. 19

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Cfr O. Weijers, « The chronology of John of Salisbury’s studies in France (Metalogicon, 2, 10) », dans The World of John of Salisbury, éd. M. Wilks, Oxford, 1984, p. 109-116 et R. Aubert, « Jean de Salisbury », dans DHGE, t. 27, 2000, col. 575-579, à la col. 575. « Sententias carpebat omnium, eo quod ei dissimiliter universi sentirent » (Metalogicon, 1, 5, p. 21, l. 24-25), cfr E. Tachella, « Giovanni di Salisbury e i Cornificiani », Sandalion, 3 (1980)¸ p. 273-313, P. Riché, « Jean et le monde scolaire du xiie siècle », dans The World of John of Salisbury, éd. M. Wilks, Oxford, 1984, p. 39-61, aux p. 47-48. « Impudenter etiam in latebris tamen, quia palam non licet, obfuscare nititur splendidissima lumina Galliarum, Lauduni gloriam, fratres theologos Ansellum et Radulfum quorum memoria in jucunditate et benedictione est, quos nemo laceravit impune et qui solis displicuerunt hereticis aut flagitiorum turpitudine obvolutis » (Metalogicon, 1, 5, p. 21, l. 30-35). En sens inverse, Cornificius se permet de critiquer ouvertement Albéric de Reims, Simon de Paris et Guillaume de Champeaux, n’épargnant Hugues de Saint-Victor que par respect pour son habit, cfr ibidem, p. 21, l. 35-44. « Unde et perpetua Lauduni gloria illustrium doctorum doctor Anselmus, ut a suis accepi, dicere consuevit se nichil magis habere suspectum quam quod Deus in tota vita nulla cor-

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Le contact direct qu’a eu Jean sans doute avec d’anciens élèves d’Anselme l’a suffisamment marqué pour qu’il retienne ce dictum digne de Grégoire le Grand24. La mise en valeur d’Anselme de Laon comme parangon d’orthodoxie est significative du contexte intellectuel des années 1140-1150 : face au danger d’hétérodoxie qui menace l’enseignement théologique, les anciens élèves, devenus moines ou prélats, érigent des modèles comme garde-fous. Ce faisant, ils rejoignent une pratique ecclésiale que l’on constate lors des procès dirigés contre Abélard et Gilbert de Poitiers. L’autorité magistrale dans les procès contre Abélard et Gilbert de Poitiers La reconnaissance d’une autorité doctrinale à certains maîtres modernes est aussi aisément perceptible dans trois grands procès en hérésie intentés à deux des plus célèbres théologiens du temps, Abélard et Gilbert de Poitiers25. Il suffit de rappeler la part prise par les élèves d’Anselme de Laon dans les malheurs d’Abélard. Albéric de Reims et Lotulphe de Novare ont joué un rôle majeur au concile de Soissons : ils aspirent, selon Abélard, à prendre conjointement la succession d’Anselme de Laon et de Guillaume de Champeaux. Comme dans une vraie compétition pour le trône, les deux alliés doivent éliminer un prétendant dangereux qui risque de leur faire de l’ombre26. Cependant, la rivalité professionnelle ne peut être résolue par les seuls maîtres, mais les fait recourir aux évêques. Leur munus docendi confère aux élèves d’Anselme l’autorité suffisante pour critiquer Abélard et le taxer d’hérétique,

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ripuerat adversitate » (Joannes Saresberiensis, Epistolae, 201, The Letters of John of Salisbury, éd. W. J. Millor, C. N. L. Brooke, t. 2, Oxford, 1979, p. 292). Cfr LP 189. Voir H. Grundmann, « Oportet et haereses esse. Das Problem der Ketzerei im Spiegel der mittelalterlichen Bibelexegese », Archiv für Kulturgeschichte, 45 (1963), p. 129-164, repris dans Ausgewählte Aufsätze, t. 1, Religiöse Bewegungen, Stuttgart, 1976, p. 328-363, J. Miethke, « Theologenprozesse in der ersten Phase ihrer institutionellen Ausbildung : Die Verfahren gegen Peter Abaelard und Gilbert von Poitiers », Viator, 6 (1975), p. 87-116, repris dans Studieren an mittelalterlichen Universitäten, Leyde - Boston, 2004, p. 275-311, J. Van Laarhoven, « Magisterium en theologie in de 12e eeuw », Tijdschrift voor Theologie, 21 (1981), p. 109-131 (résumé en français p. 131), P. Zerbi, « Bernardo di Chiaravalle e le controversie dottrinali », dans Bernardo cistercense. Atti del XXVI Convegno storico internazionale, Todi, 8-11 ottobre 1989, Spolète, 1990, p. 131-163, trad. française : « Les différends doctrinaux », dans Bernard de Clairvaux, histoire, mentalités, spiritualité, Paris, 1992 (SC 380), p. 429-458, H. Fichtenau, Heretics and Scholars in the High Middle Ages, 1000-1200, Pennsylvania, 1998, p. 281-311 (trad. de l’allemand, 1992) et P. Godman, The Silent Masters. Latin Literature and its Censors in the High Middle Ages, Princeton, 2000, notamment p. 70-106 sur Abélard et p. 123-146 sur Gilbert. « Unde emuli mei vehementer accensi concilium contra me congregaverunt, maxime duo illi antiqui insidiatores, Albericus scilicet et Lotulfus qui, jam defunctis magistris eorum et nostris, Guillelmo scilicet atque Anselmo, post eos quasi regnare se solos appetebant atque etiam ipsis tanquam heredes succedere » (Petrus Abaelardus, Historia calamitatum, p. 83, l. 708-713).

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sans qu’ils puissent eux-mêmes le condamner. En théorie, l’autorité doctrinale reconnue aux maîtres n’implique donc pas le pouvoir de juridiction que seuls les évêques exercent. Toute la narration d’Abélard suggère pourtant que ce sont ses deux ennemis jurés qui tirent les ficelles du concile de Soissons27 : ils déterminent Raoul le Vert et le légat pontifical, Conon de Préneste, à agir contre Abélard et diffusent des rumeurs malveillantes auprès du clergé et du peuple soissonnais28. C’est à l’archevêque et aux maîtres que le légat remet le jugement de la Theologia summi boni et au cours du procès, ils jouent un véritable rôle de procureurs29. L’épisode même où Abélard met en déroute Albéric dit suffisamment la place que le rémois occupe dans le procès30. Nul doute aussi qu’Albéric et Lotulfe ne fassent partie des emuli qui dissuadent l’archevêque de laisser Abélard quitter le diocèse sans le punir31. Le but est de faire un exemple et de condamner un enseignement qui n’a pas reçu la recommandation ni de l’Église, ni du pontife romain32. Le reproche rejoint parfaitement une règle qu’Anselme de Laon a formulé huit ans plus tôt à l’instigation de ses élèves devenus maîtres entre temps : l’exercice d’une charge d’enseignement (legere publice) nécessite une légitimité. Son fondement demeure volontairement vague puisque les maîtres en appellent aussi bien à l’autorité lointaine du pape qu’à celle tout aussi peu déterminée de l’Église. Derrière la formule floue, ce sont bien les maîtres qui agissent, soit qu’Anselme chasse Abélard du « lieu de son magistère », soit qu’Albéric et Lotulphe prennent 27

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Parmi les ennemis d’Abélard présents à Soissons, il faut également compter Guillaume de Saint-Thierry, cfr J. Benton, « Fraud, Fiction and Borrowing, in the Correspondance of Abelard and Heloise », dans Pierre Abélard – Pierre le Vénérable. Les courants artistiques, philosophiques et théologiques au courant du XIIe siècle, éd. J. Jolivet, Paris, 1976, p. 469-511, à la p. 486, n. 41. « Antequam autem illuc pervenirem, duo illi predicti emuli nostri ita me in clero et populo diffamaverunt, ut pene me populus paucosque qui advenerant ex discipulis nostris prima die nostri adventus lapidarent, dicentes me tres deos predicare et scripsisse, sicut ipsis persuasum fuerat » (Petrus Abaelardus, Historia calmitatum, p. 83, l. 721-726). « Ille [sc. Conanus] autem statim mihi precepit libellum ipsum archiepiscopo illisque emulis meis deffere, quatinus ipsi inde judicarent qui me super hoc accusabant » (ibidem, p. 84, l. 731-733). Cfr le texte donné au chapitre II (trosième partie). « Tunc emuli mei, nichil se egisse cogitantes si extra diocesim suam hoc negotium ageretur, ubi videlicet vim minime exercere valerent, qui scilicet de justicia minus confidebant, archiepiscopo persuaserunt hoc sibi valde ignominiosum esse si ad aliam audientiam causa hec transferretur » (ibidem, p. 87, l. 838-843). Sur l’interprétation délicate du passage, cfr C. J. Mews, « Orality, Literacy, and Authority », p. 478-479 et p. 495, n. 17, repris dans Reason and Belief in the Age of Roscelin and Abelard, Aldershot, 2002. « Dicebant enim ad dampnationem libelli satis hoc esse debere quod nec romani pontificis nec Ecclesie auctoritate eum commendatum legere publice presumpseram atque ad transcribendum jam pluribus eum ipse prestitissem ; et hoc perutile futurum fidei christiane, si exemplo mei multorum similis presumptio preveniretur » (Petrus Abaelardus, Historia calamitatum, p. 87, l. 848-854).

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soin de le faire condamner. En dernier ressort, aux dires d’Abélard, le légat compte sur l’archevêque qui s’en remet lui-même aux maîtres33. Face à un légat trop peu lettré pour sa tache, les maîtres prennent donc le relais sous couvert de l’archevêque. La narration d’Abélard possède une vraisemblance indéniable et suggère la manière dont les maîtres régissent la vie doctrinale de l’Église. Vingt ans après, le procès d’Abélard à Sens dépasse de beaucoup les événements de Soissons : contrairement au synode de 1121 qui, malgré la présence du légat pontifical, demeurait dans le cadre de la province ecclésiastique, le concile de 1141 a lieu à l’échelle de la Chrétienté34. En fait, le procès ne se dénoue pas sur place en raison notamment du silence d’Abélard et l’affaire, portée à Rome, ne concerne plus directement le monde des écoles. En dépit d’une conclusion romaine, le reste de la procédure atteste pourtant que ce procès en hérésie ne consacre pas le seul magistère pontifical. En effet, malgré les dénégations faussement modestes de Bernard qui rappelle que seuls les évêques jugent de la foi35, la préparation du procès par Bernard36 et son entourage, la présence même de l’abbé de Clairvaux ainsi que de maîtres et de lettrés indiquent un exercice plus complexe du pouvoir doctrinal37. La lettre écrite par les évêques de la province de Sens à Innocent II confirme également que le monde scolaire fait partie des témoins privilégiés de ce procès en hérésie38. Sur le rôle de ces magistri et clerici litterati, on est mieux renseigné quelques années plus tard, lorsqu’en des circonstances similaires, l’enseignement 33

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« Quia autem legatus ille minus quam necesse esset litteratus fuerat, plurimum archiepiscopi consilio nitebatur, sicut et archiepiscopus illorum » (ibidem, p. 87, l. 855-857). Cfr la narration de M. Clanchy, Abélard, p. 371-383 et C. J. Mews, « The Council of Sens (1141) : Abelard, Bernard, and the Fear of Social Upheaval », Speculum, 77 (2002), p. 342-382 qui corrige la date traditionnellement reçue de 1140 et indique la bibliographie antérieure, p. 343, n. 2. Sur les sources, voir P. Zerbi, « Les différends doctrinaux », p. 430-431. « Dicebam sufficere scripta ejus ad accusandum eum, nec mea referre, sed episcoporum quorum esset ministerii de dogmatibus judicare » (Epistolae, 189, 4, Sancti Bernardi opera, éd. Leclercq, H. Rochais, t. 8, Rome, 1977, p. 14, l. 20-22). C. J. Mews, « The Lists of Heresies Imputed to Peter Abelard », RB, 94 (1985), p. 73-110, aux p. 106-107, repris dans Abelard and his Legacy, Aldershot, 2001. « Convenerant autem praeter episcopos et abbates plurimi viri religiosi et de civitatibus magistri scholarum et clerici litterati multi et rex praesens erat » (Epistolae, 189, 4, p. 15, l. 5-6), cfr M. Clanchy, Abélard, p. 372 : « C’est ici la toute première allusion à l’expertise des maîtres dans un procès d’hérésie ». « Itaque praesente glorioso rege Francorum Ludovico cum Willelmo religioso Nivernis comite, domino quoque Remensi archiepiscopo, cum quibusdam suis suffraganeis episcopis, nobis etiam et suffraganeis nostris, exceptis Parisiis et Nivernis, episcopis praesentibus, cum multis religiosis abbatibus et sapientibus valdeque litteratis clericis adfuit dominus abbas Claraevallensis, adfuit magister Petrus cum fautoribus suis » (éd. J. Leclercq, « Autour de la correspondance de S. Bernard », dans Sapientiae doctrina. Mélanges de théologie et littérature médiévales offerts à dom Hildebrand Bascour o.s.b., Louvain, 1980, p. 185-198, à la p. 189, l. 77-85).

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de Gilbert de la Porrée, alors évêque de Poitiers (1142-1154), est mis en accusation avec le concours de Bernard de Clairvaux39. Le parallélisme de la situation est clairement saisi par l’une des sources principales, Othon de Freising, qui insiste aussi sur la différence des deux hommes : contrairement à Abélard, Gilbert s’inscrit dans la lignée de maîtres comme Anselme et Raoul de Laon dont il a suivi l’enseignement sans le remettre en cause40. Dans le cas de Gilbert, l’attaque ne vient pas du milieu scolaire mais de son clergé, puisque deux archidiacres en appellent au pape Eugène III (1145-1153) en raison d’un sermon dont certains développements trinitaires sont jugés hérétiques41. Pourtant l’expertise des scolares apparaît vite comme nécessaire puisque, dans un premier synode réuni à Paris au printemps 1147, est examiné le cas de Gilbert en présence du pape, de hauts ecclésiastiques ainsi que de lettrés42. De son propre aveu, Eugène III se rend en France pour traiter l’affaire en toute connaissance de cause : la présence de litterati en France est une circonstance favorable au bon déroulement de la procédure43. Il est donc remarquable que ne soit plus fait mention des archidiacres, mais de deux maîtres, Adam du Petit Pont et Hugues de Champfleury qui servent de témoins à charge44. L’examen de la doctrine de Gilbert tourne vite à la joute 39

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Cfr S. Gammersbach, Gilbert von Poitiers und seine Prozesse im Urteil der Zeitgenossen, Cologne - Graz, 1959, notamment aux p. 76-108, les articles de N. M. Häring, « The Case of Gilbert de la Porrée Bishop of Poitiers (1142-1154) », Mediaeval Studies, 13 (1951), p. 1-40, Id., « Das sogenannte Glaubensbekenntnis des Reimser Konsistoriums von 1148 », Scholastik, 40 (1965), p. 55-90, Id. « Notes on the Council and the Consistory of Reims, 1148 », Mediaeval Studies, 28 (1966), p. 39-59, et H. C. Van Elswijk, Gilbert Porreta. Sa vie, son œuvre, sa pensée, Louvain, 1966, p. 28-31. Sur les sources, cfr L. Cioni, « Il concilio di Reims nelle fonti contemporanee », Aevum, 53 (1979), p. 273-300 et C. Monagle, « The Trial of Ideas : Two Tellings of the Trial of Gilbert of Poitiers », Viator, 35 (2004), p. 113-130. « Iste enim ab adolescentia magnorum virorum disciplinae se subiciens, magisque illorum ponderi quam suo credens ingenio, qualis primus fuit Hilarius Pictaviensis, post Bernhardus Carnotensis, ad ultimum Anshelmus et Radulfus Laudunenses germani fratres, non levem ab eis, sed gravem doctrinam hauserat » (Otto Frisingensis, Gesta Friderici imperatoris, 1, 50, éd. R. Wilmans, Hanovre, 1868 (MGH, Scriptores 20), p. 379, l. 15-18). Otto Frisingensis, Gesta, 1, 46, p. 376, l. 26-36, cfr N. Häring, « Zur Geschichte der Schulen von Poitiers im 12. Jahrhundert », Archiv für Kulturgeschichte, 47 (1965), p. 23-47 et Id., « Bischof Gilbert II von Poitiers (1142-1154) und seine Erzdiakone », Deutsches Archiv, 21 (1965), p. 150-172. « Itaque praesidente cum cardinalibus, episcopis aliisque viris venerabilibus et eruditis in jam dicta civitate Parisius summo pontifice Eugenio, praedictus episcopus Gisilbertus consistorio praesentatur, de his capitulis responsurus » (Otto Frisingensis, Gesta, 1, 51, p. 379, l. 33-35), cfr N. M. Häring, « Das Pariser Konsistorium Eugens III vom April 1147 », Studia Gratiana, 11 (1967), p. 91-117. « Breviter respondit se Gallias introire, ibique de hoc verbo, eo quod propter litteratorum virorum copiam ibidem manentium oportuniorem examinandi facultatem haberet, plenius velle cognoscere » (Otto Frisingensis, Gesta, 1, 46, p. 376, l. 32-35). « Producuntur contra eum duo magistri, Adam de Parvo Ponte, vir subtilis et Parisiensis ecclesiae canonicus recenter factus, Hugo de Campo Florido, cancellarius regis, asserenti-

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scolaire, comme le signale la réaction impatientée de Josselin de Soissons qui ne comprend pas les réponses de l’évêque de Poitiers et n’en pose pas moins des questions45. L’échec de la réunion conduit Eugène III à remettre le cas de Gilbert à l’année suivante lors d’un concile général prévu à Reims. Jean de Salisbury complète alors le récit d’Othon de Freising et confirme la place des écoles dans le débat. Il signale notamment le rôle de Pierre Lombard et de Robert de Melun et suggère, parmi d’autres motivations, que les deux maîtres parisiens pourraient agir par rivalité professionnelle46. Comme pour Abélard, Bernard de Clairvaux cherche à attiser ces différents et à préparer d’avance la condamnation en réunissant les principaux protagonistes. Il est remarquable que Bernard, pour choisir ses interlocuteurs, se fonde non seulement sur leur office, mais également sur une connaissance des lettres distincte d’un rang ecclésiastique47 : le savoir, reconnu par le titre de magister, est donc une condition suffisante pour juger des choses de la foi48. L’abbé de Clairvaux soumet ainsi à l’assemblée une série de quatre propositions jugées conformes à la foi et que Gilbert est censé nier par son enseignement. Si les trois premières sont acceptées unanimement, la dernière pose problème. Elle affirme qu’en raison de la simplicité divine qui veut que toute chose en Dieu est Dieu, les propriétés des personnes divines sont les personnes mêmes. La paternité n’est pas plus distincte du Père, que ne l’est la filiation du Fils ou la procession de l’Esprit49. Contre cette assertion, un maître à peu près inconnu, Robert de Bosco, archidiacre de Châlons, prend alors la parole et demande à l’assemblée de

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bus eis et quasi sub sacramento pollicentibus se aliqua ex his de proprio ejus ore audisse, non sine multorum qui aderant admiratione, viros magnos et in ratione disserendi exercitatos pro argumento juramentum afferre » (ibidem, 1, 51, p. 379, l. 35-40). « Cujus dicti obscuritatem tanquam verborum prophanam novitatem tam impatienter magister Johelinus Suessionensium episcopus excepit, ut juxta proverbium medium vitando incurreret ripam. […] Ait ergo predictus episcopus : Quid est quod dicis esse Deum nihil est ? » (ibidem, 1, 52, p. 379, l. 43-50). « Magistri quoque scolares, Petrus Lumbardus, postea Parisiensis episcopus, et Robertus de Meliduno, postmodum Herefordensis presul, suas et aliorum linguas in eum acuebant. Incertum habeo an zelo fidei, an emulatione nominis clarioris et meriti, an uti si promererentur abbatem » (Joannes Saresberiensis, Historia pontificalis, 8, éd. M. Chibnall, Oxford, 1986, p. 16). « Sed antequam ipsum prefatus abbas in audientia publica conveniret, venerabiles viri qui oppinione litterarum et auctoritate religionis vel officii ceteris preminebant, petitione ipsius in ejus hospicio convenerunt » (ibidem, p. 17). « Abbas ergo, ut erat religiosissimus et disertissimus, ad eos elegantem et compendiosum sermonem habuit, subiciens in fine quod illorum erat de Ecclesia Dei tollere scandala […]. Hec enim causa non ad monachos et heremitas pertinere, sed ad Ecclesie prelatos qui tenentur animas ponere pro ovibus suis » (ibidem, p. 17-18). « Quarto loco subintulit quod quoniam Deus simplex est et quicquid in Deo Deus est, proprietates personarum sunt ipse persone, et quod Pater est paternitas, Filius est filiatio, Spiritus est processio et e converso » (ibidem, p. 18).

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surseoir à toute décision au nom d’un précédent scolaire remontant à Anselme et Raoul de Laon50 : Il avait entendu, disait-il, que cela avait été demandé dans les écoles des très célèbres docteurs, les frères Anselme et Raoul de Laon, mais n’avait pas été accepté par eux, car ils craignaient de passer outre les bornes posées par les Pères (cfr Prov. 22, 28)51.

Fidèles à l’enseignement de leurs maîtres Anselme et Raoul de Laon, ni Gilbert l’Universel ni Albéric de Reims n’ont, selon Robert, accepté la proposition présentée par Bernard de Clairvaux52. L’exemple même du très lettré Gilbert Crispin doit également, selon Robert de Bosco, inspirer la prudence53. Une nouvelle fois comme chez Wibald de Stavelot, les noms d’Anselme et de Raoul de Laon sont associés à un ensemble de théologiens que leur prudence doctrinale signale. L’avis de Robert pousse d’ailleurs les autres membres du concile à ne pas trancher la question54 : une vraie tradition scolaire – un maître qui rapporte les paroles d’autres maîtres – possède dans les années 1140 suffisamment de poids pour déterminer l’issue d’un débat dogmatique. Aussi importante est la nature de cette expertise rapportée par Robert de Bosco : l’avis transmis n’est pas une prise de position péremptoire, mais un appel à la modération. L’utilisation de Proverbes 22, 28 – ne pas dépasser les bornes posées par les Pères – est à cet égard éclairante car dès les actes du concile d’Éphèse de 431, le verset sert de caution à l’orthodoxie de Cyrille d’Alexandrie55. Bien attesté chez Jérôme, Grégoire et Bède, le dictum est un adage biblique qui fait 50

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« Que cum similiter prioribus excepta essent et interrogata, surgens archidiaconus quidam Catalaunensis, scilicet magister Robertus de Bosco, et tam voce quam manu silentium impetrans, petiit hujus responsionis dilationem » (ibidem, p. 18). « Audierat enim, ut dicebat, in scolis clarissimorum doctorum fratrum Anselmi et Radulfi Laudunensium hoc fuisse quesitum, sed ab eis minime receptum est, quia verebantur transgredi terminos quos posuerant patres » (ibidem, p. 18-19). « Sed nec Gislebertus Universalis qui post fuit episcopus Lundoniensis, nec Albericus Remensis qui post in archiepiscopum Bituris sublimatus est, hoc ob eamdem causam admittere voluerunt. Nam et istos audierat et super hoc interrogaverat » (ibidem, p. 19), cfr A. Boureau, L’événement sans fin. Récit et christianisme au Moyen Âge, Paris, 1993, p. 194-199. « Item, ut aiebat, omnibus hiis sibi litteratior visus est Gillebertus abbas Westimonasterii prope Lundoniam qui hoc nunquam concedere adquievit. Consuluit ergo ut in re tanta non precipitarent sententiam, presertim cum ab hac diffinitione tanti viri abstinuerint interrogati » (ibidem, p. 19). « Paritum est consilio ejus, conventu sic soluto » (ibidem, p. 19). « Nullo vero modo moveri ab aliqualibus patimur fidem aut ipsum fidei symbolum Nicaea convenientibus illo tempore definitum est, sed neque permittimus nobismet ipsis aut aliis aut unum mutare dictorum ibidem positorum aut unam syllabam praeteriri, meminimus autem dicentem : noli transgredi terminos aeternos quos posuerunt patres tui (Prov. 22, 28) » (Cyrilli epistula ad Joannem Antiochenum, Les conciles œcuméniques, t. 2-1, éd. G. Alberigo, Paris, 1994, p. 73), cfr E. M. Peters, « Transgressing the limits set by the fathers : authority and impious exegesis in medieval thought », dans Christendom and its discontents. Exclusion, per-

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le partage entre les continuateurs de la tradition apostolique et les hérétiques qui la pervertissent56. Marque d’orthodoxie utilisée également par Bernard de Clairvaux57 et Guillaume de Saint-Thierry58, le propos s’applique par excellence à Anselme et Raoul qui, dans la bouche de Robert de Bosco et sous la plume de Jean de Salisbury, sont qualifiés de doctores. Si les écrits des Pères sont mis à contribution au cours du procès de Gilbert, en première instance ce sont bien les paroles rapportées des docteurs modernes qui délimitent le débat. Dans cette construction idéale où les Pères posent les bornes à ne pas franchir, les maîtres, au premier rang desquels il faut compter Anselme et Raoul de Laon, sont les gardes-frontières de l’orthodoxie. Que la canonisation de la parole magistrale se fasse en raison de son apparent immobilisme doctrinal n’est en rien paradoxal : la promotion de ce magistère moderne s’effectue pour autant qu’il se réclame d’une tradition dont il n’est pas la répétition stérile, mais le prolongement respectueux. Une fois encore, les sources narratives rencontrent la rubrique inaugurale du Liber pancrisis qui présente les maîtres modernes comme les continuateurs parfaits des Pères. Le propos de Robert de Bosco est au sens propre mémorable dans le monde scolaire, puisque sous une forme un peu différente, un élève de Pierre le Chantre nous en transmet la substance dans une des questions ajoutées à la Summa de sacramentis : En outre, au cours du concile de Reims, maître Robert de Bosco, archidiacre de Châlons, dit qu’il était resté pendant sept ans aux pieds de maître Anselme et qu’il avait entendu de nombreux autres théologiens très lettrés et qu’il préférait qu’on lui coupe la langue plutôt que de concéder que Dieu est une relation ou que la nature divine est une propriété59.

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secution, and rebellion, 1000-1500, éd. S. L. Waugh, P. D. Diehl, Cambridge, 1996, p. 338-362, aux p. 341-357. Cfr par exemple Hieronymus, In Osee, 2, 5, éd. M. Adriaen, Turnhout, 1969 (CCSL 76), p. 58, l. 294-297, Gregorius Magnus, Moralia, 16, 44, 56, éd. M. Adriaen, Turnhout, 1979 (CCSL 143A), p. 831-832, l. 65-9, Beda Venerabilis, In Proverbia Salomonis, 2, 22, éd. D. Hurst, J. E. Hudson, Turnhout, 1983 (CCSL 119B), p. 117, l. 213-215. Bernardus Clarevallensis, De consideratione, 1, 7, éd. J. Leclercq, t. 3, p. 402 ; Epistulae, 190, t. 8, p. 26 et 193, t. 7, p. 45. Guillelmus de Sancto Theodorico, Epistola de erroribus Guillelmi de Conchis, éd. P. Verdeyen, Turnhout, 2007 (CCCM 89A), p. 63, l. 65-66. « Preterea sic in Remensi concilio dixit magister Robertus de Bosco archidiaconus Catalaunensis quod ipse sederat ad pedes magistri Asellini per septennium et multos alios literatissimos theologos audivit et prius permitteret sibi amputari linguam quam ipse concederet Deum esse relationem vel naturam esse proprietatem », cité par A. M. Landgraf, « Neu aufgefundene Handschriften mit Werken aus dem Bereich des Anselm von Laon », Collectanea Franciscana, 15 (1945), p. 164-177, aux p. 176-177 et Id., « Untersuchungen zur Gelehrtengeschichte des 12. Jahrhunderts », dans Miscellanea Giovanni Mercati, t. 2, Vatican, 1946, p. 259-281, à la p. 278 et interprété par Richard Southern comme un exemple de fidélité scolaire entre deux maîtres, Scholastic Humanism, t. 1, p. 190-191. L’éditeur de

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De tous les maîtres cités par Robert, seule demeure la caution nominale d’Anselme de Laon. Dans cette nouvelle version, il existe un lien évident de cause à effet entre l’enseignement reçu et l’assurance de Robert. Le fait d’avoir suivi les cours d’Anselme constituait dans la narration de Jean de Salisbury un motif dilatoire : là où de tels maîtres avaient hésité à conclure, mieux valait ne rien ajouter. Chez l’élève de Pierre le Chantre, le propos d’Anselme devient une sententia positive, non plus une mise en garde, mais un véritable argument d’autorité. Par rapport à Othon de Freising et Jean de Salisbury, Geoffroy d’Auxerre († post 1188) attaque sans nuance dans différents écrits l’enseignement de Gilbert de Poitiers. Disciple d’Abélard, converti par Bernard de Clairvaux à Paris en 1140, Geoffroy devient dès lors le secrétaire de l’abbé cistercien et un des plus fermes défenseurs de sa mémoire60. Il prend soin notamment de livrer à la postérité sa propre version du procès entrepris à Reims contre Gilbert61. La première pièce du dossier, dite Gaufridi scriptura, indique les quatre erreurs principales contenues dans le commentaire de Gilbert sur Boèce avec quelques auctoritates les contredisant. Elle fournit aussi l’identité des ecclésiastiques présents à Reims en prenant soin de distinguer les noms des archevêques, des évêques, des abbés et enfin des maîtres dont la présence est ici reconnue officiellement. On trouve des opposants déclarés de Gilbert comme Pierre Lombard et Adam du Petit Pont, ainsi que des personnages liés à Laon comme Gautier de Mortagne et Robert de Bosco62. Dans un Libellus plus copieux, Geoffroy d’Auxerre reprend chacun des chefs d’accusation (capitula) contre le commentaire de Gilbert et y confronte le texte original de Boèce et les testimonia Patrum, notamment ceux d’Augustin, qui les réfutent. Après l’examen du dernier capitulum où Gilbert est censé attribuer l’incarnation au seul Fils63, Geoffroy conclut l’examen des citations patristiques avec des remarques dont l’intérêt a été encore peu relevé. Geoffroy admoneste le public scolaire en lui demandant de ne pas approuver trop rapidement les nouveautés et l’exhorte à demeurer dans les limites tracées

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la Summa a reconnu dans cette notation une des nombreuses additions propres à BNF, lat. 3477, cfr J.-A. Dugauquier, Summa de sacramentis et animae consiliis, t. 3-1, Louvain - Lille, 1961, p. 280-355, avec texte cité p. 315-316. M.-A. Dimier, « Geoffroy d’Auxerre », dans DHGE, t. 20, 1984, col. 529-532, et surtout F. Gastaldelli, « Tradizione e sviluppo. La formazione culturale e teologica di Goffredo di Auxerre », Annali della Facoltà di Lettere e Filosofia, Università di Macerata, 32 (1999), p. 1-38, repris dans Studi su san Bernardo e Goffredo di Auxerre, Florence, 2001, p. 341-374. N. M. Häring, « The Writings against Gilbert of Poitiers by Geoffrey of Auxerre », Analecta Cisterciensia, 22 (1966), p. 3-83. Cfr N. M. Häring, « The Writings against Gilbert of Poitiers », p. 35 ; les autres maîtres cités sont Gautier d’York, Geoffroy Turcople, Humbert de Bourges et Thierry de Chartres. « Divinam quippe naturam Deum non esse contendens eo usque prorupit – etiam non interrogatus – ut incarnationem sic tribueret persone Filii ut ipsi divinitati eam omnino negaret » (ibidem, p. 62).

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par les Pères64. Le cistercien critique, avec toute l’ardeur du converti, la nouveauté comme telle, dès lors que la caution scripturaire apportée par Gilbert et ses semblables consiste, selon lui, dans un détournement de l’Écriture65. En ancien élève des écoles, notamment celle de Gilbert l’Universel à Auxerre66, Geoffroy ne borne pas sa réfutation à l’examen des autorités patristiques, mais fait bon accueil aux maîtres susceptibles de prouver l’hétérodoxie de Gilbert. Le cistercien souligne donc le continuum pédagogique censé exister entre différents maîtres, puisque pour lui cette chaîne pédagogique constitue comme une garantie d’orthodoxie. Selon Geoffroy, le maître qui se sépare de ses maîtres et de l’Église tombe, en effet, dans l’erreur la plus dangereuse67. Concernant le cas précis de Gilbert, Geoffroy cite ainsi les opinions de certains maîtres modernes récents qui contredisent directement l’évêque de Poitiers68. On retrouve en tête de la liste des maîtres cités pour leur orthodoxie Anselme et Raoul : Je parle de ces Laonnois célèbres Anselme et Raoul, de maître Albéric de Reims aussi, devenu ensuite archevêque de Bourges, du très fidèle exégète de la parole divine Hugues de Saint-Victor, mais aussi de Robert Pulleyn, chancelier du siège apostolique, de nombreux autres dont la présence actuelle ou le souvenir récent est bénit. Leur sentence commune dit que tout ce qui est en Dieu est Dieu69.

Il est frappant que Geoffroy cherche à canoniser grâce au patronage des Laonnois la sentence même de Bernard que Robert de Bosco a fait écarter lors 64

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« Novissime paucis monemus eos qui scientie magis quam conscientie student ne de cetero tam facile acquiescant nova in fide tradentibus, sed cauti sint non transgredi terminos quos posuere patres nostri (cfr Prov. 22, 28) nec circumferri omni vento doctrine (cfr Eph. 4, 14) » (ibidem, p. 66). « Id nempe solum ad omnem confutacionem novitatis presertim in ratione fidei satis esse debuerat quod novitas est. Nam quod testimonia interdum aliqua scripturarum exquisita detorquent novitatis auctores, quante presumptionis est tanquam soli ipsi legerint intellexerintve scripturas » (ibidem, p. 66). F. Gastaldelli, « Tradizione e sviluppo », p. 347-368. « Et magistri tui ignoraverunt fidem ? Et tu ipse ante hos annos, priusquam in Parnaso sompnianti novum tibi revelaretur evangelium, in errore fuisti ? Et adhuc preter paucos discipulos tuos errat Ecclesia universa ? Id quidem ut dicere impudentissimum, sic sentire superbissimum, credere stultissimum jure censetur » (N. M. Häring, « The Writings against Gilbert of Poitiers », p. 67). « Ut enim ad hec specialiter capitula que pre manibus sunt revertamur, nunquid non audientibus hec tam nova dogmata considerandum fuerat quantos sapientes et litteratos viros non longe antehac habuisset Ecclesia sane opinionis et doctrine qui manifeste contraria senserant et docuerant ? » (ibidem, p. 67). « Dico autem insignes illos Laudunenses Anselmum et Radulfum, magistrum etiam Albericum Remensem, post Bituricensem archiepiscopum et fidelissimum divini verbi tractatorem Hugonem de Sancto Victore, sed et Robertum Pullanum, apostolice sedis cancellarium, ceterosque quamplures quorum aut presentia adhuc aut memoria recens in benedictione est. Quorum communis exstat sententia : quicquid in Deo est Deum esse » (ibidem, p. 67).

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du concile de Reims au nom des mêmes maîtres. Le but de Bernard était de faire admettre que la propriété divine, paternité, filiation ou procession, égalait la personne divine et donc Dieu. La formulation non reçue dans les écoles est rejetée en 1148, mais réapparaît sous la plume de Geoffroy moyennant quelques distorsions. La première consiste à donner un sens univoque à l’adage quicquid in Deo est Deum est. Lorsque la formule se lit dans un écrit laonnois comme le recueil Divina essentia teste, elle s’applique non aux propriétés personnelles, mais aux attributs divins communs comme la justice, la bonté et la force70. Dire que la justice est en Dieu revient à dire que Dieu est justice en vertu de l’adage71. Hugues de Saint-Victor, allégué par Geoffroy, utilise aussi la formule, mais d’un point de vue différent : le victorin explique que la Trinité ne saurait compromettre l’unité divine pour la raison bien connue72. Il semble aussi hautement vraisemblable que Geoffroy réécrit les textes dans le sens de sa démonstration. C’est le cas avec un extrait placé sous le nom de Raoul de Laon : C’est pourquoi Raoul de Laon dans l’un de ses écrits dit : par les noms de Père, Fils et Saint Esprit, nous n’entendons poser aucune autre propriété différente des personnes, comme il a été dit plus haut de juste de bon73.

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La formule est également appliquée aux attributs communs aux trois personnes par Guillaume de Saint-Thierry : « Queramus quomodo sint in Deo non solum potentia, sapientia et voluntas, sed et virtus Dei, veritas, charitas, bonitas, justitia et cetera his similia. Nempe sicut beatus Augustinus dicit : ‘Quicquid, inquit, in Deo est Deus est’ » (Guillelmus de Sancto Theodorico, Epistola de erroribus Guillelmi de Conchis, éd. P. Verdeyen, p. 64, l. 115116). L’adage a, en effet, une origine augustinienne, cfr Augustinus Hipponensis, Sermones, 341, PL 39, col. 1498, sermon édité sous sa forme complète (D. 22) par F. Dolbeau, Vingt-six sermons au peuple d’Afrique, Paris, 1996, p. 185, l. 344-345 : « In Deo autem omne quod dicitur idipsum est ». « Sed considerandum est quia multis modis dicitur esse aliquid in Deo. […] Sed cum dicitur : justitia est in Deo et bonitas et fortitudo, de hujusmodi dicitur : quicquid est in Deo, id est prorsus idem cum Deo, Deus est » (Divina essentia teste, éd. O. Lottin, PM, p. 404, l. 22 et 30-32). « Et magister Hugo in tractatu de sacramentis : quia in Trinitate est qui a nullo est et est ibi qui ab illo est et est ibi qui ab utroque est, Trinitas vera est. Et unitas manet perfecta quoniam in Deo nichil esse potest quod Deus non est, quia unum est totum quod est » (N. M. Häring, « The Writings against Gilbert of Poitiers », p. 67), cfr Hugo de Sancto Victore, De sacramentis, 1, 3, 22, PL 176, col. 226A. On trouve aussi l’adage sous le nom d’Augustin dans la Summa sententiarum, 1, 4, PL 176, col. 48B et dans le sens de Geoffroy en 1, 11, PL 176, col. 58B-59A : « Quidam tamen voluerunt dicere quod proprietates ille non essent ipse persone, opponentes illud : si per eas discernuntur persone, quomodo sunt ipse persone ? Quos auctoritas et ratio confutat. Dicit enim Augustinus : quidquid in Deo est, Deus est. Ergo proprietas Patris Deus est, quia proprietas Patris est ipse Pater », cfr M. Chossat, La somme des sentences, œuvre de Hugues de Mortagne vers 1155, Louvain - Paris, 1923, p. 83-85 et 97-98. « Hinc magister Radulphus Laudunensis in quadam scriptura sua sic ait : per illa nomina ‘Pater et Filius et Spiritus sanctus’ nullas intelligimus poni proprietates, sicut de justo

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À y regarder de plus près, le passage est un extrait de la sentence L 236 attribuée par le Liber pancrisis à Guillaume de Champeaux, mais sans le passage indiqué en italiques qui en change radicalement le sens74. Là où « maître Raoul », alias Geoffroy utilisant L 236, identifie sans trouble les noms des propriétés personnelles aux personnes elles-mêmes, Guillaume peine à concilier l’unité divine avec le mystère trinitaire et assimile donc les noms propres des personnes aux adjectifs qui, à l’instar de « juste » et « bon », désignent la substance divine75. Par ces biais d’une grande habileté, Geoffroy réussit donc le tour de force d’enrôler sous sa bannière ceux là mêmes qui ne cautionnent pas sa thèse. La communis sententia des maîtres est donc en grande partie un leurre nécessaire à la démonstration de l’accusateur cistercien. Puisque par définition l’hérétique parle seul contre tous, il faut bien que tous parlent d’une seule voix. Remarquable est par conséquent le procédé qui forge le concordisme doctrinal non à partir des énoncés patristiques, mais des sentences magistrales. Le secrétaire de Bernard, en créant un accord magistral autour d’une communis sententia, consacre implicitement le rôle des maîtres dans l’expertise de la vérité dogmatique. Les témoignages d’anciens élèves comme les récits des conciles réunis contre Abélard et Gilbert prouvent la part éminente prise par les maîtres modernes dans le débat théologique. Parmi ceux-ci, Anselme revient régulièrement comme le chef de file d’une tradition scolaire orthodoxe dont il est le premier représentant. Il est donc opportun de confronter le modèle de théologien défini par ces sources avec la pratique effective de maîtres contemporains comme Hugues de Saint-Victor et Pierre Lombard.

Les recueils laonnois et Hugues de Saint-Victor L’unité doctrinale de l’école de Laon étant un point déjà délicat à établir, il y aurait quelque imprudence à retracer une généalogie intellectuelle menant d’Anselme de Laon à Pierre Lombard. Il est pourtant quelques points à partir desquels certains rapprochements peuvent être proposés sans trop d’arbitraire. Grâce à l’examen des recueils laonnois, on a montré la manière dont les avis des quidam entraient dans le corpus sententiaire des années

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pio superius dictum est, que sint aliud quam ipse persone » (N. M. Häring, « The Writings against Gilbert of Poitiers », p. 67). « Nam per illa vocabula Pater, Filius, Spiritus sanctus, nullas intelligimus poni proprietates, sicut de justo et pio superius dictum est » (L 236, l. 203-205), le passage auquel il est fait référence se trouve aux lignes 38-56. Sur les difficultés de Guillaume, voir la conclusion : « Quid ergo vocamus tres illas personas aut quomodo diverse sint inter se, nondum nobis est manifestum » (L 236, l. 206-207).

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1120-1140 à côté des sentences patristiques. Sans recevoir la même note d’autorité, ce qu’atteste l’anonymat dans lequel elles demeurent le plus souvent, les sentences magistrales servent du moins à interpréter les propos des Pères et, dans certains cas encore ouverts à la discussion, apportent des solutions valides. Le mouvement, amorcé encore timidement dans les recueils laonnois, prend une plus grande ampleur à partir des décennies 1130-1150. Les grandes sommes théologiques, comme le De sacramentis d’Hugues de Saint-Victor († 1141), la Summa sententiarum d’Othon de Lucques († 1146) et les Sententiae de Pierre Lombard († 1160), organisent alors la matière théologique réunie par la génération précédente. Plus qu’à une comparaison doctrinale entre ces différentes œuvres, il a été porté une attention spéciale aux rapports qu’elles entretiennent avec leurs auctoritates : dans quelle mesure les Pères sont-ils, après l’Écriture, la seule source d’enseignement autorisé ? Les grandes sommes n’assurent-elles pas aussi, conformément à la modération des recueils laonnois, la promotion des magistri moderni ? Le deuxième point de comparaison pertinent au sein du genre sententiaire est la manière dont sont organisés les recueils. On a reconnu comme un trait distinctif des recueils laonnois le plan historique suivant les trois temps de l’histoire humaine, création, chute et rédemption. Alors que les sommes prennent un développement matériel considérable par rapport aux précédents recueils76, le premier choix doctrinal d’un auteur de somme réside dans la manière dont il compose son ouvrage. Sur ce point, il est intéressant de regarder comment le déroulement suivi par les recueils laonnois a été repris, réorganisé ou abandonné. Parmi les centres scolaires alors loués pour leur orthodoxie, l’abbaye de Saint-Victor occupe une place de choix. En effet, depuis la retraite vers 1108 de Guillaume de Champeaux sur la rive gauche de Paris, l’élève d’Anselme de Laon fait de Saint-Victor une alternative intellectuelle à la méthode d’Abélard. Vivement encouragé à poursuivre son enseignement, le maître a alors pu se consacrer notamment à l’étude de la théologie qui correspond parfaitement à sa nouvelle vocation. À l’exemple de Guillaume, la nouvelle abbaye, sous l’abbatiat de Gilduin (1114-1155), demeure profondément ancrée dans le monde et cultive des liens privilégiés avec d’autres grands établissements, comme la cathédrale parisienne. Ainsi que le prouve l’obituaire de Saint-Victor, les liens créés entre la cathédrale et l’abbaye dans les années 1120-1140 instaurent à la fois une confraternité spirituelle et une réelle communauté intellectuelle. Ainsi l’archidiacre de Notre-Dame, Thibaud (fl. ca. 1123-1134), devient-il chanoine de Saint-Victor et lègue à l’abbaye ses livres de l’Ancien

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Tandis qu’un recueil comme la collection De sententiis divine correspond à environ 30 colonnes dans la Patrologie latine, la Summa sententiarum en occupe 132, le De sacramentis 445 et les Sententiae du Lombard 441.

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et du Nouveau Testament77. De même, l’évêque Étienne de Senlis aide grandement la jeune abbaye. Enterré à Saint-Victor, il donne également ses livres aux chanoines à sa mort en 114278. Enfin, le soin particulier qui entoure les livres souligne l’intérêt vite perçu sur place pour la vie intellectuelle79. Celle-ci ne se limite pas à un enseignement dispensé ad intra, mais franchit les murs de l’abbaye pour bénéficier d’une dimension internationale dont Hugues de Saint-Victor est le principal responsable. Jointe à une situation matérielle florissante, la présence d’Hugues assure à l’abbaye une place de premier plan dans l’essor scolaire de Paris. Dans quelle mesure Hugues a-t-il alors poursuivi une pratique théologique héritière du Liber pancrisis contemporain et des maîtres laonnois ? D’emblée, il convient de préciser que la question ne saurait recevoir de réponse simpliste tant la riche individualité du plus fameux des victorins se prête mal au lit de Procuste de la généalogie intellectuelle. Les meilleurs spécialistes qui ont abordé le point, souvent à titre d’obiter dictum, arrivent d’ailleurs à des conclusions discordantes80. Puisqu’il n’est ni pertinent de se contenter d’avis généraux ni possible d’entreprendre une étude monographique, il importe de montrer en quoi la méthode d’Hugues se rapproche ou, au contraire, s’éloigne de traits caractéristiques des recueils laonnois. Là où des études doctrinales précises ont déjà déterminé les jeux d’influence, l’importance des écrits laonnois a été explicitement reconnue : dans le domaine sacramentaire ou les questions de théologie trinitaire, Hugues utilise librement des données qui lui sont notam77

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Cfr la mention dans l’obituaire de Saint-Victor : « Anniversarium sollempne Theobaldi, archidyaconi Parisiensis ecclesie et nostri canonici, qui bibliothecam, quam sibi magna diligencia paraverat, libros scilicet veteris ac novi Testamenti, nobis reliquit » (L. Delisle, Le cabinet des manuscrits, t. 2, Paris, 1874, p. 224). Cfr son épitaphe : « Hic jacet inter oves Stephanus qui Parisiensis/ Extitit ecclesiae pastor et hujus ovis./ Hanc inopem, parvamque, novamque pius pater auxit,/ Extulit, ornavit rebus, honore, libris./ Multa dedit multis, se nobis, plusque daturus,/ Si dare posset, qui sua seque dedit » (Gallia christiana, t. 7, Paris, 1744, col. 63). Tout aussi explicite est la mention de l’obituaire victorin : « Quarto kal. Augusti anniversarium piae recordationis Stephani Parisiensis episcopi qui in vita sua hanc nostram ecclesiam mirabili affectu sincere dilectionis amplectens, multa et magna ei beneficia conferens, dignum et perpetuum sui nominis et amoris memoriale posteris reliquit, […] dedit etiam nobis in omnibus supradictis ecclesiis annualia prebendarum, libros quoque optimos quos sibi paraverat, moriens nobis reliquit » (ibidem). L. Jocqué, « Les structures de la population claustrale dans l’ordre de Saint-Victor au xiie siècle. Un essai d’analyse du Liber Ordinis », dans L’abbaye parisienne de Saint-Victor, p. 53-95, aux p. 74-79. Cfr H. Weisweiler : « Durch Wilhelm wurde die Pariser Schule zu einer neuen weiteren Pflanzstätte der Denkart von Laon » (Das Schrifttum, p. 4) et contra O. Lottin : « il y a tant de divergences entre les positions prises par Anselme de Laon et celles de Hugues de SaintVictor, y compris celles de la Summa Sententiarum, qu’on ne voit guère le moyen d’y déceler une parenté plus ou moins proche en bien des points de doctrine » (PM, p. 183). Dans le sens de H. Weisweiler, voir J. Châtillon et M. Lemoine, « L’École de Saint-Victor », Contemporary philosophy. A new survey, 6 (1990), p. 141-149, à la p. 141.

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ment transmises par l’école de Laon81. Cette liberté même dont fait montre le théologien victorin explique la difficulté, et sans doute l’artifice, qui consisterait à faire d’Hugues le strict continuateur d’une tradition théologique préexistante. Son programme dépasse largement par ses intentions ce que laissent deviner les écrits laonnois subsistants. En effet, la tension vers l’unité du savoir gouverne la pédagogie hugonienne et imprime à sa pensée une visée universelle tout à fait remarquable. De ce fait, l’organisation de la matière théologique chez Hugues est autant révélatrice de sa forma mentis que le détail de ses positions doctrinales82. Pour Hugues, la théologie demeure immanente à l’Écriture ou plutôt lui est identique à partir du moment où la révélation chrétienne, même en ses explicitations patristique et canonique, appartient encore au domaine révélé83. Sur ce point, il se rapproche sensiblement des recueils de Laon dans la mesure où il partage avec eux le souci de laisser l’Écriture fournir les clefs de sa propre interprétation et donc de l’économie divine. Il est par conséquent logique que les plans de ses trois synthèses théologiques partagent plus d’un point commun avec les recueils précédemment étudiés. En effet, dans le cas du Dialogus de sacramentis legis naturalis et scripte rédigé à la fin des années 1120, on se trouve en présence de la première ébauche où Hugues de Saint-Victor présente une synthèse systématique de la foi chrétienne selon un plan historique. Cette exposition est poursuivie par les Sententiae de divinitate pour obtenir son plein développement dans les années 1130 avec l’exposé récapitulatif qu’est le De sacramentis84. Le Dialogus de sacramentis et les Sententiae de divinitate Adoptant une progression parfois ardue à suivre dans le détail, le Dialogus traite d’abord de la création du monde, de celle d’Adam et Ève et de la faute originelle85. Le salut est offert à l’homme selon deux métaphores, l’une juridique et l’autre guerrière. Le Christ dénoue, en effet, le procès qui met aux prises Dieu, le diable et l’homme en même temps qu’il est le chef d’une armée dont les soldats sont les saints ayant vécu sous la loi naturelle, la loi écrite et 81

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Cfr H. Weisweiler, Die Wirksamkeit der Sakramente nach Hugo von St. Viktor, Fribourg-enBrisgau, 1932 et D. Poirel, Livre de la nature et débat trinitaire au XIIe siècle. Le De tribus diebus de Hugues de Saint-Victor, Turnhout, 2002, p. 360-366. D. Poirel, Hugues de Saint-Victor, Paris, 1998, p. 86. L. Ott, « Hugo von St. Viktor und die Kirchenväter », Divus Thomas (Fribourg), 27 (1949), p. 180-200 et 293-332 et R. Berndt, « Gehören die Kirchenväter zur Heiligen Schrift ? Zur Kanontheorie des Hugo von St. Viktor », Jahrbuch für Biblische Theologie, 3 (1988), p. 191-199, notamment aux p. 197-199. Avec R. Baron et D. Poirel, il semble plus logique d’adopter cette progression et de donner l’antériorité au Dialogus sur les Sententiae, cfr D. Poirel, Hugues de Saint-Victor, p. 85, n. 1. « Discipulus : Quid fuit priusquam mundus fieret… – …non potest excusare » (Hugo de Sancto Victore, Dialogus de sacramentis, PL 176, col. 17C-27C).

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vivant sous la grâce86. Cette armée qui combat les légions diaboliques reçoit son secours des sacrements et des bonnes actions. Hugues analyse alors les sacrements chrétiens en les mettant en perspective par rapport à ceux de la loi naturelle et de la loi mosaïque. Il montre ainsi que le salut, conféré par la foi, les sacrements et les bonnes actions, a toujours été accessible et dévoilé selon un mode d’explicitation progressif qui culmine avec l’Incarnation87. Contrairement aux recueils laonnois à la manière littéraire souvent impersonnelle, la personnalité du victorin est aisément perceptible dans le Dialogus, que ce soit en raison de l’absence de références explicites aux auctoritates ou de l’usage du dialogue, procédés qui rendent une part de leur spontanéité aux quaestiones. De même, l’usage de métaphores expressives comme l’armée des justes88 ou le recours à la cartographie pour donner à voir le paradis terrestre89 constituent autant de marques propres à la pédagogie du chanoine. Pourtant, les points de contact entre le Dialogus et la collection Principium et causa, le plus diffusé des recueils laonnois, sont indéniables d’un strict point de vue littéraire90. De manière plus globale, la démarche du victorin s’inspire du plan du recueil Principium et causa en le complétant notamment pour la christologie, axe majeur de la théologie du victorin. Tout se passe comme si dans ce premier essai, Hugues donnait sa propre version du genre sententiaire : le charme littéraire d’une rédaction soignée l’emporte sur l’enchaînement aride des questions tel qu’il est pratiqué dans les recueils, tandis que le maître prend la liberté de développer certains points et d’accorder moins d’attention à d’autres91. Deuxième tentative de synthèse, les Sententiae de divinitate présentent une facture très scolaire et se rapprochent de manière plus nette des productions laonnoises, au moins formellement92. Les principaux renseignements sur l’ouvrage nous sont fournis par une très intéressante lettre qui sert de 86 87

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« Discipulus : Sed quid faciet… – …multitudine stipatus incedat » (ibidem, col. 27C-32D). « Discipulus : Vellem ut nunc tanti regis… – …relinquendum mihi videtur » (ibidem, col. 32D-42B). Cfr F. Tournier, « Les Deux Cités dans la littérature chrétienne », Les Études, 123 (1910), p. 644-665 et le commentaire de P. Sicard, Hugues de Saint-Victor, p. 100. « Discipulus : Ubi est paradisus ? Magister : Quid queris quod vides ? » (Hugo de Sancto Victore, Dialogus de sacramentis, PL 176, col. 24C), cfr P. Sicard, Diagrammes médiévaux et exégèse visuelle. Le Libellus de formatione arche de Hugues de Saint-Victor, Paris - Turnhout, 1993, p. 267-268. H. Weisweiler, « Hugos von St. Viktor Dialogus de sacramentis legis naturalis et scriptae als Frühscholastisches Quellenwerk », dans Miscellanea Giovanni Mercati, t. 2, Vatican, 1946, p. 179-219, aux p. 193-195. Par rapport aux recueils laonnois, Hugues donne ainsi un développement inattendu à chacun des jours de la création (19A-21D) ou aux trois temps du salut (32A-33D), alors qu’il passe rapidement sur les dix commandements (39C-40A). Cfr A. M. Piazzoni, « Ugo di San Vittore auctor delle Sententiae de divinitate », Studi medievali, 23 (1982), p. 861-955, éd. aux p. 912-953.

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préface93. Elle éclaire une des manières dont les sentences magistrales peuvent être diffusées sous la forme de recueils. En effet, l’ouvrage n’est pas sorti directement de la plume d’Hugues, mais représente la mise par écrit d’un cours magistral, effectuée par les soins d’un dénommé Laurent qu’il faut sans doute identifier au futur abbé de Westminster94. Ce cours est formé d’une série de sentences théologiques (sententiae de divinitate) que Laurent a consignées par écrit à la demande de ses condisciples95. L’exemple d’Anselme de Laon, opposé à Rupert, ou celui d’Abélard, confronté à ses juges soissonnais, a pu influencer la manière dont Hugues suit de près le processus de rédaction. Le maître lui-même se joint, en effet, à ses élèves pour obtenir de Laurent qu’il effectue le travail96. De plus, il contrôle étroitement la prise de notes de Laurent puisqu’il révise les tablettes une fois par semaine afin d’en authentifier le contenu97. Le maître parisien, bien averti des problèmes que pose la volatilité des verba magistri, cherche ainsi à parer au danger potentiel de déformation. C’est pourquoi, il organise lui-même la mise par écrit de son enseignement. Le succès de la méthode est tout relatif car, d’une part, les sentences ne sont connues que par deux manuscrits complets et un partiel98 et, d’autre part, le texte même qui nous est parvenu est incomplet99. Ces faits ne sont pas insignifiants et rappellent deux des caractéristiques des recueils laonnois : une diffusion manuscrite plutôt restreinte combinée à des fins lacunaires ou fort difficiles à circonscrire100.

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L’édition princeps est due à B. Bischoff, « Aus der Schule Hugos von St. Viktor », dans Geisteswelt des Mittelalters, t. 1, Munster, 1935, p. 246-250, reprise dans Mittelalterliche Studien, t. 2, Stuttgart, 1967, p. 182-187. C’est l’édition de A. M. Piazzoni qui a été utilisée, cfr aussi N. Bériou, L’avènement des maîtres, t. 1, p. 81. Cfr F. E. Croydon, « Abbot Laurence of Westminster and Hugo of St. Victor », Medieval and Renaissance Studies, 11 (1950), p. 169-171. « Qui cum sententias de divinitate dicere incepisset, rogatus sum a plerisque sociorum, qui quidem officium quo mihi imponebant multo facilius ipsi perficerent, si non aliis fortasse impedirentur negotiis, rogatus, inquam, sum quatenus ad communem tam mei quam aliorum utilitatem easdem sententias scripto et memorie commendarem » (A. M. Piazzoni, « Ugo di San Vittore », p. 912, l. 12-17). « Quorum precibus cum jam bis vel ter commonitus non adquiescerem, ut qui me ipsum melius quam ipsi noveram, demum magistrum Hugonem in eadem petitione secum adhibuerunt. Qui et hoc onus scribendi nobis injunxit et fiduciam perficiendi magna quadam alacritate promisit » (ibidem, p. 912, l. 19-21). « Et ne quis vel juste reprehendentium vel invide mordentium calumnie pateret introitus, semel in septimana ad magistrum Hugonem tabellas reportabam, ut ejus arbitrio si quid superfluum esset resecaretur, si quid pretermissum suppleretur, si quid vitiose positum mutaretur, si quid vero quandoque forte fortuitu bene dictum tanti viri auctoritate comprobaretur » (ibidem, p. 912, l. 25-30). Cfr ibidem, p. 902-905. Sur les douze parties annoncées dans le prologue, seules les trois premières sont traitées, cfr ibidem, p. 927. Voir ainsi les différents exemples présentés au chapitre premier de la troisième partie.

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De même, le plan annoncé par Hugues dans le prologue reprend une progression déjà remarquée dans les recueils laonnois, puisque le maître envisage d’examiner successivement la création du monde, les causes primordiales, la Trinité, la volonté divine, la création angélique et humaine, la chute, la rédemption, l’institution des sacrements, la foi et les sacrements des lois naturelle et écrite101. Le fait de ne pas commencer en traitant de l’essence divine, comme cela est attesté dans les recueils laonnois, fait l’objet d’un commentaire de la part du maître102. Conscient de déroger à un usage établi, Hugues justifie l’entorse en raison du mode de connaissance propre à l’homme qui part des créatures pour remonter au créateur103. En cela, Hugues signale tout à la fois ses rapports avec les recueils contemporains et la grande liberté dont il use envers eux pour recomposer la matière théologique selon sa propre inspiration. En effet, l’originalité du maître tient au fait que le plan de ses sentences ne consiste pas seulement à enchaîner des questions suivant un ordre historique, mais revendique un vrai mimétisme par rapport à la révélation. Le victorin introduit ainsi son œuvre par l’annonce d’un plan détaillé, ce qui est une nouveauté de taille par rapport aux autres essais du même genre. Là où les recueils laonnois suivent une progression dont la cohérence interne n’est jamais clairement explicitée, Hugues apporte une vision d’ensemble coextensive à l’histoire du salut. Les sentences magistrales sont ainsi conçues comme une introduction à l’Écriture qui fait l’objet du prologue. Le maître y montre que le bien de l’homme, se connaître et connaître Dieu, réside dans la Bible104. Elle est présentée selon un mode systématique qui rappelle la manière des accessus profanes : sont successivement exposés le sens du mot testamentum, une typologie complète des différents livres bibliques, le triple sens qui préside à leur interprétation, ainsi que la materia dont ils sont constitués105. 101 102

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Le plan est indiqué à la fin du prologue, cfr ibidem, p. 927, l. 490-510. « Sed fortasse queret aliquis quare a creatione mundi sumamus initium et non potius ab ipso creatore, id est Deo, ut sicut Deus prior est in dignitate sui status, sic etiam prior sit in ordine nostri tractatus » (ibidem, p. 927, l. 513-515), cfr l’ouverture du recueil De sententiis divine : « De sententiis divine pagine aliqua Deo volente dicturi, ab ipsa divina, qua nichil altius esse potest, incipiamus essentia » (F. Bliemetzrieder, Anselms von Laon systematische Sentenzen, p. 3). « Ad quod dicimus quod creator quidem prior est creaturis dignitate, non autem cognitione. Rationalis namque creatura primo figurat mentem in cognitione horum visibilium et sensibilium, ex quibus postea se erigit ad altiora cognoscenda, id est invisibilia » (A. M. Piazzoni, « Ugo di San Vittore », p. 927-928, l. 515-519). « Et quicumque hec duo consequitur, scilicet ut sese cognoscat et Deum suum, ille perfectus est. Et hec duo in omni divina scriptura docentur, tam in veteri quam in novo testamento » (ibidem, p. 914, l. 32-33). « Hoc vocabulum testamentum… – …sunt et permanentia » (ibidem, p. 914-915, l. 36-86), « Notandum est autem… – …omnis scientie consistit » (p. 915-918, l. 87-168), « Notandum est quidem… – …interioribus agit naturis » (p. 918-920, l. 169-228), « His premissis ad majorem… – …mundi sumamus exordium » (p. 920-927, l. 229-489).

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Cette dernière retient l’attention de l’exégète-théologien, car elle porte sur les deux points qui épuisent toute la matière scripturaire, c’est-à-dire le monde et ses éléments (opus creationis) ainsi que l’incarnation du Christ et ses sacrements (opus restaurationis)106. Cet exposé sur la chute et la réparation de l’homme diffère des sentences laonnoises non tant en raison de son fonds doctrinal, que de l’inspiration qui l’anime107. Hugues formule certes la conviction, implicitement présente dans les recueils laonnois, selon laquelle le déroulement des sentences est dicté par l’histoire même du salut. Cependant, par rapport à cette position commune, le victorin ajoute une précision de taille : l’histoire sacrée que le recueil répète en sa matérialité est également celle de l’âme108. De la sorte, Hugues ajoute une dimension tropologique qui modifie considérablement la portée de son œuvre, dès lors que suivre l’histoire du salut revient à la revivre et à bénéficier intérieurement de ses effets salvateurs. On peut ainsi mieux comprendre qu’Hugues se sente aussi libre par rapport à la tradition théologique qui le précède et qu’il n’éprouve pas le besoin de faire montre de références explicites, patristiques ou modernes. Pour Hugues, l’autorité par excellence est celle de la Bible dont le théologien a pour charge de réactualiser la puissance salvifique par ses écrits. Les Pères appartiennent donc de manière seulement indirecte au canon biblique, puisque tous ne font, comme les maîtres modernes, qu’éclaircir les obscurités du texte sacré109. Le De sacramentis Le De sacramentis reprend le projet même des Sententiae de divinitate, mais en lui conférant une autre ampleur. Alors que les Sententiae demeuraient une œuvre in fieri confiée aux soins d’un élève, le De sacramentis est considéré par son auteur comme une somme au double sens du terme : récapitulation de l’histoire du salut, l’ouvrage représente aussi le testament théologique du

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Cfr ibidem, p. 920-921, l. 232-290. La seule différence notable par rapport aux recueils laonnois est l’insistance d’Hugues sur la satisfaction que l’homme doit rendre à Dieu en raison du péché originel, ce qui est sans doute un indice de l’influence exercée par Anselme de Cantorbéry, cfr ibidem, p. 922-924. « Restat nunc de illa materia seriatim tractare, ad cujus evidentiam hanc totius mundi in duo ponamus distinctionem, id est in id quod fuit ab initio usque ad Christum et in id quod est a Christo usque ad finem mundi. Illud autem tempus quod Christum precessit vetustas dicitur et vetus homo quicumque fuit. Illud autem tempus quod a Christo est usque ad finem mundi novitas dicitur et quilibet hujus temporis novus homo, quia tunc et anima exuit vestustatem iniquitatis et induit novitatem justitie » (ibidem, p. 926, l. 465467). « Libri autem patrum sub numero non cadunt. Sunt autem patres qui non prioribus scripturis nova addunt, sed qui obscura exponunt, ut est beatus Augustinus, Gregorius, Hieronymus, Beda et alii sancti patres » (ibidem, p. 917, l. 143-145).

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victorin qui y livre la dernière version révisée de son enseignement110. De manière synthétique, Hugues explique dans un dense prologue le sens de sa somme111. Elle doit préparer les esprits à lire l’Écriture de manière allégorique et à en découvrir les mystères112. Elle a aussi pour ambition de servir de fondement doctrinal à la lecture biblique : renfermant les grandes vérités de foi, la somme est comme une sorte d’accessus biblique qui empêche le lecteur d’errer sans repère113. Tout l’art de la synthèse hugonienne consiste donc à résoudre le conflit des interprétations (lectionum divortia) sans en faire l’objet premier de son travail. Le victorin tient à livrer un manuel directement utilisable qui fait l’économie de la dispute scolaire, pour en donner le seul résultat orthodoxe. En recherchant une certitude doctrinale qui serve de clef de lecture à ses élèves, Hugues s’oppose donc à la méthode abélardienne et prolonge, en les dépassant, les procédés laonnois. Il reprend ainsi le plan historique qui devient l’épine dorsale du De sacramentis : les œuvres de la création font l’objet d’un premier livre qui reprend les différentes parties des Sententiae de divinitate, tandis le deuxième livre comprend les étapes du temps de la grâce depuis l’incarnation jusqu’à la fin des temps114. La conséquence principale de cette méthode est qu’Hugues ne montre pas le travail effectué sur ses sources : de manière moins scolaire que les auteurs laonnois qui affinent devant leurs lecteurs la matière brute des auctoritates, le victorin ajoute des pierres déjà polies à l’édifice du De sacramentis. Sauf cas particuliers où la sublimité du sujet et l’existence d’un débat requièrent des précautions spéciales, Hugues préfère ne pas mettre en avant les auctoritates, mais choisit plutôt de les intégrer dans une synthèse personnelle115. Le maître victorin en use de la sorte non seulement envers les Pères, 110

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« Lectorem admodum esse volo, ut sicubi ea extra operis hujus seriem aliud aut aliter aliquid habentia invenerit, hanc diversitatis causam esse sciat et si quid forte in eis emendandum fuerit, ad hujus operis formam componat » (Hugo de Sancto Victore, De sacramentis, Prefatiuncula, PL 176, col. 173), cfr H. Weisweiler, « Die Arbeitsmethode Hugos von St. Viktor. Ein Beitrag zum Entstehen seines Hauptwerkes De sacramentis », Scholastik, 19-24 (19441949), p. 58-87 et 232-267. Hugo de Sancto Victore, De sacramentis, PL 176, col. 183A-186D. « Cum igitur de prima eruditione sacri eloquii que in historica constat lectione, compendiosum volumen prius dictassem, hoc nunc ad secundam eruditionem, que in allegoria est, introducendis preparavi » (ibidem, col. 183). « In quo, si fundamento quodam cognitionis fidei animum stabiliant, ut cetera que vel legendo vel audiendo superedificare potuerint, inconcussa permaneant. Hanc enim quasi brevem quamdam summam omnium in unam seriem compegi, ut animus aliquid certum haberet, cui intentionem affigere et conformare valeret, ne per varia scripturarum volumina et lectionum divortia sine ordine et directione raperetur » (ibidem). Le détail du plan est donné par D. Poirel, Hugues de Saint-Victor, p. 89. « Quia vero infirmitas humane intelligentie ad ea que credere jubetur comprehendenda non sufficit, sacri eloquii auctoritate interim fovenda est, non ratione humana discutienda. Quapropter ea que a sanctis patribus de discretione trium personarum in deitate una se-

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mais aussi envers les œuvres contemporaines ou ses propres ouvrages116. C’est ainsi le cas avec un des recueils laonnois, Principium et causa, qu’il utilise dans son enseignement. Hugues a, en effet, ce recueil sous les yeux lorsqu’il commente pour la première fois le décalogue dans ses Institutiones in decalogum117. La collection Principium et causa l’aide également à compléter une version plus élaborée où le maître victorin développe son commentaire sur les commandements de la seconde table118. Cette nouvelle version des Institutiones est ensuite, moyennant quelques coupes, intégrée dans le De sacramentis à titre définitif119. Le même procédé est mis en œuvre pour le De conjugio souvent accolé aux recueils laonnois : Hugues l’intègre pareillement dans son De sacramentis120. De plus, même dans les rares cas où les coutures de son travail sont plus apparentes, Hugues ne cherche pas forcément à faire concorder les autorités entre elles. Par exemple, lorsque sur un point aussi débattu que le moment de la création, le victorin ne peut échapper au débat entre les tenants de la création simul et les partisans d’une création en six jours, il reprend certes le credo bien connu selon lequel les autorités concordent en dépit de divergences apparentes121. Néanmoins, Hugues se garde bien d’appliquer le principe à des auctoritates dûment citées, comme cela est le cas dans les recueils laonnois. Il préfère remonter à l’intention des Pères en soulignant qu’une affirmation peut parfois cacher une simple question122.

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cundum catholice veritatis firmitatem jam dicta sunt in medium proferre libet, nihil de nostra adjicientes, utpote qui nec sufficientes invenimur ad ea que dicta sunt ab illis » (Hugo de Sancto Victore, De sacramentis, 2, 1, 4, PL 176, col. 376A). A contrario, le maître se juge donc sufficiens dans les autres cas. Hugues est familier du remaniement, comme l’atteste la pratique de la double recension observée par les éditions critiques de ses traités sur l’arche, du De tribus diebus et du De vanitate mundi. H. Weisweiler, « Die Arbeitsmethode Hugos von St. Viktor », p. 65-66 et surtout D. Van Den Eynde, « Notice littéraire sur les Institutiones in Decalogum de Hugues de Saint-Victor », Antonianum, 34 (1959), p. 449-458, aux p. 450-451. Pour le contenu et son contexte doctrinal, voir la thèse de M. Lluch-Baixauli, Formación y evolución del tratado escolástico sobre el decálogo (1115-1230), Louvain-la-Neuve, 1997, notamment p. 92-93. Nous avons trouvé cette version inédite notamment dans deux manuscrits apparentés de la BNF, lat. 1908, fol. 66rb-69ra et lat. 2929, fol. 57r-65v. D. Van Den Eynde, « Notice littéraire », p. 451-453 et M. Lluch-Baixauli, Formación y evolución, p. 96-109. Pour la bibliographie sur ce traité matrimonial, voir le chapitre premier de la troisième partie. « Scio quosdam sanctorum patrum qui ante nos verbi Dei arcana excellenter scrutati sunt, quasi adversa quedam super hac inquisitione scripta reliquisse. […] Ego puto viros sapientie in rebus tam obscuris et dubiis atque a sensu nostro remotis, nec temere asseruisse quod nescierint, neque in his que asseruerunt, presertim tanta diligentia prolatis, errare potuisse » (Hugo de Sancto Victore, De sacramentis, PL 176, col. 187C-D). « Illud magis crediderim sub assertionis forma inquisitionis studium aliquando fuisse » (ibidem, col. 187D).

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La règle herméneutique qui protège à la fois de l’erreur et de la présomption lui permet de ne pas trop entrer dans le débat et d’affirmer sa propre thèse123. De la sorte, alors que les recueils laonnois demeurent souvent contraints par les voix des Pères ou des quidam, Hugues n’hésite pas à laisser parler, fût-ce prudemment, son sensus124. Si Hugues s’autorise une liberté de parole encore inédite dans les recueils laonnois, il se tient encore plus à distance des pratiques d’Abélard : par rapport aux différentes versions que le maître du Palet donne de sa Theologia, le De sacramentis entretient un rapport diamétralement opposé aux auctoritates125. Là où Abélard peaufine son argumentaire en faisant appel à des textes de manière de plus en plus précise126, Hugues au contraire réduit l’apparat des auctoritates. Les rares fois où le maître se départit de sa bénignité, c’est pour attaquer Abélard et les représentants de sa méthode127. Ce bref parcours dans les œuvres de systématisation théologique d’Hugues ne permet pas de rattacher directement le victorin à la pédagogie laonnoise. Même s’il est certain qu’il connaît le plus diffusé des recueils laonnois, Hugues l’a traité comme ses autres sources. Le maître y prend le bien utile à sa synthèse, sans réellement adopter des positions doctrinales propres à Anselme de Laon ou Guillaume de Champeaux. Il n’en reste pas moins qu’en comparaison des autres productions contemporaines, le chanoine fait prévaloir, comme les recueils laonnois, l’économie divine comme principe organisateur de la matière biblique. La méthode, portée par Hugues à son point de perfection dans le De sacramentis, reprend donc une pratique en germe dans les recueils laonnois contemporains ou légèrement antérieurs : l’effort d’explicitation du maître consiste avant tout à faire comprendre l’histoire du salut et à s’effacer devant elle pour mieux en dévoiler la cohérence interne.

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« Qui sic dicta sanctorum pie interpretari voluerint nec falsa credendo in errorem incidunt, nec vera reprehendo elationem. Nos ergo in neutram partem precipiti assertione declinantes, id cui noster sensus interim magis accedit, quantum capere possumus, aperimus » (ibidem, col. 187D-188A). La prudence est cependant toujours de mise : « Si cui hec quam proposuimus ratio minus sufficiens videbitur ad comprobandam nostram existimationem de rerum creatione, concedimus salva pace ut vel aliam ad idem evidentius comprobandum meliorem atque subtiliorem exquirat, aut si hujus partis assertio non placet, alteram prout libet assumat » (ibidem, col. 189B). C. J. Mews, « The Development of the Theologia of Peter Abelard », dans Petrus Abaelardus. Person, Werk und Wirkung, éd. R. Thomas, Trèves, 1980, p. 183-198, repris dans Abelard and his Legacy, Aldershot, 2001. C. J. Mews, « Orality, Literacy, and Authority », p. 480. P. Sicard, Hugues de Saint-Victor, p. 49-54.

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De la SUMMA SENTENTIARUM aux SENTENTIAE de Pierre Lombard († 1160) La Summa sententiarum d’Othon de Lucques († 1146) On ne peut évoquer Hugues de Saint-Victor sans mentionner une somme théologique rattachée à son influence, la Summa sententiarum. Œuvre parmi les plus importantes et les plus diffusées du xiie siècle, la somme est aussi célèbre pour son contenu mettant à profit les grands courants théologiques du temps que pour le problème de son attribution qui a retenu l’attention des médiévistes pendant la plus grande part du xxe siècle128. En dépit de l’anonymat d’un grand nombre de témoins, des manuscrits du xiie siècle attribuent l’œuvre à un maître Hugues identifié par d’autres comme Hugues de SaintVictor, tandis que certains font d’Othon, plus rarement Othon de Lucques, l’auteur de la Summa sententiarum129. La question délicate de l’attribution s’est encore corsée de débats qui portent sur les rapports chronologiques de la Summa avec le De sacramentis d’Hugues de Saint-Victor ou le Liber sententiarum de Pierre Lombard130. Au terme d’un « débat séculaire » dont le moindre paradoxe n’est pas l’absence d’un texte édité de manière critique131, il semble acquis que la somme est l’œuvre d’un élève d’Hugues de Saint-Victor, Othon futur évêque de Lucques (1140-1146) et qu’elle a été rédigée avant son accession à l’épiscopat à la fin des années 1130132. On peut donc affirmer sans risque 128

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J. de Ghellinck, Le mouvement théologique, p. 197 : « œuvre courte mais substantielle, qui marque un moment décisif dans l’histoire du développement de la dogmatique », D. E. Luscombe, The School of Peter Abelard, p. 198 : « In some ways the SS is the Place de l’Etoile of early twelfth-century theological literature » ou R. Goy, Die Überlieferung der Werke Hugos von St. Viktor, p. 486 : « Dieses Werk gehört zu den umstrittensten Werken der theologischen Literaturgeschichte des Mittelalters. Dies ist darin begründet, daß es gleichsam einen Kreuzungspunkt in der Theologiegeschichte der Frühscholastik markiert ». M. Chossat, La somme des sentences, œuvre de Hugues de Mortagne vers 1155, Louvain - Paris, 1923, p. 21-62, avec résumé analytique p. 194. L’ouvrage, en dépit de certaines affirmations corrigées depuis lors comme l’attribution à Hugues de Mortagne et l’antériorité des Sentences du Lombard sur la Summa, donne la présentation la plus méticuleuse du dossier. Cfr l’abondante bibliographie commentée et classée par J. de Ghellinck, Le mouvement théologique, p. 293-296 et R. Baron, Science et sagesse chez Hugues de Saint-Victor, Paris, 1957, p. 247250. R. Baron : « On reste interdit en pensant à tous les sillons qui ont été creusés en ce petit domaine de l’histoire littéraire, à tous les travaux qui tour à tour, en des sens divergents, ont labouré le sol de cette épineuse question, sans que l’on ait pu disposer d’un texte établi critiquement » (« Note sur l’énigmatique Summa Sententiarum », RTAM, 25 (1958), p. 26-41, à la p. 33). L’annonce d’une édition critique par dom A. Boon n’a jamais été suivie d’effet, cfr H. Weisweiler, « La Summa Sententiarum source de Pierre Lombard », RTAM, 6 (1934), p. 143-183, à la p. 143. H. Weisweiler signale aussi, sur la base de précieux dépouillements, les omissions de la Summa par rapport à l’édition de Migne aux n. 30, p. 157-158, n. 60, p. 174 et n. 62, p. 175-176. F. Gastaldelli, « La Summa Sententiarum di Ottone da Lucca. Conclusione di un dibattito secolare », Salesianum, 42 (1980), p. 537-546, aux p. 541-542 pour la datation et p. 542-543 pour l’attribution à Othon.

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Troisième partie

d’erreur que la Summa sententiarum dépend du victorin et a servi de source à Pierre Lombard133. Écrite en partie sous l’influence doctrinale hugonienne, la Summa sententiarum diffère pourtant notablement des écrits du célèbre chanoine en raison de son rapport aux auctoritates. Tandis que le chanoine place l’Écriture au cœur de son projet théologique, Othon fait prévaloir la comparaison des autorités comme mode d’accès premier à la vérité scripturaire. Ainsi que l’indique d’emblée la préface, la somme d’Othon se donne pour une justification de la foi et de l’espérance chrétiennes134. Dans la préface comme dans le déroulement de la somme, Othon met en exergue la foi, là où Hugues ouvrait le De sacramentis sur l’œuvre des six jours et donc la manifestation temporelle de l’économie divine135. L’intervention visible du théologien rendant compte du donné biblique l’emporte donc, au moins intentionnellement, sur la méditation du plan divin. Tout appliqué qu’il est à guider son lecteur dans le cheminement spéculatif et spirituel de la somme, Hugues, on l’a noté, insiste peu sur les divergences entre les autorités et affirme sereinement plus qu’il ne rectifie. Othon privilégie, pour sa part, une approche davantage analytique et fait de l’orthodoxie des énoncés la pierre d’angle de sa construction136. Le moyen revendiqué pour éloigner toute nouveauté profane est de recourir à des autorités qu’il convient de suivre pas à pas comme autant de guides137. Pourtant, Othon est conscient que les Pères n’ont pas réglé tous les problèmes. Il promeut donc discrètement, mais avec efficacité, une deuxième source d’enseignement : les maîtres qui s’ajoutent aux auteurs consacrés (auctoribus accedunt) et se recommandent par leur interprétation pieuse et non présomptueuse de l’Écriture138. L’humilité sert ainsi de discrimen pour recevoir les 133

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H. Weisweiler, « Zur Frage der Priorität der Summa Sententiarum », Scholastik, 16 (1936), p. 396-401. « De fide et spe que in nobis est omni poscenti rationem reddere, ut ait Petrus in epistola sua, parati esse debemus cum modestia et timore (I Petr. 3, 15-16) » (Otto Lucensis, Summa sententiarum, Praefatio, PL 176, col. 41). Sur l’utilisation patristique de la devise et sa fortune dans les écoles du xiie siècle, cfr J. de Ghellinck, Le mouvement théologique, p. 279-284. Cfr le premier chapitre du tractatus primus : « Et quoniam fide, tanquam mensura rectitudinis, omnia moderanda sunt […] de ea in primis est videndum quid sit et quas partes habeat » (Otto Lucensis, Summa sententiarum, 1, 1, PL 176, col. 43A), et le chapitre 1 de la pars prima d’Hugues : « In principio creavit Deus celum et terram (Gen. 1, 1), quod creatum est de nihilo factum est » (Hugo de Sancto Victore, De sacramentis, 1, 1, PL 176, col. 187A). « Itaque ut pariter servetur modestia in sermone, timor in assertione, profanas verborum novitates, ut Apostolus precepit, vitemus (I Tim. 6, 20) et in nullam partem precipiti assertione declinemus. Melius est enim non eloqui, ubi sine periculo non erratur, magna, quam definire contraria » (Otto Lucensis, Summa sententiarum, PL 176, col. 41). « Sed ubicumque possumus, auctoritatum vestigia sequamur » (ibidem, col. 41). « Ubi vero certa deest auctoritas, his potissimum assentire studeamus qui maxime auctoribus accedunt, et non de sensu suo presumentes Scripturas ex pietate interpretantur » (ibidem).

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maîtres dans le canon scolaire à la suite des Pères139. Moyennant ce critère qu’Anselme de Laon n’aurait pas désapprouvé, Othon indique une vraie hiérarchie des sources propres à la discussion des points obscurs : en premier lieu, les extraits patristiques sont mis à contribution, viennent ensuite les avis des sages contemporains (nostri temporis sapientes), tandis qu’une évaluation critique doit déterminer la position à retenir parmi toutes celles avancées140. Les maîtres modernes ne jouent donc pas qu’un simple rôle de suppléance : pour être convoqués en second lieu, ils n’en fournissent pas moins un avis soumis à l’évaluation du maître. Alors qu’Hugues de Saint-Victor se considère comme le continuateur d’une tradition confondue avec la révélation scripturaire, Othon fait du théologien un expert qui opère un choix critique et se montre un représentant typique de l’orthodoxie scolaire. Parmi les nombreuses questions abordées par la somme, deux exemples significatifs illustrent éloquemment la manière dont Othon applique son programme méthodologique. Le premier atteste la primauté reconnue aux Pères tout en mettant en valeur le rôle critique propre au maître141. Comme dans les autres questions, le maître, après l’exposé du problème, donne les auctoritates en faveur de sa thèse, puis cite celles qui la contredisent, avant de les interpréter dans un sens concordant avec la position retenue. 142 143 144

Queri solet utrum aliquis baptizari possit, cum adhuc in utero matris sit. Isidorus : qui in maternis… – …generatio non precessit142. Augustinus ad Dardanum : nec renasci quisquam potest antequam natus sit143.

Question

Sed opponitur de Joanne et de Jeremia qui ab utero sanctificati sunt. Legitur enim de Joanne in evangelio Luce : et Spiritu sancto… (Luc. 1, 15). Augustinus in libro ad Dardanum : Si usque adeo… – …jumentum locutum est144.

Autorités contra

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Autorités en faveur de la thèse

« Scriptura enim sancta, ut ait beatus Augustinus, altitudine superbos irridet, profunditate attentos tenet, magnos veritate, parvulos nutrit affabilitate (De Genesi ad litteram, 5, 3, 6) » (ibidem). « Si qua igitur obscura nobis occurrerint, sit nostri propositi primum ad auctoritates confugere, deinde quid nostri temporis sapientes de illis sentiant in medium conferre et cur potius hos quam illos imitari placeat et ratione et auctoritate simul concurrentibus pro facultate nostra in lucem ponere » (ibidem). « Utrum quis in utero matris baptizari possit » (5, 12, 136D-138A). Isidorus Hispalensis, Sententiae, 1, 22, 5, éd. P. Cazier, Turnhout, 1998 (CCSL 111), p. 75. Augustinus Hipponensis, Epistulae, 187, 9, 31, éd. A. Goldbacher, Vienne, 1911 (CSEL 57), p. 109. Augustinus Hipponensis, Epistulae, 187, 7, 24, p. 101.

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468 In eodem dicitur de Jeremia : Priusquam exires… – …evangelium nondum regeneratos145. Ecce quod Augustinus dubitanter loquitur inde et nihil inde asserit. Potuit enim esse ut ab utero a peccato originali mundarentur, sed non est de hoc in aliis regula trahenda quod in istis per miraculum est factum : et hoc verisimilius est. Vel licet non sint mundati ab utero a peccato originali, tamen sanctificati quia judicium sanctificationis, scilicet quod predestinati essent, in eis ab utero apparuit. Dicit enim Augustinus in eodem libro : non est dictum… – …a parvulo cognite146.

Troisième partie

Détermination magistrale des autorités contra

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Dans ce passage comme dans le reste de la somme, le maître se montre soucieux de hiérarchiser les dicta Patrum en fonction de sa thèse. Tout l’art du maître se déploie dans l’interprétation de sentences patristiques qu’il fait concorder avec sa position, en l’occurrence l’invalidité du baptême administré in utero. À l’encontre des lieux classiques cités en position pro147, les exemples bibliques de sanctification in utero, Jean-Baptiste et Jérémie, sont explicités par des citations augustiniennes. Afin de les concilier, Othon leur applique le principe hugonien cité148 et, derrière l’apparente assertion d’Augustin, comprend plutôt la recherche de la vérité (dubitanter loquitur). Cette interprétation retire tout caractère assertif aux extraits augustiniens et permet d’en tirer des solutions alternatives cohérentes avec le principe général tenu par Othon. En effet, soit la sanctification possède une valeur purificatrice réelle et demeure exceptionnelle car miraculeuse, soit elle ne s’entend que d’une prédestination au salut et reste purement indicative. Dans les deux cas, le maître seul assigne aux énoncés patristiques leur portée autoritative, ici jugée non contraignante par rapport à sa thèse. À mi chemin entre une méditation sur l’économie divine comme le De sacramentis et une compilation semblable au Liber pancrisis, la théologie promue par Othon consiste dans une herméneutique des sources autorisées. Au nombre de celles-ci, il faut également compter les sentences magistrales contemporaines comme le montre un autre exemple portant sur l’imputation du péché originel aux descendants d’Adam149 :

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Augustinus Hipponensis, Epistulae, 187, 10, 32, 33 et 12, 37, p. 110, 111 et 114. Augustinus Hipponensis, Epistulae, 187, 7, 23, p. 101. La citation isidorienne se trouve ainsi par exemple chez Yves de Chartres, Decretum, 1, 185, PL 161, col. 106C. « Illud magis crediderim sub assertionis forma inquisitionis studium aliquando fuisse » (Otto Lucensis, Summa sententiarum, PL 176, col. 187D). Ces textes ont déjà été rapprochés par dom Lottin, PM, p. 374-379.

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Deus itaque summe, Mün- Summa Sententiarum, 3, 10, Progression logique de la chen, BSB, Clm 22307, fol. PL 176, col. 105A-106B Summa 116v-117r et 112v-113r150

Queritur etiam de peccatis illis que primus homo commisit postquam de paradiso ejectus est et priusquam filios generaret, utrum sint omnibus filiis originalia an non. Et si dicatur non, deinde queritur qua ratione illud peccatum quod est commissum in paradiso sit originale, ista vero non ? Solutio : peccatum perpetratum in paradiso fuit gravissimum quia non ignorantia induxit eum ad peccandum, cum jam haberet maximam notitionem de Deo et discretionem boni ac mali, nec fragilitas aliqua compulit eum, cum fomes peccati nondum esset in eo et gratia Spiritus Sancti non esset subtracta (sic) nec egestas instigavit eum ad hoc, cum neque fames neque sitis neque

Post peccatum primi hominis et penam quam assignavimus quam inde incurrit, videndum est quare imputetur posteritati ejus. […] Ad quod potest dici quod ideo imputetur omnibus quia omnes illud commiserunt, ut Apostolus dicit : in quo omnes peccaverunt (Rom. 5, 12), quod ita potest exponi […]. Ut enim dicit Apostolus : per unius inobedientiam peccatores constituti sunt multi (Rom. 5, 19), quod inde est quia […]. Solet a quibusdam predicta questio sic solvi : ideo illud peccatum omnibus imputatur posteris et non alium, quia illud peccatum in paradiso commissum gravissimum fuit, quia ignorantia non induxit eum ad peccandum, nec fragilitas carnis, quia ante peccatum neutrum fuit in eo.

Thèse : le péché originel est imputé aux descendants d’Adam en raison de la concupiscence, qui est effet du péché originel.

Autre solution empruntée à Deus itaque summe : le péché orignel est un péché très grave et qui a changé la nature humaine.

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La Summa a rassemblé dans le chapitre 10 deux exposés disjoints dans le recueil Deus itaque summe : « Queritur etiam de peccatis… – …observantia possit custodiri » (116v-117r) et « Unde Apostolus… – …in grandi forma » (112v-113r).

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aliqua miseria eum vexaret. Etsi causa delectationis vellet hoc agere, erant ibi diversi fructus quibus potuerit vesci. Unde adeo sit maximum quod etiam mutavit naturam. Hominem enim quodammodo immortalem fecit necessario mortalem et est originale universis filiis suis. Augustinus in libro XIIII de civitate Dei : tam leve preceptum ad observandum, tam breve ad memoriam retinendum, ubi presertim nondum voluntati cupiditas resistebat quod de pena transgressionis postea subsecutum est, tanto majore injusticia violatum est, quanto faciliori observantia possit custodiri151.

Unde adeo maximum fuit illud peccatum quod etiam naturam mutavit. Tota enim natura hominis per peccatum illud corrupta fuit.

Augustinus De civitate Dei : Autorité à l’appui de la sotanto majore injustitia viola- lution du recueil Deus tum est illud mandatum, itaque summe quanto faciliore potuit observantia custodiri. Nondum voluntati cupiditas resistebat, quod de pena transgressionis secutum est postea.

Sed non videtur absolute concedendum quod illud peccatum gravius omnibus aliis fuerit, cum legatur : qui peccat in Spiritum… (Matth., 12, 32). Sed illud peccatum primis parentibus fuit condonatum dicunt auctores. Augustinus in libro de baptismo parvulorum : Sicut illi primi… – …a propagine peccati152.

Rejet de la solution, avec autorités de l’évangile et d’Augustin : le péché originel n’est pas le plus grave et a été pardonné à nos premiers parents.

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Augustinus Hipponensis, De civitate Dei, 14, 12, éd. B. Dombart, A. Kalb, Turnhout, 1955 (CCSL 48), p. 434, l. 17-22 Augustinus Hipponensis, De peccatorum meritis et remissione, 2, 34, 55, éd. C. F. Urba et J. Zycha, Vienne, 1913 (CSEL 60), p. 125, l. 1-6.

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Unde Apostolus : in quo omnes peccaverunt (Rom. 5, 12). […]153 Cui sententie hoc modo potest opponi : substantia Cain quam accepit a primis parentibus parva fuit, nec tot athomi fuerunt in ea ex maxima parte quot homines descenderunt ab illa. Similiter substantia primorum parentum non fuit tanta que posset partiri in tantam multitudinem hominum. Unde non videtur verum quod substantia corporea uniuscujusque vel per se vel medios patres fuerit in primis parentibus ibique peccaverit. Quibus econtra respondetur. Corporea substantia illius quam contraxit a parentibus suis in principio valde fuit parva at divina operatione fomenti cibi et potus, particule que erant athomi desiverunt esse athomi factaque est magna nulla substantia exteriori transeunte in eam vel ei addita ita quod cum ea resurgat aut ejus substractioni bre-

Ad quod diximus in Adam fuisse omnes, solet sic opponi : sic omnes qui descenderunt a Cain in Adam fuerunt, per illam substantiam quam accepit Cain in primis parentibus, ibi exstiterunt, sed in illa particula que in Cain fuit propagata non tot atomi fuerunt quot homines ab eo descenderunt.

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Ajout d’une objection à la thèse : comment concilier l’importance de la descendance adamique avec la faible taille de sa semence ?

Unde non videtur verum quod substantia uniuscujusque fuerit in primo parente.

Ad quod potest dici quod Réfutation de l’objection : quamvis illa particula pri- la semence croît par ellemum fuerit valde parva, même. tamen nulla substantia exteriori in eam transeunte augmentata est et facta est magna, tanta scilicet quanta in resurrectione erit. Fomentum enim habet a cibis, sed non transeunt cibi in ipsam humanam substantiam.

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Le recueil Deus itaque summe fait suivre le verset paulinien d’un développement explicatif : « Quo autem modo et secundum quam naturam in primo homine fuerunt sic explicandum est. Substantia corporea uniuscujusque tota que coronabitur vel punietur fuit in primis parentibus cum peccaverunt, quamvis in alio statu et quantitate sed quedam per se, quedam per medios patres, veluti substantia corporea Cain, tota per se fuit in Adam et Eva. Substantia vero filiorum ejus et succedentium filiis per medios patres. Et quia unusquisque peccavit in Adam peccante atque concipitur in peccato concupiscentie que et pena peccati est et peccatum, unde David : in iniquitatibus conceptus sum et in peccatis concepit me mater mea (Ps. 50, 7), reus est originalis peccati et pro eo dampnandus, nisi per gratiam Domini nostri Jhesu Christi remittatur ei in sacramento ecclesie » (112v).

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vior efficiatur. Cumque pars illa que fuit athomus facta sit non athomus et divisibilis, partes ejus que sunt diverse essentie prius fuerunt unite, talis una essentia que erant athomus. Hoc autem potest videri similitudine frumenti quod factum putridum in terra fomento humorum atque caloris fit palea et multa grana. Planta quoque fomentis fit arbor. His quoque rationibus et similitudinibus quod dictum est confirmatur. Puer aliquis moritur infra mensem qui resurget ac in illa statura ad quam perveniret, si diu viveret, nulla egritudine vel vicio corporis impediente. Et sola illa substantia resurget que fuit conjuncta anime, illius divina operatione multiplicata absque fomentis. Quinque etiam evvangelici panes sunt multiplicati divina virtute sine additamento154. Preterea et de costa Ade que fuit parva protinus fecit Deus mulierem in grandi forma.

Quod ita probari potest : puer qui ea moritur die que nascitur, in illa natura resurget quam habiturus erat si viveret usque ad plenam etatem nulla egritudine vel vitio corporis impediente. Unde apparet quod etiam si viveret, non aliunde sumerentur partes illius substantie, sed in se augmentarentur, sicut costa de qua facta est mulier et sicut quinque evangelici panes.

Justification de la réfutation par l’exemple de l’enfant mort et ressuscité avec sa taille adulte, de la formation d’Ève et de la multiplication des pains.

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Cfr Matth. 14, 13-21 ; Marc. 6, 30-44 ; Luc. 9, 10-17 ; Joh. 6, 1-13.

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La manière dont Othon utilise le recueil Deus itaque summe est tout à fait remarquable : sans s’asservir aux solutions proposées par sa source, le maître pratique la méthode qu’il annonçait en introduction. Sur une question aussi difficile que l’imputation du péché originel, Othon se « réfugie d’abord auprès des autorités »155 et reprend ainsi l’exégèse augustinienne de l’épître aux Romains. Il n’hésite pas, ensuite, à utiliser les sentences de maîtres contemporains comme celles de la collection Deus itaque summe156, dont il reproduit l’argument et la citation augustinienne en en simplifiant les termes. Dans un dernier temps de son examen critique157, il rejette la solution en notant qu’elle s’oppose aux auctores. Cependant, pour justifier son inteprétation de Romains 5, 12, l’auteur recourt de nouveau au recueil Deus itaque summe, mais cette fois-ci pour en adopter la thèse d’origine augustinienne sur l’unité du genre humain et déjouer ainsi toute opposition à sa propre position. En l’absence d’une autre autorité explicitement alléguée, il suit le raisonnement de la collection Deus itaque summe qu’il ajoute ainsi implicitement au nombre des positions autorisées158. La double utilisation de ce recueil est typique de la démarche pragmatique d’Othon qui considère avec autant d’intérêt les autorités patristiques que les sentences des maîtres modernes. Il n’y a donc rien d’étonnant à ce qu’en lieu et place de la puissante synthèse hugonienne, Othon rédige un manuel ordonnant une bonne part de la théologie de son temps. Loin de manifester une faiblesse de l’œuvre, cette caractéristique indique tout ce qui la sépare d’Hugues et la rapproche des recueils laonnois. La Summa sententiarum théorise en effet une pratique que les recueils mettaient en œuvre en citant les quidam. Elle emprunte d’ailleurs à ces mêmes recueils la majeure partie de sa structure : à l’exception du premier et du dernier traité au statut particulier, la somme reprend un plan historique qui commence avec l’examen de la création du monde et des anges (traité 2), suivi de développements sur la création de l’homme, sa chute et le péché (traité 3), avant d’en venir à la définition des sacrements et des préceptes (traité 4), détaillés en baptême et ordre (traité 5) ainsi que confirmation, eucharistie, pénitence et extrême onction (traité 6). Comme dans les recueils laonnois, les parties sacramentaires demeurent incomplètes, ce qui explique l’ajout précoce du De conjugio de Gautier de Mortagne comme traité 7 de la Summa159. L’unité du premier traité 155

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« Si qua igitur obscura nobis occurrerint, sit nostri propositi primum ad auctoritates confugere […] » (Otto Lucensis, Summa sententiarum, PL 176, col. 41). « […] deinde quid nostri temporis sapientes de illis sentiant in medium conferre […] » (ibidem). « […] et cur potius hos quam illos imitari placeat et ratione et auctoritate simul concurrentibus pro facultate nostra in lucem ponere » (ibidem). Cfr aussi O. Lottin, « Les théories sur le péché originel de saint Anselme à saint Thomas d’Aquin », dans PM, t. 4, Louvain - Gembloux, 1954, p. 11-280, aux p. 43-44. Voir aussi le chapitre II (troisième partie).

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est moins immédiatement perceptible, même si la vertu de foi en constitue le principe organisateur. Après des considérations générales sur la foi, l’espérance et la charité, Othon s’arrête sur la foi des anciens, avant de mentionner le double contenu de la foi, substance divine et mystère de l’incarnation160. Très disert sur les problèmes que pose l’application du langage au mystère trinitaire161, l’auteur ne se montre pas moins prolixe s’agissant des attributs divins comme la prescience, la prédestination, la volonté et l’omnipotence. Le reste du premier traité est consacré à des questions christologiques que l’on ne trouvait jamais abordées en ouverture dans les recueils antérieurs, laonnois ou victorins162. Le plan d’ensemble de la somme manifeste parfaitement l’esprit qui l’anime dans le détail : le plan historique est une simple commodité d’exposition retenue par l’auteur sans exclusive et qu’il complète par un premier traité spéculatif. Il importe plus de donner un panorama complet de la matière théologique que d’en suivre par écrit et de manière immanente le dévoilement progressif. En l’absence d’une édition critique et partant de toute étude exhaustive des sources de la Summa sententiarum, il est difficile de préciser avec toute la certitude souhaitable l’influence respective exercée par les grands courants théologiques sur sa conception et le détail de sa doctrine163. La rubrique d’un manuscrit laisse entendre la part prépondérante d’Hugues de Saint-Victor dont les dicta seraient la source principale utilisée par Othon164. Un autre insiste sur le rôle conjoint d’Hugues et d’Anselme165. Cette dernière vue est juste dans la mesure où le victorin transmet à Othon les questions canoniques à discuter et que les recueils laonnois influencent le maître dans le plan de sa 160

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« Duo sunt in quibus maxime fides consistit, mysterium divinitatis et sacramentum incarnationis » (Otto Lucensis, Summa sententiarum, 1, 4, PL 176, col. 47C). Cfr les titres de quelques chapitres : « De nominibus personas Trinitatis distinguentibus » (1, 7), « Quod de sancta Trinitate nihil dicatur secundum accidens » (1, 9), « De diversa nominum acceptione » (1, 10), « De personarum appropriatis » (1, 11). « De fide incarnationis » (1, 15), « Quod Christus simul animam et carnem assumpsit » (1, 16), « Quod Christus omnia infirma nostra preter peccatum susceperit » (1, 17), « An Christus sit creatura » (1, 18), « An in morte Christi separata fuerit divinitas ab humanitate » (1, 19). Les rapports établis entre Fulgence de Ruspe et Othon de Lucques sont trop vagues pour emporter l’adhésion, cfr A. Grillmeier, « Fulgentius von Ruspe, De fide ad Petrum und die Summa sententiarum. Eine Studie zum Werden der frühscholastischen Systematik », Scholastik, 34 (1959), p. 526-565. « Sententiae magistri Othonis ex dictis magistri Hugonis », Bruxelles, Bibl. royale Albert Ier, 679-681 (V.d.G. 1422) cité par R. Baron, « Note sur l’énigmatique », p. 38, voir aussi la rubrique de Würzburg, UB, Mp. th. q. 36 : « Incipit opus domini Ottonis Lucensis episcopi excerptum partim ex operibus magistri Hugonis de sacramentis », citée par F. Gastaldelli, « La Summa Sententiarum », p. 541. On peut ajouter que dans ce manuscrit français, sans doute cistercien, de la fin du xiie siècle, la Summa (1r-83r) a été complétée par des sentences laonnoises (83r-93v ; 106v) et que le De conjugio de Gautier s’en trouve disjoint (94r-106r). « Ex tractatu magistri Othonis juxta magistrum Anselmum et magistrum Hugonem », Rouen, BM, 533, cité par R. Baron, « Note sur l’énigmatique », p. 38.

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somme et son utilisation des auctoritates. Dans les deux cas, il est pourtant aisé de montrer que l’élève d’Hugues garde une certaine indépendance et ne démarque pas servilement les sentences des deux maîtres. Roger Baron a ainsi pu relever des différences notables de doctrine entre Hugues de SaintVictor et Othon de Lucques concernant la création, l’angélologie, la chute, la liberté, la reviviscence des péchés, la science du Christ, la réitération de l’extrême onction et l’immutabilité de la science divine, toutes divergences réparties au long des deux œuvres166. De même, pour l’enseignement laonnois, dom Lottin a vainement recherché des parentés littéraires précises entre le Liber pancrisis et la Summa sententiarum167. Il en va cependant un peu autrement pour les recueils laonnois dont les liens avec la somme sont un peu mieux attestés. On a déjà relevé que les manuscrits de certaines collections (Potest queri quid, Principium et causa et De sententiis divine) transmettent également la somme168. Il arrive même qu’un témoin cistercien de la seconde moitié du xiie siècle complète la Summa en y ajoutant sans solution de continuité des extraits des recueils Principium et causa, De sententiis divine et du De sacramentis d’Hugues de Saint-Victor169. Cette façon d’intégrer de nouveaux matériaux scolaires correspond à la manière même dont Othon utilise ses sources laonnoises. Parmi celles qu’on peut identifier, la collection Principium et causa figure en premier lieu : le recueil est ainsi mis directement à profit pour ses exposés sur Lucifer170, la raison de la création, la nature angélique et la chute de Lucifer171. On a aussi noté la manière dont la Summa a reproduit, en les abrégeant, des solutions du recueil 166

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Cfr R. Baron, « Note sur l’énigmatique », p. 29-30, qui complète les notations doctrinales et méthodologiques de P. Claeys Bouüaert, « La Summa Sententiarum appartient-elle à Hugues de Saint-Victor ? », RHE, 10 (1909), p. 278-289 et 710-719, aux p. 284-288 et 715-718. « Le résultat de l’enquête est tout à fait décevant : une assez vague parenté doctrinale pour l’un ou l’autre point, mais aucune parenté littéraire », O. Lottin, « À propos des sources de la Summa Sententiarum », RTAM, 25 (1958), p. 42-58, à la p. 44. Cfr le chapitre premier (troisième partie), M. Chossat, La somme des sentences, p. 70-74 et H. Weisweiler, Das Schrifttum, p. 246. Paris, BNF, lat. 3244, xiie siècle (2e moitié), copié à Fontenay, 133 fol. sur 2 col., 375 × 265 mm : « Sententie magistri Othonis. De fide et spe que in nobis sunt… – …ad nuptias frequenter iterandas » (3ra-72va, Otto Lucensis, Summa sententiarum, PL 176, col. 41-174), « Manifestum est igitur quattuor cruces… – …pacis pervenire valeamus » (72va-b, Principium et causa, F. Bliemetzrieder, Anselms von Laon systematische Sentenzen, p. 110), « Creavit Deus hominem in duabus naturis… – …bene vel male operandi » (72vb-73rb, De sententiis divine, ibidem, p. 24), « In primis videndum est quibus sit data lex… – …ex sola dilectione » (73rb-74ra, De sententiis divine, ibidem, p. 36-38), « Lex scripta tria… – …non facere delictum » (74ra-va, Hugo de Sancto Victore, De sacramentis, PL 176, col. 351C-352C), « Audi Israel Deus… – …ut veritatem agnoscas » (74va-b, ibidem, col. 352C-353A), cfr la notice du Catalogue général des manuscrits latins, t. 4, Paris, 1958, p. 429-431. Cfr M. Chossat, La somme des sentences, p. 74-75. Voir H. Weisweiler, « La Summa Sententiarum », respectivement aux p. 144-145, 146 et 147148, n. 14.

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Deus itaque summe172 : Othon adopte la thèse portant sur une croissance de la semence adamique pour expliquer la transmission à tous les hommes du péché originel, de même qu’il cite la position sur la gravité du péché d’Adam par rapport à ses autres péchés personnels, mais sans l’adopter absolument. De plus, au nombre des maîtres laonnois connus d’Othon, il faut certainement compter Gautier de Mortagne : outre le fréquent voisinage des œuvres du maître laonnois avec le texte de la Summa173, celle-ci s’inspire des lettres théologiques et du De Trinitate de Gautier174. L’opposition relative de la Summa à Abélard indique aussi a contrario une partie de ses options doctrinales. Là où l’historiographique antérieure avait cru voir dans la Summa une sorte de compromis entre l’école victorine et celle d’Abélard175, David E. Luscombe, au terme d’une comparaison approfondie, a considérablement modifié cette perspective176. Pour le spécialiste d’Abélard, la Summa lui emprunte certes quelques textes patristiques, des passages sur la foi, l’espérance et la charité, une attaque contre Gilbert l’Universel et une analyse des termes appliqués à la Trinité. Cependant, sans le nommer, Othon attaque de manière beaucoup plus fréquente et vigoureuse Abélard, entre autres sur la présence divine, la localisation des esprits créés, la puissance divine ou l’omniscience du Christ. Loin de représenter un point d’équilibre entre toutes les écoles théologiques, la Summa utilise au contraire l’enseignement d’Hugues de Saint-Victor et de Gautier de Mortagne afin de contredire Abélard177. De manière sans doute antérieure au concile de Sens (1141), la Summa constitue donc la tentative scolaire la plus poussée pour réfuter Abélard et son école. L’utilisation des maîtres modernes par Othon répond donc à des choix doctrinaux précis qui correspondent aux intentions exprimées dans la préface : le but est de faire entrer dans le canon scolaire les sentences de maîtres dont l’orthodoxie permet leur agrégation aux Pères. À l’instar des manuscrits du temps qui transmettent conjointement diverses productions scolaires de la première moitié du xiie siècle, Othon fait de sa somme le lieu de rencontre et parfois d’affrontement des écoles théologiques contemporaines. Son effort aboutit par conséquent à intégrer les solutions des maîtres modernes et les autorités qu’ils citent dans le corpus 172

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Ces remarques sont avancées sous réserve d’un examen plus précis de ce recueil inédit dont l’utilisation a pu se faire de manière médiate. Cfr la conclusion de M. Chossat : « Si la Somme se trouve assez souvent sans aucun écrit de Gautier, ce qui nous reste de Gautier ne se rencontre que rarement ou pas du tout sans la Somme » (La somme des sentences, p. 72). Cfr M. Chossat, La somme des sentences, p. 79-89. Cfr P. Claeys Bouüaert, « La Summa Sententiarum », p. 719, M. Chossat, La somme des sentences, p. 69, J. de Ghellinck, Le mouvement théologique, p. 197. D. E. Luscombe, The School of Peter Abelard, p. 198-213. D. E. Luscombe, The School of Peter Abelard, p. 212 : « The SS, at least in its printed version, represents the hardening of opinion in the school of St Victor against Abelard ».

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des questions alors disputées. Il concourt ainsi à créer une littérature sententiaire dont les sources premières ne sont plus directement les originalia Patrum ou même les florilèges. Avec la Summa sententiarum, les recueils de sentences des années 1120-1130 servent à promouvoir une sorte de koinè théologique propre aux écoles et qui comprend tant les autorités patristiques que les sentences des maîtres contemporains. Les Sententiae de Pierre Lombard Considérer Pierre Lombard († 1160) comme un héritier du mouvement sententiaire laonnois, avant d’être une conséquence tirée de l’histoire littéraire, est un fait biographique178. Le premier document à mentionner le futur évêque de Paris est, en effet, la lettre fameuse de recommandation écrite en 1136 par Bernard de Clairvaux à l’abbé Gilduin et à toute la communauté de Saint-Victor179. L’abbé cistercien y signale notamment les liens de Pierre avec l’évêque de Lucques Hubert (1128-1137) ainsi que le séjour pour étude effectué par le Lombard à Reims180. La mention de l’évêque de Lucques n’est pas sans évoquer l’auteur de la Summa sententiarum et c’est sur cette base, à vrai dire un peu fragile, qu’on a supposé une formation lucquoise pour un homme déjà qualifié de « vénérable », plausiblement auprès d’Othon181. Les liens avec Reims sont, en revanche, bien assurés et attestent ainsi le rayonnement d’Albéric et du compatriote de Pierre, Lotulfe182. Comme on l’a noté, Albéric poursuit la tradition anselmienne en faisant de Reims un centre d’études supérieures dans le domaine théologique : la venue outre-monts d’un Italien est conforme aux pratiques relevées pour Laon quelques décennies auparavant183. La première production de Pierre donne une bonne idée de la continuité scolaire dans laquelle il s’inscrit. Il commence, en effet, par gloser 178

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Cfr J. de Ghellinck, « Pierre Lombard », dans DTC, t. 12-2, 1935, col. 1941-2019, Id., « La carrière de Pierre Lombard. Quelques précisions chronologiques », RHE, 27 (1931), p. 792-830 et Id., « La carrière de Pierre Lombard. Nouvelle précision chronologique », RHE, 30 (1934), p. 95-100, I. Brady, « Peter Lombard : Canon of Notre Dame », RTAM, 32 (1965), p. 277-295, les précieux prolegomena de l’édition critique d’I. Brady, Sententiae in IV libris distinctae, t. 1, Grottaferrata, 1971, p. 8*-45* et les addenda du t. 2, Grottaferrata, 1981, p. 7*-19*, le tout étant repris notamment dans les présentations générales de M. Colish, Peter Lombard, p. 15-23 et P. W. Rosemann, Peter Lombard, Oxford, 2004, p. 34-42. Bernardus Clarevallensis, Epistolae, 410, t. 8, p. 391. « Dominus Lucensis episcopus, pater et amicus noster, commendavit mihi virum venerabilem Petrum Lombardum, rogans ut ei parvo tempore, quo moraretur in Francia causa studii, per amicos nostros victui necessaria providerem, quod effeci quamdiu Remis moratus est » (ibidem, p. 391, l. 8-12). I. Brady, « Pierre Lombard », dans DS, t. 12-2, 1986, col. 1604-1612, à la col. 1605 : « On peut donc penser que Pierre suivit à Lucques les leçons d’Otton et prit même copie de la Summa, rédigée peut-être dès cette époque », repris par P. W. Rosemann, Peter Lombard, p. 34. Sur ces personnages, voir les chapitres II (première partie) et II (troisième partie). Cfr le chapitre II (première partie).

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les Psaumes en reprenant la glose anselmienne. Glose privée dont le but est d’élucider la brièveté de celle d’Anselme, elle reçoit des corrections la dernière année de son enseignement parisien (1159)184. On se souvient que Gilbert de Poitiers avait pratiqué ce même exercice devant maître Anselme et pour le lui faire corriger. Dans les deux cas, il est frappant de constater la manière dont les deux maîtres font de leur première œuvre un complément et un approfondissement de celle d’Anselme. Tout aussi importante que le séjour rémois a dû être l’aide apportée par Saint-Victor à Pierre selon la demande de Bernard185 : il y a fort à parier que les secours fournis ne furent pas uniquement matériels, mais aussi intellectuels186, tant Pierre Lombard manifeste une connaissance approfondie du De sacramentis et d’autres œuvres plus courtes du victorin. La fréquentation de Saint-Victor et de l’école d’Hugues suffit pour expliquer l’influence de la Summa sententiarum sur Pierre et indique l’ambiance intellectuelle dans laquelle a mûri le projet de systématisation du Lombard. Le séjour parisien, à l’origine borné dans le temps, se prolonge : Pierre enseigne dès le début des années 1140 à l’école de Notre-Dame dont il est également chanoine, avant d’en devenir évêque en 1159 au terme d’un cursus honorum réussi187. La production la plus importante de sa carrière professorale est incontestablement le Liber sententiarum, œuvre ayant connu au moins deux rédactions dont la première a fait l’objet d’un enseignement en 1156-1157 et la seconde en 1157-1158188. Avant de devenir le manuel théologique officiel de l’Occident latin depuis le xiiie siècle jusqu’à l’aube de la Réforme189, les Sen184

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Voir les informations livrées par Herbert de Bosham et commentées par I. Brady, Sententiae in IV libris distinctae, t. 1, p. 52*-53*. « Nunc commorantem Parisius vestrae dilectioni commendo, quia de vobis amplius praesumo, rogans ut placeat vobis providere ei in cibo per breve tempus, quod facturum est hic usque ad nativitatem beatae Virginis Mariae » (Bernardus Clarevallensis, Epistolae, 410, t. 8, p. 391, l. 12-14). Sur la circulation de livres entre Saint-Victor et Pierre Lombard, cfr P. Stirnemann, « Histoire tripartite : un inventaire des livres de Pierre Lombard, un exemplaire de ses Sentences et le destinataire du Psautier de Copenhague », dans Du copiste au collectionneur. Mélanges d’histoire des textes et des bibliothèques en l’honneur d’André Vernet, éd. D. NebbiaiDalla Guarda, J.-F. Genest, Turnhout, 1998, p. 301-317, aux p. 301-313. Voir le détail chez I. Brady, Sententiae in IV libris distinctae, t. 1, p. 21*-38*. Cfr I. Brady, ibidem, t. 1, p. 122*-129* et P. W. Rosemann, Peter Lombard, p. 55. Sur la tradition commentatrice du Lombard, voir la mise au point bibliographique de S. J. Livesey, « Lombardus electronicus : A Biographical Database of Medieval Commentators on Peter Lombard’s Sentences », dans Medieval Commentaries on the Sentences of Peter Lombard : Current Research, éd. G. R. Evans, Leyde, 2002, t. 1, p. 1-23, notamment p. 2, le bilan dressé par P. W. Rosemann, « New Interest in Peter Lombard : The Current State of Research and Some Desiderata for the Future », Recherches de théologie et de philosophie médiévales, 72 (2005), p. 133-152 et les pistes ouvertes par R. L. Friedman, « Peter Lombard and the Development of the Sentences commentary in the Thirteenth and Fourteenth Centuries », dans Pietro Lombardo. Atti del XLIII Convegno storico internazionale, Todi, 8-10 ottobre 2006, Spolète, 2007, p. 459-478. De nouveaux renseignements sur les utilisations médiévales des

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tentiae du Lombard s’inscrivent dans un genre qu’ont auparavant illustré des œuvres aussi importantes que les recueils laonnois, le De sacramentis et la Summa sententiarum. Lue souvent comme un point de départ, la somme est aussi, sinon davantage, un jalon dans l’histoire d’un genre alors en plein essor. Le prologue des Sententiae offre, par conséquent, l’occasion à l’auteur d’afficher ses intentions et la portée qu’il accorde à son œuvre au sein d’une tradition déjà fournie. Force est de constater que Pierre Lombard s’y livre moins qu’Hugues et Othon, ainsi que le montre l’emploi important de citations d’Augustin et d’Hilaire. D’emblée, le maître avance masqué et parle avec les mots des auctoritates. La pratique rejoint la revendication d’une modestie qui, de manière topique, est mise en balance avec l’ampleur de la tâche à accomplir190. En outre, par rapport aux autres préfaces considérées, celle de Pierre comporte une dimension apologétique beaucoup plus affirmée : il ne s’agit plus seulement comme Othon de rendre compte de la foi chrétienne, mais aussi de la défendre contre les erreurs qui l’attaquent191. Pierre décrit, en suivant Hilaire, la lutte sans merci que se mènent la vérité et la volonté propre. Il dénonce ainsi les maîtres qui adaptent leur enseignement aux vœux de leurs auditeurs192. S’il est par définition difficile de percer l’identité des personnages ainsi visés par Pierre Lombard, il faut avouer que la définition proposée s’accorde bien avec la figure de Pierre Abélard. Quoi qu’il en soit de l’identification, l’attaque des mauvais maîtres s’inscrit dans un contexte de crispation doctrinale qui correspond à la décennie 11401150 : après les procès d’Abélard (1141) et ceux de Gilbert de Poitiers (1147-1148), l’enseignement théologique se doit d’être au dessus de tout soupçon. Il ne suffit donc pas au maître de faire rayonner la vérité, il lui incombe aussi de protéger les autres du venin de l’hérésie193. Pour mener à bien cette lutte, le

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manuscrits des Sentences sont apportés par la thèse de C. Angotti, Lectiones sententiarum. Étude de manuscrits de la bibliothèque du collège de Sorbonne : la formation des étudiants en théologie à l’Université de Paris à partir des annotations et des commentaires sur le Livre des Sentences de Pierre Lombard (XIIIe-XVe s.), thèse EPHE, IVe section, dir. J. Verger, Paris, 2008. Cet esprit anime tout le premier paragraphe : « Delectat nos veritas pollicentis, sed terret immensitas laboris, desiderium hortatur proficiendi, sed dehortatur infirmitas deficiendi, quam vincit zelus domus Dei » (Petrus Lombardus, Sententiae in IV libris distinctae, Prologus, éd. I. Brady, p. 3, l. 6-8). Ce qui n’empêche pas dans le même mouvement une dimension positive : « Quo inardescentes fidem nostram adversus errores carnalium atque animalium hominum Davidicae turris clypeis munire vel potius munitam ostendere, ac theologicarum inquisitionum abdita aperire, necnon et sacramentorum ecclesiasticorum pro modico intelligentiae nostrae notitiam tradere studuimus » (ibidem, p. 3, l. 9-13). « Quorum professio est magis placita quam docenda conquirere, nec docenda desiderare, sed desideratis doctrinam coaptare » (ibidem, p. 4, l. 1-3). « Horum igitur et Deo odibilem ecclesiam evertere atque ora oppilare, ne virus nequitiae in alios effundere queant et lucernam veritatis in candelabro exaltare volentes, in labore multo ac sudore volumen Deo praestante compegimus ex testimoniis veritatis in aeternum fundatis, in quatuor libris distinctum » (ibidem, p. 4, l. 11-15).

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meilleur remède, selon Pierre, consiste à s’en tenir à l’enseignement et aux exemples transmis par les Pères194. Le maître affirme donc avoir préféré le plus souvent faire silence pour laisser parler les Pères : selon la métaphore de Proverbes 22, 28, le champ théologique doit demeurer borné par les auctoritates patristiques195. Le propos, après les déclarations liminaires de la Summa sententiarum où Othon faisait appel aux sentences des maîtres contemporains, constitue un retour en arrière apparent. La fin du prologue utilise logiquement les lieux communs propres aux préfaces de florilèges : Pierre Lombard entend ne rassembler que les sentences des Pères. Sa seule gloire est par conséquent d’épargner à ses lecteurs l’embarras de compulser un grand nombre de volumes196. Tandis qu’Hugues de Saint-Victor donnait une synthèse personnelle de la foi chrétienne sur la base de sa production antérieure et qu’Othon de Lucques faisait du théologien un expert des sentences patristiques et modernes, Pierre Lombard retire apparemment au genre sententiaire toute dimension personnelle. Ni la production antérieure du théologien, ni les avis de ses contemporains ne doivent entrer en ligne de compte dans son recueil. La somme de sentences, reflet de l’économie divine selon Hugues et du monde scolaire d’après Othon, redevient en principe un miroir des Pères privé de son historicité. Le genre anthologique reprendrait le pas sur l’expertise du théologien, le florilège sur l’évaluation critique des auctoritates. Il n’est toutefois pas sûr qu’il faille prendre au pied de la lettre les propos introductifs de Pierre Lombard. En effet, la mise en œuvre de son projet dépasse de loin les annonces de la préface. Dès le chapitre premier, le théologien élargit sa perspective à l’Écriture, sans se borner aux sentences patristiques. Le but de sa somme, comme cela était le cas pour Abélard et Hugues de SaintVictor, est de fournir une introduction à la Bible197. Pour ce faire, le maître emprunte au début du De doctrina christiana un cadre interprétatif qui fait consister tout enseignement dans l’examen des réalités (res) qui ne renvoient

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« In quo majorum exempla doctrinamque reperies, in quo per dominicae fidei sinceram professionem, vipereae fraudulentiam prodidimus, aditum demonstrandae veritatis complexi, nec periculo impiae professionis inserti, temperato inter utrumque moderamine utentes » (ibidem, p. 4, l. 15-19). « Sicubi vero parum vox nostra insonuit, non a paternis discessit limitibus » (ibidem, p. 4, l. 19-20). « Brevi volumine complicans Patrum sententias, appositis eorum testimoniis, ut non sit necesse quaerenti librorum numerositatem evolvere, cui brevitas collecta quod quaeritur offert sine labore » (ibidem, p. 4, l. 23-26). « Veteris ac novae legis continentiam diligenti indagine etiam atque etiam considerantibus nobis praevia Dei gratia innotuit sacrae paginae tractatum circa res vel signa praecipue versari » (ibidem, distinction 1, chapitre 1, 1, p. 55, l. 5-8). Nous adoptons, par commodité, le découpage en distinctions en vigueur dans l’Université médiévale, mais inconnu de Pierre Lombard.

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qu’à elles-mêmes et des signes (signa) qui signifient d’autres réalités198. Une fois adoptée, la distinction permet d’enseigner l’Écriture conformément à cette grille de lecture199. S’y ajoute une autre distinction augustinienne, issue de la même œuvre, qui sépare l’utilisation (uti) de la jouissance (frui). Elle permet une série de combinaisons entre les res dont l’homme peut jouir comme la Trinité, celles qu’il doit se contenter d’utiliser comme les choses créées, celles capables de jouissance et d’utilisation comme l’homme et l’ange et, enfin, les vertus et les puissances de l’âme dont l’homme use pour arriver à la jouissance200. À l’instar d’Abélard qui réorganise la sacra doctrina en fides, caritas et sacramentum à partir d’une distinction d’origine augustinienne, Pierre Lombard propose, sur un fondement augustinien, un vrai discours de la méthode théologique. En faisant des conseils d’Augustin le principe directeur de sa somme, le maître, qui, dans ces conditions, ne saurait se contenter du rôle de florilégiste, entend réorganiser le donné biblique en fonction de la typologie augustinienne. Le propos excède donc largement les modestes considérations du prologue et place les Sententiae dans le prolongement du De doctrina christiana. En ce sens, Pierre Lombard inscrit volontairement son œuvre dans la tradition d’enseignement biblique qui est alors la plus prestigieuse201. Si l’on peut interpréter le geste comme un hommage à l’auctoritas augustinienne et partant un signe de frilosité intellectuelle, il paraît plus juste d’y voir la marque d’une certaine audace dans la mesure où il est tentant de lire les Sententiae à l’aune du De doctrina christiana. Avec cette explication plausible, on peut comprendre que le cadre augustinien soit passé quasiment sous silence dans la suite de la somme202. Il semble que le maître, après avoir manifesté une belle ambition qui ne trouve de prolongement qu’au siècle suivant203, se rende compte qu’elle demeure hors de portée. Il faut, en effet, attendre le début du livre quatre pour que la division en res et signa réapparaisse204. Sans qu’il s’oppose au cadre augustinien, le mouvement effectif de la somme est cependant plus simple : il fait se 198 199

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Cfr ibidem, 1, 1, 1, p. 55. « Cumque his intenderit theologorum speculatio studiosa atque modesta, divinam scripturam formam praescriptam in doctrina tenere advertet » (ibidem, 1, 1, 2, p. 55, l. 21-23). Cfr ibidem, 1, 2-3, p. 56-61 et le commentaire de P. W. Rosemann, Peter Lombard, p. 58-61. Cfr C. Schäublin, « De doctrina christiana : A Classic of Western Culture ? », dans De doctrina christiana. A Classic of Western Culture, éd. D. W. H. Arnold, P. Bright, Notre Dame - Londres, 1995, p. 47-67. J. de Ghellinck, « Pierre Lombard », dans DTC, t. 12-2, 1935, col. 1941-2019, aux col. 1980-1982 et P. W. Rosemann, Peter Lombard, p. 61-63. Cfr J. Wawrykow, « Reflections on the Place of the De doctrina christiana in High Scholastic Discussions of Theology », dans Reading and wisdom : the De doctrina christiana of Augustine in the Middle Ages, éd. E. D. English, Notre Dame - Londres, 1995, p. 99-123. « His tractatis que ad doctrinam rerum pertinent quibus fruendum est et quibus utendum est et quae fruuntur et utuntur ad doctrinam signorum accedamus » (Petrus Lombardus, Sententiae in IV libris distinctae, 4, t. 2, p. 231).

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succèder quatre livres qui traitent successivement du Dieu un et trine (livre 1), du créateur et de ses créatures ainsi que de la chute et du péché (livre 2), du Christ, des vertus, des dons de l’Esprit et des dix commandements (livre 3), pour conclure avec les sacrements et les fins dernières (livre 4)205. Tout en présentant une allure rationnelle (rationis ordo), le plan offre avec les recueils laonnois une parenté indéniable206 : comme eux et à la différence d’Hugues de Saint-Victor qui s’en justifie, la somme s’ouvre par les considérations du livre 1 sur l’essence divine. Les deux livres suivants des Sententiae combinent les démarches laonnoise et hugonienne en s’intéressant aux trois temps de l’histoire humaine, création, chute et rédemption, tandis que l’examen précis au livre 4 des sacrements et du De novissimis correspond à la matière traitée au deuxième livre du De sacramentis. Humilité affichée du florilégiste, ambition augustinienne revendiquée et pratique effective de sententiaire, les trois traits attestent chez les Sententiae une complexité plus grande que leur statut postérieur de manuel ne le laisse deviner. La même constatation vaut pour la manière dont Pierre Lombard utilise les auctoritates 207. À s’en tenir aux autorités explicitement alléguées par le Lombard, il semble que le programme de la préface soit parfaitement tenu et que le maître se soit borné à recueillir des extraits patristiques dans les originalia. Pierre Lombard cite explicitement Augustin (607 annonces), Ambroise (90), Jérôme (48), Grégoire (41), Jean Damascène (26), Bède (21), Hilaire (20), Jean Chrysostome (14), Origène (9), Gennade (4), Isidore (6), Léon le Grand (6) et Fulgence (1)208. Si l’on compare les auctorita205

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« Sic enim rationis ordo postulat ut qui in primo libro de inexplicabili mysterio summae Trintatis irrefragabili sanctorum attestatione aliquid diximus ac deinde in secundo libro conditionis rerum ordinem hominisque lapsum sub certis auctoritatis regulis insinuavimus, de ejus reparatione per gratiam mediatoris Dei et hominum praestita atque humanae redemptionis sacramentis, quibus contritiones hominis alligantur ac vulnera peccatorum curantur, consequenter in tertio et quarto libro disseramus » (ibidem, 3, t. 2, p. 23, l. 6-14). Contra P. W. Rosemann : « The summary that introduces book 3, on the other hand, sounds as though the Lombard has opted for the Abelardian way of structuring theology, namely in accordance with an order exclusively based on rational consideration » (Peter Lombard, p. 62). J. de Ghellinck, Le mouvement théologique, p. 233-244, N. Wicki, « Das Prognosticon futuri saeculi Julians von Toledo als Quellenwerk der Sentenzen des Petrus Lombardus », Divus Thomas (Fribourg), 31 (1953), p. 349-360, I. Brady, Sententiae in IV libris distinctae, t. 1, p. 118*122* et J.-G. Bougerol, « The Church Fathers and the Sentences of Peter Lombard », dans The Reception of the Church Fathers in the West from the Carolingians to the Maurists, éd. I. Backus, t. 1, Leyde, 1997, p. 113-164. Les chiffres ont été obtenus à partir des indices de l’édition critique, t. 1, p. 584-589 et t. 2, p. 564-570. Ils sont relatifs dans la mesure où toutes les citations explicites faites par le Lombard n’ont pas été intégrées et que certaines erreurs se sont glissées (ainsi t. 2, p. 568, il faut corriger « † Tempus acquirendi vitam aeternam… 517 » en « * Tempus acquirendi vitam aeternam… 554 »). De plus, il a fallu éviter les doublons car l’éditeur fait souvent figurer deux fois la même citation, sous le nom de l’auteur cité et sous celui de son auteur authentique.

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tes citatae a magistro avec les résultats d’une recherche critique des sources209, on arrive à ces résultats210 : Autorités

Auctoritates citatae a magistro

Nombre de citations effectives

Augustin

607

680

Ambroise

90

66

Hilaire

20

63

Jérôme

48

48

Grégoire

41

41

0

34

Ambrosiaster Fulgence

1

34

Jean Damascène

26

26

Bède

21

21

Origène

9

10

Isidore

6

6

Léon le Grand

6

6

Gennade

4

5

La part d’Augustin, numériquement écrasante, correspond à l’ambitieux projet d’une somme intégrant l’héritage augustinien comme mode d’accès privilégié à la vérité scripturaire211. Pierre a, semble-t-il, dépouillé directement quatre œuvres majeures d’Augustin, le De doctrina christiana, l’Enchiridion, le De diversis quaestionibus 83 et les Retractationes212. Le maître témoigne également de son envergure intellectuelle en faisant entrer Jean Damascène dans le canon des autorités théologiques du monde latin213. On peut également le créditer d’une initiative personnelle pour son utilisation d’Hilaire en domaine trinitaire, point sur lequel Pierre rivalise avec le seul Gilbert de Poitiers214. L’utilisation directe des Pères ne résume cependant pas la méthode habituelle employée par le Lombard dans ses Sententiae. Il faut, en effet, compter avec la place importante que tiennent les textes glosés dans la constitution de la somme. Il utilise ainsi la glose sur la Genèse, les prophètes et les

209 210 211

212 213

214

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Les chiffres sont empruntés à l’étude de J.-G. Bougerol, « The Church Fathers », p. 115. Voir aussi l’analyse nuancée de J. de Ghellinck, Le mouvement théologique, p. 242-243. Cfr F. Cavallera, « Saint Augustin et le Livre des Sentences de Pierre Lombard », Archives de Philosophie, 7 (1930), p. 438-451. I. Brady, Sententiae in IV libris distinctae, t. 1, p. 119*. J. de Ghellinck, Le mouvement théologique, p. 374-415 et I. Brady, Sententiae in IV libris distinctae, t. 1, p. 121*. I. Brady, Sententiae in IV libris distinctae, t. 1, p. 121*-122*.

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Troisième partie

évangiles comme source d’auctoritates, notamment augustiniennes215. De ce point de vue, Pierre Lombard semble le premier auteur d’un recueil de sentences à accorder une place aussi large à la Glose dans l’élaboration d’une somme. S’il est douteux que le maître ait considéré la Glose comme l’autorité par excellence216, il n’en demeure pas moins que Pierre la promeut implicitement au rang de lieu autorisé (expositor, auctoritas)217. Le fait est encore plus net avec ses propres gloses sur les Psaumes et les épîtres pauliniennes. Dans ses gloses, il intègre l’héritage d’Anselme de Laon et de Gilbert de Poitiers tout en continuant à les enrichir de sources nouvelles218. Gloser l’Écriture ne répond donc plus seulement à une volonté de faciliter la lecture du texte sacré, mais permet de constituer des dossiers d’autorités réutilisables dans un autre contexte. Autrement dit, avec Pierre Lombard, la forme glosée ne sert plus seulement à lire la Bible, mais donne aussi accès aux autorités patristiques et à leur réception scolaire219. L’image de l’humble florilégiste cueillant quelques fleurs dans le jardin des Pères devient un peu plus complexe et laisse place à la réalité d’un maître construisant son œuvre à partir de formes prenant leur origine à Laon. En effet, la somme repose sur des fondations que le maître a dissimulées derrière les formules de la préface et les citations patristiques explicites, mais que les apparatus fontium de l’édition critique mettent au jour. Plus que tous les autres recueils de sentences, l’œuvre du Lombard synthétise les grands courants théologiques contemporains220. La synthèse est plus ou moins aboutie selon les sources utilisées et l’on peut penser qu’elle est fonction de choix réfléchis du maître. Ainsi Abélard, cité une trentaine de fois notamment pour 215

216

217 218

219

220

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Ibidem, t. 1, p. 119* et J.-G. Bougerol, « The Church Fathers », p. 117-120. La pratique s’accompagne de risques signalés dès le xiiie siècle dans une glose des Sententiae : « Sed puto quod magister sumpsit hanc auctoritatem de Glossa super Genesim I, sicut et alias plures in hoc libro sententiarum de glosis in diversis locis. Et forte glosarum compilatores putaverunt se habere mentem Augustini ex minus diligenti consideratione dictorum ejus. Numquam enim vidi in Augustino finem dictum auctoritatis nec secundum verba nec secundum sententiam, et ita si hoc verum est, opinio radicata super hac auctoritate nulla est » (Troyes, BM, 1206, fol. 81v, cité par A. Landgraf, « Die Stellungnahme der Frühscholastik zur wissenschaftlichen Methode des Petrus Lombardus », Collectanea franciscana, 4 (1934), p. 513521, à la p. 519). Cfr dans le même sens, l’appendice I de J. de Ghellinck : « La Glose et l’auctoritas chez Pierre Lombard », Le mouvement théologique, p. 511-512. Sur les occurrences, cfr I. Brady, Sententiae in IV libris distinctae, t. 1, p. 119*, n. 3. C’est le cas pour sa glose sur Paul avec la compilation de Florus de Lyon, cfr C. Charlier, « La compilation augustinienne de Florus sur l’apôtre », RB, 57 (1947), p. 132-186. « Non solum enim ei auctoritates quamplures suppeditant, sed etiam quandoque quaestiones theologicas quibus abundant » (I. Brady, Sententiae in IV libris distinctae, t. 1, p. 118*). Sur la méthode lombardienne, voir les contributions de A. Ghisalberti, « Auctorias e inquisitio veritatis. Pietro Lombardo e l’evoluzione della teologia nel secolo xii » et de G. d’Onofrio, « La poverella e il suo tesoro : Pietro Lombardo teologo », dans Pietro Lombardo. Atti del XLIII Convegno storico internazionale, Todi, 8-10 ottobre 2006, Spolète, 2007, p. 1-22 et 241-287.

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sa Theologia Scholarium, est-il plus sollicité pour les références qu’il transmet que pour son enseignement parfois sévèrement critiqué221. Le Lombard a reçu de manière plus approfondie les dossiers patristiques et les solutions réunis par Yves de Chartres, avec dix-huit références implicites, et surtout par le Décret de Gratien avec plus de quatre cents utilisations222, particulièrement au livre 4 pour les questions sacramentaires223. Le maître a aussi une connaissance très approfondie de l’œuvre d’Hugues de Saint-Victor : le De sacramentis est ainsi employé quelque deux cent cinquante et une fois pour fournir des auctoritates et une bonne part des solutions retenues par Pierre Lombard224. Il en va de même pour la Summa sententiarum avec pas moins de quatre cent huit occurrences225. L’influence de la Summa sur les Sententiae est si importante que la critique a même pu croire un instant que l’ouvrage d’Othon de Lucques était une première version de celui de Pierre Lombard226. L’importance de cette dépendance avait déjà été reconnue par Heinrich Weisweiler, mais son but était d’établir les rapports littéraires entre les deux œuvres, non d’interpréter la portée de l’emprunt227. La pratique de Pierre Lombard signifie plus qu’un habitus littéraire, dans la mesure où elle engage une conception de la théologie où les maîtres modernes deviennent à leur tour des sources autorisées. En accueillant, sous couvert d’anonymat, les deux recueils théologiques les plus importants des années 1130-1140, le Lombard consacre la littérature scolaire de son temps comme la forme moderne du florilège, selon une influence d’autant plus profonde qu’elle est dissimulée. Comme pour les différentes gloses employées par Pierre Lombard dans sa somme, il serait donc trompeur de croire que les recueils d’Hugues et d’Othon n’ont fait que transmettre les sententiae Patrum, sans influencer à des titres divers la méthode et le contenu des Sententiae. Loin de se contenter de compiler les avis des Pères, Pierre Lombard, à l’imitation d’Othon, applique 221

222

223 224 225

226

227

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D. E. Luscombe, The School of Peter Abelard, p. 263-280, I. Brady, Sententiae in IV libris distinctae, t. 1, p. 120*, C. J. Mews, « Orality, Literacy, and Authority », p. 490 et J. Marenbon, « Peter Abelard and Peter the Lombard », dans Pietro Lombardo. Atti del XLIII Convegno storico internazionale, Todi, 8-10 ottobre 2006, Spolète, 2007, p. 225-239. Les chiffres sont obtenus à partir des indices de l’édition critique, t. 1, p. 597 et t. 2, p. 578-580 et 587-588. Ibidem, t. 1, p. 120*. Cfr les indices, t. 1, p. 598 et t. 2, p. 585. Cfr ibidem, t. 1, p. 604 et t. 2, p. 596. On a intégré dans le total les citations du De conjugio (livre 7) de Gautier de Mortagne. A. Mignon, « Le tractatus theologicus et Pierre Lombard », Revue des sciences ecclésiastiques, 62 (1890), p. 514-547, opinion rétractée en faveur de l’authenticité hugonienne dans Les origines de la scolastique et Hugues de Saint-Victor, Paris, t. 2, 1895, p. 32. H. Weisweiler, « La Summa Sententiarum », p. 170-175 : « Si nous voulons résumer brièvement cette analyse, nous pouvons conclure qu’à l’exception du chapitre premier De trinitate, et du traité des dix commandements de Dieu, ainsi que de quelques chapitres sur le péché originel, presque tous les principaux développements de la Summa sont passés dans les Sentences du Lombard » (p. 175).

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Troisième partie

la méthode de distinction des lieux autoritatifs selon le sic et le non et s’efforce de parvenir à leur conciliation. Cette expertise magistrale des sentences patristiques, dont la première formulation typique remonte à Anselme de Laon, est rarement effectuée à nouveaux frais par Pierre, mais s’inscrit dans une tradition scolaire déjà fournie. Afin d’illustrer la manière dont Pierre Lombard lit les sentences des Pères à travers les yeux de ses immédiats prédécesseurs, on peut se reporter à deux questions déjà étudiées de la Summa sententiarum. La première, sur l’invalidité du baptême in utero, a été utilisée pour attester l’existence d’une expertise magistrale des sentences patristiques, alors que la seconde, sur l’imputabilité du péché originel, a permis de montrer comment les opinions des quidam servaient à déterminer le vrai. Pierre Lombard reprend le problème du baptême in utero dans les derniers chapitres consacrés au baptême où le maître s’interroge sur les sujets qui peuvent licitement et validement recevoir le sacrement228. Sur la base du matériel autoritatif transmis par Othon, il en affermit la démonstration. Là où Othon laissait apparemment la question ouverte, Pierre Lombard affirme d’emblée et de manière impérative la solution négative229. De plus, le maître affaiblit la position contra en taisant les citations évangéliques sur Jean-Baptiste et en déterminant a priori le sens de la lettre d’Augustin à Dardanus. Alors qu’Othon citait la lettre (1), puis expliquait que le Père parlait dubitativement (2) et, enfin, donnait son interprétation du passage (3), le Lombard procède exactement à l’inverse : Summa sententiarum, 6, 12, PL 176, col. 137A-138A

Sententiae, 4, 6, 3, p. 271, l. 1-10

(1) Augustinus in libro ad Dardanum : Si usque adeo… – …jumentum locutum est. […] (2) Ecce quod Augustinus dubitanter loquitur et nihil inde asserit. (3) Potuit enim esse ut ab utero a peccato originali mundarentur, sed non est de hoc in aliis regula trahenda quod in istis per miraculum est factum : et hoc verisimilius est.

Si vero opponitur de Jeremia et de Joanne Baptista qui ab utero sanctificati leguntur, quod etiam de Jacob quidam putant, dicimus : (3) si sanctificatio ibi accipitur interior emundatio, in miraculis divinae potentiae esse habendum, ut Augustinus ait, (2) ambigue super hoc loquens : (1) Si usque adeo… – …jumentum locutum est.

228

229

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« Quod nullus in materno utero baptizatur » (Petrus Lombardus, Sententiae in IV libris distinctae, 4, 6, 3, t. 2, p. 270-272). « Illud etiam ignorandum non est quod in materno utero nullus baptizari potest, etiam si mater baptizetur » (ibidem, p. 270, l. 21-23).

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L’affirmation magistrale (dicimus) remplace la possibilité évoquée par Othon (potuit esse) et fait de la parole d’Augustin une illustration (ut Augustinus ait) de la thèse retenue. Présentée originellement comme une simple possibilité de lecture d’une sentence patristique, la sentence d’Othon devient chez Pierre le point de départ pour interpréter la mens Augustini. De même, Pierre synthétise la double interprétation d’Augustin proposée par Othon et reprend la préférence d’Othon (verisimilius) en lui conférant un poids supplémentaire230. La pratique, non revendiquée mais effective, du Lombard renforce la portée de la sentence magistrale qui d’hypothèse de lecture devient un dictum. On observe le même processus pour la question de l’unité du genre humain et l’imputabilité du péché originel. Pierre Lombard recompose la question d’Othon en plusieurs chapitres du livre deux. Ayant établi que le péché originel est la faute « en qui tous ont péché » (Rom. 5, 12)231, Pierre, à la suite d’Othon, affronte ceux qui refusent de voir tout le genre humain en germe dans Adam : Summa sententiarum, 3, 10, col. 105D-106A

Sententiae, 2, 30, 14, p. 503-504, l. 24-4

Ad quod diximus in Adam fuisse omnes, solet sic opponi : sic omnes qui descenderunt a Cain in Adam fuerunt, per illam substantiam quam accepit Cain in primis parentibus, ibi exstiterunt, sed in illa particula que in Cain fuit propagata non tot atomi fuerunt quot homines ab eo descenderunt.

Ad hoc autem quod diximus in Adam fuisse omnes homines, quidam verborum sectatores sic obiciunt dicentes : non omnis caro quae ab Adam traducta est, in eo simul exsistere potuit quia multo majoris quantitatis est quam fuerit corpus Adae, in quo nec tot etiam atomi fuerunt, quot ab eo homines descenderunt. Quocirca verum non esse asserunt, substantiam uniuscujusque in primo fuisse parente.

Cette fois-ci, ce ne sont plus seulement les auctoritates qui sont transmises à Pierre par le biais de la Summa sententiarum, mais les termes mêmes du débat scolaire déjà empruntés par Othon au recueil Deus itaque summe. Quant à la réponse, elle est reprise et mise à jour avec un vocabulaire plus technique :

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231

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« Absque assertione de hac sanctificatione loquitur [sc. Augustinus], non definiens qualiter intelligenda sit illa sanctificatio, an signum futurae rei, an veritas justificationis per Spiritum factae. Sed melius est ut dicamus illos praeter communem legem in uteris justificatos et gratia praeventos, dimissis omnibus peccatis. Quod et multis sanctorum testimoniis edocetur » (ibidem, p. 271-272, l. 21-2). Cfr ibidem, 2, 10-11, p. 501-502.

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Troisième partie Summa sententiarum, 3, 10, col. 106A

Sententiae, 2, 30, 14, p. 504, l. 7-13

Ad quod potest dici quod quamvis illa particula primum fuerit valde parva, tamen nulla substantia exteriori in eam transeunte augmentata est et facta est magna, tanta scilicet quanta in resurrectione erit. Fomentum enim habet a cibis, sed non transeunt cibi in ipsam humanam substantiam.

Quibus responderi potest quod materialiter atque causaliter, non formaliter, dicitur fuisse in primo homine omne quod in huma n is cor poribus nat uraliter est, descenditque a primo parente lege propagationis et in se auctum et multiplicatum est, nulla exteriori substantia in id transeunte, et ipsum in futuro resurget. Fomentum quidem habet a cibis, sed non convertuntur cibi in humanam substantiam, quae scilicet per propagationem descendit ab Adam.

La solution, retenue par Othon dans le débat scolaire, est définitivement entérinée par le Lombard qui lui ajoute la caution d’une auctoritas nouvelle et de rationes déjà employées par Othon232 : Summa sententiarum, 3, 10, col. 106A-B

Quod ita probari potest : puer qui ea moritur die que nascitur, in illa natura resurget quam habiturus erat si viveret usque ad plenam etatem, nulla egritudine vel vitio corporis impediente. Unde apparet quod etiam si viveret, non aliunde sumerentur partes illius substantie, sed in se augmentarentur, sicut costa de qua facta est mulier et sicut quinque evangelici panes.

Sententiae, 2, 30, 15, p. 504-505, l. 26-6 Quod vero nihil extrinsecum in humani corporis naturam transeat, Veritas in evangelio significat dicens : omne quod intrat in os, in ventrem vadit et in secessum emittitur (Matth. 15, 17). Quod etiam ratione ostendi potest hoc modo : puer qui statim post ortum moritur, in illa statura resurget quam habiturus erat si viveret usque ad aetatem triginta annorum, nullo vitio corporis impeditus. Unde ergo illa substantia, quae adeo parva fuit in ortus, in resurrectione tam magna erit nisi sui in se multiplicatione ? Unde apparet quod etiam si viveret, non aliunde, sed in se augmentaretur illa substantia, sicut costa de qua facta est mulier et sicut panes evangelici.

La voix de la ratio est ici dictée au Lombard par la tradition scolaire qu’il reprend non sans souplesse. Il procède de manière identique lorsqu’il s’intéresse à la gravité du péché originel : alors que la Summa avait intégré l’avis du recueil Deus itaque summe en position contra dans le même chapitre 10,

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Selon la méthode prônée par Othon : « deinde quid nostri temporis sapientes de illis sentiant in medium conferre et cur potius hos quam illos imitari placeat et ratione et auctoritate simul concurrentibus pro facultate nostra in lucem ponere » (Otto Lucensis, Summa sententiarum, PL 176, col. 41).

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Pierre Lombard lui rend une plus grande ampleur en en faisant une quaestio à part entière233 : Summa sententiarum, 3, 10, col. 105B-D

Sententiae, 2, 33, 3-4, p. 521-522

Solet a quibusdam predicta questio sic solvi : ideo illud peccatum omnibus imputatur posteris et non alia, quia illud peccatum in paradiso commissum gravissimum fuit, quia ignorantia non induxit eum ad peccandum, nec fragilitas carnis, quia ante peccatum neutrum fuit in eo. Unde adeo maximum fuit illud peccatum quod etiam naturam mutavit. Tota enim natura hominis per peccatum illud corrupta fuit. Augustinus De civitate Dei : tanto majore injustitia violatum est illud mandatum, quanto faciliore potuit observantia custodiri. Nondum voluntati cupiditas resistebat, quod de pena transgressionis secutum est postea. Sed non videtur absolute concedendum quod illud peccatum gravius omnibus aliis fuerit, cum legatur : qui peccat in Spiritum… (Matth., 12, 32).

Quibusdam ita esse videtur quia illud peccatum totam humanam naturam mutavit, sicut Augustinus dicit in Enchiridion : Illud unum peccatum… – …genus humanum damnaretur. Idem in libro de civitate Dei : Tanto majori injustitia… – …postea secutum est. His aliisque nituntur auctoritatibus qui illud peccatum ceteris aliorum hominum peccatis gravius esse dicunt. Quod etiam ratione ostendere laborant, hoc modo : magis nocuit illud peccatum quam aliquod aliorum, quia totum humanum genus vitiavit ac morti utrique subdidit, quod nullo alio peccato factum est, majorem ergo effectum mali habuit illud peccatum quam aliquod aliud. Ad quod dici potest quia licet illud peccatum humanam naturam mutaverit in necessitatem mortis et in totum genus humanum reatum diffuderit, non est tamen putandum gravius fuisse peccato in Spiritum Sanctum quod neque hic neque in futuro, ut Veritas ait (Matth. 12, 32), dimittitur. Quod vero totam humanam naturam corrupit, non ideo est quia gravius fuerit cunctis aliis peccatis, sed quia ab homine commissum est quando in uno homine tota humana natura consistebat et ideo tota in eo corrupta est. […]

Sed illud peccatum primis parentibus fuit condonatum dicunt auctores. Augustinus in libro de baptismo parvulorum : Sicut illi primi… – …a propagine peccati.

Si vero quaeritur an illud peccatum primis parentibus fuerit dimissum, dicimus eos per poenitentiam veniam consecutos. Unde Augustinus in libro de baptismo parvulorum : Sicut illi primi… – …a progagine peccati.

Pierre Lombard réorganise en profondeur l’exposé de la Summa et lui fait gagner en cohérence : il passe ainsi en revue les citations augustiniennes des quidam, reproduit leur explication per rationem avant d’y répondre point 233

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« Hic quaeri solet utrum peccatum Adae transgressionis, ex quo processit originale et in quo plura superius notata sunt peccata, gravius fuerit ceteris peccatis » (Petrus Lombardus, Sententiae in IV libris distinctae, 2, 33, 3, p. 521, l. 2-4).

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par point. Le Christ est allégué face à Augustin, et Pierre Lombard ajoute une explication de son cru pour contrer celle des quidam dans le recueil Deus itaque summe. Afin d’achever sa démonstration, le maître montre que Dieu a pardonné le péché originel à Adam et Ève. Par là, il s’agrège (dicimus) aux auctores cités par la Summa comme partisans de cette thèse. Typiques de la manière de Pierre Lombard, ces exemples illustrent le rapport complexe que le théologien entretient avec les autorités. Formules liminaires et autorités mises en avant dessinent une figure magistrale toute de modestie et de révérence envers les modèles patristiques, géants qui prêtent leurs épaules aux nains des temps modernes. Cependant, la pratique du Lombard prouve que les maîtres de la génération précédente possèdent également une stature non négligeable. Par un effet d’optique perceptible au lecteur attentif des Sententiae, ils servent même de doublures aux Pères. Lorsque dans les années 1150, Pierre Lombard met au point son recueil de sentences, le maître a insufflé dans sa somme un esprit qui anime le monde scolaire dans les décennies 1120-1140. Les Pères se doivent d’être les références des écoles et demeurent les meilleurs gages d’orthodoxie pour empêcher toute déviation doctrinale. Pourtant, derrière les affirmations liminaires, un modèle magistral, dont le premier représentant est Anselme de Laon, émerge non sans insistance. Le maître, humble continuateur des Pères, est également l’expert qui explique, détermine et hiérarchise les sentences patristiques. La fonction exercée par Anselme au grand dam d’Abélard devient un brevet d’orthodoxie dans le contexte mouvementé des procès intentés à des maîtres. Bien que la riche individualité d’Hugues de Saint-Victor échappe partiellement à ce cadre, Othon de Lucques et Pierre Lombard inscrivent leurs œuvres dans une identique perspective et privilégient la réception scolaire des dicta Patrum par rapport à la lecture des originalia. Dans la lignée du mouvement lancé par Anselme de Laon, ils assurent aux formes scolaires, gloses et recueils de sentences, le rang de manuels et confèrent aux magistri leur place incontestée de professionnels de la sacra pagina. Ces nouvelles pratiques rencontrent aussi des oppositions, puisque dès les années 1150, Robert de Melun († 1167) expose, dans la longue et célèbre préface de son recueil de sentences, une critique en règle des gloses qui finissent selon lui par faire oublier le texte sacré234. Devant la place croissante des écrits de toutes sortes, Robert a la nostalgie de la parole vive du maître qui instruit. Les mises en garde de Robert ne résonnent pas seulement comme 234

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Robertus Melodunensis, Sententie, Prefatio de diversa consuetudine legendi sacram scripturam, Œuvres de Robert de Melun, éd. R. M. Martin, t. 3-1, Louvain, 1947, p. 5-56, cfr F. Bliemetzrieder, « Robert von Melun und die Schule Anselms von Laon », Zeitschrift für Kirchengeschichte, 53 (1934), p. 117-170 et C. J. Mews, « Orality, Literacy, and Authority », p. 486-489.

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un chant du cygne. En effet, si les formes littéraires scolaires du premier xiie siècle, mises par écrit, deviennent le plus souvent des références pour les théologiens parisiens des années 1150-1200, il est remarquable que le souvenir des anciens maîtres serve aussi à créer une véritable mémoire critique propre aux écoles parisiennes. Pierre le Chantre utilise ainsi le modèle anselmien pour promouvoir une lectio scripturaire caractérisée par sa brièveté : De même, dans le Lévitique : vous mangerez les plus vieilles des vieilles choses (Lev. 26, 10), c’est-à-dire la manière d’enseigner des plus vieux et le mode de compréhension des anciens docteurs, à savoir Anselme et son frère, vous les mangerez à l’usage, c’est-à-dire vous les imiterez ; quant aux vieilles choses, à savoir la manière d’enseigner des modernes, Simon, Albéric de Reims, Robert Pulleyn, Gilbert qui ont déjà vieilli et sont donc vieux, vous les rejetterez au profit des nouveaux, c’est-à-dire des plus vieux des vieux rajeunis et revenant en usage235.

Une dernière fois, les deux frères sont réunis afin de définir la modernité théologique : non plus celle du Liber pancrisis, plaçant la parole des maîtres à côté de celle des Pères, mais un nouveau modèle que Pierre le Chantre veut promouvoir dans les écoles236. Selon le maître de Notre-Dame, l’avenir n’appartient pas aux maîtres de la génération précédente comme maître Simon (ca. 1140-1165)237, Albéric de Reims († 1141), Robert Pulleyn († 1146)238 et Gilbert de Poitiers († 1154), mais à ceux des années 1090-1120 qui, tels Anselme et Raoul de Laon, ont su se borner à l’essentiel en expliquant l’Écriture. De la sorte, les formes brèves pratiquées à Laon, les gloses aussi bien que les sentences, participent d’une définition nouvelle de la lectio biblique qui, grâce à la disputatio, s’épanouit dans la praedicatio239. Ferments des recueils de sentences et outils de la régulation dogmatique, les verba magistri Anselmi achèvent ainsi leur carrière à la fin du xiie siècle et servent de mots d’ordre à une nouvelle école qui fait de la théologie une spécialité parisienne. Anselme de Laon a donc fait école au moins de deux

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« Item, in Levitico : Comedetis vetustissima veterum (Lev. 26, 10), id est vetustissimorum modum legendi et morem intelligendi antiquorum doctorum, Anselmi scilicet et fratris sui, comedetis in usu, id est imitabimini ; et vetera, scilicet modum legendi modernorum, Simonis, Alberici Remensis, Roberti Pullani, Giliberti, qui jam senuerunt et ideo veteres, novis, id est vestustissimis veterum innovatis et item in usum supervenientibus, proicietis » (Petrus Cantor, Verbum adbreviatum, 1, 2, p. 14-15, l. 140-146). J. W. Baldwin, Masters, Princes and Merchants, t. 1, p. 151-153. H. Weisweiler, Maître Simon et son groupe, p. ccxii-ccxiv et A. Landgraf, Introduction, p. 129130. Cfr F. Courtney, Cardinal Robert Pullen. An English Theologian of the Twelfth Century, Rome, 1954. Sur la tripartition fameuse de Pierre le Chantre, cfr F. Morenzoni, Des écoles aux paroisses. Thomas de Chobham et la promotion de la prédication au début du XIIIe siècle, Paris, 1995, p. 71-86 ; et sur son rôle majeur dans la promotion d’une nouvelle forme de parole magistrale, cfr N. Bériou, L’avènement des maîtres de la Parole, t. 1, p. 30-48.

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Troisième partie

manières : grâce à ses sentences qui, dans les années 1120-1140, ont partiellement servi à élaborer des recueils fournissant une introduction à l’Écriture ; en raison de son souvenir qui a permis de définir au cours du xiie siècle le modèle du bon théologien continuateur des Pères.

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CONCLUSION

Il n’est pas inutile, afin d’apprécier les résultats obtenus, de rappeler le point de départ du présent travail. L’historiographie est demeurée longtemps fascinée par la lutte entre Bernard de Clairvaux et Pierre Abélard, sans accorder droit de cité aux autres grands acteurs de la Renaissance du xiie siècle. Considéré à travers l’appréciation peu flatteuse de l’Historia calamitatum, Anselme de Laon apparaissait comme le type même du professeur routinier acquérant sa renommée grâce au passage du temps plutôt qu’en raison de son talent personnel. Ainsi Abélard, en discréditant tous ses maîtres, tendait-il à se poser comme le seul représentant du nouveau monde scolaire. Il n’est pas jusqu’à Bernard de Clairvaux qui n’ait été trompé puisqu’en organisant à Sens un procès contre Abélard en 1141, l’abbé cistercien entendait bien faire du maître un exemple et punir celui qui incarnait à ses yeux tous les méfaits des écoles urbaines. La lutte de deux ennemis avait eu ainsi, entre autres conséquences, l’inconvénient de faire oublier d’autres maîtres tout aussi célèbres à l’époque. Les nuances apportées aux critiques d’Abélard dès le xviiie siècle par l’Histoire littéraire bénédictine n’avaient guère contribué à mieux faire connaître Anselme de Laon. Il demeurait un maître au renom incontestable, sans pourtant que l’on sût expliquer le succès de son cursus honorum au sein de l’église de Laon, ni les raisons de sa gloire scolaire dans l’Occident latin. Une bonne part de cette incapacité tenait à la difficulté où se trouvait la critique historique pour apprécier son œuvre théologique : si la fortune de la Glose était chose acquise depuis Beryl Smalley, il demeurait difficile de faire le partage entre les commentaires associés à son nom comme d’évaluer l’influence exercée par ses sentences théologiques. L’absence d’édition critique des commentaires, l’abondance bibliographique de même que des difficultés considérables d’histoire littéraire expliquent, sans le justifier, le point mort où se trouvaient les études anselmiennes depuis les années 1960. Parmi cette production, il n’avait jamais été entrepris d’apprécier globalement les sentences d’Anselme. Le plus souvent, elles étaient convoquées à titre individuel pour illustrer, sur un point précis, une contribution d’histoire doctrinale. L’absence de toute approche synthétique était évidemment dommageable à une juste compréhension de ce corpus et expliquait des jugements un peu sommaires sur un Anselme moraliste peu soucieux, voire incapable de spé-

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Conclusion

culation ou un Anselme platement augustinisant. Pareillement, malgré les remarquables efforts de l’érudition franco-allemande, les recueils associés à l’école de Laon demeuraient mal connus et sollicités surtout pour leur contenu théologique. La nature du corpus sententiaire, similaire à celle des commentaires et des sentences anselmiennes, était encore en cause : anonymat majoritairement attesté, difficulté à individualiser les œuvres dans les manuscrits, labilité d’une tradition manuscrite peu fournie mais compliquée, tous ces traits s’additionnaient pour rendre ardue l’étude des recueils théologiques du premier xiie siècle. C’est pourquoi, en dépit de leur incontestable mérite méthodologique, les articles de Valerie Flint et de Marcia Colish ne pouvaient tenir lieu d’interprétation historique d’ensemble donnée à la littérature sententiaire laonnoise. Trois grandes questions consécutives à ce constat et une problématique générale ont donc animé le cours de cette recherche : Peut-on restituer la figure d’Anselme de Laon ? Quel enseignement théologique les sentences qui lui sont attribuées permettent-elles de reconstituer ? Les recueils marqués par son influence forment-ils per se une école et font-ils école ? Plus largement, maître Anselme est-il la figure de proue annonçant l’irrésistible ascension du théologien dans l’Occident médiéval ? Au risque de décevoir, il n’est pas possible, ni même forcément souhaitable, d’apporter des solutions univoques à ces problèmes. À la différence de ses contemporains comme Pierre Abélard ou Hugues de SaintVictor, Anselme de Laon nous échappe pour la plus grande part. Il y aurait donc quelque artifice à prétendre avoir reconstitué une personnalité, encore davantage un individu. Cependant, grâce à l’étude des chartes laonnoises, la carrière d’Anselme a pu être mise en évidence : écolâtre, chancelier, doyen et archidiacre, Anselme a mené une carrière tout à fait brillante à l’échelle du diocèse, notamment sous l’épiscopat de Barthélemy de Joux (1113-1151). Après avoir tenté de pacifier les esprits durant les événements de la Commune de 1112, le maître a, en effet, joué un rôle de caution morale auprès de Barthélemy. Bien que prenant part aux affaires du diocèse, Anselme, pour ses contemporains, représente plutôt la figure du maître que celle du dignitaire ecclésiastique. C’est ainsi qu’Anselme est apparu comme un modèle selon des disciples qui, à l’exception d’Abélard, sont prompts à chanter les louanges de leur maître. Il faut mettre en rapport l’insistance des sources sur le savoir et les mœurs d’Anselme avec la naissance d’un milieu scolaire à l’échelle de l’Occident dans la première moitié du xiie siècle. Il a été ainsi possible de retracer, de manière significative, le parcours de vingt-et-un élèves d’Anselme : neuf sont originaires de France dont trois de Bretagne (Abélard, Geoffroy et Guy Le Breton), sept d’Angleterre, quatre d’Italie et au moins un de l’Empire. Les raisons qui

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poussent les élèves à venir à Laon ont été également éclaircies : Abélard n’est pas le seul à être venu écouter Anselme pour parachever sa formation par l’étude de l’Écriture sainte, c’est aussi le cas pour Robert de Hereford, Hugues Métel, Matthieu d’Albano, Hugues d’Amiens et Guy Le Breton. Ces cas divers permettent de reconstituer le profil typique d’un élève d’Anselme : après avoir suivi un enseignement dans les arts libéraux, généralement dans une école locale ou au sein de sa famille, l’élève se rend à Laon pour y recevoir une formation spécialisée dans l’Écriture. Bien que tous ces élèves présentent des origines et des destins fort différents, ils ont tous en commun, hormis Abélard, d’avoir loué Anselme et son exemple moral. S’il est vrai que la perfection des disciples est la couronne des maîtres, il n’est pas moins juste que l’élève trouve un intérêt bien compris dans le prestige magistral. Alors que les universités médiévales se singularisent en organisant un système d’examen qui valide autant les compétences que la vie et les mœurs, les écoles du xiie siècle, avant l’instauration de la licentia docendi dans les années 11601, ne connaissent pas la collation des grades. Tout se passe comme si la fama du maître faisait office de diplôme. Garante du sérieux des élèves, la fama rejaillit sur les élèves dont les témoignages d’admiration viennent en retour renforcer d’autant l’aura magistrale. Après la première génération des élèves, d’autres maîtres poursuivent d’ailleurs au xiie siècle la tradition scolaire de la laudatio Anselmi, comme Jean de Salisbury ou Pierre le Chantre. Au-delà du monde scolaire, le fait qu’Anselme apparaisse, dans les écrits de Guibert de Nogent, Wibald de Corvey ou Geoffroy d’Auxerre, comme le modèle du professeur orthodoxe aux mœurs irréprochables n’est pas un hasard. Sans avoir été eux-mêmes des élèves d’Anselme, ces clercs, tous moines, attestent que le rayonnement anselmien touche également les cloîtres. Parmi tous les maîtres de la première moitié du xiie siècle, Anselme est sans doute la figure dont le souvenir est convoqué le plus régulièrement et dans des contextes aussi divers jusqu’à la fin du siècle. Si tous ces témoignages dressent un portrait apparemment plutôt conventionnel d’Anselme de Laon et ne permettent pas d’atteindre sa personnalité, ils signifient du moins l’importance et même la nécessité d’une image convenue du maître pour les contemporains. Il n’est pas non plus indifférent que l’évocation porte sur un maître mort à l’orée du xiie siècle. À ce titre, il joue le rôle d’un ancêtre, figure rassurante dont la proximité temporelle rend le souvenir marquant, mais qu’un relatif éloignement rehausse encore d’une autorité supplémentaire. Les témoignages rassemblés offrent une remarquable convergence : la modestie d’Anselme, qui confine à l’effacement, demeure proverbiale dans les écoles et participe 1

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G. Post, « Alexander III, the Licentia docendi and the Rise of the Universities », dans C. H. Haskins, Anniversary Essays in Medieval History, éd. C. H. Taylor, J. L. LaMonte, Boston, 1929, p. 255-277 et N. Spatz, « Evidence of Inception Ceremonies in the Twelfth-Century Schools of Paris », History of Universities, 13 (1994), p. 3-19.

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de son autorité. Une forte individualité n’est donc pas un gage de succès durable, comme le prouve a contrario l’exemple malheureux d’Abélard. L’autorité magistrale que les témoins médiévaux ont le plus souvent reconnue à Anselme s’explique sans doute par la modération à laquelle il s’est tenu. Disert sur le terrain pédagogique, à tel point qu’Abélard lui-même reconnaît ses talents de rhéteur, le maître répugne à s’engager dans la lutte politique et refuse même toute élévation à l’épiscopat. La figure du bon maître semble en partie tenir à un exercice modéré de la fonction pédagogique. Cependant, la considération générale qui entoure le nom d’Anselme excède le simple succès d’estime et concerne également une bonne part de sa production théologique. Un examen des commentaires attribués à Anselme a aidé à clarifier quelques points. L’attribution d’un commentaire paulinien à Anselme est une erreur, mais des doutes subsistent pour les commentaires sur les Psaumes (Hymni vocantur singuli), les trois commentaires sur le Cantique des cantiques (In initiis librorum, Salomon rex Spiritu et In hoc libro), sur Matthieu (Cum post ascensionem), Jean (Verbum substantiale) et l’Apocalypse (Deus et Dominus pater). Il semble que ceux sur le Cantique des cantiques et le commentaire sur Matthieu se présentent dans des conditions favorables, alors que les autres ouvrages doivent être reçus avec une plus grande circonspection. Des résultats plus fermes ont été obtenus pour les sentences théologiques. Après le dépouillement de vingt-trois florilèges, on a pu établir une typologie selon la présence plus ou moins importante des sentences d’Anselme. Elle a permis de mettre en valeur le témoignage remarquable du Liber pancrisis qui constitue la principale source d’information sur l’enseignement théologique d’Anselme. Constitué dans les années 1130-1140 sans doute à proximité de Clairvaux, ce florilège est le seul à identifier précisément les sentences des maîtres modernes : la volonté de fixer par écrit l’enseignement de certains maîtres explique le soin que le milieu cistercien a consacré à diffuser les sentences. Les moines ont voulu donner une théologie scolaire conforme à leurs vœux et ont ainsi pérennisé l’école de Laon : contrairement à Abélard qui laisse libre cours aux requêtes des élèves ou collecte les extraits patristiques en abandonnant au lecteur le soin de les concilier, le Liber pancrisis présente une organisation close de la matière théologique. Selon un effet d’annonce impressionnant, les sentences des maîtres sont appelées à compléter celles des Pères en une harmonie que rien ne doit venir compromettre, quitte à attribuer certaines sentences magistrales aux Pères. Les quatre Pères latins, Augustin, Jérôme, Ambroise et Grégoire, les deux grands éducateurs de l’Occident médiéval, Isidore et Bède, et les quatre maîtres modernes, Yves de Chartres, Anselme de Laon, Guillaume de Champeaux et Raoul de Laon, forment ainsi le nouveau canon scolaire autorisé dans les années 1140.

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Les vingt-deux autres florilèges attestent l’ampleur d’une diffusion manuscrite d’autant plus remarquable qu’elle commence et se poursuit au-delà de la mort d’Anselme. C’est à partir des années 1140, moment où la génération de ses disciples arrive à la maturité, que les sentences du maître sont mises par écrit et entrent dans les florilèges. Une nouvelle fois le mouvement ne se borne pas au milieu scolaire urbain. En effet, la constitution du Liber pancrisis, sans doute à proximité de Clairvaux, ainsi que la diffusion manuscrite des sentences dans les cloîtres renouvellent le fonds des auctoritates au-delà du milieu scolaire urbain. De même que la figure du maître demeure difficile à saisir dans son originalité, ainsi les sentences anselmiennes sont-elles délicates à attribuer : hormis le cas exceptionnel du Liber pancrisis, elles circulent le plus souvent de manière anonyme. L’anonymat ne doit pas être interprété comme un signe d’indifférence, mais avant tout comme une marque de modestie de la part de l’auteur des sentences. Le maître, complétant d’explications personnelles les extraits des Pères, a sans doute eu du scrupule à les identifier par son nom. Il a préféré, anonymement mais sûrement, participer à la chaîne scolaire dont il était un maillon. Les milieux de réception s’en sont également tenus à des pratiques peu spectaculaires. Lors de la fixation par écrit, les élèves savent encore le nom du maître et jugent superflu de le reporter tant il semble évident. En d’autres cas, une fois oubliée l’origine des dicta, on se contente de les recopier afin d’enrichir de nouveaux extraits une sorte de koinè issue du milieu scolaire. Cet important succès qui promeut l’autorité nouvelle du maître, sans lui accorder explicitement le statut d’auteur, est à l’image du travail théologique d’Anselme : le maître ne s’affirme qu’en tant que modeste continuateur des Pères. Que ce soit comme glossateur ou créateur de sentences, Anselme de Laon apparaît comme un expert ès autorités2 et orchestre leur polyphonie en harmonisant les contraires. Derrière un programme en apparence limité — organiser les extraits patristiques autour du texte biblique ou les concilier dans de courtes sentences — Anselme confère à la parole magistrale une autorité certaine. La sentence conserve, en effet, la trace d’un discours qui prend parfois la forme d’un vrai tour de force. Le pouvoir du maître, sa mæstria, consiste à rendre aux auctoritates, dans le présent de la lectio, la note de vérité que leur dissonance semblait avoir compromise. Si l’ancienneté est souvent la marque distinctive de l’autorité3, l’actualisation de la vérité par le maître tend ainsi à faire rejaillir sur lui un indéniable prestige4. Au-delà 2

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Sur le maître comme celui qui contrôle l’accès à l’autorité, cfr S. Reynolds, « Inventing Authority : Glossing, Literacy and the Classical Text », dans Prestige, Authority and Power in Late Medieval Manuscripts and Texts, éd. F. Riddy, York, 2000, p. 7-16, à la p. 12. L’autorité du passé dans les sociétés médiévales, éd. J.-M. Sansterre, Rome, 2004. « Il est clair que la prépondérance donnée à la considération de la cause transcendante et actuelle d’une vérité envisagée en soi et de façon intemporelle, tendait, sinon à abolir,

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de la méthode utilisée, Anselme sait repenser les termes que la tradition lui a légués et les adapter au contexte scolaire de son temps : ainsi sur des problèmes disputés comme la création angélique, la valeur de la circoncision, l’état du Christ après sa mort, la nécessité du baptême, le salut des enfants morts sans baptême ou les rapports de la prescience et de la prédestination, le maître laonnois manifeste-t-il un esprit délié qui fait tomber à l’analyse une bonne part des jugements négatifs prononcés à son encontre. Il faut pourtant reconnaître qu’Anselme de Laon ne présente pas l’originalité d’un Abélard ou celle d’un Hugues de Saint-Victor. Il n’a ainsi jamais voulu ou pu appliquer les arts du langage à la théologie ou concevoir une synthèse théologique de grande ampleur. L’écolâtre apparaît plutôt comme le représentant d’une théologie sententiaire mesurée dont le succès n’est pas négligeable. Comme le suggère la diffusion manuscrite, Anselme a également exercé une influence post mortem. En effet, à sa suite, des élèves entreprennent de donner dans les années 1130-1140 un tour plus systématique aux sentences du maître. Reprenant un plan historique qui a pu trouver son origine à Laon, les recueils utilisent les sentences du maître ainsi que celles d’autres professeurs comme Guillaume de Champeaux. Grâce à l’étude précise des huit principaux recueils (Deus de cujus, Deus est sine, Divina essentia teste, Deus non habet, De sententiis divine, Principium et causa, Potest queri quid et Quid de sancta), il a été possible de mettre en valeur les rapports littéraires et doctrinaux qu’ils entretenaient et de conclure à l’existence d’un véritable milieu scolaire prolongeant le modèle anselmien d’une théologie sententiaire modérée. En ce sens, parler d’’école de Laon’ est légitime si l’on entend par cette expression l’ensemble des milieux scolaires ayant utilisé, avec une fidélité variable, la pensée d’Anselme de Laon et de ses élèves. La référence au maître ne réside, en effet, pas seulement dans la reproduction d’un point doctrinal, mais surtout dans la persistance d’un modèle théologique poursuivi par l’enseignement de Raoul à Laon et d’Albéric à Reims dans les années 1120-1130. Le contenu même de ces recueils explique leur succès : courtes synthèses faisant une grande part à l’enseignement des Pères, ils s’ouvrent aussi, sous couvert des quidam ou de l’anonymat, aux solutions plus modernes des milieux scolaires. Une nouvelle fois, l’enseignement récent se transmet avec discrétion, mais non sans réalité. Au même moment, Hugues de Saint-Victor, Othon de Lucques et Pierre Lombard poursuivent, chacun avec leur tempérament, cet effort de promotion des maîtres. Tandis qu’Hugues s’efface pour mieux mettre en valeur l’histoire du salut, Othon consacre le rôle nouveau des maîtres en les acceptant explicitement à du moins à diminuer la différence de situation entre l’Église actuelle, ou celle des siècles post-apostoliques, et l’Église des apôtres, bref entre ce qu’on appellera beaucoup plus tard, tradition conservativa (et explicitiva) et traditio constitutiva » (Y. Congar, La Tradition et les traditions, t. 1, Essai historique, Paris, 1960, p. 128).

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côté des solutions patristiques. Quant à Pierre Lombard, il construit dans les années 1150 son recueil sur les fondations scolaires des deux décennies précédentes : derrière l’hommage aux Pères et notamment à Augustin, le maître prend acte du fait que les maîtres modernes offrent désormais les voies d’accès privilégiées à la tradition patristique. À la triple question initiale portant sur le maître, ses sentences et son école, on peut donc répondre que les trois réalités sont étroitement liées en raison de leur mode de manifestation. Le maître s’affirme dès lors que d’autres en assurent la réputation fondée sur la modestie. Les sentences s’attachent à pondérer la tradition patristique selon une herméneutique mesurée. Les recueils forment une littérature sans auteur apparent, mais non sans autorité. La nature de l’autorité magistrale est dans les trois cas similaires : elle ne se manifeste que de manière voilée, comme oblique, avec une sorte de réserve qui en est la marque distinctive5. Cette autorité tempérée est elle-même remarquable en raison de la convergence chronologique qui la caractérise. Les résultats de l’enquête pointent, en effet, tous vers les mêmes années 1130-1140 comme un des tournants dans l’histoire de la théologie médiévale : la diffusion du souvenir d’Anselme, la constitution du Liber pancrisis, la copie des sentences anselmiennes, l’organisation des recueils laonnois, les Sententiae de Pierre Lombard, tous ces phénomènes ont lieu ou prennent leur origine dans ces deux décennies. Le milieu théologique qui s’organise se dote alors de références dont le modèle est Anselme de Laon. Après la disparition du maître, les disciples se chargent d’assurer la pérennité de son héritage et de maintenir vivante la figure d’Anselme dans les milieux scolaires et monastiques. La figure d’Anselme de Laon acquiert ainsi une autorité dont la théorie ne rend pas encore compte, mais que la pratique manifeste et rend possible6. En mettant en valeur le tournant que constituent pour les magistri les années 1130-1140, on éclaire aussi la consécration que connaît le magisterium cathedrae magistralis à partir de la fin du xiie siècle. Depuis les travaux d’Yves Congar, on sait la manière dont le passage des écoles à l’Université s’accompagne, principalement à Paris, de la reconnaissance aux théologiens d’un

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« Dans le discours théologal […], prendre la parole, c’est donner de la voix, se donner ou vendre son âme en échange du Logos, se laisser posséder dans l’espoir de prendre la place de l’autre, d’avoir enfin une place à soi. Or il n’y a de place pour personne, que pour personne, le masque porte-voix qui résonne. D’où, quant au discours théologal, le paradoxe de son sujet à la dérobée : discours sans sujet, ou plutôt au sujet dépourvu d’attributs » (A. Compagnon, La seconde main ou le travail de la citation, Paris, 1979, p. 230). Cfr M. de Certeau, « Autorités chrétiennes et structures sociales », Études, 331 (1969), p. 134148, 285-293 et 332 (1970), p. 268-286, repris dans La faiblesse de croire, Paris, 1987, p. 89-135, aux p. 119-124.

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pouvoir normatif7. La professionnalisation des maîtres en théologie, due en majeure partie au soutien vigilant de la papauté, leur assure ainsi pour plusieurs siècles l’exercice d’une autorité doctrinale publiquement reconnue au sein de la Chrétienté8. L’office doctoral convenablement exercé mérite même à son détenteur l’auréole des docteurs, prolongement au ciel de la reconnaissance sociale reçue dès ici-bas9. Paris, au terme d’une translatio studii providentielle, jouit donc du studium, tandis que Rome possède le sacerdotium et la Germanie l’imperium10. Cette promotion du théologien médiéval comme arbiter fidei, à laquelle seule peut être comparée la situation des trois premiers siècles de l’Église, se trouve renforcée par les malheurs de la papauté à partir du xive siècle et connaît son apogée au début du xvie siècle. Melchior Cano (1509-1560), dans son fameux De locis theologicis (1563), considère alors que les théologiens forment un vrai gouvernement d’experts dont l’unanimité est le fait de l’Esprit Saint11. Passé le concile de Trente (1545-1563), la réforme catholique épiscopalienne brise cet élan et conduit à une centralisation doctrinale qui bénéficie à l’évêque de Rome, juge suprême de la foi, identifié comme ‘le Magistère’ à partir du xixe siècle12. 7

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Y. Congar, « Le développement historique de l’autorité dans l’Église. Éléments pour la réflexion chrétienne », dans Problèmes de l’autorité. Un colloque anglo-français, éd. J. M. Todd, Paris, 1962, p. 145-181 ; Id., « Pour une histoire sémantique du terme magisterium », Revue des sciences philosophiques et théologiques, 60 (1976), repris dans Droit ancien et structures ecclésiales, Aldershot, 1982, p. 85-98 ; « Bref historique des formes du ‘magistère’ et de ses relations avec les docteurs », Revue des sciences philosophiques et théologiques, 60 (1976), repris dans Droit ancien et structures ecclésiales, p. 99-112. Cfr E. Marmursztejn, L’autorité des maîtres. Scolastique, normes et société au XIIIe siècle, Paris, 2007. J. Leclercq, « L’idéal du théologien au Moyen Âge. Textes inédits », Revue des sciences religieuses, 21 (1947), p. 121-148. H. Grundamnn, « Sacerdotium – Regnum – Studium – Zur Wertung der Wissenschaft im 13. Jahrhundert », Archiv für Kulturgeschichte, 34 (1952), p. 5-21 ; A. G. Jongkees, « Translatio studii », dans Miscellanea Mediaevalia in honorem J. F. Niermeyer, Groningue, 1967, p. 41-52. R. Guelluy, « La place des théologiens dans l’Église et la société médiévales », dans Miscellanea historica in honorem Alberti de Meyer, Louvain - Bruxelles, 1946, p. 571-589, J. Châtillon, « L’exercice du pouvoir doctrinal dans la chrétienté au xiiie siècle. Le cas d’Étienne Tempier », dans Le Pouvoir, Paris, 1978, p. 13-45, G. W. Olsen, « Les théologiens et le magistère. L’arrière-plan antique et médiéval d’une controverse contemporaine », Communio, 5 (1980), p. 71-80, R. Gryson, « L’autorité des docteurs dans l’Église ancienne et médiévale », Revue théologique de Louvain, 13 (1982), p. 63-73, repris dans « The Authority of the Teacher in the Ancient and Medieval Church », dans Authority in the Church, éd. P. F. Fransen, Louvain, 1983, p. 176-187, G. Alberigo, « De l’École cathédrale à l’Université », dans La responsabilité des théologiens. Mélanges offerts à Joseph Doré, Paris, 2002, p. 19-35, B. Neveu, « De la gloire à la survie : les facultés de théologie en France du xiiie au xixe siècle », Revue des sciences religieuses, 78 (2004), p. 91-104. Voir B. Neveu, L’erreur et son juge. Remarques sur les censures doctrinales à l’époque moderne, Naples, 1993 et les travaux de Dominique Le Tourneau dont « La détermination du magistère ecclésiastique au long du deuxième millénaire », Revue de Droit canonique, 50 (2000), p. 263-282.

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Si le mouvement général était bien connu, force est pourtant de reconnaître que la chronologie et les modalités du passage à une « Église des savants »13 demeuraient obscures. Le xiie siècle y figurait à titre de « préhistoire » (Y. Congar), mais sans que l’apport en ait été nettement dégagé14. En l’absence de textes normatifs qui pourraient documenter le rôle et la responsabilité reconnus au théologien, les pratiques écrites et ce qu’elles révèlent de la parole magistrale ont cependant éclairé le fonctionnement d’un magistère dans la première moitié du xiie siècle. C’est pourquoi, au terme de ‘préhistoire’, il faut sans doute préférer l’expression de ‘genèse’ pour qualifier les décennies 1130-1140. Ce sont elles qui voient la naissance du magistère des théologiens sous l’égide d’Anselme de Laon15.

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B. Neveu, « De la gloire », p. 91. Y. Congar, « Bref historique », p. 104 : « On doit cependant dater du xiiie s., avec une préhistoire au xiie s., le commencement de ce qu’on peut appeler un magistère des docteurs dans l’Église ». Cette conclusion rejoint d’ailleurs une autre intuition du dominicain qui considère le milieu du xiie siècle comme un point d’observation pertinent pour suivre les développements de l’autorité pontificale, cfr Y. Congar, « Pour une histoire sémantique », p. 92 et Id., L’Église de saint Augustin à l’époque moderne, Paris, 1970, p. 191 ; voir aussi, dans un sens différent, mais avec un point de départ chronologique similaire l’étude de B. Tierney, Origins of Papal Infallibility 1150-1350. A Study on the Concepts of Infallibility, Sovereignty and Tradition in the Middle Ages, Leyde, 19882.

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ANNEXE 1 LE LIBER PANCRISIS

Source principale de la critique d’attribution pour les sentences de l’école de Laon, le Liber pancrisis n’avait jamais fait l’objet d’une description complète de son contenu ni d’une identification précise de ses sources. La présente annexe remédie à cette lacune en mettant en parallèle le contenu des trois manuscrits contenant le florilège et en en fournissant l’index auctorum1. London, British Library, Harley 3098 (e’)

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fol. 1r : « Incipit liber pancrisis id est totus aureus, quia hic2 auree continentur sententie vel questiones sanctorum patrum Augustini, Jheronimi, Ambrosii, Gregorii, Ysidori, Bede et modernorum magistrorum Guillelmi Catalaunensis episcopi, Ivon is Carnotensis episcopi, Anselmi et fratris ejus Radulfi ».

fol. 95ra : « Incipit liber pancrisis id est totus aureus, quia hic auree continentur sententie vel questiones sanctorum patrum Augustini, Jheronimi, Ambrosii, Gregorii, Ysidori, Bede et modernorum magistrorum Willelmi Catalaunensis episcopi, Ivonis Carnotensis episcopi, Anselmi et fratris ejus Radulfi ».

fol. 133rb : « Sententie vel questiones sanctorum Augustini, Jeronimi, Ambrosii, Gregorii, Isidori, Bede extracte vel exposite a modernis magistris Guillelmo, Anselmo, Radulfo, Ivone Carnotensi episcopo ».

1. Fol. 1r-3v : « Guillelmus de Fol. 95ra-96vb : « Willel- Fol. 133va-134vb (anonyme et sans titre) essentia et substantia Dei et de mus… » tribus ejus personis. Rerum omnium quas creavit Deus… – …quia hec est vita eterna » (L 236) 2. Fol. 3v-4v : « Guillelmus de Fol. 96vb-97rb creatione angeli et hominis et mus… » de libero arbitrio eis attributo et quid sit predestinatio. Deus igitur cum esset bonus… – … cum gratia predestinatio vocatur » (L 240)

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« Willel- Fol. 134vb-135rb (anonyme mais avec titre similaire)

Les différences entre les trois manuscrits ont été signalées, le manuscrit de Londres servant de témoin de référence en raison de sa complétude et de son antériorité. Hic] hec a. corr.

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3. Fol. 4v-5r : « Guillelmus Fol. 97rb-va : « …in angelo vel Fol. 135rb-va : « …idem erit » (omission des l. 18-22) quod liberum arbitrium de- homine… » pressum est in angelo vel in homine. Guillelmus. Peccavit autem angelus… – …renovationem dominari potest » (L 245) 4. Fol. 5r-v : « Guillelmus de Fol. 97va-98rb ligno scientie boni et mali et de originali peccato vel quare puniatur anima. Creavit Deus hominem… – …qui naturas novit » (L 246)

Fol. 135va-136ra (anonyme) : « … et quare… »

5. Fol. 6r : « Guillelmus quod Fol. 98rb-va : « Quod due na- Fol. 137va due nature constituunt unam ture constituunt unam Christi Christi personam. Suscepit personam. Willelmus… » Deus perfectam hominum… – …Christi efficit personam » (L 262) 6. Fol. 6r-v : « Guillelmus de Fol. 98va-b : « Willelmus… » anima Christi a corpore separata. In morte Christi separata fuit… – …revelabit quando voluerit » (L 265)

Fol. 137va-b

7. Fol. 6v : « Guillelmus quod Fol. 98vb-99ra : « Willel- Fol. 138ra-b Christus de munda carne sine mus… » peccato natus. Cum omnis caro… – …voluntariam suscepit mortem » (L 264) 8. Fol. 6v-7r : « Guillelmus de tribus timoribus. Timor qui est inicium… – …et primus sed secundus non » (L 276)

Fol. 99ra : Guillelmus de tribus timoribus. Timor qui est initium… – …que non apparet » Fol. 99ra-b : « De timore Dei. Est igitur quidam… – …usque ad mortem » Fol. 99rb : « De secundo. Est secundus timor… – …est et malus » Fol. 99rb-va : « De tercio. Est iterum tertius timor… – …sed secundus non »

Fol. 138rb : « Timor qui est… – …et que non apparet » Fol. 138rb : « Idem. Est igitur quidam… – …usque ad mortem » Fol. 138rb-va : « Idem. Est secundus timor… – …est et malus » Fol. 138va : « Est tertius timor… – …sed secundus non »

9. Fol. 7r-v : « Guillelmus de Fol. 99va-b : « …facilius ali- Fol. 139rb-va (« Guillelmus », sans titre) duabus potentiis anime et de quanto resistimus peccato » utilitate adventus Christi. Homo cum peccasset… – … facilius resistimus peccato » (L 253)

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10. Fol. 7v-9r : « Guillelmus de Fol. 99vb-100vb naturali et scripta lege et quod veritate veniente figura cessavit et quod Christus semel oblatus saluti totius mundi suffecit. Lex naturalis fuit… – …occiditur sed comeditur » (L 261)

Fol. 139va-140rb (« Idem », sans titre)

11. Fol. 9r : « Jheronimus de cor- Fol. 100vb pore et sanguine Domini. Postquam tipicum pascha… – … corporis et sanguinis representaret » (Commentarii in evangelium Matthei, 4, CCSL 77, p. 251, l. 1146-1152)

Fol. 140rb : « De corpore et sanguine Domini. Jeronimus »

12. Fol. 9r-v : « Ambrosius. Caro Fol. 100vb-101ra salvatoris pro salute… – …non manducandum sanguinem » (Ambrosiaster, Commentarius in ep. ad Cor. primam, 11, 26, CSEL 81-2, p. 128, l. 5-9) [Pied de mouche] 12bis. « Notandum quod due sunt manducationes… – …si ratio experimentum preberet » (L 193)

Fol. 140rb : « Ambrosius de eodem. Caro salvatoris pro salute… – …non manducandum sanguinem » Fol. 140rb-va : « Idem. Notandum est quod due… – …si ratio experimentum preberet » (L 193)

13. Fol. 9v : « Augustinus. Nos Fol. 101ra-b : « Augustinus. Nos Fol. 140va : « Augustinus de corpore et sanguine Domini » autem speciem panis… – … autem non speciem… » quod benedictio consecravit » (Lanfrancus, De corpore et sanguine Christi, c. 13, PL 150, 423C e verbis Augustini, De catech. rudibus, 26, 50, PL 40, 34) 14. Fol. 9v : « Idem. Si queris Fol. 101rb : « Idem. Si queris Fol. 140va modum quod id… – …utiliter modum quo… » non potest » (Lanfrancus, De corpore et sanguine Christi, c. 10, PL 150, 421D). 14bis. « Item. Non est vox ista corporalis » (Ambrosius, De mysteriis, 9, 58, CSEL 73, p. 115, l. 98) 14ter. « Item ad Corinthios. Singuli accipiunt Christum… – … sed integrum se prebet in singulis » (Ex praefatione dominicae quintae post Epiphaniam, Corpus praefationum, textus Q-V, CCSL 161C, VD 1578, p. 477, l. 3-5)

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15. Fol. 9v-10v : « Idem. Scio Fol. 101rb-vb moveri posse… – …est secuta dampnatio » (Augustinus, In Johannis evangelium, 62, 1-3, CCSL 36, p. 483-484)

Fol. 140va-141ra

16. Fol. 10v : « Augustinus. Do- Fol. 101vb-102ra minus Christus Judam… – … qualis Judas fuit » (Enarr. in ps., in ps. 10, 6, CCSL 38, p. 79, l. 2230)

Fol. 141ra : « Idem »

17. Fol. 10v : « Augustinus. Fol. 102ra : « Item Augusti- Fol. 141ra : « Idem » Queritur utrum Dominus nos- nus… » ter Jhesus Christus in cena… – …non in voluntate » (L 138, l. 1-4 = Ivo Carnotensis, Epistula 287, PL 162, 285C, avec l. 5-6 originales) 18. Fol. 10v-11v : « Item Augus- Fol. 102ra-va : « Item Augusti- Fol. 141ra-va : « Idem » tinus. Item queritur quomodo nus… » posset corpus suum… – …indignationi mee satisfaciat » (L 138, l. 7-10 originales, l. 11-50 = Ivo Carnotensis, Epistula 287, PL 162, 285C-286C) 19. Fol. 11v-12r : « Item de sacra- Fol. 102va-103ra mentis altaris Augustinus utrum sub figura an sub veritate hoc misticum sacramentum calicis fiat. Veritas ait : caro mea… – …creatur illud corpus » (Pascasius Radbertus, De corpore et sanguine Domini, 4, CCCM 16, p. 27-28, l. 1-20 et 15, p. 93, l. 28-35 et p. 94, l. 42 pour la fin)

Avranches omet tout le début de cette sentence : « Veritas ait… – …id quod exterius sentitur » Fol. 141va : « Idem. Iteratur autem cotidie hoc sacramentum… – …efficit carnem et uvam sanguinem »

20. Fol. 12r : « Augustinus. Ra- Fol. 103ra-b tio utrum plus ex eo habeat qui majus aut qui minus accepit. Eadem ratio est… – …divinitas est consideranda » (Pascasius Radbertus, De corpore et sanguine Domini, 17, CCCM 16, p. 97, l. 1-8)

Fol. 141va : « Augustinus. Eadem ratio est in corpore Domini… – …divinitas est consideranda » (omission de la première phrase qui sert de rubrique dans Harley)

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21. Fol. 12r-v : « Augustinus. Fol. 103rb Cur hoc misterium ante passionem… – …ad immortalitatem et i ncorr upt ionem reparatur » (rectius Pascasius Radbertus, De corpore et sanguine Domini, 18 et 19, CCCM, 16, p. 99, l. 1-2 et 5-13, p. 101, l. 4-12)

Avranches, BM, 19 (V) Fol. 141va : « Idem. Cur hoc misterium… – …jam dampnatus erat » (omission de la fin de la sentence)

22. Fol. 12v : « Augustinus. Fol. 103rb Ego sum panis… – …qui premit dentibus » (In Johannis evangelium, 26, 12, CCSL 36, p. 266, l. 19-23) 23. Fol. 12v-13r : « Augustinus. Fol. 103rb-vb Vita unicuique erit corpus… – … et bibatur » (sermo 131, 1, PL 38, 729) ; « Manducatur Christus… – …totus in celo » (sermo 132 A = Mai 129, Miscellanea Agostiniana, t. 1, p. 375, l. 12-19, repris dans PLS 2, 518 3), « Quod videtis panis est… – … testimonium contra se » (sermo 272, PL 38, 1246-1248) ; « Tunc unusquisque corporis… – …illud significat invenitur » (Fulgentius Ruspensis, Epistula 12, 26, CCSL 91, p. 380381, l. 609-6174)

Fol. 141va-b : « Idem »

24. Fol. 13r : « Augustinus Fol. 103vb contra Faustum. Panis et calix non quilibet… – …non sacramentum religionis » (Contra Faustum, 20, 13, CSEL 25, p. 552553, l. 26-2) 25. Fol. 13r : « Augustinus. No- Fol. 103vb verunt Christum in fractione… – …fit corpus Christi » (sermo 234, 2, PL 38, 1116)

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D’authenticité contestée, cfr P.-P. Verbraken, Études critiques sur les sermons authentiques de saint Augustin, Steenbrugge, 1976, p. 178. La lettre de Fulgence recopie le sermon 272 d’Augustin et y ajoute cette conclusion.

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26. Fol. 13r : « Augustinus. Fol. 103vb-104ra Quia passus est pro nobis… – …quia simul vivimus » (sermo 229, 1-2 = Denis 6, Miscellanea Agostiniana, t. 1, p. 30, l. 6-9, 2529, avec coupes) 27. Fol. 13r-v : « Augustinus. Fol. 104ra Panis quem ego dabo… – … nisi corpus Christi » (In Johannis evangelium, 26, 13, CCSL 36, p. 266, l. 4-5, 7, 10-13) 27bis. « Item. Hunc cibum et potum… – …ad judicium sibi sumit » (26, 15, 17 et 18, CCSL 36, p. 267-268, l. 27-30, 33-38, 4-6, 3-9) 28. Fol. 13v : « Augustinus. Fol. 104ra Victime Judeorum fuerunt prophetia… – …et sanguinis Christi » (Contra Faustum, 20, 18, CSEL 25, p. 559, l. 8-13) 29. Fol. 13v : « Augustinus. Fol. 104ra-b : « …invisibiliter Cum dixisset Dominus : nisi intelligi » quis manducaverit… – … oportet visibiliter intelligi » (Enarr. in ps., ps. 98, 9, CCSL 39, p. 1386, l. 56-62) 30. Fol. 13v : « Augustinus. Fol. 104rb Credere in eum hoc est manducare… – …renascitur qui credit » (In Johannis evangelium, 26, 1, CCSL 36, p. 260, l. 32-34) 31. Fol. 13v : « Augustinus. Si- Fol. 104rb-va cut misit me… – …et illius spiritu vegetemur » (In Johannis evangelium tractatus, 26, 19 et 27, 1 et 11, CCSL 36, p. 268269, l. 1-2, 6-8, p. 270, l. 5-13, p. 276, l. 11-15) 32. Fol. 13v-14r : « Augustinus. Fol. 104va Donec veniat finem seculi… – …misteriis corporalibus egeamus » (Contra Faustum, 12, 20, CSEL 25, p. 349, l. 6-12)

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33. Fol. 14r : « Augustinus. Fol. 104va Non litigaverunt inter se… – …a ceteris cibis » (Epistula 54, 3, 4, CSEL 34-2, p. 163, l. 3-17), « Timendum est ei… – …ne indigne sumatur » (cfr Sermo 132 A = Mai 129, Miscellanea Agostiniana, t. 1, p. 376, l. 21-24)5 34. Fol. 14r : « Augustinus. Es- Fol. 104va-b cam vite accipit… – …sacramentum ad judicium sumit » (Prosper Aquitanus, Liber sententiarum, 343, CCSL 68A, p. 345, l. 1-5) 35. Fol. 14r : « Augustinus. Fol. 104vb Consepulti. Non ait sepulturam significavimus, sed sacramentum… – …non credit infidelis est » (Epistula 98, 9, CSEL 34-2, p. 531, l. 15-18, p. 530-531, l. 21-13, p. 532, l. 6-12) 36. Fol. 14v : « Guillelmus. De Fol. 104vb-105rb : « Willel- Fol. 141vb-142ra perceptione eucharistie di- mus… » versi quidem usus… – …de oleo consecrationis » (L 270) 37. Fol. 14v-15r : « Guillelmus. Fol. 105rb-va : « Willel- Fol. 142ra : « Idem. Dum… » Cum dicatur Dominus suum mus… » corpus… – …Christus Dominus noster » (L 271) 38. Fol. 15r : « Guillelmus. Cre- Fol. 105va : « Gregorius… – … Fol. 142ra-b : « Idem. Rredendendum est iterum quod sub- mucidum potest (mucidum : dum (sic)… » stantia illa… – …potest a. corr.) fieri » mucidum fieri » (L 272) 39. Fol. 15r : « Augustinus. No- Fol. 105va : « …verse integra Fol. 142rb : « Idem » tandum quia per consecratio- remanet » nem panis… – …sunt integra remanet » (L 273) 40. Fol. 15r : « Augustinus. Do- Fol. 105va-b minus Jesus dedit discipulis… – …impassibilem eis dedit » (L 274)

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Fol. 142rb : « Idem »

D’authenticité contestée, cfr P.-P. Verbraken, Études critiques, p. 178.

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41. Fol. 15r-v : « Beda. Panes Fol. 105vb-106ra propositionis ait Dominus… – …Dei et proximi flagrare » (loc. non rep.)

Fol. 142rb-va

42. Fol. 15v-16r : « Augustinus. Fol. 106ra-va Ego sum panis… – …ejus particeps fuerit » (In Johannis evangelium, 26, 13, 12, CCSL 36, p. 266, l. 1-3, p. 265-266, l. 4, 1121, 26 ; 12, p. 266, l. 22-23 ; 13, p. 266-267, l. 28-32 ; 15, p. 267268, l. 32-33 et 33-39)

Fol. 142va-b : « …particeps ejus fuerit »

43. Fol. 16r-v : « Augustinus. Fol. 106va-b (sans nom) Dominus dixit ad Judeos… – …dampnat aut coroborat » (In Johannis evangelium tractatus, 26, 11, CCSL 36, p. 264-265, l. 4-7, 20-35)

Fol. 142vb-143ra : « Idem… dampnat aut coronat »

44. Fol. 16v-17r : « Guillelmus. Fol. 106vb-107rb (sans nom) Queritur quale corpus Christus… – …pro nostra et de nostra » (L 275)

Fol. 143ra-b

45. Fol. 17r-v : « Amalarius de Fol. 107rb-108ra situ corporis Domini et calicis in altari. Nuperrime monstratum est… – …ut bibendo redimamur » (Liber officialis, 4, 47, p. 542-543), 45bis « Valet namque ad presentem rem de qua agitur illud quod domnus Beda exponit de templo Salomonis in libro Salomonis, in libro primo, capitulo VIII, sic dicens : ostium lateris medii (III Reg. 6, 8)… – …beatitudine perpetuo vivamus » (De templo, 1, CCSL 119A, p. 165-166, l. 744-745, 750-777) 46. Fol. 18r : « Amalarius de Fol. 108ra-b die Parasceve. Die Parasceve altaria… – …Christi salvatoris mundi » (rectius Rabanus Maurus, De institutione clericorum, 2, 37, p. 386-387, l. 45-58)

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47. Fol. 18r-v : « Amalarius de Fol. 108rb-va extinctione luminum et accensione in tribus noctibus ante Pascha. Quod lumen ecclesie extinguitur… – …renovationis novi testamenti » (Liber officialis, lectiones editionum, t. 2, 21 (34), p. 552)6 48. Fol. 18v : « Item. Per tres Fol. 108va-b : « [I]tem… » singulas noctes… – …sunt Christi sepulture » (ps. Alcuinus, De divinis officiis, 16, PL 101, 1203B-C)7 49. Fol. 18v-19v : « Amalarius Fol. 108vb-109rb de cereo. Cera Christi humanitatem… – …pro nobis factum immaculatum » (Liber officialis, 1, 17 et 18 et, t. 2, p. 110, l. 11-13, p. 111, l. 26-27, 32-33, 40-44, lectiones editionum, 4 (7), p. 546-547, 18, p. 112-113, l. 6-29, 31-36, 17, p. 110, l. 14-15) 50. Fol. 19v : « Amalarius. Fol. 109rb (sans nom) Diaconus aquam miscet… – …cantores in corpore Christi » (Liber officialis, 3, 19, 27, t. 2, p. 319-320, l. 9-12, 19-20, 3637) 51. Fol. 19v : « Augustinus Fol. 109rb-va : « …sit vetus et cur filii propter peccata pa- infirmus » rentum puniantur. Frustra nonnulli argumentantur… – …vetus sit et infirmus » (De peccatorum meritis et remissione, 2, 9, 11, CSEL 60, p. 8283, l. 14-3)

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Cette première version n’est donnée qu’en annexe de l’édition critique, car elle indique l’usage gaulois qu’une seconde rédaction a réduit au profit de l’usage romain, cfr éd. J. M. Hanssens, t. 1, 1948, p. 149. Cfr la notice de la Clavis scriptorum latinorum medii aevi, auctores Galliae 735-987, t. 2, Alcuinus, éd. M.-H. Jullien et F. Perelman, Turnhout, 1999, p. 133-134, où est signalée l’attribution à « Hamalarius Fortunatus… Trebirorum metropolitanus » dans une version interpolée. Il est aussi noté que certains éléments ont connu une importante diffusion dans les livres liturgiques.

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Annexe 1 Troyes, BM, 425 (T)

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52. Fol. 19v-20r : « Item Augus- Fol. 109va-b tinus. Parentum peccatis parvulos… – …posterius quisque nascitur » (Enchiridion, 13, 4647, CCSL 46, p. 74-75, l. 70-81, 94-98) 53. Fol. 20r : « Ambrosius. Fol. 109vb Quod ait Moyses Deum reddere… – …a patre contraxit filius » (loc. non rep.) 54. Fol. 20r : « Gregorius. Si Fol. 109vb-110ra pater iniquus iniquum… – … facta secuti sunt » (Moralia in Job, 15, 51, 57, CCSL 143A, p. 785-786, l. 23-27, 33-42) 55. Fol. 20r : « Augustinus. Fol. 110ra : « …prolapsam » Certus sum animam… – … culpam esse prohibitam » (Epistula 166, 2, 5, CSEL 44, p. 553, l. 9-11) 56. Fol. 20r : « Idem. Concupis- Fol. 110ra : « [I]dem » centia tanquam lex… – …ad illicita reos tenet » (De peccatorum meritis, 2, 4, 4, CSEL 60, p. 73-74, l. 15-2, 3-4) 57. Fol. 20v : « Idem. Non Fol. 110ra-b autem anima peccat… – …ex quo regeneratur oblatus » (Epistula 98, 1-2, CSEL 34-2, p. 521, l. 3-12, 16-18), « Inde colligimus hanc sententiam… – …t e r t i a m e t q u a r t a m generationem » 58. Fol. 20v : « Idem. Si quid Fol. 110rb-va per hec preter nostram voluntatem… – …se per hanc precipitet et cetera hujusmodi » (Epistula 47, 5, CSEL 34-2, p. 135-136, l. 20-4) 59. Fol. 20v : « Idem. Si peccave- Fol. 110va rit in te frater tuus (Matth. 18, 15)… – …ab altero nesciatur » (Sermo 82, 7, 10 et 8, 11, PL 38, 510-511)8

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Cfr P.-P. Verbraken, Études critiques, p. 73.

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Troyes, BM, 425 (T)

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60. Fol. 20v-21r : « Fabianus. Si Fol. 110va quis iratus crimen… – …reus criminis teneatur » (Lex romana Wisigothorum, 9, 1, 3, p. 170, cfr ps. Fabianus, Jaffé, t. 1, p. 924, n° 77) 61. Fol. 21r : « Augustinus de Fol. 110va-b creatione mundi. In prima lucis conditione… – …sui generis manerent » (De Genesi ad litteram, 2, 8, CSEL 28-1, p. 4445, l. 20-22, 7-8, 9-11, 14-17) 62. Fol. 21r : « Augustinus. Fol. 110vb Cum de ceteris dictum sit… – …sed ex demonstrante Deo » (cfr Confessiones, 13, 22, 32, CCSL 27, p. 260, l. 16-19) 63. Fol. 21r : « Augustinus. Di- Fol. 110vb-111ra : « …tot homi- Fol. 136ra cunt quidam Deum fecisse nes ascendent » angelos… – …tot homines ascendunt » (L 99) 64. Fol. 21r-v : « Augustinus. Fol. 111ra Apostolus ut ex invisibilibus visibilia (Heb. 11, 3)… – …ex informibus elementis formata » (cfr De Genesi contra Manicheos, 1, 3, 5, PL 34, 176, pour le début) 65. Fol. 21v : Augustinus. In Fol. 111ra-b principio fecit Deus… – …ne hoc esse putaretur » (De Genesi contra Manicheos, 1, 5, 9 et 7, 12, PL 34, 178-179)

Fol. 136ra-b

66. Fol. 21v : « Augustinus. Spi- Fol. 111rb ritus Domini ferebatur super aquas… – …de illa materia acturus sit » (L 98)

Fol. 136rb (réunit LP 65 et 66)

67. Fol. 21v : « Anselmus. Cor- Fol. 111rb-va pus Ade ante peccatum… – … et talibus indiget » (L 41) 68. Fol. 22r : « Anselmus. Pri- Fol. 111va-b mus homo factus… – …facientibus voluntatem ipsius » (L 55)

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Fol. 136rb

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Avranches, BM, 19 (V)

69. Fol. 22r : « Anselmus. Pri- Fol. 111vb mus homo locatus fuit… – … fructu quam de alio » (L 38) 70. Fol. 22r : Anselmus. Nullus Fol. 111vb-112ra vel homo vel angelus… – … stantibus utilissime apparet » (L 40) 71. Fol. 22r : « Anselmus. Inspi- Fol. 112ra : « Idem » ravit ei spiraculum vite… – … per quem vita existit » (L 37) 72. Fol. 22r-v : « Anselmus. Si Fol. 112ra : « Idem » liceret Ade post peccatum… – …vite et vivat in eternum » (L 39) 73. Fol. 22v-23r : « Guillelmus Fol. 112ra-113ra : « Willelmus » Fol. 136vb-137ra de providentia Dei. De provi- (sans titre) dentia Dei sic quidam… – … esse vel fuisse deceptum » (L 237) 74. Fol. 23r-24r : « Item Guillel- Fol. 113ra-b : « Item Willel- Fol. 137ra-va : « idem de eodem » (réunit LP 74 et 74bis) mus de providentia Dei. No- mus… » tandum de providentia Dei Deus providet… – …non sunt necessaria » (L 238, l. 1-39) 74bis. Fol. 24r : « Item Guillel- Fol. 113rb-va : « Item Willelmus. Cum previdisset Deus… – mus… » …applicat se voluntati Dei » (L 238, l. 39-49) 75. Fol. 24r-v : « Augustinus de Fol. 113va-b baptismo parvulorum. Bonum conjugii non est fervor… – … concupiscentiam restringens conubio » (De peccatorum meritis, 1, 29, 57, CSEL 60, p. 56, l. 1-3, 4-18)

Fol. 143rb : « Augustinus » (sans titre)

76. Fol. 24v : « Augustinus. Bap- Fol. 113vb tizatos a Paulo eos… – …sed a Christo concessus » (De baptismo, 5, 9, 10, CSEL 51, p. 270, l. 23-26)

Fol. 143rb-va : « Idem » (réunit LP 76 et 77)

77. Fol. 24v : « In eodem. Qua- Fol. 113vb propter ita credo… – …in nobis facta est » (De baptismo, 5, 10, 12, CSEL 51, p. 273, l. 9-13)

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Avranches, BM, 19 (V)

78. Fol. 24v : « Augustinus. Si- Fol. 113vb-114ra cut in sacramentis veteris testamenti… – …in libro tuo omnes scribentur (Ps. 138, 16) » (De baptismo, 1, 15, 24, CSEL 51, p. 168, l. 18-27, 28-30)

Fol. 143va : « Idem »

79. Fol. 24v : « Augustinus. Non Fol. 114ra-b dubito cathecuminum catholicum… – …justicia vestra et cetera » (De baptismo, 4, 21, 28, CSEL 51, p. 255-256, l. 12-16 et 20-24, l. 2-7)

Fol. 143va : « Augustinus de cathecuminis »

80. Fol. 25r : « Anselmus. Bap- Fol. 114rb-va : « Augusti- Fol. 143va-b (réunit LP 80 et 80bis) tismus Johannis non erat… – … nus… » indiguerunt alio baptismate » (L 52, l. 1-19) 80bis. Fol. 25r-v : « Potuit qui- Fol. 114va dem esse quod post… – …acceperunt suffficiens fuit » (L 52, l. 19-33) 81. Fol. 25v : « Anselmus. Spiri- Fol. 114va-b tus sanctus in Domino… – … corpus postea consecravit » (L 35)

Fol. 143vb-144ra : « Idem. Spiritus sanctus semper in Domino… »

82. Fol. 25v-26r : « Ivo. Sic Spiri- Fol. 114vb-115ra : « Ivo. Si… – Fol. 144ra : « …peracto ministus sanctus in columba… – … …peracto ministerio re- terio redeunt » deunt » peracto misterio redeunt »

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83. Fol. 26r : « Guillelmus. Ad Fol. 115ra : « Willelmus » horam apparuerunt species… – …in humana quam sumpsit natura » (L 239)

Fol. 144ra : « …quam assumpsit natura »

84. Fol. 26r : « Augustinus. Fol. 115ra Quod valet in ecclesia baptismus… – …circumcisio antiquis patribus » (cfr De nuptiis et concupiscentia, 2, 11, 24, CSEL 42, p. 276-277, l. 24-8 ; Gregorius, Moralia, 4, praefatio, 3, CCSL 143, p. 160, l. 69-72 et L 325, l. 1-3)

Fol. 144ra

85. Fol. 26r : « Augustinus de Fol. 115ra-b parvulo non baptizato. Contigit ut mulier vel homo… – …et ita salvus est » (loc. non rep.)

Fol. 144ra-b : « Idem »

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86. Fol. 26r : « Guillelmus de Fol. 115rb : « Willelmus » pena parvulorum. Ut dicit Augustinus mitissima est pena… – …verum diffinite non legi » (L 269)

Avranches, BM, 19 (V) Fol. 144rb (sans titre)

87. Fol. 26r-27r : « Ivo de sci- Fol. 115rb-116ra : « Ivo de scis- Fol. 144rb-va (sans titre) mate (sic). Patet secundum mate… » apostolicam sententiam ex errore scima… – …amplectitur catholicam pacem » 88. Fol. 27r-28v : « Guillelmus Fol. 116ra-117rb : « Willel- Fol. 144va-145rb (sans titre) de symonia. Simonia heresis a mus » Symone… – …pro Deo reddere » (L 281) 89. Fol. 28v-30r : « Ivo de eo- Fol. 117rb-118rb dem. In peccato Symonis a quo… – …dominicum corpus consecrando celebrat »

Fol. 145rb-146ra : « Idem Ivo… »

90. Fol. 30r : « Guillelmus. He- Fol. 118rb-va : « Willelmus » resis large dicitur… – …scienter veritatem impugnare » (L 280)

Fol. 146ra

91. Fol. 30r-v : « Guillelmus. Fol. 118va-b : « Guillermus » Dicunt quidam peccatum nullam… – …nec substantiam nec naturam » (L 278)

Fol. 146ra-b : « Idem »

92. Fol. 30v : « Guillelmus. Fol. 118vb-119ra9 Sciendum quod nichil malum… – …ex se mala est » (L 277, l. 1-13)

Fol. 146rb : « Idem »

93. Fol. 30v-31v : « Anselmus Fol. 119ra-va : « Anselmus cur Fol. 146rb-vb (sans titre) cur anime puerorum non bap- anime non baptizatorum putizatorum puniantur. Questio niantur » sepe ventilata est… – …judicia Dei et abyssus multa » (L 46) 94. Fol. 31v-33r : « Anselmus Fol. 119va-120rb de animabus hominum. Si animas descendere ex traduce… – …et nos debemus dubitare » (L 43)

9

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Fol. 146vb-147rb (sans titre)

Entre les fol. 118vb et 119ra de T on note un changement de mains ou de module d’écriture avec passage à un plus petit module permettant de copier plus de texte par ligne et par colonne.

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Annexe 1 London, British Library, Harley 3098 (e’)

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Troyes, BM, 425 (T)

Avranches, BM, 19 (V)

95. Fol. 33r : « Augustinus. Fol. 120rb Quod anime humane inter ceteras creaturas ab initio non sint create. Animas hominum non esse… – …creatorem omnium nosse » (Gennadius, Liber ecclesiasticorum dogmatum, 14, PL 42, 1216, sous le nom d’Augustin dans les Capitula sancti Augustini in urbem Romam transmissa, XVIIIa, CCSL 85A, p. 262, l. 142-150)

Fol. 147rb-va : « Augustinus quod anime non sunt create ab inicio… »

96. Fol. 33r : « Idem. Quod due Fol. 120rb anime non sint in uno corpore. Non duas esse animas… – … cogitationem quam vult » (Gennadius, Liber ecclesiasticorum dogmatum, 15, PL 42, 1216, sous le nom d’Augustin dans les Capitula sancti Augustini in urbem Romam transmissa, XVIIIb, CCSL 85A, p. 263, l. 151157)

Fol. 147va : « Idem due anime non sunt in uno corpore… »

97. Fol. 33r-v : « Idem. Quod Fol. 120rb-va spiritus tercius non sit in substantia hominis ut quidam affirmant. Non est tertius substantia… – …discipline effugiet fictum (Sap. 1, 5) » (Gennadius, Liber ecclesiasticorum dogmatum, 19, PL 42, 1216D, sans la fin dans les Capitula, XVIIIg, p. 265, l. 175-179)

Fol. 147va : « Idem quod spiritus III in substantia hominis non sit ut quidam dicunt… »

98. Fol. 33v : « Idem. Quod Fol. 120va anima humana non cum carne moriatur. Anima humana non cum carne moritur… – …procedat in mundo » (Gennadius, Liber ecclesiasticorum dogmatum, 17, PL 42, 1216C, sous le nom d’Augustin, Capitula, XVIIIe, CCSL 85A, p. 264, l. 167170)

Fol. 147va : « Idem. Anima humana non cum corpore… »

99. Fol. 33v : « Anselmus. Que- Fol. 120va ritur quare homo puniatur… – …terre redditur corruptum » (L 44)

Fol. 147va-b : « Anselmus de peccato »

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Annexe 1 Troyes, BM, 425 (T)

100. Fol. 33v-34r : « Anselmus. Fol. 120va-b Quod obicitur de anima mox a Deo… – …erunt justi in resurrectione » (L 45)

Avranches, BM, 19 (V) Fol. 147vb : « Augustinus »

101. Fol. 34r-v : « Augustinus. Fol. 120vb-121ra : « …in tene- Fol. 147v-148ra : « Idem » Animam rationalem natu- bris oberrabant » rali… – …inter illas oberrabant » (De peccatorum meritis, 2, 22, 36, CSEL 60, p. 107-108, l. 24-23) 102. Fol. 34v : « Melchiades Fol. 121ra : « Melchiades. Spi- Fol. 148ra : « Guillelmus Melpapa10. Spiritus qui super ritus Domini qui… » chiades papa… » aquas… – …potest peccare post mortem » (Eusebius Gallicanus, Homilia 29 de Pentecosten, 2, CCSL 101, p. 338, l. 23-36) 103. Fol. 34v-35r : « Anselmus. Fol. 121ra-b Queritur quid opus sit confirmatione… – …Ecclesia fieri constituit » (L 60)

Fol. 148ra-b : « …fieri instituit »

104. Fol. 35r : « Anselmus. Sicut Fol. 121rb in baptismo datur Spiritus… – …ovem suam inmeritam non deserit » (L 61)

Fol. 148rb : « Idem »

105. Fol. 35r-v : « Anselmus. Fol. 121rb Naturaliter fatui solo baptismi… – …juste factum est » (L 58)

Fol. 148rb : « Idem »

106. Fol. 35v : « Augustinus. Fol. 121rb-va Sciendum est quod cum alicubi… – …maxime occasionem haberent » (loc. non rep.)

Fol. 148rb-va : « …occasionem habuerint »

107. Fol. 35v : « Guillelmus. Di- Fol. 121va : « Willelmus » citur puer quam cito habeat animam… – …non ad alios patres » (L 247)

Fol. 148va

108. Fol. 35v : « Guillelmus. Etsi Fol. 121va : « Willelmus » anima sit mundata… – …seminaret malum semen » (L 249)

Fol. 148va : « Idem »

10

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In marg. ext. alt. manu : de baptismo et confirmatione.

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Troyes, BM, 425 (T)

Avranches, BM, 19 (V)

109. Fol. 35v-36r : « Guillelmus. Fol. 121va : « Willelmus » Destructo peccato remanet fomes… – …causa aliorum peccatorum » (L 257)

Fol. 148va : « Idem »

110. Fol. 36r : « Guillelmus. Fol. 121va-b : « Willelmus » Adam peccavit antequam comederet de ligno… – …facto misero subvenirent » (L 248)

Fol. 148va-vb : « Idem »

111. Fol. 36r : « Guillelmus. Fol. 121vb : « Willelmus » Cum dicatur concupiscentia effectus peccati… – …sine aliqua delectatione » (L 254)

Fol. 148vb : « Idem »

112. Fol. 36r-v : « Guillelmus. Fol. 121vb-122ra : « Willer- Fol. 148vb : « Idem » Queritur cum initium pec- mus » cati… – …humore terre accrescit » (L 252) 113. Fol. 36v : « Guillelmus. Ex Fol. 122ra : « Willelmus » materia corrupta nichil integrum… – …homo personaliter assumpsisset » (L 250)

Fol. 148vb : « Idem »

114. Fol. 36v : « Guillelmus. Fol. 122ra : « Willelmus » Rursus consequenter queritur si per baptismum… – …vite et vivat in eternum » (L 267)

Fol. 148vb-149ra : « Idem »

115. Fol. 36v-37r : « Guillelmus. Fol. 122ra-b : « Willelmus. Fol. 149ra-b : « Idem » Queritur cum Deus carnem… – Queritur cum carnem assu…videretur esse nostra co- meret Deus… » rona » (L 259)

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116. Fol. 37r-v : « Guillelmus. Fol. 122rb-va : « Willelmus » Sed iterum non levior questio… – …ex conjunctione corporis et anime » (L 260)

Fol. 149rb-va : « Idem »

117. Fol. 37v-38r : « Guillelmus Fol. 122va-b : « Willelmus… » de anima. Homo interior constat ex duabus… – …terrenis voluptatibus involvi » (L 244)

Fol. 149va : « Idem » (sans titre)

118. Fol. 38r : « Augustinus de Fol. 122vb anima. Anima tota simul est… – …nichil tale factum est » (Epistula 166, 2, 4, CSEL 44, p. 551-552, l. 9-4)

Fol. 149va (sans titre)

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Annexe 1 Troyes, BM, 425 (T)

Avranches, BM, 19 (V)

119. Fol. 38r : « Ambrosius. Fol. 122vb-123ra Cum anima omnia membra… – …non ociosa vagetur » (Ambrosiaster, Quaestiones veteris et novi Testamenti, 23, 2-3, CSEL 50, p. 50, l. 2-6, 16-25) 119bis : « Quod dicitur ‘quare fecit Deus animas eis quos novit cito morituros’, possumus respondere parentum hinc peccata vel convici vel flagellari » 120. Fol. 38r-v : « Augustinus Fol. 123ra in libro de origine anime. An forte dicendum est… – …mortem ejus sacramento » (Epistula 166, 8, 22, CSEL 44, p. 577-578, l. 10-16, 18-2) 121. Fol. 38v : « Guillelmus. Fol. 123ra : « Willelmus […] Fol. 149va-b (sans titre) Quid sit originale peccatum. Queritur quod (p. corr.) » Queritur quid sit originale peccatum… – …post baptismum per penitentiam » (L 251) 122. Fol. 38v-39r : « Guillelmus Fol. 123ra-b : « Willelmus » cur baptismus parentum non prodest filiis. Quod si queritur cum sit… – …in Maria virgine » (L 268)

Fol. 149vb : « Idem »

123. Fol. 39r : « Guillelmus. Fol. 123rb : « Willelmus » Queritur etiam cur filius quisque non contrahit… – …cujus peccati est pena » (L 256)

Fol. 149vb : « Idem de eodem […] illud cujus est pena »

124. Fol. 39r : « Guillelmus. Fol. 123rb : « Willelmus » Queritur cum ipsa concupiscentia vere sit… – …transducit perditionis effectum » (L 255)

Fol. 149vb-150ra : « Idem »

125. Fol. 39r : « Guillelmus. Fol. 123rb-va : « Willelmus » Queritur quomodo anima sentiat per quinque sensus… – … partes per quas sentit » (L 242)

Fol. 150ra : « Idem »

126. Fol. 39r-v : « Guillelmus. Fol. 123va : « Willelmus » Queritur an anima dum… – … per se anima utitur » (L 243)

Fol. 150ra : « Idem »

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Annexe 1 London, British Library, Harley 3098 (e’)

Avranches, BM, 19 (V)

127. Fol. 39v : « Beda. Qui vero Fol. 123va non crediderit… – …in baptismo remittuntur » (In Marci evangelium expositio, 4, 16, CCSL 120, p. 645, l. 1959-1964)

Fol. 150ra

128. Fol. 39v : « Augustinus. Fol. 123va Quis audeat quod dicuntur parvuli… – …honorentur merita parvulorum » (De praedestinatione sanctorum, 12, 24, PL 44, 977)

Fol. 150rb : « Idem. Quis audiat… »

129. Fol. 39v : « Augustinus. Fol. 123va Beatus Ciprianus indubitata fidei regula… – …dies octava ut quidam putaverunt expectetur » (De peccatorum meritis, 3, 5, 11, CSEL 60, p. 137, l. 8-9, 12-13, cfr 17-19)

Fol. 150ra-b

130. Fol. 39v : « Augustinus. Fol. 123vb Querens aliquid quomodo peccatum… – …diligentia purgato nascitur » (De peccatorum meritis, 3, 8, 16, CSEL 60, p. 142, l. 17-22)

Fol. 150rb : « Idem »

131. Fol. 39v-40r : « Radulfus. Fol. 123vb Cur Deus homo. In epistola ad Hebreos ubi… – …vinci nullo modo posset » (L 231)

Fol. 150rb-va (sans titre)

132. Fol. 40r-41r : « Anselmus de eodem. Super hunc versum ita magister Anselmus : decebat Deus omnipotens si nullam… – …nullus angelus cecidisset » (L 54)

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Troyes, BM, 425 (T)

Fol. 123vb-124va : « Anselmus Fol. 150va-151ra (sans titre) de eodem. Dicebat super hunc versum ita magister Anselmus… »

133. Fol. 41r-42r : « Radulfus. Fol. 124va-b Queri solet cur per humanitatem Verbi… – …una est persona » (L 232)

Fol. 151ra-b

134. Fol. 42r-43r : « Anselmus. Fol. 124vb-125rb Deus fecit hominem justum… – …quod suum non erat » (L 47, l. 1-59)

Fol. 151rb-vb : « Anselmus de eodem »

135. Fol. 43r : « Illa particula Fol. 125rb-va humanitatis cui… – …promittere minime erat » (L 47, l. 6072 et L 353, l. 1-13)

Fol. 151vb : « Idem. Illa particula… – …esset sicut Deus » (L 47, l. 60-72 et L 353, l. 1-13)

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136. Fol. 43r-v : « Ivo de pietate Fol. 125va et justicia et fortitudine Dei. Ista vocabula pius justus… – …haberemus duos patres et duos filios » 137. Fol. 43v : « Gregorius. Sic Fol. 125va immortalis conditus est homo… – …mori non posset » (Moralia, 4, 28, 54, CCSL 143, p. 198, l. 5-9)

Fol. 151vb : « Gregorius. Si inmortalis factus est homo… »

138. Fol. 43v : « Gregorius. Nisi Fol. 125va-b (sans nom) homo esset qui diabolum… – …per se constet cecidisse » (Glossa ad Heb. 2, 11)

Fol. 151vb : « Idem »

139. Fol. 43v : « Gregorius. Ho- Fol. 125vb minem perditum non aliquem… – …permanet in sua superbia » (loc. non rep.)

Fol. 151vb-152ra : « Idem »

140. Fol. 43v-44r : « Gregorius. Fol. 125vb Nusquam enim angelos apprehendit… – …hominem aliena prostravit » (Moralia, 4, 7, 12, CCSL 143, p. 171, l. 2126 ; 4, 3, 8, p. 168, l. 4-13, p. 169, l. 19-20)

Fol. 152ra : « Idem »

141. Fol. 44r : « Augustinus. Fol. 125vb Quando invenitur impossibile erat redimi… – …hoc referendum est » (L 348)

Fol. 152ra : « …est hoc referendum »

142. Fol. 44r-v : « Anselmus de Fol. 125vb-126rb angelo magni consilii. Deus Dei Filius… – …tenere injustus amisit » (L 48)

Fol. 152ra-b (sans titre)

143. Fol. 44v : « Augustinus de Fol. 126rb lapsu angeli. Non est putandum quod aliquo tempore… – …tempore eterna » (loc. non rep.)

Fol. 136rb (sans titre)

144. Fol. 44v-45r : « Augusti- Fol. 126rb-va nus de imagine et similitudine Dei. Nota quod solo verbo vel voluntate… – …sed ad imaginem » (L 29)

Fol. 136rb-va : « Idem. Ad imaginem et similitudinem… – … ubi finis ubi medium » (sans titre, incomplet du début et incluant LP 145)

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Troyes, BM, 425 (T)

Avranches, BM, 19 (V)

145. Fol. 45r : « Augustinus. Si- Fol. 126va cut anima in corpore… – …ubi finis ubi medium » (L 165) 146. Fol. 45r-v : « Augustinus. Fol. 126va-b Attende quod Deo qui solem… – …fieret sicut Deus » (Enarrationes in psalmos, ps. 70, 2, 6-7, CCSL 39, p. 964, l. 1719, p. 965, l. 54-55, 58-62, p. 966967, l. 1-2, 18-26, 33-38, 43-44)

Fol. 136va-b : « Idem »

147. Fol. 45v : « Guillelmus. Fol. 126vb Queritur an illa natura humana… – …confirmata erat ne peccaret » (L 263)

Fol. 152rb

148. Fol. 45v : « Augustinus ad Fol. 126vb Jheronimum. Super cherubim scriptum est… – …nulla scriptura commemorat » (rectius Hieronymus, Epistulae, 18B, 1, 17, CSEL 54, p. 98, l. 1012)

Fol. 152rb : « Augustinus »

149. 45v-46r : « Guillelmus de 126vb-127ra : « Willelmus » morte Christi. Credendum est divinam naturam… – …dampnationem tuam decernebat » (L 266)

137vb : « Idem »

150. Fol. 46r-v : « Augustinus. Fol. 127ra-b Queritur an Christus ex eo quod verbum est animam posuerit… – …non erat ibi mortuus » (In Johannis evangelium tractatus, 47, 11, CCSL 36, p. 411, l. 28-29 ; 12, p. 411, 1-4, 6-15, 2224 ; 13, p. 412, l. 2-4, 6-7, 10-14)

Fol. 137vb-138ra

151. Fol. 46v : « Augustinus. Fol. 127rb Queris utrum corpus Domini ossa… – …et fel nigrum ? » (Epistula 205, 1, 2, CSEL 57, p. 324, l. 11-22, p. 325, l. 9-16)

Fol. 152rb-va : « Idem ad Jeronimum… »

152. Fol. 46v-47r : « Anselmus Fol. 127rb-va de corpore et sanguine Domini. Credendum est sub specie panis… – …quale per naturam erat » (L 62)

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Annexe 1 Troyes, BM, 425 (T)

Avranches, BM, 19 (V)

153. Fol. 47r : « Anselmus. Hic Fol. 127va sanguis est confirmator… – … ab hominibus amarentur » (L 62bis) 154. Fol. 47r : « Notandum Fol. 127va quod Adam in eadem die… – …requiem intrare posset » (ut poterat in marg. ext.) (L 42)

Fol. 152va : « Anselmus… – … intrare poterat » »

155. Fol. 47r : « Gregorius. Fol. 127va Quod ex agno remanet… – … Spiritui sancto reservat » (Homiliae in evangelia, 2, 22, 8, PL 76, 1180B)

Fol. 152va

156. Fol. 47r : « Gregorius. Quis Fol. 127va inquit sit sanguis agni… – … intenta mente cogitatur » (Homiliae in evangelia, 2, 22, 7, PL 76, 1178A-B)

Fol. 152va : « Idem »

157. Fol. 47r-v : « Augustinus. Fol. 127va-b Christus secundum quod homo assumptus… – …ex eadem benivolentia » (L 185)

Fol. 138ra

158. Fol. 47v : « Augustinus. Fol. 127vb Quod de Domino scriptum est… – …aliqua figura veritatis ? », « Mendacium quippe est falsa… – …si recte intelligatur » (Quaestiones evangeliorum, 2, 51, CCSL 44B, p. 116, l. 2-6 ; Contra mendacium, 12, 26, CSEL 41, p. 507, l. 10-13)

Fol. 143rb : « Duod (sic) … »

159. Fol. 47v : « Augustinus de Fol. 127vb Penthecoste. Quinquagesimo die postquam filii… – …decem quiquanginta sunt » (loc. non rep.)

Fol. 143rb : « Idem. Cum quagesimo die… »

160. Fol. 47v-48r : « Loqueban- Fol. 127vb tur variis linguis… – …singulis linguis intelligerentur » (loc. non rep.)

Fol. 143rb : « Idem »

161. Fol. 48r-v : « Quota luna Fol. 127vb-128rb passus sit Dominus. Jheronimus. Greci et Latini cum… – …corpus Christi representari » (loc. non rep.)

Fol. 138va-139ra : « Jeronimus »

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Avranches, BM, 19 (V)

162. Fol. 48v-49v : « De distinc- Fol. 128rb-vb tione trium annorum quibus predicavit Johannes et de distinctione illorum trium annorum quibus predicavit Jesus. Jheronimus. Johannes Baptista predicationem… – … cum inventione capitis que tunc fuit » (loc. non rep.)

Fol. 139ra-b : « Idem de predicatione Domini et sancti Johannis »

163. Fol. 49v-50r : « Anselmus Fol. 128vb-129rb de prophetia. Prophetia interpretatur visio… – …ipse non vidit » (L 82)

Fol. 152va-153ra

164. Fol. 50r-v : « Item eadem Fol. 129rb questio. Radulfus. Inducit Ysaias Ezechiam… – …dimidio dierum meorum » (L 233)

Fol. 153ra-b (sans titre)

165. Fol. 50v-51r : « Gregorius. Fol. 129rb-va Nulla que in hoc mundo… – … fuit intus statutum » (Moralia, 12, 2, 2, CCSL 143A, p. 628-629, l. 2-23)11

Fol. 153rb

166. Fol. 51r : « Gregorius. Cum Fol. 129va-b tempus vite… – …ex presenti vita subtraxit » (Moralia, 16, 10, 14, CCSL 143A, p. 806, l. 2-27)

Fol. 153rb-va : « Idem »

167. Fol. 51r-v : « Jheronimus. Fol. 129vb Flevit Ezechias fletu magno (Is. 38, 3)… – …resuscitatos plurimos legerimus » (Commentarius in Isaiam, 11, 38, 1, CCSL 73, p. 443, l. 38-53)

Fol. 153va

168. Fol. 51v : « Anselmus. Fol. 129vb-130ra Queritur cum boni et mali… – …ut Balaam et Sibila » (L 83)

Fol. 153va

169. Fol. 51v : « Anselmus. Fol. 130ra Queritur unde Balaam tantam potestatem… – …esset irritam facere » (L 84)

Fol. 153va-b : « Idem »

11

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Le saut du même au même sur statutum (l. 5 et 9) a été corrigé par ajout du passage omis dans la marge inférieure du fol. 50v.

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Annexe 1 Troyes, BM, 425 (T)

Avranches, BM, 19 (V)

170. Fol. 51v-52r : « Gregorius. Fol. 130ra-b Deus presentia judicat… – … Ninive civitati magne ? » (rectius Hieronymus, Dialogus adversus Pelagianos, 3, 6, CCSL 80, p. 105, l. 31-37, 40-57)

Fol. 153vb

171. Fol. 52r-v : « Anselmus. Fol. 130rb Nota de Ezechia quod cum… – …non vives nisi fleveris » (Enarrationes in Mattheum, 1, PL 162, 1242D et 1252B-C)

Fol. 153vb-154ra

172. Fol. 52v-53r : « Anselmus. Fol. 130rb-vb Hunc eligit Deus et hunc reprobat. Venerabili abbati de Sancto Laurentio… – …novit superesse credo » (L 230)

Fol. 154ra-b (sans titre)

173. Fol. 53r : « Augustinus. Ab Fol. 130vb eodem Deo eodem… – …ille non nos nescimus » (loc. non rep.)

Fol. 154rb

174. Fol. 53r : « Augustinus. Fol. 130vb Deus nullum dampnat antequam… – …a precio videtur » (rectius Ambrosiaster, Commentarius in ep. ad Romanos, 9, 11-13, 1, CSEL 81-1, p. 312, l. 21-22, p. 314, l. 31-2 ; 9, 15, p. 318, l. 10-13 et 16-18 ; 9-16, p. 320-322, l. 31-3 avec comme source intermédiaire probable pour 9, 11-12 le découpage de Sedulius Scottus, Collectaneum in Apostolum, In ep. ad Rom., 9, 11-12, éd. Frede-Stanjek, p. 208, l. 104-109)

Fol. 154rb-va : « Idem »

175. Fol. 53r-v : « Augustinus. Fol. 130vb : « Augustinus. Fol. 154va : « Idem » Hunc per misericordiam eligit Tunc… » Deus… – …neutro est iniquitas », « Jacob gratia electus… – …gratia reprobatus » (cfr Epistula 186, 17, CSEL 57, p. 59, l. 17-18 et De diversis quaestionibus ad Simplicianum, 1, 2, 10, CCSL 44, p. 34, l. 273-274)

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176. Fol. 53v : « Augustinus. Fol. 130vb-131ra Ergo cujus vult miseretur… – …meritum voluntatem operatur » (De diversis quaestionibus octoginta tribus, 68, 4-5, CCSL 44A, p. 179-181, l. 122-124, 126129, 135-136, 143-146, 153)

Fol. 154va : « Idem »

177. Fol. 53v : « Augustinus. O Fol. 131ra homo caro… – …deprecatus erat erudiret » (loc. non rep.)

Fol. 154va : « Idem »

178. Fol. 53v : « Augustinus. Fol. 131ra Quid me fecisti… – …qui reprehendis Deum » (cfr Sermo 26, 15, CCSL 41, p. 358-359, l. 314-319)12

Fol. 154va : « Idem »

179. Fol. 53v-54r : « Augusti- Fol. 131ra-b nus. Quod si volens… – …nisi gratia subveniret » (Epistula 190, 3, 10, CSEL 57, p. 145, l. 3-6, 9-17 ; 11-12, p. 145-146, l. 20-18), « Si utrique liberarentur… – … quid gratia largiretur » (Ep. 194, 2, 5, CSEL 57, p. 179, l. 8-10), « Ideo creati sunt mali ut in his ostenderet quod valet liberum arbitrium sine gratia et discat bonus in eorum penis quid ei contulit gratia » (loc. non rep.)

Fol. 154vb : « Idem »

180. Fol. 54r : « Augustinus. Fol. 131rb An non habet potestatem figulus… – …hoc erat ex natura » (loc. non rep.)

Fol. 154vb : « Idem. An non habet luti figulus… »

181. Fol. 54r-v : « Augustinus. Fol. 131rb Quod si volens Deus (Rom. 9, 22)… – …gratia abusi sunt » (loc. non rep.)

Fol. 154vb-155ra : « Idem »

182. Fol. 54v : « Augustinus. Ut Fol. 131rb-va ostenderet divitias glorie sue (Rom. 9, 23)… – …ipsam gratiam conservavit » (loc. non rep.)

Fol. 155ra : « Idem… – …ad salutem bonorum » (réunit LP 182 et 183)

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Troyes, BM, 425 (T)

Cfr P.-P. Verbraken, Études critiques, p. 59.

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Annexe 1 Troyes, BM, 425 (T)

Avranches, BM, 19 (V)

183. Fol. 54v : « Augustinus. Fol. 131va Sustinet Deus malos… – …ad salutem bonorum » (De diversis quaestionibus ad Simplicianum, 1, 2, 18, CCSL 44, p. 47, l. 600-601) 184. Fol. 54v : « Anselmus. Fol. 131va Nota quod quibusdam nec gratiam… – …prescientiam nunquam defuit » (L 34)

Fol. 155ra : « Idem »

185. Fol. 54v-55r : « Ivo. In Juda Fol. 131va-b exemplum est patiendi… – … removit a communione »13

Fol. 155ra-b

186. Fol. 55r : « Augustinus. Fol. 131vb Nonnullos toleramus quos corrigere… – …de domo Domini » (Epistula 93, 12, 50, CSEL 34-2, p. 494, l. 10-15)

Fol. 155rb

187. Fol. 55r-v : « Gregorius. Fol. 131vb-132ra Cum prophete dicitur increduli… – …assidui iniquitate sermonis » (Homiliae in Hiezechihelem prophetam, 1, 9, 22-23, CCSL 142, p. 135-136, l. 456504)

Fol. 155rb-va

188. Fol. 55v-56r : « Anselmus Fol. 132ra de justicia Dei. Justicia Dei alia… – …et exigens justicia » (L 33)

Fol. 155va-b (sans titre)

189. Fol. 56r : « Gregorius. Qui- Fol. 132ra-b cumque Deo de bonis… – … deo maledicit » (Moralia, 1, 36, 51, CCSL 143, p. 52, l. 5-6), 189bis « Idem. Occultius est Dei judicium… – …nullum malum impunitum » (loc. non rep.)

Fol. 155vb

190. Fol. 56r-v : « Gregorius de Fol. 132rb : « Gregorius de Fol. 155vb : « Idem. Iniqui videntur stulti… » prosperitate et adversitate bo- prosperita (sic) » norum et malorum. Iniqui videntur fulti… – …in futuro dampnabiles judicabuntur » (loc. non rep.)

13

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In marg. ext. al. manu : « quod mali paciendi sunt in Eclesia ».

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Troyes, BM, 425 (T)

Avranches, BM, 19 (V)

191. Fol. 56v : « Augustinus de Fol. 132rb eodem. Due sunt benedictiones Domini… – …nescientibus malis exultat » (Enarrationes in psalmos, In ps. 66, 3, CCSL 39, p. 858-860, l. 1-2, 9-14, 25-30, 47, 55-56, 50, 70-71)

Fol. 155vb-156ra (sans titre)

192. Fol. 56v : « Augustinus. Fol. 132rb-va Locus malorum in mundo… – …retribuat quod meruerunt » (loc. non rep.)

Fol. 156ra : « Idem »

193. Fol. 57r : « Anselmus de Fol. 132va temptatione. Notandum quod temptatio est opus… – …ad illa superiora » (L 86)

Fol. 156ra-b (sans titre)

194. Fol. 57r-58r : « Anselmus. Fol. 132va-133ra Tribus modis temptatur homo… – …ut magis delectetur » (L 85)

Fol. 156rb-va : « Idem »

195. Fol. 58r : « Augustinus de Fol. 133ra : « Augustinus de illis qui emendantur aut dete- (his a. corr.) illis qui emendanriorantur in dolore aut morte tur aut deteriantur (sic) » parvulorum suorum. Novi aliquid operatur Deus… – … aliquid perpessi sunt » (De libero arbitrio, 3, 23, 230-231, CCSL 29, p. 315, l. 35-48 = Epistula 166, 7, 18, CSEL 44, p. 572573, l. 3-1) 196. Fol. 58r-59r : « Anselmus Fol. 133ra-va14 de voluntate Dei. Apostolus dicit… – …exhiberetur non creavit » (L 31)

Fol. 156va-157ra : « Idem »

197. Fol. 59r-v : « Anselmus. Fol. 133va Dicitur nullus posse resistere… – …facientium voluntate libera » (L 32)

Fol. 157ra : « Idem »

198. Fol. 59v : « Anselmus. Due Fol. 133va-b sunt voluntates in Deo… – … operibus huic voluntati » (Enarrationes in Mattheum, 6, PL 162, 1307B-D)

Fol. 157ra-b : « Idem »

14

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Contrairement à ce que laisse entendre l’apparat de dom Lottin (PM, L 31, p. 34), T porte pour la l. 36 : humano (vel mundano : s. lin.), ce qui confirme la filiation avec e’.

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Avranches, BM, 19 (V)

199. Fol. 59v-60v : « Anselmus Fol. 133vb-134ra de bona voluntate hominum. Ille dicitur habere… – …hoc genus est rarissimum » (L 69)

Fol. 157rb-va : Idem »

200. Fol. 60v : « Anselmus de Fol. 134ra contemptu Dei. Contempnere Deum est… – …nunquam da mpna r i promeret u r » (L 87)

Fol. 157va-b : « Idem de contemptu Dei »

201. Fol. 60v-61v : « Augusti- Fol. 134ra-va nus de caritate. Caritas est motus animi… – …ordinavit in me caritatem », « Dubitari vero solet… – …ut illa nutrienda » (Bernardus Clarevallensis, Sententiae, 1, 21, éd. LeclercqRochais, t. 6-2, p. 14-15, l. 17-2) (L 71, voir éd. de R. Wielockx, Ephemerides Theologicae Lovanienses, 58 (1982), p. 69-71)

Fol. 157vb-158ra : « Idem. Caritas est motus… – …ut ab illa nutrienda »

202. Fol. 61v-62r : « Item. An- Fol. 134va-b : « Anselmus… » selmus de eodem. Dilectio habet duos ramos… – …super omnia diligimus » (Enarrationes in Mattheum, 1, PL 162, 1231A-D)

Fol. 158ra-b : « Idem. Dilectio… »

203. Fol. 62r : « Augustinus de Fol. 134vb eodem. Numquid mox ut nascitur… – …in egestate positum » (In Johannis epistulam ad Parthos tractatus, 5, 3, 4 et 12, PL 35, 2014 et 2018)

Fol. 158rb (sans titre)

204. Fol. 62r-v : « Anselmus de Fol. 134vb-135ra remissione peccatorum. Deus qui omnia solus… – …est periculosum anime » (L 57)

Fol. 158rb-va (sans titre)

205. Fol. 62v : « Augustinus de Fol. 135ra peccatis. Non attendit Deus peccatum… – …quam intentiones peccantium » 205bis. « Item si jubemus duo observare… – …illud facere negleximus » (L 213)

Fol. 158va : « Augustinus de peccatis. Non attendit Deus peccatum…. – …quam intentiones peccancium » 158va : « Idem de eodem. Si jubemus due observare… – … illud facere negleximus »

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Troyes, BM, 425 (T)

Avranches, BM, 19 (V)

206. Fol. 62v-63r : « Augusti- Fol. 135ra nus. De certo peccato dixit… – …maxime non oderit fratrem » (In Johannis epistulam ad Parthos tractatus, 6, 3, 5 et 5, 3, 3, PL 35, 2022 et 2014)

Fol. 158va : « Idem… – …in dilectione fraterna » (incomplet de la fin)

207. Fol. 63r : « Guillelmus. Se- Fol. 135ra cundum divinos creature… – …voluntas dicitur peccatum » (L 241)

Fol. 158va

208. Fol. 63r-64r : « Gregorius. Fol. 135ra-va : « Gregorius. Fol. 158va-159ra Peccatum quod per peniten- Peccatum per quod… » tiam… – …et causa peccati » (Homiliae in Hiezechihelem, 1, 11, 24, CCSL 142, p. 179-180, l. 402-451), « Et alio loco : tardius peccatum solvitur… – … ejus filius appellatur » (Regula pastoralis, 3, 32, SC 382, p. 494)

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209. Fol. 64r : « Gregorius de Fol. 135va mendatio. Summopere cavendum est… – …presentis mentite sunt » (Moralia, 18, 3, 5 et 6, CCSL 143A, p. 888-889, l. 15-29, 33-36)

Fol. 159ra : « Idem »

210. Fol. 64r-v : « Anselmus. Fol. 135va-b Queri solet cum nulla… – … eos aliter intellecturos » (L 88, l. 1-15)

Fol. 159ra-b : « Anselmus de eodem »

211. Fol. 64v : « Anselmus. Ille Fol. 135vb mentiri dicitur… – …pluribus non tamen omnibus dicitur » (L 88, l. 16-45)

Fol. 159rb : « Idem »

212. Fol. 64v-65r : « Guillelmus Fol. 135vb-136ra de superbia. Superbia amor proprie excellentie… – …evidenter bonum esset » (L 279)

Fol. 159rb-va : « Guillelmus. Superbia est amor… »

213. Fol. 65r : « Augustinus. Fol. 136ra Sciendum est Deum fecisse etiam pulicem… – …rebus vilissimis domaretur » (In Johannis evangelium tractatus, 1, 15, CCSL 36, p. 9, l. 15-19)

Fol. 159va (réunit LP 213 et 214)

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Annexe 1 Troyes, BM, 425 (T)

Avranches, BM, 19 (V)

214. Fol. 65r : « Augustinus. Fol. 136ra Proppter (sic) superbiam instituit… – …Deum pulicibus subdatur » (In Johannis evangelium tractatus, 1, 15, CCSL 36, p. 9, l. 7-12) 215. Fol. 65r-v : « Augustinus Fol. 136ra de avaritia. Querimus aliquando quomodo… – …sufficere non potuit ? » (In Johannis epistulam ad Parthos tractatus, 8, 4, 6, PL 35, 2039)

Fol. 159va : « Idem. Queritur quomodo… »

216. Fol. 65v : « Augustinus de Fol. 136ra-b vana gloria. Qui se laudat… – …referenda creature attribuit » (L 212)

Fol. 159va : « Idem de vana gloria »

217. Fol. 65v : « Augustinus. Fol. 136rb Qui facit aliquod bonum… – …bonum sibi attribuit » (loc. non rep.)

Fol. 159va-vb : « Idem »

218. Fol. 65v : « Augustinus de Fol. 136rb juramento. Jurare est a malo… – …hoc concedere nolebat » (L 214)

Fol. 159vb : « Idem »

219. Fol. 65v : « Ysidorus. Non Fol. 136rb est servandum sacramentum… – …quam permanere in stupro » (Sententiae, 2, 31, 9, CCSL 111, p. 156, l. 27-31)

Fol. 159vb

220. Fol. 65v : « Anselmus de Fol. 136rb confessione peccatorum. Beda dicit de quibusdam debere… – …que privatim confitemur » (L 65)

Fol. 159vb

221. Fol. 66r : « Augustinus de Fol. 136rb remissione peccatorum. Dicunt quidam si non… – …dimittit non vos » (Sermo 99, 9, PL 38, 600)15

Fol. 159vb

222. Fol. 66r : « Augustinus de Fol. 136rb-va oratione. Cum oramus ad Deum… – …per eadem verba sive per diversa » (L 211)

Fol. 159vb-160ra : « Idem de oratione »

15

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Cfr P.-P. Verbraken, Études critiques, p. 77.

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Annexe 1 London, British Library, Harley 3098 (e’)

Troyes, BM, 425 (T)

Avranches, BM, 19 (V)

222bis. « Item. Melius est cum silentio… – …solis verbis sine intuitu mentis » (Isidorus Hispalensis, Sententiae, 3, 7, 4, CCSL 111, p. 221, l. 20-22) 223. Fol. 66r : « Maximus. Ad Fol. 136va orientem orare a sanctis apostolis… – …montem olivarum ad orientem » (loc. non rep.)

Fol. 160ra : « Jeronimus… »

224. Fol. 66r-v : « Gregorius. Fol. 136va : « Gregorius. Ali- Fol. 160ra Aliquando Ecclesia orat pro quando orat Ecclesia… » temporalibus… – …asperior adversitas ingruit » (loc. non rep.) 225. Fol. 66v : « Anselmus de Fol. 136va-b comestione. Comestio alia fit usque ad metam… – …ut dicit Apostolus » (L 80)

Fol. 160ra (sans titre)

226. Fol. 66v-67r : « Lanfrancus Fol. 136vb utrum debeant monachi relinquere ecclesias suas. Indicat um est m ich i… – … stabilitatem suam firmet suaderi » (ps. Lanfrancus Cantuariensis archiepiscopus, Epistula 60, PL 150, 549B-550B16)

Fol. 160ra-b (sans titre)

227. Fol. 67r : « Anselmus. Que- Fol. 136vb-137ra ritur de pueris qui a parentibus… – …sicut in omnibus rebus » (L 78)

Fol. 160rb

228. Fol. 67r-v : « Anselmus. Fol. 137ra Item dubitari solet postquam… – …maneat in suo ordine » (L 77)

Fol. 160rb-va : « Idem »

229. Fol. 67v : « Anselmus. Non Fol. 137ra est credendum illis… – …absque eis potest vivificari » (L 49)

Fol. 140rb

230. Fol. 67v-68r : « Anselmus Fol. 137ra-b de excecatione Judeorum et gentium. Nolo vos ignorare… – …sic saltem humilientur » (L 56)

Fol. 160va : Anselmus. Solo vos… »

16

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Cfr H. Clover et M. Gibson, The Letters of Lanfranc Archbishop of Canterbury, Oxford, 1979, p. 184-185 : la lettre est rejetée parmi les spuria.

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534 London, British Library, Harley 3098 (e’)

Annexe 1 Troyes, BM, 425 (T)

Avranches, BM, 19 (V)

231. Fol. 68r-v : « Anselmus. Fol. 137rb-va Cum lex habeat tria… – …tollere tollit ignis » (L 51)

Fol. 160va-b : « Idem… – …tollere non potest tollit ignis »

232. Fol. 68v : « Anselmus. Tes- Fol. 137va tamentum dicitur in quo… – …servire novi est » (L 53)

Fol. 160vb : « Idem »

233. Fol. 68v-69r : « Anselmus. Fol. 137va-b Solet autem dubitari quare non fiunt festa… – …festivitatibus sanctorum fieri solet » (L 95)17

Fol. 160vb-161ra : « Idem »

234. Fol. 69r : « Anselmus. Fol. 137vb Queri solet qui fuerunt illi… – …resurgere non possent » (L 94)

Fol. 161ra : « Idem »

235. Fol. 69r : « Anselmus. In Fol. 137vb majori misterio coluntur octave… – …post festum celebramus » (L 97)

Fol. 161ra : « Idem »

236. Fol. 69r-v : « Anselmus de Fol. 137vb-138ra nece sanctorum innocentum. Sciendum est quia interfectio… – …in excelsis Deo » (Enarrationes in Mattheum, 2, PL 162, 1258C-1259B avec coupes)

Fol. 161ra-b : « Idem. Sciendum est quod… »

237. Fol. 69v : « Anselmus de Fol. 138ra festo eorum. In festo innocentum… – …contigerit in dominica » (L 96)

Fol. 161rb : « Idem »

238. Fol. 69v : « Anselmus de Fol. 138ra catecuminis. Queritur de catecuminis si moriantur… – … qui prius baptizati sunt » (L 59)

Fol. 161rb : « Anselmus de cathecuminis… » = fol. 144va : « Idem », ce qui renvoie à Ivo alors que L 59 est d’Anselme, avec un ajout : « Quod apud nos valet aqua baptismatis hoc erat apud veteres vel pro parvuis sola fides vel pro majoribus virtus sacrificii vel his qui ex Abrahe styrpe prodierant misterium circoncisionis » (Gregorius, Moralia, 4, praefatio, 3, CCSL 143, p. 160, l. 69-72)

17

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In marg. ext. post. manu : « ratio quare non fiunt festa hominum veteris testamenti ».

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Annexe 1 London, British Library, Harley 3098 (e’)

Troyes, BM, 425 (T)

Avranches, BM, 19 (V)

239. Fol. 69v-70r : « Anselmus Fol. 138ra-b : « Anselmus de Fol. 161rb-va : « Idem » de illis qui ex demone nascun- his… » tur. Notandum est quosdam historiographos testari… – … de angelo Tobie legitur » (L 90) 240. Fol. 70r : « Anselmus de Fol. 138rb illis qui morte preocupantur. Corpora morte preoccupatorum… – … habuerunt vel in morte » (L 63)

Fol. 161va : « Idem… – …quam habuerunt in morte » (63, l. 1112)

241. Fol. 70r : « Siracius papa. Fol. 138rb Quicumque carnali fragilitate… – …gratiam volumus subveniri » (Jaffé 65, p. 20) 242. Fol. 70r : « Leo papa de Fol. 138rb infirmis penitentiam petentibus et antequam sacerdos veniat offitium oris amitentibus. Ita ergo talium necessitatibus… – …reconciliationis beneficium consequantur » (L 203)

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243. Fol. 70r-v : « Amalarius de Fol. 138rb-va misterio dedicationis ecclesie. In dedicatione cujusque templi… – …Deo lucrari debemus » (loc. non rep.)

Fol. 161va (sans titre)

244. Fol. 70v : « Amalarius. Fol. 138va Omnipotens Deus formavit hominem… – …in memoria tenere debemus » (loc. non rep.)

Fol. 161va-b : « Idem »

245. Fol. 70v-71r : « Ivo de latro- Fol. 138va-b nibus. Queritur de latronibus reis… – …eum non judicabit »

Fol. 161vb : « Ivo de latronibus. Queritur de reis ut de latronibus… »

246. Fol. 71r : « Ivo de campa- Fol. 138vb nis. Queritur si rectum sit quod campane… – …christianorum utilitates crismantur »

Fol. 161vb : (sans titre) « …utilitatem crismantur »

247. Fol. 71r : « Ivo de tabulis Fol. 138vb altaris. Queritur utrum tabule altarium… – …quod motum est ? » (Epistula 72, PL 162, 92A)

Fol. 161vb-162ra : « Idem » (sans titre)

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536 London, British Library, Harley 3098 (e’)

Annexe 1 Troyes, BM, 425 (T)

Avranches, BM, 19 (V)

248. Fol. 71r : « Ivo de presbi- Fol. 138vb tero lapso. Si quem presbiteru m aliquod cri m i nale peccatum… – … magna discretione »

Fol. 162ra (sans nom, les sentences LP 248 et 249 sont inversées)

249. Fol. 71r-v : « Ivo quod per Fol. 138vb symoniacum presbiterum operatur Deus. Quocumque modo aliquis… – …auditoribus accipit »

Fol. 162ra : « Idem » (sans titre)

250. Fol. 71v : « Registro. Per- Fol. 138vb venit ad nos quosdam de sacris ordinibus… – …ad altaris misterium non accedat » (Gregorius Magnus, Registrum epistularum, 4, Epistula 26, CCSL 140, p. 245, l. 23-28)

Fol. 162ra : « Gregorius… – … ad altaris officium non accedat »

251. Fol. 71v : « In quibusdam Fol. 138vb-139ra sententiis beati Augustini videri potest… – …tali rigore in melius corrigatur » (loc. non rep.)

Fol. 162ra

252. Fol. 71v : « Augustinus Fol. 139ra (sans titre) quot modis peccent homines. Quatuor modis peccant homines… – …palee excusse ante ventilabrum » (loc. non rep.)

Fol. 162ra-b (sans titre)

253. Fol. 71v : « Qui invenit et Fol. 139ra non reddit… – …non manum interrogat » (Sermo 178, 8-9, 9-10, PL 38, 965)18

Fol. 162rb : « Idem »

254. Fol. 71v-72r : « Cum qui- Fol. 139ra dam ruisset in puteum… – … illud devenerit noverimus » (Epistula 167, 1, 2, CSEL 44, p. 587-588, l. 13-2)

Fol. 162rb : « Idem. Dum… »

255. Fol. 72r : « De conjugii Fol. 139ra : « De conjugii trac- Fol. 162rb-163ra : « Ivo… – … juste a se recedunt » (réunit tractatibus prius sunt vi- tantibus… » LP 255, 256 et 257) denda… – …an conjugium sit perceptio an permissio » (loc. non rep.)

18

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Cfr P. P. Verbraken, Études critiques, p. 97.

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Annexe 1 London, British Library, Harley 3098 (e’)

Troyes, BM, 425 (T)

Avranches, BM, 19 (V)

256. Fol. 72r-73v : « Dicit itaque Fol. 139ra-vb Augustinus in libro super Genesim tripartitum est bonum nuptiarum… – …vel qui postea nati sunt » (loc. non rep.) 257. Fol. 73v : « Ivo. Ab illis qui Fol. 139vb sunt in sacris ordinibus… – … juste a se recedunt » 258. Fol. 73v : « Ivo. Cognati Fol. 139vb usque ad septimum gradum… – …nunc non licere »

Fol. 163ra : « Idem »

259. Fol. 73v-74v : « Ivo. Nunc Fol. 139vb-140rb dicenda est causa separationis… – …quibus liceat et quibus non »

Fol. 163ra-b : « Idem »

260. Fol. 74v : « Ivo. Dicunt qui- Fol. 140rb : « …dispensan- Fol. 163rb : « Idem… – …institutum est » (incomplet de la dam quod conjugium fa- dum » dernière phrase) cere… – …sancte Ecclesie desponsandum » 261. Fol. 74v : « Ivo. Queritur si Fol. 140rb post fidem alteri datam… – … priorem suam ducet »

Fol. 163rb-va : « Idem »

262. Fol. 74v-75r : « Ivo de Fol. 140rb-va consanguinitate. De consanguineis et usque ad septimum gradum… – …dimittere uxorem suam »

Fol. 163va (sans titre)

263. Fol. 75r : « Ivo. Nota ubi Fol. 140va : « …voluerint et fe- Fol. 163va : « Idem » non est consensus utrius- cerint » que… – …hoc fecerint et voluerint » (Parnormia, 6, 122, PL 161, 1275D ; L 206)

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264. Fol. 75r : « Ivo. Nota si ali- Fol. 140va quis duxerit uxorem… – … sterilem non licet dimittere »

Fol. 163va-b : « Idem »

265. Fol. 75r : « Ivo. Nota quod Fol. 140va aliqui dicunt non esse conjugium gentilium… – …Christus manifeste veniret » (L 406, l. 1-4)

Fol. 163vb : « Anselmus »

266. Fol. 75r-v : « Anselmus. Fol. 140va Magister Gregorius episcopo Carnotensi consentiente… – …quod sit conjugium » (L 406, l. 5-11)

Fol. 163vb : « Guillelmus »

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538 London, British Library, Harley 3098 (e’)

Annexe 1 Troyes, BM, 425 (T)

Avranches, BM, 19 (V)

267. Fol. 75v : « Anselmus. Fol. 140va-b Nota duo contraria dicit Leo papa… – …ut caritas augmentetur » (L 67)

Fol. 163vb

268. Fol. 75v : « Ivo. Nota duo- Fol. 140vb bus modis dicitur fides… – … rem habere secum » (L 207)

Fol. 163vb

269. Fol. 75v : « Ivo. Queritur Fol. 140vb utrum conjugium possit esse inter parentes… – …pudenda mulierum revelantur »

Fol. 163vb-164ra : « Idem »

270. Fol. 75v-76r : « Anselmus Fol. 140vb-141ra : « Leo papa Fol. 164ra (sans titre) de matrimonio et adulterio. de matrimonio et adulteLeo papa dicit : nullus potest rio… » illam… – …curam populi non habeat » (L 66) 271. Fol. 76r-v : « Ivo. Quia Fol. 141ra conjugium perfectum esse non potest… – …esset bonum sacramentum »

Fol. 164ra-b

272. Fol. 76v : « Haimo. Forni- Fol. 141ra cari est cum liberis puellis… – …cum pecudibus coire » (Expositio in Pauli epistulas, PL 117, Ad Gal., 5, 692C et Ad Eph., 5, 724C)

Fol. 164rb : « Haimo. Fornicari est cum liberis, puellis, cum viduis necdum Deo sacratis, cum masculis »

273. Fol. 76v : « Augustinus. Fol. 141ra-b Non precepit Moyses uxorem… – …duritiam vestram fecit » (De sermone Domini in monte, 1, 14, 39, CCSL 35, p. 4142, l. 898-904)

Fol. 164rb

274. Fol. 76v : « Jheronimus. Fol. 141rb Moyses dari jussit libellum… – …sed auferens homicidium » (Commentarii in evangelium Matthei, 1, CCSL 77, p. 32, l. 640642)

Fol. 164rb

275. Fol. 76v : « Ivo. Cum ali- Fol. 141rb quis servus ducit… – …se conjunxerit conditioni »

Fol. 164rb

276. Fol. 76v-77r : « Ivo. Queri- Fol. 141rb tur si debeant et possint separari… – …pro sorore habere poterit »

Fol. 164rb

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Annexe 1 London, British Library, Harley 3098 (e’)

Avranches, BM, 19 (V)

277. Fol. 77r : « Gregorius. Vir Fol. 141rb et mulier si se conjunxerint… – …verum sit accipiat alterum » (rectius Rabanus Maurus, Penitentiale ad Heribaldum, c. 29, PL 110, 491A)19

Fol. 164rb

278. Fol. 77r : « Gregorius papa Fol. 141rb junior. Nam quod proposuisti quod si mulier infirmitate correpta… – …non destetabilis culpa excludit. Hanc eandem sententiam scripsit beatus Gregorius Augustino Anglorum episcopo » (Gregorius II, Epistula 14, c. 2, PL 89, 525A)

Fol. 164rb-va

279. Fol. 77r : « Augustinus. Fol. 141rb-va Licite dimittitur conjunx… – …nunquam moritur Deus » (De adulterinis conjugiis, 2, 4-5, 4, CSEL 41, p. 386, l. 2-14)

Fol. 164va

280. Fol. 77r-v : « Augustinus. Fol. 141va Quod tibi durum videtur… – …credit miseratione deletum » (De adulterinis conjugiis, 2, 6, 5, CSEL 41, p. 387, l. 10-24)

Fol. 164va : « Idem »

281. Fol. 77v : « Augustinus. Fol. 141va Tantum valet ordinatio creatoris… – …vel rarus excessus » (De bono conjugali, 11, 12, CSEL 41, p. 203-204, l. 22-2)

Fol. 164va : « Idem »

282. Fol. 77v : « Gregorius. Vi- Fol. 141va duas a proposito discedentes viduitatis… – …a Domino tenebatur » (rectius Benedictus Levita, Capitularia, add. 4, c. 88, PL 97, 900A-B)

Fol. 164va-b : « Gregorius de viduis… »

19

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Troyes, BM, 425 (T)

Cfr L. Machielsen, « Les spurii de S. Grégoire le Grand en matière matrimoniale, dans les collections canoniques jusqu’au Décret de Gratien », Sacris erudiri, 14 (1963), p. 251-270, aux p. 254-255.

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540 London, British Library, Harley 3098 (e’)

Annexe 1 Troyes, BM, 425 (T)

283. Fol. 77v : « Nicholaus Fol. 141va-b papa. Vidua que sub sacro velamine… – …rite non observatur » (Jaffé 2844 (2151), p. 363, Epistula 125, PL 119, 1125C-D)

Avranches, BM, 19 (V) Fol. 164vb (arrêt des points communs avec e’)20

284. Fol. 77v : « Iginus papa. Si Fol. 141vb adulterio vel homicidio fuerit ecclesia violata, diligentissime expurgetur et denuo consecretur » 284bis. « Idem. Ligna ecclesie dedicate… – …non debent opera admitti » (Jaffé 39 (XXXVI) et 40 (XXXVII), p. 7) 285. Fol. 78r : « Jheronimus. In Fol. 141vb comparationem duorum malorum… – …et fingere sanctitatem » (Commentarius in Isaiam, 6, 16, 14, CCSL 73, p. 266, l. 43-45) 286. Fol. 78r : « Ambrosius su- Fol. 141vb per epistolam ad Corinthios. Quod si infidelis discedit… – …Dei firmatur conjugium » (Ambrosiaster, Commentarius in ep. ad Cor. primam, 7, 15, CSEL 81-2, p. 76-77, l. 20-11, 16-21) 287. Fol. 78r-v : « Jheronimus. Fol. 141vb-142ra Cum evangelista dicat… – … humiliavit uxorem proximi sui » (Adversus Helvidium de perpetua virginitate Mariae, 4, PL 23, 186C-187A) 288. Fol. 78v : « Jheronimus de Fol. 142ra LXX interpretibus. Septuaginta interpretes qui… – …in ecclesiis sepe invenitur » (loc. non rep.)

20

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Le manuscrit contient une dernière sentence comprise comme telle dans la table des matières au fol. 133rb : « De lapsu diaboli LXXII ». En fait, le compte est décalé dans le manuscrit qui finit par cette sentence sous le numéro « LXXIIII » au fol. 164vb-165vb : « Quando ejecerit superbia diabolum… – …nec ejus sententia liberari » (Augustinus, De Genesi ad litteram, 11, 16-23, CSEL 28-1, p. 348-350, l. 20-9, p. 350-351, l. 15-1, p. 351, l. 9-10, p. 351-353, l. 19-6, p. 353-354, l. 25-2, p. 354-355, l. 12-5, p. 355-356, l. 10-4).

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Annexe 1 London, British Library, Harley 3098 (e’)

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289. Fol. 78v-79r : « Augusti- Fol. 142ra-b nus. Quid dicimus de illo qui cepit… – …foras mittit timorem » (In Johannis epistulam ad Parthos tractatus, 9, 4, 4, PL 35, 2047) 290. Fol. 79r : « Augustinus. Fol. 142rb Attendat caritas vestra sunt homines qui… – …amitas (sic) ipsa bona » (In Johannis epistulam ad Parthos tractatus, 9, 4, 5, PL 35, 2049) 291. Fol. 79r : « Augustinus. Fol. 142rb Questio est unde aquam in sanguinem… – …fieri postea potuit » (Quaestionum in heptateuchum libri septem, 2, Quaestiones Exodi, 23, CCSL 33, p. 78, l. 302-311) 292. Fol. 79r-v : « Anselmus. Fol. 142rb-va Inveniuntur quedam in scripturis… – …penitens a sacerdote solvatur » (L 64) 293. Fol. 79v-80r : « Anselmus Fol. 142va : « …Quod ille… » de excommunicatis. Quod ipse solus habendus sit… – … sepe falso nominatur » (L 89) 294. Fol. 80r : « Augustinus. Fol. 142va-b Ad Auxilium qui excommunicaverat Classianum cum familia. Audisti fortasse aliquos magni nominis… – …respondeam non invenio » (Epistula 250, 2, CSEL 57, p. 595, l. 5-9) 295. Fol. 80r : « Idem ad Fol. 142vb eumdem. Illud plane non temere dixerim… – …qui hanc sustinet » (Epistula 250 A, CSEL 57, p. 598, l. 11-14, et Epistulae nuper in lucem prolatae, 1, 5, CSEL 88, p. 6, l. 9-11)

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296. Fol. 80r : « Gregorius. Fuit Fol. 142vb ut ipse ligandi poterat… – … subjectorum moribus exercet » (Homiliae in evangelia 2, 26, 5, PL 76, 1200B), 296bis « Item. Numquidnam Petrus in hac… – …fide et moribus tenent » (Dialogi, 2, 23, 6, SC 260, p. 208-210, l. 52-57), 296ter « His capitulis suprascriptis prudens lector… – …ne de mundo exeant » (loc. non rep.) 297. Fol. 80r-v : « Augustinus Fol. 142vb contra scripta Petuliani. Ut sit unusquisque verus sacerdos… – …dicit idem Augustinus contra Petulianum » (Contra litteras Petiliani, 2, 30, 69, CSEL 52, p. 58, l. 23-28 ; Contra epistulam Parmeniani, 2, 6, 11, CSEL 51, p. 56, l. 23-26) 298. Fol. 80v-81r : « Augustinus Fol. 143ra : « Augustinus contra epistolam Parmeniani. contra epistolam ParmeSpiritus sanctus in Ecclesie nii… » preposito… – …vinculum pacis hi sunt » (2, 11, 24 ; 2, 13, 28 et 30, CSEL 51, p. 74, l. 8-17, p. 79, l. 8-22, p. 81, l. 15-18) 299. Fol. 81r : « Ivo. Rogare de- Fol. 143ra bemus sacerdotes… – …qualibet occasione possint » 300. Fol. 81r : « Ivo. Solet contin- Fol. 143ra-b gere quod contra aliquem accusatum… – …fuerint idonei reprobare » 301. Fol. 81r : « Ivo. Infamatis id Fol. 143rb est convictis… – …licet testes esse » 302. Fol. 81r-v : « Anselmus. Fol. 143rb-va Queritur quomodo intelligendum est… – …in Egypto legitur accipimus » (L 74)

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303. Fol. 81v : « Ysidorus. Ton- Fol. 143va sura ecclesiastica a Nazareis… – …genus electum regale sacerdotium (1 Pet. 2, 9) » (De ecclesiasticis officiis, 2, 4, CCSL 113, p. 55-56, l. 1-5, 6-11, 13-14, 18-20, 23-27, 33) 304. Fol. 81v-82r : « Augustinus Fol. 143va de compunctione. Nota duo esse genera… – … filie sue Auxe » (rectius Gregorius, Dialogi, 3, 34, 2 et 5, SC 260, p. 400, l. 6-15 et p. 402, l. 40-41), « Que etiam significant duo turtures… – …in sacrificio Domino » (cfr Moralia, 32, 3, 4, CCSL 143B, p. 1629, l. 56-57) 305. Fol. 82r : « Augustinus. Fol. 143va Duo sunt genera ablutionis… – …filius gravissime puniatur » (L 219) 306. Fol. 82r : « Augustinus ad Fol. 143va-b Evodium. De illo quidem primo homine… – …intellectu facere videatur » (Epistula 164, 3, 6, CSEL 44, p. 526, l. 6-15) 307. Fol. 82r-v : « Augustinus. Fol. 143vb Primi homines ante diluvium… – …nunc repressius peccant » (L 180) 308. Fol. 82v-83r : « Augustinus Fol. 143vb-144rb de resurrectione mortuorum. Primo occurit de abortivis… – …corpora sint futura non spiritus » (Enchiridion, 23, 85-91, CCSL 46, p. 95-98, l. 9-22, 27-57, 78-81, 90-97) 309. Fol. 83r-84v : « Jheronimus Fol. 144rb-vb in vita sancte Paule. Quidam veterator et callidus… – …Judei autumant » (Epistula 108, Epitaphium sanctae Paulae, 23, CSEL 55, p. 339-340, l. 21-4 ; 2325, p. 340-343, l. 14-13 ; 25, p. 343-344, l. 18-2)

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310. Fol. 84v-85r : « Augustinus Fol. 144vb-145ra de resurrectione. Non est credendum quod in communi resurrectione… – …hoc secundum etatem Christi » (L 499) 311. Fol. 85r : « Augustinus. In Fol. 145ra (sans rubrique) mensuram etatis plenitudinis (Eph. 4, 13)… – …ut circa XXX annos » (De civitate Dei, 22, 15, CCSL 48, p. 834, l. 9-11, 18-19) 312. Fol. 85r : « Augustinus. Fol. 145ra Non est autem fas dicere… – …nec capillus periturus sit » (De civitate Dei, 22, 15, CCSL 48, p. 834, l. 2-4, 6-8) 313. Fol. 85r-v : « In virum per- Fol. 145ra fectum… – …integer vir Christus et Ecclesia » (cfr Glossa ad Eph. 4, 13 et Herveus Burgidolensis, Comm. in ep. ad Eph., 4, PL 181, 1247D-1248A) 314. Fol. 85v : « In judicio vide- Fol. 145ra : « Augustinus » bunt impii Dominum et postea non » (cfr Augustinus, Enarrationes in psalmos, ps. 85, 21, CCSL 39, p. 1194, l. 56-58) 315. Fol. 85v : « Jheronimus. Fol. 145rb Videbu nt peccatores i n quem… – …ad suam penam videbunt » (loc. non rep.) 316. Fol. 85v : « Augustinus. Fol. 145rb Abortivos fetus in utero… – … pertineat resurrectio mortuorum » (De civitate Dei, 22, 13, CCSL 48, p. 833, l. 3-7) 317. Fol. 85v : « Augustinus ad Fol. 145rb Evodium. Si quibusdam sanctis jam… – …perficiendis in fine promittitur » (Epistula 164, 3, 9, CSEL 44, p. 528, l. 2021, p. 529-530, 21-2)

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318. Fol. 85v : « Augustinus. Fol. 145rb Absit ut dicamus sanctos in illa vita… – …sed ubique tota est » (De civitate Dei, 22, 29, CCSL 48, p. 859, l. 95-104) 319. Fol. 85v : « Augustinus. Fol. 145rb Patebunt etiam cogitationes nostre… – …mox erit corpus » (De civitate Dei, 22, 29 et 30, CCSL 48, p. 862, l. 207-208, 1516, 19) 320. Fol. 85v-86r : « Anselmus. Fol. 145rb Non est credendum quod in resurrectione anima… – … sive incorruptio sive glorificatio » (L 93) 321. Fol. 86r : « Anselmus. Post Fol. 145rb dissolutionem anime et corporis… – …persona una dicuntur » (L 91) 322. Fol. 86r-v : « Anselmus. Fol. 145rb-va Queritur utrum cibi vertantur… – …corpus non converti » (L 36) 323. Fol. 86v : « Anselmus de Fol. 145va-b judicio. De judicio si sit faciendum… – …boni et qui mali » (L 92) 324. Fol. 86v : « Augustinus ad Fol. 145vb Donatistas. Quisquis a catholica Ecclesia… – …sed consensio factorum » (Epistula 141, 5, CSEL 44, p. 238 et 239, l. 21-25, 5-7) 325. Fol. 86v-87r : « Beda. Quo- Fol. 145vb modo Dominus post resurrectionem… – …superborum infidelitatemque confundere » (In Lucae evangelium expositio, 6, 24, CCSL 120, p. 419, l. 22502255) 326. Fol. 87r : « Augustinus. Fol. 145vb Purgatorias penas nullus… – …equali modestia sentiatur » (De civitate Dei, 21, 16, CCSL 48, p. 783, l. 42-48)

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327. Fol. 87r : « Augustinus. Fol. 145vb Cum in hac vita punit… – … cedunt sic ipse » (L 167, l. 1-4) 328. Fol. 87r : « Augustinus. Fol. 145vb Irasci dicitur Deus… – …furor ejus dicitur » (cfr Enchiridion, 10, 33, CCSL 46, p. 68, l. 18-21) 329. Fol. 87r : « Anselmus. Vir- Fol. 145vb-146ra tus est habitus mentis… – … postquam ille penituerit » (L 68) 330. Fol. 87r : « Anselmus. Que- Fol. 146ra dam sunt que etiam non voventes… – …sine offensa prioris monasterii » (L 76) 331. Fol. 87r-88r : « Anselmus. Fol. 146ra-b Inter spem et presumptionem… – …proximo malum est » (L 70) 332. Fol. 88r : « Augustinus. Fol. 146rb Quocumque modo se habeant… – …diviti fili recordare » (L 217, l. 1-3) 333. Fol. 88r : « Anselmus. De Fol. 146rb antiquis patribus qui… – …ut aperte dicit Apostolus » (L 50) 334. Fol. 88r : « Jheronimus. Sti- Fol. 146rb mulus Apostoli fuit luxuria… – …a comitatu illius » (cfr ps. Hieronymus, Epistula 42, 5, PL 30, 290A) 335. Fol. 88r-v : « Anselmus. Fol. 146rb-va Servi mercennarii filii… – … hominem e xc u s a b i l e m reddunt » (L 75) 336. Fol. 88v : « Augustinus. Fol. 146va Dominus dicit veritas… – … quibus conversamur in terra » (In Johannis evangelium tractatus, 56, 4, CCSL 36, p. 468, l. 2-19) 337. Fol. 88v-89r : « Anselmus Fol. 146va de elemosina danda. Nota quia in elemosina… – …enim petit in omnibus » (L 79)

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338. Fol. 89r-v : « Anselmus de Fol. 146va scandalis vitandis. Nota in quibus rebus… – …salutis periculum timeatur » (L 81) 339. Fol. 89v : « Nota quedam in Fol. 147ra divina scriptura… – …tota est referendum est » (L 224) 340. Fol. 89v-90r : « Jheronimus Fol. 147ra de primogenitis. Tradunt Hebrei quod… – …regum liberato redierit » (Epistula 73, 6, CSEL 55, p. 19-20, l. 16-2) 341. Fol. 90r : « Augustinus. Fol. 147ra-b Cum sacrificia sive… – …fiat ipsa dampnatio » (Enchiridion, 29, 110, CCSL 46, p. 108-109, l. 2431) 342. Fol. 90r : « Gregorius. Fol. 147rb Quem visurus sum ego… – … essentiam veracis nature » (Moralia, 14, 57, 77, CCSL 143A, p. 746, l. 1-2, 11-15) 343. Fol. 90r : « Gregorius. Ful- Fol. 147rb gebunt justi et tanquam scintille (Sap. 3, 7)… – …se esse cognoscunt » (Moralia, 24, 22, 49, CCSL 143B, p. 1224, l. 35-41) 344. Fol. 90r : « Gregorius. Ful- Fol. 147rb gebunt justi (Sap. 3, 7). Justi id est illi… – …regnabunt cum Christo justi » (loc. non rep.) 345. Fol. 90r-v : « Gregorius. Fol. 147rb Creans mala (Is. 45, 7). Non quod mala… – …in flagella vertuntur » (Moralia, 3, 9, 15, CCSL 143, p. 124, l. 19-24, 3137) 346. Fol. 90v : « Gregorius. Bu- Fol. 147rb tirum et mel (cfr Job 20, 17). Mel desuper… – …incarnationis Christi significat » (cfr Moralia, 15, 16, 20, CCSL 143A, p. 761, l. 28, 32-33)

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347. Fol. 90v : « Gregorius. Qui Fol. 147rb dimittit aquam (Prov. 17, 14)… – …origo discordie promitur » (Moralia, 5, 13, 30, CCSL 143, p. 239, l. 17-20) 348. Fol. 90v : « Gregorius. Le- Fol. 147rb-va vite radant omnes pilos (Num. 8, 7)… – …ferro sollicitudinis recidat » (Moralia, 5, 33, 59, CCSL 143, p. 260, l. 22-26, 3436) 349. Fol. 90v : « Jheronimus de Fol. 147va tribus magis. Tres magi non uti… – …Arabes venistis in orbem » (rectius Enarrationes in Mattheum, 2, PL 162, 1253D) 350. Fol. 90v-91r : « Anselmus Fol. 147va de stella. Dubium est utrum stella orta sit… – …quod frivolum putatur » (Enarrationes in Mattheum, 2, PL 162, 1254A-D avec coupes) 351. Fol. 91r : « Ivo. Iccirco pic- Fol. 147va tura in ecclesiis adhibetur… – …legere non valent » 352. Fol. 91r : « Augustinus. Fol. 147va-b Aliud est credere Christo… – …ejus membris incorporari » (In Johannis evangelium tractatus, 29, 6, CCSL 36, p. 287, l. 3638, 39-41) 353. Fol. 91r : « Augustinus. Oculi non habentes sanitatem… – …inmunda corda non portant » (De adulterinis conjugiis, 1, 27, 34, CSEL 41, p. 381, l. 8)

Fol. 147vb

354. Fol. 91r : « Ambrosius. Fol. 147vb Nam si oculi nostri cum aliqua obducuntur… – …repleatur anima mea (ps. 62, 6) » (l. 4, Epistula 11, 2, CSEL 82-1, p. 7980, l. 15-23)

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355. Fol. 91r : « Gregorius. Ab- Fol. 147vb sit a fidelium cordibus ut esse aliquid fatum dicant » (Homiliae in evangelia, 1, 10, 4, PL 76, 1112A) 356. Fol. 91r : « Augustinus. Fol. 147vb Ve his qui trahunt peccata… – …peccatorum suorum unusqu i sque con st r i ng it u r » (Enarrationes in psalmos, ps. 130, 2, CCSL 40, p. 1899, l. 8-10, 22-23) 357. Fol. 91r : « In vita beati Fol. 147vb Basilii legitur : Quis est mundus ? Qui est super mundum » (ps. Amphilochius Iconiensis, Vita beati Basilii, 2, PL 73, 297B) 358. Fol. 91r : « Tullius. Que Fol. 147vb est prima diffinitio philosophie ? Meditatio mortis » (Tusculanae disputationes, I, 30, 74, p. 46, cfr ps. Amphilochius Iconiensis, Vita beati Basilii, 2, PL 73, 297B) 359. Fol. 91r-v : « Augustinus. Fol. 147vb Facite vobis amicos… – …in thesauris Dei » (Sermo 41, 6, CCSL 41, p. 500-501, l. 188-191), « Mammona iniquitatis ob hoc… – …mamona divitie interpretantur » (Quaestiones evangeliorum, 2, 34, CCSL 44B, p. 85, l. 25-27) 360. Fol. 91v : « Augustinus. Fol. 147vb Cupiditas mundi est ancilla… – …servitio misere mancipemur » (loc. non rep.) 361. Fol. 91v : « Augustinus. Fol. 147vb Omnes eque diligendi… – … constrictius tibi junguntur » (De doctrina christiana, 1, 28, 29, CCSL 32, p. 22, l. 1-4)

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362. Fol. 91v : « Augustinus. Fol. 147vb-148ra Deus ubique est per divinitatis… – …contentiosi non fuerunt » (Epistula 187, 5, 16, CSEL 57, p. 94, l. 6-7, 9-10 ; 8, 26, p. 103, l. 13-16 ; 8, 27, p. 104, l. 6-7 ; 8, 29, p. 106-107, l. 24-4, 6-8) 363. Fol. 91v : « Augustinus. Fol. 148ra Justo non est lex… – …quem delectat justicia » (Contra Faustum, 15, 8, CSEL 25, p. 435, l. 6-8) 364. Fol. 91v : « Augustinus. Fol. 148ra Multa levia faciunt unum grande ut grana massam » (In Johannis epistulam ad Parthos tractatus, 1, PL 35, 1982) 365. Fol. 91v : « Stulti a segetis Fol. 148ra : « Augustinus » asperitate horrent, spinarum floribus inhiant » (De Genesi ad litteram, 1, 20, CSEL 28-1, p. 30, l. 15-16) 366. Fol. 91v : « Augustinus. Fol. 148ra Hereticus est qui alicujus… – …veritatis et pietatis illusus » (De utilitate credendi, 1, 1, CSEL 25, p. 3, l. 6-11) 367. Fol. 91v : « Augustinus. Fol. 148ra Qui in Ecclesia aliquid pravum… – …heretici fiunt » (De civitate Dei, 18, 51, CCSL 48, p. 649, l. 7-10), « Qui exercent sapientiam catholicorum… – …imprundente autem ministro utetur » (loc. non rep.)21 368. Fol. 148ra : « Augustinus. Plerique boni tacent… – …secundum ordinem Ecclesie » (Sermo 351, 4, 10 PL 39, 1546 et 1547)22.

21 22

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Le manuscrit e’ s’arrête avec cette sentence. D’authenticité contestée, cfr P.-P. Verbraken, Études critiques, p. 147.

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369. Fol. 148ra : « Ysidorus. Non est servandum sacramentum… – …sacramento penitentia agenda » (cfr pour le début : Sententiae, 2, 31, 9, CCSL 111, p. 156, l. 27-28) 370. Fol. 148ra-b : « Augustinus. Omnia munda mundis… – …nichil est mundum » (Contra Faustum, 31, 4, CSEL 25, p. 760, l. 9-16) 371. Fol. 148rb : « Augustinus. Omne peccatum est in voluntate… – …nos consentiendo concupiscentie » (Retractationes, 1, 15, 2, CCSL 57, p. 44, l. 2526, 30-33, 39-45) 372. Fol. 148rb : « Augustinus. Servus ex timore non casto… – …non procedit de caritate » (In Johannis evangelium, 85, 3, CCSL 36, p. 540, l. 30-32, l. 26 ; Prosper Aquitanus, Liber sententiarum, Sententia 173, CCSL 68A, p. 298, l. 1-3 d’après Confessiones, 1, 12, 19, CCSL 27, p. 11, l. 4-5 seulement pour nemo – facit ; De spiritu et littera, 14, 26, CSEL 60, p. 180, l. 24-25) 373. Fol. 148rb : « Quinque pedes faciunt… – …octa stadia miliarium » (Hugo de Sancto Victore, De archa Noe, 1, 4, CCCM 176, p. 21, l. 96-98) 374. Fol. 148rb : « Gregorius. Dimitte mortuos in peccatis… – …in peccatis et sepeliunt » (rectius Enarrationes in Mattheum, 8, PL 162, 1324A) 375. Fol. 148rb : « Anselmus. Notandum est quod alio modo… – …vivicatus est anima » (Enarrationes in Mattheum, 1, PL 162, 1250C-D)

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Annexe 1

Index auctorum LIBRI PANCRISIS

Ps. Alcuinus De divinis officiis, PL 101 16, 1203B-C

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Amalarius Mettensis Liber officialis, éd. J. M. Hanssens, t. 2, 1948, Vatican 1, 17, p. 110, l. 11-13 49 1, 17, p. 110, l. 14-15 49 1, 18, p. 111, l. 26-27, 32-33, 40-44 49 1, 18, p. 112-113, l. 6-29, 31-36 49 3, 19, 27, p. 319-320, l. 9-12, 19-20, 36-37 50 4, 47, p. 542-543 45 lectiones editionum, 4 (7), p. 546-547 49 lectiones editionum, 21 (34), p. 552 47 Ambrosiaster Commentarius in epistulam ad Romanos, éd. H. J. Vogels, Vienne, 1966 (CSEL 81-1) 9, 11-13, 1, p. 312, l. 21-22, p. 314, l. 31-2 174 9, 15, p. 318, l. 10-13 et 16-18 174 9, 16, p. 320-322, l. 31-3 174 Commentarius in epistulam ad Corinthios primam éd. H. J. Vogels, Vienne, 1968 (CSEL 81-2) 7, 15, p. 76-77, l. 20-11, 16-21 286 11, 26, p. 128, l. 5-9 12 Quaestiones veteris et novi Testamenti, éd. A. Souter, Vienne, 1908 (CSEL 50) 23, 2-3, p. 50, l. 2-6, 16-25 119 Ambrosius Mediolanensis De mysteriis, éd. O. Faller, Vienne, 1955 (CSEL 73) 9, 58, p. 115, l. 98 14bis Epistulae, éd. O. Faller, Vienne, 1968 (CSEL 82-1) l. 4, ep. 11, 2, p. 79-80, l. 15-23 354 Ps. Amphilochius Iconiensis, interprete Urso Vita beati Basilii, PL 73 297B 357 et 358 Anselmus Laudunensis Enarrationes in Mattheum, PL 162 (?) 1, 1231A-D 1, 1250C-D 1, 1242D et 1252B-C 2, 1253D

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202 375 171 349

2, 1254A-D 350 2, 1258C-1259B 236 6, 1307B-D 198 8, 1324A 374 Sententiae, éd. O. Lottin, Psychologie et morale aux XIIe et XIIIe siècles, t. 5, Gembloux, 1959 29 144 33 188 31 196 32 197 34 184 35 81 36 322 37 71 38 69 39 72 40 70 41 67 42 154 43 94 44 99 45 100 46 93 47, l. 1-59 134 47, l. 60-72 135 48 142 49 229 50 333 51 231 52, l. 1-19 80 52, l. 19-33 80bis 53 232 54 132 55 68 56 230 57 204 58 105 59 238 60 103 61 104 62 152 62bis 153 63 240 64 292 65 220 66 270 67 267 68 329 69 199

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Annexe 1 70 74 75 76 77 78 79 80 81 82 83 84 85 86 87 88, l. 1-15 88, l. 16-45 89 90 91 92 93 94 95 96 97 230

331 302 335 330 228 227 337 225 338 163 168 169 194 193 200 210 211 293 239 321 323 320 234 233 237 235 172

Augustinus Hipponensis Confessiones, éd. L. Verheijen, Turnhout, 1981 (CCSL 27) cfr 13, 22, 32, p. 260, l. 16-19 62 Contra epistulam Parmeniani libri III, éd. M. Petschenig, Vienne, 1908 (CSEL 51) 2, 6, 11, p. 56, l. 23-26 297 2, 11, 24, p. 74, l. 8-17, 298 2, 13, 28, p. 79, l. 8-22 298 2, 13, 30, p. 81, l. 15-18 298 Contra Faustum, éd. J. Zycha, Vienne, 1891 (CSEL 25) 12, 20, p. 349, l. 6-12 32 15, 8, p. 435, l. 6-8 363 20, 13, p. 552-553, l. 26-2 24 20, 18, p. 559, l. 8-13 28 Contra mendacium, éd. J. Zycha, Vienne, 1900 (CSEL 41) 12, 26, p. 507, l. 10-13 158 Contra Petulianum, éd. M. Petschenig, Vienne, 1909 (CSEL 52) 2, 30, 69, p. 58, l. 23-28 297 De adulterinis conjugiis, éd. J. Zycha, Vienne, 1900 (CSEL 41) 1, 27, 34, p. 381, l. 8 353

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2, 4-5, 4, p. 386, l. 2-14 279 2, 6, 5, p. 387, l. 10-24 280 De baptismo, éd. M. Petschenig, Vienne, 1908 (CSEL 51) 1, 15, 24, p. 168, l. 18-27, 28-30 78 4, 21, 28, p. 255-256, l. 12-16, 20-24, 2-7 79 5, 9, 10, p. 270, l. 23-26 76 5, 10, 12, p. 273, l. 9-13 77 De bono conjugali, éd. J. Zycha, Vienne, 1900 (CSEL 41) 11, 12, p. 203-204, l. 22-2 281 Cfr 29, 32, p. 227, l. 7-11 297 De civitate Dei, éd. B. Dombart, A. Kalb, Turnhout, 1955 (CCSL 48) 18, 51, p. 649, l. 7-10 367 21, 16, p. 783, l. 42-48 326 22, 13, p. 833, l. 3-7 316 22, 15, p. 834, l. 2-4, 6-8 312 22, 15, p. 834, l. 9-11, 18-19 311 22, 29, p. 859, l. 95-104 318 22, 29, p. 862, l. 207-208 319 22, 30, p. 862, 15-16, 19 319 De diversis quaestionibus ad Simplicianum, éd. A. Mutzenbecher, Turnhout, 1970 (CCSL 44) Cfr 1, 2, 10, p. 34, l. 273-274 175 1, 2, 18, p. 47, l. 600-601 183 De diversis quaestionibus octoginta tribus, éd. A. Mutzenbecher, Turnhout, 1975 (CCSL 44A) 68, 4-5, p. 179-181, l. 122-124, 126-129, 135-136, 143-146, 153 176 De doctrina christiana, éd. K.-D. Daur, J. Martin, Turnhout, 1962 (CCSL 32) 1, 28, 29, p. 22, l. 1-4 361 De Genesi ad litteram, éd. J. Zycha, Vienne, 1894 (CSEL 28-1) 1, 20, p. 30, l. 15-16 365 2, 8, p. 44-45, l. 20-22, 7-8, 9-11, 14-17 61 De Genesi contra Manicheos, PL 34 1, 3, 5, 176 64 1, 5, 9, 178 65 1, 7, 12, 179 65 De libero arbitrio, éd. W. M. Green, K.-D. Daur, Turnhout, 1970 (CCSL 29) 3, 23, 230-231, p. 315, l. 35-48 195 De nuptiis et concupiscentia, éd. C. F. Urba, J. Zycha, Vienne, 1902 (CSEL 42) Cfr 2, 11, 24, p. 276-277, l. 24-8 84 De peccatorum meritis et remissione, éd. C. F. Urba, J. Zycha, Vienne, 1913 (CSEL 60) 1, 29, 57, p. 56, l. 1-3, 4-18 75 2, 4, 4, p. 73-74, l. 15-2, 3-4 56 2, 9, 11, p. 82-83, l. 14-3 51

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554 2, 22, 36, p. 107-108, l. 24-23 101 3, 5, 11, p. 137, l. 8-9, 12-13, cfr 17-19 129 3, 8, 16, p. 142, l. 17-22 130 De praedestinatione sanctorum, PL 44 12, 24, 977 128 De sermone Domini in monte, éd. A. Mutzenbecher, Turnhout, 1967 (CCSL 35) 1, 14, 39, p. 41-42, l. 898-904 273 De spiritu et littera, éd. C. F. Urba, J. Zycha, Vienne, 1913 (CSEL 60) 14, 26, p. 180, l. 24-25 372 De utilitate credendi, éd. J. Zycha, Vienne, 1891 (CSEL 25) 1, 1, p. 3, l. 6-11 366 Enarrationes in psalmos, éd. E. Dekkers, J. Fraipont, Turnhout, 1956 (CCSL 38-39) In ps. 10, 6, p. 79, l. 22-30 16 In ps. 66, 3, p. 858-860, l. 1-2, 9-14, 25-30, 47, 55-56, 50, 70-71 191 In ps. 70, 2, 6-7, p. 964, l. 17-19 146 In ps. 70, 2, 6-7, p. 965, l. 54-55, 58-62 146 In ps. 70, 2, 6-7, p. 966-967, l. 1-2, 18-26, 33-38, 43-44 146 cfr In ps. 85, 21, p. 1194, l. 56-58 314 In ps. 98, 9, p. 1386, l. 56-62 29 In ps. 130, 2, p. 1899, l. 8-10, 22-23 356 Enchiridion, éd. M. Evans, Turnhout, 1969 (CCSL 46) Cfr 10, 33, p. 68, l. 18-21 328 13, 46-47, p. 74-75, l. 70-81, 94-98 52 23, 85-91, p. 95-98, l. 9-22, 27-57, 78-81, 90-97 308 29, 110, p. 108-109, l. 24-31 341 Epistulae, éd. A. Goldbacher, Vienne, 1898 (CSEL 34-2) 47, 5, p. 135-136, l. 20-4 58 54, 3, 4, p. 163, l. 3-17 33 93, 12, 50, p. 494, l. 10-15 186 98, 1-2, p. 521, l. 3-12, 16-18 57 98, 9, p. 530-531, l. 21-13 35 98, 9, p. 531, l. 15-18 35 98, 9, p. 532, l. 6-12 35 Epistulae, éd. A. Goldbacher, Vienne, 1904 (CSEL 44) 141, 5, p. 238 et 239, l. 21-25, 5-7 324 164, 3, 6, p. 526, l. 6-15 306 164, 3, 9, p. 528, l. 20-21 317 164, 3, 9, p. 529-530, 21-2 317 166, 2, 4, p. 551-552, l. 9-4 118 166, 2, 5, p. 553, l. 9-11 55 166, 7, 18, p. 572-573, l. 3-1 195 166, 8, 22, p. 577-578, l. 10-16, 18-2 120 167, 1, 2, p. 587-588, l. 13-2 254

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Annexe 1 Epistulae, éd. A. Goldbacher, Vienne, 1911 (CSEL 57) Cfr 186, 17, p. 59, l. 17-18 175 187, 5, 16, p. 94, l. 6-7, 9-10 362 187, 8, 26, p. 103, l. 13-16 362 187, 8, 27, p. 104, l. 6-7 362 187, 8, 29, p. 106-107, l. 24-4, 6-8 362 190, 3, 10, p. 145, l. 3-6, 9-17 179 190, 11-12, p. 145-146, l. 20-18 179 194, 2, 5, p. 179, l. 8-10 179 205, 1, 2, p. 324, l. 11-22, p. 325, l. 9-16 151 250, 2, p. 595, l. 5-9 294 250 A, p. 598, l. 11-14 295 In Johannis epistulam ad Parthos tractatus, PL 35 1, 1982 364 5, 3, 3, 2014 206 5, 3, 4, 2014 203 5, 3, 12, 2018 203 6, 3, 5, 2022 206 8, 4, 6, 2039 215 9, 4, 4, 2047 289 9, 4, 5, 2049 290 In Johannis evangelium, éd. R. Willems, Turnhout, 1954 (CCSL 36) 1, 15, p. 9, l. 7-12 214 1, 15, p. 9, l. 15-19 213 26, 1, p. 260, l. 32-34 30 26, 11, p. 264-265, l. 4-7, 20-35 43 26, 12, p. 265-266, l. 4, 11-21, 26 22 26, 12, p. 266, l. 19-23 42 26, 12, p. 266, l. 22-23 42 26, 13, p. 266, l. 1-3 42 26, 13, p. 266, l. 4-5, 7, 10-13 27 26, 13, p. 266-267, l. 21-22, l. 26-27, l. 28-32, 32-33 42 26, 15, p. 267, l. 15-16, 18-19 42 26, 15, p. 267-268, l. 33-39 42 26, 15, 17 et 18, p. 267-268, l. 27-30, 33-38, 4-6, 3-9 27 26, 18, p. 268, l. 1-9 42 26, 19, p. 268-269, l. 1-2, 6-8 31 27, 1, p. 270, l. 5-13 31 27, 11, p. 276, l. 11-15 31 29, 6, p. 287, l. 36-38, 39-41 352 47, 11, p. 411, l. 28-29 150 47, 12, p. 411, 1-4, 6-15, 22-24 150 47, 13, p. 412, l. 2-4, 6-7, 10-14 150 56, 4, p. 468, l. 2-19 336 62, 1-3, p. 483-484 15 85, 3, p. 540, l. 30-32 372 Quaestiones evangeliorum, éd. A. Mutzenbecher, Turnhout, 1980 (CCSL 44B)

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Annexe 1 2, 34, p. 85, l. 25-27 359 2, 51, p. 116, l. 2-6 158 Quaestionum in heptateuchum libri septem, 2, Quaestiones Exodi, éd. J. Fraipont et D. De Bruyne, Turnhout, 1958 (CCSL 33) 23, p. 78, l. 302-311 291 Retractationes, éd. A. Mutzenbecher, Turnhout, 1984 (CCSL 57) 1, 15, 2, p. 44, l. 25-26, 30-33, 39-45 371 Sermones, Miscellanea Agostiniana, t. 1, Sancti Augustini Sermones post Maurinos reperti, éd. G. Morin, Rome, 1930 Sermo 229, 1-2 (= Denis 6), p. 30, l. 6-29 26 Sermo 132 A, 1 (= Mai 129), p. 375, l. 12-19 23 Cfr Sermo 132 A, 1 (= Mai 129), p. 376, l. 21-24 33 Sermones de vetere testamento, éd. C. Lambot, Turnhout, 1961 (CCSL 41) Cfr 26, 15, p. 358-359, l. 314-319 178 41, 6, p. 500-501, l. 188-191 359 Sermones, PL 38 82, 7, 10 et 8, 11, 510-511 59 99, 9, 600 221 131, 1, 729 23 178, 8-9, 9-10, 965 253 234, 2, 1116 25 272, 1246-1248 23 Sermones, PL 39 351, 4, 10, 1546 et 1547 368 Beda Venerabilis De templo, éd. D. Hurst, Turnhout, 1969 (CCSL 119A) 1, p. 165-166, l. 744-745, 750-777 45bis In Lucae evangelium expositio, éd. D. Hurst, Turnhout, 1960 (CCSL 120) 6, 24, p. 419, l. 2250-2255 325 In Marci evangelium expositio, éd. D. Hurst, Turnhout, 1960 (CCSL 120) 4, 16, p. 645, l. 1959-1964 127 Benedictus Levita Capitularia, PL 97 add. 4, c. 88, 900A-B

282

Bernardus Clarevallensis Sententiae, éd. J. Leclercq, H. Rochais, t. 6-2, Rome, 1972 1, 21, p. 14-15, l. 17-2 201 Cicero Tusculanae disputationes, éd. G. Fohlen, Paris, Les Belles Lettres, 1997 I, 30, 74, p. 46 358

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Eusebius Gallicanus Homilia 29 de Pentecosten, éd. F. Glorie, Turnhout, 1970 (CCSL 101) 2, p. 338, l. 23-36 102 Fulgentius Ruspensis Epistulae, éd. J. Fraipont, Turnhout, 1968 (CCSL 91) 12, 26, p. 380-381, l. 609-617 23 Gennadius Massiliensis Liber ecclesiasticorum dogmatum, PL 42 14, 1216 15, 1216 17, 1216C 19, 1216D

95 96 98 97

Glossa Ordinaria Facsimile Reprint of the Editio Princeps Adolph Rusch of Strassburg 1480/81, intr. M. T. Gibson et K. Froelich, t. 4, Turnhout, 1992 Ad Eph. 4, 13 313 Ad Heb. 2, 11 138 Gregorius Magnus Dialogi, éd. A. de Vogüé, P. Antin, Paris, 1979 (SC 260) 2, 23, 6, p. 208-210, l. 52-57 296bis Cfr 3, 34, 2, p. 400, l. 6-15 304 Cfr 3, 34, 5, p. 402, l. 40-41 304 Homiliae in evangelia, PL 76 1, 10, 4, 1112A 355 2, 22, 7, 1178A-B 156 2, 22, 8, 1180B 155 2, 26, 5, 1200B 296 Homiliae in Hiezechihelem prophetam (CCSL 142) 1, 9, 22-23, p. 135-136, l. 456-504 187 1, 11, 24, p. 179-180, l. 402-451 208 Moralia in Job, éd. M. Adriaen, Turnhout, 1979-1983 (CCSL 143-143A-143B) 1, 36, 51, p. 52, l. 5-6 189 3, 9, 15, p. 124, l. 19-24, 31-37 345 4, 3, 8, p. 168, l. 4-13, p. 169, l. 19-20 140 4, 7, 12, p. 171, l. 21-26 140 5, 13, 30, p. 239, l. 17-20 347 4, 28, 54, p. 198, l. 5-9 137 5, 33, 59, p. 260, l. 22-26, 34-36 348 12, 2, 2, p. 628-629, l. 2-23 165 14, 57, 77, p. 746, l. 1-2, 11-15 342 Cfr 15, 16, 20, p. 761, l. 28, 32-33 346 15, 51, 57, p. 785-786, l. 23-27, 33-42 54 16, 10, 14, p. 806, l. 2-27 166

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556 18, 3, 5 et 6, p. 888-889, l. 15-29, 33-37 209 24, 22, 49, p. 1224, l. 35-41 343 32, 3, 4, p. 1629, l. 56-57 304 Registrum epistularum, éd. D. Norberg, Turnhout, 1982 (CCSL 140) 4, ep. 26, p. 245, l. 23-28 251 Regula pastoralis, éd. B. Judic, F. Rommel, C. Morel, Paris, 1992 (SC 382) 3, 32, p. 494 208 Guillelmus Campallensis Sententiae, éd. O. Lottin, Psychologie et morale aux XII e et XIII e siècles, t. 5, Gembloux, 1959 236 1 237 73 238, l. 1-39 74 238, 39-49 74bis 239 83 240 2 241 207 242 125 243 126 244 117 245 3 246 4 247 107 248 110 249 108 250 113 251 121 252 112 253 9 254 111 255 124 256 123 257 109 259 115 260 116 261 10 262 5 263 147 264 7 265 6 266 149 267 114 268 122 269 86 270 36 271 37 272 38 273 39

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Annexe 1 274 275 276 277, l. 1-13 278 279 280 281

40 45 8 92 91 212 90 88

Haimo Autissiodorensis Expositio in Pauli epistulas, PL 117 Ad Gal., 5, 692C Ad Eph., 5, 724C

272 272

Herveus Burgidolensis Commentarius in epistolam ad Ephesios, PL 181 4, 1247D-1248A 313 Hieronymus Stridonensis Adversus Helvidium de perpetua virginitate Mariae, PL 23 4, 186C-187A 287 Commentarii in evangelium Matthei, éd. D. Hurst, M. Adriaen, Turnhout, 1969 (CCSL 77) 1, p. 32, l. 640-642 274 4, p. 251, l. 1146-1152 11 Commentarius in Isaiam, éd. M. Adriaen, Turnhout, 1963 (CCSL 73) 6, 16, 14, p. 266, l. 43-45 285 11, 38, 1, p. 443, l. 38-53 167 Dialogus adversus Pelagianos, éd. C. Moreschini, Turnhout, 1990 (CCSL 80) 3, 6, p. 105, l. 31-37, 40-57 170 Epistulae, éd. I. Hilberg, Vienne, 1910 (CSEL 54) ad Damasum 18B, 1-17, p. 98, l. 10-12 148 Epistulae, éd. I. Hilberg, Vienne, 1910 (CSEL 55) 73, 6, p. 19-20, l. 16-2 340 Epistula 108, Epitaphium sanctae Paulae, éd. I. Hilberg, Vienne, 1910 (CSEL 55) 23, p. 339-340, l. 21-4, 23-25 309 23, p. 340-343, l. 14-13 309 25, p. 343-344, l. 18-2 309 Ps. Hieronymus Breviarium in Psalmos, PL 26 Ad ps. 111, 1242A Epistulae, PL 30 Cfr 42 ad Oceanum, 5, 290A

315 334

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557

Annexe 1 Hugo de Sancto Victore De archa Noe, éd. P. Sicard, Turnhout, 2001 (CCCM 176) 1, 4, p. 21, l. 96-98 373 Isidorus Hispalensis De ecclesiasticis officiis, éd. C. M. Lawson, Turnhout, 1989 (CCSL 113) 2, 4, p. 55-56, l. 1-5, 6-11, 13-14, 18-20, 23-27, 33 303 Sententiae, éd. P. Cazier, Turnhout, 1998 (CCSL 111) 2, 31, 9, p. 156, l. 27-31 219, 369 3, 7, 4, p. 221, l. 20-22 222bis Ivo Carnotensis Epistulae, PL 162 72, 92A 287, 285C 287, 285C-286C Parnormia, PL 161 6, 122, 1275D

247 17 18 263

Lanfrancus Cantuariensis De corpore et sanguine Christi, PL 150 c. 10, 421D 14 c. 13, 423C 13 Epistulae, éd. H. Clover, M. Gibson, Oxford, 1979 (inter spuria) 60 ad Rodulphum abbatem, p. 184-185 226 Lex Romana Wisigothorum, éd. G. Haenel, Berlin - Leipzig, 1849 9, 1, 3 60 Liturgica Corpus praefationum, textus Q-V, éd. E. Moeller, Turnhout, 1980 (CCSL 161C) Ex praefatione dominicae quintae post Epiphaniam, VD 1578, p. 477, l. 3-5 14ter Pascasius Radbertus De corpore et sanguine Domini, éd. B. Paulus, Turnhout, 1969 (CCCM 16) 4, p. 27-28, l. 1-20 19 15, p. 93, l. 28-35 et p. 94, l. 42 19

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17, p. 97, l. 1-8 18 et 19, p. 99, l. 1-2 et 5-13, p. 101, l. 4-12

20 21

Prosper Aquitanus Liber sententiarum, éd. M. Gastaldo, Turnhout, 1972 (CCSL 68A) 173, p. 298, l. 1-3 372 343, p. 345, l. 1-5 34 Rabanus Maurus De institutione clericorum, éd. D. Zimpel, Francfort, 1996 2, 37, p. 386-387, l. 45-58 46 Penitentiale ad Heribaldum, PL 110 c. 29, 491A 277 Radulfus Laudunensis Sententiae, éd. O. Lottin, Psychologie et morale aux XIIe et XIIIe siècles, t. 5, Gembloux, 1959 231 131 232 133 233 164 Sententiae scholae Laudunensis, éd. O. Lottin, Psychologie et morale aux XIIe et XIIIe siècles, t. 5, Gembloux, 1959 98 66 99 63 138, l. 5-6 17, cfr Ivo Carnotensis 138, l. 7-10 18, cfr Ivo Carnotensis 165 145 167, l. 1-4 327 180 307 185 157 193 12bis 211 222 212 216 214 218 217, l. 1-3 332 219 305 224 339 Cfr 325, l. 1-3 84 348 141 353, l. 1-13 135 406, l. 1-4 265 406, l. 5-11 266 499 310

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ANNEXE 2 LA FIN DU RECUEIL DE SENTENTIIS DIVINE OU SENTENTIE DIVINE PAGINE

On a indiqué au chapitre premier (troisième partie) qu’une partie de la tradition manuscrite du recueil De sententiis divine diffère sur les sentences finales. Un tableau synoptique permet de comparer les différentes séries et d’établir les points communs entre Heiligenkreuz, Bibliothek des Zisterzienserstifts 236, London, BL, Arundel 360, Paris, BNF, lat. 18108, d’une part, et London, Arundel 360, Paris, BNF, lat. 18108 et Bibl. Mazarine, 731, d’autre part1. Numéro Heiligenkreuz, 236 de sentence

London, Arundel 360

Paris, BNF, lat. 18108

Paris, Bibl. Mazarine, 731

1

« Jam remissione peccatorum… – …venalia que parvum » (106ra, Principium et causa, p. 120-122)

2

« Queritur autem si semper in hac vita… – …omnino non fallunt » (106ra107va, cfr Principium et causa, p. 122)

3

1

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« Notandum autem quatuor esse genera hominum… – …et Spiritu Sancto » (98ra, Sententie divine pagine, p. 46) L’utilisation du gras et des italiques permet de rendre plus apparents les regroupements de manuscrits. Par souci de simplification, on a omis de reporter les variantes minimes d’incipit et d’explicit entre les manuscrits, d’autant plus que le découpage des sentences varie parfois légèrement.

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559

Annexe 2 Numéro Heiligenkreuz, 236 de sentence

Paris, BNF, lat. 18108

Paris, Bibl. Mazarine, 731

10r

30r

« In sacramento vero altaris septem… – … quandoque in ipsa re » (10r-11r, Principium et causa, p. 115-120)

30r-v

11r

30v

« Credere debemus panem… – …Johanni ostendit » (11r)

30v

9

« De sacramento conjugii. Cum omnia sacramenta… – …sed ad officium » (11r-v)

30v

109va

10

« In conjugio figura et vestigium… – …et frigiditate » (11v, Principium et causa, p. 112-113)

30v

109va-110ra

11

« Sapientia quidem que desursum… – …et pugna fuerat » (11v)

30v

107va

4

« Queritur utrum magis sit sacramentum… – …perfici non potest » (98ra-b, Sententie divine pagine, p. 46)

5

6

« Queritur quale corpus dederit… – …alii omnes necessitate (98rb, Sententie divine pagine, p. 46)

7

8

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London, Arundel 360

« Vetus testamentum sicut… – … diversa sunt genera » (98rb-va, Principium et causa, p. 93)

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560 Numéro Heiligenkreuz, 236 de sentence

Annexe 2 London, Arundel 360

12

Paris, BNF, lat. 18108

Paris, Bibl. Mazarine, 731

« Dicunt alii quod ille… – …per invocacionem Trinitatis suscipit » (31ra-vb, Otto Lucensis, Summa sententiarum, 6, 13-15, PL 176, 150C154C)

13

« Timor Domini extrinsecus… – … quicumque humiliaverit se etc. » (11v-12v, Principium et causa, p. 106-110)

107va-108v

14

« Quia autem de timore mentionem… – …a me calix iste » (12v-13r, Principium et causa, p. 105-106)

108v-109va

15

« Primus gradus est ostiariorum… – … abundantiorem honorem circumdamus » (13r-15v)

16

« De conjugio. Conjugium est secundum Isidorum… – …tamen solvendum est » (15v-18v)

31vb-33va

110ra-112rb

17

« Fides preterea… – …adherebit priori uxori » (18v, cfr Ivo Carnotensis, LP 268)

33va

112rb-va

18

« Frigiditas etiam in his… – …patitur nuptias » (18v, cfr Ivo Carnotensis, LP 259)

33va

112va

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561

Annexe 2 Numéro Heiligenkreuz, 236 de sentence

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London, Arundel 360

Paris, BNF, lat. 18108

Paris, Bibl. Mazarine, 731

19

« In peccato Simonis… – … sententiam non effugiunt » (18v20r, Principium et causa, p. 125-129)

33va-34rb

112va-113va

20

« Nota quia in elemosina facienda… – …nec infirmos dampnaret » (20r, Anselmus Laudunensis, L 79)

34rb

113va

21

« Fidei spei caritatis aliud ordo est ex tempore… – … semper penam sustinentes » (34rb-vb, L 430)

22

« Maria fecerat votum virginitatis… – …de desponsata nasci voluit » (34vb)

23

« Venerationem celi et terre… – … spiritu revelante dicat » (34vb)

24

« Queritur an peccata… – …quod mutaverunt sententiam » (20r)

40v

113vb

25

« Queritur etiam utrum actualia peccata… – … terminate sunt iniquitates » (20r-v)

41r

114vb-114ra

26

« Virtus et presentia Trinitatis… – … sacramentum confirmationis » (20v-21r, Principium et causa, p. 113-115)

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562 Numéro Heiligenkreuz, 236 de sentence 27

Annexe 2 London, Arundel 360

Paris, BNF, lat. 18108

Paris, Bibl. Mazarine, 731

« Omnis qui de mundo… – …talem a Deo eligi » (21r22r)

Comme le tableau le fait apparaître, nulle sentence ne peut se prévaloir du consensus codicum en raison du nombre important de sentences attestées par un seul témoin (sentences 1-3, 8, 12, 15, 21-23 et 26-27) ou bien deux manuscrits (5, 7, 13, 14). Le manuscrit londonien joue un rôle pivot dans la mesure où aucun témoin ne concorde avec un autre sans qu’il ne soit présent. Si l’on ne retient que les groupements à trois témoins, une partie de la tradition atteste une fin avec des développements sur la confirmation (4) et l’eucharistie (6), tandis qu’une autre, dont le témoignage n’est pas contradictoire avec la précédente, donne un premier exposé sur le mariage (9-10), une sentence sur la crainte de Dieu (11), une séquence sur le mariage (De conjugio, 16-18), la simonie (19), l’aumône (20), ainsi que deux sentences sur les conséquences du péché originel (24-25).

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BIBLIOGRAPHIE

Sources Sources manuscrites N’ont été retenus dans l’état des sources que les manuscrits consultés directement ou grâce à un microfilm. Les manuscrits qui n’apparaissent qu’à titre ponctuel ou qui n’ont pu être connus que par la bibliographie ou la notice d’un catalogue sont uniquement mentionnés dans l’index manuscriptorum. Le présent état des sources ne constitue donc pas un recensement exhaustif, notamment pour les florilèges et les recueils de sentences1.

Florilèges Liber pancrisis, Avranches, BM, 19, fol. 133rb-165vb ; London, BL, Harley 3098, fol. 1r91v ; Troyes, BM, 425, fol. 95ra-148rb. Laon, BM, 173, fol. 42r-97r ; London, British Library, Add. 34749, fol. 32r-56v ; London, British Library, Arundel 360, fol. 10r-22r ; London, British Library, Royal 5 E V, fol. 44r-49v ; London, British Library, Royal 11 A V, fol. 19va-32vb ; Orléans, BM, 284, p. 119-134 ; Oxford, Bodleian Library, Laud. Misc. 216, fol. 133rb-154vb ; Oxford, Bodleian Library, Laud. Misc. 277, fol. 28va-75va ; Paris, Bibl. Arsenal 93, fol. 129r-139v ; Paris, Bibl. Mazarine 694, fol. 53ra-62va ; Paris, BNF, lat. 3004, fol. 4r-8v ; Paris, BNF, lat. 3830, fol. 140v-141v ; Paris, BNF, lat. 12999, fol. 9vb-11vb, fol. 22ra-58rb, fol. 64ra-71vb, fol. 78ra-85vb ; Paris, BNF, lat. 16528, p. 253-287 ; Paris, BNF, lat. 18108, fol. 1r-47rb, fol. 110r-119v, fol. 160r-169v ; Paris, BNF, n. a. l. 451, fol. 1r-71v ; Valenciennes, BM, 14, fol. 152v-176vb ; 1

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Pour les florilèges et les recueils, on peut se reporter respectivement aux chapitres premiers (deuxième et troisième parties) où les témoins connus ont été cités.

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564

Bibliographie

Valenciennes, BM, 73, fol. 81ra-91ra, fol. 107ra-111vb ; Valenciennes, BM, 180, fol. 49r-56v ; Valenciennes, BM, 181, fol. 1ra-6vb ; Vaticano, BAV, reg. lat. 241, fol. 208r-216v.

Recueils de sentences La plupart a déjà été éditée (cfr l’état des sources imprimées), mais la médiocrité de certaines éditions et la découverte de nouveaux témoins imposent un retour aux codices : De peccato primi hominis (un des états de Deus non habet), München, Bayerische Staatsbibliothek, Clm 4631, fol. 115r-155r. De sententiis divine ou Sententie divine pagine, London, British Library, Burney 295, fol. 3r-8r ; London, British Library, Royal 11 A V, fol. 25ra-29rb ; Marseille, BM, 231, fol. 77ra-79vb ; Paris, Bibl. Mazarine, 708, fol. 1r-13v ; Paris, Bibl. Mazarine, 731, fol. 97ra-106rb ; Paris, BNF, lat. 15172, fol. 114r-119r. Deus de cujus et son remaniement Deus principium et, Angers, BM, fol. 86v-98v ; Berlin, Staatsbibliothek, Phill. 1994, fol. 40r-63v ; München, BSB, Clm 14569, fol. 99r-130r (remaniement) ; Paris, n. a. l. 451, fol. 29r-34v ; Vaticano, BAV, reg. lat. 223, fol. 68r70v. Deus est sine ou De conditione angelica et humana, Paris, BNF, lat. 1715, fol. 48r-59v ; Verdun, BM, 54, fol. 163v-176v. Deus non habet, Cambrai, BM, 339, fol. 1v-25v ; München, BSB, Clm 17101, fol. 183v186v ; Troyes, BM, 1180, fol. 94v-100r. Deus summe atque (un des états du recueil Deus itaque summe), München, BSB, Clm 22307, fol. 86r-125r. Divina essentia teste ou Sententiae Atrebatenses, Arras, BM, 826, fol. 3r-42v. Hominem creavit Deus (un des états du recueil Deus non habet), Bamberg, Staatsbibliothek, Patr. 47, fol. 10r-29v. Prima rerum origo, Paris, BNF, lat. 10448, fol. 162rb-203va. Principium et causa ou Sententiae Anselmi, Bamberg, Staatsbibliothek, Patr. 98, fol. 1r-44v ; Cambridge, Library of Gonville and Caius College, 151, fol. 128vb-142ra ; London, British Library, Harley 3851, fol. 33r-51v ; London, British Library, 5 E VIII, fol. 57r80v ; London, British Library, Royal 11 A V, fol. 3rb-19va ; Oxford, Bodleian Library, Laud. Misc. 277, fol. 2ra-23vb ; Princeton, University Library, Library of Robert Garrett, 169, fol. 198r-246v ; Rouen, BM, 626, fol. 191r-216v. Queritur de peccatis (extrait du recueil Deus itaque summe), Rouen, BM, 435, fol. 206ra207va. Quid de sancta ou Sententiae Berolinenses, Berlin, Staatsbibliothek, Theol. lat. oct. 140, fol. 1v-15r.

Autres sources manuscrites Anselme de Laon (?), commentaires sur Matthieu, Cum post ascensionem, Alençon, BM, 26, fol. 91ra-190vb ; Nomen libri evangelium, Valenciennes, BM, 14, fol. 160ra-169v ; Evangelium grece latine bonum nuntium, Paris, BNF, lat. 2491, fol. 1r-143v.

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Bibliographie

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Anselme de Laon, commentaires sur le Cantique des cantiques, Salomon rex Spiritu (A), Paris, BNF, lat. 568, fol. 1r-64v ; In hoc libro (B), Paris, BNF, lat. 14801, fol. 1r33v ; In initiis librorum (E), Le Mans, BM, 218, fol. 1r-30r, Paris, BNF, lat. 13200, fol. 1r-20v, Troyes, BM, 227, fol. 99r-110r. Anselme de Laon, commentaire sur Jean, Verbum substantiale, Évreux, BM, 9, 3r-42v. Commentaires sur Virgile (Églogues, Géorgiques, Énéide), Berlin, Staatsbiblibliothek, lat. fol. 34, fol. 27ra-85va. Robert de Courçon, Summa, Paris, BNF, lat. 3203, fol. 1r-302v.

Sources imprimées L’accès aux sources imprimées a été facilité notamment par deux banques de données textuelles : Patrologia latina Database, Chadwick-Healey, qui reprend tous les volumes de la Patrologie latine de Migne ainsi que Library of Latin Texts (CLCLT-5), Brepols, 2002.

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Indices Index codicum Index nominum

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INDEX CODICUM

Alençon, Bibliothèque municipale, 5 : 287 — — 26 : 41, 92-93, 95, 206, 564 Amiens, Bibliothèque municipale, Fonds Lescalopier 10 : 165 Angers, Bibliothèque municipale, 70 : 365, 400, 464 Arras, Bibliothèque municipale, 571 : 38 — — 626 : 92 — — 826 : 341-343, 348, 361, 399, 564 Avranches, Bibliothèque municipale, 19 : 165, 196-197, 199, 202, 205, 217, 314-315, 503-551, 563 Bamberg, Staatsbibliothek, Can. 10 : 359, 361 — — Patr. 47 : 359-360, 399, 564 — — Patr. 93 : 165, 212 — — Patr. 98 : 372, 564 Basel Universitätsbibliothek, B VI 17a : 94 Berlin, Staatsbiblibliothek, lat. fol. 34 : 81, 565 — — Phill. 1994 : 364, 400, 464 — — Theol. lat. fol. 428 : 359, 361 — — Theol. lat. oct. 140 : 348-349, 564 Bordeaux, Bibliothèque municipale, 11 : 287 Boulogne-sur-Mer, Bibliothèque municipale, 73 : 287 Bruges, Bibliothèque de la Ville, 56 : 93 — Biblitèque du grand séminaire, 302 : 287 Bruxelles, Bibliothèque royale Albert Ier, 679-681 (V. d. G. 1422) : 474 — — 1878-88 (V. d. G. 1188) : 165-166 — — 1050 (V. d. G. 1023) : 165

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Cambrai, Bibliothèque municipale, 339 : 359, 402, 564 Cambridge, Library of Gonville and Caius College, 151 : 369, 397, 400, 564 — — 210 : 373 Chartres, Bibliothèque municipale, 1029 : 107 Claremont University Colleges, William L. Honnold Library, Crispin 25 : 372 Como, Biblioteca Seminario, Morimondo 15 : 359-360 Dresden, Sächsische Landesbibliothek, Dc. 171a : 73 Dublin, Trinity College Library, 117 : 370 — — 207 : 374 Edinburgh, University Library, 105 : 373 Einsiedeln, Stiftsbibliothek, 175 : 89-90 Engelberg, Stiftsbibliothek, 6 : 89 Évreux, Bibliothèque municipale, 9 : 370, 565 Firenze, Biblioteca Medicea Laurenziana, Acq. e Doni 276 : 360 — — Conv. soppr. 145 : 371 — — Plut. V sin 7 : 360, 402 Frankfurt am Main, Stadt- und Universitätsbibliothek, Fragm. lat. II 35 : 359-360 Fulda, Hessische Landesbibliothek, Aa 36, 4° : 360-361, 399, 402

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620 Gotha, Universitäts- und Forschungsbibliothek, Membr. II 136 : 141-142 Heidelberg, Universitätsbibliothek, Salem. VII 103 : 235 Heiligenkreuz, Stiftsbibliothek, 236 : 368, 370, 378, 383, 400, 558-562 Kassel, Landesbibliothek, 2° Ms. theol. 133 : 97 Köln, Historisches Archiv der Stadt, W 8° 91* : 373, 402 Kremsmünster, Stiftsbibliothek, CC 289 : 371 Laon, Bibliothèque municipale, 78 : 193 — — 109 : 92 — — 173 : 212-213, 220, 563 — — 468 : 50 Leipzig, Universitätsbibliothek, lat. 96 : 372, 400 — — lat. 1642 : 165, 368 Le Mans, Bibliothèque municipale, 218 : 90, 96, 565 Leyden, Bibliotheek der Rijksuniversiteit, Voss. Lat. O. 87 : 380, 400 London, British Library, Add. 34749 : 232-233, 236, 238, 563 — — Add. 40165 : 91 — — Arundel 360 : 232-235, 378-379, 382, 400, 558-563 — — Burney 246 : 380 — — Burney 285 : 380 — — Burney 295 : 380, 400, 402, 464 — — Burney 341 : 380 — — Burney 344 : 380 — — Burney 357 : 380 — — Cotton Fragments vol. 1 : 74 — — Harley 3098 : 165, 195-197, 199200, 204-205, 216-217, 287, 314-315, 503-551, 563 — — Harley 3851 : 374-375, 402, 564 — — Royal 4 A XVI : 93

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Index codicum

— — Royal 5 E V : 222-226, 369, 402, 563 — — Royal 5 E VIII : 370, 400, 564 — — Royal 11 A V : 222-226, 369, 378379, 400, 402, 563-564 Marseille, Bibliothèque municipale, 231 : 380, 400, 564 Montpellier, Bibliothèque universitaire, 413 : 287 München, Bayerische Staatsbibliothek, Clm 2598 : 433 — — Clm 2605 : 96 — — Clm 4631 : 359, 399, 402, 464 — — Clm 5997 : 372, 400 — — Clm 14506 : 235 — — Clm 14569 : 365, 400, 464 — — Clm 14730 : 374, 400 — — Clm 17101 : 360, 399, 402-403, 564 — — Clm 19112 : 374 — — Clm 19136 : 165-166, 222 — — Clm 22031 : 373, 400, 402 — — Clm 22272 : 210, 222, 408 — — Clm 22273 : 165, 222 — — Clm 22291 : 165 — — Clm 22307 : 142, 360-363, 399, 402, 469-472, 564 — — Clm 23440 : 365, 400, 402 Münster, Universitätsbibliothek, lat. 335 (†) : 166 Nîmes, Bibliothèque municipale, 32 : 89 Olomouc, Státní archiv, 98 : 89 Orléans, Bibliothèque municipale, 284 : 232-233, 235-236, 563 Oxford, Balliol College, 36 : 112 — Bodleian Library, 737 : 89 — — Bodl. 528 (S. C. 2221) : 91 — — Laud. Misc. 216 : 46, 221-222, 237, 563 — — Laud. Misc. 277 : 212-213, 220222, 237, 369-370, 400, 402, 563-564 — — Lyell 40 : 360

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Index codicum

— — Lyell 50 : 365 — — Lyell 58 : 352 — St John’s College, 111 : 93 Paris, Bibliothèque de l’Arsenal, 87 : 93 — — 93 : 232-234, 563 — — 388 : 165-166 — Bibliothèque Mazarine, 563 : 165-166 — — 694 : 232-233, 236-238, 563 — — 708 : 378-379, 383, 402, 564 — — 731 : 378-379, 402, 558-562, 564 — — 773 : 74 — — 777 : 91 — Bibliothèque nationale de France, lat. 298 : 89 — — lat. 449 : 89 — — lat. 568 : 91, 565 — — lat. 624 : 92 — — lat. 712 : 96 — — lat. 1715 : 354, 564 — — lat. 1908 : 463 — — lat. 2491 : 92-93, 564 — — lat. 2929 : 463 — — lat. 3004 : 232-233, 235, 563 — — lat. 3203 : 37, 565 — — lat. 3244 : 475 — — lat. 3477 : 451 — — lat. 3589 : 96 — — lat. 3810 : 233 — — lat. 3825 : 233 — — lat. 3830 : 232-233, 563 — — lat. 3832 : 233 — — lat. 3833 : 233 — — lat. 10448 : 142, 433, 564 — — lat. 12001 : 85 — — lat. 12999 : 35, 142, 210, 212-220, 222-226, 228-230, 235-236, 239, 287, 408, 563 — — lat. 13068 : 195 — — lat. 13070 : 166 — — lat. 13200 : 91, 565 — — lat. 13445 : 97-98 — — lat. 14801 : 91, 565 — — lat. 14937 : 92 — — lat. 15120 : 407 — — lat. 15172 : 380, 400, 564

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621 — — lat. 16528 : 222-223, 225, 227-231, 236, 340, 563 — — lat. 16794 : 93 — — lat. 18108 : 165, 232-233, 236, 373, 378-379, 382, 400, 558-563 — — lat. 18113 (†) : 210, 314, 365 — — n.a.l. 451 : 222-223, 225-227, 236, 364-365, 400-401, 563-564 — — n.a.l. 862 : 142 — Bibliothèque Sainte-Geneviève, 215 : 92 — — 250 : 36. — — 1367 : 99, 165 — — 1442 : 142 Poitiers, Bibliothèque municipale, 69 : 287 Praha, Národní Knihovna Cˇeské Republiky, XXIII E 45 : 360-361 Prato, Biblioteca Roncioniana Q. II. 8 (14) : 94 Princeton, University Library, Library of Robert Garrett, 169 : 371, 400, 564 Roma, Bibl. Casell. (?)., 40 E 10 : 165-166 Rouen, Bibliothèque municipale, 107 : 92 — — 435 : 361, 564 — — 533 : 474 — — 626 : 370, 400, 564 Saint-Omer, Bibliothèque municipale, 21 : 141-142 Salzburg, Stiftsbibliothek St. Peter, lat. a VII 29 : 371 Stuttgart, Württembergische Landesbibliothek, HB III 34 : 142, 361, 399, 402 — — theol. et phil. 4° 253 : 372, 400 Troyes, Bibliothèque municipale, 227 : 91-92, 96, 565 — — 425 : 165, 196-197, 199-200, 203205, 216-217, 287, 314-315, 503-551, 563

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622 — — 469 : 142 — — 518 : 380 — — 904 : 89 — — 1180 : 359, 402, 564 — — 1223 : 91, 96 — — 1961 : 303 Valenciennes, Bibliothèque municipale, 14 : 92-93, 143, 220, 222-224, 237, 239, 563-564 — — 70 : 92-93 — — 73 : 143, 212-213, 219-220, 224, 235, 237, 239, 564 — — 177 : 143, 372-373 — — 180 : 143, 220, 222-224, 239, 564 — — 181 : 143, 220, 232-233, 236-237, 239, 287, 564 — — 828 : 97 Vaticano, Biblioteca Apostolica Vaticana, lat. 1345 : 359, 361 — — lat. 1361 : 359, 361 — — lat. 5997 : 89 — — lat. 6024 : 98 — — reg. lat. 106 : 38

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Index codicum

— — reg. lat. 223 : 364, 400, 564 — — reg. lat. 241 : 222-224, 226, 369, 371, 400, 564 — — reg. lat. 248 : 165 — — reg. lat. 249 : 287 — — reg. lat. 295 : 88-89 — — reg. lat. 481 : 165 Verdun, Bibliothèque municipale, 54 : 354, 402, 564 — — 63 : 46 Wien, Österreichische Nationalbibliothek, 854 : 374 — — 1705 : 165, 372 — — 1763 : 351 — — 4828 : 94 — — Series nova 3602 : 359, 399 Würzburg, Universitätsbibliothek, Mp. th. q. 36 : 474 Zürich, Zentralbibliothek, C 61 : 351352, 402 — — C 111 : 361 — — Rh 26 : 89

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INDEX NOMINUM* 2

Absalon, abbé de Saint-Amand : 420 Adalbéron de Brême : 414 Adalbert de Sarrebrück : 430, 434 Adam de Saint-Asaph : 116 Adam du Petit-Pont : 115-116, 447, 451 Adélard de Bath : 116-117 Adelbert de Brême : 412 Albéric, maître : 429-430 Albéric de Reims : 22, 110, 135-136, 140-141, 424, 430-434, 436, 438, 442, 444-445, 449, 452, 477, 491, 498 Albert le Grand : 332 Alcuin (ps.) : 98, 201 Alcuin : 87, 95, 351 Alexandre III : 289, 423 Alexandre de Halès : 95 Alexandre de Lincoln : 121, 123, 147 Alfred d’Orléans : 133 Algar de Coutances : 124-125, 149 Amalaire de Metz : 200-201 Ambroise : 197-198, 200-202, 227, 238, 251-252, 279-280, 403, 422, 482-483, 496 Ambroise Autpert : 442 Ambrosiaster : 201-202, 251, 319-320 Amphiloque d’Iconium (ps.) : 201 Anaclet II : 134, 137 André Dalvolto : 133 Angot de Laon : 423 Anselme Béesse : 154 Anselme de Cantorbéry : 24, 35, 40-42, 97-99, 122, 183, 227, 229, 264-266, 354, 393, 396, 398, 422 Anselme de Milan : 132-134

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Aristote : 71-72, 144-145 Arnold de Schäftlarn : 402 Aubri de Trois-Fontaines : 203-204 Augustin : 14, 160, 169-170, 190, 197203, 214, 216, 218, 221, 227, 230, 235, 237, 241-242, 244-248, 251, 263, 265, 267-269, 271-275, 277-278, 280-285, 290-293, 296-298, 300-302, 304, 306, 308-310, 313-315, 317-321, 324, 326, 345-346, 348, 354, 356, 364, 375, 377, 391, 404, 422, 451, 467-468, 470, 473, 479, 481-484, 486-487, 489-490, 496, 499 Baldwin d’Eu : 126 Barthélemy de Joux : 35, 68-69, 135, 150, 154, 159-161, 242, 407, 409, 420, 423, 425, 494 Bède : 170, 197, 200-202, 227, 230, 251252, 269, 313, 403, 442, 449, 482-483, 496 Benoît de Nursie : 286 Benoît le Lévite : 201 Bérenger de Tours : 44-45, 48, 183, 260 Bernard de Chartres : 19 Bernard de Clairvaux : 11-12, 14-15, 140-141, 150, 209, 220, 266, 289, 360, 365, 402-403, 407, 416-417, 422, 437, 439, 446-454, 477-478, 493 Bernard de Pise : 107, 147-148 Boèce : 235, 404, 451 Bonaventure : 332 Boson : 264 Bruno de Laon : 423

Le nom d’Anselme de Laon n’apparaît pas dans l’index.

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624 Bruno de Reims : 44-45, 47-50 Calixte II : 289, 409 Cassiodore : 227, 230, 253-254 Caton : 71-72 Charles le Bon : 408 Chrysanthe, maître : 426 Cicéron : 82, 106, 144-146, 200-201 Clément III : voir Guibert de Ravenne Conon de Préneste : 445-446 Cyrille d’Alexandrie : 422, 449 Denys l’Aréopagite (ps.) : 227 Dracontius : 418 Dreu de Senlis : 434 Drogon de Laon : 409 Drogon de Tinlot : 420 Eberhard de Schäftlarn : 402 Ébles, archidiacre : 65 Édouard le Confesseur : 41, 115 Élinand : 35, 41, 54, 56-62, 69, 115, 148 Enguerrand de Coucy : 35, 63-65, 136 Enguerran de la Fère : 70 Étienne de Blois : 120, 137 Étienne de Cour Renaud : 70 Étienne de Garlande : 36 Étienne de Laon : 98 Étienne de Porta Claustri : 140 Étienne de Senlis : 456 Étienne Langton : 196, 333 Eucher de Lyon : 229 Eugène III : 76, 447-448 Eusèbe Gallican : 201 Fabien : 200 Florus de Lyon : 302 Folcuin, abbé de Saint-Jean de Thérouanne : 420 Folcuin de Lobbes : 417 Foulques de Beauvais : 435 Francon de Lobbes : 417-422, 435 Frédéric Barberousse : 106 Fulgence de Ruspe : 201-202, 482-483 Galbert de Bruges : 408

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Index nominum

Gaudry : 35-36, 41, 64-67, 78, 100, 115, 119, 121, 148, 151, 158 Gautier, archidiacre : 65 Gautier de Lobbes : 417 Gautier de Mortagne : 315, 402, 421, 424-430, 433, 435, 451, 473, 476 Gebhard de Windberg : 403-404 Gébuin de Laon : 61 Gélase Ier : 292 Gennade de Marseille : 201, 482-483 Geoffroy Babion : 92-93, 95, 233, 351 Geoffroy d’Auxerre : 451-454, 495 Geoffroy de Châlons : 434 Geoffroy de Lèves : 19 Geoffroy le Breton : 131-132, 140, 146, 494 Gérard de Lobbes : 421 Gérard de Quierzy : 151 Gerboto de Windberg : 404-405 Gerhoch de Reichersberg : 135 Gerold d’Oldenbourg : 411 Gilbert Crispin : 449 Gilbert de La Porrée : 19, 90, 108, 111112, 137, 398, 401, 422, 437, 439, 444, 447-448, 450-452, 454, 478-479, 483484, 491 Gilbert l’Universel : 14, 87, 130-131, 449, 452, 476 Gilduin de Saint-Victor : 455, 477 Gilles de Rome : 332 Godefroid de Beauvais : 435 Godefroid de Reims : 48 Godeschalk d’Heiligenkreuz : 371 Gozwin de Mayence : 48 Graphion d’Angers : 141 Gratien : 105, 485 Grégoire VII : 286-287 Grégoire le Grand : 98, 160, 197-198, 200-201, 214, 218, 227, 237-238, 246, 251, 253-255, 257, 261, 264, 270-271, 273, 281, 293, 304, 306, 308, 322-323, 403, 444, 449, 496 Grosulanus : 134 Guibert de Nogent : 49, 54, 65, 67-69, 77, 100, 150, 153, 158-161, 176, 406407, 495

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Index nominum

Guibert de Ravenne (Clément III) : 286-287 Guillaume de Champeaux : 14, 22-23, 44, 77, 82-83, 99, 106-108, 112-115, 126-130, 133-134, 140-141, 146-147, 149, 163, 165, 169, 172-175, 194, 197198, 200-202, 204-205, 209-210, 213, 217-219, 221, 226, 234-235, 242-243, 257, 272, 277-278, 289, 295-300, 303304, 308-310, 314, 341, 347-348, 352354, 356-357, 363, 367, 376-377, 381384, 387, 389-391, 394, 396-397, 405, 428, 434, 438, 442, 444, 454-455, 464, 496, 498 Guillaume de Corbeil : 118-120, 124, 130, 147-149 Guillaume de Nevers : 11 Guillaume de Saint-Thierry : 164, 266, 378, 397, 420, 450 Guillaume de Warelwast : 125 Guillaume de Wycombe : 126 Guillaume d’Ockham : 332 Guillaume le Conquérant : 287 Guy de Vendeil : 70 Guy le Breton : 121-124, 132, 146-147, 494-495 Guy le Lombard : 44 Hartmann de Paderborn : 412 Hartwig de Hambourg : 415-416 Haymon d’Auxerre : 87, 200-201, 251, 442 Haymon d’Halberstadt : 87 Haymon d’Hirsau : 88 Hélinand de Froidmont : 77 Helmold de Bosau : 411-412, 414, 416417 Henri Ier d’Angleterre : 115, 119-121, 130, 137, 140 Henri Ier de Schäftlarn : 403 Henri II d’Angleterre : 121 Henri de Huntingdon : 120 Henri de Liège : 169 Henri le Lion : 416 Herbert, doyen : 52

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Héribrand de Saint-Laurent : 165-166, 169, 188, 205, 414 Hériger de Lobbes : 417 Hériman de Tournai : 117, 152, 156158, 176, 409-410 Herimann de Reims : 47-48 Hervé de Bourg-Dieu : 96, 201, 205 Hervé le Breton : 130 Hilaire de Poitiers : 422, 439, 479, 482483 Hildebert de Lavardin : 123, 132 Hincmar de Laon : 400 Honorius II : 135, 139, 141 Honorius Augustodunensis : 24, 248, 266, 279, 300, 351, 354, 402-403, 422 Horace : 80, 144, 418 Hubert de Lucques : 477 Hugues d’Amiens : 130, 136-140, 142143, 147-148, 495 Hugues de Champfleury : 447 Hugues de Die : 157 Hugues de Flavigny : 286 Hugues de Marchiennes : 424 Hugues de Mortagne : 423 Hugues de Ribemont : 141-143, 147, 301, 346 Hugues de Saint-Amand : 220 Hugues de Saint-Cher : 184 Hugues de Saint-Victor : 14, 17-18, 35, 201, 205, 220, 316, 334-335, 337, 360, 370, 373, 398, 401-404, 422, 425-426, 438-439, 442, 452-467, 473-476, 478480, 482, 485, 490, 494, 498 Hugues d’Orléans dit Primas : 431432, 434 Hugues Métel : 144-145, 147, 495 Hygin : 200 Idung de Prüfening : 145, 289-290 Innocent II : 125, 129, 137, 289, 446 Isidore de Séville : 197, 200-202, 227, 308, 403, 467, 482-483, 496 Jacques d’Orléans : 133 Jean (Gratiadei) : 191, 384 Jean, prévôt : 439-441

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626 Jean Chrysostome : 279-280, 482 Jean Damascène : 482-483 Jean de Reims : 48 Jean de Salisbury : 427, 438, 442-444, 448, 450-451, 495 Jean de Tours : 203 Jean Diacre dit Hymmonide : 280-281 Jean Duns Scot : 332 Jean Scot : 442 Jérôme (ps.) : 201, 218, 258-259 Jérôme : 167, 197-198, 200-202, 214, 216, 218, 227, 237, 254, 403, 422, 449, 482-483, 496 Jonas de Bourges : 387 Josselin de Soissons : 387, 448 Judicaël d’Alet : 132 Juvénal : 80, 418 Lactance Placide (ps.) : 81 Lambert de Lobbes : 421 Landulfe Junior : 132-135, 147, 406 Lanfranc de Cantorbéry : 44-45, 122, 200-202, 214, 237, 286-287 Laurent de Westminster : 459 Léon Ier : 200, 348, 482-483 Léonius de Lobbes : 419-420 Létaud de Laon : 136, 407 Letbert de Lille : 89 Liutprand de Milan : 133 Lothaire III : 415 Lothulphe de Novare : 110, 135-136, 374, 396-397, 444-445, 477 Louis VI : 16, 38, 419 Louis VII : 11, 16 Lucain : 80, 109 Manassès Ier de Reims : 50, Manassès II de Reims : 50 Manegold : 43-47, 82-83 Manegold de Lautenbach : 40, 42-44, 46, 82, Manegold de Paderborn : 441 Marbode de Rennes : 71, 83 Mathilde d’Angleterre : 120, 125 Matthieu d’Albano : 136-140, 147-148, 495

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Index nominum

Maxime : 200 Melchiade : 200, 301 Nicolas Ier : 200 Nicolas de Lyre : 184 Nigel d’Ely : 121, 123 Norbert de Xanten : 150, 407, 409-410, 414-415, 417, 420 Odon, maître : 352 Odon d’Ourscamp (ps.) : 90 Olric de Milan : 132-134, 147 Orderic Vital : 124, 132 Origène : 50, 214, 227, 245, 403, 482483 Othon de Lucques : 337, 455, 465-468, 473-477, 479-480, 485-488, 490, 498 Otton de Freising : 44-45, 431, 447-448, 451 Pascal II : 65, 289 Paschase Radbert : 93, 201-202 Perse : 80, 418 Philippe de Harveng : 72, 438-442 Pierre Abélard : 11-12, 14-15, 17, 19, 22, 37, 83, 99-100, 104, 108-114, 128, 132, 135, 140, 146-147, 149-150, 152, 154, 162, 176-177, 181, 186-190, 205, 245, 248, 251, 255, 266, 275, 279-281, 312-314, 316, 319, 322-325, 334-335, 351, 377, 386, 395-398, 401, 404, 406, 424-426, 428-430, 432-434, 437, 440, 444-448, 451, 454-455, 459, 464, 476, 479-481, 484-485, 490, 493-496, 498 Pierre de Bruys : 282 Pierre de Laon : 423 Pierre de Poitiers : 90 Pierre le Chantre : 37-40, 74-75, 85, 332, 450-451, 491, 495 Pierre le Mangeur : 90, 196, 203-204, 332, 408, 448 Pierre le Vénérable : 138-139 Pierre Lombard : 22, 205, 305, 316, 324, 332, 337, 402, 422, 438, 451, 454-455, 465-466, 477-490, 498-499 Platon : 71-72

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Index nominum

Pline le Jeune : 230 Priscien : 81, 83 Prosper d’Aquitaine : 201-202 Raban Maur : 86, 201, 230, 442 Radbod II de Noyon-Tournai : 157 Rainier de Pinconio : 435 Ranulf : 118-119, 121 Raoul, écolâtre : 49 Raoul de Lagny : 420 Raoul d’Escures : 97, 118, Raoul de Laon : 21-22, 68-69, 76-77, 86-87, 91, 117, 134, 152-153, 156, 159, 161, 194, 197-198, 200-202, 210, 218, 256-257, 261, 264-265, 346, 351, 367, 374, 396-397, 406-410, 413, 417, 419, 421, 423, 425-426, 436, 438, 443, 447, 449-450, 452-454, 491, 496, 498 Raoul de Saint-Vanne : 286 Raoul le Vert : 138, 430, 445-446 Régnier de Châlons : 434 Remi d’Auxerre : 98 Remi de Reims : 150-151 Renaud Ier de Reims : 50 Renaud de Martigné : 430 Richard de Balmeis : 119 Richard de Saint-Victor : 401 Robert, chancelier : 52 Robert de Bosco : 143, 146, 448-452 Robert de Bridlington : 89 Robert de Courson : 37 Robert de Hereford : 126-130, 138, 145, 147, 149, 161, 495 Robert de Melun : 22, 316, 448, 490 Robert de Saint-Marien : 76 Robert d’Exeter : 125-126 Robert Pulleyn : 452, 491 Roger de Salisbury : 121, 123, 125 Rufin, canoniste : 105

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Rupert de Deutz : 150, 162-177, 284, 403, 422, 434, 436, 438, 441, 459 Salluste : 80 Sénèque : 230 Servius : 81 Sigebert de Gembloux : 75, 77 Simon, abbé de Saint-Nicolas-auxBois : 420 Simon, maître : 491 Sirice Ier : 200, 294 Stace : 80-81, 411, 418 Sybille de La Fère : 154 Thibaud, archidiacre de Notre-Dame de Paris : 455 Thierry, abbé de Saint-Gilles : 420 Thierry, abbé de Saint-Jean de Thérouanne : 420 Thierry de Chartres : 19 Thierry de Verdun : 286 Thietmar : 410-415, 417 Thomas d’Aquin : 332 Trajan : 281 Urbain II : 83, 288 Urbain III : 126 Vicelin d’Aldenbourg : 410-417, 423 Virgile : 50, 80, 83 Wibald de Stavelot : 438, 441-442, 449, 495 Wolfger de Prüfening : 43, 45 Yves de Chartres : 19, 43, 194, 197-198, 200-202, 210, 216, 220, 227, 234-235, 292, 348, 369, 393, 403, 485, 496

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TABLE DES MATIÈRES

7

Remerciements

11

Introduction première partie ANSELME DE LAON EN SON TEMPS

35 36 51

69 78 103 104

149

Chapitre premier : Anselme de Laon, écolâtre et dignitaire Les années de formation Le milieu d’origine – Anselme de Laon et ses maîtres Le cursus honorum Le pontificat d’Élinand – Le pontificat d’Enguerrand de Coucy – Le pontificat de Gaudry – Le pontificat de Barthélemy de Joux Anselme post mortem Les éloges funèbres – Les chroniques Anselme de Laon et son œuvre Anselme de Laon et les arts libéraux – Anselme de Laon et la Bible Chapitre 2 : L’autorité de maître Anselme : de la FAMA au MAGISTERIUM L’école à Laon La mesure d’un succès : se loger à Laon – Anselme de Laon doctor doctorum – Les liens privilégiés entre Laon et l’espace anglo-normand – Anselme de Laon et l’Italie – Le rayonnement local d’Anselme – L’espace germanique – Conclusion L’auctoritas Anselmi Les Miracula ou ‘Anselme prophète’ – Guibert de Nogent – Rupert de Deutz et l’exercice du magistère anselmien deuxième partie LES SENTENCES D’ANSELME DE LAON ET LA GENÈSE DE L’AUTORITÉ MAGISTRALE

185 186

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Chapitre premier : La transmission des sentences d’Anselme de Laon Les exercices scolaires

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630

193

211

241 243

272 295

Table des matières

Le témoignage d’Abélard – La lettre d’Anselme de Laon à Héribrand – Commentaires, gloses et sentences Le Liber pancrisis La constitution du florilège – Le milieu d’origine et la portée du Liber pancrisis La diffusion des sentences anselmiennes Les florilèges à forte présence anselmienne – Les florilèges à moyenne présence anselmienne – Les florilèges à faible présence anselmienne Chapitre 2 : Anselme de Laon et ses sentences, une parole d’autorité Anselme historien La création – La loi écrite et l’Ancien Testament – La prophétie – Le Christ – La rédemption – Les fins dernières Anselme théologien de la grâce Le baptême – Vœu et transitus – Les prêtres et les fidèles Anselme moraliste Le péché originel et ses remèdes – Le péché actuel, les vices et leurs remèdes – La charité – La volonté divine troisième partie L’ÉCOLE DE LAON ET LE MOUVEMENT THÉOLOGIQUE DU PREMIER XIIe SIÈCLE

339 341

358

389 389

405

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Chapitre premier : Les recueils de l’école de Laon Recueils faiblement diffusés Le recueil Divina essentia teste ou Sententiae Atrebatenses – Le recueil Quid de sancta ou Sententiae Berolinenses – Le recueil Potest queri quid – Le recueil Deus est sine ou De conditione angelica et humana Recueils largement diffusés Le recueil Deus non habet et son remaniement Deus itaque summe – Le recueil Deus de cujus et son remaniement Deus principium et – Le recueil Principium et causa ou Sententiae Anselmi – Le recueil De sententiis divine ou Sententie divine pagine Chapitre 2 : Les recueils et leur origine L’’école de Laon’ : retour à une question disputée L’unité littéraire des recueils – L’unité doctrinale – L’unité institutionnelle Les centres scolaires de la province de Reims

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Table des matières

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Raoul de Laon – L’enseignement à Laon après Raoul – Les écoles de Reims – Les autres écoles cathédrales de la province 437 438

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Chapitre 3 : L’école de Laon et l’affirmation du magistère des théologiens Le magistère de l’école de Laon L’autorité doctrinale d’Anselme – Les procès contre Abélard et Gilbert de La Porrée Les recueils laonnois et Hugues de Saint-Victor Le Dialogus de sacramentis et les Sententiae de divinitate – Le De sacramentis De la Summa sententiarum à Pierre Lombard La Summa sententiarum – Les Sententiae de Pierre Lombard

493

Conclusion

503 503 558

Annexes Annexe 1 : Le Liber pancrisis Annexe 2 : La fin du recueil De sententiis divine ou Sententie divine pagine

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Bibliographie

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Indices Index codicum Index nominum

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