Les premières expressions du Solutréen dans le Sud-Ouest français: Evolution techno-économique des équipements lithiques au cours du Dernier Maximum Glaciaire 9781407304786, 9781407336046

Evolution techno-économique des équipements lithiques au cours du Dernier Maximum Glaciaire

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Les premières expressions du Solutréen dans le Sud-Ouest français: Evolution techno-économique des équipements lithiques au cours du Dernier Maximum Glaciaire
 9781407304786, 9781407336046

Table of contents :
Cover Page
Title Page
Copyright
Remerciements
Avant-propos
Introduction
Les cadres, les méthodes, les enjeux
Chapitre I
Chapitre II
Chapitre III
Les premières expressions du Solutréendans le Sud-Ouest français
Introduction
Chapitre IV
Chapitre V
Chapitre VI
Chapitre VII
Innovations et évolutions techno-économiques au Solutréen Une perspective diachronique
Conclusion et perspectives
Références bibliographiques
Table des matières
Liste des figures
Liste des tableaux

Citation preview

La forte identité typologique et le style particulier des outillages lithiques du Solutréen ont conduit à l’interpréter comme une entité cultuelle unitaire. Le Solutréen se caractérise ainsi par l’apparition successive d’outils qui lui sont spécifiques : pointes à face plane, feuilles de laurier et pointes à cran.

Mots-clés : Paléolithique supérieur, Solutréen, techno-économie, équipements lithiques, Dernier Maximum Glaciaire, armes de chasse, activités cynégétique

Summary The strong typological identity and the very singular stylistic patterns of the Solutrean lithic toolkit have led to its interpretation as a unified cultural entity. The Solutrean is characterized by the the successive appearance of lithic tools that are specific to this techno-complex: pointes à face plane of the Early Solutrean, laurel leaves and shouldered points of the Recent Solutrean. This work envisions the Solutrean from the view point of lithic techno-economic patterns. The analysis of several key-assemblages from the beginning of the Solutrean in South-Western France is able to distinguish two distinct typo-technological stages: the Protosolutrean (including Vale Comprido points) and the Early Solutrean characterized by the development of pointes à face plane. The comparison between these two sets of complexes leads us to propose a typo-technological mechanism for the evolution of lithic tools and core reduction sequences from the Protosolutrean to the Early Solutrean. The first Solutrean expressions are then incorporated into a more diachronic perspective and compared to the recent stages of development of that technocomplex. The Solutrean is defined by an evolution towards more diversified and specialized hunting weapons that represents the adaptation of human groups to the rigorous climatic context of the Last Glacial Maximum. Our new technological definition of the earliest stages of the Solutrean lead us to interpret its technical evolution in socio-economic terms.

RENARD: LES PREMIÈRES EXPRESSIONS DU SOLUTRÉEN

Ce mémoire envisage le Solutréen sous l’angle de la gestion technique et économique des productions lithiques et met l’accent sur ses premières expressions. L’analyse des productions lithiques de plusieurs gisements du sud-ouest de la France permet de distinguer le Protosolutréen à pointes de Vale Comprido et le Solutréen ancien à pointes à face plane. Un mécanisme d’évolution typo-technologique est proposé sur la base des communautés relevées entre ces deux complexes sur le plan de la technologie des outillages et des modalités de leur production. Les premières expressions du Solutréen sont ensuite discutées à l’échelle de l’Europe du sud-ouest et de fortes affinités sont précisées entre les contextes protosolutréens français et portugais. In fine, les débuts du Solutréen sont replacés dans une perspective diachronique et des hypothèses sur les mécanismes d’évolution des équipements lithiques au Solutréen sont proposées. La diversification, la spécialisation et l’investissement techno-économique croissant dont armes et outils de chasse font l’objet traduiraient l’adaptation des groupes humains au contexte climatique rigoureux du Dernier Maximum Glaciaire. La nouvelle définition technologique des phases anciennes du Solutréen permet donc de revenir sur l’unité de ce techno-complexe et de traduire ses évolutions techniques en termes socio-économiques.

BAR S2070 2010

Résumé

Les premières expressions du Solutréen dans le Sud-Ouest français Evolution techno-économique des équipements lithiques au cours du Dernier Maximum Glaciaire

Caroline Renard

Key-words : Upper Paleolithic, Solutrean, techno-economy, lithic industry, Last Glacial Maximum, hunting weapons, cynegetic activities

B A R

BAR International Series 2070 2010

Les premières expressions du Solutréen dans le Sud-Ouest français

Les premières expressions du Solutréen dans le Sud-Ouest français Evolution techno-économique des équipements lithiques au cours du Dernier Maximum Glaciaire

Caroline Renard

BAR International Series 2070 2010

ISBN 9781407304786 paperback ISBN 9781407336046 e-format DOI https://doi.org/10.30861/9781407304786 A catalogue record for this book is available from the British Library

BAR

PUBLISHING

Remerciements Fruit d’un travail à la fois solitaire et collectif, l’achèvement de cette publication est aussi l’occasion de remercier les personnes qui ont accompagné sa réalisation. En tout premier lieu, je ne sais comment remercier à hauteur de l’aide reçue Catherine Perlès, Professeur à l’université Paris X-Nanterre et directrice de ma thèse. Au travers de l’intelligence et de la pertinence de ses enseignements, elle a directement contribué à ma formation d’étudiante en préhistoire. Depuis, elle n’a cessé de me prodiguer aides et conseils. Pour tout cela et sa bienveillance, je lui suis très vivement reconnaissante. Il m’est également agréable de remercier à nouveau sincèrement les membres de la commission d’examen réunis lors de la soutenance et qui ont contribué à un moment ou un autre au bon déroulement de ce travail. Tous mes remerciements à Jacques Jaubert, Professeur à l’université Bordeaux 1 et João Zilhão, Professeur à l’université de Bristol d’avoir bien voulu accepter d’être les rapporteurs de la thèse. Leur avis sur ce travail est très important à mes yeux. J’adresse également mes plus sincères remerciements à Jean-Michel Geneste, Conservateur en chef et Directeur du Centre National de Préhistoire et à Jacques Pelegrin, Directeur de Recherche au CNRS et Pierre Bodu, Chargé de Recherches au CNRS. Qu’il s’agisse des enseignements prodigués ou du partage de leurs connaissances, ils ont tous joué un rôle fondamental dans mon apprentissage. J’espère que nous pourrons poursuivre les nombreuses discussions entamées autour du Solutréen. La réalisation de ce travail doit beaucoup aux personnes qui m’ont autorisées à étudier les séries archéologiques considérées. Je tiens tout d’abord à remercier respectueusement Jean-Jacques Cleyet-Merle, Conservateur en Chef du Patrimoine et Directeur du Musée National de Préhistoire des Eyies-de-Tayac de m’avoir accordée son autorisation pour l’étude des séries de Laugerie-Haute, du Pech-de-la-Boissière, des Peyrugues et d’Azkonzilo conservées au sein de son établissement. Je remercie également Patrick Périn, Conservateur Général du Patrimoine et Directeur du Musée d’Archéologie Nationale de Saint-Germainen-Laye et Catherine Schwab, Conservateur du département Préhistoire pour l’accès aux séries de Badegoule. Tous mes remerciements s’adressent également à Pierre Bodu qui me confia pour étude la série de La Celle-Saint-Cyr et encadra la réalisation de ce travail. Michel Allard a bien voulu que je reprenne l’étude des ensembles solutréens des Peyrugues, Jean Clottes, Jean-Pierre Giraud et Pierre Chalard m’ont confiée les ensembles solutréens du Cuzoul de Vers dans le cadre d’un projet de monographie. Tous mes remerciements vont aussi à Claude Chauchat qui m’a autorisé à mener l’étude de la série de la couche 6a d’Azkonzilo, produit des fouilles qu’il réalisa dans cette cavité.

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Un grand merci à ceux qui ont acceptés de relire de manière informelle ce travail ou des parties de celuici : François Bon, Mathieu Langlais et Nicolas Teyssandier. Vos corrections et vos conseils se sont montrés toujours perspicaces et forts utiles. Depuis la réalisation d’un mémoire de maîtrise sur les industries lithiques du Magdalénien final de Garede-Couze, je ne compte plus le temps passé au Musée National de Préhistoire et l’ensemble des conseils que j’y ai trouvé. Je tiens donc à remercier André Morala qui a contribué à ma formation depuis ma maîtrise et m’a bien souvent aidée pour la détermination des matières premières. J’y associe Alain Turq pour son accueil et ses nombreux conseils au fil de mes différentes études. Toute l’équipe du Musée a beaucoup compté et m’a souvent facilité la tâche dans le dédale de ses impressionnantes réserves. Tous mes remerciements s’adressent à Peggy Jacquement, Bernard Nicolas et Philippe Jugie qui a en outre eu la gentillesse de réaliser plusieurs clichés photographiques des industries d’Azkonzilo et Laugerie-Haute Est. Merci à vous d’avoir répondu toujours avec beaucoup de gentillesse à mes demandes, souvent de dernières minutes. Enfin je ne puis oublier ici Chantal Fortin avec qui j’aurai aimé partager l’achèvement de ce travail. Depuis mes premières visites aux Eyzies, je me souviens que Chantal m’a toujours accueillie avec chaleur et générosité. J’adresse mes plus sincères remerciements à l’ensemble des enseignants qui ont participé de près ou de loin à ma formation en Préhistoire : Eric Boëda, Catherine Perlès, Jacques Pelegrin, Pierre Bodu Valentine Roux, Despina Liolios, Jean-Michel Geneste. Outre sa qualité, la richesse de ce cursus est peut-être également du à la diversité des personnalités qui l’anime.

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La réalisation d’une partie de ma thèse s’est effectuée dans le cadre institutionnel de l’UMR 7055 Préhistoire et Technologie. Je remercie Valentine Roux et Hélène Roche, directrices successives de ce laboratoire pour l’accueil toujours bienveillant que j’y ai reçu et pour les conditions de travail offertes. C’est avec grand plaisir que je cite ici l’ensemble des membres de cette unité au sein desquelles des relations professionnelles et amicales se sont nouées au fil des années. Mes plus chaleureuses pensées s’adressent à Jehanne Fébot-Augustins, Marie-Louise Inizan, Despina Liolios, Jacques Pelegrin, Gérard Monthel, Catherine Perlès, Patrick Pion, Hélène Roche, Valentine Roux, Isabelle Sidéra ; et, également à ceux que j’ai connu alors qu’ils faisaient partie de cette équipe, Eric Boëda, Anne Delagne, Agnès Gelbert, Jean-Michel Geneste, Caroline Riche et Sylvain Soriano. La seconde partie de cette thèse a été réalisée à Toulouse. Je tiens à remercier très sincèrement Michel Barbaza pour son accueil chaleureux au sein des locaux de l’UMR 5608-TRACES qu’il dirige. J’ai trouvé là un cadre particulièrement propice pour achever ce travail et je lui en suis très reconnaissante. L’accueil que j’ai trouvé auprès de cette équipe a été déterminant dans son achèvement. Je remercie l’ensemble de ses membres pour la confiance qu’ils m’ont témoignée depuis mon arrivée. En particulier, je tiens à remercier François Bon, Sandrine Costamagno, Carole Fritz, Vanessa Léa, Nicolas Valdeyron et maintenant JeanMarc Pétillon. Mes remerciements s’adressent également à ceux qui m’ont proposé d’intégrer les équipes de recherche qu’ils coordonnent : Jean-Christophe Castel pour le Petit-Cloup-Barrat, Jean-Guillaume Bordes et Foni Le Brun-Ricalens pour le Piage. Outre l’amitié que j’ai pour eux, je tiens à les remercier de la confiance qu’ils m’ont témoignée. Marc Jarry a coordonné le projet ACR Quercy permettant d’étudier les séries quercynoises dans de bonnes conditions. Pour le partage d’informations, leurs conseils avisés ou encore leur aide dans la détermination des matières premières des industries lithiques étudiées, je remercie très sincèrement Thierry Aubry, Jehanne FébotAugustins, André Morala, Christian Normand, Jérôme Primault, Caroline Riche, Alain Turq. Jean-Pierre Chadelle m’a livré quantité de précieuses informations concernant le gisement de CombeSaunière ; qu’il en soit très vivement remercié. Les discussions avec Marc Tiffagom ont toujours été riches en informations et d’enseignements ; je l’en remercie très sincèrement. Le workshop autour de la taille expérimentale solutréenne et l’examen de séries archéologiques organisé par Miguel Almeida est un lieu privilégié à la fois pour la transmission des connaissances et les discussions animées autour du Solutréen; je le remercie ici de m’avoir fait participer à cette entreprise. Serge Maury nous a fait profiter de ses talents

d’expérimentateur et de ses connaissances, qu’il en soit grandement remercié. Enfin, j’ai plaisir à remercier Hugues Plisson qui m’a confiée le résultat de ses recherches sur un échantillon de pointes à face plane du gisement d’Azkonzilo. Les opérations entreprises ces deux dernières années sur le site de Marseillon ont été fondamentales sur le plan scientifique. Mes remerciements s’adressent à tous les fouilleurs venus nous aider dans cette tâche. Un grand merci aussi aux habitants de Brassempouy, à Messieurs Jacques Momas et Michel Canfora maires successifs de la commune et enfin à Lionel Ducamp et Estelle Dubedout pour leur aide et leur accueil rendant chaque séjour plus agréable encore. Sans Philippe Lafitte, Marseillon n’existerait pas… Je le remercie au nom de toute l’équipe pour sa découverte et son aide sur le terrain. J’y associe Mr. et Mme. Tastet pour leur hospitalité. Je ne peux non plus oublier de remercier François Bon et Dominique HenryGambier, responsables des opérations archéologiques dans les grottes de Brassempouy. Leur aide a grandement facilité notre récente intégration chalossaise qui, je l’espère, se poursuivra longtemps encore. Je remercie également l’ensemble de mes camarades, camarades doctorants et post-doctorants avec lesquels, au fil du temps, des amitiés se sont peu à peu tissées. Un grand merci à ma famille et mes amis pour leur soutien, patience et bienveillance. Nico et Zoé. Nico, à mon tour, il est temps de te remercier pour ton aide, ton soutien, mais pas seulement…Surtout, n’oublions jamais nos plus beaux projets ! Zoé, merci d’être là, tel que tu es, une petite fille formidable, généreuse et déjà attentive aux autres…une belle personne en somme.

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Avant-propos Ce livre correspond à la publication d’une thèse de doctorat intitulée « Les premières expressions du Solutréen dans le Sud-Ouest français. Evolution techno-économique des équipements lithiques au cours du Dernier Maximum Glaciaire. » soutenue le 12 décembre 2008 à l’université Paris X-Nanterre. Ce travail universitaire a été préparé sous la direction de Catherine Perlès, Professeur de cette université et dans le cadre scientifique de l’UMR 7055 du CNRS – Préhistoire et Technologie, successivement dirigée par Valentine Roux puis Hélène Roche. La version ici publiée correspond presque trait pour trait à celle soumise à soutenance auprès de la commission d’examen composée de : Pierre Bodu, Chargé de recherche au CNRS (UMR 7041), Jean-Michel Geneste, Conservateur en chef du patrimoine et président du jury (UMR 5199), Jacques Jaubert, Professeur à l’université Bordeaux 1 et rapporteur (UMR 5199), Jacques Pelegrin, Directeur de recherche au CNRS (UMR 7055), Catherine Perlès, Professeur à l’université Paris X et directrice de thèse et enfin, João Zilhão, Professeur à l’université de Bristol (Royaume-Uni) et rapporteur. Dans le cadre de cette publication, seules des corrections signalées par les membres du jury que nous remercions ici très sincèrement ont été effectuées. En revanche, la nature des analyses et des interprétations proposées n’a pas été modifiée et correspond assez précisément à l’état de notre thèse au moment de son achèvement. Bien évidemment, depuis la finalisation de ce travail universitaire, de nouvelles données ont été publiées et nous avons également poursuivi nos travaux de terrain sur le site de Marseillon, complétant et précisant de la sorte l’état de notre documentation sur cette industrie à pointes de Vale Comprido. Intégrer l’ensemble des données acquises depuis la soutenance de notre thèse aurait significativement retardé sa publication. C’est pourquoi, nous avons opté pour sa publication rapide sans ajouter de données supplémentaires. Le bilan ici proposé est donc provisoire sur certains points et ouvre sur des perspectives qui demanderont d’être à l’avenir testées et affinées.

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Introduction Comprendre l’émergence et le développement des sociétés du Paléolithique supérieur européen constitue un enjeu important des recherches actuellement développées en préhistoire. Depuis le travail des « pionniers », à la fin du XIXe siècle et dans les premières décades du XXe siècle, les cadres chronostratigraphiques de cette dernière grande subdivision des temps paléolithiques ont été échafaudés, précisés et longuement débattus. Il en résulte aujourd’hui une image à la fois stable, précise et floue. Une image stable car depuis les travaux de H. Breuil, fondateurs à plus d’un titre d’une préhistoire « moderne », les grandes subdivisions culturelles du Paléolithique supérieur sont définies et situées dans un cadre stratigraphique convaincant. Une image précise tant lorsque l’on restitue dans une perspective historiographique les recherches de H. Breuil et de ses collègues, on ne peut qu’être frappé par la clairvoyance de leur pensée et la précision qu’ils accordaient déjà à une lecture stratigraphique des ensembles archéologiques et typologique des outillages en pierre et en matières dures animales. Ainsi, outre la validité des grands complexes culturels définis, la sériation interne de chacun d’eux s’est rapidement avérée efficace. Ces cadres, efficaces et fondateurs, ne vont cependant pas sans cacher un certain flou dans leur définition et dans la manière qu’ils ont, in fine, de nous imposer une certaine lecture des successions culturelles au Paléolithique supérieur. Ainsi, l’Aurignacien, le Gravettien, le Solutréen, le Badegoulien ou le Magdalénien sont-ils perçus comme autant d’épisodes culturels indépendants, qu’il devient délicat de comparer terme à terme. Les frontières entre ces ensembles, délimités à la fois par le cadre chrono-stratigraphique mais aussi et surtout par la typologie des outillages, sont toujours aussi larges et mal comprises. Largement définies en rupture les unes par rapport aux autres, ces entités se succèdent sans que nous ne parvenions à saisir des fils communs d’une évolution plus générale. Ainsi, le plus souvent, le passage d’un techno-complexe à un autre est interprété comme une rupture plus ou moins massive et consommée, qui se définirait notamment au travers des importantes transformations de la culture matérielle et symbolique des groupes humains en question. Des transformations qui sont le plus souvent interprétées comme le produit de l’arrivée de nouvelles populations, dont il s’agit de déterminer le point d’origine et la trajectoire géographique. Le Solutréen n’échappe pas à cette règle. Au contraire, il la souligne encore plus clairement tant les types d’outils le définissant sont singuliers dans l’équipement des chasseurs-cueilleurs du Paléolithique supérieur. Pointes à face plane, feuilles de laurier ou de saule et pointes à cran sont des termes qui résonnent à l’oreille de tous préhistoriens comme des outils à la fois particuliers et évocateurs. Cette singularité dans le style des outillages solutréens a naturellement conduit, nous le verrons, à l’isoler facilement des autres subdivisions du Paléolithique. Le Solutréen ne pouvait être confondu avec un Gravettien récent ou final le

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précédant ou avec du Badegoulien ou une phase ancienne du Magdalénien qui lui feraient suite. Bien que nettement différenciés les uns des autres, ces objets étaient en outre porteurs d’un style propre, que ce soit au niveau de leur forme, de la retouche couvrante ou du degré de technicité engagé dans leur réalisation. Ainsi, le Solutréen a, le plus souvent, été interprété comme une culture à la fois unitaire et originale, et donc plutôt intrusive dans la séquence du Paléolithique supérieur d’Europe occidentale. L’unité du Solutréen, tout au moins dans sa version atlantique, n’a guère été mise en cause. Plusieurs facteurs en rendent compte. Précisons tout d’abord que la définition temporelle et géographique du Solutréen explique en partie ce constat. Même si nous serons amenée à en discuter plus longuement, sa chronologie ne fait pas toujours l’objet de consensus et il apparaît assez clairement que le Solutréen se distingue des autres techno-complexes le précédant par une durée relative courte, n’excédant vraisemblablement pas deux millénaires en chronologie radiocarbone. A ce maillage chronologique plus resserré que pour les autres entités du Paléolithique supérieur s’ajoute une répartition géographique limitée à la frange occidentale du continent européen. Temps et espace apparaissent ainsi comme deux notions fondamentales qui, elles aussi, distinguent le Solutréen des autres complexes du Paléolithique supérieur, plus clairement pan-européens.

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Le Solutréen apparaît donc comme une entité chrono-culturelle bien définie dans le panorama du Paléolithique supérieur. C’est tout aussi vrai pour son cadre spatio-temporel que pour sa définition intrinsèque, en grande partie basée sur l’évolution de ses outillages lithiques. La spécificité de ses fossiles directeurs et leur ordre d’apparition offrent en outre un contexte privilégié pour suivre son évolution diachronique, dont les grandes lignes ont été tracées il y a plus d’un siècle maintenant. Toutefois, en arrière-plan de ces cadres fondateurs et efficaces se cachent de nombreuses zones d’ombre qui entravent une compréhension plus globale de l’évolution du Solutréen. En effet, comme pour tous les autres complexes du Paléolithique supérieur, l’accent a été porté vers la définition du cadre chrono-typologique sur la seule base de la succession des fossiles directeurs remarquables que sont, par ordre d’apparition, les pointes à face plane, les feuilles de laurier, les pointes à cran et les feuilles de saule. C’est là un atout remarquable mais très largement insuffisant pour définir le Solutréen comme techno-complexe et parvenir à cerner les dynamiques évolutives qui le traversent et leur signification en termes socio-culturels.

Principaux objectifs Ce travail envisage le Solutréen sous l’angle de la gestion technique et économique des productions lithiques. Au travers d’une approche résolument diachronique, l’objectif est d’interroger l’unité solutréenne sur des bases méthodologiques qui lui ont été rarement appliquées dans toute sa profondeur temporelle. Si des études technologiques de haute résolution ont été conduites sur le Solutréen, elles sont pour l’heure restées concentrées sur des cas d’étude particuliers et n’ont pu envisager ce techno-complexe dans toute sa profondeur évolutive. Tel fut le cas d’abord sur la problématique des pointes de projectile et des pointes à cran en particulier (Geneste et Plisson, 1986, 1990 ; Plisson et Geneste, 1989), étendue par la suite à la question des systèmes de production lithique du Solutréen récent 1 (Geneste 1991, Aubry, 1991 ; Aubry et al., 1998 ; Almeida, 2005). Plus récemment, des synthèses diachroniques ont été forgées sur des bases typo-technologiques d’abord au Portugal (Zilhão 1987, 1995) et, plus récemment, à partir de la séquence de référence ibérique du Parpalló (Tiffagom, 2003, 2006). En revanche, en ce qui concerne l’aire géographique de référence dans l’histoire des recherches sur le Solutréen, le Sud-Ouest français, force est de constater, pour l’heure, un état des recherches bien parcellaire et l’absence de données technologiques sur des pans entiers de la séquence solutréenne. Pourtant, si l’on cherche à tester et discuter la valeur et le statut des découpages typo-stratigraphiques hérités de nos illustres prédécesseurs, c’est bien vers une mise à plat des données empiriques qu’il faut se tourner. Le Solutréen, nous l’avons déjà mentionné, est majoritairement perçu comme une culture unitaire dont il demeure délicat de saisir selon quels processus évolutifs il a pu apparaître et se développer. C’est là le résultat des approches basées presque exclusivement sur ses fossiles directeurs et, en particulier, le fameux triptyque pointes à face plane, feuilles de laurier et pointes à cran. On ne retient que ce que l’on présume constituer l’essence solutréenne et l’on oublie de rendre compte de tout ce qui composent la variabilité et la complexité des systèmes techniques solutréens.

Nous verrons, au fil de ce travail, que le Solutréen ne peut être résumé par ses seuls fossiles directeurs, si spécifiques et fondamentaux qu’ils soient pour son appréhension. Derrière ces outils évocateurs, se trament des systèmes techniques parfois bien singuliers dont l’existence même demeurait jusque récemment partiellement, voire totalement inédite. C’est à partir du décryptage des modes de gestion de la globalité des productions lithiques que nous chercherons à explorer le sens de l’évolution solutréenne. Pour ce faire, ce travail croisera des données obtenues à la fois sur des séquences de référence qui ont joué un rôle fondateur dans la construction du Solutréen, et sur des séries issues de fouilles récentes encore partiellement inédites. Dans le cadre des questions que pose ce travail, les unes ne pouvaient pas aller sans les autres. En effet, il n’est pas envisageable de questionner l’unité et la variabilité du Solutréen ainsi que la validité de son découpage classique sans en revenir aux sources historiques. Nous faisons ici référence à certains des sites qui ont permis d’asseoir et de forger notre connaissance du monde solutréen. Toutefois, notre enquête n’aurait pas non plus pu aboutir sans l’examen de sites récemment fouillés, permettant parfois de lever certaines zones d’ombre que des fouilles plus anciennes ne peuvent éclaircir. L’objectif visé cherche à dessiner une image plus cohérente des évènements ayant conduit à la formation et l’apogée du Solutréen. Notre propos se concentrera en particulier sur l’appréhension des premières formes d’expression du Solutréen dans le Sud-Ouest français. C’est là un point essentiel, mais encore largement méconnu, pour qui cherche à interroger l’unité solutréenne sur toute la durée de son développement. Ce n’est qu’une fois les contours de ses premiers développements esquissés que nous intégrerons, peu à peu, les moments ultérieurs et plus classiques de son développement qui se caractérisent, en particulier, par le développement du façonnage bifacial et des feuilles de laurier, puis l’expansion si intrigante des modes de retouche par pression appliqués à la confection de certaines feuilles de laurier et des pointes à cran. In fine, c’est bien à une re-interrogation plus générale du Solutréen que nous serons confrontée en cherchant à déceler des éléments stables et des processus d’évolution scandant cette trajectoire si singulière des sociétés du Paléolithique supérieur.

Cheminement du mémoire Le point de départ de notre enquête repose sur une volonté d’interroger le Solutréen d’un point de vue diachronique afin d’apporter de premiers éléments de réponse sur son unité et sa variabilité dans le temps long. Sous cet angle, c’est la validité du Solutréen en tant qu’entité chrono-culturelle spécifique du Paléolithique supérieur que nous interrogerons. Pour ce faire, nous avons choisi de repartir d’une synthèse historiographique montrant comment les conceptions sur le Solutréen ont évolué au cours du temps. Cette prise de recul nous a permis de relever les principaux enjeux des études qui doivent être conduites sur les industries solutréennes. Le principal objectif de ce travail consistera en une discussion sur la question des origines ou plutôt des premières formes d’expression du Solutréen. Sur ce point, aucun consensus n’existe et deux grandes thèses classiques s’opposent depuis fort longtemps. Ces deux alternatives mettent en balance d’une part une évolution locale et d’autre part l’arrivée de populations exogènes porteuses de traits culturels originaux qui s’assembleraient peu à peu tout au long du développement du Solutréen. La problématique sur les origines du Solutréen intéresse au premier chef l’une des questions essentielles de notre travail relative à l’individualisation et l’articulation des différentes phases évolutives de ce technocomplexe. Depuis fort longtemps déjà, des industries en position stratigraphique intermédiaire entre le Gravettien et le Solutréen ont été documentées. En Périgord, là où elles ont été le plus précisément décrites, elles ont d’abord été dites « Aurignacien V », en relation avec un caractère nettement aurignacoïde de leurs outillages lithiques comptant, en proportion importante, des grattoirs épais carénés ou à museau (Peyrony, 1928 ; Sonneville-Bordes, 1959 ; Bordes et Sonneville-Bordes, 1966). Sans revenir ici sur l’histoire de cette question, nous souhaitons d’emblée souligner combien l’interprétation de ces industries, stratigraphiquement intermédiaires entre deux « grands » techno-complexes, s’avère fondamentale. Pour certains, elles seraient en filiation avec les ensembles gravettiens antérieurs et correspondraient donc à un Gravettien terminal ; pour d’autres, elles représenteraient réellement une transition entre ces deux grands complexes, voire seraient déjà tournées vers le Solutréen. Les données nouvelles obtenues ces 20 dernières années sur l’émergence du Solutréen au Portugal (voir en particulier Zilhão, 1987, 1995 ; Zilhão et Aubry, 1995 ; Zilhão et al. 1999) nous entraîneront vers une

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redéfinition des phases anciennes et de leur articulation dans un grand quart sud-ouest de la France. À ce titre, la découverte récente d’une industrie dite à pointes de Vale Comprido sur le site de Marseillon dans les Landes (Teyssandier et al., 2006) offrira l’opportunité de documenter précisément et pour la première fois en France le contexte technologique d’un courant chrono-culturel qui pourrait bien constituer le premier point d’ancrage de ce techno-complexe. Les résultats obtenus seront alors confrontés à des séries plus classiques, issues en particulier de la rare séquence française où les phases anciennes du Solutréen sont bien développées en stratigraphie, à savoir le vaste abri de Laugerie-Haute en Dordogne.

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Toutefois, le statut de ces industries intermédiaires entre le Gravettien et le Solutréen et la question de leur interprétation chrono-culturelle ne pourront être réglés sans disposer de solides éléments comparatifs avec d’autres ensembles archéologiques proprement solutréens. C’est pourquoi, il nous a semblé fondamental de ne les intégrer à notre discours qu’après avoir complétée une première synthèse sur des industries dont l’attribution au Solutréen ancien classique à pointes à face plane ne faisait aucun doute. En effet, on ne peut discuter de la parenté solutréenne d’industries stratigraphiquement intermédiaires entre le Gravettien et Solutréen sans avoir, au préalable, défini une base comparative adéquate pour ensuite discuter de leurs degrés de dissemblance et de ressemblance et, finalement, statuer sur leur interprétation culturelle. Notre choix s’est ici porté sur la séquence d’Azkonzilo, dans le Pays basque, qui présente l’intérêt d’avoir fait l’objet de fouilles récentes (Chauchat, 1990, 2007) et d’inclure une industrie typique et suffisamment abondante pour conduire une analyse techno-économique fine. Afin de compléter les observations recueillies, et toujours dans l’optique de caractériser la phase ancienne classique du Solutréen, nous ferons appel à d’autres séries classiques, non pas sous une forme monographique mais plutôt de manière ponctuelle, pour répondre à certaines questions restées sans réponse. Tel sera le cas pour les séries du Solutréen ancien de Laugerie-Haute par exemple, la couche 31 des fouilles F. Bordes à l’Est en particulier. Seront également appelées à des fins comparatives et sous la forme de diagnostics, les séries des couches 12d à 11a de Laugerie-Haute Ouest et des Peyrugues (Lot). Enfin, un gisement géographiquement extérieur à notre région d’étude sera ici considéré pour la richesse de la documentation technologique qu’il fournit sur le schéma opératoire d’obtention des supports de pointes à face plane. Il s’agit de la station de surface de la Celle-Saint-Cyr (Yonne), localisée aux marges sud-orientales du Bassin parisien. Suite à l’élaboration d’un aperçu synthétique sur les premières formes d’expression du Solutréen, nous essaierons d’articuler ces résultats aux industries du Solutréen récent à feuilles de laurier et pointes à cran, composant l’image d’Epinal du Solutréen. C’est au cours de cette phase de l’analyse que nous essaierons d’apporter des éléments de réponse aux questions relatives à l’unité diachronique du Solutréen. Nous verrons alors que l’étude typo-technologique prise isolément ne sera pas suffisante pour résoudre cette énigme et qu’il nous faudra nécessairement intégrer la sphère économique à nos raisonnements. L’étude des matières minérales engagées dans les activités de taille au Solutréen constituera alors l’un des pivots de nos préoccupations. Quelles sont les matières privilégiées, sont-elles toutes traitées uniformément ou peuton mettre en évidence des gestions différenciées selon les activités réalisées ? Ce prisme de lecture sera nécessaire pour dépasser une lecture purement technique des industries lithiques solutréennes et les replacer dans un contexte socio-culturel élargi. C’est à ce titre également que nous nous réfèrerons fréquemment à un élément de dialectique qui nous semble important dans l’appréhension du Solutréen. Nous faisons référence ici à la notion d’investissement technique et économique qui nous permettra de poser la question d’une éventuelle hiérarchie au sein du système technique lithique des Solutréens, en particulier autour du statut des productions directement dévolues à la constitution des armes de chasse (Renard et Geneste, 2006). En résumé, ce mémoire ne se veut pas une synthèse sur les comportements techniques appliqués à la taille de la pierre tout au long du Solutréen. L’entreprise serait intéressante mais elle dépasserait largement notre propos. Ce travail a été conçu autour de la question de l’unité et de la variabilité des productions solutréennes afin d’interroger le statut et la signification de ce découpage chrono-culturel hérité du travail des pionniers de la fin du XIXe et des débuts du XXe siècle. L’ambition, outre de déchiffrer les principales étapes de son développement, est de réfléchir aux relations techniques, économiques et plus largement socio-culturelles unissant les différents moments de son évolution. Il s’agit d’un travail imposant tant nos données demeurent encore bien parcellaires sur de nombreux « moments » de cette évolution, notamment ceux précédant l’avènement du Solutréen récent. C’est pourquoi notre propos se concentrera en particulier

sur la question de la structuration et de l’articulation de différents moments d’évolution scandant les débuts du Solutréen. Les études conduites plus généralement sur le Paléolithique supérieur vont dans ce sens et c’est bien dans cette dynamique d’interroger les cadres fondateurs de ce grand moment d’évolution des sociétés d’Hommes modernes en Europe occidentale que nous situons ce travail. Pour rester le plus neutre possible, nous avons choisi en première analyse de ne faire référence qu’à un phasage en 2 niveaux de la séquence solutréenne. Nous parlons donc ici de Solutréen récent pour désigner les ensembles caractérisés par des feuilles de laurier et/ou des pointes à cran. Nous regroupons donc sous cette désignation les trois dernières phases de la classification de P. Smith (1966) : Solutréen moyen, supérieur et final. Les ensembles antérieurs dépourvus de ces deux types et caractérisés par des pointes à face plane seront donc dits Solutréen ancien. Ce n’est qu’une fois l’analyse des séries effectuées que cette classification pourra être de nouveau discutée. 1

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Les cadres, les méthodes, les enjeux

Chapitre I Chronique historiographique Origine, unité et évolution du Solutréen à travers le temps

Chapitre 1 - Chronique historiographique : origine, unité et évolution du Solutréen à travers le temps -

Le Solutréen, à l’image des autres grands technocomplexes du Paléolithique supérieur, est une création des pionniers de l’archéologie paléolithique. Facilitée par des fossiles-directeurs caractéristiques et inconnus des autres entités chrono-culturelles du Paléolithique supérieur, la reconnaissance précoce des spécificités de cette industrie a conduit les préhistoriens d’alors à insister sur une vision relativement unitaire. Une fois la place du Solutréen admise dans la séquence évolutive du Paléolithique supérieur, les interrogations ont essentiellement porté sur sa structuration interne et son découpage chronoculturel. L’origine et l’évolution du Solutréen au cours du temps ont retenu l’attention des chercheurs, depuis la fin du XIXe siècle jusqu’à aujourd’hui. L’outillage lithique solutréen a été, et demeure encore, l’élément cristallisant une large part des travaux. Ses spécificités (morphologie des outils et style de la retouche) ont dès l’origine focalisé l’attention de tous, au détriment du contexte typo-technologique plus général qui reste encore largement méconnu. Le caractère diagnostique des fossiles-directeurs solutréens et le style de la retouche les aménageant vont fréquemment être considérés comme des éléments signant l’origine exogène de ce complexe culturel. Ainsi, sous l’impulsion de H. Breuil (1912) en particulier, l’idée d’une origine allochtone du Solutréen va émerger. Il en est alors fini – ou presque - des temps préhistoriques se succédant de manière linéaire sous l’impulsion de la Loi Universelle du Progrès (voir en particulier de Mortillet G., 1868, 1873 & 1897). Avec H. Breuil, plusieurs cultures synchrones peuvent coexister, s’affronter voire se subordonner les unes aux autres. A partir du début du XXe siècle, la question de la détermination des origines du Solutréen va concentrer une large part des recherches et nous conduire, depuis l’Europe centrale jusqu’au Maghreb, en passant par la Péninsule ibérique. Nous verrons toutefois qu’en focalisant l’attention sur les seuls fossiles-directeurs et en se désintéressant de leur contexte de production, aucun schéma d’évolution probant ne sera dégagé et n’aboutira à un consensus au sein de la communauté scientifique. Interroger l’unité du Solutréen ne doit pas être perçu comme la révocation des travaux des pionniers. Il s’agit davantage d’évaluer la portée des principales hypothèses émises sur ce point en questionnant différemment et avec l’aide d’autres outils méthodologiques la culture matérielle

solutréenne. Cet aperçu historique aura donc pour principal objet de cerner les arguments mis en avant pour asseoir l’idée de l’unité du Solutréen et forger son découpage interne. Et ce, dans la perspective de les intégrer et de les discuter au regard des données réunies dans le cadre de ce travail à partir d’ensembles lithiques provenant pour l’essentiel d’un grand quart sudouest de la France.

I. Des premières allusions aux outils diagnostiques à la reconnaissance du Solutréen C’est vraisemblablement à F. Jouannet et à sa publication Notes sur quelques antiquités du département de la Dordogne (1834) que l’on doit les premières références à l’outillage solutréen lorsqu’il évoque de « longues pointes de javelines d’un joli silex blanc » (cité par Smith, 1966, p. 6). Ce sont certainement ces premières découvertes qui amènent à la reconnaissance d’une époque particulière, comprise dans l’Âge du Renne, mais dont le statut ne sera pas encore celui d’industrie. C’est en fait dans les années 1860, période où prennent place les fouilles de quelques-uns des plus prestigieux gisements solutréens en Dordogne et en Charente notamment, que la nécessité d’ordonner les nouvelles « trouvailles » va se faire ressentir. Sous l’impulsion d’E. Lartet, cette charge reviendra à G. de Mortillet lors du Congrès International d’Anthropologie et d’Archéologie Préhistoriques de 1867. Les premières fouilles à Laugerie-Haute (LesEyzies-de-Tayac, Dordogne) sont le fait de P. de Vibraye en 1862 (Cartailhac et Breuil, 1907 ; Smith, 1966). Lorsqu’en 1863, celui-ci décide de partir fouiller en Charente, accompagné de R. Trémeau de Rochebrune, il cède sa place, de bonne grâce, au duo composé de E. Lartet et H. Christy. C’est ainsi que les travaux de ces derniers à Laugerie-Haute puis à Badegoule mettent au jour des couches archéologiques de l’Âge du Renne, caractérisées par de « longues pointes lancéolées ». Cependant, pour E. Lartet, ces outils singuliers ne sont pas synonymes d’une époque particulière. Laugerie-Haute, LaugerieBasse et La Madeleine ne représentent pas des époques différentes puisque les faunes associées à ces gisements sont identiques à peu de chose près. Il reconnaît en revanche trois types de sites ou faciès au sein de cet Âge du Renne : le type d’Aurignac et Gorge d’enfer, le type de LaugerieHaute et le type de La Madeleine.

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Première partie - Les cadres, les méthodes et les enjeux -

Au milieu des années 1860, P. de Vibraye, toujours accompagné de R. Trémeau de Rochebrune, fouille au Fourneau-du-Diable (Bourdeilles, Dordogne) et à La Combe-àRolland (La Couronne, Charente). Les premiers rapprochements entre les industries de LaugerieHaute et La Combe-à-Rolland vont être formulés sans toutefois leur accorder d’équivalence chronologique (Trémeau de Rochebrune, 1866, cité par Smith, 1966). D’autres comparaisons vont être effectuées, notamment à partir du matériel recueilli par A. Arcelin qui, dès 1866, entame la fouille de Solutré. En comparant les industries de Laugerie-Haute et du Cros-duCharnier (Solutré, Saône-et-Loire), A. Arcelin et H. de Ferry rapprochent les deux ensembles et signalent leurs très fortes similitudes (Smith, 1966).

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La nécessité d’organiser ces nouvelles découvertes se fait ressentir et il s’agit là surtout de mieux structurer le temps préhistorique (Guillomet-Malmassari, 2005, 2006). C’est ce que vont désormais s’attacher à faire deux illustres personnages que sont E. Lartet et G. de Mortillet et ce, à l’occasion du Congrès International d’Anthropologie et d’Archéologie Préhistoriques de Paris en 1867. Publiquement, le véritable objet de dissension entre ces deux hommes réside sur la place que doit occuper le Solutréen au sein de la séquence évolutive. E. Lartet (1868), qui persiste à fonder ses séquences sur des critères zoologiques, ne voit pas l’intérêt de subdiviser le temps en différentes époques et ce même s’il tend à considérer, et c’est là un paradoxe, que les différences dans les outillages correspondent à des différences d’âge (Smith, 1966). A l’inverse, G. de Mortillet perçoit dans les outils préhistoriques, qu’ils soient lithiques ou osseux, un excellent critère distinctif et évolutif des différentes époques et ceci l’amène à proposer une séquence des dépôts de caverne où se succèdent l’époque du Moustier, puis celles d’Aurignac, Laugerie-Haute et enfin LaugerieBasse. Cette nouvelle classification des temps préhistoriques est publiée par G. de Mortillet dans le Livret-Guide de l’exposition de 1867 (de Mortillet G., 1867), où il s’attache également à décrire les feuilles de laurier, les feuilles de saule ainsi que les pointes à pédoncule ou à cran. Mais ce qui retient l’attention ici réside dans la nouvelle classification proposée par l’auteur et, plus particulièrement, dans la position de l’époque de Laugerie-Haute au sein de la séquence évolutive. En effet, la période de Laugerie-Haute devait nécessairement intervenir avant celle de Laugerie-

Basse, du fait de sa pauvreté en os travaillé et en art. Si bien des acteurs de la discipline se rallieront à la cause de G. de Mortillet, d’autres persisteront à voir dans l’époque de LaugerieHaute un bon candidat pour combler le hiatus entre Paléolithique et Néolithique. E. Lartet ne manquera pas de changer plusieurs fois d’opinion pour finalement se rattacher à la cause de G. de Mortillet ; mais, en 1867, son idée est encore celle d’un Solutréen venant combler le Hiatus entre l’Âge de la pierre taillée et celui de la pierre polie. La pensée continuiiste, à laquelle G. de Mortillet adhère sans retenue, se formalise notamment dans la manière dont il fait se succéder les industries, leur perfectionnement entraînant leur succession naturelle : « Comme évolution de la pierre, l’industrie solutréenne est purement et simplement une transformation normale de l’industrie moustérienne due à l’invention d’un nouveau procédé de taille. Ce procédé a permis d’amincir la pointe moustérienne en la taillant sur les deux faces et lui donner une forme élégante » (de Mortillet G., 1897, p. 22). Cette dérivation d’un type à un autre sous l’effet du perfectionnement continu, tout comme le passage - ou la succession - d’une industrie à une autre, constituent le point d’ancrage de la pensée de G. de Mortillet. Et, c’est ce qui va l’amener à opérer par la suite deux changements d’importance dans sa classification ; cela consistera d’abord à intervertir la place du Solutréen et celle de l’Aurignacien (de Mortillet G., 1868) qui, finalement, après avoir été placé à la suite du Solutréen, se verra définitivement supprimé (de Mortillet G., 1873). On peut s’interroger sur les réels motifs de la controverse concernant la place du Solutréen dans la séquence évolutive. Dès 1863, lors de ses fouilles à Laugerie-Haute, P. de Vibraye semble avoir clairement compris les distinctions stratigraphiques et typologiques (Smith, 1966, p. 6) qui différencient ce qui deviendra, plus tard, le Solutréen et le Magdalénien. En démontrant l’antériorité du Solutréen sur le Magdalénien, il prouve également que ce dernier sépare le Solutréen du Néolithique. Dans les faits, il était ainsi établi que la période d’Aurignac ne pouvait succéder à celle de Solutré. Cependant, dans la classification théorique de G. de Mortillet, l’Aurignac constituait un progrès du point de vue de son industrie osseuse et il devait donc nécessairement survenir après la période de Solutré ; mais surtout, rien ne venait plus s’interposer entre le Moustier et Solutré. Ainsi, le continuum incarné ici par le coup de poing qui se

Chapitre 1 - Chronique historiographique : origine, unité et évolution du Solutréen à travers le temps -

perfectionne pour donner naissance aux feuilles de laurier, était respecté. De même, lorsque G. de Mortillet décida de supprimer la période d’Aurignac qui rompt le continuum (GuillometMalmassari, 2005), la preuve de son existence et de sa position sous-jacente au Solutréen avait déjà été fournie. C’est ce nouveau schéma, où se succèdent le Moustier, Solutré puis la Madeleine, qu’il présente au début des années 1870, schéma auquel adhère dès lors une large part de la communauté scientifique. Le Solutréen avait, semble t-il, trouvé « sa place naturelle » au sein de la construction classificatoire imposée par G. de Mortillet. Si quelques avis contradictoires se sont fait connaître durant les trois dernières décennies du XIXe siècle, c’est à H. Breuil que revient le mérite d’avoir su restituer sa place à l’Aurignacien, et par voie de fait, au Solutréen, dans la séquence du Paléolithique supérieur. Au moins deux phénomènes sont à l’origine de ce revirement, caractérisé par la reconnaissance de l’Aurignacien ; le premier tient à la réfutation des méthodes employées durant la fin du XIXe siècle, celles de G. de Mortillet en particulier. Alors que ce dernier essayait d’intégrer les données archéologiques à une construction théorique préexistante dictée par le progrès H. Breuil va, quant à lui, situer au sommet de la pyramide de l’interprétation l’observation stratigraphique et typologique. Selon lui, l’étude stratigraphique constitue le seul moyen « de fixer la position relative, dans le temps, des diverses civilisations qui se sont succédées » (Breuil, 1912, p. 2). Le temps était venu d’abandonner la Loi et ce, au profit du Constat (Guillomet-Malmassari, 2005). Cette révision méthodologique (Coye, 1997) s’accompagne d’une meilleure connaissance des stratigraphies sur une plus large échelle géographique (voir p.e. les missions d’étude de H. Breuil et de H. Obermaier en Espagne et en Europe centrale). C’est finalement devant le premier Congrès Préhistorique de France réuni à Périgueux en 1905 puis lors de la 13e session du Congrès International d’Anthropologie et d’Archéologie Préhistorique de Monaco que H. Breuil (1907), luttant contre la théorie continuiiste à présent défendue par A. de Mortillet, parviendra à imposer la reconnaissance et l’antériorité de l’Aurignacien, qui venait de nouveau s’intercaler entre le Moustérien et le Solutréen.

II. Aux origines du Solutréen : les travaux de H. Breuil et la complexité des phénomènes humains en préhistoire Si la première phase de l’histoire du Solutréen s’est davantage attachée à faire reconnaître sa validité en tant que période et surtout sa place au sein de la séquence paléolithique, le terme de la bataille aurignacienne ouvre de nouveaux horizons intellectuels (Dubois et Bon, 2006). La question des origines du Solutréen est alors sur le devant de la scène. La reconnaissance et la place de l’Aurignacien dans la séquence du Paléolithique supérieur et, par voie de fait, la place du Solutréen, mirent un certain temps à être admises par l’ensemble de la communauté scientifique. L’enjeu ne tenait pas uniquement à restituer la place de l’Aurignacien dans la séquence ; la nécessité d’un profond renouveau méthodologique se faisait également ressentir. En retrouvant sa place originelle, le cas de l’Aurignacien démontrait clairement la limite des méthodes appliquées par le clan de Mortillet (Coye, 1997). Il s’agissait alors de faire admettre que des analogies de forme ne pouvaient pas, à elles seules, contribuer à produire une classification des époques préhistoriques. La typologie était certes pratiquée depuis de nombreuses années et cette méthode avait déjà porté ses fruits, parfois de manière très pertinente (voir p.e. les travaux de A. de Maret concernant la subdivision tripartite du Solutréen dans les années 1870-1880). Néanmoins, elle ne pouvait suffire, non seulement à ordonner le temps préhistorique mais également pour expliquer une complexité des phénomènes humains qui étaient dès lors au moins pressentie. C’est certainement H. Breuil qui, sur ces différents questionnements, fera avancer les recherches en préhistoire : « Le temps n’est plus où l’on pouvait rêver d’une évolution toute simpliste, partout identique à elle-même, où chaque phase serait issue sur le même sol de la période précédente, et aurait, par ses seuls moyens, procréé celle qui lui a succédé. Les travaux se multiplient sur des régions de plus en plus éloignées, et l’on peut déjà apercevoir, entre elles, des analogies et des différences notables dans l’évolution industrielle. Il devient de plus en plus évident que ce que l’on a pris d’abord pour une série continue, due à l’évolution sur place d’une population unique, est au contraire le fruit de la collaboration successive de nombreuses peuplades réagissant plus ou moins les unes sur les autres, soit par une influence purement industrielle ou commerciale, soit par l’infiltration

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graduelle ou l’invasion brusque et guerrière de tribus étrangères » (Breuil, 1937, p. 9).

évoqués : l’Europe centrale, le Maghreb et la Péninsule ibérique.

Ainsi, la bataille aurignacienne engendre une nouvelle approche des phénomènes humains et une nouvelle définition du concept d’industrie (Coye, 1997) et c’est dans ce contexte qu’est abordée la question des origines du Solutréen. Pour défendre ses thèses, H. Breuil (1907, 1912, 1937) revient aux sources de l’archéologique préhistorique et remet la stratigraphie au cœur des classifications et théories. Autre idée phare de ses travaux, celle considérant que deux industries morphologiquement semblables peuvent ne pas être synchrones.

Dès 1910, le regain d’intérêt pour les fouilles conduit H. Breuil et H. Obermaier en Espagne puis en Europe centrale (Breuil, 1912, 1923 ; Obermaier, 1928). Le rapprochement avec les industries à pointes foliacées d’Europe centrale et orientale, où l’on perçoit le développement d’un très ancien Solutréen est très vite adopté par une large partie de la communauté de préhistoriens : H. Breuil (ibid.), H. Obermaier (ibid.) et D. Garrod (1938) par exemple.

Les remises en cause du « système de Mortillet » et, par la même, des notions ambiguës d’âge, d’époque et de période conduisent les auteurs à fonder les bases du concept d’industrie dans toute sa complexité (Coye, 1997). Celui-ci se définit alors, « [non] plus seulement comme une fonction du temps mais également comme une fonction de l’espace » (Coye, ibid., p. 253). Une industrie se définit avant tout localement, selon l’agencement stratigraphique observable dans une région donnée, qui peut ne pas être identique en tous lieux. N. Coye le rappelle à juste titre, le concept d’industrie ainsi forgé est d’ordre spatio-temporel et équivaut plus ou moins au concept actuel, toujours flou et ambigu lui aussi, de « cultures préhistoriques ». A partir de ce moment là, le temps n’est plus seul et l’espace doit lui être concilié. H. Breuil va être le fer de lance de ces nouvelles conceptions et, sous l’influence des théories diffusionnistes, cherchera à rendre compte de certains grands moments de l’évolution des sociétés du Paléolithique supérieur européen. Il appuiera notamment l’idée que « notre monde européen, et surtout sa partie occidentale, est un cul-de-sac vers lequel les vagues humaines, arrivées de l’est ou du sud sous des impulsions inconnues, sont venues mêler et superposer leurs sédiments » (Breuil, 1937, p. 9). Le renouvellement des connaissances à l’échelle européenne et l’engouement pour les théories diffusionnistes aboutissent, dans le cas du Solutréen et de ses origines, à un nombre croissant d’hypothèses allant toutes ou presque à l’encontre de ce qui était prôné par les Mortillet (développement linéaire et local des industries) ; les origines allochtones, voire « exotiques » sont ainsi, en ce début de XXe siècle, largement privilégiées. Outre une origine française, trois principaux foyers d’origine sont

H. Breuil (1937) perçoit le développement d’un très ancien Solutréen dans les grottes hongroises tandis que le véritable Aurignacien y serait absent. Selon lui, il n’est pas impossible que le plus ancien Solutréen dérive d’un Moustérien évolué et que cette évolution ait eu lieu en plusieurs points, comme la Hongrie et l’Espagne (Breuil, 1937). Cette origine orientale est soutenue par de nombreux auteurs : W. Sollas (1911) qui voit au départ le Solutréen dériver d’un Moustérien, se ravise finalement pour fixer son origine quelque part à l’Est (Smith, 1966, p. 19) : les Aurignaciens, alors implantés en Europe occidentale, auraient été évincés par cette peuplade guerrière venue de l’est. Cette vision sera partagée par H. Osborn (1916), M. Burkitt (1921) ou R. Macalister (1921 ; tous cités par Smith, 1966). Toutefois, les avis allant à l’encontre des principes d’une évolution linéaire et locale n’ont pas d’emblée été si tranchés puisque l’argument des continuiistes a été celui utilisé pour matérialiser le passage de l’Aurignacien au Solutréen. Tout en participant au terme de la bataille aurignacienne, c’est en évoquant un développement local depuis l’Aurignacien que D. Peyrony aborde la question des origines du Solutréen (Peyrony, 1908). Au Ruth, tout en démontrant que l’Aurignacien était bel et bien présolutréen, D. Peyrony s’appuyant sur des analogies de formes indique que « l’industrie solutréenne n’est que le perfectionnement et la transformation de l’industrie aurignacienne. (…) les pointes à dos arqué à retouches unilatérales, du type de Châtelperron et de l’abri Audi, qui caractérisent le niveau de transition entre le Moustérien et l’Aurignacien, ne sont pas complètement abandonnées pendant ce dernier ; elles ne deviennent que rares et donnent naissance aux pointes de la Gravette et plus tard aux pointes foliacées à face plane » (Peyrony, 1909, p. 176). Dans le même temps, il confirme la succession et l’ordre d’apparition des fossiles-directeurs solutréens à

Chapitre 1 - Chronique historiographique : origine, unité et évolution du Solutréen à travers le temps -

ces années là, un témoin fidèle de l’avancée des recherches sur le Paléolithique à l’échelle internationale. Dès le début des années 1920, les travaux en cours en Espagne et au Maghreb font naître de nouvelles hypothèses. H. Breuil lui-même tente, dans la seconde édition de son texte le plus célèbre originellement publiée en 1912, de concilier ses vues initiales d’une origine hongroise à une origine espagnole, concluant « qu’il nous faut donc avouer que l’origine du Solutréen, qui nous est peut-être venu de l’Est, demeure aussi mystérieuse que celle de l’Aurignacien » (Breuil, 1937, p. 34). Deux décennies plus tard, le même H. Breuil proposera un troisième berceau d’origine en prenant en considération les sites dits « proto-solutréens » du Gard et de l’Ardèche (Breuil & Lantier, 1951). Figure 1 : stratigraphie de la séquence de référence du Ruth (Dordogne) et attribution chrono-culturelle des niveaux distingués (d’après Peyrony, modifié) qui établit la subdivision tripartite du Solutréen

partir des fouilles qu’il conduit au Ruth et précise que les trois stades (inférieur à pointes à face plane, moyen à feuilles de laurier et supérieur à pointes à cran) s’individualisent aisément (Figs. 1, 2 & 3).

Parallèlement, les travaux entrepris sur l’une des plus célèbres séquences solutréennes apportent des éléments tangibles aux défenseurs d’une origine hispanique et maghrébine. Au début des années 1930, les fouilles débutent à la Cova del Parpalló sous la direction de L. Pericot (1942) et mettent à jour une séquence de plus de 8 mètres de puissance,

Quelques années plus tard, suite aux fouilles qu’il conduit à Laugerie-Haute, il confirme cette succession en y ajoutant toutefois un épisode initial, découvert dans la couche G à l’Ouest et qualifié de Proto-Solutréen par l’aspect encore relativement « archaïque » des pointes à face plane (Figs. 2 et 3) qui fait écho aux formes moustériennes (Peyrony D. & E., 1938). A l’instar de bien d’autres de ses confrères, D. Peyrony qui considérait que le Solutréen était « né dans notre pays (Périgord), s’y est développé et s’y est transformé » (Peyrony, 1909, p. 168) sera amené à changer le foyer d’origine du Solutréen, lorsque seront connues, entre autres, les stratigraphies d’Europe centrale (Peyrony, 1948). Il est patent de constater que pendant toute la première moitié du XXe siècle, la question des origines du Solutréen va être subordonnée aux rythmes et à la nature des découvertes archéologiques. Ainsi, c’est au coup par coup que vont se succéder toute une série de points de vue, aussi multiples que contradictoires. En quelque sorte, le thème des origines du Solutréen est, dans

Figure 2 : coupes longitudinales de la séquence de Laugerie-Haute Ouest (d’après Peyrony D. & E., 1938, modifié) à partir de laquelle D. Peyrony reconnaît une phase initiale : le Proto-Solutréen de la couche G

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Première partie - Les cadres, les méthodes et les enjeux -

s’étalant du Gravettien au Magdalénien sans aucune rupture stratigraphique (Tiffagom, 2006). Rapidement, le Solutréen y est défini dans une version originale, puisque s’y déclinent des outillages inconnus des séquences d’Aquitaine et des Pyrénées, en particulier des pointes à ailerons et pédoncules et des pointes à cran dites méditerranéennes. La position stratigraphique indiscutable de ces outillages entre le Gravettien et le Magdalénien ne laisse par ailleurs pas de

doute sur le caractère proprement Solutréen des ensembles du Parpalló. A la suite des fouilles de L. Pericot et de leur publication en 1942 (Pericot, 1942), l’hypothèse d’une origine du Solutréen audelà des rives de Gibraltar prend corps plus concrètement. L’hypothèse d’une origine africaine connaît alors son plus vif succès, avant de décliner nettement puis d’être fortement mise en cause à partir de la fin des années 1950.

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Figure 3 : typo-chronologie de la séquence solutréenne et illustration des fossiles-directeurs reconnus (d’après Peyrony, 1908, 1938). a : Proto-Solutréen de Laugerie-Haute Ouest ; b, c et d : Solutréen inférieur, moyen et supérieur du Ruth. Selon ce schéma, la pointe à face plane constitue le premier fossile-directeur du Solutréen qui évolue par un accroissement de la retouche solutréenne et du soin accordé depuis le ProtoSolutréen (a) vers le Solutréen inférieur (b). Le Solutréen moyen (c) marque l’apparition des feuilles de laurier, le Solutréen supérieur (d) celle des pointes à cran

Chapitre 1 - Chronique historiographique : origine, unité et évolution du Solutréen à travers le temps -

Une décennie plus tard, c’est indéniablement la thèse d’une origine locale et française qui reprend le devant de la scène et supplante toutes les autres hypothèses précédemment envisagées. Pour G. Laplace (1959) le Solutréen dérive d’un Périgordien final alors que pour P. Smith (1966), il trouve ses racines dans un Aurignacien final à tendance « moustéroïde » de la vallée du Rhône. Par la suite, la question des origines du Solutréen n’allait plus connaître de réelles avancées jusqu’aux années 1990 où l’essor des études technologiques et le développement d’une documentation inédite au Portugal allaient, nous le verrons, apporter des éléments tangibles pour asseoir un nouveau modèle de formation du Solutréen. Avant de présenter un panorama synthétique des conceptions actuelles, voyons quelles furent les avancées les plus notables des travaux de P. Smith.

III. P. Smith (1966) et le Solutréen : origine, développement et évolution Lorsque P. Smith, alors étudiant de H. Movius Jr. à l’université de Harvard, débute sa thèse sur le Solutréen français, l’état des recherches sur cet « âge d’or » du Paléolithique supérieur est encore bien lacunaire. De nombreux, on serait même tenté de dire trop nombreux, gisements ont certes été fouillés depuis plus de cinquante ans mais la compréhension du Solutréen n’a finalement guère évolué depuis les travaux des pionniers, largement poursuivis et précisés par H. Breuil et D. Peyrony, qui contribuent à définir et justifier le découpage typo-stratigraphique interne du Solutréen. La synthèse de P. Smith correspond donc à la première et dernière étude globale du « monde solutréen français ». Celle-ci prend place dans un contexte particulier qui a vu, quelques années auparavant, D. de Sonneville-Bordes (1960) renouveler les cadres généraux du Paléolithique supérieur du SudOuest français et de l’Aquitaine en particulier. Cette région, de par sa richesse documentaire, constitue le cœur des travaux de P. Smith. Malgré l’ampleur de la tâche, ce dernier ne se limite pas à ce grand bassin sédimentaire ; il cherche au contraire à embrasser l’entité solutréenne sur la totalité de son aire de répartition géographique sur le territoire français. Comme le notait F. Bordes dans sa préface de ce magistral ouvrage, c’est à un véritable « Tour de France » auquel P. Smith nous invite. Cette ambition est à noter tant des synthèses d’une telle envergure sont finalement rares dans le panorama des recherches

sur le Paléolithique supérieur ouest-européen. Outre la justesse de son regard typologique, P. Smith va apporter aux études sur le Solutréen toute la pertinence de son bagage intellectuel en Anthropologie, au sens que l’on donne à ce terme dans le Nouveau Monde. Il serait vain ici de vouloir synthétiser dans sa globalité et sa complexité cet ouvrage. Nous reviendrons toutefois sur deux points qui intéressent au premier chef notre travail : ™ quelle est l’origine du Solutréen ? ™ ce complexe est-il unitaire et comment son évolution se structure-t-elle ?

III. 1. Sur les origines… Trois thèses principales ont scandé l’histoire des recherches et peuvent être résumées comme-suit : ™ son origine est maghrébine et son introduction en Europe se fait par la Péninsule ibérique ; ™ son origine est certes allochtone mais doit être recherchée dans les complexes à pointes foliacées d’Europe centrale; ™ au contraire, le Solutréen est une culture indigène en France, se développant à partir de cultures locales antérieures telles que le Moustérien, l’Aurignacien ou le Périgordien supérieur.

P. Smith réfute pas à pas les deux premières hypothèses. III.1.1. La question d’une origine allochtone Pour infirmer la première de ces thèses, il s’appuie notamment sur l’absence, selon lui, du Proto-Solutréen et du Solutréen inférieur en Espagne, données rédhibitoires pour qui cherche à affirmer une descendance ibérique. Selon P. Smith, l’état des données aux débuts des années 1960 témoigne d’un Solutréen espagnol débutant par une phase ancienne qui correspondrait, peu ou prou, au Solutréen moyen français. L’absence de niveaux archéologiques comptant des pointes à face plane et dépourvus de feuilles de laurier fournit l’essentiel de l’argumentation de P. Smith pour qui l’Espagne ne connaîtrait pas le Solutréen inférieur. À ce titre, le Solutréen ibérique est interprété comme « étant originellement une extension des industries françaises solutréennes du Sud-Ouest et des extrémités de la chaîne des Pyrénées, avec ensuite un développement de tendances régionales spéciales » (Smith, 1966, p. 344).

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Première partie - Les cadres, les méthodes et les enjeux -

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Concernant la seconde hypothèse, celle d’une origine du Solutréen dans les ensembles à pièces foliacées d’Europe centrale, il faut se souvenir que les horizons actuellement définis comme Szélétien ont été désignés par les termes PréSolutréen, Proto-Solutréen ou Solutréen hongrois jusque dans les années 1950 (Hillebrand, 1919 ; Prozek, 1953 cités par Smith, 1966). Durant la première moitié du XXe siècle, le poids du modèle chrono-culturel français était tel qu’il était devenu difficile, sinon impossible, de forger des classifications locales ou régionales. En outre, le fait que l’Europe centrale ne comporte pas en grand nombre de séquences stratifiées rendait illusoire la construction d’un cadre chrono-typostratigraphique cohérent. En l’absence de données radiométriques, le fait que les pièces foliacées hongroises soient d’un style et d’une allure plus archaïques que les feuilles de laurier occidentales accentuait l’idée de leur antériorité et de la diffusion Est-Ouest d’un vaste complexe Solutréen (Breuil, 1923). Il faut attendre les travaux de L. Vertès (1955) et K. Valoch (1968) pour que le Szélétien soit interprété dans son cadre chrono-stratigraphique et typologique comme une industrie charnière entre le Paléolithique moyen et supérieur, comptant en proportion importante des pièces foliacées bifaciales ainsi que de nombreux outils sur éclat de saveur moustérienne. P. Smith, on l’aura compris, va très clairement se positionner à l’encontre d’une origine szélétienne du Solutréen français ou ibérique. Pour ce faire, il évoque en premier lieu une vision unitaire du Solutréen qu’il interprète comme un continuum. Puisque le Solutréen se définit comme une évolution successive depuis des industries à pointes à face plane dépourvues de feuilles de laurier, alors le Szélétien ne peut en être l’origine puisqu’il ne comporte pas d’horizon où les pointes à face plane seraient abondantes et non-associées à des pointes foliacées. Second argument mis en avant par l’auteur : l’absence d’indices solutréens à l’est

du Rhône ainsi qu’en Allemagne ou en Autriche par exemple. Aucun point intermédiaire n’existant entre les sites hongrois et moraves d’une part et français d’autre part, cette hypothèse peut être définitivement abandonnée. Les avancées de la recherche ont depuis confirmé ces vues. III.1.2. La question d’une origine locale Sur la question d’une origine locale, P. Smith envisage les différents cas de figure plausibles. III.1.2.1. Une origine dans le Gravettien ? L’hypothèse de D. Peyrony (1948), selon laquelle le Solutréen trouverait ses origines dans le Gravettien, ou Périgordien supérieur pour reprendre la terminologie de l’époque, fait alors figure de référence. Celle-ci s’appuie sur l’existence probable de retouche plate dite par pression dans des niveaux du Périgordien supérieur final, qui conduit l’auteur à conclure que « le Périgordien supérieur porte en germe la technique solutréenne » (Peyrony, 1948, p. 327). G. Laplace réaffirme avec force cette hypothèse en soulignant combien la retouche plate pourrait ne pas être l’apanage du seul Solutréen et apparaître dans différents complexes industriels et en différentes régions. En épilogue, ce dernier conclue que « nous sommes amenés à ne plus considérer le Solutréen comme une culture unique dont les stades

Figure 4 : outils lithiques (d’après Laplace, 1958) illustrant l’apparition de retouches plates et couvrantes dans des contextes archéologiques du sudouest français rapportés au Périgordien supérieur

Chapitre 1 - Chronique historiographique : origine, unité et évolution du Solutréen à travers le temps -

successifs présenteraient les mêmes caractères morphologiques et structuraux. Il nous semble plus conforme aux faits de supposer l’existence d’un phénomène de “ solutréanisation ” qui se serait à plusieurs reprises développé à partir d’un complexe industriel préexistant en crise d’adaptation » (Laplace, 1959, p. 236). G. Laplace remet en cause l’unité culturelle du Solutréen qu’il considère comme l’aboutissement de phénomènes évolutifs multiples et complexes dont les racines s’étaleraient sur plusieurs dizaines de millénaires, depuis le Szélétien d’Europe centrale en passant par le développement des industries périgordiennes (Fig.4). P. Smith, fervent défenseur de l’unité et de la singularité du Solutréen, discute la pertinence de cette thèse en précisant notamment que les retouches de type « solutroïdes » ont été découvertes dans des niveaux à Font-Robert (ex Périgordien V) qui, en Dordogne tout du moins, sont séparés des phases anciennes du Solutréen par le Périgordien VI, le Protomagdalénien et l’Aurignacien V. En outre, il remet en cause les quelques associations connues d’objets solutréens dans des niveaux périgordiens et juge que les structures générales des outillages de la fin du Gravettien et du Solutréen sont suffisamment différents pour tracer une ligne de partage entre les deux. Ainsi, la présence de quelques rares retouches plates sur des objets gravettiens constitue un argument insuffisant pour en inférer une quelconque évolution de l’un à l’autre. Il apporte toutefois une nuance en précisant que la situation a pu être sensiblement différente selon les régions concernées ; ceci lui permet notamment d’intégrer à son raisonnement les données originales mises en évidence par J. Combier en Ardèche. À Oullins et Chabot, ce dernier signale la présence de quelques pointes de la Gravette et de très rares pointes de la FontRobert dans le Solutréen inférieur de ces deux sites. J. Combier (1967) en infère l’origine du Solutréen dans le Périgordien supérieur tandis que P. Smith imagine une possible coexistence de groupes différents dans cette région. L’hypothèse d’une origine gravettienne du Solutréen suscite différentes interprétations qui doivent se satisfaire, pour l’heure, d’arguments ténus et insuffisants pour proposer une telle filiation. Il semble communément admis que l’évocation d’une retouche dite plate mais non caractérisée d’un point de vue technique et morphologique ne peut suffire à établir une filiation évolutive entre deux types d’industries 2 .

Force est de constater que, dans les années 1960, les arguments les plus solides sur ce point nous semblent avancés par P. Smith. Cela ne doit pas préjuger d’une éventuelle origine du Solutréen dans le Gravettien ; néanmoins cette possibilité se doit d’être discutée à l’aune des recherches récentes sur ces deux complexes. III.1.2.2. Une origine dans l’Aurignacien ? Le principal argument de P. Smith quant aux origines du Solutréen renvoie à la comparaison des structures globales des outillages considérés. A ce sujet, il souligne que « l’ancêtre immédiat du Solutréen français doit être une industrie dont la composition et la structure seront raisonnablement voisines de ce que nous savons de la structure du Proto-Solutréen ou du Solutréen ancien. (…) Donc, on doit penser que l’ancêtre hypothétique du vieux Solutréen a dû être une industrie (ou des industries) avec une proportion plus forte de grattoirs, une faible proportion de burins, une propension à faire des lames retouchées, et une tendance à la retouche plate, en général en écaille. Or, d’une certaine manière, l’Aurignacien remplit ces conditions » (Smith, 1966, p. 358). Pour étayer son hypothèse, P. Smith précise d’emblée qu’en Périgord, d’après les données stratigraphiques recueillies à Laugerie-Haute, l’Aurignacien survécut tardivement et que ses derniers développements y précèdent de peu l’émergence du Solutréen. Au moment où P. Smith finalise ses travaux sur le Solutréen, l’industrie en question, le fameux Aurignacien V, n’a pas encore fait l’objet d’une revue critique et reste considérée comme une industrie proprement aurignacienne (Bordes, 1958). Ce n’est qu’au début des années 1980 que D. de Sonneville-Bordes précisera l’indépendance de l’Aurignacien V vis-à-vis de l’Aurignacien stricto sensu (Sonneville-Bordes, 1983). Si l’Aurignacien V demande à être sérieusement reconsidéré dans le cadre des débats sur la mise en place du Solutréen (voir p.e. Zilhão et al., 1999), P. Smith ne va pas pousser les comparaisons plus en avant et se détourne de la question d’une origine locale du Solutréen aquitain pour aller la rechercher dans des ensembles « moustéro-aurignacoïdes » du Sud-Est français. Les travaux de J. Combier (1967), qui mettent en évidence un Moustérien très récent, peut-être sub-contemporain du Paléolithique supérieur ancien d’autres régions, auront un rôle fondamental dans la perception de P. Smith. Dans des sites tels que la grotte de Néron, du Figuier, l’Abri Maras (Ardèche) ou la grotte

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Première partie - Les cadres, les méthodes et les enjeux -

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d’Oullins (Gard), ce dernier révèle l’existence d’une industrie particulière, dérivée d’un Moustérien à débitage Levallois qui perdurerait plus longtemps qu’ailleurs et serait incidemment contemporaine du Paléolithique supérieur ancien d’Aquitaine. Présentant des affinités aurignaciennes, ces industries contiennent de nombreux éléments classiques du Paléolithique supérieur (grattoirs, burins, perçoirs, lames retouchées) et sont dépourvues de bifaces ou de couteaux à dos. En outre, on y recense des pointes retouchées (pointes de Soyons) aux dépens desquelles des comparaisons pourraient être effectuées avec certains sous-types de pointes à face plane. C’est dans ces industries que P. Smith propose une probable origine du Solutréen. « En d’autres mots, il y a quelques indications qu’un Moustérien très tardif survécut dans ou après l’interstade II/III de France et probablement jusqu’au Paudorf. Il possédait un bon nombre de traits aurignacoïdes et était contemporain de la première partie du Paléolithique supérieur de la France du Sud-Ouest. Combier nous a dit son opinion qu’il représente une sorte d’industrie de transition. L’hypothèse, que nous présentons à titre de supposition, est que c’est dans ce type d’industrie de transition, hybride, que nous pouvons espérer trouver les racines du Solutréen. Certainement cette industrie, telle que la décrit Combier, bien qu’elle soit encore mal définie, semble posséder une bonne partie des qualifications typologiques et chronologiques que devrait avoir l’ancêtre hypothétique du Solutréen tel que nous l’avons défini. De tous les candidats, c’est peut-être le plus satisfaisant, bien que le processus de l’interaction moustéro-aurignacienne et l’importance relative de chacun de ces éléments soient encore peu clairs » (Smith, 1966, p. 359). Au demeurant très prudent sur la validité de cette hypothèse, P. Smith s’engage alors dans cette voie, celle d’un Solutréen trouvant son origine dans un Aurignacien particulier, fortement influencé par des industries tardives du Moustérien. « Néanmoins, sur la base de ce que nous savons du Solutréen et de ce qu’on commence à savoir sur l’Aurignacien, il est possible de faire une prédiction que l’avenir peut confirmer. C’est que le Solutréen émergea probablement dans la basse vallée du Rhône en France, d’un Paléolithique supérieur généralisé, formé par un Aurignacien local, qui fut influencé par une industrie moustéroïde à survivance tardive, telle que Combier en a trouvé à l’abri du Maras (Ardèche) » (Smith, ibid., p. 360). L’heure n’est pas encore venue pour nous de débattre des positions de P. Smith. Cette discussion ne peut et ne doit être conduite

qu’avec l’appui de faits tangibles extraits d’une analyse poussée de la documentation archéologique et des contextes chronostratigraphiques en question. Toutefois, force est de constater que la dernière grande synthèse réalisée autour de la question des origines du Solutréen français s’adapte mal aux données actuellement à notre disposition. Les connaissances sur la fin du Paléolithique moyen et les débuts du Paléolithique supérieur en basse vallée du Rhône sont en cours de renouvellement (voir p.e. Slimak, 2004) et rien ne permet de penser que les industries à pointes de Soyons puissent être interprétées comme les prémices du Solutréen. Les décalages chronologiques, stratigraphiques, technologiques et typologiques laissent plutôt présager qu’il ne s’agit là que d’analogies de forme sans « lien de parenté ».

III. 2. Sur le développement structuration du Solutréen

et

la

Après avoir évoqué les principales orientations de P. Smith sur la question des origines du Solutréen, voyons ses positions quant au développement et à la structuration de cette entité chrono-culturelle. Pour ce dernier, le Solutréen doit être considéré comme une entité culturelle propre du Paléolithique supérieur. La singularité et l’unité solutréenne constituent un sujet sur lequel il se montre particulièrement affirmatif. « L’opinion souvent répétée que le Solutréen représente simplement une idée technique basée sur la taille par pression et sur la prolifération des pièces foliacées ne peut plus être maintenue plus longtemps. Si chacune des subdivisions habituellement reconnues du Paléolithique supérieur constitue une “ culture ” dans le sens ethnographique, il est clair que le Solutréen peut prétendre à cette distinction de façon aussi légitime qu’aucune des autres » (Smith, ibid., p. 361). Le Solutréen se structurerait en 5 stades d’une évolution continue et relativement linéaire. Du plus ancien au plus récent, leur succession est la suivante : • Proto-Solutréen • Solutréen inférieur • Solutréen moyen • Solutréen supérieur • Solutréen final

Chapitre 1 - Chronique historiographique : origine, unité et évolution du Solutréen à travers le temps -

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Figure 5 : typologie des débuts de la séquence solutréenne à Laugerie-Haute et évolution des fossilesdirecteurs (d’après Smith, 1966). 1 à 4 : Proto-Solutréen de Laugerie-Haute Ouest, pointes à face plane (1, 2 et 4 : sous-type D ; 3 : sous-type A) ; 5 à 13 : Solutréen inférieur de Laugerie-Haute Ouest (5 à 9) et Est (10 à 13), pointes à face plane (5 : couche 12d, sous-type A ; 6-7 : couche 12a, sous-type C ; 8-9 : couche 12 b, sous-type C ; 10-13 : couche 31, sous-type A, sauf n° 11, sous-type E)

Première partie - Les cadres, les méthodes et les enjeux -

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Figure 6 : typologie du Solutréen récent (moyen, supérieur et final) de Laugerie-Haute et évolution des fossiles-directeurs (d’après Smith, 1966). En haut : Solutréen moyen de LaugerieHaute Ouest, couches 11 et 10, feuilles de laurier (1-2), pointe à face plane de sous-type B (3) et petits grattoirs de style « grimaldien » (4-5) ; au centre : Solutréen supérieur de Laugerie-Haute Est, couches 28 et 27, pointes à cran (6-7), lamelle à dos (8), feuille de laurier (9-10) et pointe à face plane de sous-type C (11) ; en bas : Solutréen final de Laugerie-Haute Est, couches 23 à 21, pointes à cran (12-14), feuille de saule (15) et feuille de laurier (16)

Chapitre 1 - Chronique historiographique : origine, unité et évolution du Solutréen à travers le temps -

Dans le sud-ouest de la France, ces 5 épisodes sont représentés et l’on peut les résumer commesuit (Figs. 5 et 6). Le Proto-Solutréen, épisode initial du Solutréen, ne serait que très partiellement connu au travers de rares séquences archéologiques. Dans le Sud-Ouest, seuls deux niveaux archéologiques, à Badegoule (Cheynier, 1949) et Laugerie-Haute Ouest (couche G, fouilles D. Peyrony) le représentent. Le Solutréen apparaît sous une forme déjà constituée et ses caractéristiques générales sont d’emblée développées : « retouche plate, petite proportion de burins et grand nombre de grattoirs, un penchant vers les outils de fortune et les principaux types de pointes à face plane » (Smith, ibid., p. 266). Ces dernières composent le trait le plus significatif de cette industrie. À la fois particulières et proches de celles du Solutréen inférieur, elles sont souvent réalisées sur des lames ou éclats épais, aménagés par une retouche plate plutôt grossière et irrégulière. Perçu comme le prolongement de ce stade initial, le Solutréen inférieur est marqué par un premier développement quantitatif se traduisant par un accroissement du nombre de sites : LaugerieHaute Est et Ouest mais aussi Laussel, Le Ruth, Roc de Combe-Capelle et l’abri Casserole. Au Solutréen inférieur s’observe une claire tendance au développement d’une retouche plus soignée. Et il s’agit là de l’un des caractères spécifiques sous-tendant de manière plus générale l’évolution du Solutréen. Cela se marque en particulier sur les pointes à face plane, témoignant désormais d’une véritable retouche plate et parfois partiellement bifaciale. On assiste ici, toujours selon P. Smith, à la cristallisation des facteurs typo-technologiques présidant à l’émergence du Solutréen moyen. Le Solutréen moyen se caractérise par l’apparition et le plein développement des feuilles de laurier. Ces objets apparaissent, à Laugerie-Haute Est et Ouest par exemple, sous une forme pleinement aboutie et sont corrélés au fort développement des éclats dits solutréens, correspondant aux déchets de leur façonnage. D’autres changements se manifestent avec le Solutréen moyen et notamment la tendance, déjà pressentie dans la séquence du Solutréen inférieur, d’une moindre marge de variation des pointes à face plane, restreintes pour l’essentiel aux sous-types B et, plus encore, C. En outre, au fur et à mesure du développement des feuilles de laurier, P. Smith note une diminution des effectifs de pointes à face plane

qui serait liée à la complémentarité fonctionnelle qu’entretiendraient ces deux types d’outils. Les outils « du fonds commun » ne semblent pas connaître d’évolution frappante si ce n’est l’apparition, singulière selon P. Smith, de « micrograttoirs grimaldiens 3 ». Selon P. Smith, le Solutréen moyen estampillé notamment par l’apparition des feuilles de laurier est en continuité directe avec le Solutréen inférieur. C’est également au cours de cet épisode que se fait sentir la première et véritable expansion territoriale du Solutréen à l’échelle d’un grand quart sud-ouest de la France (vers la Corrèze et le bassin de Brive, le Lot ainsi que vers la Charente et plus au nord, en direction de la Mayenne peut-être jusqu’à Solutré). Poursuivant l’apparition progressive des outils solutréens, les pointes à cran marquent le passage au Solutréen supérieur. D’autres tendances permettraient d’effectuer une différenciation des épisodes « moyen » et « supérieur ». L’on peut noter à cet égard que les pointes à face plane poursuivent leur diminution quantitative et leur restriction typologique autour du seul sous-type C. Les feuilles de saule font une timide apparition mais leur présence ne se généralise pas à l’ensemble des gisements considérés. En termes de répartition géographique, ce serait une période d’épanouissement avec des extensions géographiques notables dans toutes les directions. Ainsi, le Solutréen va s’étendre de la Dordogne vers les Pyrénées françaises et en particulier leur versant occidental jusqu’en Espagne cantabrique et dans les Asturies. Dans le nord, c’est une large frange du Centre-Ouest français qui va être gagnée par les Solutréens jusqu’au point le plus isolé de Solutré en Bourgogne. Autre caractère notable du Solutréen supérieur : une tendance au développement de particularismes régionaux interprétés par P. Smith comme la création de « provinces culturelles distinctes ». Ainsi, des sites ou des ensembles de sites régionaux développeraient des caractères propres : fabrication de pointes à cran de facture exceptionnelle au Placard, feuilles de saule extrêmement allongées au Fourneau-du-Diable, développement de variantes particulières de pièces foliacées bifaciales dans les Pyrénées ou en Espagne (Fig.7). Enfin, P. Smith distingue un ultime stade de l’évolution solutréenne qu’il juge lui-même très délicat à définir. En effet, d’avantage que ses caractères propres, c’est en particulier la

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disparition des pointes à face plane et des lamelles à dos qui caractérise le Solutréen final. Celui-ci pourrait en définitive n’être attesté que dans quelques sites de France du Sud-Ouest.

III.3. Tenter de résumer la pensée de P. Smith Le développement et l’évolution du Solutréen sont, selon P. Smith, relativement linéaires et scandés par l’ordre d’apparition de ses fossiles-

directeurs. Cette perception pourrait être qualifiée de « génétique » puisque chacun de ces outils particuliers trouverait ses racines dans le précédent. En particulier, les feuilles de laurier naquirent d’une évolution déjà perceptible à travers l’évolution des formes et des aménagements portés aux pointes à face plane. Dans le même ordre d’idées, la tendance qui s’exprime dès le Solutréen moyen à développer des feuilles de laurier à pédoncule

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Figure 7 : quelques outils « spéciaux » du Solutréen moyen-supérieur (d’après Smith, 1966) ; 1 : pointe à cran, Les Jean-Blancs ; 2 : pointe à cran, Le Fourneau-du-Diable ; 3 : feuille de laurier de type Montaut, Montaut ; 4 : feuille de laurier denticulée, Les JeanBlancs ; 5 : feuille de saule, Le Pech-de-la-Boissière

Chapitre 1 - Chronique historiographique : origine, unité et évolution du Solutréen à travers le temps -

résulterait d’une tendance évolutive conduisant, au Solutréen supérieur, à sa formalisation sous les traits des pointes à cran solutréennes. Pour P. Smith, le Solutréen correspond donc à une entité chrono-culturelle qui se caractérise par un indubitable continuum évolutif le différenciant clairement des entités l’encadrant sur un plan stratigraphique. Il reste en revanche relativement évasif sur certaines questions qui nous semblent aujourd’hui fondamentales pour une compréhension renouvelée du Solutréen dans un grand quart du Sud-Ouest français. À propos des premiers développements du Solutréen, P. Smith juge qu’une première étape peut s’individualiser sur des bases stratigraphiques et typologiques. Il valide ainsi la distinction chronologique d’un Proto-Solutréen et d’un Solutréen inférieur sur la seule base des données de la séquence des fouilles de D. Peyrony (1938) à Laugerie-Haute Ouest, appuyées avec moultes incertitudes par la stratigraphie complexe de Badegoule (Cheynier, 1949). Pourtant, à la lecture de la description qu’il donne de la couche G de Laugerie-Haute Ouest, la claire individualisation ProtoSolutréen/Solutréen inférieur pose question. C’est un point important sur lequel nous reviendrons au moment de synthétiser les données réunies dans ce travail sur les phases anciennes du Solutréen. De même, plusieurs interrogations relatives à la perception que P. Smith se fait des premiers stades du Solutréen restent aujourd’hui en suspens. La différenciation d’un « ProtoSolutréen » et d’un « Solutréen inférieur » ainsi que la nature de leurs relations constitueront des objectifs prioritaires de nos recherches. De la sorte, en renouvelant nos approches sur les premiers stades du Solutréen, c’est également une réflexion autour de sa mise en place et de « ses origines » que nous proposerons. Le lecteur l’aura compris, nous avons consacré une large part de ce rappel historiographique aux travaux de P. Smith. S’il s’agit ici de rendre à César ce qui lui appartient, c’est également pour ne pas laisser penser que les questions que nous abordons sont le seul résultat des réflexions entamées ces 20 dernières années (voir p. e. Zilhão et Aubry, 1995 ; Bosselin et Djindjian, 1997 ; Zilhão et al., 1999). Si l’étude de P. Smith demeure la référence première et incontournable de qui ambitionne travailler de nouveau sur le Solutréen français, elle définit également la plupart des pistes de recherche qui méritent d’être développées. Selon le principe du « rasoir

d’Occam », il nous est apparu, au fil des lectures de ce magistral ouvrage, que si toutes les réponses n’étaient bien évidemment pas présentes, les questions, elles, étaient solidement ancrées et légitimement posées. Avant d’entrer de plein pied dans une présentation des cadres actuels du Solutréen, voyons les acquis obtenus depuis la publication des travaux de P. Smith sur les deux points que nous venons de discuter : l’origine et la structuration évolutive du Solutréen.

IV. Autour du Solutréen français : quoi de neuf depuis P. Smith ? Depuis 1966, les travaux sur le Solutréen ont pris une toute autre tournure. Sans conteste, aucune étude d’une telle envergure n’a depuis été publiée. Quelques aspects des recherches entreprises depuis lors méritent toutefois que l’on s’y attarde. Le premier concerne les efforts consacrés à la structuration typologique et chronostratigraphique du Solutréen et renvoie explicitement aux travaux de P. Smith et aux recherches qu’il consacra à la compréhension de la séquence de référence du Solutréen français, celle de Laugerie-Haute. Le second porte sur le renouvellement des approches méthodologiques et l’apport des définitions technologiques appliquées prioritairement à la question des origines du Solutréen. Nous ne présenterons pas ici un tour d’horizon de ces développements et resterons dans la droite ligne de ce chapitre, orienté vers une compréhension globale des travaux ayant conduit à asseoir la structuration interne du Solutréen et l’interprétation de son unité et de sa variabilité.

IV. 1. Autour de Laugerie-Haute : discussions sur la structuration du Solutréen Nous soulignions précédemment que peu de données notables étaient venues enrichir les débats sur la structuration interne du Solutréen français depuis les travaux de P. Smith. Parmi les rares études s’intéressant à ces questions, il nous faut évoquer celles conduites par P.-Y. Demars (1995 a et b) et celles de B. Bosselin et F. Djindjian (1997). Ces chercheurs vont émettre des désaccords quant à l’interprétation de la séquence de Laugerie-Haute (Figs 8 et 9). Si P. Smith (1966) opte pour une interprétation chrono-stratigraphique et typologique linéaire et stable entre les deux secteurs avec une structuration en 5 phases d’évolution depuis le Protosolutréen jusqu’au Solutréen final, tant P.Y. Demars (1995 a et b) que B. Bosselin et F. Djindjian (1997) ne retrouvent pas l’ensemble de

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Figure 8 : stratigraphie et succession culturelle de Laugerie-Haute Est (fouille P. Smith, 1959 ; d’après Smith, 1966, modifié

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ces subdivisions et insistent sur la difficulté d’établir une sériation aussi précise de cette séquence. Sans détailler ici leurs arguments, P.-Y. Demars (ibid.) propose un découpage typostratigraphique distincts en 4 grands groupes d’industries (Tabl. 1) : Proto-Solutréen présent uniquement à l’Est, Solutréen inférieur uniquement à l’Ouest et Solutréen évolué scindé en deux faciès différents regroupant les phases moyenne, supérieure et finale de P. Smith. Il tranche également avec les positions de P. Smith en ce sens qu’il ne considère plus le Solutréen comme une « culture » mais plutôt comme une tradition technique apparue en Aquitaine « après l’abandon des modes de taille gravetiennes et la transition d’une industrie de crise, l’Aurignacien V » (Demars, 1995 a, p. 36). Dans cette perspective, le Solutréen évolué se déclinerait en plusieurs faciès

qui n’auraient pas forcément de valeur chronologique mais renverraient davantage à des modes d’exploitation du milieu animal et des territoires différents. Quant à B. Bosselin et F. Djindjian (1997), ils proposent une structuration en trois phases seulement, voyant se succéder Proto-Solutréen, Solutréen ancien puis récent et remettent en cause le modèle des fossiles-directeurs solutréens.

IV. 2. Toujours Laugerie-Haute mais selon une perspective portugaise… L’essor des études technologiques et le renouvellement des discussions sur les origines du Solutréen La quête perpétuelle – éperdue ? - des origines du Solutréen revient au goût du jour à l’aube des années 1990. Les recherches sur le Solutréen vont être dynamisées par l’apport des travaux de

Figure 9 : stratigraphie de Laugerie-Haute Ouest (fouilles F. Bordes, 1957-1958 ; d’après Smith, 1966, modifié)

Chapitre 1 - Chronique historiographique : origine, unité et évolution du Solutréen à travers le temps -

J. Zilhão (voir p.e. 1990, 1991, 1994, 1997) sur les séquences alors partiellement inédites du Portugal. Outre le fait de travailler sur des industries encore méconnues, celui-ci leur applique pour la première fois une approche typo-technologique qui cherche à appréhender les systèmes techniques solutréens dans leur diversité et leur diachronie. Contrairement à P. Smith et bon nombre de ses prédécesseurs, J. Zilhão et ses collègues se situent dans une optique d’interprétation radicalement différente, notamment en ce qui concerne la signification culturelle des industries lithiques. Leur modèle propose de voir dans le phénomène solutréen « un processus de développement local, synchrone à l’échelle du sud-ouest de l’Europe (Aquitaine, Pyrénées, Languedoc et Péninsule ibérique), dont les protagonistes ont été les groupes de technologie gravettienne qui occupaient ces régions aux environs de 22,000 BP » (Zilhão et al., 1999, p. 167). Le modèle élaboré par J. Zilhão, T. Aubry et M. Almeida (Zilhão et Aubry, 1995 ; Zilhão et al., 1999) se veut dans un premier temps d’application locale et se fonde principalement sur les études conduites sur les industries lithiques de plusieurs sites portugais, en particulier Terra do Manuel et Vale CompridoEncosta. Ils y mettent en scène un processus d’évolution technologique continue depuis les stades ultimes du Gravettien jusqu’aux premières phases du Solutréen. L’apport incontestable de leur étude est de donner corps au Protosolutréen 4 en le définissant sur des bases à la fois technologiques et typologiques. Au Portugal ces niveaux, toujours situés en position stratigraphique intermédiaire entre le Gravettien et le Solutréen, s’individualisent par l’originalité d’une chaîne opératoire de production orientée vers l’obtention de supports triangulaires, L.H.O. fouilles Peyrony

Peyrony (1928)

transformés en pointes de Vale Comprido 5 (Fig. 10). Ainsi au Portugal, nous serions face à des industries en position stratigraphique intermédiaire entre le Gravettien et le Solutréen, au sein desquelles deux chaînes opératoires bien distinctes seraient majoritairement mises en œuvre : une production de supports convergents destinés à la production de pointes de Vale Comprido et une autre de lamelles laissées brutes à partir de pièces carénées. Certes minoritaire, une chaîne opératoire laminaire conduite au percuteur tendre serait toujours présente et témoignerait d’affinités avec les productions du Gravettien final au cours duquel ce type d’exploitation laminaire serait largement dominant. Les mêmes auteurs tentent d’étayer leur thèse en recherchant des éléments de comparaison extérieurs au territoire portugais (Zilhão et Aubry, 1995 ; Zilhão et al., 1999). À Laugerie-Haute (Fig. 11), ils relèvent l’existence de pointes de Vale Comprido dans la couche 31 du locus Est. À l’abri Casserole (Aubry et al., 1995), surmontant des niveaux du Périgordien supérieur à microgravettes et burins de Noailles et sous des occupations du Solutréen inférieur à pointes à face plane, ils révèlent l’existence d’ensembles intermédiaires témoignant d’un débitage au percuteur dur destiné à produire des éclats convergents transformés en Vale Comprido (Fig. 11) et d’un débitage lamellaire à partir de pièces carénées. Ce dernier fournit d’assez nombreuses lamelles retouchées dont quelques lamelles à dos. L’apport des données technologiques à la compréhension des premiers stades du Solutréen est ici indéniable, d’autant qu’elles ont d’abord été appliquées aux séquences portugaises, jusqu’alors

L.H.O. fouilles Smith

Smith (1966)

1à3

Solutréen final

H’’’

Solutréen sup.

4à7

Solutréen sup.

H’’

Solutréen moy.

8 à 11

Solutréen moy.

H’

Solutréen inf.

11a à 12d

Solutréen inf.

G

Proto-Solutréen

D

Aurignacien V

non retrouvé

non retrouvé

Demars (1995 a et b)

Bosselin et Djindjian (1997)

Solutréen évolué

Solutréen évolué

Solutréen inf.

Solutréen inf. Proto-Solutréen

Tableau 1 : corrélation approximative des différents découpages chrono-culturels de la séquence solutréenne de Laugerie-Haute Ouest (d’après Peyrony, 1928 ; Smith, 1966 ; Demars, 1995 a et b ; Bosselin et Djindjian, 1997)

35

Première partie - Les cadres, les méthodes et les enjeux -

inédites et sur lesquelles aucun modèle interprétatif initial ne reposait. Il ressort des données présentées en amont une interprétation nouvelle sur le passage du Gravettien au Solutréen qui sera extrapolée aux séquences françaises. L’interprétation de Laugerie-Haute s’en trouve profondément modifiée. À ce stade de développement de notre travail, nous ne formulerons pas d’opinions personnelles ou d’analyse critique du modèle proposé par J. Zilhão et ses collègues.

Nous préférons remettre ce temps de discussion à l’issue de nos propres analyses. L’évocation des travaux récents sur la séquence de LaugerieHaute, qu’ils soient d’ordre typologique ou technologique, rappelle combien cette séquence de référence demeure au cœur de toutes discussions sur la structuration du Solutréen, de ses phases anciennes en particulier.

36

Figure 10 : pointes de Vale Comprido (1-9) et nucléus associés (10-11) du site de Vale-Comprido-Encosta (d’après Zilhão, 1997)

Chapitre 1 - Chronique historiographique : origine, unité et évolution du Solutréen à travers le temps -

37

Figure 11 : pointes de Vale Comprido des sites de l’abri Casserole (1-6) et de Laugerie-Haute Ouest (7-9) (d’après Zilhão et al., 1999)

Première partie - Les cadres, les méthodes et les enjeux -

V. Épilogue de historiographique

38

la

chronique

Cet aperçu historiographique avait pour principal objectif de replacer nos recherches dans le contexte des travaux réalisés autour de la question solutréenne depuis plus d’un siècle. Nous avons vu que le Solutréen avait été très tôt reconnu et individualisé dans la séquence du Paléolithique supérieur d’Europe occidentale. De plus, la spécificité de ses outillages a rapidement conduit à leur attribuer une importante charge culturelle, idée reprise avec force par P. Smith. Il est patent que depuis la thèse de ce dernier, peu de travaux de portée générale ont été conduits sur le Solutréen, exception faite des études réalisées au Portugal et préférentiellement orientées autour de la question des origines et d’une possible filiation gravetto-solutréenne. En d’autres termes, la structuration évolutive et le découpage interne de ce techno-complexe n’ont pas été envisagés sous un autre angle que celui appliqué par l’intermédiaire d’études strictement typologiques et/ou statistiques. Quant à la question des origines, s’il est vrai que nous disposons de référentiels technologiques appliqués aux séquences portugaises, peu de travaux détaillés ont pour l’heure été menés en France. Or, de telles études se justifient dans la mesure où les séquences portugaises et françaises divergent encore assez fortement, notamment en raison de l’absence du Solutréen inférieur à pointes à face plane sur le territoire lusitanien. En d’autres termes, si J. Zilhão et ses collègues discutent des liens envisagés entre leur Protosolutréen et les ensembles gravettiens le précédant, rien n’est dit ou presque des relations avec le Solutréen ancien le surmontant. Nous venons donc de voir que différents travaux récents, typologiques ou technologiques, appuient l’idée d’une continuité relative entre le Gravettien et les premiers temps du Solutréen et, par conséquent, une possible origine locale de ce dernier. La thèse d’une origine allochtone, dominante pendant une large partie du XXe siècle, ne constitue plus la seule alternative envisagée même si elle demeure alimentée par d’autres chercheurs (voir p.e. Otte et Noiret, 2002 ; Bouzouggar et al., 2002 ; Otte et al., 2004 ; Tiffagom, 2006). Si l’hypothèse d’une origine orientale via les ensembles à pointes foliacées d’Europe centrale est définitivement

abandonnée, il n’en va pas de même d’une origine nord-africaine défendue sur la base de comparaisons formelles entre les outillages d’un Atérien final et du Solutréen moyen. Pour ces auteurs, le Solutréen ne serait pas nécessairement unitaire et une rupture pourrait se situer entre le Proto-Solutréen/Solutréen inférieur et la phase récente du Solutréen, équivalente des Solutréen moyen, supérieur et final de P. Smith. Ainsi, les complexes protosolutréens trouveraient leur origine dans les traditions du Gravettien septentrional à lames appointées par retouche plate. En revanche, les complexes marqués par le fort développement des pointes foliacées bifaciales témoigneraient d’influences maghrébines (Bouzouggar et al., 2002 ; Otte et Noiret, 2002 ; Otte et al., 2004 ; Kozlowski, 2005). Il n’y aurait donc pas d’ « unité » solutréenne à proprement parler et des dynamiques évolutives différentes expliqueraient sa formation puis son développement. L’histoire des recherches sur le Solutréen montre combien celles-ci se sont très largement orientées vers des questions relatives à son origine et à son découpage typo-stratigraphique. Au fil du temps et des problématiques privilégiées, aucun consensus n’a véritablement été atteint en ce qui concerne la question de son origine et des modalités de son apparition. En revanche, et en dépit d’avis parfois sensiblement contradictoires, la situation semble moins épineuse lorsqu’il s’agit d’ordonner son évolution, ici fortement soumise à l’apparition successive de ses fossiles-directeurs lui conférant toute son originalité dans la séquence du Paléolithique supérieur. Pourtant, la nature des découpages opérés demeure problématique puisque quelles que soient les positions considérées, elles ne s’appuient en général que sur l’évolution morphologique des outillages solutréens et leur ordre d’apparition. Rien n’est dit ou presque de leurs modes de production et il demeure délicat de suivre les grandes lignes de l’évolution technologique du Solutréen et, plus encore, de questionner son unité et sa variabilité.

Les cas de convergence sont nombreux et l’on pourrait, par exemple, citer l’opinion si fréquemment mise en avant dans les années 1950-1960 des racines de l’Aurignacien dans le Moustérien de type Quina, pour la seule raison que la retouche écailleuse des racloirs évoquerait morphologiquement la retouche aurignacienne réalisée sur les fameuses lames robustes (cf. lames aurignaciennes). L’avancée des recherches sur un plan chronologique et techno-économique

2

sur ces deux types de complexes (Bourguignon 1997 ; Bon, 2002a ; Teyssandier, 2007) a très largement démontré l’indépendance de ces deux phénomènes. Il n’est pas non plus suffisant d’observer de rares outils gravettiens dans un niveau du Solutréen inférieur pour en inférer une quelconque filiation. 3 « Ce sont des grattoirs, plutôt petits, même miniatures, avec une très fine retouche sur le front (donnant des fronts bas, aigus, déjà connus, et une retouche abrupte ou semi-abrupte sur tout ou la plus grande partie du reste de leur périmètre) » (Smith, 1966, p. 80). Leur dénomination grimaldienne est héritée des travaux de D. Peyrony lorsque celui-ci reconnut cette forme spéciale à Laugerie-Haute Est et qu’il les compara à ceux retrouvés autour des foyers 6 et 7 de la grotte des Enfants à Grimaldi, en inférant alors une invasion de la Dordogne par les “ gravettiens ” de la côte azuréenne. 4 Soulignons ici la différenciation terminologique posée par ces auteurs qui désignent ces industries sous le vocable de « Protosolutréen » et non de « Proto-Solutréen », comme cela était classiquement le cas (Peyrony, 1928 ; Smith, 1966 ; Demars ; 1995 a et b ; Bosselin et Djindjian, 1997). Nous reviendrons sur ce point au moment de discuter de l’interprétation de nos propres données et des relations supposées entre les « industries à pointes de Vale Comprido » et le « vrai » Solutréen ancien à pointes à face plane. Nous pouvons d’ores et déjà mentionner que des auteurs tels que D. Peyrony et P. Smith utilisaient le terme « Proto-Solutréen » dans son sens propre, celui-ci étant distingué du Solutréen inférieur par l’aspect plus archaïque et grossier des pointes à face plane le composant. La distinction posée par J. Zilhão et ses collègues est d’un autre ordre et nous en discuterons plus loin. 5 Des nucléus unipolaires, principalement prismatiques et à tendance pyramidale, sont ici conçus pour obtenir des produits de morphologie convergente naturellement appointés. Le débitage est exclusivement conduit par percussion directe dure et les supports détachés selon une gestuelle interne, comme en attestent les talons des pointes toujours épais. L’aménagement des supports obtenus en pointes de Vale Comprido passe le plus souvent par un amincissement de la base à l’aide d’enlèvements détachés aux dépens de la face supérieure. Cet amincissement, fréquemment réalisé à partir du talon, peut également se faire depuis les bords proximo-latéraux de la pièce, indiquant alors clairement que cette régularisation prend place postérieurement au détachement du support. Dans de plus rares cas, le bulbe peut être enlevé par une retouche inverse et plate et les bords envahis par une retouche continue et courte.

39

Les cadres, les méthodes, les enjeux

Chapitre II Les cadres actuels du Solutréen dans le Sud-Ouest de la France

Chapitre 2 - Les cadres actuels du Solutréen dans le sud-ouest de la France -

Après avoir retracé quelques-unes des idées relatives à l’émergence et au développement du Solutréen, voyons maintenant comment peuvent être esquissés ses contours spatio-temporels ainsi que la définition de sa culture matérielle.

I. Le cadre spatio-temporel du Solutréen Contrairement à la plupart des autres grandes subdivisions du Paléolithique supérieur, le Solutréen présente la particularité d’avoir une extension géographique limitée au Sud-Ouest de l’Europe. Outre cette relative concentration géographique, le Solutréen est également considéré comme le techno-complexe du Paléolithique supérieur le plus resserré dans le temps puisque qu’il couvre, selon les estimations, moins de deux millénaires en chronologie 14C.

I.1. Une extension spatiale maximale au Solutréen récent (moyen, supérieur et final ; Fig. 12) Le Solutréen n’est connu qu’en France et, dans la Péninsule ibérique, en Espagne et au Portugal. Toutefois, sa répartition géographique n’est pas uniforme tout au long de sa chronologie et demande quelques précisions. En France, pour des raisons tenant à la fois à l’histoire des recherches mais aussi à la quantité et à la richesse des sites qu’il recèle, le Sud-Ouest français apparaît comme le centre de développement principal du Solutréen. A l’instar du découpage opéré par P. Smith, nous considérons la province du Sud-Ouest comme une étendue géographique plus ou moins arbitraire comprenant les départements de Dordogne, Gironde, Corrèze, Charente et Lot. I.1.1. France du sud-ouest et territoires adjacents (d’après Smith, 1966 et autres citations dans le texte) À l’intérieur même du Sud-Ouest, des regroupements régionaux plus ou moins nets apparaissent. Le département de la Dordogne comprend le plus grand nombre de sites solutréens connus, notamment dans la vallée de la Vézère, autour de la commune des Eyzies-deTayac où plus de 30 gisements solutréens sont documentés. En remontant le cours de la Vézère vers l’Est, se situe un important regroupement à cheval sur les départements de la Dordogne et de la Corrèze. Les sites solutréens sont également nombreux dans la vallée de la Dordogne, en remontant vers le Lot et le long de certains de ses affluents tributaires comme la vallée de la Couze. En Dordogne du nord, le long des cours de l’Isle et de la Dronne, on retrouve plusieurs stations

solutréennes dont la plus célèbre est, à n’en pas douter, Le Fourneau-du-Diable. Enfin, la Charente inclut également un grand nombre de sites solutréens dont certains sont devenus de véritables références. On pense ici au Roc-de-Sers et au Placard par exemple. Les témoignages du Solutréen se raréfient au fur et à mesure que l’on progresse vers l’ouest, dans les basses vallées de la Dronne, de l’Isle ou de la Dordogne. En revanche, un regroupement significatif existe en Quercy (Lot) autour des vallées du Lot et du Célé avec les gisements de Cabrerets et ceux découverts plus récemment du Cuzoul de Vers (Clottes et Giraud, 1989, 1996) des Peyrugues (Allard, 1993, 1996) ou du Petit-Cloup-Barrat (Castel et al., 2006). La région du Centre-Ouest est également riche en sites solutréens. L’abri des Roches à Abilly (Indreet-Loire) ou les grottes de Mayenne à Thorignéen-Charnie en sont de bons exemples (voir p.e. Aubry, 1991). Enfin, le site des Maîtreaux (Indreet-Loire) constitue l’un des rares exemples de recherches récentes sur une occupation d’un Solutréen récent à feuilles de laurier et pointes à cran (Aubry et al., 1998). Descendant vers le sud, un espace dépourvu de sites solutréens s’observe entre la vallée de la Dordogne et l’entité pyrénéenne. Ce n’est qu’autour du massif pyrénéen que l’on retrouve deux zones de peuplement distinctes : les Pyrénées centrales avec deux gisements principaux que sont la grotte des Harpons à Lespugue et Roquecourbère (Foucher & San-Juan, 2001 ; Foucher, 2004) et à l’extrémité occidentale de la chaîne, dans les Pyrénées Atlantiques (Azkonzilo, voir p.e. Chauchat 1990, 1992, 2007 et Isturitz, voir p.e. Foucher et Normand, 2004) et dans les Landes du sud (Brassempouy, Montaut, Tercis). I.1.2. En dehors du Sud-Ouest En dehors du quart sud-ouest de la France, entendu ici dans une acceptation large et incluant le Centre-Ouest et les contreforts pyrénéens, on ne trouve pas de nettes provinces où le nombre de sites soit important, en dehors probablement du bassin inférieur du Rhône (voir Combier 1967 ; Bazile, 1990, 1999 ; Boccaccio, 2005) avec la grotte du Figuier (Ardèche) et les grottes de Chabot, Oullins et la Salpêtrière (Gard). Ailleurs, dans une large moitié nord-orientale de la France, on rencontre des sites parfois fameux mais somme toute encore relativement isolés dont le plus significatif est sans conteste la station

43

Première partie - Les cadres, les méthodes et les enjeux -

éponyme de Solutré en Saône-et-Loire (Combier et Montet-White, éds., 2002) puisqu’en dehors de la cache de Volgu (Aubry et al., 2003 b), il faut faire près de 300 kilomètres pour retrouver un peuplement solutréen marqué, que ce soit vers l’ouest (Indre) ou vers le sud (Gard). On connaît par ailleurs d’autres indices très isolés, tels la station de Saint-Sulpice-des-Favières dans l’Essonne (Sacchi C. et al., 1996). I.1.3. En Péninsule ibérique En dépit d’une longue histoire des recherches et du nombre important de sites et de séquences de référence, la France ne constitue pas pour autant le seul terrain d’enquête à considérer dans le cadre des questions animant les débats sur le Solutréen. Notre rappel historique a notamment rappelé

combien, à des époques différentes, l’Espagne et le Portugal avaient et continuent de jouer un rôle majeur. En Péninsule ibérique, trois grands pôles géographiques peuvent être évoqués (voir p.e. Straus, 1977, 1983, 1990 & 1995 ; Zilhão, 1990, 1994 & 1997 ; Tiffagom, 2006) : les Cantabres, la côte méditerranéenne en particulier au sud de Valence jusqu’à Cadix et le littoral atlantique portugais entre Lisbonne et Coimbra. Le Solutréen existe également, de manière plus ténue, en Catalogne à L’Arbreda et Reclau Viver. Nous ne reviendrons pas ici en détail sur la répartition géographique des sites ibériques (voir Tiffagom, 2006, p. 19-21 pour des cartes de répartition) qui ne seront utilisés que ponctuellement, au fil des questions posées par notre étude sur les séquences françaises.

44

Figure 12 : carte de répartition géographique schématique des principaux pôles régionaux du Solutréen récent. Pour des cartes plus détaillées, voir p.e. Smith, 1966 et Tiffagom, 2006

Chapitre 2 - Les cadres actuels du Solutréen dans le sud-ouest de la France -

I.2. Les débuts du Solutréen, une extension spatiale encore méconnue (Fig. 13) L’extension spatiale du Solutréen varie de manière significative sur un plan diachronique. Rares sont les gisements, voire même les entités régionales, à présenter une séquence continue couvrant toutes les phases du Solutréen et dans l’ensemble, on ne peut que constater la faible représentation archéologique des phases anciennes du Solutréen. Le Sud-Ouest français est l’aire géographique où la séquence solutréenne est la plus complète sur tout le territoire français. La basse vallée du Rhône

constitue peut-être une exception mais les données y sont encore bien parcellaires et souvent trop anciennes pour en être assurée. Dans le SudOuest, c’est le département de la Dordogne qui recèle les données les plus nombreuses, couvrant la totalité de l’extension temporelle reconnue du Solutréen. Pourtant, si l’on considère la richesse en gisements appartenant à la phase récente du Solutréen, il est patent qu’une lacune importante caractérise les débuts du Solutréen, généralement subdivisés en deux phases, un Proto-Solutréen précédant le développement du Solutréen ancien à pointes à face plane.

45

Figure 13 : carte de répartition des principaux gisements du Protosolutréen (♦) et/ou du Solutréen ancien (•) mentionnés dans le texte. 1-5 : vallée de la Vézère : Laugerie-Haute (• et ♦ ?), Casserole (• et ♦), Laussel (•), Le Ruth (•) et Badegoule (•); 6 : Les Peyrugues (•) ; 7 : Marseillon (♦) ; 8 : Azkonzilo (•) ; 9-11 : gorges de l’Ardèche : Figuier (•), Chabot (•) et Oullins (•) ; 12 : Trilobite à Arcy-sur-Cure (• ?), 13 : La Celle-Saint-Cyr (•) ; 14-15 : Parpalló (• et ♦ ?) et Malladetes (•) ; 16 : Nerja (♦ ?) ; 17 : Vale Comprido (♦) ; 18 : Buraca Escura (♦)

Première partie - Les cadres, les méthodes et les enjeux -

Dans ce département, 6 gisements seulement témoignent d’occupations attribuées à l’une des deux phases classiquement apparentées aux débuts du Solutréen. Il s’agit de Laugerie-Haute, de l’abri Casserole, du Ruth, de Badegoule et, dans une moindre mesure, de Laussel et de l’abri du Rocde-Combe Capelle. Tous ces sites incluent également des dépôts contenant des industries d’un Solutréen plus récent, qu’il soit dit moyen, supérieur ou final.

46

En dehors de la Dordogne, à l’échelle du SudOuest français, la sous-représentation des ensembles du Proto-Solutréen ou du Solutréen ancien est encore plus frappante. Le ProtoSolutréen n’est nulle part mentionné et le Solutréen ancien uniquement attesté aux Peyrugues dans le Lot (Allard, 1993, 1996 ; Renard, 2007) et à Azkonzilo dans les Pyrénées Atlantiques (Chauchat, 1990, 1992, 2007). Il existe donc une véritable lacune dans la représentation des stades les plus anciens du Solutréen à l’échelle d’un grand quart sud-ouest de la France. Cette lacune n’est pas propre à cette région puisque partout en France, les épisodes les plus anciens du Solutréen demeurent rares, voire parfaitement méconnus. Fait figure d’exception, la basse vallée du Rhône où un véritable foyer de Solutréen ancien est représenté au travers des sites classiques du Figuier, de Chabot, d’Oullins et de la Salpêtrière (voir p.e. Combier, 1967 ; Bazile, 1990, 1999 ; Boccaccio, 2005 ; Guégan, 2007). Ailleurs, ce sont des indices géographiquement isolés auxquels nous sommes confrontés, à l’image de la grotte du Trilobite à Arcy-sur-Cure (Parat, 1902 ; Breuil, 1918 ; Schmider, 1990, 1995) ou de la station de surface de la Celle-Saint-Cyr (Renard, 2002), également localisée dans le département de l’Yonne.

Hors de France, les phases anciennes du Solutréen sont essentiellement connues dans l’Estremadura portugaise où le Protosolutréen à pointes de Vale Comprido a été définie. En revanche, une lacune existe en ce qui concerne le Solutréen ancien à pointes à face plane (Zilhão, sous-presse) qui est en revanche documenté sur quelques rares séquences espagnoles, en particulier dans la région de Valence (Parpalló et Malladetes par exemple).

I.3. L’extension chronologique du Solutréen dans le Sud-Ouest français Depuis longtemps, le Solutréen est considéré comme une culture dont le développement serait relativement court par rapport aux autres subdivisions culturelles du Paléolithique. P. Smith (1966) nous rappelle ainsi judicieusement que dans la première tentative de fixer des durées absolues aux cultures paléolithiques, G. de Mortillet attribua au Solutréen une durée d’environ 11 000 ans alors que le développement du Moustérien était estimé à 100 000 ans et celui du Magdalénien à 33 000 ans. I.3.1. La place centrale de Laugerie-Haute La chronologie absolue du Solutréen français repose très largement sur la séquence de LaugerieHaute. Ce fut d’ailleurs le premier gisement solutréen daté au 14C d’après un échantillon prélevé par F. Bordes dans la couche 31 de Laugerie-Haute Est, alors attribuée au Solutréen inférieur. La mesure obtenue (GRO-1888 : 20,650 ± 300 BP) fournit une évaluation de l’âge des phases anciennes du Solutréen. Par la suite, les résultats des fouilles conduites par P. Smith et F. Bordes à Laugerie-Haute Ouest vont permettre de poser plus précisément le cadre chronologique du Solutréen dans toute sa profondeur temporelle.

Nature échantillon

Couches archéologiques.

Âges (BP) à 1 σ

Attribution culturelle (Smith, 1966)

GrN-4441

Os “moyennés”

2

20,000 ± 240

Solutréen final

GrN-4605

Os “moyennés”

2

19,870 ± 190

Solutréen final

GrN-4442

Os “moyennés”

5

19,600 ± 140

Solutréen moyen/sup

GrN-4495

Os “moyennés”

5

19740 ± 200

Solutréen moyen/sup

GrN-4446

Os “moyennés”

12a

20,810 ± 230

Solutréen inférieur

GrN-4469

Os “moyennés”

12a

20,160 ± 100

Solutréen inférieur

GrN-4573

Os “moyennés”

12d

20,750 ± 150

Solutréen inférieur

N° labo.

Tableau 2 : dates 2001)

14

C conventionnelles de la séquence solutréenne de Laugerie-Haute (d’après Roque et al.,

Chapitre 2 - Les cadres actuels du Solutréen dans le sud-ouest de la France -

N° labo.

Nature échantillon

Couches archéo.

Âges (BP) à1σ

Dates calibrées (BP) à 1σ (Calpal Online)

Attribution culturelle (Smith, 1966)

Lyon 1773 (OxA)

Os brûlé

2

19,525 ± 155

23,322 ± 360

Solutréen final

GifA 100 630

Os brûlé

2

19,600 ± 200

23,401 ± 392

Solutréen final

GifA 100 634

Os frais

2

19,550 ± 340

23,384 ± 482

Solutréen final

Lyon 1174 (OxA)

Os brûlé

5

20,195 ± 265

24,116 ± 401

Solutréen moyen

Lyon 1175 (OxA)

Os brûlé

12a

20,360 ± 160

24 302 ± 328

Solutréen inférieur

GifA 100 632

Os brûlé

12a

20,690 ± 210

24,655 ± 319

Solutréen inférieur

Tableau 3 : dates 14C AMS de la séquence solutréenne de Laugerie-Haute (d’après Roque et al., 2001) et calibration à l’aide de Calpal Online (http://www.calpal-online.de/)

Des échantillons d’os brûlés sont prélevés dans des niveaux appartenant à toutes les phases du Solutréen : couches 12d et 12a pour le Solutréen inférieur à pointes à face plane, couche 5 pour le Solutréen moyen sensu P. Smith (à feuilles de laurier et sans pointes à cran), couche 2 pour le Solutréen final. Les résultats alors obtenus permettent, pour la première fois, de situer

globalement le Solutréen dans une chronologie (Tabl. 2). Il serait compris entre 21,000 et 19,500 BP. Ces mesures, si elles sont satisfaisantes d’un point de vue général, ne sont pas suffisamment précises pour séparer chronologiquement les différentes phases chronotypologiques reconnues par P. Smith.

14C

47

Figure 14 : dates 14C AMS à 2 écarts-types de la séquence solutréenne de Laugerie-Haute Ouest. A gauche, dates AMS (d’après Roque et al., 2001), à droite, dates calibrées (http://www.calpal-online.de) c. 12a : Solutréen ancien : c. 5 et 2 : Solutréen récent

Première partie - Les cadres, les méthodes et les enjeux -

Plus récemment, ces incohérences ont été sensiblement corrigées par une nouvelle série de mesures obtenues par spectrométrie de masse (AMS) (Roque et al., 2001). Effectuées à partir de charbons d’os ou d’os frais, les mesures AMS s’agencent correctement par rapport à la position stratigraphique des échantillons prélevés (Tabl. 3 et Fig. 14). De la sorte, le Solutréen inférieur de la couche 12a se situerait entre 20,690 ± 210 et 20,360 ± 160 BP, le Solutréen moyen de la couche 5 serait positionné à 20,195 ± 265 BP et le Solutréen supérieur de la couche 2 entre 19,600 ± 200 et 19,525 ± 155 BP. En chronologie 14C calibrée, le Solutréen de Laugerie-Haute se développerait entre 24,655 ± 319 et 23,322 ± 360 cal BP.

48

Deux informations centrales dans le cadre du présent travail peuvent être dégagées : ™ le Solutréen inférieur (ou ancien) des couches 12d à 12a du locus ouest est un peu plus ancien que les autres épisodes postérieurs reconnus par l’intermédiaire des études typologiques. Cela semble donc confirmer la validité du découpage typologique isolant une phase ancienne à pointes à face plane des autres complexes solutréens marqués par l’apparition des feuilles de laurier et/ou des pointes à cran ; ™ en revanche, la validité des autres phases reconnues opérés par P. Smith peut

N° labo.

être discutée, notamment en ce qui concerne l’existence d’un Solutréen supérieur puis final, déjà mise en cause par d’autres auteurs sur la base d’une révision de la typologie des outillages et de l’utilisation de méthodes quantitatives de classement (Demars, 1995 a et b ; Bosselin et Djindjian, 1997). Il nous semble pour l’heure préférable de nous limiter à une distinction Solutréen ancien/Solutréen récent (moyen, supérieur et final). I.3.2. Autres séquences datées L’intérêt de la séquence de Laugerie-Haute est de couvrir un pan important du développement du Solutréen. Bien que fouillée relativement anciennement, c’est très certainement la séquence solutréenne la plus complète pour tout le territoire français. En termes chronologiques, la situation devient encore plus épineuse dès lors que l’on s’en écarte. Pour le Solutréen ancien à pointes à face plane, la seule autre séquence datée dans le SudOuest français est celle des Peyrugues, dans le Lot, fouillée par M. Allard 6 . Onze mesures 14C, toutes obtenues par AMS, sont disponibles (Allard, 1990, 1993 ; Jaubert et al., 2007). Considérées dans leur globalité (Tabl. 4), ces dates posent de sérieux problèmes puisqu’elles laissent apparaître plusieurs regroupements chronologiques séparés par des écarts importants : utilisées en l’état, le Solutréen ancien des Peyrugues se développerait entre 20,910 ± 220 et 19,310 ± 200 BP.

Attribution cult Dates calibrées (BP) à 1σ (http://www.calpalonline.de) (Allard, 1993)

Nature échantillon

Couches archéo.

Âges (BP) à1σ

GifA 92166

Charbon

12z,12c

19,310 ± 200

23,085 ± 328

Solutréen inférieur

GifA 96225

Charbon

12’’-12F

19,410 ± 200

23,204 ± 355

Solutréen inférieur

GifA 92167

Charbon

12z,11-12

19,410 ± 210

23,207 ± 363

Solutréen inférieur

GifA 91419

Charbon

12a’’

19,970 ± 210

23,902 ± 374

Solutréen inférieur

GifA 95461

Charbon

12a’’,11-12F

20,110 ± 210

24,032 ± 370

Solutréen inférieur

GifA 92168

Charbon

12a

20290 ± 230

24,230 ± 364

Solutréen inférieur

GifA 91410

Charbon

12a

20,400 ± 220

24,336 ± 365

Solutréen inférieur

GifA 91186

Charbon

12a

20,410 ± 280

24,343 ± 404

Solutréen inférieur

GifA 91427

Charbon

12a

20,470 ± 290

24,399 ± 417

Solutréen inférieur

GifA 91417

Charbon

12a

20,750 ± 240

24,734 ± 342

Solutréen inférieur

GifA 95460

Charbon

12’’, 9F

20,910 ± 220

25,044 ± 434

Solutréen inférieur

Tableau 4 : dates 14C AMS de la séquence solutréenne des Peyrugues (d’après Allard, 1993)

Chapitre 2 - Les cadres actuels du Solutréen dans le sud-ouest de la France -

La durée absolue de cette phase ancienne du Solutréen apparaît trop longue et, surtout, sa chronologie recouvre très clairement celle du Solutréen supérieur à feuilles de laurier et pointes à cran tel qu’il est connu et daté sur le site voisin du Cuzoul. En effet, sur ce dernier site, le Solutréen supérieur est correctement situé aux alentours de 19,500 BP par deux dates cohérentes (Tabl. 5). Ainsi, il semble peu probable que, sur deux sites distants de quelques kilomètres seulement, des phases aussi différentes que le Solutréen ancien et récent puissent être contemporaines. Pour clarifier l’esquisse chronologique ici développée, précisons qu’aux Peyrugues, seule la couche 12a offre un matériel suffisamment abondant et diagnostique pour être assuré de son attribution au Solutréen ancien (Renard, 2007). Les couches sus-jacentes (12z, 12C, 11-12) n’offrent pas les mêmes garanties et doivent être retirées de l’analyse ; d’autant plus que la position stratigraphique intermédiaire de ces ensembles reconnus à la fouille, situés entre un Solutréen ancien et récent, impose une grande prudence quant à leur interprétation. Lorsque seules les dates obtenues pour 12a sont conservées (Fig. 15), le tableau chronologique obtenu pour le Solutréen inférieur des Peyrugues se resserre et dépeint une situation directement comparable à Laugerie-Haute. Cinq mesures 14C AMS obtenues à partir d’échantillons charbonneux prélevés dans la couche 12a situent le Solutréen ancien entre 20,750 ± 240 et 20,290 ± 230 BP, soit un intervalle de temps directement comparable aux dates AMS récemment obtenues

pour la couche 12a de Laugerie-Haute Ouest. En outre, précisons que les 5 mesures sont toutes compatibles et qu’aucune ne s’écarte de cet intervalle chronologique, avec un resserrement de 3 des 5 mesures entre 20,470 ± 290 et 20,400 ± 220 BP. À l’échelle du Sud-Ouest français, tout du moins entre les vallées de la Vézère et du Lot, le Solutréen à pointes à face plane se développerait donc au cours du 21e millénaire BP, aux alentours de 20,500 BP (Fig. 15). Ce resserrement significatif des dates obtenues sur les deux séquences de Laugerie-Haute et des Peyrugues pourrait laisser penser que ces industries se développèrent dans un laps de temps relativement court. Précisons en outre que ces dates ne constituent certainement qu’une estimation minimale de l’âge du Solutréen ancien, comme en témoigne la position sommitale de la couche 12a de Laugerie-Haute Ouest au sein des différents niveaux solutréens anciens distingués. Pour le Solutréen récent, seule la grotte de Combe-Saunière a fait l’objet d’une campagne de datations systématiques 7 (Tabl. 5). Cette opération met en lumière les problèmes posés par cette archéo-séquence puisqu’elle fait apparaître une forte dispersion chronologique des mesures 14C pour un horizon archéologique pourtant fort bien défini sur le plan archéologique (Geneste et Plisson, 1986, 1990 ; Plisson et Geneste, 1989 ; Chadelle et. al., 1991 ; Castel et al., 2005).

Figure 15 : Dates 14C AMS à 2 écarts-types connues pour le Solutréen ancien dans le sud-ouest de la France (Laugerie-Haute Ouest et Les Peyrugues). A gauche, dates AMS (d’après Roque et al., 2001 ; Allard, 1993), à droite, dates calibrées (http://www.calpal-online.de)

49

Première partie - Les cadres, les méthodes et les enjeux -

Gisements

Laugerie-Haute Ouest (Dordogne)

N° labo.

Nature échantillon

Couches archéo.

Âges (BP) à 1σ

Dates calibrées (BP) à 1σ (http://www.calpalonline.de)

Attribution culturelle

Lyon 1773 (OxA)

Os brûlé

2

19,525 ± 155

23,289 ± 253

Sol. fin.

GifA 100 630

Os brûlé

2

19,600 ± 200

23,390 ± 295

Sol. fin.

GifA 100 634

Os frais

2

19,550 ± 340

23,308 ± 460

Sol. fin.

GrN 4605

Os brûlé

2

19,870 ± 190

23,739 ± 240

Sol. fin.

GrN 4441

Os brûlé

2

20,000 ± 240

23,884 ± 284

Sol. fin.

Os brûlé

5

20,195 ± 265

24,098 ± 300

Sol. sup.

GrN 4442

Os brûlé

5

19,600 ± 140

23,402 ± 219

Sol. sup.

GrN 4495

Os brûlé

5

19,740 ± 140

23,586 ± 192

Sol. sup.

OxA 757

Os

IVb

18,860 ± 320

22,458 ± 354

Sol. sup.

OxA 489

Os

IVb

19,450 ± 330

23,175 ± 451

Sol. sup.

OxA 752

Os

IVb

19,490 ± 350

23,228 ±472

Sol. sup.

OxA 753

Os

IVb

19,630 ± 320

23,415 ±433

Sol. sup.

Lyon 4889

?

3

19,010 ± 310

22,621 ± 360

Sol. sup.

?

Os

au dessus des gravures

19,970 ± 250

23,849 ±298

Sol. sup.

Gif 8802

Os

8

18,470 ± 300

22,028 ± 379

Sol. sup.

Gif 3609

Os brûlé

19,230 ± 300

22,882 ± 393

Sol. sup.

Lyon 1174 (OxA)

Combe-Saunière (Dordogne)

50

Jean-Blancs (Dordogne) Le Placard (Charente) Roc-de-Sers (Charente)

Lyon 1682 (OxA)

?

29

19,510 ± 110

23,274 ± 201

Sol. sup.

Gif 6699

Os

30

19,400 ± 210

23,099 ± 319

Sol. sup.

GifA 101440

?

31

20,110 ± 180

24,011 ± 206

Sol. sup.

Le Piage (Lot)

Gif 5026

?

E

18,900± 250

22,494 ± 264

Sol.sup/Bad.

Phare (Pyrénées Atl.)

Gif 6777

?

L

19,900 ± 250

23,767 ±309

Sol. sup

GrA 1615

Os

D

21,020 ± 130

25,155 ± 390

GrA 1593

Os

D

17,670 ± 80

20,910 ± 134

Sol. inf + sup ? Sol. inf + sup ?

Cuzoul (Lot)

Lespugue (Haute Garonne)

Tableau 5 : principales dates 14C conventionnelles et AMS (en gras) obtenues pour des contextes de Solutréen récent (moyen, supérieur, final sensu Smith, 1966) dans le Sud-Ouest de la France. (L’attribution chronoculturelle des niveaux de Laugerie-Haute Ouest est reprise de Smith, 1966.)

Chapitre 2 - Les cadres actuels du Solutréen dans le sud-ouest de la France -

Figure 16 : Principales dates 14C conventionnelles et AMS à 2 écarts-types connues pour le Solutréen récent en France du Sud-Ouest

De nombreuses dates fournissent des résultats excessivement récents allant jusqu’à 14,000 BP. Deux dates s’intègrent toutefois de manière satisfaisante à l’intervalle attendu pour un Solutréen supérieur classique : OxA 752, couche IV : 19,490 ± 350 BP et OxA 753, couche IV : 19,630 ± 320 BP. Elles sont directement comparables aux dates AMS récentes de LaugerieHaute Ouest pour la couche 2 à feuilles de laurier et pointes à cran. Si peu d’autres sites fournissent des éléments de comparaison quant à la position chronologique précise du Solutréen récent (Tabl. 5), les rares données dont nous disposons coïncident avec les estimations déjà évoquées pour Laugerie-Haute et Combe-Saunière. C’est le cas par exemple pour l’abri du Cuzoul à Vers (Lot). Les fouilles conduites par J. Clottes et J.-P. Giraud dans les années 1980 ont livré une riche stratigraphie comprenant deux niveaux de Solutréen récent à pointes à cran et feuilles de laurier et une riche séquence badegoulienne (Clottes et Giraud, 1989, 1996 ; Castel, 1999, 2003 ; Ducasse, 2007 ; Renard et Geneste, 2006 ; Ducasse et Langlais, 2007 ;

Renard, 2007). Le Solutréen supérieur y est correctement positionné par l’intermédiaire de deux dates 14C sur os, l’une AMS et l’autre conventionnelle : OxA-11220, couche 29 : 19,510 ± 110 et GIF 6699, couche 30 : 19,400 ± 210 BP. Ces données tendent donc à situer assez précisément le Solutréen récent périgourdin et lotois aux alentours de 19,500 BP (Fig. 16 ; Renard, 2007). La chronologie du Solutréen du Sud-Ouest français peut être établie même si persistent des incertitudes tenant tant à la complexité des archéo-séquences qu’au faible nombre de sites datés. Le Solutréen se développerait aux alentours de 20,500 BP, et même certainement un peu avant, sous les traits du Solutréen ancien classique à pointes à face plane (Fig. 17). L’unique autre phase typologique qui puisse être distinguée par l’intermédiaire des données chronologiques serait un Solutréen récent à pointes à cran et feuilles de laurier pour lequel les séquences de LaugerieHaute, Combe-Saunière et du Cuzoul plaident en faveur d’un positionnement aux environs de 19,500 BP (Figs. 16 & 17). Ces données semblent

51

Première partie - Les cadres, les méthodes et les enjeux -

52

Figure 17 : Principales dates 14C conventionnelles et AMS à 2 écarts-types connues pour la séquence solutréenne en France du Sud-Ouest

donc confirmer la relative courte durée du développement des industries solutréennes dans le sud-ouest de la France, même si l’on ne doit pas oublier ici la question d’horizons initiaux du Solutréen qui pourraient précéder le Solutréen ancien classique. Le Solutréen aurait une durée approximative qui devrait se situer entre un à deux millénaires en chronologie 14C.

I.4. Le Cadre paléoclimatique Les opinions relatives au contexte climatique qui accompagna le développement du Solutréen ont, jusqu’à une date récente, relativement peu varié. Pour G. de Mortillet ou E. Cartailhac, le Solutréen était caractérisé par un climat plus sec que celui du Moustérien, avec des étés plus chauds et des hivers plus rigoureux (Smith, 1966). Depuis, et jusque dans les années 1960, les auteurs se sont globalement entendus pour accorder au Solutréen un climat froid de type continental.

Le contexte climatique du Solutréen n’était pas pour autant considéré comme monotone puisque un voire deux interstades intervenaient lors de la seconde moitié de son développement, en particulier à partir du Solutréen supérieur. Au moment de la rédaction de sa synthèse, dans la première moitié des années 1960, P. Smith accepte le cadre paléoclimatique général issu des travaux de H. Laville (1964 & 1975) et écrit : « Le ProtoSolutréen fut témoin d’un climat constant, froid et sec, avec une forte action du froid sur les plafonds des abris d’où se détachèrent des fragments assez gros et anguleux. Avec le Solutréen inférieur, s’établit un climat instable, bien plus tempéré et humide que précédemment, mais avec quelques fluctuations, frais et humide à la base du Solutréen inférieur, mais froid et plus sec au sommet. Bordes (1958, p. 244) a noté que la partie supérieure du Solutréen inférieur à Laugerie-Haute Est semble avoir subi des cryoturbations qui ont arrondi les fragments de calcaire.

Chapitre 2 - Les cadres actuels du Solutréen dans le sud-ouest de la France -

Cette instabilité se continue dans le Solutréen moyen, dont la base est à nouveau fraîche et humide, et qui contient dans son épaisseur moins d’éboulis et plus d’argile et de terre. Il y a des indications d’une oscillation sèche et froide au sommet du Solutréen moyen, mais ensuite la tendance vers un régime tempéré s’accentue avec, dans le Solutréen final, une humidité extrême. Cependant, au sommet du Solutréen final, les précipitations paraissent presque cesser, et il se produit une courte oscillation froide qui se continue dans le Magdalénien 0. (…) Nous pouvons donc affirmer que, bien qu’ils soient encore froids, le Solutréen moyen et le Solutréen supérieur et final à Laugerie-Haute et ailleurs dans la partie méridionale de la France furent d’un climat plus modéré, avec les conditions froides, sèches, boréales d’un climat de type continental donnant de longs et froids hivers et des étés courts mais assez chaud » (Smith, 1966, p. 40). Cette phase plus douce, s’amorçant au Solutréen moyen, est considérée par F. Bordes comme un véritable interstade : l’interstade Würm III-IV. Ce dernier résume sa position dans sa réponse à un article de H.L. Movius Jr (Movius Jr., 1960) : « On the other hand, I would readily see a true interstadial (between my Würm III and IV) at the level of Middle Solutrean, Upper Solutrean, and Lower Magdalenian (I-III). In these levels, at Laugerie-Haute, there is very definitely a change in the nature of the sediments, the thermoclastic elements becoming relatively rare, and beginning to grow numerous again only in Magdalenian IV » 8 (Bordes, in Movius Jr., 1960, p. 377). L’assertion de F. Bordes allait se confirmer quelques années plus tard, au moment de la publication de l’étude palynologique entreprise par J. Renault-Miskovsky et Arlette Leroi-Gourhan (1981) lorsque celles-ci soulignent que « l’étude palynologique partielle faite actuellement sur LaugerieHaute montre une alternance des phases climatiques dont les plus tempérées paraissent être celles de la couche du Solutréen supérieur, Würm III-IV ou interstade de Laugerie. En bordure de la Vézère, la flore du site reste extrêmement humide, et lors de ces interstades, la température a permis la présence de la chênaie mixte, du Noyer et du Pin maritime » (Renault-Miskovsky et Leroi-Gourhan, 1981, p. 124). Ainsi, dans les schémas traditionnels utilisés jusqu’à la fin des années 1980, le Solutréen se développe sous le climat rigoureux du maximum glaciaire, entrecoupé de deux oscillations plus tempérées correspondant aux interstades de Laugerie puis de Lascaux. Depuis, la validité de ces interstades reconnus par l’analyse des diagrammes polliniques et bien souvent confirmés par l’analyse sédimentologique de séquences en grottes et sous abris s’est largement vue discutée (voir p.e. Sánchez Goňi, 1991, 1996). La remise en cause est venue en particulier de la multiplication

des études polliniques et isotopiques issues de séquences lacustres ou marines, comme ce fut le cas sur la séquence tourbeuse de la Grande Pile qui ne permit pas de retrouver les améliorations climatiques considérées comme contemporaines du développement du Paléolithique supérieur (Woillard et Mook, 1982, cité dans Sánchez Goñi, 1996). Il a également été démontré que des facteurs taphonomiques avaient pu induire en erreur les palynologues et que, par exemple, l’existence même des interstades d’Arcy, Tursac, Laugerie et Lascaux ne pouvait plus être validée puisque les spectres polliniques en question ne témoignaient pas de phases de réchauffement climatique mais, au contraire, contenaient des pollens de plantes thermomésophiles, interprétés comme une contamination des spectres pléistocènes par des pollens plus récents (Sánchez Goňi, 1996). Au cours des deux dernières décennies, les données paléoclimatiques se sont vues profondément enrichies des nombreux travaux entrepris sur des carottes glaciaires et marines de haute résolution (voir p.e. Johnsen et al., 1992 ; Bond et al., 1993 ; Sánchez Goñi, 1996). Ces études révèlent que l’histoire du climat glaciaire se ponctue d’évènements brusques, dont les transitions peuvent survenir en moins d’un siècle (Bard et al., 2006). La rapidité présumée du passage d’un cycle à un autre et la brutalité du changement instauré impliquent nécessairement des répercussions sur les modes de vie humains, d’autant plus vives que ces « transitions » peuvent se dérouler à l’échelle d’une vie humaine. En outre, dans les carottes de glace polaire et de sédiment océanique, il a été montré que ces phénomènes brutaux, tempérés ou extrêmement froids, étaient globalement contemporains. Ainsi, les enregistrements glaciaires et océaniques ont pu être corrélés (Bard et al., 2006). À ce titre, l’approche chronostratigraphique entreprise sur ces dépôts, couplée à la multiplication des datations 14C, a permis d’établir une chronologie absolue des enregistrements marins dont l’implication est fondamentale pour parvenir à préciser et étendre la courbe de calibration de l’échelle de temps radiocarbone. Deux types d’oscillations climatiques brusques ont pu être enregistrés : ™ « Les événements de Dansgaard-Oeschger sont caractérisés par des transitions climatiques extrêmement brusques, en particulier lors des réchauffements, d’une durée inférieure au siècle. Ces

53

Première partie - Les cadres, les méthodes et les enjeux -

évènements climatiques ont été mis en évidence par l’étude d’enregistrements glaciaires du Groenland. Les variations de température de l’atmosphère et de l’océan qui les caractérisent ont été identifiés dans la zone Nord-Atlantique » (Bard et al., 2006, p. 14). ™ « Les évènements froids de Heinrich constituent un autre exemple d’oscillations climatiques abruptes qui ont affecté l’Atlantique nord et ce jusqu’à des latitudes relativement basses. Leur signature sédimentaire est constituée de niveaux de débris détritiques glaciaires. La répartition spatiale de ces couches, dont l’épaisseur décroît avec la distance à la mer du Labrador, suggère des épisodes dramatiques de débâcles glaciaires, ayant pour origine principale la calotte Laurentide. La fonte de ces calottes s’est accompagnée du transfert d’énormes quantités d’eau douce vers l’Atlantique nord, entraînant une forte perturbation de l’hydrologie de ce bassin, en particulier des températures de surface » (Bard et al., 2006, p. 14).

54

Des différentes sources consultées (Sánchez Goñi, 1996 ; Guiter et al., 2003 ; d’Errico et al., 2006 ; Kageyama et al., 2006), il ressort clairement que le Pléniglaciaire récent correspond à la période la plus froide de toute la dernière glaciation (Würm ou Weichsélien), ayant atteint son maximum d’amplitude aux alentours de 20,000 BC. Les températures annuelles moyennes devaient alors être inférieures à - 2°C et la moyenne des températures du mois de juillet ne dépassait pas 7 à 8 °C. Ces données vont dans le sens de sols gelés et imperméables pendant une large partie de l’année. Aux Peyrugues, dans le Lot, P. Bertan (2005) indique que les industries du Solutréen ancien à pointes à face plane sont contenues dans des dépôts stratifiés marqués par l’alternance de couches caillouteuses ouvertes et de couches diamictiques brun-jaune. Ils correspondent à une dynamique sédimentaire qui se caractérise par des coulées de solifluxion à front pierreux comparables à celles observées actuellement dans des milieux périglaciaires d’altitude à très faible couvert végétal. Dans ces dépôts stratifiés, l’analyse micromorphologique montre que les niveaux caillouteux à support matriciel sont entre autres caractérisés par une structure lamellaire à granulaire mal développée qui témoigne de la cristallisation de glace en lentille dans le sédiment. Ces dépôts de pente stratifiés, mis en place entre 25,300 (couche archéologique 26) et 18,600 BP (couche archéologique 9b), sont actuellement caractéristiques de l’étage nival des montagnes des latitudes basses et moyennes. Différentes études montrent en outre que ce type de dépôts apparaît

lorsque la température moyenne annuelle est inférieure à –2°C, dans des environnements où la végétation est très réduite, en contexte de pergélisol ou de gel saisonnier (Bertran, 2005). Aux Peyrugues, deux niveaux plus organiques sont interstratifiés dans ces dépôts et interprétés comme des paléosols humifères, témoins de courtes phases de pédogenèses en relation avec un climat plus humide et/ou moins froid. Ceux-ci peuvent être corrélés avec les interstades Dansgaard-Oeschger 3/4 et 2 reconnus dans les enregistrements glaciaires du Groenland. D’après les observations de P. Bertran, le dernier pourrait être contemporain de la mise en place des dépôts contenant l’industrie du Solutréen ancien à pointes à face plane. En définitive, il demeure délicat d’associer précisément une phase du Solutréen à un événement climatique particulier, d’autant plus que l’on présume que le Solutréen occupe un laps de temps relativement restreint par comparaison avec les autres entités culturelles du Paléolithique supérieur. Les informations obtenues directement par l’analyse géologique et micromorphologique des séquences archéologiques doivent à l’avenir être multipliées, à l’image de celles issues des travaux conduits par P. Bertran sur la séquence des Peyrugues. Comme le précise ce dernier en conclusion de son étude, la relecture des sites paléolithiques aquitains en milieu carbonaté montre que « les séquences sédimentaires en abri-sousroche et en porche de grotte présentent une forte dilatation pour la période correspondant au dernier Pléniglaciaire. Elles offrent donc un potentiel d’informations paléoclimatiques en milieu continental exceptionnel, sans doute comparable à celui fourni par les loess » (Bertran, 2005, p. 42).

II. Le cadre typo-technologique : des données encore bien parcellaires Si le Solutréen français a permis le développement d’approches à portée essentiellement méthodologique (voir p.e. Plisson et Geneste, 1989 ; Geneste et Plisson, 1990, 1993 : Chadelle et al., 1991 ; Geneste et Maury, 1997 ; Aubry et al., 2008), une vue d’ensemble de l’évolution diachronique de ses cultures matérielles a été partiellement délaissée dans les travaux récents.

II.1 Le schéma évolutif du Solutréen français : les fossiles-directeurs Le modèle des fossiles-directeurs solutréens, s’il a été récemment critiqué sur la base d’une analyse statistique établie à partir des décomptes de

Chapitre 2 - Les cadres actuels du Solutréen dans le sud-ouest de la France -

Laugerie-Haute de P. Smith et D. de SonnevilleBordes (Bosselin et Djindjian, 1997) demeure d’actualité et constitue le fondement de tout découpage typo-chronologique interne du Solutréen..

est également illustré par le fait qu’il s’agit pour l’essentiel de burins à un pan sur cassure, suivis des burins sur troncature tandis que les burins dièdres demeurent extrêmement rares (Demars, 1995 b) ;

II.1.1. Monotonie versus variabilité des outillages solutréens

™ les autres types d’outils du « fonds communs » apparaissent très peu diagnostiques ; toutefois, les perçoirs, au rostre souvent bien dégagé et puissant peuvent être assez nombreux. Les outils composites sont rares, en dehors des grattoirs-burins qui augmentent dans les niveaux supérieurs de la séquence ;

L’aspect diagnostique des outillages solutréens a très rapidement concentré l’essentiel des études sur les fossiles-directeurs. En procédant de la sorte, les autres outils devaient être les parents pauvres de cette culture. Pour P. Smith (1966), comme pour la plupart des auteurs (voir p.e. de Sonneville-Bordes, 1960), le « fonds commun » de l’outillage ne relève pas d’une importance fondamentale dans la structure évolutive du Solutréen puisqu’il demeure stable tout au long des différentes étapes de son développement. Ses principaux caractères peuvent se résumer de la manière suivante : ™ les grattoirs composent en général 15 à 30 % de l’outillage et constituent l’outil le mieux représenté du fonds commun. Aucun type particulier n’est à signaler, si ce n’est peut-être les « micrograttoirs grimaldiens », reconnus par P. Smith (1966) à LaugerieHaute et rebaptisés « grattoirs de LaugerieHaute » par P.-Y. Demars (1995 a et b). L’indice des « grattoirs aurignaciens » est nul ou presque, hormis dans la couche G de Laugerie-Haute Ouest, interprétée comme une industrie contaminée par l’Aurignacien V sous-jacent par D. de Sonneville-Bordes. P. Smith qui adhère à cette remarque, considère cette industrie comme un Proto-Solutréen caractérisé par l’apparition de pointes à face plane encore grossières et contaminée par l’Aurignacien V sous-jacent. En règle générale, les grattoirs simples sur lame non retouchée sont les plus fréquents et dominent les grattoirs doubles qui tendent à augmenter au sommet de la séquence solutréenne. On constate également la présence variable de grattoirs sur lame aménagée par une retouche plate et couvrante, solutréenne en d’autres termes ; ™ les burins sont en général mal représentés et leur indice est constamment inférieur à celui des grattoirs. Cette faible importance des burins dans la constitution de l’outillage solutréen fut très tôt signalée puisque H. Breuil s’en faisait déjà l’écho en 1912. Le peu d’intérêt porté par les Solutréens aux burins

™ enfin, on observe l’inégale représentation des lamelles dans tous les ensembles solutréens. On considère généralement que les lamelles à dos sont presque totalement absentes jusqu’à l’apparition des pointes à cran dans le Solutréen supérieur (SonnevilleBordes, 1960 ; Smith, 1966). Cette constatation se doit cependant d’être nuancée au regard de l’ancienneté de la plupart des fouilles des gisements solutréens. Pour les épisodes anciens, l’absence des lamelles à dos n’est finalement pas surprenante puisqu’au moment où D. de Sonneville-Bordes et P. Smith formulent ces observations, aucune fouille moderne avec tamisage intégral à l’eau n’avait encore été effectuée. Des exemples recueillis dans d’autres contextes culturels ont bien montré combien la représentation des lamelles retouchées était sujette à de fortes variations en fonction des techniques de fouille mises en œuvre 9 . Un autre facteur conditionnant également en partie l’absence des lamelles retouchées dans les ensembles du Solutréen ancien correspond à la très faible représentation de cette phase du Solutréen dans les séquences archéologiques. Nous nuancerons toutefois cette assertion au regard des lamelles brutes et retouchées qui coexistent avec des pointes à face plane dans la couche 6a d’Azkonzilo attribuée au Solutréen ancien.

Cette revue schématique des caractères généraux de l’outillage du « fonds commun » solutréen témoigne d’une relative méconnaissance et de l’impossibilité d’établir une sériation typochronologique effective sur leur base. S’il est souvent fait mention de la relative monotonie de ces outillages, il est également communément admis qu’ils ne présentent pas d’évolution décisive tout au long de la séquence. Ajoutons à cela qu’on

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Première partie - Les cadres, les méthodes et les enjeux -

leur impute fréquemment une relative « simplicité » qui témoignerait de leur aspect secondaire dans les intentions des tailleurs solutréens. P. Smith (1966, p. 46) allait même jusqu’à opposer l’élégance des outils typiquement solutréens à la « médiocrité » des outils du « fonds commun » souvent « mal retouchés ». Les types d’outils, leur fréquence et leur structure générale, seraient effectifs dès la mise en place du Solutréen et ne se modifieraient que très sensiblement au fil de la séquence. II.1.2. Les outillages en matières dures animales

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S’il est un parent pauvre des études sur le Solutréen, il ne fait aucun doute que les outils en matières dures animales en font partie. Ce peut être lié à une vue de l’esprit ancienne considérant le Solutréen comme une culture où le travail des matières osseuses n’était guère répandu. H. Breuil dénonçait déjà ce problème en tentant de le démentir. « L’os travaillé, malgré un préjugé trop largement répandu, ne manque à aucun niveau du Solutréen. M. Peyrony en a trouvé aux niveaux protosolutréens, solutréens typique et supérieur du Ruth (Dordogne). J’ai trouvé à Montaud (Indre), une série de sagaies et de poinçons en bois de renne ; M. A. Arcelin a toujours soutenu l’existence d’os travaillé à Solutré dans les milieux solutréens et j’ai pu vérifier le fait moi-même. Des os travaillés existent dans les gisements solutréens de Laugerie-Haute, de Badegoule, du Placard, de la Cave de Lespugues etc. (…) Néanmoins, on doit reconnaître que les deux premières phases du Solutréen occidental sont caractérisées par un fléchissement du travail de l’os, qui se relève rapidement avec le niveau supérieur à pointes à cran » (Breuil, 1912, p. 38). Au début des années 1960, D. de SonnevilleBordes confirme les observations de H. Breuil et souligne que tous les niveaux solutréens contiennent un outillage en os commun et peu caractéristique, fait principalement de lissoirs, coins, poinçons parfois encochés et baguettes. Il est en revanche difficile de distinguer des outils en os propres au Solutréen et qui se retrouveraient de manière récurrente d’un gisement à l’autre. Quelques exceptions pourraient exister mais elles mériteraient des observations plus approfondies : D. de Sonneville-Bordes (1960) signale à ce sujet une forte sagaie à base arrondie et section aplatie de Laugerie-Haute tout à fait comparable à des sagaies du même type provenant du Solutréen moyen de Badegoule. Des sagaies à base à biseau simple étroit et obliquement striées pourraient être caractéristiques du Solutréen en général de même que des sagaies à biseau simple très court seraient spécifiques du Solutréen supérieur à pointes à

cran. Citons également l’instrument emblématique du Solutréen supérieur qui fait, pour la première fois, son apparition dans les cultures du Paléolithique supérieur : l’aiguille à chas (StordeurYedid, 1979) à laquelle nous pourrions ajouter le propulseur découvert dans la grotte de CombeSaunière (Cattelain, 1989). En l’état actuel des recherches, les industries en matières dures animales ne permettent pas de discuter de l’unité et de la variabilité du Solutréen et n’apportent pas d’éléments décisifs aux questions posées par son découpage typostratigraphique.

II.2. Unité et variabilité des productions lithiques solutréennes : un domaine lacunaire Dans un large quart sud-ouest de la France, il est pour l’heure très délicat de brosser un bilan documentaire sur les modes de production des outillages solutréens. Des études poussées ont certes été mises en œuvre sur des outils particuliers, en l’occurrence les pointes à cran solutréennes (Geneste et Plisson, 1986, 1990, 1993 ; Plisson et Geneste, 1989 ; Chadelle et al., 1991 ; Geneste, 1991 ; Geneste et Maury, 1997) mais elles n’ont que partiellement investi la globalité des chaînes de production. Plus récemment, ce domaine d’étude a été reconsidéré à partir de la découverte et des fouilles en cours du gisement des Maîtreaux en Indre-et-Loire (Aubry et al., 1998, 2003a, 2008 ; Almeida, 2005) situé à proximité immédiate des gîtes de matières premières siliceuses de grande qualité du Turonien supérieur. Dans un même ordre d’idées, les fouilles récentes conduites par L. Bourguignon et son équipe sur le gisement de La Doline, près de Bergerac, devraient largement renouveler nos connaissances sur les ateliers de fabrication de pièces bifaciales à proximité immédiate de gîtes de matières premières dont la diffusion extrarégionale est désormais bien connue (Bourguignon et al., 2004). Ces études ne portent toutefois que sur un épisode particulier de la séquence solutréenne, le Solutréen récent à feuilles de laurier et/ou pointes à cran. Dans le cadre d’une révision diachronique de l’unité et de la variabilité du Solutréen, l’absence de données sur les phases du Solutréen antérieures à l’apparition des complexes à feuilles de laurier et pointes à cran suscite de sérieux problèmes. Seule l’étude réalisée sur une industrie de surface découverte dans l’Yonne a permis de proposer un premier aperçu des chaînes opératoires de

Chapitre 2 - Les cadres actuels du Solutréen dans le sud-ouest de la France -

production lithiques associées à la fabrication des pointes à face plane (Renard, 2002) 10 . La filiation entre les différentes étapes du développement du Solutréen ne peut donc être évoquée qu’à partir du style des outils diagnostiques et des retouches plates et couvrantes les aménageant. D’autres arguments pourraient être évoqués, notamment ceux soulignés par D. de Sonnville-Bordes (1960) soulignant des différences d’ordre technique entre les phases anciennes et récentes : « De frappantes différences de style opposent les outillages du Solutréen ancien, souvent sur éclat avec de nombreux nucléus globuleux ou informes, un lot varié d’outils moustériens, au Solutréen terminal, tel qu’il est représenté au Fourneau-duDiable, très largement laminaire, avec des nucléus prismatiques nombreux, ne possédant plus que quelques racloirs ou disques et ayant acquis un petit outillage sur lamelles et un outillage osseux bien spécialisé. En fait, les séquences connues en Périgord montrent le passage des uns aux autres : l’évolution s’accomplit progressivement par le quasi-abandon du débitage sur éclat qui correspond à la diminution des feuilles de laurier, pièces bifaces ; elles laissent statistiquement la place aux pointes à cran, dont la fabrication impose le débitage de lames minces et étroites. M. Escalon de Fonton, frappé par cette opposition, a récemment prétendu que le “ Protosolutréen ” ne saurait avoir avec le Solutréen à pointes à cran aucun rapport de filiation, ni même de parenté. Mais l’examen des graphiques cumulatifs des séries solutréennes impose la certitude que typologiquement, sinon techniquement, il n’y a pas de différences fondamentales entre le Solutréen le plus archaïque et le Solutréen le plus évolué. Le Solutréen donne donc l’exemple, théoriquement très instructif, d’un outillage évoluant d’un débitage assez fortement sur éclat à un débitage essentiellement laminaire et lamellaire, en conservant, à travers ces transformations qui

s’accompagnent d’une modification générale du style, une même physionomie typologique, statistiquement parlant » (Sonneville-Bordes, 1960, p. 328). Bien d’autres voies de recherche pourraient être évoquées au moment de brosser les cadres actuels du Solutréen. Nous avons volontairement limité notre aperçu à ces quelques aspects très documentaires, tant les autres approches relatives à l’économie ou aux territoires solutréens (Larick, 1987 ; Aubry, 1991 ; Geneste, 1991 ; Chadelle et al., 1991 ; Castel et al., 1998, 2005 ; Castel, 2003 ; Almeida, 2005 ; Renard et Geneste, 2006 ; Renard, sous-presse ) demeurent pour l’heure concentrées sur un moment particulier du Solutréen, celui qui voit coexister les feuilles de laurier et les pointes à cran. Nous y ferons bien évidemment référence une fois nos données sur ce moment particulier du Solutréen intégrées à ce travail.

La séquence d’Azkonzilo a également fait l’objet de datations néanmoins celles-ci demeurent infructueuses et partiellement inédites (cf. infra partie 2, chapitre 1). 7 A cette occasion, nous souhaitons remercier chaleureusement J.-P. Chadelle et J.-M. Geneste qui ont eu la gentillesse de répondre à nos sollicitations concernant l’industrie lithique solutréenne de la grotte de CombeSaunière. 8 « D’autre part, je vois effectivement un vrai interstade (entre mon Würm III et IV) contemporain du Solutréen moyen, du Solutréen supérieur et du Magdalénien inférieur (I-III). Dans ces niveaux, à Laugerie-Haute, il y a un net changement dans la nature des sédiments, les éléments thermoclastiques devenant relativement rares et pour ne réaccroître de nouveau qu’au Magdalénien IV » (Bordes, in Movius Jr., 1960 : 377 ; traduction de l’auteur). 9 Dans l’Aurignacien récent de Caminade par exemple, les fouilles conduites par D. de Sonneville-Bordes ont livré 4% de lamelles retouchées alors que la fouille des mêmes niveaux reprise par J.-G. Bordes et A. Lenoble démontrent que la proportion de ces mêmes lamelles excède les 40% (Bordes et Lenoble, 2002). 10 Signalons toutefois l’existence de deux travaux universitaires récents sur les débuts du Solutréen. L’un, conduit dans le cadre d’un mémoire de Master 2 de l’université Paris 1 par S. Guégan (2007) porte sur une révision de l’industrie lithique du Solutréen ancien de la grotte d’Oullins (Gard). Le second traite de l’ensemble lithique à pointes de Vale Comprido découvert récemment en surface sur le site de Marseillon dans les Landes (Teyssandier et al., 2006). Conduit par M. Deschamps (2007), nous en avons effectué le tutorat dans le cadre de notre responsabilité de l’étude des productions lithiques des campagnes de prospection et de fouille qui viennent d’être entamées sur ce site 6

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Les cadres, les méthodes, les enjeux

Chapitre III Objectifs et méthodes de l’étude

Chapitre 3 - Objectifs et méthodes de l’étude -

I. Problèmes d’interprétation posés par le Solutréen français En préalable à l’exposé des objectifs de ce travail, nous allons revenir sur quelques points importants qui ressortent de manière particulièrement nette de l’évocation de l’histoire des idées et de la présentation des cadres actuels du Solutréen. Le premier tient aux carences de la documentation et aux nettes disproportions dans la représentation des sites entre les phases ancienne et récente du Solutréen. Le second renvoie au rôle des fossilesdirecteurs solutréens dans la construction et l’interprétation de cette entité culturelle.

I.1. Des carences documentaires I.1.1. De la disproportion des données entre les phases anciennes et récentes : réalité archéologique ou carences documentaires ? Le premier problème auquel se confronte toute tentative d’interprétation diachronique du Solutréen tient à la forte disproportion des phases typo-chronologiques distinguées. En règle générale, évoquer le Solutréen revient principalement à désigner des ensembles du Solutréen récent à pointes à cran et feuilles de laurier, à la fois mieux représentés quantitativement et plus largement distribués dans l’espace. En France, on recense plus de 100 ensembles solutréens dont moins d’une dizaine seulement sont attribués à ses premières expressions. En outre, parmi ces gisements, beaucoup correspondent à des découvertes anciennes, fouillées selon des techniques ne réunissant pas toutes les garanties pour être assuré de leur intégrité. En définitive, la documentation des phases anciennes du Solutréen dans le SudOuest français ne repose que sur de rares gisements périgourdins, Laugerie-Haute, l’abri Casserole, le Ruth et Badegoule, auxquels il convient d’ajouter les témoignages des Peyrugues dans le Lot et d’Azkonzilo dans les Pyrénées Atlantiques, qui présentent tous deux l’avantage d’avoir fait l’objet de fouilles récentes. En dehors de notre région d’étude, seuls quatre sites de la basse vallée du Rhône et la grotte du Trilobite à Arcy-sur-Cure peuvent intégrer la mouvance des stades initiaux du Solutréen. À cela, s’ajoutent une découverte récente qui, si elle ne présente pas les mêmes gages stratigraphiques que les grandes séquences précédemment évoquées, permet de réunir une documentation technologique de qualité. Il s’agit de la station de surface de La Celle-Saint-Cyr (Yonne) où des pointes à face plane typiques ont pu être corrélées avec un

schéma opératoire de production encore méconnus dans le contexte du Paléolithique supérieur d’Europe occidentale (Renard, 2002). Enfin, le site de Marseillon (Landes), découvert en 2006 à l’occasion de prospections thématiques (Teyssandier et al., 2006) et fouillé en 2007 et 2008 livre une industrie à pointes de Vale Comprido (Teyssandier (dir.), 2007). En définitive, il existe bel et bien une réelle carence documentaire des phases du Solutréen antérieures à l’avènement des pointes à cran. Il demeure plausible que cette lacune soit (pour partie ?) le reflet d’une réalité archéologique et, comme le proposait P. Smith, que le Solutréen récent corresponde à une phase d’expansion démographique et incidemment à une extension territoriale bien marquée (Smith, 1966, 1973). Cependant, et même si les propositions de ce dernier étaient confirmées, il apparaît clairement que les premières expressions du Solutréen sont, en France, largement méconnues (voir p.e. Zilhão et Aubry, 1995 ; Zilhão et al., 1999). I.1.2. Un contexte chronologique 14C encore mal affirmé Autre problème intrinsèquement lié au premier, celui du contexte chronologique de la séquence solutréenne française. Le déficit en gisements recelant en stratigraphie des industries solutréennes clairement antérieures à la phase « classique » à pointes à cran et feuilles de laurier pose le problème de la datation de ces horizons. Sur l’ensemble des sites déjà mentionnés dans le cadre d’une attribution à une phase initiale ou ancienne de ce techno-complexe, seuls LaugerieHaute et les Peyrugues ont fait l’objet de datations 14C dont les résultats sont par ailleurs convaincants. Ceci est encore loin d’être suffisant pour parvenir à poser clairement les limites de la chronologie du Solutréen. Les dépôts solutréens les plus anciens qui soient correctement datés correspondent en effet à un Solutréen ancien classique (sensu Smith, 1966) à pointes à face plane. On sait désormais que, précédemment, des ensembles dits à pointes de Vale Comprido pouvant inclure également des pointes à face plane - existent en position stratigraphique sousjacente. C’est là l’un des résultats importants portés à la connaissance des préhistoriens français suite aux études entreprises sur les séquences portugaises (voir p.e. Zilhão, 1990, 1991, 1994, 1997, sous-presse ; Zilhão et Aubry, 1995 ; Marks et Almeida F., 1996 ; Zilhão et al., 1999 ; Almeida F., 2006). Depuis, de tels ensembles ont été détectés tant à Laugerie-Haute qu’à l’abri Casserole et nous verrons au fil de ce travail qu’ils

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Première partie - Les cadres, les méthodes et les enjeux -

pourraient être encore plus nombreux. Hélas, pour l’heure, ils demeurent non datés et leur chronologie ne peut être estimée qu’au regard des datations connues pour les niveaux archéologiques les encadrant sur un plan stratigraphique. Si le Solutréen récent n’engendre pas des problèmes de même nature, tant les sites rapportés à cette phase sont nettement plus nombreux, sa chronologie demeure encore loin d’être totalement assise. De bons arguments ont pu être réunis pour le positionner aux alentours de 19,500 BP, en fonction de la récurrence des dates obtenues sur quelques séquences de référence seulement (Roque et al., 2001). I.1.3. De la validité du schéma évolutif du Solutréen français

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Des deux points évoqués précédemment résulte un troisième problème structurant pour les études entreprises sur le Solutréen. Nous voulons ici mentionner la question de sa structuration évolutive. Suite à la subdivision tripartite proposée dès la fin du XIXe siècle, P. Smith ajoute un stade initial (Proto-Solutréen) et terminal (Solutréen final) à partir des données de Laugerie qui posent des problèmes liés à la validité des fouilles anciennes qui y ont été pratiquées et à la représentativité des industries contenues dans chacun des niveaux solutréens distingués existent. Ainsi, le Solutréen moyen est défini par P. Smith par sa position stratigraphique intermédiaire entre le Solutréen inférieur et supérieur et par son contenu archéologique marqué par l’apparition des feuilles de laurier et l’absence des pointes à cran. Or, un point reconnu par tous les auteurs (Sonneville-Bordes, 1960 ; Smith, 1966 ; Demars, 1995 a et b ; Bosselin et Djindjian, 1997) est la rareté générale des pointes à cran dans toutes les strates de ce gisement. Ainsi, même le Solutréen supérieur (sensu P. Smith) de Laugerie-Haute Est et Ouest ne présente que des proportions infimes de pointes à cran : ces dernières sont absentes du Solutréen supérieur des couches 7, 6 et 5 à l’Ouest (Smith, 1966, p. 403) et n’apparaissent qu’à l’unité dans les couches 2 et 1 attribuées à un Solutréen final (Smith, ibid., p. 404). Il en va de même à l’Est où l’effectif des pointes à cran dans les niveaux attribués au Solutréen supérieur demeure dérisoire. Dès lors, et si l’on suit le raisonnement de P. Smith, la validité de sa phase moyenne à Laugerie-Haute peut d’ores et déjà être discutée. Comment distinguer un Solutréen moyen à feuilles de laurier et sans pointes à cran d’un Solutréen supérieur à feuilles de laurier et pointes

à cran alors même que plusieurs des ensembles attribués à la phase supérieure sont totalement dépourvus de pointes à cran ? Rappelons en outre que les outils du « fonds commun » ne semblent ici d’aucune aide puisqu’ils ne semblent pas connaître d’évolutions marquées entre le Solutréen moyen et supérieur, comme l’indique l’observation des graphiques cumulatifs proposés par P. Smith dans son ouvrage. Le développement de cet exemple sur la validité du Solutréen moyen ne fait ici qu’illustrer la complexité et les biais d’un modèle d’évolution qui se baserait uniquement sur l’apparition des fossiles-directeurs solutréens. Nous voulons nous prémunir de tels biais et, par conséquent, avons tenté une approche plus globale des comportements solutréens à travers des approches typologiques et technologiques ou technoéconomiques des industries lithiques dont nous préciserons plus loin les objectifs et les méthodes qu’elles ont poursuivis.

I.2. La particularité des fossiles-directeurs et la question de leur charge culturelle Le fait qu’un techno-complexe soit défini en fonction de types qui lui sont spécifiques ne constitue pas une anomalie dans le contexte du Paléolithique supérieur. Le cas est similaire pour l’ensemble des autres entités chrono-culturelles à l’image, par exemple, des pointes de Châtelperron, des lamelles Dufour qu’elles soient de sous-type Dufour ou Roc-de-Combe, des pointes de la Gravette, des burins de Noailles ou du Raysse, des raclettes, des burins bec de perroquet ou des pointes aziliennes. C’est là l’essence même des classifications et des typologies que de pouvoir reconnaître des formes à la fois récurrentes et distinctives, assurant l’individualisation de technocomplexes ou de cultures se succédant dans le temps. Au Solutréen, la particularité ne tient donc pas à la reconnaissance de fossiles-directeurs successifs mais, davantage, à l’unité stylistique les unissant. C’est l’application d’un mode de retouche particulier, plate, couvrante et souvent bifaciale qui trace une filiation « typogénétique » entre les outillages solutréens. L’unité du Solutréen repose donc en grande partie sur la charge culturelle conférée à ses outils diagnostiques et aux caractères particuliers des retouches les aménageant. Notre position se veut, en préalable à l’analyse des séries examinées au cours de notre enquête, davantage pragmatique et empirique. En effet, le poids accordé aux types spécifiques du Solutréen a, peu à peu, contribué à

Chapitre 3 - Objectifs et méthodes de l’étude -

figer les études sur le Solutréen et, en définitive, empêché de percevoir les dynamiques évolutives pouvant traverser son évolution. L’analyse formelle des outillages lithiques ne peut suffire à rendre compte des trajectoires évolutives présidant à leur développement. Les contreexemples seraient trop nombreux et les cas de convergences techniques ont, par le passé, souvent entraîné les recherches sur le Paléolithique supérieur dans des impasses interprétatives dont il devenait alors difficile de se défaire. En résumé, les fossiles-directeurs solutréens doivent bien évidemment conserver une place centrale dans les travaux menés sur le Solutréen, tant par leur importance numérique que par l’intention centrale qu’ils constituent pour les tailleurs solutréens. En revanche, les discussions conduites autour de leur statut dans l’évolution diachronique des industries solutréennes ne peut se soustraire d’une évaluation fine des contextes et des modes de production gouvernant leur réalisation. Si, comme le présume P. Smith, les uns naquirent de l’évolution des autres alors, on peut postuler que des traits technologiques, des modalités de production particulières ont également dû suivre des évolutions parallèles et traverser le monde solutréen. En d’autres termes, l’unité du Solutréen ne peut être entendue uniquement selon l’évolution de la morphologie de ses outils les plus diagnostiques. Il convient de replacer ces objets dans leur contexte de production et de voir comment les équipements lithiques du Solutréen se sont transformés, tout en cherchant à décrypter les mécanismes et les causes de ces évolutions.

II. Problématique et questions posées par l’étude Ce mémoire porte sur une compréhension diachronique du Solutréen au sein d’un cadre géographique couvrant globalement la France du sud-ouest, même si de rares incartades pourront être effectuées lorsqu’il s’agira d’apporter des réponses à des questions spécifiques. Pour ce faire, l’accent sera porté sur l’unité et la variabilité des productions solutréennes tout au long de leur évolution et, en particulier, au cours des phases anciennes de son développement. A cet égard, nos travaux se situent dans un courant de recherche particulièrement dynamique ces dernières années, qui vise à tester la valeur des découpages chronoculturels hérités des pionniers (voir p.e. Valentin, 1995, 2007 ; Bon, 2002a ; Bordes, 2002 ; Klaric,

2003 ; Langlais, 2007 ; Teyssandier, 2007). Il ne s’agit pas là de remettre en cause ces cadres fondateurs, mais plutôt de les soumettre à une analyse critique, de les tester et surtout de les restituer selon une interprétation dynamique, rendant compte plus globalement de l’évolution socio-culturelle des sociétés humaines. Il apparaît à présent que le strict « découpage » du Paléolithique supérieur en une succession d’épisodes, perçus comme des entités culturelles indépendantes, doit être dépassé pour parvenir à mieux cerner les traditions humaines et les dynamiques évolutives à l’œuvre dans cette longue histoire de l’Homme anatomiquement moderne. Cette ambition n’est pas simple car elle se heurte à l’un des paradigmes les plus puissants en préhistoire, celui qui interprète chaque technocomplexe comme une culture à part entière. Cette vision met donc l’accent sur la stabilité et l’unité de découpages typo-stratigraphiques identifiés il y a plus d’un siècle maintenant. Elle contribue par ailleurs à une incompréhension des formes de passage d’une étape à une autre. Enfin, elle identifie des cultures à partir de fragments très parcellaires de la culture matérielle des hommes de la préhistoire, en particulier leurs outillages lithiques et osseux. Partant de ce constat, nos recherches essaient de revisiter le Solutréen et son évolution à partir de fondements méthodologiques différents de ceux qui lui ont été le plus largement appliqués. Ce type d’étude est particulièrement pertinent pour le Solutréen français puisque aucune synthèse diachronique n’a été tentée depuis la magistrale étude de P. Smith publiée il y a désormais 40 ans. Depuis une trentaine d’années environ, une autre dimension de l’étude des outillages de pierre taillée, tournée vers la restitution de leurs modes de fabrication, s’est imposée en préhistoire. Elle a été appliquée avec succès à plusieurs contextes particuliers du Solutréen tant ses outillages se prêtaient, nous en reparlerons, à développer des champs méthodologiques nouveaux. Toutefois, s’agissant du contexte français 11 , force est de constater que notre perception du Solutréen se cantonne, pour l’essentiel, aux outillages particuliers ou des contextes chronologiques relevant spécifiquement du Solutréen récent à feuilles de laurier et pointe à cran. L’enquête conduite dans le cadre de ce travail cherche à restituer les premières expressions du Solutréen dans leur dynamique paléo-historique (Valentin, 1995, 2007) mais aussi paléo-

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Première partie - Les cadres, les méthodes et les enjeux -

sociologique (Pelegrin, 1995). Une étude approfondie de sites s’étalant tout au long de la chronologie de ce faciès culturel doit aboutir à une image plus cohérente des évènements ayant conduit à sa formation, son apogée puis son déclin. Plusieurs grandes questions orienteront ce mémoire : ™ le Solutréen est-il une culture unitaire ? Quels éléments autorisent à regrouper les différentes étapes de son évolution en un techno-complexe à part entière ? Peut-on déceler, sur un plan diachronique, des éléments stables établissant une filiation phylogénétique de cette entité ? ™ au contraire, ne doit-on pas mettre davantage l’accent sur la variabilité technique et économique des comportements solutréens ? Et ce, en fonction de variables telles que la localisation géographique des sites, leur position chronologique, leur fonction, leur éloignement ou non de certaines sources de matières premières…

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™ enfin, à partir des résultats obtenus, peuton repenser la formation et l’évolution du Solutréen sous un jour nouveau ? Et non plus seulement selon les paradigmes dominants opposant terme à terme une formation locale à des influences exogènes sous la forme de migrations humaines.

Précisons d’ores et déjà qu’il importera ici de considérer également les données climatiques puisque l’on sait que le Solutréen prend place sous le climat particulièrement rigoureux et difficile du Dernier Maximum Glaciaire (Kageyama et al., 2006). Ce techno-complexe est donc contemporain des moments les plus froids du dernier Pléniglaciaire et les contraintes engendrées par ce contexte climatique ont nécessairement dû peser sur l’organisation des groupes. Cette variable devra donc être prise en compte au moment de réfléchir sur l’évolution des formes d’organisation des groupes solutréens.

III. Les méthodes de l’étude Cette étude se situe dans la lignée du courant des études technologiques développées depuis plus de trente ans maintenant et dont les grandes lignes ont été mises en place autour des cadres de pensée développés par A. Leroi-Gourhan et J. Tixier. La place n’est pas ici de retranscrire en détail la position de ces auteurs ou de relater les différentes étapes qui constituent les fondements actuels de l’étude technologique des industries lithiques.

Outre les recherches conduites par les deux « pères-fondateurs » de ces cheminements d’analyse (voir p.e. Leroi-Gourhan, 1973 ; Tixier, 1978), nous préférons renvoyer ici aux nombreuses publications explicitant les concepts et outils d’analyse appliqués dans ce travail (voir p.e. Geneste, 1985, 1991 ; Perlès, 1987, 1991, 1992 ; Pigeot, 1987, 1991 ; Boëda, 1994, 1997 ; Pelegrin, 1995 ; Valentin, 1995, 2007). Il nous semble en revanche important d’expliciter les différentes options méthodologiques adaptées, au cas par cas, aux différents ensembles considérés tout comme il nous paraît important de préciser le contenu de certains concepts qui ont présidé à nos réflexions sur les industries lithiques du Solutréen.

III.1. L’évaluation critique des ensembles étudiés L’un des acquis des études sur le Paléolithique supérieur au cours des dernières décennies renvoie à l’évaluation critique des ensembles archéologiques. Dans une conjoncture générale au sein de laquelle les géologues questionnent chaque jour davantage la validité des séquences paléolithiques et soulignent l’importance des processus post-dépositionnels dans leur constitution (voir par exemple Texier, 2000), il convient de pondérer toute interprétation à l’aune des biais potentiels qui ont pu altérer la bonne intégrité des dépôts que nous étudions. III.1.1. Raccords et remontages Le contenu archéologique des remplissages étudiés peut se prêter à de telles évaluations et les industries lithiques constituent, de manière complémentaire aux études géologiques et micromorphologiques, de bons moyens de mettre en évidence des mélanges inter-couches et donc de discuter de l’intégrité et du degré de préservation des stratigraphies étudiées. Ce type d’étude, à travers la recherche de raccords et remontages d’intérêt stratigraphique, a été explicité par des chercheurs anglo-saxons dès la fin des années 1970 (voir p.e. Wood et Johnson, 1978) et rapidement appliqué à une séquence paléolithique européenne de toute première importance, en l’occurrence celle de Terra Amata (Villa, 1983). Ces approches ont aussi été appliquées avec succès à plusieurs contextes du Paléolithique supérieur ancien (Hahn, 1988) puis développées et précisées par J.-G. Bordes (2000, 2002). Parmi les gisements intégrés à notre étude, l’un d’entre eux nécessiterait tout particulièrement le

Chapitre 3 - Objectifs et méthodes de l’étude -

développement d’une telle approche. Il s’agit du site de référence pour l’établissement de la séquence solutréenne, à savoir les abris de Laugerie-Haute Est et Ouest. Ces puissantes stratigraphies, au sein desquelles plusieurs dizaines de couches ont été distinguées, nécessitent une telle évaluation tant des doutes peuvent être posés sur la légitimité de distinguer certaines phases au sein de la séquence solutréenne. C’est particulièrement le cas pour le Solutréen moyen et final (sensu Smith) et cela semble tout aussi essentiel pour les questions centrées autour de l’interprétation du fameux Aurignacien V. Dans le cadre de ce travail, cette approche n’a pourtant pu aboutir tant la quantité de matériel à traiter était inadaptée à un travail solitaire. En outre, nous avons été également freinée par les exigences ayant trait aux travaux et à l’ouverture du nouveau Musée National de Préhistoire des Eyzies-deTayac, qui rendaient fort délicate la possibilité de disposer de la place et des infrastructures nécessaires pour permettre une telle étude ; de nombreuses pièces de Laugerie-Haute étant en effet réservées pour l’élaboration des nouvelles vitrines de l’exposition. Un projet centré autour de la réévaluation des séquences de Laugerie-Haute nous semble opportun et nous espérons bien qu’il pourra voir le jour, à l’avenir, sous la coordination du Musée National de Préhistoire et des chercheurs concernés (géologie, archéozoologie..). En ce qui concerne les industries lithiques, nous l’avons entamé en mettant en place une collaboration avec P. Guillermin (doctorante à l’université de Toulouse Le Mirail), qui travaille sur les derniers épisodes du Gravettien. L’objectif est de réunir des éléments de comparaison afin d’interroger plus finement le statut des industries dites Aurignacien V. Pour les autres sites concernés par notre travail, seuls ceux des Peyrugues et plus encore du Cuzoul ont fait l’objet d’une recherche systématique de raccords et de remontages, au sein et entre les couches solutréennes distinguées à la fouille. Aux Peyrugues, aucun élément probant n’a pu être réuni, hormis des remontages prenant place entre les différents « habitats » distingués par M. Allard au sein de la couche 12a. C’est d’ailleurs à ce dernier que nous devons la réalisation de nombreux remontages dont le plus emblématique correspond aux séquences d’aménagement et de ravivage d’une pointe à face plane (Allard, 1993). Au Cuzoul, des conditions de conservations exceptionnelles favorisées par une sédimentation rapide et alluviale des occupations a autorisé la

réalisation de nombreux remontages, permettant de préciser la nature des chaînes de production et le statut fonctionnel du gisement. Sur les autres sites étudiés, une recherche systématiques des raccords et remontages n’a pas été possible. À Azkonzilo, c’est la nature même des occupations humaines qui rend la réalisation de remontages extrêmement difficile 12 . Les phases de production lithique sont peu représentées, les supports très largement transformés et le matériel globalement très fracturé. D’autres sites inclus dans ce travail ont été étudiés sous la forme de diagnostics orientés par des questions précises, issues de l’analyse de nos sites de référence (Badegoule, Pech de la Boissière). Les remontages n’y ont donc pas été entrepris. Enfin, le site de Marseillon inclus dans note corpus à la fin de l’avancement de cette thèse devrait à l’avenir faire l’objet d’une recherche systématique des raccords et remontages puisque certains ont déjà pu être réalisés sur le terrain. Toutefois, nos résultats préliminaires vont dans le sens de l’unicité chrono-culturelle des occupations sur ce site et les remontages, outre leur intérêt pour préciser les modalités de mise en place des dépôts archéologiques, devraient essentiellement livrer des informations d’ordre technologique et technoéconomique. III.1.2. De l’intérêt des études typo-technologiques pour discuter de l’homogénéité des séries lithiques Dans les situations les plus favorables, l’étude typo-technologique doit être couplée à la recherche des raccords et remontages au sein et entre les niveaux archéologiques reconnus afin de pouvoir tester au mieux la pertinence du découpage archéostratigraphique et sa signification. Nous venons toutefois de préciser qu’il n’est pas toujours envisageable de mettre en place ces approches croisées et, dans certains cas, seuls les résultats de l’analyse typo-technologique seront disponibles pour discuter des questions d’homogénéité des industries lithiques étudiées. Dans ces cas, l’approche typo-technologique des industries lithiques peut se révéler d’une aide précieuse pour tenter de mettre en avant des mélanges entre différents niveaux archéologiques ou des discordances dans la cohérence des ensembles lithiques. En revanche, les résultats obtenus n’auront pas la valeur, ni la même pertinence que lorsqu’ils sont couplés aux raccords et remontages d’intérêt stratigraphique.

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Première partie - Les cadres, les méthodes et les enjeux -

En résumé, quelles que soient les approches mises en place sur les différentes séries lithiques envisagées dans le cadre de ce travail, leur présentation sera systématiquement précédée d’une réflexion sur leur valeur et leur homogénéité.

III.2. Caractérisation typo-technologique des ensembles lithiques Cette caractérisation typo-technologique constitue l’étape documentaire et, en quelque sorte, le cœur des recherches que nous avons entrepris sur des ensembles lithiques du Solutréen dans un grand quart sud-ouest de la France. Nous ne reviendrons pas ici sur une méthodologie détaillée tant les concepts et outils d’analyse appliqués sont classiques et ont été explicités à de nombreuses reprises (voir par exemple Tixier, 1978 ; Geneste, 1985, 1991 ; Perlès, 1987, 1991 ; Pigeot, 1987, 1991 ; Boëda, 1994, 1997 ; Pelegrin, 1995 ; Valentin, 1995, 2007).

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À la suite de ces travaux est ressortie la charge culturelle véhiculée par la mise en œuvre de telles ou telles chaînes opératoires (voir p.e. Pelegrin, 1995, p. 36-38). Il va de soi que la mise en évidence de choix culturels à partir de l’étude des chaînes opératoires n’a pas la même signification, ni le même poids selon le contexte chronologique envisagé (voir p.e. Valentin, 2007, p. 51-64). Pour le Paléolithique supérieur, la situation n’est pas idyllique mais elle demeure bien différente de celle que connaissent les périodes plus reculées du Paléolithique ancien et moyen, jonglant avec des espaces géographiques et des maillages chronologiques immenses. Cet état de fait peut être à la fois imputé à des raisons qui sont extrinsèques et intrinsèques au travail des matières minérales. Ceci est lié à la fois à une meilleure résolution chronologique, à une plus grande et tout du moins plus apparente territorialisation des « cultures » paléolithiques mais aussi à des choix techniques qui se cristallisent autour d’objectifs qui, au fil de l’avancée des recherches, deviennent sinon palpables, du moins « matérialisables » sous forme conceptuelle. C’est ainsi que l’un des fils évolutifs des industries du Paléolithique supérieur se trame très vraisemblablement derrière les transformations connues par le domaine des armes de chasse. Enfin, n’oublions pas de citer la puissance et la valeur hautement culturelle que nous apportent les enquêtes conduites sur d’autres matériaux, qu’ils s’agissent des productions techniques ou symboliques en matières dures animales, de l’art gravé ou peint ou encore des comportements humains, en particulier les

stratégies de chasse, retranscrites à partir des études archéozoologiques. Ces quelques généralités énoncées, l’analyse des ensembles lithiques considérés aura pour objet de « percevoir et évaluer les connaissances, les concepts et les préférences manifestées dans les différentes étapes de la fabrication des témoins lithiques étudiés » (Pelegrin, 1995, p. 39). Très classiquement, cela passera par l’appréhension : ™ des matières siliceuses exploitées et de leur état d’introduction, ™

de leur éventuelle gestion différenciée,

™ des méthodes de taille (sensu Tixier, 1978) mises en œuvre pour les transformer en relation avec les intentions qui les président ™ des techniques de débitage animant la réalisation de ces méthodes ™ et d’une analyse de la gestion des supports produits afin d’estimer de possibles choix dans leur économie (sensu Perlès, 1991)

Selon la nature des séries étudiées, ces différents points ont pu être plus ou moins précisément retranscrits. Au Cuzoul par exemple, la nature des occupations humaines et leur mode d’enfouissement et de préservation ont permis une enquête détaillée, dans certains cas blocs par blocs, des comportements solutréens. L’approche est très différente à Azkonzilo ou Laugerie-Haute par exemple, où l’information technologique est soit plus parcellaire, soit plus dilatée au sein d’ensembles archéologiques de type palimpsestes complexes. Enfin, certains objets emblématiques ont fait l’objet d’une enquête « individuelle » requérant une méthodologie propre parce qu’il nous semblait contenir des informations essentielles dans le cadre des questions que nous posions au Solutréen. Tel fût le cas, pour les phases anciennes du Solutréen par exemple, des pointes à face plane et de Vale Comprido.

III.3. Réflexions techno-économiques Nul ne l’ignore, le concept de chaîne opératoire, pour efficace qu’il soit, ne constitue pas une fin en soi, mais bel et bien un outil d’analyse. L’enjeu n’étant pas simplement de décrire les productions en présence mais bien de leur donner un sens, dans un contexte chrono-géographique propre. À cet égard, les approches techno-économiques ont

Chapitre 3 - Objectifs et méthodes de l’étude -

largement démontré leur efficacité lorsque l’objectif qui leur est assigné vise à esquisser une réflexion sur les comportements humains et les territoires, en définissant les modalités d’acquisition, de transformation et de traitement des ressources au sein d’un espace géographique défini. III.3.1. Les matières premières siliceuses : détermination et niveaux d’interprétation La notion d’interdisciplinarité et la complexité de nos objets d’étude conduisent le plus souvent à travailler collectivement. Dans le cadre présent, s’il est un domaine qui a bénéficié des fruits d’un travail collectif, c’est bien celui de l’origine des matières premières. Les collaborations ont été nombreuses et nous les préciserons aux moments opportuns 13 . Différents niveaux d’interprétation découlent ensuite des informations obtenues : ™ le premier renseigne sur l’origine pétrographique et géographique des matériaux exploités pour chaque série considérée ; le second sur l’étendue des territoires parcourus ou partagés par les groupes solutréens en question ; ™ un troisième niveau d’inférence nous permet de confronter les types de matières travaillées avec une éventuelle gestion différenciée ™

in fine, ces données pourront, au même titre que la documentation typotechnologique, être utilisées comme outil de comparaison diachronique de différents contextes solutréens. Observe-t-on des règles de gestion identiques au Solutréen ancien et récent ? Les mêmes sources siliceuses sontelles privilégiées ? …

™

III.3.2. Un concept dialectique : chasse versus domestique ou outils d’acquisition versus outils de transformation Pour le Paléolithique supérieur, nous avons fréquemment recours à une opposition, explicite ou non, mettant en scène d’une part les armes de chasse et de l’autre l’outillage qualifié de « domestique » ou encore du « fonds commun ». Cette distinction a, en particulier, été très tôt utilisée en ce qui concernent les outillages en matières dures animales et elle a eu pour conséquence de ne porter l’intérêt des recherches que sur une catégorie fonctionnelle des vestiges : celle des sagaies. En revanche, le cheminement

des études ne fut pas le même pour les industries lithiques où les outils dits du « fonds commun » ont davantage attiré l’attention, notamment celle des typologues qui isolèrent ainsi la civilisation des grattoirs (l’Aurignacien) et celle des burins, le Gravettien (Tartar et al., 2006). Ce n’est que plus récemment que les armes de chasse lithiques du Paléolithique supérieur ont fait l’objet d’un regain d’intérêt. Ce fut d’abord le cas pour poser les critères diagnostiques de leur reconnaissance en distinguant des fractures diagnostiques d’un usage en projectile (Fischer et al., 1984). Dans le contexte du Paléolithique supérieur, c’est le Solutréen qui servit en quelque sorte de laboratoire de réflexion, à travers les travaux pionniers entrepris sur les pointes à cran de plusieurs sites aquitains (Geneste et Plisson, 1986 ; Plisson et Geneste, 1989). Par la suite, d’autres études, de nature identique, ont été mises en œuvre pour d’autres contextes chrono-culturels et sur des catégories d’objets différentes (voir p.e. O’Farrell, 1996, 2004 et Soriano, 1998 en contexte Gravettien). Ces dernières années, l’essor des recherches sur les productions lamellaires du Paléolithique supérieur a conditionné l’importance accrue accordée à la question des armes de chasse (voir p.e. Le BrunRicalens, éd. 2005). Plus encore, ce sont, elles aussi, qui ont orienté les réflexions autour de l’opposition chasse versus domestique. Sans vouloir caricaturer ces débats, il nous semble toutefois que cette opposition « binaire », sans devoir être acceptée en l’état ou représenter une quelconque réalité archéologique, constitue un outil efficace par la dialectique qu’elle permet d’instaurer entre plusieurs catégories de vestiges. Outre la complémentarité fonctionnelle des équipements produits, c’est autour de la complémentarité, des relations et des modes de gestion des différents schémas opératoires mis en œuvre que se dessinent les réflexions. Quels sont les objectifs visés par les différents schémas opératoires reconnus ? Comment s’agencent ces besoins ? Quelle est l’indépendance ou la complémentarité des débitages de lames et de lamelles ? Sont-ils intégrés au sein d’une même chaîne opératoire ou nécessitent-ils le recours à la mise en oeuvre de chaînes opératoires indépendantes ? Comment s’imbriquent alors les différentes productions reconnues et font-elles l’objet d’une gestion économique équivalente ou différenciée ? Cette opposition, souvent posée de manière implicite, chasse versus domestique, lorsqu’elle est utilisée comme un outil de réflexion dialectique,

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Première partie - Les cadres, les méthodes et les enjeux -

peut s’avérer riche d’enseignement sur les modes d’organisation et de gestion des équipements lithiques, à condition de garder à l’esprit l’aspect arbitraire de telles classifications. En effet, si la définition des activités cynégétiques et des outillages associés peut en général être précisée, on ne peut nier le flou entourant la définition des activités dites « domestiques ». De nombreuses activités qui n’intègrent pas le domaine de la chasse, ne sont pas, pour autant, propres à la « vie domestique », entendue ici comme la somme des activités réalisées à l’intérieur même du campement. Il existe de la sorte un décalage net entre le niveau de définition et la portée des deux termes discutés, chasse vs. domestique (Renard et Geneste, 2006).

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Par ailleurs, et toujours dans le contexte des travaux sur le Paléolithique supérieur, d’autres notions significatives viennent naturellement se greffer à cette opposition. Ainsi, en général, recouvre-t-elle celle mettant en balance les notions de « simple » et de « complexe » et, in fine, débouche sur la question de l’investissement technique, qui constitue un pivot des analyses technologiques et des interprétations qui en découlent. III.3.3. La notion d’investissement technique : un concept heuristique pour interpréter les productions solutréennes Comme nous venons de l’évoquer et toujours de manière implicite, l’utilisation des notions d’outillages « simples » et « complexes » recouvre généralement l’opposition établie entre outillage « domestique » et armement de chasse. En ce sens, les activités cynégétiques impliqueraient une plus grande complexité des productions tandis que l’outillage « domestique », alors défini par défaut mais traduisant en fait un registre d’activités variées, ferait intervenir des productions plus élémentaires (Renard et Geneste, 2006). Il ne fait pas de doute que de telles positions demeurent totalement implicites, subjectives, non démontrées et construites autour de véritables a priori. Elles constituent en revanche un terreau pour des réflexions à venir et c’est en ce sens que nous avons choisi d’évoquer l’utilisation de ces notions chasse vs. domestique et simple vs. complexe par la dialectique qu’elles permettent d’instaurer et les réflexions qu’elles suscitent (voir Astruc et al. (éds.), 2006). Nous avons déjà signalé l’important décalage subsistant entre le niveau de définition et la portée

des deux termes de l’opposition discutée. Par ailleurs, les notions de « simple » de « complexe » qui lui sont fréquemment accolées, suggèrent davantage une relation d’opposition que de complémentarité. Or, si l’objectif vise à caractériser le statut de chaque production au sein du système technique des groupes afin de juger de l’investissement différencié dont elles pourraient faire l’objet, il convient de pouvoir les comparer les unes au regard des autres sans les enfermer dans une relation d’opposition. Nous avons ainsi pris le parti de substituer la notion d’investissement technique et économique à celle de « simple » et de « complexe » puisqu’elle offre un cadre analytique sans doute plus approprié et plus souple. Plus approprié parce que l’ensemble des productions peut être pris en considération, mais également plus souple puisque des nuances peuvent être perçues au fil mêmes des chaînes opératoires. Ainsi, l’investissement peut, par exemple, être de nature différente selon les phases de la chaîne opératoire (sélection des matières premières, mise en forme des blocs, degré de prédétermination des supports, confection des outils…). C’est ainsi qu’il sera éventuellement possible de traduire les faits archéologiques en termes de contraintes et de réponses, et donc d’approcher au mieux des tendances liées à des choix d’ordre culturel (voir par exemple Perlès, 1992). Or, c’est bien là l’objectif prioritaire de ce travail que de pouvoir extraire ce qui, véritablement, relève de choix culturels propres au Solutréen. Bien évidemment, si des différences significatives devaient apparaître en termes d’une plus ou moins grande complexité de production et de gestion des outillages lithiques solutréens, il serait alors nécessaire de réfléchir aux raisons ayant conduit ces sociétés paléolithiques à investir davantage certaines catégories techno-fonctionnelles.

Quelles peuvent en être les raisons ? À quel niveau cet investissement différencié se situe-t-il ? Acquisition des matériaux, recherche de matières premières rares et particulières ? Production de supports aux caractères techniques demandant la mise en oeuvre de chaînes opératoires complexes ? Mise en œuvre de méthodes et techniques de confection des outillages plus ou moins élaborées… ?

Chapitre 3 - Objectifs et méthodes de l’étude -

Cette remarque vaut spécifiquement pour la France puisque des travaux à portée diachronique existent au Portugal (Zilhão, 1987, 1995 par exemple) tout comme sur la séquence du Parpallò en Espagne (Tiffagom, 2006). 12 Toutefois, des raccords et remontages ont été tentés par C. Chauchat, l’auteur des fouilles. Les raccords apparaissent nettement plus nombreux que les remontages ce qui, en première analyse, serait imputable à la nature même de l’ensemble lithique dominé par des phases de consommation bien plus que de production. 13 Nous tenons d’ores et déjà à exprimer notre reconnaissance à T. Aubry, P. Chalard, J. Féblot-Augustins, A. Morala, C. Normand, J. Pelegrin, J. Primault, C. Riche et A. Turq qui tous, à un moment ou à un autre, nous ont fait bénéficier de leurs connaissances sur le sujet. 11

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Les premières expressions du Solutréen dans le Sud-Ouest français

Introduction

Introduction

L’origine ? Les origines ? Cette « quête des origines » est incessante ; pour preuve, elle a mobilisé et mobilise encore tant de chercheurs travaillant sur des périodes diverses de notre préhistoire. L’origine de l’Homme, l’origine de l’intelligence humaine et du travail de la pierre, l’origine du phénomène bifacial, de la prédétermination, du Paléolithique supérieur, de l’Homme moderne…. ? Le Solutréen n’échappe pas en cela à cette règle et nous avons vu que de nombreux travaux l’ont considéré sous cet angle. Il s’agissait le plus souvent de trouver l’origine de cet « âge d’or » de la pierre taillée. Perçu de la sorte, telle une curiosité dans le panorama du Paléolithique supérieur, la quête ne pouvait qu’être vaine tant on cherchait l’origine d’un phénomène dont on éludait la réalité archéologique ; celle de ses premiers développements en particulier. Une image d’Épinal construite à partir du Solutréen récent était érigée et c’est sur cette seule base que ses origines étaient recherchées. La variabilité du Solutréen dans sa globalité – autrement dit la variabilité de ses expressions perçues en diachronie - était donc gommée pour n’en retenir que ses traits les plus classiques aux yeux des préhistoriens. En outre, comme le rappelle fort judicieusement B. Valentin (2007, p. 11) au sujet du Tardiglaciaire, période pour laquelle on dispose d’un maillage chronologique nettement plus resserré, il y a difficulté voire impossibilité de saisir les moments de « transition rapide » ; ces moments vraisemblablement si fugaces au cours desquels un système technique et social cohérent va être déstabilisé et se transformer sous le joug de nouvelles inventions et/ou de changements externes. En d’autres termes, rechercher « l’origine » s’il en est de phénomènes humains n’est pas directement envisageable avec l’échelle de résolution que nous offrent les datations radiométriques. Pour le Solutréen, leur incertitude couvre dans le meilleur des cas un millénaire et encore, faut-il ici passer sous silence le très petit nombre de séquences datées et les problèmes qu’elles posent. Les origines du Solutréen ne sont, en l’état des recherches, pas un problème puisqu’elles ne peuvent raisonnablement être saisies. C’est donc sur les premières formes d’expression du Solutréen que nous réfléchirons ici, en insistant d’abord sur ce qui caractérise l’étape jusqu’à présent considérée comme la première forme

classique du Solutréen : le Solutréen ancien (ou inférieur) à pointes à face plane. Des industries qui, à l’échelle du Sud-Ouest français, sont encore totalement mé- voire inconnues sur un plan technologique. Parmi les ensembles intégrés, qui tous partagent la pointe à face plane comme « fossile-directeur » solutréen, notre objectif premier sera de mettre en avant les témoins, s’ils existent, d’une unité technique qui viendrait justifier leur intégration à une même phase du Solutréen. Nous avons donc choisi d’entamer notre enquête sur les premières formes d’expression du Solutréen par les industries sur lesquelles la définition du premier Solutréen a été construite. Face à la rareté voire l’absence de données technologiques à l’échelle de la France, il nous paraît important d’en caractériser l’unité et la variabilité, en dépassant le seul constat de la présence avérée de pointes à face plane en leur sein. Parmi les sites clairement apparentés à un Solutréen ancien classique, nous avons choisi de débuter notre présentation par les résultats acquis sur la couche 6a d’Azkonzilo (Irissary, Pyrénées Atlantiques). Certes, il ne s’agit pas là d’une séquence de référence pour le Solutréen mais le site présente l’intérêt d’avoir fait l’objet de fouilles récentes dans les années 1980-1990 (Chauchat, 1990, 1992, 2007). En outre, et nous y reviendrons, la couche sélectionnée et l’industrie qu’elle renferme se rattachent indubitablement à un Solutréen ancien tel qu’il a été défini en Dordogne. À la suite de cette première étude, nous nous tournerons vers d’autres ensembles afin de souligner ce qui constitue l’essence technologique de ce Solutréen ancien. Cela passera par l’évocation du site de référence de LaugerieHaute où nous avons effectué l’étude de la couche 31 du locus Est ou par celle de Badegoule. Enfin, c’est pour confronter les données obtenues et les mettre en perspective que nous réaliserons notre unique incartade en dehors des frontières du grand quart sud-ouest de la France. Ce sera l’occasion d’évoquer les travaux conduits sur la station de surface de La-Celle-Saint-Cyr (Yonne) où, pour la première fois, nous avons pu retranscrire en détail les grandes lignes d’un schéma opératoire dévolu à la production de pointes à face plane (Renard, 2002). Notre compréhension des premières formes d’expression du Solutréen demeurerait incomplète si nous nous étions bornée à sa forme ancienne classique. En effet, à l’image de ce qui a été souligné ces dernières années pour

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Deuxième partie - Les premières expressions du Solutréen dans le Sud-Ouest français -

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l’Aurignacien, ce ne sont peut-être pas ces industries, classiques du point de vue des études typologiques, qui renferment les premiers éléments d’un changement manifeste dans l’orientation des industries lithiques, d’une « solutréanisation » en quelque sorte. Nous avons déjà mentionné ces industries en position stratigraphique intermédiaire entre la toute fin du Gravettien et le Solutréen, d’abord détectées au Portugal (Zilhão, 1990, 1994, 1997 ; Zilhão et Aubry, 1995 ; Zilhão et al., 1999), puis en France dans les séquences de Laugerie-Haute et de l’abri Casserole (Aubry et al.., 1995). Or, en France, ces industries n’ont jamais été soumises à des analyses typo-technologique détaillées. Leur réévaluation montre qu’elles présentent certains comportements techniques qui nous semblent particulièrement intéressants dans le cadre des comparaisons avec le Solutréen ancien classique. Nous voulons ici parler des industries dites à pointes de Vale Comprido, définies comme Protosolutréen (Zilhão, ibid. ; Zilhão et Aubry, ibid. ; Zilhão et al., ibid.) et au sein desquelles certains auteurs intègrent l’énigmatique « Aurignacien V » français, qui a suscité tant de débats quant à sa place et son statut dans la séquence évolutive du Paléolithique supérieur aquitain (Sonneville-Bordes, 1983). La situation précise de ces industries demeure certes incertaine, mais nous verrons que les éléments réunis permettent de tisser des liens avec les formes d’expression technique et typologique retranscrites dans le Solutréen ancien classique. Ces points documentaires et les interprétations qui en découlent seront abordés, en premier lieu, au travers d’une découverte archéologique récente qui permettra de décrire en détail plusieurs facettes de ces industries. En 2006, dans le cadre d’un programme de prospections thématiques réalisé en Chalosse (Landes), a été découvert une industrie à pointes de Vale Comprido. Des sondages et une première session de fouille mis en œuvre au printemps et à l’été 2007 ont permis de retrouver cette industrie en stratigraphie, offrant l’occasion de tester les hypothèses que nous avions évoqué à partir de l’ensemble découvert en surface (Teyssandier et al., 2006). Dans un second temps, l’industrie de Marseillon sera replacée dans un contexte élargi en faisant référence, notamment, aux séquences de référence portugaises et aux quelques éléments dont nous disposons pour des industries intermédiaires entre la fin du Gravettien et les débuts du Solutréen dans le sud-ouest de la France.

Les premières expressions du Solutréen dans le Sud-Ouest français Chapitre IV Le Solutréen ancien d’Azkonzilo

Chapitre 4 - Le Solutréen ancien d’Azkonzilo -

L’étude conduite sur la séquence d’Azkonzilo se concentre sur la couche 6a, attribuée à un Solutréen ancien à pointes à face plane. Soucieuse de documenter les productions lithiques des phases anciennes du Solutréen, notre choix s’est porté sur cet ensemble fouillé récemment, caractère relativement rare pour ce contexte chrono-culturel. Cette étude s’intègre à un premier essai de compréhension des phases anciennes du Solutréen dans leur ensemble, à l’intérieur duquel nous essaierons notamment de discuter des relations entre le Solutréen ancien classique et des industries dites protosolutréennes à pointes de Vale Comprido. Pour ce faire, il nous fallait disposer d’une première définition technologique du Solutréen ancien avant d’y confronter les résultats obtenus sur le Protosolutréen.

I. Présentation générale du site I.1 Localisation et contexte géologique (d’après Chauchat, 1990, 1992 et 2007) Azkonzilo se situe dans le piémont nord du Pays basque (Fig. 18), sur la commune d’Irissary (Pyrénées Atlantiques), sur les premiers contreforts de la chaîne pyrénéenne occidentale, à environ 170 mètres d’altitude, dans un vallon étroit et encaissé où s’écoule le ruisseau du Laka « avant de se précipiter par un étroit défilé vers la vallée d’Ossès, situé au Sud, où il se jette dans la Nive », affluent de l’Adour (Chauchat, 2007, p. 105). La grotte d’Azkonzilo appartient à un petit ensemble de cavités à la limite est du massif primaire du

Baiguara. « La roche encaissante est constituée de schistes et quartzites de l’Ordovicien, roches sur lesquelles s’appuient les sédiments postérieurs du Flysch du piémont Basque, avec intercalation d’un pointement d’ophite (colline du Gazteluzahar), comme cela arrive souvent dans la région » (Chauchat, 2007, p. 105). La grotte, orientée plein sud, « s’est formée à la faveur d’une faille postérieurement remplie d’un matériau ferrugineux et poreux (…) qui, en se désagrégeant, en a fragilisé les deux faces, provoquant de nombreux effondrements» (Chauchat, 2007, p. 105). Ses dimensions sont estimées à 15 mètres de long pour 2 à 3 mètres de large ; elle se termine par un boyau d’environ 3 mètres de long. Il s’agit donc d’une petite grotte, ce que traduit sa dénomination évoquant, en basque, le trou du blaireau.

I.2 La grotte d’Azkonzilo dans son contexte régional Le site d’Azkonzilo appartient au bassin versant de l’Adour, principal cours d’eau de cette entité du sud de l’Aquitaine. D’un point de vue géographique et topographique, il s’agit d’une zone qui devait occuper une place particulièrement stratégique au Paléolithique supérieur, puisqu’elle constituait alors l’unique secteur de contact et de passage entre la plaine aquitaine et le monde vasco-cantabrique (Normand, 2002 , p. 27). Dans cette région, les affluents de l’Adour, majoritairement issus des Pyrénées et d’orientation nord-sud, forment un réseau d’axes de pénétration entre la vallée et les piémonts au sein desquels la grotte est située.

Figure 18 : carte de localisation du site d’Azkonzilo (Pyrénées Atlantiques)

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Deuxième partie - Les premières expressions du Solutréen dans le Sud-Ouest français -

La basse vallée de l’Adour et de ses affluents représente la partie la plus occidentale du piémont des Pyrénées nord-occidentales, délimitée par l’océan Atlantique au nord-ouest, la plaine landaise au nord et enfin, au sud, par une ligne de sommets qui matérialise actuellement la frontière entre la France et l’Espagne. Comme le souligne C. Normand, il s’agit d’un « (…) secteur de reliefs de plus en plus marqués vers le sud, issus des plissements pyrénéens et donc orientés le plus souvent ouest-est. Leur franchissement ne présente cependant aucune difficulté particulière, leur altitude ne dépassant les 1 000 mètres qu’en bordure sud de la zone pour culminer à 2 017 au Pic d’Orhy » (Normand 2002 , p. 27). L’auteur mentionne également la possibilité de franchir ces reliefs relativement aisément pour accéder au versant sud et, au-delà, à la vallée de l’Ebre par le biais de cols situés entre 200 et 1 573 mètres.

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Dans ces régions des Pyrénées occidentales, et plus largement du Sud-Ouest aquitain, le Solutréen est essentiellement connu par des témoignages relatifs à ses phases récentes (Solutréen moyen et supérieur), tant en France qu’en Espagne (Smith, 1966 ; Tiffagom 2006 ; Straus, 2000) ; peu, voire aucun témoin, même fugace, des premières expressions du Solutréen sont connus dans cette zone géographique. À ce titre, Azkonzilo apparaît comme un site singulier et les comparaisons régionales demeurent, en l’état des recherches, impossibles à développer. Le Solutréen récent y est en revanche mieux connu mais pour l’essentiel à partir de fouilles conduites anciennement, comme c’est le cas à Isturitz (Pyrénées occidentales), localisé à une dizaine de kilomètres (Foucher et Normand, 2004). Dans le département voisin des Landes, un Solutréen à feuilles de laurier ou pointes à cran est également documenté depuis longtemps, notamment dans les grottes de Brassempouy ou sur le site de Montaut, célèbre pour la singularité de ses pièces foliacées bifaciales généralement intégrées à une phase moyenne du Solutréen (Lenoir et Merlet, 2007). P. Foucher (Foucher et San-Juan, 2001 ; Foucher, 2004) reconnaît quant à lui une extension chronologique plus large du Solutréen, notamment à l’échelle des Pyrénées centrales. Contrairement à de nombreux auteurs qui plaidaient en faveur du ramassage de quelques pièces isolées et caractéristiques du Solutréen par les Magdaléniens, il individualise de « réels » niveaux dans plusieurs gisements de cette zone ; en particulier à La Brette 2 (Gers) et au Mas d’Azil (Ariège). Il met également en évidence la présence

d’ateliers de taille au pied de la grotte de Roquecourbère (Ariège) et à Coustaret (HautesPyrénées), venant combler selon l’auteur le vide entre le groupe de sites des Pyrénées occidentales et ceux de la zone centrale. De même, il plaide en faveur d’une occupation de cette zone dès le Solutréen ancien, notamment aux Harpons (Haute-Garonne, niveau D), principalement sur la base d’une date 14C de 21 020 ± 130 BP (GRA16156, Lyon-1186) obtenue à partir d’un fragment de côte de cheval. L’attribution au Solutréen ancien qui en résulte demeure cependant problématique. En effet, le matériel du niveau D, constitué lors des fouilles de R. de Saint-Périer dans les années 1920, inclut de rares pointes à face plane associées à une composante majoritaire de pointes foliacées incluant 3 pointes de Montaut. La date obtenue ne permet pas d’y garantir l’existence d’une occupation Solutréen ancien.

I.3 Historique des recherches Explorée en 1980 par un groupe de spéléologues qui remettent à C. Chauchat quelques silex taillés retrouvés en surface, la grotte fera l’objet d’un premier sondage au cours de l’été 1984 puis de fouilles plus étendues de 1986 à 1994. Le remplissage mis au jour à Azkonzilo comprend notamment du Solutréen, qui se caractérise par la présence de nombreux outils caractéristiques, des pointes à face plane, des feuilles de laurier et des pointes à cran. La faune et l’industrie osseuse n’ont pas été conservées du fait de l’acidité du sol (Chauchat, 1990, 1992). Il est également mentionné une composante gravettienne et badegoulienne, sous les traits de quelques raclettes et de pièces de la Bertonne 14. Le premier sondage, réduit à 1 m², a été effectué en 1984 au fond de la grotte, où le bon déroulement des opérations était en partie garanti par l’absence de bloc effondré à cet endroit (Fig. 19). Des fouilles plus étendues (Fig. 19) vont faire suite à ce premier sondage et mettre au jour un ou plusieurs niveaux de Solutréen ancien à pointe à face plane. Or à cette date, la phase ancienne de ce techno-complexe demeurait absente de la région vasco-cantabrique (Chauchat, 1992). D’abord localisées sous le porche (1986-1987) sur une surface de 9 m2, les fouilles seront ensuite menées sur environ 12 m2 à l’intérieur de la grotte (1989-1994). L’effondrement d’un énorme bloc à l’entrée de la cavité a contraint à entamer les premiers travaux légèrement à l’extérieur.

Chapitre 4 - Le Solutréen ancien d’Azkonzilo -

d’en vérifier le contenu (Gravettien). Le substratum n’a jamais été atteint. Ces opérations de fouille ont été conduites selon des méthodes modernes avec prises des coordonnées cartésiennes en trois dimensions. Le sédiment a été prélevé par sous-carrés de 20 cm2 sur 2 cm d’épaisseur. Il a ensuite fait l’objet d’un tamisage et de flottaison permettant de récupérer les charbons et les fragments de silex et d’os de très petites dimensions et de les localiser au moins par sous carrés. La récolte des objets a ainsi été la plus exhaustive et la plus précise possible.

I.4 L’archéo-séquence d’Azkonzilo Du sommet vers la base de la séquence, la stratigraphie peut être résumée comme suit (Fig. 20, Chauchat, 2007) :

Figure 19 : Azkonzilo Plan de la surface fouillée (d’après Chauchat, 2007, modifié)

La fouille montre alors une première couche très meuble, visiblement remaniée sur plus de 50 cm d’épaisseur. Au dessous de celle-ci, se trouve « un dépôt concrétionné par des oxydes de fer, en pente prononcée vers l’extérieur, contenant une industrie tardive à triangle à retouche plate et lamelles à dos, sans céramique cependant » (Chauchat, 2007, p. 106). Quelques objets diagnostiques du Solutréen, en « position dérivée » selon l’auteur, ont été retrouvés dans cet ensemble. Les fouilles à l’intérieur de la cavité débuteront à partir de 1989, lorsque sera dégagé le bloc effondré à l’entrée. Elles auront pour objectif d’explorer la stratigraphie (objectif atteint à l’issue de la campagne de 1991 avec l’identification du Solutréen à pointe à face plane dans la couche 6) mais également d’étendre la fouille de manière à relier le premier sondage aux fouilles menées sous le porche. En 1994, deux sondages seront effectués dans la couche 7 (couche jaunâtre) afin

couche 2 : Cette couche remaniée, pulvérulente et meuble de 20 à 50 cm d’épaisseur, résulte d’une histoire récente mêlant plusieurs phénomènes distincts dans le temps. De nombreux vestiges (céramique, débris de verre, restes d’un collier de jadéite protohistorique, quelques ossements…) témoignent d’époques diverses, depuis le Paléolithique supérieur jusqu’à la période moderne. Des vestiges solutréens sont présents et attribuables aux phases récentes de ce techno-complexe puisqu’il s’agit essentiellement de pointes à cran et de feuilles de laurier ; couche 3 : Cette couche n’existe qu’à l’entrée de la cavité sous la forme d’un placage de couches holocènes. Il s’agit, selon l’auteur des fouilles, d’un reste d’occupation probablement plus étendue et son sédiment provient en partie de couches plus anciennes situées à l’intérieur. L’outillage lithique concentre des pièces diagnostiques du Solutréen et un outillage microlithique (géométriques à retouche plate). La céramique est absente ; couche 4 : Cette couche correspond à une passée de sédiment située au sommet du dépôt en place, en contrebas d’une butte contenant les niveaux supérieurs. Elle peut être interprétée soit comme appartenant à ces niveaux (et donc comme une simple variation horizontale de la densité de charbon) soit comme une lentille particulière déposée dans un creux.

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Deuxième partie - Les premières expressions du Solutréen dans le Sud-Ouest français -

En poursuivant vers la base apparaît la séquence solutréenne subdivisée en 8 niveaux archéologiques qui couvriraient presque toute la durée de ce techno-complexe. D’après les interprétations de C. Chauchat, le Solutréen supérieur marqué par la présence des pointes à cran est contenu dans les niveaux 4a, 4b, 4c et 5b sup ; la phase moyenne à feuille de laurier est présente dans le niveau 5b inf ; enfin, le Solutréen inférieur à pointe à face plane est représenté par les niveaux 6a et 6b.

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Les niveaux 4a, 4b, 4c, 5a et 5b sup. renferment les occupations du Solutréen supérieur. Ils ne sont présents qu’à l’état résiduel, de part et d’autre d’un ravinement axial daté de l’Holocène. Le volume conservé est donc assez faible, expliquant la petite quantité d’outillage exhumé. Le sédiment brun qui compose ces niveaux tend à foncer progressivement du sommet vers la base, conséquence d’une proportion croissante de charbons de bois. L’outillage solutréen est représenté en particulier par des pointes à cran de type cantabrique, à cran court en virgule, sur lesquelles la retouche par pression est attestée. le niveau 5b inf. est attribué au Solutréen moyen à feuille de laurier. Riche en charbons, il présente une composante alluviale assez nette, marquée par la présence de menus graviers arrondis. Il est attribué au Solutréen moyen du fait de la présence de feuilles de laurier, le plus souvent « à base convexe », sans autre objet solutréen diagnostique. Il a été séparé du niveau précédent, 5b sup., qui ne contient que deux pointes à cran, sur la base des diagrammes verticaux de situation

des objets. Or la position exacte de ces deux pointes à cran mériterait, selon l’auteur des fouilles, d’être « reprécisée ». Selon lui, il est possible que ces deux objets appartiennent en réalité au niveau 5a et, dans ce cas, l’ensemble 5b (sup et inf) représenterait un Solutréen moyen, à feuille de laurier. En revanche, si ces deux objets sont bien en place dans le niveau sus-jacent 5b sup. alors « il faut admettre que la transition au Solutréen supérieur est discrète et se produit sans interruption de l’occupation du Solutréen moyen » (Chauchat, 2007, p. 110). L’apparition de la couche 6a est signalée par la présence d’une pellicule d’argile claire (Chauchat, 1992, p. 9) : les niveaux 6a et 6b sont les plus épais (35 cm) et les plus riches de toute la séquence sur un plan archéologique. La couche 6 montre une accentuation du caractère alluvial du sédiment : « fine interstratification de lentilles limoneuses claires millimétriques voire centimétriques et de foyers, avec une proportion plus grande de petits graviers de rivière par rapport au niveau 5b » (Chauchat, 2007, p. 110). « Le sédiment est (…) plus terreux dans l’ensemble. Le charbon et les galets apportés pour les foyers dénotent la forte anthropisation du sédiment » (Chauchat, 1992, p. 9). Les tentatives de subdivision de cette couche ont conduit l’auteur des fouilles à distinguer un niveau principal 6a contenant « pratiquement toute la stratification millimétrique mentionnée » (Chauchat, 2007, p. 110) ; et un niveau 6b, nettement plus meuble, de couleur noire et de texture grasse, plus épais vers le fond et qui s’amincit jusqu’à disparaître vers l’extérieur. Il contient toujours de nombreux petits graviers arrondis. Sous le porche et à l’extérieur, la situation apparaît plus complexe et les niveaux bien plus perturbés.

Figure 20 : coupe semi-schématique de la séquence d’Azkonzilo (d’après Chauchat, 2007, modifié) ; C6b et a : Solutréen ancien ; C5binf : Solutréen moyen à feuilles de laurier ; C5sup à C4b : Solutréen supérieur à feuilles de laurier et pointes à cran

Chapitre 4 - Le Solutréen ancien d’Azkonzilo -

Non seulement les niveaux 6a et 6b n’ont pu être individualisés mais l’interface entre les couches 6 et 7 ne semble plus, elle non plus, pouvoir être établie : « Au centre du porche et pratiquement à l’aplomb de la falaise, la couche 6 devient très épaisse (plus de 50 cm) en raison de la plongée brutale de sa limite inférieure avec la couche 7. Les objets y sont dispersés à l’intérieur et il n’a pas été possible de découvrir de niveaux archéologiques dans cette masse. Il s’agit sans doute d’une phase de ravinement survenue avant le Solutréen ancien et dont témoigne la surface érodée nette au sommet de la couche 7 sous-jacente. La disparition de la couche 6 et des couches supérieures de Solutréen vers l’extérieur n’a pas été mise en évidence car un gros bloc en occupe la place : le remplissage solutréen est présent vers l’intérieur mais absent du côté du bloc faisant face à l’extérieur de la grotte » (Chauchat, 2007, p. 115) ; couche 7 : « Au dessous [des couches 4, 5, 6], après une limite brutale témoignant probablement de l’érosion d’une partie du remplissage, [a été identifiée] une couche argileuse compacte, brun jaunâtre, pauvre en charbons, contenant un outillage clairement gravettien et qui n’a été exploré que sur une fraction de mètre carré (couche 7) » (Chauchat, 2007, p. 109).

I.5. Altération post-dépositionnelle et sources de contamination Au cours des opérations de terrain, plusieurs formes de contamination ont été décelées : ™ la première tient à des injections, sous différentes formes, de la couche remaniée sommitale dans les niveaux sous-jacents solutréens en place. Cette couche, qui se caractérise par un sédiment terreux et meuble (pulvérulent), se retrouve autour et en dessous de pratiquement tous les blocs effondrés ainsi que dans des formations pouvant être assimilées soit à des terriers de petits fouisseurs, soit à des traces de racines. Lorsque ces injections de sédiment ont été repérées, elles ont fait l’objet d’un traitement à part. Il n’est cependant pas exclu que certaines soient passées inaperçues lors de la fouille ; ™ autre témoin de contamination, la présence de trois objets (une perle en jadéite faisant partie d’un ensemble retrouvé dans la couche remaniée sommitale, et deux tessons de céramique de type grès, de très petites dimensions, appartenant à une période historique) dans un sédiment en apparence non-remanié, si ce n’est de manière très ponctuelle ;

™ l’auteur mentionne également le cas des lamelles à dos dans le Solutréen ancien (couche 6a), précisant que leur présence est peut-être intrusive ; néanmoins, l’inverse n’est pas démontré. Cette hypothèse semble ici liée au fait, qu’en général, les lamelles à dos sont davantage représentées dans le Solutréen supérieur. Au moment des fouilles d’Azkonzilo, rares étaient les séquences solutréennes, et plus encore du Solutréen ancien, fouillées selon des méthodes modernes avec tamisage intégral des sédiments. Dans ce cadre, il n’est pas étonnant que les lamelles retouchées soient le plus souvent rares, voire absentes des séquences solutréennes. Dans le cas de la couche 6a, il est possible d’envisager que les lamelles à dos appartiennent au Solutréen ancien puisqu’un nucléus à lamelles, plusieurs grattoirs carénés et des burins ayant fourni des supports lamellaires y sont associés. Cette discussion autour de la production lamellaire et de son statut sera étayée lors de l’analyse technologique des chaînes opératoires en présence ; ™ outre ces différentes causes de contamination, la stratigraphie a été altérée à plusieurs reprises par différents phénomènes. C. Chauchat mentionne à ce sujet un ravinement axial qui a érodé le sommet de la couche 5b pendant l’occupation solutréenne. Le sommet du remplissage (qui contenait des éléments du Badegoulien et peut être du Magdalénien inférieur sous forme de raclettes et pièces de la Bertonne) a également subi des altérations puisque le sommet du dépôt a été fortement raviné par d’importants ruissellements datant probablement du début de l’Holocène. En parallèle, les dépôts placés sous le porche ont été emportés par des ruissellements issus de la falaise, laissant apparaître un talus abrupt contre lequel s’est établie une séquence du Mésolithique. Enfin, l’installation d’une bergerie à l’époque du Moyen-âge a entraîné d’importants remaniements. Les blocs les plus gênants ont été enlevés et le sédiment au sommet a été déplacé de l’intérieur vers l’extérieur de la grotte de manière à aplanir le sol (Chauchat, 1990).

I.6. Contexte chronologique environnemental

et

paléo-

Les données chronologiques sont particulièrement lacunaires en ce qui concerne la séquence

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Deuxième partie - Les premières expressions du Solutréen dans le Sud-Ouest français -

d’Azkonzilo, pourtant riche en charbons de bois soigneusement collectés par un tamisage à l’eau intégral des sédiments. Deux tentatives de datations AMS ont été effectuées par H. Valladas sur des échantillons charbonneux ; elles fournissent les résultats suivants :

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GifA 94583 : 3,040 ± 70 BP (niveau 5b Inf. à partir d’un échantillon de pin sylvestre) ;



GifA 94585 : 4,460 ± 80 BP (niveau 6a à partir d’un échantillon de chêne).

Ces résultats montrent que les charbons de bois datés ne sont pas associés à l’ensemble archéologique solutréen. Ils positionnent en effet des niveaux archéologiques respectivement attribués au Solutréen moyen et ancien dans l’Holocène. Deux raisons principales pourraient l’expliquer : une contamination par des charbons récents d’âge Holocène liés à l’occupation de la grotte au cours de périodes protohistoriques ou une contamination chimique des charbons euxmêmes, soit dans le sédiment soit au cours des opérations de fouille et de post-fouille. Il est pour l’heure difficile de trancher sur les raisons de ces anomalies dans l’âge 14C des charbons datés. Selon H. Valladas, la très grande différence avec les âges attendus indique que les charbons sont intrusifs. Un troisième échantillon a été soumis à datation par AMS. Il s’agit d’un fragment d’os brûlé indéterminé sur un plan paléontologique. Récupéré par tamisage des sédiments du niveau 5b Inf., il fournit le résultat suivant : •

GifA 95562 : 16 470 ± 130 BP

Cette mesure, certes beaucoup plus cohérente que les deux premières, semble toutefois trop jeune de quelques millénaires par rapport à l’âge attendu pour un Solutréen moyen ou supérieur, généralement daté en Aquitaine autour de 19 500 BP, même si des dates nettement plus récentes sont signalées dans le domaine cantabrique. Selon C. Chauchat, ce sont les charbons qui auraient été contaminés, soit dans le sédiment, soit plus vraisemblablement lors des opérations de fouille à l’occasion des opérations de flottation mises en place pour les récupérer. Le fait que l’esquille osseuse datée soit nettement moins polluée alors qu’elle a été collectée selon la même méthodologie indique peut-être que « (…) cette pollution a un rapport avec la texture beaucoup plus poreuse des charbons de bois » (Chauchat, 2007, p. 125).

Il reste à nos yeux délicat de trancher sur les causes des contaminations que mettent en évidence les mesures 14C obtenues à partir des charbons de bois collectés au sein de la séquence solutréenne d’Azkonzilo. En revanche, nous verrons au cours de l’analyse conduite sur l’ensemble lithique de la couche 6a que les indices de contamination sont faibles comparés à ceux appuyant sa bonne homogénéité d’ensemble. De plus, l’ordre d’apparition des outillages spécifiques du Solutréen dans l’archéo-séquence d’Azkonzilo est conforme à ce que nous connaissons de l’évolution générale diachronique de ce technocomplexe. Ainsi, les pointes à face plane apparaissent à la base de la séquence dans les couches 6b et 6a et sont suivies des feuilles de laurier en 5b Inf. puis des pointes à cran en 5b Sup., 5a, 4c, 4b et 4a. Si des contaminations mineures ne sont pas à exclure, il n’en demeure pas moins que la structure d’ensemble des séries archéologiques considérées semble avoir été conservée et qu’à ce titre, la séquence solutréenne d’Azkonzilo conserve une signification qui mérite d’être explorée sur un plan diachronique. La situation est en revanche plus complexe pour ce qui concerne l’interprétation des données paléo-environnementales obtenues à partir de l’analyse anthracologique des charbons de bois (Uzquiano, 2007) puisqu’il est légitime de penser que ces derniers ne soit pas (tous ?) associés à l’occupation solutréenne. En résumé, de nombreux doutes subsistent sur la validité des données paléoenvironnementales déduites des études anthracologiques et sédimentologiques effectuées sur la séquence solutréenne d’Azkonzilo. Il n’est en outre pas possible de situer ces occupations solutréennes dans leur contexte chronologique et il serait vraisemblablement opportun, dans l’avenir, de tenter de nouvelles campagnes de datation en sélectionnant des échantillons compatibles avec le contexte paléo-environnemental particulier du Dernier Maximum Glaciaire. Si des interrogations sont apparues quant à la validité de cette séquence, en particulier au regard des datations absolues, celles-ci ne sont pas rédhibitoires par rapport aux questions que nous souhaitons soulever sur l’orientation et l’organisation des productions lithiques au Solutréen ancien.

Chapitre 4 - Le Solutréen ancien d’Azkonzilo -

II. Présentation générale du corpus et de l’étude techno-économique II.1 Choix de l’étude du matériel lithique de la couche c6a L’étude du gisement d’Azkonzilo est consacrée à l’analyse de l’ensemble lithique contenu dans le niveau 6a, riche en éléments caractéristiques du Solutréen ancien, autrement dit, en pointes à face plane 15. Le niveau 6a comporte un abondant matériel lithique et correspond à l’une des premières occupations du Solutréen distinguées en stratigraphie. Si l’on ne peut totalement exclure des contaminations avec les niveaux encadrant, l’on peut aussi mentionner en sa faveur quelques faits justifiant notre choix et la possibilité de mener à bien une étude typo-technologique. À l’intérieur de la cavité, la couche 6a repose sur le niveau 6b ; lorsque ces deux niveaux n’ont pu être clairement distingués, exclusivement sous le porche (et à l’extérieur de la cavité ?), ils reposent alors directement sur le niveau 7. Le niveau 6b étant également attribué au Solutréen inférieur sur la base de la présence de pointes à face plane, c’est avec le niveau 7 que de possibles mélanges, plus gênants dans le cadre de cette analyse, auraient pu avoir lieu. Ce niveau d’une vingtaine de centimètres d’épaisseur présente une coloration brun-jaunâtre qui le distingue assez clairement des niveaux sus-jacents. Si ce niveau est associé au Gravettien sur la base d’outils tels que les burins de Noailles, aucun objet signant ce technocomplexe n’a été retrouvé parmi les pièces assignées à la couche 6a. Cela n’exclut bien évidemment pas que d’autres artefacts, moins « révélateurs », se soient pour une raison ou une autre introduits dans notre ensemble. Néanmoins, le matériel du niveau 6a faisant l’objet de cette étude provient exclusivement de l’intérieur de la cavité où les problèmes de conservation des « niveaux profonds » (nous entendons par-là les niveaux 6a et b) sont mineurs en comparaison de l’extérieur 16 (à partir du porche et sur le devant de la grotte) ; rappelons qu’à l’intérieur de la cavité, l’ensemble lithique du niveau 6a est séparé du « niveau gravettien » par le niveau c6b, lui aussi attribué au Solutréen ancien. Les contaminations sont en revanche plus probables avec les niveaux sus-jacents de Solutréen à feuille de laurier (niveau 5b inf). En témoignent 4 fragments de pièce bifaciale ainsi qu’une dizaine d’éclats de façonnage et 4 fragments de pointes à cran. La première hypothèse résiderait dans le fait que ces objets se

soient retrouvés pris sous un bloc d’effondrement ayant lui-même comprimé le sédiment au point de ne pouvoir le distinguer de celui de la couche 6a. Une autre explication, qui tient à l’érosion des couches sus-jacentes peut être évoquée. La couche sommitale remaniée a, de manière ponctuelle semble t-il, atteint le niveau 6. Il est vraisemblable que la présence de ces objets caractéristiques des phases récentes du Solutréen résulte de ce remaniement. La présence de fragments de feuilles de laurier, accompagnés d’une poignée d’éclats de façonnage, éléments aisément identifiables et rattachés sans conteste au Solutréen récent, témoignent manifestement de contaminations entre les niveaux sus-jacents et le niveau 6a, sans toutefois remettre en cause l’appartenance de ce dernier au Solutréen ancien classique. Tout au long de notre analyse, nous avons bien évidemment gardé à l’esprit ces différents problèmes. Nous avons tenté de caractériser ces contaminations afin d’en évaluer l’ampleur et d’adapter nos problématiques à leur aune. L’atout essentiel de ce niveau reste sa richesse et sa diversité. En effet, le corpus lithique du niveau 6a est représenté par un matériel brut abondant mais surtout par de nombreux outils dont une importante série de pointes à face plane associées à quelques pointes de Vale Comprido.

II.2 Présentation synthétique du corpus étudié Le niveau 6a comporte 1847 artefacts en silex prélevés sur environ 12 m2, exclusivement à l’intérieur de la cavité (Tabl. 6). Ce matériel résulte d’une récolte exhaustive puisque, rappelons-le, l’ensemble du sédiment a été prélevé et tamisé. La fraction fine a ainsi été séparée puis réintégrée au reste des artefacts 17. Le tableau 6, qui représente le classement général de l’industrie lithique de la couche 6a, répartit l’ensemble des vestiges selon les chaînes opératoires et la place qu’ils y occupent. Cette représentation synthétique permet de formuler de premières observations qui constitueront les fondements des questions soulevées dans le cadre de notre analyse. Ce mode de classement fait ressortir un premier caractère de cette série lithique : la prépondérance des vestiges liés au débitage de lames et de lamelles. Les lames, brutes et retouchées, les éclats de préparation et d’entretien des nucléus et, dans une

83

Deuxième partie - Les premières expressions du Solutréen dans le Sud-Ouest français -

moindre mesure, les éclats laminaires constituent plus d’un tiers du total de l’industrie. C’est également au sein de cette gamme de vestiges qu’une grande part des supports destinés à être transformés a été prélevée. En revanche - fait étonnant auquel nous tenterons d’apporter quelques éléments de réponse - aucun nucléus susceptible de fournir des supports laminaires ne figure parmi ce matériel.

84

La production lamellaire est représentée par des vestiges, certes moins nombreux, mais évocateurs d’une production autonome de lamelles ; les burins carénoïdes sont aménagés sur des éclats (n=4) ou des supports laminaires (n=1) et n’ont pu fournir de supports de grandes dimensions. Il en est de même pour les grattoirs carénés, aménagés au détriment d’un éclat cortical épais et d’un petit fragment de bloc en cristal de roche. En tout état de cause, il existe manifestement des nucléus à vocation lamellaire exclusive. Ceux-ci sont accompagnés de nombreuses lamelles brutes, de quelques exemplaires exceptionnellement retouchés et d’un certain nombre d’éclats de préparation et d’entretien de ces nucléus (Tabl. 6). Si ces éléments paraissent sous-représentés au regard de la production laminaire, leur coexistence au sein de la couche 6a demeure tangible. Naturellement, un nombre conséquent d’éclats n’a pu être rattaché à l’une ou à l’autre de ces productions, quand bien même leur appartenance à la production laminaire semble plus probable. Près d’un tiers est représenté par des éclats corticaux, les autres rassemblent essentiellement des fragments de relatives petites dimensions. Aucun nucléus destiné à l’obtention de ce genre de support n’a été retrouvé et nous n’avons pas non plus remarqué de forme spécifique ou récurrente parmi les éclats observés. Bien que peu probants, les indices en faveur d’un débitage autonome d’éclats restent à explorer. Enfin l’outillage est bien représenté puisqu’il fournit un peu plus d’un tiers des vestiges recueillis. Les outils confectionnés sur des supports laminaires ou liés à ce débitage dominent l’ensemble, suivis d’un nombre important d’outils dont le support originel n’a pu faire l’objet d’une détermination. Il s’agit vraisemblablement pour une très grande majorité de très petits fragments d’éclats. Mais la forte fragmentation des supports ou des outils ne nous a pas toujours permis un assez bon niveau de précision pour parvenir à une détermination certaine.

II.3 Les axes de recherches L’objectif principal de cette étude vise à décrypter les grandes orientations des productions lithiques au Solutréen ancien. Pour l’heure, les études technologiques détaillées sur le Solutréen ancien restent sporadiques (Renard, 2002 ; Guégan, 2007). À cela, nous devons ajouter les caractéristiques propres à cette série qui complexifient une description détaillée de toutes les productions en présence. L’absence de nucléus à lame, l’intense fragmentation de tous les supports bruts et retouchés et le faible nombre de déchets techniques caractéristiques rendent la lecture des chaînes opératoires de débitage délicate. Ainsi, avons-nous pris le parti de ne pas réaliser une étude monographique complète de l’ensemble mais de privilégier la présentation des éléments caractéristiques qui nous permettront par la suite d’effectuer des comparaisons et de brosser une image générale des systèmes techniques du Solutréen ancien. À ce titre, deux champs documentaires principaux ont été privilégiés. La prépondérance des vestiges directement liés à des productions lamino-lamellaires nous conduit à chercher à définir ces productions en priorité : ™ ceux-ci, et notamment les supports laminaires, sont dominants que ce soit parmi les restes bruts ou transformés en outils. Il importe donc de pouvoir caractériser les chaînes opératoires laminaires en présence. Pour ce faire, nous nous appuierons pour l’essentiel sur l’analyse des lames brutes et transformées ainsi que sur les autres catégories de vestiges participant à ce type d’exploitation (éclats laminaires, déchets techniques). Devant l’intense fragmentation des supports laminaires bruts, nous avons au préalable considéré les lames transformées afin d’essayer de caractériser les morpho-types recherchés. L’étude détaillée des pointes à face guidera cette recherche afin d’éclairer si, au sein de cette population, une ou plusieurs chaînes opératoires laminaires coexistent. Un premier regard sur ce corpus, riche de 99 objets, nous a très rapidement laissé entrevoir la possibilité que deux grands morpho-types différents étaient recherchés : d’une part des lames « classiques », à bords et nervures globalement parallèles et, d’autre part, des supports allongés aux bords distaux convergents. Ce premier niveau d’observation était d’ores et déjà induit par la présence de pointes de Vale Comprido.

Chapitre 4 - Le Solutréen ancien d’Azkonzilo Outils

Lames

188

Éclats laminaires Éclats de préparation et d’entretien de la production laminaire Pdts convergents type Vale Comprido Eclats convergents

Corticaux

2

Non corticaux

7

Traces d’utilis.

Pièce esq.

9

12

Nucléus à lamelle

Nucl. à enl allongés irréguliers

Fgt. ind. de nucl.

1

Pièces brutes

Total

188

398

15

17 7

Corticaux

25

25

Non corticaux

267

267

Lames

4

Eclats laminaires

4

5

1

4

Corticaux

4

4

Non corticaux

19

19

Lames-lamelles (production ind.)

1

10

11

Éclats de préparation et d’entretien de production laminaire ou lamellaire ?

1

30

31

Lamelles

9

104

113

1

1

Corticaux

14

14

Non corticaux

8

8

1

15

16

0 à 1,9 cm.

4

77

81

2 à 3,9 cm.

45

5

10

1

162

223

4 à 5,9 cm.

24

6

3

2

8

44

+ de 6 cm.

4

1

Éclats d’entame et sous-entame (100-80%) d’appartenance ind. à une chaîne op.

4

1

46

51

Éclats corticaux (50 à rès.) d’appartenance ind. à une chaîne op.

5

1

127

134

Éclats de retouche

32

32

Cassons

56

56

Déchets de pièces esquillées (bâtonnets, esquilles)

35

35

Éclats lamellaires Éclats de préparation et d’entretien de la production lamellaire Chutes de burin

Éclats non corticaux d’appartenance ind. à une chaîne op.

De pointes à face plane

1

7

1

5

9

2

Recyclage D’outils du fonds commun

19

Blocs et fragments de blocs Supports indéterminés

Total

139

449

21

1

20

2

2

51

3

1

3

18

97

11

5

3

1261

Tableau 6 : classement général de l’industrie lithique de la couche 6a d’Azkonzilo

215 1847

85

Deuxième partie - Les premières expressions du Solutréen dans le Sud-Ouest français -

Pointes à face plane et de Vale Comprido donnent-elles lieu à la recherche de morphotypes laminaires différents et peut-on confirmer cette distinction sur un plan technologique par la mise en évidence d’au moins deux schémas opératoires visant la recherche de supports de morphologie distincte ? Au contraire, ne doit-on pas envisager l’existence d’un seul schéma opératoire relativement souple permettant de produire à la fois des lames à bords parallèles et d’autres à bords convergents ? Pour mieux cerner ces intentions, notre enquête débutera par une analyse détaillée des pointes à face plane et de Vale Comprido à travers laquelle nous insisterons largement sur les phases d’aménagement de ces outils. En effet, comme il en est de coutume au Solutréen, le caractère envahissant et fortement transformatif de la retouche rend souvent délicat la caractérisation précise des supports bruts transformés ; dans un second temps, notre attention se portera sur la caractérisation des chaînes opératoires lamellaires. Ce champ documentaire est pour l’heure entièrement délaissé en ce qui concerne le Solutréen ancien, qui n’est généralement considéré que

™

86

sous l’angle de la présence des pointes à face plane. L’étude de la couche 6a d’Azkonzilo et les diagnostics effectués sur d’autres séries de comparaison apporteront des informations attendues sur la diversité des productions lamellaires dans ces contextes chronoculturels.

II.4 L’origine des matières premières utilisées par les Solutréens anciens 18 (Fig. 21) Les matières premières sont dans l’ensemble assez peu diversifiées puisque 4 variétés siliceuses principales ont été exploitées (Tabl. 7 et Fig. 22). Un caractère remarquable correspond à l’absence quasi-totale de silex strictement locaux. Les sources de silex les plus proches, correspondant aux silicifications du Flysch d’Iholdy, ont été presque totalement délaissées, à l’exception de quelques rares pièces. Cela s’explique vraisemblablement par la qualité relativement moyenne des matières siliceuses les composant et par la recherche de matières premières de bonne qualité, au grain fin à très fin, translucides dans quelques cas bien particuliers (voir p.e. les pointes à face plane axiales et les lamelles notamment).

Figure 21 : carte de localisation des différents types de matières premières exploités dans la couche 6a d’Azkonzilo

Chapitre 4 - Le Solutréen ancien d’Azkonzilo -

Les silex maastrichtiens de Chalosse Parmi les principales variétés siliceuses utilisées, les silex maastrichtiens de Chalosse (Landes) figurent en bonne place. Ils représentent 49,6% de l’ensemble des pièces déterminées quant à leur origine pétrographique. Les silex de Chalosse constituent l’une des sources remarquables d’approvisionnement dans le cadre des diffusions de matières siliceuses pour le Paléolithique supérieur du Bassin Aquitain. En effet, une meilleure connaissance des variétés siliceuses disponibles en Chalosse (Normand, 1986, 2002 ; Bon et al. 1996 ; Bon 2002 a et b) a permis de souligner que l’importance de leur exploitation se lisait aussi bien selon la fréquence et la richesse des ateliers associés aux gîtes in situ que dans la diffusion de ces matériaux au-delà des frontières régionales, et ce à l’échelle d’un vaste domaine atlantique, jusqu’en Dordogne vers le nord, l’Ariège vers l’est et le Pays basque espagnol vers le sud (Simonnet, 1996 ; Bon, 2002 a ; Le BrunRicalens et Séronie-Vivien, 2004 ; Bordes et al., 2005 ; Tarriño, 2006 ; Chalard et al., sous presse). Il s’agit d’un silex du Maastrichtien qui se distingue de ses homologues du Nord de l’Aquitaine (silex du Bergeracois par exemple) par un contenu micro-paléontologique particulier : absence d’Orbitoides media et association de Lepidorbitoides sp., de Sidérolite sp. et de Clypeorbis mamillata (Chalard et al., sous-presse).En l’état actuel des recherches, seule la région de Chalosse et, en particulier, les secteurs correspondant à l’anticlinal d’Audignon et au dôme diapir de Bastennes-Gaujacq semblent contenir ce type de silicifications (Chalard et al., ibid.). L’examen de pièces en silex de Chalosse par C. Normand permet de distinguer des variétés correspondant à des secteurs géographiques ou des affleurements différents : de type Audignon, Dumes-Banos, Tercis, Sensacq et château de Gaujac (Tabl. 7 & Fig. 21). Selon les variétés considérées, 60 à 75 km séparent la grotte d’Azkonzilo de ces gîtes. En règle générale, les silex de Chalosse introduits à Azkonzilo sont très majoritairement du type Audignon, à grain fin voire très fin, de texture homogène et d’aspect translucide. L’absence de surfaces corticales roulées indique que leur collecte se faisait à proximité des gîtes primaires, vraisemblablement dans des dépôts de versant. De manière générale, il s’agit de rognons assez irréguliers, d’une taille moyenne de 10 à 20 cm de long (Bon, 2002 b). Les silex du Flysch pyrénéen L’autre source prédominante d’approvisionnement (38,8% du total de l’industrie déterminée) correspond aux silex du

Flysch pyrénéen (Tabl. 7 & Fig. 22) dont la provenance exacte demeure encore délicate à déterminer et qui sont présents sur une vaste bande s’étendant des environs de Tarbes jusqu’à proximité de Bilbao en Espagne (Foucher et Normand, 2004). Parmi les exemplaires reconnus à Azkonzilo, C. Normand distingue une variété principale « de type Bidache » dont les gîtes environnent la commune de Bayonne. Toutefois, comme le notent P. Foucher et C. Normand, en l’absence de « méthodes permettant de faire un tri systématique au sein de ce groupe, il n’est pas impossible que des objets, à coup sûr minoritaires, attribués au silex de Bidache proviennent en fait de plus de 100 km à l’est ou de 150 km vers l’ouest » (Foucher et Normand, ibid , p. 82). Il demeure donc délicat de préciser les distances d’approvisionnement séparant Azkonzilo des gîtes du Flysch, même si nous pouvons retenir que 20 à 30 km les séparent, si l’on considère que ce sont les gîtes reconnus autour de Bayonne qui ont été privilégiés (Fig. 21). La variété de type Bidache est largement dominante ; plutôt hétérogène dans l’ensemble (Normand, 2002), on note à Azkonzilo une sélection des spécimens au grain le plus fin et d’aspect opaque. Leur morphologie est variable et inclut aussi bien des plaquettes et des rognons, de dimensions n’excédant pas 15 cm. Notons qu’un type de silex au grain fin à très fin, assez translucide et présentant des mouchetures blanches a été isolé sous l’appellation Flysch de Bidache/Chalosse. En effet, sa finesse rappelle celle des silex de Chalosse tandis que ses mouchetures blanches évoquent les formations du Flysch.

Les autres variétés siliceuses Les autres variétés reconnues sont minoritaires et représentent 10% de l’industrie lithique déterminée (Tabl. 7 & Fig. 22). Les silex du Campanien Ces formations, distantes d’environ 35 km de la cavité, représentent 6,1% du corpus. Il s’agit d’une variété à grain fin et très peu translucide (Normand, 2002). Une variété particulière, dite de type Salies-de-Béarn, s’isole par ses marbrures souvent régulières et plus claires. Comme pour les silex de Chalosse et du Flysch, les rognons assez irréguliers n’excèdent pas les 15 à 20 cm de long.

87

Deuxième partie - Les premières expressions du Solutréen dans le Sud-Ouest français -

Lames

Lamelles

LamesLamelles

Eclats

nucléus

Outils et pièces utilisées

72

64

6

180

10

233

565

dont Chalosse de type indéterminé

12

1

43

2

23

81

dont Chalosse centrale

1

5

17

dont Chalosse de type Audignon

45

162

401

dont Chalosse de type Dumes Banos

12

32

48

dont Chalosse de type Tercis

1

1

6

9

dont Chalosse de type Sensacq

1

1

4

8

1

1

14

22

Chalosse

11 62

5

121

1

3

1 2

6

dont Chalosse de type Château de Gaujac

88

Total

Flysch Bidache - Chalosse

3

2

Flysch

63

18

3

238

5

114

441

dont Flysch de type indéterminé

11

3

1

39

1

16

71

dont Flysch de type Bidache

49

15

2

186

4

93

349

dont Flysch de type Ibarbide

2

9

4

15

dont Flysch de type Iholdy

1

4

1

6

Campanien ou Flysch de type Gainkurutxeta

1

1

Campanien ou Flysch de type Biarritz

2

2

Campanien

3

Fgt. ind, cassons, divers...

13

1

35

16

65

dont Campanien indéterminé

12

1

31

9

53

dont Campanien de type Salies de Béarn

1

4

7

12

Sénonien indéterminé

1

1

2

Coniacien

1

1

Fumélois

3

3

2

7

Trevino

2

3

Gavaudun

1

Cristal de roche

2

10

3

4

1

9

4

1

5

3

8

14

92

174

36

23

80

261

91

100

452

601

100

1857

Silex calcédonieux

1

1

Silex jaspéroïde Brûlé

2

1

Indéterminé N’a pas fait l’objet de détermination Objets inf à 2 cm

13

10

19

2

Total

188

104

1

10

56

834

1

2

19

13

Tableau 7 : répartition des matières premières utilisées en fonction des grandes catégories techniques distinguées au sein de l’industrie lithique de la couche 6a d’Azkonzilo

Chapitre 4 - Le Solutréen ancien d’Azkonzilo -

documentés autour de Fumel (Lot-etGaronne), à un peu plus de 200 km du gisement (Fig. 21).

Chalosse Flysch bidache-Chalosse cristal de roche

Cristal de roche Treize pièces, soit 1,1% du corpus, sont en silex calcédonieux cristal de roche. Totalement translucide et autres transparent, ce matériau peut être Flysch relativement hétérogène et présente souvent des failles ou des inclusions. Il est vraisemblable que l’ensemble des pièces Figure 22 : distribution des principales matières premières correspond à l’exploitation d’un même petit reconnues dans la couche 6a d’Azkonzilo bloc pour en détacher des lamelles selon la méthode du « grattoir » caréné. Sur ce dernier, une surface néo-corticale roulée assure Les silex de Treviño (Espagne) que son acquisition s’est faite dans des alluvions, Sept pièces, soit 0,6% du corpus, s’apparentent au vraisemblablement à proximité immédiate de la silex dit de Treviño. Il s’agit d’un silex de bonne grotte. qualité, au grain fin, dont les gîtes ont été repérés dans le Pays basque, au sud de Vitoria soit à Les silex jaspéroïdes et calcédonieux environ 150 km au sud-ouest d’Azkonzilo Ont été regroupées selon leur aspect des pièces (Tarriño, 2006). dites silex jaspéroïdes (5 pièces soit 0,4% du corpus) et ou silex calcédonieux (9 pièces soit Les silex du Fumélois 0,8%). Elles ne peuvent pour l’heure être S’isole également au travers de trois spécimens clairement déterminées selon leur origine seulement (0,3% de l’industrie) une variété pétrographique exacte. C. Normand estime que caractérisée par un grain particulièrement fin et un leur origine est très certainement locale. Pour ce aspect luisant et gras, de couleur gris-noir à bleuqui concerne les silex calcédonieux à grain fin, ils noir. Bien décrit par A. Morala (1984) dans son présentent des caractères les rapprochant des silex travail sur le Haut-Agenais, leurs gîtes sont dits « bleus » des Pyrénées de type Birons. Campanien

% 70

chalosse

flysch

campanien autres

cristal de roche indéterminé, brûlé…

60 50

40 30

20 10

0 lame n=188

lamelle n=104

éclat n=834

nucléus n=19

outils n=602

Figure 23 : représentation des principales matières premières en fonction des grandes catégories techniques reconnues

89

Deuxième partie - Les premières expressions du Solutréen dans le Sud-Ouest français -

Les silex du Gavaudun ? Une pièce, en l’occurrence une lamelle brute, est probablement en silex du Gavaudun. Il s’agit d’un silex blond présentant fréquemment des briozoaires de grande taille qui le rattachent aux formations coniaciennes du Haut-Agenais (Morala, 1984).

Les matières minérales utilisées dans l’ensemble lithique d’Azkonzilo témoignent d’un spectre relativement classique pour la région considérée (voir p.e. Isturitz : Normand, 2005 ; Foucher et Normand, 2004). Les sources de silex les plus proches du Flysch d’Iholdy, de moins bonne qualité, ont été délaissées. En revanche, les sources du piémont nord-pyrénéen, connues dans un rayon allant de 30 à 75 km, ont été largement privilégiées. Seuls les gîtes du Haut-Agenais et de Treviño se distinguent de cet approvisionnement régional à sub-régional et attestent d’une provenance éloignée, dépassant le seuil des 200 km. On constate également l’absence de toutes autres sources diagnostiques du nord de l’Aquitaine (Bergeracois, Grain de mil…).

90

La figure 23 montre qu’à l’exception des éclats bruts, les silex de Chalosse prévalent dans l’ensemble des catégories de vestiges avec une nette prépondérance s’agissant des lamelles et des nucléus. Ce spectre de matériau et la prédominance des variétés de Chalosse sur celles du Flysch rendent vraisemblablement compte de l’aptitude à la taille des premiers dans le cadre des productions lamino-lamellaires. Ainsi, la proportion des silex de Chalosse est d’autant plus dominante parmi les lames, les lamelles et l’outillage. À l’inverse, les silex du Flysch sont proportionnellement mieux représentés en ce qui concerne les éclats. Lorsque des silex à grain fin voire très fin sont particulièrement recherchés, alors les silex de Chalosse dominent très clairement comme l’indique le taux des lamelles produites sur ce matériau qui dépasse le seuil des 60%. L’importance de cette variété parmi les supports lamino-lamellaires brutes et retouchés et la relative carence en nucléus et dans une moindre mesure en éclats témoignent qu’une part au moins de ces silex étaient introduits sous la forme de supports bruts ou déjà retouchés. Signalons enfin que pour les variétés rares, les pièces se présentent sous forme de témoins de production isolés et que dans le cadre des silex de provenance éloignée comme le Fumélois, ce sont des outils déjà retouchés qui ont été introduits dans la grotte.

III. Première approche de l’outillage L’outillage de la couche 6a d’Azkonzilo est abondant mais finalement assez peu diversifié (Tabl. 8). Près de 600 pièces retouchées ont été dénombrées mais il faut d’emblée préciser que parmi elles, ce sont des outils a posteriori qui dominent l’ensemble. On recense entre autres 132 pièces esquillées (fragments et déchets compris) qui correspondent à la réutilisation d’outils, de supports bruts ou de fragments et une vingtaine de supports témoignant vraisemblablement de l’utilisation d’un tranchant brut. En outre, un peu plus de 130 pièces correspondent à des lames ou éclats retouchés qui, dans de nombreux cas, ne portent qu’une retouche partielle sommaire. Les particularités de ce corpus d’outils résident donc essentiellement dans l’importance des pointes à face plane et leur coexistence avec quelques pointes de Vale Comprido.

III.1 Présentation générale de l’outillage du fonds commun Les pièces esquillées sont nombreuses, tout comme les éclats retouchés et les encoches. S’agissant de ces deux derniers types, l’investissement porté à l’obtention des supports ou à leur aménagement est faible et l’on ne note pas de récurrence particulière entre les différents outils intégrés à ces groupes. Il s’agit par conséquent de types rassemblant des pièces extrêmement hétérogènes. Nous les délaisserons dans un premier temps afin de présenter les outils les plus significatifs ; autrement dit les outils permettant à la fois d’établir des comparaisons mais également de caractériser la ou les productions mises en œuvre dans la couche 6a d’Azkonzilo. Parmi ceux-ci, l’ensemble se partage entre des outils d’extrémité – les grattoirs, burins, troncatures, becs et perçoirs - et des outils latéraux - lames retouchées sur un ou deux bords en particulier mais aussi éclats retouchés, encoches ou denticulés. III.1.1 Les outils d’extrémité Les grattoirs (N=34) Au nombre de 34, les grattoirs sont aménagés sur des supports variés couvrant la plupart des étapes d’une chaîne opératoire de type laminaire (Figs. 24 & 25), allant depuis l’éclat d’entame à la lame régulière (Tabl. 8). Les supports laminaires sont toutefois dominants (N=23), avec une prédilection portée aux lames parallèles à bords et nervures réguliers (N=13).

Chapitre 4 - Le Solutréen ancien d’Azkonzilo -

Nature du support :

Types

Total

lames et écl. laminaires

34

26

dont grattoir en bout de lame

17

17

dont grattoir sur éclats

6

2

Grattoir

dont grattoir en éventail

1

1

dont grattoir sur lames retouchées

4

4

dont grattoir sur éclats retouchés

1

grattoir atypique

1

dont grattoir sur pointes à face plane

2

dont fragment de front de grattoir

2

Bec Burin

éclats

indéterminés

5

3

4

1 1 2 2

3

2

1

17

15

1

dont burin sur cassure

6

5

1

dont burin sur troncature

5

4

dont burin multiple mixte

2

2

dont burin sur pointe à face plane

4

4

Troncature

3

3

Lame retouchée

83

83

dont lame à retouche couvrante

9

9

dont lame retouchée sur un bord

49

49

dont lame retouchée sur deux bords

17

17

dont lame retouchée et appointée

Encoche dont encoche sur bord retouché

8

15

21

10

2

1

13

70

8

1

1

Pièce esquillée

97

12

dont récupération d’outil retouché (fonds commun prob)

19

dont sur pointe à face plane

2

19 2

3

2

Lamelle retouchée

6

Pointe à face plane

99

60

Pointe de Vale Comprido

6

6

Éclats retouché

1

8 11

Lamelle à dos*

6 6

53

53

dont éclat à retouche couvrante

3

3

dont éclat retouché sur un bord

38

38

dont éclat retouché sur deux bords

12

12

Fragment indéterminé retouché inf. à 1,5 cm. dont fgt. ind. avec retouche couvrante

Trace d’utilisation

91

1

1

10

11

dont trace d’utilisation sur un bord

18

9

9

dont trace d’utilisation sur 2 bords

2

1

2

3 dont sur pointe à face plane

33

91 21

Divers

1

46

Denticulé

Total

lamelles

1

1

566

2 1

233

8

111

211

Tableau 8 : décompte typologique simplifié de l’outillage de la couche 6a d’Azkonzilo selon les grandes catégories de supports *Une lamelle à dos installée sur une chute de burin n’a pas été intégrée au décompte par catégories de supports.

91

Deuxième partie - Les premières expressions du Solutréen dans le Sud-Ouest français -

Le spectre des matériaux est macroscopiquement varié, même si l’on note une certaine préférence pour les silex de Chalosse et les silex du Flysch de type Bidache (Tabl. 9). A deux exceptions près, les matériaux mis en œuvre sont de bonne voire très bonne qualité.

Sur un plan typologique, l’ensemble est peu varié, nettement dominé par les grattoirs simples, préférentiellement aménagés sur des lames mais aussi, plus rarement, sur des éclats ou éclats laminaires (Tabl. 8). Seule une pièce se démarque

92

Figure 24 : grattoirs de la couche 6a d’Azkonzilo. 1, 2, 4 & 5 : sur lames simples ; 3 & 6 : lame et éclat laminaire d’aménagement ; 7 : lame de réaménagement à dos cortical

Chapitre 4 - Le Solutréen ancien d’Azkonzilo -

de cet ensemble relativement monotone ; il s’agit d’un grattoir dit en éventail (Chauchat, 2007 ; Fig. 25, 3) réalisé sur un support laminaire transformé par retouche assez couvrante. Les grattoirs ne sont que très rarement associés à une autre partie active. De même, les grattoirs sur supports retouchés latéralement sont rares ; seuls 4 grattoirs simples sur lames retouchées ont été reconnus (Fig. 24, 1-2). Enfin, dans deux cas, des pointes à face plane sont recyclées et un front de grattoir est aménagé à l’une des extrémités (Fig. 25, 1). Dans les deux cas, ce sont des supports laminaires de grand gabarit qui sont recyclés en grattoirs, postérieurement à leur aménagement en pointes à face plane. En général, le groupe des grattoirs témoigne d’une grande fragmentation et, à l’abandon, ces outils sont plutôt courts ; la moitié des grattoirs sur lames ont une longueur inférieure à 30 mm. Enfin, on note sur certaines pièces une phase de réaménagement du front clairement réalisée au percuteur dur. Tel est le cas, en particulier, d’un grattoir simple sur éclat dont le front présente des

contre-bulbes profonds, lui conférant délinéation sub-denticulée (Fig. 25, 2).

une

Les burins (N=17) Les burins sont moins bien représentés que les grattoirs dans la série de la couche 6a. Nous en avons reconnu 17 et, contrairement aux grattoirs, le spectre des supports engagés dans leur réalisation demeure extrêmement uniforme. En effet, à l’exception d’un éclat et d’un support indéterminé de petites dimensions, tous les burins sont réalisés sur lames (Fig. 26). Parmi ceux-ci, les lames simples dominent largement l’ensemble.

Les matières premières correspondent globalement au spectre classiquement reconnu à Azkonzilo avec une préférence pour les silex de Chalosse et du Flysch de type Bidache (Tabl. 9). En revanche, deux pièces sont réalisées sur des silex du Fumélois, d’excellente qualité mais il s’agit dans un cas d’un burin sur un fragment de pointe à face plane (Fig. 26, 1) et, dans l’autre, d’une pièce d’interprétation délicate puisqu’il pourrait s’agir d’un « burin » destiné à l’obtention de supports lamellaires.

93

Figure 25 : grattoirs de la couche 6a d’Azkonzilo. 1 : grattoir aménagé sur fragment de pointe à face plane ; 2 : grattoir simple dont le front est aménagé par percussion directe dure avec front irrégulier et sub-denticulé ; 3 : grattoir dit « en éventail »

Deuxième partie - Les premières expressions du Solutréen dans le Sud-Ouest français -

Figure 26 : burins de la couche 6a d’Azkonzilo

94

D’un point de vue typologique, l’ensemble est peu varié et dominé par les burins sur cassure (Fig. 26, 1-3) et sur troncature (Fig. 26, 4). Un caractère plus particulier correspond à l’utilisation de supports préalablement retouchés avant leur aménagement en burin : 4 burins sont réalisés sur des pointes à face plane et 4 autres sur des lames retouchées. Dans le cas de la réutilisation de pointes à face plane, on note contrairement à l’exemple des grattoirs précédemment évoqués, le choix de supports laminaires de module moyen, d’environ 20 à 25 mm de large pour 6 mm d’épaisseur. Les becs (n=3) On ne compte que trois exemplaires parmi la série réalisés sur des lames peu régulières. Deux sont en silex de Chalosse de type Audignon, le troisième n’a pu être déterminé. Les pièces tronquées (n=3) Là encore, il s’agit d’une catégorie pauvre au sein de la série puisque 4 pièces seulement y ont été reconnues. Il s’agit dans l’ensemble de troncatures réalisées par une retouche directe et semi-abrupte. Une seule pièce est confectionnée sur un éclat, les trois autres correspondant à des lames, corticales dans deux cas.

III.1.2 Les outils latéraux Les outils latéraux constituent un groupe extrêmement hétérogène, regroupant à la fois des objets de confection soigneuse et largement

transformés et d’autres ne comportant qu’une retouche très sommaire, réalisée sur des supports indifférenciés n’ayant apparemment fait l’objet d’aucune sélection particulière, à l’image de la plupart des éclats retouchés ou du groupe des encoches. En ce sens, les lames retouchées sur un ou deux bords dénotent de cet ensemble et témoignent davantage de caractères communs permettant de les réunir en un type plus homogène que les autres. Les lames retouchées (n=83) Sur un plan quantitatif, les lames retouchées composent un groupe numériquement important parmi l’ensemble des outillages du fonds commun. 83 lames retouchées ont été reconnues, parmi lesquelles les spécimens retouchés sur un bord seulement dominent largement (N=49). Selon les cas, les bords peuvent être partiellement ou totalement retouchés sur toute leur longueur et, le plus souvent, la retouche est directe, d’incidence semi-abrupte et de longueur variable (Fig. 27). On note également la présence de pièces aménagées par une retouche plate et couvrante, de type solutréenne (n=9). Lorsque des lames d’assez grand module sont sélectionnées pour ce faire, on peut se demander s’il ne s’agit pas d’ébauches de pointes à face plane abandonnées ou d’objets éventuellement recyclés. Enfin, certaines lames retouchées tendent vers l’appointement (n=8) et on note également dans quelques cas la mise en œuvre d’une retouche inverse en partie proximale, s’apparentant dans deux cas au moins aux caractéristiques de l’aménagement des pointes à face plane que nous aborderons plus loin. Dans l’ensemble, ces objets sont très fragmentés et seuls 2 supports sont entiers : une lame de plein débitage et une autre corticale. Les matières premières utilisées reflètent assez bien les principaux caractères de la série de ce point de vue puisque les silex de Chalosse et du Flysch dominent largement (Tabl. 9).

dont Chalosse de type indéterminé dont Chalosse centrale 3

4

2

2

23

11

6

4

dont Chalosse de type Tercis dont Chalosse de type Sensacq

1

Flysch Bidache - Chalosse Flysch

Total

5

2

12

70

167

1

9

4

dont Flysch de type indéterminé

2

1

dont Flysch de type Bidache

6

3

dont Flysch de type Ibarbide

1

4

9

2

30

2

3 1

8

63

131

2

1

18

1

1

2

2

1

3

1

9

10 97

14 2

1

28

11

1

2

1

dont Flysch de type Iholdy

5

2

2

4

32

1

1

2

3

30

1

Campanien ou Flysch de type Biarritz Campanien

2

3

dont Chalosse de type Audignon 13 dont Chalosse de type Dumes Banos

Pièces esquillées

2

Traces d’utilisation

1

Divers

23

Lamelles à dos et retouchées

31

Eclats retouchés

Encoches

2

Lames retouchées

6

Denticulé

Becs

16

Troncatures

Burins

Chalosse

Grattoirs

Chapitre 4 - Le Solutréen ancien d’Azkonzilo -

1 2

dont Campanien indéterminé

1

dont Campanien de type Salies de Béarn

1

Fumélois

1

1

2 1

1

1

1

1

1 6

12

4

6

2

6

2

2

Trevino

1

Silex calcédonieux

1

Brûlé

1

Indéterminé

5

N’a pas fait l’objet de détermination Total

2 1

1 2

1

2 34

1

17

3

3

1

2

5

17

2

83

46

1

3

1

4

3

5

11

34 21

7

10

3

21

132 353

Tableau 9 : types de matières premières utilisées pour l’outillage du fonds commun

Les éclats retouchés (n=53) Certes relativement abondants, les éclats retouchés présentent des caractères fort variables d’une pièce à l’autre, rendant ce groupe très hétérogène. Sont regroupées ici des pièces incontestablement aménagées par une retouche le plus souvent

directe et semi-abrupte et d’autres dont seule une très courte portion de bord est concernée par la retouche. Dans ce dernier cas, il est souvent délicat de trancher entre retouche intentionnelle et possible retouche post-dépositionnelle.

95

Deuxième partie - Les premières expressions du Solutréen dans le Sud-Ouest français -

C’est pourquoi, nous n’avons conservé que les pièces les plus indubitables. S’il est difficile de se prononcer sur le statut de ces objets, on peut constater que la plupart présente une modification très marginale de leur tranchant, pouvant éventuellement évoquer une utilisation brute de ces pièces. Aucun caractère technique ou morphologique particulier ne se dégage de ce groupe d’objets et on note, dans la quasi-totalité

des cas, l’utilisation de pièces pouvant correspondre à des déchets d’un débitage laminaire. Aucun support ne semble relever de la mise en œuvre d’un débitage d’éclats spécifique et autonome du débitage laminaire. Les encoches (n=46) Comme pour le groupe des éclats retouchés, il s’agit ici de pièces dont l’interprétation est parfois délicate. Ainsi, lorsque des doutes pouvaient être

96

Figure 27 : lames retouchées de la couche 6a d’Azkonzilo

Chapitre 4 - Le Solutréen ancien d’Azkonzilo -

posés quant à la réelle intentionnalité de ces aménagements et leur caractère anthropique, nous avons préféré les écarter de notre décompte et ne pas les intégrer à l’outillage. Tel a notamment été le cas de pièces présentant une encoche de type clactonienne, pouvant potentiellement être le produit de processus post-dépositionnels ou encore du piétinement par les occupants de la grotte. Dans les cas où l’aménagement de ces encoches résulte clairement d’une action intentionnelle, on note qu’elles concernent indifféremment la face supérieure ou inférieure du support et que dans certains cas, les deux modes peuvent être associés sur le même support. Les encoches sont fréquemment réalisées sur lames et on ne constate alors pas de choix clairs dans les types de supports investis, qui correspondent à différentes étapes d’une chaîne opératoire laminaire. Denticulé (n=1) Il s’agit là d’un unique objet réalisé sur un éclat laminaire à dos cortical opposé à un tranchant ayant fait l’objet d’un aménagement caractérisé par la juxtaposition de 4 encoches non-clactoniennes et profondes de 4 à 6 mm.

III.1.3 Les outils a posteriori Les pièces esquillées (n=92) Les pièces esquillées sont abondantes dans l’ensemble de la série de la couche 6a. On en recense près d’une centaine qui, pour la plupart, présentent deux pôles d’esquillement opposés. Nombreuses, ces pièces respectent le plus souvent des caractères morpho-dimensionnels relativement stables. Leur morphologie est généralement sub-quadrangulaire et leurs dimensions fréquemment comprises entre 2 et 4 cm. de long.

Les supports ne sont que rarement identifiables du fait des détériorations liées au fonctionnement de ces pièces. Lorsqu’ils le sont, ils regroupent le plus souvent des éclats appartenant à toutes les phases d’une chaîne opératoire laminaire mais aussi des lames. Dans quelques cas, des fragments d’outils ont été recyclés et utilisés, à l’image d’un fragment basal de pointe à face à plane ou de quelques lames retouchées latéralement et faisant l’objet d’un double esquillement à ses deux extrémités longitudinales. Enfin, bien que qu’ils aient été systématiquement recherchés, il est à signaler la rareté des déchets caractéristiques résultant de l’usage de ces pièces :

esquilles, pseudo-lamelles latérales ou bâtonnets de pièces esquillées. Les pièces avec traces d’utilisation (n=21) Les supports se partagent entre 10 lames et 11 éclats dont un bord au moins est utilisé brut. Il n’apparaît ici aucune sélection particulière des supports.

III.1.4. Synthèse En définitive, l’outillage du fonds commun de la couche 6a d’Azkonzilo ne présente pas de caractères particulièrement significatifs sur un plan chrono-culturel. Il se caractérise davantage par défaut puisqu’il ne comporte aucune pièce caractéristique d’un autre techno-complexe du Paléolithique supérieur. Tous les types reconnus, à l’exception d’un grattoir en éventail, sont communs à l’ensemble du Paléolithique supérieur. Seule la mise en œuvre d’une retouche plate et couvrante, utilisée avec parcimonie sur certains bords de lames retouchées, compose un caractère plus diagnostique sur un plan chrono-culturel. Certaines de ces lames pourraient d’ailleurs correspondre à des pointes à face plane inachevées et abandonnées en cours de confection (Fig. 27, 1, 6 & 8). Les particularités de cet outillage semblent davantage liées au contexte économique de la série. Les supports connaissent des phases d’utilisation et de ravivage successives ainsi que des recyclages, comme en attestent certains burins ou les pièces esquillées. On note également le bruit de fond constitué par des outils très sommairement aménagés et l’utilisation de bords bruts, à l’image de très nombreux éclats retouchés ou de certaines lames retouchées. En ce sens, ces pièces pourraient être interprétées comme des outils à usage bref et/ou immédiat. Si l’on fait abstraction de ces pièces sommairement aménagées et des outils a posteriori tels les pièces esquillées, alors le spectre typologique des outils du fonds commun est dominé par les lames retouchées et les grattoirs, complété par des burins et quelques rares becs, perçoirs et autres pièces tronquées. C’est autour de ces outils, mieux définis et présentant des caractères récurrents assurant leur définition en des types distincts que nous orienterons une première discussion cherchant à identifier les types de supports sélectionnés, afin d’obtenir une première image des chaînes opératoires et des intentions qui leur sont associées dans le cadre des productions lithiques du Solutréen ancien d’Azkonzilo.

97

Deuxième partie - Les premières expressions du Solutréen dans le Sud-Ouest français -

4 à 4,9 cm.

1

5 à 5,9 cm Éclats laminaires corticaux

98

1

Lames

Pdts convergents (supp. ty. VC)

Traces d’utilisation

Pièces esquillées

Sous-total

Total

9

12

209

209

1

1

3

4

2

2

1

1

2

5

1

9

4

4

Lames-lamelles (production ind.)

9

2

1

Eclats laminaires

Éclats de préparation et d’entretien de production laminaire ou lamellaire ?

Pointe de V.C.

54

3 à 3,9 cm. Éclats laminaires

Pointe à face plane

15

Divers

81

Lamelles à dos et retouchées

3

Fgt. ind. retouchés

3

Encoches

Troncatures

10

Lames retouchées

Becs

22

Denticulé

Burins

Lames

Grattoirs

La première observation relative à la sélection des supports tient à la primauté du débitage laminaire. Cette observation pourrait être nuancée par la proportion d’éclats transformés en outils : parmi les 567 outils, 111 sont sur éclats (Tabl. 10). Tous les arguments concourent pourtant à faire des éclats sélectionnés des sous-produits de chaînes

opératoires visant la production de lames ou de lamelles au sens large du terme. Ces éclats ne sont pas standardisés et aucun morpho-type particulier ne se dégage. Nombreux sont ceux présentant des attributs techniques concordant avec un débitage laminaire ou des surfaces corticales permettant de les interpréter comme des sous-produits de mise en forme. La grande fragmentation de la série a aussi très vraisemblablement conduit à faire augmenter leur proportion.

Eclats retouchés

III.2 Les supports transformés en outils du fonds commun

1

1

2

1

1

Lamelles

9

9

9

Chutes de burin

1

1

1

Éclats non corticaux d’appartenance ind. à une chaîne op.

0 à 1,9 cm.

1

3

2 à 3,9 cm.

13

30

7

16

4 à 5,9 cm.

1

+ de 6 cm. Éclats d’entame et sous-entame d’appartenance ind. à une chaîne op. Éclats corticaux d’appartenance ind. à une chaîne op.

Recyclage

4 2

1

2 à 3,9 cm.

1

4 à 5,9 cm.

1

+ de 6 cm.

1

5

10

60

6

3

33 4

3

1 1

2 à 3,9 cm.

1

2

1

4 à 5,9 cm.

2

2

+ de 6 cm.

1

1

de pointes à face plane

2

110

2

1

4

1

D’outils du fonds commun

Supports indéterminés

3

1

Total

34

17

10

3

3

1

83

46

91

53

91

10

1

33

3

99

Tableau 10 : caractéristiques techniques des supports retouchés de la couche 6a d’Azkonzilo

6

21

2

9

19

19

51

190

97

28 190

567

Chapitre 4 - Le Solutréen ancien d’Azkonzilo -

Lame

Eclat lami.

Lamelle

Eclat

Total

188

15

104

834

1141

46,3%

53,6%

92%

88,3%

76,5%

Produits retouchés

218

13

9

111

351

% de produits retouchés

53,7%

46,4%

8%

11,7%

23,5%

Total

406

28

113

945

1492

100%

100%

100%

100%

100%

Produits bruts % de produits bruts

Tableau 11 : représentation quantitative des produits bruts ou retouchés selon les principales catégories de vestiges techniques (n’ont pas été intégrés les supports indéterminés, les chutes de burin, cassons, déchets de pièces esquillées)

proportion, directement sous la forme de lames brutes ou déjà retouchées.

Les lames font en revanche l’objet d’un fort taux de transformation (Tabl. 11). On compte davantage de lames transformées en outils que de lames brutes. En outre, ces dernières se retrouvent le plus souvent à l’état de fragments de petites dimensions. De la sorte, si des activités de production laminaire prenaient bien place sur le site, elles étaient de faible ampleur comme le confirme également le petit nombre de nucléus et de supports laminaires correspondant aux premières phases de la chaîne opératoire (Tabl. 12). A ce titre, on peut affirmer qu’une part importante des supports laminaires était produite en dehors du gisement et arrivait, pour une large

III.2.1 Une sélection préférentielle de supports laminaires pour la confection de l’outillage du fonds commun

Encoche

Trace d’utilisation

Pièce esquillée 12

1

2

1

2

9

1

Bec

8

Burin

12

Grattoir

41

Total

Lame retouchée

L’intégration de l’ensemble des supports laminaires, qu’ils soient retouchés ou conservés bruts, montre l’importance de leur taux de transformation (Tabl. 11). Ainsi, plus de la moitié (53,7%) des lames dénombrées ont été retouchées ou utilisées.Les lames brutes sont minoritaires et les spécimens entiers sont extrêmement rares (un peu plus d’une vingtaine d’exemplaires sont restés entiers pour un total de 188 lames brutes ; Tabl. 11).

Lame sans surface naturelle ni négatifs transversaux

98

13

10

2

Lame à crête

4

Lame corticale d’entame et sous-entame

2

2

Lame corticale sur 1 pan ou un dos

15

3

Lame corticale sur 1 pan distal

3

Autres lames corticales (cortex résiduel)

7

1

Lame avec négatifs transversaux sur 1 pan

6

4

Lame avec négatifs transversaux sur 1 pan et cortex

2

Autres lames (dont très petits fragments)

26

Total

163

23

2

Troncature

En outre, une large part des éclats sommairement retouchés est confectionnée sur des supports de petit module, qui ne présentent aucun caractère technique diagnostique et peuvent appartenir à tous les stades d’une chaîne opératoire de type laminaire. Dans le cadre des éclats retouchés, nous pensons qu’il s’agit très majoritairement d’une recherche de tranchants bruts, soit laissés en l’état et portant in fine des traces d’utilisation soit très partiellement retouchés.

1

2

1

3 1

15

2

1

25

3

83

1 1

1

15

10

12

Tableau 12 : décompte des différents supports laminaires investis dans l’outillage du fonds commun dont les outils a posteriori (les supports des pointes à face plane et des pointes de Vale Comprido ne figurent pas dans ce décompte, à l’exception des supports laminaires utilisés pour l’aménagement des pointes à face plane et qui été ensuite recyclés ; il s’agit d’un grattoir et de 4 burins)

99

Deuxième partie - Les premières expressions du Solutréen dans le Sud-Ouest français -

N lames brutes n=188

140

lames retouchées n=218

120 100 80 60 40

longueurs assez réduites puisqu’aucun de ces supports ne dépasse le seuil de 10 cm, la moyenne les situant aux alentours de 6 cm (Tabl. 13). Si l’on prend en considération, la longueur de l’ensemble des supports laminaires entiers, quelle que soit leur place dans la chaîne opératoire, les données tendent à monter que le débitage de lames s’est effectué aux dépens de surfaces de débitage assez courtes.

20

Le rapport largeur/épaisseur peut être approché un peu plus finement si l’on considère que la inf à 20 mm 20-39 40-59 60-79 80-100 plupart des outils du fonds commun sont classes dimensionnelles en mm aménagés par une retouche n’empiétant qu’assez Figure 28 : longueur en mm de l’ensemble des faiblement sur leur largeur originelle. Les largeurs supports laminaires bruts et retouchés des supports laminaires bruts et retouchés sont globalement comprises entre 13 et 35 mm pour Ces lames brutes sont également celles qui une épaisseur s’étalant de 3 à 10 mm (Fig. 29). Le présentent les dimensions les plus réduites (tant rapport entre la largeur et l’épaisseur des supports du point de vue de leur longueur que du rapport montre également une répartition relativement largeur/épaisseur ; Fig. 28). Toutefois, si les continue, évoquant un continuum opératoire supports investis dans l’outillage montrent des produisant, au fur et à mesure de l’exploitation longueurs supérieures, celles-ci restent pour le laminaire, tout un panel dimensionnel de lames. moins modestes. Nous verrons ultérieurement que d’autres Lg. moy. Lg. max. Lg. mini. arguments techniques vont également dans le sens de cette unité et donc, d’un continuum opératoire. Lames simples entières Brutes (n=10) 58,7 70 48 On note également la présence, certes ténue, de Retouchées (n=26) 54,2 76,7 32 fragments laminaires larges (30 mm et plus) et peu Toutes les lames entières épais, de section trapézoïdale équilibrée, Brutes (n=22) 61,3 98 40 témoignant d’un débitage effectué sur une surface Retouchées (n=31) 55,7 96 32 large d’un volume. 0

Tableau 13 : approche de la longueur des produits laminaires entiers (dimensions en mm). Total des observations effectuées n=54

Les dimensions

L’intense fragmentation rend délicate une appréciation précise des dimensions des lames recherchées. Les produits laminaires entiers, qu’ils soient bruts ou retouchés, présentent des

Principales caractéristiques morphologiques

La recherche de supports sub-rectilignes à rectilignes est très largement dominante, que ce soit au sein de la population des lames retouchées ou brutes. Les spécimens entiers tout comme les fragments mésio-distaux soulignent que les lames de profil courbe sont rares et que la rectitude était un caractère intentionnellement recherché.

20

20

18

18

16

16

14

14

épaisseur en mm

épaisseur en mm

100

12 10 8 6 4

10 8 6 4 2

2

0

0

1

12

0

5

10

15

20 25 30 35 largeur en mm

40

45

50

2 0

5

10

15

20 25 30 35 largeur en mm

40

45

50

Figure 29 : 1 : rapport largeur/épaisseur en mm des lames simples investies dans l’outillage du fonds commun. 2 : rapport largeur/épaisseur en mm de l’ensemble des produits laminaires

Chapitre 4 - Le Solutréen ancien d’Azkonzilo -

III.3 Caractéristiques techniques des supports laminaires investis dans la constitution des outils du fonds commun

débitage laminaire. L’ensemble des lames à crête reconnues correspond assez clairement à des néocrêtes intervenant en cours de débitage à des fins d’entretien. Une modalité d’entretien des surfaces d’exploitation, certes encore mal documentée, peut être entrevue à l’aide de supports laminaires portant des négatifs transversaux à l’axe de leur débitage. Les produits avec négatifs transversaux présentent le plus souvent un pan avec un négatif laminaire dans l’axe longitudinal du support et un pan ou une partie de celui-ci avec des négatifs transversaux (Tabl. 14).

Outre une très forte fragmentation des lames, ce corpus est également biaisé par une représentation différentielle des supports en fonction de leur place dans la chaîne opératoire. Ainsi, les lames simples, ne comportant ni résidus de surface naturelle, ni négatifs d’enlèvements transversaux à l’axe de débitage, sont largement dominantes et représentent près de 80% du total des supports laminaires identifiés.

Dans trois cas, le talon du produit laminaire est nettement déjeté et en dévers par rapport à l’axe de débitage du support et se situe à l’extrémité latérale de la surface du débitage, à la limite du flanc. La présence, sur cette portion de la table, de négatifs de direction transversale atteste que ceuxci sont alors liés à l’aménagement d’une crête latérale. Dans 8 autres cas, ces produits associent

III.3.1 Quelles informations sur les premières phases du débitage laminaire ? Les premières phases du débitage laminaire sont excessivement mal représentées, que ce soit parmi les supports bruts ou aménagés. Les lames d’entame corticales sont rares et fragmentées et nous n’avons recensé aucun support témoignant de l’aménagement d’une crête pour initialiser le

Produits bruts

Détermination des supports laminaires bruts et retouchés N total Produits sans surface naturelle ni négatif(s) d’enlèvement(s) transversal (aux) Produits convergent sans surface d’enlèvement(s) transversal (aux)

naturelle

295 4

dont lames dont éclats laminaires

5 4

négatif(s)

Produits d’entame

éclat lami.

299

dont lames dont éclats laminaires

ni

lame

Produits retouchés lame éclat lami.

101 148

147 4

9

5

4

7 dont lames corticales dont lame de sous-entame dont éclat laminaires de sous-entame

Produits avec pan latéral ou distal cortical, dos cortical

3 1 3

2 1

1 3

57

dont lame à pan ou dos cortical dont éclat laminaire à pan ou dos cortical dont lame à pan distal cortical dont lames avec cortex résiduel

34 10 5 8

20 2

3 8

dont lame avec négatifs transversaux dont éclat laminaire avec négatifs transversaux

17 3

9

8

Produits avec négatifs transversaux

Produit avec négatifs transversaux et cortex dont lame avec négatifs transversaux et cortex dont éclat laminaire avec négatifs transversaux et cortex

8

20

14

2

Néo-crête

7

4

Sous-crête

1

1

Indéterminé

26

26

Tableau 14 : caractéristiques techniques des supports bruts et retouchés

3

8 4 4

Total

2

434

2 4

188

3

15

218

13

Deuxième partie - Les premières expressions du Solutréen dans le Sud-Ouest français -

des négatifs transversaux et une portion corticale sur un même pan, allant dans le sens d’aménagements ponctuels signifiant qu’une portion seulement des extrémités latérales des surfaces de débitage fait l’objet d’un aménagement. Plus fréquemment, les flancs des nucléus demeurent corticaux tout au long de l’exploitation. Selon l’inclinaison plus ou moins abrupte de ce flanc par rapport à la surface de débitage, des lames à pan ou dos corticales sont extraites à la jonction de ces deux surfaces afin d’entretenir les convexités latérales. Si l’on se fie au type de lames présentes dans la série, ce serait là la principale modalité d’entretien de la surface d’exploitation. Cela reflète également des procédés de mise en forme peu poussés qui n’aboutissent pas à une restructuration totale des volumes à débiter.

102

Dans la grande majorité des cas, des crêtes partielles sont donc installées alors que l’exploitation laminaire est déjà entamée ; il s’agit de néo-crêtes (N=7) à un versant. Dans deux cas, l’aménagement s’effectue aux dépens d’un dos cortical, l’autre pan étant formé par un négatif laminaire de polarité identique au support détaché. Ce cas de figure illustre la position latérale de ces crêtes intervenant en cours d’exploitation laminaire. On retiendra également l’aspect très ponctuel et peu envahissant de ces aménagements, représentés le plus souvent par 2 ou 3 négatifs aux dépens d’un seul versant. L’aménagement de crêtes ne semble donc pas intervenir dans le cadre de l’initialisation du débitage laminaire. En revanche, lors de phases d’entretien des flancs ou en cas d’accidents de type rebroussé, ce procédé semble plus fréquemment utilisé. Les caractéristiques des produits à négatifs transversaux couplées à celles des quelques néocrêtes recensées illustrent la position préférentiellement latérale de cet aménagement. Au regard du faible nombre de produits à crête recensés, il semblerait que ceux-ci ne soient que Lames simples

Crêtes

Négatif(s) unipolaire(s)

97

Négatif(s) bipolaire(s)

16

très rarement détachés. Les flancs des nucléus seraient donc constitués, dans certains cas et notamment lorsqu’ils ne sont pas demeurés corticaux, par des crêtes (partielles le plus souvent) à la jonction de la surface de débitage et du dos. Cet aménagement facilite l’entretien des convexités latérales en ouvrant des zones de plan de frappe potentielles pour intervenir lors d’accident ou d’un aplatissement des convexités sur la surface de débitage. Il n’en demeure pas moins que l’ensemble des produits à négatifs transversaux et néo-crêtes est minoritaire au regard des produits à un pan ou dos cortical (lames, éclats laminaires, éclats). L’aménagement des volumes demeurait donc relativement succinct et l’on peut supposer qu’une attention particulière était alors portée au choix des blocs. III.3.2 Les prédéterminés

phases

de

production

des

supports

Dans l’ensemble, l’unipolarité domine sans être exclusive puisqu’au moins 32 lames attestent de la présence d’un négatif de sens opposé traversant au moins la moitié de la longueur du support (Tabl. 15). En règle générale, la présence de négatifs de sens opposé demeure extrêmement rare sur les lames simples, attestant que les supports prédéterminés étaient préférentiellement obtenus depuis un seul plan de frappe. L’ouverture d’un second plan de frappe semble le plus souvent dédiée à l’entretien de la surface laminaire, notamment lorsque surviennent des accidents de type rebroussé liés à son aplatissement. Une autre grande constante de ces exploitations laminaires correspond à l’utilisation exclusive d’un percuteur de pierre à tous les stades de la chaîne opératoire. En revanche, deux versions différentes peuvent être relevées puisqu’on note que les lames de plein débitage sont le plus fréquemment détachées selon une gestuelle tangentielle, le coup étant alors porté à proximité immédiate de la corniche à partir de talons, soit laissés lisses et abrasés soit facettés (Tabl. 16).

Lames corticales -autres

Lames avec négatif(s) transv.

Lames avec négatif(s) transv. et cortex

Lames avec accident type rebroussé

Total

- sur 1 pan ou 1 dos 6

19

3

11

1

14

151

2

6

4

1

3

32

Tableau 15 : polarité des négatifs d’enlèvement sur les différents types de supports laminaires (les données chiffrées ne représentent ici qu’une valeur indicative puisque les fragments de lames de trop petite longueur n’ont pas fait l’objet de cette observation, les supports très et totalement retouchés non plus)

Chapitre 4 - Le Solutréen ancien d’Azkonzilo -

Pierre interne Lisse

5

Lisse abrasé

4

Pierre tang.

Pierre tang. poss.

Pierre poss.

1

3

3

Linéaire abrasé

3 2

Punctiforme abrasé

1

Facetté

2

Facetté abrasé

4

6

Tendre organique poss.

15

10

Total

9 14

4 1

2

5

2

3

1

3

4

Fracturé ou arraché

Total

Ind.

13

4

4

3

17

9

9

14

60

Tableau 16 : types de talon des lames simples brutes et retouchées de la couche 6a d’Azkonzilo en fonction des modes de percussion reconnues

Les stigmates évocateurs d’une percussion à la pierre correspondent alors à des esquillements du bulbe ou des dédoublements du bulbe de percussion (Pelegrin, 2000). Dans des phases d’aménagement et d’entretien, il est en revanche fréquent que la percussion dure intervienne dans une version interne, avec coup porté plus clairement en retrait du bord de plan de frappe. Les talons sont alors plus épais et presque toujours lisses. Au vu de la largeur de certains supports, de section trapézoïdale aplatie, on peut proposer que l’extraction des lames s’effectue à partir d’une surface de débitage positionnée sur une face large du volume. Ses convexités, tant transversales que longitudinales, étaient peu prononcées si l’on en croit la rectitude du profil des supports détachés. Aucun produit laminaire ne permet d’imaginer des débitages s’effectuant sur la tranche ou le côté étroit des volumes et il ne semble pas non plus que le débitage envahisse cette petite face en cours d’exploitation. Une reconstitution du schéma opératoire laminaire régissant l’obtention d’une large part des supports allongés transformés peut donc être proposée (Figs. 30 & 31). Celui-ci vise l’obtention de lames aux bords et nervures réguliers et de profil rectiligne. Une gamme de supports dimensionnellement variés est obtenue et l’on note la présence de lames larges (25 à 40 mm) de section trapézoïdale relativement aplatie en lien avec une épaisseur pas nécessairement proportionnelle à la largeur de ces supports. L’obtention de ces supports rectilignes s’effectue à partir de nucléus dont la face large est privilégiée pour installer la surface de débitage. L’extraction des lames se fait très majoritairement depuis un seul plan de frappe et exclusivement par percussion directe à la pierre, technique mise en œuvre selon deux modalités distinctes conduisant

à porter la percussion soit à proximité de la corniche avec un geste de direction plus tangentielle, soit nettement en retrait du bord de plan de frappe. Ces exploitations unipolaires privilégiant la face large du volume devaient générer un certain nombre de contraintes techniques quant à la mise en place et surtout l’entretien des convexités adaptées à la bonne récurrence des opérations. Il semble qu’une des solutions adoptées consistait à aménager une crête en position latérale, à la jonction de la table et de l’un des flancs dont l’objectif n’était pas d’être détaché mais plutôt de renforcer les convexités transversales de la surface d’exploitation, par l’intermédiaire d’éclats transversaux envahissant plus ou moins la partie centrale de la table. Cette première reconstitution d’un schéma opératoire laminaire visant l’obtention de supports aux bords et nervures parallèles et de profil rectiligne est encore largement incomplète. Surtout, elle ne reflète qu’une partie des intentions techniques des tailleurs d’Azkonzilo puisque nous n’avons pas encore intégré les pointes à face plane, qui occupent une place centrale dans le système d’exploitation des matières premières siliceuses mis en place par les solutréens anciens.

103

Figure 30 : représentation schématique du schéma opératoire d’obtention des supports laminaires tel qu’il peut être envisagé à partir de l’étude des supports d’outils du fonds commun et des lames brutes

104

De rares tablettes attestent du ravivage sur place des plans de frappe des nucléus laminaires.

Les produits corticaux sont représentatifs du spectre global des matières premières.

Sousreprésentation des lames corticales d’entame et sous-entame par rapport aux éclats corticaux.

Présence de rares lames à crête à 1 versant partielle sur lesquelles on observe également au moins 1 négatif laminaire.

Présence de quelques produits laminaires portant des négatifs transversaux sur un pan, opposé à 1 second qui correspond à au moins 1 négatif laminaire.

Présence plus fréquente de produits laminaires corticaux sur un pan ou un dos associé à un second pan qui correspond à au moins 1 négatif laminaire.

Il s’agit soit de néo-crêtes soit de produits témoignant de l’installation de néo-crêtes, toujours en position latérale et intervenant dans le réaménagement des surfaces de débitage. Même si elles ne sont pas toujours détachées, ce procédé ne semble pas être majoritaire.

Présence ténue de produits associant sur 1 même pan (ou dos) des négatifs transversaux et une plage corticale.

Les extrémités latérales des surfaces de débitage font rarement l’objet d’une mise en forme. Elles restent généralement corticales.

Stabilité du rapport lg/ép des supports laminaires et de leurs caractères techniques (polarité, technique de débitage, talons).

Quelques soient leurs dimensions, les lames brutes et retouchées ont un profil rectiligne.

Cintre et carène restent peu marqués tout au long de l’exploitation laminaire.

Présence de lames larges, peu épaisses et de section trapézoïdale ou triangulaire .

La morphologie de la surface de débitage est courte et large dès le début de l’exploitation.

Le seuil des longueurs des lames brutes et retouchées n’excède jamais 10 cm..

Ce schéma opératoire est vraisemblablement assez contraignant : volonté d’obtenir des supports rectilignes débités à la pierre aux dépens d’une surface aux convexités peu marquées.

Figure 31 : inférences possibles à partir des observations effectuées sur les produits bruts et les supports d’outils du fonds commun

Pas ou peu de produits d’aménagement des nucléus sont sélectionnés pour l’outillage.

Même si ce n’est pas l’option la plus fréquente, une part au moins du débitage laminaire a eu lieu sur place.

Faible investissement placé dans l’aménagement des blocs.

Qu’il s’agisse de leur aménagement ou de leur entretien, les blocs ne font généralement pas l’objet d’une restructuration globale de leur volume.

Il s’agit d’une exploitation de surface courte et large présentant des possibilités de réaménagement assez restreintes, essentiellement depuis les extrémités latérales de la surface de débitage et, peut-être une phase de production de lames simples assez courte.

105

Deuxième partie - Les premières expressions du Solutréen dans le Sud-Ouest français -

IV. Les pointes à face plane de la couche 6a IV.1. Définition du type

106

Si les pointes à face plane sont de longue date reconnues comme le fossile directeur du Solutréen ancien, il faut attendre les années 1960 et les travaux de P. Smith (1966) pour qu’elles soient définies plus précisément sur un plan typomorphologique. Dans un premier temps, sa définition associe des critères portant sur la morphologie générale de l’objet et la retouche qui lui est appliquée ; il s’agit « [d’] un éclat ou [d’] une lame courte généralement appointée par la retouche plate, habituellement limitée à une partie de la face supérieure et qui ont souvent le bulbe enlevé par retouche » (Smith, 1966, p. 49). Ainsi défini, l’auteur admet la variabilité inhérente à cet objet ; plus qu’un type, il évoque alors « un thème central très lâche » (Smith, ibid.) et crée au sein de celui-ci 5 soustypes selon des critères morphologiques et typologiques auxquels il attribue de surcroît une valeur spatio-temporelle. Ces sous-types auraient une réalité de « par leur position dans le temps et dans l’espace » (Smith, ibid., p. 49). La figure 32 synthétise les différents critères retenus par P. Smith lors de sa distinction des 5 sous-types de pointes à face plane. P. Smith propose donc une classification typomorphologique assez précise des pointes à face plane, tout en reconnaissant la difficulté à ordonner au sein d’un même type préexistant 19 des pièces caractérisées par une grande variabilité. De surcroît, la classification de Smith ne se veut pas seulement typologique ou morphologique puisqu’elle repose aussi pour partie sur la position des sous-types de pointes à face plane dans la chronologie interne de la séquence solutréenne ; à ce titre, il reste dommageable que P. Smith, dans ses décomptes typologiques exhaustifs pour les grandes séquences de référence du Solutréen aquitain, ne fournisse pas les proportions de pointes à face plane en fonction des sous-types qu’il a distingué. Il demeure ainsi délicat de statuer sur la validité de sa classification en fonction des subdivisions internes du Solutréen. Nous verrons également à travers l’exemple d’Azkonzilo, où les pointes à face plane sont très fragmentées, que l’utilisation de cette classification est parfois rendue délicate du fait de la nature même du corpus considéré. En effet, pour construire sa typologie, P. Smith s’est essentiellement fondé sur la séquence de

Laugerie-Haute qui inclut en assez grande quantité des pointes à face plane entières. Mentionnons pour finir l’absence de critères d’ordre fonctionnel et d’observations relatives à des récurrences technologiques quant à la nature des supports mis en œuvre pour confectionner ces objets. Or, nous verrons que la nature des supports sélectionnés peut fournir une clé de lecture pour expliquer l’apparente diversité des pointes à face plane.

IV.2. Présentation générale Au nombre de 99, les pointes à face plane de la couche 6a d’Azkonzilo forment l’un des types d’outil le mieux représenté. Il s’agit d’un des corpus de pointes à face plane les plus abondants connus à ce jour à l’échelle du Sud-Ouest français. Outre cette importance numérique, nous insisterons sur l’investissement technique dont ces outils ont fait l’objet, que ce soit dans le cadre de la production des supports ou de leur transformation. À ce titre, nous proposerons ici une classification interne des pointes à face plane, visant plus spécifiquement à isoler un groupe d’objets aux caractères typologiques, morphologiques et techniques particulièrement homogènes. Il s’agit d’un groupe de pointes à face plane « axiales », qui témoigne d’une sélection rigoureuse des supports et de l’application d’une retouche dite « plate solutréenne » bien exécutée et localisée de manière récurrente sur la base et la portion apicale. Cette observation n’est cependant pas une règle générale du traitement des pointes à pace plane et nous verrons qu’en dehors de ce groupe, une « polymorphie » se dégage de l’ensemble. Cette variabilité s’exprime tant au niveau du choix des supports, allant de l’éclat plus ou moins allongé à la lame, que de leurs dimensions ou des modalités d’application de la retouche. IV.2.1. Les matières premières utilisées pour la confection des pointes à face plane Les matières premières lithiques sont assez représentatives des différentes sources exploitées par les occupants du Solutréen ancien (Tabl. 17). Parmi celles-ci 20, les silex maastrichtiens de Chalosse (Landes) dominent largement avec 61 exemplaires (Tabl. 17). Ils sont complétés par 12 spécimens en silex du Flysch pyrénéen, 3 en silex campanien et 1 en silex turonien de la région de Fumel (Lot-et-Garonne). Les autres pointes à face plane n’ont pu faire l’objet de déterminations pétrographiques précises et rassemblent 4 exemplaires soit en silex du Flysch de type

Chapitre 4 - Le Solutréen ancien d’Azkonzilo -

Bidache ou Chalosse et à l’unité, un Coniacien inférieur, un silex dit « jaspéroïde » et une pièce soit en silex du Campanien soit du Flysch de type Soustypes

Morphologie générale de l’outil

A

2. Face sup. totalement 1. Symétrique, retouchée ou presque. Face ordinairement pointue aux 2 inf. brute ou partiellement bouts retouchée

Gainkurutxeta. Pour le reste, il s’agit de pièces brûlées (n=3) ou restées indéterminées de ce point de vue (n=10).

Ampleur et localisation de la retouche

Catégorie de supports

3. Lame allongée

B

1. En forme de larme

2. Une grande partie de la face sup. est retouchée du côté gauche de l’arête médiane. La retouche de la face inf. se limite à l’enlèvement du bulbe

C

1. Forme de couteau à dos ou d’une pointe à dos ressemblant assez à une pointe de Châtelperron 4. Section triangulaire

3. Retouche concentrée sur un côté de l’arête médiane (presque toujours du côté gauche). Le bulbe peut être enlevé

2. Longue lame appointée à un bout et quelques fois légèrement incurvée

D

1. Large et massif 4. Parfois comparé aux pointes moustériennes mais on le retrouve dans tout le Solutréen

3. Retouche plate sur une grande partie ou la totalité de la face sup. et sur une partie de la face inf.

2. Éclat irrégulier

2.Une pointe ou deux

3. Le plus souvent le bulbe est enlevé par cassure ou laissé intact (parfois enlevé par retouche). La retouche plate est concentrée à la ou les pointes

1. Lame appointée.

E

3. Éclat large ou lame raccourcie

Figure 32 : définition simplifiée des 5 sous-types de pointe à face plane reconnus par P. Smith à l’échelle globale du Solutréen. Les numérotations au sein des cases représentent l’ordre des critères utilisés par P. Smith et le vocabulaire est repris du même auteur. Dans cette définition des sous-types de pointes à face plane, P. Smith ajoute à celle du sous-type C : « Ce type est quelquefois difficile à distinguer du précédent, mais il en est généralement très différent » ; et, concernant le sous-type E : « Ce type est presque à la limite de la catégorie des pointes à face plane et, essentiellement, ce ne sont que des lames appointées » (Smith, 1966, p. 49-50)

107

Deuxième partie - Les premières expressions du Solutréen dans le Sud-Ouest français -

Total Chalosse

certaine

probable 3

61 dont Chalosse indéterminé

13

10

dont Chalosse centrale

2

2

dont Chalosse de type Audignon

30

26

4

dont Chalosse de type Dumes Banos

13

10

3

dont Chalosse de type Tercis

2

dont Chalosse de type Château de Gaujac

1

1

4

4

Flysch de ty. Bidache ou Chalosse ? Flysch

108

Attribution :

2

12

dont Flysch (indéterminé)

5

5

dont Flysch de type Bidache

7

6

Campanien ou Flysch de type Gainkurutxeta

1

1

Campanien

3 dont campanien indéterminé

2

1

dont campanien de type Salies de Béarn

1

1

Coniacien inférieur

1

1

Fumélois

1

1

Silex jaspéroïde

1

1

Brûlé

3

3

Indéterminé

10

10

N’a pas fait l’objet de détermination

2

2

99

85

Total

1

1

14

Tableau 17 : distribution des matières premières des pointes à face plane de la couche 6a d’Azkonzilo (pour l’ensemble des types et ébauches)

IV.3 Caractères morphologiques généraux des pointes à face plane : le respect des grandes constantes Les pointes à face plane de la couche 6a sont à l’image de ce que P. Smith formulait déjà en 1966 : cet objet, qu’il qualifie alors de « polymorphe », témoigne, à Azkonzilo, d’une grande variabilité morphologique et typologique. Néanmoins, le respect des grandes constantes qui définissent ce type – l’aménagement d’une pointe, le traitement de la base, le travail d’un bord et l’application d’une retouche couvrante – demeure un fait observable au sein de ce corpus.

cas, elle peut être très acérée, conférant à l’outil une véritable acuité. Plus rarement, elle peut faire l’objet d’un traitement sans toutefois être véritablement acérée, allant parfois jusqu’à prendre une forme mousse. Le mode le plus fréquent demeure celui d’une vraie pointe, aiguë et acérée. La base

Ces grandes constantes se caractérisent par :

L’aménagement de la base est un autre caractère fort de ce corpus. Presque systématique, il vise plusieurs objectifs ayant trait à son épaisseur et sa délinéation et se concrétise selon différentes modalités ; cette dernière peut être régulièrement convexe ou s’inscrire dans une forme trapézoïdale. La retouche peut amincir ou non le support.

La pointe

Les bords

Cette portion de l’outil fait, sans exception, l’objet d’un aménagement même si l’on observe une nette variation dans son expression. Dans certains

Du fait de l’importante fragmentation de ces pièces, cette observation peut être en partie

Chapitre 4 - Le Solutréen ancien d’Azkonzilo -

tronquée. Mentionnons toutefois que le traitement d’un ou des deux bords varie vraisemblablement en fonction des deux autres aménagements suscités (plus spécifiquement du traitement de la pointe) et incidemment de l’objectif fonctionnel assigné à la pièce. Dans tous les cas, les bords latéraux sont retouchés même si l’ampleur et le type de modification du tranchant varient selon les cas. La retouche couvrante et rasante (retouche plate solutréenne)

La retouche revêt des morphologies différentes selon qu’elle aménage la pointe, la base ou un bord. Néanmoins, la retouche dite « solutréenne », faite d’enlèvements assez larges, plats et rasants est l’un des caractères forts observés sur ce corpus. Elle peut être appliquée sur différentes portions de l’objet même si, dans le cas présent, ce sont les portions apicales d’un lot bien particulier de pointes dites « axiales » qui sont privilégiées. Ce type de retouche peut également intervenir sur la face inférieure des outils, dans le cadre de l’aménagement de la base. Un certain degré d’allongement

Si la grande majorité des pointes à face plane est aménagée sur des supports laminaires, ceux-ci témoignent d’une certaine diversité morphométrique. En résumé, si les grandes constantes qui définissent les pointes à face plane sont bien présentes à Azkonzilo, elles s’expriment de manière parfois très différente d’une pièce à l’autre. Et c’est bien là que réside toute l’ambiguïté de ce type tel qu’il a été défini par P. Smith. Dans sa globalité, le corpus réunit l’ensemble des éléments fédérateurs évoqués ci-dessus mais ces 4 grands thèmes principaux ne sont que rarement, voire exceptionnellement, associés. Le plus souvent deux, voire trois caractères seulement sont représentés sur un même objet. S’ajoute à ce premier niveau de variabilité, une hétérogénéité morphologique et dimensionnelle des supports sélectionnés, qui vont de l’éclat à la lame élancée, en passant par des éclats laminaires. Cette diversité accentue vivement cette première impression de diversité au sein de ce type. Enfin, une dernière difficulté vient s’ajouter et renvoie à la très grande fragmentation de ces objets et à la sur-représentation des fragments apicaux (Tabl. 18). Ceci constitue un obstacle pour apprécier la morphologie générale d’un certain nombre de ces objets et, incidemment, la nature des supports sélectionnés.

Pour l’ensemble de ces raisons, il nous est apparu que l’utilisation des sous-types de P. Smith ne rendait pas compte des particularités des pointes à face plane de la couche 6a d’Azkonzilo. En fait, la nature même de la définition de P. Smith ne se prête pas à ce corpus, dominé par des fragments, le plus souvent apicaux. Ceci nous a conduit à définir une grille d’analyse permettant la comparaison de l’ensemble des éléments, qu’il s’agisse de fragments ou de spécimens entiers. L’analyse effectuée propose de scinder l’objet en diverses parties représentées par la base, la pointe, le bord gauche et le bord droit. Nous les avons considérées sans a priori comme des parties fonctionnelles indépendantes. Les critères retenus devaient nous permettre de décrypter les différentes transformations affectant le support originel et rendre ainsi compte du niveau de transformation induit par l’aménagement de la pointe, et/ou de la base et/ou des bords. Pour cela, nous avons, au préalable, comparé le niveau de transformation du support originel de chaque pièce, portion par portion, et évalué, pour chacune d’entre elles, la ou les zones de transformations privilégiées (aménagement de la pointe, d’un bord..). Cette approche a permis de traiter les nombreux fragments au même titre que les spécimens entiers 21 et de caractériser le plus précisément possible les supports, leurs transformations et l’état d’abandon de ces outils. Si cette grille d’analyse s’est au départ révélée difficile à manipuler, tant elle comportait de critères relevant à la fois de l’objet abandonné ou de la nature du support, elle s’est finalement révélée efficace dans le cadre du corpus d’Azkonzilo puisqu’en détaillant chaque partie, elle nous a permis de préciser les caractéristiques propres à chaque catégorie de fragments. Un caractère fort se dégage de nos observations et concerne l’importance accordée au traitement de la pointe, qui n’est pas simplement le résultat de la sur-représentation des fragments apicaux (Tabl. 18). Dans un premier temps, nous avons constaté que la portion apicale pouvait revêtir diverses formes : elle peut être axiale ou déjetée, son niveau d’acuité peut varier du très acéré à la pointe quasimousse, elle peut être totalement retouchée ou très peu, ses bords et l’apex peuvent ne présenter aucun stigmate d’utilisation à l’échelle macroscopique.

109

Deuxième partie - Les premières expressions du Solutréen dans le Sud-Ouest français -

N

%

32

29,6%

dont exemplaires entiers

20

18,5%

dont exemplaires quasi-entiers

12

11,1%

76

70,4%

dont apex inf. à 2cm de long

24

22,2%

dont portion apicale sup. à 2 cm de long

26

24 ,1%

dont portion mésiale

1

0,9%

dont portion basale

22

20,4%

dont fragment indéterminé

3

2,8%

108

100%

Exemplaires entiers et quasientiers

Exemplaires fragmentés

Total

Ces observations ont généré un premier classement de l’ensemble des pointes à face plane. Celui-ci reprend à la fois l’allure générale et, en particulier, la position de la pointe qui peut être dans l’axe morphologique de l’outil ou déjetée. Une partition a ainsi pu être effectuée entre les spécimens à pointe axiale et ceux dont la pointe est plus ou moins nettement déjetée. Un premier constat a pu s’ensuivre : la plus grande homogénéité du groupe des pointes axiales. Il présente des attributs stylistiques et morphotechniques remarquablement homogènes, en faisant un groupe particulièrement cohérent par lequel nous débuterons notre présentation. Nous évoquerons ensuite les spécimens à pointes déjetées, regroupant plusieurs sous-groupes d’inégale valeur.

Tableau 18 : représentation des exemplaires entiers et fragmentés de pointes à face plane (les pointes à face plane reprises en outils du fonds commun sont incluses)

110

IV.4 Les pointes à face plane axiales Numériquement le plus important 22 (Tabl. 19), ce lot de pièces (n=32) est constitué d’une majorité de fragments apicaux (n=22), de quelques exemplaires entiers (n=7) et de rares portions de bases (n=3). Les fragments de pointe à face plane représentatifs de la partie apicale ont été scindés de manière arbitraire en deux groupes dimensionnels : un lot dont la longueur maximale est supérieure à 2 cm (n=18) et un second dont la longueur maximale est inférieure à ce seuil dimensionnel 23 (n=4).

Mais surtout, en faisant varier ces différents paramètres, une combinaison particulière est ressortie, venant confirmer nos premières observations. Celle-ci se traduit de la manière suivante : pointe dans l’axe de l’outil totalement retouchée ou presque au moyen d’une retouche plate et couvrante conférant à cette partie de l’objet une forte acuité et symétrie général de l’objet.

Axiales « Elancées » « Courtes et « Lames « Grand ramassées » appointées » gabarit » Exemplaires entiers

6

2

6

2

1

Exemplaires quasi-entiers

1

2

1

4

2

Apex (de Lg. < à 2cm)

4

Portion apicale (> à 2 cm.)

18

Ébauche

7

20 12

1

4

2

4

7

8

14

4

24 26

1

Fragment indéterminé

32

3

20

3

Total

Total

1

Partie mésiale Partie basale

Ind.

1

1

12

22

3

3

39*

108

Tableau 19 : distribution des pointes à face plane selon les groupes établis

*cette catégorie de vestiges « indéterminés » de ce point de vue inclut une large part des fragments apicaux dont la longueur maximale n’excède que rarement 1 à 1,5 cm. Pour cette raison, ils n’ont pu être intégrés à un groupe particulier de pointes à face plane Les 9 outils du fonds commun aménagés sur des pointes à face plane ont été intégrés à ce décompte. Compte tenu du déficit de certaines portions et notamment des parties basales, nous les avons incorporés de manière à disposer d’un plus large corpus descriptif. Dans le détail, il s’agit de 3 burins pour le type 1, d’un burin pour le type 2, d’un grattoir et d’une pièce esquillée pour le type 5 et enfin d’une pièce esquillée, d’un divers et d’un grattoir pour celles indéterminées.

Chapitre 4 - Le Solutréen ancien d’Azkonzilo -

Le tableau 20 indique qu’elles sont essentiellement confectionnées en silex de Chalosse (n=27), auquel s’ajoutent deux exemplaires en Fumélois et enfin, à l’unité, une pièce en Flysch et une autre en Coniacien inférieur. Un premier constat peut être établi concernant l’origine des matières premières : c’est parmi ces pièces axiales que se retrouvent les seuls exemplaires utilisant des matériaux de provenance lointaine, tels les silex du Fumélois. Un second aspect concerne la qualité des matières siliceuses engagées. Globalement, on peut qualifier l’ensemble comme étant de très bonne voire d’excellente qualité et l’impression générale qui ressort de ce lot tient à la relative homogénéité liée à leur aspect translucide et leur grain très fin. Seule

Total

Axiales

« Elancées »

« Courtes et ramassées »

« Lames appointées »

« Grand gabarit »

Ébauche et ind

la pièce en silex du Flysch témoigne d’une qualité inférieure et d’un aspect opaque. On aurait donc, au sein de ce groupe, une sélection particulière des matériaux employés caractérisée par l’attention portée à des silex translucides de grain fin.

68

27

4

4

3

9

20

dont Chalosse d’origine indifférenciée

13

4

1

1

dont Chalosse centrale

2

1

dont Chalosse de type Audignon

34

10

2

2

2

dont Chalosse de type Dumes Banos

16

11

1

1

1

dont Chalosse de type Tercis

2

1

dont Chalosse de type Château de Gaujac

1

1

Flysch de type Bidache ou Chalosse ?

4

1

3

Flysch

12

1

6

Chalosse

dont Flysch d’origine indifférenciée

5

dont Flysch de type Bidache

7

7 1 9 2 1

1

2

2

1 1

2

4

1

1

1

Campanien ou Flysch de type Gainkurutxeta

1

Campanien

4

3

dont Campanien d’origine indifférenciée

2

2

dont Campanien de type Salies de Béarn

2

1

2

1

Coniacien inférieur

1

1

Turonien (Fumélois)

2

2

Silex jaspéroïde

1

Brûlé

3

N’a pas fait l’objet de détermination

2

Indéterminé

10

1

108

32

Total

9

1

1 1

2 2 9

4

7

8

14

Tableau 20 : décompte des matières premières selon les groupes de pointes à face plane distingués

43

111

Deuxième partie - Les premières expressions du Solutréen dans le Sud-Ouest français -

Figure 33 : pointes à face plane axiales de la couche 6a d’Azkonzilo

IV.4.1 Morphologie générale des pointes axiales 112

La morphologie générale des pièces réunies ici se caractérise par un certain élancement et s’inscrit globalement dans une ogive 24. De rares pièces apparaissent plus trapues (n=2) et présentent alors une face supérieure totalement retouchée, caractère exceptionnel au sein de ce lot. La délinéation des bords, convergents en partie apicale, est régulière, relativement convexe ou plus rectiligne lorsqu’ils sont laissés bruts. Seule la pointe située dans l’axe d’allongement maximum de l’objet présente une acuité. Ce caractère se traduit sous la forme d’une pointe plus ou moins évasée (autrement dit, plus ou moins large) mais toujours très acérée. La base, retouchée sans exception, peut présenter une délinéation convexe ou s’inscrire dans une forme trapézoïdale (Figs. 33 & 35). Le profil de ces objets est très majoritairement rectiligne. Lorsqu’une courbure apparaît, elle est peu étendue, peu prononcée et localisée à l’extrémité apicale. Dans quelques rares cas, l’un des bords peut être légèrement torse. IV.4.2 L’aménagement des pointes à face plane axiales L’aménagement des supports peut globalement être décrit en deux temps avec, d’une part, la retouche systématique de la portion apicale et, d’autre part, l’amincissement de la base. Les portions de bords résiduelles, situées entre la pointe et la base, ne sont pas systématiquement

retouchées, notamment lorsque la délinéation naturelle de ce bord convient à l’aménagement global de ces outils. Enfin, la mise en œuvre d’une retouche plate et couvrante est fréquente. L’aménagement de la partie apicale

L’ampleur de la retouche de la partie apicale et ses modalités d’application constituent deux attributs forts de ce lot de pointes à face plane (Figs 33 & 34). Vingt-huit objets permettent d’établir ces observations 25 (Tabl. 21). Ampleur de la retouche La très grande majorité d’entre eux (n=25 ; Tabl. 21) présente un façonnage intégral de la pointe, principalement aux dépens de la face supérieure. Deux autres pièces (un fragment et un spécimen entier) ont fait l’objet d’une retouche couvrante intéressant le bord gauche, opposé à un second laissé brut (Fig. 33, 3). Enfin, il nous faut mentionner la présence d’une pointe à face plane entière, un peu particulière au sein de ce groupe puisque la retouche qui lui a été appliquée se distingue assez nettement des fortes tendances observées 26 (Fig. 35, 2). Ce façonnage intégral de la face supérieure des portions apicales intéresse un total de 25 pièces se répartissant en 4 objets entiers et 21 fragments. Parmi ces fragments, 4 sont d’une longueur inférieure à 2 cm, 6 ont une longueur comprise entre 2 et 2,9 cm. enfin, les 11 derniers sont de longueur supérieure à 3 cm. Notons d’emblée que la longueur des fragments regroupés ici ne constitue pas un élément discriminant pour le façonnage intégral.

Chapitre 4 - Le Solutréen ancien d’Azkonzilo -

113 Figure 34 : fragments apicaux de pointes à face plane axiales

Il est ici sous-entendu que la portion de la face supérieure atteinte par le façonnage n’est pas dépendante de la longueur du fragment (ou, autrement dit, le façonnage total de la partie apicale n’est pas uniquement représenté par les fragments les plus courts). Il n’existe donc pas de biais de représentation puisque le façonnage total concerne l’ensemble des fragments et ce quelle que soit leur longueur ; inversement, un façonnage appliqué sur le dernier ou les deux derniers centimètres apicaux peut concerner l’ensemble des catégories dimensionnelles tout comme les spécimens entiers. La délinéation des bords En partie apicale, la délinéation des bords est pour moitié symétrique, opposant soit deux bords rectilignes convergents, soit deux bords le plus souvent très légèrement convexes, toujours convergents vers l’apex. L’autre moitié des portions apicales, légèrement dissymétrique, oppose un bord rectiligne à un second très faiblement convexe. Dans ce cas, il n’existe pas de latéralisation récurrente, le bord gauche peut être plus rectiligne que le droit ou inversement.

Les caractères intrinsèques de la retouche Cet aspect constitue en revanche un caractère particulièrement homogène. Appliquée à la quasitotalité des spécimens observés, cette retouche à la fois large et rasante, généralement très soignée, correspond à ce qui est communément désigné sous les termes de « retouche solutréenne ». Cette retouche couvrante, voire dans quelques cas envahissante lorsqu’elle dépasse la nervure centrale de l’objet, est d’inclinaison sub-rasante à rasante, subparallèle ou parallèle lorsqu’elle a été appliquée avec un soin tout particulier. Sur les portions apicales observées, un ou plusieurs rangs de retouche, plus courte et plus abrupte, peuvent succéder à cette retouche plate (Fig. 33, 1 & 3 ; Fig. 34, 1, 2 & 6) ; dans de rares cas, ils peuvent être sub-écailleux. Cette retouche peut cependant faire l’objet de quelques variations lorsqu’elle n’est pas appliquée de manière symétrique aux deux bords. Ceci peut par exemple prendre la forme d’une retouche couvrante appliquée de manière perpendiculaire à l’axe d’allongement principal de la pièce sur un bord et de manière plus oblique sur le second (Fig. 34, 4).

Deuxième partie - Les premières expressions du Solutréen dans le Sud-Ouest français -

Fragment apical de longueur max. 2 cm

façonnage total

Fragment apical de longueur max. > à 3 cm (n=11)

1

4

2

4

Spécimens entiers (n=4)

1

1

1

1

Total (n=25)

3

7

3

12

Tableau 21 : ampleur (longueur en cm) du façonnage sur la face supérieure des extrémités apicales selon la longueur des fragments et des spécimens entiers

114

Autre facteur de dissymétrie : l’un des pans totalement aménagé par cette retouche couvrante sera opposé à un autre pan où un second voire un troisième rang de retouche plus court lui succédera (Fig. 34, 2). Dans ce cas, le bord opposé apparaîtra plus abrupt. Il se peut, dans certains cas, que ces rangs de retouche plus courte correspondent en fait à un ravivage du bord et que cette question de dissymétrie ne résulte finalement que du degré d’utilisation et de ravivage dont ces pièces ont pu faire l’objet. Enfin, de très rares exemplaires montrent une retouche couvrante qui dépasse la nervure centrale de l’objet, apparaissant encore plus envahissante que celle appliquée au pan opposé. La technique de retouche utilisée semble s’être restreinte à l’utilisation d’un percuteur tendre organique en percussion directe. Aucun stigmate de retouche par pression n’a été relevé 27, même si cette diagnose est parfois rendue délicate en fonction du recouvrement potentiel des stigmates lorsque la percussion directe tendre est appliquée avec un soin tout particulier. Enfin, la face inférieure de la portion apicale n’est que très rarement concernée par un aménagement. Sur les rares portions apicales concernées par cette modalité, la retouche est le plus souvent assez discrète et localisée. Elle peut se situer sur l’extrémité apicale ou plus en retrait. Lorsque cet aménagement se concentre sur l’extrémité apicale, il peut contribuer à acérer l’apex en effilant encore davantage cette zone (Fig. 34, 2). Cette retouche peut également contribuer à redresser le profil mais il existe également un exemple avec une retouche inverse et un profil courbe, plus accentué au niveau de l’apex (Fig. 34, 6). Les objectifs de la retouche Les modalités d’aménagement de la pointe, particulièrement homogènes en ce qui concerne les pointes axiales, visent en priorité à dessiner la pointe et la symétrie générale de l’objet, tout en contrôlant l’épaisseur de l’apex, en l’amincissant ou en le régularisant. Les caractéristiques

intrinsèques de la retouche permettent de réduire l’épaisseur de la partie apicale lorsque cela s’avère nécessaire. Par exemple, lorsque la retouche est couvrante et dépasse assez nettement l’axe médian de l’objet, elle s’applique alors dans un réel souci d’amincir et d’effiler la partie apicale. Lorsque son application est plus sporadique, elle peut également chercher à régulariser l’épaisseur de la pointe de manière à ce qu’elle décline régulièrement de la portion mésiale vers l’apex (Fig. 35). On note une certaine adéquation entre la mise en place de la retouche couvrante et l’épaisseur des supports. Ainsi, sur les supports les moins épais, une retouche courte à longue d’incidence plus abrupte se substitue à la retouche couvrante et ne vise qu’à ajuster la délinéation des bords et appointer l’apex. L’aménagement de la portion basale

L’aménagement de la base constitue le second élément fédérateur de ce lot de pointes à face plane axiales. Dans tous les cas, ces portions de l’outil ont fait l’objet d’une transformation plus ou moins poussée. Ici, l’information peut être partiellement tronquée du fait du peu d’observations (n=10) potentiellement disponible à partir de ce corpus 28. Néanmoins, une première caractérisation a pu être établie à partir des spécimens entiers puis corrélée aux fragments de base présentant des caractères morpho-typologiques et dimensionnels identiques. La retouche affecte généralement les deux surfaces de la portion basale (n=8) ; seule une pointe à face plane, entière, présente un aménagement uniquement aux dépens de sa face supérieure et, une autre seulement sur sa face inférieure (Fig. 35, 2). Dans ce dernier cas, la faible épaisseur du support n’a pas nécessité de retouche visant à l’amincir davantage mais juste à réguler la délinéation de cette portion de l’outil.

Chapitre 4 - Le Solutréen ancien d’Azkonzilo -

Il reste délicat de préciser l’ordre selon lequel intervient l’aménagement de ces deux surfaces. En effet, les négatifs d’enlèvements ayant conservé leur contre-bulbe sont extrêmement rares. À l’abandon, les bords de ces objets semblent témoigner de réaménagements successifs masquant les contre-bulbes des premiers négatifs ou d’une « altération » (comme cela est également le cas pour les bords ou la pointe) plus ou moins intense, revêtant différentes formes et qui empiète suffisamment pour reprendre les contre-bulbes laissés par les enlèvements précédents. On peut envisager à titre d’hypothèse que ces altérations macroscopiques résultent de l’emmanchement de ces pièces mais il conviendrait pour être plus précis d’engager des études fonctionnelles complémentaires. Sur la portion basale, la retouche de la face supérieure présente des caractéristiques similaires à celle des parties apicales. Souvent très étendue, cette retouche couvrante et rasante, faite de négatifs assez larges, façonne globalement les deux premiers centimètres de la partie basale. C’est principalement depuis les deux bords latéraux que sont tirés ces enlèvements particulièrement envahissants (Fig. 33, 1-3), qui atteignent la moitié

de la largeur de la pièce, auxquels succède, dans un second temps, une retouche beaucoup plus courte et semi-abrupte intervenant cette fois-ci dans l’axe longitudinal de la pièce. Cette retouche dans l’axe peut, dans de rares cas, être longue voire couvrante quand elle a pour but de supprimer un relief laissé par un accident de type rebroussé. La retouche inverse de la portion basale investit plus ou moins l’étendue de la surface (Fig. 33, 12 ; Fig. 35, 1-2) : elle peut être couvrante (dans 5 cas) ou longue, voire courte et plus abrupte (4 cas) et intervient, sans ordre apparent, depuis les bords ou dans l’axe longitudinal. Deux objectifs semblent poursuivis lors de l’aménagement de la base de ces objets. La retouche couvrante appliquée transversalement à l’axe d’allongement de l’outil depuis les bords latéraux permet d’amincir nettement cette portion du support. La retouche appliquée dans l’axe de l’outil, plus courte, confère une délinéation régulière à la base, plus généralement rectiligne que convexe. Enfin, il nous faut également préciser que la retouche, toujours plate, de la face inférieure vise principalement à diminuer l’épaisseur du bulbe de percussion, voire à l’ôter totalement.

Figure 35 : pointes à face plane axiales

Ces 2 pièces illustrent particulièrement notre propos. 1 : elle est aménagée sur un support dont l’épaisseur de la base n’est pas constante ; sur la face supérieure, le pan droit est surcreusé par un négatif antérieur rebroussé qui a fortement réduit l’épaisseur de cette portion. L’aménagement de ce bord est par conséquent limité à en régulariser la délinéation par une retouche non envahissante et semi-abrupte, visant également à renforcer la symétrie de cette pièce. 2 : elle correspond à l’unique pointe à face plane en silex du Fumélois dont l’épaisseur est naturellement faible. Dans ce cas, l’aménagement ne concerne que la face inférieure avec pour unique objectif de régulariser la délinéation de la pièce.

115

Deuxième partie - Les premières expressions du Solutréen dans le Sud-Ouest français -

Le traitement des bords latéraux Plus encore que pour les portions de bases, le peu d’observations possibles nous renvoie à une certaine prudence. Néanmoins, les exemplaires entiers montrent une alternative assez claire dictée à nouveau par l’application ou non de la retouche couvrante.

116

Le traitement de la partie mésiale de ces pointes axiales diffère de celui de la pointe et de la base en ce sens qu’elle n’est pas systématiquement investie par la retouche. Lorsque la retouche plate et rasante est absente, soit les bords sont laissés bruts (Fig. 33, 1), soit elle cède la place à une retouche beaucoup plus discrète, plus courte et semiabrupte, ne concernant qu’un seul des deux bords (Fig. 33, 2). Ces aménagements visent essentiellement à symétriser les deux bords selon l’axe médian ou l’axe d’allongement maximum de la pièce. Dans quelques cas, la retouche couvrante envahit soit l’un des pans (Fig. 33, 2), soit la totalité de la surface ; elle est ensuite complétée par un ou plusieurs rangs de retouche plus courte et plus abrupte 29. Cette observation concernant le traitement des bords a également été effectuée sur les fragments mésiaux-apicaux dont la longueur est globalement comprise entre 3 et 4 cm (n=12) 30. Sur ces fragments, la retouche couvrante apparaît selon différents cas de figure : soit les deux bords présentent ce type de retouche (n=4), soit elle est associée à une retouche courte à longue sur le bord opposé (n=1) ou encore, à un bord brut (n=2). Lorsque celle-ci est absente, c’est une retouche courte à longue, d’incidence plus abrupte qui intervient sur les deux bords (n=5). Au final, l’application de la retouche plate et couvrante n’est pas systématique sur la partie mésiale des pointes à face plane axiales (dans 8 cas, elle est totalement absente). Lorsqu’elle est présente, elle peut apparaître de manière partielle ou investir, dans de rares cas, la totalité des deux pans. Appliquée aux dépens des bords en partie mésiale, la retouche plate et couvrante ne semble pas constituer systématiquement un gage de symétrie. L’ampleur de la retouche mise en œuvre à partir des bords latéraux de ces pièces renvoie assez clairement au type de support utilisé. Ainsi, dans les 2 cas reconnus où la totalité de la face supérieure est aménagée par une retouche couvrante, il apparaît que ces supports sont plus irréguliers et non-laminaires. La rectification assez importante de leur largeur et de leur épaisseur a conduit à les retoucher plus amplement et à adopter une retouche couvrante solutréenne.

Dans d’autres cas, tout aussi rares (N=2), la retouche couvrante va investir un pan de la face supérieure. Il semble alors qu’elle vienne corriger la section des pièces afin de leur redonner une section triangulaire relativement régulière. Lorsque les différents paramètres qui viennent d’être évoqués sont obtenus dès le débitage du support sélectionné, la retouche couvrante n’est pas mise en œuvre au niveau du traitement des bords en partie mésiale. Les bords ne font alors l’objet que d’un aménagement plus sommaire par retouche semi-abrupte ne modifiant pas globalement l’allure du support. Ici encore, ce type de retouche vise simplement à régulariser la délinéation des bords. Précisons enfin qu’aucun aménagement particulier ne semble lié à la rectification du profil de ces objets ; leur rectilinéarité est d’emblée acquise au moment de leur production. En résumé, l’aménagement des pointes à face plane dites axiales confirme l’intérêt de les isoler en un groupe qui apparaît très homogène du point de vue de la retouche mise en œuvre dans le cadre de leur confection. Dans tous les cas, la recherche d’objets symétriques selon leur axe médian semble correspondre au caractère le plus déterminant dans le cadre de leur aménagement. Le traitement de la pointe et de la base est très nettement privilégié et concourt à aménager une pointe axiale acérée opposée à une base amincie de délinéation rectiligne ou très légèrement convexe. IV.4.3 Les caractéristiques morpho-dimensionnelles des supports de pointes à face plane axiales Deux principaux facteurs rendent délicate la caractérisation des supports sélectionnés pour confectionner des pointes à face plane axiales. Le premier tient à la grande fragmentation de ces objets et à la sur-représentation des fragments apicaux ; le second à l’ampleur de la retouche qui masque souvent les négatifs d’enlèvements des supports sélectionnés et transforme plus ou moins leur morphologie originelle. Ceci est d’autant plus vrai pour les fragments apicaux, souvent très largement transformés. Il en est de même s’agissant des fragments de base pour lesquels l’étendue de la retouche directe et inverse et la volonté de réduire les bulbes en supprimant les talons empêchent de surcroît la lecture des stigmates permettant une diagnose des techniques de détachement engagées pour le débitage des supports. Enfin, les parties mésiales des pointes à face plane axiales, les moins investies par la retouche, auraient pu constituer de bons candidats pour permettre une approche morphologique et dimensionnelle (même restreinte aux largeurs et

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épaisseurs) des supports originels. Mais elles sont ici sous-représentées 31. Au final, moins d’une vingtaine de pièces permettent d’approcher la nature et les caractéristiques morpho-dimensionnelles des supports sélectionnés. Parmi ceux-ci, on note la présence de 5 exemplaires entiers, 3 fragments de base et 10 fragments apicaux. Il ressort très nettement que ces objets sont exclusivement confectionnés sur des supports laminaires de bonne régularité, sans résidu cortical ou négatifs d’enlèvements transversaux 32 à l’axe de leur détachement ; autrement dit, des lames simples. IV.4.3.1 Dimensions des pointes à face plane axiale Peu d’éléments entiers permettent une approche de la longueur des supports originels, d’autant que le traitement de la pointe et de la base les raccourcit nettement. Les longueurs maximales et minimales (63,2 mm et 44,6 mm) sont représentées par les pièces « atypiques » puisqu’elles sont entièrement façonnées. La moyenne des longueurs se situe à 57 mm et la moyenne des longueurs des pièces les plus caractéristiques, autrement dit celles dont le façonnage se limite à la base et à la pointe, aux alentours de 54 mm. Une approche de la reconstitution des supports entiers permet d’estimer que leur longueur oscillait globalement entre 60 et 80 mm de long. Les largeurs et épaisseurs des supports sont plus aisées à reconstituer du fait de portions latérales peu ou non retouchées dans certains cas. Le rapport largeur/épaisseur de l’ensemble de ces objets montre que leurs dimensions varient entre 15 et 25 mm de large pour une épaisseur comprise entre 3,5 et 8 mm (Fig. 36). Les dimensions des pointes à face plane pour lesquelles il est possible d’estimer la largeur et l’épaisseur du support originel sélectionné présentent des valeurs comprises en 20 et 28 mm de large pour une épaisseur oscillant entre 3,5 et 8 mm. Section des supports sélectionnés pour l’aménagement des pointes à face plane « axiales » Triangulaire

Si les longueurs et les largeurs des supports originels apparaissent relativement stables, on observe une variation des épaisseurs nettement plus importante. IV.4.3.2 Caractéristiques techniques des supports Un caractère récurent consiste en la sélection de produits très rectilignes de profil, et ce, en adéquation avec ce que nous avons déjà observé au travers des supports des outillages du fonds commun. L’unique pointe à face plane axiale ayant conservé son talon montre avec certitude des stigmates liés à l’usage d’un percuteur de pierre dans une version assez interne. Néanmoins, au regard des autres supports sélectionnés, de la régularité de leurs bords et nervures et de leur épaisseur plus réduite, on peut suggérer que l’utilisation d’un percuteur de pierre dans une version tangentielle était également de mise. A deux exceptions près, aucune inversion n’a été constatée entre le sens de débitage du support et l’orientation de l’outil ; autrement dit, la base de la pointe à face plane correspond à la partie proximale du support et la pointe est installée aux dépens de l’extrémité distale. Les sections des supports sélectionnés peuvent être triangulaires, trapézoïdales, ou trapézoïdales en partie proximo-mésiale puis triangulaires en partie distale (Tabl. 22). Considérées isolément, les sections ne fournissent pas d’informations déterminantes. En revanche, lorsque l’on couple cette observation à la délinéation des bords et nervures, on peut approcher, certes de manière encore imprécise, la morphologie générale des supports (Tabl. 23). La délinéation des bords et nervures de ces supports peut revêtir différentes formes (Fig. 36). Soit les bords et nervures convergent vers l’extrémité apicale et le cas le plus couramment rencontré sera celui de lames à 3 pans en partie proximo-mésiale se resserrant à deux pans en partie distale (Tabl. 23, cas de figure n°3 et 4). Entiers

Fgts. de base

Fgts. apicaux

Total

2

1

7

9

2

3*

6

1

4

Trapézoïdale Trapézoïdale puis triangulaire en partie distale

3

Tableau 22 : types de section des supports transformés en pointes à face plane axiales

* Parmi ceux-ci, on retrouve les fragments qui présentent une inversion entre le sens du support et celui de l’outil

117

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Section et délinéation des bords des supports sélectionnés pour l’aménagement des pointes à face plane « axiales » (les cas de figures sont numérotés) 1. Section triangulaire avec bords et nervures parallèles dans l’axe

Entiers

Fgts. de base

Fgts. apicaux

Total

1

1

2

4

1

2*

3

2. Section trapézoïdale avec bords et nervures parallèles dans l’axe 3. Section triangulaire avec bords et nervure convergents

1

5

6

4. Section trapézoïdale puis triangulaire avec bords et nervures convergents

2

1

3

5. Section trapézoïdale avec bords et nervures parallèles oblique

1

6. Section trapézoïdale avec délinéation des bords et nervures indéterminée

2

1 1

1

Tableau 23 : types de section et délinéation des bords des supports transformés en pointes à face plane axiales

118

Soit les produits laminaires, à 2 ou 3 pans, présentent des bords et nervures plus ou moins strictement parallèles selon l’axe d’allongement principal de l’outil (Tabl. 23, cas de figure n° 1 et 2). Enfin, une dernière configuration doit être mentionnée ; elle correspond à des lames à 3 pans dont les nervures sont légèrement obliques par Dans ce cas, les lames présenteront une section trapézoïdale en partie proximo-mésiale et triangulaire en partie distale (Tabl. 23, cas de figure n° 5). En d’autres termes, parmi ces supports laminaires, près des trois-quarts présentent dès leur extraction des bords et nervures convergents et, incidemment, un appointement naturel 33. La morphologie générale des supports sélectionnés dans le cadre de la confection des pointes à face plane axiales permet donc de dégager deux grands types de supports avec, d’une

part, des lames aux bords convergents et d’autre part des lames aux bords et nervures parallèles à subparallèles. Cette distinction sera désormais considérée afin d’essayer de distinguer plus clairement, sur un plan technique, morphologique et dimensionnel ces deux grands types de produits. Un croisement des données dimensionnelles et morphologiques permet de formuler une première gamme d’observations : En premier lieu, on note que les pointes à face plane axiales sont relativement homogènes au niveau de leur largeur (Fig. 37). Qu’ils s’agissent de pointes totalement façonnées ou de supports laminaires convergents ou parallèles, leur largeur maximale varie peu, toujours comprise entre 15 et 25 mm avec un net regroupement entre 17 et 23 mm de large.

Figure 36 : représentation schématique des supports investis dans la confection des pointes à face plane axiales ; 1 : à bords et nervures parallèles ; 2 : à bords et nervures parallèles obliques ; 3 et 4 : à bords et nervures convergents

Chapitre 4 - Le Solutréen ancien d’Azkonzilo -

Autre facteur de stabilité, le rapport largeur/épaisseur de chaque pièce considérée individuellement décroît régulièrement lorsque l’on compare les dimensions maximales, moyennes et minimales (Fig. 37, B1, 2 et 3). Si l’on considère maintenant les trois grands types de supports distingués (Fig. 38), on remarque assez clairement que ceux de morphologie et d’organisation convergente sont plus épais que ceux à bords et nervures parallèles. Les supports totalement façonnés s’intercalent quant à eux entre ces deux groupes. En croisant les types de supports mis en jeu et la nature de leur transformation par la retouche, on relève une adéquation assez claire entre la mise en œuvre de la retouche plate et couvrante de type solutréenne et les supports convergents. La comparaison des deux graphiques montre de manière assez claire que les supports les plus épais, ceux à bords et nervures convergents sont également ceux sur lesquels la retouche prend le plus d’amplitude ; autrement dit, ceux sur lesquels la retouche plate et couvrante a été largement appliquée (soit aux dépens des 2 bords, soit sur un seul bord et dans ce cas elle est accompagnée sur le bord opposé d’une retouche plus courte) entraînant leur amincissement. Les tailleurs mettent donc à profit des supports techniquement et morphologiquement particuliers pour y appliquer la retouche couvrante. Les supports à bords et nervures parallèles sont plus souvent modifiés par une retouche longue à courte et semi-abrupte. De la sorte, selon le type de support choisi, il ressort assez clairement une différenciation en termes d’investissement technique : on observe une plus forte transformation des supports aux bords et nervures convergents vis à vis de leurs homologues à bords et nervures parallèles. Les premiers font l’objet d’une transformation importante lors des phases de confection par une retouche solutréenne tandis que la transformation des seconds par retouche courte à longue ne vise qu’à modifier leur délinéation, en particulier dans le cadre de leur appointement. Ainsi, dans le Solutréen ancien d’Azkonzilo, les tailleurs ont utilisé des supports différents pour fabriquer leurs pointes à face plane axiales. L’invariant entre ces différentes solutions repose sur leur volonté de fabriquer des outils pointus. Reste à savoir ce que cela a engendré en termes de

prédétermination lors des phases d’obtention des supports : ™ soit l’intention est d’obtenir, dès le débitage, des supports qui auront une morphologie convergente en mettant en œuvre des méthodes de taille adaptées. En ce sens, le concept de pointe serait prédéterminé dès la production des supports ; ™ soit, la notion de support pointu n’est pas d’emblée intégrée et des lames aux bords et nervures sub-parallèles, telles que nous les retrouvons dans l’outillage de fonds commun, seront produites avant de jouer sur leur délinéation par l’intermédiaire d’une retouche semi-abrupte d’étendue courte à longue.

Pour répondre à leurs besoins en supports de pointes à face plane axiales, les occupants de la couche 6a ont, dans des proportions globalement similaires, mis à profit ces deux grandes catégories de produits. Or, selon l’option choisie, l’investissement technique ne sera pas situé au même niveau de la chaîne opératoire de production et de confection de ces objets : ™ dans le cas de la production de supports convergents, l’appointement sera obtenu dès la phase de production mais les objets demanderont ensuite d’être transformés par une retouche couvrante qui visera notamment à les amincir de manière régulière ; en revanche, les supports parallèles seront eux plus conformes aux objectifs visés en termes de régularité générale et d’épaisseur et ne demanderont l’application que d’une retouche moins transformative pour dégager une pointe.

™

En résumé, on pourrait caricaturalement opposer ces deux grandes options en indiquant que l’une (production de supports parallèles) est moins contraignante que l’autre (production de supports convergents) en termes de degré de transformation des supports dans le cadre de leur confection. Reste maintenant à comprendre le statut de ces deux grands types de supports dans l’économie générale du sous-système lithique des Solutréens anciens d’Azkonzilo. Il convient désormais d’essayer de décrypter le niveau de prédétermination de ces différents supports ou, en d’autres termes, la hiérarchie des intentions techniques qui régissent ces différentes options.

119

Deuxième partie - Les premières expressions du Solutréen dans le Sud-Ouest français -

B

1 10

6 4 2 0 0

5

10

15

20

25

30

largeur en mm

2 10 8 épaisseur en mm

Les dimensions (largeur et épaisseur) ont été relevées sur différentes portions des objets (A). Le premier graphique (B1) reprend les dimensions maximales (largeur et épaisseur) relevées sur les objets de plus de 30 mm. de long. Le second (B2) et le troisième (B3) reprennent les dimensions relevées à 2 cm. (dimensions moyennes) puis à 1 cm. de l’extrémité apicale (dimensions minimales).

épaisseur en mm

8

A 120

6 4 2 0 0

5

10

15

20

25

30

largeur en mm

3

supports totalement façonnés

10

bords et nervures convergents bords et nervures parallèles

épaisseur en mm

8 6 4 2 0 0

5

10

15

20

25

30

largeur en mm

Figure 37 : rapport largeur/épaisseur en mm selon la délinéation des bords et nervures et selon les différentes mesures prises sur les pointes à face plane axiales

9

9

8

8

7

7

6

6 ép. en mm.

ép. en mm.

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5 4 3

ret couvrante sur 1 ou 2 bds ret couv sur 1 bd et ret Lg sur bd op ret Lg sur 1 ou 2 bds non ret

2 1 0 0

1

5

10

15

20

25

5 4 3 2 supports à bds et nerv parallèles supports à bds et nerv conv

1 0 0

30

lg. en mm.

2

5

10

15

20

25

30

lg. en mm.

Figure 38 : relation entre les différents supports entiers et de plus de 3 cm. de longueur : à bords et nervures parallèles et convergents (2) et la retouche appliquée à ces supports (1). (ret. : retouche ; bd : bord ; couv. : couvrante ; Lg. : longue ; op. : opposé ; nerv. : nervure ; conv. : convergent)

IV.4.4 Les supports des pointes à face plane axiales : témoins d’une ou de plusieurs chaînes opératoires ? Quelles sont les stratégies mises en œuvre pour produire ces deux types de supports ? Proviennent-ils d’une seule et même chaîne opératoire ou observe-t-on une disjonction ? En l’absence totale de nucléus se rapportant au débitage de supports allongés, qu’ils soient de type parallèle ou convergent, il demeure extrêmement délicat d’être affirmatif sur ce point. Plusieurs arguments peuvent toutefois être avancés à partir de l’étude du corpus des pointes à face plane axiales. Le premier se rapporte à l’organisation des négatifs d’enlèvements sur la face supérieure des supports sélectionnés pour fabriquer ces pointes. Lorsque ceux-ci sont clairement identifiables, c’est à dire lorsqu’ils ne sont pas oblitérés par les phases de retouche, on observe la prédominance d’une organisation de type convergente. Sur un corpus de 17 pièces identifiables, 10 témoignent de négatifs convergents en partie distale pour seulement 5 indiquant une organisation des négatifs parallèles à l’axe de débitage. Deux autres pièces indiquent des négatifs globalement parallèles entre eux mais d’axe oblique par rapport à l’axe morphologique de l’objet. Ainsi exprimé, l’organisation des négatifs d’enlèvements observables révèle la prédominance des supports témoignant d’une organisation convergente. Ce ne peut être là le fruit du hasard et ces données confirment, qu’au moins à un moment donné, la

géométrie de la surface de débitage des nucléus en question a été configurée pour produire des supports pointus dès leur phase d’extraction. Le second concerne la polarité du débitage. Sur les 32 spécimens rassemblés au sein du lot des pointes à face plane axiales, seuls 19 permettent cette observation. Une très nette majorité d’entre eux présentent des négatifs intervenant dans un sens identique à celui du débitage et seuls 4 exemplaires montrent un négatif opposé à celui de l’extraction du support. Parmi ces objets, deux d’entre eux - une pointe à face plane entière et un fragment basal - témoignent de négatifs bipolaires sur la totalité ou presque de leur longueur (Fig. 39).

Figure 39 : exemple de support convergent avec négatif opposé transformé en pointe à face plane

121

Deuxième partie - Les premières expressions du Solutréen dans le Sud-Ouest français -

S’agissant des autres objets – deux portions apicales de 25 et 30 mm. – si les négatifs bipolaires occupent toute la longueur des fragments, on ne peut estimer leur ampleur sur la totalité du support. Parmi ces supports, deux présentent des bords et nervures convergents et deux autres des bords et nervures parallèles. Le seul objet entier qui montre un négatif venant en sens opposé est aménagé sur un support convergent. Ce négatif bipolaire est représenté par un pan d’incidence plus abrupte que les deux autres et de direction oblique par rapport à l’axe de débitage. On observera également que le talon de ce support, débité à la pierre dans une version assez interne (le talon est fracturé mais le cône de percussion bien marqué est encore visible) est en dévers par rapport à l’axe longitudinal du support. Ceci nous amène à nous poser la question de la chaîne opératoire dont est issu ce support et sa

position sur la surface de débitage. Il peut en effet s’agir d’un produit débité à la jonction de la surface de débitage et de l’un des flancs du nucléus ; le négatif intervenant en sens opposé à celui du débitage pourrait correspondre à un mode d’entretien des convexités latérales. Le fait qu’il soit débité à la pierre permettrait d’enlever une certaine épaisseur et ainsi de redonner du cintre à la surface de débitage. Néanmoins, ceci n’explique pas la direction oblique de cet enlèvement et du n° 3 non plus par ailleurs. Il est par conséquent envisageable que cette pièce traduise une volonté d’obtenir dès le débitage des supports appointés. Dans ce cas, le négatif intervenant en sens opposé ne serait pas lié à une modalité d’entretien mais à la volonté d’obtenir des supports pointus. Reste à savoir s’il intègre de ce fait une chaîne opératoire autonome ou non.

122

Figure 40 : lames brutes de la couche 6a d’Azkonzilo

Chapitre 4 - Le Solutréen ancien d’Azkonzilo -

A titre prospectif, plusieurs hypothèses peuvent être avancées (Fig. 41) : 1) Une seule et même chaîne opératoire produit à la fois des supports laminaires « parallèles » et « convergents » (Fig. 40); ™ dans ce cadre, il conviendrait de s’interroger sur le degré respectif d’intentionnalité de ces différents supports. Sachant que les supports convergents nécessitent une plus forte transformation par la retouche, on pourrait penser qu’ils ne correspondent pas aux produits de première intention et qu’ils s’apparentent plus volontiers à des produits d’entretien d’un schéma opératoire visant préférentiellement la production de lames à bords parallèles ; ™ ils pourraient également correspondre à des supports à la fois prédéterminants et prédéterminés. Ainsi, selon la configuration de la surface de débitage à un moment donné, les tailleurs choisiraient parmi une gamme des possibles de recintrer la surface de débitage tout en recherchant délibérément des produits convergents.

2) Deux chaînes opératoires disjointes visent la production de supports différenciés sur les plans morphologique, dimensionnel et technique : des lames aux bords et nervures parallèles d’une part, des lames convergentes d’autre part. Quels sont les arguments en faveur de l’une ou l’autre de ces hypothèses ? Les supports convergents sont relativement homogènes sur les plans morpho-dimensionnel et technique et constituent donc des supports vraisemblablement prédéterminés. En outre, l’obtention de supports de ce type demande nécessairement d’ajuster la morphologie et l’organisation géométrique des négatifs d’enlèvement sur la surface d’exploitation des nucléus ; ™

le fait que ces mêmes supports soient ceux préférentiellement investis par la retouche solutréenne constitue un autre argument en faveur de leur prédétermination. C’est en effet une des nouveautés perceptibles à partir du Solutréen que d’appliquer à des supports une retouche très « transformative ». Il est difficile d’imaginer que cette modalité de retouche ait d’abord été appliquée à des sous-produits ;

™ enfin, ces supports convergents semblent pour l’heure plus spécialement dévolus à la constitution du stock des pointes à face plane. Nous avons vu précédemment qu’ils n’intervenaient peu ou pas dans la fabrication des outils du fonds commun. Leur production pourrait donc être directement liée à un type d’outil particulier, faisant lui-même l’objet de modalités de confection singulières.

Toutefois, ces propositions allant dans le sens d’une prédétermination et/ou d’une individualisation de la production des supports convergents se doivent d’être relativisées : ™ les deux grands types de supports distingués présentent des caractéristiques morpho-techniques communes : longueurs et largeurs semblables, rectilinéarité du profil lié à l’exploitation de surface de débitage aux convexités peu marquées et à la mise en œuvre d’une percussion directe au percuteur de pierre exclusive ; ™ l’argument lié à l’application de la retouche couvrante sur les supports convergents pourrait être renversé. Celle-ci étant plus transformative, on pourrait aussi en conclure qu’elle intervenait sur des produits déviant de la norme recherchée. Par conséquent, les supports convergents seraient alors moins prédéterminés que ceux à bords et nervures subparallèles, simplement modifiés par une retouche directe courte à longue.

Voyons maintenant si ce premier bilan conçu à partir du groupe des pointes à face plane axiales trouve des échos favorables lorsqu’il est confronté aux autres types de pointes à face plane de la couche 6a d’Azkonzilo.

123

Figure 41 : hypothèses sur le statut des produits laminaires (parallèles et convergents) du Solutréen ancien d’Azkonzilo

124

Figure 42 : représentation schématique des différentes possibilités d’obtention des supports convergents de pointes à face plane axiales

125

Deuxième partie - Les premières expressions du Solutréen dans le Sud-Ouest français -

IV.5 Les spécimens à pointes « déjetées » À l’inverse des spécimens axiaux, les 76 autres pointes à face plane de la série témoignent d’une très grande hétérogénéité ; à tel point que les considérer dans leur ensemble revient à un regroupement artificiel de pièces parfois très différentes. Cette impression d’une très grande polymorphie résulte sans trop de doute du large panel de supports utilisés (Tabl. 24), qui vont de la lame élancée aux bords et nervures très réguliers au plus simple des éclats, en passant par des lames plus courtes, parfois trapues (courtes, larges et assez épaisses) ou encore par des éclats laminaires. De la même manière, les dimensions de ces supports varient largement.

126

Un autre facteur de diversité est incarné par le type de retouche dont elles font l’objet. Son application et les portions des supports qu’elle aménage constituent un autre élément contribuant à la forte polymorphie se dégageant de ces pointes à face plane. Ici, son application (sa nature même, sa localisation, son étendue) est beaucoup moins systématique tout comme les portions de l’objet qu’elle aménage varient fortement d’une pièce à l’autre. Elle peut davantage concerner un bord, un bord et la pointe ou encore la base et un bord. L’association des ces différents attributs - qui constituent l’essence même des pointes à face plane – varie donc de manière significative. La difficulté inhérente à l’observation et à la compréhension de ces pièces tient donc à la très grande diversité des supports sélectionnés et des types d’aménagement. Si globalement les grandes constantes (aménagement d’une base, d’une pointe, d’un bord et application de la retouche

couvrante) qui fédèrent ce type sont encore présentes, il est difficile de dégager une unité pouvant servir de fil conducteur à leur description. Nous avons ainsi pris le parti de décrire le plus succinctement possible les types de supports sélectionnés et la nature de leur aménagement, éléments qui ont déterminés leur morphologie générale et du coup la création des différents « sous-groupes » 34. Gardons également à l’esprit que si ces pointes à face plane sont ici réunies puis subdivisées en « sous-groupes », c’est essentiellement par opposition au groupe très homogène des pointes axiales. IV.5.1 Des pointes à face plane élancées et à la pointe déjetée Proportionnellement peu nombreuses (n=4), les pièces réunies ici sont entières ou quasi-entières (Tabl. 19). Toutes sont en silex de Chalosse, l’une de type Dumes Banos, deux autres du secteur d’Audignon et une sans détermination spécifique (Tabl. 19). On retrouve donc un choix de matériaux particulier, tourné vers des silex aux grains relativement fins. La morphologie générale de ces pièces est assez élancée ; dans tout les cas, la pointe est formée par la convergence de deux bords dissymétriques : un bord régulièrement convexe étant opposé à un bord de délinéation nettement plus rectiligne. La base, régulièrement arrondie, fait systématiquement l’objet d’un aménagement concernant la face inférieure, la face supérieure pouvant également être retouchée. La pointe, désaxée, présente une faible acuité. Enfin, ces objets sont toujours rectilignes de profil (Fig. 43).

Axiale Elancées

Lame Sur éclat Grand appointée court gabarit

Total

Lames dont lames simples dont lame avec cortex résiduel dont lame avec négatifs transversaux dont lames indéterminées

28

2

2 1 2 1

40 1 4 1

1

2 1

2 1 4

4 2 3 3 7

7

14

65

8

2

Eclats laminaires dont éclat laminaire simple dont éclat laminaire avec négatifs transversaux dont éclat laminaire indéterminés

Eclats de chaîne opératoire indéterminée Indéterminés Total

1

2 2

1 2

32

4

8

Tableau 24 : supports sélectionnés pour l’aménagement des différents groupes de pointes à face plane

Chapitre 4 - Le Solutréen ancien d’Azkonzilo -

Figure 43 : pointes à face plane déjetées (de type « élancé »)

L’aménagement par la retouche

En termes d’investissement, l’aménagement se concentre essentiellement sur la portion basale. L’un des deux bords et la pointe font l’objet d’un traitement identique et « de moindre ampleur » puisque l’utilisation de la retouche plate et couvrante ne concerne ici que la base. L’aménagement de la base (3 cas sur 4) est assez similaire à ce que nous avons décrit pour les pointes axiales si ce n’est la délinéation très régulièrement convexe de cette portion de l’outil. Les faces supérieures sont aménagées par une retouche plate et couvrante (1 exemplaire montre une retouche plus sommaire) à partir d’un ou des 2 bords, puis dans l’axe longitudinal de l’objet. La retouche inverse vise clairement à l’amincir en ôtant parfois presque complètement le bulbe de percussion. L’aménagement de l’un des bords 35 et de la pointe (sur 4 cas, deux ont l’apex fracturé ou repris) peut être décrit dans un même temps puisqu’il semble s’effectuer en continuité. Contrairement aux pointes à face plane « axiales », la retouche, similaire sur ces deux parties, semble essentiellement conformer la délinéation des bords et de la pointe. Ces portions de l’outil, et plus spécifiquement la pointe, ne semblent pas

nécessiter de désépaississement, comme dans le cas des pointes « axiales ». Une retouche courte à longue, d’incidence peu abrupte se substitue ici à la retouche plate et couvrante et donne une délinéation régulièrement convexe à l’un des bords venant désaxer la pointe de l’axe longitudinal de l’objet. Malgré le faible nombre de spécimens réunis, on note une propension des pointes à être déjetées vers la droite avec une retouche se concentrant plus largement sur le bord gauche des supports. Enfin, aucune inversion du sens de l’outil par rapport au sens de débitage du support n’a été observée puisque la partie apicale est toujours installée aux dépens de la partie distale du support. Classiquement, la retouche intervient donc pour aménager la base et la pointe tout en conférant à l’objet une morphologie particulière, visant à déjeter la pointe de l’axe morphologique de l’outil et donc, à leur conférer une certaine dissymétrie d’ensemble. La longueur moyenne de ces objets les situe un peu en deçà des pointes axiales tandis que leur rapport largeur/épaisseur est quant à lui sensiblement équivalent (Figs. 44 & 45). La figure 45 montre également que la largeur des portions apicales de ces objets est supérieure à celle des

127

Deuxième partie - Les premières expressions du Solutréen dans le Sud-Ouest français -

pointes axiales pour une « gamme » d’épaisseur identique. Les supports sélectionnés

En résumé, on note le recours à la sélection de supports laminaires plutôt réguliers et surtout de profil très rectiligne, assurant dans tous les cas que les nucléus exploités présentaient des convexités peu marquées au moment de l’extraction des supports prédéterminés. Un débitage à la pierre, assez tendre vraisemblablement, est ici pressenti à partir d’un unique exemple. Outre la sélection de supports un peu moins réguliers, la principale différence observée avec les pointes à face plane axiale réside dans l’aspect dissymétrique de ces objets, caractérisés par une pointe déjetée formée par la convergence d’un bord régulièrement convexe opposé à un second plus rectiligne. Ici l’usage d’une retouche couvrante solutréenne moins prononcée a pour conséquence une moindre transformation du support originel. IV.5.2 Des pointes à face plane proches de lames appointées A l’instar des spécimens précédemment décrits, ce lot de 8 pièces est mal représenté. Il se compose de pièces entières ou quasi-entières, dont trois en silex de Chalosse (deux de type Audignon et une autre de type Dumes Banos), trois en silex du Campanien (dont une de type Salies de Béarn), deux en silex du Flysch (dont une de type Bidache, Tabl. 19) auxquels s’ajoute une pièce restée indéterminée de ce point de vue. La morphologie générale de ces pièces est globalement assez élancée. Exclusivement réalisées sur des supports laminaires, ces objets correspondent grossièrement au sous-type des « lames appointées » (sous-type E). La délinéation des bords peut être rectiligne ou légèrement convexe (selon différentes combinaisons). N 5

35

axiale en larme courte et ramassée grand gabarit lame appointée

30 largeur en mm

128

Les supports sélectionnés correspondent uniquement à des lames relativement courtes, vraisemblablement assez larges et peu épaisses (leur épaisseur n’ayant pas été réduite par l’application de la retouche couvrante à l’inverse de la plupart des pointes axiales). Les bords et nervures sont dans l’ensemble assez réguliers et montrent qu’il s’agit principalement de lames parallèles. Une seule pièce peut être rangée dans la catégorie des supports convergents même s’il s’agit davantage d’une lame à la morphologie appointée que d’une véritable pointe. Toutes sont de section triangulaire, asymétrique dans 3 cas et plus équilibrée dans le dernier et leur profil est exclusivement rectiligne. Deux des supports laminaires sélectionnés montrent au moins un négatif transversal indiquant vraisemblablement qu’ils étaient liés au réaménagement de la surface de débitage. Le sens des négatifs d’enlèvement observables indique que dans deux cas, un second plan de frappe a été ouvert. Il reste cependant délicat d’affirmer à partir de ces spécimens qu’il s’agissait véritablement d’un débitage de type bipolaire. Les négatifs de sens opposé ne traversent en effet pas toute la longueur du support et il pourrait très bien s’agir d’un plan de frappe destiné à l’entretien de la surface de débitage. Enfin, la technique de détachement ne peut être documentée précisément puisque dans 3 cas sur 4 le talon a été enlevé tout comme les stigmates du bulbe de percussion. Toutefois, un spécimen témoigne d’un talon soigneusement facetté et d’une nette abrasion de la corniche. La présence d’une lèvre très discrète et d’un esquillement du bulbe évoque une percussion directe à la pierre tendre, dans une version

légèrement tangentielle. Les stigmates sont ici révélateurs de l’usage d’un percuteur minéral.

4

25 20

3

15

axiale en "larme" courte et ramassée grand gabarit lame appointée

10 5 0 0

1

10

20

30

40 50 60 longueur en mm

2 1

70

80

90

100

0 30-39

2

40-49

50-59

60-69

70-79

80-89

90-100

classes dimensionnelles (en mm)

Figure 44 : 1 : rapport longueur/largeur de l’ensemble des pointes à faces plane ; 2 : histogramme des longueurs de l’ensemble des pointes à face plane (les pointes axiales ont été intégrées à titre de comparaisons)

12

12

10

10

épaisseur en mm

épaisseur en mm

Chapitre 4 - Le Solutréen ancien d’Azkonzilo -

8 6 4 2 0 0

5

10

15

20

25

30

35

40

6 4 2 0 0

5

10

15

20

25

30

35

40

largeur en mm

largeur en mm

pointe axiale

12 épaisseur en mm

8

en larme

10

ramassée

8

lame appointée

6

grand gabarit

4 2 0 0

5

10

15

20

25

30

35

40

largeur en mm

Même dans les rares cas où ces portions de l’outil font l’objet d’un aménagement celui-ci ne semble pas modifier la délinéation naturelle des bords du support. L’aménagement par la retouche

Ici, c’est la portion apicale qui fait l’objet du plus grand investissement au niveau de la transformation des supports ; son aménagement ne vise pas, contrairement aux pointes axiales, à dégager une pointe très acérée. La retouche appointe le support sans dégager une extrémité pointue. L’aménagement de la portion apicale s’effectue principalement à partir des deux bords par l’intermédiaire d’une retouche longue, semiabrupte et couvrante dans un seul cas. La retouche plate solutréenne n’est ici pas mise en œuvre, à l’exception d’une pièce où elle intervient aux dépens de l’un des bords sur la face inférieure régularisant ainsi le profil de l’objet. La base, dans la plupart des cas, n’a pas fait l’objet d’aménagement ; elle est soit cassée soit, cas le plus fréquent, le talon a été conservé. Lorsque les bords sont aménagés, la retouche ne semble pas considérablement modifier la délinéation naturellement convexe du bord, à l’exception de 2 cas où la retouche assez courte, relativement

Figure 45 : rapport largeur/épaisseur en mm des pointes à face plane (les spécimens dits axiaux ont été intégrés à titre de comparaison). 1 : largeur et épaisseur maximales ; 2 : mesures effectuées à 2 cm. de la pointe ; 3 : mesures effectuées à 1 cm. de la pointe

abrupte et sub- écailleuse empiète assez nettement sur les pans. Les supports sélectionnés

Ces objets sont uniquement confectionnés aux dépens de lames simples. On peut y voir deux catégories dimensionnelles de lames (Figs. 44 & 45) : un lot de lames élancées et légères, longues de 60 à 80 mm pour environ 20 mm de large et entre 4,5 et 5,5 mm d’épaisseur ; et un autre de lames courtes, d’environ 45 à 50 mm de long pour 16 à 20 mm de large pour 2 « gammes » d’épaisseur (entre 4 et 5 mm et entre 7 et 8 mm). Globalement le rapport largeur/épaisseur de ces supports correspond aux valeurs inférieures des pointes axiales. Néanmoins gardons à l’esprit que contrairement aux pointes axiales, ni l’épaisseur, ni la largeur des supports engagés ici n’ont été significativement réduites et que surtout, dans la grande majorité des cas, leur longueur est nettement inférieure au seuil des pointes axiales. On observe ainsi une distinction entre les supports les plus courts, aux talons conservés et au profil légèrement courbe, voire torse, qui présentent une retouche plus importante des bords et les supports les plus longs et les plus élancés au profil rectiligne et dont la base et la pointe sont retouchées et les bords peu ou non transformés.

129

Deuxième partie - Les premières expressions du Solutréen dans le Sud-Ouest français -

L’ensemble procède d’un débitage unipolaire, à l’exception d’une lame présentant un négatif de sens opposé qui traverse toute la longueur du support et pourrait donc évoquer l’ouverture d’un second plan de frappe opérationnel dans le cadre de l’extraction des supports prédéterminés. Pour les 2 supports aux talons conservés, l’un est lisse et l’autre facetté. Dans les deux cas, il s’agit d’une percussion à la pierre selon un geste interne porté en retrait du bord de plan de frappe, avec des talons relativement épais d’environ 5 à 6 mm. IV.5.3 Des pointes à face plane courtes et ramassées C’est très certainement les pointes à face plane qui s’écartent le plus franchement du groupe des pointes axiales. Leur morphologie, plutôt atypique, est très ramassée (Fig. 46, 1). Il s’agit de spécimens courts et larges, conçus aux dépend d’éclats ou d’éclats laminaires, présentant une pointe mal dégagée et peu ou pas acérée.

130

Ces spécimens (n=7) sont également faiblement représentés. Quatre sont en silex de Chalosse (2 de type Audignon et 1 de type Dumes-Banos et un indéterminé), 2 en silex du Flysch de type Bidache et une dernière s’apparente soit au Flysch soit à une variété de Campanien (Tabl. 19). L’aménagement par la retouche

La retouche couvrante est absente et l’aménagement concerne pour l’essentiel les bords et la pointe, laquelle est dégagée par une retouche bilatérale directe, demeurant toujours courte et semi-abrupte. Elle est le plus souvent déjetée mais sans orientation préférentielle. Surtout, elle n’est jamais acérée, parfois mal dégagée et peut être de morphologie mousse. La base, grossièrement arrondie, peut faire l’objet d’un aménagement par retouche plate et écailleuse aux dépens de la face inférieure. Ces caractères évoquent les stigmates relevés sur les pièces esquillées. Le traitement de la base n’est toutefois pas systématique et dans 4 cas, il est même absent. L’observation des dimensions (Figs 44 & 45) indique qu’il s’agit des objets les plus courts (leur longueur se situant entrer 30 et 40 mm) et le plus souvent les plus larges (entre 20 et 32 mm) pour une épaisseur variant entre 5 et 7 mm. Les supports sélectionnés

L’absence de lames parmi les supports sélectionnés dans le cadre de l’aménagement de ce groupe de pointes à face plane tend à le distinguer assez nettement. Des éclats à la morphologie très hétérogène, ne présentant pas toujours de caractère technique diagnostique 36, ont été sélectionnés. Quatre d’entre eux se rattachent assurément à la production laminaire. Il s’agit d’éclats laminaires irréguliers parmi lesquels deux présentent des négatifs transversaux. Si ce n’est l’absence de support laminaire stricto sensu, on ne note pas, au final, de critères particuliers retenus dans le choix des supports sélectionnés ici.

Figure 46 : pointes à face plane déjetées. 1 : spécimen court et ramassé ; 2 & 3 : spécimens de grand gabarit

Chapitre 4 - Le Solutréen ancien d’Azkonzilo -

IV.5.4 Les pointes à face plane de grand gabarit Ces spécimens s’individualisent de par leurs dimensions et leur robustesse. Il s’agit en effet de pointes à face plane massives, conçues sur des supports diversifiés regroupant à la fois des lames (Fig. 46, 2-3) et des éclats, le plus souvent laminaires. Sur les 14 spécimens intégrés, 9 sont en silex de Chalosse pour seulement 1 en silex du Flysch de type Bidache (Tabl. 19). L’aménagement par la retouche

La pointe, toujours déjetée, fait l’objet d’un aménagement d’ampleur variable. Généralement, la retouche, courte à longue, est localisée sur le dernier voire les 2 derniers cm 37. Un seul spécimen témoigne de manière très localisée de l’application d’une retouche couvrante. La partie apicale est toujours large et la pointe peu acérée. Les bords sont plus ou moins aménagés par une retouche souvent écailleuse et assez grossière qui ne transforme que modérément la physionomie du support. Lorsqu’elle est présente (seulement 4 cas sur 14), la base n’est pas ou peu transformée et dans deux cas le talon et le bulbe ont été conservés. Les dimensions de ces objets les isolent très nettement des autres pointes à face plane puisqu’ils présentent le rapport largeur/épaisseur systématiquement le plus élevé (et ce sur les 3 mesures ; Fig. 45) 38. Leurs longueurs respectives témoignent en revanche de la plus grande variation (de 34 mm de long pour la pièce la plus courte à 96 mm de long pour la plus allongée). Les supports sélectionnés

Les supports sont hétérogènes et incluent 4 éclats dont 3 à tendance laminaire et 6 lames. Les éclats ne comportent aucun caractère technique diagnostique. En revanche, les supports laminaires sélectionnés se distinguent assez clairement de ce que nous avons vu jusqu’à présent. Leurs largeurs maximales s’étagent de 22 à 38 mm pour une épaisseur variant entre 7 et 10 mm. Il s’agit donc de lames massives, correspondant pour une partie au moins à des produits d’aménagement ou de réaménagement de la surface de débitage qui se caractérisent par des négatifs transversaux au sens du détachement. L’orientation des négatifs d’enlèvement plaide, dans deux cas au moins, pour la sélection de supports convergents. L’ensemble procède d’un débitage exclusivement unipolaire. En introduction, nous nous interrogions sur l’apport de l’étude des pointes à face plane déjetées et des supports investis dans leur fabrication. Les observations effectuées montrent, à un niveau général, une certaine adéquation avec

ce que nous avions déjà évoqué pour les pointes axiales : • sélection de supports de profil rectiligne, • en relation avec des surfaces d’exploitation aux convexités peu marquées, • utilisation d’un percuteur de pierre appliqué dans une version interne ou tangentielle ; • enfin, primauté du débitage unipolaire et ouverture d’un second plan de frappe occasionnel, destiné à la maintenance des convexités ou au réaménagement en cas d’accidents de type rebroussé. Nous allons désormais poser la question d’une éventuelle hiérarchisation des deux principaux types de pointes à face plane, axiale ou déjetée. Hiérarchisation se traduisant ici par un choix de supports différents issus de toutes les phases de la chaîne opératoire et par la mise en œuvre plus sporadique de la retouche couvrante. À nos yeux, l’introduction de supports autres que laminaires stricto sensu est un phénomène fortement discriminant. Si les lames dominent encore le spectre des supports engagés, elles partagent désormais ce rôle avec des éclats, le plus souvent laminaires. Dans le même ordre d’idée, ces lames ne sont plus systématiquement dépourvues de plages naturelles ou de négatifs transversaux. Et, lorsque des lames simples et particulièrement régulières ont été choisies (cas des supports des pièces proches des lames appointées), il semble qu’au final l’une des trois dimensions ne convienne pas : soit, par exemple, leur rapport largeur/épaisseur semble approprié mais elles sont trop courtes soit, leur longueur est adaptée mais elles sont trop étroites. En termes d’interprétation, deux options s’offrent à nous. Soit des lames autres que des lames simples ont également été investies dans la confection des pointes axiales mais elles sont passées inaperçues du fait de l’ampleur de la retouche couvrante qui a masqué ces négatifs. Soit nous avons à faire, pour les pointes à face plane déjetées, à un choix moins rigoureux des supports. La seconde remarque tient à la présence ténue de la retouche couvrante qui possède des caractéristiques permettant de redéfinir au moins l’épaisseur des supports. Or, celle-ci est désormais appliquée plus sporadiquement (Fig. 47). Ceci conduit à l’idée selon laquelle une corrélation, déjà soupçonnée, existe entre le choix du support et la nature de la retouche dont il va faire l’objet : plus l’on s’éloigne du « support idéal » (en termes de dimensions et de morphologie) plus la retouche couvrante se fait rare. Ceci irait également dans le sens de l’existence de supports prédéterminés.

131

Deuxième partie - Les premières expressions du Solutréen dans le Sud-Ouest français -

Les spécimens axiaux seraient donc plus valorisés, que ce soit en termes de choix des supports ou d’investissement technique. Voyons maintenant si la différenciation effectuée à différents niveaux de l’analyse entre les pointes à face plane axiales et déjetées se lit également sur un plan fonctionnel. En d’autres termes, est-ce le fonctionnement des pointes axiales qui a nécessité des choix plus rigoureux dans la sélection des supports et leur transformation ?

IV.6 Pour en finir avec l’unité et la diversité des pointes à face plane de la couche 6a d’Azkonzilo : quelle(s) fonction(s) pour quelle(s) pointe(s) Au regard de l’ensemble des spécimens réunis au sein des pointes à face plane, l’unité des pointes axiales repose sur une sélection rigoureuse de supports homogènes, tant du point de vue de leur régularité (bords, nervures, profil) que de leurs dimensions et sur des modalités de transformation strictement définies. À l’inverse, les pointes à face

132

Figure 47 : représentation schématique de l’ampleur de la retouche et de la direction des négatifs d’enlèvements sur les supports des pointes à face plane axiales (n°S 1 à 4) et déjetées (n°S 5 à 10). En grisé, portion non retouchée

Chapitre 4 - Le Solutréen ancien d’Azkonzilo -

plane déjetées témoignent d’une sélection moins rigoureuse des supports et d’une moindre exigence quant à leur aménagement n’engageant que ponctuellement une retouche couvrante. De ce point de vue, il nous semble que la principale différence tient à la symétrie longitudinale générale de l’objet et à la position de la pointe, d’axe ou déjetée. Il importe ici de mentionner qu’une étude tracéologique préliminaire, réalisée par H. Plisson 39 sur un échantillon de 34 pointes à face plane sélectionnées sur la totalité de la séquence stratigraphique d’Azkonzilo, s’accorde avec ce point de vue. H. Plisson (rapport d’étude non publié) note, en particulier, que « (…) les pièces utilisées en percussion lancée sont symétriques, de même que celles utilisées par leur deux tranchants, tandis que les pointes à face plane dissymétriques semblent n’être marquées que sur un seul tranchant, ce qui pourrait suggérer que leur emmanchement ait été latéral plutôt qu’axial » (Plisson, ibid.). Parmi l’échantillon étudié, seules 18 pièces présentent des traces macro- ou microscopiques attribuables à une utilisation. L’action nettement dominante correspond à des opérations de découpe de tissus carnés (viande, tendon, peau). Viennent ensuite les pièces relevant d’un usage en pointe de projectile, représentées par 3 fragments proximaux ou mésiaux fracturés sous une violente contrainte longitudinale (fractures en languette, enlèvements burinants, esquillements..).

Axiale

Les résultats obtenus par H. Plisson et la classification de ce groupe d’objets réalisée dans le cadre de notre étude suggèrent que la différenciation typo-morphologique et technologique établie entre les pointes axiales et déjetées recoupe également une distinction dans leur fonctionnement. Les pointes axiales, emmanchées dans l’axe, auraient un fonctionnement mobilisant leur pointe et les deux tranchants tandis que les pointes déjetées seraient emmanchées latéralement pour une utilisation n’intégrant qu’un seul bord. Cette distinction techno-fonctionnelle ne signifie bien évidemment pas que chacune de ces deux grandes catégories (axiales vs. déjetées) renvoient à des fonctionnements exclusifs. Si les pointes déjetées ont pu servir de couteau, les pointes axiales se caractérisent vraisemblablement par une certaine polyfonctionnalité puisque d’ores et déjà, des actions de découpe de tissus carnés et de pointe de projectile sont attestées sur différents spécimens. Ceci ne sous-entend pas qu’un objet particulier ait eu des fonctions différenciées mais que le groupe typologique des pointes à face plane regroupe des pièces avec des principes de fonctionnement différents (actions de découpe et pointe de projectile par exemple). Notre analyse ne permet donc que d’ébaucher des pistes à suivre pour parvenir à cerner le fonctionnement de ces objets. Il importe enfin de signaler que le diagnostic tracéologique de H. Plisson concorde avec celui effectué sur les stigmates macroscopiques de fracturation des pointes (Tabl. 25) mené en collaboration avec J. Pelegrin.

Elancée

Lame Appointée

Sur éclat court

Grand gabarit

Ind.

Actions avec indices de violence sans choc : dont compression axiale violente dont flexion violente dont torsion dont double compression (axiale et torse)

133

Total 15

2 3

1 1

1

3

1 2 1

Indices de fracturation à l’impact

3 6 2 4

7 dont sûre dont probable

3

1

3

Fracture lors de l’aménagement ou du ravivage dont sûre dont probable

Fracture indéterminée, autre qu’à la retouche Fracture intentionnelle Indéterminée Total

7

24 4 5 2

2 2

3

25

1

11 4

2

1 2

1

3

9

23

Tableau 25 : causes de fracturation des fragments de pointes à face plane (61 observations ont été effectuées)

6 18

6 1 8 61

Deuxième partie - Les premières expressions du Solutréen dans le Sud-Ouest français -

V. Les pointes de Vale Comprido de la couche 6a

sont de couleur grise, à grain fin à moyennement fin et se caractérisent par une certaine opacité.

Six pointes de Vale Comprido ont été identifiées au sein de la couche 6a. Il s’agit donc d’un corpus restreint qui ne peut en aucun cas être comparé terme à terme à celui des pointes à face plane. En revanche, si les pointes de Vale Comprido ne permettent pas d’effectuer une étude aussi détaillée que celle engagée sur les pointes à face plane, elles apparaissent comme un élément marquant de l’industrie de la couche 6a. D’un point de vue technologique, nous verrons que leur faible transformation par la retouche autorise une lecture relativement précise des supports sélectionnés qui s’apparentent exclusivement à des supports convergents de type pointe. Les pointes de Vale Comprido seront analysées afin d’apporter des informations complémentaires sur la recherche de supports convergents. En d’autres termes, ces supports peuvent-ils être comparés à ceux des pointes à face plane et s’agit-il du même schéma opératoire ou d’une production spécifique ?

Le choix des matériaux est donc sensiblement différent pour les pointes de Vale Comprido, même si le spectre identifié (association Flysch/Chalosse) est tout à fait compatible à ce nous connaissons déjà de la série de la couche 6a.

Les pointes de Vale Comprido sont confectionnées sur des supports invariablement convergents et partiellement retouchés (Fig. 48). Le degré d’allongement du support varie en revanche d’une pièce à l’autre, même si les produits laminaires (lames et éclats laminaires) sont privilégiés (Fig. 48, 1 & 3). Les aménagements intéressent exclusivement la base et la pointe des pièces, les bords latéraux étant conservés bruts ou très partiellement retouchés. V.2.1. Les principaux aménagements

La base La particularité des pointes de Vale Comprido réside dans l’amincissement de leur base. Cet Les pointes de Vale Comprido se caractérisent par aménagement consiste à extraire des enlèvements l’utilisation de seulement 2 grandes variétés aux dépens de la face supérieure depuis le talon siliceuses (Tabl. 26) : les silex du Flysch pyrénéen des supports qui est systématiquement conservé. sont représentés par 3 exemplaires et les silex de L’amincissement de cette portion de l’outil est Chalosse, exclusivement du type Tercis, réalisé grâce au détachement d’enlèvements assez représentés au travers de 2 objets. Une pièce est courts, de morphologie fréquemment écailleuse et compatible macroscopiquement avec un silex qui rebroussent le plus souvent (Fig. 48, 1, 3, 5 & campanien ou du Flysch de la région de Biarritz 6). Lorsque ces enlèvements sont extraits dans (Normand, communication orale). Contrairement l’axe longitudinal du support – cas le plus fréquent à ce qui a été préalablement observé pour les sur les exemplaires d’Azkonzilo-, il est impossible pointes à face plane axiales, les matériaux utilisés de statuer sur leur chronologie et de préciser s’ils dans la fabrication de ces pointes présentent des correspondent véritablement à un amincissement caractères macroscopiques différents. Qu’il postérieur à l’extraction du support. Ils peuvent en s’agisse des silex de Chalosse ou du Flysch, tous effet également correspondre à un Attribution : aménagement particulier de la zone Total certaine probable d’impact précédant le détachement (réduction de la corniche par exemple). Chalosse 2 Dans le cas présent, deux arguments nous permettent d’authentifier ces dont Chalosse de type Tercis 2 1 1 enlèvements comme étant postérieurs Flysch 3 au détachement du support et dont Flysch (indéterminé) 1 1 spécifiquement destinés à son amincissement. D’une part, l’industrie dont Flysch de type Bidache 2 2 comprend d’autres supports Campanien ou Flysch de type Biarritz ? 1 1 convergents de ce type, des pointes en l’occurrence, qui ont été laissées brutes Total 6 4 2 et ne portent aucun aménagement de Tableau 26 : distribution des matières premières des pointes de ce type.

V.1 Les matières premières engagées 134

V.2. Caractères généraux des pointes de Vale Comprido

Vale Comprido

Chapitre 4 - Le Solutréen ancien d’Azkonzilo -

135

Figure 48 : pointes de Vale Comprido

D’autre part, sur 2 pièces au moins, la retouche est initiée à partir du talon puis empiète légèrement sur la partie proximale d’un des bords latéraux (Fig. 48, 3 & 6), attestant sans ambiguïté qu’elle est bien postérieure au détachement du support. La pointe

L’autre partie fonctionnelle connaissant un aménagement plus ou moins important est la partie apicale de ces pointes. Nous l’avons brièvement rappelé, la définition même des pointes de Vale Comprido sous-entend que ces

pièces sont conçues sur des supports pointus dès leur extraction. Cette prédétermination de leur morphologie appointée est donc directement obtenue par la mise en œuvre de schémas opératoires particuliers que nous tenterons par la suite de décrypter. Sur les spécimens reconnus à Azkonzilo, tous ont fait l’objet d’un aménagement de la partie apicale, consistant préférentiellement en une régularisation de l’un des deux bords composant la pointe. La retouche, toujours directe, est alors courte, fine, semi-abrupte (Fig. 48, 1, 4, 5 & 6) tendant parfois sur une portion

Deuxième partie - Les premières expressions du Solutréen dans le Sud-Ouest français -

très localisée à une version presque abrupte (Fig. 48, 6). Ici, la retouche semble suivre la délinéation « naturelle » du bord et n’en transforme pas globalement la morphologie. En revanche, les propriétés fonctionnelles du bord concerné sont modifiées et celui-ci peut revêtir une délinéation de type micro-denticulée, obtenue par l’alternance de très fines et courtes retouches entrecoupées de négatifs plus larges et plus profonds. Sur un plan morphologique, la pointe est plus ou moins déjetée par rapport à l’axe morphologique de l’objet (Fig. 48, 1, 4, 5 & 6) et aucune orientation préférentielle ne se dégage. Il est néanmoins plus fréquent que la retouche de la pointe ne concerne que l’un des deux bords et qu’elle vienne accentuer son obliquité, engendrant par là même son caractère déjeté.

136

Une seule pointe de Vale Comprido (Fig. 48, 2) présente un aménagement plus important, intéressant alors la base, la pointe et les deux bords latéraux. La retouche des bords latéraux peut alors comprendre plusieurs rangs, des retouches courtes et fines faisant suite à des enlèvements plus larges et de morphologie écailleuse. Il importe aussi de souligner que, dans le cas présent, la pointe fait l’objet d’un aménagement très soigné par retouche bilatérale directe. Un bord montre l’application d’une retouche très soigneuse, parallèle et d’orientation oblique ; la morphologie de cette retouche rappelle ce que nous désignons communément sous les termes de la retouche en écharpe, caractéristique de la phase récente du Solutréen. Par sa grande régularité et son degré de parallélisme, elle pourrait évoquer la mise en œuvre d’une retouche par pression même si, dans le cas présent, il s’agirait plus vraisemblablement de l’application d’une percussion directe tendre organique extrêmement soigneuse et bien contrôlée (Pelegrin, communication personnelle). En définitive, l’aménagement des pointes de Vale Comprido poursuit donc deux objectifs principaux : ™ amincir leur base en conservant le talon des supports sélectionnés et en l’utilisant comme plan de frappe pour extraire des enlèvements courts et souvent rebroussés intéressant uniquement la face supérieure de l’outil. Ce procédé est vraisemblablement destiné à faciliter leur emmanchement ; ™ régulariser la délinéation des bords convergents composant la pointe de l’objet par des retouches généralement courtes, ne

transformant pas globalement la morphologie de l’objet. Le plus souvent, cet aménagement vient renforcer le bord et accentuer le caractère dissymétrique de la pointe, légèrement déjetée par rapport à l’axe morphologique de l’outil ; ™ enfin, modifier les caractères fonctionnels des bords de la pointe.

L’aménagement des pointes de Vale Comprido comporte, tant par les parties fonctionnelles de l’objet concerné que par les objectifs visés, des analogies avec celui régissant les pointes à face plane. Dans les deux cas, le dessin de la pointe et l’amincissement de la base sont privilégiés. Mais, contrairement aux pointes axiales, les phases de transformation des supports ne sont que faiblement investies. Nous verrons maintenant que ce moindre investissement dans les phases de retouche peut en partie être lue comme le résultat d’une assez forte prédétermination du débitage, permettant d’obtenir des supports aux caractéristiques technologiques et morphodimensionnelles au plus près des objectifs visés.

V.3 Les supports sélectionnés : quelle est l’intentionnalité et le statut de la production des supports de pointes de Vale Comprido ? Les supports des pointes de Vale Comprido sont, d’un point de vue technologique, particulièrement homogènes même si nous verrons qu’ils affichent une certaine variabilité dans leur degré d’allongement. Il s’agit de supports dont les bords convergent nettement en partie distale et qui, à ce titre, peuvent être qualifiés de pointes. Ainsi, ces supports sont généralement larges en partie proximo-mésiale et se rétrécissent nettement en partie distale. Tous procèdent d’un débitage exclusivement unipolaire et leur section varie, selon les cas, de triangulaire à trapézoïdale. Lorsque leur section est triangulaire, l’organisation des négatifs d’enlèvement sur la face supérieure est d’incidence oblique par rapport à la l’axe de débitage du support. Dans le cas de section trapézoïdale, les 2 négatifs latéraux sont obliques tandis que le négatif central est lui positionné parallèlement à l’axe de débitage. Dans tous les cas, ces pointes sont détachées par percussion directe à la pierre, dans une version relativement interne avec coup porté assez nettement en retrait du bord du plan de frappe. Les talons sont relativement épais, d’environ 5 à 7 mm. Ils sont lisses dans leur majorité (Fig. 48, 3-6), à l’exception de 2 talons soigneusement facettés (Fig. 48, 1 & 2). Enfin, on peut retenir que le

Chapitre 4 - Le Solutréen ancien d’Azkonzilo -

profil de ces pointes est toujours très rectiligne et que ce devait être là un caractère intentionnellement recherché. En termes dimensionnels, elles sont larges de 17 à 29 mm, à l’exception d’un éclat laminaire de 34 mm de large ; leur épaisseur est toujours comprise entre 6,5 et 7,5 mm. Seul un spécimen, plus épais, s’écarte légèrement de cette norme pour atteindre 10 mm. En revanche, leur élancement est variable selon les cas et des pointes élancées en côtoient d’autres, nettement plus trapues et ramassées. Ainsi, la longueur de ces pointes varie de 40 à 80 mm. Comme pour les pointes à face plane, l’absence totale de nucléus complique largement la description des modes de production. Toutefois, l’homogénéité technique et morphologique de ces supports permet d’avancer les grands caractères régissant leur obtention : ™ les pointes sont obtenues à partir de nucléus à un plan de frappe. Aucun support de pointes de Vale Comprido ne porte les traces de l’ouverture d’un second plan de frappe ;

la surface de plan de frappe est majoritairement conservée lisse ou, plus rarement, la zone d’impact peut faire l’objet d’un facettage soigneux, effectué par de petits enlèvements extraits depuis la surface de débitage et en direction du plan de frappe. La percussion est portée assez en retrait du bord de plan de frappe, afin d’obtenir des supports relativement épais ; ™

™ la surface de débitage présente des convexités longitudinales peu prononcées, comme en témoigne le profil rectiligne des supports produits ; ™ les pointes semblent principalement obtenues au centre de la surface de débitage et aucune ne présente d’indices diagnostiques d’une localisation à proximité d’un flanc ou d’un pan plus abrupt. En témoignent les sections relativement équilibrées des supports envisagés et l’absence de pan abrupt. Les supports de pointes de Vale Comprido permettent donc d’inférer qu’une face large aux convexités atténuées était privilégiée sur les nucléus destinés à la production de ces pointes ;

™ enfin, leur obtention demande le respect de règles relativement précises. Plusieurs enlèvements soigneusement contrôlés sont nécessaires pour corriger la géométrie de la surface de débitage et y agencer des nervuresguides qui assureront d’obtenir un support morphologiquement prédéterminé aux bords convergents en partie distale. La morphologie et l’agencement de ces négatifs ne peuvent être fortuits et ont très largement contraint la géométrie de la surface de débitage : large, assez plate et vraisemblablement triangulaire.

En résumé, les pointes de Vale Comprido, par les particularités des supports sur lesquels elles sont confectionnées et par les spécificités de leurs aménagements constituent bien un type à part entière, comme l’ont bien montré les études conduites sur les séquences du Portugal (Zilhão et Aubry, 1995 ; Zilhão et al., 1999). Certes peu nombreuses au sein de la couche 6a, elles apportent des informations cruciales sur l’intentionnalité d’une recherche de supports convergents, des pointes en l’occurrence, par les solutréens anciens. Cette première tentative de reconstitution du schéma opératoire de production des pointes de Vale Comprido demeure incomplète. Il serait tentant de les comparer dès à présent aux pointes à face plane avec lesquelles elles partagent des caractères communs, tant morpho-techniques que dimensionnels. Néanmoins, la petite taille du corpus et l’absence de nucléus ne nous permet pas d’aller plus en avant et il nous faudra attendre les résultats obtenus sur d’autres séries à pointes de Vale Comprido pour tenter de généraliser davantage ces observations préliminaires et d’en inférer un éventuel lien de filiation.

137

Deuxième partie - Les premières expressions du Solutréen dans le Sud-Ouest français -

VI. Les productions lamellaires de la couche 6a Les recherches sur les productions lamellaires constituent, à n’en pas douter, l’une des orientations principales des études technologiques entreprises ces dix dernières années sur le Paléolithique supérieur. Il apparaît, en particulier, que ces productions composent un vecteur privilégié pour aborder les rythmes des changements techniques en diachronie tout au long du Paléolithique supérieur. Ainsi, les armatures de projectile fréquemment réalisées sur lamelles témoignent d’une vitesse d’évolution radicalement différente de celle des outillages du fonds commun, permettant fréquemment de découper plus finement les grandes subdivisions chrono-culturelles du Paléolithique supérieur.

138

Dans ce cadre, le Solutréen et ses phases anciennes en particulier font encore figure de parent pauvre puisque nous ne disposons pas de référentiels sur ces éventuelles productions lamellaires. Peut-être est-ce ici la conséquence de l’accent porté aux armatures du Solutréen récent et, en particulier aux pointes à cran qui, elles, ne sont pas réalisées sur lamelles mais sur lames. Pour le Solutréen ancien à pointes à face plane, la situation est encore plus épineuse puisque, hormis la mention de lamelles à dos rares et sporadiques

dans les décomptes typologiques déjà anciens (voir p.e. Smith, 1966), nous ne savons rien des chaînes opératoires dévolues à cet outillage. La série lithique de la couche 6a ne permet que de combler partiellement cette lacune. Nous verrons que si les témoins des productions lamellaires demeurent ténus, un certain nombre d’observations restent possible et mériteront à l’avenir d’être testées et consolidées par l’examen de corpus plus abondants et mieux documentés. En effet, si notre série de lamelles semble suffisamment riche (n=104), les nucléus témoins de la production lamellaire sont peu nombreux (n=11) et surtout, ils sont souvent poussés à exhaustion rendant ainsi leur lecture délicate. Toutefois, certains appartiennent à des morphotypes caractéristiques et permettent ainsi, couplé à l’observation des lamelles brutes et dans de très rares cas retouchées, une première approche des intentions de ces productions lamellaires.

VI.1 Le choix des matières premières Les matières premières sélectionnées reflètent globalement le spectre déjà identifié dans le cadre des productions laminaires et, en particulier, la nette domination des silex de Chalosse et du Flysch (Tabl. 27). Ils constituent ici la quasiexclusivité des matériaux exploités dans le cadre des productions lamellaires.. Lamelles

Nucléus

Total

64

7

71

dont Chalosse de type indéterminé

1

1

2

dont Chalosse de type Audignon

62

5

67

dont Chalosse de type Tercis

1

1

2

Chalosse

Flysch Bidache - Chalosse

2

Flysch

18

Campanien indéterminé

dont Flysch de type indéterminé

3

dont Flysch de type Bidache

15

2 1

3 1

1

Fumélois

19 16

1 1

1

Gavaudun

1

Cristal de roche

2

Silex calcédonieux

3

3

Brûlé

1

1

Indéterminé

12

1

13

104

11

115

Total

1 1

3

Tableau 27 : décompte des témoins de la production lamellaire selon les différentes matières premières reconnues

Chapitre 4 - Le Solutréen ancien d’Azkonzilo -

Les autres types de silex ne se retrouvent qu’à l’unité et témoignent de matériaux régionaux (silex calcédonieux) ou éloignés (Fumélois) déjà identifiés dans le cadre des productions de supports laminaires. Un caractère propre aux productions lamellaires est la présence de 3 pièces dans des types de silex uniquement utilisés dans ce cadre technologique. Il s’agit de deux pièces en cristal de roche et d’une en silex coniacien de Gavaudun (Lot-et-Garonne). Le cristal de roche, d’origine locale, est mis en œuvre pour l’exploitation d’un nucléus (« grattoir ») caréné. Quant au silex de Gavaudun, son origine est lointaine, proche des gîtes de silex turoniens du Fumélois, localisés à plus de 250 km d’Azkonzilo, dans le Lot-et-Garonne (Morala, 1984). En termes de sélection et de qualité des matières employées, on note une nette prédominance des silex de Chalosse, en particulier des variétés issues des formations géologiques de l’anticlinal d’Audignon. Comparativement à celles exploitées pour les productions de lames, le choix particulier de silex à grain très fin et d’aspect translucide doit être souligné. Ces matériaux sont nettement surreprésentés, en particulier dans le cadre des productions lamellaires à partir de nucléus carénés. C’est là un caractère récurrent dans ce cadre régional tout au long du Paléolithique supérieur (Normand, communication orale).

VI.2 Plusieurs intentions techniques parmi les productions lamellaires de la couche 6a D’après l’examen de la totalité des vestiges de la couche 6a, 3 morpho-types lamellaires ont pu être isolés (Tabl. 28 et Figs. 52 & 53). D’une part, deux types de lamelles courtes et pointues obtenus à partir d’au moins deux schémas opératoires différents. Des lamelles pointues d’allure symétrique sont obtenues à partir de nucléus unipolaires convergents ; des lamelles pointues très dissymétriques proviennent quant à elles clairement de nucléus carénés qui, typologiquement, s’apparentent à des grattoirs carénés. Enfin, une troisième population représentée au travers de quelques spécimens seulement s’individualise aisément des deux précédentes, sur un plan à la fois dimensionnel et morphologique. Il s’agit de lamelles plus élancées et de profil rectiligne dont il reste délicat de saisir le schéma opératoire de production. Nous aborderons en premier lieu les lamelles retouchées, sous-représentées au sein de notre corpus. Les observations qui en découleront seront ensuite confrontées au corpus des lamelles brutes et des nucléus afin d’entrevoir les types de lamelles privilégiés par les tailleurs de la couche 6a.

Témoins (non retouchés) des différentes productions lamellaires

Sous-total

Production de type carénée

46 dont nucléus/grattoirs carénés

2

dont lamelles

44

Production de type unipolaire convergent

22 dont nucléus

1

dont burins carénoïdes (plus un burin transverse)

5

dont lamelles

16

Production de type prismatique

6 dont nucléus

1

dont lamelles

5

Production restée indéterminée

41

dont nucléus et fragments de nucléus

2

dont lamelles

Total

Total

39

11

104

115

Tableau 28 : décompte des catégories techniques d’après les différentes productions lamellaires reconnues

139

Deuxième partie - Les premières expressions du Solutréen dans le Sud-Ouest français -

VI.3 Les lamelles retouchées Seules 9 lamelles retouchées ont été décomptées parmi lesquelles 6 lamelles à retouche marginale et 3 lamelles à dos. Dans tous les cas, il s’agit de pièces très fragmentées, ne dépassant que rarement 1 cm de long. VI.3.1 Les lamelles à retouche marginale Il s’agit de lamelles de petit module, larges de 6 à 10 mm pour 2 à 2,5 mm d’épaisseur (Fig. 49). Ces 6 fragments (2 proximaux, 2 distaux, 1 mésial et 1 mésio-distal) sont en silex de Chalosse (Audignon) et correspondent à des supports issus d’un débitage unipolaire. Dans un cas seulement les bords et nervures apparaissent assez réguliers. Et seul un fragment mésio-distal, de 17 mm de long, présente un profil rectiligne. Les 2 fragments proximaux présentent dans un cas un talon punctiforme abrasé et une esquille bulbaire ; dans le second, un talon fracturé, probablement arraché au détachement. Ces indices demeurent trop ténus pour en déduire quoi que ce soit sur leurs modalités de détachement.

Les fractures de ces lamelles se partagent équitablement entre 3 pièces à fracture simple et 3 autres à fracture dite complexe. Dans ce dernier cas, 2 lamelles témoignent d’une fracture en languette de 1 à 2 mm de long. Un exemple seulement révèle un enlèvement burinant plan d’environ 2 mm de longueur. Les caractéristiques des fractures de ces pièces pourraient indiquer qu’elles ont été abandonnées suite à un usage en armature de projectile.

3,5 3 2,5 2 1,5 1

lamelles brutes lamelles à dos

0,5

lamelles retouchées 0 0

VI.3.2 Les lamelles à dos Les trois fragments mésiaux de lamelles à dos mince (1 en silex du Flysch, 1 en silex de Chalosse

Nous venons d’aborder très rapidement la population des lamelles retouchées qui, en dépit d’un tamisage à l’eau intégral, sont excessivement rares. Cette limitation quantitative doit être gardée à l’esprit et empêche de généraliser ces résultats. L’application d’une retouche marginale et donc d’une très faible transformation d’ensemble des supports lamellaires semble être la solution la plus fréquemment adoptée dans la couche 6a. La solution consistant à aménager un dos est rare et relativement atypique puisque dans 2 cas sur 3, elle est appliquée à des lamelles présentant un bord opposé naturellement assez abrupt. En toute

4

épaisseur en mm

140

La retouche peut être directe (3 cas) ou inverse (2 cas), seule une pièce témoignant de l’association d’une retouche directe puis inverse aux dépens d’un même bord. Que la retouche soit directe ou inverse, elle ne témoigne d’aucune localisation préférentielle et n’aménage que rarement la totalité du bord conservé. La retouche inverse est majoritairement courte, rasante à semi-abrupte. La retouche directe est courte et semi-abrupte dans tous les cas.

de type Audignon et 1 indéterminée) sont relativement atypiques et demandent la plus grande prudence quant à leur interprétation. Deux pièces, dont une est aménagée sur une chute de burin, témoignent de la présence d’un dos confectionné par retouche directe et abrupte, opposé à un bord brut d’incidence relativement abrupte également. La dernière intègre un dos partiel aménagé par une retouche directe irrégulière. Dans tous les cas et comme pour les lamelles à retouche marginale, l’intense fragmentation de ces pièces et leurs dimensions très réduites ne permettent pas d’inférer les types de supports sur lesquels elles sont confectionnées. Signalons simplement que les 3 lamelles à dos se distinguent d’un point de vue dimensionnel, à la fois des lamelles brutes et des lamelles à retouche marginale. Elles sont un peu plus épaisses et moins larges, caractères fortement liés à la présence d’un dos somme toute assez mince qui a davantage empiété sur la largeur originelle du support.

2

4

6

8

10

12

largeur en mm

Figure 49 : comparaison du rapport/largeur épaisseur en mm des lamelles brutes et des lamelles retouchées

Chapitre 4 - Le Solutréen ancien d’Azkonzilo -

prudence, gardons à l’esprit que ces 2 lamelles à dos pourraient avoir été fabriquées sur des lamelles issues des quelques burins carénoïdes présents dans la série. Les lamelles retouchées ne permettent donc pas de discuter des schémas opératoires de production. En revanche, nous verrons que la population des lamelles brutes et des nucléus permet de distinguer l’association de 3 morphotypes différents au sein de Solutréen ancien d’Azkonzilo.

VI.4 Une production de lamelles courtes à partir de nucléus carénés (type « grattoir ») Cette population de lamelles (n=44) s’isole très aisément de l’ensemble tant les produits issus de nucléus carénés présentent une morphologie particulièrement diagnostique. Deux types de supports sont obtenus lors de la réduction de ces nucléus. Une quinzaine de lamelles de profil torse, opposant un bord convexe à un autre concave ont été détachées depuis les bords latéraux de la surface de débitage. Ces lamelles ont pour principal objectif de reconfigurer les convexités latérales de la table lamellaire et constituent donc, dans le cas présent, des déchets techniques. C’est

Figure 50 : nucléus caréné (type « grattoir ») en cristal de roche de la couche 6a d’Azkonzilo

au centre de la surface lamellaire que sont détachées les lamelles recherchées (ici, un peu moins d’une vingtaine). Leur profil n’est pas tors mais plus volontiers légèrement courbe, voire parfois sub-rectiligne en partie proximale puis légèrement courbe en distal. Il s’agit de lamelles courtes, assez étroites et minces. Dans l’ensemble, ces lamelles présentent des dimensions qui varient entre 17 et 27 mm de long pour les rares spécimens entiers, 6 à 10 mm de large pour une épaisseur variant peu et s’établissant en moyenne autour de 2 mm (Fig. 49). Comprise entre 6 et 8 mm, la largeur des spécimens issus du centre de la surface de débitage varie moins et semble plus réduite pour une épaisseur sensiblement équivalente. Ces lamelles centrales, de section généralement trapézoïdale puis triangulaire en partie distale, présentent des bords convergents, leur conférant une morphologie pointue obtenue par une configuration adéquate de la surface de débitage. Dans l’ensemble, les talons ne connaissent pas de préparation spécifique puisque le plan de frappe des nucléus carénés est systématiquement conservé lisse. Seule une abrasion, plus ou moins soignée selon les cas et la position des lamelles sur la surface de débitage vient renforcer le point de d’impact. En conséquence, les talons sont majoritairement lisses ou linéaires, punctiformes, exceptionnellement facettés (légèrement par ailleurs), toujours abrasés. Les talons lisses ou linéaires sont le plus souvent associés à des produits issus du centre de la surface de débitage et présentent des stigmates compatibles avec l’utilisation d’un percuteur tendre organique.

Figure 51 : nucléus caréné (type « grattoir ») à front large de la couche 6a d’Azkonzilo

141

Deuxième partie - Les premières expressions du Solutréen dans le Sud-Ouest français -

5

5 production carénée

production unipolaire convergent 4 épaisseur en mm

épaisseur en mm

4 3 2 1

3 2 1

0 0

2

4

6

8

10

0

12

0

2

4

largeur en mm

6

8

10

12

largeur en mm

5 production prismatique

épaisseur en mm

4

Figure 52 : rapport largeur/épaisseur en mm des lamelles selon les différentes productions reconnues

3 2 1 0 0

2

4

6

8

10

12

largeur en mm

Les lamelles torses peuvent également parfois être dotées d’un talon punctiforme dont les stigmates de percussion pourraient laisser entrevoir l’utilisation d’un percuteur de pierre dans une version tangentielle. Nous restons néanmoins assez réservée du fait du peu d’observations effectuées. Parmi les lamelles « entières » diagnostiques, 24 se rangent aux côtés de ce morpho-type. Elles proviennent avec certitude de la réduction de nucléus carénés, dont seulement 2 spécimens ont pu être identifiés dans la série de la couche 6a. L’un est en silex de Chalosse (Fig. 51) et le second en cristal de roche (Fig. 50), variété N

minérale peu fréquente au sein de la série. Dans ce dernier cas, la matière première présente des qualités esthétiques indéniables même si, d’un point de vue technique, elle n’est pas propice au bon déroulement des opérations liées à la production de lamelles puisque ce petit bloc présente de nombreuses failles et inclusions qui ont, à un moment ou un autre, perturbé la bonne récurrence de l’exploitation. Quelques lamelles courtes ont néanmoins pu être extraites à partir d’un plan de frappe unique qui demeure lisse tout au long de la poursuite du débitage.

production carénée

18

unipolaire convergent

16

prismatique

14

indéterminée

14 12

12

10 largeur en mm

142

10 8 6

8 6 indéterminée carénée unipolaire convergent prismatique

4

4

2

2 0 16-20

1

21-25

26-30

31-35

classes dimensionnelles (en mm)

36-40

0

2

0

4

8

12

16

20

24

28

32

36

40

longueur en mm

Figure 53 : 1 : histogramme de longueur des lamelles entières ; 2 : rapport longueur/largeur en mm des lamelles entières selon les différents types de production reconnus

Chapitre 4 - Le Solutréen ancien d’Azkonzilo -

La surface de débitage est de morphologie grossièrement sub-rectangulaire et les lamelles sont extraites en son centre. Elles présentent un profil plutôt rectiligne, dont la courbure s’accentue quelque peu en partie distale. L’autre nucléus caréné, en silex de Chalosse de bonne qualité, est réalisé sur un éclat partiellement cortical (Fig. 51). Il s’agit d’un nucléus caréné à front large dont l’exploitation est semi-circulaire. L’aménagement du volume est inexistant et les tailleurs mettent directement à profit la morphologie adéquate de l’éclat-support. L’exploitation est strictement unipolaire et le plan de frappe demeure lisse tout au long du débitage. Tout juste pouvons-nous mentionner l’existence de ravivages partiels et très localisés des zones d’impact par l’intermédiaire de petits éclats, courts et plats. Les lamelles obtenues en fin d’exploitation sont courtes (environ 20 mm de longueur), plutôt irrégulières et les négatifs

d’enlèvement présentent, à l’abandon du nucléus, une organisation convergente. On note que l’irrégularité des derniers enlèvements est très clairement à mettre en relation avec l’usage d’un percuteur de pierre. Les contre-bulbes sont alors bien marqués et la corniche présente une délinéation légèrement denticulée. Pour rappel, c’est là un caractère technique que nous avions également souligné pour quelques grattoirs de l’outillage de fonds commun.

VI.5 Une production de lamelles courtes à partir de nucléus unipolaires Ce morpho-type lamellaire est, d’un point de vue dimensionnel, assez proche de celui décrit précédemment puisque l’objectif demeure toujours de produire des lamelles courtes, d’environ 25 à 35 mm de longueur 40.. Leurs dimensions apparaissent toutefois légèrement supérieures

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Figure 54 : différents morpho-types de lamelles de la couche 6a d’Azkonzilo. 1-6 : lamelles élancées et relativement rectilignes issues d’une production non-carénée ; 7-10 : lamelles et éclat lamellaire (10) issus de nucléus carénés ; 11-16 : lamelles pointues vraisemblablement issues d’un schéma opératoire unipolaire convergent

Deuxième partie - Les premières expressions du Solutréen dans le Sud-Ouest français -

Par ailleurs, les lamelles recherchées sont plutôt régulières, aux bords et nervures parallèles ou convergents et de profil plutôt rectiligne. Lorsque ces lamelles sont entières ou que la partie distale est observable, on note que les tailleurs semblent préférentiellement rechercher des morphologies appointées. Le débitage est strictement unipolaire et on peut proposer que ces lamelles étaient obtenues à partir de nucléus unipolaires convergents. Deux lamelles à crête, dont une partielle à un versant, peuvent raisonnablement être rapprochées de cette exploitation. Intervenant comme crête d’entame, il est probable que la mise en forme de ces nucléus inclut l’aménagement d’une crête destinée à initialiser le débitage lamellaire. Nous soulignerons qu’il semble fréquent que les tailleurs mettent à profit des éclats, déchets de la production laminaire, pour réaliser ces productions.

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Figure 55 : burin « carénoïde » sur probable fragment de pointe à face plane en Fumélois de la couche 6a d’Azkonzilo

Notons également la présence de 4 burins carénoïdes sur éclat qui se caractérisent par le détachement de lamelles courtes sur la tranche du support, à l’intersection des faces supérieure et inférieure (Fig. 55). Dans deux cas au moins, les derniers négatifs présentent des dimensions comparables à celles énoncées précédemment à partir des lamelles. Les négatifs témoignent alors de la recherche de lamelles longues d’environ 20 à 35 mm pour 4 à 5 mm de large. Enfin, le dernier négatif lamellaire sur l’un des burins carénoïdes présente une morphologie pointue en partie distale, ce qui pourrait renforcer l’hypothèse de l’association de ces pièces à cette chaîne opératoire. Dans tous les cas, ces nucléus carénoïdes ne font pas l’objet d’un aménagement important et seule l’installation d’une surface de

plan de frappe à l’une des extrémités du support semble requise avant de débuter directement l’exploitation lamellaire.

VI.6 Une production de lamelles rectilignes plus élancées ? Pour finir, signalons la présence de quelques rares lamelles plus élancées qui se démarquent assez nettement des deux populations déjà mises en évidence. Si peu de lamelles intègrent ce morphotype (n=5), elles sont suffisamment différentes de celles décrites précédemment pour attirer notre attention. Toujours fragmentées, ces lamelles devaient être longues de plus de 35 mm pour un rapport largeur/épaisseur toujours très stable : 6,5 à 8,5 mm de large pour 2 à 3 mm d’épaisseur environ. Leur production est, sur les rares spécimens distingués, très clairement unipolaire. Les tailleurs semblent surtout vouloir rechercher des supports plus élancés au profil très rectiligne. Pour l’heure, aucun nucléus n’a pu être rapproché de ce morpho-type et il n’est pas possible de proposer un type de schéma opératoire dont ces lamelles seraient issues. En revanche, au vu de la morphologie et des dimensions des nucléus carénés et autres burins carénoïdes présents dans la série, il est fort improbable que ces lamelles leur soient associées. Deux hypothèses nous semblent donc devoir être privilégiées : ces lamelles ont pu faire l’objet d’un troisième schéma opératoire lamellaire mettant en œuvre des nucléus prismatiques ou elles ont été obtenues, en continuité des lames les plus légères, par réduction successive des nucléus laminaires. Cette hypothèse nous semble pour l’heure la plus probable et expliquerait la présence de supports dont les dimensions s’intercalent entre les lamelles et les lames stricto sensu. En résumé, les productions lamellaires de la couche 6 demeurent encore mal documentées. La présence d’au moins 2 voire 3 schémas opératoires lamellaires est toutefois là pour rappeler que les Solutréens anciens ne négligeaient pas la recherche de microlithes et que la présence de rares lamelles à retouche marginale ou à dos dans ces ensembles culturels ne rime pas nécessairement avec l’existence de mélange avec des niveaux solutréens plus récents. Le caractère le plus singulier des ces exploitations pourrait correspondre à la recherche de supports lamellaires convergents de petites dimensions, intégrant à la fois des produits légèrement courbes ou torses (« grattoirs » carénés) et d’autres plus rectilignes. Une véritable recherche reste donc à entreprendre sur les systèmes lamellaires au Solutréen ancien.

Chapitre 4 - Le Solutréen ancien d’Azkonzilo -

VII. Synthèse : vers une compréhension intégrée des productions lithiques de la couche 6a d’Azkonzilo La caractérisation techno-typo-économique de l’ensemble lithique de la couche 6a d’Azkonzilo permet de proposer un premier bilan sur les pratiques techniques au Solutréen ancien. Jusqu’alors méconnues, cette étude contribue à dépasser le simple constat de la présence de pointes à face plane et de rendre à ces industries toute leur diversité et leur complexité. De la sorte, comment définir le Solutréen ancien d’Azkonzilo et quels en sont les caractères fondamentaux ? La série de la couche 6a se définit comme une industrie presque exclusivement lamino-lamellaire au sein de laquelle aucun débitage autonome d’éclat n’a été relevé. La sphère laminaire n’est pas monotone et correspond à la recherche de deux grands types morphologiques de supports : des lames « classiques » aux bords et nervures globalement sub-parallèles d’une part et des produits allongés convergents d’autre part. Ces derniers peuvent être de véritables lames ou, parfois, tendre vers l’éclat allongé ou laminaire. Cette dissociation morpho-technique effectuée au sein des supports allongés non-lamellaires nous semble composer l’un des caractères originaux et discriminants du Solutréen ancien. Les lames à bords parallèles sont utilisées de manière variable et se retrouvent dans l’ensemble des types d’outils fabriqués par les Solutréens anciens, qu’il s’agisse des outils du fonds commun ou des pointes à face plane. Les premiers ne sont guère diagnostiques sur un plan chrono-culturel et se caractérisent par un assez faible investissement technique d’ensemble. Ce sont pour l’essentiel des grattoirs et des lames retouchées, accompagnés de quelques burins souvent mal venus. Il importe ici de souligner qu’à quelques exceptions près, seuls des supports laminaires à bords et nervures parallèles sont mis en œuvre dans le cadre de la confection de l’outillage du fonds commun. Il en va différemment des pointes à face plane qui, à n’en pas douter, constituent un outil faisant l’objet d’un investissement techno-économique particulier. Cet investissement n’est toutefois pas uniforme et nous avons pu distinguer un groupe de pièces s’isolant selon plusieurs critères : matières premières sélectionnées, morphologie générale de l’outil, type de transformation par la retouche, support utilisé… Ces pointes à face planes axiales mettent en œuvre dans des

proportions comparables les deux grands types de supports laminaires distingués. En revanche, l’application de la retouche est différente d’un type de support à l’autre puisque les produits convergents se distinguent en fonction de l’application d’une retouche solutréenne nettement plus systématique. Ce sont donc, à ce titre, des produits de débitage particulièrement investis par les Solutréens anciens pour y développer des modes de retouche très spécifiques et relativement contraignants. En outre, il apparaît que cette dichotomie entre pointes à face plane axiales et déjetées pourrait recouvrir une différenciation d’ordre technofonctionnelle, opposant certes encore un peu caricaturalement des objets au fonctionnement et à l’emmanchement distinct : les spécimens axiaux, emmanchés dans l’axe, auraient un fonctionnement mobilisant leur pointe et les deux tranchants tandis que les pointes déjetées seraient emmanchées latéralement pour une utilisation n’intégrant qu’un seul bord (voir observations de H. Plisson). Outre une possible différenciation fonctionnelle, la distinction des pointes à face plane selon leur caractère axial ou déjeté a mis en exergue le statut différent de deux types de supports laminaires produits par les Solutréens anciens d’Azkonzilo. Les supports convergents sont plus particulièrement réservés à certaines pointes à face plane axiales faisant l’objet d’un traitement par la retouche particulier puisque mettant en œuvre presque systématiquement la retouche plate et couvrante. Les pointes de Vale Comprido viennent renforcer la complexité de cet ensemble. Ces outils sont aménagés sur de véritables pointes dont on ne parvient pas encore à évaluer le degré de communauté avec les supports convergents investis dans la fabrication des pointes à face plane majoritairement axiales. On ignore encore si l’ensemble de ces produits convergents résulte d’une seule ou de plusieurs chaînes opératoires. En outre, si typologiquement il s’agit bien d’outils différents, il n’en demeure pas moins que les aménagements dont ils sont l’objet restent orientés par des objectifs particuliers et assez identiques : amincissement de la base, dessin et traitement de la pointe. En termes strictement technologiques, deux grands concepts nous semblent donc régir la production des supports non-lamellaires dans le Solutréen ancien d’Azkonzilo : dans un cas, produire des lames parallèles, dans l’autre des produits convergents allongés naturellement appointés. Dans ce dernier cas, on aurait à la fois

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Deuxième partie - Les premières expressions du Solutréen dans le Sud-Ouest français -

des lames, principalement mises en œuvre pour la fabrication des pointes à face plane et de véritables pointes au degré d’allongement variable dans le cadre des Vale Comprido. Si Azkonzilo ne permet pas de résoudre totalement la question de l’unité ou de la diversité des schémas opératoires présidant à ces distinctions, la série de la couche 6a nous a conduit à poser plusieurs hypothèses quant à la mise en œuvre d’une ou plusieurs productions aboutissant à l’obtention de supports parallèles ou convergents. Si des comparaisons seront nécessaires pour les tester plus avant, une relative unité se dégage de quelques grands caractères invariants de ces exploitations : ™ la percussion directe au percuteur de pierre y est exclusive à tous les stades de la chaîne opératoire même si des gestuelles différentes (interne vs. tangentielle) ont pu être mises en évidence selon les cas. Selon le geste appliqué, les talons tout comme le support en général seront plus ou moins épais ;

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™ ces exploitations sont principalement unipolaires et privilégient toujours une face large aux convexités atténuées pour l’obtention des supports prédéterminés ; ™ enfin, l’aménagement des volumes est variable d’un cas à l’autre même si, dans l’ensemble, on ne note pas de restructuration globale mais plutôt des procédés de transformation ponctuels et limités.

Au sein de ce concept technologique, des variantes vont bien entendu être détectées selon que le schéma vise l’obtention de supports allongés parallèles ou convergents. Cependant, les choix des tailleurs se conforment toujours à ces grandes règles qui semblent présider au débitage des supports.

Pour finir, une autre dimension technologique des équipements lithiques du Solutréen ancien d’Azkonzilo doit être évoquée. Il s’agit de la présence, en quantité certes plus modeste que les supports laminaires, de différents morpho-types de lamelles. Celles-ci témoignent d’une particularité correspondant à une recherche d’objets souvent « naturellement » pointus, résultant de la mise en œuvre de productions plus ou moins convergentes selon les cas. On détecte peut-être ici une idée technique sous-jacente à l’ensemble des productions de la couche 6a : celle d’obtenir des supports « naturellement » pointus. Si le Solutréen ancien était jusqu’à présent considéré comme une phase où les lamelles étaient rares, voire absentes, ce constat peut désormais être démenti et mis sur le compte de l’ancienneté des fouilles et des études sur ce complexe. Ces lamelles, majoritairement courtes et courbes, sont principalement obtenues aux dépens de nucléus carénés, observation qu’il conviendra d’étendre à des corpus plus abondants avant d’être généralisée. Enfin, le concept de retouche pour former un dos abrupt ne paraît pas composer la formule dominante au Solutréen ancien et dans le cas de la couche 6a, des doutes peuvent être émis au sujet des très rares lamelles à dos recensées. Plus vraisemblablement, les lamelles demeurent brutes ou sont très discrètement transformées par une retouche marginale. Se pose ici la question des armatures de projectile au Solutréen ancien qui pourraient inclure à la fois de courtes lamelles brutes ou peu transformées et quelques pointes à face plane dont les stigmates d’impact sont particulièrement révélateurs. À coup sûr, ces produits morphologiquement très dissemblables devaient venir armer des projectiles non moins différents. Une enquête sur les armes de chasse du Solutréen ancien s’ouvre ici sans que nous puissions, pour l’heure, y apporter des éléments précis et décisifs.

14 Ces pièces ont été retrouvées au sommet de la séquence dans un ensemble intégrant également des pièces indubitablement solutréennes. 15 Le site d’Azkonzilo fait actuellement l’objet d’une monographie placée sous la direction de M. Dachary ; pour cette raison, il n’était pas envisageable d’en étudier l’ensemble de la séquence. 16 Ces niveaux profonds semblent également ne pas avoir subi les mêmes phénomène d’érosion que les niveaux susjacents (de la couche 4b à 5b sup) à l’intérieur de la cavité. 17 C’est ainsi, par exemple, qu’un grand nombre d’extrémités apicales de très petites dimensions sont venues enrichir le corpus de pointes à face plane et qu’un grand nombre de très petits fragments (de dimensions inférieures à 1 cm), retouchés dans de nombreux cas, n’ont pu faire l’objet d’une caractérisation fine (du point de vue de leur support et du type d’outil dont il s’agit). 18 La détermination pétrographique des matières premières siliceuses engagées dans la constitution de l’ensemble lithique de la couche 6a d’Azkonzilo est le produit d’un travail collectif conduit avec l’aide et la collaboration de C. Normand que je remercie ici très sincèrement. L’ensemble des pièces de la série a été examiné dans ce cadre pour essayer de proposer un inventaire pétrographique le plus exhaustif possible. Plus ponctuellement, j’ai bénéficié de

Chapitre 4 - Le Solutréen ancien d’Azkonzilo -

l’aide d’A. Morala et A. Turq. Enfin, certaines pièces, notamment celles placées en vitrine au MNP, n’ont pu faire l’objet de détermination. 19 Lors de son étude, le type « pointe à face plane » est déjà référencé sous le numéro 69 de la liste-type du Paléolithique supérieur de D. de Sonneville-Bordes et J. Perrot, 1954-1956. 20 Dans un premier temps, nous n’évoquerons pas ou peu les caractères macroscopiques et de qualité générale des matières siliceuses intervenues dans la confection des pointes à face plane, réservant cet aspect à leur description, au cas par cas lorsque cela s’avère constituer un caractère remarquable. 21 De nombreux fragments ont été traités selon ce principe, à l’exception de ceux de très petites dimensions, totalement ou presque retouchés. Parmi eux, on compte de très nombreux fragments apicaux. 22 Au regard des pointes à face plane et fragments ayant pu intégrer un « sous-groupe » particulier et non au regard de la totalité des spécimens. 23 Il est en effet délicat de caractériser des fragments de petites dimensions, excepté lorsqu’ils réunissent certains caractères forts, représentatifs de cet ensemble de pointes axiales, tels l’acuité et la symétrie de la pointe, la présence d’une retouche couvrante sur la totalité de la face supérieure…). 24 Ces déterminations ont été effectuées selon l’observation des quelques exemplaires entiers (tabl. @) et d’une reconstitution mentale à partir des nombreux fragments apicaux et des rares portions de base. 25 Sur les 32 objets réunis au sein de ce lot de pointes axiales, outre 3 portions de base, un autre spécimen, quasientier, s’est vu tronquer une part de sa portion apicale par l’aménagement d’un burin et ne permet pas ainsi d’étayer ces observations concernant la partie apicale. 26 Cette pièce qui présente les attributs des pointes à face plane (aménagement d’une pointe, d’une base et, dans le cas présent, de ses deux bords a été aménagée par l’intermédiaire d’une retouche courte à longue, d’inclinaison semiabrupte à rasante, et ce sur l’ensemble de son pourtour ; ses dimensions (et plus spécifiquement la largeur et l’épaisseur du support sur lequel elle a été conçue) fournissent, selon nous, un premier élément d’explication sur les caractéristiques un peu particulière de cette retouche (ni couvrante ni rasante) sur lequel nous reviendrons. Gardons également à l’esprit que cet objet est l’une des deux pointes à face plane confectionnée aux dépens d’un silex du Fumélois. 27 Cette diagnose, tout comme les stigmates de fracturation relevés sur ces objets, a été effectuée en collaboration avec J. Pelegrin que nous avons grand plaisir à remercier de nouveau. 28 C’est en raison de ce faible nombre d’observations possibles que nous avons intégré ici des fragments de base (n=3) repris pour l’aménagement d’outils tel que des burins. 29 Gardons à l’esprit que ces pièces sur lesquelles la retouche couvrante est également présente sur la partie mésiale sont celles dont les dimensions, et l’épaisseur en particulier, sont les plus élevées. 30 La longueur moyenne des pointes à face plane « axiales » entières est de 5,7 cm, la plus longue étant de 6,3 cm et la plus courte de 4,5 cm ; l’on peut donc considérer les fragments de plus de 2,9 cm comme comportant au moins une portion des bords situés entre la pointe et la base. 31 Plusieurs facteurs peuvent expliquer cette lacune. Le plus important étant également le plus « logique » : si cette partie est peu retouchée et qu’elle concentre un taux de fracturation sensiblement identique à celui des autres types de fragments (base et apical) alors il est difficile d’identifier un fragment mésial de pointe à face plane ! (et de le confondre avec un fragment de lame retouchée par exemple). 32 Nous réitérons ici la mise en garde selon laquelle ces informations doivent être prises avec prudence. La retouche couvrante faisant son effet, les négatifs des enlèvements précédents le débitage du support apparaissent le plus souvent à l’état résiduel seulement. 33 Le degré d’appointement de ces supports est vraisemblablement variable. Les supports à bords et nervures parallèles et obliques seront probablement peu pointus tandis que les supports aux bords et nervures convergents le seront plus nettement. 34 Afin de limiter les répétitions, nous renvoyons le lecteur à la partie concernant les spécimens axiaux lorsque des aménagements comparables seront reconnus sur les autres types de pointes à face plane. Précisons enfin que 40 fragments de pointes à face plane n’ont pu intégrer aucun des groupes ici définis. Il s’agit de 36 fragments apicaux de très petites dimensions et de 4 ébauches. 35 Lorsque la retouche intervient sur les deux bords, l’un des deux reste partiellement aménagé par une retouche similaire à celle du bord opposé (courte à longue, elle modifie finalement peu le support initial). 36 En l’absence de caractères diagnostiques, seuls 2 de ces supports n’ont pas été rattachés avec certitude à la production laminaire. 37 Seul un exemplaire témoigne de l’application d’une retouche couvrante et soignée aux dépens de la pointe et d’un bord. Néanmoins, le support de profil torse ne devait pas présenter les caractéristiques adéquates et l’outil a été volontairement fracturé. 38 Nous verrons lorsque nous aborderons la fonction des pointes à face plane que ce groupe d’objets, massifs, qui s’isole pour partie par de très grandes dimensions, ne correspond pas uniquement à des objets fracturés en cours de fabrication. Ainsi, leurs dimensions et notamment leurs largeur et épaisseur n’étaient pas destinées à être réduites. 39 Nous remercions ici H. Plisson qui a bien voulu nous confier ce rapport d’étude inédit.

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Deuxième partie - Les premières expressions du Solutréen dans le Sud-Ouest français -

A l’état de fragments, ces lamelles peuvent donc être difficiles à distinguer de celles issues d’une exploitation de type caréné. 40

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Les premières expressions du Solutréen dans le Sud-Ouest français Chapitre V Les productions lithiques au Solutréen ancien Premiers éléments de technologie comparée

Chapitre 5 - Les productions lithiques au Solutréen ancien : premiers éléments de technologie comparée -

La couche 6a d’Azkonzilo a permis de proposer une première définition technologique des productions lithiques au Solutréen ancien. Celle-ci confère à la production des supports de pointes à face plane un rôle structurant dans l’orientation générale du sous-système lithique. Les débitages lamellaires revêtent également un caractère déterminant, mais nous ne pourrons guère les utiliser dans cette recherche comparative puisque nous ne disposons, pour l’heure, d’aucune étude sur leurs modes de production au Solutréen ancien. Cette courte synthèse a pour objet de mieux évaluer le ou les schémas opératoires de production des supports de pointes à face plane dans des contextes chrono-culturels équivalents. Ce premier niveau de comparaison permettra d’affiner et dans certains cas de généraliser les observations relevées à Azkonzilo. Pour ce faire, les industries potentiellement comparables dans notre région d’étude sont extrêmement rares et presque toujours anciennement fouillées. Les résultats de diagnostics effectués sur la couche 31 de Laugerie-Haute Est et, dans une moindre mesure, sur l’industrie de Badegoule seront appelés. Nous débuterons cette présentation par une incartade qui nous éloignera de notre zone géographique principale, en faisant appel aux données réunies sur la station de surface de La Celle-Saint-Cyr (Yonne), au sud-est du Bassin

parisien (Renard, 2000, 2002). Il s’agit en effet de l’unique série lithique proprement Solutréen ancien dont l’étude technologique est aboutie et se fonde sur une reconstitution assez complète des chaînes opératoires.

I. Les productions laminaires du Solutréen ancien de La Celle-Saint-Cyr I.1. Localisation et présentation générale de l’industrie Le gisement de La Celle-Saint-Cyr est localisé sur la rive gauche de l’Yonne, à environ 25 kilomètres au sud-est de Sens (Fig. 56). Connu depuis plus de 25 ans, le site a fait l’objet de nombreux ramassages de surface permettant d’établir la présence d’industries du Paléolithique supérieur. En 1993, des sondages entrepris par N. Connet et V. Lhomme mettent au jour un niveau du Paléolithique moyen à débitage Levallois. Ils ne retrouvent en revanche aucune évidence du Paléolithique supérieur en stratigraphie (Connet et Lhomme, 1993). Entre 1994 et 2000, T. Brisedou, archéologue amateur, procède sur une surface d’environ 300 m² à un ramassage exhaustif de tous les éléments visibles, sans tri dimensionnel ou qualitatif. L’intérêt de cette station de surface s’est vu renouvelé lorsque P. Bodu, dans le cadre des travaux alors engagés pour le Projet Collectif de Recherche intitulé « Le Paléolithique supérieur ancien au centre et au sud du Bassin parisien : des systèmes techniques aux comportements » (1999-2005) y repère une série de pointes à face plane typiques. Or, dans le Bassin parisien et ses marges, le Solutréen en général est rare, uniquement connu par l’intermédiaire des fouilles anciennes dans la grotte du Trilobite à Arcy-sur-Cure (Breuil, 1918 ; Leroi-Gourhan A. et Arl., 1964 ; Schmider, 1990, 1995) et par la découverte plus récente d’un Solutréen à feuilles de laurier à Saint-Sulpice-de-Favières dans l’Essonne (Sacchi et al., 1996 ; Schmider, 1990).

Figure 56 : carte des sites mentionnés dans le cadre des comparaisons effectuées sur les productions lithiques du Solutréen ancien français. 1-2 : Laugerie-Haute & Badegoule (Dordogne) ; 3 : Les Peyrugues (Lot) ; 4 : Azkonzilo (Pyrénées Atlantiques) ; 5-7 : Figuier (Ardèche), Oullins & Chabot (Gard) ; 8 : Trilobite (Yonne) ; 9 : La Celle-Saint-Cyr

Dans l’ensemble, les pièces sont fraîches et peu patinées. Un tri croisant état de surface et caractères techniques des pièces a fourni des résultats inégaux puisque seule une vingtaine de pièce a pu être rapportée au Paléolithique moyen et à des périodes plus récentes d’âge Holocène. La quasi-totalité des 1537 pièces dénombrées se rapportent

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Deuxième partie - Les premières expressions du Solutréen dans le Sud-Ouest français -

Figure 57 : nucléus à lames de type Magdalénien (d’après Renard, 2002)

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clairement à un ou des épisodes du Paléolithique supérieur. Celles-ci sont homogènes sur le plan de leurs états de surface et seule une étude technotypologique a permis d’isoler 2 composantes différentes. Un nucléus de type Orville (Perlès, 1982 ; Pelegrin, 1982 ; Parisot, 1995) et un burin aménagé sur un nucléus de type Rocher-de-laCaille (Alix et al., 1995) nous ont rapidement fait prendre conscience de la présence sur le site d’une composante magdalénienne, à rapporter vraisemblablement au Magdalénien moyen (voir Langlais, 2007 pour une synthèse récente). Ces

nucléus à lamelles sont associés à quelques nucléus à lames unipolaires cintrés (Fig. 57) et à une production de lames élancées (Fig. 58) détachées par percussion directe au percuteur tendre organique (Renard, 2000, 2002). En revanche, en fonction de ses spécificités technologiques, une production laminaire clairement dévolue à la production des supports de pointes à face a été isolée. La concentration des vestiges lithiques en surface sur une faible superficie ainsi que les caractères récurrents et

Figure 58 : lames étroites détachées par percussion directe tendre (d’après Renard, 2002)

Chapitre 5 - Les productions lithiques au Solutréen ancien : premiers éléments de technologie comparée -

homogènes mis en évidence par l’intermédiaire de l’analyse technologique nous assurent qu’au moins une part de cet ensemble de surface se rapporte à un contexte de production de supports destinés à être transformés en pointes à face plane.. Remarquablement homogène de ce point de vue, la série de La Celle-Saint-Cyr permet de décrypter le schéma opératoire de production de ces objets. Nous en résumerons les principaux points en cherchant à souligner les points d’unité ou de divergence avec l’industrie de la couche 6a d’Azkonzilo

I.2. Les pointes à face plane de La Celle-SaintCyr : un marqueur techno-culturel privilégié ? L’ensemble de la production des pointes à face plane est réalisé en silex local, très homogène dans l’ensemble et de bonne à excellente qualité. Il s’agit de silex sénoniens, noirs à gris ou grisbleutés. L’examen des surfaces corticales, généralement lessivées mais non roulées, témoigne d’un approvisionnement tourné vers des blocs en position secondaire, position malgré tout proche de l’emplacement primaire au vu du faible degré d’altération des plages corticales. I.2.1. Typologie et aménagement par la retouche L'ensemble comporte 16 pointes à face plane (Figs. 59 & 60). Selon la classification de P. Smith (1966), 11 intègrent le sous-type C (Fig. 59 & 60, 1), 2 le sous-type E (Fig. 60, 2 & 3) et 3 correspondent à des ébauches fracturées en cours d'aménagement. En règle générale, les pointes à face plane de La Celle-Saint-Cyr ont une morphologie élancée avec un bord latéral retouché régulièrement convexe et une base arrondie. La pointe est rarement présente sur les spécimens étudiés et son acuité semble variable. Un des caractères récurrents de l'aménagement de ces pièces consiste en une latéralisation assez systématique du bord retouché. Dans le cadre des pointes de sous-type C, la retouche se concentre sur le bord latéral gauche (Fig. 59 & 60, 1) ; il s'agit d'une retouche directe très soignée, constituée de plusieurs rangs de morphologie subparallèle et d'étendue variable. La retouche de la partie apicale correspond aux caractéristiques morphologiques de la retouche dite solutréenne ; elle est plate et couvrante et confère un aspect plus robuste à la pointe. La latéralisation de la retouche conduit à désaxer la pointe de l'axe morphologique de l'outil, en faisant des objets à la pointe plus ou moins déjetée. L'aménagement de la base consiste à l'amincir et ne se retrouve que sur les 11 pièces composant le

sous-type C (Fig. 59, 1-2, 4-6 & Fig. 60, 1). Il est principalement réalisé aux dépens de la face inférieure, par le biais de retouches inverses, plates et rasantes. Les enlèvements sont d'abord détachés depuis le bord gauche lorsqu'il est retouché et se poursuivent dans un second temps dans l'axe longitudinal de l'outil. Dans quelques cas, la face supérieure est aussi aménagée par de petits enlèvements rasants, plus ou moins transverses. Sur la plupart de ces pièces, l’acuité de la pointe et la régularité du bord retouché témoignent du soin avec lequel ces parties fonctionnelles sont aménagées. Si certaines pièces pouvaient, au vu de la régularité des enlèvements les aménageant, suggérer une éventuelle retouche par pression, leur examen effectué en collaboration avec J. Pelegrin plaide pour l’utilisation exclusive d’un percuteur tendre lors des phases de retouche et d’aménagement des supports. Dans l’ensemble, ces pointes sont le plus souvent fracturées et seules trois nous sont parvenues complètes (Fig. 59, 1), dont une après raccord (Fig. 59, 2). La plupart des surfaces de fracture montre des stigmates relativement particuliers : elles sont généralement d’axe très oblique par rapport à l’axe longitudinal de l’outil et présentent une partie concave opposée à une partie convexe et une languette inférieure à 1 mm se situant sans exception en partie ventrale et systématiquement vrillée par rapport à la surface de fracture. Ces stigmates résultent vraisemblablement d’une double compression, torse et axiale, subie par ces pointes lors de leur utilisation (diagnose effectuée en collaboration avec J. Pelegrin). Ce dernier (communication personnelle) évoque un possible usage comme couteau dans le cadre d’activités de boucherie. J.-M. Geneste nous a signalé que ce type de fracture était plus favorablement obtenu lors d’activités de désarticulation avec un couteau emmanché (communication personnelle d’après les résultats des recherches expérimentales du groupe de recherche TFPS). Aucun stigmate révélateur d’un usage en pointe de projectile n’a ici été relevé. I.2.2. Les supports utilisés pour la confection des pointes à face plane : témoin d’un schéma opératoire de production particulier ? Les supports retouchés en pointes à face plane : caractéristiques morphologique et technique Sur un plan typologique et technologique, les 11 exemplaires réunis au sein du sous-type C sont indubitablement les plus homogènes. Seules des lames simples régulières, sans résidu cortical ou

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Deuxième partie - Les premières expressions du Solutréen dans le Sud-Ouest français -

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Figure 59 : pointes à face plane (sous-type C) de la Celle-Saint-Cyr (d’après Renard, 2002, modifié)

négatifs d’enlèvements transversaux, ont été sélectionnées pour leur aménagement. Ces supports laminaires ont un profil rectiligne à peu courbe, la rectilinéarité du bord gauche étant si nécessaire rectifiée par son aménagement par la

retouche. Seuls deux spécimens témoignent d’une inversion dans l’orientation du support au moment de son aménagement. Dans ce cas, la base de la pointe est aménagée aux dépens de la partie distale du support

Chapitre 5 - Les productions lithiques au Solutréen ancien : premiers éléments de technologie comparée -

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Figure 60 : pointes à face plane de la Celle-Saint-Cyr (1 : sous-type C ; 2 & 3 : sous-type E) (d’après Renard, 2002, modifié)

En termes dimensionnels, des réserves doivent être émises sur la valeur des informations réunies à partir de ce corpus tant la fragmentation des pointes est importante, tout comme les phases de retouche qui empiètent et transforment parfois assez largement la physionomie du support originel. Ici, les pointes à face plane entières sont longues d’environ 80 à 100 mm. L’estimation de leur largeur, réalisée à partir des ébauches et des petites portions de pans non retouchés, indique que les supports bruts étaient globalement larges de plus de 30 mm pour une épaisseur variant entre 5 et 9 mm. L’épaisseur des supports retouchés est donc globalement stable, tout comme leur largeur demeure très constante en partie basale et mésiale.

Enfin, ces supports sont exclusivement détachés par percussion directe à la pierre. Seules quelques pointes ayant conservé leur talon permettent de tenter une diagnose des techniques de détachement mises en œuvre. Six supports indiquent sans équivoque une percussion directe à la pierre tendre animée par une gestuelle tangentielle (Fig. 60, 1-2) : point de contact bien délimité, micro-sillons latéraux, esquillement du bulbe depuis le talon (Pelegrin, 2000). En résumé, les pointes à face plane de La CelleSaint-Cyr sont exclusivement réalisées sur des supports laminaires de plein débitage toujours détachés par percussion directe à la pierre tendre.

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Ces lames, volontiers rectilignes de profil, sont en général relativement larges, caractère en accord avec la retouche latérale relativement envahissante les aménageant. Voyons maintenant les autres éléments structurant cette série lithique et nous permettant de reconstituer le schéma opératoire d’obtention de ces supports. I.2.3. Des nucléus à la structure volumétrique spécifique Quarante nucléus ont pu être distingués en fonction de leur morphologie et des caractères techniques homogènes structurant leur exploitation. Au premier abord, ils présentent une particularité remarquable dans un contexte du Paléolithique supérieur, puisque si l’on reprend les critères énoncés par E. Boëda (1990), ils correspondent alors à une exploitation laminaire dite « de surface ». Le volume est en effet clairement exploité par sa grande face, et ce même si celle-ci n’est pas la plus longue. Cette orientation volumétrique engendre un aspect « levalloïde » de ces nucléus qui opposent généralement deux surfaces subparallèles délimitant un plan d’intersection (Fig. 61). Des procédés d’aménagement simplifiés

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En règle générale, les tailleurs ont bénéficié d’une matière première abondante, de bonne à excellente qualité et se présentant fréquemment sous la forme de rognons relativement réguliers. Le choix des blocs exploités semble dicté par des critères volumétriques précis, à savoir un volume

régulier d’une longueur moyenne de 15 cm environ, opposant deux surfaces plus ou moins subparallèles dont l’une au moins est large et régulièrement convexe. L’installation du plan de frappe s’effectue aux dépens d’une surface large et peu profonde, située en continuité avec le dos. De la sorte, dos et plan de frappe s’agencent de façon à ne former qu’une seule et même surface (Fig. 61-63). S’ils sont parfois aménagés par quelques éclats isolés, le dos et les flancs des nucléus restent le plus souvent corticaux. Dans certains cas, un aménagement plus complet du volume est mis en place par l’intermédiaire d’une crête en position latérale ou postéro-latérale, visant à réduire l’épaisseur du volume à débiter tout en offrant des plans de frappe potentiels pour corriger des accidents survenus en cours d’exploitation (Fig. 61 et 62, 1). L’aménagement des volumes est donc succinct et vise principalement à ouvrir une surface de plan de frappe et, dans certains cas seulement, à réduire l’épaisseur du volume à débiter par l’intermédiaire d’aménagements très ponctuels ou parfois plus conséquents, allant jusqu’à l’installation d’une crête latérale ou postéro-latérale. Ces aménagements conduisent les tailleurs à privilégier des volumes se structurant de la manière suivante : •

installation d’une surface de plan de frappe en continuité avec le dos aux dépens d’une face large du volume ;

Figure 61 : représentation schématique de la structure volumétrique d’un nucléus de Le Celle-Saint-Cyr. Dans le cas présent, le dos a secondairement été utilisé comme une seconde surface de débitage. Ce cas de figure reste une exception mais la structure volumétrique de ce nucléus est elle tout à fait représentative

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flancs naturels corticaux ou s’apparentant à l’arête formée par l’intersection de la future surface de débitage et du dos.

Aucun aménagement de crête d’entame visant à initialiser l’exploitation laminaire n’a été constaté. Les surfaces corticales conservées sur les nucléus abandonnés ainsi que la présence de nombreux éclats laminaires ou véritables lames d’entame indiquent que le débitage laminaire débutait directement par l’extraction d’éclats et/ou de lames corticales s’allongeant progressivement.

Systématiquement détachés à la pierre, ces produits présentent souvent un pan latéral assez abrupt et sont liés, en début d’exploitation, à la préparation de la face large pour y installer la surface d’exploitation laminaire. Les talons sont épais, facettés ou lisses et le coup porté nettement en retrait de la corniche.

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Figure 62 : nucléus à lames sur face large de la Celle-Saint-Cyr (d’après Renard, 2002, modifié)

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L’exploitation laminaire

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Le détachement des lames s’effectue donc aux dépens d’une surface de débitage large et aux convexités très nettement atténuées en fin d’exploitation. L’exploitation laminaire est principalement de type unipolaire, comme l’attestent les nucléus ainsi que les négatifs d’enlèvement sur les lames de plein débitage (Fig. 64). L’ouverture d’un second plan de frappe n’est pas systématique mais peut être une option retenue pour corriger un accident. L’emplacement de la surface de débitage sur une face large du volume et l’agencement frontal de ces exploitations constituent les grandes constantes de ce débitage laminaire. Ces modalités, assez contraignantes car générant rapidement des accidents liés à l’aplatissement des convexités, répondent à la recherche de produits laminaires larges et rectilignes. Parmi ces lames, certaines présentent une morphologie distale naturellement appointée, voire clairement convergente dès le débitage (Fig. 64, 5 & 6) et un spécimen évoque une pointe de Vale Comprido (Fig. 64, 5). Les stigmates observés sur les nucléus montrent que les derniers enlèvements sont détachés par percussion directe dure : contre-bulbes profonds et prononcés, ondulations proximales fines et serrées. A ce titre, l’utilisation d’un percuteur de pierre animé par une gestuelle assez interne et un coup porté en retrait du bord de plan de frappe intervient assurément dans les premiers et derniers moments de ces exploitations. Voyons maintenant ce qu’il en est pour le détachement des supports laminaires recherchés. Une population de lames de plein débitage détachées par percussion directe à la pierre tendre

a pu être isolée. Celles-ci se caractérisent par la mise en œuvre d’une gestuelle nettement plus tangentielle que ce que nous avons pu relever sur les lames d’aménagement et d’entretien. Les talons sont alors lisses, punctiformes ou facettés et très nettement abrasés afin de renforcer le point d’impact. Ceci est en accord avec les observations relevées sur les nucléus, qui présentent en règle générale des surfaces de plan de frappe lisses ou légèrement facettées. Ces facettages ne concernent qu’une partie de la surface de plan de frappe et visent à entretenir l’angulation adéquate avec la surface de débitage. En outre, un procédé d’abrasion particulier, depuis la surface de débitage vers le plan de frappe engendrant un « arrondi » du front souvent émoussé (Pelegrin, 2000) s’observe tant sur les talons des produits laminaires détachés à la pierre tendre que sur les nucléus correspondants. La percussion directe à la pierre est donc exclusive et mise en œuvre selon deux gestuelles différenciées selon les phases de la chaîne opératoire. Ainsi, une corrélation technique assez nette se dégage de l’analyse des nucléus, produits laminaires bruts et supports de pointes à face plane. Celle-ci est en outre consolidée si l’on y ajoute les caractères morpho-métriques relevés sur ces différents types d’objets. En premier lieu, les dimensions des lames de plein débitage détachées à la pierre tendre sont en accord avec celles des supports de pointes à face plane : larges de 25 à 37 mm et épaisses d’environ 6 à 10 mm. En outre, le profil rectiligne de ces lames et leur morphologie distale parfois convergente ou pointue s’accordent parfaitement avec les caractères dégagés à partir des supports de pointes à face plane.

Figure 63 : nucléus à lames sur face large de la Celle-Saint-Cyr

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Entretien de la surface laminaire

En cours d’exploitation laminaire, deux procédés sont retenus pour l’entretien du cintre et de la carène des surfaces laminaires. L’ouverture d’un second plan de frappe semble la solution la plus fréquemment adoptée lorsque les convexités longitudinales sont peu marquées (Figs 62, 1 & 63). Ceci est un cas de figure fréquent tant les tailleurs investissent préférentiellement des

surfaces de débitage aux convexités longitudinales peu marquées et ceci dans le but d’obtenir des supports rectilignes de profil. Ce dernier critère demande également une gestion des convexités latérales appropriées qui se déroule principalement par l’intermédiaire de produits débordants extraits à la jonction de la surface laminaire et de l’un des flancs.

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Figure 64 : supports laminaires détachés par percussion directe à la pierre tendre (1, 3-4 : à bords parallèles ; 5-6 : à bords convergents). Si pour l’heure ce matériel n’a pu être revu, notons néanmoins que le n° 6 évoque un support de pointe de Vale Comprido (d’après Renard, 2002, modifié)

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Ces derniers présentent des talons relativement épais et des stigmates liés à une percussion directe dure interne. Ces deux principales modalités d’entretien ne sont donc pas régies par des intentions équivalentes : outre une morphologie appointée des lames extraites, l’entretien des convexités longitudinales (carène) permet avant tout la bonne récurrence du débitage tandis que la gestion des convexités latérales (cintre) détermine en priorité la morphologie des produits recherchés.

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La série de surface de La Celle-Saint-Cyr permet de dégager les principales spécificités du schéma opératoire d’obtention des supports de pointes à face plane. La gestion des nucléus, principalement unipolaire, exploite une surface de débitage large aux convexités peu marquées permettant d’obtenir des supports laminaires relativement larges et rectilignes de profil. Un second plan de frappe peut cependant être ouvert en cours d’exploitation afin de gérer des accidents de type rebroussé ou de redonner des convexités appropriées à la récurrence du débitage laminaire. Enfin, ces modalités sont associées à une technique de détachement mettant en œuvre une percussion directe à la pierre exclusive avec deux gestuelles différenciées selon les phases de la chaîne opératoire : interne avec coup porté nettement en retrait du bord de plan de frappe pour les phases d’aménagement ou d’entretien, plus tangentielle avec un geste « enveloppant » porté à proximité de la corniche et percuteur de pierre tendre pour l’extraction des lames de plein débitage. Ces lames, assez régulières, présentent des bords et des nervures majoritairement parallèles. Toutefois nous avons précisé que, dans certains cas, des supports laminaires de plein débitage témoignaient d’une morphologie distale convergente. Pour ce faire, l’ouverture d’un second plan de frappe ou le détachement de produits plus ou moins nettement débordants détachés selon un axe oblique à l’orientation générale du débitage permettent de configurer la géométrie de la surface d’exploitation et d’obtenir des supports naturellement pointus en son centre. Cette intention secondaire semble ici clairement liée au même schéma opératoire que la recherche de lames à bords parallèles.

II. Quelle est la valeur du schéma opératoire reconnu à La Celle-Saint-Cyr dans le contexte des phases anciennes du Solutréen ? Au moment de la réalisation de la première étude de la série de La Celle-Saint-Cyr (Renard, 1999,

2000, 2002), nous ne disposions d’aucun cadre comparatif sur les pratiques techniques au Solutréen ancien. Des comparaisons, portant plus particulièrement sur la typologie et la morphologie des pointes à face plane, nous avaient conduit à privilégier des rapprochements avec le Solutréen ancien classique, en particulier les séries des couches 12d, c, b a et 11a de Laugerie-Haute Ouest (Smith, 1966). Nous concluions alors notre recherche comparative en soulignant que « Laugerie-Haute fournit des arguments convaincants pour rapprocher les pointes à face plane de La Celle-Saint-Cyr de celles des niveaux du Solutréen inférieur du côté ouest. Les rapprochements sont en effet plus évidents avec le Solutréen inférieur qu’avec les ensembles momentanément attribués au Protosolutréen par quelques auteurs (Zilhão et al., 1999). Nous nous trouvons, hélas, confrontée à l’absence totale de données techniques sur ces séries. Pour ce que nous pouvons observer à partir des pièces figurées, les supports des pointes à face plane du Solutréen inférieur de Laugerie-Haute résultent d’un débitage laminaire plutôt unipolaire. Les supports produits observent une bonne régularité des bords et nervures et un profil rectiligne. Toutes ces données sont en accord avec ce que nous avons pu observer à La Celle-Saint-Cyr (…). Pour achever ces comparaisons avec le Solutréen inférieur de LaugerieHaute, nous ferons état d’une dernière remarque. J. Pelegrin, qui a eu l’occasion de regarder le matériel de Laugerie-Haute, nous a signalé la présence d’une percussion à la pierre tendre dans la chaîne opératoire de production des supports de pointes à face plane (Pelegrin, comm. orale). Cette technique de percussion, dans sa version tangentielle, représenterait ici un bon moyen d’obtenir des supports au profil assez rectiligne et renforce de nouveau les analogies avec ce que nous observons à La Celle-SaintCyr » (Renard, 2002, p. 483). En dépit du contexte de surface de la série de La Celle-Saint-Cyr, nous étions alors affirmative sur l’appartenance des pointes à face plane et de leur contexte de production à une phase ancienne classique du Solutréen. Les pointes à face plane sont certes présentes en moindre quantité dans les stades plus récents du Solutréen (moyen et supérieur) mais leur quantité diminue et, surtout, elles sont associées soit au façonnage bifacial de feuilles de laurier, soit à des pointes à cran fréquemment retouchées par pression. L’absence totale de tout témoin de ce type nous incite toujours à voir dans les témoignages de La CelleSaint-Cyr l’expression d’un contexte chronoculturel comparable au Solutréen ancien classique du Sud-Ouest français, tel qu’il s’exprime en particulier à travers la séquence de LaugerieHaute. En outre, des points de comparaison

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pertinents peuvent désormais être soulignés avec la couche 6a d’Azkonzilo.

II.1. Confrontation avec l’industrie de la couche 6a d’Azkonzilo L’étude techno-économique de l’industrie de la couche 6a d’Azkonzilo tend à confirmer les conclusions émises au moment de notre première étude de La Celle-Saint-Cyr. Si la série d’Azkonzilo ne permet pas de reconstitution aussi précise du schéma d’obtention des supports de pointes à face plane, en raison d’un contexte économique particulier aboutissant à l’absence de nucléus laminaire et à la faible représentation des pièces techniques à haute valeur informative, il n’en reste pas moins que les grands traits techniques que nous avons pu documenter à partir de la couche 6a concordent tout à fait avec les observations relevées pour La Celle-Saint-Cyr : • débitage majoritairement unipolaire visant la production de supports laminaires assez larges au profil majoritairement rectiligne destinés à la confection de pointes à face plane ; •

percussion directe dure exclusive et utilisation vraisemblable d’un percuteur de pierre tendre animé par une gestuelle tangentielle pour le détachement des lames les plus régulières ;



exploitation d’une face large aux convexités relativement atténuées ;



orientation de la production vers l’obtention de lames aux bords et nervures parallèles mais aussi de supports allongés convergents en partie distale ;



présence certes discrète mais plausible dans les deux cas de rares pointes de Vale Comprido.

Ces éléments typo-technologiques, recoupant à la fois la morphologie et les procédés d’aménagement des pointes à face plane tout comme les modalités d’obtention de leurs supports viennent confirmer la particularité des modes de débitage au Solutréen, justifiant ainsi ce que nous ne faisions que présager il y a quelques années sur le rôle que pouvait tenir ce schéma opératoire en termes de marqueur technologique et chrono-culturel pour les phases anciennes du Solutréen : « (…) Or, à La Celle-Saint-Cyr, le principal intérêt de notre étude est d’avoir pu relier les pointes à face plane à une chaîne opératoire de production laminaire originale dans le contexte du Paléolithique supérieur. A l’échelle du Solutréen français, de telles données sont en l’état des recherches indisponibles.

Pourtant, nous restons persuadée que des informations technologiques pourraient venir corroborer nos rapprochements. Le schéma opératoire en vigueur à La Celle-Saint-Cyr est suffisamment original pour qu’il puisse être considéré comme un marqueur technique et/ou culturel relativement fiable » (Renard, 2000, p. 37 et 2002, p. 483). Nous venons de souligner que la bonne concordance des données réunies à Azkonzilo et La Celle-Saint-Cyr venait confirmer le poids de ce marqueur technologique et renforcer la valeur des observations réunies sur ces gisements, éloignés d’un point de vue géographique et présentant des contextes archéologiques fort différents. Dans le cas d’Azkonzilo, la position stratigraphique de la couche 6a permet de confirmer que ce courant typo-technologique est particulièrement bien affirmé en contexte Solutréen ancien sous-jacent au développement des ensembles à feuilles de laurier puis à pointes à cran. Nous allons voir schématiquement que d’autres séries, d’importance variable, viennent corroborer ces premiers rapprochements en faisant un rapide tour d’horizon de quelques contextes du Solutréen ancien du Sud-Ouest français.

II.2. Le cas du Solutréen ancien de LaugerieHaute La séquence de Laugerie-Haute mériterait à elle seule une thèse à part entière. L’amplitude de sa séquence, que ce soit du côté Ouest ou Est, en fait la séquence de référence du Solutréen français, comme en témoigne la place que lui accordait P. Smith (1966) dans sa synthèse. Dans le cadre du présent travail, il aurait pu être opportun de réaliser une analyse détaillée des contextes Solutréen ancien de ce gisement. Cette étude n’a pu être accomplie tant elle relève, à notre sens, d’une organisation collective croisant les données chronologiques, géo-archéologiques et archéozoologiques aux différents types d’analyses sur la culture matérielle, qu’il s’agisse d’industries lithiques ou en matières dures animales. Dans le cadre de cette thèse, ces travaux collectifs n’ont pu être entrepris et nous avons simplement effectué plusieurs diagnostics visant à tester des observations réunies sur d’autres gisements. II.2.1. La couche 31 de Laugerie-Haute Est Données contextuelles

La couche 31 de Laugerie-Haute Est correspond aux distinctions archéostratigraphiques reconnues lors des fouilles que F. Bordes y réalisa entre 1956 et 1958. La couche 31 y constitue le premier

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Deuxième partie - Les premières expressions du Solutréen dans le Sud-Ouest français -

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témoignage du techno-complexe solutréen que P. Smith attribue au stade inférieur classique à pointes à face plane. Selon ce dernier (1966), il s’agit d’un seul niveau archéologique, riche et épais qui n’a pas été subdivisé comme ce fut le cas à l’ouest pour les différents niveaux composant la couche 12 par exemple. Du côté gauche du site (Fig. 65) dans la zone des carrés A à D, la couche 31 se caractérise par un épais dépôt fait de débris calcaires arrondis au sommet, d’éléments thermoclastiques au milieu et de foyers à la base. Au centre de la zone fouillée, dans la zone des carrés E et G, le niveau disparaît presque totalement autour de la pyramide de débris de l’Aurignacien V. En revanche, du côté droit (carrés H et J), il devient un véritable niveau de foyer alors que le sommet, composé d’éléments thermoclastiques reconnus autour des carrés A à D, n’est plus apparent. Pour la couche 31, il existe donc plusieurs troncatures importantes du gisement qui empêchent de relier d’un point de vue stratigraphique les différentes parties du gisement. De plus, les travaux de terrain à l’Est s’apparentèrent à une fouille d’urgence afin de sauver une coupe qui s’effondrait dans la partie arrière de l’abri, là où les niveaux sont plutôt pauvres et indistincts (Smith, 1966, p. 58). Pour l’ensemble de ces raisons, l’homogénéité de l’ensemble de la couche 31 doit être considérée avec prudence et demanderait d’être testée précisément par une recherche pluridisciplinaire.

Données typologiques

P. Smith (1966) décrit l’industrie de la couche 31 dans les termes suivants. Il insiste sur la « relative grossièreté » d’ensemble de l’industrie qui n’est pas nettement laminaire, observation reprise également par P.-Y. Demars (1995) qui évoque pour sa part un indice laminaire de l’outillage assez peu élevé (57%), tout en précisant qu’il s’agit là du taux le plus fort de toute la séquence solutréenne de Laugerie-Haute Est (Demars, ibid., p. 5). Autre caractère fort de cette industrie : les pointes à face plane, unique témoin de l’outillage typiquement solutréen, sont très diversifiées puisque tous les sous-types distingués par P. Smith, à l’exception du sous-type D, y sont représentés. La série en comporte 40 avec une bonne représentation du sous-type A, incluant en particulier des spécimens sur lames dont la face supérieure est parfois intégralement aménagée par une retouche plate et couvrante (Fig. 66, 6). Pour certaines, ces pointes à face plane ont une morphologie foliacée, opposant une base régulièrement convexe et une pointe fine acuminée, généralement légèrement déjetée. Quelques exemplaires tendent vers une morphologie de pointe axiale, à l’image de ceux décrits à Azkonzilo.

Figure 65 : stratigraphie et succession culturelle de Laugerie-Haute Est (fouille P. Smith, 1959 ; d’après Smith, 1966, modifié)

Chapitre 5 - Les productions lithiques au Solutréen ancien : premiers éléments de technologie comparée -

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Figure 66 : pointes à face plane de la couche 31 de Laugerie-Haute Est (d’après Smith, 1966, modifié). 1-3, 5 & 8 : sous-type E ; 4 : sous-type C ; 6-7: sous-type A

En règle générale, les pointes de morphologie foliacée intégralement retouchées sur leur face supérieure sont minoritaires au regard de pièces dont la retouche intéresse essentiellement la base et la pointe mais ne couvre pas l’ensemble de la face supérieure. Lorsque la retouche transforme moins profondément le support, il apparaît très clairement que ces pointes sont intégralement confectionnées sur des lames (Fig. 66, 1-4, 5, 8). Les talons n’étant jamais conservés sur ces supports, il est délicat d’extrapoler leur technique de détachement. Quelques indices (point d’impact bien délimité, bulbe assez marqué dans certains cas) laissent cependant entrevoir une percussion exclusivement directe et majoritairement mise en œuvre avec un percuteur de pierre. Autre caractère

entrevu lors de l’examen des spécimens de la couche 31, les lames ont presque toujours un profil bien rectiligne et sont majoritairement larges, de plus de 25 mm. Les pointes à face plane de la couche 31 présentent une assez forte diversité, tant morphodimensionnelle que liée au type d’aménagement les intéressant. Ainsi, on trouve associé des pointes symétriques ou asymétriques, avec des aménagements sur un bord ou les deux et qui peuvent varier assez nettement, que ce soit au niveau de leur largeur ou de leur épaisseur. Elles sont toutes aménagées par une retouche directe au percuteur tendre, et ce même pour les exemplaires les plus aboutis. Précisons enfin, et nous y

Deuxième partie - Les premières expressions du Solutréen dans le Sud-Ouest français -

reviendrons, que P. Smith évoque la présence d’au moins une pointe dite moustérienne qui n’est autre qu’une pointe de Vale Comprido typique (Fig. 67, 1). Celle-ci a déjà été signalée sous ce terme par J. Zilhão et al. (1999) et F. Bordes qui précisait que les pointes à face plane passaient parfois à la « simple pointe moustérienne » (Bordes, 1958, p. 230). Une autre particularité de l’outillage de la couche 31, déjà entrevue au sein de la couche 6a d’Azkonzilo, consiste en la récupération de certaines pointes à face plane pour être transformées en d’autres types fonctionnels. Il peut alors s’agir principalement de grattoirs et de burins (Fig. 66, 7 ; Fig. 68, 5 & 6). Figure 67 : pointe de Vale Comprido de la couche 31 de

L’autre caractère typologique distinctif de ce cette Laugerie-Haute Est (d’après Smith, 1966, modifié). Le n° série, mis en avant par P. Smith, concerne la 1 était alors classé en « pointe de style moustérien » et diversité des grattoirs et leur importance vis-à-vis le n°2 en pointe à face plane de sous-type E des autres types d’outils du fonds commun. Les plate et couvrante est observable et, dans le cas le grattoirs sont simples ou atypiques et faits plus flagrant, elle est associée à une légère majoritairement sur lames, même si les retouche inverse à l’une des extrémités (Fig. 68, 4). exemplaires sur éclats sont également bien représentés. Dans quelques rares cas, une retouche

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Figure 68 : grattoirs et burins sur pointe à face plane de la couche 31 de Laugerie-Haute Est (d’après Smith, 1966, modifié) ; 1: grattoir double à retouche solutréenne ; 2 : grattoir double ; 3 : grattoir simple sur lame ; 4-5 : burins sur pointe à face plane

Chapitre 5 - Les productions lithiques au Solutréen ancien : premiers éléments de technologie comparée -

Deux grattoirs en éventail dont l’un porte les traces d’une retouche solutréenne sont également présents Pour clore cette rapide évocation de l’outillage de la couche 31, signalons que les autres outils reconnus ne présentent pas de caractères diagnostiques particuliers. Les burins sont nettement moins bien représentés que les grattoirs et dominés par les spécimens « simples », sur cassure. Un burin dièdre et un autre multiple mixte évoquent la possibilité d’un débitage sur tranche de lamelles relativement élancées. Les lames retouchées et tronquées sont également présentes et aucune ne porte les traces d’une

retouche plate. Enfin, et ce caractère est largement commenté à la fois par P. Smith (1966) et P.-Y. Demars (1995), on compte une large proportion d’outils de type encoches ou denticulés qui, considérés simultanément, composent environ un quart des outils retouchés. Cependant, comme le précisait déjà justement P. Smith (1966, p. 112), « les preuves d’action du froid et la présence d’éboulis dans ce niveau nous persuadent qu’une partie de la retouche sur éclats ou lames n’était pas due en fait à des actions humaines intentionnelles ». Dans ce cadre, la difficulté de distinguer les retouches anthropiques de celles liées à des facteurs post-dépositionnels pose ici le problème de l’évaluation de la part réelle de ces outils dans la série de la couche 31.

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Figure 69 : supports laminaires convergents de la couche 31 de Laugerie-Haute Est

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Données technologiques

Le diagnostic réalisé sur la série de la couche 31 conservée nous permet de commenter certaines grandes orientations technologiques qui caractérisent dans son ensemble les productions lithiques de ce Solutréen ancien. Un schéma opératoire de production de supports laminaires convergents détachés par percussion directe dure

Une série de supports bruts (Fig. 69) ainsi que quelques nucléus (Figs. 70-73) permettent de reconstituer une part des intentions techniques structurant les productions lithiques de la couche 31. Ces intentions concernent ici la recherche de supports plus ou moins élancés et de morphologie convergente en partie distale détachés exclusivement par percussion directe à la pierre. Ces produits couvrent une gamme dimensionnelle relativement diversifiée ; leur degré d’allongement est variable même si tous, sur un plan strictement métrique, peuvent être qualifiés de lames. Leur longueur varie entre 40 et 100 mm pour une largeur s’étalant entre 17 et 30 mm. Ces supports témoignent d’attributs technologiques très homogènes, nous autorisant à dégager les 166

principales caractéristiques opératoire d’obtention :

de

leur

schéma

™ l’organisation du débitage est très majoritairement unipolaire (Figs. 69-72) ; ™ la géométrie de la surface de débitage est organisée pour obtenir des supports convergents en partie distale. La lecture des négatifs d’enlèvements sur ces produits permet de dégager deux orientations principales assurant l’obtention de produits triangulaires convergents : • détachement de 2 supports latéraux selon un axe oblique à l’orientation générale de la surface de débitage et convergents en partie distale. Ceux-ci sont plus ou moins débordants selon les cas et assurent à la fois le maintien du cintre et la géométrie triangulaire de la table (Fig. 73) ; • dans d’autres cas, plus rares, le débitage passe par le détachement de supports selon un axe oblique à l’orientation générale de la surface d’exploitation mais demeurant parallèles entre eux (Fig. 72) ;

Figure 70 : nucléus à lames de morphologie pyramidale de la couche 31 de Laugerie-Haute Est (© MNP Les Eyzies – Dist RMN- cliché Ph. Jugie). Noter les contre-bulbes prononcés d’une percussion directe dure interne et l’ouverture d’un second plan de frappe pour l’extraction d’un support qui configure la forme triangulaire de la surface de débitage

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Ces deux cas de figure illustrent remarquablement les principales orientations des productions laminaires reconstituées à partir de la couche 6a d’Azkonzilo et de La Celle-Saint-Cyr : la percussion directe dure est exclusive (voir les nucléus des Figs. 70-73) et mise en œuvre dans une version majoritairement interne. Le coup est porté en retrait du bord de plan de frappe et les talons sont donc assez épais, entre 5 et 10 mm environ. Ces derniers sont très majoritairement lisses, à l’exception de très légers facettages ponctuels ne concernant jamais l’intégralité du plan de frappe. Les préparations au détachement s’effectuent donc le plus souvent depuis le plan de frappe en direction de la surface de débitage par l’intermédiaire de petits éclats courts, parfois à tendance lamellaire, visant principalement à corriger l’angulation entre ces deux surface et à réduire ainsi la corniche laissée par les négatifs précédents aux contrebulbes relativement profonds ; ™

™ dans l’ensemble, ces supports témoignent d’une recherche de profils plus ou moins rectilignes. Leur convexité longitudinale est en général plus prononcée en partie proximale et parfois distale ;

partie distale qui peut être réellement pointue et acuminée dans certains cas, mousse ou non-pointue dans d’autres. Plusieurs nucléus peuvent être directement associés à la production de ces supports triangulaires. Leurs caractères généraux peuvent être résumés de la manière suivante (Figs. 70-73) : ™ réalisés sur blocs et majoritairement dans un silex du Sénonien noir local, ils ne présentent pas de traces d’aménagement importantes qui auraient profondément modifié la morphologie des volumes originels. Les phases de mise en forme sont relativement sommaires ; ™ deux structures volumétriques peuvent être dégagées ; dans certains cas, ces nucléus opposent, comme à La Celle-Saint-Cyr, deux surfaces délimitant un plan d’intersection parallèle au plan de détachement des supports (Figs. 71 & 73). Dans d’autres, les nucléus s’apparentent à des volumes pyramidaux avec juxtaposition de plusieurs surfaces et ainsi, présence de flancs et d’une surface de plan de frappe s’individualisant de la surface de débitage et du dos (Figs. 70 & 72) ;

ces nucléus obéissent à une gestion presque exclusivement unipolaire depuis des plans de frappe qui ne font pas l’objet d’un entretien important et régulier. ™

™ la morphologie grossièrement triangulaire de ces supports, inhérente à la convergence de leurs bords latéraux, varie au niveau de leur

Figure 71 : nucléus de la couche 31 de Laugerie-Haute Est de conception volumétrique rappelant celle décrite à la Celle-Saint-Cyr (morphologie dite « levalloïde » ; © MNP Les Eyzies – Dist.RMN- cliché Ph. Jugie)

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Deuxième partie - Les premières expressions du Solutréen dans le Sud-Ouest français -

Le plus souvent, les plans de frappe sont conservés lisses et présentent une angulation relativement ouverte avec la surface de débitage, autour de 80/85° ; la morphologie triangulaire de la surface d’exploitation est, le plus souvent, le résultat de l’extraction de produits latéraux d’axe oblique, détachés aux deux extrémités latérales de la surface de débitage. Outre le rôle qu’ils jouent dans le maintien des convexités transversales, ces enlèvements configurent la surface d’exploitation et sa morphologie triangulaire afin de pouvoir obtenir des supports convergents en son centre. Un remontage (Fig. 73) associant plusieurs produits latéraux corticaux et débordants sur un nucléus de la couche 31 illustre remarquablement ce cas de figure. Ici, le nucléus présente une structure volumétrique particulièrement significative, opposant deux surfaces avec exploitation d’une face large peu ™

convexe en fin d’exploitation. Les produits débordants, extraits par percussion directe dure interne à la jonction des deux surfaces et aux deux extrémités latérales de la table assurent le maintien d’un cintre adéquat tout en configurant la géométrie de la surface d’exploitation afin d’obtenir des supports convergents en son centre ; ™ à l’abandon, ces nucléus présentent fréquemment des stigmates assez violents, témoins d’une percussion directe dure portée très en retrait du bord de plan de frappe et conduisant au sur-creusage de la table et à la déstructuration des nucléus faute de convexités suffisamment bien entretenues et adéquates. Dans quelques cas, on note la présence de points d’impact anarchiques, portés très en retrait du bord de plan de frappe (Fig. 70), témoignant soit d’un acharnement voué à l’échec soit de reprises par des tailleurs malhabiles.

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Figure 72 : nucléus à tendance laminaire de morphologie pyramidale de la couche 31 de Laugerie-Haute Est (© MNP Les Eyzies – Dist RMN- cliché Ph. Jugie). Noter les contrebulbes prononcés d’une percussion directe dure interne et l’absence de mise en forme

Chapitre 5 - Les productions lithiques au Solutréen ancien : premiers éléments de technologie comparée -

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Figure 73 : nucléus laminaire opposant 2 surfaces et produits remontés de la couche 31 de Laugerie-Haute Est (© MNP Les Eyzies – Dist RMN- cliché Ph. Jugie).

Un schéma en lien vraisemblable avec certaines pointes à face plane mais aussi avec des pointes de Vale Comprido

Cette production de supports laminaires convergents par percussion directe à la pierre est, à n’en pas douter, le principal schéma d’exploitation reconnu au sein de la couche 31. S’il

semble prioritairement viser l’obtention de supports laminaires grossièrement triangulaires, il produit également une gamme de lames à bords et nervures parallèles qui ne semble pas ici constituer l’intention première du débitage. Les deux grands types de supports obtenus ont pu, dans des proportions qu’il conviendrait de déterminer plus

Deuxième partie - Les premières expressions du Solutréen dans le Sud-Ouest français -

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précisément, participer au stock de produits sélectionnés dans le cadre de la confection des pointes à face plane. Ce type d’estimation est ici rendu délicat par la forte transformation par la retouche touchant les supports transformés en pointes à face plane. Précisons également que nous avons reconnu au moins 4 pointes de Vale Comprido parmi les pièces retouchées de la couche 31. F. Bordes puis P. Smith les isolaient sous la dénomination de pointes moustériennes. La plus typique (Fig. 67, 1) est réalisée sur un éclat laminaire allongé. Elle est longue de 62 mm, large de 27 mm pour 8 mm d’épaisseur maximale. L’organisation des négatifs d’enlèvement antérieurs atteste que ce support provient d’un débitage laminaire du type de celui que nous venons d’évoquer. On note que les négatifs d’enlèvement en position latérale ont été détachés selon un axe oblique au sens de détachement du support et ont ainsi permis de prédéterminer la morphologie de celui-ci. Un autre élément important consiste en la présence, au centre de la pièce, d’un négatif lamellaire élancé vraisemblablement extrait avant le détachement du support. Celui-ci amincit une portion de la pointe mais assure aussi l’obtention d’une lamelle relativement régulière. Comme il en est de coutume dans le cadre des pointes de Vale Comprido, l’aménagement du support passe en particulier par son amincissement basal et la retouche de sa pointe. La base est amincie par l’intermédiaire d’enlèvements courts, parfois lamellaires, extraits à partir du talon lisse qui est conservé. Ces premiers enlèvements sont ensuite recoupés par un second rang de retouches, plus courtes et qui rebroussent systématiquement. La pointe, relativement acuminée, est aménagée par une retouche directe et courte qui n’intéresse les deux bords que sur leur dernier centimètre et demi. À l’issue de cette confection, la pointe se trouve légèrement déjetée de l’axe morphologique de l’objet. Enfin, le bord gauche est aménagé par une retouche directe, assez courte et quasicontinue sur toute sa longueur. Notons également que deux négatifs aménageant ce bord sont plus couvrants, atteignant le premier tiers de la largeur de la pointe. Au moins 3 autres pointes à peu près identiques ont été reconnues au sein de la couche 31. Toutes réalisées sur des éclats laminaires de morphologie triangulaire, elles conservent un talon lisse. Dans un cas au moins (voir Bordes 1958, Fig. 19, 7), on note la présence d’un négatif lamellaire élancé au centre du support, témoignant d’une modalité en tous points identiques à celle décrite plus haut.

Un schéma opératoire laminaire plus classique des conceptions volumétriques de type Paléolithique supérieur par percussion directe tendre

Un autre schéma opératoire laminaire a été reconnu au sein de la couche 31. Il vise l’obtention de lames peu arquées par percussion directe tendre. Comme noté par P.-Y. Demars, une part de ce débitage est réalisé sur place et fréquemment en silex du Bergeracois, mais aussi dans des silex sénoniens noirs ou couleur miel, voire en silex du Fumélois. Plusieurs lames à crête à 2 versants pourraient laisser entendre que, contrairement au schéma précédent, l’initialisation du débitage laminaire passait par l’aménagement d’une crête d’entame. Pour en résumer les principaux caractères, ce débitage laminaire est majoritairement unipolaire et opère selon une dynamique semi-tournante. L’exploitation laminaire semble fréquemment débuter par l’exploitation d’une face étroite du volume avant de s’étendre ultérieurement. En cours d’exploitation, il est fréquent qu’un second plan de frappe soit ouvert, principalement à des fins d’entretien des convexités distales ; il est aussi possible que, dans certains cas, ce second plan de frappe ait également permis l’obtention d’une ou plusieurs séquences laminaires. En règle générale, la surface de débitage est, en fin d’exploitation, de morphologie sub-rectangulaire et peu arquée longitudinalement. L’entretien des convexités latérales est assuré par la mise en place d’une crête postéro-latérale. Les lames issues de cette exploitation semblent toutes détachées par percussion directe au percuteur tendre organique. Les talons sont le plus souvent lisses, bien abrasés et plus ou moins inclinés. Dans quelques cas, plus rares, les talons sont plus soigneusement facettés. Quel bilan pour la couche 31 de Laugerie-Haute Est ?

Il n’est pas encore possible de statuer définitivement sur la place de la couche 31 dans la séquence évolutive des phases anciennes du Solutréen. En effet, il nous faut pour cela attendre le résultat de nos enquêtes sur les ensembles à pointes de Vale Comprido ne comportant pas de véritables pointes à face plane. Pour l’heure, force est de constater que le diagnostic engagé sur la couche 31 permet de souligner des points de convergence, à la fois avec la couche 6a d’Azkonzilo et La Celle-Saint-Cyr.

Chapitre 5 - Les productions lithiques au Solutréen ancien : premiers éléments de technologie comparée -

Plusieurs faits sont d’ores et déjà fondamentaux à souligner : présence d’un schéma opératoire relativement original dans le contexte du Paléolithique supérieur conduit intégralement par percussion directe à la pierre et mettant fréquemment en jeu des nucléus dont la structure volumétrique oppose deux surfaces et exploite une face large et peu convexe longitudinalement pour le débitage des supports laminaires ;

™

ils sont orientés vers l’obtention de supports laminaires convergents ou pointus et peuvent aussi fournir des lames aux bords et nervures parallèles ;

™

les pointes à face plane constituent un type hétérogène d’un point de vue morphologique et dimensionnel. Leur morphologie symétrique ou non et la position de la pointe, axiale ou déjetée, pourraient constituer un élément déterminant pour envisager leur fonction, comme nous avons essayé de le montrer dans le cadre de la couche 6a d’Azkonzilo. En termes de spécificité typologique dont la valeur chronoculturelle est engagée, les pointes à face plane sont largement dominantes dans tous les cas tandis que l’outillage du fonds commun obéit à des normes nettement moins rigides et demeurent à ce titre relativement ubiquistes dans tous les sites considérés ;

™

enfin, il faut noter à Laugerie-Haute Est tout comme à Azkonzilo et peut-être à La Celle-Saint-Cyr la présence, certes ténue, de pointes de Vale Comprido. Si leur présence

™

dans chacun des sites considérés isolément peut potentiellement être expliquée par des contaminations avec des ensembles sous-jacents mal caractérisés, le fait qu’on les retrouve associée à des corpus de pointes à face plane équivalents, tout comme à un débitage mené à la pierre, pourrait constituer un élément pour affirmer leur présence, en quantité certes restreinte, au Solutréen ancien. II.2.2. Un bilan renforcé par l’évocation des ensembles de Solutréen ancien connus à Laugerie-Haute Ouest Nous évoquerons très succinctement quelques aspects relevés lors d’un diagnostic effectué sur des portions du Solutréen ancien retrouvé du côté Ouest. Celui-ci devra à l’avenir être complété et précisé. Données contextuelles

Nous n’évoquerons ici que les données issues des fouilles conduites par F. Bordes et surtout P. Smith entre 1957 et 1959 (voir en particulier Smith, 1966). De ce côté, la fouille fut restreinte car celle-ci ne s’effectua que sous les énormes blocs effondrés (Fig. 74). La séquence du Solutréen inférieur de P. Smith a été subdivisée en plusieurs niveaux qui, selon l’auteur des fouilles, représentent assurément des « subdivisions fondées sur des occupations réellement distinctes pendant le Solutréen inférieur » (p. 60). À ce titre, comme le souligne P. Smith, il s’agirait de l’unique séquence de Solutréen ancien pour laquelle il serait possible de suivre une évolution diachronique plus fine. Ainsi, en fonction de différences de couleur, de composition et de texture du sédiment, 5 niveaux ont été distingués.

Figure 74 : stratigraphie de Laugerie-Haute Ouest (fouilles F. Bordes, 1957-1958 ; d’après Smith, 1966, modifié)

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Deuxième partie - Les premières expressions du Solutréen dans le Sud-Ouest français -

couleur grise plus ou moins foncée. La structure est généralement de type diamictique, sauf dans la partie tout à fait supérieure des dépôts, au niveau des ensembles du Solutréen final et du Magdalénien ancien, où apparaît un faciès stratifié avec différenciation de niveaux caillouteux ouverts et granoclassés.

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J.-P. Texier précise que les mesures de fabriques réalisées dans les différents niveaux montrent une très forte orientation des objets allongés Figure 75 : cliché photographique de la séquence de Laugerie-Haute dans le sens de la pente. Pour Ouest (d’après Texier, 2006, modifié) argumenter ce résultat, il présente une figure et les données statistiques issues de mesures de fabriques Signalons toutefois en reprenant les observations réalisées pour le Solutréen moyen. Il en irait de de P. Smith que cette distinction n’a pas été même pour le Solutréen ancien même si aucune reconnue partout et que dans la partie occidentale donnée quantifiée ne vient l’appuyer. En contexte du site (carrés B11 à B14 inclus), le Solutréen Pléniglaciaire, seule la solifluxion permettrait ancien n’a été retrouvé que dans un niveau unique. d’expliquer la très forte orientation des objets Enfin, notons qu’à l’Ouest, les fouilles de F. allongés conformément à la pente des strates Bordes et P. Smith n’ont pas permis de retrouver (Bertran et al., 1997). La persistance de ce le Proto-Solutréen de D. Peyrony. En revanche, caractère sur toute l’épaisseur des dépôts indique un élément rassurant en termes contextuels que ce mécanisme a été prépondérant durant toute consiste en la présence d’un niveau stérile la durée de leur mise en place et de leur évolution d’éboulis entre l’Aurignacien V sous-jacent et le post-dépositionnelle. Les dépôts de la partie Solutréen ancien puis d’un niveau (12d) de 2 à 3 inférieure de la séquence (Proto-Solutréen, cm d’épaisseur relativement pauvre. Ainsi, le Solutréen inférieur, moyen et supérieur) ne niveau le plus significatif pour le Solutréen ancien montrent pas d’alternance de niveaux caillouteux (12c) est séparé des épisodes chrono-culturels le ouverts et de niveaux colmatés comme c’est le cas précédant par au moins 2 couches sédimentaires lors d’un empilement de coulées de solifluxion à différentes. front pierreux. Deux types de solifluxion, qui ne peuvent pour l’heure être ici distingués, auraient Plus récemment, la séquence de Laugerie-Haute pu agir dans la formation des dépôts : Ouest (Fig. 75) a été revue sur un plan géologique par J.-P. Texier (2006). Voici la description que ce ™ une solifluxion pelliculaire, fréquemment dernier fournit de la séquence dont nous observée en contexte de haute altitude, qui reprenons les termes afin d’éviter toutes n’agit que sur une tranche superficielle du sol contradictions (Texier, ibid. p. 19-21). et résulte principalement de l’action de la glace en aiguilles ; Les dépôts sont constitués d’un empilement de strates à double pendage, dirigé à la fois vers le ™ une solifluxion dite « sous pelouse » qui fond de l’abri et vers l’extérieur de la cavité (7 à concerne une tranche de sol beaucoup plus 10° vers le S-SE). Les couches présentent une épaisse. épaisseur de un à plusieurs décimètres et leur couleur varie en fonction de leur teneur en Selon la teneur exacte de la dynamique de éléments archéologiques : lorsque les éléments solifluxion expliquant la mise en place des dépôts naturels (fragments et sables calcaires) dominent, à Laugerie-Haute Ouest, les implications sur leur couleur est jaunâtre ; lorsqu’elles sont riches l’archéo-stratigraphie seront radicalement en éléments anthropiques, cela va de pair avec une différentes. abondance en charbons leur conférant une

Chapitre 5 - Les productions lithiques au Solutréen ancien : premiers éléments de technologie comparée -

En effet, la solifluxion pelliculaire occasionne un étirement vers l’aval des nappes de vestiges sans remettre foncièrement en cause leur cohérence et la stratigraphie archéologique. Il en va très différemment de la solifluxion sous pelouse qui peut aboutir à la création de plusieurs pseudoniveaux stratifiés à partir d’un même niveau archéologique (Fig. 76). En tout état de cause, il demeure donc délicat de se fonder sur les subdivisions reconnues au sein du Solutréen ancien par F. Bordes et P. Smith pour lire une évolution diachronique représentative de la réalité archéologique. Dans le cadre de notre rapide examen de ces séries, nous considérerons uniquement la couche 12c, la plus riche et la plus représentative selon P. Smith. Données typologiques

Comme pour la couche 31 du côté Est, les pointes à face plane, qui composent 12% de l’outillage, sont l’élément significatif de cette série sur un plan typo-chronologique et culturel. A l’image de la couche 31, tous les sous-types se côtoient à l’exception du D. Les pointes à face plane ont rarement leur face supérieure intégralement retouchée et une forme assez fréquente ressemble assez aux spécimens dits du sous-type C de La Celle-Saint-Cyr (Fig. 77, 4-5). Ici, la retouche vient amincir et arrondir la base et transformer la morphologie d’un seul bord, fréquemment le gauche. Cela confère à ces pointes une forme de larme, opposant un bord retouché régulièrement convexe à un bord plus rectiligne et contribue également à déjeter légèrement la pointe vers la droite. Seul un spécimen, apparemment sur éclat, présente une morphologie typiquement foliacée avec pointe axiale (voir Smith, 1966, Fig. 2, 20) Les talons ne sont pas conservés et la base est fréquemment amincie par des retouches inverses rasantes et courtes. Enfin, ces pointes peuvent être secondairement réinvesties, voyant alors leur fonctionnalité modifiée puisqu’elles peuvent être transformées en burins ou en grattoirs. Tant nos observations que celles réalisées par J. Pelegrin (communication personnelle) vont dans le sens d’une retouche exclusivement appliquée par percussion directe tendre organique et non par pression. Les grattoirs constituent le type dominant du fonds commun avec près de 30% du total des outils retouchés, se partageant pour l’essentiel entre des grattoirs simples et atypiques. P. Smith (1966, Fig. 2, 19) note parmi ces outils la présence de grattoirs atypiques présentant « (…) à leur extrémité utile une retouche abrupte ou semi-abrupte ».

Figure 76 : Hypothèse de la stratogenèse des dépôts archéologiques de Laugerie-Haute Ouest (d’après Texier, 2006). a : nappe de vestiges archéologiques ; b : dépôts d’origine naturelle. Cette hypothèse illustre la formation de pseudo-niveaux archéologiques superposés (3) par solifluxion à partir d’une nappe de vestiges originelle

Ces pièces « (..) pourraient presque être classées comme raclettes si elles n’étaient pas si évidemment des grattoirs. Cette existence de la retouche abrupte ou semi-abrupte dans le Solutréen inférieur n’a pas été remarquée jusqu’à présent, semble-t-il, mais un examen soigneux d’autres collections révèle que ce type de retouche n’est nullement rare » (Smith, 1966, p. 68). A noter enfin l’importance des encoches et denticulés et la présence, sur laquelle il conviendra de revenir plus loin, d’un fragment de lamelle à dos qui porte une patine différente du reste de la série. La brièveté de l’examen réalisé pour la couche 12c ne nous permet pas de développer précisément sa caractérisation technologique qui reste à entreprendre. Tout juste pouvons-nous signaler la présence bien affirmée d’un débitage d’enlèvements allongés assez courts entièrement réalisé par percussion directe à la pierre. Il semble en tous points concorder avec les observations plus abouties réalisées à partir de la couche 31 et serait associé à une production laminaire au percuteur tendre organique. Aucune donnée n’est pour l’heure disponible sur d’éventuelles productions lamellaires associées.

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Deuxième partie - Les premières expressions du Solutréen dans le Sud-Ouest français -

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Figure 77 : pointes à face plane des couches 12b (1-3), 12a (4-6) et 12d (7-9) de Laugerie-Haute Ouest (d’après Smith, 1966, modifié). 1-2, 4-5 : sous-type C ; 3, 6 : sous-type B ; 7 : sous-type A ; 89 : sous-type D

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Apport de Laugerie-Haute Est et Ouest à la connaissance des productions lithiques du Solutréen ancien

A Laugerie-Haute, nous disposons de datations radiométriques relativement cohérentes, situant le sommet du Solutréen ancien du côté Ouest entre 20,690 ± 210 et 20,360 ± 160 BP (Roque et al., 2001). Compte-tenu de la position du niveau daté au sommet de la séquence du côté Ouest, on peut considérer que ces dates constituent une évaluation chronologique d’une phase relativement avancée du Solutréen ancien. Nous disposons désormais d’une définition technologique plus précise de ce contexte chronoculturel du Solutréen ancien que nous avons déjà résumé à l’issue des études conduites sur Azkonzilo, La Celle-Saint-Cyr et la série de la couche 31 de Laugerie-Haute Est. D’autres sites connus pour livrer des ensembles du Solutréen ancien à pointes à face plane pourraient être ici évoqués. Nous pensons en particulier, pour le Sud-Ouest français, à Badegoule (Dordogne) ou aux Peyrugues (Lot) que nous avons eu l’occasion d’étudier.

II.3. Le cas du « Proto-Solutréen » de Badegoule Données contextuelles

Le site de Badegoule est localisé dans la vallée de la Vézère sur la commune de Bersac (Fig. 55). Extrêmement riche, ce site serait d’une importance majeure pour notre connaissance du Solutréen s’il n’avait pas été pillé depuis les travaux de F. Jouannet. Originellement, le site se composait de 3 terrasses larges d’une vingtaine de mètres en moyenne mais les 2 terrasses latérales ont été complètement vidées par Hardy, Massénat et d’autres (Smith, 1966) avant que D. Peyrony (1908) n’y entreprenne des fouilles. Ce dernier, en intervenant sur la terrasse centrale et l’abri y découvrit plusieurs niveaux de Solutréen récent à feuilles de laurier et pointes à cran. Dans les années 1940, A. Cheynier (1949) fouille la pente en face de l’abri central et dans quelques zones encore intactes sur la terrasse et sous l’abri. Sur la terrasse, il met au jour une archéo-séquence différente de celle de D. Peyrony et révèle en particulier l’existence d’un Solutréen I, interprété par P. Smith comme un « Proto-Solutréen ». Cette notion de « Proto-Solutréen » est utilisée par P. Smith pour désigner des industries à pointes à face plane en position sous-jacente au Solutréen ancien et se caractérisant par des pointes à face plane particulières, faites sur des lames ou éclats épais

avec retouche plate plutôt grossière et irrégulière pouvant couvrir la totalité de la face supérieure (Smith, 1966, p. 64). Il s’agirait d’une industrie témoignant d’un aspect « archaïque » lorsqu’elle est comparée au Solutréen ancien classique. Définie à partir de la couche G des fouilles de D. Peyrony à Laugerie-Haute Ouest, cette industrie se retrouverait uniquement à Badegoule et Arcy-surCure. P. Smith est pleinement affirmatif lorsqu’il s’agit d’articuler ce « Proto-Solutréen » au reste de la séquence : « Mais quelle que soit son origine, les liens du Proto-Solutréen avec le Solutréen inférieur sont aussi certains que peuvent être certains des liens en archéologie » (Smith, 1966, p . 64-65). Pour notre part, nous pensons que le Proto-Solutréen individualisé par P. Smith uniquement à Laugerie-Haute Ouest et Badegoule ne doit pas être écarté du Solutréen ancien. En revanche, il se distingue de ce que nous nommerons Protosolutréen, c'est-à-dire des industries à pointes de Vale Comprido sans pointes à face plane typique présentant de fortes convergences avec celles documentées dans l’Estremadura portugaise (Zilhão, 1995 ; Zilhão et Aubry, 1995 ; Zilhão et al., 1999). L’ensemble de base de la séquence solutréenne découverte par A. Cheynier à Badegoule (Solutréen I de Cheynier ou Proto-Solutréen de Smith) correspondrait à la découverte d’un foyer relativement isolé, situé en partie sur la terrasse et sur la pente et donc clairement en dehors de l’abri, expliquant ainsi que D. Peyrony ne l’ait pas relevé lors de ses opérations. Le contexte stratigraphique reste néanmoins douteux et les descriptions fournies par A. Cheynier (1949) sont souvent ambiguës. Ce foyer était entouré de restes fauniques composés principalement de mammouth et comprenant aussi du renne et du cheval. Données typologiques (d’après Smith, 1966)

La série comporte 103 outils et se caractérise par la présence de pointes à face plane proches de celles de la couche G des fouilles D. Peyrony à Laugerie-Haute Ouest (Proto-Solutréen). Elles sont réalisées sur des lames épaisses fréquemment retouchées aux deux extrémités par retouche plate et grossière. La face supérieure peut être intégralement retouchée et le bulbe est souvent enlevé. Des grattoirs et des burins, répartis de façon égale entre les spécimens dièdres et sur troncature les accompagnent. Enfin, contrairement au Proto-Solutréen de LaugerieHaute Ouest, P. Smith note l’absence de grattoirs aurignaciens (carénés), attestant selon lui les contaminations subies sur ce dernier site avec

175

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Données technologiques

l’Aurignacien V et « (…) l’importance de ce niveau de Badegoule pour l’étude des origines du Solutréen » (Smith, 1966, p. 176). Catégorie technique

176

Un diagnostic de cet ensemble conservé au Musée des Antiquités Nationales de Saint-Germani-enLaye a été réalisé en décembre 2006 (Tabl. 29 & 30). Il révèle la proximité de cette industrie avec le niveau 31 de Laugerie-Haute Est précédemment évoqué. Des silex locaux gris ou noirs du Sénonien sont le plus souvent utilisés à l’exception de quelques pointes à face plane en Fumélois ou en probable silex campanien.

Effectif

Outils

133

Lames Lamelles Eclats et fgts. (sup. à 2 cm) Eclats et fgts. (inf. à 2 cm) Nucléus Chutes de burin

147 16 114 81 5 7

Un ensemble cohérent du Solutréen ancien

Un débitage de lames détachées par percussion directe à la pierre peut être d’emblée souligné. Les supports obtenus couvrent une large gamme Total 503 dimensionnelle depuis de petites lames assez légères jusqu’à des spécimens plus robustes. Les Tableau 29 : décompte total de l’industrie lithique quelques lames entières recensées s’étalent entre du « Proto-Solutréen » de Badegoule 70 et 120 mm de long pour 20 à 40 mm de large. Leur épaisseur varie d’autant selon leur Type de support : gabarit, entre 3 et 13 mm pour les lames simples. Les talons sont le plus Total Lame Eclat Ind. souvent lisses, parfois légèrement Grattoir 21 facettés ou punctiformes et assez dont grattoir simple 6 5 minces et les préparations au détachement réalisées depuis le plan de dont sur lame ret. 4 frappe vers la surface de débitage. La dont sur pointe à face plane 1 relative minceur des talons indique une dont grattoir double 1 percussion portée très légèrement en dont grattoir atypique 1 2 retrait du bord de plan frappe selon dont grattoir à épaulement 1 une geste enveloppant et tangentiel. Des points d’impact bien délimités Grattoir-burin 1 1 entourés de micro-sillons latéraux, des Burin 19 bulbes relativement développés et dont burin dièdre 6 parfois esquillés évoquent une dont burin sur cassure 2 percussion directe à la pierre tendre. Dans tous les cas, ces supports ne sont dont burin sur troncature 6 1 jamais détachés par percussion directe dont burin sur troncature sur pointe à face 2 dure dans une version interne. plane dont burin multiple mixte

Lame retouchée Lame tronquée Pointe à face plane Pointe de Vale Comprido Perçoir Racloir Pièce esquillée Eclat retouché Fgt. ind. retouché Total

2

29 1 24 1 1 1 2 7 25

29

132

90

1 24 1 1 1 2 7 25

17

25

Tableau 30 : Décompte typologique simplifié du « Proto-Solutréen » de Badegoule (série Cheynier, Musée d’Archéologie Nationale)

Les lames simples proviennent sans exception d’un débitage unipolaire conduit sur des surfaces d’exploitation vraisemblablement assez larges et peu convexes. Plusieurs témoignent en effet d’une section relativement aplatie, sans pan abrupt en position latérale. Les profils sont invariablement rectilignes à peu courbes. Enfin, certaines témoignent d’une orientation du débitage vers l’obtention de supports plus ou moins élancés convergents en partie distale. Cette configuration est en outre illustrée par un nucléus particulièrement évocateur

Chapitre 5 - Les productions lithiques au Solutréen ancien : premiers éléments de technologie comparée -

(Fig. 78). Celui-ci témoigne d’une production de lames et d’éclats laminaires très clairement convergents. Il s’agit d’une exploitation unipolaire à partir d’un plan de frappe qui présente des ravivages partiels et successifs depuis la surface de débitage. L’aménagement est sommaire et se limite à l’extraction de grands éclats aux dépens du dos. Aucun négatif d’aménagement d’une crête n’a été relevé. L’ensemble des négatifs laminaires témoigne d’une configuration convergente de la partie distale de la surface d’exploitation. En fin d’exploitation, un dernier enlèvement est détaché au centre de la surface. En fonction de la géométrie de la table alors configurée, celui-ci s’apparente à une véritable pointe. Il s’agit d’un éclat laminaire de 71 mm de long pour 40 mm de large. En fonction des caractères techniques et morphologiques énoncés, il ne fait aucun doute Figure 78 : schéma d’un nucléus à pointe de Badegoule. Noter les que ce débitage soit associé à enlèvements latéraux de direction oblique venant configurer la géométrie de un lot de 24 pointes à face la surface de débitage pour l’obtention d’un support convergent au centre de plane. Elles sont la table majoritairement réalisées en bulbe ôté par retouche plus ou moins rasante. Un silex local du Sénonien mais on compte aussi 4 seul exemple de ce gabarit témoigne d’une pointe spécimens en Fumélois, 1 en Bergeracois, 1 en très finement dégagée par une retouche bilatérale silex jaspéroïdes de l’Infralias et 1 en silex directe qui, en partie mésiale, est clairement campanien probable. couvrante et dépasse la nervure centrale de l’objet. Enfin, un petit lot de fragments apicaux se D’un point de vue morphologie et dimensionnel, distingue par un module plus réduit. Il s’agit là de deux versions peuvent être distinguées : d’une part spécimens axiaux proches de ceux décrits pour des spécimens massifs et d’autres plus légers. Azkonzilo. La retouche est envahissante, plate et Parmi les premiers, on compte 3 exemples entiers transforme assez largement le support originel. de pointes à face plane retouchées aux deux Une assez forte diversité caractérise donc les extrémités pour dégager deux pointes opposées pointes à face plane de Badegoule, tant au niveau légèrement décalées. Dans ce cas, la retouche du module des supports sélectionnés que de la directe, semi-abrupte voire parfois plate est peu morphologie des outils, associant des spécimens envahissante. Ces pièces se distinguent aussi par bipointes à d’autres monopointes, généralement leur module important, atteignant 10 à 12 cm de déjetés et plus rarement axiaux. long pour 3 à 4 cm de large et 12 à 18 mm d’épaisseur. D’autres, d’un module équivalent mais Il est à noter également, comme à Azkonzilo et dont seule une extrémité est aménagée, se Laugerie la présence d’une pointe de Vale caractérisent par une retouche peu envahissante Comprido. Elle est ici unique mais le support sur tendant parfois vers une morphologie écailleuse. lequel elle est aménagée est tout à fait comparable La pointe est clairement déjetée, peu acérée et le

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Deuxième partie - Les premières expressions du Solutréen dans le Sud-Ouest français -

à ce que nous avons relevé précédemment. Elle est réalisée sur un éclat laminaire convergent en partie distale. L’aménagement se traduit par un amincissement de la base par l’intermédiaire d’enlèvements détachés dans l’axe et depuis le talon. Il est complété par une retouche directe et semi-abrupte sur les 2 premiers cm proximaux du bord droit. Notons que contrairement aux pointes à face plane le talon est conservé. Il est lisse et plus épais que ce que nous avons constaté pour les supports bruts de débitage, évoquant une percussion plus en retrait du bord de plan de frappe. Le reste de l’outillage est dominé par des grattoirs, des lames retouchées principalement sur un bord et des burins sur lames (Tabl. 30). Des éléments plus difficiles à interpréter

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Un lot de supports lamino-lamellaires s’isole très nettement du matériel décrit jusqu’à présent. Il s’agit de 5 supports très élancés, étroits et réguliers. Le plus souvent fragmentés, ces supports dépassent en général 10 cm de long pour une largeur réduite à environ 1 cm. Il s’agit donc de lames étroites au profil assez courbe. L’orientation des bords et nervures indique un débitage de supports parallèles. Quelques rares fragments proximaux (2) montrent des talons minces, lisses ou linéaires avec lèvre bien marquée évoquant une percussion directe organique. Ils pourraient être associés à ce morpho-type laminaire. Compte-tenu de la carence des informations archéo-stratigraphiques et de l’ancienneté des fouilles, nous ne pouvons statuer sur la valeur de ces éléments. Leur relative rareté et leur grande différence avec l’ensemble jusqu’à présent évoqué nous conduisent pour l’heure à les écarter du contexte Solutréen ancien. En dépit de certaines réserves liées au peu d’informations disponibles sur le contexte archéostratigraphique de cet ensemble, force est de constater qu’une très large part de la série de Badegoule s’intègre parfaitement aux grands traits de l’organisation des productions lithiques au Solutréen ancien. L’attribution proposée par P. Smith à un Proto-Solutréen renvoie au contexte historique des recherches d’alors, à un moment où les ensembles protosolutréens à pointes de Vale Comprido étaient encore inconnus. Rien ne permet pour l’heure d’isoler Badegoule d’autres contextes solutréens anciens évoqués au sein d’une autre entité chrono-culturelle et nous le considérons avec prudence comme un contexte proprement solutréen ancien.

II.4. En dehors du Sud-Ouest : des similitudes techniques jusque dans la basse vallée du Rhône En basse vallée du Rhône, le Solutréen ancien est connu depuis longtemps dans les gorges de l’Ardèche et P. Smith insiste sur les affinités dont il témoignerait avec les séquences classiques du Sud-Ouest. Il s’agit en effet d’un Solutréen ancien à pointes à face plane abondantes, connu en particulier sur les sites de Chabot, Oullins et du Figuier (Smith, 1966 ; Combier, 1967 ; Bazile, 1990, 1999 ; Boccaccio, 2005 ; Guégan, 2007). F. Bazile soutient un développement du Solutréen du Languedoc entre 21,000 et 19,000 BP, date à laquelle débuterait le développement du Salpêtrien ancien (Bazile, 1999, p. 79). Le Solutréen ancien ardéchois serait donc sub-contemporain des manifestations étudiées dans le Sud-Ouest et pourrait être situé entre 21,000 et 20,000 BP. Les pointes à face plane constituent dans les 3 séries considérées l’outil le mieux représenté. Elles présentent une assez forte diversité morphotypologique et J. Combier remarque l’association de pointes symétriques et dissymétriques, rappelant la différenciation établie à Azkonzilo entre des pointes axiales et déjetées. A Oullins, les pointes sont fréquemment déjetées et le bord latéral gauche est aménagé par une retouche continue directe, déjetant la pointe vers la droite (Guégan, 2007). Au niveau des types de transformation, on constate la forte unité de ces pièces avec leur homologues du Sud-Ouest : aménagement de la base par retouche directe et inverse ôtant le bulbe, traitement d’un bord, plus rarement les deux et de la pointe. La retouche est tout aussi variable d’une pièce à l’autre : abrupte dans le cas de certaines pièces à retouche partielle, elle peut être couvrante lorsque le support est plus largement transformé. Des stigmates d’utilisation sont observées et pourrait s’expliquer, à Chabot, par le choc d’une pointe très effilée contre un corps dur (Combier, 1967, p. 280). Quelques fractures en charnière ont été récemment observées par S. Guégan sur la série d’Oullins et sont tout à fait diagnostiques d’un impact violent et d’une utilisation en pointe de projectile d’après un diagnostic de H. Plisson (Guégan, 2007, p. 25). Enfin, les pointes à face plane peuvent être recyclées en outils divers : grattoirs, burins, lames tronquées (Combier, 1967 ; Guégan, 2007). L’outillage associé compte en général de nombreux grattoirs sur supports courts et larges, des burins en nombre globalement équivalent et

Chapitre 5 - Les productions lithiques au Solutréen ancien : premiers éléments de technologie comparée -

une proportion assez importante d’outils dits « moustériens » avec, en particulier, de nombreux racloirs à Chabot. Enfin, J. Combier insiste sur la présence d’outils « gravettoïdes » dans les séquences du Solutréen ancien de l’Ardèche : pointes de la Font-Robert et de la Gravette et éléments tronqués, le conduisant à suivre l’opinion de G. Laplace (1959) sur l’origine gravettienne locale de ce techno-complexe. Plus récemment, S. Guégan (2007) a entrepris une première révision typo-technologique du Solutréen ancien de la Baume d’Oullins. Plusieurs résultats sont remarquables au regard des tendances que nous avons pu dégager dans le SudOuest : ™ présence d’un schéma laminaire dominant par percussion directe à la pierre tendre associée à la production de supports de pointes à face plane (Fig. 79-80). Dans ses grandes orientations, ce schéma est comparé par l’auteur avec celui que nous avions pu reconstituer sur le site de la Celle-Saint-Cyr (Renard, 2002). Depuis, nous avons pu montrer combien les particularités de ces productions se retrouvaient aussi dans le SudOuest et toujours associées avec la production de pointes à face plane ; ™ cette production serait associée à un autre schéma opératoire spécifiquement orienté vers la production de supports pointus (Fig. 80). Nous restons encore prudente sur le statut de ce schéma et la question de sa totale indépendance avec le schéma laminaire classique demandera d’être posée plus précisément. La recherche de supports convergents est ici une autre communauté technique avec les séries du Sud-Ouest ;

Enfin, la proximité typo-morphologique des pointes à face plane d’Oullins, déjà reconnue par P. Smith (1966) et J. Combier (1967) avec celles du Sud-Ouest est évidente. De plus, S. Guégan remarque la présence de pointes retouchées qui sont en tous points comparables à des Vale Comprido (Fig. 81).

™

Le Solutréen ancien de l’Ardèche présente donc de fortes affinités typologiques et technologiques avec la tendance décrite dans le Sud-Ouest français. Les choix technologiques sont comparables et s’orientent vers des productions laminaires entièrement conduites à la pierre et fréquemment orientées vers la recherche de

supports pointus. L’association pointes à face plane classiques/pointes de Vale Comprido compose un autre caractère de filiation entre les deux régions. Les travaux en cours de S. Guégan dans le cadre d’un doctorat (Université de Montpellier) devrait à l’avenir permettre de préciser davantage ces rapprochements, qui demeurent encore fragiles en raison des nombreuses questions que posent les sites ardéchois, notamment sur le plan de l’association d’outillages typiquement gravettiens avec les pointes à face plane. Au vu des données disponibles, on est en effet en mesure de s’interroger sur l’intégrité archéostratigraphique de ces gisements. En résumé, F. Bazile soutient un développement du Solutréen du Languedoc entre 21,000 et 19,000 BP, date à laquelle débuterait le développement du Salpêtrien ancien (Bazile, 1999, p. 79). En d’autres termes, le Solutréen ancien ardéchois, à nombreuses pointes à face plane et plus rares pointes de Vale Comprido, serait subcontemporain des manifestations étudiées dans le Sud-Ouest et pourrait être situé entre 21,000 et 20,000 BP environ. Outre la présence récurrente de pointes à face plane, le Solutréen ancien présente une incontestable unité de ses chaînes de production. C’est là un fait nouveau qui vient préciser nos connaissances sur les premières formes d’expression de ce techno-complexe. Nous devons à présent définir le contexte technologique des industries du Protosolutréen à pointes de Vale Comprido dans le sud-ouest de la France avant d’évaluer leurs relations avec le Solutréen ancien.

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Figure 79 : pointes à face plane d’Oullins (Gard ; d’après Guégan, 2007, modifié)

Chapitre 5 - Les productions lithiques au Solutréen ancien : premiers éléments de technologie comparée -

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Figure 80 : supports laminaires convergents en partie distale d’Oullins (Gard ; d’après Guégan, 2007, modifié)

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Figure 81 : pointes de Vale Comprido d’Oullins (Gard ; d’après Guégan, 2007, modifié. S. Guégan évoque prudemment la présence de pièces triangulaires et les affinités qu’elles entretiennent avec les pointes de Vale Comprido)

Les premières expressions du Solutréen dans le Sud-Ouest français Chapitre VI Les industries à pointes de Vale Comprido Les débuts du Solutréen dans le Sud-Ouest français

Chapitre 6 – Les industries à pointes de Vale Comprido, les débuts du Solutréen dans le Sud-Ouest français -

I. Introduction problématique

et

rappel

de

la

L’enquête réalisée sur le Solutréen ancien sensu stricto (Solutréen inférieur de P. Smith) témoigne du rôle structurant des pointes à face plane. Dans toutes les séries considérées, ces pointes sont présentes en proportion remarquable et témoignent d’une variabilité typo-morphologique importante, parallèle vraisemblable de leur polyvalence fonctionnelle. Ce constat était déjà celui brossé par P. Smith (1966) dans sa synthèse sur le Solutréen français. Sur un plan technologique, nous avons pu confirmer leur association à un schéma opératoire laminaire relativement original par sa structure volumétrique. Pressentie quelques années auparavant sur le site de surface de La Celle-SaintCyr (Renard, 2002), cette association est désormais confirmée à partir de séquences stratifiées du Sud-Ouest français. Le Solutréen ancien et les pointes à face plane qui s’y développent constituent, depuis plus d’un siècle maintenant, l’assise fondatrice de la séquence solutréenne. L’aménagement des supports par retouche plate et couvrante compose le caractère remarquable assurant l’intégration de ces industries au techno-complexe Solutréen. Ainsi considéré, le Solutréen semble se développer sous une forme déjà pleinement constituée ; la retouche plate et couvrante apparaissant comme un caractère d’emblée présent. À partir de ce constat, la question posée demeure celle de la genèse des traditions solutréennes. En effet, les travaux initiés à la fin des années 1980 au Portugal (Zilhão, 1987, 1995 ; Zilhão et Aubry, 1995 ; Zilhão et al. 1999) ont défini un épisode dénommé Protosolutréen, stratigraphiquement et culturellement intermédiaire entre les phases finales du Gravettien et le plein Solutréen, moyen en l’occurrence dans le cadre des séquences lusitaniennes. En revanche, au Portugal, le Solutréen ancien classique à pointes à face plane n’est pas représenté dans les stratigraphies et les liens potentiels l’unissant au Protosolutréen ne peuvent donc être abordés (Zilhão, sous-presse). La situation est différente en France où des industries du Solutréen ancien sont connues, tant dans le Sud-Ouest (Smith, 1966) que dans le bassin rhodanien (Combier, 1967). Plus récemment, il a été proposé que le Protosolutréen tel que défini au Portugal était présent dans les séquences classiques aquitaines, sous les traits de l’énigmatique Aurignacien V. Ce dernier correspondrait à un faciès d’activités particulier du

techno-complexe Protosolutréen (Zilhão et Aubry, ibid. ; Zilhão et al., ibid.). Ces travaux, s’ils ont eu le mérite de poser cette hypothèse, n’ont pas encore permis de définir précisément cet épisode intermédiaire entre le Gravettien et le Solutréen dans le sud-ouest de la France. Par conséquent, il demeure encore délicat de conforter le modèle d’évolution proposé, prédisant que « les modalités de passage du Gravettien au Protosolutréen sont donc semblables en Aquitaine et au Portugal » (Zilhão et al., 1999). L’objet de cette partie est double : ™ Dans un premier temps, il s’agit de développer un référentiel techno-typologique pour des industries « intermédiaires » entre la fin du Gravettien et le Solutréen ancien, encore largement inédites dans le sud-ouest de la France. Nous verrons au fil de ce chapitre que nous disposons dans ces ensembles de différents marqueurs typo-technologiques remarquables, s’organisant en particulier autour de la relation unissant les pointes de Vale Comprido à un système de production lithique relativement original dans le contexte du Paléolithique supérieur. ™ Dans un second temps, il conviendra de s’interroger sur le statut de ces industries dans le cadre des questions posées autour de la genèse du Solutréen. Leur dénomination en tant que Protosolutréen est-elle valide ? Doiton les intégrer davantage au Solutréen qu’au Gravettien ? Et si oui, selon quels critères ? Enfin, peut-on organiser un modèle d’évolution technologique rendant compte de l’évolution des productions lithiques entre le Protosolutréen et le Solutréen ancien ?

Cheminement de l’enquête

La question d’une succession depuis le Protosolutréen à pointes de Vale Comprido vers le Solutréen ancien à pointes à face plane dans le Sud-Ouest français pose différents types de problèmes. Dans les deux sites aquitains où la présence d’industries à pointes de Vale Comprido a été rapportée, celles-ci se situent en position stratigraphique intermédiaire entre des ensembles terminaux du Gravettien et un Solutréen ancien à pointes à face plane. Pour l’un d’entre eux, l’abri Casserole, des études complètes sont en cours de publication (travaux de T. Aubry) et nous n’avons donc pu les intégrer à ce travail. L’autre cas connu concerne « la » séquence de référence du Solutréen français, à savoir les abris de Laugerie-Haute Est et Ouest. Des raisons conjoncturelles qui méritent

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une première explication nous ont conduit à ne pas privilégier d’emblée son étude dans le cadre de ce chapitre. Les ensembles Aurignacien V de Laugerie-Haute sont riches et l’étude de ces industries demande un regard croisé avec d’autres spécialistes, des phases finales du Gravettien en Aquitaine notamment. En effet, la mixité des caractères énoncés pour les industries en question demande un regard élargi pour véritablement cerner leur statut. En outre, d’autres problèmes liés à la nature de ce vaste gisement sont posés, notamment au niveau de l’intégrité et de l’homogénéité des ensembles lithiques en question. Les études conduites par J.-P. Texier (2002) témoignent de l’importance des processus de solifluxion dans la mise en place des dépôts. Dès lors, comment interpréter la présence d’industries à caractères mixtes entre la fin du Gravettien et le Solutréen ancien : syncrétisme technique, phases de transition, mélanges entre un Gravettien final et un Solutréen ancien ? C’est donc à un véritable programme collectif et interdisciplinaire auquel il faut s’atteler et celui-ci a largement dépassé le cadre de cette thèse. Nous l’avons initié en 2006 en collaboration avec P. Guillermin (doctorante à l’université de Toulouse Le Mirail sur les phases récentes du Gravettien) mais n’avons pu, pour l’heure, le mener à terme. Nous évoquerons donc les ensembles intermédiaires entre le Gravettien et le Solutréen de Laugerie-Haute à titre d’exemples ponctuels et non sous la forme d’une étude détaillée.

Au cours du déroulement de notre thèse, un nouvel élément probant a été apporté par la découverte du gisement de plein air de Marseillon (Landes) en 2006, lors d’une campagne de prospections thématiques (Teyssandier & Renard (dir.), 2007 ; Teyssandier et al., 2006 ; Renard et Teyssandier, à paraître). L’étude de l’industrie de surface a mis en avant la présence de pointes de Vale Comprido clairement associées à un schéma opératoire produisant des lames et des pointes. La rareté de ces industries en France nous a conduit à effectuer sur place une série de sondages qui ont rapidement abouti, en 2007, à une première campagne de fouilles. L’intérêt de la série lithique recueillie repose, nous allons le voir, sur son homogénéité puisque rien n’évoque ici de contaminations. A ce titre, devant l’aspect inédit de ces industries, pour l’heure très partiellement décrites à l’échelle du territoire français, Marseillon constitue un jalon important de nos enquêtes sur l’émergence et le développement des phases anciennes du Solutréen. Son industrie n’est pour l’heure pas datée de manière absolue et l’absence d’autres ensembles archéologiques en stratigraphie ne permet pas encore de positionner, même de manière relative, cette industrie dans le temps. Cependant, le matériel lithique est si caractéristique que ce site nous semble d’ores et déjà présenter un intérêt majeur dans le cadre des questions posées sur le place et le statut des industries à pointes de Vale Comprido dans la genèse du Solutréen.

Figure 82 : esquisse structurale de la Chalosse (d’après Zolnaï, in Vigneaux, 1975)

Chapitre 6 – Les industries à pointes de Vale Comprido, les débuts du Solutréen dans le Sud-Ouest français -

II. L’industrie à pointes de Vale Comprido de Marseillon (Banos, Landes) II.1. Localisation Le site de Marseillon (Landes) est localisé au cœur de la Chalosse, région qui s’individualise aisément sur un plan géographique, situé entre l’Adour au Nord et le Gave de Pau au sud (Fig. 82). Les particularités géologiques les plus remarquables sont constituées par l’existence de rides anticlinales parallèles à la chaîne pyrénéenne et de dômes diapirs à noyaux triasiques (Vigneaux, 1975). Dans une région caractérisée par des ensembles de collines de faible altitude, différentes petites unités se distinguent et, parmi elles, l’anticlinal d’Audignon au sein duquel le gisement est localisé. Cette structure géologique est ici remarquable puisqu’elle livre, en abondance, des silex de bonne qualité, largement utilisés à l’échelle régionale et extra-régionale tout au long du Paléolithique supérieur : silex maastrichtiens de Chalosse. Le site de Marseillon se trouve sur la commune de Banos (Fig. 83), sur le flanc septentrional de l’anticlinal d’Audignon, sur la rive gauche du Gabas, à sa confluence avec le ruisseau du

Laudon. Il est implanté au pied d’un versant assez ondulé et en bordure immédiate du Laudon, petit ruisseau qui coule à quelques mètres du gisement. Le contexte sédimentaire général correspond à l’accumulation en bas de pente des produits d’altération du substrat crétacé et de dépôts plioquaternaires. Sur la totalité du vallon, le Crétacé supérieur est affleurant, du fait de son exhumation par l’érosion de l’anticlinal d’Audignon. Ces ensembles livrent en grande quantité des fragments et blocs de silex bruts.

II.2. Circonstances de découverte Le site a été découvert fortuitement dans les années 1990 par P. Lafitte, géomètre-topographe et archéologue amateur. Dans un champ labouré (parcelle 107, Fig. 84), celui-ci découvre une zone de forte concentration en vestiges lithiques et en collecte les principaux éléments visibles. En 2006, l’intérêt de ce site et des contextes de plein air associés aux gîtes de silex du Maastrichtien conduisent à présenter au Service Régional de l’Archéologie d’Aquitaine un programme de prospections thématiques dans l’anticlinal d’Audignon (Teyssandier, dir. 2006 ; Teyssandier et al., 2006).

Figure 83 : carte de localisation du site de Marseillon (Landes)

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La parcelle prospectée se caractérise globalement par sa richesse en blocs et fragments de silex taillés ou naturels. Dans ce contexte, une zone particulièrement riche en vestiges lithiques frais et homogène a pu être circonscrite. Elle correspond précisément à l’emplacement où l’inventeur du site avait initialement recueilli les silex taillés. Ainsi, au sein d’une parcelle d’une surface d’environ 4 000 m², nous avons pu circonscrire une concentration remarquable de vestiges d’aspect frais et homogène sur une superficie d’environ 500 m² (Figs. 84 & 85). Les résultats des prospections ont permis de démontrer que la remontée des pièces lithiques en question n’était pas fortuite et qu’elle résultait du creusement d’une fosse réalisée il y a une quinzaine d’années environ pour enfouir des souches arrachées des berges du Laudon.

II.3. Éléments contextuels et premières hypothèses sur l’industrie de surface

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Figure 84 : carte de localisation du site de Marseillon et position du locus 1. Le locus 1 (noté 1) correspond à la position de la concentration principale de vestiges lithiques collectés lors de l’opération 2006 et à l’implantation des sondages et de la fouille de 2007

Sur l’ensemble de la parcelle, la répartition quantitative des vestiges est irrégulière. Une zone se distingue nettement par sa richesse en vestiges lithiques. Cette dernière est très circonscrite spatialement et se situe au niveau des bandes BB et BC de notre carroyage, plus précisément dans les carrés BB 15 et 17 et BC 14 à 16 d’une superficie respective de 100 m². Cela représente donc une surface estimée aux alentours de 500 m². Dans les 5 carrés mentionnés, on dénombre 915 vestiges lithiques, composant une moyenne de 183 pièces par centaine de m². Cela tranche nettement avec les carrés adjacents où la quantité de vestiges diminue rapidement et dans des proportions considérables (Fig. 85). Signalons par ailleurs que les vestiges lithiques taillés sont associés, dans les carrés les plus riches (BB15-17 ; BC 14-16), à de nombreux fragments de galets de quartzite rubéfiés dont certains excèdent 20 cm de long. Comment expliquer, dans la même parcelle, la présence d’une concentration remarquable, si circonscrite sur un plan spatial ? Plusieurs éléments convergents nous permettent de proposer la reconstitution suivante : ™ Il y a une quarantaine d’années environ, le cours du Laudon, à la hauteur des carrés BA

17 et 18, s’est infléchi de quelques mètres en direction du nord. Cela est visible sur le terrain puisque les traces d’un paléo-chenal sont très clairement exprimées. Cet infléchissement du cours de ce ruisseau est alors lié à la croissance d’arbres riverains et à des accumulations terreuses associées qui vont peu à peu contribuer à son léger décalage. ™ A cette même époque, à quelques distances de là, la zone aux carrés BC 15 et 16, les plus riches selon les résultats de notre prospection, n’est pas labourée. Le propriétaire de la parcelle en question nous informant que les travaux agricoles sont contrariés par un « rocher » enfoui qui détériore les engins. ™ Il y a une trentaine d’années environ, des travaux ont été réalisés sur les rives du Laudon afin d’arracher certains arbres et souches en bordure du cours d’eau, à l’emplacement même de l’ancienne rive (carrés BA 17-18). A cette occasion, le propriétaire a fait creuser une fosse au niveau des carrés BC 15-16 afin d’enfouir les souches et déchets végétaux résultant de cette opération.

Chapitre 6 – Les industries à pointes de Vale Comprido, les débuts du Solutréen dans le Sud-Ouest français -

Figure 85 : plan de répartition et effectif des pièces récoltées lors des prospections 2006 sur le site de Marseillon ; les carrés mesurent 10 m de côté

Cette succession d’opérations intéresse au plus haut point les opérations archéologiques dans la mesure où nous avons là des éléments probants pour reconstituer une partie de l’histoire ayant conduit à la remontée à la surface des vestiges collectés tant par P. Lafitte que par nos soins. Nos hypothèses sont les suivantes (Fig. 86) : ™ Au moment où la fosse est creusée, dans la zone des carrés BB16/BC 15-16, l’engin va toucher et détruire une partie d’un ou plusieurs niveaux archéologiques enfouis, à une profondeur excédant celle des labours, soit une profondeur supérieure à 25 cm de la surface actuelle. ™ Une partie des sédiments et des pièces archéologiques vont être transportées à quelques mètres, là où les souches ont été enlevées afin de colmater les trous consécutifs de cet arrachement. C’est ce qui explique que quelques temps plus tard, à l’occasion de son passage, P. Lafitte réunit une collection considérable en quelques heures seulement.

™ D’autres pièces, constitutives de ce ou ces niveaux archéologiques, vont être remontées à la surface puis reprises par les labours puisque, postérieurement au creusement de cette fosse, la zone des carrés BB16/BC 15-16 va être de nouveau labourée à une faible profondeur. C’est précisément ce qui explique la richesse en vestiges lithiques comparables à ceux de la collection P. Lafitte dans cette zone de la parcelle.

Le point crucial déduit des prospections de surface 2006 et des enquêtes orales effectuées est qu’au moins une couche archéologique préservée des travaux agricoles a été atteinte, il y a plus de 30 ans environ, à l’occasion du creusement d’une fosse. C’est à cette occasion qu’une partie du matériel a été remontée à la surface. Nos prospections laissent donc augurer une possible préservation d’une portion de couche archéologique in situ en stratigraphie. Cette hypothèse a été confirmée en 2007 à l’occasion de sondages archéologiques et du début des fouilles sur le site.

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Deuxième partie - Les premières expressions du Solutréen dans le Sud-Ouest français -

II.4. Éléments contextuels liés aux sondages et aux fouilles La zone décapée lors des premiers sondages d’avril 2007 a été délimitée à partir des résultats obtenus lors des prospections et les travaux se sont concentrés là où les concentrations en vestiges lithiques frais et homogènes étaient les plus nettes. Un locus d’environ 260 m², de forme globalement rectangulaire a été décapé dans la zone des carrés BB 15-17/BC 16. A une faible profondeur, n’excédant pas 30 à 40 cm de la surface du sol actuel, deux éléments sont apparus conjointement : ™ vers le nord, le second décapage effectué à la pelle-mécanique laisse apparaître des silex taillés mêlés à des galets de quartzite parfois de grandes dimensions (10 à 20 cm de long) ;

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Figure 86 : reconstitution schématique rendant compte de la remontée en surface de pièces abondantes, fraîches et techniquement homogènes (document P. Gardère). Ce document illustre l’enlèvement de souches réalisé en BA 17-18, puis la fosse creusé en BC 15-16 et enfin, le remblaiement de la zone dessouchée par des sédiments provenant de la fosse et contenant une industrie lithique abondante. Les ellipses illustrent de manière schématique la présence du niveau archéologique tronqué par l’action de la pelle-mécanique au moment de l’enfouissement des souches

™ vers le sud, le sommet de la fosse creusée pour enfouir des souches apparaît ainsi que les premiers éléments végétaux qui y ont été enfouis.

L’ouverture d’un décapage à la pelle-mécanique permet donc d’identifier un niveau archéologique faiblement enfoui. Son sommet apparaît à environ 30 à 40 cm de la surface du sol actuel et il se matérialise par la présence de gros galets de quartzite souvent rubéfiés (Figs. 87-89).

Figure 87 : Marseillon, coupe nord-sud relevé lors du sondage effectué dans le carré E6 (relevé et DAO C. Ménard, modifié). Le niveau archéologique (décapages 2 et 3 indiqués sur la gauche du document) est matérialisé par les gros galets

Chapitre 6 – Les industries à pointes de Vale Comprido, les débuts du Solutréen dans le Sud-Ouest français -

Les premières fouilles engagées au mois de juillet 2007 sont venues confirmer sa présence et son extension. La stratigraphie relevée localement peut être résumée de la manière suivante : couche 1 : sol culturel actuel de 20 à 25 cm d’épaisseur ;



couche 2 : limon brun-jaune très agrégé avec nombreuses inclusions de sables grossiers. La couche 2 se matérialise par des lentilles de galets de quartzite de grandes dimensions, pouvant excéder 15 à 20 cm de longueur. Ces derniers, naturellement rubéfiés, sont très lavés et ont subi une dynamique hydrique importante. Le matériel lithique, abondant et frais, est bien conservé au sein de ces lentilles de galets ;



marqué par un pendage Est/Ouest. L’origine des lentilles de galets, clairement associées au niveau archéologique, pose encore des problèmes qui ne pourront être définitivement résolus qu’en mettant en place des études géomorphologiques à l’échelle de la vallée du Laudon. Plusieurs éléments réunis lors des sondages et des fouilles de 2007 et 2008 plaident pour leur mise en place selon une dynamique colluviale. Le site est implanté au pied d’un versant assez ondulé qui constitue l’essentiel de l’origine de la dynamique sédimentaire par l’intermédiaire d’apports colluviaux. En outre, l’organisation discontinue des lentilles de galets n’est pas conforme avec une mise en place de type alluvial. ™ l’organisation discontinue de la nappe plaide en faveur de l’apport de lentilles de galets qui se déposent en fonction de la topographie du sol ;

couche 3 : graviers hétérogènes emballés dans une matrice limoneuse. Il s’agit de dépôts d’origine alluviale ;



couche 4 : limon jaune-orangé avec inclusion de graviers, abondants au sommet et allant en diminuant vers la base. L’érosion de la couche 4 a permis la formation d’un chenal



l’industrie lithique est présente sur toute la profondeur de ces lentilles de galets, soit sur environ 20 cm d’épaisseur. Le sommet de l’ensemble archéologique est localisé légèrement en dessous du sommet des galets. La densité en vestiges lithiques s’accroît au fur et à mesure que l’on pénètre au cœur de la nappe ;

™

le bon état de conservation des vestiges lithiques et leur position au sein de la nappe témoignent que leur dépôt est postérieur à celui des galets et qu’il est vraisemblablement intervenu à un moment où la nappe était déjà stabilisée ;

™

Figure 88 : Marseillon : plan d’ensemble de la zone fouillée en 2007 (DAO C. Ménard, modifié) ; noter que la fosse d’enfouissement des souches tronque cette partie du gisement et l’association lentilles de galets/niveau archéologique

™ concernant plus spécifiquement l’industrie lithique, toutes les classes dimensionnelles sont représentées. La fraction fine, exhumée par un tamisage à l’eau intégral des sédiments est abondante. Cela indique qu’il n’y a pas eu de tri naturel des silex taillés et que leur distribution à la fouille serait représentative sur un plan archéologique ;

191

Deuxième partie - Les premières expressions du Solutréen dans le Sud-Ouest français -

Le tableau 31 présente le classement général de l’industrie lithique intégrée à cette étude. À Marseillon, les vestiges liés aux productions laminaires et lamellaires sont prépondérants. L’ensemble est très largement dominé par les esquilles et fragments de petites dimensions qui apportent très peu d’informations sur les chaînes opératoires de production. Les éclats sont également bien représentés et correspondent à des stades de mise en forme ou d’entretien des nucléus à lames et à lamelles.

192

Les produits apparentés aux chaînes opératoires lamino-lamellaires sont abondants et illustrent les différentes étapes de réalisation de ces projets. On note un certain décalage dans la représentation des productions de lames et de lamelles ; si les nucléus lamellaires sont peu nombreux, les lamelles et le cortège de produits techniques associés sont en revanche très bien représentés. Il Figure 89 : Marseillon, carré E8, vue du niveau en va différemment pour le débitage laminaire archéologique en cours de fouille (cliché S. Dubois) pour lequel les nucléus sont abondants, tout comme les produits de mise en forme et ™ enfin, l’ensemble des observations d’entretien. La carence la plus nette se retrouve au taphonomiques et typo-technologiques niveau des lames simples, principalement témoignent de l’excellente homogénéité représentées par des spécimens fragmentés. Une d’ensemble de ce matériel qui correspond très population de supports convergents en partie vraisemblablement à une ou plusieurs occupations distale, des lames et des éclats laminaires, se successives relatives à un même techno-complexe. distingue sur un plan morphologique. L’outillage, Cette information est consolidée par la réalisation rare, rassemble majoritairement des pièces à des premiers remontages attestant de la retouche sommaire et irrégulière. contemporanéité de l’industrie lithique sur toute la profondeur de la nappe. Ces raccords et L’objectif de cette étude repose sur le décryptage remontages incluent des pièces de toutes classes des principales orientations des productions dimensionnelles. lithiques du Protosolutréen de Marseillon. La distinction de lames et éclats laminaires à bords III. Présentation synthétique du corpus parallèles et convergents sera analysée pour étudié et principaux axes de recherche évaluer si ces morpho-types correspondent à un L’analyse se base sur l’intégralité de la série ou plusieurs schémas opératoires. Nous nous lithique exhumée lors des fouilles de 2007 concentrerons en premier lieu sur l’outillage et, en comprenant 4018 pièces. Les observations particulier, sur le type diagnostique des pointes de contextuelles déjà présentées et les principaux Vale Comprido. Dans un second temps, les résultats d’un mémoire de Master réalisé par M. nucléus et produits bruts associés seront intégrés Deschamps (2007) confirment que la quasi-totalité afin d’évaluer les modes d’obtention des supports de la collection de surface correspond à la fraction recherchés. L’autre pôle d’intérêt de cette série du niveau archéologique atteint lors du réside dans l’importance quantitative et qualitative creusement de la fosse d’enfouissement des des produits associés aux exploitations lamellaires. souches. À ce titre, nous intégrerons Contrairement à la sphère laminaire, c’est ici la ponctuellement à cette étude certaines catégories présence de deux catégories de nucléus qui diagnostiques d’objets de surface afin d’élargir indiquent l’existence de productions différenciées : notre corpus : il s’agit pour l’essentiel de pointes à partir de nucléus carénés d’une part et de de Vale Comprido et de nucléus liés à leur nucléus prismatiques d’autre part. obtention ainsi que de « grattoirs » carénés. Nous ferons de même en ce qui concerne le matériel issu des fouilles de 2008 en cours d’étude.

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2007

2008

surface

Soustotal

Production de type laminaire convergent dont lames simples dont lames à crête dont lames corticales d’entame et sous-entame dont lames corticales sur 1 pan ou 1 dos (latéral ou distal) dont lames avec cortex résiduel dont lames avec négatifs transversaux dont lames autres dont éclats laminaires simples dont éclats laminaires d’entame et sous-entame dont éclats laminaires corticaux sur 1 dos ou 1pan (latéral ou distal) dont éclats laminaires avec négatifs transversaux dont éclats laminaires autres dont nucléus à lames dont nucléus à éclats laminaires convergents

322 70 6 5 55 10 14 59 22 9 12 1 21 13 12

4 2

7

70 6 5 55 10 14 59 22 9 12 1 21 24 14 5

Production de petites lames-lamelles rectilignes ? dont nucléus et préformes Nucléus autres (voir décompte détaillé des nucléus)

3 23

2

5 24 177

1

Production lamellaire de type caréné dont lamelles simples dont lamelles autres dont nucléus dont éclats liés à la production lamellaire

114 21 8 17

3

14

114 21 25 17

Production lamellaire de type pyramidale dont lamelles simples dont lamelles autres dont éclats liés à la production lamellaire dont nucléus

Total

84 62 12 2 5

2

1

62 12 2 8

Production lamellaire autre

193

191

dont lamelles simples de production indéterminée dont lamelles autres de production indéterminée dont éclats liés à une production lamellaire indéterminée nucléus sur tranche d’éclat

22 141 26 2

22 141 26 2

dont tablettes dont éclats d’entame et de sous-entame sup. à 2cm. dont éclats corticaux (50%) sup. à 2cm. dont éclats avec cortex résiduel dont éclats non corticaux sup. à 2cm. dont éclats corticaux inf. à 2cm. dont éclats non corticaux inf. à 2cm.

20 49 98 86 149 186 260

20 49 98 86 149 186 260

dont pointes de Vale Comprido dont lamelles retouchées dont outils du fonds commun

2 6 45 22 230 2098

2

4018

14

Eclats

848

Outils

Chute de burin Fgt. ind. de petites dimensions Esquilles Total

72 17

21 6 45

41

Tableau 31 : décompte général de l’industrie lithique prise en compte dans le cadre de cette étude

22 230 2098 4073

Deuxième partie - Les premières expressions du Solutréen dans le Sud-Ouest français -

IV. Présentation de l’outillage

grattoirs lame retouchée burin pièce esquillée troncature

20

épaisseur en mm

Le trait diagnostique de ce corpus d’outils (Tabl. 18 32) réside dans la présence de pointes de Vale 16 Comprido. Principalement confectionnées aux 14 dépens de supports particuliers, lames et éclats 12 convergents, ces outils sont originaux dans un 10 contexte du Paléolithique supérieur. Exception 8 faite des pointes de Vale Comprido, l’outillage 6 demeure pauvre et monotone (n=51), 4 essentiellement composé de grattoirs (n=9) et de 2 portions de bords retouchés. Seuls les grattoirs 0 ainsi qu’un burin dièdre, 2 troncatures et 6 0 5 10 15 20 25 30 35 40 45 50 55 largeur en mm lamelles retouchées peuvent être clairement définis sur un plan typologique. Les autres types d’outils s’apparentent à des bords très Figure 90 : rapport largeur/épaisseur en mm des outils du fonds commun sur lames sommairement retouchés ou se retrouvent à atypiques (n=3) sur lames et éclats laminaires (Fig. l’unité et ne permettent pas d’effectuer une 91, 1-2). Un grattoir sur lame retouchée et un description typologique cohérente, ni même grattoir sur éclat complètent l’ensemble. Les d’entrevoir une intention particulière dans le cadre fronts sont assez larges, parfois hauts (10 à 13 des supports sélectionnés. Nous débuterons par mm) et peu soignés dans l’ensemble. En une présentation succincte de l’outillage du fonds témoignent les derniers négatifs d’enlèvement de commun avant d’analyser le corpus des pointes de retouche évoquant le plus souvent l’usage d’un Vale Comprido. percuteur de pierre laissant des contre-bulbes bien marqués. Deux spécimens se distinguent par des IV.1 L’outillage du fonds commun fronts bas et relativement rectilignes aménagés par Les grattoirs (n=9) une retouche assez rasante. À une exception près, Les grattoirs sont monotones sur un plan les grattoirs sont exclusivement réalisés sur des typologique ; il s’agit de grattoirs simples (n=4) ou lames d’aménagement ou d’entretien (Fig. 91 1-2).

194

Lame simple

Pointes de Vale Comprido

Lame cort.

2

Lame entretien

Lamelle

2

Ecl. laminaire convergent

Ecl. laminaire débordant

Ecl. laminaire d’entame

12

Ecl.

Ind.

Total

21

5

9

Grattoirs dont grattoirs simples

2

dont grattoir simple sur lame retouchée

1

2

1 1

dont grattoirs atypiques

1 1

dont front de grattoir simple

Burin dièdre

1

Lames à fine ret. dir. sur 1 bord

3

Fgt. de lame à retouche abrupte

1

Troncatures

2

1 3

8

2

1 2

Lamelles à ret. marginale

4

4

Lamelles à dos mince

2

2 1

2

Eclats à retouche irrégulière

14

14

Racloir

1

1

Pièces esquillées

1

Fgts. indéterminés retouchés Total

10

6

4

6

14

1

1

Tableau 32 : décompte des différents types d’outils selon les catégories techniques de supports

22

7

7

8

72

Chapitre 6 – Les industries à pointes de Vale Comprido, les débuts du Solutréen dans le Sud-Ouest français -

195

Figure 91 : outils du fonds commun de Marseillon. 1-2 : grattoirs sur lames d’aménagement et d’entretien ; 3 : fragment mésial de lame simple à retouche fine, quasi-rasante et continue sur un bord ; 4 : troncature directe sur lame simple : 5 : pièce esquillée ; 6 : burin dièdre sur lame simple

Leur choix est orienté vers la recherche de supports allongés (50 à 70 mm de long), larges (27 à 39 mm) et épais (8 à 13 mm ; Fig. 90) et les tailleurs privilégient fréquemment des produits corticaux. Les supports à fines retouches directes sur un bord (n=8) Il s’agit de supports portant sur un bord une retouche fine et directe (Fig. 91, 3). L’aménagement est discret et ne transforme pas la

délinéation du tranchant. La retouche est très courte, semi-abrupte et souvent discontinue. Les supports sont hétérogènes puisqu’il peut s’agir de fragments de lames simples régulières (n=3), de lames corticales (n=3) voire d’éclats laminaires courts et convergents (n=2). Les 3 lames simples sélectionnées présentent des attributs dimensionnels homogènes : elles sont minces (15 à 20 mm de large) et peu épaisses (4 à 5 mm ).

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Les autres outils du fonds commun Ils sont hétérogènes et réalisés sur des supports diversifiés couvrant toutes les phases d’une chaîne opératoire laminaire. Un burin dièdre réalisé sur une petite lame simple (51 mm de long, 18 mm de large et 6 mm d’épaisseur) se distingue par la régularité de son support (Fig. 91, 6). Il s’agit d’une lame, de profil rectiligne, clairement détachée par percussion directe à la pierre. Les pièces tronquées sont également toujours réalisées sur des lames simples de petit gabarit, larges de 13 à 17 mm pour 3 mm d’épaisseur. Il s’agit de troncatures directes aménagées par une retouche courte et semi-abrupte (Fig. 91, 4). A l’image du burin, elles sont cependant trop rares pour que ce constat ne devienne une règle. Enfin, on compte également un racloir simple convexe réalisé sur un grand éclat cortical d’entame dépassant les 110 mm de long. La retouche du bord gauche est écailleuse à scalariforme.

196

Les autres outils correspondent majoritairement à des éclats sommairement retouchés ou, plus rarement, à des pièces esquillées (Fig. 91, 5). Les éclats retouchés se caractérisent par des aménagements très sommaires, consistant simplement en une retouche directe, courte, peu transformative et le plus souvent irrégulière. Les supports sont hétérogènes et ne présentent aucun caractère particulier, que ce soit d’un point de vue technique ou dimensionnel. Enfin, 2 pièces esquillées complètent l’ensemble ; l’une est réalisée sur une lame simple d’assez fort gabarit (31 mm de large et 9 mm d’épaisseur) détachée à la pierre, l’autre sur un éclat. L’outillage du fonds commun de Marseillon est numériquement faible et non-diagnostique sur un plan chrono-culturel. Le corpus des fouilles de 2007 confirme ce que nous présagions à l’issue des prospections thématiques où nous notions déjà la nette prédominance des grattoirs majoritairement réalisés sur des sous-produits robustes du débitage laminaire (Teyssandier et al., 2006). Le reste de l’outillage n’indique aucune gestion particulière et correspond le plus souvent à des outils sommairement retouchés.

IV.2. Les pointes de Vale Comprido Les pointes de Vale Comprido (Figs. 92-95) recueillies à Marseillon (n=21) proviennent pour l’essentiel de la collection de surface (n=16). Cinq spécimens ont également été retrouvés en stratigraphie, au cœur du niveau archéologique fouillé depuis 2007. Sur un plan taphonomique,

leur état général est bon, à l’exception de quelques pièces de surface détériorées par le passage des engins agricoles. Elles présentent des traces d’oxyde de fer, le plus souvent associées à des négatifs récents. Ces pièces sont peu patinées et leurs bords et nervures ne présentent pas d’émoussé sur un plan macroscopique. L’aspect caractéristique de ces pièces sur un plan chronoculturel et la découverte de 5 spécimens comparables au sein du niveau archéologique viennent ici corroborer les données contextuelles de terrain et nous conduisent à intégrer le lot de pointes recueillies en surface. Si les pointes de Vale Comprido se retrouvent en quantité restreinte à Marseillon 41 , il n’en reste pas moins qu’elles forment un groupe d’objets suffisamment caractéristique et homogène pour permettre une étude détaillée de leur mode de fabrication et des supports privilégiés dans ce cadre. IV.2.1. Aménagement par la retouche Les caractères généraux Les pointe de Vale Comprido forment un ensemble d’objets assez massifs, à peine deux fois plus longs que larges 42 et donc plus ou moins élancés. Elles s’inscrivent généralement dans une forme triangulaire à sub-triangulaire : la plus grande largeur correspond à la portion basale de ces objets et les bords qui convergent en partie distale forment une pointe peu acérée, dont l’acuité est totalement nulle. L’un des bords latéraux est, en règle générale, plus convexe que le bord opposé, accentuant ainsi le caractère plus ou moins déjeté de la pointe. Pour l’heure, aucune latéralisation particulière n’a été reconnue, même si les pointes déjetées à droite dominent. Leur morphologie respecte généralement ces caractères et seul leur degré d’allongement varie assez nettement.

Au même titre que pour les pointes à face plane, l’aménagement des pointes de Vale Comprido obéit à des règles relativement précises. Celles-ci se traduisent, en particulier, par l’amincissement de la base et la retouche de l’un des bords latéraux. Ici, la base fait, sans exception, l’objet du principal aménagement ; la pointe, déjetée dans la très grande majorité des cas, reste brute à 3 exceptions près. Les bulbes et les talons ne sont jamais ôtés, à l’exception d’une pièce qui témoigne d’une reprise de la base par retouche inverse.

Chapitre 6 – Les industries à pointes de Vale Comprido, les débuts du Solutréen dans le Sud-Ouest français -

L’aménagement de la base À une exception près, l’aménagement de la base concerne uniquement les faces supérieures des supports, sur une portion représentant le quart ou le tiers proximal de l’objet. Cette transformation s’effectue en plusieurs temps par l’intermédiaire de rangs de retouche successifs ; ces retouches peuvent se situer dans l’axe longitudinal de l’objet ou être appliquées selon une direction plus oblique. Ces différentes orientations semblent dépendre de la nature même de la retouche et de l’objectif qui lui est assigné.

supports lamellaires 44 , longs d’une vingtaine de mm, à deux pans et parfois appointés. S’il reste difficile de statuer sur la chronologie de l’ensemble de ces enlèvements, quelques cas assurent avec certitude qu’ils sont antérieurs au détachement du support. Dans trois cas au moins (voir p.e. Fig. 94, 2), l’absence de contre-bulbe sur les négatifs lamellaires obliques témoigne que cet aménagement est antérieur à l’extraction du support. Dans tous les cas, ces enlèvements ont pour objectif d’amincir le support au niveau de ses nervures.

Seconde phase de retouches Une seconde phase de retouches, plus courtes, succède à ces enlèvements à tendance lamellaire. Elle se matérialise par des retouches d’une longueur nettement inférieure. Elles emportent, en revanche, davantage de matière et réduisent ainsi plus largement l’épaisseur de la partie basale. Moins élancés, ces enlèvements envahissent plus nettement la largeur du support ; dans quelques cas, ils sont encore détachés aux dépens des nervures. Ces enlèvements sont moins rasants et rebroussent fréquemment. Ils sont généralement extraits dans l’axe longitudinal du support et ceux d’orientation plus oblique ne présentent toujours pas de contre-bulbe ; dans le cas le plus fréquent, lorsqu’ils sont détachés dans l’axe morphologique du support, les contre-bulbes sont masqués par le dernier rang de retouche. Cette fois-ci encore, il reste difficile de statuer sur la chronologie des enlèvements et l’on ne peut affirmer avec certitude qu’ils soient systématiquement postérieurs au détachement du support. Lorsque ces enlèvements sont détachés à partir du talon dans l’axe morphologique du support, ils semblent être tirés assez en retrait de la corniche et donc avoir pour effet de réduire sensiblement l’épaisseur du talon et le premier centimètre proximal du support. Cela s’observe soit à partir des négatifs d’enlèvements lorsque ceux-ci ne sont pas oblitérés par une retouche postérieure, soit à partir de l’incidence de ces négatifs. En tout état de cause, Figure 92 : schématisation des principaux aménagements des le fait qu’ils réduisent l’épaisseur du pointes de Vale Comprido de Marseillon. A : aménagement en 3 temps de la base ; B : aménagement en 2 temps de la base et support à ce niveau fragilise une retouche latérale de la portion distale. La chronologie des portion proche du point d’impact et enlèvements est illustrée par des teintes grisées différentes (en gris suggère que leur détachement est peut clair, premiers enlèvements, en gris foncé, derniers enlèvements et être postérieur à l’extraction du présence de contre-bulbes marqués par des points noirs dans support. certains cas)

Première phase de retouches Cette phase initiale d’aménagement des pointes de Vale Comprido ne concerne que les supports les plus épais (Figs. 92, A & 93). Les premiers négatifs observables, d’incidence assez rasante, sont invariablement les plus longs. Ils sont tirés aux dépens des deux nervures 43 plus ou moins saillantes qui convergent jusqu’en partie distale du support. L’orientation de ces premiers aménagements est plus souvent oblique ou légèrement oblique, dans un axe sensiblement identique à celui des nervures du support. Ces enlèvements rebroussent bien moins fréquemment que les suivants. Les premiers produits extraits s’apparentent souvent à des

197

Deuxième partie - Les premières expressions du Solutréen dans le Sud-Ouest français -

Cette seconde phase d’aménagement consiste donc à : ™ prolonger la phase initiale d’aménagement et poursuivre l’amincissement de la portion basale ;

™ obtenir une face supérieure régulièrement convexe qui confère à la base de l’outil une section, convexe-convexe si le bulbe toujours intact est proéminent ou plano-convexe si ce dernier est peu marqué.

198

Figure 93 : pointes de Vale Comprido de grand module de Marseillon

Chapitre 6 – Les industries à pointes de Vale Comprido, les débuts du Solutréen dans le Sud-Ouest français -

Troisième phase de retouches Ce dernier rang de retouche est en général très court et se caractérise par des négatifs qui, presque immanquablement, rebroussent assez profondément. Ce caractère est partagé par la quasi-totalité des pièces sur lesquelles les contrebulbes sont, cette fois-ci, clairement observables puisqu’ils n’ont pas été recoupés par des négatifs postérieurs. Invariablement extraits à partir du

talon et dans l’axe morphologique du support, leur finalité n’est pas toujours très claire. Même s’ils participent encore à l’amincissement de la portion basale, leur étendue, très restreinte, ne dépasse que rarement les 5 premiers mm. Les profonds rebroussés qu’ils laissent sur la face supérieure ne vont pas non plus dans le sens d’une régularisation de la surface.

199

Figure 94 : pointes de Vale Comprido de moyen module de Marseillon

Deuxième partie - Les premières expressions du Solutréen dans le Sud-Ouest français -

Plus exceptionnellement, la confection de la base se poursuit par un aménagement depuis les bords proximo-latéraux du support (Fig. 94, 1-2 & 5). Cette retouche directe, beaucoup plus discrète que les aménagements précédents, est assurément postérieure au détachement du support ; en attestent les contre-bulbes encore visibles sur les pans latéraux. Les négatifs sont disposés, soit de manière tout à fait perpendiculaire, soit légèrement oblique par rapport à l’axe longitudinal de la pièce. Dans le premier cas, une série de 4 négatifs relativement longs, semi-abrupts voire quasi-rasants, part du talon pour investir le pan gauche du support. Cette retouche permet de poursuivre très ponctuellement l’amincissement de l’une des nervures. Les négatifs les plus éloignés du talon sont plus courts et n’atteignent pas la nervure ; ils contribuent en revanche à régulariser la surface et le bord auquel ils confèrent une délinéation régulièrement convexe, le rendant ainsi symétrique au bord opposé. Dans le second cas observé, les négatifs sont beaucoup plus larges et plus profonds et visent clairement à dépasser des négatifs antérieurs rebroussés.

200

Une seule pointe de Vale Comprido (Fig. 95) témoigne d’un aménagement par retouche inverse sur le premier centimètre de la portion basale. Toutes les retouches sont extraites dans l’axe longitudinal du support ; les premières sont d’incidence assez rasante tandis que les dernières, courtes, rebroussent profondément. L’intersection

Figure 95 : pointe de Vale Comprido de Marseillon. Noter l’aménagement total des bords latéraux et l’amincissement de la base par une retouche plate sur la face inférieure

Cette pièce découverte en juillet 2008 n’est pas réalisée en silex de Chalosse. Elle était indéterminée sur un plan pétrographique lors de l’achèvement de ce travail. Depuis, plusieurs collègues (F. Bon, J.-G. Bordes) l’ont examinée et évoquent une possible origine dans le nord de l’Aquitaine (silex sénoniens de Dordogne) qui reste à confirmer.

des faces supérieure et inférieure est très nettement émoussée. Ce cas de figure a par exemple été signalé pour quelques rares exemplaires sur la série éponyme de Vale Comprido-Encosta (Zilhão & Aubry, 1995 ; Zilhão, 1997 ; voir fig. 124, 1 & 8 de ce volume). Le choix de conserver cette pièce au sein de la catégorie des pointes de Vale Comprido accentue la zone de recouvrement avec le type des pointes à face plane. Son caractère unique et le fait qu’elle ne présente pas tous les attributs de la définition des pointes à face plane nous conduisent à la conserver au sein des pointes de Vale Comprido. Si d’autres pièces présentant un aménagement similaire étaient découvertes à Marseillon, il conviendrait nécessairement de repenser notre classification. Le traitement de l’un des bords et de la pointe Ces aménagements sont très rarement observés sur les pointes de Vale Comprido de Marseillon, qui ne peuvent être ici évoquées qu’au cas par cas.

Deux spécimens présentent des aménagements assez similaires sur la partie mésiale du bord droit et la pointe (Fig. 94, 3 & 5). Le traitement de l’un des bords et de la pointe s’effectue alors en continuité. Dans les deux cas, la retouche abrupte du bord est dispensée de manière régulière, sans discontinuer jusqu’à la pointe qu’elle désaxe vers la gauche. Un dernier exemplaire, déjà signalé pour son aménagement de la base par retouche inverse, porte une retouche continue du bord droit qui lui confère une délinéation régulièrement convexe et désaxe également la pointe vers la gauche (Fig. 95). La retouche directe, assez soignée, revêt différentes morphologies : sub-écailleuse en partie mésiale, puis légèrement abrupte et courte, elle devient longue et quasi-rasante en se rapprochant de la pointe. Le bord gauche est lui aussi retouché de manière continue ; la retouche directe, semiabrupte est très courte puis s’allonge légèrement vers la pointe. Le corpus de pointes de Vale Comprido recueilli à Marseillon présente des caractères forts et homogènes sur le plan de leur aménagement. Le premier, et vraisemblablement le plus discriminant dans ce cadre, tient au traitement des portions basales qui s’effectue, à une exception près, aux dépens de la face supérieure, essentiellement dans l’axe d’allongement principal et depuis le talon des supports systématiquement conservés lisses.

Chapitre 6 – Les industries à pointes de Vale Comprido, les débuts du Solutréen dans le Sud-Ouest français -

L’objectif vise l’amincissement et la régularisation de la face supérieure et vraisemblablement, dans un second temps, la régularisation de la délinéation des bords. Les pointes, peu acérées en général, tendent à être plus ou moins déjetées, ce qui compose un autre caractère particulier de ces pointes. Ici, la retouche intervient rarement et, lorsque cela est le cas, elle ne vise pas à accentuer l’acuité mais bel et bien à déjeter très nettement la pointe. Quant aux bords latéraux, ils demeurent bruts le plus souvent et lorsqu’ils sont retouchés, il semble que ce soit en continuité avec le traitement de la pointe. Un second point relatif à la phase initiale de l’aménagement des bases et donc, aux premiers enlèvements à tendance lamellaire, suscite encore des interrogations. Qu’ils soient détachés avant ou après l’extraction du support, ces « enlèvements lamellaires » l’amincissent au niveau de ses nervures. La question de leur statut ne peut pour l’heure être résolue. Il peut s’agir de produits exclusivement liés à l’aménagement des pointes de Vale Comprido ou dotés d’une double intention consistant à la fois à amincir les supports et à obtenir des lamelles pointues. Cette dernière hypothèse impliquerait l’existence d’un débitage de lamelles intercalé dans la chaîne opératoire d’obtention des supports de Vale Comprido. L’analyse de ces outils ne permet pas, à elle seule, de statuer sur ce point. IV.2.2. Les supports sélectionnés pour l’aménagement des pointes de Vale Comprido : éléments de diversité et stabilité Le faible niveau de transformation des pointes de Vale Comprido facilite la lecture de leurs supports (Tabl. 33). Ce faible investissement dans la phase de transformation est en fait compensé par une recherche de produits à la morphologie particulière. La quasi-totalité des supports sélectionnés partage un premier caractère fort, incarné par la convergence distale de leurs bords et nervures, leur conférant une extrémité distale plus ou moins pointue. Ces éléments Catégorie technique de supports Lames Eclats laminaires convergents Eclats convergents Eclats

Total

Effectif 4 12 4 1

21

Tableau 33 : répartition des pointes de Vale Comprido selon les catégories techniques de supports

morphologiques présentent néanmoins une certaine diversité et tous les supports transformés ne témoignent pas nécessairement d’une organisation convergente. Si cette orientation est certes dominante, quelques supports attestent de bords et nervures globalement parallèles ou subparallèles. Il en est de même du degré d’allongement des supports dont la longueur n’est pas, dans le cas présent, tronquée par une retouche distale 45 46 à trois exceptions près. La prise en compte de ces critères (délinéation des bords et nervures et degré d’allongement) nous a amené à reconnaître différentes catégories techniques de supports : des lames, des éclats convergents plus ou moins allongées et plus ou moins appointés dès leur extraction et enfin un éclat. Parmi les éclats laminaires convergents, 2 présentent des bords et nervures régulièrement rectilignes et se distinguent des autres spécimens par la présence d’une véritable pointe distale. Ajoutons que pour ces deux objets, la pointe est moins déjetée que pour les autres catégories de supports. Les éclats laminaires convergents forment la catégorie technique de supports la plus représentée. Parmi celle-ci, on retrouve des éclats de très petites dimensions mais dont les attributs techniques sont similaires à ceux de plus grand module. Enfin, la présence de produits, certes peu nombreux, présentant au moins un bord et une à deux nervures parallèles indique qu’à Marseillon, des lames ont également été choisies pour la confection des pointes de Vale Comprido. Cette sélection d’au moins deux catégories techniques de supports, l’une présentant des bords et nervures convergents et l’autre une organisation plus ou moins parallèle nous conduira à nous interroger sur le ou les schémas opératoires dont ces objets pourraient être issus et à ébaucher de premières hypothèses sur leurs éventuels « liens de parenté ». Les supports à bords et nervures convergents Ces supports convergents plus ou moins allongés sont de section trapézoïdale en partie proximomésiale et triangulaire en partie distale. Leur largeur maximale se situe au niveau du premier tiers proximal et tend à se rétrécir progressivement jusqu’à l’extrémité distale. Tous partagent un profil très rectiligne et présentent une extrémité distale déjetée par rapport à l’axe d’allongement morphologique du support.

Les pans latéraux sont en général d’incidence assez abrupte, caractère s’accentuant en partie

201

Deuxième partie - Les premières expressions du Solutréen dans le Sud-Ouest français -

distale. Le négatif central est quant à lui plan en section. Deux spécimens (Fig. 94, 1-2) présentent des pans latéraux peu abrupts et une section presque aplatie. Ces observations indiquent que ces produits proviennent de surface de débitage dont le cintre est plus marqué à la base du nucléus et que ces convexités latérales peuvent nettement s’aplatir en cours d’exploitation. Les pans latéraux peuvent être composés soit d’un seul négatif laminaire, soit de plusieurs, alors disposés sensiblement selon la même orientation et la même incidence. Dans de plus rares cas (Fig. 93, 3-4), ces deux principaux pans latéraux sont accompagnés, sous forme résiduelle, de deux autres, de même direction mais souvent d’incidence plus abrupte. La présence de ces négatifs à l’état résiduel, à la fois d’incidence abrupte et de même direction que ceux adjacents indique que les surfaces de débitage sont à la fois larges et relativement cintrées en partie basale. La convergence de l’ensemble des pans latéraux va également dans le sens d’une surface de débitage de forme triangulaire ou sub-triangulaire en partie basale.

Le rythme du débitage le plus fréquemment observé, retranscrit à partir de l’ordre et de l’organisation des négatifs d’enlèvements, correspond à des négatifs se succédant depuis un pan latéral vers le second ; ici, le plus souvent du bord gauche vers le bord droit. L’ensemble des supports de pointes de Vale Comprido témoigne d’un débitage exclusivement unipolaire. Les talons sont lisses, à l’exception de 4 spécimens facettés ou légèrement facettés. En revanche, tous ou presque présentent la particularité d’être plus ou moins en dévers par rapport à l’axe d’allongement principal du support, autrement dit par rapport à l’extrémité distale. Tous sont débités à la pierre dans une version interne ; le point d’impact, clairement visible, étant porté en retrait du bord du plan de frappe. Les stigmates les plus fréquemment observés sont : des bulbes assez proéminents et un point d’impact bien délimité encadré de micro-sillons latéraux parfois très marqués (Pelegrin, 2000). Les talons, même réduits par la retouche de la base, restent larges et épais ; leurs dimensions s’échelonnent de 15 à 30 mm de large pour une épaisseur comprise entre 6 et 10 mm. Les dimensions maximales sont extrêmement hétérogènes (Figs. 96 & 97). Néanmoins, le rapport longueur/largeur décroît de manière proportionnelle et tend ainsi à montrer un certain continuum dimensionnel de produits aux caractéristiques morphologiques et techniques similaires. La longueur de ces produits s’étend de 30 à 90 mm pour une largeur comprise entre 20 et 50 mm.

éclats convergents lames

12

talons lisses

12 épaisseur en mm

10 épaisseur en mm

202

En dehors des supports de plus petit module dont la longueur est comprise entre 30 à 44 mm pour lesquels il est plus délicat de se prononcer, les négatifs d’enlèvements antérieurs apparaissent clairement laminaires. Le ou les négatifs laminaires qui constituent l’un des pans latéraux présentent une direction oblique par rapport à l’axe morphologique du support ; l’orientation du pan central est axiale ; enfin, le ou les négatifs, toujours laminaires, constituant l’autre pan latéral sont détachés selon un axe oblique et convergent vers le premier pan. Ces observations montrent d’ores et déjà que des produits laminaires stricto sensu et des pointes ou éclats convergents ont pu être

obtenus les uns à la suite des autres aux dépens d’une même surface de débitage.

8 6 4 2

talons facettés

10 8 6 4 2 0

0 0

1

5

10

15

20

largeur en mm

25

30

35

0

2

5

10

15

20

25

30

35

largeur en mm

Figure 96 : 1 : rapport largeur/épaisseur en mm des talons des pointes de Vale Comprido selon les catégories techniques de support ; 2 : rapport largeur/épaisseur en mm des talons des pointes de Vale Comprido selon les types de préparation.

Chapitre 6 – Les industries à pointes de Vale Comprido, les débuts du Solutréen dans le Sud-Ouest français -

Enfin leur épaisseur varie de 5,5 mm à 15 mm. Les dimensions relevées à 2 cm de la pointe se resserrent autour de 20 à 30 mm de large pour 6 à 10 mm d’épaisseur. Les supports à bords et nervures à tendance parallèle La délinéation des bords et nervures de ces produits diffère puisqu’elle témoigne d’une organisation davantage parallèle. Ces produits, minoritaires (n=4), s’apparentent à des lames courtes. Tous présentent au moins une nervure et un bord de délinéation plus ou moins parallèle. L’un des bords est toujours de délinéation rectiligne tandis que le second est plus ou moins convexe.

De profil très rectiligne, ces supports sont, à une exception près, de section trapézoïdale (un seul est de section triangulaire). Ils présentent tous au moins deux négatifs laminaires plus ou moins parallèles entre eux et orientés dans l’axe du débitage du support ; tous présentent un pan latéral formé de plusieurs négatifs de direction oblique ou perpendiculaire. Les pans latéraux sont nettement moins abrupts que ce que nous avons pu observer pour les produits convergents. L’ensemble de ces supports a été détaché depuis un unique plan de frappe à l’aide d’un percuteur de pierre. Les talons sont lisses, à l’exception d’un légèrement facetté, et peu épais ; les bulbes sont peu proéminents et fréquemment esquillés. Le point d’impact, toujours bien délimité, est encadré par des micro-sillons latéraux plus ou moins marqués. Le coup est porté un peu moins en retrait du bord de plan de frappe que pour les supports convergents.

60

IV.2.3. Comment interpréter ces similitudes et différences en termes de chaîne opératoire ? Deux types de supports morphologiquement différenciés ont été mis en œuvre pour la confection des pointes de Vale Comprido. Tous proviennent de la mise en œuvre d’un schéma opératoire unipolaire pour lequel la règle consiste à conserver des talons lisses ou ponctuellement facettés et à utiliser un percuteur dur dans une version interne pour leur détachement. L’épaisseur réduite des talons des supports laminaires conduit à penser que le coup est porté moins en retrait du bord de plan de frappe.

éclats et éclats laminaires convergents lames

16

éclat

14

40 30 20

éclats et éclats laminaires convergents lames éclat

12 10 8 6 4

10

2

0 0

1

Pour l’heure, il reste difficile de définir précisément le statut de ces produits laminaires. Seul l’un d’entre eux ne présente ni négatifs transversaux (ou obliques) ni surface naturelle et intègre la catégorie des lames simples. Il s’agit également de l’un des rares supports dont le bord et l’extrémité distale ont été aménagés dans le but de déjeter la pointe. Les autres supports comportent également des négatifs obliques intervenant dans un second temps ; dans certains cas, ils pourraient être associés à des aménagements consistant à amincir les nervures des supports ; dans d’autres, on peut imaginer qu’ils correspondent plus vraisemblablement à une modalité d’entretien des surfaces de débitage.

épaisseur en mm

largeur en mm

50

Enfin, les dimensions de ces produits laminaires montrent qu’il s’agit de produits assez courts, n’excédant pas 65 mm de long et relativement larges (27,5 à 34 mm). Leur épaisseur est comprise entre 7 et 10,5 mm. On note une plus grande homogénéité dimensionnelle de ces supports par rapport à leurs homologues convergents.

10

20

30

40

50

60

longueur en mm

70

80

90

100

0 0

2

5

10

15

20

25

30

35

40

45

50

55

largeur en mm

Figure 97 : 1 : rapport longueur/largeur en mm des pointes de Vale Comprido selon les catégories techniques de supports ; 2 : rapport largeur/épaisseur en mm des pointes de Vale Comprido selon les catégories techniques de supports

203

Deuxième partie - Les premières expressions du Solutréen dans le Sud-Ouest français -

204

Dans tous les cas, l’angulation entre la surface du plan de frappe et la surface de débitage est relativement ouverte, avoisinant les 80° dans la plupart des cas. La principale différence entre ces produits repose sur leur morphologie et plus particulièrement sur l’organisation de leurs bords et nervures : convergente dans un cas, parallèle à subparallèle dans l’autre. À cette variabilité morphologique se greffe une différenciation dimensionnelle puisque les supports laminaires témoignent d’une plus forte homogénéité que leurs homologues convergents dont les dimensions sont nettement plus diversifiées. Les dimensions relevées sur l’ensemble de ces produits montrent que les produits laminaires sont moins larges et que leur épaisseur correspond aux données minimales des éclats convergents de moyen et grand module. Ce caractère renvoie à la localisation du point d’impact.

poursuivrons l’étude par la prise en compte des nucléus. Nombreux, ils reflètent une intention forte de la part des tailleurs, celle d’obtenir des supports allongés, parfois convergents. Plus ponctuellement, nous nous appuierons également sur les produits issus de cette exploitation de manière à étayer nos observations. Signalons toutefois que la nature même du gisement (site de production plus que de consommation ?) a possiblement engendré une sous-représentation des produits prioritairement recherchés. C’est donc davantage l’analyse des nucléus et des produits d’aménagement et d’entretien qui nous permettra d’avancer de premières hypothèses sur l’exploitation des ressources lithiques du Protosolutréen de Marseillon.

Si l’aménagement de ces différents types de supports obéit à des règles relativement invariables, nous pouvons souligner que les enlèvements lamellaires détachés avant l’extraction des supports sont nettement plus fréquents sur les éclats convergents que sur les produits laminaires. Les lames, moins épaisses, ne nécessitent vraisemblablement pas le même amincissement de la base.

Parmi les nucléus, un lot s’isole très nettement puisque les spécimens le composant présentent deux caractères distinctifs. Il s’agit de nucléus dont les produits sont exclusivement débités à la pierre aux dépens de la surface la plus large du volume (Figs. 98-99 ; 102). Ce groupe de nucléus revêt une place centrale à Marseillon puisque nous verrons que tout concourt pour les associer à la production des supports de pointes de Vale Comprido. Ces nucléus sont dans leur très grande majorité liés à l’obtention de supports convergents. Ils fournissent des lames (Fig. 103), des petites lames et des éclats laminaires (Fig. 104 ; Tabl. 34) et se distinguent par la grande

Nous devons désormais décrypter le contexte de production de ces objets et résoudre la question posée par la présence de supports morphologiquement différenciés. Nous

Production laminaire sur face large (percu. dure) dont nucléus à lames convergents dont nucléus à petites lames convergents dont nucléus à éclats laminaires convergents dont nucléus à lames non-convergents

Production de petites lames-lamelles rectilignes dont nucléus dont préformes ?

Nucléus à éclats Nucléus indéterminés

percussion directe dure

2007

2008

surface

total

25

6

7

38

4 5 12 4

1 2 2 1

6

11 7 14 6

3

1

2

5

2

2 3

3

1 19 dont fragments de nucléus dont nucléus à exhaustion dont indéterminés

Blocs testés Total

V. Un schéma opératoire sur face large par

1

1 20

7 5 7

1

7 5 8

3 51

7

9

3 67

Tableau 34 : décompte des nucléus à lames et éclats laminaires de Marseillon (tous les nucléus intégrés à cette étude sont décomptés à l’exception des nucléus à lamelles)

Chapitre 6 – Les industries à pointes de Vale Comprido, les débuts du Solutréen dans le Sud-Ouest français -

homogénéité des caractères techniques et morphologiques structurant leur exploitation. Il s’agit de nucléus strictement unipolaires dont la morphologie de la surface de débitage est invariablement triangulaire ou sub-triangulaire. Ils fournissent une gamme dimensionnellement variée de supports convergents, à l’image de la variabilité métrique déjà relevée pour les pointes de Vale Comprido. Parmi ces nucléus sur face large débités à la pierre, de rares exemplaires (n=6) se distinguent par une organisation parallèle des derniers négatifs et une surface de débitage sub-rectangulaire (Fig. 108). Ils partagent néanmoins les mêmes caractères techniques que les nucléus convergents : modalités d’aménagement et d’entretien similaires, percussion directe dure exclusive…

conduite par percussion directe dure conduit à penser qu’ils peuvent tous s’apparenter au groupe précédemment évoqué. La sélection des volumes à débiter Plusieurs critères président à la sélection des volumes à débiter qui sont tous réalisés en silex locaux maastrichtiens. Le premier correspond à la recherche de volumes qui présentent une surface large aux dépens de laquelle sera installée la surface de débitage. Le second répond à la volonté de conférer à la partie basale des nucléus et donc, à l’extrémité distale de la surface de débitage, une forme triangulaire. Cette recherche peut amener les tailleurs à sélectionner des volumes dont la base corticale présente naturellement cette convergence. Nous verrons que leur mise en forme se réduit alors à l’installation d’un plan de frappe.

On compte également 20 nucléus indéterminés dont 7 fragments et 5 spécimens parvenus à exhaustion. Leur exploitation intégralement

Des blocs sont principalement choisis pour les plus grands volumes (15 à 20 cm de longueur maximale) mais le cas le plus fréquent reste celui

Détermination des produits laminaires bruts

Total

Produits sans surface naturelle ni négatif(s) d’enlèvement(s) transversal (aux)

effectif

92

dont lames simples dont éclats laminaires simples

Produits d’entame

effectif 70

22

14 dont lames corticales d’entame et de sous-entame dont éclat laminaires de sous-entame

Produits avec pan latéral ou distal cortical, dos cortical

5 9

67

dont lames à dos cortical dont lames à pan latéral ou distal cortical dont éclats laminaires à dos cortical dont éclats laminaires à pan latéral ou distal cortical

Produits avec négatifs transversaux

27 28 6 6

15 dont lames avec négatifs transversaux dont éclats laminaires avec négatifs transversaux

Produits avec cortex résiduel

14 1

14 dont lames dont éclats laminaires

Crêtes Autres produits

10 4

6 76 dont lames outrepassées dont lames reprenant un accident de type rebroussé dont éclats laminaires reprenant un accident de type rebroussé dont fragments de lames indéterminées de petites dimensions dont fragments d’éclats laminaires indéterminés de petites dimensions

Total Tableau 35 : décompte des produits laminaires bruts de Marseillon (fouilles 2007)

6 5 10 9 44 8

273

205

Deuxième partie - Les premières expressions du Solutréen dans le Sud-Ouest français -

de fragments de blocs ou encore d’éclats de plus ou moins grandes dimensions. L’aménagement des volumes L’aménagement des volumes est le plus souvent assez sommaire et se restreint, dans bien des cas, à l’installation du plan de frappe puis, directement, à celle de la surface de débitage. Plus rarement, les phases d’aménagement peuvent être plus poussées et investir alors l’un des flancs et parfois le dos. Ces nucléus témoignent vraisemblablement d’exploitations de plus longue durée.

L’enlèvement d’un éclat suffit le plus souvent à aménager un plan de frappe qui restera, dans bien des cas, lisse tout au long de l’exploitation. Quelques nucléus montrent que leurs plans de frappe n’ont fait l’objet de quasiment aucun aménagement et correspondent encore à des surfaces naturelles, diaclasiques par exemple, aux dépens desquelles seuls un ou deux négatifs d’enlèvement apparaissent (Fig. 102). La seconde étape correspond à l’aménagement de l’extrémité basale du nucléus et vise à conférer à la surface de débitage une morphologie distale

convergente. Lorsque les volumes de départ présentent naturellement la convergence recherchée, l’aménagement de la surface de débitage intervient alors directement après celle du plan de frappe. Mais, dans la plupart des cas, la convergence de la partie basale des nucléus nécessite une phase d’aménagement au cours de laquelle les tailleurs privilégient des volumes à débiter présentant au moins un flanc, généralement une plage corticale ou une surface diaclasique, grossièrement perpendiculaire à la future surface d’exploitation (Fig. 102). Les tailleurs s’appuient sur l’obliquité de cette surface naturelle avec l’axe d’allongement principal des nucléus pour faciliter l’installation d’une surface de débitage à la morphologie convergente en partie basale. Cette configuration permet d’obtenir une base de forme triangulaire dès l’installation du second flanc, qui s’effectue par l’intermédiaire d’un grand enlèvement convergent vers le flanc opposé. Cet enlèvement, débité dans la majorité des cas depuis le plan de frappe principal, présente la particularité d’être suffisamment long et oblique pour envelopper, sans outrepasser, la base du nucléus.

206

Figure 98 : nucléus à lames convergent sur face large de Marseillon

Chapitre 6 – Les industries à pointes de Vale Comprido, les débuts du Solutréen dans le Sud-Ouest français -

Le dos des volumes reste souvent brut (voir p.e. Fig. 101) et ne semble pas faire l’objet d’aménagement particulier en début d’exploitation. Seuls les nucléus soumis à une plus longue exploitation présentent un aménagement

partiel de cette surface qui se caractérise par la mise en place d’une ou plusieurs crêtes en position latérale (antéro ou postéro-latérale), partielles le plus souvent (Fig. 99).

207

Figure 99 : nucléus à lames convergent sur face large de Marseillon

Deuxième partie - Les premières expressions du Solutréen dans le Sud-Ouest français -

L’aménagement des volumes se poursuit par l’installation de la surface de débitage sur une face large du volume. Celui-ci débute par l’enlèvement de produits laminaires aux extrémités latérales de la future surface de débitage. Ces enlèvements, larges et longs et plus ou moins débordants sont détachés selon un axe oblique ; ils convergent ainsi vers l’extrémité distale. Ils agencent la géométrie de la surface d’exploitation et offrent la possibilité d’entreprendre directement un débitage de produits convergents. En outre, ils accentuent les convexités latérales et, dans une moindre mesure longitudinales, de la surface d’exploitation. Lorsque les flancs ne font pas l’objet d’un aménagement spécifique, les produits détachés aux extrémités latérales de la surface de débitage sont d’autant plus débordants. Ils permettent ainsi de « surcreuser » ces zones latérales et d’accentuer le cintre de la surface de débitage. La phase d’exploitation

208

Les phases d’exploitation des nucléus sont exclusivement réalisées depuis un unique plan de frappe et aux dépens de la plus large face du volume. Le détachement des supports laminaires s’effectue selon un recul frontal dans le volume du bloc. En procédant de la sorte, les flancs sont peu à peu réduits, pour ne former dans certains cas qu’une ligne à la jonction du dos et la table en fin d’exploitation. Le rythme de détachement engage le plus souvent l’extraction d’un produit laminaire d’axe oblique par rapport à l’axe d’allongement de la surface d’exploitation (Figs. 98 & 99, 1), suivi d’un produit dans l’axe et d’un autre produit oblique venant finaliser la morphologie convergente.

Vale Comprido (Fig. 104, 1-2). L’obtention de ceux-ci est néanmoins entrecoupée par le détachement de produits laminaires configurant la géométrie de la table. Les talons de ces lames sont moins épais que ceux des éclats laminaires et montrent que le coup est porté moins en retrait de la corniche. Dans tous les cas, la surface de plan de frappe demeure majoritairement lisse durant toute l’exploitation. Elle peut ponctuellement faire l’objet d’un réaménagement, rarement par l’enlèvement de véritables tablettes mais le plus souvent par l’intermédiaire d’enlèvements occasionnels, courts et extraits depuis la surface de débitage. Enfin, lorsque les talons sont davantage préparés, il s’agit d’un facettage partiel se limitant au bord du plan de frappe. Son angulation avec la surface de débitage est généralement assez ouverte, variant entre 80 et 85° environ. L’extraction des supports par percussion directe dure, parfois très interne, engendre des surplombs qui seront atténués par un abattement de la corniche, auquel peut succéder une abrasion du bord de plan de frappe. En fin d’exploitation, les derniers négatifs d’enlèvement montrent que les produits issus de cette exploitation sont des lames et des éclats laminaires plus ou moins appointés. Ils peuvent être détachés de manière plus ou moins oblique ou dans l’axe d’allongement principal de la surface de débitage.

À l’issue de cette première séquence, un support convergent peut être extrait au centre de la table. Cet agencement du débitage, ici observé à partir de l’organisation des derniers négatifs d’enlèvements sur les nucléus, peut être mis en parallèle avec l’organisation de ces mêmes négatifs sur les supports de pointes de Vale Comprido. L’ensemble se caractérise par la recherche de produits au profil rectiligne (Fig. 100), caractère en accord avec des convexités longitudinales peu marquées et l’utilisation d’un percuteur de pierre appliqué dans une version plus ou moins interne. Il semble que l’application du percuteur de pierre diffère sensiblement selon la nature du produit recherché : très en retrait du bord du plan de frappe, les produits s’apparentent à des éclats laminaires larges et convergents du même type que ceux utilisés pour la fabrication des pointes de

Figure 100 : exemple de produit laminaire convergent issu de la production des nucléus sur face large

Chapitre 6 – Les industries à pointes de Vale Comprido, les débuts du Solutréen dans le Sud-Ouest français -

Il en va de même des rares supports entiers et des derniers négatifs réussis sur les nucléus convergents. Cette variabilité dimensionnelle s’accorde avec la recherche de produits laminaires de différentes dimensions : des lames, des petites lames et des éclats laminaires. Elle correspond également au spectre des supports sélectionnés pour la fabrication des pointes de Vale Comprido. Au vu des nombreuses surfaces naturelles subsistant tout au long de l’exploitation de ces nucléus et des accidents générés par les Figure 101 : nucléus à éclats laminaires convergents de Marseillon (d’après modalités mis en œuvre et la Deschamps, 2007) technique de détachement employée, nous supposons qu’une large part de Dimensions et morphologie des enlèvements ces nucléus a fait l’objet de phases de production Si ces nucléus présentent des attributs techniques relativement courtes. En ce sens, la diversité des et morphologiques homogènes, les dimensions modules dimensionnels relevés serait en accord des surfaces de débitage sont nettement plus avec une recherche de supports dont les hétérogènes. Leur longueur varie en effet de 45 à dimensions pourraient varier significativement. 100 mm pour une largeur comprise entre 35 et 70 Cette variabilité dimensionnelle s’opposant ici à la mm (Fig. 105). grande homogénéité morphologique des produits convergents obtenus et ce, quels que soient leurs modules. L’entretien des nucléus Les phases de productions des supports laminaires convergents sont entrecoupées de procédés d’entretien visant à maintenir les convexités latérales et à préserver la convergence de la partie distale de la surface de débitage. Pour cela, deux principaux procédés ont été retenus.

La solution le plus fréquemment observée correspond au détachement, selon un axe oblique, de lames aux extrémités latérales de la surface de débitage (Figs. 98 & 99, 1). Les négatifs de ces produits, larges et longs, ainsi que les stigmates de percussion sur les nucléus laissent penser qu’elles ont été débitées au percuteur de pierre dans une version interne. Ce fait est corroboré par la présence de lames à pan ou à dos cortical. Ces produits, plus ou moins débordants, assurent la gestion et le maintien d’un cintre adéquat. Figure 102 : nucléus convergent à petites lames de Marseillon

209

Deuxième partie - Les premières expressions du Solutréen dans le Sud-Ouest français -

210

Figure 103 : lames simples de différents modules de Marseillon

Chapitre 6 – Les industries à pointes de Vale Comprido, les débuts du Solutréen dans le Sud-Ouest français -

211

Figure 104 : supports convergents de différents modules de Marseillon

Cette première solution peut être agrémentée d’une seconde qui consiste à aménager une crête à la base des nucléus, à l’intersection des deux flancs qui convergent (Figs. 99, 2 & 102). Cette crête, d’axe perpendiculaire à la surface de débitage, ouvre des surfaces de plan de frappe qui vont permettre de détacher des enlèvements aux dépens des flancs, afin de redonner à la fois du cintre, mais aussi de reconfigurer la base triangulaire du nucléus. Les produits détachés sont d’allure laminaire et reprennent le plus souvent les flancs sur une grande partie de leur longueur. Cette solution est facilitée par la forme initiale de la partie basale des nucléus et n’a été observée que sur ceux dont l’exploitation semble être de plus longue durée. En définitive, ces produits issus d’un plan de frappe opposé et décalé par rapport au premier ne témoignent en aucun cas de phases

de production bipolaire et sont simplement le reflet de procédés d’entretien d’une gestion strictement unipolaire et frontale de ces exploitations. En fin d’exploitation, on observe également sur certains nucléus que l’épaisseur des flancs a considérablement diminué, notamment en partie proximo-mésiale (Fig. 98). Les flancs se réduisent alors à une ligne d’intersection entre la surface de débitage et le dos, prenant la forme d’une crête latérale. Cette configuration peut être interprétée comme la conséquence des phases de production des supports prédéterminés selon un recul frontal et de l’entretien des nucléus par le détachement de produits débordants. Elle permet, en toute fin d’exploitation, de détacher des éclats en direction du dos mais aussi de la surface de débitage et ainsi

Deuxième partie - Les premières expressions du Solutréen dans le Sud-Ouest français -

d’entretenir le cintre de cette dernière. Cette constatation nous conduit ici à émettre l’hypothèse que les quelques nucléus caractérisés par une structure volumétrique opposant deux surfaces sub-parallèles (surface de débitage et dos) délimitées par une crête latérale pourraient correspondre à une étape assez avancée de leur exploitation. Cette configuration de quelques nucléus de Marseillon rappelle celle relevée d’autres ensembles, tels que ceux du Solutréen ancien de Laugerie-Haute ou de La Celle-SaintCyr.

détacher un produit épais depuis le plan de frappe principal.

L’abandon des nucléus La principale cause d’abandon est très clairement liée à des problèmes de gestion des convexités longitudinales au centre de la surface de débitage. On observe de profonds rebroussés qui mettent fin à l’exploitation. Ils sont la conséquence des principes régissant ces productions et notamment de l’association d’un schéma unipolaire sur face large à une percussion directe dure souvent portée nettement en retrait du bord de plan de frappe. En cas de profonds rebroussés, aucune modalité technique ne semble exister pour intervenir au centre de la surface de débitage, hormis de

Compte-tenu de l’accent porté par les tailleurs pour l’aménagement et l’entretien de la convergence distale de la surface d’exploitation, nous présageons que les lames à bords parallèles ne sont ici qu’un épi-phénomène et qu’elles ne constituent pas l’intention première de ce schéma. Les lames et éclats laminaires de morphologie convergente, majoritairement détachés au centre de la table, semblent bien constituer l’objectif prioritaire de ces exploitations. En témoignent les types de supports transformés en pointes de Vale Comprido, tout comme l’agencement des derniers négatifs sur les nucléus abandonnés.

Synthèse Nous venons de présenter les règles régissant le principal système d’exploitation lithique reconnu à Marseillon. Nous verrons maintenant que ce schéma principal n’est pas unique et qu’il est associé à un autre schéma laminaire dont les témoins sont encore très discrets au sein de la série et à un corpus assez diversifié de supports lamellaires.

90 80

40

70

35

60

30 largeur en mm

largeur en mm

212

50 40 30 nucl laminaires convergents nucl petites lames convergents nucl éclats laminaires convergents

20 10 0 0

20

40

60

80

15 10 0

100

120

0

2

40 largeur en mm

20

10

20

30 40 50 60 longueur en mm

70

80

90

derniers négatifs réussis supports laminaires bruts pointes de Vale Comprido

50

30 20 10 0 0

3

25

5

Longueur en mm

1

derniers négatifs réussis Lames et petites lames simples entières éclats laminaires

10

20

30

40

50

60

longueur en mm

70

80

90 100

Figure 105 : comparaison des dimensions des surfaces de débitage et des derniers négatifs réussis sur les nucléus convergents, des produits bruts associés et des supports de pointes de Vale Comprido. 1 : rapport longueur/largeur des surfaces de débitage des nucléus convergents selon les catégories distinguées ; 2 : rapport longueur/largeur des derniers négatifs réussis sur les nucléus convergents, des lames et éclats laminaires bruts entiers ; 3 : rapport longueur/largeur des derniers négatifs réussis sur les nucléus convergents, des supports laminaires bruts entiers et des supports de pointes de Vale Comprido

Chapitre 6 – Les industries à pointes de Vale Comprido, les débuts du Solutréen dans le Sud-Ouest français -

213

Figure 106 : supports laminaires d’aménagement et d’entretien de Marseillon

Deuxième partie - Les premières expressions du Solutréen dans le Sud-Ouest français -

Figure 107 : exemples de produits convergents présentant des pans latéraux abrupts

214

Figure 108 : exemple d’un nucléus sur face large non-convergent ; la surface de débitage est sub-rectangulaire

Chapitre 6 – Les industries à pointes de Vale Comprido, les débuts du Solutréen dans le Sud-Ouest français -

VI. Existe-t-il un autre schéma d’exploitation laminaire à Marseillon ?

percussion directe tendre organique pour l’obtention de petites lames de profil rectiligne.

Quelques indices encore très ténus posent la question de la présence d’une autre production de type laminaire. Si son existence était confirmée, celle-ci serait très largement minoritaire vis-à-vis du système homogène précédemment décrit.

VI.2. De rares préformes de nucléus à lame évoquant une structure volumétrique différente du schéma principal d’exploitation

Les éléments qui nous permettent d’avancer l’hypothèse d’une production laminaire secondaire ont été réunis progressivement, d’abord à l’aide de la collection de surface puis au travers de l’examen de la série des fouilles 2007.

VI.1. De rares lames légères évoquant une percussion directe tendre organique Des produits laminaires légers sont présents en très faible quantité au sein du corpus de 2007. Cette population était déjà perceptible au sein des ramassages de surface mais nous ne pouvions alors présager de son association avec le matériel diagnostique associé au schéma d’exploitation principal (Teyssandier et al., 2006). Quelques éléments nouveaux sont apparus depuis ; parmi le corpus des lames simples de la série des fouilles 2007, une petite dizaine de fragments proximaux présentent des stigmates évoquant une percussion directe tendre au percuteur organique. Les talons sont minces (environ 2 à 3 mm d’épaisseur), souvent lisses et nettement abrasés. Le bulbe est absent et une lèvre plus ou moins bien exprimée est observable. Outre cette abrasion bien marquée, les préparations au détachement sont pour l’essentiel assurées par un recul de la corniche effectué depuis le plan de frappe par l’intermédiaire d’enlèvements plus ou moins lamellaires. Ces produits proviennent tout sans exception d’un débitage unipolaire et sont rectilignes de profil. D’un point de vue dimensionnel, ces lames oscillent entre 13 et 18 mm de large pour 4 à 5 mm d’épaisseur. Leur fragmentation rend délicate l’estimation de leur longueur ; quelques rares fragments proximo-mésiaux permettent d’avancer qu’elles devaient avoisiner 4 à 7 cm de long environ. Il est toutefois très difficile de quantifier précisément cette population laminaire puisque lorsque les talons sont absents ou nondiagnostiques, il demeure impossible de les différencier strictement des petites lames obtenues en fin d’exploitation de certains nucléus rattachés au schéma principal. L’unique caractère discriminant repose ainsi sur la présence de ces rares fragments proximaux évoquant une

Deux des 3 préformes de nucléus issues de la série des fouilles 2007 peuvent éventuellement permettre d’apporter quelques arguments supplémentaires à l’existence plausible d’un schéma d’exploitation laminaire secondaire. Elles sont réalisées en silex local et abandonnées avant même que l’exploitation laminaire ne débute. Dans les deux cas, de larges surfaces corticales subsistent à l’abandon et permettent de reconstituer partiellement la morphologie originelle du volume exploité. Il s’agit de rognons grossièrement ovalaires et assez régulièrement convexes, ne présentant pas d’irrégularités marquées. A l’abandon, les dimensions de ces deux préformes oscillent entre 95 et 120 mm de long, 45 à 70 mm de large pour une épaisseur stable dans les deux cas autour de 70 mm. Dans les deux cas, l’aménagement des blocs vise principalement à dégager une crête, tout en réduisant l’épaisseur générale du volume et en configurant de manière plus ou moins prononcée les flancs. La face étroite est privilégiée pour installer une crête antéro-médiane à deux versants. Dans un cas, l’aménagement est relativement complet et les enlèvements bilatéraux dégageant la crête sont suffisamment envahissants pour mettre en forme de manière assez complète les deux flancs latéraux. La crête est de bonne facture, assez régulière mais le nucléus abandonné à l’état de préforme en raison d’une fracture tronquant le volume exploitable apparue en cours d’aménagement. Dans l’autre, les enlèvements sont nettement moins envahissants et si le procédé de mise en forme est identique, le résultat est différent puisque les flancs demeurent très largement corticaux. La préforme est vraisemblablement abandonnée pour des problèmes inhérents à la réalisation de la crête, dont l’irrégularité demanderait d’être rectifiée au détriment de la longueur du volume exploitable. Que ce soit dans l’orientation du volume à débiter ou dans son procédé d’aménagemement aboutissant à la mise en place d’une crête médiane destinée à initialiser la production laminaire, les différences sont fortes avec le schéma principal. On peut d’ores et déjà affirmer que la structure volumétrique de ces nucléus abandonnés au stade de préforme est radicalement différente de celle

215

Deuxième partie - Les premières expressions du Solutréen dans le Sud-Ouest français -

entrevue au travers des nucléus sur face large, pour lesquels le recours à la mise en place d’une crête antérieure est inexistant. Le type d’aménagement réalisé et l’orientation du volume à débiter permettent d’envisager que si la production avait débuté, elle aurait visé la production de lames ne pouvant dépasser 10 cm de long en début d’exploitation. Certes encore incertaine, l’association de ces deux préformes à une production visant l’obtention de lames plus légères par percussion tendre organique reste plausible mais si elle demandera à être étayée par les recherches à venir sur cette industrie.

VI. 3. Un dernier argument encore incertain : statut de deux nucléus à petites lames découverts en surface Pour finir, nous évoquerons le cas de 2 nucléus découverts en surface, dont le statut demeure encore énigmatique. Comme pour les deux préformes, ils se distinguent radicalement des autres modes d’exploitation laminaire reconnus à Marseillon. Il s’agit dans les deux cas de nucléus unipolaires à petites lames rectilignes. Le premier est d’un potentiel informatif assez limité. Réalisé sur un petit bloc ne devant pas originellement dépasser 70 à 80 mm de long, il témoigne de l’installation d’un plan de frappe très incliné, allongé et lisse et d’une exploitation laminaire effectuée aux dépens de la face étroite.

216

Figure 109 : nucléus pyramidal à petites lames rectilignes (d’après Deschamps, 2007)

Chapitre 6 – Les industries à pointes de Vale Comprido, les débuts du Solutréen dans le Sud-Ouest français -

Les flancs sont majoritairement corticaux, à l’exception de 2 négatifs attestant de l’installation d’une crête antéro-médiane. Le dos demeure cortical tout au long de l’exploitation. Les derniers négatifs attestent de la recherche de lames à bords plus ou moins parallèles mais relativement irrégulières, d’environ 60 à 70 mm de long. Le second est réalisé dans un silex local de Chalosse d’excellente qualité. Il s’agit d’un nucléus pyramidal unipolaire destiné à produire de petites lames très régulières et rectilignes (Fig. 109). Les derniers négatifs réussis montrent que le module recherché en fin d’exploitation se situe autour de 60 à 70 mm de long pour environ 10 à 13 mm de large. Au niveau de sa structure volumétrique, ce nucléus se différencie nettement du schéma opératoire principal. Ici, c’est bien la face étroite du volume et son axe d’allongement principal qui sont recherchés pour détacher les lames. Une particularité réside cependant dans la morphologie du plan de frappe, installé aux dépens d’une surface allongée qui demeure lisse et très inclinée tout au long de l’exploitation. Deux points méritent d’être évoqués pour mieux appréhender son statut : tout d’abord, l’aspect du plan de frappe, lisse tout au long de l’exploitation et l’absence de contre-bulbes profonds évoquent ici une percussion tangentielle, vraisemblablement à l’aide d’un percuteur organique. Les stigmates sont très différents de ceux reconnus sur les nucléus appartenant au schéma principal ; ™

™ la structure volumétrique de ce nucléus le rend clairement compatible avec les deux préformes évoqués et une exploitation privilégiant la face étroite du volume. De plus, les stigmates de l’aménagement d’une crête antéro-médiane sont encore clairement visibles sur les flancs, notamment sur le côté gauche de la table.

En résumé, des observations encore incomplètes posent la question de l’association d’une production de lames légères par percussion directe tendre avec le schéma opératoire principal de supports convergents. Nous préférons rester très prudente sur ce point dans la mesure où cette interprétation repose pour l’heure sur un nombre extrêmement limité d’occurrences.

VII. Les productions lamellaires La production de lamelles tient une place importante au sein de la série lithique de Marseillon. Cela se lit aussi bien au travers de la quantité de lamelles retrouvées que des déchets inhérents à leur production (Tabl. 36). L’analyse de ces exploitations se base pour l’essentiel sur le produit des fouilles réalisées en 2007. Il s’agit de données préliminaires qui n’ont pour l’heure qu’une valeur quantitative relative. Il demeure délicat d’estimer l’importance numérique de ces productions vis-à-vis des productions de lames ou de pointes. La série comporte une importante quantité de lamelles brutes et de rares spécimens retouchés (Tabl. 36-37). S’y ajoutent des produits de mise en forme et d’entretien ainsi que des nucléus illustrant une certaine diversité dans les modes d’exploitation : les nucléus carénés, majoritairement des « grattoirs » et plus rarement des « burins » dominent et sont complétés par des nucléus prismatiques et sur tranche. À ce titre, la série issue des fouilles de 2007 comprend tout le panel des types d’exploitation lamellaire reconnus en surface (Teyssandier, dir. 2007 ; Teyssandier et al., 2006). Dans ce cadre, et afin d’augmenter notre corpus, nous intégrerons ici les nucléus retrouvés en surface à l’occasion des prospections thématiques réalisées en 2006. Ces derniers sont en effet techniquement comparables à ceux découvert en contexte stratigraphique et présentent la même diversité et les mêmes associations d’exploitation. Un premier examen de la série des fouilles de juillet 2008 conforte ce constat. Faute de temps, nous n’avons pu intégrer cette dernière tant les produits de débitages lamellaires y sont abondants. Nous avons néanmoins considéré les nucléus ce qui nous permet de disposer d’un corpus plus conséquent. Toutes les étapes de plusieurs schémas opératoires lamellaires sont représentées sur le site, depuis des nucléus préformés ou abandonnés en phase finale de production jusqu’à un abondant corpus composé de 378 lamelles dont 6 sont retouchées et de 45 éclats d’aménagement ou d’entretien (Tabl. 37). L’ensemble témoigne de la relative diversité des méthodes engagées : de type « grattoir » ou « burin » caréné, sur tranche ou aux dépens de nucléus prismatiques et pyramidaux.

217

Deuxième partie - Les premières expressions du Solutréen dans le Sud-Ouest français -

2007 Lamelles brutes Lamelles retouchées Nucléus Eclats d’aménagement et d’entretien

372 6 15 45

Total

438

2008

Surface

Total

5

17

5

17

372 6 37 45 460

Tableau 36 : décompte simplifié du corpus de lamelles, nucléus à lamelles et déchets de production lamellaire considéré dans le cadre de cette étude

218

En l’état des recherches, la solution de produire des lamelles à partir de « grattoirs » carénés est nettement privilégiée. Quantitativement, cela se vérifie tant à partir des nucléus que des lamelles et déchets d’entretien caractéristiques. Dans la mesure du possible, les supports lamellaires ont été classés en fonction des types de nucléus dont ils proviennent. Ce mode de classement donne lieu à un certain nombre d’indéterminés puisque chaque produit lamellaire n’est pas toujours suffisamment caractéristique pour être indubitablement rattaché à un type spécifique d’exploitation. Nous verrons qu’en fonction des types de production, nous avons pu distinguer des morpho-types lamellaires différents, rendant compte de la pluralité des intentions poursuivies par les tailleurs. Les matières premières ne seront que rapidement abordées dans la mesure où elles sont strictement

locales. Seul le silex maastrichtien présent dans les environs immédiats du gisement a été utilisé. Nous pouvons simplement préciser que des matériaux à grain fin ont été plus nettement privilégiés pour les productions de type caréné que pour celles des supports laminaires parallèles et convergents.

VII.1. Les productions carénées Reconnus de longue date, les « grattoirs » carénés ont donné lieu à un foisonnement terminologique lié à l’ambiguïté de leur destination fonctionnelle : outils ou nucléus (voir Le Brun-Ricalens, 2005 pour une synthèse historiographique critique sur le sujet avec nombreuses références documentées). S’il est désormais admis que ces pièces correspondent à des nucléus à lamelles, la reconnaissance de leur statut en dehors du technocomplexe Aurignacien est plus récente et très largement liée à l’essor des études technologiques.

Figure 110 : nucléus carénés (type grattoir) à front étroit de Marseillon

Chapitre 6 – Les industries à pointes de Vale Comprido, les débuts du Solutréen dans le Sud-Ouest français -

Témoins des différentes productions lamellaires

2007 Lamelles

Nucl.

2008

Surf.

Total

2 1

14

20 4 3 90 24 5 2 7 2 5

Ecl. L

Production de type caréné dont nucléus de type grattoir dont préformes de nucléus type grattoir dont nucléus de type burin dont lamelles simples dont micro-lamelles simples dont lamelles corticales dont lamelles à crête et sous-crêtes dont lamelles liées à l’entretien du cintre dont micro-lamelles liées à l’entretien du cintre dont lamelles indéterminées

4 3 1

2

90 24 5 2 7 2 5

dont écl. L. liés à l’aménagement et réaménagement de la surf. de déb.

8

8

dont éclats lamellaires de cintrage (frontaux-latéraux) dont éclats lamellaires lié au réaménagement de la corniche

5 4

5 4

Sous-total de la production de type caréné

135

8

17

3

16

179

2

1

8 40 22 2 7 3 2

Production liée à l’exploitation d’une surface large dont nucléus dont lamelles simples dont lames-lamelles simples dont lamelles et lames-lamelles à crête dont lamelles corticales sur 1 dos ou 1 pan dont lamelles avec négatifs transversaux dont éclats lamellaires corticaux

5 40 22 2 7 3 2

74

Sous-total de la production sur face large

5

2

2

1

84

Production sur tranche dont nucléus/burin

2

2

Production indéterminée dont lamelles simples dont crêtes et sous-crêtes dont lamelles totalement corticales dont lamelles corticales sur 1 pan (latéral ou distal) ou 1 dos dont lamelles corticales autres dont lamelles autres dont éclats lamellaires dont éclats lamellaires corticaux dont fragments de micro-lamelles de longueur inf. à 5mm dont fragments indéterminés (triangulaire et fracture longitudinale)

Sous-total production indéterminée Lamelles retouchées

22 6 5 32 6 24 15 11 49 19 189

22 6 5 32 6 24 15 11 49 19

163

26

6 Total

378

6 15

45

5

17

460

Tableau 37 : décompte par catégorie technique de l’ensemble des productions lamellaires de Marseillon intégrées à cette étude (Nucl. : nucléus ; Ecl. L : éclats lamellaire)

219

Deuxième partie - Les premières expressions du Solutréen dans le Sud-Ouest français -

Ce type d’exploitation est à présent documenté, outre l’Aurignacien, dans la plupart des technocomplexes du Paléolithique supérieur moyen et, récent d’Europe occidentale (voir par exemple Protosolutréen : Zilhão et Aubry, 1995 ; Zilhão, 1997 ; Zilhão et al. 1999 ; Almeida, 2006 ; Magdalénien inférieur et moyen : Langlais, 2007 ; Ducasse et Langlais, 2007). Dans le cadre de ce travail et dans un souci de clarté, nous utiliserons le terme de « grattoir » caréné et lui substituerons parfois celui de nucléus caréné (méthode « grattoir » ou « burin »), même si plusieurs auteurs ont proposé d’utiliser le terme de nucléus « sur front dorsal » dans des contextes chronologiques plus récents (Badegoulien et phases anciennes du Magdalénien) (Langlais, 2007 ; Ducasse et Langlais, 2007). Quatre « grattoirs » carénés ont été dénombrés parmi le produit des fouilles 2007. Nous pouvons

220

y ajouter 2 spécimens issus des fouilles 2008. La présence de grattoirs carénés était en outre déjà reconnue suite aux prospections de surface qui en avaient livré 14 exemplaires. Parmi les nucléus carénés de type « grattoir », deux versions peuvent être reconnues dont une prédomine largement : les nucléus carénés à front étroit. Les nucléus carénés à front étroit Deux pièces de ce type proviennent de la série des fouilles 2007 ; on peut y ajouter 2 spécimens des fouilles 2008 et 14 de la série de surface. La forte analogie des pièces découvertes en surface avec celles issues du niveau archéologique en cours de fouille conduit à les interpréter comme faisant partie intégrante du même contexte archéologique. Leur position permet en effet de penser qu’elles proviennent du secteur de l’ensemble archéologique détruit lors du creusement de la fosse d’enfouissement des souches. Un argument technologique renforce l’hypothèse. Il repose sur la mise en évidence d’un nucléus caréné à front étroit réalisé sur un ancien nucléus à lame exploitant une face large pour le détachement de lames par percussion directe dure (Fig. 111). Cela consolide l’association des pièces carénées découvertes en surface au niveau archéologique et la coexistence de ces deux orientations technologiques principales dans le système technique des occupants de Marseillon : produire des lames à partir de nucléus à face large par percussion directe dure et des lamelles à partir de nucléus carénés à front étroit.

Figure 111 : nucléus caréné (type grattoir) à front étroit sur ancien nucléus à lame

En règle générale, des éclats très majoritairement corticaux sont privilégiés pour réaliser ces nucléus (Fig. 110). La structure volumétrique des pièces ne varie pas : le plan de frappe est installé aux dépens de la face inférieure alors que la surface de débitage exploite le plus souvent la partie latéro-distale de la face supérieure. Des variations morphologiques s’expriment d’une pièce à l’autre et sont liées à des différences dans le degré de cintrage du front. Ce dernier est, en effet, le procédé d’entretien le plus couramment observé sur ces pièces. Il est réalisé par l’intermédiaire d’éclats latéraux ou latéro-frontaux qui, dans ce dernier cas, mordent légèrement sur la

Chapitre 6 – Les industries à pointes de Vale Comprido, les débuts du Solutréen dans le Sud-Ouest français -

surface d’exploitation lamellaire (Fig. 116). La gestion du cintre est généralement plus accentuée à partir de l’un des deux pans latéraux, conférant alors une délinéation du front « en museau ». La surface de plan de frappe fait rarement l’objet d’un entretien et demeure lisse tout au long de l’exploitation. Le plus souvent, l’éclat-support du nucléus caréné ne fait pas l’objet d’une restructuration importante du volume à débiter avant le début de l’exploitation lamellaire et les tailleurs mettent à profit sa morphologie initiale. Dans quelques cas, une crête à deux versants, en position distale par rapport à la surface lamellaire est implantée afin de gérer la convergence de cette dernière. Celle-ci est réalisée par l’intermédiaire d’éclats détachés depuis les 2 bords latéraux de la surface de plan de frappe. D’un point de vue dimensionnel, les surfaces de débitage sont relativement étroites, larges d’environ 10 à 20 mm en moyenne et n’excèdent jamais 27 mm de haut. Les dimensions des derniers négatifs réussis témoignent de la recherche prépondérante de petites lamelles, longues d’environ 12 à 22 mm en fin d’exploitation (Figs. 112-113).

simples issues de grattoirs carénés qui sont longues de 18 à 30 mm et larges de 6 à 9 mm. La question se pose de savoir si tous ces supports correspondent aux lamelles de première intention ou si les plus grandes constituent des produits d’entretien d’une production spécifiquement orientée vers la recherche de micro-lamelles. Production de type caréné

Talons lisses Talons lisses abrasés Talons linéaires Talons linéaires abrasés Talons punctiformes abrasés Talons corticaux Talons fracturés

Lamelles simples 4 8 2 11 19

Total

12

Lamelles autres 2 1 1 2 3 1 2

56

12

Total

6 9 3 13 22 1 14 68

Tableau 38 : types de talon des lamelles issues des nucléus carénés de type « grattoir »

grattoir caréné grattoir caréné sub-circulaire

45 40 35

6 4

15

0 0

3

1

30

35

25

30

35

40

lamelles simples

1,5 1

0

15 20 25 longueur en mm

20

2

0 10

15

2,5

0,5

5

10

Figure 112 : rapport longueur/largeur en mm des surfaces de débitage des nucléus carénés de type « grattoir »

2 0

5

Longueur en mm

épaisseur en mm

largeur en mm

8

20

5

Derniers négatifs réussis

10

25

10

Lamelles simples entières

12

221

30

largeur en mm

Ces données se voient confirmées par l’examen des supports lamellaires bruts (Fig. 113). Sur un total de 372 lamelles, 135 ont été attribuées à une exploitation carénée de type grattoir. Les lamelles simples (n=114) qui ne portent ni cortex, ni traces de négatifs d’enlèvements transversaux sont courtes (11 à 30 mm de long), assez fines (4 à 8 mm de large) et minces (1,5 à 2,5 mm d’épaisseur). Un groupe de lamelles, très homogènes sur un plan dimensionnel, inclut des exemplaires microlamellaires, compris dans un module entre 12 et 15 mm de long pour 4 à 6 mm de large. Ils se distinguent de ce point de vue d’autres lamelles

0

40

1

2

3

4

5

6

7

8

9

largeur en mm

2

Figure 113 : dimensions des lamelles associées à la production de nucléus carénés de type « grattoir ». 1 : comparaison du rapport longueur/largeur en mm des derniers négatifs réussis sur les nucléus carénés de type « grattoir » avec les lamelles simples entières ; 2 : rapport largeur/épaisseur en mm des lamelles simples

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Dans l’ensemble, la silhouette des lamelles peut être soit équilibrée, avec deux bords réguliers et globalement parallèles ou prendre une morphologie en forme de « banane », avec un bord convexe et l’autre légèrement concave (Fig. 114, 5-9). L’estimation de leur profil indique qu’elles devaient être courbes, parfois très légèrement, en ce qui concerne les lamelles détachées au centre de la surface d’exploitation. Enfin, les talons ne sont pas préparés hormis une abrasion parfois assez soigneuse du point d’impact. Ils sont lisses, parfois fins et linéaires, voire punctiformes (Tabl. 38).

Différents stigmates ont été relevés sur les lamelles simples et nous les reportons ci-après par ordre croissant de fréquence : ™ points de contact multiples, doubles le plus souvent ; ™ talon avec point d’impact concentré et punctiforme détouré par des micro-sillons latéraux ; ™ détachement d’une esquille bulbaire à partir de l’angle du talon.

222

Figure 114 : produits issus de l’exploitation des nucléus carénés de type « grattoir ».

Chapitre 6 – Les industries à pointes de Vale Comprido, les débuts du Solutréen dans le Sud-Ouest français -

Ces stigmates pourraient aller dans le sens d’une percussion directe à la pierre tendre. Il demeure toutefois délicat de l’affirmer en l’absence de référentiel précis sur les techniques de détachement de si petits supports. Précisons que nous avons également constaté que plusieurs enlèvements latérodistaux d’entretien du cintre de la surface d’exploitation ont été percutés plus en profondeur et nettement en retrait du bord de plan de frappe. Le point d’impact est alors bien marqué donnant lieu à un cône de percussion entouré de micro-sillons latéraux, le bulbe est haut et prononcé. Si ces produits avaient été détachés par percussion directe tendre organique, les talons auraient été de forme davantage elliptique avec une lèvre régulière. Selon J. Pelegrin (communication personnelle), il y a peu de chance que les Figure 115 : nucléus caréné à front denticulé de Marseillon. Noter l’irrégularité des enlèvements, la tailleurs n’utilisent pas le même percuteur profondeur des contre-bulbes résultant d’une percussion pour les lamelles recherchées et les directe dure interne et l’aspect denticulé de la corniche enlèvements lamellaires d’entretien. Enfin, des ondulations fines et serrés s’observent sur Les derniers négatifs d’enlèvements sont donc certains négatifs lamellaires tout comme des relativement hétérogènes et peu standardisés : il contre-bulbes bien marqués, indiquant une frappe s’agit d’éclats lamellaires irréguliers, voire d’éclats portée clairement en retrait de la corniche en fin plus allongés lorsque ceux-ci n’ont pas rebroussé. d’exploitation. Dans un cas au moins, cela confère Sur les 2 pièces intégrées au sein de cette modalité, au front une délinéation denticulée. L’ensemble de l’une nous semble très intéressante puisque d’un ces observations nous conduit à privilégier la mise point de vue typologique, elle s’apparente à un en œuvre d’une percussion directe à la pierre « grattoir caréné denticulé » (Fig. 115), type tendre pour le détachement de l’ensemble des fréquemment documenté à la charnière de la fin produits lamellaires associés à la production des du Gravettien et du début du Solutréen dans les « grattoirs » carénés. ensembles dits Aurignacien V, à Laugerie-Haute Les nucléus carénés d’exploitation sub-circulaire par exemple. L’aspect denticulé de la corniche est ici crée par les profonds contre-bulbes des Par nucléus carénés d’exploitation sub-circulaire, derniers négatifs. Les stigmates sont nous désignons des pièces sur éclats qui caractéristiques d’une percussion directe dure, présentent une structure volumétrique identique avec des coups portés nettement en retrait du aux nucléus que nous venons d’évoquer : la bord de plan de frappe. Cela conduit à supprimer surface de plan de frappe est implantée aux toutes traces de négatifs lamellaires et à montrer, dépens de la face inférieure de l’éclat, la surface en fin d’exploitation, le détachement de petits d’exploitation sur la face dorsale du support. éclats plus ou moins allongés, fréquemment quadrangulaires et relativement épais au vue de la A la différence des nucléus carénés à front étroit, profondeur des contre-bulbes subsistant. En le front occupe ici tout le pourtour ou presque du l’absence de négatif lamellaire, nous sommes support et l’exploitation circulaire à sub-circulaire. amenée à nous demander s’il s’agit d’une reprise A la différence de la première modalité, de nucléus ou d’une exploitation non-lamellaire. l’exploitation sub-circulaire demeure rare et mal Certes anecdotique sur un plan quantitatif, cette exprimée à Marseillon puisqu’elle se limite à 2 modalité ne l’est peut-être pas sur un plan chronooccurrences identifiées au sein de la série 2007. culturel tant elle n’est que rarement soulignée sur Les intentions de cette production demeurent les productions de nucléus carénés à l’échelle du floues puisque de nombreux accidents de type rebroussé ont défiguré les surfaces d’exploitation. Paléolithique supérieur.

223

Deuxième partie - Les premières expressions du Solutréen dans le Sud-Ouest français -

224

Chapitre 6 – Les industries à pointes de Vale Comprido, les débuts du Solutréen dans le Sud-Ouest français -

225

Figure 116 : localisation et étendue des surfaces de débitage des nucléus carénés de type « grattoir ». L’exploitation lamellaire est effectuée à partir de fronts préférentiellement étroits

Deuxième partie - Les premières expressions du Solutréen dans le Sud-Ouest français -

226

Figure 117 : burin caréné de Marseillon

lamelles-nucléus carénés lamelles-nucléus sur f. large

4 3,5 épaisseur en mm

Le burin caréné Un « burin » caréné a été identifié (Fig. 117) ; la différence principale avec la modalité de type grattoir réside dans la position de la surface d’exploitation qui occupe ici la tranche d’un éclat, à l’intersection des faces supérieure et inférieure. Le plan de frappe, installé par le détachement d’un éclat allongé extrait depuis la future surface d’exploitation, demeure lisse. Puis, à la jonction des deux surfaces, une crête partielle à un versant est installée en partie distale de la table lamellaire. Suite au détachement d’une lamelle à pan partiellement cortical, assez longue (environ 50 mm) et convergente en partie distale, le débitage se poursuit mais tous les enlèvements lamellaires vont rapidement rebrousser pour des problèmes liés à une carence de convexité longitudinale en partie proximo-mésiale. Ce nucléus est donc rapidement abandonné et ne livre pas d’informations précises sur les intentions poursuivies. Toutefois, nous pouvons garder à l’esprit que cette exploitation carénée sur tranche existe et qu’elle vise très certainement à produire des lamelles d’un gabarit supérieur à celles issues des nucléus carénés à front étroit (« grattoir »).

3 2,5 2 1,5 1 0,5 0 0

2

4

6 8 largeur en mm

10

12

14

Figure 118 : Comparaison des dimensions (rapport largeur/épaisseur en mm) des lamelles simples issues d’une exploitation sur face large avec les lamelles simples issue de nucléus carénés de type « grattoir »

En résumé, l’exploitation carénée de type « grattoir » est nettement majoritaire. Elle vise à produire de courtes lamelles légèrement courbes de profil à partir de nucléus à front étroit s’apparentant, sur un plan typologique, à des grattoirs à museau. L’hypothèse d’une percussion directe à la pierre tendre a été avancée pour le détachement des lamelles, caractère original au regard des productions carénées de l’Aurignacien par exemple (Le Brun-Ricalens et al., éd. 2005). Plus anecdotiques sont les deux autres expressions entrevues à partir d’exemples encore mal exprimés sur le site. L’une, à partir de nucléus carénés denticulés est intéressante puisqu’elle pourrait être relativement spécifique sur un plan chrono-culturel. L’autre permet d’envisager qu’à partir des structures carénées, des lamelles de plus grand module étaient recherchées. Celles-ci semblent également participer de la diversité d’expression des modes de production lamellaire puisque des exploitations noncarénées ont également été reconnues.

Chapitre 6 – Les industries à pointes de Vale Comprido, les débuts du Solutréen dans le Sud-Ouest français -

VII.2. Les productions non-carénées Exploitation aux dépens d’une face large de nucléus pyramidaux Quelques nucléus couplés à des lamelles d’un gabarit ne s’intégrant pas aux productions carénées rendent compte de la recherche de supports lamellaires différents. Ces lamelles sont d’un module supérieur à celle issues des nucléus carénés (Figs. 118 & 119) : larges d’environ 8 à 12 mm et épaisses de 1,5 à 3 mm, les rares spécimens entiers atteignent 30 mm de long. Compte-tenu de l’importante fragmentation des lamelles de Marseillon, on peut estimer qu’il s’agit là d’une estimation minimale de leur longueur. Outre une différenciation métrique avec les productions carénées, ces lamelles témoignent également d’une plus grande rectilinéarité.

Elles sont obtenues aux dépens de nucléus en tous points similaires aux nucléus laminaires sur le plan de leur structure volumétrique (Figs. 120-121). Ces nucléus forment un groupe dimensionnellement homogène avec des tables lamellaires comprises entre 50 et 60 mm de long pour 35 à 50 mm de large. Strictement unipolaires, ils sont de morphologie prismatique à pyramidale avec des surfaces d’exploitation aux bords convergents en partie distale. Cette convergence est obtenue par le biais d’enlèvements latéraux d’axe oblique au sens de détachement principal des supports. A l’image des nucléus laminaires, la mise en forme des volumes est peu poussée et il est fréquent que dos et flancs demeurent corticaux tout au long de l’exploitation. Le plan de frappe est lisse et peut être entretenu par l’enlèvement de tablettes de ravivage. Ce caractère est en accord avec les talons des lamelles, invariablement lisses ou punctiformes et soigneusement abrasés. Sur les nucléus, des contre-bulbes assez prononcés et la

délinéation denticulée de la corniche indiquent que les derniers produits étaient détachés à la pierre. Production sur face large

Lamelles simples 2

Lamelles autres

Talons lisses abrasés

3

2

Talons punctiformes abrasés

4

Talons lisses

Talons corticaux Talons fracturés

Total

1 5

14

3

Total

2 5 4 1 5 17

Tableau 39 : types de talon des lamelles issues des nucléus sur face large

227

Figure 119 : lamelles rectilignes de plus grand module que celles issues de l’exploitation des nucléus carénés de type « grattoir »

Figure 120 : nucléus à lamelles sur face large de Marseillon

Deuxième partie - Les premières expressions du Solutréen dans le Sud-Ouest français -

Figure 121 : nucléus à lamelles sur face large de Marseillon

228

Exploitation sur tranche d’éclat ou de lame Pour finir, nous évoquerons la présence de 2 nucléus sur tranche, découverts en 2008 et intégrés à la présente étude dans la mesure où ils illustrent un mode d’exploitation qui n’est pas représenté dans la série 2007. L’un est réalisé sur un fragment distal d’une forte lame d’entretien, le second sur un éclat d’entame détachée par percussion directe dure et rentrante. Dans les deux cas, des lamelles ont été détachées sur la tranche du support, à l’intersection des faces supérieure et inférieure. Hormis l’enlèvement d’un petit éclat ou la réalisation d’une grossière troncature, aucun aménagement préalable n’a été relevé. Dans le cas du nucléus sur éclat d’entame, le dernier enlèvement lamellaire a totalement oblitéré le reste de la production. Celui-ci est irrégulier et devait présenter un pan partiellement cortical. On est mesure de se demander si d’autres supports lamellaires ont été extraits aux dépens de ce support. La situation est différente pour la « lamenucléus » puisque 3 négatifs lamellaires réguliers sont encore visibles, le dernier long de 40 mm pour 4,5 mm de large.

de petites dimensions (5 à 6 mm de large pour 2 mm d’épaisseur) ont été sélectionnées. L’une est très certainement issue d’un « grattoir » caréné, la seconde l’étant probablement. Les deux autres spécimens sont confectionnés sur des lamelles d’entretien ; elles sont plus larges (10 et 12 mm) et plus épaisses (2,5 et 3 mm) et ne peuvent être rapportées à un schéma particulier d’exploitation. Les lamelles à dos mince (n=2) Ces lamelles présentent un dos mince aménagé par une retouche directe, abrupte et totale. Les dos sont minces et ne dépassent pas 2 mm d’épaisseur. Il s’agit dans les deux cas de très petits fragments n’excédant pas 10 mm de long. Leurs dimensions (8 mm de large et 2 mm d’épaisseur pour la première, 5 et 2,1 pour la seconde) sont compatibles au schéma opératoire caréné de type « grattoir »

VII.3. De rares lamelles retouchées Six lamelles retouchées ont été reconnues (Fig. 122) ; elles se partagent en 4 lamelles à retouche marginale sur un bord (Fig. 122, 3-6) et 2 lamelles à dos mince (Fig. 122, 1-2). Les lamelles à retouche marginale (n=4) Il s’agit de lamelles retouchées sur un bord. La retouche, directe dans 2 cas, inverse dans 2 autres est fine, très courte, semi-abrupte ; elle est partielle dans 2 cas et couvre la totalité du bord dans deux autres. Elles sont toujours fracturées et ne portent aucun stigmate expliquant leur mode de fracturation. Dans deux cas, des lamelles simples

Figure 122 : lamelles retouchées de Marseillon. 1-2 : à dos mince ; 3-6 : à retouche marginale

Chapitre 6 – Les industries à pointes de Vale Comprido, les débuts du Solutréen dans le Sud-Ouest français -

À Marseillon, la sphère lamellaire témoigne donc d’une certaine diversité, tant dans les morphotypes de supports recherchés que dans les types d’exploitation mis en jeu pour y répondre. Les nucléus carénés de type « grattoir » sont toutefois largement dominants et accompagnés de productions secondaires visant la recherche de lamelles plus élancées. Le faible nombre de lamelles retouchées et l’aspect très marginal de ces aménagements traduisent la recherche prioritaire de tranchants bruts. Les productions lithiques de Marseillon se caractérisent donc par deux schémas opératoires principaux. Le premier, laminaire, est orienté vers la production de supports convergents à partir de nucléus sur face large. Ces supports sont soit laissés bruts, soit transformés en pointes de Vale Comprido. Ces exploitations fournissent également des lames à bords parallèles qui pourraient constituer une intention secondaire. Les rares spécimens retouchés sont des lames d’aménagement, corticales le plus souvent, transformées en grattoirs. Le second schéma produit de petites lamelles courbes à partir de nucléus carénés recherchées pour leur tranchant brut. Ces deux schémas sont associés à des exploitations secondaires (production de lames légères par percussion directe tendre et de lamelles rectilignes de plus grand gabarit à partir de nucléus non-carénés) qui, en l’état des recherches sur le site, sont encore mal documentées. Nous allons voir cependant que de premières comparaisons avec le site éponyme de Vale Comprido-Encosta (Portugal) témoignent de profondes affinités avec Marseillon. Les deux schémas principaux s’y expriment en effet selon les mêmes modalités et les mêmes intentions. Ils sont aussi associés à des productions secondaires en tous points comparables à celles que nous avons observées à Marseillon.

Seuls les supports aménagés par une retouche ont été pris en considération, et ce même si les auteurs de la définition de ce type (Zilhão et Aubry, 1995) y intègrent également des supports bruts, se basant alors sur leurs spécificités et les caractéristiques du schéma opératoire dont ils proviennent. Par prudence, nous avons écarté ces supports non retouchés évoquant dans certains cas la morphologie des pointes de Vale Comprido. 42 Observation effectuée à partir des dimensions maximales. 43 Les supports présentant deux nervures sont les plus fréquents ; lorsqu’une seule nervure est présente, elle se situe approximativement au centre du support et son orientation est identique à l’axe morphologique du support. 44 Cette observation est valable pour les pointes de Vale Comprido de grand et moyen module. La longueur maximale de ces produits lamellaires peut atteindre 40 mm. 45 Quelques pièces présentent des endommagements de leur extrémité distale, liés à des phénomènes récents. Ils restent en général de faible ampleur et ceci permet dans l’ensemble de considérer comme valide la longueur des produits. 41

229

Les premières expressions du Solutréen dans le Sud-Ouest français Chapitre VII Les productions lithiques au Protosolutréen Premiers éléments de technologie comparée

Chapitre 7 – Les productions lithiques au Protosolutréen : premiers éléments de technologie comparée -

L’ensemble lithique de Marseillon permet de définir une entité typo-technologique cohérente qui présente des affinités et des différences avec le Solutréen ancien classique à pointes à face plane. Avant d’évaluer la portée des comparaisons qui peuvent être établies entre les ensembles à pointes de Vale Comprido d’une part et à pointes à face plane d’autre part, voyons d’abord comment la série de Marseillon s’intègre à une entité typotechnologique cohérente à l’échelle de l’Europe du Sud-Ouest. Pour ce faire, il convient de s’écarter assez largement de notre aire d’étude tant les ensembles à pointes de Vale Comprido demeurent rares et méconnus dans le Sud-Ouest français. Il en va tout différemment au Portugal où la fin du Gravettien et les débuts du Solutréen constituent les épisodes les mieux documentés du Paléolithique supérieur (Zilhão, sous-presse).

I. Le Protosolutréen au Portugal Depuis plus de 20 ans, l’essor des recherches sur la séquence du Paléolithique supérieur portugais fournit un cadre documentaire inégalé en Europe du sud-ouest en ce qui concerne le passage du Gravettien au Solutréen. De nombreux sites de plein air ont fait l’objet de fouilles récentes et une large part peut être positionnée au sein d’une courte fourchette chronologique, puisqu’ils sont datés immédiatement avant et après le Dernier Maximum Glaciaire. Le modèle développé (voir p.e. Zilhão , 1997, sous-presse ; Zilhão et Aubry, 1995 ; Zilhão et al., 1999 ; Almeida, 2000, 2006) se fonde sur les nombreuses données réunies, en particulier dans l’Estremadura, bande côtière de 60 km de large au nord de Lisbonne, délimitée par la rivière Mondego au nord et le Tage au sud. Ils insistent notamment sur l’origine locale du Solutréen depuis les ensembles terminaux du Gravettien et mettent l’accent sur la distinction d’au moins 3 phases chrono-typo-technologiques (Gravettien final, terminal et Protosolutréen) au cours des enregistrements du Dernier Maximum Glaciaire, soit globalement entre 22 500 et 20 500 BP. La richesse de la documentation archéologique pour la période mentionnée est ici à mettre en relation avec les processus géologiques contrôlant sur un plan régional la formation et la conservation des dépôts continentaux du Pléistocène supérieur récent. Les principaux termes de la transition gravetto-solutréenne peuvent être résumés de la manière suivante (Almeida, 2000, 2006 ; Zilhão et Almeida, 2002 ; Zilhão, sous-presse) : Gravettien final, équivalent du Protomagdalénien du Sud-Ouest, caractérisé

™

par une production laminaire unipolaire au percuteur tendre associée à de nombreuses lamelles à dos parfois tronquées ainsi que des micro-gravettes. Les « grattoirs » carénés feraient ici l’objet d’une première et encore timide réapparition, fournissant pour l’essentiel des lamelles à retouche marginale. Les datations situent cette phase aux alentours de 22 000 BP. Gravettien terminal où le débitage laminaire demeure stable et comparable, dans les procédés mis en œuvre, à la phase précédente. En revanche, les lamelles à dos assez épais tout comme les micro-gravettes sont désormais remplacées par de petites et fines lamelles à retouche marginale issues de nucléus carénés (« grattoirs » carénés ou à museau sur un plan typologique). Cette phase, probablement équivalente sur un plan chronologique et typo-technologique à l’ « Aurignacien V » du Sud-Ouest français, a été récemment individualisée des industries protosolutréennes à pointes de Vale Comprido qui lui font suite (Almeida, 2000 ; Almeida et Zilhão, 2003 ; Zilhão sous-presse). Elle se caractérise également par une économie des matières premières particulière au sein de laquelle l’usage du quartz, déjà sensible au Gravettien final, augmente fortement pour atteindre près de 40% du total de la série à Gato Preto. De plus, et contrairement à d’autres complexes du Paléolithique supérieur portugais, le quartz n’est pas ici un matériau de second choix destiné à des technologies expédientes. Les productions lamellaires en quartz sont, dans leurs modalités, strictement identiques à celles conduites à partir de silex. Les datations situent cette phase aux alentours de 21 500 BP.

™

Enfin, le Protosolutréen, qui se caractérise par une double orientation technologique : les productions lamellaires sont très majoritairement conçues à partir de nucléus carénés et des pointes lithiques aménagées en Vale Comprido sont obtenues par l’intermédiaire d’une production de supports triangulaires convergents par percussion directe dure. Ceux-ci font l’objet d’un aménagement le plus souvent assez sommaire, visant à les amincir en partie proximale par l’intermédiaire d’enlèvements extraits depuis le talon. Il s’agit bien entendu des pointes dites de Vale Comprido. En termes chronologiques, le Protosolutréen n’apparaîtrait pas avant 21 500 – 21 000 BP. Le développement ultérieur de la séquence solutréenne portugaise se

™

233

Deuxième partie - Les premières expressions du Solutréen dans le Sud-Ouest français -

caractériserait par l’absence du Solutréen ancien « classique » à pointes à face plane et l’on passerait ensuite directement au Solutréen moyen à feuilles de laurier, aux alentours de 20 500 – 20 000 BP.

234

Précisons d’emblée qu’au moment où les industries à pointes de Vale Comprido ont été définies, les deuxième et troisième phases de cette transition étaient réunies au sein d’un même ensemble, le Protosolutréen (Zilhão et Aubry, 1995 ; Zilhão et al., 1999). J. Zilhão laissait en suspend l’hypothèse d’une transition en deux ou trois temps (Zilhão, 1995 ; Zilhão et al., 1999). À ce moment, les ensembles comparés à l’Aurignacien V français tout comme ce dernier étaient interprétés comme un faciès d’activités spécialisé du Protosolutréen. Depuis les travaux de F. Almeida (Almeida, 2000 ; Zilhão et Almeida, 2002 ; Zilhão, sous-presse), qui a montré que la présence de pointes de Vale Comprido dans les ensembles type « Aurignacien V » au Portugal pouvaient résulter de contamination, ces industries ont pris une place à part entière dans le déroulement de cette transition et ils sont désormais réunis sous le terme de Gravettien terminal.

I.1. Définition Protosolutréen

technologique

du

Les pointes de Vale Comprido et leur mode de production Sur un plan chrono-culturel, l’outil diagnostique du Protosolutréen correspond à la pointe de Vale Comprido dont les supports sont obtenus par l’intermédiaire d’un schéma opératoire spécifique (Figs. 123-125). Isolées pour la première fois à partir de l’industrie issue des fouilles anciennes réalisées sur le site de Vale Comprido-Encosta par A. Marks et J. Zilhão (Zilhão, 1987), elles ont d’abord été intégrées au type des lames appointées et décrites comme des lames ou éclats de morphologie triangulaire, évoquant les pointes Levallois du Proche-Orient et portant des retouches à la base ou sur l’extrémité distale. Devant la particularité de ces objets et leur présence récurrente dans plusieurs séquences, ces pointes ont fait l’objet d’une étude spécifique, conduisant à leur définition en un type propre.

Ces pointes sont réalisées aux dépens de supports plus ou moins élancés et de morphologie généralement triangulaire (Zilhão et Aubry, 1995). Il peut s’agir d’éclats ou de lames qui proviennent majoritairement de nucléus dits prismatiques à tendance pyramidale (Fig. 126). Ces derniers sont

gérés depuis un plan de frappe unique qui demeure le plus souvent lisse. Les stigmates d’une percussion directe dure sont clairement perceptibles sur les nucléus, constat confirmé par les talons épais des supports produits et leurs stigmates de percussion : point d’impact bien délimité, ondulations marquées... À l’abandon, ces nucléus attestent généralement de la recherche de supports triangulaires en position centrale sur la surface d’exploitation. Cette morphologie est fréquemment entretenue par éclats de « recentrage » en position latérale, de direction centripète ou oblique par rapport à l’axe d’allongement de la surface de débitage. Dans certains cas, ces enlèvements sont débordants et contribuent de la sorte à l’entretien des convexités latérales. L’aménagement des nucléus indique que la réalisation de crête n’était pas une option privilégiée par les tailleurs, lui préférant des enlèvements latéraux pour assurer la mise en place des convexités. En règle générale, les nucléus sont abandonnés à un stade d’exhaustion peu avancé. Ce schéma opératoire, prioritairement orienté vers la recherche de supports triangulaires, est décrit, par comparaison avec les méthodes Levallois telles que définies par E. Boëda (1994), comme unipolaire récurrent avec maintien des convexités distales et latérales (Zilhão et Aubry, 1995). L’aménagement des pointes de Vale Comprido consiste prioritairement en un amincissement de la base à partir du talon lisse, toujours conservé. Plusieurs arguments attestent avec certitude que ces aménagements proximaux sont effectués suite au détachement du support et constituent donc une phase de retouche de l’outil et non un procédé technique intervenant en cours de production : ™ l’amincissement est réalisé à partir du talon mais utilise parfois les bords proximolatéraux comme plan de frappe des enlèvements extraits, attestant que cette régularisation est nécessairement effectuée après le détachement du support ; ™ dans quelques cas, certes rares, les enlèvements dorsaux sont associés à une retouche inverse plus ou moins rasante, ôtant le bulbe de percussion ; ™ enfin, les rebroussés parfois très importants qu’impliquent ce type d’aménagement auraient perturbé voire empêché l’extraction des supports s’ils avaient été présents sur le nucléus.

Chapitre 7 – Les productions lithiques au Protosolutréen : premiers éléments de technologie comparée -

L’examen de la variabilité de ces pointes aboutit à la création de trois sous-types sur la base du degré d’extension de la retouche : ™ sous-type A avec uniquement une base amincie par l’intermédiaire d’enlèvements extraits depuis le talon ;

support et, au moins, la base et les tranchants ; ™ enfin, sous-type C présentant des caractères intermédiaires entre les deux soustypes précédents.

™ sous-type B avec une retouche extensive, parfois plate, affectant différentes zones du

235

Figure 123 : chaîne opératoire de production et utilisation de pointes de Vale Comprido reconstituée par expérimentation à partir des données de gisement éponyme de Vale CompridoEncosta (d’après Zilhão et Aubry, 1995)

Deuxième partie - Les premières expressions du Solutréen dans le Sud-Ouest français -

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Figure 124 : pointes de Vale Comprido du site protosolutréen éponyme de Vale Comprido-Encosta (Portugal, d’après Zilhão, 1995, modifié). Noter la présence de probables stigmates d’impact sur les pièces 3 & 8

Chapitre 7 – Les productions lithiques au Protosolutréen : premiers éléments de technologie comparée -

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Figure 125 : pointes de Vale Comprido du site protosolutréen éponyme de Vale Comprido-Encosta (Portugal, d’après Zilhão, 1995, modifié). Noter la présence d’un probable stigmate d’impact sur la pièce 9

Deuxième partie - Les premières expressions du Solutréen dans le Sud-Ouest français -

Ces trois sous-types sont en totale continuité et pourraient correspondre à des stades d’abandon différents de ces outils. À Vale CompridoEncosta, l’analyse métrique rend compte d’une relative standardisation selon les sous-types considérés. En moyenne, les pointes de Vale Comprido y sont longues de 48 à 51 mm pour une largeur oscillant entre 19 et 22 mm et une épaisseur proche de 6 mm.

238

D’un point de vue fonctionnel, la présence de traces d’impact caractéristiques, principalement sous la forme de « fractures en languette », permet d’envisager un usage en pointes de projectile (Zilhão et Aubry, 1995 ; Zilhão et al., 1999 ; Zilhão, sous-presse). Ces stigmates s’observent pour l’essentiel sur les spécimens les plus amplement retouchés, intégrés au sous-type B. Ils sont en revanche rares sur les pointes à tranchant brut (sous-type A). J. Zilhão et T. Aubry plaident pour une hypothèse « économique » qui verrait les pointes du sous-type A constituer une sorte de réserve, constituée de pièces destinées à être réaménagées ultérieurement dans le temps et l’espace. En effet, si le sous-type A est fréquent sur les sites de plein air localisés à proximité de gîtes de matières premières, il en va différemment dans les occupations en grotte où il est fréquent de retrouver des pointes ayant fait l’objet de retouches successives de ravivage des tranchants, donnant parfois lieu à des bords denticulés. Ces derniers en concluent qu’il est envisageable que « (..) l’extension différentielle de la retouche qui est à la base de la reconnaissance des trois sous-types soit en rapport avec le stade « ontogénétique » d’abandon plutôt qu’avec une variabilité fonctionnelle interne du type » (Zilhão et Aubry, 1995, p. 134). Enfin, les pointes de Vale Comprido sont associées à un outillage du fonds commun assez ubiquiste (Fig. 127). Les ensembles sont clairement dominés par les grattoirs, qui constituent 36% de l’outillage sur le site éponyme et sont principalement réalisés sur des produits de dégrossissage et de mise en forme des nucléus. Ce constat peut même être élargi à l’ensemble des outils du fonds commun dont plus de la moitié est confectionnée sur supports corticaux. Il est vraisemblable que l’outillage de fonds commun associé soit réalisé sur des sous-produits du schéma d’obtention des pointes. Une chaîne opératoire laminaire secondaire par percussion tendre organique

L’analyse des supports laminaires révèle la présence d’un autre schéma opératoire conduit par

percussion tendre organique. Ces lames sont plus légères que les pointes sus-décrites, larges en moyenne de 16 mm pour 5 mm d’épaisseur et sont extraites aux dépens de nucléus prismatiques à plan de frappe plus incliné que ceux produisant des pointes. Cette modalité de débitage donne lieu également, en fin d’exploitation, à la production de lamelles « larges », d’environ 10 mm. Il est à noter la relative continuité de ce schéma opératoire avec le mode de production dominant caractérisant les ensembles antérieurs du Gravettien final. Dans ce dernier cas, les lames peuvent être retouchées latéralement, aménagement correspondant alors à la définition de la retouche dite protomagdalénienne. De telles lames à retouche latérale existent également dans le Protosolutréen et sont confectionnées sur les supports extraits par percussion tendre. En revanche, la retouche y est moins soignée qu’au Gravettien final. Les productions lamellaires

L’ancienneté des fouilles à Vale CompridoEncosta empêche une perception fine des productions lamellaires puisque les sédiments n’ont pas été tamisés et que la série peut donc comporter des biais dimensionnels. Aucune lamelle retouchée n’a été reconnue lors des études récentes de cette série (Zilhão, 1995) et la production de lamelles est très minoritaire (Zilhão et Aubry, 1995). Retenons qu’à Vale CompridoEncosta, une large part des nucléus portant des négatifs d’enlèvement lamellaires sont des nucléus carénés de type « grattoir ».

I.2. Synthèse Ce rapide aperçu comparatif avec la série protosolutréenne de référence de l’Estremadura permet d’ores et déjà de souligner les profondes similitudes avec l’industrie de Marseillon. La seule présence de pointes de Vale Comprido à Marseillon nous avait rapidement conduit à proposer l’attribution de la série à ce contexte industriel (Teyssandier et al., 2006). Celle-ci est maintenant renforcée par la prise en considération de leur schéma d’obtention et des autres productions associées. Dans les deux cas, la recherche de supports triangulaires donne lieu à la mise en œuvre d’une chaîne opératoire particulière entièrement conduite par percussion directe dure. La méthode poursuivie et la gestion des nucléus sont en tous point comparables, renforçant la valeur de ce type reconnu depuis peu. À Marseillon, la diversité

Chapitre 7 – Les productions lithiques au Protosolutréen : premiers éléments de technologie comparée -

typologique des pointes est moindre, en particulier du point de vue de l’ampleur de la retouche. Comme le soulignent J. Zilhão et T. Aubry (1995) pour les séquences du Portugal, ce pourrait être lié au contexte particulier de Marseillon,

correspondant à une occupation de plein air implantée à proximité immédiate des gîtes de silex maastrichtiens de Chalosse.

239

Figure 126 : nucléus sur face large associés aux pointes de Vale Comprido du site protosolutréen éponyme de Vale Comprido-Encosta (Portugal, d’après Zilhão, 1995, modifié)

Deuxième partie - Les premières expressions du Solutréen dans le Sud-Ouest français -

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Figure 127 : outillages du fonds commun (1-12 : 1-9 : grattoirs ; 10 : troncature ; 11-12 : burins) et pointes de Vale Comprido (13-15) du site protosolutréen éponyme de Vale Comprido-Encosta (d’après Zilhão, 1995, modifié). Noter que la pièce 11 pourrait correspondre à une pointe de Vale Comprido recyclée en burin, voire même à une pointe avec impact de projectile

Chapitre 7 – Les productions lithiques au Protosolutréen : premiers éléments de technologie comparée -

À notre échelle de résolution, certes encore approximative puisque ces comparaisons portent sur des ensembles éloignés d’environ 1 000 km et dont certains comme Marseillon ne sont pas datés, les autres productions associées vont également dans le sens d’une forte homogénéité de cet épisode initial du Solutréen. A Marseillon, comme au Portugal, on note la présence de quelques supports laminaires légers détachés par percussion directe tendre organique. Dans tous les cas, ces lames semblent provenir de nucléus différents de ceux fournissant les pointes. Encore imprécises, nos données demandent à être consolidées dans le cas de Marseillon mais il apparaît, comme au Portugal, que cette intention demeure secondaire vis-à-vis de la production des supports convergents. Enfin, l’obtention de lamelles constitue, dans les deux cas, un pôle d’attention privilégié des tailleurs. Le recours à l’utilisation de nucléus carénés signe là encore un point de filiation entre le site chalossais et les séquences lusitaniennes. Celui-ci se lit au travers de la recherche de petites lamelles généralement courtes, étroites, minces et de profil majoritairement peu courbe. Dans l’ensemble, les supports lamellaires sont rarement retouchés et il semble que la mise en œuvre de ces productions carénées vise principalement l’obtention de lamelles brutes destinées à être emmanchées en l’état. Dans quelques cas, des lamelles peuvent être retouchées : elles donnent alors lieu à la réalisation de lamelles à retouche marginale ou à dos mince. D’un point de vue typo-technologique, il ne fait guère de doute que Marseillon et les ensembles du Protosolutréen portugais doivent être insérés au sein d’un même techno-complexe. Il nous reste cependant à décrypter son extension géographique puisque cette tendance technique est finalement reconnue depuis peu à l’échelle de l’histoire des recherches sur le Paléolithique supérieur.

II. La transition gravetto-solutréenne dans le Sud-Ouest français Contrairement à l’Estremadura portugaise, les séquences livrant un enregistrement archéologique détaillé pour cette portion du Dernier Maximum Glaciaire sont rares dans le Sud-Ouest français. Toutefois, suite à l’hypothèse d’une évolution locale depuis les stades final et terminal du Gravettien vers le Protosolutréen au Portugal, il a été proposé qu’une évolution similaire pouvait avoir eu lieu en Aquitaine, à Casserole et LaugerieHaute en particulier (Zilhão et Aubry, 1995 ; Zilhão et al., 1999). À Casserole, les fouilles sont récentes et les sédiments entièrement tamisés, assurant ainsi une récupération intégrale des outillages lamellaires notamment. Les données préliminaires publiées il y a plus de 10 ans maintenant (Aubry et al., 1995) tendent à confirmer la tendance d’évolution décrite au Portugal.

II.1. Les données de l’abri Casserole (d’après

Aubry et al., 1995)

L’abri Casserole est localisé dans la vallée de la Beune sur la commune des Eyzies-de-Tayac en Dordogne. L’abri a été fouillé sous la direction de L. Detrain dans le cadre des opérations archéologiques de sauvetage liées à l’extension du Musée National de Préhistoire entre 1991 et 1993. La conservation des dépôts archéologiques a été conditionnée par le détachement d’énormes blocs effondrés à différents moments : « les premiers, détachés des falaises sommitales, se sont arrêtés devant le gisement, piégeant les sédiments en les empêchant de glisser sur le versant ; les derniers, issus de l’abri lui-même, ont localement scellé les dépôts » (Aubry et al., 1995, p. 297). La séquence, épaisse de plus de 3 mètres, permet de distinguer 14 niveaux archéologiques depuis le Gravettien jusqu’au Magdalénien supérieur.

Niveau

Attribution culturelle

Pointes lithiques

Lamelles retouchées

7 8 8b 9 10 10b

Solutréen supérieur Solutréen moyen Solutréen ancien Protosolutréen Protosolutréen Gravettien final

PAC et FDL PAFP et FDL PAFP Supports pour PVC PVC

lamelles à dos lamelles brutes lamelles brutes lamelles à retouche marginale lamelles à retouche marginale lamelles à dos bitronquées

Tableau 40 : Archéo-séquence schématique de l’abri Casserole (d’après Aubry et al., 1995). PVC : pointes de Vale Comprido ; PAFP : pointes à face plane ; FDL : feuilles de laurier ; PAC : pointes à cran

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Deuxième partie - Les premières expressions du Solutréen dans le Sud-Ouest français -

La charnière gravetto-solutréenne peut être résumée de la manière suivante (Tabl. 40) : ™ suite à deux niveaux gravettiens formant la base de la séquence et contenant des gravettes (couche 12), des micro-gravettes et des burins de Noailles (couches 12 et 11), se développe la couche 10b attribuée à un Gravettien final riche en burins de types divers et en lamelles à dos bitronquées ; ™ viennent ensuite les couches 10 et 9 attribuées au Protosolutréen et comparées à l’Aurignacien V de Laugerie-Haute ; ™ elles sont suivies par une séquence solutréenne classique, débutant avec la couche 8b (Solutréen ancien à pointes à face plane), puis la couche 8 (Solutréen moyen à pointes à face plane et indices de façonnage de feuilles de laurier) et enfin la couche 7 (Solutréen supérieur à pointes à cran et feuilles de laurier).

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Les niveaux 10 et 9 attribués au Protosolutréen se caractérisent par l’association de pointes de Vale Comprido et de lamelles à retouche marginale. Si la chaîne opératoire des Vale Comprido n’est pour l’heure pas décrite sur ce site, les lamelles sont obtenues à partir de nucléus carénés majoritairement à front étroit (« grattoir » à museau). Celles détachées au centre de la surface de débitage sont majoritairement pointues et subrectilignes à peu courbes de profil. L’obtention des supports de ces nucléus donne lieu à la mise en œuvre d’un débitage d’éclats entièrement réalisé par percussion directe dure aux dépens de volumes dits prismatiques. Les lamelles retouchées composent plus de 17% de l’outillage et les supports appointés par retouches marginales uni ou bilatérales sont les mieux représentés (Fig. 128). De temps à autre, leur section est corrigée au niveau du bulbe par une retouche inverse proximale ; enfin, 6 ont un dos abrupt et 2 sont tronquées. Le reste de l’outillage se compose notamment de burins, le plus souvent sur troncature oblique, de rares grattoirs minces, de couteaux à dos et de pointes à retouche marginale (pointes de Vale Comprido). La description encore incomplète des ensembles lithiques des couches 10 et 9 de Casserole ne permet pas d’opérer de comparaisons précises avec Marseillon par exemple.

Deux points nous semblent essentiel pour la suite de cet exposé : ™ l’association des pointes de Vale Comprido à des lamelles à retouche marginale obtenues aux dépens de nucléus carénés ; ™ la position stratigraphique intermédiaire de ces ensembles lithiques entre un Gravettien final et un Solutréen ancien à pointes à face plane.

Il importerait ici de connaître l’importance respective de ces chaînes opératoires et leur éventuelle association avec d’autres productions. En effet, depuis la publication de cette première étude (Aubry et al., 1995 ; Zilhão et al., 1999), les industries alors comparées à l’Aurignacien V sont désormais écartées du Protosolutréen pour être insérées dans un Gravettien terminal. Dans le cas de Casserole, et dans l’attente de travaux qui restent à publier, il n’est pas possible de statuer définitivement sur l’attribution des couches 10 et 9 : s’agit-il d’un Gravettien terminal ou d’un Protosolutréen comparable à celui de Vale Comprido-Encosta et Marseillon ? Sur un plan local, seules les séquences de Laugerie-Haute Est et Ouest peuvent apporter des éléments de réponse. Nous verrons toutefois que la situation y est complexe et demanderait la reprise d’études détaillées.

II.2. La question de l’ « Aurignacien V » de Laugerie-Haute : Gravettien terminal ou Protosolutréen ? Depuis sa découverte, l’Aurignacien V correspond certainement au découpage chrono-culturel le plus controversé de la séquence du Paléolithique supérieur du Sud-Ouest français (voir p.e. Bordes et Sonneville-Bordes, 1958 ; Bordes, 1958 ; Laville et al., 1980 ; Sonneville-Bordes, 1983). Deux raisons principales expliquent cet état de fait : ™ la définition de l’Aurignacien V ne repose que sur la seule séquence de Laugerie-Haute ; ™ sa définition, partielle, est strictement typologique et uniquement établie par comparaison avec les ensembles gravettiens auxquels il succède. De ce fait, les auteurs n’ont pas toujours cherché à définir l’Aurignacien V pour lui-même mais davantage pour le distinguer du Gravettien en insistant sur leurs différences.

Chapitre 7 – Les productions lithiques au Protosolutréen : premiers éléments de technologie comparée -

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Figure 128 : lamelles retouchées et nucléus carénés de la couche 10 de l’abri Casserole (d’après Aubry et al., 1995, modifié). 1-25 : lamelles à dos et à retouche marginale ; 26-27 : nucléus carénés de type « grattoir » à museau épais à partir desquels les lamelles retouchées ont été détachées

Deuxième partie - Les premières expressions du Solutréen dans le Sud-Ouest français -

D’un point de vue très général, l’Aurignacien V est largement défini selon la fréquence de caractères typologiques dits « aurignaciens » : les « grattoirs » carénés et à museau y sont abondants mais, en revanche, les lamelles Dufour ou les lames aurignaciennes sont absentes. De nombreux auteurs reviennent également sur l’importance des « grattoirs » denticulés et, en règle générale, sur des outils d’allure « archaïque » comme les encoches et les denticulés. L’industrie en matière dures animales se différencierait aussi nettement de l’Aurignacien sensu stricto (Leroy-Prost, 1975, 1979). En dépit de ces différences, cette industrie a d’abord été rattachée au complexe Aurignacien (Peyrony, 1933) : les Aurignaciens auraient d’abord quitté la région suite à l’arrivée des « Périgordiens » pour y revenir après le déclin du Protomagdalénien (Bordes, 1973).

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Il faut attendre le début des années 1980 pour que D. de Sonneville-Bordes (1983) conclue à l’indépendance de l’Aurignacien V vis-à-vis de l’Aurignacien classique. En revanche, l’aspect atypique de cette industrie justifia pendant bien longtemps ne pas incorporer l’Aurignacien V dans les schémas plus généraux de l’évolution des industries au Paléolithique supérieur. Il faut en effet attendre le milieu des années 1990 et la découverte d’industries comparables au Portugal (Zilhão et Aubry, 1995 ; Zilhão et al., 1999 ; Almeida F., 2000, 2006) pour voir de nouveau la recherche sur cet épisode particulier relancée. Il est par ailleurs intéressant, sur un plan épistémologique, de noter que les perspectives n’étaient pas liées à une réévaluation de l’Aurignacien V, mais avaient pour objet de définir des éléments de comparaison avec la séquence du Portugal. À Laugerie-Haute, l’Aurignacien V existerait à l’Ouest là où il a d’abord été défini (couche D de Peyrony intercalée entre la couche B du Périgordien VI et la couche G du Proto-solutréen) et à l’Est dans la couche 33 des fouilles de F. Bordes (Bordes et Sonneville-Bordes, 1958 ; Sonneville-Bordes, 1983 ; voir Fig. 64 du chapitre 5). À l’ouest, la couche D de 40 cm d’épaisseur est très riche, pétrie d’os brisés et de produits de débitage lithique. L’outillage en matières dures animales n’est pas très abondant mais bien conservé et contient plusieurs sagaies à biseau simple et 3 sagaies à méplats médians (SonnevilleBordes, ibid.). On y remarque aussi la présence de quelques pointes à face plane résultant

probablement d’un mélange avec le Solutréen susjacent et de « grands et beaux burins dièdres droits et des grattoirs-burins », outils typiques du Protomagdalénien de l’Est (Sonneville-Bordes, 1983). Notons d’emblée que cette dernière reconnaît là la complexité de la série d’Aurignacien V qui contiendrait des éléments intrusifs avec les deux complexes l’encadrant. À l’Est, les fouilles sont plus récentes (Bordes, 1958). L’Aurignacien V y est inclus dans un complexe d’éboulis gréseux, partiellement désagrégé en sable jaune (couches 35-32), « (…) avec sur la partie gauche de la coupe un foyer isolé, discontinu et onduleux très pauvre (F7, couche 34) et vers le centre (carrés E et F), une curieuse construction tronconique, constituée d’éboulis entassés volontairement en un tas, fortement colmatés d’argile très humide, où fut recueillie entre les blocs la majeure partie du matériel lithique. La base en reposait directement sur le sommet de la couche 36 de Protomagdalénien. Le sommet du tas atteignait la partie supérieure de la couche 30 de Solutréen inférieur qui la recouvrait en cet endroit de ses sables lités » (Sonneville-Bordes, 1983, p. 347). Ces quelques lignes sur le contexte archéo-stratigraphique de l’Aurignacien V de Laugerie-Haute montrent la grande complexité de la situation et l’immense prudence qu’il convient de garder avant d’essayer d’apporter des éléments de réponse à cet épineux débat. J. Zilhão et al. (1999) et F. Almeida (2000, 2006) ont par ailleurs montré que l’industrie de l’Aurignacien V du côté Est (couche 33) correspondait à une reconstruction artificielle des données de fouille. Dans sa première publication sur le sujet, F. Bordes fait reposer la base de la « pyramide » de l’Aurignacien V sur le sommet de la couche 31 (Solutréen ancien). Un an plus tard, le profil est modifié et la base de la pyramide repose alors sur le sommet de la couche 36 protomagdalénienne (Bordes, 1958 & 1959 et Almeida F., 2000 pour la reconnaissance de cette reconstruction post-fouille de la stratigraphie). De ce fait, tous les outils de type « aurignacien » présents dans les couches encadrant la pyramide ont été retirés des ensembles et considérés comme Aurignacien V. Ainsi, les grattoirs carénés étant par essence aurignaciens, ils ne pouvaient appartenir au Protomagdalénien (couche 36) sousjacent ou au Solutréen ancien sus-jacent (couche 31). P. Smith signale par exemple au sein de la couche 31 de Solutréen ancien qu’il y a un grattoir caréné atypique et trois grattoirs à museau épais, plusieurs grattoirs à museau plat ou épaulement et quatre rabots. « Il n’est pas impossible que quelques-uns de ces derniers dérivent de l’Aurignacien V, bien que tout ait été fait pour éliminer les outils suspects dans le voisinage

Chapitre 7 – Les productions lithiques au Protosolutréen : premiers éléments de technologie comparée -

de la pyramide de l’Aurignacien V. Ces outils de type Aurignacien V sont absents du Solutréen inférieur du côté Ouest, et ceci augmente les chances qu’ils soient intrusifs dans le Solutréen inférieur du côté Est » (Smith, 1966, p. 111-112). On comprend aisément que la série princeps de l’Aurignacien V correspond donc à un tri effectué par F. Bordes, D. de SonnevilleBordes et P. Smith à la suite des fouilles qu’ils conduisirent à l’Est. Ce tri fut réalisé sous l’influence de certains préjugés rendant impossible la présence de formes aurignaciennes dans le Protomagdalénien ou le Solutréen ancien. Considérée de la sorte, la transition gravettosolutréenne ne peut être envisagée puisque seuls des ensembles « purs » la définissent. Les filiations entre ces complexes ne peuvent donc exister. Au milieu des années 1990, suite à la découverte d’ensembles comparables à l’Aurignacien V de Laugerie-Haute au Portugal, les recherches sont relancées et F. Almeida (2000) entreprend à des fins comparatives l’étude de la couche 33 de Laugerie-Haute Est. Celui-ci note d’emblée la présence de nucléus carénés de type « grattoir » considérés comme des nucléus à petites lamelles. En revanche, les lamelles sont rares (21) et aucune n’est retouchée. Ce caractère de rareté doit très certainement être imputé aux méthodes de fouille alors utilisées. F. Almeida constate également la présence de « grattoirs » carénés portant un marquage indiquant qu’ils provenaient en fait des niveaux protomagdalénien et solutréen ancien encadrant. Ce sont les seuls « outils » à porter cette indication. Dans ce cadre, il est étrange que ces contaminations n’aient concerné que les carénés ! De ce fait, les nucléus carénés caractérisent peutêtre dans son ensemble ce moment charnière entre le Gravettien et le Solutréen, même s’ils sont probablement plus abondants dans l’Aurignacien V. Les nucléus témoignent en général d’une assez grande variabilité morphologique. Les nucléus à éclats sont mieux représentés que les nucléus à lames et, dans l’ensemble, les nucléus prismatiques sont abondants (environ 50 %). Les lames sont produites très majoritairement à partir de nucléus à un plan de frappe. F. Almeida précise en outre que si l’Aurignacien V est généralement reconnu comme une industrie « archaïque » à éclats, l’orientation laminaire est notable et ne doit pas être sous-estimée. En résumé, si une large diversité morphologique caractérise dans son ensemble les nucléus, celle-ci se restreint lorsque

l’on ne considère que ceux destinés à produire des supports allongés (lames et lamelles) essentiellement obtenus aux dépens de nucléus prismatiques ou carénés. L’aménagement des volumes et les préparations au détachement sont dans l’ensemble très limités et la percussion directe dure semble exclusive. F. Almeida conclue en insistant sur les comparaisons probantes entre l’Aurignacien V de la couche 33 et les ensembles du Gravettien terminal portugais (Gato Preto et Lapa do Anecrial par exemple). Une rapide étude comparée de la couche 36 de Laugerie-Haute Est (Protomagdalénien) lui permet de rapprocher ce dernier du Gravettien final portugais : débitage plus laminaire et élégant, indices clairs d’une percussion directe tendre au vu de talons à lèvre bien développée, prépondérance des lamelles à dos absentes de l’Aurignacien V et ici souvent tronquées ou bi-tronquées et présence de lames à retouche protomagdalénienne. Dans ce cadre, la désignation « Aurignacien V » doit être abandonnée et laisser place au terme de « Gravettien terminal ». Celui-ci serait en continuité avec le Protomagdalénien et on aurait donc, comme au Portugal, succession d’un Gravettien final (Protomagdalénien) et d’un Gravettien terminal (Aurignacien V).

III. Synthèse L’évocation des niveaux intermédiaires entre le Gravettien et le Solutréen de l’abri Casserole et Laugerie-Haute (voir Zilhão, 1995, sous-presse ; Zilhão et Aubry, 1995 ; Zilhão et al., 1999 ; Almeida, 2000, 2006) clarifie certaines zones d’ombre : ™ l’industrie de la couche 33 de LaugerieHaute Est, isolée dans le Sud-Ouest, trouve des parallèles convaincants avec les ensembles du Gravettien terminal portugais ; si le débitage d’éclats y est abondant, il est loin d’être exclusif et est associé à un débitage laminaire unipolaire et de lamelles à partir de nucléus (« grattoirs ») carénés ; ™ une filiation est de la sorte envisagée avec les ensembles sous-jacents caractérisant au Portugal le Gravettien final ; ceux-ci correspondraient au Protomagdalénien aquitain caractérisé par son « élégant » débitage laminaire, ses lames à retouche protomagdalénienne et ses lamelles à dos tronquées ou bitronquées ;

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Deuxième partie - Les premières expressions du Solutréen dans le Sud-Ouest français ™ depuis le Gravettien final vers le Gravettien terminal, on assisterait à une augmentation des productions lamellaires carénées ; corrélativement, les lamelles à dos diminueraient fortement pour être remplacées par des lamelles laissées brutes ou retouchées marginalement ;

le constat dressé par C. Leroy-Prost dans les années 1970 sur les industries en matières dures animales conforte cette perception : « Si, d’après l’avis des spécialistes, l’industrie lithique de Laugerie-Haute ouest, couche D, et de Laugerie-Haute est, couche 33, présente bien les caractères d’un Aurignacien terminal, par contre il nous semble que l’industrie osseuse ne justifie pas vraiment ce rattachement. Elle nous paraît montrer une filiation très nette avec l’outillage osseux protomagdalénien, mais ne révèle aucune tradition aurignacienne » (Leroy-Prost, 1979, p. 289). On ne peut que regretter que cette position n’ait pas été pleinement considérée au moment où se tenait le débat sur la nature de l’Aurignacien V en France.

™

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En revanche, si ces recherches tendent à clarifier le débat portant sur la fin du Gravettien, elles ne règlent pas à nos yeux la question qui nous préoccupe ici, celle de l’ « origine » ou plutôt des premières formes d’expression du Solutréen : ™ que ce soit à Casserole ou LaugerieHaute, aucune donnée détaillée n’est fournie sur les premiers ensembles solutréens ; ™ le fait que le Gravettien terminal (ex Aurignacien V) soit considéré en filiation avec le Gravettien final (Protomagdalénien) ne garantit pas qu’il en soit exactement de même avec les ensembles solutréens ;

le problème du statut de l’ex Aurignacien V dans le Sud-Ouest demeure entier ; est-ce une entité propre comme ce semble être maintenant le cas au Portugal (Almeida, 2000, 2006 ; Zilhão, sous-presse) ou un faciès d’activités spécialisé du Protosolutréen comme ces mêmes auteurs le soutenaient quelques années auparavant (Zilhão et Aubry, 1995 ; Zilhão et al., 1999) ? Dans ce cadre, les niveaux 10 et 9 de Casserole posent problème puisqu’ils étaient alors comparés à l’Aurignacien V (Aubry et al., 1995) et intégrés au Protosolutréen. Le fais que s’y développent des pointes de Vale Comprido alors qu’elles ne sont pour l’heure pas signalées dans la couche 33 de l’ex Aurignacien V de Laugerie™

Haute Est tend à les situer postérieurement à celui-ci et donc à les interpréter comme un Protosolutréen véritable. Ainsi, plusieurs constats d’attente peuvent être exposés sur lesquels nous essaierons de revenir dans le chapitre suivant : un Protosolutréen est certes distingué tant à Casserole qu’à Laugerie-Haute (Zilhão et al., 1999) mais force est de constater que la définition typo-technologique des ensembles en présence demeure lacunaire. Les études conduites ont pour l’heure surtout insisté sur le rapprochement probant de ces industries avec le Gravettien terminal et le Protosolutréen du Portugal. Cependant, il faut maintenant se demander si ces différents niveaux (9 et 10 de Casserole et 33 de Laugerie-Haute Est) composent une seule ou deux entités successives : Gravettien terminal et Protosolutréen. Une étude d’ensemble des niveaux en position intermédiaire entre le Gravettien et le Solutréen de Laugerie-Haute reste donc à entreprendre et nous avons déjà précisé qu’elle ne pourrait se faire que collectivement et sous l’angle de l’interdisciplinarité. À Casserole, les industries sont en cours de publication et nous ne disposons que d’une vision très générale ne s’appuyant pas sur une description détaillée des chaînes opératoires, notamment en ce qui concerne la production des supports de pointes de Vale Comprido ; ™

™ aucune tentative d’articulation avec les ensembles sus-jacents sur un plan stratigraphique n’a pour l’heure été réellement tentée ; cela rend délicate l’interprétation du statut de ces industries et même leur dénomination. Si elles comportent des liens à la fois avec la fin du Gravettien et le Solutréen ancien, pourquoi en faire un Protosolutréen plutôt qu’un Gravettien final ou terminal ? Et comment se fier, sans étude globale des contextes et des industries à des ensembles sous abris pour certains anciennement fouillés pour définir une phase de transition qui pose nécessairement le problème de l’intégrité des ensembles assurant sa définition. Ce point a également été relevé et illustré de manière pertinente par M. Tiffagom (2006). Ce dernier précise (Tiffagom, ibid., p. 229), comme nous venons de la faire, que le modèle de transition (cf celui exposé par Zilhão et Aubry, 1995 et Zilhão et al., 1999) « ne repose que sur de maigres

Chapitre 7 – Les productions lithiques au Protosolutréen : premiers éléments de technologie comparée -

données, extraites uniquement de deux gisements : Laugerie-Haute et l’abri Casserole » . Il pose de fait la question légitime de leur intégrité stratigraphique, notamment en ce qui concernent les ex ensembles aurignaciens V rebaptisés protosolutréens (couches 33 Est et D et H Ouest) et souligne la difficulté d’utiliser des pièces diagnostiques de l’un et l’autre des complexes encadrant pour asseoir la filiation du Protosolutréen. Ainsi, quel sens conférer à la présence de pointes à face plane épaisses dans la couche G de Laugerie-Haute Ouest. ? Résultent-elles d’une contamination avec le Solutréen ancien sus-jacent ou le qualificatif épais est-il là pour évoquer leur caractère atypique. De ce fait, ne s’agit-il pas plus simplement de pointes de Vale Comprido ? Rien dans les publications définissant le Protosolutréen et sa place transitionnelle à la charnière gravettosolutréenne ne vient étayer ce fait. Ce caractère est d’autant plus important qu’au Portugal, les travaux de F. Almeida ont bien montré que les ensembles autrefois comparés à l’Aurignacien V français et d’abord intégrés à un complexe protosolutréen étaient différents (Almeida, 2000, 2006). Ils sont désormais attribués à un Gravettien terminal, précédant immédiatement le développement du Protosolutréen à pointes de Vale Comprido. Qu’en est-il à Laugerie ? Les industries de l’ex Aurignacien V signent-elles un Gravettien terminal ou un Protosolutréen ? de plus, et c’est une carence que nous souhaitions aussi signaler, rien ne vient pour l’heure articuler l’hypothèse de filiation entre ce Protosolutréen en cours de définition et le Solutréen ancien. À Casserole, aucune donnée n’est disponible pour le niveau 8b de Solutréen ancien à pointes à face plane. Pourtant, définir des ensembles protosolutréens demande logiquement de le faire en les confrontant avec un Solutréen stricto sensu. Cette articulation est donc pour l’heure déficiente et rien n’est dit non plus à ce propos dans les propositions de structuration établies à l’aide d’études statistiques (Bosselin et Djindjian, 1997) ;

™

enfin, un dernier point problématique renvoie à la position chronologique de ces industries qui ne sont nulle part datés dans le sud-Ouest français.

™

Il nous faut donc maintenant essayer de cerner les relations entre le Protosolutréen véritable, à pointes de Vale Comprido, et les ensembles composant l’assise initiale, selon une vision plus classique, du Solutréen, à savoir ceux dominés par les pointes à face plane (Solutréen ancien). Ce sera l’un des objectifs de la synthèse à venir que d’essayer d’articuler ces deux épisodes reconnus à travers leurs modes de production lithique. En d’autres termes, il s’agira de reconsidérer les premières expressions du Solutréen en y intégrant le pôle des industries à pointes de Vale Comprido, élément nouveau au regard des travaux conduits par P. Smith sur le Sud-Ouest français. Cette relecture sera d’autant plus importante qu’au Portugal, la phase ancienne classique à pointes à face plane paraît absente. Suite au Protosolutréen, les séquences se poursuivent par un Solutréen moyen à feuilles de laurier, laissant un hiatus d’environ un millénaire en chronologie 14C.

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Innovations et évolutions techno-économiques au Solutréen Une perspective diachronique

e Troisième partie – Innovations et évolutions techno-économiques au Solutréen : une perspective diachronique

I. Protosolutréen et Solutréen ancien : deux étapes de la solutréanisation des industries dans le Sud-Ouest français Protosolutréen et Solutréen ancien peuvent désormais être considérés, dans le Sud-Ouest français, comme deux étapes successives du développement des premières expressions solutréennes. Les données archéostratigraphiques sont certes encore ténues et reposent principalement sur des extrapolations établies sur la base des séquences de Casserole et LaugerieHaute, appuyées également par les archéoséquences et la chronologie des gisements portugais (voir chapitre 6). Nous réfléchirons ici au statut et aux relations entretenues par ces deux types d’industries en les replaçant de manière dynamique dans un essai de compréhension plus général des premières expressions du Solutréen dans le Sud-Ouest français.

I.1. Les premières expressions du Solutréen dans le Sud-Ouest français : l’apport de Marseillon et la question de la filiation Protosolutréen/Solutréen ancien Par bien des aspects, Protosolutréen et Solutréen ancien pourraient apparaître assez dissemblables. Le Protosolutréen ne comporte aucun fossiledirecteur classique du Solutréen et la comparaison des outils diagnostiques de ces deux complexes peut accentuer leurs différences. En effet, jusque récemment, notre perception du Solutréen ancien reposait exclusivement sur sa typologie lithique et, en particulier, sur ses pointes à face plane les plus abouties qui n’illustraient qu’incomplètement les différentes formes d’expression de cet outil. Quant à la variabilité du Protosolutréen dans le Sud-Ouest français, elle était inconnue dans la mesure où sa présence reposait uniquement sur le signalement de pointes de Vale Comprido dans les ensembles de Laugerie-Haute et Casserole sans que sa définition technologique plus globale ne soit posée (Zilhão et Aubry, 1995 ; Zilhão et al., 1999). Considérés globalement, Protosolutréen et Solutréen ancien présentent pourtant de nombreux traits communs. Lames et lamelles : des chaînes opératoires majoritairement dissociées

Premier point, l’indépendance des chaînes opératoires lamellaires qui, le plus souvent, sont conduites indépendamment des productions laminaires. C’est là un constat schématique qui mériterait d’être relativisé en évoquant certains contre-exemples : dans quelques cas, des nucléus

originellement laminaires peuvent voir leur réduction poursuivie pour, secondairement, produire des lamelles ; il ne faut pas non plus oublier que les nucléus carénés sont eux fréquemment réalisés sur des sous-produits d’une chaîne opératoire laminaire, atténuant ainsi l’indépendance totale de ces deux systèmes. En dépit de ces points de nuance, l’option la plus couramment relevée consiste à produire des lamelles aux dépens de nucléus carénés uniquement orientés pour répondre à ces besoins. Tel est le cas dans le Protosolutréen de Marseillon ou de l’abri Casserole et dans le Solutréen ancien de la couche 6a Azkonzilo ou de la couche 31 de Laugerie-Haute Est. Des productions lamellaires majoritairement conduites aux dépens de nucléus carénés

À Marseillon comme à Azkonzilo, les productions lamellaires s’expriment le plus souvent par la recherche de petites lamelles plutôt courbes à subrectilignes obtenues aux dépens de nucléus carénés, très majoritairement des « grattoirs » sur le plan de la typologie traditionnelle. Ces deux corpus sont certes inégaux et difficilement comparables terme à terme mais nous souhaitons insister sur cette communauté. Jusqu’à présent, les productions lamellaires étaient inconnues au Solutréen ancien et, face à l’absence de lamelles à dos, l’image d’un complexe n’investissant pas la recherche de lamelles était privilégiée (Smith, 1966). Cela traduit davantage un biais déterminé par l’ancienneté des fouilles et l’absence de tamisage qu’une réalité archéologique. Le Solutréen ancien, à l’image de tous les autres complexes du Paléolithique supérieur, souligne l’importance des chaînes opératoires lamellaires dans l’organisation générale du sous-système lithique. Au Protosolutréen, les chaînes opératoires lamellaires sont essentiellement liées à des productions carénées. T. Aubry et ses collègues ont largement insisté sur ce point en ce qui concerne l’abri Casserole (Aubry et al., 1995). Il en va de même à Marseillon où un corpus relativement abondant compte-tenu de la petite surface fouillée illustre bien la place nettement dominante de ces exploitations carénées au sein des productions lamellaires. Celle-ci ne doit toutefois pas gommer la diversité de ses modes de production puisque nous avons pu montrer que des chaînes opératoires secondaires étaient orientées vers la recherche de morpho-types lamellaires de plus grand module que les petites lamelles obtenues aux dépens des nucléus carénés. Sur le plan de l’outillage, les lamelles à dos sont extrêmement rares hormis quelques spécimens à

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dos mince. Il est plus courant de retrouver des lamelles à retouche marginale. Quoi qu’il en soit, les méthodes et les intentions de ces exploitations carénées soulignent un autre registre de filiation entre Protosolutréen et Solutréen ancien. Recherches de supports allongés à bords et nervures parallèles et/ou convergents

Toujours sur le plan de l’organisation générale des systèmes de production, on relève également des éléments de comparaison significatifs au niveau des productions non-lamellaires, le plus souvent orientées vers l’obtention de supports plus ou moins laminaires au sein desquels on distingue des lames, au sens classique du terme, avec des bords et nervures globalement parallèles et des supports convergents en partie distale. Dans le détail, des différences existent, notamment dans l’impression d’un plus net élancement et de davantage de régularité des lames d’Azkonzilo ou de la couche 31 de Laugerie-haute Est. Inversement, à Marseillon, la recherche de supports convergents est plus nette et donne lieu à des productions de pointes, de lames ou encore d’éclats plus ou moins laminaires, de morphologie triangulaire et clairement pointus dès leur extraction. 252

Structures volumétriques et modalités du débitage

Ce parallèle sur le plan de l’organisation générale des productions non-lamellaires transparaît également des modalités mises en œuvre pour obtenir ces supports. Dans les deux cas, les débitages sont plutôt unipolaires, conduits sur des faces larges aux convexités atténuées avec mise en œuvre de modalités techniques particulières pour contrôler la convergence de la partie distale des nucléus et des supports qui seront produits. La structure volumétrique des nucléus est, elle aussi, comparable. Dans les deux cas, on note la présence de nucléus qui, à leur état d’abandon, peuvent opposer deux surfaces peu convexes, conduisant dans certains cas à évoquer une morphologie Levallois. Tel est le cas à Marseillon mais aussi à Laugerie-Haute Est couche 31, Badegoule et La Celle-Saint-Cyr, ces trois derniers gisements ici apparentés à un Solutréen ancien classique. L’état de ces nucléus serait imputable à une exploitation prolongée conduisant à réduire peu à peu l’épaisseur de leurs flancs. Une telle observation ne peut en revanche être réalisée à Azkonzilo où les nucléus associés à la production des supports de pointes à face plane sont absents. En revanche, l’analyse des supports de ces pointes, des lames brutes et des déchets techniques permet d’envisager un schéma opératoire de production similaire dans ses

grandes orientations. En résumé, Protosolutréen et Solutréen ancien partagent un concept opératoire similaire dans ses grandes lignes et visant la production de supports laminaires parallèles et de lames ou d’éclats allongés de type convergent. Techniques de détachement

Enfin, la percussion directe à la pierre est exclusive pour l’ensemble de ces productions nonlamellaires et est associée à des procédés de préparation privilégiant des surfaces de plan de frappe lisses ou légèrement facettées et des préparations simplifiées conduites depuis le plan de frappe vers la surface de débitage. Une différenciation s’opère toutefois entre Marseillon (Protosolutréen) d’une part et les autres ensembles apparentés au Solutréen ancien (Azkonzilo, Laugerie-Haute Est couche31 et La Celle-SaintCyr p.e.). À Marseillon, les talons sont lisses ou facettés et surtout épais, et ce même lors des phases de production des supports prédéterminés. Cela traduit une percussion dure et un coup porté assez nettement en retrait du bord de plan de frappe. Dans les autres ensembles, on note pour ces mêmes supports une percussion davantage tangentielle, venant accrocher le bord du plan de frappe. Les talons sont plus minces et plus fréquemment renforcés par une abrasion. Dans ce dernier cas, certains stigmates évoquent l’utilisation d’un percuteur de pierre tendre. En règle générale, l’usage d’un percuteur minéral caractérise donc les productions non-lamellaires du Protosolutréen et du Solutréen ancien. Une différenciation s’opère en revanche au niveau du geste de percussion, plus clairement en retrait au Protosolutréen et davantage tangentielle au Solutréen ancien et de la dureté des percuteurs minéraux utilisés. C’est à partir de cette observation que nous souhaitons introduire de nouveaux éléments de réflexion venant appuyer l’hypothèse d’une filiation entre Protosolutréen et Solutréen ancien. Nous nous sommes pour l’heure limitée à évoquer, sur un plan descriptif, des caractères généraux partagés par ces deux industries. Si ceuxci peuvent d’ores et déjà orienter la discussion, ils laissent en suspens la question centrale qui est celle de l’évolution typo-technologique d’un soussystème technique en un autre ; en l’occurrence ici, du Protosolutréen au Solutréen ancien. Pour reprendre les termes de J. Pelegrin lorsqu’il mettait en scène la formation du Châtelperronien depuis le Moustérien de Tradition Acheuléenne, « il nous faut alors raisonner en terme de système technique, formé de

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quelques concepts forts structurés entre eux par des relations d’intention » (Pelegrin, 1995, p. 263). Il convient donc ici de dépasser le constat des caractères communs partagés par ces industries pour tenter de dégager un « mécanisme explicite » (sensu Pelegrin, 1995, op. cit) reposant sur une base documentaire bien définie assurant que l’hypothèse puisse être testée, validée ou réfutée par d’autres.

I.2. De la pointe de Vale Comprido à la pointe à face plane : mécanismes d’évolution typotechnologique Nous venons de noter une modification du geste de percussion entre le Protosolutréen et le Solutréen ancien. D’une frappe en retrait du bord de plan de frappe dans le premier cas, le geste devient plus tangentiel dans le second entraînant une réduction substantielle de l’épaisseur des talons et des produits obtenus. Exprimé de la sorte, ce constat descriptif ne permet pas d’articulation dynamique entre les deux types d’industries en question. Pour le dépasser, il faut privilégier une vision systémique et englober à la fois les modalités au sein desquelles ces techniques sont mises en œuvre mais aussi, et nous aurions envie de dire surtout, les intentions poursuivies. Dans l’un et l’autre cas, l’objectif de confectionner des pointes lithiques régit en partie les systèmes de production. Aux pointes de Vale Comprido du Protosolutréen succèdent les pointes à face plane du Solutréen ancien : ™ les premières, réalisées sur des supports épais convergents en partie distale, sont en règle générale sommairement aménagées par une retouche intéressant avant tout la base et plus rarement la pointe. Les tailleurs s’appuient sur les talons de ces pièces, toujours conservés, pour en amincir la base par une série de retouches directes et majoritairement axiales ; ™ les secondes sont plus délicates à évoquer succinctement tant leur diversité morphotypologique est importante. On observe toutefois un investissement particulier dans l’amincissement de leur partie basale aboutissant à la suppression du talon, voire même du bulbe de percussion par une retouche fréquemment inverse et rasante. Lorsque les talons sont partiellement conservés, on constate qu’ils sont plus minces et étroits et de silhouette fréquemment ogivale.

Ces différents constats conduisent à l’établissement d’un lien causal entre la modification des techniques de détachement et les types de supports recherchés pour aménager les pointes lithiques. La technique de détachement aurait d'abord été rentrante, avec un percuteur de pierre plutôt dure, occasionnant des talons assez épais et larges alors amincis par retouche directe axiale (pointe de Vale Comprido). Ce serait le cas au Protosolutréen, que ce soit à Marseillon ou à Vale Comprido-Encosta. La technique de percussion et les modalités d’aménagement des supports pourraient ensuite se spécifier en percussion plus tangentielle à la pierre tendre, donnant des talons plus minces et assez étroits, de silhouette globalement ogivale, dont on n'avait plus qu'à amincir le bulbe par retouche rasante inverse. Ce serait là le cas des pointes à face plane du Solutréen ancien. Il y a donc une adaptation de la technique de détachement à des objectifs de production des supports qui se modifient au sein du sous-système lithique. D’autres éléments soulignent une filiation entre pointes de Vale Comprido et pointes à face plane. À Marseillon, nous avons précisé qu’une pointe présente la particularité d’avoir son bulbe aminci par retouche inverse rasante. C’est là un cas particulier au sein d’un corpus certes encore limité par la faible emprise actuelle des fouilles. Au sein d’un corpus plus abondant, ce procédé est également signalé sur la série de Vale CompridoEncosta (Zilhão, 1995 ; Zilhão et Aubry, 1995). Cas certes particulier mais fortement évocateur des procédés d’aménagement qui se généralisent par la suite pour les pointes à face plane. Inversement, l’extrême polymorphie des pointes à face plane pose souvent des problèmes de définition typologique qui conduisaient P. Smith (1966) à penser que dans certains cas, des pièces étaient à la limite de la définition princeps du type. Ce dernier évoque des pointes à face plane proches de la pointe moustérienne qui, nous l’avons vu à Laugerie-Haute par exemple, s’apparentent clairement à des pointes de Vale Comprido. On peut imaginer que d’un extrême à l’autre - entre la pointe de Vale Comprido et la pointe à face plane stricto sensu – des variantes ou des formes intermédiaires existent et qu’elles doivent être examinées afin de percevoir cette évolution typo-technologique dans toute sa complexité diachronique. I.2.1. Signatures chronologiques et/ou économiques À ce titre, on peut poser l’hypothèse que les différentes formes revêtues par ces pointes aient

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aussi une signification chronologique. Dans ce cadre, des pointes de Vale Comprido ou des formes apparentées se développeraient encore dans les premières phases du Solutréen ancien pour peu à peu se spécifier davantage au cours de l’évolution technologique de ces groupes. C’est là un présupposé qui mérite d’être testé tant nous ne savons rien, pour l’heure, de l’évolution chronologique interne et d’un éventuel phasage de cette bipartition Protosolutréen/Solutréen ancien. Une seule chose est certaine de ce point de vue : l’antériorité des pointes de Vale Comprido sur les pointes à face plane attestée à la fois par les datations 14C des ensembles portugais et les successions archéostratigraphiques de Casserole (Aubry et al., 1995) et Laugerie-Haute Est. Se pose en revanche la question de leur coexistence au Solutréen ancien, telle que nous avons pu l’envisager à partir de la couche 6a d’Azkonzilo, mais aussi à Badegoule et Laugerie-Haute Est couche 31. Des pointes de Vale Comprido se retrouvent alors, en quantité certes modeste, mais leur présence ne peut être niée. L’existence de contaminations peut naturellement être évoquée et nous ne pouvons définitivement écarter ce type de phénomènes post-dépositionnels. Il est par exemple envisageable que, sur les sites concernés, des ensembles protosolutréens n’aient pas été reconnus et qu’artificiellement, des pointes de Vale Comprido se retrouvent mêlées aux pointes à face plane. En l’état des recherches, nous ne privilégions pas cette hypothèse dans la mesure où les pointes de Vale Comprido se retrouvent alors toujours en position très minoritaire au sein d’ensembles très homogènes d’un point de vue typo-technique. En outre, il est à noter que les Vale Comprido de la couche 6a d’Azkonzilo présentent des caractères quelque peu différents de celles de Marseillon puisqu’elles sont souvent davantage aménagées et transformées par la retouche. Mais est-ce là une variation chronologique ou tout simplement le reflet de phénomènes économiques, renvoyant au statut fonctionnel des gisements considérés et à leur place au sein du territoire d’acquisition des matières premières utilisées ? On peut en effet aussi supposer que des contingences économiques modifient les types de pointes représentés sur les différents sites concernés. C’est là que le bât blesse tant nous raisonnons pour l’heure sur un nombre de gisements extrêmement réduit. J. Zilhão et T. Aubry (1995) ont proposé que les différents soustypes de pointes de Vale Comprido reconnus au Portugal se différencient par l’ampleur de la

retouche les aménageant. Parallèlement au soustype A composé de pointes uniquement amincies à leur base par des retouches axiales directes, le sous-type B témoigne lui de retouches plus extensives concernant à la fois la base, la pointe et les bords latéraux les situant parfois à la limite des pointes à face plane. Les secondes portent davantage de traces d’impact caractéristiques permettant de les interpréter comme des pointes de projectile, ce qui n’est pas le cas des premières (voir Figs. 124-125 du chapitre 6). Plutôt que d’y voir une dichotomie fonctionnelle, il est proposé que cette différenciation corresponde à des stades d’abandon différents de ces pointes, les spécimens les plus retouchés étant plus fréquents dans les occupations en grotte alors que ceux du sous-type A constitueraient une sorte de « réserve » de pièces préparées (Zilhão et Aubry, 1995, p. 134). Cette variabilité échappe pour l’heure à nos analyses ; à Marseillon, l’occupation protosolutréenne est clairement liée à l’exploitation des gîtes siliceux locaux du Maastrichtien. Il est donc logique de n’y retrouver pour l’essentiel que des pointes très marginalement retouchées, hormis l’amincissement de leur base. D’autres contextes aideraient ici à mieux évaluer la diversité de ces Vale Comprido et, incidemment, leur spécification en pointes à face plane typiques. Tel pourrait être le cas dans des sites en grotte ou sous abris où les matières premières utilisées ne sont pas strictement locales, comme à Azkonzilo par exemple. Enfin, on pourrait appuyer l’hypothèse de la coexistence pointes de Vale Comprido/pointes à face plane au Solutréen ancien par un commentaire plus général sur la représentation diachronique des différents types de pointes lithiques solutréennes. Il ne faut en effet pas oublier, et c’est à nos yeux un élément important, que durant toute la séquence solutréenne, différents types de pointes vont être inventées sans que celles qui leur préexistaient disparaissent totalement (Smith, 1966). Les pointes à face plane, par exemple, ne vont pas disparaître avec l’apparition des feuilles de laurier et des pointes à cran et elles vont se maintenir tout au long du Solutréen récent. On peut toutefois poser la question de l’évolution de leur destination fonctionnelle tout au long de la chronologie du Solutréen : les pointes à face plane du Solutréen ancien sont-elles, sur un plan fonctionnel, équivalentes à celles du Solutréen récent ? I.2.2. Signatures fonctionnelles Un aspect déterminant renvoie ici vraisemblablement au statut fonctionnel des

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pointes lithiques en question. À Azkonzilo, nous avons appuyé l’idée de la polyfonctionnalité du groupe des pointes à face plane, regroupant des pièces utilisées comme pointe de projectile et des pièces utilisées comme couteau. Cet avis est partagé par d’autres spécialistes ayant eu l’occasion d’observer plusieurs corpus périgourdins en particulier (communications personnelles de J.-M. Geneste et J. Pelegrin). Le statut des pointes de Vale Comprido demeure lui plus ambigu dans la mesure où nous n’avons relevé aucun stigmate caractéristique nous autorisant à en déduire leur registre de fonctionnement. Au Portugal, en revanche, il a été proposé que certaines correspondent à des pointes de projectile (Zilhão et Aubry, 1995 ; Zilhão et al., 1999 ; Zilhão, souspresse). Un spécimen de Buraca Escura (Fig. 129) porte un poli de découpe de matière carnée (Aubry et al., 2001). Il est donc envisageable que ces dernières renvoient également à une diversité fonctionnelle d’utilisation.

Figure 129 : pointe de Vale Comprido de Buraca Escura portant un poli de découpe de matière carnée (d’après Aubry et al., 2001)

La fonction de ces pointes est une question de la plus haute importante pour tenter de reconsidérer les premières formes d’expression du Solutréen. Les pointes lithiques constituent en effet un caractère unifiant les différentes phases d’évolution de ce techno-complexe et marquent une relative rupture avec les derniers temps du Gravettien. En effet, certains épisodes finaux du Gravettien aquitain, le Protomagdalénien par exemple, se caractérisent par l’abandon de la pointe de la Gravette, pourtant emblématique de l’évolution diachronique de ce techno-complexe. Dans ces ensembles, les pointes lithiques disparaissent au profit de lamelles à dos retouchées, parfois tronquées et bitronquées (Guillermin, 2006). Le Solutréen marque lui le redéploiement des pointes lithiques qui vont se maintenir tout au long de son développement.

Dans quelles conditions s’est effectuée cette réorientation des formes de projectile lithique ? Les premières pointes solutréennes sont-elles uniquement des pointes de projectile et quelles sont les motivations ayant conduit les Protosolutréens à modifier leurs méthodes de production pour rechercher des supports triangulaires ? Autant d’éléments que nous tenterons d’aborder plus loin, au moment de brosser quelques perspectives de recherches sur l’évolution diachronique du Solutréen.

I.3. Fonctions des pointes lithiques, systématisation de la retouche solutréenne et évolution des modalités du débitage Le mécanisme typo-technologique d’évolution évoqué dans le cadre de la filiation Protosolutréen/Solutréen ancien rend compte d’une corrélation entre la modification d’une technique de détachement (non pas dans son ensemble mais pour l’essentiel sur le plan du geste de taille, impliquant aussi éventuellement une modification de la dureté des percuteurs minéraux utilisés) et celle des procédés d’aménagement des pointes lithiques retouchées. Schématiquement, ces modifications ne s’accompagnent pas de changements notables sur le plan des modalités de débitage. Les grandes règles régissant ces productions au Protosolutréen sont toujours effectives au Solutréen ancien : aménagement des volumes court, exploitation sur face large, gestion de la convergence distale de la surface de débitage par enlèvements parfois débordants extraits depuis les bords latéraux de la table et de direction oblique… - Degré de prédétermination des productions de supports

Un caractère se modifie vraisemblablement mais il faudra attendre la poursuite des recherches pour le tester et disposer ainsi de référentiels plus complets, ce qui ne pourra être le cas qu’en intégrant à nos recherches d’autres séries. Il s’agit du degré de convergence des supports obtenus et donc de la géométrie des surfaces d’exploitation. Il nous semble, mais c’est là une observation d’ensemble encore très intuitive, que ce caractère est plus marqué au Protosolutréen donnant lieu à l’obtention de supports très convergents mais de morphologie variée, allant de la lame à l’éclat en passant par l’éclat allongé. Si quelques véritables « pointes » brutes existent, on ne peut parler ici de normalisation morpho-dimensionnelle d’une telle production à l’image de ce que nous connaissons dans des contextes chronologiques plus anciens, que ce soit au Paléolithique moyen ou à sa

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charnière avec le Paléolithique supérieur (voir p.e. Skrdla 2003 pour le Bohunicien et les ensembles de l’Emiréen du Proche-Orient et Slimak, 2004 pour le Néronien de la vallée du Rhône). Ce caractère semble en revanche moins net au Solutréen ancien, du moins en ce qui concerne Azkonzilo et peut-être Laugerie-Haute Est, où la convergence des supports existe mais s’accompagne d’une recherche accrue de produits élancés et laminaires.

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Ce degré de convergence distale des supports constitue une articulation importante des systèmes de production protosolutréens et solutréens anciens. Il oriente en partie la géométrie des nucléus et leurs modalités d’exploitation. Or, les supports convergents, qu’il s’agisse d’éclats plus ou moins allongés ou de véritables lames, jouent un rôle majeur dans l’économie du débitage des ensembles considérés. Au Protosolutréen, ils sont prioritairement recherchés pour la réalisation des pointes de Vale Comprido. Au Solutréen ancien, ils le sont également lorsqu’il s’agit de réaliser les pointes à face plane les plus investies sur le plan de la retouche, comme l’indiquent les spécimens axiaux de la couche 6a d’Azkonzilo. Ce sont en effet des supports plutôt convergents qui sont sélectionnés pour être transformés en pointes à face plane par retouche plate et couvrante de type solutréenne, emblématique de ce technocomplexe. Ainsi énoncé, ces supports « pointus » sont au cœur d’un des principaux caractères servant à définir le Solutréen et à asseoir son unité à partir d’un style de retouche très spécifique ; un autre registre de filiation entre deux expressions successives des débuts du Solutréen. À l’avenir, en multipliant les regards, il sera intéressant de poser la question du degré de prédétermination de ces supports dans les phases anciennes du Solutréen. Au Protosolutréen, le support brut est au plus près de l’outil recherché et sa modification reste en général assez minime. Les stratégies se modifient au Solutréen ancien où les supports peuvent être largement transformés par application de la retouche solutréenne. Par l’intermédiaire de ces nouveaux procédés d’aménagement, les Solutréens vont davantage contrôler et normaliser la morphologie de leurs pointes, axiales notamment. C’est là une évolution sensible lorsque l’on compare les pointes de Vale Comprido et les pointes à face plane. Ce contrôle morphologique accru des pointes lithiques du Solutréen ancien semble donc être davantage en relation avec le développement de la retouche solutréenne qu’avec une évolution des méthodes

de débitage vers une recherche accrue de prédétermination des supports. Cela nous interroge ici sur les raisons du succès de ce style de retouche, appliqué ensuite aux formes les plus diagnostiques du Solutréen : pointes à face plane certes mais aussi feuilles de laurier et de saule et pointes à cran. Si la morphologie des pointes va fortement se modifier, cette tendance évolutive pourrait prendre racine dès le Protosolutréen. En d’autres termes, les pointes de Vale Comprido, si différentes au premier regard des autres outils diagnostiques du Solutréen, peuvent aider à la compréhension de sa formation et de son développement.

I.4. Vues synthétiques Les registres de filiation entre Protosolutréen et Solutréen ancien s’appuient désormais sur plusieurs éléments du système technique - schéma opératoire de production des supports de pointes de Vale Comprido et de pointes à face plane, passage d’un type de pointe à un autre, recherche de petites lamelles conservées brutes ou marginalement retouchées obtenues aux dépens de nucléus carénés – et sur un mécanisme explicite d’évolution typo-technologique qui voit les pointes de Vale Comprido se spécifier en pointes à face plane. À ce titre, l’intégration du Protosolutréen au sein du techno-complexe Solutréen est retenue et sa définition, telle que proposée à partir de Marseillon, comble une lacune des séquences du Paléolithique supérieur moyen du Sud-Ouest français, comme cela avait été bien pressentie par d’autres chercheurs (Zilhão et Aubry, 1995 ; Zilhão et al., 1999 ; Almeida F., 2000) Le recours à des pointes lithiques constitue donc un trait commun des premiers ensembles solutréens. Ce caractère ne se limite pas au champ chronologique des premières expressions solutréennes puisqu’il caractérise dans son ensemble le développement du Solutréen et les stratégies techniques et économiques mises en place dans le cadre de la constitution des équipements lithiques. C’est sous cet angle, et sous la forme de perspectives de recherches, que nous aborderons la question de l’évolution de la séquence solutréenne. En quoi les résultats de ce travail modifient-ils notre perception d’ensemble de ce techno-complexe et quelles orientations peuvent être retenues pour mieux appréhender son évolution singulière ?

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II. Quelques perspectives sur l’évolution du Solutréen dans le Sud-Ouest français II.1. Préambule et objectifs Notre objectif n’est pas de présenter un bilan détaillé sur l’évolution du Solutréen dans le SudOuest français, mais de mettre en perspective les résultats obtenus sur ses premières expressions pour présenter quelques perspectives de recherche sur son développement. Dans ce cadre, un problème renvoie aux différents modes de découpages retenus dans le cadre de l’évolution typo-chronologique du Solutréen. Depuis plus d’un siècle et la proposition d’une structuration tripartite selon l’ordre d’apparition des principaux fossiles-directeurs (Solutréen inférieur à pointes à face plane, moyen à feuilles de laurier et supérieur à pointes à cran), seuls des ajouts mineurs ont été effectués aux deux extrêmes de la séquence : un Proto-Solutréen à pointes à face plane plus « grossières » à la base (Peyrony, 1909, 1933) et un Solutréen final perdant ses lamelles à dos au sommet venant s’ajouter au schéma originel (Smith, 1966). La validité du Proto-Solutréen de D. Peyrony, accepté par P. Smith, peut ici être mise en cause ; nous ne disposons en effet d’aucun d’argument significatif pour établir une sériation typo-chronologique au sein des ensembles à pointes à face plane que nous intégrons tous au sein du Solutréen ancien. Tel est le cas par exemple de Badegoule. Comme nous l’avons vu, le Protosolutréen renvoie à une entité typo-technologique propre, à pointes de Vale Comprido et peut donc être défini en fonction de ses caractères intrinsèques. En cela, la différence terminologique et sémantique entre l’ex « Proto-Solutréen » et l’appellation « Protosolutréen » proposée au Portugal et retenue ici est importante. Il ne s’agit pas d’un Solutréen à « proto » pointes à face plane mais d’une entité indépendante dont l’évolution typotechnologique aboutit au développement du Solutréen ancien. Nous ne reviendrons pas non plus sur la validité supposée d’un Solutréen final ne reposant, dans les travaux de P. Smith (1966), que sur quelques rares sites du Sud-Ouest où les pointes à face plane et les lamelles à dos disparaîtraient au sommet des séquences solutréennes, comme ce semble surtout être le cas à Laugerie-Haute. Ce supposé Solutréen final a de plus déjà été mis en cause, à la fois par B. Bosselin et F. Djindjian (1997) et par P.-Y. Demars (1995). Nous ne

discuterons pas non plus de la validité d’isoler un Solutréen moyen à feuilles de laurier. La question est complexe et demanderait un examen très précis des séquences livrant une superposition moyen/supérieur, comme ce serait le cas à Laugerie-Haute et peut-être à Badegoule (Smith, ibid.) L’ancienneté des données et des fouilles et les recouvrements chronologiques entre les épisodes « moyen » et « supérieur » de P. Smith (Roque et al., 2001) ne permettent pas, en l’état des recherches, de régler cette question. Nous considérerons donc ici un phasage du Solutréen en 3 épisodes : Protosolutréen à pointes de Vale Comprido, Solutréen ancien à pointes à face plane et Solutréen récent intégrant alors des ensembles à feuilles de laurier, pointes à cran et feuilles de saule. À travers quelques exemples principalement issus d’études ou de diagnostics conduits sur des ensembles de Solutréen récent de Dordogne et du Lot (Laugerie-Haute Est, couches 30, 29 et 28 ; Pech de la Boissière ; Le Cuzoul de Vers, couches 31 à 29, Renard 2006, sous-presse a et b, Les Peyrugues, couche 10, Renard, ibid. ; Le PetitCloup-Barrat), nous alimenterons une réflexion sur quelques mécanismes d’évolution des équipement lithiques solutréens pouvant rendre compte de l’adaptation des sociétés humaines au contexte climatique particulier du dernier maximum glaciaire.

II.2. L’évolution technologique des équipements lithiques au Solutréen II.2.1. Des traditions à pointes lithiques Il est indéniable que l’évolution technologique du Solutréen se traduit en premier lieu par une recherche de solutions techniques pour confectionner des pointes de projectile lithique. Tel est le cas d’une part au moins des pointes à face plane, des feuilles de laurier et des pointes à cran. Ces différents types de pointes partagent en outre plusieurs attributs dont l’un renvoie à l’application de la retouche plate et couvrante comme principal procédé de confection. Outre cette communauté techno-stylistique, des morphologies intermédiaires existeraient entre chacun des types en présence, laissant P. Smith penser que « les pointes à face plane sont graduellement remplacées par les feuilles de laurier, et ces dernières par les pointes à cran, sans rupture abrupte apparente » (Smith, 1966, p. 392). Par quel biais pouvons-nous appréhender l’évolution des pointes lithiques solutréennes et,

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incidemment, l’évolution plus générale de ce techno-complexe ? Comment rendre compte de leurs communautés tout en cernant quelques facteurs de leur évolution dans le temps ? Du Protosolutréen au Solutréen ancien, l’évolution des pointes lithiques consiste en un plus grand contrôle de leur morphologie, se traduisant par le développement et la systématisation de la retouche solutréenne. Au Solutréen récent, de nouveaux types de pointes apparaissent : d’abord des feuilles de laurier puis des pointes à cran. Ces deux types d’objets sont en quelque sorte la quintessence de la technologie solutréenne puisque ses particularismes s’y expriment plus nettement encore, au travers de l’application systématique de la retouche plate et couvrante et de l’introduction de la retouche par pression Dans les deux cas, les supports originels sont très largement transformés, donnant lieu dans le cadre des feuilles de laurier à la mise en œuvre d’un schéma opératoire particulier de façonnage bifacial (Aubry et al., 2003a, 2008 ; Almeida M., 2005).

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Les feuilles de laurier présentent une importante diversité tant morphologique que dimensionnelle (Smith 1966) ; de grandes feuilles de laurier de plus de 20 cm de long côtoient des spécimens aux dimensions plus réduites (Fig. 131). Pour les plus grandes, deux schémas opératoires de façonnage ont été mis en évidence par l’équipe de recherche travaillant sur le site des Maîtreaux (Aubry et al., ibid. ; Almeida M., ibid.) Dans les deux cas, des blocs de matières premières siliceuses d’excellente qualité sont façonnés mais les tailleurs mettent en œuvre des stratégies différentes : le façonnage est symétrique dans un cas, très largement asymétrique et privilégiant une

surface corticale et plate du volume exploité dans le second. Enfin, notons que si les spécimens de grandes dimensions sont maintenant bien documentés sur des sites liés à des contextes gitôlogiques exceptionnels (Les Maitreaux ; La Doline dans le Bergeracois), des feuilles de laurier n’excédant pas 10 à 15 cm et souvent fragmentées se retrouvent dans les ensembles archéologiques périgourdins et lotois. Dans ce dernier cas, il est fréquent qu’elles portent des fractures caractéristiques d’un usage en pointe de projectile (Plisson et Geneste, 1989 ; Aubry et al., 2008 ; Renard, sous presse), comme nous en avons observé au Cuzoul par exemple (Fig. 130). Ce n’est en revanche jamais le cas des plus grandes (Aubry et al., 2003). Ainsi, à l’image des pointes à face plane, la polymorphie des feuilles de laurier irait de pair avec des fonctionnements distincts. Ce polymorphisme serait sans doute relativisé si nous pouvions appréhender plus précisément leur fonctionnement. À Azkonzilo, nous avons pu montrer la plus grande homogénéité morphotechnique des pointes à face plane axiales qui répondent probablement à une destination fonctionnelle spécifique. Il en irait peut-être de même si l’on ne considérait que les feuilles de laurier utilisées comme pointes de projectile. Avec les pointes à cran (Fig. 132) apparaît le dernier outil emblématique du Solutréen dans le Sud-Ouest français. Réalisées sur des produits de débitage, des lames régulières le plus souvent mais pas systématiquement (voir p.e. Geneste 1991 et Geneste et Maury, 1997), il s’agit de pièces à soie asymétriques aménagées par une retouche couvrante pouvant affecter la totalité des deux faces et qui aménage un limbe long et pointu et une soie plus courte dégagée par un cran.

Figure 130 : fragment mésial de feuille de laurier du Cuzoul (Lot) en probable silex du Turonien inférieur de la vallée du Cher. Cette pièce a été aménagée par retouche par pression et on note sur les deux surfaces de fracture et de manière symétrique l'existence de languettes supérieures à 2 mm et de fissures radiaires très nettes impliquant un impact violent en percussion lancée

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Figure 131 : exemples de la diversité morphologique et dimensionnelle des feuilles de laurier du Solutréen récent (d’après Smith, 1966, modifié) ; 1 : Fourneau-du-Diable ; 2, 3, 4, 6, 7 : Les Jean-Blancs ; 5 : Montaut ; 8 : Pech-de-la-Boissière

Des études technologiques et expérimentales approfondies ont très clairement démontré les présomptions supposées au vu de leur morphologie et leur fonction de pointes de projectile (Geneste et Plisson, 1986 ; Plisson et Geneste, 1989 ; Chadelle et al., 1991 ; Geneste,

1991). Elles se retrouvent en grande abondance dans tous les sites attribuées au Solutréen supérieur et il semble que leur fonction soit spécifique : en d’autres termes, point de polyfonctionnalité ici mais un usage strict comme pointe de projectile.

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Figure 132 : pointes à cran des niveaux solutréens du Cuzoul (Lot, d’après Renard sous-presse, dessins et DAO de M. Jarry). 1-2 : spécimens quasi-entiers ; 3-4 : fragments de limbe ; 5 : sub-apex ; 6 : fragment recoupant la partie distale de la soie et une partie du limbe ; 7-15 : fragments de soie ; 16 : ébauche. Silex tertiaire : 1, 2, 5 ,6, 13, 16 ; Tertiaire (Bagnac-sur-Célé) : 4 ; Sénonien indifférencié : 3, 8, 9, 14 ; Sénonien Santonien supérieur (microbréchique de type Jonzac): 7 ; Sénonien maestrichien (Bergeracois de type Pombonne) : 10 ; Turonien inférieur (Fumélois) : 15 ; Turonien supérieur (dit « à points rouges du Placard », Indre ?) : 11

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Deux observations peuvent être retenues : ™ l’évolution du Solutréen se marque en partie par la recherche de solutions techniques pour confectionner des pointes lithiques. D’abord au plus près de la morphologie des supports produits (Protosolutréen à pointes de Vale Comprido), les pointes évoluent en particulier grâce au succès de la retouche dite solutréenne, assurant un meilleur contrôle de leur morphologie. Une assez forte polymorphie caractérise le développement de certaines pointes solutréennes, depuis les Vale Comprido jusqu’aux feuilles de laurier en passant par les pointes à face plane. Celle-ci répond en partie à un fonctionnement nonspécifique de ces outillages pouvant être utilisés comme pointe de projectile mais aussi comme couteau ou éventuellement à d’autres fins. En revanche, il semble que le fonctionnement des pointes à cran soit, lui, nettement plus spécifique et que les différents caractères typo-morphologiques de ces pointes répondent à des contraintes d’emmanchement et d’utilisation ne permettant pas leur utilisation dans d’autres cadres fonctionnels (Plisson et Geneste, 1989). La pointe à cran solutréenne apparaît alors comme le résultat d’une évolution technologique tendant vers la recherche de solutions spécialisées pour confectionner des pointes de projectile lithique. Au cours de leur évolution, les groupes solutréens auraient donc choisi de spécialiser un outil dans ce cadre ; ™ il importe toutefois de considérer que cette spécialisation accrue d’un outil associé à un fonctionnement spécifique n’a pas conduit les Solutréens à délaisser les pointes En effet, le « polyfonctionnelles 46 ». développement des pointes à cran ne marque pas pour autant l’abandon des pointes à face plane et des feuilles de laurier avec lesquelles elles coexistent. Celles-ci se maintiennent dans des proportions variables selon les sites considérés 47 et l’on peut se demander dans quelle mesure leur statut se modifie. Prenons l’exemple des pointes à face plane : P. Smith précise qu’au cours du Solutréen, elles perdurent mais que la diversité tend à se resserrer autour de quelques sous-types, le C devenant clairement majoritaire. En d’autres termes, leur polymorphie se réduit au cours de l’évolution du Solutréen. Mais qu’en est-il de leur fonctionnement ? Nous n’avons pas de

données pour y répondre mais une enquête autour de l’évolution du statut des pointes à face plane tout au long du Solutréen serait pertinente. Leur resserrement typomorophologique va-t-il de pair avec un fonctionnement qui se spécialise ? Si oui, quel est-il ? Il importera ici de comprendre en quoi le développement des pointes à cran a ou non modifié les stratégies de fabrication et de gestion des autres outils solutréens qui vont se maintenir jusqu’au déclin de ce technocomplexe. Si l’on peut raisonnablement suivre P. Smith pour reconnaître une filiation entre les différents types de pointes lithiques solutréennes, un phénomène de spécialisation accrue des pointes utilisées comme tête de projectile transparaît également. Il parvient à son paroxysme lors de l’apparition et du développement considérable des pointes à cran du Solutréen récent à l’échelle d’un grand quart sudouest de la France. Formes et fonction sont alors en très forte synergie, aboutissant à un outil qui ne peut répondre à d’autres besoins que ceux pour lesquels il a été conçu : celui d’armer des projectiles dans le cadre des activités cynégétique. Le concept de pointes polyfonctionnelles est lui maintenu au travers des pointes à face plane et des feuilles de laurier, désormais associées à la pointe à cran ainsi qu’au fort redéploiement des lamelles à dos dont de nombreux spécimens portent également des traces d’impact, que ce soit à Combe-Saunière (Plisson et Geneste, 1989) ou au Cuzoul (Fig. 133 ; Renard, 2006, sous-presse a et b). Le Solutréen récent à feuilles de laurier et pointes à cran présente de la sorte une forte spécificité technologique résidant notamment dans la diversité et la spécialisation des pointes de projectiles. Voyons maintenant si des éléments d’évolution concordants peuvent être dégagés au niveau des systèmes de production de ces outillages. II.2.2. Sur quelques systèmes de production des pointes lithiques solutréennes Gardons en mémoire le haut degré de parenté, tant sur le plan de la structure volumétrique particulière des nucléus que des modalités ou techniques de détachement mises en œuvre entre Protosolutréen et Solutréen ancien. L’association du schéma convergent défini à Marseillon avec les pointes de Vale Comprido est incontestable. À ce titre, une relative stabilité caractérise l’avènement du Solutréen ancien où un schéma d’orientation

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relativement similaire domine dans tous les ensembles archéologiques considérés. Le développement des pointes à face plane n’entraîne donc pas de modification profonde des systèmes techniques en présence. On assiste plutôt à des réajustements techniques à une recherche de produits sensiblement différents (voir par exemple l’adaptation de la technique de détachement pour obtenir des supports moins épais, plus élancés et réguliers). La présence d’un autre schéma laminaire indépendant, conduit par percussion tendre organique dès le Solutréen ancien (voire dès le Protosolutréen à travers de rares fragments proximaux de petites lames aux stigmates de percussion évocateurs ?) doit être approfondie. Nous l’avons observé dans l’industrie de la couche 31 de Laugerie-Haute Est où il est représenté par

quelques nucléus et lames régulières à bords parallèles mais sa représentativité demeure problématique. Les séries de Laugerie-Haute n’ayant pu être évaluées sur le plan de leur intégrité, il convient de rester prudent sur la valeur de ce schéma et son statut au sein de l’organisation technologique général des groupes étudiés. Si son existence était avérée, nous ne sommes pas encore en mesure d’appréhender s’il intervient dans le cadre de la production des supports de pointes à face plane ou s’il est plus spécifiquement dévolu à l’obtention de supports destinés à être transformés en outils domestiques (grattoirs, burins..). Avec le Solutréen récent, le système laminaire dominant se modifie et s’oriente principalement vers la production de supports de pointes à cran.

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Figure 133 : lamelles à dos des niveaux solutréens du Cuzoul (Lot, d’après Renard, sous-presse ; dessins et DAO M. Jarry). 1, 16 : spécimens quasi-entiers (auxquels il manque les deux extrémités) ; 2 : fragment proximomésial ; 3-12, 14, 15 : fragments mésiaux ; 13 : fragment distal. Silex tertiaire : 1, 2, 4, 5, 7, 8, 10, 11, 13, 14 ; Sénonien indifférencié : 3, 6, 9, 15, 16 ; Sénonien santonien probable : 12

e Troisième partie – Innovations et évolutions techno-économiques au Solutréen : une perspective diachronique

Celui-ci est particulièrement bien représenté sur des sites localisés à proximité immédiate de gîtes de matières premières, à l’image des Maîtreaux dans la vallée de la Claise par exemple (Aubry et al., 1998 ; Almeida M., 2005). Il a également été reconnu sous des formes plus fractionnées dans des occupations interprétées comme des haltes de chasse, que ce soit au Cuzoul, aux Peyrugues en Quercy (Renard, 2006, sous-presse a et b) ou encore à Combe-Saunière en Dordogne (Chadelle et al., 1991 ; Geneste, 1991 ; Renard et Geneste, 2006). Ces productions laminaires se différencient alors assez nettement de celles qui dominent en contexte Protosolutréen et Solutréen ancien, que ce soit sur le plan de la structure volumétrique des nucléus ou des modalités techniques mises en œuvre. Les études détaillées conduites aux Maîtreaux (Aubry et al., 1998 ; Almeida M., 2005) dans un contexte où le débitage laminaire est effectué sur place vont tout à fait dans le sens des observations que nous avons pu réaliser à partir de plus courtes fractions de chaînes opératoires représentées sur le site du Cuzoul de Vers (Fig. 136) dans le Lot (Renard, 2006, sous-presse a et b). Ce schéma est clairement orienté vers la production de lames légères de profil rectiligne. L’axe d’allongement principal du volume est privilégié pour y installer la surface laminaire et deux plans de frappe opposés à chaque extrémité. La mise en forme n’est pas nécessairement très poussée mais implique généralement l’aménagement d’une crête antérieure. Les deux plans de frappe opposés sont le plus souvent utilisés selon une gestion alternante, permettant

ainsi de gérer une table laminaire aux convexités longitudinales et transversales modérées. Ceci répond à la volonté d’obtenir des supports rectilignes de profil selon une dynamique qui demeure frontale tout au long de l’exploitation. Les lames sont détachées par percussion directe tendre organique et les talons sont le plus souvent lisses ; leur préparation est toutefois soigneusement contrôlée par abrasion et recul de la corniche et T. Aubry et al. (1998, p. 172) signalent également que « l’étroitesse des supports n’est pas obtenue par le cintrage mais par une préparation très soignée des plans de frappe dont les bords sont abrasés, doucis et denticulés pour dégager de micro-éperons ». Aux Maîtreaux, ce schéma opératoire fournirait à la fois des supports de pointes à cran puis, par réduction progressive des dimensions des volumes, des supports de lamelles à dos. Il semble en aller de même sur d’autres gisements du Solutréen récent même si, de temps à autres, des nucléus spécifiquement dévolus à la production de lamelles rectilignes ont été relevés, au Cuzoul par exemple (Fig. 134). En lien avec le développement des pointes à cran, le Solutréen récent se caractérise donc par le développement d’un débitage laminaire par percussion tendre organique tout à fait représentatif de la variabilité des méthodes habituellement reconnues au Paléolithique supérieur. En ce sens, il ne tranche pas autant avec les « canons » habituels du Paléolithique supérieur que le faisaient les méthodes de production des

Figure 134 : nucléus à lamelles du Cuzoul (Lot ; d’après Renard, sous-presse ; dessins et DAO M. Jarry) et produits remontés (tablettes et supports). Ce nucléus est un bon exemple de la continuité du débitage laminolamellaire

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Vale Comprido et des pointes à face plane. En revanche, notre connaissance des systèmes de débitage laminaire du Solutréen récent reste encore incomplète. À plusieurs reprises, nous avons constaté la présence de nucléus laminaires en tous points comparables à ceux du Solutréen ancien : production de supports larges, exploitation de surface, table d’exploitation peu convexe, percussion à la pierre… Tel est le cas, par exemple, dans la couche 21 de Laugerie-Haute Est attribuée au Solutréen final par P. Smith (1966). Ce dernier figurait un exemplaire tout à fait typique (Fig. 135) sous la dénomination de nucléus discoïdal (Smith, ibid., p. 137, fig. 29, n°18).

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Lors d’un diagnostic effectué sur l’industrie du Solutréen récent du Pech-de-la-Boissière, nous avons constaté l’association de nucléus bipolaires fournissant des supports laminaires élancés destinés à la fabrication des pointes à cran à des nucléus en tous points similaires à ceux documentés au Solutréen ancien. Ils sont destinés à l’obtention de lames courtes, trapues et assez épaisses. La face large est privilégiée et tant la structure volumétrique que les modalités d’aménagement et d’entretien rejoignent parfaitement les observations établies pour le Solutréen ancien. Enfin, la percussion directe dure est exclusive et semble être mise en œuvre dans une version assez tangentielle. L’association de ces nucléus à certaines pointes à face plane dites de type B est ici très probable. Ces pointes, assez courtes et trapues, ont une morphologie en forme de larme et leur pointe est déjetée, indifféremment à droite ou à gauche. Un exemplaire au talon partiellement conservé indique une percussion

Figure 135 : nucléus du Solutréen récent de Laugerie-Haute Est (couche 21, d’après Smith 1966). Il est en tout point similaire aux nucléus à pointes à face plane du Solutréen ancien et aux nucléus du Solutréen du Pech-de-la-Boissière que nous évoquons.

directe à la pierre dans une version assez interne. A l’image de l’interprétation des chaînes opératoires secondaires relevées dans des ensembles initiaux du Solutréen (production de supports laminaires légers par percussion tendre à Marseillon par exemple), nous sommes ici confrontée à la difficulté d’interpréter un phénomène technique dès lors que sa représentation n’est pas dominante au sein des ensembles considérés, systématiquement issus de fouilles anciennes et n’ayant fait l’objet d’aucune considération d’ordre taphonomique. Le fait qu’aucun indice de Solutréen ancien n’ait jamais été relevé au Pech-de-la-Boissière et que ces types de nucléus y soient présents en assez grande quantité nous incitent à pencher pour leur association effective avec les pointes à cran. Ce serait là un élément de stabilité technologique, très probablement lié à la production de certains supports de pointes à face plane, perdurant au Solutréen récent dans des proportions variables mais toujours décroissantes par rapport au Solutréen ancien. Cette hypothèse rendrait compte également de l’absence de telles structures volumétriques dans des ensembles archéologiques plus spécialisés, à l’image du contexte « d’atelier » des Maîtreaux ou des haltes de chasse quercynoises du Cuzoul et des Peyrugues par exemple. Ces contextes sont en effet totalement dépourvus de pointes à face plane. En dépit de différences synchroniques et diachroniques, le Solutréen ne témoigne pas de rupture marquée sur le plan des systèmes de débitage qui s’y développent. Il se caractérise par la reformulation de solutions techniques connues et déjà mises en œuvre au cours de son développement. Tel pourrait par exemple être le cas du système de production des pointes à cran, matérialisant une reformulation de solutions entrevues au Solutréen ancien avec ces productions secondaires conduites par percussion tendre organique. Ici, les modalités seraient adaptées à la contrainte d’obtenir des supports élancés, assez légers et rectiligne de profil. Dans le même ordre d’idées, le maintien de débitages entièrement conduits à la pierre et vraisemblablement dévolus aux supports des pointes à face plane au Solutréen récent attesterait de l’unité des solutions techniques solutréennes au fil de son développement. Ces hypothèses sont encore fragiles et font de plus peu de cas du développement du façonnage bifacial qui va jouer un rôle déterminant au

e Troisième partie – Innovations et évolutions techno-économiques au Solutréen : une perspective diachronique

Solutréen récent. En témoigne par exemple son statut sur des sites spécialisés dans la production de pointes foliacées localisés à proximité de gîtes de silex abondants (Aubry et al., 1998, 2003 ;

Bourguignon et al., 2004), en Touraine (silex du Turonien supérieur) ou dans la région de Bergerac (silex du Maastrichtien).

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Figure 136 : nucléus à lames et à lamelles des niveaux solutréens du Cuzoul (Lot, d’après Renard, sous-presse ; dessins et DAO M. Jarry). 1-3 : nucléus à lamelles en silex tertiaire ; 4 : Nucléus à lames (Senonien Campanien type Belvès)

Nous n’interprétons toutefois pas l’éclosion de ce nouveau système de production comme une rupture dans la mesure où des supports de débitage étaient déjà presque intégralement façonnés au Solutréen ancien. Certaines de ces pointes à face plane présentent en outre une morphologie foliacée et permettent d’envisager l’origine du phénomène feuilles de laurier, constatation déjà évoquée par P. Smith (1966) sur la base d’une comparaison stylistique et morphologique de ces deux types d’objets. L’avantage du façonnage bifacial intégral réside ici dans la souplesse qu’il offre en termes de dimensions des objets puisqu’il permet l’exploitation de supports de nature diversifiée : produits de débitage mais aussi blocs ou plaquettes. En ce sens, les feuilles de laurier marquent une autre spécialisation des groupes solutréens qui, à un moment donné, préfèrent spécialiser ces productions et leur consacrer un schéma opératoire spécifique. II.2.3. Des procédés d’aménagement et de ravivage spécifiques : la question de la retouche solutréenne

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On ne peut discuter de l’évolution du Solutréen sans évoquer, même brièvement, la singularité de ces procédés de retouche. C’est là aux yeux de tous et depuis sa reconnaissance son caractère emblématique et discriminant. Le fait de lier cette retouche plate à l’usage de la technique par pression est également une conception ancienne. P. Smith nous rappelle que cette présomption remonte probablement au texte fondateur de E. Lartet et H. Christy (1865-1875), lorsque ceux-ci évoquent cette technique sur la base d’observations réalisées auprès de populations d’Esquimaux par des explorateurs (Smith, 1966, p. 43). Ce caractère si particulier a en outre conduit à des interprétations extra-fonctionnelles quant aux raisons de son succès : « Pour les Solutréens, au contraire des autres artisans du Paléolithique supérieur en Europe occidentale, le travail de la pierre semble avoir eu quelque signification spéciale qui dépassait les buts utilitaires ordinaires. Ce n’est pas faire preuve d’un enthousiasme exagéré que de dire qu’ils travaillaient la pierre avec amour, consacrant à ce travail un soin, une précision et une finesse qui, comme on l’a souvent dit, placent ce travail dans le domaine de l’art, plutôt que dans celui de la simple utilité. (…) Pour une raison inconnue, le sens artistique de cette population semble s’être exercé de cette façon plutôt que d’une autre ». P. Smith poussant même son raisonnement jusqu’à énoncer que « (…) le fait que les Solutréens se soient concentrés sur cette manière de s’exprimer est-il particulièrement responsable du moins grand nombre de peintures, de gravures et de sculptures sur os, ivoire ou bois de rennes qu’ils ont

produit » (Smith, 1966, p. 45-46). Dépassant le strict cadre fonctionnel, P. Smith oriente le débat autour de la charge culturelle et la valeur de signe de ce mode de retouche. Replacé dans toute la profondeur diachronique du Solutréen, le développement de la retouche solutréenne ne peut toutefois uniquement être perçu de la sorte. Il est un fait établi que ce mode de retouche se développe, voire se systématise, à partir du Solutréen ancien et qu’il est alors très étroitement lié à la confection des pointes à face plane. A Azkonzilo, nous avons pu décrire précisément l’importance de cette retouche et les raisons de sa mise en œuvre à la fois pour amincir et régulariser ces pointes. Nous avons également reconnu que ce mode d’aménagement était plus particulièrement engagé dans le cadre de la confection des pointes à face plane axiales, dont le fonctionnement diffère peut-être des autres catégories de pointes. En outre, si ces retouches intéressent la morphologie générale conférée à l’objet, elles concernent aussi des aménagements plus ponctuels comme la suppression du bulbe de percussion par exemple, caractère quasisystématique de l’aménagement d’un grand nombre de ces objets. Or, ce dernier caractère constitue l’un des éléments de parenté que nous avons pu dégager de l’analyse comparée des pointes à face plane et de certaines pointes de Vale Comprido. Pour ces dernières, l’amincissement de la base passe le plus souvent par des séries de retouche directe et axiale tirées depuis le talon. À Marseillon, un exemple encore unique atteste cependant d’une retouche inverse et rasante pour atténuer la convexité du bulbe de percussion. C’est là un cas de figure également signalé à partir du corpus plus conséquent du Protosolutréen de Vale Comprido-Encosta (Zilhão, 1995 ; Zilhão et Aubry, 1995). Ainsi énoncé, l’essor de la retouche plate solutréenne se ferait de manière assez progressive ; il s’amorcerait dans le cadre d’un procédé ponctuel ne touchant qu’à un caractère discret de l’outil pour peu à peu prendre une importance accrue, à la fois sur un plan quantitatif mais aussi au niveau des objectifs techniques qui lui sont assignés. Envisagé de la sorte et à l’image de la modification de certains systèmes laminaires commentés plus haut, l’essor de la retouche solutréenne pourrait également être appréhendé comme la reformulation de connaissances connues, jusque là uniquement réservées au traitement d’un problème particulier renvoyant à l’épaisseur des talons et des parties proximales en général des

e Troisième partie – Innovations et évolutions techno-économiques au Solutréen : une perspective diachronique

supports de pointes de Vale Comprido. Cependant, si cela peut rendre compte, dans une certaine mesure, de son application plus systématique dans le cadre de l’amincissement des bases de pointes à face plane au Solutréen ancien, cela n’explique pas véritablement les raisons de son succès et de sa propagation à de nombreux traits des équipements lithiques solutréens. Il est vraisemblable que des motivations extrafonctionnelles puissent être appelées en ce sens mais il nous semble prématuré de le faire avant d’avoir cerné plus en détail les avantages qu’offre potentiellement, sur un plan technique et fonctionnel, ce type de retouche. Outre un regard d’expert sur les pièces archéologiques, cela implique nécessairement le développement de référentiels expérimentaux portant à la fois sur la confection et l’utilisation des outillages solutréens, à l’image des travaux conduits par le groupe de recherche « Technologie fonctionnelle des pointes solutréennes » (TFPS). Ce volet n’a pu être développé dans le cadre de ce travail et nous nous limiterons à l’évocation de quelques pistes : ™ un premier point a trait aux potentialités offertes par ce type de retouche pour transformer de manière importante la morphologie d’un support. Théoriquement, la retouche solutréenne permet de dépasser des irrégularités du support brut et donc de s’adapter à des types de produits très différents. C’est d’autant plus vrai lorsque la technique de retouche par pression est mise en œuvre, comme c’est le cas pour la finition de certaines feuilles de laurier et de saule et les pointes à cran. Dans ce dernier cas, les études technologiques et expérimentales conduites dans le cadre du projet TFPS ont bien montré que les tailleurs de pointes à cran avaient mis à profit à la fois des supports laminaires réguliers et relativement normés mais aussi des sous-produits de morphologie plus hétérogène (Chadelle et al., 1991 ; Geneste 1991 ; Geneste et Maury, 1997). La seule contrainte se situe ici dans le rapport largeur/épaisseur des supports sélectionnés qui doivent être de dimensions et d’épaisseur suffisantes pour permettre l’application de ce type de retouche ; une seconde contrainte étant bien évidemment liée à la qualité des matériaux siliceux dont la finesse de grain doit être adaptée afin que les enlèvements filent correctement ; ™ un second a trait à l’efficacité fonctionnelle des bords aménagés par retouche solutréenne. Cette dernière permet

en effet de créer, à l’image des pièces bifaciales du Paléolithique ancien ou moyen (voir p.e. Boëda, 1997 ; Soriano, 2000) des fils tranchants fins, qui ne sont jamais tout à fait rectilignes et dont on ne cherche pas à gommer l’aspect « micro-denticulé ». En effet, la préparation soigneuse de chaque enlèvement de retouche (voir Almeida, 2006 ; Aubry et al., 2008) laisse sur le tranchant une alternance de contre-bulbes et de « dents » saillantes et pointues qui doivent conférer au tranchant à la fois une bonne robustesse et un caractère hautement vulnérant. T. Aubry et al. (1998, p. 175-176) observent également ce phénomène sur les pointes foliacées des Maîtreaux en précisant que le façonnage « (…) aboutit à un tranchant constitué par une succession de concavités, sans reprise secondaire, donnant aux pièces foliacées bifaces solutréennes cet aspect caractéristique ». J. Pelegrin (2003 communication écrite inédite) nous a rapportée que des feuilles de laurier d’assez grandes dimensions (15 à 20 cm de longueur par exemple) constituaient d’excellents couteaux de boucherie permettant à la fois de scier des zones dures (os mince ?) et de trancher des parties molles. Cette configuration particulière du bord tranchant obtenu par retouche solutréenne constitue à n’en pas douter un caractère fonctionnel de la plus haute importance pour appréhender les raisons de son succès ; il en va aussi de même pour les feuilles de saule dont l’efficacité en couteau de boucherie est confirmée par des tests expérimentaux (voir le film documentaire sur les feuilles de saule réalisé par P. Magontier (série « Les gestes de la préhistoire) sous le pilotage scientifique de J.M. Geneste, S. Maury & J. Pelegrin) ; enfin, la retouche solutréenne impose des supports suffisamment larges et épais et doit vraisemblablement être mise en relation avec une longue durée de vie des outillages. À la fois robustes et efficaces, ils peuvent être plusieurs fois réavivés, voire même recyclés comme l’atteste au Solutréen ancien la fréquente réutilisation de pointes à face plane en divers types d’outils du fonds commun. ™

Très succinctement résumé, le succès de la retouche solutréenne peut s’expliquer à la fois par les propriétés fonctionnelles spécifiques qu’elle confère aux outillages (efficacité, robustesse du tranchant et durée de vie) et par la souplesse qu’elle permet en théorie en termes de sélection

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des supports transformés. Son succès est manifeste dès le Solutréen ancien et s’applique presque exclusivement à la confection des pointes à face plane, hormis sa présence sporadique sur quelques bords de lames retouchées latéralement ou transformées en grattoirs. Il est intéressant de retenir que cette modalité d’aménagement a auparavant été appliquée à un procédé encore discret d’amincissement de quelques portions basales de pointes de Vale Comprido aux dépens de leur face inférieure. À ce stade, la technique par pression n’est pas impliquée dans la systématisation de ce mode de retouche. Les corpus de pointes à face plane d’Azkonzilo, de Laugerie-Haute Est (couche 31) et Ouest (couches 12d à 12à) ou de La Celle-SaintCyr sont tous compatibles avec une retouche soignée par percussion tendre organique (observations réalisées en collaboration avec J. Pelegrin sur la série de La Celle-Saint-Cyr et J.-M. Geneste pour la couche 6a d’Azkonzilo ; pour cette dernière, des tests expérimentaux allant dans le même sans ont également été réalisés par J. Pelegrin avec C. Chauchat). 268

La retouche par pression ferait donc son apparition d’abord pour la finition de certaines feuilles de laurier (Plisson et Geneste, 1989 ; Aubry, 1998 ; Aubry et al. 2008) puis, plus systématiquement, dans le cadre de la confection des pointes à cran. Elle peut également être associée à un traitement thermique des matières premières siliceuses permettant d’améliorer les qualités physiques du silex et de faciliter l’usage de la pression (Bordes, 1969 ; Inizan et al., 19751976 ; Tiffagom, 1998 ; Inizan et Tixier 2000). Il est probable que des préformes de feuilles de laurier dégrossies par percussion tendre organique étaient soumises à un traitement thermique avant d’être finalisées par retouche par pression (voir Plisson et Geneste, 1989, p. 90). Ce procédé, reconnu sur plusieurs séries de Solutréen récent du Sud-Ouest (Pelegrin et Geneste, communications personnelles et travaux de B. Madsen sur les feuilles de laurier de LaugerieHaute Ouest mentionnés par Plisson et Geneste, 1989) semble toutefois d’usage assez exceptionnel et pourrait bien n’être appliqué qu’à des types de matériaux bien particuliers, comme ce semble être le cas pour les silex tertiaires et bajociens du bassin versant de la Creuse (Aubry, 1991). La prise en compte de quelques caractères structurant du Solutréen récent renforce à nos yeux l’unité de ce techno-complexe malgré les

fortes différences que peut traduire une comparaison directe des contextes du Protosolutréen, du Solutréen ancien et du Solutréen récent. Au niveau des équipements lithiques, le Solutréen est marqué par un phénomène évolutif « additionnel » (ou accrétif comme suggéré par C. Perlès) avec, pour les pointes lithiques, un renforcement progressif de leur diversité, de leur spécialisation et des savoirfaire impliqués dans leur réalisation. A chaque étape de cette évolution, tout semble se produire en continuité par reformulation de connaissances déjà acquises et/ou expérimentées mais en renforçant l’investissement techno-économique et, par voie de conséquence, les contraintes que cela suppose pour les groupes humains. C’est autour de cette notion d’investissement technique et économique différencié qui caractériseraient les armes de chasse solutréennes que nous essaierons de résumer les grandes tendances évolutives entrevues et de proposer quelques pistes de recherches quant à leur signification.

III. Stratégies de gestion des outillages lithiques et investissement technoéconomique différencié : activités cynégétiques versus activités domestiques Derrière la technologie des pointes solutréennes se trament des évolutions certes techniques mais aussi d’une toute autre nature, renvoyant davantage aux sphères économiques et sociales de ces sociétés. Un point essentiel réside dans l’individualisation et la spécification des stratégies de production et de confection des armes de chasse vis-à-vis des autres catégories de l’outillage solutréen. Se pose ici la question globale des stratégies de gestion de l’outillage mais aussi celle de l’investissement technique et économique dévolu à chaque grande sphère d’activités par les Solutréens. Ces questions relatives au degré d’investissement technique et économique dont les productions matérielles font l’objet sont au cœur de débats qui transcendent les champs chronologiques et regroupent en quelque sorte l’ensemble des travaux actuels en archéologie des techniques (voir p.e. les actes des XXVIe Rencontres Internationales d’Archéologie et d’Histoire d’Antibes intitulés « Normes techniques et pratiques sociales : de la simplicité des outillages pré- et protohistoriques » sous la direction de L. Astruc et al., 2006). Elles sont particulièrement pertinentes en ce qui concerne le Solutréen dans la mesure où de nets contrastes y apparaissent en termes de complexité et d’investissement techno-

e Troisième partie – Innovations et évolutions techno-économiques au Solutréen : une perspective diachronique

économique différencié des grandes catégories de production (Renard et Geneste, 2006).

III.1. Stratégies de gestion technoéconomique des équipements lithiques dans les phases anciennes du Solutréen Au Protosolutréen comme au Solutréen ancien, les deux productions principales sont dissociées et conduites aux dépens de nucléus spécifiques. Des nucléus de structure volumétrique particulière fournissent principalement des lames ou éclats laminaires de type parallèle ou convergent et des pièces carénés à front étroit sont dévolues à l’obtention de petites lamelles, conservées brutes ou marginalement retouchées. Il y a donc deux méthodes et deux objectifs clairement séparés dans la constitution des équipements lithiques. À Marseillon, on ne note pas de différence dans la nature de l’investissement techno-économique consacré à ces deux productions. Des matériaux locaux sont systématiquement utilisés dans les deux cas, constat s’expliquant naturellement par la localisation du gisement au cœur des gîtes maastrichtiens chalossais. Les stratégies de production ne témoignent pas non plus d’une claire différenciation en termes d’investissement ou de savoir-faire engagés dans leur réalisation. En ce qui concerne la gestion des outillages, nous sommes ici limités par sa faible représentation et par la vision parcellaire dont nous disposons pour l’outillage de fonds commun, qui se limite à quelques grattoirs ou burins et à des bords de lames marginalement retouchés. Là encore, le statut du gisement explique cette monotonie typologique sur un lieu où les activités de production lithique sont très largement dominantes. Il demeure également délicat, sinon impossible, de rendre compte des grandes registres d’activité auxquels les équipements lithiques de Marseillon sont dévolus. Seules quelques remarques préliminaires peuvent être établies : ™ une hiérarchie des intentions du débitage peut être mise en évidence ; des supports plus ou moins allongés mais surtout de morphologie triangulaire d’une part et de petites lamelles légèrement courbes d’autre part constituent les objectifs principaux sousjacents à la mise en œuvre des deux productions principales ; ™ en termes de registres d’activité, nos connaissances sont encore lacunaires sur la dévolution de ces deux catégories de supports

puisque aucun stigmate révélateur d’un fonctionnement identifiable n’a pu être reconnu à Marseillon. Nous pouvons néanmoins relever que les supports triangulaires, quand ils sont transformés, donnent lieu à la confection de pointes de Vale Comprido. Certaines de ces pointes sont considérées comme des pointes de projectile dans le contexte du Protosolutréen du Portugal. Parallèlement, on peut aussi supposer qu’une part des lamelles brutes et/ou marginalement retouchées étaient des éléments d’armature fixés latéralement à une hampe organique. C’est là un cas de figure qui a pu être proposé dans le cadre de l’utilisation des lamelles à retouche discrète et le plus souvent brutes de l’Aurignacien ancien (Pelegrin et O’Farrell, 2005 ; O’Farrell, 2005). À l’Aurignacien ancien, ces lamelles sont aussi produites à partir de nucléus carénés, à front large cette fois, et plusieurs auteurs ont insisté sur le décalage entre la quantité de « grattoirs » carénés et la très faible proportion des ensembles archéologiques en lamelles retouchées (Bon, 2002 ; Pelegrin et O’Farrell, ibid.) Un usage brut des lamelles y est donc privilégié et il pourrait en aller de même au Protosolutréen. Des études complémentaires devront assurément être conduites pour tester cette hypothèse ; ™ si ces présomptions étaient à l’avenir confirmées, nous aurions donc au Protosolutréen la mise en œuvre de deux schémas de production principaux orientés chacun vers l’obtention de supports destinés à être transformés en pointes lithiques et en armatures latérales de projectile.

Il pourrait en aller de même au Solutréen ancien où les productions de petites lamelles se maintiennent et sont associés aux pointes à face plane. En dépit des fortes communautés relevées avec le Protosolutréen dans l’organisation générale des productions lithiques et dans les types de schémas opératoires en présence, quelques évolutions peuvent être relevées : ™ par l’ampleur de ses phases de confection et de ravivage, la pointe à face plane témoigne d’un investissement techno-économique la différenciant nettement des autres catégories de l’outillage. Son usage avéré de pointes de projectile dans certains cas et de couteau dans d’autres permet de l’interpréter comme un outil très largement impliqué dans les activités

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cynégétiques, et ce qu’il s’agisse de l’abattage des gibiers ou de leur découpe ; ™ outre un plus grand investissement technique par rapport aux pointes de Vale Comprido, que ce soit dans les savoir-faire impliqués ou dans le temps nécessaire à sa réalisation, on relève également une sélection plus rigoureuse des matières premières employées. À Marseillon, la production des supports de pointes de Vale Comprido n’implique pas de stratégies particulières de sélection des ressources minérales ; les tailleurs ont mis à profit les silex locaux du Maastrichtien sans sélection apparente en fonction de la qualité des blocs disponibles. Il en va différemment dans le Solutréen ancien d’Azkonzilo où nous avons pu relever avec l’aide de C. Normand que les meilleures variétés au grain fin de l’anticlinal d’Audignon étaient privilégiées. Ainsi, pour une aire d’approvisionnement analogue, les Solutréens anciens ont davantage recherché les silex homogènes de grain fin que leurs prédécesseurs protosolutréens.

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En résumé, l’évolution du Protosolutréen au Solutréen ancien marque une accentuation de l’investissement technique et économique associé à la confection des équipements lithiques impliqués dans les activités de chasse. Voyons maintenant ce qu’il en est au Solutréen récent.

III.2. Deux exemples de gestion technoéconomique différenciées des productions lithiques au Solutréen récent : le Cuzoul et Combe-Saunière L’abri du Cuzoul et la grotte de Combe-Saunière 48 constituent deux des rares sites récemment fouillés selon des techniques modernes où des ensembles du Solutréen récent (Solutréen supérieur à pointes à cran et feuilles de laurier) sont préservés. Les datations 14C autour de 19,500 BP et les fortes affinités des équipements lithiques permettent de proposer que ces occupations sont, à l’échelle des temps radiocarbone, subcontemporaines (Clottes et Giraud, 1985 ; Geneste et Plisson, 1986 ; Renard et Geneste, 2006). Si ces deux gisements présentent des différences en termes de situation dans l’espace et d’environnement immédiat, ils se rejoignent au niveau de l’importance revêtue par les activités cynégétiques dans la constitution de leurs assemblages, que ce soit sur le plan de l’industrie lithiques ou des restes fauniques associés (Geneste et Plisson, 1986 ; Plisson et Geneste, 1989 ; Castel,

1999, 2003; Renard, 2006, sous-presse a et b). Au niveau des équipements lithiques, on peut ainsi souligner la similarité générale de la composition de ces deux ensembles. L’outillage de fonds commun fait état d’un spectre typologique classique au Paléolithique supérieur en général avec, au Cuzoul, une prédominance des grattoirs et des pièces sommairement retouchées. À Combe-Saunière, ce sont ces dernières qui dominent l’ensemble puis leur succèdent, par ordre d’importance, des lames et lamelles retouchées, des burins et des grattoirs. Cet outillage, assez diversifié, ne présente pas de spécificités propres et diffère assez largement des types diagnostiques du Solutréen dont la production et la confection sont plus normées et hiérarchisées. Outre les lamelles à dos, les pointes à cran et une partie des feuilles de laurier composent une part importante de l’équipement cynégétique des chasseurs solutréens. Sur les deux gisements, ces deux grandes catégories d’objets (outils du fonds commun et outils spécifiques du Solutréen) se répartissent de manière quasi-égale sur un plan quantitatif. Elles font cependant l’objet d’un traitement distinct en termes d’investissement technique et économique et permettent de réfléchir sur un éventuel statut différencié des armes de chasse vis-à-vis des autres catégories d’outils impliquées dans des registres d’activités plus difficiles à cerner. Dans les deux cas, l’outillage de fonds commun fait principalement intervenir des matières premières d’origine locale et de qualité moyenne à médiocre dans certains cas (Fig. 137). Il se caractérise en outre par l’utilisation fréquente de sous-produits de chaînes opératoires laminaires et fait l’objet d’aménagements sommaires et peu normés. Seuls quelques rares outils réalisés sur des sous-produits de la production laminaire destinés à l’obtention des supports de pointes à cran se distinguent, au Cuzoul, en ce sens qu’ils sont de réalisation soignée et font intervenir des matériaux exogènes d’excellente qualité. La situation est différente à bien des égards en ce qui concernent les pointes à cran et une part des feuilles de laurier du Cuzoul. Ces outils constituent en effet l’intention première des productions dont elles sont issues. Les pointes à cran du Cuzoul ont, par exemple, été très majoritairement aménagées sur des lames de plein débitage aux dimensions et à la morphologie relativement stable d’une pièce à l’autre.

e Troisième partie – Innovations et évolutions techno-économiques au Solutréen : une perspective diachronique

Figure. 137 : répartition des matières premières utilisées pour la confection des outils du fonds commun du Cuzoul selon les types et les supports sélectionnés. Contrairement aux pointes à cran, cela montre la prédominance des matériaux locaux (silex tertiaires et indifférenciés) de qualité inégale et parfois médiocre.

Elles témoignent également d’un fort investissement situé dans les phases de transformation des supports avec mise en œuvre fréquente, et parfois intégrale, de la retouche par pression. A Combe-Saunière, outre l’utilisation de supports laminaires réguliers du même type qu’au Cuzoul, une partie de ces pointes a été réalisée sur des éclats laminaires moins normés (Geneste et Maury, 1997). Ce choix a alors exigé, en contrepartie, un surinvestissement dans les phases de retouche, se traduisant par un façonnage intégral par pression. Cette souplesse dans les choix des supports résulte ici clairement des possibilités de transformation offertes par la retouche par pression, dont la systématisation constitue à n’en pas douter l’une des grandes innovations des groupes du Solutréen récent. Enfin, les pointes à cran se singularisent aussi par une sélection rigoureuse de matériaux très diversifiés, toujours de très bonne à excellente qualité et de provenance parfois lointaine. Au Cuzoul, pour 37 pointes à cran, on ne recense pas moins de 9 variétés siliceuses différentes, dont les sources d’origine peuvent être distantes de plus 300 km du lieu de consommation (Fig. 138). Il en va de même à Combe-Saunière où les matières locales principalement utilisées dans la production des outils de fonds commun n’ont pas toujours permis de répondre aux exigences technique de la fabrication des pointes à cran (Geneste et Maury, 1997). On observe alors l’introduction de matériaux en provenance de sources exogènes constantes : silex jaspéroïdes de l’Infralias, turonien charentais, silex à dendrites de l’Indre, cinérite du Tarn. Il serait un peu rapide d’imputer

la recherche de matériaux particuliers aux seules contraintes techniques imposées par la confection des pointes à cran et l’usage de la pression puisqu’au Cuzoul, comme à Combe-Saunière, des matières premières de bonne qualité sont aussi disponibles localement. Elles ont fait l’objet d’un investissement technique similaire aux matières exogènes pour la réalisation de pointes à cran de plus petit module à Combe-Saunière.

Figure 138 : Le Cuzoul et Les Peyrugues (Lot) : axes d’approvisionnement des matériaux exogènes utilisés au Solutréen récent pour les pointes à cran et feuilles de laurier (d’après Renard, 2007)

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Finalement, le choix des matières premières pour la confection des pointes à cran semble davantage résulter d’une combinaison de facteurs. On serait tenté de voir ici une pointe de projectile au statut particulier, se traduisant par des formes d’investissement important : investissement tant technique, engageant des modalités d’obtention et de transformation des supports hautement investies et contraignantes, qu’économique sur le plan de la spécificité et de la diversité des matières minérales engagées et des stratégies d’acquisition dont elles font l’objet. Un investissement qui pourrait aussi être à visée plus sociale ou identitaire si l’on songe à la présence d’objets de facture exceptionnelle, conçus dans des matériaux souvent uniques et qui pourraient participer à la reconnaissance du statut de chasseur au Solutréen récent. Ces pointes pourraient alors être imbriquées dans des réseaux d’échanges d’armes ou de supports entre les groupes participant ainsi au maintien des liens sociaux et/ou avoir une fonction de signe et une valeur ostensible et identitaire.

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Si ces hypothèses demandent encore à être étayées, on peut en revanche être davantage affirmatif en ce qui concerne l’existence de stratégies d’acquisition et d’utilisation des matières premières différenciées selon qu’elles sont destinées à la confection d’armes de chasse ou d’outils « domestiques » : matériaux locaux et hétérogènes pour les outils du fonds commun versus matériaux souvent exogènes et de très bonne qualité pour les armes. En ce sens, le Solutréen récent témoigne de stratégies de gestion des outillages nettement différenciées où les outils du fonds commun font principalement l’objet d’une collecte non-anticipée au gré des besoins tandis que l’armement implique anticipation et planification. Le cas des feuilles de laurier permet de nuancer le constat d’une simple dichotomie opposant les armes de chasse et les autres catégories de l’outillage. Il est certes indiscutable, comme nous l’avons déjà suggéré, que certaines d’entre elles et en particulier celles de petites dimensions (10 cm environ) sont utilisées comme pointes de projectile. En témoignent les stigmates de fracturation caractéristiques d’un impact violent reconnus sur quelques spécimens du Cuzoul. On sait par ailleurs que d’autres sont très certainement associées à des activités de boucherie, comme l’indiquent des analyses fonctionnelles couplées aux recherches expérimentales conduites sous

l’égide de groupe de recherche TFPS 49 . Leur résultat propose une utilisation spécifique des feuilles de laurier de plus grand module comme couteau de chasse. Cette association dans les ensembles archéologiques de feuilles de laurier de différents modules constitue un phénomène commun à plusieurs sites du Solutréen récent : Laugerie-Haute, observations personnelles ; Le Fourneau-du-Diable, observations inédites et communications personnelles de J.-M. Geneste et voir également Aubry et al., 2003 a, 2008). Or, ces pointes foliacées bifaciales de grand module font l’objet d’un investissement technique et économique en tous points comparables, voire même parfois supérieur à celles de plus petit module utilisées comme pointe de projectile. Ainsi, quelle que soit la fonction à laquelle les feuilles de laurier sont assujetties (armes ou couteau), leur fabrication requiert un investissement équivalent. Autrement dit, ce ne sont pas uniquement les armes de chasse qui seraient hautement investies et valorisées au Solutréen récent mais l’ensemble des équipements lithiques faisant partie intégrante de la panoplie du chasseur. Enfin, retenons également que ces investissements techno-économiques différenciés des équipements lithiques selon leurs registres d’activité sont également perceptibles à travers des organisations distinctes des productions afférentes dans le temps et dans l’espace. Au Cuzoul et à CombeSaunière, l’outillage de fonds commun est très majoritairement produit sur place tandis que les chaînes opératoires de production des pointes à cran et des feuilles de laurier sont fractionnées dans le temps et dans l’espace. La plupart d’entre elles ont été façonnées hors du site et introduites à l’état d’armatures, le plus souvent endommagées après impact. Il semble ainsi que le rôle spécifique de ces outils et armes de chasse ait conduit les solutréens à anticiper et planifier l’ensemble de leur production, depuis l’acquisition des matériaux jusqu’à leur transformation et utilisation. On pourrait presque, dans certains cas, évoquer la constitution préalable de « stock » de nucléus, de supports bruts ou d’outils prêts à l’emploi. À Combe-Saunière, on note par exemple la présence de nucléus à lames en silex exogène qui ne sont pas parvenus à un stade d’exhaustion et sont potentiellement aptes à fournir de bons supports laminaires. Il en va de même au Fourneau-duDiable où demeurent en quantité des nucléus à lames rectilignes non épuisés ainsi que des lames brutes de première intention en silex jaspéroïde d’excellente qualité (Renard et Geneste, 2006).

e Troisième partie – Innovations et évolutions techno-économiques au Solutréen : une perspective diachronique

Au Solutréen récent, la dichotomie entre outillage domestique du fonds commun et outils et armes directement investis dans les activités cynégétiques se traduit par des différences marquées en termes d’investissement technique et économique. Plus encore qu’au Solutréen ancien, la diversification et la spécialisation des outillages impliqués dans le cadre des activités cynégétiques semblent constituer l’un des moteurs de l’évolution des technologies solutréennes.

III.3. Sur quelques facteurs susceptibles d’être à l’origine de cet investissement technique et économique différencié Pour tenter d’interpréter ces degrés d’investissement différencié de certaines catégories des équipements solutréens, il convient d’évoquer le contexte chrono-climatique très particulier du Dernier Maximum Glaciaire. III.3.1. La chronologie du Solutréen Le Solutréen se développe au cours du Pléniglaciaire supérieur, moment le plus froid de la dernière glaciation. L’intervalle chronologique exact du développement du Solutréen tel que nous le considérons dans ce travail demeure encore imprécis tant nous manquons de datations 14C pour ses premières expressions dans le Sud-Ouest français. En l’état des recherches, seules des dates obtenues pour le Solutréen ancien à pointes à face plane des Peyrugues et de Laugerie-Haute Ouest situent cet épisode entre 20 750 ±-240 et 20 290 ± 230 BP. Précisons toutefois que ces dates, certes cohérentes et comparables, ne fournissent vraisemblablement qu’une estimation chronologique d’un épisode peut-être assez récent du Solutréen ancien. À Laugerie-Haute Ouest, elles ont été obtenues à partir d’échantillons prélevés dans la couche 12a qui clôt la séquence du Solutréen ancien. En outre, certains aspects du matériel, l’absence totale de pointes de Vale Comprido de même que des comparaisons typologiques avec la couche 31 du côté Est laissent penser que le Solutréen ancien du côté Ouest serait plus récent qu’à l’Est (Demars, 1995). Ainsi, les dates de Laugerie-Haute Ouest aux alentours de 20 500 BP ne doivent être considérées que comme une estimation minimale de l’âge 14C du Solutréen ancien. Aux Peyrugues, les datations sont cohérentes mais le matériel est si pauvre qu’il est difficile de proposer une attribution culturelle fiable. On ne peut en effet écarter que cette brève occupation corresponde à un contexte plus récent (Solutréen moyen ?) qui serait dépourvu de feuilles de laurier. Aucune

autre date n’est pour l’heure disponible pour des ensembles du Solutréen ancien dans le Sud-Ouest français et les rares indices protosolutréens ne sont eux pas datés. Au Portugal, le Protosolutréen n’est pas daté directement mais les âges 14C obtenus pour des niveaux du Gravettien terminal, équivalent de l’Aurignacien V du Sud-Ouest, indiquent qu’ils ne sont jamais postérieurs à 21 500 BP. Tel est le cas par exemple à Laghar Velho (Zilhão et Almeida, 2002). Un hiatus lié à l’érosion du Dernier Maximum Glaciaire s’observe ensuite et la séquence se poursuit avec un Solutréen dit moyen, à feuilles de laurier et pointes à face plane datés de 20 220 ± 180 BP. Ainsi, les industries à pointes de Vale Comprido du Protosolutréen couvriraient un intervalle chronologique approximatif entre 21,500 et 21,000 BP (Zilhão, sous-presse). Celui-ci est cohérent avec la position stratigraphique et les datations connues pour le Solutréen ancien d’Aquitaine. On pourrait donc proposer les estimations suivantes : •

Protosolutréen : 21 500 à 21 000 BP soit 25 800 à 24 800 cal BP ;



Solutréen ancien : 21 000 à 20 200 BP soit 25 000 à 24 300 cal BP.

Pour le Solutréen récent, la plupart des dates connues se situent entre 20,000 et 18,700 avec une plus grande concentration autour de 19,500 BP. En chronologie calibrée, le Solutréen récent du Sud-Ouest pourrait donc être replacé entre 24,000 et 22,500 cal BP. Les dates très récentes entre 18,500 et 16,000 BP, encore souvent utilisées par de nombreux auteurs, ne sont pas retenues ici. La révision chronologique de la séquence du Badegoulien dans le Sud-Ouest français (Cuzoul de Vers p.e.) montre en effet que celui-ci apparaît autour de 19 000-18 500 BP (Jaubert et al., 2007). III.3.2. Le contexte climatique du Dernier Maximum Glaciaire Le Solutréen se développe donc sur un période s’étalant sur environ deux millénaires en chronologie radiocarbone. Ce laps de temps du stade isotopique 2 est marqué par le plus grand pic de froid du Dernier Glaciaire : le dernier maximum glaciaire au sein duquel s’exprime l’évènement de Heinrich 2 (Bard et al., 2006 ; d’Errico et al., 2006). D’après les données paléoclimatologiques récentes, le développement du Solutréen se produirait donc sous un climat

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274 Figure 139 : positions chronologiques approximatives du Protosolutréen, du Solutréen ancien et du Solutréen récent (âge 14C calibré avec Calpal online) du Sud-Ouest français dans le contexte paléoclimatologique du Dernier Maximum Glaciaire. Noter que le dernier maximum glaciaire est ici retranscrit par une diminution du % de δ 18O, situant le pic de froid aux alentours de 24 000 cal. BP (évènement d’Heinrich 2)

particulièrement rigoureux avec le pic de froid le plus intense (Dernier Maximum Glaciaire) situé aux alentours de 24 000 cal BP, soit au moment du développement du Solutréen ancien et récent (Fig. 139). Les conséquences climatiques et écologiques du Dernier Maximum Glaciaire font l’objet de nombreux débats et l’on peut retenir les observations suivantes (voir p.e. Kageyama et al., 2006) : ™ la végétation était principalement de type steppe avec développement significatif d’éléments de type toundra (steppe-toundra), compatible avec une baisse importante des températures hivernales et du régime des précipitations annuelles ; ™ les modélisations proposées récemment font état de températures du mois le plus chaud de l’année inférieures de 10°C à celle des climats européens actuels :

™ pour le mois le plus froid, les différences avec l’actuel étaient plus marquées en Europe de l’ouest qu’en Sibérie occidentale. Elles pouvaient en effet être inférieures d’environ 20°C par rapport au climat actuel ; ces différences de gradient à l’échelle européenne entre l’ouest et l’est seraient dues à la présence des glaciers finno-scandinaves ; ™ ces valeurs très basses sont compatibles avec les reconstitutions climatiques fondées sur les limites du permafrost (Renssen et Vandenberghe, 2003) indiquant que celui-ci atteignait la latitude du 50e parallèle Nord dans sa forme continue et le 45e dans sa forme discontinue. Pour le maintien de ce type de formation, les températures annuelles absolues doivent se situer entre – 4 et – 8°C avec un mois le froid de l’année connaissant des températures oscillant entre – 20 et – 25°C. Ces observations sont en outre compatibles avec celles relevées par P. Bertran

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(2005) sur la séquence archéologique des Peyrugues. Celui-ci montre que certains dépôts sédimentaires associés aux industries solutréennes attestent de coulées à front pierreux caractérisant aujourd’hui l’étage nival des montagnes des latitudes basses et moyennes et que ces formations « (…) apparaissent lorsque la température moyenne annuelle est inférieure à -1 ou -2°C, dans des environnements où la végétation est très réduite, en contexte de pergélisol ou de gel saisonnier » (Bertran, 2005, p. 38). La présence d’horizons humifères dont l’un serait sub-contemporain du développement du Solutréen ancien lui permet en outre de proposer une corrélation avec l’interstade de Dansgaard-Oeschger 2 identifié dans les enregistrements isotopiques glaciaires (Grousset, 2001). Ces évènements interstadiaires sont caractérisés par des transitions climatiques extrêmement brusques, en particulier lors des réchauffements, d’une durée inférieure au siècle (Bard et al., 2006). Dans le contexte du Dernier Maximum Glaciaire de l’Europe occidentale, le climat demeurait froid mais pouvait connaître des périodes d’instabilité abrupte et soudaine marquées par des épisodes interstadiaires de « réchauffement ». Des « réchauffements » qui demeuraient cependant froid par rapport au climat actuel. III.3.3. L’Homme face au climat : les contraintes du Dernier Maximum Glaciaire et les réponses adaptatives des sociétés solutréennes Les populations solutréennes du sud-ouest de la France se sont donc adaptées à un contexte climatique très rigoureux et instable. Au vu des estimations de température proposées, on peut imaginer certaines contraintes qui devaient peser sur l’organisation et le mode de vie des groupes humains considérés : ™ réduction de la taille des territoires exploitables vers le nord et ouverture de grandes plaines en direction de l’océan Atlantique puisqu’on estime qu’au Dernier Maximum Glaciaire, les lignes de rivages se situaient au niveau de l’isobathe -120 m (Fairbanks, 1989 ; Delpech, 1999). Les biocénoses européennes les plus froides disposaient donc d’un espace géographique assez limité avec dépeuplement de la grande plaine nord-européenne ; ™ les contraintes climatiques ont également pesé sur les espèces animales qui ont du s’adapter ; F. Delpech (1999) montre que les

ongulés ont vu leur taille et leur effectif diminuer au cours des pics de froids les plus intenses. A l’échelle de l’Europe occidentale, elle précise que la grande faune est alors concentrée dans les zones basses d’Aquitaine et que cette situation de confinement a crée pour toutes les espèces « (…) de très fortes contraintes qui entraînent une diminution de taille des individus ainsi qu’une baisse des effectifs pouvant aller jusqu’à la disparition de certaines espèces ; cela a sans doute été le cas pour le bœuf musqué (Ovibos) » (Delpech, 1999, p. 34). Considérant que la densité humaine a varié dans des proportions comparables à la biomasse des ongulés, F. Delpech propose une estimation de 0,75 habitant par 100 km² pour le Dernier Maximum Glaciaire et précise que la population européenne a pu varier dans des ordres de grandeur de 1 à 23 entre le Dernier Maximum Glaciaire et le réchauffement de l’Allerød par exemple ; ™ au niveau du mode de vie des populations, les contraintes climatiques ont donc pesé à la fois sur : • l’acquisition des ressources animales dans un contexte ne favorisant pas le développement de grands troupeaux d’herbivore ; • l’acquisition des ressources végétales puisque le climat du Dernier Maximum Glaciaire se caractérise par des écologies de type steppe-toundra où le couvert forestier est minimal ; • l’acquisition des ressources minérales puisque des sols gelés et enneigés une bonne partie de l’année demandaient de concentrer l’approvisionnement en matières premières à certaines périodes plus favorables de l’année ; • les déplacements saisonniers si l’on considère qu’à certaines périodes de l’année et notamment lors des phases de dégel de la période estivale, certains cours d’eau en débâcle pouvaient demeurer infranchissables en dehors des périodes les plus froides de l’année.

On peut donc proposer que l’évolution des technologies solutréennes constitue une réponse adaptative des groupes de chasseurs-cueilleurs du Sud-Ouest français aux fortes contraintes climatiques et écologiques du dernier maximum glaciaire. Cette ou plutôt ces réponses se

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traduiraient en particulier par la mise en œuvre de stratégies très planifiées et anticipées conférant à la chasse un rôle déterminant, sinon structurant pour la survie des groupes humains considérés. Nous en donnerons ici quelques exemples. Fort degré d’investissement technique et économique et d’anticipation dans la fabrication des armes et outils de chasse

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Une évolution tout au long du Solutréen dans le degré d’investissement technique et économiques des productions lithiques dévolues à la constitution des outils et des armes de chasse a été proposée tout au long du Solutréen, atteignant son paroxysme au Solutréen récent qui témoigne de stratégies à la fois spécialisées et diversifiées (façonnage bifacial pour petites et grandes feuilles de laurier, débitage laminaire bipolaire de supports rectiligne pour la confection de pointes à cran et de lamelles à dos). Si des filiations typotechnologiques ont été suggérées du Protosolutréen au Solutréen récent en passant par l’épisode intermédiaire du Solutréen ancien, on ne peut que constater la plus grande spécialisation et le plus haut degré d’investissement technoéconomique dont les productions lithiques du Solutréen récent font l’objet. Plusieurs innovations techniques apparaissent à l’image du fort développement de la retouche par pression ou de l’usage, certes apparemment modéré, du traitement thermique de certaines ressources siliceuses. En outre, les systèmes de production de l’armement se modifient tout au long du Solutréen : si certaines pointes lithiques de Vale Comprido venaient armer des projectiles, on ne peut oublier l’importance des productions de petites lamelles brutes que l’on peut imaginer être emmanchées sur des pointes de projectile en bois végétal. C’est là une version offrant des avantages économiques indéniables en termes de mobilité puisque ces productions de lamelles sont disjointes des productions laminaires et qu’il est ainsi aisé de transporter des supports de nucléus, légers et par conséquent mobiles, lors d’expéditions de chasse par exemple. L’évolution technologique de l’armement de chasse au Solutréen récent va aller de pair avec un investissement économique accru allant dans le sens d’une plus grande anticipation des besoins ; on observe par exemple une forte sélection des matières premières employées et un fractionnement spatio-temporel important des chaînes opératoires de production, de confection

et d’utilisation. Compte-tenu des contraintes climatiques rappelées plus haut, on peut postuler que l’extraction des ressources minérales devait s’effectuer lors des phases de dégel, autrement dit durant un laps de temps annuel relativement court. Ce pourrait avoir conduit les groupes à une mise en réserve de certains matériaux de grande qualité, particulièrement valorisés dans le Solutréen récent du Sud-Ouest français. En outre, le couvert neigeux a pu amener les Solutréens à exploiter de manière constante des gîtes déterminés, connus et identifiables malgré leur manque de visibilité. Cela expliquerait en partie la persistance dans les ensembles solutréens récents d’Aquitaine de certaines matières premières particulières : silex jaspéroïdes de l’Infralias, turonien charentais, silex à dendrites de l’Indre (Castel et al., 2005 ; Renard et Geneste, 2006). Le sur-investissement technologique de certaines catégories d’outils et d’armes de chasse : le statut du chasseur au Solutréen

Notre connaissance des armes de chasse solutréennes est encore incomplète et les efforts engagés par le groupe de recherche TFPS mériteraient d’être poursuivis. On ne peut également passer sous silence le monde des armes en matières dures animales, dont un trait caractéristique au Solutréen récent est illustré par de longues sagaies en bois de renne à double rainure profonde, abondantes sur quelques sites tels le Placard et Combe-Saunière (Plisson et Geneste, 1989, p. 91). Il est certes dommageable que nos informations ne soient pas plus précises en ce qui concerne l’outillage osseux du Solutréen récent et plus encore des autres phases du Solutréen. Il n’en reste pas moins que considérés sous le seul angle du sous-système lithique, les outils solutréens et principalement ceux dévolus à la chasse témoignent à la fois d’une diversité et d’un investissement technique et économique important. Cet investissement renvoie à des exigences fonctionnelles et requiert des savoirfaire exigeants. Comme l’a proposé J. Pelegrin (2003 communication écrite inédite, 2007), la chasse devait, peut-être plus encore qu’à d’autres moments du Paléolithique supérieur, revêtir une importance cruciale dans ce contexte climatique particulièrement sévère (voir aussi Renard et Geneste, 2006). La diminution de la biomasse, la réduction de taille et la dispersion des ongulés (Delpech, 1999) faisaient peser des contraintes importantes sur les groupes de chasseurs qui ne pouvaient peut être plus réaliser d’importants

e Troisième partie – Innovations et évolutions techno-économiques au Solutréen : une perspective diachronique

rabattages des troupeaux. Au contraire, si le gibier était dispersé, les chasseurs devaient l’être tout autant. En ce sens, ils devaient nécessairement être de bons chasseurs mais aussi disposer d’armes efficaces et donc très vulnérantes. En outre, comme nous l’ont confiée J. Pelegrin et J.-M. Geneste (communications personnelles) qui a pu observer ce phénomène en Scandinavie, le chasseur devait aussi être capable de découper rapidement le gibier abattu avant qu’il ne gèle. En d’autres termes et sous peine de constituer un risque important pour l’ensemble du groupe, les chasseurs devaient avoir dans leur besace des armes très vulnérantes mais aussi des couteaux de découpe efficaces lorsqu’ils étaient amenés à chasser à quelques distances du campement et donc à découper les quartiers de viande sur le lieu de l’abattage. Les pointes à cran ou les feuilles de laurier de petites dimensions d’une part, celles de plus grandes dimensions d’autre part représentaient assurément des atouts importants pour les chasseurs et une réponse adaptative particulièrement efficace aux contraintes du Dernier Maximum Glaciaire. Il est ici suggéré que l’investissement dont armes et outils de chasse ont fait l’objet au Solutréen récent nous renseigne sur le statut des chasseurs au sein de ces sociétés (Pelegrin, 2003 communication écrite inédite, 2007 ; Renard et Geneste, 2006). Les importantes responsabilités leur incombant dans une situation où la subsistance était essentiellement extraite des ressources carnées devaient conférer à ceux reconnus comme de « bons » chasseurs un statut social singulier au sein des groupes. L’arme était donc à la fois garante de leur réussite mais aussi démonstration de ce statut auprès des autres. En d’autres termes, elle était à la fois fonctionnelle et symbolique en ce qu’elle renseignait peut être sur les qualités de chasseur de son auteur. Ce pourrait expliquer le sur-investissement placé en certaines d’entre elles, voire même apporter des éléments à la question des feuilles de laurier entières retrouvées sur plusieurs sites sans aucune trace d’usage. Des pièces réalisées pour ne pas être utilisées mais pour être vues… La diversification, la spécialisation et l’investissement techno-économique croissant dont armes et outils de chasse font l’objet au Solutréen traduiraient l’adaptation pertinente des groupes humains aux contraintes climatiques du Dernier Maximum Glaciaire. Celles-ci contribueraient à valoriser le statut du chasseur sur lequel pesaient de fortes responsabilités collectives pour le maintien de la cohésion sociale du groupe (Pelegrin, 2003 communication écrite inédite, 2007). Ce phénomène serait pensé en amont et

donnerait lieu à un renforcement des qualités fonctionnelles de l’armement tout en investissant aussi le champ symbolique par la valeur de signe conféré à ces objets si révélateurs du statut de l’individu les possédant. Ainsi résumé, l’évolution des armes de chasse solutréennes ne serait pas simplement une réponse technologique à un déterminisme environnemental, comme l’ont proposé de nombreux auteurs avant nous pour le Solutréen (Straus, 1990) mais davantage le reflet d’une modification des stratégies de chasse et du statut sociologique du chasseur au sein des groupes considérés. Nous sommes pleinement consciente de la fragilité des hypothèses évoquées et des manques méthodologiques qu’il conviendra de gommer dans les années à venir. En particulier, d’importants travaux expérimentaux devront être poursuivis sur la fonctionnalité des équipements solutréens. Remarques sur le statut des sites solutréens

Dans les lignes précédentes, nous avons souvent opposé, certainement de manière trop caricaturale, l’équipement de chasse à l’outillage « domestique » ; cette dernière catégorie est ici entendue comme la somme des activités réalisées à l’intérieur même du campement. De même, nous avons précisé le fort fractionnement spatiotemporel des chaînes de production, de confection et d’utilisation des armes. Si cette tendance semble se développer au Solutréen, cela irait de pair avec une mobilité assez forte des groupes en question qui seraient conduits à se disperser fréquemment en petits groupes pour suivre un gibier en faisant de même (Delpech, 1999). Une évolution dans la fonction de sites tout au long de la séquence solutréenne est difficilement quantifiable tant le corpus des gisements est inégalement répartie en diachronie : en ne considérant que le Sud-Ouest français, on passe d’une petite dizaine de gisements connus pour le Protosolutréen et le Solutréen ancien à plus d’une centaine pour le Solutréen récent. Dès lors, toute tentative d’interprétation se heure à ce biais. Nous peinons à imaginer que cette forte croissance en nombre de sites reflète uniquement un phénomène démographique comme l’a proposé en son temps P. Smith (1973) ou L.G. Straus (1977) qui va même jusqu’à évoquer un « boom » démographique. D’autres études récentes se basent elles aussi sur le nombre de gisements connus par phases du Paléolithique supérieur pour établir des inférences sur les variations démographiques des populations (voir p.e. Bocquet-Appel et al., 2005 ; Banks et al., 2008).

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Avant d’interpréter les données en ce sens, il nous semble qu’il conviendrait d’examiner précisément la géo-archéologie des dépôts et les dynamiques sédimentaires du Dernier Maximum Glaciaire. J. Zilhão souligne ce phénomène au Portugal et la présence de phases d’érosion majeure pour expliquer l’absence dans les archéo-séquences de l’Estremadura des occupations du Solutréen ancien à pointes à face plane dont il suppose qu’il s’est développé au Portugal entre 21 000 et 20 500 BP (Zilhão et Almeida, 2002 ; Zilhão, souspresse). Nous partageons son avis qui mériterait d’être aussi appliqué dans Sud-Ouest français même si nous ne disposons pas des études géologiques adéquates pour confirmer cette présomption.

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Nos arguments sont d’une autre nature et renvoient à la présence, sur l’ensemble des sites considérés, d’occupations importantes, riches en matériel et témoignant de réseaux d’approvisionnement en matières premières significatifs : présence de pièces lithiques exogènes dans le Solutréen ancien de Laugerie-Haute (Demars, 1995 a et b), approvisionnement dominant en silex exogène de Chalosse à Azkonzilo… Des sites du Solutréen ancien ont nécessairement dû exister à proximité des gîtes du Bergeracois ou de l’anticlinal d’Audignon par exemple. N’oublions pas non plus que les matières premières abandonnées dans la couche 6a d’Azkonzilo témoignent de relations de part et d’autre des Pyrénées avec la présence, certes discrète, de silex de Treviño. En outre, le fait que des idées techniques similaires aient été partagées dès le Protosolutréen depuis le Portugal jusqu’au nord de l’Aquitaine implique sans doute que des sites intermédiaires existent et des sociétés en contact au moins pour que la diffusion des idées techniques soit assurée. L’explosion démographique du Solutréen récent demeure à nos yeux sujette à caution et discutable. Ce qui l’est moins, en revanche, c’est le fort contraste qui semble exister au Solutréen récent entre des sites au statut bien différent. Tout un panel d’occupations de nature différente peut ainsi être mis en évidence : ™ des sites « d’atelier » où les activités d’acquisition des ressources minérales et de production sont majoritaires (Les Maîtreaux, Aubry et al., 1998 ; Almeida, 2005 ; Aubry et al., 2004), voire exclusive comme ce semble être le cas sur le site de la Doline près de Bergerac où les tailleurs ont presque uniquement façonné des feuilles de laurier (Bourguignon et al., 2004) ;

™ des sites considérés comme des haltes de chasse où un gradient peut être mis en évidence en fonction de la durée et de la récurrence des occupations. Par exemple, les couches 12 a des Peyrugues qui témoignent d’un occupation de très courte durée (Renard, 2006), le Cuzoul de Vers où les Solutréens récents sont certainement revenus plus fréquemment (Castel, 2003 ; Renard, 2006, sous-presse a et b) ou Combe-Saunière dont l’équipement renvoie pour l’essentiel aux activités cynégétiques mais pas seulement et qui pourrait être considéré comme « satellite de sites d’occupations affirmés et beaucoup plus importants comme le Fourneau-du-Diable (1 journée de marche) et Le Placard (2 ou 3 journées de marche) » (Castel et al., 2005) ;

enfin, des sites concentrant des registres d’activités nombreux et diversifiés et où, proportionnellement au total des équipements retrouvés, les pointes de projectile sont beaucoup moins importantes à l’image du Placard ou du Fourneau-du-Diable par exemple. Ils sont considérés par certains (Castel et al., ibid.) comme des lieux d’agrégation tels qu’ils ont été définis par M. Conkey (1980) et associent en outre de riches équipements matériels à un art mobilier et/ou pariétal.

™

Ainsi, à l’échelle du Sud-Ouest, on aurait exploitation d’un vaste territoire au sein duquel se répartiraient de véritables habitats et des occupations plus temporaires et saisonnières où vont prédominer les activités techniques d’acquisition et d’exploitation des ressources (Castel et al., ibid.). Ce mode de gestion des activités dans le temps et dans l’espace trouve un excellent parallèle dans l’important fractionnement spatio-temporel des productions matérielles relevées. Il ouvre en outre une autre manière d’appréhender l’évolution des sociétés humaines sur le temps long au Paléolithique supérieur en ce sens que ce découpage des activités et des types de sites correspondant n’est pas une règle générale des comportements au Paléolithique supérieur. F. Bon (communication personnelle) nous a souvent rappelé combien l’Aurignacien se différenciait du Solutréen récent en ce sens par la plus grande monotonie existante d’un site à un autre en termes de représentation des types d’équipements abandonnés qui n’indiquent pas de contrastes aussi forts que ceux apparaissant au Solutréen. Ce type de recherche comparée devrait nous apprendre beaucoup sur l’évolution des stratégies

e Troisième partie – Innovations et évolutions techno-économiques au Solutréen : une perspective diachronique

d’adaptation au milieu physique ainsi que sur les structures socio-économiques des groupes humains au Paléolithique supérieur. Peu à peu se dessine donc une évolution du Solutréen à la fois technique, économique et sociale. C’est selon cet ordre, du technique au social, que nous avons organisé cette dernière partie qui, plus que des résultats, souligne des perspectives de recherche qui nous semblent pertinentes dans le cadre d’une compréhension diachronique du Solutréen. 46 Comme nous l’avons précisé pour les pointes à face plane d’Azkonzilo, nous faisons ici référence à des groupes typologiques d’objets englobant des pièces avec des principes de fonctionnement différents (actions de découpe ou pointe de projectile par exemple). Nous ne sous-entendons pas ici qu’un seul et même objet (une pointe à face plane ou une feuille de laurier par exemple) puissent avoir des fonctions différentes. 47 Au Pech de la Boissière, on compte 162 pointes à cran (15,1% du total de l’outillage) pour 198 feuilles de laurier et 68 pointes à face plane ; au Fourneau-du-Diable (Solutréen supérieur I), 145 pointes à cran, 179 feuilles de laurier et 9 pointes à face plane ; au Placard, 256 pointes à cran, 13 feuilles de laurier et 3 pointes à face plane (Smith, 1966). Compte tenu de l’ancienneté des fouilles considérées, ces chiffres sont très certainement biaisés. 48 Je remercie chaleureusement J.-P. Chadelle pour m’avoir confiée les données, parfois inédites, qu’il a recueilli sur le Solutréen de la grotte de Combe-Saunière dans le cadre de la préparation d’un article écrit en collaboration avec J.-M. Geneste (Renard et Geneste, 2006). 49 Je tiens ici à remercier très chaleureusement J.-M. Geneste, S. Maury et J. Pelegrin qui m’ont à plusieurs reprises fait part des résultats souvent inédits.

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Conclusion et perspectives

Conclusions et perspectives…

Les pointes solutréennes et leurs modes de production sont venus nourrir une réflexion de portée plus générale sur l’évolution diachronique d’une fraction significative du système technique solutréen. Bien d’autres pans des sociétés humaines du dernier maximum glaciaire auraient pu être évoqués et confrontés aux modifications des équipements lithiques. Les industries en matières dures animales ou les formes d’expression artistique de ces groupes seraient ici de la plus haute importance pour évaluer les processus et les rythmes d’évolution de ces autres traits constitutifs de la culture de ces groupes. Si ce type d’approche a été appliqué avec succès à une échelle régionale et synchronique (voir p.e. les réflexions sur les territoires des solutréens récents en Aquitaine, Castel et al., 2005), il demeure délicat de la mettre en place dans une perspective diachronique tant les données sont ici lacunaires en ce qui concerne les premières expressions solutréennes. L’art solutréen - l’art mobilier en particulier - reste encore méconnu (Djindjian, 2004) mais retenons l’étonnante stabilité des formes d’expression artistique que met en évidence l’étude de plusieurs centaines de plaquettes peintes et gravées de la séquence gravettienne et solutréenne du Parpalló (Villaverde Bonilla, 1994) : ici, point de rupture mais une remarquable continuité stylistique couvrant plusieurs millénaires d’expressions humaines (voir aussi Zilhão, 2003) ; un autre argument pour privilégier des hypothèses d’une évolution locale des sociétés du Sud-Ouest européen avant de mettre en scène de grandes migrations et de proposer des reconstitutions du parcours de ces groupes, certes séduisantes, à travers l’usage des célèbres « cartes à flèches » (voir Valentin, 2007, p. 36). De ce point de vue, nos résultats ne valident pas l’idée d’une influence strictement exogène pour rendre compte des particularismes des industries du Solutréen récent aquitain. Plusieurs auteurs ont récemment remis cette idée au goût du jour en insistant sur une partition du complexe Solutréen en deux temps (voir p.e. Otte et Noiret, 2002 ; Bouzouggar et al., 2002) : le Proto-Solutréen (et donc le Solutréen ancien) suivrait les traditions du Gravettien septentrional aux lames appointées par retouche plate (Otte, 1974, 1985) tandis qu’à partir du Solutréen moyen, l’influence dominante serait maghrébine à travers des déplacements de populations via le détroit de Gibraltar et la Péninsule ibérique (Otte et Noiret, ibid. ; Bouzouggar et al., ibid.). Ces comparaisons à longue distance sur la base de communautés

stylistiques des outillages nous semblent encore prématurées et l’idée d’une influence des Gravettiens septentrionaux sur les premiers Solutréens évoquée par M. Otte dans les années 1970 se basait sur l’attribution au « ProtoSolutréen » de l’unique « pointe à face plane » relevée par F. Bordes à Saint-Pierre-Lès-Elbeuf en Normandie. C’est là un point bien fragile, surtout si nous replaçons maintenant au cœur des débats les industries du Protosolutréen à pointes de Vale Comprido. Sans nier la plausibilité d’influences extérieures 50 , nous avons préféré, sur la base des données archéologiques dont nous disposons, mettre l’accent sur des processus plus sociologiques mettant en scène l’évolution du registre des pointes de projectile et le statut du chasseur au cours du Solutréen. Derrière ces évolutions techno-économiques se trament vraisemblablement des réorganisations sociales dans la manière d’organiser les activités et, peutêtre aussi, dans le statut des individus au sein du groupe et aux yeux des autres. L’investissement particulier que les Solutréens placent dans la constitution de certains équipements techniques et dans la manière de les gérer dans le temps et l’espace constitue une piste de recherche à suivre pour accéder peu à peu à la dimension sociologique que nous recherchons derrière ces outillages paléolithiques (voir p.e. Pelegrin, 1995 ; Valentin, 2007, p. 190-191). Nous sommes encore loin de restituer finement ces phénomènes et l’imprécise résolution chronologique pour le Solutréen nous écarte encore assez largement d’une ambition « paléohistorique » telle que celle mise en scène par exemple par B. Valentin (1995, 2007) à propos des sociétés tardiglaciaires. Gardons toutefois cette ambition et attendons de nouvelles découvertes et des maillages chronologiques plus fins. Outre l’imprécision de la chronologie solutréenne, ces ambitions se heurtent également au peu de témoignages dont nous disposons pour les premières expressions du Solutréen. Le fait de nous tourner fréquemment vers l’Estremadura pour comparer les productions de Marseillon l’illustre bien et c’était à nos yeux un impératif, reflet d’une représentation archéologique tronquée des occupations humaines à certains moments du Dernier Maximum Glaciaire. En dépit de ces réserves, comment ne pas voir, à l’issue de ce travail, de forts contrastes dans la représentation géographique des phénomènes techniques au cours du Solutréen aboutissant à d’évidents

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indices de régionalisation des groupes au Solutréen récent (voir p.e. Smith, 1966, 1973 ; Straus, 1977, 1990, 2000 ; Tiffagom, 2006 ; Zilhão, sous-presse). Des phénomènes de globalisation technique au début du Solutréen

Certes encore imprécises, les comparaisons proposées par J. Zilhão et ses collègues (Zilhão et Aubry, 1995 ; Zilhão et al., 1999 ; Zilhão, souspresse) à propos des industries protosolutréennes à pointes de Vale Comprido sont maintenant renforcées par la découverte du site de Marseillon. Les analogies sont fortes et recouvrent à la fois des intentions et des modalités de production similaires. Des idées techniques se sont donc propagées sur de grandes distances et à travers des écosystèmes différenciés, impliquant nécessairement que les sites archéologiques protosolutréens et solutréens anciens soient nettement plus nombreux que ceux donc nous disposons actuellement. Différents types de données vont dans ce sens :

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™ le long des côtes méditerranéennes, entre Valence et l’Andalousie, M. Tiffagom et al. (2007) ont récemment entrepris de tester le modèle d’évolution synchrone à l’échelle du Sud-Ouest européen proposé pour la charnière gravetto-solutréenne (Zilhão et al., ibid.). Une révision des industries en position intermédiaire entre le Gravettien et le Solutréen des grottes du Parpalló et de Nerja a été entreprise. Celle-ci met en évidence de fortes similitudes entre ces deux séquences et l’existence d’un horizon « transitionnel » entre la fin du Gravettien et le Solutréen ancien, constitué de pointes à face plane atypiques confectionnées sur des supports laminaires larges et étroits « évoquant a priori respectivement une signature (proto-)solutréenne et gravettienne et d’un outillage micro-lamellaire produit aux dépens de « nucléus grattoïdes » (Tiffagom et al., 2007, p. 18). Dans une même position stratigraphique, on retrouve donc l’association pointes de Vale Comprido/petites lamelles de carénés sur l’autre rive de la Péninsule ibérique. Au Parpalló, ces industries précéderaient le Solutréen ancien daté de 20 490 ± 900/800 BP (Ripoll Lopez & Cacho Quesada, 1990) ; ™ dans les Cantabres, d’autres séquences mériteraient d’être revues ; nous pensons en particulier à la Cueva del Pendo où au moins deux niveaux d’un Aurignacien dit « final » (couches 4 et 3) surmontent les dernières

occupations gravettiennes (Bernaldo de Quiros, 1983). Décrite uniquement sur un plan typologique, l’industrie a été comparée de par sa position stratigraphique et la présence de sagaies à biseau simple à l’Aurignacien V de Laugerie (Bernaldo de Quiros, ibid.) ; ™ en Languedoc, M. Escalon de Fonton (1966) met au jour dans les années 1960 une industrie atypique à la Salpêtrière qu’il attribue à un Aurignacien terminal comparable à l’Aurignacien V du Sud-Ouest français. F. Bazile reprend quelques années plus tard des fouilles dans cette cavité et y décrit 9 niveaux d’Aurignacien terminal encadrés à la base par un Gravettien récent à pointes à cran et à dos datés de 22,350 350 BP et au sommet par un Solutréen ancien à pointes à face plane situé aux alentours de 21, 000 BP (Bazile, 1983, 1999). Dans ces industries, les burins sont nombreux et des « grattoirs » carénés nucléiformes sont présents « montrant un front irrégulier et presque denticulé » (Bazile, 1999, p. 73). C’est là un trait partagé à la fois par les ensembles de l’ex Aurignacien V de Laugerie (Sonneville-Bordes, 1983) et du Protosolutréen de Marseillon. Les lames sont courtes, larges, épaisses et dans l’ensemble « assez mal venues ». Enfin, l’outillage sur lamelles est abondant avec « tronçons de lamelles à retouches semi-abruptes inverses rappelant la retouche Dufour mais sur pièces-supports plus larges et moins élancées que celles de l’Aurignacien initial » (Bazile, ibid., p. 74). F. Bazile les désigne sous le terme de « lamelles de la Salpêtrière » et précise que l’outillage en matières dures animales inclut des sagaies de section ronde ou ovalaire et des sagaies élancées à biseau simple qui pourraient rappeler celles de l’Aurignacien V. F. Bazile souligne les différences entre ces industries, à la fois avec l’Aurignacien et le Gravettien et propose une appellation de valeur régionale pour les dénommer : le Pontigardien. Il serait intéressant de les réexaminer sur un plan technologique ; ™ enfin, en basse vallée du Rhône, dans les gorges de l’Ardèche, un Solutréen ancien à pointes à face plane est bien connu depuis les travaux de J. Combier (1967) sur les sites de Chabot, du Figuier et d’Oullins. Les pointes à face plane y sont très comparables à celle du Sud-Ouest comme l’ont mis en évidence ce dernier et P. Smith (1966). Très récemment, S. Guégan (2007) a souligné les similitudes

Conclusions et perspectives…

d’ordre technologique entre la série d’Oullins et les modes de débitage reconnus à La CelleSaint-Cyr (Renard, 2002). Un débitage laminaire conduit par percussion directe à la pierre tendre fournirait des supports parallèles et pointus et des pointes de Vale Comprido seraient associées aux pointes à face plane. Il s’agit donc là d’un autre exemple de parallélisme avec les observations relevées au Portugal et en France du sud-ouest dans le cadre du présent travail. En résumé, après le développement de la séquence du Gravettien récent suivie des industries polymorphes de l’ex Aurignacien V qui demandent encore d’être revues en France et en Espagne, on assisterait à l’émergence du Solutréen sur la base d’industries présentant de fortes similitudes depuis le Portugal jusqu’à la basse vallée du Rhône. Ces comparaisons évoquent des phénomènes de globalisation technique (sensu Valentin, 2007) à l’échelle du Sud-Ouest européen et le succès des idées techniques alors véhiculées : débitage de supports allongés souvent convergents par percussion directe dure, amincissement proximal de pointes lithiques (pointes de Vale Comprido et à face plane), recherche du tranchant brut de petites lamelles extraites de nucléus carénés. J. Zilhão (souspresse) propose d’y voir un indice de la taille des réseaux sociaux lors d’un épisode climatique particulièrement rigoureux avec développement d’un paysage steppique non-cloisonné. À partir de ce moment charnière entre l’extrême fin du Gravettien et le plein Solutréen, la vallée du Rhône fonctionnerait comme une barrière géographique et l’Europe du sud-ouest connaîtrait des développements indépendants et clairement distincts de ceux de l’Europe centrale et du sudest. La régionalisation des courants techniques et culturels au Solutréen récent

La phase récente du Solutréen (à partir de l’épisode dit « moyen) s’accompagne au contraire d’un phénomène de régionalisation des industries reconnu depuis longtemps en France et dans la Péninsule ibérique (voir p.e. Jordá 1955 ; Smith, 1966, 1973 ; Combier, 1967 ; Straus, 1977, 1983, 1990, 2000 ; Zilhão, 1990, 1997, sous-presse ; Tiffagom, 2006). Ces variations d’une région à l’autre dans les formes d’expression du Solutréen se marquent avant tout dans des types de pointes lithiques différents, tous imprégnés d’une forte identité typologique (Straus, 1990 ; Tiffagom, 2006). D’Ouest en Est, pas moins de 6 « pôles

régionaux » sont individualisés : Estremadura, Cantabres, Levant espagnol, Sud-Ouest français, Catalogne, basse vallée du Rhône avec le Salpêtrien. M. Tiffagom (2006, p. 18-20 et Fig. 4, p. 21) souligne que des éléments distinctifs peuvent être partagés par plusieurs faciès régionaux : pointes de Montaut dans les Cantabres, pointes à aileron et pédoncule du faciès ibérique nombreuses au Portugal et pointes à cran méditerranéennes, fossiles-directeurs du Salpêtrien et du Solutréen ibérique connues au nord de l’Ebre et au Portugal. D’autres types de pointes ont, en revanche, une répartition géographique limitée à l’image des pointes à cran du sous-type A (Plisson et Geneste, 1989) connues surtout en Aquitaine. On aurait donc l’image de sociétés du Solutréen récent plus morcelées régionalement, développant des types de pointes parfois spécifiques tout en entretenant des réseaux de relation de proche en proche, comme l’atteste la diffusion de certaines idées techniques parfois sur de longues distances (voir l’intéressante discussion menée par Tiffagom, 2006, p. 224-228 à propos de la possible filiation Atérien/Solutréen récent ibérique). Dans tous les cas, les Solutréens développeraient des solutions techniques pour constituer leurs armes, à la fois singulières (pointe à cran atlantique, pointe à aileron et pédoncule, pointe à cran méditerranéenne) mais partageant toutes un haut degré d’investissement et certains procédés communs (voir p.e. le traitement thermique de certaines pièces foliacées en Aquitaine, au Parpalló et au Portugal ; Bordes, 1969 ; Inizan et al., 1975-1976 ; Plisson et Geneste, 1989 ; Zilhão, 1997 ; Tiffagom, 1998, 2006 ; Inizan et Tixier, 2000 ou le développement des techniques de retouche par pression sur toute l’aire d’extension du Solutréen). Parvenue au terme de ce travail, le Solutréen nous apparaît peu à peu d’une autre manière. En requalifiant d’un point de vue technologique ces premières expressions et en précisant les prédictions sur la portée géographique du phénomène Vale Comprido (Zilhão et Aubry, 1995 ; Zilhão et al., 1999), nous disposons désormais d’une définition peut-être encore un peu caricaturale mais néanmoins plus précise de la succession Protosolutréen/Solutréen ancien dans le Sud-Ouest français. A travers cet exemple, c’est aussi une image non-linéaire de l’évolution des techniques qui est dépeinte : le Protosolutréen qui n’est parfois pas sans ressemblance avec le Paléolithique moyen (percussion directe dure,

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aspect « levalloïde » des nucléus et de la structure volumétrique des exploitations, recherche de pointes amincies par retouche basale) a pu se transformer en cet « âge d’or » de la pierre taillée, qualificatif souvent employé pour désigner le hautdegré de savoir-faire et de connaissances impliquées dans les équipements lithiques du Solutréen récent. Pour comprendre ces évolutions, les seuls actes techniques ne sont pas suffisants s’ils ne sont pas replacés dans leur contexte économique de production et d’utilisation. Les pointes de Vale Comprido ne peuvent être appréhendées si l’on ne considère pas, par exemple, les productions lamellaires auxquelles elles sont associées. Si de véritables innovations ont vu le jour au Solutréen (traitement thermique, retouche par pression systématisée, aiguille à chas qui a dû jouer un rôle important dans le cadre du travail des peaux si fondamental à ce moment précis) dans un contexte climatique particulièrement difficile et rigoureux, il est indéniable que celles-ci sont venues se greffer à des phénomènes évolutifs ancrés localement et témoignant de la reformulation et de l’adaptation de solutions techniques héritées des phases plus anciennes du développement de ce technocomplexe. Le climat a certes dû jouer un rôle nonnégligeable dans l’ensemble de ces processus mais, ce qui transparaît en premier lieu de l’examen des données archéologiques, rend avant tout compte des facultés d’adaptation socio-économique des sociétés solutréennes. On ne peut qu’espérer que la progression des méthodes radiométriques et paléoclimatologiques permettra un jour de préciser les dimensions paléosociologique et paléohistorique de la trajectoire évolutive des groupes solutréens. Ce ne pourra se faire qu’en renouvelant les cadres archéologiques et espérons que d’autres Laugerie, Placard ou Fourneau-du-Diable puissent être découverts. Si ce n’était pas le cas, il faudrait bien finir par retourner vers ces sites exceptionnels pour voir si nos prédécesseurs nous ont laissés quelques dépôts intacts dans ces archives exceptionnelles. 50

A. Bouzouggar et al. (2002, p. 245) restent d’ailleurs assez prudents sur ce point en insistant plus particulièrement sur le fait que « l’influence atérienne sur le Solutréen serait limitée et s’estomperait au fur et à mesure que l’on avance à l’intérieur du continent européen ».

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Table des matières Remerciements Avant-propos Introduction

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Première partie : Les cadres, les méthodes, les enjeux Chapitre 1 : Chronique historiographique : origine, unité et évolution du Solutréen à travers le temps I. Des premières allusions aux outils diagnostiques à la reconnaissance du Solutréen II. Aux origines du Solutréen : les travaux de H. Breuil et la complexité des phénomènes humains en préhistoire III. P. Smith (1966) et le Solutréen : origine, développement et évolution III. 1. Sur les origines III.1.1. La question d’une origine allochtone III.1.2. La question d’une origine locale III.1.2.1. Une origine dans le Gravettien ? III.1.2.2. Une origine dans l’Aurignacien ?

III. 2. Sur le développement et la structuration du Solutréen III.3. Tenter de résumer la pensée de P. Smith IV. Autour du Solutréen français : quoi de neuf depuis P. Smith ? IV. 1. Autour de Laugerie-Haute : discussions sur la structuration du Solutréen IV. 2. Toujours Laugerie-Haute mais selon une perspective portugaise… L’essor des études technologiques et le renouvellement des discussions sur les origines du Solutréen V. Épilogue de la chronique historiographique

299 17 19 21 25 25 25 26 26 27 28 32 33 33 34 38

Chapitre 2 : Les cadres actuels du Solutréen dans le sud-ouest de la France

41

I. Le cadre spatio-temporel du Solutréen I.1. Une extension spatiale maximale au Solutréen récent (moyen, supérieur et final I.1.1. France du sud-ouest et territoires adjacents I.1.2. En dehors du Sud-Ouest I.1.3. En Péninsule Ibérique

43 43 43 43 44

300

I.2. Les débuts du Solutréen, une extension spatiale encore méconnue I.3. L’extension chronologique du Solutréen dans le Sud-Ouest français I.3.1. La place centrale de Laugerie-Haute I.3.2. Autres séquences datées I.4. Le Cadre paléoclimatique II. Le cadre typo-technologique : des données encore bien parcellaires II.1 Le schéma évolutif du Solutréen français : les fossiles-directeurs II.1.1. Monotonie versus variabilité des outillages solutréens II.1.2. Les outillages en matières dures animales II.2. Unité et variabilité des productions lithiques solutréennes : un domaine lacunaire

45 46 46 48 52 54 54 55 56 56

Chapitre 3 : Objectifs et méthodes de l’étude

59

I. Problèmes d’interprétation posés par le Solutréen français 61 I.1. Des carences documentaires 61 I.1.1. De la disproportion des données entre les phases anciennes et récentes : réalité archéologique ou carences documentaires ? 61 61 I.1.2. Un contexte chronologique 14C encore mal affirmé I.1.3. De la validité du schéma évolutif du Solutréen français 62 I.2. La particularité des fossiles-directeurs et la question de leur charge culturelle 62 II. Problématique et questions posées par l’étude 63 III. Les méthodes de l’étude 64 III.1. L’évaluation critique des ensembles étudiés 64 III.1.1. Raccords et remontages 64 65 III.1.2. De l’intérêt des études typo-technologiques pour discuter de l’homogénéité des séries lithiques III.2. Caractérisation typo-technologique des ensembles lithiques 66 III.3. Réflexions techno-économiques 66 III.3.1. Les matières premières siliceuses : détermination et niveaux d’interprétation 67 III.3.2. Un concept dialectique : chasse versus domestique ou outils d’acquisition versus outils de transformation 67 III.3.3. La notion d’investissement technique : un concept heuristique pour interpréter les productions solutréennes 68

Deuxième partie : Analyse des données – Les premières expressions du Solutréen dans le sud-ouest de la France Introduction

73

Chapitre 4 : Le Solutréen ancien d’Azkonzilo (couche 6a)

75

I. Présentation générale du site I.1 Localisation et contexte géologique I.2 La grotte d’Azkonzilo dans son contexte régional I.3 Historique des recherches I.4 L’archéo-séquence d’Azkonzilo I.5. Altération post-dépositionnelle et sources de contamination I.6. Contexte chronologique et paléo-environnemental II. Présentation générale du corpus et de l’étude techno-économique II.1 Choix de l’étude du matériel lithique de la couche c6a II.2 Présentation synthétique du corpus étudié II.3 Les axes de recherches II.4 L’origine des matières premières utilisées par les solutréens anciens III. Première approche de l’outillage III.1 Présentation générale de l’outillage du fonds commun

77 77 78 78 79 81 83 83 83 83 84 86 90 90

III.1.1 Les outils d’extrémité 90 III.1.2 Les outils latéraux 94 III.1.3 Les outils a posteriori 97 III.1.4. Synthèse 97 III.2 Les supports transformés en outils du fonds commun 98 III.2.1 Une sélection préférentielle de supports laminaires pour la confection de l’outillage du fonds commun 99 III.3 Caractéristiques techniques des supports laminaires investis dans la constitution des outils du fonds commun 101 III.3.1 Quelles informations sur les premières phases du débitage laminaire ? 101 III.3.2 Les phases de production des supports prédéterminés 102 IV. Les pointes à face plane de la couche 6a 106 IV.1. Définition du type 106 IV.2. Présentation générale 106 IV.2.1. Les matières premières utilisées pour la confection des pointes à face plane 106 IV.3 Caractères morphologiques généraux des pointes à face plane : le respect des grandes constantes 108 IV.4 Les pointes à face plane axiales 110 IV.4.1 Morphologie générale des pointes axiales 112 IV.4.2 L’aménagement des pointes à face plane axiales 112 IV.4.3 Les caractéristiques morpho-dimensionnelles des supports de pointes à face plane axiales 116 IV.4.3.1 Dimensions des pointes à face plane axiale 117 IV.4.3.2 Caractéristiques techniques des supports 117 IV.4.4 Les supports des pointes à face plane axiales : témoins d’une ou de plusieurs chaînes opératoires ?

121 IV.5 Les spécimens à pointes « déjetées » 126 IV.5.1 Des pointes à face plane élancées et à la pointe déjetée 126 IV.5.2 Des pointes à face plane proches de lames appointées 128 IV.5.3 Des pointes à face plane courtes et ramassées 130 IV.5.4 Les pointes à face plane de grand gabarit 131 IV.6 Pour en finir avec l’unité et la diversité des pointes à face plane de la couche 6 d’Azkonzilo : quelle(s) fonction(s) pour quelle(s) pointe(s) 132 V. Les pointes de Vale Comprido de la couche 6a 134 V.1 Les matières premières engagées 134 V.2. Caractères généraux des pointes de Vale Comprido 134 V.2.1. Les principaux aménagements 134 V.3 Les supports sélectionnés : quelle est l’intentionnalité et le statut de la production des supports de pointes de Vale Comprido ? 136 VI. Les productions lamellaires de la couche 6a 138 VI.1 Le choix des matières premières 138 VI.2 Plusieurs intentions techniques parmi les productions lamellaires de la couche 6a 139 VI.3 Les lamelles retouchées 140 VI.3.1 Les lamelles à retouche marginale 140 VI.3.2 Les lamelles à dos 140 VI.4 Une production de lamelles courtes à partir de nucléus carénés (type « grattoir ») 141 VI.5 Une production de lamelles courtes à partir de nucléus unipolaires 143 VI.6 Une production de lamelles rectilignes plus élancées ? 144 VII. Synthèse : vers une compréhension intégrée des productions lithiques de la couche 6a d’Azkonzilo 145

Chapitre 5 : Les productions lithiques au Solutréen ancien : premiers éléments de technologique comparée

149

I. Les productions laminaires du Solutréen ancien de La Celle-Saint-Cyr I.1. Localisation et présentation générale de l’industrie I.2. Les pointes à face plane de La Celle-Saint-Cyr : un marqueur techno-culturel privilégié ? I.2.1. Typologie et aménagement par la retouche

151 151 153 153

301

I.2.2. Les supports utilisés pour la confection des pointes à face plane : témoin d’un schéma opératoire de production particulier ? 153 I.2.3. Des nucléus à la structure volumétrique spécifique 156 II. Quelle est la valeur du schéma opératoire reconnu à La Celle-Saint-Cyr dans le contexte des phases anciennes du Solutréen ? 160 II.1. Confrontation avec l’industrie de la couche 6a d’Azkonzilo 161 II.2. Le cas du Solutréen ancien de Laugerie-Haute 161 II.2.1. La couche 31 de Laugerie-Haute Est 161 II.2.2. Un bilan renforcé par l’évocation des ensembles de Solutréen ancien connus à Laugerie-Haute Ouest 171 II.3. Le cas du « Proto-Solutréen » de Badegoule 175 II.4. En dehors du Sud-Ouest : des similitudes techniques jusque dans la basse vallée du Rhône 178

Chapitre 6 : Les industries à pointes de Vale Comprido : premier Solutréen dans le SudOuest français 183

302

I. Introduction et rappel de la problématique 185 II. L’industrie à pointes de Vale Comprido de Marseillon (Banos, Landes) 187 II.1. Localisation 187 II.2. Circonstances de découverte 187 II.3. Eléments contextuels et premières hypothèses sur l’industrie de surface 188 II.4. Eléments contextuels liés aux sondages et aux fouilles 190 III. Présentation synthétique du corpus étudié et principaux axes de recherche 192 IV. Présentation de l’outillage 194 IV.1 L’outillage du fonds commun 194 IV.2. Les pointes de Vale Comprido 196 IV.2.1. Aménagement par la retouche 196 IV.2.2. Les supports sélectionnés pour l’aménagement des pointes de Vale Comprido : éléments de diversité et stabilité 201 IV.2.3. Comment interpréter ces similitudes et différences en termes de chaîne opératoire ? 203 V. Un schéma opératoire sur face large par percussion directe dure 204 VI. Existe-t-il un autre schéma d’exploitation laminaire à Marseillon ? 215 VI.1. De rares lames légères évoquant une percussion directe tendre organique 215 VI.2. De rares préformes de nucléus à lame évoquant une structure volumétrique différente du schéma principal d’exploitation 215 VI. 3. Un dernier argument encore incertain : statut de deux nucléus à petites lames découverts en surface 216 VII. Les productions lamellaires 217 VII.1. Les productions carénées 218 VII.2. Les productions non-carénées 227 VII.3. De rares lamelles retouchées 228

Chapitre 7 : Les productions lithiques au Protosolutréen : premiers éléments de technologie comparée

231

I. Le Protosolutréen au Portugal 233 I.1. Définition technologique du Protosolutréen 234 I.2. Synthèse 238 II. La transition gravetto-solutréenne dans le Sud-Ouest français 241 II.1. Les données de l’abri Casserole 241 II.2. La question de l’Aurignacien V de Laugerie-Haute : Gravettien terminal ou Protosolutréen ? 242 III. Synthèse 245

Troisième partie : Innovations et évolutions techno-économiques au Solutréen : une perspective diachronique I. Protosolutréen et Solutréen ancien : deux étapes de la solutréanisation des industries dans le Sud-Ouest français 251 I.1. Les premières expressions du Solutréen dans le Sud-Ouest français : l’apport de Marseillon et la question de la filiation Protosolutréen/Solutréen ancien 251 I.2. De la pointe de Vale Comprido à la pointe à face plane : mécanismes d’évolution typotechnologique 253 I.2.1. Signatures chronologiques et/ou économiques 253 I.2.2. Signatures fonctionnelles 254 I.3. Fonctions des pointes lithiques, systématisation de la retouche solutréenne et évolution des modalités du débitage 255 I.4. Vues synthétiques 256 II. Quelques perspectives sur l’évolution du Solutréen dans le Sud-Ouest français 257 II.1. Préambule et objectifs 257 II.2. L’évolution technologique des équipements lithiques au Solutréen 257 II.2.1. Des traditions à pointes lithiques 257 II.2.2. Sur quelques systèmes de production des pointes lithiques solutréennes 261 II.2.3. Des procédés d’aménagement et de ravivage spécifiques : la question de la retouche solutréenne 266 III. Stratégies de gestion des outillages lithiques et investissement techno-économique différencié : activités cynégétiques versus activités domestiques 268 III.1. Stratégies de gestion techno-économique des équipements lithiques dans les phases anciennes du Solutréen 269 III.2. Deux exemples de gestion techno-économique différenciées des productions lithiques au Solutréen récent : le Cuzoul et Combe-Saunière 270 III.3. Sur quelques facteurs susceptibles d’être à l’origine de cet investissement technique et économique différencié 273 III.3.1. La chronologie du Solutréen 273 III.3.2. Le contexte climatique du dernier maximum glaciaire 273 III.3.3. L’Homme face au climat : les contraintes du dernier maximum glaciaire et les réponses adaptatives des sociétés solutréennes 275

Conclusions et perspectives

281

Références bibliographiques Table des matières Liste des figures Liste des tableaux

287 299 305 313

303

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Liste des figures Figure 1 : stratigraphie de la séquence de référence du Ruth (Dordogne) et attribution chrono-culturelle des niveaux distingués (d’après Peyrony, modifié) qui établit la subdivision tripartite du Solutréen Figure 2 : coupes longitudinales de la séquence de Laugerie-Haute Ouest (d’après Peyrony D. & E., 1938, modifié) à partir de laquelle D. Peyrony reconnaît une phase initiale : le Proto-Solutréen de la couche G Figure 3 : typo-chronologie de la séquence solutréenne et illustration des fossiles-directeurs reconnus (d’après Peyrony, 1908, 1938) Figure 4 : outils lithiques (d’après Laplace, 1958) illustrant l’apparition de retouches plates et couvrantes dans des contextes archéologiques du sud-ouest français rapportés au Périgordien supérieur Figure 5 : typologie des débuts de la séquence solutréenne à Laugerie-Haute et évolution des fossilesdirecteurs (d’après Smith, 1966). Figure 6 : typologie du Solutréen récent (moyen, supérieur et final) de Laugerie-Haute et évolution des fossiles-directeurs (d’après Smith, 1966). Figure 7 : quelques outils « spéciaux » du Solutréen moyen-supérieur (d’après Smith, 1966) Figure 8 : stratigraphie et succession culturelle de Laugerie-Haute Est (fouille P. Smith, 1959 ; d’après Smith, 1966, modifié) Figure 9 : stratigraphie de Laugerie-Haute Ouest (fouilles F. Bordes, 1957-1958 ; d’après Smith, 1966, modifié) Figure 10 : pointes de Vale Comprido (1-9) et nucléus associés (10-11) du site de Vale-Comprido-Encosta (d’après Zilhão, 1997) Figure 11 : pointes de Vale Comprido des sites de l’abri Casserole (1-6) et de Laugerie-Haute Ouest (7-9) (d’après Zilhão et al., 1999) Figure 12 : carte de répartition géographique schématique des principaux pôles régionaux du Solutréen récent. Pour des cartes plus détaillées, voir p.e. Smith, 1966 et Tiffagom, 2006

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Figure 13 : carte de répartition des principaux gisements du Protosolutréen (♦) et/ou du Solutréen ancien (•) mentionnés dans le texte. 1-5 : vallée de la Vézère : Laugerie-Haute (• et ♦ ?), Casserole (• et ♦), Laussel (•), Le Ruth (•) et Badegoule (•); 6 : Les Peyrugues (•) ; 7 : Marseillon (♦) ; 8 : Azkonzilo (•) ; 911 : gorges de l’Ardèche : Figuier (•), Chabot (•) et Oullins (•) ; 12 : Trilobite à Arcy-sur-Cure (• ?), 13 : La Celle-Saint-Cyr (•) ; 14-15 : Parpalló (• et ♦ ?) et Malladetes (•) ; 16 : Nerja (♦ ?) ; 17 : Vale Comprido (♦) ; 18 : Buraca Escura (♦) Figure 14 : dates 14C AMS à 2 écarts-types de la séquence solutréenne de Laugerie-Haute Ouest. A gauche, dates AMS (d’après Roque et al., 2001), à droite, dates calibrées (http://www.calpal-online.de) c. 12a : Solutréen ancien : c. 5 et 2 : Solutréen récent Figure 15 : Dates 14C AMS à 2 écarts-types connues pour le Solutréen ancien dans le sud-ouest de la France (Laugerie-Haute Ouest et Les Peyrugues). A gauche, dates AMS (d’après Roque et al., 2001 ; Allard, 1993), à droite, dates calibrées (http://www.calpal-online.de) Figure 16 : Principales dates 14C conventionnelles et AMS à 2 écarts-types connues pour le Solutréen récent en France du Sud-Ouest Figure 17 : Principales dates 14C conventionnelles et AMS à 2 écarts-types connues pour la séquence solutréenne en France du Sud-Ouest Figure 18 : carte de localisation du site d’Azkonzilo (Pyrénées Atlantiques Figure 19 : Azkonzilo, plan de la surface fouillée (d’après Chauchat, 2007, modifié)

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Figure 20 : coupe semi-schématique de la séquence d’Azkonzilo (d’après Chauchat, 2007, modifié) ; C6b et a : Solutréen ancien ; C5binf : Solutréen moyen à feuilles de laurier ; C5sup à C4b : Solutréen supérieur à feuilles de laurier et pointes à cran Figure 21 : carte de localisation des différents types de matières premières exploités dans la couche 6a d’Azkonzilo Figure 22 : distribution des principales matières premières reconnues dans la couche 6a d’Azkonzilo Figure 23 : représentation des principales matières premières en fonction des grandes catégories techniques reconnues Figure 24 : grattoirs de la couche 6a d’Azkonzilo. 1, 2, 4 & 5 : sur lames simples ; 3 & 6 : lame et éclat laminaire d’aménagement ; 7 : lame de réaménagement à dos cortical Figure 25 : grattoirs de la couche 6a d’Azkonzilo. 1 : grattoir aménagé sur fragment de pointe à face plane ; 2 : grattoir simple dont le front est aménagé par percussion directe dure avec front irrégulier et subdenticulé ; 3 : grattoir dit en éventail Figure 26 : burins de la couche 6a d’Azkonzilo Figure 27 : lames retouchées de la couche 6a d’Azkonzilo Figure 28 : longueur en mm de l’ensemble des supports laminaires bruts et retouchés Figure 29 : 1 : rapport largeur/épaisseur en mm des lames simples investies dans l’outillage du fonds commun. 2 : rapport largeur/épaisseur en mm de l’ensemble des produits laminaires Figure 30 : représentation schématique du schéma opératoire d’obtention des supports laminaires tel qu’il peut être envisagé à partir de l’étude des supports d’outils du fonds commun et des lames brutes

Figure 31 : inférences possibles à partir des observations effectuées sur les produits bruts et les supports d’outils du fonds commun Figure 32 : définition simplifiée des 5 sous-types de pointe à face plane reconnus par P. Smith à l’échelle globale du Solutréen Figure 33 : pointes à face plane axiales de la couche 6a d’Azkonzilo Figure 34 : fragments apicaux de pointes à face plane axiales d’Azkonzilo Figure 35 : pointes à face plane axiales d’Azkonzilo Figure 36 : représentation schématique des supports investis dans la confection des pointes à face plane axiales ; 1 : à bords et nervures parallèles ; 2 : à bords et nervures parallèles obliques ; 3 et 4 : à bords et nervures convergents Figure 37 : rapport largeur/épaisseur en mm selon la délinéation des bords et nervures et selon les différentes mesures prises sur les pointes à face plane axiales Figure 38 : relation entre les différents supports entiers et de plus de 3 cm. de longueur : à bords et nervures parallèles et convergents (2) et la retouche appliquée à ces supports (1). (l’axe des X représente les largeurs et Y les épaisseurs) Figure 39 : exemple de support convergent avec négatif bipolaire transformé en pointe à face plane Figure 40 : lames brutes de la couche 6a d’Azkonzilo Figure 41 : hypothèses sur le statut des produits laminaires (parallèles et convergents) du Solutréen ancien d’Azkonzilo Figure 42 : représentation schématique des différentes possibilités d’obtention des supports convergents de pointes à face plane axiales Figure 43 : pointes à face plane déjetées (de type « élancé ») d’Azkonzilo Figure 44 : 1 : rapport longueur/largeur de l’ensemble des pointes à faces plane ; 2 : histogramme des longueurs de l’ensemble des pointes à face plane (les pointes axiales ont été intégrées à titre de comparaisons) Figure 45 : rapport largeur/épaisseur en mm des pointes à face plane (les spécimens dits axiaux ont été intégrés à titre de comparaison). 1 : largeur et épaisseur maximales ; 2 : mesures effectuées à 2 cm. de la pointe ; 3 : mesures effectuées à 1 cm. de la pointe Figure 46 : pointes à face plane déjetées d’Azkonzilo. 1 : spécimen court et ramassé ; 2 : spécimens de grand gabarit Figure 47 : représentation schématique de l’ampleur de la retouche et de la direction des négatifs d’enlèvements sur les supports des pointes à face plane axiales (n°S 1 à 4) et déjetées (n°S 5 à 10). En grisé, portion non retouchée Figure 48 : pointes de Vale Comprido d’Azkonzilo Figure 49 : comparaison du rapport/largeur épaisseur en mm des lamelles brutes et des lamelles retouchées (en bleu à retouche marginale et en orange à dos mince) Figure 50 : nucléus caréné (type « grattoir ») en cristal de roche de la couche 6a d’Azkonzilo

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Figure 51 : nucléus caréné (type « grattoir ») à front large de la couche 6a d’Azkonzilo Figure 52 : rapport largeur/épaisseur en mm des lamelles selon les différentes productions reconnues Figure 53 : histogramme de longueur des lamelles entières et rapport longueur/largeur en mm des lamelles entières selon les différents types de production reconnus Figure 54 : différents morpho-types de lamelles de la couche 6a d’Azkonzilo Figure 55 : burin « carénoïde » de la couche 6a d’Azkonzilo Figure 56 : carte des sites mentionnés dans le cadre des comparaisons effectuées sur les productions lithiques du Solutréen ancien français. 1-2 : Laugerie-Haute & Badegoule (Dordogne) ; 3 : Les Peyrugues (Lot) ; 4 : Azkonzilo (Pyrénées Atlantiques) ; 5-7 : Figuier (Ardèche), Oullins & Chabot (Gard) ; 8 : Trilobite (Yonne) ; 9 : La Celle-Saint-Cyr Figure 57 : nucléus à lame de type magdalénien de la Celle-Saint-Cyr Figure 58 : lames étroites détachées par percussion directe tendre de la Celle-Saint-Cyr Figure 59 : pointes à face plane (sous-type C) de la Celle-Saint-Cyr Figure 60 : pointes à face plane de la Celle-Saint-Cyr Figure 61 : représentation schématique de la structure volumétrique d’un nucléus de Le Celle-Saint-Cyr Figure 62 : nucléus à lames sur face large de la Celle-Saint-Cyr 308

Figure 63 : nucléus à lames sur face large de la Celle-Saint-Cyr Figure 64 : supports laminaires détachés par percussion directe dure à la pierre tendre (1-4 : à bords parallèles ; 5-6 : à bords convergents). Noter que le n° 5 évoque une pointe de Vale Comprido avec succession d’un enlèvement lamellaire élancé et pointu puis d’enlèvement courts et rebroussés Figure 65 : stratigraphie et succession culturelle de Laugerie-Haute Est (fouille P. Smith, 1959 ; d’après Smith, 1966, modifié) Figure 66 : pointes à face plane de la couche 31 de Laugerie-Haute Est (d’après Smith, 1966). 1-3, 5 & 8 : sous-type E ; 4 : sous-type C ; 6-7: sous-type A Figure 67 : pointe de Vale Comprido de la couche 31 de Laugerie-Haute Est (d’après Smith, 1966). Le n° 1 était alors classé en « pointe de style moustérien » et la n°2 en pointe à face plane de sous-type E Figure 68 : grattoirs et burins sur pointe à face plane de la couche 31 de Laugerie-Haute Est ; 1 : grattoir double ; 2 : grattoir sur éclat ; 3 : grattoir simple sur lame ; 4 : grattoir double à retouche solutréenne ; 5-6 : burins sur pointe à face plane Figure 69 : supports laminaires convergents de la couche 31 de Laugerie-Haute Est Figure 70 : nucléus à lames de morphologie pyramidale de la couche 31 de Laugerie-Haute Est (© MNP Les Eyzies – Dist RMN- cliché Ph. Jugie) Figure 71 : nucléus de la couche 31 de Laugerie-Haute Est de conception volumétrique rappelant celle décrite à la Celle-Saint-Cyr (morphologie dite « levalloïde » ; © MNP Les Eyzies – Dist.RMN- cliché Ph. Jugie)

Figure 72 : nucléus à tendance laminaire de morphologie pyramidale de la couche 31 de Laugerie-Haute Est (© MNP Les Eyzies – Dist RMN- cliché Ph. Jugie). Noter les contre-bulbes prononcés d’une percussion directe dure interne et l’absence de mise en forme Figure 73 : nucléus laminaire opposant 2 surfaces et produits remontés de la couche 31 de Laugerie-Haute Est (© MNP Les Eyzies – Dist RMN- cliché Ph. Jugie). Figure 74 : stratigraphie de Laugerie-Haute Ouest (fouilles F. Bordes, 1957-1958 ; d’après Smith, 1966, modifié) Figure 75 : cliché photographique de la séquence de Laugerie-Haute Ouest (d’après Texier, 2006) Figure 76 : Hypothèse de la stratogenèse des dépôts archéologiques de Laugerie-Haute Ouest (d’après Texier, 2006). a : nappe de vestiges archéologiques ; b : dépôts d’origine naturelle. Cette hypothèse illustre la formation de pseudo-niveaux archéologiques superposés (3) par solifluxion à partir d’une nappe de vestiges originelle Figure 77 : pointes à face plane des couches 12b (1-3), 12a (4-6) et 12d (7-9) de Laugerie-Haute Ouest (d’après Smith, 1966). 1-2, 4-5 : sous-type C ; 3, 6 : sous-type B ; 7 : sous-type A ; 8-9 : sous-type D Figure 78 : nucléus à pointe de Badegoule. Noter les enlèvements latéraux de direction oblique venant configurer la géométrie de la surface de débitage pour l’obtention d’un support convergent au centre de la table Figure 79 : pointes à face plane d’Oullins (Gard ; d’après Guégan, 2007) Figure 80 : supports laminaires convergents en partie distale d’Oullins (Gard : d’après Guégan, 2007) Figure 81 : pointes de Vale Comprido d’Oullins (Gard ; d’après Guégan, 2007 qui parle prudemment de pièces triangulaires et évoque à juste titre des rapprochements avec les pointes de Vale Comprido) Figure 82 : esquisse structurale de la Chalosse (d’après Zolnaï, in Vigneaux, 1975) Figure 83 : carte de localisation du site de Marseillon (Landes) Figure 84 : carte de localisation du site de Marseillon et position du locus 1 Figure 85 : plan de répartition et effectif des pièces récoltées lors des prospections 2006 sur le site de Marseillon ; les carrés mesurent 10 m de côté Figure 86 : reconstitution schématique rendant compte de la remontée en surface de pièces abondantes, fraîches et techniquement homogènes (document P. Gardère) Figure 87 : Marseillon, coupe nord-sud relevé lors du sondage effectué dans le carré E6 (relevé et DAO C. Ménard). Le niveau archéologique (décapages 2 et 3 indiqués sur la gauche du document) est matérialisé par les gros galets Figure 88 : Marseillon : plan d’ensemble de la zone fouillée en 2007 (DAO C. Ménard) ; noter que la fosse d’enfouissement des souches tronque cette partie du gisement et l’association lentilles de galets/niveau archéologique Figure 89 : Marseillon, carré E8, vue du niveau archéologique en cours de fouille (cliché S. Dubois) Figure 90 : rapport largeur/épaisseur en mm des outils du fonds commun sur lames

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Figure 91 : outils du fonds commun de Marseillon. 1-2 : grattoirs sur lames d’aménagement et d’entretien ; 3 : lame simple à retouche fine, quasi-rasante et continue sur un bord ; 4 : troncature directe sur lame simple : 5 : pièce esquillée ; 6 : burin dièdre sur lame simple Figure 92 : schématisation des principaux aménagements des pointes de Vale Comprido de Marseillon. A : aménagement en 3 temps de la base ; B : aménagement en 2 temps de la base et retouche latérale de la portion distale. La chronologie des enlèvements est illustrée par des teintes grisées différentes (en gris clair, premiers enlèvements, en gris foncé, derniers enlèvements et présence de contre-bulbes marqués par des points noirs dans certains cas) Figure 93 : pointes de Vale Comprido de grand module de Marseillon Figure 94 : pointes de Vale Comprido de moyen module de Marseillon Figure 95 : pointe de Vale Comprido de Marseillon. Noter l’aménagement total des bords latéraux et l’amincissement de la base par une retouche plate sur la face inférieure Figure 96 : A (à gauche) : rapport largeur/épaisseur en mm des talons des pointes de Vale Comprido selon les catégories techniques de support ; B (à droite) : rapport largeur/épaisseur en mm des talons des pointes de Vale Comprido selon les types de préparation. Figure 97 : A (à gauche) : rapport longueur/largeur en mm des pointes de Vale Comprido selon les catégories techniques de supports ; B (à droite) : rapport largeur/épaisseur en mm des pointes de Vale Comprido selon les catégories techniques de supports Figure 98 : nucléus à lames convergent sur face large de Marseillon Figure 99 : nucléus à lames convergent sur face large de Marseillon 310

Figure 100 : exemple de produit laminaire convergent issu de la production des nucléus sur face large Figure 101 : nucléus à éclats laminaires convergents de Marseillon (d’après Deschamps, 2007) Figure 102 : nucléus convergent à petites lames de Marseillon Figure 103 : lames simples de différents modules de Marseillon Figure 104 : supports convergents de différents modules de Marseillon Figure 105 : comparaison des dimensions des surfaces de débitage et des derniers négatifs réussis sur les nucléus convergents, des produits bruts associés et des supports de pointes de Vale Comprido. A : rapport longueur/largeur des surfaces de débitage des nucléus convergents selon les catégories distinguées ; B : rapport longueur/largeur des derniers négatifs réussis sur les nucléus convergents, des lames et éclats laminaires bruts entiers ; C : rapport longueur/largeur des derniers négatifs réussis sur les nucléus convergents, des supports laminaires bruts entiers et des supports de pointes de Vale Comprido Figure 106 : supports laminaires d’aménagement et d’entretien de Marseillon Figure 107 : exemples de produits convergents présentant des pans latéraux abrupts Exemples de produits convergents présentant des pans latéraux abrupts Figure 108 : Exemple d’un nucléus sur face large non-convergent ; la surface de débitage est subrectangulaire Figure 109 : nucléus pyramidal à petites lames rectilignes (d’après Deschamps, 2008)

Figure 110 : nucléus carénés (type grattoir) à front étroit de Marseillon Figure 111 : nucléus caréné (type grattoir) à front étroit sur ancien nucléus à lame Figure 112 : rapport longueur/largeur en mm des surfaces de débitage des nucléus carénés de type « grattoir » Figure 113 : dimensions des lamelles associées à la production de nucléus carénés de type « grattoir ». A : comparaison du rapport longueur/largeur en mm des derniers négatifs réussis sur les nucléus carénés de type « grattoir » avec les lamelles simples entières ; B : rapport largeur/épaisseur en mm des lamelles simples Figure 114 : produits issus de l’exploitation des nucléus carénés de type « grattoir ». Figure 115 : nucléus caréné à front denticulé de Marseillon. Noter l’irrégularité des enlèvements, la profondeur des contre-bulbes résultant d’une percussion directe dure interne et l’aspect denticulé de la corniche Figure 116 : localisation et étendue des surfaces de débitage des nucléus carénés de type « grattoir ». L’exploitation lamellaire est effectuée à partir de fronts préférentiellement étroits Figure 117 : burin caréné de Marseillon Figure 118 : Comparaison des dimensions (rapport largeur/épaisseur en mm) des lamelles simples issues d’une exploitation sur face large avec les lamelles simples issue de nucléus carénés de type « grattoir » Figure 119 : lamelles rectilignes de plus grand module que celles issues de l’exploitation des nucléus carénés de type « grattoir » Figure 120 : nucléus à lamelles sur face large de Marseillon Figure 121 : nucléus à lamelles sur face large de Marseillon Figure 122 : lamelles retouchées de Marseillon Figure 123 : chaîne opératoire de production et utilisation de pointes de Vale Comprido reconstituée par expérimentation à partir des données de gisement éponyme de Vale Comprido-Encosta (d’après Zilhão et Aubry, 1995) Figure 124 : pointes de Vale Comprido du site protosolutréen éponyme de Vale Comprido-Encosta (Portugal, d’après Zilhão, 1995). Noter la présence de probables stigmates d’impact sur les pièces 3 & 8 Figure 125 : pointes de Vale Comprido du site protosolutréen éponyme de Vale Comprido-Encosta (Portugal, d’après Zilhão, 1995). Noter la présence d’un probable stigmate d’impact sur la pièce 9 Figure 126 : nucléus sur face large associé aux pointes de Vale Comprido du site protosolutréen éponyme de Vale Comprido-Encosta (Portugal, d’après Zilhão, 1995). Noter sur l’ensemble de ces nucléus la présence de derniers enlèvements convergents en partie distale Figure 127 : outillages du fonds commun (1-12 : 1-9 : grattoirs ; 10 : troncature ; 11-12 : burins) et pointes de Vale Comprido (13-15) du site protosolutréen éponyme de Vale Comprido-Encosta (d’après Zilhão, 1995). Noter que la pièce 11 pourrait correspondre à une pointe de Vale Comprido recyclée en burin, voire même à une pointe avec impact de projectile

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Figure 128 : lamelles retouchées et nucléus carénés de la couche 10 de l’abri Casserole (d’après Aubry et al., 1995). 1-25 : lamelles à dos et à retouche marginale ; 26-27 : nucléus carénés de type « grattoir » à museau épais à partir desquels les lamelles retouchées ont été détachées Figure 129 : pointe de Vale Comprido de Buraca Escura portant un poli de découpe de matière carnée (d’après Aubry et al., 2001) Figure 130 : fragment mésial de feuille de laurier du Cuzoul (Lot) en probable silex du Turonien inférieur de la vallée du Cher. Cette pièce a été aménagée par retouche par pression et on note sur les deux surfaces de fracture et de manière symétrique l'existence de languettes supérieures à 2 mm et de fissures radiaires très nettes impliquant un impact violent en percussion lancée Figure 131 : exemples de la diversité morphologique et dimensionnelle des feuilles de laurier du Solutréen récent (d’après Smith, 1966, modifié) ; 1 : Fourneau-du-Diable ; 2, 3, 4, 6, 7 : Les Jean-Blancs ; 5 : Montaut ; 8 : Pech-de-la-Boissière Figure 132 : pointes à cran des niveaux solutréens du Cuzoul (Lot, d’après Renard sous-presse, dessins et DAO de M. Jarry). 1-2 : spécimens quasi-entiers ; 3-4 : fragments de limbe ; 5 : sub-apex ; 6 : fragment recoupant la partie distale de la soie et une partie du limbe ; 7-15 : fragments de soie ; 16 : ébauche. Silex tertiaire : 1, 2, 5, 6, 13, 16 ; Tertiaire (Bagnac-sur-Célé) : 4 ; Sénonien indifférencié : 3, 8, 9, 14 ; Sénonien Santonien supérieur (microbréchique de type Jonzac): 7 ; Sénonien maestrichien (Bergeracois de type Pombonne) : 10 ; Turonien inférieur (Fumélois) : 15 ; Turonien supérieur (dit « à point rouge du Placard », Indre ?) : 11 Figure 133 : lamelles à dos des niveaux solutréens du Cuzoul (Lot, d’après Renard, sous-presse ; dessins et DAO M. Jarry). 1, 16 : spécimens quasi-entiers (auxquels il manque les deux extrémités) ; 2 : fragment proximo-mésial ; 3-12, 14, 15 : fragments mésiaux ; 13 : fragment distal. Silex tertiaire : 1, 2, 4, 5, 7, 8, 10, 11, 13, 14 ; Sénonien indifférencié : 3, 6, 9, 15, 16 ; Sénonien santonien probable : 12 312

Figure 134 : nucléus à lamelle du Cuzoul (Lot ; d’après Renard, sous-presse ; dessins et DAO M. Jarry) et produits remontés (tablettes et supports). Ce nucléus est un bon exemple de la continuité du débitage lamino-lamellaire Figure 135 : nucléus du Solutréen récent de Laugerie-Haute Est (couche 21, d’après Smith 1966). Il est en tout point similaire aux nucléus à pointes à face plane du Solutréen ancien et aux nucléus du Solutréen du Pech-de-la-Boissière que nous évoquons Figure 136 : nucléus à lames et à lamelles des niveaux solutréens du Cuzoul (Lot, d’après Renard, souspresse ; dessins et DAO M. Jarry)). 1 : Nucléus à lames (Senonien Campanien type Belvès) ; 2-4 : nucléus à lamelles en silex tertiaire Figure. 137 : répartition des matières premières utilisées pour la confection des outils du fonds commun du Cuzoul selon les types et les supports sélectionnés. Contrairement aux pointes à cran, cela montre la prédominance des matériaux locaux (silex tertiaires et indifférenciés) de qualité inégale et parfois médiocre Figure 138 : Le Cuzoul et Les Peyrugues (Lot) : axes d’approvisionnement des matériaux exogènes utilisés au Solutréen récent pour les pointes à cran et feuilles de laurier (d’après renard, 2007) Figure 139 : positions chronologiques approximatives du Protosolutréen, du Solutréen ancien et du Solutréen récent (âge 14C calibré avec Calpal online) du Sud-Ouest français dans le contexte paléoclimatologique du dernier maximum glaciaire. Noter que le dernier maximum glaciaire est ici retranscrit par une augmentation du % de δ 18O, situant le pic de froid aux alentours de 24,000 cal. BP (évènement d’Heinrich 2)

Liste des tableaux Tableau 1 : corrélation approximative des différents découpages chrono-culturels de la séquence solutréenne de Laugerie-Haute Ouest (d’après Peyrony, 1928 ; Smith, 1966 ; Demars, 1995 a et b ; Bosselin et Djindjian, 1997) Tableau 2 : dates 14C conventionnelles de la séquence solutréenne de Laugerie-Haute (d’après Roque et al., 2001) Tableau 3 : dates 14C AMS de la séquence solutréenne de Laugerie-Haute (d’après Roque et al., 2001) et calibration à l’aide de Calpal Online (http://www.calpal-online.de/) Tableau 4 : dates 14C AMS de la séquence solutréenne des Peyrugues (d’après Allard, 1993) Tableau 5 : Principales dates 14C conventionnelles et AMS (en gras) obtenues pour des contextes de Solutréen récent (moyen, supérieur, final sensu Smith, 1966) dans le Sud-Ouest de la France Tableau 6 : classement général de l’industrie lithique de la couche 6a d’Azkonzilo Tableau 7 : répartition des matières premières utilisées en fonction des grandes catégories techniques distinguées au sein de l’industrie lithique de la couche 6a d’Azkonzilo Tableau 8 : décompte typologique simplifié de l’outillage de la couche 6a d’Azkonzilo selon les grands catégories de supports Tableau 9 : types de matières premières utilisées pour l’outillage du fonds commun Tableau 10 : caractéristiques techniques des supports retouchés de la couche 6a d’Azkonzilo Tableau 11 : représentation quantitative des produits bruts ou retouchés selon les principales catégories de vestiges techniques Tableau 12 : décompte des différents supports laminaires investis dans l’outillage du fonds commun dont les outils a posteriori Tableau 13 : approche de la longueur des produits laminaires entiers

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Tableau 14 : caractéristiques techniques des supports bruts et retouchés Tableau 15 : polarité des négatifs d’enlèvement sur les différents types de supports laminaires (les données chiffrées ne représentent ici qu’une valeur indicative puisque les fragments de lames de trop petite longueur n’ont pas fait l’objet de cette observation, les supports très et totalement retouchés non plus) Tableau 16 : types de talon des lames simples brutes et retouchées de la couche 6a d’Azkonzilo en fonction des modes de percussion reconnues Tableau 17 : distribution des matières premières des pointes à face plane de la couche 6a d’Azkonzilo Tableau 18 : représentation des exemplaires entiers et fragmentés de pointes à face plane Tableau 19 : distribution des pointes à face plane selon les groupes établis Tableau 20 : décompte des matières premières selon les groupes de pointes à face plane distingués Tableau 21 : ampleur (longueur en cm) du façonnage sur la face supérieure des extrémités apicales selon la longueur des fragments et des spécimens entiers Tableau 22 : types de section des supports transformés en pointes à face plane axiales Tableau 23 : types de section et délinéation des bords des supports transformés en pointes à face plane axiales Tableau 24 : supports sélectionnés pour l’aménagement des différents groupes de pointes à face plane Tableau 25 : causes de fracturation des fragments de pointes à face plane (61 observations ont été effectuées) 314

Tableau 26 : distribution des matières premières des pointes de Vale Comprido Tableau 27 : décompte des témoins de la production lamellaire selon les différentes matières premières reconnues Tableau 28 : décompte des catégories techniques d’après les différentes productions lamellaires reconnues Tableau 29 : décompte total de l’industrie lithique du « Proto-Solutréen » de Badegoule Tableau 30 : Décompte typologique simplifié du « Proto-Solutréen » de Badegoule Tableau 31 : décompte général de l’industrie lithique prise en compte dans le cadre de cette étude Tableau 32 : décompte des différents types d’outils selon les catégories techniques de supports Tableau 33 : répartition des pointes de Vale Comprido selon les catégories techniques de supports Tableau 34 : décompte des nucléus à lames et éclats laminaires de Marseillon (tous les nucléus intégrés à cette étude sont décomptés à l’exception des nucléus à lamelles) Tableau 35 : décompte des produits laminaires bruts de Marseillon (fouilles 2007) Tableau 36 : décompte simplifié du corpus de lamelles, nucléus à lamelles et déchets de production lamellaire considéré dans le cadre de cette étude

Tableau 37 : décompte par catégorie technique de l’ensemble des productions lamellaires de Marseillon intégrées à cette étude (Nucl. : nucléus ; Ecl. L : éclats lamellaire) Tableau 38 : types de talon des lamelles issues des nucléus carénés de type « grattoir » Tableau 39 : types de talon des lamelles issues des nucléus sur face large Tableau 40 : Archéo-séquence schématique de l’abri Casserole (d’après Aubry et al., 1995). bitron : bitronquées ; à ret. margi. : à retouche marginale ; PVC : pointes de Vale Comprido ; PAFP : pointes à face plane ; FDL : feuilles de laurier ; PAC : pointes à cran

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