Le développement régional et les secteurs économiques: Résultats de la recherche comparative europêenne sur »les régions en retard des pays industrialisés« [Reprint 2019 ed.] 9783111729527, 9783111187112

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Le développement régional et les secteurs économiques: Résultats de la recherche comparative europêenne sur »les régions en retard des pays industrialisés« [Reprint 2019 ed.]
 9783111729527, 9783111187112

Table of contents :
Table des matières
Avant-propos
Liste des personnes ayant pris part au Colloque de Bonn, 2-6 juin 1970
Participants au projet n'ayant pu assister au Colloque de Bonn
Introduction
1. Le développement régional et le secteur secondaire
2. Le développement régional et le secteur tertiaire
3. Le développement régional et le système de transport
4. Le développement régional et le secteur quaternaire
5. Régional development and urban structure
6. Le développement régional et le secteur agricole

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Le développement régional et les secteurs économiques

Publication du Centre Européen de Coordination de Recherche et de Documentation en Sciences Sociales

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Mouton La Haye ® Paris

Le développement régional et les secteurs économiques Résultats de la recherche comparative européenne sur «les régions en retard des pays industrialisés» édité par

RAINER PÔTZSCH et FRITZ VOIGT

Mouton La Haye • Paris

Publication de Mouton Editeur Herderstraat 5 7, rue Dupuytren La Haye Paris Diffusion en France par la Librairie Maloine : Librairie Maloine S.A. Librairie de la Nouvelle Faculté 8, rue Dupuytren, 30, rue des Saints-Pères, Paris Paris

Library of Congress Catalog Card Number: 72-184760 Jaquette par Jurriaan Schrofer © 1972, Mouton & Co Imprimé

en

France

Table des matières

Avant-propos, par S. Groeman et P. Turcan, directeurs du Projet

7

Liste des personnes ayant pris part au Colloque de Bonn . . . .

11

Participants au projet n'ayant pu assister au Colloque de Bonn

13

Introduction, par R. Pôtzsch et F. Voigt

15

1. Le développement régional et le secteur secondaire, par R. Pôtzsch

19

1. Limites du sujet ; 2. Dynamique spatiale et professionnelle du secteur secondaire ; 3. Distribution régionale de la localisation industrielle ; 4. Instruments d'une planification industrielle régionale ; Résumé ; Notes; Bibliographie.

Discussion du rapport 2. Le développement régional et le secteur tertiaire, par G. Gaudard et J. Valarché

44

65

1. Le secteur tertiaire et la productivité régionale ; 2. Le secteur tertiaire et l'interdépendance spatiale; ; Résumé ; Notes ; Bibliographie.

Discussion du rapport

84

6

Table des

matières

3. Le développement régional et le système de transport, par F. Voigt

105

1. Introduction ; 2. Les particularités économiques du secteur des transports ; 3. Les effets différenciateurs du système de transport et le développement régional ; 4. Le contexte empirique ; 5. Conclusions ; Résumé ; Notes ; Bibliographie. Discussion du rapport

117

4. Le développement régional et le secteur quaternaire, par L . R . Frey

125

1. Introduction ; 2. Le concept de secteur « quaternaire » ; 3. Développement du « secteur quaternaire » et développement régional ; 4. Conclusion ; Notes. Discussion du rapport

154

5. Régional development and urban structure, by E. Bylund

163

1. The urbanization process ; 2. Urbanization in Sweden ; 3. Conclusion ; Bibliographie. Résumé en français : le développement régional et la structure urbaine

183

Discussion du rapport

186

6. Le développement C. Lacour

régional

et

le

secteur

agricole,

par 193

1. Introduction ; Les problèmes méthodologiques posés par le secteur agricole et le développement régional ; 3. Quelques éléments pouvant servir de base à une politique de développement régional et du secteur agricole ; Résumé ; Note ; Bibliographie. Discussion du rapport

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Avant-propos

Cet ouvrage présente les résultats de la quatrième phase du projet de recherche internationale Les régions en retard des pays industrialisés organisé sous l'égide du Centre Européen de Coordination de Recherche et de Documentation en Sciences Sociales. Le Centre Européen de Coordination de Recherche et de Documentation en Sciences Sociales a été créé en 1963, par le Conseil international des Sciences Sociales (c.i.s.s.) dont il constitue un organe extérieur permanent. Il s'est établi à Vienne, à la suite d'un accord passé entre l'Unesco et le gouvernement du pays d'accueil, l'Autriche. Son Comité Directeur est composé de personnalités scientifiques désignées par le Comité Exécutif du c.i.s.s. Le professeur A. Schaff en est le président. Le rôle du Centre est de promouvoir des recherches comparatives internationales en sciences sociales et de créer des conditions favorables à la collaboration scientifique d'institutions et de chercheurs situés dans des pays européens dotés de structures sociales, économiques et politiques différentes. Il assure la coordination à la fois administrative et scientifique dans l'exécution de ses projets et facilite l'échange des données nationales recueillies au cours des phases de recherche. Le projet Les régions en retard des pays industrialisés se propose d'étudier les problèmes socio-économiques du sous-développement régional dans les pays industrialisés et d'examiner les mesures prises en faveur des régions en retard, en particulier celles qui visent à créer des pôles de développement et des centres de croissance. Quatre phases ont marqué l'avancement des travaux de ce projet : La première phase (1964-1966) a eu pour objectif l'étude de la nature et des caractéristiques du retard régional et des déséquilibres régionaux, tels qu'ils se posent au niveau de l'économie globale des

8

S. Groeman et P. Turcan

pays participants, ainsi que le contenu et les caractéristiques des politiques mises en œuvre par les autorités publiques. Six rapports de synthèse, fondés sur douze rapports nationaux, ont été présentés lors d'un colloque tenu à Rome en avril 1966. Les résultats de ce colloque ont été publiés aux Editions de l'Institut de Sociologie de l'Université Libre de Bruxelles, Les Déséquilibres régionaux en Europe, Bruxelles, 1968. Au cours de la deuxième phase (1966-1968) les travaux ont tenté d'approfondir les résultats précédents. Ainsi, l'analyse des régions en retard, sur le plan macro-économique, a été complétée par l'étude comparée d'une région en retard et d'une région développée. L'analyse s'étend du Monténégro aux Pouilles, de Vâsterbotten à la Slovaquie orientale, du Sud-Est des Rhodopes au Burgenland méridional, de l'Aquitaine au Noorden des Lands, de la Wallonie à certaines zones en retard de la Catalogne, de l'Eifel à trois micro-régions polonaises et à Fribourg. Douze rapports nationaux monographiques ont été préparés. Sur la base des rapports nationaux, sept rapports de synthèse ont été discutés au colloque de Mons (avril 1968). Une publication du Centre sur ces travaux vient de paraître : R. Petrella (éd.), Le Développement régional en Europe, chez Mouton & Co, La Haye-Paris, 1971. La troisième phase (1968-1969) a eu pour but d'examiner l'importance des pôles de développement et des centres de croissance dans le cadre d'une politique économique globale visant une utilisation territorialement équilibrée des ressources nationales. Les résultats de ces études ont été présentés et discutés au colloque international organisé à Genève en mai 1969, avec la collaboration de l'Institut de Recherche des Nations Unies pour le Développement Social (u.n.r.i.s.d.) et publiés en 1972 : A. Kuklinski et R. Petrella (éds.), Growth Pôles and Régional Policies, La Haye-Paris, Mouton & Co. La quatrième phase qui vient de s'achever par une réunion tenue à Bonn en juin 1970, a cherché à définir les éléments de base d'une stratégie du développement régional et, dans cet esprit, on a cherché à voir les différentes relations qui existent d'une part entre les principaux secteurs caractéristiques d'une région (secteur agricole, industriel etc.) et, d'autre part, le développement global de cette région.

A

9

vant-propos

Si le colloque de Bonn a pu se tenir, c'est grâce à la collaboration et la coopération de nombreuses personnes : d'abord, le président du Centre Européen de Recherche et de Documentation en Sciences Sociales, le professeur A. Schaff et son secrétariat scientifique, les docteurs I. Mitiaev et R. Petrella, sans lesquels le projet de recherche dans son ensemble n'aurait pu être mené à bonne fin. Ensuite, le professeur F. Voigt qui a fort aimablement invité le groupe de recherche à venir à Bonn et qui a, ainsi, beaucoup contribué au succès du projet. Puis, et à titre tout particulier, à M. R. Pôtzsch, assistant à l'Université de Bonn, qui, inlassablement, a participé directement au projet, non seulement en ce qui concerne toute l'organisation — à vrai dire, parfaite — des réunions de travail et du séjour, mais encore pour la publication de ce livre et les comptes rendus de toutes les discussions — et on sait la difficulté et l'ingratitude de ce travail d'interprétation et de rédaction. Enfin, nous devons remercier les participants du projet qui ont bien voulu rédiger leur rapport, et la fondation Stiftung Volkswagenwerk dont l'aide financière a facilité le séjour des participants. Que toutes ces personnes trouvent ici des remerciements particuliers. Utrecht et Montréal, avril 1971.

S. Groenman et P. Turcan Directeurs

du

projet

Liste des personnes ayant pris part au Colloque de Bonn, 2-6 juin 1970

Erik

BYLUND,

professeur à l'Université d'Uméa, Institut de Géographie,

Suède. Olof

ERSON, assistant à l'Université d'Uméa, Institut de Géographie, Suède. Stephen FROWEN, professeur à l'Université de Surrey, Section Economique du département des Etudes Linguistiques et Régionales, Grande-Bretagne.

Oscar GARAVELLO, professeur à l'Université Catholique de Milan, Institut des Sciences Economiques, Italie. Gaston GAUDARD, professeur à l'Université de Fribourg, Faculté de Droit et des Sciences Economiques et Sociales, Suisse. Sjoerd GROENMAN, professeur à l'Université d'Etat d'Utrecht, Institut de Sociologie, Pays-Bas. Claude LACOUR, professeur à l'Université de Limoges, Institut d'Economie Régionale du Sud-Ouest, France. Kosta MIHAILOVIC, professeur à l'Université de Belgrade, Institut Economique de la République Fédérale de Serbie, Yougoslavie. Ivan

MITIAEV, secrétaire scientifique du Centre Européen de Coordination de Recherche et de Documentation en Sciences Sociales, Vienne, Autriche.

Marc PENOUIL, professeur à l'Université de Bordeaux, Institut d'Economie Régionale du Sud-Ouest, France. Peter

POPOV, professeur à l'Académie Bulgare des Sciences, Commission pour l'Etude des Forces Productrices et d'Economie Régionale, Bulgarie.

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Liste des personnes ayant pris part au Colloque de Bonn

Rainer PÖTZSCH, assistant à l'Université de Bonn, Institut pour la Politique Industrielle et des Transports, République Fédérale d'Allemagne. Pavel TURCAN, professeur-visiteur à l'Université de Montréal, Département des Sciences Economiques, Canada. Jean VALARCHÉ, professeur à l'Université de Fribourg, Faculté de Droit et des Sciences Economiques et Sociales, Suisse. Fritz VOIGT, professeur à l'Université de Bonn, Institut pour la Politique Industrielle et des Transports, République Fédérale d'Allemagne. G. WEISSGLASS, assistant à l'Université d'Uméa, Institut de Géographie, Suède. Bolesiaw WINIARSKI, professeur à l'école des Hautes Etudes Economiques de Wroclaw, Pologne.

Participants au projet n'ayant pu assister au Colloque de Bonn

Louis DAVIN, professeur à l'Université de Liège, Séminaire Interdisciplinaire des Sciences Economiques, Belgique. Luigi FREY, professeur à l'Université catholique de Milan, Institut des Sciences Economiques, Italie. Johann MOKRE, professeur à l'Université de Graz, Institut de Sociologie Empirique et de Statistique, Autriche. Riccardo PETRELLA, secrétaire scientifique du Centre Européen de Coordination de Recherche et de Documentation en Sciences Sociales, Vienne, Autriche.

Introduction

Le présent ouvrage procède d'un programme de recherche internationale sur les problèmes socio-économiques du sous-développement régional dans les pays industrialisés, programme effectué sous l'égide du Centre Européen de Coordination de Recherche et de Documentation en Sciences Sociales. Des recherches antérieures du Centre, qui ont eu pour objectif l'étude de la nature et des caractéristiques du retard régional et des déséquilibres régionaux dans les pays de l'Europe, ont démontré qu'une stratégie de développement régional ne peut être formulée, de façon précise et opérationnelle, qu'en analysant les rapports existant entre la structure des différents secteurs économiques à l'intérieur d'une région et son développement intégral. Ce livre se propose d'approfondir la compréhension de ces processus. On sait que dans le cadre des sciences économiques, l'école de l'Historisme a examiné de manière approfondie les phénomènes du développement économique. Nous constatons aujourd'hui que cette doctrine n'a pas réussi à l'expliquer. En effet, une connaissance même approfondie des détails ne signifie pas nécessairement que les interdépendances du processus soient dévoilées. Il manquait à ces écoles les instruments théoriques qui eussent permis d'analyser les relations internes du développement. Ces théories n'ayant pu complètement expliquer ni le phénomène d'industrialisation, ni l'existence et le fonctionnement des économies socialistes et communistes, ni les phénomènes de crise (ainsi par exemple le grand chômage des années 19291933), elles devaient aboutir à d'autres méthodes de recherche pour analyser plus correctement le développement économique. A partir de ces expériences, les théories économiques modernes ont réellement expliqué les phénomènes du développement restés incompris jusqu'alors. Ces théories s'efforcent, à l'aide de modèles, de

16

R. Pôtzsch et F. Voigt

parvenir à des propositions exactes et univoques. Certes, le progrès réalisé en ce domaine dans les vingt dernières années est considérable. Cependant, il s'agit d'être conscient des limites scientifiques de ces modèles et de leur applicabilité au monde réel. Leurs conclusions sont le résultat d'une abstraction toujours plus poussée et de prémices toujours plus restrictives. La cohérence entre les modèles n'est souvent plus assurée. Les analyses impliquent un comportement des agents économiques qui n'est logique que par rapport à un système économique donné ; la liberté d'action est extrêmement limitée puisque bien souvent on raisonne dans des situations de parfaite certitude et dans le cadre d'un comportement rationnel univoque. La plupart des fonctions de coût, d'investissement, de consommation, d'épargne, etc. ont un degré d'abstraction trop élevé. Les variables macro-économiques Y (revenu), I (investissement), C (dépenses de consommation), etc. sont des agrégats qui contiennent des éléments beaucoup trop hétérogènes pour toute recommandation politique concrète. Ces éléments engendrent au cours du processus de développement à long terme des conséquences économiques, sociales et politiques différentes. En transposant les résultats de ces modèles sur les problèmes de la politique économique, il est assez fréquent que l'on ne tienne plus compte des hypothèses faites antérieurement. Un exemple typique de ces jugements erronnés est constitué par les modèles du développement national que l'on s'empresse d'appliquer aux régions sous-développées. Dès lors, si l'on veut satisfaire au caractère spécifique du développement des régions en retard, il ne suffit pas de formuler de manière très élaborée quelques conditions d'équilibre, des algorithmes vérifiés pour l'économie nationale, encore faut-il se rabattre sur la polyvalence des données régionales ; il faut tenir compte non seulement des différentes activités économiques (aspect à la fois sectoriel et régional du développement), mais encore des conditions politicoéconomiques et sociales des régions en retard. On présentera ainsi six rapports traitant des implications théoriques et politiques du développement intégral d'une région et du développement des différents secteurs économiques : le développement régional et le secteur secondaire (R. Potzsch, Université de Bonn) ; le développement régional et le secteur tertiaire (G. Gaudard et J. Valarché, Université de Fribourg) ; le développement régional et le système de transport (F. Voigt,

Introduction

17

Université de Bonn) ; le développement régional et le secteur quaternaire (R. L. Frey, Université catholique de Milan) ; le développement régional et la structure urbaine (E. Bylund, Université d'Uméa) ; le développement régional et le secteur agricole (C. Lacour, Université de Limoges). Les travaux du Colloque de Bonn ont souligné ainsi deux séries de problèmes : d'une part, il faudrait que les relations établies et les résultats trouvés servent de base à des modèles régionaux répondant à des prémices additionnelles plus larges ; d'autre part, ces modèles, pour être opérationnels, doivent faire preuve d'un minimum d'unité et de cohérence. La difficulté réside, en particulier, dans le fait que ces deux objectifs peuvent être contradictoires. On a commencé à voir, à Bonn, comment les concilier ; les premiers jalons ont été posés ; il ne reste plus qu'à se mettre au travail. C'est dans cette perspective d'ailleurs que le Centre de Vienne continue ses recherches. Bonn, avril 1971.

R. Pötzsch et F. Voigt Editeurs

RAINER

PÖTZSCH

1 Le développement régional et le secteur secondaire

i

LIMITES DU SUJET

Ce rapport se propose d'analyser l'interaction industrielle et régionale du développement économique d'un pays industrialisé et d'en présenter des concepts se prêtant à une politique économique régionale telle qu'elle peut être définie par l'autorité publique. La politique régionale a pour objectif d'utiliser, de façon optimale et à long terme, le potentiel de développement d'une région par rapport à l'ensemble des régions d'une économie nationale. Si nous acceptons cette définition, notre analyse doit se fonder sur l'aspect de productivité qui caractérise l'allocation optimale des facteurs de production et sur l'aspect de croissance qui caractérise la dynamique du processus à long terme. Toute politique économique régionale est dès lors, du moins dans ses intentions, une politique à la fois de productivité et de croissance. A ce titre, une politique régionale qui se fait à l'échelle macroéconomique globale, sans pour autant renoncer à certaines relations micro-économiques, dépend simultanément de la structure spatiale et de la structure par secteurs de l'économie. En effet, que ces structures changent, et les optima de croissance et de productivité vont changer également. Dès lors, notre analyse doit être fondée sur cette détermination réciproque : elle doit tenir compte de l'aspect spatial et sectoriel du système économique. Enfin, la politique économique régionale peut s'inscrire dans le cadre des données régionales ou/et interrégionales. Comme le développement économique affecte régulièrement ces données en leur totalité, il s'impose que notre étude, pour être explicite, respecte des critères à la fois interrégionaux et régionaux.

R. Pôtzsch

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Il va sans dire que, outre des fonctions de description et de conceptualisation, notre analyse doit se prêter aussi à la prévision et à l'action.

2

LA DYNAMIQUE SPATIALE ET PROFESSIONNELLE DU SECTEUR SECONDAIRE

2.1. Délimitation du secteur secondaire Les relations macro-économiques n'ont de sens que dans la mesure où la composition des agrégats économiques est relativement stable. Il en est de même pour les secteurs. Si l'on définit les secteurs à l'aide de certaines activités économiques, il faudrait, pour que cette classification soit stable, que les activités ne changent pas de structure. Or, on sait que la structure des activités varie tout au long du processus de développement. Dès lors, on ne peut se servir que d'un critère de classification qui est représentatif de la structure. Il existe donc, par définition, un lien logique entre le développement économique et la définition ses secteurs. Rappelons que Clark 1 définit les secteurs à l'aide du critère de l'emploi. Au cours du processus de développement, la fraction des employés dans les activités agricoles (secteur primaire) diminue, celle des employés dans les activités industrielles (secteur secondaire) augmente ou se stabilise dès qu'un certain niveau de développement est atteint, et celle des employés dans les autres activités (secteur tertiaire), notamment les prestations de service, continue d'augmenter. Alors que, pour Clark, cette délimitation est plutôt d'ordre purement technique, elle est d'ordre décisionnel pour Fourastié 2 qui choisit comme critère la mise en valeur du progrès technique dans les différentes branches d'activité. Selon Fourastié, le secteur primaire est représenté par un progrès technique d'ordre moyen. C'est le cas de l'agriculture et de la sylviculture. Le secteur secondaire, par contre, comprend toutes les activités à grand progrès technique, c'est-à-dire la plupart des activités industrielles, tandis que les activités du secteur tertiaire sont caractérisées par un progrès technique relativement faible ou même nul (prestations de service, commerce, administration, professions libérales). Un troisième critère enfin, dont se sert Wolfe 3,

Le développement régional et le secteur secondaire

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se rattache aux limites de la productivité des activités. Ainsi le secteur primaire est défini par les conditions de la croissance biologique, le secteur secondaire par la technique et le secteur tertiaire par la capacité personnelle. Les critères théoriques esquissés ci-dessus 4 ne sont pas toujours applicables aux analyses empiriques, de sorte qu'il faudra souvent se tenir aux seuls critères institutionnels des statistiques officielles. En guise de conclusion, on peut dire que la définition des grands secteurs de l'économie doit se rattacher aux indices du processus de développement économique sous son double aspect de croissance et de substitution. En ce sens, nous pouvons rattacher le secteur secondaire au processus d'industrialisation. Le secteur secondaire, tel que nous le définissons, est dès lors un secteur caractérisé par des activités dont la contribution au produit intérieur brut est élevée et croissante, dont la proportion d'employés est décroissante ou stagnante par rapport aux autres secteurs et dont l'intensité du capital augmente sans cesse. Ainsi, le secteur secondaire n'est pas seulement une abstraction ou un instrument de classification, mais encore un concept opératoire qui permet des appréciations détaillées quant au processus d'industrialisation. 2.2. Disparités du développement

régional du secteur secondaire

En fait, les impulsions pour l'industrialisation ne se forment généralement que dans les régions et dans les branches qui sont à même d'offrir à certains entrepreneurs par rapport à d'autres des positions préférentielles se renouvelant dans un processus endogène et cumulatif 5 . Ces préférences induisent un processus d'industrialisation qui renforce les positions préférentielles antérieures. L'industrialisation d'une région n'est possible que si une substitution des facteurs de production (capital substitué au travail) s'avère rentable à long terme. Cela implique en économie de marché qu'on n'ait pas, dans la région considérée, de sous-emploi accompagné d'une diminution des salaires et d'autres revenus. Plus généralement, il s'agit d'augmenter la capacité de production et le revenu nominal et réel, c'est-à-dire d'investir. En effet, ce sont les investissements nets qui, par leurs effets multiplicateurs et de capacité, augmentent d'une part

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R. Pòtzsch

l'offre sur les différents marchés des biens, et d'autre part la demande solvable nécessaire pour acheter les produits supplémentaires résultant d'une augmentation de la capacité de production. Un des critères les plus importants pour l'investissement net est la productivité marginale du capital (Keynes). Or, cette productivité, nous le démontrons, sera maximale précisément dans les régions déjà favorisées par des investissements nets antérieurs. Des conclusions spécifiques pour la politique régionale résulteront de ces relations. 2.2.1. Les coûts de production Les coûts de production dépendent de toute une gamme de données, par exemple du prix des facteurs de production, de la puissance stratégique des agents économiques, de la qualité du système de transport, de la structure de la demande etc. Parmi ces éléments, le plus important est la possibilité de produire en grandes séries, en d'autres termes, des coûts unitaires décroissants. C'est justement la fabrication à la chaîne et en série qui permet à la fois d'augmenter la production et de diminuer les prix, ce qui, en définitive, améliore la compétitivité. On peut donc supposer qu'une entreprise qui mettra à profit cette chance sera supérieure à toute entreprise qui n'est pas en mesure d'exploiter des coûts moyens décroissants. Même si l'entreprise perdante produit encore pendant un certain temps, elle n'a cependant plus les mêmes chances d'autofinancement et de réalisation de progrès techniques que son concurrent. A long terme, elle sera jetée hors du marché lorsque le prix de vente tombera en-dessous des coûts moyens variables. Or, les chances de mettre à profit des coûts moyens décroissants d'une production dont la capacité augmente, varient non seulement d'une entreprise à l'autre, mais encore d'une région à l'autre. En particulier, plus la demande solvable d'une région sera expansive, et plus ces chances pourront être réalisées. On est amené ainsi à considérer l'effet des coûts moyens décroissants d'une production à capacité croissante comme la cause majeure de la répartition inégale des activités industrielles suivant les régions.

Le développement régional et le secteur secondaire

23

2.2.2. La demande solvable La croissance des recettes dépend aussi de l'expansion de la demande solvable. C'est le phénomène des courbes d'Engel, en d'autres termes celui de la structure des élasticités-revenu de la demande, qui détermine la façon dont la demande solvable évolue, si le revenu progresse. Pour la plupart des biens, au moment de leur apparition dans la gamme des bien convoités, l'élasticité-revenu est supérieure à 1. Elle diminue au fur et à mesure qu'on se rapproche du point de saturation. Dès que l'élasticité pour le bien en question devient inférieure à 1, la demande est détournée partiellement vers un autre bien d'une élasticité plus grande. On observe ainsi un parallélisme entre la croissance des revenus et une substitution continue des biens par ceux de haute élasticité. D'une impulsion égale (augmentation des revenus) résultent donc des conséquences inégales (demande répartie selon le coefficient d'élasticité). Il s'ensuit que les plus grandes chances d'investissement apparaissent dans les branches industrielles qui mettent à profit cette structure particulière de la demande. Une région qui ramène sa production à de telles industries est donc susceptible d'un développement économique accéléré par rapport aux autres régions. 2.2.3. La structure technique de la production La diminution des coûts moyens de production à longue échéance et une demande relativement élastique incitent à une plus grande division du travail (spécialisation), en ce sens que des étapes de production, qui ne l'étaient pas jusqu'à présent, deviennent autonomes. Le processus de la production s'allonge donc en même temps que la relation de ses facteurs devient de plus en plus rigide (facteurs non substituables). Cette spécialisation n'est pas uniforme. En effet, puisqu'une entreprise s'efforcera toujours de rendre optimal son taux d'utilisation des capacités, ce sont les régions et les branches offrant les meilleures chances d'expansion de la demande qui favorisent une division supplémentaire du travail et donc la croissance de la région déjà développée.

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R. Pôlzsch

2.2.4. Les concentrations D'inégales chances d'investissement sont la condition préalable de la naissance d'un konzcrn (groupement de sociétés) qui, en toute règle, change la structure interne des marchés. 1) Les régions et les branches qui sont caractérisées par une petite élasticité-revenu de la demande et par une évolution croissante des coûts moyens (par exemple certaines branches de l'industrie textile et de l'industrie alimentaire) n'ont vu que très peu de concentrations horizontales, alors que ces mêmes industries dans des régions sous-développées, mais caractérisées par un haut coefficient d'élasticité pour les produits considérés, se sont fortement concentrées. 2) Si, sur le plan de la production et des débouchés, il apparaît des goulots d'étranglement (par exemple à cause d'une situation de monopole sur le plan des matières premières ou au stade du demi-produit, à cause de la politique d'un cartel ou d'un besoin en capital élevé, c'est-àdire tous phénomènes typiques d'une région développée), il peut être profitable pour l'entreprise ou l'industrie en question d'incorporer des industries en amont et en aval. Cette installation peut réaliser, à l'aide d'un taux de marge brute, équilibré sur plusieurs séries hétérogènes de fabrication, ou à l'aide de coûts imputés aux comptes de virements internes, une diminution des coûts et, si les élasticités-prix de la demande sont élevées, une baisse des prix. Il en résulte une concentration verticale, diagonale et hétérogène de la production. En résumé, retenons qu'une région développée avec un dynamisme assez poussé de la demande offre des conditions favorables à la concentration. Or, il existe une relation très étroite entre une réglementation oligopolitique de la concurrence, le développement économique et le progrès technique. D'abord, une demande solvable élevée qui mène au suremploi et augmente le coût de la main-d'œuvre, est susceptible d'accélérer la substitution du capital au travail. Elle entraîne donc un progrès technique déterminé par le facteur capital. Dès lors, ce sont les régions d'une demande initiale élevée qui offrent les meilleures conditions pour la réalisation du progrès technique.

Le développement

régional et le secteur

secondaire

25

Ensuite, on peut se demander si une grande entreprise concentrée a une plus grande propension à la recherche systématique que les entreprises non concentrées. C'est évident dans la mesure où un nouveau processus de fabrication diminuera le prix ou améliorera la qualité d'un produit dont le quota de marché est déjà élevé. Il en est tout autrement si la recherche a donné un produit inconnu jusqu'alors. Dans ce cas, il ne va pas de soi que ce produit ait automatiquement le même quota de marché élevé que par exemple les autres produits du konzern. 6 Tout au contraire, ce qui importe alors c'est la qualité du marketing. Mais celle-ci est indépendante de la structure de l'entreprise. D'autre part, il existe, au point de vue du progrès technique, des arguments en faveur d'une concentration oligopolitique. En effet, les grandes entreprises intégrées profitent d'une constitution plus facile de capital par des prêts extérieurs (conditions favorables de la banque octroyant le crédit, volume plus important des crédits qu'elle est disposée à consentir), ainsi que d'un accès plus facile au marché des capitaux, et enfin des possibilités d'autofinancement. Aussi, lorsque la recherche est menée pour le propre compte de l'entreprise, elle dépend, dans une large mesure, des coûts et des risques qu'elle comporte pour celle-ci. 7 Si le minimum des capitaux nécessaires à la recherche met en danger l'existence de l'entreprise en cas d'insuccès de la recherche, il importe peu que l'utilité expectative et la valeur en capital d'une telle décision soit positive : le projet de recherche ne sera pas réalisé. Un konzern, par contre, a une marge de risque plus grande et peut attendre plus longtemps le bénéfice des recettes résultant des investissements réalisées dans la recherche. Il est même fréquent qu'un brevet d'invention donne naissance à un konzern. 8 L'exclusivité d'un brevet peut décider les petites entreprises à s'associer à l'entreprise qui le détient plutôt que d'essayer de l'améliorer par des recherches personnelles supplémentaires. Inversement, un konzern peut profiter plus facilement des recherches d'autres entreprises en se les incorporant. Cette stratégie est souvent moins chère qu'un propre programme de recherche. Enfin, une forte diversification des produits au sein d'une entreprise concentrée permet au konzern de mettre en valeur même les sous-produits de la recherche. Dès lors, compte tenu de ces relations, on peut s'attendre à deux mouvements contraires. D'une part, le progrès technique amoindrit la concentration des entreprises parce qu'il augmente la productivité et

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R. Pôtzsch

améliore donc la position concurrentielle ; il peut aussi diminuer la concentration spatiale parce qu'il diminue éventuellement la part des coûts totaux imputée au facteur travail, ce qui permet, à la rigueur, une location ubiquitaire de l'entreprise. D'autre part, le progrès technique dépend en très large mesure de la concentration (par exemple demande solvable élevée, avantage financier d'un konzern) ; et cette concentration, nous venons de le voir, est une caractéristique des régions hautement développées. La structure oligopolitique des entreprises continue donc à renforcer la position déjà privilégiée de ces régions. 2.3. Résultats L'hypothèse d'une industrialisation qui s'étend uniformément sur l'espace et sur les différentes branches économiques est peu vraisemblable. En effet, le processus d'industrialisation déploie une dynamique propre à l'égard de la répartition du revenu et des capacités de production, de sorte que ce sont certaines régions, et certaines seulement, qui sont continuellement favorisées par lui. Les éléments qui déterminent ce processus sont une structure relativement élastique de la demande solvable et des coûts moyens décroissants au cas où la capacité de production augmenterait, autrement dit des économies internes (internai économies). Toute région affectée par ces facteurs est fondamentalement instable : le pouvoir d'achat, qu'il soit d'origine intérieure ou extérieure, croîtra sans cesse, permettant ainsi dans la région considérée une augmentation de la productivité marginale du capital, des investissements nets et un progrès technique capitalistique (utilisant moins de main-d'œuvre). Les régions qui, par contre, ne peuvent mettre à profit ces facteurs, ont tendance à régresser dans leur développement. Après avoir examiné les effets que déploie le secteur secondaire en tant qu'agrégat sur l'économie et les régions, il importe de désagréger le secteur secondaire en étudiant, au point de vue du développement régional, les principales activités industrielles et leurs relations spatiales. Ce n'est que sur la base d'une étude détaillée qu'il sera possible de recommander des mesures précises que la politique régionale devrait prendre.

Le développement régional et le secteur secondaire

3 DISTRIBUTION RÉGIONALE DE LA LOCALISATION

27

INDUSTRIELLE

Le caractère indicatif et promoteur du secteur secondaire à l'égard du développement et de la productivité de la région, nous engage à préciser la structure de certaines activités industrielles par rapport à d'autres et à analyser de façon plus nuancée les composantes du choix de la localisation industrielle. Il est évident qu'on ne pourra utiliser dans une telle étude les critères de la productivité marginale, vu l'importance des économies de dimension et des indivisibilités sur le côté input et output de la production comme nous venons de les écrire. 3.1. La configuration régionale des activités industrielles Nous venons de démontrer que l'incitation maximum d'investissement résulte de certaines propriétés bien définies de la structure input et output de la production. En se tenant à cette conception, on peut définir une activité industrielle comme étant déterminée ou non déterminée par la localisation. Remarquons toutefois qu'une telle schématisation doit se rapporter à des activités et non à une entreprise spécifique. Des divergences d'énoncé au niveau micro-économique sont donc possibles. En fait, il s'agit d'élucider les relations industrielles avec référence à l'espace et aux régions et non pas les stratégies commerciales de telle ou telle firme. 3.1.1. Industries de localisation Par industries de localisation, nous entendons les activités industrielles dont la structure output et input est une fonction de la localisation.9 Ces industries sont caractérisées (par rapport à la valeur de la production brute) par 10 : 1) une sensibilité relativement grande des biens d'input et d'output à l'égard des coûts de transport ; 2) une consommation d'énergie relativement élevée ; 3) une consommation d'eau relativement élevée ;

k.

Pôtzsch

4) un approvisionnement en matières premières de provenance extérieure ; 5) un taux-matières relativement élevé (proportion des produits demifinis par rapport à la valeur de la production brute) ; 6) des coûts en capital relativement élevés ; 7) des coûts en main-d'œuvre relativement peu élevés. Le critère le plus important d'un emplacement optimal de ces industries est la sensibilité considérable des biens d'input à l'égard des coûts de transport et/ou l'existence d'un rayon optimal d'écoulement des produits (pour les différentes activités industrielles voir note ") qui est d'autant plus grand que les coûts de transport sont minimes, que le taux des coûts dégressifs de production est grand, que le quota de marché est élevé et que la densité d'écoulement est petite. 12 En particulier, vu l'importance des coûts de transport le rayon de desserte dépend de la différence des coûts moyens de transport qui résulterait de l'extension de la zone desservie et aussi de la diminution des coûts moyens de production qui résulterait de l'accroissement des produits écoulés. Si la sensibilité-transport14 est élevée, ce sont donc des coûts de transport relativement élevés qui empêcheraient l'entreprise concurrente supérieure de faire valoir aussi sa supériorité dans une région plus éloignée. Une restriction cependant reste à faire : moins l'output est sensible aux coûts de transport, et moins la notion d'optimalité du rayon d'écoulement a de poids dans le choix de la localisation d'une industrie. Ce qui importe alors, ce sont les données générales du marché, au premier chef la possibilité de réaliser des économies internes, et la sensibilité par rapport au transport des biens d'input. On parvient ainsi à une classification des industries de localisation qui comprennent d'abord une grande partie de l'industrie des produits de base et des biens de production 15, ensuite les industries extractives, la construction navale, l'industrie du verre, l'industrie de la céramique d'art et du mobilier et l'industrie des produits alimentaires et des stimulants. Une analyse détaillée montre que l'on peut subdiviser ces industries de localisation selon le critère mentionné au point II de notre analyse, à savoir les économies internes. On distingue alors les industries sidérurgiques chimiques, de métal non ferreux, du traitement des

Le développement

régional et te secteur

secondaire

29

huiles minérales, de la cellulose et des papiers qui toutes ont des économies internes considérables, tandis que les industries de la céramique, du verre, des produits alimentaires, les fonderies de fer et d'acier, l'industrie de fonte malléable, l'industrie des tréfilés et des laminés à froid sont caractérisées par des économies internes moins élevées. Par ailleurs, les industries extractives et les industries des produits de carrière et de dragage n'ont pas un taux-matières aussi élevé que les autres industries de localisation. 3.1.2. Industries de

non-localisation

Nous définissons les industries de non-localisation comme des activités industrielles dont la structure de l'input et de l'output ne dépend pas de la localisation de cette industrie. Ces activités sont dans une large mesure insensibles aux coûts de transport, mais sont d'autant plus sensibles aux coûts de la main-d'œuvre. Leur taux d'emploi relativement élevé signifie qu'elles sont étroitement liées au marché de la maind'œuvre. Les industries compatibles avec ce schéma sont l'industrie des biens d'investissement (sans la construction navale), l'industrie des biens de consommation (sans l'industrie céramique d'art et du mobilier et sans l'industrie du verre) et l'industrie du traitement du caoutchouc. 16 Pour ces industries, non seulement les coûts de transport et le rayon optimal de desserte, mais encore les différences de structure (économies internes) n'importent pas au même titre que pour les industries de localisation, par exemple. En ce qui concerne les activités de non-localisation, le choix de l'emplacement optimal est fonction de l'habitat, de l'environnement humain et social, et de certains facteurs externes qui ont une influence sur le choix de la localisation. Les facteurs d'habitat sont entre autres : 1) l'offre et la demande de logements, le loyer ; 2) les écoles ; 3) l'infrastructure sociale ; 4) les loisirs ; 5) le climat. Parmi les facteurs externes on peut distinguer : 1) l'offre, la demande et la qualité de la main-d'œuvre, le salaire ;

30

R.

2) 3) 4) 5) 6)

la disponibilité du terrain industriel ; l'infrastructure interrégionale, les liaisons de trafic rapide ; le taux de l'impôt prélevé ; le coût de l'énergie ; l'administration.

Pôtzsch

Remarquons qu'un classement17 ordinal ou même cardinal de ces éléments déterminants varie selon la région et selon le niveau du développement économique. En d'autres termes, on ne peut repérer la valeur numérique de chaque élément que par une recherche empirique appliquée à un cas donné. On peut cependant interpréter l'une ou l'autre relation. Ainsi, en période de suremploi, le choix de l'emplacement optimal dépend fortement des facteurs d'habitat et du potentiel de main-d'œuvre. Il en est de même pour les zones surdéveloppées à pénurie de main-d'œuvre. Dans le cas contraire du sous-emploi, les facteurs externes ont un poids plus grand que les facteurs d'habitat. La maind'œuvre réagira alors moins aux préférences de logement qu'à l'exigence de trouver une place de travail sûre. Une autre particularité de ces facteurs, c'est leur interdépendance au cas où la structure de la production est caractérisée par une certaine invariabilité du coefficient technique (par exemple entre la maind'œuvre et le terrain industriel). Dans les régions hautement développées, le progrès technique réduit souvent l'importance de la main-d'œuvre et augmente celle du terrain industriel comme critère de localisation. En ce qui concerne les transports comme facteur de localisation des industries de non-localisation, la qualité du système de transport (rapidité, sûreté, fréquence, confort, etc.) est souvent un critère de décision plus important que les tarifs. Puisque, dans une économie en croissance, les habitudes de consommation se modifient à long terme, surtout dans le sens d'une augmentation des prestations publiques, des loisirs, de la qualité du logement etc., on peut supposer que les facteurs d'habitat joueront un rôle d'attraction de plus en plus important pour les industries de non-localisation.

Le développement régional et le secteur secondaire

31

3.2. Les types de concentration régionale Résumons les relations précédemment établies et apprécions-en les conséquences ! A l'aide des critères développés dans la première partie de notre rapport, nous avons pu déceler différents types d'activités industrielles qui se rapportaient d'une part à la structure de la demande et des coûts, d'autre part à la structure régionale de l'économie. Il s'agissait en particulier : 1) des industries de localisation à économies internes élevées ; 2) des industries de localisation à économies internes faibles ; 3) des industries de non-localisation généralement à économies internes faibles. D'autres activités industrielles, notamment celles sans économies internes, même minimes, ne nous intéressent pas au point de vue du développement régional (voir première partie). Comparons maintenant les caractéristiques des industries de localisation et des industries de non-localisation avec les relations du processus d'industrialisation établies plus haut. On trouvera que le lien étroit entre les économies internes et la sensibilité élevée par rapport au transport doit amorcer pour les industries de localisation un processus cumulatif de concentration spatiale. Dans les premières phases de l'industrialisation, la possibilité de réaliser des économies internes, précisément à l'emplacement des gisements et des stocks des matières premières, a accru la productivité marginale du capital et favorisé la concentration des activités économiques et des habitants en ces endroits, et là uniquement. Cependant, plus le rayon de desserte et le volume d'écoulement augmentent au cours du développement, plus la sensibilité-transport n'affecte que les produits d'input, et plus l'emplacement des industries de localisation — déterminé par les coûts de transport des produits d'output et le rayon optimal d'écoulement — devient indéterminé pour un territoire national donné. Cette indétermination quant à la prévision de l'emplacement optimal des industries de localisation — toujours au point de vue de la politique régionale et non au point de vue de la gestion d'entreprise — peut être renforcée par la nécessité d'une déconcentration régionale qui résulterait d'une agglomération suroptimale en valeur absolue.

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R.

Pôtzsch

Il s'ensuit que les institutions qui définissent la politique économique régionale ne peuvent agir à l'égard des industries de localisation qu'en fonction des données individuelles de chaque entreprise, c'est-à-dire en fonction des composantes micro-économiques de l'écoulement des produits et des coûts de transport pour les biens d'inpu'. Ayant donc plus ou moins anticipé l'emplacement optimal, non pas globalement, mais par rapport à une activité industrielle bien précise, la politique régionale peut essayer d'améliorer les conditions de localisation pour ce but précis, et alors seulement. Malgré certaines imperfections dues à toute schématisation, nous pouvons donc distinguer approximativement entre les industries de localisation à économies internes élevées qui ont tendance à se concentrer fortement dans l'espace et les industries de localisation à économies internes moins grandes dont ne résulte qu'une concentration spatiale de degré moyen. Les industries de non-localisation par contre, sensibles aux coûts de la main-d'œuvre, réagissent moins à la structure des économies internes et des coûts de transport qu'à l'attraction exercée par les facteurs d'habitat et les facteurs externes. La répartition spatiale de ces industries s'avère donc beaucoup plus uniforme. Ce sont les régions à forte concentration urbaine et les localités rurales centrales qui exercent la plus forte attraction. Le pouvoir d'achat élevé et la qualité supérieure des prestations publiques assurent à ces lieux un avantage effectif quant aux investissements de ces industries. Les industries de nonlocalisation sont donc plus également dispersées sur le territoire national ; elles subissent néanmoins un faible mouvement de concentration vers les localités rurales centrales et les zones d'agglomération.

4 INSTRUMENTS

D'UNE

4.1. Mesures politiques

PLANIFICATION

INDUSTRIELLE

RÉGIONALE

générales

Les relations analysées au premier chapitre ont fait ressortir l'importance du groupe, des industries de localisation à économies internes élevées pour le développement cumulatif d'une région. La politique régionale doit donc s'efforcer d'améliorer d'abord les conditions de croissance et d'implantation, spécialement pour ces industries. Rappelons que, en ce qui concerne les industries de localisation, les mesures

Le développement régional et le secteur secondaire

33

sont toujours à prendre en fonction des exigences d'une industrie spécifique, et non pas globalement. Cependant, le fait de promouvoir d'une façon trop exclusive les industries de localisation à économies internes élevées peut aussi freiner ou même limiter le développement régional. En particulier, la politique régionale entravera le développement régional 1) si elle omet d'implanter en complémentarité des industries de nonlocalisation dont la forte absorption de main-d'œuvre et la proximité par rapport aux marchés de consommation sont un élément de développement important ; 2) si elle encourage l'établissement de certaines industries de localisation qui requièrent une main-d'œuvre supplémentaire, alors que ni la productivité agricole ni les branches industrielles en régression ne sont à même de céder ce supplément de main-d'œuvre ; 3) si une implantation supplémentaire d'industries de localisation ne peut être réalisée qu'à l'aide d'une importation de main-d'œuvre, importation qui serait liée à une progression non soutenable des prestations officielles ; 4) si elle favorise des industries de localisation qui ont tendance à former un monopole sur les marchés régionaux des facteurs de production et des débouchés ; en effet, le danger d'un monopole régional des débouchés, c'est que les revenus (de la région) pourraient être redistribués moins également que dans le cas d'un monopole sur le plan national, d'autre part, un monopole régional des facteurs de production pourrait retarder une réorganisation structurelle de la région ; il est toujours possible de rompre un monopole de vente en introduisant sur le marché de nouveaux procédés de production ou de nouveaux produits, tandis qu'un monopole régional des facteurs de production est généralement beaucoup plus stable et donc plus dangereux dans le sens indiqué ; 5) si elle implante dans les régions d'agglomération urbaine et de sousemploi des industries de localisation qui requièrent des terrains industriels étendus et renforcent l'excédent en main-d'œuvre (haut degré d'automatisation), plutôt que de réserver du terrain industriel pour les industries d'une forte intensité de travail. 2

34

R. Pôtzsch

L'implantation des industries de non-localisation, caractérisées par un excédent du facteur travail sur le facteur capital, constitue donc un maillon indispensable à la chaîne des industries de localisation d'un haut degré d'automatisation, sans parler du fait qu'elles répondent mieux aux facteurs d'attraction déjà mentionnés. Aussi, plus globalement, les activités industrielles à économies internes faibles disposent généralement encore des possibilités de rationalisation dont la politique régionale devrait encourager la réalisation afin que des facteurs de production supplémentaires puissent être libérés pour les industries expansives de la région. Il s'agit donc de garantir la flexibilité et le fonctionnement du marché des facteurs (rotation continue du facteur travail), afin que des activités industrielles toujours nouvelles et décisives pour le développement régional (aspect de productivité et de croissance) puissent se former, du moins en ce qui concerne le côté input. Les activités industrielles qui ne peuvent ni profiter d'une demande expansive, ni rationaliser, sont dès lors exclues de tout soutien politique. Autrement dit, une politique de plein emploi ne peut jamais être le seul objectif de la politique régionale, mais celle-ci doit être complétée par les objectifs de la rationalisation et/ou l'expansion de la production. 4.2. Mesures politiques particulières A l'égard des industries de localisation, dont l'emplacement optimal se calcule à partir des données d'une industrie spécifique, les mesures de la politique régionale — nous le rappelons — n'ont ex ante qu'une emprise relativement restreinte sur le choix de la localisation. Les instruments dont il faudrait se servir ici sont le marketing, les programmes de vente, etc., donc les méthodes de la gestion d'entreprise. Une politique régionale axée sur les industries de localisation pourrait être pratiquée néanmoins au prix de mesures beaucoup plus indirectes et générales : 1) une politique d'information de la part des autorités régionales et de l'Etat pourrait augmenter la transparence des marchés et le nombre des emplacements possibles ; 2) l'amélioration de la qualité du système de transport régional pourrait affecter favorablement les décisions de localisation ;

Le développement

régional et le secteur secondaire

35

3) étant donné que l'expansion des industries de localisation dépend de plus en plus du potentiel (quantitatif et qualitatif) régional des facteurs de production, et moins des débouchés, la politique régionale devrait s'efforcer d'assurer une offre suffisamment grande en facteurs de production (mesures de rationalisation, augmentation de la mobilité de la main-d'œuvre à l'aide de mesures sociales, psychologiques et de transport, réglementation du terrain industriel etc.). Les mesures que l'autorité publique pourrait mettre en œuvre à l'égard des industries de non-localisation, sont plus nombreuses que dans le cas précédent et incitent à des activités politiques qui par leur seule nature générale ont une emprise directe sur ces industries. 1) Etant donné que les industries de non-localisation agissent sur des marchés relativement hétérogènes, une politique d'information de la part de l'autorité publique renforcera probablement l'importance des facteurs d'attraction (facteurs d'habitat et facteurs externes). En outre, les informations prennent toute leur signification dans le cas où les investissements publics sont complémentaires aux investissements privés. Enfin, le comportement de l'entrepreneur prenant des risques mesurés 18 incite celui-ci à s'installer dans les grands centres d'agglomération, faute d'informations plus sûres. L'information peut donc s'employer aussi comme instrument d'une décentralisation régionale. 2) Au cours du développement économique, les activités industrielles requièrent une main-d'œuvre de plus en plus qualifiée, ce qui nécessite une formation professionnelle plus longue et provoque souvent une déqualification prématurée de la main-d'œuvre. Il s'agit donc d'intensifier la mobilité de la main-d'œuvre qualifiée en offrant des primes de déménagement et des indemnités de réparation, en créant une infrastructure technique et sociale attractive et en accordant une aide financière pour la reconversion professionnelle. 3) Le fait d'offrir du terrain industriel supplémentaire ne suffit pas, encore faut-il offrir une réduction ou un remboursement de taxe, et régler de façon optimale, pour tous les agents économiques, les droits de propriété, si ceux-ci s'opposent à l'implantation d'un complexe industriel.

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4) On peut ajouter tout un catalogue de mesures qui modifient les chances du démarrage industriel : les prêts à intérêt réduit ou sans intérêt, les cautionnements de crédit, les allégements fiscaux, les facilités de tarif pour les prestations publiques (par exemple frais de transport, eau, énergie), etc. 5) Enfin, on imagine facilement des interventions directes de l'autorité publique, tels, par exemple, aménagement de terrains industriels (viabilisés), création d'entreprises en régie de l'Etat, commandes publiques Compte tenu de ces diverses mesures, l'on peut estimer qu'une politique industrielle optimale est étroitement liée au développement du secteur tertiaire. En effet, dans les régions hautement industrialisées, le problème primordial de la politique régionale, ce sont les goulots d'étranglement des conurbations. Ces questions ne peuvent être résolues sans le développement du secteur tertiaire. Enfin, toute politique régionale doit être consciente des frictions qui pourraient résulter d'une structure administrative de régions quasi autonomes. Une structure fédérale engendre régulièrement des coûts sociaux additionnels, surtout en ce qui concerne les prestations publiques. Dès lors, toute politique régionale qui se veut efficace, ne peut se concevoir uniquement à l'échelon de la région (nous rappelons ici pour mémoire l'aménagement du territoire poursuivi par les communes dans le seul but d'augmenter l'impôt sur le bénéfice des exploitations industrielles et commerciales), mais doit, tout au contraire, incorporer les plans de l'autorité régionale dans le plan coordonné de l'autorité fédérale ou nationale.

RÉSUMÉ

Si l'on argumente en termes de croissance et de productivité de l'économie régionale, le secteur secondaire ne peut être défini à partir d'une classification rigide qui divise l'économie en activités bien précises, mais doit se fonder sur des critères structurels du processus d'industrialisation. C'est pourquoi il est nécessaire d'analyser la dynamique propre de ce processus (coûts de production, demande solvable, progrès technique, concentration d'entreprises) aussi bien au point de vue

Le développement régional et le secteur secondaire

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structurel que spatial. De cette dynamique résultent des positions économiques préférentielles pour certaines branches et certaines régions, et pour celles-ci seulement. Ce sont, en particulier, les activités caractérisées par une demande expansive et par des économies internes qui offrent les meilleures chances de développement, parce qu'elles ont un effet de cristallisation et d'attraction cumulatif pour la région qu'elles affectent. Le critère des économies internes et ses sous-critères sont appliqués ensuite aux différentes activités industrielles : industries à économies internes faibles et industries à économies internes élevées. La complexité des relations spatiales trouve son expression dans la conception des industries de non-localisation et des industries de localisation. En comparant ensuite cet aspect spatial à l'aspect structurel analysé plus haut, on en arrive aux particularités du développement industriel régional. Il est facile, dès lors, d'en déduire les mesures qu'une politique de développement régional devrait s'efforcer de prendre. Si l'emplacement des industries de localisation ne peut être influencé par la politique régionale que d'une façon indirecte, elle peut en revanche prendre des mesures qui touchent plus facilement et plus directement les industries de non-localisation. Les possibilités d'une telle politique régionale sont analysées plus en détail.

NOTES

1. C. Clark, The Conditions of Economic Progress, Londres, 1940 \ 1957 3 , p. 7. 2. J. Fourastié, Le Grand Espoir du 20' siècle, Paris, 1952 3 , p. 30 et sq. 3. M. Wolfe, « The Concept of Economic Sectors », Q. J. E., 69 (1955) : 402 et sq. 4. Il existe encore d'autres classifications, par exemple celle de Fisher (structure de la demande). Cf. A.G.B. Fisher, « Production, Primary, Secondary and Tertiary », The Economic Record, 15 (1939). 5. R. Pötzsch, « Strukturtypen der marktwirtschaftlichen Industrialisierung >, Die Mitarbeit (Heidelberg), 19 (1970) : 144-152. 6. Cf. H. O. Lenel, Die Bedeutung der großen Unternehmen für den technischen Fortschritt, Tübingen, 1968, p. 5 ; F. M. Scherer, c Marktstruktur, knowhow für das Marketing und die technologische Lücke », 19 (1968) : 167. 7. E. Witte, « Forschung, Werbung und Ausbildung als Investitionen »,

38

R. Hamburger 210-213.

Jahrbuch

für

Wirtschafts-und

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Pötzsch

7 (1962) :

Tübingen, 1968 -, p. 140.

9. Voir aussi les commentaires concernant le « shift analysis ». Cf. W. Isard, Methods of Regional Analysis. An Introduction to Regional Science, Cambridge (Mass.) — Londres, 1964 4 (« Regional Analysis ») ; H. Gerfin, « Gesamtwirtschaftliches Wachstum und regionale Entwicklung », Kyklos, 17 (1964) : 565 et sq ; G. Alexandersson, The Industriai Structure of American Cities, Uppsala, 1965, p. 13. 10. D. Schröder, Strukturwandel, Standortwahl und regionales Wachstum (Prognos-Studien, vol. 3), Stuttgart-Berlin-Köln-Mainz, 1967, p. 124 et 140. 11. En effet, l'emplacement de la grande industrie chimique dépend surtout des coûts de transport pour les matières premières (stocks et gisements des matières premières non organiques, emplacement de raffineries de pétrole), l'eau et l'énergie. De même l'industrie de la céramique d'art et du mobilier et l'industrie du verre sont orientées vers les matières premières. Le transport par voie navigable et une consommation élevée de courant électrique caractérisent les forges. L'industrie de l'acier est très sensible à l'égard des coûts de transport aussi bien du côté input que du côté output. Ici, les sous-traitants sont concentrés tandis que les acheteurs sont dispersés dans l'espace. Il est néanmoins intéressant de constater que l'industrie des hydrocarbures (pipe-lines pour produits) et l'industrie de l'acier transfèrent de plus en plus leur emplacement vers les centres d'écoulement de leurs produits. L'industrie des métaux non ferreux détermine l'emplacement de l'industrie de petit matériel métallique (quincaillerie et petit outillage), de l'industrie électrotechnique, mécanique, de la construction de véhicules et du bâtiment. Les principaux acheteurs des fonderies de fer, d'acier et de fonte malléable sont l'industrie mécanique et de la construction de véhicules, l'industrie sidérurgique et l'industrie du bâtiment. L'emplacement de l'industrie des tréfilés et des laminés à froid est lié à celui de l'industrie de l'acier. L'industrie des produits alimentaires et des stimulants se concentre dans les grands centres de consommation et est, par ailleurs, répartie selon la densité de la population. (Ces exemples se rapportent à la République Fédérale d'Allemagne ; cf. D. Schröder, Strukturwandel..., op. cit., passim.) 12. W. Isard, Methods of Régional Analysis, Strukturwandel..., op. cit, p. 58.

op. cit., p. 493 et sq. ; D. Schröder,

13. Cf. le rapport de M. Voigt sur le système des transports (chap. m). En ce qui concerne l'importance du système des transports dans le développement régional voir aussi : R. Pötzsch et J. Frerich, , The Review of Economics and Statistics, 51 (1969) : 453-458.

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Discussion

Sjoerd Groenman (Université d'Utrecht) : Outre les facteurs que M. Pôtzsch vient d'analyser, la politique de localisation industrielle dépend d'éléments sociologiques qui déterminent aussi le développement régional. A mon avis, cet aspect demande à être incorporé davantage dans le système décisionnel précédemment décrit. Il est vrai que la mobilité de la main-d'œuvre industrielle est étroitement liée à celle de la population : si les revenus augmentent, cette main-d'œuvre dépend de plus en plus d'une infrastructure attractive tant sur le plan social que technique. La mobilité professionnelle, par contre, est une relation interne à l'entreprise, ce qui, au premier abord, n'est pas une relation spatiale comme le rapport semble l'indiquer. Dans l'analyse des industries de localisation, le rapporteur constate que les coûts de transport relativement élevés empêchent l'entreprise supérieure de faire valoir sa supériorité de marché dans une région relativement éloignée par rapport à la région donnée. Ne serait-il pas préférable de parler non d' « empêcher » mais de « s'opposer » ? Enfin, l'emplacement des industries de non-localisation dépend principalement des facteurs d'habitat et des facteurs économiques externes. Peut-on ajouter au même titre des considérations politiques ? Rainer Pôtzsch (rapporteur) : Le but de ce rapport était de formuler les relations économiques qui existent entre le développement industriel et le développement régional, en vue de livrer à l'autorité publique les informations de situation nécessaires pour une politique régionale. Etant donné que dans les

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économies de type mixte, la constitution interdit à l'autorité publique de diriger le comportement économique des agents privés (entrepreneurs, ménages, banques), la politique ne peut avoir recours qu'aux mesures indirectes de législation (lois-cadre) et d'encouragement. C'est pourquoi il faut partir, je l'admets, du comportement des secteurs industriels et des consommateurs finaux en ce qui concerne les interactions sptatiales et structurelles. La discussion, cependant, des buts de la politique régionale ne fait pas partie de mon exposé sinon pour dire que la productivité, la croissance régionale et nationale demandent à être augmentées. C'est donc une des prémisses sur lesquelles j'ai raisonné. C'est pourquoi aussi je n'ai pas autant discuté des éléments sociologiques qui — et M. Groenman a raison — devraient figurer dans une fonction welfare en tant que but politique. On sait que formuler une telle fonction est extrêmement difficile. Mais je suis tout à fait d'accord pour essayer d'inclure explicitement les éléments de la politique sociale dans cette fonction d'utilité sociale. D'autre part, il faut se garder de diluer la politique d'aménagement du territoire dans des « spéculations sociologiques », comme dit M. Groenman. C'est un problème typiquement sociologique que de choisir comme critère soit des formes différenciées de consommation et de condition de vie, soit une forme nivelée et uniforme, ou encore une diminution de l'écart entre les revenus. Mais les difficultés techniques commencent déjà dans cette dernière alternative. En effet, comment déterminer des groupes de bénéficiaires de revenus homogènes ? A quoi se rapporte homogène ? A l'état social ? A la catégorie de revenus ? A la profession ? A l'échelle de salaire ? Ces questions sont toutes, au fond, d'ordre sociologique. La remarque de M. Groenman sur les implications d'ordre politique est très proche de sa première remarque. Dans une analyse complète, il est clair que les aspects purement économiques ne peuvent être les seuls. Des considérations politiques déterminent également la décision finale de l'autorité publique et d'autres agents en matière d'aménagement du territoire et de location industrielle. En effet, l'entrepreneur pourrait se demander s'il existe un programme officiel d'approvisionnement énergétique régulier (par exemple dépôts stratégiques) ; s'il faut s'attendre à une politique d'autarcie économique motivée idéologiquement, si tel ou tel parti politique constitue le gouvernement régional, etc. Cependant, avant d'analyser ces problèmes, il

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est nécessaire de résoudre le problème économique, ne fût-ce que pour posséder une orientation, une base approximative de calcul quantitatif. Par ailleurs, je propose de ne plus penser autant en catégories institutionnelles — économie ici, problèmes sociologiques et politiques là — mais de trouver davantage d'arguments fonctionnels. Il faudrait distinguer, par exemple, les but d'ordre ou de réglementation, les buts de structure, les buts de niveau et les buts de distribution. Pour chacun de ces buts peuvent jouer différents aspects économiques, sociologiques, politiques. Pour répondre à une autre question de M. Groenman, je voudrais préciser le problème de la mobilité régionale et professionnelle de la main-d'œuvre. La mobilité du travail en tant qu'infrastructure personnelle (human capital) est étroitement liée à l'infrastructure matérielle et sociale. La politique de développement régional peut envisager d'implanter de nouvelles industries dans la région en question (mobilité du capital) ou encourager la migration de la main-d'œuvre vers les contrées ou régions capables d'absorber cette main-d'œuvre supplémentaire (mobilité du travail). Aujourd'hui, il semble, en tout cas, que la mobilité des facteurs ait un effet d'intégration (au point de vue structurel, spatial et social) plus fort que la mobilité des produits. Dans une société industrielle, la migration de la main-d'œuvre n'est plus seulement un facteur de réaction ou d'adaptation, mais encore un facteur éminent d'action politique. En période de plein-emploi, il est fréquent que la mobilité régionale de la main-d'œuvre par rapport aux grandes agglomérations diminue, alors que la mobilité des lieux de production augmente. En ce qui concerne les villes de petite et moyenne importance, la mobilité de la main-d'œuvre d'origine rurale reste élevée. En période de sous-emploi, par contre, l'attraction des grandes agglomérations est élevée, tandis que celle des petits et des moyens centres tombe à zéro ou devient négative. En cette période, le facteur travail se dirige alors vers l'emplacement du capital. Toute politique d'aménagement du territoire devrait être axée sur ce mouvement conjoncturel. Cela est d'autant plus vrai que beaucoup de mesures à cet égard sont irréversibles : l'exploitation, l'école, la maison sont des projets à long terme, qui, une fois réalisés, ne peuvent être annulés d'un jour à l'autre. Il importe donc à l'autorité publique de saisir cette chance de décentralisation

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que lui offre une période d'expansion conjoncturelle en intensifiant la croissance des centres moyens. Si l'on entend par mobilité professionnelle la reconversion professionnelle, elle est nécessaire aussi bien pour les régions développées que pour les régions en retard. La reconversion professionnelle est, pour ainsi dire, la composante subjective du progrès technique en particulier, et du développement industriel en général. Les effets de développement de la reconversion professionnelle peuvent être intensifiés par une formation professionnelle plus efficace. Ceci implique : — une prévision à long terme de la formation et une orientation du contenu de l'enseignement vers les besoins futurs ; — un contenu formatif plus élastique, c'est-à-dire applicable à plusieurs fonctions (par exemple logique, programmation, etc.) ; — une formation non pas en un seul bloc, mais en séquences (formation continuelle). La mobilité de la main-d'œuvre doit donc porter à la fois sur les relations spatiales et sur les relations structurelles. Il est vrai que la reconversion professionnelle est un problème structurel, mais c'est aussi un problème spatial : sans centre d'attraction pour les régions rurales, ou sans mobilité du capital, elle perdrait toute justification pour la population. Fritz Voigt (Université

de Bonn) :

Je m'interroge sur la justification du choix des économies internes comme critère de classification des activités industrielles dans l'analyse spatiale. N'existe-t-il pas d'autres critères tout aussi valables ? Quelle est la position de l'analyse « cost-benefit » dans le cadre des problèmes que nous discutons ? Rainer Pôtzsch

(rapporteur)

:

Dans mon rapport, le choix de la classification des industries se fonde sur les critères de la localisation spatiale et sur le critère des économies internes, comme M. Voigt le rappelle. Cette variable m'a paru particulièrement intéressante pour l'analyse de l'industrialisation régionale, parce qu'elle couvre les deux côtés du marché : l'offre et la demande. En effet, il faut toujours distinguer la dimension optimale technique d'une entreprise de la dimension optimale économique. Cette dernière

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Discussion

présuppose l'existence d'une quantité critique qui puisse être vendue à des prix couvrant les coûts (demande suffisante et nécessaire). Car, d'une part, les économies internes sont particulièrement sensibles à la demande et, d'autre part, les disparités régionales sont beaucoup plus caractérisées par la structure de la demande que par d'autres facteurs. On aurait pu analyser aussi, il est vrai, la distribution de l'intensité et du coefficient de capital, ainsi que celle de la productivité du travail, selon les régions et les branches. Mais les résultats empiriques sont encore trop hétérogènes. Ils varient considérablement de pays à pays et de période à période, même si l'analyse est fondée sur la prémice ceteris paribus. Ainsi, différents calculs de corrélation n'ont pas pu établir une corrélation suffisamment haute et significative pour la relation entre le taux de croissance du produit national et le taux d'investissement (cf. T.P. Hill et United Nations World Economie Survey). Par contre, une corrélation a été trouvée pour le taux de croissance du produit national et du coefficient marginal de capital (cf. H. Leibenstein). Kaldor, lui, explique la croissance du produit national moins par le taux d'investissement que par le taux de croissance des employés (en particulier de la main-d'œuvre industrielle). L'influence du taux d'investissement sur le taux de croissance de la productivité du travail n'est pas unanimement admise non plus. Toutefois, l'analyse des séries chronologiques aboutit à certains résultats intéressants. Elle confirme statistiquement que la productivité du capital, par région et par branche, est déterminée par le progrès technique, par les valeurs réciproques de l'intensité du capital et de la part du produit imputée aux salaires. D'un autre côté, la productivité du travail par région et par branche est déterminée par le progrès technique, par l'intensité du capital et par la part du produit imputée au profit. On peut donc admettre l'hypothèse que l'intensité du capital et le profit augmentent la productivité du travail, mais diminuent celle du capital. Le progrès technique exerce une influence à peu près égale sur les deux productivités. H est dès lors plausible, faute d'autres indicateurs, de fonder aussi l'analyse des disparités régionales et du développement industriel sur la productivité du travail : plus la technique est avancée et la substitution des facteurs développée, plus la productivité régionale du travail est grande. La productivité du capital, par contre, augmente avec la technique, mais diminue avec la substi-

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tution des facteurs de production. D'où l'on conclut que les différences régionales de la productivité du travail sont plus grandes que les différences régionales de la productivité du capital. On peut, bien sûr, aller au-delà de simples indicateurs, et construire des fonctions. Cependant, celles que nous possédons actuellement dans le cadre des modèles de croissance ne sont pas encore assez différenciées pour qu'on puisse les appliquer au problème complexe du développement des régions en retard. En particulier, il faudrait en arriver à une désagrégation beaucoup plus grande des modèles aussi bien par secteur que par région et produit. Les fonctions d'investissement et d'épargne devraient porter sur des agents différents (par exemple : Etat, privés). Et encore faudrait-il éviter des tautologies si l'on procède par simples transformations. Des hypothèses sur le déséquilibre économique et sur l'instabilité devraient également être incluses. Voilà donc la réponse que je voulais formuler à la question de M. Voigt sur l'importance des économies internes. La deuxième question de M. Voigt se rapporte à l'analyse « costbenefit ». Le calcul des coûts et des bénéfices est le cadre opérationnel dans lequel il faut placer ce rapport. On en a beaucoup parlé, et je ferai d'abord une constatation qui n'est pas a priori une réponse affirmative. Dans le cadre régional, le concept « cost-benefit » n'est pas seulement une méthode de calcul, mais encore un instrument pédagogique pour stimuler le comportement rationnel de l'autorité publique et pour l'inciter à penser en catégories d'alternatives. H permettra au politicien de connaître le prix de sa décision politique, si celle-ci devait s'écarter du critère d'efficacité. Ce rapport, tout comme les autres d'ailleurs, s'efforce justement de rendre plus efficace la décision de l'autorité publique en matière de développement régional. Pour cela, il faut commencer par rendre plus transparents les relations et les mécanismes qui régissent les effets subséquents d'une décision économique ou politique, l'enchaînement et l'évaluation des effets indirects et intangibles au-delà des effets primaires mesurés par le calcul classique de rentabilité. A ce point de vue, l'analyse « cost-benefit » n'est pas encore parfaitement applicable et exige encore de nombreuses améliorations. Précisons cette idée. On connaît la méthode par opération d'escompte (comparaison de la différence des coûts et des bénéfices actualisés), la méthode de comparaison des taux d'actualisation et de calcul, la méthode des annui-

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Discussion

tés (rendement net moyen et annuel, escompté au taux d'intérêt du marché augmenté d'une prime de risque) et la méthode de proportionnalité (rapport de la valeur actuelle des bénéfices aux coûts capitalisés). Toutes les règles de décision micro-économiques n'assurent une allocation optimale des ressources, au point de vue macro-économiquc ou/et régional, que si elles suffisent aux prémisses de la concurrence parfaite. Ces mêmes prémisses doivent d'ailleurs être reconnues pour l'analyse marginale de la décision macro-économique (par exemple critères du Pigou et de Lerner). Autrement dit, en appliquant ces règles, on présuppose que : — coûts et bénéfices sont évalués au prix du marché ; — l'objectif retenu sur les actions de l'agent est la maximisation des profits ; — les prix sont calculés sur la base des coûts marginaux ; — une opération ou transaction économique ne peut dépasser un certain seuil à partir duquel elle influencerait le niveau des prix ; — la fonction de production est caractérisée par des productivités marginales et partielles décroissantes, un taux marginal de substitution des biens décroissants ; — tout effet externe est exclu ; — les économies d'échelles sont constantes ; — le budget est déterminé par l'efficience des secteurs privés et publics, il n'y a ni restrictions budgétaires, ni biens collectifs indivisibles. Comme nous venons de le voir au cours de la discussion du phénomène « région en retard », et comme je l'ai démontré pour le secteur industriel, ces conditions ne sont pas remplies. Autrement dit, au point de vue régional, l'allocation optimale n'est nullement assurée par les méthodes classiques de calculs. En effet, — l'optimum régional reste toujours un suboptimum parce qu'il est impossible de reconnaître simultanément toutes les alternatives en jeu, qui ne sont pas toutes contrôlées par le même agent ou la même instance de décision, parce que la variable que l'on se propose de maximiser n'est représentée que de façon incomplète par la fonction d'objectif ; — le phénomène de la diffusion des utilités, quand il est question de

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biens collectifs, entrave le mécanisme du marché de sorte qu'il ne se forme pas de prix du marché ; —

il existe des indivisibilités aussi bien du côté output que du côté input ;



les effets externes

influent sur la fonction de production

et

sur l'output (external économies of production) où se reflètent des situations de déséquilibre économique (pecuniar external économies) ; —

en équilibre concurrentiel, l'utilité est interchangeable : au même output correspond toujours la même utilité ; il en résulte que la distribution des bénéfices et des coûts entre les groupes socioéconomiques

est invariable ; donc, bien qu'il y ait des effets

externes, des paiements compensatoires n'ont pas lieu, ce qui pourtant serait nécessaire si le critère de Pareto est valable ; —

la maximisation de l'output exclut les problèmes de la distribution interpersonnelle, intertemporelle et interrégionale du revenu.

Compte tenu de ces phénomènes, deux méthodes pour évaluer un projet d'investissement (public ou d'importance publique) ont été proposées : la méthode des coûts sociaux d'opportunité et la méthode des composantes. Nous optons, pour le problème régional, pour la seconde méthode. L a première consiste à soustraire des bénéfices d'un investissement, les coûts d'opportunité, le tout évalué à un taux d'escompte normatif. C e taux doit, en effet, tenir compte des coûts et des bénéfices imputés aux effets directs et indirects de l'investissement et de l'imperfection du marché monétaire (problème émissions d'Etat ou impôts). Plusieurs voies sont possibles : —

Si le projet d'investissement (première alternative) est remplacé par une diminution hypothétique des impôts (deuxième alternative) on peut étudier les groupes de revenus susceptibles d'être affectés par cette mesure et la manière dont les revenus hypothétiques seraient dépensés. L e taux d'escompte choisi est le taux d'intérêt pour dépôts d'épargne, au cas où la réduction concerne une personne naturelle, et le taux de productivité du capital investi, au cas où la réduction concerne une société.



Une autre méthode consiste à se servir du taux de productivité

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Discussion

marginale d'un investissement privé en tant que moyenne des paiements pour dividendes et intérêts, corrigée de l'influence des impôts. — On choisit le temps comme indicateur. Il s'agit alors de rester en dessous d'une période maximale de paiement, qui est déterminée par le rendement net non escompté devant être égal à la somme investie. — Le critère de Feldstein détermine des coûts sociaux à l'aide des ressources qui, si elles n'avaient pas été investies, auraient été transférées dans le secteur privé pour y être destinées à la consommation (valeur de la consommation non réalisée). L'objectif est de porter la consommation nette à son maximum. La valeur actuelle de la consommation sociale nette doit être positive. Cette valeur est égale aux bénéfices engendrés directement par le projet en question et indirectement par les investissements privés résultant du projet, moins les coûts sociaux d'opportunité. A mon avis, les problèmes d'allocation interrégionale sont trop complexes pour que l'on puisse évaluer les coûts sociaux par une méthode aussi globale que la valeur nominale d'opportunité. Au stade actuel de la recherche, cette méthode relève encore trop de la théorie welfare. La seconde méthode, l'analyse directe des coûts et bénéfices par addition des composantes « coûts (bénéfices) directs », « indirects » et « intangibles » est plus prometteuse, car elle se rapporte aux particularités spécifiques d'un problème différencié. Elle est opérationnelle. Les coûts directs (par exemple coûts de planification, d'administration, de développement, d'achat de terrain industriel, de construction, de dédommagement, de rémunération du capital, d'entretien, de rénovation, etc.) peuvent être calculés sans difficulté via dépenses directes de l'agent investissant. Les coûts indirects (par exemple coûts de « vidage » économique et de dépeuplement d'une région, bruit, pollution de l'air et eaux, perte de temps productif ou de temps libre, etc.) peuvent être divisés en spillovers technologiques et spillovers monétaires (McKean). Les spillovers monétaires ont un effet redistributif, en ce sens qu'ils influencent les prix tiers. On les exclut généralement de l'analyse, parce qu'en pratique, leur délimitation est souvent impossible. Par contre, les spillovers technologiques entrent en considération. Us changent la fonction de production et le niveau de satis-

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faction. Dans certains cas, il est même possible de les transformer en coûts directs, s'il y a, par exemple, des paiements compensatoires de dédommagement ou un transfert via l'impôt à tarif progressif. Enfin, il faut retenir les coûts intangibles (par exemple paysage, congé, repos, etc.), qui, en général, ne peuvent être exprimés en nombre cardinal. A la rigueur, s'il est impossible de les additionner, on peut les envisager sous forme de restriction ou de données politiques. Le même schéma vaut pour les bénéfices. On additionne bénéfices directs (se rapportant à l'agent qui investit ou aux destinataires de l'investissement), bénéfices indirects (se rapportant aux autres agents, par exemple effets multiplicateurs et d'accélération) et bénéfices intangibles (par exemple défense nationale, etc.). La potentialité de comparaison de toutes ces variables est assurée par les opérations classiques de rentabilité mentionnées auparavant. Les objections discutées plus haut et s'opposant à l'application de ces règles ont été éliminées par l'inclusion des effets indirects et intangibles dans le calcul des coûts et des bénéfices. La méthode d'évaluation directe par composantes n'est pas pourvue d'une trop grande marge d'erreurs si l'on tient compte des principaux effets induits (indirects et intangibles). Aussi fait-elle ressortir les interactions possibles, ce qui est toujours un gain pour le schéma décisionnel de l'autorité publique. Boleslaw Winiarski (Université de Wroclaw) : Les relations entre la politique de développement régional et la localisation industrielle, telles que M. Pôtzsch les a décrites, sont fondées sur les décisions de l'entreprise privée. Néanmoins, la logique interne de ce rapport m'a beaucoup intéressé parce que j'y découvre un parallélisme avec les conceptions de localisation utilisées dans les pays socialistes. A ce dernier point de vue, nous distinguons en Pologne les industries de localisation Ubre et celles de localisation fixe. Par ailleurs, il y a d'autres éléments qui, au point de vue de la localisation, entrent en ligne de compte : par exemple l'élasticité d'introduction d'une industrie dans un cadre d'activités données. Cette élasticité varie avec le temps et le niveau de développement de la région. Enfin, la disparité de développement qui existe entre branches et régions d'une économie — le rapport en a clairement démontré les

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Discussion

relations et les causes réciproques — peut être déduite aussi de la formule marxiste de la valeur de la production : P = c + v + m. En effet, on peut convenir que c représente l'intérêt de la branche, v l'intérêt de la main-d'œuvre et le profit pour la société. Au cas où il s'agirait de maximaliser le produit net et celui-ci seulement, la répartition régionale de la production suivra une rationalité économique et non sociale, c'est-à-dire que les agents rivaliseront et que l'intérêt de la branche ne correspondra plus à l'intérêt de la région. Kosta Mihailovic (Université de Belgrade) : Nous avons abordé l'examen de la répartition spatiale de la production industrielle et du développement régional, en introduisant des considérations micro-économiques. Cependant, les relations macroéconomiques ne sont pas une simple agrégation des données microéconomiques, encore faut-il considérer les effets sociaux. Je rejoins donc ici la remarque de M. Groenman ! Claude Lacour (Université de Limoges) : Dans son rapport, M. Pôtzsch raisonne sur le double rôle du progrès technique. D'une part, le progrès technique, en diminuant la part des coûts totaux, imputée au facteur travail, assure une production de plus en plus indépendante de la main-d'œuvre. Par exemple, l'usine pourrait produire en plein désert si cela était profitable en vue des débouchés ou des matières premières. D'autre part, l'introduction du progrès technique ne s'avère nécessaire que si la demande solvable et le prix de la main-d'œuvre sont élevés, et n'est favorisée que si l'entreprise est relativement grande. Il importe donc que l'activité industrielle soit concentrée et forme un pôle. Ma question porte sur le résultat de ces effets de concentration et de déconcentration. Laquelle de ces deux tendances sera la plus forte ? Rainer Pôtzsch (rapporteur) : J'hésite à déterminer, a priori, laquelle des deux tendances du progrès technique sera la plus forte. D'abord, le progrès technique exerce une influence positive aussi bien sur la productivité du travail que sur la productivité du capital. Il est assez difficile, en pratique, d'en délimiter les effets. Ensuite, une désagrégation régionale et inter-

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industrielle est tout aussi difficile, le progrès technique constituant un facteur résiduel. Néanmoins, une évaluation qualitative semble affirmer l'influence prépondérante d'une agglomération industrielle sur le progrès technique systématique et vice versa. J'ajouterai ici que plus les possibilités de substitution des biens — caractéristique des régions hautement industrialisées — augmentent (revenu élévé par tête, élasticité-prix de la demande élevée), et plus le progrès technique systématique s'avère nécessaire du point de vue concurrentiel. Par ailleurs, les chances de conquérir un marché à l'aide du progrès technique sont minimes pour les petites entreprises, qu'elles se situent ou non dans les grands centres industriels. En effet, non seulement la question financière joue — j'en ai déjà parlé —, mais encore le know-how et l'avance temporelle assurée par le marketing des grandes entreprises dans la vente des produits. Tout cela diminue l'importance des brevets d'invention qui sont une condition nécessaire au progrès technique des petites entreprises. Voilà donc une constatation de fait plutôt qu'une explication. Marc Penouil (Université

de Bordeaux)

:

Sans aller jusqu'à nier l'influence des facteurs micro-économiques et du marché sur le développement régional, je doute que l'aspect de rentabilité puisse être le seul critère de la politique régionale. Les questions socioprofessionnelles sont tout aussi importantes. Je doute même qu'il y ait une théorie qui permette de calculer simultanément la localisation industrielle optimale et l'optimum social. Pavel Turcan (Université

de Montréal)

:

Plusieurs interventions viennent d'insister sur le facteur social du développement industriel et sur des problèmes d'ordre sociologique. Remarquons toutefois qu'une décision qui se veut optimale exige que l'on en détermine le plus exactement possible les alternatives. Comment veut-on déterminer les coûts et les bénéfices sociaux, si on n'essaie pas de se faire une idée sur les coûts et les bénéfices privés ? C'est pourquoi je crois qu'il fallait passer par les mécanismes analysés et découverts dans ce rapport.

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Gaston Gaudard (Université de Fribourg) : Les industries de localisation, ainsi que M. Pôtzsch les a définies, sont celles qui sont amenées à se fixer au lieu de la matière première ou aux débouchés. Mais le rapporteur a souligné la tendance actuelle de ces industries à se placer, de plus en plus, près des consommateurs et, de moins en moins, aux sources des input. Ce phénomène est inquiétant. Les débouchés sont précisément les endroits où la demande solvable est la plus forte, donc ceux qui sont déjà les plus développés. Dès lors, l'évolution signalée va dans le sens d'un accroissement des disparités régionales. Par ailleurs, la constatation selon laquelle « la demande solvable évolue, si le revenu progresse » est exacte. Cependant, il est insuffisant de dire simplement que certains biens seront relativement moins demandés et d'autres relativement plus demandés. En effet, l'accroissement du niveau d'opulence ne conduit pas uniquement à une augmentation de la demande de biens nouveaux. Il débouche, en outre, sur un appel à une part grandissante de services. Donc, toute la demande supplémentaire ne va pas uniquement à des industries, mais aussi au tertiaire régional. Rainer Pôtzsch (rapporteur) : C'est bien l'influence du revenu sur les dépenses de consommation du ménage que les courbes d'Engel décrivent. Par définition, l'influence des prix et de la structure du ménage est constante. Puisque le ménage consomme et des biens et des services, il est évident que les services figurent également dans le schéma des courbes d'Engel, comme M. Gaudard le fait remarquer judicieusement. Cependant, le stade de saturation des services est atteint à un niveau de revenu plus élevé (ou même infini) que celui des biens vitaux. Pour l'analyse du sous-développement régional, ce sont des courbes d'Engel hyper - ou paraboliques qui, à mon sens, conviennent le mieux. En effet, la forme linéaire des dépenses de consommation choisie par Allen et Bowley a surtout été vérifiée pour de courtes périodes d'analyse et de petites marges de revenu. D'autre part, une courbe en S (Aitchison et Brown) reste trop axée sur les phénomènes macro-économiques (par exemple abstraction faite du revenu

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initial). La forme hyper- ou parabolique par contre, qui a été vérifiée pour les ménages, donc pour un ensemble hautement désagrégé, s'adapte mieux à l'analyse désagrégée d'une sub-région et au comportement hétérogène des consommateurs de différentes régions. Stephen Frowen (Université de Surrey) : Dans les pays sous-développés, la seule solution d'une politique régionale est très souvent la construction nouvelle d'entreprises ou de parcs industriels. Quelles sont les expériences que la R.F.A. a faites en cette matière et, plus généralement, en matière de planification industrielle des régions en retard ? Rainer Potzsch (rapporteur) : Les parcs industriels en tant qu'instrument de développement régional sont moins répandus en R.F.A. qu'en Grande-Bretagne ou en Irlande. Cela ne signifie pas que l'on nie leur influence positive sur le développement régional, mais on pense qu'il ne s'agit que d'un instrument parmi d'autres, et non le plus efficace. En effet, dans une économie développée, le motif de localisation « établissements déjà existants » porte moins sur un parc industriel en pleine campagne ou éloigné d'une place centrale que sur un parc industriel dans ou à proximité d'une place centrale ayant tous les atouts des éléments d'habitat et du milieu humain. C'est pourquoi, en R.F.A. la politique de l'aménagement du territoire croit devoir équilibrer la localisation des entreprises beaucoup plus sur les données spécifiques des places centrales et des industries attirées. Or, il est plus probable que ce soit un entrepreneur (extérieur à la région) qui reconnaisse et évalue ces particularités et s'y adapte, plutôt que l'autorité publique. Dès lors, l'autorité publique croit arriver au même effet de diminution du risque qu'offre un parc industriel, et même davantage, en offrant des facilités financières, fiscales et de marketing tout en laissant à l'entrepreneur la liberté d'équilibrer le mieux possible son établissement en fonction des conditions spécifiques de la place centrale en question. Par ailleurs, en R.F.A., le leasing industriel de grande échelle dépend beaucoup plus d'organisations privées comme, par exemple les banques et les caisses d'épargne, que de l'Etat. Mais alors, il ne s'agit

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plus d'un instrument de la politique de l'aménagement du territoire, mais d'une redistribution du risque à l'intérieur du secteur privé. J'annoterai que le Board of Trade britannique dont les Industrial Estate Management Corporations sont, en quelque sorte, les agents, a des compétences bien plus grandes en ce qui concerne l'exécution d'un projet de développement régional que le gouvernement fédéral allemand. Les plans et programmes de la planification d'équipement du territoire (Landesplanung) et de l'aménagement du territoire (Raumordnung), formulés dans les lois fédérales, ne font que définir la nécessité d'une planification suprarégionale et synthétique de l'autorité publique en matière de mesures changeant la distribution de l'espace. Les buts et les principes que ces plans et programmes contiennent sont donc forcément trop vagues, quoique importants au point de vue de la politique générale (par exemple principe des pôles de développement). Dès lors, l'administration de la Landesplanung et Raumordnung, est dépourvue d'indicateurs concrets et opérationnels là où elle devrait assurer la coordination. Elle se borne à éliminer les contradictions trop flagrantes, mais, au reste, elle décide ad hoc, au risque de ne pas tenir suffisamment compte de l'ensemble, de l'enchaînement des résultats et du développement à long terme. D'autre part, les plans et programmes ne contiennent aucune déclaration sur les instruments et les possibilités de réalisation et de financement des buts globaux définis. Ce n'est pas l'administration de la Landesplanung et Raumordnung, mais l'administration subalterne des communes et des commissions techniques qui est responsable de l'exécution des plans et des programmes de la planification régionale. La souveraineté fiscale et budgétaire relève toujours de la compétence d'une administration donnée, de sorte qu'une coordination sur l'ensemble des investissements n'est possible que dans le cadre restreint de l'administration en question. Donc, en fin de compte, la planification régionale en R.F.A. a été renversée : il ne convient plus à l'administration subalterne de tenir compte des critères d'ensemble de la Landesplanung et de la Raumordnung ; tout au contraire, c'est l'administration suprarégionale de la Landesplanung qui se trouve, quant à ses propres buts de développement, en face du fait accompli de la politique régionale des communes et des commissions subalternes. Pour la Landesplanung et Raumordnung, il ne reste que la possibilité d'élaborer un programme d'action (Aktionsprogramm) reliant les différents plans d'action exis-

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tant au niveau des administrations subalternes. Un vrai programme d'investissement n'existe donc pas. Les programmes de développements régionaux des Laender ne constituent pas non plus un programme de développement ou d'investissement, puisque, élaborés par une équipe de planificateurs de la chancellerie d'Etat du Land, ils ne sont pas intégrés dans la planification officielle des Laender. Jean Valarché (Université

de Fribourg) :

Les statisticiens réunissent sous le titre « secteur secondaire > l'industrie et les arts et métiers. Les considérations de M. Pôtzsch sur l'importance des économies internes, le processus cumulatif, etc. sont-elles valables aussi pour les arts et métiers ? Rainer Pôtzsch (rapporteur)

:

M. Valarché me demande pourquoi je m'en réfère à l'industrialisation plutôt qu'à l'industrie. En effet, il est souvent plus opérationnel de ne considérer que les branches industrielles ou la matrice interindustrielle. Mais, dans le problème particulier du développement, il s'agit de tenir compte d'un processus dynamique qui est lié aux mécanismes du marché entier. Partir d'un état statique ne suffit pas. Aux questions de la production industrielle s'ajoutent celles de la distribution, de la consommation, des phénomènes monétaires et spatiaux, des mécaniimes du marché et des mécanismes d'intervention, donc tout un complexe qui répond mieux à la notion d'industrialisation qu'à la notion d'industrie. Voilà pourquoi je pense que seuls les sous-secteurs du secondaire sont une référence trop restreinte pour analyser le problème du sous-développement régional. L'autre question de M. Valarché appelle des commentaires plus explicites. L'artisanat, qui figure dans les statistiques administratives sous la rubrique « industrie », est-il régi selon les mêmes mécanismes que ceux valables pour l'industrie, et spécialement la localisation industrielle ? D'abord une remarque d'ordre plutôt technique : dans la statistique administrative de la R.F.A., les chiffres sont donnés séparément pour l'industrie et l'artisanat. Il existe cependant, dans l'annuaire statistique, une rubrique « activités de production » qui regroupe les chiffres sur l'industrie, l'artisanat, le bâtiment, l'électricité et le ravitaille-

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Discussion

ment en eau en une seule donnée. Ce procédé est appliqué depuis quelques années seulement, dans le seul but de rendre possible une comparaison des données statistiques au sein du Marché commun. Au point de vue de la classification des secteurs, discutée au début de mon rapport, l'artisanat ne fait partie du secteur secondaire que suivant le critère de Clark. Suivant Wolfe, par contre, l'artisanat est une activité limitée par le capital humain (habileté de l'artisan), donc, une activité tertiaire. Suivant Fourastié, c'est également une activité tertiaire, caractérisée par un progrès technique minime. Enfin, dans ce rapport, j'entends par industrie les activités suivantes : industrie sidérurgique, fonderies de fer et d'acier, fonte malléable, industrie des tréfilés et des laminés à froid, industrie et fonte de métal non ferreux, industrie chimique et activités annexes du charbon et des produits dérivés, industrie du traitement des huiles minérales, industrie de la transformation du caoutchouc et de l'amiante travaillé, scieries et industrie de préparation du bois, industrie de la pâte de bois, de la cellulose et de la fabrication des papiers et cartons, produits de carrière et de dragage, construction navale et matériel de transport, construction métallique et mécanique, industrie électrotechnique et optique, industrie du petit matériel métallique, quincaillerie et petit outillage, transformation du bois et du papier, industrie polygraphique, industrie céramique d'art et du mobilier, industrie du verre, industrie textile et du vêtement, industrie de transformation des cuirs et peaux, industrie des produits alimentaires et tabacs. C'est donc la nomenclature habituelle des statistiques administratives. Toutefois, il faut remarquer que, d'après la définition de l'industrialisation donnée dans mon rapport (processus de croissance et de substitution du facteur travail par le facteur capital), les industries mentionnées ne contribuent pas toutes au même titre au processus d'industrialisation. D'après cette même définition, l'artisanat fait partie du secteur tertiaire (artisanat, commerce, banques, assurances, location d'habitations, administration, éducation, sciences, arts et spectacles, hygiène et santé publique, hôtellerie, ménage et autres services). En revanche, devraient être considérés comme une activité secondaire les transports et communications dont la qualité est déterminée principalement par le progrès technique et dont l'intensité du capital est assez grande. Ils constituent cependant le thème d'un rapport particulier, que M. Voigt présentera dans le cadre de l'analyse des services.

Le développement

régional et le secteur

secondaire

61

Revenons à la position particulière de l'artisan. Les définitions légales de l'artisanat varient considérablement de pays à pays et s'expliquent en partie par les différents systèmes de droit. En Italie et en France, la caractéristique la plus importante de l'artisanat est le travail manuel et le petit nombre d'employés. En Allemagne, en Autriche, en Suède et en Norvège, par exemple, la notion de l'artisanat reste beaucoup plus axée sur le travail manuel. Ainsi, même des entreprises de moyenne importance ou des grandes exploitations peuvent figurer parmi l'artisanat si elles constituent une activité typiquement manuelle (par exemple artisanat du bâtiment, réparation d'automobiles, etc.). En Allemagne, la notion d'artisanat est même liée à l'identité entre le maître artisan et le propriétaire de l'entreprise artisanale. C'est le propriétaire lui-même, et non quelque directeur technique, qui doit être en possession du certificat de qualification. Si l'on veut distinguer l'artisanat des autres activités économiques, on admettra qu'il produit pour un marché et se distingue par là de la production familiale autoconsommée de l'économie domestique. Ensuite, l'artisanat constitue une exploitation économiquement indépendante et se distingue par là du travail à domicile, qui est assigné à une organisation de vente et, dès lors, n'entre plus en contact direct avec le consommateur. L'activité commerciale s'occupe de la vente des marchandises, tandis que l'artisanat reste une activité productrice de biens et de services. Enfin, l'artisanat est déterminé par le travail manuel et ne se sert de machines que pour compléter la technique manuelle. Dans l'industrie, par contre, la machine détermine la combinaison des facteurs de production. En réalité, ces distinctions ne sont pas toujours aussi nettes. Toutefois, elles permettent d'évaluer l'importance économique de l'artisanat. Vu cette délimitation, il existe des caractéristiques particulières qui définissent l'artisanat et déterminent sa position dans le développement régional : — La production artisanale résulte, du point de vue technique, d'abord du travail manuel et des connaissances d'un personnel qualifié (propriétaire et maître artisan en une personne). — Maître artisan, ouvrier artisan (compagnon) et apprenti travaillent ensemble à la même pièce. — Dans la production artisanale, l'exécution individuelle domine,

62

Discussion

c'est-à-dire que la production connaît une grande variété de formes, mais qu'elle est limitée par une demande qui augmente peu et un marché déjà connu. C'est pourquoi l'importance des économies internes est minime. La dimension optimale de l'établissement est atteinte relativement vite. — La machine ne fait que compléter et faciliter le travail manuel. En règle générale, l'artisanat est caractérisé par une haute intensité de travail qui augmente encore avec les dimensions de l'établissement. L'importance des salaires augmente avec l'élasticité-prix de la demande. En effet, moins l'élasticité est grande, et plus les coûts pour le facteur travail peuvent être supportés par le consommateur (quoique le danger d'une substitution des produits artisanaux par des produits industriels soit assez grand). — La tradition familiale joue un rôle relativement grand dans l'artisanat et s'oppose souvent à la rationalité industrielle de la maximisation du profit ou des ventes (conscience d'une situation professionnelle particulière, conception d'honorabilité, sentiment de solidarité, hiérarchie artisanale institutionnalisée, rareté des sociétés de capital, conservation et continuation de l'exploitation, même s'il s'avère nécessaire pour l'artisan de réduire considérablement son niveau de vie). De ces particularités, il découle que l'industrie a pu refouler l'artisan là où la machine s'est associée la production en série. Par contre, l'artisanat continue à exister, et même à se développer, dans les régions et les branches où, soit les besoins individuels dominent (dans les régions développées, l'artisanat de spécialisation, par exemple lingeries, nettoyeurs de vitrines etc.), soit le processus d'industrialisation n'a pas encore changé la production traditionnellement artisanale (régions en retard et pays sous-développés). D'autre part, l'industrie a créé de nouvelles branches artisanales (production de complément), par exemple l'artisanat de réparations et d'installation. L'emplacement de l'artisanat dépend au premier chef des débouchés. Une orientation vers le facteur travail (main-d'œuvre professionnelle) est rare puisque la plus grande partie des coûts revient aux dépenses affectées aux matières et aux achats de marchandises. Les dépenses en matières premières et fournitures varient avec le quotient des transactions commerciales par le chiffre d'affaires (affiliation de la dis-

Le développement

régional et le secteur

secondaire

63

tribution). Par contre, les coûts d'emprunts, l'intensité du capital sont faibles et souvent les banques n'offrent que peu de crédit aux artisans, généralement dépourvus de garanties suffisantes. La densité des établissements artisanaux est donc faible dans les régions où les besoins de la population sont uniformes, sans qu'il y ait une demande individuelle pour des produits spéciaux. La production artisanale augmente lorsque l'élasticité-prix de la demande de biens de haute qualité diminue, et/ou lorsque l'élasticité-revenu de la demande augmente (voir aussi production pour un marché superrégional, par exemple instruments de musique). C'est le cas, en général, pour les régions développées. Dès lors, ce ne sont, non seulement les chances, mais encore la structure artisanale, qui varient de région à région. Dans la ville, les établissements artisanaux sont plus grands et plus spécialisés. Le fait que l'artisanat produit pour un groupe de consommateurs régionalement délimité, ne se traduit donc pas tellement par une densité régionale différente (nombre des établissements), que par une autre dimension de l'établissement (nombre d'ouvriers). Donc, l'influence des grandes agglomérations diminue la densité des exploitations artisanales, mais augmente en même temps leur nombre d'ouvriers. Dans les régions rurales, par contre, l'établissement artisanal est plus petit, la production plus universelle et la valeur ajoutée moins grande. Si la ville est assez éloignée, l'artisanat peut encore se maintenir ; dans le cas contraire, il disparaît (à moins que d'autres facteurs extérieurs n'interviennent comme, par exemple, le tourisme). Par ailleurs, il résulte de cette structure particulière de l'artisanat qu'il n'a pas pu, en général, former de monopole d'achat, ni dans les régions développées, ni dans les régions rurales. D'autre part, une concurrence entre artisans n'a lieu que sur un rayon très restreint. Elle n'est grande que dans l'artisanat de réparations et de services. Une politique de développement régional qui se propose de soutenir l'artisanat des régions arriérées pourrait, dès lors, outre des mesures de développement général pour la région, établir un système de garanties mutuelles des entreprises artisanales, encourager la fusion des professions (par exemple coiffeur pour dames et pour messieurs), et envisager, dans le cas de produits spéciaux, l'affiliation de magasins (l'artisan a souvent une meilleure connaissance de ses produits que le commerçant).

GASTON GAUDARD et JEAN

VALARCHÉ

2

Le développement régional et le secteur tertiaire

La répartition de la population active varie se/on le degré du développement économique : il est banal d'affirmer, et c'est généralement exact, que le pourcentage des tertiaires est le plus élevé là où le développement est le plus avancé. Les régions suivent la même règle que les Etats : la croissance d'une région défavorisée se fera donc par création d'emplois tertiaires en même temps que d'emplois secondaires. Sans mettre en cause le rôle moteur de l'industrie, on admet couramment que la multiplication des activités de service sert le développement régional autant que l'industrialisation. Comment l'analyse économique confirme-t-elle cette impression générale ? Il semble que deux sortes de raisonnements justifient cette opinion. Les premiers sont tirés de l'économie générale et s'appuient sur la productivité. Les seconds sont tirés de l'économie spatiale et s'appuient sur l'interdépendance.

1 LE SECTEUR TERTIAIRE ET LA PRODUCTIVITÉ

RÉGIONALE

La productivité est une qualité qui s'applique indifféremment à une entreprise, une région ou une nation. Dans tous les cas, le mot implique à la fois l'idée d'un haut rendement et celle d'une production élevée. Ceci correspond bien à la conception commune de l'inégalité régionale. Une région est favorisée ou non par rapport aux autres suivant que ses services productifs ont une qualité supérieure et une abondance plus grande. Le secteur tertiaire sera par conséquent un facteur de développement régional dans la mesure où l'emploi tertiaire supplémentaire provoquera une élévation de la productivité (au sens de rendement) et une introduction de ressources nouvelles. 3

66

G. Gaudard

1.1. Comment

l'emploi

tertiaire

élève-t-il

la

et J.

Valarché

productivité?

La combinaison des forces productives obtenue au sein d'une unité économique quelconque est plus ou moins proche de son optimum. Il en résulte que les ressources productives elles-mêmes n'atteignent pas leur rendement le meilleur. L'apparition de nouveaux emplois tertiaires, soit privés (entreprises) soit publics (administration), peut les rapprocher de l'optimum. 1.1.1.

Le rôle de l'entreprise

privée

Un certain nombre d'activités tertiaires relèvent de l'entreprise privée mais s'exercent au bénéfice de toutes les unités économiques du pays. Il en est ainsi d'abord de l'expertise et du conseil. Les directeurs d'entreprises en reçoivent des indications pour améliorer tous les éléments de leur gestion : organisation interne, comptabilité, recherche de débouchés, politique d'achats, embauche du personnel. Non seulement les affaires privées mais aussi les administrations publiques ont recours à leurs services. Depuis que l'Etat multiplie ses emprises sur la vie nationale et spécialement l'économie, il a besoin de mesurer le coût et l'avantage de ses interventions. Alors, il demande à des firmes privées spécialisées de chercher si les services publics ne coûtent pas trop cher. Sous la même rubrique, on rangera certains services commerciaux de niveau élevé, tels que le courtage, la commission, l'opération en bourse, qui éclairent les marchés, ouvrent les débouchés et font ainsi bénéficier les fabricants « d'économies d'échelle » qu'ils n'auraient pas obtenues autrement. Dans tous ces cas, les nouveaux services tertiaires améliorent la productivité des ressources existantes et diminuent par là même l'infériorité régionale. 1.1.2. Le rôle des services

publics

Les services publics peuvent également contribuer à élever la productivité des ressources productives, soit par un progrès de leur propre productivité, soit par l'apparition de nouveaux services d'intérêt général. Un exemple du premier cas a été donné en Suisse, pendant la

Le développement

régional et le secteur tertiaire

67

décennie 1959-1969, par le service postal. Au cours de ces dix années, les opérations relatives aux comptes de chèques postaux ont progressé de 58 % , le nombre des émissions de mandats-poste de 78 % , les envois de colis et périodiques de 48 % , pour un effectif de personnel augmenté seulement de 39 %. Il y a là un progrès de la productivité du travail administratif qui bénéficie directement à toutes les entreprises du pays, quelle que soit leur localisation. On peut donc le considérer comme un correctif de la disparité régionale. L'apparition d'un service public peut contribuer à la croissance régionale à un double titre. Lorsque le pouvoir central « décentralise » une administration en installant tel service en zone défavorisée (la France a établi en Bretagne l'Office National de Télécommunications), il provoque un effet-revenu avantageux puisqu'un nombre plus grand d'agents de l'Etat vivront dans la région. Mais l'avantage principal viendra d'une élévation générale de la productivité. L'exemple alors le plus net est celui de l'enseignement. Des études nombreuses ont montré qu'il existe une corrélation très forte entre l'accroissement du produit social et celui du service enseignement. Sans doute le sens de leur rapport n'est pas clair. John Vaizet 1 semble admettre une sorte de course où gagne tantôt l'un, tantôt l'autre. Mais le simple bon sens nous dit que les jeunes qui trouvent à leur lieu d'origine un enseignement supérieur multiple, aussi bien commercial et technique que classique, ont plus de chances de devenir des travailleurs qualifiés que ceux qui devraient se déplacer pour recevoir une formation avancée. La rentabilité de l'hôtellerie suisse s'explique en partie par l'existence d'écoles hôtelières en différents endroits du pays. Des études sont poursuivies dans le canton de Fribourg pour mesurer la contribution de l'Université à l'économie régionale. La présence de 2 500 étudiants et de 100 professeurs d'origine non cantonale signifie une injection de 14 millions dans le circuit économique fribourgeois 2. A côté de cet effet-revenu, l'effet général de développement apparaît à différents indices. Par exemple, les calculs des grandes firmes peuvent être plus précis depuis que l'Institut pour l'automation et la recherche opérationnelle leur loue son ordinateur. Le même rôle bienfaisant est tenu par ces annexes de l'enseignement que sont la vulgarisation et la recherche scientifique. La vulgarisation agricole transmet à l'ensemble des cultivateurs les « recettes » des fermes expérimentales. Si une population agricole bien moindre

68

G. Gaudard et J. Valarché

obtient une production agricole supérieure en volume et en valeur, n'est-ce pas dû partiellement à l'enseignement reçu dans les Ecoles d'agriculture, par exemple, pour le canton de Fribourg, celle de Grangeneuve ? De même, la recherche scientifique maintient à jour un enseignement universitaire dispensé à une proportion de jeunes toujours plus élevée. Ainsi s'accroît la qualification de la main-d'œuvre, aussi bien dans les régions défavorisées que dans les autres. En somme, l'accroissement du service public enseignement, loin d'alourdir les frais généraux de la région, fournit à l'économie défavorisée la base d'un travail plus efficace, et par là un correctif à son infériorité. La même remarque peut être faite à propos de l'extension de tel ou tel autre service administratif : accepter un coût immédiat plus élevé permet souvent d'économiser à terme. Ainsi l'aménagement du territoire suppose des fonctionnaires supplémentaires, mais le contrôle de l'affectation du sol évite des « nuisances » coûteuses aussi bien pour les particuliers que pour les pouvoirs publics. L'exemple indique que le rapport coût-profit est difficile à calculer : les échéances ne sont pas comparables et certains coûts sociaux ne s'aperçoivent qu'à l'échelle géologique. Il est cependant acquis que, plus un territoire est administré, plus il attire les installations privées. Hirschmann a démontré sans ambiguïté que le progrès de l'infrastructure s'accompagne de celui des activités directement productives. En d'autres termes, l'élévation de la productivité provoque l'introduction, dans les régions défavorisées, de ressources capables de les mettre au niveau des autres. 1.2. Comment

l'emploi tertiaire suscite-t-il des ressources nouvelles ?

Le développement économique, à quelque niveau que ce soit, suppose la formation d'un capital (ou investissement) supplémentaire. Il n'y a pas, en effet, de développement sans postes de travail (ou emplois) nouveaux, soit que l'effectif de la population active augmente, soit que les tâches archaïques soient remplacées par des travaux plus productifs. Généralement, les deux changements vont de pair et, en tout cas, l'emploi nouveau exige un investissement nouveau. Tous les secteurs professionnels participent à cet investissement supplémentaire, le tertiaire comme les autres. Il apporte à sa région des ressources d'une

Le développement

régional et le secteur tertiaire

69

double provenance, soit en virant de la région même le capital neuf, soit en attirant des fonds extérieurs. 1.2.1. Le capital supplémentaire

d'origine

interne

Il s'agit d'expliquer comment l'apparition d'un capital tertiaire féconde une région. Deux activités tertiaires en donnent la preuve : l'assurance et la banque. Lorsqu'une compagnie d'assurances ouvre un bureau dans une région qui jusque-là en était dépourvue, l'installation signifie un accroissement du capital tertiaire qui « fera des petits ». En effet, la compagnie, en concentrant les réserves individuelles de sécurité, permet d'utiliser l'argent épargné comme moyen de financement et de diminuer le risque productif. Ainsi, l'assurance exerce une impulsion à la formation du capital et à sa conservation. Elle facilite l'orientation des investissements vers des entreprises comportant des risques importants (aviation, construction) mais d'autant plus rentables à terme. La banque remplit le même genre de service. En associant les capitaux, elle rassemble des moyens de crédit qui aident les spécialisations régionales. Jean Labasse 3 a démontré que, sans la banque lyonnaise, l'embouche en Charolais et l'arboriculture rhodanienne n'auraient pas pu se développer. En outre, la dissémination des guichets bancaires permet de drainer l'épargne rurale. La promesse d'un intérêt, la commodité du placement aboutissent à accélérer l'investissement : le délai diminue, entre le moment où un revenu est gagné et celui où il est investi. Enfin, la banque ouvre la région sur l'extérieur : ses opérations animent les échanges interrégionaux comme le courant électrique anime les moteurs. C'est l'occasion d'attirer vers la région des fonds extérieurs, mais l'essentiel des dépôts bancaires vient de la région même, ainsi que l'essentiel des cotisations d'assurances : c'est pourquoi ces activités devaient être analysées ici. 1.2.2. Le capital supplémentaire

d'origine

externe

La formation d'un capital régional supplémentaire peut aussi provenir d'un apport extérieur : l'exemple le plus clair en est le tourisme. Pour une région, comme pour un pays, le tourisme est facteur de croissance : l'élévation du revenu par tête en Provence ou en Sardaigne

70

G. Gaudard et J. Valarché

ne peut s'expliquer sans lui. Encore faut-il en préciser les conditions et les mécanismes. Les conditions d'abord. Toute région n'est pas touristique. Il faut un site déterminé pour attirer les skieurs et les plaisanciers, qui forment l'une des catégories les plus fortunées et les plus nombreuses des touristes. Et si un beau site suffit à provoquer une implantation, son effet sur le développement régional suppose qu'un minimum de développement est déjà acquis. Les moyens actuels permettent d'attirer de loin le ravitaillement et la clientèle. La zone touristique sera un îlot et non un pôle si l'environnement n'est pas capable de faire fonctionner ses équipements. Les produits du pays doivent être d'assez bonne qualité pour tenter l'étranger. La population rurale doit être encore assez nombreuse pour fournir du personnel. En somme, le tourisme, comme les autres activités économiques, prouve que la croissance est cumulative, de même qu'il vérifie la loi de concentration : ce sont les régions déjà touristiques qui voient se multiplier les clients et les installations, les hommes étant de plus en plus prisonniers de leurs œuvres. Les mécanismes de la formation d'un capital supplémentaire se résument dans l'effet multiplicateur. L'investissement initial pourra être simplement l'ouverture d'un office de tourisme : quelques emplois tertiaires et un équipement modeste. Par son action publicitaire, il obtiendra que les hôtels déjà existants bénéficient de « nuitées » plus nombreuses, de même que les restaurants-cafés recevront plus de consommateurs. Comme les hôtels et restaurants progressent souvent par autofinancement, on peut compter qu'un chiffre d'affaires plus important les incitera à accroître leurs installations et ainsi grandira le capital tertiaire régional. La création d'un organisme nouveau, si modeste soit-il, n'est d'ailleurs pas nécessaire à l'impulsion initiale. On peut supposer que, soit une banque de crédit immobilier, soit une compagnie de transport, soit une agence de publicité consacre un certain budget à recommander le tourisme dans telle région. Il y a toujours un investissement initial, mais il peut être constitué par une dépense publicitaire sans ouverture d'emplois nouveaux. Dans l'un et l'autre cas, l'animation ne profitera pas seulement à l'hôtellerie-restauration, mais gagnera l'ensemble de l'économie régionale, à cause de la propagation de la dépense initiale. Le touriste

Le développement

régional et le secteur

tertiaire

71

supplémentaire augmente la recette de l'hôtelier ou du restaurateur. L'un et l'autre font appel normalement à une production et à une main-d'œuvre locales. La viande séchée des montagnards figure au menu des restaurants et les sous-employés de l'agriculture prennent du service dans l'hôtellerie. On évalue généralement entre 3 et 4 l'effet multiplicateur de la dépense touristique. La recette touristique, origine de l'expansion régionale, n'est pas toujours d'origine externe. Les habitants d'une région en forment d'habitude les premiers touristes. Mais c'est un fait qu'une grande expansion touristique suppose toujours un afflux de touristes non régionaux et le caractère international du tourisme s'accentue régulièrement. Le capital supplémentaire que représentent les hôtels, restaurants, chalets, magasins qui composent les stations touristiques est donc principalement d'origine externe. Le secteur tertiaire contribue au développement régional par des voies multiples, mais qui se ramènent toutes à une action sur la productivité : tantôt l'activité tertiaire réduit les frais généraux du pays, assumés par l'Etat ou par l'entreprise ; tantôt l'emploi tertiaire remplace des emplois moins productifs.

2

LE SECTEUR

TERTIAIRE

ET

L'INTERDÉPENDANCE

SPATIALE

Le mécanisme du développement régional comporte aussi une dimension spatiale. Cette dernière est, certes, parfois moins évidente que l'aspect temporel. Cela ne signifie pas forcément qu'elle soit moins importante. Bien sûr, la croissance se manifeste au cours des mois et des années, mais, par ailleurs, elle apparaît d'abord en certains points et c'est de là qu'elle se répand dans l'espace. La diffusion spatiale du développement s'effectue par l'entraînement qu'un pôle exerce sur le milieu environnant. Or, dans toute liaison spatiale, le secteur tertiaire joue un rôle privilégié. Il doit donc être analysé, au premier chef, sous son aspect d'élément intégrateur de l'espace. Cependant, la relation n'est pas simple. En effet, le secteur des services tire lui-même profit de l'accroissement de l'interdépendance spatiale, auquel il a contribué. Une seconde élude est dès lors néces-

72

G. Gaudard et J.

Valarché

saire : celle des répercussions de l'intégration de l'espace sur le tertiaire. 2.1. Le tertiaire comme facteur de cohésion

spatiale

L'apport du tertiaire à l'intégration de l'espace peut être démontré assez commodément en trois temps. 2.1.1. Il existe un rapport direct entre le degré spatiale et le niveau de développement

d'interdépendance

L'observation enseigne que les lieux bénéficiant d'une forte connectivité se signalent régulièrement par une situation économique meilleure que ceux pour lesquels les connexions sont rares et mauvaises. Le phénomène se repère autant sur le plan international qu'à l'échelon régional : — Les pays en voie de développement ont des relations extérieures moins nombreuses et moins intenses que les nations riches. Pour un effectif d'Etats quatre fois plus élevé, leurs exportations n'atteignent en valeur qu'un quart de celles des nations industrialisées. A cause d'un taux de concentration géographique accusé4 pour leurs achats et pour leurs ventes, les pays du Tiers-Monde enregistrent moins de liaisons internationales. — Les régions périphériques d'un Etat ou d'une union douanière connaissent souvent un enclavement néfaste pour leur développement. Sylvain Wickham5 explique par exemple comment l'apparition des communautés européennes — qui sont relativement refermées sur elles-mêmes — a conféré un caractère excentrique préjudiciable aux régions occidentales de la France. En revanche, les territoires de la bordure rhénane, mieux reliés aux zones fortes, ont été avantagés. A vrai dire, ces constatations sont logiques. Le niveau de richesse d'un lieu est fonction de sa plus ou moins grande participation à la division du travail moderne. Or, à notre époque, la spécialisation doit être accompagnée de la production en grand, qui est le seul moyen de Concilier les deux exigences apparemment contradictoires des inves-

Le développement

régional et le secteur tertiaire

73

tissements de capitaux fixes toujours plus élevés et d'un coût de production qu'on réclame sans cesse plus bas. Il est dès lors évident que la division du travail entre de vastes unités de production ne peut pas se concentrer en un même point de l'espace. Elle requiert des liaisons nombreuses avec les autres lieux. Les processus actuels de production vont dans le sens d'une division du travail dont le côté spatial s'accentue. En conséquence, les endroits mal raccordés sont condamnés soit à se passer de toute une gamme de biens, soit à tenter de les produire eux-mêmes à des coûts élevés, ce qui revient — dans les deux cas — à n'avoir qu'un niveau de richesse fort restreint. Il y a bien longtemps au reste que Ricardo a démontré que la division internationale du travail peut déboucher sur l'enrichissement des Etats et Ohlin a exposé que les conséquences ne sont pas très différentes en cas d'échanges interrégionaux. 2.1.2. Le secteur tertiaire fournit une contribution essentielle à la connectivité spatiale Les liaisons spatiales résultent de deux données. La localisation différente des demandeurs et des offreurs Les liaisons spatiales supposent qu'il existe en un lieu une demande qui n'est à même d'être satisfaite que par une offre issue d'un autre endroit, voire qu'une offre avantageuse qui se manifeste en un point suscite une demande en un autre lieu. On pourrait invoquer à ce propos certains effets interindustriels en amont et en aval, qui sont de nature à transmettre le développement dans l'espace, mais qu'il faut rattacher au secteur secondaire ou, plus exceptionnellement, au primaire. Ainsi, en Suisse, l'expansion de la production de la bière, à Fribourg, stimule les industries productrices de bouteilles, qui sont situées dans d'autres cantons. L'ouverture d'une conserverie moderne, à Estavayer-le-Lac, a entraîné l'essor des cultures maraîchères de pois dans de nombreux villages des alentours. L'existence de moyens de communication Les connexions spatiales demandent des moyens de communication, au sens large du terme. C'est là qu'intervient toujours le secteur ter-

74

G. Gaudard

et J. Valcirché

tiaire. Sans son concours, aucune liaison n'est possible. « L'ouverture des zones sous-équipées ne peut se concevoir qu'avec une infrastructure de transport adéquate. » c La fonction du tertiaire est, dans ce domaine, triple : — D'abord, au niveau de l'information, le secteur des services occupe une place importante. Une relation spatiale ne naît que lorsque les demandeurs en puissance sont renseignés sur les conditions de l'offre. Or, si la transparence du marché peut encore être supposée assez grande en un point donné, il est certain qu'elle est beaucoup plus problématique quand les partenaires sont séparés par la distance. Le tertiaire, qui transmet les renseignements de multiples manières, contribue à rapprocher les partenaires et à élargir l'espace de négociation. A ce stade, on peut rappeler aussi l'effet d'imitation dans les consommations : les indications que les différents véhicules de l'information fournissent quant aux satisfactions obtenues dans les régions plus avancées stimulent la demande d'importation des zones en retard. — Ensuite, les transports assument une tâche indispensable au moment de l'exécution du contrat. C'est là chose évidente lors de la livraison de biens. Mais, la fourniture de services est elle-même étroitement dépendante d'autres apports du tertiaire. Est-il besoin de noter, par exemple, que les 30 millions de nuitées touristiques enregistrées annuellement dans les hôtels et pensions de Suisse ne seraient possibles si tout un appareil ferroviaire, routier et aérien n'existait pas pour déplacer ces hôtes de leur domicile à leur lieu de séjour ? — Enfin, au plan des règlements, le secteur des services intervient une fois encore. La grande majorité des paiements s'effectuent par voie postale et bancaire. Même dans le cadre de certains règlements au comptant, le tertiaire est nécessaire. C'est le cas lorsque les partenaires ne travaillent pas avec la même monnaie. Les nouvelles stations touristiques, qui s'empressent d'ouvrir un bureau de change, le comprennent bien. Dans l'ensemble, la part du tertiaire dans la connectivité spatiale est donc essentielle. C'est grâce au secteur des services que le cloisonnement des lieux peut être vaincu. Par ailleurs, le progrès dans le tertiaire diminue le coût des communications et rapproche économiquement les localités. Ainsi, par le tertiaire, de nouveaux rapports se

Le développement

régional et le secteur

tertiaire

75

tissent et, avec l'intégration de l'espace, les possibilités d'enrichissement s'accroissent. 2.1.3. Le secteur tertiaire est le moyen de transmettre le dans Vespace

développement

Par l'entremise du tertiaire, le développement obtenu en un point se diffuse dans d'autres parties du territoire. Il convient de distinguer à ce sujet un effet d'entraînement et un effet d'interdépendance. L'effet

d?entraînement

spatial

On pourrait penser que les connexions qui s'établissent entre un pôle de croissance et sa zone de soutien vont intervenir d'une manière simple et directe dans la transmission du développement. Ce dernier se répandrait à travers les liaisons économiques un peu comme l'eau d'irrigation se distribue progressivement par la voie des canaux. En réalité, le processus n'est pas si sommaire. Il implique deux phases bien différentes 1. — D'abord, le pôle provoque un mouvement de dépression dans tout son voisinage. La connectivité entre le pôle et l'espace qui l'entoure est certes déjà bien réelle à ce moment-là. Toutefois, elle n'est orientée en quelque sorte que dans une direction : la zone de dépendance profite au centre (fourniture de pendulaires, agglomération des activités non primaires, attraction des acheteurs), mais n'en retire ellemême presque pas de bénéfice. — Ensuite, le pôle s'étend dans l'espace en réanimant les vides suscités précédemment. Un effet de rejet se manifeste alors : le centre surdéveloppé est victime de déséconomies externes et l'implantation de certaines activités dans sa périphérie devient plus intéressante. Entre cette dernière et le cœur du pôle, la connectivité joue dès lors dans les deux sens et les profits se répartissent plus équitablement entre les lieux. Mais, simultanément, une nouvelle zone de dépression se creuse plus à l'extérieur. Ainsi, autour d'un pôle, on peut régulièrement reconnaître, à un moment donné 8 : — un espace d'entraînement, qui enregistre une influence positive par l'expansion et la dispersion des équipements économiques, et

76

G. Gaudard

et J.

Valarché

— une aire d'attraction, plus excentrique, qui ressent au contraire une incidence négative, à cause de la tendance à l'agglomération vers les zones plus centrales. Un indicateur aussi simple que celui du chiffre de la population fournit à ce propos des constatations significatives. Par exemple, les deux communes fribourgeoises de Marly-le-Petit et de Lovens comptaient chacune 200 habitants en 1941. Depuis lors, la première a passé dans l'espace d'entraînement de la ville de Fribourg et a vu sa population progresser à 1 300 âmes. La seconde, qui est entrée dans l'aire d'attraction, n'abrite plus aujourd'hui que 142 âmes. Il est bien clair que toute cette liaison du développement des lieux voisins ne serait pas possible sans les relations assumées par le secteur des services. Un espace fonctionnel ne peut pas ne pas être innervé par des connexions tertiaires multiples. A défaut de ces dernières, les flux manqueraient, qui sont une caractéristique d'une telle étendue et qui constituent un élément essentiel de toute croissance spatiale polarisée. L'effet

d'interdépendance

spatiale

Le secteur tertiaire n'intervient pas uniquement pour relier un pôle à son espace de soutien. Il convient de retenir aussi sa contribution à la mise en rapport des pôles entre eux. Le raisonnement doit dépasser le stade du pôle isolé pour appréhender celui du système de pôles intégrés. La mise en relation de deux ou de plusieurs pôles — qui découle de l'action du tertiaire — est de nature à susciter un potentiel important d'économies externes. L'essor d'un pôle en vient alors à modifier les conditions des autres qui sont situés dans l'espace où l'influence du premier est sensible, et inversement. Il peut en découler des résultats qui excèdent la somme des incidences de chacun des pôles fonctionnant « autarciquement ». Le professeur Marc Penouil a bien mis ce point en relief : « il semble que, dans l'économie moderne, le développement régional ne puisse plus s'ordonner autour d'un seul centre plus ou moins isolé, mais qu'il implique l'établissement de relations d'interdépendance et de complémentarité entre des noyaux unis entre eux par des moyens de transport efficaces et peu onéreux ». 9 Le couplage des pôles est une dimension spatiale importante des

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économies externes. Ces dernières — dont le rôle est primordial dans l'implantation d'activités nouvelles — sont « essentiellement centrées sur l'effet de communication au sens large ». 10 Elles sont donc d'autant plus compromises que la distance entre les centres est grande. Pourtant, le tertiaire, par son aptitude à raccourcir la distance économique, offre justement dans ce domaine des perspectives qui méritent beaucoup d'attention. 2.2. Les effets de Fintégration de l'espace sur le tertiaire L'intégration de l'espace, qui est rendue possible par le tertiaire, conduit elle-même à une expansion du secteur des services. Trois genres de mécanisme concourent à ce résultat : des phénomènes de seuil dans le tertiaire, des répercussions de l'essor du secondaire et l'accroissement général du niveau d'opulence. 2.2.1. Des phénomènes de seuil dans le tertiaire Certaines activités du tertiaire n'apparaissent, à un niveau de technique donné, que si elles disposent d'un marché suffisant, qui se situe pour elles à un plan élevé. Un exemple « classique » est celui des aéroports. Les travaux récents estiment ainsi que, en principe, de 500 000 à 70 000 habitants sont nécessaires dans nos pays pour qu'une agglomération ait un aéroport international ; cette ville doit cependant pouvoir compter, dans son rayon d'influence, sur une population urbaine qui atteigne à peu près le double de la sienne. 11 On voit d'emblée comment, en intégrant l'espace suburbain et en facilitant les relations entre une « capitale » et les villes qui l'encadrent, le tertiaire est en mesure de faire franchir à une cité le seuil permettant d'exploiter, dans de bonnes conditions, une place aérienne internationale. Mais d'autres cas apportent des témoignages concordants. A ce titre, on retiendra les conventions que les universités de Suisse romande ont passées récemment pour la mise sur pied de plusieurs enseignements du troisième cycle. La relative proximité de quatre hautes écoles (Genève, Lausanne, Fribourg et Neuchâtel) situées dans des villes entre lesquelles les communications sont rapides (souvent moins d'une heure de train) et fréquentes, a conduit à un partage des responsabilités pour certaines formations post-graduées. Par le fait même, des

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services plus poussés sont en train d'être ouverts, parce que le regroupement des étudiants d'une même discipline a porté au-delà du seuil qui justifie ces activités nouvelles. Des exemples analogues seraient à citer dans le domaine sanitaire. Il existe un seuil dimensionnel unitaire pour des équipements tels que la bombe au cobalt ou le centre respiratoire antipoliomyélitique. Une bonne intégration de l'espace environnant peut légitimer une semblable installation dans une ville qui, de prime abord, paraîtrait à elle seule trop petite pour l'accueillir. Ainsi, il y a des services hautement spécialisés qui requièrent dans leur aire d'influence un nombre fort élevé d'habitants, parce qu'ils ont un caractère de fréquentation très exceptionnelle. L'intégration de l'espace est en mesure de procurer à ces activités le marché minimum dont elles ont besoin pour voir le jour. 2.2.2. Des répercussions de l'essor du secondaire L'accroissement de la cohésion spatiale engendre de nouvelles économies externes qui entraînent un essor du secondaire. Mais l'expansion de l'industrie est elle-même un stimulant pour le secteur des services. Il est en effet élémentaire de rappeler que le secondaire postule un certain genre de tertiaire, qui progresse donc en liaison avec lui. L'ouverture de nouvelles usines et l'agrandissement des anciennes entreprises demandent le transport de plus de matières premières et de plus de produits fabriqués. Des industries plus nombreuses et plus fortes réclament un appareil bancaire plus développé. Elles regroupent aussi une population accrue, ce qui explique l'ouverture de nouveaux services publics et de commerces supplémentaires. Le processus est intéressant à suivre dans un cas concret. La région du Nord-Est de la Suisse (triangle Bâle-Olten-Zurich), qui est la plus riche du pays, fournit un bon exemple. Cet espace bénéficie d'une situation exceptionnelle à l'intersection de plusieurs grandes voies internationales : la route du Gothard (Rhénanie-Italie) — qui est la principale — y croise celle qui joint Lyon à la Bavière et l'axe ParisVienne. Ces conditions particulièrement favorables d'intégration spatiale ont contribué largement à l'essor industriel de cette portion de pays. Grâce aux anciennes et multiples connexions extérieures, les

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entreprises mécaniques et chimiques sont aujourd'hui fortement orientées vers l'exportation. Cependant, personne ne contestera que le développement que le secondaire a pris dans ces cantons y a été une cause importante de l'essor du tertiaire régional. Par le biais du progrès de l'industrie, on assiste donc à une stimulation du tertiaire courant. 2.2.3. L'accroissement général du niveau d'opulence Le progrès de l'intégration de l'espace va dans le sens du développement économique et de l'accroissement général du niveau d'opulence qui lui est lié. Or, l'augmentation du revenu par tête provoque une modification de la demande exprimée sur le marché. La consommation se porte des produits secondaires vers les services tertiaires, lorsque la quantité de biens secondaires utilisés a atteint un maximum. C'est d'ailleurs bien pour cette raison que les pays ayant le plus fort revenu par tête sont précisément ceux où le tertiaire occupe la part la plus élevée de la population active. Ainsi, la meilleure cohésion spatiale procurée par l'intervention du secteur des services est elle-même, une fois encore, un facteur d'entraînement du tertiaire. Elle agit certes sur la quantité de services demandés, mais elle exerce en outre un effet d'expansion des services plus coûteux. La hausse du niveau de vie conduit à un taux très élevé de scolarisation secondaire et à une plus forte fréquentation des universités. Elle tend à généraliser le téléphone et la télévision. Elle augmente les déplacements de loisirs. L'expansion ainsi induite de certains services suscite à son tour une demande supplémentaire à l'égard du tertiaire. L'accroissement de l'effectif des étudiants universitaires débouche par exemple sur plus de voyages d'études. L'augmentation du nombre des sportifs de compétition engendre une quantité accrue de contrôles médicaux. Le déplacement des touristes supplémentaires se répercute sur les transports et l'hôtellerie. Des services apparus à cause de l'intensification des liaisons spatiales résultant du développement sont parfois de nature à entreprendre par la suite une véritable promotion du secteur. Le cas des maisons d'expédition de la ville frontière de Chiasso (Suisse) est à ce propos instructif.12 Ces entreprises sont nées de la nécessité de disposer d'in-

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termédiaires en un point de passage de la douane. Tout en s'appuyant sur les infrastructures des transporteurs et sur les services publics, elles ont mis sur pied une organisation importante : elles ont, par exemple, établi 220 filiales et 127 correspondants en Italie. Ces maisons d'expédition ne se limitent plus toutefois aujourd'hui à intervenir simplement pour faciliter le transit des marchandises qui ont déjà choisi la voie du Gothard. Elles ajoutent à ce rôle « passif » une fonction d'acquisition du trafic. Leur action efficace est décisive pour soutenir l'itinéraire par Chiasso face à d'autres trajets actuels ou futurs. Ainsi, les services des expéditeurs de Chiasso sont à considérer comme un stimulant de cet autre tertiaire régional qu'est le transit. Le tertiaire peut apporter une large contribution au développement économique régional. D'une part, en un lieu donné, il est à même d'exercer une action bénéfique sin- la productivité. D'autre part, par son intervention spatiale, il ajoute une dimension importante à la polarisation. Mais le secteur des services a cette particularité de concerner le développement régional plus que par l'enchaînement spontané des mécanismes. C'est en effet le tertiaire qui contient l'administration publique et la gestion privée. Or, une volonté systématique de croissance est à même d'émaner de ces deux provenances. La décision, la programmation et l'exécution de l'expansion régionale trouvent dès lors leur véritable source dans ce secteur. Le tertiaire contribue donc tout à la fois à la transmission automatique de l'essor et à la mise en place d'un développement régional de type plus volontariste.

RÉSUMÉ

Le secteur tertiaire joue, au même titre que l'industrie, un rôle moteur dans le développement régional. La vérification peut se faire à deux niveaux. Le secteur tertiaire devient un facteur de développement dans la mesure où l'emploi d'unités supplémentaires élève la productivité et conduit à des ressources nouvelles. Cet apport, de source privée (experts, conseils, services commerciaux spécialisés) ou publique (ensei-

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gnement, décentralisation des activités de l'Etat), contribue à accroître le nombre des postes de travail, améliore la qualification professionnelle des personnes actives et les méthodes de travail. De plus, le développement économique exige un apport en capital, dont l'origine peut être interne (épargne, assurances) et plus sûrement encore externe, comme par exemple le tourisme. Il naît ainsi des activités directement tertiaires qui stimulent les producteurs secondaires et même primaires. La croissance se manifeste d'abord en certains points et se répand ensuite dans Pespace. Cette diffusion du développement s'effectue par l'entraînement que les pôles exercent sur le milieu environnant. Une forte connectivité spatiale est un gage de prospérité. Elle permet en effet une meilleure division du travail, avec tous les avantages que celle-ci comporte dans l'économie moderne. Or, le tertiaire contribue à améliorer la connectivité (information, transports, règlements). En outre, il est le support d'un effet de diffusion de la croissance, qui passe par une phase de dépression de la zone de dépendance au profit du centre, puis par une phase de rejet vers la périphérie. Enfin, l'interdépendance entre les différents pôles, qui est possible grâce au secteur des services, est un facteur d'économies externes. La forte cohésion spatiale est elle-même un élément d'expansion du tertiaire.

NOTES

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Document n° 2 des

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G. Gaudard

et J.

Valarché

8. G. Gaudard, « Le problème de la dimension économique et sociale des communes », Habitation (Lausanne), décembre 1969. 9. M. Penouil, Pôle de développement en région sous-développée et en pays sous-développé, Colloque de Genève, 1969. 10. J.-R. Boudeville, Schéma de recherche pour une analyse de polarisation, Colloque de Genève, table-ronde du 22 mai 1969. 11. J. Labasse, L'organisation de l'espace, Paris, 1966. 12. R. Ratti, « L'espace de marché du transit international marchandises par le Saint-Gothard », Annales suisses d'économie des transports (Zurich), n° 4, 1969.

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européen,

Paris, 1969.

Discussion

Claude Lacour (Université de Limoges) : On peut s'interroger sur la commensurabilité de la productivité réelle et monétaire des secteurs. Pour ma part, j'aimerais savoir s'il existe des moyens de percevoir, autrement que par la méthode habituelle des nuitées et des paquets de cigarettes, l'impact du tourisme ? M. Valarche a cité, pour le cas de la Suisse, un effet multiplicateur du tourisme de trois ou quatre, ce qui me paraît être un bon effet multiplicateur. En considérant cependant l'importance du processus d'autofinancement en ce sous-secteur, je me demande si, en réalité, l'effet multiplicateur n'est pas rediffusé que d'une façon très restreinte. Boleslaw Winiarski (Université de Wroclaw) : A partir des prévisions que l'on a établies sur le développement du secteur tertiaire en Suisse et dans les cantons, peut-on estimer les effets secondaires exercés par celui-ci sur les services liés au tourisme et sur l'activité économique tout entière ? Je crois que le secteur tertiaire embrasse en Suisse, pour le moment, 40 % de la population active. Sjoerd Groenman (Université d'Utrecht) : En tant que sociologue, j'ai spéculé un peu sur le problème méthodologique d'une classification du secteur tertiaire. A mon sens, on peut distinguer entre un tertiaire interne et un tertiaire externe. Le premier est incorporé à l'entreprise elle-même, le second ne l'est pas. Constatation de fait cependant : le tertiaire interne ne figure pas toujours explicitement dans les statistiques. Une grande entreprise, possédant par exemple un ordinateur, pourrait louer celui-ci à d'autres entre-

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prises. L'enseignement professionnel peut être intense à l'entreprise, tandis que l'université et l'enseignement supérieur font partie d'un tertiaire qui n'est pas un simple prolongement du primaire ou du secondaire, c'est-à-dire de l'entreprise. Il convient enfin de considérer les subdivisions régionales. Le tourisme peut avoir des effets positifs pour la région, mais non pour le pays. En conclusion, je propose la classification suivante du tertiaire : 1) c'est un secteur dont les activités ne sont ni primaires ni secondaires ; 2) c'est un secteur externe, mais intermédiaire, c'est-à-dire lié indirectement aux autres secteurs ; 3) c'est un secteur interne qui, forcément, dépend des autres secteurs ; 4) c'est un secteur dont les activités sont strictement externes, c'està-dire indépendantes de tout autre secteur, aussi bien à l'échelle régionale qu'à l'échelle nationale on même internationale. Jean Valarché (rapporteur) : J'aimerais préciser encore une fois que le développement régional doit se faire d'abord par le secteur secondaire, et ensuite seulement par le secteur tertiaire. Ainsi, l'écart de développement entre Fribourg et la moyenne Suisse diminue depuis dix ans, précisément parce que Fribourg a développé son secteur secondaire depuis dix ans. Comme l'indique mon exposé, il y a une augmentation de 55 % de personnes occupées dans le secteur secondaire contre 33 % dans le tertiaire. C'est donc la preuve que le facteur principal de développement régional est le secteur secondaire. Permettez-moi ensuite de faire une typologie, ce que j'aime aussi, comme M. Groenman. Il existe des classements innombrables du secteur tertiaire, tout le monde le sait, mais M. Groenman, qui pourtant est étranger aux questions économiques, a trouvé des classements importants et nous l'en félicitons. Le premier classement est, en effet, peut-être le plus intéressant : c'est la distinction possible entre le tertiaire interne et le tertiaire externe (interne et externe à l'entreprise). Pour mon étude, je me suis basé sur le secteur externe, pour une raison que j'ai donnée : c'est que la plupart des statistiques placent dans le secteur secondaire l'exploitation et, d'office, ceux qui se trouvent dans une exploitation dite industrielle,

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Discussion

quels que soient les métiers individuels. Je vais cependant nuancer un peu. Dans le cas de la Suisse, il y a deux sortes de recensement qui permettent de connaître le tertiaire. Premièrement : le recensement d'après l'exploitation. On y exclut justement le tertiaire interne, puisque la classification s'effectue selon le genre de l'exploitation. Il y a aussi des recensements d'après la population. On demande alors à l'intéressé ce qu'il fait (ouvrier, employé, technicien, camionneur etc.). Donc là, on peut effectivement connaître le tertiaire interne. Dans mon rapport cependant, je me suis servi des statistiques d'exploitation, parce que ce sont les plus récentes (1955-1965) et que c'est la période la plus intéressante pour Fribourg. La deuxième distinction est peut-être la plus connue : tertiaire induit et tertiaire autonome. Je m'en suis justement servi dans mon rapport. Le tertiaire induit comprend alors les activités induites par les autres secteurs ou directement liées à la production (par exemple le commerce, les transports, etc.) ; quant au tertiaire autonome, on l'appellera lié, non plus à la production, mais au revenu (par exemple service d'hygiène). Cependant, je doute que cette distinction ait une base de statistique administrative sûre. La troisième distinction, qui est normative, comprend le tertiaire positif (par exemple les banques) et le tertiaire négatif (par exemple le petit commerce). Evidemment, il y a du juste dans cette distinction, et peut-être que Fribourg en donne la preuve, puisque, toujours à cette époque où Fribourg s'est le plus développé, il y a eu précisément réduction du petit commerce. Mais, en tant qu'économiste, il me paraît délicat de dire d'office que tel métier est tertiaire positif et que tel autre est tertiaire négatif. Certains cependant distinguent le tertiaire « banal » du tertiaire « productif ». Personnellement, je n'admets pas, au fond, ce genre de distinction. Cela me paraît se passer sur un plan normatif difficile, parce qu'à telle époque, pour tel degré de développement, un certain métier peut être plutôt négatif, tandis que, dix ans plus tard, il sera peut-être positif. Une autre distinction que M. Groenman a faite, c'est de savoir pour qui l'activité tertiaire est bénéfique : pour la région ou pour le pays ? M. Groenman a dit que le tourisme est bénéfique pour la région et non pas pour le pays. Je prends un exemple, un peu farfelu peut-être : lorsqu'un touriste vient en Suisse, il achète une montre. Or, cela profite au pays, et non pas à la région, puisque le touriste

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ne va pas forcément dans une région horlogère. Donc, il me paraît difficile de classer le tertiaire en tertiaire bénéficiant à la région et tertiaire bénéficiant au pays, bien que le classement soit logique et peut-être important à obtenir. Et encore, je me demande par quelle voie on arriverait à mesurer le tertiaire bénéficiant au pays et le tertiaire bénéficiant à la région. Rainer Pôtzsch (Université de Bonn) : Les difficultés analytiques commencent en effet là où il s'agit de transformer le tertiaire en tant que catégorie sectorielle en un tertiaire de catégorie spatiale. La classification du tertiaire en tertiaire bénéficiant à la région et en tertiaire bénéficiant au pays, dont parle M. Groenman, n'est possible que si ce problème de transformation est résolu. Il existe des études sur ce point, je l'ai indiqué au cours de la discussion du rapport sur le secteur secondaire, mais elles ne sont pas satisfaisantes. Du reste, cette classification est vraiment un problème économique réel. J'en donne un exemple : économiquement, l'implantation d'une nouvelle université (à condition qu'il n'y ait pas de chômage déguisé pour universitaires) sera presque toujours bénéfique pour la région si les diplômés continuent à y exercer leur profession jusqu'à ce que le capital investi par la région dans l'université soit amorti (point d'impact dépense-revenu observé sur place). M. Groenman a fait une distinction entre tertiaire induit et tertiaire autonome. Sans vouloir contester les difficultés techniques dont a parlé M. Valarché et qui consistent à trouver une base statistique approximativement exacte, il existe cependant un argument économique en faveur d'une telle distinction. En effet, plus le tertiaire induit est caractérisé par une complémentarité directe par rapport à d'autres activités (qui sont de préférence plus ou moins uniformes), et plus il sera possible de substituer du capital au travail tertiaire. Si, par contre, la complémentarité n'est qu'indirecte, si les activités tertiaires constituent une demande en soi, la motivation de la demande peut être irrationnelle, et une substitution du capital au travail devient plus difdépend d'abord de facteurs purement techniques (complémentarité ou non). Elle dépend ensuite du niveau et de l'évolution des revenus, et on retrouve là le rapport régional que nous avons négligé un peu ficile. C'est dire que l'augmentation de la productivité du tertiaire

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Discussion

dans notre discussion. En effet, s'il existe une relation très étroite entre l'augmentation de la demande de prestations de service, la croissance des revenus et certains facteurs démographiques (structure de la population et des ménages, habitat, migrations, connaissances techniques, etc.), on peut en déduire que le tertiaire a des effets de développement plus grands dans telle région plutôt que dans telle autre. Ainsi, par exemple, on peut constater que plus les agglomérations sont grandes, et plus le nombre de personnes par ménage diminue. Or, plus le ménage est petit, plus la demande de services d'une haute élasticité-revenu augmente. Si la demande de prestations de service est élevée, le fait de dépendre d'un marché qui, alors, se constitue, s'accentue considérablement. Certains services peuvent dès lors se détacher d'une activité tertiaire dont ils étaient une part intégrale jusqu'alors et former une nouvelle activité. Il en résulte une accélération du processus de développement. Donc, les régions en retard avec leur faible pouvoir d'achat sont considérablement désavantagées quant à l'effet entraînant du tertiaire. Stephen Frowen (Université de Surrey) : En comparant, dans le cas de la Grande-Bretagne, les régions hautement développées aux régions en retard, on constate, sur le plan de la productivité, que l'écart de la moyenne nationale ne comporte au maximum que 16 % environ, ce qui est très peu. On peut en conclure que les différences de productivité existent moins sur le plan régional que sur le plan industriel. Or, les industries à taux de croissance de la productivité relativement élevé se situent généralement dans les régions hautement développées, de sorte qu'il est vraiment douteux qu'une expansion du secteur tertiaire en augmente la productivité dans la région sous-développée. Je suis enclin à croire que ce sont les industries déjà les plus profitables qui bénéficieront de cette amélioration du secteur tertiaire, et ces industries, je viens de le dire, se situent rarement dans les régions sous-développées. Rainer Pôtzsch (Université de Bonn) : M. Valarché a parlé aussi de la productivité des services administratifs. Ces derniers sont souvent en nombre plus élevé dans les Etats fédératifs que dans d'autres pays. C'est pourquoi, en général, la produc-

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tivité totale des services administratifs d'un pays fédéral est inférieure à la productivité que l'on atteindrait avec une structure politique centrale. On peut dès lors se demander si la productivité du tertiaire serait augmentée par une réduction du nombre des régions administratives. J'en donne un exemple, que l'on discute actuellement en Allemagne fédérale, bien que ce soit dans une autre optique, à savoir celui de l'équilibre des forces politiques et, indirectement seulement, du développement régional. En effet, on essaie de regrouper les « Länder » ou de les fusionner suivant le critère de leur poids économique qui, la plupart du temps, décide aussi de leur poids politique dans le comité fédéral. C'est le cas, par exemple, pour la Hesse, le Palatinat et la Sarre ou pour Hambourg, Schleswig-Holstein et la basse Saxe. Une telle intégration suffirait à la fois aux intérêts locaux et aux intentions du gouvernement fédéral, tout en augmentant la productivité du tertiaire administratif. Un autre point du rapport de MM. Valarché et Gaudard, sur lequel j'aimerais m'attarder un peu, c'est l'aspect du tertiaire financier en tant que moyen de développement régional. Ce qui me frappe d'abord, c'est la relation qui peut exister entre la localisation des banques et le phénomène des régions en retard. On peut constater que les grandes agglomérations urbaines sont l'emplacement préféré des grandes banques de crédit, des banques privées et des banques de crédit foncier. Ce sont justement les éléments du secteur secondaire, les processus de production subséquents, les stades ultérieurs de la transformation qui exercent la plus grande attraction sur ces institutions financières. Dans le secteur industriel et commercial, plus l'emprunt de fonds augmente, plus la relation capital/travail est grande, plus le niveau de prix des biens d'investissement est élevé, et moins la situation de bénéfice à long terme est favorable. Par ailleurs, l'intensité, la durée et l'avantage de certaines relations d'affaires, l'interdépendance personnelle des organismes de décision, l'influence et la puissance économiques que garantit le droit de vote d'une banque dépositaire d'actions en compte courant, sont des atouts importants pour une banque en quête d'un emplacement optimal. C'est pourquoi, les banques de crédit foncier se localisent dans les centres urbains, car c'est là qu'existe un marché des valeurs boursières qui permet des opérations de stabilisation des cours. C'est là que l'on peut contacter les sociétés d'épargne immobilière, les sociétés d'entraide pour la cons-

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truction d'immeubles d'habitation, les institutions paramonétaires comme, par exemple, les organismes de la Sécurité sociale, les compagnies d'assurance et les sociétés financières d'investissement. Les centres urbains sont aussi l'emplacement préféré des banquiers privés qui, on le sait, exercent surtout des activités portant sur des prestations de service. L'important, ici, ce n'est donc pas l'accumulation des fonds à l'aide de succursales supplémentaires, mais le siège d'une bourse ou le nœud de grands axes de transport pour les affaires avec l'étranger. Il est fréquent que les banques de crédit choisissent également les grandes agglomérations comme emplacement optimal : dans ce cas, il ne s'agit pas tellement d'entrer en contact direct avec le client (guichets), que d'augmenter les fonds créditaires à long terme, de diminuer ensuite le risque que constitue un petit nombre de clients avec un dépôt moyen élevé et, enfin, de solder par des opérations internes de décompte (donc succursales dans des agglomérations fermées). En revanche, les coopératives de crédit de l'industrie et du commerce s'établissent à proximité des places centrales, dans les quartiers à forte activité commerciale et industrielle, ou bien dans les centres de la périphérie où les prix de terrain sont moins élevés et où se situent l'artisanat et les industries dont la production exige de grandes surfaces. Pour ce qui est des caisses d'épargne, on les trouve aussi bien dans les secteurs du commerce et de l'industrie éloignés des centres urbains que dans les régions agricoles. La localisation dépend, ici, de la distribution régionale de la population. Cela peut s'expliquer par une certaine obligation légale des caisses d'épargne d'offrir à chaque citoyen la possibilité de placer son argent, donc par une motivation traditionnellement sociale, mais aussi par le principe de la maximisation du profit, puisque, dans une économie en croissance, le revenu des masses augmente. Par ailleurs, la disposition à faire des emprunts pour la consommation augmente si les besoins individuels, le prix des biens de consommation et des prestations de service s'accroissent, et si le niveau absolu des revenus est bas. Restent enfin les caisses de crédit agricoles que l'on rencontre fréquemment dans les régions en retard. Elles font partie des coopératives agricoles, qui ont un caractère universel, c'est-à-dire qu'elles règlent les opérations sur marchandises en tant que coopératives d'achat et de vente, qu'elles mettent des installations communes à la disposition

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des agriculteurs en tant que coopératives d'utilisation des produits et coopératives de production et qu'elles exercent des fonctions bancaires en tant que sociétés coopératives de crédit. Ces remarques m'amènent à une conclusion de portée plus générale. Si l'on admet que le processus de développement ne peut que très rarement être amorcé par des épargnes anticipées — en effet, le processus des épargnes anticipées impliquerait un mouvement de déflation alors que, inversement, le développement serait dû à une expansion des crédits primaires (création de l'argent) —, le problème du développement des zones agraires se pose alors en termes de dynamique du système créditeur. A mon sens, ce sont justement les caisses de crédit agricoles qui sont en mesure d'apprécier la solvabilité des personnes en cause, si une telle enquête dépend d'une évaluation de la personnalité de l'agriculteur qui n'est pas obligé, ou n'est pas à même de tenir des livres comptables. Mais ce n'est pas le seul aspect qui joue. Les caisses, nous venons de le voir, font partie d'un système coopératif. Dès lors, les crédits de production et les investissements dans des installations communes fort mécanisées sont, en même temps valorisés par la collaboration, le know-how et le marketing des sociétés coopératives agricoles. Les caisses de crédit agricoles sont donc un puissant instrument de développement régional. Il reste cependant à améliorer la fonction et la rentabilité des caisses elles-mêmes. Ainsi, s'il était possible d'élargir le nombre des titulaires non agraires d'un compte, on pourrait augmenter les fonds d'emprunt à long terme dont le secteur agricole a particulièrement besoin, vu la faible vitesse de rotation du capital dans l'agriculture. Par les mêmes moyens, on pourrait améliorer le coefficient de liquidité lors des récoltes et des ensemencements. Le cas échéant, il faudrait changer le statut juridique des caisses en remplaçant la responsabilité illimitée de la coopération par la création d'une société à responsabilité limitée. Il me semble d'ailleurs que ces mesures deviennent d'autant plus nécessaires qu'une suppression du protectionnisme agricole au sein de la C.E.E. amènera des changements de structure et des problèmes qui ne pourront être résolus qu'à l'aide de crédits supplémentaires. C'est donc sur la base de ces arguments qu'une partie du secteur tertiaire peut jouer un rôle vraiment efficace dans le développement régional.

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Discussion

Jean Valarché (rapporteur) : M. Pôtzsch m'a posé deux questions. La première concerne la productivité des services publics. Dans tous les pays, on cherche à l'améliorer et M. Pôtzsch se demande si l'amélioration ne serait pas obtenue par une réduction numérique des régions administratives. Dans le cas de la Suisse, une fusion des cantons me paraît absolument impossible parce que, là, le critère de décision n'est pas économique, mais politique et, éventuellement, culturel. J'en donne un exemple. Depuis 1833, le canton de Bâle est divisé en deux demi-cantons parce que, en 1833, il y a eu des luttes entre la population de la ville de Bâle et celle de la campagne. Il y a eu un vote, récemment, pour essayer de réunifier le canton de Bâle, ce qui aurait été économiquement très intéressant car, actuellement, le canton de Bâle-ville ne comporte plus que le cœur du pôle et toute la croissance s'effectue sur la couronne. Ce vote a donné une réponse négative : les gens de Bâlecampagne ne veulent rien entendre. Il existe donc des parties du tertiaire qui dépendent beaucoup plus de l'aspect politique et culturel que d'une décision économique. On peut dire aussi que la persistance (l'inertie) du secteur tertiaire est plus grande que celle du secteur secondaire. La deuxième question de M. Pôtzsch concerne le rôle des banques. M. Pôtzsch pense que je ne l'ai pas exposé complètement parce que j'ai pensé plutôt à la collecte des fonds par les banques qu'à l'emploi fait par les banquiers de ce qu'ils ont reçu. Je crois du moins avoir mentionné deux aspects, en ce sens que j'ai parlé du rôle des banquiers comme accompagnement et comme moteur de croissance. M. Lacour m'a posé une question qui concerne l'impact du tourisme. Peut-on mesurer les effets du tourisme autrement que par les nuitées ? Oui, certainement, mais j'avoue qu'il est difficile de trouver des critères qui soient vraiment représentatifs. L'autofinancement que l'on peut observer dans l'hôtellerie se fait à partir de la recette touristique ; donc il existe quand même là un effet multiplicateur du tourisme, qui peut être connu par l'extension de l'hôtellerie. M. Winiarski m'a demandé si l'on pouvait prévoir le développement du secteur tertiaire soit en Suisse, soit dans les cantons. La question est, en effet, assez importante, parce que j'ai arrêté mon

Le développement

régional et le secteur tertiaire

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analyse, pour le cas de la Suisse, à l'année 1965, et que d'après les travaux récents, il y a un changement consistant justement en une multiplication des services publics. Autrement dit, sur le plan suisse, il y avait réellement peu d'effectifs occupés dans l'administration publique et l'effectif a beaucoup augmenté depuis quelques années, comme si, en quelque sorte, la Suisse allait rattraper la norme des pays de même développement économique. Donc la prévision se ferait dans une extension de certaines branches tertiaires au moins, comme l'administration publique. Mais la prédiction ne vaut pas pour les autres branches tertiaires puisque, au contraire, dans le commerce de détail, j'ai l'impression qu'il y a plutôt un tassement. Ensuite, M. Frowen insiste sur la question, en effet très importante, que l'extension du secteur tertiaire a un effet général de productivité qui pourrait, en principe, bénéficier davantage à ceux qui sont déjà forts, et nous raisonnons sur des disparités régionales. Donc, pour que la disparité régionale s'atténue, l'extension du secteur tertiaire n'est pas le moyen adéquat. Au contraire, la disparité régionale ne peut diminuer que s'il y a une transformation de structures dans le secteur secondaire qui passerait alors de certains groupes d'activité à d'autres, puisqu'il y a certaines industries qui sont industrialisantes, comme on dit. Et, en fait, la force respective des régions tient à ce que, dans certaines d'entre elles, il y a des industries industrialisantes, et non dans d'autres. Donc, le remède, pour ce point, c'est un changement de structures du secteur secondaire lui-même, et non pas une extension du secteur tertiaire. Pavel Turcan (Université de Montréal) : Le fait que la productivité du secteur tertiaire et le développement de la région en retard dépendent, dans une très large mesure, d'un accroissement du secteur secondaire, et donc du développement de l'industrie, n'est qu'un aspect, quoique important, de la solution du problème régional que nous considérons. Un deuxième élément que j'aimerais souligner, c'est le rôle du secteur tertiaire en tant que moyen efficace de rompre l'équilibre de la stagnation dans le domaine psychologique. En étudiant, par exemple, le cas de l'Italie du Sud, je constate de plus en plus qu'il revient au secteur tertiaire, c'est-à-dire aux services culturels, d'entraide, d'ensei-

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Discussion

gnement, etc., de briser la barrière psychologique qui s'oppose au développement des régions extrêmement arriérées. Donc, il ne s'agit pas seulement d'améliorer les activités tertiaires elles-mêmes mais encore de les adapter au niveau de développement de la région en retard considérée. Marc Penouil (Université

de Bordeaux)

:

En écoutant tout à l'heure M. Valarché, j'avais l'impression que sa position entre le tertiaire induit et le tertiaire autonome était une opposition qu'il faisait entre diverses parties du secteur tertiaire. M. Valarché a mentionné en particulier l'exemple du secteur commercial comme secteur tertiaire induit. Alors, je suis assez d'accord avec lui, car, à l'heure actuelle, la croissance du commerce est une croissance induite. Et je crois d'ailleurs que, en réalité, le tertiaire ne rentre presque pas dans le cadre d'une politique de développement, en ce sens qu'en dehors du tourisme et, peut-être, en dehors de certaines actions dans le domaine de l'enseignement, il n'existe pas tellement de préférences politiques visant à développer l'activité commerciale et l'activité tertiaire en général. Il me semble que le tertiaire découle, presque toujours, d'un certain niveau de développement antérieur. Seulement, ceci ne correspond pas tout à fait à une vérité historique, car on a de nombreux exemples passés, dans lesquels l'activité commerciale n'a pas été ime activité induite, mais a été, au contraire, l'activité motrice de la croissance économique et, dès lors, une action autonome. Alors, je reprends l'exemple historique de la période du début des temps modernes, l'expansion commerciale de l'Europe vers l'Amérique, pour montrer que c'est, en réalité, cette ouverture commerciale de l'Europe qui est à la base, sans doute, de tout le développement de l'économie européenne. Prenons ensuite un cadre régional plus étroit : la croissance économique de la région d'Aquitaine. C'est une croissance commerciale. D'un point de vue historique, le développement économique de Bordeaux n'a jamais été un développement industriel, il n'a même pas été un développement fondé sur le primaire. Ce fut d'abord un développement commercial qui a induit un développement du primaire au Moyen Age et qui a induit, ensuite, un développement du secondaire, dans la période du 18' siècle, avec les relations vers les Amériques. Dans ce cas,

Le développement

régional et le secteur tertiaire

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on a donc un exemple très intéressant d'un véritable secteur commercial inducteur et absolument pas déterminé uniquement par la croissance d'autres secteurs d'activité. La deuxième remarque alors, est beaucoup plus proche de ce que disait M. Turcan, et je vais la formuler d'une façon légèrement différente. Il me semble qu'il y a un problème de relation entre la région et la nation, en ce qui concerne le secteur tertiaire, dans son importance et dans son rôle pour le développement économique. Pour certains types d'économies, le secteur tertiaire joue, en réalité, le rôle d'un secteur d'harmonisation des revenus. C'est-à-dire qu'il se maintient un secteur tertiaire important, voire qu'un secteur tertiaire se développe, dans les régions qui n'ont pas de potentialité économique très grande, qui ne peuvent pas développer une industrie de base importante, et ce, simplement pour assurer à la population un niveau de revenu à peu près comparable à ce que l'on rencontre dans le reste du pays. C'est là peut-être le résultat d'une politique de l'Etat, ou d'une simple réaction collective. En effet, dans les régions sous-développées, et plus encore dans les pays sous-développés, on assiste, presque toujours aujourd'hui, à un gonflement du secteur administratif, à une distribution de revenus à des agents publics sous une forme ou sous une autre, ce qui n'est qu'une des modalités politiques d'une politique de subvention et de redistribution des revenus dans le cadre de l'espace économique donné. Et je me demande si la survivance de certaines formes de commerce peu efficace, artisanales en quelque sorte, mais qui assurent malgré tout aux individus un revenu de subsistance comparable à la moyenne nationale, ne relève pas un peu aussi de cette fonction rééquilibrante du secteur tertiaire à l'échelon de la nation. Cette forme du tertiaire n'est donc pas une fonction qui entraîne forcément le développement économique ou qui est déterminée par le développement économique. Voilà les deux remarques que je voulais formuler. Kosta Mihailovic (Université de Belgrade) : Je voudrais reprendre le problème du tourisme dans les régions en retard. Nous avons vu que le tertiaire est un conglomérat d'activités fort différentes par leur fonction : activités indépendantes, activités liées à la production, au revenu, à la distribution du revenu national,

Discussion

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etc. Mais le problème qui nous intéresse, au fond, c'est la fonction du tertiaire comme moyen de développement, comme pôle J e croissance dans les régions sous-développées. Il est intéressant alors de se rappeler les résultats auxquels Chenery a abouti, concernant les effets du tourisme. Chenery a trouvé que le tourisme était l'activité qui avait des coefficients de développement en aval et en amont très faibles. Or, le grand espoir de développement, en Yougoslavie, était justement lié au tourisme. Actuellement, on discute beaucoup, chez nous, des effets indirects que peut avoir le tourisme. Ces effets varient de région à région, de pays à pays, et c'est pourquoi il me semble assez difficile de vouloir généraliser l'expérience d'un pays hautement industrialisé comme la Suisse. Le rôle du tourisme peut être tout autre dans les régions vraiment sous-développées, où il n'existe pas d'autres activités économiques. Boleslaw

Winiarski (Université

de Wroclaw) :

Le rôle que le secteur tertiaire joue dans le développement régional se présente, même dans notre pays, comme un problème d'actualité et d'intérêt pratique. En effet, en Pologne, c'est le secteur secondaire qui domine. 25 % seulement de la population active sont occupés dans le secteur tertiaire. Nous sommes loin des chiffres présentés par M. V. Valarché et M. Gaudard pour le cas de la Suisse. Mais selon les prévisions de notre plan prospectif, nous devons atteindre en 1980 le niveau de 40 % d'employés dans le secteur tertiaire. C'est pourquoi nous portons un tel intérêt scientifique et politique au développement du secteur tertiaire, à son influence sur l'infrastructure économique et sociale et sur le développement régional. Comme toujours, on commence la recherche par certaines classifications. A ce point de vue, on a proposé de classer le secteur tertiaire et toute l'infrastructure économique et sociale selon deux critères, à savoir la structure spatiale de l'économie. Dans la première catégorie, on a constaté qu'il existe une liaison étroite entre le secteur tertiaire et les différentes branches de la production. Il faut y distinguer cependant les éléments de l'infrastructure économique et sociale, qui sont liés directement aux entreprises et qui, sur le plan d'organisation, peuvent être intégrés aux entreprises dans de grands complexes embrassant la production et certains services. Ensuite, il faut retenir les éléments

Le développement

régional et le secteur

tertiaire

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d'infrastructure qui sont liés aux branches de l'économie nationale. Enfin, il reste les éléments liés à l'ensemble de l'économie nationale. Du point de vue de la structure spatiale, nous divisons également tous les éléments du secteur tertiaire en trois catégories. Ce sont, d'abord, les éléments qui possèdent une importance locale, deuxièmement les éléments d'importance régionale, et troisièmement les éléments d'importance nationale. Cette classification est surtout valable pour la planification et pour la politique économique, parce qu'elle nous montre sur quel échelon de la prise de décision on peut planifier et préparer les décisions. Comme ces problèmes m'intéressent beaucoup, je demande au rapporteur de bien vouloir ajouter quelques mots sur les études effectuées en Suisse à ce sujet. Sjoerd Groenman

(Université

d'Utrecht)

:

Les possibilités du développement régional par le grand tourisme me paraissent souvent bénéfiques pour la balance des migrations interrégionales. Le fait que certains paysans, commerçants et artisans louent des chambres, des terrains de camping, etc., leur procure, en effet, des revenus additionnels, et contribue donc au maintien de ces entreprises, marginales au fond. L'exode rural, dès lors, s'atténue, et souvent même considérablement, puisqu'il est un phénomène d'auto-accélération. Jean Valarché (rapporteur)

:

Le projet du Centre Européen de Vienne concerne les régions en retard des pays industriels. Il est donc clair que j'ai raisonné sur le cas des pays développés, des pays industriels qui avaient des régions plus faibles. Mon deuxième postulat, c'est que j'ai raisonné sur un plan d'économie libérale. En réponse à M. Turcan, je lui dirai que je ne crois pas que le tertiaire soit un point de départ vers le secondaire. Je l'ai démontré dans mon rapport, et j'ajouterai un exemple : la Sicile a commencé à se développer parce qu'on y a trouvé du pétrole et du gaz, alors que, depuis des siècles, les touristes allaient y voir des temples grecs. Un autre problème, c'est la productivité du tertiaire lui-même, qui peut progresser si !e secteur secondaire progresse. Ainsi, par exemple, le 4

98

Discussion

banquier a aujourd'hui un rôle économique plus important, M. Pôtzsch vient de le dire, parce que le secteur secondaire s'est développé et que, par conséquent, la banque finance l'industrie. On voit donc là que la productivité du tertiaire peut s'améliorer à cause d'un progrès du secteur secondaire. La deuxième remarque de M. Turcan concerne le rôle éventuel du tertiaire pour franchir le seuil du démarrage économique. Prenons le cas de la vulgarisation agricole. Elle pourrait transformer des cultivateurs traditionnels en cultivateurs modernes, ce qui permettrait d'avoir un excédent disponible plus considérable, peut-être d'exporter des produits agricoles, donc éventuellement de démarrer. Cependant, d'une façon générale, pour franchir le seuil de démarrage, je vois bien le rôle du secteur secondaire, je vois mal le rôle du secteur tertiaire. Un paysan qui commence à travailler dans l'industrie légère, ou bien un paysan qui va s'embaucher sur un chantier, s'habituera progressivement à la discipline industrielle et commerciale. Un paysan ne peut pas directement adopter la discipline de l'usine : il n'est pas habitué à l'horaire, au calcul, etc. : mais soit le chantier, soit l'industrie légère très simple peuvent déjà l'y préparer. Donc, je vois très bien, là, le rôle du secteur secondaire, pour faire démarrer un pays qui n'avait d'abord que, ou à peu près que des paysans. Je vois au contraire très mal le rôle du secteur tertiaire. Que l'on reprenne l'exemple de la vulgarisation. Dans le Portugal du Sud, les pouvoirs publics ont fait un grand effort et créé des fermes expérimentales pour montrer aux paysans comment travailler d'ime façon « moderne ». L'effet a été absolument nul. Les paysans ne s'y intéressent pas et ne changent pas leur méthode de culture. La vulgarisation n'est pas suffisante pour permettre de franchir le seuil du démarrage. Je passe aux questions posées par M. Penouil. La première concerne le rôle du commerce, que j'ai présenté comme induit, et qu'il présente comme inducteur, en s'appuyant sur des exemples historiques. Comme mon raisonnement porte sur les pays développés, les choses qui relèvent du Moyen Age me paraissent d'une autre optique. A la rigueur, on pourrait en raisonner en pensant au rôle du commerce dans les pays en voie de développement. Est-ce que, actuellement, le commerce suffit — et je pense au commerce d'exportation — à faire démarrer les pays en voie de développement ? D'une façon très générale, on répond non. Il me semble que, pour qu'il y ait commerce, il faut qu'il y ait, d'abord, quelque chose à proposer : les Anglais

Le développement

régional et le secteur tertiaire

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ont eu quelque chose à proposer parce qu'ils avaient un élevage rationnel à l'époque où les autres n'avaient rien ; ils ont donc proposé de la laine, mais cela venait en somme d'un progrès agricole. C'est pourquoi je ne pense toujours pas que le commerce soit inducteur de croissance, en tout cas pas lui seul. La deuxième question de M. Penouil concerne la relation pays-région, et c'est là que j'invoque mon postulat d'économie libérale. Il est clair que le secteur tertiaire peut servir à maintenir le revenu moyen dans une région qui est peu favorisée parce qu'elle manque de ressources minières, d'un sol fertile de main-d'œuvre, etc. Mais, il faut que l'Etat, par des subventions, par des soutiens de prix, ou par un moyen quelconque, permette de vivre à ce secteur tertiaire. Alors, dans l'optique d'un postulat d'économie libérale, ces effets ne sont plus possibles, car l'Etat ne soutient pas un commerce économiquement condamné. Je ne pense donc pas que le secteur tertiaire puisse vraiment servir à maintenir le revenu d'un pays, si on se place dans un système d'économie libérale. Ce n'est possible que s'il y a un système d'économie dirigée où l'Etat accepte, au fond, de faire supporter les frais d'une région par le budget général. M. Winiarski a donné une typologie qui me paraît extrêmement intéressante. Il existe en effet un premier secteur tertiaire, qui consiste à aider les autres secteurs à améliorer leur productivité et un deuxième secteur tertiaire que Raymond Aron appelle « les frais généraux de l'économie » — j'ajouterai « les frais généraux de l'économie et de l'Etat ». Je ne pense pas qu'on puisse faire une subdivision à l'intérieur de ce deuxième tertiaire en disant par exemple qu'il y aurait telle branche « frais généraux de l'économie » et telle branche « frais généraux de l'Etat ». Ainsi, par exemple, l'administration de la justice concerne à la fois l'Etat et l'économie. Gaston Gaudard

(rapporteur)

Je suis d'accord avec ce qu'a dit M. Turcan. La Suisse est un cas peut-être un peu particulier et, en vérifiant les statistiques, j'ai vu que le revenu par tête du canton de Fribourg, vingtième Etat des vingt-cinq de la Suisse sur ce point, était supérieur au revenu moyen italien et belge. Donc, c'est un cas particulier, mais cela ne me paraît pas gênant, puisque nous étudions le retard relatif dans un pays. M. Penouil se demande s'il peut y avoir une politique de déve-

100

Discussion

loppement par le tertiaire. Je voudrais bien préciser une idée que je n'ai peut-être pas assez développée dans mon exposé. Je crois que le tertiaire a un rôle essentiel comme condition du développement, en ce sens qu'il procure l'ouverture de la région. La connectivité avec l'extérieur doit être créée. Mais, après ce stade, c'est probablement le secteur secondaire qui a le rôle essentiel. Je suis d'accord avec tout ce qu'a dit M. Valarché pour la relation région-nation. En effet, dans le cas de la Suisse, il y a eu quelques situations de compensation des revenus par le tertiaire, notamment sur le plan de la décentralisation administrative. Je pense à l'armée qui, par exemple, maintient systématiquement des casernes dans quelques régions pour y procurer un certain revenu, soit aux artisans locaux qui entretiennent les appareils liés à ces casernes, soit aux restaurants de la région. Il y a aussi un soutien du tourisme dans les régions de montagne. Donc, il peut y avoir là une certaine harmonisation des revenus. La question principale sur laquelle je dois peut-être m'arrêter, c'est celle de M. Mihailovic. Le tourisme peut-il être un pôle de croissance dans une région sous-développée ? Je ferai d'abord une constatation qui n'est pas une réponse affirmative. Des chiffres viennent d'être publiés et je constate que, pour la Suisse, en 1960, la « petite région » (région plus petite que le canton) qui a le revenu par tête le plus élevé, est la Haute Engadine, soit la zone de Saint-Moritz. Ce revenu par tête est encore supérieur à celui de Bâle, c'est-à-dire à celui d'un canton industriel. Mais, quant à l'effet d'entraînement, il est assez faible, quoiqu'il ne soit pas nul. Je prendrai l'exemple du canton du Valais, qui a connu récemment une expansion touristique importante. Il est évident que les entreprises de construction de la région ont pris une forte expansion. Ce sont les gens de la région qui gagnent les salaires : ce sont les producteurs de légumes de la région qui écoulent leurs articles : ce sont les artisans de la région qui sont occupés, dont plusieurs étaient encore spécialisés dans des travaux de tissage, par exemple. Dans le Valais, on se rend compte aussi de certains effets favorables dus à l'infrastructure, et c'est bien pour cela que le Valais avait posé sa candidature pour les jeux olympiques, dans l'espoir d'avoir une infrastructure importante, dont la région pourrait profiter par après. Mais, cela n'empêche pas, me semble-t-il, qu'en

Le développement

régional

et le secteur

tertiaire

101

général, le tourisme ait un effet d'entraînement faible et même parfois nul. Il y a aussi des régions en retard qui peuvent être caractérisées par l'existence de résidences secondaires délocalisées. Les gens viennent y passer le week-end. Us apportent, dans le coffre de leur voiture, toutes leurs provisions, qu'ils ont achetées dans les supermarchés des villes ; le commerçant local, souvent, ne les voit pas. Je reviendrai alors à une idée que j'ai développée dans mon rapport : cette délocalisation résulte parfois de l'absence d'un intermédiaire tertiaire capable. Si, dans le village, un commerçant avait effectué les transformations nécessaires pour acquérir cette clientèle des résidences secondaires, la délocalisation n'aurait pas joué autant. M . Winiarski a soulevé une question très intéressante à propos de la programmation régionale du développement. J'ai appris qu'on distingue, en Pologne, les trois niveaux : local, régional et national. L a Suisse connaît cette même division. Il y a l'Ecole de polytechnique fédérale de Zurich, un Institut qui s'occupe d'aménagement du territoire et qui s'appelle précisément « Orts-, Régional- und Landesplanung » . C'est donc le même partage. Mais, je pense qu'un autre point demande des commentaires : celui de la planification spatiale en Suisse. L e problème de l'organisation de l'espace a été peu traité par les pouvoirs publics fédéraux suisses. Il était de la compétence des cantons. Certains cantons, comme celui de Fribourg, ont fait des lois sur les constructions, et, en même temps qu'on prévoyait des dispositions pour les bâtiments, on fixait des mesures pour des plans de zones. Mais, souvent, ces lois renvoyaient tout simplement la compétence aux communes de telle façon que certaines d'entre elles agissaient et d'autres non. Cependant, en automne 1969, à la suite d'une votation populaire, on a inscrit dans la Constitution fédérale un article supplémentaire, qui prévoit que le pouvoir fédéral a la compétence d'édicter des prescriptions générales en matière d'aménagement du territoire et qu'il a le devoir de coordonner l'action des cantons. Mais — et c'est là un principe du fédéralisme suisse — la première souveraineté reste celle des cantons. Les maîtres d'ouvrage demeurent donc les cantons. Cependant, depuis quelques mois, il y a en Suisse une tendance dans le sens de l'organisation de l'espace. Les Suisses sont certes très attachés au libéralisme, mais ils ont compris que ce genre de planification était indispensable, que c'est même pour

102

Discussion

eux le moyen de s'assurer le maximum de liberté spatiale. C'est pourquoi on a actuellement, dans presque tous les cantons, des commissions qui procèdent à des inventaires pour l'aménagement du territoire. Dans le canton de Fribourg, nous avons établi un questionnaire très fouillé, qui est maintenant rempli pour chacune des 280 communes. Une deuxième phase est déjà amorcée. Sur la base de ces renseignements, et notamment des flux qu'on essaie de déterminer, on s'efforce de dessiner des régions. Ces régions seront alors à plusieurs niveaux. Il y aura d'abord des régions dans un canton, soit des sortes de micro-régions. Par ailleurs, l'Institut fur Orts-, Régional- und Landesplanung, à Zurich, a essayé de déterminer 48 régions un peu plus grandes pour la Suisse. Un travail difficile, mais à effectuer aussi, c'est de découper le pays en grandes régions économiques. Deux grandes régions sont en principe à distinguer : la région riche, qui est la région relativement plane, et la région pauvre, qui est celle des montagnes. Dans la région riche, on peut reconnaître une sorte de croissant fertile très riche de Bâle à Winterthur ; la zone de la Suisse orientale est plus moyenne et la Suisse occidentale entre Berne et Genève est inégalement opulente. Une étude assez ancienne, mais importante à l'égard de la planification spatiale, est celle de Caroll qui, en 1951, a déterminé les fonctions des villes avec les degrés qu'elles pourraient avoir dans une hiérarchie urbaine helvétique. On peut, bien sûr, déplorer que ces études aient été entreprises relativement tard. Mais d'autre part, on doit constater que les quelques rares communes qui avaient établi leur plan d'aménagement vers 1910 ou 1920 possèdent actuellement des documents qui ne sont plus du tout fonctionnels et qui sont dépassés. Donc, ceux qui n'ont pas encore dressé les plans d'aménagement du territoire auront l'avantage de gagner certaines étapes, en ayant tout de suite des programmes plus adaptés à la situation de notre temps. Finalement, je répondrai en deux mots à M. Groenman. Il est vrai que le tourisme social est important, et, en Suisse, on l'a compris depuis longtemps. Dans les vallées des Alpes, par exemple, les premiers voyageurs qui vinrent au Cervin logaient déjà chez l'habitant. Ceci a pris maintenant une autre dimension. Il y a des offices qui, systématiquement, notent les appartements et les chambres disponibles et les communiquent même à l'étranger. Cela procure, on le sait, des revenus additionnels. Dans le canton de Fribourg, je peux citer le

Le développement régional et le secteur tertiaire

103

cas du village de Cheyres, où s'est installé un centre touristique : le restaurant, qui était une activité accessoire, est devenu une entreprise beaucoup plus importante ; les vins de Cheyres, qui s'écoulaient assez difficilement, se vendent maintenant régulièrement. Il y a donc un revenu d'appoint. Je ferai pourtant une remarque : on ne peut pas espérer retenir toute la population dans la région, parce que ces activités ne sont pas suffisantes. Il y a donc un recul jusqu'à un certain chiffre qui correspond aux activités et aux apports additionnels que M. Groenman a énoncés.

F R I T Z VOIGT

3 Le développement régional et le système de transport

1

INTRODUCTION

L'hétérogénéité du développement économique des régions se rattache d'une manière fondamentale aux disparités qualitatives du système de transport. Nous nous proposons ci-contre de développer un concept opératoire entièrement dégagé des théories classiques du passé. En effet, trop fixée sur la micro-économie, la théorie classique des transports et de la localisation industrielle, purement formelle, ne s'intéressait pas à la structure différenciée de l'économie, ignorait le facteur temps, laissait échapper les disparités du développement économique régional. Nous ne nous occuperons donc pas de l'aspect micro-économique de la rentabilité et des coûts de transport, mais nous ferons ressortir l'importance du rôle moteur du système de transport dans le développement économique des régions. Le concept fondamental de l'influence créatrice du système de transport est d'autant plus vrai qu'il est indépendant de tel ou tel stade de développement économique. Il est applicable aussi bien aux premières phases de l'industrialisation (importance relative des coûts de transport) qu'aux stades développés de l'industrialisation (importance relative de la qualité des transports). Nous nous proposons donc de prouver que non seulement le système de transport constitue un élément qui progresse en fonction du développement économique, mais encore que ce système donne, de par lui-même, une forte impulsion à la croissance économique. L e cadre théorique ainsi préparé se prête à la régularisation du développement régional, qui est une des finalités de la politique économique.

106

2 LES PARTICULARITÉS ÉCONOMIQUES DU SECTEUR

F. Voigt

DES

TRANSPORTS

La politique des transports n'a pas seulement pour tâche de satisfaire la demande de prestations de transport qui apparaît sur le marché à un moment donné, mais elle a comme second impératif de transformer en demande effective les besoins latents de transport qui résultent des disparités du développement économique régional. Tout déplacement de personnes ou de biens dans l'espace résulte au premier abord soit du besoin individuel de consommation, soit des nécessités techniques d'une économie fondée sur la division du travail. Les prestations de transport qui contribuent à satisfaire des besoins individuels (désir de voyager, d'entretenir des contacts etc.) sont l'objet d'une analyse systématique dans le contexte de la théorie de la consommation. En cette qualité, elles sont à considérer comme produits finaux et contribuent à l'augmentation du produit national. Dans le cadre de la production, par contre, les prestations de transport sont la condition sine qua non du regroupement des facteurs de production et des produits dans l'espace. En ce sens, elles font partie des échanges interindustriels, comptabilisés dans le tableau (matriciel) de Léontiev. Elles ne constituent plus un facteur de demande autonome, mais un facteur de coûts qu'il s'agit de minimiser. Vu ce double caractère des prestations de transport, les économistes parlent souvent d'un besoin « dérivé » de transports, pour montrer que le système de transport n'a pas de raison d'existence en soi, mais dépend de l'ensemble des activités économiques. Cependant la notion de besoin dérivé ne permet pas de saisir complètement la nature des prestations de transport. En effet, le système de transport a une emprise considérable non seulement sur le fonctionnement des marchés, mais encore sur le processus de la croissance économique et sur les processus économiques subséquents de différenciation. En ce dernier sens, les prestations de transport sont un paramètre d'action, un instrument de gestion de la politique économique globale et/ou régionale.

Le développement

régional et le système de transport

107

3 LES EFFETS DIFFÉRENCIATEURS DU SYSTÈME DE TRANSPORT ET LE DÉVELOPPEMENT RÉGIONAL

3.1. Définition de la qualité d'un système de transport La qualité ou le degré de perfection d'un service de transport dépend dans une large mesure du choix des normes qualitatives qu'on attribue à un système de transport. Les critères peuvent être : — — — — — — — — —

la vitesse ; la sécurité ; la capacité de manutention en vrac ; l'aptitude de former des réseaux ; la possibilité du calcul ; la commodité ; la fréquence des départs et arrivées ; l'adaptation aux fluctuations de la demande ; les tarifs.

A la suite d'une transformation qu'il n'est pas nécessaire d'exposer ici plus en détail, 1 on peut, pour ces critères, trouver un commun dénominateur de sorte que la qualité du système de transport ne soit plus définie que par un seul paramètre. 3.2. Définition de l'effet différenciateur Nous définissions l'effet différenciateur 2 comme l'ensemble des effets économiques, favorables ou défavorables, exercés par le système de transport sur les régions d'un espace économique de sorte que les chances de développement d'une région augmentent constamment (zone d'expansion) tandis que celles d'une autre région se détériorent (zone de régression) et que d'autres régions n'en sont nullement affectées (zone d'indifférence).

108

3.3. Premier effet différenciateur sements

F. Voigt

: répartition spatiale des

investis-

Au cours du développement économique, les investissements en tant que condition préalable de la croissance ne sont pas répartis uniformément sur l'ensemble de l'espace. Tout au contraire, ils se multiplient dans un processus cumulatif aux emplacements caractérisés par des positions économiques préférentielles déjà existantes. Cet aspect d'une répartition territoriale inégale des investissements s'oppose donc à la conception théorique d'une concurrence parfaite à chances égales. C'est, en première ligne, le paramètre « transport » qui modifie les chances d'investissement et de profit en créant des positions préférentielles. En effet, la qualité du système de transport détermine dans une large mesure l'ampleur des débouchés et favorise par là même l'établissement d'entreprises dont la structure rend possible une diminution des coûts moyens de production lorsque la capacité des productions augmente. C'est donc la région profitant d'un système de transport de haute qualité qui offre les plus grandes chances d'investissement. Si l'on tient compte des effets multiplicateurs et de capacité d'un investissement net, il en résulte que c'est la région antérieurement favorisée par les investissements (induits par le système de transport) qui le sera à un degré plus élevé encore dans la suite. Le système de transport engendre donc — et à plus forte raison favorise — un processus cumulatif d'investissements nets. 3.4. Deuxième effet différenciateur : les répercussions économiques du système de transport sur les effets subséquents de l'investissement régional Les modèles macro-économiques de type keynesien considèrent le courant des revenus comme étant réparti uniformément sur l'ensemble de l'espace. En réalité, il n'en est pas ainsi : au contraire, le système de transport exerce une influence décisive sur le mode de répartition régionale des revenus. Il importe d'examiner jusqu'oà s'étend l'accroissement des revenus. Tout revenu résulte des dépenses de consommation et d'investisse-

Le développement régional et le système de transport

109

ment. En outre, le commerce extérieur donne lieu à des courants de pouvoir d'achat en provenance et à destination de la région considérée. Avant la création des lignes de chemin de fer, le courant des revenus était limité à une zone locale très réduite. La production n'ayant pas de débouchés suffisants ne pouvait pas, à long terme, bénéficier de la réduction des coûts moyens. Cependant, au fur et à mesure que le système de transport s'est amélioré, les courants de revenus d'origine locale se sont étendus. Parallèlement, les capacités de production ont été augmentées. 3.4.1. Dispersion régionale de l'effet multiplicateur de l'investissement 1) Tout investissement financé par un crédit supplémentaire ou aboutissant à une accélération de la circulation monétaire augmente le pouvoir d'achat. Les travailleurs touchent des salaires plus élevés et l'on achète davantage de matières premières et de machines. Conformément aux lois qui régissent la consommation, la majeure partie du revenu qui en résulte est généralement dépensée par les bénéficiaires du revenu, le reste étant réservé à l'épargne. La valeur inverse de la propension marginale à l'épargne détermine la valeur réelle du multiplicateur. Pour le problème que nous examinons, il est intéressant de savoir jusqu'à quel point dans l'espace s'étend ce revenu additionnel. Ici encore, des considérations non détaillées aboutissent facilement à l'hypothèse erronée selon laquelle l'effet multiplicateur exerce une influence uniforme sur l'ensemble de l'économie. En réalité cependant, nous constations un effet typique de dispersion régionale, nettement délimité par la qualité du système de transport en question et par toute mesure de politique de transport qui affecte le système. Les salaires additionnels versés aux employés du projet qui fait l'objet de l'investissement sont, en majeure partie, dépensés au lieu de l'emploi ou de résidence de ces travailleurs. Au cours de l'expansion industrielle, la pénurie d'espace et de main-d'œuvre qui affecte les principales zones industrielles oblige fréquemment les travailleurs à effectuer des déplacements de plus en plus longs. L'importance de ces déplacements dépend de l'efficacité du système de transport. Plus le système de transport est efficace, et plus le rayon de navette est grand. Si le revenu additionnel provenant des investissements est dépensé au lieu de résidence, c'est la qualité du système de transport

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qui déterminera l'expansion régionale par l'effet multiplicateur de l'investissement, et toute modification de cette qualité affectera dès lors les dimensions de la zone considérée. 2) Outre ces effets multiplicateurs qui se concentrent sur le lieu même de l'investissement, il existe un courant de revenus additionnels vers les régions qui vendent des matières premières et des produits semifinis et finis pour la production du « centre » . Ici également, c'est la qualité du système de transport qui agit sur la direction des courants de revenus. En effet, les matières premières et les machines seront achetées auprès des entreprises qui sont à même de les fournir au prix le plus bas et avec les meilleures garanties de qualité. Or, celles-ci sont justement les entreprises situées à des endroits favorisés sur le plan des transports, vu l'expansion des débouchés et la réduction des coûts moyens de production qu'induit un système de transport de haute qualité.

3.4.2. Dispersion régionale de l'effet de capacité de l'investissement Par effet de capacité, on entend un accroissement de la capacité de production, accroissement résultant d'un investissement net. Il ne s'agit pas ici de savoir dans quelle mesure, ni comment, il sera possible d'assurer un équilibre entre l'augmentation des revenus et celle de la capacité de production dans le processus d'expansion. Dans le cas que nous examinons, il nous importe tout au contraire d'analyser le côté spatial de l'effet de capacité. Considérons tout d'abord le développement inégal du pouvoir d'achat, inégalité qui résulte du système de transport. Si, au cours du processus de développement, la demande effective n'augmente pas uniformément aux divers endroits de l'espace, les entreprises de la zone la plus favorisée par le pouvoir d'achat ont la possibilité de profiter de la loi de la diminution des coûts unitaires de production à capacité croissante. Ces entreprises renforcent ainsi considérablement leur position vis-à-vis de la concurrence qui ne peut pas tirer profit des avantages résultant d'une diminution du coût unitaire. A longue échéance, il importe donc de connaître la direction des courants de la demande effective. Si la demande est dirigée vers la région dont elle émane (effet multiplicateur de l'investissement), c'est

Le développement

régional et le système de transport

111

cette région qui, ayant atteint le plein emploi, devra augmenter ses capacités de production, ce qui renforcera le processus d'attraction décrit. Si, par contre, la demande engendrée par l'effet multiplicateur est dirigée vers une autre région, différente de celle dont elle émane, ce seront les capacités de cette autre région qui profiteront de la croissance de la demande. Qu'on se rappelle à ce titre le cas des pays en voie de développement qui, très souvent, déploient leur demande à l'étranger, c'est-à-dire dans les pays déjà hautement industrialisés. Le fait qu'une région détourne sa demande est en grande partie dû au système de transport. Plus ce système est développé, et plus une région déjà favorisée par des investissements nets est en mesure de manifester sa supériorité par rapport à d'autres régions et de conquérir des marchés additionnels. Un système de transport médiocre signifie donc, pour la région inférieure non desservie, une certaine protection vis-à-vis des propres effets de l'investissement. Une amélioration du système de transport permet d'autre part d'accéder aux marchés autrefois protégés par la distance. Si la concurrence extérieure peut fabriquer des séries plus importantes à des coûts unitaires de production plus réduits, tandis que l'entreprise locale ne peut tirer parti de ces chances, alors la concurrence extérieure pourra supplanter la production locale. 3.5.

Résultats

Une expansion de la production et des revenus ne favorise pas, contrairement à ce que montre le modèle de la concurrence parfaite, toutes les régions de manière uniforme, mais elle est fonction de certains effets différenciateurs qui, à leur tour, sont engendrés en grande partie par la qualité du système de transport.

4

LE CONTEXTE

EMPIRIQUE

Les régions de l'Europe actuellement les plus industrialisées présentaient, vers 1800, une st-ructure économique relativement uniforme. L'activité économique était répartie de façon plus ou moins homogène sur toute l'étendue du continent. Le petit commerce, l'artisanat et les petits métiers constituaient les principales activités économiques. Les prix de revient de marchandises semblables variaient d'un lieu à

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l'autre, en raison surtout des préférences locales. D'une manière générale, le système de transport était d'une efficacité très réduite, en particulier dans les zones rurales et sur le plan du transport des marchandises en vrac. Seules les voies navigables offraient une qualité de transport suffisante, d'où l'emplacement des principales villes près d'une voie navigable. Les relations économiques n'existaient pratiquement qu'à l'échelle locale. Les échanges entre pays relativement éloignés se limitaient à quelques produits seulement et s'effectuaient de préférence par voie maritime. La technique ne permettait pas de production en série. Les inventions et réalisations techniques n'avaient, le plus souvent, qu'un effet très restreint sur la modification de la structure économique. Le processus de l'industrialisation a donc été amorcé sous la forme d'un développement « ponctuel » , le plus souvent au long des voies navigables ou dans les ports. Le processus d'industrialisation a été renforcé par l'apparition des chemins de fer, qui ont entraîné l'élimination de la production artisanale et l'expansion des cités industrielles. En effet, la construction d'une ligne de chemin de fer n'a pas seulement déclenché un effet multiplicateur résultant de la construction même, mais encore rendu possible une croissance de la production et des investissements. Ainsi, le développement industriel, à la longue, s'est de plus en plus concentré dans un petit nombre de régions favorisées par le système de transport (par exemple nœuds ferroviaires). Des villes d'importance moyenne se sont développées à un rythme accéléré, pour former les principales zones urbaines d'aujourd'hui. Les régions qui, par contre, n'étaient pas liées au système de transport interrégional sont devenues des régions en retard, même si, initialement, elles étaient industrialisées. Chaque amélioration du système de transport a fourni de nouvelles impulsions au développement régional. Sous sa forme caractéristique, le processus a, dans la suite, dépassé les frontières nationales et formé des zones industrielles typiques, résultant de la réunion d'emplacements favorisés, jusqu'alors distincts et souvent même très dispersés. A un stade ultérieur, des impulsions secondaires de développement peuvent se manifester, lorsque le terrain industriel et la main-d'œuvre deviennent rares et les charges sociales trop élevées. Dès lors, les entreprises qui espèrent accroître leurs bénéfices en augmentant leur capacité de production ont tendance à créer des succursales dans les régions qui disposent d'un excédent de facteurs de production. Cette décen-

Le développement

régional et le système de transport

113

tralisation dépend en large mesure de l'amélioration du système de transport.

5 CONCLUSIONS

Récapitulons brièvement les raisons pour lesquelles nous accordons au système de transport une importance décisive dans le processus du développement régional. L e système de transport a un pouvoir de développement qui lui est propre et qui se manifeste par des effets différenciateurs. Cette capacité de différenciation est capable de transformer la structure économique et sociologique traditionnelle d'une région économique donnée. Cela nous conduit à la conclusion suivante : il est impossible d'appliquer à la plupart des investissements de transport les règles de calcul de rentabilité micro-économique. En effet, la valeur en capital, déterminée selon les méthodes de la gestion des entreprises, s'y révélera le plus souvent négative parce que les processus subséquents de différenciation ne sont pas pris en considération. Dès lors, la rentabilité macro-économique d'investissements des transports ne peut être déterminée qu'en fonction des courants économiques généraux de recettes et de dépenses et du potentiel de développement des régions considérées.

RÉSUMÉ

Les disparités régionales du développement économique sont le résultat d'un processus différenciateur cumulatif du système de transport qui change la répartition spatiale des effets multiplicateurs et de capacité d'un investissement. L a direction et l'intensité de ces effets déterminent la formation de zones de développement et de zones de détérioration économiques. Ces mécanismes n'ont pas seulement joué au début de l'industrialisation en Europe, mais jouent toujours et partout, avec la seule différence qu'au stade actuel du développement économique des pays industrialisés, la sensibilité-transport d'un produit repose moins sur les coûts de transport que sur la qualité du système de transport.

114

F.

Voigt

NOTES

1. F. Voigt, Verkehr, t. I, Berlin, Duncker & Humblot, à paraître ; cf. aussi R. E. Quandt et W. J. Baumol, « The Demand for Abstract Transport Modes: Theory and Measurement », Journal of Regional Science, 6 (1966) : 13-16 ; K. H. Young, « An Abstract Mode Approach to the Demand for Travel », Transportation Research, 3 (1969) : 443-461. 2. F. Voigt, « Verkehr und Industrialisierung », Zeitschrift f.d.ges Staatswiss, 109 (1953) : 193 et sq. ; F. Voigt, Verkehr, t. II, Berlin, 1965, p. 532 et sq.

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Discussion

Jean Valarché (Université de Fribourg) : Le rapport de M. Voigt et l'excellent exposé qu'il vient de nous faire nous montrent comment ont été établis les fondements théoriques sur lesquels repose l'influence économique exercée par le système de transport sur le développement régional. Je me bornerai donc à la discussion de quelques postulats. Dans le processus de la différenciation, M. Voigt a privilégié le rôle du transport. C'est son droit le plus strict. En faveur de la thèse du « vidage » des régions par le chemin de fer, les exemples sont innombrables. Ainsi, dans le cas français, le rail a provoqué la concentration de l'industrie textile du Nord et du bassin parisien, ruinant celles de la Bretagne et du Languedoc. Cependant, je me demande si l'on ne peut pas voir dans ce mouvement de « vidage » une opération en deux temps, à savoir un effet d'appauvrissement et ensuite un effet d'enrichissement. Il me semble que si M. Voigt a raisonné sur la mobilité des produits ; il n'a pas, ou pas autant, raisonné sur la mobilité des forces productives et des entrepreneurs. Selon le modèle esquissé, la production était assurée au début par — mettons cinq — entrepreneurs ; mais, une fois le chemin de fer ou une autre voie de transport introduite, la même production n'est plus assurée que par deux entrepreneurs. Chacun de ceux-ci produit donc une plus grande quantité qu'à l'origine, puisque le nombre des clients a augmenté. Il en résulte des économies d'échelle, provoquant une diminution du coût et (en situation concurrentielle) du prix : donc une libération du pouvoir d'achat et, par là, un effet entraîneur sur l'économie. Il est vrai que l'entrepreneur (B) peut disparaître en tant que producteur du bien (b) parce qu'il est inférieur par rapport à l'entrepreneur (A) pour produire ce même bien (b) mais l'entrepreneur (B) peut réappa-

118

F. Voigt

raître pour produire un autre bien (x). C'est le cas par exemple pour la région de Troyes, en France, où l'industrie textile a disparu après la guerre, devant la concurrence des nouveaux textiles. La région s'est mise alors avec succès à fabriquer des scooters ; par la suite, l'industrie textile est revenue sous la forme de textiles nouveaux. II me semble donc que l'ouverture d'une voie de transport ne mène pas à un effet de « vidage » absolu, mais engendre aussi un effet de changement ou de substitution de la production. Ma deuxième remarque, qui est plutôt une sous-question à la première, se rapporte à l'élimination des entreprises, dont M. Voigt a parlé lors du phénomène de « vidage ». Je crois qu'une élimination en termes physiques n'intervient plus à notre époque, caractérisée par une situation de pénurie de main-d'œuvre. Ce qui se produira plutôt, c'est un effet de domination : la capacité de production ne disparaît pas, mais l'entreprise devient un soustraitant, dépendant de l'entreprise-mèrc. Fritz Voigt (rapporteur) : En réponse à l'intéressante intervention de M. Valarché, je dirai que je me suis efforcé tout d'abord de développer des arguments théoriques. A ce propos, je suis tout à fait d'accord avec les arguments pratiques de M. Valarché. Cependant, en longue période et dans l'optique macroéconomique, le phénomène du « vidage » est d'autant plus crucial que la région en question est, dès le début, inférieure à la région concurrente (coûts croissants, faible expérience, etc.). Etant donné que la demande solvable de la région défavorisée est extrêmement faible, même une substitution de la production ne sera plus profitable. D'autre part, le « vidage » ne se produira pas nécessairement si, dès l'ouverture de la voie de transport, la région a pu conserver sa compétitivité dans le domaine de certains produits. Il en est de même du sous-traitant. Celui-ci ne subsiste que si la demande solvable de la région (défavorisée) reste élevée et si la région de l'entreprise-mère ne subit pas de crise conjoncturelle, qui rendrait nécessaire la fermeture du sous-traitant. Claude Lacour (Université de Limoges) : Pour ma part, j'accepte entièrement le point de départ, à savoir que le développement est, en grande partie, fonction du transport et que

Le développement

régional

et le système

de

transport

119

ce phénomène a, soit un effet positif (de développement ou d'amélioration), soit un effet négatif (de vidage). Le premier point qui me préoccupe, c'est le problème de la substituabilité, non pas entre biens, mais entre différents moyens de transport. Ainsi, comment savoir si tel moyen de transport a influencé le développement régional plus que tel autre ? Un deuxième point, sur lequel je voudrais avoir l'avis du rapporteur, est de savoir s'il n'intervient pas de plus en plus des phénomènes de rupture de charge (par exemple transbordement) qui peuvent réduire l'efficacité et les gains tirés d'une nouvelle voie de transport. Le cas où l'établissement d'un nouveau moyen de transport dépend des pertes d'un autre moyen de transport est tout aussi intéressant. Dans les grandes agglomérations, le coût de l'espace ne risque-t-il pas de rendre moins rentable la construction d'un aéroport qui implique la construction, disons, d'une autoroute pour relier la ville à l'aéroport ? Ensuite, il a été dit que l'analyse s'inspirait, au début tout au moins, d'un raisonnement en termes classiques, à savoir l'égalisation des coûts marginaux qui déterminaient les frontières rentables. Dans l'analyse classique, ce mécanisme était exact à l'intérieur des frontières. Je me suis demandé si on ne pouvait pas trouver un phénomène d'un genre un peu différent, que l'on peut appeler le phénomène de péréquation des transports. Est-ce que cette péréquation ne pourrait pas, dans certains cas (par exemple réduction des frais de transport pour la région sousdéveloppée), limiter l'effet absolu de « vidage » ? nous discutons ? Enfin, en admettant que l'on raisonne sur les courbes d'Engel pour un pays de haut niveau industriel, je me demande si on ne peut pas distinguer en réalité une influence du système de transport qui se révèle grande pour la courbe des biens d'une élasticité-revenu moyenne, et petite pour la courbe des biens vitaux et la courbe des produits de luxe. Peter Popov (Académie Bulgare des Sciences) : Personnellement, je suis du même avis que M. Voigt en ce qui concerne le rôle important du secteur des transports dans le développement régional. Cependant, il s'agit de mettre en évidence les difficultés,

120

F. Voigt

parfois théoriques, mais surtout pratiques, qui se présentent pour résoudre l'intégration optimale du secteur de transport dans l'économie régionale. Il serait donc intéressant de savoir si, en République Fédérale d'Allemagne, il existe des données statistiques et des calculs empiriques sur les coûts de transport, imputés à des régions ou à des espaces bien définis. Kosta Mihailovic (Université de Belgrade) : Dans les pays de haut niveau industriel, on peut constater que le rôle du coût de transport comme facteur de localisation diminue de plus en plus par rapport aux autres éléments du marché. Quelle en est l'opinion du rapporteur dans le contexte des problèmes régionaux que nous discutions ? Ensuite, je me demande — et j'en reviens au problème de la concentration soulevé par M. Valarché — si l'ouverture d'une région par une nouvelle voie de transport a des effets de concentration pour la région tout entière, ou si ces effets n'ont une influence que sur l'entreprise qui n'est plus à même de soutenir la concurrence. Je ne crois pas que l'on puisse opérer ici par une simple agrégation d'effets. Rainer Potzsch (Université de Bonn) : L'idée avancée par M. Voigt de considérer le système de transport comme un des facteurs les plus importants qui déterminent le développement régional, me paraît non seulement très intéressante du point de vue théorique, mais encore susceptible de nous amener à des résultats utiles pour la politique régionale. Il est vrai, en effet, que l'on ne considère plus le coût du transport comme le seul facteur de localisation industrielle. D'autre part, c'est justement par l'intermédiaire de l'amélioration du système de transport que les facteurs de localisation, qui déterminent d'une façon plus sensible l'attirance d'une région, sont influencés favorablement (par exemple les facteurs résidentiels de la main-d'œuvre). L'influence sur le développement régional s'effectue donc ici indirectement. C'est pourquoi il faut tenir compte également — et à mon avis dans une très large mesure — non seulement des éléments « qualitatifs » du transport de biens (à savoir la rapidité, la fréquence, les possibilités de transbordement, etc.), mais avant tout des éléments du transport de personnes. Il convient donc de faire des analyses de

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régional et le système de

transport

121

transport détaillées et non globales : c'est-à-dire de procéder aussi bien par agents économiques que par produits et par entités régionales, afin d'inclure les aspects socio-professionnels d'une région et les motifs pour les transports de biens et de personnes. C'est d'autant plus vrai que, pour les périodes relativement longues sur la base desquelles on travaille en économie régionale, on est amené à rejeter l'hypothèse fondamentale de la stabilité ou quasi-stabilité des comportements individuels et des données économiques d'environnement. Le rapporteur a pris notamment en considération les effets économiques secondaires que la construction d'un système de transport entraîne. Il faudrait peut-être ajouter que l'ampleur et la direction de ces effets dépendent aussi des particularités de la politique économique en général. En effet, une politique de croissance maximum du revenu global impliquerait des concentrations géographiques et des inégalités régionales accusées (formation de grands axes de transport) ; une politique d'harmonisation régionale, par contre, impliquerait un système de transport plus dispersé. En ce sens, la politique des transports n'est jamais autonome, mais dépend de l'accent que l'on met soit sur les secteurs, soit sur les régions de l'économie. Je crois que ces remarques sont susceptibles d'équilibrer l'importance relative que l'on attache au système de transport. Pavel Turcan (Université

de Montréal)

:

Pour les régionalistes que nous sommes tous, il est intéressant d'étudier l'influence déterminante du transport dans le contexte des régions en retard des pays industrialisés. Aujourd'hui, on peut dire, à mon avis, que les paramètres importants sont beaucoup moins de nature infrastructurelle que de nature technique, vu la continuité de la production qu'il s'agit d'assurer. Fritz Voigt (rapporteur)

:

Tout d'abord, je voudrais remercier tous les participants qui ont bien voulu intervenir à la suite de mon rapport. Qu'il me soit permis de répondre globalement à ces dernières questions. Comme je l'ai dit dans mon rapport introductif, on peut calculer la valeur d'un mode de transport en considérant toute la gamme des qualités qui définissent ce mode. Dans des recherches plus analytiques,

122

Discussion

ces qualités ne sont commensurables que par rapport à un produit — M. Pôtzsch vient de le dire — et un trajet bien déterminés. Il est donc facile, même mathématiquement parlant, de tenir compte des effets de rupture de charge qui augmentent ou diminuent la valeur d'un mode de transport pour un trajet donné. Pour la même raison, l'adaptabilité d'un mode de transport par rapport à tel bien ou à telle branche est inclue dans la valeur numérique qui définit le mode de transport. La plus grande difficulté, et là vous avez raison, se rencontre lorsqu'on veut traiter d'un problème qui est assez précis, mais qui porte sur une économie tout entière ou une région assez étendue, c'est-à-dire sur des ensembles hétérogènes. Dans ce cas-là, les études sont, par nature, beaucoup plus agrégées et incertaines. En ce qui concerne la relation entre les courbes d'Engel et le système de transport, il est certain qu'il reste des recherches empiriques à faire, en tenant compte aussi des données socio-professionnelles. Mais, en général, on peut constater que la demande de transport augmente avec le revenu. En faisant allusion aux facteurs de localisation tels, par exemple, la main-d'œuvre, l'enseignement, les loisirs etc., on peut penser que le coût du transport joue un rôle de moins en moins important dans les décisions micro-économiques des entreprises. C'est, à la fois, exact et faux. Le coût du transport garde toute son importance dans le cas des marchés pour lesquels nous avons une grande transparence et peu de préférences, par exemple les matières premières et un grand nombre de produits agricoles. Par ailleurs, j'insiste sur le fait qu'il faut juger un système de transports par la qualité qu'on lui attribue, ainsi, par exemple, les facteurs temps et sûreté. Je crois donc que le secteur des transports est tout de même très important non seulement sur le plan national mais aussi et avant tout sur le plan du développement régional à long terme. Le transport n'est pas seulement, je le répète ici, un phénomène ex post qui résulte des nécessités de la production, mais aussi un phénomène ex ante, dont la politique de l'aménagement du territoire devrait se servir comme instrument d'action. Enfin, j'aimerais répondre à la question de M. Popov. Des efforts ont été déployés récemment chez nous par les chercheurs, afin de calculer les coûts d'infrastructure de transport d'une manière plus satisfaisante sur le plan pratique. Je cite en particulier les recherches suivantes :

Le développement

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LUIGI R. FREY

4 Le développement régional et le secteur quaternaire

1

INTRODUCTION

Dans les pays industriels subsiste un problème d'extrême importance même après de nombreuses années d'efforts de politique de développement régional. Ce problème peut se poser ainsi : comment assurer une augmentation plus rapide de la demande de travail et un emploi plus stable dans les régions en retard et spécialement dans celles sous-développées. Il est évident que ce problème occupe une place des plus importantes parmi ceux qui affligent les organismes de politique économique voulant réaliser, en plus d'un meilleur équilibre territorial, des conditions de plein-emploi dans le pays. Un exemple flagrant de ce phénomène peut être observé en Italie. Le développement économique régional demande une importante réduction de l'emploi en agriculture. Cette diminution sera d'autant plus forte que l'augmentation de la capacité productive sera tributaire du progrès technique. On doit également remarquer que, surtout dans les régions sousdéveloppées demandant un effort initial d'industrialisation, une politique de développement économique régional se basant sur des entreprises industrielles à haut taux de capitalisation, ne peut pas donner des résultats appréciables en ce qui concerne l'emploi. Parfois, un tel développement économique régional peut même entraîner une réduction nette, au moins pour une période de brève durée, des emplois industriels. Ceci apparaît évident lorsqu'on considère les variations de l'emploi industriel dans le « Mezzogiorno » après dix ans de politique d'industrialisation. Le tableau 2 indique que de 1959 à 1968 les nouveaux emplois industriels dans les régions méridionales ont été

126

L.R.

Frey

seulement de 71 000 unités (c'est-à-dire environ 7 000 unités par an et un dizième du total national, ce qui représente 0,4 % par an). Le tableau 1 indique en outre que certaines régions parmi les plus sous-développées en Italie (comme la Calabre et la Basilicate) ont vu même diminuer l'emploi industriel durant les 10 années déjà considérées. Très souvent il ne reste donc plus qu'à compter sur l'expansion de l'emploi dans les activités tertiaires. Mais si l'on examine l'expérience italienne dans la période citée (1959-1968), on doit remarquer qu'il y a eu peu de possibilités d'expansion de l'emploi dans le secteur tertiaire. Dans l'ensemble des régions méridionales l'augmentation de l'emploi dans les activités tertiaires a été 14,6 % ( 1 / 3 environ de l'augmentation nationale totale et moins de 1,4 % en moyenne par an). Cette augmentation est plutôt limitée surtout si l'on tient compte de la forte réduction de l'emploi dans le secteur agricole. Il devient donc nécessaire de distinguer parmi les activités classées dans le secteur tertiaire celles qui peuvent permettre une plus grande expansion de l'emploi. Si le rythme de l'expansion de l'emploi est considéré trop limité, cela peut dépendre : à) soit d'une augmentation trop modeste de la production correspondante, b) soit d'une augmentation trop élevée (étant donné le taux d'augmentation de la production) du produit par unité de travail, due à la formation de capital et au progrès technique. Il est donc nécessaire d'observer l'évolution de la production et de la production par imité de travail pour mesurer quelles sont les limites maximales de l'expansion de l'emploi dans chacun des secteurs ou des activités. Dans l'étude de l'évolution de la production par secteurs on se réfère quelquefois à l'expérience des Etats-Unis. A propos de cette expérience, les données disponibles pour la période 1929/1965 (cf. tableau 3) font apparaître que : 1) Le taux d'augmentation annuel moyen de la production dans le secteur tertiaire a été inférieur à celui de l'industrie (3,1 % contre 3,4 % ) et le taux d'augmentation du produit par unité de travail a été dans le secteur tertiaire égal à la moitié de celui de l'industrie (1,1 % contre 2,2 %).

Le développement V3

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134

L.R.

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centage de participation élevé par rapport à l'emploi global (15,4 % dans l'administration publique et 13,8 % dans les « divers » dans la moitié des années « 60 ») ; tandis que le pourcentage de participation de la production au produit brut intérieur est nettement inférieur (12,2 % y compris la défense et 10,1 % à la même époque) ; 2) le pourcentage de l'emploi dans ces mêmes activités a augmenté progressivement dans le temps (de moins de 27 % en 1960 à plus de 29 % en 1965, avec des prévisions s'élevant à presque 34 % pour 1975), tandis que le pourcentage de participation de la production de ces activités sur le produit global ne présente aucune augmentation (sinon même quelquefois une diminution). Ceci est arrivé surtout à cause des différences d'évolution du produit par unité de travail entre les activités agricoles et industrielles d'une part et les activités du secteur tertiaire d'autre part ; 3) les taux d'augmentation de la production globale des activités considérées ne sont pas très élevés (3,5 % en moyenne par an de 1956 à 1965, 4,5 % en moyenne par an de 1960 à 1965) ; 4) malgré cela, les taux de chômage aux Etats-Unis restent élevés surtout dans les zones qui sont en retard au point de vue du développement productif en comparaison avec la moyenne du pays. D'après ces considérations on peut penser que le développement « des activités quaternaires » en vue d'une plus grande et plus stable expansion de l'emploi présente des difficultés d'autant plus grandes que l'on se trouve en face de situations régionales où : a) le développement productif nécessaire pour réduire les écarts avec les autres régions en ce qui concerne le produit par tête, est nettement supérieur à celui indiqué ci-dessus, b) le pourcentage de la production des « activités quaternaires » sur la production régionale globale est déjà plutôt élevé au moment où l'on doit entreprendre une politique de développement régional fondée sur un accroissement important de l'emploi dans les activités citées ; c) le pourcentage de participation de l'emploi dans les « activités quaternaires » sur l'emploi total régional est déjà important en comparaison avec ce que l'on trouve ailleurs.

Le développement

régional

et le secteur

quaternaire

135

Le point (a) demande des taux de développement productif ne pouvant venir d'une pure et simple expansion de l'emploi, mais résultant seulement des augmentations importantes du produit par unité de travail. Cela signifie qu'il convient d'accentuer l'augmentation du produit par unité de travail dans les activités agricoles et industrielles (et aussi dans les activités tertiaires où des marges importantes d'augmentation de la productivité se vérifient). Cette augmentation devra être d'autant plus importante qu'il faudra en même temps accroître l'emploi des travailleurs dans des activités caractérisées par une faible augmentation du produit par unité de travail ; il faudra enfin remarquer que la recherche de taux élevés d'augmentation du produit par imité de travail dans l'agriculture et dans l'industrie comporte normalement une plus grande diminution nette de l'emploi agricole ainsi qu'un chômage structurel possible dans les activités industrielles. Le point (b) limite la possibilité d'accroître l'emploi (et la production correspondante) dans les « activités quaternaires » sans risquer de retarder le développement productif dans le sens indiqué au paragraphe précédent. Le point (c) pose le problème suivant : jusqu'à quel point est-il nécessaire que l'expansion de l'emploi dans les « activités quaternaires » de la région considérée dépasse le niveau vérifié dans d'autres régions en ce qui concerne l'emploi dans les différentes activités ? Il est évident que les modifications dans la structure de l'emploi reflètent, au moins en partie, les transformations de la structure productive. Il est également sûr que la présence d'un pourcentage plus grand d'unités de travail dans le « secteur quaternaire » sur l'emploi total dans une région par rapport à d'autres, peut signifier, à égalité de produit global par unité de travail : a) soit un pourcentage plus grand de la production relative sur le produit global régional ; b) soit des niveaux plus élevés de produit par unité de travail dans les activités « extra-quaternaires » dans la région indiquée par rapport aux autres. Dans le premier cas, le système productif de la région présente des anomalies par rapport aux problèmes de développement productif mentionnés précédemment.

136

L. R.

trey

Dans le second cas, la structure de la production dans la région en examen comporte un taux plus élevé de capitalisation e t / o u une évolution plus forte du progrès technique dans le sens large du terme (ce qui est plus difficile de rencontrer normalement dans les régions qui souffrent d'une position d'infériorité). A titre d'exemple, il convient d'examiner quelle pourrait être la situation italienne à ce sujet. Le tableau 5 indique que l'emploi moyen national dans les différentes activités tertiaires et dans l'administration publique s'élève à 17 % en 1968, tandis qu'une bonne partie des régions méridionales a un pourcentage d'emploi plus grand (avec des pointes élevées pour la Sardaigne, la Campanie et la Sicile) : la Calabre et la Basilicate (régions qui avec les Molises ont le plus bas niveau de développement) montrent un pourcentage inférieur à la moyenne nationale, mais nettement supérieure à celle de la Lombardie (13 % ) et du Piémont (13,1 % ) qui sont les régions les plus industrialisées d'Italie. Le tableau 6 indique, en outre, que dans tout le Mezzogiorno le pourcentage du produit de l'administration publique en comparaison avec le produit global était en 1968 nettement supérieur à la moyenne nationale : la Calabre, les Molises et la Basilicate sont (avec la Sardaigne) parmi les régions qui présentent le pourcentage le plus élevé. Il faut remarquer que de façon analogue à ce qui est arrivé dans d'autres parties d'Italie, ainsi que dans les régions méridionales, la production de l'administration publique a progressivement diminué son pourcentage relatif sur la production totale ; ceci, à cause de l'évolution de la productivité dans les activités agricoles et industrielles, qui a été moins accentuée dans le Mezzogiorno qu'en moyenne en Italie, surtout en ce qui concerne l'agriculture (cf. tableau 8). Dans les régions méridionales, non seulement le rapport entre les unités de travail dans les « activités quaternaires » et l'emploi total est souvent particulièrement élevé mais l'emploi dans ces activités (Cf. tableau 7) s'est accru dans les dernières années à un rythme nettement supérieur à celui d'autres parties du pays. Cela s'est accompagné, dans les régions méridionales au cours des années récentes, d'un taux d'augmentation du produit global inférieur aux taux moyens nationaux (Cf. tableau 9). C'est ainsi que les écarts en ce qui concerne le produit par tête (compte tenu également de l'évolution démographique) entre le Sud et

Le développement

régional

et le secteur TABLEAU

Produit

brut intérieur

par secteurs en Italie

économique

et par

régions

%) activités tertiaires privées

administration publique

7,8 6,5 6,7 6,1

55,7 56,6 38,2 53,9

30,9 29,1 46,1 35,0

5,6 7,8 9,0 5,0

100 100

13,1 16,5

39,9 41,1

33,7 33,3

13,3 9,1

100

8,6

38,7

38,8

13,9

100 100 100 100 100 100 100 100 100 100 100 100 100

18,1 18,3 9,1 15,2 7,5 15,8 21,2 29,7 21,5 20,6 22,7 22,6 19,7

39,0 33,6 43,0 39,4 23,4 29,3 33,4 22,1 30,5 34,7 25,7 26,1 23,7

34,6 35,2 37,1 33,0 49,5 41,6 31,8 31,4 32,9 29,0 34,3 36,4 38,7

8,3 12,9 10,8 12,4 19,6 13,3 13,6 16,8 15,1 15,7 17,3 14,9 17,9

100

6,7

52,5

35,1

5,7

100 100

16,0 9,8

39,9 32,7

34,5 42,3

9,6 15,2

100

20,3

28,2

36,6

14,9

100

12,4

40,4

36,7

10,5

total

Piémont vallée d'Aoste Ligure Lombardie Trentin Haut-Adige Vénétie Frioal-Vénétie julienne EmilieRomagne Marches Toscane Ombrie Latium Campanie Abruzzes Molises Pouilles Basilicate Calabre Sicile Sardaigne Italie nordoccidentale Italie nord-occidentale Italie centrale Mezzogiorno (y compris les îles)

100 100 100 100

Sources :

(en

activités industrielles

Régions

Italie

6

d'activité

en 1968

137

quaternaire

agriculture

et G . TAGLIACARNE, I conti economici regionali Roma 1970, p. 99.

G . BARBERI

1965-1968.

L. R.

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Le développement

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146

L. R.

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tés et l'emploi dans les autres activités était de 2 050 000 unités ; pour que l'emploi dans les activités extra-agricoles méridionales puisse augmenter de 1 970 000 unités de 1967 à 1980 le taux moyen annuel de variation de cet emploi doit être d'au moins 3,2 %. Cela signifie qu'avec un taux d'augmentation du produit par unité de travail de 4,5 % (hypothèse du « Progetto 80 ») le produit brut dans les activités extra-agricoles méridionales devrait augmenter à un taux moyens annuel TABLEAU

Prévisions

sur l'évolution

variante 1

11

de l'emploi

en

variante 2

Italie

variante intermédiaire

Taux annuel de variation de l'emploi agricole méridional



3,9



5,1



4,5

Variation de l'emploi agricole méridional (millier d'unités)



884

— 1 072



978

Rapport de l'emploi agricole sur l'emploi total dans le Mezzogiorno

18,7

Augmentation de l'emploi total hypothétisé (millier d'unités)

+

Augmentation de l'emploi extra-agricole (millier d'unités)

+ 1 519

635

15,4

+

875

+ 1 947

17,1

+

740

+ 1 718

de presque 8 % : taux très supérieur au taux moyen national prévu également dans le cas de la variante 2. Il faut ajouter que l'hypothèse adoptée au sujet de la constance du rapport emploi méridional/emploi national n'est pas fondée sur l'exclusion des mouvements émigratoires du Sud vers les autres parties de l'Italie. Au contraire, elle prévoit une émigration nette du Mezzogiorno à un taux annuel moyen de 0,92 %. En outre, cette hypothèse prévoit

Le développement

régional et le secteur quaternaire

147

un équilibre entre l'offre et la demande de travail dans le Mezzogiorno. Cette offre est calculée en tenant compte des forces de travail initiales, forces de travail sorties de l'agriculture, du mouvement naturel, du mouvement émigratoire net, négligeant cependant une série de phénomènes de sous-emploi dans les activités extra-agricoles, particulièrement importante dans la réalité productive méridionale actuelle. En d'autres termes, il est probable que les exigences d'absorption des travailleurs dans les activités extra-agricoles méridionales (supposant un mouvement émigratoire net du Mezzogiorno de 1967 à 1981 de 200 000 unités vers l'étranger et presque 1 000 000 d'unités vers d'autres parties de l'Italie), soient nettement supérieures à celles indiquées un peu plus haut. A ce point, il est possible de calculer quel devrait être le développement de l'emploi dans les « activités quaternaires » dans le Mezzogiorno italien si l'on veut compter surtout sur l'expansion de ces activités pour limiter les risques de chômage. Il pourrait être également possible dans les hypothèses ci-dessus mentionnées de calculer les conséquences du développement productif. Pour toute l'Italie le « Progetto 80 » indique que, dans l'hypothèse intermédiaire, seront créés des nouveaux postes de travail dans les secteurs suivants : 1 300 000 unités dans les activités industrielles, 2 000 000 dans les activités tertiaires privées et 1 026 000 dans l'administration publique. Si l'on pouvait augmenter l'emploi industriel dans le Mezzogiorno à un taux moyen correspondant au taux national (1,4 %), on aurait de 1967 à 1980 presque 400 000 nouvelles unités de travail dans le secteur industriel, il resterait encore au moins 1 600 000 travailleurs qui devraient s'insérer dans les activités « tertiaires » et « quaternaires ». En 1967, sur 2 050 000 unités de travail dans des activités extraagricoles et extra-industrielles, 1 031 000 se trouvaient dans les activités commerciales au sens large du terme, transports et communications, crédit et assurances, tandis que 1 019 000 se trouvaient dans les activités tertiaires « divers » et dans l'administration publique, c'est-à-dire dans les activités qui précédemment ont été définies comme « quaternaires ». Egalement les activités tertiaires méridionales ont besoin, comme dans le reste de l'Italie, d'importantes restructurations et rationalisations laissant peu de possibilités aux augmentations de l'emploi. Si, pour l'ensemble des activités tertiaires privées (y compris les activités

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Frey

« divers ») se maintenait constant le rapport emploi méridional/emploi national, il en résulterait un accroissement de l'emploi dans le Mezzogiorno dans ces activités de 540 000 unités. Pour atteindre le plein emploi il resterait encore 1 040 000 unités qui devraient être absorbées par l'administration publique ce qui est évidemment absurde, étant donné que l'on prévoit pour le territoire national dans son ensemble les nouveaux emplois dans l'administration publique de 1 026 000 unités. Supposons donc que 50 % des nouveaux postes de travail dans les « activités tertiaires différentes » sont localisés dans les régions méridionales tandis que dans les activités tertiaires au sens strict du terme est maintenu le rapport entre emploi méridional et emploi national présent en 1967. Dans ce cas on pourrait également obtenir un accroissement de l'emploi dans les activités tertiaires « divers > d'environ 500 000 unités de 1967 à 1980 dans le Mezzogiorno, mais toutefois il resterait 700 000 unités à employer dans l'administration publique (70 % environ des nouveaux emplois dans le secteur pour toute l'Italie). Supposant encore que ce résultat soit possible, il en résulterait que : a) L'emploi méridional dans les « activités quaternaires » augmenterait sensiblement son taux relatif sur l'emploi total, qui était déjà élevé en 1967. b) Le rapport entre emploi « quaternaire » localisé dans le Mezzogiorno et emploi « quaternaire » dans tout le territoire national passerait de 29 % à 50 % . c) Etant donné 1) une augmentation du produit par unité de travail dans l'administration publique de 1,5 % en moyenne par an hypothétisé pour toute l'Italie par le « Progetto 80 » et 2) un taux d'augmentation du produit par unité de travail de 2 % dans les « divers », le produit des « activités quaternaires » dans le Mezzogiorno devrait augmenter à des taux très élevés pour garantir ime augmentation ainsi importante de l'emploi dans les activités méridionales. Cela aurait des répercussions importantes en matière de politique de la dépense publique et en ce qui concerne la structure du revenu dans le Mezzogiorno ; d) la structure productive qui en résulterait à la fin des années 70, pourrait exposer le système méridional à des risques très importants

Le développement

régional et le secteur

quaternaire

149

d'évolution insuffisante du produit interne par rapport à l'évolution du produit des autres régions. Cela arriverait dans les limites où une concentration ultérieure de l'emploi « quaternaire » dans les régions méridionales serait impossible ; ce qui pourrait poser à nouveau les problèmes du déséquilibre territorial. Tout ceci indique évidemment que dans des situations de sousdéveloppement comme celles du Mezzogiorno italien il est très difficile de pouvoir résoudre les problèmes de l'emploi (dans le cadre des efforts de rééquilibre distributif en termes de produit par habitant) s'appuyant surtout sur le développement des « activités quaternaires ». Il apparaît au contraire indispensable de s'orienter de façon décisive sur la recherche de nouvelles occasions de travail dans les activités industrielles et tertiaires au sens strict du terme en vue d'éviter, soit de gros déséquilibres dans la structure de l'emploi et de la production régionale, soit des phénomènes excessifs de concentration de certaines formes d'activités dans des régions données. Toutefois, cela ne signifie pas que le développement des « activités quaternaires ne doit pas occuper un poste important dans le cadre des politiques de développement régional qui visent, entre autres, des objectifs de plein emploi dans les régions qui sont moins favorisées. En effet, en premier lieu quoique l'on cherche d'étendre l'emploi par le moyen du développement des activités industrielles et tertiaires au sens strict du terme, on est limité dans beaucoup de cas par la trop faible élasticité/produit de l'emploi dans une situation où les innovations techniques et celles dans l'organisation du travail ainsi que les économies d ' « échelle » permettent souvent d'importantes augmentations de produit par unité de travail. Donc, le développement des « activités quaternaires », bien que contenu par les exigences de l'équilibre dynamique, peut assurer une demande de travail capable d'améliorer, au moins dans certaines limites, les politiques de développement régional sur le plan des objectifs de l'emploi. En second lieu, le développement de ces activités est souvent une condition essentielle pour garantir un soutien « infrastructurel » approprié à une évolution plus intense des activités productives de biens et de services qui lui sont étroitement connexes. Toutefois à titre d'exemple, supposons que (d'après les calculs plus précis effectués dans d'autres études) une plus intense évolution des

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Frey

activités industrielles et tertiaires au sens strict du terme dans le Mezzogiorno fasse approcher à la fin des « années 70 » le rapport unités de travail dans les activités quaternaires (qui assurent des services d'infrastructures essentielles) et unités de travail dans le Mezzogiorno à celui de l'Italie. Partant des données du « Progetto 80 », on obtiendrait un rapport moyen national de 22,5 % (10 % dans les activités tertiaires « divers » et 12,5 % dans l'administration publique). Cela signifie un emploi dans le Mezzogiorno dans les activités quaternaires égal à 1 550 000 unités aux environs de 1980 avec une augmentation de 530 000 de 1967 à 1980. 3 L'augmentation en pourcentage de l'emploi par an serait donc de 3,3 % ; étant donné une augmentation de la productivité par unité de travail égale à celle supposée précédemment pour les activités quaternaires, on aurait une augmentation du produit dans le secteur mentionné à un taux moyen annuel peu supérieur à 5 %. D'autre part les activités industrielles et tertiaires au sens strict du terme devraient assurer, pour obtenir le plein emploi à la fin des années « 70 ». 1 440 000 nouveaux emplois, avec une augmentation correspondante de 3,1 % par an en moyenne de 1967 à 1980. D'après le taux d'accroissement du produit par unité de travail supposé (plutôt sous-estimé), le produit des activités industrielles et tertiaires au sens strict du terme devrait augmenter à un taux moyen annuel supérieur à 7 % avec une augmentation remarquable en comparaison avec l'expérience passée. II faut noter que dans ce cas le produit total augmenterait dans le Mezzogiorno au taux de 5,5 % par an, taux nettement inférieur au taux moyen national 6,2 % prévu dans la variante intermédiaire du « Progetto 80 ». On aurait donc une augmentation progressive des distances entre le Sud et le Nord en termes de produit (encore plus grande si l'on calcule le produit par tête). Il en résulte que, si l'on veut obtenir un meilleur équilibre distributif du produit entre Nord et Sud, il faudrait : 1) trouver le moyen pour augmenter le produit dans les activités industrielles et tertiaires au sens strict du terme dans le Mezzogiorno à des taux très élevés (proche de 9/10 %) accompagnés de taux élevés d'augmentation du produit par unité de travail (plus de 7 % ou bien 2) s'orienter sur la création d'un plus grand nombre de postes de travail dans ces activités, cherchant également d'accroître le taux d'augmentation du produit par unité de travail au-delà de ce qui est prévu par le « Progetto 80 ».

Le développement

régional

cl le secteur

quaternaire

151

Tout ceci imposerait d'énormes problèmes de politique des investissements, soit en vue d'une intensification du rythme de l'expansion de la formation du capital, soit en vue des aspects sélectifs de cette formation de capital pour obtenir en même temps des taux très élevés d'augmentation du produit par unité de travail dans certaines activités et d'importantes augmentations de l'emploi dans d'autres.

4

CONCLUSION

L'étude de l'exemple italien en ce qui concerne la compatibilité des exigences de caractère redistributif (vis-à-vis du Mezzogiorno) et les objectifs de plein-emploi a permis de constater que : 1) L'expansion de l'emploi dans les activités quaternaires est indispensable à un rythme soutenu également dans les régions à niveau inférieur de développement si l'on veut poursuivre de façon appropriée les objectifs de plein-emploi, en présence d'un important exode de main-d'œuvre du secteur agricole et des difficultés de création de nouveaux postes de travail dans d'autres activités. Cette exigence apparaît d'autant plus forte que le secteur agricole révèle un pourcentage important dans le cadre de l'emploi dans son ensemble et que les activités industrielles et tertiaires demandent des innovations « labour-saving » pour obtenir un nouvel élan productif. 2) Etant donné la définition des « activités quaternaires » (activités à bas/très bas taux d'augmentation du produit par unité de travail), l'expansion de l'emploi dans ces activités très vite n'est plus compatible dans certaines régions avec les exigences d'un développement productif accentué. Il est évident que les problèmes à ce sujet sont d'autant plus importants que le degré de développement productif de départ des régions considérées, est inférieur et que les problèmes de l'emploi que l'on doit chercher à résoudre par l'expansion des « activités quaternaires » sont plus importants. Cela signifie qu'il semble beaucoup plus difficile de compter sur l'expansion de l'emploi dans les activités mentionnées dans les régions sous-développées que dans les régions en dépression. 3) De toute façon, un minimum d'expansion des « activités quaternaires » est indispensable pour pouvoir réaliser le soutien « infrastruc-

152

L. R. Frey

turel » nécessaire à ce même développement industriel et tertiaire au sens strict du terme. 4) Dans les régions sous-développées les problèmes de compatibilité entre les objectifs de plein emploi et de développement productif imposent la recherche d'un équilibre dynamique entre les deux objectifs, obtenu seulement par une politique des investissements extrêmement « sélective » sur tous les plans. Cette politique ne peut être assurée par des processus automatiques d'évolution de la situation existante, mais impose un cadre précis des objectifs et des instruments d'intervention. 5) Il est donc nécessaire pour obtenir cet équilibre dynamique, de compter sur une formation de capital au rythme extrêmement marqué qui pose des problèmes de disponibilité de capital qui pourrait transformer ce facteur comme « facteur limitationnel » dans le sens donné par R. Frisch. Il ne semble pas que ce soit ici le cas d'approfondir l'analyse dans cette direction. Ces conclusions, au contraire, voudraient être un point de départ en vue d'un examen plus ample et approfondi des problèmes d'équilibre dynamique « intersectoriel » dans le cadre des politiques de développement qui doivent être mises en place surtout dans les régions caractérisées par un niveau de développement initial très bas.

NOTES

1. Il peut être utile de rappeler qu'aux Etats-Unis, selon V. Fuchs (Tlie Service Economy, National Bureau of Economie Research, New York, 1968) : a) environ la moitié de la différence dans la progression de l'emploi dans le secteur tertiaire en comparaison avec l'industrie serait à attribuer à une plus petite présence de progrès technique dans le sens strict du terme ou à des économies « d'échelle » dans les deux secteurs différents ; b) environ un tiers serait dû à des différences dans la qualité du travail (meilleure dans l'industrie que dans le secteur tertiaire), et c) environ un sixième serait dû à différentes capitalisations des processus productifs (plus grandes dans l'industrie que dans les services tertiaires). 2. Cf. « Progetto 80 ». Rapporto preliminare al Programma economico nazionale 1971-1975, Roma, Ministero del Bilancio, reproduit in Mondo Economico, supplément n° 16, 20 avril 1969.

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régional

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3. 11 faut remarquer que si l'on accepte les hypothèses plus récentes de la S.V.I.M.E.Z. (cf. Ricerca sullo sviluppo metropolitano e sul fabbisogno e i costi delle infrastrutture metropolitane di transporto, Rome, 1969, p. 65 et sq.) l'emploi dans les « activités quaternaires » dans le Mezzogiorno devrait s'élever à 1 690 000 unités en 1981.

Discussion

Stephen Frowen (Université de Surrey) : Le rapporteur compte parmi les activités du secteur tertiaire le tourisme, le commerce et les banques, tandis que, parmi les activités du secteur quaternaire, figurent l'administration publique, les professions libérales, les services domestiques, etc. Son hypothèse est que ces soussecteurs du quaternaire ne contribuent pas à la croissance de la productivité globale. C'est pourquoi j'aimerais poser les questions suivantes : 1) Jusqu'à quel point peut-on mesurer la productivité du secteur quaternaire ? 2) Même si l'on admet que les services domestiques n'augmentent pas la productivité des autres secteurs de l'économie, peut-on dire la même chose de l'administration publique et des professions libérales ? A mon sens, ces dernières activités contribuent considérablement à la croissance de la productivité des autres secteurs. 3) Dans la mesure où le secteur quaternaire se compose d'activités non professionnelles d'une faible productivité, comme par exemple les services domestiques, peut-on dire que le secteur quaternaire est surtout une caractéristique des régions en retard ? Dans ce cas, ne serait-il pas préférable, du point de vue de la croissance économique, de diminuer le nombre des employés dans les catégories non professionnelles du secteur quaternaire ? Oscar Garavello (rapporteur) : Comment mesurer la productivité des activités quaternaires ? On peut la mesurer en termes physiques ou en termes monétaires. Pour une région développée, c'est assez facile du moment qu'il y a le plein-

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155

emploi. La productivité du service sanitaire ou de l'enseignement par exemple peut être calculée à partir de la perte des journées de travail et des gains futurs escomptés au taux naturel d'intérêt. Pour les régions où il n'y a pas le plein-emploi, une augmentation de la productivité, disons, du service sanitaire aux Indes, aura probablement des effets négatifs sur le développement régional. De même, une amélioration de l'enseignement en Sicile intensifiera probablement les migrations de travailleurs vers le Nord de l'Italie. La productivité monétaire ne peut être calculée que si trois conditions sont remplies : le plein-emploi, un marché monétaire qui fonctionne, des prix approximativement concurrentiels. Je suis d'accord pour ce qui est de la distinction que M. Frowen a faite entre catégorie non professionnelle et catégorie professionnelle du secteur quaternaire. Mais je pense aussi que cette classification change, si l'on passe d'une région à une autre. Une femme de ménage à Milan par exemple a une plus grande productivité que la femme de ménage en Sicile, parce qu'elle peut se servir d'une machine à laver, etc. L'école professionnelle à Milan donne un revenu social plus élevé que la même école en Sicile, parce que celui qui vient de sortir de l'école à Milan s'emploie tout de suite et gagne un salaire plus élevé que celui qui reste en Sicile. Du point de vue national, le secteur quaternaire n'augmente certainement pas la productivité de l'économie. Son effet est cependant tout autre si l'on se place sur le plan des zones régionales sous-développées. Dans ce cas, même si la productivité du quaternaire est négative, les effets sont positifs pour la région, mais on ne pourra déceler ces effets positifs qu'en prenant en considération des aspects sociologiques, d'information etc. à long terme. Les aspects économiques n'apparaîtront généralement que par la suite, quand les structures sociales, sociologiques... auront été modifiées. Gaston Gaudard (Université de Fribourg) : Il y a un point qui m'inquiète. C'est que la définition que M. Frey nous donne du secteur quaternaire me paraît en contradiction avec une des multiples définitions qui sont généralement acceptées : la recherche scientifique désintéressée et les services de pointe. Or M. Frey nous présente sous l'appellation de quaternaire quelque chose de compiè-

156

Discussioñ

tement différent ; il s'agit de services quasi inutiles, au fond d'une partie du tertiaire qui n'apporte pas grand-chose, comme le petit commerce ou une part de l'administration publique sans grande productivité. On peut presque dire qu'il s'agit d'une sorte de chômage déguisé. Ne conviendrait-il pas d'éviter cette similitude de dénomination pour deux contenus différents ? Au reste, on est en droit de s'interroger à propos de l'effet du quaternaire sur le développement régional. Avec un quaternaire de chômage déguisé, les conséquences sur la croissance paraissent bien problématiques. Qu'en serait-il avec un quaternaire au sens plus courant ? Oscar Garavello (rapporteur) : L'important est de construire des catégories logiques à la lumière des catégories empiriques. Si nous transposons les services de pointe dans des régions sous-développées, le résultat, quant à l'augmentation de la productivité, sera probablement égal à zéro. On a vu en Sicile et en Sardaigne qu'en investissant d'immenses capitaux dans les écoles, dans les services publiques et sanitaires, non seulement on n'a pas eu d'industrialisation, mais même pas de bonnes écoles, hôpitaux etc. C'est qu'il y a sans doute une indépendance entre l'activité économique productive et la structure sociale et psychologique de la région en question. Voilà pourquoi je ne suis pas contre cette définition du quaternaire comme ensemble des activités d'une productivité marginale égale à zéro, si ces activités ont une influence psychologique sur le comportement économique d'une partie de la population. Bien sûr, pour les régions développées, cette distinction n'est plus valable. Claude Lacour (Université de Limoges) : Permettez-moi de reprendre une citation de M. Petrilli, président de I'I.R.I. : « La création dans les régions méridionales d'industries technologiquement avancées ne cherche pas uniquement à accroître l'emploi. » Il suffit en effet de considérer l'importance que prennent dans les économies industrielles modernes les entreprises moyennes à forte absorption de main-d'œuvre. Est-ce que tout ce qui appartient au secteur « industrie de haute technologie » a une chance d'entraîner une amélioration du développement des régions en retard ?

Le développement

régional et le secteur quaternaire

151

Oscar Garavello (rapporteur) : Ce problème est semblable à l'alternative : développement par l'industrie ou développement par l'agriculture, qui a été discutée en Italie dans les années 1953-1954. Le même problème se pose aujourd'hui par rapport aux activités industrielles à forte ou à faible intensité du capital. A cet égard, il convient d'abord de considérer les périodes. A court terme, l'intensité du capital peut être faible, mais à long terme, c'est l'industrie à forte intensité du capital qui est bénéfique pour le développement régional. Il convient ensuite de considérer le taux social de capitalisation. Un investissement n'est rentable que si les revenus sont augmentés selon un taux toujours supérieur pour garantir l'écoulement des produits additionnels. Par ailleurs, nous n'en sommes plus à la conception néo-classique du capital infiniment divisible. Le capital augmente par degré, et ces degrés sont connus pour l'industrie pétrochimique et d'autres équipements technologiquement fixés, par exemple, tandis que pour l'industrie traditionnelle (l'industrie textile), le problème se pose toujours ue la manière traditionnelle. C'est pourquoi l'important, pour le moment, est de construire une matrice pour les différents secteurs, activités et régions. Je crois qu'alors seulement le problème du développement des régions en retard peut être résolu. Claude Lacour (Université de Limoges) : L'optique que M. Frey a prise, à savoir l'optique keynesienne de raisonner essentiellement en termes de demande et, finalement, en termes d'amélioration de l'emploi, n'explique-t-elle pas en partie certaines pertes de productivité marginale ? Oscar Garavello (rapporteur) : Le point faible de mon argumentation, et là je suis d'accord avec vous, c'est l'optique keynesienne. Il faudrait ajouter une analyse structurelle détaillée, mais cela n'est pas possible puisqu'on ne connaît même pas la productivité réelle d'un secteur comme la pétrochimie ni, à plus forte raison, celle des sous-secteurs de l'économie. Marc Penaud (Université de Bordeaux) : La définition du secteur quaternaire que M. Frey nous propose est celie d'un secteur dans lequel l'augmentation du produit par tête est

158

Discussion

égale à zéro. Envisageons la situation du petit commerce dans une économie sous-développée. Pour ma part, je soutiens que, si vous ajoutez un commerçant dans n'importe quelle économie africaine, vous n'augmentez absolument pas le produit global. C'est le produit global qui reste constant, et vous avez un apport marginal qui est nul. D'autre part, dans le secteur public, on peut fort bien avoir une certaine amélioration technique de l'organisation administrative qui relève la productivité du travail. Je vois donc fort bien la définition théorique, mais je ne vois plus comment arriver, sur le plan opérationnel, à un partage du quaternaire et du tertiaire. J'ajouterai d'ailleurs la même chose pour les professions libérales qui, pour certains, sont des professions à forte valeur ajoutée par tête. Le rapporteur a dit que l'hypothèse qu'il pose est celle d'une économie en état de sous-emploi, et j'imagine qu'il suppose aussi qu'il est impossible de créer, dans ime zone sous-développée, une activité susceptible d'employer une main-d'œuvre qui aurait une productivité positive. Il y a alors deux problèmes : si l'on prend la question sur un plan global, national, il apparaît que l'on a intérêt à transférer la main-d'œuvre dans les zones où elle a une productivité positive, quitte ensuite à effectuer les prélèvements et à redistribuer finalement sous une forme fiscale ou parafiscale les revenus dans la zone sous-développée. Et le deuxième problème apparaît si l'on admet que la productivité est vraiment négative. En effet, multiplier les fonctionnaires, qu'est-ce sinon une politique de transfert de population en faveur de la zone sous-développée ? Est-ce qu'on ne choisit pas, dans ce cas, la forme la plus inefficace de transfert. Ne vaut-il pas mieux créer carrément des entreprises, quitte à les subventionner, si elles doivent être effectivement d'une productivité négative. Oscar Garavello (rapporteur) : Il est important ici de noter une fois encore que mon raisonnement porte sur des catégories purement régionales. L'augmentation nulle de la productivité d'un ensemble d'activités (activités quaternaires) ne porte que sur une région (sous-développée) bien définie. Il se peut donc que des sous-secteurs du quaternaire aient une productivité marginale positive dans d'autres régions plus développées. Enfin, la solution de subventions aux entreprises me paraît être une solution à brève échéance. Si l'on considère le problème en termes de

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régional

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productivité sociale, ce sont, tout au contraire, les aspects à long terme qui l'emportent. C'est pourquoi le gonflement de l'administration publique ne peut pas être mesuré ici par le seul critère de la rentabilité privée. Rainer Pôtzsch (Université de Bonn) : Une des activités qui s'impose comme quaternaire dans le sens de la définition de M. Frey, c'est l'administration publique. En considérant le problème du développement régional, je me demande toutefois si l'on a assez tenu compte du fait que l'administration publique n'est pas simplement un ensemble d'employés mais une institution, qui a ses propres lois, lois qui sont fort différentes, par exemple de celles des entreprises. L'administration publique, on le sait, est une institution plutôt inerte qui réagit avec un retard considérable sur les changements extérieurs, inhérents au développement économique. Créer de nouvelles activités administratives ou augmenter le nombre des employés dans l'administration publique, c'est donc créer, à long terme, un obstacle supplémentaire qui entrave l'établissement d'une économie productive. Ne vaut-il pas mieux, dès lors, choisir, comme instrument de développement régional, une autre activité également à forte intensité de travail, mais plus flexible, plus apte aux changements structurels ? En ce qui concerne le cas concret du Mezzogiorno, on peut se demander si une stratégie de développement qui se fonde sur un accroissement excessif de l'administration publique n'est pas particulièrement inefficace, puisqu'il est bien connu que l'administration publique, en Italie, a une productivité très faible, comparée à l'administration publique dans les autres pays de la C.E.E. Cette inefficacité est due probablement aussi au passé historique de l'Italie, qui a connu une autorité publique souvent étrangère à la région et changeante, de sorte que l'élément social stable d'une région a été constitué — et demeure — la grande famille, le groupe ou la société clandestine, et non l'autorité publique. Même l'administration piémontaise n'a pas eu le temps de changer ces structures traditionnelles. Dans ces conditions, l'instrument de développement le plus adéquat ne serait-il pas plutôt une révolution sociale, un changement de mentalité qui serait le résultat d'une « colonisation » du Sud par les activités et la mentalité industrielles du Nord de l'Italie. Donc, mon argument est que l'administration pu-

160

Discussion

blique ne constitue pas un instrument politique assez fort pour briser les barrières psychologiques qui s'opposent actuellement au développement économique du Sud de l'Italie. Jean Vaiare hé (Université

de Fri bourg) :

Il y a deux questions que j'aimerais poser. D'abord, est-ce que, pour le décalage économique Nord-Sud, la question douanière a joué ? Ensuite, n'y a-t-il pas quand même un effet de développement, si le Sicilien qui travaille à Milan envoie par transfert une partie de ses revenus en Sicile ? Oscar Garavello (rapporteur)

:

En 1870, date de l'unification italienne, le degré d'industrialisation de la Sicile d'alors était plus fort qu'en 1950. Mais je ne saurais dire jusqu'à quel point les statistiques de 1870 sur l'industrie sont exactes. Quant au transfert des revenus, c'est vrai pour certains cas, surtout quand l'immigré à Milan se retrouve seul et est logé par l'entreprise. Mais généralement, le Sicilien à Milan veut montrer qu'il est un Sicilien riche. Il y a donc un effet de démonstration qui empêche en quelque sorte le Sicilien d'envoyer son argent à ses parents. A l'étranger, par contre, où le Sicilien est limité dans ses mouvements, où il ne connaît personne, la situation est tout autre. Il y a alors effectivement un transfert de revenus. Mais, au point de vue économique, ce transfert n'amorce pas un développement régional. Car ici aussi joue l'effet de démonstration : le Sicilien en Sicile peut vivre soit à la mer, soit à la montagne ; avec son revenu additionnel, il s'achètera donc soit un hors-bord, soit une maison, donc une activité sans grand effet développant. Même s'il se décide à déposer son argent à la banque, cet argent sera prêté au Nord. Je ne crois donc pas que le transfert des revenus ait un effet développant pour la région méridionale. Kos ta Mihailovic

(Université

de Belgrade) :

Ce qui nous intéresse dans le cadre de notre colloque, c'est le rôle que jouent certains secteurs et certaines activités dans le développement régional. Ce rôle ne peut être expliqué que par une analyse structurelle de l'économie. C'est pourquoi il faudrait insister beaucoup plus sur les effets structurels du secteur quaternaire.

Le développement

régional

et le .secteur

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161

Oscar Garavello (rapporteur) : M. Mihailovic a tout à fait raison en ce qui concerne l'importance de l'analyse structurelle. Mais nous ne sommes plus au temps d'Hirschman où il suffisait de décrire les « forward » et les « backward linkages >. L'important, aujourd'hui, est de commencer l'analyse structurelle par la construction d'une matrice régionale. Remarquez qu'on n'est même pas capable d'établir une matrice intersectorielle complète pour la seule industrie d'une région ou d'un pays. Quelle difficulté alors pour construire une matrice pour les services, voire à calculer les effets structurels des activités du secteur tertiaire et du secteur quaternaire ! Je ne m'oppose donc pas à une analyse structurelle, mais je suis contre une manipulation des données sans relations exactes sur la base d'une matrice.

ERIK BYLUND

5 Regional development and urban structure

1 THE URBANIZATION PROCESS

1.1 Demographic trends The urbanization process which the world has gone through and is still going through has been and is being carried forward by a number of generators in complicated interplay. Without any doubt urbanization can be seen first and foremost as an effect of the general population development when measured in absolute figures. Medical science, better hygiene and better diet — so far people have any choice, a thing which only economically well-developed countries can offer — have made the death-rate lower and the mean duration of life longer. Only 50 years ago the average duration of life was over 40 years only in Europe, the United States, Australia, and New Zealand along with southernmost Africa and central Argentina — over 60 years only in Scandinavia and New Zealand. In the rest of the world the mean length of life was under 40 and in some regions as for instance in India and Mexico it was between 25 and 30 years. Today there are areas where there are registered mean figures between 70 and 75 years and the region with lower figures than 40 has been pressed together towards the tropics from all directions. At the same time the rate of birth has not decreased relative to the mortality rate, particularly not in « the world outside the western countries ». « The demographic gap » and thus the increase of population is greater than ever and frightens every observer who simultaneously sees the starving masses grow by almost the same progression. The earth cannot house many more users. Agriculture cannot feed many more farmers. In areas where agriculture is economically highly

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E.

Bylund

developed the growing population must be drained in other directions than to the rural districts, in other words to the urban communities. With little regard to industrial structure and economic development urban growth is stronger in all regions than the general population growth. The surplus population is concentrated punctually. This is a global trait and a global problem. The effect is everywhere the same, even if the generators may not be the same. In the western world urban growth has proceeded hand in hand with the increase in prosperity, but in the poor countries urban growth is in many instances often a sign of the pauperization of the masses. 1.2. From areal to punctual

distribution

In Sweden there have all the time occurred successful connections between economic expansion and regional redistribution. Continued economic progress has followed and we have become almost dangerously biased, as we see a direct connection between urban growth and a rising standard of living and would like to see urban growth as an expression for and a motor of economic expansion. At the same time as the strong population growth came in the 19th century and the need to rationalize agriculture made necessary a more appropriate system of parcelling the land and more effective farm units, industrialization advanced and demanded labour. When the beginning rationalization in agriculture reducedathe employment and made people redundant in agricultural production, the people could easily be absorbed in industry. And what industry could not absorb at the beginning could despite all be channeled within Sweden, that is to the northern parts of the country to further colonization of not yet cultivated areas, or to North American from the soutern parts of the country with too large a surplus of people employed in agriculture. Thus we find how a gradual transition occurs from areal production to more punctual, that is to industrial production. Simultaneously with this development there occurred a break-down of the conglomerate of small autarchies, small isolated areas, which were yesterday's society. Hand in hand with continued economic progress went and goes a growing specialization of production, which in its turn causes an exchange of goods between the areas of production. The society of transport was born. And soon was the

Regional

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and urban

structure

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service society born as a consequence of a growing need of somebody's taking care of the transport of the goods and the supply of these as well as other services, which were no longer produced in accordance with the autarchical principle in the small family community or were not known or wanted in the small community's ignorance of needs, were now created by the increase in prosperity. And the service people located themselves to places, from which as many people as possible could be reached, often to places, where people in industry had created a demand for goods and services. So we have passed into the combined consumption and distribution society where goods and services are exchanged over greater and greater distances and in more and more complicated regional networks and relationships. 1.3. From vertical to horizontal

connections

This circumstance that the old vertical connection in the social system with the ecologically given physical background in the autarchy has been replaced by a system of horizontal connections has contradictory to what has been stated by some people made it easier for some places to grow bigger and stronger than others, though the local ecological prerequisites should not have been the main cause. The places have had a function of nodes in a network of horizontal connections and their growth has to a great extent been determined by their position in the system and thus the size of the streams of contacts and goods, which have been catalyzed through the nodes. Of course one must admit that the nodes were born and fixed in space in the autarchical system, where the sizes of the places could be seen as a function of the production prerequisites, locally and in the market area. The administrative organisation of the country in a hierarchical order separated the places into different levels. Far from abolishing the hierarchical and administratively governed system from the old agrarian society the liberal industrial society of competition has fostered the hierarchical principle and developed decision functions at different levels with non-uniform decision territorities, administrated from the central places of the territories. What has mad the development possible with its regional consequences, which can be called the urbanization process, and has created

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E. Bylund

the principle of the horizontal connection is of course the technology, which has made possible the transfer of materials, people, and information. The still valid fact that materials and information are easier to move than people despite the transport-technical evolution has facilitated the growth of agglomerations. More and more people are becoming involved in cooperation with one another and dependent of one another through the forthgoing specialization and the increasing complexity of our society. And the more successful cooperation people find, the greater will the agglomerations become. It is true that thanks to improved communications we can live much further away from our places of work than our ancestors could, but in practice we find it very tiresome to make daily work trips exceeding 50 kilometers one way. Widened and specialized training is a factor which, however, contributes to an increasing migration of labour. As more and more time and money is invested in education the greater the wish to get some interest from this investment out of a career. This means trying to get a job requiring one's own training and professional experience. Earlier a person took another job to avoid moving, now he moves to find job in the profession for which he is specially trained. In other words the labour force is now more apt to move than before but even this circumstance leads to a concentration to greater and greater agglomerations. It is only these that have such a differentiated labour market that most positions all the way to the top of the career are to be found there and that a great deal of these positions exist in the form of many situations to choose from. Thus increased and specialized training pushes the employers towards the big agglomerations, towards the conurbation. A n increase in education in the sparsely populated areas not having a correspondence in the supply of jobs fitted for the received training might first lead to a dammed out-migration, which later becomes more and more definite, as the labour market in the rural areas cannot offer the kind of job, which the « educated » man is looking for. The effect can also be a disturbing brain-drain from the rural areas. 1.4. The communication

factor

One must admit that the real strength of an urban community lies in its efficiency as a communication instrument. Despite the rapid deve-

Regional development

and urban

structure

167

lopment of the mass media the direct confrontation man to man is probably still quantitatively and qualitatively superior when it comes to informing, instructing, convincing, valuing, negociating, and coming to an agreement. Nowhere can so many people so rapidly reach so many people as in the large cities — as Hagerstrand has expressed the situation. This also means that it is the large cities that have been favoured by, let us call it, the information factor. « The information position » in the network of linking streams of information is either of primarily historical character or has been reinforced or even been created through the population growth, which has also been favoured and perhaps first and foremost been created by other growth factors. The regional redistribution of population and employment which has occurred, expressed in the « urbanization process », has been selective. New scientific findings based on Swedish material have shown that the development, at least during the 1960's, has led to both an increasing functional specialization within and a growing functional differentiation between regions in Sweden. It is interesting to observe that the functions or activities which are concentrated on a few large agglomerations are above all information processing and have consequently an administrative and steering character. On the contrary the routine production of goods and their handling has been decentralised during the last few years. 1.5. The information

process as a

multiplier

This regional division of information processing and leading functions on one side and routine productions on the other in some instances located far away from each other even with the same administration has quite clearly via various multiplier effects had the result that the large agglomerations have grown more strongly than the small ones. People in the information processing and leading functions are often much better paid than people in the routine production and as the former category is gathered in large agglomerations to optimize their work they also convey to theses places a very great deal of initial capital in the monetary transaction process ; the multiplier effect of these categories is very great. Because of higher education and particular interests these people often form the basis for quility service of both material and cultural kind.

168

E.

Bylund

This often leads to a situation, in which new and even more specialized functions with a need for a very large economic base may find it profitable to locate in the large agglomeration and so the community might proceed upwards in the next phase of development in one sequence after the other. The growth may thus be characterized as a cumultative process, where new incidents in succession in a development formed like a spiral, in a « spiral staircase ». (See Pred and Tornqvist.) Among many factors steering urban growth and particularly the growth of large cities in relation to small towns one should notice in addition to external economies and some rules of economic indivisibility psychologic factors in the choice of place of location and the way to organize a regional activity. An employer's inclination to locate and develop his business at the place where he lives can be combined with the « effect of imitation ». What has been considered a successful location or a successful organization has attracted and is attracting followers. The location of decision makers and their congenial judgement and their whole world of imagination often developed by the same kind of education thus contributes to the cumulative process and to the regional concentration. 1.6. The housing construction in the growth

process

An important issue is the extent to which housing construction is a multiplier in the growth process. Construction is in itself a secondary effect of primary investments in, for instance, industry but creates another multiplier effect through the need of its own labour for houses and services. This is of course not unique to housing construction. All the primary sectors produce such secondary occupations. The problem is to create an acceptable balance in time between primary and secondary needs for houses and the very actual housing construction. A model study of this problem has been made for the Gothenburg region. This shows that the multiplier effect of the housing construction itself entails that what is constructed is not enough for the Gothenburg economy, if, according to the rules of the model, housing construction in Gothenburg would have the national mean production development. This circumstance would actually impede the expansion of the economy particularly in the large cities and also hamper the

Regional

development

and urban

169

structure

growth of large agglomerations, which otherwise would have been even stronger. Now it seems to be possible to influence the balance between the public and the private sectors to the advantage of the private economy by a series of political measures such as a choice of a lower level of ambition as to the secondary investments or by giving priority to inmigrants at the expense of improved standard for the resident population. However, such measures do not seem to lead to an unbroken and balanced growth. This growth problem might best be solved through a priority plan from one periad to the other so that various sectors may expand in comparatively longesteps, whereby the development in the long run could arrive at a balance. Actually it is possible, perhaps even credible, that such a mechanism has already been tried and is working and has in this way made possible the present very rapid expansion.

2

URBANIZATION

2.1.

IN SWEDEN

The development

of the Swedish urban

structure

With the background of the preceding discussion about the propelling forces of the urbanization process let us look a little at the development in Sweden. An early phase of the urbanization process lasting till the 1960's has been characterized by a tranquil tempo, regionally differentiated in accordance with the general population development and involving most insignificant regional shifts of the centers of gravity. This meant that the different parts of the country to a great extent could retain their relative shares of the population of the country up to the 1950's. This is to say, in other words, that urban growth had a decentralised course. A number of small and middle-sized townhips were developed all over the country. They absorbed the net increase of population and labour surplus from the countryside in the surrounding countryside and could thus maintain the population in their parts of the country, so that no great relative changes occurred in the distribution of the population. However, the growth of the Stockholm region carried with it that the relative growth of the area more and more took place first and foremost at the expense of the southern and western parts of Sweden.

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/:.

liylund

Northern Norrland, which has now to fight the most serious depopulation problem in the country, even expanded it share somewhat up till about 1940. Since then the concentration tendencies have been reinforced and the small agglomerations are losing their economic bases ; additional resources from the surrounding country side are decreasing rapidly because of the strong depopulation there. In vast areas of Sweden the countryside has become sparsely populated and the agglomerations in these rural districts are now being pulled into the depopulation process. (It should be noticed that a Swedish agglomeration by definition is very small from an international point of view, that is having at least 200 inhabitants.) It is characteristic for urban growth in Sweden that the population in agglomerations with less than 2 000 inhabitants has stagnated since 1950 and diminished since 1960. In relative figures the population has grown most in agglomerations having between 10 000 and 50 000 inhabitants. In absolute figures the population in agglomerations with more than 50 000 inhabitants has increased more than all the other agglomerations together. This development has led to a situation, where the three large urban regions, Stockholm, Gothenburg, and Malmo, now house some 30 % of the Swedish population. As to changes of the counties share of the total population between 1940 and 1969 it is clear (see table 1) that only 4 of 24 counties augmented their proportion of the Swedish population with half a per cent or more and it is Stockholm county that dominates the change with more than 4 per cents units. Next comes Gothenburg-and Bohus county with one per cent unit and Malmohus-and Vastmanland counties (with the town of Vasteras as growth centre) with a half per cent unit. As has already been said the gravity centres of the population have not shifted their location very much in relative terms. The changes are great in absolute terms. Stockholm's « responsibility » for the shift of population is quite apparent, even if Gothenburg, Malmo, and Vasteras have had some influence. In the light of what has been said earlier about the division of the economic functions into information processing/leading functions and rutine functions (production of goods) and the effect of these two upon the general growth, it is of interest to note that the three largest regions with Stockholm, Gothenburg, and Malmo have at the moment some 32 % of all employees in manufacture, building industry, and

Regional development

and urban structure

171

wholesale trade. However, they have more than 40 % of the administrative personnel and almost 50 % of the most contact-dependent employees in these branches. Similar observations can be made in the public sector. Of all people employed in public administration and other services some 40 % are found in the three conurbations, 25 % only in the Stockholm region. The large agglomerations have about 40 % of the white-collar workers. Stockholm having 27 % . In 1967 nearly 80 % of the higher officials in the public utility services were to be found in the conurbations, some 65 % in the Stockholm region alone These figures are taken from investigations, carried out and led by professor Gunnar Tôrnqvist at the Department of Geography, Lund university. These studies have shown that the expansion of employment in the Swedish society during the first half of the 1960's has taken place mainly in the administration units of the organisations. The number of employees in such functions, who are in charge of the exchange and the processing of information, has increased considerably, at the same time as the employment has increased only a little or even diminished in functions which are in charge of the production and handling of goods. If we consider the three branches mentioned manufacture, construction industry, and wholesale trade as examples, we find an increase in employment of 5,5 % during the period 1960-1965. But the administration personal increased by more than 30 % during the period 1960-1966. The conclusion must be that the growth of administration as well as that of information processing, marketing, innovation control, and the management units in enterprises and organisations must be given serious attention when appraising the regional effects of the urbanization process. 2.2. A theoretical view of urban systems It is to be assumed that the exanding specialisation and deepening division of labour both within and between regions will imply that the agglomerations and the urban regions in e.g. a country or a planning region, for instance a Swedish county, should be considered as parts of a system. From a theoretical point of view, the following could be said about the function of urban systems.

172

E. Bylund

Systems in society, such as urban systems, can be considered as developing along three dimensions — time, space, and hierarchical level. Changes in these systems are the result of interdependent reactions to interior and exterior influences. This means that regional development cannot be predicted on studies on local effects alone but must include the mutual effects between different places and regions. Urban systems can be considered as functions of other systems e. g. the structure of industrial, commercial, and administrative organizations. In such a case the reasoning could be as follows : changes in the structure of the organizations leads to changes in the structure of the urban system through interregional migration, the redistribution of which is measurable in terms of net migration figures. Out of this reasoning three sets of hypotheses can be developed : 1. initial changes are likely to occur in relation to the size of the regional population but also to some extent subjected to chance, 2. the interregional spread of effects follows an observed migration pattern with random deviations, and 3. the extent of the changes is a function of the hierarchical level of the region, the level of which is measured in terms of the industrial and commercial contents of the region. The hierarchical level thus characterized, the time and space dimensions could be combined by using simulation techniques to give an urban growth model a dynamic quality. If one considers the agglomerations as forming a coherent system with a certain balance between the integrated elements in the system, one could also assume that the changes of size in the system should be distributed evenly over the whole series of agglomerations. This would mean not only that the system is pushed upward or downward in a parallel way due to changes in the population, but also that to a great extent the agglomerations retain their ranks from one time to the other. The question is how far down in the hierarchy this consistency in the system reaches. Of course there occur disturbances in the rank series. Naturally the frequency and altitude in the system increase in time and with an increasing size of the region. When the population increases or decreases very rapidly in a region disturbances at the top of the hierarchy are be expected.

Regional development and urban structure

173

2.3. The stability in the Swedish urban system It seems to be of some interest to get an idea, how far down in the agglomeration ranking order that the system « hangs together > during some short planning period. In other words, which is the smallest agglomeration size from which the places stick together in a development retaining their ranks ? To get an introductive answer to this question all the agglomerations have been ordered as to their ranks within each county for the years 1950, 1960, and 1965. The changes of ranks have been noted between 1950 and 1965 and between 1960 and 1965. Every change of rank has been regarded as a disturbance in the system. (See Bylund-Weissglas.) An operational rule was formed : the first disturbance was « tolerated » on condition that the order was then regained. An example : township change their position in the ranking order, the places number 5 and 6 the first year have ranks number 6 and 5 next year but the township ranked 7 has the same position both years. On the other hand other disturbances were not « tolerated » ; the 1965-size of the agglomerations at this « level of disturbance » was noted. If the first disturbance was at once followed by another disturbance, the first disturbance was not « tolerated », the level of which in terms of population size in 1965 was noted. In table 2 is recorded for each county the agglomeration size from which, in a downward direction, one can say that the size in the ranking order between the agglomerations are no longer tolerated in accordance with the given rules. Actually there appear below this level so many disturbances that one can say that an agglomeration of a lower level very unlikely follows the parallel shifts upwards in the agglomeration system during the specified period. Larger agglomerations on the other hand are very likely to maintain their ranks during the same time. It may appear surprising that the stability is so strong so far down in the system, which the figures in table 2 indicate and that the difference between the long and the short period on the average is so small. The mean and the median for the county figures (the highest and the lowest values are omitted) are 4 900 and 4 100 for the 15-year-period and 3 800 and 2 900 for the 5-year-period. The level for the period 196065 expressed in 1965-figures has been identified in corresponding

174

E. Bylund

figures for the years 1950 and 1960. The mean for 1950 is 2 500 and for 1960 3 100 ; the corresponding median values are 2 100 and 2 600. Thus it can be stated that the level has been raised 2,3 % per year between 1950 and 1960 and 3,9 % yearly between 1960 and 1965. This indicates an accelerating change in the system. From year to year the level of stability is to be found higher and higher up in the agglomeration system. 2.4. The minimum size of a service-center Another investigation carried out at the department of geography in Umea (sou 1970, 14) has shown that the smallest agglomeration size, at which in northern Sweden one can find what has been defined as an « acceptable service aggregate » is between 2 300 and 3 000 inhabitants, that is just above the level, in which the agglomerations have generally increased in population after 1950 — places with fewer than 2 000 inhabitants have as already mentioned only maintained or reduced their population. The proximity of this size to the earlier mentioned levels of disturbance (2 900 — 400 inhabitants) should not lead to the conclusion of a direct correlation. One must remember that another size of the regions, another length of the period and other operational rules might result in other values for the « levels of disturbance >. As a hypothesis one might assume, however, that places with 3 000 - 5 000 inhabitants in Sweden today have such a good economic and infrastructural equipment that they become so attractive that with some certainty they will « keep pace » with the development of the agglomeration system and thus keep their rank in the hierarchy, or have at least « kept pace » since 1950. 2.5. The optimum size of an agglomeration No attempt will be made to discuss the optimal size of cities and we will merely quote Torsten Hagerstrand on this point. In the attempts to create a balanced regional urban structure one should — above the recently discussed minimum level, the bottom limit in the system — direct one's attention to : 1) the upper population limit of the big cities ; 2) the lowest limit for « full-fledged » regional centres, and 3) the inter-urban transport apparatus.

Regional

development

and urban

structure

175

Before mentioning the advantages of the big cities in comparison to small agglomerations empirical studies should have been made and knowledge built up about the level, at which the conurbations start to lose their homogeneity for the inhabitants and become an urban area in a formal sense. In the size itself there lies a segregation factor. At too great travelling distances people in the periphery will not have a chance to enjoy more than some of the supply of activities in the big city. Time is a definite restriction for their use. One could imagine an ideal town, where every kind of supply could be reached from every point in the town in let us say at the most half an hour ; then one could talk about « random access ». In this very large city it is no doubt the labour market that first appears as the critical factor in the access situation. Measured in time the journey to work is a heavy entry in the total transport budget. If the trip is very long, all other optional movements during the day are made impossible. People in the periphery must actually feel a break-down of the « random access », long before centrally located enterprises and organisations are disturbed by it. Preliminary investigations indicate that from the point of view of the individual household, it might be more advantageous to live on the outskirts of a town of 100 000-150 000 inhabitants than to live in a big city like Stockholm with about a million inhabitants. In the small town people seem to be able to reach the same assortment of supply as in Stockholm in a way, which is more in harmony with the character of the « random access » thanks to the smaller loss of time. This holds true about the most important categories of supply that is, residence, work, consumption goods, information, care, social contacts, and recreation of various types, which should be within a 20-minutereach in a time-distance-zone of 20-40 minutes. The small town cannot compete with residential areas 6-8 kilometres from the centre of Stockholm if only the quantity of places of work is considered. On the other hand it is clear that a considerable part of the supply of jobs is located further than 60 minutes from the centre and even with a generous norm of commuting, one cannot maintain that the Stockholm region is any longer a homogeneous labour market. As to the question of regional growth centers and provincial centers, the problem is, at what minimum population size an agglomeration has such an industrial and infra-structural setting and with external economies in action that it stands out as a spontaneous growth pole with

176

E. Bylund

high attraction and power of regional growth. Klaassen writes : « In the development-worthiness of a region one might consider elements as the presence of one nucleus with at least 40 000 or 50 000 inhabitants, a favourable economic structure, a satisfactory level of amenities, sufficient local initiative and no excessive cost involved in future growth. » (Growth Poles. An economic view. Stencil. Rotterdam 1969.) In his analysis of Growth Centers and the Question of Optimum Size. Allen finds 30 000 inhabitants to be the smallest agglomeration size. « Our limited evidence suggests that the minimum is probably simewhere around 30 000 *. » A Swedish investigation by Gösta Guteland suggests that special attention should be paid to regions with more than 40 000 inhabitants, as the areas seem to be an appropriate base for a creation of so called growth centers. He bases his conclusion on a study of the state of productivity in enterprises, wich have received governement support in the form of investment grants and loans, « in agglomerations of various sizes and in enterprises different in size ». Guteland writes : « It is evident that further analysis should be made about the conditions of production in various types of regions, before one can say without any hesitation that regional policy should aim at creating expansion within labour market areas with for instance more than 70 000 inhabitants. However, a great deal of the research carried out by the expert group for regional investigation seems to indicate that it will probably be very difficult to initiate expansion in labour market areas with fewer people than mentioned. » — So far the results and experiences of investigations suggest a size for the provincial centers of at least 30 000 inhabitants, preferably 100 000-200-000. However, well-functioning communications between all the central places or regional center are an absolutety essential necessity in a well-functioning regional system ; it is vital that the exchange of information can proceed without any serious restrictions such as loss or lack of time. It would of course be ideal if contact orientated officials in industry, administration, and organisations in every central place could reach and be reached from * K. Allen, Growth Centers and Growth Center Policy, E.F.T.A., Regional Policy in E.F.T.A., Genève, 1968. Cf. R. Jochimsen and P. Treuner, Zentrale Orte in Ländlichen Räumen, Bad Godesberg, 1967 ; O. D. Duncan, « Optimum Size of Cities in Cities and Society », in P. K. Hall and A. J. Reiss, The revised reader in Urban Sociology, Glencoe (111.), 1957.

Regional

development

and urban

structure

177

all other central places permitting a return trip in one day with sufficient time for exchange of information. On the national scale such an arrangement would correspond to the random access that, for instance, the car can offer at the local level.

TABLE

Population

1

changes in

Sweden

Share of tot. pop.

Relative change 1940-1969 (Index 1940 - 100)

31.12.1940

1.1.1969

Diff. in shares 1940-1969

Göteborgs och Bohus län Malmöhus län

7,6 8,3

8,8 8,8

+ 1,2 + 0,5

143 132

Uppsala län Södermanlands län Örebro län Västmanlands län

2,2 3,0 3,5 2,7

2,6 2,9 3,4 3,2

+ — — +

0,4 0,1 0,1 0,5

150 120 120 151

östergötlands län Jönköpings län Kronobergs län Kalmar län Gotlands län Blekinge län Kristianstads län

4,9 3,8 2,4 3,6 0.9 2,3 3,9

4,7 3,8 2,1 3,0 0,7 1,9 3,3

— ± — — — — —

0,2 0 0,3 0,6 0,2 0,4 0,6

118 126 108 105 92 104 106

Hallands län Älvsborgs län Skaraborgs län

2,4 5,2 3,7

2,3 4,9 3,3

— 0,1 — 0,3 — 0,4

119 118 108

Värmlands län Kopparbergs län Gävleborgs län Västernorrlands län Jämtlands län Västerbottens län Norrbottens län

4,2 3,9 4,3 4,3 2,2 3,5 3,4

3,6 3,5 3,7 3,5 1,6 3,0 3,3

— 0,6 — 0,4 — 0,6 — 0,8 — 0,6 — 0,5 — 0,1

107 113 107 100 92 107 120

6 371 432

7 941 600

County

Total population

Sources : Sou 1970, 14, pp. 2 and 8

125

E.

178

TABLE

Level

of disturbance

County Göteborgs och län Malmöhus län

2

in the agglomeration

1960-1965

Bylund

1950-1965

ranking

scale

Corresponding values 1960

1950

Bohus 9 209 4617

9 369 10 804

9 969 3 578

3 459 3 298

Uppsala län Södcrmanlands län Örebro län Västmanlands län

2 521 2 279 5 063 2 437

1 965 4 225 6 922 12 358

1 908 1 861 4 583 2 394

1 726 1 548 3 501 1 421

östergötlands län Jönköpings län Kronobergs län Kalmar län Blekinge län Kristianstads län

2 392 3 283 2 553 3 084 2 036 5 373

3 631 4 709 2 403 3 084 3 261 6 271

2 273 2 654 2431 2 488 1 777 4 307

1 457 2 385 2 083 2 252 1 433 3 838

Hallands län Älvsborgs län Skaraborgs län

2 100 9 243 2 541

3 566 9 243 2 541

1 305 8 667 1 770

830 8 060 1 290

008 822 426 644 237 256 186

2 312 3 432 11965 3 193 979 2 962 2 908

1 691 2 550 8 756 2 194 940 2 030 2 787

4 930 4 116

3 138 2 571

2 497 2 138

Värmlands län Kopparbergs län Gävleborgs län Västernorrlands län Jämtlands län Västerbottens län Norrbottens län Mt (base year 1965) Md (base year 1965)

2 635 3 873 12 737 3 644 1 116 2 558 3 592 3 752 2 835

4 5 5 3 2 4 3

Sources : Sou 1970, 14, pp. 2 and 15. The important planning task is now to try and steer urban growth in such a way that the structure of settlement and transport is changed in a direction — as Hagerstrand has expressed it — « that without any physical barriers everybody can make their o w n choices in the supply, which a modern society is said to offer in a uniform way. A s long as

Regional

development

and urban

structure

179

that condition is not satisfied, there are quite a number of things in the present quality discussion which are irrelevant. »

3

CONCLUSION

Up to recent times, in Sweden there have been successful connections between economic expansion and regional redistribution. At the same time as the strong population growth came in the 19th century and the need to rationalize agriculture made a more appropriate system of parcelling the land in more effective farm units, necessary, industrialization advanced and demanded an increased labour supply. Thus we find how a gradual transition occurs from areal production to a more punctual form, that is to industrial production. Simultaneously with this development there occurred a break-down of the small autarchies, small isolated areas, « yesterday's society ». Hand in hand with continued economic progress went and goes a growing specialization of production. The society of transport was born. So we passed into the combined consumption and distribution society, where goods and services are exchanged over greater and greater distances and in more and more complicated regional networks and relationships. In these circumstances the old vertical connections in the social system, characterized by an economic autarchy and dominated by ecological factors in the physical environment, has been replaced by a system of horizontal connections, which has made it easier for some places to grow bigger and stronger than others, though the local ecological prerequisites could not have been the main cause. The places have a function of nodes in a network of horizontal connections and their growth has to a great extent been determined by their position in the system and thus the size of the streams of contacts and goods, which have been catalyzed through the nodes. Far from abolishing the hierarchical and administratively governed system from the old agrarian society the liberal industrial society of competition has fostered the hierarchical principle and developed decision functions at different levels with non-uniform decision territories, administrated from the central places of the territories. The regional redistribution of population and employment which

180

E. Bylund

has occured, as expressed in the « urbanization process has been selective. New findings based on Swedish material have shown that the development, at least during the 1960's, has led to both an increasing functional specialization within and a growing functional differentiation between regions in Sweden. It is interesting to observe that the functions of activities, which are concentrated to a few large agglomerations, are above all information processing and decision making and have consequently an administrative and steering character. On the other hand the routine production of goods and their handling has been decentralised during the last few years. The three largest regions with Stockholm, Gothenburg, and Malmo have at the moment some 32 % of all employees in manufacture, building industry and wholesale trade. However, they have more than 40 % of the administrative personnel and almost 50 % of the most contact-dependent employees in theses branches. — Similar observations can be made in the public sector. Of all people employed in public administration and other services some 40 % are found in the three conurbations, 25 % in the Stockholm region alone. The three large agglomerations have about 40 % of the white-collar workers. The capital alone has 27 %. In 1967 nearly 80 % of the higher officials in the public utility services were to be found in the conurbations, some 65 % in the Stockholm region. In the three mentioned branches we find an increase in employment of 5,5 % during the period 1960-1965 in Sweden. But the administration personnel increased by more than 30 % during the period 1960-1966. The conclusion must be that the growth of administration as well as that of information processing, decision making, marketing, observing innovations and the management units in enterprises and organisations must be given serious attention when appraising the regional effects of the urbanization process. If one considers the central township as forming a coherent system with a certain balance between the integrated elements in the system, one could assume that the changes of size in the system should be distributed evenly over the whole series of central township. According to the rank size rule there has been found a very strong stability in the Swedish urban system down to the 3 000-5 000 inhabitants level. But from year to year the bottom level of stability is to be found higher up in the central township system.

Le développement régional et le secteur quaternaire

181

An investigation carried out at the Department of Geography in Umea has shown that the smallest agglomeration size, at which in northern Sweden one can find what has been defined as an « acceptable service aggregate » today is between 2 300 and 3 000 inhabitants. Concerning the problem of the « optimum size > of an agglomeration preliminary investigations at the Department of Geography in Lund indicate that from the point of view of the individual household, it might be more advantageous to live on the outskirts of the town of 100 000-150 000 inhabitants than to live in a big city like Stockholm with about a million inhabitants. In the small town people seem to be able to reach the same assortment of supply as in Stockholm in a way, which is more in harmony with the character of the « random access » thanks to less loss of time. Above a level of 150 000-200 000 inhabitants the agglomerations/conurbations start to loose their homogenity from the point of view of the inhabitants and become an urban area only in a formal sense. Systems in society, such as urban systems, can be considered as developing along three dimensions — time, space, and hierarchical level. Changes in these systems are the result of interdependent reactions to interior and exterior influences. This means that regional development cannot be predicted on studies on local effects only but must include the mutal effects between different places and regions.

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Le développement régional et la structure urbaine Résumé On a assisté en Suède, jusqu'à une période très récente, à des relations positives entre l'expansion économique et la redistribution régionale. En même temps, la forte poussée démographique du 19e siècle et le besoin de rationaliser l'agriculture ont rendu nécessaire un système plus approprié de remembrement des terres en complexes agricoles plus efficaces et l'industrialisation a accompli des progrès considérables exigeant davantage de main-d'œuvre. Ainsi, une transition graduelle a eu lieu dans le genre de production, celle-ci passant d'une forme territoriale dispersée à une forme plus ponctuelle, c'est-à-dire à la production industrielle. Au cours de cette évolution, on a assisté simultanément à la désagrégation des petites autarcies et des zones économiques isolées. Petit à petit, une spécialisation croissante de la production s'est vérifiée de pair avec le progrès économique continu. La société de transport en outre, a fait son apparition. Ainsi, on est parvenu à une société de consommation et de distribution où les échanges de marchandises et de services s'effectuent sur des distances de plus en plus grandes et dans des relations et des réseaux régionaux de plus en plus complexes. Dans ces circonstances, les vieilles relations verticales du système social, caractérisées par l'autarcie économique et dominées par les facteurs écologiques de l'environnement, ont été remplacées par un système de relations horizontales qui a facilité la croissance de certaines agglomérations par rapport à d'autres, bien que les conditions écologiques locales n'en aient pas été la cause principale. Ces agglomérations exercent une fonction de points de jonction des relations horizontales et leur croissance a été déterminée, pour une grande part, par la position occupée dans le système, d'où l'importance des

184

E.

Byluncl

courants de relations et de marchandises catalysées par ces points. Loin d'abolir le système hiérarchique et administratif de la vieille société agraire, la société industrielle libérale de compétition a favorisé le principe hiérarchique et développé les fonctions de décision à des niveaux différents sur des territoires à divisions administratives diverses régies par leurs centres locaux. La redistribution régionale de la population et de l'emploi qui s'est opérée, couramment exprimée par le « processus d'urbanisation » a été sélective. De nouvelles découvertes, à partir de données suédoises, ont montré que le développement — tout au moins, celui enregistré dans les années 60 — a entraîné à la fois une spécialisation fonctionnelle plus poussée à l'intérieur des régions de Suède et une différenciation fonctionnelle croissante entre les différentes régions de Suède. Il est intéressant d'observer que les fonctions qui se concentrent en quelques grandes agglomérations, concernent en premier lieu, le traitement des informations et le pouvoir de décision et présentent par conséquent un caractère administratif et dirigeant. Par contre, la production de caractère routinier des marchandises ainsi que leur traitement, ont été décentralisés pendant les dernières années. Les trois plus grandes régions de Stockholm, Goteborg et Malmô comptent actuellement environ 32 % de la population active travaillant dans les usines, le bâtiment et le commerce de gros. Ces villes accusent un pourcentage de plus de 40 % de personnel administratif et presque de 50 % lorsqu'il s'agit de contractuels de ces branches. Des observations similaires sont possibles dans le secteur public. 40 % des employés des administrations et d'autres services se trouvent dans ces trois conurbations et 25 % dans la seule région de Stockholm. Ces trois grandes agglomérations comptent environ 40 % des « cols blancs ». La capitale seule en compte 27 %. En 1967, presque 80 % des cadres fonctionnaires des services publics se trouvaient dans les conurbations, presque 65 % dans la région de Stockholm. Nous constatons en Suède, dans les trois branches mentionnées, une augmentation d'emploi de 5,5 % pendant la période de 1960 à 1965. Mais le personnel d'administration s'est accru de plus de 30 % pendant la période de 1960 à 1965. En conclusion, il convient d'accorder une grande attention à la croissance de l'emploi « administratif » ainsi qu'à celle des fonctions d'information, des instances de décisions, du marketing, de l'adoption des innovations et des unités de « management » dans les entreprises et les

Le développement

régional et la structure

urbaine (Résumé)

185

organisations, quand on se propose d'évaluer les effets régionaux du processus d'urbanisation. Si l'on considère les villes centrales comme formant un système cohérent accusant un certain équilibre entre les éléments intégrés du système, on peut supposer que les changements de taille s'opérant dans le système pourraient être répartis de façon égale sur l'ensemble des points centraux. Selon la règle de grandeur, on a constaté une stabilité très forte du système urbain suédois jusqu'au niveau des agglomérations de 3 000 à 5 000 habitants. Mais d'année en année, le plancher du niveau de stabilité se hausse dans le système des villes centrales. Une enquête réalisée par le département de géographie de l'Université d'Umea a révélé que, dans le Nord de la Suède, l'agglomération de taille minimale, assurant un « réseau de services acceptables », compte une population de 2 300 à 3 000 habitants. En ce qui concerne « la taille optimale » d'une agglomération, des investigations faites par la section de géographie de Lund ont révélé que, du point de vue des ménages, il est préférable de vivre dans la banlieue d'une ville de 100 à 150 000 habitants, que de vivre dans une grande ville comme Stockholm, qui compte un million d'habitants. La population des petites villes semble disposer du même choix de services qu'à Stockholm et d'une façon mieux en harmonie avec le caractère de « random access » avec une perte de temps moindre. Au-dessus du niveau de 150 000 à 200 000 habitants, les agglomérations ou conurbations commencent à perdre leur homogénéité du point de vue des habitants et ne sont zone urbaine que dans le sens formel. Des systèmes tels que les systèmes urbains, peuvent être considérés comme se développant dans trois dimensions : le temps, l'espace et le niveau hiérarchique. Les changements s'opérant dans ces systèmes sont le résultat de réactions interdépendantes des influences intérieures et extérieures. Cela signifie que le développement régional ne saurait être prévu uniquement par les études sur les effets locaux, mais doit inclure les effets réciproques entre les différentes villes et régions.

Discussion

Fritz Voigt (Université de Bonn) : Les statistiques que nous possédons sur le développement des centres urbains ont certes aidé à rendre plus transparente la croissance rapide des villes, croissance accélérée par la révolution industrielle. Mais les statistiques ne font que confirmer, sans expliquer. Ce qu'il faut dégager, c'est la structure sous-jacente. Ainsi, la croissance des communes rurales, mesurée sur la moyenne nationale, apparaît dans une tout autre lumière si l'on se rappelle que la fonction économique et sociale des communes périphériques des villes a complètement changé au cours des dernières années. En effet, c'est la ville qui a débordé peu à peu de ses propres frontières administratives et qui est devenue l'élément prépondérant dans les communes « rurales ». Du point de vue économique et social, il ne s'agit donc pas toujours d'une expansion autonome de la même unité territoriale, même si les statistiques administratives l'indiquent ainsi. Quand nous considérons le cadre social de l'urbanisation, il y a un phénomène caractéristique de notre époque qu'il faudrait mettre davantage en lumière : c'est le dépeuplement des centres urbains, à moins que le tourisme ne s'oppose à cette tendance d'abandon de l'habitat traditionnel qu'était le centre des villes. Jean Valarché (Université de Fribourg) : Suivant M. Bylund. l'activité industrielle est ponctuelle, ce qui crée une disparité entre régions industrielles fortes et autres régions. Je discute le caractère ponctuel de l'activité industrielle, en rappelant que l'Angleterre de la fin du 18e siècle était en voie d'industrialisation et pas encore d'urbanisation (Londres était la seule ville importante). Prati-

Le développement régional et la structure urbaine

187

quement, les industries traditionnelles (textiles) et nouvelles (métallurgie) se trouvaient localisées dans la plupart des régions. Actuellement, il existe des possibilités pour que les forces de développement ne soient pas ponctuelles. En effet, 1) la diffusion de l'information (presse, radio, TV) enlève à la ville l'avantage de l'information rapide et touche de nombreux producteurs ; 2) la diffusion de l'énergie (électricité) permet le travail industriel en milieu rural ; 3) la diffusion de l'instruction (effort pour donner à tous les enfants la même instruction) enlève un autre avantage traditionnellement citadin. Les possibilités de la diffusion conduisent donc à s'interroger sur la justification économique de l'urbanisation. Marc Penouil (Université

de Bordeaux) :

Je me demande, moi aussi, dans quelle mesure le développement urbain dépend du développement économique. Comme l'a déjà indiqué M. Valarché, l'Angleterre a connu au début de son industrialisation un développement économique non urbanisé. L'urbanisation dans les pays sous-développés, également, est surtout d'ordre psychosociologique. La ville n'est jamais un ensemble homogène, elle n'est pas uniforme, mais caractérisée par une diversité structurelle qui s'explique non seulement par la transformation des activités économiques, mais encore par l'importance de certains phénomènes historiques. Donc, si l'on veut modifier la structure urbaine, la rationalité de l'analyse économique n'est pas toujours applicable. Néanmoins, au point de vue du développement économique, le milieu urbain reste un pôle d'attraction important. L'entrepreneur y profite d'économies externes, aussi longtemps que les déséconomies de la concentration sont rejetées sur la collectivité. Pour que l'analyse soit plus exacte, il faut aussi tenir compte du système global des villes et ne pas les considérer isolément, puisqu'elles ne disposent pas toutes au même titre d'un appareil de production, de

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Discussion

distribution ni d'une structure de consommation identiques. Par exemple, dans les pays sous-développés, une seule ville — relativement grande — absorbe très souvent toutes les fonctions de l'économie nationale, alors que les autres villes sont de vastes agglomérations sans structure urbaine ni économique. Kosta Mihailovic (Université de Belgrade) : A mon avis, le fait que la concentration urbaine ne s'effectue pas également dans toutes les villes dépend du niveau de développement de l'économie nationale. La fonction d'une ville est différente selon qu'elle fait partie d'un axe de développement, avec un système de transports efficace, ou qu'elle constitue le seul centre de production d'une économie sous-développée. Dans ce dernier cas, on ne peut négliger l'effet d'éducation d'un grand centre urbain sur la population de la région sous-développée. Claude Lacour (Université de Limoges) : Ma remarque est plutôt d'ordre général. Les autorités publiques devraient poursuivre non pas une politique autonome de croissance, à tout prix, mais ime politique coordonnée dont l'objectif serait d'éviter les inutilités ou les désutilités de tout petits centres urbains. Les échecs de l'urbanisation rurale imposent cette rationalité. Pavel Turcan (Université de Montréal) : La nécessité de l'urbanisation est, au fond, une question de seuil. Au Canada par exemple, nous avons opté pour la concentration des investissements autour de Montréal et non pour la construction d'un axe industriel et urbain Montréal-Québec, ce qui aurait impliqué une dispersion des activités, dispersion non souhaitée au point de vue du seuil concurrentiel. M. Penouil a parlé des déséconomies de la concentration, supportées par la collectivité. C'est un aspect assez important quand on considère les échecs de la politique de décentralisation urbaine. Je cite à titre d'exemple le cas de Turin en Italie du Nord, où l'industrie de l'automobile ne s'est pas décentralisée territorialement parce que l'Etat continue à supporter lui-même tous les coûts sociaux de la concentration.

Le développement

régional et la structure

urbaine

18$

Rainer Pôtzsch (Université de Bonn) : M. Bylund vient de nous rappeler par « l'effet d'imitation > des entrepreneurs, tout l'avantage qu'il y a d'introduire le cadre psychologique dans l'analyse du processus d'urbanisation. Cet effet est un facteur d'attraction important qui, il est vrai, a prise sur le mouvement de la concentration urbaine. Généralisons ce point de vue : L'effet d'imitation est un des aspects rationnels du comportement de l'entrepreneur devant le risque. La théorie de la décision et les résultats réels et nécessaires du conflit décisionnel montrent que les personnes fortement motivées (par les gains ultimes du travail, par le succès) ont tendance à admettre un risque de 50 %. Par contre, les personnes croyant plutôt à l'échec ont tendance à risquer soit beaucoup plus, soit beaucoup moins que 50 %, c'est-à-dire qu'elles choisissent un risque par exemple de 10 % ou de 90 %. Si l'on compare cette attitude avec la garantie relative que semble assurer une agglomération (localisation réussie), il apparaîtra que l'attraction de la ville sera grande surtout pour les personnes motivées par l'échec. C'est ici qu'il faut s'interroger sur l'utilité marginale d'une agglomération croissante qui attire des entrepreneurs motivés par l'échec alors que la politique du développement régional devrait mettre l'accent sur le progrès et sur l'initiative créatrice des agents motivés par de grandes croyances au succès. Sans vouloir m'engager dans une discussion sur la structure optimale d'une ville — M. Bylund s'est référé à T. Hagerstrand et à d'autres —, il faudrait, puisque nous discutions du développement régional, insister beaucoup plus sur l'enchaînement des causes et des effets d'attraction à travers un système de villes. Je suis ici du même avis que M. Penouil. En effet, à condition que les villes puissent communiquer entre elles, toute action particulière se répercute à travers tout le système. Le problème donc est de savoir si le développement régional en est indépendant. Supposons qu'il existe un point à partir duquel les avantages de la concentration sont surcompensés par les coûts de friction et de communication, et qu'une décentralisation des activités puisse augmenter la productivité régionale. Les expériences politiques montrent alors que cette décentralisation a d'autant plus de chances de réussir et donc de s'opposer à l'établissement d'une seule mégapolis, s'il existe — ou que l'autorité publique favo-

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Discussion

rise — un système de villes dont les dimensions sont, pour chacune d'elles, à peu près égales. L'écart entre la dimension sowi-optimale de la ville A et la dimension optimale ne doit pas être plus grand que l'écart qui sépare la dimension optimale de la dimension suroptimale de la ville B. Si la ville A est trop petite par rapport à la ville B, en ce sens que la différence d'écart est plus grande pour A que pour B, le développement régional risque d'être confronté avec les problèmes d'une surconcentration perpétuelle (voir par exemple le cas de Paris). Il est donc important, si l'on veut augmenter la productivité régionale, non pas de décentraliser d'abord un centre surconcentré, mais de promouvoir la croissance d'un autre centre, distinct du premier, et n'ayant pas encore atteint les dimensions de ce premier. Erik Bylund

(rapporteur)

:

Je reprendrai d'abord l'idée de M. Lacour qui, à vrai dire, est aujourd'hui communément admise en Suède. La politique régionale suédoise ne vise plus à répartir les investissements publics d'une façon uniforme sur le territoire mais, bien au contraire, de déterminer et de choisir des places centrales où l'on pourrait concentrer les investissements. Comme ce sont les autorités territoriales qui définissent la planification régionale, une politique d'investissements comme celle esquissée plus haut n'aura du succès que si les autorités territoriales accordent une grande importance aux places centrales ou aux pôles de développement, c'est-à-dire si le nombre des unités de décision correspond au nombre des pôles de développement. Plus il y a d'unités de décision, et plus les investissements sont diffusés dans l'espace. C'est pourquoi, en Suède, nous avons diminué considérablement le nombre des communes. Alors qu'au début des années cinquante, nous avions entre 2 000 et 3 000 autorités territoriales, nous n'en avons plus que 800. Je crois donc qu'il faudrait à l'avenir continuer à diminuer le nombre de ces autorités jusqu'à ce qu'il corresponde au nombre des points de développement. C'est pourquoi aussi j'approuve M. Voigt qui propose une réorganisation de la statistique suivant des considérations régionales et non administratives. Si je plaide pour une concentration urbaine, cela ne signifie pas que

Le développement

régional

et la structure

urbaine

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l'objectif de l'urbanisation doive aboutir à un seul centre — un centre unique —, mais je propose la concentration sur un nombre restreint de points ou de places centrales selon la manière que j'ai indiquée dans mon rapport. En effet, il est vrai que la diffusion des informations et les communications permettent un transfert des activités vers la périphérie des grands centres et des axes. Cependant, si l'on divise les activités économiques en deux groupes, suivant qu'elles représentent une fonction pilote ou non, ce sont les activités de la première catégorie qui, de plus en plus, sont localisées dans les centres, tandis que les autres activités, notamment la production routinière, sont décentralisées. Même dans l'exemple développé par M. Valarché, l'urbanisation de la ville de Londres résultait non pas de l'industrialisation, mais de la fonction pilote de Londres en tant que centre du système mondial de communication. Je crois que cette justification de l'urbanisation répond en même temps aux questions de M. Penouil et de M. Mihailovic. Quant à l'intervention de M. Pôtzsch, le comportement de l'entrepreneur devant le risque est en effet un facteur d'attraction propre à l'agglomération urbaine et dont la planification régionale ne tient pas assez compte. A ce titre, nous avons pu observer en Suède que ce sont surtout les petites entreprises et les entrepreneurs sans formation professionnelle supplémentaire qui estiment que la ville représente un facteur de sûreté et de risque calculable.

CLAUDE LACOUR

6 Le développement régional et le secteur agricole*

1

INTRODUCTION

Immuabilité, permanence, et pourtant transformation rapide, adaptation souvent brutale des questions agricoles, A l'heure où souvent les préoccupations essentielles des autorités politiques et économiques semblent être surtout de promouvoir une « politique industrielle » une activation des transformations du commerce, une génération de ce fameux tertiaire de pointe — ainsi, au moment même où l'accent tend à être mis sur une croissance acceptable, dont les conséquences sur « l'environnement » 1 commencent à être mesurées — on demeure toujours un peu surpris de voir que l'agriculture, malgré sa faiblesse — ou à cause d'elle —, sa place décroissante dans les économies nationales, continue à sécréter des problèmes tantôt traditionnels où tantôt nouveaux, mais dont on sait, presque à coup sûr, qu'ils seront mal posés et mal perçus. a Ainsi, pour de nombreux responsables agricoles, l'environnement biologique, pédologique et social est produit par les agriculteurs, garants d'un équilibre rural. En sens inverse, les populations urbaines devant la * Si nous avons pu répondre favorablement à l'aimable invitation du Centre de Coordination de Recherche et de Documentation en Sciences Sociales, alors que nous ne disposions que d'un délai fort court pour préparer ce rapport, c'est que nous étions entourés de l'amitié et de l'aide efficace de M. Penouil, de Mme Baratra et de M. Laval, de l'Institut d'Economie Régionale du SudOuest de Bordeaux. Nous tenons aussi à remercier le secrétaire du Centre, M. Mitiaev, pour sa souriante compréhension, M. Pôtzsch dont le zèle amical nous permit de revoir certains points de ce rapport. Enfin, que la faculté de Droit et de Sciences Economiques de Limoges sache combien nous fûmes sensibles à son sens de l'organisation qui nous permit, en pleine période d'examens, de nous rendre à Bonn.

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C. Lacour

complication croissante de la vie quotidienne, ne retiennent des problèmes agricoles que la facilité apparente, la liberté formelle des agriculteurs face aux impératifs de « l'heure >, et le coût excessif de la politique agricole. Profonde méconnaissance mutuelle et réciproque, souvent aggravée par des maladresses, des faux pas, ou des représentations formelles aux influences souvent fâcheuses : ainsi qu'il s'agisse du rapport Vedel, dont M. Duhamel a eu la malencontreuse idée de dire qu'il allait en faire son livre de chevet, ou de tel feuilleton du soir à la télévision, on voit les mêmes arguments apparaître : le monde moderne ne comprend pas les comportements et les aspirations du secteur agricole, secteur d'autant plus mal à l'aise qu'il ressent bien ces sentiments d'hostilité, de non-compréhension. L a gravité de ces déséquilibres psycho-sociologiques se trouve souvent accrue au niveau régional, où bien souvent se rencontrent les évolutions les plus contradictoires, les plus opposées et les plus antagonistes. Pour nombre de régions, l'agriculture est encore un secteur d'un poids démographique et social très lourd — donc bientôt un fardeau difficilement supportable — , qui donne à la région son histoire, sa physionomie et explique bien souvent l'état actuel du niveau atteint. Et les régions hautement industrialisées, dira-t-on ? On pourrait en effet penser qu'ici les problèmes du secteur agricole seraient plus légers, voire inexistants. Dans de nombreux cas, il n'en sera rien, soit qu'effectivement des drames sérieux ou des réussites éblouissantes soient masqués par la faiblesse de l'emprise sur le milieu, soit qu'alors on s'évertue à retrouver le secteur agricole comme finalement responsable des blocages industriels. Le thème proposé, Secteur agricole et développement régional, apparaît recouvrir un champ immense de problèmes, de préoccupations de toute nature, puisque plusieurs fils directeurs se dégagent immédiatement de l'intitulé ; on sent bien que le secteur agricole, une fois clarifié son sens et son contenu, pourra être sensible à plusieurs opérations, à différentes influences quant à son développement spécifique ; on imagine aussi que le terme de développement régional recouvre des diversités historiques, économiques ; on présume aussi que le secteur agricole a dû laisser de lourdes empreintes, a probablement été orienté fondamentalement, a été l'origine de ces « influences ancestrales » relevées par les experts allemands. Lourd héritage, souvent, et difficile

Le développement

régional et le secteur agricole

195

adaptation à l'avenir. On voit bien que le thème proposé « secteur agricole et développement régional » implique une réflexion dépassant très largement la stricte analyse économique, d'un autre côté, on aurait évité beaucoup d'erreurs, pour ce qui concerne les questions liées au secteur agricole et le développement régional, si on avait pris la peine de faire un peu... d'économie. Face à ces aspects multiples, nous nous sommes attachés essentiellement à poser les grands points méthodologiques devant servir de base à toute action quelle qu'elle soit, de développement régional ; nous avons surtout essayé de déceler les nombreuses ambiguïtés qui trop souvent rendent toute compréhension et toute action impossibles ou faussées dès le départ. Ce sera le principal argument de ce rapport. Puis, plus rapidement, parce que limités par le temps, nous essaierons de schématiser quelques grandes relations fondamentales entre le secteur agricole et le développement régional.

2 LES PROBLÈMES MÉTHODOLOGIQUES POSÉS PAR LE SECTEUR AGRICOLE ET LE DÉVELOPPEMENT

RÉGIONAL

Cherchant à préciser les parts respectives de l'analyse économique, des préoccupations sociales, des idéologies, des mythes, qui interviennent tous à différents degrés et à des niveaux de stratification variables, nous nous consacrerons à déceler et définir les grands principes méthodologiques relatifs au secteur agricole et au développement régional : trois facettes du même problème seront ainsi examinées, chacune permettant un angle et une prise de vues spécifiques mais en même temps fondamentalement liée à celle des deux autres. 2.1 L'ambiguïté

du secteur agricole

L'incompréhension devient ainsi grave. Pour certains, les questions que soulève le secteur agricole, doivent être précisées, clarifiées et finalement posées de manière telle que les méthodes modernes puissent fournir un résultat. On a bien raison de souligner ainsi qu'il s'agit d'un problème général d'optimation (sur le but de l'optimation, on pourra discuter), avec un nombre important, mais non irréductible de contraintes — exode rural, recherche d'un revenu, etc. Finalement, on

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C. Lacour

doit reconnaître que les techniques modernes de programmation et de calcul permettent en même temps de tenir compte de comportements connus, pouvant servir de base à des situations de référence, et de phénomènes plus aléatoires. Par des approximations successives, on devrait grâce à des explorations plus poussées dans ces directions, parvenir à des types de comportements et à des structures de production, d'investissement, et de gestion privilégiés.3 Les partisans de cette voie de recherches estiment, en effet, que la base d'une politique agricole cohérente ne peut être que difficilement trouvée dans les cadres conceptuels et instrumentaux habituels. 4 Les références traditionnelles à la bonne exploitation à l'entreprise « viable », à une exploitation gérée de manière « raisonnable » \ sont considérées comme des éléments inapplicables et non opérationnels, recouvrant des comportements peu économiques et antisociaux, en réalité. Sous couvert de défendre l'agriculture et les agriculteurs, on aurait ainsi des solutions malthusiennes et confirmant la situation dépendante de l'agriculture. ® Ainsi, on voit poindre une querelle entre ceux qui pensent que les analyses fondées sur des méthodes modernes de décision ou de stratégie relèvent de la recherche abstraite désincarnée, car ignorant le contexte socio-économico-politique du secteur agricole, et ceux pour qui les démonstrations fondées sur cette « réalité aboutissent à des solutions tout aussi irréelles, avec cependant, en plus un rôle de défense des intérêts acquis. A ces difficultés relatives aux instruments et aux niveaux de perception des problèmes, viennent s'en ajouter de nouvelles touchant cette fois au phénomène à prendre en considération. En effet, force est bien de reconnaître que si l'unanimité se fait sur le constat de la généralité du problème agricole 7, il s'agit là d'une unanimité factice. Derrière le paravent facile d'un problème agricole à résoudre, aussi bien dans les pays occidentaux, qu'en U.R.S.S., qu'en Chine, à Cuba, ou dans les pays sous-développés, ce sont une multitude de questions différentes, tant par la résonance politique, que par l'impact économique et social, qu'il faut envisager. Ces nuances, voire ces dissemblances ou ces antagonismes se retrouvent par ailleurs quasiment à tous les échelons, qu'il s'agisse par exemple de l'agriculture européenne et de l'agriculture britannique, comme l'a souligné E. Pisani au Comité d'Action pour les Etats-Unis d'Europe (Bruxelles, les 15 et 16 juillet 1969 8), des analyses différentes à l'intérieur du Marché commun

Le développement

régional et le secteur agricole

197

ou encore des conceptions variables sur le nombre d'agriculteurs en général 10 ou en France. 11 Il s'agit là, on le voit, de remarques préalables qui font toujours peser sur les études relatives à l'agriculture, un doute sur la possibilité d'obtenir des informations et des décisions adaptées. Il est cependant bien clair que la liste des difficultés est loin d'être close ; il conviendrait aussi d'y inclure toutes les définitions de l'agriculteur, parfois nombreuses et variables, de pays à pays, à l'intérieur de certains pays, d'une année de recensement à une autre. 12 C'est qu'en effet, bien souvent, le qualificatif agricole entraîne sur différents points — social, fiscal —, des situations généralement privilégiées. C'est peu de dire que finalement on connaît bien mal le nombre réel de véritables agriculteurs — au sens de responsable, de la direction, et du travail, d'une exploitation. 13 En admettant même cette question résolue — et on voit qu'on en est souvent fort éloigné — il resterait encore à résoudre un point extrêmement délicat, à savoir la détermination, parmi les agriculteurs reconnus formellement et économiquement comme « réels », de ceux qui exercent leur activité à temps partiel. On touche là à un point extrêmement mouvant et en même temps explosif, dans la mesure où, par exemple, 44 % des exploitants agricoles allemands ont des revenus provenant d'origine non agricole. 14 Ce qu'ont bien montré Fennel pour l'Irlande et Nekby pour la Suède ,5, c'est le rôle déterminant du type d'agriculture, du genre de spéculation dominante, et le niveau général de l'économie ; ainsi, en Irlande, les travaux extérieurs permettent de sortir de « l'économie de subsistance dans laquelle l'exploitation ne peut fournir des revenus suffisants à la famille ». Nekby, de son côté, a systématisé la relation — taille croissante de l'exploitation avec part croissante de revenus obtenus à l'extérieur du secteur agricole —, alors que l'on aurait pu penser le contraire. Par ailleurs, il a clairement montré les conséquences entraînées par ce type d'occupation d'exploitation de terres. 18 Dès lors, on est rapidement conduit à retrouver l'interdépendance fondamentale des phénomènes agricoles avec l'économie générale ; pour avoir des activités extérieures, il faudra en effet des zones à emploi ou à peuplement important. Sans doute peut-on souligner que « les problèmes des relations agriculture-industrie constituent l'avatar moderne des relations de domination au sein de la société ». 17

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C.

Lacour

Il n'en demeure pas moins que pour les pays ayant atteint un certain niveau de développement, l'agriculture devient de plus en plus dépendante des autres activités et des autres secteurs ", mais pas seulement du secteur industriel. Il y a là un danger auquel on ne semble pas toujours prendre garde : dans bien des cas, on confond agriculture industrialisée, et liaison agriculture-industrie, et on privilégie des rapports agriculture-industrie, sans toujours prendre en considération les autres éléments nécessaires à l'existence d'abord, puis à l'équilibre ensuite d'un milieu rural. Or, dans la composition des consommations intermédiaires, les produits d'origine industrielle ne représentent qu'une partie. 19 II faut tenir compte des services rendus aux entreprises agricoles, à ceux assurés par les artisans, les services de santé, les services financiers, bref, tout ce qui constitue le substrat socio-économique du milieu rural. Il faudrait ajouter enfin, que toujours dans le but de mieux connaître le secteur agricole, et la productivité réelle d'un exploitant à temps total ou non, il serait souhaitable de connaître en détail la part sociale du revenu, dont le montant variable peut atteindre des proportions sérieuses dans le revenu total. 20 La liste des problèmes, des difficultés est longue, et bien entendu elle ne prétend en aucun cas être exhaustive, ni même complète : tout au plus a-t-on cherché à montrer les grandes lignes de recherches qui pouvaient déboucher sur une meilleure compréhension des questions soulevées par le secteur agricole. Tous ces points, cependant, devraient être repris, redéfinis, remesurés à un niveau régional cette fois. On mesure immédiatement l'ampleur, la hardiesse et ainsi la quasi-impossibilité de cette tâche. Elle est pourtant vitale. Sans elle, on peut être quasiment assuré qu'aucune politique cohérente de développement régional, surtout lié aux phénomènes agricoles, ne saurait être efficace. 2.2. L'ambiguïté

de la notion

du développement

régional

Il n'entre pas dans notre propos, ni de revenir sur la notion de région, ni sur celle de développement régional. La littérature a apporté sur ces points des éléments extrêmement solides. Ainsi, en particulier, les travaux de Boudeville, Davin, Lajugie, Penouil et Turcan 21 ont permis de mieux connaître la réalité régionale, par des études de cas extrêmement concrets ou au contraire par les réflexions de nature méthodologique hautement salutaires. On est bien loin ainsi des

Le développement régional et le secteur agricole

199

réflexions quelque peu désabusées de Preston E. James et Clarence F. Jones pour qui la région n'est pas un objet, mais un « concept intellectuel... une entité née pour les nécessités de la pensée ». Certes, il est exact que dans de nombreux cas, la dimension régionale, l'existence d'une dynamique régionale sont encore à l'état de velléité ou de potentialité... Sur le plan de la connaissance théorique et concrète, on peut cependant affirmer que de gros progrès ont été réalisés. Cependant, beaucoup reste à faire, notamment dans deux directions privilégiées, liées fondamentalement à notre propos. 2.2.1. Le secteur agricole et le niveau régional A toutes les difficultés relevées précédemment, relatives à la connaissance du secteur agricole, viennent s'en ajouter de nouvelles liées à l'aspect régional. Or, sur ce plan, il est navrant mais évident de constater que les éléments statistiques disponibles sont encore très modestes, et surtout de nature bien peu comparables. Encore faut-il noter des efforts en ce sens. Ainsi, sur le plan français, le Commissariat au Plan, I'I.N.S.E.E., le ministère de l'Agriculture, le ministère des Finances, cherchent de plus en plus à intégrer l'aspect régional. C'est peu de dire que les résultats ne sont pas à la hauteur des efforts souvent intenses réalisés.23 Les lacunes deviennent plus criantes quand il s'agit de tenter des comparaisons entre pays, en admettant même que préalablement, on ait réussi à se mettre d'accord sur une acceptation commune ou convenable du terme « région » ; les particularités historiques, politiques ou géographiques font qu'il est quasiment impossible — vu que cela ne présente aucun intérêt sérieux — de comparer des régions. En fait à travers l'optique que nous retenons •— à savoir celle de la perception du secteur agricole —, on voit souvent apparaître la notion de région agricole avec l'un ou l'autre sens suivant : — la région agricole définie géographiquement en termes de plaines, de montagnes, etc., c'est en particulier le point de vue utilisé le plus souvent par I'O.C.D.E. 24 ; — ou alors, la région de programme — pour prendre l'exemple français — dont l'analyse de la situation agricole est conduite presque uniquement en termes de géographie ou d'agronomie.2S Il y a finalement encore trop peu de cas où l'agriculture d'une

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C.

Lacour

région est située en relation directe avec l'économie de cette région. 5G Dans ces deux cas, les éléments de comparaison manquent souvent de portée. C'est, on s'en doute, d'autant plus fâcheux, qu'un des traits qui détermine le mieux la physionomie d'une agriculture nationale, est justement constitué par... les disparités régionales des agricultures. 27 De ce fait, le fondement même de toute politique de parité du revenu agricole, le rôle des prix comme régulateur, le sens même d'un revenu agricole moyen, nous paraissent absolument vides de portée théorique et pratique. 2 8 Dans bien des cas, en effet, les disparités entre le revenu agricole d'une région A, et celui d'une région B, seront beaucoup plus grandes que entre le secteur agricole de la région A, et les autres secteurs d'activité économique de la même région. Ce qui est ainsi en cause, c'est donc bien le point central de l'analyse : vouloir traiter le problème agricole sans tenir compte des réalités, c'est-à-dire, en clair, des disparités régionales, c'est du même coup s'interdire de comprendre les problèmes agricoles et les questions de développement régional. C'est ce double aspect que résume bien la formule de J. Duhamel, quand il dit que : « le problème agricole est largement un problème de sous-développement industriel dû lui-même à des conditions structurelles inadaptées de certaines régions >. 23 C'est ce thème que nous retiendrons comme fil conducteur de nos propos. Il nous paraît, en effet, qu'envisager le développement régional sans lien avec les disparités régionales en matière agricole, constitue dès le départ une raison rédhibitoire d'échec 30, tout au moins pour la plupart des pays industrialisés.

2.2.2. Le secteur

agricole et le développement

de la région

Nous nous trouvons ainsi, et avec nous, les responsables, les personnalités régionales et nationales, devant plusieurs dilemmes, dont il faut reconnaître qu'ils ont été souvent relativement escamotés. En d'autres termes, il convient de poser clairement la finalité de la politique recherchée, et il est bien certain que la ou les réponse(s) ne sera (seront) jamais évidente(s) ou simple(s). 1) S'agit-il en effet de rechercher le meilleur équilibre national, c'est-àdire la meilleure affectation des capacités productives et la meilleure

Le développement

régional et le secteur agricole

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répartition des gains de la production ? Dans bien des cas, il apparaît que cet objectif pourra impliquer un relatif dédain pour certaines régions 31, tout au moins tant que les coûts sociaux, politiques, fiscaux, etc. générés par des ères sous-developpées ou en retard, n'entraînent pas une perte d'utilité au niveau de la collectivité nationale, et tant que les gains d'opportunité et les économies externes réalisés par des régions prospères, demeurent supérieurs aux désutiiités de toute nature sécrétées par l'urbanisation, l'encombrement. Il sera délicat de mesurer les éléments positifs et négatifs de cette balance malgré le remarquable essor des études sur le coût de l'encombrement, les coûts des biens et des services à assurer. 32 Toutefois, faute d'éléments chiffrés au niveau régional 33 , il est souvent fort aléatoire de déterminer les surfaces d'indifférence aux gains et coûts marginaux. Si on note qu'en plus, des facteurs non strictement économiques ou sociaux, ont un poids souvent déterminant sur les choix finaux, on doit se borner à constater que nous ne disposons pas encore des éléments de base, pour concevoir des stratégies opérationnelles. 34 D'un autre côté, il faut aussi bien peser « les revendications régionales, et les concurrences nationales ». 35 Soulignant que les déséquilibres entre régions s'accroissent souvent, les experts de la Communauté, constatent que « cet état de déséquilibre... s'est imposé... de manière telle que les autorités publiques respectives ne peuvent pratiquement plus échapper à la nécessité d'introduire une dimension régionale dans leur politique générale économico-sociale ». Qu'est-ce à dire cette « dimension régionale » ? On peut entendre, en effet, plusieurs situations : — dans certains cas, un gouvernement sera conduit sous la crainte et la contrainte de zones étrangères fortes, dynamiques, solidement polarisées 3G, à accorder à certaines régions à forte infrastructure et à niveau de développement élevé, des avantages, afin d'obtenir l'optimation, par l'effet des économies externes et par le jeu des effets d'entraînement, des investissements réalisés, soit pour augmenter les gains pour l'ensemble de la collectivité, soit à titre négatif afin d'éviter le développement trop accentué des régions étrangères 37 ; — dans d'autres cas, on se trouvera en présence de situations plus nuancées. Il s'agit de régions faibles, dont le niveau peut entraîner sur le plan national des désutiiités ou des coûts, et qui vont se trouver à proximité de zones étrangères en pleine expansion. "

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C. Lacour

Il est ainsi caractéristique que peu à peu, le phénomène de développement régional tienne compte de plus en plus des régions étrangères ; les experts de la communauté peuvent bien enregistrer 33 « qu'en dépit ou à cause des politiques régionales des Etats membres, le problème régional communautaire est en passe de compromettre la construction de l'Europe dans un climat où la surenchère de fait des autorités publiques va à contre-courant de l'aspect communautaire ».40 Ils ne semblent point admettre que chaque Etat cherche en même temps à concilier au moins des objectifs partiellement contradictoires par rapport aux disponibilités financières et techniques : — il s'agit, en premier lieu, de l'amélioration du revenu national ou de la détermination de gains de croissance (quantitativement ou qualitativement) ; — il s'agit, ensuite, de renforcer les régions déjà solides, puissantes, pour pouvoir bénéficier, sinon résister au mouvement d'ouverture des frontières 41 ; — il s'agit encore de donner à certaines régions faibles, excentrées, mais à proximité de zones extérieures en pleine transformation, des moyens de participer pleinement à l'axe central du développement européen 42 ; — il s'agit enfin, de régions dont les éléments constituants sont tels que l'analyse économique et sociale conduit à les estimer comme incapables d'apporter à la collectivité nationale des satisfactions, et dont l'état de faiblesse n'entraîne aucune déperdition des utilités ou des satisfactions nationales. Certains vont peut-être vite en décidant que ces zones pourront servir de parcs, de lieu de repos. A l'analyse économique et sociale, il faut ajouter des réflexions de nature agronomique, pédologique, etc. La transformation trop rapide de certains milieux, peut entraîner des bouleversements dans des équilibres de facteurs naturels qui un jour ou l'autre peuvent se traduire par des coûts, voire des vie humaines. 43 D'un autre côté, il faudrait bien faire comprendre que toute région n'a pas ces qualités, obligatoirement toutes les vocations. 2) On peut retrouver les mêmes questions en abordant le problème d'une manière un peu différente, plus sectorialisée, en d'autres termes. L'objectif de la politique à moyen ou à long terme sera toujours bien

Le développement régional et le secteur agricole

203

entendu, la promotion, la définition de nouveaux et de meilleurs équilibres. 44 Mais on peut centrer l'analyse au niveau des différentes branches de l'activité économique. Dès lors, on va retrouver le même type de processus, préalablement envisagé, mais appliqué à d'autres bases. Il s'agira ainsi d'obtenir l'optimation d'un appareil productif, par nature hétérogène, composé de strates d'âge technologique, fort variable, ayant des effets d'aval ou d'amont qui seront plus ou moins moteurs. Un certain nombre de contraintes doivent être prises en considération, parmi lesquelles à titre purement illustratif, on pourrait penser à retenir 45 : — la productivité physique et « sociale » d'une unité de travail et du capital utilisés dans un secteur A ou dans un secteur B ; — les effets secondaires de création d'emploi dans un secteur A ou dans un secteur B ; — les liaisons en termes de consommations intermédiaires d'un secteur A avec les autres secteurs, liaisons perçues et mesurées par les coefficients techniques.46 On retrouve là toute l'importance de la réalisation de tableaux économiques et des analyses inter-industrielles au niveau régional ; — les possibilités d'emploi, de productivité et finalement de valeur ajoutée qui pourraient être obtenues dans un secteur A, si un secteur B ne constituait pas un frein. Ce dernier point mérite évidemment de retenir notre attention puisque concrètement, on estime dans de nombreux cas que l'agriculture constituerait un obstacle sérieux au développement de l'ensemble de l'économie, si elle n'enregistrait pas de modifications sensibles, quant à la population en particulier. C'est une question que se sont posés les experts de I'O.C.D.E. 4T. Ils arrivent à montrer que les pertes potentielles enregistrées sont d'autant plus faibles que la population active agricole restante est faible. Ainsi, en appliquant ces remarques à notre propos, on serait amené à concevoir un double objectif sectorialisé à la politique économique à moyen et long terme. 48 Définir un optimum quantitatif et qualitatif de la production agricole sous les contraintes non limitatives suivantes : — des économies concurrentes ; — des évolutions potentielles connues des besoins et de la demande ;

204

C.

Lacour

— d'un revenu minimal — à définir — à assurer aux agriculteurs ; — assurer aux autres secteurs les disponibilités quantitatives et qualitatives en main-d'œuvre et en moyens de financement ; — concevoir en fonction des différents impératifs à définir (par exemple productivité à l'hectare, ou par unité de travail, avantage climatique etc.) une certaine « régionalisation des productions >, de sorte que la recherche d'un maximum de production dans une région A, ne se traduise pas par des pertes ou des gaspillages agricoles (sous forme d'excédents de quantité produite ou de main-d'œuvre qui aurait été mieux utilisée ailleurs) dans les régions B, C, ... N, et de sorte que les activités agricoles assurées dans la région A, ne se traduisent pas non plus par des pertes d'efficacité potentielle des autres secteurs à l'intérieur de la région A. Il s'agit bien, on le voit simplement à la lecture, d'une tâche sans aucun doute irréalisable en l'état actuel des mentalités et des statistiques disponibles. Cependant, l'évolution semble montrer que peu à peu, c'est dans une optique de ce genre qu'il faudra bien — sauf à admettre des gaspillages ou de mauvaises répartitions des ressources et des facteurs de production, s'orienter dans un avenir proche. Mais une fois encore, on se trouve en présence de nombreux obstacles, et les « appareils analytiques disponibles » sont encore trop souvent inutilisables 49 , étant fondés de manière générale ou sur l'aspect strictement régional, — assurer une hiérarchie et une cohérence des vocations et des potentialités des régions — , ou sur l'aspect essentiellement sectoriel — assurer une hiérarchie et une cohérence des vocations et des potentialités du secteur agricole — (on aurait les mêmes problèmes pour l'industrie, le commerce, les finances des collectivités locales). Ce sont finalement les structures et les mentalités qui rendent difficile pour l'instant une optimation de l'intérêt général. A côté de cette carence, les faiblesses statistiques n'apparaissent souvent que comme un problème secondaire.

2.3. L'insuffisance

des instruments

de références

utilisables

Dans le cadre de ce rapport, nous ne chercherons pas, une fois encore, à établir une liste des instruments utilisables pour mieux cerner les relations entre le secteur agricole et le développement régional —

Le développement régional et le secteur agricole

205

d'autant plus que situant le problème à son niveau le plus élevé, on devrait finalement y faire figurer bon nombre d'instruments ou de concepts de l'analyse économique. D'ailleurs, c'est dans ce sens que, peu à peu, on s'oriente, à mesure que les entreprises, les administrations, les ménages, les institutions financières, fournissent aux chercheurs des éléments statistiques disponibles. Après la conjoncture régionale, l'analyse plus élaborée des structures de base — sous forme de tableaux industriels —, ce sont la consommation, les flux interrégionaux, les flux financiers, les flux touristiques, l'armature urbaine, qui commencent à être davantage connus. Cependant, par nature, le propos de notre rapport est de montrer quelles influences réciproques, quelles évolutions mutuelles, caractérisent le secteur agricole et le développement régional. C'est une question à la fois bien générale — derrière les idées des experts de 50 I'O.C.D.E. — certains pourraient retrouver des thèses de A. Smith, Malthus, de Rostow par exemple, et extrêmement particularisées quant au temps et quant aux régions de pays eux-mêmes très diversifiés. D'où une fois encore, le problème habituel à tous les chercheurs opposés à ce genre de problèmes : se situer assez haut et tenter de formuler des jugements généraux, quitte ensuite à tenter un certain pointillisme, à illustrer, à rendre l'épure plus proche d'une réalité humaine. C'est pour notre part la méthode que nous chercherons à appliquer, d'abord parce qu'un certain nombre d'idées forces semblent se dégager de travaux et de lectures antérieures, et surtout par le fait décisif que l'abondante et homogène documentation — tant chiffrée que qualitative — nous fait gravement défaut. 51 Très généralement, les documents font état en effet, comme nous l'avons noté, de disparités régionales ou provinciales, relativement à un critère très précis, dans la majorité des cas, relativement à la superficie des exploitations. Mais il eût fallu disposer, pour répondre à notre idée maîtresse, de renseignements de nature très diversifiée, et surtout débordant des analyses des géographes et des agronomes.52 Les ouvrages de base utilisés pour des raisons d'opportunité et de temps, essentiellement O.C.D.E. 1964 et 1965 — ne proposent pas systématiquement le genre de statistiques fondamentales, à une exception près notable — l'Espagne. Comme le soulignent fort justement les experts de la communauté « il est toujours difficile de saisir exactement la réalité régionale et d'en faire la comparaison à partir de critères nationaux souvent

C. Lacour

206

discordants. Il n'est guère plus aisé de dresser un aperçu, synthétique de l'évolution générale et particulière des régions ». 53 Aussi, avons-nous bien conscience de la part de simplification abusive que nous serons conduits à donner à nos remarques. Afin de les situer plus valablement, nous prendrons deux exemples de ce qu'il peut être dangereux d'avancer, sans suffisamment de références qualifiées. Il s'agira d'abord de montrer les difficultés d'élaboration d'une typologie des régions M, et en second lieu, la prudence qui est nécessaire pour déterminer les « phases » d'évolution des économies. 2.3.1. Les difficultés d'élaborer une typologie des régions sur un plan international Le problème posé est d'une grande simplicité : il s'agit, compte tenu de certains critères, d'aboutir à une classification aussi simple et opérationnelle que possible des régions. Rappelons que deux phénomènes doivent être interprétés pour avoir une connaissance réelle de la situation ; le premier sera le secteur agricole, le second le niveau de développement de la région : 1) A titre d'exemple, nous raisonnerons sur la classification proposée par la communauté qui distingue trois grands types de régions : des régions industrialisées, semi-industrialisées, et enfin agricoles. M Chacune est caractérisée par les traits suivants. TABLEAU 1 Types de régions Industrialisées

% du territoire d e l a C.E.E.

% de la Densité de Population population de la population (en millions) la C.E.E. (km 2 )

+ 200

±

16

Semi-industrialisées

±

±

30

55

30

Agricoles

— 100

+ 50

50

+ 25

150

75

± 40

Dans le même sens, et pour cause, puisque s'occupant de ces questions à la Division régionale des communautés européennes, P. Romus 56 , après avoir remarqué que les régions les moins densément peuplées dépendent le plus de l'agriculture, ajoute au critère de la densité

Le développement

régional et le secteur agricole

207

de la population au km2, celui nettement préférable de part relative de la population agricole dans le total de la population active. Ainsi, dans les régions industrialisées, le pourcentage sera inférieur à 10 % pour les régions semi-industrialisées, il se montera à 15 % ; et pour les régions agricoles, il sera supérieur à 15 % . Corrélativement, P. Romus note que les régions industrialisées auront bien sûr une forte industrie, un tertiaire évolué ; les secondes seront dotées d'un tertiaire moins avancé et les troisièmes seront particulièrement handicapées en ce qui concerne l'industrie. Il convient immédiatement de faire quelques remarques sur les critères retenus par les experts de la Communauté. D'abord en ce qui concerne le seul critère de la densité de la population au km 2 , il semble que les conclusions que l'on puisse en tirer, soient à nuancer quelque peu. Il n'est point en effet certain que le seul critère de la densité démographique 57 soit significatif du caractère industrialisé ou non d'une région. Sans doute les experts de la Commission nous indiTABLEAU

2

N

Densité de la population au km*

Régions

Supérieure à 200 habitants :

Région parisienne Nord

770 308

Autour de 150 habitants :

Alsace Haute-Normandie

170 122

Inférieure à 100 habitants :

Rhône-Alpes Lorraine Bretagne Provence-Côte d'Azur Picardie Pays de la Loire Basse-Normandie Languedoc Franche-Comté Aquitaine Poitou-Charentes Centre Auvergne et Champagne Midi-Pyrénées et Bourgogne Limousin

101 97 91 89 81 80 72 62 57 59 57 51 50 48 43

C. Lacour quent-ils que les régions industrialisées, donc dont la densité est supérieure à 200 habitants au km', représentent plus des 2 / 3 du territoire du Bénélux, 1/3 de l'Allemagne, et est inférieur à 10 % du territoire français et italien. En admettant ainsi que ces chiffres soient effectivement déterminants, les résultats du dernier recensement français montreraient la faiblesse des régions industrialisées et même semiindustrialisées.58 Certes, on peut trouver des arguments soulignant que finalement la France est encore un pays de nature agricole, quant au peuplement, quant à la structure même de sa balance des paiements. De même, on ne manquera pas de faire ressortir que les régions de bas du tableau sont bien celles que toutes les études ont déterminées. Néanmoins, ce critère à la fois trop général — quant aux normes retenues — et pas assez général — dans la mesure où il ne retient qu'un seul élément de classification —, peut présenter sur le plan méthodologique un certain intérêt ; il permet de mieux saisir les problèmes de politique d'aménagement du territoire, puisque aux yeux des experts de la Communauté, la région Rhône-Alpes est encore quasiment agricole, alors qu'au stade des régions françaises, il s'agit là d'une région présentant incontestablement une puissance industrielle, dont l'avenir semble s'annoncer de manière relativement favorable. 59 De même, cette référence confirme l'existence d'une Europe périphérique, englobant le grand ouest français, les îles méditerranéennes, l'Italie méridionale. Cependant, cette classification nous paraît présenter une faiblesse rhédibitoire ; le fait d'avoir considéré comme régions agricoles, toutes celles qui ont moins de 100 habitants au kilomètre carré, ne permet en aucun cas de porter un jugement sur la nature de ces agricultures, sur leur efficacité ; leur productivité ou leur valeur ajoutée. De même, nous ne savons rien quant aux éventualités de développement régional. 2) La situation est déjà meilleure quand on passe au second critère, tout aussi classique — et sans doute plus significatif — la part relative de la population active agricole dans le total de la population active.60 Une structure plus familière se dessine peu à peu, et on voit déjà mieux apparaître les grandes tendances. De même, les éléments disponibles in I'O.C.D.E. 1954, pour l'Espagne'1 permettent immédiate-

Le développement

régional et le secteur agricole

209

TABLEAU 3

Population active agricole en France (Recensement

1968) %

Types de régions

Régions

Industrialisées (— 10 %)

Région parisienne Lorraine Alsace Provence-Côte d'Azur-Corse

1,3 8,3 10,3 10,4

Semi-industrialisées (autour de 15 %)

Nord Haute-Normandie Rhône-Alpes Franche-Comté Picardie

11,5 11,9 12,1 14,6 14,9

Champagne Bourgogne Centre Languedoc Aquitaine Auvergne-Poitou Midi-Pyrénées Pays de la Loire Charentes Limousin Basse-Normandie Bretagne

16,5 19,5 20,8 21,9 24,0 26,1 27,3 28,0 29,1 32,2 32,5 32,6

Agricoles ( +

15

%)

ment d'isoler la région de Vascongadas qui ne comptait en 1960 (date de référence) que 11,5 % d'agriculteurs. En appliquant ce nouveau critère à toutes les régions 62, on serait sans doute en mesure d'avoir une première idée des différences régionales. Cependant, là une fois encore, de sérieuses réserves doivent être formulées quant à l'utilisation systématique de ce seul critère, en se souvenant bien que nous ne cherchons pas seulement à avoir une image fixée du secteur agricole, mais bien au contraire à tenter de le situer en dynamique et dans son contexte régional. D'une part, et ce point est devenu classique, depuis les travaux de J. Fourastié et les efforts des théoriciens du développement dans les 20 dernières années, le seul chiffre de population agricole est

210

C. Lacour

insuffisant pour comprendre notre problème. On ne pourra pas connaître les réalités anciennes et potentielles des régions si on ne relie pas leur secteur agricole avec l'ensemble des autres secteurs. Inversement, on sait bien que l'attirance mirifique d'un tertiaire important, peut conduire à des solutions pas nécessairement les plus efficaces. Par conséquent, si on veut élaborer une typologie plus opérationnelle, plus significative, il faut procéder à une analyse beaucoup plus précise. A titre d'exemple méthodologique, et uniquement à ce titre, sur les critères préalablement rencontrés, on pourrait s'orienter davantage vers des cas à solutions multiples.63 Régions classées suivant ... la contrainte démographique Cl Régions classées suivant ... la population active agricole C2 Régions classées suivant ... le critère de la population industrielle C3 Régions classées suivant ... le critère de la population tertiaire C4 On verrait ainsi apparaître de nombreuses situations très différenciées, dont il conviendrait encore de définir des clefs de hiérarchisation. Ainsi, toujours à partir de la population active des régions françaises en 1968, on pourrait constater que seule la région parisienne répond favorablement aux quatre critères, qu'aucune n'en a trois, mais cinq en auraient deux : la le la la

Haute-Normandie : C3 et C4 (à la limite pour le dernier) Nord : pour Cl et C3 Lorraine et l'Alsace : pour C2 et C3 Provence — Côte d'Azur : pour C2 et C4

Très rapidement on note donc que la caractérisation devient complexe ; et encore s'agit-il uniquement de critères extrêmement simples ; de même, nous avons vu que derrière le vocable général de régions agricoles, se cachaient de multiples situations. Nous retrouvons ainsi l'ambiguïté examinée plus haut : on aurait bien des sous-ensembles déterminés seulement par le qualificatif agricole. A vrai dire, comme nous avons essayé de le montrer, on n'est guère avancé si on cherche à prendre en considération le développement agricole. L'expérience et l'histoire des dernières décades montreraient à l'envie, que nous retomberions dans la zone des notions figées, taboues, sur lesquelles il serait même inconvenant de revenir.

Le développement régional et le secteur agricole

211

D'autre part, le raisonnement conduit uniquement ou même essentiellement en termes de population active64, peut déboucher sur des impasses ou sur de mauvaises interprétations et ceci pour une raison déterminante : à savoir que l'activité agricole est de plus en plus jugée économiquement par la valeur ajoutée qu'elle apporte, par le revenu agricole qu'elle assure.65 Certes, on sait bien que le secteur agricole et surtout au niveau régional, souffre généralement d'avoir un revenu nettement inférieur à celui que laisserait supposer l'importance de la population active agricole correspondante. Cette situation se rencontre d'ailleurs souvent au niveau national.66 Enfin, phénomène rencontré à peu près partout, les pertes des gains de productivité67 du secteur agricole : alors que la productivité du secteur agricole en termes physiques a augmenté généralement après la dernière guerre davantage que celle relative aux autres secteurs, la productivité pécuniaire mesurée en termes de valeur ajoutée ou de revenu, a été inférieure à la précédente. On peut d'ailleurs généraliser cette remarque, en notant que les régions faibles et en retard, malgré des efforts importants, n'ont fait dans les meilleures hypothèses, que réduire leurs écarts avec les situations privilégiées. Cette tendance relevée au niveau des Nations et du secteur agricole par rapport aux autres secteurs, est très accentuée quand on situe l'analyse sur le plan des régions.08 P. Romus, utilisera d'ailleurs les indications fournies par le p.i.b. par habitant 69 et déterminera de grandes tendances. En France, les disparités calculées sur un indice moyen régional (et donc « traduisant » à peu près le revenu régional) vont de 1 à 3. En Allemagne, les écarts sont beaucoup plus marqués. Les régions de Hambourg et de Brème se situent à l'indice 180 (100 étant bien entendu la moyenne nationale) ; les Etats rhénans, la Hesse, le bas Wurtemberg, ont des situations meilleures que cette moyenne, alors que les régions situées à l'est de la r . f . a . se situent à un niveau légèrement plus faible. En Italie, le Nord-Ouest, le Val d'Aoste, le Piémont, la Lombardie et la Ligurie ont des indices de l'ordre de 150, alors qu'en Italie centrale et méridionale, les écarts sont extrêmement graves, malgré les efforts traduits par P. Saraceno, de la planification qui pose clairement que « toute action de quelque importance prévue par un plan

212

C. Lacour

économique national, doit être appréciée en fonction des effets qu'elle entraîne sur le processus tendant à éliminer la disparité entre le Mezzogiorno et le reste du pays ».70 Au Bénélux, les écarts demeurent dans l'ensemble assez légers, avec quelques nuances : c'est aux Pays-Bas que les disparités les plus réduites sont enregistrées, et la Belgique s'articule solidement sur deux points forts, les régions centrées sur Bruxelles et Anvers. De plus, d'un point de vue dynamique, il faudrait seulement citer que ce que l'on a appelé la « Lotharingie industrielle » concentre pratiquement toutes les ressources fondamentales, la plus grande densité et le plus grand modernisme des moyens de transport. C'est donc vers une typologie des régions plus nuancée, plus subtile sans doute, qu'il conviendrait de s'orienter, si on veut avoir du développement régional en liaison avec le secteur agricole, une vue dynamique. 71 2.3.2. Les difficultés pour déterminer des « phases d'évolution » Le terme générique « secteur agricole » recouvrant en fait des situations extrêmement diversifiées, on a rapidement cherché à définir des phases d'évolution pour passer d'économies agricoles peu avancées à des économies « alimentaires » ou industrialisées, comme on a tendance de plus en plus à les nommer. 1) Ce phénomène d'industrialisation de l'économie agricole, ou de l'économie alimentaire va entraîner des transformations fondamentales dans la nature, dans les objectifs et dans les méthodes mêmes de production. 72 Les processus, les techniques, les mentalités, de type industriel interviennent peu à peu, et par des influences d'amont (fournitures d'engrais, de services de santé, d'entretien des appareils), ou d'aval (distribution, mise en marche de produits...) l'agriculture va tendre à perdre peu à peu son caractère traditionnel pour faire apparaître — et cette évolution devra se faire à un rythme extrêmement rapide —, des liens de dépendance accrus avec les fournisseurs de matières premières avec les bailleurs de fonds, avec les services de distribution ; de même, le besoin de rentabilité des charges, conduira à des modifications substantielles des spéculations et des modalités de culture.

Le développement

régional et le secteur agricole

213

Si on utilise communément le concept d'agriculture industrialisée, de complexe « agri-industriel », on insiste encore trop peu à nos yeux sur les transformations essentielles que devra subir l'agriculture face aux modifications elles aussi rigides et traumatisantes, de l'appareil commercial et de ses méthodes. Sans doute, on s'oriente vers de telles prises en considération, quand Malassis distingue ce qu'il appelle le complexe agri-industriel (avec les marges commerciales) (c.A.i.), le complexe de production agri-industriel (distribution non comprise) (c.p.a.i.) puis la structure socio-économique de l'ensemble des activités concernant l'agriculture, et Malassis reprend la terminologie de Davis et Goldberg sur la notion d'agribusiness et la « francise » en Affaires Agricoles et Alimentaires (a.a.a.). Mais il conviendrait sans doute d'aller plus loin encore. Ces distinctions, sur lesquelles il y aurait sans doute quelques mots à dire, en particulier sur les difficultés de les chiffrer 13, souligneraient un point essentiel de l'évolution du secteur agricole. Au fur et à mesure que ce secteur agricole se modernise, ou est caractéristique d'une région riche, il est sujet, en effet, à certaines transformations importantes, dont les incitations lui viennent et lui viendront de plus en plus des secteurs extérieurs, même si dans certains cas, « l'agriculture présente... sa propre dynamique de productivité ». 74 II est exact que les décisions, les catégories, les méthodes de production, échapperont de plus en plus au secteur agricole, producteur seulement de produits bruts, n'incorporant que peu de valeur ajoutée, et à productivité très faible. On peut ainsi concevoir plusieurs phases se caractérisant par exemple par : — un certain pourcentage de production autoconsommée ; plus les secteurs agricoles sont « historiquement déterminés », et archaïques, plus ce taux sera élevé ; — un certain pourcentage de production agricole « auto-utilisée » ; il ne s'agit pas là de la même notion, au contraire ; dans de nombreux cas, elle traduit une phase postérieure de développement : des produits bruts sont utilisés par l'agriculture pour une ou plusieurs transformations : lait en beurre, maïs en bétail, etc. 75 — un certain pourcentage de pénétration des secteurs d'amont avec à l'intérieur plusieurs références particulières : consommation de produits énergétiques, consommation de produits chimiques,

C. Lacour

214

consommation de services financiers, consommation de services de santé, etc. ; — un certain pourcentage du taux de pénétration des secteurs d'aval (réparation, distribution, etc.) 70 ; — un certain pourcentage de valeur ajoutée etc. 2) C'est un peu dans cet esprit que Malassis et Bourdon, ont réalisé un « modèle simple de développement agricole intégré ». " Reprenant la classification en quatre phases de Kalin, ils proposent le schéma général suivant, reliant le secteur agricole — plutôt pour reprendre leur terminologie les types d'économies alimentaires — et le développement économique : a + v + d = 100, avec : a : représente les achats de l'agriculture aux branches d'amont v : valeur ajoutée par l'agriculture d : transformation et distribution des produits alimentaires (branche d'aval). TABLEAU

4

Types d'économies alimentaires et développement Caractéristiques des économies alimentaires

Types d'économies Pré-industrielle En cours d'industrialisation

Industrie avancée Sources : Relations

économique

Types d'économies alimentaires

a

v

d

5

75

20

11

59

30

15

41

44

En cours d'industrialisation

17

32

51

Industrialisée

industrie-agriculture,

Agricole

op. cit.

Le passage d'un secteur agricole « brut » à un secteur agricole développé, moderne, se fait ainsi par une augmentation des influences des secteurs d'aval et d'amont, et chez les auteurs, par une réduction sérieuse — de l'ordre de la moitié — de la valeur ajoutée par l'agriculture.

Le développement régional et le secteur agricole

215

Sans doute ce schéma a l'avantage de clarifier et de chiffrer les principales phases, et il souligne de manière saisissante la dépendance croissante de l'agriculture vis-à-vis de l'économie générale. A cet égard, il est évident que nous retenons l'idée méthodologique proposée par Malassis et Bourdon, puisqu'aussi bien elle va dans le sens de notre propos, d'une double manière, à savoir : — que le secteur agricole est lié à une domination de plus en plus nette des secteurs environnants ; — que le développement du secteur agricole est lié à la création de secteurs industriels et commerciaux 78. Il est un point cependant où le schéma, s'il est intrinsèquement exact, peut conduire à certaines erreurs ; à savoir la quasi inéluctabilité de la baisse de la valeur ajoutée par l'agriculture. Il est bien vrai que peu à peu, la valorisation des produits agricoles échappe à l'agriculture, soit pour passer aux transformateurs ou aux distributeurs (conditionnement, triages, homogénéité, sélection, répartition) et que cette évolution semble bien souvent inéluctable en l'état actuel de la situation et de l'organisation de l'agriculture.79 On ne peut cependant généraliser à l'excès cette tendance relative à la valeur ajoutée des produits alimentaires. Tout au plus, en l'état actuel des situations perçues à travers des pays de structure et de niveau de développement diversifiés, on peut prendre deux postulats de base pour la compréhension du problème et surtout son application au développement régional. La tendance constatée est incontestablement exacte en ce qui concerne la valeur ajoutée des produits agricoles primaires ou bruts. D'abord parce que la production tend généralement à devenir excédentaire et ensuite, comme il a été rappelé, parce que le prix des imputs augmente davantage que ceux des produits agricoles bruts vendus 80 , enfin parce que l'élasticité-revenu de ces produits primaires est décroissante. Le schéma précédent traduit autant une faiblesse d'adaptation des mentalités et des organisations qu'un mal nécessaire et irréductible, car il n'est point inscrit de manière irréversible que l'agriculteur doive produire seulement des produits agricoles bruts ; il n'est pas question que tout le taux de valeur ajoutée qui vient de l'amont et de l'aval puisse lui être conservé ; dans de nombreux cas, cependant, cette déperdition de valeur ajoutée à l'agriculture, pourrait faire l'objet d'une diffusion et

216

C.

Lacour

d'une répartition singulièrement moins sévère, au moins dans une certaine zone d'action 81. 3) Au niveau du développement régional, cette schématisation a l'intérêt de mettre clairement en évidence plusieurs points, et de fournir quelques enseignements sur une politique effective d'amélioration du secteur agricole. Sans doute une remarque préalable peut et doit être présentée ; les quatre phases déterminées apparaissent très souvent comme le résultat d'une évolution souvent fort longue. Après tout, le parallélisme entre les types d'économie et les types d'économies alimentaires peut se trouver souvent malmené ; ce pourra être souvent le cas au niveau régional, où la diffusion des mentalités et des méthodes de l'ère industrielle peuvent avoir du mal à se réaliser. On pourrait ainsi trouver des secteurs agricoles dans les régions industrialisées et sans doute aussi des secteurs agricoles avancés dans des régions pré-industrielles. Ce manque en effet à cette analyse — et c'est logique étant donné la volonté de simplification et de pédagogie qui dirigeait le travail des auteurs —, ce qui manque ainsi, c'est peut-être deux catégories d'éléments : En ce qui concerne les caractéristiques des types d'économie, d'abord. On pourrait ainsi trouver des régions où existent des industries déjà anciennes, où ne se situant pas nécessairement sur la portion favorable et optimalement rentable de la courbe générale de croissance. On trouve ainsi que dans les régions classées agricoles, eu égard au critère C2 (Champagne, Basse-Normandie, Bretagne, Limousin, par exemple), il existe bien un pourcentage de population industrielle, souvent inférieure à la moyenne nationale ; mais le point noir vient au moins autant de cette faiblesse quantitative que d'une relative concentration des industries sur quelques secteurs traditionnels, tels le textile, le cuir, industries alimentaires, le bois... La revue Expansione, cherchant ainsi à analyser « l'évolution des structures industrielles dans le Mezziogiorno italien », s'est particulièrement attachée à comparer la répartition des industries dans le Mezziogiorno par rapport à la structure italienne. On peut constater en particulier que même s'ils ont diminué légèrement, trois secteurs sont plus importants dans le Mezziogiorno par rapport à la structure italienne, qu'en Italie ; il s'agit des produits alimentaires et du tabac, de l'habillement, des chaussures et des cuirs et peaux, et enfin du bois et des meubles. D'un autre côté, on

Le développement

régional et le secteur agricole

217

doit aussi admettre que la main-d'œuvre qui quittera l'agriculture, ne pourra pas immédiatement répondre à n'importe quel type d'industrialisation. L'adaptation à un rythme nouveau de travail, une qualification souvent faible, d'autant plus faible que les centres et instruments de formation, se trouvent déjà dans les régions riches 83 — une industrie utilisant beaucoup de main-d'œuvre féminine —, tous ces impératifs rendent délicate l'application de la thèse de Petrilli, président de I'I.R.I. « la création dans les régions méridionales d'industries technologiquement avancées ne s'opposent pas à l'objectif d'accroître l'emploi ; il suffit en effet de considérer l'importance que prennent dans les économies industrielles modernes les entreprises moyennes à niveau technologique élevé, et à forte absorption de main-d'œuvre >. 84 II n'est point évident que ces entreprises à haute technologie s'implantant dans les régions retardées, puissent diffuser valablement sur l'environnement rural et agricole ; sur ce point précis, à tout le moins, il faudrait des études plus profondes sans doute ; Pôtzsch pourra apporter ici des commentaires beaucoup plus adaptés. 85 En ce qui concerne les caractéristiques des secteurs agricoles ensuite. Il n'est point évident que la référence au seul secteur agricole soit nécessairement significative d'une réalité agricole. Après tout, les critiques relevées relativement au critère démographique peuvent encore s'appliquer. A nombre égal des exploitants agricoles, on aura de très nombreuses divergences au niveau de la production, ou de la valeur ajoutée suivant les régions. En particulier, les modalités des types de production auraient une influence déterminante sur les disparités régionales. Le phénomène de spécialisation, en effet, peut entraîner des écarts très marquants. Ainsi, à titre d'exemple, on sait bien que les parts respectives de production animale ou végétale sont génératrices de revenus dont la dispersion est fort ouverte. De même, en ce qui concerne les productions à élasticités variables. Ainsi, une région agricole devrait être différenciée quant à de nombreux critères techniques d'abord et économiques ensuite. Il est ainsi fort intéressant de relever que, bien souvent, les régions à fort degré de développement économique sont caractérisées en même temps par les traits suivants : — grandes surfaces permettant une production à forte productivité, et par conséquent, compte tenu des politiques des prix généralement

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menées par les différents états, à des revenus importants, provenant souvent de gains différentiels rappelant la rente foncière ; •— des surfaces consacrées à des productions à haute valeur ajoutée ou à forte élasticité (fruits par exemple, certains légumes) et produits d'élevage ; — une grande souplesse d'adaptation aux variations des méthodes de production (permettant par l'application d'une innovation technologique, ou par la prise en compte de principes nouveaux de groupage ou de triage des produits), ou aux phénomènes des prix, soit que ceux-ci obéissent à des impératifs saisonniers, soit qu'ils s'ajustent à des modifications de la demande. On a pu montrer ainsi que les grandes régions du Nord de la France, de la Picardie, de la région parisienne avaient su s'adapter plus rapidement et plus efficacement que les autres, à la transformation du lait en beurre, du lait en produits d'élevage, des céréales végétales aux céréales animales. Ainsi, voici donc quelques réflexions méthodologiques qui ne peuvent ne pas tendre toute réflexion et toute politique consciente de développement régional. Sans doute, bien des points apparaîtront classiques, mais notre propos consistait à tenter un rapide tour d'horizon des idées et des principaux courants pour voir, au niveau de la perception du problème de relations réciproques, comment on pourrait envisager l'élaboration plus avancée de schémas applicables.

3 QUELQUES ÉLÉMENTS POUVANT SERVIR DE BASE À UNE POLITIQUE DE DÉVELOPPEMENT RÉGIONAL ET DU SECTEUR AGRICOLE

Faute de temps, nous présenterons seulement quelques grandes thèmes, souvent simplifiés d'ailleurs par des schémas. Il y aurait là matière à de plus amples développements, que nous proposons de reprendre par la suite. Toutefois, dans le cadre de cette réunion finale, il nous a paru souhaitable d'avancer quelques idées, comptant bien sur les nombreuses remarques proposées par les participants, pour infléchir et concrétiser ces points.

Le développement

régional et te secteur agricole

3.1. Les solutions

illusoires

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Par solutions illusoires, nous voulons dire que certaines panacées, ont souvent été présentées de manière définitive et abrupte, puis devant la prise de conscience de nombreuses difficultés d'application, ont été par la suite nuancées, tellement d'ailleurs dans certains cas, que l'idée initiale devenait une pure caricature, ou s'évanouissait, même ; on n'avait plus qu'à attendre l'apparition d'une nouvelle sirène, qui à son tour, enchantait les responsables. Précisons que certaines panacées, pour illusoires qu'elles peuvent être, ont singulièrement la vie longue. Il est vrai que les sirènes sont d'autant plus écoutées qu'on a vraiment envie de les entendre. " 3.1.1. La recherche de la parité comme fausse solution Sans doute, il s'agit là d'un objectif fort louable, et pour notre part, nous y souscrivons entièrement. Seulement les modalités proposées sont souvent étonnantes et, non moins souvent, bien peu économiquement fondées, à de rares exceptions, dont les Pays-Bas, qui ont une politique agricole et alimentaire d'une rare cohérence. Nous aurions aimé, pour notre part, insister sur ce thème, en analysant de manière méticuleuse les conceptions des Etats en ce domaine. On aurait là une excellente manière de différencier deux séries de grandes problèmes : 1) Première distinction essentielle portant sur deux types de cas : — le cas où la situation régionale est déterminée par la situation agricole ; — le cas où le développement agricole est déterminé par le développement régional. 2) Deuxième distinction fondée sur la nature et les méthodes tation :

d'exploi-

— le cas où l'entreprise familiale doit être viable. On retrouverait les analyses de Owen sur ce qu'il appelle le modèle agricole de MillMarshall 87 ; — le cas où il faut définir une exploitation rentable, quels que soient par la suite ses critères.

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3.1.2. Les quantités comme solution partielle Les régions pourraient être classées et analysées par rapport à deux critères : 1) La notion de quantité produite. 2) La notion de quantité vendue. On verrait ainsi apparaître le cas de régions qui produisent des produits non valorisables et la nature des relations avec le marché (ou les marchés) suivant la ou les modalités de distribution. 3.1.3. Les implantations industrielles en milieu rural Thème souvent annoncé, mais peu développé, on pourrait voir à travers certaines études réalisées par I'I.N.R.A., Jegouzo et certains des travaux de l'Institut d'Economie Régionale du Sud-Ouest, des éléments d'une politique cohérente à conduire en ce domaine, et en particulier, sa portée et ses limites.88 3.1.4. La

commercialisation

Thème apparu dans les années 1965 en France, où l'idée de base était que des gains de productivité étaient « récupérés » par les négociants ou les commerçants. Peu de temps après on se rendait compte que la fonction de commercialisation répondait à des règles précises de fonctionnement, de financement, et de qualification ; on parlera par la suite de « mise en marché ». 3.1.5. Le tourisme Certains ont crié au miracle en pensant que le tourisme allait revivifier et consolider des régions en retard. En fait, deux réactions générales : — ou l'impact fut fort faible, — ou les équipements, la clientèle furent constitués, mais par des promoteurs n'ayant que peu de rapport avec l'agriculture. 3.2. Des éléments de

développement

Nous retiendrons les notions fondamentales suivantes : — l'exode rural en qualité et quantité ; — les charges en qualité et quantité ;

Le développement — — — — — —

régional et le secteur agricole

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le comportement psychosocial des agriculteurs face aux problèmes : du revenu agricole dans une région A, du revenu des autres secteurs dans cette région A, du revenu agricole dans des régions B, C, ... N, du revenu des autres secteurs des régions B, C, ... N, le niveau de développement de la région.

Ces critères nous permettent de mettre en évidence les relations suivantes : — les régions où le revenu assure une satisfaction relative, — les régions où le revenu assure une satisfaction absolue, — les régions suivant des seuils fondamentaux de croissance. Nous avons tenté pour les régions françaises ces modèles que l'on peut présenter rapidement dans les tableaux suivants : 1) Les seuils de revenu et leur signification économique (Tableau 5 : déséquilibres structurels et répartition des hommes) (Tableau 6 : les types d'équilibre de la population agricole). 2) Les charges (Tableau 7 : évolution des charges (1954-1962) et typologie régionale). 3) Le secteur agricole et le développement régional (tableau 6 : les types d'équilibre de la population agricole). On ne manquera pas, bien évidemment, de regretter la rapidité avec laquelle la deuxième partie de ce rapport a été traitée. Nous-mêmes sommes bien conscients de cette faiblesse, d'autant plus que sur leur thème au moins — la perception du développement régional et du secteur agricole, à travers les lois d'orientation, les plans agricoles —, il nous semble que des éléments particulièrement importants pourraient être décelés. De même, nous sommes bien convaincus du caractère relativement aléatoire de nos modèles qui, fondés sur des données françaises, ne sauraient, sans de sérieuses nuances, s'appliquer à des pays aussi variés que ceux ici représentés. Toutefois, l'intérêt de ces rencontres, est justement de mesurer la fragilité des hypothèses, la nécessité de confronter des appareils et des situations différentes. La seule excuse que nous présentons à la concision de ce rapport dans sa seconde partie, est l'espoir que les membres

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